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Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le mardi 22 septembre 2009 - Vol. 41 N° 4

Consultation générale sur le projet de loi n° 57 - Loi sur l'occupation du territoire forestier


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures vingt et une minutes)

Le Président (M. Pinard): Bienvenue à vous tous, chers collègues et chère ministre, ainsi que nos amis les invités. Alors, je constate que nous avons quorum. Je déclare donc la séance de la Commission de l'agriculture, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande à toutes les personnes ici présentes en cette salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Et permettez que je vous donne lecture du mandat, que vous connaissez maintenant tous mais que je rappelle pour la fin... pour les gens qui nous écoutent. Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 57, Loi sur l'occupation du territoire forestier.

Alors, Mme la secrétaire, avons-nous des remplacements ce matin?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, M. Gaudreault (Jonquière) est remplacé par Mme Doyer (Matapédia) et M. Picard (Chutes-de-la-Chaudière) est remplacé par M. Grondin Beauce-Nord).

Le Président (M. Pinard): Merci. Je vous fais part, chers collègues, que la députée Mme Monique Richard doit... aimerait se joindre à nous. Vous allez comprendre que les membres... la commission est complète... de l'opposition officielle, mais, si vous le permettez, Mme Richard, qui a débuté les travaux avec vous, aimerait poursuivre... Est-ce que vous accepteriez que nous ayons, du côté de l'opposition officielle, un député additionnel? Pas de problème? Merci beaucoup. Alors, nous allons l'inscrire dès que Mme Richard se présentera. Ce sera réglé.

Alors, ce matin, la commission entendra l'Union des producteurs agricoles et Québec solidaire. Cet après-midi, nous recevrons un groupe composé du Conseil des Montagnais du Lac-Saint-Jean, du Conseil des Innus Essipit et du Conseil des Montagnais de Natashquan. Nous entendrons ensuite le Conseil de la première nation Abitibiwinni. Et finalement, en soirée, nous accueillerons le Regroupement des sociétés d'aménagement forestier, et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, accompagnée du Syndicat des communications, de l'énergie et du papier.

Auditions (suite)

Alors, le premier groupe est maintenant déjà à la place... à leur place. Je rappelle que le temps alloué pour la présentation est le suivant: 15 minutes pour l'exposé, et par la suite il y aura un échange avec les collègues de la commission qui durera 45 minutes.

Alors, je demanderais immédiatement au porte-parole... au porte-parole de l'Union des producteurs agricoles de bien vouloir s'identifier et de présenter celui qui l'accompagne. Monsieur.

Union des producteurs agricoles (UPA)

M. Lacasse (Christian): Alors, bonjour à tous. Je me présente, je suis Christian Lacasse, président général de l'Union des producteurs agricoles. Et Marc-André Côté, qui m'accompagne et qui est responsable, là, des dossiers forestiers comme permanent à l'Union des producteurs agricoles, à la confédération.

Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les commissaires, d'abord je veux vous dire que c'est... on apprécie beaucoup avoir la possibilité, l'opportunité de venir vous présenter... faire certaines remarques, là, concernant le futur régime forestier, en l'occurrence, là, à travers la Loi sur l'occupation du territoire forestier.

Je vous... je vous fais grâce, là, de la présentation de l'UPA. Je pense que vous êtes assez familiers avec notre organisation. Je vous fais grâce aussi des données, là, je dirais, économiques des... qui sont présentées, là, dans le mémoire, peut-être avec une précision, là, en ce qui concerne les recettes forestières, là, qui sont évaluées, à la page 3, là, à 8 millions de m3, pour 450 millions, là, de recettes forestières, avec la nuance que, si on veut être bien concordant avec les chiffres fournis par la Fédération des producteurs de bois, qui est à 6 millions de m3... le 2 millions étant le bois de chauffage, là, qui n'est pas un produit couvert ou visé par le plan conjoint, alors que, nous, on en tient compte, là, dans les revenus agricoles et forestiers.

Si on est ici ce matin, c'est... à l'UPA, je dirais, il y a deux considérations. La première, bien sûr, c'est qu'on compte parmi nos affiliés, à l'UPA, parmi nos 41 affiliés, deux fédérations qui sont très concernées par ce projet de loi là, c'est-à-dire la Fédération des producteurs acéricoles et la Fédération des producteurs de bois.

L'autre considération, c'est que, dans l'histoire du Québec rural, les activités forestières et les activités agricoles ont toujours été intimement liées. Il n'était pas rare, et encore aujourd'hui, que plusieurs agriculteurs ont un lot forestier, et c'est... Ça a pris différentes tangentes, je dirais. Il y a eu de la spécialisation, qui a emmené des producteurs à faire davantage d'activités forestières. D'autres producteurs ont gardé un certain équilibre, là, entre ces deux activités-là. Il n'en demeure pas moins que sur le terrain il y a une proximité qui est incontournable. Quand on parle de la ruralité, quand on parle de l'aménagement du territoire, les activités forestières et agricoles vont de pair. C'est des activités qui sont complémentaires et qui apportent aussi, à l'échelle des producteurs agricoles, une diversification de leurs revenus qui est, dans certains cas, tout à fait essentielle et qui tient compte de leurs réalités... réalités d'entreprise.

Alors, vous aurez remarqué aussi, là, qu'on n'est... on n'a pas produit un mémoire très exhaustif, en tout cas sûrement pas à la mesure de ce qu'on est habitués de déposer aux commissions parlementaires, la raison étant fort simple: on est ici en appui, comme je le mentionnais tantôt, à deux fédérations particulièrement, deux fédérations qui ont déjà déposé des mémoires, que vous avez sans doute... Je pense qu'ils sont déjà... ils ont déjà fait des représentations, avec un certain nombre de remarques, de commentaires et de recommandations, je dirais, beaucoup plus détaillés que les nôtres. Notre... Le but de l'UPA ce matin, c'est de ne pas répéter, de ne pas dédoubler toutes ces mesures-là, toutes ces attentes-là, mais plutôt de venir renchérir auprès de vous certains éléments. Et on va se concentrer sur des éléments assez précis mais qui nous semblent fondamentaux et capitaux, là, pour l'avenir du régime forestier et la place de la forêt privée et de l'acériculture dans l'avenir, là, de l'aménagement forestier au Québec.

Alors, on va... quelques remarques sur la représentativité des producteurs, qu'ils soient acéricoles ou forestiers, au sein de... des nouvelles... des prochaines commissions régionales sur les ressources naturelles. On veut insister aussi sur la capacité... le potentiel acéricole et de forêt privée, qui est bien présent sur le territoire québécois et auquel on croit qu'on a tout avantage à mettre à contribution davantage dans l'avenir. Et on va terminer avec quelques remarques, tout aussi capitales, au niveau de la mise en marché des produits, principalement sur les pouvoirs de plan conjoint, pouvoirs attribués aux producteurs agricoles, et bien sûr sur le principe de résidualité, qui est pour nous un élément tout à fait essentiel du prochain régime.

n (10 h 30) n

Alors, sur la représentativité, très rapidement, écoutez, non pas qu'on est contre cette décentralisation-là. Je pense qu'il y a des... sûrement... il y a sûrement des effets... des impacts positifs qui sont recherchés pour impliquer et responsabiliser davantage les gens des milieux, avec la nuance, pour nous, qui est majeure, celle que les producteurs agricoles et forestiers soient présents autour de ces tables-là, et non seulement présents, mais qu'on s'assure que leur représentativité effective va être bien reconnue, prise en compte. Il faut être conscient que ces propriétaires-là... ces producteurs-là sont propriétaires de terrains et qu'ils... et dont le revenu, je dirais... la pérennité de leur entreprise est en jeu. Alors, pour nous, là, c'est un incontournable que ces producteurs-là doivent être très présents et très bien reconnus, là, sur ces commissions régionales là.

Autre élément, c'est le potentiel, comment on doit considérer et mettre en valeur le potentiel acéricole et forestier... forestier privé, au Québec. Tu sais, il faut reconnaître, là, que... Présentement, on parle, là, de 41 millions d'entailles qui sont mises en valeur au Québec. Il y a un potentiel de 120 000 entailles supplémentaires. Là-dessus, 45 % de ce potentiel supplémentaire là est possible en forêt publique. Alors, il y a un potentiel énorme, il y a un potentiel qui doit être considéré, et on doit s'assurer de mettre ça en perspective du prochain régime forestier.

Au niveau de la forêt privée, on parle qu'il y a un potentiel, encore, supplémentaire. Actuellement, on parlait de 8 millions de m3. Il y a un potentiel jusqu'à 11 millions de m3. C'est une forêt qui est exploitée de façon durable par des producteurs, des propriétaires forestiers qui, au cours des dernières années, ont fait de l'aménagement. Ils ont tenu compte du potentiel de leur ressource et ils ne demandent pas mieux que de pouvoir collaborer et contribuer au développement des marchés dans le futur. Alors, je vous dirais, on répète un peu, en définitive, sur ce point-là, la possibilité qu'on utilise... qu'on développe des zones de sylviculture intensive sur le territoire privé et aussi des zones d'acériculture intensive sur le territoire public, tenant compte, là, qu'il y a un potentiel, là, très important à ce niveau-là, au niveau des terres publiques.

Je poursuis avec les remarques très insistantes qu'on va faire concernant la mise en marché. Le premier... la première remarque, elle se veut à l'égard de la préservation des pouvoirs de plans conjoints. Or, le législateur, il y a nombre d'années, a reconnu, pour les producteurs agricoles et forestiers ? j'insiste sur «forestiers» parce qu'on parle toujours de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, mais le bois, dans cette loi-là, est reconnu comme un produit agricole ? or, le législateur a reconnu depuis nombre d'années que, dans les conditions avec lesquelles les producteurs peuvent exercer la mise en marché de leurs produits, ils doivent pouvoir compter sur le regroupement, l'organisation de leur mise en marché, pour être en mesure de négocier d'égal à égal avec leurs acheteurs. On est tous conscients qu'il y a beaucoup moins d'acheteurs de bois qu'il y a de producteurs. Alors, c'est tout simplement, je dirais... le fondement de cette loi-là permet de rééquilibrer le rapport de force.

Pour nous, le fondement de cette... de ces lois-là et des conventions qui en découlent à travers les offices... les pouvoirs exercés par les offices de mise en marché, incluant bien sûr les producteurs de bois, c'est qu'il y ait un canal unique, c'est qu'il y ait une seule... un seul endroit qui va permettre aux producteurs de bois de vendre leurs produits. Et, je vous dirais, à l'expérience, on s'est vite convaincus qu'il n'y a pas d'autre façon. Alors, vous comprenez notre inquiétude lorsqu'on voit que, dans le projet de loi, il y aurait la possibilité, par le Bureau de mise en marché, de prendre une partie de la forêt privée, ne serait-ce qu'une petite partie, et qui... ne... pour vendre une partie de la forêt privée, et, moi, je le dis puis j'en suis convaincu, au détriment des plans conjoints en production forestière. Je le dis sans aucune hésitation, «au détriment», parce que, moi, je suis convaincu que ça créerait une brèche importante dans le système de mise en marché des... du bois privé au Québec. Je le dis avec encore plus d'insistance parce que...

Et, quand je parle de brèche, c'est qu'évidemment, si on crée cette brèche-là pour un produit visé à travers... de la Loi sur la mise en marché des produits, il faut être conscient qu'on va créer un précédent. Il faut être conscient aussi qu'au Québec, là, ce n'est pas la première fois que des acheteurs, des transformateurs essaient de créer des brèches dans la Loi sur la mise en marché des produits agricoles. Ce n'est pas la première fois. Moi, que les transformateurs le réclament, qu'ils... qu'ils aient des revendications, des récriminations, j'en conviens, mais qu'on retrouve un élément comme celui-là, avec une brèche possible comme ça, dans un projet de loi, j'ai de la difficulté.

Alors, je vous dis: Faites extrêmement attention. C'est... je pense que c'est... il y aura... il n'y aura pas grand gagnant dans ça. Il va sans doute y en avoir, mais je ne crois pas que c'est le régime et les résultats qu'on veut escompter avec le prochain régime, qui, selon moi, inspire quand même un renouveau, une réforme intéressante. Mais, sur ce point-là, mise en garde importante.

Il est tout à fait essentiel aussi pour nous, en appui à la Fédération des producteurs de bois, de retrouver dans le projet... dans la future loi un mécanisme administratif ? deux minutes? O.K. ? un mécanisme administratif, et non pas discrétionnaire, mais vraiment un mécanisme pour permettre l'application du principe de résidualité. Je pense que je n'ai pas besoin de vous faire une illustration très, très grande de la situation qu'ont connue les producteurs forestiers privés au cours des dernières années. La fédération vous a même déposé, chiffres à l'appui, qu'au cours des dernières années le resserrement de l'approvisionnement, au niveau de l'industrie, s'est fait davantage au détriment de l'approvisionnement en forêt privée par rapport aux forêts publiques. Ça illustre très bien que ce principe de résidualité là, au-delà du beau principe dans la loi, n'a pas trouvé une forme suffisante pour être réellement appliqué, et particulièrement au cours des dernières années. Alors, pour nous, c'est absolument incontournable qu'on doit retrouver un tel mécanisme dans le projet de loi.

Et je termine avec un... une dernière remarque qui va... qui est tout à fait reliée à celui du mécanisme de...aux deux précédents... aux deux premières... aux deux précédentes remarques, à l'effet qu'évidemment, si on a un régime forestier avec, bon, deux tenures et deux types de mise en marché, le Bureau de mise en marché et les plans conjoints, c'est essentiel, pour nous, qu'on développe un mécanisme de coordination. Si on veut s'assurer qu'il y a un équilibre, que l'équilibre recherché entre l'approvisionnement de la forêt privée et la forêt publique... qu'il y ait... qu'on développe une instance qui va permettre, à partir des indicateurs qui sont déjà possibles... qu'on s'assure qu'il y a un bon équilibre pour l'approvisionnement et l'écoulement des différentes espèces de boisés à l'échelle de nos régions. Ça termine.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, M. Lacasse. Nous allons maintenant procéder aux échanges. Et j'inviterais immédiatement le gouvernement à procéder. Peut-être Mme la ministre?

n (10 h 40) n

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Bon matin à vous. Vous me permettrez de m'excuser pour mon retard, M. le Président. Je souhaite saluer mes collègues du côté ministériel qui sont avec nous ce matin. M. Lacasse, M. Côté, bienvenue. Merci d'être là. La voix de l'UPA évidemment est une voix importante dans le régime forestier... dans le projet de régime forestier qui est devant nous. On n'est pas surpris des propos que vous tenez ce matin, évidemment, la communion de pensée que livre ce matin... avec la Fédération des producteurs de bois et la Fédération des producteurs acéricoles.

Je vais vous questionner, M. Lacasse, sur deux éléments. Le premier, c'est toute la dimension ou l'enjeu lié à la préservation des plans conjoints, également à la résidualité. Je vais vous poser des questions, parce que la résidualité ? commençons par ça ? c'est un principe, comme vous l'avez dit, qui, pour toutes sortes de raisons, a été appliqué avec un peu d'élasticité au fil des années. Vous proposez carrément un mécanisme... en fait, vous dites... en fait, un mécanisme administratif, là, qui pourrait être déployé sur une base annuelle pour faire respecter le principe de la résidualité. Je souhaiterais peut-être vous entendre là-dessus, parce que le défi, au-delà de l'affirmation du principe, c'est son application: comment concrètement on réussit à le mettre en oeuvre puis à le faire appliquer pour... donner de la crédibilité, dans le fond, parce que c'est une assise importante de la loi actuelle, puis on souhaite pouvoir renforcer le principe de la résidualité pour le futur. Ça, c'est ma première question.

Et l'autre, bien sûr, porte sur les plans conjoints. Parce que vous avez certainement eu écho des propos tenus, entre autres, par l'industrie forestière, qui, elle, souhaite que vous soyez... en fait que les producteurs de lots privés... lots boisés privés soient assujettis aux mêmes règles, à la même dynamique de mise aux enchères que les industriels de la forêt. Alors, eux prétendent qu'il faut avoir un marché, là, une dynamique uniforme quant à la mise aux enchères, alors ils conçoivent difficilement comment on pourrait perpétuer un système qu'ils qualifient eux-mêmes un peu de passéiste. Alors, je souhaiterais peut-être vous entendre là-dessus. Pourquoi préserver à tout prix... En fait, quels sont les dangers ? je vais vous poser ma question autrement ? quels sont les dangers qui nous guettent si on s'attaque à la dynamique des plans conjoints? En fait, si on fait une brèche dans la Loi sur la mise en marché, quels dangers guettent les producteurs de lots privés et la forêt privée?

Le Président (M. Pinard): M. Lacasse.

M. Lacasse (Christian): O.K. Oui. Alors, d'abord, sur le principe de résidualité, moi, je pense que ce principe-là, il est... de toute façon, il... ce que je comprends, c'est qu'il est déjà... il est répété... il est reproduit dans la prochaine... dans la future loi, et il doit... il est fondé sur le principe d'accorder la priorité en forêt privée, et qui fait la résidualité, là, de la forêt publique, par conséquent. Alors, moi, là-dessus, je vous dirais, regarde... regardez, on n'arrive pas avec un mécanisme très précis, mais, ce mécanisme-là, il doit tenir compte des indicateurs qui sont déjà connus. Tu sais, en termes de disponibilité de ressources au ministère des Ressources naturelles, vous avez... vous êtes en mesure d'avoir l'information sur quelle est la disponibilité, là, en termes d'espèces, là, disponibles dans chacune des régions, à l'échelle du Québec, en forêt privée puis, bien... par conséquent aussi en forêt publique. Moi, je pense que ce qu'il faut s'assurer, c'est que, dépendamment des besoins du marché, qui sont variables évidemment, on l'a vu... on l'a connu dans les dernières années, qu'on va s'assurer qu'avec ce mécanisme-là, contrairement à ce qu'on a connu dans les dernières années, si on s'attend à ce qu'il y ait un approvisionnement à 20 % de la forêt privée, bien il faut s'assurer que dans le résultat, si cette disponibilité-là, elle est là, elle est sur le terrain, bien, qu'on va l'utiliser en priorité en fonction des indicateurs puis de l'information qu'on dispose.

Mme Normandeau: Si vous permettez, M. le Président, en introduisant un mécanisme sur une base annuelle, ce que vous souhaitez, c'est qu'il y ait plus de... dans le fond qu'on introduise un espèce de principe plus dynamique dans son application. Pourquoi sur une base annuelle, dans le fond?

M. Lacasse (Christian): Bien, probablement qu'il faudrait... Regardez, c'est bien possible qu'étant donné les... les marchés qui évoluent puis qui se... ils seront probablement changés en cours de route, peut-être que ça prendrait un mécanisme décisionnel qui... ou d'ajustement plus dynamique qu'annuel. Mais à tout le moins il faut être en mesure de faire le point, c'est ce qu'on veut dire, au moins une fois par année sur... qu'ont donné les décisions ou les ajustements qu'on a apportés au fur et à mesure, bon, exemple, aux trois, quatre mois. Mais, à un moment donné, il faut être capable de faire le point avec les décisions qu'on a prises, l'application du mécanisme, quels résultats on a obtenus à la fin de l'année en termes d'approvisionnement puis d'équilibre recherché. Moi, je pense qu'il faut faire le bilan de ça régulièrement et de voir au fur et à mesure comment on peut... si l'équilibre n'a pas été atteint, bien, qu'on se rajuste dans les décisions futures. Il faut que ça devienne dynamique, ça, mais qu'on fasse le point, on dit, annuel, à tout le moins, pour être en mesure de faire un bon bilan puis de voir: Est-ce qu'on est dans la bonne direction? Est-ce que le principe de prioriser la forêt privée a été bien pris en compte?

Écoutez, si on se retrouve avec du bois qui traîne un peu partout dans les régions, dans la forêt privée, ce bois-là est disponible, mais en même temps on va chercher le bois de plus en plus au nord. À un moment donné, il faut se poser des questions, là. Cette forêt-là est souvent à proximité puis elle est exploitée de façon durable. De là découle le principe de priorité.

Le Président (M. Pinard): Mme la ministre.

Mme Normandeau: Il reste encore un petit peu de temps?

Le Président (M. Pinard): Oui, deux minutes.

Mme Normandeau: Deux minutes sur les plans conjoints.

M. Lacasse (Christian): Oui. Sur les plans conjoints...

Mme Normandeau: Si on fait une brèche dans la loi actuelle...

M. Lacasse (Christian): Tout à fait. Regardez, moi, là-dessus, là, on a une longue, une très longue expérience, hein? On a 40 ans, 50 ans d'application de plans conjoints, au Québec, dans tous les secteurs de production, pratiquement. On a développé... on a eu toutes sortes d'expériences en termes de mise en marché. On a eu des agences de vente volontaire, plusieurs expériences qui nous ont démontré que, lorsqu'on n'a pas un canal unique, lorsqu'on ne fait pas passer l'ensemble des produits dans un... pour un produit visé, dans un seul canal, ça ne fonctionne pas. L'équilibre ou le rééquilibrage entre les forces du marché, là, entre les forces, là, de ceux qui ont à mettre un produit en marché et ceux qui ont à l'acheter est complètement atténué lorsqu'il y a des brèches dans les systèmes de mise en marché. Il y a eu beaucoup d'expériences à ce niveau-là, et on ne veut pas répéter ces expériences-là, on sait très bien que c'est perdu d'avance. Alors, extrême prudence à ce niveau-là. Et, nous, on est convaincus, là, que ça va fonctionner.

On n'est pas contre le Bureau de mise en marché. Je pense qu'on est dans... De toute façon, on est dans un régime à deux tenures: tenure privée, tenure publique. Alors, il faut développer des mécanismes qui vont permettre de faire travailler ces deux mécanismes-là de façon complémentaire et de façon bien coordonnée. Et le défi qu'on a, bien sûr, c'est de faire en sorte qu'un ne nuise pas à l'autre, mais... et pour ça, bien il va falloir que les gens se parlent et les gens se coordonnent. C'est une condition essentielle.

Le Président (M. Pinard): Merci. On aura... Nous aurons l'occasion de revenir ultérieurement. Alors, je cède maintenant la parole au député... critique officiel, le député de Roberval. M. le député.

M. Trottier: Oui. Merci, M. le Président. M. Lacasse, c'est très intéressant. Je pense que vous venez confirmer justement ce que vos fédérations nous ont dit. Je pense qu'on avait eu des messages quand même très clairs de la part de... à la fois de la Fédération des producteurs de bois puis des... la Fédération des producteurs acéricoles, mais c'est intéressant que vous veniez, comme on dit, confirmer que dans le fond tout le monde va dans le même... dans la même option.

J'avais des questions sur la question de la mise en marché. Je pense que vous avez bien répondu. Je pense que votre message est clair par rapport à ça.

Sur la question de la gouvernance, j'aimerais vous entendre davantage. Vous y avez fait allusion un peu, mais vous avez des craintes par rapport à ça. Comment vous voyez ça? Puis quelles sont les solutions justement pour éviter qu'il puisse y avoir des problèmes, si problème il y a?

n (10 h 50) n

M. Lacasse (Christian): Oui. Moi, je vais insister... puis je vais revenir là-dessus, c'est vraiment la représentativité des producteurs. Nous, on... Bon, je pense que la volonté qui est exprimée à travers le projet de loi, c'est que les commissions régionales exercent, je dirais, des... une... non seulement une volonté, mais la possibilité de prendre des orientations en termes de développement futur de la foresterie dans leurs régions. Quand on parle des producteurs acéricoles ou forestiers, comme je le mentionnais, ils ne sont pas... ils sont à la fois producteurs et propriétaires de ces terres-là, et, pour eux, c'est leur gagne-pain, alors il faut bien saisir que... Si ces producteurs-là se retrouvent en très, très... minorité autour de ces tables-là, jusqu'à quel point ils vont être en mesure d'influencer les décisions qui vont être prises là?

C'est souvent ce qu'on fait au Québec, là. On crée des comités, on crée des tables, des commissions, il y a beaucoup de monde autour de la table, mais les gens ne se retrouvent pas nécessairement tous dans la même situation. Alors, chacun joue son rôle, mais les rôles exercés ne sont pas en fonction des mêmes enjeux. Alors, ce qu'on veut faire valoir, c'est que les enjeux pour les producteurs acéricoles et forestiers autour de cette table-là, en fonction des orientations qui vont être prises, ont beaucoup plus de conséquences sur leur avenir que sur un certain nombre d'autres représentants qu'il va y avoir autour des tables. Alors, tout ce qu'on vous demande, c'est de prendre ça en considération, s'assurer qu'ils vont être bien représentés et qu'ils vont être en mesure d'exercer, je dirais, l'influence recherchée, tenant compte des enjeux que ces... qui sont concernés... qui les concernent.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Je comprends très bien vos préoccupations. Comme vous dites, c'est que parfois les gens ont des conséquences indirectes, mais, dans le cas des fédérations des producteurs de bois, c'est très direct. Puis c'est sûr que, quand on est sur une table de 25 ou plus, ça devient difficile de pouvoir avoir, on pourrait dire, droit au chapitre.

J'aurais une autre question, puis après ça on va passer à mes collègues. Sur la question de forêt de proximité, c'est quoi, votre position par rapport à ça? On sait, là, qu'il y a beaucoup de, on pourrait dire, de municipalités, de régions, de conseils régionaux des élus qui veulent qu'on aille assez loin là-dedans. Comment vous voyez ça?

Le Président (M. Pinard): M. Lacasse.

M. Lacasse (Christian): Oui. Je dirais, il y a comme deux notions de forêt de proximité. Même, tantôt, moi, je vous ai parlé de... bon, que la forêt privée est à proximité, je dirais, là, de... une forêt qui est plus près, je dirais, là, de l'utilisation, des usages qu'on fait de la forêt, et ça, c'est une notion. Mais il y a aussi une autre notion de forêt de proximité, qui est plus reliée à différents usages qu'on peut faire de la forêt: pour la randonnée, pour, bon, le tourisme, etc. Alors, moi, je vous dirais qu'on a... Moi, la préoccupation que j'ai... parce que... Je pense qu'au départ cette forêt de proximité là, pour différents usages, je dirais, d'un point de vue social, c'est quelque chose, je pense, aujourd'hui qui doit être considéré positivement. Que les gens... De la même façon qu'on demande... qu'on souhaiterait que les gens se rapprochent de l'agriculture, je pense que ça, ça permettrait aussi au gens de se rapprocher de la foresterie. Alors ça, moi, c'est... pour moi, c'est des éléments qui sont positifs.

Où, selon moi, ça devient plus délicat, c'est lorsque, bon, à travers certains pouvoirs qui pourraient être exercés au niveau local et régional, on va plus loin en termes, là, de mise en marché ou d'utilisation de la forêt, en termes de commercialisation. Je dirais que, ça, pour les mêmes raisons que j'ai mentionnées tantôt à l'égard des plans conjoints, des pouvoirs exercés par les producteurs sur... en vertu de la mise en marché de leur produit, là, du produit visé, on a des inquiétudes. Alors, il va falloir clarifier bien comme il faut quelle est la responsabilité, quels sont les tâches ou la mission exercées par ces commissions régionales là en vertu de la forêt de proximité, et par conséquent les impacts possibles sur la mise en marché des produits forestiers. Alors, pour moi, il y a du positif, mais il y a certaines nuances qui doivent être considérées dans les pouvoirs exercés par ces commissions régionales là.

Est-ce que vous permettez? Marc-André aurait une précision.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Côté.

M. Côté (Marc-André): Bien, je veux vous donner un exemple, parce que, la forêt de proximité, on peut avoir... on peut... il y a des expériences passées qui peuvent nous renseigner. Le ministère des Ressources naturelles, comme vous le savez, a fait une rétrocession de lots intramunicipaux il y a quelques années. On s'est retrouvé avec des entités municipales qui commercialisent du bois à un prix inférieur à leurs concitoyens. Donc, l'individu qui a un lot boisé dans une municipalité qui vend du bois, bien, se voit... voit un compétiteur qui est sa propre municipalité sur le marché. Pourquoi qu'il est capable de payer... de vendre son bois moins cher? La municipalité n'a pas de financement sur le lot. Elle a le bois sur son territoire, elle n'a pas de taxes à payer, elle n'a pas de... de financement de la terre, donc...

M. Lacasse (Christian): Il n'y a pas de charge attribuée, là...

M. Côté (Marc-André): Donc, on s'est retrouvé dans une situation assez particulière, à quelques endroits, où est-ce que les municipalités compétitionnaient leurs citoyens. Donc, ça peut être une inquiétude qui pourrait être soulevée dans le cadre de la politique... de la future politique de forêt de proximité. Mais, ceci étant dit, la véritable forêt de proximité, c'est la forêt privée. C'est celle qu'on voit quand on roule en voiture.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Côté. M. le député... D'accord. Alors, Mme la députée d'Iberville.

Mme Bouillé: Merci, M. le Président. Donc, bienvenue, M. Lacasse et M. Côté. Merci de nous faire part de vos commentaires. La semaine dernière, nous avons reçu la Fédération des producteurs de bois. Et, peut-être juste pour nous éclairer, là, quand vous parlez du respect des plans conjoints, c'est sûr que, dans l'acériculture, il y a un seul plan conjoint, donc ça, c'est comme... il y a un interlocuteur par rapport au plan conjoint. Dans le bois, il y a plusieurs plans conjoints régionaux. Vous en avez combien actuellement?

M. Lacasse (Christian): ...c'est 14. 14 plans conjoints régionaux.

Mme Bouillé: 14. O.K. Et qui sont relativement similaires?

Le Président (M. Pinard): M. Lacasse...

M. Lacasse (Christian): Bien...

M. Côté (Marc-André): Chaque plan conjoint a des règlements... En fait, ils fonctionnent tous selon le même modèle, en vertu des mêmes dispositions de la Loi sur la mise en marché des producteurs agricoles, mais c'est des institutions démocratiques. Dépendant, d'une région à l'autre... les producteurs vont se voter des règlements qui peuvent différer, donc...

M. Lacasse (Christian): Ce qu'il faut comprendre, c'est que la loi...

Le Président (M. Pinard): ...pour fins d'enregistrement, M. Lacasse.

M. Lacasse (Christian): Oui, je court-circuite votre travail. Je m'excuse. Alors, en vertu de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alors les offices de producteurs ont toute une série de pouvoirs, et de pouvoirs de réglementation, et de conventions qu'ils peuvent exercer et évidemment, dépendamment des offices... des différents offices, en fonction de la réalité qu'ils vivent et des attentes, aussi, des producteurs qu'ils représentent dans chacune des régions, peuvent prendre des formes un peu différentes, là, d'un plan conjoint à l'autre. Mais les fondements de la loi, ce que je vous ai mentionné en termes de pouvoir d'organisation et de mise en marché, eux ne sont pas variables d'un plan conjoint à l'autre, là.

Le Président (M. Pinard): Rapidement, Mme la députée d'Iberville.

Mme Bouillé: Oui. Et ces plans conjoints là s'appliquent seulement au bois de la forêt privée, c'est bien ça? Donc, quand on arrive à la notion d'inclure les usines de transformation qui s'approvisionnent en forêt publique, comment vous voyez que le plan conjoint pourrait s'appliquer éventuellement?

Le Président (M. Pinard): M. Lacasse.

M. Lacasse (Christian): Bien, le plan conjoint, nous, on ne demande pas de pouvoir supplémentaire, là, en vertu de... en vertu de la... du bois rendu disponible à partir de la forêt publique. Alors, le pouvoir de plan conjoint s'exerce en fonction du bois de la forêt privée. Alors, on ne demande pas d'extension, là, à l'autre niveau. Et d'ailleurs c'est ce qui me faisait dire tout à l'heure qu'on a deux types de tenure, et il doit y avoir deux types de mise en marché bien distincts mais en même temps qui se parlent pour être en mesure d'assurer une bonne coordination.

Le Président (M. Pinard): Merci, monsieur. Alors, nous allons procéder maintenant... le dernier bloc du côté ministériel. Alors, M. le député de Huntingdon.

M. Billette: Merci beaucoup. Bienvenue, M. Lacasse et M. Côté. C'est un plaisir pour moi de vous rencontrer de nouveau. J'ai une petite question au niveau acéricole. Je pense que c'est un secteur d'activité fort important pour l'agriculture au Québec. On le connaît bien. Vous parlez actuellement que vous avez 41 millions d'entailles qui sont bien gérées, puis je pense que vous avez fait un bon bout de chemin là-dessus en mettant... on ne peut pas appeler... système de gestion de l'offre, mais ça s'apparente beaucoup à un système de quotas, à ce moment-là, qui a été bénéfique, je pense, pour tous les producteurs acéricoles. On l'a vu cette année, un prix qui n'a été jamais vu, une rentabilité des entreprises acéricoles, ça a été bien.

Vous parlez également, dans votre mémoire ou des informations que j'ai eues, que maintenant le gouvernement Obama va pousser un petit peu plus loin la production acéricole dans les États du Nord-Est américain. On a également le bill 2749 ? je ne sais pas si vous en avez entendu parler ? ...qu'ils veulent réglementer l'importation de sirop d'érable ou tout produit agricole également, au niveau des États-Unis. Vous parlez d'un potentiel de développement, mais le questionnement que j'ai... Vous passez de 41 millions d'entailles à 120 millions d'entailles. Le questionnement que j'ai toutefois à ce niveau-là... On a restreint le marché parce que l'association avait des entrepôts, je pense, depuis plusieurs années, de sirop d'érable qui étaient pleins. Donc, savoir le potentiel... Est-ce que vous avez le marché pour gérer un potentiel de... passer de 41 millions à 120 millions d'entailles, lorsqu'on a dû diminuer dans les années dernières... à ce moment-là?

n (11 heures) n

Le Président (M. Pinard): M. Lacasse.

M. Lacasse (Christian): Bon, je suis bien conscient, là, que, quand on avance des choses, après ça il faut toujours venir nuancer un peu. Le potentiel qui est... qu'on a... qu'on exprime, ce n'est pas parce qu'on croit que, demain matin, ou dans deux semaines, ou dans trois ans, on va pouvoir exercer et mettre en marché un tel potentiel. Moi, je pense que ce potentiel-là, puis c'est un principe qui a été bien reconnu par la fédération acéricole dans les dernières années, la mise en marché des produits acéricoles puis l'exploitation de l'acériculture doivent se faire en fonction du développement des marchés. Et ça, ce principe-là, il n'est pas changé. C'est clair. Tu sais, puis je pense qu'avec l'expérience que la fédération acéricole a connue dans le passé c'est clair qu'ils ne voudront jamais retourner en disant: On va doubler la production, puis les marchés suivront. On sait très bien que ça ne peut pas fonctionner comme ça.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Lacasse. M. le député de Huntingdon.

M. Lacasse (Christian): Oui. O.K. Juste revenir...

Le Président (M. Pinard): C'est parce que j'essaie de...

M. Billette: O.K.

M. Lacasse (Christian): Alors, on exprimait ce potentiel-là pour faire valoir que... presque la moitié du potentiel est en forêt publique, et que, si on favorise ce développement-là dans la forêt publique sans tenir compte des objectifs poursuivis par la fédération acéricole dans ses objectifs de mise en marché et d'exploitation acéricole, on va foutre le bordel, là ? excusez l'expression ? dans la mise en marché acéricole au Québec.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Huntingdon.

M. Billette: J'avais une petite question en rapport... Dans votre... Vous parlez de zones d'acériculture intensive. Vous avez parlé également de marché de proximité. On sait que, les producteurs acéricoles, la grande majorité ont ça près de leur domicile, ou quoi. Ce serait un nouveau concept, je pense, qui serait introduit dans le milieu acéricole, à ce moment-là, d'aller produire, je pense, sur des terres éloignées. Vous avez parlé de proximité tantôt, au niveau de la forêt. C'est une nouvelle manière. J'aimerais ça que vous me parliez un petit peu, là, de vos zones intensives d'acériculture au niveau, là, éloigné, entre guillemets. Parce qu'on sait que les producteurs de sirop d'érable sont habitués à faire ça souvent sur leurs terres, à l'arrière de chez eux. Là, vous parlez maintenant de zones souvent qui vont être en région éloignée, à ce moment-là. Est-ce que c'est un potentiel qui est crédible ou important pour eux?

Le Président (M. Pinard): M. Lacasse.

M. Lacasse (Christian): Oui. Bien, regardez, c'est sûr que la fédération pourrait vous en parler davantage. Je pense qu'elle connaît beaucoup mieux la réalité de leur secteur. Mais, moi, je ferais... avec la nuance que, quand on parle de zones intensives, là, acéricoles, ce n'est pas éloigné, éloigné, là. Je pense que, s'il y a des terres publiques qui ont un potentiel, un bon potentiel, et qu'on peut en faire un usage un peu plus intensif, puis qu'on peut le faire à proximité, dans la forêt de proximité, bien tant mieux. Pour moi, le même principe s'applique toujours. Si on a un potentiel le plus près possible, bien commençons par celui-là. Parce que plus on s'éloigne, bien c'est des coûts de déplacement, des coûts supplémentaires qui sont... des coûts additionnels qui se rajoutent.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Billette: C'est beau, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup. Alors, nous allons passer maintenant au député de la grande région de l'Abitibi-Témiscamingue...

M. Bernard: Oui, merci, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): ...Rouyn-Noranda.

M. Bernard: Je vais être très bref. La question de mon collègue sur la forêt de proximité était pertinente, parce que, moi, dans le sud du territoire, au Témiscamingue, Témiscaming entre autres, c'est une zone de forêts de proximité, il y a des usines qui sont là, et en même temps c'est mon secteur où l'acériculture est en train de se développer. Donc, il va falloir probablement cerner ce territoire-là, et d'autant plus aussi que le bois franc était couru dans ce secteur-là pour le déroulage. Donc, il y a une comparaison.

Question brève, parce que Mme la ministre veut garder deux minutes. Vous en avez parlé... Nous autres, la réalité, 80 % de terres publiques en Abitibi-Témiscamingue, 20 % de terres privées. Et vous le savez que mes producteurs de bois, ils ont vécu une situation très difficile au cours de la dernière année. C'est complètement différent du sud. Croyez-vous que le régime, puis avec tout ce que vous avez sauvé, va permettre d'équilibrer ces deux réalités-là différentes pour vos producteurs forestiers?

Le Président (M. Pinard): M. Lacasse.

M. Lacasse (Christian): Oui. Bien, moi... Oui, puis il faut. Regardez, on est bien conscients qu'il y a différentes réalités au Québec puis que le principe de résidualité et d'équilibre, là, recherché, là, entre... bon, à la fois de prioriser la forêt privée si elle est disponible, mais... et d'équilibre, là, je dirais, doit être... doit prendre en compte les réalités régionales. Tantôt, je vous parlais de disponibilité. Alors, ça doit... on doit... tout ça doit être basé sur la disponibilité de ressources, bon, d'abord de la forêt privée, et en tenant compte, là, de la réalité de chacune des régions.

Le Président (M. Pinard): Merci. Mme la ministre des Ressources naturelles.

Mme Normandeau: Oui, absolument. Peut-être un certain nombre de commentaires. Sur la résidualité, je trouve votre idée d'introduire un mécanisme annuel de révision très, très, très intéressante. Nous, on cherche effectivement à renforcer le principe de la résidualité. Là, vous apportez, dans le fond, une solution concrète, là, à l'atteinte de notre objectif, je vais le dire comme ça. Alors, ça permettrait effectivement, je le crois, de contribuer à dynamiser la mise en oeuvre d'un principe comme celui-là. C'est très intéressant, on va s'en inspirer assurément pour élaborer concrètement une mesure pour renforcer le principe de la résidualité.

Pour ce qui est du bureau de mise aux enchères, inévitablement, qu'on maintienne ou non deux modes de tenure dans la mise aux enchères, inévitablement le bureau va s'assurer, à partir de la demande, va vérifier quelle offre de bois est disponible sur le territoire, donc nécessairement il y aura une interaction toute naturelle entre la forêt publique et la forêt privée, là. Alors, là-dessus, dans le fond, parce que vous avez insisté sur l'importance qu'on développe, à travers le bureau de mise aux enchères, un mécanisme de communication, là, de dialogue, c'est inévitable.

Je me permettrai d'être, en terminant rapidement, M. le Président, un peu... Je vais jouer à l'avocat du diable, parce que plusieurs intervenants sont venus ici plaider pour l'urgence de ne pas conserver le statu quo par rapport à la loi qui existe actuellement sur les forêts. Il y a une urgence de réviser en profondeur le régime sur lequel est assise notre industrie forestière, sur la façon dont on gère, dont on planifie. Alors, dans le fond, plans conjoints, je reviens à ça parce que... Dans le fond, vous êtes un peu un adepte du statu quo en insistant sur la préservation des plans conjoints. Alors, je me fais l'avocat du diable. Ce n'est pas une prise de position que je prends, là, je veux juste essayer de voir... J'utilise beaucoup de prudence parce que tout pourrait être revenu contre moi, M. le Président, ici. Alors, je fais bien attention à ce que je dis.

Le Président (M. Pinard): Des vrais termes juridiques. Alors, M. Lacasse, je vous donne 30 secondes pour répondre.

M. Lacasse (Christian): Moi, je... puis ça va me permettre de clarifier des choses. Alors, sur la volonté de changement, d'aller vers un nouveau régime forestier pour redynamiser le secteur, faire en sorte qu'il y ait des nouveaux marchés qui se développent puis qu'on fait un bon usage de notre forêt au Québec, aucun problème. On est là.

Maintenant, moi, comme je dis souvent, il ne faut pas toujours partir... repartir d'une page blanche, tu sais, parce que ça, là, c'est un peu laborieux et c'est surtout très hasardeux. Quand on a des choses qui fonctionnent... en réformant, il faut s'assurer qu'on ne défait pas ce qui fonctionne. Alors, moi, le syndrome de la page blanche, là, c'est de dire: Regardez, là, on a des choses qui fonctionnent, utilisons... mettons-les à contribution dans une réforme avec des changements majeurs, oui. Je ne sais pas si ça répond à votre question, là, mais...

Mme Normandeau: Absolument.

Le Président (M. Pinard): Merci.

M. Lacasse (Christian): C'est comme ça qu'on voit ça.

Le Président (M. Pinard): Merci. C'est tout le temps que je peux me permettre de vous allouer.

Mme Normandeau: Ça me va. Aucun problème, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Alors, immédiatement nous y allons au niveau de l'opposition. Est-ce que je débute avec le député de Roberval? M. le député.

M. Trottier: Oui, M. le Président. Bon, on sait qu'on vit la pire crise forestière qu'on n'ait jamais connue. On a vu des témoignages la semaine dernière, là, de certains de vos producteurs qui trouvent la situation très difficile, là; ce n'est vraiment pas évident. Je voudrais que vous nous en parliez un petit peu, mais surtout de nous parler de comment vous voyez l'avenir du monde forestier. Est-ce que vous êtes optimiste par rapport au monde forestier ou pessimiste, on pourrait dire, à court, moyen et long terme? Puis pourquoi, à ce moment-là? C'est quoi, qu'est-ce qui vous amène à avoir cette vision-là?

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Lacasse.

n (11 h 10) n

M. Lacasse (Christian): Regardez, moi, je suis optimiste de nature, là, ça fait que, pour moi, là, c'est... Des périodes difficiles, je dirais, en agriculture, là, dans nos secteurs de production, là, on est... malheureusement, on est assez familiers à ça. Ce n'est pas parce qu'on veut être familiers avec ces situations-là, mais, par la force des choses, on l'est. Le secteur forestier traverse une crise importante et... Bon, c'est relié beaucoup au fait que, bon, il y a de plus en plus une internationalisation des produits, et on est... Alors, quand les marchés fluctuent à l'extérieur de nos frontières, on est directement touchés. C'est la nouvelle réalité mondiale qui nous concerne. Et, lorsqu'on est dépendants de marchés d'exportation, bien c'est ce qui arrive.

Moi, je vous dirais, la capacité, ça va être un bon test. Moi, j'y crois, là, à l'avenir de ce secteur-là, dans la mesure où il va y avoir une capacité de se relever, d'innover et de développer des marchés en fonction des besoins futurs, là, en termes d'utilisation, d'usage par la société. C'est sûr qu'il va falloir créer des choses. Moi, je pense, là, que... Bon, je pense que le projet de loi va dans la bonne voie, mais il va falloir que ce soit accompagné de mesures d'innovation, de recherche, pour être en mesure de s'assurer qu'il va y avoir des marchés qui vont se développer puis qu'il va y avoir les éléments, dans cette loi-là, pour assurer une bonne commercialisation, une bonne mise en marché des différentes espèces de produits forestiers au Québec.

Alors, oui, il y a un avenir. Il y a une période qui est extrêmement difficile à traverser. Moi, ma préoccupation, c'est qu'on s'assure qu'on fait le maximum pour que ces différents propriétaires et usagers là traversent cette période-là avec le moins d'impacts possible. Et, lorsque les marchés vont reprendre, bien, que c'est... on va avoir encore une industrie qui est... non seulement encore une industrie, mais une industrie qui va être mieux positionnée pour être en mesure de faire face aux défis de l'avenir.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de... Alors, je cède maintenant la parole à ma collègue de Matapédia. Madame.

Mme Doyer: Merci, M. le Président. M. Côté, M. Lacasse, bienvenue à la commission. J'ai pas mal de questions. Je vais essayer de faire vite. J'aimerais aussi qu'on creuse certaines choses que vous avez dites puis mettre ça en lien avec ce que la Fédération des producteurs de bois sont venus nous dire la semaine passée. Parce que le projet de loi en soi, il y a comme, je dirais, pas tant d'éléments que ça en ce qui concerne la forêt privée ? vous êtes d'accord avec ça? ? parce que c'est la forêt publique beaucoup dont on traite, de la sylviculture intensive, et, vous, vous... C'est comme si on aurait eu besoin d'un projet de loi, pour moi, en parallèle de celui-là en ce qui concerne la forêt privée. J'aimerais ça que vous me donniez votre opinion par rapport à ça.

Et ce qu'il y a dans le projet de loi n° 57, ça va avoir un impact sur la mise en marché des bois, et ce sont des vases communicants. Puis ça fait des années, des années, des années qu'on parle de la loi sur la résidualité, qui est plus ou moins appliquée, je dirais, souvent moins appliquée qu'elle le devrait. Et, vous, vous avez tantôt... Mon collègue disait: Comment est-ce que vous voyez l'avenir? Mais j'aimerais ça que vous nous disiez ça a été quoi, les pertes pour vos producteurs de boisés privés à travers cette crise-là? Si je regarde dans ma région, 56 millions sur deux ans de bois non vendu. Donc, pour certaines régions, ça a un impact plus dramatique, par exemple l'Est du Québec.

Et on a besoin de changement en ce qui concerne la gestion de la forêt. Hein, il y a des gens qui sont venus nous dire: Ça devrait s'appeler la loi de la gestion... sur la gestion durable de la forêt. Bien, moi, j'ai ajouté «durable». La loi sur la gestion durable de la forêt au Québec. Et on ne peut pas décider pour la forêt publique sans décider à quelque part pour la forêt privée. Alors, les mécanismes qui sont mis en place pour la forêt publique vont donc avoir un impact sur la forêt privée. Qu'est-ce que vous... Puis là vous n'avez démontré aucune ouverture, et je ne me trompe pas, la... La Fédération des producteurs de bois, ça a été ça. Vous voulez encore vos plans conjoints, le respect de vos plans conjoints, la loi sur la résidualité, puis on voit que ça fonctionne plus ou moins.

Qu'est-ce que vous auriez voulu voir dans la loi n° 57 qui n'est pas là pour vous rassurer? Parce que la Fédération des producteurs de bois, à la page 13, disent: «Attente 7. Doter le Bureau de mise en marché des bois d'une plus grande transparence.» Et là je vous fais grâce de ça, mais le manuel de mise en marché devrait contenir beaucoup d'éléments qui feraient en sorte d'avoir une plus grande transparence sur la mise en marché des bois. Donc, comment faire pour ne pas bouger puis faire que ça marche mieux? Est-ce que je me fais comprendre? Parce que c'est un petit peu ça, là.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Lacasse.

Mme Doyer: Tu sais, dans le fond...

Le Président (M. Pinard): Je regrette, Mme la députée, je vais céder maintenant la parole à M. Lacasse.

Mme Doyer: Oui, oui.

M. Lacasse (Christian): Bon, je vais revenir, là. Notre objectif, ce n'est pas de dire: Il ne faut pas bouger. C'est qu'il faut bouger intelligemment, il faut bouger en fonction de la réalité de deux types de tenure, privée et publique, au Québec, et qu'il y a un équilibre, là, il y a une recherche d'équilibre essentielle. Et, quand je dis «équilibre», bien sûr que c'est de favoriser la forêt de proximité, la forêt privée d'abord parce qu'elle est plus économique, hein, socialement, mais aussi d'un point de vue économique. Et, oui, il faut bouger. Vous avez raison de dire que, je dirais, à la lecture du projet de loi, on avait des attentes plus importantes pour le bon usage de la forêt privée, la valorisation, la mise en valeur de la forêt privée.

Les éléments de changement, ils ne sont pas très nombreux, là, vous voyez, ça rentre dans quelques pages, et je pense qu'ils sont facilement atteignables dans la mesure où on prend en considération les impacts qu'on recherche. Bon, un mécanisme administratif pour l'application du principe de résidualité, le respect des plans conjoints, la représentativité des producteurs autour des commissions régionales, c'est quelques éléments qui vont... qui nous semblent essentiels pour s'assurer qu'on va faire... on va bien mettre en valeur la forêt privée au Québec. Alors, ce n'est pas... Regardez, on n'arrive pas avec des demandes supercompliquées, là, ça se résume en quelques points, mais des points qui nous semblent capitaux.

Mme Doyer: C'est beau. Parce que...

Le Président (M. Pinard): Deux minutes, Mme la députée.

Mme Doyer: Deux minutes? Quand vous dites: «...le respect de leurs plans conjoints en retirant [...] toute possibilité, pour le [...] Bureau de la mise en marché des bois, de commercialiser une partie de leur production, réalisée sur les terres privées ou publiques», à quoi vous référez, par rapport à «terres publiques»? Vous en avez parlé un petit peu tantôt, mais j'ai... Est-ce que c'est le bois produit sur les... en acériculture, qui est à louer à certains... À quoi vous référez?

Le Président (M. Pinard): M. Côté ou M. Lacasse.

Mme Doyer: À la page 6 de votre mémoire, vous dites de retirer toute possibilité de commercialiser une partie de leur production réalisée sur les terres privées ou publiques, vous faites référence à quel type de bois?

Le Président (M. Pinard): M. Côté.

M. Côté (Marc-André): Si vous référez à cette phrase-là, quand on parle de respecter les plans conjoints, on vise les plans conjoints des producteurs acéricoles et aux producteurs de bois...

M. Lacasse (Christian): C'est ça. Elle est là, la nuance.

M. Côté (Marc-André): Donc, la nuance, c'est que le... Les plans conjoints de producteurs de bois ne s'appliquent qu'uniquement sur les terres privées. Donc, c'est une chose. Mais il n'est pas dit, de la façon qu'est formulé le projet de loi, que le Bureau de mise en marché ne pourrait pas, un jour, toucher la production acéricole. Donc, on demande également le respect des plans conjoints qui s'exercent sur terres publiques. Je ne sais pas si vous voyez la...

Mme Doyer: Oui.

M. Côté (Marc-André): ...si vous comprenez bien la nuance, là.

Mme Doyer: C'est une mesure de protection pour les gens qui ont investi en terres publiques en acériculture et qui pourraient éventuellement mettre des types de bois en vente. Est-ce que c'est ça, M. Lacasse?

Le Président (M. Pinard): M. Lacasse, un dernier 30 secondes.

M. Lacasse (Christian): Bien, en fait, la nuance, là... Puis tantôt je me... Marie me posait... Mme Bouillé posait la question, là, c'est... C'est que, dans le cas de l'acériculture, le produit visé, il est autant en terrains privés qu'en terres publiques. C'est pour ça qu'on met... ça, au début, je ne saisissais pas, là, on met «privées» et «publiques» pour tenir compte des deux types de plans conjoints. Dans le cas du bois, lui, il est uniquement... le produit visé est uniquement en terres...

Une voix: Privées.

M. Lacasse (Christian): ...privées, alors que l'acéricole, il est dans les deux. Mais ce qu'il faut être conscient, c'est que l'agence de vente contrôle entièrement les produits mis en marché. Toujours le même principe, ils contrôlent entièrement.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci infiniment, M. Lacasse, M. Côté. Merci d'être intervenus en commission.

Et je suspends donc quelques minutes pour permettre à Québec solidaire de bien vouloir s'approcher.

(Suspension de la séance à 11 h 18)

 

(Reprise à 11 h 20)

Le Président (M. Pinard): Alors, nous reprenons nos travaux et en recevant Québec solidaire. Alors, j'inviterais les porte-parole de Québec solidaire de bien vouloir s'identifier pour fins d'enregistrement.

Québec solidaire (QS)

Mme David (Françoise): Bonjour, M. le Président. Alors, je suis Françoise David, donc présidente et co-porte-parole de Québec solidaire, et je suis accompagnée de Benoît Michaud, qui est technicien forestier, directeur d'une entreprise-conseil en foresterie dans la région de Lanaudière et membre de la commission sur l'environnement de Québec solidaire. Alors, je pense que nous avons 15 minutes de présentation?

Le Président (M. Pinard): Oui, effectivement, et par la suite il y aura un échange de 45 minutes. Allez-y.

Mme David (Françoise): D'accord. Alors, allons-y, allons-y tout de suite, si vous le permettez.

Donc, je voudrais souligner que cette refonte du régime forestier était attendue avec impatience par la population et par Québec solidaire, et donc, le projet de loi n° 57, nous l'avons étudié avec attention et avec beaucoup d'intérêt, on doit le dire. Ce projet de loi là, il annonce de nobles intentions et, à notre avis, il amorce des pas dans la bonne direction. Maintenant, nous voulons quand même soulever ce qui nous apparaît être comme des lacunes du projet de loi et nous allons donc vous apporter des recommandations.

Un premier point que nous voudrions mentionner, c'est le fait que nous avons trouvé assez difficile, à l'instar de plusieurs mouvements sociaux, de devoir, en pleine période de vacances estivales, de devoir se pencher sur un projet de loi important et complexe, et nous suggérons que ce n'est probablement pas la meilleure période de l'année pour faire une consultation générale. Alors, peut-être qu'une prochaine fois on pourrait améliorer la chose.

Deuxièmement, nous voulons attirer l'attention de la commission sur la question des droits des peuples autochtones, qui est une question chère au coeur de Québec solidaire. Le projet de régime forestier qui est proposé maintient, à notre avis, les peuples autochtones dans un rapport de minorité à laquelle on confère un très vague pouvoir de consultation sur une base régionale. Cela nous apparaît inacceptable. Nous pensons que le nouveau mode de gestion des forêts doit inclure des relations avec les peuples autochtones sur la base d'une discussion de nation à nation, que ça doit donc, cette discussion, partir du gouvernement du Québec lui-même avant de s'en aller dans les régions. Et, au-delà de cette question de principe, on pense que les droits des premières nations sont plus précisément bafoués dans l'article 71.8° qui porte sur les permis d'intervention. L'obligation de détenir un permis va jusqu'à s'appliquer aux «activités réalisées par des autochtones à des fins domestiques, rituelles ou sociales, sauf dans les cas déterminés par règlement du ministre». Et l'on considère, nous, compte tenu de l'importance de la forêt dans le mode de vie des autochtones, que cet article 71 devrait être modifié pour qu'en soit retiré l'alinéa 8.

Alors, vous avez donc deux recommandations de Québec solidaire: que le gouvernement du Québec conserve et assume sa responsabilité de consulter et de négocier avec les premières nations sur la base de leurs revendications territoriales et qu'une entente claire de nation à nation soit la base préalable à toute forme de consultation à tenir dans chaque région; et la deuxième recommandation: retirer l'alinéa 8 de l'article 71 afin de reconnaître les droits autochtones à l'utilisation de la forêt en conformité avec leur mode de vie et leur culture.

Le deuxième point important que nous voulons apporter, c'est toute la question d'un régime forestier qui doit être fondé sur un aménagement écosystémique. Bien sûr, on en parle, on en parle à l'article 1 en disant que le régime forestier doit viser à «favoriser une approche écosystémique ainsi qu'une gestion intégrée». Le problème, c'est que c'est le seul endroit où l'on en parle, et on ne définit pas ce qu'on entend par «aménagement écosystémique». Nous proposons, nous, une définition qui vient de Sylvie Gauthier, Marie-Andrée Vaillancourt et Alain Leduc, c'est une «approche d'aménagement qui vise à maintenir des écosystèmes sains et résilients en misant sur une diminution des écarts entre les paysages naturels et ceux qui sont aménagés, afin d'assurer à long terme le maintien des multiples fonctions de l'écosystème et, par conséquent, de conserver les bénéfices sociaux et économiques que l'on en retire». Il nous semble que l'ensemble du projet de loi doit être uniformisé, et l'on doit éviter des expressions vagues comme «aménagement durable des forêts». On doit constamment les remplacer par «l'aménagement écosystémique».

Ça nous semble important non seulement pour des raisons écologiques, mais aussi pour des raisons économiques. C'est un choix rationnel sur le plan économique. On n'est pas du tout convaincus que, tel qu'il est formulé, le projet de loi est compatible avec la norme de certification FSC, et pourtant c'est la norme qui a de plus en plus d'avenir et à laquelle la foresterie québécoise va devoir souscrire si elle veut demeurer compétitive sur les marchés québécois et mondiaux.

Alors, notre recommandation 3 est la suivante: que l'article 1.1° soit modifié afin de se lire comme suit: «assurer la pérennité du patrimoine forestier et à assurer un aménagement écosystémique des forêts», et que l'expression «aménagement durable» soit remplacée par «aménagement écosystémique» dans l'ensemble du projet de loi; et préciser, à l'article 43, que les normes d'aménagement forestier édictées par le gouvernement s'inscrivent dans un aménagement écosystémique.

En quatrième lieu, la question de l'intensification de la sylviculture. On doit dire que c'est un point qui nous inquiète passablement, pour trois raisons: l'absence de définition précise nous porte à croire que toutes les solutions sont actuellement envisagées pour augmenter les rendements des zones d'intensification de la sylviculture; deuxièmement, le territoire qui serait soumis à ce zonage, dans le livre vert, est assez immense; et, troisièmement, les territoires à fort potentiel ligneux sont souvent ceux qui s'avèrent les plus intéressants en termes de biodiversité, ce qui entre en confrontation avec l'objectif de conservation et la désignation de nouvelles aires protégées.

Alors, pour l'instant et dans la mesure où le concept n'est pas davantage précisé et vise des territoires aussi massifs que ce que laisse entendre le livre vert, nous recommandons que le projet de création de zones d'intensification de la sylviculture soit abandonné et qu'en ce sens les articles 17 à 19 du projet de loi n° 57 soient retirés. On ajoute, en recommandation 6, que, pour fins de débat et de transparence, la ministre précise les pratiques d'aménagement envisagées ainsi que l'ampleur du territoire envisagé pour l'intensification de la sylviculture. Ça revient en fait à dire: On demande un moratoire sur cette question-là tant qu'on n'aura pas de vraies réponses à nos questions.

Stratégie de conservation et de protection de la biodiversité. Évidemment, on adhère à l'objectif d'augmenter les aires protégées à une superficie représentant 12 % du territoire québécois. Maintenant, on croit, à l'instar du rapport Coulombe, que les superficies à protéger doivent être représentatives de l'ensemble des forêts du Québec, être réparties dans l'ensemble du territoire et pas seulement au nord de la forêt boréale. On est très inquiets aussi de ce qui va arriver aux forêts intactes et on propose qu'elles soient généralement protégées avant toute adoption d'un zonage fonctionnel.

On a aussi plusieurs questions: Quelles sont les intentions de la ministre en ce qui concerne le territoire forestier considéré comme intact? Pourquoi le projet de loi ne fait-il aucune mention de la limite nordique, contrairement à l'actuelle Loi sur les forêts? L'article 33 du projet de loi soulève des interrogations sur les aires protégées, puisqu'il permet à la ministre d'autoriser des activités d'aménagement forestier sur le territoire des refuges biologiques. De quel type d'interventions s'agit-il?

Alors, on a des recommandations. D'abord, que l'article 1 du projet de loi comporte un alinéa qui précise dans son objet que la Loi sur l'occupation du territoire forestier vise à assurer le développement du réseau d'aires protégées, que ça fasse partie intégrante du projet de loi. Recommandation 8, que le projet de loi n° 57 réintroduise le concept de limite nordique afin de protéger les territoires forestiers de la forêt boréale à des fins de conservation et de protection de la biodiversité.

Démocratisation de la gestion et de l'aménagement de la forêt. En fait, on est heureux et on salue l'objectif général de démocratisation de la gestion des forêts. Il faut absolument rapprocher les décisions des populations locales et voir à ce que les divers usagers de la forêt puissent effectuer des choix dans un contexte démocratique qui favorise la plus grande participation du public et des groupes intéressés au sein de la société civile. Évidement, on pense quand même que les grandes orientations au niveau du régime forestier doivent être décidées au niveau national.

On pense qu'il y a des lacunes, cependant, dans cet objectif tout à fait louable. Beaucoup de pouvoirs aux conseils régionaux des élus. On aimerait que, dans une nouvelle version du projet de loi, on assure la participation de d'autres groupes, groupes écologistes, comités de citoyennes et de citoyens, associations récréotouristiques, agriculteurs, gestionnaires de pourvoiries, syndicats des travailleurs forestiers. C'est un ensemble de groupes qui doit décider de l'avenir de la forêt en région. On se pose des questions sur les ressources humaines et financières dont vont bénéficier les conseils régionaux des élus, les commissions régionales et les tables locales.

n (11 h 30) n

Dans les processus d'élaboration des plans, on prévoit des consultations sur invitation. On aimerait que ce processus soit davantage ouvert. Vous allez donc retrouver trois recommandations qui vont dans le même sens. On propose aussi un virage vers une industrie forestière de transformation à taille humaine. On pense que le Québec doit absolument aller vers la deuxième et troisième transformation en région. L'abolition des CAAF est un pas dans la bonne direction, mais on s'inquiète un peu de la création du marché des bois. Non pas qu'on est en désaccord sur le fond, mais on voudrait s'assurer que, par exemple, des coopératives forestières ou des petites usines, des PME en région puissent avoir réellement accès à ce nouveau marché des bois. Et donc on suggère qu'une partie des volumes soit réservée à ce type d'entreprise pour... sous la forme d'option, là, de premier preneur. Alors, la recommandation, c'est que le projet de loi n° 57 aménage des mécanismes qui garantissent un approvisionnement de type «premiers preneurs» pour des modèles alternatifs de transformation.

En conclusion, il est évident qu'on est dans un contexte extrêmement difficile pour l'industrie forestière, et particulièrement pour les travailleuses et les travailleurs qui y sont encore présents, qui veulent préserver des emplois, et pour tous ceux et celles évidemment qui ont aussi perdu leur emploi. Il faut donc revoir en profondeur le régime forestier. Il ne faut pas sacrifier une vision à long terme pour des illusions à court terme. En clair, le secteur forestier doit être soutenu, il en va de l'avenir de plusieurs régions du Québec, mais il doit l'être sous de nouvelles conditions et avec une nouvelle vision de la forêt.

Autrement dit et en résumé, le projet de loi n° 57, à notre avis, doit être imprégné de l'idée qu'il nous faut une vision à long terme pour la forêt, non seulement résoudre les problèmes posés par la crise actuelle, mais éviter de futures crises et avoir évidemment une gestion écosystémique de la forêt pour les générations futures. Merci.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, madame. Nous allons immédiatement débuter le premier bloc du côté ministériel. Mme la ministre.

Mme Normandeau: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. Merci beaucoup d'être là.

Écoutez, je me permettrais une première question: Est-ce que vous trouvez que le projet de loi n° 57 est un bon point de départ? Vous avez formulé plusieurs critiques, que j'aurai l'occasion évidemment de nuancer au cours des prochaines minutes, mais, si j'avais à vous poser une question d'ordre plus général, est-ce que vous considérez que le projet de loi n° 57, qui vise à modifier en profondeur le régime forestier, est un bon point de départ?

Mme David (Françoise): Je pense que d'entrée de jeu c'est ce que j'ai dit. Donc, la réponse, c'est oui.

Mme Normandeau: D'accord. L'autre chose, page 9 de votre mémoire, vous formulez une critique assez sévère à l'endroit de la composition des CRE et des commissions régionales. Vous dites: «Les conseils régionaux des élus ? en fait, c'est les conférences régionales des élus ? se voient conférer un très grand pouvoir dans le processus d'élaboration de la planification forestière. Il est de notoriété publique que la participation aux élections municipales est très problématique et que la vitalité démocratique s'exprime beaucoup à travers la mobilisation citoyenne dans tout un ensemble d'associations et de groupes.» Et d'ajouter: «Le pouvoir donné aux [CRE] et aux acteurs économiques traditionnels est clairement démesuré.»

Là, M. le Président, j'avoue, là, que je tombe en bas de ma chaise! J'ai été de... celle qui a contribué concrètement, avec la loi n° 34 en 2003, à modifier la gouvernance... a contribué à modifier en profondeur la gouvernance régionale en associant plus... plus étroitement, pardon, les élus municipaux au sein des instances régionales que sont les CRE, sur la base d'un principe qui est sacré dans notre démocratie, celui de l'imputabilité. On y a associé... Bien sûr, on a pris soin d'y associer des acteurs de la société civile.

M. le Président, les élus municipaux sont élus démocratiquement par leurs citoyens, ont des comptes à rendre à leurs citoyens, et là, je pense que c'est une règle, à mon sens, qui est extraordinaire pour la démocratie dans laquelle on vit. Et les commissions régionales qui ont été mises sur pied par la suite, accompagnées en ce sens par les CRE, sont formées d'acteurs de la société civile de tous les secteurs d'activité. Il y a des commissions régionales qui ont choisi de faire appel à des gens qui ne sont pas associés de près au secteur forestier pour justement assurer une certaine indépendance dans les décisions qui sont prises.

Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus parce que sincèrement c'est une affirmation qui envoie un très mauvais message à l'engagement que déploient tous ces hommes et ces femmes à chaque jour, à chaque semaine, dans leur milieu. Et je peux vous assurer, M. le Président, que ces gens-là travaillent fort, on en est tous témoins comme députés, au sein des commissions régionales, au sein des conférences régionales des élus. Alors, sincèrement, je trouve que c'est un... j'estime, moi-même, que votre affirmation est démesurée par rapport aux attentes qu'on formule à leur endroit, à toutes les responsabilités qu'ils ont eues dans leur cour depuis 2003. On parle beaucoup de, justement, décentralisation, de la... l'importance de la prise de décision dans les milieux, de la responsabilisation des élus, de leur capacité à assumer des nouvelles responsabilités. Et là-dessus je suis très surprise de vous entendre porter un jugement comme celui-là, qui est, à mon sens, un jugement très sévère.

Le Président (M. Pinard): Mme David.

Mme David (Françoise): Oui. Toute chose est relative. Il faut regarder le paragraphe au complet. Mais je peux comprendre votre questionnement, alors je vais être extrêmement claire. Les élus municipaux jouent et doivent continuer à jouer un rôle important au Québec, à toutes sortes d'égards. On va vivre d'ailleurs bientôt des élections municipales. J'habite une ville où elles suscitent des passions ces temps-ci, et c'est extrêmement sain pour la démocratie.

Je vous rappelle cependant qu'il y a énormément de municipalités, au Québec, où en fait il y a peu d'exercices d'élection municipale, il y a beaucoup d'élus municipaux qui sont aussi élus par acclamation. Cela dit, ça n'enlève absolument rien à leur légitimité, parce qu'après tout, si personne ne s'est présenté contre les gens qui étaient en place, c'est peut-être parce qu'ils sont contents du travail qui est fait. Mais c'est quand même, malheureusement, un phénomène qui existe. Je n'en veux pas aux élus municipaux quand je dis ça. Je pense qu'au contraire, comme population, on doit se poser des questions, comme citoyens, on doit encourager nos concitoyens à se présenter aux élections municipales et à participer aux élections municipales, ce qui est aussi, vous en conviendrez, un problème ces temps-ci.

Donc, notre critique ne s'adresse pas aux élus municipaux, ce n'est... on n'est pas critiques face aux élus municipaux. On essaie simplement de dire que, dans les institutions, si vous voulez, là, prévues par le projet de loi, on souhaite que la société civile ait une plus grande place et on souhaite nommément qu'un certain nombre d'associations comme celles dont on parle, en plus des producteurs économiques, bien entendu, qui sont déjà prévus comme devant être autour de la table, et c'est tout à fait normal... Mais on souhaite que d'autres groupes soient clairement inclus dans les processus de décision parce qu'ils ont des choses à dire sur la forêt.

Si on parle d'aménagement écosystémique, bien sûr, on parle de coupe de bois, on parle de transformation du bois, mais on parle aussi de toutes sortes d'autres activités reliées à la forêt, et donc notre point de vue, c'est que, dans une vision à long terme de la forêt, l'ensemble des groupes de la société civile intéressés par la question, dans une municipalité, dans une MRC, dans une région, doivent pouvoir participer.

Alors, notre point de vue... je comprends qu'exprimé comme ça il y a peut-être une maladresse, et j'en conviens, mais notre point de vue, c'est de simplement dire non pas que les élus municipaux n'ont pas leur place, mais qu'on souhaite que d'autres acteurs en aient davantage.

Mme Normandeau: Parce que c'est un des fondements des modifications qu'on propose, en fait. La petite révolution à laquelle on s'emploie avec un régime modifié comme celui qu'on propose va faire en sorte que, dans la planification, dans la gestion des territoires forestiers, les régions et la population vont être davantage impliquées. D'ailleurs, l'article 57... on dit que les commissions régionales rendent accessibles au public, pour information et commentaire, les plans tactiques et opérationnels. Là, on est vraiment... Écoutez, là, on ne peut pas avoir plus démocratique que ça, sincèrement, comme exercice, je tenais quand même à vous l'indiquer.

Vous... En fait, il y a plusieurs recommandations dans votre mémoire. On sent que vous avez, bien sûr, regardé le projet de loi avec grande attention. Vous insistez beaucoup sur la dimension liée aux relations avec les premières nations. Vous avez raison de le faire parce que c'est un grand défi auquel notre société est interpellée. Peut-être, pour la bonne gouverne de tous les collègues... Actuellement, il y a une dizaine de communautés, en fait, incluant les nations crie, algonquine, micmaque, innue, attikamek, qui ont accès à de la matière première, soit via des contrats d'aménagement et d'approvisionnement forestier ou encore à travers les contrats d'aménagement forestier. Et, c'est important de le dire, on soutient une dizaine de communautés, presque à la hauteur de 3 millions de dollars, pour les accompagner justement dans les exigences entourant les obligations qu'elles ont, autant par rapport à... aux CAAF, deux a, ou aux CAF, un a. C'est important de le souligner, parce qu'il faut éviter de donner l'impression que les... nos premières nations n'ont pas accès du tout aux territoires forestiers.

Également, M. le Président, c'est important de le souligner, vous dites également que... vous prétendez qu'il y a un vague pouvoir de consultation qui existe sur une base régionale, dans votre mémoire. Alors, peut-être vous indiquer que le projet de loi oblige à plusieurs consultations distinctes, entre autres avec les communautés autochtones, par le gouvernement, entre autres pour les zones de sylviculture intensive, à l'article 19.

Pour ce qui est de la notion de limite nordique, à l'article 14... Parce que dans le fond vous souhaitez que carrément... Parce que vous semblez prétendre qu'il n'y a pas de référence à la limite nordique. Peut-être, à la limite... à l'article 14, section I, Unités d'aménagement... On dit que «le ministre délimite, dans les forêts du domaine de l'État situées au sud de la limite territoriale qu'il détermine, des territoires forestiers en unités d'aménagement». Donc, il y a une référence au concept de limite nordique, et ça, je tiens à vous le souligner.

n(11 h 40)n

Une voix: ...

Mme Normandeau: Ah, j'ai déjà terminé, M. le Président? Bien, peut-être une question que je vous laisse en plan, puis vous pourriez peut-être nous répondre au prochain bloc.

Le Président (M. Pinard): Bien oui, lors du deuxième bloc.

Mme Normandeau: Oui. Recommandation 12, vous proposez des modèles alternatifs de transformation. Alors, vous faites référence à un amendement qui pourrait être apporté à l'article 57. Ça, ça nous... moi, ça m'intéresse personnellement. Qu'est-ce que vous entendez... pour le fait qu'on garantisse «un approvisionnement de type "premiers preneurs" pour des modèles alternatifs de transformation». On parle... on introduit le concept de forêt de proximité? Est-ce que c'est ce à quoi vous référez ou à d'autres modes de tenure?

Le Président (M. Pinard): Alors, la réponse au prochain bloc, d'accord? Vous conservez votre droit de répondre, mais lors... lorsque le gouvernement va revenir à son droit de parole, d'accord?

Je passe immédiatement à un temps de parole de 10 minutes à l'opposition officielle et je débute avec le député de Roberval et critique officiel.

M. Trottier: Oui. Merci, M. le Président. Je dois dire tout d'abord que je suis bien d'accord avec vous qu'on ne devrait pas faire de consultation durant l'été. Je pense que, quand on veut faire en sorte qu'on... on incite les gens à participer puis qu'on se dit démocratique, je pense qu'il devrait y avoir une loi qui interdit les consultations entre le 24 juin puis le 1er septembre. Je pense qu'il faut se donner des conditions qui vont faire que ça va aller dans le sens de la participation. J'ai beaucoup de questions d'éclaircissement. Entre autres, vous dites, là, qu'il y a... vous dites qu'il y a une absence de vision à long terme des forêts du Québec. Est-ce que vous pourriez nous en dire davantage? Comment vous voyez ça? Pourquoi vous dites qu'il y a une absence de vision à long terme des forêts du Québec?

Le Président (M. Pinard): Mme David.

Mme David (Françoise): Oui. Bien, c'est que le projet de loi parle d'un aménagement écosystémique, à l'article 1, disant qu'on veut le favoriser. On n'y revient pas de tout le reste du projet de loi. Et c'est dans ce sens-la qu'on se dit: Il nous semble, nous, que l'aménagement écosystémique, ça devrait être affirmé dès l'article 1. Il devrait être défini et il devrait inspirer tout le projet de loi. Cela dit, ça ne veut pas dire ? et j'ai bien, je pense, clarifié tout à l'heure avec la ministre ? que ce projet de loi là, là, ne constitue pas un bon point de départ. Oui, il y a un bon point de départ, mais on pourrait être plus précis, pensons-nous, sur ce qu'on entend par «aménagement écosystémique», qui est, selon nous, la vision qu'on doit avoir à long terme de la forêt.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Trottier: Vous êtes parmi les nombreux groupes justement qui veulent qu'on éclaircisse cette notion-là, qui n'a pas été assez... suffisamment claire. Bon, j'ai l'impression qu'il y a eu... on a peut-être été rapidement dans la conception du projet de loi, pour toutes sortes de considérations, mais je pense que l'éclaircissement va permettre justement à l'ensemble des gens de pouvoir se faire une meilleure idée de ce que c'est, justement. Parce que l'affirmer, c'est bien, affirmer qu'on va faire de la gestion écosystémique, mais la décrire et mettre des modalités qui vont avec, c'est encore mieux.

Vous mentionnez également, aussi, que... qu'il y a des problèmes au niveau des premières nations. Bon, c'est sûr que ça ne semble pas la première préoccupation du gouvernement, là, présentement. On va en avoir, des groupes autochtones, cet après-midi, puis, même, il y en a qui sont déjà venus nous dire que dans le fond ils se sentaient un peu laissés pour compte. Je pense qu'il y a un problème à ce niveau-là.

Sur la question de l'intensification de la sylviculture, bon, vous êtes assez sévères par rapport à ça. Bon, là, peut-être que c'est ma vision un peu de région qui... Parce qu'en région il y a beaucoup de gens qui sont d'accord avec ça, pour plusieurs raisons. D'abord, parce qu'il y a des gens qui voudraient travailler à proximité de chez eux. Il y a aussi beaucoup de terres en friche qui sont... qui sont... qui devraient être remises en production. Je comprends qu'il ne faut pas faire n'importe quoi, là, n'importe comment, puis ça, je pense que vous avez raison de poser des questions.

Mais il y a plusieurs groupes qui nous ont proposé, entre autres, des balises, on pourrait dire, à l'effet, entre autres, qu'on...qu'on reboise avec des essences indigènes qui... dans le fond, c'étaient les essences qu'il y avait là. Bon. Également, aussi, l'Ordre des ingénieurs nous disait: Au lieu de parler de zones de sylviculture, on devrait parler de sites de sylviculture intensive. À ce moment-là, c'est des plus petits espaces. Bon, les gens de... des pourvoiries sont venus nous dire que dans certains cas ça pourrait aider, si c'était bien fait.

Est-ce que je comprends que vous êtes opposés de manière systématique à l'intensification de la sylviculture ou que c'est... dans le fond, c'est davantage le fait des imprécisions qui vous inquiète? Est-ce que vous êtes ouverte, finalement, à une forme d'intensification ou si vous dites: Non, nous autres, on ne veut pas toucher à ça?

Le Président (M. Pinard): Mme David.

Mme David (Françoise): Alors, la réponse à votre question, c'est: Oui, il y a de l'ouverture de la part de Québec solidaire à l'intensification de la sylviculture, mais pas dans l'imprécision actuelle qui nous est amenée par le projet de loi. On n'est pas allés, nous, jusqu'à proposer des balises. Tant mieux... et c'est une bonne chose que certains organismes le fassent. Je pense qu'effectivement ça devrait supposer un débat public autour de ça. On s'inquiète aussi de l'ampleur du territoire qui pourrait y être consacré. Donc, en fait, ce qu'on dit, c'est qu'en l'absence de réponses à ces questions-là on pense qu'il vaut mieux s'abstenir pour l'instant, mais ça ne veut pas dire qu'on est contre, en soi. C'est simplement qu'on mette les choses claires et que cette sylviculture se fasse aussi suivant les principes de l'aménagement écosystémique.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Vous dites, Mme David, qu'il faudrait que les forêts intactes actuelles soient protégées avant toute adoption d'un zonage fonctionnel. Est-ce que je dois comprendre qu'il faudrait protéger toutes les forêts intactes ou une partie des forêts intactes?

Le Président (M. Pinard): M. Michaud.

M. Michaud (Benoît): Oui. En fait, pour atteindre l'objectif souhaité, là, de 12 % d'aires protégées au Québec, il est préférable de d'abord s'assurer qu'on va atteindre ce niveau-là à l'intérieur de l'ensemble du territoire forestier et de bien mesurer, en tout cas, les différents types de forêts qui pourraient être protégées comme aires... à l'intérieur des aires protégées, et notamment les forêts intactes. Comme il en reste très peu au Québec et qu'elles sont toutes situées dans la partie nordique de la zone exploitable actuellement, on doit d'abord s'y attarder avant de prétendre dire: On va atteindre un 12 % au-delà de nos territoires ou seulement dans la forêt boréale. Alors, c'est à titre de prudence qu'on dit: Avant de prétendre faire de l'aménagement intensif, pour lequel on n'a pas une bonne définition jusqu'à maintenant, ou de l'aménagement écosystémique à l'intérieur des forêts intactes, on doit d'abord protéger une bonne partie de celles-là.

On sait par contre très bien que, dans bien des régions du Québec où elles sont concentrées, ce sont aussi de vieilles forêts, pour ainsi dire, et on compte souvent, dans notre sylviculture au Québec, récolter des forêts anciennes, des forêts vieilles, avant de prétendre seulement récolter les jeunes. On en est... on ne s'inscrit pas en faux contre ça, là, c'est simplement qu'il faut s'assurer, autant pour nos communautés rurales qui ont besoin de ces approvisionnements-là pour poursuivre leurs activités forestières... autant on a besoin de maintenir des écosystèmes fragiles, notamment les forêts intactes. Donc, ce n'est pas intégralement de toutes nécessairement les protéger, mais s'assurer d'abord qu'elles soient protégées dans un nombre suffisant.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Vous dites qu'il faut réintroduire le concept de la limite nordique. Est-ce que vous proposez de reconduire le concept actuel ou le concept futur? Parce qu'il y a des débats présentement, là, qui sont là-dessus, il y a des chercheurs, là, qui sont là-dessus.

M. Michaud (Benoît): Bien, en fait, c'est...

Le Président (M. Pinard): M. Michaud.

M. Michaud (Benoît): Merci. C'est justement par... peut-être par... simplement par prudence ou inquiétude, là, qu'on dit: Il faut la réintroduire dans le projet de loi de façon claire. Et, si effectivement il y a des études qui se portent... justement soit pour la repousser ou retrancher certains espaces, il sera important de mesurer l'impact que ça pourrait avoir notamment sur les zones plus fragiles de la forêt boréale. Ce que je comprends, quand on lit un peu la définition de la limite nordique, c'est en fin de compte, en mots clairs, ce qui est exploitable, rentable, assimilable par l'ensemble de la population en termes d'exploitation humaine. Si on pense repousser ça de façon plus nordique, ça nous inquiète beaucoup parce que c'est encore plus fragile. Et, si c'est de regarder justement la possibilité de diminuer à certains niveaux cette limite exploitable là pour toutes sortes de considérations, on est très ouverts à le regarder, mais il faut véritablement le préciser.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Trottier: O.K. Vous dites qu'il faut rapprocher les décisions des populations locales. Je pense que ça peut être intéressant. Mais en même temps vous avez beaucoup de craintes, là, bon. Là, vous dites: C'est un peu comme si c'était, je dirais... vous avez l'article qui est court un peu, là. Comment... comment vous allez allier cette... cette contradiction de... de dire qu'il faut rapprocher les décisions des populations locales puis en même temps, en même temps, de dire: Bien, pas trop vite, là, les élus, on a des problèmes... bon, il y a un problème de démocratisation. Comment vous joignez l'utile à l'agréable, dans tout ça?

n(11 h 50)n

Le Président (M. Pinard): Alors, Mme David ou M. Michaud. Mme David?

Mme David (Françoise): Oui. Soyons très clairs, là. Je vais le répéter. Premièrement, c'est évident qu'il faut une stratégie nationale de ce qu'on appelle l'occupation du territoire forestier. Ça, je pense que tout le monde va en convenir. Il faut quand même qu'il y ait une sorte de consensus dans la société québécoise, là, et chez ses élus, bon, pour se dire: Vers quoi allons-nous, là, dans une vision écosystémique de la forêt? Bon.

Une fois ça dit, maintenant, pour nous, c'est extrêmement important qu'un bon nombre de décisions... ? et là-dessus le projet de loi est fort intéressant ? donc que les décisions soient prises en région, soient prises le plus près possible des gens. Ce que nous proposons, tout simplement, c'est de nous assurer qu'en plus des élus il y aura, à côté d'eux, à côté d'elles, des organismes, des personnes représentant des organismes de la société civile qui occupent divers sièges, qui ont différents points de vue. Le producteur de bois puis le groupe écologiste, il arrive qu'ils ne soient pas d'accord et il peut arriver aussi qu'ils soient d'accord. Et on trouve justement qu'il y aurait là une dynamique intéressante à encourager, plus près des gens, pour que, dans une municipalité, dans une région, ce soit finalement toute la population, là, qui dise oui à tel ou tel plan d'aménagement forestier.

Donc, loin de nous l'idée d'enlever du pouvoir aux gens de la base, c'est bien tout le contraire. Et loin de nous l'idée d'en exclure et les élus et les producteurs de bois, là, les gens qui sont dans l'économie du bois, là, soyons clairs.

Le Président (M. Pinard): Merci. Merci. Nous allons passer du côté ministériel, maintenant, pour un huit minutes. Alors, M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, M. le Président. La première question, c'est... je voudrais revenir sur la question de Mme la ministre, là, votre recommandation 12, qui était celle, là, «que le projet de loi n° 57 aménage des mécanismes qui garantissent un approvisionnement de type "premiers preneurs" pour des modèles alternatifs de transformation». C'est qu'elle vous avait posé la question à savoir quelle était votre vision ou vos suggestions à cet égard-là.

M. Michaud (Benoît): En fait, la notion de premiers preneurs, c'est simplement...

Le Président (M. Pinard): M. Michaud.

M. Michaud (Benoît): ... ? oui, merci ? de premiers preneurs, c'est simplement de permettre à ce que... si on veut dynamiser nos régions, on veut redonner une certaine fierté à notre territoire forestier par les gens qui l'habitent et qui veulent justement avoir plus de prise, plus de pouvoir en région, autant au niveau de la transformation que tout ce que la forêt peut permettre aux communautés rurales, il faut qu'elles aient un privilège dans les régions, et de... pour ça, le principe de premiers preneurs sur des projets innovateurs, qui peuvent parfois apparaître difficiles à accepter dans un contexte économique où c'est très, très attirant pour des étrangers, par exemple, de pouvoir dire: Bien, regarde, c'est le premier... c'est la grande entreprise étrangère qui pourrait arriver ou c'est une entreprise déjà bien en place. On n'est pas contre ça, mais il faut quand même encourager ces coopératives forestières là, ou toute l'innovation ou le génie québécois qui pourraient survenir justement en moment de crise.

On s'inquiète surtout sur le fait que, si elles n'ont pas cette garantie-là d'être appuyées de façon très, très, très claire par un projet de loi comme ça, pour l'innovation dans nos régions... qu'on craint que ça pourrait simplement glisser, simplement pour répondre à des impératifs économiques, à des entreprises extérieures, étrangères qui, comme on le sait, souvent vont avoir plus ou moins de sympathie pour les communautés locales.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député.

M. Bernard: Oui. Merci. Si je peux vous rassurer là-dessus, quand... les conférences régionales des élus, l'UMQ et la FQM nous ont soulevé, entre autres, cette problématique-là en fonction du Bureau de mise en marché pour s'assurer qu'effectivement la... favoriser la deuxième, troisième transformation. Mais, si je vous écoute, indirectement, c'est de s'assurer peut-être, quand il y a des projets novateurs, qu'eux, ils aient une possibilité d'avoir accès à des petits volumes de bois pour développer des techniques et autres, etc. C'est surtout dans... que ça semble être un peu flou dans la... dans le régime actuel.

M. Michaud (Benoît): Dans le fond, c'est d'associer finalement...

Le Président (M. Pinard): M. Michaud.

M. Michaud (Benoît): Pardon. Merci.

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi, mais c'est pour les fins d'enregistrement. M. Michaud.

M. Michaud (Benoît): Je vous suis très bien. J'apprends avec vous. Merci. Donc, c'est effectivement pour soutenir ces innovations-là. Alors là, on sort peut-être du cadre lui-même du projet de loi, mais c'est pour s'assurer que, sur le plan économique ou du développement économique régional, si on veut que les gens perçoivent qu'il y a véritablement une écoute, non seulement pour relocaliser des travailleurs ou les former dans un autre domaine, il faut aussi soutenir... que l'économie forestière au sens large soit soutenue dans les communautés pour des petits projets autonomes, différents de ce qu'une grande entreprise externe pourrait arriver à proposer.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Oui. Merci. Juste revenir... page 11, quand vous parlez du programme Renfort. C'est un commentaire. Effectivement, le programme Renfort a été mis en place pour les entreprises actuellement qui sont existantes et en difficulté. Les projets de démarrage, ce sont d'autres mécanismes qui sont là, par Investissement Québec, et autres. Et d'ailleurs j'ai des projets de relance actuellement, et ce n'est pas le programme Renfort, c'est... ce sont d'autres programmes du ministère. Donc, c'était vraiment ça, la volonté du gouvernement quand Renfort a été mis en place, O.K.?

Un volet important que je reviens... on va... les... les premières nations. Quand on regarde la volonté du gouvernement par rapport à qu'est-ce que vous avez exprimé, jamais le gouvernement n'a transféré les négociations de nation à nation aux conférences régionales des élus. Ces négociations-là demeurent l'apanage du premier ministre puis du ministre des Affaires autochtones. Toutefois, qu'est-ce que le projet de loi dit, on parle des communautés autochtones, et les communautés, eux, sur le territoire, c'est eux qui sont en relation avec les municipalités et les conférences régionales des élus. C'est un autre niveau plus bas.

Pour vous donner un exemple, il y a neuf nations cries sur le territoire de la Baie-James, puis il y a neuf nations algonquines. Et actuellement beaucoup de mesures sont faites en place, des mesures d'harmonisation et autres, peu importe l'entente nation-nation qu'il faut vraiment continuer à travailler, mais, opérationnellement, sur le terrain, les relations avec les communautés qui sont là, il y a des mécanismes différents. Et, à la page 20 du document explicatif, c'est vraiment cette notion-là que le gouvernement veut s'assurer au niveau de la représentation des autochtones.

Moi, je le vis, j'ai quatre communautés autochtones au Témiscamingue, dans le comté, et tous les enjeux sont vraiment les relations entre la conférence régionale des élus et les peuples autochtones pour pouvoir travailler sur différentes tables. Et c'est ça que le projet de loi, entre autres, voulait favoriser. Et ce n'est absolument pas une abdication du... et la nécessité de négociation de nation à nation.

Le Président (M. Pinard): Mme David, une réplique?

Mme David (Françoise): Bien, comme la question nous avait été aussi posée tout à l'heure... Et, si je comprends les nouvelles règles, ce serait le moment d'y répondre, je pense. Donc, sur cette question des peuples autochtones, évidemment on a remarqué que non seulement dans le projet de loi, mais aussi dans le guide, on parle abondamment de cette consultation régionale, et le mot «autochtone» revient quand même assez régulièrement. Puis, comme ça n'a pas toujours été le cas dans tous les projets de loi présentés au Québec, il y a quand même, là-dessus aussi, une avancée qui est intéressante. Alors ça, on ne le niera certainement pas.

Mais on voulait, et je pense que ça continue d'être important, attirer votre attention sur le fait qu'on ne peut absolument pas se contenter, entre guillemets, ou être très heureux de se dire: Bon, bien, dans nos régions, on va travailler ensemble dans les commissions régionales, sur des tables, etc. Oui, ça peut se faire et ça se fait déjà, il n'y a aucun problème, mais on attire votre attention sur le fait qu'il faut absolument, au préalable et dès maintenant, il faut intensifier les négociations avec les premières nations, de la part du gouvernement du Québec, dans un rapport de nation à nation, sur toute la notion de l'occupation du territoire. Et j'ai le sentiment que c'est ce que les premières nations disent aussi. Et, à Québec solidaire, depuis déjà un bon bout de temps, c'est la position que nous avons. Donc, c'est là-dessus qu'on a voulu attirer votre attention. Mais ce n'est pas pour nier évidemment le fait que les rapports... les bonnes discussions doivent se tenir aussi en région, bien sûr.

M. Bernard: Juste un commentaire...

Le Président (M. Pinard): Une dernière question ou un commentaire.

M. Bernard: On a eu... D'ailleurs, si on revient au plan Nord, il y a quand même des territoires conventionnés. Il y a eu une entente avec les Inuits pour le territoire... et par la suite il y a la «Paix des Braves». Ça a été plus facile d'avancer, puis les gens savent... avec différentes nations. Il y en a d'autres, les négociations sont plus laborieuses, pour différentes raisons, mais c'est la volonté du gouvernement. Puis je peux vous dire, moi, j'ai hâte, entre autres, que... avec les Algonquins, ça... les choses puissent être clarifiées. Mais il faut que les choses arrivent en temps et lieu et que les gens soient prêts. Mon collègue aurait une question, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Alors, 45 minutes, M. le député de Huntingdon...

Des voix: ...

M. Billette: ...je vais prendre mon temps. Non, petite question...

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi. 45 secondes, M. le...

n(12 heures)n

M. Billette: Merci beaucoup, M. le Président. Petite question très rapide. Vous nous donnez, en page 5, la définition de l'aménagement écosystémique, à ce moment-là. Je pense que c'est un nouveau concept que j'apprends à connaître aujourd'hui. Vous n'avez pas peur d'introduire des concepts nouveaux dans un projet de loi? Parce que, je vais dire, des nouveaux concepts évoluent de façon régulière, et, une loi, on l'applique. C'est sûr qu'elle peut être modifiée, mais pour des années à venir et des générations futures. Vous n'avez pas une crainte un petit peu d'un nouveau concept dans une loi, à ce moment-là, qui est définie ou peu connue jusqu'à ce moment ici, de l'intégrer dans une loi actuelle?

Le Président (M. Pinard): Très rapidement, Mme David.

Mme David (Françoise): Ah, ça va être ultrarapide. Écoutez, je pense que, quand un projet de loi prend la peine de parler, à l'article 1, de «favoriser une approche écosystémique», la moindre des choses, ce serait de définir de quoi on parle.

Le Président (M. Pinard): Merci. Alors, à ce stade-ci, je demanderais une autorisation parce que, dans l'ordre de la Chambre, il y avait suspension à midi. Alors, je demanderais l'autorisation pour continuer nos travaux, puisqu'il nous reste un bloc de 10 minutes avec l'opposition officielle. Est-ce que j'ai l'autorisation? Merci beaucoup. Alors, M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui, merci, M. le Président. Vous dites que le Québec est mûr pour un virage majeur dans le monde forestier. Bon. Vous dites qu'il faut axer sur la deuxième, troisième transformation. C'est un discours que tout le monde partage, en gros. Bon. Vous dites que les grandes usines, le gigantisme a contribué à la surexploitation des forêts. Je pense qu'il y a eu certaines démonstrations qui étaient... qui étaient importantes par rapport à ça. Mais en même temps il y a des gens qui sont venus nous voir, entre autres les gens de Boisaco, la semaine dernière, ils nous expliquaient que ce n'est pas facile, la deuxième, troisième transformation, qu'il y a beaucoup de gens qui se cassent les dents là-dedans. Est-ce que vous avez des solutions en dehors du fait, là, de peut-être d'avoir un mécanisme sur l'attribution du bois, est-ce que vous avez des solutions qui pourraient favoriser deuxième, troisième transformation?

Le Président (M. Pinard): M. Michaud.

M. Michaud (Benoît): Bien, un point qui est intéressant qui... on a, par exemple, je ne sais pas si c'est juste Boisaco, mais, à Grandes-Bergeronnes, par exemple, vous avez une entreprise, une coopérative forestière là-bas qui a intégré à la fois... et qui réussit très bien sur le plan financier, qui réussit très bien d'intégrer le travail de sylviculture, de récolte et la transformation des bois et la deuxième transformation. C'est quand même une entreprise, il faut le dire, dans le contexte économique où on vit, qui, malgré les difficultés, est quand même en meilleure position que certaines entreprises qui étaient simplement là pour, passez-moi l'expression, faire du deux-par-quatre puis partir avec les profits. Donc, là, on a ici un exemple probant de ce qu'on souhaiterait pour l'ensemble de nos régions, de prendre exemple sur des... sur ce genre de fonctionnement-là, l'expérience de ces gens-là peut certainement servir dans d'autres régions.

On parle, là aussi, du réseau des forêts modèles, là, qui, bon, qui est au niveau canadien puis qu'on a vécu aussi dans le Bas-Saint-Laurent, Mme Normandeau en connaît quelque chose certainement, qui est un peu en vase clos, qu'on cherche souvent à proposer pour transférer dans d'autres régions, qui permet à des communautés dans... sur la forêt publique et non seulement sur la forêt privée, on rejoint le concept de forêt de proximité, là, d'encourager les gens à stimuler leur propre économie locale à la fois avec des projets qui intègrent l'aménagement écosystémique, la récolte, le développement de produits et d'arriver à la deuxième, troisième transformation. C'est un ensemble de facteurs qui fait qu'on minimise finalement l'impact du transport des bois, on favorise une main-d'oeuvre puis un produit fini intégré. Ça, c'est à peu près, là, ce qu'on veut souligner.

Le Président (M. Pinard): Mme David...

Mme David (Françoise): J'ajouterais...

Le Président (M. Pinard): ...en complément de réponse?

Mme David (Françoise): Oui. J'ajouterais, très rapidement, que... on ne l'a pas indiqué dans notre mémoire, mais on en a lus plusieurs autres, mémoires, et on a trouvé qu'il y avait une idée très intéressante qui était celle d'utiliser plus largement que ce qu'on a peut-être fait dans les 30 dernières années le bois dans la construction, par exemple, d'édifices publics au Québec. C'est une idée qu'on trouve intéressante. Il y a donc là une sorte de marché local, si je peux m'exprimer ainsi, et l'exemple de la nouvelle salle de l'OSM est intéressant à ce niveau-là.

Le Président (M. Pinard): Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Merci, M. le Président. J'aurais deux questions. Une première qui touche à votre... ce que vous avez dit à la page 11, «pour une forêt qui profite aux Québécois et Québécoises», puis en même temps cette question-là touche à comment on va financer... dans le document de consultation, qui a été rendu public avant qu'on travaille ici, en consultation sur la loi n° 57, on parle de la constitution d'un fonds forestier. Alors, à un moment donné, il faut le faire, il faut le prendre en quelque part, l'argent. Et, dans le RESAM de septembre, on dit: «En cinq ans, le quart des usines du secteur primaire forestier a disparu.» Et vous connaissez comme moi le système de redevances. On voit qu'à un moment donné on est pénalisés quand on veut faire de l'aménagement forestier, on n'a plus les fonds nécessairement, là... les fonds nécessaires, c'est-à-dire, pour faire en sorte que nos sylviculteurs, nos aménagistes travaillent en forêt. Donc, quand vous dites, bon: «L'objectif de Québec solidaire n'est pas seulement de traverser la crise, mais surtout de voir à ce qu'elle ne se reproduise pas», on est dedans, on veut faire différemment, puis comment est-ce... Et là, vous tombez à bras raccourcis, dans le premier paragraphe, sur l'industrie, l'industrie qui, vous dites, «a été la seule bénéficiaire des largesses de l'État par des vastes subventions au reboisement, par les aides financières de toutes sortes, un régime fiscal avantageux, toutes ces mesures ont contribué à alimenter le cynisme de la population». Moi, j'ai tendance à essayer d'équilibrer mon jugement, ça dépend aussi, bien sûr... Et, la semaine passée, je ne me suis pas privée de dire qu'Abitibi... D'ailleurs, Mme la ministre, en 1982, Abitibi-Price était... à Price, dans ma circonscription, il y avait eu des pertes d'emploi de 210 personnes. Alors, vous voyez, on dirait que l'histoire, ça se refait. Où on va le prendre, l'argent pour faire mieux? Parce que vous... Puis en même temps vous êtes frileux sur l'aménagement intensif, tout ça. On a fait des belles choses au niveau du Québec en aménagement intensif, en sylviculture, il y a de l'innovation. Monsieur, qui est technicien, doit le savoir, M. Michaud est... Hein? Alors, moi, c'est ça: Où est-ce qu'on va prendre l'argent pour faire ça mieux, là, en termes d'aménagement? Première question.

Deuxième question, c'est par rapport à votre jugement sur les conférences d'élus. C'est sûr que nous, le Parti québécois, on avait mis en place des conférences régionales d'élus, on s'assurait qu'il y ait les représentants du milieu agricole, du milieu syndical, etc. Quand les libéraux ont pris le pouvoir, ils l'ont changé, mais nos pratiques de démocratisation sont quand même là. Moi, dans ma région du Bas-Saint-Laurent, il y a une table forêt, il y a une table sur le bioalimentaire agricole, il y a le conseil de la culture qui sont là, il y a le milieu de l'éducation puis, en parallèle de ça, il y a la commission des ressources naturelles...

Quatre minutes? Bon, j'arrête ici. Ça fait que je trouve votre jugement... c'est comme si vous ne connaissiez pas ce qu'on fait dans nos régions.

Le Président (M. Pinard): Mme David ou M. Beaulieu.

Une voix: ...

Mme Doyer: Il y a les CRE aussi, conférences de l'environnement, qui sont avec nous, Mme Balthazar.

Le Président (M. Pinard): M. Michaud.

M. Michaud (Benoît): Bon. Madame, je voudrais... justement peut-être pour finaliser la clarification de ma collègue Françoise sur la composition des conseils régionaux, ce n'est pas au niveau de la composition des conseils eux-mêmes et des commissions forestières qui vont se pencher sur les définitions des plans tactiques, etc., avec les tables GIR, et tout ça, qu'on voit très bien dans le projet de loi, c'est sur l'insistance qu'on demande à ce que ce soit précisé que les groupes non seulement traditionnels au niveau industriel, mais tout l'ensemble de la communauté soit participante, parce que c'est sur invitation. J'en fais moi-même partie, d'une commission forestière régionale, Mme Normandeau aussi, et nous sommes invités ? moi, je représente une association forestière ? au niveau de l'éducation forestière, mais c'est sur invitation. La reconnaissance des pairs, dans le secteur forestier, dans une région, vous le savez, ça dépend beaucoup aussi de toute l'initiative ou tout le bagage que les organismes peuvent avoir, mais c'est sur invitation. Si c'était précisé dans le projet de loi que, par exemple, les communautés autochtones doivent être représentées au sein de ces commissions forestières là, les groupes fauniques, et que ce soit précisé... Lesquelles de façon précise? Ce sera aux régions d'élire les personnes qui vont représenter ce secteur-là. Mais nulle part il n'y a la garantie qu'à part les élus il pourrait y avoir un groupuscule d'organismes qui va représenter les commissions forestières. C'est simplement sur cette forme-là qu'on insiste, on s'entend?

Mme Doyer: O.K., on se comprend, on se comprend, avec votre clarification. Sur le financement des fonds forestiers.

Le Président (M. Pinard): Mme David.

n(12 h 10)n

Mme David (Françoise): Oui, merci. Premièrement, on ne niera certainement pas qu'il y a une crise importante dans la forêt. On est tout à fait au courant, on a quand même des membres dans toutes les régions du Québec, et on sait fort bien la quantité de pertes d'emploi que le Québec a connues ces dernières années, et on sait quel drame ça représente pour les gens concernés puis pour leurs communautés aussi. Donc, on est très au courant de ça. Oui, on sait très bien que le Québec a connu toutes ces difficultés et les connaît encore d'ailleurs dans la vente de bois, là, sur les marchés internationaux. Donc, on est très conscients de la situation.

Ce qu'on essaie de dire, tout simplement, c'est qu'il faut bien sûr des méthodes, des moyens à court terme pour passer à travers cette crise, et ça, ça passe par une diversité de moyens. Par exemple, je suis certaine que les syndicats représentant les travailleurs de la forêt vont venir dire: Il faut les aider à se recycler, pour ceux pour qui c'est évident qu'ils ne pourront plus travailler là-dedans, il faut améliorer les retraites de ceux qui vont quitter. Bon, toutes ces choses-là ont déjà été dites. On a souvent dit aussi qu'on avait davantage besoin de l'aide fédérale, qui donne plus d'argent à l'industrie automobile qu'à la forêt québécoise. Alors, toutes ces choses-là ont déjà été dites, là, pour le court terme.

Ce qu'on essaie d'apporter, à Québec solidaire, c'est qu'au-delà de cette crise il faut penser plus loin, il faut aller à long terme, sinon ces crises-là vont se répéter. Il faut donc, pour des raisons à la fois écologiques et économiques, développer une nouvelle vision de la forêt, une forêt qui appartient au peuple québécois, qui est transformée le plus possible ici, développer les marchés locaux, bien sûr soutenir les régions dans tout cet effort-là.

Et où on va prendre l'argent? On va prendre l'argent au même endroit qu'où est-ce qu'on va prendre l'argent pour s'occuper de santé et de services sociaux, d'éducation, etc., on va la prendre où est-ce qu'elle existe. Elle existe au Québec, l'argent, ce n'est pas vrai qu'il n'y en a pas, elle existe chez les contribuables à revenus élevés et elle existe chez un certain nombre de nos entreprises qui fonctionnent extrêmement bien.

Mme Doyer: Merci, Mme David.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, Mme David. Merci, M. Michaud. Le temps imparti pour les travaux de la commission ce matin est maintenant atteint. Alors, la commission suspend donc ses travaux jusqu'après les affaires courantes, soit vers 15 heures. Et j'invite les membres qui veulent laisser leurs documents ici, la salle sera définitivement barrée jusqu'à 15 heures, cet après-midi. Merci beaucoup. Et bon appétit à vous tous.

(Suspension de la séance à 12 h 11)

(Reprise à 15 h 26)

Le Président (M. Pinard): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je constate que nous avons quorum. La Commission de l'agriculture, de l'énergie et des ressources naturelles reprend donc ses travaux. Je demande encore une fois à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires, s'il vous plaît.

Alors, sans plus tarder, nous allons poursuivre les auditions publiques sur le projet de loi n° 57, Loi sur l'occupation du territoire forestier. Nous sommes heureux de recevoir, cet après-midi, le Conseil des Montagnais du Lac-Saint-Jean, le Conseil des Innus Essipit et le Conseil des Montagnais de Natashquan. Alors, j'apprécierais que vous vous présentiez pour les fins d'enregistrement, s'il vous plaît.

Conseil des Montagnais du Lac-Saint-Jean,
Conseil des Innus Essipit et Conseil
des Montagnais de Natashquan

M. Ross (Denis): Denis Ross, chef de la première nation des Innus d'Essipit.

M. Dominique (Gilbert): Gilbert Dominique, chef des Pekuakamiulnuatsh, au Lac-Saint-Jean.

M. Bellefleur (François): Chef François Bellefleur, chef innu, communauté innue Nutakuan.

Le Président (M. Picard): Merci. Alors, les règles sont fort simples. Vous avez un temps de 15 minutes pour nous exposer votre position, et par la suite il y aura un échange de 45 minutes de part et d'autre, du côté ministériel et de l'opposition officielle ainsi que de la deuxième opposition. Alors, M. Ross, s'il vous plaît.

M. Ross (Denis): Merci, M. le Président. Mme la ministre, messieurs et mesdames de la... les commissaires, c'est-à-dire. (S'exprime dans sa langue). Merci beaucoup de nous accueillir à la présente commission.

Les trois premières nations de Mashteuiatsh, Essipit, mak Nutakuan remercient les membres de la présente commission parlementaire de nous donner l'opportunité d'exprimer nos commentaires et plus particulièrement nos préoccupations à l'égard du projet de loi n° 57 sur l'occupation du territoire forestier.

Par ailleurs, au-delà de toutes les considérations techniques du projet de loi, permettez-nous de vous livrer une intervention davantage imprégnée de préoccupations à caractère politique. Outre le fait que nos premières nations sont actuellement en période intensive de négociation territoriale avec le gouvernement du Québec et du Canada, nous trouvions important d'utiliser cette tribune pour faire connaître publiquement nos préoccupations particulières à l'égard de nos droits et intérêts. Enfin, nous désirons rappeler à la présente commission que le dépôt de notre mémoire et les éléments que nous y soulevons ne doivent aucunement être interprétés comme une confirmation ni une acceptation des orientations gouvernementales du Québec en matière de foresterie et ne doivent d'aucune façon porter atteinte à nos droits et à notre présente négociation territoriale globale avec les gouvernements du Québec et du Canada.

Nous, les Innus, faisons partie des sociétés qui ont accueilli les Européens lors de leur arrivée, il y a plus de 400 ans, dans ce qui est devenu le Canada et le Québec d'aujourd'hui, mais que nous appelons toujours dans notre langue le Nitassinan. Vous trouverez d'ailleurs annexées à ce mémoire les cartes de base présentant le Nitassinan des premières nations de Mashteuiatsh, d'Essipit et de... de Nutakuan ? excusez ? regroupées aux fins de négociation au sein du Conseil tribal Mamuitun mak Nutakuan.

n(15 h 30)n

De plus, les premières nations de Mashteuiatsh et Essipit partagent également un Nitassinan commun avec les Innus de Pessamit. Ce territoire consiste en une zone qui se situe au sud du Nitassinan de Mashteuiatsh et à l'ouest de celui d'Essipit. Il correspond approximativement à la région de Québec et de Charlevoix, en englobant notamment une partie de la réserve faunique des Laurentides et le parc des Grands-Jardins. C'est sur ce territoire ancestral que nos ancêtres ont invité et accueilli les Hurons-Wendat lorsqu'ils se sont réfugiés sur l'île d'Orléans, aux environs de 1650, suite à la destruction par les nations iroquoises de la Huronie sise dans la région des Grands Lacs, dans l'Ontario actuel.

Vous savez, ce mémoire réfère à notre démarche commune de négociation d'un traité menée en notre nom par le Conseil tribal Mamuitun mak Nutakuan avec les gouvernements du Québec et du Canada. Ce traité précisera les effets et les modalités d'exercice de nos droits ancestraux, incluant le titre aborigène, sur Nitassinan. Nos trois premières nations ont signé à cet effet, le 31 mars 2004, une entente de principe d'ordre général avec les gouvernements du Québec et du Canada.

Le projet de loi à l'étude touche d'abord et avant tout à l'aménagement et l'exploitation des ressources forestières sur le territoire, donc à la majeure partie de nos Nitassinan respectifs. Vous comprendrez qu'il était impératif de nous soumettre à nouveau ? nous l'avions déjà déposé... nous avions déjà déposé un mémoire lors de la commission parlementaire, à l'automne 2008 ? il était donc nécessaire de le refaire étant donné nos préoccupations sur ce projet de loi fort important, surtout que la forêt est au coeur de notre culture distinctive.

L'identité même des Innus est liée de façon intrinsèque à ce territoire car il est un lieu de valeurs, de pratiques sociales, spirituelles et sacrées, économiques, éducatives, politiques et symboliques qui n'ont cessé d'évoluer malgré les contraintes et embûches rencontrées depuis plusieurs décennies. À ce propos, les activités d'exploitation et de mise en valeur de ces ressources sont omniprésentes dans l'ensemble du territoire et posent de grands défis aux pratiques ancestrales des Innus, et que l'on nomme Innu Aitun. Nous appelons cela Innu Aitun, mais cela ne se limite cependant pas aux activités de chasse, de pêche et de piégeage. En effet, Innu Aitun désigne toutes les activités, dans leur manifestation traditionnelle ou contemporaine, rattachées à la culture nationale, aux valeurs fondamentales et au mode de vie traditionnel des Innus associé à l'occupation et l'utilisation du Nitassinan et au lien spécial qu'ils possèdent avec la terre.

Les Innus occupent et gèrent leur territoire, le Nitassinan, depuis des millénaires. Cette gestion se fait par l'intermédiaire de territoires de pratique d'activités traditionnelles et elle se compose de deux caractéristiques. Un, c'est une gestion durable qui vise à transmettre aux générations futures une qualité de territoire assurant la pérennité des ressources. Cette qualité territoriale est à la base de notre mode de vie, notre culture et notre spiritualité distincte qui constituent le fondement de nos droits ancestraux, y compris le titre aborigène sur Nitassinan. Deux, c'est une gestion intégrée où les activités sont réparties de façon à préserver la productivité à long terme du territoire.

La forêt est un milieu dans lequel prend place Innu Aitun, et la pratique de nos activités demande une préservation du milieu forestier. Cela ne veut pas dire qu'il ne peut pas y avoir d'activité forestière ou d'autres formes d'industrie ou d'utilisation, mais cela implique que toutes les activités de prélèvement, y compris les activités forestières, doivent préserver la qualité du territoire et permettre la viabilité des différents usages. Une telle façon de faire est davantage compatible avec Innu Aitun. Et je passe la parole à mon collègue.

Le Président (M. Pinard): Merci.

M. Bellefleur (François): Merci. (S'exprime dans sa langue). Je vous remercie de me laisser la parole, M. le Président.

Les droits de nos premières nations. Nous faisons partie des premiers occupants du territoire, d'où le qualificatif de «premières nations», et nous, comme premières nations innues, n'avons jamais cédé nos droits sur les terres et ils n'ont jamais été éteints. Alors que certains en doutaient, l'existence du titre aborigène et des droits ancestraux a été reconnue par la Cour suprême du Canada. D'ailleurs, par l'article 35, la Constitution canadienne protège les droits ancestraux existants. En ce qui nous concerne, nous possédons des droits ancestraux et un titre aborigène sur l'ensemble de nos Nitassinan, et ces droits et ces titres seront reconnus, confirmés et continués sur nos territoires par le futur traité que nous négocions actuellement avec les gouvernements.

Dans le cadre de l'Entente de principe d'ordre général, il a été convenu, au chapitre 6, de la mise en place de mécanismes permettant la participation réelle et significative des Innus aux processus de prise de décision gouvernementale en matière de gestion du territoire, de l'environnement et des ressources naturelles du territoire. Cette participation distincte des autres intervenants, de gouvernement à gouvernement, et le plus en amont possible des processus décisionnels a pour objectif de permettre la réelle prise en compte des droits des premières nations de Mamuitun mak Nutakuan. Ce chapitre démontre toute l'importance que nos premières nations accordent aux décisions ayant un impact sur le Nitassinan et nos droits; l'exploitation de la forêt se situe d'ailleurs sur la ligne de front à cet égard.

De plus, il est important de rappeler que cette entente de principe comprend par ailleurs un engagement des gouvernements du Québec et Canada à mettre en place des mesures transitoires, chapitre 19, jugées nécessaires pour prévenir une atteinte aux droits, intérêts visés dans cette entente, lesquelles mesures transitoires s'ajoutent aux obligations de consultation et d'accommodement de la couronne en cours de négociation de traité.

Quelques-unes de nos préoccupations. Je vais nommer un titre... Le titre du projet de loi. Le titre du projet de loi est nettement insultant, sinon provocant pour les premières nations, et, en plus, il est sans lien véritable avec l'objet de la loi. Nous nous expliquons. D'abord, nous, les premières nations, occupions et occupons encore ce territoire, et ce, bien avant que le Québec n'existe. Ce n'est pas parce qu'une loi est ainsi titrée que l'occupation du territoire va débuter à ce moment. En second lieu, une citation tirée des notes explicatives du projet de loi résume bien l'essence du changement qui est de cibler la manière de planifier et d'utiliser les ressources du territoire et non pas comment il pourrait être occupé, et nous citons: «Ce projet de loi institue un régime forestier visant principalement à assurer la pérennité du patrimoine forestier et à implanter un aménagement durable des forêts. À cette fin, il favorise une gestion intégrée et régionalisée des ressources et du territoire forestier».

En parcourant tous les articles un à un, on n'y retrouve rien qui signifie une telle appellation. Pour éviter toute confusion et confrontation inutile, il est absolument essentiel de revoir ce titre. Le titre de projet de loi semble rejoindre à une commande politique des plus discutables.

Je passe la parole au chef Gilbert Dominique pour le deuxième...

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Bellefleur. M. Dominique.

M. Dominique (Gilbert): Kuei, kuei. La place des premières nations. De par l'occupation et l'utilisation des Nitassinan de nos premières nations, nous considérons qu'en 2009 notre place dans l'aménagement, l'occupation et l'utilisation de la forêt doit être reconnue dans cette loi, à défaut de l'avoir été dans l'actuelle et les présentes lois sur la forêt. Cette reconnaissance de la place et de l'implication des premières nations dans l'aménagement de leurs territoires ancestraux est maintenant acquise internationalement par l'immense majorité des pays membres de l'ONU, et nous ajoutons qu'elle l'est également par certains groupes d'intérêts, comme en font foi, à titre d'exemple, les mémoires de Nature Québec et du Réseau québécois des groupes écologistes.

Compte tenu de la nécessaire conciliation de notre occupation antérieure du territoire avec l'affirmation de la souveraineté de la couronne, nous nous serions attendus à ce que le projet de loi fasse une place toute particulière pour les premières nations et contienne une section distincte portant sur la prise en compte des droits des premières nations sur le territoire forestier. Ceci aurait correspondu à l'importance de la place des premières nations dans le domaine de l'aménagement et de l'utilisation de la forêt, mais cette place ne semble pas toujours reconnue par le gouvernement du Québec. Plus souvent qu'autrement, et de la même manière que l'on retrouve des articles ou parties d'articles disséminés un peu partout dans le projet de loi, comme pour diminuer l'importance de nos droits et rôles, les premières nations sont noyées à travers les autres utilisateurs du territoire, en ce qui concerne les consultations menées dans le cadre de la future loi.

n(15 h 40)n

Il y a bien une mention à l'effet que des modalités de consultations particulières seront adaptées pour les communautés autochtones, mais nous ne connaissons rien, à ce moment-ci du moins, de ces dites modalités. L'on nous demande de croire sans voir, car aucune balise ou paramètre n'y apparaît. Nulle part l'on ne parle des droits particuliers des premières nations et de la nécessité de les prendre réellement en compte. On ne mentionne aussi l'obligation d'accommodement du gouvernement qu'à un seul endroit dans tout le projet de loi, et encore, on ne parle d'accommodement, si besoin, que pour certaines activités. L'article 55, sur l'élaboration des plans tactique et opérationnel, mentionne en effet ce qui suit: «Dans le cadre du processus menant à l'élaboration des plans, le ministre voit à ce que la planification forestière se réalise selon une gestion intégrée et régionalisée des ressources et du territoire et, au cours de ce processus, procède à la consultation des communautés autochtones affectées par la planification forestière afin de connaître leurs préoccupations relatives aux effets préjudiciables de cette planification sur leurs activités exercées à des fins domestiques, rituelles ou sociales et de les accommoder, s'il y a lieu.»

Par ailleurs, il faudrait que les premières nations soient conviées à l'examen des plans tactique et opérationnel avant que les projets soient transmis au milieu pour consultation, et ce, afin de les influencer. Par la suite, si elles participent aux tables de gestion intégrée, elles auront plus un rôle passif de compréhension des préoccupations générales et des décisions que le ministre aura à prendre en bout de piste. De plus, le fait de ne limiter, à l'article 55, les accommodements qu'aux impacts de nos «activités exercées à des fins domestiques, rituelles ou sociales» occulte sciemment les impacts sur le titre aborigène que nous détenons, lequel, nous l'avons vu précédemment, n'est pas limité aux activités ci-haut énumérées. Le titre contient notamment une dimension économique qui conduit à une participation à l'exploitation des ressources et une responsabilité environnementale qui oblige à se soucier des impacts sur l'environnement.

La stratégie d'aménagement durable des forêts. C'est aussi à cause de cette place particulière qu'occupent les premières nations que nous nous sommes aussi tournés vers le document central de l'aménagement forestier dans lequel le Québec va s'engager, c'est-à-dire sa stratégie d'aménagement durable des forêts. Nous proposons que cette future stratégie puisse inclure dorénavant un critère que nous exprimons comme une «prise en compte dans les choix de développement du territoire forestier des droits, des valeurs et des besoins des premières nations». Nous insistons pour que ce critère soit ajouté dans la loi et de manière explicite dans la stratégie d'aménagement durable des forêts que le ministère des Ressources naturelles et de la Faune est en train de préparer et pense divulguer pour une consultation publique en 2010.

En conclusion, nous aurions pu poursuivre notre intervention sur d'autres points importants et d'intérêt pour nos premières nations, tels que la participation à la gestion intégrée du territoire forestier, et les principaux enjeux du projet de loi, et le respect de nos territoires ancestraux, dont les forêts de proximité, le calcul de la possibilité forestière, le réseau routier, etc.

En terminant, permettez-moi, M. le Président, une parenthèse afin d'adresser au gouvernement du Québec une déception. Suite à l'expérience pilote convenue en négociation récemment et réalisée dans le cadre du présent projet de loi, nous aurions souhaité pouvoir rencontrer Mme la ministre des Ressources naturelles en amont de la présente commission parlementaire afin de lui partager l'ensemble de nos préoccupations dans un contexte de nation à nation. Nous venons d'apprendre que cette rencontre aura bel et bien lieu sous peu. Nous en sommes, bien entendu, très heureux. Cependant, nous aurions certainement souhaité que cette rencontre se tienne avant notre intervention à cette présente commission, d'autant plus que nous savions très bien que de telles rencontres se tenaient déjà avec des groupes d'intérêts touchés par le présent projet de loi. Nul doute que le sens et le contenu mêmes de notre mémoire et de notre intervention d'aujourd'hui auraient été certainement différents si cette rencontre avait eu lieu tel que souhaité. Et c'est d'autant plus vrai de par le fait que nous sommes ensemble, avec votre gouvernement et celui du Canada, engagés dans un processus de négociation devant nous conduire à un traité moderne, traité qui, nous le souhaitons ardemment, confirmera une nouvelle relation avec votre gouvernement sur des bases de reconnaissance et de respect mutuel. (S'exprime dans sa langue). Merci beaucoup.

Le Président (M. Pinard): Alors, MM. Dominique, Ross et Bellefleur, merci infiniment de votre présentation. Nous allons maintenant procéder à la période d'échange, et le premier bloc aura lieu avec Mme la ministre Normandeau ainsi qu'avec les collègues du gouvernement, du côté ministériel. Alors, Mme la ministre.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, chef Dominique, chef Ross et chef Bellefleur, je souhaiterais joindre ma voix à celle du président pour vous souhaiter la bienvenue.

Vous m'enlevez les mots de la bouche, chef Dominique, j'aurais matérialisé également votre déception quant à l'expérience pilote qui a été menée dans le cadre de l'entente de principe d'ordre général. Vous avez eu plusieurs rencontres avec le ministère. En fait, vous revendiquez, comme plusieurs de vos collègues d'autres nations, d'être consultés en amont des processus de décision, ce à quoi on acquiesce. Cependant, vous avez livré une déception, je pense, qui s'apparente davantage au fait que malheureusement je n'ai pas été en mesure de me rendre disponible, et, M. le Président, j'en assume l'entière responsabilité. Je souhaite qu'on puisse se rencontrer effectivement dans un avenir très, très prochain. Soyez assuré d'une chose, notre désir de collaborer, il est profond, il est réel. Cependant, je comprends bien que vous souhaiteriez souvent... parfois, que les résultats soient plus probants et arrivent plus rapidement. Je pense que là j'ai résumé en quelques mots, M. le Président, assurément le message que vous portez aujourd'hui, également le message que portent plusieurs de vos collègues chefs de nation. Alors, écoutez, on se met en mode solution et puis on tente de voir comment ensemble on peut trouver des aménagements qui vont vous satisfaire.

Avant de vous demander, chef Dominique, comment ça se passe avec les industries de Piékouagam ? c'est ça? ? chez vous... On vous a donné un CAAF, accordé un CAAF de 67 000 m³, j'aimerais peut-être, pour le bénéfice des collègues, un peu plus tard dans la commission, que vous puissiez nous dire comment ça se passe chez vous. Vous êtes un conseil tribal qui est souvent cité pour son leadership, pour son dynamisme, les trois nations innues que vous représentez, et ça, c'est intéressant.

Mais avant j'aimerais réagir sur deux éléments. Le premier, c'est le titre du projet de loi. Je comprends que le concept d'occupation du territoire forestier représente pour les premières nations du Québec, M. le Président... renvoie à une définition ou à un concept très péjoratif, très guerrier; c'est ce qu'on décode depuis le début de nos travaux. Alors, je veux vous dire que je prends acte et avis de votre suggestion. Je vais considérer très sérieusement le fait d'avoir un titre peut-être plus adapté aux commentaires que vous formulez. L'objectif, c'est d'avoir, dans le fond, un contenu de projet de loi... un projet de loi qui soit dans le fond le reflet des valeurs qu'on partage comme société, qu'on soit du côté des premières nations ou du côté des autres communautés qui vivent au Québec. Alors, je prends acte, MM. les chefs, de votre demande qui est formulée aujourd'hui.

Pour ce qui est d'une section distincte dans le projet de loi qui concernerait les premières nations, j'ai besoin de comprendre en quoi une section distincte dans le projet de loi permettrait... ? puis c'est mon interprétation, en fait ? comment elle vous sécuriserait davantage quant à la protection de vos droits constitutionnels. Je vais dire les choses autrement. On retrouve un certain nombre d'articles dans le projet de loi, exemples: sur la composition des commissions régionales, l'article 303; sur la constitution des tables GIR, article 56; sur les accommodements s'il y a préjudice qui est causé auprès des premières nations, l'article 55. On retrouve donc dans le projet de loi des obligations de consultation, des obligations d'accommodement qui sont contenues dans le projet de loi. Je pense, et c'est notre interprétation au ministère, puis, si on se trompe, de grâce, dites-nous-le... nous, on croit que le libellé actuel permet le maintien de vos droits constitutionnels et ne remet pas du tout en question vos revendications dites historiques ou traditionnelles sur les droits, sur les titres.

Alors, je souhaiterais que vous puissiez, MM. les chefs, m'éclairer sur la valeur ajoutée que procurerait le fait d'introduire dans le projet de loi une section qui concerne les premières nations. Dans le fond, ce que je suis en train de vous dire: Essayez de me convaincre du bien-fondé d'introduire une section sur les premières nations, pour les premières nations, dans le projet de loi.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Dominique.

M. Dominique (Gilbert): En tentative, effectivement.

Le Président (M. Pinard): Chef Dominique.

n(15 h 50)n

M. Dominique (Gilbert): Bien, merci pour les commentaires. Oui. C'est très clair, hein, que nos premières nations et, je suis convaincu, l'ensemble des premières nations sur le territoire du Québec seraient convaincues de pouvoir davantage éclairer la relation entre le Québec ou l'État québécois et les gouvernements des premières nations, O.K.? dans un tel régime, parce que ça nous permettrait, conjointement, bien entendu, de pouvoir tenter de mettre, si l'on veut, là, en oeuvre les droits... ou considérer davantage, c'est ça, considérer à la hauteur... à sa juste valeur les droits ancestraux des premières nations qui comprennent un titre aborigène. Pour nous, c'est un élément qui est fondamental. D'ailleurs, c'est pour ça que, nous, là, c'est dans ce moule-là que nous négocions, O.K.? et que nous nous entendons avec le Québec et le Canada sur les modalités d'application de nos droits, O.K.? Et nous ne revendiquons pas quoi que ce soit, parce qu'il y a un fait présentement, c'est que nous avons des droits ancestraux qui comprennent un titre aborigène.

Maintenant, au lieu d'embarquer dans une confrontation, on veut tout simplement s'entendre. Comment est-ce qu'à travers, bien entendu, les pouvoirs et les droits d'un État comme le Québec on peut s'entendre sur l'exercice de l'application de ces droits-là? Donc, c'est ce que nous recherchons.

Et, dans un projet de loi comme celui-là, inévitablement, si on se permet d'élever nos échanges entre nations, inévitablement on va avoir certainement clarification des... ou... et considération des besoins, des attentes des premières nations à l'égard du développement du territoire, O.K.? particulièrement, dans ce cas-ci, au niveau de la forêt. O.K.? Donc, ça va nous permettre, nous, bien entendu, de pouvoir être en mesure de mieux juger la façon que nos premières nations pourraient bien sûr s'intégrer, si l'on veut, là, dans un développement de la forêt où tout le monde, bien entendu, là, y gagne. Ça nous permettrait, bien entendu, de pouvoir amener toute cette clarification-là.

Présentement, là, au-delà des consultations et des éléments que vous amenez sur la table, on n'est pas à ce genre de débat là. On est vraiment... on nous amène, là, en consultation, puis bien souvent après plusieurs autres acteurs sur le terrain. Nous, ce qu'on souhaite, c'est vraiment nous ramener, là, dans un environnement de nation à nation où on va convenir effectivement de certaines modalités, là, dans un contexte comme celui-là. Et présentement, là, ce n'est vraiment pas, là... on ne le ressent pas, certainement, dans le projet de loi qui est sur la table. Donc, on est... des écarts effectivement importants, là, par rapport à ça.

Je m'excuse du détour, mais en tout cas j'essaie de...

Mme Normandeau: ...c'est parce qu'il n'y a pas personne ici, de collègues, qui... personne n'est spécialiste du droit autochtone, entre autres, et puis c'est des questions très, très, très sensibles. Mais je veux juste comprendre, chef Dominique... Puis, en passant, je vais vous demander peut-être de me faire une suggestion de titre, si on avait à modifier le projet de loi. Vous pouvez prendre ça en délibéré. Mais, pour ce qui est de la... prenons un cas de figure, d'accord?

M. Dominique (Gilbert): Oui.

Mme Normandeau: On prend toutes les sections qui concernent les premières nations dans le projet de loi, telles qu'elles sont écrites, et puis on les extrait d'où elles se trouvent, puis on fait une section Premières nations. Est-ce que ça, ça vous convient?

M. Dominique (Gilbert): Bien, je pense que l'objectif de la section, il va falloir certainement élever nos échanges, là, à un autre niveau. O.K.?

Mme Normandeau: C'est-à-dire?

M. Dominique (Gilbert): C'est-à-dire de pouvoir échanger en fonction des droits également, de la reconnaissance des droits des premières nations à l'égard du développement du territoire et quant à l'utilisation du territoire et de ses ressources. Donc, l'enjeu principal, à mon sens, est à ce niveau. Et le fait d'avoir un régime particulier, si l'on veut, dans le projet de loi, ça nous permettrait effectivement d'avoir ces échanges entre les premières nations et le gouvernement du Québec et inévitablement ça nous permettrait de façonner, là, bon, toutes... et de mieux articuler toutes les étapes de consultation, O.K.? qui sont nécessaires ou obligatoires, par l'État, en fonction de la jurisprudence, pouvant aller jusqu'à l'accommodement. Donc, ça nous permettrait de mieux clarifier ça, cette relation entre les premières nations et le Québec au niveau des droits.

Mme Normandeau: Mais vous comprendrez, chef Dominique, tel que vous l'exposez, moi, j'ai la responsabilité de vous dire que ça dépasse le mandat que j'ai comme ministre des Ressources naturelles, et ça dépasse même la finalité du projet de loi n° 57. Là, évidemment, il y a le SAA, il y a d'autres intervenants qui sont interpellés. Parce que dans le fond ce que vous revendiquez... Bien, dans le fond, vous partez de la prémisse qu'il y a une reconnaissance, c'est votre prémisse à vous, vous dites: Écoutez, nous, là, il y a une reconnaissance de nos droits et de nos titres aborigènes, et puis, nous, on part de ça pour négocier avec le gouvernement. Nous, on prétend que... puis en même temps vous dites: Tout ça est relié à l'enjeu de l'accessibilité à la ressource. Sur l'accessibilité de la ressource, M. le Président, là, on est d'accord avec ça. La preuve, c'est que j'ai la liste ici des premières nations qui ont accès à différents volumes de bois, soit sous forme de CAAF ? à deux A ? ou de contrats d'aménagement. Mais vous comprenez les limites que j'ai, moi, comme ministre des Ressources naturelles, dans le fond, à partir de ce que vous m'exposez... C'est pour ça que j'ai pris le soin de vous dire: Si on prend le libellé des articles tels qu'on les retrouve et qu'on les isole dans une section Premières nations, est-ce que ça vous convient? Vous dites: Pas tout à fait; nous, on souhaite aller plus loin en introduisant une dynamique de négociation et de reconnaissance plus formelle pour les principes de consultation.

Parce que, tout à l'heure, M. le Président, vous dire que... avec les gens du ministère, vous avez échangé sur le fait qu'on vous associait en amont à l'élaboration de la stratégie d'aménagement durable des forêts, à l'élaboration de notre politique sur les forêts de proximité, puis là je vous écoutais et je me disais: Au ministère, je vais vérifier ça, est-ce qu'on est équipés, nous, avec le secteur forêt... est-ce qu'on a un mécanisme qui fait en sorte qu'on n'est pas obligés de refaire le processus de consultation, de réinventer les façons de faire à chaque fois? Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir un mécanisme permanent qui ferait en sorte qu'on aurait un contact de nation à nation, de gouvernement à gouvernement, à partir de l'organisation du ministère? Je ne sais pas si je me fais bien comprendre, là, mais enfin. Bref, vous comprenez donc le dilemme. Puis, même pour les parlementaires ici, ce n'est pas évident, parce que vous renvoyez une question qui dépasse même le mandat de la commission parlementaire.

M. Dominique (Gilbert): Oui, mais en même temps vous allez adopter une loi...

Mme Normandeau: Oui, on le souhaite.

M. Dominique (Gilbert): ...qui va être mise en oeuvre, qui va porter atteinte également aux droits des premières nations. Donc, inévitablement, moi, je pense que le gouvernement et les premières nations n'ont pas le choix, à mon sens, de s'asseoir et de convenir de certaines modalités, O.K.? C'est essentiellement le message qu'on a souhaité passer. Et on pense qu'un chapitre ou une section particulière nous permettrait d'avoir ce niveau d'échange là, O.K.? et non pas de l'évacuer, mais nous permettrait de l'avoir. Et probablement que ça pourrait être graduel, ces échanges-là, on en convient, parce qu'inévitablement il va falloir bâtir ça ? en tout cas, nous, c'est notre positionnement ? dans le cadre d'un traité, ce à quoi, là, on travaille ardemment, mais ça aurait l'avantage de provoquer une discussion, là, à ce niveau-là, ce à quoi nous n'avons pas présentement.

Mme Normandeau: Je vais vous poser une question très directe, chef Dominique puis vos collègues, vous avez suffisamment d'expérience à vous trois pour nous répondre avec la franchise qu'on vous connaît. Puis, il y a plusieurs collègues qui ont des communautés autochtones dans leur comté. Moi, j'ai deux communautés autochtones chez nous, vos collègues micmacs, chef Condo, chef Metallic, et chef Jeannotte chez mon collègue de Gaspé. Est-ce que vous pensez que ce serait... est-ce que vous pensez que c'est possible qu'on puisse arriver à une entente, à partir de l'ambition ou de l'objectif que vous exprimez? Est-ce que vous pensez réalistement, avec les contraintes que nous avons quant à la disponibilité de la ressource, quant à l'accessibilité au territoire, quant à vos demandes traditionnelles, à la pression que vous avez de votre communauté, des jeunes qui veulent aussi avoir accès au territoire, aux aînés qui ont des racines profondes chez vous... est-ce que vous pensez, là, que c'est possible qu'on puisse arriver à une entente, qu'on fasse un bout de chemin, chacun de notre côté? Est-ce que vous pensez qu'on peut arriver à ça? Répondez-moi franchement, là.

Le Président (M. Pinard): Chef Dominique.

M. Dominique (Gilbert): Bien, effectivement. Regardez, là, nous avons, nous... nous avons le devoir, à mon sens, entre gouvernements, de s'entendre. À mon sens, c'est notre point de vue. Et nous, les trois communautés, faisons tout en notre possible pour faire en sorte de créer cet environnement, O.K.? notamment par le biais de la négociation. Mais vous avez trois communautés qui ont développé une relation, je pense, étroite et de partenariat avec nos régions, O.K.? tout ça parce qu'on y croit fermement, on y croit fermement, et ce à quoi on aspire, et on est convaincus que... regardez, là, je pense qu'entre gouvernements responsables, inévitablement on n'a pas le droit de ne pas envisager ça, de ne pas y croire. Donc, nous, c'est bien sûr un de nos fondements.

Le Président (M. Pinard): Chef Ross ou Bellefleur, si vous avez un complément.

n(16 heures)n

M. Ross (Denis): Merci de me donner l'occasion de dire ce que j'en pense. D'abord, je ne serais pas ici si je n'y croyais pas, parce qu'on a aussi des pressions de partout qui nous disent qu'on n'a pas, probablement pas la bonne solution pour arriver à se faire comprendre puis à se faire entendre. Nous, on a la conviction que c'est de se parler... c'est à se parler qu'on va se comprendre. Donc, je pense que, oui, si les gens sont de bonne volonté, et je ne mets pas ça en doute... je pense qu'il y a moyen de trouver des solutions pour que tout le monde ait leur place sur le territoire puis que tout le monde puisse participer au développement du territoire.

Le Président (M. Pinard): Chef Bellefleur, est-ce que vous avez un complément?

M. Bellefleur (François): M. le Président, je pense que la question de dire que... est-ce que c'est possible... Demain matin, je peux bien commencer à couper du bois puis ignorer ce que vous faites comme travail parce que j'ai des droits ancestraux. Est-ce qu'on est en mode de confrontation ou en mode de collaboration, de dialoguer pour essayer d'arriver à une entente? Pour que... Nous, on est dans une situation où est-ce que, nous, on a besoin d'être quand même soutenus. Ça fait quand même 400 ans que vous êtes arrivés, 400 ans que vous avez développé des choses, vous avez développé des structures, des gouvernements, des lois. Nous, on n'a pas développé. On a uniquement été enfermés dans des communautés autochtones, puis on a besoin d'avoir une mise à niveau en termes de qualité de vie. Nos communautés vivent en dessous du seuil de pauvreté. On a besoin de ces ressources-là. On a besoin du support du gouvernement qui est en place, qui est structuré, sur nos territoires ancestraux. Je pense que c'est très important que le gouvernement en place, qui est élu par le peuple québécois qui peuple ce territoire...

Je pense, c'est important, que, nous, on a besoin d'être reconnus dans ça, parce que, dans le fond, de... dans le fond, de tout ce qui est structuré sur notre territoire, il y a nos droits ancestraux. Puis ils sont reconnus. Puis je pense qu'aujourd'hui rien que le fait qu'on soit assis ici, là, c'est parce qu'on est certains de nos droits, puis on est sûrs. Puis on a été les premiers habitants sur ce territoire. Oui, vous vous êtes battus sur nos territoires. C'est qui qui a été battu, Anglais ou Français, je ne le sais pas, là. Parce que, là, là, je pense que c'est...

Des voix: ...

M. Bellefleur (François): Ici, on est ici pour dialoguer, pour discuter, pour harmoniser nos relations, puis on ne veut pas partir non plus... ignorer les travaux qui se font au Parlement, au niveau de la structure du gouvernement qui est en place. Je pense, c'est important d'entamer des discussions pour arriver à un consensus qu'on... dans quel cadre qu'on va évoluer, nous, dans tout le développement, que ce soit forestier, minier, ou au niveau de la... hydraulique. Je pense, c'est important que, nous... Dans la situation que le Québec est en train de mettre en place, je pense que c'est important qu'on ait un statut particulier dans tout ça, là. Puis le fait qu'on réclame ça, c'est très important, parce qu'on a toujours été mis à part de toutes les ressources qui ont été exploitées. Bien, c'est à peu près ce que j'ai comme information, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup... les chefs. Nous allons passer au bloc du côté de l'opposition officielle et de la seconde opposition. Alors, M. le député de Roberval et critique officiel en matière de forêts.

M. Trottier: Oui, merci, M. le Président. Bonjour, MM. les chefs Dominique, Ross et Bellefleur. Vous apportez un éclairage extrêmement important, dont malheureusement on n'a pas tenu compte suffisamment dans le passé, et même dans le passé très récent, comme on dit. Et, quand j'entendais la ministre vous demander si vous croyiez que c'était possible d'avoir une entente, ça m'inquiète que la ministre vous demande si c'est possible d'avoir une entente, tu sais, c'est comme une indication que le gouvernement n'y croit pas, n'y croit plus...

Mme Normandeau: ...non, M. le Président. M. le Président, question de règlement, là. Là, le député est de mauvaise foi. Vous me prêtez des intentions. Je discute dans un cadre très franc, très transparent. Je pense qu'on peut se donner cette liberté, en commission parlementaire, d'avoir des discussions franches et honnêtes. Là, quand même, là, ne faites pas appel à la partisanerie pour gâcher la qualité de nos échanges, là.

Le Président (M. Pinard): Merci, Mme la...

Mme Normandeau: Non. Non, moi, M. le Président, là, je ne laisserai pas ça passer. Il me prête des intentions.

Le Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre. Votre question de règlement est à point. J'inviterais... j'inviterais les parlementaires à continuer à travailler dans l'ordre. Et surtout, nous avons devant nous trois chefs qui se sont déplacés, trois chefs de nation qui se sont déplacés, alors on discute d'une façon très saine et on doit aller en profondeur avec les chefs. Et j'inviterais les parlementaires à continuer nos débats, que nous avons débutés ce matin et déjà depuis plusieurs semaines, et surtout d'y aller mollo au niveau de la confrontation. Alors, M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui, M. le Président. Bon, la ministre disait qu'il fallait que ce soit empreint de liberté. J'espère, je veux dire, qu'il en reste encore un peu, qu'on peut poser des questions, puis qu'on peut se dire des choses, puis qu'on est capables de les assumer. Puis, de toute façon, de toute façon, je pourrai... je pourrai revenir...

Le Président (M. Pinard): M. le député de Roberval, je tiens à vous mentionner que, comme président, j'exerce la présidence avec la plus grande neutralité, et soyez assuré que je vais faire... Je vais toujours travailler pour que chacun des parlementaires ici présents, que ce soit du côté ministériel, que ce soit la première opposition ou la deuxième opposition, maintienne leur droit de parole et que les débats soient les plus structurés possible et dans la meilleure... meilleure discipline possible également. Alors, je vous invite à poursuivre.

M. Trottier: Oui, je vous remercie, M. le Président. Vous dites que vous avez beaucoup de questionnements sur le projet de loi, vous êtes même choqués de ça. Je vous comprends, vous n'êtes pas les seuls, d'ailleurs, hein? Puis c'est sûr que je suis d'accord avec vous quand vous dites que le projet de loi semble répondre à une commande politique des plus discutables. Malheureusement, c'est qu'on voit, là, qu'il y a des problèmes à ce niveau-là.

Vous dites également que... que... Bon, vous dites: Nous nous serions attendus que le projet de loi fasse une place toute particulière, et vous dites: par rapport à la question de la section... Bon, on en a parlé tout à l'heure, je pense que c'est une piste intéressante puis je pense qu'on doit vous entendre par rapport à ça. Je pense que dans le fond on est ici justement pour vous entendre puis d'essayer de bonifier le projet de loi.

Vous dites également qu'il y a «une mention à l'effet que des modalités de consultations particulières seront adaptées pour les communautés autochtones», mais «on nous demande de croire sans voir, car [il n'y a] aucune balise ou paramètre [qui y] apparaît». J'aimerais que vous en parliez davantage, parce que dans le fond c'est quand même assez important, cette affirmation-là, puis je pense que ça correspond malheureusement à la réalité. Est-ce que vous pourriez nous en expliquer davantage le contenu?

Le Président (M. Pinard): Chef Dominique.

M. Dominique (Gilbert): Oui, merci. La question, effectivement, des... des consultations, en tout cas... puis je vais faire le lien avec tout à l'heure, là, ce pourquoi on pense que la... la question devrait, là, être discutée dans le développement d'une section au niveau des premières nations. C'est au niveau principalement de la tenue en compte des droits et des intérêts, des préoccupations des premières nations à l'égard du développement du territoire, puis, je pense qu'on l'a mentionné, lequel développement, bien souvent, vient affecter également, là, la pratique... notamment la pratique des activités traditionnelles de nos... de nos premières nations. Donc, inévitablement, ça prend des processus de consultation relativement articulés, et qui tient compte réellement de ces éléments-là.

On doit être honnêtes, on a parcouru, là, de façon objective, sous cet angle-là, le projet de loi et on n'a pas nécessairement, là, décelé certaines approches qui pourraient, là, venir un peu nous rassurer dans toute la question de la consultation auprès de notre première nation. Donc, on ne voit pas nécessairement, là, spécifiquement toute cette place-là qui devrait être, là, beaucoup plus omniprésente dans le système ou dans le projet de loi, là, au sein des premières nations. Donc ça, inévitablement ça nous inquiète parce que, pour nous, c'est...

On nous dit que, oui, il y a des choses qui vont être prévues; on ne les connaît pas. Donc, là-dessus, ça nous inquiète. Donc, potentiellement, le jour où on va en connaître davantage, probablement qu'il y a des choses qu'on va trouver peut-être intéressantes, d'autres qui vont probablement augmenter notre préoccupation, mais, pour le moment, pour nous, là, si ce n'est qu'on nous demande de croire à ce que ce sera, là, des choses qui vont être considérées, présentement on n'a rien de solide, si on veut, pour asseoir notre... notre... tu sais, la certitude, si on veut, que la valeur de nos voix va être hautement considérée dans le processus.

Le Président (M. Pinard): Est-ce que vous avez un complément, chef Ross?

M. Ross (Denis): Oui. De là l'importance, je pense, qu'on soit consultés en amont pour que, quand on arrive... On n'aurait probablement pas les mêmes discours qu'on a aujourd'hui, là, si on avait pu se rencontrer avant puis justement éclaircir ces points-là. Donc, probablement que notre discours serait différent et aurait pu, à mon avis, être beaucoup plus positif, parce que, là, on a des interrogations puis on n'a pas de réponse.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Roberval.

n(16 h 10)n

M. Trottier: Oui, M. le Président. Est-ce que je me trompe, dans le fond, si votre vécu vous a amenés peut-être à justement vous apercevoir que trop souvent on vous a demandé de croire sans voir puis que les résultats n'ont pas toujours été là?

M. Dominique (Gilbert): Bon, c'est clair, on va être bien transparents, qu'à certaines occasions on a été, là... On a constaté, O.K., que certaines mesures, là, affectaient nos droits, c'est bien évident, ou, d'autres éléments, que ça affectait la pratique, si l'on veut, on pourrait qualifier, de nos activités traditionnelles. Donc, il y a certaines mesures ou certaines façons de faire qui affectent, là, inévitablement, là, notre mode de vie, et bien souvent on apprend ça un petit peu, là, après coup.

Donc, comme chef Ross le mentionne, nous, on souhaite ardemment qu'il y ait des processus structurés et organisés qui nous permettent d'échanger en amont sur les visées, les objectifs, inévitablement, là, du gouvernement du Québec, mais que ça nous permette, après ça, de pouvoir, là, mettre sur la table des mesures qui seraient satisfaisantes pour les premières nations, là, afin de protéger, bien entendu, par exemple, certains droits ou certaines activités qui sont importantes pour nous.

M. Trottier: Oui. M. le Président, vous apportez une idée qui... Je pense que vous êtes les premiers à apporter ça, vous dites, entre autres, que «tous les développements hydroélectriques comme miniers font l'objet d'examens publics [...] du Bureau d'audiences publiques [sur l'environnement], alors qu'il n'en est rien avec les coupes forestières». C'est que dans le fond vous voudriez que le Bureau des audiences publiques puisse faire, on pourrait dire, des audiences là-dessus. Parce qu'on sait que le bois repousse, mais, comme on dit, ce n'est pas sans impact, là, autant pour la faune, autant pour le paysage. Est-ce que vous pourriez détailler un peu plus cet aspect-là qui à mon avis mérite une bonne réflexion?

M. Dominique (Gilbert): Ah, bien, c'est clair, dans... à partir du fait où il y a des effets quand même relativement considérables... hein, on ne se cachera pas que, lorsqu'il y a développement forestier, donc on parle de coupe, etc., inévitablement, là, ça l'a des effets importants. Certainement chez nous, là, regardez, là, on a fréquemment... Là, on fait face à plusieurs situations où de très larges parties du territoire sont affectées, et, par la bande, portent préjudice, là, à la pratique des droits de nos membres. Donc, on pense qu'avoir une formule comme ça, de consultations encadrées avec, là, quelque chose qui pourrait ressembler, là, à ce que... à la mission du BAPE, pourrait peut-être être un canal, là, fort pertinent pour mieux apprécier les impacts, là, du moins chez les premières nations, et les secousses orchestrées par d'éventuels développements de ce genre.

Le Président (M. Pinard): Dernière question.

M. Trottier: Vous mentionnez que le futur régime forestier va amener toute une série de tables différentes dont on va vous demander une participation. Mais vous dites, tu sais... Dans le fond, vous dites: C'est bien, mais comment on va gérer tout ça, la lourdeur de tout ça? J'aimerais que vous puissiez expliquer davantage. Puis vous dites, entre autres, là: Est-ce qu'on devrait réduire le nombre d'unités d'aménagement pour réduire le nombre de tables? Est-ce que vous avez d'autres suggestions ou d'autres inquiétudes par rapport à ça? Comment est-ce qu'on pourrait faire pour favoriser en même temps la participation puis éviter la lourdeur? Dans le fond, comment est-ce qu'on fait pour être efficaces puis être démocratiques?

M. Dominique (Gilbert): Ah, bien, c'est clair qu'à première vue il y a un questionnement à savoir sur le nombre d'unités d'aménagement, là, particulièrement, là, sur notre territoire ancestral; on parle de sept, je pense. Donc, c'est clair, c'est lourd comme processus, c'est exigeant pour une première nation, là, comme la nôtre de pouvoir, là, du mieux qu'on peut, là, porter regard et de pouvoir évaluer et analyser tous les effets, là, entourant ce niveau de développement là. Donc, on questionne, là, on se questionnait à savoir: Est-ce qu'il n'y aurait pas avantage peut-être de ramener, là, ça à un niveau beaucoup plus, là, acceptable pour notre première nation? Puis on comprend tous les défis également des régions, puis ça, c'est bien évident. Donc, nous, on a un questionnement à ce niveau-là.

On sait qu'il y a une multiciplé... multiplicité, excusez, également de différents, là, groupes de travail, organisations, structures, etc. Donc, c'est clair que ça rend la tâche extrêmement complexe pour les premières nations, d'une part, de s'y retrouver et, d'autre part, de pouvoir s'y engager pleinement. O.K. Donc, il y a une clarification également à avoir à cet égard.

Je rajouterais également, par la bande, il y a aussi une grande préoccupation, là, à l'égard de la décentralisation ? je ne sais pas si j'ai les bons termes, là ? mais d'une décentralisation de certains pouvoirs également, là, au niveau des régions, O.K.? Nous, en tout cas dans notre région, on ne dit pas non. Au contraire, lorsqu'on parle d'opérations ou d'opérationaliser certaines choses, nous, là, on est très, très à l'aise de faire ça, là, conjointement avec les acteurs régionaux. Mais on était préoccupés parce que, celle-là, on ne la sent pas beaucoup, la dimension des autres pouvoirs, qui sont de nature gouvernementale. Donc, est-ce qu'il y a une intention de décentraliser ça également? Donc, là-dessus, moi, je pense que l'État a l'obligation, là, de s'asseoir avec les premières nations pour, bien entendu, nous consulter, là, et tenir compte également, dans ces processus-là, de nos droits.

Le plus bel exemple, ça a été, là, par exemple, l'arrivée des CRE, O.K.? Donc, nous, on a vu ça, on n'avait pas plus d'indications, là, à cet égard, donc ça nous a passablement inquiétés. Présentement, on n'a pas plus les réponses, là, à cet égard, parce qu'on n'a pas été, là, rencontrés par rapport à tout ce... ce développement-là. Donc, moi, je pense que c'est le genre de dossier ou ce genre de situation qui... qui, pour nous, est préoccupant. La responsabilité doit demeurer au gouvernement, en l'occurrence, au niveau de l'obligation de consultation et d'accommodement. Et ça, est-ce qu'il y a un transfert de ça, il y a une volonté de transfert vers les régions? Il y a... il y a toutes ces zones grises, là, qui nous inquiètent présentement, effectivement, là, dans tout cet univers de... de relations avec... ou de transfert de pouvoirs au niveau des régions.

Le Président (M. Pinard): Merci. Merci, chef Dominique. Bien entendu, on a outrepassé le temps, donc je le... amputerai le prochain bloc. Est-ce que la deuxième opposition officielle est prête à aller de l'avant avec une série de questions? Alors, M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Alors, écoutez, moi, je vous écoute, j'ai entendu la ministre tout à l'heure dire que vous avez quand même des droits de CAAF, ça fait que vous avez des droits de coupe. Sur vos territoires, à l'heure actuelle, est-ce que c'est vous autres qui gérez tous ça? Est-ce que c'est vous autres qui coupez le bois, qui le transformez ou si... Comment ça marche? Vous parlez de vos territoires ancestraux, là, mais qui a la responsabilité de gérer ça?

Le Président (M. Pinard): Chef Dominique.

M. Dominique (Gilbert): Oui. Peut-être pour mon exemple... Les autres chefs, s'ils veulent bonifier leurs... leurs exemples. Peut-être... Peut-être prendre un petit 30 secondes. Effectivement, nous, comme communauté, particulièrement une entreprise privée, là, puis par tout le système régulier... Puis nos entreprises ont accès également, là, à... à certaines mesures ou, dans ce cas-là, des volumes de bois en fonction du système régulier. Donc, on a une entreprise, effectivement, là, 65 000 m³, qui permet d'embaucher... là, je pense, c'est autour d'une vingtaine de personnes, là, dans une usine assez performante, assez particulière aussi, mais assez performante, qui réussit quand même à faire sa niche, là, malgré toute la tourmente, là. Donc, pour nous, c'est quelque chose qui est fort important.

Maintenant, ce que... ce à quoi nous aspirons, O.K., c'est: au-delà des mécanismes formels ou des structures, là, des... des systèmes auxquels l'ensemble des entreprises au Québec, incluant les premières nations, puissent bénéficier, il faut, bien entendu, convenir d'un partage des ressources naturelles. C'est, bien entendu, là, un des objectifs, dans le contexte de la négociation, que nous avons de pouvoir, là, partager, là, une partie des ressources naturelles. Et, dans ce contexte-là, effectivement il est prévu, là, un partage de volume de bois: pour notre communauté, c'est 250 000 m³; 100 000 m³ à la communauté d'Essipit; et autour de 200, là, 250, je pense, pour la communauté de Natashquan. Donc, pour notre communauté, je vous dirais, c'est un petit peu, là, le développement qui... qui est fait par rapport au volume de bois, là, à ce moment-ci, sur... sur la table.

Peut-être en conclusion pour ma part, c'est que, dans la perspective où tout à l'heure nous allons partager un volume de 250 000 m³, nous... nous prenons les devants, là, notamment avec la région pour voir comment est-ce qu'on peut optimiser, là, si l'on veut, les retombées de ce volume de bois là. Donc, inévitablement, on constate, puis je pense que c'est... c'est la clé, qu'il y aura des retombées, là, fort importantes pour notre communauté, mais inévitablement ça va en rayonnement extraordinaire pour la région. Et c'est une formule, je pense, similaire au niveau des autres premières nations.

Le Président (M. Pinard): Est-ce que vous avez un complément de réponse, M. le chef Ross... ou Bellefleur?

n(16 h 20)n

M. Bellefleur (François): Moi, pour justement gérer le CAAF, on dit: Le volume de bois qu'on identifie comme étant... étant un secteur où est-ce qu'il va y avoir de l'exploitation, c'est sûr qu'on a... Nous, on a créé une coentreprise avec une compagnie... un entrepreneur québécois. Puis, pour arriver à gérer tout ça, là, parce que c'est quand même très technique, c'est avec l'entrepreneur québécois, là, qu'on arrive à... mettons, à suivre... Puis, comment on travaille pour arriver à gérer... On n'a pas vraiment commencé encore, mais, comme le marché du bois est en chute, là on se prépare. On a acheté une usine, puis là on pense que ça va normalement débuter au mois de novembre puis...

Tout ça pour dire que c'est sûr que, quand on touche un secteur au niveau de la foresterie, c'est sûr que ça va toucher des régions. Ce qui va être exploité ne restera pas dans les limites de la communauté, ça va aller dans l'économie du Québec. Je pense que, si l'économie s'améliore, nous, en termes de qualité de vie, ça va nous améliorer. C'est ça, on essaie d'avoir une vision. Tant qu'à partir avec une compagnie, on essaie de voir ça à long terme avec la compagnie, laquelle on est en discussion pour justement démarrer cette usine-là. Puis, là-dessus, moi, je pense que... Quand on fait une coentreprise comme ça, là, avec une compagnie québécoise qui connaît tout comment ça fonctionne à l'intérieur de l'industrie forestière, je pense que, nous, c'est un plus pour nous, dans le but, nous, de nous prendre en main graduellement puis de combattre un peu la pauvreté, pour que nos enfants puissent s'instruire.

Je pense, tout ça, notre objectif, c'est d'améliorer la qualité de vie de nos communautés, quitte à soutenir d'autres communautés ici, et ça peut... Ce n'est pas nécessairement juste des communautés autochtones, il y a des municipalités avoisinantes qui sont aussi pauvres que nous autres, que nous. Dans tout le secteur, il y a des formes de dialogue qui existent, puis on s'appuie pour que ça fonctionne dans le secteur, parce que je pense que... Le centre étant trop éloigné des régions, je pense que, nous, là, il faut qu'on imagine des solutions pour arriver à nous brancher dans... dans un secteur où est-ce que ce n'est pas facile à nous démarquer. Je pense que c'est ça.

Le Président (M. Pinard): Merci, chef Bellefleur. Alors, je vous concède un temps de parole de six minutes, du côté ministériel.

Mme L'Écuyer: Merci, M. le Président. M. Dominique... chef Dominique, chef Ross, chef Bellefleur, je suis contente d'entendre ce que vous venez de dire. On apprend de vous, et, nous, on apprend de vous, je pense que c'est mutuel.

Je regardais... J'ai lu votre mémoire avec attention, j'ai lu aussi vos recommandations, et vous me direz... ? je vais essayer d'être assez brève, six minutes, c'est court ? vous avez une préoccupation pour la forêt de proximité. Vous dites, bon, bien: Si les territoires non occupés deviennent plus vastes qu'on pense, il y a peut-être un problème, parce qu'on ne peut pas comme être partout, ça va multiplier les endroits de consultation. Mais ce que je retiens surtout au niveau de l'ensemble de vos recommandations, bien il y a la première, de changer le titre, et là je pense que Mme la ministre vous a invités à penser à un titre qui pourrait refléter, dans le fond, vos préoccupations.

Quand je vous écoutais expliquer, tantôt, un peu où vous vous situez comme nation, où, nous, on se situe comme nation, et comment on peut se retrouver surtout pour la gestion de la forêt, dans le fond ce que j'interprétais, c'était de dire: Commençons les discussions entre nos deux nations, et après découlera de ça l'ensemble de la réorganisation des régimes forestiers pour que finalement nos droits soient respectés, nos cultures respectives, mais dans le fond qu'on ne soit pas en processus continu de négociation, de recommencer à chaque fois, mais de dire: C'est là, voici où, nous, on se situe dans la forêt, voici où le gouvernement se situe dans la forêt, où la nation québécoise se situe. Et on s'entend, on respecte nos droits des deux nations, mais on est d'égal à égal, et après, le reste, qui sont des intervenants dans la forêt... seront subordonnés à l'ensemble des ententes qu'on aurait pu... comme nations, entre les deux nations, qu'on se serait entendus, et qui seraient fixées dans le temps puis dans l'espace. On sait qu'on ne change pas à tous les jours de régime forestier, mais là on partirait sur une base et sur un pied, dans le fond, d'égalité où les deux nations sont en mesure de s'être entendues pour fixer dans le temps une négociation.

J'aimerais ça vous entendre, les trois chefs, si j'ai mal interprété ou bien si c'est ce que vous essayez de nous faire comprendre dans vos interventions et dans l'ensemble de vos recommandations, là. Il y en a plusieurs, mais, dans le fond, quand on les lit, ça revient toujours aux mêmes choses, hein: respectez nos droits, respectez nos droits ancestraux, et finalement négocions d'égal à égal pour qu'après on puisse arriver à un régime qui se tienne. Chef Ross.

Le Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de... Merci, Mme la députée de Pontiac. Alors, chef Dominique.

M. Dominique (Gilbert): Oui. Merci beaucoup, madame. J'aurais pu peut-être faire appel à vos services pour mieux articuler le message qu'on souhaite passer, parce que, regardez, là, c'est carrément dans ce sens-là. Puis effectivement, moi, je pense qu'on part du principe, là, où il y a reconnaissance des droits, O.K., où l'État du Québec a des droits, dans notre cas, il y a le Canada, inévitablement, qui est un acteur également dans la reconnaissance des droits, et qu'il y a les premières nations, et que ces premières nations là ont des droits également, lesquels droits ancestraux découlent également, là... où est compris un titre aborigène, O.K., donc une relation particulière avec le territoire.

Donc, on a deux options, hein: ou bien on s'en va dans un mode d'affirmation et de... et, par la bande, de confrontation, O.K., ou bien on amorce un dialogue effectivement sur cette base-là, un dialogue qui est beaucoup plus constructif, et que graduellement on peut, inévitablement, là, trouver des points qui vont faire l'affaire de tout le monde. Effectivement, nous, c'est notre approche. C'est vraiment, là, l'esprit, là, qui nous incite à poursuivre, là, par exemple, notre table de négociation avec l'ensemble des acteurs autour de la table. Donc, pour nous, c'est carrément notre approche, et effectivement c'est l'objectif que nous poursuivons.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le... Excusez-moi, chef Ross. Un complément de réponse?

M. Ross (Denis): Oui. Je trouve quand même son intervention intéressante. Je pense qu'inévitablement... Si on veut réussir à éviter la confrontation puis à s'entendre de façon à ce que tout le monde soit satisfait puis réussisse à vivre sur le territoire, bien je pense que votre avenue, c'est notre avenue, c'est de se parler, de s'entendre sur ce quoi vous avez droit, sur ce quoi on a droit, de le définir une fois pour toutes, puis réussir à faire par la suite du partenariat pour que les générations futures puissent en bénéficier. C'est notre message. Je pense qu'en faisant ça on ne peut pas se tromper. C'est l'avenir.

Le Président (M. Pinard): Merci. Je procède rapidement. Une minute. M. le député de Montmagny-L'Islet, question-réponse, une minute.

M. Morin: Oui. Je suis habitué à être en cour, moi, monsieur. On regarde au niveau du projet de loi n° 57, on redonne la planification forestière au ministère des Ressources naturelles et Faune. Êtes-vous d'accord avec ça?

Le Président (M. Pinard): Alors, chefs Bellefleur, Ross, Dominique?

M. Bellefleur (François): Quand vous dites... Au ministère des Ressources naturelles?

M. Morin: C'est le but du projet de loi n° 57.

M. Bellefleur (François): Moi, je suis mêlé un peu avec ce qui est décentralisé aux municipalités puis ce qui est décentralisé aux organismes, comme vous dites, là, comme le ministère des Ressources naturelles... Il y a les municipalités aussi qui ont des... comme la CRE. Ça, je suis un peu perdu là-dessus.

Mais ce qui m'inquiète vraiment, ce que le gouvernement détient comme pouvoirs au niveau du territoire puis ce que la nation innue a aussi comme droits ancestraux, je ne pense pas qu'on puisse décentraliser des pouvoirs qui sont reliés au territoire à des municipalités. De façon administrative, moi, il n'y a pas de problème, mais, quand on parle de territoire, je pense que ça revient au niveau de la province, parce que, quand on parle de la province, c'est quand même une province qui a été... qui a été aussi déléguée par le fédéral.

Puis, je suis peut-être à côté de la question, mais c'est une question qui me revient à l'esprit, que je voulais soumettre ici, à la Chambre. Puis c'est important, l'inquiétude qu'on a de débattre ces questions-là en région. Je ne peux pas débattre des questions de territoire avec une municipalité. Normalement, ça vient du gouvernement... Ces droits-là normalement devraient être rattachés au niveau de la province, du gouvernement qui est élu dans le centre de la province, et non dans la municipalité.

Le Président (M. Pinard): Merci, chef Bellefleur. Alors, nous continuons mais du côté de l'opposition officielle et... Oui. Alors, la députée de Matapédia. Alors, Mme la députée.

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Je vais essayer de faire vite parce que je sais que mon collègue a plusieurs questions. Chef Dominique, chef Ross, chef Bellefleur, bienvenue en commission. Moi, quand je parcours votre mémoire et quand je regarde toutes les recommandations que vous nous avez faites, c'est comme si vous nous disiez: Votre projet de loi n° 57 ? bien, pas le mien, le leur ? vous l'avez écrit sans tenir compte d'un paquet de choses que vous auriez dû faire a priori. Puis ça transcende toutes les recommandations que vous avez faites, là. À un moment donné, je ne veux pas être dans un champ de fleurs, moi, là, je veux être dans un champ de réalité, la politique-réalité. La politique-réalité, c'est qu'à chaque fois que le gouvernement du Québec rédige un projet de loi il est tenu de consulter a priori les autochtones. Je ne me trompe pas?

n(16 h 30)n

Une voix: Absolument pas.

Mme Doyer: Et ça, quand j'avais le ministre... l'ancien ministre des forêts, Pierre Corbeil, je peux le nommer, même si... en tout cas! Je l'avais devant moi; à chaque fois qu'on est allés en législation, il ne consultait pas, la plupart du temps, a priori les communautés autochtones, puis on entendait ce que vous êtes en train de nous dire aujourd'hui. Et là, c'est comme s'il y avait cette trame-là d'a priori qui n'a pas été faite, et a posteriori vous venez nous dire: Nous, on ne se sent pas à l'aise par rapport aux CRE, on ne se sent pas à l'aise par rapport au chef forestier, qui devrait tenir compte de nous, de nos droits ancestraux. Et je regarde... Par rapport aux chemins forestiers, c'est pareil. Et, dans d'autres projets de loi que nous avions travaillés, les gens venaient dire: On devrait fermer des chemins forestiers. Et pas juste vous, là, des pourvoyeurs aussi qui étaient venus dire ça.

Alors, moi, je regarde... Bon, créer une section spécifique pour vous mais pas nécessairement, comme la ministre disait tantôt, d'extraire, mais cette section qui devrait avoir une plus grande prise en compte de vos droits ancestraux, hein? Et comment on fait, comment on fait pour rattraper ça a posteriori quand on n'en a pas tenu compte a priori, hein? Et, je regarde, là, c'est vraiment, là... c'est flagrant: toutes vos recommandations, c'est ça. «Créer dans la loi une section spécifique pour les premières nations, au lieu de retrouver des articles ou parties d'articles disparates...» Bon. «Insérer [...] une étape obligatoire pour le ministre d'évaluer le degré d'atteinte aux droits ancestraux en présence, de moduler...»«Obliger une première consultation préalable avec les premières nations sur tout projet de stratégie et de plans tactique ou opérationnel...»«Offrir aux premières nations qui le désirent la possibilité de conclure une entente...» Bien, là, c'est quoi qu'on fait, là? J'arrête ici parce que... Il est trop tard. Il est trop tard. On a beau se conter des fleurs... se conter fleurette, là, il est trop tard. Alors, comment rattraper ça a posteriori, puisqu'on ne l'a pas fait a priori?

Le Président (M. Pinard): La question de la députée est posée, question très importante.

M. Dominique (Gilbert): Oui, question fondamentale, effectivement. Puis regardez, là, je pense que tout le monde fait une bonne lecture. Je pense que, s'il y a un point qui rassemble l'ensemble des premières nations à travers le Québec, c'est effectivement, là, la faiblesse du gouvernement dans toutes ses structures, là, sur la... toute la question de consultation, une consultation correspondant à la valeur des droits. Il y a des mesures de consultation effectivement qui sont faites ici et là, mais ces mesures-là... puis ça fait, je pense, bon nombre d'années que plusieurs organisations, plusieurs premières nations et des organisations régionales, comme l'APNQL, le soutiennent, ces structures-là et ces mesures-là ne correspondent pas, ou ce n'est pas en lien avec... ne respectent pas, si l'on veut, ou ne considèrent pas à sa juste valeur les droits des premières nations. Donc, oui, vous avez raison, je pense qu'inévitablement il faut trouver, là, un mécanisme de consultation qui va, à ce moment-ci, faire l'affaire de l'ensemble des parties. Moi, je pense que, si, aujourd'hui, on pourrait juste au moins livrer ça puis qu'effectivement le gouvernement puisse éventuellement s'engager à tenter d'établir des rapprochements à ces égards avec les premières nations, moi, je pense que ça pourrait certainement être de bon augure.

Parce que, vous l'avez mentionné, je vous donne raison, c'est un travail de longue haleine. Nous, on veut profiter de cette vitrine-ci effectivement pour dire: Regardez, je pense qu'on a avantage que le gouvernement du Québec et les gouvernements des premières nations se parlent sur des bases conjointes, dans un environnement qui est propice à la reconnaissance. Un coup ça fait, effectivement on va construire ensemble cette relation, O.K.? Puis, c'est sûr, on ne la construira pas du jour au lendemain, je pense que c'est de longue haleine. Mais, si au moins on a cet engagement-là, moi, je pense que le futur, puis du moins pour nos premières nations, ça pourrait certainement nous inspirer.

Le Président (M. Pinard): Merci, chef Dominique. Alors, le député de Roberval, il vous reste un temps de deux minutes.

M. Trottier: Oui, pour aller dans ce sens-là. Bon, vous négociez de bonne...

Le Président (M. Pinard): ...je voudrais reconnaître le chef Bellefleur.

M. Bellefleur (François): Merci, M. le Président. Je voulais rapporter aussi ce que madame a rapporté tantôt, là. Je pense que, nous aussi, au niveau de nos communautés, il faut qu'on consulte nos communautés. Une fois que l'information qu'on reçoit sur un impact, mettons, au niveau environnemental... il faut que la nation soit au courant de ce qui va se produire au territoire, parce qu'il y a des nations qui occupent des territoires qu'elles ont toujours occupés, puis, pour nous, là, si ce territoire-là est affecté, je pense qu'il y a une grosse discussion, c'est comme avorter l'occupation du territoire d'un membre de la communauté. Je pense que c'est important qu'on nous ramène de l'information pour que, nous, on puisse travailler à l'intérieur de notre nation. Un peu comme la rivière Romaine, on a travaillé de façon à ce que toute la nation innue de Natashquan puisse être informée, puis ça s'est passé par référendum, puis, à 73,4 %, la nation innue de Natashquan a signifié pour que je signe l'entente de la rivière Romaine. Puis ça, là, c'est important dans tout domaine des ressources naturelles, il faut qu'on soit informés pour que, nous, on puisse aller chercher l'accord de notre nation, Moi, je pense que la démocratie, c'est comme ça que ça devrait se produire, puis je pense que c'est tout à fait naturel qu'on discute des choses quand on touche à une partie des ressources naturelles.

Le Président (M. Pinard): Merci, chef Bellefleur. Questions-réponses en dedans d'une minute. M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui, pour aller dans ce sens-là. Bon, vous négociez de bonne foi depuis plusieurs années, c'est tout à votre honneur. C'est évident que, si l'Approche commune, c'était une véritable entente... à l'heure actuelle, si c'était un traité, probablement qu'il y a des choses qui seraient, comme on dit, pas mal plus claires.

Est-ce que vous croyez que ça avance suffisamment rapidement, puis qu'est-ce que vous attendez du gouvernement par rapport à l'Approche commune, qui est signée depuis 2004?

Le Président (M. Pinard): Alors, chef Dominique, très rapidement...

M. Dominique (Gilbert): Oui. Je dois reconnaître qu'au cours des dernières années nous avons, nous, les premières nations et le Québec, convenu de maintenir une cadence élevée dans le cheminement pour nous amener vers un traité, O.K.? Je dois reconnaître que beaucoup d'efforts ont été mis à cet égard. Mais en même temps je dois établir le constat qu'au cours des derniers mois, d'une certaine période, nous avons l'impression qu'on fait un petit peu de surplace et qu'à ce moment-ci il serait extrêmement important qu'on puisse avoir un échange avec le premier ministre pour pouvoir, bien sûr, là, s'assurer que nous considérons nos préoccupations et qu'on convienne toujours ensemble que l'esprit de nos négociations puisse être hautement prioritaire pour l'ensemble des parties. Donc, on est là présentement.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, MM. les chefs. Malheureusement, le temps est terminé, et j'ai même dépassé le temps imparti à votre présentation. Merci infiniment. Et j'inviterais immédiatement le Conseil de la première nation Abitibiwinni de bien vouloir se présenter pour qu'on débute les échanges. Alors, merci, MM. les chefs.

(Suspension de la séance à 16 h 39)

 

(Reprise à 16 h 41)

Le Président (M. Pinard): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux en accueillant le Conseil de la première nation Abitibiwinni, qui est représenté cet après-midi par M. Benoît Croteau, directeur des ressources territoriales. Alors, M. Croteau, les règles sont fort simples, on vous demande de nous exposer votre point de vue, vous avez 15 minutes pour le faire, et par la suite il y a période d'échange, comme vous avez pu assister tout à l'heure, avec le côté ministériel et l'opposition officielle ainsi que la deuxième opposition. Alors, sans plus tarder, nous vous écoutons, M. Croteau.

Conseil de la première
nation Abitibiwinni

M. Croteau (Benoît): Merci beaucoup, M. le Président. Mme la ministre. Je voudrais d'abord rectifier mon titre, c'est directeur de la culture, du patrimoine et du territoire.

Je voudrais tout d'abord, au nom de la première nation Abitibiwinni, nous excuser de l'absence de notre chef, étant dans l'impossibilité de venir aujourd'hui.

Je commencerai également par vous dire que je ne suis pas ici... Je ne lirai pas notre mémoire, vous l'avez entre les mains, vous avez eu la chance de le lire.

Le Conseil de la première nation Abitibiwinni supporte l'initiative de l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador d'organiser une rencontre entre la ministre et les élus autochtones, invitation qui a été faite par notre grand chef, Ghislain Picard, le 15 septembre 2009, à Mme Normandeau.

En lisant le verbatim de la commission parlementaire du 22 octobre 2008, je me rends de plus en plus compte que l'on ne nous écoute pas et que rien ne change vraiment. J'ai l'impression que nous ne sommes rien, tout au plus une nuisance sur le territoire, le nôtre. Et, M. le Président, je me permettrais un commentaire très, très, très personnel. Le projet de loi n° 57, spécifiquement au niveau de l'article 71, fait abstraction de nos droits et des jugements de la Cour suprême du Canada et, à mon avis, a été rédigé par des amateurs et vérifié par des amateurs. Et j'espère que ce sera changé et soit rejeté par un gouvernement responsable.

J'ai pris en note également un texte que j'ai vu à l'extérieur du bâtiment, qui vient de l'honorable Honoré Mercier: «Nous, de la province de Québec, sommes déterminés à n'avoir d'autre guide dans nos affaires publiques que la justice. Nous croyons en elle, en tout et en dépit de tout; pour elle nous assumons les responsabilités les plus lourdes comme les conséquences les plus graves, non seulement du présent et de l'avenir, mais encore du passé; et lorsque nous constatons que, dans [les faits accomplis], les préceptes de cette justice ont été méconnus, ses intérêts négligés, ses droits trahis, alors nous croyons qu'il faut revenir sur ses pas, retourner en arrière pour redresser les torts et payer la dette.» Je finirai comme cela.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Croteau. Sans plus tarder, je vais permettre à Mme la ministre des Ressources naturelles d'entamer la discussion avec la nation.

Mme Normandeau: Oui. Bien, merci d'être là. Vous avez fait une présentation plutôt courte, hein, porté un jugement très sévère sur le contenu du projet de loi n° 57 et ses finalités.

Peut-être apporter à votre attention, parce que vos prédécesseurs ont beaucoup insisté sur la notion de consultation, il y a effectivement pour le gouvernement obligation de consultation. Notre volonté, c'est de vous associer en amont des processus, j'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure, entre autres, avec vos collègues innus. Mais c'est important de le dire, parce qu'il ne faut pas laisser l'impression qu'il n'y a jamais de consultation et qu'il n'y a pas de consultation. Dans le cadre du livre vert, mon prédécesseur a eu l'occasion de consulter. Il y a eu des consultations nationales, mais il y a également eu des consultations auprès des premières nations. Alors, à moins que je me trompe, mais c'est écrit carrément dans le document explicatif, ici, là, que possèdent tous les collègues de la commission parlementaire. Alors, je pense, il y a parfois... il faut parfois, M. le Président, apporter des précisions pour éviter de donner l'impression qu'il n'y a aucun processus de consultation qui est mené auprès des premières nations.

Est-ce que c'est possible pour vous de nous dire concrètement quelles modifications nous devrions apporter pour avoir un projet de loi qui puisse rencontrer les aspirations de votre communauté? Comment concrètement on pourrait améliorer? Parce que c'est ça, l'objectif de la commission parlementaire, on fait les consultations pour qu'on puisse bonifier le projet de loi, le rendre meilleur. Je dis toujours: toute chose étant perfectible, on cherche vraiment à avoir un projet de loi qui suscite la plus large adhésion possible, le plus large consensus possible. Alors, est-ce que vous avez des dimensions peut-être plus concrètes que vous souhaiteriez porter à notre attention pour qu'on puisse vraiment avoir un projet de loi qui fasse en sorte que vous ayez une zone de confort un peu plus grande par rapport à ce que vous exprimez aujourd'hui?

Le Président (M. Pinard): M. Croteau.

M. Croteau (Benoît): Le mot «consultation» est très... est un mot très, très populaire depuis la cause de la nation haïda, Taku River. Il aurait été intéressant aussi, dans l'article de loi, qu'il y ait d'autres mots qui sont d'ordre... qui sont, à notre avis, beaucoup plus importants, ceux du titre autochtone, des droits ancestraux, de nation autochtone et de gouvernement autochtone. C'est des mots qui auraient dû se trouver dans la loi, qui auraient probablement... En fait, c'est l'absence de ces mots qui rend la loi inacceptable, selon notre communauté.

Le Président (M. Pinard): Mme la ministre.

Mme Normandeau: Bien. Je comprends très bien ce que vous nous dites. J'ai eu l'occasion de le dire, puis vous étiez dans la salle, je pense, lorsque je l'ai dit, qu'il y a des dimensions qui dépassent les... je vais le dire comme ça, la juridiction du ministère des Ressources naturelles, qui dépassent mon propre mandat, qui dépassent celui de la commission parlementaire, ici. Est-ce que vous croyez, entre cette demande que vous formulez et le libellé actuel du projet de loi, est-ce que vous pensez qu'il y a des voies de passage qui feraient en sorte qu'il y aurait des compromis possibles? Ou, dans le fond, vous dites, dans le fond: Nous, écoutez... moi, je viens livrer un message au nom de la communauté; ce que je vous livre, c'est ça, il n'y a pas de compromis possible, puis voilà, c'est ce qu'on revendique. Est-ce que vous pensez qu'il y a des aménagements qui nous permettraient d'arriver à un compromis acceptable pour tous?

M. Croteau (Benoît): ...

Le Président (M. Pinard): M. Croteau.

M. Croteau (Benoît): Ah! excusez-moi.

Le Président (M. Pinard): Non, non, allez-y.

M. Croteau (Benoît): Vous parlez de ce qui dépasse votre juridiction. Si je fais mention de la section VI du droit forestier, article 71: «Un permis d'intervention est nécessaire pour réaliser dans les forêts du domaine de l'État les activités d'aménagement forestier suivantes:

«8° les activités réalisées par des autochtones à des fins domestiques, rituelles ou sociales, sauf dans les cas déterminés par règlement du ministre», je crois que ça dépasse largement vos obligations, Mme Normandeau.

Mme Normandeau: Mais soyez plus explicite, là.

M. Croteau (Benoît): C'est-à-dire, si je lis et je ramène dans un entonnoir le plus petit ce texte de loi là, c'est que j'ai besoin d'un permis de l'intervention de l'État pour aller ramasser des bleuets.

Mme Normandeau: Non, pas des... Non, non, on n'émet pas de permis pour ramasser des bleuets. Non, on n'émet pas de permis pour ramasser des bleuets, rassurez-vous. Rassurez-vous.

n(16 h 50)n

M. Croteau (Benoît): Oui, mais, si je réduis au maximum les mots qui sont inscrits dans cet article de loi là, c'est ça. Ça, ça veut dire, c'est encadrer mes activités de chasse, parce que c'est le MRNF, ça veut dire encadrer mes activités de pêche, ça veut dire encadrer mon droit d'aller chercher du bois de chauffage pour des fins domestiques, ça veut dire aller à l'encontre du jugement Marshall et d'autres causes qui ont lieu à travers le Canada.

Mme Normandeau: Là, c'est intéressant, M. le Président, parce que, là, on a un témoignage qui confirme que certains articles peuvent laisser place à une certaine interprétation. Puis ce n'est pas... Évidemment, un projet de loi, enfin on tente, comme législateurs, d'avoir des libellés qui laissent le moins possible place à interprétation. Alors, dans le fond, ce que vous nous dites, c'est de nous inviter à réviser le libellé du paragraphe 8° de l'article 71, ce à quoi on acquiesce, M. le Président. Effectivement, tel que libellé, ça peut laisser place à une interprétation qui peut être perçue comme réductrice de la part de votre communauté des premières nations. Alors, là-dessus, votre commentaire est très pertinent. On va en tenir compte pour la suite des choses. Ça va?

M. Croteau (Benoît): Oui, j'ai réduit au minimum l'expression, là.

Mme Normandeau: Mais on vous a bien compris.

M. Croteau (Benoît): De toute façon, on ne m'empêchera pas de ramasser des bleuets, là.

Mme Normandeau: On vous a bien compris. On vous a bien compris.

M. Croteau (Benoît): Puis, pour ce qui est du reste, je suis quand même au courant de plusieurs faits politiques au niveau du territoire. Par contre, il y a peut-être à certaines questions où j'aurais peut-être certaines difficultés à répondre parce que... disons que mon conseil m'a mandaté pour aller mentionner ce que j'ai dit. Je vais répondre du mieux que je peux. Sinon, je vais dire, à ce moment-là, pour d'autres interventions que je ne pourrai pas répondre, s'il y a lieu.

Mme Normandeau: Peut-être pour le bénéfice, M. le Président, des parlementaires que nous sommes et des gens qui nous écoutent... parce que vous savez qu'il y a beaucoup de gens qui nous écoutent. C'est une commission parlementaire qui est très suivie. Physiquement, votre communauté, parce que c'est important géographiquement de nous situer, vous êtes en Abitibi. Peut-être nous parler un petit peu de votre communauté, les gens, le nombre de personnes qui vivent dans la communauté. C'est possible de nous parler de ça un petit peu, juste pour qu'on se situe?

M. Croteau (Benoît): Oui, sans problème. Pikogan est une communauté algonquine, premièrement, située ou enclavée dans les limites de la ville d'Amos, en Abitibi-Témiscamingue. Il y a environ 550 habitants puis un membership autour de... excusez l'anglicisme, d'environ 875 membres, 850, 875 membres, à peu près.

Mme Normandeau: Juste pour faire la distinction entre les membres et... le 550 versus le 800...

M. Croteau (Benoît): Ah! Je veux dire, à Pikogan, les habitants, je parle de 550 personnes, puis autour de 900 pour les membres, incluant ceux qui vivent à Pikogan, des gens qui vivent à l'extérieur de la communauté.

Mme Normandeau: Quel est le plus grand défi chez vous? Est-ce que votre communauté, en termes de défis, se compare à d'autres communautés? Est-ce qu'il y a... les jeunes... les gens travaillent dans quels secteurs? C'est possible de nous parler un peu de ça, de votre réalité socioéconomique?

M. Croteau (Benoît): La réalité socioéconomique, il y a un taux de chômage sur lequel je ne te dirai pas de chiffre... je ne vous dirai pas de chiffre, mais il y a quand même un taux de chômage élevé. La scolarisation est à la baisse. Il y a plus de 50 % de la communauté qui est âgée de moins de 18 ans, c'est énorme. C'est des jeunes qui n'ont pas de point de repère souvent pour être valorisés. Mais il y a beaucoup de défis au niveau de la communauté, on travaille sur plusieurs projets, dont quelques petits projets de formation en foresterie, supervisés par Rexforêt. Sinon, ce n'est quand même pas tous nos jeunes qui veulent devenir débroussailleurs non plus, là. Ça fait que c'est un peu Pikogan.

Mme Normandeau: O.K. Oui, c'est tout? O.K. Parfait. Merci.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci. Nous allons passer maintenant du côté de l'opposition officielle pour un bloc de 10 minutes. Alors, M. le député de Roberval, s'il vous plaît.

M. Trottier: Oui, merci, M. le Président. M. Croteau, je comprends votre réaction, je sais que vous êtes dur envers le projet de loi. Dans le fond, c'est que vous avez l'impression qu'on ne tient pas compte de vous. Si je vous demandais: Comment vous vous sentez quand vous voyez des projets de loi comme ça? Est-ce que vous êtes... vous vous sentez oubliés? Vous vous sentez comment? C'est quoi, le feeling que vous avez par rapport à ça, là?

M. Croteau (Benoît): C'était la semaine culturelle... Excusez, vous ne m'avez pas donné le droit de parole. C'était la semaine culturelle pour la communauté de Pikogan la semaine passée, puis, cette réalité-là, on la vit quand on est en forêt. Le terrain familial chez nous, premièrement, il y a une mine dessus, puis il y a déjà eu une scierie, sur laquelle il y a encore un monticule de copeaux. Il n'y a plus de forêt mature. Une forêt en régénération, certains vont dire... ouais. Il y a des camps partout. Je pourrais mettre une grille de points cotés, puis il y a un camp partout. Il y a une appropriation du territoire faite par les tours de chasse. Les territoires de chasse personnels au Québec, ça n'existe pas, mais il y a une appropriation qui en est faite. On me demande un permis pour aller pratiquer mes activités traditionnelles, des activités que l'on m'inculque dans la communauté, avec les valeurs de la communauté. Non, c'est dur.

Ce n'est pas le fun d'avoir ça, ce n'est pas le fun de savoir qu'on nous propose des choses, des projets de loi sur lesquels, moi, je dois intervenir, avec mon 180 000 $ par année... J'ai un D.E.C. en aménagement forestier, j'ai une personne extraordinaire qui travaille avec moi; la plupart du temps, on n'est pas capables de répondre à ces consultations-là. L'année passée, j'ai eu trois unités d'aménagement, trois manuels... pas des manuels d'intervention, trois plans généraux à consulter, en même temps que le plan stratégique minéral. Il y a eu les débuts, je pense, du commencement... au niveau de la Loi sur les forêts, puis il y a un autre dossier qui m'échappe; on a eu ça à traiter au bureau en même temps. Oui, oui, on nous envoie des documents pour être consultés, mais il y a des documents, comme des projets de loi, sur lesquels on est consultés, et on a à peu près le même temps de consultation qu'une modification à un plan d'aménagement forestier pour une extension de chemin de 200 mètres. Ça correspond à entre 30 et 60 jours. Alors, on n'a ni les moyens financiers, ni les moyens techniques, ni les ressources humaines pour répondre à ces consultations-là. Et, même encore, on n'a ni les moyens de mettre en place un comité qui pourrait être... qui pourrait s'asseoir avec le gouvernement puis faire ça en amont. Puis là je ne suis pas en train de quêter de l'argent, là. Ce n'est pas ça, là. Mais on n'a pas... On ne peut pas le faire.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Trottier: C'est une réalité qui est assez difficile, comme on dit. Combien ça fait de temps que... La dernière fois qu'on est venu vous consulter par rapport à des travaux en... sur place. Est-ce que de temps en temps il y a des gens qui vont vous voir sur place pour discuter avec vous de comment vous voyez ça, puis qu'est-ce qu'on devrait faire pour tenir compte de vos droits ancestraux, puis de ce que vous souhaitez comme développement?

M. Croteau (Benoît): J'ai commencé à... Excusez-moi...

Le Président (M. Pinard): Allez-y.

n(17 heures)n

M. Croteau (Benoît): J'ai commencé à faire ça en 2002, au niveau des consultations. Puis, quand qu'on a commencé ça, à Pikogan, c'était pour quoi? O.K., bon, c'est beau, on me consulte. Je vais dire non pour les travaux. Bien, on me demande mon avis. Je dis non. Puis, ce non-là n'est pas respecté. Ça fait que ce n'est pas de la consultation, c'est de l'information. On nous demande des travaux de coupe. Souvent, les territoires convoités par l'industrie forestière sont les mêmes que pour les gens qui occupent le territoire. Mais ils en coupent la moitié. Ils ne veulent pas qu'ils en coupent. Puis ils essaient de trouver un terrain d'entente. Les gagnants, ce n'est pas nous, ce n'est pas... De la façon qu'on appelle ça, c'est de l'harmonisation. Bon, ça vient du mot «harmonie», puis c'est loin d'être l'harmonie de ce temps-là, entre autres avec deux industries. Puis, la situation financière d'une autre fait en sorte que les consultations sont moindres, aussi. C'est la réalité terrain. La dernière fois, c'est il y a à peu près trois semaines, un mois.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Trottier: Si vous aviez une recommandation ou en tout cas une demande à formuler pour faire en sorte que vos droits puissent être davantage reconnus, que votre situation économique puisse s'améliorer, ce serait quoi? Est-ce que c'est d'avoir un plus grand territoire? Ce serait quoi? Ce serait d'avoir accès à quoi? Ce serait quoi, votre première priorité?

M. Croteau (Benoît): Bien, le plus grand territoire... le territoire... le territoire algonquin, il est assez grand. On est une des grandes nations au Québec. Ce serait de le reconnaître, premièrement. Je pense évidemment que de reconnaître le territoire algonquin, reconnaître le droit des Algonquins à l'intérieur de ce territoire-là serait... le droit, comme il est mentionné, des fins ? c'est un peu dévalorisant ? mais domestiques, rituelles ou sociales... Mais on a des droits économiques. On a toujours fait du commerce. De reconnaître, je pense, puis je ne parlerai pas au nom de tous les autres, mais reconnaître le titre aborigène sur nos territoires serait probablement une alternative qui faciliterait beaucoup les discussions entre les autochtones puis le gouvernement.

M. Trottier: Vous dites que le territoire ancestral est très grand, mais aujourd'hui, légalement, on vous reconnaît quelle grandeur de territoire en superficie?

M. Croteau (Benoît): Nos terres n'ont jamais été cédées, nos droits n'ont jamais été cédés. Le territoire n'a jamais été démontré de façon claire comme vous le demandez. Nos territoires... Si je fais un portrait du territoire de la communauté de Pikogan... de Pikogan inclusivement, je vais peut-être vous perdre un peu, mais c'est le bassin versant de la rivière Harricana, au sud du 50e parallèle, en descendant jusqu'au partage des eaux, au niveau... entre Val-d'Or puis Rouyn-Noranda, exemple, là. C'est à peu près ça puis... oui, à peu près ça, puis le bassin versant du lac Abitibi vers l'Ontario. Ce serait le territoire des Algonquins de Pikogan, des Abitibiwinniks.

M. Trottier: Je comprends très bien que dans le fond les Blancs ne peuvent pas dire que le territoire leur appartient, parce que, comme vous dites, vous n'avez jamais cédé... etc. Vous dites: Le territoire nous appartient. Mais on pourrait dire que dans le fond vous n'avez pas un grand pouvoir dessus, du fait que dans le fond, même si vous êtes les propriétaires, dans le fond on vous considère plus comme locataires présentement. Et c'est pour ça que je voulais savoir, le territoire de la communauté... c'est quoi, le territoire de la communauté qui vous est reconnu par les Blancs à l'heure actuelle.

M. Croteau (Benoît): Vous parlez de la réserve?

M. Trottier: Oui.

M. Croteau (Benoît): O.K. On a eu un agrandissement dernièrement qui est autour de 230 hectares. Ce qui m'a surpris un peu, c'est après avoir dit ça à un gars: Ah! il dit, c'est rendu grand. Il dit: C'est comment grand chez vous? C'est un agriculteur. Il en avait 300 hectares, pour sa maison, ses fermes et ses vaches. On est 550 à vivre là-dessus. C'est le territoire qui est reconnu comme réserve.

Le Président (M. Pinard): Avez-vous d'autres questions, M. le député de Roberval, ou vous allez...

M. Trottier: Bien, j'aurais un commentaire.

Le Président (M. Pinard): ...vous allez en conserver?

M. Trottier: C'est que... Peut-être un dernier commentaire. C'est sûr qu'avec un territoire comme ça on ne peut pas demander à une communauté de se développer. Moi, je pense qu'il y a comme... il y a quelque chose qui ne fonctionne pas là-dedans. Puis je vous comprends très bien d'avoir des revendications, d'autant plus que je pense que, quand les gens ont été là avant nous, il y a 2 000, 3 000, 4 000 ans, je pense que ça mériterait davantage de respect.

Le Président (M. Pinard): Commentaire sur le commentaire? Non? M. le député de Beauce-Nord, s'il vous plaît.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Alors, je vous écoutais tout à l'heure. Vous dites que vous avez... vous êtes environ 500 personnes, 50 % ont moins de 18 ans. Les jeunes, est-ce qu'ils ont des... est-ce qu'ils ont un moyen de scolarité? Est-ce qu'ils ont des écoles? Est-ce qu'ils vont à l'école à Amos? Est-ce qu'ils vont à l'école sur la réserve? Comment ça marche?

Le Président (M. Pinard): Monsieur.

M. Croteau (Benoît): Les études élémentaires se font à Pikogan. Première... bien, de la maternelle quatre ans à aller à la sixième année se fait à Pikogan. Le secondaire se fait à Amos.

M. Grondin: Est-ce que les... Est-ce que le... Parce que vous savez qu'au niveau du Québec il y a beaucoup de décrochage, mais j'imagine que vous devez avoir le même phénomène. Est-ce que les jeunes restent à l'école?

M. Croteau (Benoît): Peu. Très peu. Je ne pourrais pas te dire de chiffre actuellement... je ne pourrais pas vous dire de chiffre, mais il y a très, très peu de gens qui se rendent en... qui obtiennent leur diplomation au niveau du secondaire.

M. Grondin: Mais, sur la... sur votre réserve ? je ne sais pas... est-ce que vous appelez ça une réserve, est-ce que vous appelez ça un territoire? ? c'est... est-ce qu'il est... qu'est-ce qu'il y a comme activité pour intéresser les jeunes?

M. Croteau (Benoît): On essaie toutes sortes de trucs, mais une des choses sur lesquelles on se penche, c'est de leur montrer qui ils étaient pour savoir qui ils sont, c'est-à-dire qu'on essaie de leur montrer notre histoire pour pouvoir se situer aujourd'hui. Les terres, les territoires ancestraux ont tous été pratiquement coupés. Il y a des endroits que les gens ne vont plus. Il y a... Les méthodes d'accès aux territoires ont changé, le rythme de vie des... a changé un peu, et je crois qu'à quelque part les jeunes aujourd'hui se sentent perdus avec tout ça.

M. Grondin: Vous parliez que vous avez plusieurs camps, plusieurs... sur votre... sur ce territoire-là. Est-ce que c'est des propriétés à vous autres ou c'est des étrangers qui sont installés chez vous?

M. Croteau (Benoît): ...des baux d'abri sommaire émis par le gouvernement du Québec.

M. Grondin: Mais, les baux, est-ce que c'est vous autres qui récoltez des... les... le fric de tout ça?

M. Croteau (Benoît): Du tout! Du tout! Et d'ailleurs il y a souvent des conflits en forêt, à savoir: Ah! C'est mon secteur de chasse! Ne va pas là! Puis là je parle des gens qui ont des baux, là, avec leurs petites pancartes: Chasseurs à l'affût, 12 chasseurs à l'affût, là. Ça... Oui.

M. Grondin: Bien, moi, je ne veux pas vous faire de peine, mais on vit ça à la grandeur du Québec, hein? Moi, je ne suis pas supposé être sur un territoire autochtone, mais j'ai ça chez nous, sur ma propre... ma propre ferme. Mais... C'est dommage, mais on est rendus là.

Mais, moi, c'était juste que... Est-ce qu'il y a quelque chose pour que... ? vous avez une population qui sont jeunes ? qu'on peut les accrocher, les faire développer, les faire... tu sais, pour qu'ils aient un peu la joie de vivre, la... Parce qu'il reste que, malgré tous les problèmes qu'on peut avoir au Québec, quand on visite un peu à la grandeur de la planète, on s'aperçoit qu'au Québec on est quand même bien.

M. Croteau (Benoît): Il y a beaucoup d'efforts qui sont faits par la communauté, il y a beaucoup d'efforts individuels et d'efforts collectifs qui sont faits pour les jeunes. Souvent, on a de la misère à faire des activités. Disons qu'il y a certaines contraintes au niveau financier qui nous empêchent de faire des activités. Nos territoires familiaux les plus proches sont à 100 kilomètres de la communauté, environ. Ce n'est pas tout le monde qui a nécessairement les moyens de se rendre sur ces territoires familiaux là toutes les fins de semaine puis... Puis ça, c'est les plus proches, là. Il y en a qui sont très loin, là.

M. Grondin: C'est beau. Merci.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Beauce-Nord. Du côté ministériel, Mme la ministre.

n(17 h 10)n

Mme Normandeau: Bien, M. le Président, un dernier commentaire. C'est probablement votre première présence en commission parlementaire, votre première prestation. Ça peut être un peu... comment dire... ce n'est pas toujours évident, hein? Puis je voulais juste simplement vous dire que vous avez très bien fait ça, puis votre message a été entendu au nom de votre communauté, votre nation. Et je vous remercie d'avoir pris soin de parcourir tous ces nombreux kilomètres. Vous avez fait la route ou l'avion, je ne le sais pas, mais enfin, bref, pour venir de la Gaspésie, je sais ce que ça représente, là, se déplacer sur un aussi long... sur une aussi longue distance.

Le Président (M. Pinard): Le Québec est grand.

Mme Normandeau: Oui, le Québec est grand, effectivement. Alors, écoutez, je veux vraiment vous remercier. Puis soyez assuré d'une chose, que tous les parlementaires qui sont ici sont très attentifs à toute la réalité socioéconomique des premières nations, puis, si on peut développer ? et puis ça, on l'encourage ? développer des partenariats qui vont nous permettre vraiment de faire équipe ensemble, soyez assuré qu'il y a une volonté très réelle des parlementaires qui sont devant vous. En tout cas, du côté ministériel, assurément. Alors, voilà. Votre message a été entendu. Je souhaite que vous... je souhaite que vous puissiez communiquer l'information auprès de votre chef et des membres de votre communauté également. On vous souhaite bonne chance.

Le Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre. Du côté de l'opposition officielle, est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui, M. le Président. Très heureux d'entendre la ministre dire qu'il y a une volonté. J'ai hâte de voir ça sur le terrain, par exemple, parce que ça ne semble pas évident quand on voit les témoignages qu'on a. Puis ce que je souhaite, c'est que, dans les prochains mois, les prochaines années, qu'on puisse vraiment déposer quelque chose de concret pour vous sur la table, parce que je pense que ce n'est pas en niant les droits des autres qu'on fait reconnaître les nôtres. Et vous apportez un témoignage, à mon avis, qui est extrêmement important, et je souhaite sincèrement qu'on puisse vous aider et qu'on puisse ensemble être fiers de la diversité que vous apportez, parce que dans le fond vous avez été là avant nous, vous nous avez aidés, vous avez contribué à ce que le Québec est aujourd'hui, et je pense qu'on a trop tendance à l'oublier.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Roberval. Un dernier commentaire, M. Croteau?

M. Croteau (Benoît): Oui. Ce n'est pas de la Gaspésie, mais de l'Abitibi.

Mme Normandeau: Non, moi, je viens de la Gaspésie.

M. Croteau (Benoît): Ah! O.K.

Mme Normandeau: C'est ça. Je faisais le parallèle entre les distances qu'on a à parcourir de nos régions respectives pour se rendre ici, à Québec.

M. Croteau (Benoît): O.K. Ah bon! Parfait. Parfait. Merci.

Mme Normandeau: Merci beaucoup.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Croteau, merci infiniment d'avoir accepté l'invitation. Et soyez sûr et certain que les membres de la commission vont retenir votre témoignage. Merci beaucoup.

Et je suspends les travaux jusqu'à 17 h 30, ce soir.

Une voix: ...

Le Président (M. Pinard): Comment, 19 heures?

Une voix: Vous avez dit «17 heures»...

Le Président (M. Pinard): 17 h 30? Alors, 19 h 30. Excusez-moi. Alors, 19 h 30.

(Suspension de la séance à 17 h 13)

 

(Reprise à 19 h 34)

Le Président (M. Pinard): J'ai bien dit: À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. Alors, ayant constaté le quorum, la Commission de l'agriculture, de l'énergie et des ressources naturelles reprend ses travaux.

Je demande encore une fois à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Sans plus tarder, nous allons poursuivre les auditions publiques sur le projet de loi n° 57, Loi sur l'occupation du territoire forestier. Alors, ce soir, nous rencontrons le Regroupement des sociétés d'aménagement forestier du Québec, qui sera suivi de la Fédération des travailleurs, travailleuses du Québec et le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier.

Alors, le Regroupement des sociétés d'aménagement forestier du Québec ayant pris place, je vous demanderais, pour les fins d'enregistrement, de bien vouloir vous identifier, s'il vous plaît.

Regroupement des sociétés
d'aménagement forestier
du Québec (RESAM)

M. Bernier (Rénald): Bonsoir. Mon nom est Rénald Bernier, je suis le président du... de RESAM, le Regroupement des sociétés d'aménagement des forêts du Québec. J'ai ici, à ma droite... Tu peux te présenter toi-même.

M. Beaudoin (Marc): Alors, Marc Beaudoin, directeur général de RESAM.

M. Bernier (Rénald): Et à ma gauche...

M. Riopel (Martin): Martin Riopel, directeur adjoint à RESAM.

Le Président (M. Pinard): Alors, bienvenue, messieurs. Alors, vous connaissez les règles: 15 minutes pour la présentation, et par la suite il y aura un débat avec le côté ministériel ainsi que la première et seconde opposition officielle, avec vous, sur votre présentation. Alors, M. le président, on vous écoute.

M. Bernier (Rénald): Merci, M. le Président. Bonsoir, tout le monde. Je vous remercie de nous accueillir ce soir. Sans plus tarder, je vais entrer dans le vif du sujet.

On pourrait se poser une question. Lorsqu'on devient propriétaire d'un boisé privé, ça représente 40 hectares, il y a plusieurs questions qu'on se pose, on veut des conseils. Il y a toujours le beau-frère qui peut nous donner des conseils, c'est sûr, mais ce qu'on veut, c'est des vrais conseils, des conseils utiles, quelqu'un qui vous dira par où commencer, quelqu'un qui vous dira le potentiel de votre nouvelle propriété, quelqu'un qui vous planifiera des travaux, qui vous fera entrer dans une grande famille qui partagera les mêmes valeurs que vous, qui vous permettra d'optimiser vos interventions. Qui est cette personne, ou qui est ce groupe? Bien, ce sont les groupements forestiers.

Le groupement forestier, c'est un modèle choisi librement par 27 000 propriétaires. Les propos que nous tenons actuellement sont ceux de nos 27 000 propriétaires, qui représentent 60 % des propriétaires actifs en aménagement en forêt privée. Ce choix libre des propriétaires permet de plus de créer 2 700 emplois... 2 700 emplois spécialisés. On pense ici aux ouvriers sylvicoles, aux ingénieurs, aux technologues, biologistes, etc. Ça permet aussi d'assurer la survie de plusieurs communautés rurales en injectant directement plus de 136 millions dans l'économie locale. Nous sommes le moteur de l'aménagement en forêt privée.

Nous sommes ici encore une fois pour parler du régime forestier. Comme tous les acteurs du secteur forestier, nous avons réagi dans le cadre du Sommet sur l'avenir du secteur forestier, du livre vert, du document de travail, des groupes de travail et du projet de loi n° 57 sur l'occupation du territoire. Si nous sommes ainsi consultés, c'est que... nous croyons que c'est parce que vous voulez nous impliquer. Alors, nous allons en profiter.

Beaucoup sont passés avant nous pour vous dire... pour faire part des modifications nécessaires pour rendre ce projet de loi recevable à leurs yeux. Nous n'essaierons pas de reprendre leurs propos, c'est sûr. Nous tenons essentiellement à cibler des priorités de nos 27 000 propriétaires.

Chose certaine, ce qui nous attend est inconnu. Cela demandera beaucoup de courage à tous les acteurs du secteur forestier, à commencer par vous, MM. et Mmes les députés qui auront à voter cette loi. Serez-vous attirés vers l'illusion d'une pseudostabilité ou bien lèverez-vous la tête et regarderez-vous bien devant vous, en avant? Pour notre part, nous avons fait notre choix. Nous sommes fiers d'avoir fait partie de la coalition et nous supportons toujours le consensus qui en a émané. De même, nous supportons la Fédération des producteurs de bois du Québec dans sa demande de renforcir le concept de résidualité.

Au RESAM, le statu quo est inadmissible. Une réforme doit être mise en oeuvre dès décembre, comme promis. Il ne doit plus être question de retarder cette échéance.

Avec le présent dépôt de la loi n° 57, la forêt privée est sur la voie de service. Je m'explique. On nous avait dit qu'on devait bâtir un régime pour toute la forêt. Ce n'est pas le cas. Nous sommes extrêmement déçus de voir que l'on ne reconnaît toujours pas le potentiel de la forêt privée. La situation est inacceptable, car la forêt privée est appelée à jouer un rôle plus grand que jamais, dû, entre autres, à la réduction de la capacité forestière de la forêt publique et à l'accroissement de l'efficacité des usines de transformation. Qui plus est, les groupements forestiers seront appelés à jouer un rôle encore plus important dans leurs communautés respectives, soit de continuer à développer et maintenir une culture forestière et à assurer le développement de la main-d'oeuvre forestière. Comment peut-on croire que les mêmes façons de faire engendreront des résultats différents?

n(19 h 40)n

Par chance, Mme Normandeau, lors de notre congrès, vous nous avez dit que vous corrigeriez la situation en mettant en place un comité pour la révision du régime de forêt privée. C'est là une bonne nouvelle. Nous acceptons d'emblée de participer, mais nous avons certaines demandes dans le processus, soit, premièrement, que tous les paramètres du régime de forêt privée soient revus. Présentement, plusieurs lois sont ouvertes dans le cadre du projet de loi n° 57. Elles doivent l'être aussi pour le régime de forêt privée. Deuxièmement, le régime de forêt privée doit être prêt pour le printemps. Troisièmement, les ressources supplémentaires doivent être allouées au service de la forêt privée. On a mobilisé le ministère des Ressources naturelles, de la Forêt au complet pour la portion forêt publique, laisserons-nous un service de forêt privée seul devant un défi aussi important? Quatrièmement, la ministre doit se doter des pouvoirs nécessaires afin de modifier le règlement dans la loi.

Soyons clairs: tant que ce travail ne sera pas fait, nous ne pourrons dire que nous avons un projet de loi sur l'occupation du territoire qui soit cohérent. C'est sûr qu'il y a des bons coups dans le projet de loi. Il est facile de critiquer, et le temps est limité, mais, somme toute, il y a plusieurs éléments que nous aimons dans le projet de loi, notamment la mise en place d'enchères pour le bois public, un début de reconnaissance des groupements forestiers, avec l'article 126, et puis la mise en place des contrats d'aménagement forestier. Pour la suite, je vais demander à Marc de poursuivre.

M. Beaudoin (Marc): Alors, bonsoir à tous. Évidemment, notre propos est surtout forêt privée. Il y a quatre éléments qui sont excessivement importants pour nous. Le premier est la résidualité. En fait, il faut défendre avec véhémence le principe de résidualité, c'est excessivement important pour la forêt privée, d'autant plus que le mécanisme de vente aux enchères nous donne quelques outils supplémentaires. Nous croyons que le mécanisme doit s'appliquer d'une façon annuelle, et l'utilisation des enchères nous permet, là, de modifier l'offre de bois afin de ne pas créer de surplus. On pense aussi qu'il serait intéressant d'interrompre périodiquement la vente de bois public pour laisser des fenêtres propres à la forêt privée, pour faciliter la vente des bois de la forêt privée, donner un attrait supplémentaire. L'accès aux garanties d'approvisionnement devrait aussi être permis seulement une fois qu'un volume suffisant en forêt privée a été acheté. Et finalement la ministre doit pouvoir intervenir de manière non discrétionnaire afin de régler le problème inévitable d'application du principe de résidualité. Là, c'est là qu'on rejoint la fédération.

Mais, vous savez, il y a aussi des éléments excessivement importants qui doivent être réglés rapidement. Le premier, c'est la reconnaissance des groupements forestiers. En fait, le Québec peut se targuer de posséder un outil collectif qu'on peut... pour lequel on ne trouve pas d'équivalent dans d'autres juridictions. On appelle ça des organismes de gestion en commun ou des groupements forestiers, communément.

L'originalité des groupements forestiers, c'est le mode de fonctionnement collectif. Ce sont des entreprises créées par les propriétaires de lots boisés pour les propriétaires de lots boisés. Ces gens-là ont pris... ont fait le choix délibéré de mettre ensemble leur potentiel, leur force et leur capacité. Ça a permis de créer des entreprises, ça a permis aux régions de se doter de personnel professionnel et spécialisé, d'acquérir des équipements modernes et plus performants, de réaliser des économies d'échelle. En fait, ça a permis, surtout et avant tout, de faire plus avec les mêmes ressources. C'est un outil puissant pour mobiliser les propriétaires et c'est aussi un outil excessivement intéressant pour transférer les connaissances et surtout induire une culture forestière.

Et c'est normal que ce soit ici, parce que c'est ça, la mission même de nos entreprises: aménager le territoire de nos membres de façon optimale, mais aussi créer des emplois dans les régions, parce que nos entreprises sont très, très enracinées dans les régions, et c'est vraiment... Et, si on regarde les opérations Dignité dans le Bas-Saint-Laurent, en Gaspésie, ça vient de là.

Le modèle d'affaires qui est préconisé par des groupements forestiers, ce n'est pas le seul disponible dans l'éventail des modèles pour la forêt privée, et c'est correct que ce soit ainsi, parce que les propriétaires ont différents objectifs d'aménagement, différentes valeurs, et on a besoin de plusieurs... on a besoin de variabilité. Mais c'est 27 000 propriétaires, plus de 60 % des propriétaires actifs, qui l'ont choisi. C'est donc... Ça doit démontrer une pertinence.

Alors donc, est-ce normal que cette formule soit attaquée en 2009, après 40 ans d'expériences et des résultats aussi probants? Est-ce normal qu'on laisse encore aujourd'hui certains partenaires nier l'existence? Est-ce normal que notre existence n'est pas confirmée dans une loi, alors que tous nos partenaires en forêt, que ce soient l'industrie de la transformation, les syndicats d'office, des organismes fauniques, les municipalités, ont une reconnaissance dans une loi qui leur est propre? On va même ? et ça, c'est une très bonne nouvelle ? dans le projet de loi n° 57, reconnaître l'industrie de l'aménagement forestier. Ça, c'est un très bon coup. On a senti le besoin de créer un espace pour l'industrie de l'aménagement forestier. Nous, on sent le besoin d'avoir cet espace-là parce qu'aujourd'hui on doit encore se battre pour justifier notre présence au sein des agences de mise en valeur. Est-ce que c'est normal qu'on doit sacrifier autant d'efforts à rester reconnus, rester en vie, alors que les communautés forestières se désintègrent?

Alors, vous voyez, dans notre mémoire ? je ne passerai pas la liste ? il y a des modifications qui sont simples, qui n'enlèvent rien à personne mais qui reconnaissent ce modèle d'affaires là. Et c'est excessivement important, parce qu'actuellement, des fois ? ça fait quelques mémoires qu'on écrit ? on a l'impression de faire le même combat que celui des suffragettes.

Il reste aussi un élément important, c'est la clarification des rôles en forêt privée. Vous savez, les propriétaires ont des intérêts particuliers qui vont bien au-delà de la récolte, maintenant. Il est essentiel qu'on élargisse la gamme des services qui leur sont offerts. Il faut notamment se doter de structures entrepreneuriales dynamiques et innovantes. Puis, afin de catalyser cette force novatrice, on a besoin d'une saine compétition entre les différentes organisations, et ça, c'est très, très, très porteur, sauf qu'on insiste énormément sur «saine compétition». Dans le cas contraire, on s'expose à des problèmes.

L'ensemble des partenaires... en 1995, l'ensemble des partenaires de forêts privées souhaitaient le retrait des syndicats de producteurs de bois de la sphère de l'aménagement. On a utilisé une stratégie de retrait volontaire afin de faciliter ces départs. On avait tous... alors tous cru que les syndicats quitteraient ce champ-là, mais ce ne fut pas le cas, et aujourd'hui la réalité nous rattrape. C'est essentiel de clarifier les rôles de chacun pour que chacun puisse jouer son rôle de façon optimale, et ça, c'est très important. Le flou nous empêche d'être efficaces, et, nous, ce qu'on voit, c'est tout à fait... C'est très simple: les groupements forestiers s'occupent de l'aménagement de la forêt et, par le fait même, de la production de façon regroupée, et les offices, les syndicats de producteurs de bois s'occupent de la mise en marché. Et, si on se concentrait sur ces éléments-là, on serait probablement beaucoup plus performants.

Ça nous amène à parler de volumes regroupés. Vous savez, avec un lot à bois, le statut de producteur, ça nous donne droit de mettre en marché un certain volume. Nous, on veut être capables de regrouper ce volume-là, et on estime qu'une démarche crédible de positionnement de la forêt privée nécessite une réévaluation des outils de mise en marché. Comment on peut considérer comme optimum un système dans lequel la garantie du droit de produire de façon regroupée est inexistante? On affirme que ce système est efficace, intouchable. Permettez-nous d'en douter. Il est essentiel de garantir ce droit de produire de façon regroupée.

En conclusion, je vous dirais, dans le processus de révision, et ça, c'est... Et ce qui est dommage, dans ce genre d'exercice là, on a tendance à dire: Oh! il me semble qu'il y a des affaires qui ne marchent pas. Mais, c'est le fun, on est en train de construire de quoi, puis on est en train de construire de quoi pour longtemps en avant. Et, dans ce processus-là, on veut être tout à fait... Il faut s'ouvrir l'esprit. Et il nous semble important de régler ces problèmes-là qu'on vient de vous soumettre. C'est des demandes légitimes afin d'affronter en toute confiance la rédaction des régimes de forêt privée, porteurs pour le développement des communautés. Alors, on en est rendus là, on espère qu'on va pouvoir avoir des moyens de s'y rendre. Merci beaucoup.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Beaudoin. Alors, nous allons immédiatement procéder à l'échange. Alors, Mme la ministre...

Mme Normandeau: Merci...

Le Président (M. Pinard): ...vous avez un bloc de 10 minutes.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, M. le président, messieurs, bienvenue. M. le président, félicitations pour votre récente élection. J'étais présente, M. le Président, au dernier congrès de RESAM, on y a fait référence tout à l'heure, l'élection, donc, s'est déroulée le lendemain de ma présence au sein des troupes. Alors, je tiens à vous féliciter pour votre élection. Je vous souhaite un bon mandat également. C'est un mandat de... quoi?

Une voix: Deux ans.

n(19 h 50)n

Mme Normandeau: Deux ans, c'est ça, excellent. Écoutez, vous arrivez à un bon moment, hein, vraiment un moment qui est important, un moment de chambardement pour vos membres. J'ai eu l'occasion, c'est important que les collègues le sachent, de vous rencontrer à quelques reprises. On a abordé le projet de loi de façon très ouverte, très transparente. Vous avez fait vos devoirs avec les organismes associés à la coalition pour qu'on puisse apporter des amendements au projet de loi. D'ailleurs, votre mémoire est accompagné, là, du document qui était déposé au ministère, il y a un travail qui a été fait de façon très sérieuse et consciencieuse.

Je vais vous interroger sur le principe de la résidualité, également sur, Marc, ce que vous avez soulevé relativement à l'espace qui devrait être laissé à la forêt privée de façon ponctuelle dans le processus de mise aux enchères, j'ai besoin d'avoir des explications là-dessus.

Mais auparavant peut-être vous dire que, pour la première fois de leur histoire, M. le Président, les organismes de gestion en commun verront leur... le vocable «OGC» apparaître dans une loi, c'est à l'article 126, au chapitre I, Plans et programmes. Alors, sciemment on se plie à la demande que vous avez formulée d'inscrire donc la référence «organisme de gestion en commun» dans la loi. Alors, bon, c'est un début, c'est un bon départ. Si vous souhaitez qu'on en fasse davantage, vous pourriez peut-être nous faire des propositions plus concrètes, mais c'est là, je pense, un élément intéressant.

Résidualité. J'ai eu l'occasion de dire devant vos membres que notre objectif, c'est de renforcer le principe de la résidualité. Ce matin, les gens de l'UPA, M. Christian Lacasse, étaient ici présents pour nous suggérer un mécanisme de révision annuelle, c'est-à-dire avoir un mécanisme de la résidualité qui puisse s'appliquer de façon plus dynamique. Là, dans l'état actuel des choses, à tous les cinq ans, avec les PGAF, bien on fait le bilan, là, des volumes qui sont en provenance de la forêt privée. Donc, c'est plus une évaluation qu'on fait qu'une réelle mise en application, là, du principe de la résidualité. J'aimerais savoir de quelle façon vous recevez une suggestion comme celle qui a été formulée par l'UPA sur l'introduction d'un mécanisme de révision annuelle. Et également je souhaiterais avoir des précisions, Marc, sur votre affirmation, c'est la première fois qu'on l'entend ici. De la façon dont je l'ai comprise, là, c'est que, dans le mécanisme de la mise aux enchères des volumes de la forêt... des bois de la forêt publique, à un moment donné prendre un temps d'arrêt, laisser entrer les volumes de la forêt privée. Alors, sincèrement, là-dessus, j'ai besoin d'avoir des explications. Alors, voilà.

M. Beaudoin (Marc): En fait, pour ce qui est...

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Marc): Excusez-moi, je vais m'habituer.

Le Président (M. Pinard): C'est tout simplement pour fins d'enregistrement.

M. Beaudoin (Marc): Il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Marc): Regardez, et ça, l'application de la vente aux enchères, bon, en fait on s'aperçoit qu'il y a des périodes dans l'année où la demande est plus forte pour le bois et d'autres périodes de l'année où la demande est moins forte. L'idée, c'est que, dans ces périodes-là où la demande est plus forte, si... de créer cette, entre guillemets, rareté-là pour le bois de la forêt publique en ne les mettant pas aux enchères, on vient d'intéresser les acheteurs à aller s'approvisionner en forêt privée. Donc ça, c'est l'idée de laisser des périodes dans lesquelles... En fait, le mécanisme d'enchères nous dit qu'il va y avoir des ventes continues au courant de l'année, si on laisse des trous à des endroits... à des moments clés, il y a moyen de... il y a moyen d'intéresser les acheteurs un peu plus au bois de la forêt privée.

Mme Normandeau: J'aimerais peut-être savoir sur quoi vous vous appuyez pour faire une affirmation comme celle-là ou soulever une hypothèse comme celle-là. Parce que l'objectif de la mise aux enchères, c'est d'avoir des volumes qui... dont la valeur reflète la valeur du marché, en fait. Mais, en créant une rareté, là, on crée une pression à la hausse sur le prix, il me semble. Alors, j'essaie juste de comprendre votre raisonnement, là.

M. Beaudoin (Marc): Dépendamment de comment vous allez utiliser les données prises en forêt privée. Il y a une demande pour le bois, il n'y a pas une demande pour le bois de la forêt publique, il y a une demande pour du bois. À un moment donné, il y a... on a... L'industrie a besoin d'un volume de bois, qu'il vienne de la forêt publique ou de la forêt privée, il a besoin de ce bois-là. Donc, on ne créera pas... C'est sûr que, si on laisse un trou puis qu'il n'y a pas de bois disponible, là on a problème, là on va créer une valeur à la hausse. Mais, si le bois est disponible pour la forêt privée, si à ce moment-là il y a du temps pour créer ces liens-là et ces contrats de vente là, il n'y a pas de raison que le prix soit poussé... soit poussé en hauteur.

Mme Normandeau: Est-ce que vous vous appuyez, Marc, sur... je ne sais pas, moi, sur une analyse qui a été faite, une hypothèse qui a été validée?

M. Beaudoin (Marc): L'analyse, c'est que...

Le Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. Beaudoin. Excusez-moi, M. Beaudoin, Mme la ministre avait la parole, et je vous demanderais de bien vouloir l'entendre. J'aimerais que vous l'entendiez.

Mme Normandeau: En fait, M. Beaudoin est vite sur la gâchette. C'est bien.

Le Président (M. Pinard): Oui. Mais, moi, j'aime bien entendre à la fois la ministre et votre réplique également, mais à tour de rôle et en vous adressant à la présidence.

Mme Normandeau: Donc, c'est ça, je voulais poursuivre. Donc, est-ce que vous vous appuyez sur une hypothèse validée de façon empirique ou encore sur une analyse qui a été faite? Parce que c'est la première fois qu'on l'entend... qu'on entend une proposition comme celle-là.

Le Président (M. Pinard): M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Marc): Je vais m'y faire. En fait, ce sur quoi on s'est basés, c'est sur les expériences de ventes aux enchères qu'on a connues au Québec, notamment en Outaouais. Donc, on s'est rendu compte qu'il y a des périodes dans l'année, lorsqu'on faisait des ventes, la demande était plus forte, et, à d'autres endroits... à d'autres moments où c'était plus difficile. Alors, c'est empirique, oui, tout à fait. C'est tout à fait empirique. Mais l'intuition est assez bonne, là, pour... on va dire, que ça vaudrait la peine de l'essayer. Et là on a passé rapidement, mais, dans le document aussi, on dit: Ça prend des expériences pilotes. Ça, c'est un élément qui mérite d'être évalué.

Mme Normandeau: Parce qu'ici...

Le Président (M. Pinard): Mme la ministre.

Mme Normandeau: ... ? oui, M. le Président, merci ? les joueurs de la forêt privée militent en faveur de la protection de la Loi sur la mise en marché, s'assurer que la mise en marché collective des bois de la forêt privée puisse continuer d'être assujettie à la loi qui existe, donc qu'on conserve le statu quo, là, entre guillemets, pour... Alors que d'autres nous disent: Non, non, non, tant qu'à libérer l'ensemble des volumes, qu'ils proviennent de la forêt publique ou de la forêt privée, il faut assurer une libre circulation de l'ensemble des volumes qui existent.

Dans le fond, j'essaie... on essaie juste de voir, là, où est la vérité dans tout ça, là. Et, dans ce cas-ci, pourquoi ne pas carrément mettre au même moment sur le marché des bois en provenance de la forêt publique et la forêt privée, là, si on veut atteindre l'objectif d'avoir un juste prix, là, ou... peut-être pas un juste prix... Oui, un juste prix, c'est ça, la vraie valeur. La vraie valeur, c'est le juste prix, ça.

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Beaudoin, ou M. le président?

M. Bernier (Rénald): Bien, je pourrais peut-être faire une tentative. Au niveau de la... de la résidualité, on sait très bien qu'il existe... en tout cas, le principe existe dans la loi depuis plusieurs années, mais force est de constater que dans les faits ce n'est pas toujours ce qui... ce qui s'est appliqué, et puis c'est pour ça qu'on essaie de trouver une façon, là, une autre façon pour que ce principe-là soit... prenne de la force, le renforcir, finalement.

Et puis on avait pensé peut-être qu'en faisant ça de cette façon-là, en créant une pression sur le marché finalement, ça nous donnerait une chance, là, de... d'avoir... d'atteindre ce principe-là. Mais c'est sûr que, si on met les deux en même temps tout le temps, j'ai de la misère à voir, là, comment qu'on va arriver à... ? comment je pourrais dire? ? à calculer, à faire le calcul... Parce que ce que... ce que Marc avait avancé, c'est que ça pourrait nous donner une idée de la direction que pourrait prendre la valeur du bois de la forêt privée, puis, pour ça, bien ça prend un outil. Puis on trouve que la vente aux enchères, c'est un outil par lequel on pourrait arriver à ça. C'est ça. Mais c'est de... en tout cas, c'est de l'expérimenter.

Le Président (M. Pinard): Mme la ministre.

Mme Normandeau: Puisque vous êtes, M. le président, sur le principe de la résidualité, je vais peut-être laisser... Marc pourrait peut-être compléter, là, sur l'hypothèse que vous avez soulevée. Mais, sur l'introduction d'un mécanisme de révision annuelle pour rendre l'application du mécanisme de résidualité plus dynamique, est-ce que vous êtes ouverts à ça? C'est la proposition de l'UPA ce matin.

Le Président (M. Pinard): M. le président.

M. Bernier (Rénald): Oui. Oui, oui, je... nous sommes ouverts à ce principe-là. Je pense que plus on raccourcit les délais... pas les délais, mais la période où est-ce qu'on peut faire les analyses, faire les calculs, je pense que... C'est ça, on se rapproche de la vérité, là.

Mme Normandeau: Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Pinard): Un complément de réponse, M. le directeur général?

M. Beaudoin (Marc): Oui. En fait, c'est ce qu'on disait dans la présentation et dans le mémoire, qu'on voulait une application annuelle du concept du principe de résidualité. Alors, oui, c'est ce qui s'est... dans la présentation, ce qu'on a dit.

Le Président (M. Pinard): O.K. Mme la ministre.

Mme Normandeau: Bien, il me reste peu de temps, en fait je préférerais peut-être qu'on aille de l'autre côté, puis je reviendrai par la suite.

Le Président (M. Pinard): D'accord. D'accord, alors, M. le critique officiel de l'opposition, député de Roberval.

M. Trottier: Oui, merci, M. le Président. Tout d'abord, je dois dire que vous avez fait un travail très important. Il y a une intensité aussi dans la présentation, on voit que vous aimez ce que vous faites, là, je pense que ça, ça se sent très bien. Puis probablement que vous devez bien travailler aussi, parce que, quand on est capable de donner de l'intensité, probablement que le résultat doit y être également. Puis je pense que vous êtes des partenaires, aussi, essentiels au développement de la forêt au Québec, puis vous avez raison d'avoir certaines inquiétudes.

Bon. Le premier élément que je voudrais qu'on éclaircisse comme il faut, la ministre avait commencé à l'aborder, mais la question de... la question de la mise en marché, bon... Bon, il y a toutes sortes de gens qui... toutes sortes de rumeurs à l'effet que les gens qui seraient... remettent en question la mise en marché qui est faite par les syndicats. Quelle est votre position par rapport à ça?

Le Président (M. Pinard): M. le président.

M. Bernier (Rénald): Oui. Sur cette... Notre position a toujours été la même, nous autres: la mise en marché, c'est l'affaire des syndicats et offices. Ce qui... Notre rôle à nous autres, c'est l'aménagement forestier. Ça, ça a toujours été ça qu'on... qu'on a dit puis qu'on va continuer à dire. Excepté que ce qu'on revendique, c'est le droit de produire d'une façon regroupée. C'est peut-être là, là, qu'il faut préciser, c'est deux choses différentes. Je pourrais peut-être demander à Marc de compléter.

Le Président (M. Pinard): M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Marc): En fait ? je commence à comprendre, là ? en fait, ce qui est... ce qui est important, c'est... Nous, ce qu'on veut, c'est d'être capables de regrouper les volumes qui nous ont... qui nous sont remis par les syndicats. C'est la seule chose qu'on demande. Ce qu'on veut, c'est de reconnaître juste la nature de ce qu'on fait, on est des gens qui se regroupent, alors nous permettre de le faire.

Pour ce qui est de la mise en marché, il n'est pas question de prendre une part, quelle qu'elle soit. Puis ce qui est bien important là-dedans, dans cette demande-là, c'est qu'on est ouverts à discussion, on ne veut pas un chèque en blanc, mais on est prêts à des redditions de comptes, on est prêts à ce genre de choses là. Donc, c'est très clair, nous, le mécanisme, on y tient, là.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Roberval.

M. Trottier: O.K. Au niveau du financement des fonds sylvicoles, vous avez des inquiétudes. Je voudrais savoir: Quelle analyse vous faites, on pourrait dire, de notre système... de notre système... de notre régime forestier et de son financement? Comment vous... comment vous voyez ça à l'heure actuelle? Peut-être la... la situation actuelle par... bien surtout dans le contexte actuel, difficile, là.

Le Président (M. Pinard): M. Beaudoin? M. le président?

n(20 heures)n

M. Beaudoin (Marc): Là, on parle de l'analyse financière du projet de loi, c'est bien ça, ou de la situation qu'on vit actuellement?

M. Trottier: La situation qu'on vit, puis ensuite, je veux dire, de ce qui s'en vient, là.

M. Beaudoin (Marc): Bien, écoutez, vous savez, la situation qu'on vit est catastrophique, et là on se rend compte d'une chose, c'est que les rôles ont besoin d'être clairs, et les contrats entre... les contrats ou les ententes entre les différents partenaires doivent être excessivement clairs, parce que, quand ça va mal puis que le contrat n'est pas clair, le bordel est pris assez solide. Et là on le vit, nous autres, en forêt privée, les ententes avec nos partenaires sont beaucoup plus difficiles.

Pour ce qui est du financement, bien on a une crainte. Nous, on tient à avoir un financement multisource, on tient à avoir une stabilité. Ce qu'on a actuellement comme loi fait en sorte que, quand ça va mal, bien on n'a plus de moyens pour venir influencer, faire plus de travaux, ces choses-là. Il y a moins de crédits, il y a moins de travaux, ça fait que ça va mal partout. Donc ça, il faut se doter d'un fonds qui est suffisamment fourni pour être capables d'éviter ces montagnes russes là.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Trottier: À ce niveau-là, vous dites dans votre mémoire que dans le fond on n'est pas dans un bon timing pour démarrer le fonds, parce que dans le fond... Comment est-ce qu'on fait? Tu sais, on aurait besoin de beaucoup d'argent, puis là... Comment on peut faire ça? Vous dites: Il faut aller multiressources. Oui, mais, un peu plus, là, ce serait quoi?

M. Beaudoin (Marc): Vous savez, avec la coalition... eh! je suis passé un peu trop vite, mais... Avec la coalition, un des éléments très importants qu'on a mis en avant, c'est de voir la forêt comme un actif dans lequel on doit investir. Si on croit que la forêt va rapporter, si on croit que la forêt peut nous servir à améliorer la qualité de l'air, la qualité de l'eau, et ces choses-là, bien il ne faut pas avoir peur d'investir. Et actuellement... malheureusement, par le passé, on a vu la forêt beaucoup plus comme une dépense. Hydro-Québec, quand ils empruntent pour un barrage, ils empruntent dans une perspective de profit. Et là, bien, est-ce qu'on est prêts à faire ce pas-là? C'est la question qu'il faut se poser. Je ne pense pas que ça puisse fonctionner, un fonds, de cette manière-là, à même les redevances forestières. Donc, il faut vraiment faire une profession de foi, dire: Oui, la forêt, c'est un actif dans lequel on doit investir, puis ça va rapporter en bout de ligne.

M. Trottier: Est-ce qu'à ce moment-là vous allez jusqu'à dire, un peu comme certains groupes nous ont dit, que la forêt, ça devrait être considéré comme une infrastructure routière, que dans le fond c'est aussi important, sinon plus, qu'on pourrait même prendre des argents à même le fonds des infrastructures pour investir dans la forêt?

M. Beaudoin (Marc): Je reconnais les propos de certains collègues de la coalition, là-dedans. Oui, c'est un actif, c'est vraiment un actif qui peut être vu comme une infrastructure, effectivement.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Trottier: Toujours dans la question du financement, vous dites, entre autres, que les gens qui aiment le paysage, c'est bien, mais il faudrait qu'ils contribueraient. Comment ça pourrait fonctionner? Ce serait quel type de contribution qu'on pourrait amener par rapport au paysage? Parce que, moi, je suis persuadé que les paysages sont très importants, surtout pour un immense pays comme le nôtre. Je trouve ça intéressant comme idée, mais comment ça pourrait s'articuler, on pourrait dire, cette redevance sur le paysage?

Le Président (M. Pinard): M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Marc): Écoutez, pour être parfaitement honnêtes, on n'a pas été à ce niveau de précision là, sauf qu'on sait que... Lorsqu'on regarde la réglementation municipale dans certaines municipalités, il y a des balises qu'on ne doit pas franchir, dans les travaux d'aménagement forestier, pour la protection du paysage, parce que, dans ces communautés-là, on a dit que le paysage c'était quelque chose d'important puis, bon, qu'il fallait le protéger. Là, on est capables de voir c'est quoi, le manque à gagner dans ces endroits-là. On dit: Bon, est-ce qu'on protège ça? Bien oui, il y a des activités qu'on ne peut plus faire, et on est capables d'évaluer ça. Mais c'est toujours un choix et ça amène quelque chose d'important. Ce n'est pas toujours au même à payer. On a beau mettre le règlement, mais là, actuellement, c'est le propriétaire qui paie. Est-ce que c'est juste à lui de payer? Est-ce qu'il doit en payer une partie? Peut-être, sûrement, mais peut-être pas tout au complet non plus.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Trottier: Il y a des pays, comme en Suisse notamment, qu'il y a une taxe sur le tourisme, sur le paysage, et, quand les gens paient une chambre d'hôtel, il y a une partie qui va à la mise en valeur du paysage. Bon, par exemple, les gens aiment bien voir des petits moutons, des fois, sur une colline, c'est très joli, mais ce n'est pas très rentable. À ce moment-là, est-ce qu'on pourrait penser que dans le fond les gens qui contribuent à maintenir le paysage pourraient recevoir un type de redevance de ce genre-là?

Le Président (M. Pinard): M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Marc): Écoutez, je pense que, pour ce qui est du financement de l'aménagement du territoire, on se doit d'être très créatifs. On a beaucoup centré sur des redevances face à l'extraction de matières premières, que ce soient les mines ou la forêt. Ce genre de piste là doit être évalué, là, c'est bien certain. Il va falloir être un peu plus créatifs et trouver des façons, je dirais, constructives de faire contribuer et de financer ce genre de travaux là.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Roberval, ou je passe à Mme la députée de Matapédia? Alors, M. le député de Roberval.

M. Trottier: Vous dites que, dans la plus récente crise forestière, plusieurs regroupements forestiers ont récolté la matière ligneuse à perte. Est-ce que vous pourriez expliquer un peu davantage qu'est-ce qui s'est passé? Puis, est-ce que vous allez pouvoir, comment je dirais ça, continuer longtemps dans cette situation-là?

M. Beaudoin (Marc): Évidemment, continuer longtemps, si c'était le cas, on aurait beaucoup de membres, ils viendraient tous. Mais, comme je vous ai dit au départ, les groupements forestiers, ce sont des entreprises collectives qui ont été mises en place pour assurer un dynamisme dans les communautés forestières. Et qu'est-ce que ça représente? C'est qu'évidemment dans un système... dans une situation de crise comme on a là actuellement, les prix de la matière ligneuse sont bas. Normalement, une entreprise devrait complètement cesser de récolter parce qu'il n'y a pas d'argent à faire avec ça, sauf qu'on sait très bien que, si on fait ça, c'est des emplois qui ne se font pas en région. On sait très bien que, si on fait ça, il y a des revenus de nos propriétaires qui sont très importants qui ne rentreront pas. On sait que, si on fait ça, c'est de la main-d'oeuvre qu'on risque de perdre puis qui ne reviendra plus jamais.

Donc, oui, les groupements forestiers, il y en a plusieurs qui ont décidé de récolter du bois et de perdre un montant d'argent à chaque mètre cube qui a été récolté en utilisant des revenus de d'autres contrats ou le vieux-gagné, comme on appelle. Alors, il n'y a pas de magie. Et tout ça pour soutenir l'activité en région, surtout dans des régions où ça va très, très mal, là. Les groupements forestiers sont souvent le dernier rempart avant la déconfiture complète.

Le Président (M. Pinard): Alors, le premier bloc est maintenant terminé. Je céderai la parole à la deuxième opposition officielle, M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci bien. Alors, c'est comme j'ai dit aux gens qui ont passé avant vous, c'est un domaine que je connais bien parce que je suis en forêt privée, moi. Alors, je connais ça un peu. Et j'ai fait affaire souvent avec le groupement forestier, alors je connais qu'est-ce que vous faites.

Est-ce que dans la... On sait que les marchés sont à la baisse un peu partout, mais est-ce que le groupement, lui, est-ce qu'il a mis, je ne sais pas, moi, un peu d'énergie pour trouver d'autres créneaux qu'on pourrait faire avec notre bois?

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le président.

M. Bernier (Rénald): Oui. Présentement... bien, ça a toujours été une activité dans laquelle on a investi beaucoup d'efforts et d'énergie, nous autres, les groupements forestiers, pour trouver d'autres débouchés à nos produits. Parce que, faire du deux-par-quatre, des usines à qui on vend notre bois qui font du deux-par-quatre, c'est sûr que, quand le marché est là, il n'y a pas de problème, c'est intéressant. Quand on vit une crise comme on vit aujourd'hui, puis c'est autant dans les pâtes et papiers aujourd'hui, c'est plus difficile. Donc, il y a quelques-uns de nos groupements qui ont fait des tentatives, eux autres mêmes, de transformer le produit. Ça n'a pas été toujours des succès, mais il y a des succès là-dedans. C'est sûr que la crise fait que certains sont obligés de fermer, eux autres aussi, de leurs usines. C'est sûr qu'on travaille fort pour essayer de trouver d'autres solutions, c'est sûr... Présentement, ce qu'on fait, c'est qu'on a d'autres activités que la forêt privée. On ne dit pas que c'est des mines d'or, ces autres activités là, mais il reste qu'on fait comme des ponctions de certaines activités pour financer nos travaux sylvicoles en forêt privée. Peut-être en complément.

Le Président (M. Pinard): Un complément de réponse, M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Marc): Oui. En situation de crise comme on a là actuellement, savez-vous qu'il y a des groupements qui ont développé une filière environnementale, les éoliennes, les études d'impact ? ça, c'est en Gaspésie ? sur l'environnement? Il y a des entreprises qui ont investi énormément pour la certification forestière. Les seuls territoires forestiers privés qui sont non industriels certifiés, c'est des territoires de groupements forestiers. Donc, on espère aller chercher, je dirais, des niches de marché qui n'existent pas. Il y a des groupements forestiers qui ont développé énormément des services d'aménagement faunique. On a des groupements forestiers qui ont parti des filiales de... parce qu'évidemment l'intérêt des propriétaires a migré, il y en a beaucoup qui sont là pour l'aménagement faunique. C'est ce genre de services là qui ont été développés, même en temps de crise, même en temps de crise, et ça, c'est notable. Donc, il y a eu beaucoup d'efforts pour essayer d'élargir, et cet élargissement-là vient du fait aussi que les attentes des propriétaires ont aussi migré.

n(20 h 10)n

Le Président (M. Pinard): M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Vous savez qu'aujourd'hui on est en temps de crise, O.K., mais, aujourd'hui, on est capables de faire de la pâte à papier avec d'autre chose que du bois. Alors, c'est sûr que... C'est un marché, d'après moi, qu'on ne pourra jamais reprendre, parce qu'on le fait avec... ça vient de la Chine puis ça vient de... ils mettent toutes sortes de choses, puis ils font du papier. Je ne vous dirai pas qu'il est aussi bon, mais c'est du papier. Alors, ce marché-là, il ne faut pas se faire d'illusions, on ne le récupérera pas. Alors, il faut regarder dans d'autres créneaux qu'on peut récupérer, parce que, vous le savez aussi bien comme moi et tout le monde, le bois qu'on a au Québec est un bois très, je pense, très bon, il est dur, je pense qu'il est apprécié à la grandeur du monde. C'est de trouver des façons dont on pourrait le vendre ou le... faire du profit avec. Parce qu'en forêt privée le problème qu'on a, moi, chez nous, en forêt privée, le bois ne se vend pas, je n'en coupe pas. Vous parliez de financement tout à l'heure, qu'est-ce qui arrive dans ce temps-là? Bien, on fait du nettoyage puis on essaie de... mais c'est notre argent personnel, alors qu'en forêt publique, s'ils font la même chose, bien c'est l'argent du public. Moi, j'ai toujours pensé ? je l'ai dit ici aussi ? il faudrait au moins que le financement qui est dans la forêt publique soit égal, qu'on en amène aussi dans la forêt privée, parce que, quand on coupe les prix de la forêt publique, on vient affecter toute la forêt privée, notre bois dans la forêt privée ne peut plus se vendre.

Le Président (M. Pinard): Oui, M. le président, un commentaire, 30 secondes.

M. Beaudoin (Marc): Bien, en fait...

Le Président (M. Pinard): Ou M. Beaudoin, directeur général.

M. Beaudoin (Marc): En fait, c'est pour ça qu'on est très, très contents de la mise aux enchères de bois, pour être capable de trouver une valeur juste du prix, et c'est pour ça aussi qu'on milite, pour que ces outils-là soient disponibles pour les propriétaires de lots boisés aussi, donc... Et ça, c'était quelque chose de très intéressant dans le projet de loi n° 57, de pouvoir... que les propriétaires de lots boisés puissent utiliser les outils qui ont été développés pour la mise en marché, la mise aux enchères du bois public. Donc ça, c'est pour ça qu'on...

Le Président (M. Pinard): Merci beaucoup. Je passe maintenant du côté ministériel. Mme la ministre.

Mme Normandeau: Oui, une petite question. Je reviens à la dynamique de la mise aux enchères. Dans le document explicatif, à la page 31, à la section 2.4.3, Le nouveau régime et la résidualité, il y a une affirmation qui est faite ici, et vous me dites si vous êtes en accord ou non avec l'affirmation. En fait, nous, notre prétention, c'est la suivante: on pense que les bois de la forêt privée bénéficient d'un avantage concurrentiel par rapport aux bois de la forêt publique... exempts de redevances, aucune restriction quant à l'utilisation des bois par l'utilisateur, enfin, bref. Alors, on se disait: S'il y a des bois de la forêt privée qui entrent au même moment que les bois de la forêt publique à la mise aux enchères, il me semble que, là, juste sur cette base-là, il me semble qu'il y a un avantage intéressant pour les propriétaires de la forêt privée. Est-ce qu'on se trompe en avançant une prémisse comme celle-ci? C'est ma question. Est-ce que vous êtes ou non d'accord avec une affirmation comme celle-là, avec une prémisse comme celle qui est avancée?

Le Président (M. Pinard): M. le président ou le directeur général? M. le directeur général.

M. Beaudoin (Marc): Nous, on est tout à fait conscients que le bois de la forêt privée a beaucoup d'avantages et on est prêts à jouer le jeu, on pense qu'on est capables de tirer notre épingle du jeu. On doit pouvoir le faire. Et même, on doit pouvoir utiliser les mécanismes dans le respect de la loi des marchés agricoles, mais, les mécanismes de mise aux enchères qui vont être développés en forêt publique, on veut aussi les utiliser, parce qu'on pense qu'on va avoir un intérêt, parce qu'on pense que, pour des bois qui ne sont pas soumis à une agence centrale de vente, quand on va les comparer avec les bois de la forêt publique, on va voir une différence, on va avoir un avantage. Nous, on pense que, si on a des rôles bien définis, on va encore être plus efficaces puis que, là, la valeur de ce bois-là va augmenter parce qu'on va être capables d'offrir un service que la forêt publique ne sera pas capable d'offrir, non plus. Oui, on pense qu'on est capables de tirer notre épingle du jeu. Évidemment, c'est risqué. Évidemment, on rentre dans quelque chose qu'on ne connaît pas, mais ce n'est pas une raison pour reculer. Ce qui a été présenté, ce qui a été présenté par le ministère, c'est des projets pilotes. Bien, go! Il faut en faire, des projets pilotes, et pas dans trois ans, pas dans deux ans, l'année prochaine, parce que, là, on va se l'approprier, ce mosus de mécanisme là, puis on va arrêter d'en avoir peur.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Huntingdon.

M. Billette: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue, MM. Bernier, Beaudoin et Riopel. Je pense que c'est important, vous vous êtes déplacés ce soir, et c'est apprécié de notre part que vous soyez présents à une heure si tardive.

J'avais une petite question. Je sais que la ministre parlait beaucoup de la libre entreprise, de libre marché. Il y a eu quelques questions là-dessus. À la lecture de votre mémoire, j'avais une petite question. À la page 12, lorsqu'on parlait de contrat d'aménagement forestier ? je vais vous laisser peut-être le temps ? il y a une proposition qui m'a fait, pas sursauter, mais questionner, qui était au niveau... Pour assurer le développement des communautés forestières, vous nous proposez, à ce moment-là, l'allocation de contrats en fonction du mode de gestion des entreprises, de l'historique de l'entreprise, ses réalisations et résultats, également de la place d'affaires de l'entreprise, de l'obtention, puis de la santé financière de l'entreprise. Je pense que c'est des critères qui démontrent bien le sérieux des entreprises qui devront obtenir le contrat. Toutefois, mes craintes se situent au niveau où on opère dans un libre marché quand même qui, je pense, laisse de côté plusieurs entreprises sur des critères qu'on pourrait dire aléatoires, à ce moment-là.

Et ma deuxième interrogation, la plus importante ? je pense que vous êtes là également... pas seulement que pour la protection du milieu ou le bien-être du milieu forestier, mais également la relève du milieu forestier: En imposant ce type de mécanisme là, vous n'avez pas une crainte, à ce moment-là, peut-être de laisser tomber certaines entreprises ou empêcher même la venue ou l'émergence de petites et moyennes entreprises dans ce secteur-là qui pourraient éventuellement amener des joueurs importants dans votre milieu?

Le Président (M. Pinard): M. le directeur général.

M. Beaudoin (Marc): Il y a une chose qu'il faut comprendre, qui est très, très claire dans notre esprit. L'industrie de l'aménagement forestier, c'est une industrie qui est... qui est tout croche. On a à la structurer. On va avoir, pour la première fois, dans le projet de loi n° 57, une reconnaissance de cette industrie-là. On va lui donner des paramètres. Il y a quelque chose de fondamental qui a été mis en place dernièrement, on appelle ça la certification des entreprises, pour éviter la concurrence déloyale, parce que ce n'est pas toujours clair, clair, ce qui se passe dans cette industrie-là. Donc, s'assurer que les entreprises vont se concurrencer sur la base de leurs capacités et de leur efficacité et non pas sur l'utilisation de méthodes qui sont questionnables.

Notre prétention, c'est de dire: Dans un premier tour de roue, là, on implante, on essaie de structurer une industrie. Ce n'est pas le temps d'aller avec les appels d'offres comme système premier d'allocation des contrats. Puis ça, ça n'empêche pas qu'il y en ait une partie, là, ça n'empêche pas qu'il y ait une partie qui soit mise en appel d'offres, mais ça ne doit pas être le modèle de base d'allocation. Vous savez, actuellement, le seul... Les travaux sylvicoles, c'est la main-d'oeuvre, hein, c'est le gros facteur de production. Si on essaie de couper ça sans avoir structuré l'industrie, sans avoir fait que les travaux d'aménagement deviennent un investissement plutôt qu'une dépense, où est-ce qu'on va couper? On va couper sur la main-d'oeuvre, on va serrer ça à tour de bras. Et je ne pense pas que la main-d'oeuvre sylvicole, ce soit celle-là sur laquelle il faut taper le plus. Parce qu'il est là, notre problème. Notre problème, c'est de garder cette main-d'oeuvre sylvicole là, pas juste la garder, intéresser des gens à venir là-dedans.

Donc, dans un premier tour de roue, ce n'est pas le temps. Ce n'est pas le temps. Structurons ça. Permettons aux entreprises... ils créeront un bout de marché, ça, il n'y a aucun problème, mais permettons aux entreprises qui sont là, qui sont implantées, de se structurer sur le sens du monde, et après ça on pourra voir, là, un mécanisme, je dirais, où on fera appel un peu plus au libre marché. Regardez, on sent le besoin, en forêt publique, de garantir 75 % des approvisionnements à l'industrie pour assurer une certaine stabilité. Si on tombe à 100 % des travaux sylvicoles en appel d'offres, pas sûr que c'est ça qui va nous donner la meilleure stabilité à court terme. Alors, c'est l'essence du propos, à ce moment-là. Faisons un premier tour de roue, essayons de structurer ça, après ça on pourra regarder ce genre de mécanisme là.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Huntingdon.

M. Billette: Merci, M. le Président. J'aurais peut-être une question. C'est une possibilité, je veux dire, c'est un milieu que je connais de façon très relative, au niveau de la forêt... Il n'y aurait pas lieu, à ce moment-là, au niveau de ces entreprises-là, parce que vous l'avez bien dit, vous avez maintenant eu la reconnaissance de l'industrie, je pense, dans le projet de loi n° 57, qui est implantée... Ce ne serait pas le temps, à ce moment-là, d'un regroupement comme RESAM de dire: Nous, on va offrir de la formation à nos entreprises, on va les encadrer? Au lieu de dire qu'on les discrimine, à ce moment-là, pour les tasser, pas leur permettre d'avoir le contrôle, plutôt les former pour s'assurer d'une relève, à ce moment-là, et que les gens aient les mêmes paramètres... Est-ce que c'est une possibilité?

M. Beaudoin (Marc): Ça doit...

Le Président (M. Pinard): M. le directeur général.

M. Beaudoin (Marc): Je suis un peu sur les nerfs!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): Gardons notre calme!

n(20 h 20)n

M. Beaudoin (Marc): Ça fait partie... Quand on parle de structurer l'industrie, c'est aussi ça. Oui, la formation. Mais ça, ça prend un certain temps. Oui, il faut reconfigurer le système. Il faut donner à nos entreprises un peu plus... un horizon d'un peu plus... un peu plus large que un an. Tu sais, on parle de cinq ans, un contrat de cinq ans, pour être capables d'assurer une certaine stabilité, pour former notre main-d'oeuvre, pour être capables de dire: L'année prochaine, reste avec moi, parce que je vais avoir encore des contrats. Ça, c'est un des problèmes. Tu sais, les travailleurs, ils disent: Bon, mon employeur va-tu avoir un contrat cette année? Je suis peut-être mieux d'aller voir l'autre parce que... Bon. Puis ça fait un jeu de saute-mouton qui n'est pas très, très, très efficace. Donc, oui, ça fait partie. Si on parle de structurer une industrie, l'industrie de l'aménagement, donc ça en fait partie, mais c'est pour ça qu'on dit que ce n'est pas le temps là d'aller avec un système d'appel d'offres qui va être le principal mode d'allocation. Ça ne veut pas dire qu'il ne peut pas y avoir... ça ne veut pas dire qu'il ne peut pas y en avoir une partie comme ça, mais ça ne peut pas être le système premier à court terme, à court et moyen terme. C'est simplement ça.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Beaudoin. C'est terminé. Alors, le bloc du côté ministériel étant expiré, nous passons maintenant au bloc du côté de l'opposition officielle. Vous avez un temps de parole de 8 min 30 s. Alors, M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui, merci, M. le Président. Vous dites que vous avez des craintes au niveau des nombres de projets de forêt de proximité, de leur superficie. Est-ce que vous pourriez expliquer davantage comment vous voyez ça puis qu'est-ce qui pourrait faire qu'on pourrait éviter les problèmes appréhendés?

Le Président (M. Pinard): Alors, M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Marc): La forêt de proximité, c'est quelque chose d'intéressant, mais, encore là... Et, nous, ce qu'on pense, c'est qu'il faut l'expérimenter. Vous savez, dans les années quatre-vingt-dix, il y a eu la forêt habitée, des projets de forêt habitée, on était censé de tirer des enseignements de ça, ce qu'on n'a pas fait. Là, c'est la même chose, essayer de voir c'est quoi, les facteurs de succès et des facteurs d'échec, qui sont aussi importants à comprendre avant d'établir ça comme un mode de tenure qui pourrait être très étendu. Parallèlement à ça, la forêt de proximité, c'est une chose, mais on veut aussi voir l'implantation de tenure de production de ressources, donc un gestionnaire de territoire, quelqu'un qui est responsable d'un territoire, de l'aménagement au complet. Et ça, c'est différent: on voit la forêt de proximité comme étant plus communautaire, à des fins plus communautaires, l'autre à des fins un petit peu plus industrielles. Et ça, on pense que, dans le projet de loi n° 57, cette tenure-là pourrait être instaurée aussi dans un processus de projet pilote. Parce que, tu sais, il ne faut pas se le cacher, la forêt a été gérée comme un amas de ressources qui s'empilaient un par-dessus l'autre. Là, on veut avoir une approche de gestion territoriale; il va falloir se donner des moyens d'apprendre et se développer des techniques pour y arriver.

Le Président (M. Pinard): Merci. M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Puis je pense que le fait que vous existiez va nous aider justement à avoir une approche intéressante, parce que dans le fond, c'est ça, c'est que... Dire que le modèle qu'on a doit être changé, c'est une affaire; appliquer un nouveau modèle, c'est pas mal plus compliqué. Et dans ce sens-là vous dites en conclusion, vous dites: «Nous apprécions [...] la teneur du projet de loi n° 57. Mais la forêt privée doit y jouer un rôle important! Et ceci, nous ne le percevons point.» Si je vous demandais... Vous avez mentionné plusieurs éléments. S'il y avait trois éléments, là, que vous pensez qui sont vraiment importants pour vous, ce seraient lesquels, les trois les plus importants?

Le Président (M. Pinard): M. le président, M. Bernier.

M. Bernier (Rénald): Oui. Bien, les trois éléments, un des éléments, c'est... qui était la reconnaissance, et puis tout à l'heure je pense qu'on a eu une réponse là-dessus. Un deuxième élément, bien c'est une demande... on demande aux syndicats et offices de se retirer de l'aménagement forestier. Et puis la troisième demande, c'est une demande que j'ai faite tout à l'heure, là, qu'on reconnaisse le droit de produire d'une façon regroupée. Puis je pense que c'est l'essence même des groupements forestiers, c'est la survie des groupements forestiers qui dépend de ces demandes-là, parce que... C'est trois demandes légitimes, je crois, et puis notre survie est liée à ça. Je pense que les groupements forestiers, c'est une partie de la forêt privée, c'est un pan de mur important de la forêt privée, notre survie dépend de ça. Donc, si on n'est plus là, la forêt privée, bien il va manquer un gros morceau. Je pense que le développement de la forêt privée passe par le développement des groupements forestiers.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le président. Alors, je reconnais maintenant Mme la députée de Matapédia.

Mme Doyer: Merci, M. le Président. Alors, félicitations, M. Bernier. Puis, M. Rioux, il a fait un bon mandat quand même. Alors, M. Beaudoin, M. Riopel, M. Bernier, bienvenue.

Moi, certaines personnes ou groupes, organismes, sont venus nous parler de leurs craintes par rapport à l'aménagement intensif des forêts, sylviculture intensive, et pourtant, hein, on sait que c'est le gros morceau des organismes de gestion en commun, l'aménagement... l'abattage, bien sûr, mais l'aménagement intensif. Alors, qu'est-ce que vous pourriez leur dire? Puis certaines, aussi, personnes nous disaient: On aimerait voir mieux défini l'aménagement écosystémique, l'aménagement en fonction du développement durable. Qu'est-ce que vous avez à dire de ça? Et pourtant...

Le Président (M. Pinard): M. le président ou M. le directeur... M. Beaudoin.

Mme Doyer: Question, méchante question!

M. Beaudoin (Marc): L'aménagement intensif, en fait, on veut concentrer les investissements là où ça va produire le plus. Nous, on y voit énormément d'intérêt, notamment parce que la forêt privée, de par sa disposition, c'est là où ça produit le plus. Et il y a là une opportunité d'utiliser un potentiel qui est encore très peu utilisé actuellement. Évidemment, ça va demander un encadrement. Évidemment, je pense qu'il faut s'assurer qu'on ne discarte pas le potentiel de forêt privée... je veux dire, l'importance de la forêt privée. Puis on le voit avec ce qui s'est passé dernièrement, ce n'est pas tout le monde qui le voit de la même importance. Donc, il faut s'assurer qu'on va viser dans ce secteur-là le plus possible. Puis l'important, c'est aussi d'optimiser nos interventions. Ça nous prend des entreprises qui sont capables de faire le travail, qui sont efficaces. Ce n'est pas de l'éparpillement. Puis ça, bien une des façons, c'est de leur donner des moyens d'opérer sur le sens du monde, notamment en les stabilisant dans leur façon d'être. Et, de ce côté-là, bien on posait la question. Oui, on a d'autres suggestions ? dans notre mémoire, il y en a quelques-unes ? sur des moyens de reconnaître les groupements forestiers.

Mme Doyer: D'ailleurs, vous avez des idées qui m'apparaissent quand même assez innovatrices. Vous savez que ça a été une bataille, à chaque année, d'avoir des fonds suffisants pour faire de l'aménagement, pour les regroupements. Et, à la page 11, vous parlez d'une stratégie d'investissement que vous recommandez, vous avez deux approches, deux méthodes: l'approche par zonage et l'approche au mérite. Et ça, là, je vous trouve audacieux. Vous êtes les deux pieds campés dans le friche, parce que c'est toujours une bataille. La tarte des fonds d'aménagement, hein, c'est... la région Bas-Saint-Laurent en veut, l'Abitibi, etc. Et vous, deux approches: au mérite... Expliquez-nous ça, là. Vous avez senti ça sur le terrain, le besoin d'aller vers ça?

Le Président (M. Pinard): M. Beaudoin.

M. Beaudoin (Marc): ...des relents. Oui, on l'a senti sur le terrain, parce qu'on voit qu'il y a quand même deux approches différentes. En fait, ce qu'on sent, c'est que, d'une part, il faut intéresser les gens à aménager, à devenir actifs sur leurs lots forestiers. Ça, c'est l'enveloppe de base, c'est le programme qu'on a actuellement.

Maintenant, il y en a qui sont prêts à faire le saut puis de dire: Moi, là, je vais mettre le paquet, puis je vais produire, puis ça va être efficace, mon affaire. Mais souvent ils sont limités avec la disponibilité de fonds ou, en tout cas, les règlements d'agences; tu sais, des fois, on n'a pas le droit d'investir plus que 3 000 $ ou 4 000 $ chez un propriétaire une année, donc ça... Là, ce qu'on dit, c'est que les gens qui sont prêts à s'engager de façon concrète, eux, on devrait les soutenir pour la mise en oeuvre de l'ensemble de leur plan d'aménagement. Ça, c'est la partie engagement.

Maintenant, au mérite, il y a des agences qui font plus d'efforts que d'autres. Il y a des agences qui recrutent. Il y a des agences qui sont très conventionnelles, d'autres qui essaient des nouvelles choses, qui sont plus audacieuses, effectivement. Donc, récompensons ça aussi un peu et forçons, forçons l'audace. Parce que, écoutez, on est dans le trouble; le monde forestier, ça va mal. Continuer à faire la même chose en pensant que ça va donner des résultats différents, c'est le début de la folie. Il faut générer des nouvelles idées, et c'est de cette façon-là... On est prêts à prendre le risque et on est prêts à embarquer dans le jeu parce qu'on pense que nos organisations sont capables, pas de tirer leur épingle du jeu, mais de contribuer au brassage d'idées puis au développement de solutions novatrices.

Le Président (M. Pinard): Alors, merci beaucoup, M. le président, M. Bernier, M. le directeur général, M. Beaudoin ainsi que M. Riopel, directeur adjoint, de vous être déplacés pour vous entretenir avec les membres de la commission. Ce fut très, très intéressant. Alors, merci infiniment. Et j'appellerais immédiatement... j'appellerais immédiatement la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec et le Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier.

Des voix: ...

Le Président (M. Pinard): Je suspends quelques secondes.

(Suspension de la séance à 20 h 30)

 

(Reprise à 20 h 31)

Le Président (M. Pinard): Alors, permettez-moi, au nom des membres de la commission, de vous souhaiter la plus cordiale bienvenue à nos travaux. Et, comme vous connaissez depuis fort longtemps les règles d'application, alors vous avez 15 minutes pour nous entretenir. Par la suite il y aura un échange avec le gouvernement et également avec l'opposition officielle ainsi que la deuxième opposition. Pour les fins d'enregistrement, j'apprécierais beaucoup que vous vous présentiez ainsi que vos collègues.

Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ) et
Syndicat canadien des communications
de l'énergie et du papier (SCEP)

M. Roy (René): Merci, M. le Président. Alors, à ma gauche, c'est Renaud Gagné, vice-président du SCEP, syndicat canadien de l'énergie, du papier, des télécommunications, et, à ma droite, c'est Robert Demers, qui est conseiller syndical de la FTQ, spécialiste de la forêt. Et moi-même, René Roy, secrétaire général de la FTQ.

Alors, l'actuel Code du travail date de 1964, et les dispositions particulières aux travaux forestiers n'ont pas changé depuis. La définition d'«exploitation forestière» reposait principalement sur le côté récolte de l'activité en forêt. La description des activités couvertes ne correspond même plus à la réalité depuis belle lurette, parce qu'on parle d'écorchage en forêt, de charroyage et de flottage.

En 1986, lors de la dernière réforme du régime forestier, on a adopté une définition dans laquelle le législateur a manifesté sa volonté de voir considérées de façon intégrée l'ensemble des activités relatives à l'exploitation et à l'aménagement de la forêt. Le projet de loi présent, n° 57, va dans le même sens: développer une vision intégrée de l'activité forestière dans le cadre plus large d'une gestion intégrée de l'ensemble des ressources, et puis on est bien d'accord avec ça.

Malheureusement, les nécessaires concordances au Code du travail n'ont pas été effectuées, ce qui a amené un déclin rapide non seulement du taux de syndicalisation, mais également des conditions de vie et de travail de ceux et celles qui gagnent leur vie. Il y aura bientôt 25 ans que cette situation perdure, et, pour nous, il est temps d'y mettre fin. Et ce projet de loi nous donne justement l'opportunité de travailler là-dessus.

Il y a environ 25 lois qui sont modifiées par l'adoption du présent projet. Nous demandons impérativement qu'une disposition modificatrice soit incluse dans le projet de loi pour réparer cette omission grave de conséquences et revaloriser les emplois en forêt. Sans cette modification, il est impossible d'appliquer une autre disposition, pourtant déjà existante, du Code du travail établissant une présomption d'employeur pour le bénéficiaire d'un CAAF.

Cela était devenu nécessaire afin de remédier à la difficulté d'identifier l'employeur réel des salariés lorsque l'on se retrouve avec plusieurs détenteurs de droits sur les mêmes aires communes, et ce, sans oublier les effets pervers de la multiplication des travaux exécutés en sous-traitance. Sans employeur identifiable, il est impossible aux travailleurs d'exercer leur droit à la syndicalisation comme le peuvent tous les autres travailleurs et travailleuses au Québec. Et, avec cette multiplication de CAAF et des intervenants, il est même rapidement devenu impossible de maintenir les accréditations existantes au rythme du déroulement continu des divers intervenants.

Notre mémoire rappelle les conclusions des rapports Mireault et Bernier, qui abondent dans le même sens. Quant au rapport Coulombe, est également... lui aussi est également explicite. Il faut revoir la définition du code et renforcer la présomption d'employeur.

En octobre 2008, le groupe des partenaires de la forêt a établi un consensus sur le respect des droits des travailleurs, notamment leur droit d'association et leur droit à la syndicalisation. En mai dernier, le ministre Béchard a reçu le rapport synthèse des six groupes de travail sur la réforme du régime forestier, dont il avait lui-même suscité la création en vue de bonifier le projet de loi. Le rapport synthèse, lui aussi, en venait aux mêmes conclusions et formulait les mêmes recommandations. Vous avez copie de nombreux appuis à cette intention commune de voir respecter les droits fondamentaux des travailleurs dans l'actuelle réforme. Et nous avons soumis toute... l'ensemble de la documentation, et je vais demander à M. Gagné, tout à l'heure, de vous l'expliquer.

Il est donc temps de réparer cette omission, ne serait-ce que pour mettre un peu d'ordre dans le cafouillis actuel. Enfin, pour nous, il ne saurait être question de laisser passer encore une fois l'occasion de réparer cette iniquité. Les travailleurs de la forêt ne veulent pas un régime de faveur, mais ils tiennent à pouvoir exercer un droit légitime, reconnu à tous et toutes au Québec, dans le respect des lois et des règles établies. Loin d'y voir une dichotomie, nous croyons que l'accès à la syndicalisation et l'établissement des conditions décentes de vie et de travail vont de pair avec... de pair et s'établissent naturellement par le jeu des rapports collectifs et sociaux. L'histoire du Québec l'a amplement démontré à ce jour.

Politique de consultation. Nous constatons que le gouvernement a repris une recommandation du Sommet sur l'avenir du secteur forestier de 2007, soit la formation d'une table des partenaires de la forêt. Son mandat comme... tout comme sa composition demeurent à venir, et nous demandons, à titre d'organisation syndicale principale au Québec, présente dans toutes les régions et représentant une majorité des travailleurs du secteur forestier, d'y avoir un siège à titre de partenaire.

Nous entendons également trouver notre place sur toutes les tables régionales ou locales où pourraient être abordées des problématiques ou élaborées des stratégies pouvant concerner directement ou indirectement les travailleurs et travailleuses que nous représentons.

Stratégie d'aménagement de la forêt... des forêts. Toujours à venir, cette pièce maîtresse de la réforme devra être soumise à la consultation publique et, nous le souhaitons, à la Table des partenaires de la forêt. La loi prévoit que les activités des divers secteurs participant à la gestion de la forêt, CRE, CRRNT, tables, devront être conformes à ladite stratégie et qu'ils devront, par délégation, adhérer aux objectifs nationaux concurrents à l'aménagement écosystématique et la région... et la gestion intégrée des ressources et du territoire. Nous y voyons ainsi des balises impératives et difficilement modulables au gré des volontés régionales. Cela gagnera à être expliqué... explicité lors de la consultation à venir.

Nous vous mettons aussi en garde contre une possible dérive au chapitre du vocabulaire. On ne définit nulle part ce qu'est une approche écosystématique... systémique, excusez, alors qu'au sens strict cette approche diffère grandement de la définition communément admise du développement durable. Il ne s'agit pas ici de simplement chercher le meilleur équilibre ou le meilleur compromis entre les volets environnemental, social et économique. Il s'y ajoute une limite à ne pas franchir, la pérennité de l'écosystème dans sa globalité, limite devant laquelle doivent céder les autres considérations.

Si on y ajoute le principe de précaution qui s'y greffe souvent, il faudrait s'abstenir d'intervenir dans un milieu en cas de possibles ou d'éventuelles atteintes à la pérennité de l'écosystème, et ce, même sans certitude scientifique absolue. Alors, on peut se questionner sur son application dans, par exemple, les zones de sylviculture intensive. Il faudra faire un exercice de clarification et de définition plus pointu du concept avant de le lancer sans paramètres aux différents acteurs de la forêt. Ce concept devra de toute évidence être compris par les nouveaux acteurs mis en place par la suite de la gestion à régionaliser. Il semble évident que ce concept, tout opérationnel qu'il puisse devenir une fois bien compris, ne saurait être modulé de façon différente selon les régions ou les commissions sans perdre sa signification.

Délégation de pouvoirs au MRNF. Loin de nous opposer à une régionalisation responsabilisante des pouvoirs du gouvernement central, nous nous refusons cependant d'endosser ce qui peut dériver en une véritable balkanisation du Québec. Nous nous inquiétons de la diversité des modèles retenus par les différentes régions. Alors que certaines ont tenu à ce qu'aucun élu n'y siège à titre de commissaire, d'autres distribuent les rôles aux mêmes personnes, qui cumulent les charges sans égard à une nécessaire réserve entre paliers de nature différente. Il n'est pas inutile de rappeler ici les premières réactions du journaliste Louis-Gilles Francoeur au rapport Coulombe: Il faut, et je cite, «s'assurer que le futur cadre de gestion forestière repose sur un système d'imputabilité au-dessus de tout soupçon et assurer une transparence d'autant plus difficile à garantir que le secteur forestier passera d'une centaine de grands patrons, publics et privés, à quelques milliers [d']élus en régions».

n(20 h 40)n

Nous croyons essentiel que les recommandations du rapport Gagné sur l'éthique municipale soient considérées dans le cas de la délégation de pouvoirs en s'assurant de la transparence des instances régionales via le mécanisme de la loi de l'accès à l'information. Des règles de déontologie devraient s'y greffer en cas de faute ou de manquement, de la même manière que le projet de loi les... que le projet de loi les prévoit pour les agences régionales de mise en valeur de la forêt privée.

Le gouvernement a fait l'économie d'un véritable débat de société en créant par décret les commissions régionales des ressources naturelles et des territoires. Les ententes de délégation de gestion des territoires de l'État toucheront les ressources tant hydrauliques, minérales, énergiques, forestières que fauniques. Nous insistons ici pour rappeler aux élus que les ressources naturelles du Québec sont la propriété collective de l'ensemble des Québécois et Québécoises et ne sauraient être accaparées par quelque coalition d'intérêts que ce soit, toute louable soit l'intention première de soutenir le développement régional.

En ce sens, il faudrait clarifier la position gouvernementale sur toute la question des redevances. Déjà, tant le premier ministre Charest que le ministre Béchard ont attaché le grelot en soulignant que ce n'était pas là le pactole dont rêvent certains jovialistes. Il y a trois ans, il en coûtait déjà plus que 4,50 $ à l'ensemble des citoyens du Québec pour sortir un mètre cube de bois de la forêt du Québec. Côté minier, le Vérificateur général ne semble pas non plus très optimiste. Il faudra encadrer plus sérieusement les ententes de délégation car certains semblent, comme on dit chez nous, avoir l'appétit plus grand que la panse.

La forêt de proximité. Nous nous inquiétons de ce que le projet de loi ne dise rien de ce qu'il pourrait advenir de nos travailleurs qui effectuent présentement des travaux sur des territoires destinés à devenir des forêts de proximité. D'abord, nous ne savons pas encore comment sera déterminée cette proximité et comment ces forêts de proximité seront appelées à générer des argents pour des projets locaux. La plus grande des vigilances s'impose. Des dispositions réglementaires devront les encadrer pour éviter qu'elles ne se transforment en forêts de promiscuité.

Maintien des unités d'aménagement forestier. Il nous apparaît de la plus grande importance de conserver les UAF comme base de référence dans la réforme forestière. Les tables locales et l'élaboration des plans seront à cette échelle. Nous nous opposons à l'idée de faire... de faire reposer la référence sur la région plutôt que sur l'UAF, si l'on veut conserver une certaine stabilité de la main-d'oeuvre.

Trop de travailleurs quittent leur emploi lorsque leur employeur doit intervenir sur une UAF trop distante de leur localité sans possibilité de revenir à leur domicile après leur journée de travail. Nous avons déjà convenu avec les partenaires que, peu importe la destination des bois, les accréditations syndicales seront maintenues dans les UAF, permettant ainsi aux travailleurs de rester en place même si le bois change de bénéficiaire.

Avec la consolidation encore plus serrée dans le secteur des papetières ainsi qu'avec la mise en marché libre des volumes de bois importants, il y aura encore plus de circulation de bois vers des destinations autres que celles pour lesquelles ils étaient destinés. Alors, le maintien du lien avec les UAF nous apparaît donc indispensable pour asseoir la réforme du régime forestier.

La mise en marché des bois. Rien ne nous indique que ce serait bénéfice... bénéfique pour maintenir un bas coût de la fibre ni pour faciliter le passage à la deuxième et la troisième transformation. Nous nous opposons à l'introduction de courtiers, qui pourraient bien plus attiser la spéculation que la consolidation et l'investissement. Une priorité devrait être accordée aux détenteurs de garanties d'approvisionnement pour obtenir jusqu'à 100 % de leurs volumes actuels, pour préserver les emplois qui restent. Enfin, le bois devrait être vendu sur pied pour permettre aux salariés accrédités dans l'UAF d'effectuer la récolte, qu'importe, encore une fois, la destination des bois.

En conclusion, à cause de l'absence d'harmonisation entre le Code du travail et la Loi sur la forêt de 1986, la précarité des emplois est devenue la norme. Les conditions de travail et de sécurité de travail en ont écopé, et, résultat ultime, le recrutement des nouveaux travailleurs est devenu de plus en plus difficile, et les conserver, dans le contexte actuel, relève du miracle. Nous le répétons, les travailleurs de la forêt ne veulent pas d'un régime de faveur. Ce n'est pas un régime de conscription syndicale qu'ils demandent, ils veulent tout juste être traités comme tous les autres travailleurs du Québec. Merci beaucoup, M. le Président. Et je demanderais à M. Gagné de vous expliquer la documentation épaisse qu'on vous a envoyée.

M. Gagné (Renaud): Il me reste combien de temps?

Le Président (M. Pinard): Il vous reste exactement deux minutes.

M. Gagné (Renaud): Deux minutes? Oh! On va faire ça très rapidement. D'abord, un peu d'historique, là. J'ai rencontré, le 14 avril 1992, Norman Cherry et le ministre Albert Côté, de l'époque, pour toute la problématique, y incluant le caucus de l'Outaouais, tous les libéraux qui étaient en poste, plusieurs ministres, dont M. MacMillan aussi. Pour faire une histoire courte là-dedans, ce que vous voyez aujourd'hui, les gens dans les rues, dans les pâtes et papiers, en 1991, c'est moi qui étais dans les rues avec les travailleurs forestiers parce que ces gens-là perdaient leur emploi. Et Mme L'Écuyer doit se rappeler, à l'époque, le fameux camp Shyan. Les gens barraient la route, et un petit bénéficiaire d'un CAAF nous avait poursuivis par injonction pour nous envoyer en dedans puis libérer le chemin pour avoir accès au bois, pendant que nos gens, qui étaient là depuis 30 ans, ont perdu leur emploi.

Donc, la problématique, elle est très, très simple en forêt. C'est qu'on a une définition d'«exploitation forestière» qui date de 1964, et aujourd'hui elle a été modifiée deux fois, et, dans le projet de loi, là, la définition d'«exploitation forestière» est beaucoup plus large. Donc, pour comprendre de façon bien simple, si on avait fait l'exercice en 1986, dans la forêt de l'Outaouais, il y avait quatre grands concessionnaires, ça aurait été simple. On prend une tarte, ou on coupe un morceau en quatre puis on dit: Peu importe la destination des bois... Puis c'est une de nos principales revendications. Parce que la problématique de l'époque, c'était que le détenteur... le concessionnaire vendait le bois peut-être à des prix exorbitants. Donc, s'il y avait eu une réglementation pour dire: Monsieur, il a droit... accès à son bois dans ce territoire-là, les gens qui étaient syndiqués à l'époque, qu'on livre le bois à René Roy, à Renaud Gagné ou à Mme la ministre, il n'y a pas de problème, en autant qu'on s'entend sur un prix de livraison, et les règles d'exploitation, d'aménagement auraient pu être prévues, et tout le monde aurait conservé leurs emplois. Le problème, c'est qu'on est allé vers la sous-traitance, et de façon bien claire les gens à l'époque qui perdaient leur emploi ont tous défilé dans mon bureau, comme vous les voyez dans la rue actuellement, à Dolbeau ou ailleurs, là, pour se plaindre. Ça n'a pas de bon sens.

Donc, ce qu'il faut faire aujourd'hui... Puis, dans le cartable que je vous ai envoyé, juste pour récapituler les ententes qu'on a eues, là... et je vais vous référer très rapidement à l'onglet 2, pour faire une situation très simple ? il doit me rester un peu de temps, là ? on a la définition qu'il y a dans le Code du travail d'«exploitation forestière», et vous avez celle de la loi et l'article 4 du nouveau projet de loi n° 57. Je vous réfère à l'onglet 3, juste pour bien comprendre la difficulté qu'on avait à l'époque. Il fallait consolider l'industrie, priorité numéro un des entreprises, fermer une scierie, mettre ça ensemble. Donc, il fallait prévoir un mécanisme, et on a reconnu ce mécanisme-là, dans les mesures à court terme du document, de l'onglet 3.

Et l'autre élément principal qu'on répète depuis le début: peu importe la destination des bois, les gens qui sont accrédités sur un territoire, une unité d'aménagement, ça... pas de problème, on va le couper, on va le livrer. Qu'il soit mis en marché, acheté par quelqu'un, on va le couper, on va le livrer. Ce qu'il va falloir définir... Parce que les conditions de travail, c'est une chose, puis le droit à la syndicalisation puis au maintien... Le problème qu'on a eu ? toutes les décisions sont là, là ? c'est que, la journée où on déposait, le lendemain, elles étaient disparues. Parce que, 12 employeurs dans le même territoire, là, ils se passent la puck. Finalement, qui qui perd? C'est nous autres. On est dans les buts puis on n'est pas capables d'arrêter rien.

Donc, ça m'amène au sommet, à l'onglet 4. Je veux juste vous rappeler, dans la déclaration commune, signée par tout le monde, y incluant M. le... Bergeron, qui était sous-ministre à l'époque, à l'item Faciliter la consolidation, à la page 2, en bas, on dit: En cas de transfert, prévoir que les activités forestières... Tout ça a été signé par tout le monde, là. Et la même chose s'il y a fermeture de scierie, dans le cas de transfert, d'appliquer une procédure facilitant... Malheureusement, dans le livre vert, on n'avait rien.

On s'en va à l'onglet 5, c'est le consensus qu'on a déposé le 30 octobre. Je vous réfère à la page 9 de ce document-là, Situation des travailleurs. Situation des travailleurs, on a dit qu'on allait créer un comité. Mais, le comité, il ne faut pas qu'il siège pendant trois ans, là. Si le ministre Béchard, au moment... au mois de mai dernier, nous dit, là... Il nous a donné un mois pour faire les travaux des comités, là. Bien là, de la façon que ça s'enligne, c'est qu'au niveau du secteur du travail 25 lois sont modifiées d'un bord, puis d'un autre côté le code, bien on va étudier ça pendant trois ans puis on risque de tout perdre. Donc, vous allez retrouver... les travaux du comité devaient se faire sur la base du chantier des mesures à court terme. Donc ça, ça a été identifié.

Et je vous réfère à l'autre élément, à la page 17, pour bien comprendre les sociétés d'aménagement ou les entreprises d'aménagement, là. On parle de création de nouveaux CAM, là...

Le Président (M. Pinard): Rapidement.

M.Gagné (Renaud): ...bien ces gens-là ont reconnu que la présomption d'employeur, elle est dedans, là. C'est signé par tout le monde, là, y incluant les coopératives. Donc, on ne peut pas venir nous dire qu'aujourd'hui on ne reconnaît plus la présomption. Je vous...

Le Président (M. Pinard): Alors, merci, M. Gagné, parce que, écoutez, je vous ai donné une extension, là, déjà de 2 min 30 s au temps imparti, mais vous aurez sûrement l'occasion d'aborder ce point-là avec soit le côté ministériel, ou soit avec l'opposition officielle, ou la deuxième opposition. Mme la ministre, vous avez un bloc de 10 minutes.

n(20 h 50)n

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, messieurs, bonsoir. Bienvenue. Vous êtes notre dessert aujourd'hui, alors un sujet quand même assez costaud, là, pour la fin de notre journée. Ma question va porter justement sur l'enjeu des relations de travail. Pour le bénéfice de tous les collègues, j'ai eu l'occasion de vous rencontrer. En fait, on sent qu'il y a une communion de pensée entre la FTQ et la CSN par rapport à l'enjeu que vous soulevez sur les relations de travail. Parce qu'il faut faire une distinction entre relations de travail et conditions de travail. À l'interne, quand je suis arrivée, j'ai vraiment donné des instructions pour qu'on puisse rapidement s'atteler à la... aux conditions de travail. Et M. Gagné tout à l'heure référait à un comité de travail qui a été formé à l'interne, bien c'est-à-dire... MRNF, les différents syndicats avec le ministère du Travail. C'est vrai qu'on n'est pas encore arrivés à une entente, mais là je pense qu'il faudra effectivement s'atteler à la tâche de façon plus sérieuse pour voir s'il y a une convergence possible par rapport aux différentes positions qu'ont les acteurs. Parce qu'au-delà des syndicats qui sont devant nous, FTQ, CSN, il y a d'autres joueurs dans l'industrie qui ne partagent pas nécessairement votre opinion. Je pense aux groupements, aux indépendants, aux coopératives, enfin, qui manifestent un certain nombre d'inquiétudes.

Ceci étant, il n'y a personne qui est spécialiste ici des relations de travail, alors je vais vous laisser, M. Gagné, la possibilité peut-être de nous expliquer un peu plus, de façon la plus simple possible, là, l'enjeu, là, qui est devant nous actuellement. Et puis, j'ai eu l'occasion de vous le dire puis je vais le répéter au micro: Tu sais, depuis, là... Vous avez référé, dans votre historique, au régime des concessions forestières. Après ça, on a eu l'adoption de la loi, la première Loi sur les forêts. Et il y a plusieurs gouvernements qui se sont succédé, péquistes, libéraux, etc. La Loi sur les forêts a été amendée. Et j'ai eu l'occasion de dire à M. Demers et à M. Roy: Tu sais, je veux dire, si la solution avait été si facile, là, probablement qu'on l'aurait trouvé, le problème, là, je veux dire... Mais, bon, il a... le ministère du Travail a sa vision, vous avez votre vision, le MRNF a la sienne, enfin, bref... Puis je dis ça, là, vraiment, avec le peu d'expérience que j'ai comme femme politique, là, mais quand même je pense que ce n'est peut-être pas le manque de volonté politique qui a manqué, mais, dans un contexte où l'ensemble des acteurs n'ont pas réussi nécessairement à s'entendre tous, à développer une espèce de position, là, commune, unanime, je pense que ça a peut-être compliqué un peu les choses.

Ceci étant... Interprétez-le comme mon éditorial du jour ou mon interprétation sur ce pourquoi on parle encore de cet enjeu aujourd'hui. Alors, est-ce que c'est possible, M. Gagné, de nous expliquer en termes très simples, là... pour qu'on puisse se situer comme parlementaires, là, si on avait à prendre une décision aujourd'hui, là, pour qu'on puisse comprendre ça, là, simplement.

Le Président (M. Pinard): M. Gagné.

M. Gagné (Renaud): Oui. De façon... de façon très simple, puis c'est très simple à comprendre. À l'époque, quand on a aboli les concessions forestières pour changer le mode de tenure, au départ, ce qu'il faut retenir là-dedans, c'est que les concessionnaires de bois avaient un pouvoir de vie ou de mort sur la valeur de ce bois-là. Donc, tu me paies tel prix ou je ne t'en livre pas. Donc, quand il y a eu les changements pour les contrats d'aménagement, si on avait déterminé que les mêmes personnes, nos membres qui travaillaient en forêt, au lieu d'envoyer le bois ou le laisser pourrir parce qu'on ne voulait pas payer tel prix, qu'on aurait déterminé le coût d'exploitation... Parce que c'est ça qui s'est passé dans les faits, là.

Dans la loi actuelle, quand ils sont 12 intervenants, ils doivent en désigner un qui va être responsable. Ce responsable-là doit s'assurer à quel prix il va livrer à l'usine le bois de... peu importe l'établissement, là, dans l'unité d'aménagement. Donc, s'ils ne s'entendent pas, il y a un processus d'arbitrage pour déterminer quel prix. Et il y avait une problématique, à un moment donné, si l'entrepreneur principal décide de ne pas y aller pour récolter différentes essences... Parce que le même arbre peut avoir trois destinations: le pied de l'arbre va aller dans le déroulage, le milieu en sciage puis l'autre bout en pâte. Donc, si l'exploitant décide de ne pas exploiter, bien, je veux dire, il n'y a rien qui marche. Ça fait que, si nos gens qui étaient en forêt à l'époque, syndiqués, auraient coupé ces arbres-là en disant: tel bout s'en va à telle personne, tel bout s'en va à telle autre, ça aurait fonctionné facilement.

Le problème d'abolir les concessions, c'est que, si, moi, je dis que le prix du bois, ça vaut 100 $ pour un billot, puis que dans la réalité, aujourd'hui, il peut le récolter pour 20 $, bien, je vais dire, ça lui coûtait moins cher. Puis, à l'époque, c'est quoi que les industriels on fait? Les petites entreprises qui voulaient naître, qui étaient toutes petites, ils ont dit: Bien, si on n'a pas de syndicat, ça va coûter moins cher. Donc, c'est là les conditions de travail, là, qu'ils ont pris 50 % vers le bas.

Mme Normandeau: Avec la Loi sur les forêts.

M. Gagné (Renaud): Avec la loi, parce qu'on a «entourloupetté», là... puis vous allez retrouver ça dans un de mes onglets, là. Même l'industrie reconnaît ça, là. Je vais vous référer à l'onglet 7, à la page 44. Puis ça, c'est tous les partenaires, là. Quand vous dites: Ils ne sont pas d'accord, là, bien tous ces messieurs-là, dans le document que je vous ai remis, là, ils ont tous signé, à chacune des étapes, qu'ils étaient d'accord avec ça. Je suis à la page 44, là, en haut, ça dit: Ils sont d'accord à ce que la loi ? et on parle de la loi, là ? ne permette plus de se soustraire aux accréditations syndicales en utilisant des stratagèmes destinés à cette fin. C'est tout ce qu'ils ont fait. Chaque fois qu'on a déposé une requête, bien ce n'est pas compliqué, l'entreprise disparaît, parce que les... ce qu'on appelle les droits de succession, pour passer ça de Pierre à Jacques... Dans une unité d'aménagement, ils sont 12 joueurs, là. Ça fait que, si, moi, je dépose pour René Roy, le lendemain, René Roy se revire de bord, il dit: Ce n'est plus moi, le responsable bénéficiaire pour livrer le bois à tout le monde. Je vais donner ça à M. Demers, qui est à côté de moi, c'est lui qui va faire les travaux. Puis M. Demers, bien, lui, il embauche huit sous-traitants. Ça fait que, là, moi, pour déposer, il faut que je signe une majorité dans les huit sous-traitants. Je dépose une requête en vertu de M. Demers, puis M. Demers dit: Bon, bien, moi, je ferme mon exploitation, c'est fini. C'est toujours à recommencer. Puis c'est le même scénario dans le secteur sylvicole, là.

Donc, quand on dit... Mettons la bonne définition. C'est quoi, une exploitation forestière? Ça comprend des travaux sylvicoles. Je comprends que je ne pourrais pas déposer une requête en accréditation pour viser et des bûcherons et des gens qui font de l'aménagement. Je vais déposer pour celui qui va avoir le contrat d'aménagement. M. Béchard nous a dit qu'il n'y aurait pas plus que quatre contrats par unité d'aménagement. Donc, je devrais avoir quatre détenteurs de permis, quatre employeurs. Que lui fasse affaire avec 12 sous-traitants, ce n'est pas un problème pour moi, je vais aller voir les 12, mais l'employeur responsable, là, réputé, ça va être celui qui a signé le contrat. C'est comme ça qu'on va pouvoir maintenir des accréditations. Et cette personne-là qui va signer un contrat en aménagement pour cinq ans, bien, s'il vend son entreprise à Renaud Gagné, bien il va devenir l'employeur à même titre que si je vendais une scierie à Jos Bleau. C'est comme ça que ça va se passer.

Donc, ça m'apparaît très simple. Parce que toutes les discussions... Je n'étais pas dans les discussions en 1986, mais ça fait 25 ans que je suis en forêt. Ça fait 25 ans que je vois le monde défiler, puis j'ai connu l'ancien régime, j'ai connu le début du nouveau régime, j'ai vu le monde dans la rue, puis là on s'apprête à mettre des garanties d'approvisionnement. Pour les accréditations qui nous restent, là, c'est les grosses où il y a 700 000 m³, 800 000 m³ ou 1 million de mètres cubes. Où? Sur la Côte-Nord, au Lac-Saint-Jean. Puis, dans l'Outaouais, là, en 1992, ce n'est pas la récession qui nous a fait perdre nos accréditations. En 1992, il y avait zéro membre syndiqué dans l'Outaouais. Pourtant, c'était syndiqué mur à mur, à 100 %, quand je suis arrivé là, en 1984. Pourquoi ça a disparu? Parce qu'il y avait un trou: on n'a pas fait l'harmonisation. Et, quand on s'est plaint, toutes les années, 1989, 1990, 1991, 1992, bien on pensait qu'il y aurait des changements. Et, de gouvernement en gouvernement, il ne s'est rien passé.

Malheureusement, ces gens-là, quand on dépose, l'année suivante, une nouvelle requête, bien on se sert, entre guillemets, de ce qu'on appelle des poteaux, là. Bien, ces poteaux-là, là, si la requête tombe, un an, un an et demi après, quand les employeurs voient ça, là, ils ne l'embauchent pas, ce gars-là, là. Ça fait que là je m'en vais voir dans les nouveaux travailleurs, qui n'étaient pas des militants, supermilitants, on va se trouver une autre gang pour signer des cartes. On redépose une nouvelle requête, on se fait battre encore, ces gens-là sont... perdent leur emploi. Troisième année, là, zéro militant pour organiser... C'est impossible de faire de l'accréditation en forêt.

Donc, pour négocier des conditions de travail, ça nous prend une accréditation qu'on peut maintenir, puis là on va négocier selon les règles du marché. Autant dans la sylviculture, autant en forêt. Ce n'est pas compliqué, c'est bien simple. Et je ne peux pas croire qu'on n'aura pas une obligation de votre part, Mme la ministre, pour nous fixer un échéancier pour accoucher d'une... de tout ce qui a été discuté dans ce document-là depuis deux ans, qu'on attend toujours après. Puis tout le monde nous dit: C'est correct. Puis tout le monde a signé, incluant les coops, incluant RESAM, incluant l'industrie, incluant les municipalités. Donc...

M. Roy (René): ...il y a eu des... il y a eu des commissions...

Le Président (M. Pinard): M. Roy.

M. Roy (René): ...pas... Vous n'êtes peut-être pas des spécialistes des relations de travail autour de la table, mais il y en a dans le ministère du Travail qui connaissent bien les relations de travail, puis ils étaient... ils ont été associés dans les discussions depuis tout le temps. Et puis, au travers des années, Mme la ministre, il y a eu des commissions: la commission Mireault, la commission... commission Coulombe, mais là, je... Bernier, qui ont conclu toutes la même affaire. À un moment donné, pour... En relations de travail, là, il y une affaire qui est bien simple: pour avoir une accréditation syndicale, ça prend un employeur. Pour avoir un employeur, bien ça prend une adresse. Quel employeur est dans la forêt? C'est ça qu'on... c'est ça qu'on vous dit en fait. C'est qui, l'employeur dans la forêt? Alors qu'avant, avec une concession, il y avait un employeur. Il y avait toujours un employeur qui était présumé l'employeur de tout le monde. Alors, les accréditations...

En passant, la forêt, Mme la ministre, avant 1986, c'était syndiqué à 78 %. La forêt québécoise, c'était le lieu le plus syndiqué au Québec. Aujourd'hui, elle est en bas de 28 %. C'est ça que ça a fait.

Mme Normandeau: Mais, s'il n'y a pas eu la transition souhaitée entre le régime des concessions aujourd'hui... puis là, vous, dans le fond vous anticipez les mêmes craintes, qu'il n'y ait pas de transition entre... qu'on ne saisisse pas l'opportunité en fait d'assurer la transition entre les deux régimes, le problème, il est où? Est-ce qu'il est au Travail? Est-ce que c'est le ministère du Travail qui finalement n'a pas la bonne conception des choses? Ou... Il est où, le problème?

M. Gagné (Renaud): Prenons pour acquis, là, qu'un territoire...

Le Président (M. Pinard): M. Gagné.

n(21 heures)n

M. Gagné (Renaud): S'il vous plaît. Prenons pour acquis que le territoire, là, c'est grand comme la page ici, là. On vient d'amputer 20 % dans Coulombe. Donc, ça a affecté directement les gens qui étaient dans ce territoire-là pour un volume donné. Si on enlève encore 25 % pour la mise en marché puis qu'on ajoute encore peut-être un 5 %, 6 %, 7 %, 8 % pour les forêts de proximité, il va me rester quoi comme emplois? Puis en plus, si je ne le regarde pas sur une base d'unité d'aménagement qui est grande comme la feuille ici, là, je la regarde sur une base régionale. Ça fait que comment je vais investir dans un territoire, moi? Parce que normalement, historiquement, les gens suivaient leur région, leur localité, puis allaient en forêt pas trop loin, là, 100, 150 km, là. Mais, si on le met sur une base régionale, là? Moi, je sais que, cette année, j'ai une garantie d'approvisionnement dans l'unité d'aménagement x, y, z, là, puis, l'année suivante, je suis à l'autre bout, là, six heures plus loin, là. Qu'est-ce qu'on va faire comme avenir pour les travailleurs, là-dedans? Les gens qui vont vouloir s'intéresser à ces emplois-là vont dire: Ça n'a pas de bon sens, je n'ai pas de stabilité. Donc, ça nous prend ce qu'on appelle une accréditation territoriale, peu importe, dans ce territoire-là, qui va avoir droit à du bois, qu'on lui livre, puis qu'on puisse négocier des conditions de travail dans ce territoire-là. Et, si jamais cette entreprise-là est vendue, peu importe, bien, à ce moment-là, on aura un nouvel employeur. C'est aussi simple que ça. Donc, tout ça est reconnu dans les documents, autant dans Mireault, Coulombe et compagnie. L'idée, c'est de le mettre en place. Là, on a une opportunité de le faire. Parce que, si on veut ouvrir le code demain matin, tout le monde va vouloir avoir ses bebelles, là. Là, vous modifiez 25 lois, vous introduisez des nouvelles règles du jeu en forêt, on abolit les CAAF, on remplace ça par d'autre chose, on met des nouvelles données. Donc, ce qu'on vous dit, c'est: Profitez de l'occasion, dans cette loi-là, pour vraiment mettre en application ce qu'on vous demande là-dessus, ce qui est reconnu par tout le monde.

Mme Normandeau: La revendication...

Le Président (M. Pinard): Mme la ministre...

Mme Normandeau: Merci...

Le Président (M. Pinard): ...il vous reste un temps de parole d'une minute.

Mme Normandeau: Une minute? Rapidement. La revendication que vous formulez, là, que vous venez d'exprimer assez clairement, une unité d'accréditation par territoire, c'est toujours ce que vous avez demandé et revendiqué, depuis le rapport Mireault, le rapport Bernier. C'est toujours ce que vous avez revendiqué?

M. Gagné (Renaud): Oui, on a revendiqué que, dans le territoire, même s'il y a 12 détenteurs de droits, ils doivent s'en désigner un, et ce sera lui l'employeur. Mais, s'il y a zéro syndicat dans cette unité-là, même s'ils sont 12, il va falloir signer des cartes, il va falloir faire un dépôt. Les gens ne tomberont pas syndiqués demain matin, là, ça, c'est bien clair. Mais, dans le secteur de l'aménagement, comme le... votre projet de loi... en tout cas, le ministre Béchard, votre prédécesseur, nous disait: Il n'y aura pas plus de quatre contrats de CAM dans ces territoires-là sur une base de cinq ans, bien il y aura quatre employeurs, dans le pire des cas. Sur le même territoire, pour faire de l'aménagement, il ne pourra pas y avoir plus que quatre requêtes en accréditation. Il n'y en aura pas 22. Parce que...

M. Roy (René): On ne demande pas la syndicalisation forcée de personne. On demande simplement d'identifier l'employeur pour qu'on puisse syndiquer le monde. Mais on ne vous demande pas d'obliger les gens d'être syndiqués, là, d'aucune façon.

Mme Normandeau: Ah non! on comprend ça, absolument. On comprend ça.

Le Président (M. Pinard): Alors, le temps imparti du côté ministériel est expiré, en incluant le temps de la deuxième opposition officielle. Alors, du côté de l'opposition officielle, M. le critique officiel, député de Roberval, je vous mentionne que vous avez... il vous reste un temps de parole de 12 min 30 s.

M. Trottier: Oui, merci, M. le Président. Je vous remercie pour la présentation. Je vous remercie aussi pour les documents, qui sont très bien faits. Vous avez un très bon service de recherche, puis je pense que c'est important quand on veut s'y retrouver. Comme on dit, les paroles s'envolent, mais les écrits restent.

On est en pleine crise forestière. J'aimerais que vous nous fassiez un petit peu le portrait de la situation puis de l'état d'esprit de vos membres, là. Comment c'est ressenti sur le terrain? Parce que, là, on voit ça, les usines qui ferment. Mais comment c'est ressenti sur le terrain, puis c'est quoi, l'état de la situation chez vos membres?

Le Président (M. Pinard): Alors, M. le président? M. Roy? M. Gagné? M. Gagné.

M. Gagné (Renaud): Bon, écoutez, l'état d'esprit, là, le parallèle que je vous faisais tantôt, ce qu'on voit actuellement au niveau des papetières... Parce que les scieries, là, on ne se fera pas de cachette, là, ça fait près de... ça a commencé en 2003, les premières mises à pied, là. Les premières manifestations que j'ai faites, en 2003, on menaçait de perdre 2 000 emplois dans la région de Mont-Laurier, là, aller à Saint-Jovite. Bon. Un coup qu'on a fait ça, on a fait toutes sortes de démarches, on avait toutes les taxes, bon, il y a eu une entente, mais... Mais, peu importe, le secteur forestier, le secteur du sciage sont plus habitués de vivre des secousses, là, puis d'avoir des mises à pied temporaires. Sauf que, quand on parle de la réforme, là, puis qu'on a perdu nos emplois, puis qu'on a vu des contracteurs, avec des gens, prendre la job de d'autres, bien ils sontaient dans la même situation, dans le même état d'esprit qu'aujourd'hui on voit à Dolbeau ou ailleurs. Les gens qui perdent leur emploi, là, bien, je vais dire... C'est quoi, la solution? Pourquoi on n'a pas fait telle affaire? Si on a fait des erreurs dans le passé, qu'on les corrige aujourd'hui, parce que tout le monde les reconnaît. Je ne sais plus combien de commissions ça va prendre pour reconnaître ces droits-là, là, mais il y en a eu trois gouvernementales, il y a eu tous les consensus que vous avez en main dans votre cartable, et la reconnaissance qui a été déposée à Mme la ministre le 29 juillet, disant: Arrêtez les entourloupettes, là, nous autres, on est d'accord avec ça. Mais, sur la question de présomption, bien je regrette, le Code du travail est fait comme ça, puis ils l'ont signé, les mêmes personnes, ils sont réputés employeurs. C'est la règle du jeu, donc. L'état d'esprit, aujourd'hui, c'est sûr que, si on regarde l'avenir en termes de dire le... le développement de la deuxième et troisième transformation, si on regarde la reprise de la construction, il va y en avoir un jour, là. Ça, c'est sûr. Le papier, c'est un peu plus difficile. Il va falloir développer d'autres créneaux. Le papier journal, on ne fera pas de dessin à personne icitte, là, c'est en décroissance, puis là ça a été pire à cause de la crise. Donc, c'est quoi, l'état d'esprit? Les gens souhaitent qu'il y ait des solutions mises de l'avant, globales, pas nécessairement pour favoriser un plutôt que l'autre, là, mais de façon plus globale.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Vous suivez depuis plusieurs années toute l'évolution du régime forestier puis de l'industrie forestière. Bon, vous avez mentionné, là, qu'il y avait... vous aviez certaines préoccupations. Mais, quand vous regardez tous les documents qui ont été signés, les ententes, en dehors de ce que vous avez mentionné, est-ce qu'il y a d'autres éléments qui vous déçoivent, là? Dans le fond, vous étiez persuadés que tout le monde avait signé, donc ça va se faire. Est-ce qu'il y a d'autres éléments qui vous déçoivent?

Le Président (M. Pinard): M. Roy.

M. Roy (René): Bien, des éléments qui nous déçoivent, écoutez un peu, ça fait 25 ans, puis il n'y a pas juste eu le gouvernement actuellement qui était là, il y a eu d'autres gouvernements qui ont passé. La chose est claire, est connue: en 1986, il y a eu, selon nous autres, une décision qui a été prise, bien comprise par les acteurs du temps, et ils savaient qu'est-ce que ça ferait dans la forêt. On l'a dénoncé immédiatement, en 1986, le fait d'abandonner, d'abandonner la présomption d'employeur... maintien dans les grosses concessions, mais la succession des présomptions d'employeur a tout défait la syndicalisation dans la forêt.

Mme la ministre, tout à l'heure, parlait des relations de travail puis des conditions de travail. Pour nous, ça va à la même place. Si vous êtes syndiqué, si vous avez un régime de relations de travail qui vous permet de vous syndiquer, vous allez être capable de vous négocier des conditions de travail. Si vous n'avez pas ça, vous êtes obligé de vous en aller sur les normes minimales du travail. Ça, les normes minimales, c'est décrété par le gouvernement. Et les employés non syndiqués, là, ça ne fait pas énormément de plaintes, ça. Parce que, quand ça fait une plainte, là, s'il n'est pas congédié tout de suite, dans deux, trois semaines, il a des chances de l'être.

Alors, dans l'état actuel de la forêt, c'est un peu la situation désastreuse. C'est le désastre. Le monde sont un peu découragés. Et, s'il nous arrive une reprise demain matin, on le sait, que nos écoles actuellement sont à peu près vides, au niveau des travailleurs forestiers, alors, où est-ce qu'ils vont trouver les travailleurs pour retourner travailler dans la forêt? Bien ça, ça va être une autre problématique quand la reprise va se faire là-dessus. Ça fait que ce qu'on peut déplorer, pour répondre à votre question, c'est qu'il n'y a jamais personne qui a daigné corriger l'injustice qui s'est faite en 1986, et puis on a... Des mémoires, là, on vous a donné beaucoup de documentation, on a de l'air bien intelligent, puis un bon système de recherche, ça fait 25 ans qu'on dit la même affaire, alors on est capables de vous en donner, des documents, on les a tous écrits, ils veulent tous dire la même affaire!

Le Président (M. Pinard): Merci, M. Roy. M. le député de Roberval.

M. Trottier: Si je comprends bien votre position, c'est que, plutôt que de parler d'avoir des meilleures conditions de travail, je pense, la question fondamentale, c'est le droit d'accréditation, qui dans le fond détermine tout le restant. Sinon, sinon, comme on dit, on l'a vu dans d'autres secteurs d'activité, ça reste un petit peu des voeux pieux de dire qu'on est en faveur de donner des meilleures conditions, s'il n'y a pas un rapport de force qui peut s'établir, qui peut faire en sorte justement que ces conditions de travail là vont devenir plus intéressantes.

Le Président (M. Pinard): M. Roy.

M. Roy (René): Vous le dites mieux que moi. Mais, Robert, tu voulais rajouter sur la crise économique.

Le Président (M. Pinard): M. Demers.

M. Demers (Robert): Je constatais que, parmi tous les facteurs qui ont contribué à la crise forestière, l'ALENA, libre-échange, valeur du dollar, baisse de la demande, et tout ça, depuis cinq ans, jamais on n'a soulevé que la syndicalisation était un problème. Puis ça n'a jamais été ça. Au contraire, moi, je trouve que... Si j'étais un employeur, surtout dans les nouveaux qui auront à gérer la forêt, des rapports... j'appelle ça, moi... c'est un ordonnancement des rapports, des relations collectives. Alors, quel que soit l'individu qui vient te voir, le groupe d'individus qui vient te voir, ce qui est écrit dans le livre qui est là s'applique à tout le monde sans surprise. Puis je vais vous avouer honnêtement qu'il y a des employeurs qui préfèrent de beaucoup s'asseoir avec un représentant de ses salariés que d'être obligés de les rencontrer un par un pour les arranger. Moi, je trouve que c'est un facteur d'ordonnancement pour une saine gestion de quelque chose, et ça civilise en même temps les rapports.

Je tiens à vous rappeler qu'on vit dans une société de droit. Bon. C'est simple, hein? Puis c'est ça qui organise les rapports sociaux. L'accès à la syndicalisation, ce n'est qu'une facette de cette organisation civile de la société qui civilise les rapports. Avant, là, il y avait des barricades dans les rues, il y avait des barrages, puis il y avait des gens qui se sont sacrifiés, qui sont morts pendus pour se faire reconnaître ces droits-là. Puis, aujourd'hui, on a une société de droit. Regardons-la puis respectons-la. C'est tout.

n(21 h 10)n

Le Président (M. Pinard): Un complément de réponse, M. Gagné?

M. Gagné (Renaud): J'ajouterais que même les petites entreprises, là, parce que... On sait comment ça s'est passé, là, quand ils ont demandé leurs premiers 50 000 m³, là, bien il y avait une opportunité de... la forêt n'était pas toute distribuée. On va faire un investissement puis on va monter à 100 000 m³, ça fait que là tout le monde courait après du bois. Finalement, tout le monde s'est mis à... des planificateurs, des ingénieurs, en tout cas, toute la grosse infrastructure pour finalement 250 000, 300 000 m³. Aujourd'hui, quand on regarde ça, les entreprises essaient de se regrouper puis dire: On va avoir un planificateur, puis pour sauver des coûts, là, parce que les coûts étaient alentour...

Mais, dans le passé, si on avait pris le même monde avec les mêmes structures puis on avait dit: Tu envoies le bois à gauche ou à droite, là, on aurait... On avait des conditions de travail qui étaient quand même très inférieures par rapport à la grosse industrie papetière, là. On commençait à peine à avoir des REER collectifs, là. On n'était pas dans les régimes à prestations déterminées qui garantissent la retraite à 55 ans, là. J'ai négocié ces premières affaires là en 1984, puis, en 1991, là, on avait zéro, on n'avait plus rien. Ces gens-là, je vous le dis, là, prenaient deux semaines de gains à forfait pour faire le gros timbre. Le gros timbre à l'époque, ça en prenait 12, 13, 14, là, ça fait qu'on prenait une semaine de paie de chômage puis on prenait deux semaines de gains à forfait pour faire une paie, pour aller chercher le maximum assurable. Aïe! ça fait dur, là. Ces gens-là avant avaient un salaire minimum d'au moins 100 $ par jour dans la convention collective, parce que, en forêt, là, ce n'est pas toujours beau, là, il y a des trous, puis des fois le bois n'est pas gros, puis il faut le ramasser pareil, là, parce qu'il y a des amendes. Ça fait qu'on est partis de très loin.

Et on veut bâtir le futur sur notre forêt? Bien, qui va aller travailler dans ces conditions-là, si on n'est pas capables de créer un environnement qui va le permettre? Donc, les droits de succession, c'est hyperimportant. On n'a pas de droits de succession, là, quand on change d'employeur comme on change de chemise, là, bien on ne pourra jamais y arriver.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Justement, dans ce sens-là, c'est quoi, les principales revendications des travailleurs? On sait, là, que c'est devenu difficile de trouver des gens qui veulent aller en forêt. C'est quoi, les principales revendications, en dehors des questions salariales? Ce seraient quoi, les revendications que les gens vous font?

M. Gagné (Renaud): La stabilité. La stabilité. La stabilité, là, dans le secteur forestier, ce n'est pas compliqué, là; travailler 42, 44 semaines pour être capables de rentabiliser les équipements. Parce qu'il faut se rappeler que ces équipements-là appartenaient aux entreprises. Ils ont été vendus pour une bouchée de pain. Les machines n'étaient pas neuves, là. Ils ont vendu ça pour une bouchée de pain aux gars, ils les ont financés, puis après ça ils ont dit: Regarde, ce n'est plus ça que ça te prend; achète-toi une grosse machine, paie tout sur ton dos, puis, quand ça ne va pas bien, nous autres, on va arrêter, puis, toi, paie, à côté; organise-toi, là. C'est avec ça qu'on vit, là. Ça fait que, si on regarde, mettons, en avril 1987, quand on a aboli les concessions, bien on va avoir la même chose en 2013, quand vont disparaître les CAAF.

Pour le peu qu'il nous reste, là, on sait qu'on a une grosse exploitation, exemple, à Baie-Comeau, on sait que la compagnie Abitibi est en difficulté, là, mais, si on regarde les opérations qui fonctionnent, des gens spécialisés, c'est souvent des familles qui sont là, ils ont investi 1 million, 1,5 million pour continuer à faire les travaux, ça fait que, si ça, ça disparaît demain matin parce qu'ils perdent des droits, là, bien ces gens-là vont fermer les pacsacs puis... Ces gens-là ont 50 ans, souvent, dans le cas, là, puis ça ne travaille pas huit heures, des chiffres de huit heures, là, c'est des 16 heures, puis, envoye!

M. Roy (René): Comme icitte, des 16 heures, comme icitte!

Le Président (M. Pinard): M. Roy.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pinard): M. le député de Roberval.

M. Trottier: Comme on dit, c'est de l'argent bien gagné. Je connais plusieurs travailleurs puis je sais que... puis, entre autres, ce qu'ils trouvent difficile justement, c'est qu'avant ça il y avait une certaine stabilité en termes de nombre de semaines, mais en plus il y avait une certaine stabilité en termes d'endroit, et ça, vous le mentionnez, là, que de plus en plus... Là, les gens au Lac-Saint-Jean doivent aller travailler sur la Côte-Nord. Ce n'est pas la même game, là. Avant ça, ils pouvaient revenir peut-être le vendredi matin. Là, tu es rendu que tu arrives le samedi puis tu repars le dimanche, là. Ce n'est pas très intéressant.

Vous dites qu'on ne définit pas l'approche écosystémique. Vous n'êtes pas les seuls. Vous avez des problèmes avec ça. Est-ce que vous pourriez nous en parler un petit peu plus?

Le Président (M. Pinard): M. Demers.

M. Roy (René): L'écosystémique, il va vous parler de ça.

M. Demers (Robert): O.K. J'ai été plongé dans ce monde merveilleux de la sémiologie environnementale avec Hydro-Québec voilà une quinzaine d'années. Les concepts commençaient à sortir: gestion intégrée des ressources... Bon. La confusion vient de la définition normale du développement durable et puis celle qu'on appelle d'approche écosystémique. Quand l'approche du développement durable est apparue, les gens ont comparé ça à une table à trois pattes. Il y avait un volet social, un volet environnemental puis un volet économique, bon, puis que les trois devaient fonctionner ensemble. C'était la définition, puis c'est celle, encore une fois, qui est communément admise. Ça, ça veut dire, et René l'a expliqué tout à l'heure, vous prenez les gens, vous les assoyez ensemble, les trois, puis vous allez chercher le meilleur compromis, vous allez chercher la meilleure entente, ce qui est le moins dommageable pour tout... Derrière ça, par exemple, à un moment donné, les environnementalistes disaient: Enfin, les industriels vont nous écouter. Mais, de l'autre côté, les industriels se sont dit: Enfin, les environnementalistes vont arrêter de nous crier après, ils vont comprendre qu'ils ont besoin de l'économie aussi. Ça, c'était en théorie. C'est ça, le développement durable tel qu'il est entendu.

L'approche écosystémique, elle, est différente. C'est les mêmes, mêmes trois pattes, sauf qu'il y a une limite. Le côté environnemental, là, c'est que lui est un frein à la volonté des autres d'atteinte à la pérennité de la ressource, O.K.? S'il y a un danger dans l'écosystème qui est... une atteinte à la pérennité, les deux autres pattes ne comptent plus. Il n'y a pas de meilleure entente à aller chercher, c'est la meilleure entente, en autant que l'écosystème est respecté. Puis là-dessus je vais... C'est encore plus subtil que ça, c'est l'écosystème, pas juste la ressource. Si on l'applique à la forêt, ce n'est pas juste s'assurer que la forêt soit pérenne, c'est s'assurer que l'écosystème dans lequel elle produit, lui aussi, soit protégé, soit pérenne pour l'ensemble des gens. Puis René l'a expliqué tout à l'heure, si on y applique le principe de précaution, qui est l'autre principe en environnement, là ça veut dire: Attention, même si tu n'es pas sûr que ça peut apporter du danger, si jamais tu doutes, fais attention! Alors, imaginez-vous! C'est pour ça qu'on s'inquiétait.

Dans la stratégie de développement durable des forêts qui s'en vient, il va falloir que les termes soient bien définis, parce que ces expressions-là, ces stratégies-là vont aller de haut en bas, par entente de délégation. Alors, la personne qui va aller gérer dans une commission régionale, la personne qui va être chargée d'appliquer un plan va devoir avoir conscience de ce que c'est, sinon ça n'a pas de sens, oublions, on n'en parlera plus. Puis c'est un peu ce qui est inquiétant, on y croit ou on n'y croit pas.

Entre la consultation de l'an passé et celle-ci, les zones d'aménagement écosystémiques ont disparu, les zones d'aménagement forestières intégrées, woups! il n'y en a plus, ça a disparu. Il n'y en a plus, de zones écosystémiques. Le nom a changé, ça a disparu. Alors, est-ce que c'est la volonté de voir disparaître l'approche écosystémique? Je ne le sais pas. Dans le nouveau document explicatif, on dit que l'approche écosystémique va s'appliquer autant aux zones d'aménagement intensif qu'aux nouveaux ZAFI, l'aménagement forestier intégré. Comment est-ce qu'on fait pour appliquer l'écosystémique dans une gestion de sylviculture intensive? Parce que, sylviculture intensive, là, tout le monde va vouloir avoir, dans chacune des régions du Québec, son petit carré de jardin intensif. Ce ne sera pas de voir... Ce n'est pas en pourcentage que ça va se faire, là. Dans toutes les régions du Québec, chacun va avoir son pourcentage. Pas plus loin qu'un mois passé...

Le Président (M. Pinard): M. Demers...

M. Demers (Robert): ...les gens du Centre-du-Québec ont dit tout simplement...

Le Président (M. Pinard): Je regrette, M. Demers.

M. Demers (Robert): Ah! excusez-moi, je m'emporte là-dessus.

Le Président (M. Pinard): Oui, et vous êtes très intéressant, je dois vous l'avouer, vous êtes très intéressant.

Alors, M. Demers, M. Roy, M. Gagné, merci infiniment d'avoir participé...

Une voix: ...

Le Président (M. Pinard): Pardon? Merci d'avoir participé aux travaux de la commission.

Et j'ajourne, j'ajourne les travaux jusqu'au 29 septembre, à 10 heures, où elle poursuivra ce mandat. À ce moment-là, nous serons à la salle du Conseil législatif. Alors, merci à vous tous.

(Fin de la séance à 21 h 19)


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