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Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles

Version finale

39e législature, 2e session
(23 février 2011 au 1 août 2012)

Le jeudi 19 janvier 2012 - Vol. 42 N° 70

Consultation générale sur le Livre vert pour une politique bioalimentaire : Donner le goût du Québec


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Table des matières

Auditions (suite)

Autres intervenants

 
M. Norbert Morin, président suppléant
M. Pierre Corbeil
M. Jean D'Amour
M. André Simard
M. André Villeneuve
M. Janvier Grondin
M. Émilien Pelletier
M. Denis Trottier
Mme Charlotte L'Écuyer
* M. Benoît Rivest, Réseau des TCAQ
* Mme Marie Simard, idem
* M. Martin Caron, Fédération de l'UPA de la Mauricie
* M. Pierre-Luc Grenier, idem
* M. Yvan Martin, idem
* M. Luc Boileau, INSPQ
* Mme Catherine Gervais, idem
* M. Onil Samuel, idem
* M. Louis Poirier, idem
* M. Réjean Dion, idem
* M. Claude Lacoste, FQPFLT
* M. Pascal Forest, idem
* Mme Judith Lupien, idem
* M. Jean-Paul Faniel, CSA
* M. Frédéric Paré, idem
* Mme Dominique Bernier, ATQ
* Mme Sandrine Seydoux, idem
* M. François Desbiens, DRSP de la Capitale-Nationale
* M. Michel Beauchemin, idem
* Mme Céline Morrow, idem
* M. Jean-François Archambault, La Tablée des chefs
* Mme Hélène Simard, CQCM
* Mme Marie-Joëlle Brassard, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Morin): S'il vous plaît! Bon matin. Bon matin, tout le monde. Comme je viens de constater le quorum, je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Comme à l'habitude, vérifiez vos téléphones cellulaires pour pas qu'ils ne soient dérangeants.

Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le livre vert pour une politique bioalimentaire du Québec, qu'on intitule Donner le goût du Québec.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Pinard (Saint-Maurice) est remplacé par M. Villeneuve (Berthier) et Mme Ouellet (Vachon) par M. Pelletier (Saint-Hyacinthe).

Le Président (M. Morin): Bon, ce matin, nous recevons le Réseau des tables de concertation agroalimentaire du Québec, la Fédération de l'UPA de la Mauricie, l'Institut national de santé publique de même que la Fédération québécoise des producteurs de fruits et légumes de transformation.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, je demanderais aux représentants du Réseau des tables de concertation agroalimentaire du Québec de bien vouloir nous présenter leur exposé. Et je vous rappelle que vous avez 10 minutes, mais je suis conciliant pour quelques secondes.

Réseau des tables de concertation agroalimentaire
du Québec (Réseau des TCAQ)

M. Rivest (Benoît): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Morin): Bienvenue.

M. Rivest (Benoît): Alors, mon nom est Benoît Rivest. Je suis directeur général du Conseil de développement bioalimentaire de Lanaudière. Marie Simard, du Conseil de développement de l'agglomération de Longueuil. Donc, bonjour et merci de votre accueil.

Donc, je serai le représentant des tables de concertation agroalimentaire du Québec pour venir vous présenter ce mémoire. Ma présentation se déclinera en quatre volets. Dans un premier temps, je dresserai un bref portrait du Réseau des tables de concertation agroalimentaire du Québec. Par la suite, je vous entretiendrai sur les appréciations globales face à la politique bioalimentaire qui sont ressorties de nos travaux. Le coeur de ma présentation touchera les trois principes qui devraient se retrouver au centre de la politique bioalimentaire, soit la cohérence, la cohésion et l'équité. Finalement, je vous présenterai les recommandations de notre groupe de travail.

Les tables de concertation agroalimentaire du Québec existent depuis plus de 15 ans. La mise en place de ces instances de concertation est issue d'une réflexion effectuée par le MAPAQ qui visait à mieux saisir tous les enjeux de développement régional liés au secteur bioalimentaire. Les tables de concertation ont pour mission de favoriser la concertation entre les organismes et les entreprises d'une région. À titre d'exemple, la mission du Conseil de développement bioalimentaire de Lanaudière est de développer et de dynamiser le milieu bioalimentaire lanaudois par le biais de projets structurants et par le tissage de liens d'affaires entre intervenants.

Actuellement, le réseau compte 18 organisations couvrant la majorité du territoire québécois. Chacune de ces organisations possède ses spécificités face à la prise en charge du développement régional. Les types d'activités qui sont développées dans nos organisations, c'est... Par exemple, les planifications stratégiques régionales du secteur bioalimentaire sont souvent prises en charge dans les tables de concertation. Plusieurs d'entre nous effectuent un support à la mise en marché et à la commercialisation chez nos clients. Puis certaines aussi font un appui au développement de produits et à l'amélioration de qualité. Le Réseau des tables, c'est plus de 50 professionnels et 300 bénévoles qui oeuvrent partout au Québec.

Au niveau de l'appréciation globale du livre vert, dans son mémoire présenté à la Commission de l'avenir de l'agriculture et de l'agroalimentaire québécois, le Réseau des tables affirmait qu'il souhaitait participer activement à l'avenir du secteur. Face au livre vert mentionnant que l'on doit mettre le produit au centre de la politique, selon nous, cet objectif est louable et prometteur dans la mesure où le gouvernement comprend que le consommateur ne peut être le seul élément de détermination. Les citoyens consommateurs souhaitent voir une agriculture à visage humain, un monde bioalimentaire pérenne, et ce, dans toutes les régions du Québec. Le gouvernement du Québec a donc le défi de protéger les acquis du secteur bioalimentaire qui a permis à des entreprises de développer une agriculture rentable, forte et capable de répondre aux besoins des consommateurs, tout en reposant sur une mosaïque de modèles.

Donc, au Québec, ce qu'on voit, c'est des entreprises de toutes tailles, de petite taille mais très diversifiées. Donc, le Réseau des tables croit que c'est important de protéger ces acquis-là puis de maintenir une vitalité dans tous les modèles d'entreprise.

**(9 h 40)**

Pour alimenter et guider la réflexion sur le cadre de développement proposé dans le livre vert pour une politique bioalimentaire du Québec, nos organisations proposent de définir cette politique selon des principes de cohésion, cohérence et équité.

Face à la distinction des produits québécois et aux choix des consommateurs, nous croyons important de valoriser l'image des producteurs et transformateurs afin de reconnaître leur apport à la société québécoise, oui, pour la promotion des produits québécois, mais il importe également d'informer le consommateur sur les pratiques de la chaîne de production québécoise. Peu d'entre eux sont informés sur les modes de production rigoureux et les normes de salubrité très strictes du Québec.

De la même façon, nous appuyons la 15e recommandation du rapport final de la CAAAQ, qui proposait différentes mesures pour que le gouvernement du Québec contribue à rassembler les conditions afin que la distribution alimentaire accroisse son effet de levier sur le développement et la diversification de la production agricole et de la transfo alimentaire.

Un autre point qu'on voulait traiter aujourd'hui, c'est l'importance des campagnes régionales. Au cours des dernières années, plusieurs tables de concertation ont mis en place des campagnes régionales afin de faciliter la promotion et la mise en marché des produits de nos régions. Le Réseau des tables est très sensible à la reconnaissance de ces campagnes régionales. Ces initiatives permettent de renforcer l'appartenance à une région et par le fait même peuvent s'arrimer à des campagnes nationales.

Nous croyons fermement que le respect des couleurs régionales et du travail accompli par chacun est plus rentable à long terme que d'uniformiser les spécificités régionales. Une bonne concertation lors de la planification des campagnes ministérielles est également très bénéfique et profite à tous. En retour, l'expertise de notre réseau peut être utilisée pour développer et déployer les campagnes ministérielles dans chacune des régions du Québec.

L'autre point sur lequel je veux vous entretenir, c'est la rentabilité des entreprises. La deuxième orientation du livre vert pour une politique bioalimentaire vise à renforcer notre capacité concurrentielle, et son premier objectif est de miser sur des entreprises rentables et efficaces. Pour renforcer la capacité concurrentielle des entreprises québécoises du secteur bioalimentaire, il importe de considérer l'ensemble des étapes qui déterminent la capacité du secteur à obtenir un avantage concurrentiel. En d'autres mots, on doit viser la rentabilité à chacun des acteurs impliqués: producteurs, transformateurs, distributeurs, détaillants. Pour ce faire, on doit miser sur un mariage de ces acteurs dans son appui au développement du secteur. De plus, ils est capital de rendre accessible la formation en agroalimentaire, d'accroître le développement des compétences, d'augmenter la disposition de main-d'oeuvre et d'améliorer l'accessibilité aux marchés.

Les tables sont connectées sur les besoins des entreprises de leurs régions. Ils sont en contact régulièrement et connaissent les réalités des transformateurs, des producteurs et des producteurs-transformateurs. De par leur expérience et leurs priorités d'action, les tables mettent déjà en oeuvre plusieurs partenariats avec toutes ces organisations qui interviennent dans le secteur bioalimentaire. On parle des CLD sur les territoires, on parle des SADC, Développement économique Canada, différents ministères à vocation économique. On est présents avec ces joueurs-là, on est présents avec nos entreprises. Donc, la pleine mise en oeuvre d'une politique bioalimentaire nécessite la cohésion de ces acteurs en région. Pertinemment, le rôle des tables est de veiller au respect des rôles et des responsabilités de chacun dans la perspective d'atteindre des priorités d'action communes.

Une politique bioalimentaire équitable. Pour miser sur des entreprises rentables et efficaces, tel que le souhaite le premier objectif de la seconde orientation, l'avenir du secteur n'est non pas le propre d'un modèle unique, mais plutôt celui d'une pluralité. Cette affirmation mène les tables à réitérer leurs commentaires sur le fait que la prochaine politique bioalimentaire doit relever le défi de permettre à différents modèles d'entreprise de se développer et de se bonifier, tout en permettant l'innovation et le développement de nouveaux produits. Il est évident que chaque politique, et chaque programme, induit des effets positifs mais peut également induire des effets pervers et négatifs. Il est essentiel que le gouvernement reconnaisse les phénomènes de modelage des entreprises autour de programmes bien attentionnés mais parfois inadaptés. Il est ainsi de la responsabilité du gouvernement de rester informé de la réalité des entreprises, d'observer le développement des filières et de pouvoir réagir rapidement. En ce sens, le Réseau des tables souhaite que la politique bioalimentaire soit flexible et équitable dans sa mise en oeuvre en proposant des aides adaptées aux différents modèles d'entreprise.

Finalement, les recommandations du groupe des tables de concertation, c'est d'investir davantage dans le modèle privilégié de développement du secteur bioalimentaire, soit l'approche filière; d'élargir le modèle pour qu'il puisse tenir compte des préoccupations de l'ensemble des maillons de la filière: production agricole, pêcheries, transformation alimentaire, distribution, vente au détail et consommation; de mettre en place des programmes et des outils financiers axés sur le long terme pour soutenir l'approche filière, assurant un développement optimal du secteur bioalimentaire québécois; important de valoriser l'image des producteurs et transformateurs pour faire connaître leur apport social, environnemental et économique à la société; aussi, un autre point très important, d'informer le citoyen consommateur sur les pratiques de la chaîne de production bioalimentaire. On croit qu'en informant le consommateur sur les réalités québécoises et le modèle strict et efficace au niveau du contrôle de la qualité qui est pratiqué ici, que ça va pousser au niveau des ventes; puis de donner un pouvoir réel aux régions afin d'adapter leurs actions aux réalités et aux besoins qui leur sont propres.

Selon nous, les tables de concertation sont l'une des pierres angulaires de la mise en oeuvre de l'approche filière. Elles travaillent au développement de synergies entre les différents intervenants pour la mise en valeur du potentiel bioalimentaire à l'échelle régionale. Ainsi, notre réseau est un agent facilitateur pour le déploiement de stratégies régionales, facilitant la mise en oeuvre de la prochaine politique bioalimentaire du Québec. Les tables sont bien outillées pour devenir partie intégrante de cette mise en oeuvre en continuant leurs actions de concertation, en informant les consommateurs et en les guidant vers les choix éclairés, en aidant les entreprises dans leur développement et en travaillant au développement du secteur bioalimentaire dans chacune des régions du Québec. Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin): Merci, M. Rivest. Maintenant, M. le ministre.

M. Corbeil: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Rivest. Bonjour, Mme Simard. Votre mémoire nous invite à mettre l'accent ou de l'énergie sur le développement du secteur, dans les régions en particulier. C'est tout à fait légitime de votre point de vue. Moi, je voudrais vous entendre sur l'équilibre qui devrait être fait entre des promotions à caractère régional et des promotions à caractère national. Vous n'êtes pas sans savoir que dans certaines régions, et on se l'est fait dire hier, notamment en ce qui concerne les produits acéricoles dans les Bois-Francs... On aura beau faire de la promotion pour que le sirop des Bois-Francs soit consommé dans les Bois-Francs, mais il va en déborder parce qu'on en fait bien plus qu'on en a besoin. Et d'ailleurs c'est un produit fort pour le Québec. 85 % du sirop qui se consomme dans le monde vient du Québec. Alors, comment on pourrait jauger ou à tout le moins trouver un équilibre puis voir qu'est-ce qui... quels sont les accents qui doivent être mis au niveau régional versus au niveau national? Et vous n'êtes pas sans savoir tout ce qu'on met comme... déploie comme effort au niveau d'Aliments du Québec: toujours le bon choix!, précédé de Le Québec dans votre assiette!.

M. Rivest (Benoît): Bien, ce que je pourrais dire à ce sujet-là, c'est que chez nous -- je vais parler pour ce que je connais -- dans Lanaudière, c'est que, quand la stratégie qui est Mettez le Québec dans votre assiette! a été déployée, c'est qu'on en a profité pour mettre en place une signature régionale mais toujours en lien avec les prémisses d'Aliments du Québec, donc toujours en lien avec les stratégies ministérielles ou nationales de promotion des aliments québécois. Donc, moi, je pense que les deux types de stratégie peuvent coexister, puis la preuve en est que présentement ça fonctionne. On a de très bons liens avec Aliments du Québec. Il y a une interrelation qui s'est faite, au fil du temps, pour justement s'aider.

Donc, chez nous, on peut faire des tournées des détaillants, vraiment. On fait la tournée d'au-dessus de 30 détaillants, dans la région, avec une personne qui est attitrée au programme Goûtez Lanaudière!. Mais en même temps on fait la promotion d'Aliments du Québec. Puis, quand on voit au niveau national les promotions télévisées, au niveau des radios nationales, bien ça nous encourage parce qu'on sait que, ce qu'on fait, on le fait pour augmenter la consommation au Québec. Puis on est en très bon lien avec Mme Beaudry, d'Aliments du Québec, puis, selon nous, les deux types de campagne peuvent coexister.

Mme Simard (Marie): Est-ce que je peux me permettre de répondre, M. le Président?

Le Président (M. Morin): Oui, Mme Simard, oui.

**(9 h 50)**

Mme Simard (Marie): Je suis la représentante des tables à la table d'Aliments du Québec, où on s'est croisés. Je crois profondément que, pour avoir des trucs... je pense qu'une des stratégies, ça serait peut-être d'allouer des sommes où Aliments du Québec et la région peuvent à la fois déterminer ce qui sera fait. Je pense qu'il y a des produits qui n'auront... il y a des produits qui ont besoin du logo d'Aliments du Québec, parce qu'ils sont distribués dans les grandes chaînes de distribution, et on pousse tous très fort pour que ces entreprises-là trouvent des moyens d'identifier ces produits-là, quand, pour nommer les produits qui sont sur mon territoire, des Natura, des yogourts, des grands yogourts qui sont à la grandeur du Québec et qui sortent du Québec... Vous savez la problématique des produits qui sortent du Québec. Donc, comment techniquement trouver, pour ces entreprises-là, des solutions au niveau soit de la distribution ou comment trouver, dans leurs chaînes, le moyen d'étiqueter pour le marché du Québec et de ne pas étiqueter pour quand ça sort du Québec, pour x, y raisons, ça serait un choix d'entreprise, et on doit toujours respecter le choix d'entreprise.

Mais on sait qu'il y a bon nombre de produits qui ne rentreront pas dans les grandes chaînes de distribution. Et, pour avoir été productrice d'agneaux du Québec, j'ai souvent dit à Lyne Gagné, à l'époque... de dire... Agneau du Québec était, à l'époque, plus fort qu'Aliments du Québec, et je lui disais: De toute façon, je construis l'identité d'Aliments du Québec. Donc, tous les petits producteurs peuvent très bien bâtir l'attachement d'Aliments du Québec, et les grandes entreprises peuvent utiliser le logo d'Aliments du Québec.

On sait qu'il va falloir, de toute façon, faire attention à la marque Aliments du Québec, la protéger, mais pour le moment, avec la dynamique actuelle, le gouvernement a appuyé derrière Mettez le Québec dans votre assiette! et derrière Toujours le bon choix! On sent que le gouvernement appuie le mouvement. Les entreprises ont répondu. Les tables de concertation appuient Aliments du Québec, et on travaille de concert. Et plus l'enlignement gouvernemental va être clair, plus les joueurs vont se positionner, et vont répondre, et vont de mieux en mieux s'enligner, plutôt que de tirer la couverte de leur côté. Je pense qu'il y a un devoir, de votre part, de mission et il y a un devoir, de notre part, d'action.

M. Corbeil: Ah! comme ça, vous... Excusez, M. le Président.

Le Président (M. Morin): Allez, allez.

M. Corbeil: Comme ça, vous souscrivez à l'approche qu'il y a eu l'an dernier, où il y a eu un volet national, Aliments du Québec: toujours le bon choix!, qui était assorti d'une enveloppe régionale qui est venue un peu plus tard, en juin, à la discrétion de chacune des régions. Si je comprends bien, sous la première orientation du livre vert, qui parle de distinguer nos produits alimentaires, vous pensez, vous suggérez qu'on établisse des synergies puis qu'on travaille en complémentarité avec ce qui se fait dans les différentes régions.

M. Rivest (Benoît): Tout à fait.

M. Corbeil: Comment on pourrait introduire... Est-ce qu'on saute de la région au national? Moi, il y a une dimension qui m'a interpellé, parce que, quand on arrive dans un ministère, il y a des choses qu'on peut observer d'un autre angle: l'interrégionalité. Il y a des choses qui se font en Gaspésie en rapport avec les produits de la mer. Je ne vous ferez pas de cachette, je ne les ai pas, ces produits-là, en Abitibi-Témiscamingue. On est pas mal loin de la mer. Alors, comment on pourrait travailler, l'Abitibi-Témiscamingue, avec la Gaspésie gourmande? On est loin. C'est plus naturel de le faire avec le Bas-Saint-Laurent. C'est peut-être plus naturel de le faire avec la Côte-Nord. Mais, Lanaudière ou l'Abitibi, comment on peut faire interagir? Puis probablement que ça se passe à votre niveau, à la table de concertation. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Rivest (Benoît): Bien, souvent, ce qui est fait, c'est qu'on a le Réseau des tables, qui se rencontrent deux fois par année, puis on établit les stratégies ou on s'échange sur les bons trucs, les façons de faire qui sont plus globales. Mais au niveau du Québec il y a des sous-groupes qui se sont formés. Comme chez nous, les trois L, Laval, Laurentides, Lanaudière, on travaille beaucoup ensemble sur différents projets. Souvent, c'est de la formation. Souvent, c'est du coaching en entreprise qu'on va structurer ensemble justement pour sauver des coûts. On a des réalités régionales qui peuvent être sensiblement les mêmes. Chez nous, exemple, Laurentides, Lanaudière, au niveau agrotouristique, on a beaucoup de petites entreprises qui ont souvent des besoins semblables. Donc, en travaillant ensemble, en étant connectés ensemble, bien on peut faire des projets plus facilement, donc se répartir le risque puis donner un coup de main à nos clients, qui sont souvent des PME ou des petites entreprises, là, il ne faut pas se le cacher, mais qui progressent très bien.

Tu sais, on sent qu'il y a un engouement pour les produits locaux, les produits du Québec puis on sent qu'il y a une progression des ventes, même dans les trois, quatre dernières années. Il y a eu des crises économiques, mais au niveau alimentaire on a senti que nos petites entreprises qui font des produits spécifiques ont quand même bien progressé. Puis, nous, à notre niveau, au niveau des tables de concertation, c'est clair qu'on va développer des programmes interrégionaux, soit en agrotourisme, soit au niveau de la mise en marché. Comme par exemple, le prochain colloque en agrotourisme va se dérouler dans les Laurentides. Donc, on travaille avec la Rive-Sud, on travaille avec la région de Drummondville à ce niveau-là. Donc, ça, ça s'opère sur le territoire. Puis on travaille aussi avec le volet national, avec Mme Beaudry, d'Aliments du Québec. On est en lien avec Marie ici, qui siège au conseil d'administration. Donc, à ce niveau-là, oui, il y a des échanges qui sont fait au niveau régional.

Mme Simard (Marie): Moi, si votre question porte... Parce que je ne suis pas sûre qu'on a...

Le Président (M. Morin): Mme Simard.

Mme Simard (Marie): Pardon.

Le Président (M. Morin): Je vous nomme parce que ceux qui...

Mme Simard (Marie): Il faut que j'apprenne à être disciplinée.

Le Président (M. Morin): C'est bien. Allez. Allez, Mme Simard.

Mme Simard (Marie): C'est un long apprentissage.

Si votre question porte sur comment, nous, entre organisations, on échange nos bonnes pratiques d'affaires, ça, je pense qu'on le fait à travers des rencontres aux six mois, où on échange, et je vous garantis, messieurs dames, que l'émulation et la stimulation des bons coups, que ce soit l'agglomération Longueuil, qui a fait une visite des élus pour positionner... et que je puisse dire à Gaspésie, qui dit: Oui, mais, moi, mes élus sont très répartis... On a des dynamiques différentes, mais des fois les bonnes idées des uns... et on se les échange aux six mois et on passe une demi-journée... Ce n'est pas très dispendieux, mais on passe une demi-journée à s'échanger... Donc, si c'est à ce niveau-là, votre question, je trouve ça... voici la réponse. Benoît vous l'avait donnée.

Si c'était par rapport aux produits, comment en Abitibi on peut envoyer des produits de la Gaspésie, c'est du domaine de la distribution. Je vous dirais que, si le gouvernement n'avait pas légiféré pour la musique dans les radios, il n'y aurait pas de... il y aurait probablement beaucoup moins de place à la musique francophone s'il n'y avait pas eu une réglementation. Je pense que, comme gouvernement, vous portez l'odieux de faire des règlements et vous avez le fardeau d'éduquer. C'est le devoir que nous avons, comme gouvernement. Et ensuite, comme chacune de nos organisations, nous avons la responsabilité d'éduquer nos citoyens à faire des bons choix, le haricot de Bonduelle versus le haricot frais du Mexique. Donc, ce choix-là, quel doit-il être, quel choix faire pour la santé, pour l'environnement?

Donc, je pense que, si c'est pour la distribution, je vous invite à écouter ce que l'ADAQ a à dire à ce sujet-là. Je pense que M. Gravel devrait vous dire de forcer les distributeurs d'avoir un quota. Ceci n'empêchera pas la compétition. Soyez sans inquiétude, il va continuer à y avoir de la compétition. On fait juste protéger un bout de la patinoire et ensuite on pourra s'entendre entre entreprises et compétitionner vaillamment pour est-ce que ça va être le poulet, le veau versus le pourcentage. Mais je vous invite à imposer un minimum de nos distributeurs, et prenez l'exemple de la radio, et de la musique, et de la chanson française.

Le Président (M. Morin): Merci, Mme Simard. M. le député de Rivière-du-Loup, c'est Bas-Saint-Laurent, ça?

M. D'Amour: Oui, c'est Bas-Saint-Laurent. C'est comme dans Saveurs du Bas-Saint-Laurent, M. le Président. Vous connaissez, je présume, Les Saveurs du Bas-Saint-Laurent. Je présume que vous avez aussi l'occasion de collaborer.

Mme Simard (Marie): Ah! on est jaloux de tout le travail qu'ils ont déjà de fait, eux autres. On trouve ça beau, puis on regarde les exemples, puis on les vole.

M. D'Amour: Alors, à mon tour de vous souhaiter la bienvenue. Puis je suis très heureux d'avoir l'occasion de vous entendre. Et j'aime beaucoup ce que l'on entend, ce matin. Quand vous parlez, par exemple, des trois L, là, le travail de cohésion, de chimie qui se réalise, ça se fait chez nous aussi, à travers Les Saveurs du Bas-Saint-Laurent. Et la complémentarité, elle est très, très importante.

Moi, j'aimerais que vous apportiez certaines précisions sur des choses notamment qui ont été dites par M. Fiset tout à l'heure. Quand vous parlez de l'aide aux modèles d'entreprise, hein, vous êtes passé là-dessus très rapidement, les modèles d'entreprise versus l'aide, ça ressemblerait à quoi, dans un monde idéal, pour vous?

M. Rivest (Benoît): Bien, ce que je voulais dire, c'est qu'au niveau bioalimentaire on a le monde agricole, le monde de la transformation. Dans le monde de la transformation, il y a de très grands groupes qui exportent, qui ont des chiffres d'affaires astronomiques, mais il y a aussi de petites entreprises souvent qui vont faire vivre une famille, quelques employés puis qui vont travailler très fort. Puis souvent, ces entreprises-là, exemple, quand on a des demandes au niveau légal ou au niveau des permis, ça peut être contraignant un petit peu pour ces entreprises-là. Donc, c'est de voir s'il n'y a pas des façons de les aider pour que le modèle puisse autant encourager la petite entreprise familiale qui veut développer son coin de pays que la plus grande entreprise qui décide de s'attaquer au marché de la Chine ou du Mexique. Donc, c'est dans cette optique-là que je parle, parce que chez nous j'ai des entreprises qui sont propriétaires uniques ou deux, qui sont membres chez nous, j'en ai des plus grosses qui ont 50, 60 employés, qui ont des visées plus d'exportation. Donc, c'est de trouver un juste milieu ou d'avoir une flexibilité au niveau des différents programmes.

Puis je ne dis pas que c'est tout noir, là, mais c'est d'avoir cette sensibilité-là quand il y a des demandes de plus petites entreprises qui demandent... Au niveau des permis de transformation, par exemple, c'est sûr que c'est très important puis ça demande... On ne joue pas avec l'innocuité, puis la stabilité, puis la sécurité alimentaire, mais certaines fois ça peut être exigeant pour eux, ça peut représenter des grosses heures de travail qu'ils mettent déjà dans leurs entreprises. Donc, c'est de trouver des moyens de faciliter ça, c'est d'encourager tous les modèles. Parce qu'au Québec, d'après moi, puis partout au Canada, on ne peut pas se permettre de perdre une entreprise. Il faut toutes les aider. Si elles sont sérieuses, qu'ils font de bons produits puis qu'ils ont un bon plan d'affaires, je pense qu'il faut les aider.

**(10 heures)**

Le Président (M. Morin): M. le député de Rivière-du-Loup, quelques instants.

M. D'Amour: Oui, mais je crois que madame voulait intervenir. S'il me reste du temps, je veux pousser plus loin.

Mme Simard (Marie): Mais, juste rapidement, il n'y a pas de dogmatisme. Donc, les coopératives, le mode coopératif au Québec a eu des très grandes réussites, l'intégration des entreprises qui sont intégrées... Donc, pas de dogmatisme en disant: Bon, bien, on est contre l'intégration des entreprises, de laisser les modèles varier, de laisser le marché faire les modèles et de faire attention que le règlement puis les programmes n'interfèrent pas sur des modèles qui peuvent réussir dans une filière et moins bien dans une autre. Mais on a de grandes filières qui ont très bien fonctionné.

Le Président (M. Morin): Merci, Mme Simard. Merci, M. le député de Rivière-du-Loup. M. le député de Kamouraska-Témiscouata, Bas-Saint-Laurent aussi.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Mme Simard et M. Rivest, et bienvenue à la table des tables de concertation. D'entrée de jeu, j'ai remarqué que vous avez donné un titre... rajouté au titre du livre vert: Donner le goût du Québec en région. Pourquoi?

M. Rivest (Benoît): Parce que... Écoutez, nous, on travaille en région, on travaille avec notre monde, on travaille avec nos entreprises, puis on se reconnaît dans la région, puis nos clients aussi, nos entreprises se reconnaissent chez eux. Puis on travaille ensemble en partenariat, donc des produits d'autres régions qui viennent dans Lanaudière, qui se promènent un peu partout au Québec. Donc, c'était dans cette optique-là, c'était tout simplement ça.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Alors, je ne voulais pas vous embêter avec ça, mais ça m'a frappé puisqu'au fond Montréal, Québec et les autres grands centres occupent... c'est pratiquement la moitié de la population citoyens consommateurs qui finalement consomme. Puis c'est aussi des régions. Mais ce n'est pas un reproche, mais je voulais juste voir un peu...

Mme Simard (Marie): Mais c'était pour...

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): ...ce qu'il y avait derrière ça. Il y a quand même...

Mme Simard (Marie): Bien, derrière ça on sent qu'il y a une vague de fond...

Le Président (M. Morin): Mme Simard.

Mme Simard (Marie): Pardon.

Le Président (M. Morin): Mme Simard.

Mme Simard (Marie): On sent qu'il y a une vague de fond de vouloir effectivement... Dans le processus d'Aliments du Québec et dans les campagnes qui sont derrière Aliments du Québec, on sent une volonté louable d'envoyer toujours le même message à tout le monde. Et, comme région, on continue à dire... Et je considère que je suis une région, agglomération de Longueuil et j'ai la plus belle région. Je considère qu'on peut très bien avoir une identité régionale et une identité... C'est comme une poupée gigogne, hein? Vous savez, la région, elle rentre dans le Québec, le Québec, il rentre dans le Canada, puis le Canada, il rentre dans le monde, puis ainsi va la vie. Et on peut très bien avoir des niveaux d'attachement qui sont différents, tout comme on a des niveaux d'attachement différents entre un produit qui est produit au Québec et un aliment qui est transformé au Québec. On ne les aime pas pour la même raison, et il faut accepter que le consommateur est capable de prendre deux informations. Donc, il est capable de prendre l'information régionale, Lanaudière, Gaspésie. Il y a eu des régions qui se sont mobilisées, qui ont déjà un bagage régional plus marketing fait qu'agglomération de Longueuil. Je vous avoue que j'ai longtemps à faire. Mais, ceci dit, on peut très bien bâtir une identité régionale et bâtir une identité nationale par-dessus ça. Donc, on sent la vague de fond vers des campagnes qui sont plus nationales et, en mettant le régional, on voulait juste insister sur notre travail qu'on fait et qui est complémentaire.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci. J'ai cru comprendre ou percevoir que vous avez indiqué l'importance qu'en amont de la chaîne, soit de l'agriculture ou de la transformation, qu'il y ait une préoccupation à cet égard parce que c'est là que finalement provient la matière première pour la consommer plus loin. Et vous faites référence aussi à un modèle pluriel, tel que le préconisait, au fond, l'ensemble de l'esprit du rapport Pronovost, qu'on appelle maintenant. Alors, c'est ce que je comprenais.

Dans trois recommandations sur sept, je crois... sur six, dans trois recommandations sur six, vous faites référence à l'approche filière, modèle de l'approche filière. Or, à ma connaissance, cette approche filière, qui a été promue il y a quelques années, n'est pas revenue vraiment comme modèle dans le rapport Pronovost. Non pas qu'il est exclu, mais c'est une approche qui a fait ses preuves, bien sûr. Mais vous insistez sur cet aspect-là. Et, vous savez, c'est quand même une approche plus conceptuelle. Et je vois même que la consommation, pour vous, en fait partie. Alors, ma question est celle-ci, c'est que vous revenez au moins à trois reprises sur cet aspect-là en disant: C'est ce modèle-là, etc. J'aimerais vous entendre à cet égard parce que c'est un peu moins ce qu'on entend aujourd'hui.

M. Rivest (Benoît): Bien, l'approche filière, c'est dans l'optique où tous les maillons de la chaîne sont assis autour de la même table. Puis, d'un point de vue régional, dans une région, c'est plus facile à mettre en place, j'imagine. Donc, c'est sûrement ce qui nous a poussés à choisir ça. Puis c'est aussi en lien, aussi, avec ce qu'on tend à percevoir, aussi, pourquoi on a mis le consommateur, c'est toute la création des chaînes de valeur. Je vois un lien avec l'approche filière. Puis la création des chaînes de valeur est appelée, dans un avenir rapproché, à prendre de plus en plus de place. Puis on sentait qu'il y avait un rapprochement à faire avec l'approche filière... tels qu'ils sont effectués chez nous, dans nos tables, avec l'ensemble des partenaires régionaux et les ensembles des partenaires du secteur, aussi, qui font partie de la chaîne. Le consommateur, c'est plus un aspect de la chaîne de valeur, je vous ferai remarquer, mais on croit que c'est important, dans nos organisations régionales, d'être connectés avec tous ces individus-là, ces organisations-là pour bien mener notre travail.

Chez nous, en tout cas -- personnellement, je vais parler pour Lanaudière -- on travaille beaucoup en comité puis en consultation de nos différents maillons de la chaîne, puis c'est très efficace. Puis je sais qu'il y a d'autres régions qui fonctionnent comme ça. Donc, c'est peut-être pour ça que ça a transpiré un petit peu dans nos recommandations. Puis, d'un point de vue régional... c'est sûr que ce n'est pas national, mais au niveau régional on sent que c'est efficace puis qu'on a des beaux résultats avec cette approche-là.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): O.K. Vous avez, dans une des recommandations, la dernière -- mais je ne pense pas qu'il y avait un ordre, je la prends telle quelle -- vous parlez «de donner des pouvoirs réels aux régions afin d'adapter leurs actions aux réalités et aux besoins qui leur sont propres». Explicitez.

M. Rivest (Benoît): Bon. Si je prends des exemples très concrets au niveau financement, chez nous, au CDBL, on est privilégiés, mais il y a d'autres régions au Québec où les démarches de financement avec différentes instances provinciales ou fédérales, c'est plus difficile. Donc, d'avoir des budgets ou des facilités de réserver des sommes budgétaires pour réaliser des projets en région, je pense qu'au niveau de l'ensemble des régions, c'est quelque chose qui est souhaité. Ce n'est pas partout la même chose, donc on sentait important de l'inscrire ici pour qu'il y ait une sensibilité à votre niveau, là, de bien comprendre ça. Donc, c'est l'aspect de concertation. Des fois, on a de la concertation, on a de belles équipes dans les régions, mais le financement est plus difficile à aller chercher. Donc, ça, c'est des réalités qui sont vécues à travers le Québec, pas partout, mais qui sont vécues par certains collègues.

Le Président (M. Morin): Mme Simard, vous vouliez rajouter quelque chose?

**(10 h 10)**

Mme Simard (Marie): Oui, je vais rajouter. Je vais profiter de la réponse de Benoît... de votre question pour répondre aussi, revenir à la question du ministre, comment on peut faire pour arrimer la volonté d'arrimer une image nationale, toujours la même, et de respecter un discours régional. Je dirais qu'à titre d'exemple cette année, effectivement, dans les régions, on a eu les sous. Et je ne veux pas casser de sucre sur le dos de personne, mais je veux juste expliquer que, quand on nous demande, comme petit organisme -- je suis toute seule dans mon organisme -- de faire de la planification stratégique en avril et qu'on arrive avec le budget du mois de juin, je ne peux plus bouger si facilement un budget. Donc, donner les moyens, c'est de regarder au niveau de la vision. De le donner à long terme aussi, ça assoie la concertation.

Pour donner un exemple dans mon territoire, le directeur régional a décidé de faire une entente administrative sur trois ans pour envoyer un signal aux autres partenaires, de dire: J'investis dans le conseil de développement pour la faire, la concertation, au lieu de multiplier puis que le ministère du Développement économique se fasse sa table. Tout le monde se fait sa table, ça fait que finalement on passe notre temps assis à des tables, au lieu d'être sur le terrain et d'agir auprès des entreprises et auprès du consommateur pour... La finalité, c'est que les gens achètent, comprennent pourquoi ils achètent des produits Aliments du Québec, pourquoi ils achètent des produits de l'Abitibi-Témiscamingue, la valeur que cela a. Donc, de travailler en filière, c'est peut-être plus concertation, et de donner les moyens, c'est de... Vous ne savez pas à quel point, quand on négocie un budget à l'année, on invalide un nombre incommensurable de gens qui travaillent, à être incapables de planifier à long terme. Et je pense qu'on peut très bien avoir des structures qui finalement résument à des coquilles vides, quand on déstabilise un financement comme ça ou on l'envoie un peu trop tard dans le champ. C'est de l'argent qui vous revient, mais je pense que c'est de l'argent qui est perdu à long terme.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci. Est-ce qu'il reste un peu de temps, M. le Président?

Le Président (M. Morin): Oui...

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): M. le député de Berthier voudrait...

Le Président (M. Morin): Oui, M. le député de Berthier, allez-y donc.

Une voix: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Morin): C'est quelle région, ça, le député de Berthier?

M. Villeneuve: Bien, soyons chauvin un peu, c'est la plus belle du Québec, M. le Président.

Mme Simard, bonjour. M. Rivest, bonjour. Écoutez, vous avez abordé tantôt le sujet de dire... bien, que dans la politique on puisse être en mesure, que le gouvernement puisse être en mesure d'intervenir davantage par rapport aux produits du Québec sur le marché. Hier, on a eu un monsieur, M. Rouleau, je pense, le dernier intervenant, hier soir, qui est venu en commission, et, lui, ce qu'il disait, il donnait l'exemple qu'au mois de juillet, alors que bat son plein les belles tomates du Québec, les distributeurs arrivent sur le marché avec 30 vans de tomates du Mexique. Et là, évidemment, ils font chuter les prix, et les tomates, les belles tomates du Québec d'été, bien, ça arrive une fois dans l'année, on s'entend, là, ce n'est pas... Je sais qu'il y en a de serre, etc., là, mais quand même c'est un moment important pour eux et c'est des revenus importants. Et M. Rouleau nous disait, dans le fond, en faisant en sorte que le gouvernement puisse intervenir davantage au niveau réglementaire, que c'est possible, en raffinant davantage, sans nécessairement brimer ou briser des ententes internationales, etc., qu'on pouvait le faire.

Vous, tantôt, vous avez dit -- j'ai compris ça comme ça: Prenons la place qui est la nôtre, en termes d'État, pour justement venir protéger... Bon, on ne parle d'être nécessairement isolationnistes, là, mais de venir protéger, à tout le moins, un marché et nos producteurs qui, tirant un profit peut-être meilleur de leurs productions, auront moins besoin d'être soutenus par l'État en bout de ligne. Donc, tout le monde y gagne un peu. Par contre, de l'autre côté, vous avez les gens qui sont contre l'intervention de l'État totalement dans ce domaine-là. Alors, jusqu'où on devrait aller, en termes d'État, pour justement intervenir peut-être davantage, comme vous sembliez le dire tantôt?

Le Président (M. Morin): Mme Simard, en moins d'une minute.

Mme Simard (Marie): Quadrature du cercle... Si j'avais la réponse, je ne serais pas assise ici. Quadrature du cercle, je pense qu'il y a effectivement des ententes internationales, il y a effectivement... il y a l'ADAQ, qui est le représentant des distributeurs. Je pense que l'ADAQ vous demande -- des détaillants, pas des distributeurs -- vous demande de légiférer, trouver un moyen. C'est sûr qu'il y a deux moyens d'intervenir: on y va par l'éducation ou on y va par la coercition. C'est un mariage des deux. En santé publique, ils le font constamment. Ils disent: De ne pas fumer, c'est une bonne chose, puis en même temps ils enlèvent les étiquettes. Donc, il faut trouver la juste mesure.

Je pense que le citoyen vous le dit en grande partie qu'il est prêt à le faire. Les études ont démontré que le logo Aliments du Québec a de l'impact. On ne peut plus dire que les bottines ne passent pas les babines. Ça, c'est terminé, ça, c'est feu. Bon, maintenant, on passe à autre chose. L'investissement dans les campagnes a démontré de l'effet. Il faut continuer, il faut continuer à long terme. On n'éduque pas en changeant. Il faut protéger le logo Aliments du Québec, il faut valoriser le logo Aliments préparés au Québec parce que ce sont des emplois. Ils faut les différencier, les deux. Je sais que les détaillants là-dessus en veulent juste un. Il en faut deux. Il y en a un que c'est la production, il y en a un que c'est la transformation. Et ce sont deux métiers nobles, deux maillons fondamentaux et très nobles en soi. Et le détail est le troisième maillon, très noble en soi. Donc...

Le Président (M. Morin): Merci, Mme Simard.

Mme Simard (Marie): ...je n'ai pas la réponse. On peut continuer à travailler.

Le Président (M. Morin): Merci beaucoup, Mme Simard. M. Rivest... Oui, c'est ça, M. Rivest.

M. Grondin: ...

Le Président (M. Morin): Ah oui! Je vous oubliais, quand même. Je m'excuse. Et en plus c'est Chaudière-Appalaches.

M. Grondin: Oui.

Le Président (M. Morin): Allez-y, monsieur...

M. Grondin: C'est une autre belle région du Québec.

Bien, moi, ça va être un peu dans le même sens. Je trouve que dans le livre vert on se donne un document qui va durer dans le temps. Mais je pense que les Québécois, les consommateurs, ils sont prêts à adhérer à ça, mais ils veulent avoir la vérité. Parce que vous allez dans un centre d'achats, aujourd'hui, vous ne savez pas si le boeuf vient du Québec, vient des États-Unis, vient de la Chine, vient de l'Argentine. Le porc, hier on avait des témoignages encore, il y a 15 %, 20 % du porc qu'on ne sait pas d'où il vient. Moi, il me semble que, le logo du Québec, vous parlez, si on met le logo du Québec puis que c'est la vérité, là, c'est ça, on est sûr que cette viande-là vient du Québec, il me semble, moi, que ça aurait un bon impact, parce que le consommateur, moi, d'après moi, il est prêt à payer quelques sous de plus puis dire: Bon, bien, là, j'achète régional. Régional, c'est encore mieux, mais on sait très bien qu'on n'a pas d'abattoir de boeuf régional, on n'a même plus... Je pense qu'il y a au-dessus de 80 % de notre boeuf qui est abattu aux États-Unis. Il revient dans des boîtes, on ne sait même pas d'où il vient. Il va falloir régler ces problèmes-là, rendre les consommateurs sûrs de ce qu'ils achètent.

M. Rivest (Benoît): Bien, ça, vous avez tout à fait raison. Puis aussi il faut développer le sentiment de fierté de consommer des produits québécois. Tu sais, le Québécois et la Québécoise, il faut qu'ils soient fiers de consommer des produits de chez eux, puis de le mettre dans le panier, puis de le demander à l'épicerie. Ça, c'est super important. Les consommateurs, il faut qu'ils le demandent à l'épicier, au détaillant, de dire: Je veux des produits québécois, puis fournis-moi des produits québécois. Quand le consommateur est rendu là dans son discours, le détaillant, il va suivre, il n'aura pas le choix. Puis ça, c'est important de marteler le discours, de l'éduquer, d'informer, de faire connaître les produits régionaux, les viandes en particulier, c'est très difficile, mais de les faire connaître, de les faire déguster, puis, une fois qu'on déguste une viande, là, du Québec, et de Lanaudière en particulier, on adopte, c'est clair.

M. Grondin: Il faut que la... J'imagine que vous êtes au courant, les consommateurs... les grands centres de distribution, les grandes chaînes de magasins, eux autres, quand ils décident, là, c'est toujours décidé six mois, peut-être un an d'avance, telle, telle semaine, ça va être telle chose qui est en spécial. Ils envoient ça... Eux autres, c'est des... ils appellent ça des «brokers». Tu nous fournis un meilleur prix là-dessus. Mais ils ne savent pas d'où ça vient, là. Eux autres, ils achètent un prix, puis après ça ils mettent ça en... C'est comme ça que ça marche, là. J'ai travaillé un petit peu dans l'alimentation, ça fait que je suis au courant un peu comment ça marche. Alors, on ne sait pas la provenance du produit. Puis, moi, je trouve que c'est là qu'on manque beaucoup.

Le Président (M. Morin): Mme Simard, en quelques secondes.

Mme Simard (Marie): Non, mais effectivement je suis d'accord avec vous. Et, voilà, je pense que les campagnes Aliments du Québec, ça a pris du temps. Le gouvernement, depuis les six dernières années, je dirais, a appuyé. On sent l'impact que ça a sur l'industrie. On sent qu'il y a des grandes entreprises qui cherchent des solutions pour mettre le logo Aliments du Québec. Ce sont des choses qui se bâtissent à long terme. Si au bout de trois ans on ne sait pas si l'année prochaine la campagne revient, si elle change de couleur, si elle change de slogan, si elle change... Je pense qu'il faut maintenir du long terme, il faut investir à long terme. C'est la seule des solutions.

Le Président (M. Morin): Merci, Mme Simard. M. Rivest, Mme Simard, merci beaucoup. Ça a été très intéressant. J'inviterais maintenant la Fédération de l'Union des producteurs agricoles de la Mauricie de se préparer.

Je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 19)

(Reprise à 10 h 20)

Le Président (M. Morin): Nous reprenons nos travaux. Nous recevons la Fédération de l'Union des producteurs agricoles de la Mauricie. Bonjour, messieurs. Et je demande au porte-parole de se présenter et nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Fédération de l'Union des producteurs
agricoles (UPA) de la Mauricie

M. Caron (Martin): Oui. Bonjour, M. le Président, bonjour, M. le ministre, bonjour, MM. les députés, et bonjour à tout le monde aussi. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui pour présenter une brève présentation de notre mémoire qu'on vous a fait parvenir.

Tout d'abord, je vais me présenter. Je m'appelle Martin Caron. Je suis président de l'UPA de la Mauricie, mais avant toute chose je suis producteur laitier et céréalier à Louiseville, dans le comté de Maskinongé. Vous avez sûrement remarqué, je suis accompagné de relève aujourd'hui, un jeune passionné de l'agriculture qui se nomme Pierre-Luc Grenier, qui a 12 ans. Et Pierre-Luc va avoir un témoignage à vous faire pour la conclusion de notre présentation. Et j'ai avec moi aussi M. Yvan Martin, qui est directeur au niveau de l'UPA de la Mauricie par rapport aux communications et à l'aménagement de territoire.

Le Président (M. Morin): Si on veut l'entendre, le jeune homme, là, il faudra condenser le temps, hein? On veut bien l'entendre.

M. Caron (Martin): Tout est prévu là-dessus.

Le Président (M. Morin): Merci.

M. Caron (Martin): Ça fait que je débute dès maintenant. Et je voudrais aussi souligner la présence de producteurs et productrices qui nous ont accompagnés ce matin, de la Mauricie, qui nous ont accompagnés avec nous aujourd'hui.

Aujourd'hui, je vous dirai tout d'abord que la Mauricie -- une petite présentation de la Mauricie -- la Mauricie, c'est près de 1 050 entreprises agricoles familiales, réparties dans plus de 28 productions différentes. Avec ses 230 millions en recettes du marché à la ferme, l'agriculture mauricienne permet de générer 470 millions de dollars annuels et 13 300 emplois dans toute la filière agroalimentaire régionale. Bref, l'agriculture, l'agroalimentaire en Mauricie, c'est un moteur économique important.

En février 2007, dans la foulée de notre préparation pour la commission Pronovost, nous avons réuni tous les intervenants de la région afin de mener une réflexion qui visait à nous donner une vision de ce que devrait être l'agriculture dans le futur. Je vous la présente. Les producteurs de la Mauricie, fiers d'une agriculture diversifiée, équitable et durable, appuyés par la société pour répondre aux besoins des consommateurs...

Comme vous pouvez le constater, on est vraiment en ligne avec le livre vert sur les objectifs qui s'y retrouvent. À l'instar du livre vert, nous croyons aussi fermement que le futur de l'agriculture passe par un appui aux entrepreneurs, puisque les producteurs agricoles sont autant des chefs d'entreprise qu'il y a de fermes au Québec. C'est pourquoi nous avons mis en place un projet de coaching. Le coaching, le projet qu'on a, ça s'appelle Cultivez l'entrepreneur en vous.

Le livre vert posait une série de 16 questions. Nous avons décidé d'en aborder sept dans notre mémoire. Les questions 6, 7 et 11 sont, selon nous, toutes liées entre elles puisqu'elles traitent de gestion, de rentabilité sur un sujet important pour nous. La question 6 abordait le soutien de l'État au développement bioalimentaire. Dans un sondage réalisé auprès des producteurs de la Mauricie en avril 2011, une majorité de répondants ont souligné qu'il était important de développer l'agriculture en Mauricie. Cependant, ce développement passe d'abord par le maintien des entreprises agricoles existantes, notamment par un appui à la gestion et une relève prête et formée. L'appui de l'État est vraiment primordial à ce sujet-là.

Le maintien est important aussi pour une perspective plus globale en sachant que la planète comptera plus de 9 milliards de personnes en 2050. On peut facilement supposer que certains pays qui exportent actuellement une bonne partie de leur production cherchent à la conserver pour nourrir leur population. Le livre vert parle beaucoup de distinction, de valorisation du produit. Il faut regarder le dossier aussi avec une perspective de conserver notre capacité de produire et d'accentuer notre autosuffisance alimentaire.

La question 7 aborde la rentabilité des entreprises, la gestion et l'entrepreneuriat. Nous sommes d'avis que le gouvernement devrait miser sur un virage de la gestion pour les entreprises agricoles au cours des prochaines années. Les producteurs agricoles n'ont pas besoin de développer... n'ont besoin de développer une plus grande fibre entrepreneuriale et ainsi passer à travers les défis qui sont déjà présents et ceux à venir.

Cependant, il est très important d'intervenir avant que les entreprises agricoles ne soient trop enfoncées dans l'endettement et les difficultés financières. Votre commission s'est déjà penchée là-dessus, à travers ça, en 2011, du côté de La Financière. Toutes les filières de production doivent demeurer en place, quitte à faire l'objet d'un repositionnement supporté par l'État. Nous gardons ainsi notre capacité de nourrir la population du Québec.

En ce qui concerne le fonds de réalisation d'initiatives de développement de la question 11, nous pensons que ce fonds pourrait se révéler un outil intéressant, en autant qu'il soit vraiment accessible pour les producteurs agricoles. La classe agricole n'a pas besoin d'un programme compliqué, mais d'un support direct. Dans certains cas, cela ferait la différence à court ou à moyen terme.

Le livre vert soulève plusieurs questions au regard des trois lois fondamentales qui sont le pivot de l'agriculture au Québec. On parle d'ici sur la loi de la protection du territoire agricole, de la mise en marché des produits et enfin de celle des producteurs agricoles. Cette dernière aborde la supposée délicate question sur l'accréditation. Commençons par celle-là.

La question de l'accréditation n'est pas un défi de taille, vraiment, ou n'est pas un défi majeur pour les producteurs de la Mauricie. Les producteurs ont intérêt à rester unis. C'est dans leur intérêt. Comme le disait Michel Morisset, de l'Université Laval, et je le cite: «Dans l'éventualité où l'accréditation unique devait être débattue, elle devra être réglée entre et par les producteurs. Il s'agit des personnes les mieux placées pour trancher [sur] cette question.» Fin de la citation. J'espère que le gouvernement a d'autres priorités que celle-là et je pense qu'on a une priorité de développer une vision agroalimentaire.

En début de la présentation, nous faisions allusion à la capacité de nourrir la population, qui est directement liée à la superficie du territoire agricole. Dans l'approche de cette prévision, il faut protéger le peu de territoire disponible pour pratiquer l'agriculture. Cela n'empêche pas le morcellement à des fins agricoles.

Quant à la Loi de la mise en marché des produits agricoles, elle a donné un rapport de force important pour les producteurs agricoles du Québec. Elle a aussi permis de garder des fermes de plus petite taille en comparaison avec le reste du Canada et des États-Unis.

La question 16 demande: Comment peut-on assurer une concertation du secteur bioalimentaire dans une perspective d'affaires, au sein d'une même industrie, et qu'elle soit un catalysateur pour la mise en oeuvre de projet de la future politique bioalimentaire? Bien, la condition essentielle est d'avoir des rapports et des résultats de type gagnant-gagnant dans toute la filière. Quand on constate l'écart des prix entre ce qui est payé aux producteurs et ce que paient les consommateurs du marché, on voit très bien qu'il n'y a pas toujours un partage équitable. On pourrait juste se rappeler de l'épisode de la crise de la vache folle, où le prix à l'épicerie s'était maintenu, mais le prix payé aux producteurs avait chuté drastiquement.

Si les producteurs obtiennent des revenus qui couvrent leurs coûts de production, la Fédération de l'UPA de la Mauricie va être tout le temps partante. Les partenaires doivent viser l'enrichissement réparti, équitable entre tous les intervenants concernés en fonction des risques qu'ils prennent et des investissements qu'ils font pour... de l'entente soit réussie.

S'il y a un message que vous devriez retenir de notre présentation ce matin, c'est celui-ci. Il est pertinent, bien sûr, de percevoir l'agriculture québécoise en termes d'économie, de création de richesse et d'emplois. Il faut aussi la voir comme un outil que se donne une capacité à la population du Québec de se nourrir dans ses propres moyens. Si on veut plus qu'occuper le territoire, il faut donner aux agriculteurs la possibilité de vivre de leur métier.

Le futur de l'agriculture québécoise implique impérativement une réelle coopération entre les concitoyens et tous les membres des organisations oeuvrant pour le développement régional. Voilà les défis auxquels nous faisons face et que nous aimerions bien vouloir inscrits et priorisés dans la politique de développement de l'agriculture et de l'agroalimentaire du Québec. Nous sommes prêts à relever toutes sortes de défis, mais sans conteste le plus important demeure celui-ci: c'est d'un plus grand nombre possible de fermes prospères en Mauricie et dans l'ensemble du Québec. Ceci est dans une vision à long terme.

En conclusion, je vais demander à Pierre-Luc de nous livrer son message.

**(10 h 30)**

M. Grenier (Pierre-Luc): Mmes, MM. les députés, bonjour. J'avais le rêve d'être agriculteur quand je serais adulte, mais un incendie a détruit complètement la porcherie de mon papa le 6 octobre 2010. J'aimais beaucoup m'occuper des cochons avec mon petit frère Marc-André et ma soeur Emy. Je pensais que nous pourrions reconstruire les bâtiments rapidement, pour que je puisse recommencer à travailler et faire aussi un peu d'argent de poche, mais mon papa m'a dit que le contexte économique et les incertitudes l'empêchaient de recommencer. Je souhaite que le gouvernement appuie toutes les fermes familiales qui veulent vivre et se développer pour que les jeunes comme moi qui aiment les animaux puissent un jour être des agriculteurs comme leurs parents. C'est le message que je voulais vous livrer.

Le Président (M. Morin): Merci, Pierre-Luc. Tu as bien fait ça. Alors, M. le ministre.

M. Corbeil: Merci, M. le Président. Bonjour, MM. Caron et Martin. Et félicitations, Pierre-Luc. Je te regarde et je vois mon Pierre-Luc à moi, qui a 21 ans, donc qui est un peu plus grand, mais tu as un bouille sympathique comme lui. Et tu vas aller loin parce que tu as l'air déterminé comme lui. Et, quand tu seras à l'âge de vouloir réaliser ton rêve, tu peux être certain qu'il y a quelqu'un que tu pourras consulter, soit à l'UPA en Mauricie, soit au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, soit à travers différents organismes qui sont à la disposition des gens qui ont du caractère puis de l'ambition comme toi, pour t'aider à réaliser ton rêve. Ne sois pas inquiet. Continue d'aller à l'école puis apprendre ce que c'est que tu veux faire plus tard, puis, tu vas voir, tu vas réussir, c'est écrit dans ta face. Et je sais lire ces choses-là.

Alors, M. Caron, merci de votre présentation. Merci aussi des axes que vous prenez pour répondre à nos questions. Pour vous avoir rencontré l'automne dernier, je sais que les gens de la Mauricie ont à coeur la réussite de leurs entreprises qui sont membres. Et, pour ce faire, vous avez mis de l'avant ce que j'appellerai un virage gestion. Et vous avez demandé du soutien gouvernemental pour vous supporter dans cette initiative-là. Il vous a été octroyé lors de la rencontre, l'échange qu'on a eu au bureau de votre député, M. Jean-Paul Diamond.

Moi, j'aimerais vous entendre un peu plus sur ce dossier-là, parce que je pense que remplir l'orientation n° 2 du livre vert, qui parle de renforcer notre capacité concurrentielle, passe inévitablement par la gestion. J'aimerais vous entendre là-dessus. Depuis combien de temps vous le faites? Qu'est-ce que ça donne comme résultat? Puis quel espoir que vous fondez dans ça?

Le Président (M. Morin): M. Caron.

M. Caron (Martin): Merci. Je vous dirai, comme on l'a écrit dans notre mémoire: Tout d'abord, quand on a commencé le projet, c'était sur deux axes. Il y avait un volet enquête -- on avait 80 producteurs -- sous différentes formes, focus groupes ou des rencontres individuelles, à travers tout ça, pour aller chercher le pouls. Il y a eu une grande concertation aussi, parce qu'il y avait beaucoup de partenaires, dont le ministère de l'Agriculture, qui était là, dont les MRC, qui étaient là, les CLD, et j'en oublie. Il y avait Emploi-Québec et beaucoup de ministères qui étaient là, tout ça. Et on voulait savoir vraiment la version du côté producteur et des intervenants aussi, voir si, quand on discute ensemble, est-ce qu'on a le même discours. Et dernièrement on a rendu publique cette enquête-là, et ça révèle des très bonnes choses. Je pense que les producteurs sont rendus à cet aspect-là, c'est-à-dire le côté de gestion, le côté de gestion financière naturellement, mais le côté de gestion aussi de l'entreprise en tant que telle.

Beaucoup de producteurs se voient comme des entrepreneurs, des gestionnaires. Ça, c'est un élément assez important qu'on voit. Mais beaucoup de personnes aussi ont besoin de coaching dans ce domaine-là. Et c'est là qu'il rentre en fait, notre projet Cultivez l'entrepreneur en vous!. C'est d'amener sur cet aspect-là, l'amener vraiment sur le coaching entrepreneurial, l'influence que le producteur a directement sur les décisions qu'il prend et comment qu'il peut aussi se faire accompagner dans ces décisions-là. Ça fait que ça, c'est un élément important. Et le message que je pourrais vraiment simplifier, c'est de dire à nos producteurs, productrices en région: C'est que qu'est-ce que vous êtes capables de contrôler sur votre entreprise, que c'est vous qui décidez, il faut le contrôler au maximum. C'est une des actions qu'on fait à travers tout ça.

Mais ça prend la concertation. Ça prend beaucoup de personnes. Dernièrement, on a eu une rencontre. On a déjà un colloque de prévu le 26 janvier prochain pour faire un point et se mettre des objectifs en région, se mettre des objectifs où que tous les intervenants ont un rôle à jouer. Le producteur a un grand rôle à jouer, mais les intervenants aussi ont un rôle à jouer, que ça passe par les CLD, que ça passe pas les MRC, les régions, les CRE et que ça passe aussi par le ministère de l'Agriculture, à travers tout ça. Je pense que chacun, on a un rôle à jouer, à travers tout ça, parce qu'il ne faut pas oublier qu'une ferme agricole ce n'est pas juste une entreprise non plus. Dans bien des cas, dans un comté rural, dans les MRC, tout ça, ou les municipalités, c'est un patrimoine qu'on a là. C'est une toile aussi qui est dressée, c'est une communauté qui est active, qui est vivante aussi. C'est pour ça, je me dis: C'est tout l'ensemble de la communauté.

M. Corbeil: M. Caron, j'aurais envie de vous poser une question. Sous l'angle de la gestion, que vous venez de traiter, est-ce qu'on devrait s'investir dans ce que j'appellerai de la formation continue, c'est-à-dire instaurer des mesures ou dispenser sur le terrain des cours, des programmes selon un principe de formation continue? Ça a été soulevé mardi par la Fédération des producteurs d'oeufs de consommation. On l'entend en sourdine à différentes occasions. Est-ce que vous pensez qu'on devrait s'investir dans cette voie-là?

M. Caron (Martin): Moi, je vous dirai que présentement il y a déjà des choses qui se font dans cet aspect-là. Chez nous, en région -- puis on l'avait marqué dans le mémoire -- il y avait le collectif côté formation, collectif agricole en formation, qui est déjà là, qui... Mais on est rendu, je vous dirai, à déterminer le profil de l'agriculteur de demain. Et, dans le profil de l'agriculteur de demain, c'est bien sûr, on l'a mentionné ce matin aussi, la formation est un atout, et c'est essentiel, à travers tout ça. Donc, il faut peut-être continuer à avancer, à travers tout ça. Peut-être pas le mettre comme un genre d'obligation, mais je pense, avec le processus qu'on est en train de mettre en place en région, je pense que les producteurs sont rendus là. Et il y a déjà des producteurs qui le font, oui, mais c'est peut-être d'encadrer, de montrer aux autres qui ne le font pas présentement que c'est faisable. Il y en a déjà, des personnes qui le font.

Le Président (M. Morin): M. Martin, vous vouliez ajouter?

M. Martin (Yvan): Oui, bien, M. le ministre ouvre une porte très grande. Je suis président du Collectif régional en formation agricole de la Mauricie. Et donc, la formation continue, il s'en fait. Je vous dirais que la formation agricole, les collectifs en formation au Québec, quand on regarde les budgets d'opération qu'ils ont pour le travail qu'ils font, c'est extraordinaire. Alors, je pense que vous avez là peut-être une base pour partir, là, au niveau d'implanter cette formation-là, continue. Nous avons d'excellents professionnels sur le terrain qui coordonnent l'offre de formation et qui sont en contact avec des formateurs, des institutions d'enseignement, qui sont en contact avec les agriculteurs. Sur les comités... les collectifs en formation, on retrouve tous les intervenants, des gens du MAPAQ, des gens de l'UPA, des gens de la relève, etc. Alors, je pense que, si vous voulez... Parce que vous l'aviez souligné au congrès de l'UPA. Ça nous avait fait un petit pincement que vous ne parliez pas du collectif en formation. Mais je suis sûr... Parce que ça doit être un léger oubli de votre part. Mais je pense qu'il y a là un outil intéressant, et vous avez quelque chose pour construire. Ça fait 30 ans que ça existe, donc il y a une expertise qui existe déjà.

M. Corbeil: L'idée derrière ma question n'est pas de mettre en doute ce qui existe, mais ce que j'observe, c'est que ça existe. C'est de façon aléatoire, ce n'est pas nécessairement ce que j'appellerai consolidé ou systématique. C'est à la volonté d'une région, à la volonté de certains producteurs. Et je ne parle pas nécessairement ici de vouloir le rendre obligatoire, mais on voit de plus en plus qu'il y a une importance à accorder à ça et on devrait peut-être mettre une partie de nos énergies dans cette voie-là.

Et je vais rester sous l'angle de la formation, mais pas à continu, je vais parler de formation de base. Chez vous, je pense qu'il y a une maison familiale rurale. Il y en a juste quatre au Québec. Vous en avez une dans Maskinongé, je crois. J'aimerais que vous me donniez votre lecture de cette formule-là et les résultats qui émanent de cette formule-là, parce que je pense qu'on travaille sous l'angle de formation de main-d'oeuvre, d'antidote au décrochage scolaire, de peut-être former des employés qualifiés et éventuellement de la relève. Alors, j'aimerais juste avoir le portrait de vous si vous l'avez. Si vous ne l'avez pas, ce n'est pas grave. Mais qu'est-ce que vous pensez de cette formule-là?

Le Président (M. Morin): M. Caron.

M. Caron (Martin): Bien, écoutez, ça me fait plaisir parce qu'avant de commencer à bâtir la MFR, on avait un rêve. On était quatre personnes, et j'en faisais partie. C'était sur le côté financier, entre autres, c'était d'aller chercher du financement. On a créé la MFR. On savait que, les premières années, c'était pour être un petit peu plus dur parce que ça prenait le nombre d'élèves pour la rentabilité, à travers tout ça. Au bout de deux, trois ans, ça a bien été. Cette année, on a vu... Sûrement que vous avez entendu parler qu'il y a eu quelques petites problématiques, à travers tout ça. Mais c'est une bonne façon au niveau de l'éducation, tout ça. Présentement, c'est reparti. On a un plan de relance présentement avec ça, et je vous dirai que ça fait son oeuvre et de former des personnes directement, former des personnes pour les producteurs agricoles.

Puis c'est un lien de communauté aussi. Les MFR, les personnes, les jeunes qui sont là sont en communauté. Ils couchent là, ils mangent là, ils travaillent, chacun, sont obligés de s'occuper de la bouffe, ou etc., le ménage, tout ça. Ça crée des liens de communauté, à travers tout ça, puis c'est une plus-value. On l'a extensionné, cette année, au niveau de la MFR. On a été sur le côté hôtellerie, entre autres, parce qu'on voit que l'hôtellerie, ça touche le côté alimentaire aussi. Il y avait quelques problématiques, donc ça a été ouvert. Et ça a été ouvert aussi, le côté forestier, agroforestier aussi. Il y avait des demandes là-dessus. Ça fait que je sais qu'il y en avait côté La Tuque, mais on avait un potentiel de personnes qui voudraient. Ça fait que ça, on a regardé un petit peu cet aspect-là, à travers ça. Ça fait que ça, c'est un des aspects qui a été rouvert comme pour une planification, à travers tout ça, plus loin, là. Mais c'est une bonne façon de faire.

Je rajouterais une chose. Dans la planche à dessin de la MFR, qu'est-ce qu'on a mis dernièrement, c'est de regarder si on ne pourrait pas penser à un incubateur agricole ou agroalimentaire, se servir d'une portion de la MFR pour avoir cet aspect-là, parce qu'il y aurait peut-être des terrains disponibles un peu plus loin. Mais ça, c'est sur la planche à dessin encore, là.

**(10 h 40)**

M. Corbeil: Je vais laisser...

Le Président (M. Morin): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. D'Amour: Merci, M. le Président. Alors, sur la question des maisons familiales rurales, j'ai le plaisir, le privilège d'en avoir une chez nous, à Saint-Clément, dans la MRC des Basques. L'impression que j'ai parfois, c'est qu'à travers celles qui existent il n'y a pas beaucoup d'échanges, il n'y a pas beaucoup de mises en commun des problématiques ou des ressources pour faire en sorte d'aller plus loin. J'ai l'impression qu'en vous écoutant vous êtes confrontés à peu près aux mêmes problèmes. Est-ce que ça ne serait pas à développement de ce côté-là? Parce que, je regarde, chez nous, il y a des expériences tout à fait heureuses. Je connais personnellement des jeunes qui ont entré à la MFR, qui en sont sortis de belle manière, qui sont aujourd'hui une relève pour l'agriculture. Ça aurait peut-être été différent en d'autres circonstances. Alors, cette existence-là, est-ce que vous partagez entre vous vos expériences, vos problématiques puis des solutions?

Le Président (M. Morin): M. Caron.

M. Caron (Martin): Oui. Moi, je vous dirai que présentement je ne suis pas sur le conseil d'administration de la MFR, en tant que tel. Il y a une directrice qui est là. On a quelqu'un au niveau de l'UPA qui siège là. On a eu une rencontre cette année à cause des problématiques. Mais je sais que cette personne-là, directrice, on vient de la changer et je sais qu'avant de faire son plan d'affaires elle a regardé, elle a contacté... je présume qu'elle a contacté... En tout cas, c'est qu'est-ce qu'elle nous avait dit. Je sais qu'il y avait celle au niveau de la région du Granit, à travers tout ça, et je sais qu'elle a contacté de ce côté-là. Mais c'est sûr. Puis c'est une plus-value. Il faut regarder parce qu'en France, là, ou en Europe, à différents endroits, c'est très populaire. Je pense que c'est une recette gagnante.

Mais il faut amener aussi les commissions scolaires. On a eu une petite problématique de commission scolaire, chez nous, du tiraillement. Je pense que collectivement il faut travailler ensemble. C'est pour le bien de la communauté, ce n'est pas avoir plus d'argent d'un bord et de l'autre. Je sais que ça s'est réglé un petit peu, mais il y a encore de l'ouvrage là-dessus.

Le Président (M. Morin): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. D'Amour: Effectivement, au niveau commission scolaire, lorsque les maisons ont été créées, tout le monde voulait collaborer. Et aujourd'hui les commissions scolaires entre elles, qui sont des partenaires, se regardent en disant: Je n'ai pas autant de jeunes que je le pensais, donc, moi, j'ai tendance à me retirer. Ça, c'est un problème qui est quand même important.

Et, depuis le début de ces consultations, M. le Président, on parle d'occuper notre territoire de façon dynamique, et le nombre de jeunes formés dans les MFR, qui retournent occuper le territoire par leurs entreprises, c'est impressionnant. Alors, moi, je me permets, comme député de région, d'attirer l'attention du ministre là-dessus aussi, de façon à... l'importance de soutenir nos maisons familiales rurales. Et j'espère même que, ce modèle-là, on puisse le multiplier au Québec. Et, par le développement du réseau, on se crée une force qui vient répondre à des besoins. Puis on parle d'agriculture, on parle de forêt aussi, alors on parle d'occuper notre territoire partout, et ça, pour moi, c'est très important.

Puis juste un mot, une parenthèse pour vous féliciter, parce que je constate qu'il y a beaucoup de sérieux qui a été consenti à la préparation de votre mémoire, pour vous attarder de façon spécifique à des questions. J'aime beaucoup ce que vous appelez le virage de la gestion. Puis on est conscients qu'il y a des choses à faire. On a passé l'automne dernier et une partie de l'été à discuter de problèmes financiers, mais la gestion, ça fait partie des solutions. Il y en a d'autres, mais à la base, moi, je suis très heureux de vous entendre là-dessus, puis vous avez en ma personne quelqu'un qui va vous appuyer là-dedans. Je tenais à vous le signifier.

M. Caron (Martin): Merci.

Le Président (M. Morin): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup, de vos commentaires. M. le député de Kamouraska-Témiscouata, à vous.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le Président. Bonjour, M. Caron, M. Martin et Pierre-Luc. En passant, bien, je te félicite pour ta présentation. À travers toi, j'entends très bien le cri du coeur de ton papa. Et tu as parlé que tu voulais devenir agriculteur. On parlait de formation. Il existe de très bonnes écoles au Québec, puis je t'invite à le faire, parce que, moi, j'y crois qu'il y a un avenir, et tu as raison d'y croire.

Alors, merci, pour la présentation. C'est très intéressant. Il y a plusieurs volets. Vous avez, à la page 4, ramené la présentation qui avait été faite en 2007 sur les rêves des producteurs. Parce que je pense que c'est important de rêver, et ça prend une vision, bien sûr, qui nous amène là, et c'est fort d'actualité, même si on est 2012. Et, la page suivante, et vous ne l'avez pas vraiment abordé dans votre présentation, ce n'est pas un reproche, mais vous dites clairement, d'entrée de jeu, concernant la vision... Parce qu'on s'entend qu'une vision, ça inspire, ça rallie et ça permet d'amener de l'énergie puis de la motivation pour aller à quelque part. Et vous dites clairement et on lit textuellement que «cette vision -- qui est présentée dans le livre vert -- nous semble à la fois trop large et peu explicite». Et vous allez encore plus loin, vous dites: «Malgré plusieurs lectures du livre vert, nous n'avons pas pu identifier les éléments pertinents pour soutenir une telle vision, même si les produits alimentaires [et] les consommateurs semblent se partager le rôle de fil directeur.» Et vous avez en plus des éléments fort intéressants, positifs, là, de propositions, de pistes qui doivent être envisagées. Donc, il y a un esprit positif dans votre mémoire, puis je le salue.

Ma question est celle-ci: Est-ce que le livre vert peut répondre aux rêves des producteurs de 2007?

M. Caron (Martin): C'est une grande question. Moi, je vous dirai que je pense ça met des choses en place. Mais au-delà de ça c'est le résultat au bout et c'est pour ça qu'on voulait venir ici aujourd'hui pour dire vraiment, expliquer que les rêves qu'on a marqués, c'est vraiment des choses que les producteurs nous ont dites. Mais qu'est-ce qui est important là-dessus, c'est d'avoir une vision, et de la partager avec tout le monde, cette vision-là, et de ne pas exclure personne, mais d'avoir que chacun joue son rôle. Et chacun a un rôle à jouer très important, que ça soit la base du producteur, que ça soit la transformation, distribution, montons jusqu'en haut, jusqu'à vous, à travers tout ça, parce que c'est vous qui prenez, à travers tout ça, des décisions pour des règlements, des choses comme ça.

Et on va aller même plus loin, on va y aller sur le côté ici -- puis on en parle dans notre mémoire -- sur le côté national aussi. Il faut vraiment, dans chacune de nos étapes, dans nos structures qu'on passe d'une municipalité, MRC, région, provincial, national... Il faut avoir une vision partagée ensemble et un plan. On parle souvent qu'on veut faire de la business, puis ça nous prend des plans de travail ou des plans d'affaires. Bien, pour notre communauté, que ce soit au Canada, provincial, ça nous prend un plan d'affaires aussi puis avoir des objectifs, que chacun joue leur rôle et chacun tire dans le même sens.

La menace, ce n'est pas juste entre nous autres, entre municipalités, entre MRC ou entre régions. La menace, pour moi, c'est les autres pays qui rentrent des aliments qui ne sont pas aux mêmes normes ou aux mêmes standards que, nous, on se dit que c'est ça qu'on veut mettre, que, nous, on dit, au niveau de l'emploi: C'est important qu'on ait des standards, mais qu'on voit que dans d'autres pays ce n'est pas ça. Il faut vraiment être capables de se structurer dans ce sens-là et il faut que ça soit concret et déterminé dans le temps.

Je pense que les acteurs -- puis, moi, je vais parler des acteurs que je connais très bien, c'est les producteurs, productrices agricoles -- ils sont prêts, là, ils sont rendus là. Et il faut que ça soit, comme on l'a dit, il faut que ça soit équitable. Chacun doit être gagnant-gagnant là-dedans, que le producteur en retire quelque chose, que le transformateur en tire quelque chose, le distributeur, etc., que tout le monde soit gagnant. Et c'est la population en général qui va être gagnante dans tout ça, parce que ça crée de l'emploi et ça crée un milieu de vie vraiment vitalisé, comme on peut parler.

**(10 h 50)**

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Vous avez abordé la question de la formation. Je pense que le livre vert aussi parle de l'importance relève, formation, mais vous avez souligné à juste titre aussi d'axer sur notamment le développement de capacités de gestion, d'innovation, d'entrepreneurship. Ça se parle, bien sûr, et ça se fait depuis quelques années, mais ça mérite d'être étendu.

Pour l'avoir vécu, moi, comme directeur général de l'Institut de technologie agroalimentaire, campus Saint-Hyacinthe--La Pocatière -- c'est le vaisseau amiral au Québec -- les dernières années, et ça ne touche pas le ministre puisqu'il n'était pas là, mais ma plus grande difficulté, c'était de pouvoir financer le développement de l'offre de la formation continue. C'est la même chose pour les commissions scolaires. Donc, on a des structures compétentes, on a ce qu'il faut, mais je pense que ça prend aussi des moyens, puis il faut s'assurer que ça, c'est payant d'investir dans la formation. Donc, bien sûr, je ne peux que saluer votre approche puis aussi aller beaucoup plus loin dans les moyens, dans les façons d'atteindre et de répondre aux besoins.

Dernier point, j'aimerais voir de façon plus technique, peut-être, plus concrète le programme de soutien à l'adaptation qui a été mis en place par le ministère de l'Agriculture parallèlement aux mesures de resserrement des productions sous l'assurance stabilisation. Est-ce que ça porte fruit dans votre région? Est-ce que ça donne des résultats? Comment ça se passe, brièvement, là?

M. Caron (Martin): Moi, je vous dirai que présentement, autant dans notre projet Cultivez l'entrepreneur en vous!, on est très proches avec Agriconseils, avec le ministère et La Financière en région, même si parfois on pense qu'on n'est pas tout le temps d'accord. Je vous dirai que ça fait un bout, mais il reste un bout à faire. Pierre-Luc, qu'est-ce qu'il vient de mentionner comme témoignage, ce n'est pas pour rien. Pierre-Luc représente lui aujourd'hui, mais il en représente beaucoup d'autres qui vivent cette situation-là, surtout dans le domaine des producteurs porcins, dans le domaine bovin, entre autres, et agneaux. C'est ça qu'on remarque présentement en région. On regarde... Et c'est pour ça, dans notre mémoire, qu'on dit: Il est grand temps qu'on influence, parce que, quand l'endettement ou quand les risques sont là, c'est dangereux. Mais je ramène une chose. C'est que vraiment on s'attend à ce que l'État vienne s'impliquer et appuyer sur le côté de gagnant-gagnant. Dans une filière, s'il y a une problématique, ce n'est pas tout le temps le producteur en bas qui doit payer la note au bout. Ça, c'est bien important. Je pense que l'État a le devoir d'évaluer cet ensemble-là. Le soutien, les mesures d'adaptation font un bout, mais, à travers tout ça, je vous dirai qu'il y en a qui étaient... c'était trop tard pour quelques personnes. Mais on veut influencer vraiment plus loin.

Le Président (M. Morin): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Merci, M. le Président. Alors, M. Caron, M. Martin, Pierre-Luc... Je te félicite d'avoir eu le courage de venir présenter... Moi, à travers ton message, c'est sûr que j'ai décelé le message à travers toutes les familles du Québec qui vivent à peu près la même situation que tes parents. Je trouve ça bien que tu aies déjà une ambition d'être producteur agricole, mais pour ça il va falloir te donner les moyens puis te donner aussi la facilité d'accéder à une ferme ou d'accéder à des propriétés.

Moi, je vais poser la question. Je pense que tu viens d'y répondre... M. Caron vient d'y répondre indirectement. C'est au niveau de l'ASRA. Qu'est-ce que les gens comme l'UPA de Mauricie, qu'est-ce qu'ils peuvent faire autre que de dire: Bien on se fie sur le gouvernement? Oui, c'est sûr, pour avoir une meilleure répartition de la richesse, meilleure... peut-être une modulation ou... Comment vous voudriez procéder, au niveau de la modulation, au niveau d'une modélisation du revenu agricole, pour les gens qui sont en région comme vous? Comment vous verrez qu'on pourrait aider davantage des parents comme... par une mesure de l'ASRA ou par toute autre mesure, là, mesure de compensation, qu'on disait tantôt?

Le Président (M. Morin): M. Caron.

M. Caron (Martin): Bien, c'est très intéressant, puis déjà, je pense, le gouvernement déjà fait déjà des modulations. Si on prend l'exemple dans un des projets du... multifonctionnalité, on a déjà des paramètres, à travers tout ça. Le programme des mesures de soutien à l'adaptation, il y a déjà une modulation, à travers tout ça, qui est là aussi. Si je prends, exemple, chez nous, on a une MRC, entre autres, qui n'a pas eu les critères, donc le paiement ou l'investissement qui est fait pour le producteur est déjà moindre. Déjà, il y a des choses comme ça. Il faut faire très attention à ça. C'est bien sûr qu'il faut amener, je pense, qu'il y a différentes régions, mais, moi, je le verrais peut-être plus comme souvent des mises à niveau. Il y a différentes régions qui sont rendues à différents endroits, parce qu'elles ont commencé peut-être un petit peu plus avant, mais il y aura peut-être des mises à niveau à faire. Il ne faut peut-être pas moduler tous les programmes, mais il faut peut-être regarder... Puis il y a des spécifications aussi, à travers tout ça. Il faut regarder vraiment sur les spécifications. Il y a différents endroits qu'il faut peut-être intervenir, à travers tout ça.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Il me reste-tu un petit peu de temps, oui?

Le Président (M. Morin): Oui, mon cher monsieur, allez-y.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Une autre question, c'est au niveau de la protection des terres agricoles chez vous. Est-ce que la superficie qui est cultivable, là, chez vous versus les pertes qui peuvent survenir avec les années, est-ce que ça vous permet d'envisager dans la Mauricie un développement de l'agriculture durable pour les prochaines années, dans le futur, pour répondre justement aux besoins de la politique bioalimentaire qu'on est en train de mettre sur pied? Comment vous voyez ça, vous, au niveau de la... Je parlais de la loi de protection du territoire agricole, bien sûr. Quelle est votre perception ou votre vécu, chez vous?

M. Caron (Martin): Je vais commencer la réponse un petit peu, puis je vais laisser Yvan un petit peu en faire un bout parce qu'Yvan est notre spécialiste en aménagement. Je vais faire ça rapidement.

Moi, je vous dirai, premièrement: On a beaucoup de concertation, on travaille beaucoup. Il y a des articles 59 qui sont faits présentement dans notre région. Et je vous dirai qu'on a une belle approche, une belle approche de regardée. Et je vous dirais que les élus, dans notre région, voient ça, l'agriculture, comme un potentiel qui n'est pas exploité à 100 %. Puis il y a le côté de la forêt aussi qu'il ne faut pas l'oublier parce qu'on a beaucoup de forêts chez nous. Ça fait que donc cet aspect-là, c'est un élément assez important.

Je voudrais revenir c'est quand vous parliez un petit peu... Juste tantôt vous avez parlé de la modulation, tout ça. Il y a peut-être juste un élément que je voudrais vous rajouter. À travers tout ça, là, il y a des régions présentement qui sont très fortes. Et celles qui sont très fortes, là, ça aide autant aux petites aussi, parce que celles qui sont très fortes, des fois, ça permet d'aller un petit peu plus loin sur l'innovation et la recherche, et les autres en bénéficient aussi. Ça fait que c'est pour ça, ça prend un certain équilibre, à travers tout ça. Ça, il faut bien le remarquer, parce que dans différentes productions, des fois, on disait: Ah! les gros producteurs, c'est ça, les petits... Mais des fois on a besoin des gros, puis les gros, des fois, ont besoin des petits aussi, là. Il faut le voir vraiment dans un équilibre. Yvan.

Le Président (M. Morin): M. Martin, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Martin (Yvan): En complémentaire, comme vous dites. Tout simplement vous dire qu'au niveau des articles 59, là, des demandes à portée collective en Mauricie, présentement, c'est 1 800 espaces résidentiels qui ont été accordés sur l'ensemble du territoire. Et, au moment où on se parle, encore cette semaine, nous négocions avec la MRC de Mékinac pour quelques centaines d'espaces résidentiels additionnels.

En ce qui concerne des projets spéciaux, et M. Caron le disait très bien, on a une tradition de concertation. Je dois dire que dans notre région on doit saluer le monde municipal, qui ont compris l'importance... Donc, des guerres de dézonage comme on voit dans d'autres régions, heureusement, pour l'instant, on n'a pas trop vécu ça, et j'espère que ça va se poursuivre de cette façon-là. Les gens sont très conscients, surtout dans les MRC rurales, ils sont extrêmement conscients de l'importance de l'agriculture. Je pense à Maskinongé, où est-ce qu'eux, lorsqu'ils regardent un dossier, ils disent: Est-ce qu'on va toucher à l'agriculture?, avant même de dire: On va l'autoriser. Donc, ils ont développé des bons réflexes. Puis, en ce qui concerne la ville de Trois-Rivières, ils ont tellement d'espace dans leurs zones blanches que ce n'est pas un enjeu actuellement.

Mais, ceci étant dit, ce n'est pas une raison de baisser la garde. On reste vigilant. C'est important. Il y a des endroits, comme disait Martin, qu'il faut protéger. Il y en a d'autres, on peut donner un peu plus de lest, mais il faut savoir le moduler vraiment en fonction de ce qui se passe sur le terrain.

Le Président (M. Morin): Merci, M. Martin.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Merci.

Le Président (M. Morin): M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Alors, bonjour. Bonjour à notre jeune homme. Félicitations, hein? Ça prend du culot pour venir se présenter ici.

Alors, écoutez, moi, on regarde pour une vision à long terme sur le livre vert. Je vois, là, dans votre question n° 11, vous parlez de faire un... s'il y aurait un fonds de réalisation d'initiatives de développement. Moi, je rajouterais «régional». Chaque région a ses petits goûts, a ses fromages. Il me semble que ce serait peut-être important qu'on mette qu'on réalise un fonds pour dire: Bon, chaque région peut avoir accès à ce fonds-là pour développer quelque chose spécial à sa région. Moi, je trouve que votre idée est très bonne. Est-ce que c'est dans votre vision, vous autres, ou vous nous avez mis ça là pour nous faire réfléchir, ou bien si vous avez déjà réfléchi à ça?

Le Président (M. Morin): M. Caron.

**(11 heures)**

M. Caron (Martin): Bien, c'est un peu des deux. Je suis content que ça suscite une question. Je vous dirais que oui. Présentement, en Mauricie, on a un plan de développement agricole et agroalimentaire, qu'on a eu une ébauche avec une entente spécifique, à travers tout ça, et on a encore, sur notre planche à dessin, de créer un fonds. De se rapprocher aussi... Peut-être une chose que je n'ai pas dite, on s'est rapprochés beaucoup de l'université sur des projets. On avait déjà commencé, mais on y va de plus en plus loin pour le côté recherche et innovation, à travers tout ça. On pense que c'est vraiment quelque chose d'assez important. Mais d'avoir un fonds régional dédié à des spécifications, c'est sûr et certain qu'on est là puis qu'on regarde.

Puis c'est d'impliquer... Tantôt, j'ai parlé beaucoup de structure. Mais là on est rendus à l'autre étape d'impliquer d'autres personnes qui font partie de la société. Et là je vais commencer à en nommer parce qu'il y en a qui sont déjà là. Il y a Desjardins qui sont avec nous présentement, collectif, et il y a d'autres, aussi, personnes qui réalisent que, s'ils ont un milieu agricole puis agroalimentaire vraiment en essor puis en effervescence, bien c'est tous des commerçants qui vont être gagnants de ça, c'est toute une communauté qui va être gagnante de ça et ça va créer des emplois.

Donc, on essaie de faire ce virage-là, d'avoir, oui, des fonds, mais d'avoir aussi d'autres personnes privées qui investissent de l'argent, parce qu'ils y croient, de ce côté-là, ils y croient, à une communauté, à travers tout ça. Mais il faut être leader, il faut être visionnaire et il faut vraiment avoir une présence des leaders en région, qui se concertent et qui se focussent dans le même sens.

M. Grondin: Alors, moi, j'ai...

Le Président (M. Morin): Un dernier commentaire.

M. Grondin: Oui. Remarquez, je proviens du monde agricole et souvent... Vous parliez tantôt d'éducation, de formation, et tout ça. Souvent, j'ai l'impression que le monde agricole va plus vite que les formateurs, et les agriculteurs sont plus rapides, sont toujours avant. Alors, je pense, moi, qu'on aurait peut-être des formateurs qui devraient peut-être regarder qu'est-ce qui se passe ailleurs, dans d'autres pays, pour venir essayer d'amener ces technologies-là ici, parce que souvent on voit des agriculteurs eux-mêmes qui vont chercher les technologies et qui les apportent. Alors, je pense, moi, que souvent l'agriculteur est en avant. Alors, j'aimerais ça que les formateurs qu'on parle, l'éducation, soient un peu plus visionnaires. Je sais que souvent ils ont des programmes, eux, à gérer, ils n'ont peut-être pas... Mais qu'on aurait des spécialistes qui iraient voir pour avoir une vision à long terme, une vision de ce qui se passe. On regarde dans d'autres pays les énergies vertes qui sortent à partir du monde agricole. Ici, on est encore... on tire la patte là-dedans. Alors, moi, je pense qu'on devrait avoir une vision vers ce cens-là.

Le Président (M. Morin): Merci, M. le député de Beauce-Nord. Notre temps est écoulé. Je m'excuse, M. Martin.

MM. Martin, Caron et Grenier, merci beaucoup. Je constate, moi aussi, que votre mémoire était très étoffé. Donc, bravo à vous.

M. Caron (Martin): Bien, merci.

Le Président (M. Morin): J'invite maintenant l'Institut national de santé publique du Québec à se préparer.

Et je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 2)

 

(Reprise à 11 h 7)

Le Président (M. Morin): Nous reprenons nos travaux. Nous recevons à l'instant l'Institut national de santé publique du Québec. Donc, j'inviterais la personne responsable du groupe à se présenter et à présenter les personnes qui l'accompagnent.

Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)

M. Boileau (Luc): Oui. Bonjour, M. le Président. Je me présente: Luc Boileau. Je suis le président-directeur général de l'Institut national de santé publique. Je suis accompagné ici, avec moi, par Mme Catherine Gervais, qui est une experte économiste du côté des problèmes économiques reliés aux différentes politiques publiques, notamment sur les problèmes d'obésité. J'ai également, à côté de moi, M. Onil Samuel, qui est un expert sur les pesticides au Québec. Et je suis accompagné également, juste à l'arrière, par trois autres experts que sont le Dr Pierre Maurice, qui est responsable de toute l'analyse des traumatismes. Il y a le Dr Réjean Dion, juste en arrière de moi, qui est expert du côté des maladies infectieuses, et également M. Louis Poirier, qui est un expert au niveau des stratégies de mobilisation des communautés. Alors, si vous... Ça va?

Le Président (M. Morin): Oui. Vous avez 10 minutes pour nous présenter votre mémoire, qui... Je crois qu'il avait 73 pages, donc vous allez être obligé de résumer ça...

M. Boileau (Luc): Bien oui, bien oui. Puis j'étais justement à demander au jeune Pierre-Luc s'il pouvait être avec nous, parce que vous avez été tellement fin avec eux qu'on se demandait... Mais il était trop occupé, là, ça fait que j'espère que...

Le Président (M. Morin): On va essayer...

M. Boileau (Luc): Mais mon nom, c'est Luc. Il y a un petit morceau de Pierre-Luc dedans.

Le Président (M. Morin): Oui, on va essayer d'être gentil.

**(11 h 10)**

M. Boileau (Luc): Oui, mais je n'en doute pas. Alors, d'abord, on tient à vous remercier beaucoup d'avoir d'abord retenu notre mémoire et nous permettre de venir échanger avec vous sur la perspective que nous amenons quant à ce projet de livre vert. On en est honorés et on serait ravis de pouvoir influencer vos réflexions.

Vous avez entendu les gens qui nous accompagnent. Nous avons déjà manifesté des points de vue par le passé, en septembre 2007 notamment, qui ont amené, entre autres, à l'édification de ce projet de livre vert. Je vous rappellerais simplement que l'INSPQ est une institution, bien sûr, ancrée dans le gouvernement du Québec, qui a une vocation particulièrement précise d'amener et de supporter le ministère de la Santé, les régions au niveau de l'expertise en santé publique. Donc, on n'est pas ici pour venir lancer des opinions, mais plutôt pour venir rendre compte de l'expertise qui est connue, tant sur le plan québécois que national ou international, à l'égard des différents enjeux qui sont situés ici.

Je commencerais en vous disant que la santé des Québécois va relativement bien. Vous le savez sans doute, mais je voudrais insister sur le fait que depuis 40 ans nous augmentons l'espérance de vie à la naissance de six heures à tous les jours. Ça veut dire qu'au Québec on a une croissance de l'espérance de vie. C'est une espérance de vie qui se passe en bonne santé pour une bonne partie mais en mauvaise santé pour une autre partie. Et nous sommes conscients que ce n'est pas uniquement le système de santé qui a permis une amélioration de l'espérance de vie, mais, pour beaucoup, plusieurs autres actions de d'autres déterminants de la santé et, entre autres, l'alimentation, les habitudes de vie et les environnements. C'est pour cela que nous jugeons important de venir insister ici sur le levier que représente le livre vert, en termes d'influence sur l'état de santé de la population du Québec et de certainement d'autres populations, étant donné la diversité de nos productions et leur exportation.

Mais concentrons-nous sur l'influence au niveau du secteur québécois. Alors, on est conscients de l'importance de cette politique-là, de la contribution qu'elle peut amener sur l'essor économique de notre Québec et de la vitalité de notre région, mais nous souhaitons aussi souligner qu'il nous apparaît important de faire en sorte qu'elle soit aussi construite sur un pilier de santé, c'est-à-dire que le sceau de santé soit identifiable sur cette politique-là et un sceau qui est tout aussi important, selon nous, que l'essor économique qui y est associé. Et les deux ne sont pas indissociables. Au contraire, ils sont convergents. On estime, et comme c'est bien documenté sur le plan scientifique, que l'économie a un impact important sur la santé, mais également la santé a un impact sur l'économie, et ces démonstrations-là sont faites sur une échelle internationale.

Alors, nous souhaitons également, et vous l'entendrez, vous l'avez sans doute lu, que le secteur agroalimentaire devrait s'assurer d'offrir des milieux de vie et de travail qui sont sains et sécuritaires, et on y revient dans quelques instants. De sorte que nous allons très rapidement aborder quatre dimensions, soit la saine alimentation et les problèmes reliés au poids -- on parle surtout de l'obésité -- l'innocuité des aliments, l'occupation du territoire et la qualité de vie, et bien sûr la sécurité à la ferme, qui est plutôt silencieusement abordée dans le livre vert mais sur laquelle on voudrait insister.

Alors, je commence avec la saine alimentation et les problèmes reliés au poids. Vous le savez sans doute, l'obésité, c'est un problème qui est important au Québec. C'est une priorité gouvernementale qu'on a identifiée à travers le plan d'action gouvernemental sur les saines habitudes de vie et la prévention des problèmes reliés au poids. On a actuellement à peu près 50 % de la population... Je vous donne des chiffres globaux, là. On a autour de 34 % qui ont un surplus de poids et à peu près un autre 20 %, un peu plus que ça même, qui ont de l'obésité. C'est une situation qui augmente beaucoup. Et, dans les 25 dernières années, on a doublé le taux d'obésité au Québec, qui est associé à pratiquement 45 %, sinon plus, des cas d'hypertension, de diabète, 25 % des coronaropathies et au moins 20 % des cancers de l'endomètre, là, et je passe par-dessus tout le reste, situant aussi que ça nous coûte très cher, comme société, pas loin de 1 milliard par année, là, au-dessus de 800 quelques millions de dollars.

Alors, pour nous, c'est important de situer et de vous souligner qu'on croit que l'adaptation des politiques publiques qui sont propres au secteur agroalimentaire à la réalité de l'épidémie de l'obésité, du vieillissement de la population et de l'émergence constante des maladies chroniques permettrait, selon nous, de faire des gains de santé, tout en constituant, comme nous le soulignons, une marque distinctive du projet en y adoptant le sceau de la santé. On n'est pas les seuls à penser ça, c'est documenté de façon internationale. L'Organisation mondiale de la santé souligne l'importance des politiques dans ce secteur-là pour influencer la santé d'une population. Et nous rajoutons que la politique bioalimentaire constitue, pour nous, un outil qui est privilégié de production et de valorisation, bien sûr, des aliments de bonne qualité nutritionnelle. Alors, c'est du champ à l'assiette, la qualité nutritionnelle comme marque distinctive. Vous avez déjà vu ça, et sans doute qu'un de mes collègues a déjà circulé ici pour vous dire que nos préoccupations sont de la fourchette... plutôt de la fourche à la fourchette.

Alors, ceci étant dit, on pense donc que tous les maillons du secteur agroalimentaire, dont les transformateurs, les distributeurs et les restaurateurs, ont un rôle à jouer et peuvent influencer plusieurs aspects importants, que ce soient la disponibilité, le prix et la qualité du nutritionnel des aliments.

Alors, en clin d'oeil, quelques pistes de solution sur lesquelles on pourra mieux aborder à travers vos questions. On pense que le secteur québécois de la transformation devrait être doté à titre d'un environnement qui est propice au développement de produits qui se démarquent par une qualité nutritionnelle qui devrait être irréprochable, autant que faire se peut, et notamment pour l'approvisionnement dans différents secteurs, tels les écoles, les établissements de santé, et c'est déjà enligné de ce côté-là.

La possibilité de compensations financières, pour nous, même si on n'est pas des experts de ce côté-là, nonobstant que ma collègue ici est une économiste experte... mais il y a certainement des dispositifs financiers ou fiscaux qui peuvent être envisagés pour les entreprises qui voudraient minimiser la production de leurs... ou l'utilisation d'intrants comme le sucre, le sel et le gras. Et enfin encourager la disponibilité... plutôt la consommation des fruits et légumes en accroissant leur disponibilité, leur accès et la possibilité d'avoir des marchés publics ou encore de mettre en valeur des kiosques à la ferme. Cela pourrait être considéré.

Je passe sous un autre angle, qui est fort différent, celui de l'innocuité alimentaire. Alors, il y a deux aspects dedans: il y a les pesticides puis il y a la question des... des pesticides, et puis l'autre question, c'est les agents microbiens. J'étais pour dire un autre mot qui aurait choqué quelqu'un en arrière de moi, mais enfin.

Donc, ce sont d'abord les pesticides. On ne peut pas parler, comme vous imaginez bien, d'innocuité sans parler de pesticides. Mon collègue ici va pouvoir détailler si vous le voulez. On sait que nous n'avons pas actuellement des concentrations qui sont alarmantes dans ce que nous mesurons, mais on reconnaît quand même qu'il y a des pesticides qui sont utilisés, qu'il y a des résidus que nous retrouvons régulièrement dans les fruits, les légumes et les aliments qui sont transformés, et on pense que, pour mieux circonscrire...

Le Président (M. Morin): ...

M. Boileau (Luc): Pardon?

Le Président (M. Morin): ...une minute. Il vous reste une...

M. Boileau (Luc): Il me reste une minute?

Le Président (M. Morin): Oui.

M. Boileau (Luc): Ce n'est pas vrai! Si vite que ça?

Le Président (M. Morin): C'est ça.

M. Boileau (Luc): Une minute?

Le Président (M. Morin): C'est 10 minutes, votre présentation.

M. Boileau (Luc): J'ai-tu déjà fait neuf minutes? Bien, Pierre-Luc, là, vraiment, je vais le ramener. Alors, je pensais que j'avais fait cinq minutes, six minutes, mais enfin. Je vais donc accélérer.

Les pesticides, on pense qu'en termes de recommandation on devrait s'assurer de bonifier et de rendre plus accessible aux professionnels de la santé le programme québécois de surveillance des résidus et des pesticides et qu'il y a moyen d'accentuer la prévention au niveau de l'exposition des pesticides et des traumatismes en milieu agricole.

Pour les agents microbiens, donc les bibittes, là, de ce côté-là, on pense qu'on devrait favoriser une offre toujours plus sécuritaire. Et vous reconnaîtrez sans doute l'importance des problèmes qui des fois émergent de façon soit locale ou internationale: le E. coli, le Listeria. Donc, il y a des choses, de ce côté-là, à nous assurer, tant dans la transformation que la préparation visant...

Le Président (M. Morin): Je vais vous donner quelque temps, là. Allez-y.

M. Boileau (Luc): Ah! merci. J'imagine que vos collègues vous influencent positivement dans...

Le Président (M. Morin): Vous avez parlé de Pierre-Luc au début. Vous avez grugé de votre temps avec Pierre-Luc.

M. Boileau (Luc): Oui, ça doit être ça, mais je pensais que ça ne comptait pas.

Le Président (M. Morin): Bien, c'est pour ça que je vous redonne du temps un petit peu.

M. Boileau (Luc): Puis on va...

Le Président (M. Morin): Allez, on ne perd pas de temps.

M. Boileau (Luc): Bon, O.K. Parce que je ne sais pas si mon président de conseil d'administration est en arrière, mais, s'il est là, là, je vous remercie beaucoup d'être gentil avec moi.

Le Président (M. Morin): Je vous l'avais dit.

M. Boileau (Luc): Oui. Alors donc, on pense qu'il faudrait faire l'éducation alimentaire, particulièrement auprès de certains groupes cibles, les femmes enceintes, les personnes immunosupprimées, les personnes âgées -- je vous parle toujours de l'enjeu des agents microbiens -- mais on devrait aussi accentuer et continuer de poursuivre les initiatives qui sont internationales ou pancanadiennes sur la traçabilité des aliments. Ceci est important pour bonifier et améliorer la biosurveillance des toxi-infections alimentaires.

L'occupation du territoire, vous en parliez précédemment, alors vous en faites un enjeu central dans le livre vert, et on pense qu'il s'agit là certainement d'une bonne idée. Mais de ce côté on pense que la production agricole peut effectivement avoir un rôle mobilisateur et des retombées positives sur la qualité de vie des communautés rurales. Mais en même temps, et ça a été souligné, elle peut entraîner des effets négatifs qui sont associés à des tensions sociales et des conflits d'usage qui peuvent survenir ou surgir surtout autour des activités agricoles, comme vous le savez, les odeurs, les poussières, les insectes, etc., le trafic.

Alors, de ce côté-là, il y a plusieurs mesures qui sont susceptibles d'améliorer et de contribuer à une véritable intégration des dimensions sociales à la politique, et en ce sens-là on pense qu'on peut compter sur le soutien particulier de certaines avancées, par exemple de faire en sorte d'utiliser des services adaptés au milieu agricole, que ce soient des services sociaux ou parascolaires, pour les gens qui sont dans l'exercice... dans le secteur bioalimentaire, et la mise en valeur de leurs propres productions par des circuits courts.

Le développement rural ou communautaire, il y a des mesures qui sont jugées efficaces pour le favoriser, tels que les pactes ruraux, les programmes villes et villages en santé, et nos expertises ici en témoignent, et on en a rendu compte dans le mémoire. Et bien sûr il y a des mesures qui visent à prévenir ou résoudre des conflits qui peuvent arriver, et encourager le dialogue constructif. Ça a l'air simple de dire ça, mais ça fonctionne, et de ce côté on pense qu'on devrait insister à nouveau là-dessus.

**(11 h 20)**

Le livre vert est plutôt absent, en fait il est absent, sur la scène de la sécurité à la ferme comme milieu de travail mais aussi comme milieu de vie. On veut juste vous rappeler que c'est un environnement qui compte beaucoup de risques. On a des données qui pourraient vous permettre de croire qu'on augmente le risque de mortalité déjà de... pourrait aller jusqu'à 50 % de plus pour les gens qui sont exposés dans ce milieu-là. Alors, c'est un secteur économique qui est certainement parmi les plus visés comme risques de traumatologie, de traumatismes. Alors, pour faire en sorte que les Pierre-Luc mais les gens aussi qui travaillent puissent continuer à y oeuvrer, et faciliter l'attrait puis le recrutement, on devrait, nous croyons, continuer à cibler de façon spécifique les traumatismes de même que l'exposition aux pesticides pour l'ensemble du milieu agricole, les travailleurs, les producteurs et leurs familles également.

Et nous croyons qu'il y a des mesures qui pourraient être prises pour les producteurs qui pourraient être rejoints, surtout les plus petits producteurs et ceux qui n'ont pas accès aux services de la CSST directement ou encore qui sont plus difficiles à rejoindre pour l'UPA. Il y aurait des choses à faire de ce côté-là et il y a différentes initiatives qui peuvent être prises, comme l'adoption de technologies pouvant réduire les risques sur la protection des tracteurs, la protection des pièces en mouvement et autres technologies qui y sont associées.

Écoutez, je conclurais en vous disant que... D'abord, merci encore de nous avoir permis d'être reçus et de pouvoir répondre à vos questions. Nous en serions ravis. Et nous n'avons situé que quelques-uns des enjeux. Il y a plusieurs autres enjeux qui ont un impact sur la santé, que nous n'abordons pas dans notre livre... dans notre mémoire, mais nous croyons que ce que nous vous avons situé devrait avoir un impact positif sur le secteur agroalimentaire et la population en général du Québec. L'important, pour nous, c'est vraiment d'insister sur le fait que, oui, il y a un sceau santé qui pourrait être plus visible et plus distinctif dans ce projet-là. Et je vous remercie de m'avoir écouté.

Et sans doute que vous aurez l'occasion de vérifier aussi que je ne connais pas tout de ce secteur-là. L'Institut national est une grande organisation qui compte beaucoup d'expertise, et c'est pour ça que je suis très heureux de compter sur mes collaborateurs ici et de les remercier d'emblée, eux et les autres, à avoir aidé à la production de ce mémoire. Merci beaucoup.

Le Président (M. Morin): M. Boileau, merci. M. le ministre.

M. Corbeil: Merci, M. le Président. Merci, M. Boileau et les gens qui vous accompagnent. Vous comprendrez que le MAPAQ partage l'avis de l'Institut national de santé publique à l'effet que l'alimentation constitue un facteur de première importance dans la santé de la population et que dans l'avenir les exigences des consommateurs à l'égard de la sécurité des aliments et de leur valeur nutritionnelle vont croître. C'est la lecture qu'on fait, qui est exprimée dans le document que vous avez commenté dans votre mémoire, qu'un lapsus tantôt vous a amené à identifier comme étant un livre.

Moi, je voudrais juste essayer de replacer les choses. Et je vous remercie d'attirer notre attention sur l'élément sécurité à la ferme comme milieu de travail et milieu de vie. C'est bien entendu que, quand on essaie d'élaborer une politique comme ça, il y a bien des gens qui vont intervenir et qui voudraient que ce soit une politique alimentaire, une politique de développement régional, une politique environnementale. Bien entendu, notre approche est plutôt à caractère économique. Et, en intégrant... l'ensemble de cette oeuvre-là se veut une politique de développement durable.

Ça m'amène à vous poser justement: Quelle distinction feriez-vous entre le rôle du MAPAQ et celui du ministère de la Santé et des Services sociaux au regard de ces deux types d'intervention et de leur nécessaire complémentarité? Quand je parle de type d'intervention, c'est notre intervention sur l'aspect économique du secteur sur l'apport au milieu, aux producteurs, aux transformateurs, aux distributeurs, aux consommateurs, etc., dans la chaîne de la terre ou de la mer à la table, et versus les gens de votre organisme ou du ministère, qui, eux, ont un aspect sécurité, santé, saines habitudes de vie auquel on travaille en complémentarité. J'aimerais juste savoir comment on fait pour distinguer les rôles des deux entités.

M. Boileau (Luc): En fait...

Le Président (M. Morin): M. Boileau.

M. Boileau (Luc): Excusez-moi. M. le ministre et M. le Président, je le soulignais au début, les habitudes de vie et l'état de santé de la population du Québec n'est pas tributaire des actions du ministère de la Santé et des Services sociaux. Il est tributaire de plusieurs dimensions qui peuvent se rattacher à plusieurs lignes d'intérêt dans l'appareil gouvernemental. Le meilleur exemple, c'est plan d'action gouvernemental sur les saines habitudes de vie et la réduction des problèmes liés au poids, qui ne situe pas une contribution unique du ministère de la Santé et des Services sociaux, mais qui interpelle tous les autres secteurs qui peuvent y être associés, éducation, transport, économique, travail, etc., et le secteur bioalimentaire. Alors, le ministère de la Santé, comme outil de résonance gouvernementale, va s'intéresser à prendre en charge les problèmes de santé qui y sont associés. Alors, s'il y a une toxi-infection alimentaire, c'est évidemment dans notre secteur qu'on va s'en occuper.

Nous, on a aussi des réseaux d'expertise. L'Institut national de santé publique détient en son sein le laboratoire national de santé publique, donc qui est en mesure de couvrir le champ de lecture des problèmes qui arrivent, des problèmes de santé qui arrivent. Mais là, ici, on parle d'un angle de prise qui serait beaucoup plus lié à la prévention et à la capacité de faire intégrer des politiques de santé et des politiques économiques, des politiques sectorielles ensemble pour favoriser un impact plus positif.

Le ministère que vous dirigez a des responsabilités que vous connaissez fort bien. On pense que dans certains domaines, par exemple celui... Vous soulignez la complémentarité qu'il peut y avoir, mais, dans le domaine, par exemple, de l'innocuité au niveau des résidus de pesticide, nous, on tirerait bénéfice d'avoir plus accès à l'information, au niveau de l'Institut national de santé publique, dans l'appareil du ministère de la Santé et des Services sociaux, pour mesurer le risque relatif qui peut être encouru ou monitorer, si vous voulez, l'impact possible, sur la santé, de la consommation de produits dans lesquels on retrouve des résidus. Puis je ne veux surtout pas souligner aujourd'hui qu'on est inquiets de ça, ce n'est pas le cas. C'est juste de s'assurer qu'on est capables de suivre ça.

Par rapport aux problèmes liés au poids, bien c'est sûr que ça ne peut pas être juste le ministère que vous dirigez qui soit responsable de la consommation des aliments au Québec. Les gens ont des choix à faire. Ils ont des environnements qui leur sont plus ou moins propices pour faire certains choix, il y a une question de prix, etc. Mais les leviers que nous soulignons ici devraient être utilisés pour encourager idéalement une progression des assiettes, devant nous, qui sont les plus favorables à de saines habitudes de vie.

Si vous me permettez, M. le Président, je laisserais mes deux collègues compléter sur certains aspects.

Le Président (M. Morin): Monsieur...

Mme Gervais (Catherine): ...

Le Président (M. Morin): Un instant, madame. Oui, allez-y.

Mme Gervais (Catherine): Pardon. Excusez-moi. Juste un petit mot pour ajouter que, dans le fond, au niveau de la saine alimentation, il ne faut pas oublier que tous les maillons de la chaîne alimentaire... agroalimentaire ont un rôle à jouer parce qu'ils peuvent avoir une influence sur le prix, la disponibilité ou la qualité nutritionnelle des aliments. Ça, c'est un levier d'action qui vous est propre et qui n'est pas nécessairement celui du ministère de la Santé.

Ceci étant dit, en santé on connaît très bien les besoins de la population. On sait qu'en majorité on mange trop salé, on mange un peu trop gras, on ne mange pas assez de fruits et légumes, pas assez de fibres alimentaires, et ça, c'est des éléments qu'on a soulignés à plusieurs reprises et qui pourraient nécessiter une collaboration plus étroite entre nos deux organisations.

Le Président (M. Morin): Merci. M. Samuel.

M. Samuel (Onil): Bien, un exemple de complémentarité intéressant, important, où le ministère de la Santé, le ministère de l'Agriculture et le ministère de l'Environnement sont fortement impliqués depuis quelques années, c'est la Stratégie phytosanitaire québécoise, où le constat des besoins en matière d'utilisation rationnelle et sécuritaire des pesticides est fait par l'ensemble des acteurs. On a fait un énorme travail, depuis quelques années, mais dans une stratégie qui, selon moi, gagnerait énormément à être inscrite dans une politique au Québec. Actuellement, on a différents pays qui viennent voir qu'est-ce qu'on a fait. On a rencontré des gens d'Europe récemment qui venaient voir qu'est-ce qu'on fait au Québec. La Stratégie phytosanitaire, les outils qu'on a développés en collaboration sont des exemples, et je pense qu'on a tout intérêt à les inscrire, à inscrire ce cheminement-là, d'autres actions dans une politique qui va renforcer tout le travail déjà fait en collaboration.

M. Boileau (Luc): M. le Président.

Le Président (M. Morin): Oui, monsieur.

**(11 h 30)**

M. Boileau (Luc): Je me permettrais juste de rajouter, pour répondre à la question de façon plus spécifique, qu'il y a des responsabilités qui sont différentes d'un ministère à l'autre. Il y a d'autres juridictions dans le monde qui agglomèrent les responsabilités différemment. Les instituts nationaux de santé publique qu'on retrouve sur la planète, dans plusieurs autres endroits, font beaucoup ce que le MAPAQ fait en termes de surveillance de la production alimentaire, etc. Nous, notre lecture n'a pas été de modifier ça, pas du tout. On pense que la formulation des responsabilités, elle est correcte en ce moment, donc on ne la remet pas en question. C'est juste d'utiliser les leviers qui sont disponibles dans le livre vert et les responsabilités pour atteindre ce qu'on vient de souligner.

Le Président (M. Morin): M. le ministre.

M. Corbeil: Je reçois l'offre de collaboration qui existe déjà et l'invitation à aller davantage dans cette direction-là sous un angle de complémentarité dans nos actions de prévention, de sécurité justement pour éviter d'amener trop de monde à notre système de santé.

D'après vous, quelles seraient les mesures à promouvoir pour éviter que les objectifs de développement économique qui sont intrinsèques à la politique bioalimentaire ne soient en contradiction avec ceux visant le maintien de la santé de la population? Est-ce que vous avez des orientations à nous donner en disant: Il faudrait peut-être mettre du... Si on parle d'écoconditionnalité en termes d'aide gouvernementale par rapport à l'environnement, est-ce qu'on devrait regarder ça sous l'angle de la santé aussi?

Le Président (M. Morin): M. Boileau.

M. Boileau (Luc): M. le Président, est-ce que Mme Gervais peut...

Le Président (M. Morin): Allez-y, Mme Gervais, si vous avez le goût de répondre.

Mme Gervais (Catherine): Merci. En termes d'écoconditionnalité, c'est sûr, je vais laisser mon collègue répondre, mais, au niveau des saines habitudes de vie, on a eu la lecture dans le livre vert qu'il y avait un intérêt de doter l'industrie d'un environnement d'affaires favorable. Nous, on croit que doter l'industrie d'un environnement d'affaires favorable, ça veut aussi dire de la doter d'un environnement d'affaires qui lui permette de développer et de valoriser la qualité nutritionnelle dans leurs produits. C'est pour ça qu'on a suggéré de mettre en place différentes mesures. Est-ce que ça peut être des subventions de recherche et développement? Est-ce que ça peut être des aménagements fiscaux? Est-ce que ça peut être des programmes de financement de gestion de risques? Mais il y a un éventail d'outils économiques qui peuvent y répondre, à cet intérêt qui a été soulevé dans le livre vert et aussi à des éléments de santé, parce qu'il ne faut pas se cacher qu'il y a une demande énorme pour les produits alimentaires de qualité nutritionnelle irréprochable, pas juste ici, sur nos marchés locaux, mais aussi à l'international. Tous les pays industrialisés font face à des problèmes d'obésité, et maintenant on se rend compte que ces problèmes-là se retrouvent aussi dans les économies en émergence, en Inde, en Chine, ce qui veut dire qu'il y a un besoin qui n'est actuellement pas comblé par l'industrie agroalimentaire.

Le Président (M. Morin): M. Boileau.

M. Boileau (Luc): Moi, j'inviterais, si vous me permettez, M. le Président, M. Samuel à rajouter, mais juste, des fois, quand on regarde ça, on se dit... Puis le livre vert va dans ce sens-là, en termes de leviers économiques pour favoriser la production. Et, les gens, des fois, on les entend souligner le fait que... Bien, écoute, la production au Québec doit répondre aux besoins. En fait, c'est que je pense que les gens veulent plus répondre à la demande de produits qu'aux besoins, parce que, si on regardait les besoins spécifiquement liés aux problèmes de santé qu'on a... Puis tantôt je vous disais, là, en introduction, qu'on augmente de six heures par jour l'espérance de vie. Les données nous montrent que pour la première fois il serait possible que la génération qui nous suit ait une espérance de vie plus réduite que la nôtre, qui ne serait pas dû à des conflits guerriers, là, qui serait dû à des problèmes d'épidémie d'obésité et de modification des habitudes de vie, entre autres, et notamment liés à la disponibilité des produits alimentaires, qui ne sont pas nécessairement de la qualité recherchée pour assurer une bonne continuation de notre croissance de santé. Alors, je ferme la parenthèse puis je demanderais, si vous me permettez, à M. Samuel de rajouter.

Le Président (M. Morin): Vous allez devoir faire ça assez vite, il ne vous reste pas tout à fait une minute.

M. Samuel (Onil): Dans notre mémoire, on a parlé de santé-conditionnalité plutôt que d'écoconditionnalité. Et on a l'impression qu'on a un constat que le milieu agricole est en accord avec les besoins de rationaliser, par exemple, les risques à la santé, que ce soit au niveau traumatismes, au niveau utilisation des pesticides. Et ce que les gens nous disent souvent, c'est qu'on aimerait faire une transition, améliorer notre position en matière de prévention, en matière de diminution des risques, mais on a besoin d'aide pour aller vers là. Donc, on est d'accord pour faire des efforts pour améliorer les choses, mais on a besoin d'un certain soutien. Bon, considérant... quand on parlait d'éco-santé-conditionnalité, on voyait de bon augure que, lorsqu'on attribue des subventions, peu importe, au milieu agricole, qu'on tienne compte de ce volet-là d'apport à la santé. Ce ne sont pas toutes les actions qui peuvent être redevables d'éco-santé-conditionnalité, mais on croit que ça serait un bon moyen de mobiliser la population agricole à faire des gains en matière de prévention pour la santé et l'environnement.

Le Président (M. Morin): Oui. Juste un instant.

M. Corbeil: Je lis le document, j'entends vos réponses. J'aurais envie de vous poser la question qui me brûle les lèvres: Avez-vous du budget additionnel pour nous aider à réaliser cette politique bioalimentaire là au-delà des actions qu'on fait conjointement dans la stratégie phytosanitaire?

M. Boileau (Luc): Je vais juste checker, là. Non, pas en ce moment. Mais, M. le Président, nous...

M. Corbeil: Vous n'avez pas l'air à avoir beaucoup de problèmes de ce côté-là, à ce que je constate ici, là.

M. Samuel (Onil): Oh! Ça, je n'oserais pas... Il faudrait que j'invite mon ministre, M. Bolduc, pour vous répondre, mais je crois que nous ne sommes pas ici dans une dynamique où on pourrait vous transférer de l'argent, et l'institut... Vous auriez raison de dire: Écoutez, c'est assez facile à dire. Mais, l'analyse économique plus poussée autour de ça, nous ne l'avons pas faite. Nous croyons toutefois que c'est quelque chose qui devrait être analysé et, à la réflexion que vous en ferez, pourrait trouver là un motif et économique et sanitaire d'être implanté. Mais on n'a pas osé. D'abord, vous suggérez de transférer nos maigres ressources, comme vous le soulignerez certainement de votre côté aussi, mais nos capacités aussi, de ce côté-là, analytiques sont limitées. Cependant, il y a d'autres juridictions qui ont déjà utilisé ça et il y a des moyens qui existent et qui sont favorables à ça. Et ce qu'on sait pour les habitudes de vie, ce n'est pas une question uniquement d'éducation de nos citoyens, c'est aussi une question de modification des environnements. Et la promotion de la santé, ça ne se fait pas avec juste une mesure, ça se fait avec plusieurs mesures et aussi des mesures économiques, des mesures incitatives, des mesures de cette nature-là. Alors, c'est dans cette globalité-là qu'il faut rechercher des zones d'innovation et qui peuvent avoir une telle influence.

Le Président (M. Morin): Merci, M. Boileau. M. le député de Kamouraska-Témiscouata, vous avez gagné deux minutes. Vous avez 12 minutes.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci beaucoup, M. le Président. Alors, Dr Boileau, Mme Gervais, M. Samuel et votre équipe, alors bienvenue. Merci de nous avoir fait cette présentation et le mémoire.

Comme le temps est précieux, je vais aller vraiment plus directement sous le volet, qu'on n'a pas beaucoup abordé mais que vous avez souligné, l'occupation... pas l'occupation, j'aime moins le mot, «l'occupation», ça fait un peu militaire, là, mais habiter notre territoire et la qualité de vie. En 2006, le gouvernement a décidé de se questionner sur tout le secteur, puisque c'est un secteur qui était en crise et qui est toujours en crise dans... Ça va bien à la fois dans... On se comprend, là, tout n'est pas noir, mais il reste que c'est difficile. Et ce n'est pas pour rien qu'il y a eu cette réflexion. Il y a de la détresse psychologique importante.

Vous abordez dans votre mémoire l'aspect plus technique des choses: sécurité à la ferme. C'est toujours plus aisé et plus facile d'aborder cette question. Vous en parlez mais de façon plus retenue. Il y a eu un organisme qui s'est mis en place, Au Coeur des familles agricoles, qui tente de convaincre les CLSC de s'approcher de nos agriculteurs, de nos agricultrices, qui vivent des drames, pour beaucoup. Cet aspect-là est important parce que c'est la qualité de vie, le milieu. Est-ce que, du point de vue de l'Institut de la santé publique, c'est un élément, il y a du travail qui se fait à cet égard, ou c'est laissé plus au secteur social?

M. Boileau (Luc): Bien, écoutez, je peux peut-être débuter une réponse, M. le Président. J'ai invité M. Louis Poirier, si vous me permettez, qui pourrait donner un élément complémentaire.

En fait, les problèmes de sécurité, vous les avez soulignés, il y a quelque chose de ce côté-là, les problèmes de sécurité peuvent amener aussi des préoccupations en termes de stress ou de détresse psychologique. Les données qu'on a jusqu'à maintenant nous montraient qu'on avait un écart au Québec sur certains éléments liés. Je vais prendre un indice, qui est le taux de suicide chez les personnes oeuvrant dans le milieu agricole. On avait remarqué, il y a certaines années, qu'on avait des taux qui étaient plutôt... qui étaient différents de ce qu'on retrouvait ailleurs au Canada. Nos taux étaient un petit peu plus élevés, si je me souviens bien, à ceux qu'on observait dans la population générale, à l'exception... différemment, plutôt, de ce qu'on retrouvait dans le reste du Canada. D'autres études nous ont amenés... Notamment, il y avait une revue de la littérature, qui a été faite il y a quelques années -- ça date quand même d'il y a six ans, là, c'était... ou sept ans maintenant, aujourd'hui, là, l'International Journal of Social Psychiatry -- qui montrait qu'il n'y avait pas vraiment d'évidence que le milieu agricole souffrait de problèmes de santé mentale supérieurs pour les agriculteurs. Mais ce n'est pas une étude spécifique au territoire québécois. Mais vous soulignez une zone qui était dans un esprit de préoccupation légitime.

J'ai été, dans ma vie antérieure, directeur de la santé publique de la Montérégie, et on avait fait des études qui nous montraient qu'il y avait là des préoccupations importantes et qui étaient, entre autres, liées à la tension sociale qui pouvait se vivre aussi chez certains producteurs dans leur environnement communautaire. Et voilà. Donc, on n'a pas vraiment d'indice actuellement d'une accentuation d'un problème ou d'une détérioration de la situation à certains égards, mais on a quand même certaines préoccupations par rapport à l'occupation du territoire et les problèmes d'intégration. Et là-dessus, M. le Président, si mon collègue pouvait rajouter une dimension...

**(11 h 40)**

Le Président (M. Morin): M. Poirier.

M. Poirier (Louis): Oui. Merci pour la question. C'est un sujet effectivement qui nous préoccupe par d'autres volets. En développement des communautés, c'est une question qui nous préoccupe. Et, pour reprendre un peu la première question de M. le ministre, quand on parlait d'une approche de développement durable, il faut qu'il y ait une cohérence entre le développement économique, le développement social, l'environnement, et c'est de la convergence, là, des efforts dans chaque domaine que va émaner la santé, la santé des communautés, la santé des personnes aussi.

Le projet que vous mentionnez, la démarche d'Au Coeur des familles agricoles, c'est un projet auquel on est associés, qu'on connaît bien. Il y a un laboratoire rural actuellement, là, qui est mené avec la Direction de santé publique de la Montérégie, qui a bien fait ressortir effectivement qu'il y avait des surplus de détresse et même de pensées suicidaires, là, au niveau des agriculteurs. Ceci dit, ce qu'on constate aussi souvent, c'est qu'on est dans un modèle un peu où la production agricole et la vie des communautés, la vie des villages est un peu comme en opposition, c'est-à-dire qu'un se fait parfois au détriment de l'autre. Vous avez eu un témoignage il y a deux jours, là, du maire de Saint-Mathieu... Saint-Marcel-de-Richelieu, qui était assez clair, là, par rapport à ce type de problème là. Mais il y a des choses à faire aussi. Au coeur de santé agricole travaille actuellement sur son laboratoire rural, dans une approche pour intervenir directement sur les producteurs agricoles, là, pour traiter le problème de détresse.

Mais en même temps il y a du travail qui se fait avec des villages pour amener des collaborations, amener la création de solidarités entre les producteurs agricoles et les villages, les membres de la communauté, donc réintroduire les agriculteurs, leur donner un même sentiment d'appartenance, là, de part et d'autre, de partager. On parlait de Saint-Marcel-de-Richelieu. La municipalité voisine, de Massueville, a des activités qui vont dans ce sens-là. Par exemple, il y a une fête, il y a une fête des récoltes, à l'automne, qui permet de réunir, d'amener dans le coeur du village, à la fois les producteurs et les gens du village. Il y a beaucoup de choses qu'il se fait. J'ai été associé pendant des nombreuses années au Réseau québécois de villes et villages en santé, que plusieurs d'entre vous peuvent connaître, et il y a beaucoup de choses qui se font au niveau des communautés pour créer de l'appartenance, créer de la solidarité, et ça crée de la santé. Et ça, c'est un champ, là, qui est couvert à l'institut.

Le Président (M. Morin): Continuez, M. le député.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Dans un autre domaine, produits importés et résidus traces, est-ce que vous exercez, comme institut, une vigie? Sinon ou si oui, je ne sais pas, est-ce qu'on en fait suffisamment en termes de protection ici, au Québec? Parce qu'on sait qu'on ne contrôle pas aux frontières, hein, c'est d'instance fédérale. Il y a une préoccupation. Ça ressort beaucoup aussi, en disant: Ce n'est pas les mêmes normes qu'on exige en termes d'environnement et de développement. Mais très concrètement est-ce qu'on a... avez-vous une inquiétude, avez-vous une préoccupation à l'égard des produits importés?

Le Président (M. Morin): C'est... Qui répond? M. Boileau?

M. Boileau (Luc): Bien, écoutez, je vais commencer la réponse. On n'a pas un service spécifique de cela, à l'Institut national de santé publique, au niveau de la surveillance alimentaire et de la surveillance au niveau de l'innocuité, par exemple. C'est parce que je comprends que vous situez là des problèmes au niveau des pesticides mais également au niveau des agents bactériens, donc, par exemple, qu'on retrouvait, là, les préoccupations sur le E. Coli, listériose, tout ça. On n'a pas une responsabilité spécifique, à l'institut, liée à cela. Maintenant, je vais vérifier si mes collègues ont des études sur des préoccupations qu'on pourrait avoir là-dessus, sur les produits importés, spécifiquement, que vous soulignez, si vous êtes d'accord.

M. Samuel (Onil): On n'en a pas...

Le Président (M. Morin): M. Samuel. Allez-y.

M. Samuel (Onil): On n'a pas de données spécifiques sur les produits importés. Par contre, si je prends le volet pesticides, par exemple, on sait qu'au Québec on a fait une étude il y a quelques années où on observait des résidus de pesticides, chez les enfants, relativement élevés, beaucoup plus élevés que ce qu'on pouvait retrouver dans des études, que ce soit en Europe, aux États-Unis, tout ça. Et depuis on se pose la question à savoir pourquoi. Et, le pourquoi, pour nous, sur les pesticides, on pourrait peut-être y répondre si on avait, par exemple, les données de résidus de pesticides au Québec. On sait qu'il y a une étude comparative qui a été faite récemment par le MAPAQ et l'Agence canadienne d'inspection des aliments, mais on n'a pas accès à ces données-là. Quand on parlait, dans notre mémoire, de peut-être ouvrir, d'être un peu plus transparent au niveau des données, ça nous permettrait sûrement de voir est-ce que le problème, il vient de l'extérieur, est-ce qu'il vient du Québec, pourquoi nos enfants seraient plus exposés, par exemple.

Donc, l'inquiétude, pour nous, pour les pesticides, se place à ce niveau-là. Si c'est en raison des niveaux très élevés des produits qui viennent de l'extérieur, bien il y a peut-être lieu à ce que la politique aborde les normes et soit peut-être plus sévère ou contrôle davantage ce qui nous arrive de l'extérieur.

M. Boileau (Luc): M. le Président, si vous me...

Le Président (M. Morin): Oui, M. Boileau.

M. Boileau (Luc): M. le Président, si vous permettez, il y a Dr Dion qui pourrait avoir une information complémentaire aussi. Puis je vous souligne que c'est vraiment pour être poli avec ces gens-là que je leur permets de... parce que tout ça, je le sais tout, là.

Le Président (M. Morin): Ah oui? Bravo, M. Boileau. Oui, monsieur...

M. Dion (Réjean): Disons que je vais être...

Le Président (M. Morin): Dr Dionne.

M. Dion (Réjean): Oui, c'est Réjean Dion, mon nom.

Le Président (M. Morin): Dion.

M. Dion (Réjean): Je vais être succinct pour la réponse.

Le Président (M. Morin): Oui, s'il vous plaît.

M. Dion (Réjean): Pour la question des produits importés, c'est essentiellement de juridiction fédérale, donc on n'a pas énormément d'influence de ce côté-là. Par contre, on sait qu'il peut y avoir des problèmes de nature infectieuse et des épisodes de toxi-infections alimentaires collectives. Je vous invite à regarder à l'intérieur du mémoire. On donne quelques exemples. Ça peut être des produits importés pas seulement des pays en voie de développement, mais aussi des États-Unis. Donc, il y a eu quelques épisodes récurrents associés à des produits frais, entre autres les fruits et les légumes. Et donc c'est une problématique qui fait que, quand ces épisodes-là surviennent, il y a des interventions qui sont faites pour réussir à confirmer le véhicule alimentaire responsable, en collaboration avec le MAPAQ et aussi avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'Agence de santé publique du Canada. On peut remonter la chaîne, et à ce moment-là il y a des liens avec le pays de provenance du produit, entre autres les États-Unis, les CDC d'Atlanta et des organismes au niveau de la salubrité alimentaire et de la santé animale. Donc, ce problème-là arrive de façon fréquente. On est un monde où il n'y a pas de frontière, il y a un mondialisation du commerce et des échanges, donc c'est une question qui est un peu normale, qu'on doit vivre actuellement.

Le Président (M. Morin): Merci, monsieur. M. le député de Kamouraska-Témiscouata...

M. Boileau (Luc): ...M. le Président...

Le Président (M. Morin): Oui, M. Boileau.

M. Boileau (Luc): ...nous n'avons pas une très grande augmentation des problèmes de santé et importés et produits chez nous, à partir de nos productions. Autrement dit, quand on surveille le système de santé, l'incidence des problèmes de toxi-infection alimentaire, etc., ou des problèmes liés aux pesticides, qui sont très rares, parce que c'est plutôt les résidus, puis là on peut avoir des préoccupations à long terme, ce n'est pas une intoxication aiguë, ça arrive à l'occasion mais rarement, on n'est pas dans une situation où on vient situer qu'il y a une augmentation dramatique puis on est à risque. On n'est pas là. Par contre, il faut continuer la surveillance, et l'élément de la traçabilité, tant chez nous qu'ailleurs, devient très importante.

Le Président (M. Morin): Juste un commentaire, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Oui. Alors, un commentaire, je comprends que dans votre intervention, M. Samuel, vous dites qu'il y a des analyses qui sont faites, dont l'information est détenue par le MAPAQ et l'ACIA, et à partir de laquelle vous n'avez pas accès. C'est ce que vous avez dit, ce que j'ai compris?

M. Samuel (Onil): On a...

Le Président (M. Morin): Oui, M. Samuel.

M. Samuel (Onil): Pardon. Depuis le dépôt de notre mémoire, en fait de l'avis qui a précédé le mémoire, les données fédérales sont devenues accessibles. Par contre, les données du Québec ne sont pas accessibles, et ça serait d'une grande utilité pour nous pour essayer de répondre aux hypothèses qu'on pose en termes de pourquoi les enfants québécois pourraient être plus exposés. Les données fédérales sont disponibles, mais par contre c'est un peu un mélange de toutes les données canadiennes, donc ne nous permettent pas de faire des évaluations pour la situation québécoise en particulier. D'avoir accès aux données québécoises, ça serait d'une grande importance, effectivement.

Le Président (M. Morin): Oui. Compte tenu que c'est un dossier assez sérieux, M. le ministre, vous avez...

M. Corbeil: Bien, tout simplement pour rassurer monsieur, ces données-là vont être disponibles en 2012 pour le Québec, à partir de tout le magma d'informations pancanadiennes. On est à faire le triage québécois et on va vous tenir informés, ne soyez pas inquiets.

Le Président (M. Morin): Merci, M. le ministre. Terminé. M. le député de Beauce-Nord.

**(11 h 50)**

M. Grondin: Merci, M. le Président. Bonjour à vous tous. Ça va être un peu dans le même sens. Je suis surpris un peu que vous me dites qu'au Québec... que les enfants sont plus malades, en tout cas, qu'ils ont plus de dangers, là, vous retrouvez des traces de je ne sais pas trop quoi, de pesticides ou... Mais c'est parce qu'au Québec, à l'heure actuelle, moi, si on regarde qu'est-ce qui se passe aux États-Unis, qu'est-ce qui se passe dans d'autres pays, on a une réglementation environnementale -- on se le fait dire par les agriculteurs, et j'en suis un, là -- beaucoup plus sévère qu'ailleurs. Je regarde juste la traçabilité des... Quand on a eu la crise de la vache folle, au Québec, on paie... on a la traçabilité de tous les animaux qui sont vivants et puis on n'avait pas de... les animaux qui ont été retrouvés malades n'étaient pas au Québec. Mais, vous savez, on a eu un impact négatif, au Québec, énorme puis on payait déjà et on avait le système. Alors, moi, la question que je me pose, c'est: Quand on fait une réglementation, que ça soit sur les pesticides, que ça soit sur la santé animale, les produits qu'on ne doit pas soigner les animaux avec ça, nos voisins, il faudrait qu'ils aient la même chose. Si on n'a pas la même chose, ça nous donne quoi d'imposer ça à nos producteurs?

Le Président (M. Morin): M. Boileau.

M. Boileau (Luc): M. le Président, je veux juste recadrer ça parce que c'est fondamental, cet aspect-là. Nos enfants ne sont pas plus malades, là. Ce n'est pas une question de maladie, ils ne sont pas plus malades. C'est juste qu'on a certains indices, dans certaines études, qui montrent que, la présence de pesticides ou de résidus, on la retrouve un petit peu plus chez nos enfants qu'ailleurs mais qu'ailleurs par rapport à dans le temps puis par rapport à d'autres études qu'on a. Mais ce n'est pas qu'ils sont plus malades. Ce niveau de risque là associé à un taux de consommation de pesticides, les données scientifiques ne sont pas absolues là-dessus. Il y a beaucoup de progression scientifique à faire de ce côté-là. Mais on ne veut surtout pas souligner, ni dans notre mémoire ni dans notre présentation, que nos enfants sont plus malades ou sont plus à risque. Parce que le niveau de risque, quel est-il? Là, on aurait besoin d'avoir plus d'informations, et la disponibilité des données d'ailleurs va nous permettre de faire une meilleure jonction de l'information.

Et, si vous me permettez, M. Samuel, en quelques secondes, j'ai l'impression, là...

Le Président (M. Morin): Oui, M. Samuel, très, très court parce qu'on a dépassé.

M. Samuel (Onil): Ça reste directement dans le même sens. On a fait un constat d'exposition, mais, toutes les conséquences de cette exposition-là, on ne les connaît pas. C'est strictement à titre préventif qu'on veut essayer de répondre à nos hypothèses et essayer de voir pourquoi il y a une exposition, mais ça n'a aucun lien avec une... en tout cas, pour le moment, à une maladie ou un niveau de risque à la santé supérieur pour les enfants québécois.

Le Président (M. Morin): M. Boileau, on...

M. Boileau (Luc): Et ce n'est pas nécessairement que l'exposition vient du Québec.

Le Président (M. Morin): On a terminé, M. Boileau. Merci beaucoup, Mme Gervais, M. Boileau, M. Samuel. Et j'inviterais à se présenter à la table la Fédération québécoise des producteurs de fruits et légumes de transformation.

Je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 53)

 

(Reprise à 11 h 56)

Le Président (M. Morin): Nous allons reprendre nos travaux immédiatement, compte tenu de l'heure. M. le ministre a un conseil des ministres.

Donc, nous recevons la Fédération québécoise des producteurs de fruits et légumes de transformation. M. Lacoste, le président, je vous prierais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent et de nous présenter votre mémoire.

Fédération québécoise des producteurs de fruits
et légumes de transformation (FQPFLT)

M. Lacoste (Claude): À ma gauche, j'ai le vice-président de la fédération, M. Pascal Forest.

M. Forest (Pascal): Bonjour.

M. Lacoste (Claude): À droite, Judith Lupien, directrice générale.

Mme Lupien (Judith): Bonjour.

M. Lacoste (Claude): Puis, extrême droite, M. Yvan Michon, premier vice-président.

Bonjour, M. le ministre. Bonjour, M. le Président. Bonjour, Mmes les députées puis MM. les députés. Je vais vous faire une lecture. On a 10 minutes, vous dites, pour...

Le Président (M. Morin): Oui, vous avez 10 minutes. Essayez d'être dans votre temps, s'il vous plaît.

M. Lacoste (Claude): O.K. Parce que, si je vous parle de Pierre-Luc, ça va-tu me donner un petit peu plus?

Le Président (M. Morin): Non, mais je suis conciliant. Essayez d'être équitable, là, monsieur...

M. Lacoste (Claude): Non, c'est parce que je suis content d'avoir un Pierre-Luc, parce que, moi aussi, j'ai un Pierre-Luc, mais il est rendu au stade de transfert de ferme, là. Je suis en train de...

Le Président (M. Morin): Ah oui! Bon. Allez-y.

M. Lacoste (Claude): C'est un Pierre-Luc. Mais on voit qu'ils veulent faire des agriculteurs.

Le Président (M. Morin): Allez-y, M. Lacoste.

M. Lacoste (Claude): Dans un premier temps, permettez-moi de vous présenter notre fédération, qui regroupe quelque 500 producteurs, répartis dans les régions agricoles de Lanaudière, Laurentides et Mauricie, Saint-Jean--Valleyfield, Saint-Hyacinthe et Centre-du-Québec. La fédération a été créée en 1974 et depuis 1978 elle administre le Plan conjoint des producteurs de légumes destinés à la transformation.

Au Québec, c'est plus de 125 000 tonnes métriques de pois, haricots, maïs sucré et concombres de transformation qui sont produites annuellement, pour une valeur à la ferme de plus de 25 millions. À lui seul, notre secteur de la transformation, avec ses six usines québécoises, génère annuellement plus de 1 220 emplois et commercialise ses légumes surgelés, mis en conserve ou marinés, d'une valeur de plus de 200 millions de dollars, à travers le réseau de la grande distribution, du HRI et auprès d'autres transformateurs alimentaires.

À titre d'information et bien sûr pour votre prochaine épicerie -- parce que je pense que vous faites tous l'épicerie chez vous -- il est important de savoir que nos légumes du Québec se retrouvent notamment sous les marques Arctic Gardens pour le surgelé, et sous les marques Stokely, Bonduelle et Aylmer pour les conserves, et sous les marques Mrs. Whyte's et Coronation pour les cornichons et relish. Sur la totalité des volumes produits par ces usines de transformation, 40 % sont destinés à l'exportation, puis l'autre 60 % est écoulé à travers nos réseaux canadiens.

Toutes les personnes ici présentes connaissent maintenant nos maques de commerce, mais de son côté le consommateur peut-il facilement reconnaître que ces légumes sont québécois, lui qui est confronté à divers produits dont la provenance est souvent difficile à identifier? Pour faciliter notre choix et favoriser l'achat de nos produits d'ici, les programmes gouvernementaux devraient aider les entreprises à promouvoir les marques québécoises. Un outil comme Aliments du Québec, fondé en 1996, doit devenir l'image phare des produits québécois. Aliments du Québec doit faire plus que la promotion générique, il doit promouvoir les marques québécoises.

Par ailleurs, si nous appuyons les démarches pour le soutien à la création de marques, de certifications et d'appellations réservées, comme le prévoit le livre vert, il ne faut pas négliger pour autant les produits de consommation courante qui offrent un plus grand volume de ventes. Ces produits représentent une part plus qu'appréciable de l'alimentation au quotidien. Un support des instances gouvernementales qui soit proportionnel à leur importance doit donc être accordé pour leur développement.

À titre d'exemple de support, nous nous serions attendus à ce que le gouvernement du Québec prenne une position claire et précise sur l'approvisionnement en aliments du Québec dans son réseau institutionnel. Il est désolant mais surtout inacceptable que les hôpitaux et prisons du Québec servent à leurs clientèles des pois, haricots et maïs sucrés provenant d'autres pays. Il est primordial que les responsables aux approvisionnements de ces institutions gouvernementales aient une directive claire d'achats en produits québécois. Saviez-vous que, la seule année 2007-2008, le réseau de la santé et des services sociaux a servi plus de 89 millions de repas, soit quelque 250 000 repas par jour? Combien d'aliments du Québec se retrouvent dans ces assiettes? Je n'ai pas la réponse, mais il s'agit là d'un potentiel de marché très important.

Je demanderais à Judith, ma directrice générale, de vous donner et d'expliquer quelques exemples de cette situation.

**(12 heures)**

Le Président (M. Morin): Mme Lupien, allez-y.

Mme Lupien (Judith): Oui. Donc, peut-être connaissez-vous le regroupement d'achats SigmaSanté, un regroupement d'achats qui vise l'approvisionnement des institutions de santé pour la grande région de Montréal. On parle de 160 établissements, hôpitaux, CHLSD, et tout. Et donc, début décembre, ils sont allés en appel d'offres pour l'approvisionnement, pour la prochaine année, en légumes, surgelés et conserves. Et après décision nos transformateurs québécois ont soumissionné, mais il y avait aussi des importateurs, et le contrat a été donné aux produits importés. En fait, ça sera des produits notamment de la Chine qui vont être servis pour la prochaine année dans ce réseau. On parle d'un contrat, pour l'ensemble, qui a été perdu, de 2,4 millions de dollars pour une année. En haricots verts surgelés, on parle de 7 237 caisses, donc un peu plus de 86 000 kilos de haricots verts seulement, qui étaient disponibles au Québec mais qui vont provenir de Chine.

Donc, c'est un exemple, et il y en a comme ça régulièrement au Québec, qui est quand même tout récent, puis peut-être, pendant la période de questions, si on a du temps, on pourra peut-être expliquer un peu plus, là, les raisons puis peut-être des solutions à ça.

Le Président (M. Morin): Merci, Mme Lupien. M. Lacoste, continuez.

M. Lacoste (Claude): Donc, l'exemple qui a été présenté par notre directrice démontre l'importance d'agir, car c'est à chaque jour que notre secteur de légumes de transformation est confronté à la compétition internationale. Vous conviendrez donc de la nécessité d'un message clair du gouvernement sur cet approvisionnement. Ce message du gouvernement pourrait être complémentaire à nos actions, proactif en innovation et amélioration de notre productivité pour faire face à cette compétition étrangère et aux attentes du marché. Annuellement, nos réalisations... de concert avec nos transformateurs, plusieurs projets relatifs à l'amélioration des cultivars, de la régie de culture, des équipements ainsi que nos façons de faire pour diminuer les pertes et mieux contrôler la qualité du produit. On procède également à des investissements dans de nouvelles technologies et équipements de pointe, car, comme tout le monde le sait, le passage du projet pilote à une utilisation commerciale génère des coûts et des risques.

J'ajouterais aussi qu'en plus de tous ces investissements nécessaires il faut, pour demeurer compétitifs, être ouverts à bien comprendre les besoins des autres maillons de notre secteur et avoir une volonté de travailler ensemble à améliorer toute la chaîne de production. Et je peux vous assurer que ces préoccupations se vivent au quotidien dans notre secteur de légumes de transformation.

Pour être compétitifs, la seule volonté ne suffit pas toujours. Il faut des outils permettant le développement de notre agriculture. Cet outil, c'est une mise en marché collective. Dans le contexte actuel, on ne peut pas se permettre de regarder passer le train. Il faut s'impliquer collectivement. Pour nous, il est évident que, sans notre plan conjoint, notre secteur n'aurait pas pu se développer autant et faire face aux problèmes rencontrés au fil des années. Je vous parlais précédemment des projets réalisés en collaboration avec nos transformateurs et partenaires. Cela n'aurait jamais pu être possible sans notre plan conjoint. À titre d'exemple, au cours de la période 2004-2010, plus de 1 million de dollars ont été investis en recherche, développement et formation. De cette somme, plus de 500 000 $ venaient directement du plan conjoint.

Il va sans dire que le levier financier que nous donne le plan conjoint permet aussi aux représentants de la fédération, autant le personnel que les producteurs, d'être actifs aux nombreuses activités de la table filière. Sans cet outil, le maillon production n'aurait pu s'impliquer aussi intensément au sein de la filière et travailler au développement du secteur. De belles réalisations n'auraient pu voir le jour sans les sommes investies dans l'approche filière. Je vous en donne quelques exemples: la mise en culture du nouveau type de haricots extrafins depuis 2008-2009, la création et la mise à jour d'outils pour le secteur HRI, les essais de cultivas et la réalisation de projets de recherche agronomique, le développement des nouveaux produits pour créer de nouveaux débouchés dans le concombre, les travaux au cours sur les procédés pour réduire le sel et le temps de cuisson dans les conserves.

Je vous mentionnais précédemment l'importance de bien comprendre les besoins des autres maillons de notre secteur. À ce niveau, je peux vous assurer que la relation entre les producteurs et les acheteurs est basée sur une vision d'affaires qui vise la pérennité du secteur. Malgré les objectifs particuliers de chacun des maillons, soit au niveau du revenu, de la gestion ou des marchés, l'avantage du plan conjoint et son aspect collectif est indéniable. Pour les acheteurs, la fédération devient le guichet unique pour transmettre leurs besoins, attentes et réalités, et par le fait même ils peuvent connaître les enjeux agricoles des producteurs. Une compréhension réciproque des réalités de chacun permet d'établir une vision commune pour notre secteur.

Cette compréhension commune favorise également un climat constructif et respectueux lors des négociations annuellement de la convention de mise en marché qui établit les conditions de production et de vente de nos légumes. Le résultat positif de cette compréhension mutuelle: depuis plus de 15 ans, notre secteur réussit, sans avoir recours à l'arbitrage, à conclure une convention annuelle de mise en marché qui est homologuée par la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec.

Cette convention statue sur les conditions de production, mais elle ne peut malheureusement pas tout prévoir. Depuis quelques années notre secteur est confronté à l'arrivée de nouveaux ravageurs, dont le ver gris occidental du haricot, ainsi que la montée de certaines maladies, comme la sclérotinia. Nous menons des projets avec des chercheurs pour trouver des moyens de réduire les causes d'infestation, mais seuls nous ne pouvons pas y arriver. Des programmes gouvernementaux flexibles doivent nous appuyer dans nos travaux.

Cette aide pourrait se traduire, entre autres, par l'accessibilité, le plus rapidement possible, à de nouveaux produits phytosanitaires qui soient performants, moins résiduels, diversifiés et économiquement accessibles. Il est utopique de penser à une agriculture sans produits phytosanitaires, car les légumes livrés aux acheteurs doivent répondre aux exigences des marchés. Ces exigences sont dictées par les consommateurs, qui veulent des produits d'apparence et de qualité parfaites, mais ces exigences sont également dictées par les distributeurs, qui établissent, pour leurs chaînes respectives, leurs propres normes d'approvisionnement.

Le Président (M. Morin): Vous voulez conclure, M. Lacoste?

M. Lacoste (Claude): Il me reste... assez rapidement, ce n'est pas long.

Parlant des distributeurs, ils devraient être partie prenante de la nouvelle politique proposée par le livre vert et s'engager à en partager les valeurs et les priorités. On constate que ce maillon est actuellement absent du livre vert. Ce sont pourtant les joueurs qui décident en bonne partie des choix alimentaires des consommateurs, lorsqu'ils font une place prépondérante à l'approvisionnement à l'étranger plutôt que de favoriser les produits d'ici. Est-ce que nous voulons que ce soient les distributeurs qui décident des productions agricoles actives au Québec? À titre d'exemple, les cornichons québécois ont quasiment disparu des tablettes d'épicerie. Cette production a été fortement ébranlée au fil des années, passant de 25 000 tonnes en l'an 2000 à 5 000 tonnes aujourd'hui, en 2011. Face à cette situation, le gouvernement doit être conséquent et inclure les distributeurs dans sa politique.

Le Président (M. Morin): Conclusion.

M. Lacoste (Claude): Conclusion?

Le Président (M. Morin): Oui, s'il vous plaît.

M. Lacoste (Claude): O.K. Moi, je pense que... Bien, la conclusion, c'est de faire face à la concentration des maillons de la transformation, de la distribution ainsi que les fournisseurs d'intrants. Les producteurs doivent se regrouper et parler d'une seule voix afin de rétablir... Quand je dis ça, c'est pour parler de l'accréditation unique. C'est essentiel au développement du monde agricole.

Puis, en terminant, je souhaite, pour l'ensemble de l'industrie agricole et alimentaire, que cet exercice puisse mener à la création d'une vraie politique gouvernementale, dans laquelle tout l'appareil de l'État s'engage à valoriser, supporter et outiller l'ensemble du bio-agroalimentaire, afin que pour toute la société il demeure un secteur générateur de richesse et de fierté. Merci.

Le Président (M. Morin): Merci, M. Lacoste, pour votre bel effort. Oui, M. le ministre.

M. Corbeil: Merci, M. le Président. Bonjours, messieurs madame. D'abord, d'entrée de jeu, permettez-moi de souligner votre travail actif au sein de la table filière des légumes de transformation pour le développement de votre secteur.

Pour l'amélioration de la capacité concurrentielle de votre industrie, quels seraient les moyens prioritaires à mettre de l'avant? Par où on commence?

Le Président (M. Morin): M. Lacoste.

M. Lacoste (Claude): Bien, par où est-ce qu'on commence? C'est une bonne question. Regarde, il faut commencer pour mettre en place... Moi, c'est par des projets. Comme que j'ai dit dans mon exposé, là, il faudrait que le gouvernement nous aide, là, dans des projets ou de trouver des manières de travailler avec l'industrie.

Le Président (M. Morin): Oui, madame...

Mme Lupien (Judith): Oui, bien, je peux peut-être compléter...

Le Président (M. Morin): ...Mme Lupien.

Mme Lupien (Judith): Oui, c'est ça.

**(12 h 10)**

Le Président (M. Morin): Allez-y.

Mme Lupien (Judith): Bien, c'est sûr qu'au niveau de compétitivité il y a, bien entendu, toute la recherche agronomique -- Claude en a parlé -- qu'on fait pour améliorer nos rendements. Je pense qu'il y a beaucoup d'efforts qui sont faits avec les gens de la filière, sur la régie de production, toujours s'améliorer. Mais il y a deux éléments. D'ailleurs, on vient de présenter un projet, hier, qu'on a déposé, un projet dans le nouveau programme PDSSS pour améliorer la compétitivité, où on va essayer de voir un peu plus... justement faire un bon diagnostic. Donc, on espère que ça sera bien reçu, pour pouvoir vraiment mieux se donner des outils, puis établir où sont peut-être nos points faibles, puis pouvoir travailler là-dessus. Donc, on compte sur cet appui-là parce qu'il y a eu vraiment des enjeux... Vous savez, nos cultures sont toujours en compétition avec d'autres cultures, notamment les cultures commerciales, donc, cette étude-là, on veut essayer de voir comment on réussit à se positionner pour être capables d'approvisionner encore pendant longtemps nos usines.

Puis peut-être l'autre élément qu'on entend beaucoup de la part de nos transformateurs, au niveau de la compétitivité -- puis l'étude pourra peut-être le détailler plus, là, si on va de l'avant avec le projet -- c'est vraiment au niveau des investissements dans les usines de transformation. On sait qu'il y a des investissements à faire. Il y a déjà beaucoup de choses qui ont été faites. Il y a encore d'autres investissements. On parle souvent d'investissements majeurs. On parle, exemple, d'une nouvelle chaîne pour la surgélation, parce qu'on est pas mal rendu au maximum, là, au niveau de la capacité québécoise des usines, pour le haricot notamment. Et nos transformateurs veulent le faire au Québec, et malheureusement, au moment où on se parle, ça semble plus intéressant en Ontario. Donc, c'est, ça aussi, des éléments qu'il faudrait probablement explorer un peu plus, là, au cours des prochains mois.

Le Président (M. Morin): M. le ministre.

M. Corbeil: Merci, Mme Lupien. Tantôt, vous avez évoqué une situation particulière au niveau d'un appel d'offres. Je peux vous dire que je vais essayer de faire la lumière là-dessus. Je ne sais pas si vous avez l'information, mais à tout le moins... je ne sais pas c'était quoi, l'écart entre le premier puis le deuxième soumissionnaire. J'ai des histoires là-dessus. Bien, pas sur la vôtre en particulier, mais dans d'autres domaines, où des fois l'écart est marginal ou, à tout le moins pratique, pas vraiment significatif.

Mme Lupien (Judith): Je pense que du moins ce que nos transformateurs nous ont dit, c'est qu'ils avaient fait un effort vraiment important pour être compétitifs. Oui, c'est le prix qui a été choisi. Malheureusement, ce qu'on a comme écho dans ces situations-là, c'est un prix, mais ce n'est pas un rapport qualité-prix. Malheureusement, le produit qui a peut-être été soumissionné n'est peut-être pas le même produit de la même qualité que ce que le transformateur québécois est en mesure de livrer. Malheureusement, dans les appels d'offres, il y a rarement des spectres précis de qualité. On parle de dimensions. Ça pourrait être sur les poids nets égouttés, des éléments qui seraient vraiment précis, qui pourraient être en mesure d'évaluer deux soumissions sur des bases similaires puis de vraiment comparer un rapport et pas juste un prix. Parce qu'un prix, c'est quelque chose, mais, si vous n'avez pas le produit...

Ce qu'on a comme écho beaucoup de la part des gens qui se promènent dans le réseau de la santé, c'est que les regroupements d'achats qui ont été mis de l'avant, c'est une bonne chose. Je pense que ça a livré beaucoup d'éléments positifs. Par contre, ça a peut-être créé un écart entre celui qui prend la décision d'approvisionnement puis l'utilisateur dans la cuisine. Et souvent la personne qui va utiliser le produit qui a été acheté n'est même pas au courant de l'appel d'offres, n'a pas vu l'échantillon, n'a pas participé à la prise de décision non plus. Donc, il y a un certain niveau d'insatisfaction parce que le produit qui est livré après, bien il ne correspond peut-être pas aux besoins de l'utilisateur qui est dans la cuisine soit de l'hôpital ou du CHSLD, donc. Ça fait que ça serait peut-être un autre élément, de peut-être plus impliquer ces gens-là dans le choix lors de l'appel d'offres, pour qu'ils, vraiment, précisent peut-être des critères, puis de valider aussi en cours de route, entre ce qui a été soumissionné puis ce qui est livré au fil des mois, est-ce que ça correspond toujours. Parce que des fois il y a une évolution, là, dans le produit.

Le Président (M. Morin): M. Lacoste, vous voulez rajouter?

M. Lacoste (Claude): Bien, c'est juste pour compléter. C'est parce que l'appel d'offres est toujours fait aussi... Puis ce n'est pas directement le transformateur. Le transformateur travaille avec un distributeur. C'est le distributeur qui fait l'appel d'offres. C'est là qu'il faut faire attention. Puis le distributeur, lui, il peut travailler avec deux, trois transformateurs. C'est des fournisseurs, puis il peut aller chercher ça dans d'autres pays, puis c'est là qu'il faut faire attention.

M. Corbeil: Merci d'attirer ça à l'attention de la commission, Mme Lupien et M. Lacoste. Je vais revenir sur l'aspect... Vous démontrez que la loi M-35 sur la mise en marché peut bien fonctionner. Vous en témoignez abondamment, d'une relation qui est stable depuis 15 ans et qui amène à des signatures d'ententes négociées. Comment vous suggérez qu'on réponde au conseil des chaînes en restauration, qui indique un manque d'écoute des producteurs, du côté de leurs approvisionnements et du coût de leurs approvisionnements à eux, qui étaient ici hier après-midi... hier matin, je pense, ou mardi après-midi?

Le Président (M. Morin): Mme Lupien.

Mme Lupien (Judith): Bien, en fait, vous savez, ça ne se bâtit pas en un mois, une relation qu'on a actuellement dans notre filière. Je pense qu'il y a eu des investissements de notre côté, chez les producteurs, en formation, que ça soit en négociation, en capacité d'écoute, à comprendre l'autre. C'est vraiment un climat qui s'établit. C'est la même chose chez nos transformateurs. Je pense qu'au fil des ans il y a une relation de confiance qui s'est établie. Puis, quoi, comme on dit, c'est à se parler qu'on se comprend. Peut-être que c'est vraiment instaurer un dialogue régulier. On se parle tout au long de l'année, on ne se parle pas seulement lors des négociations, mais on se parle dans différents projets.

Donc, pour les restaurateurs, je ne connais pas essentiellement, là, toutes leurs revendications. Je sais qu'ils en ont un peu contre certains éléments de la mise en marché collective. Mais en tout cas, dans notre secteur, si on parle pour le nôtre, parce que c'est celui-là qu'on connaît bien, je pense qu'il a démontré la capacité de répondre aux besoins des transformateurs. Puis on le fait au quotidien, parce que, vous savez, des légumes, ça pousse dans le champ, mais la saison, elle varie avec la météo, puis il y a des conditions... Donc, c'est vraiment une gestion, production, transformation, même pendant l'été, qui se fait au quotidien pour essayer d'optimiser la chaîne, donc... puis à travailler ensemble.

M. Corbeil: Vous avez mentionné que le maillage, dans l'industrie, est essentiel de la terre ou de la mer à la table. Vous avez un exemple probant dans votre secteur, où la transformation et la production sont intimement liées. Vous mettez en évidence que peut-être la distribution est un peu plus effacée dans le rôle. Là-dessus, je peux vous rassurer, la politique se veut inclusive du début à la fin, incluant producteurs, transformateurs, distributeurs, détaillants, préparateurs, nos HRI et ultimement le consommateur, qui ont tous un lien commun: c'est le produit. Mais par contre est-ce que ce que vous nous signalez, en ce qui a trait au distributeur puis qui vous préoccupe, est-ce que c'est parce que ce n'est pas nommé dans le livre vert que vous nous attirez l'attention là-dessus ou si c'est parce que vous pensez qu'il aurait un... il joue un rôle plus important qu'on pense qu'il a?

Le Président (M. Morin): M. Lacoste.

M. Lacoste (Claude): Bien, je pense...

Le Président (M. Morin): Allez-y.

M. Lacoste (Claude): Oui. Je pense qu'ils jouent un rôle plus important qu'a prévu, la distribution. Parce que la distribution, elle ne travaille pas avec le producteur, elle travaille avec le transformateur. Nous, le producteur, on travaille... travaillons avec, le transformateur, puis c'est eux qui achètent nos produits. Mais, quand la distribution n'est pas partie prenante puis... Il reste toujours, là... il ne faut pas se cacher, c'est le prix, là, qui fait qu'à un moment donné il faut être compétitif avec nos compétiteurs. Puis des fois la compétition, là, elle vient de d'autres pays, comme on l'a mentionné. Il n'y a pas juste dans le HRI. Puis, quand il y a des produits qui sont moins dispendieux, bien là ils voyagent, ils émigrent, là, vers d'autres pays, ils exportent des produits.

Puis, moi, je regarde, là, dans le concombre. On a parlé aussi du concombre, qu'on faisait 25 000 tonnes en l'an 2000, puis là on est rendus en 2011, puis on produit 5 000 tonnes. Mais, quand la distribution a décidé de partir pour aller acheter des concombres en Inde, le prix du concombre, là, il payait peut-être meilleur marché, mais sur les tablettes, pour le consommateur, là, il était le même prix. C'est qui qui prenait la marge? Puis, nous autres icitte, au Québec, le producteur a perdu cette production-là, puis la marge a été prise par...

Puis je pense que qu'est-ce qui arrive aussi, les distributeurs, c'est eux qui mettent des produits puis qui valorisent le produit. Mais je pense qu'avec le Aliments du Québec qui a été mis en place ça, ça peut venir nous... contrer un peu les choses puis d'informer le consommateur, parce qu'en réalité c'est le consommateur qui est roi et maître pour demander à la distribution... Mais il faudrait inclure la distribution.

Le Président (M. Morin): Merci, M. Lacoste. On doit passer maintenant au député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le Président. Alors, bonjour à vous tous. Alors, c'est fort intéressant de vous entendre et de vous lire.

Vous mentionnez que depuis plusieurs années vous menez un combat concernant les règles d'identification d'origine. Qu'est-ce qu'on vous répond? Parce qu'on sait que c'est d'instance fédérale, cette question-là. Qu'est-ce qu'on vous répond par rapport à vos revendications? Est-ce qu'il y a des choses qui progressent? Mais c'est quoi, la raison principale qui fait qu'on ne répond pas à votre demande, qui n'est pas seulement la vôtre, en termes d'intérêt de votre secteur, mais aussi de plus en plus des consommateurs?

Le Président (M. Morin): M. Lacoste.

M. Lacoste (Claude): Oui?

Le Président (M. Morin): Allez-y.

**(12 h 20)**

M. Lacoste (Claude): On a progressé dans ce domaine-là pour identifier nos produits qui viennent du Canada, marqués «Produit du Canada», tout ça. Le seul bémol qui a arrivé là-dessus, c'est qu'à un moment donné on voulait avoir 85 % de matière première, soit dans le contenant, pour qu'il y ait «Produit du Canada». Quand on regarde, ils ont été mettre... ça prend 98 % du produit pour être «Produit du Canada». Moi, quand je fais des... on fait des concombres puis on met ça dans un pot avec du vinaigre puis d'autre chose, bien là ça tombait peut-être à 90 % ou 85 %. Mais, moi, je pense que le consommateur, quand il achète un pot de cornichons, là, ce n'est pas pour le vinaigre, ce n'est pas pour le piment qu'il y a dedans, c'est pour le... puis ça devrait être «Produit du Canada», mais ils ne peuvent pas l'indiquer parce qu'il faut que ça soit... la règle est de 98 %.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Et qu'est-ce qu'on répond à vos arguments? Parce que ce n'est pas ça qui aide...

M. Lacoste (Claude): Ah! bien, qu'est-ce qu'on répond...

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): ...à répondre à vos besoins, là, ça ne s'améliore pas, là.

M. Lacoste (Claude): Non. Bien, sur ce côté-là...

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Qu'est-ce qu'on répond comme argument? Est-ce que vous avez des réponses ou vous n'en avez pas?

M. Lacoste (Claude): On n'a pas... Bien, moi, je n'ai pas de réponse.

Mme Lupien (Judith): Bien, en fait, les dernières...

Le Président (M. Morin): Mme Lupien.

Mme Lupien (Judith): Oh! excusez.

Le Président (M. Morin): Allez-y.

Mme Lupien (Judith): Les dernières réponses qu'on a eues du gouvernement fédéral, à ce niveau-là, c'est qu'ils ont fait un sondage Internet voilà quelques... un an environ, avec certaines questions, bon, qui... on pouvait être contre ou... les questions, ce n'était pas très clair, et ce qui est ressorti, c'est que, pour eux, le consommateur est satisfait, donc ils ne toucheront pas à l'appellation «Produit du Canada».

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): C'est ça, la réponse que vous avez eue?

Mme Lupien (Judith): Oui. Mais c'est vraiment malheureux parce qu'on est passé d'une situation où tout était «Produit du Canada» à une situation maintenant où à peu près rien n'est un produit du Canada. Parce que dans plusieurs produits -- Claude parlait du vinaigre, mais ça peut être le sucre -- dans certains composés, pas juste dans nos produits, mais dans d'autres secteurs d'activité qui ne sont pas produits au Canada... Et à ce moment-là, donc... Mais la matière première qui compose 90 % du produit ou 85 % provient du Canada mais ne peut pas porter le terme.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): En matière de produits importés, on entend souvent puis de façon assez régulière l'inquiétude, dans quelles conditions que les produits de base sont fabriqués, qui rentrent ici, par rapport à ce qu'on demande à nos producteurs, en termes de normes environnementales, bien sûr, puis de production, et tout ça, de développement durable. Dans votre secteur d'intervention, puisqu'il y a toute cette question de produits importés, avez-vous cette préoccupation aussi? Avez-vous aussi de l'information qui dit que, quand ça vient d'un tel pays... Ou encore est-ce que vous avez confiance que les contrôles qui sont faits respectent les exigences, d'un pays à l'autre? Parce qu'il y a ces exigences-là. En principe, les produits ne rentrent pas comme ça, ils doivent respecter un cadre, et ça, ça doit être contrôlé. Êtes-vous confiants à l'égard du système actuel?

Le Président (M. Morin): M. Lacoste.

M. Lacoste (Claude): Oui, bien, moi, je suis confiant du système, là. C'est l'agence canadienne qui fait l'inspection. Moi, je peux vous dire que, oui, je suis confiant. C'est sûr qu'il y a des choses qu'on n'est pas là pour voir qu'est-ce qui se passe, mais, quand on regarde s'ils respectent les normes, mettons, de pesticides, ou ces choses-là, je dirais que oui, parce qu'il y a déjà eu un projet qu'on a fait il y a cinq, six ans -- ça peut avoir changé -- avec le MAPAQ, puis on avait pris des contenants qui venaient de l'extérieur, des pays, là, comme des haricots, ou des pois, ou des choses de même, pour voir s'il y avait des résidus de pesticides, puis on n'a pas rien trouvé, en tant que tel, là, là-dedans. Mais il reste... l'innocuité, c'est la qualité aussi, tu sais.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Mais je ne réfère pas uniquement à l'innocuité, je réfère aussi aux conditions dans lesquelles on doit les produire, hein? Il y a des conditions environnementales, de développement durable...

M. Lacoste (Claude): ...nos normes sont plus sévères.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): ...de qualité de l'eau. Ce n'est pas uniquement l'innocuité, là. Parce que c'est ce qu'on entend, et ça a été dit régulièrement, que les conditions... en tout cas, ça ne devient pas compétitif, en même temps, au niveau du prix, au niveau de ce qu'on demande, hein? Parce qu'on aide l'agriculture, au niveau des fonds publics, mais en même temps les agriculteurs doivent faire face à des conditions de compétition. Moi, c'est plus sous cet angle-là. Quel est votre point de vue à cet égard?

Le Président (M. Morin): M. Lacoste ou Mme Lupien? Mme Lupien.

Mme Lupien (Judith): Bien, en fait, nous, on l'a vécu de façon très intensive dans le secteur du cornichon, on en a parlé dans le mémoire, mais ce n'est pas une question de ne pas être compétitif. Je pense que les producteurs dans le secteur du cornichon ont fait énormément d'efforts pour pouvoir toujours répondre au moindre coup mais avec les normes qu'on a en place au Canada, au Québec. Et, vous savez, dans ce secteur-là, c'est la main-d'oeuvre qui représente près de 50 % du coût de production. Dans le cornichon, c'est la main-d'oeuvre. Quand vous vous battez sur les marchés avec du produit qui vient de l'Inde, bien les coûts de main-d'oeuvre sont beaucoup moindres dans ces pays-là qu'ici. Au niveau environnemental aussi, toutes les contraintes environnementales qu'on partage et que c'est important, on est d'accord, de fait, de dire que c'est important, mais on s'entend que dans ces pays-là, malheureusement, peut-être que les exigences au niveau environnemental ne sont pas rendues au même niveau.

Donc, oui, jusqu'à un certain point, on est en compétition déloyale, parce que, lorsqu'il y a des appels d'offres, encore là, ces normes-là ne sont pas prises en compte, il n'y a pas de réciprocité. On va mesurer les résidus au niveau des pesticides, s'il y a des molécules qui sont permises au Canada ou non, mais la mesure pour les produits importés par rapport aux normes en vigueur chez nous versus ce qui est en vigueur là-bas, ce n'est pas vraiment pris. Et dans le concombre c'est vraiment la raison majeure pourquoi on n'est plus là. On parle de 125 fermes en 1990, on était rendus 12 fermes au Québec en 2011, et malheureusement je ne peux même pas vous dire comment il va en rester cette année, parce qu'on parle avec les producteurs puis on sait que peut-être certains pensent à quitter parce que les volumes sont rendus trop bas. Donc, quand on parle... Indirectement, c'est une décision des chaînes, où on en est rendus maintenant, parce que la baisse des volumes est arrivée avec la concentration, avec la montée des marques privées puis avec l'approvisionnement à l'étranger.

Le Président (M. Morin): M. le député de Saint-Hyacinthe, vous avez moins de deux minutes.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Merci, M. le Président. Ma question va être assez courte. Vous avez parlé de... vous amenez l'exemple de SigmaSanté concernant l'appel d'offres qui a été lancé. Bien, moi, j'ai vécu... avant les fêtes, on a fait une... en commission, on était sur le projet de loi n° 16 sur la certification des résidences pour aînés. À l'intérieur de ce projet de loi là, on avait inclus des articles concernant l'approvisionnement, justement l'approvisionnement dans tous les édifices de santé, les CHSLD, les résidences pour personnes aînées. Et on a réussi, nous, à le faire retirer parce que ça touchait directement les régions. L'objectif gouvernemental derrière ça, c'était de centraliser dans trois centres les approvisionnements. Donc, il y avait Montréal, Québec puis un autre. Je pense que c'est Gatineau. Et puis comme de raison il faut être vigilant. Puis je vous invite à l'être encore parce que ce projet de loi là va revenir probablement au printemps. Parce qu'on l'a sorti du projet de loi n° 16, et justement l'objectif, c'est de faire des économies d'échelle, mais, quand tu fais des économies d'échelle, des fois ça devient un petit peu, je pense que... dangereux. C'est parce qu'on néglige les régions, et à ce moment-là, l'approvisionnement, je pense, au niveau alimentation -- je ne parle pas de tous les biens, mais surtout au niveau de l'alimentation -- c'est important que les régions restent connectées sur le réseau pour les approvisionnements.

Alors, je vous demande votre point de vue là-dessus. Qu'est-ce que vous faites, vous allez faire pour sensibiliser davantage les ministères? Parce que les ministères semblent fonctionner plus en silo, alors qu'on devrait, avec le MAPAQ, avec le ministère de la Santé, les autres ministères pour les approvisionnements...

Le Président (M. Morin): Mme Lupien, très court, parce qu'on a dépassé notre temps, très court.

Mme Lupien (Judith): Très, très court. Bien, en fait, dans le mémoire on disait que pour ces volets-là, pour nous, le ministre de l'Agriculture devait jouer un rôle de leader, de vraiment devenir un conseiller pour les autres ministères, dans ce qui a trait soit au niveau des approvisionnements ou tout ce qui touche l'alimentation. C'est vrai pour le ministère de l'Éducation aussi, quand il y a des programmes pour promouvoir la saine alimentation auprès des élèves, s'assurer que le contenu de ces programmes-là corresponde vraiment à la réalité agricole québécoise. Mais je pense que le ministère de l'Agriculture peut jouer un rôle important.

Le Président (M. Morin): Merci, Mme Lupien, pour votre précision. M. le député de Beauce-Nord, vous avez un petit deux minutes.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Alors, bonjour. Moi, là, je vous écoute puis... Je suis un producteur agricole. Disons que là je suis juste dans le sirop d'érable, mais, quand on parle... Vous parliez tout à l'heure des distributeurs qui souvent ne s'occupent pas beaucoup des producteurs, s'occupent du prix, là. Tu sais, eux autres, c'est un prix, ils vendent un prix. Mais, si on recule dans le temps, si on s'en va vers l'agriculteur, l'agriculteur, il travaille avec la température mais il travaille aussi... il prévoit dans le temps. Il dit: Moi, l'an prochain, je vais semer tant d'acres de concombres ou bien tant d'acres de fèves. Mais, si une année il ne trouve pas... il ne le vend pas, parce que le prix est trop élevé, l'année d'après, il va semer d'autre chose. Alors, on perd ces productions-là.

Alors, moi, je m'imagine, moi, demain matin, que... je me dis: Tout est relié, là. Si on était capables d'identifier nos produits... Moi, je me vois à l'épicerie, là -- parce que je la fais, l'épicerie, là -- puis: produits de l'Inde, produits de la Chine, produits du Québec. Je peux-tu vous dire que la tablette que c'est marqué «Produits de l'Inde», «Produits de la Chine», elle resterait là. Je suis persuadé que 80 % des consommateurs québécois achèteraient les produits du Québec. Mais tout va résider dans l'identification de nos produits. Je pense qu'il faut travailler là-dessus.

Puis ce n'est quasiment pas comprenable que toutes les institutions gouvernementales s'approvisionnent en Chine -- je ne comprends pas, là -- pour sauver quelques sous, quand on sait que, quand on encourage notre producteur chez nous, ce producteur-là, lui, il paie des taxes, il achète à l'épicerie, il achète des... il fait tourner la roue de l'économie. Alors, on met ça de côté pour quelques sous, pour aller chercher ça en dehors, quand on sait que les gens d'en dehors souvent, dans ces pays-là, vont travailler à 0,50 $ de l'heure, et on brise toute la chaîne, là. Je ne sais pas si je suis malade ou bien si j'ai trop consommé de légumes qui viennent de l'extérieur.

**(12 h 30)**

M. Lacoste (Claude): Non, moi, je pense...

Le Président (M. Morin): M. Lacoste, on va garder comme ça un commentaire du député de Beauce-Nord parce que notre temps est écoulé. Je veux vous remercier, Mme Lupien, M. Lacoste, M. Michon et M. Forest, de votre participation à cette commission. Bon retour chez vous.

Je suspends la commission jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

 

(Reprise à 14 h 6)

Le Président (M. Morin): Bon après-midi, tout le monde. Je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles maintenant ouverte. Je demande à toutes les personnes, comme à l'habitude, de vérifier vos téléphones cellulaires. Ce matin, c'était le président qui aurait pu se faire prendre en flagrant délit.

Nous allons poursuivre, sans plus tarder, les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le livre vert pour une politique bioalimentaire du Québec, qu'on intitule avec grande passion Donner le goût du Québec.

Cet après-midi, nous recevons la Coalition pour la souveraineté alimentaire, Les Ami-e-s de la Terre de Québec, la Direction régionale de santé publique de la Capitale-Nationale, La Tablée des chefs, le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, et enfin MM. Rudolf Binggeli, Vincent Kelhetter et M. Guy Lessard, que je crois connaître.

Maintenant, je demanderais aux représentants de la Coalition pour la souveraineté alimentaire de bien vouloir nous présenter leur exposé. À vous la parole, messieurs.

Coalition pour la souveraineté alimentaire (CSA)

M. Faniel (Jean-Paul): Bonjour.

Le Président (M. Morin): Bonjour.

M. Faniel (Jean-Paul): Je me présente: Jean-Paul Faniel. Je suis coordonnateur de la Table de concertation sur la faim et le développement social du Montréal métropolitain, un réseau qui s'occupe effectivement des personnes les plus appauvries, mais je suis cependant ici à titre de vice-président de la Coalition pour la souveraineté alimentaire.

Née de la volonté de plusieurs de présenter en 2007 une vision commune à la commission Pronovost, la Coalition pour la souveraineté alimentaire compte aujourd'hui plus de 80 organismes membres, comme le Mouvement Desjardins, la Fédération québécoise des municipalités, la CSN, la CSQ, la Coopérative fédérée, Agropur, Aliments Québec, Banques alimentaires Québec, Équiterre, le Chantier de l'économie sociale, l'Ordre des agronomes du Québec, l'UPA et 70 autres organismes et réseaux québécois.

Soulignons que la répartition du pouvoir dans notre coalition est structurée pour garantir l'égalité des organismes représentant les citoyens mangeurs autant que ceux des citoyens opérateurs du système alimentaire. Toutes ces organisations s'unissent pour promouvoir la réhabilitation de l'espace politique, visant une forte gouvernance de nos systèmes alimentaires avant qu'ils n'échappent complètement et irrémédiablement au contrôle collectif citoyen. En d'autres mots, la coalition et ses membres militent pour des choix collectifs en vue d'un système alimentaire durable, solidaire et universel, et pour l'espace politique requis pour y parvenir. Pour ce faire, la coalition vise à assurer une veille constante sur le savoir et le positionnement politique en matière d'agriculture et d'alimentation. Elle s'allie ainsi à des réseaux militants et d'experts, et réalise des activités telles que des séminaires et conférences, et assure une représentation soutenue auprès des hommes et des femmes politiques, comme maintenant.

À la lecture du livre vert, nous ressentons le besoin de manifester ici d'abord la vision qui nous guide, car les mesures concrètes proposées en sont tributaires. Nous le constatons à chaque jour dans nos foyers, les petits plats simples et savoureux que les Québécois et Québécoises cuisinent quotidiennement sont faits d'aliments de base. On parle ici de ce qu'on mange à tous les jours, vous comme moi: de la viande, des fruits, des légumes, des oeufs, des produits laitiers et céréaliers. Ces produits composent encore l'essentiel de notre alimentation, et les agriculteurs du Québec produisent ces aliments.

**(14 h 10)**

Faisant écho à cet enracinement, notre coalition appelle l'État à être au coeur d'un contrat national alimentaire d'interdépendance entre les agriculteurs, les travailleurs opérateurs du système alimentaire et évidemment les consommateurs, garantissant cette alimentation de base saine et universelle à même notre territoire, nos ressources, par l'encadrement du marché plutôt que par son couronnement.

En mettant toute l'emphase sur la quête de distinction des produits, comme le propose l'État dans son livre vert, la Coalition pour la souveraineté alimentaire croit que l'État ne fera qu'exacerber l'alimentation et l'agriculture à deux ou même à trois vitesses déjà facilement observables, malheureusement. L'État doit donc revenir au bon goût de la gouvernance, comme vous le voyez effectivement sur les napperons qui vous ont été distribués. Il peut, l'État, et probablement il doit, déployer des programmes en vue de soutenir, certes, les entreprises à mieux tirer leur épingle du jeu dans un marché toujours plus ouvert et compétitif, mais il doit, en tant qu'État, entrevoir l'affaire aussi en termes de bien commun et de service public. Pour aborder son rôle sous cet angle, nous lui suggérons de considérer, et strictement, une sélection d'aliments de base produits ici dont l'offre sera fortement contrôlée.

Vous le savez, un supermarché vend d'ordinaire autour de 35 000 produits, alors que ce dont nous parlons ici, c'est à peine de 40 ou 50 produits qui arriveraient sans aucun doute à nous nourrir très convenablement. Pour ceux-là, et seulement pour ceux-là, nous demandons une forte gouvernance, une provenance exclusive, évidemment jusqu'à épuisement de nos capacités productives, des prix réglementés et à la ferme et au détail, un contrôle des marges de production et de profit, car il s'agit en fait et surtout de notre sécurité alimentaire.

Pour la mise en oeuvre de cette vision, mon collègue vous présente maintenant trois de nos propositions que nous tenons à mettre en lumière.

M. Paré (Frédéric): Alors, merci, M. Faniel, Jean-Paul. Mon nom est Frédéric Paré. Je suis le coordonnateur de la Coalition pour la souveraineté alimentaire depuis ses tout débuts, donc à peu près quatre ans. La coalition aimerait attirer votre attention sur trois recommandations qu'elle vous a formulées dans son rapport. La deuxième, je vais la décliner en trois sous-points.

Alors, la coalition demande qu'en collaboration avec elle-même l'État mette sur pied un secrétariat à la singularité et à la souveraineté alimentaire. L'idée d'un traitement singulier pour l'agriculture et les aliments, sur le plan du commerce et du moyen d'y arriver, doit faire l'objet d'un appui clair du gouvernement, compte tenu des enjeux en cause. Cette question doit être sérieusement approfondie et explorée. L'État québécois ne doit pas mettre tous ses oeufs dans le même panier et n'envisager qu'un rapport marchand au système alimentaire pour s'adapter, comme on le dit dans le livre vert, à un contexte d'affaires en continuelle mutation. Il doit s'investir dans la dimension service public que revêt par définition, selon nous, le cas de l'alimentation, ce qui ne l'empêche pas, comme le disait Jean-Paul, ce qui n'empêche pas l'État de soutenir les entreprises à tirer leur épingle du jeu dans un marché. On vous invite à faire autre chose aussi que d'entrevoir le système alimentaire de cette façon-là.

La coalition a débuté ses travaux en ce sens. Ils doivent être connus, reconnus et approfondis par l'État québécois en partenariat avec notre coalition. Cette coalition, donc, a répertorié un certain nombre de secrétariats spécifiques à certains enjeux d'intérêt public déjà soutenus par le gouvernement du Québec et parfois du Canada. Le leadership du Québec, par exemple, avec celui du Canada a pu se révéler dans le cas d'un traitement d'exception pour les produits et services de la culture. Nous sommes donc ici capables de contrôler les marchés. Notre système bancaire a aussi brillé, au cours de la tourmente économique qui perdure, grâce à un cadre réglementaire contraignant. La coalition offre donc son entière collaboration au gouvernement du Québec pour investiguer cette approche.

La deuxième demande que nous formulons au gouvernement du Québec est de définir la prochaine politique en tant que politique de souveraineté alimentaire et qu'elle soit assortie d'objectifs et de mesures précises telles que -- et j'en nommerai trois -- la première, une loi sur la sécurité alimentaire garantissant l'alimentation saine -- ici, on fait référence à un panier nutritif de base complet et non aux 35 000 produits qu'on retrouve dans un supermarché -- pour tous les citoyens, fondée, à un niveau ambitieux et convenu, sur les ressources agricoles et humaines de notre territoire.

Dans le but, donc, de faire écho à leur propre signature du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le PIDESC, plusieurs pays ont adopté des articles, soit dans leurs constitutions ou dans des articles des loi, visant à mettre en oeuvre la réalisation de ces droits de l'homme, dont celui à l'alimentation. Ici, la coalition demande à ce que le Québec fasse des représentations soutenues auprès du gouvernement fédéral pour qu'aussi il donne suite à sa propre signature du pacte en question sur le plan national.

Cette recommandation pose aussi, au premier chef, la question de l'interface entre le droit au commerce et le droit de l'homme. Il faut trouver une façon de faire contrepoids à l'Accord sur l'agriculture de l'OMC, un peu comme on l'a fait justement dans le cas de la convention internationale pour la diversité des expressions culturelles adoptée en 2005 à l'ONU, sous l'égide aujourd'hui de l'UNESCO.

Dans l'optique d'un contrat réel, social, alimentaire, pour le Québec, entre les producteurs, les travailleurs et les consommateurs, la coalition demande que rien ne soit écarté, notamment les mesures réglementaires, pour baliser le prix d'un panier nutritif complet d'aliments de base, et qu'il explore à ce titre les possibilités d'étendre le rôle de la Régie des marchés jusqu'à la vente au détail, comme on le fait dans le lait déjà, pour cette même sélection d'aliments de base. La coalition demande que le secrétariat étudie la faisabilité, dans le même ordre de pensées, d'étendre la gestion de l'offre à d'autres secteurs, toujours dans le but d'étendre la réglementation puis le contrôle sur cette idée d'un panier complet d'aliments de base du Québec.

Deuxième élément, un approvisionnement obligatoire et ambitieux des établissements publics en aliments sains provenant du Québec. La coalition l'a maintes fois répété, il n'est pas acceptable que le gouvernement s'en remette aux citoyens pour faire le travail du militantisme économique de l'achat local, pendant qu'il poursuit le travail inverse de la libéralisation des marchés à Genève. Il doit au contraire tout mettre en oeuvre pour que l'approvisionnement alimentaire de ses propres établissements publics où des aliments sont servis soit fondé sur les ressources agricoles et humaines de notre territoire. À cet effet, il doit redoubler de vigilance auprès du gouvernement fédéral, qui négocie des accords commerciaux susceptibles de niveler ses propres capacités.

Une réglementation, maintenant -- le dernier élément -- toujours un peu dans le même sens de ses propres établissements publics, une réglementation qui encadrerait un approvisionnement ambitieux et minimal des supermarchés, par où transitent plus de 90 % des aliments au Québec, donc des supermarchés en aliments sains du Québec. Les économies d'échelle que les agriculteurs ont faites depuis 40 ans, en termes d'efficacité agricole et de gestion, ce sont les détaillants et les grandes firmes transnationales de la transformation alimentaire qui se les ont accaparées en maintenant ou en augmentant le prix, ou en réduisant les formats des aliments vendus au détail aux consommateurs.

Ce n'est plus un secret pour personne, les acheteurs de denrées agricoles sont de moins en moins nombreux et sont de plus en plus en position dominante sur les producteurs. En plus, ces acheteurs sont en compétition les uns et les autres. Il est donc, selon nous, naïf de croire que c'est par le dialogue, comme le suggérait le rapport Pronovost, que la répartition de la richesse dans les filières se fera équitablement entre ces acteurs aux forces très inégales. Le secrétariat à la singularité et à la souveraineté alimentaire doit être mandaté d'étudier la question d'une réglementation de cet aspect névralgique du système alimentaire.

Finalement, la coalition, comme dernière demande, demande que le gouvernement du Québec soutienne, ou fasse, ou entreprenne une représentation soutenue auprès du gouvernement fédéral en faveur d'un instrument, à identifier, de gouvernance internationale qui serait le plus apte à reconnaître la singularité des aliments et de l'agriculture. À cet effet, et je termine là-dessus, il faut noter le travail entamé par la coalition pour la souveraineté alimentaire depuis deux ans, notamment par l'organisation d'un séminaire sur les instruments de la gouvernance internationale des systèmes alimentaires, tenu à l'Université de Montréal en novembre 2010, puis un travail poursuivi par le comité CIBLE, un comité de la coalition où siègent des experts juristes et politologues du Canada et de la Suisse. Donc, on demande au gouvernement du Québec de reconnaître ce travail-là, de le soutenir en vue d'un instrument international de gouvernance. Et ça termine notre présentation. Merci beaucoup de votre attention.

Le Président (M. Morin): Merci. M. le ministre.

**(14 h 20)**

M. Corbeil: Merci, M. le Président. Bonjour, MM. Faniel et Paré. Si je me rapporte à la politique du livre... c'est-à-dire au projet de politique de livre vert, qui veut placer le produit alimentaire au coeur de la politique, vous devez être favorables à ça, et Donner le goût du Québec, c'est pas mal dans l'esprit de ce que vous prônez, là.

M. Faniel (Jean-Paul): Oui, effectivement. Mais ce que nous prônons, au-delà du produit, c'est effectivement les consommateurs et effectivement les producteurs, c'est-à-dire les gens qui vivent de ce système-là. Et c'est dans ce sens-là, effectivement, pour la protection de ces acteurs, autant producteurs que consommateurs... sur lequel effectivement nos propositions s'appuient.

M. Paré (Frédéric): ...si je peux me permettre un élément de réponse.

Le Président (M. Morin): Oui, M. Paré.

M. Paré (Frédéric): Merci. En fait, pour nous, la manière de poser le cas ou de poser la question de cette politique bioalimentaire pour le Québec n'est pas la bonne. On comprend l'approche qui est derrière: on souhaite, au fond, que les Québécois et Québécoises consomment les aliments de leur territoire. Mais ce qu'on reproche en fait à cette politique-là, c'est qu'elle repose, elle fait reposer ce souhait-là, qui est d'un militantisme économique -- au fond, on voudrait consommer de notre territoire puis ainsi préserver notre propre sécurité alimentaire -- c'est que ça repose sur le citoyen. Mais le citoyen, là, il est de moins en moins nombreux à pouvoir faire, à poser ce geste de consommation responsable, là, qui est un thème ou une approche qui est connue. On a besoin de revenus de plus en plus importants pour pouvoir même consommer des aliments de base parce que l'offre alimentaire, elle provient maintenant de n'importe où ou de plus en plus de pays nombreux. Donc, ce qu'on reproche à cette politique-là, c'est de faire reposer le sort de notre système alimentaire beaucoup trop sur les épaules de la consommation responsable puis de l'achat local, puis pas assez sur des mesures qui seraient plus contraignantes. Puis on a mis l'emphase sur le commerce de détail ici parce qu'on pense que c'est là qu'est le noeud. Puis on pense aussi que, de ce point de vue là, la commission Pronovost a un peu manqué son coup, parce qu'elle recommandait de ne pas réglementer le commerce de détail, alors que, pour nous, il y a un enjeu là, là.

M. Corbeil: Vous êtes en train d'essayer de ma faire comprendre qu'au lieu d'inviter les Québécois à acheter québécois, il faudrait leur dire: Tu n'as pas le choix d'acheter québécois. On te l'impose.

M. Faniel (Jean-Paul): Non, ce n'est pas vraiment ça. Ce qu'on vous dit effectivement...

M. Corbeil: Bon, O.K., mais...

Le Président (M. Morin): M. Faniel.

M. Faniel (Jean-Paul): Ce qu'on vous dit, c'est que...

M. Corbeil: Mais je veux juste enchérir avec un complément à ma question. Quand vous parlez qu'il y aurait 40 à 50 produits très réglementés sur 35 000, là, ça, ça serait comme non négociable.

Le Président (M. Morin): M. Faniel, allez-y.

M. Faniel (Jean-Paul): C'est-à-dire que les 40 à 50 produits en question, ce seraient des produits qui, à l'instar de la gestion de l'offre qu'on connaît actuellement pour le lait, la volaille et les oeufs, qu'effectivement ces produits-là soient contingentés et que leur offre effectivement soit réglementée. Ça, d'une part. D'autre part, ce qu'on dit, on ne dit pas aux Québécois: Vous devez acheter telle chose. On dit que le gouvernement du Québec à cet effet devrait montrer l'exemple dans ses propres établissements pour qu'effectivement vous puissiez être à l'avant-garde, effectivement, de ce que vous recommandez aux citoyens.

M. Corbeil: Et justement vous proposez une vision bioalimentaire qui est tournée définitivement vers le marché intérieur. Et vous n'êtes pas sans savoir qu'on a des secteurs très actifs sur le marché de l'exportation. Autrement dit, il y a un certain nombre de produits qui sont peu nombreux mais qu'on fait en très grande quantité. J'ai, entre autres, les produits acéricoles, la canneberge, la canneberge biologique, les produits de la pêche, le porc. Certains de ces produits-là sont menés par des mouvements coopératifs qui sont des chefs de file dans leur domaine: Citadelle, pour le sirop d'érable, Olymel, pour les viandes, notamment le porc. Et qu'est-ce qui arrive avec ces gens-là qui font du commerce, à partir de ce qui est produit au Québec, à l'extérieur...

Le Président (M. Morin): M. Paré...

M. Corbeil: ...puisqu'on est tourné vers le Québec, là, on est en mode introversion?

M. Paré (Frédéric): Comme on le disait tout à l'heure, on suggère d'étendre cette idée de la gestion de l'offre à d'autres produits. Puis on a bien dit en introduction qu'on ne suggère pas ici de cesser d'aider les entreprises à faire du commerce ou à faire de l'exportation. On a bien dit aussi qu'il y avait plus de 35 000 produits dans les commerces de détail qui alimentent les Québécois et Québécoises. On ne suggère pas d'intervenir là-dessus.

Ce qu'on demande au gouvernement du Québec, c'est d'entrevoir son approche, sa politique en termes de sécurité alimentaire puis de la fonder sur une sélection de produits de base. Puis là on en a cinq, puis, à ce que je sache, les agriculteurs sont assez satisfaits de ce modèle-là puisqu'il garantit des revenus décents pour eux. Donc, on suggère d'avancer là-dedans puis d'aller plus loin dans le déploiement de ce modèle-là, qui fait référence, qui fait l'envie des Européens, qui ont de graves problèmes, les producteurs européens, laitiers, et bien d'autres. Donc, on dit: Il faut continuer à avancer là-dedans, il ne faut pas reculer.

Puis on ne sent pas, dans la politique qui est présentée présentement, avec cette idée de la distinction des produits, on ne sent pas cet intérêt-là. On sent plus l'idée, qu'on embrasse aussi, hein, on l'a dit, il faut continuer à s'occuper... Parce qu'il y a des dizaines, puis des milliers d'emplois, puis des centaines de milliers d'emplois qui reposent sur les produits du terroir, sur ces produits fins là, mais ce n'est pas avec ces aliments-là que les gens s'alimentent. Ils font des bons repas le samedi soir, là, avec les produits fins puis les produits de terroir, mais ce n'est pas avec ça qu'on va nourrir le Québec, c'est avec des produits de base. Puis les producteurs qui produisent ces produits-là, qui font ces denrées-là, ils sont exposés à une compétition qui est de plus en plus mondiale, puis il faut les protéger, puis il faut se nourrir de ce territoire-là pour ces aliments-là.

Le Président (M. Morin): M. Faniel.

M. Faniel (Jean-Paul): J'ajouterai une chose, c'est que, si on se met dans la peau du consommateur -- et je suis bien placé effectivement pour en parler, étant donné le poste que j'occupe et qui s'occupe plus particulièrement des personnes les plus appauvries -- quand on regarde effectivement au cours des... de 2001 à 2011, une augmentation des produits alimentaires de l'ordre de 30 %, qu'au niveau de l'inflation de tous les produits en général il y a effectivement eu une augmentation de 20 % et qu'on regarde effectivement les revenus moyens, qui eux n'ont augmenté que de 10 %, c'est clair qu'ici il y a une diminution du pouvoir d'achat. Dû à quoi? Dû effectivement à cette crise alimentaire, à ces crises alimentaires successives qui font qu'effectivement non seulement les personnes, effectivement, de la classe moyenne voient leur pouvoir d'achat diminuer face à ça, mais effectivement imaginez les personnes qui n'ont aucune marge de manoeuvre. Donc, pour être capables de juguler aussi la question des prix à la consommation, il faut être capables aussi d'avoir une approche collective qui nous permet justement non seulement de payer un revenu décent pour les agriculteur en question et de leur garantir ce revenu-là, mais aussi effectivement de temporiser ces crises alimentaires, ces augmentations de prix, effectivement, dont on est les victimes continuellement, étant donné que ça se joue au niveau international.

Si effectivement on pouvait avoir ici une extension du modèle, qui a fait ses preuves, de gestion de l'offre et qui permet aux agriculteurs qui en sont les producteurs de pouvoir avoir ce revenu-là décent et aussi aux consommateur de juguler, d'une certaine façon, les prix à la consommation, bien on considère qu'il y aurait là une grande avancée qui nous permettrait une sécurité alimentaire collective et, particulièrement, évidemment, pour les plus pauvres d'entre nous, une sécurité alimentaire individuelle.

Le Président (M. Morin): M. le ministre.

M. Corbeil: Étendre la gestion de l'offre à d'autres produits, j'aimerais ça que vous m'en donniez quelques exemples. Vous n'êtes pas obligés d'aller sur toute une liste. Puis vous n'êtes pas sans savoir que la gestion de l'offre, par exemple, concerne le lait. Mais après ça ce que les transformateurs font avec le lait, en beurre, en fromage, en yogourt, en crème glacée, là, ça, c'est comme les lois du marché, si on veut, c'est ce qu'il y a dedans, s'il y a de la... aux fraises, au chocolat, dans la crème glacée, du lait x, fromage sans ci, sans ça, avec ci, avec ça. Pouvez-vous me donner des exemples d'extension de la gestion de l'offre à d'autres produits?

Le Président (M. Morin): M. Faniel.

M. Faniel (Jean-Paul): Dans les faits, effectivement, on pourrait vous dire qu'il s'agit là d'un travail qui doit être fait en commun, en commun accord entre la coalition, effectivement, et tous ses organismes, et le gouvernement pour qu'on puisse plancher, effectivement, sur la limite de ce qu'on pourrait faire, effectivement, par rapport à un produit de base qui sort de la ferme. Évidemment, il y a des transformations par la suite. Est-ce qu'on va réglementer la salade coupée? Bon, ce n'est pas une salade qui vient de sortir. C'est à voir, ces choses-là. Ce n'est pas, effectivement... On ne vous dit pas, là, qu'on veut tout de suite avoir un carcan qui fait qu'on réglemente tout puis qu'il n'y a pas de limite, effectivement, à cette dynamique-là. On dit que ça doit se faire effectivement conjointement, qu'on identifie effectivement jusqu'où on peut aller pour que ça soit raisonnable, et là-dessus on voudrait travailler d'un commun accord.

M. Paré (Frédéric): Si vous me permettez...

Le Président (M. Morin): Oui, M. Paré.

**(14 h 30)**

M. Paré (Frédéric): ...je pense qu'on peut entrevoir aussi la manière de répondre à cette question-là en évaluant ce qu'on fait déjà. Là, il me vient en tête, là... Moi non plus, je ne suis pas un spécialiste des niveaux de production par rapport à ce qu'on consomme ici, mais je pense que dans l'agneau, dans le boeuf il y aurait peut-être des choses qu'on pourrait faire dans ce sens-là, là. Donc, je pense qu'il faut analyser ce qui est produit déjà, ce qui est consommé, voir de quelle manière ça pourrait être... faire s'équivaloir ces quantités produites. Bon, ça pose toutes sortes de questions, mais, chose certaine, c'est que, si la seule approche, c'est de n'envisager que la distinction du produit, ça ne nous permet pas beaucoup de fouiller dans ce sens-là, en tout cas.

M. Corbeil: Justement -- puis j'ai un petit problème à faire l'adéquation, là -- vous proposez, d'un côté, de garantir aux producteurs agricoles des prix équitables plus élevés par rapport à la concurrence et, de l'autre, de garantir aux Québécois même les plus démunis un accès économique à un panier d'aliments nutritifs. Comment on peut concilier ça? Et qui va assumer les coûts de ça?

Le Président (M. Morin): M. Paré.

M. Paré (Frédéric): Oui. Je pense que c'est par la réglementation qu'on peut faire ça. On le fait déjà dans le cas du lait, là. Je m'excuse, j'aurais aimé ça nommer d'autres exemples, mais on réglemente le prix au détail, puis on réglemente le prix à la ferme. Donc, je pense que c'est comme ça, c'est en évaluant les coûts de production, c'est en... Et j'aimerais souligner que les -- et je l'ai dit tout à l'heure, on l'a nommé, ce fait-là, dans notre mémoire -- les bénéfices que les agriculteurs ont obtenus dans les dernières années, les gains d'efficacité, ils ont été accaparés par des intermédiaires. Donc, l'intérêt d'une réglementation, c'est de limiter ce phénomène-là où les oligopoles se font face, puis, dans le fond, c'est au plus fort la poche. Donc, l'intérêt d'une intervention réglementée sur les prix, c'est d'éviter ça puis c'est de permettre justement que l'agriculteur tire son revenu, un revenu décent, sans que ça ait un effet trop marqué sur la consommation. Donc, on ne suggère surtout pas que l'État sorte des sous de sa poche, au contraire. D'ailleurs, à plusieurs moments, à plusieurs reprises, dans le mémoire, on a dit que c'est par voie réglementaire que la coalition fait un appel aux parlementaires ici, ce n'est pas par voie de subvention ou de programmes de soutien, là.

Le Président (M. Morin): Merci, M. Paré. M. le député de Kamouraska-Témiscouata, à votre tour.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le Président. Alors, bonjour et bienvenue à la commission.

Souveraineté alimentaire, dans le rapport Pronovost, il y avait une section concernant cette appellation... bien une appellation, en tout cas cette façon d'aborder les choses, puis la commission, dans le rapport, disait... Bien, ils ne sont pas allés très, très loin, puisqu'il y a une lecture, selon le point de vue... Quelle est, pour vous, la souveraineté alimentaire, votre vision, votre définition de ce que vous en faites, puisqu'il y a des variations, en tout cas, qu'il peut y avoir dans l'interprétation?

Le Président (M. Morin): M. Faniel.

M. Faniel (Jean-Paul): On considère effectivement que la souveraineté alimentaire, c'est la capacité, effectivement, de rependre du pouvoir sur notre alimentation. On ne parle pas de reprendre tout le pouvoir, mais du pouvoir, effectivement. Là-dessus, c'est de pouvoir, à toutes fins pratiques, pour chacun des pays, hein, pas juste effectivement le Canada, mais aussi effectivement les autres pays... pour que les pays aient la capacité de nourrir leurs populations, que leur agriculture puisse servir d'abord, effectivement, à nourrir leurs populations et qu'on puisse réglementer effectivement les aliments, en tout cas en ce qui nous concerne ici. Les autres pays feront ce qu'ils veulent là-dessus, mais qu'on leur donne la capacité effectivement, sans avoir des bâtons dans les roues de l'OMC, de pouvoir effectivement nourrir leurs populations en fonction de ce qu'ils peuvent produire. Et ça, c'est le but ultime de la souveraineté alimentaire. C'est d'être capables de pouvoir s'assurer un pouvoir sur notre capacité à nourrir notre population. Principalement, c'est ça, en gros, la souveraineté alimentaire telle qu'on la conçoit.

Le Président (M. Morin): ...ajouter...

M. Paré (Frédéric): Oui, j'aimerais ajouter quelque chose.

Le Président (M. Morin): Allez-y.

M. Paré (Frédéric): Effectivement, au chapitre 3 du rapport Pronovost, la commission, les commissaires ont suggéré d'appuyer des idées fortes associées au concept de souveraineté alimentaire puis ils ont effectivement reçu des centaines de mémoires, dont à peu près une centaine où les groupes revendiquaient une politique de souveraineté alimentaire. D'ailleurs, la raison pour laquelle on a organisé un rendez-vous québécois pour la souveraineté alimentaire, le dernier jour d'audiences de la commission Pronovost, c'était pour évidemment influencer les commissaires.

Donc, les commissaires ont retenu cette idée de soutenir des idées fortes du concept de souveraineté alimentaire et les commissaires ont décliné la souveraineté alimentaire en sept points bien précis. Et donc le 7 septembre 2007, au Rendez-vous québécois et qui était aussi en même temps la dernière journée d'audiences, 42 organisations de la société civile ont adopté ce que, nous, on appelle fièrement la Déclaration de Montréal mais qui revendique un contrat social fondé sur la souveraineté alimentaire. Et dans ce texte, qui est dans votre mémoire, on a défini ce que c'était que la souveraineté alimentaire. Ça ressemble beaucoup à ce que Jean-Paul a dit, puis on retrouve ces éléments, donc des éléments qui définissent la souveraineté alimentaire.

Mais les sept sous-points qui ont été identifiés par la commission Pronovost sont à peu près mot pour mot les points qui ont été relevés et inclus dans la Déclaration de Montréal. Puis je peux en nommer quelques-uns qui ressemblent énormément à ce que Jean-Paul dit.

Donc, la commission, donc, «juge donc important d'appuyer des idées fortes associées au concept de souveraineté alimentaire -- le deuxième picot:

«l'importance que les gouvernements du Québec et du Canada conservent la plus grande marge de manoeuvre possible afin d'élaborer des politiques agricoles qui répondent à notre spécificité et à nos valeurs, et de défendre l'intérêt des citoyens -- au fond, c'est ça qu'on est venus vous dire aujourd'hui;

«la nécessité, pour les [agriculteurs et agricultrices] de vivre correctement de l'exercice de leur profession.» On a parlé de revenus décents aujourd'hui.

Et un truc qui est fondamental: «la prémisse voulant que la finalité première de l'agriculture soit de produire, en appliquant les principes du développement durable, des aliments de qualité pour la population québécoise.» C'est aussi ce qu'on est venus vous dire.

Dans le fond, les points ou la manière dont les commissaires de la commission Pronovost ont analysé et ont décodé le concept de souveraineté alimentaire, c'est aussi la manière dont, à la coalition, on entrevoit ça. Et c'est des éléments qui ont fait consensus parmi la centaine, à peu près, de mémoires qui revendiquaient une politique de souveraineté alimentaire.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): En matière d'étiquetage, vous avez une recommandation spécifique. On sait qu'essentiellement c'est une juridiction fédérale qui doit s'harmoniser dans l'ensemble du Canada. Ce que vous parlez, c'est quelque chose de plus spécifique, en tout cas surtout quand on veut identifier des produits. Est-ce que vous pensez que le Québec a une marge de manoeuvre à cet égard?

M. Paré (Frédéric): Bon, bien, on n'est...

Le Président (M. Morin): M. Paré.

M. Paré (Frédéric): Oui. On n'est pas des juristes, là, je sais que ça pose des questions, là, de compétence, puis tout ça, mais je pense que ça, c'est un des éléments qui figurent parmi les recommandations de la coalition qui va quand même relativement bien avec ce qu'il y a présentement dans le livre vert, c'est-à-dire qu'on espère, dans le livre vert, qu'on motive... on aimerait que les consommateurs mangent local, mais, pour le faire, pour manger Québec, ça prend une identification claire. Donc là, on a Aliments du Québec, qui est déjà une organisation solide où siège à peu près toute la filière. Je pense qu'il faut soutenir, il faut promouvoir.

Puis là, bien, moi, je ne suis pas un juriste. Est-ce qu'on est capable d'aller encore plus loin puis d'encadrer? Probablement. Mais d'encadrer l'étiquetage de la provenance de tous les aliments vendus sur nos tablettes, ce serait probablement l'idéal. Je sais que le COOL est un peu contesté actuellement, là, par toutes sortes d'organisations, mais idéalement, en fait, c'est qu'il y ait des COOL partout. Ce qu'on a reproché aux COOL, c'est qu'ils avaient l'air d'être le «country of labeling», la réglementation américaine. Dans le fond, il ne faut pas reprocher aux Américains de vouloir bien identifier leurs aliments. Il faudrait que tout le monde puisse le faire, au fond, et c'est ce qu'on...

Le Président (M. Morin): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Alors, bonjour, messieurs. Dans votre recommandation, vos recommandations, la politique-cadre sur la souveraineté alimentaire, vous mentionnez la protection et la défense du territoire agricole. Alors, est-ce à dire que vous vous êtes penchés sur la question et puis vous avez des choses à proposer ou à changer par rapport à la protection qui existe actuellement, avec la CPTAQ, toute la réglementation sur la protection du territoire agricole? Je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Paré (Frédéric): Bien, rien de spécifique, sinon le principe fondamental que... Puis certains d'entre vous étiez présents, le 1er décembre dernier, à l'occasion du Petit-déjeuner du bon goût de la gouvernance, où on a justement distribué l'un des deux napperons qui sont devant vous, à l'occasion duquel petit-déjeuner un représentant de l'organisation Grain, qui est une petite ONG internationale, est venu faire un topo du phénomène de l'accaparement des terres. Donc, tout ça pour vous dire que, oui, ça fait partie...

Une voix: ...

M. Paré (Frédéric): ... -- oui, c'est un prix Nobel alternatif -- ça fait partie des préoccupations de la coalition, mais ce n'est pas une revendication qui a fait l'objet d'un approfondissement par la coalition. Mais, pour nous, c'est clairement un élément de la gouvernance du système alimentaire. Au fond, ce que la coalition martèle, c'est l'importance de la gouvernance politique des systèmes alimentaires, et le territoire, c'est un élément incontournable de cette gouvernance.

M. Faniel (Jean-Paul): Surtout avec le phénomène actuel, qu'on observe à travers le monde, d'accaparement des terres, effectivement, qui est effarant, absolument effarant. Ceux qui étaient là, à ce petit-déjeuner-là, ont vu cette présentation-là qui nous laissait les jambes sciées.

**(14 h 40)**

Le Président (M. Morin): M. le député de Saint-Hyacinthe? Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre? M. le député de Roberval, bonjour.

M. Trottier: Oui. Bonjour. Ça me fait plaisir. Justement, par rapport à ce déjeuner, j'étais au déjeuner. Je me demandais, par rapport au fait qu'on a vu des grandes entreprises qui ont pris le contrôle il y a peut-être 25, 30, 40, 50 ans sur des territoires... Pour la banane, on pense, entre autres, à Chiquita et compagnie. Qu'est-ce qui est vraiment différent par rapport à cette époque-là, par rapport à aujourd'hui, là? Est-ce qu'on a monté d'une coche? Est-ce que c'est la continuité de ce qui se faisait déjà avant?

Le Président (M. Morin): M. Paré.

M. Paré (Frédéric): Je ne suis pas un spécialiste, encore une fois, de la question de l'accaparement des terres, mais ce qui est nouveau comme phénomène, c'est la financiarisation de ce domaine-là. C'est-à-dire qu'aujourd'hui c'est des fonds communs de placement qui mettent des sous dans des terres en Afrique puis c'est devenu une question internationale. Donc, c'est des fonds de pension de n'importe où qui achètent des terres en Afrique ou en Argentine. Donc, c'est la financiarisation sur les terres, sur le foncier, mais c'est aussi la financiarisation sur les stocks, sur les inventaires, puis tout ça s'est passé ou se passe, en fait, à la faveur de l'ouverture des marchés, au fond. De plus en plus, l'aliment, et la terre, devient une marchandise financiarisable. Donc, c'est ça, je pense, qui est nouveau par rapport à il y a 40 ou 50 ans.

Le Président (M. Morin): C'est beau? Quelques secondes, M. le député de Roberval.

M. Trottier: O.K. Dans les annexes, vous mentionnez une citation de Mme Ségolène Royal, qui dit qu'on devrait peut-être avoir une cinquantaine de produits dont le prix devrait être fixe, là. Est-ce que vous pensez que ça s'appliquerait au Québec? Puis comment on pourrait faire ça?

M. Faniel (Jean-Paul): Bien, c'est justement...

Le Président (M. Morin): Réponse courte, M. Faniel.

M. Faniel (Jean-Paul): C'est justement l'objet, effectivement, de ce qu'on propose. Ce qu'on dit, c'est que dans le choix de ces produits-là, pour être capable de réglementer autant la production que la consommation comme telle, les prix à la consommation, c'est un travail qui doit se faire en commun pour les identifier précisément, le but étant effectivement d'arriver à ce qu'on puisse nourrir notre population. Donc, l'identification des produits en question, on suggère... on n'arrive pas avec une liste en disant: Bon, il devrait y avoir les produits maraîchers, puis à l'intérieur des produits maraîchers il devrait y avoir tel produit, tel autre produit, tel autre produit. C'est quelque chose sur lequel on serait capable de pouvoir s'entendre en travaillant avec des experts qui pourraient identifier la faisabilité de la chose. Mais effectivement, au bout de la ligne, il faut en arriver à un résultat qui est de pouvoir en arriver à nourrir notre population. C'est ça, le fond, et de le faire... nourrir notre population puis s'assurer que nos producteurs puissent continuer à produire.

Présentement, si on ne fait pas ça, si effectivement... Faisons un cas d'espèce. Si on regardait effectivement la question du lait, s'il n'y avait pas cette gestion de l'offre, qu'est-ce qui se passerait? Qu'est-ce qui se passerait? Ça voudrait dire effectivement qu'en dedans d'environ six mois... les États-Unis augmentent leur production laitière d'environ 1 %, puis en six mois ils mettent tous les producteurs de lait à genoux. Ils ne seront pas capables de pouvoir remettre leurs emprunts qu'ils font régulièrement, des choses comme ça. Ce n'est pas pour rien qu'il y a une gestion de l'offre. Il y a une gestion de l'offre effectivement, à ce niveau-là, pour être capables de pouvoir à la fois assurer un revenu décent pour les producteurs, assurer effectivement que nos petites fermes familiales de Gaspésie puissent continuer à faire du lait, puis en même temps, effectivement, assurer à nos consommateurs une certaine stabilisation des prix malgré l'augmentation du pétrole, des choses comme ça.

Le Président (M. Morin): Merci, M. Faniel. M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Oui. Merci. On continue dans le même sens. Et remarquez que vous parlez beaucoup de la gestion de l'offre. Je ne sais pas, si aujourd'hui on ramenait la gestion de l'offre, la mettre en place même dans le lait, dans le poulet, dans les oeufs, dans le sirop d'érable... Le sirop d'érable, ça s'est fait dernièrement. Mais ça serait compliqué. Parce que, c'est sûr... Moi, je suis un producteur de sirop d'érable. On sait que, le sirop d'érable, 85 % de la production mondiale se fait au Québec. Alors, si demain matin on bloque les autres qui rentrent ici, on va être bloqués pour sortir, nous autres aussi, là. Ça va dans les deux sens. Je pense que ça ne serait pas plus...

On tourne toujours alentour du pot, là, mais il reste que... J'imagine que l'étiquetage puis de la provenance du produit sur nos tablettes, moi, je pense que c'est l'outil principal pour dire: Ce produit-là vient du Québec. Tu en as un qui vient de la Chine, tu en as un qui vient des Indes, c'est ton choix, mais au moins tu peux choisir, ce qu'on n'a pas aujourd'hui.

Aujourd'hui, là, les gens qui ont passé avant vous, avant-midi, nous disaient que, même les petits concombres qui sont dans les pots, le pot, et le vinaigre, est plus important que le concombre. Alors, ils ne peuvent pas dire que le concombre vient du Québec ou bien qu'il vient de n'importe où. Ils ne peuvent pas l'identifier. Alors, moi, je trouve qu'on a un chemin, on a un bout de chemin à faire là, là, sur l'étiquetage. Je pense que, si on est capable d'identifier les produits, on ne réglerait pas tous les problèmes, mais on en réglerait plusieurs.

Le Président (M. Morin): M. Paré.

M. Paré (Frédéric): Oui, j'aimerais réagir...

Le Président (M. Morin): En une minute.

M. Paré (Frédéric): ...rapidement là-dessus. Deux éléments d'information. J'ai déjà travaillé à Équiterre pendant sept ans, puis on avait l'habitude régulièrement de faire des sondages, des sondages omnibus avec deux ou trois questions, à la mesure des moyens qu'Équiterre avait à l'époque, entre autres pour savoir jusqu'à quelle hauteur, jusqu'à quel différentiel de prix les consommateurs étaient prêts à payer davantage pour privilégier un aliment local versus un équivalent provenant d'ailleurs, puis, rendu à 17 %, ça tombait comme des mouches, c'est-à-dire que, rendu à 17 %, le citoyen décrochait de sa motivation d'achat local. Ça, c'est le premier élément.

Le deuxième élément, Marcel Mazoyer, qui est un agronome français réputé, prof à l'AgroParisTech, est venu faire une présentation à la dernière assemblée générale annuelle de la coalition et nous a rappelé... C'est un éminent, là, il connaît ça, les agricultures du monde. Il a écrit des bouquins sur les agricultures du monde. Il est venu nous rappeler en toute simplicité qu'entre les agricultures paysannes à la pioche de l'Afrique puis les agricultures ultramécanisées et capitalisées, par exemple du Brésil, on peut voir un écart de rendement, en termes de production en kilos par heure travaillée, de 1 pour 2 000. Il y a des limites claires à l'exposition de ces agricultures-là les unes les autres sur les mêmes marchés. Quand bien même on identifie la provenance des aliments, ça a des limites.

L'agriculture bio, c'est un cas extraordinaire pour comprendre les limites de l'étiquetage. C'est une production qui est encadrée, il y a une réglementation. Les gens, quand on leur demande en sondage c'est quoi que ça veut dire, «bio», ils savent c'est quoi. Ils ont confiance dans la certification. Ça fait 50 ans qu'on en fait, des produits bio, au Québec. Les experts disent: C'est extraordinaire pour capter l'eau dans le sol puis c'est extraordinaire sur le plan agronomique, mais c'est encore à 2 %. Pourquoi c'est encore à 2 %? C'est parce que ça repose sur des choix individuels. Ce n'est pas des politiques publiques qui sont derrière, contraignantes. C'est là, la limite du choix individuel.

Et, la coalition, on pense qu'il faut continuer à encourager les citoyens à faire de la consommation responsable. Mais on est venus vous dire qu'il faut faire plus que ça. Ça prend des contraintes dans le système, ça prend des hommes puis des femmes politiques pour adopter des lois puis des règlements, pas pour la chip au ketchup ou pour le biscuit Oreo, mais pour ce qui constitue notre alimentation de base.

Le Président (M. Morin): Merci, M. Paré. Je n'ai pas voulu vous couper, vous étiez sur une bonne lancée, là. Merci beaucoup pour votre mémoire. C'est un mémoire assez frappant, là, qui nous interpelle de beaucoup.

Et j'inviterais l'organisme suivant, Les Ami-e-s de la Terre de Québec.

Je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 14 h 48)

 

(Reprise à 14 h 51)

Le Président (M. Morin): Nous reprenons nos travaux. Et nous recevons, comme je l'ai dit tout à l'heure, Les Ami-e-s de la Terre de Québec. Donc, la personne responsable, veuillez vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne. Et nous vous écoutons. Vous avez, vous le savez, 10 minutes. Essayez de condenser ça en 10 minutes.

Les Ami-e-s de la Terre de Québec (ATQ)

Mme Bernier (Dominique): Bonjour. Je m'appelle Dominique Bernier. Je suis responsable du comité Agriculture aux Ami-e-s de la Terre. Et je suis accompagnée de Sandrine Seydoux, agronome et militante au sein des Ami-e-s de la Terre.

Alors, en premier lieu, on tient à vous dire qu'on est très contentes d'avoir la chance de s'exprimer devant vous. Et on se réjouit aussi de voir que les choses avancent et qu'on s'approche graduellement d'une politique structurante en matière d'agriculture.

Il y a plusieurs mesures qui ont été présentées dans le livre vert qui nous paraissent intéressantes, lorsqu'elles sont prises individuellement, mais, selon nous, il existe un problème de fond qui a trait à la logique qui sous-tend cet exercice. On va tenter de corriger cet aspect en vous présentant une autre façon d'articuler cette politique. Le document qui vous a été remis en est un exemple. C'est une façon qui nous semble plus conforme aux résultats du rapport Pronovost, rapport qui a été bien accueilli, comme vous le savez, par une majorité d'acteurs impliqués dans le dossier agroalimentaire.

Après avoir participé à un grand nombre de consultations publiques sur le sujet et après avoir exprimé maintes et maintes fois notre point de vue, de la façon la plus claire possible selon nous, on constate, en lisant le livre vert, qu'il y a un problème de compréhension qui subsiste, probablement dû au fait qu'il y a un référentiel différent qui est utilisé par le gouvernement par rapport à celui des acteurs de la société civile, dont nous faisons partie.

Alors, pour bien se comprendre, c'est important de s'entendre sur le sens des mots. C'est pourquoi, mis à part la refonte des orientations et objectifs, notre présentation va s'articuler autour de différentes définitions des mots qui soit sont présents dans le livre vert et auxquels, nous, on ne donne pas la même définition que vous, soit qu'ils ne sont pas présents et qu'on aurait aimé les voir dans la politique.

En tout premier lieu, la vision. Pour nous, la vision d'une politique alimentaire... Bien, en fait, on était d'accord avec celle du rapport Pronovost. On l'a légèrement reformulée pour qu'elle corresponde encore mieux à ce qu'on pense. Je vais vous en faire la lecture: «L'État et la société québécoise doivent appuyer la nécessaire transition vers une agriculture diversifiée, plurielle, constituée de fermes de taille variable et soucieuse de produire des aliments sains, variés et de haute qualité destinés d'abord à la population locale, dans le respect de la vitalité des écosystèmes dont elle dépend et des communautés qui l'accueillent.»

Alors, on va passer à la première orientation. Celle qu'on a mise en premier s'intitule comme suit: Protéger les écosystèmes essentiels à la pérennité de la production agroalimentaire. Contrairement au découpage effectué dans le livre vert, on débute par l'orientation touchant la protection de l'environnement parce que c'est un élément essentiel à la pérennité des activités agricoles. Celles-ci, de même que la vie humaine elle-même, y sont subordonnées. On a absolument besoin d'un environnement viable pour produire des aliments et pour que l'humain puisse survivre ultimement.

Alors, je vais vous définir ce qu'est «environnement». Ça peut vous sembler bizarre, mais le mot «environnement» est utilisé à toutes les sauces, et je tenais à revenir à la définition de base parce que, contrairement à la vision exprimée par certains des auteurs du livre vert qu'on a eu l'occasion d'entendre, l'environnement n'est pas, pour nous, une contrainte avec laquelle on n'aura pas le choix de composer. Le Larousse en ligne définit l'environnement comme étant l'«ensemble des éléments, biotiques ou abiotiques, qui entourent un individu ou une espèce et dont certains contribuent directement à subvenir à ses besoins». C'est en fin de compte le milieu de vie duquel nous sommes tributaires.

L'écoconditionnalité, on en parle dans le livre vert, on la définit comme suit: C'est un levier permettant de favoriser les meilleures pratiques environnementales. L'aide accordée doit servir à tirer vers le haut les pratiques culturales. Elle ne doit pas servir d'aide financière permettant de s'adapter à la réglementation existante. C'est très clair pour nous, l'écoconditionnalité doit servir à ça.

Le développement durable, c'est aussi un terme qu'on entend très souvent et qui a été un peu malmené au fil des années. Il vise à concilier les aspects de justice sociale, de protection de l'environnement et de développement économique. Dès lors qu'on subordonne les deux premiers aspects à la croissance économique, on ne peut pas parler de développement durable. Il faut qu'ils soient sur le même pied. Le développement durable s'articule autour de deux concepts: les besoins, particulièrement les besoins vitaux, comme l'alimentation. Ceux-ci doivent avoir préséance sur les désirs, comme le désir de profit. Ensuite, le deuxième aspect, c'est les pressions que notre organisation sociale souvent déficiente et notre capacité technique limitée imposent ou font subir à l'environnement et qui hypothèquent sa capacité de répondre aux besoins humains dans le temps.

Un autre mot qu'on a vu beaucoup dans le livre vert, c'est le mot «image». Une image, pour nous... bien, selon le dictionnaire en fait, c'est l'aspect sous lequel quelqu'un ou quelque chose apparaît à quelqu'un, la manière dont il le voit et le présente à autrui. Une image, qu'elle soit verte ou pas, n'est rien de plus qu'une perception.

L'enjeu n'est pas, selon nous, de travailler à modifier la perception des gens par rapport aux produits agricoles québécois. Il faut plutôt faire de l'agriculture du Québec une plaque tournante de la production biologique et démocratiser l'accès aux produits issus de ce mode de culture. Ce sont les diverses appellations biologiques qui sont reconnues de par le monde qui sont garantes des plus hauts standards écologiques de production. Le label Aliments Québec nous informe sur la provenance. C'est très intéressant, mais, lorsqu'une production significative des aliments produits ici seront certifiés biologiques, c'est-à-dire lorsque le Québec répondra à plus de 50 % de la demande locale en produits bios -- parce qu'actuellement la plus grosse partie est importée -- lorsqu'il sera évident pour tous que le gouvernement cherche à faire en sorte que les modes de production les plus écologiques possible deviennent la norme, alors la perception des gens concernant la production québécoise changera d'elle-même.

**(15 heures)**

Mme Seydoux (Sandrine): Pour ce qui est de la deuxième orientation, c'est atteindre la souveraineté alimentaire. Il en a été question précédemment, mais, je rappelle, c'est la capacité des peuples à maintenir et à développer leurs propres productions alimentaires, tout en respectant la diversité culturelle et agricole. C'est aussi la capacité de définir et de mettre en place des politiques agricoles et alimentaires adaptées à leurs besoins, sans que cela ait un impact négatif sur les populations des autres pays. C'est un aspect très important pour nous.

Pour maintenir la souveraineté alimentaire, il faut donc protéger et utiliser de façon viable les terres agricoles et forestières, l'eau et les ressources halieutiques, les semences... la liste est longue. Ces moyens de production doivent demeurer accessibles aux producteurs locaux en priorité, et les cultures vivrières doivent être favorisées par l'État. De plus, la lutte contre la privatisation du vivant, les semences et la génétique animale en particulier, est essentielle au maintien de la capacité de production alimentaire des peuples.

Associée à cette notion de souveraineté alimentaire, il y a, bien entendu, celle de sécurité alimentaire. Il peut y avoir de la sécurité alimentaire sans souveraineté alimentaire, mais l'inverse ne nous paraît pas réaliste. La sécurité alimentaire, on le rappelle, c'est la capacité d'assurer que le système alimentaire fournisse à toute la population un approvisionnement alimentaire nutritionnellement adéquat et sur le long terme. Elle dépend des quatre facteurs que vous connaissez tous: la disponibilité -- donc, quand il s'agit de souveraineté alimentaire, il s'agit de la disponibilité de par la production intérieure -- l'accès aux produits, la stabilité des infrastructures mais aussi la stabilité politique, et la salubrité des produits.

Maintenant, un terme qui est utilisé aussi dans le livre vert et qu'il nous semble important de définir, c'est la richesse. On a trouvé une citation de Giono qui résume bien notre vision de la vraie richesse. Jean Giono dit: «Ce n'est pas les sous qui font la richesse, c'est le contentement.» Donc, si l'on adopte cette perspective, produire de l'argent pour produire de l'argent ne fait aucun sens. L'argent est un moyen de faciliter les échanges, mais pas une fin en soi.

La richesse au sens de «contentement» se mesure de multiples manières, notamment par la fertilité des sols, des milieux aquatiques, la biodiversité, la dimension relationnelle, c'est-à-dire les liens interpersonnels qui assurent le contentement des êtres humains et leurs relations, leurs bonnes relations. Ça a trait aussi à la qualité de vie, qui est tributaire d'une foule de petites choses non quantifiables et qui n'ont pas de valeur économique directe. Et c'est associé aussi au patrimoine de l'humanité, c'est-à-dire la richesse collective sans laquelle aucune innovation n'est possible et qu'il importe de protéger de toute appropriation, afin de conserver la capacité de chacun d'y contribuer.

Le contentement des actionnaires satisfaits des rendements financiers obtenus n'est pas garant de la satisfaction des besoins alimentaires de la population. À lui seul, il n'est porteur de richesse que pour une poignée d'individus, richesse monétaire qui s'acquiert au détriment de la véritable richesse pour tous et pour toutes. Pour preuve, la mondialisation des marchés et la spéculation sur les denrées alimentaires et les terres arables ont privé une grande partie de la population mondiale des moyens d'assurer sa subsistance, accentuant ainsi les problèmes de sous-alimentation de par le monde.

Et, pour finir, une citation du chef apache Geronimo il y a plus d'un siècle: «Quand le dernier arbre aura été abattu, quand la dernière rivière aura été empoisonnée, quand le dernier poisson aura été pêché, alors on saura que l'argent ne se mange pas.»

Mme Bernier (Dominique): La troisième orientation vise à jeter les bases d'un nouveau contrat social fondé sur l'équité entre le producteur, le distributeur et le mangeur, de même qu'on pourrait ajouter l'équité intergénérationnelle aussi, parce que ça doit durer dans le temps. Il y a deux mots qui se référaient à cette orientation-là, principalement, le mot «qualité» et le mot «multifonctionnalité», qui sont tous deux dans le livre vert.

La qualité, premièrement. Dans une logique de marketing, le terme «qualité» est le plus souvent synonyme d'uniformité, de standardisation. Si cette définition s'applique bien à la production de bibelots en plastique, la qualité d'un produit alimentaire dépasse largement ce concept. Un aliment de qualité est nutritif, il a bon goût, il est sain et sécuritaire, il est produit avec soin dans des conditions environnementales et sociales optimales. Un produit de qualité peut aussi être original, nouveau et en ce sens contribuer à la diversité des produits. Lorsqu'il s'agit de qualité des semences, il est dangereux d'associer la qualité à la seule stabilité des caractères génétiques, à l'uniformité, si on veut, surtout si... Parce qu'habituellement, dans le fond, cette caractéristique-là est placée devant l'adaptabilité, devant la résilience agroécologique et devant la diversité génétique, qui sont essentielles à la pérennité du vivant.

La multifonctionnalité, quant à elle, fait référence à ces différentes fonctions productives, sociales et environnementales de l'agriculture. Au-delà de sa vocation première de production, l'agriculture procure des bénéfices à la société. Entre autres, elle contribue à l'attractivité des territoires, à la gestion et à la protection des ressources naturelles, au maintien de services dans la communauté, tout comme elle façonne les paysages ruraux. Ces diverses contributions sont le propre des biens publics et ne peuvent être convenablement assurées dans le cadre d'une économie de marché. Un programme efficace de mise en valeur de la multifonctionnalité doit donc être doté d'un financement substantiel. En matière d'environnement, elle doit viser notamment la conservation du patrimoine naturel et agricole, la création de biens et services environnementaux, l'occupation du territoire et la mise en valeur de l'agriculture urbaine.

Le Président (M. Morin): Mme Bernier, je suis forcé de vous inviter à...

Mme Bernier (Dominique): Il me reste un tout petit truc.

Le Président (M. Morin): Oui. Allez.

Mme Bernier (Dominique): C'est juste la conclusion. On voulait saluer la volonté du gouvernement de mettre en place une politique agroalimentaire pour le Québec. On l'invite à revoir sa vision du secteur agroalimentaire de même que les orientations et les objectifs afin de remodeler de façon viable l'agriculture québécoise en fonction de la réalité du XXIe siècle. Nous espérons vivement que la protection de l'environnement, par le biais de l'écoconditionnalité et de la multifonctionnalité notamment, ne soit pas qu'une image verte, une opération de mise en marché, mais constitue réellement les éléments structurants de la politique.

Le Président (M. Morin): Merci, Mme Bernier. M. le ministre.

M. Corbeil: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci de votre présentation. Il y a différents concepts qui ont été véhiculés lors de votre présentation et qui avaient été aussi présentés précédemment: souveraineté alimentaire, autosuffisance alimentaire, sécurité alimentaire. Est-ce que vous pensez que, sur le plan de l'autosuffisance ou de la sécurité alimentaire, il y a un problème au Québec?

Le Président (M. Morin): Mme Bernier.

Mme Bernier (Dominique): Oui, on pense qu'il y a un problème. Disons, les politiques gouvernementales depuis de nombreuses années structurent l'agriculture en vue de l'exportation principalement. Mis à part certaines politiques, comme la gestion de l'offre, le gros des efforts mis pour aider les agriculteurs consiste des productions dédiées en grande partie à l'exportation. Nous, on pense que la fonction première de l'agriculture, ce n'est pas d'être jouée en bourse, mais c'est plutôt de nourrir la population locale. Donc, oui, il y a une grosse partie de... Disons, c'est bien d'exporter, mais on doit avant tout produire pour nourrir les habitants. On n'est pas contre les exportations, globalement.

M. Corbeil: Comme je l'ai mentionné tantôt à ceux qui ont passé avant vous, le Québec s'est spécialisé ou concentré un peu plus dans certaines productions et il est le champion. Sur le plan du lait, par exemple, 37 % ou presque 40 % du lait qui se consomme au Canada vient du Québec, et les produits dérivés, là, ça se décline... 70 % du yogourt qui se mange au Canada est fabriqué ou à tout le moins part de lait québécois, etc. Il y a des choses qu'on fait pour notre monde d'abord et avant tout, dans une gestion de l'offre, mais qu'on en fait un peu plus qu'on en a besoin, qui nous permet de l'exporter, qui nous permet de l'exporter à nos voisins et qui nous permet de faire vivre le producteur et toute la chaîne en amont et en aval, étant les fournisseurs avant qu'on produise du lait puis étant les usines de transformation. C'est une chaîne qui est très, très imbriquée. Et vous introduisez, à la page 5 de votre document, la dimension... -- attendez une minute, je vais le citer exact -- «le retour au localisme». Pourriez-vous me définir le localisme?

Mme Bernier (Dominique): Bien, en fait...

Le Président (M. Morin): Mme Bernier.

Mme Bernier (Dominique): Oui. Excusez...

M. Corbeil: Bien, une ou l'autre, là, je n'ai pas de...

Mme Bernier (Dominique): Le localisme, c'est simplement la possibilité de s'approvisionner en produits de la façon la plus locale possible, c'est-à-dire la plus près possible du lieu où on réside, simplement. C'est comme ça que ça se définit. Il y a plein de systèmes qui existent qui sont actuellement marginaux, qui sont très peu soutenus. On s'entend, les grandes productions comme la production porcine, la production laitière bénéficient d'une aide substantielle de la part de l'État depuis de nombreuses années, tandis que, pour ce qui est de l'agriculture soutenue par la communauté, l'agriculture urbaine, l'agriculture biologique, c'est marginal, le soutien qui est effectué, et elles réussissent quand même, ces productions-là, à connaître un essor certain, malgré le fait qu'elles sont défavorisées du point de vue du soutien financier étatique. Donc, on pense que le localisme, ça consiste à justement s'assurer que toutes les formes de mise en marché, et de production, et de distribution axées sur le local soient favorisées par l'État, tout simplement.

M. Corbeil: Quelles seraient vos propositions pour aller dans ce sens-là, dans le sens du localisme?

Mme Bernier (Dominique): Bien, on vous a soumis une série de recommandations qui sont sur la petite feuille, qui tiennent sur une page, mais qui sont aussi dans le mémoire qu'on avait présenté devant la commission Pronovost, qu'on vous a remis en même temps. Et on est assez en... disons, on était très favorables à une grande partie des recommandations du rapport Pronovost, même que, malgré les quelques-unes qui ne faisaient pas nécessairement notre affaire, on serait prêts à vivre avec l'ensemble, là, parce que ça faisait consensus aussi.

M. Corbeil: Je voudrais juste corriger... Parce que vous parlez de soutien de l'État. Les secteurs qui sont sous gestion de l'offre ne reçoivent pas de soutien de l'État. Donc, le secteur laitier n'en a pas. Le secteur porcin, par contre, à travers l'ASRA, l'assurance stabilisation du revenu agricole, reçoit du soutien de l'État. Et vous nous dites que les...

Mme Bernier (Dominique): Je voudrais juste dire peut-être que quand même la gestion de l'offre, c'est un soutien réglementaire de l'État. Ce n'est pas un soutien financier, mais c'est une aide sous forme de règlement, quand même.

M. Corbeil: Est-ce que vous seriez en faveur de l'abolition de la gestion de l'offre?

Mme Bernier (Dominique): Non, on n'a pas pris position là-dessus.

**(15 h 10)**

M. Corbeil: O.K. Vous dites que vous souscriviez à une grande partie des recommandations du rapport Pronovost. Une des recommandations du rapport Pronovost était l'abolition pure et simple du soutien au revenu, tel qu'on le connaît, l'ASRA, et il n'y a pas eu... au contraire le gouvernement n'a pas été dans cette direction-là, parce que depuis 2008, même si les gens ont l'impression qu'il ne s'est rien passé depuis Pronovost, il y a un paquet de choses qui ont été introduites, notamment la promotion d'aliments... Québec dans votre assiette!, Aliments du Québec: toujours le bon choix!, etc. Il y a eu des budgets additionnels, il y a eu des mesures d'efficacité qui ont été introduites, et ça a créé, vous en êtes témoins probablement, une certaine commotion dans les productions qui sont non sous gestion de l'offre: porcine, ovine, bovine, etc. Pensez-vous qu'on doit aller plus loin dans ces mesures d'efficacité là ou aller dans le sens de Pronovost, l'abolition des programmes de soutien au revenu qui ont été... donc qui proposait une avenue différente, là? Mais est-ce que vous pensez qu'on devrait s'en aller dans cette...

Mme Bernier (Dominique): Oui, en fait, graduellement d'ici la fin de l'enveloppe budgétaire actuelle, il faudrait préparer la transition vers quelque chose de nouveau, là, vers quelque chose, vers une aide à l'agriculture qui ne soit pas, disons, comme elle l'est actuellement. Je pense que, oui, il faudrait se préparer à encourager un autre type d'agriculture, une agriculture plus diversifiée. Et l'enveloppe doit être substantielle. Donc, effectivement, ça passe par...

M. Corbeil: Plus diversifiée, genre...

Mme Bernier (Dominique): Genre... Diversifiée...

M. Corbeil: Tu sais, demain matin, on fait moins de porc. Les... On fait plus de porc qu'on en a de besoin parce qu'on en exporte. On transforme plus de porc qu'on en consomme parce qu'on en exporte. Demain matin, on en fait moins. Qu'est-ce qu'on fait à la place pour occuper le producteur, et le transformateur, et le distributeur, et combler... Bien, peut-être plus besoin à l'exportation, là, parce qu'on est revenu sur le local. Qu'est-ce qu'on fait, là? Comment vous voyez la suite des choses? Parce que les producteurs nous disent: Il ne faut pas aller trop vite dans ces changements-là. La fin de ça, c'est dans deux ans. Qu'est-ce qu'on prépare ensemble pour amortir le choc?

Mme Bernier (Dominique): Bien, écoutez, la transition doit être graduelle, c'est sûr. On ne parle pas de... on ne pense pas qu'il faut du jour au lendemain cesser d'aider des producteurs qu'on encourageait à s'endetter pour répondre aux besoins d'un marché mondial qui est soumis à la spéculation boursière, là, on s'entend. Il faut être responsables vis-à-vis des orientations qu'on a prises vis-à-vis d'eux. Sauf que c'est quand même par l'aide graduelle de l'État qu'on peut envisager une transition vers des formes d'agriculture plus respectueuses de l'environnement et plus propices à assurer la souveraineté alimentaire du Québec. On ne mange pas que du porc, on ne mange pas que du lait, on ne mange pas que des oeufs au Québec. Il y a une panoplie d'aliments, de produits dont on se nourrit, et, moi, je ne suis pas spécialiste de ce qui est vendu puis, dans le fond, de ce que les Québécois achètent, mais il faut voir les manques à gagner puis encourager les productions dans lesquelles on n'arrive pas à...

Tu sais, par exemple, ce n'est pas normal qu'on soit obligés d'importer des carottes du Mexique ou des États-Unis, alors qu'on est capables de produire les carottes dont on a besoin ici. Tu sais, c'est une culture qui est très bien adaptée au Québec. Et c'est la même chose pour un paquet d'autres produits. Donc, il faut voir ce qui est adapté à notre climat puis être capables de le produire en quantité suffisante, puis, les surplus, on les exporte. Mais, pour ce qui est... Je ne pourrais pas vous sortir une liste d'aliments, là, je pense que ça demande un travail de spécialiste puis je ne suis pas capable de faire ça maintenant. Si vous m'engagez, je vais le faire, là.

Le Président (M. Morin): Le député de Rivière-du-Loup veut prendre la parole. Allez-y, monsieur.

M. D'Amour: Bien, merci, M. le Président. Sur la première orientation, l'objectif 1, informer, sensibiliser sur l'impact négatif des pratiques agricoles actuelles, moi, je vis dans l'industrie agricole, je suis dans une région agricole, et corrigez mon évaluation de la situation s'il y a lieu, là, mais j'ai l'impression qu'on s'est non seulement nettement améliorés, mais améliorés beaucoup au cours des dernières années.

Le Président (M. Morin): Mme Bernier.

Mme Bernier (Dominique): Bien, on s'est améliorés, mais il y a encore du chemin à faire, là, on s'entend. Il y a encore une pollution des cours d'eau qui est critique dans plusieurs bassins versants, il y a encore une érosion des sols de l'ordre de... En tout cas, il y a quelques années c'était encore huit tonnes à l'hectare par année. Ça me semble faramineux, ça me semble énorme et dangereux. Si on sait que la couche arable, ça prend 10 000 ans à se constituer, là, ce n'est pas rien. Ça veut dire qu'on fait de l'agriculture hors sol, dans certaines régions, sur nos sols agricoles parce qu'ils ne sont plus vivants, ils sont pratiquement juste un support qui sert à tenir la plante debout. Ce n'est pas le cas partout, il y a du chemin qui a été fait, mais quand même on est revenus, notamment sur la question des bandes riveraines, aux normes d'il y a 20 ans, à peu près en même temps que l'abolition du moratoire sur la production porcine. On est passés, on est revenus aux trois mètres de bande riveraine, ce qui est un recul. Il y a aussi eu des reculs, là, il n'y a pas que des bons coups qui ont été faits.

Et on pense qu'en matière d'agroenvironnement il y a encore vraiment du chemin à faire. Les clubs d'encadrement technique et tous les gens qui travaillent en agroenvironnement font du bon boulot, mais pas assez de producteurs ne reçoivent leurs services. Beaucoup de producteurs malheureusement ont pour principaux conseillers les vendeurs d'engrais et de pesticides, puis ça, ce n'est pas normal. On pense que ça... Disons, le soutien à l'agriculture doit venir de gens indépendants qui n'ont pas d'intérêt commercial à vendre des produits. Il doit venir de gens qui connaissent bien l'agriculture, qui connaissent bien les sols, qui connaissent bien la façon, les bonnes pratiques agricoles pour protéger la biodiversité. Donc, ça, on pense qu'il y a... Oui, il y a eu certaines avancées, mais il y a encore beaucoup, beaucoup à faire avant d'avoir une agriculture viable à long terme.

Le Président (M. Morin): Ça va?

M. D'Amour: Oui.

Le Président (M. Morin): C'est beau. M. le député de Kamouraska-Témiscouata, c'est à vous.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le Président. Alors, bonjour, mesdames. Merci d'être avec nous aujourd'hui. Dans une vie antérieure, moi, j'ai été directeur général de l'Institut de technologie agroalimentaire, qui relève du ministère de l'Agriculture, tant au campus La Pocatière qu'à Saint-Hyacinthe. Donc, j'ai pu remettre, au fil des années, au moins 5 000 diplômes, donc j'en ai vu, des jeunes. Et ce que j'entends, c'est une volonté de décroissance du secteur. D'ailleurs, vous l'indiquez d'entrée de jeu, puis c'est une philosophie, c'est une vision du monde. Mais j'ai chaque année encouragé les diplômés à faire en sorte qu'en allant en agriculture... Parce qu'il y a différents programmes, mais, mettons, ceux et celles qui choisissaient d'aller faire une relève agricole des fermes familiales de plusieurs générations qui ont travaillé très fort pour vivre, survivre, se développer, et d'autres qui rêvent aussi de... Mais je les encourageais à pouvoir sortir de leurs exploitations pour aller travailler dans leurs communautés, s'engager.

Et les jeunes générations maintenant, ils veulent aussi avoir du loisir, comme tous les autres jeunes dans les autres secteurs. C'est accaparent, c'est sept jours semaine, c'est une réalité. Mais, pour en arriver à ça, il faut avoir un niveau d'entreprise qui permette d'avoir un revenu puis d'avoir aussi une capacité de prendre deux jours par deux mois, ou quelque chose comme ça. C'est ça, la réalité. Et, tout en respectant vos propos, je ne vois pas, moi, comme parlementaire, comme responsable public, politique, d'en arriver... je ne peux pas adhérer à cette vision d'orienter notre souveraineté alimentaire, à laquelle j'adhère en principe, mais vers une décroissance qui fait en sorte... Qui va pouvoir vivre et survivre? Parce qu'on a entendu des témoignages, vous savez, si vous suivez les travaux, là, ce n'est pas des gros revenus actuellement. Les gens font beaucoup de sacrifices. Mais, s'il faut réduire encore plus et leur dire que la voie, c'est... Qui va payer par rapport à ça? Ce n'est pas un voeu de pauvreté, aller en agroalimentaire, on se comprend.

Alors, j'ai de la misère à concilier le réalisme de vos propos malgré des idées intéressantes, là. Et je ne rejette pas tout d'emblée. Vous comprenez? Comment encourager à la formation, à l'esprit d'entrepreneurship, à l'innovation mais en leur disant: Aller dans ce secteur-là, il faut que ça soit des toutes petites entreprises, et que vous allez être condamnés finalement à vous isoler? Et ce n'est pas ça, le... ce n'est pas comme ça qu'on peut attirer, ce n'est pas comme ça qu'on peut aussi faire en sorte qu'ils s'épanouissent, qu'ils aient des familles. Vous comprenez mon point de vue? Je ne sais pas. Et j'aimerais juste savoir quels sont les contacts que vous avez comme organisation, Les Ami-e-s de la Terre, avec les gens qui nourrissent depuis des générations le Québec, le peuple?

Mme Bernier (Dominique): Bien, je peux vous répondre...

Le Président (M. Morin): Oui, Mme Bernier.

**(15 h 20)**

Mme Bernier (Dominique): ...premièrement, qu'on est le... Les Ami-e-s de la Terre ont contribué à constituer le Marché de solidarité régionale. Donc, c'est une initiative qui met en contact direct les producteurs locaux avec les acheteurs et qui contribue à faire vivre de nombreuses productions locales. Ce n'est pas nécessairement leurs seuls revenus.

Mais je pense que ce qui est dangereux pour l'agriculture puis là où on voit les principaux problèmes en agriculture actuellement... Moi, j'ai habité pendant 15 ans dans le comté de Lotbinière. Puis avant ça j'ai étudié à votre Institut de technologie agroalimentaire, donc j'ai habité votre comté pendant un certain nombre d'années aussi. Moi, les problèmes que je vois actuellement, ce n'est pas dans les entreprises agricoles diversifiées, qui font, par exemple, de l'agriculture soutenue par la communauté. Eux, le problème qu'ils ont, c'est qu'ils ne fournissent pas à la demande, tellement il y a de la demande pour les paniers. Puis c'est des gens qui arrivent à vivre très bien de ce qu'ils produisent, malgré qu'il n'y a pratiquement aucun soutien étatique.

Les problèmes que j'ai vus dans le comté de Lotbinière, j'ai vu mon voisin qui avait une production porcine faire faillite. Pourquoi? Parce qu'on l'a encouragé à investir massivement, à mettre tous ses oeufs dans le même panier puis à investir massivement dans une production, disons, où il y a de la spéculation boursière, qui a eu un certain nombre de problèmes de variations des prix drastiques. On l'a encouragé à s'endetter énormément pour être capable de fournir le rendement qui était nécessaire pour faire vivre son entreprise.

Il y a eu des problèmes de maladie. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas de diversité génétique au sein du cheptel. Donc, quand il y a un virus qui tombe là-dedans, on s'entend, il n'y a pas de résistance. Parce que la diversité génétique, c'est nécessaire pour la résistance aux maladies, ce n'est pas facultatif, là. C'est sûr que notre porc, ils ne seront pas tous de la même grosseur, s'ils sont diversifiés, mais par contre ils sont en meilleure... on risque d'en réchapper plus, quand il y a de la maladie qui tombe là-dedans. La proximité, aussi, du cheptel dans les productions porcines, la proximité des animaux les uns contre les autres fait en sorte qu'ils sont plus sensibles aux maladies. Donc, les modes de production sont ceux qui causent les problèmes, actuellement, de faillite.

Il a fait faillite, ce monsieur-là. J'en ai vu qui se sont suicidés, aussi. C'est un problème... Il y a des problèmes criants en agriculture, et je ne pense pas que c'est en se spécialisant puis en faisant en sorte de tout mettre nos oeufs dans le même panier puis de, disons, s'endetter au maximum pour produire toujours plus qu'on va être plus heureux. Je pense que les agriculteurs, ceux qui aiment vraiment l'agriculture, sont heureux quand ils peuvent produire de la façon qu'ils aiment les aliments qu'ils mangeraient eux-mêmes, là, aussi. Moi, j'ai entendu des producteurs porcins déjà me dire: Ça, moi, je n'en mange pas. Ce n'est pas pour manger, c'est pour vendre. Tu sais, la plupart sont respectueux de ce qu'ils produisent puis ils aiment ce qu'ils font, mais il y en a aussi, ça leur a été présenté comme des occasions d'affaires et, quand c'est une occasion d'affaires, bien, à ce moment-là, ce n'est pas nécessairement une vocation, là. Il faut que les agriculteurs aillent vers les productions qu'ils aiment, les productions qu'ils veulent faire puis qui les intéressent, là.

Le Président (M. Morin): Continuez, ça va bien, monsieur...

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): O.K. Mais comment vous voyez votre vision de décroissance appliquée au secteur agricole et agroalimentaire? Comment vous le voyez?

Mme Bernier (Dominique): Par la définanciarisation. C'est une agriculture... Ce n'est pas une décroissance de la production, là, on s'entend, c'est la dimension financière, ce sont les profits des actionnaires. Ce n'est pas ça qui doit importer, quand on fait de l'agriculture, c'est nourrir la population locale. Donc, on ne demande pas une décroissance de la production, il faut bien s'entendre, là, on demande que les agriculteurs... qu'on encourage les agriculteurs... Et, la majorité d'entre eux, c'est ça qu'ils veulent faire, c'est produire des aliments sains et les vendre sur le marché local puis éviter de s'embarquer dans la spéculation financière, dans des productions soumises à la spéculation financière. On sait que c'est volatile, les marchés, on l'a vu, là, dernièrement. Vous avez tous été témoins que ce n'est pas quelque chose de stable puis ce n'est pas quelque chose de sécuritaire non plus. Si on met l'alimentation, si on soumet l'alimentation à ces mécanismes-là, bien les producteurs sont à risque, et les consommateurs le sont aussi. C'est payant juste pour une poignée de personnes, ce système-là, ce n'est pas payant pour les producteurs, à terme, ni pour l'État.

Le Président (M. Morin): Merci, Mme Bernier. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Bonjour, mesdames. Je vais vous amener à un objectif, l'objectif 3 qui est marqué ici, là, au niveau de la troisième orientation: «Mettre fin au monopole syndical -- c'est une des recommandations -- de l'Union des producteurs agricoles et permettre à divers modèles agricoles d'être représentés.» Et à la page 15 de votre... du mémoire, la question 15, on pose la question: «Devrait-on offrir l'occasion aux producteurs de s'exprimer sur le maintien...»? Vous dites: «Oui, les [producteurs] devraient avoir le droit de se prononcer. Voir la recommandation 47 [...] rapport de la commission...» Alors, si c'est les producteurs qui décident... Actuellement, la plupart des producteurs ou des UPA qui sont venus déposer ici, ils ont 99 %, 100 % d'adhésion, 95 %, en haut de 90 %. Alors, comment vous pouvez concilier l'objectif que vous mentionnez là avec l'adhésion massive des producteurs agricoles, qui disent que l'union fait la force et non pas l'inverse?

Le Président (M. Morin): Mme Bernier.

Mme Bernier (Dominique): Oui, bien, écoutez, c'est une erreur dans notre mémoire. La personne qui a rédigé le mémoire avait mal compris la question. Dans notre réponse, on dit aussi: Se référer à la recommandation n° 47 du rapport Pronovost. Et ce qu'on demande, ce n'est pas un référendum au sein des producteurs pour qu'ils décident s'ils veulent abolir ou non le monopole de l'UPA. Ce qu'on demande, c'est que les producteurs aient le droit de choisir à quel syndicat ils vont faire... de quel syndicat ils veulent faire partie. Donc, il faut se référer... la vraie réponse, c'est la recommandation n° 47 du rapport Pronovost. Donc, la réponse aurait dû être non dans le mémoire.

Le Président (M. Morin): O.K. Quelques secondes, un commentaire.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Quelques secondes? Ah bien, je voulais vous emmener sur la page 5 du rapport. Ça s'appelle Un équilibre écologique rompu. On en a parlé un peu tantôt. On dit qu'au niveau de l'autosuffisance ou de la souveraineté alimentaire le Québec s'autosuffit actuellement seulement qu'à 37 % ou 38 %. Alors, comment vous pouvez concilier que, l'équilibre écologique, on dit qu'il est rompu à cause de la forte augmentation dans l'agriculture industrialisée avec l'intensification de l'élevage et de la pratique de la monoculture? Mais comment vous pouvez concilier... Si on veut monter à 70 %, 75 % d'autosuffisance, comment on va faire pour rencontrer votre équilibre, là, écologique?

Le Président (M. Morin): Mme Bernier, une réponse courte.

Mme Bernier (Dominique): D'accord. Bien, en réduisant les productions dédiées à l'exportation puis en faisant en sorte qu'elles se reconvertissent vers des productions dédiées à l'alimentation locale avec des bonnes pratiques.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Mais on a seulement 38 % d'autosuffisance même avec ça.

Le Président (M. Morin): Je m'excuse, M. le député de Berthier...

Mme Bernier (Dominique): Bien, il y a une grosse partie d'exportation aussi, là. On exporte plus que la moitié de notre production.

Le Président (M. Morin): Merci, Mme Bernier. M. le député de Beauce-Nord, vous êtes toujours là?

M. Grondin: Ah oui! toujours, toujours, puis j'écoute, M. le Président, religieusement.

Le Président (M. Morin): Oui, bon, c'est bien.

M. Grondin: Alors, écoutez, moi, je vous comprends très bien, parce que je suis... j'ai été un producteur certifié biologique, alors je peux comprendre, mais ce n'est pas tout le monde qui peut comprendre ça. Je pense qu'il faut être groundé un peu avec la terre et voir que la terre, c'est un organisme vivant. Il peut nous produire... mais il faut le comprendre.

Mais, écoutez, moi, je comprends très bien, mais, pour les gens qui ont passé ici avant-midi, on sait qu'on ne peut pas... tout le monde n'embarquera pas avec nous, là. Vous voyez que vous suscitez des débats, mais ce n'est pas grave. Mais on pensait... Avant-midi, les gens qui ont passé, il y en a un, groupe, qui parlait de peut-être, si on était capables de faire des fonds locaux, des fonds régionaux pour encourager l'agriculture régionale, pour essayer d'offrir des produits... tu sais, pour faire des circuits courts, là... On sait très bien que les fruits et légumes qui sont courts, qui ne partent pas de l'Argentine pour s'en venir au Québec... Moi, je suis persuadé que la valeur nutritive, elle doit être 100 fois meilleure si je le prends de mon voisin que si je le fais venir de l'Argentine.

Mais, moi, j'imagine que, si on était capables de faire ces genres de fonds là pour aider notre production locale, tu sais, pour les petits producteurs... Parce que, c'est sûr, la grande entreprise, les grands producteurs, ils n'embarqueront jamais là-dedans. Vous l'avez dit puis vous avez raison de dire que le vendeur de semences et d'engrais chimiques, il est plus écouté que l'autre qui va rendre une terre, un produit biologique.

Alors, moi, je me demande, si on était capables de regarder un modèle semblable pour essayer d'encourager... Parce que là on en a plusieurs, petites fermes. Moi, chez nous, là, plusieurs petites fermes sont rendues abandonnées, bon, poussées en friche. Mais, si on donnait la possibilité peut-être, des fois, à des gens de partir une petite culture, ils ne gagneront peut-être pas des millions, mais ils vont gagner l'estime de soi, de dire: Je suis capable de me nourrir moi-même sainement. Je ne vois pas comment est-ce que... Est-ce que vous pensez qu'on pourrait faire quelque chose régionalement ou localement?

Le Président (M. Morin): Mme Bernier.

Mme Bernier (Dominique): Oui, certainement. Nous, en fait, on s'apprête à favoriser, à essayer de mettre en place une initiative de ceinture verte à Québec, et c'est quelque chose qu'on va regarder. On va essayer de créer des partenaires, trouver des partenaires pour nous appuyer, des producteurs, et des organismes, et possiblement des élus aussi, là, pour essayer de mettre ça en place et favoriser, un peu comme ça s'est fait dans la région de Hamilton en Ontario, un fonds dédié justement à la protection d'une bande de terres agricoles mais aussi de milieux protégés autour de la ville, afin de favoriser aussi des échanges à l'échelle locale. Mais effectivement c'est quelque chose qu'on prônerait, là.

Le Président (M. Morin): Merci, Mme Bernier. Merci, M. le député de Beauce-Nord. Merci, mesdames, du courage que vous avez de ce que vous pensez au niveau de l'agriculture. C'est tout à votre honneur.

Et j'inviterais le prochain... la Direction régionale de santé publique de la Capitale-Nationale.

Je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 30)

(Reprise à 15 h 35)

Le Président (M. Morin): Nous reprenons nos travaux. Nous recevons en ce moment la Direction régionale de santé publique de la Capitale-Nationale. Donc, j'inviterais le représentant à présenter les personnes qui vous accompagnent et à nous faire part de votre mémoire.

Direction régionale de santé publique de la
Capitale-Nationale (DRSP de la Capitale-Nationale)

M. Desbiens (François): Merci beaucoup, M. le Président, de nous recevoir aujourd'hui. Je suis accompagné, à ma gauche, de M. Michel Beauchemin, coordonnateur des différents programmes de promotion de la santé, dont ceux concernant une saine alimentation pour la région, et je suis accompagné, sur ma droite, de Mme Céline Morrow, qui est une professionnelle nutritionniste à la Direction de santé publique, qui s'intéresse surtout à tous les dossiers de lutte à la pauvreté, développement social et développement des communautés.

Le Président (M. Morin): Puis vous?

M. Desbiens (François): Moi, je suis François Desbiens. Je suis médecin spécialiste en santé communautaire et directeur régional de la santé publique pour la région de la Capitale-Nationale.

Le Président (M. Morin): Merci.

M. Desbiens (François): Donc, on vous remercie, M. le Président, Mmes et MM. les députés. Avant d'aborder les sujets que nous aimerions soulever, nous tenons à préciser que nous accueillons positivement le projet de politique bioalimentaire Donner le goût du Québec.

D'entrée de jeu, nous souhaitons soulever que nous sommes en accord avec les messages qui vous ont été communiqués par mon collègue, Dr Robert Maguire, de la Direction de santé publique de la région du Bas-Saint-Laurent, à l'automne dernier, à savoir que la politique précise et définisse clairement sa vision d'une saine alimentation qui va au-delà de la salubrité des aliments, et ce, en s'alliant davantage au réseau de la santé publique, et, deuxièmement, que le MAPAQ consolide les responsabilités en matière d'alimentation et de santé qu'il a déjà prises à travers le Plan d'action gouvernemental de promotion des saines habitudes de vie et réitère ses engagements intersectoriels dans le livre vert.

En ce qui nous concerne, comme les activités du secteur agroalimentaire influencent grandement l'environnement alimentaire des citoyens et ont un impact sur la santé de la population, nous voulons porter à votre attention divers leviers d'intervention pouvant aider à créer des environnements alimentaires plus sains, accessibles à tous et en tout temps, soit le Plan d'action gouvernemental sur la promotion des saines habitudes de vie et la prévention des problèmes reliés au poids, le développement durable et enfin la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, et ceci, dans une perspective de réduction des inégalités sociales, de santé et d'équité. Je vais, au cours de ma présentation, développer chacun de ces leviers.

Le gouvernement du Québec dévoilait en 2006 son Plan d'action gouvernemental de promotion des saines habitudes de vie et de prévention des problèmes reliés au poids. Ce dernier a été élaboré afin de favoriser l'adoption par la population québécoise de saines habitudes de vie, notamment une saine alimentation. Pour y parvenir, il y propose des actions qui ciblent, entre autres, la modification des environnements alimentaires entourant l'individu. Tel que déjà mentionné, le MAPAQ est directement interpellé pour contribuer aux objectifs de ce plan d'action gouvernemental.

La Loi sur le développement durable, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 13 avril 2006, reconnaît le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement. On recherche donc l'harmonie entre le dynamisme économique, la qualité de l'environnement et l'équité sociale.

Et finalement en 2002 les députés de l'Assemblée nationale ont adopté à l'unanimité la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. L'article 9 de cette loi stipule que les actions liées au renforcement du filet de sécurité sociale et économique doivent viser à, et je cite, «favoriser, pour [toute personne et famille] en situation de pauvreté, l'accès, en toute dignité, à un approvisionnement alimentaire suffisant et nutritif, à coût raisonnable, de même qu'à une information simple et fiable qui peut permettre de faire des choix alimentaires éclairés». Je ferme la parenthèse.

Je veux vous partager quelques-unes de nos préoccupations au regard de ces trois orientations gouvernementales qui influencent l'environnement alimentaire des personnes.

L'accès économique et physique aux aliments est reconnu comme étant la principale composante de l'environnement alimentaire. L'accès économique fait référence directement au revenu disponible des individus pour subvenir à leurs besoins en alimentation de même qu'au prix des aliments, ce dernier constituant la principale barrière pour l'achat des denrées alimentaires. L'accès physique aux aliments fait référence à la disponibilité, à la proximité du milieu de vie d'une personne et de sa famille à une alimentation saine, nutritive et en quantité suffisante, ce qui signifie que toute la population doit pouvoir se procurer des aliments près de chez elle ou être capable de s'y rendre par un transport privé ou public.

L'augmentation des prix des aliments que l'on connaît depuis quelques années touche tous les citoyens, mais elle est ressentie plus sévèrement par certains groupes de la population. Malheureusement, au Québec il existe des personnes qui vivent dans des situations de pauvreté, ce qui aura un impact sur leur capacité à se nourrir et à rencontrer les recommandations nutritionnelles visant le meilleur état de santé possible.

**(15 h 40)**

Je vais vous présenter quelques statistiques pour illustrer mon propos. Et ces statistiques proviennent de Statistique Canada. En 2011, le coût des aliments a augmenté de 5 %, alors que le taux d'inflation était de 3 %. On a une augmentation de 13 % pour les légumes frais, de 7 % pour la viande et de 12 % pour le pain. Au cours des 10 dernières années, le prix des aliments a augmenté de 30 %. C'est 10 points de plus que le taux d'inflation, et le revenu moyen des ménages s'est accru de moins de 10 %. Résultat pour les consommateurs, peu importent leurs revenus, baisse du pouvoir d'achat, on dépense davantage pour se nourrir, l'épicerie est souvent ce qui passe après les frais fixes. On pense, comme frais fixes, le logement. Donc, les consommateurs vont couper dans la quantité ou la qualité de nourriture.

Plusieurs facteurs expliquent les augmentations du coût des aliments: coût plus élevé du pétrole, 14,7 % d'augmentation en 2011, qui affecte les coûts de transport, de culture et de transformation des produits, les changements climatiques, qui amènent des sécheresses et des inondations qui perturbent la production, et les courses aux biocarburants, ce qui réduit les surfaces agricoles consacrées aux aliments.

Dans la région de la Capitale-Nationale, en 2011 nous avons réalisé une étude pour déterminer le coût du panier à provisions nutritif. Ce dernier est un outil servant à documenter le coût minimum d'une saine alimentation. Il en coûtait, pour une famille type de quatre personnes, père, mère, un adolescent de 14 à 18 ans puis une fille de neuf à 13 ans, 202,44 $ pour une alimentation de base par semaine. Une famille type à faible revenu -- on l'a estimé à 21 417 $ de revenu familial -- doit débourser, en conséquence, 47 % de son revenu médian après impôt pour avoir une consommation alimentaire de base qui correspond à 202,44 $ par semaine, alors que les familles à revenu moyen -- on a mis 74 000 $ de revenu moyen familial -- dépensent habituellement 12 % de leur revenu médian après impôt.

C'est dans le contexte du budget global des ménages que le coût du panier à provisions nutritif présente de l'intérêt, c'est-à-dire pour situer le coût minimal moyen d'une alimentation qui satisfait les besoins nutritionnels par rapport à la disponibilité de leurs ressources financières.

Le logement et l'alimentation sont les deux premiers postes de dépenses à considérer en ce qui touche à la sécurité alimentaire. Lorsque, nous, on parle de sécurité alimentaire, on parle d'accessibilité à la nourriture en termes de quantité et de qualité, et non pas en termes d'agents biologiques présents ou de salubrité. C'est un autre concept qu'on utilise. Il est généralement reconnu que les frais d'un logement de qualité convenable ne doivent pas excéder 30 % du revenu avant impôt d'un ménage. Selon la Société d'habitation du Québec, en 2011 dans la région de la Capitale-Nationale c'est près de 74 % des ménages locataires à faible revenu qui doivent consacrer plus de 30 % du revenu au logement. Les logements sociaux et communautaires, qui offrent aux ménages plus démunis un loyer moins cher que le marché privé, sont peu nombreux. Ils ne représentent que 8,6 % de l'ensemble du parc des logements locatifs dans l'agglomération de Québec. Si un ménage doit consacrer 30 % et plus de son revenu au logement et 47 % pour avoir une alimentation nutritive de base, que reste-t-il pour le transport, l'habillement, les loisirs, l'école et les autres dépenses incontournables? Il est évident que l'insuffisance des revenus ne permet pas aux ménages à faibles revenus de se nourrir adéquatement, et ceci constitue un enjeu majeur de santé publique.

L'alimentation, c'est bien connu, a un rôle déterminant sur la santé et le bien-être des personnes. Les comportements alimentaires sont influencés par différents facteurs, qu'ils soient le niveau d'éducation, les connaissances acquises, les goûts personnels, le prix des aliments, l'accès physique aux détaillants. La santé publique déploie habituellement des stratégies et des actions qui cherchent à avoir un impact sur l'individu, principalement au niveau de ses connaissances, de ses habiletés et de ses attitudes envers différents comportements positifs à sa santé, dont, entre autres, la saine alimentation. Il a toutefois moins d'emprise sur le prix, la disponibilité et la qualité nutritionnelle des aliments, qui sont fortement tributaires des activités du secteur agroalimentaire.

L'analyse des enjeux, orientations et objectifs du livre vert nous amène à proposer des ajustements. Pour chacune des orientations, nous soulevons des éléments qui contribueraient à rendre l'environnement alimentaire favorable à la santé et au mieux-être de tous, notamment pour les citoyens moins nantis. Des préoccupations concernant l'impact des activités du système agroalimentaire sur l'environnement sont aussi soulevées. L'intégration du développement durable à la prochaine politique bioalimentaire est un choix judicieux, qui permet une planification qui s'appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement.

Si on constate dans le livre vert que les champs de l'économie et de l'environnement sont bien présents et documentés, il en va autrement pour celui touchant le volet social, qui aurait intérêt à être bonifié. Une des façons de le faire serait de s'assurer que tous les citoyens aient accès en tout temps à des aliments sains, nutritifs, abordables. Des considérations plus grandes envers les milieux défavorisés seraient un premier pas pour que tous aient accès en tout temps à ces aliments.

Plus spécifiquement, il faudrait éviter que les orientations et les objectifs de la future politique bioalimentaire augmentent le fossé entre les citoyens privilégiés, qui peuvent avoir accès à une nourriture de qualité et de haute valeur ajoutée, et les citoyens moins fortunés, qui n'ont pas toujours les moyens de se payer des aliments appropriés pour une saine alimentation et encore moins ceux qui sont souvent mis en valeur et qui ont une valeur nutritive ajoutée. Un juste milieu doit s'installer entre les aliments de qualité nutritionnelle supérieure et ceux faisant partie d'une alimentation de base, tant sur leur disponibilité que sur leurs coûts.

Nous aurions souhaité que l'axe social du développement durable constitue en soi une orientation du livre vert qui nous est présenté, ce qui aurait constitué, à nos yeux, une valeur ajoutée significative. Les obligations de tous les ministères québécois liées à la Loi sur le développement durable, l'adoption de la loi visant la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale nous engagent tous à tenir compte de nos différences socioéconomiques. Dans ce contexte, nous proposons l'ajout de l'objectif suivant à la première orientation: Adhérer au principe d'équité sociale en considérant favorablement, dans la planification et l'implantation des activités agroalimentaires, les populations en contexte de pauvreté.

Deuxièmement, en regard de l'objectif 1 de cette orientation, qui est d'identifier et de mettre en valeur les caractéristiques distinctives des produits québécois, on vise à mieux identifier la provenance des produits alimentaires pour faciliter les choix des citoyens, ce qui est une excellente avenue. Il faudra toutefois que ces informations soient accessibles pour tous, incluant les personnes de faible littératie. On utilise le mot «littératie» en ce qui concerne la compréhension des personnes à des textes qu'on leur soumet. Des fois, on leur parle comme si c'étaient tous des universitaires, mais il faut adapter notre langage pour qu'on soit compris.

Le Président (M. Morin): M. Desbiens.

M. Desbiens (François): Oui?

Le Président (M. Morin): Est-ce que c'est proche de la conclusion? Parce qu'on est rendus à 12 minutes, et vous aviez 10 minutes.

M. Desbiens (François): À ce moment-là, je vais terminer dans deux minutes puis je vais escamoter deux pages. Un engagement.

Le Président (M. Morin): Ça va.

M. Desbiens (François): C'est beau. Ça va être un engagement.

Le Président (M. Morin): Faites ça rapidement.

M. Desbiens (François): Oui, c'est ça. Donc, la section que je lisais, c'était une section qui était incluse dans le mémoire. Présentement, donc, je la saute pour dire qu'on vous a suggéré dans notre mémoire des ajustements de bonification à l'une ou l'autre des orientations ou des objectifs, puis, vu que vous l'avez eue d'avance et vous avez peut-être des choses, je saute cette page-là. Bien, je vais aller en finale.

Le Président (M. Morin): Allez au...

M. Desbiens (François): En terminant, l'Institut national de santé publique vient de publier, à l'été 2011, un avis sur l'influence des politiques agroalimentaires à caractère économique sur l'alimentation et le poids. Et je sais que vous avez eu en audience ce matin l'Institut national de santé publique. À la lumière des connaissances recensées, cet avis identifie trois pistes d'intervention prometteuses pour guider les actions en matière de politique agroalimentaire. Nous les considérons pertinentes, comme direction régionale, et je me permets de vous les nommer.

Accroître la présence de marchés publics offrant des fruits et des légumes pourrait avoir un effet positif sur la disponibilité de ces produits en saison, notamment dans les zones défavorisées en milieu urbain et rural, en explorant la possibilité de compenser financièrement les producteurs agricoles désireux d'installer un kiosque de vente de fruits et légumes dans une zone défavorisée. On sait que l'offre alimentaire dans les dépanneurs dans les quartiers défavorisés n'est pas de bonne qualité. C'est un moyen très efficace.

Développer une politique de la transformation cohérente avec les objectifs de santé publique en explorant la possibilité de compenser financièrement ou fiscalement les entreprises désireuses de minimiser l'utilisation d'intrants comme le sucre, le sel et le gras dans la fabrication des produits. Un muffin riche en gras, en sel et en sucre, ce n'est pas bon pour la santé. Ça peut être fait autrement.

Le Président (M. Morin): Ne commentez pas, M. Desbiens, continuez.

M. Desbiens (François): Et, le dernier, développer un programme scolaire offrant des fruits, et des légumes, et du lait, en explorant la possibilité que les aliments offerts soient gratuits, minimalement, pour tous les élèves des écoles situées dans une zone défavorisée.

Donc, je terminerais en réitérant que ce livre vert pour une politique bioalimentaire gagnerait à intégrer la dimension sociale du développement durable, et ce, dans une perspective d'équité envers les plus démunis de notre société. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Morin): Merci, M. Desbiens. M. le ministre.

**(15 h 50)**

M. Corbeil: Merci, M. le Président. Merci, messieurs madame. Puisque vous avez traité des personnes défavorisées, de l'alimentation, de l'éducation, de la santé, de l'alimentation, comment on ferait pour partager les rôles entre le MAPAQ, le MSSS, le ministère de l'Emploi et Solidarité sociale puis même, j'oserais ajouter, le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport? Parce que je sais qu'on est engagés dans une politique, un plan d'action gouvernementale pour les saines habitudes de vie, on est un élément dans ça. Et là vous introduisez dans notre dynamique ou dans notre démarche une dimension à forte connotation sociale. Comment on ferait pour trouver une espèce de partage ou équilibre des rôles dans ça?

Le Président (M. Morin): M. Desbiens.

M. Desbiens (François): Je vais commencer une réponse, et probablement que M. Beauchemin et Mme Morrow vont compléter. Il est certain que tous ces ministères que vous avez mentionnés doivent mettre l'épaule à la roue. Le ministère de la Santé doit le faire par ses campagnes de sensibilisation, d'information, que ce soit au niveau scolaire avec nos infirmières scolaires, ou que ce soit au niveau des counselings qu'on fait pour des personnes qui consultent un médecin ou une infirmière, ou que ça soit les campagnes de publicité pour une saine alimentation, ce que fait le ministère de la Santé, ce que font nos professionnels.

Il faut que le ministère de l'Emploi et Solidarité sociale fasse son bout de chemin sur le soutien au revenu, qui n'est pas de votre responsabilité comme ministère. Et, de ce côté-là, il y a aussi des politiques gouvernementales qui sont en lien pour faire en sorte qu'il demeure plus d'argent dans les poches de nos démunis, en faisant en sorte que, sous un certain revenu, ils ne sont pas imposés, et il y a différentes mesures de soutien.

Mais tout ce qui concerne le prix de l'aliment qui va être offert sur le marché, je pense, c'est du ressort des politiques agroalimentaires de votre ministère et je pense que sur cet aspect-là il y a quelque chose à faire. Je pense qu'il serait de votre côté... Ça, c'est pour le bout accessibilité économique à l'alimentation.

En ce qui concerne le contenu de l'aliment qu'on offre au consommateur, bien là ce n'est pas le ministère de l'Emploi et Solidarité, ce n'est pas l'Éducation, ce n'est pas la Santé et Services sociaux. Ce qu'on achète au IGA, au Metro ou au Loblaws, des choses préparées d'avance, bien là ça tombe, je crois, dans la zone de responsabilité de votre ministère, des politiques en agroalimentaire, les fournisseurs de produits. Et il y a des États américains, même la ville de New York, qui a aboli les gras trans voilà déjà sept à huit ans, il y a des États américains qui... des pays... Il y a même des entreprises qui fournissent des produits plus pauvres en sel dans d'autres pays qu'au Canada, puis on sait que le sel, c'est générateur d'hypertension artérielle. Il faudrait en mettre moins dans les produits. On pourrait dire que c'est au fédéral de réglementer le sel dans les aliments. Il y avait déjà un comité au fédéral.

Mais tout ce que je dis, c'est que la constitution même des produits qu'on offre à nos clients, je pense, ça tomberait sous la responsabilité d'une politique en agroalimentaire, et ce côté-là est le vôtre. Mais, les autres ministères, il faut qu'ils fassent leurs bouts de chemin, et le ministère de l'Éducation a fait le sien présentement en retirant les friteuses des cafétérias, en donnant de la sensibilisation, en sortant les machines distributrices pour les liqueurs douces et ces produits-là. Donc, intra-muros, ils font leur travail.

Je pense que le ministère de l'Agriculture -- MAPAQ -- et Alimentation, par sa politique en bioalimentaire, peut donner des signes aux manufacturiers comme quoi que les produits doivent être sains en termes de sucre, sel et gras. Et il y a peut-être aussi des éléments à faire pour faciliter l'accessibilité aux produits de proximité, comme la première recommandation de l'Institut national de santé publique.

Je ne sais pas si Michel ou Céline... C'est bon? O.K.

Le Président (M. Morin): M. le ministre.

M. Corbeil: Merci. Tantôt, vous parliez de coût de produits. On est dans une dynamique où il y a une production, mais, à partir de cette production-là, il y a une transformation. Et là on n'a plus nécessairement le contrôle, là, sur tout l'aspect transformation. Je pense que l'industrie ou le secteur de la transformation module son produit avec ce que j'appellerai les demandes des consommateurs.

Et là il y a comme un phénomène d'autodiscipline qui s'installe, notamment en ce qui a trait au sel et au sucre. Peut-être que vous ne serez pas heureux d'entendre le mot «autodiscipline», mais, si vous remarquez, sur des étiquettes de soupe on se vante d'en avoir 33 % moins, de sel, que la recette originale de la... la livre de bacon moins salée que la recette originale qui est voisine sur la tablette, là, qui donne le choix au consommateur d'aller dans ce produit-là ou l'autre, et ainsi de suite, je ne ferai pas toute la nomenclature.

Maintenant, j'ai de la misère un petit peu -- et peut-être que vous pourriez me donner un éclairage, sur toute la notion de coût -- parce que celui qui va discriminer son panier d'épicerie, c'est celui qui va le faire, celui qui va poser le geste de prendre tel, tel, tel item sur la tablette, un pain avec moins de gras, telle affaire avec moins de ci dedans, moins de ça, etc. Là, on parle d'éducation, d'information à la santé, à l'aspect alimentation dans la santé. C'est pour ça que je reviens presquement sur ma question originale. C'est un travail d'équipe, c'est un travail avec plusieurs intervenants. Il faut être dans une approche horizontale où on devrait peut-être même commencer à la maternelle puis au primaire, enseigner c'est quoi, les bons aliments versus les aliments qui sont... On le fait déjà depuis un bon moment, là, vous l'avez dit, il y a des gestes qui ont été posés. Alors, j'ai un petit peu de difficultés avec la dimension coût.

M. Desbiens (François): Oui, Michel.

Le Président (M. Morin): M. Beauchemin.

M. Beauchemin (Michel): Je ne sais pas si je vais répondre directement ou si ça va être dans le sens, mais vous avez tout à fait raison. Mais je vous mettrais tous au défi de prendre le 182 $ du panier de nutrition et, avec cet argent-là, aller faire votre épicerie avec le même nombre d'enfants qu'on a observé. Ce n'est absolument pas évident pour personne, même les gens assez instruits, d'y aller avec un budget systématique quand on rentre dans une épicerie. Et ce qui nous déjoue, beaucoup d'entre nous, c'est la façon dont l'offre est faite aux consommateurs que nous sommes.

Alors, ce qu'il faut savoir, c'est que toutes les stratégies de marketing derrière, qui viennent placer un devant l'autre l'ensemble des produits, c'est une règle de marketing, c'est une règle du commerce qui vient placer comment les choix pour nous sont. Et, malgré toutes nos bonnes intentions, il faut avoir une bonne paire de lunettes pour lire tous les produits puis savoir vraiment ce dans quoi on est. Et donc, là, on un effort, tout le monde, à faire, et ça limite d'autant une grande catégorie de gens qui, pour toutes sortes de difficultés, n'ont pas ni la capacité... et, malgré toutes les bonnes éducations qu'on fera à partir même du primaire, c'est quelque chose qu'on n'arrivera jamais à changer. Il y a donc un contrôle dans l'offre, et la discipline, elle doit venir pas seulement du consommateur pris un à un, elle doit venir de l'ensemble des acteurs qui acceptent de changer les règles de l'offre.

Et vous avez raison, quand vous dites que vous ne pouvez pas seuls, comme ministère, faire une grande opération comme ça. Mais il nous semble que vous devez être les leaders de ça et que, si vous placez le volet du social dans le développement durable, vous êtes légitimés d'interpeller tant le ministère de la Santé, de l'Éducation et les autres à faire leurs devoirs pour qu'ils vous donnent le signal, qu'ils mettent en place les éléments pour venir vous aider à faire que la politique va avoir cette portée-là. Et ce n'est pas évident du tout, parce que, tous les projets intersectoriels, les grandes politiques gouvernementales, on est confronté à ce grand défi là de bien jouer les rôles de chacun et avec toutes les dynamiques.

Mais, si on croit qu'en faisant une meilleure éducation et en mettant tous les oeufs dans le panier d'éduquer mieux nos jeunes et les familles, que ça va venir changer tout le rapport de l'offre et de la demande, on va errer. Beaucoup d'autres objets nous ont démontré exactement le contraire, que ce soit dans la lutte au tabac, dans la pratique d'activités physiques. Oui, il y a une responsabilité individuelle qu'on doit constamment enrichir, soutenir, mais il y a une responsabilité collective qui est tout autant importante à corriger. Et cette offre-là, ce jeu-là en aller-retour, ça dépend de la visée qu'on a. Si on veut introduire le volet social dans le développement durable, c'est là qu'on a un effort à faire en plus, parce qu'il y a une grande catégorie de gens qui n'arriveront jamais à être capables de jouer le jeu comme les autres.

M. Corbeil: À ce moment-là, je peux présumer que vous êtes d'accord avec la première orientation du livre vert, qui parle de distinguer nos produits alimentaires et qu'un des trois objectifs est: «soutenir une offre de produits sains et sécuritaires»?

**(16 heures)**

M. Beauchemin (Michel): Tout à fait. Tout à fait. Ce qu'on vous soulignait, dans le fond, tout en étant assez à l'aise avec tout ce que vous mettez devant... le fait qu'il manque ce volet social là puis qu'il n'ait pas été mis vraiment davantage devant, il y a quelque chose qui glisse, et on voit seulement deux des aspects du développement durable. Il ne faut pas s'en faire. Si on s'adresse dans d'autres milieux qui ont plus une connotation sociale, leur défaut, lorsqu'ils avancent des propositions, c'est qu'ils ne vont pas suffisamment loin dans l'économique ou ils ne vont pas suffisamment loin dans l'environnement. C'est leur force.

Alors, il n'est pas surprenant qu'un secteur comme le vôtre, d'entrée de jeu, ce que vous connaissez le mieux, c'est les deux volets que vous avez développés. Celui du social, c'est plus difficile, c'est moins votre travail de tous les jours. C'est pour ça qu'il faut interpeller le ministère de la Santé à venir l'enrichir pour vous aider, et je pense que ça, c'est tout à fait légitime. Et ça, nous... Nous, on travaille dans une région. Nos rapports avec la Direction régionale du ministère de... votre direction comme les autres directions, on en a beaucoup, on travaille très fort et on est capables, à partir de nos missions propres, de s'enrichir, de venir porter le soutien à l'autre. Mais il manque... je pense qu'il y a un gros bout de travail qui devra venir des autres ministères pour vous aider dans ça. Seuls, vous ne serez pas capables.

M. Corbeil: Le... M. le Président?

Le Président (M. Morin): Oui. M. Desbiens, je pense qu'il voulait renchérir un peu?

M. Corbeil: Ah! peut-être que vous voulez rajouter.

M. Desbiens (François): Oui, juste un petit complément. Effectivement, l'objectif 2, «soutenir une offre de produits sains et sécuritaires», nous sommes tout à fait favorables à ce qui est écrit là, mais notre mémoire mentionne que, lorsqu'on dit «sains et sécuritaires», nous, le «sains», ce n'est pas seulement absent de pathogènes ou de contaminants, de pesticides, ou autres, il faudrait penser aussi à sa constituante en termes de sel, gras et sucre.

À ce moment-là, si on rajoutait ça dans cette section-là, on pourrait faire des avancées où il y aurait un pont, une collaboration entre nos campagnes de sensibilisation qu'on fait à tous les niveaux, au niveau Santé publique et Santé, et les counselings que font nos diététistes et nos médecins auprès de leurs patients et de la population, et une offre qui ferait en sorte qu'on pourrait sur 20 ans, et pas soudainement, parce que le monde n'achèteront pas les produits, baisser de 2 % la quantité de sel puis de gras dans ce qu'on a, les produits préparés sur les étagères de toutes les épiceries en même temps pour tous les fournisseurs -- le goût s'ajusterait -- plutôt que de baisser de 50 %, puis le produit va rester sur la tablette, puis il ne se vendra pas.

Il faut habituer nos Québécois à manger moins salé, moins sucré, moins gras. Ça s'habitue. Il y a des populations qui l'ont fait. Ça a l'air que, les mêmes produits qui sont vendus en Angleterre puis au Canada, pour le même produit, il y a deux fois moins de sel en Angleterre qu'ici parce qu'au Canada les Canadiens ont la dent salée. Ça s'habituerait. Et, ce bout-là, c'est de votre côté que vous pourriez faire un bout. Et donc pour l'objectif 2, oui, «sains et sécuritaires», mais d'y ajouter les composantes qu'on a identifiées.

Le Président (M. Morin): M. le ministre, je suis obligé...

M. Corbeil: Je pensais que les Québécois avaient la dent sucrée.

M. Desbiens (François): Aussi. Aussi.

Le Président (M. Morin): M. le ministre, je suis obligé de vous arrêter...

M. Corbeil: En fait, juste pour corriger une perception, M. le Président, le volet social, dans le livre vert, a été abordé sous l'angle du tissu social, de l'occupation du territoire plus que des personnes défavorisées. Vous en aviez fait la lecture. Et, ne soyez pas inquiets, pour ce qui est des aliments sains, la dimension que j'avais à l'esprit, c'est véritablement travailler à diminuer, dans les aliments transformés, les composantes gras, sucre et sel, M. mon collègue.

Le Président (M. Morin): Merci, M. le ministre. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le Président. Alors, bonjour. Merci d'être avec nous aujourd'hui. L'avant-dernier groupe, la Coalition pour la souveraineté alimentaire, ont... je ne sais pas si vous avez assisté, mais allaient un peu dans le sens de ce que je comprends. Parce que vous faites un plaidoyer pour l'accessibilité des populations fragilisées sur bien des plans, économique mais aussi accès, qualité, quantité, et tout ça. Moi, je peux comprendre que les propositions d'avoir un marché dans ces endroits-là l'été... mais, à un moment donné, il y a de la discontinuité. On a une agriculture nordique, c'est la réalité. Ce groupe-là, le groupe lance l'idée d'identifier un certain nombre de produits de base qui seraient produits au Québec et dont les prix seraient... assureraient une sécurité d'accès. On parlait de 30 ou 40 produits qui pourraient être identifiés, peu importe. Qu'est-ce que vous pensez de cela?

Le Président (M. Morin): M. Desbiens.

M. Desbiens (François): Je ne connaissais pas l'idée. Je la trouve spontanément intéressante, mais je laisserais ma nutrionniste, qui travaille dans ce côté-là, me dire ce qu'elle en pense. Et Mme Morrow, qui travaille avec tous les organismes communautaires de notre région, dans notre programme qu'on appelle de sécurité alimentaire, pour faire en sorte qu'on ait une accessibilité de qualité et aussi physique à des aliments sains... Je laisserais Mme Morrow dire un peu plus... Peut-être qu'elle est au courant de cette idée-là.

Le Président (M. Morin): Mme Morrow.

Mme Morrow (Céline): Je n'étais pas au courant des 40 aliments. C'est sûr que c'est très intéressant. Il s'agirait de voir, les 40 aliments, quels sont-ils, avant de vous dire, comme direction de santé publique: Oui, c'est les 40 bons aliments. S'ils rejoignent un peu notre panier à provisions nutritif, parce que c'étaient vraiment les aliments de base qu'on a mis là-dedans, bien, je veux dire, il y a quelque part un intérêt pour nous, comme santé publique, effectivement de soutenir une telle initiative.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Vous avez parlé, bien sûr, de soutenir ces populations fragiles. Mais il y a des coûts à ça, hein, c'est bien sûr, puis il faut qu'à quelque part il y ait des choix qui soient faits. Est-ce que vous seriez favorables à une surtaxation de certains produits de calories vides, hein, prenons les boissons gazeuses ou d'autres types, là, puis je ne veux pas ici... je ne nommerai pas de marque, on comprend, mais qui soient... dont la surtaxation serait transférée pour justement soutenir certaines mesures continues? Parce que vous allez me dire oui, là, parce que c'est comme évident, là, mais sur le principe qui toucherait à la fois, bien sûr, la Santé publique, pour dissuader, mais en même temps les choix que les gens font, de façon responsable ou pas, là, mais qu'ils font, qu'on puisse aller chercher... Parce que l'État ne peut pas continuellement par la taxation et les impôts... ça n'a plus de fin, là. Mais il faut trouver des façons de faire qui soient à la fois dynamiques puis qui puissent servir. Est-ce que vous avez déjà regardé des choses comme ça du point de vue nutrition puis du point de vue de santé publique?

Le Président (M. Morin): M. Desbiens.

M. Desbiens (François): Bien, disons que c'est un constat que vous faites qui est tout à fait sérieux. Quand, dans des promotions dans les grandes surfaces, on peut acheter un deux litres de liqueur douce à moins de 1 $ puis que le trois litres de lait coûte environ 3,95 $ ou 4 $ -- je ne sais pas comment il est rendu, là -- une famille à faibles revenus qui veut donner de quoi boire à ses enfants, là, c'est dur, les choix, là. Les produits -- excusez l'expression -- qu'on dit camelote, riches en calories vides, sans rien d'autre, souvent ils sont moins chers que les produits nutritifs. Donc, les gens à revenus faibles qui ont à balancer leurs budgets avec une forte composante sur le logement, ils sont pris avec un choix déchirant.

Donc, vous avez tout à fait raison. Est-ce qu'en augmentant le prix par une taxation pour les produits camelote ferait en sorte d'utiliser ce bénéfice-là pour aider à baisser le prix d'aliments nutritifs, pour aider les pauvres à boucler leurs budgets? Spontanément, je vous dirais oui. C'est quelque chose qui regarde... La coalition pour le poids fait la promotion d'une taxation sur le sucre. Il y a des législatures en Amérique du Nord qui ont commencé à le faire.

Donc, il y a toujours des effets pervers à une taxation. La population n'aime pas les taxes, mais, si on l'explique comme il faut que c'est pour aider à baisser les prix sur d'autres produits, il y a certainement quelque chose qui va être bénéfique à la santé. Parce qu'un deux litres de Coke, là, bu dans une même journée, ça fait beaucoup de sucre, ça. Puis le sucre en concentré, ça peut n'être que nocif à la santé. Donc, conclusion, c'est...

Puis, parmi les études de l'OMS puis des États-Unis, c'est démontré que pour les jeunes la consommation de sucre... à la liqueur douce est reliée à l'obésité infantile. Donc, ça, c'est démontré, là. Oui, il y a le manque d'activité physique, mais en termes d'alimentation c'est démontré, ça. Donc, si on veut avoir un impact santé sur nos jeunes en termes d'obésité infantile, il faut regarder des éléments pour diminuer la consommation de sucre. Il faut troquer la liqueur douce et les bonbons puis les barres de chocolat et les chips -- excusez l'expression, là -- pour des produits, une pomme, une poire, une banane, des légumes trempette, qui vont faire en sorte de satisfaire l'appétit mais en n'amenant pas de sucre.

Je ne sais pas, je te vois opiner de la tête, j'ai-tu manqué des choses, Céline? Non?

Le Président (M. Morin): Vous voulez intervenir?

M. Beauchemin (Michel): Bien, je dirais que toutes ces mesures de taxation là ont leurs bons et leurs mauvais côtés. Ce qu'en santé publique on cherche à faire, c'est de mesurer à chaque fois si elle n'aura pas l'effet pervers d'augmenter les inégalités sociales, et par conséquent les inégalités sociales de santé, parce que c'est toujours le même groupe de population qui est contraint, à la base. Et c'est pour ça que, si votre ministère, vous avancez sur cette voie-là, il faut que vous alliez vérifier absolument au ministère du Revenu qu'est-ce qui va se passer pour les ménages à faibles revenus -- puis là on parle vraiment des revenus -- et qu'est-ce qui va se passer du côté du ministère de la Santé pour la forme de soutien qu'on fait dans le réseau d'aide alimentaire. Et là, à ce moment-là, quel que soit le type de taxe ou le niveau de taxation, on mesurera à l'avance l'impact. Parce qu'on a pu observer que, malgré tous les gains qu'on fait dans le tabac, il y a un accroissement des inégalités sociales de santé. Vous me direz: Bien, ils ont rien qu'à arrêter de fumer. Ce n'est pas si simple que ça.

Donc, à chaque fois qu'on avance sur cette voie-là de mesures de ce type-là, qui sont très bonnes parce qu'elles ont un caractère coercitif puis elles permettent d'avancer, il faut vraiment prendre plus de temps pour bien évaluer les impacts, qui n'auront pas pour effet de faire le contraire de ce que la main gauche veut bien faire versus la main droite. L'idée est bonne, mais il faut vraiment l'approfondir pour ne pas qu'elle vienne toucher justement ceux qu'on dit qu'ils sont les plus affectés et qui, parce qu'ils ont des raisons accumulées soit de génération en génération ou manque de moyens, ont des comportements qui ne sont pas toujours à la hauteur de ce qu'on pourrait espirer.

Donc, ça peut être une bonne piste, mais il faut le voir, il faut peut-être faire le lien avec les 40 aliments tantôt, là, puis faire cette bonne liste à partir de ça. Mais ça revient à notre question de départ, ça ne peut pas être une action gouvernementale qui ne pourrait être portée que par un seul ministère et le vôtre. Vous devez absolument être en lien avec les autres pour trouver, dans le fond, l'équilibre de cet instrument-là. Et même les gens de la coalition sur la problématique du poids sont confrontés, lorsqu'ils avancent des idées comme celle-là, à bien mesurer les impacts négatifs. Il y a des impacts positifs, mais il peut y avoir des impacts négatifs importants.

**(16 h 10)**

Le Président (M. Morin): M. le député de Saint-Hyacinthe, allez-y.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Bonjour, messieurs dame. Dans les recommandations -- on parle souvent des OGM, l'influence sur la santé, et tout ça -- vous dites: Le projet devrait «avancer une position relativement aux organismes génétiquement modifiés». Est-ce que vous avez déjà pensé... ou vous avez déjà quelque chose à suggérer? Quelle position on pourrait prendre? Les interdire complètement ou... C'est quoi, votre analyse de la situation?

Le Président (M. Morin): M. Desbiens.

M. Desbiens (François): Disons que pour l'instant il n'y a pas vraiment de position de santé publique au Québec sur les OGM. Que ça soit nous ici, à la région, ou dans des régions à vocation plus agricole, ou même pour l'Institut national de santé publique, là, je ne suis pas au courant de positions fixes. Ce qu'on disait, c'est que le document n'était pas très exhaustif, n'en parlait pas vraiment. On sait que c'est dans le débat public présentement, les OGM, puis que ça commence à s'installer, puis on se dit: Il y a probablement quelque chose qu'il faut au moins analyser, surveiller, encadrer. On ne sait pas quoi. Mais je n'ai pas de recommandation spécifique de santé publique à vous dire. Je n'ai pas d'étude pointue qui me permettrait de vous dire: Il y a un risque sur ci, sur ci, sur là, puis il ne faudrait pas... Des fois en santé publique, lorsqu'on voit qu'il y a un potentiel de risque important, on évoque le principe de précaution, pour ne pas utiliser de produit. Pour l'instant, je ne suis pas là, en termes de connaissances scientifiques, pour vous recommander non plus d'utiliser le principe de précaution à... des OGM. C'est juste qu'on trouvait que ce n'était pas vraiment couvert ou élaboré, donc on voulait juste redonner la question au gouvernement de... Ce serait peut-être bien, dans le cadre de ces orientations-là qui sont prises présentement pas le gouvernement du Québec, de se donner des possibilités, avec nos instances scientifiques québécoises, de fouiller la question, de faire la recherche pour avancer une position à venir.

Le Président (M. Morin): Ça va? Donc, merci beaucoup à monsieur... Non, c'est fini, M. le député de Roberval. M. le député de Beauce-Nord, un peu plus puis je vous oubliais encore. Ça ne va pas bien, mon affaire.

Une voix: ...

Le Président (M. Morin): Ah oui! Allez-y, mon cher.

M. Grondin: Je veux bien croire que j'ai perdu du poids, mais je ne dois pas être invisible.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Grondin: Moi, je vous écoute, là, sur le sel et le sucre. Petite question bien simple: Si on enlevait du sucre ou du sel dans les muffins, ou n'importe quoi, le coût baisserait. Ça enlèverait...

M. Desbiens (François): Semble-t-il, ce sont des produits qui ne coûtent pas très cher quand ils sont achetés en très grande quantité par nos industriels. Semble-t-il, là, qu'une boisson gazeuse, là, ça coûte 0,06 $ à produire ou 0,07 $ à produire, là, des coûts vraiment, là... Ça ne coûte pas cher. Donc, à ce moment-là, de les enlever dans une stratégie sur 20 ans puis d'espérer que ça va faire baisser les coûts, là, je ne suis pas un économiste, là, mais ce n'est pas ça que les gens nous disent, là.

M. Grondin: Mais un autre... J'avais amené ça cette semaine, bien hier, je pense, à La semaine verte, en fin de semaine, ils passaient les producteurs de petits fruits qui ne sont pas capables de... Quand le petit fruit n'a juste pas la même grosseur, ils sont obligés de les éliminer. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'essayer de les mettre sur le marché à moindre coût pour les gens qui ont de la difficulté, les moins fortunés? Je suis certain qu'acheter une pomme avec une tache, ça ne les dérangerait pas du tout. Ou acheter une framboise un peu plus petite, ça ne les dérangerait pas du tout. Mais dans le système, du moment qu'il y a un petit défaut, on le tasse, on fait du composte avec. Il me semble, moi, qu'il y aurait moyen d'aider les familles à faibles revenus, les nourrir sainement avec ça.

M. Beauchemin (Michel): Mais c'est déjà quelque chose qui est pris en compte par le réseau d'aide alimentaire, les banques alimentaires, et autres. Considérez très bien que tout ce réseau-là fait en sorte d'aller chercher partout où ils peuvent pour donner aux populations qui en ont besoin tous les aliments.

Vous soulevez une question qui est majeure. L'offre alimentaire, telle qu'elle est faite dans les épiceries, est selon des standards. Puis vous venez de parler que, des pommes qui sont le moindrement avec une petite poque, on les retire. Pourtant, elles sont encore là. Avoir une approche où on va aller porter les pommes avec les petites poches seulement... avec les petites poques aux démunis, c'est une approche qui est presque... c'est presque blessant, à quelque part, parce que c'est présumer que ces gens-là ne sont pas capables de faire la différence. Or, ce n'est tellement pas vrai. On a mené une étude voilà quatre ans dans la région, nous, pour aller vérifier le niveau de compréhension, je n'ose pas dire d'éducation, mais que les familles à faibles revenus avaient de leur vécu au rapport de la consommation et on a été étonnés de découvrir qu'ils sont beaucoup plus instruits qu'on pense et que tout ça, ils le voient autant que nous. Le problème qu'ils ont, c'est qu'ils n'ont pas l'argent pour acheter autant que, nous, on peut. C'est tout simplement ça. Et là, je vous le dis, là, c'est assez étonnant. Je ne dis pas qu'il n'y a pas, dans les gens qui sont démunis, des gens qui manquent de compréhension, des choses de même. Mais on ne peut pas arriver avec une approche où on va aller chercher ce qui n'est pas bon pour ceux qui ont des sous puis on va aller le donner à eux.

Par contre, le réseau d'aide alimentaire, lui, se préoccupe que ces gens-là aient des aliments sains et nutritifs, et il peut arriver qu'à quelque moment donné il y a des cannes qui sont poquées. Vous, vous ne l'achèterez pas, moi non plus peut-être, mais on les récupère, quand on peut juger, selon les normes de sécurité, que tout est correct. Donc, il y a un petit danger par rapport à ça. Il faut trouver une voie qui est universelle par rapport à ça mais à la fois spécifique pour les conditions financières de ces gens-là.

Le Président (M. Morin): Merci...

M. Beauchemin (Michel): ...et le réseau de la santé, on peut beaucoup vous aider avec le réseau d'aide alimentaire.

Le Président (M. Morin): Merci, M. Beauchemin. Mme Morrow, M. Desbiens, M. Beauchemin, c'est terminé. Merci beaucoup de votre présentation.

Et j'inviterais La Tablée des chefs à se présenter à la table.

Je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 17)

 

(Reprise à 16 h 20)

Le Président (M. Morin): Nous reprenons nos travaux. Et nous recevons l'organisme La Tablée des chefs en la personne de M. Jean-François Archambault, directeur général et fondateur. M. Archambault, on attend votre présentation.

La Tablée des chefs

M. Archambault (Jean-François): Bonjour. Merci de me recevoir et de m'entendre. Je voulais vous présenter l'organisation La Tablée des chefs, pour ceux qui ne connaissent pas notre travail. La Tablée des chefs est le moteur d'implication sociale des chefs, des cuisiniers et des pâtissiers au Québec. On mobilise les chefs à trois niveaux: d'abord, à la récupération de leurs surplus alimentaires provenant du milieu HRI, hôtels, restaurants, institutions, au profit du réseau des banques alimentaires du Québec, dont notre partenaire, Banques alimentaires Québec. On mobilise aussi les chefs et la relève professionnelle, donc plus de 900 étudiants en cuisine dans 14 centres de formation professionnelle au Québec, à un moment dans l'année, qui est le mois de mars, à préparer des repas prêts-à-manger pour le réseau des banques alimentaires, soit à peu près 100 000 repas qui sont envoyés à chaque année dans le réseau des banques alimentaires en mars. Et finalement, et de façon importante, à la transmission de leurs connaissances culinaires au profit des adolescents de 12 à 17 ans en milieu moins favorisé et émanant du réseau des centres jeunesse.

Donc, La Tablée des chefs a mis sur pied un service de courtage en alimentation durable qui se veut l'outil de récupération alimentaire qu'on a fourni aux chefs pour permettre de façon sécuritaire, en collaboration avec, à l'époque, Joanne Twigg, la directrice adjointe du centre d'inspection des aliments et de la santé animale au MAPAQ, toute la sécurité, tout l'aspect de sécurité alimentaire liée à la récupération de ce type de denrée là. On a monté un programme, une charte de récupération alimentaire et en 2010 on a gagné le Phénix de l'environnement avec le programme. Le programme permet la récupération, à l'heure actuelle, de plus de 75 000 kilos de nourriture par année -- on peut faire davantage -- ce qui représente à peu près 300 000 repas par année pour le réseau des banques alimentaires. Et de ce nombre-là on parle de nourriture d'hôtels quatre étoiles et cinq étoiles, donc une nourriture de qualité, ce que les banques alimentaires n'ont pas toujours nécessairement.

Dans le volet de formation culinaire, on a développé un programme. En fait, le premier programme qui est sorti de la formation culinaire est le Camp culinaire Taillevent. On a un camp de vacances où on accueille des jeunes de partout au Québec, référés par des intervenants sociaux à travers le réseau des CLSC et à travers aussi les centres jeunesse, le réseau des centres jeunesse, des jeunes de huit à 15 ans qui viennent des quatre coins du Québec et qui ont la chance de séjourner sur la base de plein air Perce-Neige, en collaboration avec la Fondation Bon Départ Canadian Tire du Québec, qui possède la base de plein air, et on leur fait vivre un camp culinaire. Donc, on leur transmet des connaissances en cuisine. Les jeunes doivent cuisiner leurs propres repas sur la base de plein air et ils ont un bagage d'environ 24 heures de cuisine sur un séjour de 10 jours. Et ils repartent avec un tablier, ils repartent avec un livre de cuisine qu'on a monté, et on espère avoir semé en eux une petite fibre de cuisinier, donc d'essayer de cuisiner à la maison. Ça, ça se fait l'été. C'est huit semaines. J'ai une équipe en permanence sur la base de plein air, comptant un chef cuisinier, trois aides-cuisiniers et une nutritionniste qui est là pendant tout l'été. Et on touche approximativement 500 jeunes de partout au Québec.

On voulait toucher les jeunes dans le milieu scolaire, donc pendant l'année, et, avec le retrait des cours d'économie familiale, on s'est dit: Bon, notre place, présentement du moins, est en parascolaire. Alors, on a développé les Ateliers du Frère Toc, qui est un programme de formation parascolaire, des ateliers culinaires qu'on donne avec des cuisiniers qui sont rémunérés, pas très cher mais qui sont rémunérés, et les ateliers sont offerts gratuitement aux écoles secondaires en milieu défavorisé. Donc, on parle des écoles qui sont cotées huit, neuf ou 10 au niveau de l'indice du seuil du faible revenu et du contexte socioéconomique au ministère de l'Éducation. Et on est principalement présents à Montréal dans une dizaine d'écoles secondaires qui ont les pires ratios et on est présents aussi à Laval dans quatre écoles et à Longueuil à Gérard-Filion, qui est la polyvalente, qui est l'école secondaire qui a le pire score au niveau des indices de pauvreté.

Maintenant, de ce programme-là est né le programme au niveau des centres jeunesse. Le programme PQJ, qui est le programme Qualification des jeunes des centres jeunesse, vise à peu près 10 % des 5 000 jeunes qui vont quitter le réseau des centres jeunesse à l'âge de 18 ans et qui ont le moins de chances de s'intégrer dans la société, qui se ramassent dans Les Auberges du coeur, qui se ramassent dans l'aide alimentaire. Parce qu'imaginez-vous qu'un jeune qui rentre en centre jeunesse à l'âge de neuf ans et qui en ressort à 18 ans, qui a été en centre de réadaptation, qui a été nourri au cabaret dans les cafétérias des centres jeunesse, sa relation avec l'alimentation n'est pas la même que la mienne, où j'ai pu cuisiner avec ma mère, et où j'ai appris à cuisiner à la maison, et où je rentrais de l'école puis je sentais la nourriture que ma mère avait préparée, et où j'ai pu développer la gourmandise. Donc, pour moi, ce lien-là, il est extrêmement important.

Et les centres jeunesse nous ont approchés pour développer un programme de formation lié au programme PQJ, pour développer l'autonomie alimentaire des jeunes qui sont dans le réseau des centres jeunesse, afin de leur donner les outils nécessaires pour être capables de les préparer à prendre en charge leur alimentation. Parce que ces jeunes-là ne s'en retournent pas dans leur milieu familial. S'ils l'ont quitté à l'âge de neuf ans, et qu'ils quittent le centre jeunesse à l'âge de 18 ans, puis qu'ils étaient en centre de réadaptation avec des éducateurs, c'est clair qu'ils ne s'en retourneront pas à la maison au bout de... à 18 ans. Alors, ils se retrouvent en appartement trois, quatre, un premier emploi très précaire, un loyer à payer, et on pense que ces jeunes-là, à l'âge de 18 ans, sont capables de prendre en charge un panier alimentaire et la préparation de repas, ce qui est un petit peu illusoire. Alors, on les prépare, on fait du mieux qu'on peut dans les ressources qu'on détient et avec les partenaires qu'on est capables de mobiliser.

D'ailleurs, le ministère Santé et Services sociaux collabore à peu près au un tiers du budget total de ce programme-là avec l'Association des centres jeunesse, et on travaille dans les 16 régions, donc on travaille dans les 16 centres jeunesse au Québec, on est présents partout. Et, pour étendre ce programme-là, on a ajouté la distribution, soutenue par le Secrétariat à la jeunesse l'année dernière et Québec en forme, la distribution d'un coffre à outils alimentaire qui est distribué aux 5 000 jeunes qui vont quitter les centres jeunesse à chaque année à l'âge de 17 ans, et ça comprend six articles de cuisine, c'est un trousseau de départ.

En fait, quand, moi, j'ai quitté la maison, ma mère m'a donné des articles de cuisine, un livre de cuisine, différentes choses pour me débrouiller. Elle venait faire mon épicerie une fois de temps en temps et elle me préparait des plats aussi, mais j'étais capable de me débrouiller puis j'avais 24 ans. À peu près, la moyenne des jeunes au Québec qui quittent le foyer, c'est 23, 24 ans. Alors là, on parle de jeunes de 18 ans qui quittent cinq ans avant la moyenne québécoise et qui ont un parcours beaucoup plus rocambolesque que la moyenne des Québécois.

Alors, ces jeunes-là, on leur remet ce trousseau-là, qui est en fait un sac à lunch. J'aurais aimé ça vous en apporter un. En fait, j'aurais dû vous en apporter un. Il y a six articles de cuisine, il y a un tablier, il y a le guide du MAPAQ sur l'hygiène et la salubrité, pour savoir comment on entretient un frigo, et tout ça, puis on a un livre de recettes, qui est un cours de cuisine, en fait, puis qu'on a développé avec Transcontinental et qu'on leur remet gratuitement à l'intérieur. Donc, le coffre leur est remis gratuitement à l'âge de 17 ans, avec un défi qu'on appelle le défi Kuizto, qui est de cuisiner une recette avec leurs éducateurs ou leurs familles d'accueil avant de quitter, donc avant d'atteindre l'âge de 18 ans. Ça leur est remis à l'âge de 17 ans.

Alors, ce projet-là a été développé avec beaucoup de partenaires. Le coffre vaut plus de 100 $, et on est capables, avec nos partenariats, de l'avoir autour de 26 $, 27 $ et de le distribuer à 5 000 jeunes à chaque année. On va être dans notre deuxième année de distribution cette année. Le projet est très, très attendu par les directions générales de l'ensemble des centres jeunesse du Québec.

Ça fait le tour un peu de nos actions. Quand je dis qu'on est le moteur d'implication sociale des chefs, c'est que depuis 2001, le jour où j'ai décidé de fonder La Tablée des chefs, j'ai réuni des directions d'écoles hôtelières, j'ai réuni le président de la Société des chefs, à l'époque Denis Paquin, j'ai réuni des chefs, j'ai réuni des gens du MAPAQ, le centre d'inspection des aliments en la personne de Joanne Twigg, qui est retraitée aujourd'hui mais qui continue de nous aider sur une base bénévole, les gens de Moisson Montréal aussi.

Pour comprendre le réseau d'aide alimentaire, j'ai siégé au conseil d'administration de Moisson Montréal pendant deux ans, et on a identifié d'abord une préoccupation de pouvoir permettre aux gens de se nourrir, dans un premier temps. Mais ce qu'on s'est aperçus, avec les études de la Direction de la santé publique aussi, c'est réellement une perte de connaissances culinaires et de compétences culinaires dans les milieux... surtout dans les milieux moins favorisés. Et donc, si ces compétences et ces connaissances-là ne sont pas transmises aux générations futures, avec l'augmentation du coût des aliments, on va avoir un sérieux problème.

Alors, nous, on veut en faire davantage au niveau des écoles secondaires. On pense que la clientèle cible du 12-17 ans est une clientèle qui est privilégiée, une clientèle qui est idéale, qui est une clientèle qui est prête à recevoir de l'information, qui est prête à s'engager, qui veut de l'autonomie, qui ne veut pas se faire dire quoi faire mais qui veut être capable de prendre ses propres décisions. Donnons-leur les outils pour le faire et inculquons-leur dès le départ une culture alimentaire qui est saine et qui va leur permettre de développer leur autonomie.

Le Président (M. Morin): Coup de chapeau, M. Archambault. M. le ministre.

M. Corbeil: Merci, M. le Président. Félicitations, M. Archambault. Avec toute l'énergie que vous déployez à travers vos différents projets de camps culinaires, d'Ateliers du Frère Toc, défi Kuizto, etc., vous devez vous consacrer à ça à temps plein et plus.

**(16 h 30)**

M. Archambault (Jean-François): Ah! je ne suis plus seul maintenant. En 2006, j'ai quitté mon emploi. De 2001 à 2006, j'ai fait ça sur mon temps... sur un temps bénévole, mais en 2006 j'ai décidé de m'y consacrer à temps plein et j'ai créé un premier poste. En fait, l'idée était de créer un poste de coordination que j'ai finalement décidé de prendre. J'étais directeur des ventes et marketing pour les hôtels Marriott au Québec à ce moment-là et j'ai quitté. J'ai étudié à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec en gestion hôtelière, j'ai fait mon MBA à l'UQAM et en 2006 j'ai donc pris la décision de prendre en charge... J'ai parti ça dans mon sous-sol à Candiac seul, et aujourd'hui on a une équipe de huit employés permanents et on fait travailler 25 chefs pigistes dans 16 régions du Québec à donner des cours de cuisine. On donne à peu près 48 000 heures de cours de cuisine, donc c'est une petite école hôtelière en soi, une petite école de cuisine en soi, là, qu'on gère au Québec.

M. Corbeil: Je peux comprendre qu'une grande partie de vos efforts provient de dons, de contributions, de bénévolat, etc. Vous parvenez à assurer le financement de votre organisme de quelle manière?

M. Archambault (Jean-François): Je vous dirais que...

M. Corbeil: ...ma curiosité, là, mais...

M. Archambault (Jean-François): Non, non, non, c'est une bonne question. En fait, on essaie de diversifier nos sources de financement. Mais c'est certain que, quand j'ai commencé en 2006, j'avais à peu près 80 % des montants de mon budget à aller rechercher dans l'année pour l'année, donc ce qui est une bonne commande sur un budget d'à peu près 300 000 $ quand j'ai commencé en 2006. Aujourd'hui, le budget d'opération de La Tablée des chefs est d'à peu près 1,2 million et principalement vient de fondations. On a le soutien de Québec en forme, on a le soutien aussi de la Fondation Marcelle et Jean Coutu. La Fondation Marcelle et Jean Coutu en soi soutient 80 % du financement du Camp culinaire Taillevent, qui est notre camp de vacances, sur un programme de cinq ans. C'est un partenaire solide. La Société des alcools du Québec, dans son programme d'aide alimentaire, vient nous aider en finançant 100 % de l'activité avec les écoles de formation culinaire, donc la Semaine des écoles hôtelières, dans sa préoccupation d'aide alimentaire, vient nous remettre à peu près 125 000 $, ce qui est à peu près 10 % de mon budget d'opération, ce qui est majeur. C'est mon plus gros donateur individuel. On reçoit aussi de l'aide de la Fondation Québec jeunes, Fondation Jeunesse-Vie. On reçoit de l'aide aussi de Desjardins, Hydro-Québec. On reçoit dans des montants un petit peu plus petits.

Et on fait des activités-bénéfice. Et on a deux écoles de cuisine grand public. Dans un esprit d'économie sociale, j'ai décidé de générer des revenus autonomes, donc essayer d'être moins dépendant des donateurs. Et donc on offre, avec nos chefs et en étant collés au milieu des chefs, des ateliers culinaires grand public, un peu comme le fait Daniel Vézina ici, au Laurie Raphaël. On a deux cuisines, une au Marché Jean-Talon, en collaboration avec la Corporation des marchés publics... On gère en sous-traitance l'atelier culinaire du Marché Jean-Talon au deuxième et on rétribue 20 % de nos revenus à la corporation. C'est en partie leur investissement social. Et on génère à peu près, comme ça, là, autour de 150 000 $ par année nous-mêmes, à travers cette programmation grand public, que ce soient camps de jour culinaires pour les jeunes, qui coûtent à peu près 300 $, et il y a des ateliers qui varient entre 75 $ et 100 $ par personne mais dans un esprit de vraiment développer de l'économie sociale et de l'entrepreneuriat social. C'est vraiment mon objectif.

M. Corbeil: Merci. On est partenaires dans Moi, j'fais mon lunch!, le MAPAQ.

M. Archambault (Jean-François): Tout à fait. Absolument.

M. Corbeil: Et je voudrais juste avoir votre opinion sur les orientations du livre vert.

M. Archambault (Jean-François): Bien, je vous dirais que, ma préoccupation principale d'abord, puis je vais l'aborder de façon très, très, très courte, dans le volet de récupération alimentaire, ce que je parlais, là où le ministère de l'Agriculture peut nous aider, c'est peut-être de nous reconnecter sur le centre d'inspection des aliments et de la santé animale. On avait un contact qui était privilégié en la personne de Joanne Twigg, qui était directrice régionale. Mais je pense qu'on serait capable de normaliser cette procédure-là. Parce qu'on s'en va à Vancouver avec ce projet-là, on a reçu une bourse philanthropique pour développer la récupération alimentaire au Mexique, alors pourquoi ne pas d'abord au Québec être fiers d'avoir un projet comme celui-là?

Parce que ce n'est plus juste mon projet. C'est le projet des chefs, c'est le projet de tous les cuisiniers qui ont décidé d'embarquer puis de le faire. Et je pense qu'il y aurait moyen de normaliser ça pour que les cuisiniers soient moins tendus, disons, de par la visite des inspecteurs, de la mise en place d'un projet comme celui-là. Donc, même si on leur dit: L'article 1471 du Code civil vous protège parce que vous redonnez gratuitement aux gens dans le besoin, un cuisinier a besoin d'un petit peu plus que ça pour se laisser convaincre.

C'est sûr que plus on a de chefs connus, plus ça encourage d'autres chefs à embarquer, mais, si on était capables d'avoir un peu d'aide pour normaliser cette procédure-là, et l'encadrer davantage auprès du centre d'inspection, et d'assurer que, quand l'inspecteur passe, il puisse avoir un coup d'oeil aussi sur cette procédure-là du moins, ça ne coûterait pas beaucoup plus cher puis ça nous permettrait de signer davantage de partenaires pour envoyer encore plus de repas au niveau des banques alimentaires.

Pour ce qui est de l'autre point, qui est, pour moi, crucial, je pense que c'est plus facile de convaincre un jeune de 12 à 17 ans des bienfaits des... et de faire découvrir les aliments du Québec à un jeune de 12 à 17 ans que de convaincre une personne de 55, 60 ans qui a ses habitudes depuis 30 ans, 40 ans de changer des habitudes après 40 ans, tandis que de changer des habitudes depuis cinq, six ans, disons, de prise en charge ou d'aller vers son alimentation soi-même, c'est un petit peu plus facile.

En plus, moi, je sais que, moi, j'avais un impact encore plus grand sur le choix du panier alimentaire de ma mère, quand j'allais faire l'épicerie, parce que, je vous l'ai dit tantôt, je suis gourmand, j'ai toujours été intéressé par l'alimentation. Donc, j'allais faire l'épicerie, moi, avec ma mère. Je n'étais pas devant les jeux vidéos. Je voulais être sûr qu'il y avait ce que je voulais manger dans le panier. Alors, j'avais un impact très, très grand sur ce que ma mère achetait. Et ça, c'est important. Nous, quand on rencontre les adolescents dans le camp, quand je leur parle, je leur dis: Bon, on ne vous dit pas d'aller faire l'épicerie avec vos parents tout le temps, mais une fois de temps en temps allez-y, puis arrêtez de vous plaindre, quand vos parents ramènent des affaires, puis allez leur dire qu'est-ce que vous aimeriez avoir dans le panier. C'est sûr que le parent a un rôle d'influence et un rôle de faire découvrir des choses aux jeunes, mais je pense que les adolescents sont curieux.

Je vous donne un exemple. J'ai donné des ateliers, pour la première année, parce que je voulais vivre le programme, au Centre de jeunesse de Montréal. J'avais 16 jeunes, des jeunes assez rock-and-roll. Et j'ai un jeune qui passe avec ses écouteurs devant mon comptoir. Puis j'avais mes sacs puis j'avais de l'aneth. Je cuisinais un poisson, j'avais de l'aneth frais. Il passe devant le comptoir puis il dit: C'est quoi, ça? J'ai dit: Bien, c'est de l'aneth. Il dit: Ah! c'est comme les chips aux cornichons. J'ai dit: Oui, exactement, c'est la même chose. Et il dit: Je peux-tu goûter? J'ai dit: Bien, oui, j'ai dit, je n'aurai pas besoin de tout ça, j'ai dit, prends-toi-z-en, tu sais. Il s'arrache une branche, puis il mange ça, puis il dit: C'est bon. J'ai dit: Bon, bien, maintenant, j'ai dit, ce n'est pas pantoute comme les chips aux cornichons, j'ai dit. Ça, ce que tu viens de manger, ça, c'est de l'aneth, c'est le vrai. Ce qu'ils te mettent dans tes chips, c'est de la saveur artificielle. J'ai dit: Ça serait-u bon, des chips à l'aneth mais avec le vrai aneth, avec le vrai goût de ce que ça devrait goûter? Ce n'est pas plus intense dans ta bouche, ce que tu es en train de manger là, que ce qu'ils te font manger dans un sac de chips aux cornichons?

C'est juste pour faire le reflet que ce n'est pas tous les cuisiniers qui peuvent donner des cours de cuisine, parce qu'un cuisinier un peu moins bien engueulé, là, aurait pu dire au jeune: Bien non, franchement, ça, c'est de l'aneth frais. Puis là le jeune, qu'est-ce qu'il aurait fait? Il se serait fermé au cuisiner, puis il serait allé s'asseoir avec sa musique, puis il n'aurait pas écouté qu'est-ce que le cuisiner aurait dit. Donc, il faut démontrer une certaine ouverture, quand on est en contact avec un adolescent, pour justement qu'il mette sa main dans le sac puis qu'il y goûte.

Alors, je pense qu'à travers notre initiative dans les écoles secondaires et ce qu'on est en train de travailler avec Québec en forme on voudrait pouvoir faire découvrir les aliments du Québec aux adolescents du Québec. Et je pense que les producteurs maraîchers, les producteurs de bovins, tous les producteurs du Québec seraient très ouverts à faire découvrir les produits à travers nos initiatives et en venant réduire nos dépenses de nourriture, parce que... sachant très bien que dans la majorité des cas, que ce soient des programmes gouvernementaux, que ce soient des programmes de Québec en forme, on ne finance pas la nourriture dans les projets. Parce qu'originalement des projets de cours de cuisine, et tout ça, ça n'existait pas puis ce n'était pas présent. Donc, on ne finance pas la nourriture, dans la majorité des cas, ce qui fait qu'il faut aller vers des chaînes d'épiciers, qu'il faut aller trouver des partenariats pour essayer de payer la denrée, parce que, pour cuisiner, bien ça prend de la nourriture, c'est sûr.

Le Président (M. Morin): Mme la députée de Pontiac, la passion de M. Archambault vous suscite une question?

**(16 h 40)**

Mme L'Écuyer: Merci, M. le Président. M. Archambault, vous m'impressionnez beaucoup, beaucoup, beaucoup, je vous le dis très honnêtement. Venant d'un milieu où j'ai été appelée à travailler avec des jeunes ados, on avait toujours la même préoccupation: Qu'est-ce qu'on fait avec le jeune qui à l'âge de 16 ans doit quitter une famille d'accueil et se retrouve en appartement, n'a pas eu de modèle pour se faire de la nourriture? Ça fait que je vous lève mon chapeau de cette initiative qui est plus que louable.

Vous êtes un très bon courtier en alimentation. Vous savez comment aller chercher des sous. Ça aussi, c'est impressionnant, parce que ce n'est quand même pas un domaine aussi facile. La semaine passée, j'étais à notre centre de distribution alimentaire. J'étais avec la directrice, puis on regardait un peu ce qu'il y avait comme denrées qui étaient données par les gens. Et il y a beaucoup, beaucoup de conserves. Et on regardait un peu qu'est-ce qu'il y avait là-dedans, le sodium. Et en même temps ils ont commencé des cours de cuisine chez les adolescents, de cuisine collective, et on se disait: Comment on peut faire pour s'éloigner de ces conserves-là puis aller chercher des aliments naturels? Bien, l'été, c'est facile à cause des jardins.

Dans vos demandes de financement... On sait qu'on a beaucoup de produits frais congelés au Québec. Nos légumes sont reconnus comme étant de qualité. Mais on sait qu'un centre de distribution alimentaire n'a jamais beaucoup d'argent pour acheter ce type d'aliments là. Quelqu'un va donner des gros congélateurs, mais... Dans votre façon d'organiser vos cuisines, comment vous vous y êtes pris, là? Je sais qu'à Montréal... Dans les petits centres, on n'a pas cette opportunité d'avoir les hôtels qui peuvent donner des... récupérer des aliments, là. Comment vous vous êtes pris pour avoir ce type d'alimentation là qui s'éloigne un peu des boîtes de conserve et d'aliments où il y a beaucoup de sodium et des choses comme ça là-dedans, là?

M. Archambault (Jean-François): Je vous dirais qu'on n'a pas le choix, à quelque part, d'avoir un certain niveau de nourriture, ce qui veut dire que nécessairement il faut montrer aux gens à réapprendre à cuisiner, c'est-à-dire à réapprendre à... Tu sais, moi, je fais juste penser puis j'aimerais ça retourner dans le temps pour aller dans des familles où il y avait 14 enfants et où la mère réussissait à nourrir ses 14 enfants. Puis il n'y avait pas beaucoup d'argent, il n'y avait pas beaucoup... tu sais, des familles qui étaient pauvres puis qui réussissaient quand même, de par l'agriculture, à nourrir leur famille. Mais pourquoi? Parce qu'ils savaient se débrouiller, ils savaient cuisiner, ils savaient comment traiter le produit.

Mais aujourd'hui, là, je peux vous dire que, quand Moisson Montréal m'appelle pour me dire: On a reçu du chou puis on ne sait pas quoi faire avec, là, je veux dire, il est là, le problème, tu sais. Alors, des fois le produit, il est là, mais les gens, comme vous dites, ne savent pas quoi faire avec. Un sac de carottes... Aujourd'hui, une carotte, pour un jeune, c'est à peu près gros comme ça, puis c'est rond aux deux bouts, puis ça n'a plus de peau, ça n'a plus de... tu sais, ça n'a plus d'apparence. Tu sais, de la terre sur une carotte, moi, j'aime ça. Moi, j'aime ça avoir un peu de terre sur ma carotte, quand je l'achète. Je l'achète avec la tige, puis je casse la tige, puis je la sens, puis je l'apprécie avant même de la manger. Mais aujourd'hui il n'y a plus ce côté-là. C'est ça qu'il faut faire redécouvrir aux jeunes.

Même chose avec la pomme de terre, de la brosser un peu, tu sais... Quand on retrouve, à l'épicerie, des carottes râpées, purée, coulis... Aïe! achète un sac de cinq livres à trois piastres, là, puis achète-toi un économe, là, puis, tu sais, prends deux, trois minutes, là, puis travaille ta carotte un peu, tu sais. Et ça, c'est la débrouillardise, c'est redécouvrir son alimentation puis c'est ça qu'on est en train de perdre. Il faut se l'avouer, c'est ça qu'on est en train de perdre. Pourquoi? À cause de tous les produits -- je vais dire un mot, mais... -- surtransformés. Tu sais, c'est... Et là il y a tout l'emballage, tu sais, des champignons déjà coupés, et tout ça. Il y a certaines choses qui sont utiles, quand tu sais cuisiner. Mais, si tu ne sais pas cuisiner, puis que tu ne dépends que de ça et qu'à cause qu'il est coupé ou qu'il est ciselé tu paies trois fois le prix pour ton champignon...

La première chose que je montre aux jeunes, là, c'est de dire: Voici un poulet entier. Voici une poitrine de poulet taillée en lanières, plus de gras, plus rien, puis appelez-le comme vous voulez, mais... Tu sais, c'est ça. Et ça, ça coûte combien? Puis là regardez juste à... Ne regardez pas le prix. Ce n'est pas important, le prix. Regardez le prix au poids. Et là on les ramène là, là, les jeunes, là. Allez peser vos... Tu sais, ils achètent, ils voient les bananes à 0,49 $. Pour eux, c'est: Aïe! les bananes sont 0,49 $. Non, non, c'est 0,49 $ la livre. Va... La grosse balance qui est là, elle sert à quelque chose dans l'épicerie. Mets-toi les bananes là, puis tu voir combien de livres que c'est, puis tu vas voir combien que ça va te coûter à la caisse, tu sais. Des choses simples comme ça, là, bien ça, ce n'est pas présent dans les milieux moins favorisés.

Puis je vous dirais que les épiciers ont un rôle à jouer. Nous, on force les épiciers... Puis j'ai des discussions avec les détaillants: Pourquoi vous n'auriez pas des organismes communautaires pour aider les gens dans les épiceries? Parce que je parle avec le Dr Julien, qui me dit qu'à peu près 60 % des familles font 50 % de leur épicerie chez Dollarama, dans Hochelaga-Maisonneuve. Alors, il y a un problème, quand le Super C... puis je ne veux pas faire de promotion pour Super C, mais il est au coin de Pie-IX puis Ontario. Il y a un problème, là, tu sais. Alors...

Le Président (M. Morin): ...vous arrêter, M. Archambault...

M. Archambault (Jean-François): Excusez.

Le Président (M. Morin): ...parce qu'on va transférer le droit de parole au député de Kamouraska-Témiscouata. Mais vous pourriez continuer avec M. le député.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le Président. M. Archambault, bienvenue. Félicitations, bien sûr. Félicitations pour votre entrepreneurship. C'est vraiment intéressant, en plus de tout ce que vous apportez comme fraîcheur, effectivement le plaisir de cuisiner, le plaisir de manger. En passant, pour votre problème de gourmandise, dans ma génération, c'était un des sept péchés capitaux mais le plus facile à avouer.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Archambault (Jean-François): Il faut faire un peu d'exercice pour l'équilibrer.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Je ne sais pas si c'est le hasard, mais aujourd'hui vous tombez dans... votre sujet arrive aussi en continuité avec une préoccupation. Bien sûr, Donner le goût du Québec, mais, je comprends, aussi donner le goût de cuisiner les choses du Québec, hein? Donc, c'est un élément important. Vendredi dernier, moi, je suis député de Kamouraska-Témiscouata, et j'étais à Dégelis, et je rencontrais le Regroupement des assistés sociaux. Et on me parlait des difficultés à bien des aspects. Les dons, on se dit: En région, nous, on n'a pas accès à des banques alimentaires aussi facilement, comme on peut voir, puis les gens étaient, se sentaient un peu dépourvus à cet égard. Vous avez parlé d'une clientèle 12-17 ans, ce qui est très bien, parce qu'à des âges plus avancés c'est plus difficile, et encore, pour changer des habitudes, là, mais est-ce que vous voyez qu'on pourrait l'étendre davantage, cet esprit-là que vous avez avec bien sûr l'équipe, pour l'étendre davantage à l'ensemble de la population, plus que des cours de cuisine, qui ont pris de la popularité, mais en accentuant aussi qu'est-ce peut faire à moins cher, intéressant au plan économique, qui est excellent et, en plus, d'avoir du plaisir à le faire? Parce que vous êtes un peu à contre-courant par rapport aux choses toutes faites et...

M. Archambault (Jean-François): Une chose qui est simple puis, je pense, qui peut avoir un impact qui est vraiment majeur, il faut reprendre le temps de faire ça, c'est que, moi, quand j'étais petit, je me rappelle, mon père, il m'envoyait dans le jardin. Puis on restait à Sainte-Rose, à Laval, on restait dans un quartier résidentiel. Mon père avait un terrain d'à peu près 10 000 pi², mais il y avait à peu près, je dirais, peut-être 400 pi² de jardin en arrière. Puis mon père, il m'envoyait ramasser les mauvaises herbes, puis ça me forçait à me pencher, puis à ramasser, puis à nettoyer son jardin. Puis, quand je coupais le gazon, bien j'envoyais le sac dans le compost, puis tout ça.

Ça fait que juste le fait de permettre aux gens de retrouver le plaisir d'avoir un jardin à la maison, puis de faire pousser des légumes dans son jardin, puis de voir les aliments chez eux, là, dans leurs cours, ce qui n'est pas très compliqué, il y a des gens à Montréal qui font ça sur leurs toits... Je veux dire, ça ne prend pas beaucoup pour découvrir un aliment. Puis il y a une certaine fierté à sortir une carotte de ton jardin, puis à y goûter, puis à voir qu'elle n'est pas tout de suite prête, puis, bon, on va attendre encore un peu. Et ça, je pense que... C'est sûr qu'au Québec on a le problème de la saisonnalité. On a une culture. Je veux dire, on est capables, avec les serres, la culture en serre, de prolonger un petit peu puis d'avoir certains aliments à l'année, mais disons qu'on n'a pas le choix de se retourner vers certains types d'aliments importés le reste de l'année. Mais je pense qu'on est capables, avec les conserves, avec différents concepts de conservation, d'avoir des aliments à l'année et de combler un petit peu, pour répondre à votre question de tantôt aussi... de permettre à l'aliment de vivre un peu plus longtemps, soit de le transformer, soit de... lui faire une transformation puis de le congeler, et ça, c'est... puis même de le mettre en conserve, parce que le procédé de conservation en conserve aussi est intéressant.

Maintenant, par rapport à transmettre la passion puis transmettre le plaisir, ça, je pense que c'est juste contagieux puis je pense qu'on est sur la bonne voie, sincèrement. Je vois beaucoup, beaucoup de belles initiatives. J'ai vu un «food camp» qui s'en vient à Québec au printemps. On est en train d'organiser un forum culinaire à Montréal avec 150 chefs, avec des chefs de partout au Québec. Il y a plein de belles choses qui s'en viennent. Je pense qu'il ne faut pas être négatif. Je pense qu'il y a plein de belles choses qui sont là. Il y a les chefs qui travaillent les produits du Québec. Il y a beaucoup de travail à faire au niveau distribution, transport, c'est ce que j'entends des chefs, mais disons qu'on est sur la bonne voie, je pense. Et, moi, je veux être un acteur de premier plan dans la valorisation de la culture alimentaire québécoise, puis on veut jouer ce rôle-là. Puis on a des bons partenaires, avec le MAPAQ et avec Québec en forme comme partenaires de déploiement pour nos ateliers culinaires à travers le Québec.

**(16 h 50)**

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Bravo.

Le Président (M. Morin): Oui, M. le député de Roberval.

M. Trottier: Oui. Merci beaucoup de votre intervention. C'est très intéressant de découvrir qu'il y a des actions comme ça qui se font.

Est-ce qu'il y a plus de garçons ou de filles dans vos ateliers? Puis comment ça se passe? Et puis quelle sorte de suivi vous pouvez faire par la suite pour voir qu'est-ce qu'il en est, c'est quoi, les résultats qu'il reste après tout ça?

M. Archambault (Jean-François): Je vous dirais qu'il y a quand même un nombre à peu près égal de garçons et de filles. C'est sûr que, quand j'ai la chance de parler à des groupes de jeunes pour les mobiliser, je dis toujours aux gars que c'est intéressant d'apprendre à cuisiner, parce qu'il y a beaucoup de filles dans les cours de cuisine, puis que ça va les impressionner. Alors ça, ça peut amener à être un petit peu plus populaire puis à charmer les filles, de savoir cuisiner puis de montrer qu'il a un intérêt dans ça. Donc, c'est une stratégie pour les amener comme de leur donner à manger. Juste pour vous donner une idée, on est dans un atelier à Louis-Joseph-Papineau, une école dans Saint-Michel à Montréal. On est dans une période de présentation des différentes activités parascolaires. On est au comptoir, il y a un jeune qui arrive, un gars qui arrive, puis il dit: Moi, je vais m'inscrire. Puis mon chef lui demande: Pourquoi tu t'inscris au cours? Tu sais, il dit: Bien, je vais pouvoir manger le mardi soir. Je vais pouvoir au moins manger un souper le mardi soir, tu sais. Puis là il s'en va, puis je regarde mon chef, puis je dis: Il vient-u de nous dire ça, lui? Tu sais, c'est...

Ça fait qu'à un moment donné c'est ça aussi, le contexte dans lequel on travaille. Il y a beaucoup de jeunes qui viennent parce qu'on leur offre aussi la chance de manger. Puis il y a beaucoup de jeunes qui ne vont pas manger ce qu'ils ont préparé sur place, pour en amener à la maison, pour que la famille puisse goûter à ce qui a été préparé puis qu'ils le mangent avec la famille. C'est assez troublant. D'ailleurs, j'ai eu cette conversation-là avec le Dr Julien, et on ouvre dans deux semaines un atelier culinaire permanent dans la clinique du Dr Julien pour justement... Moi, ce que je veux voir, c'est les comportements alimentaires des familles dans le besoin pour mieux comprendre notre intervention. Parce que trop souvent on va penser pour l'autre puis on n'ira pas voir réellement ses besoins. Puis tantôt j'ai aimé l'intervention... je pense que c'était des gens de la Direction de la santé publique, qui disaient que les gens en milieu moins favorisé connaissent... C'est juste qu'ils n'ont pas assez d'argent, puis ça, j'y crois vraiment.

Alors, je pense que le problème n'est pas là puis je pense qu'en termes d'accessibilité aux aliments ce qui s'est passé tantôt, pour revenir, parce que je trouvais ça intéressant, la fameuse pomme, bien elle est utilisée pour faire du jus, puis elle est achetée à moindre coût par des transformateurs pour faire du jus, puis pareil avec les petits fruits. Les entreprises de transformation ont réalisé, à faire des sous-produits, qu'ils vont payer moins cher la matière première pour faire un produit transformé, un jus, un coulis ou n'importe quoi, et ils vont utiliser un produit que... Dans le fond, une mûre qui est broyée, quand tu ne vois plus la tache qu'il y a dessus ou tu ne vois plus la... Donc, ça, les banques alimentaires vont vous le dire, des produits b, des produits c, il y en a de moins en moins parce que l'industrie de la transformation alimentaire achète maintenant ces produits-là pour faire de la transformation alimentaire.

Le Président (M. Morin): Ça va? Vous avez encore quelques minutes. Avez-vous une autre question, M. le député de Kamouraska... Ah! M. le député de Roberval.

M. Trottier: Sur le suivi que vous faites par la suite, là, qu'est-ce qui se passe après que vous avez donné la boîte, la formation? Est-ce que vous avez un suivi sur les résultats que ça donne à plus long terme?

M. Archambault (Jean-François): La difficulté... Je vous dirais qu'au niveau suivi on a une préoccupation de recherche, donc on s'est alliés avec deux chercheurs de l'Université de Sherbrooke en psychoéducation, Jacques Joly, qui travaille de très près avec les centres jeunesse... Ça fait qu'en centre jeunesse, oui, effectivement il y a un suivi très proche qui se fait avec les éducateurs et il y a un impact direct. Parce qu'il y a beaucoup de jeunes qui, l'année suivante des ateliers de soir... qui s'en vont en appartement. Puis il y a même des jeunes qui sont déjà en appartement qui suivent les ateliers et qui commencent à cuisiner à la maison, même qui découvrent l'épicerie pour une première fois, parce qu'on les amène à l'épicerie. Il y en a qui n'ont jamais mis les pieds dans une épicerie de leur vie, O.K., je vous le jure, et ils s'en retournent... Ils vont à l'épicerie, maintenant, ils franchissent ce pas-là, ce qui n'a aucun sens, parce que... Je veux dire, il n'y a rien d'intimidant d'aller dans une épicerie, mais pour des... Pour ce qui est de ce suivi-là, il est fait de façon très, très...

Où c'est difficile, c'est dans le milieu scolaire, parce qu'on n'a peu ou pas de contrôle sur le jeune, après, qui s'en va dans sa famille, puis on n'a pas vraiment d'accès à la famille. C'est pour ça que j'ai décidé d'ouvrir un atelier dans la clinique du Dr Julien, parce que le Dr Julien a un accès privilégié à ces familles-là, un lien de confiance avec ces familles-là. Mais c'est sûr que des organisations comme la Direction de la santé publique pourraient nous aider à définir davantage l'impact qu'on peut avoir sur ces jeunes-là. Mais, je veux dire, l'impact est certain. C'est juste de pouvoir le mesurer. Mais c'est une excellente question, parce que c'est une préoccupation puis c'est souvent un défi, comme organisation sans but lucratif...

Le Président (M. Morin): M. Archambault.

M. Archambault (Jean-François): ...d'investir en évaluation.

Le Président (M. Morin): Oui. M. le député de Kamouraska-Témiscouata voulait vous poser une question, mais le temps s'écoule.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Je reviens. Est-ce que, pour le rendre davantage, pour le rendre plus accessible un peu partout, notamment dans les régions mais partout au Québec, est-ce que vous croyez qu'on pourrait réintroduire, au fond, une priorité dans l'enseignement secondaire, notamment, en économie familiale, peu importe, mais avec cette dynamique que vous avez lancée, sans que ça soit, bien sûr, récupéré, là, autrement, mais pour le rendre vraiment accessible partout au Québec?

M. Archambault (Jean-François): Je vous dirais, dans une formule comme elle l'était avant, non, parce que c'était en secondaire II, c'était... C'est limité, quand même, ce qui est fait dans les cours. Quand on parle aux gens qui ont suivi ce cours-là, ils ont appris à faire des muffins. Ce qu'ils se souviennent, là, c'est: J'ai appris à faire des muffins, ou j'ai fait une tarte, ou j'ai... C'est très limité. Je pense que le programme qu'on est en train de finaliser, là, avec... On est en train de monter un programme de brigade culinaire dans les écoles, avec Québec en forme, qu'on veut déployer partout au Québec, avec un partenaire alimentaire important. Ce programme-là doit vivre dans la vie étudiante. On veut que le jeune cuisine où? On veut qu'il cuisine à l'école ou on veut qu'il cuisine à la maison? On veut qu'il cuisine à la maison. Donc, installer des cuisines dans les écoles, tout ça, j'y crois de moins en moins. Puis je vous dirais qu'à un certain moment donné je voulais ça puis je le veux de moins en moins. Ce que je veux, c'est un programme qui vit dans la vie étudiante, une gang de jeunes animés par la bouffe, animés par leur alimentation. Parce qu'il y en a, dans le écoles, qui trippent bouffe, qui peuvent inspirer les autres jeunes à s'intéresser à leur alimentation, dans des activités qu'ils vivent dans l'école, et c'est vers ça qu'on va.

Ceci dit, je crois en un cours optionnel qui pourrait être offert en secondaire IV et V pour des jeunes qui veulent se préparer à aller en appartement et qui veulent apprendre davantage à devenir autonomes: budget, achat et alimentation, définitivement, mais en cours optionnel.

Le Président (M. Morin): Merci, M. Archambault. On s'en va en Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Alors, tout à l'heure, tu posais la question: Comment est-ce qu'ils vivaient, les familles de 14 enfants? Je vais te le dire, moi. On était 18 chez nous. Et puis, les légumes, mes grands-parents, mes parents, on conservait les légumes tout l'hiver. Puis, quand j'étais tout petit, il n'y avait même pas de frigidaire. On a eu les frigidaires dans ces années-là, les années cinquante, à peu près, Mais on n'a jamais souffert de la faim chez nous. Puis on gardait les légumes... Je ne sais pas comment est-ce que mes grands-parents s'y prenaient, là, mais ils gardaient les légumes dans le sous-sol tout l'hiver. On avait de quoi manger tout l'hiver. On n'a jamais sauté un repas chez nous, puis la conservation se faisait. Alors, comme tu dis, par contre, on a mangé souvent des carottes puis des patates avec de la terre dessus, mais ce n'était pas à cause qu'on n'avait pas à manger. C'est parce qu'on jouait des tours, puis on voulait manger avant le repas.

Mais aussi je t'écoutais tantôt sur la question où le gouvernement ou le ministère pourrait t'aider, avec le MAPAQ. Moi, je crois qu'on devrait avoir une certaine ouverture, parce que j'ai vécu dans le comté, comme député, l'an passé, moi, des agriculteurs qui étaient prêts à donner des animaux, les faire débiter, les donner à des familles pauvres. Et puis c'est des inspecteurs du MAPAQ qui les ont bloqués. Pas le droit de faire ça. Alors, il me semble qu'on aurait pu avoir certaines... il me semble qu'on pourrait avoir un peu... Ils disent que c'est dangereux pour la santé, mais, moi, en tout cas, j'ai mangé ça toute ma vie, il me semble que ça n'a pas été trop dangereux pour ma santé. J'en ai peut-être trop mangé. Mais je trouve que c'est beau d'avoir des inspections sévères, mais il y a peut-être quand même des fois... des gens qui veulent aider sont bloqués par ça. Puis c'est un peu ce que tu amènes. J'imagine que les cuisiniers dans les hôtels qui veulent peut-être des fois donner de la nourriture ont un peu peur des inspecteurs, de dire: Vous allez rendre la population malade, là.

n(17 heures)**

M. Archambault (Jean-François): Bien, ils ont peur des inspecteurs, mais ils ont aussi peur du réseau d'aide alimentaire parce qu'ils ne savent pas comment la nourriture va être traitée par les organismes. C'est pour ça qu'on travaille avec Banques alimentaires Québec, on travaille avec des organismes qui sont exclusivement enregistrés auprès des banques alimentaires.

Ceci dit, le réseau d'aide alimentaire au Québec travaille avec des moyens qui sont très limités, et donc je comprends aussi, du côté de MAPAQ, les inspecteurs d'avoir une certaine crainte de savoir comment cette nourriture-là, ces aliments-là vont descendre sur le terrain pour nourrir des gens dans le besoin, dans quel état il vont se rendre aux bénéficiaires. Et ça, je peux vous dire, j'ai siégé au conseil d'administration de Moisson Montréal, je connais plusieurs banques alimentaires, j'ai visité sept des 16 banques alimentaires au Québec, et ils font tout un travail, mais il y a quand même... il faut faire attention à ce qui est envoyé puis comment c'est fait.

Et je pense qu'en termes de distribution il y aurait quelque chose à faire avec un transfert d'expertise des grands distributeurs alimentaires pour venir aider le réseau de l'aide alimentaire à se... Je ne veux pas dénigrer ce qui se fait, mais je pense qu'on pourrait utiliser beaucoup de l'expertise du réseau de l'alimentation pour aider le réseau de l'aide alimentaire et partager l'expertise, faire un transfert de connaissances puis prendre des directeurs d'opération pour faire du temps bénévolement, pour aider les banques alimentaires à s'organiser de façon un petit peu plus structurée puis de façon un petit peu plus sécuritaire, pour augmenter l'apport alimentaire aux banques alimentaires. Je pense que ça, ça serait une solution.

M. Grondin: Alors...

Le Président (M. Morin): Merci... Excusez, M. le... Oui.

M. Grondin: Bien, juste... Comme messager, là, je pense qu'on aurait de la difficulté à en trouver un meilleur que toi.

Le Président (M. Morin): Merci, M. le député de Beauce-Nord. M. Archambault, de La Tablée des chefs, bravo. Il y a eu un échange très intéressant, fort intéressant, donc continuez, et on va supporter votre travail du mieux qu'on peut.

M. Archambault (Jean-François): Merci.

Le Président (M. Morin): Merci. J'invite maintenant le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité à se préparer. Merci.

Je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 2)

 

(Reprise à 17 h 7)

Le Président (M. Morin): Nous reprenons nos travaux. Hein, c'est une après-midi très intéressante, et on devrait continuer dans le même sens avec le Conseil québécois de la coopération et de la mutualité. Mme Simard, qui êtes la présidente-directrice générale, je vous invite à vous présenter et à présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez, vous le savez, 10 minutes pour nous faire un constat de votre mémoire.

Conseil québécois de la coopération
et de la mutualité (CQCM)

Mme Simard (Hélène): Merci. Merci beaucoup, M. le Président. Merci aux membres de la commission de nous recevoir. Alors, je suis accompagnée cet après-midi par Mme Marie-Joëlle Brassard, qui est directrice de la recherche et du développement au Conseil québécois de la coopération et de la mutualité, et par Mme Hélène Dumais, qui est conseillère en communications et relations gouvernementales.

Le Président (M. Morin): Bonjour.

Mme Simard (Hélène): Alors, je vous remercie en premier lieu, vraiment, d'avoir accepté de nous recevoir. C'est important, l'avenir du bioalimentaire, pour le Québec, alors c'est important pour nous aussi. On veut, comme vous, donner le goût du Québec aux Québécois mais aussi le goût du Québec partout dans le monde, et on pense que les coopératives peuvent être contributives à ce défi.

Les coopératives au Québec, c'est 3 300 entreprises. Une coopérative, je vous le rappelle, hein, c'est une association de personnes qui se mettent ensemble pour répondre à leurs besoins. Puis la façon dont elles le font, c'est de mettre... de créer une entreprise et d'opérer une entreprise, donc elles fonctionnent en grande partie avec les règles du marché. Elles ont un taux de survie, malgré le fait qu'elles soient en grande partie -- et particulièrement dans l'agriculture, c'est le cas -- dans le marché, elles ont un taux de survie du double de celui des autres entreprises. Et on a pu remarquer, les dernières années, que le taux de création d'emplois dans les coopératives au Québec est du double de celui des autres entreprises. Donc, elles sont toujours créatrices d'emplois et moteurs économiques importants.

Le Conseil de la coopération et de la mutualité n'est pas un organisme sectoriel, donc on ne représente pas spécifiquement nos coopératives agricoles. Elles sont elles-mêmes porteuses de leurs messages. Mais elles sont membres du conseil, et ensemble les coopératives ont créé le conseil dans les années... en 1940 -- ça date d'un certain temps -- pour représenter les coopératives mais surtout contribuer au développement social et économique du Québec en favorisant l'épanouissement de la formule coopérative. Et d'ailleurs le fondateur, le père Georges-Henri Lévesque, s'était associé avec le sous-ministre de l'agriculture dès le départ parce qu'il voyait dans l'agriculture, dans les coops agricoles vraiment un fort potentiel pour créer un Québec moderne et créer de l'emploi.

Le conseil, donc, représente un ensemble de secteurs économiques. Alors, on représente des gens dans la consommation, les mutuelles, des coopératives de travail. On est dans la forêt, la santé et dans différents domaines. Alors, le mémoire que nous vous présentons est un mémoire plus généraliste. Et on a voulu mettre l'accent sur ce qui, pour nous, a contribué le plus au développement de l'agroalimentaire, c'est-à-dire tout ce passé d'innovation qu'a créé ce secteur fort, économique au Québec, dans lequel les coopératives ont joué un rôle important. Mais on pense aussi qu'elles peuvent contribuer vraiment à créer un avenir aussi à ce secteur, et cela, on a voulu jeter un regard sur des innovations qui actuellement se déroulent un petit peu partout au Québec et qui peuvent être porteuses de pistes de solution.

**(17 h 10)**

Je vais vous faire part aussi, en plus de ces innovations, de quelques inquiétudes qu'on a à la fois pour stabiliser et pérenniser les emplois et le développement coopératif en agroalimentaire.

Alors, en premier lieu, donc, permettez-moi de vous faire un petit tour d'horizon de pistes d'innovation qu'on a identifiées à travers le Québec, qui tentent de répondre à certaines des problématiques soulevées par le livre vert. Entre autres, un des premiers aspects qu'on a regardés, c'est toute la question de la relève en agriculture. C'est une préoccupation pour le milieu coopératif de deux façons. C'est que toutes nos entreprises en agriculture sont propriété des producteurs agricoles. On a aussi des coopératives dans le domaine de la consommation qui sont propriétaires aussi, des consommateurs. Mais dans les deux cas, et particulièrement dans l'agriculture, la pérennité de ces entreprises-là est vraiment liée à la survivance, à la survie d'une génération de propriétaires agricoles solides qui croient aux valeurs coopératives et qui acceptent d'investir pour maintenir et pérenniser ces entreprises qui ont créé une bonne partie de notre richesse.

Alors, cette relève est très importante, donc, pour le milieu coopératif, et on pense que dans la relève agricole il y a des messages qui ont été envoyés clairement pour dire: Bon, il faut créer un vent d'optimisme et des conditions pour soutenir les jeunes qui veulent prendre la relève. Je pense qu'il y a certaines mesures qui ont commencé à être mises en place. On parle de fonds de relève, là, auxquels se sont associés certains de nos membres. Mais on pense qu'il y a peut-être des nouvelles formules innovatrices qu'il faudrait commencer à explorer.

On a tenu un séminaire important qui a mobilisé des jeunes de partout au Québec, sur justement un peu les formules innovatrices, et ils sont arrivés avec des idées absolument intéressantes que certains explorent depuis plusieurs années, celle notamment des fiducies foncières agricoles. Alors, on a un mémoire, un compte rendu de cette rencontre-là qui a eu lieu en avril 2011, donc c'est assez récent et c'est très riche d'enseignements sur justement tous ces jeunes qui se disent porteurs de potentiel et qui pourraient devenir des entrepreneurs agricoles, qui pourraient s'investir parfois par la formule coopérative.

On cite des exemples, par exemple des coopératives de travail formées de jeunes agronomes qui ne sont pas propriétaires de la terre mais qui sont locataires et auxquels on essaierait de donner des moyens justement d'avoir accès à des terres, soit des terres publiques qui pourraient être exploitées en agriculture ou des terres qui ne sont pas actuellement mises en valeur et pourraient être mises en valeur. Et, en gérant le foncier de cette façon-là et en confiant à un collectif de producteurs ou des jeunes avec un fort potentiel, on peut générer peut-être une nouvelle génération d'entrepreneurs dans le domaine agricole, et ça nous semble une piste qui actuellement est presque mûre, là, pour son envolée.

On a aussi, dans notre mémoire, fait état des rapprochements consommateur-producteur. Et j'ai un petit tableau à la page 22 qui vous présente des exemples de coopératives opérantes actuellement, donc qui sont actuellement... les gens sont passés à l'action, et qui sont dans différentes formules, différentes formules qui utilisent l'approche entrepreneurs-coopérative mais qui opèrent différentes choses, des marchés publics par exemple, un marché champêtre dans Lanaudière, un vieux marché à Saint-Hyacinthe, le Marché Godefroy à Bécancour, qui sont soit des coopératives de producteurs ou des coopératives de consommateurs... de solidarité, plutôt.

On a des coopératives dans le domaine des paniers de produits locaux biologiques -- hein, tout le monde a entendu parler de cette nouvelle formule où des... une mise en marché plus directe -- alors la Coop Bio Paysanne, la Coop des Jardins de la résistance, la Ferme Tournesol, la Coop La Mauve. Alors, c'est différentes formules, différentes coopératives qui sont plus spécialisées vraiment dans une mise en marché. Et là ce qu'on fait, c'est qu'on trouve le consommateur qui est adéquat avec la production qu'on veut offrir. C'est que les gens achètent un panier qui leur est livré et selon les saisons et les produits, mais le producteur offre aux consommateurs un produit plus spécialisé. Alors, c'est un créneau très pointu mais qui vraiment trouve sa place actuellement et qui répond à un besoin.

On a des marchés virtuels aussi, des marchés de solidarité puis des marchés virtuels: écomarché.ca, Marché de la solidarité régionale de l'Outaouais, L'Écomarché de l'Avenir, des exemples où on utilise aussi des plateformes Web pour faire le lien entre le consommateur et le producteur. Des épiceries alternatives, des fermes. Comme je vous parlais de la Ferme Tournesol mais la Colline du chêne, des fermes écologiques qui essaient de réinventer et sortir de l'isolement le producteur pour justement le mettre en relation avec d'autres qui partagent le même rêve pour exploiter et réussir le virage agricole. Des services aussi, différents services, là, traiteurs...

Alors, c'est très varié, donc, dans toute la question des rapprochements consommateur-producteur. Il y a beaucoup d'innovations sous forme coopérative et il y a là un fort potentiel sur lequel on pourrait miser et qui se répand, je vous dirais... Des fois, j'ai l'impression qu'on est dans un champ de fraises. Et les fraises, ça se répand avec des rhizomes, hein, ça se répand... On ne voit pas ça, on ne le voit pas, on a l'impression qu'il y a juste un plan, puis tout à coup il en apparaît un autre, et un autre, et un autre, puis les fruits apparaissent un peu partout sur le territoire. C'est un peu ce qui est en train de se passer dans ces domaines-là.

On a misé aussi... Dans notre mémoire, on vous a fait part de la question des innovations sociales. C'est qu'on pense que le livre vert est très pertinent au niveau de l'innovation technologique, innovation, je pense, qui répond à un besoin qui est exprimé par les producteurs agricoles et par tout le domaine du bioalimentaire. Mais il y a une dimension qui ne doit pas être oubliée. C'est que, pour pénétrer, pour que l'innovation reste, il doit y avoir aussi de l'innovation sociale. Donc, il ne faut pas oublier, dans une politique agroalimentaire, bioalimentaire, de se joindre aussi à la société. On a eu des bons témoignages. Vous en avez eu aujourd'hui. Il y a une dimension sociétale dans l'innovation. Il y a un climat innovateur qui doit être créé, et ça, on doit éclairer, je pense, la politique de cette dimension.

Nous voulons aussi, et nous avons fait un petit chapitre sur cette question-là naturellement... on considère qu'une agriculture vivante doit se faire dans un milieu vivant. Alors, on fait les liens avec, naturellement, toute la question de la ruralité et les contributions des coopératives au maintien des services de proximité, la relève d'entreprise par la forme coopérative. Le monde agricole, on en a parlé, va faire face, lui aussi, à une pénurie, à une relève d'entreprise importante, même dans la petite transformation, la PME. Alors, peut-être que la formule coopérative, coop de travail, coop de solidarité, pourra être aussi utilisée. Les énergies renouvelables aussi sont un secteur d'enrichissement dans lequel les producteurs agricoles peuvent faire une production qui va complémenter leur travail.

J'avais quelques inquiétudes, si vous me permettez de les aborder rapidement, celle de consolider et d'évaluer... Les coopératives existantes sont prises avec un problème de pérennité à long terme du fait que depuis un certain temps les lois concernant la mise en marché ne permettent pas de filière, le lien entre l'usager, entre le producteur et la coopérative. Et ce lien d'usage là, il est essentiel au coeur du mécanisme coopératif. On en avait parlé beaucoup dans notre rapport à la commission Pronovost. On réitère l'importance... On sait qu'il y a eu des efforts, qu'il y a eu des expérimentations, mais on pense qu'on est au moment où il faut faire évoluer le cadre légal en ce sens-là pour conforter la reconnaissance de la filière coopérative dans le système de mise en marché. Nous sommes favorables à un maintien de la gestion de l'offre, on pense qu'elle a porté ses fruits au Québec, mais on pense qu'elle doit être adaptée à la réalité coopérative et de façon plus concrète et systématiquement reconnue. Puis je terminerais en vous disant que les coops évoluent dans des marchés. Elles doivent continuellement s'ajuster, innover pour survivre. On l'a vu dans le passé, elles ont réussi à le faire. Mais on pense qu'elles peuvent justement faire la différence dans la création de l'avenir. Et 2012, ce sera l'Année internationale des coopératives décrétée par les Nations unies. On y est maintenant. C'est une occasion extraordinaire de mettre en valeur les réalisations coopératives et de vous donner le goût du Québec et des solutions coopératives pour construire un secteur bioalimentaire prospère et durable. Merci.

Le Président (M. Morin): Merci, Mme Simard. M. le ministre.

M. Corbeil: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. C'est la première fois qu'on a un panel de trois femmes. Bravo.

2012, c'est l'année internationale de la coopération. Et on observe... Je ne sais pas si vous avez été à même d'enregistrer ces informations-là ou d'observer les mêmes choses, ailleurs au Canada il y a eu disparition de nombreuses coopératives agricoles. Et au Québec, peut-être parce qu'on est une société distincte, je ne le sais pas, c'est différent et ça a permis... au Québec, ça a permis le développement de petites, de moyennes et de grandes coopératives, des très grandes. J'ai dans la tête la fédérée et Agropur, qui sont tellement grandes qu'ils considèrent que le Québec est trop petit pour eux autres maintenant, ils font des affaires ailleurs au Canada et ailleurs dans le monde. Alors, comment vous expliquez cette réalité?

Mme Simard (Hélène): Merci. Je trouve...

M. Corbeil: Quelle lecture vous faites de ce phénomène-là?

Le Président (M. Morin): Mme Simard.

Mme Simard (Hélène): En tout cas, merci. C'est une question, je dirais, complexe mais qui est extrêmement importante pour l'avenir de la coopération. Puis c'est un peu pourquoi on a commencé à creuser la question des conditions pour maintenir la pérennité de nos entreprises.

Dans l'Ouest canadien, et ça s'est passé aussi en Nouvelle-Zélande, on l'a vu, il y a eu beaucoup de démutualisations. Qu'est-ce qui s'est passé? C'est que, dans le transfert des générations des coopératives, les parents qui avaient formé ces coopératives-là avaient été formés à la coopération, comprenaient le système coopératif. On passe à une autre génération puis là on fait confiance. De plus en plus, les jeunes sont moins formés, on met moins l'accent sur cet aspect-là. On engage des cadres extrêmement intelligents qui nous disent un jour: Ah! vous avez un problème de capitalisation, il faudrait aller en bourse, c'est là qu'on se trouve l'argent maintenant. Alors, peu à peu, on dénature la coopérative. On dit: Bien, on va y faire une expérience, puis on établit un capital-actions qui va en bourse, et peu à peu on perd le contrôle de l'entreprise.

C'est ce qui s'est passé dans l'Ouest. Et, si on parle aux producteurs de l'Ouest, souvent, qui ont vécu les «wheat pools», les gens sont tristes parce qu'ils ont perdu non seulement le contrôle d'entreprises, mais ils ont perdu un levier de développement extrêmement important pour leur région, parce que les entreprises qui ont acheté au début ont gardé leurs sièges sociaux là-bas mais peu à peu les ont déplacés. Maintenant, ils sont tous rendus à Sault Ste. Marie au mieux, mais sinon à Toronto.

Alors donc, une préoccupation importante pour nous. C'est ce qui nous a fait dire: Qu'est-ce qu'il faut comme système gardien dans le système coopératif québécois, le système et les lois, pour éviter ça? Et on a commencé à mettre en place... Et d'ailleurs la Coopérative fédérée et Agropur sont exemplaires à ce niveau-là, ils ont beaucoup de formations, ils travaillent beaucoup avec les jeunes, parce qu'il faut créer une nouvelle génération qui est apte à coopérer, entreprendre, qui comprend le système coopératif et qui va la diriger. Parce que c'est des membres, c'est des producteurs agricoles qui dirigent les coopératives, et il faut qu'ils comprennent le système et qu'ils soient capables d'être en contrôle sur l'entreprise et non pas les cadres de l'entreprise, inversement.

Deuxièmement, au Québec, on a la chance d'avoir un régime d'investissement coopératif. C'est une réponse que le Québec a donnée pour ce problème de capitalisation des entreprises, et ça, c'est extrêmement significatif. Il a été préservé au fil des années. Il y a eu parfois des moratoires, mais ça a été rétabli et c'est extrêmement significatif dans la capacité... C'est les producteurs qui capitalisent leur entreprise eux-mêmes à partir souvent de leur ristourne. Alors, plutôt que de la mettre dans leurs dépenses courantes, il la laissent dans l'entreprise et, avec des outils comme la ristourne à impôt différé et le Régime d'investissement coopératif, au Québec, justement, on fait cette différence-là et on fait l'envie du reste du Canada et de beaucoup de pays dans le monde qui, je pense, auraient intérêt à avoir le même genre d'instrument qui pérennise les entreprises.

M. Corbeil: Merci. Je vais laisser mon collègue de Rivière-du-Loup...

Le Président (M. Morin): Oui. M. le député de Rivière-du-Loup, immédiatement, allons-y.

M. D'Amour: Merci. Alors, tout à l'heure, vous avez parlé dans votre présentation, madame, d'une forme de séminaire qui touchait la question de la relève. Vous avez fait référence à des idées novatrices. J'aimerais qu'on revienne là-dessus. Moi, j'aimerais savoir comment ça s'est organisé, les participants, les retombées, puis tout ça. Ça m'intéresse beaucoup.

Mme Simard (Hélène): Si vous permettez, M. le Président, j'aimerais passer la parole à Mme Brassard, qui a été au coeur un peu de cette organisation-là qui s'est faite dans le cadre de travaux d'une alliance de recherche qu'on coordonne.

Le Président (M. Morin): Allez-y, Mme Brassard, on vous écoute.

**(17 h 20)**

Mme Brassard (Marie-Joëlle): Alors, cette question, elle est importante. Il y a eu deux séminaires, en réalité: un premier en 2008, le 2 mai 2008, où les jeunes interpellaient beaucoup. Il y a des nouveaux modèles d'entrepreneuriat collectif au niveau agricole. Il y a des jeunes sans terre qui sont formés à Université Laval et qui sortent en agriculture. Et je dis «sans terre», ce n'est pas parce qu'ils venaient de la ville, là, parce que c'est un préjugé souvent qui est transporté, mais parce que, bon, ils avaient été dans une ferme familiale, et puis la relève était déjà assurée.

Donc, on s'est dit: On va faire un premier séminaire en 2008. On fait un appel aux jeunes. C'est un samedi matin à Saint-Vallier de Bellechasse, au deuxième étage d'une ferme. Et puis il arrive 100 jeunes -- et, je vous dis, on était des ancêtres -- 100 jeunes, dont un des Îles-de-la-Madeleine, cinq, six de l'Abitibi-Témiscamingue -- ce n'est pas évident -- Saint-Camille. On connaît à peu près tous ces modèles-là. Et ces jeunes-là étaient venus pour échanger sur, eux, qu'est-ce qu'ils font en termes d'expérimentation en production agricole. C'étaient souvent des modèles... pas souvent, presque exclusivement des modèles coopératifs, collectifs où il y avait soit une production collective, soit une mise en marché collective ou encore les deux, et puis, eux, ils expérimentaient des choses.

Dans un premier temps, ça a été surprenant. On a fait des travaux avec... Parce que, dans le cadre d'une alliance de recherche, on met tout le temps en présence des chercheurs universitaires spécialisés avec des gens du terrain, et là notre terrain, c'étaient nos 100 jeunes, et on avait évidemment six chercheurs qui étaient présents sur place, qui ont pris des notes et qui ont produit un rapport de recherche là-dessus. Alors là, ils ont vraiment découvert différents modèles. Ils nous ont fait un rapport.

Deuxième démarche, ça a été un pas de plus, parce que là, à Victoriaville, on a proposé justement de discuter des fiducies coopératives agricoles, qui étaient des questionnements qui faisaient écho chez nous suite beaucoup, beaucoup à la question de la disponibilité des terres agricoles. Il y a eu, à un moment donné, des articles de journaux où ils parlaient des Chinois qui voulaient des terres, là. Donc, à ce moment-là, il fallait les nommer, il fallait voir de quoi il était question, en termes de terres, puis est-ce qu'il existait des modèles. Et, de cette rencontre-là, là, on a commencé à voir se mêler à la fois des jeunes, parce qu'essentiellement c'étaient des jeunes, mais aussi des groupes qui expérimentaient, des groupes de recherche rattachés aux universités, donc, et des modèles qui commencent à se dessiner.

De là, on a dégagé trois modèles à approfondir, dont celui de la collectivisation des terres. Mais aussi ça peut être une fiducie, la terre qui est une fiducie et une coopérative avec des producteurs agricoles qui sont dessus. Ça peut être des échanges sur l'exemple des CUMA, les coopératives d'utilisation de matériel agricole, mais les échanges sont tellement intenses qu'à un moment donné il y a des échanges de terres aussi, en termes de production puis de complémentarité de production dans une même région. Donc, on est en train actuellement d'approfondir ces trois modèles-là. Tranquillement pas vite, La Coop fédérée s'y intéresse aussi parce qu'évidemment c'est une formule d'avenir qui intéresse. Donc, on a quand même en main le rapport du dernier séminaire qui a été tenu.

Le Président (M. Morin): Oui, M. le député de Rivière-du-Loup.

M. D'Amour: Les échanges de terres, vous faites référence à quoi, comme modèle, plus précisément?

Mme Brassard (Marie-Joëlle): Bon, les échanges de terres, c'est ce que j'appelle les... ce qui pourrait s'appeler des CUTA, des coopératives d'utilisation de terres agricoles. On a des CUMA, pourquoi pas des CUTA? C'est un peu emprunté... pas un peu, c'est emprunté aux Français. On sait que les CUMA, là, il y en a au-dessus de 70 au Québec, puis le modèle a été adapté et transféré de la France au Québec. Donc, eux, ce qu'ils ont fait, c'est qu'à force de partager leur matériel agricole ils se sont dit: Pourquoi qu'on ne partagerait pas aussi l'exploitation de terres? À un moment donné, tu peux faire une culture de rotation où une année tu laisses l'exploitation d'un produit par un membre de la coopérative, puis l'autre année c'est un autre membre, pour faire une rotation de cultures sur une terre. La terre demeure la propriété des producteurs agricoles, mais dans ces cas-là on y va selon les besoins, la complémentarité puis la demande dans les régions ou la demande nationale.

M. D'Amour: Alors, c'est clair pour moi. Merci.

Le Président (M. Morin): Ça va?

Mme Simard (Hélène): Bien, c'est comme je disais, le rapport de ce séminaire-là, de celui d'avril 2011, on en a des copies. Si vous le permettez, on pourrait les remettre à la commission.

Le Président (M. Morin): Oui, ce serait important que vous le déposiez à la commission.

Mme Simard (Hélène): Parfait. Merci.

Le Président (M. Morin): M. le député de Rivière-du-Loup.

M. D'Amour: Madame, est-ce que vous faites référence au rapport de recherche dont vous avez parlé tantôt?

Mme Simard (Hélène): Oui, oui, tout à fait.

M. D'Amour: O.K. Parce que j'ai aussi un intérêt à l'égard de ce rapport-là. Parce que c'est le genre de modèle qui peut aller dans d'autres régions. Peu importent les terres, peu importent les situations, c'est le genre de modèle qui peut parfois atterrir... Et je prends, par exemple, des localités qui ont vu les producteurs parfois quitter des terres qui ont un potentiel, mais ça pourrait... des jeunes, des jeunes ou des moins jeunes pourraient se rassembler autour d'un projet collectif comme celui-là. Ça m'apparaît très, très, très intéressant. Je vous remercie.

Le Président (M. Morin): Merci. M. le député de Kamouraska-Témiscouata, c'est à votre tour, allez-y. Allez-y.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Simard, bonjour, mesdames Brassard... et madame... Excusez-moi.

Une voix: Dumais.

**(17 h 30)**

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Bon 50e. On est en 2012. J'aimerais ça vous entendre sur la préoccupation que vous avez soumise en 2007, lors de la Commission sur l'avenir de l'agriculture, concernant la demande d'adapter la loi qu'on appelle M-35, là, sur la mise en marché des produits agricoles, avec la reconnaissance ou le modèle filière coop, qui ne remet pas en question, et vous l'avez dit, d'ailleurs, tout à l'heure, la mise en marché collective. Toutefois, nous sommes en 2012. Vous revenez d'ailleurs, dans le résumé, sur cet aspect-là. Je pense que ça serait important qu'on puisse réentendre à nouveau quel est le problème ou la problématique en soi et ce que vous souhaitez qui soit apporté.

Mme Simard (Hélène): Alors, ce qu'on...

Le Président (M. Morin): Mme Simard.

Mme Simard (Hélène): Excusez. Merci, M. le Président. L'inquiétude qu'on soulevait en 2007 de façon très importante et qu'on réitère, c'est: Le modèle coopératif au Québec, qui a survécu parce qu'il y a eu justement des instruments qui lui ont permis aussi de s'épanouir... Mais il y a eu certaines embûches, et on a réussi à s'adapter et à perdurer puis à s'ouvrir parfois même sur d'autres marchés. Mais il y a certains éléments qui amenaient de plus en plus de gens dans les coopératives agricoles à nous dire ou à me dire, moi, depuis que je suis présidente du conseil: Mme Simard, on est inquiets parce qu'on n'a plus... Moins il y a de liens directement avec le membre, parce que la mise en marché collective se fait à travers un autre véhicule, moins le producteur sait qu'on transforme son produit, il y a un lien direct avec la coopérative, plus il va se comporter uniquement comme un investisseur, avec le risque, à un moment donné, uniquement de penser au rendement de l'investissement et non pas penser à l'avenir de la production, à la mise en marché et à sa coopérative comme étant son entreprise, sa coentreprise. Alors, c'était dans... la préoccupation revenait de façon importante.

Alors, on a commencé à étudier qu'est-ce qu'étaient les embûches et on s'est aperçus que, dans la Loi sur la mise en marché, dans les premières lois, le législateur avait été prévoyant. Le législateur avait inscrit assez... je pense même à l'article 2, de façon très claire, que cette loi-là devait tenir compte des coopératives dans son application. Cependant, avec le temps, et avec l'application, et avec le fait que la loi est basée sur un peu une logique du plus représentatif, bien on a fini par ne pas écouter les coopératives mais écouter le producteur quand il est sous son chapeau, sa filière plus syndicale. Et donc les coopératives ont été moins écoutées dans les applications et se sont parfois senties même en situation de remise en question où leurs membres, tiraillés entre ces deux, je dirais, ces deux approches, vertueuses toutes les deux, mais parfois en contradiction sur certains aspects... Alors, on s'est aperçus que le problème était...

Bon, on aurait pu dire: Bon, c'est toute la gestion de l'offre qui est le problème, puis on fait juste des filières coopératives indépendantes. Mais on s'est aperçus: Non, les producteurs croient que c'est important pour le Québec d'avoir une gestion de l'offre. Alors, on a préservé cette vision-là puis on s'est dit: Qu'est-ce qui permettrait de maintenir une notion de plan conjoint puis maintenir un lien d'usage avec le producteur? Bien, c'est de recréer cette filière-là entre le producteur... Et on a fait... il y a une expérimentation qui a été proposée par La Coop fédérée pour la filière du porc coop. Et en plus ça donne un label de qualité. Comme on fait de l'exportation avec ces produits-là, ça permet d'en transformer, d'en vendre à valeur ajoutée. Alors, ça avait plusieurs vertus. Et on se dit: Maintenant, il faut que ça puisse devenir des solutions qui sont, je dirais, établies comme étant compatibles avec le cadre légal et non pas un arrangement à l'amiable, là, mais quelque chose qui est vraiment inscrit comme étant un potentiel, reconnu comme étant une chose qui est faisable et bonne à la fois pour la gestion de l'offre et pour le développement coopératif.

Alors, c'est un peu la perspective dans laquelle on inscrit notre demande, donc des ajustements. De façon plus pointue, les producteurs agricoles, dans le mémoire de La Coop fédérée, ont fait part de demandes d'amélioration, entre autres, au niveau de la nomination des commissaires, de régisseurs, de certaines choses qui pourraient améliorer de façon spécifique la... et trouver des solutions pointues.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Mme Simard, est-ce qu'on parle plus d'application de la loi différemment plutôt qu'une modification? Parce que j'ai cru comprendre que, ce que vous référiez, à l'article 2, une coopérative, qui a un statut de coopérative, pourrait être agence... agente de vente reconnue en vertu de la loi. Mais est-ce qu'elle ne l'est pas?

Mme Simard (Hélène): Oui, mais ce n'est pas possible dans les... Parce que les autres articles de la loi, les tribunaux les ont interprétés, avec le temps ou les... Chaque fois qu'il y a eu des révisions, ça a été interprété comme étant la logique du plus grand nombre, donc c'est comme si c'est incompatible. On a même dit, dans un jugement sur Citadelle, que la coopérative était une loi de caractère privé qui était moins importante que la loi... et donc qu'on n'avait pas besoin d'en tenir compte. Alors, au fil du temps, les jurisprudences ont contredit un peu l'esprit des législateurs, puis on voudrait revenir à l'esprit, peut-être, des législateurs, puis on pense que l'intention du législateur est probablement plus éclairée là-dessus que peut-être ce que les interprétations qui sont faites au fur et à mesure des conjonctures ont pu peut-être donner.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Ça fait que, si je résume en tout cas ce que je comprends, si je reformule, c'est que les coopératives agricoles souhaiteraient être plus présentes dans la mise en marché ou la vente, avoir un mot à dire à l'intérieur de cela.

Mme Simard (Hélène): Je pense que, cet aspect-là, elles pourront vous le dire, mais du côté du gardien, un peu, de la pérennité coopérative, donc au-delà de la coopération juste agricole, nous, ce qu'on observe au conseil, c'est qu'il y a un danger de ne pas... si la loi n'est pas claire sur ces questions-là et ne permet pas de maintenir le lien d'usage avec la coopérative et le membre, à long terme on met en péril notre patrimoine coopératif. Alors, c'est une préoccupation, là, de pérennisation de la logique coopérative économique.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci pour la clarification.

Le Président (M. Morin): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Très heureux de vous voir ici aujourd'hui. Le mémoire est intéressant.

Je vais vous amener sur la relève agricole, le soutien de la relève agricole. Vous avez parlé tantôt... Oui, on a importé peut-être des façons de faire de la France au niveau des CUMA puis des CUMO, je pense, c'est un petit peu... ça s'apparente au niveau de la main-d'oeuvre. Maintenant, au niveau des... En France, je sais qu'il existe... puis il existe ailleurs dans le monde d'autres pratiques, mais il y a des banques de terres, qu'on appelle, qui sont administrées par des régions en France, et, dès qu'une terre est disponible... Puis on a plusieurs groupes cette semaine qui sont venus nous dire qu'il y avait beaucoup de terres en friche actuellement au Québec puis qu'elles pourraient être exploitées, mais l'accès à ces terres-là n'est pas facile. En France, il existe ces banques de terres. Ça pourrait -- moi, je vois ça de même -- ça pourrait être des coopératives qui soient formées, qui puissent, quand la terre se libère, puissent payer le juste prix de la terre, bien sûr, à la personne qui l'avait mais après ça la mettre à la disposition de la relève agricole, comme ça se fait peut-être... en priorité. Puis, s'il n'y a pas de relève, bien, à ce moment-là, tu peux la transférer à quelqu'un d'autre. Mais comment vous voyez, vous, que l'accès aux terres agricoles soit plus facilité pour la relève ici, au Québec?

Le Président (M. Morin): Mme Simard, vous avez moins de deux minutes.

Mme Simard (Hélène): Oh! pour une si grande question. Je pense qu'il faut être... Ce qu'on a pu observer, nous, ce qu'on a pu voir, bien c'est que la coopérative est une entreprise, donc elle doit avoir une activité économique réelle. Juste posséder les terres en soi... La formule juridique qu'on a pu voir qui était la plus, peut-être, efficace pour une innovation, ce serait cette forme de fiducie foncière qui pourrait être mise à disposition, justement sous forme de coopérative, de ceux qui pourraient la mettre en valeur, donc, par exemple, ces jeunes qui ont des projets puis qui n'ont pas de terre. Alors, d'un côté, on serait gagnant au niveau de ceux qui détiennent ces terres-là et souvent ne les utilisent pas.

On m'a même dit qu'en Abitibi il y en a beaucoup, actuellement, de terres qui sont propriété de gens qui les ont achetées dans les années 1940 et 1950 et même qui sont maintenant à l'étranger puis qui... ils pensaient qu'un jour le besoin des terres au niveau de la planète serait très élevé -- peut-être que ça s'en vient -- et que ça prendrait beaucoup de valeur. Mais pour le moment c'est des terres abandonnées, et les gens de la région croient qu'il y a un fort potentiel, que ce soit pour la biomasse forestière et même la production de biomasse pour l'énergie à partir de production qui n'est pas bioalimentaire dans ce cas-là mais qu'il pourrait aussi y avoir dans certaines régions plus à potentiel bioalimentaire.

Alors, la formule, là, qui nous semble... qui serait à étudier et qu'on serait très ouverts à collaborer avec le ministère pour regarder, et ce qu'on a pu voir dans nos recherches, c'est une forme de fiducie pour la propriété de la terre, parce qu'il y a une forme juridique, et développer à partir de ça des coopératives pour vraiment faire une activité économique viable sur ces terres-là. Alors, c'est pour ça qu'on parle de fiducie foncière coopérative. Légalement, ce n'est pas tout à... tu sais, c'est un peu plus complexe, mais vous comprenez l'esprit, là, et je pense que ça pourrait justement être très porteur, en termes de modèle, et l'identification par les régions de banques de terres disponibles pourrait être un premier inventaire intéressant, là, à produire.

**(17 h 40)**

Le Président (M. Morin): Merci, Mme Simard. M. le député de Beauce-Nord, avant... je ne vous oublie pas, mais il y a une précision que le ministre veut faire, là.

M. Corbeil: Bien, c'est tout simplement, puisqu'on a parlé du porc Coop... Le Règlement sur la production et la mise en marché des porcs, le règlement 281, a été revu en 2009 afin de permettre à la Coopérative fédérée de réaliser son projet de porc... le porc Coop. La section V du règlement permet à la Coopérative fédérée d'acquérir les porcs de ses producteurs sociétaires selon des modalités convenues entre les parties, à savoir la Fédération des producteurs de porcs, qui administre le plan conjoint du porc, et la Coopérative fédérée. Il est donc possible, dans les limites actuelles de la loi M-35.1, de permettre aux coopératives d'obtenir le produit livré par leurs membres après négociation avec les administrateurs du plan conjoint et à la suite d'ajustements aux divers règlements et conventions.

Ce que j'entends, par contre, la demande de l'organisme coopératif qui... le Conseil québécois de la coopération, c'est d'avoir un peu plus de liberté pour le mouvement coopératif. Et ça, je l'entends et je le reçois. Mais à l'heure actuelle, si on discute puis on a une entente entre les parties, on est capables de bouger, on est capables de faire évoluer les choses.

Le Président (M. Morin): Merci, M. le ministre. M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Merci, M. le Président. Alors, écoutez, le mouvement coop, coopératives, moi, je connais bien ça. Puis je trouve que, pour aider les... On parle de la relève agricole. Moi, je connais bien des affaires, hein? Bien, les cheveux blancs, ça nous amène à ça. On passe par bien des étapes. Parce que, moi, dans mon jeune temps, là, quand j'ai été en agriculture, on a formé beaucoup de syndicats de machinerie agricole. Entre agriculteurs, on achetait des machineries. Il y a peut-être beaucoup de machineries, dans le milieu agricole, qu'on va se servir une semaine. Il y a des machineries des fois qui coûtent 25 000 $, 30 000 $, qui sont là pendant toute l'année, mais il faut les payer. Alors, en syndicat, bien, que chacun les utilise une semaine... Puis ça nous permettait d'avoir toujours de la machinerie neuve, si vous voulez. Alors, moi, ça fait déjà 15 ans, comme ça... comme il faut que ces syndicats-là ont été partis, puis ils existent encore aujourd'hui. Alors, je me dis: C'est une bonne manière d'aider les jeunes qui veulent se partir en agriculture des fois sans investir de la grosse argent. On se met ensemble, des voisins, puis on l'achète en coopérative, et ça fonctionne très bien.

Et je vois aujourd'hui, moi, dans mon comté des petites municipalités qui n'ont plus leurs dépanneurs, qui n'ont plus leurs postes à gaz, qui n'ont plus la... Ils se sont mis en coopérative, ils ont refait tous leurs postes à essence, ils ont refait leurs dépanneurs en système coopératif, et ça fonctionne. La seule chose que ça prend pour travailler dans un système coopératif, bien il faut enlever... il ne faut pas être individuel, il faut accepter de travailler avec les autres, et je pense qu'il faut être un petit peu plus ouvert. Et, moi, en tout cas, je vous dis: Il faut absolument que cette recette-là soit multipliée parce que c'est un bon moyen de développer. Ce n'est pas une question.

Le Président (M. Morin): Mme Simard, voulez-vous rajouter à ce commentaire très élogieux pour le...

Mme Simard (Hélène): Oui, bien, je vous remercie. Je pense qu'on le dit de plus en plus, hein, c'est un peu dans notre ADN, les Québécois, et on a formé... on a un système coopératif fort solide et contributeur à la prospérité parce que justement c'est proche de nos valeurs. Et je ne pense pas que, même si la société évolue et change beaucoup, il y a plus d'individualisme, mais ça reste un formule, comme je disais, qui est capable de s'adapter et d'évoluer. Et, je dirais, et M. le ministre nous l'a un peu dit, on peut trouver justement des solutions. On souhaite qu'elles se répandent maintenant un peu à toutes les sphères agricoles, parce qu'on a pu voir justement que la filière coop du porc notamment, ça a donné des résultats. Donc, on souhaite que ça se prolonge. Mais, vous l'avez bien souligné, que ce soit pour des petits milieux de vie, que ce soit pour développer des nouvelles filières économiques, énergétiques, bien on a un fort potentiel encore aussi d'innovation par la formule coopérative.

Le Président (M. Morin): Merci beaucoup. Voilà, c'est terminé. Mme Simard, Mme Brassard et Mme Dumais, merci beaucoup. Ça a été très intéressant. Et je vous souhaite un bon retour et une bonne fin de soirée.

Et j'inviterais MM. Rudolf Binggeli, M. Vincent Kelhetter -- j'ai un peu de misère, ils vont me le prononcer tantôt -- et M. Guy Lessard à se préparer.

Je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 45)

 

(Reprise à 17 h 49)

Le Président (M. Morin): Nous continuons nos travaux avec trois messieurs, qui vont nous parler de leur problématique. Et j'inviterais le responsable du groupe de se présenter, et nous présenter les personnes qui l'accompagnent, et de nous présenter leur mémoire. Comme vous savez, vous avez 10 minutes. Allez-y.

MM. Rudolf Binggeli, Vincent Kelhetter et Guy Lessard

M. Binggeli (Rudolf): Bon, mon nom est Rudolf Binggeli. Moi, je suis producteur laitier à L'Avenir, dans le Centre-du-Québec. Puis je suis un immigré. Je suis venu de la Suisse en 1980 avec ma jeune famille. Et puis maintenant j'exploite une ferme laitière avec l'élevage de vaches pur-sang. J'ai à ma droite M. Vincent Kelhetter, qui, lui aussi, est producteur laitier et de grande culture à Deschaillons, dans Lotbinière. Puis lui est un immigré de la France, depuis 25 ans au Québec. Puis à ma gauche, M. Guy Lessard, de Sainte-Ursule de...

Une voix: ...Québécois pur laine.

**(17 h 50)**

M. Binggeli (Rudolf): Un Québécois pure laine. Ça fait qu'on est multiethniques.

Alors, on est ici puis on vous remercie de nous avoir donné l'opportunité de venir nous exprimer... nos préoccupations dans le monde agricole. Et puis je laisserais peut-être M. Lessard lire notre mémoire.

Le Président (M. Morin): Allez-y, M. Lessard.

M. Lessard (Guy): Je vais juste me présenter très brièvement parce que la journée est longue. Je viens de la Mauricie, plus précisément de Sainte-Ursule. C'est une des plus belles paroisses du Québec. Je suis un producteur laitier biologique depuis 1989, mais j'ai été certifié depuis 2004. Je possède 200 acres, tous biologiques. J'ai un troupeau de 50 têtes. J'ai une relève associée à la ferme depuis deux ans. J'ai été impliqué dans l'UPA durant 17 ans.

Le but de mes démarches, c'est d'avoir le choix de m'associer avec ceux qui défendent mes convictions, puis je veux construire un milieu de vie en agriculture où tous peuvent s'épanouir, que ça soit nos enfants, notre relève, nos conjoints puis nos partenaires d'affaires. Ça fait qu'on s'est... Pour vous montrer que je ne suis pas un raciste, je me suis associé avec un Français puis avec un Suisse.

Ça fait que le mémoire s'intitule comme ci: Mémoire de politique bioalimentaire des producteurs laitiers.

Nous allons vous exposer les points suivants: retrouver la passion et le goût du plaisir du travail; La Financière et les subventions; la Régie des marchés et ses pouvoirs; la création d'un poste d'ombudsman agricole; et l'accréditation syndicale.

Considérant que le temps est venu d'élaborer une nouvelle politique bioalimentaire, nous avons décidé de monter à bord en écrivant notre mémoire. Nous sommes trois producteurs de régions différentes et exploitant des fermes moyennes qui impliquent une jeune relève agricole. Notre point commun est notre passion pour l'agriculture. Et le slogan de votre mémoire est de donner le goût du Québec. Le nôtre est de donner le goût à nos jeunes à l'agriculture afin de retrouver le plaisir, la fierté, la créativité et surtout la liberté. Mais, pour réussir cela, il nous faut changer certaines lois et règlements afin de revitaliser les régions du Québec.

Le problème, à notre point de vue, vient du désengagement -- j'ai bien dit «désengagement» -- de notre gouvernement, dans l'abandon de son rôle de leader au détriment des producteurs et au profit du monopole syndical. À savoir, les postes clés d'organismes gouvernementaux ont été confiés à des représentants syndicaux, Financière, ATQ. Cette situation a mené à l'adoption de conventions entre La Financière et les productions spécialisées, pénalisant le simple producteur des programmes d'assurances, qui n'est pas en règle avec sa spécialité. Comment peut-on expliquer cela? De quel droit La Financière peut-elle envoyer un avis de non-conformité à mon institution financière indépendante? De quel droit La Financière peut-elle exclure un producteur de l'argent provenant du gouvernement fédéral?

Nous recommandons qu'en aucun cas une instance gouvernementale ne pénalise une entreprise agricole d'une subvention et prive ainsi le producteur d'avoir un revenu juste et équitable.

Notre questionnement va plus loin. Comment se fait-il que la régie ait approuvé la convention autorisant la Fédération des producteurs de bovins du Québec d'être l'unique acheteur de bovins de réforme au Québec? Sachant que les prix des produits non contingentés sont établis à la Bourse de Chicago, par conséquence, le seule moyen d'obtenir un meilleur prix est de provoquer de la compétition entre plusieurs acheteurs. Pourquoi cette même régie approuve la mise en place d'un canal unique? Comment se fait-il qu'en 2011, avec toutes les technologies existantes, un agriculteur a besoin de se laisser contrôler?

Au fait, un extrait du livre vert cite une expression qui nous est chère: «...le MAPAQ fera en sorte de permettre l'expression d'initiatives diverses, de laisser s'épanouir la créativité des entrepreneurs, de faire place à la relève...» Où est la créativité d'un syndicat qui poursuit un producteur de cultures commerciales à défaut de produire son contrat de vente, faute de quoi il sera passible d'une amende? Quelle industrie au Québec est soumise à une telle contrainte?

Vous pouvez constater que l'agriculture est malade. Ne pensez pas que nous inventons quoi que ce soit. C'est la réalité que nous vivons chaque jour. Des changements s'imposent pour que notre relève profite plus de libertés que nous avons présentement. Pour cela, la régie des marchés agricoles ne pourra plus autoriser des décisions qui briment le producteur aux dépens du syndicat. Elle doit toujours se référer à l'article 6 des syndicats professionnels, qui dit que le syndicat a l'exclusivité de défendre ses membres et non de les poursuivre.

Nous demandons qu'un poste d'ombudsman agricole soit créé loin de toute partisanerie, car présentement nous avons la conviction que le but premier du syndicat est cotisations, contributions sur chaque production, et non la prospérité de l'entreprise, et de redonner au MAPAQ ses lettres de noblesse perdues depuis les années 1980. Oubliez l'économie d'argent à court terme et investissez dans l'agriculture, comme vous le faites si bien dans le Plan Nord, à la différence près que dans le Nord on investit dans des multinationales qui ne font que passer, alors que l'agriculteur va toujours rester dans la région et la rendre dynamique.

Dernièrement, les médias nous exposent des politiciens mécontents de leur sort à l'intérieur de leurs partis. Ils peuvent quitter le parti, adhérer à un autre ou en créer un. Pourquoi, moi, comme producteur agricole, n'ai-je pas le privilège de choisir mon syndicat... et devons faire partie d'un monopole assujetti à l'accréditation unique? Un gouvernement avec un seul parti officiel s'appelle comment? C'est ce que nous vivons au Québec, en agriculture. Et n'oubliez pas que le vote de la loi C-21 qui était prévu cet automne, une loi qui nous enlève tout recours possible... Est-ce compatible avec le slogan Je me souviens?

Nous vous recommandons l'abolition de l'accréditation unique afin de mettre en place un système visant à donner la possibilité à chaque agriculteur de choisir son syndicat.

Messieurs et mesdames, votre rôle est très important. Cette commission devra donner la règle de conduite du secteur bioalimentaire au Québec. Notre rôle, il est aussi très important. En plus d'être le gardien de la nature, on vous nourrit avec passion. Et, comme chantait Diane Dufresne, donnez-nous de l'oxygène. Nous vous remercions de nous avoir donné la possibilité de nous exprimer.

Le Président (M. Morin): Merci, M. Lessard. Ça va? O.K. M. le ministre.

M. Corbeil: Merci, M. le Président. À ce que je vois, vous suggérez qu'on fasse des modifications à la représentation syndicale, à la régie de mise en marché et à La Financière aussi par rapport à la représentation. Puis hier et aujourd'hui on a entendu des gens prôner exactement le contraire. Comment vous en arrivez à cette vision où il faut absolument regarder la question du monopole, si on peut appeler ça comme ça, syndical?

M. Lessard (Guy): Si je peux me permettre de répondre, la...

M. Corbeil: Sentez-vous bien à l'aise. Que ce soit l'un ou l'autre, ou les trois, ça, je peux...

M. Lessard (Guy): La première observation que je peux vous donner pourquoi, vous avez juste à vous attarder aux participations des producteurs aux réunions. Les producteurs sont désabusés. Il y a 5 % des producteurs qui se déplacent, puis dans les pourcentages... ils se déplacent ou ceux que vous rencontrez, c'est ceux qui font partie de l'UPA. On ne veut pas la jeter à terre, l'UPA, nous autres, on veut que ça change. Pour changer, ça prend de l'opposition. C'est tout simplement... On ne veut pas rien jeter à terre, on veut vivre de l'agriculture. Mais là nos jeunes, ils sont limités. Moi, j'ai un jeune, ça fait 10 ans qu'il a fini l'école, ça fait deux ans qu'il est à la compagnie. Ils étaient 15 à l'école, il en reste deux en production.

Puis je ne suis pas le seul, là. Je vais vous lire un article -- ça vient de la bible, La Terre de chez nous -- daté du 18 août 2011, Les jeunes libéraux se mêlent d'agriculture. Ça regarde mal. «Ceux-ci s'inquiètent de voir s'effriter la base agricole au Québec, avec les nombreuses fermetures de fermes[...]. Il est urgent de revaloriser le métier d'agriculteur pour qu'on en parle comme d'une profession. Mais pour cela il faut trouver des façons d'intéresser les jeunes. L'agriculture, ce n'est pas un hobby.» Quand on travaille sept jours par semaine, puis tu te ramasses à la fin t'attends après les assurances stabilisation pour être capable de vivre, les jeunes, excusez-moi, mais ils sont écoeurés. Ils quittent la production puis ils s'en vont ailleurs.

Le Président (M. Morin): Est-ce qu'il y a quelqu'un qui veut rajouter... Oui, monsieur. Votre nom, vous?

M. Kelhetter (Vincent): Vincent Kelhetter, producteur à Deschaillons. Nous autres, on exploite une ferme de 735 acres en grande culture et puis en production laitière.

Donc, moi, ce qui me frappe le plus, c'est comme mon collègue disait, c'est que dans les réunions il n'y a plus personne. Et puis, moi, j'explique cela, je peux vous expliquer cela: ça a un rapport direct avec l'abattoir Levinoff-Colbex. Pour l'abattoir Levinoff-Colbex, notre fédération avait un mandat clair, une résolution unanime, de ne pas dépenser plus que 6 millions de dollars. Ils nous ont dépensé 94,5 millions. Et puis ils prônent et puis ils viennent nous achaler: Il faut payer, les gars. Et puis ils nous envoient les huissiers. Avec la loi C-21 que vous avez adoptée, ils ont recommencé à envoyer les huissiers pour collecter. Ça n'a pas de bon sens.

Je ne sais pas dans quel pays qu'on est, dans quelle démocratie qu'on est, mais en agriculture on n'en a pas, de démocratie. Que 5 % du monde, 5 % des gens du syndicat contrôlent 95 % des producteurs, ça n'a pas de bon sens. Quand on leur fait des propositions, à la base, ce n'est jamais entendu. Ce n'est jamais entendu. Ils viennent...

Encore dernièrement, j'étais à la fédération du lait. Là, ils veulent couper tous ces programmes-là, ils veulent... Les fédérations, ça n'existera plus, ce printemps, ça va être un syndicat. Ils veulent faire un syndicat dans l'unique but de tout, tout contrôler. L'année passée, ils nous ont augmenté les contributions, dans le boeuf, de 3,50 $ la vache à 9,50 $ en un an et demi, puis c'est 268 producteurs qui ont voté pour, sur une possibilité de 20 000. Ç'a-tu du sens? Ça n'en a plus. On n'a pas besoin de se faire écoeurer par du monde qui... leur seul but, c'est cotisation, contribution. Payez et taisez-vous, les gars! On n'a plus rien à dire. On est une bande de caves, c'est tout.

Mais, si c'est ça, l'agriculture, moi, je dis... J'ai un jeune qui est à l'ITA, qui est finissant cette année. J'ai dit: Si c'est ça, je ne sais pas s'il faut lui donner... s'il faut l'envoyer dans l'arène de même. Ça n'a pas de sens. Il nous faut de l'oxygène, on veut respirer. Et puis on va aller là où on a la possibilité d'aller puis de voter notre président. Encore, quand on a été... quand j'ai été à la réunion du lait, on leur a posé la question: Comment ça se fait que le président n'est pas élu par tous les membres? Savez-vous ce qu'ils ont répondu? Ils m'ont répondu qu'il faut qu'il soit à tout prix proposé par le conseil d'administration, faute de quoi on pourrait avoir quelqu'un qui ne connaît pas le dossier. Autrement dit, ceux qui ne sont pas dans le conseil d'administration, c'est des incompétents. On est tous des incompétents. C'est seulement le 5 % qui sont des compétents, puis ça, ça ne peut pas aller, dans une société démocratique.

M. Binggeli (Rudolf): Bien, moi, je voudrais juste rajouter...

Le Président (M. Morin): Voulez-vous rajoutez? Oui, M. Binggeli.

**(18 heures )**

M. Binggeli (Rudolf): Je voudrais ajouter que c'est la mise en marché collective qui cause problème dans les productions non contingentées. Il faudrait absolument alléger ça parce qu'on a vécu, dans plusieurs productions, des problèmes qu'on doit contribuer pour chaque patate, pour chaque veau, pour chaque oeuf, pour chaque cochon mis en marché, même si des jeunes et des moins jeunes, que ce soit biologique ou peu importent les régions, ils ont développé leurs propres mises en marché.

Un exemple, un jeune, à la crise de la vache folle en 2003, est venu prendre la relève. Les vaches qui ont tombé de 600 $ à 120 $, lui, le jeune, il ne pouvait pas se permettre. Il a trouvé un abattoir, il a fait abattre ses vaches de réforme, il a empaqueté, tout contrôlé sous vide, il a fait du porte-à-porte, il s'est monté un réseau, puis depuis ce temps-là il vend ses vaches de réforme à sa clientèle, avec beaucoup d'efforts puis de débrouillardise, qui a développé ça, puis, pour chaque vache de celles-là, il est obligé d'envoyer la contribution à la fédération. Ça, je trouve ça aberrant. Et puis on veut, on va former à l'ITA les jeunes, on va les instruire, puis, quand aussitôt qu'ils sont sortis de l'école et puis ils prennent l'initiative, l'UPA est là avec le marteau: Retourne dans le trou, on ne veut pas que tu développes. À moins que tu peux développer... Ils ne mettent pas les bâtons dans les roues, mais parallèlement tu dois contribuer pareil, tu ne peux pas sortir du système.

Alors, c'est au gouvernement, je pense, de prendre les responsabilités et puis de changer les lois de mise en marché. C'est ça qui est important, si on veut avoir une agriculture florissante avec innovation et puis avec plaisir pour les jeunes. Parce que les jeunes, ils sont instruits. Puis, peut-être, on doit dire: Nous, dans le temps, on était peut-être trop innocents ou la vie était plus belle. Mais aujourd'hui les jeunes, ils se posent sérieusement des questions en sortant de l'ITA: Est-ce que... Je veux-tu me lancer dans tout ça, dans toutes ces contraintes? Puis ici, au Québec, on a le gouvernement, mais en agriculture on a comme un deuxième gouvernement, qui est l'UPA. Puis elle est drôlement plus embêtante pour nous que le gouvernement peut l'être.

Le Président (M. Morin): Merci. M. le ministre.

M. Corbeil: Votre point de vue. Vous proposez...

Le Président (M. Morin): Il vous reste quelques secondes, juste un commentaire.

M. Corbeil: Bien, en fait, je pense que vous proposez de créer un poste d'ombudsman agricole pour régler les litiges avec votre syndicat. Là, vous semblez dire que vous n'êtes pas en mesure de faire infléchir les choses. Mais je pense que vous pouvez soumettre des griefs à votre syndicat régional, votre assemblée générale, votre fédération. Vous pouvez déposer des requêtes à la régie. Vous pouvez soumettre les décisions de la régie à un examen d'un tribunal, que ce soit administratif, la Cour du Québec, la Cour supérieure, qu'importe. Qu'est-ce que vous pensez qu'un ombudsman pourrait faire de plus que ça?

M. Binggeli (Rudolf): Bien, je pense...

Le Président (M. Morin): Oui, M. Binggeli.

M. Binggeli (Rudolf): ...le poste, comme dans bien d'autres professions presque... ils ont un ombudsman que tu peux t'adresser pour déposer une plainte sans toujours être obligé d'avoir recours aux tribunaux, puis quelqu'un qui est neutre, qui voit ça d'une... Parce que la régie, elle est là pour appliquer la loi, elle ne peut pas jouer le rôle d'un ombudsman pour nous.

Le Président (M. Morin): Merci, monsieur...

M. Binggeli (Rudolf): Sinon, on ne peut pas... Mais vous avez dit: On peut déposer une requête auprès de l'UPA régionale. Mais oubliez ça parce que ça ne se rendra jamais à Longueuil. Jamais, jamais! Moi, ça fait 25 ans que je connais bien la structure de l'UPA, puis je dis: C'est une bonne structure, sauf que le courant, il marche à l'envers. Il n'y a rien qui peut partir de la base pour monter en haut. Des idées de producteurs dans le champ, qui sont vraiment encore des producteurs, le courant, il est court-circuité à quelque part, partout, toutes les régions. Il ne se rend jamais. Il y a des affaires qui sont proposées dans les régions, qui sont vraiment logiques. Si ça ne fait pas l'affaire à la maison de l'UPA à Longueuil, ça ne se rendra jamais là. Je l'ai vécu moi-même avec une proposition d'une assemblée dans le lait, une proposition qui avait de l'allure, qui était appuyée, puis il a fallu me battre, parce que le président régional m'a carrément dit, avant que je prenne le micro, que ma proposition ne se rendrait jamais à Québec. Là, j'ai dit: Là, tu as fait preuve de la vraie démocratie au sein de l'UPA. Tu me dis: Je peux me débattre avec mon idée, puis, même si elle est adaptée, vous n'allez pas l'acheminer à l'assemblée générale à Québec. Alors, comment voulez-vous qu'on ait de l'assistance dans les assemblées si on est assurément sûrs que tout ce qui ne fait pas leur affaire, qui sort à Longueuil, ça n'arriverait pas.

M. Lessard (Guy): ...à M. le ministre, il dit...

Le Président (M. Morin): Oui, mais... M. Lessard, un instant, un instant. Là, je vais avoir besoin d'un consentement parce qu'on va être obligés de finir un petit peu plus tard. Sinon, je suis obligé de...

M. Corbeil: ...une réponse à monsieur.

Le Président (M. Morin): Oui. Allez-y, M. Lessard.

M. Corbeil: Je ne poserai pas d'autre question.

Le Président (M. Morin): Donc, il y a consentement pour...

M. Corbeil: Une couple de minutes.

Le Président (M. Morin): O.K.

M. Lessard (Guy): C'est parce que M. le ministre a dit...

Le Président (M. Morin): Oui, oui, M. Lessard.

M. Lessard (Guy): ...de s'adresser aux instances de l'UPA.

Le Président (M. Morin): C'est bien. Non, non, allez, répondez. C'est...

M. Lessard (Guy): J'ai un confrère qui siège à la Fédération des producteurs de bovins. Il va siéger à Longueuil. Quand il est arrivé à Longueuil, ils ont dit: Ton casque de producteur, tu le laisses dans la région. Icitte, tu travailles pour nous autres. Comment est-ce que vous voulez que le courant passe? Comment vous voulez qu'on se sente défendus par l'UPA puis que le producteur... Même pour dans ma région. C'est un producteur que je connais, là. Il a eu le courage de se lever debout puis de le dire. Puis ils ont dit: Si ça ne fait pas ton affaire, tu prends tes petits puis tes claques puis tu retournes dans les régions. C'est-u ça, de la démocratie? C'est-u ça, donner le goût du Québec? O.K.

Le Président (M. Morin): Merci, M. Lessard. M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Merci. Alors...

Le Président (M. Morin): Vous avez un 10 minutes, là, si on... On a eu 12 minutes.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Oui. Alors, bonjour, messieurs. J'aimerais savoir, bien comprendre... pas comprendre, mais que vous reveniez sur un point, et ma question est celle-ci: Êtes-vous favorables à la mise en marché collective?

Le Président (M. Morin): M. Lessard ou M. Binggeli?

**(18 h 10)**

M. Binggeli (Rudolf): Comme je l'ai mentionné, la mise en marché pour les produits non contingentés, ce ne sont pas les mêmes règles du jeu que pour tout produit contingenté, ça, c'est clair. Alors, comme on a dit pour, admettons, les vaches de réforme, pas seulement la mise en marché collective n'est pas profitable pour le producteur, même avec tout ça la fédération a obtenu le consentement ou l'approbation de la régie d'interdire à tout acheteur de vaches de réforme hors Québec... il n'y a pas un abattoir, il n'y a pas un commerçant de l'Ontario, de l'Île-du-Prince-Édouard ou des États-Unis qui a le droit d'acheter une vache de réforme au Québec. Alors, politiquement, comment ça peut... déjà, politiquement, comment ça se peut que, dans un pays qui a signé le libre-échange depuis 25 ans proche, que la fédération ait le pouvoir... puis la régie approuve une décision qui va à l'encontre d'un libre-échange, qui nous prive de toute compétition? Parce que la fédération est le seul acheteur accrédité.

Puis, on l'a vu, je pourrais vous sortir les prix moyens depuis la crise de 2003 jusqu'à la réouverture de la frontière, la fédération a acheté l'Abattoir Colbex puis ils ont dit: Bien, c'est parce que vous allez avoir un meilleur prix. Mais le prix était toujours inférieur à ce que la fédération a demandé au gouvernement d'établir, le prix plancher de 0,42 $. Les deux années de fermeture de la frontière, notre propre fédération ne nous a jamais payé le prix plancher qu'elle a réclamé au gouvernement. Elle a seulement été obligée de hausser le prix quand la frontière l'a rouvert et puis que les acheteurs américains ont pu traverser en Ontario de venir acheter des vaches. Mais, quand les Américains ont acheté des vaches, nous, on n'était pas plus fous, on a aussi des transporteurs et nous avons aussi des trailers, puis ce n'est pas des dizaines de routes, aller à Vankleek Hill avec nos vaches de réforme. On les a amenées là pour aller chercher notre meilleur prix parce qu'ici, au Québec, on était liés. Puis ils veulent nous renforcer le canal unique avec le transport qui va être imposé. Je n'aurai plus le droit d'appeler mon transporteur pour envoyer une vache à l'abattoir, ça va être la fédération qui va le faire.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Alors, si je comprends bien, c'est que, hormis les productions sous gestion de l'offre, les autres secteurs, vous n'êtes pas favorables au maintien de la mise en marché collective.

M. Binggeli (Rudolf): Non.

M. Simard (Kamouraska-Témiscouata): Comment vous voyez ça? Le marché libre?

M. Binggeli (Rudolf): Oui, un marché libre, un marché... On peut toujours... L'UPA ou toutes les fédérations, ils peuvent proposer, ils peuvent... On ne veut pas les détruire, ces organismes-là, mais sur une base, je dirais, volontaire, s'ils offrent des services, s'ils sont payants pour moi puis pour les producteurs, automatiquement on va adhérer, on va faire affaire avec eux. Mais, s'ils font juste nous imposer des solutions par le simple souci pour qu'ils puissent nous chercher les contributions puis on passe à côté des opportunités qu'on pourrait avoir un meilleur prix avec la concurrence... Il y a absence de concurrence au Québec pour des vaches de réforme, entre autres.

Puis je ne vois pas pourquoi un producteur de maïs qui est mon voisin... Moi, je fais juste du fourrage. J'achète le maïs-grain. Je n'ai plus le droit d'aller acheter le maïs chez lui sans que, lui, il envoie le contrat, le prix, le poids, puis tout, à la fédération. Quoi, c'est-u encore un brin de liberté d'affaires... C'est seulement... ils veulent avoir... s'assurer que les 80 tonnes que, moi, j'achète de mon voisin, que les 2,50 $ se rendent vraiment à Longueuil. C'est ça, leur intérêt. Ce n'est pas l'intérêt du bien du vendeur ou le bien de l'acheteur.

Le Président (M. Morin): Oui, M. le député de Saint-Hyacinthe, allez-y.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Alors, bonjour, messieurs. Moi, je veux juste vous poser la question... C'est sur l'accréditation syndicale. Vous savez que... Ça, ça semble un point majeur ou que vous tenez à coeur, qui vous tient à coeur. Vous savez, il y a -- je n'ai pas besoin de vous expliquer, je pense que vous connaissez tous la structure de l'UPA -- il y a des fédérations, il y a des syndicats locaux, mais ce sont tous des producteurs qui sont en charge, qui sont à la tête de ces syndicats locaux là, qui sont aussi à la tête de la fédération, donc c'est beaucoup, quand même, de producteurs agricoles. Moi, je veux juste savoir quels seraient les avantages, selon vous, d'avoir plusieurs accréditations, et les désavantages, parce qu'il y a deux côtés toujours à la médaille. J'aimerais ça, si vous avez fait une démarche en ce sens-là, de m'expliquer à moi, là, comme législateur, quels sont les avantages que vous y voyez pour l'ensemble des productions au Québec, l'ensemble des productions, pour savoir s'il y a un avantage. Il doit y avoir un avantage pour les agriculteurs quand même parce qu'il y en a plusieurs qui sont membres. Mais il doit y avoir des désavantages aussi que vous connaissez. Mais j'aimerais ça connaître les deux côtés de la médaille selon vous.

Le Président (M. Morin): M. Binggeli.

M. Binggeli (Rudolf): Un avantage, ça serait la même chose comme le multisyndicalisme, ça serait la même chose comme d'avoir plusieurs acheteurs pour nos produits. À ce moment-là, les syndicats... Supposons, il y aurait trois syndicats. Ils devront s'occuper des membres. Si on avait le choix de débarquer... s'ils ne font pas notre affaire, bien on va pouvoir choisir un autre syndicat. C'est pour défendre les intérêts des producteurs. Parce que là, maintenant, ils n'ont pas besoin, ils n'ont vraiment pas besoin de vraiment se soucier du bien-être des producteurs. Puis ce n'est souvent pas vrai, ce qu'ils disent ou ce qui est marqué dans La Terre de chez nous. Ils ne nous défendent pas puis, dans les cas personnels, ils ne défendent jamais un producteur.

Moi, je connais un de mes chums qui a eu des graves problèmes de tensions parasites. Il s'est adressé à l'UPA régionale. Ils ont refusé. Il s'est adressé directement à Longueuil pour avoir de l'aide: Comment je peux me prendre... Parce que l'Hydro s'est obstinée pour ne pas lui changer le... malgré les avis techniques de différentes firmes externes. L'UPA lui répond: Ça, on ne s'en occupe pas du tout, adresse-toi au MAPAQ. C'est ça, la défense dans des graves problèmes personnels ou individuels. Ils veulent avoir la collectivité, mais, individuel, ils ne défendront jamais un producteur parce qu'ils n'ont pas besoin de le faire. Ils sont assurés du membership.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Et les désavantages qu'il pourrait y avoir de... Excusez, M. le Président.

Le Président (M. Morin): Allez.

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Les désavantages qu'il pourrait y avoir d'avoir plusieurs accréditations, il doit sûrement y en avoir.

Le Président (M. Morin): M. Lessard, vous vouliez renchérir.

M. Lessard (Guy): Oui. Pour répondre un petit peu à ça, en Ontario, il y a trois associations, il y a trois syndicats. 1er septembre 2011, Terre de chez nous, la bible: Les efforts de lobbying de la FAO, la FACO puis la NFU ont permis d'économiser 1 milliard de dollars aux agriculteurs de l'Ontario, soit 20 000 $ par ferme. Ça fait que, si tu veux m'avoir comme membre, il va falloir que tu travailles pour moi, il va falloir que tu défendes mes intérêts. Mais, si j'ai un monopole, je ne m'en occupe pas, de toi. On s'occupe de la collectivité. Tandis que, si on a le choix de voter...

J'espère que les mêmes associations vont travailler pour développer l'agriculture. On ne veut pas rien jeter à terre. On veut la développer, on veut que ça aille mieux en agriculture. Ça fait qu'il faut demander à nos associations de travailler en collaboration. La seule façon que l'UPA change, c'est de lui amener de la compétition. Puis, si on peut comparer à un autre domaine, prenez le Canadien de Montréal, qu'ils changent les entraîneurs qu'ils veulent, le problème est plus profond que ça. La journée que Québec va avoir un club puis qu'il va y avoir des francophones, ça va changer à l'autre bout. Pourquoi? Ça prend de la compétition. Ça fait que, s'il y a de la compétition entre les associations, elles vont être obligées d'amener...

Premièrement, ça fait 32 ans que je suis producteur, je n'ai jamais voté pour mon président. Je n'ai jamais eu la chance parce que je suis un producteur unique. On me l'a toujours imposé. Pourquoi je n'ai pas le droit d'adhérer à quelqu'un qui défend mes convictions comme, vous autres, vous pouvez le faire? Vous adhérez à un parti parce qu'il défend vos convictions. Pourquoi qu'on n'a pas le même privilège, comme agriculteurs?

Le Président (M. Morin): Ça va?

M. Pelletier (Saint-Hyacinthe): Bien, ça va.

Le Président (M. Morin): Ça va, pas d'autres questions? M. le député de Beauce-Nord, vous avez la parole.

M. Grondin: Merci, M. le Président. À l'heure actuelle, là, s'il y a une autre association syndicale, est-ce que ça vous donne quand même le droit d'avoir vos remboursements de taxes, vos... Parce que, moi, chez nous en tout cas, pour être capable d'avoir le remboursement de taxe foncière, il faut que je sois membre de l'UPA. Est-ce que les autres syndicats ont la même... Est-ce qu'ils ont les mêmes droits?

**(18 h 20)**

M. Binggeli (Rudolf): ...moi, je n'ai jamais pu comprendre qu'on soit obligé... Ça, c'est une loi qui a été votée, je pense, dans les années 1972, 1974, je ne sais pas, dans ces années-là. Je n'ai pas pu comprendre comment on soit obligé d'être membre d'un syndicat pour avoir le remboursement de taxes. C'est des fonds publics.

En même temps, j'ai une carte de membre, une carte, oui, de membre du MAPAQ. Alors, selon moi, peu importe combien de syndicats qu'on a, ce n'est pas ça qui détermine que tu as droit à un remboursement de taxes. C'est ta carte du MAPAQ qui approuve que tu es un producteur. C'est ça qui prouve. L'UPA, qu'on soit obligé, ça, je pense, c'est quelque chose qui est à changer au niveau de la loi, que ce soit le MAPAQ qui décide que, toi, tu es un producteur, tu as la carte. Si tu as la carte MAPAQ, tu as le droit au remboursement.

M. Grondin: Mais à l'heure actuelle...

M. Binggeli (Rudolf): À l'heure actuelle, il faut qu'on soit membre.

M. Grondin: O.K. C'est bon.

M. Binggeli (Rudolf): On peut démissionner de l'UPA. Il y a des producteurs qui ont envoyé des lettres de démission. Mais c'est juste symbolique, c'est juste pour prouver, admettons, à l'UPA que ce n'est pas vrai que 98 % des producteurs, ils adhèrent volontairement. Ils m'enlèvent la cotisation sur ma paie de lait.

M. Grondin: J'ai juste une autre...

M. Binggeli (Rudolf): Je n'ai pas un mot à dire. Je ne la paie pas, je ne fais pas un chèque. Ils me l'enlèvent.

M. Grondin: J'ai juste une autre petite question puis je n'ai pas beaucoup de temps. Moi, je suis très... je suis le dernier, hein, ça fait que je suis restreint dans le temps. Comment ça coûte...

Le Président (M. Morin): Ce n'est pas parce que vous êtes le dernier, M. le député de Beauce-Nord.

M. Grondin: Comment ça coûte aujourd'hui, mettons, le pourcentage, là, les vaches de réforme, que vous êtes obligé de payer à Colbex? Comment ça marche, là? Vous avez un certain pourcentage de votre troupeau...

M. Binggeli (Rudolf): Oui, là, c'est une moyenne.

Le Président (M. Morin): Courte...

M. Binggeli (Rudolf): C'est une moyenne de 25 %, 27 %, le taux de réforme, sur l'inventaire des vaches. Sauf que, moi, comme éleveur... la plupart des éleveurs pur-sang, ils ont entre 10 % et 15 %, mais on paie le 27 % quand même.

M. Grondin: Puis comment ça coûte?

M. Binggeli (Rudolf): On paie pour des vaches qu'on n'envoie même pas à...

M. Grondin: Combien?

M. Binggeli (Rudolf): C'est 53 $ par vache. Ça, c'est uniquement la contribution pour Colbex. Mais on a d'autres frais de mise en marché qui sont enlevés encore sur la paie. En tout et partout, ça équivaut, selon le prix... Maintenant, le prix est un petit peu meilleur, mais ça joue entre 15 % et 25 % de la valeur de la vache, qui nous est enlevé.

M. Grondin: O.K. Merci.

Le Président (M. Morin): Monsieur... M. Vincent, auriez-vous un petit mot à dire? Il me semble que vous vouliez parler, là. Je vous donnerais la chance même si le temps est un petit peu dépassé.

M. Kelhetter (Vincent): Oui. Moi, ce que je voudrais rajouter, c'est que, moi, ce qui me frustre le plus, c'est qu'on n'a pas grand pouvoir face à des gens qui ont uniquement pour but de ramasser des contributions sur contributions. Puis ça, pour aller de l'avant, je ne sais pas pourquoi qu'on leur donne autant de pouvoir. Et puis j'espère, j'espère que vous allez changer votre loi C-21 au plus vite pour qu'ils arrêtent de poursuivre les agriculteurs. On a un syndicat, on n'a pas besoin d'être poursuivis par notre syndicat. Moi, ça fait depuis un an, un an et demi que je suis dans l'Association de défense des producteurs de bovins. Ils m'ont rentré là-dedans. Et puis on a tous les jours, quasiment, des membres qui se plaignent d'affaires. C'est pour ça qu'on a fait ce mémoire.

Le Président (M. Morin): On vous en remercie, M. Vincent.

M. Kelhetter (Vincent): Et puis ce que je voudrais rajouter, c'est que, même dans des autres productions qu'on n'a pas parlé beaucoup, comme le sirop d'érable... Ce qui se passe présentement avec le sirop d'érable, où les producteurs sont payés un an et demi après qu'ils ont livré leur sirop, ça n'a aucune espèce de bon sens. Et pourquoi qu'on poursuit toujours ces producteurs? Ça n'a pas de sens. Ces offices-là, ça n'a pas de sens. Outre la production de lait, la production de poulet, je pense que, les autres productions, il ne faudrait pas qu'il y ait la mise en marché collective. Ça ne nous apporte strictement rien.

Le Président (M. Morin): Je suis obligé de vous arrêter, là. Je vous ai laissé parler. J'ai 2 min 30 s de plus parce que je voulais que vous vous exprimiez. J'ai vu tantôt que vous auriez aimé prendre la parole.

MM. Lessard, Binggeli et M. Vincent -- je m'excuse, votre nom de famille, j'ai de la misère -- merci beaucoup. On vous a écoutés avec intérêt. On sait que vous avez un but commun, et la commission vous a entendus. Bon retour à la maison. Soyez prudents. Merci.

Je lève maintenant la séance. Et la commission ajourne ses travaux au lundi 30 janvier, à 14 heures, où la commission poursuivra un autre mandat. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 25)

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