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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le mercredi 23 mars 2016 - Vol. 44 N° 72

Consultations particulières et auditions publiques dans le cadre de l’étude du Livre vert intitulé Orientations du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles en matière d'acceptabilité sociale


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Table des matières

Auditions (suite)

Repsol Pétrole et Gaz Canada

Pétrolia inc.

Corporation de développement économique de la région de Port-Cartier

Mme Marie-José Fortin et M. Yann Fournis

Autres intervenants

M. Sylvain Pagé, président

M. Alexandre Iracà, vice-président

M. Pierre Arcand

M. Germain Chevarie

M. Alain Therrien

Mme Lorraine Richard

Mme Chantal Soucy

M. Claude Surprenant

M. Guy Bourgeois

*          M. Vincent Perron, Repsol Pétrole et Gaz Canada

*          M. Alexandre Gagnon, Pétrolia inc.

*          Mme Violaine Doyle, Corporation de développement économique de la région de Port-Cartier

*          M. Bernard Gauthier, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quinze heures quarante-neuf minutes)

Le Président (M. Pagé) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je constate le quorum. Alors, je déclare la séance de la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles ouverte. Je demande, comme à l'habitude, à tous les collègues d'éteindre tous les appareils cellulaires, iPhone, iPad, etc.

Et je rappelle le mandat, la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques dans le cadre de l'étude du livre vert intitulé Orientations du ministère de l'Énergie, des Ressources naturelles en matière d'acceptabilité sociale.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme D'Amours (Mirabel) est remplacée par M. Surprenant (Groulx).

Auditions (suite)

Le Président (M. Pagé) : Parfait, merci. Donc, cet après-midi, nous avons à l'horaire Repsol Pétrole et Gaz Canada, ensuite Pétrolia, ensuite Corporation de développement économique de Port-Cartier et, finalement, Mme Marie-Josée Fortin. Je pense qu'elle est enseignante à l'UQAM. Voilà. Alors, chaque séance sera de 45 minutes : 10 minutes pour présenter le mémoire et ensuite un 35 minutes qui est réparti selon la configuration que vous connaissez déjà.

• (15 h 50) •

Alors, on commence avec M. Vincent Perron. La parole est à vous, je vous laisse vous présenter. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation, allez-y.

Repsol Pétrole et Gaz Canada

M. Perron (Vincent) : Excellent. Donc, M. le Président, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, je me présente, Vincent Perron. Je suis conseiller principal aux Affaires réglementaires et aux relations avec les intervenants chez Repsol Pétrole et Gaz Canada.

Donc, aujourd'hui, je vais vous faire un résumé, un peu, du mémoire qu'on a déposé la semaine dernière. C'était quand même un mémoire d'une vingtaine de pages. Donc, aujourd'hui, je vais vous présenter, là, les éléments, là, qu'on juge les plus importants.

Donc, au mois de mai 2015, Repsol, dont le siège social est situé à Madrid en Espagne, a acquis la totalité de Talisman Energy inc. Avec cette acquisition, Repsol est devenue l'une des plus importantes compagnies intégrées dans le domaine des hydrocarbures à l'échelle mondiale. Dans la foulée de cette importante transaction, le nom de Talisman Energy inc. a été changé pour Repsol Pétrole et Gaz Canada.

Au Québec, Repsol Pétrole et Gaz Canada détient des participations dans 21 permis de recherche de pétrole, de gaz naturel et de réservoirs souterrains couvrant plus de 380 000 hectares. Repsol opère également 11 puits gaziers dans les régions de Lotbinière, du Centre-du-Québec, de la Montérégie-Est et possède un bureau ici, à Québec.

Comme Talisman l'a fait dans le passé dans le cadre de diverses consultations publiques, Repsol souhaite contribuer de façon constructive aux travaux de votre commission. Tout d'abord, nous tenons à féliciter le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles pour la publication de son livre vert portant sur l'acceptabilité sociale. Le livre vert précise avec justesse que l'acceptabilité sociale d'un projet ne signifie pas l'unanimité ni l'atteinte d'une proportion prédéterminée d'appui au sein des communautés d'accueil. Elle renvoie davantage à la mise en place d'un processus de diffusion de l'information et de consultation en amont des projets de développement afin que ceux-ci répondent mieux aux attentes et aux préoccupations des communautés locales. Au terme du processus de consultation, nous croyons qu'il appartient au gouvernement de déterminer les conditions d'autorisation d'un projet en prenant en considération non seulement l'acceptabilité que le projet suscite dans la communauté concernée, mais également la qualité de la démarche entreprise par le promoteur afin de favoriser l'acceptabilité sociale de son projet au sein de la communauté d'accueil.

Il est également mentionné dans le livre vert que les responsabilités du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles sont généralement méconnues du grand public. Notre vaste expérience terrain démontre que cette méconnaissance est davantage marquée lorsqu'il est question d'hydrocarbures. Les nombreux citoyens, élus locaux et organisations que nous avons rencontrés au fil des années sont bien au fait de la vocation économique du ministère, mais peu d'entre eux ont une compréhension réelle des importantes responsabilités de ce ministère en matière d'encadrement et de suivi, d'accompagnement et de diffusion de l'information. Nous soutenons donc pleinement l'intention du ministère d'élaborer et de mettre en oeuvre un plan de communication visant notamment à faire connaître ses différents rôles et responsabilités, de même que son cadre légal et réglementaire.

Par ailleurs, la manière dont le public perçoit la capacité de l'État d'encadrer efficacement un projet influence grandement le degré d'acceptabilité sociale de celui-ci. Dans le cas des hydrocarbures, cette perception est plutôt négative, et plusieurs citoyens croient que le régime réglementaire actuel est inadapté pour régir de manière sécuritaire et efficace les travaux modernes d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures.

Selon nous, le renouvellement du cadre législatif et réglementaire proposé dans le plan d'action gouvernemental sur le développement des hydrocarbures au Québec s'avère un des ingrédients essentiels à l'acceptabilité de nos travaux dans les communautés d'accueil. À cet égard, nous sommes d'avis que l'adoption d'une loi moderne, prévisible et dédiée exclusivement aux hydrocarbures, intégrant les meilleures pratiques de l'industrie favorisera une meilleure acceptabilité de cette filière énergétique au Québec.

À l'instar du ministère, nous croyons que la diffusion de l'information de même que la mise en place d'un processus de consultation publique relève d'abord de la responsabilité du promoteur d'un projet. Ce processus devrait également être enclenché le plus en amont possible, soit dès l'étape de l'élaboration d'un projet. Les processus de diffusion de l'information et de consultation devront toutefois être prévisibles et, surtout, bien balisés par le ministère, notamment en ce qui concerne l'identification des parties à informer et à consulter. Selon nous, les parties directement concernées par un projet devraient être priorisées. On parle ici des communautés d'accueil, des élus et des organismes locaux, et d'autres parties prenantes locales comme, par exemple, des organismes de bassin versant.

Nous sommes aussi d'avis qu'il s'avère essentiel pour un promoteur de mettre sur pied un comité de liaison avec les élus locaux pour les informer périodiquement de l'état d'avancement d'un projet. Nous voyons également d'un bon oeil la mise en place de comités de suivi favorisant un dialogue continu dans les communautés d'accueil. Leur composition devrait, selon nous, se limiter à des intervenants locaux.

De plus, nous souscrivons pleinement à l'intention du ministère de mettre en place un mécanisme de rétroaction dans la communauté d'accueil afin que le ministère puisse expliquer les conditions et les modalités d'autorisation d'un projet et que le promoteur puisse exposer les mesures d'atténuation qu'il entend mettre en application. Ce mécanisme renforcera, d'une part, la confiance du public à l'égard du ministère et du promoteur et, d'autre part, le leadership du ministère en matière d'encadrement de l'industrie. Malheureusement, dans le passé, cette responsabilité incombait souvent à l'industrie des hydrocarbures, ce qui était généralement mal perçu par le public.

Nous nous questionnons toutefois sur la manière dont le processus de consultation décrit dans le livre vert s'arrimera aux autres processus de consultation déjà en vigueur au Québec, notamment celui prévu aux articles 7.1 et 7.2 du Règlement relatif à l'application de la Loi sur la qualité de l'environnement. En vertu de ce règlement, qui est sous la responsabilité du ministère de l'Environnement, celui qui demande un certificat d'autorisation pour des travaux de forage ou de fracturation destinés à rechercher ou à exploiter du pétrole ou du gaz naturel de schiste doit préalablement informer et consulter le public. Il y a également toute une démarche qui est décrite dans ces deux articles-là qui balise très bien le type de consultation qui doit être fait. Par souci d'efficacité et de cohérence, il faudrait éviter la situation où l'industrie des hydrocarbures devrait se soumettre à deux processus de consultation distincts afin d'obtenir les autorisations requises pour ces travaux. Cette situation pourrait nuire au délai d'autorisation et pourrait engendrer de la confusion au sein des communautés d'accueil.

Le livre vert précise que les retombées d'un projet de mise en valeur des ressources naturelles, que ce soit l'embauche de main-d'oeuvre locale, l'achat de biens et de services dans les communautés et la participation financière du promoteur dans des projets communautaires, constituent un élément important de l'acceptabilité sociale au sein de la communauté d'accueil. Notre expérience québécoise démontre d'ailleurs le bien-fondé de cette affirmation. En effet, les programmes et stratégies élaborés dans le passé par Talisman, notamment son programme d'investissement communautaire et sa stratégie d'engagement économique local, ont permis aux communautés locales du Québec de tirer profit des travaux d'exploration gazière de l'entreprise. Notre mémoire présente d'ailleurs des chiffres éloquents à ce sujet.

D'autre part, dans le cadre de son plan d'action sur les hydrocarbures, le gouvernement du Québec a réitéré son engagement d'établir un nouveau régime de redevances pour l'exploitation des hydrocarbures. Nous croyons, en effet, qu'il y a lieu de revoir le régime de redevances, qui ne prévoit pas un partage des revenus avec les communautés d'accueil. Selon nous, les municipalités devraient pouvoir toucher une partie des redevances liées à l'exploitation des hydrocarbures pour qu'elles puissent bénéficier directement et pleinement de la présence de l'industrie sur leurs territoires. Le nouveau régime de redevances devra toutefois être compétitif avec les autres régimes nord-américains.

Enfin, nous saluons la volonté du ministère de mettre sur pied un bureau des projets majeurs dont l'un des mandats serait d'assurer une meilleure coordination interministérielle avec les autres ministères et organismes responsables de la délivrance d'autorisations. Nous croyons toutefois que le gouvernement du Québec devrait évaluer la possibilité de se doter d'un organisme unique de réglementation s'il désire développer les hydrocarbures du Québec d'une manière efficace et intégrée. À cet effet, nous suggérons au gouvernement d'étudier la structure de la British Columbia Oil & Gas Commission.

En terminant, de par la publication de son livre vert, le ministère démontre à juste titre l'importance de concilier la prospérité économique du Québec et le respect des milieux de vie. Il exprime également sa volonté de mettre en place toutes les mesures nécessaires afin de favoriser l'acceptabilité sociale des projets de développement dans les communautés d'accueil, ce qui est fort encourageant pour l'avenir. Merci.

• (16 heures) •

Le Président (M. Pagé) : Je vous remercie, vous avez fait ça top chrono. Merci beaucoup, M. Perron. Alors, on aura 30 minutes d'échange, 15 minutes à la partie gouvernementale. M. le ministre, c'est parti.

M. Arcand : Merci infiniment, M. le Président. M. Perron, bienvenue parmi nous aujourd'hui. Peut-être, au départ, nous situer un petit peu parce qu'évidemment vous avez acquis comme société la société Talisman, qui était peut-être un peu plus connue que la vôtre. Juste nous expliquer brièvement ce que vous détenez au Québec — j'imagine, des claims, certains baux — nous expliquer brièvement ce que vous détenez au Québec et quels sont vos plans d'avenir spécifiquement au Québec.

Le Président (M. Pagé) : M. Perron.

M. Perron (Vincent) : Parfait. Donc, au Québec, comme je le disais, on détient 21 permis de recherche de pétrole, de gaz naturel et de réservoirs souterrains. Dans le fond, c'est des territoires bien circonscrits sur lesquels on a l'exclusivité de la recherche d'hydrocarbures, puis ces permis-là sont situés principalement, grosso modo, là, sur la rive sud de fleuve Saint-Laurent, entre Sorel puis la partie ouest de Lévis. Donc, on détient quand même des droits sur une bonne portion de territoire et, sur ce vaste territoire là, entre 2006 et le 1er juillet 2010, on a réalisé 11 forages, dont cinq forages horizontaux, et on a fracturé neuf de ces 11 puits là. Donc, on a été de loin, je pense, la compagnie la plus active sur le terrain durant, là, les années d'exploration gazière dans les basses terres du Saint-Laurent.

Comme je disais, aussi on détient un bureau au Québec. Ça, Talisman en avait ouvert, si ma mémoire est bonne, en 2009. Et Repsol, maintenant, continue d'être présente sur le territoire, et l'avenir, en fait, notre vision d'avenir du Québec... Bon, premièrement, on croit au potentiel gazier des basses terres du Saint-Laurent, ça, c'est clair. L'exploration n'est pas terminée, par contre. On a des données assez fragmentaires, mais, quand même, on a quand même une bonne idée du potentiel, puis le potentiel semble être au rendez-vous.

Par contre, il faut réaliser d'autres forages exploratoires pour vraiment être en mesure de mieux évaluer ce potentiel-là puis, ultimement, déterminer si ça va être rentable d'exploiter le potentiel du Québec. Donc, à court, moyen terme, ce que Repsol entrevoit pour le Québec, essentiellement c'est le statu quo. On continue de s'occuper des installations qu'on a au Québec, on a un consultant spécialisé qui fait des inspections sur nos puits. Chaque puits est visité deux fois par semaine. On continue d'évaluer, là, les émissions fugitives, on en fait rapport avec votre ministère, là, assez périodiquement. Donc, on travaille en étroite collaboration avec votre ministère.

Puis, en termes de travaux d'exploration, à court, moyen terme, on n'en a pas. Ce n'est pas parce qu'on a laissé tomber, là, notre volonté d'explorer le Québec, c'est plutôt que disons que les temps sont durs pour l'industrie, puis, dans pas mal toutes les compagnies, là, le volet exploration, disons que les budgets sont un peu moins au rendez-vous, les compagnies ont plus tendance à consolider leurs acquis. Donc, pour les prochaines années, je vous dirais, les deux prochaines années, il serait fort surprenant, là, qu'on réalise... ou, en tout cas, qu'on entame des démarches pour obtenir des autorisations pour explorer, là, le gaz naturel des basses terres.

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre.

M. Arcand : Merci infiniment pour ces informations-là. Vous avez de l'expérience... D'abord, je voudrais vous remercier parce que ça semble assez positif, quand je lis votre document, sur ce que nous voulons entreprendre. Vous possédez quand même plusieurs sociétés à l'échelle mondiale, vous avez donc une très vaste expérience. Vous suggérez, entre autres, de revoir un régime de redevances qui ne prévoit pas de partage de revenus avec les communautés d'accueil. Est-ce que vous pourriez nous parler de votre expérience dans ce domaine-là, nous dire comment vous voyez... Une fois qu'on a accompli la démarche, toute cette question-là des redevances, vous semblez avoir une certaine expertise dans ce domaine-là, juste nous dire comment vos transactions passées se sont faites.

Le Président (M. Pagé) : M. Perron.

M. Perron (Vincent) : O.K. Bien, écoutez, moi, personnellement, j'ai plus une expérience du Québec, là. Donc, de mon expérience assez solide sur le terrain, là, ça fait quand même sept, huit ans que je travaille pour Talisman puis que je suis... puis maintenant, pour Repsol, tu sais, j'ai été très présent sur le territoire, j'en ai rencontré, des gens, puis je vous dirais que ça revient constamment, il y a des élus, des MRC, les gens comprennent que le système de redevances actuel permet d'enrichir le Québec, puis ça nous permet, après ça, tu sais, d'être en mesure d'avoir des bons services au Québec.

Par contre, ils sentent qu'il manque une petite affaire, là, il faudrait qu'ils puissent toucher une partie de ces redevances-là pour être, un, d'une part, capables de gérer un peu... Parce qu'on va se le dire franchement, là, il y a certains inconvénients à notre industrie sur le territoire. Même si on fait tout en notre possible pour limiter les désagréments, il reste qu'il va toujours en rester une certaine part, ce qui fait que c'est revenu souvent dans nos échanges, les élus, les MRC aimeraient pouvoir toucher une part du gâteau pour être capables de gérer ces impacts-là puis aussi de profiter de l'industrie sur le territoire.

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre.

M. Arcand : Est-ce que vous pensez qu'après avoir eu vos discussions avec les différentes MRC... est-ce que vous trouvez que le gouvernement devrait être le seul qui décide ou si vous pensez que les MRC devraient avoir un genre de droit de veto?

Le Président (M. Pagé) : M. Perron.

M. Perron (Vincent) : Moi, la façon, je vois ça... bien, la façon, dont nous, on voit ça chez Repsol, je pense qu'ultimement c'est au gouvernement de, par des orientations, de guider un peu la gestion du territoire. Donc, pour répondre à votre question, les instances municipales, c'est certain qu'elles devraient avoir un certain droit de regard sur la gestion territoriale. Par contre, nous, on croit qu'elles devraient être quand même balisées par le gouvernement par le biais d'orientations.

Le Président (M. Pagé) : O.K. M. le ministre.

M. Arcand : Vous parlez, entre autres, dans votre document de projets majeurs, évidemment, et vous souhaitez... parce que vous dites à l'intérieur que, pour la filière, on devrait étudier une structure comme le British Columbia Oil & Gas Commission, et vous dites donc... Et, hier, j'écoutais le député de Sanguinet qui disait : Écoutez, pourquoi il n'y a pas un organisme, etc.? Et, évidemment, le problème qu'on a au Québec, c'est que, quand on a un organisme qui couvre les deux, bien, quand on a un organisme qui est plutôt porté sur l'environnement, bien, les entreprises disent : Écoutez, c'est juste... ils ne s'occuperont pas d'économie. Puis, quand on a un organisme plutôt économique, bien, les gens de l'environnement disent : Bien, on ne sera pas traités correctement. C'est toujours ce qui a empêché. Votre expérience dans cet organisme-là, est-ce qu'elle s'est avérée positive? Pourquoi c'est comme ça?

Le Président (M. Pagé) : M. Perron.

M. Perron (Vincent) : Bien, en fait, oui, c'est une expérience qui est positive. Peut-être juste un peu expliquer la structure de la BC Oil & Gas Commission, en fait, c'est un organisme réglementaire unique qui regroupe des spécialistes qui touchent à différents domaines. Ils sont regroupés à un seul endroit, puis cet organisme réglementaire unique là, ce que l'organisme a à faire, c'est d'appliquer les différents textes législatifs qui sont en vigueur pour encadrer l'industrie, donc des lois, des règlements qui touchent l'environnement, qui touchent plus, disons, ressources naturelles, donc design de puits, etc., opérations. Il y a aussi un volet agriculture. Donc, c'est un organisme unique de réglementation qui fait appliquer des textes législatifs qui sont déjà existants.

Donc, il y a une délégation de responsabilités des ministères envers cet organisme-là qui fait en sorte que tu n'as pas besoin de tout virer la baraque à l'envers, là. Tu as encore toujours les lois et les règlements qui encadrent différents aspects du projet. Par contre, c'est un organisme unique qui fait appliquer ces lois et règlements là. Donc, tu as différentes autorisations qui sont émises en vertu des différentes lois et règlements qui sont maintenant sous la responsabilité de l'organisme unique. Donc, ça fonctionne très bien. Ça réduit les délais d'autorisation. Ça permet des décisions beaucoup plus intégrées, une gestion intégrée du territoire beaucoup plus efficace.

Puis, pour les citoyens, bien, c'est un guichet unique aussi. Donc, c'est plus facile d'avoir de l'information sur les projets, de formuler des demandes, ils n'ont pas à se demander qui gère quoi, là, tandis que, là, c'est un organisme pour l'industrie puis pour les citoyens aussi.

• (16 h 10) •

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre.

M. Arcand : Est-ce qu'il y a des différences très importantes au niveau de l'exploration, l'exploitation? Est-ce qu'il y a des différences également avec... Une commission aussi unique en Alberta, est-ce que ça se ressemble pas mal ou s'il y a des différences notoires?

Le Président (M. Pagé) : M. Perron.

M. Perron (Vincent) : Bien, je vous dirais que, si on revient à la réalité du Québec, disons, un organisme comme ça pour chapeauter des travaux d'exploration, c'est peut-être un petit peu prématuré. Par contre, si jamais on en venait qu'à avoir un potentiel , que la rentabilité économique était au rendez-vous puis qu'on voulait vraiment développer au Québec nos hydrocarbures, là, à ce moment-là, ce serait peut-être un bon moment, là, d'implanter cette structure-là. Mais, par contre, ça n'empêche pas que, durant la phase exploratoire, que le gouvernement se penche sur la question parce que, quand le potentiel est bien défini puis la rentabilité est au rendez-vous, souvent, bien, tu sais, les projets s'enclenchent assez rapidement.

M. Arcand : Très bien.

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre, je sais qu'il y avait deux de vos collègues, le député d'Abitibi-Est et des Îles-de-la-Madeleine dans l'ordre ou le désordre. À vous de... M. le député des îles...

Une voix : Des îles...

Le Président (M. Pagé) : Des Îles-de-la-Madeleine.

M. Chevarie : O.K. Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pagé) : Ça fait plaisir. Il vous reste quatre minutes.

M. Chevarie : Quatre minutes. On va faire rapidement. M. Perron, bienvenue à l'Assemblée nationale. Merci pour vos réflexions à cette commission. Vous avez mentionné à une question en préambule du ministre que vous avez 21 permis actuellement, 11 forages qui ont été actualisés dans la région des basses terres du Saint-Laurent. J'imagine qu'à l'intérieur des projets, des 11 forages vous avez appliqué, je dirais, un processus de bonnes pratiques dans l'objectif de l'acceptabilité sociale de ces communautés-là. Mais, par ailleurs, est-ce qu'il y a des projets qui n'ont pas abouti, qui ont avorté juste avant parce que la communauté n'était pas d'accord avec vous? Et quels ont été, je dirais, les manquements ou encore les... Peut-être que vous n'avez pas tout à fait appliqué les mêmes règles que dans d'autres communautés, puis, effectivement, ces projets-là n'ont pas abouti.

Le Président (M. Pagé) : M. Perron.

M. Perron (Vincent) : Premièrement, en fait, je voudrais juste souligner le fait que oui, je pense que Talisman, on a appliqué des bonnes pratiques. On a consulté les gens, on a établi des comités de liaison avec les élus, on a adapté nos projets aux différentes spécificités locales, puis l'objectif, c'était... Bien, dans le temps, la notion d'acceptabilité sociale, c'était peut-être moins au rendez-vous. Nous autres, l'objectif de faire ça, en fait, c'était de favoriser une meilleure intégration du projet pour que, dans le fond, le projet rencontre les exigences puis les attentes des communautés d'accueil. Donc, le but des consultations, ultimement, ce n'était pas d'en arriver à une acceptabilité sociale, c'était, en fait, d'avoir le meilleur projet possible. Mais, dans les faits, on l'a eue, l'acceptabilité sociale. Je vais vous donner un exemple.

À Sainte-Gertrude, moi, je menais des consultations. C'était moi qui présentais le projet à la communauté, puis on a eu une période de questions qui a quand même duré pendant deux heures de temps. Puis les gens nous exprimaient leurs préoccupations, puis on les prenait en note, puis, dans la mesure du possible, on essayait d'adapter notre projet pour essayer de mieux répondre à leurs attentes. Puis je vais être franc avec vous, là, la séance s'est finie avec des applaudissements de la communauté. C'est comme ça que ça s'est passé, nous autres, sur nos territoires, Talisman.

Et, pour répondre à votre question : Est-ce qu'on a eu un refus d'une municipalité ou d'une communauté? Non. Par contre, lorsqu'on négociait des ententes de bail de surface avec les propriétaires fonciers, nous, on a mis en place une méthode qui était basée sur le principe du consentement libre, préalable et éclairé. Un propriétaire ne subissait jamais de pression, on le rencontrait à plusieurs reprises, puis le propriétaire pouvait, en tout temps, quitter les négociations, puis le projet se finissait là. C'est arrivé à une occasion sur les 11 projets, on a changé l'emplacement du site, on a modifié nos affaires, puis, finalement, on est arrivés avec un projet gagnant.

Le Président (M. Pagé) : Il vous reste 40 secondes.

M. Chevarie : Oui. Est-ce que vous savez... Bon, je pense que je vais laisser... Je continue? Est-ce que vous savez pour quelle raison, par exemple, qu'avec cette communauté-là le projet n'a pas abouti malgré l'ouverture que vous aviez de communiquer avec les gens puis de les rencontrer?

Le Président (M. Pagé) : En 25 secondes, M. Perron, s'il vous plaît.

M. Perron (Vincent) : Bien, en fait, le projet a abouti dans la communauté parce que les élus étaient en accord avec le projet puis, je vous dirais, la grande majorité aussi de la population. C'est juste que l'emplacement ponctuel, là, sur le terrain, il y a un propriétaire qui, en bout de piste, a dit : Non, finalement, ça ne m'intéresse pas, puis on l'a positionné ailleurs sur le territoire de la municipalité.

Le Président (M. Pagé) : Je vous remercie. Alors, c'était le temps qui était alloué pour la partie gouvernementale. Pour l'opposition officielle, le député de Sanguinet, vous avez exactement neuf minutes. C'est parti.

M. Therrien : Merci, M. le Président. Alors, bonne journée à tous. Bonjour, chers collègues de la commission. Bonjour. Merci d'être présent avec nous. Alors, dans votre document, on parle à la page 9 — et je voudrais vous entendre là-dessus — vous dites : «Nous estimons qu'il serait toutefois important — je vous lis, là, pour que vous n'ayez pas besoin de le retracer, là — que le MERN informe préalablement les promoteurs de la nature des informations qu'il entend diffuser publiquement.» Je voudrais vous entendre là-dessus. D'abord, quels sont les types d'information possibles puis ce que vous anticipez? Et quelle est la motivation de cette demande-là?

M. Perron (Vincent) : Bon, en fait, nous, on s'attend... Bien, le ministère, en fait, pour le moment, là, avec le cadre réglementaire actuel, encadre principalement l'infrastructure puis la façon dont l'activité se fait. Donc, par exemple, un forage, le ministère va gérer un peu l'emplacement du forage, faire des différentes distances séparatrices, par exemple, mais, après ça, il va s'attarder plus au design de l'infrastructure puis la façon que ça va être fait.

Donc, les informations qu'on s'attend à ce que le ministère fournisse, c'est les informations qu'on lui a fournies. En fait, la seule mise en garde qu'on mettait, c'est advenant le cas où s'il y avait, tu sais, un secret industriel ou quelque chose. C'était plus une mise en garde comme ça, là. Puis là, ici, on ne parle plus, là, de fluides de fracturation puis la fameuse recette, là, parce que, juste pour vous dire, chez nous, à partir du 1er janvier 2011, toutes les recettes de nos fluides de fracturation qu'on a utilisées au Québec ont été mises en ligne sur notre site Web. Donc, ça, on a géré ça avec nos consultants. Ça fait qu'on a trouvé une façon de pouvoir divulguer ça publiquement.

Donc, c'est juste une mise en garde en voulant dire, tu sais, des fois, s'il n'y aurait pas un élément plus d'ordre, là, du secret industriel. Mais encore là, de notre côté, on a toujours été très transparents, puis on ne voit pas... C'était juste une petite mise en garde, en fait.

Le Président (M. Pagé) : M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Merci, M. le Président. Donc, je comprends très, très bien puis je pense, à la limite, que ça va de soi, là, si vous voulez garder votre position concurrentielle, là, sur les marchés.

Dernière petite chose avant de passer la parole à ma collègue. À un moment donné, vous parlez dans le document, là, de dédoublement, là, de structures ou, en tout cas, de tâches à accomplir au niveau administratif. J'ai posé la question déjà, et puis les gens ont tous répondu dans le même sens. Alors, je vais essayer avec vous également, puis je ne vous dis pas dans quel sens il s'agit, là. C'est de dire : Est-ce que le livre vert devrait simplement proposer certaines alternatives pour des secteurs d'activité précis ou vous êtes satisfaits avec l'idée, là, d'arriver avec un bagage qui était plus élargi, qui s'adresse à l'ensemble des intervenants du MERN?

Le Président (M. Pagé) : M. Perron.

M. Perron (Vincent) : Bon, nous, on est d'avis que le livre vert, dans sa composition actuelle, ça nous satisfait. En fait, c'est que ça propose une démarche qui permet, en fait, de bonifier un projet. Dans le fond, je pense que personne ne peut être contre ça, cette idée. La seule chose, c'est qu'il faudrait peut-être s'assurer de baliser certains points sensibles, comme on l'a mentionné dans notre mémoire. Mais, en fait, pour nous, c'est une excellente approche, là. D'ailleurs, ça recoupe beaucoup de choses qu'on faisait déjà, mais il reste que ça permet, en fait, on pourrait dire, une mise à niveau puis de s'assurer, dans le fond, que tout le monde tire dans le même sens. Donc, pour ça, nous trouvons que c'est un excellent document.

Le Président (M. Pagé) : M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Merci, M. le Président. Vous répondez dans le sens des autres. Alors, vous avez passé le test, c'est bon. Non, mais blague à part, comment faire, à ce moment-là, pour, peut-être, alléger les dédoublements? Il y a sûrement moyen. Vous avez des choses en tête pour dire : Regarde, on pourrait-u avoir, entre guillemets, un by-pass pour certains aspects que vous proposez?

Le Président (M. Pagé) : M. Perron.

• (16 h 20) •

M. Perron (Vincent) : Bien, en fait, des by-pass, moi, je n'en vois pas trop parce que, personnellement, c'est une approche qui est bien faite puis, je pense, qui a fait ses preuves dans d'autres secteurs. La seule chose, c'est ça, il faudrait s'assurer de baliser certains éléments.

M. Therrien : O.K. Merci. Je vais passer...

Le Président (M. Pagé) : Alors, j'ai compris qu'on allait avec Mme la députée de Duplessis.

M. Therrien : Oui, absolument.

Le Président (M. Pagé) : Il vous reste exactement 4 min 30 s, la moitié du temps.

Mme Richard : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Perron. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Si vous êtes ici, c'est parce que vous avez suivi nos travaux, hein, et l'acceptabilité sociale vous interpelle. C'est très difficile pour nous, comme parlementaires et même... comme la plupart des citoyens, de définir qu'est-ce que c'est, l'acceptabilité sociale. Pour certains, c'était une définition. Pour d'autres, c'est autre chose.

J'ai vu dans votre mémoire qu'à la page 23, bien, vous parlez des gens, vous dites la population locale, régionale, mais vous ne faites pas référence nécessairement au thème acceptabilité sociale. Ma première question serait : Est-ce que, selon vous, l'acceptabilité sociale doit passer, d'abord et avant tout, par les gens qui habitent le territoire où a lieu le projet, c'est-à-dire la population locale, ou des groupes nationaux, souvent, qui n'ont, pour ainsi dire, que leur intérêt et la protection de l'environnement? On peut être en accord, mais ils n'habitent pas le territoire, ils ne le connaissent pas, ils n'y participent pas économiquement, et, souvent, ce sont ces personnes-là qu'on entend décrier tel ou tel projet.

Le Président (M. Pagé) : M. Perron.

M. Perron (Vincent) : Nous, premièrement, l'acceptabilité sociale, notre vision de la chose, ce n'est pas une finalité en soi, mais c'est plutôt une démarche, une démarche de bonification de projets. Puis, pour bonifier un projet, il faut consulter les gens qui vont avoir à subir les impacts du projet, tant positifs que négatifs. Donc, pour nous, on aime mieux rencontrer les gens qui habitent le long du rang 9 à Sainte-Gertrude ou à Sainte-Françoise que des groupes de pression parce que, dans le fond, c'est ces gens-là qui vont avoir à vivre avec le projet. Puis c'est ces gens-là qu'on veut entendre parce qu'on veut adapter nos projets pour répondre à leurs préoccupations à eux.

Mme Richard : Merci.

Le Président (M. Pagé) : Mme la députée.

Mme Richard : On a discuté aussi beaucoup — parce que ça fait partie de l'acceptabilité sociale d'un projet — oui, sur les impacts sociaux, économiques, environnementaux, puis même il peut y avoir bien d'autres choses aussi qui interpellent certaines personnes. Par rapport à la rentabilité dudit projet, il y a des gens qui sont venus nous dire que ça ne regardait que les compagnies concernées, que le promoteur concerné, les gens où avait lieu le projet n'avaient pas nécessairement à savoir les données de la rentabilité du projet. Moi, je pense le contraire. Je pense qu'un milieu qui adhère à un projet doit savoir si, à court, à moyen terme, ce projet-là est rentable. Ça fait en sorte qu'on dit : Bien, écoute, on va sacrifier... Parce que, des fois, c'est le cas, il faut sacrifier, dans les projets hydroélectriques, exemple, des rivières, on va sacrifier telle rivière. Bien, en bout de piste, on va faire travailler notre monde. Économiquement, c'est plus rentable. Donc, êtes-vous d'accord au fait que la rentabilité du projet fasse partie des discussions qu'il doit y avoir en amont avec les communautés?

Le Président (M. Pagé) : M. Perron.

M. Perron (Vincent) : Bien, moi, je distingue retombées économiques avec rentabilité, là, parce que c'est sûr que des discussions sur les retombées économiques, c'est certain que ça doit faire partie des discussions au niveau local pour s'assurer d'être en mesure de faire participer le plus de gens.

Mais, pour en revenir à la rentabilité, je vais vous donner un exemple, notre exemple à nous. Dans le cadre de l'EES, la deuxième sur le gaz de schiste, il y a une étude qui tendait à démontrer que ce n'était pas rentable d'exploiter le gaz de schiste quand, dans le fond, nous, comme industriels, l'objectif, c'était de déterminer par nos projets d'exploration si ça allait être rentable ou pas, puis on n'en a pas fait suffisamment, des forages. Écoutez, on a un territoire qui couvre 380 000 hectares, on a réalisé 11 forages. Là-dessus, on en a fait six horizontaux, puis on n'en a fracturé que trois. Donc, nous, on cherche à évaluer la rentabilité. Mais le risque de faire faire des études de rentabilité par l'externe, c'est d'en arriver à des conclusions avec des paramètres qui ne représentent peut-être pas nécessairement la réalité. C'est toujours le risque.

Le Président (M. Pagé) : Mme la députée, il vous reste 20 secondes. 20 secondes.

Mme Richard : Merci. Je comprenais la différence — puis vous avez bien fait de le mentionner — entre économiquement rentable pour une communauté puis...

M. Perron (Vincent) : Je me doutais bien que vous connaissiez la différence, je voulais juste être sûr.

Mme Richard : Merci beaucoup d'y avoir répondu. Merci.

Le Président (M. Pagé) : Alors, on va passer au troisième bloc avec la deuxième opposition pour un temps de six minutes. Mme la députée de Saint-Hyacinthe.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Bonjour. Vous savez, au Québec, on est familier avec l'exploration. Par contre, dans un éventuel projet de loi sur les hydrocarbures, seriez-vous en faveur que le même organisme émette les deux sortes de permis? Parce que, tantôt, vous citiez en exemple la British Columbia... Alors, j'aimerais vous entendre sur ça.

Le Président (M. Pagé) : M. Perron.

M. Perron (Vincent) : Oui. En fait, nous autres, nous, une entité comme British Oil & Gas Commission, on trouve que c'est une entité qui est efficace, en fait, qui permet, en fait, d'appliquer différents textes de loi qui sont déjà existants, mais par un même organisme. Donc, c'est clair qu'ici il y a souvent une meilleure cohérence dans les décisions, puis il y a assurément une meilleure efficacité.

Je vais vous donner un exemple du cadre réglementaire actuel qui, par contre, pour l'exploration, je vous dirais... Tu sais, on est capables de vivre avec. Par contre, si jamais on allait en développement, là, on suggère au gouvernement, peut-être, de revoir un peu la structure. Mais, dans la structure actuelle, je vais juste vous donner un exemple, la CPTAQ nous autorise à utiliser de façon temporaire le territoire agricole pour installer nos sites de forage. La CPTAQ nous dit : Vous devriez mettre vos sites en milieu forestier, pas dans une érablière, mais en milieu forestier. Du côté de l'Environnement, lorsqu'on arrive avec ce projet-là, l'Environnement nous dit : Oui, mais là pourquoi ne pas aller en champ? Parce que, dans le fond, c'est un milieu qui est déjà perturbé. Donc là, on se retrouve comme industrie à essayer de manoeuvrer au travers de ça. Donc, c'est sûr qu'un organisme unique de réglementation nous donne des décisions beaucoup plus, je vous dirais, intégrées puis cohérentes. Par contre, comme je répète, en exploration, il n'y a peut-être pas lieu de mettre déjà, tu sais, de mettre déjà une structure comme ça, peut-être d'attendre un peu de voir si le potentiel est prouvé puis si la rentabilité est au rendez-vous, là, pour ne pas faire des structures pour rien non plus, là.

Le Président (M. Pagé) : Mme la députée de Saint-Hyacinthe.

Mme Soucy : Merci. Vous dites dans votre mémoire que vous avez dû expliquer aux citoyens le cadre législatif et réglementaire qui régit vos activités, mais vous avez dû également expliquer les processus du contrôle ministériel. Dans le fond, vous avez dû substituer au rôle MERN. Expliquez-nous un peu plus sur ça.

Le Président (M. Pagé) : M. Perron.

M. Perron (Vincent) : Bien, en fait, nous, quand on est arrivés sur le terrain, les gens n'étaient pas nécessairement au courant qu'il y avait eu des permis d'exploration d'octroyés. Nous, on tient à dire que les permis qu'on a acquis au Québec, c'est des permis qui appartenaient à une autre compagnie, puis on a acquis des participations dans ces permis-là, puis on est devenus des titulaires. Mais les permis étaient déjà en place, donc disons que c'était déjà... Les gens semblaient...

Mme Soucy : ...

M. Perron (Vincent) : Les jeux étaient déjà faits un peu, là, dans leur opinion.

Mme Soucy : Vous ne vous êtes pas sentis accompagnés par le MERN, dans le fond. Vous vous êtes sentis qu'on vous laissait...

M. Perron (Vincent) : Bien, écoutez, d'un point de vue réglementaire, c'est certain que le ministère des Ressources naturelles, tu sais, a fait un excellent suivi avec nous. Ça, c'est clair.

Mme Soucy : Sur le terrain.

M. Perron (Vincent) : Par contre, au niveau avec la population, peut-être que les ponts étaient plus difficiles. Disons que l'accompagnement des municipalités était plus ou moins au rendez-vous. Par contre, lorsque les gens réussissaient à parler à quelqu'un au ministère, bien là, souvent, ils étaient très satisfaits. Par contre, les rôles et responsabilités, tout ça, du ministère, disons que c'était un peu moins connu, puis disons qu'on a eu à expliquer pourquoi on avait eu tel permis, etc., et expliquer aussi les conditions qui étaient rattachées aux permis. C'est pour ça que le livre vert, c'est... l'aspect rétroaction du ministère pour venir expliquer ses décisions et ses conditions aussi, c'est une excellente idée, ça répond à un besoin, puis je pense qu'avec ça on va pouvoir aller de l'avant.

Mme Soucy : Vous avez acquis...

Le Président (M. Pagé) : Mme la députée de Saint-Hyacinthe, il vous reste deux minutes.

Mme Soucy : Je vais me dépêcher, je vais passer la parole. Vous avez acquis Talisman en mai 2015. Bon, vous venez de nous le mentionner, hein, ça a été un nouveau défi pour vous, mais est-ce que vous avez pris des moyens avant, pour vous faire connaître, qu'il y avait eu la fusion?

M. Perron (Vincent) : Oui.

Mme Soucy : Quels moyens vous avez pris avec la population?

M. Perron (Vincent) : Bon, en fait, on a envoyé des lettres, là, aux cabinets des principaux ministres qui nous encadrent. On en a envoyé également, si ma mémoire est bonne, aux députés de l'opposition.

Mme Soucy : O.K. Mais, pour la population, est-ce que vous avez...

M. Perron (Vincent) : Pour la population, oui, ça a été fait. Ça, on a fait les élus, on a fait aussi de l'information, les gens... En tout cas, la plupart des gens, tu sais, qui connaissaient Talisman, maintenant, savent qu'on est Repsol.

Le Président (M. Pagé) : M. le député de Groulx, il vous reste une minute.

M. Surprenant : Je vais faire vite, vous pouvez me répondre oui, non, là, à... D'abord, vous avez mentionné au départ dans votre allocution que vous visitiez vos puits deux fois par semaine. Qu'est-ce qui arrive le reste du temps? Est-ce qu'il y a des mécanismes de contrôle à distance pour vérifier, voir s'il y a des troubles ou...

• (16 h 30) •

M. Perron (Vincent) : Non, non. Bien, en fait, c'est plus par mesure de sécurité, pour s'assurer, tu sais, vérifier, un, il y a-tu eu des intrusions sur nos sites, après ça, est-ce que tout est conforme. Nos puits sont sécuritaires, là, puis ce qu'on fait, là, c'est une démarche qui est volontaire.

M. Surprenant : Mais il y a donc des contrôles à distance qui se font au niveau de fuites potentielles?

M. Perron (Vincent) : Non, c'est géré...

M. Surprenant : C'est sur place seulement, il faut qu'il y ait quelqu'un...

M. Perron (Vincent) : Écoutez, à chaque semaine, les puits sont visités de une à deux fois, là, donc...

M. Surprenant : O.K. Et le reste du temps, donc, il n'y a pas de contrôle à distance qui peut se faire pour s'assurer...

M. Perron (Vincent) : Non. Non, exactement.

M. Surprenant : Bon. Très bien, merci. O.K. Je comprends.

M. Perron (Vincent) : Bien, c'est sûr qu'on a d'autres mesures de sécurité que, peut-être, on aime mieux ne pas élaborer ici, mais il reste que, tu sais, je vais vous dire, là, au Québec, là, c'est sécuritaire.

M. Surprenant : Ça me suffit, monsieur, merci. Je n'ai plus le temps, merci.

Le Président (M. Pagé) : Il reste 15 secondes, M. le député de Groulx.

M. Surprenant : La stratégie d'engagement économique locale, vous dites que vous avez des cibles en matière de dépenses locales. Est-ce que c'est un pourcentage de quelque chose, de votre chiffre d'affaires, des dépenses que vous faites? À quel point vous vouliez, au niveau local...

Le Président (M. Pagé) : En cinq secondes, M. Perron.

M. Perron (Vincent) : Oui. On avait des cibles établies, on a mis des mécanismes de contrôle puis on s'est assurés scrupuleusement de les respecter pour s'assurer que tout le monde en profite, que la majorité des gens profitent de nos travaux.

Le Président (M. Pagé) : Je vous remercie, le temps est écoulé. Alors, on va suspendre un moment pour permettre au groupe suivant de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 31)

(Reprise à 16 h 33)

Le Président (M. Pagé) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons reprendre nos travaux. Le deuxième groupe de cet après-midi, Pétrolia. Alors, je vais demander aux gens qui sont avec nous de se présenter. C'est un autre 45 minutes, et vous aurez 10 minutes de présentation à partir de maintenant. Allez-y.

Pétrolia inc.

M. Gagnon (Alexandre) : Bonjour. Alexandre Gagnon, président-directeur général de Pétrolia. M. le Président, M. le ministre de l'Énergie et des Ressources naturelles, Mmes et MM. les membres de la commission, je suis, aujourd'hui, accompagné de Jean-François Belleau, qui est à ma droite, directeur des affaires publiques chez Pétrolia également.

Mes premiers mots seront pour remercier les parlementaires de la commission de même que M. le ministre pour leur invitation à venir donner notre point de vue, le point de vue de Pétrolia, dans le cadre du chantier sur l'acceptabilité sociale. Aujourd'hui, le dépôt du livre vert approfondit la réflexion déjà amorcée afin que le développement et la promotion de nos ressources naturelles se fassent dans l'intérêt de ceux qui en sont les premiers propriétaires, c'est-à-dire les Québécois.

Pour Pétrolia, l'acceptabilité sociale est inscrite dans notre ADN. Pour mon équipe, c'est une compétence transversale. D'un autre côté, l'acceptabilité sociale n'a jamais une finalité en soi. Nous le faisons non pas pour nous donner bonne conscience, mais parce que nous y croyons fermement et que nous voulons façonner une vision mobilisatrice et entretenir une discussion constructive. Rappelons ici que Pétrolia a participé à la mise en place de deux comités de citoyens pour ses projets à Anticosti et à Gaspé. Ainsi, le Centre de vigilance et d'information sur les enjeux pétroliers à Anticosti ainsi que le comité de suivi des travaux de Pétrolia à Haldimand ont vu le jour afin de faciliter le partage d'information et de favoriser des échanges entre les différentes parties prenantes et les acteurs municipaux. Par ailleurs, dans une perspective de transparence et d'ouverture, Pétrolia a également mis sur pied des bureaux d'information avec des ressources dédiées destinés à informer adéquatement la population quant aux différents projets, leurs impacts, leurs retombées et les étapes à venir.

Il n'en demeure pas moins que la notion d'acceptabilité sociale a été galvaudée à travers les années. Chacun façonne sa propre définition, chacun l'interprète à sa manière. Chose certaine, l'acceptabilité sociale ne doit pas être confondue avec l'unanimité sociale. D'ailleurs, le livre vert du ministre le mentionne noir sur blanc.

De façon générale, nous avons deux principales recommandations sur le livre vert. Au moment où le Québec cherche à se donner de nouvelles bases autour des projets en gestation et ceux à venir, Pétrolia juge qu'il faut revenir à l'essentiel et dégager une acceptabilité citoyenne, celle-là, qui reflète davantage l'opinion de la majorité silencieuse et les intérêts collectifs versus la réalité dépeinte par des groupes d'intérêts qui peuvent parfois être très bruyants, mais qui, plus souvent qu'autrement, est opposée à une industrie plutôt qu'à un projet. Avec la multiplication des groupes d'intérêts, faut-il le rappeler, non inscrits au registre des lobbyistes, une poignée d'opposants, parce qu'elle est visible, peut donner l'impression de porter les aspirations du plus grand nombre. Dans les faits et sans vouloir généraliser, certains radicaux réclament un dialogue, mais, une fois que ce dialogue est amorcé, ces mêmes individus demeurent campés sur leurs positions ou boycottent tout simplement les discussions. Dans ces circonstances, trouver une voie de passage devient difficile quand l'opposition est systémique.

Voilà pourquoi il faut recentrer, selon nous, le concept d'acceptabilité sociale sur le citoyen, puisque celui-ci est directement touché par les divers projets. Bien souvent, sa voix est occultée par le tumulte du débat public entre les différents groupes d'intérêts. Il lui est donc devenu difficile et pénible de s'exprimer librement et de recevoir l'information à laquelle il a droit. Et, quand il ose le faire, on le hue bruyamment s'il ose se prononcer en faveur du projet également. Régulièrement, on nous relate des épisodes qui s'apparentent à de l'intimidation, ce qui n'a rien pour encourager un débat sain et une participation massive. Les personnes favorables et les individus neutres préfèrent garder profil bas, de peur de s'attirer les foudres de certains radicaux. Il y aurait lieu de permettre au citoyen de pouvoir s'exprimer à travers un canal de communication neutre.

Deuxièmement, au niveau gouvernemental, Québec devra apprendre, selon nous, à concilier plusieurs rôles parfois simultanément. Tout au long du processus réglementaire entourant un projet, le gouvernement devra agir comme régulateur avec toute la rigueur que cela commande. Par ailleurs, lorsque les permis et autorisations sont délivrés, le gouvernement doit également se présenter comme un partenaire de réussite. Tôt ou tard, de par ses déclarations publiques, ses mécanismes de transparence et ses approches pédagogiques, le gouvernement deviendra un vecteur à travers qui l'acceptabilité sociale sera obtenue ou pas.

Plus spécifiquement, maintenant, sur l'orientation 3 du livre vert, nous prenons acte de la volonté du MERN de mettre en place des processus d'information et de consultation prévisibles, et ce, à toutes les étapes d'un projet. Il s'agit d'un noble objectif auquel nous souscrivons. Néanmoins, la tenue de consultations dès l'étape de l'élaboration de projets peut sembler précipitée, au sens où de nombreuses informations scientifiques, techniques ou encore de nature organisationnelle sont soit inconnues, soit incomplètes ou pouvant difficilement être rendues publiques avant le dépôt des études d'impact. Mener des consultations sans toutefois être en mesure de livrer l'information dont a besoin le citoyen pour façonner sa propre conception du projet n'est pas de nature à favoriser l'acceptabilité sociale. De plus, il arrive souvent que le promoteur soit une entreprise publique qui est soumise aux lois et règlements du marché... soit régie par des normes de diffusion de l'information.

Nous appuyons entièrement la volonté du ministère de produire de l'information accessible et vulgarisée sur le projet afin de favoriser la compréhension et assurer la transparence. Quant à l'intention d'instaurer un guichet unique de concert avec les autres ministères, nous plaidons pour que son mandat comprenne un inventaire consolidé des informations que le promoteur devra livrer afin d'alimenter non seulement le processus de consultation, mais également le processus d'obtention de certificats, permis et autorisations. Cela permettrait d'éviter les dédoublements et de limiter les approches en silo.

Sur les orientations 4 et 5, il serait pertinent que le gouvernement informe et promeut les avantages et les opportunités créées par les projets existants, puisque la vraie difficulté réside dans la compréhension des retombées tangibles des projets. Il arrive très souvent que ces mêmes informations fournies par le promoteur soient jugées comme trop enthousiastes, biaisées ou encore non objectives malgré que certains promoteurs soient des entreprises publiques soumises aux lois de divulgation du marché, ce qui implique une impossibilité légale d'épandre des faussetés.

• (16 h 40) •

L'établissement d'un organisme intégré au guichet unique ayant comme unique responsabilité la promotion de l'information permettrait de mettre un terme aux différentes guerres de chiffres auxquelles se livrent souvent les promoteurs, opposants, groupes d'intérêts et même parfois le gouvernement. Bombardé de chiffres parfois contradictoires, c'est ultimement le citoyen qui s'y perd. Par ailleurs, comme les retombées des éventuels projets seront partagées avec le gouvernement et, vraisemblablement, avec les municipalités, ces entités ne peuvent se dégager de toute responsabilité dans l'approche pédagogique, communicationnelle et informationnelle qui en découle.

Une fois que les projets ont obtenu des autorisations gouvernementales, il est inconcevable qu'on envoie seuls au front des promoteurs vendre leurs projets à la population alors que les décideurs peuvent y trouver un intérêt manifeste pour propulser l'économie du Québec. Le gouvernement ne peut s'en laver les mains et doit participer, d'une façon claire et dans le respect des rôles de chacun, pour favoriser l'acceptabilité sociale. Plus encore, selon nous, Québec doit prêcher par l'exemple, c'est-à-dire qu'il doit, lui aussi, être tout aussi transparent, comme le promoteur, pour éviter de créer de la confiance que le citoyen pourrait avoir envers des projets. C'est un défi commun, je crois, que nous avons à répondre ensemble, promoteurs et gouvernement. Ultimement, il reviendra au gouvernement du Québec de donner ou non le feu vert à un projet, mais il disposerait d'une instance indépendante chargée d'évaluer sa valeur, le tout à l'abri des humeurs politiques.

En conclusion, Pétrolia salue la volonté gouvernementale d'enchâsser dans un livre vert les préceptes de l'acceptabilité sociale. Il s'agit d'un concept essentiel, mais qui est subjectif, difficilement mesurable, et la réalité qui s'en dégage à travers l'environnement médiatique peut être tronquée en raison d'un déséquilibre entre les points de vue. Les groupes d'intérêts pour ou contre ont accès à des tribunes qui échappent, malheureusement, aux simples citoyens. À la moindre agitation, dès qu'une voix se fait entendre, certains réclament un moratoire. Des projets structurants ont été crucifiés avant même que les études soient menées. N'empêche, l'acceptabilité sociale est nécessaire.

À l'inverse, la quête absolue de l'acceptabilité sociale ne devrait pas donner un droit de vie à un projet mal ficelé, tout comme un droit de mort à un projet exemplaire. Le Québec doit trouver le fragile équilibre entre le développement des projets énergétiques et l'acceptabilité sociale. Il doit principalement, un, se recentrer sur l'acceptabilité citoyenne et, deux, faire en sorte que le gouvernement du Québec concilie deux rôles, celui de régulateur et celui de partenaire de réussite. Au risque de se répéter, de par ses déclarations publiques, ses mécanismes de transparence et ses approches pédagogiques, le gouvernement deviendra tôt ou tard un vecteur à travers qui l'acceptabilité sociale sera obtenue ou pas. Comme il est nécessairement impliqué dans l'équation, il ne pourra alors plaider que l'acceptabilité sociale incombe seulement aux promoteurs. Merci beaucoup.

Le Président (M. Pagé) : Je vous remercie beaucoup, M. Gagnon. Alors, M. le ministre, pour une période de 15 minutes.

M. Arcand : Merci beaucoup, M. le Président. M. Gagnon, bienvenue parmi nous aujourd'hui, M. Belleau également. C'est un plaisir de vous avoir avec nous.

Ma première question, d'abord, à la lecture, je vois que vous êtes passablement d'accord avec les grandes orientations que nous avons, mais je voudrais, au départ, peut-être tracer une ligne entre les mots que vous avez employés parce que, nous, hier, certains groupes sont venus nous accuser d'être, comme ministère, une espèce... d'avoir un parti pris au départ, sur le plan économique, en faveur des entreprises, etc. Et nous, évidemment, on n'est pas, certainement pas promoteurs, mais en même temps... Alors, je voudrais que vous fassiez peut-être la différence entre être le promoteur et le partenaire de réussite. Quelle est la nuance que vous apportez à travers ça dans le rôle que le ministère devrait jouer dans le cadre des projets?

Le Président (M. Pagé) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Alexandre) : Merci, M. le ministre, pour la question. Écoutez, tout ça est au coeur, je pense, même de l'essence de l'acceptabilité sociale. Il faut se rappeler qu'au Québec on a choisi un modèle de développement économique où est-ce que les ressources naturelles, minières ou énergétiques, appartiennent, en fait, à l'État. Ce n'est pas le propriétaire foncier qui est propriétaire de son sous-sol pour l'exploitation éventuellement, la redevance sur la mine ou l'énergie va au gouvernement du Québec, qui, lui, décide de la redistribuer. Il est donc, en quelque sorte, le propriétaire de la ressource et il confie à des entreprises le soin de mettre en valeur le territoire. Ces entreprises comme la nôtre sont principalement, je dirais, encadrées... de la loi et règlements par le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, un ministère, à notre avis, qui a une mission économique. D'ailleurs, dans notre présentation et dans le document que vous avez reçu aujourd'hui, ce qu'on dit, c'est qu'il faut faire une différence. Et cette différence-là entre promoteurs, partenaires, régulateurs, c'est différents chapeaux, et parfois on peut s'y perdre. Moi-même, parfois, j'ai plusieurs chapeaux : hydrocarbures à Anticosti, Pétrolia. Ça finit qu'on finit par faire des amalgames, et ça paraît simple, alors que le diable est dans le détail.

Alors, ici, je crois que ce qu'on veut exprimer, c'est que le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles doit être le chien de garde au niveau de la régulation, qu'il doit s'assurer que les meilleures pratiques soient mises en place, que le bien commun est protégé. Mais, au moment où est-ce que le projet a traversé les étapes d'approbation, il devient, en quelque sorte, le ministère qui doit venir expliquer pourquoi il a donné ces autorisations-là, que ça a bien été fait, qu'il y a des lois et règlements qui sont contraignants, qu'ils sont respectés par le promoteur et, en ce sens, devenir un partenaire de réussite. Dans le fond, c'est toute une approche pédagogique, je pense, qui incombe, à quelque part, au ministère qui délivre les autorisations.

Si vous me permettez, en complément, je crois que le guichet unique vient aussi permettre de clarifier les rôles en sortant peut-être ça du giron politique pour confier ça à un organisme indépendant qui viendrait, lui, assumer ce rôle-là, où est-ce qu'on s'assurerait, tout comme en Alberta, en Colombie-Britannique, que l'aspect réglementation est pris par un chien de garde à part qui est apolitique, qui applique les règles les plus strictes.

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre.

M. Arcand : Dans le cas, entre autres, d'Anticosti, vous avez eu un centre de vigilance puis vous avez eu des rencontres avec les citoyens. Parlez-moi donc de cette expérience-là, ce que vous avez eu, je pense, sur une base régulière.

Le Président (M. Pagé) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Alexandre) : Sur Anticosti particulièrement, dès le début du projet d'exploration avec Hydrocarbures Anticosti, il y a un centre des citoyens qui a été mis sur pied, qui regroupe plusieurs individus qui représentent le milieu au complet d'Anticosti, des citoyens, des représentants d'entreprises, des pourvoyeurs. Et ce qui est intéressant, c'est que, dans l'expérience que l'on a avec ce groupe-là, nous ne sommes pas l'initiateur, si on veut, du comité. On participe, on les soutient, mais c'est complètement indépendant. Et je pense que ça, c'est quelque chose qu'on a appris, il doit y avoir une indépendance entre le comité de citoyens et le promoteur.

Nous, il arrive très souvent qu'on nous invite à expliquer. Et, à un moment donné, on nous demande de sortir, et les citoyens continuent à se réunir entre eux. Et je pense que ce que ça permet de démontrer, ces rencontres-là, c'est la transparence dont est prêt à faire preuve un promoteur. Parce qu'il y a peu de lieux où est-ce qu'on peut échanger directement avec les citoyens. Souvent, les messages doivent passer rapidement par les médias ou par des documents d'information papier, mais il y a peu de lieux d'échange concret avec les citoyens. Alors, pour nous, ça a été une expérience très intéressante. Elle se continue, cette expérience-là, par ailleurs, avec le comité de vigilance sur Anticosti.

Et ce qui est aussi intéressant, c'est que les ministères participent à l'intérieur de ce comité-là. Tout comme le promoteur, ils sont appelés comme personnes-ressources. Ils peuvent être appelés à quitter, mais ils sont là pour répondre instantanément à des questions plutôt que de monter en épingle, des fois, des problèmes qui n'en sont pas. Autant le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles participe que le ministère du Développement durable et de la Lutte aux changements climatiques. Alors, ça, c'est une expérience qui est gagnante. Et, d'ailleurs, elle est tellement gagnante qu'on a voulu la transposer en Gaspésie sur Haldimand. Alors, pour nous, c'est une belle expérience, c'est quelque chose qui fonctionne bien et c'est quelque chose qu'on aimerait voir se répéter sur chacun de nos projets, par ailleurs.

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre.

M. Arcand : L'idée que nous avons de vouloir faire un bureau de projets, d'une part, d'avoir une analyse économique avant d'aller à l'Environnement, de voir... Puis vous parlez dedans, dans votre mémoire, vous parlez à un moment donné que vous aimeriez qu'il y ait une espèce de verdict de faisabilité, c'est le mot que vous employez. Est-ce que vous trouvez, donc, que, dans le contexte de ce dont on parle, on est dans la bonne direction en essayant de déterminer relativement rapidement dans le processus que, sur le plan économique, en tout cas, ce projet est possible et a des retombées positives pour l'économie?

Le Président (M. Pagé) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Alexandre) : Tout à fait, on le reconnaît. Et je le mentionne — je l'ai mentionné dans mon allocution, je le redis — on considère qu'il y a une avancée dans la très bonne direction en ce sens-là pour amener ces notions-là économiques, qui sont parfois amenées un peu par tout le monde, par le promoteur, par les groupes d'opposants. Et, s'il y avait un organisme indépendant qui le faisait, nous, on trouve que c'est un pas dans la bonne direction pour venir asseoir un débat plus sain au sein de la population.

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre.

M. Arcand : Pour vous, est-ce que vous avez une définition de ce que j'appellerais les mécanismes équitables pour les populations et au niveau des partages, des retombées économiques? Est-ce qu'il y a une formule pour vous, compte tenu de votre expérience, il y a une formule qui est plus évidente qu'une autre? Ou est-ce que vous avez une idée par rapport à ça?

Le Président (M. Pagé) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Alexandre) : Question piège.

M. Arcand : Je ne vous demande pas de montant, là. Je ne vous demande pas de montant.

• (16 h 50) •

M. Gagnon (Alexandre) : Question qui nous a souvent été posée dans le passé sur d'autres projets, question qui revient périodiquement. Je crois, ici, qu'il faut se rattacher à la notion de qui est le propriétaire de la ressource. Le sous-sol, avec les ressources minières et énergétiques appartenant à Québec, je me permets d'utiliser le miroir puis de vous renvoyer la question. Je pense que, si on veut aller plus loin, il faudrait revoir à qui appartient la ressource et comment on veut gérer la rente économique qui va avec cette ressource-là. Mais, tant qu'on est dans un modèle où est-ce que le Québec est propriétaire du sous-sol et des ressources minérales et énergétiques, je pense que le débat est entre les parlementaires.

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre.

M. Arcand : D'accord. Il y a peut-être mon collègue...

Le Président (M. Pagé) : Il y a le député d'Abitibi-Est, je pense, qui souhaitait poser une question également. Il vous reste 7 min 15 s.

M. Bourgeois : Merci. Alors, dans le mémoire, vous nous parlez au niveau d'un modèle de guichet unique, les Golden Rules. J'aimerais ça, vous entendre un peu plus là-dessus, par rapport à ce que nous, on propose dans le livre vert.

Le Président (M. Pagé) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Alexandre) : Nous, on est tout à fait d'accord avec l'approche du guichet unique. On le souligne, on est d'accord. On amène les Golden Rules dans un autre exemple où est-ce que l'on dit : Je crois qu'il y a un effort peut-être supplémentaire à faire d'information auprès de la population sur comment notre industrie, particulièrement l'industrie énergétique, l'extraction pétrolière et gazière, agit sur les mécanismes d'exploration, la technique qui est utilisée. Et ce qu'on dit, c'est qu'on devrait tendre éventuellement, avec ce qui s'en vient, avec la loi sur les hydrocarbures puis avec un guichet unique, sur l'application des Golden Rules.

Vous le savez, certains de nos projets font face à des enjeux pour la fracturation hydraulique. Notamment, on est partenaires dans Hydrocarbures Anticosti, où est-ce que la fracturation hydraulique est envisagée. Et les Golden Rules ont été mis en place spécifiquement pour cette industrie-là, pour rassurer l'ensemble des populations parce qu'il y a eu des débats ailleurs dans le monde, même si ce n'est pas une technique nouvelle, c'est une technique qui date depuis longtemps. Il y a 45 000 puits forés et fracturés par année en moyenne aux États-Unis, il y en a environ 8 000 en Alberta seulement, donc, à chaque année. Mais l'Agence internationale de l'énergie a proposé les Golden Rules pour, justement, permettre de donner confiance aux populations envers cette technique-là, qui est moins bien connue, si on veut, du grand public. Alors, nous, ce qu'on suggère, c'est, dans le guichet unique qui serait éventuellement mis en place, de tendre vers ces Golden Rules là. De toute façon, comme industrie, on a besoin d'appliquer les plus hauts standards en termes de protection de l'environnement, ça fait qu'autant dire d'emblée vers quoi on s'aligne.

Le Président (M. Pagé) : M. le député d'Abitibi-Est.

M. Bourgeois : Oui, mais, à ce moment-là, ce que vous parlez, c'est plus au niveau de mesures environnementales ou d'acceptabilité sociale?

Le Président (M. Pagé) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Alexandre) : Pour nous, ça va ensemble parce que, souvent, les questions d'acceptabilité sociale partent d'une perception des risques qui est plus importante face à l'environnement qu'elle ne l'est réellement. J'ai très peu entendu parler, dans tout ce que j'ai pu faire comme tournées, rencontres ou autres, de problèmes d'acceptabilité sociale autres que quelque chose qui tourne autour de l'environnement. Souvent, les deux sont confondus, alors que, selon nous, l'acceptabilité sociale est plus grande. Il y a des gens qui vont vivre à proximité d'un projet qui vont être dérangés par le passage des camions, il faut travailler sur l'horaire de travail. Il y a des gens qui vont vivre avec un peu plus de bruit, c'est une nuisance. Ce n'est pas nécessairement dommageable pour l'environnement, mais il faut travailler là-dessus. Mais souvent l'acceptabilité sociale est fortement liée à l'environnement.

Ça fait que, nous, ce qu'on dit, pour faciliter, du moins dans notre secteur, qui est l'extraction pétrolière et gazière... tendre vers les Golden Rules, l'afficher clairement, ce guichet unique là qui appliquerait les plus hauts standards, permettrait une certaine facilité après ça pour ce qui est de l'acceptabilité sociale. En ce sens-là, un guichet unique, apolitique qui applique les plus hauts standards est un pas vers l'acceptabilité sociale.

Le Président (M. Pagé) : M. le député d'Abitibi-Est.

M. Bourgeois : Oui. Mais, pour ce qui est des attentes des milieux autres, quand vous avez à intervenir sur le territoire, vous êtes en train de me dire : Les gens sont beaucoup préoccupés de l'aspect environnemental. Mais il y a aussi, je présume, beaucoup de discussions qui tournent autour de toute la question des retombées économiques, de la façon de travailler avec le territoire pour les gens qui habitent le territoire, les entrepreneurs qui sont sur place. Ce volet-là, en tant que tel, vous le considérez comment en termes d'importance et par rapport à ce qu'on propose dans le livre vert?

Le Président (M. Pagé) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Alexandre) : Notre expérience, nous, sur tout ce qui est achat local, et autres, je vous dirais que ça s'est relativement bien passé sur l'ensemble de nos projets parce qu'on a toujours favorisé le plus possible l'achat local. Si on prend nos projets à Bourque, à Murdochville, sur les travaux de 8 millions, on a laissé à peu près 2 millions en retombées locales. Sur le forage Haldimand n° 4, de 8,5 millions, il y a à peu près 1,5 million qui est allé en retombées locales. Sur les travaux sur Anticosti, sur les deux dernières années — ces chiffres-là ont été donnés au centre de vigilance — sur 24 millions d'hydrocarbures à Anticosti, un peu plus de 4 millions est allé en retombées locales.

Ces choses-là, normalement, je pense, font partie intégrante de ce qu'une bonne compagnie doit faire avec la communauté, et nous, on le fait, on y croit, on l'a toujours fait, ça fait qu'on a peu d'enjeux là-dessus. On le retrouve... Je n'en ai pas parlé parce que, dans le fond, ce que vous dites est déjà là, on le fait déjà. Je pourrais dire ainsi, on est en accord, en fait.

Le Président (M. Pagé) : M. le député d'Abitibi-Est.

M. Bourgeois : Oui. Peut-être juste en complément.

Le Président (M. Pagé) : Allez-y.

M. Bourgeois : Vous parlez, bon, ça, c'est votre action économique sur la réalisation d'un projet. Vous dites, en lien avec l'opération, la réalisation du projet, la mise en exploitation, à ce moment là, que ça devrait être complètement à la charge du gouvernement de déterminer les paramètres de retombées avec les milieux et en lien avec, dans le fond, les redevances qui sont payées par la compagnie, mais il y a des attentes aussi des milieux parfois de ce côté-là, que ce soit au niveau des communautés immédiates, des gens d'affaires ou des communautés autochtones dans certains territoires.

M. Gagnon (Alexandre) : Bien, écoutez, nous, je pense qu'on l'avait déjà salué à l'époque, il y a une volonté qui a été exprimée à travers... pas à travers le livre vert, mais je crois qu'il y aura un projet de loi sur les hydrocarbures, et le gouvernement a annoncé, si je ne me trompe pas, qu'il y aurait un partage des royautés avec les municipalités. Et, en ce sens-là, on l'avait salué en disant que c'est un pas dans la bonne direction, ça laisse des retombées aux municipalités également. Mais on s'est toujours tenus loin, nous, de ce débat-là. Je ne pense pas que c'est à nous, comme compagnie, de dire comment Québec doit partager la rente économique des projets.

Le Président (M. Pagé) : M. le député d'Abitibi-Est, il vous reste 1 min 30 s.

M. Bourgeois : Oui. L'autre élément, j'aimerais ça que vous puissiez nous préciser un peu plus toute la... parce qu'il y a d'autres intervenants qui nous ont parlé beaucoup de toute la question de la gestion du risque dans un projet comme le vôtre quand on est en exploration, donc, et qu'on a à solliciter des investisseurs pour réaliser ces projets-là d'exploration et éventuellement, dans le fond, être capable d'avoir un échange avec les investisseurs au niveau de la faisabilité de ce qu'on va faire comme travaux. Les enjeux qui sont identifiés dans cette démarche-là, la mise en place du livre vert, quelle importance vous y attachez par rapport à ce que ça... est-ce que ça vient sécuriser votre démarche?

Le Président (M. Pagé) : M. Gagnon, en 40 secondes.

M. Gagnon (Alexandre) : Merci. Je crois que ça vient apporter un élément de plus dans la prévisibilité. Je pense, c'est un édifice qu'on a besoin de construire pour regagner, en tout cas, du moins dans notre secteur, la confiance des investisseurs, mais ça apporte certainement une pierre à l'édification de la confiance pour apporter les investissements, tout comme l'éventuelle refonte des hydrocarbures permettra d'apporter une autre pierre à cet édifice-là.

M. Bourgeois : Merci.

Le Président (M. Pagé) : Merci beaucoup. Alors, merci pour l'échange. On passe à l'opposition officielle avec, en premier, M. le député de Sanguinet, mais je suis convaincu que la députée de Duplessis va être très intéressée par le sujet.

Mme Richard : Vous avez très bien compris...

Le Président (M. Pagé) : M. le député de Sanguinet pour neuf minutes.

M. Therrien : Merci, M. le Président. Oui, j'ai de la pression de ma collègue, alors je vais faire ça vite. Bonjour, messieurs. Il me fait plaisir de vous rencontrer, vous voir.

Oui, c'est sûr que vous avez... Bien, en tout cas, vous parlez, là, de faciliter l'acceptabilité sociale puis que le ministère devienne un facilitateur, un vecteur d'acceptabilité sociale, on comprend bien ça. Hier, j'avais parlé du premier ministre, là, qui avait des sautes d'humeur, puis il faut se protéger de ça, puis donc d'avoir un cadre d'acceptabilité sociale plus rigide peut nous permettre d'éviter ce genre de situation là. Ça, ce n'est pas vous qui le dites, là, c'est moi. Et donc, moi, je vous poserais une question. Ensuite, je vais passer la parole à ma collègue.

Le fait qu'on ait des analyses économiques qui soient commandées et faites sous la gouverne, là, du MERN, en amont, va faire en sorte... j'imagine, ça doit faire votre affaire parce que c'est une façon d'avoir un accès plus clair à l'acceptabilité sociale. Est-ce que j'ai raison quand je pense comme ça?

Le Président (M. Pagé) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Alexandre) : Oui. Merci, M. le Président. Tout à fait. Nous, on croit que, si un organisme indépendant vient faire ces études-là, les promouvoir, ça enlève une certaine pression au promoteur parce que, comme je le mentionnais plus tôt, nous, nos chiffres, malgré qu'on soit une entreprise publique, qu'on ne peut pas dire de faussetés, souvent nos chiffres sont remis en question pour différentes raisons, pour différents intérêts. Ça fait que je pense que, si un organisme indépendant vient apporter ces chiffres-là, ça va permettre, du moins, d'enlever une partie du débat puis de se concentrer plutôt sur les vrais aspects plutôt que juste une guerre de chiffres, là.

Le Président (M. Pagé) : M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Donc, bien, écoutez, je vais laisser la parole à ma collègue. Je suis mieux de faire ça, je pense.

Le Président (M. Pagé) : Oui, c'est mieux pour vous.

Mme Richard : Merci, cher collègue, M. le Président. Bonjour, messieurs. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous savez que l'île d'Anticosti, c'est dans mon comté, et j'ai suivi ce dossier-là avec grand intérêt. J'ai beaucoup de questions. Comme nous sommes très limités dans le temps, je vais y aller d'une première question. Je conviens avec vous que ce doit être, d'abord et avant tout, les communautés locales qui reçoivent un projet chez eux, dans leurs cours, qui doivent, d'abord et avant tout, être consultées, et l'acceptabilité sociale, pour moi, elle part de là.

• (17 heures) •

Un coup que j'ai fait ce constat-là, je vais prendre l'exemple de Pétrolia à l'île d'Anticosti. Vous avez amorcé un processus. Vous l'avez dit, il y a un comité indépendant à l'île d'Anticosti. Il y a des pour, il y a des contre. Mais vous aviez commencé des travaux, comment... Je le sais que je peux vous mettre dans une drôle de situation — si vous n'osez pas le dire, moi, je vais le dire — mais comment voyez-vous l'intervention du gouvernement dans un processus d'acceptabilité sociale quand vous avez déjà commencé des travaux d'exploration? Il vous reste trois fracturations à venir, et, déjà là, le gouvernement, de par le premier ministre, dit : On n'y touche plus. Est-ce que, selon vous, le gouvernement, par les propos du premier ministre, n'est pas venu déjà interférer dans le processus de l'acceptabilité sociale?

Le Président (M. Pagé) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Alexandre) : Merci, M. le Président. Je comprends tout à fait la question.

Mme Richard : Je n'en doute pas.

M. Gagnon (Alexandre) : Il faut comprendre que, pour Anticosti, il y a une société qui est au-dessus qui s'appelle Hydrocarbures Anticosti, une société en commandite dans laquelle il y a quatre partenaires. Pétrolia est l'un des partenaires à 21,7 %. Ressources Québec est un autre partenaire à 35 %, il agit comme agent du gouvernement du Québec, comme mandataire dans ce consortium-là qui a été créé pour l'exploration.

Pour nous, pour Pétrolia comme partenaire dans le projet, nous avons eu une rencontre avec le premier ministre récemment où est-ce qu'il a confirmé qu'il allait respecter le contrat. Alors, pour l'instant, on s'y tient. Pour le reste, je pense qu'il est trop tôt pour en juger.

Mme Richard : Parfait. Merci. Je comprends très bien les enjeux. Mais moi, je peux le dire à la caméra par souci des gens qui nous écoutent, moi, je suis sûre que ça a fait mal, ça a fait très mal qu'il interfère dans le processus. Ça a fait en sorte que vos actions à la bourse en ont pris pour leur rhume, et toutes les personnes qui pouvaient venir investir au Québec se disent : On va commencer, on va investir de l'argent, puis on ne sait jamais si le premier ministre ne va pas décider que c'est un joyau.

Je vais vous poser une autre question. Dans le cas d'Anticosti, avec Pétrolia, vous l'avez dit, il y a d'autres partenaires, mais il y a aussi le gouvernement du Québec par le bras d'Investissement Québec. Est-ce que vous avez senti, de la part du ministère des Ressources naturelles ou même du gouvernement libéral, l'appui dans votre projet comme on l'a senti? Puis ça, je pense, c'est partout, c'est public, là, je n'invente rien, M. le Président, là, le projet Mine Arnaud était un projet phare du gouvernement libéral, Mine Arnaud, c'était créateur d'emplois, ils ont mis le paquet, là. Est-ce que vous avez senti cette même volonté dès le départ, quand vous êtes arrivés à l'île d'Anticosti? Juste oui ou non.

Le Président (M. Pagé) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Alexandre) : La réponse va être plus complexe, M. le Président. Je ne connais pas les autres projets, je peux juste comparer...

Mme Richard : Bien, juste parce qu'il en a été beaucoup question.

M. Gagnon (Alexandre) : ...avec les projets de Pétrolia que nous, on a vécus nous-mêmes comme société en Gaspésie versus à Anticosti. Du côté du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles, je n'ai jamais senti de différence dans le traitement des demandes.

Mme Richard : Parfait. D'accord.

Le Président (M. Pagé) : Mme la députée de Duplessis.

Mme Richard : Est-ce que, quand le gouvernement est partenaire d'un projet, comme c'est le cas souvent par le bras d'Investissement Québec... Bien, moi, si je suis partenaire avec vous, je vais normalement... Écoutez, j'ai vu quelques chiffres, là, je ne suis pas comptable, puis je ne suis pas comme mon collègue, là, non plus, je n'ai pas ses compétences, mais, écoutez, si je suis en affaires avec vous, je dois d'abord m'asseoir avec vous, puis on va regarder les chiffres. S'il y a une possibilité de rentabilité, donc je ne viendrai pas, au cours du processus, comme on dit, faire en sorte que le projet ne puisse pas continuer.

Et c'est là que je me pose la question parce qu'on est en train de discuter du livre vert, de l'acceptabilité sociale, on ne s'entend pas tous sur la même définition de l'acceptabilité sociale. Ça, au moins, il y a là-dessus qu'on fait consensus, local par rapport aux groupes nationaux. Mais, en cours de route, on dit : Bon, le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles pourrait intervenir, pourrait tout faire le processus pour qu'il y ait une meilleure acceptabilité sociale en amont puis que les gens soient consultés. Moi, je vous avoue que je ne suis pas tout à fait d'accord. Ultimement, que ce soit le gouvernement qui décide d'aller de l'avant avec un projet, oui ou non, parfait, c'est la responsabilité d'un gouvernement, mais je verrais plus... On a parlé beaucoup d'un bureau indépendant, de faire une analyse financière, bien, moi, je verrais plus aussi un bureau complètement indépendant pour faire une analyse financière, sociale et de tous les impacts d'un projet.

Parce que, souvent, moi, je l'ai vu — je l'ai vu dans le cas de Mine Arnaud puis je pourrais pour nommer d'autres dossiers, là — le gouvernement était favorable, puis, des fois il y avait des dissensions au sein de la communauté. Dans d'autres, dès le départ... Et, d'ailleurs, vous faites référence dans votre mémoire, puis il y en a d'autres gens qui nous l'ont dit, des fois, dès le départ, le projet, il ne va pas lever parce qu'il y a des gens... Puis merci de l'avoir soulevé, puis, à l'île Anticosti, ça a été le cas, hein, vous avez eu des groupes environnementaux nationaux qui ont fait pression sur les citoyens, et est-ce que vous trouvez normal qu'on donne plus d'exposure aux groupes nationaux qui ne proviennent pas de la région qu'aux gens qui y habitent puis qui vont avoir, des fois, des dommages collatéraux face à un projet?

Le Président (M. Pagé) : 1 min 40 s, M. Gagnon.

M. Gagnon (Alexandre) : Merci, M. le Président. Je vais vous amener une réponse qui nous vient d'un autre groupe. Nous, on est membres de la Fédération des chambres de commerce du Québec, puis il y a une revendication qui est assez phare de la Fédération des chambres de commerce du Québec, c'est qu'il y ait un bureau des grands projets, un bureau des grands projets qui viendrait regarder l'ensemble des aspects d'un dossier pour contrebalancer tout ce que vous dites, là, l'économique, le social, l'environnemental, et autres. Nous, on y souscrit, à cette volonté-là aussi. Par contre, ce qu'on a devant nous aujourd'hui, dans le livre vert, on croit que c'est un pas dans la bonne direction, comme dans l'exploration pétrolière, je pense, c'est une étape à la fois, et on prend ce qui va avec.

Mme Richard : Je suis d'accord avec vous, là...

Le Président (M. Pagé) : Il reste une minute, madame.

Mme Richard : Merci. Je suis d'accord avec vous que c'est un pas dans la bonne direction, mais, vous savez, on parle beaucoup d'acceptabilité sociale, mais ici, on est au niveau des mines, ce n'est pas nécessairement la même chose. Comme je disais à mon collègue le ministre des Ressources naturelles tantôt, si c'est dans le secteur minier, bien, vous savez, là, si c'est du fer, il vaut combien la tonne, puis vous commencez à opérer la mine, là, hein? Vous l'explorez, si le fer est là, la ressource est là. Tandis que, que ce soit au niveau des hydrocarbures, il y a une phase d'exploration, des fois, qui est coûteuse, et, tant qu'on n'a pas vraiment commencé, puis savoir qu'est-ce que contient le sous-sol, c'est difficile, hein? On l'a vu avec l'île d'Anticosti, on fait miroiter des milliards. D'autres disent que c'est rentable, pas rentable, c'est plus difficile.

Vous dites que le MERN devrait rester neutre puis s'occuper aussi du projet en amont. À ce moment-là, est-ce que, pour vous, le fait que des groupes nationaux soient invités à commenter un dossier, tel que ça a été le cas à l'île d'Anticosti... vous trouvez ça normal qu'un gouvernement libéral, via certains ministres, invite des groupes nationaux à dénoncer le projet d'Anticosti?

Le Président (M. Pagé) : Il ne nous reste plus de temps, donc peut-être que vous pourrez répondre...

Mme Richard : Je comprends que vous ne répondrez pas, moi, je peux le dire. Merci.

Le Président (M. Pagé) : On va passer au dernier bloc avec la deuxième opposition pour un bloc de six minutes. Mme la députée de Saint-Hyacinthe.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux.

Des voix : Bonjour.

Mme Soucy : Le 9 mars dernier, vous avez eu une rencontre avec le gouvernement puis vous vous êtes dits rassurés de cette rencontre-là. L'êtes-vous encore? L'êtes-vous toujours, rassurés? Est-ce qu'il a réussi...

Je vais passer à mon autre question. Est-ce que le gouvernement, dans le fond, vous a rassurés également sur l'éventualité que vous trouveriez des ressources commercialement exploitables? Est-ce qu'il vous a rassurés sur cette éventualité-là?

Le Président (M. Pagé) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Alexandre) : Merci pour la question. Merci, M. le Président. J'en ai fait part après ma rencontre avec le premier ministre qu'il nous a affirmé qu'il allait respecter le contrat. Nous sommes dans un monde d'exploration une étape à la fois. La prochaine étape va nous amener des réponses à savoir si, oui ou non, les hydrocarbures peuvent être exploités de manière commerciale. Nous, on se dit : La journée qu'on aura la réponse, il y aura une décision qui devra être prise par le gouvernement du Québec à savoir est-ce qu'on va ou non de l'avant avec une future exploitation si la ressource a été démontrée viable commercialement.

Le Président (M. Pagé) : Mme la députée de Saint-Hyacinthe.

Mme Soucy : Merci. Mais, lors de votre rencontre, vous n'avez pas eu cet échange-là qui aurait pu vous rassurer sur la prochaine étape? Parce que je me dis, écoutez, s'il y a des ressources commercialement... J'imagine qu'il va y avoir des permis. Tu sais, pour les permis que le gouvernement va émettre après pour l'exploitation, si les investisseurs ne savent pas où est-ce que s'en va le premier ministre... Après ses paroles à Paris, ce n'est rien pour les rassurer. Alors, je me dis, il n'y a pas personne d'assez fou pour aller, après ça, demander le permis pour l'exploitation.

Le Président (M. Pagé) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Alexandre) : Merci. Je comprends tout à fait votre question. Ce qu'il faut comprendre dans le détail des ententes — et ça prend parfois un peu plus de temps à les expliquer — il y a une première phase qu'on fait actuellement, qui est les sondages stratigraphiques qui sont réalisés, puis ensuite il y a trois forages pétroliers avec fracturation. C'est la première phase de 55 millions à 60 millions. Toutefois, l'entente est d'une enveloppe de 100 millions au total. Après la phase de 55 millions à 60 millions, si le conseil d'administration — pas le gouvernement, là, le conseil d'administration d'Hydrocarbures Anticosti — décide que ça vaut la peine de continuer, il y a un autre 40 millions, 45 millions qui est disponible pour faire des travaux. Et ça, c'est encore les partenaires contributeurs qui avancent les fonds, c'est-à-dire une proportion de Ressources Québec et une proportion du partenaire français Maurel & Prom.

Alors, il y a une autre phase qui est déjà prévue aux ententes, advenant une confirmation qui vient du conseil d'administration. C'est seulement après cette deuxième phase là, qui dépend des résultats de la première, que, là, va devoir se poser la question d'une exploitation. Ça fait qu'il faut vraiment y aller une étape à la fois. Nous, notre pari, c'est de dire : Faisons les travaux, démontrons la ressource. Si la ressource, elle est très bonne, je ne vois pas... en tout cas, j'espère, comme Québécois, qu'on ne se privera pas de s'enrichir et d'en profiter tant qu'à faire venir d'ailleurs des hydrocarbures.

Le Président (M. Pagé) : Mme la députée de Saint-Hyacinthe.

• (17 h 10) •

Mme Soucy : Je l'espère tout autant, mais c'est quand même assez cocasse que le ministère présente le livre vert après que le premier ministre ait tenu les propos qu'il a tenus sur Anticosti. Pensez-vous que ça nuit à l'acceptabilité sociale? Parce que la parole du premier ministre, ce n'est quand même pas rien, alors pensez-vous que ça nuit à...

Le Président (M. Pagé) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Alexandre) : Merci, M. le Président. Je peux simplement répondre pour Pétrolia, qui est l'un des partenaires du consortium. Je vais refaire la même réponse que j'ai dite, je pense qu'il est trop tôt pour juger de l'impact que ça a.

Mme Soucy : Mais, dans votre milieu, vous devez sûrement en entendre parler, quand même?

M. Gagnon (Alexandre) : Bien, écoutez, nous, pour l'instant, les contrats sont respectés, la prochaine étape est enclenchée. Nous aurons collectivement la réponse à ces travaux d'exploration, et je le dis, je le redis, j'espère que, comme Québécois, on ne se privera pas de s'enrichir, sachant que, de toute façon, on importe des hydrocarbures, nous en consommons, que ça soit pour se transporter ou dans nos maisons, dans nos produits domestiques. J'espère qu'on va en profiter.

Le Président (M. Pagé) : La députée de Saint-Hyacinthe pour 1 min 45 s.

Mme Soucy : Oui. Dans votre milieu, un investisseur étranger, mettons, vous pose la question : Est-ce que le gouvernement du Québec, c'est un bon partenaire d'affaires? J'imagine que ça suscite quand même un peu d'inquiétude chez les investisseurs, ce qui s'est passé avec Pétrolia, le fait que le gouvernement ne vous rencontre pas, le fait que les paroles aient été prononcées sur un projet qui avait quand même eu l'autorisation et puis qu'il avait un contrat en bonne et due forme, signé, entre vous, l'État et vos deux autres partenaires. J'imagine que vous devez en entendre parler. Ce n'est pas le livre vert qui va régler tous ces problèmes-là. Alors, en avez-vous entendu parler? Est-ce que ça inquiète les investisseurs ou...

Le Président (M. Pagé) : M. Gagnon.

M. Gagnon (Alexandre) : Merci, M. le Président. Ce qui est fantastique, je vais pouvoir citer une source externe, ce n'est pas moi qui vais parler. Donc, le Fraser Institute fait un classement à chaque année du Québec, un dans le minier puis un dans les hydrocarbures. Dans le secteur minier, on est dans le Top 10, puis, dans le secteur pétrolier et gazier, on est dans les 140es, là. En bas de nous, il y a la Libye, la Syrie, et autres. Je pense que le classement en lui-même parle plutôt que ça soit moi qui parle.

Mme Soucy : Bien, c'est parfait, ça nous dit tout.

Le Président (M. Pagé) : Mme la députée de Saint-Hyacinthe, 30 secondes.

Mme Soucy : Ça nous dit tout, alors merci.

M. Gagnon (Alexandre) : Merci.

Le Président (M. Pagé) : Ça va? Alors, merci, M. Belleau et M. Gagnon.

Alors, on va suspendre un moment, le temps de permettre à l'autre groupe de prendre place. Merci, tout le monde.

(Suspension de la séance à 17 h 13)

(Reprise à 17 h 16)

Le Président (M. Iracà) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! On va commencer le troisième bloc de 45 minutes avec la Corporation de développement économique de Port-Cartier. Alors, comme à l'habitude, vous avez 10 minutes pour votre présentation. Et je vous demanderais de vous présenter tous les deux, s'il vous plaît, et ensuite votre exposé de 10 minutes.

Corporation de développement économique
de la région de Port-Cartier

Mme Doyle (Violaine) : Alors, je suis Violaine Doyle, la mairesse de Port-Cartier, et je viens vous présenter un très petit mémoire sur l'acceptabilité sociale particulièrement.

M. Gauthier (Bernard) : Bonjour, M. le Président. Bernard Gauthier, je suis commissaire industriel à Port-Cartier. Et puis on l'a fait en partenariat avec la ville de Port-Cartier, et Mme Doyle siège comme administratrice à la corporation de développement économique également.

Le Président (M. Iracà) : Parfait. Alors, allez-y avec...

Mme Doyle (Violaine) : Alors, vous avez reçu notre document, j'imagine?

Une voix : Oui.

Mme Doyle (Violaine) : Alors, c'est vraiment des réflexions, particulièrement sur le thème de l'acceptabilité sociale et du développement économique du Québec.

Acceptabilité sociale et le milieu d'accueil. L'utilisation, on vient de le dire tout à l'heure, est souvent déformée de cette expression «acceptabilité sociale», et ça nous a amenés à reprendre les deux mots de façon distincte pour bien en saisir le sens. «Acceptabilité» signifie pour nous «rendre acceptable une situation qui pourrait être considérée comme inacceptable, puisqu'elle vient changer l'environnement physique d'un milieu précis en modifiant le cadre socialet le mode de vie des gens qui l'habitent».

Plusieurs conditions doivent être respectées pour qu'un projet économique, un programme ou une politique soient acceptés comme une améliorationde la situation existant avant la mise en marche d'un projet, d'un programme ou d'une politique.

Changement égale bouleversement. L'arrivée de nouveaux développements ou l'application de nouveaux programmes ou de nouvelles politiques créent des bouleversements inévitables dans l'environnement d'un milieu. Comme aucun projet de développement économique ne peut se concrétiser sans un minimum d'impacts sur l'environnement naturel, la seule façon de rendre acceptables ces changements nécessaires est d'assurer la pérennité de legs compensateurs en ajoutant des infrastructures publiques qui serviront à la population actuelle et aux générations futures. À titre d'exemple, un projet de parc national traverse le temps et reflète une image compensatoire très forte. Lorsque le milieu naturel est affecté, le préserver et développer un milieu faunique accessible ayant à la fois un objectif d'éducation et de conservation est une piste à explorer. Évidemment, c'est dit parce que, chez nous, il y a un projet de parc national qui chemine depuis 12 ans. Et, comme on est très susceptibles d'avoir des projets dans notre région, on considère que ce serait une bonne façon de laisser un legs compensateur.

Le financement des compensations. Pour nous, c'est clair, le promoteur doit assurer le financement de ces mesures compensatoires. L'application du principe utilisateur-payeur est facile à appliquer, concrètement observable et vérifiable par les citoyens touchés. Le gouvernement ne peut être exempté de l'obligation de rendre chacun de ses propres projets socialement acceptables. Nous croyons que tous les promoteurs, qu'ils soient publics ou privés, devraient être obligés de faire la preuve d'une démarche d'acceptabilité sociale complète et vérifiable.

Étapes à suivre pour qu'un projet, un programme ou une politique soient reconnus socialement acceptables. À l'étape de l'avant-projet : rencontres préalables avec tous les groupes d'intérêts d'un milieu concerné, focus group avec les élus des différents paliers, milieux socioéconomiques, groupes environnementaux, et autres; vulgarisation auprès du grand public des impacts sociaux et environnementaux du projet, du programme et de la nouvelle politique. À cette étape, le mot clé est transparence. Aucune question ne doit être laissée en suspens.

• (17 h 20) •

Deuxième étape : exploitation d'un projet ou application d'un programme ou d'une politique. Le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles doit s'assurer qu'un comité local de suivi soit fonctionnel afin que les engagements pris par les promoteurs soient respectés et que les ajustements soient rapidement faits. On parle ici d'une acceptabilité sociale qui ne s'arrête pas à l'avant-projet, qui soit une démarche continue dans le temps.

À la fin d'un projet de développement économique ou d'un programme ou de l'application d'une politique, le ministère de l'Énergie et des Ressources doit évaluer avec le milieu les effets sur les communautés de la réalisation d'un projet ou de la fin de celui-ci — parce qu'il y a en a, et ils sont majeurs — et avoir prévu la suite des choses pour le milieu d'accueil avec les acteurs locaux.

Et ici, bien, on a vécu chez nous de beaux exemples qu'on voulait partager avec vous. FerroQuébec à Port-Cartier est un bel exemple d'une démarche responsable d'un promoteur. Tous les acteurs du milieu ont été mis à contribution. L'information a été la plus complète possible avec un souci de clarté et de transparence. Les promoteurs ont bien respecté toutes les obligations d'un avant-projet et ils avaient atteint une très grande acceptabilité sociale. Malheureusement, le projet ne s'est pas réalisé, mais la méthode, elle, je pense qu'elle est intéressante puis qu'elle est à suivre.

Un projet éolien. Le développement d'un projet d'éoliennes dans un secteur de notre ville très prisé par les villégiateurs, les pêcheurs et les chasseurs a aussi reçu une très bonne note au niveau de l'acceptabilité sociale. C'est le cas du secteur de Rivière-Pentecôte, qui est un secteur annexé depuis 2003. Écoute, ouverture d'esprit, transparence sont les clés de l'acceptabilité sociale.

Les promoteurs privés et publics doivent s'assurer que l'acceptabilité sociale soit constante — c'est un processus qui doit continuer — et que le milieu d'accueil y trouve son compte. Le partage des bénéfices économiques constitue une mesure compensatoire évidente, mais ce n'est pas la seule. Cependant, les citoyens attendent des signes concrets de l'effet des compromis et des sacrifices faits par ceux et celles qui occupent le territoire. L'équilibre entre agression/pollution — parce qu'il y a souvent dans les projets agression, agression du milieu physique, déplacement, des fois, des gens, et pollution souvent à la clé également — et implication et développement dans la communauté, cet équilibre est constamment menacé, et le gouvernement doit s'assurer qu'il soit maintenu.

Des infrastructures de qualité, des redevances importantes et des outils de développement économique laisseront aux générations futures une trace réelle et concrète des mesures compensatoires associées à un projet de développement économique.

La bonne recette pour réussir un projet socialement acceptable : tenir compte du milieu, informer, assurer la compréhension du projet en simplifiant l'information — c'est très, très facile de manipuler des termes techniques et d'attacher tout ça de façon très floue, et c'est le contraire qu'il faut faire, simplifier; gagner l'adhésion des élus, des responsables locaux, des citoyens de tous âges. Le ministère de l'Énergie et des Ressources doit fournir un cadre de référence, une marche à suivre pour réussir un projet dans un milieu d'accueil. Les nouveaux programmes et les nouvelles politiques devraient être assujettis à la même démarche. Un élément très important, l'harmonisation des usages. L'harmonisation des usages des terres publiques — c'est le cas chez nous, on est entourés de terres publiques — peut être parfois difficile. Chaque promoteur doit être sensibilisé par les divers ministères avec lesquels il transige à l'utilisation commune du territoire qu'il convoite. Ne pas en tenir compte mène nécessairement à des conflits d'usage et à l'inacceptabilité sociale.

En conclusion, un milieu qui reçoit un projet de développement devrait sortir de cette expérience grandi, amélioré et outillé pour se développer et offrir un meilleur environnement aux générations futures. Merci.

Le Président (M. Pagé) : Merci beaucoup, Mme Doyle. Alors, compte tenu... Doyle, pardon si j'ai la mauvaise prononciation.

Mme Doyle (Violaine) : Ce n'est pas grave.

Le Président (M. Pagé) : C'est gentil, merci. Alors, compte tenu du temps que nous avons, vous auriez 17 min 30 s, M. le ministre. À vous la parole.

M. Arcand : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Doyle.

Mme Doyle (Violaine) : Bonjour, M. Arcand.

M. Arcand : Et bonjour, M. Gauthier. C'est un plaisir de vous avoir avec nous. D'abord, je dois vous demander comme première question... On n'en a pas beaucoup parlé dans le cadre de notre livre vert sur l'acceptabilité sociale, peut-être de se dire qu'au départ il est important d'avoir un projet dans lequel on peut voir en amont — si vous me permettez l'expression — la viabilité économique, les retombées économiques pour la population, que c'est probablement, je dirais, un départ très important et que c'est le rôle du ministère de créer ce bureau et d'assumer un rôle de leadership dans ce domaine pour qu'au moins la population, avant même qu'un projet aille beaucoup plus loin, qu'on sache exactement, en toute transparence, la nature du projet, les retombées économiques possibles, la création d'emplois, etc. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette orientation-là générale?

Le Président (M. Pagé) : Mme Doyle.

Mme Doyle (Violaine) : Absolument. Je pense que c'est important que le ministère en fasse l'analyse, que les gens du milieu en soient informés. Quand on parle de viabilité, je vous dirais que c'est un peu difficile, hein? Si on avait parlé de viabilité du minerai de fer il y a cinq ans et maintenant, ce sont des marchés cycliques. Alors, je parle de ressources naturelles avec des marchés cycliques, c'est ce qui nous entoure. Peut-être difficile de bien voir, mais, au moins, les impacts, les emplois, combien de temps la mine va durer? Mais, encore là, il y a des éléments sur lesquels vous n'avez pas de contrôle, et personne n'en a. Parce que, quand on a ouvert la mine de Gagnon, on croyait à une mine de 25 ans, ça fait déjà plus de 50 ans. Donc, il faut mettre en perspective... mais certainement, au moins, les possibilités que le projet soit rentable, soit viable et que les gens en tirent profit, les gens du milieu d'abord. Alors, que le ministère s'implique à ce niveau-là, je pense que c'est extrêmement intéressant. Ce qu'il faudrait éviter, c'est que ça alourdisse le processus. Voilà.

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre.

M. Arcand : Donc, ça, on est d'accord là-dessus. Nous, on pense que ça va peut-être l'aider à l'accélérer, je dois vous dire. Alors, ça, je pense que c'est très important.

Vous, l'expérience que vous avez, Mme Doyle, les projets, de façon générale, sur le plan de l'acceptabilité sociale, ont été, en général, chez vous assez positifs?

Mme Doyle (Violaine) : On a été chanceux à ce niveau-là, c'est la suite des choses qui a été plus difficile.

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre.

M. Arcand : Bon, vous avez eu, par contre, une municipalité pas tellement loin de chez vous où il y a eu un projet qui s'appelle Mine Arnaud, qui a suscité beaucoup, je dirais, de division. Comment vous évaluez ce qui s'est passé là-bas? Comment vous l'interprétez? Et est-ce que ça ne peut pas servir d'exemple éventuellement pour quelque chose qui devrait être corrigé?

Le Président (M. Pagé) : Mme Doyle.

Mme Doyle (Violaine) : Difficile de donner une opinion, je n'étais pas en politique à ce moment, je n'ai pas très bien suivi, sauf les effets, j'appelle ça de toge, là, qui se sont faits après. Pourquoi? Probablement parce que l'approche n'a pas été celle qu'elle devait. Mais il y avait un élément important, très important qu'il faut tenir compte, cette mine-là se situait en milieu habité. Et ça, c'est toujours extrêmement sensible. Je pense que c'est la première sensibilité qu'on doit avoir. D'ailleurs, dans le projet Ferro, la distance avec les premières résidences était un élément majeur pour le promoteur. Alors, les milieux habités doivent être traités, je vous dirais, avec douceur, avec finesse et en comprenant les impacts sur la vie sociale de ces gens-là. Pourquoi? Difficile à dire, c'est... Je pense que c'est difficile de faire un post-mortem, mais certainement, si on avait à reprendre le même genre de projet, il faudrait d'abord bien identifier les impacts sociaux et les gens qui sont directement concernés.

Il y a tous les aspects environnementaux aussi, et je pense, je l'ai dit, là-dedans transparence. Transparence, je pense que c'est la clef, c'est vraiment la clef. Quand un promoteur comme FerroQuébec nous disait : Il y a tant de tonnes de CO2 qui vont s'ajouter dans l'air, mais on va compenser, on n'aime pas se faire dire : Il y aura tant de tonnes de CO2 dans l'air, personne n'aime ça, mais on sait, en même temps, qu'un projet industriel... J'étais avec la mairesse de Contrecoeur, elle dit : Une aciérie, ce n'est pas une parfumerie. Alors, je pense que c'est comme ça qu'il faut le regarder. C'est que c'est vrai, quand tu fais de l'industriel, bien, il faut s'attendre que le milieu naturel soit attaqué, mais, d'abord, je pense que c'est le milieu social, le milieu de vie des gens qu'il faut considérer. Et je n'étais pas là, donc je ne tirerai pas la pierre à personne, ce n'est pas mon objectif, mais, je pense, de bien prendre en compte... et, si un bureau comme le vôtre avait cette charge d'âme, charge de vie, je pense que ce serait une excellente idée.

• (17 h 30) •

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre...

M. Arcand : Oui. Vous êtes, je dirais, d'accord et favorables à la mise en place d'un comité de liaison dans lequel il y aurait le promoteur, puis, évidemment, tout le monde est d'accord avec la mise en place d'un comité de suivi par la suite. Ma question, c'est un peu de voir, pour vous, particulièrement dans le cas du comité de suivi, comment vous voyez le mandat qui est donné. Admettons qu'on a un projet x, comment vous voyez ce mandat-là? Comment vous voyez la représentativité des intervenants dans le cadre d'un comité de suivi? Est-ce que vous avez une opinion par rapport ça?

Le Président (M. Pagé) : Mme Doyle.

Mme Doyle (Violaine) : Je pense que c'est important, d'abord, que les gens du milieu, les élus, ceux qui ont la responsabilité du milieu y soient, les acteurs économiques. Évidemment, les acteurs aussi environnementaux, je pense qu'ils font partie du dossier, mais surtout les gens du milieu, quelques représentants, je vous dirais, de la société civile, on va appeler ça ce terme-là. Important aussi que le comité de suivi soit là très longtemps. On ne parle pas d'une année, on ne parle pas de deux années parce que l'acceptabilité sociale, elle doit se gagner régulièrement.

Alors, on parle, par exemple, d'un promoteur à qui le gouvernement du Québec donne accès à des ressources naturelles qui appartiennent aux Québécois. On sait que c'est comme ça que ça se passe. Le fer, on va prendre, à titre d'exemple, le fer. Le promoteur vient développer, crée de l'emploi, crée de la vitalité économique, mais il y trouve son compte. S'il n'y trouve pas son compte, il n'y reste pas. Alors, c'est important qu'il y ait ce comité-là, donc aussi le promoteur soit représenté, pour s'assurer que la communauté est toujours dans les préoccupations du promoteur. Et, je vous le dis, ça disparaît très vite. C'est important de s'assurer que les compensations à la communauté ne s'arrêtent pas à partir du moment où on a dit : Ça va vous coûter tant d'argent, puis on s'arrête là. C'est vraiment un accompagnement parce que, tout au long du processus d'exploitation d'un gisement ou d'un projet économique, la communauté est souvent mise en cause, et les sacrifices, les compromis sont toujours présents.

Alors, on va dire, par exemple, que les compagnies d'ingénierie de Montréal sont très contentes — puis c'est bien correct aussi — lorsqu'elles ont à travailler ces projets-là, mais il n'y en a aucun qui va habiter le territoire et être impacté. Et ça, ça ne s'est pas fait dans le passé. Je comprends que, là, on regarde vers l'avenir. Donc, c'est important que le gouvernement, qui est notre gardien de la richesse collective, s'assure que les promoteurs ont bien compris — je vais employer le mot «privilège», là — qu'ils ont un privilège de venir exploiter les ressources qui appartiennent aux Québécois, mais que ça, ça va avec des devoirs — un privilège, normalement, ça va avec des devoirs — que jamais ils ne doivent l'oublier.

Alors, je reviens à votre comité de suivi, donc qu'il soit avec plusieurs acteurs, société civile, les élus, la communauté politique, évidemment, les gens d'affaires, mais aussi les promoteurs et qu'il y ait des représentants aussi du gouvernement un peu comme le chien de garde. Parce que les acteurs politiques changent, les générations aussi se remplacent, les dirigeants de compagnies aussi changent, les philosophies de compagnies changent, alors c'est important qu'on ait une ligne et qu'on s'assure que cette acceptabilité sociale, elle soit constante, et elle soit continue, et que le promoteur la respecte.

Le Président (M. Pagé) : M. le ministre. Oui, j'ai un... Pardon? Oui, M. le ministre, oui, allez-y.

M. Arcand : Monsieur... je pense qu'il y a mes collègues qui veulent parler.

Le Président (M. Pagé) : Oui, M. le député d'Abitibi-Est, allez-y, oui.

M. Bourgeois : Bien, à pied levé, je vais, effectivement... Bonjour, Mme Doyle. Deux éléments pour moi. Premièrement, vous mentionnez : «Le gouvernement ne peut être exempté de l'obligation de rendre chacun de ses propres projets socialement acceptables. Nous croyons que tous les promoteurs, publics et privés, devraient être obligés de faire la preuve d'une démarche d'acceptabilité sociale complète et vérifiable.»

C'est quoi, la taille? À partir de quand on s'embarque dans un processus comme celui-là? Parce que le gouvernement du Québec, dans un territoire comme le vôtre, est en action continue à différents niveaux. Donc, à partir de quel niveau on viendrait baliser des interventions de ce type-là?

Mme Doyle (Violaine) : ...un promoteur public? Des projets comme ceux d'Hydro-Québec, par exemple, sont des projets majeurs, actuellement se font sur la Côte-Nord. L'acceptabilité sociale est souvent liée à des retombées économiques évidentes. Je peux vous dire que ce n'est pas facile de s'assurer qu'il y a des retombées économiques évidentes et qu'en plus le milieu en sorte grandi — c'est vraiment ça, l'objectif — en sorte grandi et mieux outillé. Alors, je ne pense pas qu'actuellement on puisse, dans le projet qui est en cours, le dire de façon très claire. Ce sont des projets d'envergure.

J'ai parlé aussi de politiques. Alors, je prends, à titre d'exemple, une modification que la SHQ veut faire, par exemple, quant au nombre d'offices municipaux d'habitation au Québec. Alors, on a reçu sur les tables — même pas les tables locales, là, mais les tables de MRC — une distribution des nouveaux centres sans qu'on n'en ait jamais été informés, et ça, je pense que c'est majeur. Là, je parle de politiques, je parle aussi de programmes, divers programmes. Ce sont des programmes liés à l'environnement, par exemple, qui deviennent, pour les petites municipalités ou les municipalités de régions, que vous connaissez bien, coûteux, plus coûteux à mettre en place. Alors, je pense qu'il faut qu'il y ait une sensibilité. Je suis d'accord, il y a peut-être des petits projets qui ne demandent pas tous ces éléments-là, mais je vous dirais que, la plupart des projets — et moi, je parle en termes de municipalités — qui touchent l'ensemble des municipalités, l'ensemble des régions, le gouvernement doit s'assurer qu'il y ait une démarche d'acceptabilité sociale, et je dis rendre acceptable ce qui pourrait apparaître inacceptable. Alors, il y a beaucoup de politiques qui naissent de Québec qui arrivent et qui doivent être distribuées dans les régions, et ça ne fait pas, la grandeur des bottines n'est pas la bonne, et c'est difficile pour les régions de s'y conformer et de le faire correctement.

Mais, évidemment, je parlais ici particulièrement pour la Côte-Nord, des projets comme ceux de développement hydroélectrique, où c'est majeur, c'est beaucoup, beaucoup d'argent, c'est beaucoup, beaucoup d'argent public, et on doit s'assurer... J'ai parlé ici d'un développement éolien. Alors, c'est bien parti, c'était bien parti chez nous, ça s'est fait dans un bon sens. Si jamais ce projet-là renaissait d'une autre façon, il faut continuer à s'assurer que l'acceptabilité sociale est là. C'est aussi un projet, je vous dirais, public-privé, puisque les éoliennes ont un lien direct avec l'achat d'énergie par Hydro-Québec.

Le Président (M. Pagé) : M. le député d'Abitibi-Est, 4 min 30 s encore.

M. Bourgeois : Oui. Dans un autre ordre d'idées, au niveau des redevances ou des sommes versées dans les milieux, l'importance que ça peut signifier pour un milieu comme le vôtre et également la nature comment je dirais? — d'accès aux fonds, je veux dire, est-ce que ça devrait être versé sous forme de fonds de développement économique ou carrément des sommes attribuées à des localités dont ils peuvent faire usage à leur guise?

Le Président (M. Pagé) : Mme Doyle.

Mme Doyle (Violaine) : D'abord, je dois vous dire que, dans le cas des redevances qui sont liées à l'exploitation des mines, là, on parle de ça, ou de la forêt ou encore de redevances... on n'appelle pas ça des redevances, on appelle ça des contributions volontaires reliées à l'énergie éolienne, le principe, c'est que ça doit retomber dans le milieu qui est concerné. Alors, j'ai eu, je vous dis, une assez bonne déception de voir apparaître les redevances sur les ressources naturelles à la MRC parce que nous, on est une MRC avec deux villes, une grande et une petite, et là on ne sait pas trop comment on va faire avec ça. D'abord, on voudrait savoir qui reçoit quoi, d'où. Alors, les redevances du fer, est-ce qu'elles proviennent de chez nous ou elles proviennent du secteur de Labrador City? Alors, ce n'est pas la même ville qui est impactée, ce n'est pas les mêmes redevances. Forêts, c'est assez facile à savoir parce que c'est à Port-Cartier que ça se produit.

Donc, la réponse à votre question, c'est que ça doit retomber dans les municipalités, qui, elles, auront à réfléchir. Est-ce qu'on met ça dans notre budget d'opération régulier? Je pense que ce n'est pas très sage. Est-ce qu'on en fera un outil de développement économique? Évidemment, ça pourrait être une très bonne solution. Mais, de toute façon, je crois que c'est aux communautés qui reçoivent ces grands projets là à se pencher sur... Ce n'est pas une belle problématique, là, mais se pencher sur ça et de décider de quelle façon elles devront le faire.

Mais attention, quand on parle des communautés, on parle des communautés, on ne parle pas des MRC. Et, chez nous, on est deux. Dans d'autres régions, il y en a quatre, cinq ou c'est des petits villages, une grande ville. Généralement, c'est comme ça au Québec. Alors, c'est vraiment les communautés qui sont directement susceptibles ou qui reçoivent carrément... Chez nous, le minerai de fer, là, il rougit notre eau, il rougit notre sol, puis c'est chez nous que ça se passe. Bien, c'est celui d'Arcelor Mittal. Alors, je ne sais pas combien, mais je pense qu'on aura de l'information. J'espère qu'on en aura parce qu'à l'heure actuelle on a eu le montant global pour les redevances sur les ressources naturelles, mais, à l'heure actuelle, on n'est pas capables d'identifier la source. J'espère qu'on le fera. Je n'ai pas non plus d'information à savoir qu'on ne l'aura pas non plus, mais je pense que c'est important qu'on l'ait de façon directe et précise.

• (17 h 40) •

Le Président (M. Pagé) : Merci. M. le député des Îles-de-la-Madeleine, je pense que...

M. Chevarie : Oui. Il reste combien de temps?

Le Président (M. Pagé) : Il vous reste 1 min 30 s.

M. Chevarie : 1 min 30 s? Bien, d'abord, merci pour votre contribution à cette commission parlementaire.

Madame, on a reçu deux madames, deux professeures de l'UQAM, Mme Yates puis Mme Gendron, qui ont fait des recherches sur l'acceptabilité sociale, puis elles sont arrivées à la conclusion — puis c'est partagé dans le monde universitaire — l'acceptabilité sociale n'est pas un processus, c'est un jugement collectif, et j'aimerais savoir comment, vous, dans le concret, vous évaluez ce jugement collectif. Puis, dans votre mémoire, à partir de l'exemple que vous donnez, FerroQuébec, vous dites : «Les promoteurs ont bien respecté toutes les obligations d'un avant-projet et ils avaient atteint une très grande acceptabilité sociale.» Vous n'avez pas mentionné une bonne ou une excellente ou, bon... vous avez parlé d'une très grande. Comment est-ce que vous avez mesuré ça? Est-ce que c'est l'absence d'opposition ou sur d'autres bases?

Le Président (M. Pagé) : En 20 secondes, Mme Doyle.

Mme Doyle (Violaine) : C'est relativement facile à mesurer, les mairesses et les maires pourraient vous le dire, ça va ou ça ne va pas. Chez nous, ça allait très bien. Dans une salle, on a réuni 500 personnes, là, pour une présentation, des retraités, des jeunes, des gens qui espéraient travailler chez FerroQuébec, mais aussi des gens qui avaient des préoccupations environnementales. Alors, ce qu'on a senti, c'est qu'on était d'accord avec ce projet-là.

Le Président (M. Pagé) : Je vous remercie. Alors, on va aller avec l'opposition officielle pour un bloc de 10 min 30 s. M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Merci, M. le Président. Alors donc, bien, bienvenue à vous deux. Merci d'être venus nous rencontrer en commission. Écoutez, évidemment, j'ai quelques questions, mais ma collègue aussi va enchaîner assurément.

Tantôt, vous parliez d'un processus dynamique, que l'acceptabilité sociale, c'est quelque chose qui pouvait s'acquérir jour après jour et puis, selon les problèmes du moment, à partir du comité, là, qui serait formé ou d'un des comités qui seraient formés, justement, de veiller à ce que l'acceptabilité sociale soit présente toujours.

Sur la Côte-Nord, on sait que le prix des métaux a une importance capitale, et il y a des projets qui sont, à un moment donné, extrêmement payants, je veux dire, les emplois sont présents, il y a une dynamique économique intéressante, et il peut arriver des moments où est-ce qu'il y a un effondrement temporaire des prix et aussi de l'activité économique. Est-ce que ça, ce phénomène-là qui n'est pas de notre ressort, peut mettre en péril l'acceptabilité sociale, oui ou non? Et, si ça la met en péril, quelles sont les solutions qu'on peut apporter pour, justement, continuer à avoir la population... être derrière cette entreprise-là?

Mme Doyle (Violaine) : J'aime bien le terme de monsieur de tout à l'heure, là, des gens qui ont fait de la recherche, c'est un jugement. Alors, on juge souvent les situations à ce qu'on voit. Alors, c'est important, dans les marchés qui sont les nôtres, c'est-à-dire des marchés cycliques, qu'il y ait une communication constante entre les citoyens, qui sont toujours présents, qui ne sont pas toujours actifs dans l'entreprise, mais qui sont présents dans l'environnement... qu'il y ait une communication constante, une présence aussi effective du promoteur dans le milieu pour bien comprendre les sensibilités. Alors, dans des milieux comme les nôtres, en particulier à Port-Cartier, on a plus d'un demi-siècle d'expérience dans les marchés cycliques, alors c'est facile à démontrer, ce n'est pas une démonstration compliquée, mais il faut que les gens se sentent concernés, les communautés se sentent concernées. Et, pour ça, ça prend de la communication, je vous dirais, une communication fluide entre les promoteurs et les gens du milieu et aussi une présence physique qui dit : Malgré les difficultés, on a besoin de vous et on est attentifs à ce qui vous arrive. Donc, que le promoteur comprenne bien que la communauté fait partie du succès de son entreprise.

M. Therrien : Et puis là je rejoins peut-être ce que vous disiez au départ, là, vous avez presque commencé par ça, en parlant de transparence. Donc, si l'entrepreneur est présent et fait preuve de transparence en expliquant bien la situation, j'imagine que ça va encourager l'acceptabilité sociale, peu importe la situation économique dans laquelle il vit?

Mme Doyle (Violaine) : C'est plus facile à vivre. Et on sait que l'acceptabilité sociale, ce n'est pas toujours — et je l'ai bien dit aussi ici — une question d'argent. Alors, c'est sûr que, si ce que tu donnais à la communauté, à cause de la situation économique, tu dois réduire ça, bien, sois un peu plus présent, sois attentif aux besoins, et la communauté est capable de bien comprendre ça. Je vous dirais que les Nord-Côtiers en particulier, compte tenu que c'est une longue expérience de marchés cycliques, on n'a plus besoin de faire cette démonstration-là.

M. Therrien : O.K. Oui, j'imagine. Bien, je suis allé faire un tour, voilà deux, trois semaines et je peux vous dire que, oui, je le sentais bien qu'ils comprenaient bien la situation.

Quand vous parlez de financer les compensations, là, éventuellement, c'est pour faciliter l'acceptabilité sociale. Est-ce que ça, ça s'intègre, ces compensations-là, vous les voyez s'intégrer dans un processus d'analyse économique qui est proposé dans le livre vert? Est-ce que vous pensez que ça pourrait faire partie prenante de cette analyse économique là proposée?

Mme Doyle (Violaine) : Je comprends qu'il y aura comme un arbitre ou un regard un peu externe et qui permettra de voir entre ce que la communauté attend, qui est souvent des désirs qui se comptabilisent en plusieurs dollars, et ce que le promoteur veut offrir. Il y a quelqu'un qui fera la balance, qui sera l'arbitre, et je pense que c'est très correct, très sain. Mais, en même temps, généralement un promoteur qui arrive pour faire de l'argent, pour faire son affaire. Et on sait que, lorsque la rentabilité est là, je pense que c'est le moment de parler peut-être de legs compensatoires d'importance.

M. Therrien : O.K. Si j'ai bien compris, vous voyez le financement des compensations décidé par un arbitre ou quelqu'un qui est extérieur à l'entreprise, ce n'est pas l'entreprise qui pourrait dire : Regardez, là, à partir des problèmes que je peux vous causer éventuellement, moi, je vous propose cette compensation-là. Vous, vous dites : Ça doit venir d'un arbitre ou d'une tierce personne.

Mme Doyle (Violaine) : J'ai parlé d'un cadre de référence, j'ai parlé d'une manière de faire, j'ai parlé d'encadrement. Et moi, je ne suis pas une partisane des encadrements rigides, je pense que ça doit faire partie d'une certaine souplesse, mais oui, effectivement, je crois qu'il faut qu'il y ait un certain cadre. Ça serait un peu facile pour un promoteur de décider que c'est ça.

M. Therrien : Oui, je comprends.

Mme Doyle (Violaine) : Voilà.

M. Therrien : Je comprends très bien, merci. Alors, je vais laisser la parole à ma collègue.

Le Président (M. Iracà) : Mme la députée de Duplessis.

Mme Richard : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme la mairesse Doyle de Port-Cartier, M. Bernard Gauthier, de la corporation de développement économique de Port-Cartier. Ça me fait plaisir de vous recevoir chez nous qui est également chez vous. Bravo pour votre mémoire, Mme Doyle! Je pense qu'effectivement vous avez, avec l'expérience que vous avez vécue, vous avez su démontrer qu'est-ce qu'était l'acceptabilité sociale, entre autres avec le projet de FerroAtlantica. Malheureusement, comme vous, je suis déçue que ce projet-là ne s'est pas concrétisé davantage.

Mon collègue vient d'en discuter avec vous, vous savez qu'il n'y a pas si longtemps encore, quand on parlait de la Loi sur les mines, et tout ça, on parlait que, souvent, le milieu subit les dommages collatéraux de certains projets. Et là on parle de redevances, on parle d'un apport économique de tel projet dans la communauté, mais est-ce qu'un cadre de référence, selon vous... Vous l'avez dit, il ne doit être rigide. Mais, dans des régions comme les nôtres, chaque municipalité, chaque MRC a une certaine autonomie, tout dépendant de ce qu'elle va consentir. S'il faut que vous développiez un quartier résidentiel pour accueillir des nouveaux employés pour la compagnie, c'est à la charge de la municipalité de... Et c'est ça qui est difficile, des fois, à balancer, dire : Économiquement, oui, c'est rentable, mais pour la municipalité... Et nous, nous avons aussi des communautés autochtones sur notre territoire. Comment baliser tout ça, ce cadre de référence qui pourrait aider — des fois, c'est des petites municipalités, là — à savoir que, bon, ils vont avoir une certaine rentabilité économique au-delà que ça va créer des emplois, mais que ça va venir les soutenir aussi pour être capables de recevoir les employés qui vont travailler si ce projet-là se concrétise?

Mme Doyle (Violaine) : Comment on doit le faire, honnêtement, ça n'a pas fait partie de ma réflexion récente, mais je pense que les gens peuvent s'asseoir et regarder de quelle façon on peut baliser. Je peux vous en parler, actuellement il y a des rues qui sont presque complètement vides à Port-Cartier, et les citoyens doivent assumer un emprunt sur 20 ans de 4 millions parce que la minière a mis beaucoup de pression sur le conseil de ville, leur a demandé d'ouvrir des rues, de mettre à la disposition des terrains, ça a été très coûteux, puis, quand la rentabilité n'a plus été là, pour des décisions que je comprends qui sont administratives... mais les citoyens, eux, vivent avec ces situations-là.

Alors, comment le faire? Ce que je comprends, c'est en amont, avant que ça se produise, je pense qu'il faut y réfléchir. Je n'ai pas vu de cadre de référence apparaître, moi, je dis qu'il faut le bâtir. On l'a fait pour le Plan Nord, le cadre de référence. On espère que c'est rien qu'un cadre puis que d'autres personnes ou d'autres projets peuvent s'ajouter à ça. Mais je pense qu'on doit le faire, mettre des balises très claires.

• (17 h 50) •

Mme Richard : Est-ce que vous pensez qu'on devrait notamment en tenir compte, justement, de l'apport des municipalités? Parce que vous l'avez dit, quand c'était le Plan Nord, puis le Plan Nord, puis le Plan Nord, tout le monde était gaga, là, hein, on partait tous en peur, puis on développe des quartiers, puis... Mais là on s'est retrouvé avec des quartiers où il n'y a pas personne, puis nos gens s'en vont vers l'extérieur, et c'est les municipalités qui sont prises avec tout ça. Moi, je pense que, quand un projet arrive dans une région, il faut être capable de tenir compte de tout ça aussi parce que, demain matin, vous pourriez vivre le même problème en sens inverse. Le prix du fer monte, là, on va revenir à ce que c'était, là, et peut-être que ça va aller extrêmement rapidement parce que, là, ça va avoir créé tellement de secousses quand il a baissé... Ça fait que comment, en amont, le ministère des de l'Énergie et des Ressources naturelles peut tenir compte de l'impact que ça a sur une municipalité pour être capable de l'accompagner, que ce soit au niveau de la santé... Vous avez fait référence sans le nommer au projet Romaine, mais c'était difficile au niveau du système de santé, de l'éducation, etc., et souvent tout le monde se dirige vers une municipalité... Vous l'avez vu dans les projets avec Ferro, là, même si ce n'est pas concrétisé, vous aviez une pression des citoyens qui demandaient : Est-ce qu'on va avoir le même service? Bon.

Mme Doyle (Violaine) : Je pense que les expériences passées, les malheureuses, là, surtout, devraient servir d'exemple et de voir comment on peut améliorer... Dans les exemples que vous venez de donner, que ce soit le projet de La Romaine, que ce soient les projets d'ArcelorMittal, ce n'était pas là, ce cadre de référence là, et je pense que les promoteurs ne s'attendaient pas à être encadrés. Et voilà. Alors, je pense que c'est un encadrement extrêmement important qui va être basé sur l'expérience passée. Et je prends la balle au bond, les municipalités concernées, les élus devraient être là.

Mme Richard : Merci. Je n'aurai, malheureusement, pas le temps, mais tout ça pour dire que l'acceptabilité sociale, à un moment donné... Parce qu'il y a eu beaucoup de projets chez nous, les gens vont plus se questionner par rapport à ce qu'ils donnent pour recevoir, justement, des investisseurs et des promoteurs. Des fois, le prix est très, très cher à payer pour les citoyens et citoyennes, et c'est là que l'acceptabilité sociale, il faut quand même être capables de la baliser. Mais Merci beaucoup.

Le Président (M. Iracà) : Merci, Mme la députée de Duplessis. Nous allons procéder aux échanges avec la deuxième opposition. Je cède la parole à la députée de Saint-Hyacinthe.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Bonjour.

Mme Doyle (Violaine) : Bonjour.

Mme Soucy : Deux petites questions parce que les collègues ont pas mal fait le tour des questions que je voulais vous poser. À ce jour, comment ça se passe avec les négociations avec les promoteurs? Est-ce qu'habituellement il y a une bonne négociation? Est-ce que c'est le maire qui fait la négociation pour avoir des investissements dans la communauté, ou c'est plutôt la MRC à l'heure actuelle qui s'en occupe, ou vous acceptez juste qu'est-ce que le promoteur vous propose comme investissement dans la communauté?

Mme Doyle (Violaine) : Je vais vous parler de l'expérience que j'ai. Je n'en ai pas beaucoup, je suis une toute nouvelle mairesse. Mais, quand même, on a eu deux projets dont j'ai parlé ici qui se sont bien faits. Les promoteurs sont venus présenter au conseil de ville leurs projets, leurs besoins également, le nombre d'emplois créés, bon, les besoins qu'ils avaient, et nous, on a dit ce qu'on avait à offrir. Je veux dire, ça aussi, ça faisait partie... À titre d'exemple, on croyait que l'eau potable ne se rendait pas — moi, je le croyais personnellement, là — au site prévu par Ferro. On a découvert après qu'il y avait une conduite, mais, en partant, on a dit : Nous, l'eau potable se rend là. Alors, vous devrez faire avec. Mais ça a fait partie aussi des négociations parce qu'ensuite on a découvert qu'il y en avait une puis qu'on pouvait partager des frais, bon, et tout ça.

Alors, je pense que c'est les promoteurs... Généralement, ce sont les promoteurs qui viennent nous voir. Je ne crois pas qu'ils viennent nous voir au niveau de la MRC, la MRC est plus à un deuxième niveau, au niveau, par exemple, de l'aménagement du territoire, de la modification des règlements de zonage, de certaines... Mais ça vient après, dans un deuxième moment.

Mme Soucy : Mais ce qu'ils ont, eux, à vous offrir en tant qu'investissement dans la communauté, c'est...

Mme Doyle (Violaine) : Bien, on parle particulièrement d'emplois, c'est très clair à ce niveau-là, de comment on va générer de l'activité économique. Mais, vous savez, les règles étaient très claires. Par exemple, on avait 300 emplois, rien de moins que 280 emplois à Port-Cartier n'était acceptable pour la mairesse qui leur parlait. Ça, ça a été très clair en partant. Et ça a été un des éléments, allez-vous avoir du «fly-in/fly-out»? Allez-vous avoir des gens qui vont venir de l'extérieur chercher leur paie puis repartir ailleurs? Alors, ça, ça fait partie pas des exigences, mais, disons, de ce qu'on a mis très clair.

Mme Soucy : De la négociation. Considérant que le Plan Nord est un projet qui est très important pour le gouvernement, qui est supposé avoir d'importantes retombées économiques, est-ce qu'il y a des projets qui sont en cours présentement sur la Côte-Nord qui suscitent des réticences de la part de la population?

Mme Doyle (Violaine) : Des réticences? Je vous dirais qu'on les cherche, madame. Actuellement, on les cherche, les projets. On voudrait bien que le prix du fer remonte et que des projets naissent. Non, il n'y a pas vraiment de réticences. Et actuellement ce qui se passe, particulièrement à Port-Cartier, au niveau du développement économique, c'est tout ce qui se passe au niveau de la forêt. Puis, ici, je dois rendre hommage, là, au gouvernement, qui a enfin encadré le prix que payaient les forestiers et qui a vraiment donné une chance, là, c'est... Il faut vraiment le reconnaître, à la Côte-Nord en général, à Port-Cartier en particulier, la possibilité de revaloriser les sous-produits du bois, qui deviennent pour nous un élément extrêmement important.

Mme Soucy : Merci.

Le Président (M. Iracà) : Alors, merci beaucoup, Mme Doyle, M. Gauthier, pour votre présentation et vos échanges.

Je vais suspendre quelques instants les travaux et j'invite le prochain groupe à prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

(Reprise à 17 h 59)

Le Président (M. Iracà) : ...avec nous à l'Assemblée nationale. Merci de vous être déplacés. Pour les fins d'enregistrement, je vais vous demander de bien vouloir vous présenter. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Madame, messieurs, la parole est à vous.

Mme Marie-José Fortin et M. Yann Fournis

Mme Fortin (Marie-José) : Oui. Alors, Marie-Josée Fortin, professeure à l'Université du Québec à Rimouski, avec mon collègue Yann Fournis, également professeur à Rimouski avec moi. Et puis on s'est partagé le temps de parole, question d'être efficaces, chacun cinq minutes, équitables aussi, et donc c'est Yann qui va commencer la présentation.

• (18 heures) •

M. Fournis (Yann) : Donc, merci beaucoup pour l'invitation. Donc, peut-être commencer rapidement, donc, en expliquant un petit peu l'état d'esprit. Donc, nous avons essayé de faire une contribution plutôt scientifique, donc, au chantier de réflexion qui a été ouvert par le ministère en présentant très, très rapidement ce qu'on peut dire sur l'acceptabilité sociale, en particulier au Québec, en allant un petit peu ensuite plus loin sur le livre vert pour montrer dans quelle mesure ça représente des avancées qui sont réelles, mais pour montrer, malgré tout, qu'il y a probablement encore des limites relativement importantes.

Donc, très rapidement, qu'est-ce que l'acceptabilité sociale? Donc, c'est d'abord une notion qui est inconfortable parce qu'elle est en chantier, c'est-à-dire plastique et mobilisée par différents acteurs. Alors, ce qui fait que, si on a du mal à trouver une définition consensuelle, c'est normal, c'est parce qu'elle n'est pas encore établie. Par contre, c'est une notion qui nous parle de choses qui sont devenues incontournables. Donc, on ne peut plus passer à côté des conflits, de ce qu'on a pu voir, donc, autour d'une certaine remise en cause de ce qu'est le développement. Donc, c'est une notion incontournable. Et, d'autre part, c'est une notion — on en a parlé tout à l'heure, déjà — processuelle, complexe, dynamique, et le tout, c'est d'arriver à comprendre comment est-ce qu'on peut cristalliser cette notion en gardant à l'esprit qu'elle est encore ouverte, donc on peut encore l'améliorer, elle reste perfectible.

Donc, dans ce cadre-là, le Québec — donc, ma collègue vous en parlera après — donc, représente sans doute parmi les gouvernements ceux qui ont une certaine avancée, puisqu'ils l'ont prise au sérieux, notamment sous l'influence du BAPE, de certaines entreprises aussi qui ont commencé à mobiliser la notion pour essayer de traiter les tensions entourant les grands projets. Donc ça, on l'a très bien vu dans l'Est du Québec, puisqu'on s'est d'abord intéressé au conflit autour de l'éolien. On a ensuite été intéressé au gaz de schiste, aux conflits qu'on a pu connaître notamment à Québec autour de la gouvernance portuaire et, donc, la semaine dernière, autour du projet d'oléoduc Énergie Est.

Donc, en gros, la notion est de plus en plus utilisée parce qu'elle est de plus en plus incontournable. Par contre — et puis c'est sans doute notre particularité à Rimouski — effectivement, ça nous parle de la manière dont les projets sont gérés, donc la gouvernance des ressources naturelles, donc tous les enjeux politiques autour de la gestion des ressources, mais ça nous parle aussi et peut-être surtout de leur rapport aux territoires, et donc c'est dans ce cadre-là qu'on essaie de penser comment les territoires peuvent avoir une place peut-être un peu plus importante qu'historiquement, donc, dans la mise en place des grands projets.

Donc, dans ce cadre-là, on a proposé, donc, parmi beaucoup d'autres... Il y a une recherche extrêmement dynamique autour de l'acceptabilité sociale, mais donc la définition qui nous paraissait la plus commode pour penser un petit peu toute la diversité, la complexité et la plasticité, ça a été de distinguer des facteurs de crédibilité, dans quelle mesure est-ce qu'on peut croire aux projets et ce qu'on nous en dit, donc, au sein des communautés, donc dans la dimension sociale et technique. Deuxième dimension, ça serait plus, donc, les facteurs de légitimité politique, la dimension institutionnelle, la dimension politique. Donc, à savoir, effectivement, c'est une question de jugement, mais de jugement politique sur un projet. Et, enfin, la troisième dimension, économique et territoriale, dans quelle mesure ce projet est souhaitable pour créer une communauté qui soit soutenable, donc les facteurs de soutenabilité. Donc, ces différents processus ont été résumés, donc, sous l'angle d'un schéma, donc, peut-être, donc, sous la forme d'un schéma. Peut-être, aurons-nous l'occasion d'en reparler.

Donc, je vais vous présenter le premier ensemble de facteurs, donc la crédibilité sociotechnique, avant de passer la parole à ma collègue. Donc, fondamentalement, oui, donc, les projets sont des choses sérieuses avec une dimension technique extrêmement complexe et importante, mais ça dépend aussi de... Donc, sa réception dans les territoires dépend aussi de la manière dont les gens vont pouvoir l'interpréter. Donc, là, il y a vraiment la question de la construction d'un sens par les individus et par les groupes. Donc, le tout est de savoir comment est-ce que cette technologie va être saisie par la communauté locale. Donc, c'est là que se posent toutes les questions des impacts positifs, des impacts négatifs aussi. La question de la répartition plus générale des coûts et des risques, qui gagne, qui perd et dans quelle mesure est-ce que les risques sont, effectivement, prévisibles, à quelle échelle. Toute la question de l'intérêt national, des intérêts locaux, etc. Donc, en résumé, est-ce que le projet apparaît tenable et souhaitable d'un point de vue sociotechnique?

Dans ce cadre-là, le ministère a présenté une évolution intéressante en mettant en avant une dimension participative qui avait, un petit peu, été oubliée historiquement dans le développement du Québec. C'est sans doute l'enjeu transversal au livre vert, donc en insistant sur l'implication forte de l'ensemble des processus qui caractériseraient un grand projet. Donc, encore une fois, c'est une ouverture qui est très positive, et, pour le dire franchement, ça fait plaisir. Par contre, ça représente aussi un certain nombre de défis ou de limites dont il va bien falloir traiter ou, si on ne les traite pas immédiatement, elles seront inévitablement présentes ultérieurement.

Donc, tout d'abord, au niveau des modalités de participation, systématiquement, la définition de la participation, c'est une définition relativement modeste qui engage relativement peu les acteurs publics, donc... et qui sont finalement extrêmement différentes des formes les plus ambitieuses. Donc, on parle de concertation, de compromis. Donc, l'information et la consultation, ça n'est pas la même chose que la concertation et le compromis. Donc, en particulier pour les grands projets, donc, se pose vraiment la question de savoir dans quelle mesure les dispositifs de planification à long terme de l'usage du territoire... Donc, la question se pose pour savoir dans quelle mesure ça va permettre de résoudre les enjeux concrets qui se posent pour chaque projet.

Deuxième dimension importante, l'information. On sait que l'information de qualité est une revendication systématique qui monte de plus en plus. On ne peut plus se permettre désormais de proposer de l'information qui ne serait pas impeccable, et donc, là, on se retrouve avec, effectivement, une belle insistance sur l'importance de l'information, mais aussi une limite. Diffuser l'information de manière unilatérale sur un mode pédagogique, sur un mode de vulgarisation, comme on le propose dans l'orientation 3, ça n'est sans doute pas suffisant parce que ça laisse dans l'ombre la question de la qualité de cette information, de la neutralité, de la validation par des instances scientifiques extérieures...

Le Président (M. Iracà) : Il reste quatre minutes, M. Fournis.

M. Fournis (Yann) : Pardon. Et donc, là, donc, se pose la question de la diffusion par le MERN, mais aussi de la qualité de l'information.

Mme Fortin (Marie-José) : Alors, pour mes quatre minutes, je vais avancer sur les deux autres niveaux. En fait, ce qu'on vient d'entendre, c'est tout le niveau, effectivement, du jugement qu'évoquaient nos deux collègues de l'UQAM précédemment. Nous, on ajoute deux autres niveaux. Donc, le deuxième vous intéressera probablement en tant qu'élus, c'est tout ce qui touche la question des processus de délibération et des modalités de gouvernance. Donc, dans ce cadre-là, c'est, effectivement, se demander comment sont prises les décisions, comment on en vient collectivement à fixer des règles du jeu, à apporter des réponses par rapport à un projet, à forger des arrangements qui rallient les besoins et les intérêts, qui sont souvent variés. Et donc aussi l'idée, c'est de savoir que ces arrangements-là sont solides pour résister au temps et aux imprévus. Tout à l'heure, on en évoquait quelques-uns avec les cours du marché qui peuvent changer, les activités qui évoluent. Donc, ce sont des choses qui doivent, l'acceptabilité sociale, dans le temps long, se travailler.

Deux éléments positifs qu'on voit dans le livre vert à cet égard-là, sur cette question-là des processus, c'est d'abord la reconnaissance des populations locales et des groupes touchés comme étant des acteurs désormais importants et légitimes dans le processus de prise de décision. Et le deuxième point qui, vraiment, à notre avis, est vraiment important, c'est la question du droit de refus des communautés, qui est rappelé à différents endroits dans le document, qui n'est vraiment pas rien, mais qui, à notre avis, constitue une avancée sur le plan de la réflexion et des travaux menés sur l'acceptabilité sociale.

Enfin, on rappelle aussi que la décision reste entre les mains du gouvernement. On peut, effectivement, admettre cette question. Par ailleurs, ça nous renvoie à la question de comment s'articulent ces processus de participation, de gouvernance à la prise de décision comme telle. C'est une question classique qu'on voit dans la littérature sur la participation, notamment, et elle se vit au quotidien. Tout à l'heure, on a rappelé le cas de la Mine Arnaud. M. le ministre Arcand, notamment, demandait : Pourquoi vous pensez qu'il y a eu cette défaillance autour de ce cas-là en particulier? Une des raisons, à notre avis, c'est, effectivement, ce décalage-là entre l'évaluation à l'interne de l'appareil administratif, qui a fini par poser des conditions, et l'évolution dans la communauté du débat, et un manque d'arrimage, finalement, entre les deux. Donc, on va, d'ailleurs, voir cette proposition qui est amenée autour de la séance publique de rétroaction comme une réponse, effectivement, à cette situation-là, mais, selon nous, elle est plus de l'ordre de la communication telle qu'elle est présentée en ce moment et elle n'implique pas davantage les... concernés, alors qu'on pourrait aller plus loin.

Enfin, le dernier niveau — et je vais terminer avec ça — qui touche, en fait, la soutenabilité ou la viabilité des communautés qui sont touchées par le projet. Alors, dans ce cas-ci, il s'agit de savoir est-ce que le projet, finalement, permet de pérenniser l'existence des communautés ou est-ce qu'au contraire il les menace, que ce soit sur le plan écologique, social ou économique. Dans le document, il est essentiellement question de la question économique, et même traitée sous l'angle des retombées économiques. Or, à notre avis, il faut voir la question économique de façon plus large, hein? La question peut être des impacts économiques, et il peut y avoir des impacts qui sont positifs, oui, et c'est ceux qui sont attendus généralement, mais il peut y en avoir aussi qui sont négatifs. Donc, si on met en place ce fameux bureau qu'on évoque, qui, à notre avis, est une bonne idée, surtout s'il est fondé sur les principes de développement durable, eh bien, on ne doit pas se limiter aux retombées économiques, il faut aller au-delà et voir comment les impacts économiques peuvent, effectivement, avoir des incidences sur les territoires. C'est-à-dire, par exemple, il y a d'autres économies en place sur les territoires. On pensera souvent, dans nos dossiers qui nous concernent, l'agriculture, le tourisme ou même l'économie résidentielle quand on a des régions qui sont attractives pour des populations, par exemple, de retraités, etc. Donc, il y a cette question-là.

Deuxième question — toujours autour de l'évaluation de ce fameux bureau — la question des échelles des impacts. En fait, ce qu'on voit souvent, c'est un défi d'articuler les intérêts nationaux par rapport aux intérêts locaux, hein? On a les grandes retombées pour le Québec, mais que reste-t-il sur les communautés locales? Alors là, on est vraiment... Le Plan Nord est un bel exemple dans ce sens-là. Que reste-t-il aux communautés autochtones du Grand Nord? Que reste-t-il même sur la Côte-Nord — tout à l'heure, on l'a évoqué — avec ces modèles «fly-in/fly-out» où les travailleurs, finalement, survolent ces territoires-là.

Le Président (M. Iracà) : Merci beaucoup, Mme Fortin.

Mme Fortin (Marie-José) : Oh, zut!

Le Président (M. Iracà) : Ça met fin à votre présentation.

Mme Fortin (Marie-José) : O.K. Bien, vous me poserez la question pour la suite.

• (18 h 10) •

Le Président (M. Iracà) : Mais, pendant les échanges, vous allez pouvoir revenir sur certains points si vous le désirez.

Mme Fortin (Marie-José) : D'accord.

M. Arcand : ...pour conclure...

Le Président (M. Pagé) : Alors, avec la générosité du ministre, sur son temps, il vous reste une minute ou deux pour conclure.

Mme Fortin (Marie-José) : Ah! merci. Merci beaucoup. Écoutez, en fait, nous, ce qu'on voulait montrer, c'était comment, effectivement, il y a des modèles qui se mettent en place et qui sont alternatifs par rapport au modèle dominant qui structure nos économies. Donc, effectivement, au Canada, on a décrit ce modèle-là comme étant le modèle des Staples, orienté, en fait... des grandes entreprises, extraction brute de la ressource et destinée à l'exportation. Or, potentiellement, il y aurait à se demander est-ce que c'est toujours la voie qui est celle qui est souhaitée. C'est notamment la demande de bien des groupes. Et d'essayer de valoriser notamment les ressources sur place, on entend beaucoup de débats.

Je voulais conclure peut-être sur la question qui apporte... Nous, on considère que c'est une avancée, le livre vert, que le Québec est même pionnier en la matière parce que ce n'est pas tous les pays qui se sont saisis de cette question-là avec autant, je dirais, de dimensions appliquées. Par ailleurs, ça pose la question du rôle du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles dans le développement des territoires. Effectivement, on a deux missions qui sont bien mises de l'avant dans le document, mais on sait que, dans la pratique, elles peuvent entrer en choc, hein, la mission, d'une part, de développement et de soutien au développement économique, mais, de l'autre, aussi le gardien, comme on disait tout à l'heure, des ressources naturelles avec des arbitrages qui sont nécessaires entre différents intérêts. Alors, comment on peut concilier ça ensemble dans la pratique? Nous, il nous semble qu'il y a là un véritable enjeu et qu'il faut poser des questions par rapport à ça, au sens où, effectivement, la société québécoise a changé et s'attend à ce qu'il y ait vraiment des garanties à l'égard de la pérennité de nos ressources et de leur mise en valeur pour les communautés et pour le Québec à long terme.

Enfin, dernier point peut-être, l'avancée, on la voit, effectivement, on voit bien les capacités internes qu'on essaie de mobiliser et de développer avec le bureau des projets majeurs, notamment. Nous, on se demande : Est-ce que ça va vraiment être dans le but de coordonner? Je pense qu'il y a vraiment un défi parce qu'on a des ministères avec des missions très différentes. On espère que ce sera dans cette direction-là et que ce ne sera pas plutôt pour donner plus de poids au ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles. Donc, à voir dans la pratique.

Et enfin, dernière chose, est-ce que le ministère pourrait, par ces nouvelles pratiques, davantage travailler ses relations carrément avec les territoires? On le sait que les projets arrivent souvent de façon descendante, ce sont des grands projets. Or, est-ce qu'ils peuvent être mieux articulés sur les territoires? Est-ce que l'acceptabilité sociale peut être une porte pour réfléchir dans ces termes-là? Nous l'espérons.

Le Président (M. Pagé) : Merci beaucoup, Mme Fortin. Nous allons procéder à la période d'échange avec la partie gouvernementale. Je cède la parole au ministre.

M. Arcand : D'abord, Mme Fortin, merci infiniment. Je pense que c'est une présentation extrêmement intéressante. M. Fournis, également. Je dois vous dire que j'ai particulièrement... surtout qu'on venait d'avoir Mme Doyle tout à l'heure, la mairesse de Port-Cartier, et qui nous parlait... Entre autres, j'ai particulièrement aimé l'aspect des impacts économiques. Je pense que ce dont vous avez parlé est particulièrement important. Mme Doyle nous disait, par exemple, qu'elle est prise maintenant avec le projet FerroAtlantica qui n'a pas fonctionné et qui fait en sorte qu'elle se retrouve avec des rues sur lesquelles il y a eu quand même des dépenses d'infrastructures importantes pour la municipalité sans avoir en retour, évidemment, les avantages économiques, et les investissements, et les citoyens pour, justement, être en mesure de payer ces infrastructures parce que le projet a été abandonné à la toute fin. Alors, je pense que ça, c'est important.

Et je vous dirais également que, sur la question des communautés autochtones en particulier, lorsqu'il y a des projets, il y a des communautés autochtones qui, par exemple, veulent garder parfois une certaine enclave dans leurs territoires, ne veulent pas nécessairement des liens directs. Enfin, chacun a son opinion sur un certain nombre de choses.

Maintenant, ceci étant dit, je comprends qu'on ait parlé du ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles comme ayant une vocation un peu plus économique et qu'il y a certains enjeux reliés à ça au niveau... mais, en bout de ligne, une fois qu'on a dit tout ça, est-ce que, pour vous, un gouvernement dûment élu... Parce que, dans le fond, une décision finale est prise par un gouvernement, n'est pas prise par le ministère seulement, c'est à la suite d'un processus qui, demain matin, implique le ministère de l'Énergie, le ministère de l'Environnement en particulier, d'autres acteurs également au sein du gouvernement, est-ce qu'un gouvernement dûment élu, dans une décision qui... Parfois, dans certains cas, c'est évident, ça va bien, la communauté est d'accord, mais, dans d'autres cas, c'est un peu plus compliqué — et ça s'applique, d'ailleurs, autant aux projets, des fois, verts qu'aux projets d'hydrocarbures — est-ce qu'un gouvernement dûment élu est habilité, d'après vous, dans votre schéma de pensée, à prendre la décision ultime?

Mme Fortin (Marie-José) : Je vais laisser la parole à mon collègue politologue, qui meurt d'envie, je n'en doute pas... Je la reprendrai après s'il le faut.

M. Fournis (Yann) : Rapidement, donc, oui, je pense qu'effectivement c'est une question qui est importante : Est-ce qu'un gouvernement élu aura le droit de prendre la décision finale? Bien entendu, en théorie. Puis c'est là que, malheureusement... il faut bien constater — malheureusement pour la théorie — on se rend compte que, de plus en plus, ça n'est plus suffisant. En même temps, on ne va pas se cacher que ce n'est pas non plus très, très nouveau, hein? On peut penser à certains échecs des années 60. On est de l'Est du Québec, donc le bureau d'aménagement... Donc, les politiques n'ont jamais été simples à mettre en oeuvre. Donc, il y a fondamentalement cet enjeu d'arriver à mettre en place les décisions qu'on a voulu faire et d'arriver à articuler les différentes échelles. Puis, là-dessus, je pense que c'est l'une de nos particularités, oui, il y a intérêt collectif, un intérêt national qui est déterminé par le gouvernement, il a été élu pour ça. Mais, d'une part, il n'est pas simple parce qu'il y a différentes incarnations de cet intérêt. Par exemple, tel que défini par les ministères économiques, ce n'est pas la même chose que défini par les ministères sociaux, d'une part.

Et, sous l'angle territorial, nous, ce qu'on aimerait rappeler malgré tout, c'est que, non, un projet ne peut plus être pensé exclusivement à l'échelle nationale, et c'est un petit peu, donc, toute cette question, d'arriver à reconnaître à la fois l'intérêt général représenté au niveau provincial et l'intérêt collectif représenté au niveau territorial communautaire.

Mme Fortin (Marie-José) : Et, si je peux me permettre en complément, par rapport au livre vert, par exemple, il y avait une piste, il me semble, qui était là, de savoir... Parce que la logique de projets est souvent une logique à court terme. Or, on tentait de relier cela à une logique de planification territoriale avec des outils qui sont déjà en place. Là, il me semble qu'il y a peut-être un vecteur qui permettrait, justement, que la décision sur ce projet-là soit mieux balisée en lien avec, finalement, une volonté qui a déjà été exprimée souvent après plusieurs années de débat et de concertation dans les territoires. Donc, il y aurait sûrement un arrimage ici qu'il serait possible de faire.

M. Arcand : Il y a eu un débat également sur, justement, la participation des gens qui sont un peu à l'extérieur de la communauté. Je voudrais juste vous entendre sur ces éléments-là parce que ce n'est pas quelque chose qui est conclu de façon définitive. Certaines personnes sont venues hier, d'ailleurs, nous dire, par exemple : Bien, quand vous avez, je dirais, un projet qui émet beaucoup de gaz à effet de serre, bien, c'est tout le Québec qui est concerné, ce n'est pas seulement la communauté, et vice versa. Alors, j'aimerais avoir votre opinion sur jusqu'où on accepte ou on n'accepte pas que des gens de l'extérieur de la communauté concernée, a priori, puissent s'exprimer sur un projet quelconque.

Mme Fortin (Marie-José) : Bien, nous, je pense que la position a toujours été quand même de dire que l'acceptabilité sociale, ce n'est pas juste local. Pourtant, on est les premiers à parler de communautés et de territoires, mais ce n'est pas juste une affaire de microsociété fermée sur elle-même. Mais, au contraire, elle est reliée avec des enjeux, avec des questions, avec des valeurs qui sont beaucoup plus larges, et puis l'idée, c'est... Effectivement, on insiste beaucoup, d'ailleurs, sur ce niveau-là intermédiaire, qu'on présentait tout à l'heure, de la gouvernance pour dire : Il faut qu'il y ait en place des mécanismes et des lieux d'échange de débat le plus large possible pour, justement, faire en sorte que les arguments portés par différents acteurs, qu'ils soient du territoire ou à l'extérieur, puissent se faire entendre. Parce que le principe de la délibération — en tout cas, sur le plan théorique encore une fois — c'est que ce n'est pas le plus grand nombre d'arguments qui gagnent, mais le meilleur argument au final. Et donc ce serait, effectivement, l'idée que, oui, toutes les voix peuvent être entendues, mais il y a une décision, effectivement, à prendre par la suite.

Maintenant, est-ce qu'on va sacrifier un bout de territoire pour l'ensemble de la collectivité? Là, c'est des gros débats, des gros dilemmes. D'ailleurs, nous-mêmes, on a des échanges parfois, on n'est pas toujours d'accord là-dessus. On a des idées, mais peut-être qu'on va se les garder pour aujourd'hui.

M. Arcand : Et, sur le processus participatif, est-ce que vous avez, encore une fois, certaines idées sur la meilleure façon de faire évoluer ce processus-là?

• (18 h 20) •

Mme Fortin (Marie-José) : Bien, en fait, moi, je dirais que le processus, c'est... on peut parler des processus. Souvent, ce sont des mécanismes de participation. Juste tout à l'heure, avec Mme Doyle, on a parlé comité de suivi, comité de liaison, les audiences publiques, la préconsultation. Donc, il y a beaucoup de moments de participation.

Il y a certaines, quand même, observations qu'on peut faire par rapport à avoir analysé ces exemples-là. Souvent, celui qui connaît, maîtrise le mieux l'ensemble des processus, c'est le promoteur. Or, ça serait préférable que ce soit une instance tierce. Donc, effectivement, nous, on a notre bureau des audiences publiques, qui est fantastique, qui est un modèle à travers le monde en termes de capacité d'action, mais on sait aussi ses limites. Il arrive tardivement. Ce n'est pas nécessairement une instance très interactive, c'est plus des échanges, et donc il y a peut-être lieu d'élargir des formes, effectivement, de participation, mais surtout de les relier. Je pense, c'est ça, le gros défi en ce moment. Et relier, comme on le disait tout à l'heure, au processus de prise de décision parce qu'il n'y a pas juste une décision. Souvent, on va se cristalliser sur la fameuse autorisation finale, mais, en amont, il y a plusieurs petites décisions qui sont prises et qui font la différence, qui font cheminer ou qui peuvent arrêter carrément un projet d'avancer.

M. Arcand : D'accord.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. le ministre. Alors, je vais céder la parole au député d'Abitibi-Est.

M. Bourgeois : Oui. Merci, M. le Président. Dans vos conclusions, vous nous parlez de régulariser les activités économiques et sociales pour arbitrer, pour assurer la conciliation des usages. Y a-t-il une possibilité de développer des modèles qui sont applicables sur de multiples projets? Dans l'expérience que j'ai sur les projets, il y a tellement de choses différentes, comment on peut faire ça pour avoir un processus qu'on est capable de comparer les projets entre eux?

M. Fournis (Yann) : Peut-être une définition qui est un peu facile, mais qui est aussi décourageante. Clairement, il n'y aura pas une solution qui marchera à tous les coups parce que chaque cas rassemble tellement de variables que, finalement, c'est plutôt d'examiner comment les différentes variables se combinent à chaque fois. Donc, on rêve tous de ce modèle qu'on aurait clé en main, il suffit de voir la grille et ce que... Bon. Mais, de fait, on se rend bien compte que ça ne marche pas. Il y a des projets qui ont suscité des oppositions assez surprenantes. Personne n'avait vu venir l'opposition à l'éolien, par exemple, si c'était éthique, l'empreinte, elle n'était pas majeure, etc. Et ça, on s'est rendu compte que, tiens, il y a plein de dimensions qu'on n'avait pas vues.

Par contre, moi, ce que j'ai envie de dire, c'est que, malgré tout — puis je pense que cet exercice participe de ça — on sait ce qu'il ne faut absolument pas faire et on est toujours assez navré de constater que, tiens, tout le monde ne le sait pas. Il y a encore des erreurs à ne pas commettre, on sait que ça va aller dans le mur, et, malgré tout, il y a des acteurs qui continuent à se comporter avec de mauvaises pratiques pour aller vite. Moi, je dirais que, finalement, le tamis est en marche, puis, progressivement, on arrive, un petit peu, à déterminer au moins les limites ou des paramètres de ce qu'il ne faut pas faire, puis sans doute qu'on va arriver à un moment à quand même proposer une grille suffisamment large pour éviter les erreurs les plus grossières.

M. Bourgeois : Donc, on parle plus de procédures, de modèles que de grille finale?

Mme Fortin (Marie-José) : Je pense qu'on parle, effectivement, quand même de démarche au sens large, mais avec un cadre, je dirais, quand même assez précis qui va baliser les principes puis les règles de l'art. Et ça, comme le disait Yann, c'est assez connu. La question de la participation au Québec, quand même, je pense qu'on est bons, entre guillemets, sur cette question-là. Depuis 30, 40 ans, on est quand même bien investis là-dessus. On sait ce qu'il ne faut pas faire. On sait aussi théoriquement qu'est-ce qu'il faut faire. Alors, je pense que, dans ce sens-là, les processus, on peut les travailler de façon peut-être un peu plus générique, si vous voulez, en les adaptant, évidemment, par ailleurs. Et c'est peut-être là, la question. Vous qui venez de l'Abitibi, je pense que vous êtes conscient, effectivement, le secteur minier... discuter du secteur minier dans une région comme chez vous, ce n'est pas comme le discuter, par exemple, sur Le Plateau—Mont-Royal. Donc, on va avoir des enjeux qui vont se poser avec fermeté et qui vont peut-être même être virils, donner lieu à des échanges virils.

Alors, là, l'idée, c'est qu'effectivement quel processus est-ce qu'on met en place pour baliser ces dynamiques-là, qui sont carrément des économies structurelles, là, liées aux économies en place? Donc, moi, à mon avis, on a des avancées à faire. Même le Bureau des audiences publiques, à mon avis, ça ne convient pas. On arrive, nous. On était, la semaine dernière, à TransCanada, si on peut donner l'exemple, les salles étaient remplies de travailleurs de la FTQ qui souhaitent, effectivement, avoir les emplois liés à ce chantier que donnerait lieu... si le projet avance. Donc, qu'est-ce que ça fait dans la salle pour les gens qui veulent venir poser des questions? Ça crée de la pression sur ces gens-là. Ça crée, effectivement, un malaise profond, et puis peut-être que certains se sont carrément abstenus de venir poser des questions. Donc, il y a des mécanismes de participation qui doivent être adaptés aux contextes dans lesquels on va, et, à mon avis, les régions dites ressources, où est beaucoup présent le ministère de l'Énergie et des Ressources naturelles avec ses grands projets, on a vraiment un travail à faire de fond à ce sujet-là.

M. Bourgeois : Il reste combien de temps?

Le Président (M. Iracà) : Il reste 1 min 40 s. Je sais qu'il y a un autre collègue qui veut poser une question, mais je vous laisse juger.

M. Bourgeois : Oui, je lui ai laissé... Il va me laisser celle-là. Justement, dans le modèle, l'importance qu'on doit attacher d'un groupe à l'autre dans un processus pour être sûr que, dans le fond, on a ultimement une décision qui tient la route... Parce que, comme vous le dites, là, c'est toute la question de la pérennité de la suite du déroulement, comment on fait pour venir déterminer la valeur?

M. Fournis (Yann) : Ah! ça, c'est la grande question, mais qui se pose aussi en aussi en démocratie : C'est quoi, la majorité? Donc, dans quelle mesure est-ce qu'on peut trouver un accord qui soit suffisamment robuste pour pouvoir tenir à long terme, mais qui ne soit pas trop robuste pour ne pas finir par créer plus de problèmes qu'il n'en résout? Donc, là, en fait, le constat, c'est quand même cette idée qu'il y a les parties prenantes, qu'elles, par contre, on peut mesurer. Enfin, les promoteurs le font bien avec des régulations qui posent des limites, et ça devient plus dur pour les citoyens. Puis là il y a une règle de base très simple, puis que les hommes politiques connaissent bien, c'est que les citoyens, quand ils ne sont pas contents, on le sait, on le sait très, très vite, et puis ils ont de plus en plus de moyens pour peser.

Maintenant, la grande question, à mon sens, c'est la question de la communauté, c'est-à-dire comment est-ce que les parties prenantes et les citoyens peuvent arriver à constituer des communautés qui seraient, bien, soutenables... où il ferait... Et là le grand problème, c'est qu'aucune communauté n'est la même que sa voisine. Et donc, finalement, bien, on se rend compte que le processus doit être créé à chaque fois. Par contre — et je reviendrais sur ce que disait Marie-José tout à l'heure — c'est qu'il n'y a pas un moment... On a tous en tête ce modèle de la décision où, à un moment, on dirait : Oui, il y a l'avant, l'après, etc. Ce n'est pas vrai, ça se construit sur le long terme. Donc, en gros, c'est vraiment un processus de constitution, d'enrôlement. Et puis, progressivement, à un moment, là, tiens, il y a un ensemble de choses qui sont cannées ensemble. Par contre, attention de ne pas créer de l'injustice. Donc, c'est cette idée de savoir créer un accord qui soit souhaitable en fonction des paramètres qui sont déterminés par le gouvernement et qu'il soit suffisamment robuste. Mais là il y a clairement une marge de négociation puis de découverte collective, et puis je pense qu'il faut l'assumer.

Le Président (M. Iracà) : Merci, M. Fournis. Nous allons débuter l'échange avec l'opposition officielle, je vais céder la parole au député de Sanguinet. Merci.

M. Therrien : Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à vous deux. Merci d'être ici avec nous. Bien, écoutez, je vais vous laisser parler. Je vais poser des questions assez courtes et je vais attendre des réponses de votre part. Je vais vous laisser de la glace, comme on pourrait dire. D'abord, quand vous faites une opérationnalisation, là, d'acceptabilité sociale, vous parlez de quels facteurs? Vous avez les trois dimensions : dimension sociale et technique, politique et institutionnelle, économique et territoriale. Moi, je vais vous dire honnêtement — et je veux juste vous entendre là-dessus, là — moi, j'avais pensé simplement que... et c'est peut-être parce que je suis simpliste, là, mais j'aurais pensé que les trois dimensions, c'est économique, environnementale et sociale. Mais, quand je vois ça, là, je me dis : Oups! là, vous me heurtez dans ma prévision d'opérationnalisation du concept. Je vous laisse là-dessus m'expliquer pourquoi ça ne serait pas tout simplement ça, pourquoi vous proposez ces trois dimensions-là.

Mme Fortin (Marie-José) : Bien, en fait, vous êtes proche quand même, il y a beaucoup de ça en dessous, là. C'est-à-dire qu'en bas de la figure, la crédibilité, effectivement, on est sur les interprétations sociales que les acteurs donnent. Et ensuite on est au niveau politique, et, effectivement, c'est la structuration des territoires en termes économiques, mais pas que... c'est-à-dire qu'on insiste quand même sur la question de la soutenabilité pour aussi intégrer les questions écologiques. Parce qu'en fin de compte, si un modèle économique n'est pas viable écologiquement ou crée des problèmes de santé majeurs, par exemple, sur les communautés, bien, on peut le questionner. Donc, vous êtes quand même assez proche, je pense, de ce qu'était au départ...

M. Therrien : Puis la légitimité politique?

Mme Fortin (Marie-José) : Oui. Bien, en fait, l'idée...

M. Therrien : Parce que, excusez-moi, je ne vous l'avais pas mentionnée, je pense.

Mme Fortin (Marie-José) : Oui, c'est la légitimité politique. Autrement dit, effectivement, dans les arènes prévues pour penser, et discuter de ces questions-là, et de prendre des décisions — et pas seulement des décisions, mais, comme on a dit tout à l'heure, souvent il y a des conditions associées aux décisions — bien, comment faire en sorte, effectivement, que ces conditions-là, elles fassent un accord le plus partagé possible et qu'elles soient capables de rallier les intérêts qui sont souvent divergents, on l'a dit tout à l'heure, sur ces territoires-là qui sont convoités par différents types de promoteurs, incluant par les acteurs qui ne sont pas économiques non plus en plus.

M. Therrien : O.K. Tantôt... Juste faire un clin d'oeil sur ce que le ministre a mentionné, il disait : Cas limite, cas extrême... Puis je ne veux pas vous forcer à répondre là-dessus, tu sais, il disait : Cas limite, est-ce que ça ne serait pas au gouvernement de trancher finalement, tu sais, si c'est acceptable ou non, ce n'est pas le rôle du gouvernement? Puis vous aviez commenté là-dessus. Le gouvernement, c'est le premier ministre. Quand il arrive, puis il dit : Ce projet-là, je ne veux rien savoir de ça pour x raisons, on est loin de l'acceptabilité sociale, et j'imagine que votre processus d'analyse politique se fait heurter par ce genre de situation là. Je ne sais pas si vous voulez commenter, mais moi, je peux commenter, je suis à l'opposition. Si ça vous tente de renchérir, c'est correct, sinon on passe à un autre appel. Mais disons que, quand j'ai entendu ça, j'ai pensé au premier ministre, ce qu'il disait, là, par rapport à Anticosti, que lui, il trouvait que ce n'était pas bon. Voulez-vous commenter ou je vais passer à une autre question?

• (18 h 30) •

Mme Fortin (Marie-José) : Oh oui! Nous, on est indépendants...

M. Therrien : C'est comme vous voulez, mais je ne veux pas vous obliger. Mais je veux vous entendre là-dessus parce qu'il y a un dérapage qui peut s'effectuer par rapport à ce que le ministre... Et le ministre, je le connais bien, il est sympathique et il n'est pas fait de ce bois-là, j'imagine. Mais bon.

M. Fournis (Yann) : Pour répondre sous forme de plaisanterie, bien, je pense que tout homme politique sait qu'il peut absolument tout dire à condition d'être prêt à en payer le prix.

Le Président (M. Pagé) : Bonne réponse.

M. Therrien : Oui. Mais, des fois, le prix est très lourd à payer, par contre.

Mme Fortin (Marie-José) : Ah oui? Ah! bien, moi, j'irais quand même plus loin, je me permettrais...

M. Therrien : Ah bon!

Mme Fortin (Marie-José) : C'est-à-dire que l'idée, c'est, effectivement, le politique a le mot parce qu'il est élu pour ça, effectivement, prendre une décision. Mais, comme on l'a dit tout à l'heure, il doit s'asseoir sur une base solide. Et, parmi sa base, il y a cette idée que l'appareil gouvernemental a des expertises variées qui peuvent nourrir avec des avis la décision finale. Et donc c'est sûr que, quand on arrive, qu'on a l'impression qu'il y a déjà un point de vue très fort qui est pris sur un dossier avant même que l'analyse soit complétée, ça... En fait, ce que ça fait, c'est plutôt que ça a comme effet de miner la crédibilité des instances et de tout le processus. Donc, en fait, on se prive, je pense, même comme élu, en prenant position trop vite sur un dossier ou un autre, alors que c'est très... On le voit dans les petites communautés, tout projet de développement économique, a priori, est bienvenu parce que, souvent, on est en situation difficile, on est en période économique qui n'est pas rose. Or, si on va trop vite avant de savoir c'est quoi, la base, justement, avant d'avoir des regards plus complets, plus exhaustifs, bien, peut-être que c'est là qu'on peut créer des tensions.

M. Therrien : O.K. Merci. Moi, je vous poserais une question par rapport à l'idée... Puis je pense que c'est le ministre qui a posé les questions, puis c'est intéressant de dire qu'il y a des retombées au niveau national puis des retombées régionales ou... Par rapport aux gaz à effet de serre, tu dis : Bien, tu sais, il peut y avoir un projet, puis, bien, il y a des conséquences néfastes sur les gaz à effet de serre. Ça fait que les gens, dans la communauté nationale, vont dire : Bien, nous, on va riposter, ainsi de suite, et ils vont dire : Bien, on préserve, si on veut, une qualité de vie, puis ainsi de suite.

Sauf que c'est déjà arrivé qu'au niveau régional les gens acceptent ou, en tout cas, les gens se posent la question, puis, au niveau national, ça semble bon, c'est rentable. Mais on voit des gens du national ou d'autres régions qui vont aller dans la région malgré tout et qui vont, tout simplement, manifester leur opposition au projet, alors qu'eux, si on regarde au niveau national, ils auraient intérêt à faire la promotion du projet. Comment vous trouvez ça?

M. Fournis (Yann) : Franchement, c'est des questions compliquées, hein? Parce que la démocratie est très efficace à un niveau. L'ennui, c'est que, quand il y a différents niveaux qui jouent en même temps, là ça devient comme compliqué. Mais, en même temps, ça se résout dans la capacité qu'a la démocratie à créer un dialogue entre différentes instances. Parce que, pour le dire franchement, les gens qui viennent de l'extérieur et qui prétendent mieux connaître que les locaux ce qu'est l'environnement, ça ne passe pas très longtemps.

Par contre, quand tu trouves des relais locaux puis que tu les mobilises, et puis que... bien là on se rend compte que, tiens, c'est plus local que global, c'est plutôt certains locaux avec certains globaux et puis le national, etc. Alors, finalement, la question, c'est peut-être comment tout ça, ces différents échelons, arrivent à constituer un processus collectif de jugement. Puis là, finalement, bien, bon, c'est facile pour personne, mais, finalement, c'est comme ça que ça fonctionne, la démocratie, puis...

M. Therrien : Oui, oui, je comprends, je comprends.

Le Président (M. Pagé) : Il vous reste trois minutes, M. le député de Sanguinet.

M. Therrien : Ah, parfait, super! O.K. Bien, moi, il y a quelque chose qui m'a beaucoup plu, puis je pense... Et je ne veux pas mettre personne dans l'embarras, mais je pense qu'il n'y a personne d'autre, en tout cas, qui l'a aussi bien présenté, c'est le coût d'opportunité. C'est-à-dire que vous avez une possibilité de retombées économiques dans un domaine, dans le secteur minier, par exemple, mais, par contre, le fait d'arriver dans un secteur puis de faire promotion de ce secteur-là, vous renoncez à autre chose, agriculture et ainsi de suite. Et vous, vous insistez sur le fait qu'on doit, dans les retombées économiques, voir les retombées qui sont négatives, et donc, ça, je suis d'accord avec ça.

Si on poussait le bouchon plus loin, là, si le gouvernement investit dans une mine, mettons, 10, ou 15, ou 20 millions, est-ce que vous, là, vous considérez le coût d'opportunité de cet investissement-là? C'est-à-dire s'il investit 20 millions dans la mine, on aurait pu dire : Bien, il aurait pu mettre 20 millions ailleurs, dans une université, une branche universitaire, un cégep ou dans un autre domaine dans la région qui nous aurait amené des retombées économiques supérieures.

Mme Fortin (Marie-José) : Je pense que c'est, effectivement, des décisions qui doivent être pesées, certainement. Je veux dire, les fonds publics ne sont pas inépuisables, on le sait tous. Et, par ailleurs, il y a des choix parfois qui peuvent sembler peut-être, je dirais, incohérents, au sens... par exemple, il y a des secteurs plus traditionnels, puis on entend tous : Aïe! Aujourd'hui, c'est l'économie du savoir, c'est l'économie verte, c'est... Donc, ces industries-là plus anciennes, qu'est-ce qu'on fait avec elles? Puis c'est toute l'idée, effectivement, de la reconversion, finalement, de vieilles économies vers de nouvelles. Mais, en même temps, il faut faire vivre son monde, quand même, qui est attaché là. Donc, pour moi, c'est vraiment des vrais débats puis des vrais défis d'élus de résoudre la quadrature du cercle, là. Parce que, finalement, on ne peut pas laisser tomber, non plus, carrément des économies du jour au lendemain... Du jour au lendemain, j'entends, donc, il y a vraiment des... on parle de la transition aujourd'hui. Donc, vraiment, c'est cette idée que ça peut prendre du temps long, mais que c'est faisable et que c'est... mais ça prend de l'ingénierie sociale à son meilleur dans ce cas-là.

M. Therrien : Écoutez, je vous écoute parler puis, honnêtement, je suis plus mêlé que j'étais parce que...

Des voix : ...

M. Therrien : Oui, parce que... Non, mais...

Le Président (M. Pagé) : Il vous reste 40 secondes pour vous démêler.

M. Therrien : Non, mais, vous le savez, tu sais, la chanson de Jean Gabin, tu sais, c'est : Tu penses savoir, tu dis : Je sais, je sais, puis, à la fin de ta vie, tu dis : Bien, je sais que je ne sais rien. Alors, vous m'avez expliqué que je ne savais rien, et c'est tout en votre honneur...

Mme Fortin (Marie-José) : Ah, mon Dieu! Je ne sais pas si c'est notre honneur, mais...

M. Therrien : ...écoutez, ça ne m'est pas arrivé souvent dans ma vie de me faire remettre à ma place comme ça. Mais disons que je vais réfléchir à ça, puis sûrement, avec le ministre, on va pouvoir discuter puis...

Une voix : ...

M. Therrien : Oui. Bien, je vous remercie beaucoup, j'ai bien apprécié votre éclairage sur ce dossier.

Le Président (M. Pagé) : Sur ces belles paroles, nous allons débuter l'échange avec le deuxième groupe d'opposition. Je cède la parole à la députée de Saint-Hyacinthe.

Mme Soucy : Merci, M. le Président. Bonjour à vous deux. On voit que c'est complexe, parler d'énergie. Ce n'est jamais une chose facile, hein, que ce soit avec les citoyens ou entre politiciens, parce que c'est complexe, parce que ça relie aussi, hein, différentes composantes, puis il y a des répercussions les unes sur les autres. Puis vous mentionnez dans votre mémoire, vous dites... en fait, vous vous questionnez si la mise en place du bureau des projets majeurs... Si vous visez à renforcir le poids par rapport à d'autres ministères, est-ce que vous voulez dire que le rapport de force est, en ce moment, plus faible au MERN qu'à d'autres ministères? Expliquez-moi un petit peu c'est quoi, votre... Vous ne l'avez sûrement pas écrit comme ça sans avoir une constatation...

M. Fournis (Yann) : Une idée derrière la tête.

Mme Soucy : ...une idée derrière la tête.

M. Fournis (Yann) : Bien, disons que, sans faire trop de plaisanteries, bon, on peut être cynique ou on peut être exagérément optimiste. Donc, soyons exagérément optimistes, le bureau va militer pour participer à une véritable concertation pour pouvoir mettre en articulation différents types d'expertises différentes. L'autre vision, donc, exagérément cynique, sans doute — mais ça fait partie de notre travail — c'est de considérer que, oui, on se rend compte que, dans le projet, il y a certains ministères qui ont de l'expertise extrêmement précise, puis il était temps qu'il y ait au sein du MERN, bien, des chiffres qui permettaient de contrebalancer d'autres chiffres qui insistent plutôt sur les impacts négatifs sur la santé publique, etc. Donc, en gros, on va le dire différemment, les chiffres sont extrêmement importants. Par contre, encore faut-il savoir ce qu'on va en faire.

Mme Fortin (Marie-José) : Et puis, si je peux me permettre d'ajouter, vous posiez, effectivement, l'idée du poids entre les ministères, nous, en ce moment, on fait une enquête, justement, auprès de différents ministères qui sont impliqués dans l'évaluation environnementale des grands projets, et puis la question de la capacité interne et organisationnelle de chacun des ministères est vraiment au coeur, en ce moment, des défis qu'ils traversent. Les pressions sont fortes en lien avec les finances publiques, et notamment au ministère de l'Environnement, qui est le seul, en fait, à devoir contrôler, hein, est-ce que, oui ou non, les conditions du décret qui ont été émises sont bien respectées, est-ce qu'on a encore les agents sur les territoires. C'est toutes des questions qui se posent et qui participent de la crédibilité aussi des processus et des autorisations qu'on donne en amont.

Donc, certainement qu'il y a, je pense, un renforcement interne non seulement du ministère Énergie et Ressources naturelles, mais, je dirais même plus encore, des autres ministères. Mais ça, c'est vraiment un avis...

• (18 h 40) •

Mme Soucy : Bien, je pense qu'aujourd'hui on ne peut pas parler d'énergie sans parler de transport, sans parler d'environnement. Alors, tous ces beaux ministères là doivent travailler ensemble. Alors, cet après-midi, un groupe nous avait parlé d'un modèle qui existe, qui était le British Columbia Oil & Gas, puis la structure fait en sorte que c'est comme un guichet unique, puis les spécialistes, que ça soit en environnement, que ça soit en énergie, travaillent tous sous le même toit, en fait. Ça facilite la communication, ça facilite aussi la communication également avec les entrepreneurs. Est-ce que vous pensez que ça serait un bon moyen pour contrer, justement, ce que vous venez d'élaborer?

M. Fournis (Yann) : Mais, pour être tout à fait franc, là, Marie-Josée en parlait tout à l'heure, je pense que l'une des grandes particularités du Québec, c'est le BAPE, c'est-à-dire avoir eu la capacité à créer un corps d'expertise indépendant puis qui permettait d'instruire les projets. Nous, je ne vous le cache pas qu'on est pour plutôt travailler sur les territoires. On est très conscients de l'importance d'articuler les différents types d'expertise, et donc, dans ce cadre-là, oui, un regroupement interministériel, mais doté d'un véritable rôle de créer une pensée transversale par-delà les différents ministères, nous, ça nous paraît une piste extrêmement intéressante. Donc, le BAPE est dans son rôle dans les grands débats, mais il y aurait probablement un véritable univers intersectoriel à mettre en place, y compris au niveau de la gestion des projets. Mais là on sort du ministère de l'Énergie.

Mme Soucy : Vous avez mentionné que les projets devraient être acceptés en premier par la communauté. Je vais prendre un projet de mine, par exemple. Si la communauté n'en veut pas dès le début, là, est-ce qu'à ce moment-là il ne devrait même pas se rendre au BAPE? Est-ce qu'on devrait arrêter le processus à partir du moment où est-ce qu'on voit que la communauté n'en veut pas, de ce projet-là?

M. Fournis (Yann) : Là-dessus, il y a un choix à faire. Bon, clairement, ca serait plus simple de ne pas aller jusqu'au BAPE, c'est quand même des processus qui sont assez lourds, etc. Par contre, là-dessus, je pense qu'il faut aussi parier... enfin, on a beaucoup travaillé... En gros, si le choix n'est pas explicité en public, la délibération ne produira pas ses effets. On a beaucoup parlé de savoir est-ce que c'est un jugement, est-ce que c'est un processus, mais l'ennui étant que le jugement est un processus. Et, pour ça, il faut donner le temps aux gens de le comprendre. Donc, pour être tout à fait franc, le BAPE, dans la quasi-totalité des cas, fait un extrêmement bon travail parce qu'il permet aux opposants et aux partisans de constater l'état des forces. Donc, en gros, parions sur le fait que, non, la délibération n'est pas inutile. C'est lourd, hein, on ne va pas se le cacher. Mais non, ce n'est pas perdu parce que, pour le dire très, très vite, encore faut-il convaincre les gens qui étaient pour que, non, c'est un projet qui n'aura pas lieu.

Mme Soucy : Mais, par contre, avec la mise en place du bureau des grands projets, qui serait... Bon, on ne sait pas encore il va être composé de quoi, mais, en fait, si c'était un guichet unique, il a l'expertise de plusieurs ministères, puis qu'il accompagne dès le début le promoteur en faisant l'éducation, en répondant aux questions, vous ne pensez pas que, tu sais, à partir de ce moment-là, justement, les gens vont être beaucoup plus au courant, quand il va arriver au BAPE, peut-être que ça va être plus facile, il va avoir moins de... puis il n'aura peut-être même pas besoin d'aller jusqu'au BAPE parce qu'il va avoir une acceptabilité sociale beaucoup plus rapide.

Le Président (M. Iracà) : Malheureusement, merci, Mme la députée de Saint-Hyacinthe. Mme Fortin, M. Fournis, merci beaucoup de votre présentation, de vous être présentés ici ce soir.

Compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux jusqu'à demain, 15 heures. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 44)

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