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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 23 janvier 1990 - Vol. 31 N° 6

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux


Journal des débats

 

(Quatorze heures douze minutes)

La Présidente (Mme Marois): À l'ordre, s'il vous plaît!

Si les membres veulent bien prendre place, nous allons procéder à nos travaux. Je souhaite la bienvenue à tout le monde. On va se souhaiter que notre année soit fructueuse, comme membres de la commission des affaires sociales. Je n'en doute pas parce qu'elle s'engage particulièrement bien.

J'aimerais d'abord rappeler, bien sûr, le mandat de la commission. Nous sommes réunis pour procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi, Loi sur les services de santé et les services sociaux.

J'aimerais d'abord demander à la secrétaire s'il y a des remplacements.

La Secrétaire: Oui. M. Atkinson (Notre-Dame-de-Grâce) est remplacé par M. Holden (Westmount).

Organisation des travaux

La Présidente (Mme Marois): Bienvenue, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres remplacements? Ça va.

Nous allons nous entendre sur l'ordre du jour d'aujourd'hui. Il y aura, d'une part, des allocutions d'ouverture. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux a droit à 30 minutes; le leader et porte-parole de l'Opposition officielle prendra 30 minutes; et le député de Westmount pourra prendre 15 minutes. C'est bien ce sur quoi on s'est entendu. Par la suite, nous entendrons M. Claude Castonguay. Là encore, il y a un temps qui est prévu pour les parties, je crois: une trentaine de minutes d'intervention de la part de notre invité, 30 minutes du côté gouvernemental et 30 minutes du côté de l'Opposition, environ.

M. Chevrette: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le député.

M. Chevrette: Sur le temps de M. Castonguay, ce que je fais comme suggestion, c'est qu'on finisse à 18 heures, mais qu'on ne soit pas serrés quant au nombre de minutes pour qu'on puisse aller au fond, vraiment, des questions fondamentales avec M. Castonguay qui est à l'origine de cette réforme.

La Présidente (Mme Marois): Ça va? M. Côté (Charlesbourg): Oui.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Alors, on retient cette remarque, M. le leader de l'Opposition. Avant qu'on engage nos travaux, c'est la première journée, ce sont les remarques préliminaires, ce sont donc les grandes orientations que l'on donnera quant à la perspective que l'on souhaite retenir de part et d'autre dans les débats. On entendra une personne qui a été à l'origine du premier grand brassage qui s'est fait en matière de santé et services sociaux.

J'aimerais peut-être rappeler aux membres de la commission - et ce sera comme ça pendant tous les jours où nous siégerons; je suis persuadée que le vice-président partage mon point de vue à cet égard - qu'on sera très stricts quant au respect des agendas et des temps prévus, du partage du temps de parole aussi. On parle de 264 groupes qui seraient inscrits, peut-être 263, me dit la secrétaire, mais enfin, c'est de cet ordre de grandeur. Ça veut dire qu'à peu près tout ce qui intervient sur le territoire québécois au plan institutionnel, les organismes, les personnes, les collectivités, les institutions veulent être entendus et c'est normal, mais je pense qu'il faudra le faire d'une façon un peu disciplinée si on veut justement faire en sorte que chacun puisse être entendu. Alors, c'est l'orientation que, dès le départ, je voulais qu'on se signifie ensemble, de telle sorte qu'on respectera les agendas que l'on se donnera.

Je vais maintenant, si vous le permettez, inviter M. le ministre de la Santé et des Services sociaux à nous faire part de son point de vue.

Remarques préliminaires M. Marc-Yvan Côté

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. Nous avons le privilège aujourd'hui de vivre une étape-charnière du système québécois de santé et de services sociaux. L'avant-projet de loi soumis à notre examen représente, en effet, la phase ultime d'une démarche de consultation engagée maintenant depuis plus de quatre ans. Les nombreuses consultations de la commission Rochon et celles qui ont été menées par ma prédécesseure, Mme Thérèse Lavoie-Roux, ont permis de dégager certains principes fondamentaux qui doivent orienter les services à la population.

À la base, deux constats se dégagent des points de vue exprimés au sein de la collectivité

québécoise: premièrement, l'attachement à certains acquis des vingt dernières années qui ont fait du système québécois de santé et de services sociaux un système remarquable sous plusieurs aspects; deuxièmement, la nécessité d'adapter des structures et l'organisation des services pour mieux répondre aux besoins de la population québécoise. Dans cette perspective, le gouvernement a proposé un grand nombre de moyens d'action qui ont été regroupés dans le document "Pour améliorer la santé et le bien-être au Québec", publié le printemps dernier. Ce document proposait des orientations qui visaient deux objectifs distincts: d'une part, apporter des solutions concrètes aux problèmes immédiats du système de santé et de services sociaux et, d'autre part, orienter le système pour faire face aux défis de demain.

Avez-vous des copies du texte? Alors, donnez une copie...

La Présidente (Mme Marois): Oui, si c'était possible de remettre une copie aux membres de la commission.

M. Côté (Charlesbourg): Ce serait plus facile, en souhaitant le même traitement.

La Présidente (Mme Marois): Le même traitement de la part du représentant de l'Opposition.

M. Côté (Charlesbourg): C'est dans la poursuite du premier objectif, à savoir apporter des solutions concrètes aux problèmes immédiats du système, que le document d'orientation se distingue le plus du rapport de la commission Rochon.

La poursuite de ce premier objectif est fondamentale parce qu'il y a des difficultés importantes auxquelles fait face actuellement le réseau et pour lesquelles des solutions concrètes, à court, à moyen et à long terme doivent être trouvées. Mais il y a plus: La crédibilité des orientations dépend autant de leur capacité à préparer le système à faire face aux défis de demain qu'à solutionner des problèmes immédiats auxquels fait face le réseau de la santé et des services sociaux.

Pour l'essentiel, les acquis du système qui doivent être protégés reposent sur ses propres caractéristiques fondamentales, notamment en matière de financement public, d'universalité, d'intégration des secteurs de la santé et des services sociaux, d'implication et de participation de la population et, enfin, un acquis non négligeable, vous en conviendrez, la capacité relative du système à contrôler ses coûts. Mais au-delà de ces acquis que nous devons protéger, le système de santé et de services sociaux du Québec est confronté à des difficultés que nous devrons résoudre. Je me limiterai aujourd'hui à n'en évoquer que quatre qui m'apparaisssent majeures et fondamentales.

Premièrement, H persiste des obstacles à l'accessibilité aux services. Ces obstacles sont de plusieurs ordres. Ils sont notamment d'ordre géographique. On a juste à se référer à la mauvaise répartition territoriale des ressources pour s'en convaincre. Ils sont aussi d'ordre culturel. Les communautés culturelles et les populations autochtones rencontrent des difficultés à recevoir des services qui leur sont accessibles et acceptables en fonction de leur langue et de leur culture. Ces obstacles sont, enfin, d'ordre organisatfonnel. Je fais ici allusion aux obstacles liés aux listes d'attente en milieu hospitalier, en centre d'accueil ou à la Protection de la jeunesse. Mais je fais également référence aux difficultés que rencontre le réseau à répondre aux besoins en émergence, tels le sida, la violence conjugale ou encore à intégrer de nouveaux modes d'intervention. On a juste à se rappeler les débats entourant la désinstitu-tionnalisation, les sages-femmes et les médecines douces pour s'en convaincre.

Deuxièmement, il existe un manque de complémentarité et de concertation dans notre réseau, non pas uniquement entre les différents types d'établissements, mais aussi entre les établissements, les organismes communautaires et le privé. Cela est dû certes, en partie, au fait que les frontières entre les catégories d'établissements sont imprécises ou qu'elles se juxtaposent. Mais cela peut être également dû au fait que les intérêts professionnels et organlsationnels l'emportent sur les besoins de la communauté: le débat entre les CLSC et les polycliniques dans la dispensation des services médicaux courants, entre les CSS et l'écart dans les champs de la réinsertion et de la réadaptation ou entre les DSC et les CRSSS sur l'Identification des besoins prioritaires.

Troisièmement, il faut reconnaître qu'il existe une démotivation et une dévalorisation des ressources humaines de notre réseau. Les conditions de travail peuvent être en cause, mais il y a également la façon dont on gère nos ressources humaines qui doit être interpellée ici.

Enfin, parmi les difficultés majeures, il m'apparaît que même si le niveau de santé et de bien-être de la population québécoise s'est amélioré au cours des dernières décennies, des écarts persistent toujours entre les différentes régions, les groupes socio-économiques et les sexes, écarts qui sont aujourd'hui difficilement acceptables.

En plus de préserver les acquis et de s'adresser aux difficultés, nous sommes forcés aussi de tenir compte des tendances dans la société québécoise qui auront un impact tant sur l'évolution des besoins que sur les façons d'intervenir. Six tendances attirent notre attention.

Le vieillissement de la population constitue la tendance qui risque d'influencer le plus

l'évolution du système de santé et de services sociaux. En 1990, 10 % de la population du Québec est âgée de 65 ans et plus. En l'an 2000, ce pourcentage atteindra 13,7 % pour s'accroître ensuite à 16,7 % en l'an 2011 et s'acheminer jusqu'à 27 % en l'an 2031. À titre d'exemple, mentionnons que le coût des services est de 6,3 fols plus élevé pour une personne âgée de 65 ans et plus que pour une personne de moins de 65 ans.

La deuxième tendance est le changement profond que subit la structure familiale. Ce changement a de plus en plus d'impact sur la capacité de la famille de supporter ses membres en besoin d'aide comme elle le faisait auparavant. Ce changement social profond a aussi un impact sur l'émergence et la complexité de problèmes reliés aux enfants et à la jeunesse.

La troisième tendance est la montée des organismes communautaires. Cette montée semble là pour rester. Le système doit nécessairement considérer les organismes communautaires à titre de partenaires jouant un rôle important et, dans certains cas, essentiel. Mais ils seront des partenaires du réseau dans la mesure où ils conserveront leur caractère bénévole.

La quatrième tendance, quant à elle, consiste dans la montée des communautés culturelles. Le Québec devient de plus en plus multi ethnique. Il est donc fondamental, en conséquence, que nos services de santé et nos services sociaux puissent s'ajuster pour tenir compte de cette nouvelle réalité.

La cinquième tendance, c'est le développement des identités régionales. Cette tendance à l'identité dépasse maintenant le sentiment d'appartenance à un même territoire. Elle ressemble de plus en plus à une volonté des régions de chercher elles-mêmes des manières d'intervenir qui reflètent davantage leurs besoins et leurs particularités.

La sixième tendance, quant à elle, concerne le désir et le souci de plus en plus évident de la population de vivre dans un environnement sain, générateur de qualité de vie. C'est donc en ayant à l'esprit les deux objectifs à atteindre, c'est-à-dire apporter des solutions concrètes aux problèmes immédiats du système et orienter ce système pour faire face aux défis de l'avenir tout en conservant aussi à l'esprit les trois fondements à respecter, à savoir les acquis du système, les difficultés auxquelles il est confronté et les tendances de la société québécoise, que les orientations et les mesures ont été proposées.

Le document "Pour améliorer la santé et le bien-être au Québec" d'où découle I "avant-projet de loi qui fait l'objet de notre examen proposait 8 orientations et plus de 240 mesures spécifiques permettant de répondre aux objectifs recherchés. Les premières mesures peuvent s'appliquer dans le cadre légal actuel. C'est le cas par exemple des urgences hospitalières, de certains services aux régions éloignées, des services aux com- munautés ethniques et j'en passe. Ces premières mesures nécessitent des ajustements au système actuel pour répondre à des problèmes bien circonscrits d'accessibilité à des services particuliers ou encore de continuité des services.

Les secondes mesures proposées dans le document d'orientation commandent une correction de trajectoire importante pour l'ensemble du système de santé et des services sociaux. Elles visent à modifier graduellement l'architecture, mais aussi et surtout la façon de faire au sein du réseau de services. L'accent est ici placé sur la décentralisation, sur une plus grande démocratisation du système public et sur de nouveaux mécanismes de gestion et de financement. Ce sont ces dernières mesures qui vont évidemment modifier de façon substantielle la dynamique sous-jacente au fonctionnement actuel de notre réseau, dynamique qui est elle-même une source importante de difficultés.

Bien sûr, je n'entrerai pas dans le détail des orientations et des mesures à prendre pour les atteindre. Nous aurons l'occasion de le faire au cours des longs travaux de cette commission parlementaire. Laissez-moi cependant vous synthétiser de façon un peu caricaturale la perception que j'ai développée quant à la dynamique même de notre réseau.

J'ai acquis la profonde conviction que le système est prisonnier des innombrables groupes d'intérêts qui le composent: groupes de producteurs et de professionnels, groupes d'établissements, groupes de pression issus de la communauté, groupes de fabricants de produits reliés à la santé, syndicats, etc. Tout semble se jouer sur la base des rapports de force, des luttes de clocher, et des coups d'éclat dans les médias. Tout se passe comme si la personne à aider, la population à desservir, les besoins à satisfaire, les problèmes à résoudre, bref, comme si le bien commun avait été oublié au profit des intérêts propres à ces divers groupes.

En fait, tous ces groupes sont des requérants. Et les demandes qu'ils formulent ont plutôt comme objectif que comme conséquence de développer le rôle, la place, le pouvoir, la mission ou les services offerts par chacun de ces groupes.

On oublie souvent la raison d'être de ces services, de ces missions et de ces rôles, soit la prévention et la guérison des maladies, le support à la population et les problèmes à résoudre. Dans le fond, le développement des moyens est devenu une fin en soi avec les conséquences qu'une telle situation entraîne: rivalités interprofessionnelles et interétablissements, renforcement des chasses gardées, omniprésence des luttes de pouvoir, absence quasi totale de collaboration et de concertation.

La production de services est devenue le centre principal des préoccupations du réseau au détriment des résultats à atteindre. Elle est tellement au centre, que procurer des services de

qualité accessibles et continus est devenu un objectif en soi. On a presque perdu la finalité même de ces services, à savoir de prévenir et de résoudre des problèmes de santé et des problèmes sociaux.

Si l'on ne fixe pas d'objectifs précis de résultats à atteindre, il n'y a pas de limite au développement des services. C'est tellement vrai que si je demandais aux dirigeants et professionnels des établissements c'est quoi l'objectif qu'ils poursuivent, ils risqueraient de me répondre rapidement que c'est de procurer de meilleurs services, le plus accessibles et le plus continus possible. Le seul obstacle à cela est évidemment le fait que le ministère ne met pas assez d'argent.

C'est ainsi que lorsque l'on pose des questions en termes de résultats à atteindre plutôt qu'en termes de services à offrir, on se rend vite compte que le réseau n'est pas le seul intervenant et que les services ne constituent pas le seul moyen d'atteindre ces résultats. la réponse va èlre évidemment très différente si on pose la question suivante, savoir. comment peut-on offrir la meilleure accessibilité, continuité et qualité de services cardlo-vas-culaires? ou si l'on demande: comment peut-on réduire de 20 % la mortalité due aux maladies cardio-vasculaires?

Dans le premier cas, vous allez penser immédiatement et sans doute uniquement aux services médicaux, aux services hospitaliers, aux cardiologues, aux laboratoires de cathétérisme cardiaque, et j'en passe. Dans le second cas, comme vous avez fixé un objectif, vous allez également penser à la consommation de tabac, à l'alimentation et à l'exercice physique.

Dans le fond, quand on le regarde en fonction des résultats, on se rend vite compte que le ministère et son réseau sont au mieux l'un des multiples contributeurs de la santé et du bien-être.

Voilà donc pourquoi il m'apparaît essentiel de modifier la dynamique du système dans le sens d'objectifs à atteindre et non pas celui d'un volume toujours plus grand de services à dispenser. (14 h 30)

Par ailleurs, il m'apparaît également fondamental et essentiel de doter le réseau de niveaux d'arbitrage en plus de celui du ministère comme c'est le cas présentement. Je parle ici de la possibilité de doter le réseau de structures décisionnelles disposant de réels pouvoirs de décision et de réelles capacités de les assumer.

Actuellement, le ministère et le ministre sont régulièrement appelés à faire l'arbitrage, par exemple, entre les demandes de deux hôpitaux qui veulent maintenir ou développer leur pédiatrie et tout cela en vue de mieux desservir les enfants de la même ville qui connaît une baisse de son taux de natalité. Nous sommes appelés, encore à titre d'exemple, à faire l'arbitrage dans la demande de deux hôpitaux voulant chacun acheter un tomographe axial pour desservir une population d'une même communauté dont le bassin justifierait à peine l'utilisation d'un demi-tomographe. Nous sommes appelés à faire l'arbitrage entre un CLSC et un centre d'accueil d'hébergement dans le partage des budgets d'alourdissement de la clientèle et ce, toujours pour mieux desservir les personnes âgées de la même ville.

À mon avis, ça n'a pas de bon sens pour deux raisons: Le volume d'arbitrages à faire est certainement la première raison. Faire seul et directement l'arbitrage de l'ensemble des demandes de quelque 900 établissements du réseau, 1300 organismes communautaires et les 12 000 médecins, c'est impensable, malgré toute ma bonne volonté et celle du personnel du ministère.

Faire seul et correctement l'arbitrage est encore plus difficile, et c'est la seconde raison. Comment voulez-vous que le ministre ou les gens de son ministère puissent avoir la même connaissance des besoins, des particularités, des dyna-mismes et des ressources du milieu que les gens du milieu eux-mêmes et ce, malgré toute la meilleure volonté du monde? En effectuant ces tâches qui peuvent être partagées et très probablement dans la majorité des cas mieux faites par d'autres, le ministère n'accomplit pas ou n'accomplit que partiellement des tâches que nul autre ne peut accomplir dans le réseau.

Si de tels niveaux d'arbitrage devaient être créés, il existe quatre conditions nécessaires pour que ces niveaux d'arbitrage puissent agir en toute responsabilité.

Premièrement, les personnes siégeant sur ces structures d'arbitrage ne doivent pas pouvoir tirer un bénéfice professionnel des décisions qui sont prises.

Deuxièmement, cette structure d'arbitrage et de décision devrait reposer davantage sur une population ou une clientèle à desservir que sur la défense et le développement d'une mission de production.

Troisièmement, cette structure devrait pouvoir refléter ces arbitrages par une réelle allocation et réallocation des ressources.

Quatrièmement, et c'est très important, cette structure d'arbitrage devra pouvoir assumer l'imputabilité de ses décisions.

Je voudrais aussi attirer votre attention sur nos façons d'allouer nos ressources actuellement dans le réseau. Vous allez convenir que nos façons de faire sont fort susceptibles de favoriser certains comportements et d'en défavoriser d'autres.

Laissez-moi décrire notre façon d'allouer nos ressources. C'est simple, plus il y a de producteurs dans un endroit, plus Ils produisent de services, et plus les services sont lourds et sophistiqués, plus ils engendrent d'autres nouveaux services, plus on donne de l'argent. Vous comprendrez qu'à l'inverse, le phénomène est

également vrai, c'est-à-dire que moins il existe de services à l'heure actuelle que moins ils sont lourds et moins ils sont sophistiqués, il y a moins d'argent de disponible.

Qu'est-ce que vous pensez que l'on passe comme message à notre réseau qui est en quête de ressources additionnelles? Et à votre avis, quel devrait être le message correct à passer et quels moyens devrions-nous adopter pour le faire passer?

Il est évident que, sur la question des moyens, le débat est large, ouvert, et toutes les suggestions seront accueillies. Un seul objectif doit nous guider: respecter le mieux possible les principes et les orientations générales auxquels nous croyons tous et qui devraient permettre aux Québécoises et aux Québécois de mieux vivre en santé.

J'aimerais préciser, avant de conclure, Mme la Présidente, que j'ai passé sous silence, dans cette déclaration d'ouverture, un nombre important de sujets touchés par les dispositions de l'avant-projet de loi confié à notre examen. Il faut d'abord comprendre, je le rappelle, que l'avant-projet de loi reprend, en termes législatifs, les mesures les plus importantes contenues dans le document gouvernemental d'orientation rendu public en avril dernier par Mme Thérèse Lavoie-Roux.

Les groupes que nous entendrons sont donc susceptibles d'aborder un nombre considérable de sujets, étant compris que l'avant-projet de loi soumis à leur attention englobe la quasi-totalité des règles qui régissent l'organisation et le fonctionnement du secteur de la santé et des services sociaux.

Au moment de nous attaquer à cette tâche colossale, j'aimerais enfin exprimer toute la confiance que je place dans notre capacité de relever ce défi. J'entends bien, pour ma part, être particulièrement attentif à l'ensemble des commentaires qui seront portés à notre attention et tout spécialement aux éventuelles propositions de réaménagement qui seront soumises par les membres de cette commission aussi bien que par les groupes que nous entendrons.

L'importance de l'avant-projet de loi qui nous réunit commande, en effet, que son examen profite de l'éclairage le plus large et soit discuté dans le cadre d'un débat qui soit le plus ouvert et le plus démocratique possible.

J'invite tous les membres de la commission et les groupes qui nous feront des représentations au cours des prochaines semaines à dépasser les questions purement structurelles pour aborder également des questions de fond reliées aux véritables besoins de nos clientèles et de toute la population en général.

C'est qu'il faut bien comprendre que pour la mise en oeuvre des orientations que le gouvernement propose, la voie n'est pas toute tracée d'avance, qu'il n'existe pas dans tous les cas un modèle idéal. Nous savons déjà que si la grande majorité convient de l'opportunité des orientations que nous avons adoptées, plusieurs s'interrogent sur l'opportunité des moyens choisis. J'assure donc à l'avance tous et chacun d'une écoute très attentive et j'invite tout le monde à une franche discussion.

Cependant il ne faudrait pas Interpréter cette volonté d'écoute comme une intention de tergiverser. À la fin des travaux de cette commission parlementaire, les étapes d'étude et d'analyse seront franchies, sans compter que le plan d'action sur lequel nous appelons les derniers commentaires est lui-même le produit de longues années de recherche et d'enquête. Vient donc, maintenant, Mme la Présidente, le temps d'agir. Il ne nous reste qu'à entendre les derniers points de vue et à recevoir les derniers avis. Je vous remercie de votre bonne attention. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup, M. le ministre. Je passerai maintenant la parole au leader de l'Opposition et critique en matière de santé.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Mme la Présidente, MM. et Mmes les députés, chers invités, je suis d'accord avec le ministre pour dire qu'aujourd'hui commence une consultation d'une importance singulière pour la société québécoise. Elle se veut une étape majeure dans l'évolution de notre système de santé et de services sociaux au Québec. Il s'agit également d'une occasion unique qu'il ne faut surtout pas gaspiller. Pourtant, je suis inquiet du risque de verser dans le même excès que celui reproché au réseau et au ministère, à savoir la structurite et le cloisonnement. En nous forçant à nous pencher sur un projet de loi remaniant des structures, ne risque-t-on pas de manquer la discussion sur les vrais problèmes, sur les grands enjeux, pour ne s'attarder qu'aux éléments secondaires?

Après une lecture rapide de quelque 60 mémoires - parce qu'ils commencent à peine à entrer - force nous est de constater que rares sont ceux qui discutent en termes globaux de la problématique. La majorité des mémoires porte plutôt sur la façon dont chacun voit sa place dans la nouvelle structure. Mais au cours des prochaines semaines, avant de discuter du nombre d'individus siégeant à un conseil d'administration, nous devrons entreprendre un vaste débat de société, débat qui n'a jamais eu lieu sur la place publique. Nous désirons, comme formation politique, favoriser la discussion sur un certain nombre de grands thèmes: le financement du réseau, la régionalisation, la place de l'individu dans le réseau, l'équité face aux services de santé et services sociaux dans un Québec qui se casse en deux, la place du communautaire.

D'entrée de jeu, je voudrais dénoncer la

présence du carcan intellectuel qu'Impose le projet de loi et duquel il est difficile de s'échapper pour faire une discussion non seulement plus globale, mais surtout plus critique. Il aurait été plus productif de tenir cette vaste consultation avec, comme document de départ, les orientations publiées par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Ici, j'en conviens, le ministre est pris avec un engagement du gouvernement de tenir une commission parlementaire sur ledit projet de loi. Une telle approche nous aurait permis, à ce stade-ci, d'économiser un temps précieux, d'accentuer l'effort de réflexion et de remise en question. Nous étudions un avant-projet de loi dont nous ne savons môme pas si le ministre actuel endosse les principes. Dans l'hypothèse plausible où le ministre apportera des modifications substantielles à l'avant-projet de loi, j'envisage mal comment il pourrait poursuivre le processus législatif sans tenir de nouvelles audiences particulières.

Avant d'élaborer sur les différents enjeux, je me permettrai quelques commentaires sur l'urgence d'agir. À notre point de vue, l'étape que nous traversons est une façon de gagner du temps. Tout le monde sait pourtant qu'il est grandement temps d'agir. La commission Rochon a reçu un mandat du gouvernement du Québec en juin 1985 et ce mandat fut élargi en janvier 1986. Deux ans plus tard, décembre 1987, après un travail considérable, les commissaires remettaient leur rapport à l'ex-ministre de la Santé et des Services sociaux. Il aura fallu autant de temps, soit deux ans, pour que le gouvernement convoque la commission des affaires sociales pour étudier non pas un projet de loi mais un avant-projet de loi, sans savoir - et je le répète - si le ministre actuel en partage les objectifs. Nous ne sommes donc qu'au début du processus législatif.

Il s'en dégage l'impression que le gouvernement aura, durant ces longues années, cherché à gagner du temps. Ce faisant, nous aurons accumulé des retards inacceptables. C'est comme si l'imminence toujours prochaine de l'avant-projet de loi avait empêché le gouvernement d'apporter des solutions aux problèmes pressants que vit notre réseau. Ainsi, nous avons accumulé des retards quant à la capacité du Québec à faire face au viellissement de sa population. Il est absolument incroyable, voire inconcevable, de constater que, depuis trois ans, le gouvernement actuel a créé seulement 325 places en centres d'accueil, situation sans commune mesure avec les besoins. Nous avons aussi enregistré des retards importants en ce qui concerne le plan de redressement des urgences. Au train où vont les choses, le plan sera déphasé avant sa pleine entrée en vigueur. D'ailleurs, comme le soulignait le ministre tout récemment, alors que l'on avait réussi, tant bien que mal, à réduire le pourcentage des lits occupés par des malades chroniques dans les hôpitaux de soins de courte durée. ce pourcentage est de nouveau à la hausse.

Le gouvernement piétine également au niveau du soutien aux organismes communautaires. Ces derniers, dis-je, doivent former une coalition pour rencontrer le premier ministre et faire valoir leurs problèmes de financement.

Et que dire des listes d'attente à la protection de la jeunesse quant au test de civilisation énoncé par le premier ministre en 1985 et qui porte sur la façon dont une société s'occupe de ses personnes handicapées? Le gouvernement actuel est en voie de l'échouer. Ce ne sont là que quelques exemples des retards dont ce gouvernement doit être tenu responsable.

J'aimerais maintenant aborder certaines questions de fond et tenter ainsi d'identifier ce qui apparaît être les grands enjeux des années à venir pour notre système de santé et de services sociaux. Tout d'abord, le financement du réseau. Alors que nous discuterons, dans les prochaines semaines, de fusion de conseils d'administration, la situation sur le terrain sera intenable dans plusieurs centres hospitaliers du Québec. D'ailleurs, l'Association des hôpitaux a senti le besoin de lancer le débat et nous y reviendrons un petit peu plus tard.

Il y a à peine deux semaines, plus de 500 lits étaient fermés dans la région de Montréal. Raison invoquée: équilibre budgétaire. Il s'ensuit, évidemment, une pression sur les salles d'urgence et les listes d'attente pour la chirurgie élective s'allongent. La religion de l'équilibre budgétaire ignore les règles les plus élémentaires de l'humanisme. Les administrateurs pratiquent le dogme au point où la santé budgétaire prime la santé des Québécois et des Québécoises. Lorsqu'un médecin affirme, dans un quotidien montréalais, que la situation est terrible, au point où des patients meurent parce que les médecins n'ont pas le temps de les voir, alors nous devons, comme société, nous interroger plus que sérieusement.

Le ministre a soutenu, tout récemment, que la situation était comparable à celle de l'an dernier. Doit-on lui rappeler que, l'an passé, le docteur Dutil, président de l'Association des médecins omnipraticiens de Montréal, avait déclaré, au sujet de l'Impact des listes d'attente - et je le cite: "Les patients subissent d'énormes préjudices parce que leur condition physique a le temps de se détériorer avant que l'on puisse les traiter." Référence: Actualité médicale du 15 février 1989.

On parle des hôpitaux, mais que dire des personnes âgées qui sont en attente d'une place dans un centre d'accueil? Que dire des enfants en détresse qui attendent, en silence, une intervention du département de la protection de la jeunesse? En fait, les besoins sont immenses. En février 1989, la commission politique du PLQ - du Parti libéral du Québec - évaluait à 1 000 000 000 $ les sommes additionnelles nécessaires pour répondre aux besoins connus.

Par exemple, l'Association des hôpitaux du Québec, cette semaine, évalue à 300 000 000 $ les sommes nécessaires pour effectuer les réparations et les remplacements les plus urgents. Pour sa part, la Fédération des CLSC estime qu'il faudrait tripler le budget actuel de 110 000 000 $ pour maintenir la qualité et la capacité de donner des services. (14 h 45)

On pourrait aussi parler du cas de la Cité de la santé de Laval qui est absolument débordée et qui ne parvient pas à atteindre l'équilibre budgétaire du fait qu'elle est le seul centre hospitalier de soins généraux et spécialisés à Laval.

La réforme que nous propose le gouvernement est-elle une réponse à ce besoin criant de ressources financières? Bien sûr que non. Pour reprendre les mots de M. Claude Bégin, vice-président exécutif du groupe Raymond, Chabot, Martin, Paré et Associés - je le cite: "On retombe vite sur nos pieds lorsqu'on lit dans le document d'orientation que la majorité des sommes additionnelles requises pour restaurer l'état du réseau de la santé et des services sociaux québécois proviendra du gouvernement fédéral et de quelques trouble-fête qui ont consommé trop d'alcool." N'est-ce pas là une utopie lorsqu'on connaît l'état des finances du fédéral qui n'a d'autre choix que de couper dans ses dépenses? Avant de décider de régionaliser les budgets, ne doit-on pas d'abord discuter de l'ampleur du budget devant être consacré à la santé et aux services sociaux? Est-ce que la part du produit intérieur brut qui est passée de 7,3 % en 1985-1986 à 6,8 % en 1989-1990... Est-ce que les sommes que Québec consacre aux soins de santé sont insuffisantes ou excessives? La société québécoise a-t-elle atteint sa capacité maximale de payer? Est-il possible de restreindre davantage les dépenses dans le réseau? Voilà autant de questions qu'il faut se poser.

Si l'on se compare cependant avec nos voisins de l'Ontario - on sait qu'on est friands de comparaisons avec l'Ontario, on l'a fait pour les frais de scolarité - on pourrait constater, quand on regarde les dépenses per capita de l'Ontario, qu'en Ontario, on dépense 1988,11 $ par habitant pour la santé, alors qu'au Québec, cette somme s'élevait à 1771,20 $, à savoir 12 % de moins per capita.

Le débat public n'a jamais eu lieu véritablement. Est-ce que l'on doit chercher d'autres sources de financement, simplement injecter de l'argent neuf ou réduire les services? Est-ce que le débat sur le mode de rémunération des médecins est clos? Est-ce que celui sur la privatisation est terminé? Est-ce que l'on a abandonné toute recherche de solution originale? On verra. L'Association des hôpitaux du Québec, pour sa part, en présentant ses solutions, aura choisi la voie de la facilité en proposant un ticket modérateur. À la lumière des analyses socio-économiques - et mon collègue de i'Abitibi en fera état tantôt - ce sont les populations défavorisées qui requièrent le plus de soins de santé, ce sont elles qui auront le plus à en souffrir.

Être contre le ticket modérateur n'est pas nécessairement être en faveur des abus cependant. A-t-on pensé à un carnet-santé ou à une sensibilisation de la population aux coûts? Est-ce que l'on a songé à réévaluer le système d'assurance des médecins qui doivent multiplier les examens pour se prémunir contre les risques de poursuites? À cet égard, Mme la Présidente, j'aimerais, puisque le financement du réseau sera au coeur de notre discussion, formuler le souhait - et j'en ferai sans doute une proposition - que la commission des affaires sociales invite la Régie de l'assurance-maladie, le Conseil des affaires sociales et les membres de la commission Rochon, ces trois grands oubliés de la présente consultation. Je proposerai, Mme la Présidente, qu'ils viennent partager avec nous leur expérience et leur savoir.

J'aimerais savoir, par exemple, de la Régie de l'assurance-maladie - je donne deux exemples - comment il se fait que les services de santé au Québec augmentent de 4 % par année dans l'ensemble du Québec, mais de 8 % dans la région de Montréal? Est-ce à dire que la province s'appauvrit? Est-ce à dire que c'est à Montréal que les besoins sont les plus criants? Pourtant, la population est à la baisse. Voilà autant de questions qu'il faudra poser aux gens de l'assurance-maladie.

La duplication des services. Les hôpitaux se targuent maintenant d'aller faire du service à domicile sur le territoire d'un CLSC. Est-ce qu'il y a des études sur le coût de la duplication des services? Voilà autant de questions sur lesquelles la Régie, j'espère, a fait des études. Et, si elle n'en a pas fait, il serait temps qu'elle commence, parce qu'on voudra sans doute la questionner d'une façon précise sur des sujets aussi précis que ceux-là.

Également, on pourra regarder à quoi est due l'escalade dans les coûts, quels sont les facteurs qui font que les coûts de santé augmentent pour des catégories d'âge, etc.

La commission Rochon a posé, en termes tragiques, Mme la Présidente, le problème du sous-financement chronique. Et je cite le rapport Rochon: "On entretient l'illusion que tous les services médicalement ou socialement requis sont accessibles à tous et ce, gratuitement. Or, tous les jours des choix tragiques sont implicitement faits. Qui meurt? Qui vit? Dans quelles conditions? Qui est traité? Qui ne l'est pas? On s'en remet au professionnel qui, sans avoir de prise sur les ressources disponibles, doit décider. Pour qu'une société puisse vivre avec de tels choix, il faut que l'opinion publique soit davantage sensibilisée et que les décisions reflètent l'ensemble des valeurs et des principes qui la

gouvernent. Or, disait le rapport Rochon, les débats sur les priorités sociosanttaires sont rares et quand il y en a, l'opinion publique est tenue à l'écart la plupart du temps.

Voilà des discussions de base que nous devons avoir. Outre le financement du réseau qui est la pierre angulaire du fonctionnement de tout le système, toute la question de la régionalisation préoccupe particulièrement notre formation politique. La régionalisation nous apparaît la voie de l'avenir et ce, pour faire face à un ensemble de problématiques. Cependant, avant de s'y lancer tôte baissée, il faut s'assurer que la majorité des intervenants croit en ces vertu et il faut surtout essayer de voir jusqu'où II peut pousser dans cette direction.

Un premier objectif de la régionalisation est de stimuler le système par l'entremise du dynamisme régional. A cet égard, on peut soulever nombre de questions. Les régions sont prêtes à recevoir de nouvelles responsabilités, mais par lesquelles faut-il commencer? Afin d'exploiter au maximum ce dynamisme, comment doit-on délimiter les régions? En fonction du territoire d'un CLSC, en fonction des MRC ou encore des régions administratives telles qu'on les connaît? Voilà des questions sur lesquelles on devra se prononcer.

Un deuxième objectif de la régionalisation peut être de contrer l'iniquité interrégionale comme par exemple au niveau de la répartition des effectifs médicaux, et le ministre en a parié.

Il est bien évident que si l'on veut décentraliser, nous croyons qu'il faudra assurer au préalable les correctifs aux enveloppes régionales, sinon on perpétuerait purement et simplement la situation actuelle. Si la situation s'est améliorée quant au nombre d'omnipraticiens en régions, il existe encore des disparités inadmissibles au niveau des médecins spécialistes.

La rareté de chirurgiens, de radiologistes, d'anesthésistes ou de psychiatres en régions crée des iniquités, et les effets de cette absence de services sur la population des régions sont considérables.

La politique du gouvernement mise sur pied en juin dernier s'est avérée, du moins dans sa première phase, un véritable échec. En fait, sur les 70 places d'entrée dans un programme de spécialisation contre un engagement de quatre ans à pratiquer en régions éloignées, seulement 39 ont été comblées cette année.

Quelles sont les autres solutions que le ministère projette? Dans le document "Orientations", il fonde tous ses espoirs sur l'efficacité des plans. Il faut souhaiter que l'année 1989 ne soit pas garante de l'avenir. Mais quoi d'autre? On ne le sait pas.

Il faudra mettre de l'avant un ensemble de mesures qui ne seront pas uniquement de nature financière. Il est nécessaire que les médecins en régions éloignées aient accès à des technologies de pointe, à de la formation continue en cours d'emploi. Est-ce qu'il sera nécessaire de revoir le processus d'admissibilité dans nos universités afin d'assurer la répartition des effectifs? Il faudrait y voir.

Nous favorisons une régionalisation des budgets de la Régie de l'assurance-maladie comme solution envisageable pour enfin régler ce problème lancinant. On peut aussi songer à d'autres modes de rémunération pour les médecins en régions éloignées.

Des questions se posent aussi au niveau de l'allocation des ressources en réglons. On se souviendra de la lutte épique - et le ministre le rappelait - entre deux centres hospitaliers au Lac-Saint-Jean pour l'acquisition d'un TACO. Une décentralisation des pouvoirs et des ressources aurait pu faciliter le débat. À ce sujet, nous devrons analyser de quelle manière les régions se verront allouer les ressources financières.

La régionalisation pourrait aussi avoir des impacts positifs au niveau de la gestion des ressources humaines.

La commission Rochon a constaté que les ressources humaines du réseau de la santé et des services sociaux étaient démotivées, peu valorisées et mal gérées. Elle estimait même que cela pouvait, à moyen terme, entraîner des conséquences sur la qualité des services. En bref, la commission Rochon portait un jugement fort sévère sur la gestion des ressources humaines, et je cite le rapport Rochon: "Les administrateurs sont devenus au fil des ans (de par le système) des gérants de conventions collectives et de directives plutôt que des gestionnaires de ressources humaines." Et je vous réfère à la page 413 du rapport Rochon.

De plus, le rapport de la commission Rochon fait état du climat de travail détérioré, de morosité ou de relations interprofessionnelles tendues. Imaginez, ceci, c'était avant la loi 160.

Les orientations font état de la possibilité de réduire de 20 % le nombre de titres d'emplois d'Ici cinq ans afin de réduire les frictions interprofessionnelles et d'améliorer la gestion. Mais cela paraît simpliste comme solution. Ne devrait-on pas profiter de l'occasion qui nous est offerte pour remettre en question certains modes de fonctionnement? À cet égard, la position gouvernementale est plus que timide, et le projet de loi ne fournit que peu de réponses. Est-ce que c'est une hérésie de penser que l'on pourrait laisser plus de place à l'initiative locale dans les négociations des conditions de travail?

En ce qui concerne la régionalisation, la grande question en définitive se situe au niveau de l'opposition décentralisation/déconcentration. Il faudra s'assurer que la volonté du gouvernement tende vers une véritable décentralisation, et surtout que celle-ci se reflète dans la rédaction du projet de loi.

Avant de conclure, Mme la Présidente, je glisserai un mot rapidement sur l'importance de

recentrer le système vers la personne. À cet égard, la régionalisation, en rapprochant le centre de décision de la communauté, offre une avenue intéressante. Mais il faudra plus. Nous devons nous assurer que la réforme opérera le décloisonnement nécessaire entre les diverses composantes du réseau. De plus, il faut absolument contrer ce que la commission Rochon a qualifié de problème de fond, à savoir que le système est prisonnier de ses groupes, qu'il n'est plus capable d'arbitrer des demandes en fonction d'un objectif de bien commun plus large et plus fondamental que les objectifs particuliers des groupes en son sein.

Évidemment, Mme la Présidente, le temps file. Il n'est pas question pour moi de faire le tour des enjeux de la réforme. Néanmoins, comme porte-parole de notre formation politique en matière de santé, j'ai tenté de cibler ce qui nous apparaît comme trois thèmes majeurs: le financement du système, la régionalisation de ce dernier et la place de l'individu en son sein. Ce faisant, j'ai évoqué plusieurs problématiques de notre réseau de la santé: l'engorgement chronique des urgences, la religion de l'équilibre budgétaire, la répartition des effectifs, les relations humaines dans le réseau pour ne citer que ceux-là.

Dans mon introduction, j'ai signalé que notre parti était particulièrement préoccupé par l'impact de la pauvreté sur la santé de même que par l'action communautaire et que cette problématique guiderait nos interrogations au cours de cette consultation.

Animé par cette préoccupation, le chef de l'Opposition officielle a choisi, au lendemain des élections, de nommer un porte-parole spécifiquement pour l'action communautaire et le volet des services sociaux. Aussi, j'aimerais passer la parole au député de Rouyn-Noranda-Témiscamln-gue, M. Trudel, pour qu'il complète ce trop court 30 minutes.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le leader de l'Opposition et porte-parole en matière de santé. J'aimerais rappeler au député, M. Trudel, qu'il lui reste une dizaine de minutes de temps de parole.

M. Trudel: On s'est entendus tantôt. La Présidente (Mme Marois): D'accord. M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. Mmes, MM. les députés, M. le ministre et Mmes, MM. nos invités d'aujourd'hui, toujours dans la même ligne que le porte-parole officiel de l'Opposition en matière de santé, le rapport Rochon a longuement insisté sur l'importance pour le réseau de la santé et des services sociaux de se donner des objectifs et des orientations. On avait aussi souligné, à l'Intérieur de ce rapport, l'Importance des buts en matière de santé mais aussi en fonction de l'efficience du système. Le document gouvernemental d'avril 1989, intitulé "Orientation pour améliorer la santé et le bien-être au Québec", fixait par ailleurs une vingtaine d'objectifs en matière de santé. Si de prime abord tous ces objectifs sont louables, il nous apparaît, du côté de l'Opposition, qu'il y manque un objectif fondamental. Le premier de tous qui chapeauterait tous les autres, suffisamment global et important pour générer un défi de société, c'est celui de résorber le phénomène de ce qu'il est convenu d'appeler un Québec qui se casse en deux. Ce défi est en partie économique mais il est aussi d'abord et avant tout social.

Les récentes études socio-économiques démontrent des liens indéniables entre la détresse sociale et le mauvais état de santé. Pauvreté et maladie vont de pair. Dans les villages, les quartiers et les sous-régions où la population vit à la limite ou en deçà du seuil de pauvreté, les indices de morbidité et de mortalité sont de plus en plus élevés, de même que les taux de délinquance, d'itlnérance, d'alcoolisme, de toxicomanie, de violence conjugale et de malaises sociaux de toutes sortes. Dans certains quartiers urbains et certaines sous-régions, l'espérance de vie est de dix années inférieure à la moyenne nationale. Selon les mêmes études, une proportion importante de la population québécoise est littéralement enfermée dans cette sous-culture de la pauvreté. (15 heures)

Tout cela est extrêmement dangereux pour notre société. Nous nous devons de rester vigilants et de réagir car nous savons maintenant que cette population du Québec, elle est en panne. Entre 1971 et 1986, elle n'aura augmenté que de 8,4 % par rapport à 18,2 % du côté de l'Ontario. Un taux de fécondité qui sera tombé sous le seuil critique du renouvellement nécessaire; une population en mouvement: 42,1 % de la population du Québec vit maintenant dans un quartier ou une municipalité en baisse de population et ceux qui quittent d'abord, et c'est le plus dramatique, ce sont les 20-34 ans et ceux et celles qui restent sont plus âgés, peu mobiles et souvent dépendants des sources privées ou publiques.

En somme, là où il y a déclin démographique, il existe aussi une situation de sous-développement social au plan du revenu, de l'habitation, de l'instruction, de l'inoccupation, plus faible espérance de vie, plus grands handicaps sociopédagogiques, plus grande inadaptation juvénile, état de santé plus détérioré. Que l'on vive dans le Bas-du-Fleuve, au Témiscamingue ou dans le T" de la pauvreté à Montréal, c'est partout pareil ou à peu près. Déclin démographique égale sous-développement social.

Tout cela se confirme de jour en jour: la Commission du développement économique sur

l'économie locale de Montréal nous confirmait récemment que 40,3 % de la population de la ville de Montréal vit dans un quartier, 23 sur 54, avec un taux de chômage de plus de 15 %. Très récemment, des études fédérales nous ont indiqué que 615 000 personnes vivent sous le seuil de la pauvreté à Montréal. Un enfant sur quatre sera élevé dans un foyer pauvre. Un tiers des pauvres de cette région sont âgés entre 15 et 34 ans.

Nos propres recherches plus récentes indiquent, par ailleurs, que la pauvreté dans cette région se répand à une vitesse vertigineuse: le Plateau-Mont-Royal, le centre-sud, le centre de Montréal, Vllleray, Saint-Michel, le sud-ouest et môme Côte-des-Neiges et Notre-Dame-de-Grâce En dehors du milieu urbain, plus de 20 territoires de MRC seraient en sous-développement.

Cette situation est inacceptable. De notre côté, nous pensons qu'il faut réagir dans les plus brefs délais et, à cet égard, cette commission parlementaire offre une occasion unique de se pencher sur les pistes et les avenues de solution.

Toutefois, toute action devra reposer sur une forte mobilisation de ceux et celles qui peuvent jouer un rôle significatif. Elle devra essentiellement reposer sur des personnes et des groupes du niveau local. Et, bien qu'une coordination centrale soit nécessaire, il est impératif que le processus ne soit pas régi par des règles et des normes trop rigides.

La régionalisation des services, comme en a discuté longuement mon collègue, semble offrir des avantages indéniables pour analyser les besoins et concevoir des stratégies. Il sera donc intéressant à cet égard, lorsqu'on discutera de régionalisation des services, de le faire à travers la lunette du développement social et de l'urgence de redresser ce Québec qui se casse en deux. En d'autres termes, pas de régionalisation pour la régionalisation en soi, mais une régionalisation comme moyen d'atteindre un objectif global en tenant compte de la réalité des réglons d'appartenance au Québec.

Outre ces éléments de restructuration, il nous faut tenir aussi une discussion extrêmement importante, discussion qui risque d'être agitée, nous en convenons, mais qui s'impose. Comment assurer la complémentarité des rôles du secteur de la santé et ceux du secteur des services sociaux? Quels seront les avantages pour les intervenants en santé d'une action soutenue, bien financée et revalorisée de notre réseau de service social? En ayant en tête cet objectif de redresser les iniquités, est-il possible, Imaginable, de mettre de l'avant des stratégies concertées de prévention, de dépistage et d'intervention? La prochaine question, quant à elle, s'adresse plus au ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec. Est-ce que l'on dispose, par ailleurs, des données suffisantes, claires, sur l'efficience, sur l'impact de chaque dollar dans le réseau des services sociaux sur les coûts des services de santé?

La coordination et la collaboration entre les divers services est un des objectifs de la réforme et c'est peut-être, à mon sens, le plus Important pour recentrer le système sur la personne qu'il est censé servir. Pour nous, c'est aussi l'objectif sine qua non pour que tout plan d'action se concrétise en une Intervention efficace. Dans cette optique, on peut déjà s'interroger quant à savoir si les solutions du projet de loi sont suffisantes.

Bref, Mme la Présidente, nous croyons que nous devons tout mettre en oeuvre afin de nous assurer que tous aient au moins droit au Québec à la même espérance de vie au départ.

Sous-jacente à cette préoccupation, nous voulons, comme formation politique, promouvoir et reconnaître à sa juste valeur l'action communautaire. Notre réseau de services sociaux est relativement jeune et il contribue à diminuer l'Impact de plusieurs facteurs négatifs. Cependant, l'on doit reconnaître que les interventions traditionnelles ont leurs limites: lourdeurs administratives, rigidité des normes et éloignement des centres de décision. La distance entre les ressources et les personnes à secourir est souvent trop considérable.

Depuis longtemps, l'action communautaire autonome intervient pour corriger certains des pires effets des Inégalités; elle appuie et complète efficacement les actions du réseau des services sociaux. Le rôle bénéfique de tous ces gens qui, pour plusieurs, ont décidé de consacrer leur vie au soutien de leurs citoyens doit être reconnu.

Nous devons avoir un débat de fond sur la place de l'action communautaire dans notre société. H est important, et c'est là une crainte fondée, que le mouvement communautaire ne devienne pas un simple déversoir du réseau. La complémentarité est ici le mot clé, car il ne s'agit pas de créer un réseau parallèle à moindre frais. Dans cette optique, il est important, voire essentiel, que les groupes communautaires préservent leur autonomie. Ils en sont jaloux et II nous faut leur donner raison, car une chose est sûre, il faut éviter à tout prix de sombrer dans ce que l'on reproche au réseau, c'est-à-dire une multiplication des normes qui, en bout de course, déshumanise l'action.

En même temps, il est nécessaire d'accroître leurs ressources financières. Ainsi, nous avions promis, à l'occasion de la dernière campagne électorale, qu'un gouvernement de notre parti consacrerait, d'ici cinq ans, 1 % du budget de l'État. Le défi est donc de combiner l'allocation des ressources et le minimum de contrôle que l'État doit effectuer au niveau de l'affectation de ses dépenses.

Nécessairement, si l'État consacre des sommes importantes, il doit aussi s'assurer que celles-ci seront utilisées efficacement sans sombrer dans le dirigisme et le normatif mur à

mur. Au moins s'assurer que l'argent dépensé travaillera dans le sens des grands objectifs globaux qui auront été fixés. C'est là un défi important.

On sait, par ailleurs, que certains mémoires de groupes communautaires ont exprimé des craintes face à une régionalisation qui risquerait de les absorber. Il sera important d'en discuter, d'en débattre.

D'autres groupes ont allégué qu'il y aurait lieu de décréter un moratoire sur les articles concernant le communautaire en attendant que le gouvernement se donne une véritable politique.

Compte tenu du temps que le gouvernement a pris - et que mon collègue a souligné - pour présenter cette réforme et de la longueur prévisible et nécessaire du présent débat, je crois plutôt, étant donné la position financière critique dans laquelle se retrouvent nombre d'organismes communautaires, qu'il faut plutôt en profiter pour nous présenter une véritable politique de l'action communautaire et de son financement au Québec.

Plus de 200 groupes seront donc entendus au cours de cette commission. C'est le temps de faire le débat. Comment doit-on faire la jonction entre le réseau et le communautaire? Devons-nous, par exemple, prévoir un financement de base sur trois ans? Jusqu'où doit-on aller dans l'encadrement? Voilà autant de questions auxquelles nous porterons un intérêt particulier.

Mme la Présidente, j'aimerais exprimer et souhaiter, au nom de notre formation politique, que cette commission engendre un grand débat qui, sans renier les acquis, comme le soulignait le ministre d'ailleurs, s'interroge sérieusement sur notre système de santé et nos services sociaux. Que ce débat que nous entreprenons soit le prélude d'une réforme qui aura finalement comme objectif de redonner le système aux personnes qu'il est sensé servir et non simplement une modification de structure cosmétique.

Lorsqu'on relit le bilan de la commission Rochon, l'on constate que nous avons du pain sur la planche et je cite la commission, à la page 429: "La commission a souvent eu l'impression que ceux qui oeuvrent dans le domaine des services de santé et des services sociaux perdent de vue leur mission, les objectifs à poursuivre, les problèmes à régler et les résultats à produire. Certes, un grand nombre de services et de programmes sont offerts. Mais on oublie souvent l'objectif: la guérison du malade, le bien-être de la personne, la réduction de la violence, la réinsertion sociale du chômeur, de l'assisté social ou du délinquant, le soutien à la famille et aux proches.

Les moyens sont devenus une fin en soi avec les conséquences qu'une telle situation entraîne invariablement: exacerbation des égoïs-mes et des rivalités entre professionnels et entre établissements, renforcement des chasse gardées et omniprésence des luttes de pouvoir, absence de collaboration et de concertation autre que celle imposée d'en haut ou motivée par un calcul stratégique étroit, démotivation du personnel et mauvais climat de travail, discontinuité des services, incapacité des milieux de recherche à déterminer de nouvelles priorités, incapacité d'opérer des choix judicieux en matière de diffusion technologique, incapacité de repenser les modalités de financement et, en bout de ligne, sentiment d'impuissance de la part des patients et des bénéficiaires. Bref, la personne à aider et la population à desservir ne sont plus au centre du système." Quelle lourdeur dans ce bilan!

En terminant, il faut bien comprendre que l'avant-projet de loi qui est soumis à notre examen évite de faire porter la discussion sur les structures administratives du ministère de la Santé et des Services sociaux lui-même.

Le projet de réforme administrative présenté paraît, de prime abord, soucieux, bien sûr, d'une certaine régionalisation, mais, dans sa forme actuelle, ne peut-on pas prévoir que cette régionalisation au sens de la région administrative n'entraînera pas d'effets pervers, comme nous avons pu l'observer dans d'autres réseaux majeurs du gouvernement?

La forme que prendra, par exemple, la régie régionale est-elle un dédoublement de l'appareil administratif du ministère de la Santé et des Services sociaux? Cette régionalisation ne risque-t-elle pas de marginaliser encore davantage les sous-régions dont on sait qu'elles sont les plus mal en point au Québec actuellement?

Bref, l'avant-projet de loi qui nous est présenté pour discussion laisse de grands pans de notre société québécoise en dehors de la réalité. C'est pourquoi il faut y revenir et insister pour que soient convoqués devant nous des organismes comme le Conseil des affaires sociales, que le projet de réforme vise par ailleurs à réduire à un simple organisme d'études épidémiologiques, la Régie de l'assurance-maladie du Québec et les représentants de la commission Rochon comme éléments-clés de toute action de réforme et de réflexion de notre système de santé et de services sociaux au Québec; et, à cette fin, ils doivent être convoqués. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. J'inviterais maintenant le député de Westmount à présenter ses propos préliminaires. S'il vous plaît, M. le député.

M. Richard Holden

M. Holden: Merci, Mme la Présidente. J'ai donné des copies à la madame. J'espère qu'il y en a assez, je ne savais pas qu'il y aurait autant de représentants du gouvernement à la commission.

Mme la Présidente, pendant la dernière campagne électorale, dans les comtés dits anglophones, les candidats du Parti libéral disaient que l'avant-projet de loi de Mme Lavoie-Roux était chose du passé. Ils promettaient qu'avec un nouveau ministre et un gouvernement assagi et bien établi dans son deuxième mandat, il n'y aurait pas une telle interférence auprès des institutions des communautés minoritaires.

We were told that the concept of super boards as a territorial model would be modified particularly as it related to institutions near and dear to the various cultural communities. But what has happened to those election promises? They have evaporated in the winter wind and we are once again faced with the dire Implications of a new avant-projet.

Le vrai problème, Mme la Présidente, comme l'ont signalé les porte-parole de l'Opposition officielle, ce n'est pas les structures, c'est l'effondrement de nos institutions de santé par manque de fonds. Mais s'il faut parler des structures, examinons l'avant-projet du ministre.

Le modèle territorial que le gouvernement semble avoir choisi n'est pas approprié à des régions où il existe une diversité linguistique et culturelle. Le système proposé dans l'avant-projet présume une population homogène dans un territoire donné. On prend pour acquis que la clientèle d'une institution ou l'établissement qui se trouve physiquement dans un territoire visé habite - c'est-à-dire les clients habitent - le même territoire et, donc, les directeurs choisis de la population locale seront plus aptes à refléter les usagers d'une telle institution.

Or, le fait est, Mme la Présidente, que des milliers de clients des institutions qui desservent traditionnellement les minorités linguistiques et culturelles résident très loin de l'endroit où se trouve l'institution.

The government's draft legislation attempts, in its own words, and I quote: 'To meet the needs of the population". The real result will be the exact opposite as far as minority communities are concerned. A territorial model can only work for a culturally homogenous population. That the Liberal Government has continued to insist upon this model in the proposed legislation is yet another indication of this government's lack of concern for the needs and the importance of the English speaking and multicultural presence in Québec. The result Is sure to be the eventual absorption of almost all English and other minority health and social service institutions in the province of Québec. (15 h 15)

Les institutions dites anglophones - j'ai ici une liste complète avec les dates de création - sont l'oeuvre d'un grand nombre de personnes et d'organisations qui se sont dévouées aux services sociaux et services hospitaliers depuis plus de 100 ans. C'était la tradition, chez les Anglo-Saxons et les Juifs, de travailler à différents niveaux, chacun selon leurs aptitudes, pour faire fonctionner et rayonner leur système d'aide à tous ceux et celles qui en avalent besoin, mais... et beaucoup de mes contemporains ont tous fait leur part. Admettons que, depuis la Révolution tranquille, ces institutions sont de plus en plus financées par l'État. Mais la participation individuelle parmi les communautés minoritaires au Québec persiste et, de plus, nous payons nos impôts comme tout le monde. Nous, du Parti Égalité, voulons que les traditions de nos ancêtres continuent et même que le volontariat augmente.

Je vous demande. Mme la Présidente, de vous mettre à ma place. Imaginez pour un instant qu'on est en Ontario et que vous représentez un comté franco-ontarien. Prenez pour acquis que, depuis cent ans, votre communauté a bâti et a fait vivre un réseau de services sociaux et de soins hospitaliers. Tout à coup, une "gang" de fonctionnaires, à Toronto, décide de réorganiser vos Institutions et d'enlever votre influence dans vos propres organisations. Est-ce que vous accepteriez de tels changements sans rouspéter, Mme la Présidente? Est-ce que vos commettants s'attendraient à ce que vous contestiez toute tentative de vous enlever vos propres institutions?

On nous demande d'avoir confiance que le gouvernement va appliquer la loi en conformité avec le respect pour les droits des minorités culturelles. Eh bien, Mme la Présidente, je regrette. Le gouvernement qui m'a enlevé mon droit fondamental d'afficher ma langue en public ne mérite pas ma confiance ni la confiance des 800 000 Québécois de langues autres que le français.

Permettez-moi de signaler d'autres préoccupations qui me poussent à m'opposer à ce projet de loi. D'abord, le concept de base, c'est-à-dire le rassemblement de toutes sortes d'institutions avec des programmes divers et des buts différents sous une seule gérance, me semble incohérent et peu praticable. L'étendue des services de santé et des services sociaux est trop vaste. Il est vain de croire qu'un seul conseil régional puisse formuler des objectifs compatibles parmi les programmes innombrables et les usagers de services totalement disparates.

Secondly, many boards of directors presently consist largely of volunteers who often have a close or emotional attachment to this specific institution because a family member may be a patient or resident. Many have had personal experiences themselves with a particular institution. In these cases, there is a very strong commitment to the continuing vitality of the institution, which greatly enhances the quality of its service. By the mere fact that each institution will no longer have Its own board, this dedicated representation is discouraged. Instead, territorial boards will be composed of bureau-

crats, with token representatives from anglophone and other minority groups. This will erase any personal or human touch that characterizes many of our institutions, making them less able to meet the particular needs of their clientele. The very objective of the Bill to respond to the needs of the users of the system is defeated.

When a community can no longer identify with an establishment as its own, voiunteerism suffers. Volunteers who handle many of the day-to-day tasks required for smooth operation of the institution will be discouraged if they feel that their community no longer has a say in the control and management of their institution.

Il y a aussi la question de l'exclusion des employés du secteur public de santé des conseils d'administration. Apparemment, le gouvernement veut augmenter le niveau de participation communautaire. Il me semble, Mme la Présidente, que ce n'est pas réaliste de refuser l'accès à la direction de nos institutions multiples et spécialisées à un grand nombre d'individus qui ont l'expérience et l'expertise dont on a besoin. D'ailleurs, la charte des droits fait référence au droit de chaque citoyen de travailler librement.

Pour l'usager, c'est-à-dire la clientèle, il est essentiel que les meilleurs cerveaux soient appliqués à la vraie tâche, c'est-à-dire améliorer les services de soins. Donc, l'avant-projet de loi, encore une fois, va produire le contraire de son but.

Enfin, je veux dire un mot sur les fondations. I would like to associate myself with the remarks which appear in one of the briefs, the brief 6a, task force, which reads as follows: "The participation of foundations in public establishments will be greatly limited and ultimately discouraged. The contributions that have built up, sometimes over more than a century, will fall increasingly under the influence of the regional authority. We consider this will drive away one the major forces that helped create the network and block one of the principal ways the English-speaking community has of supporting its public establishments."

En d'autres mots, si vous enlevez de nos institutions l'usage du véhicule qu'on appelle "la fondation", nos établissements sont voués à la disparition. Si c'est ça que le gouvernement veut, ayez au moins le courage et la franchise de nous le dire clairement. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le député de Westmount.

Maintenant que ces remarques préliminaires ont été faites, j'inviterais notre...

M. Chevrette: Mme la Présidente, avant...

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: ...techniquement, je voudrais demander au ministre s'il est nécessaire de faire la motion pour inviter le Conseil des affaires sociales et la RAMQ ou bien s'il l'accepte purement et simplement, quitte à discuter du temps, du moment, ainsi que les membres de la commission Rochon.

La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Ce sont des questions que nous pourrons discuter et, dans la mesure où le député de Joliette n'obtient pas satisfaction, il y aura toujours possibilité pour lui de revenir à une proposition formelle.

La Présidente (Mme Marois): Devant les membres de la commission.

M. Côté (Charlesbourg): Je vous dis d'entrée de jeu que j'ai des réserves quant à certains groupes.

La Présidente (Mme Marois): Alors, si je comprends, la commission pourrait être éventuellement saisie d'une proposition formelle...

M. Chevrette: Bien, je vais attendre la discussion et on verra.

La Présidente (Mme Marois): D'accord.

M. Chevrette: Pour autant qu'il ne ferme pas la porte à une discussion, on verra. C'est correct.

La Présidente (Mme Marois): De toute façon, la commission est toujours souveraine dans l'exercice de ses fonctions et donc a le choix de ses débats.

J'inviterais maintenant une personne qui a joué un rôle très important et très significatif dans l'histoire de nos services de santé et services sociaux au Québec, M. Claude Caston-guay, à se joindre à nous. Alors, M. Castonguay est maintenant président du conseil de la corporation du groupe La Laurentienne mais, bien sûr, il a été le responsable de cette commission qui a porté son nom et celui de M. Nepveu, la commission Castonguay-Nepveu, et qui a, je le rappelle, proposé ce grand brassage d'idées et d'institutions et de projets du début des années soixante-dix qui nous amène maintenant à nous poser un certain nombre de questions, bien sûr, sur l'organisation de notre réseau. Je crois qu'il a été entendu, M. Castonguay, que vous aviez une déclaration préliminaire à faire, d'environ une trentaine de minutes, et qu'ensuite les gens, tant les représentants du gouvernement que de l'Opposition, se gardaient chacun environ une trentaine de minutes aussi pour discuter, échanger avec vous, poser des questions. C'est bien cela? Alors, je vous remercie.

Je vous inviterais maintenant à vous

adresser aux membres de la commission.

Audition de M. Claude Cattonguay

M. Cattonguay: Alors, merci, Mme la Présidente, et merci aux membres de la commission. Depuis que j'ai laissé le ministère des Affaires sociales, à la fin de 1973, j'ai presque systématiquement évité de traiter des questions de santé, considérant que ce n'était pas nécessairement le rôle d'un ancien ministre d'intervenir à tout moment sur différents problèmes et qu'il valait mieux laisser à ceux qui sont impliqués directement le soin de le faire.

Malgré tout, j'ai gardé un intérêt constant pour ce secteur. Au milieu des années soixante-dix, avec quelques collègues, nous avons conçu à l'hôpital Laval le Pavillon de prévention des maladies cardiaques. Nous sommes allés chercher les fonds pour le construire et nous avons assuré une administration de ce pavillon. J'ai été membre aussi, pendant de nombreuses années, du conseil d'administration du Centre hospitalier de l'Université Laval et président de ce conseil. Alors j'ai vécu, à ce niveau, un certain nombre de questions. J'ai gardé un lien avec le secteur de la santé. J'ai également, avec quelques autres personnes, créé une fondation au Centre hospitalier de l'Université Laval pour apporter des ressources financières supplémentaires. Alors j'ai vécu ce qu'est la création d'une fondation. Et, depuis quelques années, je suis membre du conseil et même président du conseil de l'Université de Montréal. Et, comme vous le savez, l'Université de Montréal, par sa Faculté de médecine, sa Faculté de sciences infirmières et de médecine dentaire, etc., son réseau d'hôpitaux universitaires, est très impliquée dans toutes les questions de santé. J'ai donc gardé, malgré tout, un lien assez étroit.

Aujourd'hui, je ne veux pas discuter des questions de prévention, d'éducation, d'Information, des habitudes de vie qui sont extrêmement importantes et qui jouent un rôle, évidemment, sur toute la question de l'état de santé de la population, de sa longévité, etc. Ça n'est pas le but de mon propos. Je voudrais plutôt traiter de l'organisation des services de santé plus spécifiquement.

Je voudrais vous rappeler d'abord, brièvement, les objectifs de la réforme des années soixante, soixante-dix, en très gros plan, dire quelques mots de l'évolution de la situation. J'aimerais aussi analyser, de mon point de vue, comment évolue un système comme celui de la santé. Je crois que c'est extrêmement important d'essayer de comprendre ce qui s'est produit et ce qui se produit si on veut apporter les solutions les plus appropriées. Et enfin, discuter, justement, certains moyens ou certaines réorientations qui, à mon avis, devront être pris.

En ce qui a trait aux objectifs de la réforme. Avant la réforme des années soixante, soixante-dix, au Québec, il y avait évidemment des disparités très grandes dans les services de santé quant à l'accessibilité, selon les réglons, selon les quartiers dans les grandes villes, selon la capacité de payer des gens. Et la qualité des services était aussi très variable selon les établissements. Il n'existait pas non plus, avant cette réforme, un secteur privé proprement dit. Les hôpitaux francophones avaient été, jusque là, la responsabilité des communautés religieuses alors que, dans le milieu anglophone, les hôpitaux étalent plutôt sous la responsabilité de corporations sans but lucratif. Et vous aviez en plus des hôpitaux quelques cliniques isolées et des médecins en pratique privée. Très peu de médecins qui pratiquaient en clinique.

Quant aux solutions d'ensemble qui ont été apportées, ce furent évidemment l'introduction de l'assurance-hospttalisatlon en 1960 et celle de l'assurance-maladie en 1970. Dans les deux cas, II s'agissait d'assurer la gratuité des soins ou l'accessibilité aux soins et, par l'assurance-hospitalisation, par l'assurance-maladie, de corriger certains problèmes de répartition des ressources.

En 1970, 1971, 1972, II y a eu également la réforme qui a été apportée par la Loi sur les services de santé et les services sociaux, la création des conseils régionaux avec une certaine régionalisation, la modification des centres hospitaliers, la création des départements de santé communautaire et des CLSC. Et, dans toute cette réforme, nous avons visé à donner un rôle, dans toute la mesure du possible, non seulement à la population ou à ses représentants, mais aussi à tous les intéressés, à tous ceux qui participaient à un titre ou à un autre au bon fonctionnement des services et des établissements.

Nous avons aussi décidé, à ce moment-là, de maintenir la possibilité d'une pratique privée de la part des médecins et de professionnels tels que les physiothérapeutes. Alors le secteur privé, à ce moment-là, n'a pas été aboli, sauf que, comme je l'ai mentionné tantôt, à toutes fins pratiques, il n'existait à peu près pas avant la réforme. (15 h 30)

La coexistence, qui est demeurée par la suite entre ce qui restait d'espace pour un secteur privé et les établissements dans le secteur public a eu, à mon avis, un effet assez positif. On a vu naître toute une série de cliniques, par exemple, qui ont fait une certaine concurrence, une concurrence qui était saine, je pense, aux CLSC. Alors, on a vu différentes formules être utilisées et ça a créé une certaine émulation qui a été positive.

Les résultats de la réforme. Je crois que, dans l'ensemble, les résultats ont été positifs, particulièrement dans les années qui ont suivi la

réforme. Évidemment, il y a eu, par la suite une évolution. Ce qui est intéressant, c'est que non seulement l'accessibilité a été grandement améliorée, mais les écarts dans la qualité des soins ont été dans une assez large mesure diminués. Il n'y a pas de système parfait. Il reste encore évidemment des progrès a accomplir.

Les dépenses publiques et privées dans le secteur de la santé sont demeurées sous contrôle, si on compare les dépenses publiques et privées per capita au Québec par rapport à d'autres endroits comme les États-Unis, par exemple, ou d'autres pays. La crainte que le régime qui a été établi à l'époque donnerait lieu à une explosion des coûts, ça ne s'est pas produit. . Je pense que depuis ce temps-là, les sondages ou les événements ont démontré que la population du Québec, dans l'ensemble, était très attachée aux objectifs d'accessibilité, aux objectifs de qualité des soins et à une couverture assez large des soins et services. Mon propos, aujourd'hui - j'insiste, même si à certains moments, je vais proposer des modifications - n'est pas de remettre en cause, en aucune façon, ces grands objectifs. Si je donnais parfois cette impression, c'est que je ne me serai pas expliqué d'une façon suffisamment claire dans le temps qui m'est donné.

Depuis la création du régime et au cours des dernières années particulièrement, on a constaté que la pression sur le système va définitivement en augmentant. Différentes données ont été citées cet après-midi. Je ne veux pas en refaire une enumeration complète, mais il clair qu'il y a des problèmes sur le plan des services qui sont très achalandés et sous pression. A d'autres endroits, on note des déficiences sur le plan des équipements. On voit des bâtiments qui vont en se détériorant. Il y a des besoins pour lesquels les services disponibles sont de moins en moins adaptés. Je dirais même que, dans certains cas, les objectifs d'accessibilité et de qualité, sans changement de philosophie, sans changements fondamentaux, ne sont plus toujours maintenus. Ceci, on le voit assez clairement.

Comment fonctionnent en fait les services de santé ou le système de santé? En définitive, c'est un système de production de biens et de services. À mon avis, si on veut bien comprendre ce qui se produit, il faut jeter un coup d'oeil bref sur les deux éléments d'un tel système, c'est-à-dire la demande et l'offre de services. Si on analyse la demande, il est clair qu'elle évolue selon le nombre de personnes, leur âge, leur sexe, leur état de santé, leur niveau d'éducation, de revenus, leur attitude envers les services de santé. Cette demande donc évolue avec le temps et elle change de nature, ce qui est très important. Par exemple, le vieillissement amène fatalement, nécessairement, des besoins différents et un volume plus élevé de services. Alors, même si on fait des progrès sur le plan de l'état de santé général de la population, on ne diminue pas nécessairement le volume de services requis. Les gens vont vivre plus longtemps et en vivant plus longtemps vont développer d'autres besoins et, avec l'âge, un volume de services plus grand.

Du côté de l'offre, évidemment la quantité et la qualité des ressources humaines est le premier facteur. Les équipements, tout ça, c'est beau, mais il reste que les soins sont dispensés par des médecins, des infirmières, des physiothé-rapeutes. Ça prend des gens pour gérer ces ressources. Alors, la quantité et la qualité sont extrêmement importantes. La quantité, la qualité, la nature des équipements aussi. Pour répondre à certains types de services ou de demandes, il faut des hôpitaux de différents types: spécialisés, de longue durée etc., des cliniques; il faut des soins à domicile, il faut des urgences. Il faut enfin une organisation et une gestion pour que le tout fonctionne. La qualité de la gestion, la capacité d'adaptation du système, la motivation des ressources humaines, leur productivité sont tous des facteurs extrêmement importants. C'est sur certains de ces aspects que j'aimerais revenir cet après-midi.

La qualité et la quantité des ressources humaines est évidemment conditionnée par les ressources financières qui vont dans le système. Si la demande et l'offre sont en équilibre, tout va bien, mais si l'offre de services devient insuffisante ou inadaptée, évidemment, on constate les problèmes que nous constatons présentement. Et plus le déséquilibre est grand, plus évidemment on approche d'une situation qui est tendue, où les distorsions viennent à se multiplier les unes les autres.

L'évolution de la demande, au Québec depuis 20 ans, en gros plan. On a mentionné le taux de natalité qui est très bas. Alors, évidemment, il y a une série de services qui sont moins en demande que par le passé. On a signalé le vieillissement rapide, prononcé qui va se poursuivre. Alors, on doit donc s'attendre à faire face à une demande qui va continuer d'aller en augmentant et qui va continuer d'aller en augmentant de façon significative pour des services de nature différente que les services que demande la population aujourd'hui. Donc, besoin d'adaptation.

On a vu que la population adulte, elle, même si elle ne change pas tellement en importance relative, il reste que les problèmes ou les services dont elle a besoin vont en changeant. Les accidents et les problèmes de stress vont en augmentant. On constate aussi qu'il y a des problèmes dus à la drogue, aussi des problèmes psychiatriques qui sont plus fréquents, probablement dû au mode de vie. Alors, nous avons donc de ce côté-là, une demande qui va en évoluant. Si on exclut la jeune population, on doit donc, aussi bien pour la population adulte que pour la population âgée, s'attendre à des

besoins qui vont en évoluant et qui vont en augmentant.

Est-ce qu'on peut freiner cette demande? Je pense qu'il y a une question qui doit être posée. Elle est posée fréquemment. Est-ce qu'on peut freiner la demande, par exemple, par une meilleure information, une meilleure éducation de la population? Évidemment, si les gens sont en bonne santé physique, s'ils se tiennent en bonne condition, s'ils ont de bonnes habitudes alimentaires, tout ça va avoir un effet positif. Mais il reste que ce n'est pas suffisant à cause du phénomène de vieillissement et à cause de notre mode de vie pour réduire vraiment la demande globale des services de santé.

Les frais modérateurs. Maintenant que le système est bien établi, est-ce qu'on doit songer à introduire des frais modérateurs? À mon avis, s'il y a des abus pour certains types de services bien identifiés, des abus réels qui sont identifiés, on pourrait envisager certains frais modérateurs. Mais si l'objectif est simplement de freiner ou d'essayer de réduire globalement la demande, je ne crois pas que ce soit le moyen à prendre en aucune façon.

Alors, la conclusion, c'est que môme s'il est important d'agir sur le plan de la prévention etc., la demande, et malgré les frais modérateurs s'il y a certains abus qui sont clairement Identifiés, va continuer d'aller en augmentant et d'évoluer.

Du côté de l'offre des services. Le système tel qu'il existe aujourd'hui n'a pas été modifié fondamentalement depuis 20 ans. Au contraire, je dirais que ce qui a été fait en gros plan, c'est qu'on a ajouté graduellement à la réglementation. On l'a rendue de plus en plus rigide et complexe et le système n'a pas changé fondamentalement. Si on examine ce qui s'est passé dans tous les autres secteurs d'activité de la société, des changements profonds se sont produits, que ce soit au plan de la fabrication des produits, de la façon de distribuer les services, du mode de vie de gens, des transports. Il ne m'apparaît pas surprenant qu'aujourd'hui on se pose des questions, étant donné l'évolution qui a eu lieu, dont on vient de discuter, et le fait que notre système de santé est resté fondamentalement le même.

Maintenant je reviens à l'offre de services. La structure du système n'a pas été modifiée fondamentalement. Du côté des ressources financières, il est clair que le gouvernement fédéral, avec ses déficits immenses, sa dette, ne pourra pas, au cours des prochaines années, apporter des ressources financières additionnelles dans le secteur de la santé. On a même vu, au cours des dernières années, que sa participation est allée graduellement en réduisant.

Au niveau du gouvernement du Québec, je crois qu'on fait face fondamentalement aux mêmes problèmes On peut peut-être ajuster un peu, mais il reste qu'on ne peut pas envisager des ressources financières majeures additionnelles dans le secteur de la santé. Déjà un tiers du budget, grosso modo, du gouvernement va au système de santé et je ne crois pas qu'on puisse changer de façon importante cette allocation. On sait que, dans d'autres secteurs, il y a de grands besoins, que ce soit dans le domaine de l'éducation, de l'environnement, etc. On a d'ailleurs vu qu'au cours des dernières années, des sommes additionnelles ont été ajoutées dans le secteur de la santé. Elles ont temporairement réduit un peu la pression, mais elles n'ont pas réglé le problème. Donc, on peut s'attendre à plus de pression du côté de l'offre des services au cours des prochaines années.

Du côté des ressources humaines, notre système d'éducation continue de produire, bon an mal an, des médecins, des dentistes, des Infirmières, des physiothérapeutes, etc. Je ne ferai pas la ronde de tous les types de personnels, mais je voudrais simplement mentionner qu'en ce qui a trait aux médecins, alors qu'en 1975 nous avions un médecin pour 575 habitants, aujourd'hui nous sommes rendus à un par 450 et, si on continue comme ça, le nombre va continuer d'augmenter. Il est clair que, dans certaines réglons, il manque de médecins. Il est clair que, dans certaines spécialités, il y a encore des déficiences, mais dans l'ensemble, à mon avis, on a suffisamment de médecins et on est en train d'en former et d'en introduire trop dans le système. Avec le régime d'assurance-maladie où les médecins sont rémunérés à l'acte, ce système-là est capable d'absorber un grand nombre de médecins et les médecins produisent des actes, des services qui n'ajoutent pas grand-chose, à mon avis, à la qualité globale des services et qui bien souvent, surtout, ne s'adressent pas aux problèmes les plus aigus que l'on constate. Il y a une grosse question à se poser: quoi faire sur ce plan-là?

Du côté des infirmières, leur nombre est allé en augmentant au Québec et au Canada, et quant à savoir exactement si nous en avons assez ou si nous n'en avons pas assez, je ne suis pas en mesure de répondre à cette question-là, mais une chose qui m'apparaît importante, c'est que le statut qui est le leur, les conditions de travail qui sont les leurs ne correspondent pas aux responsabilités qu'elles assument dans le système. Aujourd'hui, les infirmières assument des responsabilités de plus en plus grandes. Il s'agit d'aller dans les hôpitaux pour le voir, ce sont elles qui font fonctionner, en dehors de la prestation des services par les médecins, nos services de santé. Ce sont elles qui en ont la responsabilité sur une base continue. Ce sont elles qui ont la responsabilité du soin continu des malades. Le système ne reconnaît pas, à mon avis, de façon suffisante cette réalité et ce n'est pas surprenant qu'elles soient démotivées et qu'on sente de plus en plus de tension de ce côté-là.

Sur le plan de l'organisation et de la gestion des ressources, c'est clair que les équipements nouveaux, les nouvelles technologies, les nouveaux programmes de soins sont de plus en plus sophistiqués, de plus en plus dispendieux. Alors, on a, sur le plan de l'organisation et la gestion des ressources, à la base, une pression additionnelle sur les coûts et on ne peut pas l'éviter, on ne peut pas freiner le progrès. C'est une des données avec laquelle nous devons agir. (15 h 45)

Par contre, on constate, sur le plan de l'organisation et de la gestion des ressources, à mon avis, un système dont la productivité, l'efficacité est faible. Cela provient d'un certain nombre de facteurs. D'abord, le financement des hôpitaux, de nos établissements, ne met aucunement l'accent sur l'efficacité, la performance, la prestation des services vraiment nécessaires. Il n'y a pas de mesure réelle, à ma connaissance, de performance et de productivité. Et aussi, on doit signaler la rigidité qu'introduit dans le système le monopole que possèdent les syndicats. Il en résulte un système qui est rigide, qui est peu perméable à l'innovation et au changement et qui ne s'adapte que lentement à l'évolution de la demande. La description des tâches, la répartition des fardeaux de travail, la mobilité du personnel, son évaluation, toutes ces questions font, à ma connaissance, l'objet de conventions collectives et dans un tel contexte, l'utilisation plus efficace des ressources, l'augmentation de leur rendement sont à peu près impossibles.

Maintenant, sur le plan de l'allocation des ressources, on constate encore qu'il y a énormément, à mon avis, de dédoublements entre les ressources dans le système. Ce problème perdure, et j'y reviendrai un petit peu plus tard.

Il y a aussi un problème, à mon avis, de bonne connaissance du système par la population. J'ai constaté, moi, à plusieurs reprises, et j'ai posé des questions, qu'alors qu'on déplore dans les urgences, par exemple, en fin de semaine ou à certaines heures, des encombrements dans les hôpitaux, dans d'autres ressources, comme les CLSC, le volume de soins, de services est très bas. Jamais vous ne verrez dans un hôpital, ou très rarement, à ma connaissance, des systèmes de référence pour faire en sorte qu'on dirige les gens vers d'autres ressources.

Le bilan, c'est que nous avons une augmentation rapide du côté de la demande et une grande rigidité du côté de l'offre de services. On a un système de santé dont la productivité est faible et qui est de moins en moins adapté. On a des problèmes d'allocation, d'utilisation des ressources et on a aussi une pression financière qui va continuer de s'exercer puisqu'il n'est pas, à mon avis, possible d'anticiper des ressources financières additionnelles publiques. La situation va évidemment en se détériorant et elle va continuer d'aller en se détériorant si un sérieux coup de barre n'est pas donné.

On a vu, par exemple, que malgré ce qui a été fait sur le plan des urgences, plusieurs continuent d'être surchargées. On a noté, par exemple, le fait qu'il y a de la demande, alors qu'il y a des lits qui sont presque fermés de façon chronique, maintenant, ou très souvent, en tout cas, en grand nombre. On rationne parce qu'on n'a pas les ressources financières. Les équipements, on a mentionné les problèmes... On a mentionné que les services pour les soins de longue durée sont insuffisants. Les soins à domicile ne répondent pas à la demande; ils sont inadéquats et m'apparaissent insuffisants. Et dans bien des cas, on retrouve des malades au mauvais endroit. On a signalé, par exemple, des malades chroniques dans des lits de courte durée. C'est un problème qui dure depuis longtemps, d'ailleurs.

Les problèmes, à mon avis, sont beaucoup plus prononcés dans les grands centres que dans les petits centres. Je comprends que dans les régions, II y a des manques d'effectifs, mais les vrais problèmes les plus aigus, ils sont vécus dans les grands hôpitaux, dans les grands centres, et il faut y aller pour voir de quoi il s'agit. La situation ne changera pas, comme je l'ai mentionné, et à mon avis, il ne s'agit pas d'un problème de structure. Il ne s'agit pas de commencer à jouer de nouveau dans les conseils d'administration, de regrouper ces conseils et, dans le fond, de perdre la bonne volonté, l'apport des gens qui travaillent bénévolement et qui apportent une contribution positive au niveau des conseils.

Il ne s'agit pas, non plus, à mon avis, d'un problème qui va être solutionné en créant des régies qui vont devenir des petits ministères dans les régions et qui vont ajouter à la lourdeur du système. Si on veut décentraliser, il faut décentraliser et permettre davantage aux établissements eux-mêmes de se gérer et d'avoir plus de latitude dans leur gestion.

Il va falloir aussi ajouter, de différentes façons, à la capacité d'augmenter la productivité du système et sa capacité d'adaptation. Ceci n'est pas Impossible, au contraire. Ça va demander, par contre, comme je l'ai dit, une certaine remise en cause des moyens qui ont été adoptés depuis ou qui ont été développés d'habitude et qui se sont incrustés au cours des dernières années. J'insiste de nouveau, avant d'entrer dans les moyens, sur le fait que je crois qu'on peut envisager ces moyens sans remettre en cause les objectifs fondamentaux du système.

D'abord, il faudrait ouvrir davantage différents aspects du système à la concurrence. J'ai parlé de la loi de l'offre et de la demande; si on veut qu'elle joue un peu plus, il va falloir qu'on lui permette de jouer et qu'on ouvre le système à un peu plus de concurrence. Il n'y a personne encore qui a trouvé de meilleur moyen d'améliorer la productivité et l'efficacité des systèmes. Si

vous me permettez, je pense qu'on a une leçon absolument extraordinaire sur ce plan-là qui nous vient des pays socialistes qui ont essayé, Justement, de fonctionner en s'isolant de l'offre et de la demande qu'ils identifiaient avec les régimes capitalistes. Ils sont obligés, après 50 ans - et on voit que c'est le désastre - d'ouvrir la place à la concurrence, à l'offre et à la demande, à la motivation des Individus, à la recherche par les individus d'une certaine rémunération additionnelle s'ils performent davantage ou de certains avantages additionnels.

Dans le secteur de la santé, je voudrais faire une exception qui, à mon avis, est très importante. Pour les grands hôpitaux d'enseignement, pour les hôpitaux spécialisés et les hôpitaux généraux, il est bien clair que ces établissements doivent demeurer des hôpitaux publics sans but lucratif. Il n'est pas question de commencer à créer, en parallèle, d'autres hôpitaux. Par contre, pour bien d'autres types de ressources, je ne vois pas pourquoi on n'ouvrirait pas la porte, maintenant que nous avons un système bien établi, à d'autres Initiatives, que ce soit sur le plan des services d'hébergement, des cliniques, des hôpitaux de soins légers et de courte durée, des soins à domicile. On aurait là, déjà, une première façon de permettre à des ressources provenant non seulement des finances publiques d'ajouter à l'offre des services dans le secteur de la santé.

Évidemment, si on envisage la création d'autres types de services, il va falloir qu'il y ait des normes, il va falloir qu'il y ait une certaine surveillance, et ça demeure, évidemment, le rôle et la responsabilité du gouvernement.

On va devoir aussi, à mon avis, réviser les modalités de financement de nos services de santé. Comme je l'ai mentionné tantôt, non seulement les budgets ne mettent pas l'accent sur la performance, sur l'efficacité de nos établissements, mais on finance directement les établissements. Pour un certain nombre de services, il me semble qu'on va devoir envisager de rembourser les bénéficiaires de telle sorte que ce sera eux qui vont décider à quel endroit ils vont aller chercher leurs services. Je peux vous assurer d'une chose, c'est qu'ils vont aller les chercher dans les endroits où c'est le plus efficace. Ceci va ajouter une certaine pression sur le système. Encore là, on ne remet pas l'accessibilité en cause, mais on canalise les finances ou le financement d'une façon différente, on donne plus de choix aux individus et on ajoute un peu de pression sur le système.

Dans la gestion des établissements, évidemment, chaque établissement a une certaine mission. On doit, par tous les moyens possibles, donner à ces établissements une plus grande latitute dans le cadre de cette mission. C'est clair que le ministère ne peut pas gérer à distance 900 établissements et prendre des décisions sur toute une série de décisions qui doivent être prises au niveau local. Ce financement qui doit être apporté, devrait être calibré par des critères de performance et de productivité. Aujourd'hui, on a des systèmes d'information sophistiqués, on a des ordinateurs, on a tout ce qu'il faut. Le financement devrait être orienté davantage dans ce sens. Les établissements qui fonctionnent bien, ceux qui répondent vraiment aux besoins auraient plus de ressources et les autres, bien, ils en auraient moins. Et la population, vous allez voir qu'elle va suivre, elle va aller aux endroits les plus efficaces.

De la même manière, le financement pourrait privilégier l'élimination des dédoublements. Je l'ai mentionné tantôt, II y a encore des dédoublements. J'ai vécu des efforts de rationalisation de certains services. On a travaillé pendant des mois, des mois et des mois presque sans résultat. La seule façon dont les établissements vont éliminer les dédoublements, vont se coordonner davantage, c'est s'ils ont un Intérêt financier à le faire et une récompense s'ils le font, mais si les systèmes de financement sont neutres, Ils ne le feront pas. Et même, je dirais, si les systèmes de financement encouragent une certaine inefficacité, ils vont le faire encore moins.

Sur ce plan, aussi, je pense que, dans les rapports entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral, il y a une question qui va se poser. A mesure que le gouvernement fédéral réduira sa part de financement, il va falloir, qu'il mette l'accent davantage sur une allocation plus grande de ses ressources vers les provinces qui se gèrent mieux. Présentement, les formules de partage des coûts, pour autant que je sache, ne vont pas dans ce sens, elles vont même à rencontre. Et si une province se gère mal, elle a des chances d'avoir un petit peu plus de fonds de cette source-là.

Du côté des services d'hébergement, maintenant. J'ai dit qu'on pourrait envisager une ouverture, qu'on pourrait verser aux gens des allocations, directement, quitte à eux de choisir. Il me semble aussi qu'on devrait ouvrir la porte et permettre aux gens qui, sur le plan de leur hébergement, veulent payer davantage de pouvoir le faire. Si une personne a travaillé toute sa vie, qu'elle a accumulé une pension, je ne vols pas pourquoi elle ne pourrait pas en profiter à un moment donné, et qu'on lui ouvre un peu la porte pour choisir elle-même le niveau de qualité d'hébergement qu'elle désire. C'est très difficile présentement.

Sur le plan des ressources professionnelles et plus particulièrement des médecins, c'est clair qu'on ne peut pas fermer une faculté de médecine au Québec, mais II me semble que, temporairement, on pourrait peut-être Inviter un plus grand nombre d'étudiants - à titre d'exemple, c'est une suggestion - en provenance des pays en voie de développement et demander, par exemple, à l'ACDI, au lieu de financer des

programmes là-bas, de financer la formation d'un plus grand nombre de médecins. Nos facultés de médecine, donc, ne seraient pas appelées à réduire leurs effectifs temporairement, ne seraient pas appelées à prendre des décisions extrêmement pénibles et difficiles. Elles pourraient, par contre, pendant un temps, jouer un rôle utile vis-à-vis de l'extérieur et corriger le déséquilibre de nos ressources sur ce plan. Il y aurait des économies substantielles. Le nombre de médecins additionnels, qui entrent chaque année dans le régime d'assurance-maladie, crée une pression constante sur l'augmentation des coûts de ce régime.

Du côté des infirmières, j'en ai dit quelques mots tantôt. Finalement, sur le plan de la rémunération des personnels, et surtout les personnels de direction, de gestion, je crois qu'on devrait introduire des formules d'incitation. Si on a donné à un établissement certains objectifs et qu'il les atteint, il devrait y avoir une certaine récompense; il n'y a rien qui s'oppose à ça. Malheureusement, lorsqu'on a découvert, il y a une couple d'années, que, dans certains hôpitaux, on avait commencé a donner des bonis à ceux qui atteignaient leur objectif, on s'est vite empressé de bannir ça à tout jamais et de fermer toutes les portes possibles de ce côté-là. Il me semble que c'est aller dans le mauvais sens. (16 heures)

Est-ce que tout ça est possible? À mon avis, oui. Il y a bien des initiatives qui ont été prises dans d'autres pays. Ce que je propose, moi, ici, c'est un plus grand accent sur l'innovation, permettre à de nouvelles ressources de venir apporter leur apport au secteur public, une plus grande motivation, une plus grande efficacité. Tout ça, c'est possible et on l'a vu dans d'autres juridictions. Vous avez entendu parler de certaines initiatives: aux États-Unis, les HMO, je n'y reviendrai pas. On a vu ici, au Québec, parce que c'est toujours bon aussi de revenir chez nous, le régime de santé et de sécurité du travail qui, il n'y a pas tellement longtemps, était en complet déséquilibre financier et, avec une meilleure gestion, sans couper dans les bénéfices, on a sauvé des centaines de millions de dollars. Sur un budget dans la santé qui approche les 10 000 000 000 $, il y a des centaines de millions - et je pèse mes mots - qui pourraient être utilisés pour d'autres fins qu'elles ne le sont présentement dans notre système si on change l'orientation et si on donne les coups de barre qui s'imposent.

En conclusion, je dis, Mme la Présidente, que le ministre et le secteur public ne peuvent pas tout faire dans notre système. Il ne faut pas aller dans le sens d'un régime de plus en plus rigide; au contraire, il faut ouvrir. Il faut permettre à un plus grand nombre de personnes de participer au financement, à la gestion, au développement des ressources. Si on fait ça, on a des chances de se sortir de l'impasse.

Dans le secteur de l'éducation - j'aimerais faire un parallèle, en concluant - on a créé d'abord un secteur public. Au cours des dernières années, on a permis certaines ouvertures vers le privé. Je pense que c'a eu de bons résultats et cela n'a pas remis les objectifs du système de l'éducation en cause. Sur le plan de notre économie, lorsqu'on a commencé au début des années soixante, on a commencé par des mécanismes publics: la Caisse de dépôt, la SDI, et d'autres mesures d'ordre public. Lorsqu'elles ont commencé à donner des résultats et des résultats de plus en plus valables, on s'est rendu compte que, graduellement, la relève était en voie d'être prise et est maintenant prise, dans une large mesure, par l'initiative des gens dans le secteur privé de l'économie.

Ici, je ne propose pas que l'on remette en cause notre système public, mais je crois qu'on devrait suivre, dans une certaine mesure, le même pattern et ouvrir maintenant notre système. Merci.

La Présidente (Mme Marois): C'est nous qui vous remercions, M. Castonguay. J'inviterais maintenant M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. Je veux d'abord remercier M. Castonguay de s'être prêté à cet exercice compte tenu de l'expérience qu'il a, de ce qu'il a vécu en dedans et vu de l'extérieur aussi.

Ma première question, étant moi-même un régionaliste convaincu, s'adressera à la fois à celui qui a vécu la commission Castonguay-Nepveu, à celui qui a été ministre et à celui qui, aujourd'hui, prête son concours à notre commission pour trouver des solutions à nos problèmes.

Dans le rapport Castonguay-Nepveu, il était question, à l'époque, d'office régional de services de santé qui visait à décentraliser davantage et à donner des pouvoirs de décision à un organisme, donc, régional qui pourrait trancher un certain nombre de litiges. Lorsque la réforme a été faite par vous, vous avez décidé de créer des CRSSS, des conseils régionaux qui avaient un objectif de planification, consultatifs. Vous avez donc laissé de côté cette Idée-là, à l'époque, de leur donner plus de pouvoirs avec des moyens pour être capables de trancher et d'arbitrer. Une première question: Pourquoi, à l'époque? Est-ce qu'on n'était pas prêt à cette deuxième étape? Si jamais telle était la réponse - je n'ai pas cru déceler dans vos propos que si on allait vers ça, ce serait la solution idéale - est-ce que vous ne croyez pas qu'aujourd'hui on est davantage prêt pour une décentralisation de ces pouvoirs-là?

M. Castonguay: D'abord, au moment de la commission d'enquête sur la santé, nous étions

huit membres à cette commission et le président d'une commission d'enquête n'a pas beaucoup plus d'autorité que de présider les séances. Il ne peut pas imposer ses vues aux autres. Alors, ce qui s'est dégagé de ce rapport, c'étaient les points de vue de l'ensemble de la commission. À certains moments, même, moi, s'il y a des choses sur lesquelles j'aurais aimé mettre un peu plus l'accent pour gagner l'assentiment des membres, il faut essayer de s'entendre entre nous.

Sur cette question-là, si c'était à réécrire et si j'étais le seul à écrire le rapport, on n'écrirait pas la môme chose qu'on a écrit dans ces années-là, d'abord. Lorsque je suis arrivé au ministère, là, je n'avais plus les autres membres de la commission et je pouvais faire un peu plus ce qu'il m'apparaissait nécessaire et important de faire. Et une des choses qu'il m'apparaissait extrêmement complexe et difficile à réconcilier, c'est que ces Conseils régionaux de la santé ou ces offices n'avaient pas de pouvoir de taxation. Alors ils pouvaient, eux, examiner les situations, faire des demandes pour tout ce qu'il y avait de mieux, éviter de régler les problèmes de dédoublement au besoin et se retourner et demander, demander, demander.

Au début, nous nous sommes dit: On va créer des Conseils. On va faire en sorte, d'abord, que les gens apprennent à travailler ensemble, connaissent un peu mieux notre système, demandent aux établissements de travailler de concert davantage et, graduellement, on pourra leur donner de nouvelles responsabilités au fur et à mesure que l'expérience indiquera que c'est possible de le faire. Et c'est ce qui s'est fait, d'ailleurs. Graduellement, on leur a confié de nouvelles fonctions. Mais lorsque sont arrivés les problèmes difficiles d'allocation de ressources dans une région - à moins qu'il n'y ait eu des choses nouvelles qui se soient produites récemment - les Conseils régionaux n'ont pas été, à mon avis, un instrument efficace pour faire en sorte que ces problèmes de répartition des ressources entre les établissements soient réglés. On a essayé de faire des consensus, de faire plaisir un peu à tout le monde dans les cas que j'ai vus, et les problèmes ont perduré sans être réglés.

Ces gens-là ne répondent pas directement à la population comme vous le faites. Ils n'ont pas à aller chercher les ressources financières et ce sont tous des gens qui, aussi, sont appelés à travailler ensemble à d'autres niveaux et ils ne veulent pas faire ces choix difficiles entre eux. Ça m'apparaît, à moi, assez évident. Alors, sur le plan de l'allocation des ressources, les Conseils régionaux, à mon avis, si on a tant tardé à leur donner des fonctions de ce côté-là, c'est que ce n'est pas le bon endroit pour le faire. Et ma crainte, si on créait des régies et qu'on voulait leur donner cette responsabilité, c'est qu'on va alourdir encore davantage le système et les vrais problèmes vont remonter éventuellement jusqu'au ministère. Les Conseils peuvent évidemment apporter leur voix dans bien des choses, sur l'identification des besoins, faire travailler davantage les établissements ensemble, développer certains programmes sur le plan de la gestion, mais, à mon avis, on ne devrait pas aller au-delà de ça.

Quant à l'idée de décentraliser, comme je l'ai dit tantôt, si on veut vraiment décentraliser davantage, on devrait décentraliser au niveau de ceux qui gèrent les ressources et leur donner plus de marge de manoeuvre pour qu'ils puissent se gérer plus efficacement et qu'ils puissent adapter davantage leurs ressources aux besoins de la population. C'est là que se passe l'action. C'est au niveau des établissements. Ce n'est pas au niveau régional.

M. Côté (Charlesbourg): Si je vous saisis bien, s'il n'y a pas un lien direct sur le plan financier avec les organismes sur le plan régional, l'imputabilité est moins grande et, par conséquent, l'arbitrage pour les Conseils régionaux, selon votre expérience ou ce que vous connaissez, s'est fait en tentant de contenter tout le monde. Donc, ça n'a pas atteint l'objectif que vous vous étiez fixé, si je comprends bien...

M. Castonguay: Oui.

M. Côté (Charlesbourg):... au moment où vous avez reconnu ces CRSSS-là.

M. Castonguay: Oui. Et j'ai vécu ces problèmes-là lorsque j'ai été impliqué dans le système, moi aussi. J'ai vu des efforts pour rationaliser certains types de services. On a fait des consultations. Cela a remonté au Conseil, c'est allé au ministère, ça a redescendu au Conseil et le problème s'est promené comme ça. Et, pendant ce temps-là, rien ne changeait dans la réalité, parce que, justement, les Conseils régionaux, à mon avis, n'ont pas ce qu'il faut pour faire l'allocation des ressources entre les établissements. Ce n'est pas eux qui vont chercher les ressources, ce n'est pas eux qui répondent devant la population. Ce sont tous des gens qui sont impliqués dans la prestation des services, qui sont appelés à travailler ensemble, et il n'y en a pas un qui peut imposer sa volonté aux autres.

M. Côté (Charlesbourg): II y a donc deux problèmes. Fondamentalement, ce que je comprends, c'est que, n'étant pas des percepteurs de ressources financières, il y a un problème là. Le deuxième, c'est qu'ils ne répondent pas devant la population.

Dans la proposition qu'il y a sur la table, ce qu'on visait, ce que le gouvernement visait, c'est de donner davantage de pouvoir d'arbitrage aux CRSSS ou aux régies régionales sans nécessairement aller jusqu'à la reconnaissance d'un

pouvoir de taxation. Mais il y avait là un pas assez important. Dans ces conditions-là, s'il n'y a pas ces changements de base, est-ce que vous iriez jusqu'à dire qu'il faudrait tout simplement éliminer les CRSSS?

M. Castonguay: Je ne pense pas qu'on devrait éliminer les CRSSS, mais je pense qu'on doit leur faire jouer des rôles qu'ils peuvent jouer. Mais on ne devrait pas leur demander de se substituer au ministère et d'assumer des rôles qui sont des rôles d'allocations de ressources et qui reviennent au ministère, à mon avis.

M. Côté (Charlesbourg): évidemment, il y a eu dans les mandats confiés aux crsss une certaine déviation par rapport à l'objectif de départ qui était consultatif...

M. Castonguay: Oui.

M. Côté (Charlesbourg):... et on a en cours de route donné des budgets pour allocations de ressources au niveau des CRSS, que ce soit des projets inférieurs à 1 000 000 $ ou 250 000 $ dans le social. Est-ce que vous avez personnellement une certaine expérience de la manière dont ça a pu se passer ou si ça vous paraît avoir donné des résultats ou dévié de l'objectif de consultation de départ?

M. Castonguay: Je ne suis pas assez près du système... il ne m'apparaît pas... ce type d'approche ne m'a pas semblé être suffisant en tous les cas pour réduire la pression et régler les problèmes les plus sérieux que l'on retrouve dans le système. Ça a peut-être eu des effets positifs. Ça, je n'en doute pas, mais ce n'est pas là qu'est la clé de la solution des problèmes sérieux auxquels le système fait face.

M. Côté (Charlesbourg): Je vais changer de sujet parce qu'évidemment, les conseils d'administration avec participation du public sont nés de la réforme des années soixante-dix avec un objectif qui était fondamental sur le plan de la participation des bénéficiaires de services, à l'administration des différentes institutions un peu partout à travers le Québec. Dans la proposition de la réforme, on dit: Parfait, pour une meilleure performance, unissons les conseils d'administration. Ce que je comprends dans vos propos, c'est que pour vous, ce n'est pas souhaitable. Mais est-ce qu'on a véritablement atteint les objectifs que nous nous étions fixés à l'époque en ouvrant la porte aux bénéficiaires de participer aux conseils d'administration? Est-ce que vous ne croyez pas qu'aujourd'hui, ces bénéficiaires qui sont sur des conseils d'administration ne sont pas noyés par l'amplitude des problèmes et des documents à analyser avant de prendre une décision? Est-ce qu'ils ne sont pas noyés aujourd'hui? Si oui, qu'est-ce qu'on doit faire pour être capable de leur redonner un pouvoir? Parce qu'un conseil d'administration, c'est fait pour décider, en règle générale. Je n'ai pas l'Impression qu'aujourd'hui, ce sont les gens qu'on nomme du public ou qui sont élus par le public qui décident.

M. Castonguay: Bon. D'abord, les conseils d'administration, avant 1960, 1970, à part des hôpitaux anglophones qui avaient une tradition, c'étaient des corporations sans but lucratif et les conseils d'administration jouaient un rôle réel. Du côté francophone, la plupart de nos hôpitaux étaient sous la direction des communautés religieuses. Les conseils d'administration, lorsqu'il y en avait, jouaient un rôle extrêmement limité et s'intéressaient aux questions médicales vraiment. Alors, il y a eu une tradition à créer, ça prend un certain temps, et des habitudes à développer. Tout cela ne se fait pas du jour au lendemain. Je crois qu'on a fait des progrès. On a constaté... D'abord, on a voulu non pas seulement retrouver des représentants de la population sur les conseils, mais donner une voix aussi à ceux qui sont dans la gestion pour que l'on sache vraiment, au niveau des conseils, quels sont les problèmes, quelles pourraient être les voles de solution et essayer de créer un équilibre dans tout ça. On n'a peut-être pas réussi parfaitement. D'ailleurs, peu d'années après, vers 1976-1977, je pense qu'on apportait déjà certaines modifications à la composition des conseils pour essayer d'améliorer un peu cet équilibre-là. Est-ce qu'aujourd'hui, on devrait apporter d'autres améliorations? Je n'en doute pas. Il est fort probable qu'on pourrait améliorer le fonctionnement de nos conseils d'administration, mais de là à dire, par contre, qu'on les met de côté, que l'on regroupe au-dessus d'un certain nombre d'établissements un conseil composé uniquement de gens qui ne sont pas impliqués dans la gestion, là, je pense qu'on fait une erreur majeure, a mon avis, pour toutes sortes de raisons. On se prive vraiment de la part de toute une série de personnes, qui, à mon avis, ont apporté et apportent encore une contribution positive. Et les gens s'identifient avec un établissement. Ils ne s'identifieront pas de la même manière en chapeautant plusieurs établissements. Les établissements ont chacun leurs objectifs, leurs traditions, leur culture même; ils répondent à des besoins différents, des populations différentes. Et si on essaye d'homogénéiser ça, on va manquer notre coup. A mon avis, si on essaie d'aller dans la voie qui est indiquée, ce qui va résulter c'est qu'il n'y aura plus de rôle utile pour les conseils d'administration et ça va être encore davantage le ministère et les fonctionnaires qui vont agir directement avec les directeurs généraux et on va s'être privés d'un apport, à mon avis, extrêmement utile et important. (16 h 15)

M. COté (Charlesbourg): Dans la mesure où on retiendrait en phase finale, qu'il n'y ait pas de conseil d'administration unifié, mais qu'on en revient et qu'on garde le conseil d'administration de l'institution, on arrive encore avec un phénomène qui doit être discuté. On a souvent l'impression que c'est l'administratif qui gère le conseil d'administration. Ce n'était pas ça qu'on cherchait à l'époque, j'imagine, lorsqu'on voulait donner une voix au bénéficiaire et aux autres. Évidemment, quand vous êtes sur un conseil d'administration d'un hôpital de courte durée, que vous avez à faire face à des représentants des médecins de l'administration et que vous êtes, bien sûr, un bénévole qui est au conseil d'administration, il me semble que ça m'apparaît difficile d'être capable de faire valoir votre point de vue et de changer des tendances que vous voulez changer puisque vous êtes en présence des producteurs de services alors que vous êtes bénéficiaire. Est-ce qu'il n'y a pas là des ajustements très importants à faire, selon votre opinion?

M. Castonguay: Comme je vous l'ai dit, j'ai été au conseil du CHUL ici et je peux vous dire que la marge de manoeuvre laissée au conseil n'était pas toujours très, très grande. On recevait toute une série de directives et on était encadrés d'une façon assez rigide. C'est un peu à ça que je fais allusion. Il reste qu'au début, il fallait établir un système. Il fallait le faire fonctionner, lui donner un certain cadre de fonctionnement. Mais, comme je l'ai mentionné, je pense qu'on a continué d'ajouter, d'ajouter et d'ajouter à la rigidité. Aujourd'hui, d'après ce que je peux voir, les conversations et tout ce que j'ai eu comme écho et ce que j'ai pu voir et entendre, c'est encadré de façon de plus en plus rigide. Si on veut réviser le fonctionnement des conseils d'administration, peut-être d'abord qu'on devrait offrir aux gens qui vont servir sur ces conseils, certains cours sur la façon que ça peut fonctionner. Comme je l'ai mentionné, à ma connaissance, on envoie des gens sur les conseils d'administration sans préparation et on s'attend que, du jour au lendemain, ils vont entrer dans une machine assez compliquée et qu'ils vont performer. Ça prend du temps. Et, si on les aidait, s'il y avait des cours qui étalent donnés, s'il y avait une certaine littérature qui leur était remise, déjà on ferait quelque chose d'utile.

Il y a des problèmes que vous avez mentionnés qui m'apparaissent des problèmes authentiques. Ce n'est pas mon but d'essayer de les nier. Est-ce qu'on ne pourrait pas demander à des conseillers en administration d'aller les examiner et de proposer certaines façons de solutionner ces problèmes? Je vois ici M. Gautrin. Je sais que je devrais l'appeler M. le député de... Mais je ne me souviens pas de son comté. On a été ensemble au conseil de l'Université de Montréal. C'est une institution, un établissement où on a des gens qui nous viennent de l'extérieur. La masse de documents, si on n'y volt pas, peut enterrer à peu près tout le monde rapidement. On s'est arrêté à quelques reprises sur le problème. On a analysé le fonctionnement de - notre conseil et on a décidé d'apporter un certain nombre de changements pour nous assurer que les questions que l'on discutait au conseil de l'université sont les bonnes questions et qu'on n'était pas submergé par les documents qui nous arrivaient des professeurs, comme notre bon ami, ici. Alors, on a trouvé un meilleur équilibre et on a eu un meilleur fonctionnement de ce conseil-là. Moi, il m'apparaît que ce ne sont pas des problèmes insolubles que ceux-là.

La Présidente (Mme Marois): M. Gautrin est le député de Verdun.

M. Castonguay: De Verdun? Bon, j'aurais dû m'en souvenir.

M. Côté (Charlesbourg): Laissons un peu les structures parce qu'il y a quand même autre chose. Je pense qu'on pourrait parier longtemps des structures. On a évoqué beaucoup, et vous l'avez fait, qu'on est pris dans un système où il y a l'offre et la demande et qu'à toutes fins pratiques, on a des mesures d'évaluation plus ou moins fortes ou adaptées aux besoins actuels. Par conséquent, nos allocations de ressources se font en fonction de celui qui en demande le plus et qui a un pouvoir de persuasion en incluant les grandes institutions qui, en règle générale, ne se gênent pas non plus pour mettre de la pression sur le système. Est-ce que je dois comprendre que vous partagez l'idée de certains qu'on devrait avoir des objectifs de résultats et que l'allocation de ressources puisse se faire par programme et avec des objectifs de résultats?

M. Castonguay: Évidemment, et je crois qu'on a les moyens aujourd'hui de développer ces approches avec les systèmes d'information que nous avons. On a des systèmes d'information extrêmement sophistiqués, des équipements qui nous permettent aujourd'hui de faire ces choses-là et je crois qu'on devrait les faire.

M. Côté (Charlesbourg): Mais c'est ce qui n'a pas été le cas jusqu'à maintenant. Donc, l'allocation de ressources, jusqu'à maintenant, s'est faite en fonction de ce qui existe; je prends un exemple dans le quotidien. Il y a des budgets d'alourdissement de clientèles. Les budgets d'alourdissement de clientèles sont effectivement attribués aux Institutions qui existent. Donc, plus il y en a, plus le budget est grand, plus on donne d'alourdissement de clientèles, et on se retrouve dans des situations où, effectivement, des régions sont très peu desservies au plan des services et en ont moins. Donc ce qu'on fait, c'est qu'on engraisse celui qui est plus gros

et celui qui est plus pauvre reste encore plus pauvre. On agrandit les écarts quant à la qualité de l'offre de services que nous offrons un peu partout. C'est pour ça que ça m'a inquiété un petit peu lorsque je vous ai entendu dire tout à l'heure qu'il y avait de grandes institutions qu'il fallait maintenir, et vous avez bien dit de statut universitaire.

M. Castonguay: Tout d'abord, j'aimerais juste faire un commentaire. Une des distorsions que vous avez mentionnées, et c'en est une parmi d'autres, le système actuel de remettre les ressources. Si, à un endroit, le volume de services va en augmentant, on en donne davantage, vous dites que l'autre à côté s'appauvrit. Il reste qu'à certains endroits le volume des services va en augmentant parce qu'il y a aussi une demande réelle qui se manifeste et il y a des établissements qui répondent davantage à l'augmentation de la demande réelle que d'autres. Alors il faut évidemment faire certaines nuances.

L'autre point, je m'excuse... J'ai mentionné que les grands hôpitaux, les hôpitaux généraux tels qu'on les appelait dans le passé, les hôpitaux spécialisés, les hôpitaux d'enseignement, devraient, évidemment, demeurer des hôpitaux publics gérés par des corporations sans but lucratif. Je pense bien que personne dans le secteur privé ne viendrait prétendre qu'il pourrait établir de tels hôpitaux, les financer en concurrence avec le secteur public, et que ça donnerait de bons résultats. Alors quand je parlais de développer d'autres ressources en plus du secteur public, je voulais bien prendre soin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, ces grands établissements ou ces établissements devraient demeurer clairement à caractère public et sous le contrôle, la propriété, la gestion de corporations sans but lucratif.

M. Côté (Charlesbourg): Vous nous avez signifié qu'il fallait peut-être ouvrir davantage la voie à la compétition. Évidemment, j'écoutais et cela m'a rappelé les OSIS.

M. Castonguay: Les quoi?

M. Côté (Charlesbourg): Les OSIS.

M. Castonguay: Ah bon!

Une voix: Les HMO québécois.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, qui ont circulé un peu dans le décor québécois et qui voulaient effectivement offrir une alternative, mais la réaction au niveau du Québec était assez claire. On ne semble pas prêt, maintenant, à accepter que le privé puisse compétitionner. Évidemment, je comprends que lorsque vous mettez de la compétition, et vous êtes dans un secteur pour le savoir, ça rend les gens beaucoup plus productifs, plus imaginatifs, plus innovateurs quant aux solutions à offrir.

Est-ce que vous iriez jusqu'à dire - parce que vous avez évoqué la présence des CLSC - qu'il faudrait permettre une plus grande ouverture de cliniques privées en compétition directe avec les CLSC pour des soins de première ligne?

M. Castonguay: Sûrement. Je n'ai pas d'hésitation sur ce plan-là. C'est clair que le système et les gens dans le système n'aiment pas l'idée d'une concurrence plus grande, mais ça ne veut pas dire que c'est un argument valable. Quand on a fait l'assurance-maladie, en 1970, on a eu une grève des médecins. Ça ne veut pas dire que, parce qu'ils ont été jusqu'à faire la grève, leur motif était valable. Alors, c'est clair que des changements comme il y en a qui s'imposent vont créer des réactions. On ne change pas des systèmes comme ceux-là. Si on veut les changer un peu en profondeur et vraiment donner certains coups de barre, on ne peut pas le faire sans qu'il y ait des réactions et des résistances. Ça m'apparaît très clair. Si vis-à-vis de certaines initiatives on a déjà manifesté de la résistance, ça ne me surprend pas.

M. Côté (Charlesbourg): Je reviendrai.

La Présidente (Mme Marois): Vous reviendrez s'il y a lieu? Oui. M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président...

La Présidente (Mme Marois): Mme la Présidente.

M. Chevrette: ...je voudrais, moi aussi, remercier M. Castonguay. Vous avez omis, au niveau de votre analyse, certains éléments. Je voudrais vous demander votre réaction à mon point de vue vis-à-vis de certains points précis. Par exemple, sur le prolongement de l'espoir de vie, au moment où vous avez conçu la réforme, je pense bien que l'espoir de vie chez les femmes était de 72 ans, si ma mémoire est fidèle. Il est maintenant de 78, 79 ans. Chez les hommes, il était en bas de 70. Il est rendu à 72, 73. N'est-ce pas là un des facteurs aussi importants dans l'escalade des coûts, dans le coût de la santé au Québec? Je voudrais savoir votre opinion vis-à-vis de ça.

La deuxième chose: est-ce que la réforme n'a pas contribué, sans le vouloir - ce n'étaient sans doute pas les objectifs au départ - à développer un sentiment de dépendance totale de l'individu vis-à-vis de l'institution, au lieu de lui demander de se prendre en main, d'être plus autonome, puis d'avoir des ressources qui feraient en sorte que l'individu n'ait pas le

réflexe, dès la fin de sa période active de travailleur ou de travailleuse, de penser à s'en aller dans les centres d'accueil pour se reposer? Parce que c'était l'idée, au départ, des centres d'accueil, vous vous rappellerez. Il y a des gens qui ont vécu 26, 27 ans dans les centres d'accueil. Je pourrais vous nommer des personnes. Est-ce que ce ne sont pas là aussi deux facteurs qui ont contribué largement à l'accroissement des coûts dans le domaine de la santé?

M. Castonguay: La première question, l'accroissement de la longévité, à mon avis, c'est beaucoup plus des facteurs comme les habitudes de vie, d'alimentation, bon, le conditionnement, la capacité de faire face au stress, le niveau de revenus des individus, la façon dont Ils se logent, ce sont tous ces facteurs-là qui, à mon avis, influent le plus sur la longévité. Évidemment, quand des gens sont malades, il est important d'avoir de bons services, mais ça, c'est l'aspect curatif. L'aspect préventif, l'aspect positif qui influe le plus sur la longévité, il n'est pas dans ce que nous discutons tellement aujourd'hui, à mon avis.

La deuxième question, la création des centres d'hébergement, je ne sais pas d'où était venue cette pression, mais je peux vous dire qu'avant 1970, lorsque je suis arrivé, moi, au ministère, il y avait déjà un bon nombre de centres d'hébergement qui avaient été construits, et môme lorsque je suis arrivé là, on avait quelque chose comme 250 demandes et je ne sais pas combien qui avaient été approuvées. On a établi un moratoire dans tout ça et il y a même des projets qui avaient été commencés qui ont été arrêtés et on a essayé, justement, de freiner cette tendance à l'hébergement surtout des personnes âgées dont l'état de santé n'était pas nécessairement déficient. (16 h 30)

Si l'impression existe aujourd'hui que c'est notre réforme qui a créé cette approche, ce n'était sûrement pas le but et c'était déjà commencé. C'était beaucoup plus un phénomène culturel qu'un phénomène qui a trouvé sa source dans la réforme des services de santé. On a essayé de le combattre, à part ça.

Tantôt, je mentionnais les soins à domicile, la bonne organisation, le fonctionnement des soins à domicile, ça m'apparaît être une des choses absolument essentielles si on veut, justement, éviter une trop grande institution-realisation. Si on veut avoir de bons soins à domicile, il va falloir ouvrir la porte pour que bien d'autres gens puissent organiser de ces soins et de ces services que ce n'est le cas présentement.

M. Chevrette: Sur la façon d'augmenter la concurrence - ça m'a frappé beaucoup, cet aspect-là - sans remettre en cause les objectifs fondamentaux, dont la gratuité, comment peut-on réintroduire une forme de concurrence dans la fourniture de soins sans privatiser le paiement des soins de santé? Je voudrais peut-être continuer, pour bien me faire comprendre. Est-ce qu'on peut songer à des formes de concurrence différentes de ce que l'on peut voir dans le privé, par exemple? Vous avez dit que le ratio médecin-population était en constante diminution et vous avez dit, aussi, qu'on formait trop de médecins. Pourtant, si je regarde l'élément qui augmente le plus, c'est précisément le budget de la RAMQ, 2 200 000 000 $ sur 8 000 000 000 $.

Pourtant, si je regarde la moyenne des salaires des médecins, ça n'a pas diminué, elle a une tendance même à légèrement augmenter. Donc, à mon point de vue, quand on regarde le problème de la répartition des effectifs médicaux en région, en plus, si j'ajoute ça, on volt que ça persiste encore à vouloir demeurer dans les grands centres. Ça ne baisse pas, la moyenne salariale ne baisse pas. Par exemple, si vous regardez le nombre de psychiatres qu'il y a à Montréal et à Québec par rapport au reste du Québec... Ça n'a pas baissé la moyenne salariale; pourtant les clients diminuent, la population a eu une chute dramatique.

Est-ce que l'offre et la demande n'est pas contrôlée par les médecins plutôt que par les besoins des individus? Je ne sais pas quelle est votre réaction à ça, mais face à une régionalisation des services, comment voyez-vous ça?

M. Castonguay: Là, iI y a beaucoup d'éléments dans ce que vous avez dit. Sur la question, d'abord, d'introduire de la concurrence dans la distribution de certains services, j'aimerais reprendre un exemple, celui du régime de santé et sécurité au travail. La commission se fiait principalement...

M. Chevrette: On entend difficilement, ici.

La Présidente (Mme Marois): Je ne sais pas si vous...

M. Castonguay: Je m'excuse.

M. Chevrette: C'est bien malcommode d'avoir... On n'a pas tout l'élément de la réponse.

La Présidente (Mme Marois): II faudrait peut-être l'approcher un peu...

M. Castonguay: Non, c'est fixe. M. Chevrette: II ne s'approche pas.

La Présidente (Mme Marois): II ne s'approche pas.

M. Castonguay: C'est fixe, on ne veut pas qu'on l'apporte.

Le régime de santé et de sécurité du travail faisait traiter ses gens principalement dans les établissements hospitaliers, mais les gens devaient attendre, bien souvent, alors qu'ils auraient pu commencer les traitements tout de suite. Il fallait qu'ils se mettent en ligne et là, bien souvent, quand les traitements étaient terminés avant d'avoir ce qu'il fallait pour certifier que la personne était en bon état et pouvait retourner au travail, il y avait d'autres délais. Tout ça coûtait très cher. On a ouvert la porte et on a permis que ces soins, ces services soient donnés par des physiothérapeutes hors des établissements hospitaliers. Ça a créé une réaction et il y a des cliniques de physiothérapie qui se sont créées et on a donné un certain "incentive" aux cliniques, des paiements un peu plus élevés si les services avaient lieu rapidement, si la personne était certifiée rapidement comme étant apte à retourner au travail. Il y a eu des économies substantielles qui ont été développées. On a permis à d'autres de donner les services et on a créé une certaine émulation entre les cliniques et les centres hospitaliers.

De la même manière, il me semble, on pourrait penser la même chose dans les soins à domicile, par exemple, pour revenir dans le domaine dont on parlait. Présentement, les soins à domicile sont financés, autant que je sache, bien souvent, par le truchement des établissements, des hôpitaux. Si on remboursait les gens qui ont besoin de ces soins, alors, on n'a pas... Au lieu de financer les établissements pour organiser des programmes, si on remboursait les gens qui en ont besoin - alors, on ne va pas contre l'accessibilité, sur le plan financier - et qu'on permettait à d'autres que les centres hospitaliers ou certains CLSC de créer des organisations de services de soins à domicile, les gens pourraient aller où c'est le plus efficace et où ils ont le meilleur service, alors que, dans le moment, ils sont obligés, ils sont prisonniers, il faut qu'ils s'adressent à l'organisme, dans leur territoire, qui a la responsabilité de ça. Ça, c'est une saine concurrence qu'on pourrait introduire et qui ne va pas contre le principe de l'accessibilité aux soins.

Maintenant, lorsqu'on parie des médecins, ce que j'ai dit, c'est que le nombre total de médecins va en augmentant. On est rendus... Je pense que j'ai cité un par 450 de population. On pourrait continuer, on va arriver à un par 400, un par 350 et, avec un régime de rémunération à l'acte, vous allez avoir l'impression qu'ils sont tous occupés, mais ce qu'ils vont faire ne sera pas nécessairement utile. Alors, à un moment donné, je pense, il faut mettre un frein et le problème de la répartition dans les régions en est un autre. Si on a trop de psychiatres à tel endroit et qu'il n'y en a pas assez ailleurs, je pense qu'on devrait peut-être laisser un peu les établissements, avec un petit peu plus de marge de manoeuvre, essayer de régler ces problèmes- là. Mais si tout ça est négocié par des conventions collectives centrales, c'est bien clair qu'on est pris dans des espèces de régimes extrêmement rigides. Laissez un petit peu plus de marge de manoeuvre aux établissements pour régler aussi ce genre de problème d'allocation de ressources et vous allez voir que ça va jouer un rôle utile.

M. Chevrette: Mais sur ce point précis, M. Castonguay, si le ministre décidait de décentraliser les enveloppes de la RAMQ au niveau des régions et qu'on laissait un petit peu plus de marge, on assiterait peut-être à de la surenchère, par exemple, un peu comme au baseball. Je sais, par exemple, que pour avoir un gynécologue ou un anesthésiste dans un hôpital, à proximité de Montréal, il y a eu, sans que la loi le permette, des pots-de-vin de 25 000 $, 30 000 $, 50 000 $, en dessous de la table, payés par rétablissement hospitalier. Et ne croyez-vous pas, si on dit: Faites-le ouvertement, que des régions éloignées seront fort pénalisées parce qu'elles devront payer plus cher pour attirer et devront donner des bonis pour attirer, parce que ce sera une question de piastres pure et simple et non de motivation? Alors que, dans une société, quand on forme trop d'enseignants, par exemple, c'est bien de valeur, mais ils n'enseignent pas et quand on forme des médecins: Formons "at large" parce que c'est une profession libérale et arrangeons-nous, après, pour que les citoyens paient, ne pensez-vous pas que c'est un principe qui est faux à sa base et que les régions probablement les plus démunies, les plus éloignées auraient à payer plus cher à même leur enveloppe, contrairement aux enveloppes d'un grand centre urbain où il y a concentration, où il y a population? J'aimerais vous entendre là-dessus parce que je n'accroche pas.

M. Castonguay: Écoutez, dans le moment, déjà, il y a eu des primes d'introduites pour essayer d'attirer les médecins dans les régions. On a vu que ce n'est pas suffisant. Ce n'est pas juste une question financière. Alors, ce n'est pas uniquement sur ce plan que je parle, mais il y a la façon, aussi, d'incorporer, dans un système, dans un établissement, les gens, le statut qu'on leur donne, le mode de vie qu'ils peuvent avoir dans un milieu donné. Il y a toute une série de mesures. Mais si tout est encadré de façon tellement rigide qu'à peu près personne, dans le milieu, ne peut intervenir, que ce sont des choses qui se négocient à distance, vous ne verrez pas ce phénomène-là. Ce n'est pas juste une question d'argent. Les médecins n'iront pas s'établir en région juste parce qu'on les paie 5000 $, 10 000 $ ou 15 000 $ de plus par rapport à Montréal. Ils n'iront pas nécessairement à Montréal par rapport à une région parce qu'ils vont gagner un petit peu plus. Il ne faut pas oublier qu'à Montréal le coût du logement est

extrêmement plus élevé, le coût des transports, le coût de la vie est extrêmement plus élevé. Alors, les rémunérations sont pas mal, d'une région à l'autre, entre les grands centres et les milieux ruraux, avec la Régie, assez uniformisés. Et le médecin en région a généralement un revenu disponible plus élevé que le médecin dans le grand centre, à cause des facteurs que je viens de mentionner. Alors, ce n'est pas juste une question de rémunération. Au contraire, c'est une question de statut dans son milieu, une question de façon de fonctionner et d'être reçu.

M. Chevrette: Vous avez parlé aussi de frais modérateurs, mais en les restreignant aux abus, à certains abus, avez-vous dit. J'aimerais que vous puissiez me donner un exemple d'un abus et comment ça pourrait fonctionner en prenant pour acquis qu'on a la responsabilité de répartir la richesse le plus équitablement possible et que c'est dans les milieux pauvres qu'on retrouve les plus grands consommateurs de médications, par exemple? J'aimerais..

M. Castonguay: D'abord, j'ai bien...

M. Chevrette: ...que vous donniez un exemple où l'individu, la personne n'est pas pénalisée.

M. Castonguay: La question est toujours posée: qu'est-ce que vous pensez des frais modérateurs? je suis rentré ici, avant votre séance, il y a certains journalistes qui m'ont attrapé, ils m'ont demandé: qu'est-ce que vous pensez des frais modérateurs? alors, c'est pour ça que j'en ai dit un mot.

M. Chevrette: O.K.

M. Cactonguay: J'ai bien pris soin de dire qu'à mon avis, ce n'est pas là qu'est la solution des problèmes du système. J'ai dit que, dans certains cas, comme vous l'avez mentionné, s'il y a des abus, ça pourrait être utilisé. Je me souviens, par exemple, qu'au début du Régime d'assurance-maladie, les injections pour les veines, les varices, c'était en train de prendre une proportion absolument extraordinaire. On a demandé aux médecins de réviser le tarif. Heureusement, ils ont dit oui. Alors, on a révisé le tarif et le nombre d'injections a baissé automatiquement. S'ils avaient refusé, au lieu de faire une guerre avec eux sur ça, peut-être qu'on aurait pu dire: Écoutez, ça va coûter 5 $ chaque fois que vous y allez. Je pense bien qu'il n'y a pas beaucoup de monde qui n'est pas capable de débourser, à un moment donné, quelques dollars dans notre société. Je comprends qu'il y a de la pauvreté, mais il y a de la marge aussi. S'il y avait quelques cas où ça deviendrait un problème, il y a bien des organismes qui pourraient aider les gens dans des situations comme ça.

De toute façon, ça mapparaîl une question marginale, celle des frais modérateurs, dans un système comme celui que nous avons. Ce n'est pas un moyen de régler les grands problèmes auxquels nous faisons face.

M. Chevrette: Vous parlez beaucoup de démotivation des personnels ou même de certains professionnels. Sans le dire, j'avais compris que vous vouliez parler de paie au mérite ou de "merit pay", comme on s'exprime, ou encore des bonis. Vous avez parlé de bonis. Dans un contexte où même les corps médicaux, les corps professionnels ont une reconnaissance juridique pour négocier, c'est, à toutes fins pratiques, un double chapeau que vous avez devant vous. Vous avez une corporation professionnelle et vous avez un syndicat. Comment voyez-vous cette possibilité d'introduire ce "merit pay" maintenant sans créer, à l'Intérieur même de ces syndicats-là, des bouleversements épouvantables et des affrontements majeurs, exclusivement sur la façon d'introduire d'abord ce mode de paiement?

M. Castonguay: D'abord, en tout premier lieu, il me semble que dans un système comme celui des services de santé, il va falloir que les syndicats, comme tous les autres, se demandent ce qu'eux peuvent apporter comme contribution pour l'amélioration du système. Ils ne peuvent pas toujours être contre et réagir négativement devant tout changement. Ils ont une responsabilité également.

C'est clair, dans le système de santé comme dans d'autres secteurs, que des changements vont devoir être apportés. Tous devraient essayer d'apporter leur contribution. Alors, le fait que les syndicats soient mécontents si on essaie de faire des changements, ça ne m'apparaît pas plus valable que le fait que les médecins étaient mécontents à d'autres moments ou que les infirmières peuvent l'être pour d'autres raisons

Maintenant, lorsque j'ai parlé de cette question, j'ai essayé de faire des distinctions. Je pense que les réponses qu'on apporte pour un type de personnel ne sont pas nécessairement les mêmes qu'on apporte pour d'autres types de personnel. Dans le cas des infirmières, j'ai essayé de mettre en relief le fait qu'à mon avis, ce n'est pas uniquement un problème de rémunération, mais un problème de statut, de responsabilité, d'organisation de leur travail. Le travail des infirmières a évolué énormément, au cours des années. La responsabilité qu'elles assument dans les établissements est une responsabilité importante. Elles ont la charge des malades et ça devrait être reconnu davantage, je pense. J'ai examiné, j'ai essayé d'examiner, en tout cas, le plus attentivement possible leur point de vue, au cours des mois, et je pense qu'il y a des éléments dans leurs représentations qui sont très authentiques et qu'on devrait écouter avec beaucoup de soin. Et ça, ce n'est pas un problè-

me de rémunération, à mon avis.

Du côté du personnel qui a la responsabilité de la gestion du fonctionnement, je pense que dans ces cas-là ça s'adapte assez bien, la rémunération avec certains types d "Incentive", disons, ou d'encouragement à la performance. Et, de façon générale, de toute façon, à ma connaissance, ces personnels-cadres ne sont pas syndiqués, et heureusement. Alors, la possibilité d'introduire ces modalités-là ne se bloquera pas nécessairement à des objections des syndicats.

Si on veut aller plus loin et le faire pour les personnels, à ma connaissance, ça peut être fait. On l'a fait d'ailleurs dans le secteur privé, dans des endroits où il y avait des syndicats, mais en discutant avec eux, en s'entendant sur les objectifs, et ça a été possible.

Finalement, si on parie des autres personnels, les médecins, par exemple, ils ont choisi, eux, un système de rémunération qui leur laisse beaucoup de latitude. Je ne pense pas que dans leur cas on parte de la même chose et mes propos ne s'adressaient pas aux médecins. Alors je pense qu'on doit faire des distinctions.

M. Chevrette: Sur le secteur privé, Mme la Présidente, je voudrais vous poser deux questions. Si on ouvre la porte au privé, comment voyez-vous qu'on pourra favoriser l'intégration des services, dans une première question? Et, dans une deuxième, la commission Rochon a insisté énormément sur l'importance de se donner des objectifs puis des plans d'action pour améliorer la santé. Est-ce qu'on pourrait vraiment - comment dirais-je? - poursuivre ces objectifs-là en ayant un secteur privé puis un secteur public?

M. Castonguay: Bon. D'abord, les objectifs dont il est question, je pense bien que ce sont ceux que l'on rappelle au début du document d'orientation. Comme je l'ai mentionné tantôt, ces objectifs-là, pour la plupart, on va pouvoir les atteindre et tendre vers eux non pas tellement par ce qui va se faire au niveau des services de santé, mais sur le plan de l'éducation, de l'alimentation, des meilleures conditions d'habitation, tous ces facteurs-là, la réduction des accidents, la réadaptation des individus. Ce ne sont pas les services de santé curatifs qui vont jouer le rôle le plus important dans l'atteinte de ces objectifs-là.

Deuxièmement, dans l'intégration - vous dites l'intégration des services - les besoins de services de soins à domicile, ça n'a pas besoin d'être tellement intégré. J'ai vu bien des personnes âgées, moi, qui cherchaient désespérément à avoir des services à domicile. S'il y avait eu quelque chose qui avait été disponible, elles auraient pris le téléphone puis les gens y seraient allés. C'est clair que, quand il y a un certain besoin de coordination, lorsqu'on entre dans des ressources plus spécialisées, j'ai men- tionné tantôt que les grands hôpitaux, les grands établissements, les hôpitaux généraux, ça doit demeurer du secteur public, et c'est eux autres qui ont vraiment besoin de se coordonner et de travailler d'une façon beaucoup plus intégrée ensemble.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Vous nous avez averti, d'entrée de jeu, de toute façon, M. Castonguay, que vous parleriez moins de prévention, d'habitudes de vie, de tous ces éléments auxquels il faut aussi faire appel lorsqu'on rappelle les objectifs du document d'orientation publié par le gouvernement, tout en nous décrivant très bien l'espèce d'augmentation faramineuse au niveau de la demande, en termes de services au Québec.

En ce qui regarde la possibilité de réduire, en quelque sorte, le volume de la demande, est-ce que ça vous apparaît significatif, ça, l'action communautaire, l'action des groupes, l'action des personnes sur le terrain localement pour agir sur ces dimensions que vous venez de mentionner comme étant probablement les plus grands facteurs qui, si j'ai bien compris, contribueraient à la réduction de la demande? Est-ce que ça apparaît significatif et est-ce qu'il faut accorder de l'importance à ça dans la réorientation ou la réorganisation de nos services toujours en vue de faire baisser la pression?

M. Castonguay: Tantôt, j'ai mentionné que l'état de santé est affecté par les facteurs dont on a parlé: l'éducation, le niveau de vie, les conditions d'habitation, l'alimentation, le conditionnement, la bonne santé mentale, etc. Ça, c'est une chose, la façon de fonctionner en société de façon générale et les individus.

L'action communautaire, à mon avis, n'aura pas tellement d'effet sur ces choses-là, mais elle peut être fort importante pour apporter des réponses aux problèmes des gens. Il m'apparaît qu'elle est importante pour venir compléter, complementer ce que le système public peut apporter comme services, comme réponse aux problèmes des gens. Alors, ça m'apparaît important, tout ce qui s'est fait depuis quelques années. Un peu partout, il y a eu nombre d'initiatives intéressantes. Ça doit continuer, ça doit être stimulé, mais ça ajoute, à mon avis, à l'offre des services ou à la façon de répondre aux problèmes des gens, ça ne diminue pas tellement l'incidence de ces problèmes-là.

M. Trudel: Sur une autre dimension, j'ai compris, étant originaire et vivant dans une région périphérique, je suis assez effrayé par votre perspective d'introduction de la privatisation en y ajoutant qu'il faudrait réserver, bien sûr, la nature publique des institutions aux

grandes institutions et que d'autres de moins grande envergure pourraient faire l'objet de privatisation. Toute comparaison cloche. J'ai déjà vécu ça, par exemple, dans le domaine des transports aériens et on pourrait très bien voir les effets au niveau des coûts, et ce que ça veut dire, et de la nature du service. Et je sais que toute comparaison cloche là-dessus. Vous n'avez pas l'impression, M. Castonguay, que, nous lançant là-dedans, nous nous dirigeons vers la création de deux niveaux d'institutions, deux niveaux d'établissements au Québec, de grandes institutions, avec, forcément, parce qu'ils recèleraient des spécialistes, plus d'équipements, de meilleurs services - il faut le dire, plus on est équipé, plus il y a de monde; plus on a de meilleur monde dans l'établissement, mieux on peut donner de meilleurs services - et aussi, avec la touche que vous y ajoutez, que, dans certains cas, on pourrait peut-être introduire le système de "vouchers" pour les services à acheter là où on pense que ça va être le mieux? Vous n'avez pas l'impression qu'on se dirige avec cela irrémédiablement vers la création de deux niveaux de qualité d'établissements en matière de santé ou de services sociaux au Québec, assez rapidement?

M. Castonguay: D'abord, je n'ai pas parlé de privatisation des services. J'ai mentionné qu'en plus des services qui sont là, on devrait permettre d'en créer davantage parce que le problème, c'est qu'il n'y en a pas suffisamment. Je n'ai pas parte d'enlever les CLSC, de réduire leur financement, de changer leur mission. J'ai parlé de la possibilité qu'en plus on ouvre un peu plus la porte à la possibilité que d'autres types de services soient créés. L'Idée de penser qu'on a un seul modèle unique, que tout va être réglé uniquement par un financement public selon un modèle rigide préétabli, moi, je crois qu'on voit vers où ça nous mène. C'est en train d'être de plus en plus rigide et de créer de plus en plus de difficultés. Alors, je ne propose pas... Vous avez dit que la comparaison avec les transports aériens était boiteuse. Sans vouloir être désagréable, j'ajouterais qu'il n'y a aucune comparaison entre ce qui s'est fait dans ce secteur-là et ce dont je parie. Ici, il s'agit d'ouvrir la porte à des apports additionnels. Ça pourra prendre la forme de corporations sans but lucratif. Quand je parie du secteur privé, je ne parie pas nécessairement de corporations à but lucratif, mais je parie de choses qui pourraient être créées dans le milieu sans que ce soit nécessairement avec l'initiative gouvernementale. Ça peut prendre différentes formes. Vous avez vu les cliniques médicales qui ont été créées suite à l'assurance-maladie. Je pense qu'elles ont joué un rôle très utile. Elles sont venues donner une forme de pratique aux médecins blon plus efficace que lorsqu'ils pratiquaient de façon isolée. C'en est une, ça, une forme additionnelle.

Il y en a plusieurs. Alors, c'est dans ce sens-là que je parie. Et je crois que, justement, une certaine émulation, comme on l'a vu à ce moment-là, les cliniques de médecins, ça va créer des systèmes plus efficaces. On ne peut pas rêver et penser que si on essaie d'enfermer tout le monde dans un même moule, là, on va avoir exactement le niveau de qualité désiré. Je pense, mol, que c'est par l'émulation, par une certaine ouverture, par des ressources additionnelles qu'on va hausser le niveau général de qualité. Il y en a qui seront moins efficaces que d'autres, mais je ne pense pas qu'on va voir deux niveaux, un pour les riches et un pour les pauvres, parce que c'est ça qui est toujours l'Idée sous-jacente dans ce genre de question.

M. Trudel: Une dernière question, Mme la Présidente, à M. Castonguay. Vous nous indiquez qu'au niveau de l'allocation des ressources, il faudrait, grosso modo, et je raccourcis un petit peu en raison du temps que nous avons utilisé, introduire les critères de performance, d'efficacité, d'efficience, de rendement dans l'offre de services. Dans la mesure où nous déciderions, où l'État déciderait ou continuerait à dire: Ce qui est important, c'est la personne à servir, vous ne croyez pas que peut-être que le meilleur système ou une autre façon de voir les choses, ce serait que les allocations de ressources soient plutôt dirigées compte tenu du niveau de risque des populations là où elles vivent sur le territoire? Je pense que vous comprenez bien, un peu, la question. Est-ce qu'on y va sur la performance des établissements surtout ou, si on a une population qui est plus à risques dans tel ou tel secteur géographique, c'est là qu'on devrait surtout placer les ressources? Ça va de soi si, donc, par définition, on centre le système sur la personne. Et vous avez vous-même dit tantôt que l'on possédait, somme toute, maintenant d'assez bons mécanismes qu'il reste peut-être à perfectionner au niveau des indicateurs. Alors, compte tenu de cette Information qui serait disponible, vous ne pensez pas que l'une des façons de voir les choses, ce serait de diriger les ressources financières plutôt vers les populations à risques que sur le rendement des institutions qui reçoivent, par ailleurs, des bénéficiaires?

M. Castonguay: Quand j'ai parié de performance, j'avais à l'idée, évidemment, des critères qui ont trait à la mission des établissements: le traitement des malades, la capacité de les guérir, la capacité de les traiter rapidement. C'est ce genre de critères que j'avais à l'esprit et c'est ça qui se mesure. Au lieu de donner, comme on le disait tantôt, les budgets à partir de critères historiques ou selon le nombre de lits, ça m'apparaîl beaucoup plus important d'ajuster les budgets selon le nombre de personnes traitées, la gravité des traitements qui leur sont donnés, ta

durée de leurs traitements, des critères comme ceux-là. Maintenant, j'ai mentionné qu'on a des outils qui nous permettent de mesurer, mais, en même temps, ce n'est pas infini cette capacité. Je suis bien d'accord avec vous qu'il y a peut-être certains problèmes qui sont plus aigus dans certains milieux que dans d'autres, mais de là à dégager de ça comment on pourrait ajuster, à partir de ces éléments, les budgets entre des établissements hospitaliers, je pense qu'on n'est pas rendus là encore.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Merci. Moi, c'est une sous-question. À partir d'un exemple, je voudrais bien comprendre ce que vous voulez dire. Prenons un service de physiothérapie. Il se part une clinique privée en physiothérapie. C'est payé par le gouvernement puisque c'est gratuit. Vous ne remettez pas en cause le principe de la gratuité. Donc, c'est gratuit pour y aller. L'hôpital, c'est trois mois, quatre mois d'attente; c'est long; tu attends dans les corridors, alors que, là, ça roule à la planche. Qu'est-ce qui arrive avec le service de physiothérapie de l'hôpital, tout le personnel qui est engagé, qui est permanent, qui ne donne pas de services et qui se traîne les pieds, et tout le monde se tire ou à peu près en clinique? (17 heures)

M. Castonguay: Écoutez! Je pense qu'on doit tenir pour acquis d'abord que la direction des hôpitaux, ce sont des gens en qui on peut avoir confiance ou en qui on devrait avoir confiance. Ce sont des gens généralement compétents. Et si, vraiment, à un moment donné, leur clientèle dans un service comme celui-là, les quitte pour aller ailleurs, normalement, ils devraient se dire: II y a un problème. On va aller examiner et voir ce qui se passe et on va essayer de donner un service plus efficace. Il y a des médecins, à l'intérieur, qui vont dire: Aïe! Un instant! Nous, on avait ici des physiothérapeutes; nos patients pouvaient faire de la physiothérapie et, aujourd'hui, ils ne le peuvent plus. C'était long, c'était inefficace, mais au moins, on les avait et aujourd'hui, on ne les a plus. Alors il va s'exercer des pressions. Le milieu n'est pas un milieu absolument neutre. Il y a bien d'autres éléments impliqués. C'est dans ce sens-là que je dis qu'une certaine concurrence, une certaine émulation, ça ajoute de la pression et c'est comme ça qu'une plus grande efficacité peut être obtenue.

M. Chevrette: Mais, tout en...

M. Castonguay: Je pense que le régime de santé et de sécurité au travail, les modifications qui y ont été apportées en sont un exemple absolument extraordinaire.

M. Chevrette: Ça fait plusieurs fois que vous vous référez à la CSST. Si j'avais le temps, je vous poserais quelques questions sur la CSST. Je ne suis pas sûr aussi qu'elle n'a pas épargné un gros 1 000 000 $ en refusant systématiquement, dans la première instance, toute demande. On pourrait s'en parler longtemps. Je vous remercie énormément d'avoir contribué à cette commission parlementaire.

La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le député de Westmount, M. Holden, s'il vous plaît.

M. Holden: M. Castonguay, si j'ai bien compris, vous étiez impliqué avec la Fondation de l'Université Laval ou de l'hôpital. Vous l'aviez créée.

M. Castonguay: Le Centre hospitalier de l'Université Laval, le CHUL.

M. Holden: Pourriez-vous expliquer à la commission l'utilité de fondations en général et l'importance de cette institution dans le financement des hôpitaux?

M. Castonguay: La raison pour laquelle nous l'avons créée à l'époque, c'est qu'il y avait des besoins qui nous apparaissaient des besoins authentiques qu'il n'était pas possible de satisfaire avec les budgets que nous recevions du gouvernement. Au lieu d'essayer uniquement de faire pression pour avoir des budgets plus élevés, on a dit: On va aller chercher une nouvelle source de fonds. On a créé la Fondation et, non pas à notre surprise, ça a été extrêmement intéressant de constater que les gens ont réagi de façon très positive. De toutes sortes de façons, les gens ont contribué.

Après quelques années, nous allions déjà chercher environ 500 000 $ par année, en peu de temps, trois ou quatre ans suivant la création de la Fondation. Cela nous permettait de jouer un rôle extrêmement utile sur le plan de l'achat d'équipements et de donner des services additionnels. Bien souvent, ce qu'on faisait, c'est que vis-à-vis d'un équipement, par exemple une pièce qui coûtait 50 000 $, on disait aux médecins du service: On va vous donner 25 000 $; allez chercher les autres 25 000 $. Alors non seulement on faisait fonctionner, on obtenait du rendement avec les fonds que nous avions recueillis, mais on mettait la pression sur les gens de l'hôpital pour qu'ils aillent en chercher en plus. On multipliait d'une certaine façon notre apport.

En plus de la partie financière, on a intéressé de cette façon un grand nombre de personnes au bon fonctionnement du CHUL. Cela a créé à l'intérieur de l'établissement un climat positif. Les gens étaient contents, à l'intérieur, de penser qu'il y en avait d'autres qui venaient les aider à résoudre des problèmes difficiles. Il s'est établi une espèce de dynamique qui était

très positive. Le personnel qui, au début, se demandait un peu ce qu'on était pour faire, si on ne s'introduisait pas dans le milieu pour se mêler de choses qui nous regardaient plus ou moins, peu de temps après, travaillait étroitement avec la Fondation. On a organisé des initiatives où le personnel participait, de façon extrêmement active. On a même fait des collectes de fonds auprès du personnel pour ajouter aux revenus de la Fondation. Je crois que ce type d'organisme peut jouer un rôle extrêmement utile.

M. Holden: En principe, vous êtes en faveur de la continuation de ce genre de...

M. Castonguay: Ah bien oui! Évidemment. M. Holden: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le député de Westmount. Si vous me le permettez, M. Castonguay, j'aurais une question à vous poser. J'ai l'impression que le président du conseil d'administration d'institutions a goûté à la médecine du ministre et qu'il nous fait des commentaires dans ce sens-là, dans le sens où les orientations que vous aviez données, vous les avez aussi appliquées et vous dites: Maintenant, je fais un certain nombre de commentaires sur ça. Il y en a un, en particulier, que vous avez fait à quelques reprises. Vous semblez beaucoup plus d'accord pour laisser une marge de manoeuvre plus grande aux institutions. Vous êtes venu sur ça. Bon. Marge de manoeuvre plus grande, une marge de manoeuvre, plus de souplesse, etc.

Évidemment, ça risque de créer des distorsions un peu dans le régime. J'aimerais que vous commentiez ça. Est-ce que vous voyez ce risque comme étant présent? D'autre part, dans quel champ d'action particulièrement souhaiteriez-vous qu'il y ait une plus grande décentralisation vers les institutions? Est-ce que c'est du côté de la gestion du personnel, de la planification des programmes? Bon, quel champ d'action vous apparaît le plus important à privilégier à cet égard-là et jusqu'où imaginez-vous que cette marge de manoeuvre puisse aller? En soi, est-ce en termes financiers ou en termes de capacité de prise de décision?

M. Castonguay: D'abord, au départ, comme je l'ai mentionné, lorsque la Loi sur les services de santé et les services sociaux a été adoptée, on avait des grandes disparités dans tous les établissements, dans leur fonctionnement II y avait toutes sortes de choses. On a essaye d'établir un certain cadre assez uniforme pour les conseils, les comités et tout ça, et une certaine réglementation. On est peut-être allé un peu loin sur le plan de la réglementation On se questionne après coup et si c'était à refaire, je pense que, pour ma part, je mettrais la pédale un petit peu plus au ralenti.

Mais, depuis ce temps-là, je pense que l'accent a continué dans ce sens-là. On n'a pas changé, comme je le disais, fondamentalement le système, mais on a ajouté à la réglementation constamment. C'est devenu de plus en plus rigide. Alors, quand je parle de décentralisation, ce serait de réduire la réglementation, donner plus de marge de manoeuvre aux établissements, surtout pour se gérer, pas nécessairement pour partir dans toutes sortes de directions. Les établissements doivent évidemment avoir une certaine mission et ça ne peut pas être le fouillis et on ne peut pas les laisser aller dans tous les sens. On sait que, quand ils assument certains nouveaux services, ça prend des équipements, ça prend du personnel. Ça, c'est l'allocation des ressources et c'est ça que je crois qui doit demeurer dans une large mesure une responsabilité du ministère, surtout en ce qui a trait aux hôpitaux généraux, aux hôpitaux spécialisés, aux hôpitaux d'enseignement.

Les autres, qui donnent les services beaucoup plus simples, il n'y a pas des grands problèmes d'allocation de ressources. C'est beaucoup plus des problèmes de budget de fonctionnement et si on leur laisse plus de marge de manoeuvre aux établissements dans le cadre de leur mission, à mon avis, que ce soit sur le plan de la gestion de leurs ressources humaines, de l'utilisation des espaces qu'ils ont, des équipements, du renouvellement des équipements, de l'entretien des bâtiments, et tout ça, normalement ils vont faire un meilleur travail. Il est impossible d'essayer de régler ces questions-là par voie de réglementation ou par voie de directive à distance.

Ce sont des problèmes qui doivent être réglés au niveau local. Et ça va créer, comme vous dites, certaines disparités, mais, à mon avis, ce que ça va faire, c'est que ces disparités-là, il y en a qui vont aller en s'améliorant et ça va hausser l'ensemble alors que là. on essaie de maintenir un peu tout le monde au même niveau et on sait que, quand on fait ça, bien souvent l'effet est de ramener au plus

La Présidente (Mme Marois): Au plus commun dénominateur.

M. Castonguay: ...commun dénominateur.

La Présidente (Mme Marois): Je vous remercie, M. Castonguay. Oui, M le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Une petite complémentaire. Je m'informais parce que je ne le savais pas. Je l'apprends; alors, c'est toujours instructif en même temps de se poser des questions nous-mêmes. Les budgets des centres hospitaliers, me dit-on, c'est à peu près 80 % en salaires ou reliés aux conventions collectives. Il reste donc une marge de manoeuvre qui est très, très mince par la suite Évidemment, est-ce que

ça irait jusqu'à reconnaître à l'établissement son pouvoir de négocier lui-même des conventions collectives? Parce que c'est ià que pourrait être la marge de manoeuvre parce que autrement la réglementation dont on parle, ça s'applique à peut-être 20 % du budget, et encore là, il ne reste pas grand-chose.

Effectivement, il y a beaucoup de réglementation, il y a beaucoup de lois. C'est clair. Je pense que tout le monde a toujours dit qu'il y en avait trop et qu'il fallait tenter de minimiser tout ça. Mais moi, l'impression que j'avais, vu de Québec, là, installé dans le fauteuil, c'est qu'évidemment ils ont beaucoup d'autonomie. Ils n'ont jamais suffisamment d'argent, mais j'avais l'impression que les conseils d'administration avaient beaucoup d'autonomie sur le plan de la gestion des allocations de ressources qu'ils ont pour chacun des établissements. Votre perception à vous qui avez vécu - parce que je n'ai pas vécu, moi, au niveau d'un conseil d'administration - c'est qu'ils sont trop encadrés. Mais si on regarde les salaires... Excluant les salaires et les frais fixes, il ne reste plus grand-chose, finalement, à ce que je comprends.

M. Castonguay: Mais il n'y a pas juste le niveau des salaires, il y a le nombre de personnels, leur mobilité et ce qu'ils produisent. C'est ça qui est important. Vous avez des services, des fois, qui sont surchargés et, à côté, vous avez un autre service où il n'y a à peu près rien qui se passe, et où ii n'est pas question de demander à qui que ce soit d'aller prêter main forte. Vous avez la mobilité, aussi, dans les emplois. À un moment donné, si une personne est malade ou si elle est en vacances, il n'est pas question de déplacer un individu pour aller suppléer le rendement, aussi, du personnel, le volume d'activité qu'ils peuvent assumer.

Vous avez aussi des équipements extrêmement importants qui sont utilises chaque semaine pendant un nombre d'heures très limite. Dans les entreprises, si on avait à mettre des ressources de la même importance et du même coût que celui investi dans les centres hospitaliers, je vous dis qu'on les ferait fonctionner joliment plus longtemps que le nombre d'heures très limité où ça fonctionne. Les gens entrent à l'hôpital généralement le lundi, on commence les examens; bien souvent, ça commence à rouler le lundi après-midi ou le mardi et, déjà, rendu au jeudi soir ou au vendredi, on commence à retourner les gens et, en fin de semaine, c'est à peu près fini. Le soir, à part des urgences, ça ne fonctionne à peu près pas. Ça, c'est important, aussi. Alors, c'est tout ça qui est en cause.

M. Côté (Charlesbourg): Je comprends davantage, maintenant. Effectivement, il y a de la marge, là, pour du travail. Ce que vous dites, c'est que, dans la mesure où les centres hospitaliers, par exemple, auraient cette autonomie, eux-mêmes pourraient faire cet arbitrage à l'intérieur des hôpitaux.

M. Castonguay: C'est là, si vous me le permettez, que les syndicats aussi ont une responsabilité. Évidemment, si on dit: On ne change rien aux conventions collectives, on combat tout changement, on empêche toute mobilité, on garde un système le plus rigide possible, ce dont on discute ne sera pas possible. Je pense qu'ils ont une responsabilité comme les autres.

M. Côté (Charlesbourg): Ça, ça règle le problème du personnel. Évidemment, quand on fait référence à des équipements sophistiqués très dispendieux, à ce moment-là, on doit parler de complémentarité et de concertation au niveau d'une région pour ne pas que tout le monde veuille avoir le même appareil dans chaque hôpital et, évidemment, qu'il reste à ne rien faire la moitié du temps. Je saisis maintenant très bien la proposition. Merci de votre participation.

La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup de votre intervention.

M. Castonguay: Merci.

La Présidente (Mme Marois): Si je comprends bien, nous avons fini nos travaux pour aujourd'hui. Nous ajournons à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 13)

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