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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 3 avril 1990 - Vol. 31 N° 33

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale dans le cadre de l'étude de l'avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux


Journal des débats

 

(Dix heures neuf minutes)

La Présidente (Mme Marois): La commission des affaires sociales reprend, ce matin, ses travaux dans le cadre de la consultation générale et des auditions publiques sur l'étude de l'avant-projet de loi, Loi sur les services de santé et les services sociaux. Nous aurons une bonne journée de travail aujourd'hui. On va travailler en trois séances jusqu'à ce soir.

Ce matin, nous recevons la Conférence des CRSSS du Québec, le Conseil régional de la santé et des services sociaux de l'Estrie, de même qu'un groupe représentant une ancienne présidente et trois anciens présidents du Conseil de la santé et des services sociaux de la région 05.

Alors, je vais souhaiter la bienvenue à nos premiers invités. Est-ce que nous avons des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Non, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): II n'y a pas de remplacement. Je vais souhaiter la bienvenue à nos invités, ce matin, soit la Conférence des conseils régionaux de la santé et des services sociaux du Québec. Je vais demander au président, j'imagine, M. Fortin, de se présenter et de présenter les personnes qui l'accompagnent. Vous avez environ 20 minutes pour présenter le mémoire et, par la suite, le temps est réparti de façon égale entre les deux formations politiques, pour des échanges et des discussions avec vous. Bienvenue.

Conférence des CRSSS du Québec

M. Fortin (Gilles): Merci. Tout d'abord, je me présente: Gilles Fortin, président de la Conférence des conseils régionaux de la santé et des services sociaux du Québec. Mme la Présidente, M. le ministre, membres de cette commission, je voudrais, tout d'abord, vous présenter les personnes qui, au nom de la Conférence des conseils régionaux de la santé et des services sociaux du Québec, prennent part à cette audition; donc, M. Yvon Milette, président du conseil d'administration du CRSSS 04 Mauricie-Bois-Francs; M. Hubert Gauthier, directeur général du CRSSS de la Montérégie 06C et, enfin, M. Norbert Rodrigue, directeur général de la Conférence des CRSSS.

Ainsi, la Conférence des conseils régionaux est née de la volonté de concertation des 13 conseils régionaux de la santé et des services sociaux du Québec, auxquels s'est jointe, récemment, la table de concertation de Laval. Elle est un outil de cohésion pour l'ensemble des conseils régionaux et un lieu d'échanges sur le développement de notre système sociosanitaire, à la lumière de l'évolution et des particularités des régions, et ce, dans le respect des capacités et des besoins de la population de chacune de ces régions.

L'intention de la Conférence n'est pas de refaire ici le bilan de notre système de santé et de services sociaux, non plus que de reprendre l'ensemble des arguments soutenus devant cette commission, au cours des dernières semaines, par les conseils régionaux. Notre volonté est plutôt de partager avec vous la conception et les préoccupations que nous entretenons à l'endroit de notre système de santé et de bien-être de demain.

Parler du système de santé et de bien-être de demain, c'est convenir que nous évoluons dans un univers fort complexe à l'intérieur duquel les facteurs qui influencent la santé et le bien-être renvoient aux différents déterminants que sont l'organisation des services, le bagage génétique de notre population, ses habitudes de vie et, enfin, l'environnement social, économique, culturel et physique dans lequel elle évolue. En ce sens, c'est concevoir notre action dans un domaine qui ne nous est pas exclusif, tout en assumant le leadership pour le définir. Cela commence nécessairement par l'adoption d'une politique nationale de santé et de bien-être fondée sur des objectifs et des résultats précis à atteindre. Pour être efficace, cette politique devra s'appuyer sur les constats régionaux exprimés dans le cadre de la validation des objectifs de santé et de bien-être contenus dans le document d'orientations et devra identifier les grandes priorités et les principales stratégies d'action. Il s'agit d'un exercice qui doit permettre une mobilisation des différents milieux concernés par la santé et le bien-être de la population, d'une option, en quelque sorte, qui établit la manière de faire de demain. Voilà une démarche qui procède nécessairement par une plus grande implication de la population face à sa santé et à son bien-être.

Devant l'importance sans cesse croissante des besoins en matière de santé et de services sociaux et en tenant compte de la rareté des ressources, il est impensable de faire face à la demande par les seules ressources disponibles à l'intérieur du réseau, bien qu'elles soient déjà considérables.

En conséquence, il est nécessaire que le réseau poursuive le développement d'une expertise en matière d'implication de la population dans la satisfaction de ses besoins. En somme, il

faut que le système soit en appui aux initiatives du milieu, des communautés et des personnes. Nous croyons qu'il importe, en tout temps, de recourir à des solutions qui encouragent le citoyen et la citoyenne à assumer une plus grande responsabilité face à sa santé et à son bien-être.

Les résultats de recherches des dernières années démontrent de plus en plus clairement que l'amélioration de la santé et du bien-être de la population ne peut reposer exclusivement sur le réseau de services. Si l'on veut obtenir des résultats significatifs, il faut intervenir sur notre environnement social, économique, culturel et physique. Nous devons donc opter pour une stratégie d'intervention multlsectorlelle présente tout au long du processus de conception de nos programmes, qu'H s'agisse de l'identification des objectifs, de la planification de services, de leur mise en oeuvre ou de leur évaluation, stratégie qui s'actualise à tous les niveaux d'intervention, tant local, régional que national.

Il nous faut aussi opter pour une stratégie d'intervention dite proactive où l'action s'attaque aux causes plutôt qu'aux conséquences. Il est ici précisément question de la prévention et de la promotion de la santé, stratégie qui nous éloigne vraisemblablement de cette conception du "ministère des conséquences" que nous partageons tous un tant soit peu. La poursuite d'objectifs de prévention et de promotion de la santé et d'une véritable implication de la population dans l'identification des moyens à prendre pour contribuer à son mieux-être nécessite, d'une part, un engagement politique ferme et, d'autre part, des mandats clairs et des moyens appropriés.

Nous sommes d'avis que ces grands principes d'intervention devraient se retrouver dans les fondements mêmes de la réforme, notamment par l'identification d'objectifs de santé et de bien-être et de moyens pour y parvenir. Parmi ceux-ci, nous croyons que les plans régionaux d'organisation de services constituent un outil efficace. Ces plans identifient les besoins, les objectifs et les priorités. Ils sont l'outil d'association, d'arbitrage, de convergence et de complémentarité de l'action des divers intervenants et secteurs d'activité. Pensons aux secteurs municipal, justice, éducation, environnement et bien d'autres. Ces plans permettent enfin d'asseoir la planification régionale des programmes et services destinés à la population et constituent un moyen privilégié de rationalisation, d'efficacité et d'efficience du réseau.

La Conférence appuie fortement la volonté gouvernementale d'instituer des régies régionales décisionnelles ayant un rôle réel, sur leur territoire, de maître d'oeuvre en matière de santé et de services sociaux. Une telle décentralisation rapprochera la prise de décision de ceux et celles qui sont directement concernés. Cette innovation assurera l'arrimage de politiques et de programmes aux différentes réalités du milieu, tout en favorisant une plus grande flexibilité dans l'utilisation des moyens à mettre en place. Il s'agit là d'effets escomptés qui pourront se vérifier dans la mesure où les objectifs à atteindre seront établis de façon claire et soutenue et que la décentralisation du système sociosanitaire québécois s'opérera selon des modalités propres à chaque région du Québec.

La Conférence considère qu'il est impératif que l'on reconnaisse à la future instance régionale la maîtrise d'oeuvre, sur son territoire, de la planification, de l'organisation et du contrôle des services sociaux et de santé requis pour répondre aux besoins de la population, et ce, par l'intermédiaire des établissements, en collaboration avec les organismes communautaires et les autres secteurs d'activité. Pour l'exercice de ses fonctions, la régie doit, notamment, identifier les besoins de la population en matière de santé et de services sociaux, identifier des objectifs de santé et de bien-être propres à la population de son territoire et, enfin, dégager sur une base triennale les priorités d'intervention.

La régie régionale doit être responsable de l'élaboration et de la mise en oeuvre des programmes de santé et de services sociaux articulés dans le cadre des plans régionaux d'organisation de services. L'allocation et le contrôle budgétaire, que nous aimerions voir établir sur une base régionale et sous-régionale, devront épouser la logique de ces plans, favorisant du même coup une plus grande équité, une meilleure complémentarité des actions entre les établissements d'un même territoire, ainsi que le développement d'une pratique et d'une intervention décloisonnée. En somme, une gestion plus efficiente qui devrait conduire à des investissements plus judicieux.

Par ailleurs, des incitatifs au changement d'habitudes devront être envisagés par le ministère de la Santé et des Services sociaux ainsi que par les régies régionales, afin d'amener les dispensateurs et les bénéficiaires de services à modifier leur attitude et leur comportement, dans le sens d'une efficacité accrue des actions, de manière à dégager la marge de manoeuvre nécessaire à l'atteinte d'une plus grande équité. Dans le même sens, nous croyons que des efforts de rationalisation, au niveau de la structure actuelle du réseau, sont encore possibles, notamment par le rapprochement et le regroupement des établissements dont les missions sont complémentaires.

L'avant-projet de loi conserve au ministère toute la responsabilité du financement des établissements privés conventionnés ainsi que la reconnaissance desdits établissements. Cette absence de responsabilité de la régie régionale à l'égard d'un secteur d'activité très important du réseau de la santé et des services sociaux ne nous apparaît pas justifiée. Il s'agit là d'une responsabilité qui devrait être confiée aux régies régionales. De surcroît, un fonctionnement

adéquat des plans régionaux de services exigerait que ces plans encadrent les activités des établissements privés, des instituts et centres hospitaliers universitaires et autres organisations privées oeuvrant dans le domaine de la santé et des services sociaux. La volonté de décentralisation doit enfin confirmer à l'instance régionale un rôle de coordination des actions en région et de liaison avec le niveau central. la conférence est d'avis que l'instauration de régies régionales fortes, représentatives et décisionnelles permettra l'atteinte d'une meilleure équité. le gouvernement se trouvera ainsi en présence d'interlocuteurs crédibles et au fait des besoins de chaque région et de leurs sous-régions. en conséquence, les arbitrages requis pour assurer l'accessibilité aux services dans toutes les parties du québec n'en seront que plus transparents.

À défaut du suffrage universel proposé par la commission Rochon, nous croyons que les élus municipaux devraient être présents en plus grand nombre au sein des différentes instances du réseau, assurant à celles-ci une imputabilité accrue envers la population et une plus grande légitimité par une représentation territoriale adéquate. Dans le même sens, cette imputabilité s'exercerait à l'endroit de la population par le concours du collège régional en ce qui a trait aux questions de l'équité Intrarégionale, des services offerts et du choix des priorités régionales.

Au niveau central, la régie devrait répondre au ministre du respect des orientations ministérielles, de l'atteinte des objectifs de résultats et de la qualité de sa gestion. Cette imputabilité pourrait s'opérer, entre autres, par une comparution annuelle devant la commission parlementaire permanente des affaires sociales.

La population du Québec, au cours des dernières années, a rappelé à maintes reprises son attachement à l'un des acquis importants de la réforme des années soixante-dix, soit l'accessibilité universelle et gratuite. Pourtant, après plus de 20 ans d'histoire, force nous est de constater que cet objectif demeure inachevé, résultat qui s'explique en grande partie par une répartition inadéquate des effectifs médicaux sur le territoire québécois, entraînant ainsi des pénuries chroniques de médecins dans certaines parties du Québec.

Consciente des efforts qui ont été déployés par le gouvernement, au cours des dernières années, pour régler cet épineux problème, la Conférence est d'avis que la solution passe par la régionalisation des budgets de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. De plus, la conférence revient aux recommandations de la commission Rochon, prévoyant des budgets régionaux servant à payer des professionnels de la santé, selon des modalités définies par le gouvernement, et à financer les services professionnels que la population pourrait recevoir dans une autre région.

Une gestion adéquate des ressources humaines apparaît, à nos yeux, un engagement pour l'avenir. Étant donné leur ascendance sur l'aménagement des autres ressources, il va de soi que la gestion des ressources humaines ne peut être laissée au hasard. Il est essentiel que les différents paliers d'intervenants, le ministère, la régie régionale et les établissements, soient mis à contribution dans la conception d'un système de gestion des ressources humaines. D'ailleurs, c'est dans cet esprit que nous avons déposé un complément d'annexé à notre mémoire qui porte sur un aspect particulier de la gestion des ressources humaines, soit le développement. Il est donc urgent que le ministère, appuyé du gouvernement, se dote d'une véritable politique de gestion des ressources humaines qui puisse définir les besoins de la main-d'oeuvre, de môme que l'organisation du travail à l'intérieur de laquelle évoluent nos ressources humaines.

Le dynamisme des organismes communautaires constitue un apport indispensable au réseau de la santé et des services sociaux. Tout en reconnaissant la primauté d'une budgétisation par programme, il importe d'être vigilant vis-à-vis le principe de l'autonomie et de l'identité des organismes communautaires.

Le financement sur une base triennale des infrastructures de ces organismes doit être retenu, car il permet un lien continu entre les services dispenses à la clientèle et la vitalité des bénévoles oeuvrant au sein de ces organisations. De plus, nous sommes d'avis qu'il faille maintenir une distinction très claire entre les mandats confiés aux établissements et ceux que les organismes communautaires désirent et sont en mesure de remplir. Ces organismes ont comme réflexe naturel de résister à l'assimilation, à se démarquer de la pratique réseau, en jouant souvent un rôle d'avant-garde dans la satisfaction des besoins. Il faut continuer à respecter cette différence, tout en favorisant leur intégration aux mécanismes de concertation qui seront mis en place par les régies régionales de manière à les associer à la poursuite des objectifs définis en région. La Conférence est d'avis que la garantie du respect des droits de la population repose sur un système complet et une gamme continue de services à la fois spécifiques et complémentaires. Aussi une telle responsabilité doit incomber à toutes les composantes du réseau.

Enfin, l'excercice d'un recours ultime à une entité hors réseau, qui pourrait être, par exemple, le Protecteur du citoyen, nous apparaît être une nécessité.

Somme toute, nous aimerions revenir sur une idée maîtresse que la commission Rochon a bien exposée dans son rapport d'enquête et que le document d'orientation et l'avant-projet de loi ont relativement bien repris, à savoir que notre système doit, avant tout, être centré sur la

personne. Pour y parvenir, nous devons nous doter d'un système de santé intégré tel que présenté dans le schéma en annexe. Le système intégré de santé que nous souhaitons voir implanter s'inscrit d'abord dans un ensemble plus grand que constitue notre environnement politique, social, économique, culturel et physique.

Voilà une réalité qui interpelle, au premier chef, le gouvernement du Québec. Il lui appartient, en effet, d'orienter l'ensemble de ses actions sectorielles de manière à favoriser l'atteinte du premier objectif de notre système, soit l'amélioration de la santé et du bien-être de la population québécoise. La santé, vous le savez, doit être une responsabilité du gouvernement et non l'apanage exclusif du ministère de la Santé et des Services sociaux. Le gouvernement doit donc s'assurer que ses politiques et ses grandes orientations, dans tous les secteurs d'activité, convergent vers l'objectif du système, soit l'amélioration de la santé et du bien-être de la population et des communautés.

En tant qu'acteur privilégié de la santé au Québec, il est indispensable que le ministère se dote d'une politique nationale de santé et de bien-être, articulée autour d'objectifs précis à atteindre, qui puissent, comme nous l'avons dit il y a un instant, s'organiser sur la base des constats régionaux et s'instruire des travaux et des résultats de recherche que pourrait produire, par exemple, une instance provinciale de santé publique dotée de mandats d'enquêtes épidémiolo-giques, sanitaires et sociales.

Au niveau régional, il importe que les futures régies régionales organisent l'ensemble des services sur leur territoire en concertation avec les établissements du réseau, les groupes communautaires du milieu et les différents partenaires intersectoriels. La planification par programme, par le concours des plans régionaux de services, favorisera un plus grand arrimage et un décloisonnement nécessaire des différentes interventions. Le collège régional apparaît ici comme un mécanisme de sanction des priorités et des choix régionaux.

Au niveau local, les tables de concertation, telles que nous les connaissons actuellement, ou encore les comités d'établissement prévus dans l'avant-projet de loi permettront l'intégration et la coordination des différents programmes et services dispensés par les établissements, tout en profitant de l'apport des groupes communautaires. Il faut que les fonctions des différents paliers s'exercent à tous les stades du continuum de la santé, soit la promotion, la prévention, l'intervention, la réadaptation et la protection.

Il s'agit donc d'une stratégie qui prend son assise dans le renforcement des fonctions de prévention et de promotion de la santé dans une action prioritaire centrée sur les déterminants de la santé. Dans cette perspective, H nous apparaît tout à fait logique que les départements de santé communautaire soient régionali- sés, imputables à la régie et que leurs fonctions s'arriment à celles de la régie régionale. Cette intégration fonctionnelle nous semble essentielle pour que la planification et la programmation régionale soient centrées sur les besoins de la population et la prévention des problèmes de santé et de bien-être. Ce virage, qu'il nous est aujourd'hui permis d'entrevoir, ne sera rendu possible que par la réalisation des trois conditions qui suivent. Il faut tout d'abord que notre réseau soit imputable à la population et à ses élus. Il s'agit de la clé de voûte permettant d'atteindre la finalité de notre système, à savoir des Québécoises et Québécois en santé. En second lieu il est nécessaire que notre intervention procède et s'inscrive à l'intérieur d'une approche intersectorielle. Une réforme en profondeur des structures est une condition nécessaire, mais non suffisante pour l'amélioration de la santé et du bien-être de la population. Il y va nécessairement d'une intervention qui origine des différents secteurs d'activités, à l'intérieur desquels nous évoluons. Une intervention, pourrions-nous ajouter, appuyée par une volonté politique ferme. Enfin, il n'y aura pas de véritable réforme sans la participation et l'implication de la plus grande richesse de nos organisations que sont les ressources humaines. Il faut investir dans ce capital, susciter la mobilisation, créer le dynamisme et enfin favoriser l'initiative. Cela suppose une gestion harmonieuse et adaptée aux besoins de nos ressources humaines.

Nous terminons en réaffirmant notre confiance dans l'entreprise de régionalisation qui se dessine actuellement. L'expérience des conseils régionaux, leurs réalisations respectives, qui façonnent aujourd'hui leur histoire, nous rendent confiants et convaincus de la faisabilité des avenues proposées. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Fortin. J'inviterais maintenant la ministre de la Santé et des Services sociaux à échanger avec vous.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. Pour ceux qui ont eu l'occasion de passer à travers la brique originale, on se rend compte qu'il y a un travail tout à fait exceptionnel, et ce que je comprends, c'est qu'on a eu ce matin des ajouts assez importants, en particulier au niveau des ressources humaines. Dans cette commission qui tire à sa fin, heureusement pour tout le monde, votre comparution ce matin revêt pour moi une importance capitale, parce que malgré le fait que vous représentiez des CRSSS, on peut avoir une vision d'un CRSSS de Québec, d'éventuellement Chaudïère-Appalaches, ou d'autres régions de manière plus spécifique, avec des visions plus régionalistes. Vous, à mon point de vue vous devez représenter l'ensemble de tout le Québec. Donc, sans dire que les CRSSS de chacune des régions qui sont venus ne

se sont pas élevés au-dessus de la mêlée, on s'attend de vous, même si vous représentez certains CRSSS, que vous soyez au-dessus de cette mêlée-là. (10 h 30)

Ma première question va être, comme d'habitude je pense, très franche et très honnête: Qu'est-ce qui nous garantit, dans la mesure où l'on va dans des régies régionales avec des pouvoirs, qu'est-ce qui nous garantit, au-delà de l'imputabilité, qu'on ne créera pas en région le royaume qui, aujourd'hui, est centralisé à Québec? Quand on parle de royaume, ça veut dire des rois dans le royaume qui ont des pouvoirs absolument très importants et qui peuvent changer un certain nombre de choses parce que ça aussi on a entendu ça à l'occasion, quoique ce n'est pas généralisé. Heureusement pour nous! Qu'est-ce qui nous garantit qu'on n'arrivera pas avec cette situation-là de créer, au niveau d'une région, un pouvoir très fort, centralisé, au niveau de la capitale régionale? Qu'est-ce qui nous garantit ça demain?

M. Fortin: M. Rodrigue.

La Présidente (Mme Marois): M. Rodrigue, oui.

M. Rodrigue (Norbert): Alors, effectivement, c'est une question importante et qui doit, je pense, retenir notre attention tout au long de la course. Les éléments de garantie que ça nous donne, c'est d'abord une chose. Le rapprochement des centres décisionnels des populations régionales et sous-régionales nous apparaît fondamental. Ce rapprochement-là fait en sorte qu'il y aura... sans reprocher au système actuel, parce qu'on l'a dit à plusieurs reprises, si on héritait des mêmes données on ne ferait pas mieux que vous autres. Alors, ce rapprochement des populations régionales, à notre avis, rendra plus transparent, par ailleurs, ou plus transparentes les décisions qui seront prises, les choix qui seront faits, soit par la participation de la population à travers les collèges électoraux ou encore par leur évaluation de notre rendement au niveau de la gestion et de la rencontre des objectifs fixés. Nous pensons que ces éléments-là sont des garants, à notre avis. La proximité des décisions est le garant, entre autres, de ne pas reconstituer des pouvoirs. On sait qu'il y en a plusieurs qui sont inquiets là-dessus. On nous a dit ça à quelques reprises.

M. Côté (Charlesbourg): Je continue dans cette lignée-là parce que ça m'apparaît extrêmement important et on reviendra à des sujets plus spécifiques de votre mémoire, parce qu'il y a là une situation à laquelle il faut s'adresser pour ne pas se retrouver dans des situations où, effectivement, on soit avec un pouvoir très fort au niveau d'une région qui isole certaines localités ou certains établissements à l'intérieur du réseau. Ce n'est pas impossible. L'homme étant l'homme, il y a de ces possibilités-là.

La semaine dernière, j'ai convoqué une réunion dans un endroit X d'une région pour tenter de régler un problème de plusieurs intervenants autour d'un établissement et mon attaché politique s'est fait dire: Est-ce que ça va être comme ça après la régionalisation? Est-ce que le ministre ou la Cour suprême va encore venir jouer dans nos plates-bandes? Le petit problème, c'est que le ministre est allé jouer dans les plates-bandes parce qu'on était après décider du sort d'une planification d'une localité avec plusieurs services sans nécessairement que les intervenants du milieu aient été eux-mêmes assis autour d'une même table, donc, dans cette nécessaire concertation au niveau de la planification. Donc, c'est un cas qui, d'après moi, est isolé et qui ne se répétera même pas à l'intérieur de cette région-là. Mais la première réaction des gens qui sont en situation de commande sur le plan régional a été de dire: Bon, c'est achalant que le ministre puisse intervenir dans nos plates-bandes quand c'est nous autres qui devons faire ça. Mais, évidemment, c'est le seul recours ultime que pouvait avoir certains individus ou certains établissements pour être capables de régler en concertation leur problème. Donc, la crainte est là et c'est pour ça que je le soulevais parce que, évidemment, il va y avoir des régies régionales, il va y avoir d'autres pouvoirs mais je veux bien qu'on s'assure que le message soit bien clair. Il va falloir que ça se fasse tel qu'on le dit ou tel qu'on en convient ensemble sur le plan de la coordination.

Je vais maintenant à ma question. Quand on parle d'imputabilité, on parle d'imputabilité vis-à-vis le central. Éventuellement, commission parlementaire où les régies régionales pourraient venir défendre les résultats obtenus compte tenu des crédits qu'elles ont eus. Mais vis-à-vis le pouvoir local, quand on va plus vers les sous-régions et le pouvoir local, dans votre esprit, comment est-ce qu'on fait ça? Il y a eu des propositions qui sont venues sur la table. Comment est-ce qu'on fait ça et jusqu'où on peut pousser pour que, effectivement, les sous-régions ou le pouvoir local, les maires ou les municipalités puissent être partie prenante de ce système ou se sentent dedans?

La Présidente (Mme Marois): M. Fortin ou M. Rodrigue, oui.

M. Rodrigue: Dans un premier temps, et d'autres de mes collègues pourront compléter, je pense que vous avez apporté la réponse vous-même à votre question. Il s'agit là d'une question de déterminer les pouvoirs réels que pourront avoir les régies régionales. Je pense que c'est important parce que le passé nous a démontré

que ce que vous disiez... Il y en a qui sont tentés de monter et de faire arbitrer par le central un certain nombre de problèmes. Nous croyons qu'il est fondamental de préciser les pouvoirs de la régie régionale dans les domaines ou dans son rayon d'activités.

Deuxièmement, vous avez eu plusieurs propositions sur l'imputabillté auprès des populations. La sous-région est une préoccupation que nous connaissons et que nous avons. Dans cette perspective, il y a des alternatives qui sont sur table. Prenons le Saguenay-Lac-Saint-Jean, par exemple, les collèges sous-régionaux et la constitution d'un grand collège régional. Nous pensons que ce sont des processus qui vont assurer aux populations certaines garanties, en tout cas, nous obliger à rendre compte, comme régie régionale. J'ajouterais un autre élément, à savoir que dans tout ce processus, en ce qui concerne la concertation, en ce qui concerne la complémentarité des établissements, l'approche par programme que nous proposons ou que nous privilégions, nous pensons que ça nous permettra d'asseoir tout fe monde en même temps et de faire les ajustements à partir de la planification et dans toute la distribution des services.

La Présidente (Mme Marois): Ça va? Oui. M. Fortin?

M. Fortin: Effectivement. Au niveau de l'approche par programme, on pense être capables d'établir vraiment, à partir de la décision, les crédits, les ressources, les objectifs et les résultats recherchés, être capables de savoir même jusqu'à la personne qui donne le service sur le terrain, savoir si le service qui est donné là respecte les orientations et les objectifs qu'on s'est donnés dès le départ. L'approche par programme devrait nous aider à atteindre une certaine imputabiltté technique, entre guillemets, à ce niveau-là.

J'aimerais, bien rapidement, revenir quelques secondes sur la question des maires et de la représentation des maires. Au-delà du fait que les maires puissent être imputables, je pense que ce n'est peut-être pas vraiment ce pourquoi les maires étaient intéressés à participer aux délibérations et à l'action dans l'avenir au niveau du réseau de la santé. Au-delà de leur imputabiltté au niveau local, ce n'est vraiment pas ce concept qui interpellait les maires au niveau de leur participation. C'est vraiment leur participation, leur association comme partenaires par rapport au niveau de la santé et des affaires sociales. À ce niveau-là, je pense que c'est un gain énorme de la part du réseau de la santé de pouvoir s'associer au réseau municipal, pour nombre de dossiers qui, sans en nommer à l'instant, ont certainement échoué dans le passé ou ont beaucoup de difficultés à s'actualiser du fait que, dès le départ, le réseau municipal n'ait pas été associé et n'ait pas collaboré à la planification et à la mise en place de nombreux services au niveau du réseau de la santé. Je parle du milieu municipal mais on peut parier d'autres organisations locales et régionales qui peuvent aussi être associées à nous autres et aider à actualiser nombre de dossiers de services de santé et services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, par ma question de tantôt, pour être bien clair, je ne voulais pas dire que c'est une situation qui se retrouvait partout à travers le Québec sur te plan des décisions parce qu'on pourrait, de la même manière, vous de votre fauteuil, interroger le ministre sur certaines décisions que le ministère au central a pu prendre.

M. Rodrigue: Je ne sais pas si on oserait.

M. Côté (Charlesbourg): Comment?

M. Rodrigue: Je ne sais pas si on oserait.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Ce serait même...

La Présidente (Mme Marois): Vous pensez vraiment?

M. Côté (Charlesbourg): ...très sain, évidemment, quand on fait les exercices, de voir ce qui va et ce qui ne va pas. On s'aperçoit que nous aussi, sur le plan central, on a des torts, sauf que le lien est toujours la Cour suprême. Donc, l'appel à Québec, si on ne règle pas nos problèmes au niveau des régions, pour les CRSSS ce n'est pas une situation qui est facile et il y a eu des arbitrages qui ont été faits par les CRSSS qui ont été très bien faits, dans le passé. Il y a des exemples où ça s'est très, très bien produit. Ce qu'il faut prendre comme message c'est, bien sûr, que le ministère ne restera pas indifférent, éventuellement à des régies qui deviendraient des pouvoirs absolument exorbitants et qui ne seraient pas exercés en parfaite harmonie avec les objectifs de la réforme. C'était peut-être davantage ça qu'il fallait livrer comme message.

Les plaintes. Il y a eu plusieurs points forts de la commission parlementaire et je pense que le traitement des plaintes est aussi un des points, même s'il n'est pas ressorti dans l'opinion publique comme un des points importants, le traitement des plaintes. Et lorsqu'on veut dire que le système devra être devantage axé sur le bénéficiaire, ça veut dire un renforcement du traitement des plaintes. Je suis d'accord avec ce que vous dites dans le texte, ça doit d'abord être le réseau lui-même qui règle ses problèmes de plaintes. Mais on est quand même dans une situation où il y a un assez haut niveau d'insatisfaction vis-à-vis le traitement des plaintes et je pense qu'il faut aller beaucoup plus loin

que ça. La semaine dernière, lorsqu'on a terminé la commission, à tout le moins mercredi, des intervenants sont venus nous dire: Si vous continuez de maintenir attaché à la régie régionale le traitement des plaintes, c'est une très mauvaise solution parce que les CRSSS sont en lien direct avec les établissements malgré le fait qu'ils soient au-dessus et qu'ils n'administrent pas eux-mêmes de programmes. Ils seront dans une situation de continuité avec les établissements et on doit sortir des CRSSS le traitement des plaintes pour le donner à des organismes, et on nous citait des exemples des États-Unis et de la Hollande. Est-ce que pour vous autres c'est une absolue nécessité que le traitement des plaintes se fasse par les CRSSS?

La Présidente (Mme Marois): M. Rodrigue.

M. Rodrigue: Dans un premier temps, je dirais que, bon... Vous vous rappelez sûrement le témoignage du Protecteur du citoyen. Nous avons fait par ailleurs, au niveau des CRSSS, un travail sur cette question du recours de la population, donc les plaintes, et notamment avec des collaborateurs du CRSSS de Montréal et de l'ensemble des régions. Nous partageons le point de vue du Protecteur du citoyen sur ces questions. D'abord on pense que c'est important de responsabiliser les établissements et d'avoir à ce niveau-là des mécanismes, non seulement de recours, mais des mécanismes aussi genre service à la clientèle au niveau des droits, etc., de l'information sur les droits, etc. Et nous continuons de penser, sans refuser d'aborder toute autre solution, qu'au niveau des régions les régies régionales, dans cette perspective-là, doivent avoir la responsabilité qu'elles ont et doivent, en plus, s'assurer cependant que les mécanismes existent au niveau local. Nous croyons que, dans ce processus, s'il y avait insatisfaction du bénéficiaire ou du client, qu'il pourrait y avoir un troisième recours, comme on l'a dit, qui est celui du Protecteur du citoyen, mais qui est vraiment le dernier recours pour essayer d'atteindre l'objectif de responsabilisation, au niveau local particulièrement, et des ressources, et des gestionnaires.

M. Côté (Charlesbourg): Donc, davantage une responsabilisation des établissements, mais on ne le fait pas nécessairement en nommant un ombudsman, au niveau d'un établissement...

M. Rodrigue: On n'est pas fermés...

M. Côté (Charlesbourg): ...qu'on paie. Parce que, évidemment, l'un des problèmes qui a été évoqué, c'est que l'ombudsman nommé par une institution, par un établissement, payé par celui-ci, crée un lien de dépendance, qu'on le veuille ou pas, direct ou juste au-dessus, qui fait que l'ombudsman a plus ou moins de succès et de poids. Donc, évidemment, je pense qu'il va falloir s'interroger de manière plus profonde sur le mécanisme et bien s'assurer qu'il puisse avoir au-dessus de tout ça, peut-être, un ultime recours qui, lui, va peut-être créer beaucoup plus de crainte que régler de cas. Mais, la crainte étant le début de la sagesse, il y a bien du monde qui vont régler leurs problèmes avant qu'on arrive là. Ça me paraît être un élément assez important.

Deux autres petites questions très courtes parce qu'on me dit qu'il ne me reste pas beaucoup de temps. On a parlé de services en double, qu'on avait dans notre réseau, des services qui se chevauchaient. On pense tout de suite aux CLSC, départements de santé communautaire, CSS évidemment. Est-ce que vous avez mené des études là-dessus? Demain matin, si vous aviez la responsabilité de cette planification au niveau de toutes ces structures, d'après vous, où se situent les doublures, parce qu'il y en a? Si vous n'en trouvez pas, je vais vous en indiquer. Où se situent les doublures, au cas où vous en auriez trouvé d'autres, puisque vous autres, étant sur le terrain, et moi dans la tour, où se situent les doublures dans notre système?

La Présidente (Mme Marois): M. Gauthier, oui.

M. Gauthier (Hubert): Je pense que vous savez qu'on connaît comme vous, à bien des endroits, des services qui se donnent parallèlement, par différentes catégories d'établissements. Je pense qu'on peut d'abord, d'ores et déjà, dire - et c'est dit dans notre mémoire - qu'on pense qu'au niveau de rationalisation de nos organisations, et on le dit dans le texte ce matin, il y a du chemin à faire de ce côté-là, même si vous avez évoqué que les conseils unifiés n'étaient peut-être pas la meilleure solution. Je pense que les conseils régionaux ont fait la démonstration, par leur travail et au niveau de la rationalisation et du regroupement d'institutions, qu'ils ont fait des bons bouts de chemin, pour démontrer qu'il y a beaucoup de sous de ce côté-là qui peuvent être réinvestis dans les services à la clientèle. (10 h 45)

II y a évidemment tous les secteurs, et on en fait allusion dans notre texte également ce matin, des secteurs tels ceux qu'on appelle les cabinets privés, avec toute la médecine qui est faite dans le réseau public. On dit, dans notre texte, que la planification doit toucher - et on le dit indirectement aussi - non seulement le secteur public, mais il faut regarder aussi des secteurs, parlons des cabinets privés, comme les cabinets privés, par exemple, qu'on appelle privés, mais qui sont quand même des dispensateurs payés par l'État et qui devraient être en complémentarité avec notre réseau, et là on peut imaginer que, à certains égards, il y a du dédoublement. Après ça, au niveau de dossiers,

on pourrait parler des départements de santé communautaire si vous voulez...

M. Côté (Charlesbourg): Les familles d'accueil.

M. Gauthier: Les familles d'accueil, bon.

M. Côté (Charlesbourg): On va y arriver direct.

M. Gauthier: O.K. C'est ça. Vous parlez de CSS un peu. Je pense que de ce côté-là, si on aborde ça par ce biais-là, du côté du CSS, on pourrait répondre ceci: Je pense qu'il y aurait intérêt à consolider les services à la jeunesse, tous les services à la jeunesse. Ça inclut les centres d'accueil en mésadaptés socio-affectifs, etc., les autres services telles les familles d'accueil. Je pense qu'il s'agît d'un bon dossier qui mérite d'être regardé dans le sens que je disais tantôt, de rapprocher ces ressources-là des lieux de coordination et de dispensation de services. Ça pourrait vouloir dire que les familles d'accueil, on gère ça différemment qu'on fait ça aujourd'hui. Donc, plus proche par exemple du réseau personnes âgées dans le cas des familles d'accueil pour personnes âgées. Jeunesse, ça pourrait être la même chose, déficience intellectuelle, ça pourrait être la même chose. Je pense qu'on peut imaginer... Il y a des scénarios, d'ailleurs, qui ont été imaginés à l'heure actuelle et qui mériteraient d'être regardés très attentivement pour s'assurer qu'on a un réseau un petit peu plus intégré et plus proche de ceux qui ont à gérer par exemple les personnes âgées, par exemple les déficients intellectuels, etc.

M. Côté (Charlesbourg): J'ai compris que je n'avais plus de temps.

La Présidente (Mme Marois): Vous n'avez plus de temps effectivement, M. le ministre. M. le leader de l'Opposition et député de Joliette.

M. Chevrette: Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord un commentaire sur la décentralisation par rapport à l'arbitrage que doit jouer le national ou que pourrait jouer le national. Moi, à mon sens, il n'existera plus si, d'une façon précise, claire et sans ambiguïté dès le départ, on décentralise réellement et qu'on dit: C'est là que se prennent les décisions. Celui ou celle qui, actuellement, est tenté de faire arbitrer au plan national va savoir que ce n'est plus là. C'est évident. Mon point de vue c'est un débat théorique que l'on fait, mais sur le plan pratique, lorsqu'on aura décentralisé celui ou celle, ou le groupe ou la structure qui serait tenté, au niveau local, de s'en remettre au niveau national, ça n'existera plus. C'est évident que dans la conjoncture actuelle les tentatives de concertation sur le plan régional peuvent avorter quand un groupe se sent minimisé par rapport aux priorités du milieu, par rapport au champ d'action que veut se donner le milieu. Je prends l'Estrie je prends - je n'y serai pas tantôt - le Saguenay-Lac-Saint-Jean, s'il y a deux milieux qui ont vécu des expériences plus fortes de concertation, c'est dans ces deux milieux. Je suis convaincu qu'à ce moment-là les gens ont joué le jeu mais il aurait pu se trouver, même dans ces deux milieux où la concertation était plus forte qu'ailleurs, une structure à l'intérieur du réseau qui s'en remette au ministre parce que précisément c'était sur une base volontaire. Mais, si c'était sur une base obligatoire que la concertation doive se faire, ces gens-là ne s'en remettraient pas au ministre. A mon point de vue, il y a des milieux qui vont partir plus vite. Je prends l'Estrie et le Saguenay-Lac-Saint-Jean; probablement, dans une structure très décentralisée, ils vont se sentir à l'aise dès le départ. Il y en a d'autres qui vont partir clopin-clopant parce qu'ils ne voulaient même pas de pouvoirs additionnels. Ça dépend des milieux, ça dépend de l'appétit de chacun des milieux. Mais il y a un consensus qui se dégage sur le plan national, à mon point de vue, et vous le reflétez par le texte que vous déposez ce matin. C'est cette volonté d'assumer au niveau régional les décisions qu'assume présentement le national. Ça, à mon point de vue, c'est sans ambiguïté et le jour où ce sera fait je pense que le milieu... S'il y a un groupe qui ne répond pas correctement y va sentir par les autres, par la force du milieu que c'est là que sont les lieux de décision et que c'est là qu'il faut jouer les joutes justement et que c'est là qu'il faut exercer les "lobbies" et c'est là qu'il faut essayer d'influencer la structure du milieu.

Cela dit, il y a deux points que je veux traiter. L'équité. Vous parlez beaucoup d'équité. Je voudrais savoir si pour vous l'équité, ça ne passe pas par une phase préalable de la correction d'abord et avant tout des enveloppes déjà existantes. Vous n'en traitez pas comme tel.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Rodrigue.

M. Rodrigue: Sur le plan de l'équité, évidemment, tout ça présume qu'il y a des discussions un peu préalables de révision des bases de financement, etc. Ce dont nous sommes convaincus, c'est que la révision préalable des bases budgétaires, des ajustements en regard de l'équité interrégionale, une responsabilité centrale, n'est-ce pas, au plan de la révision... Deuxièmement, nous pensons aussi que les instruments que nous proposons d'avoir pour "réguler", si je peux m'exprimer ainsi, au niveau régional, l'approche par programme, d'une part, d'autre part, toute la question des effectifs, des ressources à travers le territoire québécois, toutes ces questions-là, nous devrons les revoir,

à mon avis, en discussion avec le gouvernement, dans un premier temps, et, en deuxième temps, au niveau régional aussi, dans l'exercice de nos fonctions, nos responsabilités.

M. Chevrette: Dans votre résumé, vous parlez d'abord d'une politique nationale de santé, avec des objectifs nationaux de santé. Par la suite, si j'ai bien compris votre cheminement, vous dites: Au niveau régional, maintenant, il faut se fixer des objectifs à partir de la politique nationale, en concertation avec le milieu, avec le rôle du communautaire bien précis. J'apprécie d'ailleurs la nuance que vous faites entre le rôle du communautaire et le rôle du réseau. Je suis content que la Conférence des CRSSS fasse ça, parce que ça reflète un peu ce que Rochon disait dans son rapport. Mais, à partir des objectifs nationaux, établissement d'une politique nationale, vous avez parlé d'équité, sans définir les correctifs préalables. D'après moi, Rochon allait plus loin que vous autres, parce que Rochon disait: II n'y a pas d'équité, sur le plan national, qui soit réelle, sans fixer déjà les paramètres d'une nouvelle distribution, compte tenu des per capita, compte tenu des milieux à risques plus grands, etc. On ne distribue pas une enveloppe en disant: II y a 6 500 000 $, ça correspond à tant de dollars per capita. Ils sont tant en Abitibi, tant au Saguenay-Lac-Saint-Jean, tant en Gaspésie, voilà la distribution.

M. Rodrigue: C'est ce que je soulignais. Je disais qu'il faudrait revoir les bases de financement, revoir, au niveau central, comment on redistribue, per capita ou autrement, l'argent disponible pour l'ensemble des régions. Dans cette perspective, si vous me permettez, c'est pour ça qu'on attache tant d'importance à la politique de santé et à la politique de bien-être aussi, qui se fixerait des objectifs dont la fonction et la mission ou l'effet, ce serait aussi de mobiliser l'ensemble des intervenants, des intervenantes, des ressources vers les grands objectifs nationaux et vers les objectifs régionaux que se seraient donnés les régies en confirmité avec la politique nationale. Dans ce sens, je pense que M. Côté va être d'accord avec nous, je suis certain qu'il n'adhérerait pas à une organisation qui n'a pas de programme.

M. Chevrette: J'espère que non. M. Rodrigue: Je ne pense pas.

M. Chevrette: Même le ministre serait d'accord.

M. Côté (Charlesbourg): Ça se fait juste sur le plan politique, ça.

M. Rodrigue: On aurait de la misère.

M. Chevrette: Je suis sûr que le ministre n'adhérerait pas, monsieur, parce qu'il n'adhère même pas à son avant-projet de loi.

M. Côté (Charlesbourg): ...s'est payé depuis le début. On va le laisser aller.

M, Rodrigue: D'autre part, on pense que dans cette recherche d'objectifs, autant nationaux que régionaux, la précision des rôles de chacun est importante. Ce qu'on souligne c'est que, au niveau régional, la clarification des responsabilités et des pouvoirs régionaux est fondamentale. Donc, c'est sûr et certain qu'il faudra revoir la répartition des ressources et tout le long du processus, annuellement, on devra discuter, ensemble, avec les autorités centrales, de ce qui est à notre disposition pour rencontrer les objectifs.

M. Chevrette: Vous parlez maintenant de...

La Présidente (Mme Marois): Excusez-moi, M. le député. Je pense que M. Milette voulait rajouter quelque chose.

M. Milette (Yvon): Je pense que chaque régie régionale connaissant son milieu, connaissant aussi ses effectifs médicaux, connaissant aussi que dorénavant il y aura plus de pouvoirs en régie régionale et tablant qu'il faut sensibiliser absolument la population qui va travailler avec nous autres, les élus municipaux ou quoi que ce soit, je pense qu'il y a une rationalisation qui est plus probable à faire, en ce sens qu'on connaît exactement les besoins de la région. Et quand vous pariez de ça, nous, sachant qu'on a une enveloppe budgétaire, que ça suit automatiquement, sachant qu'on a un pouvoir, qu'il n'y aura plus de "by-pass" qui va se faire à Québec par les établissements qui veulent avoir un morceau, qui veulent aller à Québec pour l'avoir, je pense qu'à ce moment-là on peut facilement, chez nous, savoir exactement ce dont on a besoin en ayant nos effectifs médicaux et là dire aux gens: Vous passez par la régie régionale, c'est de cette façon-là que ça va fonctionner, mais en ayant le pouvoir, les ressources et la connaissance du milieu.

M. Chevrette: D'accord. Vous pariez maintenant d'une politique de gestion de main-d'oeuvre et vous l'exigez du palier supérieur. Pourquoi exigez-vous une gestion politique de mafn-d'oeuvre du palier supérieur tout en réclamant la décentralisation complète au plan régional?

La Présidente (Mme Marois): M. Rodrigue.

M. Rodrigue: Je pense que ça s'inscrit dans un continuum. Je pense que le palier supérieur rend... Vous savez, c'est une question d'approche

globale. Si au niveau supérieur on n'a pas d'approche de gestion globale, ça ne déteindra pas sur l'ensemble des composantes du réseau. Dans ce sens-là, ce que nous disons, c'est qu'on doit non seulement se préoccuper, mais entrer en fonction pour se donner une politique de gestion de la main-d'oeuvre dans l'ensemble du réseau vis-à-vis l'ensemble des ressources.

M. Chevrette: Mais, M. Rodrigue, ne pensez-vous pas qu'au niveau national vous devriez exiger la définition claire et précise des capacités professionnelles de chacun des groupes, mais qu'une gestion, une politique de main-d'oeuvre ça va au-delà même d'une définition de tâche, ça va dans la complémentarité sur place? Vous savez très bien, par exemple, que l'infirmière peut poser un geste, mais qu'un auxiliaire infirmier ou infirmière peut poser un geste aussi similaire. Par exemple, il y a des techniciens en inhalothérapie qui peuvent être dans les salles d'urgence et, dans certains centres hospitaliers, le lobby est tellement fort que les infirmiers et les infirmières ont réussi à dire: Tu ne rentreras pas dans la salle d'urgence, ça ne fera pas notre affaire. Il y a des champs de juridiction qui sont jalousement convoités par différentes corporations professionnelles.

A partir de là, en autant que le national a défini clairement les fonctions, ne pensez-vous pas que ça revient au palier régional d'établir une politique de main-d'oeuvre, de fonctionnement et non pas exclusivement les applicateurs aveugles de conventions collectives, comme le disait Rochon dans un de ses préambules quant à la gestion de personnel?

La Présidente (Mme Marois): M. Rodrigue.

M. Rodrigue: C'est certain que ça devra trouver des traductions régionales, des traductions locales. L'adaptation au niveau local et régional est importante. Sauf qu'au niveau global, au niveau central, on pense que c'est important que ces préoccupations-là soient existantes et qu'on s'inscrive dans le processus, parce qu'il y a plusieurs éléments; quand on parle de gestion de la main-d'oeuvre, on parle de la planification de la main-d'oeuvre, des besoins en main-d'oeuvre, la planification des besoins de la main-d'oeuvre, la question de l'organisation du travail, des questions de mobilité, qui peuvent se situer au pian régional, mais qui peuvent se transporter au plan national, éventuellement, aussi.

Et, dans ce sens-là, c'est pourquoi on a proposé un des éléments - on a travaillé spécifiquement là-dessus - qui est le développement, c'est-à-dire la formation, le perfectionnement, etc. On pense que ce sont des éléments qui sont tous reliés les uns les autres. Dans cette perspective-là, les divers paliers ont des responsabilités en termes de préoccupation et d'articulation de cette politique de gestion. Certain qu'au niveau local ça prend une adaptation et au niveau régional aussi.

M. Chevrette: Plusieurs de vos CRSSS en ont parlé - eh bien, plusieurs, c'est au moins deux, sinon trois, quatre, il y a tellement eu de groupes que vous me pardonnerez si c'est trois ou si c'est quatre - ils voulaient la disparition des CSS. Quelle est l'idée de la Conférence des CRSSS sur ce sujet précis?

Une voix: M. Gauthier.

La Présidente (Mme Marois): M. Gauthier, oui.

M. Gauthier: Je reprendrai ce qu'on a dit tantôt. Je pense qu'il est fort de dire la disparition des CSS. Je pense que la position de la Conférence sur un tel sujet, c'est à peu près ceci. Premièrement, je pense qu'il est extrêmement important au niveau des services à la jeunesse de faire une bonne consolidation de ces services-là. Pour nous, ça veut dire, bien sûr, ce qui se passe à l'heure actuelle dans le CSS, avec les responsabilités qu'il a, mais ça va au-delà de ça au niveau des services qu'on pourrait classer de deuxième ligne, c'est-à-dire tous les services de centres d'accueil, de mésadaptés socio-affectifs intégrés à cette rationalité-là également. (11 heures)

Ça laisse, par la suite, quand on laisse le secteur jeunesse, tous les autres services qui sont offerts par le CSS. Et, comme je disais tantôt, il y a plusieurs hypothèses qui ont été faites visant à intégrer ces différents services, soit aux CLSC, soit à d'autres établissements où c'est plus proche des services déjà livrés. Ce qu'on pense, c'est que ces hypothèses-là, doivent être regardées très attentivement, parce que, comme on le disait au niveau des familles d'accueil tantôt, il y a sûrement une logique qui nous amènerait à se dire, au niveau des familles d'accueil, au niveau des personnes âgées, qu'il y a peut-être une façon de rapprocher ça de ceux qui ont le coeur de la gestion des personnes âgées dans les mains. Donc, ça voudrait dire, à ce moment-là, qu'on pourrait imaginer situer tout le dossier des familles d'accueil à différents endroits dans notre réseau. Maintenant, quant aux autres services un par un, je pense qu'il faudrait les voir, valider des hypothèses et voir s'ils restent ou s'ils partent du CSS, dépendant des grosseurs, des masses critiques, et ainsi de suite.

M. Chevrette: C'est une réponse avec plusieurs coups de patin de côté. N'y a-t-il pas une structure de trop? La question est-elle claire?

La Présidente (Mme Marois): M. Gauthier ou

M. Fortin. M. Fortin.

M. Fortin:au-delà des structures, ce qu'il est important de regarder, ce qui compte d'abord et avant tout, c'est que les services qui doivent être rendus soient rendus. je pense que c'est la question qu'il faut se poser.

M. Chevrette: Ça ressemblait à ça comme question.

M. Fortin: Alors, les services qui sont rendus, actuellement, par le CSS, je veux dire, ils existent sur le territoire et il faut qu'ils continuent à se donner. Maintenant, est-ce qu'au-delà de la structure - je pense que c'est là la question - maintenant, on peut prendre ces services-là et les transférer à d'autres structures? C'est là votre question. Je pense qu'il y a des hypothèses qui ont été apportées tout à l'heure: on parle des familles d'accueil et c'est bien certain qu'on pensait aussi aux CLSC. Bon, si on veut, on peut en nommer d'autres structures, mais, au-delà de ça, où est-ce que la Protection de la jeunesse pourrait aller, à ce moment-là? Alors, je pense que ce sont des questions qu'il faut se poser. Elles ont déjà été posées. Mais je pense que ce qui nous anime, au-delà de la structure, c'est d'être certains que les services qui sont actuellement donnés continuent à se donner. Il faut qu'il y ait une continuité à ce niveau-là et c'est ce qui compte.

M. Chevrette: Mais à la Conférence des CRSSS, qui est un agent planificateur, qui a un rôle de conseil, est-ce que vous avez des idées très précises sur le fait que, dans la santé et les services sociaux, les besoins sont illimités et l'argent est très limité? Est-ce que vous avez des suggestions à faire quant au regroupement des structures pour économiser de l'argent, comme CRSSS?

La Présidente (Mme Marois): M. Gauthier.

M. Gauthier: Oui, effectivement, je pense que, d'ailleurs, dans l'exercice de nos fonctions, au cours des dernières années, on a posé des gestes très très concrets, où on a fait, effectivement, des regroupements de tout type, qui ont été jusqu'à des fusions volontaires - et ce sont celles qui marchent d'ailleurs le mieux -des regroupements volontaires et des contrats de gestion où on a fait la démonstration très clairement qu'il y a des regroupements possibles. Notre position, en tant que Conférence de CRSSS, c'est de dire qu'il y a encore bien des choses à faire de ce côté-là et que, comme on le disait dans notre texte tantôt, les établissements qui ont des services à donner en complémentarité ça méritent d'être regardés. Peut-être pas dans les formules qu'on a vues à l'heure actuelle, mais on en a expérimenté, des formules, et on pense qu'effectivement il y a beaucoup de chemin à faire pour regrouper, ce qu'on peut appeler, des centres de décision ou des institutions, carrément. Et on peut se poser la question: S'il y a quatre centres d'hébergement voisins l'un de l'autre, est-ce que ça nécessite quatre sets d'administration l'un à côté de l'autre? Je pense qu'on répond, nous: Pas forcément, et que la gestion du personnel, la gestion administrative, ça peut être regroupé. Ça, ça permet de récupérer de l'argent pour injecter des services à la clientèle. On pense qu'il y a ça qui peut être fait. Vous dites: Y a-t-il des stuctures de trop? Dans ce sens-là, oui, il est possible qu'il y ait des mises en commun qui peuvent être encore faites beaucoup, pour être en mesure de réinjecter ces sommes-là dans les services à la clientèle, et je pense qu'on en a fait la démonstration.

Par ailleurs, quand on parie des services à la jeunesse, pour revenir là-dessus 30 secondes, on dit: Les services à la jeunesse, il faut faire attention pour ne pas effriter ça. Une des préoccupations qu'on a, c'est de vouloir consolider ça. Et ça, ça veut dire, ramasser, peut-être, dans certaines régions, plusieurs institutions, sous un chapeau, si vous voulez. Et, à ce moment-là, on consolide un certain nombre de choses et on rationalise en même temps.

La Présidente (Mme Marois): M. Fortin, je crois que vous vouliez ajouter quelque chose.

M. Fortin: C'est un élément qu'il m'apparaît important d'ajouter. Je n'apporte rien de nouveau au débat, mais ce qui est important, c'est, quand on parle de complémentarité, de fusion ou d'organisation, au-delà de ça, de tenir compte des particularités régionales, des particularités locales. Dans l'avant-projet de loi, on parle un peu d'un genre de gestion mur à mur, où il y aurait, là, un concept qui serait adopté pour toute la province en termes d'organisation, en termes de fusion, en termes de complémentarité. Ça ne nous apparaît pas, à la Conférence, ainsi que dans tous les conseils régionaux, souhaitable, dans le sens qu'il faille tenir compte, dès le départ, je pense, des particularités régionales et sous-régionales. À ce titre-là, il faudra laisser le milieu travailler à ce niveau-là.

M. Chevrette: II reste, dans votre mémoire, la partie interrégionale, c'est-à-dire à l'intérieur de la région. C'est très explicite. Il peut y avoir des particularités dans des sous-régions, d'ailleurs, qui sont criantes, qui sautent aux yeux. Donc, merci beaucoup de votre témoignage.

La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Je pense qu'on aurait pu en discuter pendant encore une bonne heure certainement, mais les docu-

merits restent sur le plan de la référence. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Marois): Merci de votre contribution à nos travaux.

J'inviterais maintenant les représentants et représentantes du Conseil régional de la santé et des services sociaux de l'Estrie à s'approcher. Je demanderais également l'accord des membres de la commission pour que Mme Juneau (Johnson) puisse remplacer Mme Vermette (Marie-Victorin).

Une voix: Ça va.

La Présidente (Mme Marois): Ça va. Ha, ha, ha!

Alors, j'inviterais M. Vallé, j'imagine, comme président du Conseil et porte-parole, à se présenter de même qu'à présenter les membres de son organisation qui l'accompagnent

Conseil régional de la santé et des services sociaux de l'Estrie

M. Vallé (Joceryn): Merci. Mme la Présidente. Sur votre invitation, mon nom est Jocelyn Vallé, président du Conseil régional de la santé et des services sociaux de l'Estrie. Je vous présente les personnes qui composent la délégation du conseil régional. Il s'agit, à mon extrême gauche, de M. David Mackenzie, membre du comité administratif; de M. Bernard Lamy, membre, également, du comité administratif, de même qu'à ma droite de M. Jean-Pierre Duplantie, directeur général.

En préambule, je voudrais ajouter aussi que la région de l'Estrie est une région universitaire, comme vous le savez tous. La Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke occupe, dans le monde de la santé, une place qui déborde, d'ailleurs, les frontières dans notre région. Son doyen, M. Michel Bureau, a déjà eu l'occasion de se faire entendre avec les doyens des facultés des autres universités. Je me permets, néammoins, de signaler sa présence au nombre des observateurs aujourd'hui, de même que celle du directeur général du CSS de l'Estrie, qui sera probablement très attentif à nos échanges, M. Yves D'Amboise.

Mme la Présidente, M. le ministre, membres de cette commission, je désire vous remercier, bien sûr, d'abord, au nom du Conseil régional de la santé et des services sociaux, d'accueillir le fruit de nos réflexions et de nous permettre d'échanger avec les membres de cette commission sur le projet de loi sur les services de santé et les services sociaux. L'examen de l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui vous aura permis de constater qu'une dizaine de groupes, issus de milieux fort diversifiés de notre région, ont voulu se faire entendre. Cela témoigne, on ne peut plus clairement, de l'intérêt profond que la population de notre région porte aux questions qui font l'objet du présent débat. On peut certainement y voir également l'expression de la volonté de cette même population de se responsabiliser encore davantage vis-à-vis de sa santé et de son bien-être.

Le projet de loi, commentaires et recommandations. Vous avez déjà reçu et vous avez pu prendre connaissance du mémoire que le Conseil régional de l'Estrie a rédigé en marge du projet de loi. Nous n'avons pas l'intention d'en faire, ici, la lecture. Nous entendons plutôt, après avoir rappelé notre appréciation globale du projet de loi, présenter quelques commentaires additionnels sur certains des thèmes que nous avons déjà traités.

Relativement à notre appréciation générale du projet de loi, nous avons analysé le projet de loi en nous référant principalement aux orientations déjà privilégiées par notre région en 1987. Cette année-là, en effet, au terme d'une très large consultation menée auprès de la population en général, auprès des gestionnaires et des membres du personnel des établissements ainsi qu'auprès des organismes sociocommunautaires, la région décidait: premièrement, d'accorder une attention prioritaire à dix problématiques de santé et de bien-être, allant de la santé mentale aux problèmes vécus par les familles, de l'alcoolisme à la santé cardiovasculaire en passsant par la violence faite aux femmes et aux enfants. La région alors décidait, deuxièmement, des stratégies auxquelles elle entendait recourir pour améliorer la santé et le bien-être de la population, à savoir: mettre tout d'abord l'accent sur la promotion de la santé et la prévention; accorder un meilleur soutien aux individus, aux familles et à la communauté; inviter enfin tous les secteurs concernés à se regrouper sur une base sous-régionale et même locale pour agir de concert sur l'un ou l'autre des différents facteurs responsables de la santé et du bien-être.

Il est intéressant de constater que ces stratégies recoupent celles que le gouvernement a mises de l'avant dans son document "Orientations* d'avril dernier. Il est également pertinent, à ce qu'il nous semble, de souligner que cette démarche n'a pas été inflationniste et n'a pas donné lieu à la présentation de ce que l'on convient d'appeler habituellement une longue liste d'épicerie", au ministère. Elle aura permis à la région de mettre de l'ordre dans ses priorités et elle aura été, pour tous, l'occasion de se familiariser avec une approche à la fois globale et beaucoup plus réaliste de la santé.

En se référant aux orientations ainsi privilégiées de même qu'à son expérience vécue de la décentralisation, notre conseil régional accueille favorablement le projet de loi à l'étude, principalement: parce qu'il préconise l'adoption, au Québec, d'une politique globale de santé: parce qu'il propose des formules concrètes pour que le système soit davantage centré sur les

personnes; et parce qu'il met de l'avant des moyens réalistes pour mieux répondre aux besoins de la population, en permettant à cette dernière de se responsabiliser davantage vis-à-vis de sa santé, en associant plus étroitement les groupes sociocommunautaires à la définition des orientations et des services et, enfin, en favorisant la contribution de tous les secteurs qui peuvent agir sur l'un ou l'autre des déterminants de la santé.

Les commentaires et recommandations déjà formulés et ceux qui suivent visent donc, essentiellement, à contribuer à l'amélioration du projet à l'étude.

Pour une marge de manoeuvre budgétaire aux régions. Notre premier commentaire dans ce sens, aujourd'hui, porte sur la marge de manoeuvre budgétaire dont devraient disposer les régions. Il faut bien reconnaître qu'en vertu du processus budgétaire actuel les régions ne disposent d'aucun levier financier pour supporter leurs priorités. En effet, les sommes qui sont destinées aux régions pour fins de réallocation portent toujours l'étiquette d'un programme précis, choisi par Québec, et ne sauraient pour aucune considération être utilisées à d'autres fins. Il faut, à notre sens, corriger cette lacune et adopter un système budgétaire qui reconnaisse que, s'il appartient au gouvernement d'établir les grandes priorités et de leur allouer des ressources, ce même gouvernement veut aussi tenir compte d'une certaine diversité des besoins d'un point à l'autre du territoire et confier à une instance régionale le soin de les identifier et d'y donner suite. C'est ici que se pose concrètement le défi d'une approche décentralisée: savoir trouver et maintenir l'équilibre entre une autorité centrale qui oriente sans tout envahir, et des juridictions territoriales dotées des pouvoirs et des moyens qui leur permettent d'assurer l'identité de leur milieu respectif.

Pour illustrer ce propos, nous prendrons une réalité vécue en Estrie. Dans notre région, les problèmes d'alcoolisme et autres toxicomanies comptent parmi les problèmes jugés prioritaires. Or, une étude produite par le ministère révèle que, sur une base de per capita, nous disposions pour cette problématique, en 1985-1986, de ressources inférieures à la moyenne provinciale, soit 5,04 $ contre 6,34 $. Notre région se classait à l'avant-dernier rang, avec un indice pondéré de 79,4 %. Nous nous sommes dotés d'un plan régional de services élaboré en consultation avec le milieu et approuvé par le ministère. Nous avons également procédé à une refonte de certains programmes et à des réallocations budgétaires de façon à renforcer nos services externes de réadaptation, conformément au plan adopté. En 1987-1988, le ministère décidait d'allouer un budget de développement de 2 600 000 $ dans ce secteur et notre région se voyait octroyer une somme récurrente de quelque 150 000 $. Depuis lors, plus rien et nous ne savons pas quand cette problématique comptera à nouveau parmi les priorités provinciales. Entretemps, le ministère continuera, bon an mal an, d'allouer des budgets de développement en rapport avec d'autres problématiques dont certaines pourraient ne pas avoir, pour l'Estrie, le même degré de priorité que celles de l'alcoolisme et autres toxicomanies (11 h 15)

Nous disons donc au gouvernement: Laissez-nous, chaque année, une petite part du budget de développement que vous vous apprêtez à investir et permettez-nous d'affecter cette part à des priorités qui pourraient être différentes de celles que vous aurez choisi de viser. Cette part des régions pourrait être établie sur la base d'un pourcentage de la masse totale affectée au développement et le ministère pourrait demander aux régions de justifier leur décision de l'investir dans l'un ou l'autre programme de leur choix.

Pour une large place à la promotion de la santé. Dans notre deuxième commentaire, nous voulons insister sur la place à donner à la promotion de la santé. Nous avons déjà mentionné que c'était là le premier des défis des années futures identifié par notre région, en 1987. C'est aussi le premier élément de la stratégie proposée par le gouvernement dans son document d'avril 1989. En effet, nous en sommes tous venus à l'évidence que l'organisation de services de santé et de services sociaux ne constitue que l'un des facteurs susceptibles d'agir sur la santé et le bien-être des individus. De plus, compte tenu des coûts encourus reliés notamment à l'utilisation des nouvelles technologies, il est évident que chaque dollar investi aujourd'hui pour faire face à la maladie n'a plus le même impact qu'hier sur l'amélioration générale de la santé. Ne serait-ce que pour des raisons économiques, il nous faut donc investir davantage dans les autres facteurs, soit les habitudes de vie et les divers environnements dans lesquels nous évoluons. Or, nos concitoyens sont intéressés à mieux connaître ce qui peut agir positivement ou négativement sur leur santé et à s'impliquer dans des démarches individuelles ou de groupe susceptibles d'influencer ces facteurs. Nous en voulons pour preuve une démarche que nous poursuivons présentement. Depuis janvier, nous avons réuni plus de 1000 personnes, suivant deux modalités différentes: premièrement, sur la base de chacune des sept MRC de la région, pour dresser un bilan de l'état de santé de la population et faire prendre conscience aux gens de ce qui peut être déterminant pour chacun des grands problèmes identifiés; et, deuxièmement, c'est l'autre modalité, dans quelque 75 séances de travail organisées dans autant de municipalités différentes. Chacune de ces dernières rencontres regroupait de 10 à 20 personnes venant de divers secteurs et qui devaient identifier les problèmes jugés prioritaires et, surtout, examiner les moyens concrets qui

pourraient être mis en oeuvre avec la participation de ces divers milieux pour créer des conditions plus favorables à la santé et au bien-être. Cette démarche a soulevé beaucoup d'intérêt et nous anticipons qu'elle aura permis d'éveiller une conscience et une volonté d'agir que nos personnels affectés à la promotion de la santé pourront canaliser dans des projets concrets au cours des mois à venir.

À l'exemple des projets de villes et villages en santé qui se développent au Québec, et notamment à Sherbrooke, plusieurs activités de promotion bénéficieront d'une approche locale où les acteurs des divers secteurs sont susceptibles de mieux se connaître et pourront être tentés par des programmes concrets qu'ils pourront définir eux-mêmes et dont ils pourront voir les résultats.

Pour supporter cette stratégie, le gouvernement devra, à notre sens, identifier clairement le niveau de ressources qu'il entend affecter à la promotion de la santé au cours des prochaines années. Nous croyons également que les centres locaux de services communautaires devraient être impliqués tant dans l'élaboration que dans l'actualisation de certains programmes de promotion que les régions voudront réaliser.

Sur l'imputabilité des instances régionales. Notre troisième commentaire a trait à l'imputabilité des instances régionales. Dans la mesure où elles se voient confier des pouvoirs, ces instances devront rendre des comptes. À qui et comment devront-elles être imputables, compte tenu que le ministre devra continuer de répondre devant l'Assemblée nationale d'un système financé par les deniers publics?

Le projet de loi prévoit que le ministre se réserve comme fonctions celles de fixer les politiques et les objectifs d'ensemble, d'allouer à chaque région une part équitable des ressources votées par l'Assemblée nationale et d'évaluer les résultats. Il délègue essentiellement aux régions la tâche d'élaborer des programmes propres à assurer l'atteinte des résultats, de répartir entre les établissements et les organismes le budget disponible en tenant compte des rôles qui leur sont confiés et, enfin, de contrôler et d'évaluer ie fonctionnement du système. Dans ce contexte, nous estimons que les instances régionales devraient être imputables à la fois au ministre et à la population en région. Au ministre d'abord, à qui elles devront faire état de leurs priorités et de leurs besoins et vis-à-vis de qui elles devront s'engager à respecter les politiques ministérielles et les limites budgétaires consenties. À la population ensuite, à qui H appartiendra de juger des décisions prises quant au choix d'objectifs prioritaires et quant à l'organisation des ressources sur le territoire.

Les plans d'organisation de services que les régions devront élaborer et soumettre a son approbation, de même que les rapports annuels qu'elles devront lui présenter constitueront les principaux moyens de matérialiser les liens de responsabilité entre le ministre et les instances régionales. À noter qu'à l'heure actuelle le ministre n'en demande pas tant à chacun des établissements à qui il confie pourtant la gestion de budgets souvent imposants.

L'élection des membres de leur conseil d'administration à ces instances régionales, soit au suffrage universel, soit par un collège électoral composé majoritairement d'élus municipaux, représenterait le principal moyen de responsabiliser les instances régionales vis-à-vis de la population de leur territoire. Si le modèle du collège électoral était retenu, l'obligation pour le conseil d'administration de lui soumettre sa liste de priorités et son rapport annuel constituerait un lien de responsabilité additionnel entre la population et l'instance chargée de gérer l'organisation des services.

Sur la juridiction des instances régionales. Notre quatrième commentaire d'aujourd'hui reprend un des points soulevés dans notre mémoire: II s'agit du champ de juridiction des régies. Nous avons voulu insister, en effet, sur l'importance d'accorder aux instances régionales une juridiction sans équivoque sur tous les établissements publics et privés installés sur son territoire. En effet, toute décision relative aux services dispensés par un établissement a nécessairement des répercussions sur la population et sur les autres établissements. Il faut donc éviter que l'un ou l'autre d'entre eux soit soustrait à la dynamique régionale et que ses orientations soient décidées par l'autorité centrale. Nous sommes conscients que certains établissements ont des vocations particulières en matière d'enseignement et de recherche, par exemple, et que d'aucuns sont appelés à offrir des services très spécialisés à des clientèles qui débordent celles de leur région d'appartenance. Or, ces mêmes établissements reçoivent aussi la clientèle de leur région pour des services spécialisés et ultraspécialisés. Ainsi, plus de 60 % de la clientèle de notre principal centre hospitalier d'enseignement et de soins tertiaires provient de la région même de l'Estrie. Il constitue donc un chaînon de première importance dans notre système de services de santé.

Nous devrons, par ailleurs, nous assurer que ces établissements reçoivent le support financier requis pour le maintien et le développement de ces types particuliers de services, sans pour autant pénaliser le budget de leur région. Il faut donc prévoir un lieu où l'on pourra examiner, par exemple, les besoins propres aux facultés de médecine et auxquels il faut tenter de répondre dans une perspective nationale, mais qui ne concorde pas nécessairement avec les besoins prioritaires de services aux clientèles des régions où ces facultés sont situées.

Le développement des ressources humaines. Un dernier commentaire sur le développement des ressources humaines. Nous avons été déçus du

peu de place que le projet de loi accorde à cette question. Il nous apparaît primordial que la future loi contienne des mesures propres à supporter le développement des personnes qui auront à contribuer à l'atteinte des objectifs que (a politique globale de santé mettra de l'avant.

Nous recommandons que la loi fasse obligation au ministre d'élaborer une politique de développement du personnel des établissements et des organismes de santé et de services sociaux. Cette politique devra prévoir la disponibilité des ressources financières additionnelles nécessaires, entre autres, à l'amélioration des programmes de formation et à la mise en place d'un système de mobilité, tout particulièrement pour le personnel cadre.

En conclusion, Mme la Présidente, je rappelle très sommairement les principales préoccupations que nous avons voulu mettre en évidence aujourd'hui: une marge de manoeuvre budgétaire aux régions, une large place à la promotion de la santé, notre perception quant aux modalités relatives à l'imputabilité des instances régionales, la juridiction éventuelle des instances régionales sur tous les établissements de leur territoire et la question du développement des ressources humaines. J'ajouterai que, un peu sur le mode de ce que les membres de la délégation de la Conférence des CRSSS ont vécu tout à l'heure, nous avons convenu entre nous que l'un ou l'autre d'entre nous répondrait aux prochaines questions, suivant la nature et le niveau de l'expertise que commanderaient ces questions. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. le président. Je crois que le député de Sherbrooke souhaiterait être reconnu comme membre de la commission pour la séance actuelle en remplacement de quel député, monsieur? De M. Marcil. D'accord.

M. Hamel: De M. Marcil. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): Un peu comme Mme Juneau l'a demandé tout à l'heure. Merci de votre présentation. J'inviterais maintenant le ministre de la Santé et des Services sociaux à échanger avec vous.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. Ce matin, je pense qu'on est en face d'une région qui vit ou a vécu et continue de vivre une certaine décentralisation et de prendre, dans certains cas, le taureau par les cornes sur le plan de la définition d'une politique de santé et de bien-être, à tout le moins, de ce que j'ai compris dans la présentation de ce matin et de certains échanges que nous avons eus au préalable. Si mes souvenirs sont bons, c'est quoi? Au début des années quatre-vingt, il y a eu une expérience de décentralisation au niveau de deux régions du Québec: la 02 et la région de l'Estrie. Quelles sont les conclusions de cette décentralisation? Parce que ça m'apparaît extrêmement important d'avoir votre point de vue là-dessus, et en termes très courts, si c'est possible, c'est quoi qu'il faut faire et c'est quoi qu'il ne faut pas faire? J'imagine qu'on a dû commettre des erreurs et qu'on a fait des choses qu'on n'aurait pas dû faire. Et, évidemment, ne vous gênez pas là. Je ne vous demande pas d'épargner le ministère. Rien de ce que vous pouvez dire ne sera retenu contre vous dans les attributions budgétaires pour ce qu'il nous en reste... cette année!

M. Vallé: Permettez, madame...

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Vallé.

M. Vallé: Je vais avancer les premiers éléments de réponse là-dessus. On s'attendait un petit peu d'être interrogés là-dessus, bien sûr. Je demanderais à M. Duplantie et aux autres membres de la délégation d'ajouter, au besoin.

Il est vrai qu'on a vécu depuis 1978, que je sache, une expérience un peu particulière en Estrie. Et je sais aussi que le groupe qui va nous suivre, composé d'une ex-présidente et d'ex-présidents du CRSSS, avait l'intention d'aborder plus spécifiquement le point. Je ne voudrais pas brûler leurs propos. Mais je vous dirais néanmoins que je connais la conclusion de l'évaluation globale qu'on a faite chez nous directement. Vous aimez les propos directs et clairs. À notre sens, il n'y a pas eu de véritable décentralisation, en dépit de l'adoption du décret de 1980 qui précisait les choses. Le directeur général souhaitera sans doute nuancer ou élaborer quelque peu là-dessus. J'ajouterai simplement qu'il y a deux des points qu'on a mis de l'avant aujourd'hui et qui constituent, à mon sens, des éléments de réponse et de prospectives là-dessus. La nécessité de ce que nous appelions un "levier financier" pour supporter des priorités régionales - c'est le sens, bien sûr, de notre bref plaidoyer en faveur d'une marge de manoeuvre budgétaire régionale - et l'autre élément concernait des dispositions législatives claires quant aux juridictions de même qu'un soutien ministériel aussi clair dans le vécu. Ça, on n'a pas dit ça mais on pourrait peut-être, entre nous, se le dire. Je ne sais pas si M. Duplantie aimerait ajouter.

La Présidente (Mme Marois): M. Duplantie.

M. Duplantie (Jean-Pierre): J'ajouterais quelques commentaires en partant du dernier point. Ce que je dirais comme premier élément, c'est qu'on a besoin d'une volonté politique qui soit partagée par le niveau des fonctionnaires. C'est, pour nous, essentiel. On a l'impression, quant à nous dans la région, que oui il y a deux régions qui se sont vu confier des mandats

particuliers à l'intérieur d'un décret mais ce furent, en quelque sorte, deux exceptions avec lesquelles on a eu le sentiment qu'on enfargeait le système. On ne s'est môme pas bien entendus sur le sens du décret et sur le sens de la décentralisation en soi. On comprenait quant à nous que, dans certains programmes, les montants de développement seraient donnés à la région. Or, en aucun moment donné, on n'a eu vraiment à statuer sur des sommes accordées pour des programmes particuliers dans notre région et où le conseil régional conviendrait avec véritablement les partenaires sur la distribution de ces sommes-là. Alors, ça, je vous dirais, c'est peut-être plus du côté du ministère. En même temps, ça a été ressenti par les établissements qui, eux, voyaient là le moyen de passer à côté du conseil régional. Dans certains secteurs, il y a eu une collaboration plus étroite et, dans d'autres, H n'y en a pas eu, essentiellement. (11 h30)

C'est peut-être caricaturé, il y a eu une certaine volonté de la part de certaines gens mais, je vous dirais très clairement, le secteur de la santé n'a pas véritablement contribué, et je pense qu'il s'est inscrit dans ce que vous avez entendu ici, qui était la position de l'AHQ jusqu'à maintenant. En tout cas, on en est au point où on pense que, de toute façon, le nerf de la guerre, comme ça se dit si souvent, c'est le budget qui est accordé à la région. Donc, on n'a jamais eu véritablement d'emprise sur les budgets, par exemple, au niveau du secteur de la santé, en soi. Je vous dirais que, très simplement, sans aller dans l'ensemble des nuances, quant à nous, l'enjeu se situe au niveau d'une véritable politique, d'une véritable volonté qui vient du ministère, qui est supportée par le ministère et qui fait en sorte que les gens ne passent pas à côté pour s'adresser directement au ministère.

M. Côté (Charlesbourg): Donc, ce que je comprends, c'est que le principal handicap à une régionalisation plus importante pourrait être éventuellement le ministère, si on maintient toujours un lien d'appel. Parce que l'habileté des gens passe autour, et vous l'avez vécu.

Au sujet de la marge de manoeuvre, parce que vous en faites allusion à l'intérieur de votre proposition, j'aimerais vous entendre davantage là-dessus, pour la simple et bonne raison que l'Assemblée nationale - et ça, ça ne changera pas, à tout te moins dans l'état actuel de nos connaissances - va voter des programmes, mais il n'y aura pas possibilité, au niveau d'une région, de transférer de programme à programme des sommes d'argent si, par exemple, demain matin, H y avait des sommes affectées au niveau du vieillissement pour le problème de nos personnes âgées, ce ne sera pas transférable à la jeunesse demain matin. Il faut bien se comprendre là-dessus. Donc, ce que je comprends, c'est que votre marge de manoeuvre, vous la souhaitez un peu plus globale, mais que vous-mêmes pourriez l'attribuer à l'une ou l'autre des catégories.

La Présidente (Mme Marois): M. Vallé.

M. Vallé: Oui. Alors c'est le sens de notre propos. Nous, ce qu'on dit... Vous nous dites qu'il y a des choses possibles et d'autres pas possibles. Nous disons que sur le budget de développement annuel qu'adopte le ministère, probablement à rattacher à un certain nombre de programmes, nous proposons qu'il y ait une partie de ça... On n'a pas avancé de chiffre, vous lavez bien vu, mais, quand on en parle entre nous ou quand on parie à d'autres, on estime peut-être que ça pourrait être le quart de ce budget de développement qui pourrait être réparti dans les régions. Donc, de cette masse totale du budget de développement, cette partie-là pourrait être extraite et confiée aux régions pour assurer ce que nous avons appelé des priorités régionales qui ne concordent pas nécessairement avec des propriétés de l'heure, au niveau provincial, et supportées par des budgets ad hoc. Pour le reste, je vous sais plus averti que moi de ce qui est possible ou pas possible sur le plan législatif.

M. Côté (Charlesbourg): On me signifiait, après information, que dans l'expérience de décentralisation vécue vous aviez effectivement une marge de manoeuvre. Je n'étais pas là, ça fait que je suis pas mal détaché... Est-ce que c'est le cas?

La Présidente (Mme Marois): M. Vallé, M. Duplantie... M. Vallé.

M. Vallé: À ma connaissance, non. Je ne sais pas si les membres de la délégation chez nous...

M. Mackenzie (David): Que je sache, pas dans mon expérience.

M. Côté (Charlesbourg): On va tenter de le fouiller pour être capable de le vérifier. Parce que, s'H y en avait une, je veux savoir qu'est-ce que c'est qui a accroché. On me dit qu'il y en avait une dans la réallocation des ressources. Mais, si vous ne vous en souvenez pas, ça va être difficile pour moi de m'en souvenir.

La Présidente (Mme Marois): M. Duplantie, peut-être. Oui. Vous voulez intervenir.

M. Duplantie: Peut-être un commentaire sur le fait qu'il y a eu un programme plus particulier qui a été décentralisé et qui était le programme qu'on a appelé le "programme 8", chez nous, qui était associé aux centres d'accueil de mésadapta-tlon. S'il y avait marge de manoeuvre, c'était

marge de manoeuvre de convenir avec les établissements de réallocations possibles entre les établissements. Il faut dire que, oui, on a réussi à faire un certain nombre de choses, mais ça n'a jamais été une marge de manoeuvre à partir du fait qu'il y avait certains montants disponibles au sein de la région comme telle et où on pouvait faire des réallocations. C'est à peu près actuellement comme lorsque le ministère examine ce qui se passe dans un secteur et se dit: II y a peut-être un secteur qui est beaucoup plus riche; il faudrait déplacer des montants vers d'autres secteurs, mais comment j'y vais et comment je fais ça avec la bonne collaboration des gens? C'est toujours plus facile de le faire à partir du développement que de le faire à partir de ce qui est déjà établi et qui est historique, en quelque sorte. Alors, je vous dirais qu'on ne l'a jamais eue en termes de développement, on l'a eue en termes de la possibilité des budgets historiques qui étaient là et on est arrivés, tant bien que mal, à réenligner certaines choses, mais ce fut véritablement la marge.

Lorsque nous vous parlons, entre autres, d'une marge de manoeuvre pour la région, c'est que nous nous interrogeons sur la possibilité de faire peut-être un peu comme - on en est tous conscients - ça se fait au sein du ministère. C'est qu'à partir du moment où des budgets sont accordés dans certains programmes, dans certains secteurs d'activité, le ministère lui-même se garde toujours une certaine marge de manoeuvre, après avoir alloué les budgets en début d'année, pour ce qu'on appelle les cas exceptionnels et autres choses. Alors, la région n'a jamais eu ce type de disponibilité là, et, d'autre part, on souhaiterait être capables de se retrouver possiblement dans une situation où même la région est reconnue par le ministère comme un programme en soi et, dans ce sens-là, avoir un montant minimal qui puisse être accordé. On nous a donné l'exemple de l'alcoolisme-toxicomanie. Dans les deux dernières années, on a fait de nos mains et de nos pieds pour avoir 20 000 $ et pour faire une étude très particulière où tout le monde, ministère, intervenants dans la région, reconnaissait un problème particulier. Quand on est obligés de faire démarche par-dessus démarche pour 20 000 $, ce qui est très peu significatif dans l'ensemble, évidemment quand ils s'accumulent tous, c'est important, mais il reste que, quand on le regarde en fonction du problème particulier, on se disait: Ça n'a pas de sens qu'on soit dans des discussions avec des démarches. Fort probablement qu'on les a dépensés en énergie, ces 20 000 $ là. Est-ce qu'on ne pourrait pas, dans la région, trouver un moyen de bénéficier d'une marge comme celle-là?

M. Côté (Charlesbourg): Je vais continuer d'enchaîner parce que vous avez évoqué, tout à l'heure, un des problèmes. C'était le peu de participation du domaine de la santé. Cette expérience-là, on pouvait facilement passer à côté ou au-dessus. dans votre mémoire, vous semblez plaider pour que les chu ne relèvent pas de l'autorité régionale, de la régie régionale.

M. Duplantie: Au contraire. Au contraire.

La Présidente (Mme Marois): C'est un cri du coeur.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas si clair que ça. Vous ménagez la chèvre et le chou parce que vous dites, à la page 10, au paragraphe: "... Il faut donc prévoir un lieu où l'on pourra examiner, par exemple, les besoins propres aux facultés de médecine et auxquels il faut tenter de répondre dans une perspective nationale, mais qui ne concordent pas nécessairement avec les besoins prioritaires de services aux clientèles des régions où ces facultés sont situées." je vous trouve bien polis, probablement parce qu'il y a un chu chez vous, mais une chose est certaine, c'est: ils dépendent ou ils ne dépendent pas. on planifie sur le plan régional ou pas. bon. je comprends que, du point de vue universitaire, on puisse mettre les priorités dans un ordre différent de celui du ministère de la santé et des services sociaux. quand on dit: quatre critères pour reconnaître un chu, on dit dispensation de services, on dit enseignement, on dit formation et on dit évaluation des nouvelles technologies.

Si je demande aux CHU, aux universités, bien sûr que ça ne sera pas la dispensation de services qui va être leur priorité; ça va être la formation, et c'est normal. Mais de mon point de vue à moi qui paie, parce que c'est nous autres qui payons, c'est d'abord les services. Et, si les services dispensés par les CHU ne sont pas inclus dans la planification, on va se ramasser avec les pauvres, les riches vont être exclus. Les riches, c'est relatif. Les riches parmi les pauvres. Et les pauvres vont être complètement en dehors. Alors, c'est pour ça que je m'adresse à vous, parce que ça ne me paraît pas clair. Vous valsez un peu. J'aimerais vous entendre de manière plus précise; effectivement cette partie-là, ça devrait être clair.

La Présidente (Mme Marois): M. Duplantie.

M. Duplantie: M. le ministre, je vais commencer une réponse et M. Mackenzie, qui vient du secteur des centres hospitaliers aussi, va poursuivre. J'aimerais d'abord vous dire que nous sommes tout à fait d'accord avec vous par rapport à la place des centres hospitaliers universitaires, quant à leur rattachement à la région comme telle, li n'y a, pour nous, aucune

ambiguïté de ce côté-là en soi. Et notre première préoccupation, c'est celle des services, et on le mentionne dans le document aussi, c'est celle des priorités de services et, dans de sens-là, même de ce qui doit être développé au sens même d'un plan de services pour l'ensemble de nos services de santé. Donc, quelles sont les priorités qu'on devrait avoir, en termes de services à la population dans notre région et même en termes de services tertiaires en soi? Ça, on se doit d'être capables d'orienter nous-mêmes et de prendre des décisions et d'amener l'ensemble des hôpitaux à travaller dans le cadre d'un plan d'organisation des services de santé dans notre région, incluant la gamme des services de santé en soi. On reconnaît cependant que l'université, la faculté de médecine a une mission qui est celle de la formation, qui est celle de l'enseignement et qui est celle aussi de la recherche. À ce titre-là, on se dit: Elle dépasse fort probablement notre territoire. C'est une responsabilité qui a été confiée à l'université, mais en vue de la formation de l'ensemble des médecins pour le Québec, et on connaît la contribution de la faculté de médecine de l'Estrie par rapport à la formation de médecins qui vont en région en soi. Donc, H y a des contributions particulières de la part de chacune des facultés. Donc, il faut être capables en même temps de s'interroger là-dessus. Et ce qu'on dit, par rapport à cette dlmension-Jà, c'est: Trouvons un lieu pour la discuter et faisons en sorte que, si on veut reconnaître un développement dans un secteur particulier qui ne correspond pas aux besoins de notre région, eh bien, le financement soit accordé, mais pas à partir de ce qu'on a appelé l'équité régionale...

M. Côté (Charlesbourg): Une petite dernière.

M. Duplantie: ...mais davantage d'un budget particulier à cette fin-là.

M. Côté (Charlesbourg): Mais on se rappellera que le budget qui est affecté aux CHU, qui aujourd'hui est rendu à peu près à 14 000 000 $, qui est donné par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, 14 000 000 $, est un budget qu'on est venu chercher à la Santé et aux Services sociaux et qu'on a transféré à l'Enseignement supérieur et qui est distribué pour cette fonction-là spécifique, au niveau de... Oui, ça prend un forum pour être capables d'éclaircir un certain nombre de choses. Et aussi, les CHU, dans la rationalisation, parce qu'ils sont venus nous le dire, peuvent faire des économies très appréciables, quant à leur rôle qu'ils peuvent jouer. Donc, on y reviendra.

J'ai une dernière question à vous poser, parce que vous êtes le premier organisme qui vient nous dire, de manière très claire, que les familles d'accueil, ça devrait relever des CLSC. Vous êtes les premiers à venir nous le dire, là, de manière très claire. Je ne suis pas loin de penser à peu près la même chose. Évidemment, les CSS nous donnent de l'argumentation qu'on ne peut pas repousser du revers de la main. Ils disent: Toute l'expertise au niveau du traitement est à l'intérieur des CSS, au moment où on se parle. Deuxièmement: Si vous transférez ça dans un CLSC, c'est forcément un territoire de référence qui est beaucoup plus petit qu'un territoire de CSS. Donc, on ne peut pas transférer ça, disent-Us, à un CLSC parce que c'est un territoire beaucoup plus petit qui n'aura pas une vision globale au niveau des régions. Est-ce que ce sont des problèmes insurmontables, quant à la solution finale?

M. Duplantie: En ce qui nous concerne, on ne pense pas. D'abord, on pense qu'il est essentiel que le noyau Protection de la jeunesse soit bien reconnu et bien protégé au Québec. Je pense que là-dessus même les autres provinces au pays, même au plan international, on a reconnu l'importance de la Loi sur la protection de la jeunesse, telle qu'on se l'est donnée, avec une concentration comme telle. Maintenant, quand on en arrive à la question des familles d'accueil, pour nous évidemment, ce qui est rattaché à la jeunesse et s'incrit dans le cadre de la Protection de la jeunesse, ça devrait rester aux CSS comme tel. De même, on partage ce qui était dit tantôt par la Conférence des CRSSS quant à la possibilité de regrouper l'ensemble des services dans le cadre de la Protection de la jeunesse, qui pourraient provenir d'autres institutions, centres d'accueil. (11 h 45)

Ce qui a trait aux familles d'accueil, plus particulièrement dans des secteurs comme les services aux personnes âgées, comme la santé mentale, les adultes, les personnes handicapées, on pense même qu'il faudrait distinguer les réalités des différentes régions. Entre nous, Montréal c'est totalement différent de ce qui se passe dans le reste du Québec, en grande partie. Il faudrait être capables de le regarder. Quand je regarde, moi, ce qui se passe en Estrie, j'ai de la difficulté à comprendre qu'on maintienne aux CSS les familles d'accueil pour personnes âgées alors que leur bassin de population est très petit à ce niveau-là et que, la plupart du temps, les CLSC connaissent mieux les familles d'accueil et les ressources dans chacune des localités qui pourraient desservir les personnes âgées comme telles. Le bassin de la population des personnes âgées est desservi présentement par les CLSC et par les centres d'accueil d'hébergement, incluant la question des centres de jour. Pourquoi, à ce moment-là, ne trouve-t-on pas le moyen? De fait, ce n'est qu'un petit noyau qui reste aux CSS, depuis le départage qu'on a fait. Alors, dans ce sens-là, qu'on y aille sur une base de clientèle et qu'on rattache à l'établissement approprié qui dessert le gros de cette clientèle-là.

La Présidente (Mme Marois): Oui, Monsieur... M. Mackenzie...

M. Vallé: M. Lamy aimerait...

La Présidente (Mme Marois): M. Lamy?

M. Vallé: Oui, M. Lamy.

La Présidente (Mme Marois): D'accord.

M. Lamy (Bernard): Je pense, M. le ministre, que vous avez tout à fait raison de soulever le problème. Moi, je vous dirais qu'il est peut-être important de distinguer l'utilisation des ressources intermédiaires de la gestion de cet ensemble-là. Vous êtes bien placé pour savoir qu'au niveau de la gestion il y a une problématique importante, présentement. L'utilisation, on est d'avis, des ressources intermédiaires, pour faire le meilleur "fit" entre les besoins de l'usager, de l'individu, doit effectivement être le plus près possible de là où il va requérir les services. Par contre, il serait peut-être nécessaire de ne pas oublier la pertinence qu'une instance régionale puisse d'abord avoir les pouvoirs nécessaires pour susciter tous les éléments de planification de places et de développement auxquels tous les partenaires auront à voir et aussi posséder le pouvoir de contrôler; parce qu'il y a un élément de contrôle qu'il ne faut pas perdre de vue là-dedans, tant au niveau du développement que de la gestion des places que de l'utilisation des budgets.

La Présidente (Mme Marois): Ça va?

M. Côté (Charlesbourg): Oui, ça va.

La Présidente (Mme Marois): C'est terminé? Merci, M. le ministre. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Trudel: Merci, Mme la Présidente. C'est un mémoire extrêmement intéressant que nous présente, aujourd'hui, le CRSSS de la région de l'Estrie. Il y a un certain rafraîchissement, à vous entendre, d'abord, parler largement de cette nouvelle perspective que nous verrions apparaître - on verra dans le temps - plus orientée sur la promotion de la santé, politique de la santé et du bien-être. Encore qu'il va falloir voir comment serait élaboré - et vous y touchez précisément dans votre mémoire - cette politique de santé et de bien-être, et comment elle va correspondre réellement aux problèmes, aux situations, à l'état des populations, en particulier dans les régions du Québec. Un bon nombre de questions se posent, suite à ce mémoire. Je voudrais aller tout de suite en complémentaire, en quelque sorte, sur la question du ministre. J'allais y aller sur les familles d'accueil, des ressources dans les établissements au niveau des services sociaux...

Écoutez, vous avez donné la réponse assez complète au ministre sur la façon dont fonctionnerait les choses. Mais, si je peux me permettre d'aller un petit peu plus loin, vous gardez la portion congrue pour les CSS. Est-ce que vous êtes en train de nous dire, très franchement, que l'intégration des ressources CSS pourrait très . bien se réaliser à travers les CLSC et les établissements et que, par ailleurs, il faudra trouver une espèce de structure pour permettre à la DPJ de demeurer comme organisme autonome au niveau régional, pour répondre à l'administration et aux demandes du législateur là-dessus? Je me demande un peu beaucoup, candidement, là... On sait que c'est un gros problème parce que, lorsqu'on arrive dans la réorganisation de n'importe quel service ou organisme gouvernemental, c'est normal que les gens qui soient dans l'organisme concerné opposent un certain nombre de résistances. Et peut-être que la vision est tout à fait croche, aussi... On entendra ces gens-là cette semaine ou la semaine prochaine, et on aura certainement de l'éclairage. Mais est-ce que, finalement, vous nous dites: En termes de structure et de complémentarité de services, il y a peut-être un niveau administratif ou de ressources de trop dans le système, actuellement?

M. Duplantie: Moi...

La Présidente (Mme Marois): M. Duplantie.

M. Duplantie: en tout cas, on n'en est pas à vous dire qu'il y a un niveau de trop. une des choses qui, pour nous autres, est fondamentale, qu'on l'appelle css ou qu'on donne un autre nom, centre de protection de la jeunesse, il y a une chose qui est fondamentale c'est qu'il faut conserver les acquis qu'on a faits dans le domaine de la protection de la jeunesse. quant aux autres programmes, et ils sont nombreux... ce n'est pas simplement la question des familles d'accueil, et je pense que c'était très important, tantôt, ce qui était soulevé au niveau des familles d'accueil et à la gérance de cette dimension-là.

Il y a les autres dimensions. Il y a le scolaire, à Montréal. Il y a les services sociaux hospitaliers qui ne sont absolument pas distribués de la même façon à travers la province. À Montréal, par exemple, on a des grandes concentrations dans certains milieux hospitaliers, alors que, dans les autres milieux, on a parfois de très petites concentrations, pour ne pas dire qu'on n'en a pas du tout dans certains centres hospitaliers. Et il faut peut-être se poser la question. Ce n'est pas automatique qu'on doive tout simplement dire: Tout ça, on peut s'en départir et le mettre dans les CLSC. Oui, je pense qu'on devrait confier des mandats à chacune des régions, et bien examiner comment

on peut assurer les complémentarités et la continuité de services. Et quand je parlais, par exemple, des familles d'accueil pour personnes âgées, tantôt, on peut voir la continuité très facile entre le CLSC et la famille d'accueil, ou encore les liens avec les centres de jour et les centres d'accueil. Mais dans d'autres secteurs - qu'on pense, entre autres, aux milieux hospitaliers à Montréal - ce n'est pas si évident qu'on peut toujours le faire de cette façon-là. Donc, y faut être capable d'examiner, dans chacun des milieux, les aménagements les plus appropriés, en gardant comme perspective le bénéficiaire. Parce que c'est pour lui qu'on... Et non pas simplement s'accrocher à des structures, pour dire: Maintenir ou abolir telle structure, comme si on en voulait à la structure en soi.

M. Trudel: Ce que vous nous dites, en somme, c'est: Par exemple, une des voies, ce serait que chacune des régions, chacune des régies puisse présenter un plan d'organisation et de complémentarité des ressources dans ce secteur d'activité des services sociaux, pour tenir compte des acquis en région, des acquis du système et - pour employer ce mot-là - de la transférabilité des acquis. En quelque sorte, si ça peut se faire ou ne pas se faire. Et ça va m'amener là-dessus, à la deuxième question, sur votre insistance au niveau de la responsabilisation et de l'imputabilité des régies régionales. Et, à partir de cet exemple-là, est-ce que vous croyez vraiment que les arbitrages nécessaires et douloureux qui seraient à faire, par une régie régionale, dans un plan à présenter au ministère, au niveau de ce type de problème... Est-ce que vous pensez, en région, qu'on est véritablement capable, au niveau de l'imputabilité et de la responsabilité, de procéder aussi aux arbitrages parfois très douloureux - vous en savez quelque chose, avec quelques expériences - au niveau des budgets, au niveau des équipements, au niveau de la responsabilité qui, nous le souhaitons tous, sera éventuellement confiée aux régies régionales?

M. Duplantie: Si nous avons les mandats et les moyens, nous pensons que oui. Je pense que, dès que les établissements et les organismes communautaires, les différents intervenants du milieu... À toutes les fois qu'ils ont véritablement senti que le conseil régional avait un véritable mandat appuyé par le ministère, on a été capables de concertation. Lorsque les établissements, les organismes communautaires et les autres intervenants ont senti qu'ils pouvaient passer à côté, ils l'ont fait, et avec raison. On va où est le pouvoir, on est tous pareils, et, dans ce sens-là, c'est avec ça qu'on va travailler. On dit: Est-ce que vous êtes prêts à nous confier les mandats et les moyens? Si vous nous répondez oui, on vous dit, par rapport à ça. On va les assumer, et on pense même qu'on aura la collaboration des gens, dans la région, pour le faire.

M. Trudel: Monsieur voulait ajouter,..

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Mackenzie, vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Mackenzie: Pour compléter la réponse de M. Duplantie, un des buts fondamentaux de la décentralisation est de reconnaître, actuellement, la diversité des territoires québécois. Et les solutions qu'on va apporter dans un endroit donné ne seront pas nécessairement les mêmes qu'une autre région pourrait vouloir se doter. M. Duplantie a déjà fait allusion à la différence entre la région de Montréal et les régions plus à l'extérieur. Je pense que, là, on voit la nécessité d'avoir des régies régionales avec les pouvoirs et les mandats pour qu'elles puissent participer à un vrai processus décisionnel pour leur région.

M. Trudel: Et est-ce que vous trouvez que la façon dont c'est actuellement écrit, dit dans l'avant-projet de loi... Est-ce que vous sentez que vous allez avoir des mandats clairs, au niveau de l'administration, au niveau d'une véritable décentralisation? Est-ce qu'actuellement, de votre point de vue, nous sommes en matière de véritable décentralisation ou de déconcentration? On vous passe le petit, la bassine et l'eau et on dit: Organisez-vous avez ça, mais c'est nous autres qui décidons du quantum des ressources et de la largeur des enveloppes. C'est quoi, là-dessus, votre vision des choses, tel que c'est écrit actuellement? Et bien sûr, si ce n'est pas le cas, ajoutez ce que vous voulez voir écrit.

La Présidente (Mme Marois): M. Valté.

M. Vallé: Je vous soumets, par rapport aux écritures...

M. Trudel: Oui.

M. Vallé: ... - j'ai accroché à ces mots-là - que dans notre mémoire - pas dans le document d'aujourd'hui, mais dans le mémoire qui avait été déposé à la commission, à la page 10, en tout cas, de ce mémoire, au chapitre "Les fonctions et les pouvoirs des régies" - on expliquait qu'il demeurait encore, à notre avis, une certaine confusion, au niveau des écritures, dans les rôles respectifs du ministre et des instances régionales. On soulignait certains passages, entre autres, à l'article 289, premier alinéa, où il était dit que "le MSSS établit des programmes et voit à leur application par la régie..." Par ailleurs, à l'article 240, il était écrit que la régie doit, de son côté, "élaborer et mettre en oeuvre des programmes requis pour répondre aux besoins de la population de la région..." Il y avait, à notre sens, quelques

ambiguïtés à lever au niveau de ces écritures-là. On soumettait qu'il fallait peut-être aussi refaire les devoirs à ce niveau-là. Je ne sais pas s'il y a quelqu'un d'autre de la délégation qui voulait ajouter...

M. Trudel: C'est fondamental, ce que vous décrivez là. Parce que vous dites: On va pouvoir faire le travail si on a un mandat clair. Et, en d'autres termes, vous dites: Si on ne sent pas dans le milieu qu'on veut nous regarder pardessus l'épaule ou nous passer par-dessus la tête pour aller direct au ministère - il faut appeler les choses par leur nom - il est donc de prime importance que l'on clarifie, au niveau du texte de loi, quelles sont les véritables responsabilités que l'on confierait éventuellement à des régies régionales.

Malheureusement le temps file très vite. Je ne peux m'empêcher... J'avais au moins une vingtaine de questions. Mais une question sur les organismes communautaires. Là, je me réfère à votre mémoire, à la page 16, en ce qui regarde les organismes communautaires et leur financement. Vous nous parlez de possibles conflits... Justement, en parlant de regarder par-dessus l'épaule et de passer outre, vous nous fartes ici une belle démonstration, dans le sens qu'à l'article 233 le ministère se réserve le droit de financer certains organismes communautaires autres que ceux financés par la régie et pour lesquels vous auriez peut-être dit non, vous autres, compte tenu des choix que vous auriez à faire.

C'est le premier paragraphe de la page 16 qui m'intéresse beaucoup. "Une véritable reconnaissance des organismes communautaires implique nécessairement le respect de leur volonté de se regrouper au plan régional et provincial et la possibilité de consacrer à cette fin une part des budgets qui leur sont alloués. La règle devrait être la même que pour les établissements." Alors ce que vous nous dites c'est que, si ça vaut pour l'Association des hôpitaux du Québec, le ministre doit appliquer la même règle pour les organismes communautaires et financer les regroupements. C'est ça?

M. Vallé: C'est ce que nous disons.

M. Trudel: Et l'Association des hôpitaux du Québec, ça a quoi comme budget, à peu près?

M. Côté (Charlesbourg): Ou faire l'inverse.

M. Trudel: Ou faire l'inverse dans les deux cas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Vallé: Ou faire l'inverse. Ça pourrait aussi être ça.

M. Trudel: Dans les deux cas. M. Vallé: Avec la même règle.

M. Trudel: Si je ne me trompe pas, c'est à peu près 8 500 000 $, pour l'Association des hôpitaux du Québec?

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Duplantie.

M. Duplantie: J'allais simplement dire qu'en autant qu'on veut reconnaître véritablement les organismes communautaires comme des partenaires on doit, à ce moment-là, tenter de leur appliquer les mêmes règles du jeu. Et, si on va dans un sens, on devrait aller dans le même sens pour les organismes communautaires.

M. Trudel: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Marois): Mme la députée de Johnson, s'il vous plaît.

Mme Juneau: Merci beaucoup, Mme la Présidente, Est-ce que seul le CRSSS de l'Estrie a fait cette démarche dont vous parlez à la page 6 de votre mémoire, c'est-à-dire, rencontrer des milliers de personnes et les intervenants du milieu pour, finalement, en arriver à ce que vous mentionnez dans votre mémoire?

M. Duplantie: Je ne pourrais pas dire qu'on est les seuls. Je sais que dans toutes les régions nous avons, en conformité avec notre approche régionale, chacun des approches différentes. Mais il est certain que l'approche qu'on a prise dans l'Estrie correspond à cette philosophie qu'on a de participation, et d'aller véritablement sensibiliser l'ensemble de la population sur ces problèmes de santé et sur la contribution qu'ils peuvent y faire, les moyens à prendre. Quant à nous, en tout cas, on est très heureux des résultats qu'on atteint. (12 heures)

Mme Juneau: Vous avez mentionné, tout à l'heure, que les intervenants passaient tout droit, comme mon collègue vient de vous le mentionner dans sa dernière question... Quelles seraient, pour vous, les balises qui feraient en sorte que le ministre pourrait intervenir dans telle ou telle circonstance? Quelles seraient les vôtres, qu'est-ce que vous souhaiteriez avoir comme pouvoirs de décision, là-dessus?

La Présidente (Mme Marois): M. Duplantie.

M. Duplantie: Je pense qu'on a beaucoup parlé de la question d'imputabilité comme telle. Je pense que l'une des choses qui est fondamentale, comme on l'a dit précédemment, c'est un mandat clair. Et à partir du moment où on aura un mandat clair, où on se sera entendus sur ce

dont on doit répondre au ministre, il nous appartiendra d'en répondre sur ces dimensions-là et, sur les autres, de répondre à la population de notre région.

Je pense que des cas litigieux, on en aura toujours. Je pense que même le ministre, avec tous ses pouvoirs, se retrouve à tous les jours avec des cas litigieux; dans ce sens-là, la région va aussi se retrouver avec des cas litigieux. Je pense qu'il faudrait éviter les situations où, parce que c'est un cas litigieux dans la région, il faut aller en appel et il faut qu'il y ait un autre niveau. Il faut que la région sente qu'il n'y a pas d'appel. C'est à ce moment-là que, véritablement, les choses vont se discuter dans la région. Autrement, on va passer à côté.

Mme Juneau: Vous avez aussi fait la démonstration très claire que les besoins de l'Estrie ne sont pas nécessairement les besoins que vivent les gens de Montréal, et ainsi de suite. Comment préconiseriez-vous une certaine marge de manoeuvre que le ministre pourrait accorder aux régions?

M. Duplantie: Comme je le disais tantôt, pour nous, ce serait peut-être une approche de reconnaître, au-delà des programmes, par problématique ou par type de clientèle, qu'on ait peut-être une dimension programmes-région en soi et que, à travers ça. on puisse reconnaître... quitte à en répondre directement au ministre, aussi, quant à l'utilisation de ces sommes d'argent. Je pense qu'il n'y a aucune région qui devrait passer outre au fait d'avoir à répondre au ministre du budget total qu'elle a reçu en soi. Et que, oui, on a proposé des formes de contrats, des formes de plans de services, etc., avec le ministre et c'est à travers ça qu'on devrait donc y répondre.

Mme Juneau: Merci.

La Présidente (Mme Marois): Ça va? Oui, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Trudel: Merci beaucoup de votre présentation. C'est extrêmement intéressant, comme présentation. On n'a malheureusement pas eu le temps de parler - il faut le dire, en remerciant - de la question du suffrage universel.

La Présidente (Mme Marois): Ça, c'est un beau débat.

M. Trudel: très important. je suis sûr que le ministre va lire ça avec un très grand intérêt. nous le souhaitons, du moins de ce côté-ci. merci beaucoup.

La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup de votre présentation, qui est un peu différente de ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant. Et c'est ça, l'intérêt de la commission: de tenter sans cesse d'aller un petit peu plus loin sur le plan des expériences et de tenter d'ajuster, quant à nous, le niveau d'information. Ça me tenterait de vous dire, en finissant: "CHU-prêt!" Merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Marois): Merci de votre contribution aux travaux de la commission. J'inviterais maintenant le groupe formé de trois anciens présidents et d'une ancienne présidente du Conseil de la santé et des services sociaux de la région 05. C'est une appellation un peu particulière, mais, comme c'est un organisme qui n'a pas de reconnaissance officielle autrement, on le nomme par les composantes de l'organisme.

Je vous souhaite la bienvenue à la commission. J'aimerais que votre porte-parole se présente et présente les personnes qui l'accompagnent. Je vous rappelle que nous avons une demi-heure pour passer à travers votre mémoire. C'est-à-dire une demi-heure en tout, ce qui veut dire environ une dizaine de minutes pour la présentation de votre mémoire et, par la suite, des échanges, pour le temps qui reste, avec les membres de là commission.

Un groupe d'anciens présidents du CRSSS de l'Estrie

M. Champagne (Guy): Merci, Mme la Présidente. Mon nom est Guy Champagne. Je suis un ancien président du conseil d'administration du CRSSS. Je suis actuellement vice-président d'un groupe de Sherbrooke, le groupe SBCS, associé au groupe LGL pour Lalonde, Girouard, Letendre de Montréal. À ma droite, Mme Denise Lalancette, aussi une ex-présidente du CRSSS, qui est directrice du Département des sciences infirmières au CHU. Et à ma gauche, M. Gérard Tousignant, qui est directeur général de la commission scolaire de Coaticook, et qui est aussi un ex-président du conseil d'administration du CRSSS.

Au préalable, je voudrais mentionner, Mme la Présidente, M. le ministre, en quelques mots, le coeur de ce présent mémoire. En fait, c'est la question que vous avez posée et qui a été soulevée à quelques reprises. Nous allons vous dire principalement pourquoi nous croyons à la décentralisation du système, et aussi vous faire part des conditions qui, selon nous, peuvent rendre cette décentralisation profitable au bénéficiaire des services en région, tout en la rendant à la fois exerçable à l'intérieur de la responsabilité qu'a le ministre de contrôler ses budgets. Et ceci, en quatre points: premièrement, en axant le système sur les résultats; deuxièmement, en

partageant clairement des rôles et des pouvoirs entre le niveau provincial et le niveau des régions; troisièmement, en accordant une certaine marge de manoeuvre régionale, et, quatrièmement, par une instance régionale dont la constitution entraînera ou devra entraîner un plus grand sens de responsabilités, de la part de tout le monde, vis-à-vis les coûts et dans l'utilisation des services.

À titre d'anciens présidents - pour revenir au départ, pour vous lire ce mémoire... Je vais résumer en vous disant que notre raison d'être ici, c'est parce que, compte tenu de ces expériences passées au sein du CRSSS, nous sommes, je crois très sensibles à la nécessité que nous avons tout le monde de faire des choix dans la poursuite de l'amélioration de notre système de santé et dans le maintien et l'amélioration de notre bien-être, tout en respectant le contexte de contraintes, le contexte de ressources limitées dans lesquels nous sommes. Alors, le thème que nous abordons, comme je vous le mentionnais... Nos propos se limitent en fait à la régionalisation et à la décentralisation, qui nous sont justement présentées par votre projet de loi comme deux grands moyens pour améliorer le système et relever les défis déjà mentionnés. Rapidement, nous mentionnons que la réforme de 1973, qui a fait faire des pas énormes du côté de la régionalisation et aussi de la participation de la population à la définition de ses besoins, fut par contre un échec en ce qui concerne la décentralisation. À notre point de vue, ce fut un échec total et ceci, nous l'avons vécu en tant qu'anciens présidents. Nous avons d'abord pu constater, entre autres, que les mandats qui étaient confiés aux CRSSS étaient relativement peu déterminants. En deuxième lieu, que les CRSSS n'avaient pas ou n'ont pas encore de véritables assises dans la population. Et en troisième lieu - c'est un peu corollaire à tout ça, ou complémentaire - nous avons constaté - ça a été dit et nous le disons à notre façon - que la volonté politique, si elle a existé, a fait peu de place à un espace régional et que cette volonté s'est montrée hésitante et constamment battue en brèche par les fonctionnaires, ceux qui opéraient au ministère de la Santé et des Services sociaux et les gestionnaires des établissements.

Je résumerais en disant que les CRSSS étaient en grande partie contrôlés par les établissements. Je ne reviendrai pas sur la régionalisation. Je pense que tout a été dit, répété, mis à toutes sortes de sauces et avec toutes sortes d'assaisonnements. Nous allons aller directement au point de la décentralisation, qui est le point qui nous préoccupe et sur lequel nous voulions nous faire entendre.

Alors, nous sommes conscients que le gouvernement propose essentiellement un système qui est fondé sur deux légitimités. Premièrement, une légitimité gouvernementale et centrale qui est fondée sur le pouvoir attribué aux personnes que nous avons élues dans notre régime démocratique. En deuxième lieu, une légitimité régionale qui est fondée sur une délégation de cette autorité que le gouvernement décide d'effectuer au profit des populations régionales. Ainsi le gouvernement ou le projet de loi reconnaît que la décentralisation de certains mandats représente, sinon un prérequis, tout au moins un moyen des plus favorables à la régionalisation. Une vraie décentralisation implique par ailleurs que l'on délègue de véritables pouvoirs aux régions. Et, à cet égard, nous sommes persuadés que lavant-projet de loi représente un progrès indéniable. Nous notons particulièrement qu'il devra nécessairement appartenir aux régions de décider de leurs priorités et de leur plan d'organisation de services, par le biais d'allocation de budget qui leur permettra de disposer de leviers pour supporter leurs décisions.

Maintenant, comment réaliser cet objectif, très louable en soi? Plusieurs ont essayé dans les années passées, comme vous le savez, mais ils n'ont pas réussi à décentraliser un système qui va permettre de répondre de façon plus adéquate aux objectifs qui lui sont fixés. D'abord, premièrement, il nous apparaît essentiel que le système qui sera mis en place soit davantage axé sur les résultats à atteindre, c'est-à-dire des objectifs d'amélioration de la santé et de bien-être, des objectifs qui seront exprimés en termes mesurables. Nous croyons que cette option pour un système axé davantage sur les résultats que sur les moyens devrait être davantage présente ou explicite, si vous voulez, dans l'ensemble du projet de loi.

La deuxième condition, qui est aussi essentielle, c'est un partage des rôles et des pouvoirs qui ne soit pas équivoque, qui dissiperait toute confusion, si vous voulez. On en retrouve quelques exemples. On en a noté ici, entre autres, au niveau de l'article 289 et de l'article 240.

En troisième lieu, aussi, la marge de manoeuvre. Vous y avez fait allusion, tout à l'heure; les représentants des CRSSS ont abordé ou répondu à la question à cet effet. Cela signifie que le projet doit laisser entendre que les régies pourront décider de la répartition des budgets qui leur sont alloués. Il faudrait aussi, pour ce faire, que soit clairement établi et que soit bien défini ce qu'on entend, par exemple, à l'article 251. Là, il y a une définition à y apporter pour qu'il n'y ait pas de confusion.

En quatrième lieu, l'instance régionale ancrée dans la population. D'abord, nous croyons qu'il faut essentiellement que les programmes de promotion amènent progressivement les gens à prendre davantage conscience de tout ce qui peut influer positivement ou négativement sur leur santé et leur bien-être. Ceci, c'est la dimension de responsabilité ou du sens de responsabilité - on ne sait plus quel mot inventer pour faire

un peu "choc" au niveau de la population et de ceux qui administrent les services - mais qui est la grande condition, la condition sine qua non pour que le système s'améliore, que les échecs qui ont été rencontrés soient réparés et qu'on trouve une meilleure façon d'opérer le système global de soins de santé et des services sociaux ou de bien-être.

Nous n'en estimons pas moins qu'il faut assurer que ces mômes citoyens doivent sanctionner les choix concernant leur santé et leur bien-être qui sont faits au niveau régional, de la même façon qu'ils peuvent le faire au niveau municipal, au niveau des activités scolaires et même au niveau provincial. Naturellement, des moyens d'ancrer cette assise dans la population, on peut en énumérer plusieurs. Idéalement - idéalement, je dis bien - l'élection au suffrage universel pourrait être nécessairement... La solution pour représenter adéquatement une population, c'est le suffrage universel. Ce système constitue un moyen privilégié pour assurer à la population une relation directe, visible et significative avec les preneurs de décision, c'est évident. Toutefois, nous croyons, en pratique, que le truchement d'un collège électoral et d'un conseil d'administration composé en majorité de personnes déjà élues pour fins d'administration municipale et scolaire constitue une alternative valable.

En plus, on pourrait ajouter - parce qu'on va sûrement y revenir au niveau des questions - que ce collège électoral ou ce conseil d'administration devrait nécessairement rendre des comptes ou devrait être responsable devant un groupe d'élus, une commission parlementaire, ou... En fait, il y aurait peut-être une mécanique à instaurer; mais il serait responsable vis-à-vis les élus. Toutefois, nous pourrions aussi aller plus loin au niveau de cette répartition ou de cette délimitation territoriale, en parlant de sous-région de territoire. C'est une avenue qui pourrait être plus développée; on pourrait y revenir.

Pour conclure, notre système de santé et de bien-être est un système vaste et complexe. Les changements qu'on y apporte ont toujours des répercussions multiples, tant sur ceux qu'il veut servir que sur ceux qui en assurent le fonctionnement. C'est pourquoi on devrait s'en tenir à des changements significatifs susceptibles de générer des bénéfices pour la population.

Le projet de loi propose des changements que nous jugeons significatifs. À ce titre, mentionnons l'orientation du système vers des résultats à atteindre; une option claire en faveur d'une plus grande responsabilisation de la population et, , pour ce faire, une régionalisation fondée sur une réelle délégation de pouvoirs. Les moyens proposés peuvent être améliorés et nous nous sommes permis des suggestions à cet effet. Nous sommes, par ailleurs, d'avis que ces moyens ne devraient pas être diminués. Ils constituent la condition sine qua non d'une véritable réforme. Je vous remercie. (12 h 15)

La Présidente (Mme Marois): Merci. M. Champagne. M. te ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. Je suis très heureux que vous ayez pris la liberté de venir nous sensibiliser à certains écueils quant à la régionalisation. Je pense que c'est tout à votre honneur, parce que vous auriez pu facilement dire: C'est une mauvaise expérience qu'on a vécue, malgré le fait qu'on en tire certaine formation personnelle - ou une déformation personnelle, selon le point de vue qu'on prend. Vous auriez pu vous dire: On reste chez nous et que d'autres se débrouillent avec les problèmes maintenant. Il faut souligner votre courage de venir en commission parlementaire nous dire des choses qui... ne choquent pas, car la vérité, règle générale, si ça choque, c'est que le gars qui se choque, il a peur de la vérité. Donc, moi ça ne me choque pas.

Évidemment, on va fouiller ensemble qu'est-ce que ça veut dire en termes concrets sur le terrain, pour tenter d'éviter ce genre d'erreur là. Il faut quand même dire que vous y allez... Quand j'ai lu le résumé, j'ai dit: Woop! Il y a quelque chose là qu'il faut fouiller davantage en commission pour éviter ce genre d'erreur. Alors, vous parliez de volonté politique qui pourrait être là à l'époque, au moment où il y a eu cette décentralisation, mais qui a été battue en brèche par les fonctionnaires, donc, du MSSS; il peut y en avoir au central, il peut y en avoir dans les régions, il peut y en avoir un peu partout.

J'aimerais ça qu'on puisse vous entendre davantage, parce que vous avez ajouté, dans la présentation, tantôt, des CRSSS contrôlés par les établissements. Ça c'est très important. Je voudrais, si on pouvait, ensemble, fouiller cette problématique-là pour tenter d'éviter le même genre d'erreur.

M. Champagne: Je peux vous donner une première réponse et je laisserai à mes collègues, après ça, le soin d'ajouter à cette réponse, qui est nécessairement incomplète. Personnellement, ce que je comprends, ce que j'entends, ce que j'ai vécu, c'est que des présidents, des gens qui viennent de l'extérieur, comme moi et d'autres, qui ne sont pas dans le réseau, nous avons beau nous impliquer, prendre connaissance des documents, regarder ce qui se passe, suivre les événements et tout ça, il reste qu'il y a une mécanique, une articulation au niveau des budgets, au niveau des programmes, ainsi de suite, qui est quand même très - pas nécessairement compliquée - mais qui est très assise, devrais-je dire, qui est très difficile à mouvoir. Le profane qui se retrouve dans un conseil d'administration vis-à-vis ces présentations qui

viennent des représentants d'hôpitaux, des représentants d'établissements de services sociaux, etc., on est un peu là, on écoute et on se demande ce qui nous reste comme marge de manoeuvre une fois qu'on nous a expliqué qu'il y avait tant de budget d'alloué pour tel type de programme et que pour, je ne sais pas moi, pour les établissements pour les handicapés mentaux ou autres, c'est limité à ça et on nous amène à l'intérieur de ça, naturellement, des actions qui sont très bien articulées à l'intérieur...

Ce que je veux dire, M. le ministre, c'est que, par la force des choses, n'étant pas des gens élus vraiment, au sens que nous ne sommes pas des élus municipaux ni des élus scolaires, nous sommes un peu à la merci des directeurs ou des établissements qui ont toute une dialectique, qui ont tout un langage, qui ont tout un "background" vis-à-vis lesquels les gens qui ne participent qu'à des conseils d'administration ne peuvent pas toujours réagir assez rapidement. Et dans ce sens-là, les gens, entre eux, se tiennent au niveau... Les gens des établissements se tiennent entre eux dans une région. C'est normal. Une journée, on accorde telle chose pour tel budget à tel établissement, et on sait très bien qu'au prochain conseil d'administration c'est le tour de rôle. C'est normal, c'est comme ça que ça fonctionne. C'est dans ce sens-là, personnellement - là, je ne parle pas au nom des autres - que j'entends qu'il y a un contrôle des établissements, des CRSSS par les responsables d'établissements. Maintenant, peut-être que mes collègues pourraient ajouter d'autres dimensions à cette explication.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Tousignant.

M. Tousignant (Gérard): Mme la Présidente, je crois que la réalité très concrète... D'abord, je voudrais reprendre un commentaire que M. le ministre faisait, à savoir que, de fait, ce n'est pas une expérience frustrante. Au contraire, si on vient ici, c'est parce qu'on voit poindre quelque chose, disons, au bout du tunnel. C'est que, dans le fond, par le fait d'avoir été au CRSSS on constate qu'il y là des potentialités véritables de faire des choses, mais qui ont été bloquées par un ensemble de contraintes. Je pense qu'il en a été fait mention précédemment. Personnellement, le sentiment qu'on pouvait avoir au CRSSS, c'était le fait, justement, de ne pas avoir cette assise en se disant: Bien, mais à qui on répond? Comme CRSSS on veut agir; comme citoyen bénévole qui intervient là-dedans, on se dit: Pour qui on agit? On veut agir pour notre région, mais à qui on répond? De qui on détient la légitimité de notre présence là-dessus? Et le seul fait d'avoir un nombre important de personnes qui représentent des établissements sur le conseil d'administration, comme disait M. Champagne, je pense que ça va de soi par rapport à ça. donc ce qu'il faut rechercher, en ce qui me concerne, c'est, justement, une assise qui va refléter un ancrage régional par rapport à ça.

La Présidente (Mme Marois): Mme Lalan-cette, vous vouliez intervenir aussi?

Mme Lalancette (Denise): Oui, s'il vous plaît. Je pense que l'ordre des réflexions se fait dans l'ordre dans lequel nous avons été président, et probablement que l'évolution s'est faite dans ce sens-là aussi. En même temps que je peux concorder avec ce que mes collègues ont avancé, j'ai pu aussi être témoin de progrès qui se sont réalisés. Au fur et à mesure qu'on est arrivé à développer des programmes régionaux, et au moment où on vise l'attribution de budgets par programme, et effectivement, de plus en plus, ils sont venus dans ce sens-là, à ce moment-là cela a exigé une concertation de diverses catégories d'établissements pour un même programme. Et là on a eu cette concertation au niveau des établissements, on a vu l'établissement de programmes qui répondaient à des besoins identifiés pour les populations, et on arrivait à créer un réseau de services plutôt qu'un réseau d'établissements. À ce moment-là, c'est vrai que l'expertise, le jargon peut toujours nous être servi, surtout par les très nombreux représentants d'établissements qui siégeaient au niveau des conseils régionaux, mais, en même temps, moi, ça me donne beaucoup plus de confiance, comme administratrice, au moment où je sens qu'il y a eu une concertation dans le but d'offrir des services qui répondent à des priorités et qui tiennent compte également de défis et d'enjeux qu'on a identifiés dans notre région, soit, par exemple, axer davantage sur la prévention, axer sur les besoins dans les sous-régions. Et ce qu'on a pu découvrir en cours de route et ce qui s'est développé, ça a été effectivement de la concertation.

Maintenant, nos collègues de l'actuel Conseil régional vous ont signalé l'interférence qui s'est parfois produite par des gens du ministère, il est arrivé un incident, d'illustre mémoire, qui s'est passé chez nous, il y a quelques années, au moment où les établissements de la santé étaient arrivés à se concerter pour se répartir... Écoutez, ce n'était pas 1 000 000 $, c'était 52 000 $, dans le domaine de la santé mentale. Ils étaient arrivés à dire: Oui, tel établissement aura ça, tel autre... Ils étaient arrivés à le faire. Et au moment où l'argent est arrivé de Québec, il y avait aussi une note disant: Vous devez le donner entièrement à tel établissement. Ça a été la dernière fois que les représentants de ces établissements se sont assis ensemble pour se concerter, à ma connaissance. C'est une caricature, mais c'est une caricature qui s'est produite.

Et si on veut assurer l'assise dans la

région, on a plein d'établissements qui ont leurs racines, qui sont très ancrés dans la population, on a également les organismes communautaires qui doivent faire partie de l'élaboration de ces programmations. Et c'est de cette façon-là qu'on arrivera à avoir la concertation des établissements, l'ancrage dans la population et donc un conseil régional ou une régie régionale qui pourra établir des programmations et qui sera redevable, imputable à ces citoyens, mais qui, aussi, devra avoir une imputabilité au niveau de ceux qui retiennent ou qui prélèvent nos impôts et qui les répartissent par la suite.

La Présidente (Mme Marois): Merci, madame. Ça va? Peut-être une autre question?

M. Côté (Charlesbourg): Oui, parce que ça m'apparaît très important. Ce que vous soulevez comme problème fondamental, c'est que des gens des établissements qui viennent au CRSSS sont en conflit d'intérêts quant aux décisions à prendre parce qu'ils représentent d'abord leur établissement au lieu de représenter des bénéficiaires. Ça, c'est une question à laquelle s'était adressée la réforme, et vous avez vu le tollé de protestation quant aux conseils d'administration unifiés ou au fait qu'on voulait que le corps médical ou d'autres professionnels ne soient pas à l'intérieur du conseil d'administration de l'établissement où ils peuvent décider. Donc, ça me paraît un point très important que vous soulevez; il y en a d'autres, l'universalité... On comprend que le message qui est passé c'est que des bénévoles pris dans le système au niveau du CRSSS ou d'un autre établissement sont vite inondés par les papiers et par les différents intervenants.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Champagne.

M. Champagne: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Marois): Oui. il y a madame, aussi, je pense, qui voulait intervenir.

M. Champagne: Un point qu'on n'a pas le temps d'approfondir, mais on considère que ce n'est pas suffisant de parler de régions. Je pense qu'H faut aller au niveau des sous-régions...

M. Coté (Charlesbourg): Oui.

M. Champagne: ...il faut aller, si nécessaire, dans une sous-régie, et nous croyons - je pense à notre expérience, en Estrie - que les MRC, je tiens à le mentionner, demeurent peut-être un modèle idéal pour ces sept sous-régies ou régions-là: on y retrouve les ressources, les établissements et ainsi de suite.

La Présidente (Mme Marois): Vous vouliez ajouter une phrase?

Mme Lalancette: Je ne sais pas si j'irais, Mme la Présidente, aussi radicalement que M. le ministre vient de le faire. Des corps professionnels souhaitent être représentés, et je n'isolerai pas plus les médecins que d'autres, que des gens d'autres professions. Ce que je crois très important, c'est que les intervenants comme des citoyens concernés par des problématiques données soient présents au niveau des programmations, et je pense que c'est là le pouvoir qui est peut-être le moins officiel. Officiellement, c'est le conseil d'administration qui a le pouvoir, mais la préparation du dossier, la programmation elle-même, doit faire appel et aux citoyens qui ont des besoins à exprimer, qui connaissent leurs priorités de santé, qui savent ce à quoi ils attribuent le plus de valeur, et, également, je pense qu'on a besoin d'intervenants qui, eux, ont des remèdes - pas en termes pharmaceutiques - qui ont des solutions à proposer pour ces problématiques-là. À ce moment-là, moi, je pense que je vivrais moins de tiraillements au niveau d'un conseil d'administration, au moment où le document qui nous arrive est le fruit dune concertation et des besoins identifiés, et de solutions proposées par des personnes qui ont une compétence pour en proposer et qui l'ont échangée avec des personnes qui présentent leurs besoins.

La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Trudel: Merci beaucoup. Il y a eu ici, devant cette commission, à peu près trois catégories de présentation: tout le monde du réseau, des corporations, appartenant au système; deuxième catégorie, la semaine dernière, comme on se l'est fait dire par les familles d'accueil, les gens du "GBS", du gros bon sens; et, ce matin, l'expérience. C'est intéressant d'avoir pris la peine de venir à la commission pour nous noter, nous rappeler, avec l'expérience que vous avez, l'histoire de l'évolution de ce système. Au moment où on s'apprêterait à en modifier certains paramètres de façon assez radicale et probablement pour longtemps, il est important que vous puissiez nous dire ce qui marche et ce qui ne marche pas dans ce système-là. Question bien simple: Comme président d'un conseil, sentiez-vous que vous aviez du pouvoir? En aviez-vous du pouvoir ou si c'était factice?

La Présidente (Mme Marois): M. Champagne.

M. Champagne: Monsieur, on a le pouvoir qui nous est légué, habituellement, qui nous est donné. Comme présidents du Conseil, nous étions là, d'abord, parce que nous étions mandatés par un groupe quelconque. Nous n'étions pas là à titre individuel. On ne se présente pas comme ça

pour être au CRSSS. Et, à l'époque, dans mon expérience, je travaillais avec des municipalités, un certain nombre d'organismes, et c'était les municipalités - dans le processus de l'époque, en tout cas; je ne sais pas si c'est encore comme ça aujourd'hui; Mme Lalancette m'a ramené vite que j'ai déjà 10 ans de passés -...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Champagne:... mais, il y a 10 ans, c'était comme ça. Ha, ha, ha! Alors, à ce moment-là, en 1980, sans être des représentants ou le porte-parole des municipalités, j'étais quand même conscient qu'il y avait un groupe d'élus, de gens qui avaient dit: Ce monsieur-là, on va le déléguer. C'est lui qui va nous représenter au Conseil des services sociaux et de la santé des Cantons-de-l'Est, de l'Estrie. Et, à ce moment-là, les gens avaient décidé entre eux qui serait président. Et c'est à ce titre-là... En tant que président, je représentais un certain nombre d'autres représentants qui étaient sur le conseil d'administration. À ce niveau-là, oui, nous avions un certain pouvoir. Mais le pouvoir a aussi une autre condition: il faut qu'il soit éclairé. Il y avait peut-être un petit problème. Peut-être que je n'étais pas, qu'on n'est peut-être pas toujours bien éclairé ou - il faut le reconnaître - parfois, on ne prend pas toujours la peine de lire des journées d'avance tous les documents qui nous sont confiés même si on suit et si on prend connaissance de nos documents. (12 h 30)

C'est dans ce sens-là que je mentionnais tout à l'heure que, parfois, des bénévoles, des gens qui ne sont pas dans le système peuvent avoir certaines difficultés. Et je ne parle pas uniquement en mon nom personnel, parce que j'ai vécu d'autres conseils d'administration dans d'autres disciplines. Les bénévoles auront toujours un peu de difficulté à rester au même diapason et à réagir rapidement aux arguments ou aux choses qui se passent au niveau d'un conseil d'administration. Ça fait partie de la vie. Le pouvoir est conditionné par ces conditions-là. On pourrait en mentionner d'autres, mais c'en est deux importantes, je pense.

La Présidente (Mme Marois): Mme Lalancette.

Mme Lalancette: Je pense qu'on a ici une notion qui est importante et c'est la notion de durée de mandat. Je dois dire que... Peut-être que j'ai senti que j'avais plus de pouvoir, parce que j'ai été... Je suis arrivée au conseil d'administration du CRSSS, mon collègue, M. Champagne était président. J'en suis sortie par les mesures de la loi et j'y suis revenue. Évidemment, plus on devient familier avec les dossiers, plus on peut acquérir de pouvoir pour contribuer à des décisions. Pour avoir eu une fois l'occasion de prendre un vote prépondérant, je pense qu'on en a pas mal de pouvoir cette journée-là, mais ça arrive une fois...

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Marois): Vous trouviez que vous en aviez trop, là, hein? Ha, ha, ha!

Mme Lalancette: C'était beaucoup, mais je pense que la durée des mandats a un effet là-dessus. Encore une fois, je pense que si, pendant qu'on y est, on est capable de sentir la concertation de l'ensemble des intervenants du réseau des établissements concernés et de la population dans la confection d'un dossier, sa clarté... personnellement, ça me tranquillise beaucoup la conscience par rapport à la lucidité avec laquelle je peux participer à une prise de décision.

La Présidente (Mme Marois): M. Tousignant.

M. Tousignant: Par rapport à l'expérience de l'Estrie, il y a des éléments, à mon sens, très positifs, qui ont été... toute cette concertation qui s'est développée, de multiples commissions qui ont été mises en place et, malgré le fait qu'il n'y avait pas de pouvoir formel comme tel, il y avait comme une préoccupation d'essayer de développer au moins un pouvoir d'influence, d'essayer de faire, parce qu'en Estrie le modèle était comme ça, de réussir quand même à utiliser cette occasion-là pour susciter des solidarités.

L'autre volet: il faut bien se dire qu'il s'agit d'un processus. On ne peut pas demain matin changer un modèle comme ça. Je pense qu'il faut penser en termes de processus. Le modèle de l'Estrie a le mérite, quant à moi, d'avoir tenté des choses et d'avoir suscité des solidarités. Ce qui fait que, peut-être, comme ça a été souligné, l'Estrie sera en mesure dès demain d'assumer un mandat de décentralisation et de vraiment le conduire.

Par mandat de décentralisation, quant à moi... M. le ministre parlait de respect intégral des programmes; moi, je soumets que, si la décentralisation ne conduit pas, compte tenu cependant que les objectifs seraient respectés, à une transférabilité possible, je pense qu'on vient de limiter beaucoup le concept de décentralisation. Il me semble qu'avec les efforts de rationalisation des régions il pourrait se dégager des marges de manoeuvre à l'intérieur des programmes et elles devraient pouvoir à ce moment-là les appliquer à des priorités régionales. Dans le fond, en d'autres termes, il faudrait que la bonne gestion devienne payante pour une région et non pas, comme cela s'est vécu il y a quelques années: les établissements qui faisaient des déficits se sont vus gratifier et bonifier parce que le gouvernement a nettoyé, a lavé les déficits, alors qu'une région comme la nôtre, qui avait fait des efforts inouïs de rationalisation,

n'a rien reçu, n'a pas eu de bonification à la bonne gestion.

Je terminerais par une image. Quand on parle de décentralisation, quant à moi, on ne parle pas de peinture à numéros. Vous savez, ces espèces de tableaux où on dit: au no 43, c'est la peinture jaune. Ce qu'on veut, on veut bien qu'on fasse des paysages mais, ensuite, laissons l'ouvrier choisir sa couleur et présenter un produit fini.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le député.

M. Trudel: M. Tousignant, dans la vraie vie, vous êtes directeur général d'une commission scolaire, la commission scolaire de Coaticook.

M. Tousignant: C'est ça.

M. Trudel: Et recommandation de votre groupe dans le mémoire: suffrage universel. On achète ça. Comment va-t-on éviter recueil? Vous savez lequel...

M. Tousignant: Ah oui. Ha, ha, ha!

M. Trudel: ...de 10 %, 15 % au niveau du suffrage universel. C'est un principe extrêmement intéressant, mais H y a une expérience dans un secteur qui nous amène à y réfléchir quand on affirme cela. Comment on va éviter cela?

M. Tousignant: Je suis très heureux que vous souleviez la question parce qu'un des facteurs de la démotivation - en tout cas, un point de vue personnel - c'était justement, en éducation, peut-être, le sentiment que la population avait que, au plan politique, il y avait peu de marge décisionnelle. Donc, l'élection, ça ne valait pas le coup.

Les commissions scolaires, en cohérence avec cette proWématique-là qui était identifiée, demandent... puis là, évidemment, H y a une réponse qui se présente que je ne commenterai pas, là, c'est qu'on s'en va vers une volonté, à ce qu'on peut percevoir, d'une augmentation des responsabilités. Bon, si on applique ça maintenant à la santé et aux services sociaux, c'est vrai que ce problème-là existe et, personnellement, je ne verrais pas une structure de suffrage universel régionale parce que ça ne colle pas, à mon sens, aux réalités d'appartenance. L'appartenance, elle est d'ordre sous-régionale. Et, après avoir réfléchi un peu là-dessus, je me dis que, si on prend une région comme l'Estrie, il serait très possible de penser à une structure sous-régionale où la régie - d'ailleurs, ça éviterait ce que soulevait l'interrogation de M. le ministre, qui craignait un pouvoir trop fort au plan régional - bon, je pense qu'il faut un pouvoir à paliers. D'abord, il y a le pouvoir du ministre; II y a le pouvoir régional, puis on doit prévoir aussi des pouvoirs sous-régionaux avec, là, une réalité de représentation, qui peut soit s'accoler aux municipalités, aux MRC, ça, il faudrait... Je ne pense pas qu'il y ait lieu de... Dans le fond, il faut partir d'un réseau de base et H ne faudrait pas essayer d'en recréer un neuf qui pourrait ne pas donner les résultats escomptés.

M. Trudel: Merci...

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. le député.

M. Trudel: Alors, merci beaucoup de votre représentation et de cette réponse, en particulier, qui donne une bonne perspective de ce que pourrait être, au niveau de la représentation, de ce que cela pourrait être... et c'est malheureux qu'on ne puisse pas poser de question à M. Champagne sur lïmputabilité à tous les niveaux.

La Présidente (Mme Marois): Ha. ha, ha!

M. Trudel: Ici, à Québec, tous les ans, nous faisons défiler Hydro-Québec pour ses argumentations au niveau de ses augmentations de tarifs, tandis que, au niveau de la santé et des services sociaux, pour 10 500 000 000 $, c'est à tous les 10 ans, 12 ans, à peu près, qu'on reçoit les gens pour voir dans le système; là aussi, ii y aurait peut-être quelque chose a regarder.

La Présidente (Mme Marois): Merci. M. Trudel: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Bon voyage de retour! On espère bien que, dans cette réforme-là, vous pourrez retrouver certains éléments qui... et même plusieurs éléments qui ont fait l'objet de vos préoccupations. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Merci de votre contribution aux travaux de la commission. Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 h 30.

(Suspension de la séance à 12 h 38)

(Reprise à 15 h 40)

La Présidente (Mme Marois): À l'ordre, s'il vous plaît! Si les membres de la commission veulent bien prendre place autour de la table, nous allons reprendre nos travaux.

Nous recevrons cet après-midi trois groupes: le Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence, dans un premier temps; ensuite, le Regroupement des maisons de jeunes du Québec

et nous terminerons à 17 h 30 par les Groupes socio-communautaires de la région de l'Estrie.

J'inviterai donc la présidente, j'imagine, du Regroupement à se présenter et à présenter les personnes qui l'accompagnent. Ensuite, vous procédez à la présentation de votre mémoire, une vingtaine de minutes, et le temps qui reste se partage entre les deux formations politiques pour des échanges, des discussions, des questions avec vous. D'accord?

Regroupement provincial des maisons

d'hébergement et de transition pour

femmes victimes de violence conjugale

Mme Rossignol (Lise): Oui. Je suis Lise Rossignol, présidente du Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour femmes victimes de violence conjugale, également intervenante dans une maison d'hébergement à Gatineau. À ma droite, à côté de moi, Colette Breton, une femme qui a vécu de la violence conjugale et qui est maintenant intervenante dans une maison de Montréal; ensuite, Lilianne Côté, secrétaire de l'exécutif du Regroupement provincial, qui était intervenante dans une maison d'hébergement de Québec, et Elizabeth Harper, trésorière de l'exécutif du Regroupement, qui est intervenante dans une maison de Montréal.

Serait-ce possible de prendre quelques minutes, rapidement, pour que les membres de la commission qui sont présents ici se nomment, excepté vous, Mme la Présidente, car nous vous connaissons, mais les autres, peut-être un peu moins, afin de pouvoir mettre un nom sur leur visage?

La Présidente (Mme Marois): Oui, certainement. Je suis persuadée que mes collègues n'auront aucune objection et, comme ils sont assez grands pour faire ça eux-mêmes, ils vont le faire. Monsieur...

M. Gautrin: Oui, Henri-François Gautrin. Je suis le député de Verdun, madame.

Mme Loiselle: Nicole Loiselle, députée de Saint-Henri. Bonjour.

M. Joly: Jean Joly, député de Fabre.

M. Paradis (Matapédia): Henri Paradis, député de Matapédia.

M. Côté (Charlesbourg): Marc-Yvan Côté (Charlesbourg).

La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha! Bonjour. Pauline Marois (Taillon).

M. Trudel: Rémy Trudel, député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

La Présidente (Mme Marois): Voilà. Mme Rossignol: Merci.

La Présidente (Mme Marois): II est possible que d'autres députés se joignent à nous parce que la commission n'est pas actuellement complète compte tenu qu'il y a des gens à l'Assemblée et dans d'autres commissions. D'accord?

Mme Rossignol: Parfait. Avant de débuter, je veux simplement vous rappeler rapidement que nous avons participé aux mémoires des groupes de femmes, ce qui signifie que nous adhérons, entre autres, à leur définition de la santé, au financement des regroupements par le provincial et à la non-régionalisation des budgets des maisons d'hébergement.

Notre présentation va se faire en trois parties. D'abord, Colette Breton vous parlera de son vécu de violence. Ensuite, je vous présenterai en gros ce qu'est le travail en maison d'hébergement et en quoi nous sommes différentes. Elizabeth Harper et Lilianne Côté vous entretiendront ensuite des effets de l'avant-projet de loi sur les maisons d'hébergement. Alors, je laisse la parole à Colette.

Mme Breton (Colette): Effectivement, moi, j'ai vécu pendant 23 ans la violence avec un conjoint qui n'a pas lésiné sur les coups, tant claques, coups de poing, coups de pied, coups de "strap". J'ai vu passer chez nous des tas d'ovnis, des espèces d'objets volants non identifiés. Et, quelque part, vous devez vous demander pourquoi on peut vivre ça pendant 23 ans.

Pendant 23 ans, c'est long, mais il y a eu auparavant une espèce de processus que chez nous on appelle la victimisation. Un processus qui a fait que je me suis ancrée, je me suis laissé ancrer dans cette violence, je me suis laissé responsabiliser. J'ai essayé plusieurs fois de m'en sortir et, chaque fois, j'ai été retournée à mes devoirs.

Je suis sortie plusieurs fois. J'ai été chez ma mère. Et ma mère, qui connaissait la peur du conjoint violent, la peur des difficultés à la maison, parce qu'il y avait des frères et soeurs, me retournait chez moi en me disant que c'était mon devoir de mère de rester avec mes enfants et de maintenir la famille. Je suis aussi allée chez un médecin, qui en a profité pour se payer un "trip" de sadomasochisme. Je suis allée aussi consulter un psychiatre et, pendant huit ans, on m'a appris à faire mes devoirs de mère de famille, mes devoirs d'épouse. On m'a appris à "céduler" mes journées, a ne rien faire qui puisse provoquer sa violence. Je suis aussi allée consulter un curé qui, lui aussi, m'a remis devant mes devoirs: j'étais mariée pour le meilleur et pour le pire, et je n'avais qu'à continuer dans le mariage.

De tous ces devoirs, j'ai appris à prévenir,

de toutes les façons, la violence qui se vivait chez nous. Alors, j'ai tout fait. J'ai fait cuire de bons repas, à son goût. J'ai ramassé tes jouets. J'ai appris aux enfants à éviter papa. J'ai appris à maintenir une maison ultra-propre. Et, finalement, chaque fois que je faisais un acte de prévention, je recevais d'autres coups, parce que ce n'était pas suffisant et ce n'était pas son problème de devenir agresseur parce que j'avais fait ou pas fait telle chose. Son problème était en lui, son problème était aussi celui de la société.

Alors, le jour où j'ai décidé de partir et où je suis restée dehors, ça a été un jour, après un mois de menaces, où il m'avait fait voir de quoi j'aurais l'air pas de tête, parce qu'un coup de carabine, ça pourrait me la faire éclater. Il m'avait fait voir des images de ce dont j'aurais l'air, donc, des cheveux au plafond, des morceaux de crâne collés sur les murs, des lambeaux de chair, du sang partout, et il me disait, comme ça: Tu vas mourir comme t'as vécue, pas de tête. Et, quand mon fils est arrivé, un matin, en me disant: On est allé voir les carabines au Canadian Tire, hier, et papa, ce soir, s'achète une carabine, moi, j'ai eu peur, très peur. J'ai eu peur pour moi, j'ai eu peur pour mes enfants, parce que je le savais capable de le faire, pour l'avoir vu utiliser une auto pour essayer d'écraser les enfants, pour l'avoir vu utiliser des outils, tels qu'une perceuse électrique, pour battre... Alors, quelque part, je le savais capable de le faire et j'ai cherché un endroit où aller. Chez ma mère, c'était bien sûr que je ne pouvais pas y aller, parce qu'il me retrouverait là; chez les amis aussi, et je savais que je compromettais leur sécurité si j'allais là.

Alors, le seul endroit que je connaissais, c'était le Chaînon. Je me suis adressée au Chaînon; on m'a dit: On ne te prend pas avec les enfants. On m'a référé la Maison du réconfort à Verdun et je suis allée là avec mes enfants. Je suis allée vivre avec d'autres femmes victimes de violence et j'ai trouvé ça très enrichissant de savoir que je n'étais pas la seule au monde, que je n'étais pas la seule coupable, honteuse, peureuse. J'ai reçu accueil, hébergement, accompagnement, information. J'ai reçu de l'écoute et j'ai aussi trouvé là, pour la première fois de ma vie, des renseignements sur mes droits. On m'avait maintenue pendant toute ma vie dans mes devoirs et, là, on allait me mettre devant mes droits. Et, oui, comme toutes les autres femmes victimes de violence, j'ai le droit de vivre, j'ai le droit à mes opinions, j'ai le droit d'être, j'ai le droit de ne pas être battue, j'ai le droit d'être respectée. Et, quelque part aussi, aujourd'hui, j'ai l'impression que je viens juste revendiquer mes droits à moi et les droits de toutes les femmes victimes de violence. Merci.

Mme Rossignol: O.K. On est ici pour parler de lavant-projet de loi. Pour nous, cet l'avant- projet de loi a été pondu pour améliorer les services du réseau des affaires sociales, afin que ceux-ci soient plus efficaces et mieux centrés sur les besoins des individus. C'est bien possible, après toutes ces auditions et après certaines corrections que vous allez apporter, que le projet de loi puisse atteindre des objectifs positifs dans le cas des CLSC hôpitaux, CSS, etc. Mais dans le cas des maisons d'hébergement, elles se retrouvent un peu embarquées dans le bateau, parce que je ne pense pas qu'on ait pondu l'avant-projet de loi pour elles. Les maisons d'hébergement ont été embarquées en cours de route. Certains aspects de cet avant-projet vont handicaper l'originalité et l'efficacité de notre approche comme maisons d'hébergement. Ceci parce que nous, nous ne fonctionnons pas par programmes, parce que nous sommes déjà centrés sur les besoins de l'individu, et parce que nous avons déjà une préoccupation de prévention et de sensibilisation. Autrement dit, nous abordons déjà le problème d'une manière globale et nous aidons les femmes dans la globalité de ce qu'elles sont. C'est une simple question d'efficacité pour nous.

Les maisons d'hébergement ne sont pas nées d'une politique, d'une refonte ou d'une réforme ou de quelque autre chose. Elles sont nées des besoins des femmes. Les services qu'on y trouve, la forme de ces services, aide, hébergement pour femmes et enfants, suivi, sensibilisation, ont été voulus par les femmes. Personne n'a décidé pour elles ce dont elles avaient besoin. Depuis 12 ans, notre service est resté collé aux besoins de chaque femme, puisque, pour nous, c'est la raison de notre existence. C'est quelque chose qu'on n'a vraiment pas perdu de vue. C'est pourquoi nous avons un service de 24 heures, 7 jours, un service d'urgence. Et, pourtant, c'est un service difficile à maintenir, parce qu'un besoin d'aide, ça n'attend pas au lundi matin, à 9 heures et parce qu'on travaille dans une problématique qui peut conduire à des tragédies. Une femme sur deux assassinée au Québec l'est par son conjoint.

C'est pourquoi nous avons adopté une approche globale. Nous ne travaillons pas avec un seul des aspects de la femme. Nous travaillons avec l'ensemble des facteurs qui la concernent. Nous ne sommes ni spécialisées ni sectorisées. Nous travaillons avec dévictimisation, sa relation avec ses enfants, sa relation avec son partenaire, avec les autres personnes. Nous l'accompagnons pour aller chercher ses effets personnels, dans ses démarches juridiques, financières, matérielles, etc. Nous offrons un suivi ayant la forme et la longueur dont elle a besoin. Nous favorisons l'entraide entre les femmes et nous sensibilisons le public à la problématique.

Autrement dit, nous n'avons pas un service avec programmes où les femmes victimes de violence doivent absolument trouver ce dont elles ont besoin. En somme, une femme victime de violence peut obtenir, chez nous, l'ensemble des

services dont elle a besoin ou l'accompagnement et le soutien pour d'autres services plus spécialisés qui sont à l'extérieur, par exemple pour des services juridiques.

Elle trouve donc, dans une maison d'hébergement, des intervenantes qui l'aident dans toutes les décisions qu'elle prend et d'autres femmes victimes de violence conjugale qui l'aident tout autant. Elle trouve aussi un service qui n'a pas oublié la raison de son existence, qui est: les femmes victimes de violence conjugale et l'amélioration de la condition des femmes. C'est ce en quoi, pour nous, les maisons d'hébergement sont différentes des institutions du réseau.

Mme Côté (Lilianne): Je vais continuer en parlant du partenariat. Dans le document d'orientations du ministère, la reconnaissance des organismes communautaires passe par la volonté de collaborer avec les autres partenaires du domaine de la santé et des services sociaux; on fait même de la collaboration une condition de financement. C'est ce qu'on appelle le partenariat.

L'avant-projet de loi reprend cet énoncé à l'article 3, mais de façon plus générale, en ne faisant pas du partenariat, fort heureusement, une condition de financement pour les organismes communautaires. La nécessaire collaboration et la concertation entre les différents intervenants du réseau et les organismes communautaires sont énoncées à l'article 244 de l'avant-projet de loi. Le Regroupement provincial des maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale est d'accord en théorie avec l'idée du partenariat, permettant ainsi une meilleure compréhension des rôles de chacun des différents dispensateurs de services.

Concrètement, comment le tout s'articule pour nous? Je pense qu'à l'heure actuelle le partenariat, ce n'est pas juste au niveau de la mise en application de cette loi que les maisons d'hébergement et les différents intervenants vont le vivre. Déjà il est inséré dans le milieu; déjà les différents organismes communautaires et les différents intervenants vivent avec le partenariat. Je vais essayer de démontrer un petit peu comment, pour nous les maisons d'hébergement, se concrétise le partenariat.

La régie régionale aura le mandat d'assurer la coordination et la concertation des différents intervenants. Elle devra allouer les budgets, favoriser la concertation et la collaboration des ressources pour tenir compte de la complémentarité établissements organismes communautaires et éviter ainsi le dédoublement dans les services. Ceci n'est pas sans nous rappeler la politique d'aide aux femmes violentées de 1985 du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Comment le MSSS a-t-il élaboré, défini les rôles complémentaires des différents intervenants par rapport à cette problématique? Les maisons d'hébergement travaillaient depuis déjà dix ans à la reconnaissance de la problématique de la violence conjugale pour pallier à l'inexistence des ressources institutionnelles qui n'avaient jamais identifié ni reconnu cette problématique comme prioritaire. Elles voulaient ainsi se faire reconnaître comme milieu privilégié d'intervention auprès des femmes violentées. La politique d'aide a défini les rôles de chacun des divers intervenants auprès des femmes violentées. Ainsi, au lieu d'accorder un véritable financement, une véritable reconnaissance aux maisons d'hébergement pour leur permettre de consolider l'ensemble des services, on a développé dans le réseau des ressources pour intervenir auprès des femmes violentées. Et ainsi aujourd'hui, les maisons d'hébergement se retrouvent financées à peu près à 50 % de leurs besoins réels pour tenter d'offrir tous les services. Qui est devenu le complément de qui? Qui a dédoublé les services de qui? Nous croyons avoir raison de nous méfier du partenariat.

Quelques autres exemples pour illustrer comment se vit le partenariat sur le terrain, disons de façon plus actualisée en 1990. Dans la région 03, rive sud, le comité tripartite en santé mentale a formé un sous-comité sur la violence conjugale pour élaborer un document: "État de la situation sur la violence conjugale comme facteur de risque." Le comité se composait d'intervenants du réseau et d'organismes communautaires, mais les maisons d'hébergement n'avaient pas été invitées. La maison d'hébergement a dû demander à participer au comité lors de la quatrième rencontre. On l'a admise au comité, mais, lorsqu'elle a formulé des recommandations, le comité n'a pas tenu compte de ses recommandations. C'est un autre exemple du partenariat pour les organismes communautaires.

Un dernier exemple qui est encore plus éloquent. Dans la région de Montréal, une entente de services a été conclue entre les policiers de la Communauté urbaine de Montréal et cinq CLSC. Les policiers, lorsqu'ils interviennent dans une situation de crise en violence conjugale, font signer un document à la femme à l'effet qu'elle consent à ce qu'un intervenant social la contacte dans les 48 heures. Les maisons d'hébergement de la région de Montréal ont signifié leur désaccord face à ce projet, parce qu'il est en contradiction avec l'intervention développée en matière de violence conjugale. En effet, la femme qui porte plainte vit une situation de crise et doit pouvoir en discuter rapidement. Les policiers auraient avantage à l'informer sur les ressources telles que SOS violence conjugale ou à la référer dans des maisons d'hébergement, plutôt que de tenter d'inscrire le réseau à l'intérieur de ce travail-là. On sait que les femmes hébergées, les femmes qui réclament, qui sont en situation de crise, ont besoin qu'on intervienne immédiatement. Ce n'est pas dans les 48 heures qu'elles ont besoin qu'on intervienne auprès d'elles, c'est quand elles

vivent la situation de crise.

L'autonomie et la complémentarité des organismes communautaires. Le document d'orientations énonçait que les organismes communautaires définissent eux-mêmes leurs orientations, leurs politiques et leur approche. Cette définition n'est pas reprise dans l'avant-projet de loi. Est-ce un oubli? Ceci nous préoccupe particulièrement quand on sait que nos approches, nos modes d'intervention sont différents de ceux du réseau, comme je viens de le démontrer et comme l'a illustré Use, tout à l'heure.

Un dernier exemple pour illustrer cela davantage. La notion de clientèle est différente pour nous et pour le réseau des CLSC. Pour nous, quand on travaille avec une femme violentée, la clientèle cible, c'est toutes les femmes qui sont susceptibles de vivre la violence conjugale. Il n'y a pas de population à risque, il n'y a pas de population cible, tandis que, pour le réseau, on établit, on définit des populations cibles, des populations à risque. Pour nous, ça contrevient complètement à la façon dont on perçoit la violence conjugale.

Il y a aussi l'atteinte des objectifs. Pour le réseau, pour les CLSC, ce qu'on appelle les indicateurs de performance, ça va être que la femme continue à jouer son rôle de mère et son rôle d'épouse, tandis que, pour nous, ça va être beaucoup plus une question de conscientisation au problème de violence conjugale qu'elle vit.

Pour terminer, je voulais illustrer par des exemples, effectivement, ce que nous autres, on entend par partenariat. Les maisons d'hébergement sont d'accord en théorie, mais, quand on voit dans la pratique ce qui arrive, ce qui se passe, on est très sceptiques et on craint beaucoup par rapport au partenariat. (16 heures)

Mme Harper (Elizabeth): Moi, je veux vous parler de trois aspects qui, nous le trouvons, touchent aux maisons d'hébergement et aux femmes victimes de violence conjugale et, s'il reste du temps, je veux vous parier aussi du principe de la gratuité et de l'accessibilité qui est dans l'avant-projet de loi. Premièrement, je vais vous parier du principe de la confidentialité qui est aux articles 15 et 16 dans lavant-projet de loi. Après ça, je vais parier des règlements municipaux à l'article 202. Après ça, je vais parier de la réglementation des activités de certains organismes communautaires, à l'article 230.

L'article 15 de l'avant-projet de loi parie de la confidentialité du dossier d'un bénéficiaire qui reçoit des services dans un établissement. Les bénéficiaires qui reçoivent des services dans les établissements ont une garantie de confidentialité, sauf que ce même article ne s'applique pas aux personnes qui reçoivent des services des organismes communautaires, par exemple aux femmes victimes de violence conjugale qui viennent chez nous. Certains groupes communau- taires comme nous les maisons d'hébergement ont un règlement qui garantit aux femmes cette protection, mais nous trouvons que la protection de la confidentialité doit être inscrite dans le projet de loi pour tout le monde. Si quelqu'un veut s'adresser à un organisme communautaire ou si quelqu'un veut s'adresser à un établissement, cette personne dort avoir la protection de la confidentialité. Aussi ce principe de confidentialité est très important dans un contexte de partenariat où H peut y avoir cinq intervenants en train de faire des interventions auprès d'une personne, par exemple, s'il y a cinq services sociaux qui interviennent auprès d'une femme victime de violence conjugale. Dans ce sens-là, le principe de la confidentialité est très important et il doit être très encadré.

Il y a aussi l'article 16 qui touche à la confidentialité. Et c'est le troisième alinéa de cet article qui peut priver un bénéficiaire du droit d'être informé de l'existence ou du contenu des informations nominatives inscrites à son dossier, alors que cette information peut avoir été apportée par une autre personne. Pour nous autres, ça veut dire que le dossier d'une femme victime de violence conjugale pourrait fort bien contenir des informations provenant de son agresseur, sans même qu'elle en soit avisée. Nous avons déjà témoigné sur le terrain - nous travaillons avec des femmes victimes de violence conjugale - que souvent le mari va apporter de fausses informations ou porter des accusations contre sa conjointe dans une situation de séparation. Les conjoints violents vont faire ça comme un moyen de reprendre le contrôle de la situation, pour reprendre le contrôle de leur conjointe. Une femme qui est dans cette situation va en vivre les conséquences, compte tenu que des intervenants dans le réseau vont intervenir auprès de cette femme avec cette information qui est déjà dans son dossier. Nous demandons que l'article 16 soit écrit de manière à rendre irrecevable tout renseignement provenant d'un conjoint violent concernant les victimes et que les femmes soient informées de l'existence et du contenu de tout renseignement ou information qui est dans leur dossier et informées aussi de qui a apporté cette information à leur dossier.

Ensuite, je veux parier de l'article 202 qui concerne les règlements municipaux. Cet article favorise une implantation des ressources intermédiaires en stipulant une exception générale aux règlements municipaux en matière d'habitation et de zonage. Nous demandons que cette modification à cet article inclue aussi les ressources communautaires. Nous sommes en train de vivre et on a toujours vécu des problèmes; quand on veut mettre une maison d'hébergement sur pied ou quand une maison veut déménager, souvent on va rencontrer des résistances à cause des règlements de zonage. On veut aussi que les maisons d'hébergement des organismes communautaires soient exemptées des règlements de

zonage. ensuite, je veux parler de l'article 230, qui impose un critère supplémentaire aux organismes communautaires qui hébergent des personnes. cet article 230 nous touche directement, parce que cet article veut que les maisons d'hébergement respectent une moyenne de séjour. pour nous autres, c'est une réglementation et un exemple montrant comment le projet de loi met en danger l'autonomie des organismes communautaires. les durées de séjour en maison d'hébergement pour les femmes sont faites, compte tenu des besoins des femmes. il y a des femmes qui ont besoin de rester en maison d'hébergement quatre semaines, il y a des femmes qui ont besoin de rester en maison d'hébergement six semaines. c'est selon leurs besoins à elles. nous autres, comme maisons d'hébergement, nous trouvons que ce pouvoir de décider des normes de séjour en maison d'hébergement doit nous rester à nous autres, parce qu'on travaille auprès des femmes, on travaille proche et on travaille selon leurs besoins.

Un dernier mot. Il y a l'article 158 qui touche la gratuité des services pour les personnes qui ont besoin de services accessoires et qui donne aux établissements le droit de faire payer les usagers pour ces services accessoires, pour des activités accessoires. Nous autres, on voit ça comme une porte ouverte pour que les personnes soient obligées, à un moment donné, de payer des frais pour avoir des services. On trouve que ça laisse une porte ouverte. Et c'est quoi, la définition d'une activité accessoire? Si on commence à avoir un système où il y a des gens qui paient et des gens qui ne paient pas, ça veut dire qu'on va avoir deux systèmes de santé et de services sociaux.

Une autre chose qui nous touche, c'est un peu le principe de l'accessibilité. Je ne sais pas si vous le savez, mais au Québec, on est en train de refuser une femme sur deux qui a besoin d'avoir des services en maison d'hébergement. Ça veut dire qu'à Montréal, par exemple, on est en train de refuser 162 femmes par maison et pour la région de Québec, c'est à peu près 48. Quand on parle du principe de l'accessibilité, on trouve que le gouvernement a un rôle à jouer, de consolider les ressources existantes et d'accréditer d'autres ressources pour que toutes les femmes à travers la province de Québec aient accès à des services de bonne qualité donnés dans les maisons d'hébergement. Merci.

La Présidente (Mme Marois): merci. j'imagine que cela fait le tour de la présentation que vous vouliez nous faire. m. le ministre de la santé et des services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. Vous abordez des thèmes dans votre mémoire qui sont au centre de l'action que vous menez et qui font appel au partenariat. Évidem- ment, vous l'avez présenté tantôt, mais j'avais retrouvé: partenariat, oui. Je pense que le mémoire nous dit oui. Le Regroupement souscrit au mode d'organisation de services de base retenu dans l'avant-projet de loi. Il considère même que le partenariat est une stratégie-clé. Toutefois, il déplore... Je pense que c'est davantage ça qu'il faut creuser à ce moment-ci: comment est-ce que ça peut se faire, ce partenariat-là? Évidemment, le ministère peut avoir une vision différente de vous autres et, vous autres, une vision différente de celle du ministère. Je pense que c'est peut-être tout à fait normal dans les circonstances. Ça n'élimine pas qu'on puisse se comprendre dans notre complémentarité et dans notre partenariat. Tentons de faire l'effort de faire ce cheminement-là et je pense que ça tracerait une bonne partie de la voie pour les décisions qu'on va prendre.

On dit: Toutefois, il déplore que le partenariat résulte davantage d'une stratégie imposée d'en haut que d'une relation de confiance. Alors, évidemment, en haut, il n'y en a pas bien bien. En haut, c'est le ministère et ce n'est pas le ministère dans les régions. On n'aime pas cette excuse-là et on ne veut même pas la considérer. Alors, j'aimerais qu'on élabore davantage là-dessus, parce que, effectivement, dans les objectifs qu'il y avait dans le document d'orientations, il y avait des choses qu'on ne retrouvait pas de manière aussi claire dans le libellé du projet de loi quant aux organismes communautaires, quant à leur autonomie de se définir, de choisir les champs d'action dans lesquels ils veulent oeuvrer et ça, ça m'apparaît extrêmement important. Je l'ai dit: On va le clarifier au niveau du projet de loi qui va venir, de manière très claire pour ce que ce soit conforme au document d'orientations.

Mais, ce serait quoi, pour vous, le partenariat? Est-ce que ça va se limiter à dire au ministère: Vous payez 50 % de ce que vous devriez payer ou vous financez 50 % des besoins? Il vous faut donc aller encore plus avant avec de l'argent, parce que c'est toujours une question d'argent au bout de la ligne. Est-ce que c'est ça? Le partenariat au niveau du ministère, est-ce que ça signifie, demain matin, qu'on double la mise et qu'en doublant la mise il y a une bonne chance de répondre aux besoins un petit peu partout à travers le Québec ou si ça peut aller plus loin que ça, en termes de partenariat qui ne soit pas imposé d'en haut?

La Présidente (Mme Marois): Mme Rossignol, Mme Côté, qui veut répondre? Mme Breton ou... Mme Côté?

Mme Côté: Je peux tenter de répondre un petit peu, là. D'après l'exemple que je donnais tout à l'heure, quand je parlais de la politique de 1985 du ministère de la Santé et des Services sociaux sur la façon d'intervenir auprès des

femmes violentées, nous là-dedans, on s'est questionnées au niveau de la complémentarité et du partenariat dans le sens suivant. Si on regarde le mémoire, le document d'orientation, on a créé dans le réseau des lieux pour intervenir auprès des femmes violentées. Je pense qu'il y avait déjà dans les organismes communautaires, dont nous sommes, des lieux où on intervenait auprès des femmes violentées et on était les lieux privilégiés pour ça. Rappelons-nous que c'est nous autres, les maisons d'hébergement, qui avons mis la problématique sur la place publique.

À ce moment-là, nous, nos questions, c'est: Quand on a créé cette politique-là, pourquoi on n'a pas tenté de consolider le réseau des maisons d'hébergement et de faire en sorte qu'elles soient mieux financées? Pour les maisons d'hébergement, là, on a eu un plan triennal en 1987, si je me le rappelle bien; là, bon, on a ce plan triennal qui achève et qui finit; et les maisons d'hébergement se retrouvent avec environ entre 175 000 $ et 200 000 $ actuellement pour assurer l'ensemble des services. À l'heure actuelle, au moment où l'on se parie, il y a à peu près, la moitié des maisons d'hébergement, qui font partie du Regroupement, qui vont avoir un déficit de fin d'année. On essaie d'assurer l'ensemble des services avec le minimum. Donc, effectivement, ce n'est pas juste une question d'argent, parce que je pense que les maisons d'hébergement, ce qu'elles demandent, c'est d'être financées, parce que je pense que ça coûte pas mal moins cher aussi au réseau que ce soient les maisons d'hébergement qui assurent les services plutôt que ce soit le réseau qui les donne. Nous autres, on ne donne pas du service aux femmes de 9 heures à 5 heures, avec une qui fait l'accueil et la femme va voir l'intervenante une semaine ou deux semaines après. Nous autres, on accueille la femme au moment où elle en a besoin, quand elle est en situation de crise et quand elle a besoin qu'on intervienne auprès d'elle. Moi, je ne pense pas que ce soit juste une question d'argent, mais je pense qu'il y a une question d'argent pour nous autres aussi, parce que je pense que le réseau des maisons d'hébergement n'est pas consolidé, actuellement, pour permettre aux maisons d'offrir l'ensemble des services. Il y a des services qu'on est obligé d'offrir moins, parce qu'on n'a pas les personnes nécessaires dans les maisons pour assurer ces services. Mais c'est effectivement vrai que ce n'est pas juste une question d'argent. Nous autres, on a besoin d'être consolidées, par exemple. On ne pense pas que le partenariat, ce soit que le réseau donne les services d'intervention, parce que ce qui est ressorti de la politique de 1985, c'est que l'intervention devait être dans le réseau et que nous autres, on assure l'hébergement.

Nous, les maisons d'hébergement, on pense qu'on est capables de donner l'ensemble du service, et l'hébergement et l'intervention et le suivi, l'ensemble, tout ce qu'on appelle l'approche globale, ce que Use nous a expliqué tout à l'heure.

M. Côté (Charlesbourg): Je trouve ça... Est-ce qu'y y avait un complément de réponse?

Mme Rossignol: Je voulais peut-être ajouter certains exemples qui touchent plus au réalisme de ce partenariat. Je vous en donne un très précis. J'ai une de mes amies qui travaille au maintien à domicile dans un CLSC. Elle a, sur sa liste de cas, le nom d'un homme qui est handicapé. L'objectif de son programme et l'objectif de cette personne-là, c'est de faire en sorte que cet homme-là soit maintenu à domicile. La femme qui fait partie de ce couple-là et qui est dans la même maison n'est pas sur sa liste de cas. Elle peut être soutenue, afin que le programme de maintien soit réussi. Moi, je reçois un téléphone de cette femme-là, qui est victime de violence conjugale. Comme c'est l'une de mes amies, là, je peux intervenir de façon différente. Elle et moi, nous ne serons pas partenaires dans ce dossier-là, parce que nous n'avons pas le même objectif et qu'il est irréconciliable. Tout ce que j'ai pu lui dire - et je pense que je l'ai convaincue, elle était d'accord - c'est: Moi, je vais faire ceci, je vais travailler de telle manière. Je ne te demande qu'une chose: Ne me nuis pas; essaie d'oublier un peu les objectifs de ton programme. Mais nous ne sommes pas partenaires, parce que les programmes - et c'est ce qui arrive fréquemment - du réseau sont sectorisés, spécialisés. Leurs objectifs ne peuvent pas aller avec les objectifs des maisons d'hébergement. (16 h 15)

On a exactement la même difficulté - je ne me lancerai pas dans 50 exemples - lorsqu'on a à travailler avec une personne de la protection de la jeunesse dont l'objectif n° 1 est de protéger l'enfant au détriment de la mère, s'il le faut. Mais son objectif est de protéger l'enfant, comme en maintien à domicile, l'objectif est de laisser monsieur à domicile même s'y bat sa femme. Il y a de l'irréconciliable dans tout ça.

M. Côté (Charlesbourg): Je trouve ça intéressant et je veux continuer dans cette veine-là, parce que ce n'est pas tous les jours qu'on peut échanger à ce niveau-là. Je suis un de ceux qui pensent que le communautaire est là pour demeurer; il doit demeurer et on doit continuer à l'encourager, ne pas l'étouffer, lui donner l'oxygène pour être capable de vivre et lui donner aussi la plus grande autonomie possible quant à la définition de son action. Je l'ai expliqué dans d'autres circonstances, il y a l'autre autonomie aussi. Devant cette première autonomie des groupes communautaires, H y a celle du gouvernement de financer ou de ne pas financer.

Vous avez raison et vous l'avez dit tantôt:

Assez souvent, le communautaire est avant le ministère sur le plan de l'action au niveau du champ face aux problèmes. Je pense que, finalement, c'est admis par à peu près tout le monde qui passe ici et il faut continuer à encourager ça. Évidemment, vous êtes dans un domaine très spécifique et vous avez raison de dire que, si ça se produit à 2 heures de la nuit, on ne peut pas attendre que le CLSC ouvre à 8 heures ou à 9 heures, le lendemain matin. C'est une opération qui doit être une porte ouverte et, pour ça, entrer dans les normes, ce n'est pas toujours facile.

Mais quand on parle de partenariat, si vous trouvez que le ministère est trop exigeant - parce que ça semble être le cas - et qu'il faut laisser l'autonomie, ça prend un minimum venant du ministère, parce que, au bout de la ligne, l'imputabilité sur le plan financier, c'est le ministre qui va en répondre demain en commission parlementaire. Vous l'avez dit, tantôt, on parle de montants de 60 000 $, 130 000 $, 175 000 $. Malgré le fait que ça ne comble pas tous les besoins, ça commence à être quand même des montants substantiels, probablement pas pour ceux qui travaillent dans le champ, parce que, s'il y en avait plus, vous pourriez peut-être en faire davantage. Mais ce sont quand même, sur le plan de l'imputabilité, des sommes qui commencent à être assez importantes. Il y a, d'après moi, une nécessaire complémentarité ou un partenariat à avoir avec le réseau et ce n'est pas vrai qu'on peut trancher, d'après moi, au couteau en disant: L'institutionnel, au niveau du ministère, il n'a pas affaire là "pantoute". C'est uniquement le communautaire qui pourrait régler ces problèmes-là. Je pense que vous pouvez en faire beaucoup, pas mal plus que ce que le ministère, par son réseau, pourrait faire. Mais il me semble qu'il doit y avoir, quelque part, une complémentarité. Si ça dépend de nous, on va prendre nos responsabilités, on va se rasseoir à la table et on va tenter de définir jusqu'où on peut aller. Ça me paraît très très important de le faire. Mais ce n'est pas vrai qu'on peut dire, demain matin: Le ministère, sortez de là et nous autres, on va tout faire. Évidemment, quand vous intervenez auprès de quelqu'un qui a des problèmes, qui est en difficulté et qui se rend chez vous, c'est que les gestes ont été posés et on est en situation où la personne a besoin de trouver un refuge. Ça, c'est une partie. L'autre partie, elle, c'est la prévention. Est-ce que, à ce niveau-là, il y a des choses qui se font, chez vous? Comment cela se fait-il et quelle est la partie de vos efforts qui porte sur l'éducation ou la prévention?

Mme Rossignol: Du côté prévention, chaque maison d'hébergement répond habituellement à des groupes qui demandent de recevoir de l'information sur la violence conjugale. Donc, , c'est une partie plus de sensibilisation, je dirais.

Certaines maisons, qui ont décidé d'investir plus d'énergie dans ça, peuvent aller jusqu'à stimuler elles-mêmes les rencontres. En petite ou en plus grande partie, toutes les maisons font ça. Il y a aussi quelques maisons qui, grâce à des subventions extérieures, une en particulier, ont mis sur pied un programme de prévention en milieu scolaire qui est assez extraordinaire, qui dure même jusqu'à deux ans. Ce n'est pas que ce n'est pas présent comme préoccupation, c'est très présent dans les maisons, mais c'est vraiment souvent le bout du budget qui se met à servir à ça parce qu'il y a comme 200 femmes qui attendent à la porte pour recevoir un service. On a tendance à répondre plus à ces demandes-là qui sont proches proches. Mais c'est une grande préoccupation et je pense que ce serait immédiatement en plus grande quantité dans le programme de toutes les maisons, s'il y avait plus de budget.

M. Côté (Charlesbourg): Est-ce qu'il y a des régions qui travaillent beaucoup plus facilement sur le plan de la complémentarité avec le réseau que d'autres ou si les problèmes qu'on retrouve, ce sont des problèmes du même type que ceux qu'on retrouve dans à peu près toutes les régions, sur le plan de la collaboration avec le réseau? Ultimement, j'imagine qu'il doit y avoir des liens à tisser avec le réseau pour d'autres sortes d'interventions ou en complémentarité. Est-ce que ça existe, ce lien-là ou si ça n'existe pas du tout? Tantôt, on a dit que ça vient d'en haut. En haut, ça, c'est le ministère, puis le ministère, lui, a fait un programme et il a dit: Vous êtes dedans, vous n'êtes pas dedans, on vous donne tant, et c'est réglementé tout ça. Au-delà de tout ça, dans l'action?

Mme Rossignol: Tout dépend de ce qu'on appelle complémentarité. Écoutez, je vous ai parlé, tout à l'heure, de notre approche globale. Pour nous, travailler avec les femmes victimes de violence conjugale, c'est l'approche globale. Ça veut dire que cette femme-là va m'appeler, en 1986, parce qu'elle n'est pas décidée à se faire héberger, je vais l'aider; elle va m'appeler à toutes les deux semaines. Deux années après, elle va se faire héberger, elle va retourner peut-être en psychiatrie, ' parce qu'elle a eu une crise d'insécurité, elle va revenir en maison d'hébergement; ça peut être deux ans, trois ans, quatre ans de travail. Mais tous les services doivent se donner en maison d'hébergement, que ce soit l'aide, l'hébergement, le suivi, etc. Et nous allons l'aider pour tout ce qui la concerne, O.K.? Ça fait que, si la complémentarité, c'est qu'on va faire l'accueil au CLSC, ensuite, on va nous l'envoyer pour hébergement, après ça, on va faire le suivi au CSS, tout ça entre en contradiction profonde avec l'approche à laquelle on croit. Souvent, la complémentarité est décrite de cette façon-là et c'est là que ça ne marche plus.

M. Côté (Charlesbourg): Oui mais, en tout cas, je fais un bon bout avec votre orientation de fond. Je ne vais pas jusqu'au bout, mais peut-être qu'un jour j'irai. C'est peut-être parce que je ne comprends pas et c'est bien possible. J'ai toujours eu de la difficulté à passer mes examens au niveau scolaire; c'est avec le temps que je finissais par comprendre, mais je finis par comprendre pareil. Dans ce cas-ci, j'ai de la difficulté à croire qu'on ne puisse pas, à l'occasion, faire affaire avec des ressources du milieu institutionnel, plus pointues sur le plan des services, et que vous teniez mordicus a ce que l'ensemble des services requis pour la situation pour laquelle vous en avez besoin soit effectivement donné par les maisons d'hébergement. J'ai de la difficulté à aller jusqu'au bout de votre raisonnement, à tout le moins, de le partager, parce que je pense qu'à l'intérieur du réseau H y a des ressources qui sont là ou, dans le cas contraire, on ferait de la duplication de ressources.

On peut utiliser des ressources à l'intérieur du réseau qui peuvent être, je pense, tout aussi valables que ce que vous pouvez offrir et vice versa. Mais à partir du moment où elles existent dans le réseau, pourquoi en créer d'autres? Je ne sais pas, mais moi, je me pose cette question-là, à ce moment-ci. Évidemment, on ne réglera pas ça en commission parlementaire, parce qu'on n'aura pas le temps. On prendra le temps de se revoir, parce qu'il y a des choses en cours, pour être capable de comprendre un petit peu plus, d'aller plus loin sur le plan de l'échange à ce niveau-là. Et je vous le dis tout de suite, c'est dans ce sens-là qu'on va aller et qu'on va s'interroger quand on va se voir.

Je vais finir par une petite question. Mme la Présidente m'indique que j'ai fini. Comme vous êtes un regroupement, dans le projet de loi, il était question qu'on ne finance plus directement au niveau central les regroupements. C'est un questionnement qui a évolué en cours de commission parlementaire, parce qu'on fait ça depuis le 23 janvier, et V semble y avoir un recentrage, une certaine acceptation de l'obligation de réserver de l'argent pour le financement des regroupements. Dites-moi donc pourquoi on devrait financer, sur le plan provincial, votre regroupement. Qu'est-ce qu'il apporte par rapport à une maison d'hébergement et qu'est-ce que donnerait de plus à une maison d'hébergement l'argent qu'on pourrait donner au Regroupement? Je vous donne la chance de nous faire valoir qu'effectivement il faut financer le Regroupement.

La Présidente (Mme Marois): Mme Rossignol ou Mme Côté? Mme Rossignol.

Mme Rossignol: Moi, je commence par répondre par une question qui ressemble à votre réflexion de tantôt. Je ne comprends pas pour- quoi vous tenez absolument à ce que ce soit les maisons qui donnent l'argent au Regroupement, alors que l'adhésion au Regroupement est volontaire de la part des maisons, qu'elles mettent souvent une année, deux ans à réfléchir avant de décider d'y adhérer, qu'on a même des chartes d'intervention, des principes très clairs. Une maison qui y adhère sait pourquoi elle vient au Regroupement. Elle le fait de façon très volontaire et elle cotise déjà au Regroupement. Si c'est cette preuve-là que vous voulez aller chercher, elle est là. Parce que c'est juste une subvention indirecte que vous proposez. C'est ça que vous dites. Alors je ne vois par pourquoi vous ne la donnez pas directement.

Deuxièmement, ce Regroupement-là, c'est quelque chose qui vous est bien utile. Demandez à vos fonctionnaires du bureau des organismes bénévoles comme ça a été fin de pouvoir régler le RAPC avec le Regroupement provincial des maisons d'hébergement, comme ça a été 50 fois plus vite, parce que toutes les données leur sont arrivées dans le temps d'un éclair. On a été bien pratique. Et il y a beaucoup d'autres exemples qu'on pourrait vous suggérer comme ceux-là. Si vous voulez avoir, le pouls sur le terrain, du côté de la violence conjugale, vous pouvez l'avoir très rapidement grâce au Regroupement. Et je finis par ceci: moi, je me...

M. Côté (Charlesbourg): Juste pour être un petit peu plus pointu. Dites-moi pas les bénéfices que moi, je peux en tirer comme ministre, mais dites-moi donc les bénéfices que peuvent en tirer la maison d'hébergement dans le champ, et la bénéficiaire. C'est davantage ça qui m'intéresse.

Mme Rossignol: O.K. Je pense que vous nous compliquez la vie là-dedans et je vais encore une fois vous retourner la question. Si tous les fonctionnaires de l'édifice, ici, demain, une fois par année, devaient se rendre de l'autre côté de la rue pour donner leur part de fonds de pension, je pense que la plupart des fonctionnaires de cet édifice seraient des pensionnés très pauvres. Alors, si c'est ça votre intention, ça risque d'avoir des effets comme ça aussi. Je ne comprends pas pourquoi...

M. Côté (Charlesbourg): Ne me prêtez pas d'intention; tout ce que je veux, c'est vous passer le crachoir et je dis: Dites-moi pourquoi on devrait continuer de financer des regroupements, parce que, effectivement, H doit y en avoir qui ont leur utilité. Vous m'avez donné des avantages pour le ministère vis-à-vis de votre Regroupement.

Mme Rossignol: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): Et je pense que, oui, c'est vrai, vous avez raison. C'est bien plus facile pour nous autres de négocier avec un

regroupement que de négocier avec 78 maisons, c'est clair. Mais ça, c'est un avantage que le ministère a et ça ne fait pas mal aux bénéficiaires. Mais les regroupements pour les maisons d'hébergement dans le champ, la, elles? Vous me dites qu'elles cotisent. Effectivement, il y a des avantages pour elles. Elles le voient elles-mêmes. C'est ça, moi, qui m'intéresse. Les avantages du ministère, là, ça a de l'intérêt pour moi, mais je veux davantage que ça retourne dans le champ.

Mme Rossignol: Je pense qu'il y a un avantage énorme aussi, du côté de la qualité des services. C'est une grande préoccupation de notre Regroupement. Il y a beaucoup de services qui sont offerts par le Regroupement aux maisons et qui sont centrés sur cette préoccupation-là. Alors, toutes ces choses-là ont des rebondissements sur la qualité des services, de l'intervention, donc sur les femmes victimes de violence conjugales qui reçoivent les services.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Oui, Mme Côté, vous voulez ajouter quelque chose? Allez.

Mme Côté: Juste un petit quelque chose pour donner un exemple concret à M. le ministre. L'année dernière, pendant toute l'année 1989, pour toutes les maisons d'hébergement, on s'est donné une charte d'intervention, une façon d'intervenir dans les maisons d'hébergement qui va être assez uniforme pour l'ensemble de la province, pour l'ensemble des 46 maisons. Je pense que ça été initié par le Regroupement et c'est grâce au Regroupement provincial si les maisons d'hébergement peuvent se donner des outils de travail comme ça. C'est une vision de la problématique, une façon d'intervenir, cette charte qui a été adoptée l'année dernière. Il y a aussi tous les services au niveau de la formation qu'on donne aux intervenantes dans les maisons d'hébergement. À l'heure actuelle, il y a à peu près cinq ou six formations de base qui ont été montées et qui sont données à toutes les intervenantes dans les maisons d'hébergement. C'est le Regroupement qui a monté ces formations-là à l'aide des travailleuses des maisons qui interviennent dans la problématique.

M. Côté (Charlesbourg): Très bonnes raisons.

Mme Côté: Ce sont de bonnes maisons!

La Présidente (Mme Marois): Merci, madame. Je pense que ça vient éclairer, effectivement, un peu les questions qui ont été soulevées.

M. le député de Rouyn-Noranda-Témls-camingue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Je vous remercie aussi de cette présenta- tion, y compris du témoignage de madame, parce qu'on entend, je pense, souvent ou à beaucoup d'occasions, de tels témoignages dans nos bureaux de comté, mais la porte fermée. Il faut souligner le courage que vous avez de venir nous dire en public ce qu'est la véritable situation de quelqu'un qui est trappe dans cette situation et je pense que ça peut contribuer également à faire réfléchir le législateur sur un certain nombre de situations dramatiques. Ce que vous défendez ardemment comme partenaires à votre façon, avec votre approche, dans le réseau, c'est un élément essentiel au système.

Le ministre dit qu'il a parfois quelques hésitations, qu'il réussit toujours à finir par écrire ses examens, à les réussir, qu'il finit par se rendre au bout du raisonnement et à accepter. On pense même, nous, de ce côté-ci, que, sur une autre dimension, il va même se rendre jusqu'à la souveraineté, voyez-vous. Alors, il peut progresser là-dessus. (16 h 30)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Chariesbourg):Et c'est l'autonomie. Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Et il a même fait sa déclaration par rapport aux CLSC, que maintenant, il ne peut pas nous dire s'il les aime déjà, mais, au moins, il ne les hait plus.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Trudel: Alors, c'est déjà un pas de franchi et c'est important qu'on ait cette information.

M. Côté (Charlesbourg): J'avais des raisons que vous n'aviez pas pour moins les aimer.

M. Trudel: II y a des aspects extrêmement intéressants dans votre mémoire, par exemple, sur la régionalisation des activités du ministère de la Santé et des Services sociaux. Ce matin, nous avions des représentants de CRSSS, d'anciens présidents et une ex-présidente de CRSSS qui sont venus nous dire: Vous savez, la régionalisation, la responsabilisation, ça peut exister en région et on est capables de mieux administrer le système. Cependant, II faut qu'on ait toutes les responsabilités. Si, par rapport à l'un ou l'autre des volets de l'action de service que nous devons mener dans le milieu, on peut passer par-dessus nous et on peut faire appel - et moi, je pense que vous avez raison - à celui qui va déterminer les règles du jeu, c'est-à-dire, le ministère, ça ne peut pas fonctionner. Est-ce qu'au niveau du mouvement communautaire, au niveau de votre action, ça vous apparaît quasiment irréconciliable de fonctionner à partir d'une véritable régionalisation dans le contexte de votre naissance, de

votre évolution, de vos besoins, de votre approche? Est-ce que ça vous apparaît irréconciliable de fonctionner avec une véritable régionalisation?

La Présidente (Mme Marois): Mme Côté.

Mme Côté: Quand les groupes de femmes sont venus l'autre jour en commission parlementaire - notre mémoire rejoint celui des groupes de femmes, puis on a appuyé ce mémoire-là - on a clairement dit, effectivement, que la régionalisation, on n'en voulait pas parce que, effectivement, nous autres, on ne sera pas capables de fonctionner là-dedans, de fonctionner de façon régionale. Je regarde par rapport au Regroupement provincial. Historiquement, le Regroupement est né en 1979. Il s'est créé à partir des besoins des maisons, à la base, ce qui fait que ce Regroupement-là est né parce qu'il y avait des besoins provinciaux au niveau des maisons. Là, c'est comme si on faisait le processus inverse de revenir en région. Nous autres, on commence à se sentir de plus en plus fortes provincialement et, là, on nous demande de revenir au niveau des régions. C'est comme si on nous demandait de faire fi de toute la lutte et de la place qu'on a tenté de se donner pour être de plus en plus fortes.

Puis, si on commence à revenir au niveau régional, on a peur aussi, car, môme si on a des enveloppes budgétaires, là, qui va avoir quoi? Combien d'argent va aller dans chacune des maisons d'hébergement? Et puis, il y a ce danger aussi. À l'heure actuelle, toutes les maisons sont financées avec les mêmes sommes d'argent, en fontion du nombre d'années d'ouverture, d'existence. Si on revient à la régionalisation, ce dont on a peur aussi, c'est que les maisons, à un moment donné, ne seront pas financées toutes de la même façon ce qui serait, pour nous, revenir en arrière. C'est comme de refaire ce qui a été, pour nous autres, difficile à acquérir. Je pense que la régionalisation, pour nous autres, c'est comme quelque chose qui vient contrecarrer toute la lutte qu'on a menée.

M. Trudel: C'est pour ça que vous... Je m'excuse, oui?

Une voix: Ça va?

M. Trudel: C'est pour ça que vous réclamez, dans votre résumé, à la page 5, cet accès direct au ministère de la Santé et des Services sociaux. Est-ce que c'est juste de dire, très brièvement: Notre situation est parfois tellement difficile et notre lutte a été tellement difficile que nous, il nous faut agir de façon regroupée, au Québec, pour s'assurer qu'on ne soit pas dispersées un peu partout? Et on va s'assurer d'une norme vraiment minimale pour donner des services auxquels les femmes ont droit, au Québec. C'est ça, la véritable situation qui explique pourquoi vous voulez fonctionner avec le pouvoir central?

Mme Côté: Parce que localement - je veux dire, il y a régionalement, puis il y a localement - les maisons existent chacune dans des circonscriptions souvent loin les unes des autres. Puis, les maisons sont prises, sur le terrain, de façon concrète, là, à toujours éteindre des feux. Il y a à peu près 5,5 intervenantes à temps plein dans une maison d'hébergement, qui doivent assurer le service 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Ce n'est pas beaucoup. Je ne sais pas comment vous pouvez vous imaginer qu'on puisse réaliser un tour de force comme ça, là. Ça veut dire que le reste est assuré de façon bénévole. Ça veut dire que les travailleuses qui sont là de façon plus quotidienne et qui connaissent davantage la structure et l'organisation de la maison travaillent tout le temps pour éteindre les feux et pour assurer la survie de la maison.

Donc, c'est pour ça que le Regroupement est important. C'est pour mener la lutte plus politique, pour avoir quelqu'un qui est, finalement, le porte-parole pour les maisons d'hébergement. Parce que les maisons d'hébergement le font un peu localement, mais elles n'ont pas le temps de le mener provincialement et, si on a une régionalisation, pour nous autres, ça veut aussi dire tout l'isolement des maisons. C'est ça que ça veut dire aussi, concrètement, dans le quotidien, à chaque jour. Les travailleuses travaillent l'une après l'autre sur des "chiffres." Elles ne se voient à peu près pas. Elles n'ont à peu près pas de liens entre elles, sauf quand elles ont des réunions. Parce que tenir le service comme ça, c'est la seule façon de pouvoir faire en sorte qu'il y ait toujours quelqu'un dans la maison et qu'il y ait un continuum tout le temps, tout le temps. C'est ça qui est difficile à imaginer, je pense, qu'avec moins de 200 000 $, on puisse faire rouler une boîte qui assure des services 24 heures par jour, 7 jours par semaine et qui doit être présente sur la place publique aussi.

La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme Harper.

Mme Harper: Nous avons déjà vécu des régionalisations, à un moment donné, dans certains dossiers. Je prends, par exemple, les per diem. À un moment donné, dans une région, une maison allouait 5 $ par femme et enfant; dans une autre région, c'était 10 $. Dans une région, c'était ce type de bureaucratie et, dans une autre région, c'était un autre type de bureaucratie. C'était en 1982, ou à peu près, jusqu'en 1985. Ça, c'est un exemple de la régionalisation, O.K.? Il y a une inquiétude que, selon les régions, les maisons d'hébergement puissent être traitées différemment au niveau des subventions, au niveau de ce qui se passe dans les régions; ça peut être une priorité dans une région et pas

une priorité dans l'autre région. Les besoins des femmes victimes de violence conjugale sont les mêmes dans n'importe quelle région, où qu'elles soient, et qu'elles ont le droit d'avoir la même qualité de services et les mêmes services à travers cette province. C'est une de nos préoccupations, soit d'avoir la même qualité de services pour les femmes.

M. Trudel: Ce que vous nous dites, c'est: On veut tellement rendre les services sur le terrain et on a si peu de ressources que, oui, un regroupement est nécessaire pour occuper la scène, entre guillemets là - on sait bien ce qu'on veut dire - politique de la lutte et pour que les personnes sur le terrain puissent rendre les services aux femmes qui en ont besoin.

Pour quelqu'un qui vit en région, je dois vous dire que je comprends très bien ce que vous dites là. Essayons d'imaginer - je sais que c'est loin, là - une région comme le Témiscamingue. Il y a à peu près 40 paroisses et là aussi, il y en a des problèmes de violence conjugale, de violence faite aux femmes dans ces petits milieux. Je vous dis une affaire: J'aime autant les voir à Laverlochère, à Béarn, à Ville-Marie, que de les voir se promener à Québec pour faire des réclamations. Et je dois dire bien honnêtement que, sur ce raisonnement que vous faites aujourd'hui, quant à moi, en tout cas, ce sont les femmes du Témiscamingue qui m'ont convaincu de cette façon de faire les choses et de la nécessité de financer le Regroupement quant à la cause qui doit être supportée.

Je voudrais aussi parler un peu, par ailleurs, de l'évaluation. On vous consacre, le ministre le disait tantôt, quand même une bonne somme d'argent; et le ministre est imputable devant l'Assemblée nationale, en fin de course, de ces sommes d'argent. Comment voyez-vous ça, l'évaluation? Parce qu'à travers le principe de l'autonomie, de la liberté, du respect de l'approche, ça cause tout un problème quand tu te mets à fonctionner en système. Vous devez avoir regardé ça. Comment, par quelle poignée doit-on procéder pour l'évaluation du travail réalisé? Par exemple, est-ce qu'il y a une possibilité de s'entendre sur une grille? Comment voyez-vous ça, l'évaluation du travail que vous réalisez sur le terrain?

La Présidente (Mme Marois): Mme Rossignol, oui.

Mme Rossignol: La meilleure évaluation que vous pouvez avoir, c'est celle des femmes qui demandent nos services. La meilleure évaluation que vous pouvez avoir, c'est notre chiffre de l'an dernier. Les maisons d'hébergement, les 46, ont répondu à 100 000 demandes d'aide provenant des femmes victimes de violence conjugale. La majorité de nos références sont du bouche à oreille. Ça veut dire qu'une personne a dit à une autre: Appelle là, c'est bon et cette personne-là a appelé. C'est la masse de demandes qui est adressée à nos maisons qui est la meilleure évaluation.

Maintenant, pour ce qui est de concrétiser un peu plus ce qui arrive au ministère comme paperasse, je vous rappelle qu'on remplit quand même une assez longue demande de subvention chaque année, où on décrit en long et en large tous les services qu'on donne. La plupart des maisons y ajoutent des chiffres entre les lignes, parce qu'on a encore autre chose à vous dire. Donc, on vous en donne plus que vous en voulez. A chaque année, on publie un document qui s'appelle "Derrière les chiffres", document assez épais quand même, qui décrit tous les services qui ont été donnés dans les maisons d'hébergement du Québec. Je pense qu'on vous en donne un bon bout.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce que ça va? Une dernière question, s'il vous plaît.

M. Trudel: Êtes-vous rassurées sur le maintien du caractère public, gratuit et universel du régime de santé et de services sociaux au Québec? Êtes-vous rassurées? Vous avez passé tout ça, on termine les travaux de la commission. Êtes-vous fermement rassurées, vous autres, qu'on ne s'en va pas, qu'on n'a pas glissé et qu'on ne glissera pas vers une certaine privatisation?

La Présidente (Mme Marois): Mme Rossignol.

Mme Rossignol: C'est une analyse que je n'ai peut-être pas farte. J'ai lu dans les journaux qu'on parlait de ticket modérateur. Je sais aussi qu'en maintien à domicile on essaie de privatiser une partie des services. Elizabeth en a parlé un peu, tout à l'heure. Effectivement...

M. Chevrette: Juste la dernière partie, où avez vous lu ça?

Mme Rossignol: Le ticket modérateur?

M. Chevrette: Services à domicile. C'est juste services à domicile qui a cliqué dans mon...

Mme Rossignol: Ah, services à domicile. Simplement parce que j'ai des camarades qui travaillent dans ce domaine.

M. Chevrette: Et qui vous ont dit qu'on s'en allait, que ça glissait vers la privatisation?

Mme Rossignol: On a tendance, effectivement, en tout cas, par toutes sortes de biais, à privatiser une partie des services sociaux. On n'augmente pas les équipes d'auxiliaires familiales. On cherche du côté privé. Oui, c'est ce que j'ai vu. Mon analyse à moi, là-dessus, ça ne va

pas, à moins que...

La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme Harper.

Mme Harper. Moi, je pense qu'on n'est pas "pantoute" convaincues que c'est quelque chose qui est vraiment là. Il y a aussi un article dans l'avant projet de loi, je ne me souviens pas duquel, qui dit qu'un établissement à but lucratif peut donner des services. Ça, c'est une autre porte ouverte pour qu'il y ait des frais pour les usagers. Et, mardi passé, H y a Daniel Johnson qui a parlé de la possibilité de mettre en place, à un moment donné, des frais pour les usagers. Ça nous inquiète qu'à un moment donné on revoie tout le système.

La Présidente (Mme Marois): Ça va? Merci, M. le député. Ça va? Vous avez des choses à ajouter?

M. Trudel: Bien, merci de votre présentation. Votre présence était extrêmement importante. Votre message est extrêmement clair. Si l'Association des hôpitaux du Québec a besoin d'un budget de quelque 8 500 000 $, en termes de regroupement, pour défendre les intérêts de ses membres qui sont un petit peu plus fortunés que vous, nul doute que le ministre va bien recevoir les remarques essentielles de ressourcement que vous représentez comme Regroupement pour les femmes victimes d'actes violents au Québec. Bravo pour votre travail à travers tout le Québec, quant à moi.

La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Je ne peux pas laisser passer l'affirmation de la privatisation au niveau du maintien à domicile, parce que ce n'est pas tout à fait la réalité; c'est une partie de la réalité. Il n'y a pas privatisation. Ce qu'il y a, ce sont des groupes communautaires qui ont été créés par certains CLSC pour dispenser des services de maintien à domicile. Ce n'est pas une privatisation. Ce sont certains CLSC qui ont entrepris des initiatives pour être capables de combler certains besoins. Il n'y a pas privatisation et il n'y a personne, au niveau du Québec, qui a parlé d'une privatisation du maintien à domicile. Je pense que ça me paraît, de ce côté-là, très clair. (16 h 45)

Je me permettrais de finir au niveau du Regroupement Vous représentez 45 ou 46... Il y en avait 45, dans le mémoire. Je pense que vous avez parlé de 46, tantôt. Il y en a 78 de financés. Quand on parle de financement de regroupements, à ce moment-là, comment est-ce qu'on fait le partage? Ça aussi, c'est une question assez importante. A 45, 46, je conviens que, sur 78, vous êtes une très large majorité. Est-ce qu'on finance les autres regroupements aussi? Si vous voulez tout prendre, vous allez nous dire non. Mais il y a peut-être des réalités qui vont nous faire dire aussi qu'on devrait financer les autres parce qu'ils représentent peut-être d'autres points de vue, aussi. C'est là-dessus qu'on se laisse, en se disant qu'il nous reste encore du travail à faire sur le plan de la complémentarité, du partenariat et qu'on se reverra ultérieurement. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Marois): Merci de votre témoignage et de votre engagement, aussi, à l'égard des femmes du Québec. Merci de votre contribution à nos travaux.

J'inviterais maintenant les personnes représentant le Regroupement des maisons de jeunes du Québec à bien vouloir venir prendre place, s'il vous plaît. Je vous souhaite la bienvenue à la commission. J'aimerais que le président se présente et présente les personnes qui l'accompagnent. Vous avez ensuite une vingtaine de minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, H y a un échange avec les membres de la commission. Bienvenue.

Regroupement des maisons de jeunes du Québec

M. Paquin (Daniel): Je suis Daniel Paquin; je suis responsable d'une maison de jeunes à Shawinigan, dans la Mauricie, et également membre du conseil d'administration, à titre de président. Mme la Présidente, mesdames, messieurs les commissaires, permettez-nous également de profiter de l'occasion pour saluer le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Marc-Yvan Côté. C'est la première occasion qu'on a de le rencontrer depuis qu'il a ses nouvelles responsabilités; alors, on est bien satisfaits de voir sa présence aujourd'hui, d'autant plus qu'il représente pour nous le premier responsable du développement des maisons de jeunes au Québec. Dans un premier temps, je vais compléter la présentation de notre délégation, en invitant chacun de mes collègues à se présenter lui-même.

M. Ferland (Éric): Éric Ferland. Je suis animateur à la Maison des jeunes de Brassard et je représente la Montérégie au conseil d'administration national du Regroupement des maisons de jeunes.

Mme Verret (Linda): Bonjour, mon nom est Linda Verret, je représente la Maison des jeunes de Sillery; je suis également vice-présidente du conseil d'administration du Regroupement.

M. Viau (Martin): Je suis Martin Viau, je travaille à la permanence du Regroupement des maisons de jeunes, et je suis un ancien animateur à la Maison des jeunes de Drummondville.

M. Paquin: Pour amorcer notre présentation, on a demandé à Linda de vous exprimer en quelques mots, si vous voulez, le visage de notre mouvement, qui regroupe les maisons de jeunes au Québec. Linda.

Mme Verret: Le projet maisons de jeunes, pour vous situer, est un lieu de rencontre qui est accessible aux jeunes de 12 à 18 ans. Ces jeunes viennent sur une base volontaire, ils ne sont pas référés par les institutions du réseau. Ils viennent par choix pour s'investir dans nos associations. Les maisons de jeunes sont une alternative à la rue et aussi aux arcades, aux centres d'achats, et répondent aux besoins des jeunes qui ne se retrouvent pas à l'intérieur des loisirs organisés, comme les services de loisirs. Notre projet est essentiellement un projet d'animation où l'intervention communautaire est faite à partir du besoin identifié des jeunes. On agit de façon spontanée; les besoins ont une réponse dans l'immédiat. Les jeunes font aussi l'apprentissage de la vie démocratique en maisons de jeunes. On leur donne l'opportunité à ces jeunes de se débrouiller par leurs propres moyens.

Réduite à sa plus simple expression, la contribution des maisons de jeunes est de raccourcir le temps d'intégration des jeunes à la société, donc, pour que ces jeunes deviennent des citoyens actifs, critiques et responsables.

Concernant le "membership" du Regroupement, nous représentons 78 maisons de jeunes qui, elles, rejoignent environ 25 000 jeunes par année.

Au niveau de nos instances démocratiques, les jeunes prennent une part active au niveau de l'implication dans les différentes instances. Ça commence par les maisons de jeunes, ensuite au niveau des équipes régionales, le conseil d'administration au niveau provincial et, ensuite, l'instance suprême, l'assemblée générale annuelle des membres, où les jeunes sont représentés avec les animateurs, les administrateurs des. différentes maisons de jeunes qui rejoignent environ 200 à 250 participants lors des assemblées générales.

Si on veut faire un peu d'historique et parler un peu du financement du projet maisons de jeunes, en 1976, la première aide financière a été accordée, en tout cas, au niveau du ministère des Affaires sociales, par M. Claude Forget. Il y avait alors deux ou trois maisons de jeunes. En 1979, la première enveloppe budgétaire accordée aux maisons de jeunes prévoyait environ 46 000 $ par maison de jeunes, ce qui représentait alors 50 % du budget global de fonctionnement d'une maison. Dix ans plus tard, en 1989, nous en sommes à 190 maisons de jeunes dans la province, dont le budget est de 45 000 $ environ par maison de jeunes. Le ministère répond donc à 25 % du budget global. Depuis 10 ans, les maisons de jeunes demandent au gouvernement une politique de reconnaissance et de finance- ment, et, avec l'avant-projet de loi, c'est la première fois qu'on mentionne une forme de partenariat entre le réseau et les organismes communautaires. À ce sujet, je laisse la parole à M. le président qui vous exprimera les positions du Regroupement des maisons de jeunes par rapport à l'avant-projet de loi et à la régionalisation.

M. Paquin: Dans mes interventions, j'utiliserai du texte qui n'est pas probablement dans la copie que vous avez. Quand ce sera le temps de faire des références au document qui vous a été probablement distribué, je prendrai la précaution de vous situer pour ne pas que vous cherchiez continuellement à l'intérieur du texte.

Alors, si vous voulez, juste avant d'aborder le projet de loi comme tel, je pense qu'il y a cinq caractéristiques fondamentales des interventions des maisons de jeunes qu'il m'apparaît essentiel de souligner. Vous allez retrouver des similitudes avec le groupe qui nous a précédés; je pense bien qu'on a beaucoup d'affinités, évidemment. Dans un premier temps, une de nos caractéristiques, c'est qu'on a une vision globale de la santé et du bien-être dans le sens qu'on considère que le milieu de vie où le jeune se trouve, le contexte socio-économique dans lequel il vit, ça constitue des déterminants très importants sur les comportements et les attitudes des adolescents. Une autre caractéristique, c'est que, par rapport à cette vision-là, nous avons une approche globale qui considère la totalité de la personne du jeune et non seulement ou d'abord son problème de drogue, de sexualité, d'abandon scolaire, etc. Nous avons développé diverses façons d'agir afin de répondre adéquatement, mais aussi immédiatement, aux besoins des jeunes, au moment même où ils sont ressentis, pas aux problèmes qui ont été identifiés il y a un an, mais aux problèmes immédiats, au moment même où les jeunes les ressentent et les expriment. Dans les maisons de jeunes, nous planifions le travail, l'action que nous faisons avec la participation des jeunes eux-mêmes, et ils font souvent partie de la réponse et de la solution. Finalement, nous sommes complémentaires de l'école, de la famille, de la communauté et du quartier pour apporter des solutions, et y encadrer le développement des adolescents.

Enfin, plus concrètement - je vous réfère à la page 2 de notre document, au dernier paragraphe - ce travail de stimulation et de renforcement a, d'une fois à l'autre et d'une façon ou d'une autre, des effets et des résultats qui relèvent de la prévention. Alors, on veut souligner cet élément-là parce que, souvent, on cherchait la relation directe entre les maisons de jeunes et la porte d'entrée des maisons de jeunes dans le réseau de la santé et des services sociaux et, souvent, il semblait que ça passait un peu dans ce domaine-là. Alors, nous pouvons considérer que les maisons de jeunes adoucissent

les tensions familiales, brisent l'isolement des jeunes moins aguerris, combattent le sexisme et le racisme, font la promotion du droit à la différence et du respect qui va de pair, diminuent la longueur de la période d'inactivité des décrocheurs en leur parlant de formation, d'autoformation, et en les aidant à se situer par rapport à l'école ou au travail. Les maisons de jeunes traitent et rentabilisent l'information relative aux maladies transmises sexuellement, à la contraception et à la drogue, à l'alcool, combattent la surconsommation, peu importe sa forme, font la promotion d'une meilleure hygiène mentale, d'une meilleure santé physique et d'une meilleure nutrition.

Vous aurez compris que les jeunes qui passent par chez nous courent généralement moins de risques d'avoir besoin des services des gens des CISC ou des CSS, du système judiciaire ou d'un établissement de santé. Finalement, M. le ministre, messieurs, mesdames, nos communautés ont créé ces maisons de jeunes pour que les jeunes n'aient pas à recourir aux services curatifs du réseau de la santé et des services sociaux ou, du moins, le moins possible.

Abordons maintenant le projet de loi. Ce sera donc avec l'objectif de vivre nos caractéristiques, de continuer à établir nous-mêmes nos priorités, de conserver nos méthodes de travail et nos outils que nous partagerons avec vous sur le projet de loi qui est soumis actuellement. Dans un premier temps, ce qui nous a frappés un peu, c'est cette reconnaissance officielle des organismes communautaires. Or, depuis une dizaine d'années, comme le soulignait LJnda au début de son intervention, les maisons de jeunes réclament une politique de reconnaissance. Alors, voilà que cette reconnaissance tant désirée serait inscrite dans un projet de loi de l'État québécois. Il y a là matière à réjouissance, peut-on dire. Mais, et il y a un mais, évidemment et malheureusement, cette reconnaissance s'accompagne d'une invitation pressante à joindre le réseau public pour participer à la réalisation d'objectifs prédéterminés par d'autres.

Un autre élément à l'intérieur du projet de loi: les personnes d'abord. Alors, là, je vous ramène, si vous voulez, à la page 3. Tout d'abord, je vais préciser que nous avons noté avec plaisir la modification de cap que constitue la volonté de considérer davantage les personnes, de centrer le système sur les personnes. Mais, lorsqu'on regarde la façon dont l'État entend régler les problèmes de santé et les problèmes sociaux, 9 y a lieu de s'inquiéter. Ainsi, sur 20 objectifs prioritaires, la majorité concerne des problèmes de santé générés, dit-on, par des comportements malsains. Nous craignons que la tentation soit forte d'axer les interventions et de mobiliser les ressources sur les problèmes et les groupes cibles affligés de ces problèmes, d'où certains risques, à notre avis. Risques d'individualiser les problèmes, de favoriser l'approche "ghetto", d'intervenir à courte vue sur les symptômes et non à long terme sur les causes des comportements malsains, d'amener la population à blâmer "les ceuses" qui ont des problèmes et de s'en désolidariser, les abandonnant aux médecins et aux travailleurs sociaux. Bref, nous divergeons beaucoup avec l'approche suggérée dans le projet de loi. Et là, je vous ramène, si vous voulez, au texte, à la page 3, dernier paragraphe: À toutes les fois que Pierre ou Jacqueline franchissent le seuil d'une maison de jeunes, c'est sans considérer le poids de leur passé ou de leur vie actuelle qu'ils sont accueillis. Les maisons de jeunes ont fait le choix, à titre de prémisse pour leur intervention, de considérer les jeunes à partir de leurs capacités et de leurs possibilités, au lieu de le faire à partir des problèmes qu'ils peuvent vivre. Les jeunes avec qui nous travaillons sont uniques et entiers, et c'est en considérant la globalité de ce qu'ils sont que nous intervenons, sans spécialiser notre animation sur leurs éventuels problèmes.

L'avant-projet de loi, cependant, nous annonce l'intention du gouvernement de considérer les jeunes à partir de leurs problèmes, à partir des risques qu'ils courent. L'avant-projet de loi nous demande de voir en eux d'éventuels consommateurs de drogues ou d'alcool, des conducteurs-apprentis à éduquer, des gens qui meurent trop souvent. Il y a là une différence dramatique qui conditionne le travail à effectuer. À notre avis, le problème des jeunes n'est pas de trop mourir, mais de ne pas assez vivre. Et c'est cette lacune que nous cherchons à corriger, en leur donnant les possibilités de s'investir, entre autres, en prenant une place dans nos associations. Nous avons donc une perception fort différente du travail à accomplir auprès des jeunes, si on la compare à ce qui est soutenu dans l'avant-projet de loi. Alors que, dans nos associations, nous planifions le travail à accomplir avec les jeunes dans le cadre de nos assemblées générales, l'avant-projet de loi voudrait que nous le fassions à partir d'une vision beaucoup plus officielle et nationale II y a là, à notre avis, une perte d'acuité dans le regard qu'il nous faut poser sur notre environnement pour bien travailler.

S'il est interprété de façon restrictive, ce changement d'attitude qui vise à "mettre l'emphase" sur les problèmes à soigner risque de modifier notre travail et d'altérer notre efficacité. Les maisons de jeunes, comme beaucoup d'autres organismes communautaires, travaillent sur une base collective. C'est le statut et la place même des jeunes dans la société que nous traitons, même si cela n'a pas été identifié comme un problème majeur par l'enquête Santé-Québec. Pourtant, nous considérons qu'il s'agit d'un des problèmes principaux que les jeunes rencontrent dans leur intégration à la société.

Nous avons fait le choix de donner une place aux jeunes dans nos associations, au point

de leur donner d'office des places sur les conseils d'administration. Bien sûr, il s'agit de personnes mineures, mais nous croyons qu'il est préférable de contribuer à l'intégration et à la formation des jeunes que de contribuer à leur marginalisation, comme le fait l'avant-projet de loi en imposant des mesures arbitraires et discriminatoires sur la base de l'âge. Nous croyons aussi que ce travail d'intégration active vaut bien des séances d'information pour empêcher les jeunes de consommer ceci ou cela.

Un autre élément qui a attiré beaucoup notre attention dans le projet de loi, c'est toute la notion du programme-cadre. Alors, je vous réfère à notre document de base, aux pages 5, 6, 7 et 8. Nous avons été surpris par l'ampleur de la reconnaissance qui nous est accordée, comme organismes communautaires, dans l'avant-projet de loi. D'un point de vue formel, vous nous offrez 25 % des voix dans les collèges électoraux des régies régionales et 13 % des sièges à leurs conseils d'administration. Notons d'abord que l'explication de ce glissement ne saute pas aux yeux, pas aux nôtres, en tout cas. Mais il y a plus intéressant. L'ensemble des organismes communautaires reçoit une part bien inférieure à 1 % du budget global du ministère. Pourtant, on s'apprête à nous céder 13 % du pouvoir de gestion du réseau. (17 heures)

Autant vous l'avouer tout de suite: nous n'en demandions pas tant et nous avons cherché où était le problème. Nous l'avons trouvé. L'avant-projet de loi nous accorde la possibilité de devenir des sous-traitants du ministère, dans la mesure où nous pourrons répondre aux appels d'offres qui découleront des programmes-cadres établis par celui-ci, comme n'importe quel autre établissement public de santé.

Alors que nous espérions voir reconnaître l'utilité, la pertinence et la rentabilité de nos ressources, l'avant-projet de loi ne nous reconnaît qu'en tant que structure susceptible d'appliquer un ou des programmes qui auront été conçus à l'extérieur de nos associations, sans tenir compte du travail, de l'approche et des priorités de celles-ci. On perçoit rapidement quels peuvent être les résultats de cette nouvelle façon de faire... Les maisons de jeunes sont actuellement financées par le ministère dans une proportion moyenne, par maison, qui correspond à environ 25 % de ce dont elles ont besoin pour être efficaces.

Or, dans de telles circonstances - un peu plus loin - les programmes-cadres et le système de sous-traitance, à l'intérieur même du réseau, qu'on s'apprête à instaurer, risquent de devenir, aux yeux des administrateurs désespérés de nos corporations, des bouées de sauvetage pour boucler leur budget. Malheureusement, ces nouveaux instruments de gestion feront aussi en sorte que les maisons de jeunes qui les auront utilisés n'auront plus la possibilité de se rendre à bon port, là où elles avaient antérieurement fixé leurs objectifs.

La gestion par programme, en fonction des risques encourus par les nouveaux sujets du système, risque de transformer la nature même de nos maisons de jeunes. Actuellement, les deux conditions premières qui peuvent nous permettre de prétendre à un minimum d'efficacité sont le caractère volontaire de la fréquentation des jeunes, de même que la possibilité qu'ont nos associations de répondre sur-le-champ aux différentes situations qui se présentent. Or, non seulement la notion de programme-cadre transformera, de toute évidence, nos organismes en déversoirs de programmes pour des jeunes, mais elle risque de faire en sorte que nous perdions la spontanéité qui nous différencie, jusqu'à un certain point, du réseau.

Sur l'autre page, un peu plus loin, l'objectif poursuivi par le gouvernement est appréciable, mais la reconnaissance de cheval qu'il s'apprête à nous administrer risque de nous contraindre à vendre aux jeunes des traitements curatifs, préventifs ou promotionnels, alors que, actuellement, nous travaillons à les leur éviter.

Et, le dernier paragraphe: M. le ministre, nous croyons qu'en tant que principal gestionnaire de la santé et des services sociaux, vous serez le premier à payer pour ce changement de mission qui nous aura été imposé, si nous devons utiliser les programmes-cadres pour survivre. Le jour où les organismes communautaires ne pourront plus exercer le travail pour lequel ils se sont constitués en association, vous serez dans l'obligation de traiter les jeunes à partir du réseau... Vous savez déjà ce qu'il peut en coûter.

Un autre élément qui a attiré particulièrement notre attention dans le projet de loi, c'est ce qu'on pourrait qualifier de l'appel lancé au partenariat, dont le groupe antérieur à nous a également parié et qui a semblé susciter beaucoup d'intérêt auprès du ministre de la Santé et des Services sociaux. Alors, voilà qu'après avoir fait preuve d'ouverture - je m'excuse, vous ne l'avez pas dans le texte, cette partie-là - au respect de l'autonomie des groupes communautaires, dans le discours, l'État définit le cadre général dans lequel ce partenariat devra s'exercer, dans des mécanismes très précis d'ancrage au réseau public. Le communautaire devra donc s'inscrire dans des nouvelles structures de pouvoir, selon des modalités établies par le gouvernement. Le communautaire se voit donc imposer une mission de complémentarité - un autre terme qui semblait intéresser beaucoup le ministre, tantôt - selon des normes établies par la régie régionale, même si le mouvement communautaire a souvent répété qu'il ne désirait aucunement devenir un complément du réseau et un bout de ligne des traitements. Après la première ligne et la deuxième ligne, il y a un bout des traitements que le communautaire serait appelé à remplir. Le communautaire devra

s'intégrer dans un système dont le financement et le fonctionnement se feraient à partir de programmes-cadres visant des clientèles cibles. Enfin, le communautaire devra se soumettre à des critères précis de financement et à des mécanismes d'évaluation définis par la régie régionale.

Pour conclure, si vous voulez, on va aborder le projet de modification des structures comme telles, en régie régionale. Alors, en conclusion là-dessus, nous ne voyons pas d'intérêt, comme groupe communautaire, à gérer le réseau de la santé et des services sociaux, pas plus que nous ne verrons d'intérêt à sous-contracter le travail de ses composantes. Je vous réfère à notre document de base, à la page 8.

Dans cette perspective et pour le moment, la régionalisation de la gestion des organismes communautaires ne présente aucun avantage pour nous et encore moins pour la société québécoise. Pour ce qui est des institutions du réseau, nous croyons qu'elles sont mieux placées que nous pour vous dire si l'opération, pour elles, peut être rentable.

Nous continuons de croire qu'un accord provincial conclu avec le ministère de la Santé et des Services sociaux constitue la meilleure garantie que les maisons de jeunes atteindront un jour leur vitesse de croisière, pour contribuer efficacement à l'amélioration de la qualité de vie des jeunes. Et, aussi curieux que cela puisse paraître, une gestion régionale de nos priorités nous éloignerait des affaires de nos communautés alors qu'une entente provinciale qui nous assurerait un financement adéquat devrait nous permettre de nous en rapprocher...

Pour ce qui est des regroupements d'organismes communautaires, nous croyons qu'il n'y a pas lieu de les déstabiliser en leur imposant de nouveaux modes de financement. Les maisons de jeunes sont libres de s'associer et de se dissocier du Regroupement, et des modifications d'attribution de nos subventions n'amélioreront en rien la qualité de notre vie démocratique.

Finalement, à la page 9, nous vous présentons un peu quatre positions ou recommandations, si vous voulez bien les accueillir. Dans un premier temps, nous demandons au gouvernement d'éliminer du projet de loi toute disposition discriminatoire sur la base de l'âge; elles sont inutiles, à notre avis, et ne font que nuire à l'intégration des jeunes dans la société.

Et aussi, le quatrième point, le Regroupement des maisons de jeunes propose au gouvernement d'écrire, en collaboration avec un représentant politique de son choix, une politique de reconnaissance et de financement, ce que nous demandons depuis plusieurs années, finalement. Nous demandons aussi au gouvernement de définir, dans l'avant-projet de loi, les organismes communautaires en tenant compte du travail qu'ils effectuent, de telle sorte qu'aucune interprétation restrictive du travail relatif à la santé et aux services sociaux ne pourra nier leur contribution.

Et, finalement, nous demandons au gouvernement de surseoir à son projet de régionaliser la gestion des organismes communautaires. Les risques de perte de qualité de leur travail sont trop importants. Le SSOC, dans sa forme actuelle, constitue pour nous un interlocuteur administratif fort acceptable, alors que les conseils d'administration de nos maisons de jeunes sont des gestionnaires responsables.

En conclusion, Mme la Présidente, nous ne sommes pas du réseau public, mais nous sommes d'intérêt public. C'est pourquoi nous voulons faire reconnaître et respecter notre espace propre où s'élaborent nos manières de voir et de faire, selon nos projets, nos approches, nos modes d'organisation et notre expérience démocratique. Nous vous remercions beaucoup de l'attention que toutes et tous, vous nous avez accordée en cette fin d'après-midi. Merci beaucoup, madame.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Paquin. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. D'entrée de jeu, je vous dirai que je suis un petit peu étonné du ton et du fond du mémoire, étonné et surpris. On est à peut-être 160 ou, je ne sais pas trop quoi, 170 mémoires entendus à la commission parlementaire et vous êtes le premier mémoire, le seul des 160 entendus, qui vient nous dire que les objectifs qu'il y avait dans le document sur la santé sont à côte de la "track". C'est ça que vous nous avez dit. Ce que j'ai compris, moi, tous les autres sont venus à peu près nous dire: il faut avoir une politique de la santé et les 20 objectifs qu'il y a dans le document qu'a rendu public Mme Lavoie-Roux sont des objectifs qui ont du bon sens.

Au moment où vous prenez un ton pour votre communication qui parle d'accaparer le communautaire, de le forcer dans une complémentarité, dans un partenariat où vous devenez des êtres servîtes du pouvoir central à Québec, des pouvoirs régionaux ou des établissements, moi, ce que je lis... Peut-être qu'on l'a mal traduit dans le projet de loi, ça c'est possible; d'ailleurs, on se l'est fait dire à plusieurs reprises, ça, je le prends. Mais si ça est bon, comme orientations et comme objectifs, on va tenter de faire en sorte que le projet de loi corresponde davantage à ça.

À la page 18, que vous avez très certainement lue, dans les quatre stratégies fondamentales, la première, c'est la prévention et la promotion; donc, ça, ce n'est pas nécessairement le curatif. La deuxième, c'est le renforcement de l'autonomie des personnes, des réseaux naturels et des communautés, la troisième, la coopération multisectorielle et la quatrième, le maintien d'un

système public fort. Et après ça défilent les 20 objectifs de santé. Je ne sais pas, est-ce qu'on a lu la même chose ou si on n'a pas lu la même chose? Expliquez-moi la différence entre ce que vous avez lu et ce que vous avez compris, et moi, ce que j'ai lu et que j'ai cru comprendre. On a lu la même chose, mais on ne comprend pas la même chose. Expliquez-moi ça, j'ai besoin d'explications.

M. Paquin: Si vous me le permettez, au niveau de votre intervention concernant les objectifs et la lecture du document, personnellement, je l'ai lu deux ou trois fois. Je pense que mes confrères et mes consoeurs aussi l'ont lu. Je pense que, en soi, comme telle, ma réaction principale, c'est que c'est effectivement un très beau document, très bien orienté.

Quand vous parlez, entre autres, des objectifs, la réaction qu'on a, ce n'est pas de porter un jugement sur la valeur de ces objectifs. C'est qu'on considère effectivement que ça peut être de très bons objectifs pour le réseau de la santé et des services sociaux. Que les CLSC, les CSS, les hôpitaux, etc., s'entendent et se concertent pour atteindre ces objectifs, je pense qu'on n'a rien contre ça, dans le sens où l'intervention qu'on vient faire ici aujourd'hui, ce n'est pas de dire, dans le fond, au réseau quelles devraient être ses priorités et de quelle façon s'organiser.

On vient un peu exposer ici aujourd'hui que ces orientations dont vous pariez, les quatre, la prévention et les autres, finalement, s'orientent vers une vingtaine d'objectifs et que c'est au niveau des objectifs que les allocations et le travail vont se faire sur le terrain. Nous, on se dit: Ces objectifs, tout bons qu'ils soient pour le réseau, ne sont pas nécessairement la façon et les priorités que le réseau communautaire et les maisons de jeunes ont développés. Alors, nous, dans le fond, on vient dire: Même si vos objectifs sont corrects, pourquoi nous forcer à travailler sur ces objectifs alors qu'on en a déjà et qu'ils sont de qualité aussi sauf qu'ils sont perçus sous un autre angle? Ça, c'est la réflexion au niveau des orientations et des objectifs.

M. Côté (Charlesbourg): Mais quand on les prend-La Présidente (Mme Marois): II y a M.

Feriand qui voulait intervenir.

M. Feriand: En complément de réponse là-dessus, par exemple, les objectifs sont fort louables. Là où ça nous pose un peu de problèmes, c'est que, dans sa traduction dans le cadre de l'avant-projet de loi, il y a des trucs où ça "hic" et où justement on considère qu'on risque . de passer à côté de certains objectifs. Par exemple, M. Côté nommait des axes au niveau de la prévention et de la promotion, O.K.? Présentement, probablement parce que notre travail est évidemment mal connu, une des résultantes importantes de notre travail se passe au niveau de la prévention de toute nature. La gestion par programme présentée dans l'avant-projet de loi nous coupe totalement de tous nos moyens d'action par rapport à ça. On se réfère, par exemple, au mode de fonctionnement présent d'une maison de jeunes, où les jeunes fréquentent l'organisme sur une base volontaire. Ces jeunes viennent là d'abord et avant tout pour un lieu de rencontre et pour un lieu de rencontre animé.

M. Côté (Charlesbourg): Je vais vous arrêter là-dessus parce que c'est grave, ce que vous dites.

M. Feriand: O.K.

M. Côté (Charlesbourg): Et je ne veux pas laisser aller ça parce que vous pourriez le propager ailleurs, alors que ce n'est pas vrai. Il y a peut-être un niveau d'incompréhension, mais quand on parie, sur le plan stratégique, à la page 18 du document, des quatre stratégies fondamentales, la première, c'est la prévention et la promotion. Lorsque vous me parlez d'un programme-cadre, il va falloir, lorsqu'on aura un programme-cadre sur un objectif de santé, qu'on s'adresse d'abord et avant tout à la prévention et à la promotion. Dans ce cas-là, ne venez pas me dire qu'avec toute la liberté que vous allez avoir sur le plan de la prévention et de la promotion vous ne pourrez pas le faire.

Prenez un objectif. On va prendre le troisième: réduire de 35 % la mortalité due aux traumatismes routiers d'ici l'an 2000. Ça doit vous concerner un peu, ça? À 16 ans, quand on commence à avoir un permis, quand vous regardez... Je le sais, j'ai été à la Régie de l'assurance automobile et au ministère des Transports. Les accidents de la route les plus importants sont ceux qui sont dans la courbe pas de 16-18, de 18 et plus, 18 à 22 ans. C'est là qu'il y a des mortalités sur les routes au niveau du Québec. Ça doit vous concerner un peu, comme maisons de jeunes, même s'ils sont peut-être au-dessus de l'âge majoritaire? Parce que la prévention va venir par de l'éducation quand vous allez les rencontrer chez vous. Il n'y a personne qui va vous empêcher, même pas un programme-cadre, de faire de la prévention et de la promotion à ce moment-là.

La Présidente (Mme Marois): M. Feriand, oui.

M. Feriand: Comprenons-nous. Ça nous inquiète tellement, effectivement, la sécurité routière, la prévention à ce niveau-là, qu'on n'a pas attendu tout le magnifique travail de la

commission Rochon pour en faire. C'est là qu'il y a un problème. C'est là qu'effectivement nous, on pense qu'on peut peut-être rater le bateau. On n'a pas attendu ça. On s'en est rendu compte avant que ça sorte dans les statistiques, avant que ça sorte ici. Et on y a travaillé. On fait partie de cette statistique aujourd'hui. Là, effectivement, nous, on pense qu'il y a un décalage possible dû au traitement des programmes-cadres qui va nous obliger à un retard automatique par rapport à ce qui se passe concrètement, O. K., sur le terrain. (17 h 15)

M. Côté (Charlesbourg): Vous nous garantissez là... Parce que vous représentez 78, si j'ai bien vu, maisons de jeunes sur 152. C'est ça?

M. Ferland: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): vous me garantissez que le traitement qui est fait dans les 78 maisons que vous représentez, à ce niveau-là, est un travail qui est égal partout en termes de qualité de prévention, de promotion et que vous êtes en avance partout sur tout le monde dans les 78?

La Présidente (Mme Marois): M. Viau.

M. Viau: Oui, je pourrais vous répondre là-dessus que l'essentiel de notre travail vise d'abord à faire des citoyens bien intégrés qui sont capables de faire des choix intelligents au bon moment. C'est d'abord ça, notre objectif et, en second lieu, notre objectif secondaire, c'est évidemment de faire en sorte qu'ils se rendent à 18 ans sans ce casser la gueule en automobile. C'est exactement à ce niveau-là que l'incompréhension est. La prévention pour nous, c'est le résultat de notre travail, c'est le résultat d'une intégration. Notre objectif principal, c'est d'intégrer les gens dans la communauté et le diagnostic qu'on porte sur les difficultés qu'ils ont, c'est là. Le principal problème des jeunes, monsieur, ce n'est pas la drogue, ce n'est pas l'alcool, ce n'est pas les accidents de voiture; c'est la non-intégration à la société, c'est le fait que trois jeunes sur dix ne finissent pas leur secondaire. À ce titre-là, en tant que maisons de jeunes, ce qu'on fait, c'est un complément, c'est leur donner les moyens et le goût de vivre, de s'expérimenter.

Oui, on peut vous garantir que, dans les maisons de jeunes, la qualité des liens entre les intervenants et les jeunes est assez grande actuellement pour favoriser une prise de conscience quand c'est le temps, à partir du moment où les jeunes ont, par exemple, le goût d'acheter une voiture, pas trois ans avant qu'ils s'achètent une voiture parce que la fille du DSC ce soir-là, elle, a le goût de parier d'accidents d'automobile. À partir du moment... Dans les maisons de jeunes, on diffuse moins d'information qu'on en traite. or, pour vous, le principal intérêt d'investir chez nous, c'est d'être sûr que les gens qui travaillent dans les maisons de jeunes, sont bien formés.

M. Côté (Charlesbourg): On va bien se comprendre. On ne se chicane pas bien, bien sur l'argent là parce qu'on parle d'entre 20 000 $ et 50 000 $ par année là. C'est pour ça que, quand on parie de programmes-cadres, j'aimerais bien ça qu'on m'explique. Je n'ai pas encore entendu parier que, demain matin, H y aurait un programme-cadre, en ce qui vous concerne, qui vous mettrait tellement une camisole de force que vous ne pourriez plus rien faire si vous n'avez pas l'autorisation du fonctionnaire qui est responsable du programme. On ne se parie pas de fortune là, puis Dieu sait que vous le savez, sur le plan des budgets que vous avez à votre disposition. Donc, ce n'est pas, moi, pour l'argent qui est investi là-dedans à 20 000 $ ou 50 000 $ par année. Ce que j'ai de la difficulté à comprendre, c'est que vous venez nous dire que vous allez avoir de la difficulté à vivre à l'intérieur d'un programme-cadre. Est-ce qu'actuellement vous avez de la misère à vivre avec le programme qui est là?

La Présidente (Mme Marois): M. Paquin, puis ensuite je pense que M. Viau veut intervenir.

M. Paquin: Ce peut être une mauvaise compréhension de notre part aussi ou de ma part en particulier, je veux dire. Moi, je comprends que, par un programme-cadre, par exemple, au niveau de la prévention dans notre région, à un moment donné, on dirait: Là, il faudrait faire quelque chose au niveau de la drogue chez les jeunes, puis qu'à partir de ce programme-cadre là et de cette intention-là il y aurait de la disponibilité financière ou il y aurait des exigences qui seraient posées par rapport aux organismes, dans le sens où tout le monde, maisons de jeunes, CLSC etc., on agit par rapport à la prévention de la drogue. Ça, pour nous autres, c'est inquiétant parce que, en même temps qu'on fait ça, il y a une philosophie réseau de prévention de la drogue qui n'est pas nécessairement notre façon de travailler.

Je vous donne un exemple concret et, en même temps, ça va vous montrer qu'en disant qu'on a des réticences à s'embarquer dans un programme-cadre tel que présenté on n'a pas de réticences à collaborer avec des organismes du réseau. Chez nous, par exemple, à Shawinigan, on est en pourparlers, on a des réunions actuellement avec le DSC, le CLSC, puis la Polyvalente des Chutes. On est en train de mettre sur pied, ensemble, un projet-pilote de promotion et de prévention au niveau de la drogue. Alors, le DSC, lui, fait un programme, mettons, qui pourrait être diffusé par les enseignants, puis

tout ça, pour sensibiliser les gens à faire des choix par rapport à la drogue puis tout ça. Puis, ils ont demandé à la maison de jeunes de s'impliquer dans ce projet-là, mais dans le respect de ce qu'on est. Alors, qu'est-ce que ça veut dire pour nous autres? Ça veut dire qu'on va essayer d'exporter une maison de jeunes dans l'école, dans le sens qu'au niveau du secondaire I, on va aller animer les jeunes sur l'heure du dîner pour essayer d'améliorer la qualité de vie sur place, mais à partir d'une approche globale, dans le sens qu'on va mettre les jeunes en responsabilité. On va dire: C'est quoi qu'on peut faire ensemble pour améliorer la qualité de vie ici? Puis, par ricochet, à un moment donné, on va avoir un spécial pendant la semaine du fumage ou bien donc la semaine de ci, bon! Mais, globalement, on va faire avancer ces jeunes-là, mais c'est juste peut-être pendant une semaine, deux ou trois dans l'année, qu'on va toucher d'une façon particulière la prévention de la drogue visiblement.

Alors, c'est pour ça qu'on a peur, nous autres, que dans un programme-cadre de prévention de la drogue, par exemple, cette approche globale là ne soit pas perçue et qu'elle soit vue uniquement les deux ou trois semaines où on va faire une rencontre d'information sur la drogue. Alors, c'est pour ça qu'on a des réticences, mais soyez bien assuré que les réticences qu'on exprime par rapport a ça ne sont pas des réticences à réaliser des projets de partenaire égal à égal avec des institutions qui veulent faire des choses dans notre milieu.

M. Côté (Charlesbourg): Là, vous venez de m'expliquer la complémentarité et le partenariat.

M. Paquin: Bien, je vous ai ouvert la porte pour en parler, sûrement en tout cas.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, c'est ça, mais, en tout cas...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Vous venez de me donner l'exemple que la complémentarité et le partenariat avec les établissements du réseau, c'est possible.

M. Paquin: Effectivement.

M. Côté (Charlesbourg): ...par des choses concrètes. Donc, ce qu'on souhaite, c'est ça. On ne souhaite pas imposer, ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai. On l'a dit dans l'avant-projet de loi. La définition des organismes communautaires quant à leur liberté, quant à leur autonomie n'était pas assez claire, les groupes communautaires sont venus nous le dire. Ils ont dit: Reprenez ce qui a été écrit là-dedans et mettez-le dans le projet de loi. On a dit: Oui, c'est ça qu'on va faire. On pensait que c'était ça qu'on avait fait, mais comme vous le lisez et que vous ne lisez pas la même chose, parfait, on va prendre ce qu'il y a là-dedans et on va le mettre dans le projet de loi. À ce moment-là, ça va être clair. Donc, sur l'autonomie. mais, globalement, ça signifie qu'à partir du moment où on investit des sommes qui sont appréciables... tout le monde souhaite 1 % demain matin. l'argent investi dans le communautaire, ce n'est pas de l'argent qui est mal investi; c'est de l'argent qui est bien investi. tout le monde est venu nous dire qu'on avait davantage en investissant dans le communautaire qu'avec le même argent investi dans le réseau public, et c'est vrai. alors, à partir de ça, ce sont des sommes qui sont quand même... disons qu'on arrive demain matin et qu'on l'a, le 1 %, c'est 80 000 000 $ par année. ce sont des sommes assez appréciables. il faut quand même que quelqu'un soit responsable à quelque part de l'imputer.

M. Paquin: M. le ministre, pourquoi faut-il, pour en arriver à une complémentarité, comme vous dites, ou à un partenariat, en arriver à harnacher un peu le communautaire et à l'ancrer d'une façon plus ou moins volontaire au réseau public? Moi, je pense qu'on n'a pas demandé comme communautaire, nous autres, de faire partie de la régie régionale avec toutes ces choses-là. On veut, tout simplement, être considérés d'une façon autonome comme un groupe qui peut traiter d'égal à égal avec les éléments du réseau.

M. Côté (Charlesbourg): C'est pour ça qu'il y a des bouts où je ne comprends pas la résistance du communautaire vis-à-vis d'une structure régionale qui va être une structure plus proche et qu'il devrait normalement mieux connaître. Je fais la distinction très nette entre les regroupements qui veulent être rattachés au niveau provincial. Ça se comprend parce que tu as une portée sur l'ensemble du territoire, alors que d'après moi, d'après ma petite expérience de Gaspésien d'origine, le communautaire va être beaucoup plus près de la réalité de la région concernée avec une régie régionale qu'au central.

M. Paquin: C'est la même difficulté, M. le ministre, que des anglophones peuvent avoir à comprendre la société distincte. Moi, je pense que, comme groupe communautaire, on est distinct du fonctionnement, de la façon de voir et d'approcher du réseau.

M. Côté (Charlesbourg): Oui, mais...

M. Paquin: Tout ce qu'on demande, c'est que ça soit respecté.

M. Côté (Charlesbourg): ...c'est parce que

votre exemple de l'anglophone qui a de la difficulté à comprendre la société distincte du Québec, moi, venant d'une région qui est celle de la Gaspésie, j'aurais pas mal plus confiance qu'on pourrait incliner des décisions dans le sens de nos besoins réels au niveau de la Gaspésie si c'était une régie régionale qui avait un budget fermé et dédié au communautaire, et qu'on pourrait faire les arbitrages quant à nos priorités au niveau de la région davantage qu'avec un pouvoir central. Moi, ça, j'y crois fermement. Et ça aussi, c'est distinct sur le plan des régions parce que les besoins de la Gaspésie ne sont pas nécessairement ceux de Montréal. On a donné des exemples là-dessus.

C'est pour ça que le regroupement au niveau provincial, oui, on va le regarder, parce que ça m'apparaît davantage porter sur l'ensemble du territoire du Québec. Quant aux autres, la tendance va davantage au niveau de la région parce que tout le monde est venu nous dire ici qu'une régie régionale va faire en sorte que les décideurs sur le plan régional vont être mieux placés pour déterminer les priorités de chacune de leurs régions et faire l'attribution à ce niveau-là. Dans le communautaire, il y a beaucoup de résistance là-dessus parce que, effectivement, les gens ont peur de perdre leur identité, d'être absorbés par le réseau des établissements et il y a ce danger-là. Il ne faut pas l'éliminer, non plus, du revers de la main. Il y a un danger qu'il faut bien baliser de ce côté-là.

La Présidente (Mme Marois): Je pense qu'il y a M. Viau, là, qui veut intervenir et M. Ferland.

M. Viau: Oui. Je vous dirais, M. le ministre, que la complémentarité entre les gens du réseau et les gens du communautaire, elle existe de toute façon. Vous nous demandez comment penser qu'on ne serait pas plus proches de façon régionale. On n'a pas l'impression qu'on peut être plus proches que de façon locale. C'est au niveau local que les décisions se prennent dans les maisons de jeunes et c'est à cet endroit-là qu'on considère qu'elles doivent continuer à se prendre. C'est dans ce sens-là qu'on ne voit pas l'utilité actuellement d'aller gérer le réseau des affaires sociales à un point de vue régional. On vous demande, en tant que ministre, de ne pas mettre tous vos oeufs dans le même panier. C'est exactement ce qu'on vous demande. Nous, on a commencé à travailler en un lieu d'intervention où on a l'impression qu'on fait en sorte que les jeunes ne se rendent pas jusqu'à votre réseau et c'est ce qu'on vous demande de continuer de faire. On est en train de bâtir une intervention qu'on a commencée il y a dix ans; il nous reste encore beaucoup de travail à faire, qui va faire en sorte que les jeunes vont pouvoir rester dans notre communauté.

M. Côté (Charlesbourg): Ce que je trouve extraordinaire, c'est que vous faites un plaidoyer tout à fait exceptionnel aux fonctionnaires sur le plan central. Vous dites: Vous nous avez fait une maudite bonne job, on veut continuer d'être rattachés à vous autres. C'est ça?

La Présidente (Mme Marois): M. Ferland. Il va peut-être vous répondre!

M. Ferland: Non, pas là-dessus. Pour illlustrer clairement certaines réticences qu'on peut avoir, c'est qu'on ne fonctionne pas de la même façon, O.K.? Et le mode de fonctionnement de la gestion par programme nous encombre profondément. Quand, chez nous, dans ma maison de jeunes, les jeunes manifestent qu'il y a un besoin au niveau du soutien scolaire, je n'attendrai pas d'aller négocier dans une quelconque régie régionale, entité beaucoup plus loin, beaucoup moins démocratique, beaucoup moins collée à la réalité des jeunes qui ont besoin d'un soutien scolaire. Je n'irai pas négocier le bout de gras pour savoir: Va-t-H y avoir un programme-cadre afin que je puisse faire du soutien scolaire avec ma gang? Ça ne fonctionne pas comme ça. Ça n'enlève rien à la pertinence que ça puisse être opportun pour d'autres groupes; pour nous, ça ne l'est pas. C'est ça qu'on dit. C'est tout.

La Présidente (Mme Marois): Oui, une dernière intervention brève parce qu'il y a d'autres questions qui vont venir encore. Ne vous inquiétez pas, on va aller un peu plus loin encore.

M. Viau: Oui. Je pense que M. le ministre a raison de dire que les fonctionnaires, au niveau central, ont bien travaillé, tout simplement parce qu'ils n'ont pas le bras assez long pour venir jouer dans nos conseils d'administration.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Viau: Ce qui nous laisse l'autonomie de nous ajuster à notre réalité.

M. Côté (Charlesbourg): Ah! Le chat vient de sortir du sac.

M. Viau: Ah! Bien, il était sorti ça fait longtemps, je pense.

La Présidente (Mme Marois): M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, s'il vous plaît.

M. Trudel: Merci beaucoup de votre présentation. C'est un monde différent; je n'ai pas entendu ça tout à fait, ce son de cloche, et je dois vous dire, pour poursuivre un peu dans la lignée du ministre sur la reconnaissance et sur la régionalisation, que, pour un député d'une région

périphérique, l'Abitibi-Témiscamingue, et quelqu'un qui a travaillé dans ces mouvements communautaires d'une façon intensive pendant une quinzaine d'années, c'est surprenant. C'est surprenant de voir une recommandation qui dit: Oui à la régionalisation, parce que ça nous rapproche des usagers, des services que l'on a à rendre aux personnes, ça nous rapproche de ces personnes mêmes, mais, dans le cas du communautaire, pas au niveau régional, pas de régionalisation. Je ne veux pas être trop long là-dessus, parce qu'on a posé la question souvent et vous avez donné une série de réponses sur votre opinion là-dessus. Il y a comme une mesure de protection, également, une espère ce barrure qui est recherchée par le fait de demeurer en liaison avec la structure centrale. On en a bien discuté.

Est-ce que je comprends qu'à la limite, compte tenu de ce que vous êtes et de ce que vous faites, vous seriez rattachés au mauvais endroit, en étant dans le système de santé et des services sociaux? La mission que vous désirez poursuivre, ce que vous faites sur le terrain, ça vous donne un cadre et vous sentez que ça va. peut-être vous amener un cadre qui va être trop restrictif par rapport à l'expression des besoins qui vous sont manifestés à la semaine, au mois, à chaque année, quotidiennement. Est-ce que, dans le fond, vous souhaitez une reconnaissance et un soutien de l'État, mais pas nécessairement à l'intérieur du système de la santé et des services sociaux?

La Présidente (Mme Marois): M. Paquin.

M. Paquin: Je pense que je serais porté à vous poser la question: Ailleurs, où? Mais, pour le moment, je pense que nous autres, on a toujours fonctionné dans l'optique que le rôle essentiel ou l'essentiel de la mission qu'on remplit ou de la vocation qu'on veut remplir auprès des jeunes se situe en bonne ligne avec la vocation et la mission du ministère de la Santé et des Services sociaux, ça se situe bien dans l'orientation générale que le ministre de la Santé énonçait tantôt au niveau de la prévention et de la promotion de la santé, mais la santé perçue d'une façon globale, au niveau des causes et des conséquences qui amène tel problème au niveau des jeunes. (17 h 30)

Alors, dans ce sens-là je pense que nous autres, on ne cherche pas une autre porte, là, pour être plus à l'aise, mais je pense que ce qu'on veut surtout, c'est être reconnus selon nos caractéristiques comme groupe et fonctionner dans un rapport d'égal à égal, d'associé avec l'ensemble du réseau, mais sur une base autonome.

M. Trudel: Vous demandez également au gouvernement ou à l'État, là, de définir les organismes communautaires en tenant compte du travail qu'ils effectuent, c'est-à-dire que la reconnaissance - j'ai de la misère un peu avec ça - viendrait de votre définition à vous autres de ne pas entrer dans une catégorie, si je comprends bien: "Nous demandons au gouvernement de définir les organismes communautaires en tenant compte du travail qu'ils effectuent, de telle sorte qu'aucune interprétation restrictive du travail relatif à la santé et aux services sociaux ne pourra nier leur contribution. " Expliquez-moi ça un petit peu. Je comprends que vous définissez les objectifs et que vous dites: Reconnaissez-nous en fonction des objectifs qu'on se donne, peu importe les vôtres. Est-ce que j'exagère en disant ça?

La Présidente (Mme Marois): M. Viau.

M. Viau: Oui, j'ai l'impression que, si on prend un exemple précis, la définition du travail des maisons de jeunes pourrait être inscrite dans l'avant-projet de loi et dirait: II peut exister des méthodes d'intervention qui sont de la nature de l'animation communautaire, qui font qu'on va viser à faire en sorte que les jeunes restent dans leur milieu, qui vont renforcer les jeunes dans leur capacité de faire des choix. La nature et le résultat de ça feront en sorte qu'on aura fait du travail préventif, comme les objectifs du document d'orientations le nomment bien. C'est ce type de définition là qu'on recherche. Nos objectifs sont par rapport à une intégration sociale des jeunes, mais ils ne visent pas à empêcher les jeunes d'avoir tel type de comportement. Le résultat de notre travail, c'est d'empêcher, justement, les jeunes d'avoir des comportements qui nous coûtent très cher en tant que société. C'est dans ce sens-là qu'on voudrait une définition qui permettrait de mettre ce type de travail là. De l'animation communautaire, monsieur, il ne s'en fait pas dans le réseau. Il se fait de l'intervention communautaire, c'est tout à fait différent. Le désavantage le plus évident de cet avant-projet de loi, c'est qu'il nous condamne à passer d'animateurs à intervenants, à intervenir sur des problèmes précis par le biais des programmes-cadres au lieu d'intervenir sur la capacité de s'intégrer des jeunes.

M. Trudel: Alors, ce que vous nous dites, là, c'est d'ajuster, en quelque sorte, selon votre réalité, la définition d'organisme communautaire, compte tenu de ce que vous êtes, mais pas nécessairement pour tous les organismes communautaires. Parce que, à la façon dont c'est écrit ici, vous nous dites - c'est ça qui est formellement défini - "définir les organismes communautaires en tenant compte du travail qu'ils effectuent. " Alors, quant à vous, c'est l'animation sociale qui devrait être inscrite dans le projet de loi...

M. Viau: Tout à fait.

M. Trudel:... comme groupe communautaire qui poursuivrait, à l'intérieur des grands objectifs définis par l'État, des objectifs particuliers de prévention, bon, etc., ce qu'on a énuméré tantôt. C'est ça que vous vouiez retrouver dans le projet de loi.

M. Viau: Oui.

M. Paquin: Vous savez, M. le député, quand on parlait tantôt du document d'orientations, H y en a une description ou reconnaissance, là, avec quelques points de repère concernant une reconnaissance d'organismes communautaires. Puis, quand on a vu cette façon de reconnaître, là, les organismes communautaires, on a accueilli ça avec plaisir. Ça nous est apparu comme une bonne définition, compte tenu du contexte et de tout ça, sauf qu'à un moment donné, rendu à lavant-projet de loi, il y a un petit bout de la définition qui a comme été oublié, là - on a manqué de place ou je ne sais pas quoi - et c'est où on parle, entre autres, de l'autonomie des groupes. On a perdu ce bout-là dans notre définition.

Aussi, tout simplement, ce qu'on se disait, c'est qu'à un moment donné le document d'orientations semblait vouloir reconnaître les organismes communautaires, mais, à un moment donné, on avait l'impression qu'au niveau du financement cette reconnaissance-là, large, ça les toucherait juste lorsqu'ils seraient spécifiques et très connectés, là, aux objectifs du ministère de la Santé et des Services sociaux, mais qu'on ne considérait pas l'ensemble des interventions et de l'animation qu'on faisait.

M. Trudel: Dans le cas d'une complémentarité, là, avec les ressources qui existent dans le système, vous venez nous dire: Bon, nous, on fait de l'animation communautaire et, dans le système, par exemple au niveau de l'organisation communautaire dans les CLSC, on ferait plutôt de l'intervention communautaire. Est-ce que vos relations sont bonnes? Comment ça va, vos relations avec la partie communautaire des CLSC?

La Présidente (Mme Marois): M. Paquin. M. Ferland, oui. M. Ferland.

M. Ferland: Ça aussi, c'est un petit peu étonnant qu'on retrouve ça dans le rapport aujourd'hui. On travaille dans les mêmes communautés, à certains moments, avec les mêmes clientèles dans des conditions qui, à certains moments aussi, sont les mêmes, O. K. ? Il y a sur le terrain des masses de collaboration qui s'établissent entre les organismes communautaires, les municipalités, les CLSC, les gens du réseau. Il n'y a pas de problème fondamental sauf qu'elles s'établissent aussi, sur le terrain, dans le respect négocié des capacités de chacun, O. K. ? Et, s'il n'y a pas possibilité, il n'y en a pas, on ne développe pas ce type de trucs là. Sauf que, globalement parlant, chez nous, on travaille à Brossard à monter une table de concertation avec la fille qui travaille comme organisatrice communautaire au CLSC. Bon, nous autres, on y va de notre petite pierre comme ça. Ça définit l'état des rapports.

Là où ça nous intéresse moins, c'est d'aller négocier encore une fois le bout de gras sur des modes de fonctionnement qui sont différents. M. le ministre va recevoir ça cette année et les précédents ministres l'ont reçu, chez nous, le directeur du CLSC passe sa vie à nous écrire sa lettre de recommandations annuelle en nous expliquant, en vous expliquant que la maison des jeunes touche une clientèle que lui, les services municipaux et un tel, un tel, un tel, définissez-les, ne touchent pas. Point final. Ils ne fonctionnent pas de la même façon. Ils n'atteignent pas les mêmes jeunes. C'est tout. Les jeunes ne vont pas au CLSC parce qu'ils peuvent aller écouter la TV le soir. Ils vont au CLSC parce qu'on leur a dit vas-y, ou bien parce qu'ils ont un problème. Chez nous, ils viennent parce qu'ils peuvent écouter la TV le soir, sauf qu'ils viennent aussi, O. K., parce qu'il y a possibilité de contact avec des adultes "signifiants" sur des affaires et qu'ils n'ont pas pris rendez-vous deux mois d'avance. S'ils ont le goût de sortir le vendredi soir, ils vont peut-être pouvoir en jaser là, "whatever", tu sais. Toute la distinction, elle est là. C'est tout.

La Présidente (Mme Marois): M. Paquin.

M. Paquin: Moi, je pense que les relations actuelles entre les maisons de jeunes et les CLSC, des fois, ça va selon les personnes. Je veux dire, dans les CLSC, des fois, il y a de bonnes personnes et, des fois, c'est dans les maisons de jeunes que les bonnes personnes sont, et, des fois, c'est le contraire. Mais je pense que ce qui est capital, jusqu'à un certain point, c'est quel impact vont avoir la régionalisation et les régies régionales sur cette relation-là qui doit demeurer sur une base volontaire. Nous autres, on craint que le fonctionnement par programme et le fonctionnement par les régies régionales, tout ça, ça amène une espèce de concurrence, de lutte pour des allocations d'argent qui seraient fartes par rapport à des problèmes en particulier. Par exemple, s'il y a des disponibilités financières pour intervenir au niveau de tels problèmes de santé ou de problèmes sociaux, qu'il y a une enveloppe d'argent qui est disponible pour ça, et qu'en même temps il y a une maison de jeunes qui dit: Nous autres, on serait aptes à intervenir dans ce domaine-là Entre autres, chez nous, au niveau de l'abandon scolaire, par exemple, on a eu, à un moment donné, à discuter

des choses avec le CLSC qui voulait faire un service à peu près semblable au nôtre. Bien, finalement, c'est quoi que la régie régionale, qui est représentée à 80 %, à 85 % par des gens du réseau, va décider s'il y a à trancher qu'on va allouer des ressources financières supplémentaires à nos CLSC ou à nos maisons de jeunes par rapport à tel type d'intervention? On craint qu'au lieu de faciliter les rapports ça crée de la surenchère ou de la concurrence qui pourrait compliquer la complémentarité et le partenariat qu'il peut y avoir entre ces deux organismes-là.

La Présidente (Mme Marois): Une dernière question, M. le député de Joliette et leader de l'Opposition. Vous en avez une.

M. Chevrette: Une seule dernière. Je pensais en avoir quatre ou cinq.

La Présidente (Mme Marois): Oui. Une dernière avec une sous-question. Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Quand on parle de reconnaissance et d'autonomie, la reconnaissance entre vous et moi, ou l'accréditation peut-elle être nationale et les subventions régionales? Je ne vois pas ça, moi non plus, dans une décentralisation. Je ne suis pas branché sur la partie communautaire. J'ignore encore comment on va faire pour en arriver à avoir des budgets qui ne soient pas arbitrés localement parce que difficilement défendables, pas sur le plan de la logique, mais à cause de la puissance des "lobbies".

Le communautaire nous dit, à toutes fins pratiques: Régionalement, j'ai peur en maudit, si je n'ai pas des enveloppes fermées. Je pense que le communautaire a raison de dire ça. Ça pourrait être gobé si, par exemple, on se retrouvait dans une région très vieillissante où 14 % de la population ont 65 ans et plus, qu'il manque de places en centres d'accueil, en familles d'accueil et ça ne finit plus. On pourrait facilement prendre tout le budget et bonjour le communautaire! Ou bien vous devenez les sous-contractants du réseau, et ce n'est pas ce que vous recherchez d'après toutes les discussions qu'on entend depuis tantôt.

Que pensez-vous de l'établissement d'une politique de financement au niveau national, d'une politique d'accréditation au niveau national et des offres de complémentarité discutées dans le milieu, en concertation, mais sans affecter l'autonomie comme telle? Je vous donne un exemple. Vous existez, vous faites un travail. On vous a reconnu, dans le passé, une utilité, si bien qu'on s'en venait avec une politique de financement, en 1984. Il y avait au moins un début de politique de financement qui s'en venait; ce n'était pas fort, mais ça s'en venait au moins. Il y avait au moins les premiers jalons d'une politique de financement et, que je sache, ça ne s'est même pas continué depuis 1984-1985.

Ce que je voudrais savoir aussi - parce qu'on me dit que j'ai une seule question; je vais en mettre assez dedans et vous vous débrouillerez avec, vous autres, vous allez défoncer plus facilement que moi - c'est comment vous voyez, vous autres, la négociation de cette politique de financement ou de cette politique de reconnaissance des organismes, tout en conservant l'autonomie. Moi, je vous souhaite, les maisons de jeunes, d'avoir le fruit d'un seul jeune qui se ramasse en centre de réadaptation, qui coûte à peu près 75 000 $ par année, ce serait déjà un beau début de politique de financement pour une maison de jeunes. Allez-y.

La Présidente (Mme Marois): M. Paquin ou M. Viau? M. Viau.

M. Viau: Pour ce qui est d'une politique de financement nationale, évidemment, ça fait dix ans qu'on en réclame une et, que ce soit établi sur une base nationale et versé sur une base nationale. C'est évident qu'on va être d'accord avec ça. Depuis environ un an, on a fait un travail dans toutes nos régions pour essayer de faire une proposition, parce que la dernière proposition originant du gouvernement date d'environ trois ans, c'était le rapport Sirros. On fait une contre-proposition à ça, qu'on sera prêts à déposer d'ici trois mois, et on espère, effectivement, que ça viendra tout à fait de façon nationale essayer d'encadrer un peu le travail, tout simplement, parce que, en tant que contribuables, on a aussi intérêt à donner la garantie au gouvernement qu'on fait bien notre travail. Quand on parle de développer des maisons de jeunes, ce n'est pas un hold-up; on ne veut pas aller chercher des subventions sans vouloir rendre de comptes, on est prêts à rendre des comptes.

Vous parlez aussi d'établir des modes de concertation d'un point de vue local ou régional. Si c'est pour concrétiser ce qui se fait déjà, on n'a pas de problème avec ça, aussi. On vous le dit depuis tantôt, il y a beaucoup de concertation, il y a beaucoup de travail en commun qui se fait. Notre problème, au niveau de la concertation et au niveau de la régionalisation, c'est au niveau administratif. La concertation administrative nous intéresse beaucoup moins que la concertation entre les intervenants.

M. Chevrette: Je vous remercie et je vous souhaite, je nous souhaite, aux Québécois, que les maisons de jeunes continuent à oeuvrer dans le milieu. Et si on y pensait un tant soit peu... J'ai enseigné dans les pavillons de jeunesse, à Joliette, les centres de réadaptation pour jeunes délinquants. Comme je le disais tantôt, je vous souhaite comme subvention, le coût d'un jeune qui est en centre d'accueil, parce que je suis convaincu que les maisons de jeunes ont con-

tribué à éviter que des dizaines de jeunes n'aboutissent là, et on a de la misère à aller chercher une subvention pour vous foire respirer.

La Présidente (Mme Marois): M. le député, ça va?

M. Trudel: Merci beaucoup de votre contribution.

La Présidente (Mme Marois): M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Coté (Charlesbourg): Je veux vous remercier. Même si la nature des échanges a été un petit peu plus corsée, je pense que ce n'est pas de mauvaise foi. Il faut tenter de clarifier un certain nombre de choses et ça fait partie du métier. Je souhaite que, dans l'avant-projet de loi, ce qui a été oublié ou omis parce qu'y n'y avait pas de place pour récrire, puisse être réintroduit dans le vrai projet de loi. Je peux vous garantir qu'il va l'être parce que j'en ai pris l'engagement et ce sera là. Et il y aura peut-être bien d'autres choses, au niveau des organismes communautaires, qui ne viseront pas nécessairement l'encadrement, mais qui vont viser à reconnaître leur autonomie. Pour moi, c'est un principe qu'on défend depuis le début, qui m'apparaît extrêmement important, l'autonomie, évidemment, tout en respectant aussi l'autonomie du gouvernement de faire ou de ne pas faire, puisque c'est lui qui a ultimement la responsabilité de défendre, sur la place publique, les sommes d'argent. Et je partage l'idée de mon collègue de Joliette qui dit que les maisons de jeunes ont fait du bon travail. (17 h 45)

Évidemment, là-dedans comme dans d'autres choses - comme les politiciens - il y en a des bons, des moins bons, mais je pense que c'est davantage le reflet de la société. Et ce n'est pas l'argent qu'on investit là qui m'énerve ou qui me fait peur parce que, de20000$à50000$par année, je pense que, par rapport au réseau où l'on investit, dans le curatif, à coups de milliards, y y a peut-être des efforts additionnels à faire de ce côté-là, mais en se comprenant bien sur ce que pourrait être une complémentarité, s'il y en avait une. Et vous m'avez donné la démonstration que, dans le vécu de tous les jours, H y a effectivement de la complémentarité et que c'est possible de le faire, sans que chacun y perde de son autonomie.

La Présidente (Mme Marois): M. Paquin.

M. Paquin: Alors, en conclusion, de notre part, je pense bien qu'on n'a pas voulu, par nos interventions, dénigrer ou dévaloriser, au contraire, le document d'orientations et le projet de loi qui va être déposé. C'est qu'on a voulu vraiment apporter notre préoccupation à savoir que, pour être capables, comme on l'est déjà actuellement et encore davantage à l'avenir, de s'associer avec les éléments du réseau pour donner de meilleurs services à la population, la condition préalable à ça, comme vous l'avez dit, c'est notre autonomie, d'être bien assis quelque part pour pouvoir parler d'égal à égal. On n'aurait pas ces conditions-là, à notre avis, dans la structure qui est actuellement envisagée en termes de régie régionale, où il y aurait la dimension du financement, en plus, qui serait dans le décor, qui viendrait un peu, compte tenu de notre grosseur par rapport aux autres...

Alors, on vous remercie beaucoup de l'attention que vous nous avez accordée. C'a été vraiment un plaisir de vous rencontrer tous ensemble. On en avait déjà rencontré quelques-uns devant l'entrée, ici, lors de manifestations, on a déjà eu l'occasion d'en rencontrer quelques-uns sous la pluie, mais de voir tout ce monde-là ensemble, en tout cas, c'est rafraîchissant pour nous autres et on a bien confiance dans l'avenir. Merci beaucoup, madame.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Alors, on vous remercie aussi de votre présentation et je veux vous rassurer sur le fait que nous avons pris le temps, tout le temps qui nous était imparti, avec vous, pour vous entendre et rassurer mon collègue, le député de Joliette, qu'il n'a pas été brimé dans son droit de parole ni dans son temps. Alors, ça nous a fait plaisir de vous entendre, aussi, à la commission, merci.

J'inviterais maintenant les représentants et représentantes des groupes sociocommunautaires de la région de l'Estrie à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Alors, bonjour et bienvenue à la commission. J'aimerais que le porte-parole se présente et présente la personne qui l'accompagne. Nous avons une demi-heure pour passer à travers votre mémoire et vos commentaires, une dizaine de minutes pour votre présentation, le reste du temps étant réparti entre les deux formations politiques.

Organismes sociocommunautaires de la région de l'Estrie

Mme Therrien (Ginette): Alors, mon nom est Ginette Therrien. Je suis membres du Groupe Iris Estrie, qui est le groupe d'intervention régionale et d'information sur le sida. Je suis accompagnée de Michel Turcotte, qui, lui, est de Secours-Amitié. Il y a une autre dame qui devait être là, mais, malheureusement, elle a été empêchée, compte tenu du changement d'horaire qui a été apporté pour la journée d'aujourd'hui.

Si vous me le permettez, je vais d'abord, au nom des groupes sociocommunautaires de la région de l'Estrie, vous remercier pour cette opportunité qui nous est offerte de venir vous présenter, à notre tour, un mémoire. Je vais vous

dire qu'on est d'autant plus intéressés de par le fait que, dans notre région, depuis un certain temps, depuis plusieurs années déjà, il y a de très beaux exemples de partenariat. Ce qui nous cause certaines difficultés, c'est peut-être davantage de ça qu'on aimerait vous entretenir, vous faire connaître davantage nos points de vue et, évidemment, connaître les vôtres.

Dans l'avant-propos - je pense que je n'ai pas à traiter de ça très très longtemps, d'autres avant nous ont dû vous le souligner - on a déploré qu'un processus démocratique de consultation, tel que la tenue de cette commission parlementaire, se fasse dans des délais aussi courts. Ça nous a fait en même temps un peu sourire en se disant que, pour une fois, dans l'avant-projet de loi, on parlait d'une reconnaissance, mais ça nous a amenés quand même à se questionner. On se demandait si le ministère était vraiment conscient de la réalité vécue dans le quotidien des groupes communautaires. On va donc essayer, justement, pendant les prochaines minutes, de mieux vous expliquer un petit peu ce qu'on vit tous les jours. Alors, il est bien sûr que, dans l'éventualité de l'application de cet avant-projet de loi, on croit que ça va impliquer des modifications profondes pour les organismes communautaires qui travaillent dans le domaine de la santé et des services sociaux. Alors, c'était pour nous essentiel de faire connaître notre point de vue qui, finalement, est celui des citoyens et citoyennes que nous représentons.

On a donc pris connaissance, dans son ensemble, de l'avant-projet de loi, mais, comme on avait peu de temps, on a décidé de s'attarder principalement sur les enjeux de l'application pour l'ensemble des organismes communautaires, de même que pour l'élaboration d'un système réellement centré sur la personne, dans sa globalité, son autonomie et sa capacité de prise en charge. Alors, les articles étudiés l'ont été à la lumière de trois grandes revendications qui, pour nous, nous apparaissent essentielles, c'est-à-dire, d'abord, la reconnaissance de l'action communautaire spécifique de même que la qualité assurée par les groupes communautaires souvent à l'avant-garde. Ce sera important qu'on saisisse bien qu'en 1990 les groupes communautaires ont beaucoup évolué et que ce ne sont plus des groupes dits, entre guillemets, folkloriques. Ce sont des gens qui sont de plus en plus structurés, qui sont bien encadrés et il faut qu'ensemble, je pense, on essaie de comprendre enfin que ce sont des gens qui ont, à la fois, de multiples visages et dont le travail a de multiples facettes. Il faut faire la distinction entre les groupes communautaires et tout le bénévolat qui vient à côté. Je pense qu'on ne peut pas faire travailler des gens bénévolement si, au départ, on n'a pas un groupe communautaire qui est capable de donner de bonnes orientations et une bonne formation à ces gens-là.

On parle également d'une reconnaissance officielle des organismes communautaires traduite par un financement adéquat, tout en respectant leur autonomie, c'est-à-dire qu'ils puissent définir librement leurs orientations, leurs approches et leur mode de fonctionnement. Ça ne veut évidemment pas dire qu'on a quelque chose contre une certaine forme de contrôle et on n'a rien non plus contre les évaluations. Ce sont, finalement, des choses qu'on fait régulièrement. Il n'y a pas un groupe communautaire qui n'a pas établi des mécanismes qui vont dans ce sens-là. Maintenant, on voudrait quand même que le ministère soit conscient qu'il ne peut pas exiger de nous ce qu'il exige des gens qu'il finance avec des centaines de milliers et même des millions de dollars. On a des moyens qui sont très minimes et on espère que, quelque part dans cette volonté de partenariat, on sera de plus en plus conscients de ce qui se passe chez nous et, nous, on essaiera d'être conscients aussi de ce qui se passe chez vous.

On veut également parler de la reconnaissance de développer ce réel partenariat dont je viens de vous parler: un réel partage du pouvoir avec le réseau public, basé sur la connaissance, le respect mutuel, l'accès égal à l'information et des moyens équivalents de représentativité. Vous savez, on n'est pas fermés du tout à s'asseoir à des tables de concertation. On est heureux d'être ici, aujourd'hui, mais, en même temps qu'on est là, on n'est pas dans nos groupes respectifs, là où, dans le fond, on a pris des engagements. On n'a rien contre ça, mais on ne pourra continuer que dans la mesure où on aura des moyens. Là, évidemment, on parle de ressources financières et de ressources humaines.

Au niveau de l'évaluation globale, nous sommes d'avis que les objectifs poursuivis par le ministère de la Santé et des Services sociaux, dans le cadre de cet avant-projet de loi, sont intéressants, particulièrement parce qu'ils conservent des acquis importants, telles l'accessibilité géographique et liguistique, l'universalité et la gratuité. Alors, on espère, en tout cas, par rapport à la gratuité, que les solutions qui seront envisagées le seront à la lumière de profondes réflexions. On ne voudrait pas reculer 20 ans en arrière, ce serait dommage. De plus, le gouvernement québécois, quant à nous, se rapproche des conceptions véhiculées par l'Organisation mondiale de la santé pour qui la santé de la personne est état de bien-être intégral et possibilité de réaliser pleinement ses potentialités. Cependant, on croit que les moyens mis de l'avant, bien que théoriquement susceptibles de faire avancer les dossiers, perdent de leur potentiel lorsque l'avant-projet de loi en définit les mécanismes d'application. Alors, on y reviendra un petit peu plus tard. D'autre part, nous sommes satisfaits et satisfaites, enfin, de cette reconnaissance officielle qu'accorde le ministère aux organismes communautaires pour leur apport indéniable et indispensable à la santé et au bien-

être des Québécois et des Québécoises. Toutefois, cette reconnaissance comporte des risques que nous tenterons de mettre en lumière.

Par rapport aux conseils d'administration unifiés, à première vue, H peut sembler que cet article favorisera la concertation et mettra fin aux luttes de pouvoir entre les différents intérêts corporatistes, à l'intérieur du réseau. Toutefois, nous ne croyons pas qu'une telle collaboration doive être téléguidée de l'extérieur. Il faut chercher ailleurs. Nous pourrions croire aussi à l'émergence d'un pouvoir plus grand pour la population. Il nous semble plutôt que les futurs administrateurs ou les futures administratrices de ces conseils d'administration unifiés seront simplement des témoins appelés à ratifier des programmes élaborés par des gestionnaires, à moins qu'ils ne soient eux-mêmes des gestionnaires professionnels. D'autre part, les citoyens et les citoyennes appelés à transiger dans les cadres de cette structure seront, par la force des choses, davantage confrontés à la bureaucratie.

Par rapport à l'article 57, bien que nous soyons parfaitement d'accord avec la volonté ministérielle de démocratiser davantage la composition des conseils d'administration, nous ne sommes pas d'accord pour exclure d'emblée tous les travailleurs et travailleuses du réseau. Le ministère devrait faire la différence entre les gestionnaires du réseau et les intervenants et intervenantes. Vous savez que - bon, je l'ai dit tout à l'heure - on travaille, très souvent, avec des moyens qui sont très minimes et, très souvent, les gens qui peuvent devenir des éléments intéressants, les gens qui ont une bonne expertise, ce sont les travailleurs et les travailleuses des groupes communautaires; ce sont eux qui ont des disponibilités pour nous représenter et ce serait tout à fait épouvantable qu'ils n'aient pas le droit d'y siéger. Il devrait réserver davantage de postes aux bénéficiaires et assurer une représentativité équitable des organismes communautaires sans en exclure les travailleurs et travailleuses. Il ne faudrait pas que le ministère perde de vue le fait que bien souvent ces personnes ont reçu de leurs membres le mandat d'être leur porte-parole, de les représenter et de défendre leurs intérêts.

On a cru bon faire un petit commentaire sur l'article 201 par rapport aux ressources intermédiaires. On veut tout de suite vous dire que, d'emblée, tous les groupes sociocommunau-taires qui ont participé à l'élaboration de ce document-là reconnaissent la notion de ressources de type familial. Maintenant, quand on parle de ressources intermédiaires, on dit que ça comporte des ambiguïtés. Dans quels champs d'intervention se situent-elles? Qu'est-ce qui nous garantit que ce type de ressources ne va pas se développer au détriment du communautaire? Ce que, nous autres, on préconise, c'est qu'avant de mettre sur pied de telles ressources on regarde bien autour s'il n'existe pas, dans le fond, des services qui sont déjà offerts. On parle de rationaliser, on parle de coupures un peu partout, alors ce serait inutile, quant à nous, de multiplier à ce niveau-là. Comme je viens de le dire, le développement, évidemment, devrait se faire en consultation avec le milieu communautaire. Qu'on vienne nous voir, qu'on discute ensemble, puis ensuite on verra.

Malgré une reconnaissance officielle des organismes communautaires, malgré une pratique d'échanges avec le réseau public, peut-être surtout à cause de cela, nous identifions des lacunes sévères dans l'avant-projet de loi quant aux trois revendications identifiées dans l'introduction. D'abord, il nous apparaît que la définition est vidée de son sens: Tout organisme communautaire est un organisme sans but lucratif. Cependant, l'inverse n'est pas vrai. Alors, on souhaite donc voir apparaître les précisions suivantes: Un groupe communautaire est un organisme sans but lucratif constitué en vertu de la troisième partie de la Loi sur les compagnies, issu de la communauté, qui définit librement ses orientations, ses politiques et ses approches et dont le conseil d'administration est majoritairement composé d'usagers, d'usagères ou de membres de la communauté, et, bien sûr Le ministère finance les organismes communautaires dont la mission relève du domaine de la santé et des services sociaux.

Une fois pour toutes, le MSSS doit freiner la tendance de plusieurs établissements publics à mettre sur pied des organismes sans but lucratif pour intervenir de façon communautaire dans le milieu. Les organismes communautaires issus de la communauté sont régulièrement aux prises avec cette réalité. Bien que nous reconnaissons aux CLSC le mandat de supporter l'organisation communautaire, nous ne leur reconnaissons pas celui de décider, à partir de leur bureau ou de l'argent disponible en région, de créer de toutes pièces ces structures et d'y parachuter des gens. On a déjà, dans le passé, vécu des situations où ça s'est produit et tôt ou tard, bon, on commence à les financer à partir des budgets qui sont là, après c'est foutu, donc on vient se rajouter à la liste déjà nombreuse des groupes communautaires et c'est le "micmac" total.

Par rapport à l'article 230, eh bien, pour ce qui est du financement des organismes communautaires, on va y revenir quand on va traiter des rôles et mandats des régies régionales. Quant à l'article 231, on refuse cet article. Le ministère, quant à nous, retire un acquis important pour les organismes communautaires, sans toutefois proposer de mesures concrètes de remplacement. Nous savons tous et toutes que c'est en grande partie grâce à nos regroupements provinciaux que plusieurs problématiques sont devenues visibles pour le ministère de la Santé et des Services sociaux et qu'H y eut, à cet effet, des gains importants pour les groupes communautaires. Alors, pour nous, c'est impen-

sable qu'on mette de côté cet article-là. Cet affaiblissement des regroupements est d'autant plus inacceptable que le ministère, sauf pour deux secteurs d'activité, c'est-à-dire la promotion et la défense, de même que pour les nouveaux secteurs, ne prévoit aucun mécanisme de contact entre les organismes communautaires et le pouvoir central. Cependant, lui se garde le droit de déterminer les grandes politiques et les budgets alloués aux régions. Article 233, nous sommes d'accord avec cet énoncé. On croit que ce pouvoir doit rester au niveau provincial. C'est le seul article, dans le fond, à l'intérieur de l'avant-projet de loi, qui permet un peu plus de latitude à la réponse spontanée et créative à l'identification de nouveaux besoins par la communauté, d'autant plus que, si on doit parler éventuellement de financement par programme, il n'y a aucune autre marge de manoeuvre à l'exception de cet article-là. Alors, donner ce pouvoir en région serait risquer de restreindre cette réponse au cadre de la programmation et de la laisser à l'arbitraire des rapports d'influence. (18 heures)

En ce qui concerne les régies régionales, comme nous le mentionnons dans le chapitre des organismes communautaires, bien que certains d'entre nous aient vécu des rapports fructueux avec le CRSSS de l'Estrie et avec des établissements du réseau, nous sommes contre la création des régies régionales telles que proposées par le ministère. Les pouvoirs donnés à celles-ci ne sont pas supportés par des conditions favorisant le réel partenariat des organismes communautaires. Nous considérons que le ministère, ce faisant, laisse place à la bonne volonté des gens et ce n'est pas souhaitable.

Ce qui nous embête le plus par rapport à ta mise sur pied des régies régionales c'est que, pour le moment, il y a énormément de questions qui, pour nous, sont sans réponse, par exemple, qu'est-ce qu'il va arriver du transfert des acquis des groupes communautaires? Qu'est-ce qu'il va arriver du pouvoir? Ce n'est pas clair à savoir qui du ministère ou des régies régionales va le détenir ce pouvoir-là. C'est déjà difficile, dans notre quotidien, de savoir avec qui on va "dealer", alors on ne veut pas, encore une fois, en tout cas, servir de balle de ping-pong et, tant et aussi longtemps que ce ne sera pas davantage clair, malheureusement, on ne peut pas dire oui à la mise sur pied de ces régies.

Quant au partenariat, on l'a dit dès le départ, on veut être partenaires et on refuse, comme bien d'autres, la notion de complémentarité, cette complémentarité à sens unique qui risque de faire de nous des exécutants de tâches que le réseau refuse ou encore est incapable de réaliser par manque de fonds. Nous refusons la notion de dédoublement. Encore une fois, l'expérience nous prouve que le type d'intervention effectué dans un organisme communautaire dif- fère sign'rficativement de celui d'un établissement bien qu'on puisse, par exemple, parler, dans les deux cas, d'intervention en situation de crise, d'activités de sensibilisation ou autres.

Nous avons notre raison d'être et l'assurance que nous avons développé une expertise intéressante au niveau de l'analyse et de l'intervention dans nos secteurs respectifs. Pour le mieux-être de nos membres et de nos clientèles, nous sommes d'avis qu'il nous faut partager cette expertise. Toutefois, actuellement, nous sommes les seuls à en assumer les coûts: les déplacements, les surcharges de travail, pour ne nommer que ceux-là. Rien dans l'avant-projet de loi ne nous indique que le ministère reconnaît tous les efforts consentis de notre part. Nous croirons à la volonté ministérielle de nous considérer comme partenaires du réseau public le jour où le ministère mettra à notre disponibilité des ressources financières et matérielles afin d'assurer l'égalité des moyens de nos représentations avec celles du réseau public.

Enfin, force nous est de constater que plus on s'approche du pouvoir, moins les organismes communautaires y sont représentés. On parle du conseil électoral, 25 %, et du conseil d'administration, 13 %.

Par rapport au financement, nous voyons des limites certaines au financement par programme. Des dimensions d'approche globale, d'originalité, de diversité des organismes communautaires sont menacées. Notre approche, basée sur la personne vivant dans un contexte familial, social, politique et économique, basée sur la prise en charge des citoyens et citoyennes par eux-mêmes, basée également sur l'accessibilité et la souplesse de l'intervention, s'accommode mal d'un découpage par programme, encore plus mal d'un financement par programme. Donc, nous réitérons au ministère notre volonté d'obtenir un budget de fonctionnement pour l'ensemble du travail des organismes communautaires et que ce financement se fasse sous forme de subvention globale, récurrente et indexée selon un plan triennal.

Quant à l'évaluation, nous voulons que l'évaluation de nos activités se fasse de la même manière qu'avant, c'est-à-dire que nous remettions nos rapports d'activité et nos rapports financiers en souhaitant que le ministère saisisse bien que, quotidiennement, nos organismes rendent des comptes à leurs conseils d'administration légitimement élus par nos membres et que ce fait est garant de notre crédibilité auprès du ministère de même que des établissements du réseau.

En guise de conclusion, en conséquence, nous tenons à mettre le ministre en garde contre une vision romancée de l'engagement bénévole dans les organismes communautaires. L'action bénévole a un prix et une étude, parue en juin dernier, a démontré clairement qu'une grande concentration de bénévoles nécessite, dans une

organisation, un accueil et un encadrement adéquats ainsi que de bons outils de participation et de soutien. Cette structure organisationneile peut difficilement être mise en place et soutenue lorsque les ressources financières sont précaires. Les groupes à petit budget n'ont donc pas le choix de limiter l'intervention des bénévoles militant dans leur organisation pour être opérationnels.

La Présidente (Mme Marois): Merci, madame. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Merci. Mme la Présidente. C'est un discours de fond qui n'est pas différent de celui des autres organismes communautaires qu'on a entendus depuis le début. C'est la même ligne de fond. Mais, malgré le fait que je comprenne, reconnaisse l'utilité des groupes communautaires, que nous reconnaissons que les groupes communautaires, pour le même dollar, par rapport au secteur public, font beaucoup plus et qu'il faut continuer de les encourager, à vous entendre, même si, demain, on avait le 1 % qui a fait l'objet d'un engagement chez vous, qu'on reprenait cet engagement-là puis qu'on mettait 80 000 000 $, je suis convaincu que, dans six mois, on n'aurait pas assez d'argent, compte tenu des 50 000 000 $ qui, actuellement, sont déjà investis dans le communautaire. Je le dis, là: Oui, effectivement, il faut continuer de reconnaître le communautaire; oui, effectivement, il faut le supporter davantage qu'on ne le fait maintenant, mais j'ai des réticences assez importantes face au discours qui est fait. J'ai des réticences, oui, puis je vais vous les dire. En particulier, lorsque vous nous dites - et c'est votre droit le plus légitime - par exemple, que vous êtes contre les régies régionales, à tout le moins définies comme elles le sont dans le projet de loi. Je n'en ai pas entendu beaucoup venir nous dire ça. Nous avons toujours cru que les régies régionales seraient beaucoup mieux placées pour être capables de prendre des décisions dans le sens de l'intérêt de chacune des régions. Donc, expliquez-moi pourquoi une régie régionale, avec des pouvoirs au niveau de l'Estrie, desservirait l'Estrie plus qu'une autre région du Québec.

Mme Therrien: Ce qu'on a dit dans le mémoire - bien sûr, on n'a pas voulu élaborer davantage - c'est que, dans l'avant-projet de loi, les mécanismes ne sont pas clairs. Après maintes discussions, même avec des représentants du réseau de la santé à qui on posait la question: Quels sont les pouvoirs que vous aurez comme régie, les réponses ne venaient pas, on s'est dit: II n'y en a pas de définition, actuellement. Et je vous avouerai que je ne peux pas, au nom de tous les groupes communautaires signataires, vous dire qu'à partir du moment où on les aura, les garanties dont je vous ai parlé tout à l'heure, on sera toujours contre. Mais quand on ne sait pas si c'est le ministère qui conserve le pouvoir ou si c'est, en tout cas, une partie des pouvoirs, puis une autre partie est là. si le transfert de nos acquis c'est quelque chose sur lequel on peut compter, si...

M. Côté (Charlesbourg): O.K. Prenons cet exemple-là. C'est quoi le transfert des acquis, pour vous?

Mme Therrien: Est-ce qu'on devra recommencer le processus de reconnaissance? Est-ce qu'on devra recommencer ce processus de demande de financement? Je veux dire, est-ce qu'on va devoir s'obstiner, repartir à zéro avec cette démarche-là? Est-ce que, par exemple, on peut croire qu'il y aura, sinon des budgets protégés, à tout le moins des garanties à savoir que, dans chacune des régions respectives, il y aura de l'argent qui sera là, auquel on n'aura pas le droit de toucher autrement que pour ça? Tout ça n'est pas clair dans l'avant-projet de loi.

M. Côté (Charlesbourg): Oui. En tout cas, je comprends, parce que nous autres, on répète la même chose depuis bien des fois, puis ce n'est pas tout le monde qui peut, surtout quand le groupe communautaire est assis dans la salle, être capable d'entendre. Mais, en cours de route, on a effectivement fait du chemin. Ça n'a peut-être pas ressorti pour que les gens puissent le savoir, mais on s'est dit que, si les budgets dévolus aux organismes communautaires étaient régionalisés, il faudrait avoir une enveloppe protégée à l'intérieur des régies, de façon que ça ne soit pas utilisé à d'autres fins et que ce soit exclusivement réservé aux organismes communautaires. Donc, j'ai l'impression qu'en faisant ça on protège de beaucoup les acquis.

Évidemment, ce que je comprends, c'est que vous n'êtes pas nécessairement contre une régie régionale, mais que ce que vous souhaitez, c'est que les pouvoirs soient mieux définis puis qu'il y ait des pouvoirs réels. Alors, je pense que j'ai mieux saisi maintenant.

Deuxième observation, on parle de la reddition des comptes. Je l'ai dit, quant à moi, chez nous, il y a deux catégories d'organismes communautaires. Il y en a une qui reçoit 3000 $, 5000 $ ou 10 000 $. Je ne suis pas sûr que ça prenne bien des rapports pour être capable de justifier ça. Alors, il y a des réajustements à faire et vous avez probablement des organismes que vous représentez qui sont dans cette catégorie-là. Alors, il n'est pas question d'aller plus loin que ça, il est peut-être même davantage question de simplifier les exigences qu'on peut avoir vis-à-vis de ces gens-là. Par cuntre, lorsqu'on va dans des montants plus substantiels de 50 000 $, 60 000 $, 70 000 $ ou 100 000 $, on est responsables, mais on doit répondre, nous,

à l'Assemblée nationale. Il faut avoir des exigences qui sont un petit peu plus importantes à ce niveau-là, sur le plan de fa reddition des comptes, et ça m'apparaît important. Je pense que vous devez partager aussi le même point de vue.

La Présidente (Mme Marois): Mme Therrien. Mme Therrien: Je suis entièrement d'accord.

La Présidente (Mme Marois): M. Turcotte, oui.

M. Turcotte (Michel): Mon intervention concerne la régionalisation. C'est pour renforcer un peu le commentaire de Mme Therrien. Il y a tout un historique nous concernant par rapport à ça. Si je fais référence à notre organisation, qui est là depuis 17 ans - et vous devez comprendre un peu notre méfiance - on a gagné ça pouce par pouce, année par année, à force d'efforts, et c'est un peu ça qu'on vous dit: On est méfiants, parce que c'est à force d'énormément de travail qu'on en est arrivés à avoir ce qu'on a. C'est dans ce sens-là.

La Présidente (Mme Marois): Une dernière, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Évidemment, il y a tout le volet de complémentarité, dédoublement, qui fait l'objet de friction dans les échanges et... Mais je demeure convaincu qu'on doit trouver des moyens, non pas coercitifs - ce n'est pas ça qui est l'objet - mais qu'il puisse y avoir effectivement complémentarité tout en respectant l'autonomie, l'autonomie des groupes communautaires. La définition n'est pas suffisamment claire, dans l'avant-projet de loi, elle le sera davantage dans le projet de loi. Mais tout en respectant et en reconnaissant l'autonomie des groupes communautaires, il faut, bien sûr, à l'occasion, aussi parler de complémentarité parce que l'argent que nous avons, c'est pour une mission spécifique au niveau de la santé et des services sociaux. Il faut que ce soit dans ce domaine-là. Donc, nous aussi, on a des exigences qu'on devrait avoir, mais forcer davantage - forcer, non pas dans le sens d'obliger, là - notre réflexion nous mènerait vers une complémentarité avec les groupes communautaires. Ce que j'ai compris aujourd'hui, c'est qu'on a encore du chemin à faire sur la plan de la discussion.

La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Nous autres, pour vous comprendre, puis vous autres, pour nous comprendre.

La Présidente (Mme Marois): Mme Therrien.

Mme Therrien: Oui, je pense que la base du problème, elle est là. Très souvent, on a les mêmes visions mais on ne s'entend pas, on ne s'entend pas sur les mêmes choses. Et, mol, je souhaite, au nom des groupes communautaires, qu'à la suite de cette démarche on se rassoie. On n'est pas des méchants et vous n'êtes pas des méchants, mais on ne parle pas le même langage.

M. Côté (Charlesbourg): Mais...

Mme Therrien: Et, moi, j'accepterai la notion de complémentarité pour les groupes communautaires la journée où j'entendrai le ministre me dire qu'à son tour, dans un dossier, il acceptera aussi d'être un complément. Quand on vous dit qu'on est souvent à l'avant-garde, je ne sais pas qui est devenu notre complément, là, quelque part. Alors, si on veut faire... si on veut parler d'un réel partenariat, je pense que, dans ce sens-là, on le fait, dans la région de l'Estrie.

M. Côté (Charlesbourg): Moi, je ne l'ai pas caché, effectivement, dans certains domaines, les groupes communautaires ont été à l'avant-garde du ministère et, dans certains autres domaines, ce qu'il faut tenter d'éviter, c'est que le réseau s'approprie ou s'accapare des initiatives communautaires. Ça...

Mme Therrien: Ouais...

M. Côté (Charlesbourg): Je veux juste terminer. Vous avez réussi à me faire perdre mon idée.

La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Faut croire qu'elle ne méritait pas d'être retenue.

La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha!

Elle vous reviendra peut-être, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Ah! non; non, non. La Présidente (Mme Marois): Allez.

M. Côté (Charlesbourg): Je l'ai retrouvée... en vous disant qu'on a besoin de continuer de se parler pour se comprendre mais, de ce que j'ai compris avec le groupe qui vous a précédé, vous avez besoin aussi de vous parler pour vous comprendre, les groupes communautaires. Parce que vous nous avez dit, dans votre présentation, que 25 %, au niveau de la régie régionale, c'était peu, et eux nous ont dit que 25 % c'était trop. Alors... Et moi, je pense que 25 %, au niveau de la régie régionale, aux groupes communautaires, c'est une reconnaissance extraordinaire que les groupes communautaires n'ont jamais eue jusqu'à maintenant. Et c'est un moyen de faire partie des décideurs sur le plan régional et, évidemment, c'est reconnaître un apport tout à fait

considérable des groupes communautaires. Il est peut-être mal articulé? On va se rasseoir puis on va refaire des devoirs puis, autant que possible, on va essayer de le faire avec vous autres pour être capables de bien se comprendre.

La Présidente (Mme Marois): M. le leader de l'Opposition et député de Joliette.

M. Chevrette: Bien, moi, je comprends votre appréhension parce que ce fameux réseau est tellement complexe, il se cherche tellement que ce n'est pas surprenant que le communautaire veuille au moins, lui, s'assurer au départ de la place qu'y va prendre. Entre vous et moi, dans le domaine de la prévention et des solutions alternatives, si on n'avait pas eu le réseau communautaire, on aurait un réseau de santé et de services sociaux archisclérosé, archirétrograde, y compris sur des techniques de complémentarité, sur les techniques de recherche d'alternatives, il y a des groupes de professionnels qui se sont réveillés pour chercher de nouvelles approches et de nouvelles méthodes, parce que le communautaire présentait des alternatives intéressantes. C'est grâce au réseau du communautaire si, précisément, on a commencé à s'interroger sur les correctifs à apporter au fait que le réseau était tout à fait sclérosé. Donc, moi, là-dessus, pas de problèmes, puis ce n'est pas moi que vous allez convaincre!

Vos réticences, cependant, je pense qu'elles sont... au niveau du partenariat versus la complémentarité, si je lis votre résumé de mémoire - je ne me souviens pas de la page - à la page 8. Vous dites: "Nous voulons être partenaires." Correct. Ce n'est pas une colle, mais ça peut avoir l'air d'une colle ce que j'ai à vous poser comme question. Vous voulez être partenaires et non pas jouer en complémentarité. Mais, nécessairement, si vous êtes partenaires, ne pensez-vous pas que vous allez être obligés de mettre de l'eau dans votre vin sur l'autonomie, si vous voulez éviter le dédoublement? Vous n'avez pas peur de ça? (18 h 15)

La Présidente (Mme Marois): M. Turcotte.

M. Turcotte: Quant à moi, je ne verrais pas pourquoi on serait menacés dans notre autonomie si on embarque dans un partenariat, pas plus que le réseau qui pourrait l'être.

M. Chevrette: Mais vous n'avez pas peur de dire... Si vous êtes un partenaire à la table de concertation, qu'on vous dise: Écoutez, on s'en va... Prenons l'Estrie. Vous êtes de l'Estrle, vous autres. Vous venez, en concertation, de décider - à moins que mes renseignements ne soient pas bons, mais Hs sont sûrement bons - vous avez décidé qu'en toxicomanie - je pense que c'est en alcoolisme et en toxicomanie - vous avez une majeure pour les prochains mois.

Supposez que, pour vous, ce ne soit pas trop votre préoccupation, un groupe communautaire à court terme, qu'est-ce que vous allez faire là? Si on vous dit: On est prêts à vous subventionner un peu, par exemple. Vous n'avez pas peur de devenir un petit peu des sous-contractants du réseau, si vous...

Mme Therrien: C'est ce qu'on ne veut pas.

M. Chevrette: Pardon?

Mme Therrien: c'est ce qu'on ne veut pas devenir. dans l'esprit, par exemple, de certains clsc, c'est le rôle qu'on voudrait bien nous voir jouer actuellement. quand on dit qu'on ne veut pas de cette notion de complémentarité, il faut être clair. on veut bien travailler avec les autres, mais on ne veut pas toujours être les deux de pique. on veut participer à des tables de concertation mais, pour le faire, avoir les moyens de le faire. on veut être là, dans le fond, où ont lieu les grandes discussions et où là se prenne... le pouvoir.

Maintenant, c'est sûr, je l'ai dit tout à l'heure, tôt ou tard, bien sûr, qu'on soit dans le réseau, qu'on soit dans le communautaire ou qu'on soit au ministère, il y a quelque chose qui tourne. J'espère m'être bien fait comprendre. Si le ministre veut, à son tour, jouer ce rôle de complément, moi aussi, comme groupe communautaire, je le veux parce que, dans différentes occasions, c'est ce qu'on doit faire. On ne veut pas tasser tout le monde et on ne veut prendre la place de personne mais on veut qu'on reconnaisse la place qu'on occupe et toute l'énergie. Et vous n'êtes pas sans savoir que tout le travail qu'on fait, on le fait à bien moindre coût et que le bénévolat et les groupes communautaires sont pour le Québec une ressource qui n'a pas de prix et qui a toute une valeur. Ce qu'on demande, c'est bien minime. On dit: Donnez-nous au moins les outils nécessaires et, après, laissez-nous aller. Vous verrez que du 7 jours semaine et du 15 heures par jour, on n'a pas peur d'en faire, on l'a fait dans le passé et on va continuer de le faire. De plus en plus, c'est extraordinaire de voir qui sont ces gens qui se joignent au communautaire. Ce ne sont plus des gens qui n'ont rien à faire et qui cherchent des loisirs. Au contraire, ce sont des gens très occupés, des professionnels, des gens, surtout dans le domaine de la santé, qui, un jour ou l'autre, ont été placés devant une problématique, qui ont été sensibilisés et s'embarquent. Je pense que ça a une valeur qu'il ne faut pas négliger. On ne le fera pas tout seul. Et vous ne le ferez pas tout seul, mais c'est ensemble... Mais il faudrait qu'on perde cette espèce de vision qui fait qu'on a toujours l'air de gens qui sont en arrière. De toute façon, on nous amène à une table de concertation mais on fera fi de ce qui s'est dit là. On ne veut pas plus de place que les autres,

on veut juste la nôtre finalement.

M. Chevrette: Je pourrais continuer longuement à discuter avec vous. Je vais arrêter, mais je vais vous dire deux choses, deux petites réticences que j'ai et un point sur lequel je n'ai aucune réticence. Tout d'abord, que vous vouliez garder votre autononomie de fonctionnement et de pensée, je suis tellement d'accord que c'est ça qui va sauver le réseau. C'est clair. À mon point de vue, c'est ça qui va faire améliorer le réseau. Parce que le jour où on va vouloir vous placer dans un moule de réseau, tout l'effet bénéfique qu'on a, le bénévolat et tout le kit, ça va dégénérer en des ajouts dans le réseau. On a eu des exemples. Et ça, ce n'est pas sorti depuis le début, mais je veux le dire: Quand les garderies sont parties, au Québec, elles sont parties sous forme communautaire. D'accord? Vous vous rappelez? Tout le monde s'embarquait spontanément. Il y avait des heures gratuites qui se donnaient, épouvantablement. Aujourd'hui, on est en train de négocier à l'échelon provincial, au niveau des garderies, ce qui était, au départ, un objectif très différent. Je suis persuadé que le jour où on va vous placer à des tables, avec des statuts bien précis, vous allez devenir des sous-contractants du réseau. Vos employés permanents vont devenir des syndiqués du parapublic, dans un moule, avec une idée et avec une façon de penser exactement conformes au réseau. Si vous êtes capables de conserver ça, chapeau! Moi, je vous souhaite de continuer a réclamer ce statut d'autonomie la plus complète et totale dans la façon de penser et dans votre façon d'agir.

La Présidente (Mme Marois): M. Turcotte.

M. Turcotte: Pour aller dans le sens de votre intervention, oui, il y a un danger de couler dans le système. Mais, par expérience... Je suis dans le communautaire depuis cinq ans et je peux vous dire que ce qui se vit là et ce qui se donne en temps... Si je peux mentionner notre service, il se donne environ 10 000 heures bénévoles par année. Mettons ça à 10 $ l'heure, ça fait 100 000 $.

M. Chevrette: Vous avez raison. Je suis allé visiter La Cordée, à Sherbrooke. S'il fallait qu'on paie le monde d'abord comme dans le réseau, par rapport aux heures qu'il se fait là, vous fermeriez vos portes, c'est évident.

M. Turcotte: Absolument.

M. Chevrette: Et il y a d'autres endroits dans le milieu... C'est absolument vrai. Ça, vous n'avez plus de démonstration à faire. Je pense que le danger, sur le plan législatif, c'est d'arriver à vouloir définir tellement la place précise, avec le pouvoir précis, qu'on vous encarcane. L'autonomie de pensée et l'autonomie d'action, ce n'est pas nécessairement dans une structure que tu la retrouves. Ça peut être dans une accréditation, le système d'accréditation qui, lui, peut être pensé sur le plan juridique. Mais après qu'on t'a accrédité, qu'on t'a reconnu une valeur d'action dans le milieu et qu'on a prévu une formule de financement, laisse-nous donc aller, laisse-nous donc penser, laisse-nous donc évoluer. Si t'es obligé de nous "breaker" parce que t'as pas d'argent, tu nous freineras. Je me suis replacé, vous avez remarqué, la loi 101 m'est revenue entre les deux oreilles. Vous comprenez ce que je veux dire?

M. Turcotte: Oui, oui.

M. Chevrette: N'exigez pas une place trop précise et dans un carcan parce que vous allez devenir des sous-contractants du réseau, avec une vitesse vertigineuse, à part ça, le temps que vous vous en rendiez compte.

M. Turcotte: C'est un peu pour ça qu'on amène l'item qu'on n'est pas d'accord avec le financement par programme. C'est un danger à notre autonomie.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Ça va? M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci. La conclusion que je tire, c'est qu'il me reste encore des devoirs à faire. Même si mon apprentissage est plus lent, j'y mets le temps qu'il faut. Et on va y mettre le temps qu'il faut.

Mme Therrien: Si ça peut vous rassurer, je peux vous dire que nous aussi, on a encore des devoirs à faire mais on est toujours heureux de le faire et on va continuer de le faire. Merci beaucoup.

M. Côté (Charlesbourg): Parfait. Finalement, on va faire un travail de réflexion de complémentarité.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Therrien: C'est bien ça.

La Présidente (Mme Marois): On vous remercie de votre contribution à nos travaux. Nous suspendons les travaux de la commission jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 24)

(Reprise à 20 h 18)

La Présidente (Mme Marois): La commission des affaires sociales va reprendre ses travaux. J'inviterais les représentantes du Comité de la

maîtrise en droit de la santé, Faculté de droit, Université de Sherbrooke, à bien vouloir prendre place à l'avant, s'il vous plaît. J'inviterais la porte-parole à se présenter et à présenter la personne qui l'accompagne. Vous avez une quinzaine de minutes pour présenter votre mémoire et, par la suite, le temps qu'y nous reste est divisé entre les deux formations politiques pour des questions et des échanges avec vous. Bienvenue à la commission.

Il y a des remplacements, Mme la secrétaire. Je crois qu'H y a M. Chevrette (Joliette) qui est remplacé par Mme Blackburn (Chicoutimi) et M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) qui sera remplacé par Mme Juneau (Johnson). Est-ce qu'H y a consentement? Bien sûr, d'accord. Merci.

Nous vous souhaitons la bienvenue à la commission.

Comité de la maîtrise en droit de la santé de l'Université de Sherbrooke

Mme Lussier (Louise): Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, mesdames et messieurs, députés membres de la commission des affaires sociales, mon nom est Louise Lussier, professeurs à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke, et je suis accompagnée par Me Judith Rochette, étudiante à la maîtrise.

Nous représentons le Comité de la maîtrise en droit de la santé, composé des professeurs oeuvrant dans ce programme de 2e cycle en droit, programme unique au Québec. Mis sur pied à l'Université de Sherbrooke depuis plus de cinq ans, le programme de maîtrise en droit de la santé vise à former des spécialistes dans ce secteur. Il s'adresse tant aux juristes qu'aux diplômés oeuvrant dans le secteur de la santé afin de les initier aux différents aspects juridiques du monde de la santé. Ce programme entend les préparer à solutionner les problèmes soulevés et c'est pourquoi le Comité de la maîtrise s'est intéressé particulièrement à la réforme législative de ce secteur.

Nous remercions la commission de nous recevoir et de nous entendre, à l'occasion de l'étude de l'avant-projet de loi. En tant qu'observateurs critiques et objectifs des changements législatifs proposés, nous souhaitons ainsi participer à l'évolution du droit de la santé au Québec. Nous espérons, malgré le sort qui a été réservé à l'avant-projet de loi, contribuer à la réflexion devant servir de guide au projet de loi qui sera déposé l'automne prochain, tel que le ministre de la Santé et des Services sociaux l'a annoncé.

Cette contribution repose essentiellement sur deux aspects qui nous apparaissent fondamentaux dans le droit de la santé au Québec: les droits des bénéficiaires et la responsabilité médico-hospitalière à l'égard desquels, nous semble-t-il, l'avant-projet de loi révèle des faiblesses et des lacunes.

Dans le cas des droits des bénéficiaires consacrés aux articles 4 à 20 de l'avant-projet de loi, nous avons voulu proposer une critique, tant sur la forme que sur le fond de la rédaction de ces dispositions, et nous insistons particulièrement sur les éléments suivants: nous reconnaissons l'importance de conserver le droit de recevoir des services énoncé à l'article 4 de l'avant-projet, mais nous souhaitons que son énoncé soit revu pour atténuer l'effet arbitraire des limitations qui peuvent lui être apportées, en garantissant la prise en considération des droits des bénéficiaires lors des décisions concernant les services à leur être dispensés, processus dont ils sont exclus. À cet égard, on devrait assurer, en cas de non-respect de ces droits, des recours efficaces et rapides. Nous croyons aussi qu'il est nécessaire que soient ajoutés et complétés les mécanismes de mise en oeuvre de ces droits, particulièrement en matière d'information et d'accès au dossier, droits prévus aux articles 5, 6 et 15. Par exemple, il serait utile d'indiquer le responsable du traitement de la demande d'un bénéficiaire lorsque celui-ci désire des informations sur les services disponibles. De la même façon, on pourrait désigner la procédure et le responsable de l'accès aux dossiers d'établissements dans la disposition du projet de loi. Et, plus généralement, on devrait y indiquer les conditions d'exercice des divers droits qui y sont énoncés.

Par ailleurs, nous estimons que l'inclusion de notions se rapportant aux droits privés des personnes risque d'engendrer la confusion. Ainsi, le consentement, notion prévue à l'article 7 de I avant-projet, ou encore la représentation du bénéficiaire, à l'article 23, constituent des chevauchements et des recoupements inutiles, voire même incohérents avec le Code civil. Selon nous, H serait sage de laisser le Code civil régler ces questions et de prévoir le renvoi au Code par souci de concordance. On ne risquerait pas alors de susciter des difficultés d'interprétation défavorable aux bénéficiaires.

C'est ainsi que la difficulté d'établir la part du symbolisme et la part de réflectivité des droits des bénéficiaires se reflète également au niveau de la compensation des bénéficiaires lésés dans leurs droits. Sans vouloir évoquer, comme d'autres, un état de crise dans la responsabilité médico-hospitalière au Québec, nous nous en tiendrons a situer la question sur un plan plus strictement juridique, sans en sous-estimer les incidences politiques ou les considérations économiques. Mais compte tenu des problèmes auxquels font face les bénéficiaires lésés, qu'Us soient victimes d'accidents thérapeutiques ou de refus de services, nous voulons souligner l'impact négatif de l'avant-projet de loi sur les points suivants. Les réformes de gestion et de structure proposées dans l'avant-projet ne tiennent pas compte suffisamment des conséquences des

décisions sur la disponibilité et la qualité des services, conséquences vis-à-vis des bénéficiaires, de leurs besoins, de leurs droits et intérêts. Dans le cadre des règles actuelles des régimes de responsabilité, l'apparition de nouvelles ressources, la complémentarité entre les établissements et la gestion intégrée, entre autres, risquent de provoquer des analyses tronquées des véritables rapports juridiques établis, et cela, au détriment des bénéficiaires. Comment, en effet, ces derniers pourront-ils identifier le décideur et le responsable des services qui leur seront dispensés? Selon nous, il conviendrait de clarifier la situation et de déterminer, dans le projet de loi, les règles de la prise en charge des bénéficiaires.

Un autre point à discuter, nous semble-t-il, est celui de l'immuabilité du statut des médecins conservé dans l'avant-projet de loi, puisqu'ils ne sont pas considérés comme faisant partie du personnel de l'établissement. À notre avis, il serait temps de redéfinir la relation médecin-établissement lorsqu'elle implique la mise en cause de la responsabilité de l'institution. En effet, étant donné que les modes de dispensation des services déterminent les conditions d'exercice médical en établissement, il devient de plus en plus évident que le partage de responsabilités entre l'hôpital et le médecin n'est pas adapté à la réalité.

Enfin, on ne peut que déplorer la fiction entretenue de l'autonomie locale ou régionale face au poids de la centralisation vers le ministère. L'absence de reconnaissance de responsabilité juridique, qui devrait revenir au ministère alors qu'elle existe aux plans politique et administratif, entretient un climat de confusion chez les administrateurs, chez les juges, chez les avocats et chez les clients, qu'ils soient établissements ou bénéficiaires. C'est pourquoi nous proposons que les fondements de la responsabilité médico-hospitalière soient révisés et soient éventuellement régis par un nouveau régime à être incorporé dans le prochain projet de loi. Il s'agirait particulièrement de permettre de rechercher la responsabilité gouvernementale lorsque la responsabilité de l'établissement est reconnue, notamment aux fins de la compensation financière des bénéficiaires lésés. Selon nous, il ne s'agit pas de mettre en place un régime sans faute et non contentieux, mais plutôt de simplifier le régime actuel de responsabilité.

En conclusion, nos recommandations se résument à des modifications spécifiques dans les dispositions de l'avant-projet de loi visant les droits des bénéficiaires de services de santé et de services sociaux. Ces modifications concernent: de revoir l'énoncé du droit aux services pour en atténuer les limitations arbitraires, de préciser les modalités de la mise en oeuvre des droits à l'information et des droits à l'accès au dossier et d'épurer certains articles de notions relevant du Code civil, comme le consentement ou la représentation des bénéficiaires. Nous recommandons également que soient revues les règles actuelles des régimes de responsabilité médico-hospitalière afin de les adapter aux réalités du système de santé. En incorporant au futur projet de loi des précisions sur le partage des responsabilités dans la prise en charge des bénéficiaires, en clarifiant le statut des médecins et en prévoyant la mise en oeuvre de la responsabilité gouvernementale, il sera possible de protéger davantage les droits des bénéficiaires.

Nous espérons que nos commentaires permettront d'atteindre ces objectifs et nous vous remercions de votre attention.

La Présidente (Mme Marois): Merci de votre présentation. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. Lorsque j'ai été nommé ministre de la Santé et des Services sociaux, au moment où M. Bourassa m'a appelé à être ministre, je lui ai dit: Je ne peux pas aller là, parce que je ne suis pas médecin.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Finalement, il m'a dit: C'est peut-être une bonne affaire...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): ...que d'avoir quelqu'un qui ne connaît absolument rien dans le système ou à peu près et d'être capable de voir ça d'un oeil différent. Je me retrouve un peu devant la même situation vis-à-vis de votre mémoire. Je ne suis pas avocat non plus, mais je sais qu'il y a des points que vous soulevez qui sont des points fort pertinents, au plan des droits à des services: plan de services, droit d'information, accès au dossier du bénéficiaire, ainsi de suite, que vous soulevez, qui sont fort à propos et cela a été, dès le premier mémoire qu'on a entendu en commission, des sujets qui ont été soulevés par des comités de bénéficiaires. Et on l'avait fait, cette première journée-là, pour donner la parole à ceux à qui on veut redonner le système, les bénéficiaires, et cela avait été fort intéressant et ça a marqué un peu la commission. (20 h 30)

Évidemment, mon objectif à moi n'est pas de vous dire de tenter d'avoir une discussion juridique avec vous, même si je suis un législateur et que le législateur est probablement la meilleure personne en droit; je vous avoue franchement que je ne suis pas allé là pour mes études parce que je n'avais pas la compétence pour le faire. Donc, dans ce sens-là, je laisserai le côté légal pour d'autres, prenant soin de vous dire que vos recommandations vont être, même si

ça a déjà été fait, revues par le contentieux du ministère à partir d'un nouveau cadre. Évidemment, c'était un peu la difficulté de la commission de venir entendre des gens sur un avant-projet de loi qui va passablement changer, on l'a dit en cours de route, compte tenu de certains principes fondamentaux qui vont changer au niveau de la réforme et qui devront, par conséquent, modeler le prochain texte législatif. Donc, à partir de ça, il y aura beaucoup de choses qui vont changer en tenant compte du Code civil - puisque vous y faites référence à plusieurs occasions - mais il est en profonde mutation continuellement. Donc, ça aussi, il faut en tenir compte et les légistes chez nous vont en tenir compte.

Vous évoquez beaucoup, dans votre mémoire, les droits du bénéficiaire. Est-ce que les droits du bénéficiaire doivent être places au-dessus de tout, dans le système, demain matin? Parce que vous avez fait allusion aussi au médecin. Si j'ai bien compris, à l'occasion, lui aussi doit être subordonné à un certain nombre de choses. Mais est-ce que les droits du bénéficiaire doivent être notre première préoccupation au niveau de la prochaine législation?

La Présidente (Mme Marois): Mme Lussier.

Mme Lussier: Merci. À mon avis, oui, il faut que les bénéficiaires soient au centre des préoccupations qui animeront l'élaboration du projet de loi. C'était d'ailleurs dans cette intention qu'avaient été élaborées les orientations ministérielles que Mme la ministre Lavoie-Roux a présentées, en avril 1989. On appelait au recentrage du réseau vers la personne, vers la personne du bénéficiaire. Alors, nous répondons donc à cet objectif. Et quand nous parlons des droits des bénéficiaires - et là je ne voudrais pas entrer dans une analyse détaillée sur un plan strictement juridique de l'article 4 - entre autres, du droit de recevoir des services, il va de soi que nous convenons à l'avance qu'il ne s'agit pas d'un droit absolu, qu'il est forcément encadré, qu'il est - pour reprendre votre vocabulaire - subordonné à certaines règles, certaines contraintes dont nous sommes conscients et qui sont, de toute façon, énoncées actuellement dans l'article 4 qui existe dans la loi qui s'applique et qui se retrouve dans l'avant-projet et, j'imagine, éventuellement dans le projet de loi que vous présenterez l'automne prochain. Donc, il va de soi qu'il y a certaines limitations parce qu'il s'agit de droits, somme toute, relatifs, qui doivent tenir compte des conditions concrètes dans lesquelles s'insère la dispensation des services. Loin de nous d'évoquer ici un droit sans aucune contrainte économique, entre autres choses.

Mais, cela dit, il nous apparaît nécessaire d'améliorer les mécanismes qui garantiraient la prise en considération des droits des bénéficiai- res alors que vous savez pertinemment, M. le ministre, maintenant, après quelques mois en fonction, que les processus décisionnels, tant au niveau du ministère, les niveaux régionaux ou encore locaux, sont des processus où, faut-il le dire, les bénéficiaires sont exclus. Bien sûr, il y a la voix que peuvent leur donner les comités de bénéficiaires mais encore faut-il voir qu'ils sont limités dans des aspects très particuliers de la gestion hospitalière. Alors, c'est un voeu que nous appelons, d'essayer d'assurer des mécanismes qui permettraient, par exemple, une plus grande concertation, une prise en considération que ces critères-là soient insérés, par exemple, à l'article 150 de l'actuel avant-projet de loi où on indique qu'un établissement, bien sûr, a l'obligation de dispenser des services compte tenu de son organisation et de ses ressources. Mais, à mon sens, on pourrait, à ce moment-là, y inclure la prise en considération des droits, notamment du droit de recevoir des services.

M. Côté (Charlesbourg): Donc, on modernise et on va plus loin à ce niveau-là et je pense que c'est dans ce sens-là qu'on va aller. On va tenter de faire le mieux qu'on peut. J'aimerais peut-être aborder le point d'accès à l'information puisque vous vous êtes penchés sur tout le droit de la santé. Est-ce que vous croyez que l'ère de l'informatique - je déborde un peu mais vous allez me voir arriver tantôt là - on est dans l'ère de l'informatique où tout le monde a quelque chose à vendre, ça a bien l'air qu'il y a bien des preneurs aussi, un peu partout, dans le réseau. D'aucuns s'inquiètent de l'accessibilité trop facile à des banques de données, qui pourrait, à ce moment-là, permettre de véhiculer de l'information qui appartient au patient et qui pourrait servir à d'autres fins. J'en arrive à un dossier qu'on a évoqué en commission parlementaire, qui est celui de la carte à puce, qui, supposément, permettrait une meilleure continuité de soins, une meilleure qualité de soins, puisque, sur la puce, il y aurait de l'information que le patient aurait autorisé d'inscrire sur la carte à puce. Dans votre milieu à vous, est-ce qu'H y a une réflexion qui s'est faite là-dessus? Jusqu'où peut-on aller dans cette idée d'une carte à puce?

La Présidente (Mme Marois): Mme Lussier.

Mme Lussier: La carte à puce, comme on l'appelle communément, je pense, apporte avec elle une certaine mystique. On imagine beaucoup de choses fantastiques, mais aussi, pratiquement, des méfaits que pourrait permettre l'utilisation de l'informatique. Il va de soi que, pour différents objectifs, on peut rechercher, à l'heure actuelle, de mettre sur support informatisé les dossiers des bénéficiaires et, évidemment, se pose le problème de l'accès, qui est rendu facilité, notamment par le couplage des différents systèmes informatiques. Je pense que vous

admettrez avec moi que des spécialistes en Informatique pourraient déjà défendre la sécurité des systèmes mis en place, notamment dans votre ministère, et on peut être assurés de garantir, donc, par un système de sécurité qui est souvent révisé, une étanchéité, bien que relative, faut-il l'admettre, mais une étanchéité certaine dans le contrôle des informations et des supports informatiques. À mon avis, il est important que, lorsqu'on a une intervention, surtout en situation d'urgence, on puisse effectivement avoir accès le plus rapidement possible - dans le respect, bien sûr, des droits, notamment le consentement du bénéficiaire - et de rechercher les informations pertinentes pour permettre la meilleure intervention possible. Dans ce sens-là, on a vu une expérience en France, où on a déjà mis sur pied les dossiers informatisés, que cette expérience peut être très valable, et cela dans le respect, notamment, du droit à la confidentialité. Mais il faudra préparer le terrain; on a déjà entendu parler d'une expérience-pilote, à l'heure actuelle, dans cinq hôpitaux montréalais, de la région de Montréal. Donc, il y aura, à ce moment-là, des précautions à prendre avant d'étendre à une plus grande échelle l'expérience qui est menée. Évidemment, on a entendu aussi les craintes des compagnies d'assurances, d'utilisateurs privés non soumis à la loi sur l'accès, et ça, ça pourrait poser certains problèmes. Mais je pense que les problèmes existent déjà dans nos centres hospitaliers, pour donner cet exemple-là, dans les dossiers sur les supports manuels tels qu'on les retrouve actuellement. L'accès au service des archives et la transmission des informations, cela ne se fait pas toujours, dans le contexte actuel, hors l'informatique, dans le respect intégral du droit à la confidentialité. J'imagine qu'on retrouvera cette problématique, mais, à mon avis, l'informatique ne pose pas, en soi, de plus grands dangers que les supports actuellement utilisés.

M. Côté (Charlesbourg): Peut-être une dernière. Vous avez évoqué, tout à l'heure, le médecin. Si vous étiez ministre de la Santé, demain matin, vous feriez face à la situation que vous avez évoquée de quelle manière? Qu'est-ce qu'on fait vis-à-vis les médecins, demain matin, sur le plan de la dispensation des services? On sait qu'ils ont un pouvoir assez important, on reconnaît que c'est la seule personne qui a suffisamment de connaissances pour émettre des diagnostics. Je pense que, à ce moment-ci, ça a toujours été très clair. Mais on fait quoi, demain matin, pour être capable de changer une situation qui est dénoncée par un certain nombre, jusqu'à maintenant? Il y a du pour et il y a du contre. Si vous étiez ministre de la Santé, demain matin, qu'est-ce que vous feriez pour régler un certain nombre de problématiques par rapport aux médecins, et sur le plan légal?

La Présidente (Mme Marois): Mme Lussier.

Mme Lussier: J'aurais à coeur de prendre les intérêts de tout un chacun, mais comme je le rappelle, d'abord et avant tout, les intérêts des bénéficiaires potentiels. À cet égard, nous avons abordé, donc, la question du statut du médecin en regard de la problématique de la responsabilité à l'occasion d'actes thérapeutiques, notamment posés par les médecins. Je demanderais à Me Rochette de compléter là-dessus.

La Présidente (Mme Marois): Certainement.

Mme Rochette (Judith): Pour ce qui est du statut du médecin, c'est bien évident que c'est une question qui est controversée dans les différents groupes en question. Il ne s'agit pas pour le ministre, loin de là, d'imposer aux médecins, demain matin, un nouveau statut de subordination. L'autonomie du médecin dans l'acte médical a toujours été reconnue, et je pense que nos tribunaux, à travers les dernières années, ont toujours résisté et se sont retenus d'imposer cette subordination des médecins à tout autre décideur. Néanmoins, on constate, dans la structure actuelle de la loi, et cela est continué dans le projet de loi actuel, le nombre de contraintes auxquelles doit faire face le médecin; on pense au plan d'organisation, on pense aux règles de soins, aux règles d'utilisation des ressources et également aux règlements du CMDP. Le médecin n'est plus libre d'agir selon le statut qu'il avait jadis de bon père de famille et de tout ce qu'il représentait autrefois. Maintenant, il est soumis à un cadre certain et c'est à ce niveau que nous suggérons que les véritables décideurs soient davantage responsabilisés. Le médecin est nécessairement soumis à des règles qu'il doit suivre, et c'est à ce niveau que le projet de loi actuel ne change rien aux controverses qui se déroulent devant les tribunaux; on pense à Lapointe contre Legardeur, un jugement de la Cour d'appel qui a été rendu en septembre dernier et qui a soulevé un tollé de protestations de la part des hôpitaux, qui consacre le contrat hospitalier, qui l'élargit. Eh bien, le projet de loi actuel serait l'occasion rêvée d'éclaircir les relations qui existent entre médecins et établissements.

La Présidente (Mme Marois): Est-ce que ça va?

M. Côté (Charlesbourg): Ça va. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Oui, Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Oui. Je trouve ça fort intéressant, vos propos, et ça me fait plaisir de pouvoir, moi aussi, vous saluer à titre de députée de l'Opposition. Vous parliez maintenant d'établir des relations... d'établir, oui, en fait, des juridictions très claires dans la relation entre le

médecin et l'établissement, mais ça serait intéressant, aussi, de vous entendre entre le médecin et le bénéficiaire, parce que très souvent c'est l'accès à l'information et au dossier médical qui n'est pas tellement facile pour le bénéficiaire. On semble toujours dire qu'il n'est pas toujours souhaitable ou heureux que le bénéficiaire puisse rentrer en communication avec son dossier, puisqu'il ne peut pas tout comprendre, de toute façon, et l'interprétation peut être très malheureuse, dans certains cas. Alors, j'aimerais que vous puissiez élaborer là-dessus.

La Présidente (Mme Marois): Mme Lussier, oui.

Mme Lussier: II est clair que, tel que vous le présentez, le problème de l'accès à l'information contenue dans le dossier peut parfois gêner la relation patient-médecin. D'ailleurs, la loi actuelle et l'avant-projet de loi conservent cette hésitation, dans la mesure où on indique que pour des raisons médicales, eu égard au préjudice susceptible d'être causé à l'état du bénéficiaire, l'accès à son dossier en établissement peut lui être refusé. Et cela s'est fait en concordance avec la loi sur l'accès. (20 h 45)

Cela dit, comme vous pouvez sans doute le remarquer, depuis 1987, on a quand même voulu assurer au bénéficiaire, lorsqu'il désirait prendre connaissance de son dossier contenant des informations le concernant, bien sûr, mais codées dans un langage qui lui est souvent étranger, on a, à ce moment, assorti ce droit d'accès au droit d'être assisté par une personne qui pouvait l'aider à comprendre la nature des informations renfermées dans son dossier. Évidemment, le problème que ça pose, c'est que, s'il s'agit de l'archiviste, peut-être qu'il s'agit là d'une personne fort compétente, soit, mais peut-être n'est-elle pas la personne la mieux indiquée pour vraiment assister le bénéficiaire dans cette démarche. C'est pourquoi nous suggérons que, dans certaines circonstances, le bénéficiaire puisse l'examiner soit avec un membre de l'équipe soignante, soit même avec le médecin traitant responsable du bénéficiaire et discuter avec lui des informations le concernant, parce qu'il s'agit là du droit élémentaire du bénéficiaire à connaître l'existence de son dossier et éventuellement d'exercer les droits à la rectification qui pourrait être utile.

Mme Vermette: Vous faites mention aussi, en fait, qu'en l'absence de pouvoirs coercitifs on peut se demander quels sont les effets des recours, parce que vous semblez dire, actuellement, que la loi ne va pas assez loin et qu'il n'y a pas suffisamment d'effets coercitifs et que, effectivement, le bénéficiaire, en tout cas, se trouvera vis-à-vis les mêmes problèmes qu'il peut trouver à l'heure actuelle. C'est bien ce que vous mentionnez?

Mme Lussier: Oui. On peut prendre pour exemple le recours qui est via le mécanisme de plaintes que peut porter un bénéficiaire auprès du conseil régional. Comme vous le savez, cela donne ouverture à une enquête mais qui relève de la discrétion du CRSSS. Lorsque celui-ci décide alors de mener une enquête, pour étayer la plainte portée par le bénéficiaire sur la qualité des services qu'il a ou qu'il n'a pas reçus d'un établissement, le CRSSS doit, à ce moment-là, obtenir la collaboration de l'établissement, mais c'est un processus duquel le bénéficiaire, encore une fois, est exclu et, non seulement faut-il noter qu'il est exclu, mais en bout de ligne ce mécanisme d'examen de la plainte du bénéficiaire ne débouche que sur des recommandations et les recommandations sont donc laissées à la discrétion de l'établissement de les suivre ou de ne pas les suivre.

Après cela, le CRSSS peut décider de transformer cette plainte en recours devant la Commission des affaires sociales mais, encore là, il s'agit d'une étape qui est entièrement à la discrétion du CRSSS. Alors, on se demande, en termes de droit et en termes de mécanisme efficace, comment ce recours peut être pleinement exercé dans le respect des droits des bénéficiaires. On constate, dans lavant-projet de loi, qu'on conserve les mêmes étapes, on n'affermit d'aucune façon, on ne revigore d'aucune façon ce mécanisme de plaintes qui, à notre avis, pourrait être très utile notamment pour prévenir des situations. Il ne s'agit pas de tout rendre litigieux, d'aller porter devant des tribunaux des procès qui dureraient des temps indéfinis, comme on peut voir à l'heure actuelle, mais il s'agirait de permettre une plus grande communication entre les différents intervenants et les bénéficiaires qui sont les premiers concernés par le réseau de santé.

Mme Vermette: Comment pourriez-vous faire établir cette meilleure communication? Est-ce que vous vous êtes penchées sur la meilleure façon d'y arriver?

Mme Lussier: À titre d'exemple, on pourrait imaginer que, dans le projet de loi, on indiquerait une procédure à l'étape, notamment, de l'enquête où la collaboration de l'établissement avec le CRSSS et la consultation du bénéficiaire pourraient être plus précisément définies avec certaines conditions précises élaborées dans le projet de loi.

La Présidente (Mme Marois): Ça va? Merci. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Oui, une brève question. Bonsoir, mesdames. En vertu de ce projet de loi, les futures mamans qui voudraient, en dépit des

directives, être accouchées à la Cité de la santé de Laval, est-ce qu'elles pourraient? Elle se pose, la question?

La Présidente (Mme Marois): Très certainement.

Mme Blackburn: Parce qu'ils sont en train d'adopter, l'hôpital est en train de convenir avec les médecins...

M. Côté (Charlesbourg): Les médecins ont accepté hier.

Mme Blackburn: Oui, je sais, mais, peu importe, la question demeure entière, si c'est un droit de l'individu et non pas des médecins. Une femme, une future mère qui voudrait accoucher à la Cité de la santé, en dépit du fait que l'hôpital s'est entendu avec les médecins pour limiter à 4200, je pense, 4000, le nombre d'accouchements qui ont lieu à cet hôpital, est-ce que quelqu'un pourrait, en dépit de ça, en vertu du projet de loi, réclamer d'être accueilli dans cet hôpital de la Cité de la santé?

Mme Lussier: À notre avis, nous considérons que cela doit demeurer, que cette possibilité doit être envisagée, que, à ce moment-là, les droits d'une bénéficiaire en particulier devraient être respectés même eu égard aux contraintes administratives et budgétaires qui pourraient, à ce moment-là, encadrer l'acte médical lui-même. À notre avis, il est regrettable que de telles politiques puissent se développer sans qu'on ait accès à une information complète sur les contraintes auxquelles l'établissement fait face.

On a pu voir, dans ce dossier particulièrement de la Cité de la santé, que ce sont les médecins eux-mêmes visés par les directives internes qui les ont contestées devant les tribunaux, un jugement qui leur a d'ailleurs été favorable, rendu au mois de novembre dernier. Ça a donc forcé l'établissement à revoir les règles du jeu et à tenter de trouver un consensus qui, la semaine dernière, dans les journaux, ne semblait pas être atteint. Mais je constate qu'il vient d'être finalement résolu et je considère que, si l'on veut trop limiter l'accès à certains services, il n'est pas impossible que des contestations judiciaires soient soulevées dans l'optique d'une argumentation sur la discrimination qui pourrait à ce moment-là être faite. On avait, semble-t-il, retenu le critère de la zone géographique d'origine de la future mère. Est-ce qu'il s'agit là d'un critère qui s'harmonise bien avec les droits des bénéficiaires et les ressources de l'établissement? Permettez-moi d'en douter.

Mme Blackburn: Alors, ce que vous dites, c'est qu'en vertu de la loi actuelle, normalement, quelqu'un qui voudrait faire prévaloir son droit au libre choix de l'établissement pour recevoir des services pourrait le réclamer, en dépit de l'entente qui est intervenue entre le médecin et l'hôpital.

Mme Lussier: Enfin, il pourrait y avoir certaines nuances sur un plan juridique.

La Présidente (Mme Marois): Pardon, oui, Mme Lussier?

Mme Lussier: Je m'excuse.

La Présidente (Mme Marois): Ça va. Allez.

Mme Lussier: Je disais qu'il pourrait y avoir certaines nuances juridiques. Il faudrait voir la nature de l'acte et savoir si c'est un acte qui est opposable à un tiers, qui est le bénéficiaire, et je ne voudrais pas entrer dans des détails légalistes, mais il est possible de contester également l'application de semblables décisions à rencontre des droits des bénéficiaires, dans des contextes auxquels on pourrait avoir plus de détails en fonction de faits particuliers.

La Présidente (Mme Marois): Ça va? Oui? M. le ministre, ça va?

M. Côté (Charlesbourg): Ce que la cour a décidé, dans un premier temps, c'est sur la discrimination de territoire, alors que l'hôpital, pour maintenir des standards de qualité et de services, doit faire un certain nombre d'interventions annuellement. Ce qui était fait auparavant, c'était 4900; c'est maintenant 4200, et c'est aussi un hôpital qui a d'autres services à donner à la population. C'est ce qui est en cause. Finalement, heureusement, tout le monde a fini par s'entendre. À ce moment-là, ce sont les médecins qui ont fait l'arbitrage au niveau de l'hôpital, sur sa capacité à lui, comme hôpital, de faire des accouchements et de faire autre chose aussi. Ça pourrait aussi atteindre éventuellement le droit de l'usager qui est à l'urgence d'avoir accès à des lits, qui est aussi important, comme usager. Ce ne sont pas des situations qui sont très très faciles pour personne et, finalement, l'équilibre a été trouvé et c'est ce qui est souhaitable. Merci beaucoup...

La Présidente (Mme Marois): Ça va?

M. Côté (Charlesbourg): ...d'avoir pris la peine et je suis convaincu que ça va inspirer nos légistes pour le cheminement du dossier. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup de votre contribution aux travaux de la commission des affaires sociales. Merci.

Mme Lussier: Ça nous a fait plaisir. Bonsoir.

La Présidente (Mme Marois): Bonsoir.

J'inviterais maintenant les personnes représentant au moins trois ou quatre groupes: l'Assemblée de concertation et de développement de l'Estrie, la Commission de formation professionnelle de la main-d'oeuvre, région Estrie, le Conseil central des syndicats nationaux de Sherbrooke, la Maison régionale de l'industrie et la table des MRC de l'Estrie. J'inviterais donc les personnes représentant ces organismes à prendre place à la table.

Alors, vous connaissez nos règles. Je vous les rappelle en une phrase. Le porte-parole se présente, présente les personnes qui l'accompagnent et vous avez environ 20 minutes pour présenter votre mémoire. Par la suite, le temps qui reste est réparti entre les membres des deux formations politiques, à parts égales à peu près. Bienvenue.

Un groupe d'organismes socio-économiques de l'Estrie

M. Dion (Robert): Bonsoir. Bonsoir, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Marois): Bonsoir.

M. Dion: M. le ministre, mesdames, messieurs. Permettez-moi de me présenter d'abord. Mon nom est Robert Dion et je suis le directeur général de l'Assemblée de concertation et de développement de l'Estrie. Je vous présente aussi immédiatement les gens qui m'accompagnent ou que j'accompagne, c'est une question de point de vue. À mon extrême droite, M. Pierre Gingras, qui est conseiller à la CSN; à ma droite immédiate, M. Janvier Cliche, qui est président de la CSN de l'Estrie; à ma gauche, M. Guy Bellavance, qui est directeur général de la Commission de formation professionnelle; et à mon extrême gauche - comme vous voyez, nous avons l'alpha et l'oméga - je commence par l'alpha: le jeune maire d'Asbestos, M. André Bachand, qui est aussi président de la table des MRC; et je ne voudrais pas oublier l'oméga qui est un ex-maire et aussi ancien président de la table des MRC et qui est maintenant le directeur général de cette table des MRC. M. Jean-Paul GPIotte.

Je désire aussi vous informer, Mme la Présidente, que c'est avec regret que le président de la Maison régionale de l'industrie ainsi que son directeur général ont dû s'absenter et ne pourront pas partager avec nous, défendre ou discuter de leurs dossiers.

Pour débuter, d'abord, en nous présentant ici ce soir, le 3 avril à 20 h 30, devant cette commission, qui, d'après ce qu'on nous a dit, a entendu au-delà de 150 ou 175 mémoires, j'aimerais vous dire que nous sommes bien conscients des grands dangers de redite et de répétition. Nous avons cependant suivi très attentivement, par la voie des médias, l'évolution des travaux de cette commission et nous sommes convaincus que, si vous avez déjà entendu des propositions qui, par un heureux hasard ou une saine réflexion, ressemblent aux nôtres, c'est peut-être signe de la direction qu'il faudra prendre pour orienter l'avant-projet de loi ou le projet de loi, ceci dit sans aucune prétention, M. le ministre.

Avant de laisser la parole à mes collègues, qui aimeraient souligner chacun à leur façon les éléments essentiels de leur mémoire, nous avons convenu d'un commun accord du sens de notre démarche et de l'importance que nous lui accordons. Il est à noter que, même si nous représentons des secteurs très différents de notre société, nous sommes tous préoccupés par le secteur de la santé et des services sociaux. Et, bien que nous ayons tenu à préparer chacun un volet propre du mémoire qui vous est présenté aujourd'hui, vous pouvez lire la volonté des divers secteurs de la vie de l'Estrie de se responsabiliser face à la santé et au bien-être et d'assumer ainsi la gestion des services en fonction de nos particularités régionales.

Notre présence ici est le témoignage non seulement de notre préoccupation, comme je viens de le dire, pour le secteur de la santé et des services sociaux, mais aussi de l'importance que nous accordons au processus de décentralisation proposé par l'avant-projet de loi et, dès lors, de notre confiance en la capacité de la région de se prendre en main. Nous sommes de ceux, Mme la Présidente, qui croyons que le Créateur a réparti équitablement sur le territoire québécois les capacités administratives, et ceci sans aucune modulation d'aucune façon. Il faut déceler aussi, dans notre présence, notre capacité et notre volonté de concertation entre divers intervenants qui sont fort conscients de leurs différences mais qui misent plutôt sur leur interdépendance.

Je demanderais donc, pour débuter, à M. Bachand de nous présenter le mémoire de la table des MRC de l'Estrie.

La Présidente (Mme Marois): M. Bachand.

M. Bachand (André): Mme la Présidente, M. le ministre, membres de l'Assemblée nationale, encore un mémoire que vous allez devoir entendre et qu'un participant va devoir lire mais on a essayé de faire ça le plus court possible pour faire en sorte qu'il puisse y avoir discussion. Donc, plus d'emphase sur la discussion et non pas sur la présentation.

J'aimerais d'abord situer le rôle et les objectifs de la table des MRC de l'Estrie. Ça fait quoi dans la vie? La table des MRC de l'Estrie a été mise sur pied au cours du mois de janvier 1985. La table des MRC de l'Estrie regroupe les préfets et préfets suppléants des sept MRC de l'Estrie, à savoir celle de Coaticook, Granit, Le Haut-Saint-François, Memphrémagog, L'Or-Blanc, Sherbrooke et Le Val-Saint-François. La table

vise à permettre aux représentants des MRC de l'Estrie de se rencontrer périodiquement afin d'échanger de l'information, de discuter de sujets d'intérêt commun et de prendre position dans certains dossiers régionaux ou provinciaux. Ainsi donc, la table des MRC de l'Estrie se sent concernée par le débat qui anime la société québécoise depuis quelque temps déjà et profite de l'occasion qui lui est donnée pour soumettre ses opinions, ses commentaires et ses recommandations sur la réforme des services de santé et des services sociaux.

De fait, nous nous attarderons sur quatre principaux points qui ont soulevé notre intérêt et pour lesquels nous prenons position: la composition du conseil d'administration des régies régionales, l'allocation des budgets régionaux, la notion d'imputabilité et la régionalisation. Dans une perspective de décentralisation et surtout d'implication de la population usagère et contribuable, il apparaît essentiel que les municipalités obtiennent une représentativité qui fasse écho aux besoins des citoyens pour que l'identité municipale demeure la base fondamentale de son expression démocratique, autant expression positive que négative. Rappelons que les municipalités, surtout en milieu rural, possèdent une connaissance généralement assez juste des besoins de leurs citoyens. (21 heures)

Sans remettre en question la structure des futures régies régionales, il nous semble évident que, si le gouvernement veut impliquer davantage la population, il ne pourra négliger le canal démocratique établi qu'est le conseil municipal où le principe des comptes à rendre est le plus près des objectifs de la démocratie. On dit d'ailleurs souvent que les municipalités sont le gouvernement le plus proche des gens. Il est en effet beaucoup plus facile aux simples citoyens de questionner ses édiles que de se faire entendre sur un conseil d'administration d'initiés ou à une commission parlementaire. En somme, ce que nous disons, c'est que les élus municipaux participant à une régie régionale porteraient avec eux leur imputabilité et, conséquemment, un intérêt et une participation accrus de citoyens. Dans cette perspective, il est évident que nous ne pouvons que souhaiter une participation significative du monde municipal aux régies régionales.

En regard toujours de la composition du C.A. de la régie régionale et de sa structure, il incombe, si on veut vraiment parler de décentralisation, de laisser le choix au conseil d'administration de la nomination de son directeur général qui, selon nous, ne devrait pas être aussi le président de ce conseil d'administration. Séparer l'exécutif du législatif constitue une recette éprouvée en administration publique même si elle n'est pas parfaite. À notre avis, la nomination d'un président-directeur général émanant du gouvernement minerait la confiance que l'avant-projet de loi sur la santé et les services sociaux accorde aux dirigeants régionaux ou locaux. Ce paradoxe questionne la crédibilité et la compétence reconnues auparavant et altère les objectifs de participation et d'implication poursuivis.

Au niveau de la régionalisation maintenant. La table des MRC de l'Estrie croit fermement en la régionalisation mais à la condition qu'elle soit effective et efficiente. L'implication des intervenants concernés est directement proportionnelle à leur marge de manoeuvre. Les règles du jeu - on parle de partage de l'enveloppe budgétaire - doivent être claires et définies sinon l'intérêt risque de s'émousser rapidement pour les gestionnaires sans véritables pouvoirs de décision. L'attrait d'une instance régionale administrative ne réside que dans le fait qu'on pourra y faire valoir ses besoins spécifiques et des solutions originales issues des préoccupations réelles de la population. Autrement, on ne parlerait que de pastiche de décentralisation. La méfiance répandue du pouvoir centralisateur n'y sera alors que renforcée.

Le Conseil des affaires sociales a récemment fait état de la situation dramatique de clivage du Québec au niveau social et économique selon la répartition géographique. Il faut cesser d'appliquer globalement certaines politiques gouvernementales et respecter davantage les besoins spécifiques de chaque région. En clair, les élus municipaux désirent siéger à un conseil d'administration dans la mesure où ils seront dotés de pouvoirs, de véritables pouvoirs. Nous ne voulons pas être une simple courroie de transmission. La décentralisation, oui. La déconcertation, non.

Grâce aux MRC et aux CLSC notamment, les régions et les sous-régions sont de plus en plus aptes à circonscrire et à définir leur authenticité. Dans un domaine aussi fondamental que la santé et les services sociaux, le temps est venu pour les régions de prendre en main leur bien-être avec toute la latitude et les moyens requis. Parallèlement, il nous apparaît évident que les budgets consentis aux établissements hospitaliers fassent partie intégrante de l'enveloppe budgétaire administrée et gérée par la régie régionale en vertu du principe de régionalisation. Les municipalités occupent depuis quelques années de nouveaux champs d'intervention, via les MRC, pour lesquels elles ont démontré un intérêt et une compétence certaine et dans lesquels elles croient fondamentalement pour un sain exercice de la démocratie. Les expériences passées font cependant la preuve que ces principes ne peuvent s'actualiser que si les pouvoirs dévolus sont accompagnés de ressources financières, humaines et techniques afférentes. L'Estrie souhaite vivement participer aux grands idéaux actuels où la qualité de vie fait foi de l'idéal universel. Mais, pour vaincre les disparités socio-économiques que l'on retrouve sur son territoire, elle a besoin de tous les outils

possibles pour intervenir efficacement.

Nous souhaitons que le gouvernement traduise sa volonté de décentralisation par des politiques concrètes dont la gestion pleine et entière relève des organismes régionaux et plus particulièrement des municipalités en corrélation avec des outils et des moyens appropriés. Les politiques globales, ou ce qu'on appelle mur à mur, ont à long terme engendré des disparités, des inégalités pour l'équilibre socio-économique du Québec. Un redressement qui s'impose donc. Nous croyons qu'une responsabilisation articulée des régions pourrait être une solution et nous sommes prêts à y adhérer aux conditions suivantes: maintien des principes et acquis sociaux établis, décentralisation globale, réelle et concrète des budgets, représentation accrue des municipalités aux décisions régionales en matière de santé et des services sociaux.

En terminant, nous soulignons que la tradition de concertation et d'appui mutuel établie par les sept préfets et préfets suppléants, membres de la table des MRC de l'Estrie, est la garantie qu'une représentation majoritaire du monde municipal au sein de la régie aura pour effet un mieux-être de toute la population estrienne et une implication véritable de celle-ci quant à la détermination de ses besoins en santé et à la recherche de solutions adéquates.

Ce n'est pas dans le mémoire, mais j'aimerais rajouter aussi qu'un élément très important, lorsqu'on parle de régionalisation et de décentralisation, c'est la venue avec elles de budgets nécessaires. Il ne faudrait pas non plus que, lorsqu'on parle de régionalisation, ce ne soit qu'un organisme qui a un semblant de pouvoir, qui est obligé de faire ce qu'on appelle beaucoup de "red tape" avant de prendre une décision. Également - j'aurais aimé l'ajouter dans les semaines qui ont précédé ce soir - il est, bien sûr, entendu que ces régies, de même que les CLSC, les hôpitaux ou quelconques organismes de services de santé ou sociaux, n'ont pas le droit de patauger dans le champ d'imposition foncier, bien sûr. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Marois): Ça va, merci. Oui? Ha, ha, ha! On n'en manque pas une, quoi, c'est bien, ça. M. Bellavance, c'est ça?

M. Bellavance (Guy): Mme la Présidente, M. le ministre, mesdames, messieurs de la commission, peut-être allez-vous vous demander ce que la Commission de formation professionnelle fait avec la santé. Dans notre mémoire, si vous regardez à la fin de la page 2, on dit que ce qui nous préoccupe plus particulièrement, ce sont les conséquences de la santé, tout ce qui touche et est connexe à ça. On pense, entre autres, à l'analphabétisme, aux traumatismes, au chômage et à ses conséquences, à l'aide sociale et ainsi de suite. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons voulu nous impliquer en vous présen- tant un mémoire de la sorte.

On a voulu insister surtout sur trois points: la représentativité, lïmputabilité et la gérance des budgets. Je pense que ceux qui connaissent un petit peu les commissions de formation professionnelle savent que nous sommes des organismes autonomes en région, avec des mandats et avec des subventions gouvernementales qui nous permettent de répondre à des besoins régionaux de formation. Nous, ce qu'on a pensé faire, c'est essayer de dire: Est-ce qu'un modèle comme celui-là ne pourrait pas s'appliquer en région, au niveau de la santé? Quand on parle de représentativité, on dit que les délégués doivent être les représentants des différents organismes de la région. D'ailleurs, dans le mémoire, vous allez voir à la toute fin, en annexe, la structure de la commission comme telle, où chacun des secteurs est représenté, par après, le conseil d'administration est élu, certains mandats qui sont donnés doivent être appliqués par ce conseil d'administration, que l'assemblée générale ratifie, et le directeur général est imputable à cette assemblée générale aussi, par la suite.

En page 4, on parie de l'imputabilité comme telle. Nous, on croit que les délégués des organismes qui sont là doivent rendre compte de leur administration à ce moment-là. Si on se réfère, encore une fois, à notre structure, c'est de cette façon-là qu'on fonctionne. Il doit y avoir un intérêt, aussi, pour être là. Je pense qu'à ce moment-là, avec une structure comme celle-là, les gens qui y vont y croient, en général.

Dans la dernière partie, on parle beaucoup du bénévolat, mais aussi on fait part qu'il semble qu'il devrait y avoir une rémunération juste et équitable pour ce type d'activité là aussi de la part gouvernementale, parce que, souvent, bénévolat ne veut pas nécessairement dire complètement gratuit, quand on sait, aujourd'hui, les coûts que ça implique pour quelqu'un de se déplacer ou de laisser son travail.

À la page 5, on parie aussi de la gérance des budgets. La gérance des budgets, je pense qu'au départ elle doit être établie avec des critères définis à l'avance et acceptée par les régions et le ministère. Par la suite, je pense que la région doit être en mesure de disposer, selon ses priorités régionales, d'une grande partie de... Ce qui n'élimine pas, par le fait même - c'est exactement ce qu'on vit au niveau des commissions - qu'au niveau provincial il puisse y avoir certaines particularités ou certaines demandes qui sont beaucoup plus nationales, si vous voulez, que régionales, mais, en grande partie, le conseil régional, comme tel, devrait être en mesure de répondre aux besoins régionaux. Je m'explique. Je pense que, si, au niveau provincial, on définit que c'est la santé mentale qui devrait être un des éléments sur lesquels on devrait mettre l'emphase, nous, dans notre région, ça devrait être beaucoup plus

l'aide aux personnes âgées, j'ai l'impression. En tout cas, nous, de la façon dont on fonctionne dans les CFP, on a cette possibilité de mettre plus d'emphase sur les vieux et non nécessairement sur la santé mentale, ce qui n'élimine pas l'autre comme telle, non plus. Par le fait même, ça donne des priorités régionales, ça donne aussi une rationalisation du budget, très souvent, qui va permettre de développer beaucoup plus. Ça va développer la recherche pour de nouveaux services. Ça élimine aussi le dédoublement et, par conséquent dans beaucoup d'hôpitaux, ça permettrait peut-être le perfectionnement du personnel, selon les besoins de ces entités particulières.

En dernier, on parle de l'évaluation. Dans l'évaluation, nous voulons dire par là, est-ce que ce ne serait pas possible qu'au niveau de la santé on parle d'un conseil de services de santé au même titre qu'on a, le Conseil supérieur de l'éducation et, au niveau du travail, le conseil supérieur du travail - ce n'est pas tout à fait le conseil supérieur, j'essaie de me rappeler exactement le terme, mais je sais que c'est au même titre que le Conseil supérieur... Qu'est-ce que font ces gens-là? Ces gens sont beaucoup plus là pour évaluer les politiques qui se passent et, en même temps, pour établir une politique de santé.

En conclusion, il faudrait mettre l'accent plus sur les résultats que sur les structures. Merci, Mme la Présidente, merci, messieurs.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Bellavance. Qui suit? M. Cliche?

M. Cliche (Janvier): Janvier Cliche, oui. D'abord, j'aimerais souligner que je suis particulièrement heureux d'être à cette table, aujourd'hui. On était, d'ailleurs, encore ensemble, hier, mais pour l'étude du forum sur le plein emploi. On travaille régulièrement avec plusieurs organisations, mais il arrive souvent qu'on se revoie en Estriè. Particulièrement sur la question de la santé, je pense qu'il faut signaler l'intervention du CRSSS qui a permis qu'on soit ensemble aujourd'hui, parce que l'une des choses dont on s'est rendu compte, lorsque le CRSSS nous a présenté le mémoire qu'il avait l'intention de vous présenter et qu'il vous a présenté ce matin, c'est qu'on partageait un grand nombre de choses qui étaient avancées dans ce mémoire. C'est pourquoi on ne répétera pas ou on n'ira pas sur chacun des points qui auraient pu nous intéresser. Je veux juste rappeler quelques éléments et, après, on pourra, je pense, aborder la période de questions.

D'abord, la question de l'accessibilité et de la gratuité. Je pense que c'est une chose sur laquelle on aimerait que des intentions très fermes soient annoncées. Quant à la question de l'équité, je pense qu'elle a été bien amenée, à plusieurs reprises, au cours de cette commission et que cette question nous tient aussi beaucoup à coeur.

L'autre aspect, c'est celui de la politique globale de la santé et des services sociaux. Il nous apparaît que, oui, il faut se préoccuper de la santé, mais qu'il n'y a, effectivement, pas que la santé et que d'autres ministères pourraient être mis à contribution dans le cadre d'une politique globale.

En ce qui concerne la question de la régionalisation, ce qu'on dit, globalement, dans notre mémoire - et ça se reflète dans plusieurs autres mémoires que j'ai pu entendre - est que, nous, on a l'impression que, dans l'avant-projet de loi, c'est un peu comme laisser marcher un petit enfant, mais en le surveillant beaucoup, en tenant les guides. Alors, ça, nous autres, ce n'est pas tout à fait le style de régionalisation qu'on souhaiterait. Et, pour vous dire comment cette approche peut se rejoindre, par exemple, cet après-midi, vous avez entendu les groupes socio-économiques qui, eux, étaient contre les régies régionales. En se parlant, au cours du souper, on s'est rendu compte qu'on était d'accord pour les régies régionales, mais à certaines conditions. Nous, on est d'accord avec ce qui est là, en termes de régie régionale, mais à condition qu'on donne vraiment tous les pouvoirs; et eux, c'était: Non, on ne veut pas de régie régionale, mais on serait d'accord s'il y avait telle ou telle chose. Alors, on s'est dit qu'on disait un peu la même chose. C'est le résultat des échanges du souper.

La Présidente (Mme Marois): Donc, la commission parlementaire a déjà, à cet égard-là, son utilité.

M. Cliche: Oui.

M. Côté (Charlesbourg): C'a permis la concertation qui n'avait pas été faite avant.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cliche: Non, on ne s'était pas vus avant. (21 h 15)

D'autre part, en ce qui concerne l'impu-tabilité - il en est beaucoup question - pour nous, il est évident que, à part la formule du suffrage universel, ça devient un peu compliqué de voir comment ça pourrait se faire. Cependant, dans notre réflexion, il nous apparaît que ce n'est pas évident que ça va être demain matin qu'on va avoir des élections au suffrage universel, pour des régies régionales. Il nous semble qu'il y aurait une réflexion à faire sur l'aspect régionalisation, mais pas seulement pour des questions de santé. Je pense qu'il y a d'autres secteurs qui pourraient bénéficier d'une approche semblable à celle que nous avons dans l'avant-projet de loi et je ne pense pas qu'on devrait y aller à la pièce. On est sensibles à une réflexion qui devrait se faire là-dedans.

L'autre aspect qu'on a abordé, c'est la question de la valorisation du personnel. Je pense

que c'a déjà été dit au cours de cette commission. En particulier, nous soulignons ie fait qu'on écarte d'emblée le personnel qui travaille dans les établissements. Le bilan qu'on fait de ia participation du personnel, au niveau des conseils d'administration, est quand même assez positif et on ne pense pas qu'on doive aller dans ce sens. On pense que le personnel doit être intégré, beaucoup plus qu'il ne l'a été à venir jusqu'à maintenant.

Un dernier point, peut-être, c'est la question de la complémentarité des services. Oui, on pense qu'il faut aller dans ce sens, mais, dans l'avant-projet de loi, on pense que c'est un peu timide et que ce n'est pas nécessairement par la voie des C.A., des conseils d'administration territoriaux, qu'on pourrait arriver à ces fins. Il nous semble qu'un simple article de la loi, qui pourrait forcer la complémentarité des services où c'est nécessaire ou viable, pourrait suffire.

Finalement, on a aussi mentionné, comme la CFP vient de le faire, la nécessité, quant à nous, d'un conseil des services de santé et des services sociaux qui, pour nous, aurait ce rôle absolument important de faire l'évaluation, non seulement une fois que la région responsable des services régionaux aurait dit oui, mais il faut qu'il y ait aussi une évaluation de ça. Là-dessus, on me dit qu'il ne faut pas que ce soit une évaluation région par région, parce qu'il faut se comparer aussi; c'est en se comparant qu'on est bons. On est toujours meilleurs, d'ailleurs, en Estrie, c'est ce qu'on nous dit. Mais il faut avoir aussi une évaluation nationale. Je pense qu'il faut qu'il y ait une grille, une approche qui soit aussi une approche nationale en ce qui concerne l'évaluation. Il y a aussi la question des plaintes dans le régime. Un tel conseil, à notre avis, pourrait être un organisme qui pourrait répondre à ces besoins. Voilà, je vous résume, grosso modo, les propos qu'on a tenus dans le mémoire. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Cliche. Oui, M. Dion, vous revenez, j'imagine, avec votre mémoire. C'est ça?

M. Dion: Justement, Mme la Présidente. Ne voulant pas être redondant, j'indiquerai à la commission que l'Assemblée de concertation et de développement de l'Estrie appuie, je dirais, sans réserve le document ou le mémoire de l'AQORCD représentée ici par la voix de son président, le 13 février 1990, que vous avez certainement écouté avec beaucoup d'intérêt. Donc, nous nous rallions aux positions de ce document qui avait, d'ailleurs, été préparé par des représentants de l'Estrie qui siègent à l'AQORCD.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Cela termine la présentation de vos différents points de vue, qui se rejoignent. Merci de cette présentation. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. D'abord, j'aimerais remercier cette concertation qui nous permet de vous entendre et d'avoir le message en une heure, alors que c'aurait pu en prendre cinq. Merci beaucoup, c'est apprécié, après 160 mémoires, évidemment. Je pense que vous avez été capables de présenter vos différents points de vue et ça nous permet d'échanger. Je prendrais peut-être, puisque vous êtes bons en Estrie, d'après ce que j'ai compris de M. Cliche, puis c'est vrai aussi... Il y a eu des expériences de décentralisation qui ont été tentés en 1979 et qui ont été plus ou moins valables. Et on a vu, aujourd'hui, des gens venir nous dire: Faites attention à telle chose, telle chose; faites attention à ce que les fonctionnaires du ministère ne viennent pas défaire ce que la volonté politique voulait faire; faites attention de ne pas garder, s'il y a une régie régionale, un niveau d'arbitrage qui pourrait passer par-dessus les régies ou à côté, de façon que tout le monde prenne bien conscience que le pouvoir est au niveau des régies.

Ce que j'aime dans votre présentation, puis qui me rejoint aussi profondément, c'est que, si on veut rendre le pouvoir régional imputable vis-à-vis des parlementaires, donc de l'Assemblée nationale où le ministre doit répondre... Ça, on peut toujours s'organiser une petite commission par année; vous venez nous voir et on vous passe au "cash". Ce serait bien le fun de vous passer au "cash" une fois par année, comme régie, et j'ai hâte de voir ça. On va avoir du plaisir. Vous autres aussi, parce que ceux qui vont atteindre les objectifs n'auront pas de problème et ceux qui ne les atteindront pas vont avoir peur, ils vont "shaker" une couple de jours avant de se présenter devant la commission, et ce n'est pas mauvais, c'est le début de la sagesse.

Mais quand on parle dïmputabilité vis-à-vis du bas, vis-à-vis du niveau local... Quand j'écoutais, tantôt, M. le maire d Asbestos, je trouvais ça intéressant parce que c'est ça: s'il y a une place où on peut parler d'imputabilité, c'est par des territoires de référence qui pourraient être, dans ces cas-ci, les territoires de MRC.

Vous avez dit aussi tantôt et M. Cliche le mentionnait: L'idéal, c'est le suffrage universel, dans la mesure où on réussit à faire voter le monde, bien sûr. Moi, je suis pour ça, mais je pense qu'il faut davantage. Et plus ça va, plus je suis convaincu qu'il faut trouver des mécanismes pour renforcer davantage le niveau local que le niveau régional. Parce que le niveau régional sera imputable, sur le plan administratif, à Québec, devant la commission parlementaire, on doit renforcer l'imputabilité du régional vis-à-vis du local. Donc, il faut donner encore plus de pouvoirs au niveau local. Parce que, si on décentralise de Québec pour aller à Sherbrooke, on a fait un bout. On a "pogné" une partie de nos malheurs et de nos solutions et on les a

envoyés à Sherbrooke. Mais ce n'est pas sûr que ça va régler les problèmes d'Asbestos, ce n'est pas sûr que ça va régler les problèmes de Coaticook et ce n'est pas sûr que ça va régler tous les problèmes d'ailleurs.

Donc, il faut être capable de faire en sorte, comme le proposait le Saguenay-Lac-Saint-Jean, que le territoire de référence d'une MRC puisse regrouper un certain nombre d'intervenants qui, eux, vont faire le palier régional, vont rendre légitime le palier régional. Eux proposaient que le directeur général d'un établissement et le président du conseil d'administration soient des gens qui soient regroupés au sein de la MRC comme étant les personnes qui vont définir un certain nombre de choses. Je ne sais pas si vous avez eu le temps de vous pencher là-dessus, mais qui faudrait-il ajouter à ces deux personnes pour bien s'assurer qu'on ait un pouvoir local fort et que chaque MRC puisse, effectivement, à l'intérieur de la planification régionale et de la revendication des budgets au niveau de ses établissements, être capable d'avoir tout ce qu'il lui faut? Si ça n'arbitre plus à Québec, ça va arbitrer au niveau de la région. Il faut que les pouvoirs locaux, donc des MRC, puissent être capables aussi de tirer leur épingle du jeu et d'avoir leur part de l'équité, de l'accessibilité, de l'universalité et de la gratuité.

La Présidente (Mme Marois): M. Dion, M. Cliche. Non? Oui, M. Dion, allez-y.

M. Dion: Je peux peut-être donner un élément de réponse. Premièrement, nous sommes bien conscients qu'en demandant la décentralisation, comme on pourrait dire, on s'achète un paquet de misère. Ce n'est pas un cadeau de Grec, la décentralisation, mais ce n'est quand même pas un cadeau tout court. Il est évident qu'en région, lorsqu'on n'a pas à décider et à se concerter et qu'on a juste à dire: C'est le monde de Québec qui a décidé ça, c'est beaucoup plus facile. On a fait des expériences de concertation en Estrie et on a été à même de le vérifier. Nous sommes à l'aube d'une conférence socio-économique, en tout cas, nous l'espérons, et nous allons vivre aussi des expériences un peu déchirantes. Nous savons que, lorsque nous devons, entre nous, privilégier certains projets, ça devient difficile.

Donc, ceci étant dit, pour ce qui est des éléments de pouvoir que vous essayez de situer, il est évident que, si on ne fait que déplacer de Québec à Sherbrooke, ou à Chicoutimi, ou à Rimouski, on a fait la moitié du chemin, on en est bien conscients. D'ailleurs, l'Assemblée de concertation et de développement de l'Estrie a un conseil d'administration qui est représentatif de l'ensemble de la région, et nous y tenons énormément. Nous y tenons par la voix des MRC, nous y tenons par la voix des "sectoriels", que nous appelons chez nous. Pour débuter, en tout cas, c'était le premier point que je voulais faire. Peut-être que M. le maire d'Asbestos aurait... ou Janvier, oui?

La Présidente (Mme Marois): M. Cliche.

M. Cliche: Pour la région, je pense qu'effectivement la relation entre la région et Québec, ça doit, à notre avis, être les questions de politiques. Québec définit les politiques et les régions doivent statuer du comment, les régionaux doivent s'entendre sur le comment. Quant à la manière, on n'a pas vraiment réfléchi beaucoup, mais l'approche MRC par MRC, dû au fait que déjà les CLSC sont sur ces territoires, ça nous apparaît une formule fort intéressante. Quant aux personnes qui devraient être mêlées dans ça, je pense qu'il ne faudrait pas oublier les médecins et le personnel de chacun des établissements dans chacune des MRC. Je pense que c'est un élément important qui est plus ou moins clair dans l'avant-projet de loi.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Bachand.

M. Bachand: Je ne répéterai pas ce que M. Cliche et M. Dion ont dit, je pense qu'effectivement on sent un principe de régionalisation. Toute la mécanique à établir, encore là, c'est quand même assez énorme et même, lorsqu'on parle de régionalisation, l'Estrie est différente de l'Abitibi, de Montréal, de Québec. Alors, il faudrait faire attention dans certaines applications de réglementations au niveau de la régionalisation, que ce soit des politiques, l'information des conseils d'administration. Il y a des grosses MRC, des petites MRC; si on parle de représentation par MRC, est-ce que les MRC ça va être per capita, leur nombre de représentants au sein d'une régie ou est-ce que ça va être style États américains, avec un nombre minimal et un nombre maximal par MRC, qu'Importe la grosseur? Alors, c'est quand même assez complexe. Effectivement, comme disait Janvier, on ne s'est pas penchés sur la mécanique, mais je pense que, lorsque le principe sera gagné, dévolu, à ce moment-là, effectivement, en région, on pourra s'asseoir et discuter de ça. Mais je pense que ce qui est important, lorsqu'on parle de régionalisation, il faut parler quand même d'efficacité. Je n'aimerais pas que ce soit un nouveau palier de décision ou de pseudo-décisions qui se prennent en région. À ce moment-là, on ne devient absolument pas efficaces. Alors, il y a un palier régional qui existe ou qui va exister, il se doit d'être efficace, sinon c'est de la bouillie pour les chats, on est aussi bien de rester comme on est là et d'essayer de l'améliorer. Mais l'idéal c'est une régionalisation efficace avec les budgets qui y sont reliés. Ça, je pense que c'est important.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M.

Bellavance.

M. Bellavance: En ce qui concerne la formation, si on regarde les CFP, de la façon dont c'est défini - et c'est un peu pourquoi on est ici, c'était pour parler un petit peu du modèle dans lequel on se trouve - c'est que, quand il s'agit d'une formation qui est pour des besoins nationaux en termes de formation, très souvent, ces estimations-là partent des régions et les régions, elles, ont déjà fait une certaine estimation. À partir de là, il y a un regroupement de ces besoins-là, par après, les enveloppes sont décidées à Québec en fonction de différents critères pour chacune des régions et, enfin, on les applique dans les régions. Cependant, ce qui est, je pense, important, c'est qu'il y a un pourcentage qui va pour les besoins nationaux et un très fort pourcentage pour les besoins régionaux qui ont été définis par les gens de la région. Et c'est ça, je pense, l'idée qu'on avance, c'est de dire: Est-ce qu'un modèle comme celui-là ferait? Nous autres, on parle de besoins de formation, mais je ne comprends pas pourquoi on ne pourrait pas parler de besoins de santé. On pourrait peut-être développer un modèle similaire.

La Présidente (Mme Marois): Ça va? Oui, M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Je suis en parfaite, ou à peu près, harmonie avec M. Cliche lorsqu'il dit: Le quoi, c'est Québec; le comment et le par qui, c'est la région. Et ça présuppose aussi toute une série de mesures, c'est-à-dire, pour bien me faire comprendre, qu'on prend un pouvoir de décision qui est à Québec, qui est administratif, et on le déplace à Sherbrooke à une régie. Il va continuer de demeurer imputable à nous parce qu'on devra trouver la mécanique qui va faire en sorte qu'on vienne nous voir assez régulièrement pour nous rendre des comptes par programme, objectif de résultats. Ça, là-dessus, je pense qu'il n'y a pas trop trop de problèmes. Mais je voulais aller plus loin pour être capable de savoir si, pour vous, l'imputabilité au niveau local... Parce que, pour moi, ça demeure une condition sine qua non au transfert de ces pouvoirs-là au niveau régional parce qu'il faut aussi que ça soit imputable vis-à-vis de la population; c'est la garantie qu'il va se passer des choses au niveau de la région. Et le danger de centraliser un pouvoir au niveau d'une capitale régionale, c'est que des sous-régions puissent devenir les parents pauvres de la région, parce que ça c'est déjà vu ça. (21 h 30)

Donc, ce qu'il faut, à ce moment-là, c'est renforcer le pouvoir local, donc, de la MRC, vis-à-vis de l'instance régionale qui serait la régie, qui elle serait une régie pour définir le comment et répartir l'enveloppe aussi. Donc, on se com- prend qu'il faut, quand on transfère, transférer aussi des moyens, pas rien que des problèmes, il faut aussi transférer des moyens pour régler les problèmes. Donc, à partir de ça, on se comprend bien, politiques de santé et de bien-être, ce sont des objectifs nationaux, toute une série, mais qui, au niveau de certaines régions, seraient, éventuellement, optionnelles. Si on parle d'itiné-rance, même si on faisait un programme national puis qu'on dirait à la Gaspésie: L'rtinérance, c'est un problème chez vous, puis vous allez l'avoir et vous allez vivre avec, je ne suis pas sûr qu'on vient de marquer de grands points sur la progression de la santé et du bien-être des Gaspé-siens. Le phénomène est montréalais. Donc, je pense qu'il y a des ajustements à faire de ce côté-là, mais il faut être bien clair que la politique de santé et de bien-être se fait par Québec, mais en collaboration, bien sûr, avec l'ensemble des régions.

J'interviendrais, à ce moment-ci, sur des grands thèmes qui sont véhiculés par les temps qui courent, accessibilité, gratuité, universalité et on en ajoute encore un autre dans la commission - et vous l'avez répété - l'équité. On a des problèmes d'accessibilité. C'est un grand principe, mais on a quand même des problèmes d'accessibilité; lorsqu'on parte de listes d'attente, on a des problèmes d'accessibilité. Trois minutes? C'est correct. Gratuité, universalité. Je vous prends un exemple. Pierre Elliott Trudeau est un homme qui a bien servi son pays, un centralisateur, mais, au-delà de tout ça, il y a un être humain en dessous, qui a paye des impôts et qui, semble-t-il, a une fortune personnelle assez extraordinaire. Alors, est-ce que le gouvernement du Québec doit continuer de payer les médicaments de Pierre Elliott Trudeau, si jamais il en avait besoin, au nom de l'universalité, de la gratuité?

La Présidente (Mme Marois): M. Cliche veut répondre.

M. Cliche: Je ne répondrai pas pour Pierre Elliott Trudeau...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Je vais voir si vous défendez Pierre Elliott.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Cliche: ...mais, quant à moi, sur la question des coûts, M. le ministre, il me semble que la démonstration a été faite par la commission Rochon que ce n'était pas notre régime de santé et de services sociaux qui était le plus mal foutu ou mai organisé en Amérique du Nord et même dans le monde. En termes de rentabilité, notre régime en vaut bien d'autres et, dans le mémoire de la CSN, je me rappelle qu'on citait,

entre autres, que même les Américains commencent à penser que peut-être ce serait mieux s'il y avait une nationalisation au niveau de la santé. Ça ne répond pas directement à votre question sur la gratuité, mais je vous rappellerai qu'un des éléments qui nous amène justement à nous poser cette question sur la gratuité, c'est que ça coûte cher. Un des éléments qui coûte le plus cher à notre régime, à mon avis, c'est le fait que la profession médicale, elle, a des coûts, occasionne des coûts considérables dans notre régime et on est très timide pour parler de ces questions-là. À notre avis, il devrait y avoir quelques changements à ce niveau-là, pour qu'on puisse se parler, parce qu'il y a aussi le fait qu'on n'aborde pas la question de la régionalisation des budgets de la RAMQ. Ce n'est peut-être pas le lieu de le faire, ce n'est peut-être pas de ça qu'on devrait parler, mais je pense qu'il faut le signaler, en termes de coûts, que c'est de là que ça part. Plus on a de médecins, plus ça coûte cher, c'est ce qu'on nous a déjà dit, je ne sais pas si c'est vrai.

M. Côté (Charlesbourg): Vous êtes habile pour répondre aux questions, parce que vous avez fait le tour sans répondre à ma question. Je vous ai parlé de Pierre et vous m'avez répondu par Yves. Là-dessus, oui, vous avez raison. Il ne faudra jamais oublier que, sur le plan des comparaisons avec l'Ontario - et je ne m'installe pas en défenseur des médecins, je ne suis pas sûr qu'ils m'ont classé dans cette catégorie-là, vous regarderez leur publication, je n'apparais pas comme un défenseur des médecins très très souvent dans cette revue-là - une chose est certaine, c'est qu'ils sont moins payés que les médecins en Ontario, ça c'est clair. Il n'y a personne qui peut contester ça, c'est vrai. Oui, c'est possible qu'il y ait des actes qui se multiplient pour se protéger, sur le plan du diagnostic, pour ne pas être poursuivis. C'est vrai. Il y a probablement des solutions à ça. Mais ça, ce phénomène-là, n'empêche pas qu'on doit se questionner aujourd'hui sur gratuité et universalité. Est-ce que ça signifie, pour quelqu'un qui a les moyens, aujourd'hui, qu'on doive encore continuer de payer des médicaments - c'est un exemple, ça - pour quelqu'un qui, lui-même, serait capable de les assumer ou, à tout le moins, d'en assumer une partie? Est-ce qu'on doit continuer avec cette notion d'universalité et de gratuité mur à mur? Je vous pose la question et probablement que votre réponse vaut la mienne. Mais je pense que, aujourd'hui, la question se pose, compte tenu des défis qu'on a demain: vieillissement de population, jeunesse, qui sont des défis auxquels on doit s'attaquer. La rareté des ressources fait en sorte que tantôt on va être obligés de prioriser. Je pense que la question est là, sur la place publique, et il faut tenter d'y répondre. Si jamais vous avez des opinions, j'aimerais vous entendre.

La Présidente (Mme Marois): M. Dion?

M. Dion: Je n'ai justement pas d'opinion là-dessus, Mme la Présidente, et je m'en garderai pour le moment.

La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha! Est-ce qu'il y a d'autres personnes, dans votre groupe, qui souhaiteraient intervenir? M. Ba-chand?

M. Bachand: D'une façon très très courte. Quant à moi, une petite parenthèse: M. Trudeau peut arrêter de prendre ses médicaments, s'il en prend, et je ne sais pas qui va s'en porter le plus mal ou le mieux. Mais, pour ce qui est de la gratuité des services de santé, je pense qu'il ne faudrait pas commencer à... et, sur ça, je pense que vous avez été assez clair, au niveau du ticket modérateur, par exemple... Quant à moi, il n'est pas question qu'on charge une entrée à l'hôpital comme on charge pour entrer au théâtre. On choisit d'aller au cinéma; à l'hôpital, on ne choisit peut-être pas et on ne choisit peut-être pas nécessairement son hôpital. On peut choisir son théâtre et son film. On peut en rire ou en pleurer, mais en tout cas. Alors, au niveau de la gratuité, je pense que c'est un principe qui est, pour nous, au Québec, une force et il faut la garder.

Au niveau du principe de l'universalité, ça, c'est une autre paire de manches. Je ne pense pas, effectivement, que quelqu'un qui est vraiment en moyens - c'est quoi les moyens? Ce serait une définition à donner - qui est riche, dans le langage courant, soit au niveau de l'impôt ou ailleurs... Le simple voisin, je ne pense pas que cette personne-là puisse bénéficier exactement des mêmes soins, quelqu'un qui est pauvre. Mais, encore là, il faut faire attention. Il y a toute une mécanique, tout un principe de base et une question de philosophie. Quand commences-tu à être riche et quand es-tu vraiment pauvre? Où est la barrière où la fameuse classe moyenne a toujours la facture à payer? C'est une grande question. Mais, l'universalité, quant à moi et quant à beaucoup de gens, c'est une question qui devrait être révisée de long en large, mais, encore là, on s'attaque non pas à une pratique vraiment pragmatique mais on s'attaque plutôt à une théorie. Lorsqu'on regarde exemple par exemple, à ce moment-là, on ne finit pas, on ne finit plus, et c'est très difficile d'application. L'universalité, c'est peut-être le plus beau des principes mais c'est celui le plus facile à appliquer aussi. Et c'est peut-être pour ça qu'il faudrait le regarder au temps qu'on connaît.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Bachand. Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Oui, en fait, sur cette

question, moi, j'aimerais suggérer au ministre... Quand on regarde la pratique médicale en ce qui concerne la consommation de médicaments, ils sont pour beaucoup, aussi. Mais ça, on ne le questionne pas, ou en tout cas... Je pense que ça serait drôlement important Quand on sait, chez les personnes âgées, le nombre effarant, faramineux de prescriptions, je trouve que c'est plutôt par ce volet-là qu'il faudrait peut-être poser la question ou l'envisager plutôt que de demander: Est-ce qu'il faut toucher, en fait... Est-ce que, oui ou non, on doit payer nos médicaments? Il y a beaucoup de choses à réviser aussi au niveau de la pratique médicale. Je pense qu'avant de toucher l'accessibilité de quelque façon que ce soit H faudrait peut-être aussi se questionner à ce niveau-là et vraiment aller en profondeur et apporter de véritables réponses, et non pas faire semblant ou des faux-fuyants.

Vous avez mentionné, à plusieurs reprises, en fait, le rôle important que devraient jouer les municipalités au niveau des régies et de la représentation des régies. Est-ce que, pour vous, ce serait majoritaire, est-ce que ce serait une représentation plus majoritaire? Dans quelle forme d'équilibre, par rapport aux groupes communautaires, cette représentation-là devrait-elle s'établir justement?

La Président» (Mme Marois): M. Dion? M. Bachand? M. Cliche.

M. Cliche: Par rapport à la représentativité, ce qu'on souhaite, dans le fond, c'est que l'ensemble des citoyens sort majoritaire partout et que, à travers ça, il y ait aussi la représentation du personnel et des médecins, entre autres, qui sont des intervenants majeurs dans ce système. Mais, en tout temps, on veut que ce soient les usagers, les personnes élues du milieu qui soient la majorité partout. Les citoyens, quoi.

Mme Vermette: Vous sembliez faire deux fonctions très différentes entre, d'une part, les gens, le réseau qui devraient être des exécutants et, d'autre part, les décideurs qui devraient être les gens qui siègent aux conseils d'administration. Est-ce que c'est bien exact ou, finalement, ce n'est pas tout à fait la perception que...

M. Cliche: Je pense qu'il y a une nuance à apporter entre, je ne sais pas, un conseil d'administration de régie régionale, par exemple, qui s'occupe de décider comment on va appliquer l'ensemble des budgets, etc., il y a une différence entre ça et un conseil d'administration local d'un établissement où, là, on discute comment on va réussir à rendre la vie agréable aux bénéficiaires d'un établissement, par exemple. Ça, je pense qu'à ce niveau il y a lieu qu'on discute entre personnel, entre médecins, entre les élus et les citoyens qui sont là. Je pense qu'il y a là un terrain propice pour, justement, faire le lien entre ceux qui font les services quotidiens tous les jours et ceux qui les reçoivent.

La Présidente (Mme Marois): Je pense que M. Gillotte voulait intervenir. C'est ça, oui?

M. Gillotte (Jean-Paul): Au niveau de la concertation qu'on a eue, je pense que c'est un point de discorde entre la CSN et les municipalités, en fait. L'imputabilité des maires, ça rend les personnes extrêmement sages quand il y a des décisions à prendre. Ça, je peux vous le dire. C'est pour ça que nous autres... Le nombre de maires qui devraient siéger là-dessus, je n'en ai aucune idée, je ne le sais pas, mais je sais qu'ils représentent la population, en fait.

Mme Vermette: Est-ce que vous vous êtes déjà penchés sur le fait que les gens qui seraient sur les conseils d'administration au niveau des régies pourraient l'être sur une base élective au suffrage universel? Est-ce que vous seriez d'accord, auquel cas?

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Dion.

M. Dion: Oui, effectivement. Dans la proposition que nous avons faite, dans le mémoire que nous avons présenté, nous disons qu'idéalement nous pensons plus au suffrage universel et nous le voyons d'une façon sous-régionale, tel que décrit cet avant-midi par M. Tousignant. Nous reconnaissons que l'appartenance ou l'ère d'appartenance est plus au niveau d'une MRC et que, s'il devait y avoir une élection au suffrage universel, le territoire le plus grand qu'on pourrait accepter, je pense que c'est la MRC. Par contre, nous savons très bien que, si les régies régionales devaient naître incessamment, peut-être que la mécanique d'une élection au suffrage universel ne peut pas être mise en place à temps. Et il pourrait y avoir une étape intermédiaire où il pourrait y avoir, par collège électoral, tel que suggéré , aussi, une façon de combler le conseil d'administration.

La Présidente (Mme Marois): M. Bachand.

M. Bachand: Dune façon très très courte. Pour revenir à la question des municipalités, leur représentativité au sein des régies ou des conseils d'administration, ce qui est important, c'est que les municipalités ne veulent pas prendre le contrôle de ça parce que, rapidement - tantôt, je le soulignais lors du mémoire - la facture va venir avec. Alors, ça, on n'est pas intéressés du tout. Ce qu'on dit, par exemple, c'est que le principe, du fait qu'y y ait un élu municipal qui siège au conseil d'administration, c'est de faire en sorte de promouvoir le plus possible le fait que les gens soient impu-

tables, au sein de la population. Et ça, pour nous, c'est important. Qu'à un moment donné ou l'autre, que ce soit aux deux ans, trois ans, quatre ans ou annuellement, les gens de la région puissent dire: Toi, je ne t'aime pas la face, tu n'as pas fait une belle job, sacre ton camp, je te change. Ça, c'est important. Il faut que les gens, dans le milieu, puissent avoir leur mot à dire. Ça, c'est très, très, très important. Et je pense que la majorité d'entre vous sont des élus, et vous comprenez ce qu'on veut dire. Automatiquement, il doit y avoir une plus grande efficacité, sinon on se le fait dire assez rapidement.

Mme Vermette: II me semble, en tout cas, que vous êtes favorables, et vous me semblez aussi prêts pour une telle expérience à vivre, si on devait procéder. Est-ce que vous êtes d'accord avec des expériences-pilotes et que ce serait favorable de commencer par des expériences-pilotes et que vous pourriez être considérés comme étant une région où vous pourriez être considérés prêts à le vivre?

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Dion. (21 h 45)

M. Dion: Je tiendrais à vous rappeler, madame, que l'Estrie devait être une expérience-pilote, en 1978, et, ce matin, nous avons entendu le directeur général du CRSSS nous dire qu'il y avait peut-être, après douze ans de cette expérience-pilote, répartis, 75 000 $ ou 100 000 $. Il faut faire attention avec les pilotes, madame. Il faudrait définir un peu le pilote. À date, ça m'apparait un peu flou.

Mme Vermette: Si c'est le pilote automatique, ça dépend.

M. Dion: Si jamais les membres de la commission et du gouvernement en venaient à une conclusion qu'il faut absolument tenter, il est évident que l'Estrie demeure un beau champ d'expérimentation.

La Présidente (Mme Marois): Vous êtes volontaire?

M. Dion: Oui.

La Présidente (Mme Marois): D'accord. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, Mme la Présidente. Vous revenez à plusieurs reprises, je pense dans au moins trois de vos mémoires, sur la nécessité d'avoir ou de se doter d'une politique globale de la santé. M. Cliche, dans votre mémoire - ce que rappelait le ministre - vous disiez: Au plan national, on dit le quoi et elles, les régions, doivent définir le comment et le qui. Mais est-ce que vous seriez prêts - je pense que c'est important comme question - est-ce que vous êtes prêts à accepter la régionalisation sans savoir le quoi? Autrement dit, sans avoir de politique nationale de la santé et des services sociaux qui définirait les grands principes d'équité, d'accessibilité, d'universalité, de gratuité? Est-ce que vous êtes prêts à parler du comment et du qui sans avoir le quoi?

M. Cliche: Je pense qu'effectivement ça pose un problème tant qu'on ne sait pas vers quoi exactement on s'en va. Je pense qu'il faut que ce soit défini, sinon... Quand on parlait... La question précédente: Est-ce que vous êtes prêts à faire une expérience-pilote? Bien, ça dépend quoi. Ça dépend de ce qu'on veut exercer, de ce qu'on veut expérimenter. Je vous retourne la question parce que c'est... Les mémoires, à cet effet, ont clairement exprimé qu'il faut que ce soit défini d'abord et, après, on verra.

Mme Blackburn: D'accord. Mais c'est ce que vous dites: II faut d'abord une politique; ensuite, on regardera le comment et le qui.

La Présidente (Mme Marois): Je pense qu'il y a M. Gingras qui voulait intervenir.

M. Gingras (Pierre): Juste peut-être un complément de réponse. Je pense que c'est très important, effectivement, pour tout le monde, pour la population du Québec qu'on ne se retrouve pas avec 13 systèmes, entre guillemets, de santé différents, que les services dans l'Estrie puissent être, dans un certain niveau, semblables à d'autres régions mais un peu différents. Il faut qu'il y ait, au départ... Je pense à votre question. C'est important pour nous qu'il y ait des enlignements communs. Je pense que la population du Québec, il me semble que c'est important pour elle, pour tout le monde et qu'ensuite il puisse y avoir évidemment une marge de manoeuvre régionale, comme ça a été dit ce matin. Je pense qu'avec ça tout le monde est d'accord, mais qu'on ne puisse pas se retrouver au Québec avec les petits systèmes régionaux de santé. Je ne pense pas que ce soit intéressant pour personne.

La Présidente (Mme Marois): D'accord.

Mme Blackburn: Le ministre vient d'ouvrir une porte. Évidemment, les grands principes, c'est l'universalité, c'en était un, en tout cas. En citant comme exemple la fortune de M. Trudeau, il se demandait si on devait payer ses médicaments. Ce n'est pas la première fois que la question se pose. Elle s'est posée lorsqu'il s'est agi de parler d'allocations familiales. On citait encore M. Trudeau. Lorsqu'il s'est agi... Les enfants ont grandi.

M. Côté (Charlesbourg): Quel homme!

La Présidente (Mme Marois): Est-ce que c'est vraiment votre... Oui? Ha, ha, ha! Excusez-moi.

Mme Blackburn: Également, au moment où Ottawa essayait de réduire les pensions de vieillesse, c'était toujours M. Trudeau - je trouve ça très amusant - c'était l'exemple. Faut-il lui donner sa pension de vieillesse?

M. Côté (Charlesbourg): M. Trudeau est au centre de nos préoccupations.

Mme Blackburn: La conclusion a été souvent, lorsque ces questions étaient posées... Elles étaient de deux ordres. C'était, premièrement, commencer par définir qui a droit et qui n'y a pas droit. Des fois, ça vous coûte si cher que la sélection n'est pas toujours aussi rentable qu'elle n'y paraît au premier abord. À tout le moins, en ce qui concerne les transferts, par exemple, les allocations familiales. Et la façon de faire payer de façon plus équitable les individus selon leur revenu ou leur fortune, c'est vraiment un impôt progressif.

Je me rappelle un commentaire précisément au moment où l'Association des hôpitaux du Québec se demandait s'il ne fallait pas faire payer des frais d'hôtellerie à ceux qui étaient hospitalisés. La réflexion que j'avais eue - que je trouvais fort pertinente - était de quelqu'un qui disait: Moi, j'ai payé des impôts jusqu'à 70 ans, je n'ai jamais mis les pieds à l'hôpital. Et, tout à coup, je vais aller à l'hôpital, il va falloir que je paie l'hôtel. Merci, c'est "smatte" encore. En tout cas, c'est à peu près ça.

Donc, l'équité, pour lui, c'était: J'ai payé toute ma vie. Si j'avais été malade, j'y aurais eu droit mais, par un concours de circonstances, par bonheur, je ne l'ai pas été. Là, j'irais une fois et il faudrait que je paie. Lui disait, dans le fond: On a toujours avantage à utiliser l'impôt progressif qui oblige à payer plus d'impôt plus vous avez de revenus. Ce qui explique et justifie, dans une certaine mesure, que vous ayez aussi droit à certains avantages. Ça a été là-dessus d'ailleurs, il ne faut pas l'oublier, qu'on a fondé notre système d'universalité. Introduire de nouveaux principes en même temps, je veux dire, quand on ne sait pas si les principes fondamentaux seront maintenus - principes de gratuité, d'accessibilité, d'équité - ça pose ce problème lorsqu'on veut transférer les pouvoirs aux régions.

Question. Vous sembliez mettre en doute la pertinence ou encore les intentions du ministre quant à la régionalisation de l'enveloppe de la RAMQ. Mais est-ce qu'on peut vraiment penser à une régionalisation, penser accessibilité à des services de santé, donc à des spécialités médicales, sans qu'il y ait régionalisation de l'enveloppe de la RAMQ?

M. Cliche: Pour nous, il est très clair que, quand on parle de l'ensemble de la régionalisation, on a beaucoup insisté sur la question de l'équité. Et ça, pour nous, ça veut dire qu'il est clair qu'il faut regarder cette question non seulement région par région... Parce qu'il est évident que si on parie de Montréal à côté de la Montérégie, par exemple, mettons que ce n'est pas pareil et on pourra se parler d'équité à quelque part. Je pense qu'il ne faudrait pas aussi... Il faudrait se dire: Est-ce qu'on va en enlever à un pour en mettre plus à l'autre? Je pense que ce n'est pas tout à fait ça, non plus, le débat. Il faut regarder la question dans son ensemble. Est-ce que c'est normal qu'il y ait quatre DSC ou dix DSC, par exemple, sur un territoire alors que l'autre a de la misère à en avoir un? Ce sont des questions de cet ordre qui doivent être débattues. Les régies régionales, entre autres, devraient être des partenaires lors de ces discussions. Peut-être pas faire la politique à la place du ministre, ce n'est pas ça, mais de participer, à tout le moins, à ce genre de discussion pour établir ces règles. Qu'on puisse, comme région, connaître au moins les règles qui vont servir à faire cette distribution, qu'on puisse dire notre mot là-dedans.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Bellavance, vous voulez ajouter un mot.

M. Bellavance: Mme la Présidente, je trouve ça extrêmement intéressant ce débat-là. Et H me semble qu'il y a un élément qu'on oublie là-dedans. Il me semble qu'il faudrait même le regarder plus large. Je disais au début qu'une des raisons pour lesquelles on était ici, c'est les conséquences du chômage, les conséquences de l'aide sociale, et ainsi de suite.

Mme Blackburn: Politique globale.

M. Bellavance: Qu'est-ce qui fait qu'il y a tant d'aide sociale? Qu'est-ce qui fait qu'H y a tellement de gens dans nos hôpitaux? J'ai l'impression que, quand on parie d'universalité et ainsi de suite, on se doit, je pense, comme société, de regarder cet ensemble. On pourrait peut-être commencer vraiment à regarder une politique, appelons-la de plein emploi - il y a des employeurs qui ont peur de ça - on pourrait parier de politique de l'emploi qui viendrait se greffer à ça. Je suis convaincu... Et si on peut parier, par la suite, des traumatismes que 'causent le sous-emploi, l'aide sociale et ainsi de suite, c'est tout ça, je pense, qu'il faudrait, comme société du Québec, regarder dans une politique.

La Présidente (Mme Marois): Ça va? Mme la députée.

Mme Blackburn: Je pensais que c'était terminé.

La Présidente (Mme Marois): Oui, c'est terminé. Ça va.

Mme Blackburn: Bien, écoutez, j'aurais eu d'autres questions, mais je vous remercie, ça va.

La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.

Mme Blackburn: Je voudrais vous remercier de votre participation aux travaux de cette commission et vous dire que de vous voir ainsi, à six, présenter une position qui est assez, je ne dirais pas semblable, mais qui se complète, à l'exception, je pense, de la représentativité des organismes communautaires et de l'imputabilité de ces organismes... J'aurais aimé revenir là-dessus, mais on pourra toujours le faire à un autre moment. Je voudrais vous remercier. Comme l'a dit le ministre, ça nous a permis d'avoir une vision un peu plus intégrée de votre perception de cette question, mais également probablement de vous concerter entre vous, ce qui est déjà un élément important, si on régionalise.

La Présidente (Mme Marois): Merci. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Merci beaucoup. Si j'ai laissé voir mon désintérêt quant à la régionalisation de l'enveloppe de la RAMQ, excusez-moi, c'est l'inverse que je veux faire. Il m'est toujours apparu que le levier très important pour faire bouger les médecins, c'est là où serait l'argent et que l'enveloppe de la RAMQ, c'est effectivement ça qui va faire en sorte que ce qu'on a essayé sur le plan de l'incitation depuis de nombreuses années et qui n'a à peu près pas fonctionné autrement que par des médecins étrangers, qui ont bien accepté d'aller dans les régions du Québec... Il reste des carences très importantes quant à la qualité du service offert dans les régions du Québec. L'enveloppe de la RAMQ pourrait être un levier très important à ce niveau-là pour la planification et pour donner l'équité de service au niveau des régions du Québec. Et ça, ça m'apparaît extrêmement important. C'est un enjeu très très important, auquel on s'attaque maintenant sur le plan de la faisabilité. Pour une fois que c'est le bénéficiaire qui pourrait être le grand gagnant, je pense que ce n'est peut-être pas mauvais de continuer à le regarder d'un oeil très positif en disant: C'est ça qu'on fait, éliminons les obstacles, au lieu de dire: Ça ne se fait pas parce que, évidemment, ça serait bien contraignant.

Alors, ça a été très intéressant de vous entendre sur un message très important du monde municipal qui nous dit: Ne venez pas brouter dans nos pâturages, on n'en a déjà pas beaucoup pour nous autres. C'est ce que j'ai compris, mais j'ai aussi compris, sur le plan de la leçon, que, lorsqu'on taxe ça nous rend plus imputables et plus sages. J'ai aussi compris ça et, dans ce sens-là, il y a toute une série de leçons à tirer de vos représentations. On va tenter de mettre ça ensemble pour faire une décentralisation qui soit vraie, avec des pouvoirs. Merci!

La Présidente (Mme Marois): Merci beaucoup de votre contribution aux travaux de la commission des affaires sociales. Merci!

J'inviterais maintenant les personnes qui représentent l'hôpital Saint-François-d'Assise à bien vouloir venir prendre place, s'il vous plaît.

Alors, bonsoir et bienvenue à la commission. Nous avons une trentaine de minutes à notre disposition à ce moment-ci. Vous avez donc une dizaine de minutes pour présenter votre mémoire et, par la suite, il pourra y avoir des échanges avec les membres de la commission. Évidemment, le porte-parole se présente et présente les personnes qui l'accompagnent.

Hôpital Saint-François-d'Assise

M. Désy (Raymond): Je me présente, mon nom est Raymond Désy; je suis président du conseil d'administration. À partir de ma gauche, M. Marc Bélanger, membre du conseil d'administration, le Dr Pierre Alain, président du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, le Dr Claude Poirier, directeur des services professionnels, le Dr Gérard Roy, directeur général, et, partant de l'autre extrémité, le Dr Aline Rémillard, directrice de l'enseignement, et, immédiatement à ma droite, le Dr Jean-Claude Forest, directeur de la recherche.

Mme la Présidente, M. le ministre, Mme et MM. les députés, je tiens à vous remercier d'avoir accepté de nous recevoir ce soir pour entendre nos commentaires sur l'avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux. Je cède maintenant la parole au directeur général, le Dr Gérard Roy, qui fera l'introduction du mémoire présenté par l'hôpital Saint-François-d'Assise. Dr Roy.

M. Roy (Gérard): Mme la Présidente, MM. les membres de la commission, M. le ministre, mesdames et messieurs, l'hôpital Saint-François-d'Assise a étudié l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Notre hôpital est en accord avec les grands objectifs de ce projet de loi, sort l'accessibilité à tous les citoyens, l'amélioration de la qualité des soins, de même que la décentralisation, et nous pourrions ajouter l'équité. Notre mémoire se veut un commentaire concernant la vocation de notre établissement. (22 heures)

L'hôpital Saint-François-d'Assise est un centre hospitalier à vocations multiples de 1045 lits, dont 576 lits de courte durée, 90 lits de soins prolongés et 369 lits de centre d'accueil. En fait, c'est le plus gros hôpital de soins aigus,

en termes de lits et en termes du nombre d'admissions, de la région de Québec. C'est aussi le deuxième hôpital francophone de soins aigus fondé à Québec, après l'Hôtel-Dieu de Québec. Il a été fondé en 1914 par les soeurs de Saint-François-d'Assise. Il avait, en premier lieu, comme vocation d'être un hôpital de maternité. C'est aussi le premier hôpital, à Québec, à avoir une école d'infirmières laïques. Notre hôpital dessert, en première et en deuxième lignes, une partie de la région métropolitaine de Québec et 80 % du comté de Charlesbourg. En troisième ligne, dans plusieurs spécialités, il dessert tout l'Est du Québec, notamment en néonatologie, en grossesses à risques élevés, en orthopédie pédiatrique, en toxicomanie, en urologie (notamment en lithotripsie des voies urinaires), en chirurgie (notamment en lithotripsie des voies biliaires), et en imagerie médicale, surtout avec la résonance magnétique.

L'hôpital Saint-François-d'Assise est un hôpital à vocation universitaire depuis 1953 et a dispensé de l'enseignement dans presque toutes les spécialités de la médecine, à l'exception de la neurochirurgie et de la chirurgie cardiaque. Il y a environ deux ans, l'unité de médecine familiale était ouverte et, d'ailleurs, il y a quelque temps, nous avons procédé à l'ouverture des nouveaux locaux. Depuis quelques années, le recrutement à l'hôpital Saint-François-d'Assise s'est fait de façon particulièrement intéressante et nous avons recruté plusieurs nouveaux médecins qui, actuellement, sont des professeurs de la Faculté de médecine. Nous sommes très sensibles à l'enseignement et nous avons remarqué que, dans le livre blanc de l'ex-ministre de la Santé et des Services sociaux, Mme Thérèse Lavoie-Roux, on identifiait quatre hôpitaux affiliés à l'Université Laval, six hôpitaux affiliés à l'Université de Montréal et quatre hôpitaux affiliés à l'Université McGill.

Nous sommes particulièrement surpris par le fait que, pour les hôpitaux affiliés à l'Université de Montréal, 3560 lits de soins aigus et 618 de soins de longue durée aient été retenus; que, pour les hôpitaux affiliés à l'Université McGill, le nombre de lits retenus soit de 2031 pour les soins aigus et de 214 pour les soins prolongés, tandis que, pour les hôpitaux affiliés à l'Université Laval, le nombre de lits retenus est de 1574 et de 185 lits de soins prolongés. Nous nous demandons pourquoi, pour a peu près le même nombre d'étudiants dans chaque université, nombre qui se situe entre 140 et 170, l'écart est si grand quant au nombre de lits retenus. Si vous regardez les tableaux, surtout si on regarde, à la deuxième page, au tableau II, le nombre de lits par résident, à l'Université de Montréal, il est de 6, à l'Université McGill, 4,1, et, à l'Université Laval, 3,8. Pourquoi cette différence?

Pour l'enseignement de la médecine, nous pensons que les étudiants et les professionnels de la santé doivent être en contact avec beaucoup de patients. Le danger, si l'on restreint trop le nombre de centres hospitaliers universitaires, c'est que les étudiants en sciences de la santé ne soient formés que pour les surspécialités. Quand ils viendront pour aller en périphérie où on soigne le monde ordinaire, ils oublieront souvent les maladies les plus simples, car, en pratique, 95 % de la clientèle présentent des maladies simples et environ simplement 5 %, des maladies rares. L'hôpital Saint-François-d'Assise présente un équilibre à ce niveau. Il y a un volume important de spécialités et de soins de première et deuxième lignes et aussi plusieurs ultraspécialités comme la néonatologie, les grossesses à risques élevés, la chirurgie vascu-laire périphérique, l'orthopédie pédiatrique, la toxicomanie, l'imagerie médicale. Dans ce contexte, c'est un excellent milieu pour préparer les futurs médecins à aller pratiquer un peu partout dans la province.

De plus, dans l'avant-projet de loi sur les services de santé et les services sociaux, les critères suivants sont mentionnés pour qu'un centre hospitalier puisse être reconnu comme un centre hospitalier universitaire. Premièrement, être engagé activement dans la recherche universitaire au point où celle-ci constitue une mission du centre hospitalier ou de l'institut et loger au moins un centre de recherche universitaire. Alors, en première, je vous annonce aujourd'hui que notre centre hospitalier a été reconnu officiellement par le FRSQ, Fonds de la recherche en santé du Québec, comme centre de recherche et, en fait, nous devenons avec l'Hôtel-Dieu, l'Enfant-Jésus et le CHUL, un des quatre hôpitaux qui possèdent un centre de recherche à Québec.

Deuxièmement, être engagé dans l'enseignement et la formation de chercheurs et d'étudiants de niveau universitaire dans les disciplines médicales et paramédicales. Comme vous l'avez vu dans notre mémoire, nous sommes évidemment présents dans ce domaine.

Être très engagé dans une gamme variée de soins de type tertiaire afin de fournir à la recherche et à l'enseignement universitaire un lieu propice au développement des spécialités et des surspécialités, notamment, en médecine. En fait, nous sommes le plus gros hôpital de soins aigus à Québec avec le plus grand nombre d'admissions et actuellement nous pouvons fournir une gamme de soins comme je viens d'en énumérer. Alors, nous répondons à ce troisième critère.

Quatrièmement, être le lieu privilégié du développement et de l'évaluation des techniques lourdes et légères. Encore là, dans ce contexte, l'hôpital Saint-François-d'Assise, avec sa technologie acquise dans les dernières années, avec son institut de biomatériaux que le premier ministre nous a annoncé il y a quelque temps et qui est en train de s'implanter, je pense, est peut-être le seul à Québec qui répond à ce

critère.

L'hôpital Saint-François-d'Assise répond donc à ces quatre exigences. Donc, comme vous le lirez dans notre mémoire, notre établissement remplit tous les critères comme centre hospitalier universitaire et nous voulons, M. le ministre, que nous soyons reconnus à cet effet. Merci.

La Présidente (Mme Marois): Merci, M. Roy. Ça va? Merci de votre présentation. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Merci, Mme la Présidente. Si j'en avais les pouvoirs, dès maintenant, je pourrais dire: Problème réglé. Vous seriez bien contents et on pourrait s'en aller faire autre chose. C'est une présentation très habile. Évidemment, on savait que, dans la mesure où vous alliez saisir l'occasion de venir vous présenter à la commission, ce serait un document bien préparé et qui se servirait des orientations mêmes et des quatre fonctions que l'on souhaite pour reconnaître un hôpital comme hôpital universitaire.

Ce que je dois vous dire, c'est qu'il y avait des propositions dans le document d'orientations qui ne sont pas forcément des décisions finales. Donc, je comprends que l'intervention de ce soir est une tentative de réajuster un certain nombre d'éléments et que, lorsque vous nous avez fait, de votre point de vue, la nomenclature des quatre hôpitaux qui, dans la région de Québec, répondaient aux quatre critères, j'ai compris qu'il y en a un - c'est dans le document - qui ne répond pas aux quatre critères, automatiquement, sans le nommer. Alors, je ne pense pas que ce soit à vous de le nommer.

Vous soulevez un point qui, quant à moi, est d'intérêt. Vous nous dites - je l'ai constaté en allant faire le tour d'hôpitaux de taille moyenne où il y a de la formation et on se l'est fait dire aussi par des hôpitaux de taille moyenne de la région de Montréal la semaine dernière - que le danger de certains hôpitaux, c'est effectivement de former des ultraspécialistes et que, par conséquent, ces ultraspécialistes utilisent des équipements, quand ils en ont évidemment, ultraspécialisés que, forcément, tu ne retrouveras pas en région. Donc, il n'y a pas d'incitatifs, à ce niveau-là, à aller travailler en région, puisque les équipements n'y sont pas.

L'autre élément qu'on a entendu, c'est que la formation, puis l'enseignement dans certains centres hospitaliers font en sorte que le futur médecin n'est pas nécessairement en contact direct avec le patient. C'est le deuxième ou le troisième intervenant. Et vous semblez nous dire à peu près la même chose, que, chez vous, si c'était le cas, si c'était un hôpital universitaire, les médecins seraient davantage prêts sur le pian de la formation à aller pratiquer en région. Et vous nous dites que 95 % des cas que les médecins traitent - et vous en avez une bonne brochette autour de la table - ce ne sont pas des cas ultraspécialisés, mais ce sont les autres. Et, ça, ça m'apparaît important.

Donc, ce que vous nous dites, c'est: Chez nous, on va davantage former des médecins qui seraient, demain matin, aptes à aller en région. Selon votre expérience à vous, qu'est-ce qu'il faut ajouter pour que les médecins y aillent?

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Roy.

M. Roy: Merci, M. le ministre. Je pense qu'actuellement, dans les centres hospitaliers universitaires où le nombre de patients est assez limité et où on fait de l'enseignement très théorique parce qu'on n'a pas assez de patients, à ce moment-là, on l'enseigne comme dans les livres. Je pense que, pour former des médecins, ça prend aussi des livres, mais on a tout ce qu'il faut à l'université pour le faire. Les étudiants en médecine ou dans les autres professions viennent dans les hôpitaux pour voir des patients, pour voir des cas cliniques, des cas concrets.

Je pense que, dans ce cas-là, à Saint-François-d'Assise, nous autres, actuellement, nous avons un bassin assez grand de lits: on a 576 lits aigus, on en a 90 de soins prolongés et 369 de centre d'accueil. Alors, c'est un peu une image de ce qui ne peut pas se faire dans les autres régions du Québec, d'autant plus qu'actuellement, à Saint-François-d'Assise, on a aussi des contrats avec certains hôpitaux périphériques, notamment à Gaspé en obstétrique-gynécologie, à Nicolet en anesthésie, à Sept-îles en orthopédie. À un moment donné, nos médecins vont là; évidemment, ils pourraient aussi, en même temps, amener des étudiants dans leur stage où ils pourraient, à ce moment-là, apprendre c'est quoi des régions périphériques. Ça pourrait les aider, un jour, à aller dans ces régions-là. Claude aurait peut-être quelque chose à rajouter.

La Présidente (Mme Marois): Oui, M. Poirier, c'est ça.

M. Poirier (Claude): M. le ministre, j'aimerais rajouter quelque chose. La structure du réseau d'enseignement de l'Université Laval est un peu différente de la structure d'enseignement du réseau de McGill et de l'Université de Montréal. En 1972, le rapport Bonneau déterminait, pour chacun des centres hospitaliers universitaires de son réseau, des ultraspécialités. Ainsi, Laval se voyait avec la chirurgie cardiaque, l'Enfant-Jésus, avec la neurochirurgie, l'Hôtel-Dieu de Québec, avec le cancer, Saint-Sacrement, avec l'hématologie et l'hôpital Saint-François-d'Assise, entre autres, avec les grossesses à risques élevés et l'orthopédie pédiatrique.

Donc, l'ensemble des hôpitaux du bassin de la région de Québec traite avec un très grand

pourcentage de soins de types généraux, de première et deuxième lignes. Ce n'est pas particulier à Saint-François-d'Assise, ni à Saint-Sacrement, ni à l'Hôtel-Dieu. C'est un peu le débit qu'on rencontre dans les urgences du Québec, qui est entre 50 % et 70 % des admissions des hôpitaux. Donc, l'ensemble des hôpitaux de la région de Québec a un bassin de soins généraux de première et de deuxième lignes. Ce qui différencie les établissements entre eux, c'est certaines particularités de soins tertiaires et Saint-François-d'Assise, au même titre que les cinq autres CHU de la région de Québec, partage avec eux des ultraspécialités. En ce sens-là, H n'y a pas de particularité pour Saint-François-d'Assise.

M. Côté (Charlesbourg): Et devant ce constat où l'hôpital Saint-François-d'Assise serait reconnu comme CHU, lieu par excellence pour l'enseignement et la formation de médecins qui, demain, pourraient aller en région - je déborde un peu de votre champ d'intérêt pour me préoccuper du mien aussi un peu - qu'est-ce qu'il faut faire de plus, vous qui allez être en contact avec ces jeunes médecins qui, demain, vont pratiquer, pour s'assurer que l'équité permette que des régions aient des médecins pour les soigner, parce que ce n'est pas le cas aujourd'hui?

La Présidente (Mme Marois): Dr Roy ou...

M. Roy: Dr Forest.

La Présidente (Mme Marois): ...Dr Forest.

M. Forest (Jean-Claude): Je pense que vous vous adressez à une question qui est extrêmement complexe, M. le ministre. D'ailleurs, vous l'avez vécu par les résultats que vous obtenez à essayer d'attirer les médecins en région. On a remarqué, au cours des dernières années, que ça semblait être plus facile d'attirer un médecin de famille, par exemple, en région que d'attirer un médecin spécialiste - ça, c'est un constat - pour des avantages de carottes, comme vous l'avez mentionné tantôt, à peu près équivalents.

Donc, il y a des raisons importantes qui dépassent la question d'attirer les médecins avec une somme monétaire ou d'une autre façon en région. Un des gros problèmes qu'il y a, je pense, avec le fait d'attirer, entre autres, des spécialistes en région, et c'est d'autant plus complexe que ces spécialistes sont ultraspécialisés, c'est la capacité de travailler en équipe. Souvent, une région ou un hôpital local ou régional aurait la capacité d'accueillir, admettons, un médecin spécialiste dans un domaine donné, mais n'a, pour ainsi dire, pas la capacité d'en attirer deux, ce qui rendrait la vie de ces médecins acceptable, d'une part, mais également ce qui permettrait à ces médecins-là de travailler en équipe et d'échanger ou d'être capable de résoudre des problèmes ensemble. (22 h 15)

Pour avoir été, pour un consultant dans plusieurs hôpitaux régionaux pour réorganiser, entre autres, des laboratoires cliniques, j'ai vu assez souvent ce problème où c'était possible d'avoir un médecin spécialiste dans un domaine donné, mais c'était impossible d'en avoir deux ou trois; donc, le médecin ne voulait pas y rester, il y allait comme consultant et il revenait.

L'autre chose, c'est l'entourage de ces médecins-là, c'est-à-dire le support que ces médecins spécialistes vont obtenir des autres médecins spécialistes. C'est pour ça que j'aimerais mentionner ici que ce n'est pas juste une question de technologie, parce que de la technologie, vous en avez investi au cours des années dans différents hôpitaux et ça n'a pas eu nécessairement pour effet de retenir ces médecins spécialistes en région; après deux ou trois ans, ils sont revenus.

Il y a tout un contexte sur le plan professionnel, d'une part, un contexte complexe et, d'autre part, il y a aussi des éléments purement, je dirais, au niveau de la qualité de vie, au niveau des intérêts. Souvent, les médecins spécialistes, entre autres, qu'on a formés longtemps en milieu urbain, par définition, ont possiblement, chemin faisant, rencontré un partenaire dans ces milieux urbains et, compte tenu que les couples, maintenant, travaillent, ce n'est pas certain que c'est toujours facile, du jour au lendemain, de déplacer ces gens-là. On ne déplace pas seulement un individu, on déplace un couple. Ce n'est pas nécessairement facile. Quels que soient les avantages que vous allez donner, ce n'est pas certain que vous allez être en mesure de le faire.

C'est pour ça qu'à la solution que vous mentionniez tantôt et à un des objectifs de dire: On va déplacer les masses salariales dans les régions et les gens iront bien manger dans l'auge, oui, c'est possible, mais je pense que c'est plus complexe que ça.

M. Côté (Charlesbourg): vous êtes après me donner une solution que je n'avais pas encore envisagée, c'est que le milieu de formation puisse être en région.

M. Forest: C'est loin d'être bête, M. le ministre.

La Présidente (Mme Marois): Vous vouliez ajouter quelque chose sur ça, Dr Roy?

M. Roy: Oui. Je pense que, dans la question des médecins en région périphérique, souvent, des contrats de services avec des établissements dans les régions centrales sont d'excellentes choses. Je vous donne l'exemple de Nicoiet où ils ont besoin d'un anesthésiste. Un anesthésiste qui s'en va là va pratiquer 7 jours par semaine,

365 jours par année. Par contre, si c'est un centre hospitalier comme le nôtre qui couvre ça, ce sont des médecins qui y vont chacun sa semaine, ça assure un service et, à ce moment-là, c'est possible.

Je pense qu'il y a toutes sortes de moyens qu'il faut prendre. Il n'y a pas une méthode, il n'y a pas une solution miracle; il y a plusieurs formes qu'il faut prendre. Je pense que les contrats de services avec des régions périphériques sont des choses excellentes.

M. Côté (Charlesbourg): Je sais que mon temps est déjà terminé.

La Présidente (Mme Marois): Oui, une dernière question.

M. Côté (Charlesbourg): Tout ce que je veux dire, c'est vous souhaiter bonne chance pour les mois qui viennent, parce qu'il y aura des décisions à prendre à partir des critères qui ont été établis. J'ai été particulièrement touché par le deuxième paragraphe de la deuxième page où vous faites part aux membres de la commission que 80 % de votre clientèle vient de Charlesbourg. Évidemment, je suis frappé droit au coeur.

La Présidente (Mme Marois): On l'avait tous remarqué, d'ailleurs.

Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Vermette: Écoutez, ce que je trouve assez particulier, c'est que vous démontrez, en fait, que, parmi la clientèle, 95 % des maladies sont des maladies simples et qu'il y a 5 % des maladies qui sont des maladies rares ou, en tout cas, qui font référence à des ultraspécialités. On parlait du problème des régions, justement, où ce sont ces 5 %, finalement, qu'il est difficile d'atteindre, et même les 95 % de la clientèle n'ont pas nécessairement, non plus, de médecin disponible.

Je me souviens très bien, quand on a fait la commission parlementaire sur les sages-femmes, qu'il me semblait qu'il y avait deux tendances, en fait. Celle de la Corporation des médecins était à l'effet que, en région, ce n'était pas grave, on pouvait avoir des sages-femmes, ça se faisait bien sous supervision médicale, mais qu'à Montréal ou à Québec, c'était impensable, ce n'était pas possible, il fallait absolument des spécialistes, des ultraspécialistes. Et là, je m'explique mal une telle attitude. Pourquoi, au niveau des régions, peut-on favoriser des paramédicaux ou même des infirmières et pourquoi, dans les grands centres, ne peut-on pas favoriser ce même genre de pratique? Pourquoi, comme vous en parlez, chez vous, plutôt que de travailler pour une formation universitaire, ne pas favoriser la formation des paramédicaux pour, justement, desservir les régions et des infirmières qui pourraient donner de très très bons soins, aussi, en région?

La Présidente (Mme Marois): Oui, Dr Roy.

M. Roy: Justement, sur les sages-femmes, l'hôpital Saint-François-d'Assise a présenté un projet-pilote. Évidemment, si on était un CHU, ça nous ferait plaisir de l'appliquer.

M. Côté (Charlesbourg): II ne faut pas le dire. Augustin va être fâché.

La Présidente (Mme Marois): II semble que ce ne soit pas encore officiel, là. Dr Forest.

M. Forest: oui. bien, peut-être que je pourrais ajouter un élément, peut-être pas d'information, mais au moins de discussion, à ce que mme la députée vient de mentionner. j'ai l'impression qu'il y a une confusion apparente au sujet du dossier des sages-femmes parce qu'on en a fait, énormément, un débat politique. là, évidemment, tous les groupes se cambrent dans leur position et il y a de l'argumentation. la question a été posée souvent au niveau de savoir quelle est la nécessité d'un intervenant supplémentaire dans le domaine relié à la grossesse. je pense que ce qui a été reconnu le plus souvent ici, au québec, ou ailleurs dans d'autres pays, c'est qu'il y avait possiblement nécessité d'un intervenant, en tout cas, à identifier en relation de la prévention. cet intervenant-là aurait l'avantage d'être impliqué dans les régions semi ou défavorisées. parce que vous savez qu'entre autres au québec on a des régions qui ont un problème de morbidité ou de mortalité périnatale relativement grand et les chiffres sont passablement impressionnants. je pense que là où il se fait une certaine unité de pensée pour les gens, en tout cas, qui sont impliqués au niveau de la recherche, des études épidémiologiques, c'est beaucoup plus en relation de voir comment on est capable de faire la prévention chez des populations ciblées, c'est-à-dire des femmes qui sont plus susceptibles d'avoir des problèmes au cours de la grossesse. si le débat revenait sur cette base scientifique pour savoir s'il y a un autre intervenant dans la salle d'accouchement, j'ai l'impression qu'on aurait plus de chances de trouver des réponses efficaces et qui aideraient les québécois et les québécoises.

La Présidente (Mme Marois): Merci. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Oui. Par curiosité, il y a cinq médecins ici. Est-ce que vous êtes tous nés à Québec?

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Marois): Dr Roy.

M. Roy: Je viens de la Beauce.

La Présidente (Mme Marois): De la Beauce.

Une voix: Montréal.

Une voix: Québec.

Mme Rémillard (Aline): Rimouski.

M. Forest: 7e rang de Sainte-Mélanie. Alors, M. Chevrette saurait où c'est, s'il était ici.

Mme Blackburn: Je reconnaissais un peu l'accent.

La Présidente (Mme Marois): Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blackburn: Alors, ça explique un peu, finalement, le problème des régions. Ça explique le problème des régions ou la difficulté de retenir leurs médecins. Même ceux qui sont originaires des régions finissent par s'installer dans les grandes régions métropolitaines, Québec ou Montréal. Je dois vous dire que, bien que la solution des contrats soit intéressante, les gens des régions, le tourisme des spécialistes, ils n'aiment pas beaucoup ça. Vous pouvez demander ça à n'importe qui. Vous savez, le podiatre, le psychiatre qui vient trois ou quatre jours par semaine et qui rentre à Québec ou à Montréal, un, ça ne fait pas une vie très intéressante pour la personne, ça ne dure pas longtemps et ça n'assure pas beaucoup de continuité. Je veux dire que ça dépanne, mais je ne pense pas que ce soit dans l'ordre des solutions qui soient très appréciées dans les régions.

Le ministre semble ouvert à l'idée qu'il puisse y avoir des hôpitaux universitaires dans les régions. J'aimerais juste lui dire qu'au département de médecine familiale où il y a un lieu de stage à Chicoutimi, sur 14 résidents, il y en a une douzaine qui devraient s'installer dans la région. Ça illustre de façon on ne peut plus claire la nécessité de décentraliser l'enseignement universitaire avec les problèmes que ça pose.

Il y a un organisme qui est venu il y a quelques semaines et qui suggérait un peu ce que... Je pense que c'est le Dr Poirier qui rappelait qu'on avait un jour un peu spécialisé les hôpitaux ici. Ils avançaient qu'on devrait encore, en matière d'enseignement universitaire, spécialiser les hôpitaux de manière à ramener dans certains hôpitaux des équipements très spécialisés pour éviter l'éparpillement, dans trois, quatre, cinq hôpitaux, de ces équipements qui sont très chers, difficiles à garder à la fine pointe de la technologie, et que la façon la plus efficace de le faire, c'est encore de les spécialiser. Alors, on pense à la radiothérapie à l'Hôtel-Dieu et les autres spécialités. Qu'est-ce que vous en pensez? Ça voudrait dire que, dans votre cas, il y a quelques spécialités qui seraient moins couvertes, mais est-ce que ça aurait des effets? C'était davantage la question: Est-ce que ça aurait des effets sur la qualité de la formation que vous dispensez de façon générale ou si on doit continuer à se spécialiser dans tous les secteurs comme vous le faites?

La Présidente (Mme Marois): Dr Roy.

M. Roy: Bon, je pense que, dans le cas de la formation médicale, plus un hôpital a de spécialités, mieux c'est pour la formation. Mais, par contre, il faut un équilibre entre le volume de patients qui passent et le nombre de spécialités. Alors, nous autres, on se dit, dans ce cadre-là, pour former des médecins, il n'y a pas juste une solution, il y en a plusieurs. Dans ce cadre-là, il peut y avoir des hôpitaux ultraspécialisés pour former des spécialistes à la fine pointe, mais il y aura des hôpitaux généraux qui vont former les gens qui vont aller soigner en périphérie, même en ville, des gens, évidemment, avec des maladies ordinaires. M. Désy avait quelque chose à ajouter sur la première partie de votre question.

M. Désy: C'est une petite correction. Il faut dire que le Dr Roy a pratiqué sa médecine dans la Beauce, à Saint-Georges, dans le lieu de sa naissance, avant de devenir administrateur. Alors, il y a une légère correction.

La Présidente (Mme Marois): Ha, ha. ha!

Merci. Oui, Dr Poirier.

M. Poirier: Je voulais juste dire que j'étais d'accord avec Mme la députée Blackburn sur la centralisation des équipements ultraspécialisés dans les hôpitaux. Je pense que, pour certains types d'équipements très spécialisés, on ne doit que les concentrer à certains endroits. Par contre, l'évolution technologique fait en sorte que l'utilisation de la technologie se répand avec les années et l'évolution de la technique. L'exemple le plus marquant, c'est le tomoden-sitomètre axial, vulgairement appelé le 'scan* ou le "scanner", qui, en 1979, était un équipement ultraspécialisé et qui est devenu, maintenant, un appareil qui est utilisé pour les diagnostics les plus courants. Est-ce que la résonance magnétique, qui est un appareil ultraspécialisé en 1990, va devenir un appareil de diagnostic courant dans 10 ans? Nous ne sommes pas capables de répondre à cette question. C'est une question de qualité de diagnostic.

La formation médicale, entre autres, se distingue de la formation de toutes les autres spécialités paramédicales par la précision de son diagnostic. C'est ce qui fait la spécificité du médecin. Il est capable, de par sa formation, de préciser son diagnostic. Si on ne donne pas les

outils nécessaires à cette précision diagnostique... Est-ce que cette précision diagnostique a un impact sur la morbidité ou la mortalité? Certaines études par rapport à certains diagnostics démontrent que oui et certaines autres études pourraient vous dire que, quel que soit le niveau, le type de technologie qu'on a dans une région, la morbidité, en fin de compte, ne change pas. C'est un peu un choix de société.

Mme Vermette: J'aurais, moi, à vous dire... La Présidente (Mme Marois): Oui.

Mme Vermette: ...une chose. J'ai remarqué que vous considérez comme étant une ultraspécialité le volet de la toxicomanie et que vous êtes le seul hôpital au Québec qui est capable de donner un tel service. Considérez-vous que, avec la façon dont évoluent actuellement nos sociétés où se développent l'utilisation et la consommation de drogues, de médicaments et beaucoup trop de consommation de l'alcool, il devrait, dans chaque hôpital du Québec, y avoir au moins des gens formés pour répondre à ces nouveaux besoins, qui se développent de plus en plus? La demande est de plus en plus forte, mais il n'y a pas vraiment, justement, de gens formés suffisamment pour apporter la réponse, le service ou le traitement nécessaires face à ces personnes-là qui, trop souvent, malheureusement, sont soit classées en psychiatrie parce qu'il manque de ressources, ou on les envoie tout simplement en prison, parce qu'on n'a pas de ressources et qu'on ne sait pas comment, justement, composer avec ce problème-là.

La Présidente (Mme Marois): M. Poirier.

M. Poirier: Je pense que l'hôpital Saint-François-d'Assise est, avec le Centre hospitalier Jonquière, maintenant, qui vient de se former un département de toxicomanie... Ils ont utilisé le modèle de Saint-François-d'Assise, c'est-à-dire que l'ensemble des services est sous la direction d'un chef de département qui est médecin. C'est évident que tous les hôpitaux devraient s'intéresser à cette clientèle. Par contre, je ne ferai que vous dire une phrase, qui pourra être interprétée comme vous voudrez bien: Un des médecins du département dit qu'ils sont les éboueurs de la médecine. Ça décrit un peu l'attrait pour l'ensemble de la profession, autant médicale que paramédicale, de cette clientèle-là. C'est une clientèle excessivement difficile et il n'y a pas beaucoup d'intérêt à s'intéresser à cette clientèle-là.

Mme Vermette: Par contre, ça fait partie des problèmes de notre société.

M. Poirier: Oui.

Mme Vermette: On devra y faire face. Je vous remercie beaucoup, en fait, pour votre présentation, votre mémoire. Je pense que ça nous donne des réflexions en ce qui concerne l'avenir de votre hôpital et puis au niveau des effectifs médicaux en région. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Marois): M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Alors, merci beaucoup. Comme je l'ai dit tantôt, il y aura des décisions qui viendront éventuellement. Votre témoignage de ce soir suivra de très près ceux qui auront à prendre des décisions et, à partir du moment où les critères sont respectés, il y aura un certain nombre de choses qui devront être revues sur le plan des décisions, en espérant qu'elles vous soient favorables.

La Présidente (Mme Marois): Merci de votre intervention et de votre présentation à la commission.

M. Roy: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Marois): Nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 31)

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