L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des affaires sociales

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des affaires sociales

Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 5 février 1992 - Vol. 31 N° 114

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le document intitulé « Partenaires pour un Québec compétent et compétitif » et sur le projet de loi n° 408, Loi sur la Société québécoise de développement et de main-d'oeuvre


Journal des débats

 

(Neuf heures trente-neuf minutes)

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le député d'Abitibi-Ouest, s'il vous plaît.

Alors, Je vais rappeler le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur le document de consultation intitulé «Partenaires pour un Québec compétent et compétitif» et sur le projet de loi 408, Loi sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Alors, nous allons poursuivre nos audiences, ce matin. Je demanderais à M. le secrétaire s'il y a des remplacements.

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Joly (Fabre) est remplacé par M. Doyon (Louis-Hébert); Mme Loiselle (Saint-Henri) par M. Beaudet (Gaspé); M. Williams (Nelligan) par M. Tremblay (Rimouski); M. Trudel (Rouyn-Noran-da-Témiscamingue) par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve) et Mme Juneau (Johnson) par M. Gendron (Abitibi-Ouest).

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. le secrétaire. Maintenant, nous allons entendre, ce matin, l'Association des cadres scolaires du Québec. Je présume que vous avez déjà pris place, messieurs. Est-ce qu'il y a moyen de vous identifier, s'il vous plaît, M. le président ou le porte-parole, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, également?

Association des cadres scolaires du Québec

M. Godin (Guy): Absolument, M. le Président. Dans un premier temps, j'aimerais vous remercier de nous entendre en commission. Disons que c'est pour nous un temps important pour vous souligner l'apport que l'éducation veut apporter dans le projet de loi. Je m'identifie. Je suis Guy Godin, président de l'Association des cadres scolaires du Québec; dans le quotidien, je suis directeur des ressources financières à la commission scolaire régionale de Yamaska. À mon extrême gauche, M. Normand Legault, président de la commission de l'enseignement professionnel de notre association; dans le quotidien, M. Legault est directeur des services de la formation professionnelle à la commission scolaire Chomedey de Laval. A ma gauche, le premier vice-président de l'Association des cadres scolaires, M. Paul Labrecque, qui est coordonnâtes à l'éducation des adultes à la Commission des écoles catholiques de Québec. À ma droite, M. Jean-Pierre Simard qui est directeur des ressources matérielles à la commission scolaire de Sherbrooke et le vice-président à la mission professionnelle de notre association. À mon extrême droite, M. Jacques Fortin qui est notre directeur exécutif.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Alors, M. le président, je vous remercie de ces présentations. Dois-je vous rappeler que vous avez une heure pour vous faire entendre. Cette heure-là pourra être répartie en trois parties distinctes, à savoir: votre présentation de 20 minutes, 20 minutes au parti ministériel et 20 minutes à l'Opposition. Alors, si vous voulez répartir votre temps de cette manière-là, ça pourra aller. Dépendamment de votre goût, vous pouvez dépasser les 20 minutes et la période de questions sera diminuée d'autant.

M. Godin, nous vous entendons.

M. Godin (Guy): D'accord, je vous en remercie. Je vous fais la lecture de notre mémoire, M. le Président. L'Association des cadres scolaires du Québec existe depuis 1972 et regroupe plus de 2200 administrateurs scolaires oeuvrant dans les commissions scolaires et spécialisés dans les grands domaines de la gestion scolaire dont l'éducation des adultes. Notre expertise s'appuie, entre autres, sur l'expérience de travail de plus de 200 directeurs et adjoints de formation des adultes dont un grand nombre s'occupent de la formation de la main-d'oeuvre et des premiers responsables de la formation professionnelle dans les commissions scolaires.

En résumé, ce qu'on vous dit dans notre mémoire: les points mis en évidence font ressortir tout l'intérêt que nous portons à cette réforme de la main-d'oeuvre et à la place que nous revendiquons. De façon schématique, ce que nous voulons, c'est occuper une place importante au niveau du développement économique régional; oeuvrer à titre de partenaires véritables; que notre flexibilité, que d'aucuns ont appelé «précarité», soit reconnue comme un des éléments moteurs de notre capacité d'adaptation; que nos compétences soient mises à contribution.

Nous croyons fermement que ces aspirations n'ont rien d'excessif. Au contraire, elles s'intègrent tout à fait dans un plan de réforme globale de développement de la main-d'oeuvre basée sur un partenariat véritable.

Introduction. L'Association désire, par le présent mémoire, apporter quelques précisions au regard du projet de loi 408, Loi sur la Société

québécoise de développement de la main-d'oeuvre, ainsi que du document complémentaire Énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre, intitulé très ambitieusement «Partenaires pour un Québec compétent et compétitif». Bien que, d'une façon générale, ces documents soient bien structurés et solidement étayés, l'ACSQ éprouve le besoin de nuancer quelque peu certains aspects Jugés pour le moins discutables et qui méritent qu'on y porte une attention particulière.

Comme vous pourrez le constater à la lecture de ce document, seules quelques questions ont retenu notre attention. Mais ces questions sont à l'origine des restrictions que l'Association émet au regard du projet de loi 408 et qu'elle se sent le devoir de transmettre au ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, M. André Bourbeau. Ce mémoire se veut une réflexion que nous élaborerons dans les pages qui suivent, sous forme de commentaires, de suggestions ou de recommandations.

Le premier point: Commentaires sur l'énoncé de politique sur le développement de la maln-d'oeuvre. La question du défi de l'emploi. Le facteur de vieillissement. La main-d'oeuvre active vieillit. On n'a peut-être pas porté suffisamment attention aux conséquences qu'un tel constat entraîne forcément. En effet, si la main-d'oeuvre active vieillit, cela signifie, sans l'ombre d'un doute, qu'il faut de plus en plus composer avec une clientèle de personnes plus âgées dont les compétences risquent d'être dépassées à plus ou moins longue échéance. Par conséquent, II faudrait plus que jamais mettre l'accent sur l'éducation des adultes. C'est une attitude que la nouvelle société compte développer et c'est, à notre avis, la clé de voûte de cette réforme.

D'entrée de jeu, nous tenons à indiquer que depuis le 1er juillet 1989, date de la mise en oeuvre de la nouvelle Loi sur l'instruction publique, la mission des commissions scolaires s'est considérablement élargie. Il leur appartient maintenant d'assumer la responsabilité de la formation des adultes. Toutefois, les commissions scolaires n'ont pas attendu la nouvelle Loi sur l'instruction publique pour offrir des services de formation aux adultes et ce secteur de la formation a connu une croissance exceptionnelle au cours des 10 dernières années, preuve évidente que les commissions scolaires savent relever les défis. Elles ont su s'Impliquer totalement et cette implication mérite d'être reconnue honnêtement et encouragée vivement. Mais des liens encore plus étroits pourraient se créer entre le monde scolaire et le monde du travail. Pour ce faire, nous préconisons que des commissaires puissent représenter l'entreprise au sein des commissions scolaires. Cela encouragerait également une plus grande Implication des commissions scolaires au niveau du développement économique régional.

La main-d'oeuvre qualifiée. Par ailleurs, on constate également d'importantes pénuries de main-d'oeuvre qualifié. Puisque, conséquence de ce constat, les entreprises doivent recycler leur personnel d'une façon continue, les commissions scolaires sentent l'importance de leur implication. Il est évident que les changements des besoins des entreprises s'effectuent très rapidement et que seule la capacité d'adaptation de la main-d'oeuvre à ces changements peut assurer la croissance de l'entreprise. Mais il y a un noeud. C'est que les infrastructures existantes créées fondamentalement pour la formation initiale ne sont pas conçues pour répondre aux besoins de formation pointus des entreprises.

Il faut d'ailleurs se demander s'il serait souhaitable que les commissions scolaires se munissent de ces infrastructures. À la vérité, nous ne le croyons pas. C'est que la variété des champs d'activité, d'une part, et les coûts très élevés des équipements technologiques, d'autre part, contribuent a rendre la formation spécifique prohibitive en milieu scolaire. Ce que nous recommandons plutôt, c'est de créer des liens étroits avec les entreprises de façon à les faire profiter de notre expertise et qu'en retour nous profitions de leurs ressources.

Il convient également de souligner que si la nouvelle Société peut créer des cours dans des domaines où une main-d'oeuvre qualifiée est recherchée, elle semble passer sous silence le problème des secteurs où la main-d'oeuvre est surabondante. Le problème de l'aiguillage reste donc entier, ce qui confère à cette Société une double mission: d'abord, favoriser la formation spécialisée dans les secteurs clés; ensuite, désengorger certains secteurs, entre autres, en adoptant des mesures de contingentement. Est-Il nécessaire de souligner ici que le réseau des commissions scolaires est fort conscient de cette situation et qu'il se trouve mieux placé que quiconque pour poser les gestes qui s'imposent? Quoi qu'il en soit, les administrateurs scolaires que nous représentons sauront se montrer à la hauteur du défi à relever.

La question du sous-financement. Le financement comme tel. Parmi les moyens cités ci-haut, il faut mentionner que la gestion du financement reste au tout premier plan. Il est bien évident que le gouvernement ne peut assumer la totalité des dépenses qu'entraîne la mise en place de programmes de perfectionnement. Certes, le crédit d'impôt remboursable peut apporter un élément de solution à ce problème, mais cette mesure semble favoriser davantage les grandes entreprises que les PME souvent rebutées par une paperasserie déroutante. Pour en faire un système alléchant pour ces petites et moyennes entreprises, il y aurait donc lieu d'y apporter des améliorations concrètes comme on le propose d'ailleurs dans l'énoncé de politique aux pages 38 et 39.

L'Association a, pour sa part, le sentiment

qu'un tel crédit d'impôt se révélerait insuffisant comme mesure incitative puisque encore 45 % des PME n'offrent à leurs employés aucun programme de formation spécifique. Ce que nous recommandons, c'est d'aller plus loin, quitte à imposer une contribution obligatoire à un fonds collectif de perfectionnement adapté aux besoins de l'entreprise. Cette contribution pourrait être variable, proportionnelle au chiffre d'affaires de la PME, ou au nombre de ses employés, ou à son secteur d'activité, ou à tout autre facteur susceptible d'inciter l'entreprise à investir dans des programmes de formation à long terme où tout le monde y trouverait son profit.

La volonté de perfectionnement. Parmi les problèmes liés au sous-financement, celui du perfectionnement doit être étudié à sa source même, c'est-à-dire la PME. Il faut se rendre à l'évidence, plusieurs PME ignorent que leur problème de non-croissance est intimement lié à la volonté de perfectionnement du personnel de l'entreprise. C'est pourquoi il sera de toute première importance de mettre sur pied des campagnes de sensibilisation où le problème de perfectionnement sera mis en lumière et reconnu comme un élément fondamental du succès économique de l'entreprise. Nous estimons que cette sensibilisation est à la base de la volonté des PME d'offrir ou de participer à des programmes de recyclage et de perfectionnement de leur main-d'oeuvre. Suite à cette sensibilisation, il deviendra plus facile de proposer les mesures coercitives de financement mentionnées au paragraphe 2.1.

La question du partenariat. L'engagement réel des employeurs et de la main-d'oeuvre active est certes la condition essentielle pour une réalisation d'un partenariat efficace. Mais il nous paraît évident que l'éducation, par le biais des commissions scolaires, doit compter parmi les partenaires les plus actifs des discussions entourant la mise en place des stratégies de développement de la main-d'oeuvre et ce, à tous les niveaux de la pyramide décisionnelle. Il nous paraît inacceptable que l'éducation ait été évincée lors de l'élaboration des mandats dont il est question à la page 40 de l'énoncé de politique.

Par ailleurs, les mandats qu'auront à assumer les sociétés régionales sont pour le moins ambitieux. De plus, une base mal établie au niveau provincial ne pourra qu'engendrer la confusion au niveau régional. C'est pourquoi nous insistons pour que notre expertise soit mise à contribution et ce, pas uniquement au niveau régional, comme on le mentionne à la page 47 de l'énoncé de politique, mais également au niveau provincial où nous sommes sous-représentés.

Ainsi, lorsqu'on parle de décentralisation des responsabilités, il faut comprendre que cette décentralisation doit s'effectuer à tous les niveaux. C'est, en effet, par le mécanisme de la consultation régionale que pourra s'amorcer une véritable révision de la carte des options, de façon à la rendre plus dynamique, capable de suivre les fluctuations de l'offre et de la demande en matière de formation.

En un mot, ce que nous revendiquons, c'est d'oeuvrer à titre de partenaires véritables. Nous ne voulons pas uniquement jouer les observateurs que l'on consulte à l'occasion ou les pourvoyeurs de formation. Nous voulons, au contraire, faire partie intégrante de tout le processus méthodologique qui implique les expertises du gouvernement, du patronat et des syndicats. Ceci étant dit, il nous faut déplorer que, d'une façon générale, les comités regroupant le secteur de l'éducation et celui de la main-d'oeuvre soient inexistants. Entre autres, dans la mise en place des quatre grands programmes - page 52 de l'énoncé - il faudrait que chacun de ces programmes soient gérés par un comité conjoint éducation-main-d'oeuvre. Ce que nous réclamons ultimement, c'est que notre expertise en éducation soit reconnue pour ce qu'elle vaut et utiisée à bon escient dans un partenariat véritable.

La question de ¦ la double administration. L'association n'entend pas s'Immiscer dans le débat qui oppose le réseau de la maln-d'oeuvre fédérale à celui du niveau provincial. Nous n'avons, en fait, aucune prétention politique en matière de gestion et si nous souhaitons ardemment que la lourdeur administrative dont il est question dans l'énoncé s'atténue, c'est que nous visons l'optimalisatlon de l'efficacité de notre système d'éducation. On ne peut passer sous silence les méandres administratifs que la gestion partagée engendre et qui contribue à ralentir considérablement le début d'efficacité auquel nous aspirons tous.

Un des objectifs poursuivis par l'Association des cadres scolaires du Québec est de contribuer à promouvoir l'efficacité des programmes de formation. Il nous semble évident que tout effort accompli dans le but d'unifier les politiques gouvernementales en matière de formation de la main-d'oeuvre ne peut être qu'un pas dans la bonne direction, c'est-à-dire vers un Québec compétent et compétitif, comme le précise le titre de l'énoncé de politique.

Toutefois, cette unification administrative constitue en elle-même un objectif à atteindre. Il ne faudrait pas qu'elle devienne une condition sine qua non à la réforme de la main-d'oeuvre. Nous sommes convaincus que le débat politique peut s'effectuer en parallèle de cette réforme.

La question de l'arrimage. La formation initiale. L'énoncé de politique souhaite que le secteur de l'enseignement demeure très attentif aux besoins de main-d'oeuvre et qu'il se reconnaisse une responsabilité dans le défi de la compétitivité de l'économie. Comment atteindre un tel objectif lorsqu'on nous considère comme de simples pourvoyeurs de programmes d'éducation? C'est sans aucun doute cette dichotomie entre l'implication du monde de l'éducation et les

besoins du marché au niveau du perfectionnement qui est à l'origine du malaise généralisé dans les entreprises.

En effet, nous ne pourrons jamais fournir une réponse adéquate aux attentes du marché du travail si nous ne sommes pas invités à participer aux questionnements qui naissent au sein des entreprises. Il nous faut donc une place au niveau de l'entreprise même, particulièrement au niveau régional, afin de contribuer à déterminer quels seront les besoins futurs de compétences. Nous sommes conscients, ce disant, de soulever le problème de l'enseignement en tant que tel. Il faut l'avouer, les conventions collectives de travail n'encouragent guère nos enseignants à parfaire leur formation et à l'ajuster aux besoins du marché. Leur charge de travail est déjà très importante et les structures existantes ne les incitent pas à faire des stages en milieu de travail, lesquels stages leur permettraient de se hausser à la fine pointe des développements des entreprises. «Apprendre pour entreprendre» est certes un slogan enjôleur, mais apprendre auprès de qui? Si les compétences recherchées ne sont pas disponibles chez les enseignants eux-mêmes, comment arrive-t-on à former cette main-d'oeuvre spécialisée qu'on réclame à cor et à cri? Nous sommes convaincus cependant qu'en joignant leurs efforts, les ministres du MMSRFP et de l'Éducation sauront trouver une solution à cette épineuse question qui passe nécessairement par une révision des conventions collectives de travail. En effet, ces conditions de travail s'appuient actuellement sur la formation académique et sur l'expérience, ce qui fait qu'un professeur désirant parfaire sa formation dans un secteur de pointe ne bénéficiera d'aucune accréditation lui permettant d'actualiser ses nouvelles connaissances pratiques. Il va sans dire que pour assurer une meilleure compréhension de cette situation, il nous semble essentiel que la Centrale de l'enseignement du Québec soit expressément représentée au niveau de l'organisation de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

La formation de la main-d'oeuvre. Il nous apparaît opportun de souligner que, si les services de l'éducation des adultes des commissions scolaires ont fait oeuvre de pionniers dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre, c'est précisément à cause de leur souplesse incontestable. Il faut donc s'appuyer sur ces modèles performants et prendre garde de tomber dans le piège des structures trop serrées qui pourraient réduire considérablement la flexibilité nécessaire pour suivre le mouvement du marché. C'est là la condition essentielle d'une intervention efficace.

Une avenue mérite d'être déblayée davantage, celle de l'évaluation des acquis. Le ministère de l'Éducation a comme mandat permanent de sanctionner les apprentissages des élèves reliés au programme de formation alors que la Société, quant à elle, supervise la qualification des travailleurs. Ces deux approches sont complémentaires l'une de l'autre. Nous souhaitons rappeler au ministre Bourbeau notre disponibilité à jouer en ce domaine notre rôle nécessairement complémentaire dans le grand mécanisme d'évaluation des acquis.

Commentaires sur le projet de loi 408. Au regard de la loi 408, il nous faut apporter certaines restrictions quant à notre représentativité. L'article 5, paragraphe 3, nous indique en effet que seuls 2 membres sur un total de 19 proviendront du secteur de l'enseignement primaire et secondaire. La même situation prévaut à l'article 37, paragraphe 3, où il apparaît que notre représentativité n'est que de 2 membres sur 13. Notons bien qu'il ne s'agit pas ici de diminuer la participation des patrons et des syndicats, mais bien d'augmenter la nôtre de façon à la rendre plus expressive du rôle actif que nous comptons jouer au sein de cette nouvelle Société.

L'article 22 a aussi attiré notre attention d'une façon toute spéciale. On y dit en effet que: «La Société doit soumettre ses programmes à l'approbation du gouvernement et ne peut les modifier ou y mettre fin sans une telle approbation. Elle doit de plus mettre fin à un programme existant à la demande du gouvernement». Après mûre réflexion, il nous est apparu que cet article aurait sans aucun doute l'effet bénéfique d'empêcher la prolifération des programmes qui pourraient entraîner l'encombrement du système. Il reçoit donc notre entière approbation à condition qu'il ne signifie pas que la Société soit sous la tutelle du gouvernement.

En conclusion, M. le Président, le projet de loi 408, Loi sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, ainsi que son complément, l'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre, «Partenaires pour un Québec compétent et compétitif», nous présente un projet ambitieux qu'il convient de saluer respectueusement dans son ensemble. Nous ne doutons pas que le ministre Bourbeau portera à nos observations toute l'attention voulue puisque ces observations s'appuient sur le constat d'une faiblesse généralisée au niveau du partenariat. (10 heures)

D'autre part, il nous faut préciser une fois de plus que notre position n'a rien de politique et que notre souhait le plus cher est de pouvoir travailler auprès d'une seule administration. Bref, réformer les programmes de formation de la main-d'oeuvre, c'est bien; faire en sorte que ces programmes relèvent d'une seule autorité, c'est encore mieux; mais nous confiner à des rôles de pourvoyeurs de programmes d'éducation, c'est inacceptable. C'est pourquoi nous exigeons, dans les faits, la reconnaissance de la responsabilité véritable des commissions scolaires au regard du développement économique régional. Je vous

remercie, M. le Président.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. Godin. Je vous remercie de votre présentation. Maintenant, je vais reconnaître la partie ministérielle. Je demanderais au ministre de réagir à vos propos. M. le ministre.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Alors, je souhaite la bienvenue à nos amis de l'éducation. Vous venez justement de dire que vous craignez que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre ne tombe sous la tutelle du gouvernement. Alors, je vous demande: Quel rôle croyez-vous que le gouvernement du Québec devrait jouer relativement au développement de la main-d'oeuvre?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Alors, M. Godin, vous pouvez réagir à ce questionnement.

M. Godin (Guy): Je pense, M. le Président, que le rôle que le gouvernement doit jouer, c'est d'abord d'établir une politique provinciale en développement de la main-d'oeuvre. Je pense que le gouvernement doit donner des indications claires, nettes et précises pour faire en sorte qu'on puisse développer pour un avenir prochain, je dirais même à court terme, des programmes de formation qui soient adéquats pour l'ensemble des Québécoises et des Québécois.

M. Bourbeau: Bon. Alors, vous soulignez qu'il existe un problème d'offre de formation dans des secteurs où il y a des surplus de main-d'oeuvre. Tantôt, vous avez même parlé de la nécessité d'un certain contingentement, si j'ai bien compris. Ces propos sont passablement différents de ceux qu'on entend généralement des milieux de l'éducation, qui sont plutôt à l'effet de répondre aux besoins de formation de la main-d'oeuvre, sans établir nécessairement de liens avec les besoins du marché du travail. C'est la position un peu traditionnelle, ça, du ministère de l'Éducation, en tous les cas. Trouvez-vous acceptable que le secteur de la main-d'oeuvre puisse affecter en priorité ces crédits à la formation de la main-d'oeuvre active en fonction des surplus et des pénuries de main-d'oeuvre?

M. Labrecque (Paul): Ici, M. le ministre....

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Est-ce que vous pourriez vous identifier, s'il vous plaît?

M. Labrecque: Mon nom, c'est Paul Labrecque, je suis premier vice-président de l'Association des cadres scolaires.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.

M. Labrecque: Et je suis coordonnateur des services d'éducation des adultes à la commission scolaire de Québec.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): C'est seulement pour l'enregistrement des minutes.

M. Labrecque. Ça va. Nous sommes conscients que, dans certaines options professionnelles, nous formons des futurs travailleurs qui ne trouveront pas d'emploi. Et nous sommes conscients, également, qu'il y a des problèmes dus à la révision de la carte des enseignements dans les différentes commissions scolaires. Ce que nous voulons ajouter, c'est que nous sommes prêts à contribuer à nous établir dans un véritable partenariat pour favoriser l'adaptation de ces cartes d'enseignement en rapport avec les besoins effectifs de la main-d'oeuvre, et aussi en ne faisant pas abstraction des pénuries de main-d'oeuvre.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Alors, M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui. Vous estimez que le secteur de l'enseignement primaire et secondaire devrait être représenté d'une façon plus importante à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Pourriez-vous préciser quelle sorte de représentation vous envisagez?

M. Labrecque: Dans un premier temps, nous voyons, au niveau du conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, qu'un seul représentant pour le volet secondaire, c'est-à-dire pour les commissions scolaires, sur dix-neuf, ça nous apparaît très peu pour établir un véritable partenariat au sein de cette Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Donc, nous voulons, d'abord au niveau du conseil d'administration, une plus grande représentativité.

M. Bourbeau: M. le Président, j'aimerais me référer à un passage du mémoire. En page 9, vous vous référez aux programmes de main-d'oeuvre que nous proposons, la simplification, le regroupement de nos programmes en quatre grands programmes. Vous dites: «Entre autres, dans la mise en place des quatre grands programmes - que nous proposons - il faudrait que chacun de ces programmes soit géré par un comité conjoint éducation-main-d'oeuvre.» Êtes-vous prêts aussi à suggérer la même chose, la gestion conjointe éducation-main-d'oeuvre, pour les programmes du ministère de l'Éducation?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Alors, M. Labrecque, est-ce que vous voulez réagir?

M. Labrecque: M. le ministre, lorsque le

ministère de l'Éducation... Je ne veux pas parler pour lui, nous sommes plutôt du réseau des commissions scolaires, mais nous avons été grandement mis à contribution, nous, du réseau, dans la revalorisation de la formation professionnelle, dans tout le processus de relance de la formation professionnelle. Vous savez sans doute que, parmi la révision de tous les programmes de formation, il y avait un vaste mécanisme de consultation qui a été mis en place par le ministère, de manière à consulter le milieu du travail et à les considérer, effectivement, comme de véritables partenaires dans la révision des programmes initiaux de formation professionnelle.

M. Bourbeau: M. le Président, je décèle une certaine équivoque dans les propos des gens qui sont devant nous. Vous parlez toujours de formation professionnelle. Ici, c'est une commission parlementaire qui ne porte pas sur la formation professionnelle. On propose une politique de développement de la main-d'oeuvre et non pas un débat sur une politique de formation professionnelle. Si on voulait faire une politique de formation professionnelle, là, vous auriez quelqu'un d'autre probablement à ma place; en tous les cas, j'aurais probablement deux collègues à ma place, probablement que le ministre de l'Éducation serait à ma droite et la ministre de l'Enseignement supérieur qui est à ma gauche, mais pas parce qu'on fait un débat sur la formation professionnelle, c'est parce qu'on va avoir les cégeps tantôt qui vont venir nous visiter. Notre intention n'a jamais été de lancer un grand débat sur les structures du ministère de l'Éducation ou de l'Enseignement supérieur, en fait, sur la problématique de l'enseignement. Je pense que c'est très clairement établi dans le document d'orientation. Si vous regardez dans l'avant-propos, on a spécifiquement dit que ce débat-là, on le fera peut-être plus tard, mais certainement pas aujourd'hui.

Mors, c'est pour ça que j'ai de la difficulté à voir dans vos propos où ça commence et où ça finit. Nous, dans notre esprit, on n'est pas ici pour faire une revue des programmes de l'enseignement professionnel. On prend pour acquis que l'enseignement professionnel est bien fait, que le ministère de l'Éducation, les professeurs et l'Enseignement supérieur forment bien des travailleurs. On compte sur eux pour qu'ils soient capables de remplir les emplois sur le marché du travail.

Nous allons identifier les besoins sur le marché du travail et les formateurs vont former. Ça ne veut pas dire, ça, qu'on ne peut pas se parler. On doit se parler certainement. Il doit y avoir une intercommunication entre le marché du travail et l'éducation. J'ai dit très souvent qu'il fallait que l'éducation se mette le nez un peu dans le marché du travail pour voir ce qui se passe là et j'ai aussi dit qu'il fallait que les milieux de travail se mettent le nez dans l'édu- cation pour voir comment les programmes sont faits et s'il n'y a pas moyen d'aider à mieux les aligner. Mais il ne faudrait quand même pas voir dans la politique que l'on propose, de développement de la main-d'oeuvre, ce qu'elle ne prétend pas être et ce qu'elle ne doit pas être non plus.

Maintenant, vous prétendez que les institutions scolaires sont confinées à un rôle de pourvoyeur de programmes d'éducation et je suis d'accord avec vous qu'il ne faudrait pas qu'il en soit ainsi, que vous ne soyez que des pourvoyeurs. Ne pensez-vous pas, par contre, que ce sont les milieux économiques qui doivent définir leurs besoins? Et, dans cette perspective, la présence éventuelle de deux représentants de l'enseignement au conseil d'administration de la Société et dans les conseils régionaux, ne pensez-vous pas que ça représente un juste équilibre et, en tous les cas, certainement un net pas en avant par rapport à ce qui existe présentement où il n'y a pas vraiment de présence du monde scolaire dans les commissions de formation professionnelle?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le président, M. Godin.

M. Godin (Guy): Vous comprendrez, M. le ministre, que je pense qu'on fait un pas qui est grand en suggérant qu'il y ait tel commissaire qui représente les parents à la commission scolaire. On se dit, dans les milieux régionaux, que dans les commissions scolaires il devrait y avoir un commissaire qui représente aussi l'industrie, les PME et ainsi de suite. Donc, je pense que déjà, nous, on suggère qu'il y ait un véritable partenariat à partir de cet énoncé-là. Donc, pour nous, si on s'avance, d'une part, en vous disant qu'on aimerait, qu'on suggère fortement aux commissions scolaires de venir ajouter un commissaire de ce type-là, on pense, d'autre part, à l'inverse, qu'on devrait être aussi en début de planification des besoins de main-d'oeuvre pour qu'on puisse préparer nos programmes en fonction de cet effet.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le ministre... Si vous me permettez de réagir à votre propos. Vous savez que les commissaires d'écoles sont des commissaires élus. Comment voulez-vous que ce soit une personne qui vienne du secteur Industriel, s'il est élu démocratiquement?

M. Godin (Guy): Oui...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Quel mécanisme? Vous allez le nommer arbitrairement?

M. Godin (Guy): Écoutez, dans une commission scolaire, il y a des commissaires élus et il y a des commissaires qui sont nommés aussi. Il y a un commissaire qui vient des parents. C'est un

commissaire qui n'a pas droit de vote mais qui peut quand même apporter de fortes suggestions à la commission scolaire. Dans un premier temps, nous, on préconise qu'il y ait un commissaire semblable dans une commission scolaire pour Justement suivre les développements à cet égard.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, monsieur. M. le ministre.

M. Bourbeau: II y avait la question de la CEQ. Vous suggérez que la CEQ ait une place au conseil d'administration. Vous savez qu'il va y avoir un secteur, une partie des membres du conseil d'administration qui vont représenter le secteur du monde syndical. Alors, II va falloir que les milieux syndicaux s'entendent entre eux pour nous proposer des représentants à la Société québécoise de développement de la main-d'?uvre. Avez-vous une idée à savoir comment les grandes centrales syndicales vont réagir par rapport à la présence de quelqu'un de la CEQ dans leur contingent? Il y a aussi d'autres syndicats qui demandent de participer; par exemple, l'UPA demande un siège aussi à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, affirmant représenter un grand nombre de membres qui ont des intérêts très évidents dans le secteur de la formation. Alors, à un moment donné, on va avoir pas mal de demandes de syndicats ou de dirigeants syndicaux qui représentent des secteurs et qui ne sont pas nécessairement distribués dans toutes les sphères de l'activité économique. Je prends, par exemple, la FTQ qui a des travailleurs dans toutes les sphères de l'activité économique; on comprend très bien qu'elle soit représentée. Mais quand on arrive à des syndicats qui sont sectoriels, qui ne représentent qu'un segment, est-ce que vous ne pensez pas que ça peut créer des problèmes?

M. Godin (Guy): M. le ministre, je voudrais vous dire, dans Un premier temps, que nous, on représente l'éducation. On parle au nom de l'éducation. Vous disiez tantôt: Ne croyez-vous pas que les autres syndicats devraient être là ou pas? Nous, on représente le secteur de l'éducation, donc, on parle de nos besoins. Vous mentionniez tantôt qu'on parle trop de formation professionnelle. C'est vrai en soi, mais pour nous la formation professionnelle, c'est un secteur de l'éducation et, pour nous, c'est ce qui fait qu'on va, si vous voulez, donner de l'enseignement aux gens qui sont dans une PME; donc on va former la main-d'oeuvre. En terminologie, on appelle ça, chez nous, de la formation professionnelle. C'est pour ça que notre mémoire est fait directement en fonction de l'enseignement par rapport au projet de loi 408. Donc, on ne parle pas des autres champs; on est spécifique à l'enseignement uniquement.

M. Bourbeau: Oui, j'ai bien saisi. D'ailleurs, c'est pour ça que j'en ai parlé tantôt. Par contre, on n'est pas ici à une commission parlementaire qui étudie l'enseignement. Ça ne porte pas là-dessus et, dans ce sens-là, le rôle que vous pourriez jouer au sein de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre serait certainement beaucoup plus important si c'était une société québécoise de l'enseignement professionnel, disons, visant à contrôler, gérer ou superviser l'enseignement professionnel au Québec. Là, vous seriez au coeur de l'action, mais ce n'est pas de ça dont il s'agit. (10 h 15)

Les activités de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre sont autres. Je peux vous les rappeler: assurer l'application des dispositions des normes des programmes découlant des politiques de main-d'oeuvre élaborées par le gouvernement; assurer la disponibilité des services d'accueil, de référence et d'enregistrement des usagers, que ce soient des entreprises ou des individus, des programmes et services de main-d'oeuvre; intervenir, en collaboration avec les organismes ou les établissements concernés par ces programmes, afin d'assurer l'accessibilité des programmes de main-d'oeuvre et la disponibilité des cours de formation; favoriser la participation aux activités de développement de la main-d'oeuvre des établissements publics et privés d'enseignement et soutenir les initiatives, notamment privées, dans le développement de la main-d'oeuvre; effectuer les achats de cours en priorité auprès des établissements publics d'enseignement; faire la promotion des programmes de main-d'oeuvre et, sur l'autorisation du gouvernement, conclure avec le gouvernement du Canada tout accord portant sur l'administration et l'application, en tout ou en partie, d'une loi du Parlement du Canada, d'où découle un programme de main-d'oeuvre.

Comme vous voyez, il ne s'agit donc pas là de traduire en objectifs de formation les besoins préalablement identifiés ni d'élaborer comme tel des programmes de formation professionnelle, non plus que de dispenser, d'évaluer ou de sanctionner cette formation. Ces responsabilités relèvent des ministères de l'enseignement et de leurs réseaux, à l'exception du régime d'apprentissage qui, lui, sera élaboré conjointement par le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et le ministère de l'Éducation. Mais, à part celui-là, les autres programmes de formation relèvent de la responsabilité des ministères du secteur de l'enseignement et des réseaux et ce n'est certainement pas la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre qui va venir fabriquer des programmes de formation ou vous dire comment les concevoir. Ce n'est certainement pas elle, en tout cas, qui va, non plus, concevoir les régimes pédagogiques. Donc, dans ce sens-là, la présence de représentants du secteur de l'éducation est importante au sein de la Société québé-

coise de développement de la main-d'oeuvre, mais elle ne doit pas être prépondérante parce que les objectifs sont tout à fait différents.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Labrecque.

M. Labrecque: M. Bourbeau, vous le dites dans votre énoncé d'orientation «Partenaires pour un Québec compétent et compétitif», relever le défi de la main-d'oeuvre des Québécois va nécessairement passer par ses ressources humaines, va nécessairement passer par fa compétence de ses travailleurs beaucoup plus que par la compétence de ses structures. Et ici, nous aussi, en matière d'éducation, en matière de formation professionnelle et en matière de perfectionnement professionnel, en matière de recyclage professionnel, parce que nous associons très étroitement la formation professionnelle et le perfectionnement des travailleurs dans les entreprises, étant donné que nous utilisons la même main-d'oeuvre pour ce faire, nous sommes conscients que notre défi passera également par nos ressources humaines et nous sommes conscients que nos ressources humaines devront faire des efforts importants pour se perfectionner aussi, pour se soucier du besoin du travailleur et pour acquérir aussi de nouvelles connaissances de manière à suivre l'évolution technologique. C'est la raison pour laquelle nous revendiquons une collaboration des syndicats et particulièrement des syndicats d'enseignement de manière à ne pas s'établir avec eux en position de négociation pour obtenir leur participation, mais de manière également à les sensibiliser dès le départ à ce grand défi que nous devons relever tous ensemble.

M. Bourbeau: M. le Président...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le ministre, il vous reste deux minutes.

M. Bourbeau: ...un dernier commentaire. Je retiens de notre entretien que vous avez une préoccupation constante, celle d'être associés étroitement à la mise en oeuvre des propositions que contient l'énoncé de politique. Laissez-moi vous rassurer et également dissiper vos inquiétudes en vous réitérant ma volonté de considérer le monde de l'enseignement comme un partenaire, un partenaire important dans la mise en oeuvre de la politique de développement de la main-d'oeuvre. Votre implication au sein de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre sera importante à cet égard, j'en suis convaincu.

Maintenant, il y a plus important encore que le nombre de sièges qui est dévolu à un groupe spécifique. Il y a certainement aussi la qualité des interventions sur la base desquelles il s'acquitte de son mandat. Je veux rappeler que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre et ses mandataires régionaux devront s'occuper non seulement de formation de la main-d'oeuvre, mais aussi autant de placement, de normes du travail, de remplacement de revenu, de reclassement, etc. Je persiste à croire que, dans ce contexte, le monde de l'éducation est équitablement représenté au sein des instances de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le ministre, Je vous remercie. Je vais maintenant reconnaître le parti de l'Opposition, en l'occurrence, Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve, porte-parole officiel de l'Opposition, Mme Harel.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je salue les porte-parole de l'Association des cadres scolaires du Québec. Vous représentez 2200 administrateurs scolaires dont 200 d'entre eux sont directeurs ou adjoints aux centres de formation des adultes. J'irai au plus pressé, parce que mon collègue, qui est responsable du dossier de l'éducation au sein de l'Opposition, aimerait également échanger avec vous ce matin. Moi, mon inquiétude s'est aggravée en entendant le ministre de la Main-d'?uvre nous dire que, lui, la formation professionnelle, ce n'était pas son affaire, qu'il y en a d'autres qui s'en occupaient puis qu'il prenait pour acquis que c'était bien fait.

Ça m'a d'autant plus inquiétée que je me suis dit que si, d'une part, il y a 155 fonctionnaires à la Direction générale de la formation professionnelle au ministère de l'Éducation puis qu'il y en 192 à la Direction générale de la formation professionnelle du ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, c'est à peu près, au total, 350 personnes, mais je ne suis pas certaine qu'à ce niveau-là il y ait beaucoup de collaboration. Mais sur le terrain - puis c'est de ça dont on va se parler ce matin - c'est quoi, finalement... Est-ce que la formation initiale, la formation de base, c'est l'éducation et puis, la formation sur mesure, c'est la main-d'oeuvre? C'est comme ça, dans le fond, que c'est vu avec les lunettes du ministre.

Mais qu'est-ce qu'on fait? Vous savez, le milieu d'affaires qui vient nous en parier encore ce matin, le Conseil du patronat, dans son mémoire, viendra dire: Qu'est-ce que vous faites pour l'analphabétisme? Ah! le ministre va dire: Ça, ça ne me regarde pas! Mais il y a de 23 % à 28 % de la main-d'oeuvre qui a des problèmes d'analphabétisme fonctionnel. Qu'est-ce que vous faites en matière d'apprentissage? L'énoncé ne parle que d'un programme d'apprentissage pour des adultes à l'écart du marché. Mais le Conseil du patronat viendra dire: L'apprentissage, c'est pour des jeunes. Qu'est-ce qu'on fait avec un secteur de formation professionnelle pour jeunes qui, de 1985-1986 à 1990-1991, a diminué de 47 620 à 13 351?

Alors, qu'est-ce qu'on fait? Finalement, c'est qu'il va y avoir une sorte de politique curative à la main-d'oeuvre, pour essayer de corriger puis de remédier au problème de l'abandon scolaire, au problème de la diminution des effectifs du secteur professionnel, etc. Tout ça parce que les arbitrages fondamentaux ne se font pas entre les ministères de la Main-d'oeuvre et de l'Éducation. On peut dire que tout le monde est partenaire, quasiment, au Québec, sauf ces ministères qui s'occupent de main-d'oeuvre et d'éducation.

Mais je reviens avec une question de fond qui, pour mol, m'inquiète énormément. C'est la direction dans laquelle ça s'en va, à savoir que, de plus en plus, la formation professionnelle n'est offerte qu'à temps plein. Ça, je veux vous en entendre parler. Vous avez une expertise là-dessus. Et cette formation professionnelle est offerte à temps plein, parce qu'à temps partiel les enveloppes sont fermées. N'est-ce pas? Ça, je voudrais que vous nous en parliez. À temps plein, les enveloppes sont ouvertes, mais à temps plein les programmes sont subventionnés pour des prestataires de quelque chose.

Si vous n'êtes pas prestataire de quelque chose, prestataire d'assurance-chômage, prestataire d'aide sociale, prestataire de quelque chose, est-ce que je me trompe en pensant que c'est quasiment difficile d'aller chercher la formation professionnelle de base dont on peut avoir besoin, parce qu'on n'a pas... Il faudrait quasiment attendre d'être sur le chômage ou sur l'aide sociale pour avoir un accès à cette formation-là.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Labrecque ou M. Godin.

Une voix: M. Labrecque.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Labrecque va répondre? O.K. M. Labrecque.

M. Labrecque: Ça me fait plaisir, Mme Harel, de répondre à votre question. Sur le terrain, les commissions scolaires ont associé - je le disais tantôt à M. le ministre Bour-beau - très étroitement la formation professionnelle au développement de la main-d'oeuvre. Ce sont les services de formation professionnelle, les services d'éducation des adultes qui, dans les commissions scolaires, ont développé des services aux entreprises. Ils se sont préoccupés du développement économique régional et ils utilisent les mêmes structures, les mêmes Infrastructures pour ce faire et les mêmes ressources humaines pour ce faire.

En ce qui concerne la formation initiale, la formation professionnelle à temps plein, il est vrai que nos modalités budgétaires favorisent davantage la formation à temps plein que la formation à temps partiel. Même, je dirais que la formation à temps partiel financée par le ministère de l'Éducation est quasi inexistante.

Mme Harel: C'est un problème. Il y a un problème, là.

M. Labrecque: Actuellement, la clientèle de la formation professionnelle à temps plein, elle est de trois ordres. Il y a une clientèle de gens qui vivent de l'assistance sociale, qui reçoivent des prestations d'aide sociale et de gens qui reçoivent des prestations d'assurance-chômage. À ce titre, la modification, l'année dernière, à la Loi sur l'assurance-chômage a favorisé bon nombre de chômeurs à retourner aux études. La porte ne leur est pas fermée, sauf qu'ils n'ont peut-être pas les moyens de subsistance particulière pour se payer une année sabbatique pour fins d'études, mais la porte n'est pas fermée à tout citoyen qui désire prendre un cours de formation professionnelle à temps plein. Elle leur est ouverte.

Mme Harel: Alors, vous nous dites que la formation à temps partiel est presque inexistante. Moi, j'aimerais revenir là-dessus parce que je me pose la question. Il y a quand même une main-d'oeuvre de 3 000 000 de personnes. L'individu qui, de façon autonome, veut améliorer ses compétences, mais qui travaille, on ne peut pas lui suggérer de laisser son emploi ou d'espérer être en chômage pour pouvoir avoir la possibilité d'aller à temps plein. Qu'est-ce qui lui est offert en matière de formation professionnelle s'il n'est pas dans les programmes de main-d'oeuvre qui eux, finalement, sont des programmes de formation sur mesure surtout? S'il a vraiment besoin d'aller chercher une compétence dans des formations de base ou initiale, qu'est-ce qu'il peut faire?

M. Labrecque: Je dois m'expliquer quand je dis que la formation professionnelle à temps partiel est quasiment inexistante. C'est celle qui vise l'apprentissage d'un métier initial, d'un métier de base, qui est pratiquement inexistante. Nous avons une formation professionnelle qui, quand même, est très florissante. C'est celle des services aux entreprises, celle commanditée directement par les commissions de formation professionnelle.

Mme Harel: Oui. Donc, à même des programmes où il faut être prestataire de quelque chose ou à même des programmes où l'entreprise utilise un crédit d'impôt, c'est ça?

M. Labrecque: Exact.

Mme Harel: Mais dans le cas d'individus qui travaillent dans une pharmacie, une épicierie ou le chauffeur de taxi - il y a certainement 1 000 000 de personnes, là - qu'est-ce qu'on fait

pour ces gens-là?

M. Labrecque: je peux laisser à mon collègue, qui est responsable d'un service de formation professionnelle, le soin de répondre à cela.

M. Legault (Normand): Normand Legault. Concernant la formation qui va mener à des formations initiales, mais à temps partiel, actuellement, les règles d'organisation font qu'une personne qui voudrait aller chercher une formation qualifiante au niveau d'une sanction d'un diplôme, à temps partiel, c'est un minimum de 15 heures par semaine. Ça veut dire qu'il faut qu'une personne s'embarque presque a temps plein. Actuellement, au niveau du temps partiel, une personne qui demande des services de formation, que ce soit au niveau secondaire ou collégial, les règles budgétaires de l'autre ministère, la Main-d'oeuvre, font qu'il y a eu diminution effective en 1991-1992 des enveloppes pour la prestation de services, de sorte qu'on observe dans le réseau, soit au secondaire ou au collégial, une diminution de services subventionnés par l'État. Donc, il faut y aller avec de l'autofinancement et ce n'est pas tout citoyen québécois qui est en mesure de payer, dans une période difficile, sa formation autofinancée.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Est-ce que je comprends qu'elle n'est pas inexistante? Elle est existante, la formation...

M. Legault: Ce qu'on pourrait dire, c'est que le principe est là, sauf que, dans les modalités, c'est très difficile d'accès.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui. Vous nous avez parlé de la nouvelle Loi sur l'instruction publique qui est en vigueur depuis le 1er juillet 1989, la conscience exceptionnelle au niveau de la formation des adultes. Finalement, j'ai compris que ce que vous recherchiez, peut-être pas encore d'une façon précise au niveau des modalités, mais vous recherchez qu'il y ait une plus grande intimité, je dirais, avec l'entreprise. C'est ça qu'il faut comprendre. Pourtant, de plus en plus - et c'est ma dernière question - on sait que le marché de l'emploi va exiger des renforcements, des contenus théoriques de formation. C'est une tendance, paraît-il, qui va aller en augmentant. C'est une tendance qui s'observe dans l'industrie, dans les secteurs de services et ça va de plus en plus demander un contenu élargi à la formation plutôt que le training à l'américaine. Est-ce que vous pensez que présentement l'entreprise est prête a évaluer ses besoins en matière, si vous voulez, de moyen et long termes, plutôt que uniquement à très très court terme? Première question. (10 h 30)

Deuxième question: Est-ce que ce n'est pas justement dans cette intimité de l'entreprise et du milieu de l'éducation qu'il pourrait y avoir un échange qui serait souhaitable, finalement, pour les deux parties? Je reviens donc à cet exemple que vous nous donniez tantôt de services aux entreprises dans les commissions scolaires. J'étais sur la Côte-Nord en fin de semaine et des personnes disaient que des entreprises sont sollicitées par cinq, six, sept personnes responsables, soit dans la commission scolaire, soit au niveau du cégep, soit au niveau de la Commission de formation professionnelle, soit au niveau du Centre d'emploi du Canada. Elles sont sollicitées par des fonctionnaires qui viennent leur faire connaître les possibilités mais, au bout de la ligne, c'est comme un mirage, ça finit toujours par rien. Alors, je ne sais pas comment faire pour que toute cette énergie-là ne se perde pas en structures.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Labrecque, voulez-vous réagir?

M. Labrecque: Oui, s'il vous plaît. En ce qui concerne les entreprises, vous savez que notre économie québécoise repose en grande partie, je dirais en majeure partie, sur les petites et moyennes entreprises. Les petites et moyennes entreprises n'ont pas d'autre choix actuellement que de prévoir plutôt à court terme leurs besoins de main-d'oeuvre. C'est la raison pour laquelle nous insistons dans notre mémoire sur une campagne afin de sensibiliser tous ces petits entrepreneurs à la nécessité d'investir et de s'investir dans la formation de la main-d'oeuvre. C'est aussi la raison pour laquelle nous préconisons la mise en place d'un fonds collectif de perfectionnement pour faire en sorte que toutes les entreprises puissent collaborer, parce que nous ne croyons pas que les petites entreprises ont l'habitude de prévoir à long terme leur formation de la main-d'oeuvre, leurs besoins de main-d'oeuvre et qu'elles se reposent beaucoup sur les épaules du gouvernement du Québec et des commissions scolaires à cet égard.

En ce qui concerne votre deuxième question, pour ce qui est de l'implication des commissions scolaires dans les services aux entreprises, ce que nous disons dans notre mémoire, c'est que nous ne voulons pas être uniquement à la fin de la chaîne pour recevoir une commande de formation, une commande de formation dite théorique; nous serions peut-être sujets à perdre conscience du véritable besoin qui était initialement au départ de cette commande. Donc, nous nous sommes aperçus que ce qui est le plus profitable, c'est lorsque nous collaborons étroitement avec les entreprises, que nous sommes à l'origine même de l'énoncé du besoin de formation et que nous contribuons à élaborer une

réponse éducative pour perfectionner les travailleurs de manière à ce qu'ils puissent rencontrer ce besoin.

Alors, nous ne voulons pas d'une structure qui donne un mandat à quelqu'un et ensuite qui passe le mandat à quelqu'un d'autre, au risque d'y perdre tout l'aspect pratique.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Je vais maintenant reconnaître le député d'Abitibi-Ouest et ex-ministre de l'Éducation qui va nous apporter, j'en suis sûr, un éclairage nouveau. M. le député d'Abltibi-Ouest.

M. Gendron: Vous êtes censé être uniquement président de séance, vous, là.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Enfin, je peux déborder un peu.

M. Gendron: Bonjour. Oui, ce n'est pas dans les sept, huit minutes qui me restent mais... D'entrée de jeu, je suis porté à dire que j'ai été un peu estomaqué, mais ce n'est pas la première fois que le ministre de la Main-d'oeuvre réussit à m'estomaquer. Quand il a mentionné tantôt que nous étions ici pour regarder les réalités liées au développement de la main-d'oeuvrer et non - et là, je le cite au texte - «sur la formation professionnelle», j'ai l'impression que ça justifie pourquoi vous êtes ici et pourquoi nous sommes ici. Avec un ministre qui a une telle compréhension de son mandat, ça ne peut pas faire autrement qu'on ait des problèmes majeurs au niveau de la main-d'oeuvre québécoise. Sincèrement, je n'en reviens pas.

On ne peut pas dissocier ces deux éléments-là. Au nom de quelle logique voudrions-nous que le Québec se dote d'une meilleure politique de main-d'oeuvre si on n'est pas conscient que ça doit nécessairement passer par une formation professionnelle plus adéquate, plus pertinente, plus significative et surtout plus véhiculée par les formateurs, les dispensateurs? Moi, je n'en reviens pas qu'on cherche constamment à dire... Écoutez, comme si c'était cloisonné! Ce n'est pas des barrages, le ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu puis le ministère de l'Éducation. Ça me renverse à chaque fois parce qu'on sait qu'il y a eu des difficultés avec les «ex». Rappelez-vous l'ex-ministre de l'Éducation, ses débat épiques avec le même ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu. Est-ce que c'a l'air d'aller mieux de ce temps-ci? On n'en entend pas parler. Ce n'est pas parce qu'on n'en entend pas parler que ça va mieux.

Un problème majeur, de fond, c'est qu'effectivement, avec le ministre actuel, on tente de «discarter» les intervenants éducatifs. Et à titre d'ancien professeur, j'ai oeuvré dans ce milieu-là pendant 10, 12 ans, je connais ce milieu-là encore parce que j'ai des contacts très étroits avec lui. Je suis le porte-parole de l'Opposition officielle en matière d'éducation. Et j'estime que c'est heureux que de plus en plus d'intervenants éducatifs se présentent à cette commission et disent au ministre: On voudrait être plus actifs, plus présents parce qu'on pense qu'on a un rôle majeur à jouer dans l'identification du «quoi faire» pour que la main-d'oeuvre québécoise soit plus qualifiée, réponde mieux aux aspirations de l'entreprise.

Et qu'on arrête, dans n'importe quel mémoire, de commencer par des constats de problématique disant: Notre main-d'oeuvre ne répond pas aux besoins de l'industrie. Notre main-d'oeuvre n'est pas qualifiée. On a des taux de chômage effarants et si on avait une main-d'oeuvre plus appropriée, plus qualifiée, on pourrait peut-être dans six mois corriger le taux de chômage de la moitié. Au moins, on pourrait aller vérifier si c'est vrai, parce qu'il y a un paquet d'entreprises qui prétendent qu'elles ne peuvent même pas embaucher alors qu'elles auraient le goût de le faire, sous prétexte qu'il n'y a pas de main-d'oeuvre qualifiée. Si ce n'est pas relié, vous avez un problème, M. le ministre. C'est un problème majeur, sérieux. J'espère qu'à force de reprendre le même message au niveau des intervenants de l'éducation vous allez comprendre que ce n'est pas en les «discartant», ce n'est pas en les considérant comme étant des dispensateurs de cours qu'on va améliorer la qualité de notre main-d'oeuvre par une formation professionnelle plus adéquate.

Moi - parce que j'ai peu de temps - j'estime que vous avez posé les bons problèmes. Votre mémoire est assez clair à certains égards. Il y a une couple de clés que je veux relever. C'est évident quand vous dites, par exemple, à la page 8, que dans l'élaboration des mandats de la Société - je viens de les relire à la page 40 - vous avez été complètement «discartés». Et le ministre a le culot de vous le relire, comme si vous ne l'avez pas lu. La page 40, c'est évident que vous l'avez lue puisque vous êtes ici. Et à la page 40, quand on lit: «La Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre aura le mandat de définir les besoins de développement de la main-d'oeuvre», si elle continue à le faire toute seule, on va continuer à avoir des problèmes. Alors, c'est ça que vous venez dire aujourd'hui et il n'a pas l'air de comprendre ça.

Deuxièmement, «conseiller le gouvernement sur les politiques de développement de la main-d'oeuvre», c'est fondamental. Pensez-vous que ça appartient uniquement aux instances du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu d'être conseillers? Écoutez, là, ce n'est pas de même qu'on va corriger les problèmes de la main-d'oeuvre. Donc, il m'est apparu que dans les mandats qu'il y a là, c'est, à ce chapitre-là, les deux éléments les plus significatifs sur lesquels vous voulez être présents, et non pas jouer un

rôle de bout de ligne, de fin de chaîne de montage, parce que ça ne corrigera pas les problèmes.

Et là il a continué à lire. Oui, mais écoutez, ils vont développer un système intégré de placement. Vous n'avez pas parlé de ça. Il s'arrangera avec sa gang et ils feront ça. «Assurer, après entente avec le gouvernement fédéral, la gestion du régime d'assurance-chômage», je ne vous al pas entendu parler de ça dans votre mémoire. Ça, c'est des mandats que la Société exercera, mais il y a une partie de mandat conjoint, et je pense que vous l'avez rappelé. Donc, mol, je vous dis, vous avez une clé là, importante. Je vais revenir sur une question après ça.

Vous avez également une autre clé importante à la page 11, dans votre mémoire, quand vous dites: L'énoncé de politique souhaite que «le secteur de l'enseignement soit très attentif aux besoins de main-d'oeuvre et qu'il se reconnaisse une responsabilité dans le défi de la compétitivité de l'économie». Vous dites: «Comment atteindre un tel objectif lorsqu'on nous considère comme de simples pourvoyeurs de programmes d'éducation?» Moi, je ne change pas d'avis. Vous avez raison de marteler ça. J'ai toujours dénoncé le fait que la lecture des besoins soit faite uniquement par les gens du ministère de la Maln-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle alors que les dispensateurs de formation, dans les contenus de cours, sont constamment en lien avec les gens de l'Industrie, ils sont constamment en lien, dans les lectures qu'ils sont obligés de faire, avec les besoins modernes. Pourquoi donne-t-on tel type de formation si on n'a pas pris connaissance des besoins dans quatre, cinq ans?

Mais, qui fait ça? C'est les agents éducatifs, c'est les dispensateurs de cours, c'est les formateurs. Et, dans ce sens-là, quelle est la logique de les «discarter»? Ça n'a pas de sens. Il me semble que ces deux messages, vous les avez très bien rappelés.

Question. À la page 9, vous dites: «Ce que nous réclamons ultlmement, c'est que notre expertise en éducation soit reconnue...» Là, je ne parle pas nécessairement de l'Association des cadres. Je sais que c'est vous autres qui faites le mémoire, mais vous ajoutez: «...pour ce qu'elle vaut - en parlant de l'expertise - et utilisée à bon escient dans un partenariat véritable.»

Là, j'aimerais ça, pour le bénéfice du ministre et de l'avenir, si on veut changer des choses, que vous soyez un petit peu plus explicite, un peu plus concret, un peu plus précis, pas dans le sens de l'objectif, dans le «comment». Comment réaliser ça pour s'assurer, effectivement, que vous soyez un véritable partenaire, pour que, dorénavant, les politiques de main-d'oeuvre tiennent davantage compte de votre expertise en formation professionnelle? Comment vous voyez ça, concrètement?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Alors, M. Godin ou M. Labrecque.

M. Godin (Guy): Je demanderais à M. Labrecque, s'il vous plaît.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Labrecque, je suis obligé de vous limiter au niveau de votre réponse. On a vraiment dépassé, on achève notre temps, II reste une minute.

M. Labrecque: Ici, en ce qui concerne notre véritable partenariat, vous remarquez que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre n'a pas, comme les sociétés régionales, le mandat de rechercher activement la collaboration des commissions scolaires, donc vraiment du réseau scolaire. On volt que la Société québécoise, la société provinciale ne se soucie pas de cette collaboration avec le réseau; on semble la reléguer au niveau régional. Donc, ce que nous voulons, nous, c'est être présents dans toute la chaîne administrative pour éviter qu'il n'y ait des discordances, des dichotomies et que notre réponse puisse s'intégrer dans un lien tout à fait logique.

Quand on demande, également, un véritable partenariat au niveau local, c'est que nous vouions, effectivement, être associés dans toute la logique de la structuration d'un programme. On ne veut pas être obligé de recommencer un programme une fols que la commande nous arrive sur le bureau, parce que c'est ça qu'on est obligé de faire actuellement. On est obligé de retourner auprès des entreprises, refaire clarifier les besoins de formation pour s'assurer que la réponse soit efficace.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, monsieur. Alors, une courte réaction du ministre et nous terminons.

Mme Harel: ...cette faveur, mais son temps est écoulé.

M. Bourbeau: M. le Président, il me restait encore une minute tantôt, je n'ai pas pris tout mon temps.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Vous êtes magnanime.

M. Bourbeau: Heureusement que la démagogie ne fait pas mourir, M. le Président, parce qu'il y a des gens qui seraient très malades chez mes amis d'en face. Après avoir dit, m'avoir fait dire plutôt, qu'ici on ne portait pas d'attention à la formation professionnelle... M. le Président, ce n'est absolument pas ça que j'ai dit. Au cas où on n'aurait pas compris mes propos, ce que j'ai dit ici, c'est que l'objet de cette commission n'est pas de faire le procès ou l'étude de l'action de scolarisation - je vais le dire en d'autres

mots pour qu'on comprenne - au niveau de l'enseignement professionnel. Ça ne veut pas dire qu'on ne se préoccupe pas de l'enseignement professionnel. C'est très important, c'est une composante essentielle, sauf qu'ici, à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, il n'y a aucun professeur qui va enseigner; elle n'a pas pour mandat de fabriquer des cours, des régimes pédagogiques ou d'engager des professeurs et d'enseigner. Ce n'est pas son mandat du tout. C'est dans ce sens-là que je disais que le débat, ici, ne porte pas sur l'enseignement professionnel comme tel, sans pour autant dire que ce n'est pas important; c'est extrêmement important.

M. le Président, j'aimerais simplement revenir sur un mot. Tout à l'heure, vous avez dit, ou le député d'Abitibi-Ouest a dit qu'il fallait absolument que le secteur de l'enseignement participe à l'identification des besoins. Je suis bien d'accord et je dis que, présentement, même dans le système actuel, il n'y a pas que les CFP qui font l'identification des besoins; le ministère de l'Éducation aussi en fait, présentement, de l'identification des besoins. Et plus on en fait, mieux c'est, d'ailleurs, pour tenter de cerner avec précision quels sont les besoins de formation dans les régions du Québec, quels sont les métiers en pénurie.

Mais la contrepartie de ça, ii ne faudrait pas l'oublier, et j'attire l'attention du député d'Abitibi-Ouest là-dessus...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le ministre, si vous voulez conclure, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: Oui. Il y a une contrepartie à ça. Si c'est vrai que le système d'éducation veut participer à l'identification des besoins dans les entreprises, il va falloir qu'il l'accepte aussi, et que les entreprises, par voie de conséquence, se mettent le nez aussi dans les régimes pédagogiques et dans les programmes d'éducation pour s'assurer, elles aussi, que ce qu'on enseigne dans les écoles, dans les cégeps corresponde aux besoins du marché du travail. Il n'y aura pas de meilleure place pour faire cette rencontre-là...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.

M. Bourbeau: ...qu'à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. le ministre. Alors, malheureusement, nous devons mettre fin à ces échanges fort intéressants. Je remercie l'Association des cadres scolaires du Québec pour leur présentation. Bon voyage de retour. Merci, messieurs.

M. Godin (Guy): merci, m. le président, de votre écoute.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Mmes, MM. de la commission, nous allons reprendre nos travaux. Nous allons entendre maintenant la Fédération des cégeps. Alors, messieurs, madame, si vous voulez prendre place, s'il vous plaît et vous identifier, dans un premier temps. (10 h 45)

Fédération des cégeps

M. Sanssouci (Yves): Oui, M. le Président. Mon nom est Yves Sanssouci. Je suis président de la Fédération des cégeps du Québec. J'ai avec moi ce matin Mme Mado Desforges, directrice de l'éducation des adultes du cégep de Drummondville, M. Perry Fournier, directeur des services pédagogiques du cégep de Matane et M. Gaétan Boucher, directeur général de la Fédération des cégeps.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Alors, très bien, M. Sanssouci. Nous vous remercions de votre présentation. Nous vous demandons maintenant de nous présenter votre mémoire en tenant compte que vous avez exactement une heure, répartie comme suit: 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, si possible; 20 minutes pour le parti ministériel; 20 minutes pour le parti de l'Opposition. Et la partie ministérielle sera partagée avec Mme la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, Mme Robillard, qui prendra la parole en temps et lieu. Alors, M. Sanssouci.

M. Sanssouci: Nous allons tenter d'être efficaces, M. le Président. Nous voudrions aborder quatre points: les objectifs et les buts poursuivis par ce projet, le rôle des partenaires, la mission et les pouvoirs de la Société et le rôle des conseils régionaux.

Tout d'abord, permettez-moi, en quelques minutes, de vous parler un petit peu des cégeps. Vous savez que les cégeps ont été créés il y a 25 ans. Ils ont pris la suite des instituts de technologie, des collèges classiques, des écoles normales, donc ils ont une grande expérience en formation générale et en formation professionnelle. Depuis 15 ans - un peu plus longtemps, mais plus spécifiquement 15 ans - les services d'éducation aux adultes ont vu le jour dans les collèges et, depuis une dizaine d'années, des services de formation sur mesure et le service aux entreprises. Donc, les collèges ont développé dans leur milieu une grande expertise dans le domaine de la concertation, dans le domaine du développement régional et ils se sont de plus en plus identifiés comme des partenaires actifs; ils ont pris contact avec les entreprises, avec les chambres de commerce et avec les organisations à but non lucratif. Bref, ils se sont implantés dans leur milieu et ils ont joué un rôle très actif.

Dans le domaine plus spécifique de la

formation aux adultes et de la formation sur mesure, les cégeps, je le répète, ont depuis quelques années mis sur pied des services qui se destinent exclusivement aux adultes et aussi aux entreprises. Ils ont mis sur pied des comités-conseils où on retrouve des gens de l'entreprise, des gens du milieu socio-économique, des intervenants de la région, des professeurs, bref, tous ceux et celles qui ont quelque chose à dire dans le domaine du développement.

Cette expertise que nous avons acquise, en participant avec les entreprises au développement des plans de ressources humaines, à l'élaboration de programmes et à l'identification des besoins, nous a amenés à certaines conclusions. Les entreprises, vous l'avez sans doute lu un peu partout et je ne vous apprends rien en vous disant qu'elles ont compris que l'avenir passera par le développement de leurs ressources humaines.

De plus en plus, on réalise, surtout dans les grandes entreprises, que quelqu'un de bien formé est bien formé pour longtemps. Les décideurs nous disent maintenant qu'ils ont besoin de personnes capables de s'adapter, capables de lire, capables de comprendre ce qu'elles lisent, capables de s'exprimer et aussi capables d'habiletés manuelles, techniques et professionnelles. Dans le cas des petites entreprises, c'est moins évident; une petite entreprise n'a souvent pas beaucoup de ressources et son premier objectif, c'est de livrer la commande qu'on lui a confiée. Donc, elle va être plus Intéressée par les besoins de formation pointue, de formation sur mesure.

À la lecture du document, nous avons de la difficulté à voir la place qu'occupe la formation Initiale. On salue l'Initiative parce qu'il y a quelqu'un qui ose suggérer que les patrons, les syndiqués et le gouvernement s'assoient à une table pour mettre en commun des problèmes et surtout des solutions, pour faire en sorte que les énergies convergent vers des solutions acceptables au meilleur coût possible.

On constate cependant que le document s'adresse surtout aux besoins en main-d'oeuvre et laisse un peu de côté les besoins de la main-d'oeuvre, donc les besoins des individus. Nous sommes conscients que, dans un document comme celui-là, dans une telle politique, on ne peut pas tout couvrir. J'ai lu l'avant-propos, j'ai vu les réserves qu'on y fait en disant: C'est un premier pas dans une bonne direction. Il appartient peut-être à d'autres de faire ces choses-là. Cependant, nous, de notre côté, on s'adresse au gouvernement en disant: II faut que cette politique soit comprise comme une partie d'un tout. J'imagine que le développement régional que le ministre Picotte est en train de mettre en place, les grappes suggérées par le ministre Tremblay, tout ça doit s'imbriquer dans un tout. C'est ce que l'on souhaite.

On constate cependant, à la lecture même du document - puisque c'est à ce document qu'on réagit - qu'il semble y avoir un vide. Nous sommes conscients cependant qu'il y a des besoins urgents et pointus dans certains domaines et qu'au moment où une machine doit fonctionner, ce n'est pas le temps de parler de philosophie, de français ou d'histoire. Je pense que tout le monde est conscient de cela. Ce n'est pas une raison de l'évincer pour autant parce que l'individu que l'on forme pour trois mois, qui sera capable d'opérer une machine dans trois mois, si la machine n'est plus requise, l'individu sera désuet. Alors, c'est le comportement qu'il faut adopter lorsqu'on est en présence d'installation de robots. Et lorsqu'il s'agit de mettre sur le marché du travail des citoyens et des citoyennes, il faut leur donner un bagage, un bagage global qui leur permettra de devenir de bons citoyens, au-delà du travail qu'ils ou qu'elles ont à accomplir.

La Fédération demande donc au gouvernement de ne pas oublier les individus. Le développement de l'employabilité et le potentiel que représentent les jeunes travailleurs doivent être pris en considération. Oui aux besoins de main-d'oeuvre; oui aussi et d'abord aux besoins de la main-d'oeuvre; surtout, en partie, lorsque c'est lié aux besoins des entreprises, c'est couvert ici. Mais lorsque ce n'est pas nécessairement lié à un besoin exprimé par une entreprise ou relevé comme étant une pénurie d'emplois, on pense qu'il y a un manque, que ce n'est pas couvert. Peut-être qu'on a mal lu.

Un deuxième point, le partenariat. La Fédération, je le disais, ne peut qu'applaudir à cette initiative de mise en commun des partenaires. On y retrouve les patrons qui dirigent les entreprises avec qui nous traitons régulièrement, les syndiqués qui représentent les personnes que nous formons, le gouvernement avec qui nous traitons puisqu'il est notre principal fournisseur de fonds. Malheureusement, on trouve qu'il manque une roue à la charrette. Il manque donc un partenaire majeur, un partenaire à qui on confie depuis toujours la formation des jeunes et, depuis 15, 20 ans, la formation des adultes; un partenaire qui a développé une expertise en évaluation des besoins, en élaboration de programmation, en technologie éducative; un partenaire qui a développé, lui aussi, des relations régionales importantes et efficaces; un partenaire à part entière, donc un partenaire qui s'appelle l'éducation, et j'ai nommé les collèges et les commissions scolaires. Des gens de terrain, donc, qui détiennent une expertise qui va au-delà de la distribution des cours. Il ne faut pas que le gouvernement se prive de tant d'expertise et réduise au simple rôle de dispensateurs de services les collèges et les commissions scolaires. Il faut que le réseau collégial soit présent à titre de partenaire à part entière à la Société de développement de la main-d'oeuvre. Ce qui m'amène donc à parler de cette Société.

À première vue, elle semble être réduite à

un rôle d'exécutant. Nous souhaitons que cette Société, à l'instar d'autres organisations comme la Société de l'assurance automobile, les collèges... Donc, une société qui détient des pouvoirs réels, ce qui n'enlève absolument pas au gouvernement et au ministre responsable le pouvoir de réglementation et le pouvoir même de la mettre en tutelle. On a déjà vu des cas où le ministre avait mis en tutelle des organisations qui ne se conformaient pas aux règlements, aux directives ou aux lois.

On est conscients aussi - et je pense que tout le monde le constatera - que l'autonomie et l'imputabilité engendrent l'excellence alors que la dépendance, généralement, va engendrer la bureaucratie et l'inertie. Nous pensons comprendre, à la lecture de ce document, qu'on veut faire une place, un réel pouvoir à cette Société en termes d'orientation. On dit: Elle devra définir, faire des expertises, donner des contrats, bon, bref, mais il me semble qu'il y manque un petit pas, une garantie juridique de pouvoirs réels qui n'enlèverait rien au gouvernement ou au contrôle nécessaire que le ministère doit avoir.

Le Conseil régional ne peut, lui non plus, être réduit à un rôle d'exécutant. On ne pense pas nécessairement que la solution, c'est de créer une société pour que cela arrive. Il y a une vertu intéressante au regroupement qui est prévu: c'est un seul système. Pas 25 systèmes; un seul vérificateur, un seul directeur général. Mais il y a peut-être moyen de donner des pouvoirs réels, des pouvoirs qui vont donner de la cohérence au projet puisque ça lui permettrait de ressembler davantage à ce qui semble vouloir être fait ailleurs au niveau du développement régional.

Donc, en conclusion, parce que je voudrais laisser du temps pour les questions et l'échange, nous pensons qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction et nous sommes d'accord avec la création d'une telle Société. Nous indiquons cependant qu'il y manque un partenaire majeur sans lequel elle va toujours boiter, un partenaire qui va apporter l'expérience, une longue expérience, une longue expertise dans le domaine de l'éducation.

Les défis que nous aurons à relever au cours des prochaines années de ce siècle qui se termine - et je vous fais grâce des ouvertures de marché, etc., je pense qu'on s'entend là-dessus - vont devoir passer nécessairement par l'éducation et la communication. La formation, c'est plus qu'un mot à la mode, c'est une nécessité de notre société. Ceux qui détiennent l'expertise sont prêts à la mettre au service de la population, et nous pensons, nous croyons qu'il est indispensable que nous ayons un mot à dire comme partenaires à part entière.

Pour ce qui est des sociétés régionales, nous ne pensons pas, comme certains l'ont prétendu, qu'il faille créer une autre société, mais on voudrait leur voir décerner des pouvoirs réels.

Merci, M. le Président. Nous sommes prêts à répondre à des questions et j'inviterais mes partenaires à y répondre si je n'ai pas la réponse.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. le président. Je vous remercie de votre présentation. Je vais maintenant reconnaître le ministre de la Main-d'oeuvre, M. Bourbeau, pour 10 minutes, laissant le temps à Mme Robillard de réagir également. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de saluer la Fédération des cégeps et son président qui a cette distinction de provenir de la même région que moi. Alors, une qualité additionnelle.

Des voix: Ha, ha, ha! (11 heures)

M. Bourbeau: Ça s'ajoute. Ce qui me fait un peu sourire dans une de vos demandes, c'est que vous demandez d'être reconnu comme le quatrième partenaire à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre avec le patronat, les syndicats et le gouvernement. Or, cette demande a déjà été faite hier, et même que la députée de Hochelaga-Maisonneuve a endossé le quatrième partenaire qu'auraient constitué les groupes communautaires qui voulaient aussi être la quatrième roue du char. Alors, je dois donc corriger votre demande puis dire que vous allez devenir la cinquième roue, parce qu'on en a déjà quatre qui ont été accréditées, du moins par nos collègues et ma collègue de l'Opposition officielle. Alors, vous comprenez qu'on risque de se retrouver avec un char à plusieurs roues, parce qu'on n'en est qu'à la deuxième journée d'audition des mémoires, et je vois que ça va devenir une demande un peu plus fréquente.

Peut-être qu'on pourrait régler le problème en disant que les cégeps, la Fédération des cégeps, enfin, le monde des cégeps pourrait être représenté non pas comme étant la quatrième roue, mais partie de la troisième roue. Et c'est ce que nous avons voulu faire avec le projet de loi en indiquant très spécifiquement qu'il y aura une place tout à fait spécifique pour le monde de l'éducation à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre dans la délégation gouvernementale en aménageant une place spéciale pour les cégeps, par exemple, et une autre pour l'éducation, enfin, l'enseignement primaire et secondaire.

Je voudrais revenir sur un autre point. Ce qui m'a toujours intéressé en discutant avec les gens de votre fédération, c'est l'attitude très positive que vous prenez par rapport au développement de la main-d'oeuvre et votre engagement dans le milieu de l'industrie à former des gens, des travailleurs, en concertation avec les milieux

de l'industrie. Nous avons, dans la politique de main-d'oeuvre, énoncé le principe du choix du formateur à l'entreprise. C'est la première fois, à ma connaissance, que le gouvernement sanction officiellement ce principe de laisser à l'entreprise le formateur de son choix, même si la formation est subventionnée, c'est-à-dire par le crédit d'impôt à la formation.

La question que je voudrais vous poser, c'est: Est-ce que ça vous cause des problèmes que l'entreprise ait le choix du formateur et est-ce que ça vous fait peur un peu?

M. Sanssouci: Si vous permettez, j'aimerais revenir à l'analogie des roues quelques instants pour vous dire que, depuis tout temps, j'ai compris que plus il y avait une charge à porter, plus il fallait que le camion ait de roues et que peut-être, à l'occasion, une cinquième ou une sixième pourrait être intéressante, vu le poids global de la charge à porter!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sanssouci: Enfin, je ne sais pas ce que les autres ont dit. Nous, ce qu'on croit, c'est que la formation est née avec le genre humain. Les collèges et la formation professionnelle ont vu le jour la journée où un expert a pris avec lui un apprenti. Et on a copié de tout temps ces modèles. Donc, on a un héritage collectif, un patrimoine sur lequel il faut composer et on pense que la vision gouvernementale et la vision des réseaux doivent être complémentaires. Je ne voudrais pas être placé dans le choix difficile de vous dire: Est-ce que c'est le ministère ou les cégeps? Nous, on pense que les cégeps doivent y être et j'imagine qu'à juste titre les fonctionnaires doivent penser qu'ils doivent y être aussi.

Pour ce qui est du choix du formateur, nous vivons dans un contexte qui est celui du libre choix, celui de l'entreprise privée, de plus en plus, ce qui amène une considération qui n'y était pas avant. Peut-être que cela nous fera sortir du protectionnisme à outrance.

Par ailleurs, il y a une limite, à mon avis, et il y a une espèce de pas à ne pas franchir. Il y a une expertise qui a été développée, il y a des équipements qui sont là depuis toujours et il y a des programmes qui ont été faits et qui sont prêts à être adaptés. Alors, je ne pense pas qu'il faille passer d'une économie protégée complètement à une économie ouverte complètement. Mais donner aux entreprises une forme de choix devient pour ceux qui ont à évaluer et à dispenser des services un défi supplémentaire que nous devrons être prêts à relever. J'aimerais mieux une priorité plutôt qu'une exclusivité aux services qui existent déjà, parce qu'une exclusivité nous amènerait peut-être à la complaisance qui, je pense, est moins stimulante. J'hésiterais cependant à dire qu'il faut que tout soit ouvert du jour au lendemain parce que, les lois du marché étant ce qu'elles sont, je ne suis pas certain que le Québec tirerait profit de tant d'investissements au cours des années.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Mme Desforges, vous voulez réagir, peut-être?

Mme Desforges (Mado): Je veux ajouter... Il y a des choses que je trouve similaires, que je ne répéterai pas...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Oui. Allez donc!

Mme Desforges: ...mais je pense, entre autres, parce qu'on est des experts dans la formation, c'est ça notre spécialité et, dans ce sens-là, quand on va donner une formation sur mesure dans une entreprise, on peut aussi, en même temps, être centrés sur la personne qui va apprendre et avoir une vision plus globale pour que cette personne-là chemine à l'intérieur de ça. Je ne veux pas dénigrer les firmes privées, parce que certaines font de l'excellent travail et je pense aussi que la concurrence, c'est sain, mais il y a un avantage à traiter avec les établissements publics s'ils font du bon travail. Je pense que les collèges font de l'excellent travail.

Un autre aspect aussi. Quand on dit «le libre choix de l'entreprise», c'est beau, ça, mais vous savez que, des fois, on leur suggère où se diriger, n'est-ce pas? Alors, les CFP, actuellement, voudraient bien désigner autant la firme privée que l'établissement public et, dans ce sens-là, je pense que ce n'est pas nécessairement, règle générale, le libre choix de l'entreprise a priori. C'est souvent un choix qui leur a été proposé et moi, enfin, j'ai une lumière rouge qui est allumée.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. M. le ministre.

M. Bourbeau: Je faisais référence, entre autres, à plusieurs entreprises, surtout les plus grosses entreprises qui ont leurs propres formateurs maison, qui ont même leur service de formation propre ou qui font de la formation à même des travailleurs spécialisés qui sont déjà à leur emploi. Alors, c'est déjà ça de pris. Quand une entreprise a, sur place, ses formateurs et ses équipements, on peut considérer qu'elle est susceptible de faire un bon travail. Mais pour moi, l'idéal, c'est que l'entreprise vienne au cégep parce qu'elle est convaincue que la meilleure formation est au cégep et non pas parce qu'on se situe dans un monde ayant un monopole en faveur d'une institution d'enseignement, qui fait qu'on n'a pas le choix d'aller ailleurs si on veut avoir les subventions gouver-

nementales. Moi, je pense qu'il faut donner la meilleure formation. Il faut trouver le meilleur formateur à des coûts compétitifs et, dans ce sens-là, je pense que les cégeps sont particulièrement bien placés pour relever ce défi-là, ayant la compétence et ayant aussi les équipements, bien sûr, ce qui leur donne un gros avantage sur la concurrence.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Sansfaçon, vous voulez réagir?

M. Sanssouci: Si vous saviez la différence entre Sansfaçon et Sanssouci, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Excusez! Excusez!

M. Sanssouci: On m'a aussi appelé Sansre-gret.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Je m'excuse pour cet impair, monsieur.

M. Sanssouci: Ça fait 50 ans que ça dure, M. le Président.

Une voix: II a une belle façon mais il est sans souci.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Alors, on va vous écouter, M. Sanssouci.

M. Sanssouci: Des entreprises qui font de la formation et qui la font bien, il y en a beaucoup. Elles la font généralement pour leurs propres employés. Les grandes entreprises, Hydro-Québec, Bell, ceux et celles qui ont presque un monopole, vous devez savoir que, de plus en plus, ces entreprises se tournent vers les établissements scolaires pour aller chercher de l'expertise ou pour la compléter. Nous accueillons cela avec plaisir. Ça donne lieu à des nouveaux partenariats qui sont très créatifs.

Ce que nous craignons, c'est que si tout à coup on annonçait qu'il s'agit d'un libre marché et qu'on se mette à voir surgir de terre de toutes petites boîtes, j'ai l'impression qu'on déstabiliserait le réseau. Ça placerait les maisons d'éducation dans une situation, oui, de concurrence, mais pour toutes sortes de pressions, certaines entreprises diraient: Bien, oui, c'est quelqu'un qui a déjà été ici. Il «a parti» une boite, donc je vais lui donner un contrat. Qu'est-ce qu'on va faire de l'expertise qui existe à côté? Donc, oui à la complémentarité, oui à l'ouverture du marché. Il faut absolument, je pense, sortir d'un protectionnisme qui ne nous aide pas, mais il ne faut pas non plus aller trop loin. C'est une médecine qui se prend à petites doses, je pense.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): alors, m. le ministre, votre temps est maintenant terminé. je voudrais reconnaître mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la science.

M. Bourbeau: Une petite question seulement.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Une petite question. Je me méfie de vous un peu. Vos questions sont toujours longues.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Non, rapidement. Vous semblez regretter, dans votre exposé, qu'on ne tienne pas compte des besoins de la main-d'oeuvre en disant qu'on traite exclusivement des besoins en main-d'oeuvre. Pourtant, il y a deux mesures dans l'énoncé de politique qui s'adressent spécifiquement à la main-d'oeuvre, c'est-à-dire le programme d'intervention individuelle en développement de la main-d'oeuvre et, d'autre part, un programme d'aide à la formation des personnes actives sur le marché du travail, qui font partie des quatre programmes regroupés qu'on propose. Alors, est-ce que vous n'estimez pas que ces mesures sont quand même un gros pas en avant et qu'elles pourraient certainement être suffisantes et adéquates? Enfin, j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme

Desforges.

Mme Desforges: Si je pars de la réalité actuelle - je ne parle pas de la mesure qui va être accessible aux individus; on ne sait pas ce que ça va donner comme accord de la part des gens - dans ce que j'appelle la formation professionnelle à temps partiel, pour quelqu'un qui vient chercher un perfectionnement, actuellement, il y a un vacuum. Personne ne s'occupe de ces gens-là, ni l'Éducation ni la Main-d'oeuvre, dans le sens où ces gens-là... Ça, je vous dis que c'est au moins 75 % de la clientèle adulte qui vient suivre des cours le soir. D'abord, ces gens-là ne viendront jamais à temps plein, sinon un petit nombre pour certaines mesures puis, encore là, je voudrais voir. Alors, la majorité ne vient pas pour ça. Donc, du côté de l'Education, on dit que la diplomation, ce n'est pas ce que les gens viennent chercher, mais par contre, du côté de la Main-d'oeuvre on dit: Souvent, ce n'est pas identifié comme des métiers en pénurie, ou ce n'est pas le résultat de l'estimation des besoins que les CFP ont faite. Donc, c'est un programme qui est en diminution. On nous a annoncé qu'il mourrait en juin. Je parle du programme recyclage-perfectionnement. Et je dois dire qu'on s'aligne sur trois grands programmes: programme aux individus, aux entreprises et un autre. Sauf qu'on sent très bien depuis quelques années que c'est un pro-

gramme qui est en perte de vitesse, où il y a de moins en moins d'argent de mis.

Autre chose aussi, c'est qu'actuellement ces petites entreprises-là n'ont pas les moyens de se payer de la formation. Qu'est-ce qu'elles font? Ces entreprises-là envoient la personne, l'employé, s'inscrire à des cours à temps partiel. Et, là, ces cours à temps partiel sont en train de ne plus exister; et quand ils existent encore on est tellement réglementés! Si on veut être subventionné, par exemple, parce que je vous parle du terrain, il faut que ce soit telle, telle, telle catégorie de personnes qui suivent les cours, de tel, tel, tel métier. Si ce n'est pas ça, on se fait refuser alors qu'il y a des besoins criants qui sont là et pour lesquels il n'y a pas de réponse. Et ça, c'est dramatique, je dirais.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, Mme Desforges. Maintenant je vais reconnaître Mme la ministre de l'Enseignement supérieur. Mme la ministre Robillard, vous avez exactement sept minutes cinquante secondes.

Mme Robillard: Merci, M. le Président. Ça me fait un très grand plaisir de voir les représentants de la Fédération des cégeps ici présents à la commission parlementaire de mon collègue. Je pense qu'il est très clair que l'énoncé de politique qui porte sur le développement de la main-d'oeuvre, comme le dit mon collègue, a aussi un lien évident avec toute la formation professionnelle qui se donne. Nos cégeps au Québec sont vraiment devenus, je pense, au fil des années, des experts dans ce domaine-là pour la formation technique qui se donne à l'intérieur de leurs institutions d'enseignement.

Et j'en profite aussi pour dire aux membres de cette commission combien, depuis que je suis en poste, je perçois de la part des entreprises et des employeurs une satisfaction importante par rapport à la formation qui est dispensée par les cégeps. Il faut le noter, le lien cégep-entreprise est là, il est présent. On doit l'améliorer, l'augmenter, l'intensifier, oui, mais il est déjà là. Et ça, je tiens à le préciser et à dire aux cégeps combien, pour le gouvernement aussi, ça demeure important que vous demeuriez en lien direct avec les besoins de l'entreprise.

Maintenant, si vous me le permettez, M. le Président, j'aurais peut-être des questions plus précises à poser à partir de votre mémoire. Ma première question porterait sur votre recommandation no 1. Au contraire de mon collègue qui a vu une quatrième roue s'ajouter, j'avais l'impression, par votre recommandation no 1, que vous demandiez qu'il y ait toujours trois roues. Je m'explique. Toute la conception de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre a été basée sur un partenariat tripartite. D'un côté les employeurs, d'un côté les syndicats et, de l'autre côté, le gouvernement et les représentants gouvernementaux.

Dans le projet de loi qui a aussi été déposé, pour le troisième partenaire, soit les représentants gouvernementaux, on voit qu'il va y avoir six autres membres nommés dont deux représentent le milieu de l'enseignement, l'un pour le secteur collégial et l'autre pour le secteur secondaire, mais que ces deux derniers vont être choisis après consultation des ministres concernés, en l'occurrence le ministre de l'Enseignement supérieur et le ministre de l'Éducation. Donc, parmi ces six représentants gouvernementaux, ce que vous, vous nous suggérez par la recommandation no 1, c'est qu'il y en ait deux de nommés, mais par la Fédération des cégeps ou par la Fédération des commissions scolaires. Est-ce que c'est bien ça? Est-ce que je comprends bien? Et si c'est exact, vous allez me permettre de vous dire que la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science ne sera pas d'accord avec vous. (11 h 15)

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Alors, M. Sanssouci.

M. Sanssouci: Oui, c'est exact. Nous souhaiterions désigner une personne qui pourrait siéger comme représentant...

Mme Robillard: Parmi les représentants gouvernementaux.

M. Sanssouci: ...le réseau des collèges, qui pourrait être désignée par la Fédération. À la rigueur, qui pourrait être suggérée par la Fédération. L'important, c'est que les collèges y soient.

Mme Robillard: Alors, parmi les représentants gouvernementaux, vous voulez des sièges pour la Fédération des cégeps. C'est ça que je comprends, parce que c'est une société tripartite, M. le président de la Fédération des cégeps. Je ne sais pas si vous pourriez négocier des sièges avec l'association des employeurs, n'est-ce pas?

M. Sanssouci: nous, ce que nous souhaitons, au-delà des structures, au-delà du comité tripartite ou quadripartite ou à cinq ou à six roues pour la charrette, c'est que les collèges puissent désigner un ou une des leurs pour devenir membre à part entière et représenter le réseau collégial au sein de cette société. c'est ça que nous souhaitons. peut-être l'avons-nous exprimé de façon malhabile, mais le fond de notre pensée, c'est ça.

Mme Robillard: Ce qui est clair, c'est que les collèges eux-mêmes sont présents dans toutes les sociétés régionales. Il y a des sièges d'assurés par le projet de loi, mais au niveau de la Société québécoise, le troisième partenaire, c'est six représentants gouvernementaux. En tout cas, vous me permettrez de vous dire que concernant

votre recommandation no 1, telle que libellée, moi, je ne pourrai pas l'acheter en tant que telle.

J'aurais une deuxième...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Un moment, madame. M. Boucher.

M. Boucher (Gaétan): J'aurais un commentaire additionnel à vous faire, Mme la ministre. Ce que nous constatons, c'est que le libellé du paragraphe 3°, à l'article 5, est certainement issu de certaines négociations de votre collègue M. Pagé et de vous-même avec M. Bourbeau pour faire en sorte que, dans le bloc gouvernemental, les gens des commissions scolaires et des collèges y soient. Sauf que le libellé de l'article, ce qui est spécifiquement visé, c'est la chose suivante.

Vous noterez que le paragraphe 3°, à l'article 5, dans son libellé, est très différent du paragraphe 3° de l'article 37. Et dans le fond...

Mme Robillard: Article 37?

M. Boucher: Article 37. Ce que vous noterez à 37, paragraphe 3°, c'est que le libellé fait en sorte que seuls des gens de collèges peuvent siéger aux conseils régionaux alors que le libellé du paragraphe 3° de l'article 5 fait en sorte que ça peut être un fonctionnaire. Et notre prétention, à nous, c'est un fonctionnaire ou quelqu'un de collège.

Et nous, ce qu'on souhaiterait, c'est que le ministre, M. Bourbeau, amende le projet de loi pour le libeller tel que nous l'avons formulé ou d'une autre manière. Mais on croit qu'il est Important que, comme les associations d'employeurs auront leurs propres représentants, comme effectivement ce sont des gens d'entreprises qui y siègent, ce soient des gens de terrain qui siègent à la Société nationale.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme la ministre.

Mme Robillard: Oui.

M. Boucher: C'était juste ça, le sens de la proposition qui est faite.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.

Mme Robillard: M. le Président, merci. Je tiens seulement à vous dire, M. Boucher, que vous avez tout à fait raison. Les deux libellés sont différents et sont volontairement différents. C'est exactement ça que le gouvernement veut. Vous avez très très bien lu. Votre analyse est exacte.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme

Desforges, voulez-vous réagir sur le même propos?

Mme Desforges: Oui.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Oui, allez donc.

Mme Desforges: Justement, la Société nationale, dans cette loi-là, en tout cas, a beaucoup de pouvoirs. S'il n'y a rien qui change, elle a tous les pouvoirs. Dans ce sens-là, on pense qu'il y a quelqu'un du réseau qui devrait être présent. Qu'est-ce que ça donne d'être là au niveau régional si, finalement, le pouvoir est tout au niveau national? Et on pense que, de la même façon que les représentants d'employeurs ou d'employés vont pouvoir apporter la réalité de leur milieu, c'est quelqu'un du réseau qui peut le mieux le faire. Ça ne veut pas dire qu'un délégué de la ministre ne peut pas apporter une autre réalité, mais au niveau des réalisations on pense que c'est quelqu'un du réseau.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Alors, Mme la ministre, je dois malheureusement vous interrompre et donner le temps nécessaire à l'Opposition pour apporter son point de vue. Je vais reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Dois-je comprendre, M. le Président, que les ministériels ont terminé le temps qui leur était imparti?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): II ne reste pas grand temps, dois-je vous dire.

Mme Harel: Combien en reste-t-ll? Une voix: Trois secondes.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Trois secondes.

Mme Harel: Trois secondes. Bon. Alors, M. le Président, je vais y aller rapidement parce qu'il y a aussi mon collègue d'Abitibi-Ouest qui aimerait échanger avec vous. J'ai eu l'occasion de dire à votre directeur général que votre mémoire est l'un des meilleurs mémoires qui aient été présentés devant cette commission - en tout cas, de tous ceux que j'ai pu lire Jusqu'à maintenant. Je souhaite la lecture de votre mémoire à tous les intervenants qui viendront devant nous. Il inspire beaucoup, et je suis contente de pouvoir vous le dire.

Moi, je ne veux pas tomber dans les problèmes de structures. Savez-vous pourquoi? Parce qu'on n'a pas encore déterminé les objectifs qu'on veut atteindre. C'est ça, le problème de cette commission, finalement. Je ne sais pas si vous y étiez, juste au moment où le conseil

des cadres scolaires est venu nous parler de formation professionnelle, et au moment où le ministre a dit «la formation professionnelle, ça, c'est le ministère de l'Éducation; moi, c'est la formation de la main-d'oeuvre». Écoutez, le problème, c'est que tant que cette Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre ne discutera pas des objectifs à atteindre en matière, par exemple, de correction de la sous-scolarisation de la maln-d'oeuvre, ne se donnera pas des objectifs à atteindre dans ces domaines-là, vous allez être écartés systématiquement; on va dire que vous n'avez pas de place là.

Moi, il y a deux aspects sur lesquels J'aimerais échanger avec vous. Le premier, c'est, évidemment, ce dont vous avez parlé, Mme Desforges. Vous nous avez rappelé que 75 % de la clientèle adulte est à la recherche d'une formation à temps partiel. Les entreprises du secteur que je connais bien, l'est de Montréal, dans une étude récente, surtout pour les petites et moyennes entreprises, ont fait savoir qu'elles préféraient une maln-d'oeuvre formée plutôt que des programmes où elles ont à la former. Il y a là quelque chose qui est un peu incontournable par rapport à la PME. Ce que vous nous dites, c'est ce que le cégep que je connais bien, le cégep de Maisonneuve, m'avait déjà dit: la formation à temps partiel a presque disparu. Étant donné les modalités budgétaires, on est obligé de procéder avec de la formation à temps plein. Ça écarte une très large partie de la main-d'oeuvre, présentement. Là-dessus, j'aimerais vous entendre, et également sur le fait, comme vous le mentionnez dans votre mémoire à la page 19, que les coûts de gestion de la formation professionnelle, cégep et CFP, sont énormes actuellement, dites-vous, plus de la moitié des budgets de formation des adultes. C'est donc dire que 50 % des budgets de formation des adultes passent en coûts de formation. Je suis convaincue qu'on doit en parler pour identifier les obstacles à lever pour qu'un état de situation comme celui-là ne demeure.

D'autre part, et ce sera là ma deuxième question, à défaut de favoriser le rapprochement entre le milieu de l'éducation et le milieu du travail - parce que, finalement, c'est ça que le ministre ne veut pas faire avec son projet de loi - à défaut de favoriser ce rapprochement, vous avez dit quelque chose de très important. Je sais qu'il chemine, lui aussi, mais ce que vous avez dit tantôt, c'est qu'il y a un cheminement de part et d'autre, et pour les établissements en étant en contact avec le milieu du travail, entreprises et travailleurs, mais aussi pour l'entreprise il y a un cheminement, une sorte d'élargissement de sa conception des besoins de formation. Et à défaut de favoriser ce rapprochement-là, ça vous oblige, vous, à dépenser sans doute de l'énergie et de l'argent pour ne pas être continuellement déphasés et le faire, ce contact avec l'entreprise. Est-ce qu'il n'y a pas là un gaspillage de ressources dans notre société, du fait que, dans des régions - tantôt, je donnais l'exemple de la Côte-Nord - une entreprise soit sollicitée par du personnel d'un centre d'«entrepreneurship» du cégep, par la commission scolaire, par la CFP, par Emploi et Immigration Canada, etc.? Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, également.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Alors, M. Sanssouci.

M. Sanssouci: Je ferai un premier commentaire et je demanderai à Mme Desforges de compléter, si vous me permettez. Sur les grands objectifs poursuivis, j'ai cru voir, à la page 37, qu'il y a quatre grands objectifs: développer la culture, instaurer à plusieurs niveaux, simplifier, obtenir, etc. Nous les retenons comme une intention très louable; il nous semble y avoir là, sans qu'on soit entré dans beaucoup d'analyse, des intentions, du moins exprimées clairement, au niveau d'un certain nombre d'objectifs.

Ce que j'ai dit au début de ma présentation, c'est que dans la mesure où il y a un certain nombre d'objectifs qui semblent absents et dans la mesure où c'est un projet qui est présenté par un ministère, je dis: Je souhaite que cela soit partie d'un tout. Or, je considère donc cela comme la partie d'un tout et nous souhaitons que cette Société existe parce qu'il est vrai qu'il y a des difficultés sur le terrain actuellement et on pense - c'est ce qu'on lit dans ce document et on veut bien le croire - que cette façon va permettre d'éliminer une certaine bureaucratie, que je ne blâme pas, qui a dû se développer au cours des années, mais il est vrai qu'il est temps que cela cesse et qu'on devienne plus efficaces.

En ce qui a trait au cheminement des entreprises et des collèges, je ferai un premier commentaire et je demanderai à Mado de continuer. Il y a quelques années, les collèges et les entreprises étaient deux - j'allais dire deux solitudes, je n'ose pas dire cela - entités qui ne se parlaient pas beaucoup. Il y avait aux collèges à faire un pas, et aussi aux entreprises. Les collèges ont ouvert les portes. Les collèges ont accepté de descendre de leur grande tour et de recevoir des entrepreneurs qui viennent maintenant s'asseoir avec nous autour de tables pour discuter des programmes, pour discuter de façons de faire, de moyens d'améliorer les choses. Et les entreprises ont aussi ouvert leurs portes à des formateurs, à des stagiaires élèves, à des stagiaires profs. Donc, il y a un cheminement intéressant qui s'est fait. Et lorsqu'on demande d'être partie prenante à une organisation, d'être un membre à part entière, on veut tout simplement que soit reconnu officiellement ce qui se fait déjà à plusieurs niveaux. Donc d'être capables de poursuivre cette démarche-là à un autre niveau.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme Desforges.

Mme Desforges: Sur la première partie de votre question, je dirais un peu ça au niveau de la bureaucratie: Prenons l'estimation des besoins. Si, très souvent, elle était faite conjointement, bien, il y aurait peut-être du temps de sauvé, et pour l'entreprise aussi parce qu'elle n'a pas de temps à perdre là-dedans, l'entreprise. Je pense que ça, c'est important. Mais je dirais surtout que c'est peut-être au niveau des mentalités qu'il y a des changements à faire dans le sens où si, comme collèges, on était reconnus comme des partenaires à part entière du côté des gens de la Main-d'oeuvre, bien, il y a peut-être des choses, des fois, qui seraient plus faciles. Je ne généralise pas, mais des fois, ça serait plus facile.

Si je reviens aux entreprises, je pense que la grande entreprise... Moi, j'étais dans l'est de Montréal. J'étais à Maisonneuve, donc je peux vous parler de la pétrochimie. Tout le monde, vous en avez entendu parler. Ce sont les entreprises qui sont venues chercher les gens de collèges parce qu'elles ont constaté que ça prenait une formation de base qui correspondait à leurs besoins. La formation pointue, ils vont s'en occuper après, mais pour la formation de base, ils voulaient quelque chose d'élaboré conjointement. Bell Canada est en train de faire la même chose. Et peut-être que ces entreprises-là ont justement les moyens financiers pour faire ça. Et ça, il y a de plus en plus de partenariat comme ça qui existe. Et moi, professionnellement, je dis que c'est merveilleux. Ça ne devrait jamais se faire autrement que comme ça, conjointement, entreprises et éducation.

Mais je reviens toujours à la petite entreprise parce que je pense que c'est elle qui est pénalisée là-dedans, c'est elle qui est laissée pour compte, c'est là où il n'y a pas de budget. Les crédits d'impôt à la formation, c'est très beau, c'est très intéressant, sauf que ça n'ajoute pas d'argent de plus pour faire de la formation. Et, en tout cas, moi, je pense qu'il y a un manque de ce côté-là.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. M. Fournier, vous voulez réagir?

M. Fournier (Perry): En complément à l'information relativement à la formation à temps partiel, je pense qu'il est important de mentionner que c'est par ce biais-là, d'abord, qu'on rejoint la majorité de la clientèle, en termes de per capita.

Mme Harel: Présentement?

M. Fournier: Oui. Parce que le besoin est principalement là. On connaît les exigences personnelles, familiales, professionnelles de la majorité de la main-d'oeuvre. Tout le monde n'est pas chômeur, et la formation à temps partiel répond beaucoup plus à leurs besoins. Il y a un caractère pédagogique très important dans la formation à temps partiel. Il y a des analyses, des études qui l'ont démontré. C'est que les connaissances et habiletés qu'on recherche dans la formation sont beaucoup mieux intégrées par les personnes et la transférabilité dans les fonctions de travail est beaucoup plus forte et importante. Donc, les effets positifs sont beaucoup plus grands dans cette démarche-là que dans la stratégie d'une formation à temps complet où les personnes passent 30 à 35 heures par semaine en formation. (11 h 30)

L'autre aspect, c'est peut-être un peu en réponse à M. Bourbeau lorsqu'il disait tout à l'heure qu'on a un programme qui prévoit rejoindre les besoins individuels. Il faut dire qu'à la page 54 de l'énoncé de politique il est dit également que ces besoins individuels là devront cependant correspondre à des besoins du marché du travail, donc, à des besoins en main-d'oeuvre.

Alors, où est-ce qu'ils sont identifiés, les besoins en main-d'oeuvre? C'est par la structure, les CFP, ou, bientôt, la Société québécoise, mais en relation très étroite avec l'employeur. Or, beaucoup de gens qui suivent la formation à temps partiel avec nous sentent le besoin d'actualiser leurs connaissances pour rester compétitifs et productifs. Mais si l'employeur juge cette personne-là... Bien, moi, elle m'appa-raît correcte comme ça. Moi, je ne vois pas pour quelle raison, je ne sais pas, elle irait chercher une formation en AutoCAD. Moi, je ne considère pas que cette personne-là, dans mon entreprise, a besoin de ça actuellement. Alors, qu'est-ce qui se passe? Donc, ça ne correspond pas à un besoin identifié comme un besoin en main-d'oeuvre. C'est «discarté» et, automatiquement, c'est considéré comme un besoin personnel au même titre que le macramé. En tout cas, II m'apparalt qu'il y a un lot important de personnes qu'on ne touche pas par ce biais-là et ça vise principalement la formation à temps partiel.

Mme Harel: En fait, ce que vous nous dites, c'est qu'il n'y a pas d'objectif d'éducation permanente.

M. Fournier: Exact.

Mme Harel: Tantôt, M. le président de la Fédération, vous nous rappeliez, à la page 37, les objectifs et les moyens. On y voit, comme premier objectif, une formation continue. Mais une formation continue suppose un projet d'éducation permanente et un projet d'éducation permanente suppose, à ce moment-là, la présence nécessairement de la formation professionnelle comme préoccupation au sein de la société elle-même, donc, la présence du milieu de l'éducation.

Finalement - et ça va être là mon seul

commentaire - à la page 55 du programme d'intervention individuelle que le ministre offrait en réponse à votre intervention de tantôt, pour signaler qu'il y aurait encore, donc, de l'intervention Individuelle, on peut lire: «Ce programme devra permettre aux participants de bénéficier du soutien prévu au nouveau régime d'assurance-chômage.»

Mol, ça m'a inquiétée énormément. Est-ce qu'il va falloir passer par les filières? En fait, tout le monde n'est pas chômeur. Est-ce qu'on va avoir un projet pour les individus à qui on dit: II faut que vous fassiez un effort pour relever votre niveau de compétence? Même s'ils travaillent dans une pharmacie ou dans une épicerie, qu'ils ne sont pas dans un milieu où l'entreprise souhaite, par exemple, relever le niveau de compétence, est-ce que ces individus, on va offrir un projet de société à l'ensemble des Québécois pour augmenter leur compétence? Vous avez dit tantôt qu'en juin, selon les règles budgétaires... Je voudrais vous entendre là-dessus. Est-ce qu'on peut s'inquiéter, d'autant plus que vous n'aurez plus les moyens d'offrir une formation à temps partiel?

Mme Desforges: Bien, nous, on s'inquiète. Je peux vous dire que, depuis cinq ans, entre autres, ce programme-là, il se réduit de plus en plus, c'est-à-dire que de plus en plus on est dans des corridors étroits. Avant, c'étaient des champs. Par exemple, prenons le champ administration, l'Informatique ou bon... À l'intérieur de ce champ-là, les gens de l'éducation pouvaient identifier quels étaient les besoins de la clientèle parce qu'il reste que c'est chez nous qu'ils viennent suivre les cours. Mais là, de plus en plus, suite à l'estimation de besoins, ce qui se passe, c'est qu'on dit que, dans tel champ, il y a tel sous-champ et il y a même tel cours que vous allez offrir et, dans ce cours-là, il y a telle catégorie de travailleurs qui peut le suivre et si ce n'est pas le cas, on met de côté le financement de la formation.

Mme Harel: Donc, c'est en fonction... Il faut être prestataire de quelque chose.

Mme Desforges: Non.

M. Foumler: Pas nécessairement.

Mme Desforges: Ça peut être des gens qui sont des travailleurs.

Mme Harel: Ah! D'accord.

Mme Desforges: Mais, par exemple, prenons un exemple très pointu, mais AutoCAD. Alors, chez nous, AutoCAD, dernièrement, il fallait que ce soient des ingénieurs ou des dessinateurs. Alors, si ce n'étaient pas ces deux catégories d'emplois, eh bien, on s'est vu refuser... On avait quand même 12 participants, mais on s'est vu refuser le financement du cours.

L'autre aspect là-dessus auquel je pense, c'est qu'au niveau de l'estimation des besoins je ne dis pas qu'elle est mal faite, mais je pense que, des fois, il y a peut-être des choses qui ne sont pas vues. Un autre exemple, les agents de sécurité. Dans des entreprises, souvent, il va y avoir des agents de sécurité, mais il y en a un et, très souvent, il n'y en a pas une douzaine. Alors, ce ne sont peut-être pas des besoins qui sont mis sur la table comme des choses importantes, mais cette catégorie-là de travailleurs a besoin aussi de perfectionnement dans son emploi. Ce n'est pas en pénurie, ce n'est pas... Sauf que, moi, je pense qu'il y a aussi des catégories de travailleurs qui sont mises de côté là-dessus.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien.

Mme Harel: en fait, ce qu'on peut conclure à vos propos, c'est que vous êtes vraiment traités comme des dispensateurs de bout de ligne...

Mme Desforges: C'est ça.

Mme Harel: ...et non pas comme des partenaires.

Mme Desforges: Mol, je trouve qu'on est traités comme si on était des sous-traitants et je pense que, le jour où ça, ça va changer... Ça arrive que ce n'est pas comme ça; je ne dis pas que c'est toujours comme ça. Quand c'est différent... Je reprends toujours l'exemple de la pétrochimie parce que c'est tellement un bel exemple...

Mme Harel: Que je connais bien.

Mme Desforges: ...où tous les partenaires se sont assis ensemble. Ça donne un résultat extraordinaire.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Alors, je vais reconnaître le député d'Abitibi-Ouest pour cinq minutes. M. le député.

M. Gendron: Non, dix minutes.

Une voix: Six.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Cinq minutes. La disposition du temps, M. le député...

M. Gendron: Rapidement, M. le Président, ça va, ça va. Alors, ce qu'il faut dire rapidement, d'entrée de jeu, c'est que les intervenants de l'éducation ont de la suite dans les idées, de la continuité logique. Moi, je le savais. C'est

peut-être intéressant de le rappeler à d'autres. Très clairement, vous dites: On ne veut pas être dans l'antichambre, on ne veut pas être en bout de ligne, comme je l'ai mentionné à l'autre. C'est vraiment les éléments qui rassortent le plus au-delà des structures, au-delà de jouer un peu avec la représentativité qui est importante, mais la ministre nous a réglé ça vite. Elle ne veut rien savoir. Sur votre demande fondamentale, vous dites: On veut être de plain-pied parce que vous avez la conviction - et c'est la même pour nous que pour vous - que la formation professionnelle par l'éducation et le développement de la main-d'oeuvre, c'est intimement lié. On ne peut pas séparer ça quand on parle véritablement de partenariat.

Je veux vous rappeler, d'ailleurs - et c'est ma première question - que je pense que vous avez fart bien dans votre mémoire, à la page 19. J'espère que le ministre sera attentif. À la page 19 de votre mémoire, vous avez rappelé un mémoire que vous avez déjà produit à la ministre de l'Enseignement supérieur en disant: Nous en sommes, que ce soit les CFP qui aient l'autorité et la compétence dans le domaine de l'estimation des besoins, et vous avez continué votre phrase. Donc, ce n'est pas important. Là où c'est important - et j'ai l'impression que ça, ce n'est jamais pris en compte - vous avez ajouté: Nous soutenons - c'est vous autres qui parlez - que c'est la responsabilité des établissements de formation de traduire les besoins en objectifs et en contenus de formation ou d'apprentissage. Ce que j'ai toujours pensé.

On ne peut pas recevoir une commande et dire: Bien, nous, on est un livreur de pizza. Voilà la pizza qu'il faut aller livrer à telle entreprise parce que c'est ça qu'ils ont identifié comme besoin de formation. Ce n'est pas de même qu'on va améliorer la formation professionnelle et la qualité de la main-d'oeuvre. Moi, dans mon esprit, c'est clair.

Question: Est-ce que vous croyez que la dimension sur laquelle vous insistez énormément, à savoir qu'il est de votre responsabilité que les établissements de formation traduisent les besoins et les objectifs de contenu... Est-ce que vous croyez que c'est présent, ça, dans la réforme du ministre Bourbeau? Est-ce que vous avez vu ça comme objectif? Est-ce que vous voyez cet objectif-là, oui ou non?

M. Sanssouci: Nous avons cru y voir des intentions, mais ce que nous souhaitons, c'est plus que des intentions. Nous souhaitons que ce soit écrit clairement. Vous avez, je pense, évoqué à juste titre que, dans certaines circonstances, nous avons été traités comme des dispensateurs de services, pas toujours, comme l'a dit Mme Desforges, et avec raison.

L'analogie que je vais faire, je la prends dans le monde industriel. Entre le marketing et la production, il y a toujours des chicanes et ça se règle généralement quand ces gens-là décident de se parler. Alors, le marketing dit un peu quelque chose sur la production et (a production se met le nez un petit peu dans le marketing. Donc, ce qu'on a dit, c'est qu'on a reconnu qu'il appartenait à un ministère de faire l'évaluation des besoins. On a dit: Peut-être que ce n'est pas exclusif. On voudrait y participer de la même façon que nous sommes prêts à ouvrir nos classes et nos écoles à ceux et celles qui ont quelque chose à redire sur les finalités qui sont poursuivies. Nous sommes les experts en élaboration de programmes, en dispensation d'enseignement et on ne voudrait pas que le ministère vienne faire ça, et ce n'est pas son intention non plus, a-t-on lu dans le document. Mais, par ailleurs, on ne voudrait pas que la porte soit hermétiquement fermée. On veut participer un peu plus et devenir un partenaire à part entière.

M. Gendron: Deuxième question, ça va être court. Vous pouvez ajouter après ma deuxième question. La deuxième question, c'est que pour ceux qui en auraient pris connaissance... J'espère que c'est le plus grand nombre parce que, moi aussi, j'ai été non pas surpris, mais content de voir la qualité de votre mémoire et de votre prestation. Mais en conclusion, regardez bien ce que vous dites: Sans la participation pleine et entière du système d'éducation - et là, vous ajoutez des collèges; ça, c'est légitime, c'est très légitime...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Mais vous ajoutez que les objectifs de compétitivité et de qualification élevée des ressources humaines qui sont contenus dans le projet de développement de la main-d'oeuvre ne pourront être atteints. C'est un objectif que je partage, mais c'est une conclusion sévère.

Question: Est-ce que vous croyez... Parce que vous avez dit: C'est un bon pas - je prends vos commentaires d'entrée - une bonne direction, il y a des aspects intéressants, mais on n'est pas là et l'éducation est tassée. Question: Est-ce qu'il n'y a pas là un jugement d'échec anticipé de la réforme si on ne corrige pas ça? Il faudrait peut-être se parler franchement et dire au ministre... Que 25 groupes disent: Ça va bien, c'est un bon pas... Vous êtes les premiers à dire: Si on mettait tout ça ensemble, ça avancerait à quelque chose. On ne réglera pas grand-chose s'il n'y a pas plus d'éléments de politique et plus de garanties, comme vous le dites, pour éviter l'échec et pour permettre d'atteindre les objectifs afin que vous soyez associés d'une façon très, très étanche.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Sanssouci, il vous reste une minute exactement pour répondre.

M. Sanssoucl: Je vous dirais que vous êtes plus sévère que nous. Je ne pense pas qu'on puisse, d'emblée, dire que si on n'est pas là le monde va arrêter de tourner.

M. Gendron: Non, le monde de l'éducation.

M. Sanssoucl: On pense que si on n'est pas là, le Québec va se priver de grandes ressources. Nous avons des ressources complémentaires. Il faut que ces ressources soient mises à contribution dans l'identification des projets, l'élaboration des programmes, la dispensation des cours. On ne veut pas faire ce que d'autres ont l'obligation de faire. On veut être considérés pour ce que nous sommes et on pense que ce sera incomplet si nous n'y sommes pas.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Un petit mot de la fin, Mme Desforges.

Mme Desforges: Peut-être pas le mot de la fin, mais là-dessus, peut-être que ça coûterait moins cher, entre autres, si on était associés. Je pense que ça coûterait moins cher. Il y a une autre chose que je veux ajouter, c'est que quand on est spécialiste de formation, on sait que dans l'entreprise, quand on établit le diagnostic, quand on fait l'analyse des besoins, c'est déjà un premier pas dans la formation, dans l'appropriation par l'entreprise de ses besoins. Je pense que si on arrive juste après, des fois, il faut refaire ce qui a été fait avant.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Alors, madame et messieurs de la Fédération des cégeps, nous vous remercions de votre prestation ici et bon voyage de retour. Merci.

Nous allons entendre, immédiatement après, le Conseil du patronat. Je vous demanderais, s'il vous plaît, de prendre place immédiatement pour qu'on ne retarde pas Indéfiniment la séance. alors, mesdames, messieurs de la commission, s'il vous plaît, on vous demande de prendre place. nous allons entendre immédiatement les prochains... alors, je demanderais aux représentants du conseil du patronat, s'il vous plaît, de bien vouloir prendre place. messieurs du conseil du patronat, nous allons vous entendre et je demanderais au président, m. ghlslain dufour, s'il vous plaît, de présenter les personnes qui l'accompagnent. bienvenue à cette commission, m. dufour.

Conseil du patronat du Québec

M. Dufour (Ghislain): Merci, M. le Président. Mes collègues: à ma gauche, M. Aubert Tremblay, qui est directeur des relations du travail à l'Association des manufacturiers de bois de sciage; à ma toute droite, M. Jacques Garon, qui est directeur de la recherche au Conseil du patronat, et M. Julien Michaud, qui est directeur des relations du travail à l'Association des Industries forestières.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): très bien, m. dufour. nous avons une heure à consacrer à votre association. si vous voulez, s'il vous plaît, présenter votre rapport et, après, le questionnement.

M. Dufour (Ghislain): C'est évidemment un résumé parce que notre mémoire fait au-delà de 20 pages. Nous voudrions d'abord remercier la commission de bien vouloir recevoir nos commentaires et suggestions. Notre présentation se fera en deux temps. Nous analyserons d'abord l'énoncé de politique puis le projet de loi 408.

Disons, d'entrée de jeu, que nous recevons bien le dépôt de l'énoncé de politique de développement de la main-d'oeuvre, même si nous y voyons plusieurs irritants et que nous nous interrogeons sur certaines orientations. Il nous est cependant difficile de souscrire aux moyens d'action que veut se donner le gouvernement pour mettre en oeuvre son énoncé de politique, à savoir la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. (11 h 45)

Sur l'énoncé, quelques considérations sur les constats. Nous partageons le point de vue de l'énoncé en ce qui a trait à la situation économique du Québec dans un contexe de mondialisation des marchés. Le portrait qui nous est présenté met en évidence notre retard sur le pian de la productivité, souligne que nos coûts unitaires de main-d'oeuvre ont été et demeurent plus élevés que chez nos principaux partenaires commerciaux et insiste sur la difficulté de passer d'une économie axée sur le développement des ressources naturelles à une économie de valeur ajoutée. Il s'agit là d'un portrait généralement réaliste.

Nous sommes également pleinement d'accord avec cet extrait de l'énoncé gouvernemental, et je cite: «Pour continuer à prospérer et à réduire le taux de chômage, le Québec n'a d'autre choix que d'investir davantage dans le développement des compétences.» Il y a de moins en moins de place, dans nos économies changeantes, pour des personnes non qualifiées. La formation, sans être le garant absolu d'un accès à l'emploi, n'en représente pas moins le meilleur moyen de lutter contre le chômage. Accord également avec cet énoncé que pour pallier en quelque sorte aux faiblesses structurelles de la formation professionnelle et pour atténuer les déséquilibres que l'on retrouve sur le marché du travail, les interventions des deux niveaux de gouvernement se sont traduites, à ce jour, pour l'essentiel, par des mesures passives, principalement les prestations d'assurance-chômage et celles de la sécurité du revenu.

Malgré les difficultés que nous connaissons tous, cependant, ou peut-être à cause de ces

difficultés, les partenaires du milieu du travail sentent bien qu'ils devront établir, dans le domaine de la formation de la maln-d'oeuvre, un dialogue constructs qui leur permettra de surmonter les difficultés identifiées. Cet esprit de concertation, M. le Président, existe et il faut le développer, mais comme le dit l'énoncé, les gouvernements ont, jusqu'ici, refusé de partager avec les principaux intervenants du marché du travail, et l'élaboration des politiques, et la gestion des programmes et des activités de développement de la main-d'oeuvre, d'où la nécessité d'une grande concertation entre l'État, le patronat et les syndicats.

Sous réserve d'analyser la structure des réseaux institutionnalisés et les moyens d'action proposés, nous endossons donc pleinement les constats suivants. Premièrement, la présence, sur le même territoire, de deux administrations gouvernementales offrant chacune des programmes et des services se traduit par une lourdeur et une bureaucratie que les utilisateurs dénoncent depuis longtemps, mais qui ne seront pas nécessairement solutionnées par la nouvelle approche. Deuxièmement, pour de nombreux individus et entreprises, la complexité et la diversité des programmes de maln-d'oeuvre expliquent, en partie au moins, le manque d'intérêt qu'ils y portent. Troisièmement, il n'y a pas de défi plus pressant et plus exigeant que celui d'endiguer radicalement le décrochage scolaire. Quatrièmement, il est essentiel de revaloriser les métiers et les techniques. Cinquièmement, l'école n'est pas le seul lieu d'acquisition ou de perfectionnement des compétences. Les entreprises pourraient participer plus activement à la formation professionnelle.

Malgré ces points d'accord, il nous faut cependant regretter trois choses: premièrement, que le document ne fasse aucune analyse de nombreuses initiatives de formation professionnelle, tant dans le réseau scolaire que dans les entreprises, initiatives qui ont donné de bons résultats; deuxièmement, que le document ait une perspective à courte vue, qu'il soit axé plutôt sur l'employabilité et qu'il néglige donc la gestion prévisionnelle de la main-d'oeuvre et tout le volet recyclage; troisièmement, que le document privilégie trop l'approche régionale par rapport à l'approche sectorielle que nous favorisons, pour notre part. Nous pensons que c'est dans les secteurs que ça se passe et non pas nécessairement au plan régional. C'est d'ailleurs essentiellement pour ces trois raisons qu'on ne peut qualifier ce document d'énoncé de politique de la main-d'oeuvre. Comme le dit bien d'ailleurs son titre, cet énoncé ne porte que sur le développement de la main-d'oeuvre.

Quelques mots au sujet de la stratégie maintenant préconisée par le gouvernement. Le gouvernement et son document identifient quatre grands objectifs en matière de développement de la main-d'oeuvre. Nous serons d'accord avec ces objectifs dans la mesure où les initiatives des entreprises et des dispensateurs de formation ne seront pas assujetties au pouvoir paralysant des fonctionnaires, que les programmes seront plus efficaces, que l'on reconnaîtra davantage la formation sur mesure et que l'on permettra vraiment la collaboration patronale-syndicale en ce domaine. Notre mémoire reprend et commente en détail les quatre objectifs identifiés au document.

Vous me permettrez de retenir ce matin, compte tenu du temps qui nous est alloué, trois éléments: le premier, le congé éducation; le deuxième, la gestion de l'assurance-chômage; et le troisième, la création d'un fonds d'aide aux employés licenciés. Ce n'est pas au ministre que je vais dire que la question du congé de formation ne sera pas facile à résoudre. Ainsi, nous sommes d'avis que les formations considérées aux fins d'un congé de formation doivent être reliées aux besoins de l'entreprise. Par exemple, la formation générale ou les cours d'alphabétisation devraient en être exclus, à moins qu'ils n'aient été l'objet de négociations spécifiques dans le cadre d'une convention collective ou d'ententes spéciales. En somme, nous pensons que c'est généralement à l'employeur que revient la décision d'accorder ou non un congé de formation, puisqu'il est le seul en mesure de juger de la nécessité de la présence au travail de la personne salariée.

Le congé de formation, pour nous, n'est pas un droit et c'est ce qui conduit le Conseil à préconiser une approche d'incitation dans ce dossier. Pourquoi, par exemple, le congé de formation ne ferait-il pas l'objet d'une déclaration ministérielle présentant les grands principes auxquels le gouvernement inciterait les partenaires du monde du travail à adhérer? Deuxième question: Pouquoi le Québec prendrait-il en charge l'administration du régime d'assurance-chômage? Nous croyons toujours fermement à la participation du Québec au régime d'assurance-chômage canadien. Nous ne sommes par ailleurs pas convaincus que l'administration du régime par le Québec apporterait des bénéfices intéressants aux prestataires de l'assurance-chômage. Le régime d'assurance-chômage a été et demeure en effet bénéfique pour le Québec puisque nous retirons, bon an mal an, plus d'un milliard de dollars de plus que nous n'y contribuons. Il est en outre difficile de voir ce qu'on gagnerait en efficacité simplement du fait que le Québec prendrait en charge l'administration du régime. Comme le dit fort justement l'énoncé, l'unification n'est pas en soi un gage d'efficacité.

Programme d'aide aux personnes licenciées. C'est évident qu'on ne peut qu'être d'accord avec l'intention annoncée du gouvernement de donner une attention spéciale aux travailleurs qui sont victimes de licenciement. À cet égard, nous recevons poslvltlvement l'idée de maintenir et de renforcer la participation des employeurs et des

salariés au comité de reclassement, tout comme l'intention de rendre plus accessibles aux personnes licenciées les mesures de main-d'oeuvre requises, notamment les mesures de perfectionnement et de recyclage.

Nous trouvons cependant discutable l'idée d'instaurer un programme d'aide aux personnes licenciées qui obligerait les entreprises à s'engager davantage en termes financiers dans le processus de reclassement des personnes licenciées. Devant l'état déplorable dans lequel se trouvent actuellement de nombreuses industries, le gouvernement fédéral a récemment pris la décision de ne pas imposer une nouvelle taxe sur la masse salariale aux entreprises et de financer lui-même le fonds spécial qui sera créé pour payer les salaires des employés d'entreprises faillies. Nous croyons qu'à court et à moyen terme, obliger les entreprises à s'engager financièrement dans le processus de reclassement des personnes licenciées ne serait pas une formule qui nous rendrait bien sûr davantage concurrentiels.

Je résume donc ce premier volet de la façon suivante: l'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre constitue un bon document de travail, une bonne réflexion visant l'établissement d'une politique de développement de la main-d'oeuvre. Il y a également lieu, en dépit de plusieurs réserves, d'être d'accord avec les constats relatifs à la situation actuelle, même si on fait beaucoup plus de formation dans les entreprises que ne le laisse entendre le document. Nous ne souscrivons pas, par ailleurs, à certaines propositions, notamment les trois que Je viens d'énumérer. Mais, de façon générale, nous pensons que la démarche globale proposée, à savoir rendre le Québec plus compétitif, mérite le soutien des Québécois.

Au sujet maintenant de l'outil que le gouvernement veut se donner pour gérer sa politique, nous avons déjà eu l'occasion de le dire au ministre: Nous demeurons profondément mal à l'aise, non pas avec le principe de la création d'un organisme qui serait chargé d'améliorer la gestion de la formation professionnelle, mais avec les modalités qui sont contenues au projet de loi 408. Ce malaise est d'ailleurs tel que nous ne pourrions endosser le projet de création de la Société s'il n'était modifié en profondeur, notamment pour responsabiliser davantage les parties que l'on entend associer au processus de la formation professionnelle au Québec. Nous nous interrogeons, notamment, sur les responsabilités que nous aurons réellement confiées à cette Société, sur sa marge de manoeuvre par rapport au pouvoir politique, sur la composition de son conseil d'administration, et je reprends très rapidement ci-après quelques-unes de ces préoccupations.

Sur le conseil d'administration, nous souhaiterions en connaître davantage au moment où on débat le projet de loi. On dit même que la répartition des sièges au conseil d'administration devra être décidée au moment du débat du projet de loi et non pas après. En somme, il est utile de savoir qui dirigera un organisme avant de lui donner son accord. Je sais que la CSN, cet après-midi, va arriver avec des propositions tout à fait nouvelles. On a entendu, tout à l'heure, les représentations de la Fédération des cégeps. Si vous avez 45 mémoires et 45 visions différentes, nous aimerions savoir quel genre de conseil d'administration vous entendez proposer.

Nous sommes favorables, en ce qui nous concerne, à la participation de groupes, telle la CEQ, telle la Fédération des cégeps, telle la Fédération des commissions scolaires. Il nous importe de savoir si ces organismes qui représentent les vrais dispensateurs de la formation professionnelle... En somme, nous, on le dit honnêtement: Ceux qui connaissent ça vont siéger avant que nous donnions notre accord à la structure du conseil d'administration.

Deuxièmement, et c'est plus important, missions et pouvoirs. Les pouvoirs de la Société sont absolument limités et assujettis pour l'essentiel au bon vouloir du pouvoir politique. Ici, le bât blesse vraiment et le projet de loi devra être amendé en profondeur. En effet, selon nous, l'article 22 consacre pratiquement la mise en tutelle a priori de la Société. Est-ce vraiment ce que souhaitent le gouvernement et le ministre? Qu'en est-il de la responsabilisation des parties dont on nous a longuement entretenu tout au long de l'élaboration du projet de loi?

Par exemple, la Société doit soumettre ses programmes à l'approbation du gouvernement et ne peut même pas les bonifier, ne peut même pas y mettre fin sans une telle approbation. Le contrôle du gouvernement sur la Société est ici tout à fait absolu. Ce n'est pas ainsi que l'on va responsabiliser les principaux Intervenants qui voudront bien se joindre à la Société. En fait, quand on connaît la lenteur de la machine gouvernementale, cette prévision empêchera les gestionnaires de la Société d'adapter des programmes au contexte changeant des régions et des secteurs d'activité économique.

Cet encadrement gouvernemental trop serré aura un effet désastreux sur les mécanismes de prise de décision et les moyens d'action de la Société. Imaginez, la Société ne pourra même pas mettre fin à un programme que tous les administrateurs auront jugé ou inefficace, ou inutile, ou trop coûteux sans obtenir l'accord du gouvernement. La question: Combien de mois plus tard? Si l'on veut que la Société fasse appe! vraiment à la responsabilisation des partenaires, il faut qu'elle dispose des moyens de s'acquitter de son mandat avec efficacité et transparence.

Simplement pour illustrer cette marge absolument considérable de contrôle du gouvernement sur la Société, vous retrouvez à la page 16 la liste des articles qui donnent un pouvoir discrétionnaire ou réglementaire au gouverne-

ment, au Conseil du trésor, au ministre responsable. Il y en a une vingtaine. On avait dit, cet été, avec le projet de loi sur l'enseignement privé, que c'était probablement celui qu'on avait vu à ce jour qui comportait le plus de pouvoirs discrétionnaires pour le ministre, par règlement du Conseil du trésor. Celui-là est pire. C'est le deuxième dans la même année. Il y a vraiment là un problème auquel il faut apporter des solutions si l'on veut vraiment aller plus loin dans la discussion sur ce dossier. (12 heures)

Une dernière disposition, M. le Président, du projet de loi, avant de conclure. Les employés de la Société et des sociétés régionales seront assujettis à la Loi sur la fonction publique. Il s'agit donc, essentiellement, de créer un organisme typiquement étatique dont le conseil d'administration n'aura qu'un pouvoir très limité en matière de gestion des ressources humaines, pouvoir qui se résumera, au départ à tout le moins, à simplement assigner des fonctions aux employés actuels du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, qui seront transférés à la Société.

Non seulement, donc, le projet de loi, dans sa forme actuelle, impose-t-il un véritable carcan au pouvoir décisionnel du conseil d'administration de la Société en matière de programmes et de politiques, mais de plus, il ne lui donne pratiquement aucune autorité en matière de gestion de ses propres ressources humaines. L'article 89 est révélateur à cet effet quand il dit: «Un employé mis en disponibilité suivant l'article 88 demeure à la Société jusqu'à ce que l'Office des ressources humaines puisse le placer» ailleurs.

Par ailleurs, outre les dispositions de l'article 11, l'article 93 précise bien que c'est le Conseil du trésor qui détermine - et là, écoutons ce qu'il détermine - «toute règle, toute norme, toute politique relative au classement, [...] à la permanence ou à toute autre condition de travail applicable aux employés». De telles dispositions risquent de marquer profondément la personnalité de la Société avant même sa naissance. Si les utilisateurs de services de la Société la perçoivent comme n'étant qu'une superstructure administrative à culture bureaucratique, il sera très difficile, sinon impossible, de susciter chez eux une participation importante. Pourtant, toute cette restructuration est entreprise essentiellement pour eux et non pour l'appareil étatique.

Je conclus, M. le Président. Premièrement, tel que proposé par le projet de loi 408, le fonctionnement de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, outil d'implantation de la politique de développement de la main-d'oeuvre du gouvernement, nous met profondément mal à l'aise en ce qu'il ne responsabilise nullement les parties en matière de gestion de la formation professionnelle au Québec. Deuxièmement, ce mode de fonctionne- ment ne laisse aucune place à l'initiative et permet au pouvoir politique de s'ingérer régulièrement dans l'action de la Société.

Troisièmement, la structure administrative proposée, qui sera chargée d'exécuter des politiques gouvernementales et de gérer un certain nombre de programmes, outre le fait qu'elle sera excessivement coûteuse, ne reflète d'aucune façon l'intention affirmée en maintes occasions par le gouvernement et même par le ministre de responsabiliser davantage le patronat et les syndicats dans l'établissement d'une politique efficace de développement de la main-d'oeuvre.

Quatrièmement, il ne s'agit évidemment pas, ici, de demander au gouvernement d'abdiquer face à ses responsabilités. La Société est, en effet, un mandataire du gouvernement. Mais si les membres du conseil d'administration de la Société ou des conseils régionaux n'ont pas une marge de manoeuvre suffisante et relativement indépendante du pouvoir politique, leur rôle ne sera guère différent de celui qu'ils jouent actuellement au sein des commissions de formation professionnelle. Or, ce rôle est actuellement remis en question par le pouvoir politique.

Cinquièmement, le gouvernement manque Ici une fichue de belle occasion d'innover, de procéder à une véritable décentralisation des pouvoirs qu'on demande au fédéral et de faire confiance au partenariat qu'il prêche. La structure proposée ne réduira en rien les critiques des utilisateurs à l'égard du système actuel. La beauté politique de la démarche réside, cependant, dans le fait que le pouvoir politique y gagnera, en sachant maintenant vers quel bouc émissaire diriger les critiques.

Sixièmement, le projet de loi 408 doit être profondément bonifié pour y asseoir les fondements véritables d'une collaboration patronale-syndicale responsabilisée dans le domaine de la formation professionnelle au Québec.

En résumé, M. le Président, tout en reconnaissant la nécessité de se doter d'un outil d'implantation d'une véritable politique de développement de la main-d'oeuvre au Québec, axée notamment sur la formation professionnelle, que cet outil soit une société, une commission, une régie - pour nous, ça n'a pas d'importance - nous ne saurions souscrire à celui qui nous est actuellement proposé, à moins qu'il ne subisse des modifications profondes. Je vous remercie.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. le président. Alors, je vais maintenant reconnaître M. le ministre de la Formation professionnelle.

M. Bourbeau: De la Main-d'oeuvre...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): De la main-d'oeuvre.

M. Bourbeau: ...de la Sécurité du revenu...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Mettez-en.

M. Bourbeau: ...et de la Formation professionnelle, M. le Président.

Je vous remercie, M. le Président, et député de Rimouski. M. le Président, je tiens à saluer les représentants du Conseil du patronat du Québec qui sont des partenaires majeurs du gouvernement et du ministre au sein de la conférence permanente sur la main-d'oeuvre. Ce n'est pas la première fois que j'ai l'occasion de discuter de ce sujet-là avec le président qui, au cours des derniers mois, a participé à de nombreuses réunions traitant de ces sujets-là. Ce sont des dossiers qui me sont familiers. Les positions aussi exprimées par le Conseil du patronat, Je ne vous surprendrai pas en disant qu'elles ne m'étonnent pas beaucoup. On les connaissait pas mal.

Je voudrais simplement dissiper une équivoque, cependant. Il ne faudrait pas en mettre plus que le client en demande. Le projet de loi ne donne pas aux employés de la Société québécoise la sécurité d'emploi de la fonction publique. Je pense qu'il y a une erreur d'interprétation, là. Vous vous référez à l'article 89. Ce sont des mesures transitoires, ça, l'article 89, qui se réfèrent, si vous regardez l'article 89, à un employé mis en disponibilité suivant l'article 88. Or, l'article 88, lui, vise des employés visés à l'article 85, et l'article 85 dit: «Tout employé transféré à la Société en vertu de l'article 84», et l'article 84 parle des employés du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle qui, eux, seraient transférés à la Société, à l'occasion du début.

Donc, on ne se réfère, dans ces articles-là, qu'aux employés qui, présentement, ont la sécurité d'emploi en vertu de la fonction publique, qui seraient transférés à la Société québécoise et qui, eux, auraient, en vertu de leurs droits acquis, la protection. Mais la clause, la vraie clause, c'est la clause 11 du projet de loi qui dit: Les employés de la Société sont nommés, non pas en vertu de la Loi sur la fonction publique, mais nommés de la manière qu'elle prévoit, que la Société le prévoit, par règlement et selon le plan d'effectif qu'elle établit.

Donc, il y a ici une marge de manoeuvre à la Société que d'aucuns n'ont peut-être pas tellement remarquée. On dit également que les normes et les barèmes de rémunération ainsi que les autres conditions de travail de ces employés sont établis par la Société et soumis à l'approbation du gouvernement. Donc, les employés de la Société sont soumis aux règles de la Société, sont nommés par elle, selon son plan d'effectif, et n'ont pas la sécurité d'emploi de la fonction publique québécoise. Bon, alors, un point... Disons, un point en notre faveur, si vous voulez.

Maintenant...

Je voudrais revenir à un des sujets que vous abordez, que nous avons déjà abordé, d'ailleurs, et qui... C'est une prise de position que je trouve un peu étonnante, je dois dire. Vous nous dites essentiellement: Nous ne donnerons pas notre accord à la Société québécoise avant de savoir qui va diriger l'organisme. J'ai de la difficulté à vivre avec une position comme celle-là parce que je me dis: Ou bien on est d'accord avec la nécessité de l'institution, on trouve que cette institution-là est essentielle et alors, à ce moment-là, on donne notre accord au principe de l'institution, ou bien on ne le fait pas. Ou bien l'institution n'a pas sa place, et à ce moment-là, quels que soient les vertus et les mérites de ceux qu'on pourrait y nommer, s'il n'y a pas de place pour une institution, il ne devrait pas y avoir de gens pour la diriger.

Mais à partir du moment où on convient de la nécessité d'avoir une entreprise ou une Institution, pourquoi refuser d'y donner son aval au stade de l'adoption de la loi sans demander au gouvernement: Désignez d'avance les gens qui seront membres du conseil et là, on vous dira si on est d'accord avec l'institution? En fait, c'est ça que je comprends de votre position. Moi, je dis ceci: Techniquement, ce serait même un outrage à l'Assemblée nationale que de présumer de l'adoption d'une loi en disant: On va nommer M. Untel, Mme Unetelle, etc., à tel poste, tel poste et même le directeur général, sans savoir si l'Assemblée nationale va donner son aval à la loi. Ce serait, en tous les cas, assez surprenant de procéder comme ça. Ce serait certainement une première. Je n'ai jamais vu ça, moi, personnellement.

Donc, il me semble qu'on devrait, dans un premier temps, débattre de l'importance ou de la nécessité d'une institution comme la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, y donner son aval ou non et, une fois que l'Assemblée nationale aura confirmé ou infirmé - mais j'espère confirmé - l'adoption de cette loi-là, la naissance de cette institution, après ça, dans un deuxième temps, on s'attaquera à la tâche de désigner les dirigeants et ceux qui pourront siéger au conseil d'administration.

Le Président (M. Marcil): M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Bon, sur le premier, je pense que vous devriez faire par mémo l'exercice que vous venez de faire à l'effet que les travailleurs de la Société ne seraient pas couverts par la loi de la fonction publique. Parce que vous vous référez à tellement d'articles que je pourrais vous référer à autant d'autres qui pourraient nous amener à une conclusion différente. C'est loin d'être clair. Mais ce n'est pas un problème pour nous qu'ils relèvent ou non de la fonction publique. C'est très marginal dans tout le débat, sauf qu'on l'a souligné parce qu'on

ne sait pas exactement quel est le statut de ces travailleurs-là.

Le deuxième dossier, pour nous, est beaucoup plus important. Encore là, je dois dire que la composition du conseil d'administration est loin d'être aussi importante que le dossier du mandat. C'est le mandat qu'on voudrait d'abord voir clarifié; d'autre part, son autonomie par rapport au ministre, au Conseil du trésor, au gouvernement, etc. Il y a 20 articles qui réfèrent à des pouvoirs et ça, pour nous, c'est important.

Une fois que ça, c'est clarifié, la deuxième préoccupation, c'est carrément le conseil d'administration. Je ne vous demande pas de nous donner des noms. On ne veut pas savoir si ce sera monsieur X, monsieur Y ou monsieur Z. On veut savoir qui va siéger là. Le Conseil du patronat veut savoir s'il va siéger avec des dispensateurs; puis il est intéressé de savoir s'il va être avec la Fédération des cégeps, la CEQ puis les commissions scolaires, les vraies gens de ce monde-là. Il est intéressé de savoir, dans la composition gouvernementale, si ça va être des officiers seniors, des ministres ou des commis. C'est important. La délégation syndicale aussi, c'est important; même la délégation patronale est importante. Alors, vous allez avoir cet après-midi - je l'ai dit tout à l'heure - la CSN, parce qu'ils ont eu l'amabilité de nous donner l'essentiel de leur mémoire, dans lequel elle veut demander que d'autres groupes se joignent. Bon, eh bien, nous autres, on voudrait faire le débat si, avant d'aller à la Société, on veut aller travailler avec les groupes que la CSN va identifier, et il y en a beaucoup.

Ce ne sont pas des noms, comprenons-nous bien. On ne veut pas savoir les noms, puis c'est évident que le gouvernement a toujours la responsabilité de décider ce qu'il va faire, sauf que si tu vas siéger sur un conseil d'administration, tu veux savoir ce que c'est. Et surtout, on veut savoir en principe si cette société-là va fonctionner parce qu'il y a tellement d'interférence gouvernementale que, de toute façon, ça ne fonctionnera pas, c'est évident. Mais, deuxièmement, qui va la gérer, avant de donner un accord? Ça, on vous en a aussi déjà parlé, M. le ministre, et, pour nous, c'est un point majeur. Vous savez aussi qu'il y a certaines centrales syndicales qui vont débattre fermement devant vous de ce dossier-là, en termes purement de répartition des sièges entre le monde syndical.

Moi, je veux savoir, par exemple, si nous, comme Conseil, on y va, est-ce que le Conseil va représenter simplement les manufacturiers? Est-ce qu'il va représenter la construction? Est-ce qu'il va représenter le secteur parapubllc? Est-ce qu'il va représenter le commerce? On parie de formation de main-d'oeuvre dans tous ces secteurs-là. Ce n'est pas vrai qu'on va y aller avec une personne, pour se faire planter quand ça va mal.

M. Bourbeau: M. le Président, là-dessus, bon, il me semble que le projet de loi va quand même assez loin. On dit qu'il va y avoir six membres représentant les associations de salariés les plus représentatives. Donc, on sait de quels secteurs d'activité on parie. Six membres des associations d'employeurs et des organismes du milieu coopératif, donc, c'est un secteur aussi qui est assez circonscrit et, finalement, six membres nommés par le gouvernement, dont deux provenant du milieu de l'enseignement... Donc, ça répond un peu à votre question.

Même on va même plus loin: deux provenant du milieu de l'enseignement, un pour le collégial et un pour le secondaire. Bon, là, on a, en toile de fond, la composition. Moi, je comprendrais qu'on me dise: Nous ne siégerons pas à la Société québécoise si nous ne sommes pas d'accord avec ceux qui vont y être nommés. Je comprendrais une position comme ça. Mais de dire: Nous ne donnerons pas notre aval à l'adoption d'une loi créant une société si nous ne connaissons pas la composition du conseil d'administration, il me semble que c'est un peu mettre la charrue devant les boeufs, et je vois ça en deux étapes, moi. Premièrement, si on est d'accord qu'une société doit être formée avec les objectifs qu'on connaît, on pourrait donner son aval à la Société et dire: Nous retiendrons notre participation si nous ne sommes pas d'accord avec ceux qui y siégeront. Mais enfin, là-dessus, j'ai mon point de vue, vous avez le vôtre et on n'est pas pour passer toute la période de questions là-dessus. Mais si vous voulez revenir là-dessus, je n'ai pas d'objection non plus. (12 h 15)

Je voudrais quand même vous poser une autre question qui va peut-être vous permettre de répondre à tout ça. Vous venez de dire que vous vous déclarez favorable à la participation de groupes comme la CEQ, la Fédération des cégeps, les commissions scolaires, etc. Je voudrais vous demander dans quelle délégation les voyez-vous, ces gens-là? Nous, on les met dans la délégation gouvernementale. Il y a également d'autres groupes qui demandent de participer aussi au conseil d'administration, par exemple, les clientèles spécifiques comme les non-syndiqués, les femmes, les personnes handicapées, les communautés culturelles, les mouvements communautaires.

On a même parlé, hier soir, d'une quatrième roue, un quatrième groupe qui pourrait représenter les groupes communautaires. Ce matin même, j'ai cru percevoir que la Fédération des cégeps nous demandait d'être la quatrième roue. Le monde de l'éducation pourrait être la quatrième roue. Donc, on aurait une structure quadripartite plutôt que tripartite. Mais il est fort possible que dans les semaines qui viennent, on ait d'autres groupes qui nous demandent aussi d'être la quatrième ou la cinquième roue du chariot.

Comment voyez-vous ces demandes-là, vous?

Est-ce que vous seriez d'accord qu'on ait une quatrième roue, autrement dit, qu'on amende la structure pour qu'elle ne soit plus tripartite? Sinon, dans quelle délégation voyez-vous tous ces groupes qui nous demandent de participer?

Le Président (M. Marcil): M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Et pourquoi pas une cinquième roue, M. le ministre? Quand vous entrez, vous entrez et voilà le problème. Voilà pourquoi, tant et aussi longtemps que vous n'aurez pas décidé, et face à tous ces groupes-là qui vous demandent d'être présents, nous, on s'abstient, parce qu'il faudrait savoir avec qui on va aller siéger. Face à nos trois propres propositions, nous, on ne change pas le conseil d'administration. Pour l'instant, II est de 18. C'est déjà beaucoup 18 personnes. Vous dites que les représentants gouvernementaux, il y en aura six. Pourquoi doivent-ils être six politiques? Pourquoi n'y aurait-il pas trois dispensateurs là-dedans? Alors, la Main-d'oeuvre, l'Éducation, l'Enseignement supérieur, les trois politiques, les trois dispensateurs étant les commissions scolaires, les cégeps, peut-être les universités. La CEQ, elle va là ou elle va dans le groupe syndical? Il n'y a pas de problème pour ces agents-là. On veut d'abord savoir si vous êtes prêt à les intégrer. Vous répondez carrément à notre préoccupation quand vous dites que vous êtes soumis à toute une série de demandes. Ce que je veux savoir, c'est qu'est-ce que vous allez accepter? C'est là que nous, on va décider si, oui ou non, on y participe. Mais ça, probablement que dans votre projet de loi modifié beaucoup, beaucoup, beaucoup, II y aura aussi cette modification-là. Alors, on le saura avant que le projet soit accepté.

M. Bourbeau: Pour être modifié, il va certainement être modifié, M. le Président, parce que je n'ai jamais vu un projet de loi à l'Assemblée nationale qui n'a pas été modifié à partir de sa présentation jusqu'à son adoption, sauf un projet de loi qui avait un seul article. J'en ai vu un, je pense, il y a deux ans, qui a passé sans modification, mais il y en a peut-être un sur 100 qui passe sans modification. C'est d'ailleurs l'objet de l'étude que nous faisons présentement, de voir comment on peut bonifier le projet de loi.

Pour l'instant, la proposition gouvernementale, c'est un organisme tripartite. Je n'ai pas l'intention de changer ça, à moins que je ne sois convaincu du contraire par ce que j'entendrai ici à la commission parlementaire. Pour l'instant, oui, nous avons l'intention d'inclure des représentants du milieu scolaire, les cégeps, le secondaire. C'est même dans la loi. Donc, là-dessus, on répond à vos préoccupations déjà avec le projet de loi.

M. Dufour (Ghislain): M. le ministre, comprenons-nous bien. C'est dans la loi au niveau des sociétés régionales. Nous, on le demande au niveau de la Société au conseil d'administration.

M. Bourbeau: Là, je vais vous corriger, M. Dufour. Si vous regardez l'article 5, c'est très clair que la société nationale, si je peux dire, entre guillemets, ou québécoise, il y a deux représentants du monde scolaire, l'un pour le secteur collégial, l'autre pour le secteur secondaire. Ça, c'est à la société centrale, deux sur six dans la délégation gouvernementale. C'est clair. L'article 5...

M. Dufour (Ghislain): Non, mais est-ce que ce sont les dispensateurs ou ce sont des politiques?

M. Bourbeau: écoutez, le texte de la loi dit «deux représentent le monde de l'enseignement, l'un pour le secteur collégial et l'autre pour le secteur secondaire» et...

M. Dufour (Ghislain): Voilà! Alors, le ministre de l'Éducation et le ministre de l'Enseignement supérieur.

M. Bourbeau: Non, ce ne seront pas des ministres, certainement pas.

M. Dufour (Ghislain): Non, ou des hauts fonctionnaires.

M. Bourbeau: ce n'est pas dit du tout. ce sont des gens qui vont être nommés par le gouvernement, d'ailleurs, après consultation. mais au moins, ces milieux-là vont être représentés. dans les sociétés régionales, la proportion est encore plus grande. il y en aura deux sur quatre dans la délégation gouvernementale, donc, 50 % de la délégation gouvernementale proviendra des milieux scolaires. enfin, disons certainement qu'on va tenir compte de tous les points de vue. le vôtre est très clairment exprimé. je conclus de vos propos que vous n'êtes pas en faveur d'avoir un quatrième partenaire au conseil d'administration qui serait issu de groupes communautaires, par exemple.

M. Dufour (Ghislain): Bien, c'est parce que quand vous commencez à élargir... C'est un problème syndical-patronal, de façon générale, ça, même avant gouvernemental, la formation dans l'entreprise, le recyclage, etc., dans lequel vient s'associer l'État. C'est le trio parfait dans ce dossier-là. Si vous ajoutez toute une série d'intervenants autour, la question, c'est: Quand arrêtez-vous? Parce que quand vous commencez avec les non-syndiqués, c'est structuré, ça, au Québec, les non-syndiqués. Bon, nous autres, on accepte partout que les syndicats puissent

représenter les non-syndiqués. Ils représentent 40 % des travailleurs au Québec.

Alors, quand on embarque là-dedans, on n'en sort pas. Rappelez-vous d'autres débats qui ont été faits au Québec dans ce domaine-là. Ça nous crée des problèmes. Mais simplement, je ne veux pas qu'on fasse tout le débat autour de ça. Pour nous, l'autonomie et le mandat sont plus importants que le dossier du conseil d'administration.

M. Bourbeau: Bon, en ce qui concerne le mandat, bien sûr, oui. Je reçois vos commentaires à l'effet que vous estimez que la Société n'a pas une marge de manoeuvre suffisante. On en avait déjà discuté. Le projet de loi va être regardé de nouveau à la lumière de ces commentaires-là. Je voudrais revenir sur un point, sur la question de l'assurance-chômage. Vous savez que vous émettez de sérieuses réserves sur le bien-fondé de rapatrier la gestion même de l'assurance-chômage. Vous dites qu'il est difficile de voir ce qu'on gagnerait en efficacité si le Québec prenait en charge l'administration du régime d'assurance-chômage.

Pensez-vous qu'on peut avoir une réelle maîtrise d'oeuvre des mesures actives de main-d'oeuvre sans avoir, en même temps, la gestion de l'assurance-chômage, étant donné qu'une partie fort importante du financement des mesures actives proviendra justement, dorénavant, de la caisse d'assurance-chômage? En corollaire, je vous demanderais, en ce qui a trait aux services de placement, estimez-vous qu'ils devraient être offerts, dorénavant, par Emploi et Immigration Canada ou être récupérés par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre?

M. Dufour (Ghislain): Sur la question de l'assurance-chômage, je vais demander à M. Garon, qui a regardé le dossier, parce que là, on ne parle pas des programmes de main-d'oeuvre à l'intérieur du régime d'assurance-chômage; on parle de la caisse d'assurance-chômage.

M. Garon (Jacques): Oui, M. le ministre. On a déjà fait, je pense, au Conseil de développement de la main-d'oeuvre... on a un petit peu amorcé ce débat. La question essentielle, c'est de savoir si on rapatrie, en fait, une structure administrative, parce que c'est de ça dont il s'agit, non pas des moyens de financer les programmes. Ça, ça veut dire qu'il y a 6000 fonctionnaires fédéraux ou à peu près, au Québec. De quelle façon est-ce que le gouvernement entend les intégrer dans la fonction publique québécoise pour avoir une meilleure efficacité de dispensation des programmes? Ça, ce n'est pas clair qu'en faisant ce cheminement, on va avoir, au Québec, une société et la dispensation des programmes qui va être beaucoup plus efficace qu'avant.

Dans l'énoncé de politique, pourtant, on dit bien et vous en faites l'analyse: On pourrait économiser 200 000 000 $. Mais comment va-t-on les économiser ces 200 000 000 $? On n'a pas de réponse à ça. Alors, on se pose des questions à savoir si c'est simplement un échange de pouvoirs pour pouvoir dire au Québec: Nous avons maintenant l'entière mainmise sur la structure administrative qui s'occupe du développement de la main-d'oeuvre. Est-ce qu'en bout de ligne les utilisateurs de ces programmes vont avoir des services plus efficaces? C'est là qu'on se pose une question.

M. Bourbeau: II me semble...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le ministre, je dois malheureusement mettre fin à votre interrogation.

M. Bourbeau: Je vais répondre à sa question.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): 30 secondes.

M. Bourbeau: II m'a posé une question. En réponse à la question, il me semble qu'en simplifiant les structures, en ayant un seul réseau plutôt que deux réseaux, forcément, il y a des économies d'échelle qui permettraient, justement, de dégager des fonds pour les consacrer davantage au marché du travail.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M.

Garon, brièvement, ou M. Dufour.

M. Dufour (Ghislain): Ce n'est jamais sûr - et vous le dites vous-même dans l'énoncé - que l'unification conduit à une réduction de coûts. Vous le dites vous-même dans l'énoncé et on le cite dans notre mémoire. Votre question, par ailleurs, appelle une autre réponse. Quand vous parlez du transfert de la caisse d'assurance-chômage, bien, soyons réalistes. La caisse, actuellement, nous avantage de 1 000 000 000 $ au Québec. Il n'y a pas bien, bien de Québécois - et ça n'a rien à voir avec le dossier constitutionnel - actuellement, qui voudraient se voir privés de 1 000 000 000 $ dans la conjoncture actuelle. La question des bureaux de placement, moi, je n'ai aucune espèce de problème avec le fait d'avoir des bureaux de placement québécois. On en a déjà eu. Mais pourquoi ont-ils disparu? C'est parce qu'ils subissaient d'aucune façon la comparaison avec les services de placement fédéraux. Ils étaient inefficaces. Alors, les employeurs allaient dans les fédéraux et là, on avait une duplication qui coûtait très, très cher. Mais si le Québec veut se donner des bureaux de placement efficaces où les entreprises vont pouvoir aller, aussi efficaces que ceux du gouvernement fédéral, on n'a aucun problème. Il

faut éviter la double structure.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. le président. Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, je souhaite également la bienvenue au porte-parole et à M. Dufour, avec qui j'ai eu le plaisir de siéger à la commission Bélanger-Campeau. Je sais que vous êtes un fédéraliste enthousiaste, en fait... Je ne sais pas, mais très...

M. Dufour (Ghislain): Vous ne savez pas? Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Je ne le sais plus. En fait, je ne le sais plus, là, mais vous nous en parlez avec enthousiasme en ce qui regarde le milliard dont le Québec bénéficie au titre des prestations d'assurance-chômage. Je trouve ça un peu odieux, d'une certaine façon, de considérer que le fédéralisme est rentable parce qu'on a 30 % des chômeurs canadiens au Québec.

Sachant que vous aviez suivi si assidûment tous les travaux de Bélanger-Campeau, je me demandais si vous vous rappeliez également que le Québec était, par exemple, perdant en matière d'investissements fédéraux créateurs d'emplois et qu'au seul chapitre de l'achat des biens et services par le gouvernement fédéral, c'était un manque à gagner qui s'établissait à plus de 1 000 000 000 $ encore l'an dernier. Est-ce qu'il est nécessaire de le rappeler qu'avec les 22 % de revenus que le gouvernement fédéral puise au Québec il a dépensé à peine 19 % en achat de biens et services, c'est-à-dire à peine 5 000 000 000 $ sur les 30 000 000 000 $ d'achat de biens et services?

Moi, je crois que même pour un fédéraliste convaincu, je me demande s'il n'y a pas lieu d'examiner plus sérieusement le transfert de toute la juridiction parce que ce que demande le ministre, il demande simplement une délégation de fonds en matière d'assurance-chômage. La législation, la réglementation, les normes qui resteraient en vigueur seraient celles du niveau fédéral et à ce moment-là, ça fait un peu pique-assiette, si vous me permettez cette comparaison, que de vouloir, d'une certaine façon, garder nos prestations de chômage mais, par ailleurs, de ne pas regarder l'envers de la médaille, c'est-à-dire ce qu'on perd en termes d'investissements qui seraient créateurs d'emplois.

Je me demande si on n'aurait pas intérêt, même comme fédéraliste, à souhaiter ce transfert de juridiction accompagné d'une compensation fiscale équivalente, et si ce ne serait pas là une manière de sortir de cette situation qui s'aggrave au fil des années et d'une structure des dépenses fédérales au Québec qui a un Impact direct au détriment de l'emploi et quant à la décroissance de notre économie, en fait.

M. Dufour (Ghislain): Vous vous le demandez à vous ou si vous me le demandez à moi?

Mme Harel: À vous. Moi, ma réponse, vous la connaissez.

M. Dufour (Ghislain): Bon, nous, on n'a pas de problème avec le fait qu'éventuellement l'assurance-chômage soit récupérée. Je veux dire que c'est ce que véhicule assez pour l'essentiel, je pense, ce document-là: récupérer l'ensemble. Pour l'instant, on fait déjà le débat sur les programmes de formation. Il y a déjà tellement de difficultés que ça ne donne rien de penser qu'on va transférer la caisse. Mais moi, Mme Harel, indépendamment des transferts dans les autres dossiers dont on pourrait débattre longtemps, je ne suis pas prêt à dire aux Québécois actuellement qu'ils doivent se priver d'un milliard. Je ne suis pas prêt à dire ça.

Vous pouvez leur dire. Moi, je ne suis pas capable. Parce qu'ils ont payé des prestations. À certains moments, c'est en plus, en moins, etc. Il y a un avantage plus actuellement. Je sais qu'en recherche et développement, on n'a peut-être pas notre pourcentage. Faisons le débat sur la recherche et le développement, mais dans le cas de l'assurance-chômage, je ne peux pas, moi, pénaliser les Québécois d'un milliard actuellement.

Mme Harel: Vous savez, M. Dufour, ce n'est pas simplement en recherche et développement. Je vous donnais simplement l'exemple de l'achat de biens et services. Moi, je me demande si les Québécois n'auraient pas intérêt à savoir qu'ils y gagneraient en création d'emplois pour ce qu'ils y perdraient, comme vous nous le dites, en prestations de chômage. Est-ce qu'au bout du compte ils ne seraient pas gagnants? (12 h 30)

L'autre question que j'ai à vous poser concernant la composition de fa Société... C'est un échange que vous avez eu avec le ministre. Mais le modèle canadien justement de cette Commission canadienne de la mise en valeur de la main-d'oeuvre, est-ce que ce n'est pas justement un modèle où on retrouve des gens d'affaires, des syndicats, des groupes d'action sociale et des établissements de formation? C'est donc un modèle à quatre roues, si on me permet cette comparaison. Je sais que souvent ces modèles canadiens vous inspirent. Est-ce qu'il n'y aurait pas là à aller chercher une inspiration?

M. Dufour (Ghislain): Je veux bien qu'on se comprenne. On ne s'oppose pas à la quatrième roue. J'ai dit au ministre: C'est quoi la cinquième roue? Je veux juste connaître les règles du jeu avant d'embarquer dans le chariot. C'est tout. Je

fais une précision quand même qui est importante, Mme Harel, c'est que la commission nationale de formation à laquelle vous vous référez n'a pas les pouvoirs que le ministre veut y donner. C'est un organisme consultatif. Alors, ici, on s'en va ou, en tout cas, on nous propose quelque chose de décisionnel qui, dans notre tête à nous, ne l'est pas, mais c'est très clair que c'est une commission de formation qui a des objectifs de consultation et de concertation et non pas décisionnels.

Mme Harel: Par ailleurs, elle détermine les priorités globales en matière de formation, les normes de formation professionnelle. J'aimerais peut-être revenir là-dessus parce qu'il y a tellement d'aspects intéressants dans votre mémoire. Vous nous avez signalé dans ce mémoire que vous considériez que l'énoncé de politique ne rendait pas justice aux efforts de formation professionnelle des entreprises. Vous avez sûrement pris connaissance, dans l'énoncé, de ces informations qui nous sont transmises à l'effet que c'est surtout la très grande entreprise, celle qui représente 500 employés et plus, qui aurait fait la moitié des efforts de formation; que 30 % des entreprises de moins 100 employés offraient finalement des activités de formation, et qu'au Québec, 45 % des PME n'avaient offert l'an dernier aucune activité de formation.

Je sais que vous êtes plus représentatif... je crois que le Conseil du patronat du Québec est représentatif des grandes entreprises. C'est ce qu'on m'a signalé. Je ne sais pas si c'est le cas des entreprises surtout de 500 employés et plus. Est-ce que ce n'est pas, finalement, cette réalité de vos membres qui vous masque un peu la réalité de la non-intervention des entreprises dans la formation professionnelle?

M. Dufour (Ghislain): Je vais me permettre de vous donner la bonne information sur ce qu'est le Conseil. C'est vrai qu'on a les grandes entreprises. Il y en a une centaine, sauf que notre structure, c'est d'abord et avant tout une fédération d'associations où on en a 130, où vous avez les maîtres-électriciens, les maîtres-plombiers. Vous ne me ferez pas accroire que c'est des multinationales, ça! Par exemple, on a les manufacturiers de bois de sciage qui sont des PME. Est-ce qu'ils font de la formation M. Tremblay?

M. Tremblay (Aubert): On a un gros problème de comptabilisation, Mme Harel. Je ne prendrai pas un exemple à travers mon secteur. Je pourrais en prendre à travers mon secteur. Prenons l'exemple des professionnels en consultation qui ont tous bureautisé leur secrétariat. Ils n'ont pas pour autant changé leur personnel. Ils l'ont fait a même le personnel qu'ils avaient, qu'ils ont formé graduellement sur le tas, avec ou non l'aide ou l'assistance des institutions de formation existantes. Or, à travers notre secteur, ce fut la même chose.

Prenons l'exemple de nos hommes de métier. Le ministre, dans son document, dans son projet, dans son énoncé de politique, parle d'apprentissage. On en parle, en tout cas, quant à moi, pas suffisamment avec vigueur; on ne met pas suffisamment d'ampleur sur tout l'aspect de l'apprentissage. Nos hommes de métier, on les a bâtis sans nécessairement faire appel à des programmes formels de formation, mais c'est à travers... La petite entreprise ne change pas nécessairement de ressources et de main-d'oeuvre chaque fois qu'un changement technologique vient modifier ses opérations. Elle forme sur le tas, avec i'aide ou non des outils qui existent, et il s'en fait beaucoup, de ce type de formation, là, qui est non comptabilisée, finalement.

Mme Harel: Et est-ce que...

M. Dufour (Ghislain): En fait, je pense que c'est le mot clé: non-comptabilisation. On connaît tous nos PME autour de nous. Ce n'est pas calculé. Mais au-delà de ça, ce constat de l'énoncé à l'effet qu'on en fait moins que d'autres pays est tout à fait correct, et nous, on se fait les dispensateurs de cette information-là, puisqu'il faut en faire plus. Je veux dire que c'est une question de concurrence, puis on n'aura pas le choix. Ça, on est d'accord avec ça, sauf qu'on aurait voulu que l'énoncé dise qu'il y a quand même des affaires qui se font.

Mme Harel: Est-ce que ce ne serait pas finalement souhaitable qu'il y ait ce fonds obligatoire dont une entreprise pourrait se voir épargnée si elle-même investissait dans la formation de ses employés? Est-ce que ce ne serait pas une manière qui favoriserait justement la comptabilisation des efforts qui se font et qui pourraient, finalement, beaucoup mieux encourager l'entreprise qui en fait en regard de celles, parce qu'elles sont quand même nombreuses, qui n'en font pas et qui sont traitées toutes sur le même pied d'égalité.

M. Dufour (Ghislain): Juste un mot et je vais demander à Jacques Garon. La difficulté avec ça, cette approche du 1 %, disons, qui a été l'objet d'un débat lors de la dernière campagne électorale, c'est que, généralement, la grande entreprise en fait pour 1 %. Il n'y a pas de problème, là. C'est la PME qui ne le fait pas. Or, comment vous comptabilisez ce que moi, je fais dans ma petite boîte de 15 pour le 1 %? Ce n'est jamais comptabilisé, ça, et là, on embarque dans des structures gouvernementales épouvantables.

Mme Harel: M. Dufour, me permettez-vous juste une question là-dessus? Par ailleurs, la petite entreprise comme la grande, elle est coti-

sée par l'assurance-chômage présentement, dont une partie qui peut aller jusqu'à 15 % est prélevée pour être consacrée à la formation professionnelle. C'est donc, dans le fond, un peu hypocrite; ce n'est pas directement comme tel, mais c'est par le biais de l'assurance-chômage qu'il y a une taxe sur la masse salariale pour les programmes dit actifs.

La PME, ce qui est injuste en plus de ça, c'est que celle qui fait de la formation, elle a en plus à payer, par le biais de la caisse d'assurance-chômage, ses politiques de formation. Elle ne peut même pas s'en dispenser, comme le proposait la politique du 1 %. En plus, ce sont des incitatifs parce que c'est une taxe sur la masse salariale, vous savez, avec un plafond au niveau de l'assurance-chômage.

M. Dufour (Ghislain): Je donne la parole à M. Garon, mais juste là-dessus, je suis d'accord avec vous. Il y a un paquet d'affaires dans l'assurance-chômage qui ne sont pas correctes. Quel est le pourcentage qu'on paie pour les congés maternité? Quel pourcentage pour la formation professionnelle? Quel pourcentage pour la préretaite? Quel pourcentage vraiment pour le remboursement? Ça, vous avez parfaitement raison. Je suis d'accord avec ça.

M. Garon (Jacques): Oui. Le problème, Mme Harel, avec ce genre de solution, c'est qu'il a été expérimenté depuis 1971, en France, où toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, se sont vu imposer une taxe sur la masse salariale uniquement destinée à un fonds pour la formation professionnelle de toutes les entreprises. Or, les résultats que j'ai lus à ce jour montrent que 90 % des PME et des P de la PME n'ont jamais trouvé le moyen d'aller chercher de l'argent, de la formation ou des ressources humaines pour donner de la formation. Ce sont les gens qui étaient déjà formés qui ont profité de ce fonds, et les moyennes et les grandes entreprises.

Mme Harel: C'est pour ça qu'une politique comme celle-là doit s'accompagner du fait que si l'entreprise la fait, si la PME la fait, cette formation, elle peut se voir dispenser d'avoir à verser ce 1 %, ce qui n'est pas le cas en France. Je pense qu'ils viennent même...

Une voix: Oui.

Mme Harel: ...de le hausser à 1,5 % dernièrement. Vous savez, Emploi et Immigration Canada a déposé un mémoire devant la commission. Ils ne viendront pas le présenter, mais il a été déposé officiellement. Il y a un certain nombre de questions qui sont posées dans ce mémoire. J'aimerais vous les relayer, notamment la suivante: Est-ce que les fonds fédéraux concernés passeraient directement à la Société québécoise ou par le biais du gouvernement du Québec? Je ne sais pas, là... Cette question n'a pas encore été mise sur la table, mais c'est toute la différence. Le projet de loi prévoit les crédits votés par le gouvernement. Est-ce à dire que les fonds fédéraux passeraient par le Trésor public avant d'être transités à la Société, auquel cas la Société pourrait s'en voir, si vous voulez, diminuer une portion dans le passage.

L'autre question qui était également dans ce mémoire: Quel sera le processus décisionnel de la Société québécoise? Je sais que vous vous intéressez au mandat. Vous dites qu'il y a une sorte de mise en tutelle dont on veut se dégager, mais l'autre question, c'est: Est-ce qu'il va y avoir des décisions par consensus? Le gouvernement représente déjà, dans le projet de loi, le tiers de voix. Est-ce que ça va être, finalement, le président qui va trancher les différends, mais ces différends, est-ce que c'est à la majorité des voix qu'ils vont s'exprimer ou à la majorité des blocs, etc.? Ça, c'est finalement d'autres questions certainement importantes.

Il y en a une dernière. C'est que Emploi et Immigration Canada dit au ministre: Dans l'entente provisoire que vous avez signée au mois de novembre, vous nous donnez une place dans les CFP. Est-ce que vous nous en donnez une aussi dans les sociétés régionales? Cette question-là aussi, finalement, est restée en plan. En regard de toute cette question du mandat de ces sociétés régionales, est-ce que vous ne craignez pas que ces mandats, étant donné qu'ils se situent au niveau régional, parce que vous savez qu'il y aurait des bureaux locaux dans le projet, Emploi et Immigration étant transféré... Dans les bureaux locaux qui, finalement, sont au niveau des MRC, n'est-ce pas, est-ce que ce n'est pas là où ça devrait se passer? Est-ce que la décentralisation, ça ne devrait pas aller vraiment sur le terrain, là où les gens connaissent leurs besoins, autant les entreprises que les travailleurs?

M. Dufour (Ghislain): Je n'ai pas lu le mémoire. Je sais qu'ils ont décidé de ne pas venir devant vous. Mais les questions qui sont plus faciles, celle du transfert comme tel des sommes d'argent, je pense qu'il y a un article qui prévoit ça, que c'est le ministre qui négocie avec son homologue fédéral. En tout cas, pour nous, ça devrait aller au gouvernement et, ensuite, être transité à la Société parce que c'est lui qui va acheter les programmes, c'est lui qui va donner le budget. Donc, ça devrait être transité vers le gouvernement du Québec. C'est intéressant ce que vous posez comme question, le caractère décisionnel, parce que, oui, vous avez justement, au départ, huit personnes. Si ce ne sont pas des dispensateurs, donc, si ce n'est pas le président de la Fédération des cégeps ou le président de la Fédération des commissions scolaires, qui sont des hommes politiques ou des

fonctionnaires, vous venez de prendre un tiers et de le mettre carrément en faveur du président qui, lui, sera choisi par le gouvernement. Donc, on part au départ avec 7-12. Comment se fera le processus décisionnel? Vous avez parfaitement raison. Dans les boîtes tripartites, c'est excessivement difficile parce qu'on ne sait où le bloc gouvernemental se positionne. D'ailleurs, il y avait un conseil comme ça avant, qui était le conseil qui a précédé le CCTM, le Conseil du travail, qui était tripartite. Ça n'a jamais marché parce que c'était tripartite.

Sur la question du mandat des bureaux régionaux, nous, on a un problème avec la société régionale parce qu'on croit beaucoup plus - je l'ai dit dans mon exposé - à l'approche sectorielle. C'est dans les pâtes et papiers que ça se fait. Ce n'est pas dans les régions... C'est dans les régions, mais je veux dire qu'il faut impliquer l'association sectorielle, les syndicats au niveau sectoriel. C'est ce qui se passe justement dans les pâtes et papiers actuellement, où le président de l'AIFQ rencontre M. Larose. Ça n'a rien à voir avec la région., Alors, dans ce sens-là, je pense qu'on va rencontrer des problèmes. Les mesures d'adaptation de la main-d'oeuvre qu'on aurait dû avoir et qu'on n'a pas eues, suite au traité de libre-échange, auraient dû se faire dans le textile, n'auraient pas dû se faire dans la région X. C'est dans des secteurs qui sont plus directement atteints. Je pense qu'ils auraient dû venir devant vous parce qu'ils ont de bonnes préoccupations.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Je vais reconnaître M. le député d'Abitibi-Ouest pour deux minutes d'intervention et nous allons terminer cette rencontre.

M. Gendron: Quelle générosité!

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Oui, mais c'est le temps qui m'oblige.

M. Gendron: C'est bien. M. Dufour, rapidement, je pense que c'est important que vous soyez la. Il y a des éléments de consensus dans votre mémoire, c'est évident. En tout cas, moi, en ce qui me concerne, même si j'ai encore entendu l'explication du ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu à l'effet que oui, il y aurait un représentant de l'éducation, un secondaire et un du collégial, de deux choses, l'une: ou bien il ne veut pas comprendre, ou il n'écoute pas quand sa collègue parle. Sa collègue a dit: Ça ne sera pas la Fédération des cégeps, alors que votre demande, c'est ça, et moi, je veux juste rappeler que vous avez raison. Si les dispensateurs de formation ne sont pas là-dessus, on se gargarise et ils ont tellement d'autres occasions sur d'autres sujets que je ne voudrais pas le faire là-dessus. C'est trop important.

Quand, dans votre mémoire, à la page 10, vous insistez sur le fait qu'encore là, on fait erreur, d'après moi, si on pense que tout le régime d'apprentissage qu'on peut développer, pour l'essentiel, selon le ministre, il est pour les adultes, il est dans les patates et vous faites bien de lui rappeler que ça ne marche pas. Ce n'est pas pour l'essentiel chez les adultes. Il doit d'abord et avant tout être pensé en fonction des jeunes étudiants, et vous l'avez développé.

Sur les éléments de consensus, je pense qu'il n'y a pas de problème. À la page 14, vous insistiez sur l'approbation du gouvernement, tout le volet... La société est au niveau régional, mais elle ne peut rien faire et vous avez raison de dire que ça peut être très long avant d'avoir les approbations, même pour mettre fin à des programmes.

La seule question que je voudrais développer dans la minute qui me reste, c'est que je suis resté un peu surpris que, dans votre mémoire, ce qui vous touchait particulièrement, après avoir dit que vous faites des efforts pour le financement des mesures de formation professionnelle... Ce qui n'est pas vraiment le cas pour la PME, soyons de bon compte. Ça ne vous enlève rien pour les grandes entreprises, mais pour la petite PME, je ne pense que vous fassiez bien de la formation. Ce n'est pas ce que les chiffres démontrent. Vous avez ajouté: On ne souscrit pas aux propositions de création d'un fonds de licenciement collectif financé par les employeurs.

Vous n'êtes pas plus d'accord pour que les entreprises aient l'obligation du droit de congé de formation. Il m'apparaissait que c'étaient quand même deux aspects de fond. Si on sort des structures et qu'on regarde la réflexion du ministre, il y a quand même des éléments majeurs. Je trouve que c'en est deux. Vous, vous dites: Vous repasserez. Alors, supposons qu'à la place de ces deux mesures-là, si j'essayais d'identifier votre part, au nom de l'organisme que vous représentez, où serait la part du Conseil du patronat du Québec dans une contribution majeure à une réforme concernant de meilleures mesures d'employabllité?

M. Dufour (Ghislain): Ça ne me surprend pas du tout que vous soyez en accord avec ces deux propositions-là de l'énoncé. L'inverse m'aurait surpris. Sur le congé de formation, remarquez bien qu'on ne le rejette pas. On dit que ça ne doit pas être coercitif. Selon quel paramètre on le fera? D'ailleurs, on a le problème actuellement qui est posé. Dans le dernier budget de M. Gérard D. Levesque, il y a déjà des sommes d'argent qui sont prévues pour les fins du congé de formation. On a, à la conférence permanente, à discuter et à donner des paramètres au ministre dans l'application de cette prévision budgétaire. Donc, on va être obligés de l'aborder. Mais on va plaider le plus possible que ça devrait être le moins coercitif possible.

Quant à la mise sur pied, encore là, c'est évident que vous ne pouvez pas être en désaccord, vous, avec ça, un fonds de licenciement collectif. Ce qu'on dit, c'est qu'au plan économique actuel, ce n'est pas le meilleur temps. Il y a eu des périodes où certains gouvernements auraient pu le mettre sur pied alors que ça allait financièrement mieux. Ce n'est pas une bonne période. Comme ça s'applique sur toute ...le problème c'est toujours les PME là-dedans. C'est ces PME-là qui ont le plus de difficultés actuellement. Il y a eu un projet aussi de donné à la conférence permanente: de limiter les sommes de l'entreprise par ailleurs à 500 $ ou à 1000 $. On n'est pas fermés à tout prix à ça, là, sauf que ce n'est pas notre priorité actuellement.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. le Président. Je vous remercie de votre présentation ainsi que le Conseil du patronat du Québec. M. le ministre, peut-être pour trente secondes.

M. Bourbeau: Tout en remerciant les membres du Conseil du patronat, j'aimerais profiter de l'occasion pour bien souligner, au cas où on aurait mal saisi, que la proposition en matière d'assurance-chômage ne vise pas à faire perdre au Québec le milliard de dollars de la péréquation canadienne. Ça, c'est entendu dans notre proposition que nous ne voulons pas que ce milliard-là soit perdu. La proposition, telle que nous la formulons, en tout cas, fait conserver aux travailleurs québécois les effets de la péréquation.

M. le Président, je veux remercier les gens du Conseil du patronat du Québec pour leur contribution.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Alors, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 48)

(Reprise à 14 h 12)

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Nous allons reprendre nos travaux.

Je demanderais au Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît. Alors, M. le président, M. Giroux, je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, dans un premier temps, et de nous livrer votre message. Le temps sera réparti comme suit: vous avez une heure, dont 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, 20 minutes au part) ministériel et 20 minutes au parti de l'Opposition. Cependant, ce temps pourra être dérangé, dépendamment de votre goût de raccourcir votre temps de présentation ou non.

Alors, M. le président, allez-y gaiement.

Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec

M. Giroux (Daniel): Merci beaucoup. Alors, en commençant par ma droite, M. Rénald Desharnais, du ministère de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu; à mon extrême gauche, de la Commission de formation professionnelle de la Montérégie, Denis Rancourt; M. Yves Guertin, du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle; Mme Isabelle Albernhe, également du même ministère et vice-présidente au Syndicat, à l'exécutif.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Bienvenue, messieurs, dames.

M. Giroux: On voudrait, d'abord, vous remercier de nous recevoir. Nous représentons, le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, 12 000 professionnels, c'est-à-dire des personnes dont l'emploi exige un diplôme universitaire, qui oeuvrent dans l'ensemble des ministères et organismes régis par la Loi sur la fonction publique, mais aussi dans un certain nombre d'établissements de santé et de services sociaux et dans un certain nombre, également, de commissions de formation professionnelle. Le mémoire dont je vais vous livrer les grandes lignes et que nous vous avons adressé a reçu, également, l'appui du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec qui endosse entièrement le point de vue que nous allons vous livrer.

Notre présentation va recouper quatre éléments: d'abord, le premier, des éléments juridictionnels avec le gouvernement fédéral, avec Ottawa; le mandat de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre; ensuite, son organisation et, enfin, son rattachement au réseau de la fonction publique.

En premier lieu, donc, la juridiction, les éléments de juridiction avec Ottawa. On aura tous compris que la capacité du Québec d'intervenir dans le domaine de l'emploi est, en partie, fonction de l'argent disponible. En cette période où l'argent se fait très rare, il faut regarder toutes les sources disponibles.

Quand le ministre Bourbeau dit qu'il veut récupérer la juridiction complète de la main-d'oeuvre et de l'emploi et administrer, sur le territoire du Québec, les caisses d'assurance-chômage, nous devons dire et admettre qu'il va dans la bonne direction. Cependant, pour faire les choses proprement et au meilleur des besoins de notre population, II nous semble qu'on devrait exiger un changement à la Constitution pour rapatrier, par un amendement constitutionnel, les 4 500 000 000 $, environ, qui représentent la part de prestations d'assurance-chômage au Québec livrée dans le dernier bilan fédéral au

Québec. 4 500 000 000 $, c'est énormément d'argent qui permettrait au Québec non pas d'être une simple succursale du fédéral pour appliquer des règles construites pour des impératifs d'un océan à l'autre, mais pour établir ses propres règles en fonction des besoins de chacune des régions du Québec en matière d'emploi, de main-d'oeuvre et de support aux personnes qui vivent des problèmes de mise à pied. Premier élément, donc, ne pas se contenter de rapatrier de l'argent pour l'administrer, mais bien l'entière juridiction qui est actuellement fédérale.

Quant au mandat de la Société québécoise de développement de la maln-d'oeuvre, nous sommes d'accord avec la création d'une société qui réorganise nos énergies pour les rendre plus efficaces, qui suscite une meilleure implication des intervenants. Nous souhaitons cependant que cette Société soit accompagnée d'une autre réforme qui aurait mené à la création d'un ministère de l'emploi dont la principale tâche aurait été d'être responsable d'une politique du plein emploi au Québec.

La formation, l'adaptation de la main-d'oeuvre qui est le mandat qu'on veut décerner à la Société québécoise, est un élément d'intervention fort important pour éviter que des gens ne perdent leur emploi, mais il y a beaucoup plus que cela. Avec le taux de sans-emploi actuel au Québec, il nous semble qu'on aurait dû inscrire au coeur des préoccupations gouvernementales celle de l'emploi, l'incarner dans un ministère et dans un porte-parole au niveau du Conseil des ministres.

Par ailleurs, le mandat, dans son articulation actuelle, de la Société québécoise nous apparaît Incomplet. Le projet de loi met l'accent sur la protection et sur le développement de la main-d'oeuvre. Nous préférerions qu'il s'agisse de protéger et de développer l'emploi car adapter et former la main-d'oeuvre, c'est, au fond, la rendre capable de répondre à l'offre d'emploi des entreprises, mais ce n'est pas oeuvrer sur l'offre d'emploi des entreprises et cela nous apparaît tout aussi important.

On pourra dire que le ministère de l'Industrie et du Commerce s'occupe de développer nos entreprises. Certes, il le fait par des actions structurantes en cherchant les créneaux qui seront les plus performants, en cherchant les effets d'entraînement, en réglant les problèmes financiers ou un nantissement que peuvent rencontrer les entreprises québécoises, mais il nous semble qu'on ne peut intervenir dans les entreprises pour adapter la main-d'oeuvre que dans le cadre d'une approche globale de la situation de l'entreprise elle-même à l'égard de son emploi, de ses emplois. Si l'entreprise est dans des difficultés en raison de mauvaise gestion, de mauvais plans de marketing ou de mauvaise organisation, on aura beau travailler pour adapter sa main-d'oeuvre, ce seront souvent des énergies purement perdues.

Donc, élargir la mission de la Société québécoise pour lui permettre des interventions qui ne seront pas limitées qu'aux seules ressources humaines de l'entreprise, mais dans un cadre global pour que toutes les entreprises qui ont des chances de survivre au Québec le fassent, maintiennent et créent des emplois.

Quant à la structure de la Société, maintenant. Nous vous livrons un certain nombre de recommandations. D'abord, que les représentants des employeurs, du mouvement coopératif et des syndicats soient désignés par ces organisations, mais également d'intégrer au niveau du conseil d'administration des représentantes et des représentants statutaires d'autres groupes de notre société, qui sont également des intervenants particuliers: les femmes, les autochtones, les personnes handicapées, immigrantes, non syndiquées ou sans emploi. Il est important que ces différents groupes puissent être représentés au conseil d'administration de la Société au niveau central, mais aussi dans chacune des régions du Québec et désignés - j'y reviens - par les groupes qui représentent ces différentes clientèles.

Nous sommes d'accord pour qu'il n'y ait qu'une seule entité juridique, mais nous insistons pour que les services régionaux de planification et d'estimation des besoins demeurent dans les régions pour que celles-ci puissent apporter une contribution active aux politiques et aux programmes, une contribution active fondée sur le vécu de chacune des régions pour que les programmes, (es politiques cadrent bien aux besoins des personnes, des entreprises. Nous insistons aussi pour qu'il y ait deux centres administratifs régionaux, l'un à Montréal et l'autre à Québec. Ce sont deux pôles importants de l'Est et de l'Ouest qui demandent des ressources pour articuler les politiques.

Dernier élément, nous nous questionnons beaucoup sur le fait qu'on ne soumette pas cette Société à l'application d'un certain nombre de règles, de lois qui font partie de notre consensus social pour encadrer des interventions que nous faisons avec l'argent des citoyens. Nous sommes en présence d'une société qui, à terme, pourrait gérer quelque 6 000 000 000 $ à 7 000 000 000 $, employer de 7000 à 8000 personnes, c'est-à-dire 15 % du budget annuel du Québec, de l'argent qui appartient aux citoyennes et aux citoyens. Or, cette Société, dans l'état actuel du projet de loi, ne serait pas assujettie à la Loi sur l'administration financière, ni au Vérificateur général, ni au Protecteur du citoyen, ni à la Loi sur la fonction publique, autant de grands encadrements que notre société s'est donnés pour encadrer celles et ceux qui les servent, celles et ceux qui gèrent leur argent. Car, contrairement à d'autres sociétés qui ne relèvent pas non plus du Vérificateur général ou de la Loi sur l'administration financière comme Hydro-Québec, comme SOQUIP,

par exemple, ces autres sociétés produisent des biens. Elles ont une clientèle immédiate à servir, elles sont situées dans un marché. Or, ici, nous sommes devant une société qui est au coeur de la mission publique, qui applique des politiques, des programmes, qui distribue de l'argent. Il faut que cela soit fait avec équité, impartialité, transparence. Cela impose des contraintes, certes, mais des contraintes nécessaires. Mais ces contraintes laissent suffisamment de place à d'autres grandes organisations qui gèrent également des caisses importantes, comme l'assurance-maladie, l'assurance auto, les assurances agricoles, la Commission de la santé et de la sécurité du travail où le partenariat est plus présent et qui, toutes, ont des comptes à rendre publiquement de l'utilisation qu'elles auront faite de l'argent qu'on leur aura confié.

On nous dira qu'ainsi la Société aura moins d'autonomie. Oui, un peu seulement, car même la Loi sur la fonction publique permet des délégations maintenant quant à l'embauche qui permettent à la Société de recruter des gens dont elle a vraiment besoin.

Le fait aussi que cette Société soit régie par la Loi sur la fonction publique serait un grand plus, à notre avis, pour les ressources humaines, en ce sens que la mobilité entre des ministères et les employés qui sont à leur emploi, qui travaillent déjà dans des champs connexes au ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, à la Société de développement industriel, au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, au ministère des Forêts, au ministère des Affaires internationales et à la CSST, puissent, à un moment ou à un autre, muter dans cette Société, ou inversement, autant de personnes qui ont déjà des habiletés d'Intervenir dans les entreprises et qui pourraient ajouter leurs connaissances à la Société, mais également dans leur propre développement personnel.

Quant à l'embauche, je vous le souligne à nouveau, le fait de relever de la Loi sur la fonction publique, à notre avis, n'est pas une entrave, mais une garantie d'impartialité dans l'embauche, qu'on engagera les personnes les plus compétentes, selon des règles connues, mais avec une pleine délégation des pouvoirs pour le faire.

À cet égard, on vous souligne également dans notre mémoire qu'en Ontario le Conseil ontarlen de formation et d'adaptation de la main-d'oeuvre dont on parle dans les politiques gouvernementales ontariennes, le COFAM, serait assujetti à la Loi sur la fonction publique de l'Ontario. Voilà, M. le Président, qui complète notre mémoire. Au fond, nous sommes en accord avec la création de la Société, mais nous pensons qu'il y aurait lieu de revoir certains grands éléments de son mandat, de sa structure, de son fonctionnement. Je vous remercie.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. M. le président, je vous remercie de votre exposé. Je vais maintenant demander au ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle de réagir à vos propos. M. le ministre.

Ml. Bourbeau: Merci, M. le Président. J'aimerais demander à nos visiteurs ce qu'ils entendent quand ils demandent que la Société ait la maîtrise d'oeuvre de l'ensemble des fonctions des entreprises qui influencent l'adaptation de la main-d'oeuvre et la protection de l'emploi.

M. Giroux: Excusez-moi, j'ai de la difficulté à vous entendre.

M. Bourbeau: Je m'excuse. Je crois que vous demandez, dans votre mémoire, que la Société québécoise de la main-d'oeuvre ait la maîtrise d'oeuvre de l'ensemble des fonctions des entreprises qui influencent l'adaptation de la main-d'oeuvre et la protection de l'emploi. Qu'est-ce que vous entendez par l'expression «l'ensemble des fonctions des entreprises»? Enfin, c'est un résumé que j'ai devant mol Ici.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Est-ce que vous voudriez vous identifier, s'il vous plaît?

M. Desharnais (Rénatd): Oui. Rénald Desharnais, du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. J'oeuvre depuis de nombreuses années dans ce qu'on appelle les CAMO, les comités d'adaptation de la main-d'?uvre.

Le point qu'on veut soulever ici, M. le Président, MM. et Mmes les parlementaires, est le suivant. C'est qu'il nous apparaît que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, l'objectif principal qu'elle doit poursuivre, c'est le maintien et le développement de l'emploi. Il nous apparaît que, dans de nombreuses entreprises, le problème central que ces entreprises rencontrent, à première vue, n'est pas toujours un problème de développement des ressources humaines. Il peut y avoir un problème au niveau des marchés, il peut y avoir un problème au niveau de l'organisation de la production ou au niveau de la gestion. Il est bien sûr qu'il y a d'autres organismes, au gouvernement du Québec, le ministère de l'Industrie et du Commerce, la Société de développement industriel, mais ces ministères et organismes ont des critères et plusieurs entreprises ne sont pas capables de rencontrer les critères. La situation qu'on rencontre en pratique, de façon assez fréquente, c'est qu'à un moment donné une entreprise est aux prises avec un problème de survie. Ce problème-là, le fondement du problème n'est pas au niveau des ressources humaines. Il est soit au niveau du financement ou au niveau du marketing et les autres ministères ne peuvent

pas intervenir.

Il nous apparaît que, dans ce cas-là, il faille qu'un organisme comme la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre puisse suppléer au fait que d'autres intervenants ne puissent pas combler les besoins du client. En bout de ligne, si chacun se replie sur les normes qu'on gère de façon étroite, ce qui va se passer, c'est que l'entreprise va nous glisser entre les mains et, quand l'entreprise nous glisse entre les mains, bien, c'est des dizaines ou des centaines d'emplois qui tombent. Donc, dans ce sens-là, on recommande d'avoir une approche globale, que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre adopte une approche globale un peu du type qu'on utilise dans l'intervention qu'on appelle communément les comités d'adaptation de la main-d'oeuvre. (14 h 30)

M. Bourbeau: Vous proposez la création d'un ministère de l'emploi. Je suis toujours un peu perplexe devant une proposition comme celle-là. On est habitué à relier un ministère à une fonction précise: l'Agriculture s'occupe d'agriculture, l'Environnement de l'environnement, nous, de la main-d'oeuvre. Mais quand on arrive à un ministère de l'emploi, là, c'est une fonction qui est un peu plus horizontale. On a de la difficulté à relier ça à des fonctions très concrètes. Est-ce que vous n'auriez pas peur que la création d'un tel ministère puisse faire double emploi avec toute une série de ministères qui, présentement, ont des responsabilités en matière de développement économique et d'emploi, justement, comme le ministère de l'Industrie et du Commerce, le ministère de l'Énergie et des Ressources, le ministère des Forêts, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et même le ministère de la Main-d'oeuvre qui joue un rôle également dans le développement économique?

Je présume que vous ne suggéreriez pas que ces ministères-là soient abolis pour être remplacés par un ministère de l'emploi. Alors, selon vous, quelle serait la mission de ce nouveau ministère?

M. Giroux: II s'agirait d'une mission horizontale un peu de la même nature que celle de l'Environnement. Donc, non pas d'enlever des champs d'intervention catégorielle au ministère, mais bien de s'assurer qu'on couvre tout le champ de l'emploi, ce qui n'est pas certain, et de sensibiliser l'ensemble des interventions de l'État pour qu'elles améliorent la situation de ('emploi. L'une des grandes difficultés, entre autres, de notre société à venir, c'est comment on va réussir à articuler l'environnement et l'emploi. On peut essayer de le faire dans chacun des secteurs industriels, mais il nous semble que d'avoir une organisation dont ce serait la mission de se préoccuper de l'emploi, d'intervenir au Conseil des ministres sur ces questions-là raffermirait les actions gouvernementales qui de- vraient être prises par l'ensemble des organisations ministérielles.

M. Bourbeau: Une autre question ici. Vous proposez quelque part d'accueillir d'autres partenaires au conseil de la Société québécoise, divers groupes issus des milieux communautaires. Les principaux partenaires du gouvernement à la Conférence permanente sur la main-d'oeuvre, du moins ceux qu'on a entendus jusqu'à présent, nous disent qu'au contraire ils préféreraient s'en tenir aux trois groupes qui sont identifiés dans le projet de loi, voulant prendre le temps d'apprendre à travailler ensemble - ce qui n'est pas encore acquis - avant de penser à accueillir un quatrième bloc ou une quatrième roue, selon l'expression qu'on veut bien prendre, qui pourrait être formé des représentants des organismes communautaires. Comment réagissez-vous par rapport à cette vision des choses?

M. Giroux: Vous avez quand même, dans le projet de loi, des sièges qui ne sont pas réservés à l'un ou l'autre des partenaires actuels pour lesquels le gouvernement pourra désigner des personnes. Alors, il nous semble que le gouvernement devrait s'engager à ce que ces personnes représentent d'autres catégories puisque recueil qu'on pourrait rencontrer, à notre avis, avec la Société, c'est qu'on ne s'occupe que des gens déjà à l'emploi. C'est une vision main-d'oeuvre. Comment faire pour que les personnes à l'emploi le demeurent le plus longtemps possible avec la formation nécessaire. C'est bien.

Mais il y a aussi des gens qui ont quitté leur emploi il y a peu de temps, qui sont devenus sans emploi ou alors il y a des personnes qui ont certaines difficultés à demeurer ou à atteindre le marché du travail. C'est donc dans cette même problématique de l'emploi en général qu'on verrait de grands avantages à impliquer d'autres partenaires, sans remettre en question l'équilibre entre le monde patronal et les représentants syndicaux.

M. Bourbeau: sauf que, sur le plan pratique, il risque d'y avoir beaucoup d'appelés, mais peu d'élus parce que le nombre de sièges est quand même très restreint. il y en a déjà deux qui sont réservés, dans le projet de loi, au milieu de l'éducation. donc, il resterait quatre sièges pour la partie gouvernementale. on pourrait peut-être penser que ce ne serait pas trop, surtout... comme il y a très peu d'entre vous qui ne viennent pas du ministère de la main-d'oeuvre, alors, vous allez être d'accord qu'il devrait probablement y avoir au moins un représentant du ministère de la main-d'oeuvre à la société québécoise. probablement qu'un ministère comme celui de l'industrie et du commerce voudrait aussi avoir quelqu'un qui puisse siéger là. si on doit admettre, après ça, je ne sais pas moi, tous les groupes constitués, des groupes de pression

comme, je ne sals pas, les handicapés, les femmes, les communautés culturelles, tous ceux qui ont défilé devant nous, on va se retrouver avec un très grand nombre de candidats pour très peu de sièges.

M. Giroux: Rénald.

M. Desharnais: Oui. Rénald Desharnais. Ce que j'aimerais dire là-dessus, c'est que, dans l'énoncé de politique que vous avez soumis, II y a tout de même certains chapitres qui portent sur des programmes qui visent d'autres clientèles que ceux qui sont en entreprise ou qui viennent de perdre leur emploi. On parle, entre autres, de développement économique local et c'est là qu'on arrive dans des mesures qui sont plus de développement de l'employabiltté. Il nous apparaît que, si on identifie une clientèle particulière, à un moment donné, les gens qui sont issus de ce milieu-là et qui travaillent avec ces organisations-là, avec cette problématique-là, on doit leur faire une place au niveau du conseil d'administration et au niveau des sociétés régionales.

C'est bien certain qu'à un moment donné ces organismes sont beaucoup plus nombreux que les associations patronales et le mouvement syndical. Par ailleurs, on a pris connaissance, on échange avec différents organismes, via des propositions qui vont vous être faites dans le futur où on va recommander à un organisme du type de l'ICEA, Institut canadien d'éducation des adultes, d'agir un peu comme un forum qui pourrait sélectionner des candidats et des candidates qui pourraient être présentés pour représenter cette clientète. Je pense que ce n'est pas au SPGQ de dire: Voilà, c'est l'Association pour la défense des droits sociaux qui doit être là. C'est à eux de discuter et de dire quel est le meilleur organisme ou la meilleure personne qui peut nous représenter dans le cadre de cet organisme-là.

Et c'est quelque chose qui existe. Naturellement, on ne veut pas importer tout ce qui se passe au Canada ou en Ontario, mais c'est quelque chose qui existe là-bas. Les partenaires patronaux et syndicaux se sont entendus et ont fait une place à ces organisations-là. Je vous remercie.

M. Bourbeau: Dans votre mémoire, en page 6, vous suggérez que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre soit liée quotidiennement au ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle afin que celui-ci puisse jouer un rôle d'interface avec ses collègues. Ça m'étonne un peu, une suggestion comme celle-là. Remarquez que, d'une certaine façon, ça ne me déplairait pas d'être lié quotidiennement parce que c'est un sujet qui m'intéresse beaucoup et probablement que mon successeur ou ma succes-seure aussi, sauf que ça contredit carrément l'état d'esprit qui prévaut présentement au sein des partenaires majeurs du gouvernement dans ce dossier-là, tant le patronat que les syndicats, à l'effet de tenter d'accorder à la Société québécoise une marge de manoeuvre. On prétend même que le projet de loi tel que libellé, certains prétendent qu'il donne trop de pouvoirs au gouvernement et pas assez à l'organisme. Nos partenaires nous implorent de desserrer les liens et de rendre les administrateurs vraiment responsables.

Ne craignez-vous pas de briser, justement, l'équilibre entre l'efficacité et le contrôle en renforçant l'encadrement du gouvernement sur la Société?

M. Giroux: J'espère que votre question ne signifie pas que, lorsqu'une organisation relève de la Loi sur la fonction publique et donc d'un ministre, elle est inefficace. Je suis certain que ce n'est pas ce que vous avez voulu dire.

M. Bourbeau: Je ne crois pas avoir dit ça, non. Je me faisais le porte-parole de nos partenaires du marché du travail...

M. Giroux: Oui.

M. Bourbeau: ...de bien citer leur point de vue.

M. Giroux: II nous semble, à nous, que c'est tout à fait conciliable que des partenaires tracent les grandes orientations, fassent des choix, arrivent à des arbitrages entre eux, qui, s'ils vont dans le sens du bien commun, seront entérinés par le ministre. Mais le ministre ou le gouvernement, comme il s'agit d'une mission qui nous apparaît gouvernementale, ne doit pas non plus se départir de ses responsabilités et de son intégration de cette mission dans l'ensemble des autres gestes, des autres programmes, des autres politiques gouvernementales. L'emploi, la main-d'oeuvre, ce ne sera jamais séparé de l'éducation; ça ne sera jamais séparé du développement de l'entreprise, du financement de l'entreprise. Nous plaidons, nous, pour des gestes intégrés, tout en souhaitant qu'il y ait un partenariat efficace pour donner des orientations à la Société. Je vous rappelle que ce n'est pas incompatible, c'est complémentaire. Nous n'y voyons pas de problème.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le ministre, il vous reste exactement six minutes.

M. Bourbeau: Merveilleux! Si vous voulez, nous allons aborder un sujet extrêmement délicat que vous abordez vous-même dans votre mémoire, sera-ce Montréal ou sera-ce Québec? Vous tranchez la question d'une façon tout à fait salomo-nlenne en disant que - salomienne, à Salomon -vous souhaitez que les services administratifs

centraux de la Société soient maintenus à Québec et à Montréal. Ça m'apparaît un peu difficile. C'est peut-être facile de le dire comme ça, c'est une bonne façon de s'en sortir, mais, en pratique, c'est difficile de concevoir qu'un organisme puisse répartir presque équitablement ses services centraux entre deux endroits. Sur le plan de l'efficacité, ça ne m'apparaît pas être la meilleure solution que d'avoir la principale place d'affaires d'un organisme à deux endroits également répartie, par exemple. Je dois avouer que c'est un dilemme pour moi. J'aimerais bien savoir comment vous entendez nous sortir de ce dilemme-là.

M. Giroux: Nous n'avons pas choisi le siège social. Nous avons parlé de centre administratif.

M. Bourbeau: Oui, c'est bien ce que j'ai dit.

M. Giroux: Oui. Alors, il y aura un choix qui vous appartiendra quant au siège social. Ce pourquoi nous avons parlé de centre administratif, c'est en raison, probablement, de deux missions. D'abord, une première mission qui est celle d'articuler l'ensemble des interventions avec les ministères qui sont à Québec. Le siège social du gouvernement, j'espère, va demeurer à Québec. Par ailleurs, une bonne partie de la clientèle, main-d'oeuvre, entreprises, est plutôt dans le pôle de la région de Montréal. Alors, naturellement, en raison de cette double approche, il devrait y avoir des centres administratifs importants dans l'une et dans l'autre pour s'assurer des deux articulations.

M. Bourbeau: M. le Président, je vais laisser l'Opposition poser des questions, peut-être que je reviendrai tout à l'heure.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Alors, je vais reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Madame, si vous voulez y aller de vos questions.

Mme Harel: merci, m. le président. alors, m. giroux, m. desharnais et vous tous qui représentez devant nous, aujourd'hui, le syndicat de professionnels du gouvernement, je vous souhaite la bienvenue à cette commission. dès la réception de votre mémoire, j'ai lu que vous insistez, avec raison, sur la dimension de l'emploi, dimension qui est absente du projet de loi. par exemple, pour donner suite à vos recommandations, il faudrait notamment modifier les articles 16 et 17 du projet de loi qui prévoient, de façon limitative, la mission de la société uniquement en matière de gestion de ressources humaines et non pas en termes de développement de l'emploi. vous avez dû, comme moi, trouver assez paradoxal que les sociétés régionales aient un mandat de développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi, mais que la société québécoise, dont elles relèvent, n'ait qu'un mandat de développement de la main-d'oeuvre et non plus de l'emploi. Alors, II y a une sorte de réconciliation à faire. Je ne sais pas comment le ministre va répondre à vos attentes.

Il y a peut-être un aspect important aussi, c'est cette confusion - tantôt, vous en parliez - de la main-d'oeuvre comme n'étant que la main-d'oeuvre active. On perd de vue complètement, dans l'énoncé, je dirais même dans les propos du ministre... Quand il parle de main-d'oeuvre, ça se réfère toujours à la main-d'oeuvre en emploi, il y a aussi la main-d'oeuvre sans emploi qui fait partie de la main-d'oeuvre. Votre mémoire n'en parle pas. Je me demandais ce que vous pensiez de l'ajout, à la Société, de cette clientèle qui, dans l'énoncé de politique, est prévue rester dans les centres Travail-Québec, c'est-à-dire tous les prestataires de sécurité du revenu qui seraient écartés du bénéfice des programmes de la Société et qui retourneraient dans les mesures d'employabilité, donc un dédoublement de réseau pour des clientèles qui sont distinctes. Je ne sais pas si vous avez réfléchi à cette question-là.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le président. (14 h 45)

M. Giroux: Vous pariez donc surtout de ce qu'on appelle les aptes au travail dans la clientèle de l'aide sociale, qui est une clientèle de dernier recours qui a recours ultimement aux ressources de l'État pour vivre. Évidemment, tout le support économique qu'on fournit à ces gens doit demeurer, nous semble-t-il, à l'intérieur d'un ministère. Cela ne fait pas de doute dans notre esprit. Quant aux mesures de support pour que ces personnes, celles qui sont aptes à l'emploi, aient, un jour, une jonction avec les besoins des entreprises en matière de main-d'oeuvre et puissent avoir une formation adaptée, alors là, il y a des ponts qui nous semblent un peu ténus, effectivement, dans la politique gouvernementale. On parie d'ententes entre le ministère et la Société, à ce moment-là.

La pratique que nous avons actuellement avec les commissions de formation professionnelle et le ministère ou le gouvernement fédéral qui finance et qui a des critères de financement fait en sorte que cette clientèle passe en dernier dans la formation. Sans enlever quoi que soit à l'autre clientèle... Il nous semble qu'on devrait être un peu mieux organisé. Peut-être est-ce à cause du fédéral - et je ne veux pas lui mettre tous les torts, on administre actuellement son argent à partir de critères, de programmes qui lui appartiennent - mais il y a là une faille dans notre approche de l'emploi.

Mme Harel: Vous pensez donc que ces mesures d'employabilité font partie des mesures de développement de la main-d'oeuvre, c'est ça

qu'il faut comprendre, et que le mandat devrait être confié à la Société québécoise de gérer ces mesures. C'est ça qu'il faut comprendre.

M. Desharnais: Là-dessus, je pense qu'il faut faire le lien avec le ministère de l'emploi. Nous, on comprend que lorsque, à un moment donné, le citoyen perd tous les recours privés - l'assurance-chômage, c'est un régime, c'est une assurance-chômage, on paie des prestations pour qu'à un moment donné, lorsque le risque nous tombe dessus, on puisse recourir à l'assurance - lorsque la personne perd tous ses recours, il nous apparaît qu'il y a une responsabilité sociale là-dessus et que ça doit demeurer sous la responsabilité du gouvernement du Québec.

Néanmoins, on est conscient aussi que ces gens-là, les bénéficiaires de l'aide sociale aptes au travail, font partie de la population active et, à terme, si on poursuit une politique pour le plein emploi, c'est des gens qui ne demandent pas mieux que de s'inscrire dans la production de la richesse au meilleur profit de l'ensemble de la société. Dans ce sens-là, si on avait un ministère de l'emploi, II nous apparaît qu'un peu tous les morceaux du puzzle tomberaient à leur place au niveau de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, les aptes au travail, la politique de développement industriel, le ministère de l'Éducation, etc.

C'est pour ça qu'une de nos recommandations est de mettre un chapeau à tout ça. La Société québécoise, c'est un pas dans la bonne direction, mais je pense qu'on ne peut pas lui demander d'être au coeur du programme gouvernemental pour une politique de... non pas être au coeur, mais être le maître d'oeuvre d'une politique gouvernementale visant au plein emploi. Elle peut être au coeur, mais elle ne peut pas être le maître d'oeuvre; comme mon président le disait, c'est une mission horizontale, puis qui touche un ensemble de ministères. Je pense que c'est un peu comme ça qu'on le voit, à ce stade-ci de nos discussions.

Mme Harel: En vous écoutant lors de l'échange que vous avez eu avec le ministre, je me disais qu'une des confusions qui subsistent, c'est celle de considérer que, quand l'économie va bien, l'emploi va bien. Je relisais encore la lettre d'accompagnement que le ministre signait, en décembre dernier, pour transmettre son document, dans laquelle il disait souhaiter que le dépôt de son énoncé serve à s'interroger sur les défis qui se posent à l'économie du Québec. Je pense que beaucoup de gens, quand on parle d'économie, croient qu'on parle d'emploi. Il y a cette... Tantôt, le ministre vous demandait à quoi servirait un ministère de l'emploi. Je me dis qu'il y a eu, pendant... On a toujours vécu en pensant que, quand l'économie allait bien, l'emploi allait bien. Pourtant, on a connu des périodes de croissance économique continue, où l'emploi se portait mal. On a connu six belles années, jusqu'à 1989, où l'économie était en croissance, avec un taux de chômage de 9 %. Là, au moment où on se parle, l'emploi se porte mal et l'économie se porte mal, mais ça ne fait pas si longtemps que l'économie se portait bien, l'emploi se portait mal. Alors, c'est comme si parler de l'un, c'était comme parler de l'autre. C'est là qu'il y a, finalement, toute l'ambiguïté dans le projet de développement de la main-d'oeuvre tel qu'il nous est présenté. Il nous est présenté comme un projet pour pouvoir relancer l'économie, mais ce n'est pas du tout évident que la relance de l'économie... Au contraire même, la croissance de l'économie est souvent inversement proportionnelle à la croissance de l'emploi. On l'a vécu encore... Vous êtes en main-d'oeuvre, je pense, vous qui accompagnez M. Giroux. Je vous remercie de nous avoir rappelé l'article qui, dans la loi constitutive du ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, attribue la mission au ministère de promouvoir l'emploi de toute la maln-d'oeuvre disponible au Québec. On est bien loin de ça.

M. Giroux: En mots d'aujourd'hui, ça aurait pu s'écrire «le plein emploi.»

Mme Harel: Oui.

M. Giroux: Vous avez raison. Quand on fait des bilans économiques simplement en fonction d'emplois créés ou d'emplois perdus - en bonnes années ou en mauvaises années - on est tout aussi loin du plein emploi très souvent parce qu'on tourne autour des 10 %. Les emplois qu'on ajoute, c'est pour les personnes qui arrivent sur le marché du travail très souvent et notre taux de chômage n'a pas changé. Il n'a fait que croître, II n'a que rarement diminué. Alors, c'est tout un défi que celui du plein emploi et c'est celui qu'on devrait essayer de relever de toutes nos énergies.

Mme Harel: À la page 6 de votre mémoire, vous dites ceci: «Les partenaires patronaux et syndicaux ainsi que les administrateurs de la société doivent résister à la tentation de se replier sur eux-mêmes pour gérer un capital social.» Dans d'autres mémoires, vous savez, on retrouve une critique assez sérieuse, qui appelle justement ce groupe qui fait actuellement partie de la Conférence permanente d'adaptation de la main-d'oeuvre, le groupe des sept en référence avec le Groupe des Sept au niveau, évidemment, des États industrialisés. Alors, vous, vous dites: Ce groupe des sept doit s'ouvrir à d'autres et, entre autres - M. Desharnais, vous nous donniez l'exemple - doit s'ouvrir à ceux qui sont sans emploi et ceux pour qui des interventions sont faites en termes de communautaire ou d'Intervention sociale. C'est ce qu'il faut comprendre?

C'est ce groupe-là, en particulier, dont vous parlez quand vous souhaitez une représentation plus large. C'est ça?

M. Desharnais: Oui, c'est exactement ça. C'est certain que... Comment dire? Si je le dis rapidement, la plupart des emplois se créent ou se perdent en entreprise, mais ce n'est pas le seul lieu d'intervention pour mener la lutte contre le chômage. Il y a plein d'initiatives qui ont été prises par les gouvernements, les deux paliers de gouvernement, tout particulièrement, depuis quelques années, sur le développement local. Moi, j'interviens dans un quartier du sud-ouest de Montréal et c'est assez impressionnant de voir ce que ces organismes peuvent dégager d'imagination pour résoudre des choses qui, à première vue, quand on est habitué d'intervenir au niveau des entreprises, semblent absolument insurmontables. Il nous apparaît que ces gens-là doivent avoir leur place au sein de la Société québécoise pour être capables d'apporter leur contribution et qu'ils ne soient pas relégués un peu comme dans la partie congrue du train de mesures que les gouvernements investissent pour ces clientèles. Il nous apparaît qu'on doit les inscrire au coeur de l'organisation, donc au niveau où se prennent les décisions, aux C.A. et dans les sociétés régionales.

Mme Harel: Vous nous faites valoir également dans votre mémoire, à la page 10, M. Giroux, que la Loi sur la fonction publique permet une délégation des pouvoirs au niveau de l'embauche. Donc, vous indiquez par là que chacune des sociétés régionales - est-ce que c'est ce qu'il faut comprendre? - pourrait avoir... ou, plutôt, la Société québécoise pourrait avoir sa politique d'embauché. C'est bien ça?

M. Giroux: C'est-à-dire que l'Office des ressources humaines qui est responsable de l'embauche dans l'ensemble des ministères et organismes, si la Société est assujettie à la Loi sur la fonction publique, c'est l'Office qui serait donc responsable de l'embauche. Mais l'Office délègue, à partir de grands cadres qui sont très bien connus, la tenue même des concours et ce sont les gens de la Société qui décideraient ultimement des personnes qu'ils engagent, pourvu qu'on respecte des règles d'engager les personnes selon la règle du mérite, donc les personnes les plus compétentes pour occuper les emplois qu'on a ouverts.

Mme Harel: À ce moment-là, l'accréditation syndicale qui couvrirait ces personnes serait celle soit des fonctionnaires provinciaux ou du syndicat que vous représentez. C'est ça qu'il faut comprendre?

M. Giroux: Oui, vous avez raison. On est un peu dans un régime d'exception à la fonction publique. Les accréditations syndicales sont données en vertu de la loi, vraisemblablement parce que le gouvernement a voulu organiser les parties négociantes devant lui dans la fonction publique, donc, ne pas accroître le nombre d'accréditations syndicales. Si c'était le cas, oui, les accréditations actuellement en place dans la fonction publique se retrouveraient également dans la Société.

Mme Harel: Mais d'autres groupes font valoir devant la commission qu'il vient d'y avoir, il y a peu de temps, une période de maraudage syndical qui serait survenue de façon assez récente, semble-t-il. Donc, les employés eux-mêmes ayant décidé et tous ces changements devant avoir lieu avec, comme première priorité, le service à la clientèle, il vaudrait mieux laisser les choses dans l'état où elles sont depuis ce récent maraudage et, donc, attendre à la période d'ouverture d'accréditation pour reprendre tout ce débat-là. Est-ce que ça vous semblerait raisonnable?

M. Giroux: Je ne voudrais pas que vous ayez l'impression qu'on voudrait que la Société soit régie par la loi simplement pour une question d'accréditation syndicale. Ce n'est pas le cas, pas du tout. Quant à l'accréditation syndicale, il faut comprendre que, dans l'état actuel du projet de loi, si des employés de la fonction publique, comme il est prévu, vont travailler dans la Société, la convention collective de la fonction publique, celle des fonctionnaires, la nôtre et d'autres groupes éventuellement s'appliquera, de même que le caractère représentatif des syndicats de la fonction publique, à côté de conventions collectives qui ont été signées dans les commissions de formation professionnelle.

Je pense qu'on peut vivre pendant un certain temps, effectivement, avec cet ensemble de règles, mais qu'à un certain moment il faudra trancher. Est-ce qu'il faut attendre le renouvellement des conventions collectives, comme le laisserait croire le Code du travail normalement? C'est peut-être une période assez longue, parce que ce n'est qu'à l'échéance des prochaines conventions collectives qu'il y aura à nouveau changement d'allégeance possible.

Peut-être qu'il vaudrait mieux rapprocher cette période. Nous, on est prêts à vivre avec les conséquences, les choix que les gens feront.

Mme Harel: Les raisons que vous énoncez sont intéressantes. Vous dites que ça donne plus de garanties qu'il n'y aura pas d'ingérence dans les nominations. Mais le résultat, malgré tout, c'est un résultat d'une seule accréditation syndicale, le fait que ce soit assujetti à la fonction publique?

M. Giroux: Oui, par le régime d'exception qui existe dans la fonction publique, vous avez

raison.

Mme Harel: Je vous pose une dernière question. Il y a un certain nombre d'organismes qui viendront devant la commission signaler que, finalement, ce n'est pas au niveau de la grande région administrative. C'est beaucoup plus au niveau local qu'il devrait y avoir décentralisation. C'est plus là que ça se passe, là où sont, finalement, les bureaux d'Emploi et Immigration Canada, ces bureaux qui couvrent à peu près le territoire d'une MRC et que, finalement, une vraie réforme au Québec, celle qui permet un vrai guichet, un guichet autant pour le placement que pour pouvoir bien identifier les besoins de la main-d'oeuvre en pénurie ou bien identifier tous ces besoins ou des besoins d'aide à l'emploi, c'est plus au niveau de la MRC qu'au niveau de la grande région administrative. Pour donner un exemple, prenons-le comme ça, au hasard, c'est plus à Mont-Laurier qu'à Saint-Jérôme où se trouve le siège de la grande région administrative, mais qui est quand même assez éloigné de là où se trouve, par exemple, le secteur du bois, qui est bien différent du secteur manufacturier autour de la région de Mirabel. Est-ce que ça vous semble raisonnable d'envisager qu'à terme une vraie réforme en matière de développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi, ça doit aller jusqu'au niveau du territoire MRC ou au niveau d'un bureau local? (15 heures)

M. Desharnais: Là-dessus, écoutez, on n'a pas beaucoup centré nos discussions sur ce point-là. Moi, l'élément de réponse que je voudrais soulever est le suivant. J'ai mon collègue, ici, Denis Rancourt, qui travaille à la CFP de la Montérégie. À ma connaissance, à la CFP de la Montérégie, ils ont sept points de services. C'est ça?

Une voix: Sept bureaux locaux.

M. Desharnais: Sept bureaux locaux. Donc, ce n'est pas parce qu'on a une entité régionale qu'automatiquement les sous-régions sont évacuées. Par ailleurs, le fait - comment dire - que les associations patronales, communautaires, syndicales et régionales seront représentées dans les sociétés régionales, il me semble qu'elles vont débarquer dans la Société avec leurs intérêts, avec les problèmes qu'elles ont soit à Mont-Laurier, soit à Granby ou soit à Lac-Mégantic. Donc, dans ce sens-là, je pense que - là, j'irais plus personnellement - II ne faut pas trop disséquer des fois. On est à Montréal. Et quand on entend parier des régions de Laval, de Laurentides-Lanaudière, de Montréal, c'est le même bassin d'emplois. Il y a plein de gens qui demeurent, je ne sais pas, sur ITle de Laval, qui vont travailler soit au nord, soit au sud. Donc, dans ce sens-là, ne multiplions pas trop la base de notre structure parce que, de toute façon, on pourrait avoir des bureaux locaux. Ceci étant dit, il ne s'agit pas de mettre un x sur le local. Je pense qu'à l'Intérieur d'une société régionale, le local peut très bien se retrouver et on pourrait lui faire une place.

Mme Harel: Vous-même travaillez au niveau du sud-ouest de Montréal.

M. Desharnais: Oui.

Mme Harel: La CFP du Montréal métropolitain adresse ses services à l'ensemble de l'île de Montréal. Quand vous dites que vous y travaillez, êtes-vous situé au niveau de la CFP sur la rue Masson ou si vous travaillez vraiment dans le sud-ouest de Montréal, physiquement?

M. Desharnais: Moi, mon bureau est au ministère de la Main-d'oeuvre. Je suis sir Crémazie. Je travaille avec mon collègue de la CFP qui est sur la rue Masson, mais qui, lui, travaille, tout comme moi, exclusivement sur l'arrondissement du sud-ouest; tout comme mon collègue du ministère de l'Industrie et du Commerce.

Mme Harel: Et vous y mettez souvent les pieds, dans le sud-ouest?

M. Desharnais: Au minimum, nos réunions statutaires... On a un programme de soutien aux entreprises. C'est au minimum des réunions statutaires mensuelles et, après ça, plein de réunions - comment dire - ad hoc, dépendam-ment des besoins.

Mme Harel: Sur le terrain.

M. Desharnais: C'est vrai que le sud-ouest, c'est tricoté serré. Les organisations communautaires, là-bas, sont très actives et je pense qu'elles ont réussi à créer une complicité assez serrée de la part des fonctionnaires gouvernementaux ou des gens des CFP.

Mme Harel: Le ministre vous a parlé de son dilemme quant au siège social. Mol, je pensais qu'il était résolu du fait qu'il est membre de la commission ministérielle permanente sur le Grand Montréal et son collègue, le président du Conseil du trésor, et président de ce comité permanent sur Montréal, a déjà annoncé, dans son énoncé d'action pour Montréal, que le siège social allait être à Montréal.

M. Bourbeau: non, m. le président, c'est inexact. le siège social n'a pas encore été déterminé, la loi dit que ce sera par décret. on a annoncé que la principale place d'affaires serait à montréal, mais non pas le siège social. le siège social, ça n'a pas été déterminé encore.

Mme Harel: Alors, la place d'affaires peut être à Montréal et vous pourriez envisager que le siège social soit à Québec.

M. Bourbeau: Le siège social peut être à Montréal ou à Québec. Le gouvernement n'a pas encore décidé.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, je dois vous arrêter. Vous avez dépassé d'au-delà de deux minutes ie temps qui vous était imparti. Alors, je suis dans l'obligation de vous couper la parole, malheureusement, et de mettre fin à cette audience. Je remercie le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec pour sa prestation. Alors, merci, mesdames et messieurs.

Une voix: Merci beaucoup.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Nous demandons maintenant à la Confédération des syndicats nationaux de prendre place, s'il vous plaît, dans les meilleurs délais.

Mesdames et messieurs de la commission, nous allons continuer nos travaux. Je demanderais au président de la Confédération des syndicats nationaux, M. Larose, de nous livrer son message et, en même temps, de nous présenter les personnes qui l'accompagnent. M. Larose.

Confédération des syndicats nationaux

M. Larose (Gérald): Merci, M. le Président. Je vous présente, à ma gauche, Mme Céline Lamontagne, vice-présidente à l'exécutif de la CSN, responsable politique du dossier de la formation de la main-d'oeuvre; à ma droite, François Lamarche, du service de la recherche de la CSN, qui est un collaborateur pour l'élaboration de nos politiques en formation professionnelle.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le président, vous avez une heure à votre disposition répartie en temps égal entre votre présentation de mémoire, le parti ministériel et le parti de l'Opposition.

M. Larose: Je vous remercie, M. le Président. La CSN est contente d'être de ce débat. Depuis le temps que nous souhaitons l'existence d'une politique en formation professionnelle, pour une fois, un gouvernement s'est commis dans une approche plus globale en mettant au centre de ses préoccupations ou en affirmant que la main-d'oeuvre doit occuper une place importante dans le développement durable. Aussi, pour une des premières fois, le Québec est à l'offensive sur cette question. On a longtemps déploré être à la remorque notamment du palier fédéral.

La proposition qui est devant nous est perfectible et je pense que c'est le sens du débat que vous voulez que nous fassions avez vous. Il y aura une présentation en deux temps. D'abord, la vice-présidente responsable du dossier va livrer quelques commentaires sur l'énoncé de politique, plus particulièrement sur les points qu'on estime être les plus importants et, dans un deuxième temps, j'aborderai la question de la Société québécoise. Alors, je vais demander à Céline de présenter le point de vue de la CSN.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Mme

Lamontagne.

Mme Lamontagne (Céline): Bonjour. Je pense qu'il est important de dire d'entrée de jeu que nous considérons que c'est un premier débat sur l'énoncé de politique et que ça doit se poursuivre au-delà de la commission parlementaire. Je pense que notre volonté de faire beaucoup collectivement en formation ne doit pas nous empêcher de faire bien et surtout de développer l'adhésion au changement que ça va nécessiter un peu partout dans la société québécoise.

Alors, quelques remarques sur l'énoncé qu'on a entre les mains. D'abord dire que nous endossons pleinement l'objectif de se donner une culture de formation continue, mais on considère que les mesures qui sont proposées sont beaucoup trop timides, si on veut atteindre cet objectif-là. Alors, on s'est permis de proposer d'autres mesures. D'abord, on trouve important qu'on crée l'obligation pour les employeurs d'investir en formation professionnelle, d'investir à tous les niveaux, mais particulièrement au niveau de l'entreprise, et on s'est avancé jusqu'à proposer de dire que ce montant-là devait être environ 2 % de la masse salariale.

Deuxièmement, on trouve important aussi, pour développer cet objectif de formation continue, de modifier les situations afin d'inscrire des droits pour les individus: droit à cette formation, droit au congé éducation, finalement, droit à la reconnaissance de la formation. Il y a un autre élément important: II faut aussi s'assurer que la formation qu'on donne, la formation qui est reçue, soit une formation qui soit de qualité, qui soit transférable. On tient beaucoup à ce que, même dans le cadre de reconnaissance des expériences acquises en milieu de travail, ce soit des attestations reconnues par les institutions publiques d'enseignement qui certifient cette formation-là parce que ça va davantage servir à tout le monde et surtout aux travailleuses et aux travailleurs.

Nous répétons aussi qu'il est important d'investir dans des mesures pour les femmes parce que l'égalité en emploi, l'équité salariale passent par des mesures de formation, des mesures privilégiées de formation.

Il est important de rappeler - et le gouvernement devrait être clair sur cette question-là - que les institutions publiques d'enseignement

doivent être responsables de la dispensation de la formation professionnelle. Alors, je pense qu'on peut en parler un peu. Nous, notre organisation n'est pas dupe des intentions véritables de la chambre de commerce quand elle prétend qu'il ne faut pas de Société. On n'est pas d'accord avec elle. Nous, ce qu'on pense - c'est peut-être une question à lui poser - c'est qu'elle voudrait être la dispensatrice de la formation. Alors, moins c'est coordonné, mieux c'est. On est inquiets de ce côté-là et on n'est pas dupes des grandes déclarations, mais on dit que le gouvernement doit être clair, que la formation doit être dispensée par les Institutions publiques d'enseignement.

Sur un aspect qui est intitulé dans l'énoncé de principe, «L'instauration d'un meilleur partenariat», il y a des lacunes. C'est sûr que la Société est un élément, mais la lacune principale, c'est au niveau local. Je pense qu'on a négocié depuis des années des comités conjoints de formation professionnelle au niveau local, mais ça va comme ça. Des fols, ce n'est presque pas praticable et il faut reconnaître le niveau local au niveau d'ententes syndicales-patronales et aussi au niveau local, pas seulement reconnaître le niveau national ou le niveau régional. C'est pour ça, entre autres, qu'on propose que quand on appuie des investissements en formation au niveau local, quand il y a des fonds publics, il faut que ce soit conditionnel à une entente patronale-syndicale.

On salue également la mise en place de comités sectoriels, mais on souhaite qu'à l'avenir les comités sectoriels qui traitent de formation, des développements de main-d'oeuvre, ne soient pas mis sur pied juste en temps de crise ou en temps de crise du secteur. Qu'ils regardent vers l'avenir, qu'ils soient imbriqués aux grappes de stratégie industrielle, mais qu'ils ne soient pas non plus dépendants seulement des grappes et qu'ils aient un travail permanent au niveau sectoriel national. Ça nous semble majeur.

On est aussi en accord sur tout le chapitre sur la confusion et la complexité des programmes. Cependant, on se demande pourquoi on n'a pas intégré les mandats de Travail-Québec sur les programmes d'employabilité, qu'ils ne soient pas intégrés à la Société. Nous, le danger qu'on y voit de les laisser en marge, c'est qu'encore une fois on va marginaliser un type de clientèle et ça devrait être intégré dans l'ensemble des politiques de main-d'oeuvre. Et quand on parle de marginaliser un type de clientèle, on sait que c'est particulièrement les assistés sociaux parmi lesquels il y a beaucoup de femmes aussi. Alors, je pense que ça ne devrait pas être à côté des autres politiques de main-d'oeuvre.

Un dernier élément très important aussi, c'est l'image études-travail. On souscrit également à cet objectif, mais il nous apparaît qu'il doit y avoir un débat beaucoup plus large sur l'ensemble de ce qu'on a appelé les mesures contenues dans un projet éducatif. On parle d'apprentissage. On parle de stage en milieu de travail. On parle d'alternance études-travail. Oui, il faut regarder vers les nouvelles formules pédagogiques, mais, à notre avis, il ne faut pas non plus faire une soupe à l'alphabet de toutes sortes de mesures qu'on a Importées de l'extérieur et il faut faire un débat sur cette question-là pour que ce soit intégré dans un projet d'ensemble.

Je termine sur un autre aspect. On croit que la formation professionnelle et le développement de la main-d'oeuvre, c'est important dans le contexte économique actuel, mais ce n'est pas la seule solution, la seule mesure. Par ailleurs, on croit qu'il faut, dans ce sens-là, modifier la législation sur les licenciements collectifs. Merci.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Merci, madame. (15 h 15)

M. Larose: Alors, sur le projet de loi 408, comme c'est pour adoption, on va vous soumettre des commentaires et des propositions précises. Ça va se diviser en cinq blocs. D'abord, la Société nationale... la Société québécoise. Oui, nationale aussi, ça ne se contredit pas. Alors, là-dessus d'abord, la question de la mission et des pouvoirs. Il y a un accord de principe, quant à nous, à l'existence d'un guichet unique, d'ailleurs, en prévision du rapatriement total de l'ensemble des politiques en matière de main-d'oeuvre. On reconnaît que c'est là une société publique qui doit rendre des comptes au gouvernement et au ministre et qui doit fonctionner dans le cadre des politiques gouvernementales. Mais l'encadrement proposé par les articles 21, 22, 27, 28, 29 et 30, à notre avis, nous conduit directement vers une hyperbureaucratisation et une hyperstérilisation. Même, on soupçonne que c'est plus rigide dans le cadre de cette Société que ça existe pour d'autres sociétés. Pour nous, il y a là une question centrale. Si on appelle à la barre les partenaires, ce n'est pas pour qu'ils fassent partie dans les estrades, c'est des gens qui doivent être responsabilisés. On doit faire appel à leur capacité d'initiative, d'innovation, de créativité. On doit, bref, faire une opération de démocratisation.

Pour nous, seul l'article 30 devrait être maintenu, c'est largement suffisant pour que le gouvernement puisse se faire rendre des comptes; le reste, ça doit être une opération pour faire en sorte que les partenaires soient responsabilisés. Ça rejoint, d'ailleurs, une préoccupation que nous avons en termes d'organisation du travail. Il faut s'organiser pour aplatir les pyramides hiérarchiques. Il faut s'organiser pour exploiter les capacités d'initiative que les partenaires ont dans un certain nombre de domaines, donc, biffer ces articles, sauf l'article 30.

Deuxièmement, nous voulons qu'on reformule, de façon plus large, la mission pour inclure

tous les programmes concernant la main-d'oeuvre, y compris les programmes d'employabilité, y compris les programmes d'intégration du travail, également, en y ajoutant la précision qu'il nous faut favoriser une coordination avec le palier régional.

Un mot sur l'article 45. Pour nous, il n'est pas question de tarifer aux individus des services, ça devrait être interdit. Sur l'article 18, nous ne voyons pas du tout la pertinence de référer aux établissements privés ou régis par la Loi sur l'enseignement privé, compte tenu que nous voulons valoriser et rendre nos ressources publiques tout à fait aptes à remplir toutes les missions qu'on va leur confier. sur la composition du conseil d'administration - c'est mon deuxième point - nous voulons l'ajout d'un quatrième bloc. nous sommes d'accord pour le bloc patronal, le bloc syndical, le bloc gouvernemental; nous voulons l'ajout d'un quatrième bloc composé de trois postes: un pour les femmes, un pour les jeunes, un pour les communautés culturelles, puisque ce sont là des groupes cibles et des groupes qui ont développé aussi, à travers leurs organismes, une certaine expertise.

Un mot sur l'article 5 concernant la nomination du P.-D.G. Nous voulons que cette nomination se fasse à partir d'une liste composée par le conseil d'administration de la Société. Quant aux vice-présidences, compte tenu de l'expérience qui existe dans d'autres sociétés, nous souhaitons que ce soit des vice-présidences nommées par le conseil d'administration de la Société et non pas par l'autorité gouvernementale.

Compte tenu que nous souhaitons un élargissement des pouvoirs de la Société, qui pourrait et qui devra remplir aussi les fonctions de consultation et de concertation, nous souhaitons l'abolition de la Conférence permanente qui a rempli un rôle valable à venir jusqu'à maintenant, mais on pense que ce serait faire du déboulement que de poursuivre l'existence de cette Conférence à côté de celle de la Société.

Troisième point, sur les régions. Nous souhaitons que les pouvoirs des régions soient mieux campés de deux manières: d'abord, préciser à l'article 44, au deuxième alinéa - vous avez ça à la page 32 du mémoire; je le lis parce que c'est important... Nous souhaitons qu'on puisse lire cet article de la manière suivante: «De définir les modalités d'application des programmes en fonction des réalités, besoins et priorités spécifiques de sa région.» Autrement dit, le palier régional est là aussi pour ajuster les programmes aux réalités des communautés et de la région. Deuxièmement, nous souhaitons que ce palier régional, ces institutions régionales soient incorporées comme le sont les CFP à l'heure actuelle. Ça leur donne une certaine autonomie, mais surtout ça va favoriser le fonctionnement, notamment, quant à l'intégration des salariés que nous verrons dans un dernier point.

Sur la composition des C.A., des conseils d'administration des régions, nous souhaitons l'ajout d'un quatrième bloc sans ajouter le nombre de postes, c'est-à-dire qu'au lieu d'avoir trois blocs de quatre personnes, on aurait trois blocs de trois personnes et les trois blocs restant, nous voulons que ce soit occupé par des délégations en provenance des organismes de développement économique, de développement communautaire, des organismes qui oeuvrent au niveau de l'intégration au travail, plus particulièrement avec les groupes cibles.

C'est mon dernier point. Concernant l'intégration des salariés, je pense qu'on pourrait procéder de façon beaucoup plus simple que ce qui est proposé aux articles 82, 83 et 92, 93. Nous souhaitons qu'on fasse un transfert intégral des salariés et des CFP existantes aux nouvelles sociétés régionales et qu'il n'y ait pas de période au quatrième mois, comme c'est prévu à l'article 92, une période de maraudage qui vient juste d'être faite. On pense que ça serait inutile. Ça se fera en temps et lieu. Donc, qu'il y ait tout simplement un transfert des anciennes CFP au palier régional.

À l'article 93, où il est question du transfert de ressources en provenance du fédéral, on identifie que le Conseil du trésor va régler le tout. Je sais que vous avez confiance en cet organisme respectable, mais ça a le don de se comporter un peu comme l'État dans l'État. On voudrait s'assurer que ce transfert se fasse dans le plus grand respect des salariés et aussi de leurs organisations. Au minimum, il faudrait prévoir une négociation entre les associations représentatives de ces salariés et le Conseil du trésor. Donc, prévoir une dimension de négociation là-dedans.

L'ensemble des positions de la CSN - et ça, on tient à le réaffirmer - fait qu'on ne veut pas «absolutiser» la politique de la formation de la main-d'oeuvre comme étant le seul et principal outil pour le développement économique et social du Québec. Ça demeure un outil important, mais ça ne doit pas être le seul élément. On sait que le Québec est en réflexion sur plusieurs aspects. On parle notamment des stratégies industrielles. Il y a aussi des politiques de développement régional. Nous souhaitons qu'il y ait articulation de ces différentes politiques pour faire en sorte que, pour les défis de l'avenir qui sont plus nombreux que moins nombreux, on soit en meilleure position pour les relever collectivement. Alors, ça terminerait notre présentation.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Larose. Maintenant, je vais passer la parole à M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.

M. Bourbeau: II me fait plaisir de souhaiter

la bienvenue aux gens de la CSN, principalement au président, qui est un des partenaires importants de la Conférence permanente sur la main-d'oeuvre, qui a travaillé très fort à la préparation des éléments qui, éventuellement, se sont retrouvés, en partie, dans le document. Parlant justement du document d'orientation - je pense bien qu'il convient de poser cette question-là en premier lieu - on a devant nous ce que, nous, nous appelons un projet d'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre. Il y a un organisme qui nous a demandé de refaire nos devoirs en disant que ce document-là n'est pas complet, qu'on aurait dû plutôt élargir considérablement le champ de nos recherches, de nos études et de nos analyses de façon à inclure tout le spectre en partant du domaine de l'enseignement, la structure de l'enseignement, la façon dont l'enseignement est structuré, le domaine de la main-d'oeuvre, le domaine des relations du travail, enfin, l'ensemble de ce qui, de près ou de loin, est rattaché au milieu du travail, en nous disant «refaites vos devoirs et vous reviendrez nous voir plus tard», donc, en écartant également le projet de loi sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Quant à moi, j'ai toujours pensé que qui trop embrasse mal étreint, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Larose: Je ne veux pas dire du mal de personne; vous me connaissez. Non, moi, je pense qu'on est à l'étape où, en ayant une approche globale, on est en présence d'une approche intéressante à ce niveau-là. Il faut savoir atterrir et accoucher. Je pense qu'en matière de main-d'oeuvre on s'est éjarré de façon extraordinaire, non seulement sur le territoire, mais au plan juridictionnel. C'est le cafouillis milliardaire qu'on a à plusieurs reprises, nous, dénoncé. Ceux qui sont préoccupés par une certaine rationalisation de l'utilisation des fonds publics, qui font ce genre de proposition, devraient être aussi alertes pour s'assurer que, très rapidement, on puisse s'articuler de façon différente pour être plus efficace.

À travers la réflexion ou l'analyse que nous avons faite du projet de loi 408 comme de l'énoncé de politique, il est évident que, nous, on poursuit un projet de société, sauf qu'on ne pense pas qu'on soit obligés de répéter nos promesses du baptême chaque fois qu'on dispose d'une question. Alors, on est intéressés à débattre au mérite chacun des points qui ont été présentés devant nous. Le plus important, c'est qu'on accouche. Avec la mondialisation des économies, les transformations très rapides du marché du travail et les nouveaux besoins exprimés par le bassin de la main-d'oeuvre, il est impardonnable, d'ailleurs, que nous ayons tant retardé. Et s'il fallait qu'on passe encore une année, je pense qu'on écoperait de retards qui seraient toujours plus difficiles à rattraper.

Alors, dans ce sens-là, nous, on est plutôt d'accord pour qu'on atterrisse le plus rapidement possible.

M. Bourbeau: Bon. Je suis content de vous l'entendre dire. Une question un peu plus pointue. Selon vous, les employés de la nouvelle Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre devraient-ils être assujettis ou non à la Loi sur la fonction publique?

M. Larose: Non. Ils doivent avoir le droit de se syndiquer comme n'importe quels salariés dans la société québécoise et, pour nous, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre n'est pas un appendice ministériel, c'est une société autonome et, donc, elle devrait être soumise au Code du travail comme tous les travailleurs.

M. Bourbeau: Bon. Alors, ça contraste avec ce qu'on a entendu précédemment. Parlons donc maintenant de la CEQ qui demande d'avoir un siège au conseil d'administration de la Société. Compte tenu de son champ d'intérêt et du rôle névralgique de ses membres en matière de formation professionnelle, êtes-vous d'avis que la CEQ devrait faire partie du bloc syndical qui est prévu au sein du conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre?

M. Larose: J'aurais envie de vous répondre par l'article de votre projet de loi qui est inexistant. C'est un problème qui n'est pas posé dans l'actuelle loi que la répartition des sièges. Quant aux organismes syndicaux, je vous dirai que, pour nous, c'est une question facilement débattable. Nous n'avons pas d'objection de principe.

M. Bourbeau: Est-ce que vous auriez la même réaction par rapport à l'UPA, par exemple, qui nous fait la même demande. Est-ce qu'on devrait l'inclure aussi dans le contingent syndical?

M. Larose: Je vous dirai que c'est à débattre. Je ne voudrais pas répartir les sièges au moment où on se parle. Moi, je suis disposé à ce qu'on regarde ça compte tenu du caractère représentatif, compte tenu aussi des objectifs qu'on poursuit par l'existence de cette société. C'est à voir. (15 h 30)

M. Bourbeau: Bon. Très bien. J'aimerais parler du quatrième bloc. C'est un sujet qui est très à la mode depuis hier. On a parlé de la quatrième roue; alors, là, c'est le quatrième bloc. Bien sûr, il y a des groupes qui sont venus ici, qui nous ont demandé d'avoir un autre bloc, une autre roue au chariot. Même, je pense qu'à un moment donné, ce matin, on était rendus à cinq

roues. Quelqu'un nous a fait remarquer que plus il y a de roues, plus ça soutient solidement la charge.

Vous suggérez d'ajouter dans ce quatrième bloc, ou un quatrième partenaire plutôt, trois sièges: un pour des groupes de femmes, un pour des groupes de jeunes et un pour les communautés culturelles. Pourtant, dans les groupes cibles qu'on reconnaît généralement, il y a aussi d'autres groupes. Il y a, entre autres, les handicapés. On a eu, ce matin, des représentants des handicapés qui nous ont fait la même demande. Il y a aussi, je présume, les autochtones qui vont le faire. Il y a aussi les personnes sans emploi, qui demandent d'avoir un siège, et, hier, il y avait les organismes communautaires qui demandaient également un quatrième bloc pour représenter les organismes communautaires. Seriez-vous d'accord pour ajouter des sièges pour ces groupes-là aussi?

M. Larose: je pense qu'il faut revenir un peu à notre philosophie de base. nous identifions comme partenaires quatre blocs, oui, quatre groupes. dans le quatrième groupe, nous ventilons, si je peux dire, la représentation de deux manières. il y a une représentation ciblée en termes de groupes au plan national et il y a une représentation au plan régional qui touche davantage des organisations qui oeuvrent en matière de formation professionnelle. alors, oui, je vous dirai que sur la question des handicapés, peut-être qu'il faut y réfléchir. nous, ça ne nous est pas apparu évident, mais peut-être qu'il faut y réfléchir. sur la question des autochtones, je pense qu'il va certainement y avoir au plan régional, vraisemblablement, une couverture particulière pour la dimension amérindienne. alors, dans ce sens-là, on n'a pas voulu, nous, ouvrir un bloc, je dirais, pour tous les groupes discriminés en s'inspirant de la commission des droits de la personne. on y est allés par groupes cibles. on sait que concernant les femmes, concernant les jeunes, concernant les communautés culturelles, il y a un gros travail en termes d'accessibilité et d'intégration à l'emploi. au plan régional, l'ouverture qu'on fait, c'est aux groupes qui oeuvrent. alors, dans ce sens-là, je dirais, les partenaires, à mon avis, on les couvre à peu près intégralement.

J'ajoute, parce que ça fait partie de la philosophie de la CSN depuis fort longtemps, nous, on se méfie du développement d'une concertation qui pourrait rapidement se développer en corporatisme de groupes. Le mouvement syndical, j'ai beaucoup de respect pour le mouvement syndical. Il porte des intérêts. Le mouvement patronal est beaucoup moins organisé. Ce n'est pas une critique qu'on fait, mais si ça peut les encourager à mieux s'organiser, ça sera une contribution aussi. Il y a la responsabilité de l'État. Mais en matière de formation professionnelle, ça ne regarde pas que le monde patronal et syndical. C'est pour ça qu'on souhaite, nous, l'intégration de l'ensemble des politiques de main-d'oeuvre et, donc, visant des groupes qui ne sont pas couverts par les organisations syndicales, et plus particulièrement les groupes communautaires qui, souvent, sont aussi des ressources alternatives. S'il y avait un arrimage fait au plan territorial avec ces groupes-là, on pense que ça pourrait être intéressant pour la dynamique même des sociétés régionales et de la société nationale. C'est un petit peu comme ça qu'on voit la composition.

M. Bourbeau: Concernant les mandats d'employabilité dont madame parlait tantôt, qui sont présentement confiés au réseau Travail-Québec, à l'égard des clientèles à la sécurité du revenu que vous voudriez voir intégrer à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, pourriez-vous nous expliquer de quelle façon vous verriez cette collaboration entre la Société québécoise et le réseau Travail-Québec dans l'éventualité où la Société assumerait la responsabilité des programmes d'employabilité?

M. Larose: Céline.

Mme Lamontagne: On n'a pas fait l'organigramme des sociétés ou de la Société mais je pense que, d'ailleurs, il était question que Travail-Québec soit déjà Intégré aux commissions de formation professionnelle et assume les mandats, les programmes qui visent l'employabi-lité. Alors, nous, on pense que ça doit être intégré à la fois au niveau national de la Société, mais aussi au niveau des régions, parce qu'il y a des services de Travail-Québec dans les régions et ce sera la responsabilité des sociétés de faire en sorte que ces programmes se fassent sur le terrain. On sait qu'ils sont souvent mis en application par d'autres groupes, des groupes communautaires, des groupes à but non lucratif, mais que la responsabilité des programmes, de cette mise en oeuvre soit assumée par les sociétés, c'est un peu comme ça qu'on le voyait.

M. Bourbeau: J'aimerais revenir sur une autre proposition-choc de votre document qui traite de l'abolition de la Conférence permanente sur la main-d'oeuvre, que ma collègue appelle le «groupe des sept», à la blague, bien sûr! Ça m'étonne...

Mme Harel: Je dois vous dire, la paternité de cette expression appartient à l'UPA...

M. Bourbeau: Ah bon!

Mme Harel: ... qui, dans son mémoire, la reprend abondamment.

M. Bourbeau: Et qui voudrait bien en faire partie. Disons que ça m'étonne un peu dans le

sens que la Conférence permanente a toujours servi de groupe qui permet au gouvernement de discuter sur les grandes orientations dans un spectre assez large qui peut même déborder, à l'occasion, les dossiers dont aura à traiter la Société québécoise. Par exemple, tout le problème des surplus d'actifs dans les fonds de pension, ç'a fait l'objet de discussions à l'occasion, etc.

Est-ce que vous ne pensez pas que si on abolit la Conférence permanente au profit de la Société québécoise, on pourrait priver le gouvernement ou le ministre d'un lieu de discussion au plus haut niveau avec les partenaires du gouvernement et le marché du travail pour traiter de sujets qui sont très variés et qu'on risquerait de diluer un peu ou peut-être même de rendre cette consultation inefficace, jusqu'à un certain point?

M. Larose: Ça me permet de développer un peu sur la philosophie de base sur laquelle on veut que la Société se construise. Comme je le disais, on souhaite, nous, une société qui soit en même temps un organisme démocratisé et responsabilisé. On serait chagrinés si ce n'était qu'un organisme exécutant et articulant un certain nombre de programmes qui seraient massivement cogités en dehors et à l'extérieur d'elle-même. Dans ce sens-là, c'est pour ça qu'on a proposé un élargissement de ses pouvoirs, avec une capacité d'initiative différente de celle qui existe dans les autres sociétés pour que, précisément, elle se sente responsable de, je dirais, s'autocri-tiquer et d'évoluer avec les besoins.

On ne voit pas, en matière de formation professionnelle, à ce moment-là, la pertinence d'un organisme qui serait un peu le chaperon, qui serait un peu l'oeil ou le préfet de discipline qui regarde évoluer ses enfants. Nous, on veut responsabiliser le monde et les personnes qu'on va déléguer - je peux vous en donner l'assurance - ça va être du monde qui va connaître ça et qui va avoir à coeur les intérêts de cette société dans sa mission.

Ça ne nous empêche pas - et, là-dessus, je vous dirai, M. le ministre, que j'ai rarement refusé une invitation à aller débattre avec les collègues et les gens d'en face, du côté patronal, un certain nombre de questions. Mais l'institutionnalisation d'une conférence, à notre avis, banaliserait la mission de la Société elle-même. C'est pour ça que nous préférons plutôt, s'il y a des opérations ad hoc qu'on peut faire, qu'on puisse le faire sur invitation. Et je souligne, au passage, qu'il existe un autre organisme où nous souhaitons, d'ailleurs, une certaine réforme, qui est le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

M. Bourbeau: Mais qui ne relève pas de moi, M. le Président.

M. Larose: Bien, techniquement, vous savez...

M. Bourbeau: En partie.

M. Larose: ... le ministre de la main-d'?uvre est quand même aussi un ministre titulaire de cet organisme, mais il ne vient pas souvent, je l'avoue.

M. Bourbeau: Ha, ha, ha! Disons que je vais plutôt à la Conférence permanente et je laisse mon collègue, le ministère du Travail...

Le Président (M. Marcil): Ça va?

M. Bourbeau: Est-ce que j'ai encore droit à une question?

Le Président (M. Marcil): Une dernière question, M. le ministre.

M. Bourbeau: Alors, je vais laisser parler l'Opposition et je reviendrai à la toute fin.

Le Président (M. Marcil): Ça va. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Préskient. Alors, il me fait plaisir de saluer la délégation de la CSN, Mme Lamontagne, M. Lamarche et son président. Je reprends là où le ministre a laissé. En fait, ça illustre bien le vide qui est créé par l'absence d'un ministre de l'emploi. Moi, je ne l'appelle pas «G-7», finalement, la Conférence, je l'appelle le «club privé du ministre». Le ministre dit: Oui, il en existe un comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, mais, ça, c'est le club privé du ministre du Travail, et certainement que le ministre de l'Industrie et du Commerce souhaite aussi le plus possible se rapprocher quant à sa politique industrielle. Alors, là, j'imagine que les présidents de centrale vont devenir des gens qui, pour la majorité de leur temps, vont avoir à participer à des comités mis en place par des ministres différents.

Moi, d'abord, je veux vous remercier et vous féliciter de votre position sur la question des groupes cibles parce que, sans vouloir accabler le mileu du travail, qu'il soit patronal ou syndical, II n'est pas sans reproches à l'égard de cette question-là, sinon on n'aurait pas besoin d'une approche systémique pour tenter de corriger une certaine discrimination systémique qui s'est produite sur le marché de l'emploi. Votre position, Je la trouve courageuse et je veux vous en féliciter.

D'autre part, tout de suite, d'entrée de jeu, j'aimerais vous signalez que, ce matin, le ministre ne vous en a pas parlé, mais, moi, je vous dis qu'il était très fier d'annoncer au Conseil du patronat que, pour la première fois, son projet de loi sanctionnait le libre choix en matière de formation. Donc, il ne s'agit pas du tout d'une dispensation de la formation professionnelle par le secteur public. Le ministre dit, finalement,

qu'il va sanctionner exactement le contraire. C'est ce qu'il nous indiquait, en fait, ce matin, d'une part. D'autre part, il ne s'agit pas non plus d'une approche globale, que celle présentée dans l'énoncé, parce que, encore une fois - et, ça, vous le notez, d'ailleurs, dans votre mémoire, je pense que c'est aux pages 19 et suivantes - vous insistez pour qu'il n'y ait pas de clivage de responsabilités selon la situation des personnes en regard du marché du travail, selon qu'il s'agisse d'une personne qui a un chèque d'assistance ou d'assurance-chômage, mais il y a aussi une autre sorte de clivage.

Ce matin, par exemple, les gens des cégeps sont venus nous dire que pour 75 % de la clientèle adulte à l'emploi, qui cherche dans des programmes de recyclage et de perfectionnement, à temps partiel, à améliorer, si vous voulez son sort professionnel, bien, ces programmes-là sont en diminution budgétaire constante, les programmes à temps partiel, ceux qui permettent à des individus, de leur propre gré, si vous voulez, sans appartenir à un secteur d'activité qui est identifié comme faisant partie de la grappe ou sans appartenir à une entreprise qui, elle, a décidé d'utiliser les services de la CFP ou sans être prestataire d'un chèque ou de l'autre, là où il y a des programmes, parce qu'il y a des filières possibles, mais c'est à temps plein. Pour les travailleurs à temps partiel, ce qu'on est venu nous démontrer ce matin, c'est que, contrairement à ce qu'on pourrait penser, le recyclage et le perfectionnement à temps partiel diminuent constamment, au point où if sera quasi inexistant. Est-ce que ces fatts-Jà ont été portés à votre connaissance?

Mme Lamontagne: Je pense qu'il y a deux questions qui sont soulevées. Quand on parle de ceux ou de celles qui, volontairement, . s'inscrivent à des cours pour essayer d'améliorer leur sort au niveau de l'emploi, pour essayer d'avoir des promotions, etc., il y a de plus en plus de personnes dans le milieu du travail qui, effectivement, ne s'Intègrent pas dans un programme. Je pense qu'il y a deux problèmes, deux difficultés majeures que rencontrent ces personnes-là. Oui, il y a une baisse des ressources au niveau de l'ensemble du système d'éducation, que ce soit au niveau collégial ou au niveau secondaire. Il y a eu des coupures de ressources assez importantes dans les dernières années. Donc, ça ne permet pas d'adapter les programmes, ça ne permet pas de souplesse pour faire en sorte que ceux qui travaillent, qui ont un horaire, s'inscrivent à des programmes. (15 h 45) l'autre problème, on l'a aussi un peu touché dans notre mémoire, c'est que les employeurs n'encouragent pas non plus, financièrement ou par des types de congés, par des crédits d'heures au niveau de leur travail. je parlais des comités conjoints qui existent. les budgets des entreprises sont très très minces, et ce, même dans le secteur public, dans les affaires sociales ou dans le milieu de l'éducation. donc, ça ne permet pas, par exemple, de dégager un horaire pour permettre à des travailleurs d'y aller. ça ne permet même pas des fois de payer la scolarité qui est nécessaire. ça, c'est un problème qui est vécu. donc, c'est vraiment sur une base personnelle que les gens doivent y aller, doivent se perfectionner.

Mme Harel: Même sur cette base personnelle, ce qu'on nous indique, c'est que même quand les gens y consentent, qu'ils sont même prêts à payer le cours, même là, à temps partiel, il y en a de moins en moins de cours qui ne sont pas faits en fonction de ce que l'entreprise a identifié comme étant ce dont elle a besoin, avec des gens qui sont sélectionnés en fonction de critères précis pour pouvoir être inscrits. Et, finalement, sur la formation professionnelle... Parce que c'est de formation professionnelle dont je vous parle. Je ne vous parle même pas de formation de base ou de formation initiale, là on sait les problèmes qu'il y a, mais c'est de formation professionnelle dont je vous parle.

Dans votre mémoire, vous proposez, à la page 18, un débat là-dessus. Vous dites: «Le milieu de l'éducation devrait prendre l'initiative de cette consultation, en coordination avec les parties concernées». Il s'agissait bien là d'une consultation, pas seulement sur la formation professionnelle des jeunes, mais des adultes également. C'est ce qu'il faut comprendre?

Mme Lamontagne: oui et une consultation aussi sur l'ensemble de ce qui est avancé dans le document de l'énoncé de politique, c'est-à-dire qu'on parle d'élargir le régime d'apprentissage à d'autres métiers que le secteur de la construction, ce qui existe en ontario. on parle de plus en plus d'alternance études-travail. on parie de plus en plus d'étendre la pratique des stages de façon plus large qu'aux secteurs qu'on connaît. bon. il y a toute la question de l'intégration, du problème de la spécificité de l'éducation des adultes ou de l'éducation pour ceux qui ne sont pas des jeunes. il y a des problèmes aussi au niveau secondaire, surtout quand on a mixé les deux vocations des systèmes d'enseignement. alors, c'est l'ensemble de ce projet éducatif, parce que l'inquiétude, même la question des stages, à la fois de ceux qui sont les enseignants et les enseignantes et aussi de ceux qui ont à recevoir ces nouveaux stagiaires-là, ils ont à discuter comment ça va se faire puis comment ça va s'intégrer dans la formation.

C'est beau, je pense qu'il y a un objectif louable et ce qu'on recherche nous aussi, c'est de rendre plus fonctionnels l'école et le milieu du travail, mais il ne faut pas que ça se fasse tous azimuts, en important toutes sortes de recettes qui existent dans d'autres provinces ou

dans d'autres pays. C'est l'ensemble de ça et ça comprend aussi, évidemment, le problème que vous soulevez, à savoir la difficulté des adultes qui sont déjà sur le marché du travail d'aller chercher du perfectionnement ou même de réorienter leur profession sur une base volontaire.

Mme Harel: Dans votre mémoire, à la toute fin, vous dites: «une politique de main-d'oeuvre doit être plus qu'un strict ajustement des qualifications et compétences de la population active aux nouvelles caractéristiques du marché du travail et aux exigences de la concurrence, de la productivité, etc.» Et vous terminez en disant: «une politique de main-d'oeuvre doit viser une plus grande équité au niveau social également». On en parle très très peu. Vous avez dû prendre connaissance de l'énoncé. En fait, l'énoncé est beaucoup centré sur une adaptation. C'est comme si, trois ans plus tard, on avait enfin la politique qui aurait dû être mise en place au moment du libre-échange. C'est un peu cette politique d'adaptation des secteurs qui sont exposés à la concurrence. C'est un peu de ça dont... C'est surtout de ça, finalement, les secteurs qui sont en pénurie ou qui ont besoin d'une main-d'oeuvre avec une compétence relevée du fait de la concurrence et de la mondialisation des marchés. Tout est beaucoup centré là-dessus, dans cette approche. Même ce matin, le ministre nous a dit: Ici, ce n'est pas un lieu pour faire un débat sur la formation professionnelle, c'est un lieu pour faire un débat sur la formation de la main-d'oeuvre, centré sur la pénurie, centré sur les secteurs aussi en déclin. Alors, est-ce que ça vous semble suffisant, une approche comme celle-là, un mandat ou une mission comme celle-là qui serait attribuée à la Société?

M. Larose: Écoutez, globalement, le régime nord-américain, qui a connu 30 ans de gloire parce que, rapidement, ayant occupé et dominé au plan mondial, on en connaît maintenant, depuis une dizaine d'années, toutes les limites. Le régime nord-américain est en train de se faire déclasser par les Allemands, par le Japon. Pourquoi il se fait déclasser? Parce qu'il n'a pas su investir de façon systématique dans ses ressources humaines, dans l'organisation du travail, dans des technologies qui puissent devancer. Et, en fait, on hérite maintenant d'une culture qui est déficiente, qui est insuffisante, notamment au niveau de la formation tout court.

Moi, quand je vois qu'en moyenne les travailleurs allemands ont droit à 170 heures de formation par année et que les Canadiens s'en paient 2 heures, que 48 % des PME, c'est 0 heure, on court tout droit à la catastrophe. Le drame, c'est qu'entre les partenaires le sentiment d'urgence n'est pas le même. Le ministre se rappellera un peu les débats qu'on a faits rien que pour essayer d'aménager potablement le programme pour les itinéraires personnels: quelqu'un qui décide de se payer lui-même de la formation professionnelle. Il voudrait se libérer de son emploi sans le perdre, etc. Eh bien, je vous dis: On est encore à l'âge de pierre avec nos employeurs là-dessus. Pourtant, ça ne leur coûte pas un sou. C'est les travailleurs qui vont payer. Sauf que même si c'est les travailleurs qui vont payer, eux autres, ils veulent décider à la place du travailleur. Je trouve qu'ils prennent le beurre à la pognée! Plus que ça, ils se tirent dans le pied. Ils sont incapables de consentir un minimum de flexibilité. Pourtant, c'est des gens qui vont nous faire des discours vibrants, passionnés sur la flexibilité des autres. Mais quand vient le temps de faire les vrais investissements, pour être capables comme société de relever le défi de la compétitivité, de la productivité, qui sont maintenant des mots, je dirais, incantatoires dans leur discours, ils sont incapables d'aménager un minimum de conditions pour le permettre aux individus qui veulent se payer de la formation professionnelle.

Ceci étant dit, oui, collectivement, nous souffrons d'une carence: d'inculture. Nous sommes victimes d'un régime qui doit rapidement maintenant mettre les bouchées doubles s'il ne veut pas sombrer davantage. J'insiste un peu là-dessus parce que là, on en discute sur la formation professionnelle, mais, moi, je suis prêt à revenir discuter avec vous autres de la révolution qu'on doit faire en termes d'organisation du travail. Mais ça suppose que les parties, et la partie patronale en particulier, reconnaissent les travailleurs comme étant peut-être les principaux artisans du relèvement économique, les principaux artisans d'une organisation du travail plus efficace. Mais si c'est pour asseoir un autoritarisme et prolonger les perspectives tayloristes d'une division du travail entre ceux qui pensent et qui dirigent et ceux qui veulent exécuter, non, c'est vrai qu'on va s'en aller tout droit à la catastrophe.

Mme Harel: Ici même, le débat autour de l'énoncé et l'énoncé lui-même ne dit mot, par exemple, sur la question de la sous-scolarisation, ne dit mot sur la question de l'analphabétisme fonctionnel dans le milieu de travail, et il est communément répandu que ce n'est pas de ça dont la Société va s'occuper.

M. Larose: Oui, mais, ça, nous, c'est très exactement nos perspectives. Nous, on veut un instrument où les principaux partenaires vont être attablés et où la matière sur laquelle ifs vont se pencher, ça va être une matière large, y compris l'employabilité, l'intégration au travail. Et, pour nous, ça suppose qu'on va se préoccuper de l'analphabétisme ordinaire et de l'analphabétisme fonctionnel. Bref... Enfin, je ne suis pas un spécialiste de ces questions-là, mais on va se préoccuper d'équiper la main-d'oeuvre, d'équiper

ceux qui sont capables de travail.

Mme Harel: Ça supposerait que vous obteniez le retrait d'un certain nombre d'articles du projet de loi qui déterminent un mandat très précis à la société en fonction des programmes que souhaite le gouvernement.

M. Larose: Oui, oui.

Mme Harel: Parce que, déjà, les programmes ont été regroupés. Vous les connaissez, c'est dans ces quatre grands regroupements. Il y a très peu de place qui est laissée aux travailleurs que vous pouvez représenter dans un secteur qui ne sera pas les pâtes et papiers, par exemple. Vous savez, les travailleurs du secteur des commerces ou... Une caissière de pharmacie, d'épicerie ou un chauffeur de taxi, il n'y a pas de place dans l'énoncé pour eux.

M. Larose: Mais vous aurez remarqué qu'on fait quand même des propositions très précises, notamment pour l'existence de comités sectoriels, enfin de regroupements sectoriels pour qu'ils se préoccupent de ces questions de façon permanente, pas seulement quand on est dans la dèche et que le secteur est tout en train de se «décon-crisser». Qu'on ait des statégies de moyenne portée, ça, c'est la proposition qu'on fait. Et on pense que la Société, avec le monde qu'on mettrait autour de la table et un mandat aussi large que celui qu'on définit, on pense qu'elle est capable d'assumer cette fonction-là dans notre société.

Mme Harel: Dans le mémoire, vous nous dites - et je crois que c'est le seul mémoire où on parle du territoire que devraient couvrir les services en région - à la page 30: «Beaucoup de préoccupations s'expriment concernant le territoire que couvrent les services en région.» Ce sont des préoccupations qui ont été traduites, j'imagine, dans votre organisation, mais j'aimerais vous entendre là-dessus parce que vous demandez que soit précisée la division territoriale des sociétés régionales.

M. Larose: Écoutez, c'est un problème qui n'est pas typique à la loi 408, mais il y a un problème au Québec, c'est que chaque ministère travaille sur ses territoires. Si on est dans le transport, c'est 9; si on est en formation professionnelle, c'est 11; si on est en santé, je pense que c'est 14; si on est dans l'administration générale, c'est 16. Pour du monde qui veut faire de la concertation, c'est déjà très compliqué de savoir avec qui on va parler. Y aurait-il moyen qu'on découpe le territoire d'une manière et que tout le monde travaille dans les mêmes frontières? Même que ça nous complique la vie. Nous autres, on est encore éjarrés sur 22, mais quand on fait le débat sur les territoires, là, ça dépend du secteur dont on parle. Il y en a qui veulent fonctionner avec les administrations, d'autres avec la santé, d'autres avec l'éducation, etc. Je pense qu'il y a un débat là. À un moment donné, il va falloir que quelqu'un dise: C'est fini la récréation, on divise ça de cette façon-là.

Mme Harel: Et le siège social, vous le voulez à Québec ou à Montréal?

M. Larose: Attendez... Ça a été débattu et ça a été laissé sur table chez nous.

Mme Lamontagne: Déposé sur la table. Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lamontagne: La proposition de dépôt a été faite par Québec. Ha, ha, ha!

M. Larose: Montréal a proposé que ce soit Montréal, mais Québec a proposé de le laisser sur table. Alors vous arbitrerez notre débat.

Mme Harel: Ce ne sont pas les grandes questions qui sont toujours les plus difficiles à régler finalement, non?

M. Larose: Mais on a dans le Code de procédure quelque chose qui nous permet d'être moins long que vous autres, c'est-à-dire qu'un «laisser sur table», ça ne se débat pas.

Mme Harel: Et les licenciements. D'entrée de jeu, dans votre mémoire, vous nous parlez de cette question. Le ministre est un peu évasif dans son énoncé. Il dit qu'il va réviser parce que, là, c'est simplement la partie FP qu'il révise de la loi 69, mais tout le reste qui est anachronique est encore là, ça n'a pas bougé. Alors, sur cette question de la révision de la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre concernant les licenciements, qu'est-ce que vous souhaitez? Dans quel sens souhaitez-vous que le ministre légifère?

Le Président (M. Marcil): Ce sera votre dernière question, Mme la députée.

M. Larose: II me semble que, précisément, on déplore dans le mémoire qu'il n'en soit pas fait mention.

Mme Harel: Oui.

M. Larose: Ça, ça rejoint d'autres préoccupations qu'on va avoir l'occasion de débattre dans le cadre notamment de l'articulation des grappes et d'une réforme des normes du travail. À un moment donné, oui, il va falloir réviser l'ensemble de ces législations pour se donner une cohérence stratégique pour assumer le mandat. (16 heures)

Mme Harel: Et une caisse d'indemnité?

M. Larose: Oui, une ou des caisses. Je vous dirai que c'est un peu le débat qu'on aurait à faire. Moi, j'ai hâte qu'on ait réglé la question constitutionnelle pour qu'on puisse débattre l'ensemble de nos outils. Le jour où on aura rapatrié l'ensemble de nos politiques de main-d'oeuvre, y compris la caisse d'assurance-chômage... Là-dessus, je diverge de nos patrons qui, eux autres... Ah! si c'est déficitaire! J'ai, des fois, l'impression que c'est le syndrome Malenfant qui les a agressés: les profits pour moi et les pertes pour les autres! Il me semble que lorsqu'on décide d'assumer ses responsabilités, on tes assume totalement. Donc, rapatrions l'ensemble des instruments, l'ensemble des politiques, l'ensemble des juridictions et, à ce moment-là, on se donnera une cohérence pour que tout ce qui est support au revenu puisse être combiné dans des stratégies actives, notamment en formation professionnelle, mais vraisemblablement aussi en recyclage ou autres politiques.

Le Président (M. Marcil): Merci, Mme la députée. M. le ministre, il vous reste quatre minutes.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. On vient de parler du fonds de licenciement collectif ou d'une législation en matière de licenciement collectif. C'est vrai qu'on n'a pas revu ça au Québec depuis... Enfin, on n'a pas révisé cette Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre. Ce n'est pas parce qu'on a chômé depuis une couple d'années. Après avoir réformé l'aide sociale, on a quand même réformé, après ça, les régimes supplémentaires de rentes, la Loi sur les normes du travail. Maintenant, on est dans la main-d'oeuvre. Il ne faut pas se décourager, on les prend un par un. C'est un dossier important, je le reconnais, et il va falloir que le Québec se dote d'une législation un peu plus moderne à ce sujet-là. Je peux vous assurer qu'on n'est pas indifférents a ça du tout.

Je voudrais revenir sur certains points qui ont été débattus tout à l'heure. La question du monopole de la formation, si vous voulez, que certains voudraient voir donner au système d'enseignement public québécois. J'ai dit que, dans le document d'orientation, on sanctionne à l'égard des entreprises le libre choix du formateur. Ça nous apparaît une politique correcte parce que, premièrement, les entreprises forment souvent leurs travailleurs elles-mêmes sans aucune subvention. On serait assez malvenu de leur imposer des formateurs quelconques.

D'autre part, parfois, les entreprises vont faire appel au crédit d'impôt à la formation, par exemple. C'est encore elles qui paient. Elles paient mais, éventuellement, elles peuvent, dans leur rapport d'impôt, réclamer le remboursement d'une certaine partie des frais. Là, on pourrait peut-être insister pour qu'on n'utilise que des formateurs du réseau public. Mais il nous est apparu, encore là, que ce qui compte, dans le fond, c'est que l'entreprise se sente à l'aise avec le formateur, qu'on aille vers le meilleur formateur possible. Pour moi, ce qui est important, c'est qu'on ait le meilleur formateur, quel qu'il soit. Bien sûr, si on a le choix entre deux formateurs d'égale qualité, je serais toujours porté à donner la préséance au formateur qui fait partie du réseau public parce qu'on investit là-dedans. C'est la philosophie qu'on a adoptée à l'égard des individus. Là, c'est vraiment le formateur public qui est privilégié. On a notre priorité au réseau public d'éducation, «public» s'entendant tout ce qui est subventionné. Ça peut être des formateurs privés, publics, reconnus d'intérêt public. Bref, c'est la politique du gouvernement en cette matière-là. Moi je continue à dire que ce qui est le plus important, c'est d'avoir le formateur le plus compétent et à des coûts raisonnables. Je fais confiance au secteur public qui est là, qui a des équipements tout payés, fournis par l'État. Donc, ça lui donne une situation concurrentielle importante par rapport à des formateurs privés qui auraient à se doter eux-mêmes, à leurs propres frais, d'équipement.

Je voudrais revenir aussi sur l'affirmation à l'effet que nous diminuons les budgets à l'égard de la formation des individus. Il faut bien réaliser qu'on n'a pas des milliards de dollars à dépenser dans la formation au Québec. On n'est pas le gouvernement fédéral. Notre déficit n'est pas de 31 000 000 000 $ au Québec. On est quand même limités un peu dans nos fonds. C'est pour ça, qu'au ministère de la Maln-d'oeuvre, on concentre nos effectifs, nos ressources sur la formation qui mène vers le marché du travail. C'est notre vocation comme ministère de la Main-d'oeuvre. Si un chauffeur de taxi décide, par exemple, de prendre des cours qui vont dans le sens de perfectionner son travail, j'en suis. S'il décide de prendre des cours, je ne sais pas, moi, de littérature, je n'ai pas d'objection, mais je ne veux pas que le ministère, chez nous, subventionne ça. Si vous avez un technicien qui décide de prendre des cours de coupe de viande pour meubler ses week-ends, ce n'est pas notre «bag», comme on dit. On ne subventionnera pas ce genre de formation là. Si c'est pour perfectionner son métier ou permettre de mieux vaquer à ses occupations professionnelles, on y est. C'est la nuance qu'on doit faire.

Là-dessus, je dois dire que nous avons prévu un programme spécifique pour les individus, dans la refonte de nos programmes. Nous aurons un programme qui va s'adresser uniquement à la formation des individus. Donc, je pense qu'on ne peut pas dire qu'on entend négliger la formation individuelle.

Finalement, il y avait aussi un autre...

Le Président (M. Marcil): En conclusion, M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui, je voudrais parler d'un autre point, en terminant. C'est qu'on ramène toujours, du côté de l'Opposition... On me fait dire que j'aurais déclaré qu'ici on n'est pas intéressé - je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche - à la formation professionnelle. J'ai dit, et je le répète, que, pour nous, le débat qu'on fait présentement, ce n'est pas le débat de l'enseignement au Québec, y compris, bien sûr, l'enseignement professionnel. L'action de scolarisation, ce n'est pas l'objet de la commission parlementaire qu'on a devant nous. Je ne dis pas que l'enseignement au Québec est parfait, on peut porter des jugements sur la qualité de l'enseignement - je ne le ferai certainement pas cet après-midi - on peut se poser des questions.

Il y aura certainement lieu de faire un débat sur l'enseignement au Québec, éventuellement. Après 25 ans du système dans lequel nous évoluons présentement... D'ailleurs, c'est, cette année, le 25e anniversaire de la fondation des cégeps. Alors, c'est un bon temps pour en parler. Mais qu'est-ce qu'on fera? Il est évident qu'il va falloir regarder, à un moment donné, la façon dont l'enseignement professionnel est administré, les structures de l'enseignement professionnel. Autant de sujets qu'il faudra regarder, mais ce n'est pas ici, aujourd'hui, notre propos.

Je ne voudrais pas qu'on glisse vers un débat sur l'enseignement au Québec. C'est pour ça, d'ailleurs, que je résiste à ça énergiquement parce que, là, on va se noyer littéralement dans des considérations qui vont nous faire oublier l'objet du document qu'il y a devant nous, et qui est l'adaptation de la main-d'oeuvre. C'est pour ça que je tiens à faire ces mises au point régulièrement. Moi, je suis partisan du règlement des problèmes un par un. Je voudrais bien les régler dans l'ensemble, mais je sais que ça fait 25 ans, au Québec, qu'on en parle et qu'on n'arrive pas à régler tous les problèmes en même temps. Alors, aussi bien les prendre un par un. Là, on en a un, problème, qui est bien circonscrit, et on a des solutions concrètes à proposer. C'est pour ça que je m'évertue à tenter de faire ces distinctions. Je vous remercie.

Le Président (M. Marcil): Merci, M. le ministre, c'est tout le temps que nous avions.

Mme Harel: Peut-être une réaction, là.

Le Président (M. Marcil): Malheureusement, on a déjà dépassé notre heure...

Mme Harel: Non...

Le Président (M. Marcil): ...on aura toujours l'opportunité de le faire.

Mme Harel: ...je ne parle pas de la mienne, j'aurai l'occasion d'en... C'est parce que là, c'est plus, M. le Président...

Le Président (M. Marcil): Non, Mme la députée...

Mme Harel: Je parle d'une réaction de nos invités.

Le Président (M. Marcil): ...sans ça, M. Larose va répliquer. Ensuite, vous allez répliquer, on va répliquer. Donc, on a déjà dépassé notre temps. Je vous remercie, M. Larose, au nom de la deputation, membres de cette commission, de même que les gens qui vous accompagnent. Soyez assurés que les propositions, recommandations faites dans votre mémoire seront particulièrement étudiées. Donc, nous allons suspendre pour une minute. Nous invitons immédiatement l'Union des producteurs agricoles, dont M. Jacques Proulx est le président-directeur général.

(Suspension de la séance à 16 h 9)

(Reprise à 16 h 11)

Union des producteurs agricoles

Le Président (M. Marcil): Nous reprenons immédiatement nos travaux. M. Proulx, nous vous souhaitons la bienvenue à cette commission parlementaire. Nous savons que vous êtes devenu un habitué des commissions parlementaires, compte tenu que l'Union des producteurs agricoles a pris une place prépondérante dans notre société. Si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent, ensuite, vous pourrez procéder immédiatement à l'exposé, en synthèse, si vous voulez, de votre mémoire, compte tenu que tout le monde l'a lu. Ensuite, on pourra procéder aux échanges.

M. Proulx (Jacques): Merci bien, M. le Président. Alors, je vous présenterai M. Gilles Besner qui est directeur de la DDO, la Direction développement organisationnel à l'UPA, et M. Pierre Rhéaume qui travaille au service de l'éducation et de la formation. Il est responsable, entre autres, de toute la question de la formation de la main-d'oeuvre, etc. alors, m. le ministre, mesdames et messieurs, je voudrais vous remercier, dans un premier temps, de nous donner l'occasion de se faire entendre devant vous dans le cadre de cette consultation générale sur le document intitulé «partenaires pour un québec compétent et compétitif» et sur le projet de loi 408, loi sur la société québécoise de développement de la main-d'oeuvre.

Très rapidement, je présenterai l'organisme que je représente, qui est l'UPA et qui, en fait,

depuis 1972, est accréditée par une loi gouvernementale pour représenter l'ensemble des producteurs et productrices agricoles qui sont au nombre de 48 000. La Fédération des producteurs de bois aussi, qui est affiliée à l'UPA, regroupe quelque 120 000 propriétaires forestiers, dont 35 000 sont également producteurs agricoles.

Le rôle de l'UPA, c'est évident, c'est de défendre et de promouvoir les intérêts économiques, sociaux et moraux des producteurs et productrices agricoles du Québec. Ses structures, c'est 180 syndicats de base, 16 fédérations régionales, 145 syndicats spécialisés et 17 fédérations spécialisées. Plus de 90 % de nos membres participent à plus de 20 plans conjoints, c'est-à-dire de mise en marché collective. En 1991, les recettes monétaires du secteur agricole se sont situées à 3 700 000 000 $.

La profession de producteur ou de productrice agricole, comme toutes les autres, n'échappe pas à la nécessité de l'élaboration, l'adaptation et l'acquisition de connaissances nouvelles. Posséder les outils techniques nécessaires à sa profession, en suivre l'évolution et mieux saisir la nouvelle réalité socioéconomique exigeront toujours des ajustements et du recyclage. La possibilité d'accès à des activités de formation professionnelle formelle et surtout créditée est d'autant plus nécessaire. Ces mêmes possibilités doivent être fournies à la travailleuse et au travailleur agricole salarié qui doit avoir les moyens d'augmenter son niveau de compétence. Nous, agriculteurs et agricultrices du Québec, nous participons à part entière au développement de la société québécoise; nous voulons y jouer un rôle actif. Comme toute la société québécoise, nous sommes confrontés au défi de composer avec un nouvel environnement économique à l'échelle de la planète.

Le libre-échange, le GATT, nous en vivons les conséquences aux premières lignes. Nos entreprises doivent déjà gérer le changement. Il nous faut prévoir les conséquences financières sur nos fermes des modifications qui seront introduites au niveau des politiques agricoles mondiales. Le meilleur moyen pour continuer de nous développer et augmenter notre compétitivité est de nous inscrire dans un processus de formation continue, d'augmenter nos capacités de gestionnaires, d'améliorer notre formation professionnelle.

Pour prévoir et répondre aux nouveaux besoins de nos entreprises, il faudrait que l'offre de formation puisse répondre à notre demande. À ce titre, l'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre contient, pour le secteur agricole, beaucoup plus de facteurs d'exclusion qu'une réelle volonté de nous y inclure. Comment s'harmonise l'énoncé de politique avec les nouvelles stratégies de grappes industrielles et de développement régional ainsi qu'avec l'actuel projet d'éducation ne nous apparaît pas très clair.

Avant de trouver une solution économique au développement du Québec, il faudrait trouver une solution humaine à l'enrichissement de notre société. Il ne s'agit pas que de mettre des structures en place, il faut qu'elles soient soutenues par un projet collectif. Ces structures doivent être démocratiques et permettre à chacun de participer au développement de son secteur économique et de sa région.

Le fonctionnement actuel des commissions de formation professionnelle nous permet de le faire. Nous croyons que les comités consultatifs régionaux doivent être maintenus pour garantir que l'offre de formation s'orientera en fonction des besoins régionaux. La concentration de pouvoirs qui risque de s'opérer dans le cadre de la réforme proposée n'est pas acceptable pour le secteur agricole. Le pouvoir d'intervention politique du ministre dans la définition même des orientations de la future Société québécoise de développement et l'emprise grandissante de l'appareil bureaucratique sur le fonctionnement de la Société sont un net recul selon nous. Pour chaque entreprise agricole dont le développement et la rentabilité se concrétisent et augmentent, il y a des hommes et des femmes, agriculteurs et agricultrices, qui s'impliquent au niveau régional dans des comités consultatifs régionaux, qui sont membres de conseils d'administration, de commissions de formation professionnelle. L'agriculture y a sa place comme un véritable partenaire.

Nous ne sommes pas intéressés à n'être que des spectateurs, comme d'autres groupes d'ailleurs; je pense ici, entre autres, aux travailleurs non regroupés, aux chômeurs, aux bénéficiaires de l'aide sociale et à toutes les catégories de travailleurs qui sont exclus de l'actuelle réforme. La composition du conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre ressemble beaucoup trop à un club privé. On y retrouvera un petit groupe d'organismes gouvernementaux, patronaux et syndicaux qui vont avoir la prétention de définir les besoins des régions et des industries.

Il ne nous a pas été long à comprendre que, pour être un véritable partenaire dans l'actuel énoncé, il faut être membre - avec toutes les réserves qui s'imposent, j'en al mentionné quelques-unes - du conseil d'administration de la future Société. Sinon, vous devez vous contenter d'être un spectateur, d'être un souffleur dans l'oreille d'un autre. La Société pourra vous imposer un tarif pour ses services. Vous devez financer 50 % du coût de votre formation et vous n'avez pas droit, comme agriculteur ou agricultrice, au crédit d'impôt remboursable aux entreprises.

Pour ce qui est des quatre programmes simplifiés qui seront disponibles dès la mise en place de la réforme, nous avons été incapables d'obtenir une réponse quant à leur accessibilité pour les agriculteurs et les agricultrices. Si c'est cela la définition d'un partenaire, dans le cadre

de l'énoncé de politique, nous n'arriverons pas à nous entendre. pour nous, être partenaire signifie être partie prenante au processus décisionnel quand les décisions qui sont prises ont un effet direct sur l'avenir de nos entreprises, surtout dans le cas des changements radicaux qui devront être opérés au cours des prochaines années. le volet le plus important de l'énoncé de politique doit être du côté humain. il doit faire une grande place aux hommes et aux femmes qui font le québec économique d'aujourd'hui et de demain. la société québécoise de développement de la main-d'oeuvre ne doit pas se réduire à n'être qu'un club privé. elle doit avoir un effet mobilisateur valorisant sur l'ensemble de notre société. l'agriculture doit y avoir sa place comme elle doit ouvrir la porte à tous les exclus de l'actuel projet. quand on veut élever une société au rang des nations les plus compétitives du monde, on ne peut favoriser 40 % des travailleurs au détriment des autres 60 %. une véritable politique de formation professionnelle doit s'ouvrir à toutes les réalités qui composent la société québécoise. nous croyons que l'agriculture jouera un rôle important dans l'avenir de cette société, et nous ne demandons rien d'autre que la justice et notre juste part. merci, m. le ministre et m. le président.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le président de l'UPA, M. Proulx, je vous remercie de votre exposé. Maintenant, je vais reconnaître M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président, il me fait plaisir de saluer les représentants de l'Union des producteurs agricoles, son président, d'autant plus que j'ai l'honneur d'être un de leurs membres, un des rares autour de cette table, j'en suis convaincu. N'est-ce pas, M. le député?

M. le Président, dans le projet de loi, à l'article 5, on dit: «Les affaires de la Société sont administrées par un conseil d'administration composé de dix-neuf membres, dont un président. «Le gouvernement nomme le président. Il nomme également: - et là, on le dit - «1° six membres après consultation des associations de salariés les plus représentatives».

Alors, ma question: Est-ce que vous vous considérez comme une association de salariés parmi les plus représentatives?

M. Proulx: Je vous ai déjà donné une réponse à ça, M. le Président. Nous sommes un peu tout: nous sommes des patrons, nous sommes des salariés. On a certaines difficultés. Je vous dirai - je pense que vous le savez - que je ne suis pas très très à l'aise avec le patronat. Je pense que je ne serais pas tellement a l'aise, non plus, d'être avec un autre syndicat d'ouvriers.

Pas mal à l'aise dans le sens d'être honteux, mais je ne me sentirais pas...

Je pense que les agriculteurs et les agricultrices sont une classe un peu spéciale en ce sens qu'ils sont des entrepreneurs, des propriétaires de petites et moyennes entreprises. Ils gèrent des budgets de plus en plus importants, mais qui, en même temps, à cause de la nature de la structure qu'on a développée, en sont les travailleurs et les travailleuses.

Alors, c'est pour ces raisons-là que je continue à vous dire qu'on doit être représenté, qu'on doit être spécifié à l'intérieur de ça. On ne doit pas être mis dans un tout qui ne tiendra pas nécessairement compte des Intérêts qu'on peut représenter au niveau du Québec. N'oublions pas que l'agriculture est la base du secteur le plus important au Québec. SI vous n'aviez pas d'agriculteur ni d'agricultrice, ce secteur-là existerait, mais il n'existerait pas avec la force qu'il a aujourd'hui.

M. Bourbeau: Je suis d'accord avec vous que c'est un secteur extrêmement important. Vous me dites que vous n'êtes pas tout à fait à l'aise non plus avec le secteur des associations d'employeurs. Mais, à ce moment-là, votre syndicat est plutôt un syndicat d'employeurs que de salariés, si je comprends bien.

M. Proulx: C'est sûr qu'on est davantage un... Non, on n'est pas un syndicat d'employeurs. On a beau être régis par une loi, la Loi sur les syndicats professionnels... On n'était pas pour se mettre à faire 36 lois au Québec pour tenir compte... Ce n'est pas là qu'est le problème, c'est qu'en utilisant une loi qui existe au Québec pour régir et pour se donner une structure... On est un cas assez spécial qui compose avec ça, mais qui n'est pas si particulier. Vous pouvez avoir des employés de la construction, des plombiers ou, d'un autre côté, des propriétaires de moyennes et grandes entreprises d'ordre général.

M. Bourbeau: Si on réussissait à vous incorporer - je mets ça au conditionnel - parmi les membres de la Société québécoise, est-ce que vous abandonneriez le qualificatif de club sélect à ce moment-là?

M. Proulx: Pardon?

M. Bourbeau: Si on faisait...

M. Proulx: Si je continuerais à dire que c'est un club sélect?

M. Bourbeau: Ha, ha, hal

M. Proulx: Si vous incluiez uniquement nous autres, je continuerais à dire qu'on vient d'intégrer un club sélect. Je vous l'ai dit, j'ai ouvert

beaucoup plus grand que ça, M. le ministre. J'ai dit que je déplore qu'on n'y soit pas. C'est sûr que je suis là pour le faire, on me paye pour ça. Mais, en même temps, je vous dis que je trouve malheureux qu'une bonne partie de notre société, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas organisés... Les chômeurs, c'est eux autres qui ont besoin de l'avenir, encore plus que ceux qui ont une job à l'heure actuelle, on les ignore. Les «bien-être social», on les ignore. On dit: On va penser à vous autres. Alors, oui, je ferais partie du club sélect et je continuerais à dire que c'est un club sélect. Je serais tout de même un petit plus heureux parce que j'en ferais partie là, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Oui. C'est bien sûr qu'on ne peut pas élargir à l'infini les cadres d'un conseil d'administration. Tout le monde nous dit que plus c'est gros, moins c'est efficace. Donc, à un moment donné, il faut quand même que ce soit à une échelle qui permette cette efficacité-là.

Maintenant, si on revient à votre mémoire, vous affirmez d'entrée de jeu que le secteur agricole est négligé dans le document d'orientation. Par contre, vous vantez pas mal les mérites des conseils consultatifs régionaux qui sont présentement en place à la base de nos commissions de formation professionnelle. Vous semblez supposer que, dans la nouvelle loi, les CCR, les comités consultatifs, seraient abolis. Or, l'énoncé de politique ne prévolt, à ma connaissance en tout cas, rien de tel, mais laisse plutôt cette question aux conseils régionaux. On laisse ça facultatif un peu aux conseils régionaux de maintenir ou non des comités consultatifs. Quant à moi, je pense que la présence de ces comités consultatifs régionaux est très importante et qu'on devrait les conserver, que les régions devraient les conserver. Maintenant, je vous pose la question suivante: Est-ce que vous croyez que la loi devrait rendre ces comités consultatifs régionaux obligatoires, notamment dans le secteur agricole? Si oui, quels seraient le rôle et les pouvoirs de ces comités consultatifs régionaux?

M. Proulx: Je demanderais à Gilles Besner de répondre, parce qu'il s'occupe d'une façon plus particulière de cette partie de dossier.

M. Besner (Gilles): Je pense que la question est cruciale. On l'aborde dans le mémoire. Le rôle des comités consultatifs. Ils ont le rôle concret d'aller identifier les besoins de formation et de faire les recensements, mais ils ont trois grandes fonctions qui sont différentes ou qui risquent d'être différentes. Vous l'avez dit, ils ne sont pas exclus par la loi, nommément par la loi, mais ils ne sont pas prévus non plus. C'est-à-dire que c'est possible de le faire, ça reste à la discrétion des futures sociétés régionales. C'est là qu'on s'interroge parce qu'il y a trois grands rôles qui revenaient aux CCR, tels qu'on les connaît actuellement. Ça ne veut pas dire que tout est parfait. Nous, ça nous a pris comme deux ans avant de s'ajuster, le secteur agricole, pour trouver notre place dans les CCR, compte tenu du modèle paritaire qui est toujours existant sur toute la ligne.

On est pris avec à la CSST, on est pris avec partout où on va, dans le fond, surtout dans le bout de vos responsabilités. On est toujours coincés de la même manière. De tous les ministres avec qui on a jasé - vous n'êtes pas le premier - et indépendamment des partis, on a respecté la volonté des ministres de ne pas ouvrir la loi pour ne pas briser le modèle paritaire qui avait été négocié au début des années soixante-dix, patronal et syndical. On a réussi à composer là-dedans, on a réussi à trouver, et les CCR sont devenus une espèce de terrain de compromis où on les organisait pour que ce soit fonctionnel au niveau des régions, mais avec toutes sortes d'aberrations. C'est-à-dire qu'on décrétait une partie employeur et une partie travailleur, et il fallait voir ce que ça donnait rendu au bout de la ligne. Il ne fallait pas que ça passe au peigne trop fin.

Dans ce sens-là, on dit: La loi est ouverte, profitons-en pour nous faire une place, à ce moment-là, dans ce décor-là. Les rôles essentiels d'un CCR, c'est, entre autres, de garantir. En étant obligés de les avoir, les CCR, ça garantit à des regroupements plus spécifiques de différentes natures - c'est vrai pour nous autres, mais ça peut l'être pour d'autres - une espèce de lieu garanti à l'intérieur des sociétés régionales. C'est aussi l'espèce de garantie de démocratie qui existe pour les sociétés, dans le fond, comme ça existe pour les CFP actuellement.

Le conseil d'administration émerge, dans le fond, des membres qui aboutissent dans les CCR. Ça, ça garde la garantie de rester connectés avec le milieu en même temps que c'est une garantie de démocratie aussi qu'on offre actuellement aux CFP, et qui va disparaître avec les sociétés régionales. Même si la société se donne des CCR, elle peut les faire disparaître, elle peut les remettre en place. Elle n'est plus liée - comme actuellement les CFP sont liées par la loi - et ça crée une espèce de bassin pour constituer le conseil d'administration. Ça garantit un lien avec le milieu, un lieu d'expertise et une garantie de démocratie à l'intérieur de ça. Mais tout ça, il faut le resituer dans l'ensemble de la loi où il y a des pouvoirs qui appartenaient aux CFP qui vont être rapatriés par le ministre dorénavant.

M. Bourbeau: Oui. Bien sûr, quand on fait des changements, II y a des choses qui changent et la société évolue. Je reconnais qu'il y a des changements dans la loi par rapport à la situation actuelle. Tout n'est pas parfait, non plus, dans la situation actuelle. On fait une réforme,

mais je considère, moi aussi, que les comités consultatifs régionaux jouent un rôle important et qu'on devrait continuer à les conserver et à les consulter puisque, de toute façon, leur but premier c'est d'être consultatifs.

Une dernière question. Comment voyez-vous, vous, la formation du conseil d'administration de la Société puisque vous dites que vous aimeriez qu'on y fasse entrer d'autres organismes? Actuellement, on le construit sur le mode tripartite, un peu à l'échelle de ce qu'on a pu voir dans les pays où ça fonctionne extrêmement bien, comme en Allemagne, dans les pays Scandinaves, par exemple, patronat-syndicats-gouvernement. Pourriez-vous nous donner une idée de la façon dont, vous, vous verriez l'architecture de cette société? (16 h 30)

M. Proulx: Écoutez, M. le ministre. Un peu partout, on a beaucoup de beaux discours. C'est toujours assez simple, particulièrement ces années-ci, quand on a une pensée... On est très ouverts à donner de l'espace à à peu près tout le monde, dans le discours. Quand on arrive pour mettre en application, on a toujours beaucoup de facilité à trouver des raisons pour ne pas inclure tout le monde. On parle énormément de partenariat, mais c'est quoi, du partenariat?

À mon avis, du partenariat, c'est vraiment impliquer toutes les forces qui peuvent exister dans notre société. C'est de les mettre à contribution, de responsabiliser. C'est à partir de ça qu'il faut former un conseil d'administration ou qu'il faut le former pour aller chercher toutes les idées nécessaires, toute l'expertise dont on a besoin et, surtout, mettre en place la possibilité des gens de s'impliquer. Je suis d'accord qu'on regarde ce qui peut se faire ailleurs, je suis d'accord qu'on essaie d'en tirer le meilleur parti possible, mais arrêtons d'avoir peur d'avoir des idées nouvelles, d'inventer, d'inventorier des choses nouvelles.

Vous parlez de partenariat dans ça, mais je me demande pourquoi la peur de ne pas vouloir faire de véritable partenariat et de donner l'occasion à cet ensemble de personnes de discuter, échanger, mettre de l'avant des nouvelles choses, des nouvelles formes, ainsi de suite. Pour ça, vous avez besoin de tout le monde au Québec. Ce n'est pas le fait de rapatrier des pouvoirs d'Ottawa ou des sommes d'argent d'Ottawa que ça va donner la science infuse à quelques personnes.

Dans mon langage, je dis souvent: être mordu par un chien ou par une chienne, ça fait mal, ça. Tu es mordu. Je pense qu'il ne faut pas oublier que parce qu'on rapatrie, on va devenir, à un moment donné... On va recevoir le Saint-Esprit un peu comme à la Pentecôte. Ce n'est pas ça qui va arriver. On continue un peu avec le même modèle, les privilégiés. Là, je tiens à m'expliquer. Je ne veux pas exclure ceux qui sont là à l'heure actuelle, bien loin de ça. Mais je ne veux pas que ceux qui sont là parlent à ma place, parce que j'ai des choses à dire. Je suis certain que les chômeurs ont des choses à dire que, moi, je ne peux pas dire pour eux autres, puis que Gérald Larose, qui y était avant moi, peut dire pour eux autres. Les assistés sociaux ont aussi des choses à dire. Arrêtons d'avoir peur de les écouter. Donnons-leur un espace, une place, une tribune - pas une tribune en arrière où ils attendent leur tour avec un numéro pour venir parler - en avant. Puis, vous allez voir que vous allez en trouver des idées de ça. Ce ne sera pas si dérangeant que ça. Ce ne sera pas si dangereux que ça, M. le ministre.

Là, vous mettez le vieux modèle retapé en place. C'est ça que vous faites. C'est uniquement ça que vous faites. Tu as la vieille auto, mais elle est reluisante, tu lui a donné une bonne peinture. Tu as modelé quelque affaire. Vous ne changerez rien avec ça, M. le ministre, parce que vous allez continuer à laisser en place l'agressivité de certains groupes. Donnons de la fierté à notre monde, puis il va en faire des choses.

Je ne vous dirai pas qu'il faut que vous en mettiez 10 d'une sorte, puis 3 de l'autre. Je vous dis: Soyons Imaginatifs et utilisons les forces qu'on a au Québec. N'en laissons pas de côté. C'est peut-être bien du gouvernement que vous êtes trop, je ne sais pas. S'il n'y a plus moyen de mettre plus que ça, essayons de faire un autre «mix».

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le ministre, si vous voulez réagir, brièvement.

M. Bourbeau: Avant de passer la parole au député de Berthier, il reste quand même une chose, M. Proulx. Il faut être pratique. On ne peut pas amener 75 personnes dans un conseil d'administration parce qu'elles représentent des groupuscules ou des groupes bien importants de la société. Il faut se limiter à quelque chose. Alors, on a aménagé des lieux pour entendre et consulter les groupes. Vous parlez des assistés sociaux, je peux vous en parler. Je connais bien ce secteur puisque j'en suis responsable. On a créé, nous, au ministère, la Commission consultative des groupes d'assistés sociaux, justement. On se réunit régulièrement, à peu près tous les mois, avec eux pour les consulter. On met les problèmes sur la table avec eux, puis on trouve des solutions. Alors, moi, je suis très à l'aise de vous dire qu'on les consulte régulièrement. Ils participent à des séances où on évoque tous les problèmes, et on tente de trouver des solutions. Cependant, je ne peux pas les amener à tous les conseils d'administration qu'il y a au gouvernement. Il faut être pratique aussi. M. le Président.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): très bien. je vais reconnaître le député de berthier. si vous n'avez pas d'objection, m. proulx pourra peut-être réagir en même temps à la première

question du député de Berthier.

M. Houde: Merci, M. le Président. Permettez-moi de saluer les gens de l'UPA, un secteur que je connais très bien. Vous dites, dans votre mémoire, que les programmes de formation de la main-d'oeuvre ne sont généralement pas accessibles aux producteurs agricoles. Vous donnez l'exemple des mesures s'adressant aux licenciements collectifs. Vous dites, pourtant, que les besoins existent puisque de nombreuses fermes disparaissent chaque année. Vous avez raison là-dessus. Comment pourrait-on intervenir pour aider ces producteurs à se recycler dans d'autres domaines? Comment pourrait-on adapter la formule des comités de reclassement au secteur agricole? C'est ma première question.

M. Besner: Dans le fond, on est toujours dans le même bout du problème, là. Ce qu'on vous signale dans le mémoire, c'est l'aspect massif ou l'aspect spectaculaire. Si on écoute les mêmes nouvelles à tous les soirs, quand Petro-Canada ou Esso annonce une fermeture d'usine, ça va à coups de 300, à coups de 1500. C'est spectaculaire. Dans le monde agricole, c'est un à un qu'ils disparaissent. Ils font un encan ou ils s'en vont ailleurs. C'est un à un. Souvent, même, pour nous, ce n'est pas facile de les regrouper. Dans le fond, ils ne sont plus membres, chez nous. C'est tout ça qu'on essaie de poser comme problématique. Comment faire en sorte de réussir à trouver les mécanismes, justement, pour récupérer ce monde-là, pour trouver une espèce de mécanisme collectif pour être capable de les récupérer et de leur donner une voie quelque part? Parce que un par un, ils n'en ont plus de voie. Ils se perdent dans des masses, soit d'assistés sociaux, soit de chômeurs.

Dans le monde agricole, à moins d'avoir été organisé en société ou en compagnie, et d'avoir été salarié de l'entreprise, tu n'as même pas accès au chômage. On se dit, à ce moment-là: Comment va-t-on faire pour que ce monde-là... Il y en a, des disparitions de fermes. Si on regarde aller toutes les négociations actuelles sur le GATT, on peut en anticiper encore d'autres dans l'avenir. On dit: Ce monde-là, il n'est pas ni mieux ni pire que le monde ouvrier à Montréal, sauf qu'ils disparaissent un par un des villages et, souvent, on ne le sait pas. On veut s'organiser pour le savoir et, dans les prochaines années, on va savoir où ils sont, où on les amène, avec qui on va jaser là-dedans.

M. Houde: Pour compléter votre réponse, quand vous dites que, dans certains coins, on a des cultivateurs qui disparaissent, c'est vrai jusqu'à un certain point. Mais, d'un autre côté, je pense que dans d'autres coins, c'est nécessaire qu'ils se regroupent. Quand ils disparaissent, c'est parce que c'est d'autres producteurs qui ont acheté leurs fermes. Ils se regroupent pour être plus efficaces, pour faire face à la compétition et devenir encore plus efficaces. Je pense que c'est ça, dans l'agriculture.

M. Besner: Ça, je n'ai pas de problèmes avec ça. C'est un discours qu'on connaît bien.

M. Houde: O.K.

M. Besner: Mais, ça, ça ne répond pas à la question. Celui qui est plus efficace, il reste membre chez nous et on s'en occupe. Si on a une place à la Société, on va pouvoir parler pour lui. Mais celui qui est le plus efficace dans le jargon qu'on décrit, qui s'en occupe, là? C'est ça, la question que vous posez. Ce n'est pas celui qui continue d'être efficace, qui va tenir le coup encore un bout, c'est celui qui ne l'est plus, qui est défini comme n'étant plus efficace. Il n'y a pas de mesures, il n'a pas de comité d'entreprise, lui, pour regarder le recyclage. Il n'y a pas de programmes spéciaux, il n'y a pas de fonds d'assurance-chômage. Il n'y a pas le fédéral ni le provincial qui sont disponibles à la porte pour aller l'aider. C'est dans ce sens-là qu'on dit: Faites au moins une place à la Société, dans le sens que toutes les lois, par après, sont essentiellement - ce n'est pas un reproche - sont fondamentalement faites pour le monde ouvrier. Avec l'infrastructure et le style d'organisation qu'on a dans le monde agricole, on y trouve quand même notre place, dans le fond. On dit: Ce n'est pas grave qu'ils soient faits pour le monde ouvrier, on ne lui en veut pas d'être organisé, mais faites nous aussi une place.

M. Houde: Je suis d'accord avec vous. On ne dérivera pas trop d'abord. Ma deuxième question.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Une autre question?

M. Houde: Oui, s'il vous plaît.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): La dernière?

M. Houde: Oui, M. le Président. Vous dites, un peu plus loin dans votre mémoire, craindre pour l'existence des services d'emplois agricoles dans le cadre de la Société. Vous brossez, dans votre mémoire, un tableau sommaire des ressources dont ce réseau dispose. Vous fournissez aussi quelques statistiques sur ses opérations. Pourriez-vous élaborer davantage sur son mode de fonctionnement, sur les liens entre les services et les centres d'emplois agricoles et le soutien que fournit, en général, Emploi et Immigration Canada au réseau? Quels seraient les liens fonctionnels à établir entre le réseau des centres d'emplois agricoles et la Société?

M. Besner: Une autre bonne raison pour être à la Société et en jaser.

M. Houde: On va s'en tenir à ça aujourd'hui.

M. Besner: Dans le fond, c'est une question qu'on vous pose, dans le mémoire.

M. Houde: Bien, c'est pour ça...

M. Besner: Nous, on vient ici... On a bien compris l'énoncé de politique et la loi. Si le rapatriement fonctionne, ce qu'on appuie, c'est de tout rapatrier Québec, y compris la fonction de placement. Nous, ce qu'on vous dit là-dedans, ce qu'on vous pose... C'est aussi de la sensibilisation, et on aimerait avoir une réponse de la part du ministre, cet après-midi. Dans le fond, on dit: Dans le rapatriement, y compris la fonction de placement, il y a le réseau CTQ. On ne l'évalue pas cet après-midi, on dit: II est là. Nous, on vous dit: On a un réseau de centres spécialisés, emplacements agricoles, on gère 15 centres d'emplois agricoles. Qu'est-ce qui risque d'arriver? La question que vous posez est bonne, mais il faudrait la poser plutôt à votre collègue qu'à nous autres, parce que c'est celle-là qu'on vous pose dans le mémoire: Qu'est-ce qui risque d'arriver aux SEA? Une fois rapatriée la fonction de placement et redéfini le rôle des CTQ, le Québec va-t-il continuer de supporter le réseau des services d'emplois agricoles qu'on a développé depuis 15 ans?

M. Houde: Merci.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Je vais maintenant reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Mme la députée.

Mme Harel: À moins que le ministre ne veuille répondre à la question de l'UPA.

M. Bourbeau: Je ne veux pas lui enlever son droit de parole, pour commencer.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très important, M. le ministre.

Mme Harel: Alors, M. le Président, vous allez d'abord me permettre de saluer les personnes de l'UPA qui sont avec nous aujourd'hui, particulièrement le président avec lequel j'ai eu le plaisir de siéger à la commission Bélanger-Campeau. Je veux lui dire qu'il m'a semblé avoir retrouvé son style incisif dans la rédaction même du mémoire, cette formule, comme la formule «G-7», la formule du club des sept, en fait, pour identifier la Conférence permanente de la main-d'oeuvre et l'éventuelle Société.

Plus sérieusement, il y a, dans l'introduction, une constatation que vous faites qui est extrêmement Importante. En l'espace de deux lignes, ce que vous dites, c'est que vous exigez une véritable politique de formation professionnelle plutôt que de se limiter au strict développement de la main-d'oeuvre, comme le fait l'actuel énoncé de politique, ajoutez-vous. Ça, je pense que ça reste quand même au coeur de l'échange que nous avons depuis le début de la commission. Cet après-midi, je ne sais pas si vous y étiez quand le ministre a clarifié l'intervention qu'il avait faite ce matin, où il a parlé de formation professionnelle en disant que ce n'était pas ça le débat qu'on avait à faire ici. Cet après-midi, il a parié d'enseignement professionnel. Alors, il y a déjà une amélioration parce que l'enseignement professionnel, c'est supposé être ce qui se fait par le ministère de l'Éducation. Lui, il est quand même ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, mais la formation professionnelle ça se passe aussi au ministère de l'Éducation, puis de ça on n'en parie pas. Alors, on ne parie pas de la formation de base, on ne parie pas de la formation initiale, on ne parie pas de la sous-scolarisation, on ne parie pas d'analphabétisme fonctionnel, on ne parie pas de ça. On centre ça sur les mesures d'adaptation, surtout dans les secteurs plus affectés par le libre-échange ou par la concurrence de la mondialisation des marchés. Normalement, dans ces secteurs-là, vous devriez y être, même dans cette logique-là.

Alors, c'est ça finalement. Même dans la logique restrictive de mettre tous nos oeufs dans le panier de la compétitivité pour instrumenter nos équipes qui vont aller compétitionner avec les autres, même dans cette logique-là, ce que vous nous dites, c'est que vous devriez être là-dedans. C'est ça?

M. Prouix: C'est évident que même si on n'est pas d'accord pour qu'on utilise cette unique logique dans notre monde, si on l'utilise, il faut être là. Il faut être doublement là parce qu'il faut être doublement préparé. C'est là que devient très importante toute la question de l'harmonisation. On lance beaucoup de choses Intéressantes, sauf qu'il n'y a plus rien qui se tient à un moment donné, II n'y a plus d'harmonisation. Il y a du dédoublement, il n'y a plus personne qui sait où on va. C'est intéressant le projet, au niveau de l'éducation, de M. Pagé. C'est intéressant les grappes Industrielles. C'est bien intéressant les principes du développement régional, mais avec ce dont on parie aujourd'hui, il faut que ça se tienne parce que c'est tout interdépendant les uns des autres. C'est là qu'il faut que les partenaires soient. Quand je parie de partenaires, c'est d'aller chercher de l'expertise et on ne la retrouve pas là. On souhaite qu'elle existe, mais on ne la retrouve pas. Pourquoi ne pas le mettre très clair? Pourquoi ne pas se donner les moyens immédiatement, pour

qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, pour qu'on puisse par après aller un peu selon que ça va peut-être faire l'affaire ou rapporter à court terme? C'est ça nos inquiétudes autour de ça.

Mme Harel: Vous dites, à la page 12 du mémoire: «Quand l'énoncé de politique aborde tout l'aspect du développement régional, - écrivez-vous - II le fait sans lien avec le Secrétariat au développement régional et les secrétariats régionaux qui seront mis en place pour succéder à l'actuel réseau de l'Office de planification et de développement du Québec. Il nous apparaît essentiel que des liens soient faits pour que l'arrimage souhaité puisse se réaliser.» En fait, on se rend compte que les sociétés régionales auraient un mandat de développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi. Par ailleurs, la question reste encore en suspens. Qu'est-ce qui arrivera avec les nouveaux conseils régionaux de M. Picotte? Quel lien vont-ils avoir avec ces sociétés régionales de M. Bourbeau? Ça reste, en fait, en suspens. (16 h 45)

M. Proulx: C'est évident que ça reste en suspens. On ne voit pas comment H peut y avoir des liens autour de ça, d'autant plus qu'avec l'exercice qu'on a fait l'année dernière - États généraux et Solidarité rurale qui est en place, qui est justement composée d'une multitude de partenaires, de tous les partenaires du milieu... Alors, il serait drôlement intéressant qu'on puisse préciser des choses, qu'on puisse justement arrimer tout ça, utiliser, et arrêter de dédoubler et de remettre en place des nouvelles choses. Il y a des choses qui existent. Par les États généraux du monde rural, on a regroupé ça. On a permis à ces gens-là de redécouvrir qu'ils sont capables de faire des choses ensemble. Alors, arrêtons de vouloir réinventer d'autres choses quand ça existe. C'est prêt, et il y a moyen de réaliser et d'atteindre surtout les objectifs qu'on peut mettre ensemble, prévoir ensemble.

Mme Harel: Tantôt...

M. Proulx: Peut-être que... Gilles, tu veux compléter?

M. Besner: Exactement dans le même sens, il y a comme deux aspects. Il y a toute la cohérence des politiques. On s'est présenté ici. Tantôt, vous avez Introduit le président en remarquant qu'il participait à beaucoup de commissions parlementaires. Effectivement, on en suit beaucoup. Mais, une après l'autre, on se demande où tout ça s'en va, dans le fond. On s'est présenté à l'Immigration où la question... Ce n'est pas drôle quand on se présente Ici parce qu'on est relancé après, et ça ne finit plus de recevoir des délégations des ministères pour savoir, dans la politique de l'immigration, le rôle qu'on était prêt à jouer dans la régionalisation.

On dit en même temps qu'on ne pourra pas prendre des immigrés qui arrivent ici pour les envoyer dans des campagnes où les Québécois ne veulent pas rester. Ils s'en viennent à Montréal. C'est un peu la même question qu'on pose tout le temps.

Il y a une question d'harmonie et de cohérence. En même temps qu'il y a un bout qui est un peu décourageant... J'entendais le ministre, tantôt, répondre à la CSN en disant: Nous, c'est la main-d'oeuvre. Ce n'est pas la politique de formation professionnelle qui nous Intéresse. On a été capable de vous suivre un bout. On est encore capable de vous suivre un autre bout. Tant que ça se passe entre le fédéral et le provincial... On a compris - depuis 15 ans, 20 ans, pour ceux qui ont suivi le dossier en masse - que pour jouer des «games» avec le fédéral, on fait des distinctions à n'en plus finir. La formation, c'est provincial, c'est par ce bout-là qu'on se présente au fédéral. Le fédéra! dit: C'est ia main-d'oeuvre, c'est dans mon bout.

On comprend que ça, compte tenu du régime constitutionnel dans lequel on est, et des «games» qui sont jouées - fédéral-provincial -on a été capable de vivre avec ça un bout. Mais on dit qu'il ne faudrait surtout pas que ça recommence une fois tout revenu au Québec. On n'a rien gagné. Quand on disait: Ce qui n'est pas drôle, c'est de se faire mordre. Le... de ce qui mord, ça n'a pas grand chose à faire là-dedans. C'est un peu à ça qu'on se réfère en masse. Ce serait bien le désespoir si, entre les ministères de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Main-d'oeuvre, on reprenait le même genre de débat qu'on avait quand c'était fédéral-provincial. Nous autres, on dit: Qu'est-ce qu'on a gagné de plus, bien honnêtement?

Au moins, avant, quand il y en a un qui faisait une gaffe, on pouvait en profiter peut-être bien pour un bout de temps, jusqu'à temps qu'ils se parlent entre eux autres. Mais là, en plus, ça va se passer dans la même cour, et il n'y a rien de plus de réglé. Quand on regarde la loi, quand on entend une réponse comme celle d'après-midi, c'est presque déprimant de dire: On va recommencer? On n'aura plus le prétexte des deux niveaux de gouvernement pour dire: Vous autres, c'est la formation, nous autres, c'est la main-d'oeuvre. Entre les deux, on ne peut pas se parier. On va être «pognés» à regarder les possibilités d'intégrer tout ça? On dit: Faites votre bout, cette fois-là, parce qu'on ne vous suivra pas longtemps.

Mme Harel: Je pense que le message est bien dit. Vous avez parlé d'un vieux modèle retapé par rapport au modèle, dirions-nous, de concertation. Le fait est, et ça m'a rappelé que les sociétés régionales dont on parle maintenant, c'est pour remplacer des commissions de formation professionnelle qui, à l'origine, étaient des commissions paritaires. Alors, c'est vraiment plus

un modèle corporatiste. C'est le modèle des années trente qu'on a traîné Jusqu'en 1969. Là, en 1969, on l'a un petit peu retapé. On le retape encore, mais c'est finalement le modèle corporatiste qu'on traîne avec nous dans le secteur de la main-d'oeuvre.

Une voix: Oui.

Mme Harel: D'autre part, j'aimerais vous entendre sur la question du nouveau programme. J'aimerais bien ça si vous pouviez être un petit peu plus explicite, À la page 17, vous dites: «Des quatre programmes proposés, seul le programme d'intervention individuelle en développement de la main-d'oeuvre est adaptable en partie aux besoins du secteur agricole, mais il ne couvre que le champ occupé jusqu'ici par le programme Recyclage et perfectionnement». Vous savez que ce programme Recyclage et perfectionnement était en diminution constante de budget. Là, vous continuez: «Le nouveau programme aura deux volets, l'un industriel et l'autre personnel». Moi, ce ne sont pas des informations que j'avais. Je ne sais pas, peut-être que vous en avez eu, des privilégiées. Vous dites: «Nous croyons que des précisions sont nécessaires de la part du ministère sur cet aspect de la question» qui serait que vous devriez, vous, comme secteur agricole, vous intégrer au volet personnel. Qu'est-ce que ça a été, votre expérience avec le programme Recyclage et perfectionnement? Qu'est-ce que vous attendez d'un programme de cette nature-là, dans le cadre d'une opération de simplification des programmes du ministère? Qu'est-ce que vous aimeriez avoir?

M. Rhéaume (Pierre): Je Vous dirai que le principal élément à la base de notre réflexion, quant à l'analyse qu'on fait des quatre programmes, c'est que ce qu'on questionne d'abord et avant tout, c'est l'accessibilité. Actuellement, le programme Recyclage et perfectionnement est utilisé beaucoup par les agriculteurs et les agricultrices pour des activités de perfectionnement qui sont certaines. Qu'on pense à l'augmentation des capacités de gestion des agriculteurs et des agricultrices.

Ce qu'on interroge, à la lecture de l'énoncé de politique... Il faut aussi comprendre que nous ne nous sommes pas contentés de lire l'énoncé, nous avons aussi questionné les fonctionnaires du ministère fréquemment. La plupart des réponses que nous avons obtenues, au niveau de ce programme-là, le programme 3, le troisième, celui qui concerne l'intervention individuelle en développement de la main-d'oeuvre, c'est qu'on ne sait pas ou qu'on dit: Oui, possiblement que... Alors, nous, ce qu'on souhaite ardemment, c'est qu'on réussisse à nous ouvrir une porte parce qu'il semblerait que, même au niveau de l'application des programmes, les hauts fonctionnaires sont incapables, actuellement, de nous dire si, oui ou non, l'agriculture a une place dans l'application de ces programmes-là et la capacité qu'on va avoir, nous autres, à pouvoir les utiliser.

Mme Harel: Oui, ça devient inquiétant. À la page 15, vous dites: «II est grand temps que le MMSRFP arrête de regarder le problème de la main-d'oeuvre agricole seulement dans l'optique des travailleurs étrangers». À part ce dossier-là des travailleurs étrangers, est-ce qu'il y a d'autres dossiers que vous avez en discussion avec le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, évidemment, à part les services de placement agricole, d'emplois agricoles? Avez-vous d'autres comités conjoints ou discussions avez le ministère de la Main-d'oeuvre?

M. Besner: Pas de façon directe et bilatérale.

Mme Harel: Même pas en pénurie de main-d'oeuvre? Il y a une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée, n'est-ce pas?

M. Besner: Oui.

Mme Harel: Dans les serres, par exemple. Pourquoi fait-on venir des personnes de l'étranger pour travailler dans les serres?

M. Besner: II y a deux choses, là. On dit: On n'est pas en interaction directe avec le MMSR. Par ailleurs, le MMSR siège à ce qui s'appelle le comité de concertation pour le secteur agricole avec le MAPAQ, avec le fédéral et nous. Dans ce sens-là, il y a beaucoup de choses qui se passent. Mais, en termes de lien direct et sur des dossiers sectoriels, Jules suggérait, jusqu'à l'an passé, finalement... On avait, nous, l'impression que la préoccupation, des fois, l'unique préoccupation, c'était toute la question des travailleurs mexicains qui venaient. On dit: C'est vrai que c'est important, la question des travailleurs mexicains, mais c'est 700 personnes qui viennent. Il ne faut pas en faire un drame. Dans ce sens-là, toutes les autres questions, la formation des ouvriers agricoles, la formation des producteurs à la gestion agricole, à la gestion de la main-d'oeuvre, toutes les questions de pénurie de main-d'oeuvre en main-d'oeuvre qualifiée - et ce n'est pas si simple que ça en a l'air, vite, vite - il y aurait des endroits pour le faire, et on ne les a pas, ces endroits-là, sauf au comité de concertation, avec toutes les limites qu'il y a au comité de concertation. Souvent, advenant qu'on pose la question au comité de concertation - ils ont changé de responsable deux fois, au niveau du ministère - la réponse est de dire: On peut regarder les programmes pour voir s'il n'y a pas moyen de vous faire une place dedans. C'est un peu la

question à laquelle Pierre répondait tantôt. Chaque fois, le programme... et on comprend, dans le fond. C'est un peu la même chose qu'avec la Société, c'est la même chose qu'avec la CSST. Chaque fois, le modèle est fait pour le monde ouvrier, organisé. Nous, il faut toujours essayer d'aller se faire un trou là-dedans et ce n'est pas si simple que ça. Habituellement, on ne trouve pas notre place, sinon par la bande, sinon par les biens Informels.

Tantôt, on disait: II y en a des comités? On dit: II y aurait moyen de mettre des comités. Le ministre disait: II y aurait moyen de mettre un comité consultatif. Il y en a eu un comité consultatif pour le secteur agricole, un peu marginal. Un peu à cause de la bonne volonté du monde qui le faisait marcher, ça a marché pendant quatre, cinq ans jusqu'à voilà un an, un an et demi où le ministère a dit: Nous, on n'a plus d'argent. On va le référer au MAPAQ. Le MAPAQ dit: Ce n'est pas notre rôle nécessairement. Bon, bien ça, des comités de même, dans le fond, ce n'est pas une grosse garantie qu'on a. Quand le ministre dit: Est-ce qu'on devrait inscrire dans la loi l'existence des CCR? On n'a peut-être pas répondu directement tantôt, mais c'est oui, la réponse. Les comités consultatifs ou les comités sectoriels qu'il y a là, on se méfie de ça comme de la peste, dans le fond. C'est-à-dire que c'est les CAMO actuels changés de nom. Ça, c'est temporaire, c'est ad hoc. C'est à la volonté du ministère ou selon la disponibilité des fonds. Une fois que c'est fini, te secteur n'a plus d'occasion de se retrouver. On se l'est fait faire la passe avec le comité consultatif. On en a eu un. On était les seuls à en avoir un. On avait réussi à le bâtir de peine et de misère pour se faire dire à un moment donné: Ce n'est plus une priorité au ministère. On n'a plus les fonds. On renvoie tout ça au MAPAQ qui ne l'avait pas vu venir. Le MAPAQ nous dit: Non non, nous autres, on ne peut pas supporter ça. On n'a plus rien. Bon, bien, c'est cet arbitraire-là qu'on veut sortir.

M. Proulx: Je voudrais peut-être compléter, mais en revenant un peu au départ de votre question. C'est qu'on a énormément de difficultés à faire reconnaître les besoins qu'on a en main-d'oeuvre spécialisée. On a parlé tout à l'heure de 700 Mexicains, ce n'est peut-être pas bien changer le monde, mais il reste quand même que ça changerait des choses si c'était 700 Québécois. Pourquoi, des Mexicains? Parce que, justement, ils sont spécialisés dans certains travaux, dans des productions qui sont en plein développement. C'est incroyable, la demande qu'on a, par notre service de placement, à laquelle on n'est jamais capable de répondre parce qu'il n'y a pas de programme. Il n'y a pas d'accessibilité à des programmes de formation ou d'adaptation et, surtout, tout le secteur du maraîchage, qu'on appelle, qui est un secteur d'avenir pour le

Québec, à partir des serres - toutes les possibilités qu'on a là - à aller en plein champ et ainsi de suite. C'est beaucoup de possibilités au Québec pour ça, dans l'avenir encore plus, tant au niveau de fournir les besoins internes que de fournir les besoins externes, l'exportation.

C'est pour ça que, de plus en plus, même si on s'est battus pendant fort longtemps contre la venue de travailleurs ou de travailleuses d'autres pays, à cause d'un taux de chômage élevé - on disait que c'est de l'aberration parce que c'est nos taxes qui paient ça - on a été obligés de céder un bon matin parce que, même si on revenait à la charge continuellement, il n'y avait pas d'accessibilité, pas de possibilité. Alors, pendant qu'on a un beau discours - Écoutez, il faut s'adapter, il faut relever les défis, il faut se préparer - il n'y a rien en place pour aider tant soit peu - je parle du niveau agricole, toujours - au niveau de l'agriculture. C'est pareil comme si ce n'était pas nécessaire, ça.

Ça, c'est un grave problème. C'est un très grand problème - moi, je vous dis, à part de ça, ce qui nous est dit continuellement par nos gens qui sont dans ces productions-là - c'est un frein, le frein le plus important au développement d'une multitude de productions au niveau maraîchage, je vous le dis tout de suite.

Je voudrais, si vous me le permettez, M. le Président... Je n'ai pas eu la chance, je n'ai pas eu une réponse pour compléter l'autre question.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Oui, allez.

M. Proulx: J'aurais une réponse et une question qui n'a pas été répondue. À la suggestion du ministre, je lui rappelle qu'il y a 19 membres sur son conseil d'administration. Il sait très bien, depuis fort longtemps, que l'UPA, à plusieurs occasions, autant au niveau de ses fonctionnaires qu'à son niveau, lui avait demandé d'avoir une place, même si on comprenait que ce n'était pas possible dans le passé, mais quand viendraient des changements, d'avoir une place. Je pense que ce n'est pas à moi à lui donner la réponse - quoi faire avec 19 personnes - c'est à eux autres de trouver, je pense, puis d'avoir tous les partenaires à cette table-là. (17 heures)

J'aimerais bien que M. le ministre nous réponde sur la question qui est posée. Ce n'est pas à nous de répondre. C'est quoi qui est prévu, pour qu'on ait rapatrié, au niveau du service de placement agricole, les SEA? Elle a été posée par son collègue, tout à l'heure, par un député. M. Besner a répondu à une partie, mais il a reposé la question. Pour nous, c'est extrêmement Important parce que c'est un service qu'on donne depuis 16 ans, si ma mémoire est bonne. C'est un service qui est extrêmement apprécié et il n'a jamais été possible de le donner, ni par les centres du Québec ni par le fédéral. C'est un

service spécialisé, c'est un service peu coûteux - et ça, c'est prouvé hors de tout cloute. Alors, pour nous, ça s'ajoute à plusieurs incertitudes. Est-ce qu'il y a de quoi de prévu à l'heure actuelle advenant que la loi soit mise en place et appliquée?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): très bien, m. le président. je vais demander à... mme la députée de hochelaga-maisonneuve, je peux présumer que votre temps est fait, alors je vais demander au ministre de réagir de façon très brève, s'il vous plaît, parce que nous avons dépassé quelque peu notre temps. m. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, quand on propose de rapatrier du gouvernement fédéral des budgets et des pouvoirs en matière de main-d'oeuvre, ce n'est certainement pas pour faire en sorte que le Québec soit moins bien organisé après qu'avant. Au contraire, on prétend que, présentement, il y a une duplication, une multiplication des réseaux, des frais d'administration excédentaires inutiles, enchevêtrement des programmes, dédoublement, etc. Bon. On en a largement parlé. Mais une fois qu'on aura mis fin à ces dédoublements-là, je ne veux quand même pas qu'on se retrouve dans une situation où on serait moins bien organisé et moins efficace que maintenant. Et, dans ce sens-là, je peux vous dire qu'il n'est absolument pas - dans mon esprit - question de démanteler votre service de placement qui fonctionne bien et qu'on connaît. Alors, il s'agira simplement de voir dans quelle mesure ce service-là pourra continuer à être efficace. Est-ce qu'il sera rattaché à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre? Peut-être. Comment? On verra. Mais moi, je peux vous dire personnellement qu'il n'est pas question de faire des changements à ce sujet-là.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Alors, messieurs de l'UPA, nous vous remercions de votre présentation et vous souhaitons un bon voyage de retour. Je demanderais au Conseil scolaire de l'île de Montréal de se présenter immédiatement, s'il vous plaît.

Conseil scolaire de l'île de Montréal

Alors, mesdames et messieurs de la commission, nous allons reprendre nos travaux et je demanderais au Conseil scolaire de l'île de Montréal et à son président, M. Jacques Mon-geau, de nous présenter son rapport et, du même coup, de nous présenter les personnes qui l'accompagnent. M. Mongeau, la parole est à vous.

M. Mongeau (Jacques): M. le Président, mesdames et messieurs les membres de cette commission, il me fait plaisir de vous présenter, à ma droite, le directeur général du Conseil scolaire de 111e de Montréal, M. Raynald Laplan-te, et, à ma gauche, M. Jules Levasseur, conseiller cadre en pédagogie au Conseil scolaire de l'île de Montréal.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. le président.

M. Mongeau: M. le Président, mesdames et messieurs, c'est avec intérêt que le Conseil scolaire de l'île de Montréal présente à la commission des affaires sociales son avis sur l'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre soumis par le gouvernement à une consultation générale. le conseil scolaire, qui regroupe les huit commissions scolaires de l'île de montréal, s'intéresse au dossier de la formation professionnelle depuis ses tout débuts. en effet, la loi de 1972 qui créait le conseil scolaire de l'île de montréal faisait à ce dernier l'obligation d'assurer la planification et le développement du réseau scolaire montréalais, notamment en formation professionnelle. pour donner suite à cette mission, le conseil scolaire s'est doté dès ses débuts d'un comité spécial chargé de se pencher sur les problèmes de la formation professionnelle. par la suite, la mise sur pied d'un comité de coordination de l'enseignement professionnel formé de représentants des huit commissions scolaires de ihe et du conseil scolaire lui a permis d'apporter une contribution significative au développement ordonné de la formation professionnelle dans les écoles secondaires de son territoire, plus particulièrement en établissant, en 1978 une première carte régionale des options professionnelles sur l'île. c'est inspiré par cette initiative du conseil que, plusieurs années plus tard, le ministère de l'éducation dotait l'ensemble du québec d'une carte des enseignements.

C'est également au niveau du partenariat, dont il est abondamment question dans l'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre, que le Conseil scolaire a fait oeuvre de pionnier. Conscient que le développement et la valorisation de la formation professionnelle ne pouvaient s'effectuer sans l'engagement des employeurs et des employés, le Conseil, avec des moyens limités mais une foi inébranlable dans les mérites du partenariat, a porté ses efforts sur l'établissement de liaisons permanentes et fonctionnelles entre le monde de l'éducation et celui du travail. Ainsi, suite à un colloque qu'il organisait en avril 1980 et dont le thème était «L'école à l'écoute du monde du travail», il procédait à la fondation, sur une base paritaire éducation-travail, du Secrétariat de l'enseignement professionnel du Montréal métropolitain, devenu par la suite le Secrétariat de l'enseignement professionnel du Québec, puis le Conseil de la formation professionnelle du Québec.

Enfin, le Conseil scolaire de l'île de

Montréal s'est toujours montré vivement Intéressé aux diverses prises de position gouvernementales et ministérielles visant la formation professionnelle. À chaque occasion, il a voulu apporter au débat sa contribution, fruit de sa réflexion et de ses actions dans ce dossier en particulier. Ainsi, il a réagi en 1978 au livre vert du ministre de l'Éducation touchant l'enseignement professionnel, l'éducation technologique et le professionnel court; puis, en 1979, au Plan de développement de la formation professionnelle de la Direction générale du développement pédagogique du MEQ et au document du ministre, «L'école québécoise, énoncé de politique et plan d'action». En 1983, il préparait un dernier mémoire sur le document ministériel «Propositions de relance et de renouveau de la formation professionnelle des jeunes», et c'est avec grand intérêt qu'il a suivi, depuis ce jour, l'implantation du nouveau régime de la formation professionnelle dans les écoles secondaires et les centres de formation pour adultes.

C'est donc fort d'une longue tradition en formation professionnelle et d'une position privilégiée comme pôle de concertation des commissions scolaires de l'île de Montréal que le Conseil scolaire se permet aujourd'hui de s'exprimer une fois de plus en cette importante matière.

Au départ, le Conseil scolaire tient à souligner la qualité du document soumis à la consultation du milieu. Bien structuré, appuyé sur une analyse fouillée de la situation actuelle de la main-d'oeuvre au Québec, II présente clairement la stratégie que le gouvernement du Québec entend poursuivre dans les prochaines années pour assurer le développement de la main-d'oeuvre.

Le Conseil scolaire partage le point de vue du gouvernement qui conclut, dans la première partie de son énoncé de politique, que pour continuer à prospérer dans un contexte d'économie changeante, le Québec n'a d'autre choix que d'investir davantage dans le développement des compétences. Compte tenu de sa vocation et de son implication en formation professionnelle, le Conseil serait mal venu de ne pas corroborer les propos du gouvernement à l'effet que «La formation, sans être le garant absolu d'un accès à l'emploi, n'en représente pas moins le meilleur moyen de lutter contre le chômage et devient de plus en plus une condition déterminante de la création d'emplois».

De façon générale, le Conseil souscrit également à l'analyse faite par le gouvernement dans la seconde partie de son document quant au redressement à déployer face au sous-investissement dans le développement de la main-d'oeuvre, à la timidité du partenariat, à la complexité des programmes de main-d'oeuvre et au difficile arrimage de la formation et du marché du travail.

De cette seconde partie de l'énoncé de politique, le Conseil voudrait mettre en exergue le texte suivant: «Tout en reconnaissant d'emblée que la mission éducative de l'État va au-delà de la préparation du marché du travail, il importe que les autorités chargées de mieux équilibrer l'offre et la demande d'emploi sur le marché du travail, c'est-à-dire le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et ses partenaires patronaux et syndicaux, développent, avec les responsables des réseaux d'enseignement, des mécanismes de coordination afin que le secteur de l'enseignement demeure très attentif aux besoins de fa main-d'oeuvre et qu'il se reconnaisse une responsabilité dans le défi de la compétitivité de l'économie». Nous y reviendrons un peu plus loin.

C'est vraiment sur le troisième et dernier chapitre de l'énoncé de politique «Une stratégie québécoise à implanter» que le Conseil tient à intervenir. Nous avons regroupé sous deux thèmes l'ensemble des commentaires, suggestions et propositions que nous vous livrons sur un des objectifs et sur un certain nombre de moyens retenus par le gouvernement dans cette dernière partie de son énoncé de politique. Premièrement, le partenariat; deuxièmement, l'arrimage de la formation et du marché du travail.

Le partenariat. Parmi les quatre grands objectifs poursuivis par le gouvernement pour répondre aux impératifs de la compétitivité, celui concernant le partenariat a particulièrement retenu l'attention du Conseil.

Le gouvernement indique qu'il entend instaurer, à plusieurs niveaux et sous diverses facettes, un véritable partenariat entre le gouvernement, le patronat et les syndicats en faveur du développement de la main-d'oeuvre. Le gouvernement aurait-il oublié une facette? Où situe-t-il, entre autres, les commissions scolaires, les collèges d'enseignement général et professionnel, leurs fédérations respectives? Les associations syndicales du milieu de l'éducation sont-elles incluses parmi les syndicats dont il est question dans la formulation de cet important objectif gouvernemental?

Pourtant, nous l'avons déjà fait ressortir dans la partie précédente de ce mémoire, le gouvernement reconnaît dans son analyse de la problématique l'importance que le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et ses partenaires patronaux et syndicaux développent, avec les responsables des réseaux d'enseignement, des mécanismes de coordination afin que le secteur de l'enseignement demeure très attentif aux besoins de main-d'oeuvre et qu'il se reconnaisse une responsabilité dans le défi de la compétitivité de l'économie.

Pour atteindre l'objectif fixé, pour responsabiliser comme il se doit le milieu de l'éducation et plus particulièrement les organismes démocratiques mis en place pour gérer le système

éducatif, il faut absolument que le gouvernement ajoute la facette manquante à son objectif et parle de partenariat entre lui-même, le patronat, les syndicats et le milieu de l'éducation en faveur du développement de la main-d'oeuvre. Le Conseil scolaire souhaite donc que, dans un premier temps, le gouvernement reconnaisse cet état de fait et modifie en conséquence le libellé de son objectif.

D'autre part, pour s'assurer que ce véritable partenariat puisse se concrétiser, le gouvernement se propose de créer la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre qui traduira dans l'action le partenariat recherché en faveur du développement des compétences. Il entend également mettre en place des sociétés régionales de développement de la main-d'oeuvre, à la fois instances de concertation avec les partenaires du marché du travail sur les priorités de développement de la main-d'oeuvre et entités administratives chargées de rendre accessibles les programmes et les services.

Responsabiliser les partenaires du monde du travail, conjuguer leurs efforts, exiger d'eux un engagement concerté, créer une nouvelle dynamique pour assurer le développement de la main-d'oeuvre, mettre en place des institutions possédant un mandat stratégique pour le développement du Québec, voilà qui ne manque pas d'audace. Le Conseil scolaire se réjouit de ce que le gouvernement veuille, en quelque sorte, institutionnaliser ce partenariat par la création de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre et par les sociétés régionales qui y seront greffées.

Cependant, le Conseil constate, au plan des moyens, les mêmes lacunes qu'à celui des objectifs. S'il souscrit tant au mandat de la Société québécoise qu'à celui des sociétés régionales, il voit mal comment ces mandats peuvent être pleinement remplis sans la pleine et entière participation des partenaires du milieu de l'éducation.

La définition des besoins de développement de la main-d'oeuvre, la mise en place et la gérance des programmes, la concertation élargie, le soutien des initiatives dans le développement des compétences, responsabilités de la Société québécoise, ainsi que l'établissement des priorités régionales de formation et de développement de la main-d'oeuvre, le développement et la concertation régionale, la collaboration avec les institutions d'enseignement, responsabilités des sociétés régionales, ne peuvent être confiés à des organismes d'où, à toutes fins pratiques, sont absents les représentants du milieu de l'éducation.

C'est en élargissant le concept du partenariat, tant au niveau de la Société québécoise qu'à celui des sociétés régionales de développement, que ces sociétés pourront pleinement s'acquitter des mandats qui leur sont confiés. Bien sûr, on nous rappellera que les articles 5 et 37 du projet de loi 408 prévoient la présence au conseil d'administration de la Société québécoise de deux membres représentant le milieu de l'enseignement, l'un pour le secteur collégial et l'autre pour le secteur secondaire, et au conseil d'administration des sociétés régionales de deux membres représentant les mêmes ordres d'enseignement.

Cela nous apparaît bien peu. De fait, cette timidité quant à la représentation du milieu de l'éducation au conseil d'administration des sociétés n'est qu'une suite logique de l'absence du milieu de l'éducation à titre de véritable partenaire dans le développement de la main-d'oeuvre québécoise, absence que nous avons dénoncée plus tôt. Non seulement le Conseil scolaire trou-ve-t-il cette représentation au conseil d'administration inadéquate quant au nombre de représentants de l'éducation, mais il déplore également la façon qui est retenue pour choisir ces membres. (17 h 15)

En effet, pour le conseil d'administration de la Société québécoise, les deux représentants du milieu de l'enseignement sont choisis après consultation des ministres concernés, et pour les conseils d'administration des sociétés régionales ils sont choisis après consultation des milieux concernés. Le gouvernement aurait-il oublié que, dans le milieu de l'éducation, il a comme partenaires, entre autres, des commissions scolaires dont les dirigeants sont élus démocratiquement par la population et qui sont très majoritairement regroupées au sein de deux fédérations, des collèges d'enseignement général et professionnel dirigés par des conseils d'administration aussi regroupés au sein d'une fédération et des associations professionnelles que l'on soupçonne de ne pas être incluses sous le vocable «syndicat» tel qu'utilisé dans l'énoncé de politique.

Le Conseil est porté à croire que, trop souvent, on considère le milieu de l'éducation comme monolithique et que, très injustement, on ne donne pas à de véritables partenaires du gouvernement dans ce domaine la place et le mérite qui leur reviennent. Aussi, et en congruence avec sa première demande sur le libellé de l'objectif concernant le partenariat, le Conseil souhaite que la représentation du milieu de l'éducation aux conseils d'administration soit portée à six membres pour la Société québécoise et à quatre membres pour les sociétés régionales de développement de la main-d'oeuvre et qu'au surplus, ces membres soient désignés après consultation des fédérations des commissions scolaires, de la Fédération des collèges d'enseignement général et professionnel et des associations professionnelles du milieu de l'éducation.

Le Conseil croit que ces deux propositions bonifieront le projet gouvernemental sur le développement de la main-d'oeuvre et permettront l'émergence d'un véritable partenariat où les organismes responsables de l'éducation québé-

coise trouveront leur place et contribueront comme il se doit à cette audacieuse proposition gouvernementale.

L'arrimage de la formation et du marché du travail. Dans son énoncé de politique, le gouvernement propose un effort concerté de revalorisation de l'enseignement professionnel, le décloisonnement des institutions et l'assouplissement des pratiques d'enseignement et de formation des adultes afin d'assurer le développement de la formation d'une main-d'oeuvre capable de répondre aux besoins de la société québécoise, tant pour les jeunes que pour les adultes. Pour y parvenir, il entend poser dix-huit gestes précis. Le Conseil aimerait apporter certains commentaires sur quelques-unes de ces propositions.

Le gouvernement entend associer les employeurs, les syndicats, les associations sectorielles et le gouvernement dans un effort concerté de valorisation sociale des métiers et des techniques et rechercher un mode d'organisation adapté au secteur de l'enseignement professionnel.

Valoriser la formation professionnelle, changer les mentalités, voilà un discours qui n'est pas de fraîche date. En effet, tant dans son livre vert de 1977 que dans ses Propositions de relance et de renouveau de 1982, le ministre de l'Éducation établissait que la valorisation de la formation professionnelle devenait une priorité. Et pourtant, l'énoncé de politique le constate, nous en sommes toujours à vouloir changer la perception sociale à l'égard des métiers et des techniques et cela, particulièrement au secondaire.

Tout comme le gouvernement, le Conseil scolaire croit aussi que des efforts concertés du gouvernement, des employeurs, des syndicats, des associations sectorielles et - il ne faut pas les oublier - des commissions scolaires et des collèges arriveront à faire connaître aux filles et aux garçons la diversité des fonctions professionnelles, le rôle économique des métiers et des techniques, les conditions de travail de ces corps d'emploi et les possibilités de promotion et d'avancement qu'ils permettent.

Le Conseil scolaire connaît bien les dangers de l'isolement en ce domaine. En 1986, il entreprenait pour une période de trois ans une campagne de valorisation de la formation professionnelle dans toutes les écoles secondaires de IHe de Montréal au moyen d'affiches et de dépliants publicitaires de haute qualité et largement diffusés. Cette campagne eut un succès plutôt mitigé dû justement au fait qu'un étroit secteur de l'éducation avait agi seul et dans les limites de ses capacités. Nul doute qu'à l'époque, une action nationale en ce domaine, une action à laquelle auraient été conviés l'ensemble des partenaires: gouvernement, patronat, syndicats et établissements scolaires, aurait donné de meilleurs résultats. Il n'en demeure pas moins que, selon le Conseil, ces nouvelles initiatives de valorisation, même concertées, risquent de demeurer insuffisantes tant que le ministère de l'Éducation ne décidera pas une fois pour toutes d'offrir l'ensemble des programmes de formation professionnelle après la cinquième année du secondaire.

Le Conseil scolaire a toujours prétendu, et cela depuis 1978, que pour permettre une formation professionnelle assez poussée pour faire face aux changements technologiques, mais assez large et polyvalente pour permettre l'adaptation, la mobilité, le recyclage et le perfectionnement, il faudrait que les programmes de formation professionnelle soient offerts uniquement après la cinquième année du secondaire. Ainsi, l'étudiant ayant acquis une formation de base riche et solide aurait accès soit à une école de métiers spécialisée gérée par une commission scolaire, semblable à celles que l'on crée actuellement et dont le réseau devrait couvrir le plus rapidement possible l'ensemble des secteurs de la formation professionnelle, soit à un cégep, en formation générale ou professionnelle, soit, plus tard, à l'université.

La distinction entre les écoles de métiers et les collèges d'enseignement professionnel ne se ferait que par la complexité des apprentissages, les deux formations étant de niveau postsecondaire et reconnues comme telles.

Selon nous, ce changement de cap, associé à d'autres mesures proposées dans le présent énoncé de politique, est davantage susceptible de valoriser la formation professionnelle que toutes les initiatives de marketing que l'on voudrait bien entreprendre. De plus, il permettrait de donner au secteur de l'enseignement professionnel un mode d'organisation adapté où les centres de formation professionnelle ressembleraient davantage à des lieux d'exercice d'un métier qu'à des établissements d'enseignement général.

L'organisation de l'école secondaire a été de tout temps conçue en fonction des besoins et des finalités de l'enseignement général. La formation professionnelle n'y est jamais très à l'aise, même lorsqu'elle est donnée dans des centres spécialisés. En formation professionnelle, le régime de travail des élèves et celui des enseignants devraient être semblables à ce que l'on retrouve en industrie. L'implantation d'écoles de métiers spécialisées postsecondaires faciliterait les modifications aux conventions collectives, au régime d'embauché, au régime de sécurité d'emploi, à la définition de la tâche de travail, aux échelles de rémunération des enseignants, etc. Elle permettrait d'abolir les barrières pouvant bloquer l'accès d'ouvriers ou de techniciens spécialisés au rôle de formateurs ou de tuteurs d'élèves ou d'apprentis et de modifier le calendrier scolaire afin d'adapter l'enseignement professionnel à la réalité du monde du travail.

Le gouvernement entend poursuivre l'amena-

gement de passerelles entre les divers niveaux de formation professionnelle de manière à permettre aux étudiants de l'enseignement professionnel de pouvoir accéder sans contrainte inutile à des études supérieures. Le Conseil scolaire rappelle encore ici que cet objectif de passerelles entre divers niveaux de formation, présent dans tous les textes ministériels produits depuis 1978, s'est réalisé davantage au niveau des organigrammes du système de l'éducation que dans la pratique. Le Conseil est conscient des limites du système actuel quant à l'utilisation des passerelles et croit que sa proposition de créer des écoles de métiers spécialisées postsecondalres permettrait tout naturellement la mise en place des passerelles désirées.

En effet, l'élève qui a complété sa formation générale de niveau secondaire pourrait facilement choisir, selon ses affinités ou ses capacités d'abstraction, entre l'école des métiers spécialisée que gère une commission scolaire et le collège d'enseignement général et professionnel. Si, à titre d'exemple, après s'être inscrit à l'école des métiers un étudiant souhaitait passer au cégep général ou professionnel, il pourrait sans problème y accéder ayant en main son passeport, c'est-à-dire son diplôme d'enseignement secondaire général.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): M. le président, je ne voudrais pas vous ralentir, mais vous avez déjà dépassé le temps qui vous était imparti. Je ne sais pas, si vous pouviez, peut-être, passer à la conclusion.

M. Mongeau: Ceci étant dit, M. le Président, je vais donc passer à la conclusion.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Je ne veux pas vous presser. Vous pouvez prendre le temps que vous voulez, sauf que la période de questions sera écourtée d'autant.

M. Mongeau: D'accord. Alors, je m'en vais donc à la conclusion.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Vous étiez bien parti.

M. Mongeau: J'étais bien parti, hein?

Donc, en conclusion, le Conseil scolaire reconnaît la qualité de l'énoncé de politique soumis à la consultation du milieu, la pertinence des objectifs fixés et l'audace des gestes que le gouvernement entend poser pour assurer le développement de la main-d'oeuvre. Il souhaite cependant faire trois recommandations au gouvernement: 1° Le gouvernement doit faire une place au milieu de l'éducation dans l'énoncé de son objectif sur le partenariat. 2° Le gouvernement doit s'assurer que la représentation du milieu de l'éducation au conseil d'administration soit portée à six membres pour la Société québécoise et à quatre membres pour ies sociétés régionales de développement de la main-d'oeuvre et qu'au surplus, ces membres soient désignés après consultation des fédérations des commissions scolaires, de la Fédération des collèges d'enseignement général et professionnel et des associations professionnelles du milieu de l'éducation 3° Le gouvernement doit décider, une fois pour toutes, d'offrir les programmes de formation professionnelle après la cinquième secondaire et de créer un réseau complet d'écoles de métiers spécialisées gérées par les commissions scolaires. Il parviendrait ainsi à atteindre les buts suivants qu'il poursuit: la valorisation de la formation professionnelle, l'instauration d'un mode d'organisation adapté à l'enseignement professionnel, l'aménagement de passerelles entre les divers niveaux de formation, la flexibilité pour assurer aux adultes l'accès à des formes variées de formation et l'élargissement du régime d'apprentissage comme procédé de formation.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien, M. le président, je vous remercie. Je vais maintenant reconnaître M. le ministre de la Formation professionnelle, de la Sécurité du revenu et de la Main d'oeuvre. M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, vous avez péniblement réussi à décliner le nom de mon ministère, mais dans le désordre, je dois dire.

Des voix: Ha, ha, hal

M. Bourbeau: II me fait plaisir de saluer les représentants du Conseil scolaire de 111e de Montréal, et plus particulièrement son président que j'ai eu l'occasion et l'honneur de connaître il y a quelques années alors que, comme juge municipal, il - j'allais dire sévissait, mais je dois dire - oeuvrait dans la municipalité où je demeurais. Je dois même dire que j'ai eu le bonheur de comparaître devant lui à quelques reprises, mais je m'empresse de dire que ce n'était pas des dossiers criminels.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourbeau: Vous avez un mémoire qui est un peu étonnant et original, je dois dire, parce qu'on n'en a pas vu tellement qui se rendent aussi loin que ça dans certaines de vos conclusions. En premier lieu, j'aimerais parler de votre deuxième conclusion, celle où vous demandez rien de moins que six membres au conseil d'administration de la Société. Bon, alors je présume que ces six membres-là ne seront pas pris à même la délégation syndicale, ni à même la délégation patronale. Alors, il en reste une, la délégation du gouvernement. La question que je vous pose, c'est qu'est-ce qui va rester, si on

vous donne six places, pour les gens de la Main-d'oeuvre, par exemple, ou pour l'Industrie et Commerce si vous prenez les six postes de la délégation gouvernementale?

M. Mongeau: M. le Président, M. le ministre, écoutez, tout part de l'énoncé que nous faisons quant à l'objectif. Ou le monde de l'éducation est partenaire ou il ne l'est pas. Et s'il l'est, il l'est sur le même pied que les autres. Si la loi dit qu'il y a six représentants de tel monde, nous, on dit qu'il doit y avoir six représentants du monde de l'éducation. Si vous voulez qu'il n'y en ait que cinq, on va dire rien que cinq. Quand vous dites qu'il y en a quatre, on dit quatre. Autrement dit, ce qu'on traduit par là, c'est ce qu'on a dit à propos de l'énoncé de l'objectif: le milieu de l'éducation doit être un partenaire de plein pied parce que, voyez-vous, la formation de la main-d'oeuvre, M. le ministre, ça relève de l'éducation.

Il va peut-être falloir, une fois pour toutes, le dire carrément que ça relève de l'éducation, en concertation et en partenariat. Ça, on le comprend et on est d'accord avec ça, avec le monde des affaires et avec les syndicats et le gouvernement. Bon. Voilà les quatre grands partenaires au niveau de la formation de la main-d'oeuvre, quant à moi. Alors, si ce sont les quatre grands partenaires et s'il y a une Société nationale québécoise, des sociétés régionales et que des représentants de ces milieux-là doivent siéger, ils doivent siéger en nombre égal pour chacune des délégations.

Autrement, c'est traduire dans les faits que le gouvernement ne considère pas que l'éducation est un partenaire très important dans le domaine de la formation de la main-d'oeuvre. Pourtant, c'est lui, le monde de l'éducation, qui la fait, la formation de la main-d'oeuvre. On l'a assez dit. C'est dans ce sens-là, M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui, sauf que là on fait une commission parlementaire non pas sur la formation de la main-d'oeuvre mais sur le développement de la main-d'oeuvre, ce qui est beaucoup plus vaste que la formation pure, de sorte que le mandat de la Société québécoise va être un mandat qui va être beaucoup plus large que le simple mandat de la formation de la main-d'oeuvre, et la formation initiale, en plus. On parie du développement de la main-d'oeuvre, on parle du placement, on parle du reclassement, on parle des comités d'adaptation sectorielle, de toute la problématique sectorielle, par exemple. Et là vous me permettrez de vous dire que vous n'êtes pas les seuls à avoir une compétence là-dedans. Je dirais même que dans certains domaines vous n'avez pas la compétence du tout.

Alors, pourquoi vous seriez les seuls représentants de la partie gouvernementale à la Société? Je ne comprends pas.

M. Mongeau: Bien, je ne veux pas répéter ce que je viens de dire mais je vous dis que c'est à cause de l'importance que le gouvernement doit reconnaître au monde de l'éducation. Évidemment, dans la formation de la main-d'oeuvre, il y a aussi le développement de la main-d'oeuvre, je veux bien. Le développement de la main-d'oeuvre, je veux dire, il y a aussi beaucoup de formation là-dedans. Il n'y a absolument aucun doute. Écoutez.

M. Bourbeau: L'aide à l'emploi, par exemple.

M. Mongeau: Écoutez, regardez ce qui se passe, M. le ministre - si vous permettez, M. le Président - regardez ce qui se passe, M. le ministre, dans d'autres pays; et je sais que vous l'avez regardé. On cite toujours en exemple le modèle de l'Allemagne. Regardez les grands partenaires à ce niveau-là et regardez où est le milieu de l'éducation et vous allez voir qu'il est en première place et en première ligne avec les autres. (17 h 30)

M. Bourbeau: Ici aussi. On a un tiers de la délégation gouvernementale, au niveau national, québécois, qui est de l'éducation; donc, un sur trois, ce n'est pas si mal. Et dans les sociétés régionales, ce serait 50 %; deux sur quatre de la délégation gouvernementale seraient des gens du milieu de l'éducation. Il me semble que c'est déjà pas mal. Il va falloir faire de la place pour les gens de l'industrie et du commerce. On parle du marché du travail; ça prend des spécialistes en marché du travail. Des économistes régionaux, par exemple, vont devoir se pencher sur les besoins en maln-d'oeuvre. On a tous les gens de la main-d'oeuvre. Le ministère de la Main-d'oeuvre pourrait peut-être avoir au moins un représentant quelque part là-dedans, aussi; il me semble que ce n'est pas trop demander. Alors, je vous trouve gourmand, un peu.

M. Mongeau: M. le Président, si vous permettez. M. le ministre, l'éducation dort y avoir sa place comme partenaire égal. C'est le point de vue que je défend, que nous avons toujours défendu et que nous allons continuer à défendre. Je ne sais pas si on fait partie de la délégation gouvernementale mais, nous, on veut être reconnus comme délégation du monde de l'éducation et dont les membres sont choisis par le monde de l'éducation et non pas par le ministre.

M. Bourbeau: Bon. Écoutez, vous parliez tantôt de l'Allemagne. On a fait un petit voyage dans ce coin-là, nous aussi.

M. Mongeau: Mais moi, je ne suis pas allé, M. le ministre.

M. Bourbeau: La société qui chapeaute tout

le secteur de la main-d'oeuvre, en Allemagne, est tripartite, comme celle qu'on propose. Alors, H y a trois groupes: il y a les employeurs, les travailleurs et l'État, l'État comprenant le gouvernement fédéral, les Lander et les municipalités. Je ne me souviens pas que le secteur de l'éducation ait eu un tiers de représentants dans l'organisme. Il n'est pas dans les employeurs ni dans les travailleurs, il est dans l'État. Il fait partie du contingent étatique qui comprend aussi les municipalités et les Lander. Donc, il me semble que, comme je vous le disais tantôt, c'est beaucoup par rapport à ce qu'on a à offrir. Je ne voudrais pas qu'on évacue tous les autres ministères du gouvernement pour faire une place au milieu de l'éducation qui, par ailleurs, a déjà sa place de prévue à l'article 5.

Enfin, on va passer à un autre sujet, si vous voulez. Vous dites, dans votre document que le gouvernement devrait offrir les programmes de formation professionnelle après la cinquième année du secondaire. Alors, là, vous allez encore plus loin que la réforme de l'enseignement professionnel qui a été effectuée au Québec II y a à peine quelques années. Ne croyez-vous pas que le report des études professionnelles après la cinquième année du secondaire serait un facteur qui contribuerait davantage au décrochage scolaire?

M. Mongeau: Oui et non.

M. Bourbeau: Vous n'avez pas changé depuis les années soixante-dix. Ha, ha, hal

Des voix: Ha, ha, hal

M. Mongeau: En cette matière-là, non. Oui et non. Non, dans le sens suivant. C'est que l'entreprise passe son temps à nous dire que ce qu'elle retrouve dans les nouveaux employés, dans les gens qu'elle recrute, elle passe son temps à nous dire qu'elle leur reproche un manque de formation de base, de formation générale, de culture. Ils ne savent pas écrire leur français, ils savent mal compter, ils savent... Bon! Hein? Et elle dit: Nous, ce qu'on veut? Donnez-nous des gens qui ont une bonne formation de base, une bonne formation générale et, après ça, au niveau de la formation de la main-d'oeuvre, on peut s'entendre ensemble et y arriver. Dans ce sens-là, ma réponse est non.

Oui, si, évidemment, je dis: Doivent aller absolument dans le domaine de l'enseignement professionnel tous les élèves qui ont de la misère à réussir leur cours général. Là, on revient dans les années soixante-dix, on revient au professionnel court, on revient à ce qu'on a appelé la voie de garage, c'est-à-dire: Quelqu'un a de la misère à réussir ses études, on va l'envoyer en formation professionnelle. Lui, il est bon pour faire des métiers parce que, sans ça, qu'est-ce que vous voulez, il va s'en aller, il va devenir un décrocheur. Moi, je dis que la solution au décrochage scolaire, ce n'est pas nécessairement l'enseignement professionnel; c'est peut-être ça, la réponse. Peut être que si, comme société, on se penchait véritablement sur les causes du décrochage scolaire, peut-être que la réponse, ce ne serait pas d'envoyer tout ce monde-là en enseignement professionnel à partir du secondaire I ou du secondaire II. Ce serait peut-être autre chose, la réponse. Je comprends que je ne suis peut-être pas devant la bonne commission parlementaire pour dire ça, mais c'est peut-être le régime pédagogique qu'il faudrait remettre en question pour ces élèves-là, au niveau secondaire. C'est peut-être bien d'autres choses.

Écoutez, dans la vie, il y aura toujours des gens qui ont un niveau de capacité qui va jusque là et un autre qui va plus haut. Ce n'est pas à ces gens-là de s'adapter à un régime pédagogique et à un système, c'est au système de s'adapter à eux. Tout le domaine de l'enseignement professionnel, je veux dire, ce n'est pas une voie de garage pour ce monde-là. On a fait ça pendant je ne sais pas combien d'années. On a vu le résultat que ça a donné. On a dit, tout le monde, on n'en veut plus de ça. C'est pour ça que notre recommandation était celle-là, M. le ministre, déjà il y a quelques années.

Finalement, le ministre de l'Éducation, dans sa réforme de l'enseignement professionnel, s'est rendu jusqu'en secondaire IV. Là on a grimpé. Mais, nous, depuis le début qu'on dit que ça doit commencer... Dans le fond, on appelait ça un secondaire VI, l'enseignement professionnel; c'est un secondaire VI, un secondaire VII, et surtout aujourd'hui, on est en train de tenter d'arrimer l'éducation des adultes avec ça, en formation professionnelle. Là, combien de plaintes au niveau, peut-être, des adultes, des jeunes adultes à l'effet que le système d'enseignement n'est pas assez flexible quant à eux?

On ne doit pas traiter une population de jeunes adultes ou carrément d'adultes qui suivent des cours d'enseignement professionnel dans une école secondaire sous le même régime qu'un élève de secondaire I ou de secondaire II. C'est tout ça, dans le fond, si vous avez bien compris ce que j'ai voulu dire.

M. Bourbeau: J'essaie de vous suivre, là.

M. Mongeau: Ou si je me suis assez bien exprimé.

M. Bourbeau: J'essaie de vous suivre, mais II me semble y avoir une certaine contradiction dans vos propos parce que vous parlez de la capacité des individus et vous dites que le système doit s'ajuster à la capacité. Je vous suis là-dessus. Il y a des individus qui ont une capacité intellectuelle qui leur permet de suivre des études secondaires, au cégep, à l'université sans problèmes et ils ont le gabarit pour ça. Il

y a d'autres individus qui ne sont pas moins intelligents mais qui n'ont pas, parfois, la capacité d'apprendre selon les formules usuelles, avec les cours magistraux, avec le professeur qui enseigne, etc. et qui, probablement, ne se rendront pas jusqu'en secondaire V; ils vont décrocher - on en a quand même un bon nombre qui décrochent - mais ils ont des habiletés manuelles. Ce n'est pas parce qu'ils sont parfois moins doués, mais ils ont des dons différents. Ils ont la capacité d'apprendre par induction plutôt que par déduction.

Ces gens-là, si on les oblige tous et toutes à passer par un diplôme de secondaire V avant de bifurquer vers la formation professionnelle, on risque de voir le taux de décrochage augmenter peut-être à 50 % plutôt qu'à 35 % ou 40 % parce que ces gens-là sont parfois incapables de continuer dans le secteur général. Alors, pourquoi être aussi exigeants et faire en sorte que, dans tous les cas, on doive tenter d'obtenir un secondaire V général avant de bifurquer vers la formation professionnelle? Ce ne serait pas préférable, dans ces cas-là, de laisser quelqu'un aller chercher un diplôme, ne serait-ce qu'un diplôme de mécanicien? Au moins, l'individu serait assis sur un diplôme, sur une formation qualifiante. Il pourrait gagner sa vie.

Mais je vais vous dire que les gens qui ont un diplôme de secondaire V et qui se retrouvent sur le marché du travail avec ça, ça vient très souvent gonfler les listes de l'aide sociale parce que ça ne donne pas beaucoup accès à grand-chose comme occupation sur le marché du travail. Mieux vaut un diplôme professionnel d'un métier que pas de diplôme du tout, ou un diplôme général de secondaire V qui, vraiment, n'ouvre pas grand-chose comme débouché sur le marché du travail. Je ne dis pas que vous n'avez pas raison; on doit tendre vers la formation générale la plus poussée possible et la plus longue possible, je suis absolument d'accord avec vous, sauf qu'il faut regarder la situation. Dans un contexte où ça décroche à 30 %, 40 % ou 50 %, peut-être qu'il y a des cas - même qu'il y a beaucoup de cas - où on devrait peut-être commencer à bifurquer avant plutôt que de monter la barre tellement haut que, finalement, personne ne va passer par-dessus. Enfin, il va y en avoir un bon nombre qui ne réussiront pas. C'est une autre façon de voir les choses.

De toute façon, je n'ai pas de question là-dessus, c'est plutôt un commentaire pour répondre au vôtre. Oui?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): II reste une minute, M. le ministre.

M. Bourbeau: Ahl mon Dieu que le temps passe vite! Une dernière chose. Vous mettez en cause les structures. Vous suggérez une structure propre, je crois, pour l'enseignement de la formation professionnelle. Ça, c'est intéressant, là. Vous semblez suggérer un retour à l'ancienne structure des écoles d'arts et métiers ou des instituts de technologie, tout ça chapeauté par les commissions scolaires, bien sûr. Pouvez-vous élaborer un peu là-dessus par rapport à la structure actuelle qui, évidemment, est différente?

M. Mongeau: Je vais laisser un peu mes gens... M. Laplante?

M. Laplante (Raynald): Évidemment, on a connu, jusqu'aux années soixante, dans les structures, les enseignements spécialisés. Il y avait des écoles pour le commerce, il y en avait pour l'agriculture, pour les métiers, les techniques, et tout ça. Alors, je ne sais pas si ce qu'on décrit dans notre mémoire c'est nécessairement un retour à ça, mais il y a une chose qu'on a vue dans ce temps-là, c'est que les élèves qui fréquentaient ces institutions-là, qui avaient un régime pédagogique et un régime étudiant, un régime de vie qui leur était propre, avaient une fierté de les fréquenter. Vous parliez, dans votre document, de valorisation de l'enseignement professionnel. Ces jeunes-là - puis ça, je me rappelle parce que j'enseignais dans ce temps-là - ils étaient fiers. Aller à l'école de métiers et aller à l'école technique de Trois-Rivières, de Thetford ou de Montréal, c'était important. Et le personnel enseignant, la direction de ces écoles-là - dans ce temps-là, ça relevait directement du ministère de l'Éducation - Ils étaient un peu traités comme des fonctionnaires, je pense. Il y avait vraiment un esprit. Et quand on a fusionné tout ça, évidemment, autant au niveau secondaire que collégial, il est arrivé que, là, c'est l'enseignement général qui a eu le haut du pavé, autant dans l'administration que dans l'organisation. Et ce qui avait été acquis dans ces centres-là, je pense, a été perdu, pour une bonne part.

Alors, je pense qu'il ne faut pas Interpréter nos propos comme une nostalgie du passé mais il faut ramener dans des centres qui leur sont propres... Puis, il y en a à Montréal. On a créé, je pense, l'École des métiers de l'auto. Ça revient, là, un peu, des endroits où la direction est compétente dans ce domaine-là, ce qu'on n'a pas vu au cours des dernières années. Qui était compétent dans l'enseignement des métiers techniques au niveau des directions d'écoles? C'était assez rare de voir des gens qui origi-naient de ce milieu-là et du personnel... Parce que c'est un personnel particulier. On parlait, dans notre mémoire, des normes d'embauché, et tout ça. Il faudrait, si quelqu'un a une longue et solide expérience de l'industrie, que ça puisse être reconnu lorsqu'il devient enseignant. Actuellement, les normes ne sont pas faites pour ça; elles sont faites pour l'enseignement général.

Alors, il ne s'agit pas de plaider pour un retour au passé. Je ne pense pas qu'il faille faire

ça mais il s'agit de dire: oui, les centres spécialisés pour certains enseignements particuliers, que ce soit commerce, que ce soft bureautique, h faut revenir à ça parce que l'aspect de valorisation dont vous parlez dans votre énoncé de politique, c'est un aspect important, ça.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Très bien. Je veux limiter le temps parce qu'on a déjà dépassé, là. Je vais maintenant reconnaître la critique de l'Opposition, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue à notre commission. Je suis abonnée au bulletin du Conseil scolaire et je suis attentivement tous les travaux. Il y a beaucoup d'innovations qui se sont faites grâce à l'initiative du Conseil scolaire depuis sa création. Ça va faire 20 ans bientôt, je crois?

M. Mongeau: L'an prochain.

Mme Harel: l'an prochain. en écoutant l'échange que vous aviez avec le ministre, je me suis demandé si on n'en est pas arrivés, finalement, à une situation comme celle qui se présente du fait qu'il n'y avait pas de ministère de l'éducation à ottawa et qu'ottawa a commencé à dépenser son argent en matière de formation de la main-d'oeuvre par le biais de son ministère de l'emploi et, là, c'est devenu la justification. la main-d'oeuvre, ce n'est pas de l'éducation. c'est comme ça que ça a commencé. parce que si c'avait été de l'éducation, alors... québec a plaidé le contraire. québec a toujours plaidé que la formation de la main-d'oeuvre, ça relève de l'éducation, mais c'était aux fins d'aller chercher les budgets de manière à pouvoir assujettir ça à sa compétence en vertu de l'acte de l'amérique du nord britannique. alors, on disait que ça relevait de l'éducation mais, par ailleurs, on en est à un point maintenant où on va... en tout cas, croisons-nous les doigts, touchons du bois, parce que c'est à peu près tout ce qu'on peut faire, mais on en est là, au moment où on se parle, à vouloir tout rapatrier. (17 h 45)

Mais quand on va rapatrier, on ne va pas rebrasser toute la question pour se demander où ça doit aller, avec qui ça doit être partagé. On va reprendre le modèle, le modèle qui a été développé depuis, si vous voulez, les années soixante. Finalement, c'est en 1966 qu'Ottawa adoptait sa loi. Alors, on va reprendre le modèle et on va dire: Main-d'oeuvre, c'est MMOSRFP, et formation professionnelle, dans le style enseignement professionnel, ça va être l'Éducation. Puis on va repartir avec ce modèle-là sans s'être posé de questions.

Pour moi, c'est le danger présentement, un très grand danger, à moins qu'on accepte de rebrasser vraiment les cartes; et les rebrasser, ça, ça veut dire vraiment tout mettre sur la table. Il y a 300 000 000 $ de l'éducation des adultes au ministère de l'Éducation chaque année. Il faut remettre sur la table la formation professionnelle qui se fait au ministère de l'Éducation et remettre sur la table... Mais le faire vraiment à fond, et non pas en reprenant, si vous voulez, les vieilles attributions qui se faisaient dans les chicanes fédérales-provinciales parce que, sinon, tout le monde va être partenaires sauf les ministères. Et en n'étant pas partenaires, ça se continue dans la vraie vie, sur le terrain. le danger, évidemment, que je trouve à tout ça, c'est qu'on regarde les expériences d'ailleurs. il y a un petit livre qui a été publié par la ceq - moi, c'est de cette manière-là que j'essaie de comprendre les expériences - et je lisais qu'en allemagne, c'est assez phénoménal, mais c'est très très étroitement imbriqué le milieu de l'éducation et le milieu de l'entreprise. c'est la caractéristique de leur secteur. c'est que ça commence très jeune, leur filière. ça commence, paraît-il, après la quatrième année, sauf que le métier conduit à la technique, la technique conduit finalement à être ingénieur. la majorité des ingénieurs ont commencé, imaginez-vous, par être dans un métier. on n'en est pas là, nous, hein! c'est compartimenté puis fragmenté.

Alors, sur cette question, finalement, je pense sincèrement qu'il faut revoir vraiment les relations avec le monde de l'éducation. Je pense sincèrement qu'il faut le faire, pas entre les ministères mais sur le terrain. Je pense sincèrement qu'il faut le faire parce que, présentement, c'est vraiment la Main-d'oeuvre qui achète des cours. C'est ça, le rôle, finalement, de l'Éducation et on n'ira pas loin avec ça; moi, je suis convaincue de ça. Si on ne revoit pas ce partenariat, ça ne pourra pas... Ça m'apparaît assez évident, parce que la Main-d'oeuvre va être obligée de corriger, par ses programmes de main-d'oeuvre, le fait que l'Éducation est déphasée, que l'enseignement professionnel ne va nulle part puis que la formation professionnelle ne va nulle part. Elle sera toujours déphasée si la Main-d'oeuvre se réserve les contacts avec l'entreprise; tout le milieu de l'éducation ne va-t-il pas finir par être complètement déphasé? Enfin, je ne sais pas. C'est une réflexion que je veux simplement, à la fin de cette journée, après ces deux jours de commission, partager avec vous.

Vous proposez des écoles de métiers spécialisées. D'abord, pourquoi spécialisées? Les écoles de métiers, vous proposez qu'elles soient gérées... Commençons par ça avant de voir qui pourrait... si ce sera après le secondaire V ou après le secondaire III. En fait, la question, c'est: Faut-il des écoles de métiers gérées par les commissions scolaires? Ces écoles de métiers, en quoi ça ajoute quelque chose d'ajouter le mot «spécialisées»? Faites-vous une distinction entre les techniques puis les métiers? Grosso modo, je

ne suis pas une spécialiste dans tout ça, mais on me dit: Les techniques, c'est le cégep, les métiers, c'est les commissions scolaires. C'est quoi, un métier spécialisé? C'est quelque chose de différent du métier puis de la technique?

M. Levasseur (Jules): Non, la spécialisation, c'est seulement la question des familles de métiers. Ce sont des métiers... On parle d'ouvriers spécialisés. C'est dans le sens d'ouvriers spécialisés, les écoles de métiers spécialisées.

Mme Harel: Donc, on pourrait dire «des écoles de métiers gérées par les commissions scolaires», puis on se comprendrait?

M. Levasseur: Oui. Elles sont spécialisées, par exemple, parce que l'on connaît à Montréal... Si on pense a l'École de commerce et de secrétariat, c'en est une qui est vraiment spécialisée, comme école. Elle ne fait que ça. Elle ne fait pas d'école de l'automobile. Il y en a une autre qui ne fait que ça, une école de l'automobile. On parle d'une école du plastique. Enfin, il y a d'autres centres semblables à Montréal.

Mm» Harel: Ah! des écoles, donc, de métiers, qui n'ont pas le caractère de la formation initiale théorique exigée par les techniques? C'est ça qu'il faut comprendre?

M. Levasseur: C'est ça, oui. Les techniques, c'est véritablement le niveau cégep.

Mme Harel: Oui, parce que, là, on en est à un projet plus ou moins d'instituts au niveau des cégeps. Vous devez connaître l'institut de chimie, pétrochimie, dans l'Est. Et il y a plein d'autres instituts maintenant qui se sont développés à travers le Québec dans toutes sortes d'autres domaines. Les écoles de métiers, ça, c'est la première question, parce qu'on pourrait aussi concevoir ces écoles de métiers gérées par les commissions scolaires comme accessibles peut-être après le secondaire III dans certains métiers, ou après le secondaire V dans d'autres métiers. Est-ce que, ça, c'est envisageable pour vous?

Mol, j'en suis. Je ne suis pas une experte; je m'informe puis je lis tout ce que je peux, mais je me demande si on n'aurait pas intérêt - puis je pose la question; mon Idée n'est pas finie là-dessus - à introduire un diplôme après le secondaire III. Je ne sais pas ce que vous en pensez.

M. Mongeau: Si vous permettez, vous avez quasiment lu dans ma pensée, madame. C'est exactement ce que j'ai dit encore récemment au conseil d'administration de la Fédération des commissions scolaires. Je pense que je l'ai dit aussi au Conseil scolaire de l'île de Montréal. En prenant un petit peu de la courte expérience de ma courte vie où, dans le temps où j'allais à l'école... évidemment, ç'a bien changé depuis mais, à l'école primaire où j'allais, l'école primaire durait neuf ans mais il y avait un diplôme à la fin de la septième année puis un diplôme à la fin de la neuvième année. Et les élèves qui avaient leur diplôme de septième année, il y en a qui arrêtaient et qui s'en allaient sur le marché du travail à ce moment-là. Évidemment, on parle d'il y a quelques années, madame, vous avez compris ça.

Mais j'ai dit exactement la même chose. Pourquoi on n'aurait pas un diplôme de secondaire III pour les élèves qui ne peuvent pas aller plus loin que le secondaire III au niveau d'une formation de base, d'une formation générale? Avoir un diplôme, ça valorise quelqu'un. Il l'a, son papier. Il dit: Moi, j'ai mon papier. Hein? Et il est reconnu dans une société avec son papier. Et là, à partir de ce moment-là, probablement qu'il n'y a rien qui pourrait s'objecter à ce qu'il entre dans un centre de métiers spécialisé, à son niveau à lui, de métier. Moi, je pense que, oui... C'est pour ça, tantôt, quand j'ai parlé de la réforme, peut-être, ou de revoir le régime pédagogique, c'était exactement ce à quoi je pensais.

Mme Harel: D'accord. À ce moment-là, il faut comprendre que ces écoles de métiers qui seraient gérées par les commissions scolaires, ça ne signifie pas pour autant construire des bâtisses. Ça pourrait fort bien se retrouver dans la même polyvalente. Ça pourrait très bien être une aile, par exemple, qui serait convertie en école de métiers gérée. C'est ça qu'il faut comprendre.

M. Mongeau: Oui, oui.

Mme Harel: Qu'est-ce que ce serait, la différence? Est-ce qu'elle aurait un conseil d'administration? Est-ce que des gens siègeraient, de l'entreprise, par exemple, ou du métier concerné? Est-ce que quelque chose la rendrait plus visible?

M. Mongeau: elle pourrait avoir, oui, son propre directeur ou sa propre directrice. ça, il n'y a absolument aucun doute là-dessus. Et elle pourrait surtout avoir...

Une voix: Son régime de vie à elle.

M. Mongeau: Hein! Qui pourrait être un régime beaucoup plus flexible que celui d'une école, de l'école à temps plein normal, tu sais, de telle heure à telle heure; étant donné qu'il y a des adultes qui sont intégrés à ça, et tout ça, peut-être qu'on pourrait dire: Bon, l'école pour l'enseignement de tel métier ou de tel autre métier va commencer plus tard dans la journée et va se terminer plus tard parce qu'il y en a

que... Vous avez raison, il n'est pas question de se mettre à construire d'autres écoles au Québec, pas du tout. Mais on a les infrastructures, on a les équipements. Il s'agit d'avoir le régime, maintenant, qui nous permettra d'être plus flexible. C'est ça, dans le fond.

Mme Harel: Et, à ce moment-là, est-ce que vous envisagez, par exemple, que la convention collective soit différente?

M. Mongeau: Oui, définitivement.

Mme Harel: Et qu'à ce moment-là il pourrait y avoir un système d'apprentissage?

M. Mongeau: Oui, oui. Mais oui, tout à fait.

Mme Harel: Avez-vous quelque chose à dire, M. le Président? Un commentaire serait...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Madame, Je vous écoute.

Mme Harel: ...approprié.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): Oui. Alors, Mme la députée, je voudrais vous...

Mme Harel: Parce qu'il est très actif à l'éducation. Alors...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): C'est un discours qu'on tient depuis nombre d'années. Ça fait 25 ans, je pense, qu'on entend ces discours-là. Mais, finalement, on a évolué, c'est sûr, dans ce domaine-là, et on est en train de refaire nos devoirs au niveau des centres spécialisés. Comme vous l'avez dit si bien tout à l'heure, il y a des écoles spécialisées dans l'automobile. Alors, c'est un retour graduel vers ce qui a été enseigné autrefois et ce n'est pas mauvais. On a expérimenté les écoles polyvalentes. Maintenant, on est rendu à ce stade-là, et peut-être que ce sera pour le mieux-être de tout le monde. Je l'espère. Et votre diplôme de secondaire III... À l'heure actuelle, il y a des certificats qui se donnent en enseignement professionnel, mais ça n'a pas la même valeur qu'un diplôme, c'est sûr. Mais est-ce qu'on doit baisser en secondaire III le diplôme? Là est toute la question. Il faudrait tenir un grand débat là-dessus.

Mme Harel: J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Mongeau: Ce que je veux dire, M. le Président, c'est que, quand on parle d'un diplôme de secondaire III, on ne baisse pas le diplôme. Il y a un diplôme de secondaire III...

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): ...une obligation.

M. Mongeau: ...pour ceux qui auront réussi leur cours secondaire jusqu'en secondaire III. Et comme on sait que ceux-là ne peuvent pas se rendre plus loin, eh bien, Ils ont un diplôme attestant qu'ils ont fait des études secondaires de secondaire III.

Mme Harel: Je vous arrête ici, justement. «Qui ne peuvent pas se rendre plus loin». Ça, c'est une question qui me préoccupe beaucoup parce qu'il n'est pas dit qu'ils ne pourront jamais se rendre plus loin. Il est possible qu'à l'adolescence, compte tenu des circonstances, compte tenu de l'incapacité, d'un problème pour s'identifier, se motiver, savoir ce qu'on veut dans la vie, il est possible qu'à ce moment-là ils ne puissent pas mais il n'est pas dit qu'ils ne pourront jamais.

Et la question que ça pose... Je prenais connaissance la semaine dernière d'une sorte de proposition d'harmonisation des formations professionnelles secondaire et collégiale qui a été préparée par le Conseil des collèges. Je ne sais pas si vous avez été informé de ce projet. Ça leur apparaissait comme une condition essentielle à un développement. Est-ce que ça ne devrait pas justement permettre que ce diplôme éventuel en secondaire III ou en secondaire V et cette école de métiers gérée par les commissions scolaires, dans la mesure où on pourrait penser à un système harmonisé... Parce que le danger n'est-il pas justement qu'on fasse le contraire de ce qui se passe dans des systèmes qui marchent bien comme en Allemagne?

Imaginez, en Allemagne, 63 % des ingénieurs avaient reçu au début de leur carrière une formation d'ouvrier. Cette proportion passe à 73 % pour le diplôme de technicien et à 100 % pour celui de contremaître. Alors, plutôt que de déprécier, si vous voulez, ce genre de métiers-là, eux, ils commencent par ces métiers-là. Alors, vous voyez comment c'est différent. Mais au bout de la ligne aussi il faut voir qu'il y a toute une différence parce qu'il est très très bien payé, le métier d'ouvrier. Très très bien payé. Alors, au bout de la ligne, ça joue, ça, hein! La reconnaissance sociale qui se vit par la rémunération fait que les écarts salariaux sont très faibles en Allemagne entre les divers techniciens, ouvriers qualifiés et autres. Ça, ça joue, évidemment. Mais est-ce qu'il n'y a pas lieu de penser comme ça plutôt que de dire: Toi, tu n'es pas capable d'aller plus loin, on va t'envoyer dans un métier?

Le Président (M. Tremblay, Rimouski):

Alors, M. le président, une courte réaction à cette proposition de Mme la députée de Hochela-ga-Maisonneuve, avant de terminer.

M. Mongeau: Mol, je ne suis pas capable de dire que quelqu'un va dans un métier parce qu'il

n'est pas capable d'aller plus loin en formation. Je ne suis pas capable de dire ça parce que j'ai trop peur qu'on retombe dans la philosophie de la voie de garage, à partir de ce moment-là.

Mme Harel: C'est ça, moi aussi.

M. Mongeau: je ne suis pas capable de dire ça.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): C'est le danger qui nous guette, d'ailleurs.

M. Mongeau: C'est le danger qui nous guette.

Mme Harel: Ça veut donc dire...

M. Mongeau: c'est la solution de facilité. un élève réussit moins bien, il a de la misère, bon, je m'excuse, je pense que toi, tu es fait pour un métier, vas-y donc.

Mme Harel: C'est ça.

Le Président (M. Tremblay, Rimouski): au moins, on est d'accord sur ce principe. alors, on va terminer sur cette belle note d'unanimité. m. le président, je vous remercie de votre prestation et je vous souhaite bon voyage de retour. la commission ajourne ses travaux au mardi 11 février, à 14 heures. je vous remercie.

(Fin de la séance à 17 h 59)

Document(s) associé(s) à la séance