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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 18 mars 1992 - Vol. 31 N° 123

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Consultation générale sur le document intitulé « Partenaires pour un Québec compétent et compétitif » et sur le projet de loi n° 408, Loi sur la Société québécoise de développement et de main-d'oeuvre


Journal des débats

 

(Neuf heures quarante-cinq minutes)

Le Président (M. Marcil): Si vous voulez, nous allons débuter nos travaux. Tout en invitant te Conseil du statut de la femme à se présenter à la table, j'aimerais rappeler le mandat de la commission, c'est-à-dire que la commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une consultation générale et donner des auditions publiques sur le document de consultation intitulé «Partenaires pour un Québec compétent et compétitif» et sur le projet de loi 408, Loi sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue) va être remplacé par Mme Harel (Hochelaga-Maison-neuve).

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Donc, immédiatement, j'inviterais Mme Marie Lavigne, qui est présidente du Conseil du statut de la femme, à présenter les personnes qui l'accompagnent. Et je profite de l'occasion également pour souhaiter la bienvenue à notre commission à Mme la ministre déléguée à la Condition féminine. Si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez exactement une vingtaine de minutes pour faire l'exposé, du moins la synthèse de votre mémoire et, ensuite, on pourra procéder à une période d'échanges. Plus vous prenez de temps à expliquer votre mémoire, moins on a de temps pour échanger, et vice et versa. Donc, je vous écoute.

Conseil du statut de la femme

Mme Lavigne (Marie): Je vous remercie, M. le Président. Je vous présente tout de suite, à ma droite, Me Jocelyne Olivier, qui est secrétaire générale du Conseil du statut de la femme; à ma gauche, Mme Francine Lepage, qui est économiste au Conseil et, à côté d'elle, Mme Monique Desrivières, qui est directrice de la recherche et de l'analyse au Conseil.

Alors, M. le Président, M. le ministre, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, je vous remercie, d'abord, de nous avoir accueillies. En premier lieu, entrons dans le vif du sujet. Pour être en mesure de contribuer de tous leurs talents à la société, d'élargir leurs choix professionnels et même d'échapper à la pauvreté, les femmes doivent être partie prenante des réformes qui auront cours en matière de développement de la main-d'oeuvre. Comme tout autre membre de la société québécoise, elles doivent être capables d'assurer leur subsistance au quotidien et de prévoir leur retraite. les informations qui sont contenues dans l'énoncé de politique indiquent clairement qu'il y a du rattrapage à faire pour donner aux femmes des chances égales en formation et en emploi. rappelons que les travailleuses sont peu nombreuses dans les emplois et les secteurs d'avenir, alors qu'elles sont surreprésentées dans les emplois à temps partiel, au salaire minimum et offrant peu de sécurité d'emploi. actuellement, au québec, 44 % de la main-d'oeuvre est composée de femmes, et elles constitueront près de la moitié des effectifs de la main-d'oeuvre en l'an 2000.

Une stratégie nationale de formation, si elle doit réussir, ne peut donc se permettre de les ignorer ou de s'y adresser de façon marginale, d'autant plus que des pénuries de main-d'oeuvre sont signalées et que l'on appréhende déjà les conséquences du ralentissement de la croissance démographique sur les effectifs futurs de la main-d'oeuvre. Il faudra donc miser sur un relèvement du taux d'activité des femmes et sur une meilleure utilisation de leur potentiel.

Dans ce contexte, l'accès à la formation revet une importance capitale pour les femmes elles-mêmes comme pour l'ensemble de la société. Le Conseil du statut de la femme se réjouit donc de la publication d'un énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre. Il souscrit, pour l'essentiel, au diagnostic de même qu'aux quatre grands objectifs présentés. Cependant, nous aurions souhaité qu'il y ait, dans cette politique, un cinquième objectif, c'est que le gouvernement s'engage à promouvoir l'égalité en emploi par sa politique sur le développement de la main-d'oeuvre. La politique de développement de la main-d'oeuvre doit réserver une place équitable aux femmes, car une politique en apparence neutre, c'est-à-dire sans référence directe aux femmes, aurait, selon nous, un effet discriminatoire sur elles, car ces dernières ont des caractéristiques au niveau de leur participation au marché du travail fort différentes de celles des hommes.

Par exemple, une stratégie qui s'orienterait presque exclusivement sur les personnes déjà en emploi et les secteurs reconnus pour être les plus dynamiques, qui privilégierait les mesures d'adaptation au détriment de formations plus qualifiantes et, enfin, qui ferait appel aux partenaires en place sans souci d'accroître

leur représentativité manquerait, selon nous, de perspective et contribuerait à maintenir la discrimination systémique à l'égard des femmes. C'est pourquoi la politique de main-d'oeuvre doit s'inspirer de trois principes liés à l'égalité en emploi, c'est-à-dire: élargir le concept de personne active; en second lieu, promouvoir l'accès à l'égalité par la formation et, troisièmement, ouvrir les lieux de concertation aux femmes.

D'abord, en ce qui concerne l'élargissement du concept de personne active, pour une majorité de personnes, l'emploi n'est plus une réalité continue. De façon plus immédiate, les travailleuses sont particulièrement concernées par le travail à temps partiel ou à durée limitée, par les statuts d'autonomes et de pigistes et par le chômage. Ces raisons ne doivent pas empêcher les femmes d'avoir accès, au moment opportun, à la formation dont elles ont besoin. Le Conseil recommande donc que la politique de développement de la main-d'oeuvre s'adresse à l'ensemble de la population en âge de travailler et que, en conséquence, on donne une acception plus large au terme de «personne active» dans les programmes qui seront mis en oeuvre.

En second lieu, il faut promouvoir l'égalité par la formation. Les femmes éprouvent des besoins de formation multiples. Plus que chez les travailleurs masculins, un faible degré de scolarisation se traduit pour elles en un accès réduit à l'emploi, comme le montre très bien, d'ailleurs, le tableau d'orientation du document de politique. Par ailleurs, les travailleuses sont encore faiblement représentées dans les secteurs économiques que l'on identifie comme étant rémunérés et porteurs d'avenir. Lorsqu'elles y sont, on les retrouve généralement dans les emplois de bureau qui, somme toute, ne permettent qu'une mobilité professionnelle réduite. Nous recommandons donc que la politique de développement de la main-d'oeuvre poursuive un objectif d'accès à l'égalité pour les femmes, tant dans ses orientations que dans les mesures qui en découleront, et que la formation offerte soit qualifiante, reconnue et transférable.

Troisièmement, il importe d'ouvrir les lieux de concertation aux femmes. Comme on le sait, les femmes constituent actuellement 44 % de la main-d'oeuvre, c'est-à-dire, donc, presque la moitié. Dans l'énoncé de politique, on mentionne que le gouvernement s'assurera d'une représentation équitable des hommes et des femmes dans les instances qui seront créées. Comment y parvenir? On ne peut laisser aller les choses d'elle-mêmes et risquer que ce qui sera jugé équitable ne soit que le reflet de l'actuelle situation. Le Conseil recommande donc que les femmes soient représentées de façon équitable dans les lieux de concertation et, surtout, que cette représentation soit prévue dans le texte de loi.

En effet, en scrutant le projet de loi 408 créant les diverses instances, nous nous étonnons fort de ne pas y trouver de trace de l'intention manifestée dans l'énoncé que soit assurée une représentation équitable des hommes et des femmes au sein du conseil d'administration de ces sociétés. Or, il importe que cette représentation soit définie de façon non équivoque dans la loi. À cette fin, nous recommandons que l'article 5 et l'article 37 du projet de loi 408 prévoient une présence des femmes, proportionnelle à leur représentation dans la main-d'oeuvre, au conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre ainsi qu'au conseil d'administration des sociétés régionales.

Le gouvernement entend, par ailleurs, privilégier l'approche sectorielle, et les travailleuses sont peu présentes au sein des grands comités ministériels qui seront appelés à jouer un rôle stratégique. Pour lever les barrières sys-témiques dont les travailleuses font l'objet et pour bien cibler les interventions qui faciliteront leur accès à la formation et à l'emploi, il nous apparaît, de plus, primordial que les conseils d'administration de ces sociétés s'enrichissent de la présence de femmes qui ont développé une expertise en main-d'oeuvre féminine par leurs recherches, leurs analyses et leurs actions dans des organismes communautaires se préoccupant de la formation et de la promotion de la force de travail féminine.

Donc, dans ce contexte, nous recommandons que les organismes communautaires oeuvrant auprès de la main-d'oeuvre non regroupée ou de personnes en processus d'intégration au marché du travail, tels les groupes de femmes, soient reconnus comme des partenaires au sein du conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre de même qu'au sein des conseils d'administration des sociétés régionales et que les alinéas et les articles soient modifiés en conséquence.

Pour le Conseil du statut de la femme, il apparaît important que des femmes se retrouvent parmi les membres nommés après consultation du monde patronal et des associations de travailleurs et de travailleuses. Par contre, il est aussi également important que les intérêts des personnes non regroupées dans ces associations ou non encore intégrées au marché du travail soient pris en compte au conseil d'administration des sociétés créées par le projet de loi 408. On ne peut, d'aucune façon, jouer ici d'une représentation contre l'autre. Il serait, en effet, totalement inacceptable qu'une seule femme soit appelée à représenter l'ensemble de la population féminine, c'est-à-dire qu'elle soit appelée à parler au nom de 44 % de la main-d'oeuvre ou au nom de la moitié de la population.

Ensuite, à un autre niveau, le gouvernement entend faire des comités sectoriels de main-d'oeuvre des interlocuteurs privilégiés de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Étant donné l'orientation qui est prise,

il faudra veiller à cibler tout particulièrement la population féminine. En effet, on sait que les travailleuses sont peu nombreuses dans ces secteurs réputés plus prometteurs et que les jeunes filles et les femmes adultes ne s'orientent pas suffisamment vers les formations techniques dites non traditionnelles. Ensuite, on s'accorde à croire - et les statistiques sur les programmes fédéraux semblent le confirmer - que les travailleuses bénéficient moins que les travailleurs de la formation offerte en entreprise. Donc, comme le prévoit l'article 16 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, il faut qu'aucune discrimination dans l'apprentissage, la formation professionnelle ou dans les promotions ne s'exerce à rencontre des femmes. Comme on le sait, la Charte prévoit aussi l'application de programmes d'accès à l'égalité en formation et en emploi pour corriger une situation jugée discriminatoire.

Le Conseil recommande donc que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre se soumette à la Charte des droits et libertés et intègre l'objectif d'accès à l'égalité pour les femmes dans ses actions avec les institutions d'enseignement et les comités sectoriels de main-d'oeuvre.

Nous recommandons que l'on s'assure que toute entreprise qui reçoit une aide financière de l'État fasse une place équitable aux travailleuses dans ses programmes de formation, c'est-à-dire que ces dernières en profitent de manière proportionnelle à leur présence dans l'entreprise. De plus, nous recommandons que les plans de développement de main-d'oeuvre qui sont élaborés en vue d'une restructuration industrielle fassent aussi une place équitable aux travailleuses concernées.

Je vous ai fait part des principes et des recommandations s'articulant sur la nécessité d'inscrire l'égalité en emploi dans le cadre d'une politique de main-d'oeuvre et de la stratégie à mettre en oeuvre. Par ailleurs, l'énoncé aborde aussi certaines questions sur lesquelles nous avons formulé d'autres recommandations. Dans le temps qui m'est imparti, je ne mentionnerai que certains aspects importants au chapitre de la stratégie québécoise implantée.

D'abord, en ce qui concerne le sous-investissement dans le développement de la main-d'oeuvre dont fait état l'énoncé de politique, de même que l'état mitigé de l'engagement des entreprises et des salariés, le gouvernement, malgré l'urgence d'agir, a choisi de continuer à privilégier l'initiative des entreprises et la voie des mesures incitatives. Il a choisi de donner la chance au partenariat de porter ses fruits. Si une telle approche est maintenue, nous croyons qu'elle doit être clairement balisée. C'est pourquoi nous recommandons que la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre se voit confier le mandat d'évaluer si le crédit d'impôt remboursable à la formation offert aux entreprises leur permet d'atteindre les objectifs recherchés en matière d'investissement dans la formation de leur personnel et que, au terme d'une période de trois ans, des moyens plus contraignants soient envisagés, s'il y a lieu.

Par ailleurs, le Conseil souscrit à l'intention du gouvernement de regrouper et de simplifier les programmes de main-d'oeuvre. Plus particulièrement, nous croyons que le programme de développement des ressources humaines en entreprise devrait accorder une attention particulière aux petites et aux moyennes entreprises. Bien que très créatrices d'emplois, ces entreprises offrent peu de formation à leur personnel en cours d'emploi.

Afin que les programmes de formation professionnelle offerts en entreprise prennent en compte les besoins des employés féminins, le Conseil recommande que les travailleuses participent, proportionnellement à leur effectif dans l'entreprise, aux comités de main-d'oeuvre qui réunissent l'employeur et les salariés de l'entreprise.

Nous recommandons aussi que l'on encourage, à l'aide de programmes de formation adaptés, les expériences qui favorisent la mobilité intra-entreprise des travailleuses afin de diversifier leur choix professionnel et de favoriser la requalification de leurs tâches.

Enfin, pour favoriser l'intégration professionnelle des travailleuses immigrantes, nous reprenons des recommandations que nous avons déjà formulées au gouvernement, c'est-à-dire que les programmes de formation linguistique soient mieux adaptés aux conditions particulières des femmes immigrantes, notamment que des mesures de formation linguistique en emploi soient développées.

De plus, nous recommandons que le programme des crédits d'impôt remboursables à la formation prévu pour les entreprises réserve un volet spécifique à la francisation de la main-d'oeuvre féminine immigrante dans les secteurs où se trouve une forte proportion de celle-ci. (10 heures)

Enfin, le gouvernement québécois se propose de conclure avec le gouvernement fédéral une entente qui lui permettra d'administrer le programme d'assurance-chômage sur son territoire. Même si l'énoncé de politique n'en fait pas mention, on peut supposer que le Québec se chargerait également de l'attribution des prestations parentales et des prestations de maladie, qui constitue l'un des volets de ce programme. Le Conseil recommande donc que l'entente que le gouvernement du Québec prévoit conclure avec l'administration fédérale au sujet de l'assurance-chômage porte également sur le volet parental du programme et que le Québec saisisse l'occasion pour mettre en oeuvre une politique globale et intégrée de congés parentaux, tel que le Conseil du statut de la femme le lui a déjà recommandé.

En conclusion, les femmes doivent être

partie prenante de la politique de développement de la main-d'oeuvre qui sera appliquée au Québec. Tel est, en substance, le message que le Conseil du statut de la femme entend livrer par ce mémoire. À l'égal des travailleurs masculins, les femmes ont besoin de gagner leur vie. Le Conseil est globalement en accord avec les grands objectifs et les moyens d'action suggérés, et plus précisément avec l'intention de développer une culture de formation continue dans les milieux de travail, d'instaurer un véritable partenariat, de rendre plus cohérents les programmes de main-d'oeuvre et de mieux arrimer le milieu de l'enseignement et le monde du travail. Cependant, il aurait aimé que le gouvernement aille au-delà d'une stratégie générale et propose des orientations et des interventions ciblant particulièrement la population féminine. En effet, une politique en apparence neutre, c'est-à-dire sans référence aux femmes, risque, selon le Conseil, de ne pas corriger la discrimination systémique dont les femmes font l'objet. Nous souhaitons grandement que le gouvernement s'engage à promouvoir, par sa politique de développement de la main-d'oeuvre et aussi en l'inscrivant formellement dans sa loi, une politique d'égalité en emploi.

Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Mme Lavigne, de cet exposé. Je vais reconnaître immédiatement M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de plaisir que nous recevons ce matin les représentantes du Conseil du statut de la femme. On sait que les femmes sont de plus en plus présentes sur le marché du travail, que leur proportion s'accroît constamment. Vous le dites très bien, vous nous le rappelez très bien, d'ailleurs. Et c'est à juste titre, je pense, que vous réclamez une participation proportionnelle au sein de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre et des sociétés régionales.

La question qui se pose et à laquelle on devra répondre bientôt, c'est: Comment doit se définir la participation des femmes au sein de la Société québécoise et des sociétés régionales? J'ai bien l'intention de tenter de faire en sorte que les femmes obtiennent une représentation substantielle au sein de la Société québécoise lorsque le gouvernement procédera aux nominations, et certains groupes voudraient que nous ajoutions des sièges à ceux qui sont déjà prévus dans le projet de loi.

En page 13 de votre mémoire, vous recommandez: «Que les organismes communautaires oeuvrant auprès de la main-d'oeuvre non regroupée ou de personnes en processus d'intégration au marché du travail, tels les groupes de femmes, soient reconnus comme des partenaires au sein du conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre de même que des conseils d'administration des sociétés régionales et que les articles 5 [...] et 37 [...] mentionnent en conséquence que l'une des membres est nommée après consultation desdits organismes.» Alors, la question que je voudrais vous poser, c'est celle-ci: Est-ce que vous demandez qu'un siège soit réservé à une personne représentant des groupes de femmes, ou représentant l'ensemble des groupes communautaires, incluant, bien sûr, les groupes de femmes?

Mme Lavigne: Écoutez, il y a un certain nombre de sièges qui sont prévus, c'est-à-dire six sièges; c'est dans ce qu'on appelle, je pense, le bloc 3. Il y a les deux sièges de l'éducation. Dans les autres sièges qui y sont... Il y a deux préoccupations que nous retrouvons au sein de cette recommandation. D'une part, une conscience très nette que la grande majorité des femmes sur le marché du travail ne sont pas syndiquées. Et la majorité aussi de la population québécoise en emploi n'est pas une population syndiquée. Alors, à cet égard-la, il importe d'avoir une représentation qui soit claire de gens qui ne sont pas syndiqués, mais aussi d'avoir - et ça, c'est un autre volet - une représentation de gens qui ont des trajectoires discontinues ou sont en processus de réintégration sur le marché du travail.

Et, à cet égard-là, étant donné la très forte proportion des organismes communautaires oeuvrant en réintégration des femmes sur le marché du travail, il nous semble évident qu'un siège devrait y être, mais de la même façon que d'autres groupes peuvent vous proposer qu'il y ait d'autres sièges.

Alors, ça nous semble aller de soi qu'il y ait une personne provenant de ce que certains appellent, entre guillemets, un siège femme, que ceci devrait exister comme ça existe, de toute façon, au sein de la commission fédérale et comme ça existe aussi dans le projet qui est en consultation actuellement en Ontario. Alors, ça, c'est un élément. Effectivement, c'est ce que recouvre cette proposition.

M. Bourbeau: Ce n'est pas encore très clair dans mon esprit, là. Vous proposez un siège pour les groupes de femmes, mais vous proposez aussi un autre siège pour les groupes communautaires. Est-ce que c'est ça que je dois comprendre?

Mme Lavigne: Oui, c'est qu'on conçoit que la réalité est multiple. Il y a des personnes qui sont non regroupées et il est important qu'on prenne en considération cette réalité. Alors, on retrouve dans cette proposition, clairement, les personnes qui sont en processus de réintégration. Et là où on a des groupes de femmes, effectivement, un groupe, mais qu'on tienne compte aussi de l'aspect de la main-d'oeuvre non regroupée.

M. Bourbeau: Bon, supposons qu'on réussisse à faire en sorte que 44 % des membres du conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre soient des femmes, choisies par les syndicats, les employeurs et... le bloc 3 dont vous parlez. Supposons qu'on en arrive à cette proportion-là, idéalement, est-ce que vous demanderiez quand même qu'on ajoute un autre siège pour les groupes de femmes?

Mme Lavigne: À cet égard-là, ce qui nous semble important, c'est qu'il y a une expertise qui existe et il y a une problématique qui est particulière. Alors, il y a à la fois deux réalités dont il ne faut pas jouer l'une contre l'autre. Nous avons une main-d'oeuvre qui est composée presque moitié-moitié de femmes et d'hommes, et ça doit se refléter autant au niveau de la représentation syndicale que de la représentation des entreprises au sein de la commission.

Mais, il y a aussi des problématiques spécifiques à la main-d'oeuvre, et il y a des gens en processus de réintégration sur le marché du travail, dont, notamment... Quand on parle du siège femme, et les gens qui parlent du siège femme... Il faut être conscient qu'on parle de gens qui travaillent davantage en problématique de réintégration du marché du travail ou de gens qui oeuvrent particulièrement en formation, ou peut-être de certains groupes de travailleuses immigrantes qui ont des problématiques particulières.

Alors, ce qui est important, c'est qu'étant donné qu'une des problématiques particulières majeures sur le marché du travail, tenue par les groupes du milieu, est relative à cet aspect, il va être normal qu'il y ait un siège qui y soit puisque ce sont les gens qui ont l'expertise et qui travaillent dans ce domaine. Parce que ce n'est pas tout le monde qui, effectivement, se retrouve selon le profil des travailleurs syndiqués ou le profil traditionnel des entreprises.

M. Bourbeau: Si je vous demandais un conseil. Si j'avais à déployer des efforts au cours des prochaines semaines pour augmenter la participation des femmes au sein de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, est-ce que mes efforts devraient porter en premier lieu sur l'ajout d'un siège femme, ou des groupes de femmes, ou sur un effort pour tenter d'augmenter le nombre de femmes choisies par les trois groupes, à l'article 5?

Mme Lavigne: Écoutez, là-dessus, je ne me sens pas Salomon du tout. Écoutez, je pense que vous n'auriez pas le choix de jouer sur les deux parce que, d'une part, on ne peut pas nier la réalité...

M. Bourbeau: Est-ce que vous êtes Gémeaux comme moi, quoi?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lavigne: C'est qu'on ne peut pas nier la réalité du marché du travail. Ce qui est très clair, c'est qu'on ne peut pas demander à une femme qui occupe un siège femme et qui a une expertise sur des problématiques particulières de réintégration ou des problématiques particulières liées à des bas salariés de représenter les intérêts de l'ensemble des femmes sur le marché du travail, qui peuvent être des femmes ingénieurs, des femmes cadres, des femmes techniciennes ou des gens travaillant dans des secteurs de haute technologie et qui ont des besoins de formation extrêmement différents.

À cet égard, il y en a une qui fait partie essentiellement d'une logique démocratique, qu'on doit respecter en démocratie, et qui doit être inscrite - et il y a des précédents à cet égard - dans un texte de loi parce qu'on est une société qui reconnaît cette démocratie et qu'on veut avoir une instance qui reflète ce qu'est notre société. Et, par ailleurs, comme on est une société qui a aussi des soucis du redressement de problématiques particulières, qu'on tienne compte que les femmes en réintégration ont une problématique spéciale, de la même façon qu'on pourrait dire que des personnes handicapées ont aussi des problématiques particulières. Alors, il s'agit de deux réalités différentes qui ne peuvent, d'aucune façon, jouer l'une contre l'autre.

M. Bourbeau: C'est André Gide qui disait: «La nécessité de l'option nous fut toujours intolérable.» Vous ne voulez pas choisir, bien sûr, entre les deux, mais quand on parle des problématiques particulières, vous dites: Les femmes ont une problématique particulière. Vous avez vous-même parlé des handicapés; ils sont venus ici, d'ailleurs, nous le dire eux-mêmes. On a eu les jeunes qui nous l'ont dit aussi, les groupes communautaires, les groupes ethniques. Je pourrais nommer comme ça toute une série de groupes qui sont venus nous expliquer pourquoi, dans leur cas, la situation se présentait différemment et pourquoi on devrait ajouter un siège pour eux. le problème auquel on va faire face très bientôt, c'est que si on veut donner suite à toutes ces demandes-là on va se retrouver avec un conseil d'administration formé de 25, 30, 35 ou, je ne sais pas, 40 personnes. d'ailleurs, c'est m. claude béland, le président du mouvement desjardins, qui nous disait avoir vécu une expérience exactement semblable dans la composition du forum pour l'emploi, où on a voulu, justement, accueillir toutes les problématiques; et on s'est retrouvés avec, je crois, 35 personnes autour d'une table. tellement que, nous a-t-il dit, on s'est rendu compte que, finalement, il y avait beaucoup trop de monde pour être capable d'avoir une action rapide et déterminante. et on a été obligé, finalement, de former un comité

exécutif composé d'employeurs, de représentants des salariés et, enfin, je ne sais pas trop, trois groupes distincts. De sorte que, finalement, à vouloir ajouter trop d'intervenants, le résultat final a desservi l'objectif recherché. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a un problème? À vouloir en mettre trop, on risque, finalement, de diluer tellement qu'on aurait une société qui serait paralysée, à toutes fins pratiques.

Mme Lavigne: Écoutez, là-dessus, je pense qu'au sein de... Il y a des problématiques par rapport au marché du travail qui sont assez clairement identifiées. Là-dessus, il n'y a pas tant de gens dont les problématiques très particulières sont identifiées. Et il y a déjà un consensus, me semble-t-il, à l'échelle canadienne là-dessus, un consensus qui est lié à l'identification de la main-d'oeuvre qui a une problématique particulière à cause de certains éléments. Notamment, la commission fédérale, la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre, prévoit clairement un siège femme, un siège autochtone, un siège immigrant et minorité visible de même qu'un siège pour personne handicapée. (10 h 15)

On retrouve d'ailleurs la même approche au niveau de l'Ontario, parce qu'il s'agit de groupes d'intervention particuliers, de clientèles qui ont un profil commun par rapport à l'emploi et des difficultés communes. Je pense que de tenir compte de cette réalité-là ne nous amène pas nécessairement à 35. Ce sont des grandes réalités fort bien documentées pour le marché du travail et des réalités où on sait qu'il y a des phénomènes de discrimination systémique. Et aussi des groupes d'intervention dans le milieu... Je comprends la préoccupation de limiter l'élargissement mais, en même temps, ces éléments-là sont assez clairement identifiés.

M. Bourbeau: Oui. Vous venez de parler de la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre du gouvernement fédéral, qui est un modèle du genre. Mais il faut bien réaliser que c'est une commission qui est consultative seulement. Et là, c'est totalement différent. Quand on fait une commission consultative, on peut ajouter presque à l'infini des groupes parce que, plus il y a de conseils, mieux c'est. Mais nous, on est en train de mettre sur pied un organisme qui va être décisionnel, qui va être dans l'action. Et c'est là que le problème se pose. C'est qu'il est beaucoup plus difficile de prendre des décisions concrètes, journalières ou hebdomadaires, quand on est un gros groupe avec des intérêts très divergents. C'est là que se pose le problème. Et si j'avais à former une commission consultative, je n'aurais aucune difficulté à élargir la représentation. D'ailleurs, je l'ai fait avec la commission consultative sur la sécurité du revenu, où on a ouvert la porte à tous les groupes, sans aucun problème.

M. le Président, ces discussions-là sont très intéressantes, mais le temps passe, et j'aimerais laisser la parole, si vous n'avez pas d'objection, à ma collègue, la ministre responsable de la Condition féminine et de la politique familiale.

Mme Trépanier: Merci. Bienvenue, mesdames. Cette question est tellement importante que j'aimerais qu'on continue un peu sur ce volet-là. Je dois dire, dans un premier temps, que j'aurais été extrêmement déçue si la présidente avait accepté de jouer à Salomon et de choisir une solution ou une autre. Je pense que, effectivement, vous avez raison de dire que les deux volets sont importants. Mais j'ajouterai, pour mon collègue de la Sécurité du revenu, que s'il y avait des choix à faire quant aux postes a recommander, on a besoin de l'expertise des groupes de femmes, d'une part, mais d'autre part, en plus, c'est l'expertise de groupes qui représentent 50 % de la population. Et ça, ça doit avoir une importance, je pense, dans les choix, s'il y a des choix à faire.

Ceci étant dit, quant à la représentation des femmes à toutes les instances de la Société, il est évident qu'on aura un problème, malgré toute la bonne volonté de la terre. Je déborde un peu du mémoire et je voudrais vous demander, moi aussi, un conseil. Qu'est-ce qu'on peut faire, comme gouvernement, comme société, pour accélérer, je dirais, ou accentuer le mouvement des femmes dans les postes de décision? Est-ce qu'il y aurait des choses pratiques que nous pourrions faire pour qu'effectivement les instances syndicales, les instances patronales délèguent ou que nous puissions avoir des listes assez importantes pour nommer des femmes à ces postes-là? Est-ce que, pratiquement, on peut compter y arriver dans un laps de temps assez court? Auriez-vous des conseils à me donner là-dessus?

Mme Lavigne: Écoutez, par rapport aux instances syndicales, même aux instances patronales...

Mme Trépanier: Je parle pour la composition de la Société de la main-d'oeuvre, qu'est-ce qu'on peut faire pour s'assurer qu'il y ait une représentation effective?

Mme Lavigne: Je pense que, d'une part, il y a un devoir démocratique de l'État; qu'on inscrive au niveau du texte de loi qu'on ait une représentation équitable. À cet égard-là, je pense que, là, le gouvernement jouerait véritablement son rôle de leadership, c'est-à-dire qu'il dirait: On est un gouvernement qui est une instance qui représente un ensemble de population fait de femmes et d'hommes, et ça amène les instances à s'ajuster. C'est-à-dire que, comme ça nous prend une représentation équitable, de la même façon

que les gens proposent des listes de noms, ils vont proposer une liste de ' noms équitable. Puisqu'au sein de leur «membership» il y a effectivement des femmes et des hommes, il est totalement impossible que des entreprises, des associations d'entrepreneurs ou des associations syndicales ne puissent pas retrouver de femmes parmi leurs membres puisque les femmes forment 40 % de la main-d'oeuvre. Ou ils les mettent toutes dans des petites boîtes et ils les cachent, mais elles doivent être quelque part. Dans ce sens-là, je me dis qu'il s'agit juste de repenser à des délégations qui sont plus soucieuses de l'équité.

Et le rôle de l'État, là-dessus, est fondamental puisque les députés, le gouvernement, les gens sont élus par des citoyens qui sont des femmes et des hommes et qui s'attendent à ce que les principes de justice sociale de notre société soient reflétés dans ces lois-là. Et dans ce sens-là, le gouvernement a un rôle de leadership dont il ne peut absolument pas se délester. Alors, en l'inscrivant, c'est, je pense, un mécanisme incitatif extrêmement puissant et qui va permettre aux gens... Et là il y a toutes sortes de mécanismes qui sont possibles. Il s'agit de les imaginer, de les penser. Mais ça se fait et ça se trouve aussi. Les centrales vont nécessairement s'ajuster, comme elles s'ajustent pour être éligibles à différents programmes ou faire partie de différents éléments. Les entreprises s'ajustent aussi pour être éligibles à des subventions. Je ne vois pas pourquoi on ne s'ajusterait pas par rapport à une question comme ça.

Mme Trépanier: Dans le fond,, par toutes les recommandations de votre mémoire, c'est très clair qu'à toutes les instances de décision et aussi au niveau de l'enseignement, au niveau des comités, vous demanderiez qu'on soit beaucoup plus explicite et qu'on exige une représentation plus égalitaire. Vous dites: C'est le moyen principal qui incitera les gens à offrir une représentation équitable; développons des mécanismes en plus. Alors, ça ressort très, très clairement, partout dans votre mémoire, que vous exigez, dans le fond, que nous ayons cette parité partout, que nous instituions les mécanismes nécessaires pour l'avoir. Vous ne faites pas grand place à l'incitation et vous ne semblez pas dire non plus que l'incitation qu'il y a dans la politique est suffisante.

Mme Lavigne: Mais non, c'est que...

Le Président (M. Marcil): Malheureusement, Mme la ministre, c'est...

Mme Trépanier: Est-ce qu'elle peut répondre?

Le Président (M. Marcil): Vous pouvez répondre, Mme Lavigne.

Mme Lavigne: C'est ça, mais c'est essentiellement... C'est parce que je pense qu'il faut regarder la réalité en face. On demande tout simplement que les lois s'ajustent à ce que la société est devenue. Que, dans une loi faite en 1970, on ne l'ait pas trouvé, je ne pense pas que... Je veux dire qu'il y a bien des gens qui l'aient fait, sauf qu'on est en 1992. La main-d'oeuvre a changé et il faut avoir des lois qui correspondent à ce que notre société est devenue. Il me semble que ça coule de source. Ça fait juste partie du sens de la démocratie, fondamentalement.

Mme Trépanier: Merci beaucoup.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Mme la ministre. Merci madame. Je vais reconnaître Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, vous savez qu'on termine les travaux de cette consultation ce matin avec vous, le Conseil, l'Association féminine d'éducation et d'action sociale et Action travail des femmes. Finalement, on termine avec le dossier femmes. Alors, ça restera plus présent dans l'esprit du ministre et des amendements qu'il devra apporter à son projet de loi.

D'abord, permettez-moi de vous saluer, Mme Lavigne et les personnes qui vous accompagnent. Le Conseil est bien connu pour la qualité et l'expertise des travaux et des mémoires qu'il présente devant les commissions parlementaires. Un premier aspect, peut-être le plus important, c'est que vous dites qu'il faut un cinquième objectif à ceux énoncés, à savoir: promouvoir l'égalité en emploi dans la politique de développement de la main-d'oeuvre. Et c'est peut-être l'absence de cet objectif qui colore le reste parce que, finalement, tout l'énoncé est centré sur la compétitivité uniquement, exclusivement. Il n'existe plus d'équité. L'égalité, on oublie ça. Alors, c'est la compétitivité en oubliant la tendance lourde du marché du travail, une tendance lourde à sous-utiliser la main-d'oeuvre qui n'entre pas dans le profil régulier: les jeunes, parce qu'ils n'ont pas d'expérience, les gens d'âge moyen, parce qu'il reste peu de temps pour mettre à profit les changements technologiques, et les femmes, parce qu'on ne peut pas s'y fier, parce qu'elles partent parfois pour aller enfanter, pour avoir des bébés. Alors, c'est une tendance lourde, ça. C'est incontournable et, dans ce sens-là, je crois que c'est important d'avoir un engagement politique en faveur de politiques de main-d'oeuvre, oui, pour pouvoir relever le défi de la compétitivité, mais aussi pour relever le défi de l'égalité. Ou bien on a décidé de franchir le XXIe siècle en oubliant ça, là, sinon il va falloir que ça paraisse dans les textes.

Je reviens un peu - pas trop, parce que vous en avez beaucoup parlé avec Mme la ministre et avec M. le ministre également - sur la question de la représentativité. Vous dites: II y a des barrières systémiques, et ces barrières systémiques, on les voit aussi, par exemple, dans la représentation. À la Conférence permanente de la main-d'oeuvre que le ministre a mise sur pied il y a maintenant presque deux ans, il n'y a pas une femme qui siège là. Il y a sept membres, ce sont sept hommes. Dernièrement, on me rappelait que le Forum pour l'emploi a obtenu une sorte d'assemblée publique... pas une assemblée publique, excusez-moi, une sorte de grande réunion des principaux intervenants, de tous les groupes et organismes qui en sont membres. Ça a eu lieu, semble-t-il, à l'hôtel de ville de Montréal. Tous les sièges étaient occupés, il y avait une centaine de personnes. Et on m'a dit qu'il y avait six femmes. Vous savez, je me demande comment...

Mais c'est intéressant, ce que vous dites. Il faut que dans la loi - c'est bien ça que je comprends - il y ait le principe de la représentation proportionnelle. Là, tel que formulé dans la loi, il y a trois partenaires: six du milieu syndical, six du milieu patronal, six du milieu gouvernemental. Mais des six partenaires... Prenons le cas du milieu syndical; il y a trois centrales qui sont assurées d'y siéger, puis il y en a deux autres qui sont venues ici la réclamer, l'UPA puis la CEQ; ça en fait cinq. Sur ces cinq centrales, il y en a une qui a une femme présidente. Alors, une représentation proportionnelle dans des délégations où il y a déjà, appelons ça de l'émulation fraternelle pour ne pas l'appeler fratricide, là, que ce soit du côté patronal ou syndical... C'est un secret de polichinelle que le Conseil du patronat voulait la majorité des sièges patronaux. Il y a l'AMQ, puis il y a le Mouvement Desjardins, et on se bute à une réalité systémique qui consiste à constater que ce sont des hommes qui sont à la tête de l'ensemble des grands corps organisés de notre société.

Alors, comme je le disais au ministre la semaine passée, à moins qu'il dise oui à la CEQ, je ne vois pas, à part peut-être la FTQ qui aura deux sièges, quelle sera l'autre femme qui y siégera. Parce que ce sont les présidents qui vont y venir. Ça vaudra aussi pour l'Association des manufacturiers, ça vaudra pour le Conseil du patronat et ça vaudra pour... Alors, comment faire pour que, dans la loi, il y ait la représentation proportionnelle? Peut-être, oui, dans la loi. Moi, j'ai pensé que si ce n'est pas dans le projet de loi, je pourrais au moins en faire un amendement. On ne sait pas, peut-être que le ministre pourrait l'accepter, mais est-ce qu'il pourra le mettre en vigueur? C'est ça, finalement, la question.

Comment contourne-t-on le fait que les organismes sont quand même maîtres de leur représentation? On ne peut quand même pas dicter à une centrale qui a un siège... Prenons la CSN parce que, contrairement à M. Béland, le président de la CSN est venu se prononcer en faveur d'un siège pour le milieu femme et puis, en fait, je dirais, pour un quatrième partenaire. Parce que là, on ne va pas commencer à chicaner sur combien de sièges il va y avoir. Le principe, c'est: Faut-il, à ces trois déjà identifiés, un quatrième partenaire qui vienne représenter les personnes lourdement défavorisées sur le marché de l'emploi ou les personnes sans emploi? Et ce quatrième partenaire pourrait être constitué de représentants du milieu communautaire, des personnes plus fortement défavorisées comme les personnes handicapées, les jeunes ou les membres des communautés culturelles. Mais, je vous pose la question: Est-ce que, dans la loi, s'il y a cette disposition ferme, on peut l'appliquer?

Mme La vigne: Écoutez, quand on parie de représentation équitable, je pense que, d'une part, ça se joue sur l'ensemble et, par ailleurs, si des gens trouvent que ça pose des problèmes, c'est parce qu'on part aussi d'un modèle qui est le modèle de la conférence qui est, je pense, en soi, un modèle... Peut-être qu'au niveau de la conférence, il est absolument essentiel qu'on ait jugé, à un moment tournant, que ce ne soient que les présidents qui y siègent. Mais, par ailleurs, on peut peut-être aussi penser autrement la réalité de la société québécoise. On peut dire que c'est des présidents mais un premier vice-président ou une première vice-présidente... Bon, les délégations peuvent se former de différentes façons. Et ça, là-dessus, pourquoi ce serait obligatoirement l'ensemble des présidents qui y seraient? Puis je passe là-dessus. Ce n'est pas mentionné dans les politiques que ce soit obligatoirement un président ou une présidente. (10 h 30)

Mme Harel: Mais, Mme la présidente du Conseil, je vous arrête tout de suite parce qu'à l'opérationalisation de la chose, à laquelle des centrales le ministre devra-t-il dire: Vous nous envoyez une femme? Là, il y a six sièges. Alors, une représentation proportionnelle, c'est au moins peut-être trois, parce que la main-d'oeuvre active, vous nous le dites, est conçue pour moitié d'hommes et de femmes. Alors, à laquelle il dirait: II y en aura trois. Admettons qu'il accepte la CEQ, alors, il en faut deux autres. Alors, il y en a une à qui il dit: Non, ce n'est pas vous le président, il faut que ça soit quelqu'un d'autre. Mais à laquelle? Il va choisir au hasard. Vous voyez comment ce n'est pas simple? Et c'est pour ça que, moi, je pense qu'il faut, par ailleurs, oui, distinguer les deux. Vous faites bien de dire qu'il faut poursuivre les deux et que l'un ne tient pas lieu de l'autre. Ce n'est pas parce que ce serait pour autant une femme, même s'il en faut, de façon équitable, qui siègent avec la délégation patronale ou qui siègent avec

la délégation syndicale qui, pour autant, va porter la problématique des femmes en emploi, parce qu'elle aura la problématique de son organisation à porter. Il faut ne pas l'oublier. Mais peut-être ce qu'on peut souhaiter de mieux, c'est que le ministre nomme des femmes à la présidence et à la vice-présidence de la Société, aux deux postes.

Mme Lavigne: Ça, ça peut être un souhait, sauf que je pense que ça n'exclut pas la notion de retrouver, quand on peut l'inscrire dans un texte de loi, la notion d'équitable. Dans ce sens-là, il y a des listes qui peuvent se faire. Des centrales peuvent proposer trois noms, chacune des centrales. Il y a toutes sortes de modalités de représentation, et je suppose que le ministre peut avoir des mécanismes où on n'impose pas nécessairement en disant: Dans ma centrale, ce ne sera qu'une telle personne et, au Conseil du patronat, ce sera une telle personne. il peut y avoir différents mécanismes et il peut y avoir aussi, au niveau de sièges, d'un ensemble de sièges, une possibilité d'équilibre qui s'établisse. nous avons inscrit, vous le remarquerez aussi, ce qui donne un peu de temps, on a parié en termes d'équitable. on a parlé en termes de représentation équitable. or les femmes forment actuellement 44 % de la main-d'oeuvre. ce n'est pas encore moitié-moitié, il y a une marge de manoeuvre. le temps va permettre de régler, d'ajuster des éléments, mais il y a différents lieux et quand on parle d'équitable, c'est pour l'ensemble de la dynamique, l'ensemble du conseil d'administration de la société de développement et des sociétés régionales. à cet égard, il y a une possibilité de choix. les gens, en jouant à ces niveaux-là, ça fait partie de choses qui sont possibles.

On a vu ce qui s'est passé au niveau fédéral et au niveau fédéral, ce n'est même pas prévu dans la loi, ce qui pose peut-être un certain nombre de problèmes, mais on a vu néanmoins que sur les huit membres syndicaux au fédéral, on réussit à avoir trois femmes. On a réussi à en avoir trois malgré que l'organisation syndicale au Canada soit relativement la même qu'au Québec, et on a réussi, dans un premier temps, sur la base d'une bonne volonté, en demandant des noms, de refaire un équilibre. Sauf qu'on sait le problème des bonnes volontés. C'est conjoncturel, lié à la volonté du ministre qui est là et on se retrouve après avec d'énormes changements. C'est ce pourquoi il est important que la volonté gouvernementale, qui est très claire dans l'énoncé de politique, on la retrouve de façon permanente dans la société québécoise. Là-dessus, il y a des mécanismes à inventer, j'en conviens, mais je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas faisable.

Mme Harel: À la page 11 de votre mémoire, vous nous parlez du nouveau programme d'aide à la formation des personnes actives sur le marché du travail. En fait, ce programme qui consiste à offrir une formation professionnelle, une aide au perfectionnement des travailleurs en emploi, vous savez que c'est ce pendant du crédit d'impôt pour les personnes, pour les individus, plutôt que pour les entreprises. Et vous dites, à la page 11, qu'il y aurait peut-être lieu d'envisager, un peu comme c'est le cas au Régime de rentes du Québec, qui tient compte de la période durant laquelle un parent a la responsabilité de jeunes enfants de moins de 7 ans, qu'il devrait donc être pris en considération dans la définition des personnes actives, le fait qu'il y ait donc eu présence à la maison pour la garde d'un enfant de moins de 7 ans.

Je ne sais pas si vous êtes au courant que présentement, ce programme est offert depuis le 1er janvier, pas beaucoup publicise, évidemment, mais il s'adresse, et je lis le document à cet effet: «II s'adresse à toute personne, en autant qu'elle a été active sur le marché du travail durant les six dernières années précédant sa demande d'admission». Alors, vous voyez à quel point c'est déjà très réducteur, c'est-à-dire que n'est admissible, actuellement, au programme individuel, si vous voulez, de congé de formation que la personne qui a été durant six années précédant sa demande d'admission sur le marché du travail.

Au moment où on a fait la révision des normes du travail, le Conseil était venu nous signaler, en commission, qu'en moyenne, les femmes travaillent de façon continue quatre années, je crois, pas tout à fait, en fait, avant de quitter le marché de l'emploi pour revenir par la suite. Alors, c'est un va-et-vient, comme on sait, et plusieurs ne complétaient pas le cinq ans requis à cette époque-là pour obtenir la protection des droits du travail. Alors, est-ce que le Conseil entend faire des représentations sur cette norme-là, qui m'apparaît, moi, systémique? Il ne doit pas y avoir beaucoup de femmes qui ont accès aux congés de formation, avec une règle comme celle-là, d'une part.

D'autre part, vous parlez également, à la page 19 de votre mémoire, d'une représentation proportionnelle souhaitable pour les femmes dans les comités de reclassement mis sur pied en cas de licenciement collectif. Et ça m'amène à vous parler des femmes qui sont âgées de plus de 55 ans et qui sont licenciées. Vous savez que le programme qui s'adresse à elles, le programme PAT A, exige 15 années sur le marché du travail pour y avoir droit, en plus de bien d'autres critères qui restreignent énormément l'accessibilité. Vous le savez, à Montréal, ça demande une mise à pied de 100 employés et plus. Dans le secteur du textile, 88 % des entreprises comptent 40 employés et moins, alors... Mais là, le ministre nous avait promis, dans l'énoncé sur Montréal, en décembre dernier, de négocier des accommodements pour le secteur du textile. On s'est

échangé plein, plein de lettres, et il m'a souvent dit qu'il allait négocier pour les femmes, aussi. Parce qu'en moyenne, ce serait 13 années sur le marché du travail, alors les 15 années requises, vous comprenez que ça les écarte aussi, hein. Alors, je ne sais pas où en sont ses négociations.

M. Bourbeau: J'attends le fédéral. Nous, on a signifié au fédéral, M. le Président, qu'on est absolument d'accord avec la proposition qu'on a faite - c'est nous qui l'avons faite, d'ailleurs - mais le fédéral ne nous a pas donné de réponse encore.

Mme Harel: Alors, je ne sais pas. Est-ce que vous avez...

M. Bourbeau: C'est un programme qui est financé à 70 % par le fédéral, je dois dire.

Mme Harel: Alors, une chance qu'on a la controverse constitutionnelle. Comme ça, chaque gouvernement peut, à tour de rôle, se laver les mains sur ce qui se passe. Mais je vous laisse...

M. Bourbeau: Bien, quand on paie 30 % seulement sur 100 %, on n'est pas dans le «driver's seat», comme on dit en anglais.

Mme Harel: Alors, imaginez, c'est le seul programme, le seul mis en place suite à la signature de l'entente de libre-échange. C'est supposé être notre programme d'adaptation de la main-d'oeuvre pour les personnes âgées licenciées, mises à pied. Alors, j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

Mme La vigne: Je vais laisser la parole à Mme Lepage.

Mme Lepage (Francine): Alors, pour la première partie de votre question, nous avons fait la recommandation 3, qui vise à s'assurer que toutes les personnes qui veulent entreprendre une formation aient le soutien financier adéquat. Donc, c'est assez large. On sait que le budget 1991 avait annoncé, justement, le programme d'aide financière individuelle. On sait qu'à l'heure actuelle, aussi, c'est assez restreint dans le sens que ça ne concerne que les salariés, et c'est pour des types de formation professionnelle n'excédant pas trois trimestres.

Il y a aussi la période pour s'y qualifier. Alors, c'est sûr que ça devra être adapté. Si c'est la seule mesure privilégiée, elle devrait être plus large pour englober les gens qui sont autonomes, par exemple, les parents qui se retirent momentanément de la main-d'oeuvre. On peut aussi miser sur d'autres mesures à côté. Le programme fédéral a déjà des programmes d'allocation de formation. Si le Québec récupère les choses, on devra aussi voir à élargir les moyens pour tenir compte, pour que toute personne, dont les femmes, aient un accès à ces programmes-là.

Le Président (M. Marcil): En conclusion, madame Lepage.

Mme Lepage: Par rapport au programme PATA, on avait aussi signalé le problème au ministre.

Mme Harel: En conclusion, M. le Président, peut-être deux mots. À la page 17, le mémoire du Conseil du statut de la femme rappelle la nécessité d'une pratique globale intégrée de congés parentaux et souhaite qu'à l'occasion du rapatriement que le ministre entend effectuer, cette proposition ne soit pas oubliée. Alors, peut-être que je vous laisserais l'occasion de la lui rappeler.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Marcil): Allez-y, madame.

Mme La vigne: Oui, c'est de la continuité dans les idées, ça. Effectivement, ce que nous avons reconmandé, déjà, au gouvernement du Québec, c'est qu'il y ait enfin une politique intégrée de congés parentaux. Alors, à la faveur de certains remaniements, toutes les difficultés que peuvent rencontrer des travailleuses qui s'absentent pour maternité, à cause des difficultés d'admissibilité aux programmes, des différentes incohérences qu'on retrouve, des difficultés d'arrimage avec les programmes québécois qui existent déjà, il nous semble, en tout cas, que ça serait une excellente occasion d'avoir un système davantage intégré et qui permette d'avoir un remplacement du revenu qui soit équitable pour les femmes qui doivent quitter temporairement lors de la naissance d'un enfant.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup.

M. Bourbeau: M. le Président, en terminant, je voudrais remercier le Conseil du statut de la femme pour cette présentation extrêmement intéressante et ces discussions non moins intéressantes, et leur dire que les propos qu'on a tenus ne sont pas tombés dans l'oreille d'un sourd, ni vos paroles, ni vos écrits d'ailleurs, dans les oreilles et les yeux d'un sourd. Nous allons certainement tenter, quand nous allons prendre des décisions, un peu plus tard, de nous rapprocher le plus possible de votre point de vue. Je ne sais pas si nous pourrons vous satisfaire d'une façon totale et entière, mais je peux vous dire que vous avez, en la personne du ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, quelqu'un qui comprend très bien ce problème-là et qui est tout à fait désireux de tenter de faire justice aux femmes. Maintenant dans quelle

mesure je pourrai y arriver? l'histoire le dira. mais avec ma collègue ici qui n'arrête pas de m'encourager, je pense qu'on va certainement arriver à des solutions qui, je l'espère, seront jugées équitables.

Mme Trépanier: Alors...

Le Président (M. Marcil): Allez-y, madame.

Mme Trépanier: ...mesdames du Conseil du statut de la femme, chose certaine, je pense qu'on s'entend tous ici pour dire que s'il y a un dossier qui est crucial pour la société québécoise et pour les femmes québécoises, en particulier, c'est bien celui-là, qu'on ne peut pas se permettre de manquer le virage et qu'il faut absolument, de quelque façon que ce soit, mais de façon positive, s'assurer que les femmes soient présentes et prennent leur sort en main, je dirais. C'est la seule façon, je pense, et vous l'avez très bien traduit dans votre thème de la Journée de la femme, cette année, c'est une question d'autonomie financière. L'indépendance, l'égalité commence par là. Et, pour pouvoir y arriver, ça commence par l'accès à l'emploi et une formation adéquate. Alors, merci infiniment pour vos travaux qui sont très bien faits comme à l'habitude.

Mme Lavigne: Merci beaucoup de votre attention. (10 h 45)

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, mesdames du Conseil du statut de la femme, de vous être prêtées à cet exercice d'échange. Nous allons vous souhaiter un bon voyage de retour et allons demander immédiatement à l'Association féminine d'éducation et d'action sociale de se présenter à la table. J'inviterais les gens à prendre place, s'il vous plaît, si nous voulons respecter notre horaire de cet avant-midi. J'inviterais Mmes et MM. les députés à reprendre leur siège.

Nous avons devant nous les représentantes de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale. Nous vous souhaitons la bienvenue à cette commission parlementaire. Mme Jacqueline Martin, si vous voulez présenter la personne qui vous accompagne et procéder immédiatement à l'exposé, du moins à un résumé de votre exposé pour qu'on puisse avoir un peu plus de temps pour échanger sur le sujet.

AFEAS

Mme Martin (Jacqueline): merci, m. le président. alors, je vous présente mme michelle houle oueliet, coordonnatrice du plan d'action à l'afeas. m. le président, m. le ministre, mme la ministre, membres de la commission parlementaire, je vais faire un petit tour d'horizon à savoir qui est l'afeas. c'est un groupe qui est fondé depuis 1966 et qui regroupe 25 000 femmes réparties dans toute la province de Québec.

L'Association offre à ses membres des dossiers mensuels d'étude traitant de différents aspects de la vie des femmes, des publications thématiques et une revue. Les dossiers d'étude sont utilisés par les groupes locaux pour une sensibilisation, des discussions et des prises de position. Ils sont à la base d'actions diverses propres à assurer la promotion de la condition féminine.

Si l'AFEAS informe ses membres, elle tient aussi des sessions de formation. Cette formation vise le développement personnel, telles l'autonomie, l'acquisition d'habiletés et de compétences professionnelles, notamment en animation de groupes; je pourrais ajouter procédures d'assemblées, etc. Le congrès annuel, qui se tient en août, représente un lieu décisionnel. Il est l'occasion de débattre maintes résolutions provenant de toutes les régions, celles qui sont acceptées par l'assemblée générale devenant les positions officielles de l'AFEAS.

L'AFEAS intervient régulièrement auprès des autres partenaires sociaux: associations, institutions et ministères. Nous participons aux consultations publiques et nous sommes membres de regroupements provinciaux. Plusieurs de nos membres siègent sur des conseils d'administration.

On ne prétend pas faire une analyse détaillée de tout le projet de loi, mais nous attirons surtout votre attention sur la représentation des groupes de femmes dans la structure proposée et l'accès à la formation professionnelle pour toutes les femmes.

Sans reprendre toutes les statistiques qui font état de la présence des femmes sur le marché de l'emploi, des contextes qui prévalent et des conditions de travail, permettez-nous de rappeler certains constats majeurs. Selon les statistiques citées dans la politique gouvernementale en matière de condition féminine et dans un exposé de la ministre, Mme Violette Trépanier, devant la conférence permanente sur l'adaptation de la main-d'oeuvre, le portrait des femmes des années quatre-vingt-dix comprend les caractéristiques suivantes: les femmes constituent 50,66 % de la population du Québec, elles représentent 43,7 % de la population active et constituent la majorité, soit 70,8 % de la main-d'oeuvre à temps partiel.

Le taux d'activité des femmes augmente de façon constante tandis que le taux d'activité des hommes diminue. Les femmes continuent de gagner moins que les hommes. De plus, l'écart entre les gains des femmes et les gains des hommes s'accroît. Les femmes interrompent moins longtemps que par le passé leur présence sur le marché du travail lors de la maternité. D'ailleurs, c'est parmi les femmes avec de jeunes enfants que le taux d'activité a le plus progressé. Les progrès accomplis sur le marché du travail n'ont

pas été suffisants pour sortir les femmes du cercle de la pauvreté. Encore aujourd'hui, elles forment près de 60 % de la population frappée par la pauvreté. Les femmes profitent peu de programmes de formation en entreprise et sont moins nombreuses que les hommes en formation professionnelle qualifiante.

L'activité professionnelle des femmes ainsi que leur taux de chômage sont directement liés à leur niveau de qualification. Au cours des 15 dernières années, la croissance de la population active due particulièrement à l'entrée massive des femmes sur le marché du travail a permis au produit intérieur brut, PIB, de faire un bond de 75 % et d'augmenter la productivité de 48 %. On estime que d'ici l'an 2000, 80 % des nouveaux arrivants sur le marché du travail seront des femmes et des membres de communautés culturelles.

Ces données prouvent éloquemment que les femmes sont concernées par le développement de la main-d'oeuvre. Nous sommes, par mille réalités et mille facettes, les partenaires d'un Québec compétent et compétitif. Comme le soulignait la ministre, Mme Violette Trépanier, l'économie peut-elle se passer de la main-d'oeuvre féminine?

Les membres de l'AFEAS militent depuis toujours en faveur de l'éducation. Non seulement ce terme est-il inclus dans le nom de notre organisme, mais l'éducation et la formation reviennent constamment dans nos discussions et nos travaux. Au fil des années, la formation des enfants et des adultes a fait l'objet de plusieurs résolutions. Il y a aussi la formation des filles qui a mobilisé prioritairement les membres de notre organisme pendant trois ans.

La formation des membres a été continue. Des milliers d'heures sur des thèmes tels le travail au foyer, le partage des tâches, la situation économique des femmes, un certificat en animation et recherche culturelle suivi par une centaine de membres à l'UQAM; des groupes d'action politique, des ateliers sur l'autonomie personnelle et financière et d'autres encore.

Par ailleurs, la reconnaissance des acquis a été un important cheval de bataille. Nous avons contribué aux étapes de clarification dans l'élaboration du concept, analysé et appuyé les documents produits sur le sujet. Nous avons espéré des résultats, suivi l'évolution du dossier et participé à des projets-pilotes. Aujourd'hui, nous suivons l'évolution du dossier de la reconnaissance des compétences.

Consciente des difficultés et des problèmes engendrés par l'accès aux métiers non traditionnels pour les filles et les femmes, l'AFEAS a soutenu dans ses travaux le thème de la formation et de l'orientation des filles pendant quatre ans. Recherche documentaire, enquêtes, compilations statistiques et rencontres de conscientisa-tion nous ont tenues en haleine. Il y a maintenant trois ans, l'AFEAS créait, avec Bell, la Bourse Défi qui encourage l'élargissement du choix de carrière des filles en les aidant a se diriger vers les métiers non traditionnels qui sont garants de succès, comme le souligne l'énoncé de politique. l'énoncé de politique et plus encore! h est urgent que le québec mise gagnant sur son économie et ses ressources humaines dès maintenant, avec une vision sur l'avenir aussi. il est urgent que le développement et la formation de la main-d'oeuvre fassent en sorte que les femmes aient de meilleures conditions d'emploi et que les principes acceptés d'égalité et d'équité deviennent des faits. d'après nous, le développement de la main-d'oeuvre ne peut être envisagé sans qu'il y ait en parallèle un développement du marché de l'emploi. des gens qualifiés, il y a en beaucoup au québec. en plus de rechercher l'arrimage de la formation et du marché du travail, il faut élargir celui-ci, il faut développer des stratégies d'emploi, cet objectif qu'on hésite encore trop souvent à mettre de l'avant. il y a un cycle action-réaction qui comprend marché de l'emploi, main-d'oeuvre et conditions de travail. on peut difficilement agir sur l'un d'entre eux sans toucher aux autres. il faudrait faire en sorte que la stratégie globale qui porte sur la main-d'oeuvre s'insère dans une stratégie globale du travail.

L'importance du partenariat. M. le ministre André Bourbeau nous rappelle que le partenariat représente la caractéristique commune des économies à succès. Il énumère aussi les conditions manquantes pour la réalisation d'un partenariat et celles à instaurer. Nous comptons sur vous, M. Bourbeau, et sur vos collègues pour passer à l'action. Nous devons favoriser une concertation des plus rentables par le biais de structures existantes ou à venir.

Il faut certainement susciter constamment un partenariat avisé proactif et y collaborer étroitement. Toute multiplication des efforts et des actions ne pourra qu'être bénéfique. Il faut atteindre les femmes dans les sphères qu'elles occupent et les inclure dans les démarches. Il nous semble essentiel que l'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre n'oublie pas les femmes comme partenaires.

La formation professionnelle. Les femmes représentent plus de 50 % de la population. Elles forment 43,7 % de la population active. Le taux de chômage est plus élevé dans leurs rangs. Elles occupent actuellement une large part des emplois à temps partiel et des emplois précaires qui constituent de plus en plus les formes d'emploi disponibles. Pourtant, elles sont encore moins nombreuses à s'engager dans des activités de formation qualifiante. Nous pensons également qu'une culture de la formation continue s'impose. Cela nous semble être un objectif de grande valeur. D'après l'AFEAS et les milieux de l'éducation, nous devrions même dire une formation fondamentale poussée, suivie d'une formation continue. Le rehaussement d'une culture générale et de la scolarité profitera à toutes et à tous

Un pays qui se développe doit enrayer le chômage relié au manque de formation, le décrochage et l'analphabétisme.

Il faut créer une diversité d'approches et de mesures. Il faut le faire pour les femmes en général, mais aussi pour celles qui arrivent sur le marché de l'emploi sans être des prestataires de l'assurance-chômage ou de la sécurité du revenu. Les travailleuses au foyer - et l'AFEAS compte une très grande partie de cette clientèle - qui entrent sur le marché du travail comptent pour un bon nombre. Elles ne doivent pas être oubliées ou pénalisées par les programmes d'accès au travail. Les travailleuses au foyer sont concernées par des mesures et des services tels l'accueil et la référence, la reconnaissance des acquis et des compétences professionnelles, les activités de formation préparatoire à l'emploi ou à la formation professionnelle, la flexibilité des horaires, l'accès aux bibliothèques, aux laboratoires, aux garderies, à des allocations de logement, de transport, l'adaptation des procédés pédagogiques, du vocabulaire et des syllabus.

Nous applaudissons votre désir de simplifier le processus d'accès à la formation pour les adultes. À l'heure actuelle, il n'est pas facile de s'y retrouver et de persister dans une démarche de formation. Il faut vouloir. L'usager devrait pouvoir accéder à un «guichet unique» lorsqu'il veut des renseignements, des consultations et l'élaboration d'un plan de formation. Cela est particulièrement vrai en région, où différents rendez-vous dont on ne connaît pas la nécessité et l'aboutissement peuvent signifier de longs déplacements.

Nous appuyons plus précisément l'idée d'un programme d'intervention individuelle et celui d'aide aux organismes du milieu engagés dans le développement de l'emploi. Ces programmes sont susceptibles de convenir à nos membres en plus de supporter les interventions régionales, ce qui rend justice au profil du Québec.

La formation en entreprise et les femmes. L'AFEAS déplore la situation qui prévaut actuellement à cet égard. Suite au transfert de fonds attribués aux achats directs vers la formation sur mesure en établissement, l'accès des femmes à la formation professionnelle se trouve grandement diminué. En effet, peu de petites entreprises où l'on retrouve un grand nombre de femmes proposent de la formation à leur personnel. Quant aux grandes entreprises, ce sont le plus souvent les membres du personnel cadre qui bénéficient de la formation offerte et, encore là, les femmes y sont trop souvent des exceptions. Même si elle n'a pas été conçue à cette fin, la formation en entreprise s'avère injuste pour le développement de la main-d'oeuvre féminine.

Nous croyons que le développement de la main-d'oeuvre doit annexer à ses finalités le respect des principes d'égalité et d'équité envers les femmes. Et c'est un aspect qui nous tient particulièrement à coeur. Il ne servirait à rien de progresser sur le plan de la main-d'oeuvre si, à la base des résultats, on ne retrouve pas le consensus social qui veut que les femmes accèdent au mieux-être collectif. Le développement de la main-d'oeuvre veut éventuellement dire création d'entreprises, promotion et meilleur salaire. Assurons-nous que les femmes profitent des retombées du développement. Une de nos préoccupations est à l'effet d'enrayer la pauvreté chez les femmes. Comme mentionné précédemment, les inégalités de revenu et de statut compromettent leur sécurité économique. Il s'agit de passer aux actes plutôt que de se contenter d'anticiper le fardeau financier qui résultera de l'iniquité.

La représentativité. L'AFEAS, de concert avec plusieurs organismes féminins, a difficilement obtenu une reconnaissance de participation de représentantes ou de groupes de femmes aux structures actuellement mises en place dans le dossier de la formation professionnelle. Entre autres, la présence des femmes a été assurée aux tables éducation-main-d'oeuvre et accueil-références. D'autres avenues avaient été explorées, comme des sièges aux représentantes des groupes de femmes aux conseils d'administration des Commissions de formation professionnelle. Il est important aussi de remarquer qu'il faut donner les moyens pour permettre aux femmes d'être représentatives des besoins des femmes. Dans son énoncé, le ministre affirme qu'il s'assurera d'une représentation équitable des hommes et des femmes au sein du conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Nous croyons que ce n'est pas suffisant.

Nous demandons au ministre de tenir compte du texte qu'on retrouve au plan d'action en matière de condition féminine, soit d'assurer la participation de représentantes de groupes de femmes dans tout mécanisme de concertation établi par le gouvernement et prévoyant la présence des partenaires du milieu. L'AFEAS tient à ce que les intérêts des femmes soient défendus avec ceux des syndicats ou des employeurs. des écueils à éviter. le nouvel énoncé de politique pour la main-d'oeuvre veut, sans aucun doute, corriger des lacunes et combler les manques. au moment où les règles du jeu sont rafraîchies, il est important de souligner ce que nous voulons éviter. nous désirons que le gouvernement évite les programmes à court terme qui ne mènent nulle part, les programmes qui sont 'davantage des miroirs aux alouettes que de véritables entrées sur le marché du travail. nous ne voulons pas que les gens soient occupés à se former pour gonfler et embellir les statistiques. toute formation doit comporter un potentiel maximum d'entrée ou de développement sur le marché du travail. il en va de la valeur du développement voulu et du rendement escompté.

II faut aussi éviter de créer des ghettos de clientèles en formation. La spécificité des besoins d'aide et des approches n'exclut pas une diversité dans la clientèle. Il est bien connu en pédagogie que la motivation à apprendre vient autant des pairs que des programmes et des enseignants. Quant aux ghettos d'emplois, ils sont à proscrire pour toutes les raisons qui amènent la société québécoise à souscrire aux principes d'égalité et d'équité.

Redisons que l'espérance de vie des femmes, l'accroissement de leur période active et ce, jusqu'à l'âge de 65 ans, le fléchissement démographique qui engendre la nécessité d'utiliser les gens en place, la hausse de scolarité chez les femmes, souvent dans le domaine professionnel, la volonté qu'elles ont d'assurer elles-mêmes leur retraite pour ne pas s'en remettre aux autres, ce sont là autant de raisons pour reconnaître et encourager le développement de la main-d'oeuvre féminine. (11 heures)

En conclusion, nous sommes confiantes que l'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre redresse la situation de la formation de la main-d'oeuvre pour ouvrir la voie à un réel et durable développement du marché de l'emploi. De par les mutations sociales et démographiques, les femmes constituent un bassin de main-d'oeuvre de toute première importance. Elles sont la main-d'oeuvre grâce à laquelle la société québécoise peut se dire compétente et compétitive. Souhaitons que le projet proposé fasse une plus grande place aux femmes dans les structures et aussi comme partie prenante de la main-d'oeuvre. Merci.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Mme Martin. Je vais reconnaître immédiatement M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, je suis convaincu que les membres de la séance ont assisté à la conversation qu'on a eue précédemment avec les représentants du Conseil du statut de la femme. Je ne voudrais pas revenir exactement sur les mêmes questions, parce que le temps est limité. Il y a d'autres sujets que j'aimerais couvrir avec vous. Entre autres, en page 9 de votre mémoire, vous mentionnez que la formation en entreprise s'avère injuste pour le développement de la main-d'oeuvre féminine. Vous soulignez que les femmes profitent peu des programmes qui existent présentement pour la formation dans les entreprises. D'après vous, quelles sont les mesures qui devraient être prises pour assurer aux femmes un meilleur accès à la formation en entreprise?

Mme Martin: Je pense que la formation sur mesure qui est donnée en entreprise est souvent une formation qui est pointue, qui regarde vraiment quelque chose qui correspond à l'entre- prise, et les femmes ne se retrouvent pas beaucoup dans les entreprises, dans les petites PME et souvent, les petites PME ne donnent pas de formation. Et on sait qu'il y a un crédit qui a été annoncé pour favoriser la formation ou ce genre de culture de formation à l'intérieur des entreprises. C'est une façon, mais il faudrait qu'il y ait pratiquement une obligation pour les entreprises d'investir dans la formation et qu'elles voient ça comme quelque chose de rentable pour que nos femmes, justement, qui sont dans les entreprises aient aussi accès à ces types de formation.

M. Bourbeau: Vous avez bien raison. D'ailleurs, c'est ce qu'on dit dans l'énoncé de politique à la formation en entreprise. Il faut inculquer une culture de la formation dans les entreprises, et surtout dans les PME qui n'ont pas des habitudes très développées à ce sujet-là. C'est pour ça que le gouvernement a instauré le crédit d'impôt à la formation. Et pour s'assurer que les PME puissent avoir accès à la formation, compte tenu de leurs faibles moyens financiers, le gouvernement a même prévu que les PME pourront payer les coûts de formation à même les redevances que les PME doivent payer mensuellement au gouvernement pour, par exemple, ce qu'on appelle «la taxe sur le capital». Chaque petite entreprise doit faire un versement tous les mois, qui tient lieu d'impôt, qui est obligatoire, et les entreprises peuvent même prélever là-dessus pour payer les frais de formation. Même qu'on a, en plus de ça, prévu que si une PME n'avait pas les liquidités voulues, elle peut même aller à la SDI et la SDI va garantir un emprunt à la banque au nom de la PME pour lui permettre d'emprunter pour faire de la formation.

Donc, une PME qui comprend l'importance et qui veut faire de la formation peut avoir les moyens de le faire. Et il n'y a aucune discrimination prévue dans le document à l'égard de la main-d'oeuvre féminine. Si une entreprise emploie des femmes, normalement, si elle veut faire de la formation, elle devrait faire en sorte que les femmes soient formées. Et c'est pour ça que je ne comprends pas pourquoi vous dites que la formation s'avère injuste pour les femmes dans les entreprises. Je ne vois pas d'où cette injustice peut provenir. Le système est neutre à cet effet-là. Il ne discrimine pas les femmes et il incite les petites entreprises à faire de la formation.

Mme Martin: Je pense qu'avec le projet, actuellement, on a un crédit de formation qui est possible. C'est déjà une mesure intéressante, mais je pense qu'il va falloir, même s'il y a toutes ces belles mesures, insister auprès des entreprises pour qu'elles développent, qu'elles aient cette mentalité de formation continue, parce que ce n'est pas passé dans les moeurs des petites

entreprises, je pense, de former sa propre clientèle, sauf que quand elles sont en panne ou qu'il y a un danger, on pense à former puis, des fois, il peut être trop tard. Mais c'est aussi important pour les femmes de leur dire qu'elles doivent se recycler, se former, etc., qu'on facilite cet accès à la formation. Qu'on leur rendre obligatoire par différentes mesures auprès des entreprises, ça, c'est tout favorable, on est vraiment d'accord avec ça, parce que, avant, les crédits de formation n'existaient pas pour les femmes et pour les hommes non plus dans les entreprises. Alors, c'est une nouvelle mesure que vous avez mise sur pied qui est intéressante.

M. Bourbeau: Oui, puis je voudrais aussi vous rappeler que quand on parle d'un crédit d'impôt remboursable à l'égard de la formation, pour les PME, ça va jusqu'à 40 % des frais de formation. Et ça vaut même si l'entreprise ne fait pas de profits. Parce qu'il y a des gens qui nous ont dit: Oui, c'est bien beau, mais souvent les PME ne font pas de profits, donc elles n'auront pas de crédit d'impôt. Ça, ce n'est pas exact. L'expression «crédit d'impôt remboursable», ça signifie que si l'entreprise ne fait pas de profits à la fin de l'année, le gouvernement va lui rembourser quand même ses 40 %, en émettant un chèque du gouvernement, s'il le faut. Autrement dit, s'il y a des profits, ça peut être pris à même les 40 % de profits, mais s'il n'y a pas de profits, le gouvernement va payer sa part. Donc, ça va au-delà d'une partie qui serait prélevée sur les profits.

J'ai quand même le goût de revenir sur la représentation des femmes au sein de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Vous savez que l'énoncé de politique annonce l'intention que le gouvernement a d'assurer une représentation équitable des femmes et des hommes au sein du conseil d'administration. Pour ce qui est des hommes, on n'a pas trop de craintes, ça ne devrait pas être trop compliqué de trouver des représentants; pour ce qui est des femmes, il va falloir qu'on soit vigilants pour s'assurer d'avoir une représentation qui soit juste et équitable, qui tienne compte de l'importance des femmes sur le marché du travail. On parle d'une proportion qui approche les 44 %, c'est important.

Vous dites que cette mesure-là, enfin, ce qu'on prétend, ce qu'on annonce plutôt dans la politique, c'est insuffisant pour assurer la prise en compte des besoins des femmes. Est-ce que vous pourriez être plus explicite sur ce sujet-là? En quoi est-ce que c'est insuffisant?

Mme Martin: Ce qu'on veut vraiment, c'est qu'il y ait une représentation des groupes de femmes et non pas des organismes communautaires, parce que dans les organismes communautaires, on entend aussi loisirs, etc. Quand on parle des représentantes de groupes de femmes, c'est vraiment des. femmes qui ont une expertise concernant la problématique particulière des femmes qui sont en recherche d'emploi ou à se réintégrer sur le marché du travail. quand on parie d'expertise, ça peut aussi bien être, par exemple, leur dire c'est quoi, la reconnaissance des compétences liées au travail au foyer, au bénévolat. parce que les femmes qui veulent intégrer le marché du travail, c'est comme si elles étaient vis-à-vis de rien. ces groupes-là sont capables de les amener à trouver qu'elles n'ont pas rien fait au temps où elles étaient travailleuses au foyer, où elles s'occupaient de leurs enfants et où elles ont fait du bénévolat. donc, toute cette reconnaissance de compétences, les femmes qui font du travail avec les personnes en réinsertion sur le marché du travail font mettre ça dans leur curriculum vitae, ce qu'elles ont fait; donc, on tient compte de la situation de la femme au foyer dans ces expertises-là. on tient compte aussi de celle qui a fait du bénévolat. on a une approche qui est plus personnalisée. on est capable de dire ce que vivent les femmes, que ce soit pour les immigrantes, que ce soit la capacité d'intervenir au niveau de cette problématique-là; ils ont développé une problématique, ces groupes de femmes là. donc, c'est pour ça qu'on dit «qu'il y ait des représentantes de groupes de femmes», parce qu'elles connaissent la problématique spécifique des femmes.

Si on dit: organismes communautaires, pour nous autres, c'est trop large; c'est trop vaste, ce ne sont pas que des femmes qui sont dans les organismes communautaires.

M. Bourbeau: Et quels groupes de femmes devrait-on choisir?

Mme Martin: Bien, il y a des groupes qui s'occupent d'intervention et d'accès au travail pour les femmes. Il y a des groupes qui s'occupent de réinsertion sur le marché du travail. Chez nous, je pourrais vous donner le Pont, Transition-Travail; il y a certains groupes qui sont vraiment axés sur ces programmes de réinsertion au marché du travail, donc ceux-là connaissent plus la problématique.

M. Bourbeau: On devrait, d'après vous, choisir quelqu'un parmi ces groupes-là...

Mme Martin: Qui ait une expertise dans le domaine et qui soit capable de venir dire les besoins des femmes parce que nous, on connaît les besoins de nos femmes au niveau de la travailleuse au foyer, on entend ce qu'elles nous disent par rapport à leurs besoins; elles ont de la difficulté a rentrer dans des programmes quand c'est des programmes qui ont des critères comme être sur l'assurance-chômage ou être sur la sécurité du revenu; il y a une difficulté d'ouverture pour ces femmes-là parce qu'il y en a un certain nombre qui sont acceptées et

d'autres sont mises de côté. Il y a des femmes qui voudraient, avant d'arriver à la séparation, se préparer un avenir plus certain, plus solide, qui veulent faire une réintégration et elles ont des difficultés un peu partout. Ces problémati-ques-là, on les voit dans ces groupes de femmes là. Donc, c'est important qu'on mette... Je ne pourrais pas vous nommer lequel des groupes est le mieux placé pour dire qu'il devrait être assis à la table, mais, au moins, un groupe qui est capable de vous apporter un autre éclairage. Je ne veux pas dire... Les syndicats, le milieu patronal et le gouvernement, quand on parle de la Société comme telle, elle est composée de 6-6-6; ces personnes-là vont avoir une problématique qui touche le milieu syndical, qui touche le milieu patronal, mais la problématique de la femme qui est en dehors de l'industrie ou de l'entreprise ou qui est en dehors d'un milieu comme tel, qui n'est pas membre d'un syndicat, et la plupart des travailleuses au foyer ne sont pas membres d'un syndicat. Alors, ces personnes-là, moi, je dis qu'elles sont oubliées, elles sont comme pénalisées, elles sont comme mises de côté. Alors, la problématique d'un syndicat, peu importe le nom, que ce soit une femme qui vienne défendre les femmes, elle aura toujours une problématique qui touche son domaine particulier. Donc, il y aura des oublis et c'est important qu'il y ait un groupe de femmes qui soit capable de venir dire quelles sont les autres problématiques qui touchent le domaine de l'emploi pour les femmes et de la formation en particulier.

M. Bourbeau: Est-ce que vous maintiendriez cette demande si la moitié des sièges au conseil d'administration étaient détenus par des femmes?

Mme Martin: Bon, vous dites: la moitié des sièges du conseil d'administration. Je viens de vous dire que ceux qui sont déjà prévus, les sièges déjà prévus, même si ce sont des femmes, elles vont développer des problématiques qui touchent leurs propres intérêts. Ce qui manque, c'est l'intérêt de toutes les autres femmes qui ne sont pas représentées par ces groupes de femmes. Je n'ai rien contre. Je sais que la CEQ va défendre les enseignantes, la FTQ va défendre les particularités de son groupe, la CSN, etc., mais ils ne penseront pas à nos femmes à nous à l'AFEAS, qui sont actuellement en recherche d'emploi et en recherche de formation qualifiante et qui ont de la difficulté à se faire...

Même, on a demandé, au niveau d'éducation-main-d'oeuvre et d'accueil-références. Nos femmes sont allées s'asseoir, elles ont eu des sièges là pour expliquer la problématique, et ce n'est pas plus facile, quand ça arrivait à la table éducation-main-d'oeuvre pour aller dire... Il y a des groupes qui n'avaient même pas accepté, n'avaient pas fait de place à une femme au sein... Ça a été, en tout cas, je peux dire des tiraillements pour essayer de garder des femmes toujours assises à ces places-là.

C'est la même chose pour les conseils d'administration de la Commission de formation professionnelle. Quand on regarde toujours emploi, qu'on regarde toujours main-d'oeuvre et qu'on oublie celles qui pourraient venir faire une réinsertion ou bien s'intégrer tout simplement parce qu'un grand bout de temps elles n'étaient pas en emploi, ça prend quelqu'un pour voir cette problématique. Je ne veux pas dire que les autres ne sont pas capables de le faire, mais c'est qu'ils ont des intérêts particuliers à défendre, et je pense qu'il est important qu'on ait une représentante des groupes de femmes pour défendre les intérêts des femmes.

Le Président (M. Philibert): Mme la ministre déléguée à la Condition féminine.

Mme Trépanier: oui, merci. je pense que le ministre de la sécurité du revenu a fait un effort louable, mais il ne vous a pas convaincue. dix secondes pour revenir là-dessus. je veux que vous me spécifiiez quelque chose. est-ce que vous accepteriez... vous seriez d'accord, je pense, avec ce que j'ai entendu, avec la formulation du conseil du statut de la femme qui disait que ça pourrait être une représentante de groupe qui offre des services en matière de formation, d'intégration aux femmes? parce que vous, vous n'êtes pas un organisme spécifiquement voué à cette mission, quoique, depuis de nombreuses années, vous avez un intérêt particulier pour la formation des filles et ce n'est pas d'aujourd'hui...

Mme Martin: Reconnaissance des acquis, aussi...

Mme Trépanier: Oui, et j'y arrive.

Mme Martin: ...en termes d'extra-scolaire.

Mme Trépanier: Vous avez joué un rôle important au Québec à cet effet-là, vous avez instauré des prix également. J'imagine que c'est beaucoup dû à la clientèle que vous desservez qui est, peut-être plus maintenant, majoritairement femmes au foyer, je ne pense pas... C'est à peu près moitié-moitié, femmes au foyer et travailleuses. Et vous avez développé une expertise au niveau de la reconnaissance des acquis et ça, quand vous faisiez votre présentation tout à l'heure, je vous visais personnellement et je me disais: Je suis convaincue que son expérience comme présidente de l'AFEAS, qui a une valeur extraordinaire, est moins reconnue, sera moins reconnue dans l'avenir que peut-être 2 ou 3 ans dans la profession qu'elle a exercée, je ne sais laquelle.

Mme Martin: Enseignante.

Mme Trépanier: enseignante. alors, on se comprend, nous sommes des enseignantes toutes les deux. c'est absolument inconcevable. il faut trouver un mécanisme quelconque pour que ce sort reconnu. vous disiez, dans votre mémoire, que vous avez piloté un projet au cégep de saint-jérôme quant à la reconnaissance des acquis. c'était quoi, ça, et c'a donné quoi? (11 h 15)

Mme Martin: Je vais laisser la parole à Michelle en ce qui concerne le projet de Saint-Jérôme.

Mme Houle Ouellet (Michelle): O.K. Je sais que c'est spécifique, mais ça peut peut-être nous aider à... Je m'excuse, j'ai de la difficulté avec ma voix. Bon. L'objectif qu'on poursuivait avec le projet qui a été développé avec le cégep de Saint-Jérôme et la Commission de formation professionnelle Laurentides-Lanaudière visait à faire en sorte que les personnes qui utilisent ces services-là aient une démarche unique à faire...

Mme Trépanier: ...de formation professionnelle?

Mme Houle Ouellet: C'est ça. À la fois, la personne se présentait et on faisait une évaluation de son dossier. On essayait d'identifier quels étaient ses acquis de formation, également vérifier l'information manquante, bien sûr. Et la deuxième partie de la démarche aurait consisté à faire la reconnaissance de ses compétences pour voir si la personne était prête à entrer sur le marché du travail et là, voir s'il manquait de la formation et comment on dirigeait la personne. Alors, essentiellement, ça visait à faciliter les démarches pour quelqu'un qui utilise les services, à faire en sorte qu'elle n'ait pas à s'adresser à quatre ou cinq endroits différents pour faire faire une évaluation de son dossier pour l'aider à réintégrer le plus rapidement possible le marché du travail. Parce que, essentiellement, la reconnaissance des acquis ou la reconnaissance des compétences, c'est dans cet objectif-là que les personnes utilisent ces services-là, pour aller plus vite, soit pour accéder au marché du travail ou diminuer le temps de formation qui pourrait leur manquer. C'est difficile!

Mme Trépanier: C'est difficile pour vous. J'ose à peine revenir avec une question additionnelle. Est-ce qu'il y a une lueur d'espoir face à la reconnaissance des acquis autres que des acquis professionnels et...?

Mme Houle Ouellet: Actuellement, disons qu'il y a une déception un peu de la part des gens de notre groupe. Parce qu'on a mis beaucoup d'espoir dans le développement de ce dossier-là pour, finalement, se rendre compte que c'est un processus qui peut être extrêmement long, qui peut être extrêmement coûteux selon l'instance où on s'adresse. et quand on voit le système de reconnaissance des compétences qui se met en marche en plus de ça, à cette phase-ci, c'est comme un peu difficile pour l'utilisateur de voir si vraiment, ça va lui rendre service au bout de la ligne et si ça va hâter sa démarche d'accès au travail puis d'accès à la formation. on n'en a pas de garantie, actuellement, et on souhaite bien que le dossier continue de se développer dans ce sens-là pour que ce soit un facilitant et non pas une barrière de plus à franchir avant d'aller au travail ou avant d'aller prendre de la formation.

Ça a été dommage, le projet, pour le... Je n'ai pas fait de conclusion pour le projet de Saint-Jérôme. C'est que, finalement, les personnes qui avaient entrepris la démarche n'ont pas pu poursuivre dans les secteurs de reconnaissance de leur compétence. Alors, le projet a comme pas été mené à terme parce que le champ d'action de la reconnaissance a été comme mis de côté par la Commission de formation professionnelle Laurentides-Lanaudière. Ce secteur-là n'était pas développé dans cette région-là, il n'y avait pas moyen de faire de démarches de reconnaissance. Alors, on voit que les barrières administratives, finalement, ne sont pas faciles pour les utilisateurs des services. Et c'est un peu ça qu'on aimerait qui débloque. Comme porte-parole d'un groupe qui a beaucoup mis de l'avant ce dossier-là, on doit dire qu'il y a une certaine déception, actuellement, et qu'on souhaite beaucoup que ce soit vu vraiment comme un facilitant et qu'on continue de développer la reconnaissance des acquis et des compétences.

Mme Trépanier: C'est une voie, je pense, qu'il faut continuer à explorer parce que je pense qu'il y a des...

Mme Houle Ouellet: Oui.

Mme Trépanier: ...pistes de solution qui sont au bout de cette voie-là, c'est très clair. Et on sent, tout au long de votre mémoire, que vous accordez une très grande importance à la formation de base, également. Vous dites: Développons notre formation de base. Je pense que vous appelez ça la...

Une voix:...

Mme Trépanier: C'est ça. Et ensuite, allons chercher des acquis. Je pense que c'est important de le souligner également. Je sais qu'il ne me reste presque plus de temps. Vous nous dites également, au début de votre mémoire, que vous voudriez voir intégrer des principes d'égalité et d'équité dans la loi. Mais vous ne nous dites pas comment vous voulez qu'on l'intègre. Comme notion, ou si vous avez des idées plus précises sur des façons de le faire? Est-ce qu'il y a des mécanismes spécifiques que vous envisagez ou si

vous dites: Ce que vous avez dans votre politique, on veut le voir intégrer dans la loi? C'est ça, le fond...

Mme Martin: C'est plutôt dans le sens de toujours tenir compte de ces deux grands principes d'égalité et d'équité. Et si on en tient compte tout le temps, bien, il y aura des mesures qui permettront de mettre en application ces deux grands principes-là.

Mme Trépanier: Est-ce que vous considérez que le projet, comme il est là, avec l'énoncé de politique, ça vous satisfait? Nous en tenons suffisamment compte?

Mme Martin: Bon, ce qu'on voyait dans l'énoncé de politique, c'est qu'il y avait beaucoup d'explications sur la problématique des femmes. On la retrouve partout, la problématique des femmes, dans le document. Sauf qu'il y avait peut-être, comme on disait, des mesures qui permettraient d'intégrer, pas simplement les catégories... On a comme fait des ghettos: les personnes qui sont sur l'assurance-chômage ou les personnes qui reçoivent la sécurité du revenu. Alors, on est toujours axés vers ces personnes-là. Je comprends qu'il faut qu'on essaie de les sortir de... mais il y en a d'autres qui sont en arrière, qui attendent. Et je pense que pour qu'il y ait une certaine équité encore et égalité, on devrait penser à voir à ce que ces femmes-là qui sont en attente puissent intégrer le marché du travail et aient accès à des formations qualifiantes. Parce que si on retourne ces femmes-là sur le marché du travail actuellement, d'abord c'est fermé, c'est très difficile de réintégrer et, en plus, au bout de la ligne, elles seront toujours dans un même circuit qui va faire que, bon, tu retourneras chez vous parce que... tu seras sur le chômage, etc., t'auras droit à ce moment-là à des programmes. Mais, avant d'en arriver là, il faudrait qu'il y ait une possibilité de formation et d'intégration, ouvrir les portes plus facilement pour intégrer des femmes.

Mme Trépanier: Les femmes qu'on appelle, dans plusieurs organismes, «les femmes sans chèque».

Mme Martin: Sans chèque. Mme Trépanier: C'est ça.

Mme Martin: C'est justement. Celles qui n'ont pas de chèque et qui, elles aussi, ont droit à de la formation qualifiante et à l'emploi.

Mme Trépanier: Merci, mesdames.

Le Président (M. Philibert): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Ça me fait plaisir de vous recevoir, Mme Martin et Mme Houle Ouellet. Vous savez à quel point je prends connaissance de vos études. Je vous écris d'ailleurs régulièrement et je trouve ça extrêmement intéressant. Moi, je veux vous féliciter d'être venues devant la commission pour nous rappeler à quel point la clientèle que vous représentez, finalement, est, en grande partie, laissée pour compte actuellement. Je reviens sur cette question de la formation en entreprise qui peut s'avérer injuste pour la main-d'oeuvre féminine. Le ministre semblait ne pas comprendre que vous ayez pu, dans votre mémoire, énoncer une chose semblable. Mais vous nous rappelez, dans votre mémoire, à la page 7, que 70 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes et que la majorité des emplois précaires le sont également par des femmes et des jeunes. Alors, il me semble que c'est un fait d'évidence qui s'impose, c'est-à-dire comment peut-on imaginer que l'entreprise va consacrer des sommes du crédit d'impôt pour former une main-d'oeuvre qui est à temps partiel ou en emploi précaire? Il me semble qu'il y a là une sorte de fait d'évidence. Le ministre vous répondait que son crédit d'impôt existe. Remarquez qu'il n'y en a pas de bilan encore, puis on verra, cette fin de printemps, lorsqu'on aura les résultats des deux dernières années. Mais même pour la main-d'oeuvre masculine, déjà qualifiée, si vous voulez, il n'est pas encore évident que le crédit d'impôt ait été bien utilisé. Mais pour la main-d'oeuvre féminine, en fait, il y a des hypothèses lourdes que ce ne soit pas le scénario du crédit d'impôt qui ait été consacré à la main-d'oeuvre féminine à temps partiel ou en emploi précaire. Est-ce que c'est ça que vous vouliez exprimer dans votre réserve sur les changements qui sont de plus en plus vers la formation en entreprise?

Mme Martin: II est bien évident que pour la clientèle à temps partiel, je ne pense pas qu'une entreprise ait le goût d'investir, à moins que la personne démontre des habiletés extraordinaires et qu'on veuille la pousser en formation plus qualifiante. Et ça devrait être ouvert à toute cette clientèle-là. On dit que les femmes représentent 43 % de la population active, alors que leur participation à la formation en établissement n'est que de 30 %. Donc, on est encore un bon groupe de personnes qui vont demeurer des exécutantes et des subordonnées. Ce ne seront pas des personnes qui accéderont à des cadres. C'est pour ça qu'on dit que cette formation-là est très importante pour arriver à ce que les femmes aient le goût d'abord, qu'on leur donne des mesures qui leur permettent d'avoir accès à cette formation parce que ça ne veut pas dire non plus que si l'entreprise décide de former une catégorie de personnes, la femme va vouloir y accéder s'il n'y a pas d'autres mesures qui vont lui permettre d'accéder aussi à cette forma-

tion-là. Ce n'est pas tout d'avoir un projet de formation en avant de soi, si on n'a pas d'autres mesures qui vont faciliter l'accès à ce projet de formation. Donc, ce qui est important, c'est vraiment d'en arriver d'abord à conscientiser les femmes à accéder à cette formation-là, à bénéficier de cette formation-là et ensuite, de voir à ce qu'elles ne soient plus une population subordonnée et exécutante. Donc, on leur donne les chances, même si elles sont à temps partiel, de se former. À ce qu'on nous dit, dans la population active, il n'y en a que 30 % qui auraient de la formation en entreprise. Donc, ce n'est pas tellement.

Mme Harel: Donc, 30 %...

Mme Martin: ...qui reçoivent de la formation...

Mme Harel: ...30 % des personnes qui reçoivent de la formation de FME sont des femmes. C'est ça qu'il faut comprendre?

Mme Martin: Oui. Dans cette statistique que j'ai, on dit que les femmes représentent 43 % de la population active, alors que leur participation à la FME n'est que de 30 %.

Mme Harel: C'est intéressant. C'est la première fois que cette statistique est citée devant la commission. Est-ce qu'il est possible d'en connaître la source?

Mme Martin: Oui, je pourrais vérifier.

Mme Harel: J'apprécierais. Peut-être la faire parvenir au secrétariat et ça nous sera communiqué.

Mme Martin: Oui.

Mme Harel: Quant aux petites entreprises, vous dites, et ça, je pense que ça peut être aussi un deuxième fait d'évidence, que la grande entreprise est beaucoup plus engagée dans des activités de formation que ne l'est la petite, en établissement, en entreprise.

Mme Martin: Oui, en formation en établissement.

Mme Harel: Je ne sais pas si vous auriez des statistiques sur la participation des femmes dans la grande, la petite ou la moyenne entreprise.

Mme Martin: Non, on n'a pas poussé jusque-là.

Mme Harel: Parce que là encore, évidemment, il y a un scénario qui se dessine. Il est vraisemblable que dans la grande entreprise de plus de 500 employés, qui a une culture de formation plus... et les moyens aussi de sa culture de formation...

Mme Martin: Oui, c'est justement.

Mme Harel: ...il y ait, finalement, beaucoup plus de main-d'oeuvre masculine que féminine qui se retrouve majoritairement dans les entreprises de 10 employés et moins. Alors là, les chances sont encores plus rapetissées.

Je vois que vous plaidez ce matin pour la main-d'oeuvre féminine en emploi, compte tenu de son profil d'emploi à temps partiel précaire et de la main-d'oeuvre qui est au foyer et susceptible de devenir active. Alors, vous avez ces deux préoccupations-là.

Mme Martin: Ces deux caractéristiques-là représentent notre groupe de 25 000 femmes. Anciennement, on pouvait dire qu'on avait beaucoup plus de travailleuses au foyer mais présentement, nos femmes sont dans le travail à temps partiel surtout.

Mme Harel: C'est ça. Il y a peut-être un élément vraiment important sur lequel j'aimerais revenir. D'ailleurs, votre mémoire est vraiment bien fait. Je trouve qu'il vise juste quand vous dites qu'il faut appuyer des programmes d'intervention individuelle.

Mme Martin: Oui.

Mme Harel: Tantôt, vous sembliez croire - je ne vous en fais pas grief parce que c'est assez répandu, cette idée - que les prestataires de la sécurité du revenu auraient plus accès à certains programmes. Et vous savez qu'avec l'énoncé de politique, les programmes de la future Société québécoise ne seraient pas offerts comme tels aux prestataires de la sécurité du revenu. Les prestataires resteraient gérés par les centres Travail-Québec, dans le cadre des mesures d'employabilité. Parce qu'il y a beaucoup de femmes, chefs de famille monoparentale, qui se retrouvent, finalement, parmi ces prestataires. Encore là, c'est comme une sorte d'exclusion dépendamment du chèque, en fait. (11 h 30)

Dans le fond, ce que vous plaidez, c'est qu'il y ait une accessibilité pour les personnes, qu'elles soient avec ou sans emploi, que cet emploi soit à temps partiel ou à temps plein et, finalement, que ces personnes soient sur l'assu-rance-chômage, la sécurité du revenu ou n'importe. Vous avez vous-mêmes fait valoir que pour les personnes au foyer, les travailleuses au foyer, c'est une sorte de double exclusion parce qu'il n'y a quasiment aucun programme, ni ceux dédiés à l'assurance-chômage, ni ceux dédiés à l'em-ployabilité. Elle ne pourra même pas finir son secondaire parce que c'est ouvert, je pense, aux

personnes à l'aide sociale. Alors, à ce moment-là, elles pourront toujours le faire, j'imagine, dans le cadre de l'éducation des adultes, mais leurs frais de garde, et tout ça, rien ne sera remboursé, etc. Ensuite, n'étant pas à l'assurance-chômage, elles n'auront pas droit aux programmes de formation qui y sont destinés et, n'étant pas dans des entreprises où il y a des pénuries de main-d'oeuvre, des plans de gestion de ressources humaines, elles ne seront pas, non plus, par ce biais-là, concernées. Alors, elles se retrouvent nulle part. C'est ça que vous nous dites, en fait.

Mme Martin: Dans l'énoncé de politique, on dit que les programmes visent à combler les pénuries de compétence ou de main-d'oeuvre. On offre aux chômeurs et aux personnes en emploi, y compris les travailleurs autonomes, la possibilité d'acquérir des habiletés professionnelles ou de hausser le niveau de leur compétence. Ils s'adressent aussi aux personnes qui veulent intégrer et réintégrer le marché du travail. Alors, en voyant cette phrase-là, on a dit. Oup! là, on retrouve notre monde. Mais, dans le petit paragraphe en haut de la page 55, on ajoutait: Le support financier prévu s'adresse surtout au régime d'assurance-chômage et aux prestataires de la sécurité du revenu. Donc, on s'est posé encore la question, à savoir: Est-ce qu'on aura droit, un jour, à de l'aide financière? Parce qu'on a beau dire... La femme qui est avec son conjoint ou avec son conjoint de fait, quand bien même il y a 30 000 $ ou 45 000 $ et qu'elle veut accéder à de la formation, quand ils auront dépensé pour les enfants, au bout de la ligne, elle, il ne lui restera plus grand-chose. C'est difficile pour elle de s'intégrer et d'arriver à avoir des programmes de formation, des programmes d'aide.

C'est pour ça qu'on disait qu'il y a peut-être lieu d'avoir des allocations pour les garderies ou des allocations de logement ou de transport qui lui permettraient de se former. On dit «de transport»; la même allocation que le ministère de l'Éducation donne pour les jeunes. Ils peuvent convertir l'allocation de logement en allocation de transport, ce qui permettrait à la femme de rester dans son milieu et de voyager, quand ce n'est pas trop loin, pour aller à une formation professionnelle. Je pense à chez nous, Trois-Rivières, et aller courir à Shawinigan... Elle n'est pas obligée de déménager et elle peut avoir accès à de la formation pareil. Donc, il faudrait qu'il y ait des mesures qui permettraient d'élargir les clientèles, ne pas avoir que des clientèles cibles, qu'il y ait d'autres clientèles qui, actuellement, ont du potentiel; elles pourraient faire partie de la main-d'oeuvre. Ce qu'on vise en même temps, c'est qu'elles ne se retrouvent pas plus tard aussi encore dans la pauvreté, parce que c'est toujours les femmes qui font partie des statistiques. On aimerait bien que cette statistique-là change dans l'avenir. Donc, il y a un tournant à prendre.

Mme Harel: C'est une approche qui est plus curative que préventive...

Mme Martin: Oui, préventive. Mme Harel: ...que l'on retrouve. Mme Martin: Oui, c'est ça.

Mme Harel: Moi, je ne savais pas, jusqu'à ce qu'on procède à ces présents travaux, jusqu'à quel point on assistait présentement à une diminution généralisée de l'offre de formation dans les programmes de formation sur mesure, formation de main-d'oeuvre, offerts dans les établissements d'enseignement. C'est, finalement, les travaux de cette commission qui m'ont permis de prendre connaissance de la baisse généralisée, tant au niveau des commissions scolaires qu'au niveau des cégeps, des programmes de formation pour les personnes qui veulent améliorer de façon personnelle leur sort, si vous voulez, qui sont déjà sur le marché du travail, donc qui ne peuvent pas compter sur un chèque de revenu, ou encore qui ne sont pas sur le marché du travail mais qui pourraient y venir. Vraiment, c'est systématique; les enveloppes sont fermées, les places sont contingentées au niveau secondaire, au niveau collégial, il y a une reconversion du temps partiel en temps plein. Alors, c'est, finalement, exactement l'inverse de la situation que je pensais qui prévalait. On voit bien qu'il y a un coup de barre, un grand virage à faire.

Mme Martin: C'est parce qu'il y a des choix que les femmes veulent faire aussi. Elles peuvent faire un travail à temps partiel souvent et elles voudraient aussi faire de la formation à temps partiel. Il y a les enfants qui entrent en ligne de compte. Il y a aussi les études à temps partiel. Certaines ne peuvent pas se payer le luxe de partir pendant un an ou deux ans et s'asseoir au collégial ou au secondaire pour terminer leur quatrième ou cinquième secondaire. Même si j'ai un mari, au bout, qui paye, ce n'est pas tous les maris qui vont vouloir. Donc, à quelque part, il faut qu'il y ait des mesures d'aide pour qu'on amène les femmes à se former, à avoir une formation de base qui va leur permettre ensuite d'accéder au marché du travail.

Mme Harel: Je crois comprendre que cette formation de base, cette formation générale, elle est au moins offerte...

Mme Martin: Oui.

Mme Harel: ...à défaut d'être accessible, compte tenu du fait que les femmes, plusieurs d'entre elles, n'ont pas les moyens de se l'of-

frir...

Mme Martin: De se l'offrir.

Mme Harel: Mais elle est offerte même s'il faut la financer. Mais il semble que, quant à la formation sur mesure, elle ne serait même plus offerte. En fait, c'est ça, là, où il y a encore...

Mme Martin: Ça, c'est plus difficile, oui. Mme Harel: ...où le bât blesse. Mme Martin: Oui. Mme Harel: Merci.

Mme Martin: ce qui est important aussi, c'est toute l'approche. ce que nos femmes nous disent, c'est toute l'approche quand on va devant un conseiller pédagogique ou une personne qui nous aide à faire un plan de formation. ce premier rapport avec le domaine de l'éducation ou de la formation, le guichet unique, dit-on, nous autres, c'est important qu'elle n'ait pas trop de portes parce que là, c'est décourageant quand on n'arrive pas a savoir où on doit aller. et cette approche-là à établir son plan de formation, ça, c'est, je pense, un atout majeur. quand la femme arrive à cet endroit-là puis qu'elle est bien reçue, elle est accueillie, on lui donne les bonnes informations, les bons renseignements, à ce moment-là, je pense qu'elle peut aussi, démarrer plus facilement, s'intégrer plus facilement dans le domaine de la formation quand ça fait un bout de temps qu'elle l'a laissée, ou regarder ce qui lui manque quand il y a une reconnaissance des acquis, mais ça, ce n'est pas toujours acquis, encore. il reste des pas à faire dans ce domaine-là pour éviter qu'elles aient la grande voie royale à faire. quand on dit de l'intégration rapide sur le marché du travail, bien, qu'il y ait des possibilités de formules intensives qui leur permettent d'accéder facilement au marché du travail.

Mme Harel: Je vous remercie. Mme Martin: Merci bien.

Le Président (M. Marcil): Le mot de la fin, M. le ministre.

M. Bourbeau: Simplement pour remercier les représentantes de l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, l'AFEAS, pour leur présentation intéressante qu'on va certainement relire au cours des prochains jours dans le but de peaufiner notre projet de loi et de l'amener à faire en sorte que nous ayons le plus tôt possible au Québec une Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre qui soit vraiment représentative de tous les éléments qui composent la société québécoise. Merci.

Le Président (M. Marcil): Mme la ministre.

Mme Trépanier: Dans tous les propos que vous avez énoncés, revient toujours la même chose. Je pense que ça sous-entend ce que vous désirez et je pense que ce qu'on désire tous, c'est que dans les actions que nous prendrons, dans les mesures que nous choisirons, c'est que nous voulons assurer la liberté de choix aux femmes. C'est ça. Et vous représentez, vous autres, la clientèle tout à fait visée là-dedans, des clientèles qui sont souvent piégées, c'est ce qu'on se disait, mon collègue et moi, tout à l'heure. Puis vous visez une plus grande indépendance pour ces femmes-là. On est d'accord sur les objectifs. Merci.

Le Président (M. Marcil): Mme Martin, Mme Houle Ouellet, merci beaucoup de vous être prêtées à ces échanges. Nous allons suspendre nos travaux pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 38)

(Reprise à 11 h 45)

Le Président (M. Marcil): Et bien, nous allons continuer nos travaux pour entendre notre dernier intervenant. Donc, j'inviterais M. Roger Lemoine à se présenter à la table.

M. Lemoine, nous vous souhaitons la bienvenue à cette commission parlementaire. Compte tenu du temps qu'il nous reste, j'aimerais vous inviter immédiatement à faire une présentation très synthétique de votre mémoire, les deux parties en ayant déjà pris connaissance et pour pouvoir laisser un peu plus de temps aux échanges. Donc, je vous laisse à peine 10 minutes pour votre présentation.

M. Roger Lemoine

M. Lemoine (Roger): Bonjour, M. le Président. Bonjour, M. le ministre. Bonjour, mesdames et messieurs. Tout d'abord, merci de m'avoir invité à donner mon opinion sur un sujet d'importance capitale pour le Québec. en 1983, la conférence des évêques catholiques du canada disait: «ii n'y a rien de normal ou de naturel dans les taux de chômage actuels. un chômage aussi massif privant les personnes de la dignité humaine ainsi que d'un revenu suffisant constitue une véritable plaie sociale.» dix ans après, la récession de 1991 frappe encore plus durement les plus démunis de notre société: l'appel lancé par les évêques catholiques canadiens nous rappelle à nos devoirs, d'autant plus que les études tendent à montrer clairement qu'il existe un lien entre les taux de chômage, de suicide et de criminalité. en dépit d'une période

de croissance favorable depuis la crise économique de 1981-1982, il nous semble évident que le Québec n'a pas réussi à juguler le chômage élevé qui nous caractérise depuis trop longtemps déjà. La croissance considérable des postes à temps partiel, une plus grande participation des femmes mariées, l'arrivée des jeunes de 15 à 24 ans sur le marché du travail, l'avènement des progrès technologiques et la concurrence internationale qui lui est associée ont transformé profondément les données sur notre main-d'oeuvre.

La production d'une main-d'oeuvre compétente, l'adaptation des employés aux changements organisationnels et les reconversions du personnel affecté par les changements technologiques sont devenues des enjeux cruciaux dans le contexte économique actuel. La formation professionnelle se présente donc comme un outil stratégique de premier ordre dans tous les changements industriels.

Nous devons reconnaître que, jusqu'à maintenant, la formation professionnelle est demeurée l'enfant pauvre de l'éducation et l'enjeu marginal des relations de travail. Pourtant, déjà en 1961, la commission Parent déclarait: «L'éducation est reconnue indispensable à tout individu pour gagner sa vie tout en lui permettant de participer à une société de plus en plus complexe et la formation doit favoriser la polyvalence des individus dans un contexte de mobilité professionnelle accrue.» Malheureusement, aujourd'hui, nous assistons à un décrochage scolaire élevé, à l'arrivée de jeunes pas ou très peu préparés à entrer sur le marché du travail, à un déphasage entre la formation offerte dans les institutions scolaires et les besoins de l'entreprise et à des travailleurs mal pris lors de fermetures d'usines.

Nous devons avouer qu'aujourd'hui le Canada traîne de la patte dans la formation professionnelle: les États-Unis dépensent deux fois plus que nous, l'Australie, quatre fois plus, le Japon, cinq fois plus, l'Allemagne, huit fois plus que nous dans la formation professionnelle.

Nous pensons que le temps est venu au Québec de reconnaître la pluralité des milieux de formation: école, centre d'apprentissage et entreprise. L'expérience étrangère montre la non-viabilité des stratégies de formation ne favorisant pas une interaction entre l'éducation et le monde du travail et l'importance d'une participa tion de l'ensemble des partenaires sociaux à la formation professionnelle en vue d'assurer une gestion démocratique de cette formation. L'éducation, la formation professionnelle et le monde du travail représentent un enjeu global en vue d'atteindre la réalisation d'un projet de société auquel souscrivent de plus en plus d'organismes et de gens, dont le plein emploi serait la pierre angulaire de tout développement économique.

Le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation profes- sionnelle propose une stratégie d'adaptation basée sur les trois objectifs suivants: l'accroissement de la capacité d'adaptation des personnes oeuvrant dans les entreprises et faisant face à des changements économiques, technologiques et organisationnels; la facilité de la réinsertion professionnelle des travailleurs qui sont victimes de licenciement; et l'accessibilité des mesures d'adaptation de la main-d'oeuvre. Et pour y parvenir, le ministère suggère, notamment, la mise sur pied d'une seule porte d'entrée aux services gouvernementaux en matière d'adaptation de la main-d'oeuvre grâce aux sociétés régionales de développement de la main-d'oeuvre qui remplaceraient les commissions de formation professionnelle actuelles, l'élargissement des régimes d'apprentissage et l'organisation d'un sommet sur l'investissement dans les ressources humaines.

Suite au dépôt de l'énoncé de politique de main-d'oeuvre, le conseil de l'Association provinciale des commissions de formation professionnelle, s'il souscrit d'emblée au principe d'une Société tripartite qui mise résolument sur l'implication des partenaires du monde du travail dans le développement de la main-d'oeuvre, a pris la peine d'émettre quelques réserves dont celles-ci: la Société prévue dans le projet de loi 408 ne reçoit pas tous les pouvoirs que les partenaires du monde industriel souhaitent se voir attribuer pour exercer le leadership que nous attendons d'eux; il y transparaît encore une culture bureaucratique qui tend à gérer les moyens plutôt que les résultats; les sociétés régionales disposeront de moins de pouvoirs que les actuelles CFP et les représentants du monde du travail y sont moins étroitement liés. Je ferai remarquer, M. le Président, que ces réserves ont été reprises depuis par les porte-parole du patronat, des syndicats et des groupes communautaires.

Dans le document qui nous est présenté, on parle beaucoup plus d'incitation que de coercition, et plusieurs personnes estiment que la faille réside, justement, dans ce caractère incitatif des mesures que le ministère se propose de prendre pour convaincre les entreprises d'investir dans la formation professionnelle. M. Gaston Charland, de l'Association des manufacturiers canadiens, déclarait récemment que les entreprises doivent voir la formation professionnelle comme un élément majeur des ressources humaines, que les employeurs devraient reconnaître comme objectif minimum qu'il faut investir 1 % de la masse salariale dans l'ensemble du secteur manufacturier d'ici à cinq ans. Dans un document intitulé «S'adapter pour gagner», le Conseil consultatif sur l'adaptation au traité de libre-échange écrivait, en 1989: «II y a lieu qu'à titre d'encouragement à la formation dans le secteur privé le gouvernement instaure une obligation fiscale qui serait compensée par les dépenses de formation de l'employeur, à hauteur de cette obligation.»

l'expérience européenne, notamment, tend à montrer la voie à suivre. en france, depuis 1971, une loi impose la taxe sur la marge salariale aux entreprises. en allemagne, 3 % de la masse salariale est affectée à la formation professionnelle par les entreprises; les résultats nous paraissent probants: des formateurs dûment qualifiés au plan pédagogique, un secteur professionnel valorisé et une organisation du travail qui reconnaît la polyvalence effective des travailleurs. dans notre esprit, il ne fait aucun doute que la formation professionnelle constitue un élément vital de toute stratégie de développement économique et qu'il nous faut utiliser au maximum la compétence et la créativité de toutes nos ressources humaines. le temps est donc venu au québec de promouvoir des programmes modernes et flexibles de formation, de suivi et de planification de la gestion des ressources humaines. il faut absolument garantir aux travailleurs une formation professionnelle qui soit tout à la fois adéquate, accessible et constante. il est devenu inadmissible qu'avec notre haut taux de chômage des entreprises éprouvent encore de la difficulté à recruter de la main-d'oeuvre qualifiée. nous sommes intimement convaincu que l'imposition d'une taxe de 1 % sur la masse salariale des entreprises afin de développer une formation professionnelle valable aura des répercussions bénéfiques pour les entreprises, les travailleurs et l'ensemble de notre collectivité.

Il existe actuellement au Québec un véritable consensus sur la nécessité, voire l'urgence de développer une politique adéquate de formation en collaboration avec tous les partenaires sociaux majeurs. Le gouvernement doit prendre le leadership qui s'impose dans ce domaine dans le cadre de son plan d'action visant à rendre le Québec plus compétent et plus compétitif. Nous croyons qu'il faut instaurer une table permanente de concertation pour rapprocher, pour mettre donc en place cet organisme tripartite. Et, dans le document, on parie de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Pour nous, cette Société est valable si elle administre les programmes de création d'emplois, d'apprentissage, de formation professionnelle, de placement, de recyclage et autres, si elle assure des assises permanentes à la poursuite de l'objectif de plein emploi, si elle offre aux partenaires sociaux un endroit où ils peuvent élaborer les politiques, programmes et autres mesures appropriées, notamment dans le lien indispensable entre l'école, la formation et le monde du travail, si elle favorise la décentralisation voulue pour les problèmes et les besoins régionaux, si elle est en mesure de prévoir les mécanismes de coordination, de suivi et d'ajustement, si elle garantit une utilisation efficace des dépenses publiques.

Dans le dictionnaire humoristique publié à Montréal, en 1945, M. René Bergeron écrivait que l'éducation, c'est le premier besoin du peuple après le pain - l'hygiène de la tête et du coeur - et que le travail, c'est l'ennemi de trois grands maux que sont l'ennui, le vice et le besoin. Nous devons persuader les entreprises que la formation s'avère un gage de compétitivité et d'avenir et ne pas craindre d'adopter des mesures coercitives. Les entreprises d'avant-garde sont instigatrices d'un nouveau modèle de travail basé sur la compétence, l'innovation, la qualité et la performance. Un investissement, aujourd'hui, dans la formation professionnelle et le recyclage représente un placement sûr, riche et profitable pour nos entreprises et notre société dans son ensemble. Et la Société prévue dans le projet de loi 408 à devenir le forum permanent de concertation de tout temps réclamé par les patrons et les syndicats en vue de doter le Québec d'une structure tripartite permanente avec des pouvoirs réels de mise en place d'une politique de formation et de développement économique.

Comme le signale le document «Partenaires pour un Québec compétent et compétitif», «on ne devient pas compétent en empruntant la voie de la facilité et en balisant les mêmes sentiers. Développer la main-d'oeuvre, c'est en quelque sorte harnacher le savoir, s'imposer à nous-mêmes les plus hauts standards de rigueur et de qualité en matière de compétence.» Je crois, M. le Président, qu'au Québec nous devons avoir le courage d'aller jusqu'au bout de nos idées. Merci.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. Lemoine. Je vais reconnaître immédiatement M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui. M. Lemoine, dans votre document, vous proposez la création d'une table de concertation permanente et vous dites qu'une société qui ne se donne pas un tel outil de concertation et de décision se prive d'importants atouts dans la solution de ses problèmes et dans les stratégies qu'elle devra adopter pour faire face aux enjeux des temps modernes. Or, nous avons créé une table semblable, il y a deux ans ou un an et demi, lorsque nous avons créé la Conférence permanente sur la main-d'oeuvre où siègent les principaux acteurs du secteur du marché du travail, tant du côté patronal et du côté syndical que du côté coopératif. Est-ce que cette Conférence permanente ne joue pas, justement, le rôle de cette table de concertation permanente que vous proposez?

M. Lemoine: Quand nous parlons de table permanente de concertation, nous pensons à un organisme, un forum qui serait naturellement tripartite et qui serait le lieu privilégié pour que les décisions en matière de développement économique, de formation, de recyclage, et tout le «kit», se prennent. Il y a déjà eu une expérience au Québec où on a invité les partenaires sociaux à rencontrer le gouvernement et à dire

c'était quoi les problèmes qu'ils vivaient et c'était quoi les solutions. Chacun venait là débiter ses problèmes et ses solutions et le gouvernement tranchait dans tout ça. Nous croyons qu'on doit aller plus loin que ça. On doit mettre un forum vraiment en place et vraiment permanent où le gouvernement, le patronat, les syndicats et les autres organismes, s'il y a lieu, se rencontrent régulièrement et définissent, si vous voulez, aident le gouvernement à définir des orientations et des politiques précises dans le domaine beaucoup plus global de politique et de développement économique. Ça inclurait, à notre avis, la formation, le recyclage, les problèmes de chômage, le plein emploi, et tout ça. Donc, ce serait un peu plus large que ce qui existe actuellement.

M. Bourbeau: II y a une certaine contradiction dans ce que vous dites. Parfois, vous parlez d'une table de concertation et vous avez évoqué, tout à l'heure, des décisions. On ne peut pas demander à une table de concertation d'être décisionnelle. Ce n'est pas dans la nature des tables de concertation d'être décisionnelles. Ces tables-là sont des endroits où le gouvernement vient chercher des avis, des conseils. Ce sont des tables qui visent à faire en sorte de conseiller le gouvernement sur des politiques, des orientations. Est-ce que vous ne décelez pas vous-même une contradiction là-dedans?

M. Lemoine: La contradiction est peut-être apparente dans la façon dont je la présente. Elle ne l'est pas dans notre esprit dans la mesure où ce forum tripartite serait le lieu qui permettrait au gouvernement de définir sa politique. S'il y a un consensus entre le patron, les syndicats et les organismes communautaires pour tel type de politique, tel type de programme, je vois mal le gouvernement, qui ferait partie de cette table, aller contre cette volonté politique. Elle n'est pas décisionnelle dans le sens que c'est effectivement le gouvernement qui prendra la décision finale, mais elle serait décisionnelle dans le sens... Elle serait moralement décisionnelle dans le sens que, dès l'instant où il y aurait consensus et une volonté politique des partenaires majeurs, le gouvernement n'aurait d'autre alternative, finalement, que d'aller dans cette voie-là.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup. Je vais reconnaître Mme la députée de Hochela-ga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir de saluer M. Lemoine. M. Lemoine, il me semble . vous avoir rencontré. Vous êtes conseiller en relations industrielles dans la région des Basses-Laurentides?

M. Lemoine: Oui.

Mme Harel: Et vous travaillez avec les CFP?

M. Lemoine: Non, non, non. Moi, je travaille dans l'entreprise privée, sauf que je m'occupe aussi du transport, de l'environnement, et on s'est déjà vu, justement, dans le cas du transport et tout ça.

Mme Harel: Quand vous dites que vous travaillez en entreprise, vous êtes conseiller en relations industrielles dans une entreprise?

M. Lemoine: Oui, c'est ça.

Mme Harel: C'est ça. Est-ce que c'est une entreprise de grande taille ou de...

M. Lemoine: De grande taille, oui.

Mme Harel: Oui? Vous préférez ne pas l'indiquer.

M. Lemoine: Non.

Mme Harel: Très bien, vous êtes ici à titre personnel, de toute façon.

M. Lemoine: C'est ça.

Mme Harel: C'est ça qu'il faut comprendre. D'abord, je vous félicite. C'est poser un geste démocratique que de déposer un mémoire en commission parlementaire et de se déplacer pour venir le présenter.

M. Lemoine: Merci.

Mme Harel: Dans votre mémoire, à la page qui est numérotée 4, vous nous dites, et je cite: «L'expérience étrangère montre la non-viabilité des stratégies de formation ne favorisant pas une interaction entre l'éducation et le monde du travail et l'importance d'une participation de l'ensemble des partenaires sociaux à la formation professionnelle en vue d'assurer une gestion démocratique de cette formation.» C'est surtout sur le premier membre de phrase que j'aimerais échanger avec vous: «L'expérience étrangère montre la non-viabilité des stratégies de formation ne favorisant pas une interaction entre l'éducation et le monde du travail». Est-ce que vous pouvez être plus explicite pour le bénéfice de cette commission? (12 heures)

M. Lemoine: Voici. On va prendre un exemple concret, si vous voulez, ce qui se passe au Québec. Nous avons, jusqu'à présent, favorisé un domaine éducatif plutôt que l'autre. Ça s'est fait au détriment de la formation professionnelle. Et le résultat, aujourd'hui, c'est que nous avons un taux de chômage très, très élevé, d'une part, et, d'autre part, un manque de main-d'oeuvre

qualifiée au Québec, et de plus en plus de jeunes qui décrochent. On s'aperçoit, si on regarde les choses telles qu'elles sont, qu'il y a un déphasage très, très marqué entre ce qui sort de l'école, de nos cégeps, de nos collèges, et les besoins de nos industries. Quand je dis qu'il faut associer, faire une interaction très marquée entre l'éducation et le monde du travail, c'est à ça que je fais référence. Tant et aussi longtemps que ce sera deux ministères ou deux visions complètement séparées, qu'il n'y aura pas, si vous voulez, une vision globale de l'éducation et du monde du travail, on risque d'assister à ce à quoi on assiste aujourd'hui, c'est à dire, d'uno part, à un chômage élevé et, d'autre part, à un manque de main-d'oeuvre qualifiée.

Mme Harel: Alors, vous plaidez en faveur de ce qu'on peut appeler une réconciliation de la formation initiale, qui relève du MEQ, et de la formation sur mesure, qui relève du MMSRFP. Pour que cette réconciliation ait lieu, est-ce que vous pensez qu'il faut qu'il y ait un seul lieu de coordination de la formation, qu'elle soit initiale ou sur mesure?

M. Lemoine: j'ai parlé tout à l'heure de la fameuse table de concertation qu'on peut appeler la société québécoise de développement ou autre, je crois qu'à ce niveau-là l'éducation et le monde du travail doivent être présents. comment voulez-vous développer, faire la promotion du développement économique et de toutes ses composantes si l'éducation, d'une part, est absente de cette table-là?

Mme Harel: Je comprends qu'à la page 9 de votre mémoire, vous considérez que cette table que vous souhaitez... Vous dites: «Cette table permanente de concertation que nous pouvons créer par la naissance de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre doit...», etc., faire ceci et autre chose. Vous concevez la Société québécoise telle que proposée comme un point de départ pour autre chose. C'est ça qu'il faut comprendre?

M. Lemoine: C'est ça. La Société...

Mme Harel: Mais est-ce que c'est la Société elle-même qui doit se transformer pour élargir ses cadres? C'est comme ça que vous voyez les choses? Ou il faut, en sus de la Société, une table de concertation?

M. Lemoine: Bon, écoutez. Lorsque le mémoire a été préparé, je n'avais pas reçu le document ni le projet de loi. Dans mon esprit, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, ça pourrait être l'organisme si on lui donne beaucoup plus de pouvoirs. Un des reproches majeurs qu'on fait à cette Société-là, c'est que les partenaires n'ont pas les véritables pouvoirs qu'ils devraient avoir pour que cette Société joue son rôle, aussi bien au niveau national qu'au niveau régional. Pour moi, la Société québécoise, son mandat devrait englober tout ce qui est écrit là pour qu'elle devienne un forum vraiment tripartite, permanent et central.

Mme Harel: en fait, de ce que vous lui souhaitez comme mandat, ce qui, peut-être, jusqu'à maintenant, n'y est pas, c'est les objectifs de plein emploi.

M. Lemoine: C'est ça.

Mme Harel: Bon. Parce que là, ça supposerait, à ce moment-là, toute la dynamique industrie-commerce, c'est-à-dire entrepreneuriale, soutien à l'entreprise et non pas seulement l'employabilité.

M. Lemoine: C'est ça.

Mme Harel: Alors, est-ce que c'est la Société québécoise...

M. Lemoine: C'est dans une vision globale, c'est dans l'atteinte d'une vision globale qui serait le plein emploi. Le plein emploi, d'après nous, c'est la pierre angulaire de tout le développement économique. Si vous enlevez le plein emploi comme objectif majeur de votre politique de développement économique, il vous manque quelque chose.

Mme Harel: Oui. Mais la grande question, c'est: Est-ce qu'il faut une table de concertation de l'emploi où se retrouvent tous les intervenants majeurs et où se discutent des politiques macroéconomiques aussi, comme vous le disiez si bien, parce qu'on ne peut pas penser à une politique de l'emploi sans penser en termes de politique fiscale, monétaire ou autre? Mais, en même temps, est-ce que c'est à la Société québécoise ou est-ce qu'on ne se priverait pas d'une Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, qui a un rôle à jouer, comme une des composantes d'un projet de table-emploi, si vous voulez? Et je reviens quand même à votre idée de fond, c'est un rapprochement entre l'éducation et l'entreprise.

M. Lemoine: Si je comprends bien ce que vous dites, c'est qu'il pourrait y avoir plusieurs tables, si vous voulez, permanentes à l'intérieur d'un forum qui serait beaucoup plus global. Est-ce que c'est ça que vous voulez dire? Ça, ça fait partie de l'administration, je veux dire, du côté administratif.

Mme Harel: Mais on revient à votre objectif de fond qui est celui de l'emploi, mais qui, je comprends, est aussi celui du rapprochement. Une des façons pour vous d'y arriver, c'est le

rapprochement entre l'éducation et l'entreprise. M. Lemoine: Exactement.

Mme Harel: l'interaction, dites-vous, entre l'éducation et le monde du travail. vous, vous êtes de l'entreprise. c'est ça qu'il faut comprendre?

M. Lemoine: Oui, mais je suis aussi père de deux enfants. Un a 27 ans, l'autre a 24 ans; ils sortent tous les deux de l'université puis ils se proposent de retourner à l'université parce qu'ils ne savent pas quoi faire. Je me dis: Avec tout ce qu'ils ont appris jusqu'à présent depuis 10 ans et ce que le marché du travail leur offre, il y a quelque chose qui ne marche pas dans le système, et c'est ça que je suis venu dire aujourd'hui.

Mme Harel: Comment faire ce rapprochement? Je pense qu'on finit la commission peut-être avec des questions qui sont restées en suspens parce que le débat n'aura pas eu lieu, finalement. Comment ce rapprochement peut-il se faire? En fait, la réponse de l'énoncé, c'est que le rapprochement n'est pas vraiment nécessaire du fait que c'est la CFP qui va faire le lien entre les deux. Alors, la CFP va donc agir comme un courtier pour estimer les besoins de l'entreprise et passer les commandes à l'éducation; c'est ça la vision, si vous voulez, telle qu'elle est présentée. Et vous, vous dites: II faut trouver une manière de rapprocher directement l'éducation de l'entreprise. C'est ça qu'il faut comprendre.

M. Lemoine: C'est ça. Dans le document, il y a deux groupes qui semblent un petit peu... Peut-être que c'est une erreur de ma part, mais il y a deux groupes qui semblent, si vous voulez, plus ou moins écartés dans ça. C'est d'abord le monde de l'éducation et c'est aussi tout le problème des gens qui ne sont pas sur le chômage, les assistés sociaux et autres. Nous avons donc trois visions, si vous voulez, une d'éducation et une qu'on se propose là avec un développement économique pour les gens qui sont déjà en emploi, et les gens qui vont sortir de l'école, je présume, et aussi c'est une vision des gens qui ne font pas partie, ils ne sont plus dans le réseau, et ceux-là, ils font partie de notre programme. Je me dis: Est-ce que ce ne serait pas l'occasion... Bon, il y a un forum, aujourd'hui, pour discuter de tout ça, est-ce que ce ne serait pas une manière de concevoir... Est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité de concevoir un organisme national qui regrouperait tous ces gens-là? Est-ce que c'est normal qu'aujourd'hui, à Montréal, il y ait des gens qui fassent la queue pour manger? Moi, j'ai connu ça en Europe, mais, au Québec, je n'avais jamais connu ça. C'est récent, ça. Et je me dis qu'il y a quelque chose qui n'est pas normal. D'une part, il y a des gens qui ne trouvent pas d'emploi alors qu'il y a des offres, des demandes d'emplois qui se font, puis on n'est pas qualifiés pour ça, et, d'autre part, il y a des gens qui sont obligés de faire la queue pour manger. On est arrivés à un point où on a un problème de société. Le Québec, riche comme il est, je me dis qu'il y a un petit quelque chose à faire.

Mme Harel: Ce matin, en prenant connaissance de différents communiqués de presse, vous savez, qui, chaque jour, sont diffusés par l'agence Telbec, je constatais que, dans votre région, celle de Laval, Laurentides et Lanaudière, dans ces trois régions, le milieu de l'éducation a décidé de tenir un colloque, un sommet, excusez-moi, un sommet sur l'entreprise et l'éducation. Malheureusement, je ne l'ai pas avec moi, mais le communiqué disait à peu près ceci: À l'occasion de la fin des travaux de la commission parlementaire sur le développement de la main-d'oeuvre et souhaitant poursuivre un débat public à peine amorcé, je pense que c'est les commissions scolaires de Laval, Laurentides et Lanaudière qui ont décidé de tenir ce sommet où les entreprises seront invitées, etc., pour aller chercher ce rapprochement entre l'entreprise et l'éducation. Je ne sais pas si j'ai raison, mais j'avais cette vision, finalement, d'un débat qui allait maintenant inexorablement se poursuivre et, au moment où le ministre entend légiférer, j'ai l'impression que le débat commence...

M. Lemoine: Exactement.

Mme Harel: ...sur la manière de faire les choses entre l'éducation et l'entreprise.

M. Lemoine: Et ce qui est très important, c'est le climat social qui prévaut au Québec depuis une couple d'années. Vous avez aujourd'hui les patrons et les syndicats qui sont unanimes à dire: Oui, on est prêts à se rencontrer, oui, on veut travailler ensemble pour développer le Québec économiquement, et tout ça. Je dis: Profitons de ce climat social qui est favorable pour aller de l'avant, mais associons les gens à leur projet de société.

Mme Harel: Je vous remercie, M. Lemoine.

M. Lemoine: C'est moi qui vous remercie.

Le Président (M. Marcil): M. le ministre, le mot de la fin.

M. Bourbeau: Simplement pour remercier M. Lemoine de son passage parmi nous et de son mémoire, qui est fort intéressant.

M. Lemoine: Merci beaucoup.

Le Président (M. Marcil): M. Lemoine, nous vous remercions beaucoup de vous être présenté à cette commission et nous vous souhaitons un bon voyage de retour.

Mémoires déposés

Comme c'est le dernier représentant, notre dernier groupe, la dernière personne que nous recevions à cette commission, je vais également procéder au dépôt de mémoires qui nous ont été envoyés, donc qui sont parvenus a la commission, au Secrétariat, mais dont les groupes n'ont pas été invités en commission. Donc, pour les rendre publics et pour valoir comme s'ils avaient été présentés devant la commission, je dépose les mémoires des personnes et des organismes qui ont transmis un mémoire dans le cadre des présentes consultations et qui n'ont pas été entendus par la commission, à savoir. Action travail des femmes, Association des androgogues du Québec, Association des directions d'école de Montréal, Au Bas de l'échelle, la Bande Naskapi du Québec, Alain Bernier, Centre des femmes de l'Estrie, Conférence des CADC du Québec inc., Jean Duval, Emploi et Immigration Canada, Paul-Émile Fortin, Michel Filiatrault, Micmac Res-tigouche Band Council, Nation algonquine, Office des personnes handicapées du Québec, Ordre des agronomes du Québec, Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, Placement Potentiel inc. et Jean-Paul Thivierge.

Donc, j'inviterais immédiatement, pour les remarques finales, M. le ministre.

Remarques finales M. André Bourbeau

M. Bourbeau: M. le Président, pendant cinq semaines, plus de 80 organismes ont répondu à notre invitation. Ils sont venus nous faire part de leur vision du développement de la main-d'oeuvre et de leurs attentes à l'égard des politiques que nous préconisons dans l'énoncé de politique «Partenaires pour un Québec compétent et compétitif». Nous avons également eu la chance de recueillir des témoignages très révélateurs de plusieurs personnes et organismes engagés dans l'action du développement de la main-d'oeuvre, ceux-là mêmes qui sont en mesure d'évaluer la distance qui sépare souvent, d'une part, les nobles aspirations des grandes politiques de l'État et, d'autre part, les contraintes d'accessibilité et de fonctionnement auxquelles la main-d'oeuvre est confrontée.

Cette importante participation illustre le très grand intérêt que portent nos concitoyens à l'égard du développement des compétences, de l'emploi, de la compétitivité, de l'éducation et, bien sûr, de la formation professionnelle. Notre société ne peut que sortir gagnante de cet intérêt marqué et de la volonté d'engagement d'un nombre impressionnant de personnes et d'organismes sous la bannière de l'emploi et du développement des compétences.

Bien sûr, nous avons entendu ici toute la diversité des opinions sur les différents aspects du développement de la main-d'oeuvre. Le gouvernement, en faisant la synthèse de ces audiences, ne saurait satisfaire toutes ces attentes à la fois, pas plus que le meunier de la fable, cheminant avec son fils et l'âne, ne pouvait donner suite à chacun des conseils divergents qui lui étaient prodigués. Le gouvernement suivra donc sa route. Il s'agit de choisir et d'avancer.

Cette consultation fut riche d'enseignement pour le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et aussi pour le gouvernement. Nous avons, en quelque sorte, engrangé une abondante matière à réflexion. Aussi, je m'en voudrais, M. le Président, de tirer des conclusions hâtives en clôturant ces assises. Vous vous attendez, cependant, à ce que j'indique les principaux objets de notre réflexion dans les prochaines semaines. (12 h 15)

Je sors de la consultation publique sur l'énoncé de politique et le projet de loi sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre plus convaincu que jamais de la nécessité d'instaurer un partenariat sur les questions cruciales du développement de la main-d'oeuvre. L'idée d'institutionnaliser ce partenariat sous la forme d'une Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre et des sociétés régionales recueille un large consensus, par-delà les opinions différentes sur les modalités. On se bouscu/e même littéralement pour faire partie du conseil d'administration de la nouvelle institution. J'ai donc la ferme intention de tenter de faire adopter avant l'été, avec, bien sûr, le concours actif et, j'espère, enthousiaste de l'Opposition officielle, le projet de loi 408 après y avoir apporté des amendements inspirés de certaines des recommandations entendues ici.

Il fut abondamment question des personnes sans emploi au cours de cette consultation. D'aucuns ont voulu voir dans l'énoncé de politique un virage radical que s'apprêterait à prendre le gouvernement en faveur des personnes en emploi, virage qui se ferait au détriment des chômeurs et des prestataires de la sécurité du revenu. Ces craintes sont tout à fait injustifiées; d'ailleurs, le texte de l'énoncé de politique indique clairement qu'il s'adresse à l'ensemble de la main-d'oeuvre active, c'est-à-dire aux personnes aptes au travail, quelle que soit la source de revenu dont elles dépendent.

Il faut savoir qu'actuellement, sur les quelque 7 000 000 000 $ consacrés à toutes les formes d'aide aux personnes aptes au travail, on en compte à peine 125 000 000 $, en excluant les crédits d'impôt remboursables à la formation, qui

s'adressent directement aux personnes en emploi. Pourtant, ce sont ces travailleuses et ces travailleurs qui, les premiers, doivent s'adapter aux changements structuraux qu'imposent les ententes internationales sur le commerce, les innovations technologiques et les fluctuations de l'économie. Même si on doublait les budgets consacrés aux personnes en emploi, les sans-emploi continueraient de ramasser la part du lion des crédits affectés aux mesures de formation, d'employabili-té, d'aide à l'emploi et de développement de la main-d'oeuvre. Le gouvernement a décidé de répondre aux besoins criants de la main-d'oeuvre en emploi. Cette option ne s'oppose aucunement à la nécessité d'accroître également les efforts de formation et d'aide à l'emploi de la main-d'oeuvre en chômage de courte et de longue durée.

On a évoqué la nécessité que les personnes non syndiquées ou sans emploi puissent faire entendre leur voix à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. La plaidoirie des organismes communautaires et des groupes de femmes fut particulièrement éloquente à ce sujet et elle contribue à alimenter notre réflexion. J'accueille avec beaucoup moins d'ouverture immédiate les attentes relatives à la prise en charge, par la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, des programmes et des mesures de développement de l'employabilité. J'ai déjà eu l'occasion d'exprimer ici que les sociétés régionales de développement de la main-d'oeuvre doivent constituer un réseau parfaitement complémentaire à celui des centres Travail-Québec chargés de la gestion du régime de la sécurité du revenu. Le gouvernement a choisi l'option de contracter, éventuellement, avec la nouvelle société d'État afin de garantir l'accessibilité des prestataires de la sécurité du revenu aux programmes de développement de la main-d'oeuvre.

Pour offrir ces services aux clients de la sécurité du revenu, il n'est pas nécessaire de tout fusionner. Encore là, l'énoncé de politique affirme, sans l'ombre d'un doute, notre volonté de rendre les programmes de main-d'oeuvre beaucoup plus accessibles qu'ils ne le sont présentement aux clients de la sécurité du revenu.

Malgré ces prises de position très claires, un nombre surprenant d'organismes, faisant en quelque sorte écho à certaines interprétations hâtives de l'Opposition officielle, ont exprimé ici des craintes à l'effet que l'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre ne fasse aucune place aux clients de la sécurité du revenu aptes au travail. C'est Jean Rostand qui disait: «Quand l'opinion de quelques-uns est devenue celle de tout le monde, doit-on penser qu'ils avaient vu juste avant les autres ou qu'ils ont réussi, au contraire, à propager l'erreur?» Je pense que cette interrogation s'applique admirablement aux appréhensions légitimes, mais injustifiées, selon nous, de plusieurs organismes à l'égard du développement de l'employabilité.

On a beaucoup parlé de la représentativité de tout le monde au conseil d'administration de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre et aux conseils des sociétés régionales. Nous comprenons tous que les nombreuses clientèles spécifiques doivent souvent emprunter des chemins singuliers pour accéder au marché du travail, pour préserver les emplois et pour accroître l'adaptation aux réalités changeantes de l'économie. Ces particularités doivent être prises en compte parce qu'elles reflètent l'extraordinaire diversité des situations vécues par la main-d'oeuvre, qu'elle soit en emploi ou à la recherche d'emploi.

Est-ce à dire qu'il faille reproduire au sein du conseil d'administration de la Société ce kaléidoscope de préoccupations et de situations? On conviendra, je pense, qu'il y a plusieurs façons de véhiculer aux décideurs de la Société et du gouvernement les attentes particulières de tous ces groupes. À cet égard, j'ai trouvé très révélateur l'expérience vécue par le Forum pour l'emploi telle qu'elle nous a été présentée par le président de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins, M. Claude Béland. Le Forum pour l'emploi est une initiative du secteur privé. Au départ, le Forum a voulu se faire des plus accueillants en offrant une place à la plupart des groupes concernés par le fonctionnement des marchés du travail et de l'emploi ou les problématiques d'accessibilité à ces marchés. Il résulte de cette politique d'ouverture un comité de parrainage du Forum pour l'emploi constitué de 35 membres représentant autant d'organismes véhiculant chacun les préoccupations de leurs membres ou clientèles respectives.

M. Béland nous a révélé que, si le Forum pour l'emploi avait atteint ses objectifs de représentativité, son mode de fonctionnement souffrait d'une certaine lourdeur, ce qui incite le Forum à mettre sur pied un comité exécutif tripartite. Cela démontre, me semble-t-il, la nécessité de faire des choix en tenant compte des impératifs d'efficacité. Je signale que le projet de loi 408 permet de constituer des comités consultatifs qui donneraient des avis ou adresseraient des recommandations au conseil d'administration de la Société ou aux conseils régionaux. Ces comités peuvent très bien être formés sur la base des besoins des secteurs d'activité ou des clientèles particulières.

Pour terminer ce volet sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, je ne saurais nier une forte convergence de vues de nos invités en faveur d'une révision des liens qui uniraient le gouvernement à cette Société. On réclame une société d'État qui disposerait d'une marge de manoeuvre accrue et qui pourrait moduler son action pour tenir compte de la très grande diversité des situations vécues dans les

régions et les secteurs d'activité. Je comprends parfaitement ces attentes. Nous allons réexaminer le projet de loi et voir s'il est possible de mieux concilier le besoin d'autonomie de la Société et des sociétés régionales avec les impératifs de la gestion des fonds publics que le gouvernement leur confie.

Plusieurs interlocuteurs ont plaidé en faveur d'un large débat public sur l'éducation au Québec et sur l'organisation de la formation professionnelle dans le système scolaire. J'en appelle, moi aussi, à ce débat. Le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle de même que ses partenaires du marché du travail prendraient sans doute une part très active à ce débat public. La présente consultation, je suis le premier à le reconnaître, ne saurait aucunement remplacer une large réflexion sur l'éducation. Nos travaux auront probablement préparé adéquatement ce débat public. On conviendra qu'en attendant de régler tous les problèmes, nous pouvons, je devrais dire, nous avons la pressante responsabilité d'accroître nettement l'accessibilité de la main-d'oeuvre active à une diversité d'activités de formation.

Il est également impératif de rendre le système d'éducation encore plus attentif aux besoins du marché du travail. Moi, je ne suis pas un partisan du grand soir, ce moment sublime où les solutions globales aboutissent comme par enchantement. Je crois qu'il faut faire dès maintenant le bout de chemin qui nous est accessible. C'est déjà tout un contrat. J'endosse également l'opinion entendue plusieurs fois lors de cette consultation selon laquelle les ministères et les réseaux de l'enseignement ne constituent pas seulement des fournisseurs de services de formation. L'énoncé de politique et le projet de loi 408 les reconnaissent comme des partenaires. En accordant à l'enseignement de niveau secondaire et à l'enseignement collégial une place au conseil d'administration et aux conseils des sociétés régionales, le projet de loi 408 propose un changement significatif par rapport à la situation actuelle en faveur du partenariat avec le secteur de l'éducation. Je vais voir si nous pouvons affirmer encore plus clairement ce partenariat, dissipant en cela une perception, à mon sens, erronée ou excessivement défensive voulant que le secteur de l'enseignement ne soit pas appelé à prendre une part très active dans le développement de la main-d'oeuvre québécoise.

M. le Président, il y aurait certes beaucoup à dire tant les commentaires de nos invités furent riches et vastes. Nous aurons l'occasion de débattre des choix que nous arrêterons à la suite de cette consultation.

Je sors de cet important exercice très satisfait de l'accueil réservé à l'énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre et à la stratégie d'ensemble du gouvernement. J'ai en tête plusieurs bonifications à apporter à nos plans d'action parce que les participants à cette consultation nous ont adressé des recommandations qui ont beaucoup de mérite. Lorsqu'elle est conduite dans la perspective d'une véritable action, la consultation publique s'avère toujours précieuse et enrichissante. Telle est notre optique, M. le Président. Voilà pourquoi la consultation sur l'énoncé de politique et le projet de loi sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre fut si intéressante.

Je voudrais remercier, en terminant, mes collègues de l'équipe ministérielle pour leur participation active et leur assiduité, l'Opposition officielle pour sa collaboration, les membres du secrétariat de la commission parlementaire pour leur assistance, nos amis du ministère de l'Éducation et du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science pour leur vigilance, les employés du ministère de la Main-d'Oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et les membres de mon cabinet politique pour le concours très précieux qu'ils ont apporté et qu'ils continueront sans doute d'apporter aux travaux sur l'énoncé de politique et le projet de loi 408.

Alors, je vous dis merci et au revoir.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, M. le ministre. Je vais entendre immédiatement Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Permettez-moi d'abord de vous remercier et de remercier ceux des présidents qui, à l'occasion, se sont trouvés à la place que vous occupez maintenant, ainsi que le ministre et les membres de la commission et son personnel pour l'excellent climat de travail qui a régné durant tous nos travaux. Je considère que nous avons assisté à une véritable révolution des esprits que d'entendre, ce midi, le ministre parler d'une consultation publique précieuse et enrichissante.

M. le Président, j'aimerais aborder huit aspects, rapidement, suite à ces travaux que nous avons conduits. Le premier concerne l'adaptation de la main-d'oeuvre sans formation professionnelle. C'est là une des conclusions que nous tirons de ces travaux. Il s'est agi, en fait, essentiellement d'aborder l'adaptation de la main-d'oeuvre sans la resituer dans un projet de formation professionnelle.

D'ailleurs, le communiqué de presse qui annonçait la publication de l'énoncé de politique avait comme titre: «Une approche sectorielle répondant aux besoins du développement industriel». Ce titre est révélateur de ce qu'est l'énoncé: avec trois ans de retard, il s'agit d'une politique d'adaptation de la main-d'oeuvre au traité de libre-échange et à la mondialisation des marchés. Plus simplement, il s'agit de centrer

la formation de la main-d'oeuvre sur les grappes industrielles du ministre Tremblay. «Hors des grappes point de salut», ont dit bon nombre de participants. Non pas que les besoins d'adaptation des entreprises et des secteurs d'activité exposés à la mondialisation des marchés doivent être négligés. Il faut certainement s'occuper des besoins des entreprises en main-d'oeuvre, mais qui donc, à la fin de ces travaux, va se préoccuper des besoins de la main-d'oeuvre? «Cela n'est pas de ma responsabilité», a répondu le ministre. «La formation professionnelle régulière pour les adultes, à temps partiel ou temps plein, cela concerne le MEQ ou le MESS. La commission parlementaire n'est pas convoquée pour discuter de cela.» Pendant ce temps, le MEQ finance 300 000 000 $ à l'éducation des adultes, dont 200 000 000 $, presque le double du budget du MMSRFP, dans huit filières d'études et de formation à l'intention de la main-d'oeuvre. (12 h 30)

Pendant ce temps, 23 % à 28 % de la main-d'oeuvre québécoise connaît des problèmes d'analphabétisme fonctionnel. La sous-scolarisation est considérable. Consultées, souvent les entreprises réclament d'abord des employés qui savent correctement lire, écrire et compter, tandis que le milieu d'affaires réclame une formation professionnelle de la main-d'oeuvre étroitement imbriquée dans une formation de base large et solide.

Le deuxième aspect, M. le Président, celui des 225 000 sans-emploi exclus des programmes de la future Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Il s'agit des personnes aptes au travail sur l'«assistance-chômage» qu'est devenue, en bonne partie, la sécurité du revenu. Le nombre de ces personnes est en progression constante: 36 % de l'ensemble des bénéficiaires étaient aptes au travail en 1971, nous a rappelé le ministre, 78 % en 1990. L'énoncé s'adresse à la main-d'oeuvre active, celle déjà déqualifiée est oubliée dans les mesures d'employabilité et le Rattrapage scolaire administré par le MEQ.

Contrairement, d'ailleurs, aux programmes du MMSRFP et d'Emploi et Immigration Canada qui n'exigent que des préalables fonctionnels, ceux de l'Éducation, en formation professionnelle, exigent des crédits préalables de troisième ou de quatrième année secondaire. Il n'est pas surprenant qu'en 1989-1990, seulement 4245 bénéficiaires de l'aide sociale aient pu participer au Rattrapage scolaire en formation professionnelle.

Après avoir établi la nécessité d'un guichet unique, le ministre propose un dédoublement des réseaux québécois pour un Québec cassé en deux. Les centres Travail-Québec continueront à gérer la clientèle des sans-emploi à l'aide sociale. M. le Président, il nous semble que le Québec doit plutôt intégrer les programmes qui s'adressent à la main-d'oeuvre en un seul réseau accessible tant aux personnes en emploi qu'aux personnes en chômage ou bénéficiaires de la sécurité du revenu.

Un troisième aspect, celui de l'admissibilité à la formation selon la catégorisation. La catégorisation des clientèles éligibles aux programmes de formation selon la couleur de leur chèque demeure. Malgré l'hypothétique transfert, les programmes financés à même les fonds d'assurance-chômage continueraient à ne s'adresser qu'aux prestataires auxquels ils sont dédiés. Les activités de formation doivent s'adresser aux personnes qui contribuent à la caisse, a expliqué le ministre, puisque les gouvernements n'y mettent plus un sou des fonds publics.

L'argent que le ministre souhaite ainsi récupérer du transfert des programmes du ministère de l'Emploi et de l'Immigration Canada, d'autre part, sera prioritairement affecté aux entreprises, soit pour le reclassement des travailleurs et travailleuses licenciés, pour leurs pénuries de main-d'oeuvre ou leur formation sur mesure.

De fait, deux des quatre nouveaux programmes regroupés visent l'entreprise, un troisième vise les populations sur un territoire et un seul s'adresse aux personnes. En plus, l'énoncé s'empresse d'ajouter que ce programme qui s'adresse aux personnes «devra permettre aux participants de bénéficier du soutien financier prévu au nouveau régime d'assurance-chômage».

Cette tendance était déjà adoptée par Emploi et Immigration Canada puisque le programme Achats directs, pour les sans-emploi, a été réduit de 10 % l'an passé et d'un 20 % additionnel cette année, au profit du programme Formation sur mesure.

Nous assistons présentement à une diminution généralisée des fonds engagés dans les programmes de formation de ceux et celles qui sont déjà sur le marché du travail et qui n'ont pas le loisir et les moyens d'étudier à temps plein ou qui n'occupent pas un emploi standard dans une entreprise ayant développé une culture de la formation ou dans une entreprise en pénurie de compétences.

Depuis 1986, année après année, les budgets et le nombre de participants et participantes du seul programme Recyclage et perfectionnement, offert à temps partiel aux personnes en emploi, ont constamment diminué au MMSRFP. Des 32 000 000 $ alloués pour 174 000 participants en 1986, nous ne retrouvons plus que 28 000 000 $ et 139 000 participants en 1990-1991, une diminution de 35 000 participants. À chaque nouvelle session, comme cela s'est encore passé en janvier, des milliers de travailleuses et de travailleurs sont refusés faute de place. Il en est de même au MEQ et au MESS. La formation à temps partiel a quasiment disparu des programmes des commissions scolaires, qui se plaignent de l'enveloppe fermée et des inscriptions contingentées. La Fédération des cégeps est venue déplorer, en commission, que les cégeps doivent

convertir en équivalent temps plein leurs programmes de formation de la main-d'oeuvre. En dehors des filières de l'assurance-chômage, des entreprises ou des pénuries de main-d'oeuvre, les besoins de formation sont complètement négligés.

Imaginez un peu le découragement de nos concitoyens et concitoyennes, désireux d'améliorer leur sort, qui suivent les nombreux conseils en faveur d'un relèvement des compétences et qui se butent à l'inaccessibilité des programmes parce qu'ils ou qu'elles n'ont pas encore perdu leur emploi ou que leur entreprise ne participe pas à de la formation sur mesure ou ne les a pas désignés comme participants à un tel programme.

La politique de développement de la main-d'oeuvre proposée est axée sur des aspects curatifs. L'aspect préventif est complètement laissé de côte. Il faut pourtant assurer l'accessibilité des programmes de formation de la main-d'oeuvre à toute personne, sans emploi ou en emploi, à temps partiel ou à temps plein, et quelle que soit la source du revenu dont elle dépend.

Un quatrième élément, M. le Président, il s'agit du sous-investissement des entreprises. Il nous apparaît que rien n'est proposé pour contrer le sous-investissement des entreprises. L'énoncé de politique, d'ailleurs appuyé en cela par l'Association des manufacturiers du Québec et le Conseil du patronat, justifie le maintien de la participation du Québec, employeurs et salariés, au régime canadien d'assurance-chômage par l'effet de péréquation favorable du milliard de dollars qui serait versé en surplus des cotisations payées, la thèse consistant, en fait, à prétendre que le chômage serait payant pour le Québec et qu'il vaudrait mieux rester dans ce régime. Le ministre réclame seulement, nous a-t-il dit, le transfert de la gestion des prestations comme des mesures dites actives de la caisse d'assurance-chômage, la législation et la réglementation de cette caisse continuant à relever du gouvernement fédéral. Par ailleurs, , c'est la juridiction complète et tous les budgets consacrés au secteur de la main-d'oeuvre par Emploi et Immigration Canada qui sont réclamés, nous dit-on, du gouvernement fédéral.

Le pourcentage des frais d'administration des programmes de main-d'oeuvre était en moyenne, en 1989-1990, nous a signalé le ministre, de 6,8 % pour les pays membres de l'OCDE et de 9,7 % pour les programmes administrés par le Québec et le Canada. L'économie réalisée projetée par ce transfert en mettant fin au dédoublement serait de l'ordre de 250 000 000 $. Cependant, aucun effort particulier n'est entrepris ou attendu des entreprises si ce n'est d'ailleurs une vague implication dans le processus de reclassement des personnes licenciées, quelque chose comme la création d'un modeste fonds dont on n'a plus réentendu parler. Pour le reste, il semble que le ministre et son gouvernement s'en remettent au crédit d'impôt remboursable à la formation, sur lequel aucun bilan n'est encore disponible.

Pendant ce temps, faut-il rappeler que le gouvernement fédéral a introduit, par le biais des mesures actives de la réforme de l'assurance-chômage, une taxe sur la masse salariale pour le financement des programmes de formation pour les chômeurs et chômeuses et qu'il n'y a toujours pas l'équivalent pour le financement des programmes pour les travailleurs et travailleuses à l'emploi.

Quant aux programmes d'adaptation des travailleurs et des travailleuses, aucune contribution n'étant requise dès entreprises, les fonds publics qui pourraient être utilisés pour favoriser l'accès aux programmes des personnes qui occupent des emplois précaires ou à temps partiel, à savoir 40 % des nouveaux emplois, ou encore des personnes qui souhaitent intégrer ou réintégrer le marché du travail, eh bien! ces budgets risquent d'être détournés pour compenser le sous-investissement des entreprises.

Pour contrer ce sous-investissement, nous proposons, M. le Président, qu'il y ait un financement par les entreprises de leurs besoins précis de formation sur mesure, jusqu'à l'équivalent de 1 % de la masse salariale, et l'utilisation des fonds publics consacrés à l'essor des besoins individuels des personnes en formation professionnelle.

Un cinquième aspect, celui de l'idéologie de la compétitivité et l'oubli de l'équité. En 1984, le gouvernement avait retenu deux orientations fondamentales dans son plan d'action en éducation des adultes, soit celle concernant le développement économique et celle concernant l'égalité sociale. Il n'est maintenant question que de compétitivité. Les programmes de développement de la main-d'oeuvre doivent aussi contribuer à diminuer l'inégalité des chances sur le marché du travail. Ces programmes doivent contrecarrer les tendances lourdes du marché du travail à sous-utiliser une partie de la main-d'oeuvre, à exclure les femmes des emplois non traditionnels, les personnes d'âge moyen des changements technologiques, etc. Des objectifs d'équité de la main-d'oeuvre sont indispensables en matière de formation pour maintenir un projet de développement et de démocratisation sociale.

Un sixième aspect, la formation, est-il nécessaire de le rappeler, ne crée pas l'emploi. Certes, la question de la formation de la main-d'oeuvre ne peut être dissociée de celle de l'emploi. La politique de formation ne peut pourtant se substituer à une politique de développement de l'emploi. Même la meilleure formation ne débouche pas nécessairement sur un emploi; un secteur prospère une année ne l'est pas forcément l'année suivante: à preuve, cette année, la pétrochimie. D'autre part, même si tous les postes en pénurie étaient comblés, il resterait un pourcentage élevé de chômage au Québec, soit 9,1 %. Un des paradoxes du projet de loi 408 est

certainement que seules les sociétés régionales se voient confier un mandat à l'égard de l'emploi, la Société québécoise, elle, étant limitée au développement de la main-d'oeuvre.

Un septième aspect, M. le Président, celui d'une structure provinciale qui, finalement, sera la même que dans les autres provinces. En janvier 1991, le fédéral annonçait la création de la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre. Cette Commission canadienne, composée de 22 membres représentant les syndicats, le monde des affaires, les groupes d'action sociale et les établissements de formation, était chargée de déterminer les priorités globales et les normes en matière de formation professionnelle et d'élaborer un plan de dépenses annuel pour l'utilisation des fonds de l'assurance-chômage à des fins productives.

Parallèlement, des discussions étaient amorcées avec les gouvernements provinciaux relativement à la création de structures consultatives à l'échelle provinciale. Déjà, l'Ontario a fait connaître son intention de créer un Conseil ontarien de développement de la main-d'oeuvre. L'empressement du gouvernement du Québec à vouloir faire adopter la nouvelle structure peut s'expliquer sans doute par son désir de souscrire à l'exigence posée par Ottawa pour transférer des fonds à une province.

Faut-il rappeler les récentes propositions du rapport Beaudoin-Dobbie recommandant à la fois que toute province puisse légiférer pour confirmer sa compétence exclusive en matière de formation de la main-d'oeuvre et, en même temps, et je cite, «que la capacité du gouvernement fédéral de légiférer en matière de formation de la main-d'oeuvre ne soit pas diminuée dans ses domaines de compétence exclusive, qu'il s'agisse d'assurance-chômage ou de tout autre pouvoir».

Un dernier aspect, M. le Président, celui d'un héritage constitutionnel controversé. Faut-il rappeler que la formation de la main-d'oeuvre ne figure pas dans la liste des pouvoirs de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique en 1867, mais qu'elle est historiquement considérée au Québec comme un prolongement naturel de l'éducation, secteur qui relève exclusivement des provinces en vertu de l'article 93. Cependant, évidemment, le gouvernement fédéral s'y est engagé massivement; actuellement, 80 % des budgets de formation de la main-d'oeuvre au Québec sont fédéraux. Il s'y est engagé en vertu de sa compétence en matière d'assurance-chômage et de son pouvoir de dépenser. Pour légitimer son intervention, le pouvoir fédéral invoquait depuis l'adoption, en 1967, de la première loi concernant la formation professionnelle des adultes que la formation de la main-d'oeuvre ne relève pas de l'éducation. Pour obtenir sa part des fonds fédéraux, le ministre du Travail de l'époque, Maurice Bellemare, faisait adopter, en 1969, la Loi sur la formation et la qualification professionnelle de la main-d'oeuvre et mettait en place le réseau des commissions de formation professionnelle. des réseaux parallèles, éducation et main-d'oeuvre, se sont constitués. compte tenu de l'interdépendance du système éducatif, du développement de l'emploi et du système productif, il faut, au-delà du mandat sectoriel de chaque ministère, élaborer une politique intégrée de la formation professionnelle. il faut réconcilier la formation initiale qui relève du ministère de l'éducation du québec et la formation sur mesure du ministère de la main-d'oeuvre, de la sécurité du revenu et de la formation professionnelle. il nous semble qu'un débat public s'impose de toute urgence sur cette nécessité de créer un lien de coordination national pour que cette réconciliation puisse avoir lieu.

En terminant, M. le Président, je veux vous dire quelques mots à l'égard du projet de loi 408. S'il est vrai que la critique de la Société québécoise proposée a été, en général, inversement proportionnelle à l'assurance des participants d'y participer, il faut aussi se rappeler que la critique des pouvoirs que le ministre s'est réservés, elle, a été universellement répandue. Je veux rappeler ce sentiment très fort de perte qui est ressenti dans les régions. Les commissions de formation professionnelle, contrairement aux conseils régionaux proposés dans le projet de loi, sont actuellement des corporations au sens du Code civil, avec des conseils consultatifs régionaux, une assemblée générale, un conseil d'administration et le pouvoir de nomination du directeur.

Et, M. le Président, je veux immédiatement signaler au ministre, qui nous a indiqué vouloir procéder à une révision et à un réexamen du projet de loi 408, que nous devrons voter contre le projet de loi 408 à moins d'avoir obtenu satisfaction sur des questions que nous jugeons prioritaires et fondamentales, et je les lui énumère immédiatement.

Il s'agit, finalement, de cinq aspects sur lesquels il peut facilement introduire des amendements Le premier, celui de reconnaître la nécessité d'une représentation de la main-d'oeuvre sans emploi et de la main-d'oeuvre discriminée par les lois du marché du travail en ajoutant un quatrième partenaire aux représentants syndicaux, patronaux et gouvernementaux déjà désignés. Le deuxième aspect, le financement par les entreprises de leurs besoins précis de formation sur mesure, jusqu'à l'équivalent de 1 % de la masse salariale, et l'utilisation des fonds publics pour l'essor des besoins individuels des personnes en formation professionnelle. Troisièmement, en reconnaissant l'accessibilité des programmes de formation de la main-d'oeuvre à toute personne, avec ou sans emploi, à temps plein ou à temps partiel, quelle que soit la source du revenu dont elle dépend. Quatrièmement, par le maintien des corporations au sens du Code civil pour les sociétés régiona-

les, c'est-à-dire assemblée générale, conseil d'administration et nomination du directeur général. Et, finalement, cinquièmement, la révision en vue de la levée des pouvoirs de tutelle et de désaveu que le ministre s'est réservés sur la gestion de la Société.

Alors, M. le Président, j'ai déjà fait mes remerciements et je les réitère.

Le Président (M. Marcil): Merci beaucoup, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Comme mot de la fin, je remercie tous ceux et celles qui ont participé, de près ou de loin, à la réussite de cette commission, de même que tous les députés des deux formations qui se sont prêtés de bonne grâce à cet exercice qui demandait, quand même, beaucoup d'énergie puisque des dizaines de groupes se sont présentés à cette commission, M. le ministre également, et tout votre personnel, et le personnel du secrétariat de notre commission.

Je termine en disant que la commission a rempli son mandat et ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 48)

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