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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le jeudi 8 février 1996 - Vol. 34 N° 37

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur l'équité salariale et modifiant certaines dispositions législatives


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Table des matières

Auditions


Intervenants
Mme Céline Signori, présidente
M. André Gaulin, président suppléant
M. Russell Williams, président suppléant
M. Serge Deslières, président suppléant
Mme Louise Harel
Mme Lyse Leduc
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Nicole Loiselle
M. Pierre Marsan
M. Russell Copeman
Mme Solange Charest
M. Régent L. Beaudet
*M. Gérald A. Ponton, AMQ
*Mme Suzanne Thibodeau, idem
*Mme Ginette Thériault, idem
*Mme Claudette Carbonneau, CSN
*Mme Judith Carroll, idem
*Mme Françoise David, FFQ
*Mme Ghislaine Paquin, idem
*Mme Josée Belleau, idem
*Mme Lorraine Pagé, CEQ
*Mme Lise Simard, idem
*M. Gaston Lafleur, CQCD
*M. Michel Fournier, idem
*Mme Ève Richard Morin, idem
*M. Denis Soulières, FMRQ
*M. Michel Philibert, idem
*Mme Sonia Brisson, idem
*Mme Martine Poulin, SPGQ
*Mme Lorraine Leduc, idem
*Mme Claire Milette, idem
*Mme Danielle-Maude Gosselin, SFPQ
*Mme Jocelyne Houle, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures dix minutes)

La Présidente (Mme Signori): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je vous rappelle que la commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi sur l'équité salariale et modifiant certaines dispositions législatives.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Brien (Rousseau) sera remplacé par Mme Malavoy (Sherbrooke); M. Cusano (Viau) par Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François).

La Présidente (Mme Signori): Merci beaucoup. Alors, aujourd'hui, les groupes qui seront entendus seront l'Association des manufacturiers du Québec, la Confédération des syndicats nationaux, la Fédération des femmes du Québec, la Centrale de l'enseignement du Québec, le Conseil québécois du commerce de détail, la Fédération des médecins résidents du Québec, le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec et le Syndicat de la fonction publique du Québec. Alors, j'inviterais maintenant le premier groupe, l'Association des manufacturiers du Québec, à prendre place et à se présenter, s'il vous plaît.

Alors, vous aurez une heure de présentation: 20 minutes pour la présentation de mémoire et 40 minutes pour les échanges avec les membres de la commission.


Auditions


Association des manufacturiers du Québec (AMQ)

M. Ponton (Gérald A.): Mme la Présidente, je vous remercie. Mon nom est Gérald Ponton, je suis président-directeur général de l'AMQ. Pour m'accompagner dans la présentation du mémoire de l'Association sur l'avant-projet de loi sur l'équité salariale, je suis accompagné, à ma gauche, de Mme Ginette Thériault, qui est la directrice aux ressources humaines et à la qualité à l'Association des manufacturiers du Québec, et, à ma droite, par Me Suzanne Thibodeau, qui est avocate au bureau montréalais Heenan Blaikie.

Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes, MM. les commissaires et membres de l'Assemblée nationale, d'entrée de jeu, je veux assurer les membres de la commission des affaires sociales que les manufacturiers du Québec sont pleinement d'accord avec l'objectif de l'équité salariale. Il y va non seulement d'un progrès dans nos rapports sociaux, mais aussi de la réputation de l'industrie québécoise autant que de l'administration publique elle-même. En fait, il y a là un consensus de société auquel l'AMQ concourt tout à fait. Mais, Mme la Présidente, une telle réforme ne saurait s'engager dans une voie qui pourrait la mener à une impasse. Or, c'est ce qu'il y a lieu de craindre, à l'étude de l'avant-projet de loi que nous avons entre les mains. C'est pourquoi nous en réclamons le retrait. Le système proposé, en effet, imposerait non seulement aux entreprises, mais au gouvernement et à ses partenaires une procédure lourde, compliquée et coûteuse. Cela étonne, dans un contexte fort difficile comme celui d'aujourd'hui où les entreprises ont besoin de plus de souplesse et où le gouvernement lui-même est censé alléger son propre fonctionnement.

À titre d'exemple, citons cette entreprise qui a déboursé quelque 2 000 000 $ simplement pour corriger une disparité de quelques centaines de milliers de dollars, plus précisément 200 000 $. Cet exemple fort éloquent n'est malheureusement pas unique et fait partie de la série de témoignages que l'Association a reçue depuis que nous nous préoccupons plus particulièrement des dispositions de l'avant-projet de loi. Nous sommes d'avis qu'il n'est pas assuré qu'une loi réglerait vraiment toutes les iniquités salariales dont les femmes font surtout l'objet, sans compter que, faute d'études, on ignore totalement quelles dépenses supplémentaires le secteur public encourrait et quelle charge serait rajoutée à la masse salariale des entreprises, déjà fort élevée.

Nous croyions pourtant que le gouvernement voulait éviter une telle approche, c'est-à-dire une approche mur à mur qui va à l'encontre de son objectif non moins important de relancer l'emploi de concert avec le milieu des affaires, avec les entrepreneurs qui créent les emplois, surtout dans la petite et moyenne entreprise. Des charges accrues de cette nature non seulement réduisent la marge de manoeuvre des entreprises déjà ouvertes aux hommes et aux femmes, mais elles pourraient en inciter d'autres à offrir moins d'emplois, donc avoir des répercussions négatives au niveau de l'objectif poursuivi, d'où prudence. Si on compare, par ailleurs, avec les autres provinces, on ne trouve que l'Ontario qui assujettit le secteur privé à une loi sur l'équité salariale; le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse ainsi que l'Île-du-Prince-Édouard ont chacun une loi sur l'équité, mais s'appliquant seulement au secteur public.

Mais comment expliquer que, depuis neuf ans que la loi ontarienne est appliquée, son bilan soit moins concluant? En effet, en 1994, le ratio des gains moyens féminins et masculins pour les employés à temps plein était légèrement supérieur au Québec: 69,99 % versus 69,63 % où il n'y a pas de loi en Ontario... Alors, pourquoi le Québec assujettirait-il les entreprises privées à un tel carcan si les résultats ne sont pas plus tangibles? En fait, une loi ne constitue pas la véritable solution au problème.

Certes, il y a des écarts, même chez les meilleurs employeurs, mais, justement, les causes de ce genre de disparité sont multiples et complexes. Ainsi, des ajustements salariaux ne seraient guère une réponse adéquate ni même une mesure équitable pour compenser des différences qui tiennent, par exemple, à la scolarité, au choix du domaine de formation, aux années d'expérience ou de service et à d'autres facteurs du genre qui ne sont pas nécessairement le reflet d'une discrimination au travail. Nous constatons, par exemple, comme le soulignait un éditorialiste du Devoir le 21 décembre dernier, que, à mesure qu'apparaissent les nouvelles générations de femmes plus instruites et décidées à revenir au marché du travail, nous assistons au rétrécissement progressif des écarts. Ainsi, en 1967, les femmes travaillant à temps plein toute l'année gagnaient en moyenne 58,4 % du salaire des hommes comparativement à 69,8 % en 1994. De plus, aujourd'hui, on constate que les femmes célibataires ne gagnent pas moins de 93 % et même 95 %, dans le cas des célibataires diplômées universitaires, des revenus consentis aux hommes.

Chez les personnes âgées de 15 à 24 ans, les femmes gagnent 90 % du salaire des hommes, sans compter qu'on a découvert que les femmes ayant un emploi à temps plein travaillent en moyenne 39,6 heures par semaine, tandis que les hommes en travaillent 44. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes, Mme la Présidente, et méritent toute votre attention.

Vous le savez, mesdames et messieurs, autant dans le secteur public que dans le secteur privé, un choix de priorités pour toute nouvelle dépense s'impose. Ainsi, nous déplorons vivement qu'aucune simulation des coûts de la réforme ne nous ait encore été présentée ni par secteur d'activité, ni par taille d'entreprise, ni même quant au coût du processus d'évaluation et d'application. Et, chose non moins inquiétante, aucune étude ne vient nous éclairer sur l'impact qu'aurait la réforme, telle que formulée, sur l'équité salariale elle-même. Le réalisme élémentaire suggère de favoriser une méthode plutôt incitative qui n'imposerait, par exemple, aux entreprises que l'obligation de produire des résultats dans les cinq années qui viennent et de faire rapport au terme de cette période. Entre-temps, le gouvernement pourrait compléter les études qui s'imposent et tirer partie, notamment, des expériences positives alors faites en entreprise.

Par ailleurs, s'il advenait que le gouvernement décide d'aller de l'avant avec cet avant-projet de loi, nous nous permettrons de faire quelques commentaires d'ordre particulier. Notre mémoire traite de façon détaillée d'aspects particuliers que nous ne reprendrons pas verbatim, mais Me Suzanne Thibodeau, du cabinet Heenan Blaikie, couvrira les principaux aspects, quitte à parfaire lors de la période des questions et à respecter la période de 20 minutes allouée pour la présentation de notre mémoire. Merci. Me Thibodeau, à vous.

Mme Thibodeau (Suzanne): Merci. Mme la Présidente, en introduction, nous aimerions souligner et réitérer que, dans son ensemble, la solution retenue par l'avant-projet de loi apparaît à l'Association trop lourde, coûteuse, complexe et même une source de litiges potentiels qu'il y aurait lieu d'éviter, et j'y reviendrai plus tard. En somme, les exemples, ou les réserves qui ont été émises dans le mémoire visent essentiellement à illustrer de façon plus concrète et à démontrer le besoin de repenser toute la question de l'équité salariale.

D'ailleurs, le document d'orientation qui a précédé l'avant-projet de loi n'a pas tenté, lui non plus, de suggérer diverses alternatives ou approches pour pallier ou corriger des problèmes propres aux travailleuses québécoises dans le contexte actuel de l'économie québécoise. Ce document a retenu sans étudier d'autres alternatives le modèle mis en place dans les secteurs publics dans certaines autres provinces ainsi qu'en Ontario dans les secteurs public et privé, mais ceci, en 1988. C'est donc pour mieux illustrer le besoin de penser à d'autres solutions que les commentaires particuliers sont présentés, et non pour essayer de, si vous voulez, partir de ce projet de loi et tenter d'en apporter certains correctifs.

(10 h 20)

Le premier point qui est relaté dans le mémoire, et vous retrouvez ceci à la page 5, est la question du champ d'application qu'aurait une telle loi. Comme on le sait, il est très vaste, la loi prévoit qu'elle s'applique aux entreprises qui ont 10 salariés ou plus. Par surcroît, la notion de «salarié» est définie de façon à inclure notamment tous les travailleurs à temps partiel ou occasionnels de même que certains travailleurs autonomes, et ce sont les articles 6 et 7. Par exemple, on sait tous que plusieurs dépanneurs embauchent plusieurs employés à temps partiel ou occasionnels, donc plusieurs seraient régis. Or, ce sont justement les plus petites entreprises et les moyennes entreprises qui ont, de façon fort générale, moins de ressources humaines et financières pour faire face au mécanisme fort complexe mis de l'avant par l'avant-projet de loi ainsi qu'à ses coûts afférents. Il y aurait donc lieu, surtout dans le contexte économique actuel, de penser à des solutions pratiques qui n'imposeraient pas à ces entreprises des fardeaux administratifs ou autres trop importants, comme en faisait d'ailleurs état M. Ponton.

Le deuxième point qui est étudié dans le mémoire de l'Association est le rôle des comités d'équité, et je me permets d'élaborer un petit peu davantage, parce que, ce concept de comité d'équité paritaire décisionnel, il s'agit d'un concept, donc, qui illustre très bien le caractère trop souvent complexe, coûteux et même empreint d'irréalisme de l'avant-projet de loi. Comme on le sait, ce comité est composé de trois membres, dont deux tiers de salariés, et élabore l'ensemble du programme. On peut facilement croire qu'il pourra devenir plus imposant dans certaines entreprises si on y assure la représentation des syndicats et si on respecte aussi l'article 14 qui prescrit la désignation de représentants des salariés de manière à favoriser une représentation des principales catégories d'emplois. Mais le point central de tout ça, c'est qu'il s'agit d'un comité paritaire décisionnel dans le cadre duquel les représentants de l'employeur et ceux des salariés ont droit respectivement à un seul vote dans le cadre des différentes étapes de l'élaboration du programme.

J'attire votre attention ici, et je pense que c'est important de le faire, sur le fait que même le document d'orientation qui avait été préparé et dont visiblement l'avant-projet s'est inspiré largement avait rejeté clairement une telle approche, et je vous réfère plus particulièrement aux pages 9 et 10 de ce document. Je me permets de vous en lire un bref extrait. On y disait: «La participation des salariés, femmes et hommes, à l'équité salariale peut prendre différentes formes, allant de la simple information jusqu'au comité paritaire décisionnel qui préside à toutes les étapes du processus. On peut croire que la création de tels comités occasionnerait des coûts et des délais plus importants dans une entreprise non syndiquée, vu l'absence d'une association de salariés structurée et dotée de ressources qui lui soient propres. Ainsi, la difficulté d'organiser la représentation des salariés non syndiqués, la nécessité de leur donner des informations pertinentes sur l'ensemble des emplois et celle d'assurer leur formation pour qu'ils puissent s'acquitter efficacement de leur mandat feraient porter à l'employeur seul une bonne part des responsabilités qui devraient normalement être assumées par l'association de salariés.» Le document conclut plus loin en disant: «Une loi proactive sur l'équité salariale n'a pas pour but d'instaurer une quelconque forme de cogestion dans les entreprises.»

Nous soulignons que, effectivement, cette recommandation était sage et était valable également dans les milieux syndiqués, puisque ce n'est pas du tout une forme qui est connue dans nos relations de travail au Québec et en Amérique du Nord, et nous vous soumettons qu'il serait fort dangereux d'en tenter l'expérience dans le cadre d'une loi aux enjeux si délicats et importants.

On a également fait état, dans le mémoire, des risques de litige et de la difficulté des questions qui seraient soumises à ces comités d'équité, et je vous réfère plus particulièrement aux pages 6 et 7 du mémoire. Je me permets d'en faire un bref tour d'horizon. Alors, comme on le disait, il y a un risque de litige énorme avec cette formule, et c'est justement un des objectifs que voulait fondamentalement éviter la loi qui a été proposée. On fait état, à la page 6, qu'effectivement on a créé une situation particulièrement difficile au sein des entreprises en confiant à des comités d'équité plutôt qu'à l'employeur, comme c'est la norme, la responsabilité d'appliquer la loi en matière d'équité salariale. À ce sujet, il faut se souvenir que l'article 60 de l'avant-projet de loi prévoit que les représentants des salariés et les représentants des employeurs au sein d'un comité doivent s'entendre relativement à l'application de la loi, à défaut de quoi une des parties pourra soumettre le différend à la Commission des normes, et celle-ci pourra référer au Tribunal des droits de la personne du Québec si effectivement les ordonnances ne sont pas appliquées à sa satisfaction.

Alors, on sait, et je pense que vous êtes en mesure d'en prendre connaissance, qu'il y a moult questions extrêmement difficiles, extrêmement délicates qui devront être discutées et faire l'objet d'un consensus au sein de ce comité. On parle, par exemple, des méthodes d'évaluation et de l'application des méthodes d'évaluation. Dans le concret, ces questions-là sont laissées à des experts et à des gens qui s'y connaissent très bien en entreprise. On voudrait que ce soient les comités de salariés et d'employeurs qui déterminent ces questions de façon consensuelle.

Sans entrer dans tous les détails, je vous réfère à la page 7. On parle également de la difficulté et des litiges qui peuvent originer de toute la question de l'estimation des écarts salariaux et du calcul des ajustements salariaux. Par exemple, les membres du comité d'équité devront s'entendre sur l'une ou l'autre des méthodes de calcul qui sont mentionnées à l'article 34 de l'avant-projet de loi. Je suis certaine que vous en avez pris connaissance. Ce sont toutes des questions fort sophistiquées en soi et difficiles d'application. On peut penser également que chaque partie pourrait tenter de défendre la méthode qui est la plus avantageuse, d'où encore possibilité de divergences ou de discorde. Toute la question de la détermination de la valeur de la rémunération flexible et des avantages est également une question qui pourrait mener à des questions d'interprétation et de discorde.

À ces nombreuses difficultés s'ajoutent celles qui découlent de l'article 16 de l'avant-projet de loi selon lequel le salarié membre d'un comité d'équité salariale a le droit de recevoir la formation requise pour ce faire. Or, comme nous venons de le constater, les responsabilités dévolues au comité d'équité nécessitent de ses membres une maîtrise de concepts qui peuvent relever de sciences complexes et diverses; nous parlons de statistiques, de relations de travail, de relations industrielles et de sociologie plus particulièrement.

Le mémoire de l'Association, à divers égards, insiste sur la complexité du processus qui a été mis de l'avant et en cite quelques exemples. Je me permets de revenir sur certains que l'on retrouve au mémoire et qui nous apparaissent très bien illustrer, encore une fois, notre propos. À la page 5 du mémoire par exemple, l'avant-projet prévoit un seul programme pour toute l'entreprise, même si elle a des établissements situés dans des régions différentes. En Ontario, par exemple, le problème a été obvié de la façon suivante: la province est divisée en 48 zones géographiques aux fins de l'équité salariale. Cette solution est plus simple d'application, elle évite la comparaison entre les catégories d'emplois de différents établissements à travers la province, et on sait que les écarts salariaux risquent fort d'être souvent le fait de disparités régionales.

L'avant-projet de loi le reconnaît, il est vrai, en disant, par exemple à l'article 40, que, si les différences révélées par les études au niveau des écarts salariaux sont des écarts qui sont dus au facteur de la région, à ce moment-là, on n'en tient pas compte. Mais il n'est pas pratique de procéder comme on le fait, puisqu'on force l'étude de comparaison de catégories à travers la province; on sait que c'est lourd, complexe et, en bout de piste, on peut arriver à une situation où les écarts étaient simplement régionaux. Alors, nous revenons sur cette question pour illustrer encore une fois qu'il y a des solutions plus simples comme celle qui avait été retenue en Ontario.

La situation des entreprises syndiquées, on l'a encore une fois de beaucoup rendue plus complexe qu'elle n'aurait pu l'être. J'attire plus particulièrement votre attention sur l'article 21, qui prévoit qu'il ne peut y avoir un programme d'équité pour le groupe visé par l'accréditation qu'à la demande de celui-ci. On permet donc ceci, mais le paragraphe 21.2 émet une condition tellement générale et floue qu'on peut sérieusement se demander si on pourra souvent avoir un programme d'équité pour un groupe syndiqué. Alors, nous soumettons qu'un simple programme distinct par unité serait beaucoup plus simple. Et, encore une fois, c'était la solution qu'avait retenue l'Ontario.

Un autre point qui est très frappant – nous vous le soumettons – est celui du cas des entreprises où il n'existe pas de catégorie d'emplois à prédominance masculine. Cette question a été étudiée plus abondamment aux pages 9 et 10 du mémoire de l'Association, et on fait plus particulièrement état de la solution retenue dans le cas des entreprises où on n'aurait pas de comparateur interne.

(10 h 30)

On investit – et c'est l'article 72.3 – la Commission des normes d'une possibilité d'émettre des règlements visiblement extrêmement lourds et complexes d'administration. Encore une fois, j'attire votre attention – c'est important – sur le fait que même le document d'orientation avait rejeté des solutions de cet ordre dans le secteur privé, et je cite plus particulièrement, à la page 41 du document, la fin de sa représentation: «Il est important de retenir que cette méthode de comparaison n'a pas été étendue au secteur privé – et là on parle de l'Ontario – dont les entreprises obéissent chacune à des contraintes économiques et financières qui peuvent être extrêmement différentes d'une entreprise à l'autre.» Donc, une solution de comparaison interne avait été retenue en Ontario uniquement dans le secteur public, et nous apprenons que, de toute façon, l'Ontario est en voie d'amender cette solution même pour le secteur public.

En terminant, j'attire votre attention sur certains points qui avaient été soulevés pour illustrer la complexité, par exemple la non-possibilité de regrouper les titres d'emplois et autres, et il nous fera un plaisir de répondre à vos questions plus particulières, s'il y a lieu. Je vous remercie.

M. Ponton (Gérald A.): Merci, Me Thibodeau. J'emploierai la dernière minute, minute et demie, je crois, qu'il nous reste, sur le 20 minutes, Mme la Présidente, en précisant qu'on compte 6 800 petites et moyennes entreprises au Québec, soit entre quatre et 100 employés, comparativement à 900 grandes et très grandes entreprises. Les entreprises sont de plus en plus coincées dans le carcan de la réglementation: 9 % du PIB, 15 000 000 000 $ par année. La lourdeur bureaucratique et les coûts qui y sont rattachés portent atteinte à leur flexibilité alors qu'elles ont besoin de souplesse, de marge de manoeuvre dans le contexte de vive concurrence dans lequel nous évoluons.

Mme la Présidente, qui bénéficierait vraiment d'une telle législation, compte tenu que nul ne peut nous assurer de l'atteinte des objectifs d'équité salariale par ce moyen? En d'autres termes, à notre avis, selon l'AMQ, le Québec n'a pas besoin d'une telle loi, ni de quelque mesure coercitive pour progresser. Mais qu'a donc besoin le Québec? Pour l'AMQ, les mesures passent d'emblée par des mesures incitatives qui permettraient d'atteindre le même but et à moindre coût, tant pour le gouvernement que pour les entreprises. À cet égard, la formation s'annonce déjà comme la clé de voûte de l'équité. Offrons aux femmes une orientation et une formation moins stéréotypées, plus actuelles, voire plus rémunératrices, ou encore discutons des statuts fiscaux aux entreprises qui adopteront une politique d'équité salariale et profitons des expériences positives négociées entre patrons et syndicats. À cet égard, l'AMQ offre à la ministre son entière collaboration pour identifier les mesures susceptibles d'améliorer vraiment l'évolution de la situation et l'atteinte des objectifs que nous nous fixerons comme société moderne.

Nous proposons au gouvernement d'adopter une politique-cadre qui, avec des objectifs répartis sur cinq ans, irait au-delà de l'équité salariale seule, en agissant aussi sur l'éducation, la formation et même les processus de recrutement. Nous réitérons notre offre de collaboration à cet égard. Mais, en attendant, à la lumière de cette réflexion et des observations dont nous vous avons fait part et du projet devant nous, Mmes et MM. les commissaires, l'Association des manufacturiers demande au gouvernement de retirer son avant-projet de loi, et ce, bien que, fondamentalement, elle en appuie les objectifs visés. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Signori): Alors, merci. À ce stade-ci, je donnerai la parole à Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. Bienvenue, M. Ponton, à nos travaux, Me Thibodeau et Mme Thériault, qui êtes directrice, je pense, aux ressources humaines.

M. Ponton, j'apprécierais beaucoup que vous repreniez les premières paroles que vous avez énoncées en ouvrant cette commission ce matin. Je ne les retrouve pas dans le mémoire écrit, mais je voudrais les reprendre pour que nous puissions échanger à partir de ça.

M. Ponton (Gérald A.): Il me fera plaisir de vous donner...

Mme Harel: D'accord.

M. Ponton (Gérald A.): ...une copie de mon texte, d'ailleurs, que j'ai préparé pour ne pas avoir à répéter un document que vous avez tous lu.

Mme Harel: Ah! Je l'apprécierais.

M. Ponton (Gérald A.): Alors, c'est un texte de présentation qui est différent du mémoire. C'est pour ça que vous ne retrouvez pas les mots.

Mme Harel: En avez-vous copie?

M. Ponton (Gérald A.): Oui, je vais vous en remettre copie, Mme la ministre.

Mme Harel: Parfait.

M. Ponton (Gérald A.): D'entrée de jeu, les manufacturiers du Québec sont d'accord avec l'objectif de l'équité salariale. Il y va non seulement d'un progrès dans nos rapports sociaux, mais aussi de la réputation de l'industrie québécoise autant que de l'administration publique elle-même. En fait, il y a là un consensus de société auquel l'AMQ concourt tout à fait.

Mme Harel: Bon. Alors, ceci étant dit, la question maintenant est de savoir comment puisqu'on s'entend sur l'objectif d'équité salariale.

Cependant, ce qui m'a quand même étonnée dans la présentation, si vous voulez, faite ce matin mais que je ne retrouve pas dans le mémoire, c'est notamment la question relative à l'écart salarial normal. Je ne sais plus, là, attendez, je dois bien avoir ça en quelque part, j'ai pas mal de documents. Voilà. Vous nous dites qu'il y a existence d'écarts salariaux même chez les meilleurs entrepreneurs. Est-ce que...

M. Ponton (Gérald A.): Basé sur des critères qui n'ont rien à voir avec l'absence d'équité.

Mme Harel: Bon. Est-ce que, compte tenu de votre accord entier à l'objectif d'équité, vous reconnaissez cependant qu'il y a une réalité de discrimination fondée sur des stéréotypes qui peut, en partie, expliquer la dévaluation du travail féminin?

M. Ponton (Gérald A.): Vas-y.

Mme Thériault (Ginette): Là-dessus, oui, il y en a, et c'est clair. Ce qu'il faut remarquer, je pense, mettre en relief et examiner de façon assez précise, et je ne veux pas devancer la firme Mercer, qui va venir ici, mais dans son mémoire, quand même, elle fait état de l'évolution, y compris en cette matière, chez les entreprises.

Depuis sept ans, il y a des processus de révision de l'évaluation salariale ou des critères qui déterminent les salaires dans les entreprises, et à peu près la majorité, effectivement, tiennent en compte cette variable-là. Donc, les choses progressent à ce niveau-là. Ça se fait de plus en plus dans les processus. C'est une des variables que les entreprises introduisent depuis sept ans, d'une part. Donc, il y a une dynamique. Et, là-dessus, on est d'accord pour qu'il y ait, au niveau de la petite et moyenne entreprise, un travail de sensibilisation. C'est clair qu'il y a progrès. Même si, je pense, la tendance est dynamique, positive actuellement, il reste du travail à faire. Mais on pense que, par un travail de sensibilisation, la situation peut progresser en faveur des femmes dans les prochaines années.

Mme Harel: Bon. Reprenons. C'est intéressant. Parce que, si on s'entend sur le fait que vous êtes pleinement d'accord avec l'objectif d'équité, l'équité, qu'est-ce que c'est? À travail équivalent, salaire égal. Pas seulement à travail égal, mais à travail équivalent. Travail équivalent, ça signifie quoi? Ça signifie que des stéréotypes associés au travail féminin ont comme déclenché un processus, qu'on juge quasi normal maintenant, de dévaluation. Bien, là, c'est important. Si on ne s'entend pas sur ça, le reste, évidemment, ne peut pas suivre. Mais, selon la plupart des analystes experts dans ces matières, l'écart salarial est quand même réel, là, quand on parle de 69,9 %, d'un écart salarial pour un emploi équivalent à plein temps, en 1994, entre les hommes et les femmes. Alors, les experts – qui ne sont pas tous des femmes, il y a des hommes là-dedans aussi – évaluent qu'à peu près à la moitié de l'écart salarial est attribuable à des stéréotypes, l'autre moitié l'étant à d'autres facteurs comme la scolarisation, etc., qui sont aussi attribuables à des stéréotypes d'un autre ordre, à des facteurs, je dirais, historiques, familiaux, socioculturels, etc.

(10 h 40)

Mais je pense qu'à partir du moment où on se dit que c'est un objectif: à travail équivalent, salaire égal, il est dans la Charte des droits, au Québec, depuis 20 ans, il n'a pas trouvé matière à s'opérationnaliser, se réaliser, alors, comment on fait? Dans le fond, ce que vous nous dites: C'est positif, ça s'en vient. Dans votre mémoire, vous nous parlez des jeunes femmes célibataires et universitaires. En passant, je pense que c'est un très, très, très mauvais message à transmettre aux femmes de leur dire: Restez célibataires, ça vous donne plus de chances d'atteindre l'égalité de salaire. Je pense que ce n'est pas un bon message. S'il faut être célibataire pour pouvoir atteindre l'égalité, je pense que, comme société, on est mal enligné. Bon. Alors, donc... Puis universitaires, bien, tant mieux, mais on sait bien qu'en pourcentage ça ne sera jamais plus que le pourcentage même de progression. On est en progression de fréquentation, mais, malgré tout, ça ne sera pas le facteur duquel il faut attendre que nous viennent les correctifs.

J'aimerais ça vous entendre en fait sur le recul, parce qu'il y a eu recul, qui me semble, moi, très inquiétant en regard des tendances observées des dernières années où on voit qu'il y a un regain de la rémunération des hommes en comparaison de celle des femmes. J'ai calculé, vous voyez, en 1994, à 69,9 % d'écart. Ça, c'est pour un travail équivalent à temps plein. S'il faut attendre que l'écart salarial se réduise lui-même, sans aucune intervention, pour être à la hauteur, dans le privé, du secteur public... Dans le secteur public, vous savez, présentement l'écart, c'est 86 %, entre hommes et femmes, travail équivalent à plein temps. Dans la santé et services sociaux, l'écart est peu parce que c'est 97 %. Alors, l'écart est de trois seulement. Si on reprend simplement les chiffres de 1994, vous voyez, au rythme où ça a avancé, en 1974, on était à 58 %; une femme gagnait 58,9 % du salaire d'un homme. Ça a augmenté, vous voyez, en 10 ans, en 1984, c'était 67,2 %, et on voit qu'entre 1984 et 1994 ça a augmenté de 2,7 % en 10 ans, augmenté dans le sens d'améliorer la situation, mais ça veut dire réduire les écarts: 2,7 % en 10 ans. Si on appliquait ça à une tendance constante, il faudrait attendre à l'an 2064 pour que le secteur privé égalise le secteur public en termes, si vous voulez, de gains salariaux des femmes par rapport aux hommes. Est-ce que vous trouvez que c'est assez positif pour continuer à ce rythme-là?

M. Ponton (Gérald A.): Mme la Présidente, pour répondre à la question de la ministre, qui est très complète, comme d'habitude, mais qui couvre tous les angles de la présentation, il faut quand même remarquer que l'équité, c'est plus qu'une mathématique de statistiques. D'entrée de jeu, je préciserais que notre message, ce n'est pas un encouragement aux femmes à demeurer célibataires, mais c'est de donner des exemples où on a des progressions et où on a presque une complète absence d'iniquité, c'est-à-dire à travail égal salaire égal, quand on parle de 95 %. Alors, c'était dans ce contexte-là qu'on a donné l'exemple qu'on vous a donné tantôt; c'est qu'il y a des domaines où il n'y en a pas.

Quand vous regardez de façon statistique macro, c'est vrai que ça peut paraître faible, mais, là, on regarde pour l'ensemble de tous les secteurs. Ça, c'est la statistique mur à mur de laquelle votre gouvernement s'est toujours dissocié et, je pense, continue de vouloir se dissocier. Mais, si je remonte à 1967 – je ne veux pas remonter plus parce que c'est de là que datent mes premières statistiques de Statistique Canada – moi, j'ai 58,4 % et, en 1994, j'ai 69,8 % d'écart. Je reconnais qu'en 1994 il y a eu une baisse ou une augmentation de l'écart de 72 % à 69,8 %, mais c'est la seule année où il y a eu un recul dû probablement au fait que dans notre secteur manufacturier on a procédé à de l'embauche en plus grande quantité dans des emplois non traditionnellement occupés par les femmes. Or, je ne pense pas que la ministre va nous reprocher de créer de l'emploi, puis qu'elle nous le reproche aujourd'hui, je ne pense pas que c'est son propos, mais les statistiques ne répondent pas à tout. En d'autres termes, travail égal, salaire égal, oui, mais il y a des critères qui influent, comme la formation, la scolarité, la sensibilisation à occuper des emplois non traditionnellement occupés par les femmes. Or, quand les hommes entrent en plus grand nombre dans ces emplois-là, bien, ils font baisser la moyenne, c'est bien évident. D'où notre approche de dire à la ministre: Oui, il y a des écarts à des endroits, mais précisons-les de façon sectorielle, donnons-nous des outils de mesure, fixons ensemble des objectifs qu'on va rencontrer. C'est de cette manière-là, en mettant l'accent sur la formation, qu'on va améliorer la situation des femmes.

Je vais vous donner l'exemple des femmes au foyer, comme la mienne, par exemple, qui après 20 ans à avoir élevé deux enfants décide de retourner sur le marché du travail. Elle est pénalisée, elle est cantonnée à des emplois précaires, à temps partiel et souvent sous-rémunérés, je le reconnais. Mais quel est le moyen pour revaloriser les acquis d'une femme qui a passé 20 ans à organiser un foyer, qui a souvent des tâches beaucoup plus complexes que des cadres supérieurs d'entreprises? Souvent, sa seule lacune, c'est un manque d'adéquation entre l'évolution des techniques puis de ce qu'elle est capable mécaniquement de réaliser.

Alors, une reconnaissance des acquis de la femme au foyer dans le système d'éducation ou le recrutement dans les entreprises dans les postes sélectionnés rendraient beaucoup plus service, en termes de rémunération des femmes, qu'un système lourd, coûteux qui va venir nous obliger à faire des plans d'équité. Alors, qu'on regarde l'Ontario, la province voisine, l'écart de rémunération est de 0,10 %, 0,12 % ou 0,08 %, entre l'Ontario et le Québec, qui, lui, depuis neuf ans, a un régime d'équité qui a coûté des fortunes en termes d'implantation.

Alors, on n'est pas contre le progrès, Mme la ministre, mais on ne veut pas tuer avec une masse une problématique qui pourrait être abordée de façon beaucoup plus efficace et pointue avec des interventions sectorielles ciblées, tel que pourraient le révéler les études que Mme la ministre pourrait conduire avec tout l'appareil de l'État et identifier les carences réelles. Moi, je n'en ai pas vu, d'études sectorialisées globales, et l'étude du ministère des Finances, en tout cas, on ne nous en a pas donné copie et on n'a pas pu la consulter, sauf ce qu'on a vu dans Le Devoir , qui était publié hier. Alors, il faut se méfier, Mme la ministre, des chiffres, des grands ensembles et regarder, de façon sectorielle, là où vraiment le bât blesse et où les améliorations devraient se faire sentir.

Mme Harel: Je pense bien, Mme la Présidente, M. Ponton, je crois que tout est possiblement à discuter sur le plan de l'application. Mais, si, comme société, on ne s'entend pas sur la nature du problème, si on ne s'entend pas qu'il y en a un, on ne pourra pas le régler. Est-ce qu'il y a un problème? La réponse est vraiment importante parce que, à défaut de quoi... Vous voyez, par exemple, je prends en bonne considération et de façon positive la reconnaissance des acquis, par exemple, pour des femmes au foyer qui retournent sur le marché du travail. Je pense que, ça aussi, c'est important de s'engager dans cette voie-là, résolument. Mais, encore là, le message qu'on va laisser à ces femmes-là, c'est: Engagez-vous dans des métiers non traditionnels, parce que dans ces métiers non traditionnels là, dans le fond, ça va être payant, tandis que, si vous restez dans les métiers étiquetés «métiers de femmes», vous allez être perdantes là-dedans.

Ça, ce message-là, c'est ça qui est inquiétant dans notre société, parce que ce que ça signifie, c'est la dévalorisation, ce qui fait que le travail des femmes est moins, si vous voulez, évalué. Et ça dépend du message qu'on veut laisser à nos enfants, à nos filles en particulier, et à nos gars aussi. Pourquoi un gars s'engagerait dans un métier étiqueté «de femmes» si, dans le fond, ça veut dire être moins considéré, puisque la rémunération est le facteur de considération dans notre société?

Je pense bien qu'on a fait un pas important: À travail égal, salaire égal. Ce pas est maintenant franchi. Alors, ça explique pourquoi de jeunes femmes célibataires universitaires qui, dans le fond, ont un statut équivalent à celui d'un homme marié avec des enfants, là, parce que la charge familiale repose souvent sur les femmes lorsqu'elles ont des enfants, mais ça explique pourquoi elles ont un statut qui correspond le plus souvent à une occupation mixte ou ordinairement étiquetée masculine.

Alors, je pense bien que la question incontournable restera toujours la question de savoir si on convient, dans les milieux patronaux et syndicaux, qu'il y a un correctif à apporter à une situation qui ne peut pas durer. Si on n'en convient pas, quel que soit le moyen retenu, il ne sera jamais le bon. Qu'est-ce que vous en pensez?

(10 h 50)

M. Ponton (Gérald A.): Moi, je suis d'accord, Mme la ministre, pour reconnaître qu'on n'a pas encore la parité complète ou ce qui serait souhaitable. Sauf qu'il faut qu'on regarde ce qu'on a accompli avec les moyens du bord et quels sont les meilleurs outils pour avoir une approche structurante pour régler le problème. Est-ce que c'est d'assommer les entreprises du Québec avec un encadrement réglementaire très coûteux? Je pense que tout le monde, même vous, vous allez reconnaître qu'il y a là des coûts – je ne veux pas dire que c'est de 10 à un dans tous les cas – mais les témoignages qu'on reçoit, c'est que les entreprises qui font bien leur travail vont dépenser 2 000 000 $ pour 200 000 $ d'ajustements. Celles qui ne le font pas, bien, elles vont dépenser moins pour des ajustements plus mérités, probablement plus importants. Alors, comment on fait pour être justes et équitables dans l'application d'une loi pour améliorer l'équité chez les femmes au Québec?

Alors, il faut y aller de façon pointue par secteur d'activité avec des études spécifiques, empiriques et mettre sur la table, un peu comme on le fait avec le gouvernement quand on vous parle de taxe sur la masse salariale puis qu'on vous dit que ça nous coûte pour un salarié de 45 000 $, au Québec, 25 % de plus que notre voisin de l'Ontario, et l'employé, lui, c'est 8 % de plus; bien là, on discute, on s'entend là-dessus, puis on dit: C'est quoi les mesures pour faire en sorte que, tout en préservant les choix sociaux qu'on fait, on améliore ce handicap-là, puis qu'on le surmonte?

Alors, dans l'équité, l'AMQ vous propose une démarche plus structurante, avec une loi-cadre, parce qu'on reconnaît là que, comme objectif de société, c'est normal et équitable que les femmes reçoivent le même traitement que les hommes pour un travail égal, équivalent. Mais il y a des façons d'y arriver. Ce qu'on vous propose, c'est que l'approche que vous prenez, ce n'est pas la bonne façon.

La Présidente (Mme Signori): Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc (Mille-Îles): Oui. Bonjour, M. Ponton, Mme Thibodeau, Mme Thériault. Vous dites, dans votre mémoire à la page 4, justement, vous parlez sur l'approche, que vous privilégiez une approche incitative. Le Conseil du patronat, hier, sensiblement, est allé dans le même sens. C'est intéressant, d'une certaine façon, parce que l'approche incitative a été privilégiée par le gouvernement dans un domaine qui est connexe à l'équité salariale, qui est les programmes d'accès à l'égalité.

Alors, depuis 1990, les entreprises peuvent implanter volontairement des programmes d'accès à l'égalité. J'aimerais ça savoir si vous avez des données, combien parmi vos membres, parce que vous êtes une organisation importante, ont implanté de tels programmes volontairement. Parce que j'ai ici un bulletin de la Commission des droits de la personne qui dit qu'elle a reçu des rapports de 141 entreprises qui devaient se soumettre à l'obligation contractuelle et que les PAE volontaires, il y en a 37 actuellement où elle est conseillère dont huit seulement dans le privé. Alors, ça, c'est une approche incitative qui a été privilégiée.

Je voudrais aussi rappeler que, en Ontario, pour la loi sur l'équité salariale, les entreprises de petite taille, c'était aussi une approche incitative. Et il y a eu une étude de l'Université York qui dit que les entreprises de 10 à 49 employés, 80 % disent n'avoir fait aucun effort en matière d'équité depuis 1988.

Alors, je voudrais savoir comment vous conciliez ces données avec l'approche que vous préconisez, et aussi, je le répète, savoir si vous avez des données sur votre propre association pour savoir combien d'entreprises ont implanté volontairement des programmes d'accès à l'égalité.

M. Ponton (Gérald A.): Mme la Présidente, pour le bénéfice de Mme Leduc, nous n'avons pas de données spécifiques sur les PAE. La seule chose que je peux préciser, c'est qu'on connaît leur existence. Sauf que, encore une fois, comme certaines mesures, ça demeure souvent dans les bureaux des agences et ce n'est pas diffusé au niveau du terrain. Alors, il ne s'agit pas d'adopter un programme puis, ensuite, de dire: Les entreprises, vous n'avez rien fait avec ça.

Alors, je pense qu'il y a un travail de sensibilisation, une fois qu'une volonté est exprimée, comme gouvernement et comme ministre, d'aller de l'avant avec certains objectifs en disant: Écoutez, si ce n'est pas atteint dans tant de temps, puis on met tel budget, tel effort, puis telle étude, voici ce qu'on va faire. Il ne s'agit pas d'adopter une norme et de la laisser dormir dans un grenier en souhaitant que quelqu'un s'en serve un jour. Je pense qu'il faut, comme dans toute entreprise, vendre l'objectif aux partenaires, ce qui, à mon avis, n'a pas été fait avec le programme sur l'accès à l'égalité de la Commission des droits.

Vous m'amenez un exemple, pour répondre par celui de l'équité, puis je pense qu'à ce niveau-là c'est une problématique qui est différente mais qui existe. Mais, encore une fois, moi, j'ai la prétention de dire que c'est parce que le gouvernement n'a pas fait le travail de sensibilisation qu'il faut auprès des entreprises. Et nous, dans la grande, elle se fait. Chez la PME, c'est plus difficile, à cause souvent des barrières qu'on a dans notre propre système d'éducation.

Alors, je pense que c'est ensemble qu'on peut identifier les problématiques, atteindre les objectifs, mais il faut qu'il y ait quelqu'un qui pousse dessus. Je pense que ça appartient à l'État de sensibiliser les partenaires à l'obligation d'aller de l'avant, puis de susciter la collaboration des groupes comme le nôtre.

Mme Leduc (Mille-Îles): Mais on peut croire que, oui, ça...

La Présidente (Mme Signori): Mme la députée de Mille-Îles, le temps est terminé.

Mme Leduc (Mille-Îles): C'est terminé? O.K.

La Présidente (Mme Signori): J'aimerais accorder la parole à la porte-parole officielle de l'opposition dans ce dossier.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, Mme la Présidente. M. Ponton, mesdames, bienvenue et merci pour la préparation de votre mémoire. Je pense que... non seulement je pense, mais on doit convenir que le problème d'équité existe et qu'une loi sur l'équité salariale permet de régler en bonne partie ou de faire un pas en avant pour régler une bonne partie du problème. Mais, comme vous le mentionniez dans votre mémoire, ce n'est pas uniquement puis ce ne sera pas uniquement ce moyen. Je pense qu'il faut aussi travailler sur d'autres facteurs comme la formation, l'éducation, mais aussi la conciliation vie familiale et professionnelle.

Et, là où il y a une lacune assez considérable, c'est que, tant et aussi longtemps que les têtes dirigeantes des entreprises ne seront pas suffisamment sensibilisées à la problématique de démographie au Québec, de l'importance pour les femmes de procréer et qu'ils n'en feront pas une priorité, comme vous en faites par exemple pour la qualité totale, on aura de la difficulté à trouver des moyens pour concilier vie familiale et vie professionnelle. Ça va devoir, au sein d'une entreprise, devenir une priorité, comme je le mentionnais, tout comme la qualité totale.

Donc, dans ce sens-là, comme je le mentionne, l'équité salariale, c'est un excellent moyen, mais sûrement pas le seul. Je pense, on convient tous, qu'on va devoir travailler aussi à d'autres égards, sur d'autres dossiers.

Dans votre mémoire, vous commencez, vous êtes pour l'équité salariale, mais vous êtes en désaccord avec l'application, avec la législation. Ce que j'ai cru remarquer cependant, contrairement à peut-être d'autres intervenants au niveau des employeurs, c'est qu'il ne semble pas – et là j'aimerais bien avoir vos commentaires pour être certaine que je vous comprends bien – que l'application pose problème mais, par contre, les coûts, pour vous, qui seraient reliés, entre autres, aux futurs ajustements ne semblent pas causer problème. C'est davantage l'application de la loi qui semble causer problème. Est-ce que je vous comprends bien?

M. Ponton (Gérald A.): D'entrée de jeu, Mme Gagnon-Tremblay, à travail équivalent, salaire égal, ça, ce n'est pas contesté; on n'engage pas une femme parce que ça coûte moins cher, on l'engage parce qu'on pense qu'elle est compétente puis qu'elle va faire le travail. C'est ce que mes entrepreneurs me disent. De plus en plus, dans la grande entreprise, où c'est plus structuré, on tient compte, dans les processus de recrutement, de vieux stéréotypes dont on essaie de se débarrasser, en disant: Ouvert également aux hommes et aux femmes.

Alors, je pense que ce n'est pas le salaire – hier, on parlait d'un écart de 600 000 000 $ – qui va, pris au niveau micro dans chaque entreprise, faire craindre l'équité salariale. Absolument pas. C'est plus la nomenclature des coûts, le processus, le comité d'équité, le plan d'équité. Alors, on pense qu'on pourrait arriver plus simplement au même objectif par une plus grande sensibilisation et des mesures incitatives.

C'est sûr qu'il va falloir parler de fiscalité parce que, à un moment donné, quand, moi, je veux que quelque chose se fasse, j'ai beau le souhaiter, mais, si je mets des mesures incitatives, je risque plus d'avoir des résultats. Et vous allez me dire: Vous parlez encore de vos avantages fiscaux. Mais c'est ainsi fait que la recherche constante de l'amélioration fait en sorte que, si on veut que ça aille plus vite, on met un peu plus de combustible dans la machine puis on va avoir plus de résultats. Alors, plus on pousse, plus on va avoir des résultats.

Alors, ce n'est pas tant le salaire comme tel que tout l'encadrement administratif mur à mur qui va venir pénaliser aussi des compagnies qui font bien leur travail. Il faut le reconnaître, parce que si tout le monde doit déposer son plan, même ceux qui paient bien, qui ont des critères d'équivalence en emploi intégrés dans leur processus de recrutement et qui font tous leurs devoirs comme il faut, bien, ils vont être traités comme tous ceux qui ne l'ont pas fait. Alors, il faut tenir compte d'une approche ciblée. On a de très bons employeurs au Québec. Il y en a aussi qui ne font pas très bien leur travail, et je pense que c'est là qu'il faut surtout mettre l'emphase.

(11 heures)

Mme Gagnon-Tremblay: Donc, pour vous, cette procédure, la procédure qu'on retrouve dans l'avant-projet de loi, est une procédure qui est lourde, comme vous le mentionnez, qui est compliquée et qui est coûteuse. Est-ce qu'il y a d'autres moyens que vous suggérez à part l'approche ontarienne? C'est sûr que je vous entends parler d'incitatifs, mais, comme la ministre le mentionnait tout à l'heure, on a aussi des moyens incitatifs depuis fort longtemps qui ont donné des résultats, mais qui n'ont pas donné tous les résultats escomptés. Donc, est-ce qu'on peut trouver un moyen incitatif mais quand même... C'est parce que ça prend quand même un peu de dents, malgré tout, parce que, si on se fie uniquement à l'incitatif, bon, il y a certaines entreprises qui peuvent comprendre, mais il y en a d'autres qui vont comprendre peut-être moins rapidement. Est-ce que vous avez d'autres moyens, d'autres procédures à suggérer, à part, par exemple, le modèle ontarien, ou si, pour vous, la loi ontarienne est une loi sur laquelle le gouvernement du Québec devrait se baser?

M. Ponton (Gérald A.): Mme Gagnon, le modèle ontarien ne rencontre pas les objectifs que l'on poursuit. On pense que, avec le très peu d'écart qu'on a entre le Québec et l'Ontario, ce n'est pas un exemple d'un modèle qui a fait ses preuves, à moins qu'on me dise: Bien, le Québec a hérité automatiquement de tous les progrès qui ont été faits en Ontario, puis il y a une relation de cause à effet – ce qui n'est pas établi. Le modèle de l'Ontario n'est pas une base de référence.

Mais, nous, on croit que... On ne parle pas de ne pas en avoir, de loi. Je pense que ça prend une loi pour affirmer le principe où on veut aller avec l'équité en emploi, mais assortie d'un plan quinquennal qui va être suivi régulièrement et qui pourrait astreindre les sociétés de plus d'un certain nombre d'employés à faire rapport sur les mesures incitatives, les progrès réalisés, à collaborer à la collection de données et d'études que le gouvernement ou le ministère de la Condition féminine pourrait réaliser sur cette problématique-là. Puis, deuxièmement, il y a la concertation. Alors, on a au Québec des outils de concertation très développés et, je dirais, uniques en Amérique du Nord qui se rapprochent de l'expérience de certains pays européens, mais qui se différencient beaucoup de ce qu'on voit aux États-Unis et dans les autres provinces canadiennes.

Alors, je crois qu'il y a moyen, avec une volonté gouvernementale ferme, d'atteindre des objectifs précis, et les compagnies qui ne les atteindraient pas pourraient faire l'objet – ou les entreprises – de pénalités, mais à la suite d'une approche incitative pour régler le problème et en permettant aussi à l'État de régler et de faire le ménage dans sa propre maison, que ce soit au niveau de l'éducation, que ce soit au niveau des moult programmes de formation, que ce soit dans les mesures actives ou autrement que Mme Harel a débutées puis a mises en ordre à l'époque où elle était ministre du Travail et qui vont sans aucun doute se continuer. Mais c'est le genre d'outil incitatif qui va – à notre avis, en tout cas, l'AMQ – permettre un plus grand rétrécissement du salaire entre les hommes et les femmes, puis je pense, entre autres, aux femmes au foyer qui retournent sur le marché du travail. Après 20 ans, après avoir élevé des enfants, ce n'est pas facile, se placer dans des emplois à temps plein et bien rémunérés, surtout dans une conjoncture qui est difficile économiquement. Quand même vous allez adopter une loi, ce n'est pas ça qui va faire engager du monde dans nos usines, c'est notre compétitivité puis notre capacité d'accroître la richesse et de faire tourner l'économie. On l'a vu dans le débat récent, c'est les entrepreneurs qui créent les emplois au Québec, ce n'est pas le gouvernement puis ce n'est pas nos partenaires syndicaux.

Mme Gagnon-Tremblay: Dans la majeure partie des entreprises, on retrouve des syndicats. Je ne dis pas dans toutes les entreprises, bien sûr, mais dans la majeure partie on retrouve des syndicats. Quand vous parlez que le gouvernement devrait adopter une loi pour obliger les entreprises à faire des démarches sur l'équité salariale, mais peut-être avec un peu plus de souplesse, est-ce que vous iriez jusqu'à recommander au gouvernement d'imposer, par exemple, la création de comités paritaires, tout comme l'avait fait, à l'époque, le Conseil du trésor avec les relativités salariales, ou bien si, ça, vous le craignez?

Parce qu'on sait que plusieurs syndicats, entre autres, au Québec ont déjà développé – ou ont travaillé beaucoup ensemble – des outils d'évaluation. Est-ce que vous craigneriez ça ou bien si, pour essayer d'avoir un peu plus de souplesse à l'intérieur de chacune des entreprises, ça pourrait devenir, à un moment donné, un moyen d'entente avec les comités paritaires au sein de ces entreprises, mais bien sûr avec l'obligation de le faire, obligation par le gouvernement?

M. Ponton (Gérald A.): Bien, Mme Gagnon-Tremblay, ça pourrait être une approche. Pour nous, ce qui est important, c'est que les parties se concertent, puissent, par la concertation, échanger. Puis, dans les entreprises où les partenaires sociaux acceptent d'aller de l'avant avec des initiatives de cette nature-là, je pense que ça contribuerait effectivement à régler le problème de l'équité, en autant qu'une loi-cadre ou qu'un plan-cadre, plan de société globale adopté par une loi, dise: C'est dans ce sens-là qu'il faut aller, qu'il faut travailler. Alors, ça serait un signal pour tous les ministères et tous les partenaires de faire en sorte que l'objectif soit rencontré.

Aujourd'hui, l'équité salariale, l'avant-projet de loi, on a vu ça en décembre, on est allés devant le groupe de travail déposer nos recommandations quelque part au printemps dernier, et il n'y a pas eu beaucoup de changements entre les deux phases. On n'a jamais, autour d'une table, déposé le projet de loi et on ne s'est jamais entendus sur les meilleurs objectifs pour faire en sorte que les objectifs de la ministre et du gouvernement soient rencontrés. Moi, je pense que c'est la nouvelle façon de faire, surtout avec les moyens de plus en plus restreints dont l'État dispose. Il faut sortir de la réglementation, des processus pour viser les objectifs, dire aux gens: Arrangez-vous comme vous voulez, là, mais dans cinq ans il faut que ce soit comme ça, le portrait; puis, là, si ce n'est pas comme ça, bien, on prendra les mesures appropriées pour corriger. On croit beaucoup plus à cette façon de travailler qu'une loi qui ne répondrait pas aux attentes des entreprises et qui ne livrerait pas la marchandise ou ne rencontrerait pas les objectifs que l'on recherche.

Mme Gagnon-Tremblay: Et, pour les petites entreprises, c'est-à-dire les petites entreprises de 10 employés et moins, je sais que certains groupes dans les mémoires dénoncent le fait que la loi devrait s'appliquer à ces petites entreprises, alors que vous êtes plutôt d'effet contraire. Si, cependant, on avait une réglementation très souple qui relèverait, bien sûr, de la Commission des droits de la personne, à ce moment-là, est-ce que ce serait acceptable pour les petites entreprises au lieu de tout le processus?

M. Ponton (Gérald A.): ...la Commission des droits de la personne serait le meilleur véhicule. Une chose qui est certaine, si vous voulez faire attraper...

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que la Commission des normes l'est le plus, pour vous autres?

M. Ponton (Gérald A.): Bien, je suis un petit peu préjugé, parce que je suis membre du conseil d'administration de la Commission des normes.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

M. Ponton (Gérald A.): Alors, ça va être difficile pour moi de répondre également à ce volet-là de la question. Je vais laisser la ministre décider. Mais, si vous voulez que les PME du Québec attrapent des boutons – les 10 et moins – rendez-leur ça applicable, hein? Dans vos comtés, Mmes, MM. les députés, vous allez en entendre beaucoup parler, parce qu'on ouvre la porte.

Il faut favoriser une approche structurante et un peu comme dans la formation. Bon, dans la formation, on était contre le 1 %, puis on l'est toujours, parce que c'est une notion de taxe, sauf que, dans les règlements, on a trouvé le moyen, les partenaires, de façon unanime, de développer une approche structurante où on va permettre au dossier de progresser. Alors, tu n'obtiens pas la collaboration des entreprises du Québec en leur pointant un fusil sur la tempe, ça ne fonctionne pas, ça. Elles vont trouver 56 moyens de passer à côté.

(11 h 10)

Alors, moi, je prétends que des mesures incitatives appliquées par le Secrétariat à la condition féminine ou la Commission des normes du travail ou la Commission des droits que le gouvernement choisira vont avoir de meilleurs résultats. Peut-être même que des associations comme la nôtre ont une grande responsabilité, un rôle à jouer en sensibilisant nos régionales; on en a 12 à travers le Québec, c'est facile pour nous de leur parler. Peut-être que les bureaux du ministère de l'Industrie et du Commerce, un peu comme en Europe, devraient être associés à l'atteinte des objectifs sociaux de nos sociétés. En Europe, c'est extraordinaire, comment le ministère des Finances est partie prenante de tous les programmes sociaux qui sont mis de l'avant, entre autres en Allemagne, en Autriche. Au Québec, on ne les voit jamais! On rencontre toujours les représentants des ministères sociaux, mais les ministères à vocation économique ne sont jamais là. On se demande ce qu'ils font. Ils ne sont pas du tout dans le portrait. Alors, c'est peut-être eux qui devraient être les courroies de transmission, parce qu'ils comprennent beaucoup plus la dynamique de l'entreprise que, avec tout le respect que je dois à Mme la ministre, les hauts fonctionnaires du ministère de la Solidarité ou encore de la Condition féminine.

Mme Gagnon-Tremblay: M. Ponton...

M. Ponton (Gérald A.): Oui, madame.

Mme Gagnon-Tremblay: ...je voudrais revenir sur la Commission des normes du travail, étant donné que vous en faites partie; vous faites partie du conseil d'administration. Ne craignez-vous pas que, en demandant à la Commission des normes d'appliquer une telle loi, avec la non-expertise, actuellement, et aussi les ressources humaines qu'il faudra ajouter, pour le gouvernement, qui est en restrictions budgétaires actuellement, c'est une espèce de moyen détourné pour faire assumer par les entreprises le coût de l'équité salariale, quand on sait, par exemple, que ce sont les employeurs qui financent la Commission des normes du travail?

M. Ponton (Gérald A.): Effectivement, ce sont les employeurs qui financent la Commission des normes du travail. Juste sur le plan administratif, on parle peut-être de 4 000 000 $ à 6 000 000 $ additionnels pour gérer ce programme-là.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est ce que vous avez évalué, seulement 4 000 000 $ à 6 000 000 $?

M. Ponton (Gérald A.): Moi, ce n'est pas ce que j'ai évalué, mais c'est ce que mon expérience me permet d'apprécier comme ordre de grandeur d'un tel programme, puis là je ne vous parle pas des coûts pour l'entreprise, des coûts pour l'État.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

M. Ponton (Gérald A.): Donc, il serait financé par les employeurs. Mais, nous, on n'a pas réfléchi quant à savoir... Vous allez le comprendre, c'est très délicat aussi pour moi. Puis, en plus, on n'a pas réfléchi, comme association, sur qui devrait la gérer, parce que, pour nous, il faut le retirer, le projet de loi, il faut le redessiner, puis il faut tout recommencer. C'est au moins un point où on est d'accord avec la FTQ – on a entendu M. Massé dans les journaux – mais, je vous confesse, pour des raisons bien différentes. Mais on ne s'est pas arrêtés à la question à savoir qui des Normes ou de la Commission des droits devrait gérer le projet de loi, parce que, un, on en demande le retrait et, deux... Mais vous avez raison en disant que c'est les employeurs qui supporteraient le coût de cette loi.

Mme Gagnon-Tremblay: Je voudrais revenir, M. Ponton, à la mention dans votre mémoire lorsque vous parlez du modèle ontarien, des zones régionales par exemple, pour être capable d'évaluer. Est-ce que c'est un modèle qui fonctionne vraiment bien? Je pense, par exemple, que ça peut peut-être fonctionner au niveau d'une région qui a des moyens plus qu'une autre, mais comment, par exemple, une personne qui est technicienne dans une région pourrait avoir un salaire moindre dans une autre région? Comment ça peut s'évaluer? Moi, j'avais bien l'impression que, si vous êtes technicienne dans une région, vous devez avoir le même salaire que n'importe quelle technicienne d'une autre région. Comment vous pouvez réussir à appliquer une telle mesure?

M. Ponton (Gérald A.): Je vais demander à Me Thibodeau de répondre de façon plus spécifique sur les aspects techniques, mais le coût des logements n'est pas pareil dans toutes les régions. Alors, écoutez, il y a une relation revenus-dépenses de coûts de qualité de vie, de coûts pour se rendre au travail, d'utilisation de voiture ou non. Est-ce qu'on est à pied à côté de l'usine? Bon, alors, il y a toutes sortes de facteurs qui vont entrer, finalement, dans la décision de toucher un salaire déterminé. Il y a des entreprises qui ont des établissements à travers tout le Québec, il y en a qui ont des primes d'éloignement, donc, souvent, le salaire en région va être plus élevé que le salaire versé à Montréal. Alors, d'avoir une approche uniforme, on pense que ce n'est pas pratique. Et là je vais laisser là-dessus Me Thibodeau compléter.

Mme Thibodeau (Suzanne): M. Ponton, je pense, a répondu pleinement à l'idée que je voulais émettre, et je pense que, là-dessus... C'est la raison pour laquelle le mémoire, effectivement, suggère la création de zones pour décomplexifier le programme d'équité salariale, vu les écarts salariaux régionaux.

La Présidente (Mme Signori): Mme la députée de Sainte-Marie–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Saint-Henri–Sainte-Anne.

La Présidente (Mme Signori): Excusez.

Mme Loiselle: Ha, ha, ha! M. Boulerice n'aimerait pas ça. Ha, ha, ha!

Bonjour. Je reviens à la première question de ma collègue au niveau des coûts administratifs qu'apporte l'implantation d'un tel système. Dans un mémoire présenté au Conseil des ministres, dans la répartition des coûts administratifs, pour le total des entreprises assujetties, on parle d'un montant de 322 000 000 $. Si le gouvernement s'engageait à assumer une partie ou une grande partie des coûts administratifs, vous laissant, il va de soi, les ajustements salariaux, seriez-vous plus enclins à vous associer à une loi sur l'équité salariale? Parce que, moi, j'ai la certitude que, si on n'obtient pas un certain consensus entre les parties, une loi sur l'équité salariale, ce n'est pas faisable, ce n'est pas réalisable. Alors, pour aller chercher un certain consensus et si le gouvernement s'engageait à assumer certains coûts administratifs, seriez-vous plus enclins à vous associer à cette démarche?

M. Ponton (Gérald A.): Mme la Présidente, avec tout le respect que j'ai pour Mme la députée... Loiselle, je crois. C'est ça? C'est Mme Loiselle?

Mme Loiselle: Oui.

M. Ponton (Gérald A.): Est-ce que l'État a les moyens d'assumer ces coûts? Sauf que, au niveau théorique, c'est sûr que, s'il n'y a pas de coût pour l'entreprise, l'argument tombe, c'est bien évident. Mais on ne voit pas comment, dans la conjoncture économique actuelle... Si je peux utiliser un anglicisme entre guillemets, le timing, il est très mauvais, et tout tourne autour, actuellement, de la priorité que l'on doit donner. Dans les choix qu'on a à faire, on ne peut pas tout faire dans la conjoncture économique actuelle. Alors, c'est bien évident que, si l'État assumait sa part, ça poserait sans aucun doute moins problème. Mais est-ce que l'État est en mesure de faire sa part? Puis est-ce que, deuxièmement, le projet de loi va permettre de couvrir les écarts qu'on veut couvrir? Puis, ça, l'expérience ontarienne, ce n'est pas évident. Alors, vous avez beau vouloir adopter un projet de loi sur l'équité, mais, si ça ne fait pas progresser les femmes, vous n'aurez pas atteint l'objectif.

Alors, nous, on demeure persuadés que, avec une politique-cadre où on serait obligé de rendre compte des progrès, on aurait davantage de résultats, de sensibilisation, d'approche structurante dans les PME du Québec, et je pense que vous viseriez plus les objectifs que vous cherchez à atteindre.

Mme Loiselle: Alors, quand...

La Présidente (Mme Signori): Je m'excuse, Mme la députée, c'est terminé...

Mme Loiselle: Une petite remarque?

La Présidente (Mme Signori): ...à moins que Mme la porte-parole vous accorde...

Mme Loiselle: Seulement la remarque que, quand un dossier devient une priorité pour un gouvernement, le passé a prouvé que le gouvernement peut trouver les argents nécessaires. C'était seulement ça, ma remarque.

La Présidente (Mme Signori): Mme la ministre, veuillez conclure, s'il vous plaît.

Mme Harel: Oui. Alors, je comprends que le gouvernement l'a trouvé par rapport à ses employés. Vous savez que, durant les dernières années, c'est près de 371 000 000 $ qui ont été consacrés aux redressements dans le cadre d'un régime de relativité salariale. Je comprends aussi qu'il s'est quand même peu fait, même s'il y a une obligation à l'égard des entreprises qui veulent soumissionner avec l'État pour des contrats de plus de 100 000 $. Mais je constate aussi qu'il y a encore du chemin à faire pour vous amener à souscrire à la nécessité d'une loi proactive. Je comprends que ce n'est pas l'idée qu'il y ait une loi proactive qui vous inquiète, c'est ce qu'il y a dedans. Et je retiens de ce que vous avez dit quelque chose de très important: sortir de la réglementation, du processus pour viser des objectifs. Alors, je pense que votre message aura été compris.

La Présidente (Mme Signori): Alors, je vous remercie, M. Ponton...

M. Ponton (Gérald A.): Merci, Mme la Présidente, Mme la ministre.

La Présidente (Mme Signori): ...et je remercie vos collègues. Alors, une suspension de quelques minutes pour permettre à l'autre organisme de prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 18)

(Reprise à 11 h 21)

Le Président (M. Gaulin): Nous allons reprendre la séance d'aujourd'hui. Bienvenue, Mme Carbonneau, vice-présidente de la CSN. Si vous vouliez nous présenter celles qui vous accompagnent.


Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, oui, à ma droite, Judith Carroll, qui est au service de coordination des négociations à la CSN, et, à ma gauche, Francine Bousquet, salariée au contentieux de la CSN.

Le Président (M. Gaulin): Alors, bienvenue, vous avez 20 minutes pour votre dépôt.

Mme Carbonneau (Claudette): Je vais tenter de faire une présentation la plus succincte possible de façon à favoriser au maximum l'échange avec les membres de la commission. Je souhaiterais peut-être, d'entrée de jeu, tenter de situer l'importance que revêt la revendication de l'équité salariale pour la CSN en tant que mouvement, mais aussi pour ses syndicats et pour ses membres affiliés. Non seulement ce thème revient-il de façon récurrente et pressante dans bon nombre de nos débats d'instance, mais encore cette revendication est associée à plusieurs luttes importantes, parfois très dures et très longues; je pense en particulier à cette grève qui a duré plus d'un an chez les cols blancs de la municipalité de Marieville, aux caisses populaires de Brossard, aux syndicats des garderies à l'échelle de la province, au secteur public en 1989, pour ne donner que quelques exemples.

En outre, nous avons, ces derniers mois, réalisé une vaste enquête auprès de l'ensemble des représentants de tous nos syndicats et plus récemment auprès des membres de la base affiliés à la CSN pour mieux saisir, en quelque sorte, leur vision des changements qui sont en cours, leur perception, leurs préoccupations, leurs attentes et les revendications qu'ils priorisent. Je dirais que, de cette enquête, il ressort de façon très marquante et très généralisée que la revendication de l'équité salariale arrive parmi les premières en tête de liste. C'est donc en quelque sorte avec enthousiasme qu'on a attendu pour voir se concrétiser l'engagement électoral du gouvernement du Parti québécois à l'effet d'adopter rapidement une loi proactive en matière d'équité salariale, engagement d'ailleurs réitéré à l'occasion de la marche des femmes.

Je dois dire que c'est avec une grande déception que nous avons pris connaissance du contenu de cet avant-projet de loi, parce que, s'il contient à la fois la majorité des éléments nécessaires à la réalisation de l'équité salariale, il offre par ailleurs toutes les échappatoires nécessaires pour rendre impossible l'application du principe d'un salaire égal pour un travail de valeur équivalente; parce que aussi il fait un très grand nombre d'exclues chez les femmes; parce que, enfin, il enclenche un processus complètement dominé par les employeurs et tout à fait méprisant à l'égard de la nécessaire participation des travailleuses et des travailleurs dans l'élaboration d'un programme d'équité salariale.

Chez nous, à ce sujet, la colère est grande. Elle n'a d'égale qu'une très forte détermination, largement partagée dans nos rangs, de forcer l'adoption d'une loi proactive satisfaisante qui permette, 20 ans après l'adoption de la Charte des droits de la personne, d'inscrire enfin la réalité de la pleine reconnaissance de la valeur du travail des femmes dans le concret et dans les pratiques généralisées qu'on observerait dans les entreprises. Depuis 1980, la CSN a acquis la conviction que la concrétisation de ce principe de l'équité salariale passe par l'adoption d'une loi d'application sur l'équité salariale qui permette de passer d'un processus de plaintes individuelles, où les femmes doivent s'inscrire une à une en victimes à la recherche d'un coupable, à un système proactif qui reconnaisse le caractère systémique du problème et qui permette de s'y attaquer de façon systémique. L'expérience des plaintes déposées pour près de 100 000 femmes dans le secteur public québécois devant la Commission des droits de la personne, en 1987, et qui sont toujours en attente de conclusion devant cet organisme, neuf ans après leur dépôt, n'a fait que raffermir notre conviction de la nécessité d'adopter une loi proactive sur l'équité salariale.

Qu'est-ce que la CSN entend par une loi satisfaisante en matière d'équité salariale? D'abord, je dirais une loi qui reconnaisse les droits à un salaire exempt de discrimination fondée sur le sexe pour l'ensemble des femmes du Québec; ensuite, une loi qui donne une prise réelle aux travailleuses et aux travailleurs et, le cas échéant, aux syndicats qui les représentent sur l'élaboration des programmes d'équité; une loi qui impose à l'employeur de prendre l'initiative d'apporter les corrections nécessaires et qui fasse reposer sur ses épaules le fardeau de la preuve de la démonstration que sa structure salariale est vraiment exempte de discrimination; une loi aussi dont l'objet est explicitement celui de l'élimination de la discrimination salariale, une loi dont le champ d'application est le plus large possible, c'est-à-dire une loi qui couvre l'ensemble des entreprises dans l'ensemble des secteurs d'activité économique; enfin, une loi qui détermine un organisme responsable qui réponde aux grandes caractéristiques suivantes: indépendance, expertise, pouvoir d'intervention nécessaire et ressources suffisantes.

C'est clair que, de notre point de vue, l'avant-projet de loi est très loin de répondre à nos attentes quant à notre définition de ce qu'est une loi satisfaisante. Nous n'avons pas voulu, à l'intérieur de notre mémoire, y aller de commentaires article par article, d'abord parce que nous croyons qu'il ne s'agit pas que de rechercher des corrections mineures cosmétiques. On a voulu aussi tenter, à l'intérieur de notre mémoire, d'éviter de faire dévier le débat sur des aspects trop techniques, d'autant que nous sommes convaincus que le rapport dont le gouvernement dispose à travers son comité d'expertes constitue une excellente base de référence à cet égard. Nous voulons centrer notre intervention sur des critiques de fond qui permettent de réorienter de façon majeure l'avant-projet de loi qui est actuellement en débat, pour atteindre une loi satisfaisante qui réponde aux objectifs d'équité salariale.

(11 h 30)

Alors, peut-être, avant d'aborder les aspects les plus critiques de notre réflexion, souligner avec force les éléments majeurs qui nous apparaissent intéressants dans l'avant-projet de loi et que nous voulons très certainement retrouver dans un projet de loi. D'abord, le fait que le projet de loi cible très directement la nécessité de procéder à des comparaisons entre des corps d'emploi à prédominance masculine et des corps d'emploi à prédominance féminine; ensuite, le fait que l'avant-projet de loi favorise la comparaison des corps d'emploi féminins avec l'ensemble des titres d'emploi à prédominance masculine; aussi, la nécessité de contrôler les biais sexistes à chacune des étapes du processus; et, enfin, des méthodes d'estimation des écarts salariaux qui n'ont pas pour effet de minimiser l'importance des correctifs salariaux à apporter.

Par ailleurs, là où nous devenons beaucoup plus critiques, c'est, entre autres, concernant la couverture de la loi et les mécanismes prévus au chapitre XI pour permettre aux employeurs de se soustraire à l'application de la loi.

Pour ce qui est de la couverture proprement dite, deux lacunes majeures méritent des commentaires: d'abord, le fait que la loi n'améliore en aucun cas le sort des femmes qui oeuvrent à l'intérieur des entreprises de 10 salariés et moins. Vous savez, la Charte des droits et libertés de la personne fait en sorte qu'elle couvre toutes les femmes et que toutes se voient reconnaître le droit à un salaire exempt de discrimination fondée sur le sexe. Alors, on pense que, à l'intérieur d'une loi d'application, toutes doivent trouver le moyen d'atteindre cet objectif. On est prêtes à reconnaître que, dans les entreprises de moins de 10 salariés, ça pose effectivement des problèmes particuliers d'application. Néanmoins, il est intéressant de se rappeler que, dans ces entreprises, on retrouve au bas mot 15 % de la main-d'oeuvre féminine au Québec; ce n'est pas rien. Il nous apparaît absolument nécessaire que le projet de loi n'abandonne pas ces femmes-là à leur propre sort et qu'on recherche effectivement des alternatives, soit dans la direction d'une amélioration du mécanisme de plainte ou, à tout le moins, pousser plus loin la réflexion et l'expertise pour entrevoir les couvrir ultérieurement à travers la loi proactive elle-même.

Autre lacune importance au chapitre de la couverture, ce sont ces entreprises, fort nombreuses au Québec, où on ne retrouve pas de comparable masculin à l'intérieur de l'entreprise. On peut se donner des exemples concrets: les garderies, les maisons pour femmes violentées, les ateliers de couture, les salons de coiffure. Bref, il y en a une légion importante, de ces entreprises-là, au Québec. De ce côté-là, ne pas trouver de solution qui permette de favoriser des ajustements de salaire pour ces femmes-là, ça nous apparaît très grave.

À ce chapitre-là, on est très critiques par rapport aux dispositions de l'avant-projet de loi qui, au fond, pellettent en quelque sorte le problème par en avant et font en sorte que la commission responsable de la loi ne doit pas nécessairement trouver une solution dans de la réglementation, mais il est tout simplement prévu qu'elle peut trouver à travers la réglementation une solution pour ces entreprises-là. Ça, ça nous apparaît nettement inacceptable.

Au chapitre des solutions qu'on entrevoit pour ce problème, elles sont, disons, de deux ordres. Pour les entreprises qui bénéficient d'une bonne part de subventions provenant de l'État – on peut se donner des exemples: les garderies – nous pensons que le projet de loi devrait explicitement permettre la comparaison avec des corps d'emploi équivalents dans le secteur public, après, bien sûr, qu'un véritable exercice d'équité salariale aura été réalisé à l'intérieur de ce secteur-là, parce que nous ne croyons pas que ce soit fait dans le secteur public. J'aurai l'occasion d'y revenir plus tard.

Pour d'autres types d'entreprises qui ne reçoivent pas de subventions gouvernementales, je crois qu'il faut reconnaître qu'il y a des études à poursuivre. Il y a peut-être un intérêt à examiner, à explorer la voie sectorielle, mais je pense qu'il faut nécessairement être plus incisif dans un projet de loi et prévoir explicitement que l'organisme responsable, non pas «pourra» établir une réglementation, mais «devra» nécessairement le faire.

Le chapitre XI, celui qui prévoit la possibilité pour énormément d'employeurs au Québec de se soustraire à l'application de la loi. Je dirais là-dessus, d'entrée de jeu, que, dans la mesure où une entreprise aurait, de fait, pleinement réalisé l'équité salariale avant l'adoption d'une loi, nous ne serions pas de ceux qui exigerions nécessairement de reprendre le processus pour reprendre le processus. Je reviendrai quant aux conditions permettant de baliser cette situation.

Par ailleurs, ce qui nous apparaît inadmissible au chapitre XI, c'est le fait de prévoir des exclusions à partir du moment où des employeurs auraient procédé, soit à un exercice de relativité salariale, soit encore à la mise en place de programmes d'accès à l'égalité. Il s'agit là – relativité, accès à l'égalité, équité – de trois concepts différents, distincts, qui, bien sûr, ont un effet qui concerne la rémunération, mais qui n'offre, à proprement parler, aucune garantie de répondre à l'objectif spécifique d'équité salariale qui vise à éliminer la discrimination fondée sur le sexe. Alors, de notre point de vue, nous souhaitons, nous exigeons même qu'un futur projet de loi biffe en quelque sorte toute référence pour des fins d'exclusion à des processus d'accès à l'égalité ou de relativité salariale.

(11 h 40)

Pour ce qui est des entreprises qui pourraient avoir réalisé un véritable exercice d'équité salariale, nous pensons qu'elles devraient être en mesure de démontrer qu'elles ont satisfait de façon conforme à l'ensemble des exigences de la loi, que cette opération-là puisse être vérifiée par l'organisme responsable et que, dans le cas où il y a un syndicat à l'intérieur de l'établissement, il y ait attestation par les deux parties de la conformité de l'exercice qui a été réalisé antérieurement.

Le secteur public. Je rappelle que, pour la CSN, l'exercice réalisé en 1989 n'a pas été un exercice d'équité salariale, mais bien un exercice de relativité salariale. Certes, il faut reconnaître que ça a eu des effets sur la rémunération des salariés et sur la rémunération d'un certain nombre de femmes. Cependant, les conventions que nous avons signées avec le gouvernement, en 1989, prévoient explicitement, à l'intérieur d'une de leurs annexes, que nous prenons acte des changements intervenus dans la structure salariale, mais qu'en aucun cas nous ne reconnaissons qu'il s'agit là d'un exercice d'équité salariale.

Je voudrais à ce chapitre-là, d'ailleurs, souligner le fait que, suite aux plaintes déposées par la CSN devant la Commission des droits de la personne, la Commission elle-même a refusé d'entériner ou de reconnaître la validité de l'outil d'évaluation mis de l'avant par le Conseil du trésor comme satisfaisant à des objectifs d'équité salariale.

Je rappelle que le secteur public québécois est, au Québec, le plus grand employeur de main-d'oeuvre féminine; il y aurait là, s'il y avait exclusion du simple fait que s'est réalisé à l'intérieur de ce secteur-là un exercice de relativité salariale, il y aurait là une injustice profonde pour un très grand nombre de femmes. Compte tenu de la nécessité d'agir avec un comportement exemplaire, nous croyons que ça aurait nécessairement pour conséquence d'indiquer au secteur privé, aux autres employeurs, que la relativité salariale satisfait en tous points à des exigences d'équité, ce que nous ne partageons pas.

Autre critique importante: il nous semble qu'il faille revoir et renforcer, de façon majeure, le chapitre qui traite de la participation des salariés. Certes, dans une logique de loi proactive, il appartient à l'employeur de prendre des initiatives, de revoir son système salarial et d'apporter les correctifs nécessaires. Cependant, nous croyons qu'une loi proactive en matière d'équité salariale doit établir clairement la nécessité d'un travail conjoint avec les salariés de l'entreprise et avec, le cas échéant, l'organisation syndicale qui pourrait y être accréditée.

C'est très clair qu'à l'intérieur des entreprises tout ce qui a trait à la structure salariale, ce sont des sujets qui sont éminemment sensibles. De ce côté-là, nous voyons un intérêt à ce que les salariés y soient associés. Nous pensons même que ça va aussi, en raison de la sensibilité de ces thèmes-là, dans l'intérêt de l'employeur, dans l'intérêt de relations harmonieuses à l'intérieur de l'entreprise d'y associer pleinement les salariés et les organisations qui les représentent. D'où la nécessité, de notre point de vue, de soigner les mécanismes de représentation des salariés.

Alors, de ce côté-là – je vois qu'on m'indique, moi qui avais annoncé une présentation succincte, que mon temps s'épuise, alors je vais tenter d'y aller de façon très succincte – on trouve inadmissible que, en cas de désaccord des salariés à l'intérieur des comités, l'employeur se trouve le seul décideur. Il nous semble qu'il faille revoir tout ça. On est en accord avec l'orientation suggérée par l'avant-projet de loi, à l'effet de la pertinence d'établir des programmes uniques d'équité qui traversent l'ensemble de l'entreprise et non pas viser, là, le morcellement.

Formation. Il semble que, là aussi, des améliorations importantes doivent être apportées. La loi prévoit que la formation doit être disponible, mais n'impose pas de responsabilité très claire à l'employeur à cet égard. On pense qu'on doit mettre de l'avant, explicitement, la mécanique des libérations pour que les salariés puissent se former et exiger de l'employeur qu'il rende disponible la formation.

Sur l'information, j'aurai éventuellement, dans la période de questions, des remarques à faire sur la question de la confidentialité, et peut-être qu'on peut aussi référer à la période de questions les remarques qu'on avait faites à l'intérieur de notre mémoire et qui concernent les recours.

Vous me permettrez, avant de conclure, strictement de faire quelques remarques sur l'organisme responsable de la loi. Je répète que, quant à nous, nous privilégions la mise en place d'une commission sur l'équité salariale. Nous souhaitons, dans tous les cas de figure, que l'organisme responsable de la loi réponde au critère d'indépendance, dispose des ressources suffisantes, de pouvoirs d'intervention et d'une expertise spécialisée en la matière. Ça nous apparaît d'autant plus important pour la phase d'implantation du projet de loi, après quoi on pense que la loi peut prévoir un mécanisme de révision, et il pourra éventuellement y avoir lieu de se poser la question.

Je dirais, en toute dernière conclusion, que je trouve important, malgré la sévérité de nos critiques, de distinguer nettement le mécontentement et la colère qui grondent dans nos rangs à l'égard de cet avant-projet de loi des critiques qui peuvent être formulées, notamment par les associations patronales. Ça n'a rien à voir avec ce genre de critiques dans notre cas. Ce qu'on comprend des représentations des associations patronales: ils ne veulent pas d'une loi coercitive. Nous sommes, quant à nous, convaincus que, 20 ans après l'adoption de la Charte, si on n'y va pas d'une loi coercitive, d'une loi proactive, on n'atteindra pas, d'aucune façon, la concrétisation du principe de non-discrimination salariale qui est prévu à la Charte. Alors, je m'arrêterai là pour la période de questions.

Le Président (M. Gaulin): Mme la première vice-présidente de la Confédération des syndicats nationaux, je vous remercie beaucoup. Vous êtes aussi éloquente que le président du Conseil du patronat hier. Alors, je donne la parole à Mme la ministre.

Mme Harel: Je ne suis pas certaine, M. le Président, que vous venez de faire un compliment aux yeux de la vice-présidente de la CSN.

Le Président (M. Gaulin): C'était pour taquiner.

Mme Harel: Ha, ha, ha! Mais je pense que votre remarque est quand même à propos parce que, dans le fond, ce que ça révèle, c'est ceci: Devant cette commission, depuis le début de nos travaux, ce qu'on se fait dire, disons, pour caricaturer un peu, c'est soit que cet avant-projet de loi est trop ou que cet avant-projet de loi n'est pas assez. Alors, il y a finalement un consensus cependant, c'est de le réécrire à nouveau. En fait, c'est à peu près le seul consensus, je dirais, sur lequel on semble s'entendre du côté des intervenants.

Il y a, rapidement, trois sujets sur lesquels j'aimerais échanger avec vous, le premier étant celui des travailleuses dans les entreprises de moins de 10 employés, le deuxième étant celui des travailleuses dans le secteur public, puis le troisième étant l'approche sectorielle.

Le premier, concernant les travailleuses dans les entreprises de moins de 10 employés. J'ai bien noté les propos que vous avez tenus il y a quelques minutes maintenant, où vous disiez: La loi n'améliore en rien la situation des femmes qui se trouvent dans des entreprises de moins de 10 salariés. Et la grande question, c'est de savoir: Est-ce qu'une loi seulement pourrait améliorer ou bien on s'enfargerait de façon telle que l'intention serait bonne, mais le résultat décevant? La Commission des droits de la personne et le comité de consultation qui a préparé cet exercice a, je pense, conclu – la Commission des droits devant nous, d'ailleurs, à l'ouverture de nos travaux – que, pour toutes sortes de considérations, ce n'était pas à propos. Moi, depuis, j'ai fait sortir les chiffres. Qui sont ces personnes qui travaillent dans les entreprises de 10 employés et moins? Et ce que j'ai pu constater, c'est que, finalement, 74 % des travailleurs et des travailleuses au salaire minimum – puis on sait qu'au deux tiers ce sont des travailleuses – 74 %, donc les trois quarts, se retrouvent dans des établissements dont la taille est de 10 employés et moins, ce qui signifie que, pour améliorer efficacement, durablement, concrètement la situation de ces travailleurs et travailleuses qui sont surtout des femmes, vaut mieux augmenter le salaire minimum. Je voudrais vous entendre là-dessus.

Mme Carbonneau (Claudette): Il est très clair que la CSN a toujours soutenu la revendication d'une amélioration du salaire minimum et on continue de mettre de l'avant cette revendication-là. Je vous dirais, là-dessus, que mes remarques préliminaires, tantôt, visaient à faire en sorte de mettre peut-être moins l'emphase sur le processus, mais s'assurer que, par l'une ou l'autre des mesures, on atteigne un objectif et qu'on ne laisse pas à elles-mêmes ces femmes, malgré tout, nombreuses et souvent dans des situations particulièrement désavantagées, particulièrement précaires. Il me semble qu'il ne faut pas, dans l'ensemble de l'action législative, abandonner ces femmes-là à leur propre sort.

Alors, si, oui, le gouvernement prend l'engagement d'aller dans le sens d'une augmentation substantielle du salaire minimum, il y a là très certainement une mesure qui, sans être directement une mesure d'équité salariale, est néanmoins une mesure qui contribue à améliorer le sort de ces femmes-là, et c'est clair qu'on ne serait pas en désaccord avec ça.

Par ailleurs, je pense qu'on ne doit pas non plus renoncer à réfléchir à l'amélioration du mécanisme de plainte prévu à la Charte, au soutien à fournir à des salariés de ces entreprises-là qui décideraient de procéder par des plaintes. Et je crois aussi qu'on ne doit pas fermer la réflexion dans le cadre, par exemple, d'un organisme responsable de l'application d'une loi proactive, de tenter, à travers l'accumulation de son expertise, de réfléchir à l'éventuelle couverture d'entreprises d'aussi petite taille par une telle loi.

(11 h 50)

Mme Harel: Je ne sais pas si ça va vous surprendre, mais cette idée d'améliorer, à l'article 19 de la Charte des droits et libertés, le recours fondé sur la plainte qui s'y trouve a été énoncée devant notre commission par nul autre que le président du Conseil du patronat. Alors, vous la voyez comment, cette amélioration, vous? Avez-vous travaillé sur la façon dont on peut y arriver?

Mme Carbonneau (Claudette): Non, on n'a pas travaillé ça dans le détail. Par ailleurs, quand on se parle de plaintes, disons qu'on en a une expérience certaine. Il est assez évident que le processus est très lourd, les délais sont extrêmement longs; il n'y a à peu près pas de femmes, si ce n'est des femmes fortement soutenues par leur organisation syndicale, qui ont pu recourir à ce genre de mécanisme. Or, de ce côté-là, à tout le moins en termes de soutien de la part de la Commission, assouplissement possiblement des règles, il me semble que c'est dans cette direction-là qu'il faille regarder.

Mme Harel: Alors, vous savez qu'on profite de vous, là, parce que vous êtes...

Mme Carbonneau (Claudette): Ah, le fardeau de la preuve, aussi.

Mme Harel: ...considérée comme une experte. Vous êtes considérée comme une experte dans tous ces dossiers. Je sais que le temps file et puis je voudrais peut-être vous entendre sur la question du secteur public. Moi, les chiffres qui me sont fournis sont à l'effet que l'exercice qui a été réalisé a permis d'injecter l'équivalent de 371 000 000 $, qui est récurrent, n'est-ce pas, c'est en dollars de 1995, mais il faudrait, en fait, si on voulait faire des chiffres astronomiques, additionner tout ça. Mais, pour cette année, c'est 371 000 000 $, et c'est 3,6 % de la masse salariale des catégories d'emplois.

On me dit que, de cette somme, 319 000 000 $ ont été utilisés pour des ajustements salariaux à 89 % de l'ensemble des personnes oeuvrant dans des titres d'emplois à prédominance féminine. Il s'agirait de 155 000 personnes en équivalents temps complet. Le correctif salarial moyen pour les titres d'emplois à prédominance féminine, ce correctif-là a atteint 5,6 %, et les autres déboursés – en fait, il s'agit de 52 000 000 $ – ont été entraînés pour des ajustements salariaux pour des titres d'emplois à prédominance masculine.

Mais, là, ce qu'on me fait valoir, c'est en regard de la loi ontarienne, qui prescrit que les ajustements salariaux doivent être alignés – vous me suivez toujours? – sur le salaire le plus bas du titre d'emploi équivalent à prédominance masculine. On compare, puis on ajuste sur le salaire le plus bas du titre d'emploi masculin équivalent. Étant donné que le programme d'équité salariale du gouvernement a permis aussi des ajustements aux titres d'emplois à prédominance masculine, il y a eu un effet d'entraînement qui a relevé également, en ajustant à la hausse, les titres d'emplois à prédominance féminine.

En fait, concrètement... On me donne des exemples: chez les infirmières, pour 40 000 d'entre elles, c'est quand même un ajustement de 9,2 %. Bon. Je ne vous ferai pas tous les corps d'emplois, mais je voudrais juste résumer en vous disant que si le privé s'enlignait sur la relativité salariale... Je ne veux pas vous en faire la promotion ce matin, je veux juste constater avec vous que ce n'est pas pareil, relativité salariale, équité salariale, programme d'accès à l'égalité, on en convient, puis il faut le définir. Mais savez-vous que cet exercice, qui n'est pas parfait là, cet exercice imparfait aura quand même permis un salaire moyen des femmes, dans le secteur public, à 86 % de celui des hommes – je vous rappelle que la moyenne, au Québec, c'est 69,9 %; alors, il faut que, dans le privé, ce soit pas mal plus bas pour pouvoir juste égaliser ça – aura permis, dans le réseau de la santé et des services sociaux, un salaire moyen des femmes à 97 % de celui des hommes. Je comprends qu'il y a encore des améliorations mais, ma foi, la relativité salariale, ça n'a quand même pas donné de si mauvais résultats. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Carbonneau (Claudette): Je pense qu'il faut prendre en compte effectivement la réalité particulière du secteur public. Le secteur public est caractérisé par des corps d'emplois à forte prédominance féminine. Or, en ce sens-là, quand vous revenez avec des statistiques qu'on ne conteste pas, le 86 %, le 97 %, même si le rapport salarial homme-femme, à l'intérieur de ce secteur-là, compte tenu du nombre très important de femmes qui y oeuvrent – et d'ailleurs de la caractéristique des emplois: prendre soin des personnes – se retrouve celui que vous décrivez, on n'a pas pour autant la garantie qu'effectivement l'équité salariale est atteinte.

Plus concrètement, essayons de nous donner des exemples. Il n'y a rien dans le secteur public qui fait en sorte de démontrer que les employés de bureau, les secrétaires, par exemple, ont obtenu satisfaction en matière d'équité salariale, si on compare les exigences, les efforts, bref, les critères définis à l'avant-projet de loi par rapport à d'autres catégories d'emplois à prédominance masculine. Je pense aux peintres, par exemple. On pourrait se donner des tonnes et des tonnes d'exemples, à l'intérieur du secteur public, où ces problèmes-là perdurent et demeurent. Et peut-être que je pourrais demander à Mme Carroll de compléter de façon plus technique sur l'exercice qui a été réalisé en 1989.

Mme Carroll (Judith): Effectivement, peut-être préciser la nuance entre relativité et équité salariale. Le Conseil du trésor a procédé à ses propres enquêtes, mais il n'y a pas là, selon nous, correspondance avec les éléments essentiels de l'avant-projet de loi, ne serait-ce que le contrôle des biais sexistes. Donc, oui, en fonction des caractéristiques qui sont propres au secteur public, il y a eu des ajustements, ajustements significatifs pour les femmes dans le secteur public, mais il reste encore tout un écart à combler et je dirais, un peu comme Mme Carbonneau le soulignait, même si le ratio des gains des femmes par rapport à celui des hommes dans le secteur public était de 100 %, je rappelle qu'il s'agit d'un indicateur de la situation des femmes et ça n'inscrit pas, de fait, qu'il y a pleine reconnaissance de la valeur de leur travail.

Mme Harel: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gaulin): Merci, Mme la ministre. Mme la porte-parole de l'opposition officielle et députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci, Mme Carbonneau. Merci, mesdames. Je sais que Mme Carbonneau a travaillé depuis fort longtemps à tout ce qui touche les programmes d'accès à l'égalité, l'obligation contractuelle, les relativités salariales et l'équité salariale, et je sais que vous êtes devenue maintenant une experte. Cependant, il y a quelque chose. Je me posais la question tout à l'heure. Je sais qu'à une époque la CSN ou les femmes de la CSN avaient demandé que, dans ses propres structures, on implante des programmes d'accès à l'égalité. Est-ce que vous avez réussi? Oui?

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, c'est fait. C'est fait à deux égards: c'est fait dans la convention collective qui régit nos rapports avec les salariés de la CSN et c'est fait aussi, de façon plus originale, et ça découle de notre dernier congrès sur les structures: «Réflexion sur la place des femmes élues à la CSN».

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, bravo! Tout à l'heure, lorsque nous avons rencontré l'Association des manufacturiers canadiens, je posais la question à M. Ponton, qui n'était pas contre une loi sur l'équité salariale, comme on l'a bien compris, mais plutôt sur l'application de cette même loi. Même au niveau des sommes qui devraient être investies pour les écarts salariaux, ça ne semblait même pas faire problème, contrairement peut-être à d'autres intervenants.

J'ai suggéré, à un moment donné, l'obligation peut-être de former des comités paritaires dans les entreprises pour avoir une certaine obligation, même si ce n'est pas tout à fait incitatif mais que ce n'est pas finalement... Il y a peut-être un juste milieu, là, étant donné que les syndicats ont à peu près... Je dirais que tous les syndicats ont à peu près développé des expertises dans ce sens-là. Est-ce que, pour vous, ça pourrait être convenable ou ça pourrait être une amorce, finalement, vers l'équité salariale?

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, alors, écoutez. Moi, je pense que, si on veut arriver à des résultats qui sont satisfaisants, c'est important d'abord de s'inscrire dans un cadre qui vise ce qu'on veut corriger, d'abord de définir des objectifs qui concernent l'équité salariale. Ça ne peut pas être un comité paritaire avec des objectifs extraordinairement flous. Ça ne peut pas non plus être laissé à la bonne volonté des employeurs. Il me semble que l'expérience de l'entrée en vigueur de la Charte, il y a 20 ans, et le rapport salarial encore nettement défavorable aux femmes qu'on constate dans les entreprises, il est tout à fait sur la nécessité d'une loi qui soit davantage coercitive.

Le Président (M. Gaulin): Excusez-moi, Mme la députée de Saint-François, est-ce que je peux demander si les membres de cette commission consentent à ce qu'on poursuive jusqu'à 12 h 15?

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Parfait.

Le Président (M. Gaulin): Merci.

(12 heures)

Mme Gagnon-Tremblay: Je comprends que ces comités, ça ne doit pas être flou, mais, cependant, je pense qu'il y a certaines craintes qu'on ne peut pas ignorer. Moi, je me reporte, entre autres, lorsqu'on avait créé des comités paritaires au niveau des relativités salariales, les syndicats avaient même de la difficulté à s'entendre ensemble au niveau des modalités et des outils à développer. Je me souviens, même votre syndicat s'était abstenu, à ce moment-là, avait fait bande à part. Donc, on sait très bien – parce que le recommandait, entre autres, l'Association des manufacturiers – là où il y a une grosse entreprise et que vous avez plusieurs unités syndicales, ils semblaient dire que ça serait préférable que chaque unité syndicale fasse son propre travail. Mais je pense, par exemple, à une entreprise où, déjà, ça a été très difficile d'en arriver à un commun accord entre les syndicats au niveau des relativités salariales; au niveau du gouvernement, comment on va pouvoir avoir cette souplesse et s'assurer qu'on aura cette souplesse dans les entreprises, et comment aussi s'assurer, une fois qu'on en arrive à un règlement...

Moi, je sais que j'ai toujours été déconcertée de voir qu'on signait des ententes-cadres, qu'on s'entendait, par exemple, sur une modalité quelconque, mais, seulement pour s'entendre sur les libérations syndicales, on pouvait prendre parfois six mois, puis huit mois. Alors, donc, je me dis: Comment on peut en arriver, autant de la part de l'entreprise, parce qu'on demande aux entreprises de se pencher à ce niveau-là, puis on demande aux entreprises d'apporter aussi leur contribution, mais, comment, de la part des syndicats, on peut éviter, là, tous ces délais ou ces chicanes au niveau des libérations syndicales, de la formation, et aussi, une fois qu'on en est arrivé à un règlement sur les écarts salariaux, s'assurer qu'il n'y ait pas de plaintes par la suite?

Parce que vous êtes très au fait aussi que, au niveau gouvernemental, malgré un règlement global, il s'ensuit qu'il y a des personnes qui ne sont pas nécessairement satisfaites et qu'on poursuit malgré tout. Alors, comment, là, concilier tout ça et faire en sorte qu'on puisse rassurer les entreprises et qu'on puisse trouver un processus qui est souple autant de la part des entreprises que de la part des syndicats?

Mme Carbonneau (Claudette): Bien, je dirais d'abord – vous vous référez à la question des plaintes – je rappellerais que, bon, les plaintes déposées par les membres de la CSN dans le secteur public l'ont été avant la conclusion des conventions collectives, que, au moment de conclure les conventions collectives, il n'y a pas eu d'effet surprise. Je référais tantôt à l'existence de cette annexe qui a quand même été contresignée par les deux parties où, très clairement, s'y trouve consigné le désaccord de la CSN à l'effet qu'il s'agissait d'un processus d'équité salariale. Alors, tu sais, de ce côté-là, il n'y a pas de surprise comme telle. Je pense que la façon la plus efficace d'éviter de se retrouver devant un processus de plainte, c'est de s'asseoir de bonne foi et de se prêter à un exercice qui réponde effectivement à l'objectif qui est recherché, c'est-à-dire un véritable exercice d'équité salariale.

Mme Carroll (Judith): Peut-être plus sur...

Le Président (M. Gaulin): Mme Carroll.

Mme Carroll (Judith): ...l'aspect des comités, peut-être préciser que, effectivement, ce qu'on vise, c'est l'établissement d'un programme d'équité salariale à l'intérieur d'une même entreprise. Il faut comprendre que les questions de ségrégation professionnelle font en sorte que les femmes vont se retrouver très majoritairement dans certains types d'emplois, les hommes, dans d'autres, et qu'ils seront à ce moment-là souvent, de par la constitution des unités d'accréditation, dans des unités différentes. Il est important, en ce sens, de viser l'établissement d'un programme unique plutôt que par unité d'accréditation.

Cependant, il y a des réalités dans le milieu du travail et au sein des entreprises, et on se doit de constater que, dans certains cas, oui, ce sera possible, et, dans d'autres, non. Et, en ce sens-là, le chapitre III de l'avant-projet de loi précise qu'il y aura moyen de produire plusieurs programmes d'équité. Cependant, un point de désaccord est à l'effet que les employeurs décideront si oui ou non ils en font plusieurs. Mais ce qui apparaît déterminant, c'est la nécessité de pouvoir comparer l'ensemble des titres d'emplois féminins d'une même entreprise avec les titres d'emplois masculins.

Cependant, on dévie un peu, je pense, sur la question aussi de la coercition qui est nécessaire. Et, là, c'est la nature même de la loi qui fait en sorte que les employeurs doivent démontrer qu'il y a non-discrimination. S'il n'y a pas discrimination, je pense qu'on en sera, tous et toutes, très heureuses.

Mme Gagnon-Tremblay: Je voudrais revenir aux entreprises de 10 salariés et moins. Tout à l'heure, la ministre parlait d'une suggestion qu'elle aurait reçue concernant l'augmentation du salaire minimum. Est-ce que ça signifie que, dans la majeure partie de ces petites entreprises, les femmes seraient au salaire minimum? Est-ce que c'est ce qu'on doit comprendre?

Mme Carbonneau (Claudette): Il est très probable qu'on retrouve dans ce genre d'entreprise une très forte concentration de salariées au salaire minimum ou dans des échelles de salaires très rapprochées du salaire minimum où, effectivement, une augmentation du salaire minimum peut avoir, là, certainement un effet, oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais est-ce que ça signifie cependant que, même si elles sont dans des entreprises de 10 employés et moins et qu'elles sont au salaire minimum, on ne peut évaluer à la hausse, davantage, entre autres, leur salaire, étant donné que, j'imagine, il doit y avoir quand même une habileté? Il y a peut-être moins de formation, moins d'éducation; il y a peut-être, par contre, une habileté, une dextérité que d'autres n'ont pas. Je me dis, à ce moment-là: il faudrait également que ces emplois-là soient aussi évalués, à mon avis.

Mme Carroll (Judith): Oui. Je partage effectivement votre préoccupation dans cette direction-là. On disait qu'on appuierait effectivement une remontée du salaire minimum. Je pense que c'est là une mesure qui aurait un effet positif sur le salaire des femmes les plus démunies de la société. Néanmoins, il ne faut pas croire que ça répond, cette mesure-là, nécessairement à tous les objectifs d'élimination de la discrimination salariale.

On retrouve aussi, très certainement, dans des entreprises de 10 salariés et moins, des personnes dont la pleine valeur de leur travail n'est pas reconnue et qui ne se trouvent pas non plus au salaire minimum. En ce sens-là, on suggérait qu'effectivement on puisse ouvrir une réflexion sérieuse, soit en direction de l'amélioration du mécanisme des plaintes, soit encore développer une expertise qui permette de rendre plus facilement applicable à la réalité des petites entreprises l'application d'une loi sur l'équité salariale. Or, en ce sens-là, je pense qu'il ne s'agit pas de se rabattre sur une seule mesure en disant: C'est la panacée pour ce genre d'entreprise. Je rappelle qu'il y a, au bas mot, 15 % de la main-d'oeuvre qui oeuvre dans ce genre d'entreprise au Québec. Or, en ce sens-là, c'est probablement par un ensemble de moyens qu'on pourra arriver à l'objectif d'améliorer le sort de ces femmes.

Mme Gagnon-Tremblay: Justement, au niveau de ces petites entreprises, je pense davantage aux femmes immigrantes qui oeuvrent, entre autres, dans la couture et qui ont plusieurs connaissances souvent. Si elles oeuvrent là, souvent, c'est peut-être pour davantage se familiariser avec la langue. Mais, par contre, elles sont vraiment sous-payées et, donc, je pense que ça serait important qu'on l'évalue.

Je pense que vous souhaitiez aussi qu'on puisse avoir, vous étiez prêtes, je pense, à accepter un modèle un peu plus souple, un mécanisme, c'est-à-dire, un peu plus souple, qui pourrait être développé, soit par la Commission des droits, pour être capable quand même d'évaluer ces emplois, bien sûr, tout en leur permettant une augmentation du salaire minimum en même temps, si le gouvernement est prêt à le faire.

Mme Carroll (Judith): Je pense, en tout cas, qu'il est prioritaire pour les salariés qu'on retrouve dans ces entreprises-là de mettre davantage l'emphase sur l'objectif à atteindre, sur l'atteinte de résultats plutôt que de dire: Il y a une solution toute faite qui passe, de façon rigide, par l'application de telle ou telle mécanique.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Gaulin): Oui, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Je vous remercie à mon tour, Mme Carbonneau, je vous remercie de votre présentation. Tantôt, la ministre faisait état de la situation des infirmières. Je pense qu'il faut reconnaître avec elle qu'elles ont des conditions de travail difficiles, que c'est difficile actuellement, dans le milieu des établissements de santé. Dans votre mémoire, vous faites mention que les femmes occupent majoritairement des postes à temps partiel: des contractuelles, des occasionnelles. Vous savez comme nous qu'on fait face à des coupures – et je ne veux pas ouvrir le débat là-dessus, là – mais, en tout cas, d'une ampleur certaine, à tout le moins. On voit qu'il y a des hôpitaux qui ferment et on sait que les premiers emplois qui sont touchés, eh bien, ce sont ceux que vous avez identifiés: les contractuels, les occasionnels. Souvent parce que les gens n'ont pas eu suffisamment de temps pour avoir un minimum ou une sécurité d'emploi, ceux qui n'ont pas deux ans dans ces établissements-là.

(12 h 10)

On sait également qu'il y a des étudiantes infirmières, actuellement, qui ne veulent même pas se présenter à leur examen, parce qu'elles sont certaines de ne pas avoir d'emploi; les journaux nous en ont parlé dernièrement.

Quelle expertise et quelles solutions la CSN a-t-elle pour résoudre ce genre de problèmes qui discriminent les femmes, les jeunes femmes, et en quoi l'application d'une telle loi pourrait contribuer à régler cette situation?

Mme Carbonneau (Claudette): Alors, écoutez, vous mettez le doigt sur des problèmes importants. Par ailleurs, je ne crois pas personnellement qu'on puisse, dans le cadre d'une loi sur l'équité salariale, trouver là toutes les réponses. Ça mériterait une longue élaboration: d'abord, un échange sur notre vision de la nécessaire restructuration du réseau de la santé – vous cibliez beaucoup d'exemples dans ce secteur-là; la question de la précarité de l'emploi; la question de dispositions qui sont de moins en moins adaptées aux nouvelles réalités en matière de sécurité d'emploi dans le secteur public; l'augmentation de la précarité d'emploi. Ce sont tous des problèmes importants, mais qui ne peuvent pas trouver leur solution à travers une loi sur l'équité salariale.

Le Président (M. Gaulin): Ça va, Mme Gagnon-Tremblay? Mme la députée de Saint-François, pardon?

Mme Gagnon-Tremblay: Bien, je reviendrais peut-être seulement au niveau des garderies, lorsque vous dites que c'est difficile, parce qu'il n'y a pas de comparables masculins. En somme, je ne vois pas nécessairement de problème au niveau de l'équité salariale, dans le sens qu'on sait que les éducatrices sont sous-payées. Alors, je pense qu'on convient de la valeur, c'est très facile à évaluer; je pense qu'on n'a pas besoin d'un grand comité pour évaluer la valeur d'une éducatrice ou d'un éducateur en garderie. Le seul problème qu'on a, c'est, finalement: qui va payer l'augmentation? Il faudrait que le gouvernement réduise les impôts et les taxes au niveau des familles ayant charge d'enfants pour permettre aux parents de payer l'augmentation de salaire des éducatrices, parce que, sans ça, quand bien même on évaluerait, qui va payer en bout de ligne?

C'est ça. On revient toujours avec le dilemme. Je sais que votre centrale syndicale souhaiterait que les éducatrices deviennent les fonctionnaires du gouvernement, c'est-à-dire les travailleurs; c'est ce qu'on a souhaité à plusieurs reprises. Je sais qu'à l'époque où j'étais responsable du dossier, je n'étais pas nécessairement d'accord avec ça, mais il faut trouver, bien sûr, des moyens. J'essaie de voir. C'est un moyen financier, finalement, à mon avis, et non pas nécessairement un moyen d'évaluation.

Mme Carbonneau (Claudette): Votre question est effectivement très large, mais je me permettrais, en tout cas, de rectifier un certain nombre de perceptions que vous en avez. D'une part, quand vous dites que la revendication traditionnelle de la CSN, concernant les services de garde, c'est de voir leur étatisation, ça n'a jamais été le cas. Nous sommes une organisation qui croit à la pertinence de garderies situées en milieu communautaire, contrôlées pleinement par les parents et les travailleuses et les travailleurs. Bien sûr, on souhaite des services gratuits, accessibles et une majoration du financement gouvernemental.

Ma deuxième remarque, et ça a été l'objet d'ailleurs d'un litige assez douloureux avec le gouvernement antérieur, c'était sur la façon dont il fallait aussi subventionner les garderies. Quand vous me rappelez que, quant à vous, la meilleure solution passe nécessairement par un allégement ou une amélioration de la fiscalité des familles, je rappelle que nous avons toujours pensé, quant à nous, que des subventions directes aux services de garde étaient un moyen infiniment plus approprié de consolider ces services-là et de permettre une amélioration des salaires qui sont tout à fait inadéquats dans l'ensemble des services de garde. C'est le cas pour les éducatrices, mais c'est aussi le cas pour d'autres catégories de personnel qui y oeuvrent. Ça va de la cuisinière à la personne qui assure l'entretien de ces installations-là.

Le Président (M. Gaulin): Ça va?

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

Le Président (M. Gaulin): Merci, Mme la porte-parole de l'opposition officielle. En conclusion, Mme la ministre.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je crois que l'échange que nous avons sera certainement utile pour la réorientation de notre action. Par ailleurs, vous avez insisté pour qu'on distingue clairement équité, relativité, programme d'accès à l'égalité. Je comprends que vous souhaitez que la société agisse également dans ces trois dossiers. Peut-être juste en terminant vous indiquer qu'il va plus s'agir d'une action collective que d'une action étatique, parce qu'on veut faire faire aussi, et, pour faire faire, il faut que, dans les entreprises, les syndicats, qui sont souvent influents, emboîtent le pas. À défaut de quoi une force d'inertie considérable peut s'exprimer et ralentir quelque démarche que ce soit: que ce soit celle d'accès, d'équité ou de relativité. Alors, sur ce, je vous remercie.

Le Président (M. Gaulin): Mmes Carbonneau, Carroll et Bousquet, au nom de la commission, merci beaucoup.

J'indique aux membres de cette commission que nous reprendrons les travaux à 14 h 30. Merci. Bon appétit!

(Suspension de la séance à 12 h 17)

(Reprise à 14 h 45)

Le Président (M. Williams): À l'ordre, s'il vous plaît! Bienvenue à tous. La commission des affaires sociales va reprendre ses travaux. Bienvenue à tous. Nous allons inviter la Fédération des femmes du Québec. Avant de commencer, je voudrais rappeler que nous avons 60 minutes: 20 minutes de présentation et 40 minutes d'échange, et nous avons divisé le temps également entre les deux côtés.

Mme David, pouvez-vous vous présenter et aussi les autres membres de votre délégation?


Fédération des femmes du Québec (FFQ)

Mme David (Françoise): Oui. Alors, bonjour. Je m'appelle Françoise David. Je suis la présidente de la Fédération des femmes du Québec. J'ai, à ma gauche, Mme Josée Belleau, qui travaille au regroupement des centres de femmes du Québec, à L'R des centres de femmes; à ma droite, Ghislaine Paquin, du groupe Au Bas de l'échelle, qui est un groupe qui s'occupe plus particulièrement de femmes non syndiquées; et Mme Jocelyne LeSieur, qui est membre du conseil d'administration de la Fédération des femmes du Québec et une des membres de la région de Québec.

Alors, en commençant, peut-être vous rappeler tout simplement que la Fédération des femmes du Québec est un organisme national qui regroupe, à l'heure actuelle, 102 associations de femmes de tous les milieux et de toutes les régions du Québec et plus de 300 membres individuelles. Pour ce qui est de la présentation d'aujourd'hui, la Fédération, avec les groupes qui sont ici représentés, qui sont des groupes membres de la Fédération, d'ailleurs, veut parler particulièrement de la situation des femmes non syndiquées en rapport avec le dossier de l'équité salariale. On a décidé de se préoccuper plus particulièrement de ces femmes-là parce qu'on est plutôt inquiètes du sort qui leur sera réservé dans l'application d'une loi sur l'équité salariale et qu'on pense que, compte tenu de notre membership, compte tenu de la priorité de la Fédération qui est la question de la pauvreté des femmes, comme vous avez déjà eu l'occasion de vous en apercevoir, on veut représenter les femmes peut-être les plus malprises et les moins bien organisées.

Alors, je vais commencer par quelques considérations d'ordre général très rapidement, pour passer ensuite la parole à Ghislaine, qui va vous parler plus longuement, justement, de la situation des travailleuses non syndiquées. On en parle dans notre mémoire, que vous avez certainement lu.

Tout d'abord, j'aimerais, compte tenu des premières journées d'audience dans cette même salle, rappeler deux ou trois petites choses qui nous paraissent, à nous, extrêmement importantes. La première, c'est qu'il faut une loi sur l'équité salariale. L'utilisation de l'article 19 de la Charte québécoise des droits de la personne a fait son temps et plusieurs organismes, y inclus la Commission des droits de la personne, nous disent clairement que, si on continue comme ça, il n'y aura pas d'équité salariale, simplement par l'utilisation de la Charte, là, avant quelques millénaires. Donc, on ne peut pas compter seulement sur l'utilisation de la Charte pour obtenir l'équité salariale.

On a entendu hier des représentants du monde patronal nous dire qu'au fond ils ne paieront pas aux femmes travailleuses leur juste prix, à moins qu'on ne consente à leur donner des allégements fiscaux. Autrement dit, il faudrait que les contribuables, par le moyen de l'État, paient les entreprises pour que ces entreprises paient les femmes à un juste prix. Je pense que vous comprendrez très vite que nous ne sommes pas du tout d'accord avec cette façon de voir les choses et qu'il est même un petit peu insultant pour les femmes de se faire dire: On aura des salaires décents et justes quand les entreprises seront payées pour nous les donner.

Si les entreprises sont d'accord, comme elles le disent, sur le principe de l'équité salariale, c'est-à-dire sur le principe qu'un travail équivalent devrait valoir un salaire égal, pourquoi, sur le fond, contester le principe même d'une loi qui rend les obligations claires et semblables partout avec, évidemment, les aménagements nécessaires compte tenu de la taille des entreprises? Pourquoi? Quelle est la vraie raison? Notre point de vue, c'est que les femmes ont suffisamment payé. Après 630 000 000 $ d'injustice, comme on a pu le lire dans un quotidien hier, les femmes disent que c'est assez, elles veulent une loi.

(14 h 50)

Je voudrais dire un mot maintenant sur la question des délais. D'abord, sur le fond, nous pensons qu'évidemment l'idéal, ce serait de s'entendre, que le gouvernement, les groupes de femmes, les syndicats, le patronat, les entreprises s'entendent non seulement sur le principe d'une loi sur l'équité salariale, mais sur son application. Il est évident qu'une loi mieux acceptée et des objectifs partagés par tous et toutes permettent d'envisager avec plus d'optimisme le succès de l'application de la loi. Il faut donc se parler, il faut donc chercher des terrains d'entente. Cela dit, et nous voulons être très claires là-dessus, les femmes n'accepteront pas de délais indus. Nous voulons une loi adoptée avant l'été comme le gouvernement du Parti québécois nous l'a promis à plusieurs reprises.

Je vais maintenant y aller sur deux considérations générales, très rapidement parce que la coalition sur l'équité salariale dont nous sommes membres vous en a déjà fait part. C'est sûr que sur le fond, on l'a dit, on le répète, nous, on appuie, bien entendu, le principe même d'un projet de loi. D'ailleurs, on a bien hâte d'avoir un projet de loi entre les mains. Cela dit, dans l'avant-projet de loi qui nous est présenté, il y a, à tout le moins, deux problèmes majeurs que je soulève très rapidement. Le premier, c'est celui des exclusions prévues par la loi. Non seulement elle n'a pas de portée universelle, mais elle permet à beaucoup d'employeurs, à commencer par le gouvernement lui-même, de s'y soustraire en affirmant tout simplement qu'il a déjà établi un programme d'équité salariale ou de relativité salariale. Le sentiment qu'on a, c'est que les salariés ne pourront pas dire grand-chose quand l'employeur aura, lui, décidé avec la Commission des normes du travail qu'il a rempli ses devoirs en matière d'équité salariale. Nous, ce que nous pensons, c'est qu'il faut qu'il y ait des mécanismes très clairs pour nous assurer que, là où il y a peut-être eu des pas effectivement de faits vers l'équité salariale, ces pas-là vraiment soient des pas en fonction d'un programme d'équité salariale et non pas de tout autre programme.

Un deuxième grand problème pour nous, c'est le choix de la Commission des normes du travail comme organisme chargé d'appliquer la loi. Encore une fois, nous ne comprenons pas le choix de cet organisme qui n'a pas la spécialisation nécessaire, qui n'a pas les effectifs, qui n'a pas les outils pour faire appliquer cette loi. Ce que nous avions proposé, ce que la coalition sur l'équité salariale avait proposé et ce sur quoi beaucoup d'organismes s'étaient entendus, ce que disait aussi le rapport des experts cet automne, c'est qu'il faut une commission spéciale, spécifique sur l'équité salariale pour s'assurer vraiment que cette loi-là soit mise en oeuvre. Il faut lui donner tous les moyens nécessaires pour qu'elle le fasse.

Alors, j'arrête ici. Je passe tout de suite la parole à Ghislaine Paquin, qui va parler de ce qui est le coeur du mémoire de la Fédération, c'est-à-dire le problème des travailleuses non syndiquées.

Mme Paquin (Ghislaine): Alors, comme l'indiquait Françoise, on est un peu inquiètes, pour le moins, de la possibilité pour les travailleuses non syndiquées d'accéder vraiment à l'équité salariale en fonction de ce qu'on voit dans l'avant-projet de loi. Les deux tiers des travailleuses ne sont pas syndiquées – donc, on parle d'un très grand groupe de femmes – et si on va du côté du secteur privé, dans le secteur des services, il n'y a plus que 10,3 % des femmes qui sont syndiquées. Évidemment, si on regarde du côté des emplois précaires ou des plus petites entreprises, là encore, le niveau de non-syndiquées augmente encore plus. Pourtant, elles subissent déjà un régime à deux vitesses, dans le sens où l'écart salarial entre les hommes et les femmes est encore plus grand pour les travailleuses non syndiquées que pour les travailleuses syndiquées.

Il nous apparaît important de souligner beaucoup l'aspect fragile de ces travailleuses-là qui subissent, de façon très forte, les pressions du chômage, les pressions aussi qui découlent de la réforme de l'assurance-chômage, dans le sens qu'elles ne peuvent plus utiliser... même, le seul pouvoir de négociation qu'elles ont, souvent c'est de démissionner... et toutes les pratiques douteuses qu'on observe de plus en plus de la part des employeurs pour éviter, le plus possible, l'application de la loi et les charges sociales qu'ils sont supposés assumer.

Alors, si on regarde qu'est-ce qui se passe au niveau de l'avant-projet de loi, on ne trouve pas toutes les garanties nécessaires à assurer pour elles une réelle protection et une réelle possibilité de participer au processus de formation des programmes d'équité salariale. Si on regarde, par exemple, au niveau des articles de la mise sur pied des programmes, au niveau des articles 11 à 19, on regarde, par exemple, l'article 13, la désignation des représentants des salariés va être prévue par règlement. C'est évident que ces règlements-là, qu'on ne sait pas encore de quoi ils vont tenir, mais on espère qu'ils vont assurer un processus démocratique et qu'il y aura possibilité, pour les travailleuses non syndiquées, de se prémunir contre des pressions ou des intimidations indues lorsqu'elles siégeront sur de tels comités.

Pour ce qui est de l'article 16, quand on parle de la formation, c'est un point particulièrement important pour les travailleuses non syndiquées qui, souvent, sont moins scolarisées. Alors, on se demande qui va la donner; on espère une formation de qualité et que ce ne soient pas les employeurs. On espère aussi que cette formation-là va être offerte avec libération avec solde. C'est particulièrement important quand on se retrouve à bas revenus. On ne peut pas se permettre de participer à quelque processus que ce soit si ça implique une diminution de revenus ou du temps supplémentaire, surtout pour des femmes. On s'inquiète aussi de la question du soutien technique. On trouve ça particulièrement important, pour tout ce que je vous ai déjà souligné, qu'elles puissent avoir un appui tout au long du processus de formation des programmes d'équité salariale. D'ailleurs, pour ça aussi ce serait important de considérer une libération avec solde dans le processus de participation à toutes les consultations qu'il va y avoir.

Au niveau de l'article 19, sur la question de la possibilité d'établir un programme d'équité salariale, pour nous, ça paraît important que les personnes puissent vraiment élire leurs propres représentants. C'est évident que, si l'employeur ne réussit pas... s'il n'y a pas de comité qui peut être formé, on considère que c'est la faute de l'employeur. C'est qu'il n'aura pas pris tous les moyens nécessaires pour que ce comité-là soit formé et on considère qu'il n'y a pas de raison que les travailleuses non syndiquées soient pénalisées. Donc, si ce comité n'est pas mis sur pied, nous, on considère que ce sera plus les employeurs qui risquent d'être fautifs à ce niveau-là.

De la même façon pour l'affichage, la consultation, bien, elle vient très tard dans le processus et on n'est pas assurées qu'il y aura une réelle possibilité pour les travailleuses non syndiquées de contester ce qu'il va y avoir d'affiché à ce moment-là.

Alors, c'est pourquoi la Fédération des femmes du Québec revient avec les recommandations qu'elle avait déjà incluses dans son mémoire du 20 septembre dernier et qui dit que la Fédération des femmes du Québec recommande que l'on prévoie des programmes de formation couvrant toutes les étapes de l'élaboration d'un programme d'équité salariale et ouverts à tous les groupes de salariées. Ces programmes devraient être offerts par un organisme indépendant, soit une direction relativement autonome de la commission sur l'équité salariale, soit un organisme distinct, mais mandaté et financé à cette fin. Le temps de libération du travail pour suivre ces cours devrait être à la charge de l'employeur.

L'organisme qui a la responsabilité d'offrir des cours de formation aux salariées devrait également avoir pour fonction d'offrir un soutien technique et juridique aux groupes non syndiqués lorsque ceux-ci exercent leurs recours ou leurs droits auprès de la Commission.

Cet organisme devrait être suffisamment indépendant de la Commission pour ne pas être en conflit d'intérêts dans les cas où celle-ci est appelée à prendre des décisions sur des litiges particuliers. Il doit jouir évidemment d'un budget et de ressources humaines suffisantes pour bien réaliser son mandat.

Pour ce qui est aussi de l'application une fois que le programme d'équité salariale est établi, on a remarqué aussi beaucoup de problèmes au niveau de l'application, de la possibilité pour les travailleuses non syndiquées de contester, de pouvoir utiliser des recours pour s'assurer que ces programmes-là soient appliqués. Alors, là-dessus, il y a un silence complet. On aimerait que les femmes puissent déposer des plaintes auprès de la commission sur l'équité salariale pour aviser la Commission, qu'elle soit forcée à ce moment-là de faire, pour le moins, enquête et de s'assurer que le programme est bien respecté.

(15 heures)

On sait qu'au niveau de la Loi sur les normes du travail on a déjà une expérience qu'il y a énormément d'infractions qui sont faites à la loi. Par exemple, juste un exemple, il y a 336 000 infractions juste sur les heures supplémentaires. Alors, on comprend que ça va être important pour les femmes qu'elles puissent utiliser certains recours pour dénoncer les infractions à la loi aussi sur l'équité salariale.

Mme David (Françoise): Je voudrais continuer maintenant avec un autre problème qui touche principalement des travailleuses non syndiquées, c'est le problème des ghettos d'emplois exclusivement féminins. Il y a beaucoup d'entreprises au Québec où la situation est la suivante: il n'y aura pas vraiment, à l'intérieur de l'entreprise, de main-d'oeuvre masculine, de secteurs regroupant une main-d'oeuvre masculine permettant de faire une comparaison entre les salaires dits féminins et ceux dits masculins, à l'intérieur même de l'entreprise. Ce qui fait que, dans de nombreux endroits, dans les faits, beaucoup de femmes, et surtout celles qui sont non syndiquées, ne pourront pas bénéficier de la Loi sur l'équité salariale, à moins qu'on n'utilise des moyens peut-être originaux et qui débordent le cadre de l'entreprise. La FFQ soulevait déjà ce problème-là dans le mémoire qu'elle avait remis au groupe d'expertes, le 20 septembre dernier. On n'avait pas toutes les réponses, mais on disait: Il faudrait, à tout le moins, essayer d'inventorier un certain nombre de solutions, un certain nombre de pistes pour résoudre ce problème-là.

Là-dessus, au fond, ce que l'avant-projet de loi fait, c'est qu'on dit, à l'article 72: La Commission des normes du travail – mais, nous, on ose penser que ce sera une commission sur l'équité salariale – pourra, par règlement, établir des catégories d'emplois types à partir des catégories d'emplois identifiées dans des entreprises qui ont déjà complété un programme d'équité salariale. Autrement dit, on sent qu'il y a quand même là une ouverture à essayer de regarder qu'est-ce qu'on pourrait faire. Il y a deux choses, là-dedans. Premièrement: «La Commission peut». Alors, ce n'est pas ma première commission parlementaire, j'ai appris avec le temps à comprendre la différence dans un avant-projet de loi ou un projet de loi entre les mots «peut» et «doit». Alors, nous, on aimerait voir le mot «doit». On pense que ce serait plus clair et ça identifierait que la Commission, oui, devra se pencher sur cette question. L'autre problème, c'est qu'il n'y a pas de délai. Encore une fois, quand il n'y a pas de délai, ça risque de se retrouver probablement aux calendes grecques.

Donc, nous, ce qu'on propose, c'est de retenir la recommandation 23 du comité d'expertes qui, en passant, à nos yeux, a remis un rapport, ma foi, pas mal du tout au gouvernement du Québec, le 1er décembre dernier. On souhaiterait que la recommandation 23, que je vais vous lire, se fasse, s'applique dans un délai d'au plus deux ans. Deux ans pour effectuer les études visant à voir à résoudre le problème qu'on soulève, ça nous paraît franchement suffisant. La recommandation est la suivante. C'est qu'à l'égard des entreprises du secteur privé où il n'y a pas ou pas suffisamment de titres d'emplois à prédominance masculine pour permettre la comparaison de tous les emplois à prédominance féminine, la commission de l'équité salariale recommande des formules d'ajustement des salaires de ces emplois dans un rapport qu'elle remettra au ministre responsable. Ce rapport devra faire l'objet de consultations auprès des entreprises, des salariés ou de leurs représentants et des groupes de femmes. Les formules appropriées seront ensuite déterminées par règlement du gouvernement qui pourra aussi fixer le délai imparti à ces entreprises pour effectuer les premiers ajustements salariaux en conséquence. Alors, déjà on pense que, si on adoptait ça, on aurait fait un bout de chemin.

Par ailleurs, sur le même sujet, il nous semble que la loi éventuelle devra être plus claire sur la notion d'employeur parce que ça aussi, entre autres, ça va toucher beaucoup de travailleuses non syndiquées. Par exemple, les chaînes. Les chaînes de restaurants, les chaînes de boutiques forment-elles une entreprise ou plusieurs? C'est important parce que souvent, dans ce genre d'entreprises, vous retrouvez d'abord très peu de salariés et, évidemment, généralement très peu de salariées – «es», je précise – et généralement des salariées non syndiquées. Donc, si on disait qu'une chaîne de restaurants ou une chaîne de magasins, c'est un employeur, déjà on grossit le bassin de salariés et on est pas mal plus sûrs que la loi s'applique. Cela dit, il faudra quand même... S'il s'agit d'une chaîne avec des employées presque exclusivement féminines, il faudra quand même utiliser des comparateurs externes si l'on veut que la loi s'applique. Et, là-dessus, un dernier point qui sera fait par Josée Belleau, de L'R des centres de femmes du Québec, sur la question des groupes communautaires.

Mme Belleau (Josée): Oui. Je voudrais souligner, en particulier, l'absence dans l'avant-projet de loi du cas du secteur communautaire. Pourtant, il y a des milliers d'organismes communautaires au Québec et qui sont, dans la majorité des cas, des employeurs. Par exemple, les organismes communautaires dans le secteur de la santé et des services sociaux emploient autour de 10 000 personnes, dont 75 % sont des femmes. Donc, c'est quand même un secteur qui est visé par l'équité salariale. La réalisation, cependant, de l'équité dans ce secteur-là est problématique pour deux raisons. D'une part, la faiblesse du financement. Ce sont, pour la plupart, des organismes à but non lucratif qui dépendent de subventions à la fois publiques et parfois privées, et aussi que la plupart de ces organismes-là ont moins de 10 employés. Donc, à l'intérieur de l'avant-projet de loi, on les exclut d'office. Pourtant, c'est bien un secteur qui serait heureux et volontaire d'appliquer une loi sur l'équité salariale car c'est un secteur qui fait la promotion des droits à l'égalité, de l'équité, de la justice et de la démocratie et qui, en principe et en pratique, pourrait l'appliquer de façon très volontaire et très rapide.

Alors, pour ces organismes, il faudrait que la loi prévoie un mécanisme particulier, assorti de délais, qui permettrait la réalisation de l'équité à l'intérieur de ces organismes. Il reste cependant deux questions à clarifier, et la commission de l'équité salariale à ce moment-là pourrait s'y pencher: Est-ce que l'employeur sera le Conseil du trésor et l'organisme communautaire, tel que le recommande le comité de consultation, le comité d'expertes? Et la deuxième question serait: Est-ce que l'entreprise repère devrait être le secteur parapublic pour ce secteur? Alors, à tout le moins, pour cette étape-ci, il importe que la Loi sur l'équité salariale inclue nommément les organismes communautaires et prévoie que la commission sur l'équité salariale devra faire une recherche pour trouver des mécanismes en lien et en consultation avec les organismes communautaires pour permettre l'application de l'équité dans ce secteur. Et c'est sûr que ça inclura forcément une augmentation de leur financement.

Le Président (M. Williams): Merci beaucoup, la Fédération des femmes du Québec. Je passe la parole à Mme la ministre.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Bonjour Mme David, Mme Belleau, Mme Paquin et vous-même, Mme LeSieur. Juste peut-être un commentaire. En vous écoutant, je me disais combien le mouvement des femmes avait fait progresser la question au Québec. Parce que, pour toutes sortes de raisons, y compris notre absence chronique des lieux de pouvoir parfois, les femmes évaluent... n'apprécient pas tout à fait à leur juste valeur les résultats obtenus en regard des campagnes menées, des luttes menées. Et je comprends que c'est quand même important, ce qui se passe ces jours-ci, parce que vous avez réussi à mettre à l'agenda du gouvernement et à l'ordre du jour de la société la question de l'équité, et je pense qu'elle est là pour y rester. Alors, disons-le tout de suite, là, simplement: L'équité, c'est le principe à travail équivalent, salaire égal. Toute la question est de savoir ce que signifie «à travail équivalent». C'est un principe inscrit dans la Charte depuis 20 ans et qui n'a pas trouvé matière à s'appliquer efficacement. Alors, ce qu'on cherche ici, c'est une loi d'application et non pas à remettre en question le principe. Je pense qu'il faut le dire clairement: Le principe est là pour y rester, il faut une loi proactive pour y arriver. La question, c'est de savoir quelle sorte de loi. Votre opposition n'est pas une opposition de principe, c'est une opposition sur les modalités d'application. Alors, ça, les modalités d'application, ça se discute, ça s'apprécie.

(15 h 10)

Il y a des questions aussi d'opportunité. On nous a dit assez souvent qu'il fallait plus aller du côté des objectifs de résultats que de s'enfarger dans des processus de réglementation. Bon, on peut regarder ça parce que, vous savez, où vous êtes installées depuis deux jours, il y a autant la FTQ qui nous a dit qu'il fallait quasi scraper cette loi-là que le Conseil du patronat. Il y a la Coalition en faveur de l'équité salariale qui est venue nous dire qu'ils étaient très en colère. Alors, ce n'est pas pour les mêmes raisons. Il faut les distinguer sur le principe et sur l'application. Mais, l'idée étant d'essayer peut-être de reprendre avec vous, à l'occasion de cet échange, le processus qui devrait s'enclencher maintenant, quel devrait-il être? Bon nombre de syndicats disent: Ce n'est pas possible qu'on soit mis à l'écart, comme cela semble, pour eux, être le cas. Vous, dans le fond, vos raisons sont différentes. Vous, vous dites: Ce n'est pas assez, il en faut plus. Quand vous dites: Ce n'est pas assez, vous nous dites, à la page 3 de votre mémoire: Le premier problème est, sans contredit, les exclusions. Là, vous nous en mentionnez de deux ordres. La première, vous dites: Ce n'est pas à portée universelle, puis, la deuxième, vous dites que le gouvernement se soustrait ou, en fait, ceux des employeurs qui considèrent avoir déjà un programme de relativité. Il y a tout de suite un problème d'interprétation; d'abord, sur le caractère universel. La Commission des droits de la personne est venue ici nous dire: C'est à caractère universel parce que, en deçà de 10, il n'y a pas de comparaison possible de la prédominance masculine et féminine. Puis, le comité de consultation, dont vous faites l'éloge pour tout le reste, lui aussi avait dans ses recommandations 10 et plus. Alors, là, vous vous en distinguez. Je voudrais que vous vous en expliquiez.

Je voudrais aussi profiter de l'occasion pour corriger un chiffre que j'ai donné ce matin. Effectivement, les travailleuses au salaire minimum se retrouvent – les travailleurs et les travailleuses, mais on sait que c'est surtout des travailleuses – principalement dans les entreprises de 10 employés et moins, mais j'avais dit 74 % et c'est 64 % des personnes au salaire minimum, enfin des travailleurs, travailleuses, qui se retrouvent dans les établissements de 10 employés et moins. Alors, on voit qu'il est peut-être mieux de mettre nos efforts sur le salaire minimum, qui permet un correctif peut-être plus certain, que sur un processus d'étude qui ne donnerait peut-être pas nécessairement, même, des redressements. Ça, c'est ma première réflexion.

La deuxième, c'est celle concernant les programmes déjà établis d'équité salariale ou de relativité salariale. Vous dites que le gouvernement veut s'y soustraire. Je veux juste vous rappeler que s'il s'y soustrait il aurait, selon l'avant-projet de loi, pour s'y soustraire, pour être réputé établi conformément: d'abord à passer à travers le test de l'article 76, puis en ajoutant une ou l'autre des conditions prévues à la fin de 76; ensuite de ça, il devrait transmettre à la Commission un rapport faisant état de son programme; et, là, il lui faudrait obtenir de la Commission la confirmation; et, si la Commission en venait à la conclusion inverse, là ça pourrait aller devant le Tribunal des droits de la personne. En d'autres termes, si on s'y soustrait, c'est pas mal compliqué, c'est après pas mal de conditions. Et à l'article 24... parce qu'on nous a fait valoir à la coalition que c'était important d'ajouter aux conditions de l'article 76 celles prévues à l'article 24, qui dit ceci: «L'employeur doit s'assurer que chacun des éléments du programme d'équité, ainsi que leur application, sont exempts de préjugés sexistes.» Alors, si on introduisait l'article 24 à l'article 76, est-ce que vous pensez que le test serait plus complet et est-ce qu'il vous satisferait?

Mme David (Françoise): Je vais tout de suite répondre à la question que vous venez de poser. En tout cas, en ce qui concerne l'article 24, oui, je pense que, déjà, il y aurait un pas de fait qui serait intéressant. Moi, ce que j'ai compris aussi de cette question-là, on parle – pour ce qui est du gouvernement, en tout cas – règle générale, je pense bien, de travailleuses syndiquées, à moins que je ne me trompe. Je pense que ce qui serait important, c'est que, oui... Je sais bien que le gouvernement ne peut pas se soustraire comme ça, là, juste parce qu'il décide qu'il s'y soustrait, il y a un processus effectivement, mais, à moins que je ne me trompe – et je suis sûre que vous allez me le dire si je me trompe – je pense qu'il serait important qu'il y ait accord aussi des salariées dans ce cas-là, qui sont regroupées en syndicats, pour dire qu'effectivement c'est un programme d'équité salariale. Il me semble que dans l'esprit général de toute cette loi qu'on verra bientôt, j'espère, il faut qu'il y ait un esprit de débat, de discussion, de partenariat entre l'ensemble des acteurs concernés, et, ça, il ne me semble pas l'avoir vu à ce chapitre-là. Mais je n'élaborerai pas là-dessus énormément parce que je pense que beaucoup d'autres vont le faire bien mieux que nous. Nous autres, on voudrait vraiment essayer de se concentrer davantage, si vous le permettez, sur la situation des travailleuses non syndiquées.

La question que vous posez, aussi, sur la portée universelle, oui, là-dessus, on a un désaccord, effectivement, avec le comité consultatif. Nous, on pense que la loi devrait être de portée universelle et qu'il serait important de ne pas confondre les choses. C'est évident que vous avez devant vous des femmes qui ont annoncé, par ailleurs, qu'elles allaient demander au gouvernement du Québec une hausse du salaire minimum. Alors, on ne se chicanera pas longtemps là-dessus. Mais ce qu'on pense aussi, c'est qu'il y a certains dangers à exclure de la loi les entreprises de moins de 10 employés. Il peut être tentant, par exemple, pour un employeur d'avoir, plutôt que 10 ou 11 employés, bien, d'en avoir neuf. Ce n'est pas tellement compliqué à faire et, de cette façon-là, pas mal d'employeurs pourraient se soustraire à la loi. D'autre part, avec la modalité qu'on propose et qu'en fait on a prise du comité consultatif, qui est celle de pouvoir comparer les entreprises ghettos d'emplois exclusivement féminins avec des comparateurs externes, la notion du 10 employés et moins ne joue plus tellement parce que, dans les faits, ce qu'on pense, c'est que beaucoup des entreprises qui sont des ghettos d'emplois exclusivement féminins sont de très petites entreprises de moins de 10 ou d'un peu plus de 10, et ça ne tient plus tellement, à ce moment-là, le chiffre de 10.

Ce qui est important, c'est effectivement de regarder, dans ces très petites entreprises où presque tout le monde ou tout le monde est des femmes, comment est-ce qu'on pourrait comparer le niveau de salaire avec ce qui peut peut-être se passer ailleurs, soit dans le secteur public, soit dans d'autres entreprises comparables où, là, il y a suffisamment d'emplois masculins pour qu'on puisse faire la comparaison. Alors, c'est dans ce sens-là que, nous, on continue de penser que, oui, la loi pourrait avoir une portée universelle, et, dans notre esprit, ça ne contredit pas du tout, évidemment, le fait qu'on demande aussi une hausse du salaire minimum. On n'est pas convaincues que ça va toujours, toujours toucher les mêmes personnes. Dans certains cas, peut-être; dans d'autres cas, non, parce qu'on peut aussi être une très petite entreprise, mais une entreprise de pointe qui paie déjà plus – peut-être pas beaucoup plus, mais plus – que le salaire minimum, et, à ce moment-là, hausser le salaire minimum ne vient pas résoudre le problème de l'équité salariale.

Mme Harel: Vous posez vraiment la question de fond, là, qui est celle des comparateurs externes. À ce moment-là, ça suppose que ces comparateurs externes soient presque régionalisés, parce que les niveaux varient beaucoup d'une région à l'autre. Ces comparateurs externes ne peuvent pas faire l'objet d'un traitement uniformisé, à moins que ce ne soit confié, par exemple, à des comités sectoriels. On voit très bien l'engouement que patrons et syndicats ont présentement en faveur de comités sectoriels où se dessine souvent l'avenir en synergie, là, de leurs secteurs. C'est un peu l'héritage des grappes, mais je pense que ça a correspondu à quelque chose qui avait un fondement, d'autant plus que la vraie contradiction, maintenant, elle est moins entre les salariés et les employeurs qu'entre les inclus et les exclus. On le voit très bien, parce que la compétitivité, elle ne se fait plus à l'intérieur, mais beaucoup plus par rapport aux marchés extérieurs. Mais est-ce qu'on devrait passer... Toute la question est celle du lourd processus qu'on enclenche et qui pourrait finalement être peut-être quasiment aussi coûteux que les ajustements que ça peut apporter. Qu'est-ce que vous en pensez?

(15 h 20)

Mme David (Françoise): Ce qu'on en pense, c'est que la question mérite certainement d'être étudiée, et c'est... comment je dirais... Beaucoup de choses que vous venez de dire, Mme la ministre, on les partage, on se pose ces questions-là, on a essayé de réfléchir dessus. On ne prétend pas être des expertes, là, dans toutes les questions économiques. On a lu, encore une fois, là-dessus le rapport du comité d'expertes qui avance un certain nombre de pistes et, au moment où on se parle, là, aujourd'hui, tout ce qu'on est capables de dire, c'est qu'il y a un réel problème là, que beaucoup de femmes non syndiquées, tel que la loi est faite, n'en bénéficieront pas et n'auront pas d'augmentation de leurs revenus et ne seront pas payées un juste prix. Ce qu'on dit, c'est... On propose que, dans un délai de deux ans – il nous semble que deux ans, ça représente pas mal de temps pour étudier – la commission, qu'on espère être une commission sur l'équité salariale, poursuive dans le sens de toutes ces réflexions que vous faites, et qu'on fait, et que d'autres feront, pour trouver les meilleures solutions. Elles ne seront peut-être pas uniformes, ces solutions-là, mais il faut en trouver. C'est le coeur du message qu'on veut lancer aujourd'hui.

Mme Harel: Écoutez, je pense bien que c'est intéressant de comprendre, comme vous le mentionnez, que ce n'est pas possible de penser qu'on ne puisse pas les trouver, les solutions, étant donné qu'on peut déterminer des critères, par exemple, selon le secteur industriel, la taille de l'entreprise, la masse salariale, tenir compte des caractéristiques des entreprises, des caractéristiques des localités. Là où ça devient compliqué pour l'entreprise, c'est quand on lui demande de faire ça elle toute seule, plutôt que de le demander, si vous voulez, dans un ensemble. Là, elles ont un sentiment d'impuissance terrible en ayant l'impression qu'elles ont un fardeau pas possible à livrer. En tout cas, je prends bonne note de vos réflexions. Je pense qu'il faut trouver, en tout cas, une façon de faire où on ne s'enfarge pas, parce que personne ne serait gagnant, et les femmes non plus là-dedans, étant donné que l'argent pourrait aller à tout le processus plutôt qu'au redressement.

Le Président (M. Williams): Merci, Mme la ministre. Maintenant je passe la parole à Mme la députée de Saint-François, porte-parole de l'opposition.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, Mme David. Merci, mesdames. C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai pris connaissance de votre mémoire qui est, comme vous le mentionnez, surtout axé sur les femmes qui ne sont pas syndiquées et qui, par contre, ont besoin aussi d'aide. Ce matin, on entendait l'Association des manufacturiers du Québec et on sent de plus en plus qu'il y a une certaine ouverture. Auparavant, dès qu'on parlait d'argent, on sentait une espèce de blocage, comme si on ne pouvait pas aller de l'avant parce que tout ce qui coûte de l'argent, c'est comme s'il ne fallait pas en parler. Cependant, l'Association reconnaissait qu'une loi sur l'équité était importante. Elle était en désaccord cependant avec la législation actuelle et demandait au gouvernement de refaire ses devoirs. Par contre, lorsque je lui ai posé la question sur les ajustements salariaux à faire par la suite, le coût de ces ajustements et si ça faisait problème pour les entreprises, ça ne semblait pas être le facteur majeur qui nuirait, par exemple, à l'adoption d'une telle loi. Donc, j'étais plutôt satisfaite de voir qu'on commence à mettre de côté un peu plus l'argent, le côté argent. On se rend compte cependant qu'on désire tous avoir un processus beaucoup plus souple et aussi que le dialogue va être absolument essentiel et absolument important.

Je partage votre opinion sur la question de l'organisme qui doit appliquer la loi, la Commission des normes du travail. J'ai été très étonnée de voir que c'est cette Commission, qui n'a pas nécessairement l'expertise et les ressources, et, à ce moment-là, je me disais: Est-ce que c'est un moyen détourné, étant donné que le gouvernement n'a pas les moyens, de faire payer par les entreprises du Québec toute l'application, étant donné que ce sont déjà les entreprises qui financent la Commission des normes du travail? Que ce soit la Commission des droits ou un organisme indépendant, c'est certain que la Commission des droits a plus l'expertise pour mettre en application une telle loi.

On a parlé beaucoup aussi de formation et de ce que ça pourrait prendre pour la formation. Je sais que former des experts, ce n'est pas nécessairement facile. On sait que, des experts, on n'en retrouve pas des tonnes au Québec en la matière, que ce soit à l'accès à l'égalité ou en équité en emploi ou relativité salariale. Cependant, on sait aussi que les syndicats ont développé quand même une certaine expertise au cours des dernières années. Lorsqu'on parle de formation, pour vous autres, est-ce qu'il serait plus important de faire appel plutôt à des experts externes, si on n'en a pas, ou si on doit former du personnel sur place? Est-ce qu'en formant du personnel sur place on va en faire véritablement des experts? On sait que la question des outils qu'on doit se donner, c'est quand même très complexe. Ce n'est pas donné à tout le monde, dans un laps de temps relativement court, de devenir expert ou experte en la matière. J'aimerais vous entendre à ce sujet-là.

Mme Paquin (Ghislaine): Je pense qu'il y a un minimum de formation qui est absolument nécessaire si on veut que les travailleuses puissent suivre au moins un peu le processus qui va être mis en place. Alors, je pense que, là-dessus, c'est évident, il faut de la formation dans les entreprises.

C'est vrai que c'est très complexe et que c'est souvent juste des experts qui peuvent aller très, très loin dans l'évaluation des emplois et tout ça, mais c'est là que la commission qui va être mise sur pied va avoir un rôle important à jouer pour s'assurer que certaines règles soient respectées. Mais c'est important que les travailleuses non syndiquées aient le plus d'éléments possible – les autres aussi, là – pour bien suivre la démarche et intervenir quand c'est nécessaire.

Mme David (Françoise): J'aimerais ajouter... C'est intéressant, la question que vous posez. Est-ce qu'il faudra compter sur des experts ou expertes externes? Là-dessus, j'aimerais dire que, oui, d'une part, je pense que les syndicats ont développé beaucoup d'expertise sur la question. Je pense, j'ai bon espoir que, dans des entreprises, par exemple, où coexisteront des groupes de salariés syndiqués et d'autres non syndiqués, nos amis syndiqués donneront certainement un coup de main aux personnes qui ne le seront pas. Ça, c'est une chose.

L'autre chose, c'est qu'il devra y avoir au sein de la commission sur l'équité salariale vraiment un secteur préoccupé exclusivement de formation et de soutien aux travailleuses non syndiquées. Ça, c'est absolument essentiel. Ce sera une commission qui, normalement, n'aura pas d'intérêt ou qui ne sera pas en conflit d'intérêts, ni par rapport au secteur des entreprises ni par rapport aux salariés, donc qui sera capable d'y aller de façon impartiale, en donnant toute la formation nécessaire aux salariés. Je pense que c'est extrêmement important. Je pense aussi que ça va être d'autant plus important de fonctionner comme ça, même pour les employeurs, que ça pourrait peut-être, même à eux, leur éviter un recours abusif à des firmes externes de consultants qui coûtent extrêmement cher et qui souvent sont constituées de gens qui n'ont pas vraiment d'expertise en équité salariale. Il vaut peut-être bien mieux avoir vraiment des experts et des expertes au sein d'une commission sur l'équité salariale qui est capable de créer des outils, des outils de vulgarisation. Ça se fait... Les femmes sont parfaitement capables de comprendre ce que c'est, l'équité salariale, à partir du moment où c'est expliqué, où il y a des exemples concrets, et les processus ne sont pas si compliqués que ça non plus. Il ne faudra pas mystifier l'équité salariale au point de dire: C'est tellement compliqué, il n'y a personne qui comprend, il y a deux ou trois personnes au Québec qui peuvent le faire. Je pense que, quand on commence à plonger dans le dossier, on s'aperçoit qu'en bout de ligne ce n'est pas si compliqué que ça. Mais il faut qu'il y ait des gens qui possèdent le dossier et qui aient la volonté de transmettre les informations de façon claire. C'est ce qu'on appelle de l'éducation populaire, nous – on est habituées d'en faire – et ça ne nous pose pas de problème. Mais, moi, je pense que les employeurs aussi vont y trouver leur compte. Le recours aux firmes de consultants, ce n'est pas donné.

Mme Gagnon-Tremblay: Si, cependant, on avait un organisme indépendant pour mettre en place tous ces programmes et que cet organisme pouvait donner le support ou le soutien aux entreprises, tout comme on l'avait fait, par exemple, avec les programmes d'accès à l'égalité... La Commission des droits de la personne, en collaboration avec le Secrétariat à la condition féminine, qui avait des expertes – probablement qu'ils en ont encore – aidait les entreprises à travailler sur des grilles comme telles. Si on avait ça, à ce moment-là, est-ce que le comité, qu'on semble vouloir créer à l'intérieur de l'avant-projet de loi, devrait être un comité d'experts ou, pour toutes sortes de raisons... Là, je parle pour toutes sortes de raisons au niveau du dialogue parce que vous avez dans des entreprises peut-être des personnes syndiquées, peut-être des personnes syndiquées avec plusieurs unités syndicales; vous en avez d'autres peut-être non syndiquées... Alors, est-ce que ce comité, par exemple, si on avait l'expertise de la part d'un organisme indépendant, ne pourrait pas, au lieu d'être un comité d'experts, être, par exemple, plutôt un comité de surveillance, de surveillance des travaux et de surveillance aussi de l'équité, quoi?

(15 h 30)

Mme David (Françoise): Je pense qu'il ne faut pas trop – comment je dirais – se demander si le comité à l'intérieur de l'entreprise sera un comité d'experts ou beaucoup d'expertes, j'espère, et quel sens on donne au mot «expert». Moi, je pense que c'est important que, dans les milieux de travail, les travailleuses concernées comprennent vraiment bien, comme Ghislaine le disait, ce qu'est un processus d'équité salariale – et c'est compréhensible – qu'elles soient capables d'en discuter avec l'employeur, qu'elles aient tous les outils pour le faire. Et, en ce qui concerne les travailleuses non syndiquées, ça veut dire un soutien particulier de la Commission, et ça veut dire aussi des libérations avec solde, bon, la formation, etc. Donc, il faut que les salariées soient associées à l'employeur pour concevoir et mettre en place le programme. Et je suis certaine que c'est absolument possible à partir du moment où on donne des outils éducatifs aux gens pour le faire.

Oui, ces gens-là, ces femmes-là vont avoir besoin de soutien, c'est sûr, mais elles sont parfaitement capables, dans leur milieu de travail, de très bien comprendre quelle est la structure salariale, par exemple, en rapport avec les responsabilités et, bon, tous les facteurs qu'il faut considérer, et elles sont parfaitement capables de dire: Là, on ne paie pas assez et, là, il faut agir de telle façon. Elles vont certainement avoir recours au soutien de la Commission, mais elles vont devenir, entre guillemets, si vous voulez, des sortes d'expertes, finalement, dans le domaine. Et, moi, ça, ça ne m'inquiète pas si on donne les outils et l'encadrement nécessaires. On le voit tous les jours, dans les groupes de femmes, comment des femmes deviennent expertes dans toutes sortes de dossiers. Donc, je pense que c'est tout à fait possible. Et, oui, évidemment, ce comité devra voir à l'application de la loi, de l'équité elle-même, par la suite, c'est sûr.

Mme Gagnon-Tremblay: J'ai soulevé hier le cas de l'article 44. Dans l'avant-projet de loi, on mentionne: «Un employeur ne peut, pour atteindre l'équité salariale, diminuer les salaires payables aux salariés qui occupent des emplois dans l'entreprise.» Ce qui veut dire qu'une fois que la démarche de l'équité salariale aura été terminée, si on se rend compte qu'il y a des personnes qui sont surpayées, bien sûr que ces personnes-là n'auront pas de diminution de salaire. Sauf que, surtout au niveau des salariées non syndiquées, là où était mon inquiétude à partir de cet article-là, c'était au niveau d'un congédiement ou d'un gel de salaire. Comment, par exemple, on peut éviter, suite à ces ajustements, comment on peut éviter le gel ou le congédiement sans que ce soit, bien sûr... Parce que c'est certain qu'à l'intérieur d'une entreprise il peut toujours y avoir des congédiements, mais que ce ne soit pas des congédiements qui proviennent, bien sûr, ou qui soient dus ou qui soient la suite d'un programme en équité en emploi, et avec des ajustements.

Mme David (Françoise): De mémoire, je ne me rappelle plus du numéro de l'article, mais je me rappelle très bien qu'il ne devra pas y avoir de représailles exercées à l'égard des employés, et il y a des pénalités qui sont reconnues à cet effet-là. Je suis certaine qu'on pourrait trouver l'article. Donc...

Une voix: C'est l'article 66.

Mme David (Françoise): L'article 66, merci. En tout cas, là-dessus au moins, on pense qu'il y a quand même, dans l'avant-projet de loi, des recours prévus.

Écoutez, bien simplement, j'aurais tendance à dire qu'un projet de loi sur l'équité salariale qui ne contiendrait pas l'article 44 signerait son arrêt de mort, parce que la moitié de la population du Québec, masculine, se dirait: Est-ce que, au nom de l'équité salariale, on va finir par baisser mon salaire? Et, là, je pense que le nombre de gens qui appuient l'équité salariale, et qui sont, selon les sondages, majoritaires, diminuerait beaucoup. Alors, moi, je préfère qu'on le laisse là. Et, vous savez, de toute façon, les gels de salaire, il y en a partout dès maintenant, pour les hommes, pour les femmes, alors, je ne crains pas tellement qu'il y en ait plus. Et je pense aussi que le mouvement des femmes et les féministes n'ont jamais demandé que les femmes prennent leur place dans tous les domaines de la société, et financièrement et économiquement, en disant: Bien, pour ça, on va tasser l'autre moitié et on va diminuer leur salaire et diminuer leurs revenus, principalement quand on parle de travailleurs. Alors, je dirais que cet article-là ne nous dérange pas.

Mme Paquin (Ghislaine): Est-ce que je pourrais ajouter un mot? La question du congédiement, c'est une question qui nous préoccupe beaucoup, évidemment, pour les travailleuses non syndiquées. C'est vrai qu'une protection contre les représailles, telle qu'elle existe maintenant, ne serait pas nécessairement suffisante pour assurer une protection contre les congédiements. Il y a peut-être à regarder aussi des solutions plus globales au niveau de toute la fragilité que vivent en ce moment les travailleuses non syndiquées face au congédiement, peut-être considérer la possibilité d'assurer une meilleure protection, comme il existe déjà au niveau de l'article 124, contre un congédiement sans cause juste et suffisante, et de diminuer le nombre d'années de service continu qui permet l'accès à ce recours-là, parce qu'un recours contre des représailles n'est pas facile, dans le sens que, une fois que l'employeur a dit qu'il y avait une autre raison pour congédier la personne, cette raison-là n'a pas nécessairement à être bonne ou mauvaise. Alors, c'est évident que ça peut être difficile d'assurer une réelle protection juste avec l'article 66. Ça fait que je pense qu'il ne faut pas se gêner de regarder des solutions plus globales, dans le sens de réduire à moins de trois ans, certainement, la protection contre un congédiement sans cause juste.

Le Président (M. Williams): Merci beaucoup. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, pour une courte question.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Mme David, la Coalition en faveur de l'équité salariale, dans son mémoire, a indiqué que, selon elle – et j'ai cru comprendre que la Fédération fait partie de la Coalition – l'équité salariale est un outil essentiel, selon son mémoire, à la lutte contre la pauvreté des femmes. Je comprends le lien entre les mesures d'équité salariale et une amélioration de la situation de la pauvreté des femmes, mais, selon vous, est-ce que c'est la meilleure façon pour lutter contre la pauvreté des femmes, de procéder avec des mesures d'équité salariale? Ou est-ce que c'est un heureux et important effet secondaire du projet de loi?

Mme David (Françoise): C'est essentiel et, si on fait partie de la Coalition, c'est, bien sûr, parce qu'on a signé le mémoire et on est d'accord avec ce mémoire. C'est essentiel, mais pas suffisant. C'est évident que, pour résoudre le problème de la pauvreté des femmes et, plus globalement, le problème de la pauvreté dans notre société, il y a pas mal de choses à faire. L'atteinte de l'équité salariale, c'est une mesure essentielle, importante, et il faut y arriver le plus vite possible. C'est aussi une question de justice. Il faut se dire qu'il n'y a pas vraiment de raison, dans la société, de voir des gens, des femmes, en fait, s'occuper d'enfants, de personnes âgées, s'occuper de services à la collectivité ou coudre des vêtements et gagner moins d'argent que les autres, les hommes en général, qui construisent des routes ou qui travaillent sur des machines. Il y a quand même aussi une question d'équité, en fait.

Mais, si je veux continuer sur le thème de la lutte contre la pauvreté, il est évident que, dans notre esprit, l'équité salariale, c'est un moyen important, mais pas le seul. On parle, vous le savez depuis hier au moins, de hausse du salaire minimum. On parle de retrait des coupures à l'aide sociale, parce qu'il faut commencer aussi par celles qui sont les plus pauvres. Et ce sont des choses qu'on continue à dire. On parle d'accès amélioré à la formation professionnelle, et en particulier l'incitation des filles à aller vers les métiers non traditionnels. Il faudra parler d'accès aux garderies, il faudra parler des femmes monoparentales, qui sont majoritairement sur l'aide sociale. Bon. Bref, la lutte contre la pauvreté – il faudra parler de création d'emplois, d'économie sociale – elle a beaucoup de facettes. On n'en choisit pas une au détriment d'autres. On dit que, là, c'est de celle-là qu'on parle. Il y a un avant-projet de loi sur la table, on veut une loi le plus vite possible. Pour le reste, on continue aussi de s'en occuper.

M. Copeman: Merci.

Le Président (M. Williams): Merci beaucoup. Maintenant, je passe la parole à Mme la ministre, pour le mot de la fin.

Mme Harel: Oui. Alors, M. le Président, j'ai compris que la Fédération souhaitait qu'on se remette à l'ouvrage puis qu'elle proposait d'y collaborer. Alors, je la remercie.

Le Président (M. Williams): Merci, Mme David, Mme LeSieur, Mme Belleau et Mme Paquin, pour votre présentation. Maintenant, je voudrais inviter notre prochain groupe, la Centrale de l'enseignement du Québec.

(15 h 40)

À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre! Maintenant, la commission des affaires sociales va entendre la Centrale de l'enseignement du Québec. Mme Pagé, bienvenue.

Mme Pagé (Lorraine): Merci.

Le Président (M. Williams): Vous savez les règles, ici. Nous allons avoir 20 minutes pour la présentation et 40 minutes divisées entre l'opposition et le côté ministériel. Est-ce que vous pouvez vous présenter et présenter les membres de votre délégation?


Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ)

Mme Pagé (Lorraine): Sûrement. Alors, je suis Lorraine Pagé, la présidente de la CEQ. Je suis accompagnée, en commençant par mon extrême gauche, par Mme Denise Girard, qui est membre du Comité de la condition des femmes, Mme Gisèle Bourret, qui est responsable du Comité de la condition des femmes à la CEQ; immédiatement à côté de moi, Mme Lise Simard, qui est conseillère à la CEQ au dossier de l'équité salariale, et Mme Nicole de Sève, qui complète la délégation et qui est conseillère au dossier de l'accès à l'égalité. Elles se joindront à moi pour répondre à vos questions au moment de la période d'échanges.

D'entrée de jeu, je tiens à vous dire que nous sommes heureuses que l'équité salariale soit maintenant reconnue par le gouvernement comme un objectif à atteindre et que cette question soit jugée suffisamment importante pour faire l'objet d'un débat en commission parlementaire. Cependant, comme d'autres, nous regrettons que le gouvernement n'ait pas présenté un véritable projet de loi, comme le Parti québécois s'était engagé à le faire lors de la dernière campagne électorale et comme les porte-parole gouvernementaux l'avaient promis lors de la marche des femmes contre la pauvreté, en juin dernier. À notre avis, l'étape de l'avant-projet de loi prolonge inutilement les délais et retarde la réparation d'injustices qui ont déjà trop duré. Nous déplorons également la timidité de l'avant-projet de loi à plusieurs égards, ce qui, pour nous, le rend inacceptable dans sa forme actuelle. Sachant que vous avez déjà pris connaissance de notre mémoire, je ne présenterai pas ici tous les amendements que nous proposons, même si, à notre avis, chacun est important. Je limiterai mon intervention aux grands principes et à certains aspects plus généraux.

Premier principe. Nous insistons pour qu'une loi sur l'équité salariale ait une portée universelle, c'est-à-dire qu'elle s'applique à toutes les entreprises, tant du secteur privé que des secteurs public et parapublic, quel que soit le nombre de salariés à leur emploi. Malheureusement, ce n'est pas ce que propose l'avant-projet de loi, puisqu'il exclut les entreprises de 10 salariés ou moins, les entreprises privées assujetties à la réglementation fédérale, et même le gouvernement du Québec. Il est pour le moins paradoxal qu'une loi visant à établir l'équité entre les femmes et les hommes crée en même temps une nouvelle forme de discrimination entre deux catégories de femmes: celles qui bénéficieraient de la loi et les autres.

Par ailleurs, nous souscrivons à l'idée d'inclure dans la loi que le Conseil du trésor est réputé l'employeur de la fonction publique ainsi que des réseaux de l'éducation, de la santé et des services sociaux. Compte tenu du fort courant de décentralisation qui sévit actuellement dans ces réseaux, il nous paraît essentiel que cette notion soit claire dès le début du processus. Par ailleurs, nous suggérons que le Conseil du trésor soit également réputé l'employeur lorsque le gouvernement subventionne de façon prépondérante un secteur d'activité, par exemple les garderies et les organismes communautaires à but non lucratif. Dans ces cas, on devrait comparer les emplois à ceux du secteur parapublic.

Deuxième principe: la participation des salariés. Il importe que les employeurs soient tenus de s'assurer de la participation du personnel salarié au comité d'équité. Que ce personnel salarié soit syndiqué ou pas, il est important que les représentantes ou représentants soient choisis parmi les salariés au sens du Code du travail. Nous tenons aussi à ce que la loi oblige l'employeur à réaliser le programme d'équité salariale conjointement avec la ou les associations de salariés présentes dans l'entreprise. Pour faciliter la démarche, une formation sur l'équité salariale est nécessaire. L'avant-projet de loi le reconnaît, mais sans préciser les modalités d'une telle formation. Nous jugeons essentiel que toutes les personnes, syndiquées ou non, qui participent au processus de collecte de renseignements sur les emplois ainsi qu'à l'évaluation de ces emplois reçoivent une formation financée par l'employeur et dispensée par un organisme choisi par les parties ou par un organisme gouvernemental. À cet égard, nous demandons au gouvernement de mettre sur pied un service relevant d'un ministère désigné par la Loi sur l'équité salariale, qui aurait pour mission d'offrir de la formation et un soutien technique aux différentes étapes du processus. Nous souhaitons également que la démarche se déroule dans la plus grande transparence. C'est pourquoi nous recommandons que le principe de la diffusion des informations relatives au programme d'équité salariale s'applique à toutes les étapes.

Troisième principe: la neutralité. Nous demandons que la loi prescrive clairement que la démarche d'évaluation des emplois doit s'appuyer sur des principes de neutralité. Elle devrait préciser également que les parties ont le choix de la méthode d'évaluation et de son mode d'application en autant que la méthode tienne compte des facteurs mentionnés dans l'avant-projet de loi, soit les qualifications requises, les responsabilités assumées, les efforts requis et les conditions dans lesquelles le travail est effectué. La méthode d'évaluation devrait aussi être dénuée de biais sexistes.

(15 h 50)

Pour ce qui est de la section IV de l'avant-projet de loi, portant sur l'estimation des écarts et le calcul des ajustements salariaux, nous avons plusieurs réserves. La première concerne la liberté accordée aux employeurs en ce qui a trait aux méthodes d'estimation des écarts. En effet, l'article 32 indique: «Le comité d'équité ou, à défaut, l'employeur doit effectuer le calcul des ajustements salariaux destinés à corriger les écarts salariaux.» L'expression «à défaut» peut suggérer que l'employeur n'est pas obligé de s'entendre avec le syndicat sur la méthode, puisqu'en dernier ressort il lui reviendra de choisir seul. Nous proposons plutôt d'inscrire dans la loi que l'organisme chargé d'appliquer la loi et d'assister les parties établit par règlement que la méthode choisie devra respecter les critères suivants: permettre de corriger les écarts salariaux pour tous les emplois à prédominance féminine, permettre la parité complète des emplois féminins avec les emplois masculins de valeur équivalente, et permettre le meilleur correctif possible à partir des emplois masculins de valeur équivalente. Nous recommandons aussi que la loi tienne compte de toutes les formes de rémunération, que la comparaison s'effectue sur la base du salaire maximum de l'échelle et permette l'harmonisation des échelles salariales des emplois masculins et féminins.

Au chapitre des modalités de versement des ajustements salariaux, nous acceptons l'étalement des ajustements sur une période maximale de quatre ans et nous accueillons favorablement l'obligation faite à l'employeur de verser des intérêts légaux à la fin des délais prescrits. Les articles 42 et 43 devraient cependant être précisés de manière à indiquer un pourcentage minimum par année pour le versement des correctifs. Il faut également que chaque employeur prévoie des montants d'argent supplémentaires et indépendants de la masse salariale pour la réalisation de l'équité. Nous proposons que, chaque année, les ajustements correspondent à au moins 1 % de la masse salariale.

Par ailleurs, le projet de loi indique, à l'article 44, que l'atteinte de l'équité salariale ne peut entraîner une diminution de salaire. Cette réserve est, à notre avis, insuffisante. Dans le cadre d'un programme d'équité salariale et de son maintien, il doit être interdit de geler les salaires, de les ajuster vers le bas, d'inclure des clauses orphelin, de transférer des emplois ou d'utiliser la sous-traitance pour se soustraire à la loi.

Les délais, maintenant. Si l'avant-projet de loi devait devenir loi dans sa formulation actuelle, certains groupes de femmes pourraient espérer, au mieux, toucher les ajustements salariaux auxquels elles auraient droit huit ans après la date d'entrée en vigueur de la loi. C'est très long, trop long. Nous proposons que le délai maximum pour compléter le programme, c'est-à-dire réaliser les études, les évaluations et les calculs, soit fixé à deux ans après l'entrée en vigueur de la loi dans le cas des entreprises du secteur public ou parapublic et de celles du secteur privé comptant au moins 100 employés, et à trois ans dans tous les autres cas.

Autre question: À qui faut-il confier l'administration de la Loi sur l'équité salariale? L'avant-projet de loi propose que cette responsabilité soit assumée par la Commission des normes du travail. Nous ne sommes pas d'accord. Les sérieuses critiques qui ont été formulées à l'égard de la Commission des normes du travail devraient suffire à justifier qu'on ne lui confie pas des responsabilités additionnelles. De plus, les expériences des autres provinces canadiennes montrent clairement l'ampleur de la tâche liée à l'application du principe d'équité salariale et la nécessité d'un suivi très rigoureux de la méthode. C'est pourquoi elles ont confié l'administration de leur Loi sur l'équité salariale à un organisme autonome. En ce sens, et dans la mesure où le mandat de la Commission des normes du travail est déjà très lourd, nous préconisons la mise en place d'un organisme spécifiquement voué à l'atteinte de l'objectif d'équité salariale. Celui-ci devra jouir de mandats clairs, de pouvoirs précis afin de maintenir un climat de clarté et de rigueur dans l'ensemble du processus. Nous proposons donc qu'une commission de l'équité salariale soit instituée par l'Assemblée nationale et que lui soit assurée l'indépendance nécessaire à l'exercice de ses fonctions. La commission devra, notamment, être responsable de l'administration de la loi, effectuer les recherches et les études pertinentes, élaborer des avis et des directives, détenir un pouvoir de règlement des litiges techniques dans un sens exécutoire, pouvoir référer au tribunal tout cas de contravention à la Loi sur l'équité salariale ou tout litige non résolu autrement, rédiger le bilan de la loi et les rapports annuels, et formuler des recommandations à l'Assemblée nationale afin de modifier ou d'amender la loi. Cette commission doit absolument bénéficier des ressources humaines, techniques et financières nécessaires à la réalisation de ces mandats. Aussi, la loi devra prévoir l'obligation, pour l'Assemblée nationale, d'adopter les crédits nécessaires au financement des institutions et mécanismes prévus à la loi.

Pour éviter les conflits d'intérêts, nous privilégions une séparation claire entre les rôles de soutien technique et de formation, d'une part, et d'administration de la loi, d'autre part. D'où notre recommandation: que le soutien technique et la formation soient confiés à un ministère. Ça pourrait être, par exemple, le ministère du Travail. Le rôle d'administration et de promotion de la loi relèverait de la commission de l'équité salariale, celui de la sanction pourrait être confié au Tribunal des droits de la personne.

Quelques mots sur les dispositions pénales prévues à l'égard de quiconque contreviendrait à la loi. Une amende de 1 000 $ nous paraît raisonnable dans le cas d'une petite entreprise; par contre, une amende de 10 000 $ pourrait ne pas être suffisamment dissuasive pour une grande entreprise qui appréhende des correctifs substantiels. Dans ce contexte, il serait préférable que le montant des amendes soit proportionnel à la taille des entreprises.

Quelques mots sur le chapitre XI, qui soustrait à l'application de la loi les secteurs public et parapublic, les employeurs ayant déjà amorcé ou complété un programme d'équité salariale ou de relativité salariale ainsi que ceux qui implantent un programme d'accès à l'égalité dans leur entreprise. Selon l'avant-projet de loi, pour obtenir le certificat de conformité, ces employeurs ne seraient tenus que de soumettre les éléments techniques de leur programme, sans y inclure les résultats. De plus, l'article 76 passe sous silence l'indication de la proportion d'hommes dans les emplois de l'entreprise et omet de préciser l'obligation que les facteurs utilisés soient dénués de préjugés sexistes. Depuis plusieurs années, le Conseil du trésor et plusieurs entreprises ont engagé des travaux d'évaluation des emplois en dehors d'un cadre législatif et réglementaire. Il est impératif que les programmes élaborés soient soumis à l'examen de la loi pour éviter que ne soient entérinés des exercices d'équité à rabais préjudiciables aux femmes. En d'autres mots, tous les programmes doivent obtenir leur certificat de conformité à la loi selon les mêmes règles. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement québécois de modifier la section I du chapitre XI de manière que tous les employeurs, y inclus le Conseil du trésor, soient tenus de se conformer à la Loi sur l'équité salariale.

En conclusion, nous tenons à réaffirmer que le Québec a besoin d'une loi sur l'équité salariale. La hiérarchisation des emplois, la culture, l'organisation du travail constituent des freins trop grands pour que l'on puisse espérer des changements uniquement en comptant sur la bonne volonté de chacun. Trop de pratiques, d'attitudes, de comportements observés sur le marché du travail continuent à enraciner une dévalorisation du travail des femmes, qui se concrétise par l'absence d'équité salariale. Une loi sur l'équité salariale doit forcer l'évolution des mentalités, du fonctionnement et des structures du travail.

Nous souhaitons donc que le gouvernement québécois modifie l'avant-projet de loi pour le renforcer dans le sens de nos recommandations. Nous souhaitons aussi que ce projet de loi soit soumis à une commission parlementaire et adopté au cours de la présente session. Depuis des années, les femmes militent pour l'obtention d'une telle loi; nous n'avons pas l'intention de retraiter ni d'accepter des demi-mesures. Nous sommes sensibles à la situation des finances publiques, mais nous n'acceptons pas qu'elle soit résolue sur le dos des femmes salariées. Il est temps que se concrétise le droit à un salaire égal pour un travail équivalent garanti par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Et nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Williams): Merci, Mme Pagé, pour votre présentation. Maintenant, je passe la parole à Mme la ministre.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme Pagé. Vous êtes une familière du salon rouge. Il est rare, cependant, de vous voir accompagnée par une délégation exclusivement féminine, et je dirais...

Mme Pagé (Lorraine): Signe des temps. Ha, ha, ha!

Mme Harel: Je pense que le signe des temps se traduit de ce côté-ci aussi. Et je souligne également la présence avec vous de membres ou de militantes, je pense, hein, de la...

Mme Pagé (Lorraine): Oui, de notre réseau de la condition des femmes, des représentantes de l'ensemble de nos syndicats affiliés, qui étaient aujourd'hui en réunion à Québec et qui ont décidé de voir d'un peu plus près...

Mme Harel: Ha, ha, ha!

Mme Pagé (Lorraine): ...l'exercice de la démocratie.

Mme Harel: Ça va peut-être donner le goût à certaines de passer de l'autre côté. Ha, ha, ha!

Mme Pagé (Lorraine): Ha, ha, ha!

Mme Harel: J'espère. Je...

Mme Pagé (Lorraine): Vous leur poserez la question à la pause.

Mme Harel: J'espère, j'espère. En tout cas, écoutez, ne pensez pas qu'on est masochistes si on est ici. Il y a quand même du plaisir dans le pouvoir de décider.

Ceci dit, Mme Pagé, j'aimerais beaucoup, là, qu'on revienne peut-être sur une question qui est abordée depuis le début de nos travaux et qui est celle de la limite de la capacité de légiférer dans les changements sociaux qui demandent de la cohésion. Je voudrais vous inviter à reprendre, à la page 12 de votre mémoire, la recommandation 14 que vous nous faites. Vous dites: «La CEQ recommande que la Loi sur l'équité salariale indique qu'il est interdit de geler ou d'ajuster les salaires vers le bas, d'inclure des clauses orphelin, de transférer des emplois ou d'utiliser la sous-traitance pour se soustraire à la loi.»

(16 heures)

Il y a une interdiction qu'on ne retrouve pas, qui est celle de fermer. Et ça m'apparaît important, parce que, ce midi même, je vérifiais les chiffres les plus récents du ministère de l'Industrie et du Commerce et, de 1989 à 1994, au Québec, il s'est créé 78 000 nouvelles entreprises de 50 employés et moins et il s'en est fermé 82 000. Il n'y a rien de plus mouvant que l'entreprise; c'est quelque chose dont on n'a pas idée, même quand on n'est pas familière comme moi, puis j'imagine que c'est le cas pour beaucoup de gens. On a toujours en tête des grands noms d'entreprises stables. Des entreprises au Québec qui ont, par exemple, un régime complémentaire de retraite, qui est souvent, si vous voulez, la condition pour assurer une politique à long terme dans l'entreprise, il y en a 1 000 sur les 170 000. Vous vous imaginez, sur les 170 000 entreprises que le Québec compte, il y en a 1 000 qui ont un régime complémentaire de retraite autre que la Régie des rentes ou qu'un REER. Des entreprises qui ont plus de 1 000 000 $ de masse salariale – 1 000 000 $ de masse salariale, ce n'est pas beaucoup, finalement, c'est peut-être quelque chose comme 30 personnes, autour de 30 personnes, 40 peut-être – il y en a 7 645 sur les 170 000. C'est dire à quel point, disons, l'économie québécoise est faite de petites entreprises qui vont et qui viennent continuellement. Et c'est cette réalité-là qui fait qu'on ne peut pas leur interdire de fermer. Il faut trouver une cohésion sociale, à défaut de quoi, sur papier, les plus belles réglementations se trouvent à ne pas être appliquées.

Alors, je ne sais pas comment vous voyez ça. Quelle est la réaction, vous qui êtes membre du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, que vous avez sur cette remarque que je fais?

Mme Pagé (Lorraine): Écoutez. D'abord, je pense qu'il arrive des moments où, si le consensus ne s'est pas établi chez les dirigeants d'entreprises, il se manifeste assez clairement au sein de la population pour que le gouvernement se sente habilité à aller de l'avant. Je donne comme exemple les discussions toutes récentes que nous avons eues sur le 1 % de contribution des entreprises à la formation professionnelle. S'il avait fallu attendre qu'ils viennent nous dire leur accord en commission parlementaire, on serait encore à en parler. Mais on a constaté qu'il y avait un besoin en formation professionnelle, qu'il y avait un accord important de la population avec cette mesure. On y a vu une solution à un problème de sous-qualification de la main-d'oeuvre. Le gouvernement, bien sûr, a tenu des audiences publiques, a amené certains aménagements à la loi pour tenir compte des points de vue qui ont été véhiculés de part et d'autre. La loi a été adoptée et, par la suite, à la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, nous en sommes venus à nous entendre sur une réglementation.

Alors, il y a des moments où le consensus, il faut le forcer un peu, surtout pour ceux qui sont lents à comprendre. Et je pense qu'au chapitre de l'équité salariale c'est la même chose. La majorité de la population est d'accord. Il n'y a rien qui justifie à quatre ans du troisième millénaire qu'on maintienne des situations de discrimination à l'égard des femmes, et je pense que, dans ce contexte-là, le gouvernement doit aller de l'avant et, par la suite, avec cet état de fait, la société québécoise étant ce qu'elle est, il y aura bien ce qu'il faut en termes de rapprochement, de négociations, de travail au sein de comités conjoints pour que le consensus social s'établisse et s'enracine. Mais on ne peut pas attendre, pour procéder, l'unanimité des points de vue. Je pense qu'on peut s'asseoir sur un constat de la situation, sur la nécessité de corriger des faits et sur le fait qu'il y a moyen, à la suite de l'adoption d'une loi, de voir à ce que les consensus s'enracinent véritablement.

Mme Harel: Je pense que votre parallèle est intéressant, je voudrais le reprendre aussi avec vous, parce que je pense que – si c'est nécessaire, je le réitère – une loi proactive est nécessaire. Mais c'est une loi proactive d'application, n'est-ce pas, parce que le principe est déjà là depuis 20 ans puis il n'est pas appliqué. Donc, on a besoin d'une loi d'application.

Donc, l'objectif est admis dans la population, mais la loi d'application doit aller chercher, à défaut d'un consensus, du moins des appuis, n'est-ce pas? Je vous rappellerai, puisque vous avez été, d'ailleurs, partie prenante à tout ce débat sur la formation professionnelle de la main-d'oeuvre, que la loi d'application a fini par quérir à la fois des appuis dans l'opinion publique, dans le milieu syndical et dans le milieu communautaire. En l'occurrence, l'avant-projet de loi d'application qui est devant nous a été décrié, jusqu'à maintenant, par le milieu syndical, par le milieu communautaire et par le milieu patronal. Donc, il faut trouver une façon de reprendre, je crois, la rédaction d'une loi d'application. Alors, quelle est la façon que vous nous suggérez pour, cette fois-ci, y arriver?

Mme Pagé (Lorraine): Écoutez. D'abord, oui, le projet de loi a été critiqué par les groupes syndicaux et les groupes patronaux. Vous remarquerez que, dans les critiques que nous apportons, nous vous faisons des suggestions pour rédiger un nouveau projet de loi d'application. Ce qu'il faut déplorer, c'est que nos vis-à-vis dans cette question ne sont pas venus vous proposer des modifications à une loi d'application qui ne leur conviendraient pas. Ils sont venus, la main sur le coeur, nous dire: Oui, c'est vrai qu'il faut s'occuper de l'équité salariale, mais laissez-nous, nous, faire ça comme des grands garçons, on est capables de s'en occuper. Et puis ils ont mêlé, ils ont tout mêlé, les garderies avec le salaire, la conciliation travail-famille, puis la formation avec le fait d'avoir un travail rémunéré à sa juste valeur. Alors, là, dans une situation comme ça, c'est clair qu'ils n'ont pas vraiment souscrit à la nécessité de regarder la loi d'application qui est soumise et de suggérer des modifications, des améliorations, des ajustements.

Mais je crois qu'à l'issue de cette commission parlementaire, avec l'ensemble des points de vue qui auront été entendus, le gouvernement devrait s'atteler à la tâche, préparer un projet de loi qui tiendra compte des observations. S'il y en a qui ont décidé de parler d'autres choses que du bien-fondé de la loi et des ajustements à y apporter, bien, ils vivront avec leur choix, je serais portée à dire «rétrograde», et, à l'occasion d'une nouvelle commission parlementaire, on pourra procéder à l'examen et voir si le nouveau projet de loi permet vraiment de progresser de façon correcte, de façon équitable vers l'atteinte de l'objectif qui nous tient à coeur, qui est de garantir aux femmes une rémunération à la juste valeur du travail qu'elles accomplissent.

Mme Harel: M. le Président, je trouve ça intéressant. Mais, ceci dit, j'ai l'impression que, même dans un nouvel exercice, il y aurait toujours une contradiction dans l'interprétation de la relativité salariale en regard de ce qu'elle a pu, par exemple, représenter au gouvernement et des effets bénéfiques qu'elle a pu introduire dans les corps d'emplois féminins spécifiquement... Les chiffres, je les reprends, parce que je les ai déjà donnés en commission. Mais, finalement, de la somme récurrente de 371 000 000 $ cette année, en 1995, c'est 319 000 000 $ qui auraient été utilisés pour des ajustements salariaux à 89 % de l'ensemble des personnes oeuvrant dans les types d'emplois à prédominance féminine. Finalement, le reste du montant de 371 000 000 $, soit 52 000 000 $, l'aura été dans des ajustements pour des types d'emplois mixtes ou à prédominance masculine, mais ça aura eu un effet d'ascenseur étant donné que la comparaison se fait toujours avec l'équivalent à prédominance masculine le plus bas. Alors, donc, quand il y a relèvement du côté des emplois à prédominance masculine et qu'il y a un processus d'ajustement, ça a une influence aussi, je crois.

(16 h 10)

Ceci dit, vous êtes engagés, à la CEQ, dans un processus d'évaluation du personnel enseignant, qui devrait, dit-on, conclure ses travaux pendant la durée des conventions collectives 1995-1998.

Mme Pagé (Lorraine): Oui, on l'espère plus proche de 1995 que de 1998.

Mme Harel: Alors, comme le Trésor et vous avez, en fait, décidé, je pense, de créer un forum conjoint là-dessus, voulez-vous nous dire où vous en êtes? si vous en êtes satisfaite?

M. Pagé (Lorraine): Oui. Je vais demander à Mme Simard, qui est justement responsable du dossier à la Centrale, de vous faire état des travaux que nous avons menés avec le Conseil du trésor depuis quelques années déjà pour plusieurs catégories d'emplois, dans le cadre de travaux sur les relativités salariales. Mais on sait que cela a eu des incidences au titre de l'équité salariale, et ça nous permettra, justement, de faire le lien avec la section de la loi où on vous disait tout à l'heure qu'on avait l'impression que le gouvernement se soustrayait aux dispositions de la loi pour les travaux déjà effectués. Alors, ça nous permettra de faire le tour de toute cette question-là. Alors, Mme Simard.

Mme Simard (Lise): Nos travaux avec le Conseil du trésor en ce qui a trait aux enseignants sont, je dirais, au tout début des travaux. On s'apprête... Puis, là, je vais employer des termes qui sont dans l'avant-projet de loi. On est en train de se préparer à faire la cueillette d'informations. On fera une enquête qui touchera au-delà de 2 300 enseignants et enseignantes afin de nous permettre d'aller plus loin dans le processus. Le bilan qu'on peut tracer des travaux engagés avec le Conseil du trésor depuis 1990 n'est pas uniquement un bilan négatif. D'ailleurs, vous le dites vous-même, Mme la ministre, le nombre de millions qui ont été injectés dans le cadre de ces travaux-là parlent par eux-mêmes.

D'un autre côté, ce qu'on a fait valoir dans le mémoire, d'abord, c'est toute la dynamique des travaux dans le cadre de l'équité salariale qui, finalement... ce qui est soumis dans le projet de loi n'est pas du tout réalisé et ne serait pas du tout réalisé dans le même contexte que les travaux que nous faisons présentement avec le Conseil du trésor et avons faits dans le passé.

L'équité salariale, et vous allez comprendre pourquoi, ne devrait jamais se travailler dans un contexte conflictuel ou dans un contexte de relations de travail. Évaluer des emplois, déterminer des équivalences avec des emplois masculins, vous comprendrez bien que, même de notre côté, ce n'est pas du domaine de la facilité. En venir à des conclusions, ce n'est pas, non plus, facile. On représente, lorsqu'on fait des assemblées... je veux dire, on a autant, souvent, dans nos secteurs, des hommes et des femmes qui sont touchés par le règlement de ces dossiers-là. C'est pourquoi, quand on a vu que le Conseil du trésor n'était pas prêt ou le gouvernement n'était pas prêt, par la présentation de l'avant-projet de loi, de, lui aussi, se conformer à nous présenter ou à présenter à la commission un certificat disant qu'il respectait... ou les travaux qu'il engageait étaient conformes à la loi, ça nous a beaucoup déçus.

Tous les travaux qui ont été menés ont laissé beaucoup de cas en suspens, des cas qui sont pratiquement inréglables. Je prends le dossier de soutien, où, en 1989, il y a eu un premier règlement qui a donné des ajustements de l'ordre de quelques millions de dollars, 250 000 000 $, si je me rappelle bien. Les titres d'emplois féminins qui ont été traités à ce moment-là... Bon, d'une part, il y en a qui n'ont pas été traités du tout, il n'y a pas eu de travaux de faits. Mais ceux qui ont eu des ajustements n'ont pas nécessairement eu les ajustements qu'ils auraient dû avoir dans le cadre des travaux qu'on mènerait avec un texte de projet de loi, et même le projet de loi étant celui qu'il est aujourd'hui. Les travaux sur les professionnels de la santé et de l'éducation ont vécu à peu près la même problématique. Nous, ce qu'on a pu faire à la CEQ, c'est de mettre en retrait plusieurs titres qu'on pouvait reprendre sur la base de l'évaluation et ainsi reporter à plus tard une entente sur la question du rangement et sur la question du salaire.

Vous savez aussi qu'on est plusieurs organisations syndicales, qui avons souvent des pensées différentes dans le domaine. Alors, ça pourrait être très bienvenu pour le gouvernement de faire trancher quelques cas en litige par une commission. Ça permettrait aussi de poursuivre les travaux souvent sur une base qui ne serait plus de la confrontation.

Je vous ferais remarquer qu'à l'article 76 de l'avant-projet de loi, où on dit que le gouvernement se soustrait et qu'on...

Le Président (M. Williams): Madame, je m'excuse. Est-ce que vous pouvez, peut-être, dans la prochaine réponse, parler de cet article de loi, parce que j'ai besoin maintenant de passer la parole à Mme la députée? Je m'excuse.

Mme Simard (Lise): Parfait.

Le Président (M. Williams): Maintenant, je passe...

Mme Gagnon-Tremblay: Madame allait terminer. Peut-être qu'on pourrait lui permettre de conclure.

Le Président (M. Williams): Voulez-vous juste conclure et, après ça, je vais passer la parole à Mme la députée de Saint-François.

Mme Simard (Lise): Bien, je voulais conclure sur le fait que l'article 76 faisait en sorte que le Conseil du trésor se soustrayait, parce que tous les éléments techniques ici, qu'il devrait soumettre à une commission, sont déjà réalisés, sont déjà observés et ne comprennent pas les résultats d'évaluation auxquels on en est arrivé et avec lesquels, à beaucoup d'égards, on redemeure et on est encore en désaccord. Alors, vous savez fort bien qu'en évaluation d'emplois, lorsqu'il demeure des degrés de facteurs sur lesquels on n'a pas pu s'entendre puis qu'on finit par acquiescer à un règlement tout simplement pour avoir le salaire, parce que l'objectif, c'est d'augmenter la rémunération des femmes... Mais il demeure que ces dossiers-là n'ont pas eu un complément de dossier. Alors, en ce sens-là, on demande à l'entreprise privée, par l'avant-projet de loi, de présenter ses méthodes d'estimation des écarts et ses résultats, et le Conseil du trésor n'aurait pas à présenter ses méthodes d'estimation des écarts. Il aurait à présenter qu'il y en avait une, il aurait à présenter qu'il y avait un plan d'évaluation, mais il n'aurait pas à présenter le résultat de nos travaux ni les coûts pour chacun des titres d'emplois qu'il a versés, contrairement à l'entreprise privée. Et c'est là-dessus que, nous, on trouve que ça n'a aucun sens. Si le gouvernement est persuadé qu'il a réglé avec la plupart des syndicats, il ne devrait pas avoir de réserve à présenter le dossier à la commission.

Le Président (M. Williams): Merci, Mme Simard. Maintenant, je passe la parole à Mme la députée de Saint-François, porte-parole pour l'opposition.

Mme Gagnon-Tremblay: Mme Pagé, mesdames, merci pour la présentation de votre mémoire. Je salue, bien sûr, votre fan club, particulièrement les gens de ma région, les gens de la région de l'Estrie; il y en a sûrement parmi celles qui vous accompagnent.

C'est un sujet qui est très important, bien sûr, pour les femmes. Et je ne sais pas, suite aux commentaires que vous avez eus tout à l'heure avec la ministre, je me demandais, Mme Pagé: Si l'avant-projet de loi avait reflété les conclusions du rapport des membres du comité qui avait été mandaté par la ministre, l'ex-ministre de la Condition féminine, est-ce que tous les groupes auraient été en désaccord? Est-ce qu'on aurait été contre?

Mme Pagé (Lorraine): Un avant-projet de loi ou un projet de loi – en fait, c'est ça qu'on espérait – qui aurait reflété, dans les grandes lignes, le rapport des expertes aurait reçu de notre part un jugement plus favorable.

Mme Gagnon-Tremblay: Donc, ça veut dire qu'on aurait avantage à aller puiser à nouveau dans ledit rapport pour revenir avec un projet de loi et permettre une autre consultation.

Mme Pagé (Lorraine): Tout à fait.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous souhaiteriez aussi, lors de cette consultation, si jamais elle avait lieu, que l'on puisse prendre connaissance en même temps des règlements? On sait que la réglementation est parfois plus douloureuse ou elle cache parfois des subtilités qu'on ne retrouve pas dans la loi.

Mme Pagé (Lorraine): C'est toujours une question délicate quand on arrive sur la réglementation, surtout dans un dossier comme ça. Ça pourrait devenir assez facilement laborieux en commission parlementaire. Pour avoir à suivre le dossier un peu plus régulièrement dans le cadre des travaux que l'on peut effectuer, je pense qu'il faudrait transformer ça en comité plénier prolongé si on voulait passer vraiment à la fois à travers les dispositions du projet de loi et de la réglementation, et je ne suis pas certaine que la commission parlementaire représenterait le forum le plus approprié dans ces circonstances.

Mme Gagnon-Tremblay: Tout au moins, il faudrait s'assurer que la réglementation, les règlements soient prépubliés.

Mme Pagé (Lorraine): À tout le moins, oui. Et on pourrait envisager d'autres formules pour s'assurer que les règlements sont adéquats. Mais, en commission parlementaire, il me semble que ça ne serait pas la formule la plus heureuse.

Mme Gagnon-Tremblay: Lorsque vous souhaitez que le Conseil du trésor soit réputé l'employeur de la fonction publique à cause, justement, des réseaux de l'éducation et de la santé, est-ce que, lorsque vous parlez d'éducation, ça comprend également les universités? On sait que la Conférence des recteurs viendra la semaine prochaine pour présenter un mémoire et puis, naturellement, ils en ont beaucoup à dire suite au programme d'accès à l'égalité, parce qu'ils ont dû financer une bonne part, finalement, de l'accès à l'égalité. Est-ce que, pour vous, lorsque vous parlez d'éducation, ça comprend également les universités?

Mme Pagé (Lorraine): Non, ça ne comprend pas les universités. Et je crois que les universités ont à faire un certain ménage dans leur cour au chapitre des frais d'administration et arrêter de se cacher derrière toutes sortes de paravents et d'épouvantails pour expliquer qu'elles ne procèdent pas et qu'elles rendent très compliqués les travaux au chapitre de l'équité salariale. On pourrait poser le même type de questionnement, d'ailleurs, sur leur acharnement juridique pour contrer la syndicalisation dans les universités.

(16 h 20)

Mme Gagnon-Tremblay: Le message est passé.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Gagnon-Tremblay: On leur demandera de relire les galées aujourd'hui.

Mme Pagé (Lorraine): On a fêté notre cinquième anniversaire avec l'Université Laval dans le dossier des professionnels d'universités. Vous comprenez, on leur a offert un gâteau là, alors.

Mme Gagnon-Tremblay: J'imagine aussi, lorsqu'on souhaite que le Conseil du trésor soit le principal employeur... bon, il y a une question, là, d'efficacité au point de vue régionalisation, décentralisation, mais j'imagine qu'il y a aussi un atout du fait que c'est le principal payeur.

Mme Pagé (Lorraine): Écoutez. Nos hôpitaux, nos services sociaux, nos commissions scolaires, nos collèges sont essentiellement financés par l'État. Il est, dans les faits, la personne qui assure la rémunération des employés. Quand nous faisons des négociations même dans les secteurs où il y a de la négociation locale, ce qui est le cas, par exemple, pour les enseignants de commissions scolaires, la rémunération, les régimes de retraite sont des dispositions qui sont négociées au palier national. Donc, dans ce cadre-là, il n'y a absolument rien qui militerait en faveur d'une autre approche que de dire que c'est le Conseil du trésor qui est réputé l'employeur.

Mme Gagnon-Tremblay: Mme Pagé, à la page 12 de votre mémoire, vous indiquez qu'«il faut que chaque employeur prévoie les montants d'argent supplémentaires et indépendants de la masse salariale pour la réalisation de l'équité». Vous mentionnez: «Nous proposons que, chaque année, les ajustements correspondent à au moins 1 % de la masse salariale.» Est-ce que c'est parce que vous avez fait une étude et vous croyez que ces ajustements dans la majeure partie des entreprises pourraient équivaloir à 1 % de la masse salariale? Parce qu'on a différents sons de cloche. Il y en a qui disent que ça peut être un peu moins, il y en a qui évaluent ça même jusqu'à 3 %, jusqu'à 5 %. Alors, est-ce que c'est parce que vous avez une évaluation qui a été faite à votre centrale syndicale pour dire que 1 % semblerait être raisonnable?

Mme Pagé (Lorraine): Mme Simard va vous donner la réponse sur ce dossier-là.

Mme Simard (Lise): En fait, c'est un montant minimal, là, 1 % par année. On regarde un peu les expériences qui ont été faites ailleurs, entre autres en Ontario. C'était de mise dans les lois de mettre des montants obligeant l'employeur à prévoir au moins minimalement qu'il y aurait 1 % de la masse salariale de conservé pour régler cela. Alors, nous, nous reprenons un peu, parce qu'on connaît un peu la précarité de certaines entreprises et tout ça. Elles ont huit ans pour se préparer à se ramasser 1 % de la masse salariale dans certains cas, avec l'avant-projet de loi. On pense qu'elles seront capables de le faire. Le montant est comme un montant minimal.

Mme Gagnon-Tremblay: Donc, ce qui veut dire que tout surplus, s'il y avait besoin, tout surplus par la suite... Vous ne limitez pas à 1 %. Ce n'est pas une limitation. Une fois qu'on est convaincu qu'il y a des ajustements à faire, on ne limite pas à 1 %, mais tout simplement c'est un minimum; le surplus pourrait être échelonné cependant, mais, comme il y aurait eu cette réserve de 1 %, ce serait plus facile par la suite de payer plus rapidement.

Mme Simard (Lise): Je vais compléter. Si on lit bien, c'est 1 % de la masse salariale par année. Donc, souvent, dans le cadre de ces travaux-là, on va se donner quatre ans pour terminer le règlement. On va dire 1 % de la masse salariale par année et le reste à la fin de la troisième année. Ce qu'on a fait dans la fonction publique, parapublique, c'était une norme de 2,5 % par année. Donc, avec les entreprises du privé, ce serait 1 % mais par année. Alors, si le règlement est de 3,7 %, l'employeur n'a l'obligation de donner que 1 % par année sur le 3,7 % qui réglerait le dossier.

Mme Gagnon-Tremblay: À la recommandation 14 que vous faites, vous parlez, bien sûr, du fait qu'il est interdit de geler ou encore d'ajuster les salaires à la baisse – d'ailleurs, l'avant-projet de loi mentionne ce fait au niveau des salaires à la baisse – mais aussi d'utiliser la sous-traitance pour se soustraire à la loi. Comment, par exemple, on pourra déterminer que la sous-traitance que pourrait décider de donner une entreprise à quelqu'un d'autre, comment on va faire pour déterminer que ce n'est pas une sous-traitance afin de se soustraire à la loi? Je sais que c'est sûr que ça va à l'encontre, bon, de vos grands principes, mais on se rend compte aussi que de plus en plus, pour toutes sortes de raisons, les entreprises sont portées à donner de la sous-traitance, elles ne veulent pas, non plus, être des experts dans tout et, parfois, c'est plus avantageux de donner de la sous-traitance. Comment, dans un projet comme celui-ci, on peut savoir que cette sous-traitance, elle est donnée, mais qu'elle ne va pas à l'encontre ou pour se soustraire à la loi? J'imagine que ça ne doit pas être facile.

Mme Pagé (Lorraine): Non, ce ne sera pas facile. Et on sait que les employeurs, pour différentes raisons, sont parfois, même pour contrer la syndicalisation... vont recourir à la sous-traitance. Et je crois qu'à cet égard-là la Commission, qui est supposée avoir un rôle de vigilance, s'il y a des plaintes de portées, devra pouvoir être capable d'observer le phénomène, les raisons qui peuvent le justifier. Mais il faut absolument se donner les moyens pour se prémunir contre toutes sortes de pratiques, à notre avis, déloyales qui viseraient à contourner la loi tout simplement, et je pense qu'il y a là une question que le gouvernement devrait examiner de plus près dans la préparation du projet de loi qui devrait nous être soumis à nouveau d'ici quelques semaines, je l'espère.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, Mme Pagé. Merci, mesdames.

Le Président (M. Williams): Merci. Le mot de la fin, Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, Mme Pagé, je crois qu'il nous reste pas mal de travail compte tenu des recommandations que vous faites. J'ai l'impression qu'il faudrait peut-être mettre à profit à la fois l'expertise syndicale et patronale pour trouver une proposition qui soit garante de l'application que l'on recherche du principe: à travail équivalent, salaire égal. Chose certaine, il ne faut pas s'enfarger... en tout cas, il faut tenter d'éviter le plus possible de s'enfarger dans des processus qui, finalement, sur papier, auraient l'air intéressants mais qui, dans la réalité, ne trouveraient pas matière à être appliqués.

Alors, je vous remercie, en tout cas, de votre réflexion. Ça m'apparaît une contribution importante. Merci aussi à Mme Simard, c'est une experte également dans ces dossiers. Et je souhaite qu'on puisse aussi vous mettre à profit. Merci.

Mme Pagé (Lorraine): J'espère, Mme la ministre, que vous serez aussi diligente et déterminée dans ce dossier-là que vous l'avez été sur le 1 % de la formation professionnelle.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Williams): Merci beaucoup, Mme Bourret, Mme de Sève, Mme Girard, Mme Simard et, certainement, Mme Pagé. C'est toujours plaisant de vous écouter et de vous voir.

Je voudrais maintenant inviter le Conseil québécois du commerce de détail à prendre place. Je suspends les travaux pour quelques instants afin de permettre à cet organisme de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 29)

(Reprise à 16 h 32)

Le Président (M. Gaulin): Alors, nous allons reprendre les travaux de la commission. Je souhaite la bienvenue au Conseil québécois du commerce de détail. Je salue le président-directeur général, Me Gaston Lafleur, et je lui saurais gré de nous présenter celles et celui qui l'accompagnent.


Conseil québécois du commerce de détail (CQCD)

M. Lafleur (Gaston): Merci, M. le Président. À ma gauche lointaine, Mme Monique Lespérance, directrice des relations de travail pour la région du Québec auprès de la maison Eaton; à ma gauche immédiate, Mme Ève Morin, présidente de J.B. Lefebvre, détaillant bien connu dans le domaine de la chaussure; à ma droite éloignée, M. Michel Fournier, directeur des relations de travail, région du Québec, de Sears Canada; et, à ma droite immédiate, Mme Marie-Josée Hébert, chef des ressources humaines de la maison La Baie.

Le Président (M. Gaulin): Alors, vous disposez de 20 minutes, M. le président.

M. Lafleur (Gaston): Merci, M. le Président. Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, permettez-moi, dans un premier temps, de remercier la commission pour nous donner l'opportunité de venir vous entretenir aujourd'hui du point de vue du Conseil québécois du commerce de détail et de ses membres sur l'avant-projet de loi sur l'équité salariale.

D'entrée de jeu, le Conseil est particulièrement préoccupé par l'avant-projet de loi qui a été déposé et considère que le moyen qui est prévu par l'avant-projet de loi, selon nous, n'atteint pas les objectifs visés. Le Conseil reconnaît, d'une part, le droit fondamental de toute personne d'obtenir un traitement ou un salaire égal pour un travail équivalent chez un employeur, et ce, sans aucune discrimination, et, en ce sens, nous supportons l'application de l'article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne. Ce principe fondamental est reconnu par notre société et a été enchâssé dans notre charte depuis près de 20 ans. L'article 19 implique clairement l'intention du législateur et de la population québécoise de l'époque – et, à notre point de vue, encore aujourd'hui – de faire en sorte qu'il n'y ait aucune discrimination concernant le traitement ou le salaire, et ça, peu importent les motifs de discrimination qui pourraient être invoqués et qui ne sont pas limités au sexe uniquement.

Le Conseil croit que le projet de loi représente une mesure de nature coercitive. C'est un terme qu'on a utilisé occasionnellement dans d'autres législations dans le passé, mais qui nous apparaît quand même causer plus d'inconvénients que de bienfaits. Les iniquités salariales qui subsistent entre les travailleurs et les travailleuses, selon nous, doivent passer par des mesures incitatives plutôt que des mesures coercitives, tel que l'avant-projet de loi semble les dégager. En ce sens, il est à remarquer qu'il y a eu une nette amélioration dans la situation de l'équité salariale depuis les 10 dernières années et ceci nous pousse à questionner la justesse, si ce n'est dans le temps, d'un tel avant-projet de loi sous étude, considérant aussi les coûts particulièrement élevés que représentent les programmes qui devront être mis en plan, à la lecture du projet de loi ou de l'avant-projet, et surtout en fonction de la capacité des PME de financer une telle initiative, évidemment, tout en considérant l'ensemble de la paperasserie, la lourdeur administrative et le risque important de judiciarisation que l'avant-projet de loi pourrait causer.

Vous savez sans aucun doute que le secteur du commerce de détail est un secteur économique moteur au Québec. On a un peu de difficultés à le faire reconnaître comme tel, mais on y travaille beaucoup. Et c'est un secteur aussi où il y a une prédominance féminine assez importante dans le secteur privé. C'est donc une question de grande préoccupation pour nous. D'autre part, sans se lancer dans des statistiques, vous saurez qu'une très vaste proportion des établissements commerciaux et des entreprises dans notre secteur sont ce qu'on appellerait des TPE, des très petites entreprises, et non pas des PME. Là, on parle d'emplois de 10 employés et moins. Je reviendrai là-dessus, sur la question du nombre d'emplois.

J'aimerais, en premier lieu, vous entretenir sur l'impact ou le rapport coûts-bénéfices de l'expérience ontarienne. Nous avons un certain avantage à ce niveau-là, puisque plusieurs de nos entreprises qui oeuvrent au Québec ont passé par le processus de la législation ontarienne et donc ont un vécu très palpable de cette expérience-là. Je présume qu'à la période de questions vous serez intéressés à nous questionner sur cet aspect-là et nous tenterons de répondre à vos interrogations.

À l'intérieur du rapport, nous avons fait référence à une étude préparée par Canadian Facts – en fait, un résumé qui se trouve en annexe – qui a établi l'impact de l'équité salariale chez les employeurs ayant entre 50 et 99 employés en Ontario. On a noté que la vaste majorité des catégories d'emplois à prédominance féminine n'ont reçu aucun ajustement salarial, et ce, dû en partie au fait que près de 49 % des salariées gagnaient une rémunération similaire ou même plus élevée que leur comparable masculin. D'autre part, 19 % des catégories d'emplois à prédominance féminine et 10 % des salariés de ces catégories d'emplois à prédominance féminine ont reçu des ajustements salariaux. Et, suivant cette étude, les entreprises prévoyaient verser en moyenne environ 0,5 % de leur masse salariale totale annuelle à titre d'ajustement en équité salariale.

Pour arriver à cette conclusion, il y a des coûts, des coûts administratifs loin d'être négligeables. L'étude mentionne, en effet, que les employeurs avaient engagé en moyenne 9 100 $ en coûts administratifs et que ces montants pouvaient varier énormément d'un employeur à l'autre. Et j'aimerais porter une attention particulière sur ce fait-là, parce qu'on a souvent entendu, dans le cadre de consultations antérieures, que les coûts pour l'établissement d'un programme, l'identification des catégories d'emplois et l'évaluation pourraient revenir à environ 150 $ ou 140 $ par employé. Laissez-moi vous dire qu'une simple consultation téléphonique auprès de firmes d'experts en la matière nous indique que, pour des petites entreprises de l'ordre de 10 à 12 employés, le coût per capita serait plus aux alentours de 350 $ à 500 $ par employé, ce qui peut représenter, dans le cas qui nous préoccupe chez nous, 2 % de la masse salariale uniquement pour faire l'étude. C'est quand même énorme, si on considère en bout de ligne avoir un bénéfice éventuel de 0,5 % sur la masse salariale.

Nous nous sommes permis aussi de vous inclure les résultats d'une étude pour les entreprises ayant de 10 à 49 employés. Encore là, on dénote le même phénomène où on nous indique que moins de 47 % des employeurs qui ont complété un plan d'équité salariale ont eu à payer un ajustement en équité salariale. Alors, on dit: D'autre part, la moyenne des ajustements pour ce groupe d'employeurs était de l'ordre de 1 $ l'heure.

(16 h 40)

L'augmentation des coûts administratifs nécessaires à l'implantation d'un programme d'équité salariale, si on s'en tient à l'expérience ontarienne et aux tarifs applicables par les consultants spécialisés, représente des coûts relativement élevés. L'expérience ontarienne, somme toute, tend à démontrer que la démarche d'équité salariale a été particulièrement coûteuse pour les entreprises pour corriger, en fait, des écarts relativement peu importants ayant bénéficié à une minorité d'emplois de catégories à prédominance féminine.

L'autre phénomène aussi, je pense, qu'il est important de noter, et je prends notre secteur, entre autres, c'est qu'une très vaste partie des entreprises d'importance, évidemment, ont appliqué la politique ontarienne à l'ensemble de leur entreprise. D'autre part, depuis quelques années, l'impact provenant en partie de cette législation-là a eu pour effet de réduire les strates de tâches. En d'autres mots, au lieu d'avoir une hiérarchie énorme dans les grandes entreprises, la hiérarchie a eu tendance à se restreindre énormément, et, de ce fait-là, ça a eu un impact de réduire l'ensemble des iniquités qui pouvaient exister. Dans les petites entreprises, une hiérarchie de cette nature n'existe pas, je tiens à le mentionner. On sait très bien comment ça se gère, une petite entreprise. Des postes hiérarchiques à quatre, cinq niveaux, ça ne se trouve pas. On parle plutôt de deux niveaux et, souvent, des personnes qui accomplissent trois, quatre tâches simultanément.

Alors, pour le Conseil, l'avant-projet de loi sous étude occasionnerait beaucoup plus d'inconvénients majeurs et je pense qu'on doit le considérer aussi sur une base d'avantages-bénéfices-inconvénients. Et, pour nous, on considère que les inconvénients seront beaucoup plus importants que les avantages tant au niveau financier qu'administratif, et au niveau concurrentiel aussi. Une augmentation des coûts pourra certainement occasionner une perte d'emplois. Et, ici, on ne veut pas partir une chasse aux sorcières ou faire peur, mais il s'agit tout simplement de comprendre l'environnement dans lequel, entre autres, le secteur que nous représentons où il y a 300 000 emplois, où la concurrence est excessivement difficile, où les marges brutes sont littéralement diluées, où chaque dollar doit faire l'objet d'un rendement et d'une performance... Si on arrive à encourir des coûts additionnels, ces coûts-là, que ce soit au niveau administratif ou autrement, devront se refléter soit par un meilleur rendement au niveau performance, mais certainement pas en augmentation du prix des denrées. Ça, c'est comme les taxes, l'augmentation des prix, ça ne peut pas assurer la survie d'une entreprise aujourd'hui dans notre secteur. Ce qui veut dire que, en bout de ligne, plus les conséquences financières sont importantes, plus ça aura un impact sur l'emploi en place, plus ça pourrait avoir un impact aussi sur ce qu'on appelle l'emploi précaire. Et je pense que ce sont des facteurs qui doivent être considérés dans un processus comme ça.

Si on parle de 0,5 %, vous allez me dire: on parle de grenailles. Mais les coûts qui sont afférents à ça, dans le contexte où, aussi, nos entreprises doivent s'adapter et développer une nouvelle culture de formation, où, déjà, on leur demande de faire une contribution tout à fait justifiée mais qui doit se débourser, si on ajoute tout ça à nos charges sociales, etc., on se pose de sérieuses questions et on se demande si on n'est pas rendu à la limite où on va atteindre une goutte d'eau qui va tout simplement faire déborder le vase avec des conséquences qui seront malheureusement néfastes, non pas au niveau des grandes entreprises parce que, dans notre secteur, une très grande partie se sont déjà adaptées, mais c'est l'ensemble des petites entreprises qui vont écoper, et, à ce moment-là, on parle... En tout cas, on ne peut pas parler d'ébranler la structure, mais certainement d'avoir un impact peut-être plus négatif sur notre structure industrielle, et je pense qu'on doit le considérer dans son ensemble.

Évidemment, on est très conscient aussi – on a eu l'occasion d'entendre certains de nos prédécesseurs intervenir – bon, on est très conscient des aspects reliés à la pauvreté, reliés à l'ensemble de l'environnement où la femme doit évoluer, qui est un contexte qui n'est pas nécessairement facile mais qui n'est pas nécessairement facile pour les hommes non plus. Et on pense que des solutions devraient être envisagées beaucoup plus pour favoriser l'accessibilité des femmes en milieu de travail. Pour nous, c'est là que se trouve la solution. Parce que, si on continue dans l'axe où nos entreprises se dirigent, quand on parle de réduction hiérarchique, qui a automatiquement un impact sur la question des iniquités – en fait, on réduit des postes et on concentre – et si on est en mesure, par contre, de s'assurer, par des mesures incitatives, que les entreprises peuvent jouer un rôle, que ce soit au niveau de la promotion de programmes de formation, favoriser des programmes reliés au recyclage à l'intention des femmes, des éléments qui peuvent certainement se conjuguer et qui seront aussi bénéfiques pour l'entreprise... Il faut essayer d'arriver à trouver un plus pour tout le monde. Si on veut réajuster une certaine forme d'équité salariale mais que ça n'a aucune incidence sur la productivité, bien, automatiquement, ça veut dire que, pour des entreprises, leur survie peut être en jeu. Et je pense qu'il faut reconnaître qu'il faut avoir une saine adéquation entre une notion d'équité et une notion qui est essentielle à l'entreprise, d'assurer sa continuité et sa survie pour l'ensemble de ses employés. Il me semble qu'il faut regarder les deux côtés de la médaille.

On parle de garderies. Bon. Pour nous, et on en discute et, je pense, vous pourrez nous questionner sur cette question-là, un des gros problèmes qu'on entend souvent au niveau de nos employés, c'est qu'ils n'ont pas accès à des garderies. C'est souvent ça le gros problème. Le gros problème d'accessibilité, il est souvent relié à ce volet-là. Qu'est-ce qu'on peut faire à ce niveau-là? Je pense qu'il y a lieu de voir des éléments qui vont, en fait, donner, satisfaire, d'un côté, l'accessibilité de la femme au marché du travail à des conditions qui sont concurrentielles, mais aussi qui apporteraient un avantage à l'entreprise, en ayant des ressources humaines qui vont pouvoir participer à l'évolution de l'entreprise. Alors, actuellement, ce sont des barrières qui sont beaucoup plus présentes et actuelles et qui sont vraiment ressenties par les femmes en milieu de travail et sur lesquelles, selon nous, on doit travailler et trouver des solutions.

Alors, d'emblée, notre recommandation à la commission est de concevoir et d'entrevoir des solutions qui seraient beaucoup plus proactives pour réduire, d'une part, les disparités salariales entre hommes et femmes, mais aussi permettre une meilleure accessibilité au travail et, aussi, tenter de trouver des solutions à l'application de notre article 19 de la Charte qui, soit dit en passant, n'existe pas en Ontario. Cet article 19 existe. Il nous apparaît, encore aujourd'hui, être reconnu comme étant un article valable. Lorsqu'on parle que «tout employeur doit, sans discrimination, accorder un traitement ou un salaire égal aux membres de son personnel qui accomplissent un travail équivalent au même endroit», selon nous, ce principe-là est toujours valable et, s'il est appliqué, normalement, l'équité salariale concernant une discrimination positive quant au sexe n'aurait pas sa raison d'être. Maintenant, la question, c'est de savoir comment on peut arriver à appliquer cet article-là dans le concret. Alors, c'est un article de principe. Maintenant, le principe, comment va-t-on l'appliquer? Et je pense que c'est là où on doit faire une démarche peut-être plus poussée, pour entrevoir des alternatives à ce niveau-là.

Maintenant, on aurait pu arrêter nos commentaires là mais on a un avant-projet de loi et il y a certains éléments sur lesquels on aimerait commenter, eu égard quand même à notre position de principe.

Le Président (M. Gaulin): Il vous reste trois minutes.

M. Lafleur (Gaston): Trois minutes? Parfait. Alors, la question des salariés. Le principe fondamental, c'est qu'on parle d'une relation continue, une relation commettant-préposé, une relation contractuelle. Les étudiants doivent être exclus. Actuellement, on exclut, dans la définition de salarié, l'étudiant qui travaille durant ses vacances. Je pense qu'un étudiant, et c'est la position du Conseil, qui travaille le vendredi soir devrait aussi être exclu en tant que salarié, dans la définition de salarié. Ça, c'est un volet important.

Le travailleur autonome aussi, selon nous, devrait être exclu, justement à cause de la relation qui existe en milieu de travail, où la relation du travailleur autonome n'est pas une relation commettant-préposé. Donc, le rapport juridique qui existe est fort différent. Selon nous, le travailleur autonome qui peut venir travailler une période de trois mois dans une entreprise puis, par la suite, qui quitte ne devrait pas être considéré comme un salarié. Les employés qui sont des surnuméraires ou des occasionnels, même aspect.

(16 h 50)

Et le volet le plus principal, dans la minute qui me reste, à vous souligner, c'est le principe de l'article 20. Quand on parle d'équité salariale, on parle d'équité salariale dans son entreprise. Or, le projet de loi tel que présenté, l'avant-projet de loi, va attribuer des pouvoirs à la Commission des normes, pour une entreprise qui n'a pas de catégories d'emplois à prédominance masculine, de lui imposer l'utilisation d'une catégorie à prédominance masculine ailleurs qu'à son entreprise pour procéder à l'ajustement en équité salariale. Selon nous, cette mesure-là, c'est l'équivalent d'instaurer une norme de salaire minimum, et ça, c'est, à notre point de vue, tout à fait contraire aux éléments fondamentaux de la saine concurrence entre entreprises. Parce qu'on peut placer une situation où on va prendre une catégorie d'emploi à prédominance masculine dans une entreprise de 300 employés et l'appliquer pour une entreprise de 10 employés.

Et, d'autre part, si on regarde l'élément chronologique de l'application de l'article 73, c'est clair que la Commission devra prendre ses sources et ses comparables dans des entreprises de 100 employés et plus pour les appliquer à des entreprises de moins de 100 employés, et on sait qu'il y a des écarts salariaux importants dans des grandes entreprises qui sont fort différents par rapport à des entreprises, des PME ou des TPE. Alors, ça, ça va complètement, à toutes fins pratiques, éliminer la concurrence, alors qu'un petit employeur qui, de l'autre côté, a, disons, une catégorie d'emploi à prédominance masculine, lui, il sera exempté de ça parce qu'il aura son comparable à l'intérieur de son entreprise. En tout cas, ça, pour nous, c'est un problème qui va au-delà de l'essence de la loi, parce que l'article 20, à notre point de vue, qui est l'article fondamental, dit: «Tout employeur doit établir un programme d'équité salariale applicable à l'ensemble de son entreprise», donc en prenant ses catégories d'emplois à l'intérieur de son entreprise.

Mais, en créant l'exception dans le cas d'une situation d'une catégorie d'emploi ou d'un employeur où il n'y a pas de catégorie d'emploi à prédominance masculine, là, à ce moment-là, on vient d'ouvrir la porte à fixer des barèmes qui pourraient être probablement certainement plus coûteux par rapport à des concurrents similaires qui, eux, ont des catégories d'emplois à prédominance masculine, à cause, probablement, des critères qui seront utilisés, qui seront probablement des critères de catégories d'envergure, et on parle même en prenant des critères du côté public et parapublic. Alors, ça, pour nous, le principe d'utiliser des catégories d'emplois à prédominance masculine hors l'entreprise ne nous apparaît pas être une mesure souhaitable et, bien au contraire, pour nous, c'est une mesure équivalente à instaurer le salaire minimum.

Le Président (M. Gaulin): Ça va, M. le président. Alors, je vous remercie beaucoup, M. le président-directeur, et je donne la parole à Mme la ministre.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Lafleur et les personnes qui vous accompagnent. Vous nous mentionniez être accompagné, M. Lafleur, de personnes qui, je pense, à un titre ou à un autre, sont responsables du personnel de leur entreprise, et j'accepte l'invitation que vous nous avez faite de, tout de suite, vous interroger sur l'application de l'expérience ontarienne. Ce que j'apprécierais, c'est si vous-même, ou quelqu'un qui vous accompagne, pouvez m'en donner, non pas par ouï-dire seulement, mais par expérience... dans quels types, la taille de l'entreprise et les coûts afférents aux redressements, les coûts afférents aux études.

M. Fournier (Michel): Michel Fournier, de Sears Canada. Je n'ai pas en détail, sur chacun des éléments, les coûts qu'a engendrés la loi sur l'équité salariale en Ontario pour notre entreprise. Je peux vous donner un chiffre global qui est de l'ordre de 20 000 000 $. O.K.? L'étude seule, qui a toute été faite à l'interne, par nos propres spécialistes en dotation et en rémunération, a créé une équipe à temps plein de trois personnes pendant trois années pour pouvoir pondre, si on veut, excusez l'expression, le fameux cadre dans lequel on pourra techniquement comparer les différents postes de l'entreprise. C'est énorme comme coûts. En termes de lourdeur, ça a été excessivement lourd de pouvoir établir les liens de comparaison pour, finalement, en termes... dans les poches des employés, là, les redressements, on a accouché d'une souris. Les écarts et les impacts, ce n'est pas là qu'a été le coût, si on veut, ça a été au niveau de l'analyse de l'ensemble de cette problématique-là.

Mme Harel: À combien vous évaluez, sur le 20 000 000 $, ce qui a été l'objet d'un ajustement salarial?

M. Fournier (Michel): Je dirais environ 5 000 000 $.

Mme Harel: 5 000 000 $ sur le 20 000 000 $?

M. Fournier (Michel): Exact.

Mme Harel: Mais le 15 000 000 $ ne consistait pas à payer, quand même, les trois employés pendant trois ans?

M. Fournier (Michel): Bien, il y avait ça. Il y a eu tout le processus qu'on a utilisé, disons, en tant qu'entreprise. Tant qu'à le faire, on l'a fait pancanadien. Donc, à ce moment-là, pour permettre justement de pouvoir rationaliser les dépenses, c'est pour ça que le total est là. Mais il reste que l'entreprise en tant que compagnie, on l'a absorbé, ce coût-là.

Mme Harel: Est-ce à dire que vous êtes prêt, ici au Québec, que tout serait finalisé?

M. Fournier (Michel): Ce qui est bien important ici, je voudrais le situer, c'est qu'on parle au niveau du commerce de détail, on parle du Conseil québécois, donc, notre industrie est une industrie de PME et de TPE. O.K.? Pour moi, en tant qu'employeur, je ne vois pas un monstre là-dedans, parce que, l'exercice, on l'a fait. Mais il reste que l'impact financier d'un programme comme ça, combiné, c'est là qu'il faut voir quand même l'élément cumulatif aux autres législations qui encadrent les employeurs, que ce soit la loi 90 sur la formation, qui exigent des choses, qui exigent des structures, qui exigent des rapports... Vous allez l'étouffer, la PME. Ça se résume à ça. Il faut voir l'aspect économique du Québec qui, on se vante, est une économie de PME par rapport à l'industrie ontarienne, la grosse boîte. On veut, pour corriger la situation économique actuelle de l'emploi, favoriser l'éclosion d'un paquet de petites PME puis de TPE. Donnez-leur une chance.

Mme Harel: Est-ce que vous savez que l'avant-projet de loi n'assujettit pas les employés dans les entreprises de 10 employés et moins? Qu'est-ce qui vous semble être une grande entreprise, une petite, puis une moyenne? Vous situez ça comment?

M. Fournier (Michel): Il faut quand même faire attention, un gros dépanneur, ça rencontre les normes, autant au niveau de la loi 90 sur la masse salariale que cette législation-ci. Il faut quand même être conscient que dans notre industrie, avec l'élargissement des heures d'activités de travail, sur sept jours, sur des chiffres quand même tout près de 70 heures d'ouverture par semaine, ça prend du monde pour la faire fonctionner. Donc, automatiquement, l'impact est là et il rencontre les standards que la loi exige.

M. Lafleur (Gaston): Si vous permettez, Mme la ministre. Pour nous, une PME, c'est 50 employés et plus. En bas de 50, c'est une petite entreprise. Dans notre secteur, ce qui est aussi bien important et que votre avant-projet de loi mentionne, c'est que, si vous tombez en bas de 10, vous êtes couvert par la loi. Et, chez nous, il y a des périodes saisonnières, comme dans le temps des Fêtes, on embauche des surnuméraires pour trois semaines, des fois un mois, des fois trois mois. Si ces surnuméraires-là s'ajoutent au nombre, on pourrait avoir une petite entreprise qui a sept personnes qui tomberait dans une catégorie de 10. S'il faut considérer nos étudiants, il y a beaucoup d'entreprises, qui seraient considérées des neuf et moins, qui vont tomber dans la catégorie des 10 et plus. Je pense que, ça, c'est un élément fondamental qu'il faut considérer dans le processus et, pour nous, en tout cas, ce qui est au-dessus de 50, c'est une petite et moyenne entreprise.

Mme Harel: Considérez-vous, compte tenu de l'expérience que vous avez depuis combien d'années maintenant...

M. Lafleur (Gaston): À quel niveau?

Mme Harel: Au niveau du Conseil québécois du commerce de détail.

M. Lafleur (Gaston): Presque huit ans.

Mme Harel: Presque huit ans?

M. Lafleur (Gaston): Oui.

Mme Harel: Considérez-vous qu'il perdure encore, il existe encore des stéréotypes qui ont fait dévaluer l'emploi étiqueté féminin dans votre secteur?

M. Lafleur (Gaston): Je vous dirais que non. Je dirais que la situation a plutôt tenté à s'améliorer.

Mme Harel: Quand vous dites «s'améliorer», tantôt je vous entendais justement dans le mémoire appeler ça... Vous savez que l'écart, la proportion s'accroît plutôt que de se réduire dans la comparaison du gain moyen homme-femme. En 1993, c'était à 73 % et, vous voyez, en 1994, c'est redescendu à 69,9 %. Ça, c'est le ratio des gains moyens des femmes par rapport aux gains moyens des hommes. L'explication qu'on m'a donnée, c'est la suivante. C'est qu'il y a eu une reprise dans le secteur manufacturier particulièrement et non pas dans les services et que cette reprise a permis que, sur les 48 000 emplois créés l'an dernier, il y en a 50 %, donc 24 000, qui l'ont été dans le secteur manufacturier, où il y a eu quand même un niveau de productivité encore plus élevé à cause des nouvelles technologies, donc des salaires plus élevés, mais où, globalement, les femmes n'ont pas été engagées. Alors, en un an, on a connu un recul plus important que l'augmentation qu'on avait connue en 10 ans.

(17 heures)

M. Lafleur (Gaston): Au niveau du secteur manufacturier?

Mme Harel: Non, au niveau de l'écart moyen. Ça, ce sont les derniers chiffres que vraiment on m'a remis et qui viennent de Statistique Canada. Donc, ça, je ne sais pas si ça sera une tendance; on le verra l'an prochain. Mais, s'il y a une tendance lourde derrière ça, c'est quand même inquiétant. Ça, ça veut dire que les nouvelles technologies introduisent un biais par lequel les femmes vont se retrouver dans la situation du secteur industriel, vous voyez, du début du siècle où les emplois payants, les vraies jobs, finalement, les ont écartées.

M. Lafleur (Gaston): Bien, écoutez, je peux vous dire que, en ce qui concerne notre secteur à nous, c'est un secteur aussi qui évolue de plus en plus dans les tendances à haute technologie, du moins technologiques, disons-le. Et, comme on a effectivement une prédominance féminine assez importante, la conclusion que j'en tire, c'est que nos emplois à prédominance féminine participent activement dans le processus de la technologie. Maintenant, il faudra voir... Je peux peut-être parler pour mon secteur, peut-être pas pour d'autres secteurs – ha, ha, ha! – mais, en ce qui nous concerne, ce que vous mentionnez là n'est pas nécessairement apparent chez nous.

Mme Harel: Vous avez, vous, le sentiment, la perception que ça s'est amélioré. Est-ce qu'il y a, au Conseil québécois, des études qui se font sur la rémunération hommes-femmes?

M. Lafleur (Gaston): On a une étude, actuellement, qui est en cours sur la situation de la main-d'oeuvre. Mais on touche, je pense, un volet de la rémunération, oui.

Mme Harel: D'accord.

M. Lafleur (Gaston): Mais cette étude-là n'est pas encore disponible, malheureusement.

Mme Harel: En vous écoutant parler du 1 %, je me disais qu'il n'en demeure pas moins que le dispositif qui est en place consiste à favoriser pour l'entreprise l'investissement.

M. Lafleur (Gaston): Oui. Et il y a un avantage, je dois vous le dire, stratégique dans le processus. Ce qu'on vous mentionne aujourd'hui, c'est qu'on veut régler un problème qui est en partie... Je pense qu'il est présent, le problème, peut-être pas d'une importance aussi grande qu'on voudrait le laisser croire, mais, dans le processus et surtout dans le contexte économique où nos entreprises doivent évoluer, surtout dans le secteur du commerce de détail, qui est un secteur à haute prédominance féminine, la concurrence est tellement féroce, est tellement difficile que chaque montant investi doit se refléter dans un rendement, sinon il y a une coupure quelque part. L'équation se fait très, très, très rapidement et ça peut souvent être au détriment d'emplois. C'est ça qu'on veut vous souligner. Et, si on arrive à encourir des coûts qui, à 2 %, sont quand même fort raisonnables... Quand je vous donne 2 %, là, 3 500 $ pour un spécialiste, 4 000 $, juste en entrant, il va sortir sa plume, puis ça nous coûte 1 500 $. Alors, ça peut monter de façon assez élevée. Puis, là, évidemment, je le positionne dans la petite entreprise, mais vous l'incluez, la petite entreprise, là-dedans. Vous pouvez un petit peu vous imaginer – sans trop rêver – les conséquences que ça peut avoir, si on encourt 2 %, pour se ramasser en bout de ligne que ce soit avec une augmentation de 0,5 % ou même 5 %, quel est l'élément productif là-dedans, quel est l'élément qui va faire qu'on va devenir plus concurrentiel.

Mme Harel: Quand vous parlez de la concurrence, Me Lafleur, vous parlez de la concurrence des établissements sur le territoire québécois entre eux?

M. Lafleur (Gaston): Oui.

Mme Harel: Bon. Mais, s'ils sont tous assujettis en même temps, est-ce qu'à ce moment-là ça n'écarte pas justement...

M. Lafleur (Gaston): Ah! Évidemment...

Mme Harel: ...ce biais-là?

M. Lafleur (Gaston): Oui, mais c'est que, à ce moment-là, la solution va se trouver où? Si les coûts augmentent, où allons-nous trouver la solution pour arriver avec nos coûts? Il va falloir couper ou réduire quelque part. Alors, là, il y a un risque d'effets pervers qui peut se produire et, dans ce sens-là, je pense que c'est important d'évaluer les conséquences de l'exercice, surtout si on regarde le fait que les coûts administratifs initiaux pour arriver à définir la situation représentent des coûts qui sont relativement importants. Et si on ajoute à ça des TPE qui ne seront pas capables de dépenser ce montant-là et qui risquent, en vertu de l'avant-projet de loi, de se faire imposer une catégorie d'emploi à prédominance masculine qui va obligatoirement venir des groupes de 100 emplois et plus parce que ces entreprises-là devront déposer leur plan dans les deux ans, une équation qu'on peut faire aisément, c'est que, si les entreprises qui n'ont pas de catégorie d'emploi à prédominance masculine ont seulement deux ans pour s'adapter, c'est probablement dans quatre ans de l'adoption du projet de loi qu'on veut que tout le monde soit en situation d'appliquer l'équité salariale. Si on parle de masse salariale des entreprises de 100 employés et plus, des conditions d'emploi, etc., ça peut être fort différent des conditions d'emploi d'une petite entreprise. Je pense que Mme Morin...

Mme Richard Morin (Ève): Oui. Vous avez mentionné la concurrence. Nous, on est dans le commerce de la chaussure, je ne sais pas si je peux parler de notre petite industrie.

Mme Harel: C'est la meilleure façon de nous éclairer, parce que, nous, on connaît bien des choses, mais on ne connaît pas toujours l'application des choses.

Mme Richard Morin (Ève): Bon. Alors, nous, présentement, comme par exemple maintenant, on a une cinquantaine de magasins, et il y a eu, ce printemps, ou il va y avoir, ce printemps, deux de nos concurrents qui vont fermer, un qui a 15 magasins et qui va fermer à la fin du mois de février – ça, c'est Chaussures Trans-Canada – et un autre qui s'appelle Chaussures Aggies, qui vient de l'Ontario, qui a 240 magasins et qui ferme à travers le Canada. Donc, c'est une rationalisation du marché qui continue à se faire, présentement, dans le commerce de détail. Là, ce que ça fait, c'est qu'il va se créer un vide.

Nous, J.B. Lefebvre, on a une certaine force financière, étant donné qu'on vit encore, mais elle n'est pas énorme. Elle n'est vraiment pas grosse. Alors, on essaie de survivre. Le vide qui est créé, on n'est pas capables de le remplir, présentement, à une vitesse convenable pour prendre la place de ces détaillants-là qui ont disparu. Alors, qu'est-ce que ça fait? Ça ouvre le marché à la concurrence américaine qui peut venir ici. La concurrence américaine, si elle rentre ici, J.B. Lefebvre, nous autres, on est morts; on ne sera plus là.

Nous, on veut survivre, on donne des emplois ici, on donne des emplois à prédominance féminine dans notre entreprise, J.B. Lefebvre, puis je veux les conserver, ces employées-là. Moi, je suis une femme, puis je veux continuer à être là. J'ai trois petits enfants, puis je veux les élever. Alors, à ce moment-là, pour moi, c'est important de contenir les coûts. Mais je ne veux pas nécessairement non plus avoir une charge qui va être mise en plus sur l'entreprise et qui va faire que je vais être obligée de couper à quelque part, parce que c'est la tâche la plus désagréable qu'il y a à faire, premièrement. Puis, deuxièmement, qui est-ce qui va écoper? Ce sont les femmes qui vont écoper, puisque notre entreprise est faite de femmes, disons, à majorité, entre 55 % et 60 %.

Mme Harel: Je trouve ça intéressant, l'échange que l'on poursuit. Cependant, j'aimerais peut-être vous rappeler que, si c'est au détriment... Vous voyez, si cet argument-là est utilisé tout le temps... Ça pourrait être, à un moment donné, la santé et sécurité, ça pourrait être, à un autre moment donné, si vous voulez, la Régie des rentes. En fait, ça pourrait être toutes nos protections ou nos filets de sécurité qui y passeraient, tout ça pour le motif de contenir la concurrence étrangère, qui ne s'empêcherait pas de venir pour autant, parce qu'elle n'aurait pas non plus à être assujettie à quelque mesure qui pourrait protéger, si vous voulez, ses employés, son personnel. Alors, c'est un raisonnement...

(17 h 10)

Je sais que ça peut avoir l'air brutal, la question que je vais vous poser – puis je souhaite une réponse, M. le Président, vous allez leur laisser un peu de temps pour répondre, puis je la pose vite – mais en quoi le fait, par exemple, qu'il y ait des commerces à propriété américaine va nuire aux employés québécois qui vont travailler dans ces commerces-là?

Mme Richard Morin (Ève): Premièrement, ils sont beaucoup plus exigeants. Bien, là, je parle... Non, toi, tu es américain, c'est vrai.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Richard Morin (Ève): Ils sont beaucoup plus exigeants, ils sont beaucoup plus... Bien, on a un exemple assez percutant, celui de Wal-Mart, qui est rentré sur le marché et qui demande beaucoup plus à ses employés. Alors, nous, il faut être exigeants, ça, je suis d'accord avec vous, et, en plus de ça, nous, ce qu'on essaie de faire, ce qu'on vous propose ou ce qu'on aimerait voir, c'est... Le gros problème pour la femme, c'est les enfants, finalement, dont on a la charge. Dans un couple, c'est toujours la femme qui a la charge des enfants. Si on peut enlever ce problème-là à la femme, à ce moment-là, ça devient beaucoup plus facile pour la femme, si elle est scolarisée évidemment, parce qu'il y a tout le problème de scolarisation. Mais, si elle est scolarisée puis qu'on peut enlever cet élément-là, la femme est aussi bonne que l'homme, puis elle va gagner autant que l'homme. Alors, à ce moment-là, il va y avoir beaucoup moins de problèmes.

Mme Harel: Je suis très contente, en tout cas, Mme Morin, de notre échange. Habituellement, vous savez, dans ce genre de travaux, ce qui est posé comme questions est déjà prévu d'avance, et les réponses sont déjà anticipées d'avance. Et là je trouve ça rafraîchissant – ha, ha, ha! – que finalement on puisse aller sur des terrains où vous considérez légitimement qu'il devrait y avoir des correctifs importants d'apportés. Je vous remercie. Écoutez, on me fait signe, je pense, que mon temps est depuis longtemps écoulé, mais je vous remercie de cette contribution à nos travaux, Me Lafleur également, et je vous remercie d'avoir amené une délégation qui soit représentative avec vous aussi. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Merci, Mme la ministre. Mme la porte-parole de l'opposition officielle.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, mesdames, messieurs, et je vous félicite, Me Lafleur, pour votre excellente présentation. La première question ne se veut pas une question-piège, mais je voudrais savoir, est-ce que, pour vous, dans le commerce de détail, les femmes sont bien rémunérées et il n'y a pas iniquité, chez celles qui sont bien rémunérées?

M. Lafleur (Gaston): Je vous dirais qu'elles sont aussi bien rémunérées que les hommes, parce que, dans plusieurs activités, hommes et femmes partagent les mêmes fonctions.

Mme Gagnon-Tremblay: Il ne semble pas y avoir d'écart entre les hommes et les femmes dans vos secteurs.

M. Lafleur (Gaston): Bien, écoutez, il peut y avoir des situations d'écart. Je ne vous dirais pas que c'est parfait à 100 %, mais je vous dirais que notre perception est à l'effet que la question homme-femme n'entre pas en considération, règle générale, eu égard aux compétences et aux postes qui sont offerts. Je pense que, dans notre industrie, on est fort respectueux de ça. Et, même à plusieurs égards, je dois dire que, nous, en tout cas, notre comité des ressources humaines, dont les personnes qui m'accompagnent font partie, est majoritairement de représentation féminine; tous nos comités au conseil sont majoritairement à représentation féminine. Le seul endroit où ça manque encore, c'est au conseil d'administration, mais on travaille fort là-dessus. Ha, ha, ha!

Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

M. Fournier (Michel): Il y a un élément important que j'aimerais souligner ici, juste pour compléter ce que Gaston mentionnait et ce que Mme Morin aussi mentionnait. Lorsqu'on arrive à un niveau de hiérarchie intermédiaire senior, c'est là que le problème se situe. On parle du conseil d'administration, où c'est des hommes. Pourquoi c'est des hommes? C'est que, dans une forte mesure, on a, en tout cas dans notre structure chez nous, des refus réguliers, disons, d'offres de promotion faites à des femmes ayant énormément de potentiel, pour raison de contraintes familiales. C'est un fait de la vie, disons, puis il faut le réaliser.

Lorsqu'on parle de la différence entre le salaire de l'homme puis le salaire de la femme, c'est énormément biaisé, cet élément-là. Vous me direz: Pourquoi c'est les hommes qui ont l'autonomie d'aller prendre ces postes-là? Bon, ça, ça devient une décision d'un couple, ça devient une décision qui est personnelle. J'ai des couples qui travaillent chez nous, et c'est l'homme qui est le bas salarié, entre guillemets, parce que la femme a plus de potentiel, a plus de scolarité, et elle progresse. Elle est cadre et lui est un ouvrier. D'accord? Bon. C'est un choix qu'ils ont fait sur le plan familial. Mais c'est un fait régulièrement. Chez nous, on a une ambition d'avoir des femmes à tous les niveaux. C'est d'aller les chercher, ces femmes-là, pour qu'elles puissent le faire d'une façon tangible, et je vous avoue que, chez les femmes qui le font – parce qu'on en a, puis la vice-présidente ressources humaines chez Sears Canada, c'est une femme – la grosse majorité sont sans enfant. C'est un fait de la vie.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est également un problème. Je conviens que ce n'est pas l'équité salariale qui va tout régler, et, comme je le disais à un intervenant – je pense que c'est à l'Association des manufacturiers canadiens – c'est que, tant et aussi longtemps qu'on ne sera pas conscients que la question de la conciliation vie familiale et professionnelle est aussi importante que la qualité totale pour une entreprise, on va avoir de la difficulté. Je pense qu'il faut miser beaucoup là-dessus.

Vous disiez, tout à l'heure, que pour vous ça pouvait représenter près de 2 % uniquement en frais d'administration. Tout à l'heure, lorsqu'on parlait avec la CEQ, la CEQ recommandait et suggérait que les entreprises mettent de côté 1 % pour les écarts salariaux, ce qui veut dire que, avant de mettre le 1 % des écarts salariaux, il faudrait ajouter, d'après vous, un 2 % seulement pour les frais d'administration, ce qui signifie que les 2 % de frais d'administration seraient une fois, finalement, les ajustements... Par contre, quand on regarde dans le mémoire qui a été soumis au Conseil des ministres par la ministre, l'ex-ministre, on se rend compte que les frais d'administration sont d'environ 322 000 000 $, alors que les ajustements pourraient être de l'ordre de 600 000 000 $ et quelques, ce qui est tout à fait l'inverse. Alors, d'où prenez-vous ces chiffres exactement?

M. Lafleur (Gaston): Oui. Bon, parfait. Premièrement, la question du 2 % s'applique aux TPE. Il faut faire la relation. Ce que je vous dis, c'est que ceux qui vont être les plus pénalisés, c'est les petites entreprises, qui sont innombrables. C'est beaucoup de monde, c'est beaucoup d'emplois, c'est beaucoup d'entreprises et d'individus, de Québécois, et c'est eux qui vont payer la facture, c'est là que ça va faire le plus mal, au niveau administratif.

Maintenant, si on parle d'une entreprise, comme on a entendu tantôt, je suis probablement convaincu, sans connaître le chiffre, que ça ne représente peut-être pas 2 % de sa masse salariale. Je ne le sais pas, mais c'est peut-être moins que ça ou... En tout cas, je n'ai pas fait l'équation, mais l'équation, nous, on l'a faite en fonction de normes d'industrie, hein, où vous avez une rémunération moyenne dans notre industrie de 17 000 $ par année et où figuraient environ trois ou quatre tâches ou trois ou quatre catégories d'emplois à évaluer pour une entreprise qui a 12 ou 13 employés. Lorsqu'on parle qu'un individu peut occuper un poste, c'est une catégorie d'emploi. Alors, si on arrive à ces conclusions-là, on peut arriver avec des montants de 3 500 $, ça peut aller à 5 000 $, puis après ça... Là, c'est juste au niveau de l'évaluation, on n'est pas rendus dans les processus ultérieurs.

Alors, c'est évident que les TPE vont probablement, comme on dit, se laisser aller et attendre qu'on fasse fixer les barèmes par la Commission des normes, sauf que les barèmes de la Commission des normes... S'ils utilisent des barèmes au niveau des catégories d'emplois à prédominance masculine qui sont déposés, c'est des entreprises de 100 employés et plus. Un instant, là! Ha, ha, ha! C'est tout un autre terrain de jeux, là, et le phénomène, en Ontario... Et, si vous le lisez dans nos notes, et d'ailleurs je pense que Mme Harel le soulevait dans un communiqué que j'ai lu dans La Presse hier... Pourquoi on s'attend, au Québec, à avoir 74 % d'équité salariale? C'est qu'en Ontario on a respecté le concept de l'entreprise, on a respecté le fait que, si on parle d'équité salariale en entreprise, on s'attend à faire l'évaluation à l'intérieur de l'entreprise en fonction des catégories d'emplois existant en entreprise. Or, la loi ici va au-delà de ça, parce que, si une entreprise n'a pas de catégorie d'emploi à prédominance masculine, normalement il n'y a pas d'évaluation à faire, et en Ontario il y a plusieurs entreprises qui sont dans une situation comme ça et elles n'ont pas eu d'évaluation à faire, parce que dans l'entreprise il n'y avait pas de catégorie d'emploi à prédominance masculine.

(17 h 20)

Or, dans l'avant-projet de loi que l'on propose, on veut étendre ça. Ça aurait un impact, à ce moment-là, d'englober un paquet d'entreprises qui n'ont pas de catégorie d'emploi à prédominance masculine, et on leur ferait appliquer des principes d'équité salariale qui proviendraient d'autres entreprises dans d'autres secteurs. Je ne sais pas comment ça va se faire, mais, à tout événement, ce n'est pas ce qui se passe dans leur entreprise. Or, si l'objectif de la loi est effectivement de s'assurer qu'on parle d'équité salariale dans son entreprise, bien, on doit se limiter aux évaluations et aux études de catégories dans son entreprise, ce que l'Ontario a respecté et ce que l'avant-projet de loi ici va provoquer.

Alors, quand on lit dans La Presse que ça va rapporter 74 %, sans vouloir présumer, Mme la ministre, je pense que c'est à cause de ce phénomène-là que vous aurez un impact incroyable. Mais, par contre, qu'est-ce que ça va avoir comme distorsion au niveau concurrentiel? Parce que, c'est vrai, si on parle que tout le monde applique la loi, tout le monde va être égal, oui, mais, si on applique des principes réservés à des entreprises de 100 employés et plus à des entreprises de 10 ou 15 employés, ça, je m'excuse, mais on risque fort d'avoir des conséquences tout à fait négatives et dangereuses.

Mme Gagnon-Tremblay: Finalement, suite à vos propos, surtout pour les entreprises à prédominance féminine, est-ce que vous endossez les commentaires de Jean-Robert Sansfaçon dans Le Devoir , qui disait que ça pourrait être une façon pour les syndicats ou un moyen détourné pour obtenir des augmentations de salaire dans un contexte où on a gel de salaire?

M. Lafleur (Gaston): Je vous dirais non, parce que la question est très simple: si on a dans une entreprise la possibilité d'augmenter la masse salariale de 5 $ et qu'il faut donner 3 $ dans l'équité salariale, il va rester seulement 2 $ pour les autres. Ce n'est pas vrai qu'on va mettre 5 autres dollars. Ça va avoir un effet contraire d'avoir un impact sur les augmentations salariales, à mon point de vue, à moins qu'on soit riche puis qu'on se le permette. Bien, à ce moment-là... Mais quelqu'un qui arrive avec son budget, si on veut respecter le budget, c'est bien évident que, si on doit faire un ajustement en termes salariaux au niveau de l'équité, bien, ça va en faire moins à distribuer pour les autres.

Mme Gagnon-Tremblay: Plusieurs groupes ont avancé que, pour eux, il n'y avait pas d'impact, ou ils ne prévoyaient pas d'impact sur l'emploi. Est-ce que, vous, vous considérez que 1 % de la masse salariale – parce que c'est un chiffre, à un moment donné, qui circule – pourrait équivaloir environ à... l'augmentation de la masse salariale pourrait équivaloir à une perte de 30 000 emplois?

M. Lafleur (Gaston): Ça, non, on ne devrait pas faire une estimation comme ça. Mais j'aimerais vous indiquer, par exemple, un secteur que nous ne représentons pas, qui est le secteur alimentaire, où les marges se comptent en décimales et où la masse salariale est très critique. Et là je peux vous dire que ça peut avoir un effet boule de neige assez néfaste. Quand on sait toute la concurrence qui se mène dans le milieu de l'alimentation – hein, on est tous consommateurs et consommatrices – et qu'on voit la bataille qui se fait sur les produits alimentaires, avec tous les concepts qui sont présentement en jeu, on peut très bien concevoir que ça peut avoir un effet négatif, surtout quand on sait que les marges bénéficiaires dans ce secteur d'industrie là sont en décimales. Et, nous, on parle de pourcentage très restreint aussi, donc on va écoper. Maintenant, vous affirmer qu'on va perdre 30 000 emplois, ce serait équivalent à dire: On perd 10 % de notre main-d'oeuvre. Non, ça, j'ai eu une réserve là-dessus, je n'ai pas fait d'étude.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, monsieur...

M. Fournier (Michel): J'aimerais rajouter un élément aussi, disons, de l'avant-projet de loi qui stipule, comme c'était le cas en Ontario, que, pour établir l'équité, on ne peut pas réduire le salarié le plus haut, et c'est celui le plus bas qui doit monter. Ce processus-là, il faut en être conscient, dans un contexte économique québécois qui est différent de celui ontarien, va entraîner... Puis, moi, si j'avais une petite PME, je fermerais mes portes et je les rouvrirais la semaine suivante en payant tout le monde au même salaire. Ça me coûterait drôlement moins cher que d'essayer de dire: Bien, je vais – dans la présomption où j'aurais de l'iniquité – faire progresser ma base vers le haut et dire: Bien, au lieu de payer 7 $, je suis obligé de payer 10 $; je ferme mon entreprise et, le lendemain, je la rouvre à 8 $, j'ai réglé mon problème. Donc, l'effet pervers pourrait être des pertes d'emploi, non pas réelles, des pertes d'emploi fictives en jouant la «game» comme ça, puis ça va faire du plafonnement par la base plutôt que par le haut.

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, si je comprends bien, c'est que, compte tenu de la mince marge de manoeuvre que vous avez dans votre commerce de détail, toute augmentation, finalement, de salaire équivaut à soit une augmentation des prix – puis là c'est toute la concurrence qui se joue – ou bien encore à des mises à pied ou bien à faire payer par le consommateur.

M. Lafleur (Gaston): Bien, il y a l'augmentation de la productivité aussi qui est un élément positif, sauf que, dans un avant-projet de loi comme ça, il n'y a aucun élément qui a un impact sur la productivité ou l'amélioration des procédés ou des façons de faire. La loi sur la formation professionnelle, on peut très, très bien en y identifier des impacts positifs; ça, c'est différent. Mais, dans un projet de loi comme on voit ici, on parle de rétablir une situation de richesse ou – «richesse», c'est peut-être un gros terme – en tout cas, une situation économique qui, en fait, pour l'entreprise, ne lui rapporte rien. Donc, c'est une dépense directe. Soyons francs, c'est une dépense directe.

Il faut la récupérer, c'est aussi simple que ça. Et, dans le facteur actuel, l'augmentation des prix, madame, si, moi, j'augmente les prix dans mon magasin, celui de l'autre bord ne les augmentera pas, parce que lui va vouloir avoir l'affaire, et le consommateur va aller où le prix est le moins cher pour un service et un produit similaires. Donc, l'augmentation des prix, c'est à n'y pas penser. Tout ce qu'il nous reste, essentiellement, c'est de gérer notre boîte de façon plus efficace, mais, lorsqu'on n'est pas capable, en fonction d'une dépense, de voir une amélioration de productivité, bien, là, il faut couper. Puis où on coupe? Bien, évidemment, c'est sur nos ressources humaines, bien souvent, malheureusement.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci infiniment pour tous vos commentaires, ça continue à alimenter notre réflexion. Merci beaucoup.

M. Lafleur (Gaston): Merci.

Le Président (M. Gaulin): Merci, Mme la porte-parole. Alors, je voudrais, au nom de la commission, remercier le Conseil québécois du commerce de détail, Me Lafleur, Mme Lespérance, Mme Morin, Mme Hébert, M. Fournier. Merci.

(17 h 30)

J'invite le prochain groupe, la Fédération des médecins résidents du Québec, à prendre place, s'il vous plaît.

Le Président (M. Williams): À l'ordre, s'il vous plaît! Maintenant, la commission des affaires sociales va écouter la Fédération des médecins résidents du Québec. Comme nous l'avons fait tout l'après-midi, vous avez 20 minutes pour faire votre prestation, et nous allons diviser le temps pour les questions plus tard. M. Soulières, pouvez-vous vous présenter et présenter aussi les autres membres de votre délégation?


Fédération des médecins résidents du Québec (FMRQ)

M. Soulières (Denis): Oui. Alors, mon nom est Denis Soulières, je suis le président de la Fédération des médecins résidents du Québec. Je suis accompagné de Sonia Brisson, qui est vice-présidente de l'Association des médecins résidents de la ville de Québec, et de Michel Philibert, qui est président du Conseil permanent de la jeunesse. Alors, la représentation est légèrement plus masculine que féminine, mais les opinions n'en demeurent pas moins légitimes et relativement convaincues.

Donc, M. le Président, Mme la ministre et membres de la commission, la Fédération des médecins résidents du Québec est heureuse de venir présenter aujourd'hui aux membres de la commission des affaires sociales les éléments principaux de sa réflexion sur l'avant-projet de loi sur l'équité salariale. Le point de vue que je présente n'est pas le nôtre seul et se veut l'appel d'une série de regroupements de jeunes qui recherchent à obtenir une place équitable et juste sur le marché du travail québécois. À cet effet, le mémoire qui a été présenté a été appuyé par la Fédération étudiante universitaire du Québec, la Fédération des associations des étudiants en médecine du Québec et le Conseil permanent de la jeunesse. C'est d'ailleurs pourquoi je suis accompagné aujourd'hui par le président du Conseil permanent de la jeunesse, Michel Philibert, qui a appuyé la position et le mémoire de la Fédération des médecins résidents du Québec.

Les médecins résidents croient être dans une position qui est toute désignée pour venir parler ou discuter de l'action gouvernementale en matière d'équité salariale, pour des raisons que je vais expliciter. L'équité, de par sa définition même, doit s'appliquer à toute la population, que l'on soit issu d'une communauté culturelle, que l'on soit une femme ou que l'on soit jeune tout simplement. Et ce principe a encore plus d'importance dans un contexte de compressions budgétaires qui peut laisser place à des solutions de facilité désavantageant indûment une catégorie de travailleurs.

Les jeunes travailleurs québécois représentent une telle catégorie. De façon générale, on exige plus d'eux et on profite de leur faible capacité de représentation pour leur offrir de moindres conditions de travail. Notre mémoire est d'ailleurs éloquent sur la question. Alors que la population générale a profité d'un certain niveau d'enrichissement dans les dernières années, le salaire des jeunes travailleurs de plusieurs catégories de métiers n'a pas su présenter un tel enrichissement et, bien plus souvent qu'autrement, il a subi une perte nette du pouvoir d'achat.

Les jeunes reconnaissent la valeur monétaire de l'ancienneté et n'en contestent pas la validité. Cependant, ils n'admettent pas que l'enrichissement des générations précédentes se fasse à leurs dépens. La dette publique ne cesse de croître, principalement par les intérêts de la dette accumulée au cours des 25 dernières années. Nous avons donc une dette constituée par les services publics offerts mais impayés de la génération précédente. On demande aux jeunes de rembourser, leur carrière durant, cette dette qui n'est que partiellement la leur, de se contenter de services sociaux qui seront amputés et de faire cela avec un salaire qui n'a rien de comparable avec celui dont a profité la génération précédente.

Alors, où donc est l'équité pour les jeunes? Chose sûre, bien que le discours politique soit souvent de nature à les attirer et à leur suggérer que leur apport est essentiel à l'évolution de la société québécoise, l'action gouvernementale est souvent bien autre, et la loi que nous commentons aujourd'hui en est le meilleur exemple. Les jeunes en sont absents, comme si l'équité n'était pas une valeur sociale qui doive s'appliquer aussi aux jeunes travailleurs. Nous pensons qu'il doit en être autrement, surtout quand on considère la féminisation de plus en plus grande de la jeune population active québécoise, phénomène particulièrement important dans la population médicale où 53 % des médecins actuellement en formation sont des femmes.

Le bien-être social et personnel des jeunes Québécois doit donc faire l'objet d'une attention renouvelée. Alors même que le gouvernement sabre dans les programmes sociaux et l'aide à l'action communautaire, les jeunes font face à un éclatement de la cellule et des valeurs familiales. Cela laisse toute une génération avec des ressources peu présentes ou quasi inexistantes dans un vide qui rend vulnérables plusieurs jeunes que l'on voit recourir au décrochage scolaire, à la violence et, malheureusement, dans plusieurs cas, au suicide.

On dit des jeunes qu'ils sont l'avenir, mais on dit aussi qu'ils sont le juste reflet des valeurs du temps passé. C'est beaucoup dire de ceux qui ont délaissé les jeunes au profit de l'économie, du bureaucratisme à outrance et du néolibéralisme. Les commentateurs et les éditorialistes évitent d'ailleurs de commenter la détresse de la jeunesse de façon beaucoup trop fréquente.

Si Malraux dit vrai et que l'homme est foncièrement bon et que c'est la société qui le corrompt, alors les valeurs qui sont véhiculées par la société québécoise nécessitent un sérieux examen de conscience. De leur côté, les jeunes ont déjà commencé cet examen de conscience, ce qui les a amenés à demander et concevoir conjointement une politique de la jeunesse. La réflexion gouvernementale, quant à elle, se fait toujours attendre. Bien plus, les indications sont à l'effet que les jeunes ne sont tout simplement pas une priorité du présent gouvernement. Nous le réitérons, les jeunes sont absents de la loi sur l'équité salariale. Mais est-ce que le gouvernement a besoin d'une loi pour appliquer lui-même les plus simples règles d'équité envers les jeunes? Usuellement pas. Il devrait reconnaître l'essentialité des jeunes travailleurs dans sa gestion quotidienne de l'État.

Mais l'expérience nous prouve qu'une loi explicite est nécessaire. À titre d'exemple, en septembre dernier, le gouvernement actuel entérinait une entente entre le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Cette entente empreinte des contraintes budgétaires majeures assure des droits aux membres en place et diminue de 15 % à 30 % la rémunération de tous les nouveaux médecins spécialistes pour une période de trois à quatre ans bien que le niveau de responsabilité des jeunes médecins soit exactement le même par rapport aux patients. Pis encore, le gouvernement a obstinément refusé de considérer les options de rechange proposées par les jeunes médecins et qui auraient permis de rencontrer les objectifs budgétaires imposés par le ministre.

On ne peut présenter meilleur exemple de la nécessité d'une politique de la jeunesse au Québec, tant en matière sociale qu'en matière de marché du travail. Bien souvent, les jeunes médecins spécialistes et les médecins résidents ne sont pas jeunes au sens propre du terme avec un âge moyen de 30 à 32 ans, mais ils ont passé 10 à 12 ans de leur vie à se former pour participer à l'évolution de la société québécoise, soit un investissement très important dans la plus grande partie de leur jeunesse. Et alors qu'ils s'apprêtent à amorcer une vie professionnelle pleine et entière, leur gouvernement leur fait un croc-en-jambe qui dénigre leur implication sociale.

L'équité dans son sens large veut que les jeunes aient le même privilège que la génération précédente de créer et construire le Québec, que l'on soit médecin, pompier, gestionnaire ou journalier, et ce, avec des conditions salariales et sociales équivalentes à celles qui ont profité aux travailleurs de la génération précédente.

Le gouvernement doit prouver son intention d'inclure les jeunes dans les principes de la loi sur l'équité salariale et dans la conception des mesures à prendre pour redresser le Québec et en faire une société qui présentera des valeurs et des structures capables de redonner confiance aux jeunes dans la génération précédente et dans l'État. La première action serait donc de réécrire l'avant-projet de loi sur l'équité salariale ou d'obtenir l'engagement formel que cela serait fait bientôt dans un contexte d'une politique globale de la jeunesse.

Par ailleurs, le gouvernement doit aussi réparer le tort qu'il a causé aux jeunes médecins spécialistes et réviser l'entente qui fait d'eux, sans explication raisonnable, des médecins de seconde classe. Cela est essentiel si le gouvernement veut s'assurer la collaboration pleine et entière de jeunes professionnels qui desserviront la population québécoise dans un contexte de coupures budgétaires contraignantes.

Les jeunes médecins, de concert avec plusieurs regroupements de jeunes du Québec, amorcent aujourd'hui une série de représentations qui verront au respect de leurs droits. Nous ne revendiquons pas plus, mais certainement pas moins que ceux qui nous ont précédés dans le temps et qui mènent la destinée des jeunes Québécois. Les jeunes médecins sont fiers d'être de ceux qui contribueront à l'évolution de la médecine au Québec, ce qu'ils considèrent comme naturel et inné à leur profession. Cela passe nécessairement par le renouvellement de la force médicale. On ne peut assurer cela que par l'offre de conditions de rémunération qui considèrent l'investissement personnel notable qui mène à l'obtention d'un diplôme médical.

Les jeunes médecins québécois veulent de façon prioritaire travailler au Québec, mais, si le Québec ne leur donne pas le loisir d'oeuvrer dans un système de santé qui considère leurs valeurs, plusieurs d'entre eux envisageront une pratique hors Québec. Il ne s'agit pas là d'une menace, bien au contraire, l'action d'aujourd'hui et des prochains mois de la Fédération des médecins résidents du Québec vise bien à démontrer que les médecins résidents veulent pratiquer la médecine dans un environnement équitable et juste.

(17 h 40)

Les médecins résidents sont aujourd'hui les porte-étendards de jeunes Québécois qui veulent eux aussi travailler à l'évolution d'une société québécoise juste et équitable. Il appert qu'il revient au gouvernement de prouver qu'il désire agir de façon juste et équitable envers les jeunes, à commencer par l'équité salariale et la réparation des exactions passées.

Mme Harel, vous êtes ministre de la Condition féminine et je crois que nulle n'est mieux placée qu'une femme pour pouvoir parler d'équité, mais vous êtes aussi ministre de l'Emploi, de la Solidarité et de la jeunesse. Lors d'un colloque sur le Québec de l'an 2000, le week-end dernier, vous lanciez un appel au reste du Canada pour cesser le discours de sourd et pour ne pas appliquer impunément la loi du plus fort, qui n'est certes pas la meilleure. Vous aviez d'ailleurs mentionné: La loi du plus fort n'est pas la meilleure, mais bien la pire, et je fais appel à votre influence. De notre côté, nous envoyons le même message pour mettre un terme à la loi du plus fort qui défavorise les jeunes, à la loi du plus fort qui est en contradiction directe avec l'équité et à la loi du plus fort qui a défavorisé depuis bien longtemps déjà aussi la population féminine.

Je cède la parole à M. Philibert qui complétera.

M. Philibert (Michel): Bonsoir. Le Conseil permanent de la jeunesse, aujourd'hui, appuie la démarche de la Fédération des jeunes médecins résidents du Québec dans un geste de solidarité envers les différents groupes de jeunes, de jeunes hommes, de jeunes femmes, qui se battent partout au Québec pour faire valoir leurs droits ainsi que leurs intérêts. Le Conseil tient à soutenir la démarche de la Fédération car il croit vraiment que les jeunes doivent, aujourd'hui, s'allier, se regrouper pour mieux faire connaître leur situation et leurs besoins.

Nous, les jeunes, sommes moins nombreux au sein de la société et nous devons nous épauler mutuellement pour faire avancer les causes de la jeunesse. Dans le cas de l'équité salariale, il faut dire que le Conseil permanent de la jeunesse se bat, depuis plusieurs années, pour qu'on abolisse toutes les formes de discrimination négative fondée non seulement sur le sexe, mais aussi sur l'âge. Plus que tout autre groupe de notre société, les jeunes femmes et les jeunes hommes vivent de précarité et subissent de l'exclusion. Le marché du travail, vous le savez, Mme la ministre, leur est difficilement accessible. En ce qui concerne ceux et celles qui réussissent à se trouver un emploi, on ne peut pas accepter que leurs conditions de rémunération et de travail soient moindres et qu'on en fasse des travailleurs de seconde zone.

Le Conseil se bat pour faire comprendre à tous les élus, à nos dirigeants et dirigeantes que les jeunes subissent déjà amplement les contrecoups reliés aux compressions budgétaires. On pense ici à la baisse des conditions d'accès à l'éducation qui se traduit par une hausse des frais de scolarité et une diminution des services reliés à l'enseignement. On pense aussi à notre filet de sécurité sociale qui est de plus en plus troué et dans lequel les jeunes auront à vivre. Le Conseil mise sur la solidarité des jeunes et des moins jeunes, entre tous les Québécois et toutes les Québécoises pour renverser la machine et ouvrir les portes aux jeunes qui font le pied de grue devant les portes closes des entreprises et de la fonction publique. Le Conseil mise aussi sur le sens de l'équité de tous les Québécois pour aider et soutenir tous ces jeunes qui, dans quelques années, ne l'oublions pas, devront soutenir tout le Québec sur leurs épaules.

Le Conseil compte enfin sur le gouvernement du Québec pour élaborer et mettre en oeuvre une politique jeunesse qui fasse en sorte que les actions gouvernementales en matière jeunesse soient cohérentes et davantage efficaces, tout cela en vue d'une plus grande équité entre les hommes et les femmes, mais aussi entre tous les citoyens du Québec, quel que soit leur âge. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Williams): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors merci, M. le Président. M. Philibert, je comprends que vous accompagnez M. Soulières, qui est président de la Fédération des médecins résidents du Québec. Je ne sais pas si madame... Est-ce qu'il s'agit de Mme Julie Lévesque qui vous accompagne? Non?

M. Soulières (Denis): Non, malheureusement, Mme Lévesque ne pouvait pas être présente, donc c'est M. Philibert qui l'a remplacée. Madame est résidente aussi.

Mme Brisson (Sonia): Oui. Je suis Sonia Brisson, je suis vice-présidente de l'Association des médecins résidents du Québec.

Mme Harel: Bon. J'aimerais vous entendre, Mme Brisson, sur la problématique féminine à l'intérieur de la réalité des jeunes médecins spécialistes.

Mme Brisson (Sonia): En fait, la nouvelle entente qui a été faite entre l'Association et la Fédération des médecins spécialistes et le gouvernement du Québec semble pénaliser les femmes, principalement par le fait, et le Dr Soulières l'a bien mentionné dans son discours, que la population médicale est de plus en plus composée de femmes. Nous sommes maintenant pratiquement majoritaires, et on le voit d'ailleurs dans les facultés de médecine où, maintenant, nous atteignons près de 60 % à 65 % des effectifs. Alors, évidemment, les femmes se sentent lésées dans une telle entente parce qu'on représente une plus grande partie du groupe. De telles conditions n'ont jamais été proposées auparavant alors qu'il s'agissait d'une société et d'une population masculine. Alors, maintenant, à mesure que la population médicale devient féminine, on semble devoir introduire des mesures restrictives face à notre salaire. Alors, il nous semble logique que nous nous sentions un peu visées par une telle entente.

Mme Harel: Dites-moi, quel est le pourcentage de chômage chez les jeunes médecins spécialistes? Ça totalise combien de jeunes médecins spécialistes? Quel nombre au Québec? Et il y en a combien qui sont en chômage?

M. Soulières (Denis): Bon, le chômage réel comme tel, on n'en parle pas de façon bien spécifique...

Mme Harel: Quelle sorte d'autre chômage que le chômage réel existe-t-il?

M. Soulières (Denis): Non. C'est-à-dire, en termes québécois, ceux qui, et on l'a vu dans le courant de l'été, étaient liés à des positions qu'on appelle à contrat, c'est-à-dire des gens qui faisaient leur résidence et qui étaient liés à aller pratiquer en région à la fin de leur résidence dans une spécialité... Et on a eu quelques cas dans le courant de l'été où, tout simplement, il a dû y avoir négociation avec les instances du ministère parce que, tout simplement, ces gens-là ne pouvaient pas trouver emploi au Québec. Donc, il y a eu résiliation du contrat. Et ce n'était pas que dans les régions éloignées que ces gens-là ne pouvaient pas trouver d'emploi, c'était aussi dans les régions universitaires. Et certains de ces gens-là ont décidé d'aller pratiquer en conséquence, puisqu'il n'y avait pas de place, dans une localité hors Québec.

Donc, effectivement, des gens qui sont répertoriés comme étant au chômage, au Québec, comme médecins spécialistes, il n'y en a pas à ce moment-ci. C'est un phénomène que l'on pense voir se présenter de façon plus réelle avec les compressions que l'on connaît et les fermetures d'hôpitaux. Mais c'est évidemment des gens qui, souvent, sont portés à aller pratiquer, étant donné qu'ils se sont formés pendant de nombreuses années pour ça, à ce moment-là, dans un autre contexte que québécois.

Mme Harel: Il y a un phénomène, moi, qui m'étonne... pas m'étonne, mais plus encore, en fait, me stupéfait. On parle toujours de la difficulté de recrutement des médecins dans les régions, si vous voulez, éloignées. Je ne sais si vous savez que la difficulté de recrutement dans les quartiers défavorisés est la même. Pensez par exemple que le CLSC dans mon quartier n'est pas arrivé, depuis 10 ans, à combler tous les postes qui lui étaient autorisés. Sur les 12 postes, ils n'arrivent jamais à en combler plus de huit ou neuf pour le simple fait que, étant situé sur l'île de Montréal, le taux de rémunération est moindre que si c'était de l'autre côté du pont Jacques-Cartier. Alors, les jeunes médecins préfèrent traverser du côté des banlieues. La clientèle est plus facile aussi parce que quand même plus cossue. On y retrouve moins de toxicomanes, de prostitués, de sidéens que dans la ville. Et je suis toujours abasourdie de voir à quel point il est difficile de recruter, autant dans les quartiers défavorisés que dans les régions éloignées. Comment vous expliquez ça?

M. Soulières (Denis): En fait, je pense qu'il y a deux choses qu'il faut différencier par rapport à tout ça. On parle bien des omnipraticiens et des spécialistes. Je pense que, dans les dernières années, on a vu une progression très importante des effectifs, tant en omnipratique qu'en spécialité, qui sont allés s'installer dans les régions éloignées. Pour avoir été président de la Fédération des étudiants en 1987 et les années subséquentes, je peux vous dire qu'à ce moment-là les données qu'on possédait pour le manque de médecins spécialistes étaient de l'ordre de 440 alors qu'aujourd'hui on parle d'un déficit, là, de postes annoncés dans les régions qui est de l'ordre de 50. Alors, il y a déjà une progression relativement importante. Et je pense qu'il y a un niveau de ce qui manque actuellement qui est dû, oui, effectivement, à une légère difficulté de répartition intrarégionale de certains spécialistes, et aussi, parce que, avec les années, on n'a pas nécessairement formé des gens dans les disciplines où il y a effectivement besoin aujourd'hui. Donc, ça, c'est une partie de la problématique qui est celle des médecins spécialistes.

Et le fait de dire qu'il y a encore des besoins, nécessairement, en région, il faut le placer en contexte et un peu en paradoxe, c'est-à-dire qu'on considère, oui, qu'il y a encore des besoins qui sont là pour la population, mais, dans un contexte où les hôpitaux sont tous liés à des contraintes, plusieurs ne se trouvent pas de positions. À titre d'exemple, j'ai un ami qui termine en orthopédie au mois de juillet, qui devait aller à Baie-Comeau et où les budgets d'orthopédie ont tout simplement été amputés. Alors, il cherche à aller ailleurs qu'à l'hôpital où il avait déjà décidé d'aller et avec lequel il avait déjà fait des arrangements. Donc, tout ça dans un contexte de contraintes budgétaires qui ne touche pas que les villes, mais qui touche aussi les hôpitaux des régions.

Pour ce qui est de la difficulté de recrutement pour l'omnipratique, vous savez que la difficulté est principalement liée à l'île de Montréal, justement parce qu'étant donné qu'il y a eu une telle faveur de tous les jeunes qui ont eu un certificat en omnipratique dans les dernières années, ça a fait en sorte que près de 78 % de ces jeunes-là, dans les dernières années, sont allés s'installer dans les régions non universitaires. Et ça, à l'appel des ministères et des divers groupes et des diverses régies régionales qui ont demandé à avoir des effectifs dans les régions. Ce qui fait que ça a amené un effet un peu bizarre pour l'île de Montréal où, effectivement, il y a eu un déficit qui s'est créé en omnipratique dans les dernières années, mais tout ça, justement, pour favoriser le fait qu'on ait une meilleure répartition des omnipraticiens sur le reste du territoire québécois.

(17 h 50)

Mme Harel: J'aimerais bien que cette explication me satisfasse.

M. Soulières (Denis): Elle ne règle pas tous les problèmes, c'est évident.

Mme Harel: Si tant est qu'elle fût suffisante ou satisfaisante, elle n'expliquerait pas l'engouement pour la banlieue. Parce que ce n'est pas l'engouement pour la région, c'est l'engouement pour la banlieue, là, qui s'est manifesté au cours de la dernière décennie, engouement pour la banlieue au détriment des quartiers de villes. Je pense qu'il y a une sorte d'évidence, là. Quand un CLSC a autant de difficulté à recruter qu'une région éloignée, c'est parce qu'il est dans un quartier défavorisé.

M. Soulières (Denis): De fait, je pense que je pourrais vous dire sans trop de problème que vous êtes probablement le premier intervenant ministériel qui me dit qu'il y a des problèmes d'effectifs avec la région de Montréal. Je pense que c'est un discours tout à fait nouveau que l'on n'entend pas usuellement et qui fait partie d'une problématique qui est un peu spéciale, qui est celle des CLSC de la région de Montréal. Je pense que ce n'est pas simplement le lieu mais bien le type de pratique en soi qui explique une problématique.

À mon point de vue, je dois vous avouer que le fait de dire qu'il y a des problèmes bien particuliers à recruter dans les CLSC de cette nature-là, c'est une des premières fois que j'entends parler de ça de façon bien spécifique.

Mme Harel: Alors, vous voyez que ça valait quand même la peine que vous veniez, même si ce n'était pas pour parler du sujet.

M. Soulières (Denis): Tout à fait. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Mais, plus sérieusement, je pense que ça s'impose, une politique cohérente. C'est le mot «cohérent» que je retiens en matière jeunesse, et je pense que mon collègue, le ministre délégué aux Relations avec les citoyens, et moi-même, au ministère d'État au développement social, allons sûrement entreprendre un chantier à ce sujet-là. Je vous remercie.

Le Président (M. Williams): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. J'ai entendu beaucoup de choses depuis que vous avez commencé à présenter votre mémoire, mais j'ai le sentiment d'en avoir peu entendu par rapport à l'équité salariale. Cependant, au début de votre présentation vous avez laissé entendre que l'équité salariale empêcherait les jeunes d'accéder à l'emploi. Alors, la question qui m'est venue tout de suite à l'esprit: En quoi l'équité salariale va empêcher les jeunes d'avoir accès à un emploi?

M. Soulières (Denis): Je ne l'ai pas mentionné comme une accession à l'emploi, qui est une difficulté, là... Est-ce que c'était pour moi ou pour Michel?

Mme Charest: À vous.

M. Soulières (Denis): Non. Je ne pense pas que c'est une difficulté à l'accession à l'emploi, mais, lorsque l'emploi est effectif, l'ajustement, il devrait y avoir des conditions tout à fait équitables qui sont là pour ça. Et je ne crois pas que c'est le contexte de la loi sur l'équité salariale qui soit un empêchement pour l'obtention d'un emploi pour les jeunes, mais bien tout le contexte qui est déjà présent où des conventions et des avantages ont été négociés par des syndicats qui représentent principalement les groupes d'âges plus élevés, donc des avantages liés à l'ancienneté et qui ont fait en sorte, principalement, que ces jeunes-là n'ont pas eu grand accès à des emplois.

Je pense que vous savez très bien la condition dans la fonction publique où il y a eu un vieillissement relativement important. Des études qui étaient sorties à Hydro-Québec et dont M. Martineau a fait mention dans les dernières semaines mentionnaient que le nombre de nouveaux ingénieurs qui ont eu accès à un emploi à Hydro-Québec était tout à fait minime depuis les 10 dernières années. Donc, je pense que le contexte social qui fait en sorte qu'il y a eu un avantage par rapport à une génération fait en sorte que, selon nous, la société devrait concevoir des moyens par lesquels des jeunes qui eux aussi ont accès à l'emploi puissent profiter de conditions pas nécessairement égales, mais du moins équitables ou équivalentes par rapport à ce qu'il y a eu dans les années passées.

Le Président (M. Williams): Merci, Dr Soulières. Maintenant, je passe la parole à la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Je vous remercie, mesdames et messieurs. Je vous avoue que j'ai été très sensible aux préoccupations que vous soulevez dans votre mémoire. Je comprends cependant que votre mémoire ou votre intervention ne se veut pas une critique ou encore une réplique à l'avant-projet de loi, mais davantage une préoccupation à ce que vous considérez comme une injustice suite à certaines négociations avec votre Fédération et le gouvernement. Et je comprends votre frustration ou vos frustrations, que je trouve tout à fait légitimes.

Quant à l'avant-projet de loi, bien sûr que je me suis posé la question moi-même à savoir: Est-ce qu'on peut établir, à un moment donné, une loi sur l'équité en emploi alors que, bien sûr, on a des jeunes qui non seulement ont de la difficulté à trouver des emplois, mais aussi dans le contexte où on ne crée pratiquement plus d'emplois surtout dans certains secteurs, particulièrement dans le vôtre, où on fait des mises à pied plutôt que de la création d'emplois... La situation est assez alarmante pour les jeunes qui sortent de l'université à peu près dans toutes les disciplines et on en est rendu davantage à essayer d'encourager les jeunes à créer leur propre emploi, parce que c'est à peu près la seule issue qu'on trouve, la seule lueur au bout du tunnel. Je comprends le désarroi des jeunes. C'est sûr que, au cours des prochaines années, il va falloir qu'on investisse davantage au niveau des jeunes, ce qui m'apparaît, moi, comme une catégorie pour laquelle on n'a pas toujours vérifié les impacts et qui est loin d'être favorisée par rapport à d'autres catégories.

Ceci étant dit, bien sûr, je ne vous poserai pas de questions sur l'avant-projet de loi comme tel. Je pense que, quand bien même j'entrerais dans tous les détails de l'avant-projet de loi, j'aurais de la difficulté à intervenir à ce niveau-là. Quant à votre sujet plus précis, je n'ai pas non plus la compétence pour vous poser les questions. Cependant, je laisserais peut-être à mon collègue la chance de vous poser des questions. Il connaît un peu plus la matière et le sujet que moi. Merci.

Le Président (M. Williams): Je m'excuse. M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Alors, merci, M. Soulières, Mme Brisson et M. Philibert, d'être venus partager vos préoccupations. J'aimerais juste mentionner que, bien que vous mentionniez que l'équité... Dès le début, par sa définition, il faut bien se rappeler qu'équité n'égale pas nécessairement égalité salariale. On peut partager les préoccupations que vous avez pour le contrat qui a été signé entre le gouvernement, la FMSQ et le groupe de médecins, il n'en reste pas moins que ce n'est pas l'élément de notre discussion aujourd'hui et sur lequel j'aimerais m'attarder.

Je suis très conscient des difficultés de plus en plus grandes des jeunes qui sortent de l'université, quelle que soit la faculté, à se trouver un emploi. Et un des grands problèmes que nous vivons tous, c'est la difficulté de créer de nouvelles richesses dans notre milieu.

Par ailleurs, j'aimerais que vous puissiez nous faire partager les préoccupations que vous avez devant les jeunes qui vont se diriger, espérons en nombre très restreint, vers d'autres pays à cause de la richesse présente dans ces pays-là, alors que, nous, nous ne sommes pas capables de leur fournir les facilités appropriées – on appelle ça une fuite de cerveaux. Et, ça, je dois vous dire que ça m'inquiète énormément de voir des gens, chez qui on investit autant d'argent... Parce que, si on prend un médecin spécialiste, on estime à peu près entre 150 000 $ et 200 000 $, que la société a pris de ses fonds, de sa richesse – puis on n'en a déjà pas beaucoup – pour investir dans ces individus-là, qu'ils soient hommes ou femmes, pour les voir quitter avec, je dirais, le magot. Ça, ça m'inquiète énormément, non seulement à cause de l'argent qu'on a investi, mais aussi à cause de la perte de cerveaux qui va nous arriver. Êtes-vous capable de partager là-dessus avec nous, s'il vous plaît?

M. Soulières (Denis): Oui, de fait, je pense qu'il y a plusieurs petits éléments de réponses ou, du moins, on a plusieurs petits éléments de solutions auxquels on en est venu, dans les derniers mois, avec les conditions qu'on a connues, à avoir une réflexion un petit peu plus large que ça, par exemple. Je pense qu'on doit concevoir que les actions de la Fédération des médecins résidents ont toujours été dans le sens de fournir et de pourvoir la population québécoise du meilleur effectif possible, avec la meilleure formation possible et avec la meilleure répartition possible, autant que faire se peut. Je pense qu'on a beaucoup collaboré à ça au cours des 10 dernières années.

Je pense qu'il y a un intérêt, aussi, très franc à vouloir faire en sorte que ça ne soit pas que nos avantages qui y passent, mais que ça fasse aussi partie d'une évolution de la médecine au Québec. Donc, je pense qu'on a beaucoup de nos gens qui, justement, passent non seulement des années de formation ici en résidence – qui peuvent aller de cinq à huit ans – mais aussi qui vont passer des années supplémentaires en formation, soit en Europe ou aux États-Unis, pour ramener des expertises particulières ici au Québec. Donc, notre action a toujours été dans le sens de pouvoir favoriser que ces gens reviennent, favoriser qu'on ne perde pas, justement, l'expertise qui est nécessaire à l'évolution de la médecine au Québec. Si on a effectivement une perte de plusieurs de ces gens-là, on aura une diminution de la qualité des soins qui sera offerte au Québec.

(18 heures)

Ceci étant dit, on a un contexte de compressions budgétaires qui est relativement intense, pour ne pas dire important, et qui fait en sorte que la plupart des médecins spécialistes ont besoin d'une affiliation hospitalière pour pouvoir pratiquer la médecine au Québec, et un contexte où il y a une restriction très importante de la capacité d'avoir accès à un hôpital pour plusieurs des médecins. On parle même, là, de 150 médecins spécialistes en place dans la région de Montréal qui n'auront même pas de place, là, à partir des fermetures qu'on a annoncées, et à ça il faut ajouter tous les jeunes qui sortent des facultés cette année et dans les prochaines années. Donc, il y a un contexte qui fait en sorte qu'on a justement beaucoup de jeunes qui ne peuvent pas trouver une affiliation, qui ne peuvent pas trouver un point d'attache et qui peuvent être, justement, incités à aller pratiquer ailleurs qu'au Québec.

La Fédération est en très grande réflexion par rapport à tout ça. Et, quand on regarde l'évolution qu'a eue la population des médecins au Québec dans les derniers 15 à 20 ans, ça nous amène à avoir beaucoup de réflexions par rapport à ce que devrait être un plan de carrière pour un médecin, c'est-à-dire: combien de temps il devrait passer en formation, quel devrait être le temps de sa vie active en tant que pratique, est-ce qu'il ne devrait pas passer à des tâches administratives à un moment donné, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir un régime de retraite pour ces gens-là aussi? Donc, un contexte de plan de carrière qui fait en sorte qu'on est capable de renouveler la population médicale, d'assurer des services qui sont tout à fait adéquats, qui évoluent avec la population et la population médicale, que les soins seront donc adéquats au Québec dans les prochaines années. Donc, on a toute une réflexion par rapport à ça, et pour laquelle on est en travail très actif, et qui va nous amener à faire des propositions bien concrètes, espérons, qui ne seront pas uniques, mais qui seront conjointes avec plusieurs organismes et qui feront en sorte qu'on sera capable de concevoir une population médicale qui va évoluer, qui va inclure les jeunes, qui va être respectueuse de tous les intervenants que l'on connaît actuellement, tous les intervenants de la population médicale actuelle. Donc, c'est une proposition qu'on va être à même de proposer et d'amener dans les prochaines semaines.

Le Président (M. Williams): Merci. J'ai des demandes pour deux dernières courtes interventions. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Vous pouvez imaginer que, comme député cadet de ma formation politique, j'ai un certain intérêt dans la notion de l'équité intergénérationnelle. Mais je pense que vous allez convenir avec moi, Dr Soulières et M. Philibert, et madame, qu'il y a un empêchement, quant à moi, important, peut-être, dans la discussion de l'équité intergénérationnelle: il s'agit évidemment de la notion soit d'ancienneté ou d'expérience. La Charte des droits et libertés de la personne indique que ce n'est pas discriminatoire s'il y a des facteurs qui sont basés sur soit l'ancienneté, et même je pense qu'on peut convenir entre nous autres que ça soulève des questions fondamentales et très intéressantes. Que répondez-vous à la notion, très répandue dans la société québécoise, qu'il y a une récompense salariale pour soit l'ancienneté ou l'expérience?

M. Soulières (Denis): Je pense qu'on peut... Je vais y aller de façon bien personnelle, c'est-à-dire en fonction de ce qu'on connaît pour les médecins, les médecins spécialistes en particulier. Tout le concept de l'ancienneté et de l'expérience, qui fait en sorte qu'on a droit à une rémunération plus importante, est assez dur, évidemment, à limiter, et je pense qu'on peut regarder tout simplement ce qui arrive et ce que sont les faits. Quand un jeune médecin spécialiste commence sa carrière, il n'obtiendra pas – et, là, c'est là que je rejoins le concept de dire que l'équité n'égale pas l'égalité, là, que mentionnait M. Beaudet – le médecin spécialiste, donc, qui rentre en pratique n'aura pas le même salaire, la première année, que les gens qui sont déjà en pratique. Il va obtenir le même niveau de salariat, il aura une progression de son salaire d'environ 40 % sur ses cinq premières années de pratique. Donc, il n'y a déjà pas un concept, là, d'égalité du salaire, mais qui fait en sorte que, pour un acte qui est à peu près équivalent, il y a une équité qui s'applique, et les gens, avec leur carrière, obtiennent plus d'expérience et peut-être plus de dextérité, si on veut, ou quoi que ce soit, et vont faire en sorte qu'ils vont avoir un niveau de productivité, aussi, équivalent, ce qui les amène à avoir un salaire équivalent à ceux qui sont déjà en pratique et qui ont quelques années d'expérience.

Il faut concevoir que, pour les médecins, par exemple, ces gens-là passent, comme je l'ai mentionné, de cinq à sept ans dans un niveau de résidence, où c'est déjà là que se fait l'acquisition de l'expérience et des connaissances. Et souvent, même, ils vont passer un temps supérieur ailleurs qu'au Québec, soit au Canada, ailleurs au Canada ou même en Europe, pour acquérir une expérience ou une expertise particulière, et ça non plus, ce n'est pas rétribué. Je veux dire, on pourrait en parler sur divers aspects, mais, à partir du moment où on a un système qui ne paie que selon un prorata à l'acte, cet acte-là a la même valeur, qu'on le fasse en 15, en 30 minutes ou en une heure. Et, selon ça, il existe déjà, donc, une progression naturelle du côté des médecins spécialistes, qui fait en sorte que c'est quand même relativement respecté, cela étant avant l'entente qu'on connaît, du mois d'octobre dernier.

Le Président (M. Williams): Merci. M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Oui, M. le Président. C'est plus un commentaire que je voulais faire à l'endroit de nos invités, en fonction de ce que disait, par exemple, Mme la députée de Saint-François, d'une certaine aigreur qui transparaissait dans le mémoire que nous avons eu... enfin, «frustration», qu'elle disait – je pense que je devrais bien la citer. Et je me rattacherais un petit peu à ce que disait la députée de Hochelaga-Maisonneuve, qui est aussi la ministre, à savoir que j'habite un comté qui est très défavorisé. Si vous allez souper tout à l'heure, vous descendrez une côte, vous allez voir beaucoup de jeunes qui n'ont pas, probablement, les avantages que... étant d'une génération que vous estimez défavorisée en fonction, entre autres, du stéréotype des baby-boomers, qui ont tout renvoyé ça à la jeune génération. Je vous renverrais, moi, à votre mémoire. Vous parlez des jeunes face au bien-être personnel et face au bien-être social. Moi, je pense que les jeunes auxquels j'ai affaire très souvent, ils n'ont affaire qu'au bien-être social.

Et, puisque vous avez cité Malraux en disant que l'homme naît bon, c'est la société qui le déforme, je vous dirais que c'est Rousseau qui a dit ça; il l'a dit au XVIIIe. Et je vous inviterais à relire Malraux, «La Condition humaine», «L'Espoir», et vous allez voir qu'il est drôlement engagé, malgré les choses, les malheurs qui ont pu lui arriver à son époque. Sans vouloir vous faire la morale, là, je vous inviterais à lire un grand médecin aussi, qui s'appelle Jacques Ferron et qui est un écrivain exceptionnel du Québec.

M. Soulières (Denis): Juste en réponse, je pense que, justement, la preuve de la volonté d'engagement, elle est ici aujourd'hui. On ne vient pas tout simplement pour dire qu'effectivement il y a des problèmes pour les jeunes et qu'ils doivent se résoudre seuls, mais que, comme le Conseil permanent a déjà amorcé toute une consultation pour la création d'une politique jeunesse, comme nous l'avons fait, pour tenter de faire en sorte qu'il y aura, dans les prochaines semaines, des propositions qui feront en sorte qu'on sera capable de faire évoluer une population médicale au Québec, qui aura tous les avantages possibles pour la population en soi... Donc, il y a un engagement jeunesse que l'on veut créer et qu'on représente aujourd'hui, mais qui nécessite évidemment une intervention des gens qui ont plus de notoriété et de pouvoir. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Williams): Dr Soulières, merci beaucoup pour cette réponse, merci beaucoup pour votre présentation, et aussi merci à M. Philibert et à Mme Brisson. Merci à la Fédération des médecins résidents du Québec.

Et, maintenant, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 8)

(Reprise à 20 h 12)

Le Président (M. Deslières): Alors, si vous permettez, nous allons débuter nos travaux. La commission reprend ses travaux.

Alors, nous en sommes à recevoir le Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec. Alors, si vous voulez bien vous avancer, s'il vous plaît.

Alors, bonsoir, mesdames. Est-ce qu'on peut vous demander de vous identifier?


Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ)

Mme Poulin (Martine): Oui, bonsoir. Mon nom est Martine Poulin. Je suis deuxième vice-présidente du SPGQ. Je suis aussi responsable du comité des femmes. Vous avez, à ma gauche, Claire Milette, qui est aussi du comité des femmes, et Lorraine Leduc, conseillère au dossier des femmes au SPGQ.

Le Président (M. Deslières): Bienvenue à cette commission. Juste vous rappeler le temps alloué à l'organisme: 20 minutes pour la présentation de mémoire et 40 minutes pour les échanges avec la commission, 20 minutes de chacun des côtés. Alors, on vous écoute, madame.

Mme Poulin (Martine): Alors, rebonsoir. Alors, je voudrais vous remercier, en premier lieu, de nous avoir permis de nous exprimer sur l'avant-projet de loi sur l'équité salariale.

Le SPGQ représente 13 000 professionnels du gouvernement du Québec. Au fil des ans, nous avons enregistré une augmentation constante du nombre de femmes professionnelles membres de notre syndicat. En 1985, nous comptions 21,8 % de femmes; en 1995, nous en comptons 32 %. Vous savez probablement que le SPGQ a déposé la première plainte devant la Commission des droits de la personne en 1981. Nous avons soutenu que plusieurs d'entre elles ne recevaient pas une rémunération équitable en vertu de l'article 19 de la Charte des droits de la personne du Québec. À la suite de travaux conjoints avec le Conseil du trésor en présence de la Commission des droits de la personne, nous avons réalisé l'évaluation des emplois, les comparaisons et la modification de la classification des emplois. Nous avons considéré que la convention collective de 1991 – les corrections salariales inhérentes – apportait des redressements satisfaisants pour l'ensemble de nos membres et pour ceux lésés depuis longtemps dans leur droit d'une rémunération juste dans la fonction publique.

Nous ne pouvons affirmer cependant avec certitude qu'il y a absence d'iniquité dans nos échelles salariales et que la relativité salariale entre tous les titres d'emplois est cohérente, mais nous avons franchi des étapes importantes. Si un changement survenait dans une situation actuelle, la classification devrait être vérifiée afin de ne pas réintroduire des éléments de déséquilibre. Aussi, les primes de fonction nous questionnent à cet égard. Nous constatons que, malgré la démonstration selon laquelle les femmes ont des tâches tout aussi complexes que les hommes dans la fonction publique, elles bénéficient de moins de primes de fonction, toutes proportions gardées, en regard de leur effectif. Alors, présentement, les femmes obtiennent 21,1 % des primes par rapport à leur présence, qui est de 32 %.

Notre engagement à la Coalition. Le SPGQ, par une représentation continue du comité des femmes, participe depuis cinq ans aux travaux collectifs de la Coalition en faveur de l'équité salariale. Je crois que vous pouvez reconnaître aussi Claire, là, qui était là hier après-midi, à la Coalition. L'objectif auquel nous joignons nos efforts vise à l'adoption au Québec d'une véritable loi proactive qui protégerait le droit des femmes contre la discrimination sexuelle qui leur est faite et ayant des effets négatifs sur leur salaire. Cette discrimination étant systémique, avec une vraie loi proactive et ayant une portée systémique, nous avons la conviction que ce problème social et économique que vivent les femmes trouverait ainsi sa solution.

Nous étions heureux de voir enfin les énergies gouvernementales s'activer vers la réalisation de ce projet inscrit dans la plate-forme électorale du Parti québécois. Nous étions également impressionnés par les travaux dans d'autres provinces canadiennes et plusieurs États américains. Il faut souligner que l'Ontario était, de toute évidence, le milieu le plus progressiste en matière d'équité salariale. Le grand virage régressiste qui l'accable aujourd'hui risque de compromettre une évolution sociale importante.

Nous avions la promesse que nous aurions au moins l'équivalent de l'Ontario, que nous pourrions tenir compte des particularités d'emploi du Québec avec ses si nombreuses petites entreprises. L'enjeu est de taille. Selon les données du rapport des expertes, le salaire moyen des femmes se situe autour de 60 % du salaire des hommes pour les emplois de toutes catégories. La moitié de cet écart s'explique par des facteurs d'ancienneté, d'expérience, un plus faible taux de syndicalisation, etc. L'autre moitié est liée à la concentration des femmes dans des emplois faiblement rémunérés. Voilà ce qui justifie l'application d'une loi proactive: 20 % de redressements salariaux pour les emplois à prédominance féminine. Voilà notre objectif précisé. C'est une marge très importante quand on considère la pauvreté grandissante des femmes et de leurs familles, dont elles ont encore souvent la charge entière.

Les femmes sont vulnérables économiquement. En fait, elles représentent 70 % des employés à temps partiel, les deux tiers de la main-d'oeuvre payée au salaire minimum, le tiers d'entre elles seulement sont syndiquées et 25 % des femmes salariées travaillent dans des entreprises de moins de 10 employés. Un grand nombre de familles à deux conjoints échappent à la pauvreté grâce au travail des femmes.

Le retard du Québec. En matière d'équité salariale, le Québec a un grand retard à rattraper si on compare à d'autres. Nous avons été les premiers au Canada à adopter une charte des droits de la personne, mais, depuis, il semble que les Québécois se soient reposés sur leur avance. Nous avons encore à faire reconnaître la nécessité d'une loi proactive, car l'application de la Charte par le système de plaintes a une portée très limitée et inefficace. Nous le savons particulièrement bien au SPGQ. Alors, l'expérience qu'on a vue démontre que le fardeau de la preuve repose sur les plaignantes, et celles-ci sont souvent isolées dans leur milieu de travail, ou non syndiquées, les salaires sont tenus confidentiels, les démonstrations sont compliquées et les coûts dépassent l'entendement. Au SPGQ, même syndiquées et même soutenues dans leur démarche, les femmes de l'actuel collectif de la plainte attendent encore pour finaliser leur cause, qui s'étire jusqu'à maintenant depuis 15 ans et qui aura coûté au SPGQ plus de 500 000 $, uniquement en frais juridiques. Il faut rappeler aussi que le processus devant la Commission des droits de la personne a nécessité 70 jours d'auditions, 35 témoins experts. Alors, c'est une vraie épopée.

Le SPGQ, par son comité des femmes, a donné son avis au comité de consultation en regard de la loi proactive sur l'équité salariale. Nous y avons fait voir l'importance de la reconnaissance sociale du problème, de la reconnaissance patronale du problème, de la responsabilité qui nous incombe, comme société, de faire cesser ici, au Québec, ces injustices flagrantes, productrices de dévalorisation personnelle et professionnelle et de sous-développement collectif. Nous attendions un projet de loi sur l'équité salariale et nous avons reçu un avant-projet de loi qui se révèle être très décevant. Telle que libellée, si elle était adoptée, nous croyons que cette loi deviendrait en peu de temps un piège pour les femmes et les hommes salariés oeuvrant dans des emplois à prédominance féminine. De plus, cet avant-projet de loi banalise l'iniquité salariale dont sont victimes les femmes en proposant des solutions qui n'en sont pas.

D'une part, nous connaissons les efforts gouvernementaux et ceux du comité des expertes qui ont voulu faire évoluer la situation et proposer des orientations adaptées aux problèmes à résoudre. Le rapport du comité de consultation, daté de décembre 1995, nous apparaît très consistant et pertinent. Il constitue une base solide de connaissances et de recommandations pour procéder à l'élaboration d'un projet de loi. Il s'agit d'un travail de premier ordre, et enrichi par les expériences vécues à l'extérieur du Québec et par de multiples consultations de personnes et de groupes concernés par cette problématique.

Nos déceptions. D'une part, nous avons devant nous un avant-projet de loi qui nous confronte à des applications douteuses, comme si la connaissance des problèmes à résoudre était déficiente et comme si les moyens de se soustraire à la loi étaient des intérêts prépondérants. Nous comprenons donc que le gouvernement, au lieu de tenir ses engagements, a choisi d'effectuer un virage ambigu qui ne protège pas le droit des salariés mais qui vise plutôt à faciliter l'exclusion des entreprises. Considérant la multiplicité des problèmes soulevés par le libellé de l'avant-projet de loi sur l'équité salariale, nous traiterons d'aspects globaux et fondamentaux, mais nous préciserons nos commentaires concernant les articles 73, 76 et 77.

Avant tout, nous constatons l'incohérence du gouvernement à composer avec son rôle d'employeur et son rôle de législateur. Nous avons compris l'objectif du gouvernement législateur d'exclure de la portée de la loi le gouvernement employeur. Il nous apparaît qu'il lui est facile d'être juge et partie et de s'exclure des obligations de la loi en prétendant que ses travaux de relativité salariale, entrepris dans le cadre de ses négociations avec ses salariés, lui ont permis d'atteindre l'équité salariale.

(20 h 20)

Également, les travailleuses des entreprises de moins de 10 employés sont particulièrement vulnérables. Cet avant-projet de loi illustre et légalise cette situation en les excluant, car il y a là énormément de possibilités d'intimidation et l'actuel article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne ne leur est pas accessible. L'équité salariale est un droit qui doit être respecté. Le droit n'a pas à être négocié. Cet avant-projet de loi fait oublier que l'équité salariale est un droit. Il la dénature pour en faire une illusion de protection pour les droits des personnes. Nous constatons que l'exclusion quasi automatique de tout le secteur public et parapublic entraîne également l'exclusion potentielle de l'ensemble du secteur privé.

Nous constatons l'absence de définition des notions fondamentales de la loi et que seul le gouvernement, comme employeur, est clairement défini au chapitre XI, là où il prévoit son exclusion. Nous constatons que les comités d'équité deviendront, à toutes fins pratiques, des instruments patronaux pour réduire le rapport de force des salariés et imposer ses prérogatives en cours de processus.

Alors, concernant l'article 76. L'article 76, tel que rédigé, réduit considérablement la portée de la loi, car il suffirait, pour l'employeur, de transmettre l'information sur: l'identification des catégories d'emplois et une indication de la proportion de femmes dans chacune de ces catégories; la description de la méthode et des outils d'évaluation des catégories d'emplois retenues et l'élaboration d'une démarche d'évaluation; le mode d'estimation des écarts salariaux. L'article 76 ne fait pas obligation à l'employeur d'effectuer les correctifs qui ont été identifiés par le calcul des écarts salariaux entre les femmes et les hommes. En d'autres mots, il suffirait que, sur papier, l'employeur ait procédé aux trois étapes identifiées précédemment pour qu'un programme soit réputé établi conformément à la loi.

Quand aux exigences posées dans le cadre d'un programme d'équité salariale ou de relativité salariale en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi, elles sont encore différentes et encore plus diluées. En effet, l'employeur n'aura qu'à respecter l'une ou l'autre des deux conditions suivantes pour s'acquitter des obligations de la loi, soit: le programme est complété pour au moins 50 % des catégories d'emplois à prédominance féminine en cause, et l'évaluation des catégories d'emplois est débutée. Nous sommes devant l'obligation de constater que, d'une part, l'avant-projet de loi conclut qu'il est suffisant de donner des informations sur le programme d'équité salariale ou de relativité salariale pour se conformer à la loi, et, d'autre part, il stipule que les travaux d'élaboration du programme d'équité salariale commencés avant l'entrée en vigueur de la loi, même incomplets, satisfont les exigences de la loi. Où se trouve l'exigence de la réalisation complète du programme pour se conformer à la loi? Qu'en est-il des exigences de l'article 23, qui traite, au troisième paragraphe, du calcul des ajustements salariaux, et, au quatrième paragraphe, des modalités de versement de ces ajustements salariaux?

Nous constatons également que les sanctions prévues à l'article 73 sont tellement minimes qu'elles seront facilement préférables à l'obligation de se conformer à la loi. Nous constatons que cet avant-projet de loi ne responsabilise personne, mais il semble vouloir s'adresser à la bonne foi de tous les employeurs en regard de l'objectif de la loi. Nous constatons qu'aucun outil validé ne sera mis à la disposition des entreprises pour leur permettre de franchir les différentes étapes d'évaluation et de comparaison afin d'établir les écarts à combler. Nous constatons qu'aucune mesure n'est prévue pour que la Commission puisse intervenir comme tierce partie neutre afin de soutenir, entre autres, les salariés non syndiqués ou les entreprises qui pourraient demander du soutien.

Nous constatons aussi que nous ne sommes pas face à une loi proactive en équité salariale, c'est-à-dire qui interviendrait pour résoudre les iniquités et éviter qu'elles ne se reproduisent. Une telle loi, digne de ce nom, utiliserait la responsabilisation des employeurs et des salariés de tout le Québec en leur permettant de s'assurer les uns et les autres que les rémunérations qu'ils donnent ou reçoivent sont exemptes de discrimination basée sur le sexe. Les employeurs et les salariés doivent pouvoir obtenir cette condition avec cette loi et sa réglementation.

Quand nous connaissons le discours gouvernemental sur la nécessité de collaboration, de travaux paritaires, du partenariat, nous saisissons la discordance importante de cet avant-projet de loi à l'égard des salariés. La souplesse que nous espérions est devenue une mollesse dangereuse pour le droit des salariées à un salaire égal pour un travail équivalent. De plus, la réglementation est laissée à l'entière discrétion de la Commission des normes du travail, sans balises et sans aucune obligation de consultation.

Finalement, la Commission des normes du travail, nommée responsable de l'application de l'éventuelle loi, ne nous apparaît pas un bon choix. Cette Commission n'a pas d'expertise en discrimination sexuelle ayant des effets sur les salaires. Sa structure et sa culture organisationnelle sont au service de toute autre mission que la défense des droits fondamentaux inscrits dans la Charte québécoise.

Nous voulions une commission d'équité salariale indépendante car elle est fondamentale en regard aux objectifs, à la neutralité et à la tradition d'expertise. Nous réitérons cette volonté. Nous savons que la confiance des femmes salariées a été sérieusement ébranlée par le contenu de cet avant-projet de loi. Aussi, nous croyons que la sensibilisation des législateurs et des employeurs concernant la nécessité sociale de cette loi est une responsabilité partagée entre le gouvernement et les groupes concernés. Au même titre que la loi sur les pensions alimentaires, cette loi permettra une meilleure santé collective au Québec, tant sociale qu'économique.

En conclusion, nous formulons quatre recommandations: que soient reprises la réflexion et la rédaction d'un projet de loi sur la base du rapport du comité de consultation en regard à la loi proactive sur l'équité salariale, avec les définitions et les recommandations des expertes en matière d'équité salariale; que le nouveau projet de loi ait une portée universelle et s'applique à toutes les salariées et tous les salariés du Québec, donc à toutes les entreprises, peu importe le nombre d'employés; qu'une consultation suive cet exercice de rédaction auprès des groupes et des personnes déjà consultées sur les orientations et les principes de la loi; que le processus d'adoption de la loi soit complété avant la fin de la session de juin 1996. Merci.

Le Président (M. Deslières): Merci, Mme Poulin, pour cette présentation. Nous en sommes donc à la période d'échanges. Alors, j'inviterais donc Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, et responsable de la Condition féminine et députée de Hochelaga-Maisonneuve à poser ses questions.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme Poulin. Mme Leduc, qui êtes conseillère au dossier des femmes, je crois, au Syndicat de professionnels du gouvernement, on me fait valoir que vous avez déjà siégé avec Mme Busque, au Conseil canadien sur la situation de la femme.

Mme Leduc (Lorraine): Avec plaisir, oui.

Mme Harel: Et bienvenue, Mme Milette. On a eu l'occasion de profiter de votre expérience puis de vos connaissances hier. Est-ce que vous étiez déjà venue auparavant en commission parlementaire, ou si, en deux jours, c'est la deuxième fois?

Mme Milette (Claire): Oui, je suis en pleine acquisition d'expérience...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Milette (Claire): ...active, je dirais, puisque j'ai déjà été une spectatrice, assez fréquemment, quand même, sur les commissions, au moment de la révision de la loi de la santé et des services sociaux, entre autres, là où je travaille.

Mme Harel: Alors, Mme Poulin, Mme Milette a dû – peut-être, ou peut-être pas aussi – vous parler de nos préoccupations, notamment celles qui concernent la comparaison avec l'Ontario. Alors, vous semblez être assez élogieuse sur le système ontarien. Là, on ne sait plus qui est en avance ou qui est en retard, avec les modifications qui ont été introduites. Cependant, vous savez que le système ontarien, dans les faits, faisait obligation aux entreprises de 100 employés et plus de se munir, de se doter d'un programme d'équité salariale. D'autre part, vous lancez comme une accusation d'exclusion, puis j'aimerais vous entendre là-dessus. J'avais d'ailleurs posé la question, hier, à la Coalition: Comment vous expliquez que vous considérez comme une exclusion ce que la Commission des droits de la personne, qui a une longue expertise, ce que le comité de consultation, le conseil d'expertes dont vous faites l'éloge également considèrent comme étant à portée universelle étant donné les difficultés concrètes, techniquement parlant, d'appliquer ça à des entreprises de 10 employés et moins?

Mme Poulin (Martine): Je pense que c'est un principe qui doit être retenu au niveau de la Loi sur l'équité salariale. Je pense que c'est possible d'inclure les employés dans les entreprises où il y a moins de 10 employés. Je crois qu'il est possible d'avoir des méthodes, peut-être des outils qui sont souples et des comparaisons externes qui pourraient faire en sorte, justement, d'appliquer la Loi sur l'équité salariale dans ces entreprises-là. Il y a une possibilité aussi: je pense que, même dans les entreprises de 20 à 50 employés, ils ne sont pas non plus exempts du fait qu'il n'y a pas de comparaison possible s'il y a des ghettos féminins dans ces entreprises-là. Je pense que c'est possible de trouver des outils, des méthodes, des façons de faire pour faire en sorte, justement, de ne pas exclure... On dit dans notre mémoire: C'est le quart des femmes qui travaillent dans les entreprises de 10 employés et moins. Il y a probablement des méthodes, des façons de faire qui font en sorte de ne pas les exclure, et ce serait très important de pouvoir les considérer. Je pense que, Claire, tu voulais rajouter quelque chose.

Mme Harel: Bien, écoutez, j'aimerais bien vous entendre sur les façons de faire, parce que les expertes consultées disaient trouver ça difficile à opérationaliser. Ça a l'air d'être facile, alors, expliquez-nous comment vous procéderiez.

(20 h 30)

Mme Milette (Claire): On n'a jamais déclaré que c'était facile. On en sait quelque chose, nous, que c'est difficile de réaliser l'équité salariale. Il y a des possibilités dans le sens où ces petites entreprises – et il y en a une foule au Québec – peuvent se regrouper sous différents chapeaux, je dirais, de secteurs d'activité qui se ressemblent. Et il y a des outils qui ont déjà été développés, de comparaison pour des emplois semblables. Il s'agit de regarder si les équivalences entre ces emplois-là tiennent et d'appliquer une règle. C'est certain qu'on ne prétend pas qu'il y a une règle qui va régler les problèmes de tout le monde d'une façon extraordinaire. Je pense que, si on se donne la peine de regarder de près quels sont ces secteurs d'emploi qui sont dans des très petites entreprises, on est capable de trouver des comparables et de faire des correctifs.

Si on est pour demander à chacun des employeurs de deux employés de procéder à l'équité salariale avec un long et lourd processus coûteux en termes d'énergie et d'argent, on s'en va à la faillite de notre objectif. Je pense qu'on peut s'adapter. Moi, je suis contre le fait de partir avec des objections techniques quand on parle d'un principe d'une grande orientation qu'on se donne comme société. C'est ce qu'on a fait valoir quand on est allé discuter avec le comité des expertes. On établit le principe et, après, on tente de trouver des solutions. Mais là c'est un petit peu l'inverse qui s'est produit et c'est un petit peu décevant de voir comment ç'a été évacué.

Je sais qu'en Ontario les entreprises plus petites ne sont pas couvertes par la loi, mais ils s'en venaient bien. Ce n'était pas exclu qu'ils se rendent jusqu'à la très petite entreprise, même s'il y en avait moins qu'au Québec. Alors, je pense qu'il y a des efforts à faire.

C'est le principe de protection. Dans mon esprit à moi, si on exclut les femmes qui travaillent dans les très petites entreprises, on exclut les personnes qui sont les plus susceptibles d'être déstabilisées dans leurs gains. On s'en va avec deux classes de femmes au travail: celles qui sont protégées et celles qui ne le sont pas. Et quand on me dit que la loi, que la Charte des droits continuerait de les couvrir, bien, il faut se rappeler qu'actuellement la Charte des droits, on dit d'elle qu'elle est inefficace même quand on a de gros moyens de défense. Alors, quand on est un individu devant un employeur et qu'on a à défendre un droit, je pense qu'on est bien démuni. Voilà.

Mme Harel: Dans le langage populaire, il y a des sentences qui parviennent souvent, en peu de mots, à bien camper des situations. Il y a une de ces sentences qui dit que «l'enfer est pavé de bonnes intentions» et une autre qui dit que «le mieux est l'ennemi du bien».

Je vous écoutais, puis je me disais: en même temps qu'il est souhaitable que le principe qu'on retrouve dans la Charte, qui, lui, est un principe universel qui va demeurer – c'est le principe: À travail équivalent, salaire égal – en pratique, comment est-ce que les choses peuvent se réaliser? Je vous jure, en tout cas, qu'après quelques années dans le Parlement vous finissez par comprendre que le moyen, la méthode, la façon d'arriver à réaliser un principe est quasi aussi importante que le principe, parce qu'elle peut donner l'effet exactement inverse de celui qui est recherché. Et je ne sais pas dans quelle mesure – comment vous dire – c'est raisonnable de penser que...

Je vous écoutais parler des entreprises, comme si les entreprises, bon... En fait, de quoi s'agit-il? Il s'agit de milliers, n'est-ce pas? De milliers. Il y a 35 000 entreprises au Québec qui ont une masse salariale de plus de 250 000 $ sur 170 000 entreprises. Ça veut dire qu'il y en a au-delà de 125 000 qui ont moins de 10 employés. Ce sont de toutes petites entreprises qui n'ont pas, la plupart du temps, même un patron à plein temps, là. Il travaille souvent de la même façon, sinon même en apportant ses sandwiches, de la même manière. Alors, c'est comme s'il y avait des gens qui avaient le temps d'aller dans des réunions, puis de faire des plans stratégiques, et puis... Il faut peut-être leur simplifier la vie avec une façon de faire qui soit plus simple, comme celle des normes du travail ou celle du salaire minimum.

Mme Milette (Claire): «Comme celle», ça veut dire en ajoutant...

Mme Harel: Oui.

Mme Milette (Claire): ...à celles du salaire minimum, à celles des normes, des mesures d'équité salariale que les entreprises devront respecter. C'est ce que vous me dites?

Mme Harel: Et pourquoi pas?

Mme Milette (Claire): Bien, écoutez, c'est de cet ordre-là quand, moi, je disais: Il faut s'adapter à ces très petites entreprises qui sont nombreuses au Québec. Si vous avez une suggestion précise du comment on pourrait faire ça, je serais la première à vous supporter.

Mme Harel: N'oubliez pas qu'on est devant une loi d'application. Si on assujettissait les entreprises de 10 et moins, c'est tout le processus que l'on prévoit au chapitre XI.

Mme Milette (Claire): Mais si on avait une loi qui notait que toutes les femmes sont protégées par différentes mesures, dont celle dont vous parlez, pourquoi on ne l'inscrirait pas dans la loi, pour couvrir l'ensemble des femmes du Québec au travail? Moi, c'est ça mon attente. Nous autres, c'est ça qu'on dit. Il ne faut pas faire deux classes de femmes: celles qui ont une protection légale et les autres qui auraient une protection normative. Ce n'est pas pareil quand on y pense, là.

Mme Harel: Mais le normatif ne peut pas être pareil non plus, parce que, si on veut uniformiser le normatif de la grande grande à la petite petite entreprise, là je vous dis que c'est rechercher quasi l'inaccessible. Le normatif, là, doit être modulé, doit s'adapter à des réalités qui ne sont pas les mêmes.

Mme Milette (Claire): Voilà. On est d'accord là-dessus.

Mme Poulin (Martine): Mais on ne sait pas nécessairement les besoins des petites entreprises non plus dans tout leur système de rémunération. On sait qu'elles n'ont pas de système de rémunération, même les entreprises qui ont plus de 10 employés. Il y a seulement, peut-être, les grosses entreprises qui ont vraiment un système de rémunération qui savent réellement comment rémunérer.

Alors, peut-être qu'on pourrait mettre en place ou trouver des moyens, justement, pour les aider, faciliter l'établissement des salaires dans leur entreprise. Sûrement qu'on peut, même pour les entreprises de plus de 10 employés, trouver des mécanismes qui sont peut-être plus souples et faire en sorte justement qu'on les aide à ce qu'elles aient une rémunération qui soit plus juste, qu'on les aide justement à savoir comment rémunérer leurs employés; ce serait équitable.

Mme Harel: Ah, là, vous savez qu'on ouvre un grand débat! Est-ce que c'est une loi sur l'équité ou bien si, incidemment, à l'occasion de l'équité, on va obliger toutes les entreprises à se donner une politique de rémunération? Il semble qu'il y ait 70 % des entreprises qui n'ont pas une politique formelle de rémunération. Elles paient leurs gens, c'est bien évident, mais il n'y a pas une politique formelle. Justement, c'est se donner cette politique formelle qui heurte et qui rentre en collision avec la façon de faire parce que, là, elles vont être obligées d'engager des firmes pour le faire, puis c'est là où ça coûte cher.

Alors, est-ce qu'on peut arriver autrement qu'en mettant trop d'argent dans les firmes et autres... En tout cas, ça semble qu'il y a de l'argent à faire pour les conseillers en relations industrielles. Ce n'est pas ça, notre objectif. Notre objectif, ce n'est pas de mettre un processus en place, c'est d'avoir des résultats.

Mme Milette (Claire): Oui. Je pense que c'est un des grands pièges à éviter. Évidemment que les firmes voient là une mine d'or, c'est certain, mais, moi, je dis que, ça aussi, on peut l'assouplir de façon à équiper les entreprises, à rendre disponibles des outils. Et je pense qu'il y en a qui ont déjà été utilisés, qui ont fait leurs preuves, et il y en a d'autres qui mériteraient d'être montés, d'être validés à leur tour. Une banque d'outils pour réaliser au Québec l'équité salariale, c'est faisable.

Mme Harel: C'est une bonne idée, ça.

Mme Milette (Claire): Et ce serait bien moins coûteux que d'aller à la pièce consulter des firmes qui prendraient possiblement l'argent qui devrait revenir à la compensation qui, déjà, est très importante et qui est nécessitée.

Mme Harel: Ça m'apparaît une bonne idée. Mais pourquoi s'opposer à ce que ce soit la Commission des normes, par exemple, qui monte cette banque d'outils, comme vous dites bien, là?

Mme Milette (Claire): Je suis inquiète par rapport à la Commission des normes.

(20 h 40)

Le Président (M. Deslières): Je m'excuse, je vous inviterais à une réponse brève.

Mme Harel: Excusez.

Le Président (M. Deslières): Ça va, allez-y.

Mme Milette (Claire): O.K. Alors, on l'a expliqué dans notre mémoire un peu ce qu'on pense de la Commission des normes. Je vais vous ramener à ce que M. Dufour a dit hier. Et quand il a parlé, dans ma tête, ça résonnait: La Commission des normes appartient aux employeurs du Québec. C'est dommage, mais c'est une fonction que la Commission des normes joue au Québec. Elle est financée par les employeurs du Québec. Moi et bien d'autres, on a de la difficulté à identifier que ce serait un organisme dont on attend la neutralité. Ça, c'est l'argument majeur. Il y en a d'autres. Je ne crois pas qu'ils aient l'expertise que je qualifie d'historique par rapport à la défense des droits des personnes. Ce n'est pas la même chose que de défendre des normes du travail; on n'est pas au même niveau. C'est des droits aussi, mais ce n'est pas le même niveau de droits. Et je pense qu'il y a une expertise, là, qui est déjà démarrée au Québec, qu'on doit recycler et réutiliser, puis se renforcer avec ça.

Mme Poulin (Martine): Le SPGQ a aussi dénoncé un peu les pratiques de gestion des ressources humaines, la dernière année, là, au niveau de la Commission des normes du travail, et aussi tout le changement de cap au niveau de sa mission fondamentale, alors, de protéger les salariés qui sont régis en vertu de la loi sur les normes. Alors, nous aussi, ça nous inquiète par rapport à leur pouvoir de réellement mettre en place un véritable processus d'équité salariale au Québec.

Le Président (M. Deslières): Alors, merci. À ce moment-ci, j'inviterais donc Mme la députée de Saint-François et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi et d'équité salariale à poser ses questions.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Merci, mesdames, pour la présentation de votre mémoire. Il y a une chose qu'on constate depuis le début, c'est que nous sommes tous d'accord pour une loi sur l'équité salariale, mais on semble loin d'être en accord sur le projet de loi actuel. Au contraire, je pense que l'avant-projet de loi a réussi à mécontenter à peu près tout le monde. Donc, dans les circonstances, il faut essayer de trouver des solutions.

La première question que je vous poserais, c'est: Si le gouvernement avait proposé un projet de loi qui avait suivi les recommandations du comité d'experts qui avait été mis en place par l'ex-ministre à la Condition féminine, est-ce qu'à ce moment-là vous auriez été plutôt d'accord?

Mme Milette (Claire): On aurait probablement eu des commentaires à faire, on en a toujours. Ha, ha, ha! On aurait eu des commentaires, par exemple, concernant le concept d'universalité, où je sais qu'on ne couvre pas non plus les très petites entreprises de 10 employés et moins. Il y aurait eu peut-être aussi d'autres commentaires concernant les comités d'équité à l'intérieur des entreprises. Il y a des formalités, enfin, qui nous satisfaisaient moins.

On aurait voulu, par exemple, que les employés non syndiqués aient un recours, aient une façon d'être représentés et de façon reconnue par la loi. Enfin, ce genre de commentaire là. Je pense qu'on aurait probablement eu des commentaires comme on a eu des commentaires lors de la présentation des orientations et des principes. Mais, essentiellement, les connaissances qui sont à la base de ce document, les définitions des concepts et beaucoup d'éléments structurels sont intéressants et je pense que, d'emblée, ça correspond pour nous à une très bonne base de départ pour travailler un projet de loi.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Plusieurs groupes nous ont parlé de la loi ontarienne et, pour certains, nous ont même vanté les mérites de la loi ontarienne. Pour vous, est-ce que l'équivalent de cette loi ontarienne serait satisfaisant?

Mme Milette (Claire): Serait?

Mme Gagnon-Tremblay: Serait satisfaisant ou si ça ne va pas assez loin?

Mme Milette (Claire): La loi ontarienne avait besoin continuellement d'être révisée. Je pense que ça s'est fait à travers les différentes périodes. Entre son adoption et l'application, les débuts des travaux de correction, ça a pris quand même un certain temps. Et, à l'usage, elle s'est bonifiée, elle s'est aussi étendue dans les plus petites entreprises. Ça a été progressif. En même temps s'effectuait une excellente formation populaire, autant que dans les milieux de travail. Alors, ça, c'est irréversible, je dirais, comme mouvement social, comme évolution, et il doit y avoir, actuellement, beaucoup de déception, en Ontario, de voir que tout ça s'écroule alors que c'était prometteur.

Mais ce qui est remarquable, en Ontario, c'est l'élan qui a été donné par le gouvernement pour susciter l'intérêt, pour susciter la formation des gens, la compréhension des divers concepts et puis l'intégration de tout ça dans une structure qui est quand même difficile à faire bouger, parce que c'est énorme. On a entendu parler de personnes qui ont vécu tout ce processus, on a rencontré des gens de l'Ontario qui sont venus. Ce n'était pas le paradis par rapport à l'équité, c'était une démarche qui était démarrée et qui luttait contre des injustices faites aux femmes. C'était très clair que c'était dans ça que ça s'inscrivait et il y avait énormément d'éléments critiques, en Ontario, par rapport à la loi, mais, toujours, il y avait des possibilités de se faire entendre pour bonifier et je pense qu'ils étaient sur la bonne voie. Socialement, en tout cas, c'était assez remarquable.

Mme Gagnon-Tremblay: On a parlé beaucoup des frais, des coûts administratifs. Dans certains cas, ça semblait exorbitant; dans d'autres, un peu moins. Ce qu'on semble avoir ici, c'est à peu près de l'ordre de 322 000 000 $. Par contre, après-midi, on nous parlait, un groupe nous faisait valoir que ça pouvait équivaloir à peu près à 2 % de la masse salariale, ce qui est quand même énorme. Donc, dans les circonstances, je me demandais: Est-ce que, par exemple, il y aurait possibilité de développer ce qu'on appelle une grille ou un modèle type, de sorte qu'on n'ait pas, dans chacune des entreprises, surtout des plus petites entreprises, à développer des outils d'évaluation ou des comparables? Est-ce que vous croyez que ça peut se faire et que ça peut s'appliquer à l'ensemble des entreprises?

Si, par exemple, on avait une commission ou un organisme qui se penchait là-dessus et qui pouvait déjà, avec des personnes qui ont expérimenté certains modèles – parce qu'on sait qu'à peu près même tous les syndicats ont travaillé ensemble, en collaboration, et il y a des experts, il n'y en a pas des tonnes, je pense qu'il y a des expertes et des experts, mais on n'en retrouve pas à la tonne – est-ce que, dans les circonstances, un modèle plutôt unique pourrait satisfaire l'ensemble des entreprises du Québec ou bien si vous croyez que chaque entreprise doit absolument avoir son propre modèle et ses propres outils de développement, d'évaluation?

Mme Milette (Claire): Je pense que chaque entreprise doit trouver l'outil qui lui convient. Et il y a des outils – je le disais tantôt – qui ont été utilisés, qui ont fait leurs preuves dans telle entreprise par rapport à tels emplois. Et, ça, évidemment qu'on peut constituer une banque de ressources, de moyens pour procéder à l'étude des équivalences en emploi, mais je ne crois pas qu'un outil unique réglerait ces problèmes-là. Et ce serait, encore là, un obstacle important à l'application.

On ne peut pas traiter toutes les entreprises comme une grande entreprise. Puis on ne peut pas traiter les très grandes entreprises comme si elles étaient des petites. Alors, qu'est-ce qu'on va faire? On a des réalités différentes dans les milieux de travail. Et il ne s'agit pas d'aller dire aux employeurs comment gérer leur entreprise. Il s'agit de dire: Assurez-vous, vous et vos employés, que les salaires sont équitables, ceux qu'on donne, ceux qu'on reçoit. Mais je pense qu'il faut associer les deux et faire disparaître au plus vite le clivage qui est en train de se dessiner entre patrons et travailleurs et travailleuses. Ce n'est évidemment pas la solution non plus. On est en train de se mettre des obstacles en ce moment même là. Ça, je l'ai très bien senti hier. Et c'est dangereux.

(20 h 50)

Mme Gagnon-Tremblay: On a discuté aussi – un groupe est venu, il nous a parlé un peu sur le modèle ontarien – de zones régionales. Il m'apparaît qu'il peut peut-être y avoir... Je ne sais pas, je trouve ça peut-être difficile, là, et je voulais avoir vos commentaires là-dessus. On a beau essayer, dans une région même, là, de voir qu'est-ce qu'on peut faire au niveau des entreprises, mais, par la suite, il faut être capable de pondérer, je ne sais pas, moi, avec l'indice de la richesse ou quoi que ce soit. À ce moment-là, ce n'est pas nécessairement uniforme, ce qui signifie que, par exemple, une technicienne, elle peut équivaloir, elle peut valoir la même valeur, sauf que, parce que c'est dans une telle région par rapport à une autre région, on ne la paie pas le même montant ou le même prix, on ne lui donne pas le même salaire.

Mme Milette (Claire): Si on disait qu'on évalue la valeur intrinsèque des emplois, je dirais qu'enseigner à Montréal et enseigner en Gaspésie, c'est la même fonction, ça a la même valeur intrinsèque. Là, on est en train de dire: l'équivalence des salaires dans une même entreprise. On est parti avec ça. On n'a pas exploré la possibilité de l'évaluation externe, mais je pense que, dans votre question, c'est un autre problème.

À l'intérieur d'une même région, à l'intérieur d'une même entreprise, c'est la comparaison interne qui vaut. Ça règle, à mon sens, de cette façon-là, la dimension que vous appelez régionale. Si la comparaison s'effectue à l'intérieur d'une entreprise, on n'a comme pas de problème avec les comparaisons régionales. Comprenez-vous?

Mme Gagnon-Tremblay: D'accord, oui. Oui, je comprends.

Mme Milette (Claire): On le règle, le problème, puisque c'est à l'intérieur de la même entreprise et les gens demeurent dans la même ville ou travaillent dans le même endroit.

Mme Gagnon-Tremblay: Une dernière question. Dans votre mémoire, vous dites, à la page 3: «Telle que libellée, si elle était adoptée, nous croyons que cette loi deviendrait en peu de temps un piège pour les femmes et les hommes salariés oeuvrant à des emplois à prédominance féminine.» Est-ce que vous pouvez m'expliquer qu'est-ce que...

Mme Milette (Claire): Les hommes viennent faire là-dedans? Ha, ha, ha!

Mme Gagnon-Tremblay: Non.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Gagnon-Tremblay: Non, parce que j'ai compris, à un moment donné... Au début, surtout lorsqu'on s'opposait aux coûts que ça pouvait équivaloir, je me disais: Mais c'est une loi, l'équité salariale... Moi, je souhaitais que ce soit pour les femmes et, finalement, on se rend compte, en bout de ligne, que ça peut aussi profiter à des hommes.

Mme Milette (Claire): Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Bon. On ne peut pas non plus les mettre de côté, ces pauvres...

Une voix: Ces pauvres petits!

Mme Gagnon-Tremblay: Cependant, ici, quand vous dites que ça peut être un piège, dans quel sens vous voyez que ça pourrait être un piège, à ce moment-là? Est-ce que vous pouvez m'expliquer qu'est-ce que vous voulez dire exactement par ce paragraphe?

Mme Milette (Claire): C'est à cause du libellé de l'avant-projet de loi. Je pense qu'on l'a expliqué, l'avant-projet de loi ne nous satisfait pas parce qu'on ne retrouve pas suffisamment de garanties qu'il va y avoir des solutions d'apportées aux problèmes d'équité salariale. Donc, on a des concepts qui sont flous, on a une association, on en a parlé hier, de deux concepts qui, à notre sens, n'ont rien à voir ensemble, soit l'équité et la relativité salariale. Bon, je ne reviendrai pas là-dessus, on en a largement parlé. Mais surtout parce que, une fois entrées dans le processus, les femmes échappent à toute autre mesure de protection: on suspend la loi, on suspend l'article de la Charte. Bon. On a une valeur de rechange qui, à notre sens, n'est pas... On ne gagne pas au change, autrement dit.

C'est difficile de croire que, tel que libellé, cet avant-projet de loi apporte une solution au problème d'équité salariale des femmes. C'est ça qu'on veut dire. Parce qu'on y voit des lacunes importantes, à commencer par les concepts de base, et puis, quand on dit qu'il suffit à des employeurs, pour être reconnus conformes à la loi, d'écrire un plan, nous, on dit: Ils devraient être reconnus conformes quand ils ont réalisé le plan de A à Z. Là, on met l'étampe, vous avez été conformes à ce qu'on attendait. Ça devrait être très clair.

Mme Gagnon-Tremblay: D'accord. Merci beaucoup, mesdames.

Le Président (M. Deslières): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Juste pour faire suite aux commentaires, aux questions de ma collègue, le langage utilisé dans plusieurs mémoires est très coloré. La CSN la décrit, cette loi-là, comme une loi méprisante pour des femmes. Là, vous dites que c'est un piège, que ça peut devenir un piège. Est-ce que, selon vous, il est possible de bonifier cet avant-projet de loi pour que ça ne devienne pas un piège ou est-ce qu'il faut recommencer de zéro, selon vous?

Mme Milette (Claire): Le travail est très exigeant, celui qui reste à faire. Je pense qu'on veut beaucoup solutionner le problème, puis ça fait longtemps qu'on le demande. Puis, nous, bien, ça fait longtemps qu'on aurait espéré avoir autre chose, quelque chose de plus facile que l'article de la Charte et les difficultés que ça a apportées dans le fonctionnement au SPGQ.

Bonifier l'avant-projet de loi? Bien, je dirais: pourquoi pas le recommencer? Parce que la base, il faut qu'elle soit drôlement solide. On a aussi, je dirais, des étapes. On est prêts à considérer que ça pourrait prendre un petit peu plus de temps que juin 1996. O.K., on n'est pas déraisonnables là-dessus. On comprend qu'il y a tout un apprentissage à faire et, nous-mêmes, on dit que c'est important que la population comprenne c'est quoi une loi en équité salariale et pourquoi elle est importante. On dit que les législateurs et les employeurs doivent aussi apprendre à composer avec cette réalité-là. On a une grosse correction à faire dans notre société et il faut s'y mettre, mais on ne tient absolument pas à ce que ce soit le clivage très important qui se dessine, là, entre les patrons et les employés. Ça ne doit pas devenir une lutte ou une guerre d'intérêts, parce que ce n'est pas ça.

Il y a des femmes qui sont victimes d'injustice au Québec, il y a des employeurs qui doivent faire face à une responsabilité qui est grave. Bien, on est tous prêts, je pense, à mettre l'épaule à la roue pour faire avancer les solutions. Mais l'avant-projet de loi, comme il a été... On ne comprend pas beaucoup pourquoi certaines choses se retrouvent dans l'avant-projet de loi. On vous avoue que ça nous a dépassés par rapport à certaines connaissances de la problématique. Je ne veux pas rentrer dans des détails plus que notre rapport, mais la connaissance de la problématique devrait nous amener à plus de vigilance, à un resserrement un peu plus fort. Pas parce qu'on pense que le monde est méchant, là, mais parce qu'on se dit qu'un bon contrat de mariage doit prévoir le pire. C'est à peu près ça.

Le Président (M. Deslières): Alors, je me dois d'arrêter les échanges à ce moment-ci, le temps étant terminé. Mmes Poulin, Leduc et Milette, nous vous remercions pour cette présentation et le dépôt de votre mémoire.

Mme Milette (Claire): Merci.

Le Président (M. Deslières): Alors, j'inviterais donc le prochain groupe à prendre place. On peut suspendre pour une minute ou deux.

(Suspension de la séance à 20 h 59)

(Reprise à 21 h 1)

Le Président (M. Gaulin): Je voudrais souhaiter la bienvenue au Syndicat de la fonction publique du Québec et, en particulier, à sa présidente, Mme Danielle-Maude Gosselin. Nous en sommes à la huitième rencontre aujourd'hui. Alors, si vous vouliez, Mme la présidente, nous présenter vos accompagnatrices.


Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ)

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Alors, à mon extrême gauche, à votre droite, Mme Monique Voisine, qui est conseillère au dossier des femmes au Syndicat de la fonction publique, Mme Jocelyne Houle, qui travaille au service de classification carrière et qui a travaillé pendant six ans au dossier des relativités salariales au SFPQ; à ma droite, à votre gauche, Mme Lise Dionne, du comité des femmes du Syndicat de la fonction publique.

Le Président (M. Gaulin): Nous vous écoutons, Mme la présidente.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Alors, j'ai beaucoup de sympathie pour vous. Le huitième groupe, ce n'est sûrement pas facile à cette heure-ci.

Le Président (M. Gaulin): C'est tellement intéressant.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Vous dire, dans un premier temps, que nous représentons 40 000 membres, dont 55 % de femmes qui oeuvrent dans les emplois traditionnels de femmes dans la fonction publique, que ce soit le secrétariat, le bureau, les renseignements, téléphonistes-réceptionnistes, agentes d'aide socioéconomique comme telles. Nous sommes très préoccupées par la question de la discrimination salariale. Vous dire que, depuis le début des années quatre-vingt, nous avons fait insérer dans nos conventions collectives des clauses visant à régler les problèmes de discrimination salariale dans la fonction publique. Nous avons travaillé aussi pour améliorer le sort des femmes par les congés pour études, les programmes d'accès à l'égalité et autres choses.

Nous avons entrepris, au début de 1990, une très longue opération de relativité salariale dans la fonction publique et nous croyons conséquemment, parce que nous avons travaillé sur 300 corps et classes d'emplois, être capables de vous faire part de ce que c'est qu'une expérience d'étude de relativité salariale assez complexe. Cette étude s'est terminée partiellement en novembre 1994. Elle se poursuit toujours pour une autre série de corps d'emplois.

Je vous dirais, en partant, que plusieurs se sont posé la question – et nécessairement j'ai eu des échos des déclarations, hier, du président du Conseil du patronat – à savoir si le salaire des femmes doit nécessairement se situer au même niveau que le salaire des hommes. Certains écarts peuvent persister à cause d'autres choses – les femmes travaillent souvent moins à cause de la double tâche et autres choses – mais on doit absolument faire en sorte d'éliminer tout ce qui est relatif à la discrimination qui est basée vraiment sur les ghettos d'emplois féminins. Ce n'est pas exact de penser que, parce que les femmes vont intégrer les métiers non traditionnels, le problème sera réglé. On aura toujours besoin de travailleuses dans la santé et de travailleuses dans le bureau. Conséquemment, à ce moment-là, il faut absolument régler les choses. Si l'équité salariale est toujours au coeur des revendications du mouvement des femmes, c'est parce que, malgré une charte des droits qui prévoit la notion de travail équivalent et de salaire égal depuis très longtemps, on n'a, en ce moment, aucun résultat tangible.

Nos préoccupations sont de deux ordres. Nous savons les problèmes que causera l'application de l'équité salariale pour les petites entreprises au Québec, notre structure d'entreprise étant profondément différente de celle de l'Ontario. Cependant, nous estimons qu'il est essentiel de trouver des façons de faire pour que l'équité salariale s'applique à toutes les travailleuses du Québec. Les méthodes pour y arriver peuvent être différentes – et je pourrai probablement échanger plus tard avec vous là-dessus – mais la loi se doit d'être d'une portée universelle. Autrement, on va perdre des choses pour beaucoup de Québécoises.

Nous voudrions aussi que l'organisme responsable soit une autorité indépendante, spécialisée et efficace. Nous sommes capables de comprendre que, pour des raisons, peut-être, d'ordre budgétaire, on a voulu donner ce mandat à la Commission des normes du travail. Nous sommes en profond désaccord avec cette recommandation parce que nous croyons qu'il y aura opposition entre les mandats et que le dossier de l'équité salariale risque d'en faire les frais. La Commission manque déjà de moyens, et tout ce dont on parle dans le projet de loi, c'est d'y ajouter certains experts. Alors, qu'est-ce qu'on sera tenté de traiter entre le cas de travailleuses ou de travailleurs qui n'ont pas le salaire minimum et l'application d'une mesure qui est plus complexe et qui est nouvelle? En ce sens, il risque d'y avoir opposition et que ce soit les dossiers d'équité salariale qui en fassent les frais. Nous avons aussi d'autres réserves sérieuses sur certains fonctionnements de la Commission des normes.

On aurait peut-être pu s'attendre à ce qu'on confie ce mandat à la Commission des droits de la personne. Mais, encore là, depuis plusieurs années, la Commission des droits de la personne est quasi dans l'impossibilité d'agir à cause d'un manque flagrant de ressources. Elle a aussi d'autres mandats reliés à la discrimination, et sa fusion avec la Commission de protection des droits de la jeunesse fait en sorte que, son mandat étant extrêmement élargi, il nous apparaît quasi impossible de lui confier ce mandat au moment où on se parle. Nous estimons que c'est un organisme d'autorité exclusive qui doit être mis en place pour régler les problèmes d'équité salariale. Vous rappeler aussi là-dessus que ça ne coûtera pas nécessairement plus cher si on en a une ferme volonté, parce que de le faire fonctionner avec les deux autres organismes non seulement serait imparfait mais demanderait l'ajout de ressources tellement importantes que vous n'aurez pas nécessairement d'économies d'échelle.

Nous sommes aussi étonnées que certains groupes puissent être exclus, notamment ceux qui ont réalisé des études de relativité salariale. Si les notions de relativité salariale et d'équité salariale comportent quelques similitudes, il n'en demeure pas moins que leurs fins sont différentes et que les résultats peuvent être aussi quelque peu différents. Je peux vous parler de la fonction publique, secteur hautement syndiqué, où nous avons tenté, pendant toutes ces années, de réaliser l'équité salariale. Si, effectivement, nous avons pu améliorer le sort de plusieurs de nos membres par une étude de relativité salariale, il n'en demeure pas moins que plusieurs des caractéristiques propres au travail des femmes n'ont pas été prises en compte lors de cette étude. J'ai d'ailleurs un document à vous déposer en addenda, plus technique, sur les problématiques que nous avons rencontrées.

Il faut absolument mettre en place un outil d'arbitrage. Vous savez, nous, on a fait une étude de relativité où l'employeur, le gouvernement du Québec, nous a imposé une méthode. Même si les conventions prévoyaient qu'on pouvait adapter les outils à la fonction publique, il n'y a pas eu d'adaptation. Ça a été: Vous le prenez ou il n'y en aura pas. Si cette méthode était probablement assez bien adaptée au travail dans le secteur des hôpitaux, elle ne correspondait pas du tout, pour certains facteurs, à la problématique propre à la fonction publique, à savoir la transmission d'informations, le renseignement important à donner, et ça donnait comme résultat qu'une téléphoniste-réceptionniste qui reçoit 300 appels par jour – je vous donne juste un exemple – pointait au facteur communication au même endroit qu'un ouvrier de voirie qui parle à son contremaître deux fois par jour. Alors, on ne peut sûrement pas dire qu'on a réalisé l'équité salariale. Pour nos agents d'aide socioéconomique, les personnes qui travaillent à l'aide sociale, on ne prenait à peu près pas en compte le fait que ces personnes travaillent dans une situation de stress avec des clientèles difficiles.

Conséquemment, quant à nous, il n'y a pas eu, donc, d'équité salariale, et toute étude devrait être refaite à cet effet-là. Il faudrait donc absolument qu'on distingue les deux questions d'équité et de relativité et que, de plus, toutes les entreprises et le gouvernement et le secteur parapublic soient soumis à la loi. C'est une tendance malheureuse du gouvernement du Québec de se soustraire partiellement à la loi lorsque son personnel est visé. Je pense notamment aux dispositions particulières de la Charte des droits en matière d'accès à l'égalité qui régissent la fonction publique du Québec. Il ne faudrait pas qu'on fasse la même chose pour les opérations d'équité salariale.

(21 h 10)

Nous avons aussi quelques questions subsidiaires. Dans le projet de loi, on parle d'un comité d'équité. Quant à nous, il a un rôle imprécis et une majorité féminine qui n'est pas assurée, parce que, si on fixe que la moitié des représentantes et représentants des employés doivent être des femmes, il n'y a pas de nombre fixé pour les représentants de l'employeur. Donc, on va se retrouver possiblement avec des comités où il y aura uniquement le tiers des femmes, et on sait pertinemment que les hommes n'ont pas souvent la même approche, la même sensibilité aux problèmes qu'on peut rencontrer en termes de marché du travail et de caractéristiques propres au travail féminin qu'on doit mettre en valeur.

Nous voudrions aussi que la loi proactive spécifie dans un article le rôle exact du comité d'équité dans la mise en oeuvre de l'équité salariale et qu'elle inclue à ces fins ses fonctions, tâches et responsabilités. Il sera aussi important de mettre en place l'intervention d'un tiers compétent à toutes les étapes du processus. Dans la vaste opération de relativité salariale que nous avons vécue avec le gouvernement, là s'est situé le problème. À chaque fois où il y a eu mésentente, il a fallu faire en sorte, à un moment donné, de laisser tomber des choses parce que, sinon, il ne se réalisait rien. En termes de cotes, pour les personnes qui le savent, nous avons fait chacun nos devoirs. En comparant, à la fin du devoir, 30 % de nos cotes étaient similaires. Après rencontre, discussion, on est arrivé à 70 % de cotes similaires. À partir de ce moment-là, plus rien n'a bougé, et il n'y avait pas possibilité d'avoir une personne ou un groupe pour arbitrer le différend. Nous avons dû nous contenter de la proposition patronale, sans possibilité de faire arbitrer par un tiers, à savoir si les choses étaient justifiées ou pas. Et, en ce sens-là, s'il n'y a pas de tiers arbitre, imaginez, si ça s'est passé comme ça dans la fonction publique, ce que ça sera dans l'entreprise privée. Nous recommandons donc que les membres du comité d'équité puissent demander l'intervention d'un organisme responsable, indépendant, autonome et spécialisé à n'importe quelle étape de l'élaboration du programme d'équité lorsqu'il n'y a pas entente, afin de régler les difficultés, et ce, le plus rapidement possible.

Il est important, aussi, d'assurer la formation des personnes-ressources qui auront à travailler sur de tels dossiers. C'est complexe, c'est exact. Dans notre cas, nous avons dû recourir à 63 personnes-ressources – remarquez que c'était une immense opération, sur 40 000 personnes, là – plus, par la suite, 12 membres de comité d'évaluation. Nous avons dû, tout au long du processus, faire encadrer toutes ces personnes-là par du personnel spécialisé dans le domaine. Il est donc important que les gens puissent avoir ce qu'il faut en termes de formation, de suivi et d'encadrement.

En conclusion, je vous dirais qu'il est essentiel de mettre en place une loi de l'équité salariale au Québec, et nous nous insurgeons en faux contre les mesures qui ne seraient qu'incitatives, contre aussi les oiseaux de malheur qui, lorsqu'il y a eu une loi des normes minimales, lorsqu'il y a eu une loi de santé et sécurité, lorsqu'il y a eu la Charte de la langue française ou la Charte des droits et libertés, nous ont toujours prédit des conséquences cataclysmiques pour l'entreprise du Québec. Après toutes ces lois, l'entreprise du Québec est toujours là. Et, si effectivement l'enfer est pavé de bonnes intentions, qui n'avance pas recule. Et, conséquemment, je reprendrai les mots de M. Bouchard: Il faut oser, particulièrement dans ce dossier, qui est cher aux Québécoises.

Le Président (M. Gaulin): Mme la présidente, je vous remercie de votre présentation et j'invite la ministre à vous adresser la parole.

Mme Harel: Merci, Mme Gosselin, pour cette présentation. Vous aviez raison, non pas de penser qu'après huit présentations on pouvait, si vous voulez, être un peu oppressé, là...

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Merci.

Mme Harel: ...parce que chaque présentation est différente, mais je comprends qu'il y a une sorte de mise en commun qui s'est exprimée avec le mémoire de la Coalition et qui prend ensuite des colorations différentes, dépendamment de qui vient et qui est membre. Vous êtes membre de la Coalition également?

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Oui.

Mme Harel: J'écoutais à nouveau, ce soir, les arguments qui – ça ne vous fait pas injure, là – nous avaient déjà été présentés dans le cadre des mémoires qui le sont par des organismes membres de la Coalition, et je comprends qu'il y a une sorte d'insistance au fait que le gouvernement se soustrairait à la loi. Et c'est toujours présenté comme extrêmement préjudiciable, avec l'argument qu'il faille bien distinguer l'équité et la relativité salariale.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Oui.

Mme Harel: Bon, j'en conviens, qu'il faille distinguer, mais c'est difficile de conclure que l'exercice jusqu'à maintenant mené n'a rien donné, qu'il faudrait comme faire table rase et tout recommencer.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Non, non, non.

Mme Harel: Ah, ce n'est pas ce que vous proposez.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Il serait inexact de dire que l'exercice n'a rien donné. Il a amené des correctifs pour des corps d'emplois de femmes, mais il a amené des correctifs souvent partiels. Pas toujours, mais partiels à cause, notamment, d'une méthode peu adaptée à la réalité des fonctions bureau, des fonctions plus propres au travail féminin dans la fonction publique. S'il n'avait mené à rien, on n'aurait pas versé certaines rétroactivités salariales.

Mme Harel: Sauf que je constate que ça a quand même permis un redressement, cette année, de 371 000 000 $, dont 319 000 000 $ qui auraient été effectués pour des ajustements salariaux à 89 % de l'ensemble des personnes oeuvrant dans des titres d'emplois à prédominance féminine.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Ça, c'est pour l'ensemble des secteurs public et parapublic. Dans notre cas, c'est de l'ordre d'environ 35 000 000 $ par année. Effectivement, ce n'est pas rien, et je crois qu'on a pu rétablir certaines choses. Cependant, le danger était d'avoir dû, dans la fonction publique, utiliser une méthode qui n'était pas adaptée à la réalité de la fonction publique – première chose – et de ne pas avoir eu de possibilité d'arbitrage ou d'échange pour être capable, lorsqu'il y avait mésentente entre les parties sur une interprétation de facteur, par exemple, d'arriver à un règlement.

Mme Harel: Attendez que je vous suive bien. Vous dites que le premier argument que vous utilisiez était à l'effet que...

Mme Gosselin (Danielle-Maude): La méthode n'est pas adaptée à la réalité de la fonction publique.

Mme Harel: Oui, voilà. Mais quelle autre méthode l'aurait été mieux?

Mme Gosselin (Danielle-Maude): D'abord, c'est une méthode que nous avions qui était lourde. Remarquez que c'est comme n'importe quoi. Tout est perfectible à mesure que le temps passe. Cependant, c'est au niveau de la définition des facteurs. C'est une méthode qui ne prend pas en compte des choses qui sont considérées comme étant des évidences pour les femmes, la nécessité, par exemple, de tact et d'empathie pour les femmes qui travaillent, notamment, au niveau de la réception, du secrétariat. Ce n'est pas comptabilisé. Je donnais tout à l'heure l'exemple dans le facteur communications. C'est très technique, là, mais on distinguait le niveau de communications et leurs fréquences. Mais la fréquence n'était pas adaptée à la fonction publique. Par exemple, répondre trois fois par jour, ça cotait la même chose que de répondre 300 fois par jour. Vous comprendrez comme moi qu'il y a une différence. Et, ça, bien, qui répond souvent? Les téléphonistes, les agents de secrétariat. Quand on parle de faire de la médiation, l'outil de l'employeur disait que la médiation, c'était de niveau professionnel au niveau de ses exemples-cadres, alors qu'il s'en fait par les agentes de protection du consommateur, par exemple, entre le commerçant et le client. Alors, c'était de le pondérer. On n'a pas vraiment travaillé très fort sur la simultanéité des tâches, ce qui est aussi très propre au travail féminin. En termes de concentration, on a tenu compte...

Mme Harel: Attendez, attendez...

Mme Gosselin (Danielle-Maude): ...de la concentration, mais...

Mme Harel: C'est fort pertinent. C'est dans le document sur les caractéristiques propres au travail des femmes?

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Oui. On va vous déposer justement un addenda là-dessus, là.

Mme Harel: Ah, bien, je l'apprécierais si on pouvait l'avoir maintenant. Peut-être...

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Est-ce que tu peux y aller, Monique?

Mme Harel: ...le messager peut-il nous le faire distribuer? Je pense que ça peut être extrêmement intéressant. Je dois vous dire que vous êtes le premier organisme, là, qui nous décrit...

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Oui.

Mme Harel: ...en termes pratiques, concrets ce que ça peut signifier. La simultanéité, ça veut dire faire deux choses en même temps?

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Oui. Ce qui est très propre au travail des femmes dans le bureau.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: C'est fort intéressant. Et, ça, ça n'a pas été pris en compte, vous nous dites, dans l'exercice...

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Par la méthode...

Mme Harel: ...de relativité.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): De la fonction publique? Non. Et c'est pour ça qu'il faut des outils différents. On ne peut pas avoir un outil pour l'ensemble du Québec. Il faut avoir des outils qui sont adaptés à la réalité de l'entreprise pour tenir compte des caractéristiques qui sont communes dans une entreprise mais qui peuvent différer avec une autre. Autrement, on va se retrouver avec des outils extrêmement lourds et difficiles d'application.

(21 h 20)

De la même façon que, si le mieux est parfois l'ennemi du bien, nous suggérerions plutôt qu'une commission mette en place certains outils adaptés à différents secteurs pour ne pas forcer les entreprises. Ils vont peut-être être un petit peu imparfaits à des endroits, mais je pense qu'on pourrait bâtir des outils différents, là, dépendant du secteur d'activité, pour ne pas forcer les entreprises à ce travail extrêmement lourd et complexe, mais qui pourraient rendre meilleure justice.

Mme Harel: C'est intéressant, parce qu'on voit traduite de façon très, très concrète, tangible... Et, jusqu'à maintenant, je dois dire que les exemples ne nous avaient pas été apportés. Pourtant, la relativité a eu des effets vraiment positifs. J'avais les derniers chiffres. Ça s'est fait au début des années 1990, 1990-1991 essentiellement, je crois, hein?

Mme Gosselin (Danielle-Maude): 1990, 1991, 1992, 1993, 1994, 1995, 1996. On n'a pas terminé.

Mme Harel: Alors, ça fait six ans, finalement, que c'est entrepris. Mais le résultat, c'est que dans les secteurs publics le salaire moyen des femmes représente 86 % du salaire des hommes, et, dans le réseau de la santé et des services sociaux, le salaire moyen des femmes représente 97 %. Donc, il y a là, vraiment, un résultat probant, parce que vous voyez, au Québec, c'est 69,9 % en 1994. C'est donc dire que, dans le secteur privé, il faut que ce soit pas mal plus bas que ça pour que la moyenne soit celle-là avec les secteurs publics que l'on a. Donc, ça a donné des résultats, la relativité. Je vous le dis dans le sens où je n'en conclus pas pour autant qu'il ne faut pas aller plus loin. Mais j'en conclus que la relativité, là où il y a beaucoup à faire puis des étapes à franchir, peut quand même donner des résultats.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): C'est évident. On ne peut pas nier ça, que les relativités salariales vont donner des résultats. Mais elles pourraient en donner des meilleurs, parce que, même à ça, comme je vous dis, des relativités auraient pu déjà nous donner des meilleurs résultats – pas parfaits, sans doute – mais avec un outil mieux adapté.

Mme Harel: Et, si on introduisait l'article 24 de l'avant-projet de loi, lequel article porte sur le biais sexiste et se lit comme suit: «L'employeur doit s'assurer que chacun des éléments du programme d'équité, ainsi que leur application, sont exempts de préjugés sexistes.» Si on l'introduisait dans le cadre du dispositif aux articles 76 et suivants, dans le cadre, donc, du dispositif du chapitre XI tant controversé – de votre côté en tout cas – mais qui prévoit quand même une procédure pour que les programmes de relativité soient réputés conformes aux programmes d'équité.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): La lettre d'entente que nous avions, Mme Harel, prévoyait que nous utilisions une méthode réputée non discriminatoire au sens de la Charte des droits et non sexiste. C'est parce qu'il va falloir prévoir un groupe ou un organisme qui va arbitrer quand l'employeur... Et ce n'est pas nécessairement parce que c'est sexiste, c'est que ce sont des facteurs qui ne sont pas, effectivement, pris en compte ou nouveaux. Et, là, je vous donne ceux que, nous, on a développés à force de faire des études dans la fonction publique. Je suis sûre que, dans l'entreprise privée, dans l'industrie, on va en trouver à mesure qu'on va faire les recherches, parce que ce n'est quand même pas vieux, ce principe-là. Et on doit vraiment développer et s'assurer de vraiment prendre en compte l'ensemble des choses. Et ce n'est pas facile au début.

Mme Harel: Et qui serait ce tiers arbitre?

Mme Gosselin (Danielle-Maude): C'est l'organisme. Ce que nous recommandons, une commission sur l'équité salariale.

Mme Harel: Dans un contexte qui est celui que l'on connaît, de l'assainissement des finances publiques et...

Mme Gosselin (Danielle-Maude): La Loi sur l'équité salariale va concerner 50 % de la population du Québec, les femmes. On a bien des organismes pour bien des choses mais, de toute façon, si on veut vraiment que ce soit efficace et que ce ne soit pas une loi avec des mots, il va falloir, si on donnait ça à un autre organisme, mettre en place des ressources sérieuses. On risque d'avoir confusion ou confrontation dans les mandats si on confie ce dossier-là à la Commission des droits de la personne ou à la Commission des normes du travail. Conséquemment, nous croyons que ça va prendre un organisme indépendant. C'est sûr que ça coûte de l'argent, c'est sûr que les finances publiques nous préoccupent, mais il reste à savoir quels sont les choix politiques du gouvernement, parce qu'un gouvernement doit faire des choix. Et est-ce que ce n'est pas plus important que d'autres choses?

Mme Harel: En vous écoutant, je me disais: Si la méthodologie jusqu'à maintenant utilisée, qui est imparfaite, aura quand même permis, dans le secteur public, un salaire moyen des femmes à 86 % en appliquant les différents facteurs que vous décrivez avec la grille d'évaluation, je me dis que le processus, l'exercice va sans doute se terminer avec une rémunération, un écart à la baisse des hommes à l'égard du salaire moyen des femmes.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): À ce moment-là, ce serait, ce que je pense depuis longtemps, que notre travail est souvent plus important que celui des hommes. Mais, vous savez, le faible écart dans le secteur public est dû aussi beaucoup au fait que ce sont des secteurs très fortement syndiqués, et depuis longtemps, et auxquels, je pense, les comités des femmes, les organisations ont travaillé très fort au cours des 20 dernières années.

Mme Harel: Merci beaucoup, Mme Gosselin.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci, Mme la ministre. Je donne la parole à Mme la porte-parole de l'opposition.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci. Mme Gosselin, merci et bienvenue aux personnes qui vous accompagnent. J'ai une assez grande préoccupation quant à ces outils d'évaluation. Remarquez que j'ai été à même, lorsqu'on a créé, entre autres, les programmes d'accès à l'égalité et, par la suite, l'obligation contractuelle... J'ai suivi encore aussi de très près les relativités salariales au moment où j'étais au gouvernement, et, bon, je sais aussi toutes les difficultés qu'on a eues, à un moment donné, à s'entendre entre les différents syndicats pour en arriver à se donner ces outils. Et ça n'a pas été nécessairement facile, parce que chaque syndicat veut avoir ses propres outils ou a sa façon de développer des outils. Et, là, je me dis: Avec autant d'entreprises, il y a autant de syndicats, et, par contre, à l'intérieur d'une même entreprise, vous retrouvez plusieurs unités syndicales. Donc, je me dis: Comment on peut vraiment développer des outils qui vont convenir à tous ou à toutes sans avoir à en faire, naturellement, des griefs, parce que ce n'est pas nécessairement facile, je pense? Seulement à la libération syndicale, ça peut prendre parfois cinq, six mois avant de s'entendre uniquement là-dessus. Alors, là, il va falloir faire libérer pour la formation, pour développer des outils.

Alors, est-ce que, par exemple, il n'y aurait pas lieu d'avoir des outils qui pourraient s'adapter à certaines catégories d'entreprises – je comprends qu'il y en a des plus petites, il y en a des moyennes et des plus grandes – mais qui pourraient être développés, bien sûr, par des expertes ou des experts? Et ça ne vous exclut pas, parce qu'on sait très bien que les syndicats ont développé, au fil des ans, une expertise un peu exceptionnelle par rapport à l'ensemble de la population du Québec. Mais, si vous aviez cet organisme indépendant, mais qui développait des outils plutôt similaires ou communs, mais qui pourraient s'adapter, finalement, parce que, sans ça, on va passer combien de temps, combien d'années, même, je pense, moi, à essayer de développer des outils? Parce que je crains que, imaginez-vous, avec autant d'entreprises, autant de contestations au niveau de la boîte à outils à se donner... Et, ça, ça m'inquiète un peu. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Moi, je pense que l'organisme devrait développer des outils adaptés aux secteurs d'activité différents, que ce soit l'industrie lourde, l'industrie du vêtement, par exemple, et, bon, etc., la santé, qui pourraient être adaptés aux besoins, par la suite, par l'entreprise, parce qu'on peut faire comme un cadre général et, si nécessaire, l'adapter s'il y a des choses particulières, parce que, autrement, ce que je crains, c'est qu'effectivement il ne se fasse pas grand-chose dans certaines entreprises faute d'expertise et faute de volonté, également, d'arriver à un règlement. Je pense que des outils développés de façon neutre par l'organisme seraient sûrement intéressants, mais on pourrait quand même prévoir une marge d'adaptation, là, lorsque requis.

(21 h 30)

Mme Gagnon-Tremblay: Parce que je suis très préoccupée par les coûts aussi. Il ne faudrait pas que les coûts de mise en application ou d'évaluation, d'administration d'une telle loi soient supérieurs, finalement, à ce qu'on pourrait donner comme écarts salariaux, par la suite, comme ajustements. Et, finalement, certains groupes nous ont fait valoir des coûts assez faramineux, et je suis très préoccupée par ça, parce que je pense que c'est ce qui fait peur, aussi, à la majeure partie des entrepreneurs. J'ai constaté, au fil de nos rencontres, que ce n'est pas toujours le coût pour les ajustements qui leur fait peur, mais c'est davantage les coûts administratifs. Et, donc, il faut trouver une formule souple, il faut trouver quelque chose de moins rigide, et c'est ça, je pense, qui va peut-être être la complication en bout de ligne.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Et c'est pour ça que, si on développait de tels outils, on arriverait sûrement à simplifier le processus. C'est lourd au début pour les gens qui les créent, mais, par la suite, ça devient comme un automatisme. Mais je suis persuadée que Jocelyne pourrait peut-être ajouter là-dessus.

Mme Houle (Jocelyne): Une méthode d'évaluation... Il en existe plusieurs. Si on regarde des méthodes d'évaluation qui sont exemptes, entre parenthèses... parce que je ne connais pas de méthode d'évaluation qui est exempte de biais sexistes, parce que des méthodes d'évaluation, ce n'est jamais objectif à 100 %. Donc, la plupart des méthodes qui ont été utilisées dans les processus d'équité salariale se ressemblent, sauf qu'il y a des adaptations qui peuvent être faites dans certains facteurs ou certains sous-facteurs. Ce qui s'est passé dans la fonction publique, on a demandé des adaptations à une méthode qui a été utilisée dans le secteur de la santé. Dans le secteur de la santé, le contexte est très différent de celui de la fonction publique. Dans la fonction publique, on a des fonctions de renseignement, d'inspection, d'application des lois. C'est absolument complètement différent du secteur de la santé, et on a voulu en faire une méthode universelle. Quand on a demandé quelques ajustements pour tenir compte de certaines activités qui sont propres aux femmes de la fonction publique, on nous l'a refusé. Tantôt, vous parliez que ça nous a pris énormément de temps. Des fois, ça pouvait prendre six mois pour s'entendre sur des libérations syndicales, sauf que vous savez que, dans notre cas, on n'avait aucun recours. La seule chose qu'on pouvait faire, c'est négocier et sans avoir personne qui, à un moment donné, aurait pu trancher sur nos différends, ce qui aurait été beaucoup moins long dans tout le processus, qui a pris six ans puis qui n'est pas encore terminé.

Mme Gagnon-Tremblay: Au niveau de la formation, parce qu'on va devoir donner de la formation aussi parce que ce ne sont pas toutes les entreprises, loin de là, qui ont l'expertise, lorsqu'on parle de formation, si on avait cet organisme indépendant qui aurait suffisamment d'experts pour transmettre aux entreprises certains outils d'évaluation tout en ayant une certaine surveillance, croyez-vous qu'on serait obligé de former, à l'intérieur de cette même entreprise, des experts ou des spécialistes? Et est-ce que le comité dont on fait mention dans l'avant-projet de loi ne pourrait devenir tout simplement un comité de surveillance?

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Alors, pour ce qui est de la formation, il va falloir former les gens pour utiliser les outils, mais il ne faut pas y voir uniquement des désavantages. Ça peut aussi servir, dans les entreprises où vous n'avez pas de plan de classification, où les tâches sont un petit peu anarchiques, à établir et à structurer toute la question de la rémunération et aussi des tâches qui sont à effectuer dans l'entreprise, parce que vous pouvez profiter de cette opération-là pour le faire. Ça prend de la formation. Nous, on a vu que ça en prenait. Mais, évidemment, nous avions une opération très grande avec 300 corps et classes d'emplois. 40 000 personnes, ce n'est pas tous les jours qu'on rencontre ça. Alors, il faut former sur la méthode. Ça prend quelques jours, il faut faire un certain suivi. Alors, il va falloir que la commission mette certaines énergies, mais je me doute bien que, dans l'état actuel des restrictions budgétaires, il va se développer des firmes privées. Ça va être la voie de l'avenir en relations industrielles.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous avez parlé tout à l'heure de... Lorsque vous aviez élaboré tout le programme des relativités salariales au sein du gouvernement, vous en aviez fait finalement une demande au niveau des conventions collectives...

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: ...et, bon, ce sera un peu la même chose, j'imagine, au niveau de l'équité salariale, parce que, comme nous disait tout à l'heure un certain groupe, si l'assiette est de x, elle ne pourra pas être beaucoup plus, ou elle va quand même peut-être être un peu plus, mais elle ne pourra pas être énorme par rapport aux ajustements qu'ils vont devoir faire. Donc, il y a peut-être certaines autres choses qu'ils ne pourront pas donner la même année à l'intérieur d'une même convention collective. Alors qu'on sait très bien que, lorsqu'on a à négocier des conventions collectives, on est davantage face à un système de confrontation que de dialogue, pour l'équité salariale, moi, il m'apparaît qu'il va falloir absolument qu'on établisse un dialogue entre la partie patronale et le syndicat. Croyez-vous qu'on va être capable de mettre au-dessus de nos intérêts l'intérêt des femmes pour l'équité salariale et qu'on va être capable véritablement de passer à travers, qu'on va être capable de mettre nos intérêts particuliers de côté et qu'on va pouvoir y aller plus en fonction d'un dialogue que d'une confrontation?

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Si on a une loi qui a des dents, une loi importante, oui. Vous savez, je travaillais au Conseil du statut de la femme lorsqu'on a mis en place la Charte des droits. À l'époque, on ne parlait pas de travail équivalent à salaire égal, on parlait de travail égal à salaire égal. Moi, j'ai travaillé avec les femmes quand les femmes faisaient le même travail que l'homme à côté et qu'elles gagnaient 20 % et 30 % de moins. Et on disait que ça allait être épouvantable. Comment les entreprises allaient gérer ça? Que les hommes dans les syndicats – c'étaient beaucoup d'hommes à ce moment-là – allaient devoir accepter de perdre des bénéfices pour régler le reste... Mais ça s'est réglé parce qu'il y avait une loi et que, là, personne n'avait le choix et qu'il fallait réaliser «à travail égal, salaire égal». «Salaire égal, travail égal» comporte des limitations importantes, on le voit maintenant. Ça prend une loi qui va être aussi forte pour faire en sorte qu'on n'ait pas le choix. Vous savez, c'est un peu comme la loi sur l'ivresse au volant. C'est toujours non, non, non jusqu'au moment où l'obligation vient. Des fois, il faut que l'obligation précède la mentalité.

Mme Gagnon-Tremblay: La CEQ, dans son mémoire, souhaitait que le Conseil du trésor soit l'employeur compte tenu de l'éparpillement ou de la décentralisation, entre autres, des systèmes de santé et d'éducation. Est-ce que, pour vous, c'est aussi une recommandation que vous feriez?

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Pour tout le secteur public, parapublic?

Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Je pense que c'est souhaitable, même si ce n'est pas toujours l'employeur idéal.

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, je voudrais peut-être revenir au... Naturellement, c'est celui qui reçoit les commandes des finances et qui doit ficeler finalement...

Mme Gosselin (Danielle-Maude): C'est un rôle bien ingrat, Mme Gagnon-Tremblay, j'en conviens.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. J'avoue, pour être passée aussi rapidement... Je voudrais revenir aux petites entreprises.

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Et je pense aussi aux entreprises, là où on retrouve beaucoup de femmes qui ne sont pas syndiquées, mais qui se retrouvent souvent, aussi, dans des petites entreprises de 10 employés et moins. Et, inévitablement, on ne peut pas non plus se retrouver avec un processus lourd, rigide, et il va falloir trouver, naturellement, des moyens beaucoup plus souples pour permettre quand même à ces femmes d'obtenir l'équité salariale. Mais la ministre nous parlait aussi d'une suggestion qui lui avait été faite au niveau du salaire minimum, que, dans le cas de ces petites entreprises, on pourrait, par exemple, corriger la situation par le biais du salaire minimum. Pour vous autres, est-ce que c'est suffisant? Comment vous voyez cela?

Mme Gosselin (Danielle-Maude): Je pense que dans les très petites entreprises, effectivement, où il n'y a souvent pas de processus, pas de classification, la façon de faire pourrait être sur plainte, mais en publicisant plus – pas dans le contexte actuel qu'on connaît de la Commission des droits de la personne – pour faire en sorte que ce soit l'organisme – un peu comme quand on va vérifier en termes de salaire minimum si tout est respecté – qui puisse s'assurer que les comparaisons sont faisables et qu'il y a quelque chose à faire, parce qu'on pourrait avoir, effectivement, deux systèmes, un système pour les plus grandes, avec l'ensemble d'un processus qui est fait par les représentants des employés et de l'employeur, et, dans les petites, un système de plaintes qui pourrait permettre de se faire entendre et que l'organisme vienne sur place, probablement avec des outils qu'il aura développés, s'assurer que tout est conforme.

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, Mme Gosselin, moi, je vous remercie. Merci, mesdames.

Le Président (M. Gaulin): Merci, Mme la porte-parole de l'opposition officielle. Est-ce que, Mme la ministre, vous voulez terminer?

Mme Harel: Je veux simplement vous remercier pour l'échange fructueux que nous avons eu et pour les illustrations très concrètes que vous nous avez remises. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Alors, Mme Danielle-Maude Gosselin, Mmes Dionne, Houle et Voisine, merci d'avoir été là. Bonne fin de soirée. Nous reprendrons les travaux ajournés le mardi qui vient, 13 février, à 14 heures.

(Fin de la séance à 21 h 40)


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