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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le mardi 13 février 1996 - Vol. 34 N° 38

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur l'équité salariale et modifiant certaines dispositions législatives


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Table des matières

Auditions


Intervenants
Mme Lyse Leduc, présidente
M. Russell Williams, président suppléant
Mme Louise Harel
Mme Monique Gagnon-Tremblay
M. Régent L. Beaudet
Mme Marie Malavoy
Mme Margaret F. Delisle
Mme Solange Charest
M. Pierre Marsan
*M. Bernard Desrosiers, CCPEDQ
*M. Yves Morency, idem
*M. Yvan Paré, idem
*M. Gilles Charland, SCFP
*Mme Carol Robertson, idem
*M. Serge Perreault, idem
*M. Jean-Marc Gendron, UMQ
*M. Stéphane Guinta, idem
*Mme Aline Laliberté, idem
*M. Pierre Cléroux, FCEI
*Mme Martine Marleau, idem
*M. Pierre Reid, CREPUQ
*Mme Denise Lanouette, idem
*M. Elvio Buono, idem
*M. Jacques Racine, idem
*Mme Michèle Perryman, APRHQ
*M. Claude Duhamel, idem
*M. Normand Lague, idem
*M. Marc Chartrand, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quatorze heures douze minutes)

La Présidente (Mme Leduc): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une consultation générale et tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi sur l'équité salariale et modifiant certaines dispositions législatives.

Est-ce qu'il y a des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce) est remplacé...

La Présidente (Mme Leduc): À l'ordre, s'il vous plaît! Merci.

La Secrétaire: Alors, M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce) est remplacé par Mme Delisle (Jean-Talon); M. Cusano (Viau) par Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François).

La Présidente (Mme Leduc): Merci, Mme la secrétaire. Alors, nous recevrons aujourd'hui, au cours des audiences: La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins, le Syndicat canadien de la fonction publique, l'Union des municipalités du Québec, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec et l'Association des professionnels en ressources humaines du Québec.

Je rappelle brièvement la répartition du temps. La commission va consacrer une heure à l'audition de chaque organisme: 20 minutes pour la présentation et 40 minutes partagées également entre les députés de l'aile parlementaire, de l'opposition et du gouvernement.

Alors, La Confédération des caisses populaires du Québec, vous avez déjà pris place; ça me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue. M. Desrosiers, si vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent.


Auditions


La Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec (CCPEDQ)

M. Desrosiers (Bernard): Il y a M. Yvan Paré, conseiller en rémunération, et M. Yves Morency, responsable des affaires gouvernementales, et, moi-même, je suis conseiller en relations professionnelles à la Confédération.

La Présidente (Mme Leduc): Merci bien. Alors, vous pouvez débuter votre présentation. Comme je le disais tantôt, vous avez 20 minutes.

M. Desrosiers (Bernard): Mme la ministre, Mme la Présidente, chers membres du gouvernement, chers membres de l'opposition, le Mouvement Desjardins remercie les membres de la commission des affaires sociales de l'avoir invité à faire valoir son point de vue sur l'avant-projet de loi.

D'entrée de jeu, nous sommes d'accord avec l'objet de l'avant-projet de loi. Par contre, nos principales observations ont pour but de rendre la loi plus facilement applicable à une organisation comme Desjardins ou pour d'autres organisations dont les façons de fonctionner peuvent s'apparenter aux nôtres.

Desjardins a toujours eu le souci de l'équité salariale au sein de son organisation. D'ailleurs, le Mouvement Desjardins a mis en place des plans d'évaluation afin d'assurer des relativités salariales équitables à travers tout le Mouvement. Nous couvrons tous les employeurs, dont ceux de moins de 10 salariés. Il faut voir que, dans Desjardins, nous avons au moins 500 employeurs, dont les caisses populaires qui ont moins de 10 salariés. Et lorsque nous avons établi nos programmes d'équité salariale, nous avons couvert l'ensemble des salariés de Desjardins.

Les plans tiennent compte de facteurs stipulés à l'article 29: les qualifications requises, les responsabilités assumées, l'effort requis, les conditions dans lesquelles le travail est effectué. Le développement et l'implantation de ces plans d'évaluation ont suscité un travail colossal de concertation et de coordination à travers l'ensemble du Mouvement Desjardins. La Confédération a réuni autour de mêmes tables de travail des représentantes et des représentants des 11 fédérations qui regroupent les 1 320 caisses populaires ainsi que des représentantes et des représentants de nos corporations. Ici, on pense à Assurance-vie Desjardins, à Trustco, au Groupe Desjardins, assurances générales, à SECUR, etc.

Donc, afin d'assurer l'équité à travers le Mouvement Desjardins, il était plus avantageux de travailler sur une base de regroupement qu'au niveau de chaque employeur. Il nous apparaît impératif qu'à l'article 22 on permette aux employeurs regroupés en associations d'employeurs de pouvoir élaborer un cadre commun pour l'établissement d'un programme d'équité salariale applicable à chacune de leurs entreprises sans nécessairement requérir l'accord des comités d'équité dans chacune des entreprises. L'obtention de l'accord de tous les comités nous semble impossible vu leur grand nombre et leur diversité. Parce que, dans Desjardins, ça voudrait dire peut-être 1 350 comités avec des employeurs dont les salariés sont syndiqués, des employeurs dont les salariés sont non syndiqués et, à travers les regroupements syndiqués, on fait face à une diversité de centrales syndicales.

Cette obligation risque fort de nous empêcher de mettre en place les groupes de travail nécessaires, sans lesquels la cohérence au sein du Mouvement sur le plan salarial deviendrait inopérante. L'objectif de travailler en regroupement est d'assurer une équité à travers l'ensemble de Desjardins et de minimiser les coûts de mise en oeuvre de tels programmes. Et nous tenons à souligner que les banques ne sont pas sujettes à l'application de cette loi éventuelle. Enfin, même si on travaille sur un plan d'ensemble, chaque employeur serait responsable de l'application du programme d'équité dans son entreprise.

L'article 15 de l'avant-projet de loi semble donner une orientation de cogestion ou d'une approche paritaire dans l'élaboration des programmes d'équité salariale. Vu notre type d'organisation, nous croyons qu'il serait fort difficile, problématique et onéreux de procéder ainsi. Nous croyons que l'information en cours d'élaboration d'un programme d'équité, l'affichage des programmes d'équité et la contestation possible des résultats auprès de la Commission des normes du travail sont un ensemble de moyens qui peuvent garantir l'équité salariale tout en minimisant les coûts.

Nous avons constaté également une très grande discrétion réglementaire de la part de la Commission des normes du travail, et plus spécifiquement pour le calcul du nombre de salariés d'une entreprise; pour la désignation des représentants des salariés; pour l'établissement de catégories d'emplois types à partir de catégories d'emplois identifiées dans des entreprises qui ont déjà complété un tel programme; pour l'établissement d'une méthode d'évaluation à défaut du comité d'équité de convenir d'une méthode; et pour l'élaboration de méthodes d'estimation d'écarts salariaux.

Nous proposons que ces règlements puissent être déposés en même temps que le projet de loi qui suivra cet avant-projet de loi afin que les entreprises puissent réagir et proposer des adaptations nécessaires aux réalités qu'elles visent. Nous profitons de l'occasion pour vous proposer notre collaboration dans l'élaboration de la réglementation.

Un autre élément chatouilleux: l'établissement des catégories d'emplois types dans 12 entreprises pour fins de comparaison en matière d'équité salariale nous semble relever d'une dynamique de détermination des salaires fort périlleuse et faire abstraction des contraintes d'affaires qu'une entreprise doit prendre en considération dans la détermination de sa politique de rémunération. Il faut garder à l'esprit les coûts de la main-d'oeuvre, la concurrence, la situation géographique, les particularités de chaque employeur.

(14 h 20)

Nous abordons également des éléments plus techniques au niveau de l'estimation des écarts salariaux. À titre d'illustration, à l'article 34, quelle différence existe-t-il entre les méthodes proposées aux paragraphes 1° et 2° et la méthode proportionnelle du paragraphe 4°? À l'article 34, paragraphe 5°, on utilise les mots «salaires différents»; distinguons-nous alors les salaires des personnes des taux ou des échelles de salaires? À l'article 34, paragraphe 6°, quelle est la signification de «la moyenne du salaire proportionnel moyen»?

À l'article 37, on conçoit que la rémunération flexible puisse susciter beaucoup de problèmes de comparaison, puisque la rémunération basée sur la compétence et le rendement est attachée davantage aux personnes qu'à la catégorie d'emploi.

Nous proposons de remplacer le deuxième paragraphe de l'article 37 par: La rémunération flexible comprend notamment les rémunérations forfaitaires de la catégorie d'emploi basées sur les résultats individuels, de groupe ou d'entreprise. Exemples: commissions ou bonis. La rémunération forfaitaire considérée doit avoir un caractère régulier et stable dans le temps. Par exemple: moyenne des trois dernières années.

Enfin, à l'article 40, il y aurait lieu d'ajouter que des écarts résultant de différences au niveau du pouvoir de négociation – en effet, dans Desjardins, même si on a des normes provinciales, on se rend compte que, lors des négociations, les taux de salaires peuvent différer d'un milieu à l'autre, et le fait que ce soit le résultat du pouvoir de négociation n'entraîne pas nécessairement qu'il y ait discrimination – ainsi que les écarts résultant aussi des salaires imposés par décret et des écarts dus au rendement, au mérite, à la compétence, ne devraient pas être pris en compte dans l'estimation des écarts salariaux.

Quant aux modalités de versement des ajustements salariaux, et ce, pour fins de planification des coûts d'opération, il devrait être prévu des ajustements salariaux maximums de 1 % par année les trois premières années, et le reste la quatrième année.

Relativement aux dispositions applicables aux programmes d'équité ou de relativité salariale complétés ou en cours, Desjardins a mis en place au cours des ans des programmes de relativité salariale. Nous devrions avoir la possibilité d'en faire rapport à la Commission des normes du travail et obtenir une reconnaissance de conformité à la loi. On ne veut pas se défiler, mais c'est être efficace.

Enfin, le travailleur autonome ne devrait pas être couvert par la Loi sur l'équité salariale. Les comparaisons sont souvent difficiles, puisque sa rémunération est différente soit parce qu'il ne participe pas aux programmes d'assurances collectives ou régime de rentes de l'employeur, soit parce qu'il exige, selon sa situation ou ses compétences, une compensation différente; également, ces services fournis le sont souvent pour des périodes déterminées.

En guise de conclusion, la loi impute beaucoup de responsabilités aux employeurs au niveau de l'élaboration et de l'application des programmes d'équité, au niveau de la formation des employés, de la transmission d'information, de la facilitation de la collecte d'information et du maintien de l'équité salariale par la suite. En contrepartie, l'employeur devrait être capable de procéder avec le moins de contraintes possible et au moindre coût. Et la Commission devrait assumer un plus grand rôle au niveau de la formation et de l'information pour assurer une meilleure compréhension de la loi et faciliter sa mise en application. Merci de votre bienveillante attention, et nous sommes à votre disposition pour répondre aux questions.

La Présidente (Mme Leduc): Merci beaucoup, M. Desrosiers. Mme la ministre de l'Emploi, de la Solidarité et de la Condition féminine.

Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. M. Desrosiers, M. Paré, M. Morency, bienvenue, ainsi que mes collègues de cette assemblée, à cette deuxième semaine de travaux sur l'équité salariale. D'abord, je pense que ça commence bien, cette semaine. Je me réjouis parce que vous êtes notre premier groupe employeur qui m'a l'air d'être en faveur. Est-ce que je me trompe?

M. Desrosiers (Bernard): Non, non. Vous ne vous trompez pas du tout.

Mme Harel: Bon.

M. Desrosiers (Bernard): Comme on disait, nous sommes en faveur de la loi; par contre, il y a des aménagements de façon à être capable de la gérer à moindre coût à l'intérieur de l'organisation; on aimerait avoir des amendements.

Mme Harel: Donc, je comprends que vous êtes en faveur du principe d'une loi d'application et que vous voulez des modifications à l'avant-projet de loi qui est présenté. Est-ce que ça traduit bien ce que vous voulez?

M. Desrosiers (Bernard): Oui, très bien.

Mme Harel: Bon. Bien, c'est un bon point de départ. Vraiment, je vous en félicite. J'allais dire quasiment: Je vous en remercie. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Vous dites être inquiets du fait que les banques ne sont pas couvertes. En fait, il s'agit, au-delà des banques, des entreprises de juridiction fédérale dans les domaines de compétence fédérale. À ce que je sache, ça couvre environ 5 % de la main-d'oeuvre québécoise. Effectivement, il y a les banques, il y a les organes d'information radio-télévision, qui relèvent du CRTC; il y a aussi les transporteurs aériens.

Quel impact ça peut avoir pour vous, concrètement, le fait que les banques ne le soient pas et que vous le soyez? Mais quand on dit que les banques ne le seront pas, on pourrait quand même essayer qu'elles le soient, puis ce serait à elles de prouver qu'il faut qu'elles soient soustraites.

M. Morency (Yves): Vous savez, Mme Harel, dans ce domaine-là, ce n'est pas la première fois que les banques essaient de dire que des règles ou des lois d'application québécoises ne les concernent pas. On n'a qu'à penser à l'Office de la protection du consommateur, à certaines occasions, à la loi sur la confidentialité. Cette fois-ci, peut-être qu'elles peuvent se dire, oui, favorables, mais, dans les faits, est-ce qu'elles l'appliqueront?

Ce qu'on demande ici, ce n'est pas de trouver une façon pour nous-mêmes de se défiler. On vous l'a dit, on est en complet accord avec une loi d'application pour promouvoir l'équité salariale. Par contre, nous devons faire face quotidiennement à une concurrence, et cette concurrence-là nous impose des contraintes au-delà, quand même, des intentions que nous pouvons avoir à l'égard, quand même, de certains de ces problèmes-là. Alors, c'est plus dans ce sens-là, être en mesure de pouvoir travailler sur une même base par rapport à nos concurrents.

Ce ne serait pas mieux, je ne sais pas, moi, si on nous imposait des coûts additionnels que nos concurrents n'auraient pas et que, comme gouvernement du Québec, qui réglemente à la fois une institution financière qui s'appelle Desjardins et qui veut son progrès... Comme vous savez, Desjardins, c'est le premier employeur privé au Québec. Alors, si, demain matin, Desjardins était affaibli par des applications contraignantes, on pourrait se retrouver avec moins d'emplois chez Desjardins, plus dans les banques, et encore moins de personnes qui seraient peut-être soumises à votre loi.

Donc, on vous dit: Bon, il y a là un problème. Il n'y a pas, comme on vous le disait tout à l'heure, d'objection, mais il y a peut-être quand même à considérer cet élément-là qui, pour nous, est aussi capital.

Mme Harel: Alors, vous nous dites être le premier... que le Mouvement, plutôt, des caisses populaires et d'économie Desjardins est le premier employeur privé. Ça veut dire combien d'employés au total? Combien d'hommes, combien de femmes? Et vous nous avez justement parlé d'un exercice de relativité. Est-qu'il a donné des résultats? Lesquels ont-ils été? La comparaison du ratio, là, des gains moyens des femmes par rapport à celui des hommes a-t-elle changé? Lequel est-il, qu'on puisse le comparer avec le ratio dans la société en général? Est-ce que vous avez ces informations-là avec vous?

M. Desrosiers (Bernard): Bien, peut-être qu'on a un certain nombre d'informations; pas autant que vous nous en demandez actuellement. En tous les cas, à la première question, je dirais, il y a 48 000 employés, au niveau de la province de Québec, dans Desjardins.

Quant au ratio, maintenant, quant à la quantité de personnes, hommes-femmes, je veux dire, on ne les a pas sur le plan global, on l'a davantage sur le plan des institutions. Si je regarde sur le plan des institutions comme les fédérations, au Québec, il y a 47 % d'hommes, 52,8 % de femmes. Au niveau de nos institutions, si je regarde l'Assurance-vie Desjardins et nos services spécialisés, comme Visa, le GDAG, qui est le Groupe Desjardins, assurances générales, la caisse centrale Trustco, il y a 30,8 % d'hommes, 69,2 % de femmes. À la Confédération, l'entreprise, il y a 51 % d'hommes et 49 % de femmes. Et si je fais un total, quand je regarde ces organismes-là, il y a environ 40 % d'hommes, 60 % de femmes. Ça, c'est au niveau, je dirais, des organismes de ce qu'on appelle chez nous de deuxième et troisième niveaux: les fédérations et la Confédération, et aussi nos compagnies d'assurances.

(14 h 30)

Lorsque je regarde davantage les caisses, dans l'ensemble, nous avons 20 439 employés. Il y a 86 % de femmes et 13 % d'hommes, globalement. Par contre, on constate également que, dépendant des situations au niveau de la gestion, à certains niveaux, il y a même plus de femmes que d'hommes. Quand on monte, disons, sur des emplois techniques professionnels, on arrive presque à 50-50, 45-55. C'est sûr qu'au niveau des emplois de bureau il y a une majorité de femmes, mais, graduellement, je dirais, il y a un équilibre qui est en train de se créer dans l'organisation.

Une voix: En dépit...

Mme Harel: Vous n'allez pas... aujourd'hui.

Une voix: Malheureusement, non.

Une voix: Non.

Mme Harel: Alors, est-ce que ça signifie qu'elles sont inversement proportionnelles de la place qu'elles occupent dans la hiérarchie?

M. Morency (Yves): Pas nécessairement. Vous savez, on est en progrès. Il y a quelques années, il y avait peu de femmes qui étaient directeur général de caisse et, maintenant, il y en a de plus en plus. Comme on vous disait tout à l'heure, quand même, au niveau de la gestion, de plus en plus de femmes occupent des postes de gestion, de gestionnaires intermédiaires, de gestionnaires seniors, et tout ça, quand même, c'est notre bassin ultime de personnes qui vont graviter autour des postes de cadres, au niveau des directeurs de caisse. On ne vous cachera pas quand même qu'il y a définitivement plus d'hommes directeurs de caisse que de femmes, mais c'est en nette progression. Au niveau de nos institutions, on remarque quand même que la présence des femmes au niveau professionnel, au niveau technique supérieur et encore à des postes de cadres est quand même bien proportionnée.

Ce que je voulais ajouter ici, c'est que, même si, en dépit du fait – et, ça, quand même, c'est une constante de l'industrie bancaire, de l'industrie financière... Quand on parle du niveau de détail, des services au détail, il y a nettement un nombre plus grand de femmes que d'hommes, naturellement. Sauf que, chez nous, chez Desjardins, par rapport à un employé... Comme on vous disait tout à l'heure, quand même, notre évaluation des postes se fait non pas en fonction de la catégorie d'entreprises dans laquelle une personne peut se retrouver. L'employé d'une caisse peut faire le même travail ou un travail équivalent à la caisse, à la fédération, dans une filiale, à la caisse centrale, et le niveau de rémunération va être le même. Or, le critère féminin, on ne pense pas qu'il joue, effectivement, puis il ne joue pas. Donc, il y a des écarts en fonction de la compétence, de la scolarité, du travail, de sorte qu'une commis à la caisse et une commis à la Confédération qui remplissent à peu près les mêmes fonctions sont dans le même niveau d'évaluation. Et c'est les mêmes fonctions; on passe de l'évaluation N-1 à N-10, mais qui se retrouvent partout dans l'ensemble, chez les 48 000 employés. Sauf pour les cadres, c'est un autre système mais qui, sensiblement, applique à peu près des règles similaires, je dirais, à la verticale et aussi à l'horizontale, mais qui sont quand même par strates. Mais il n'y a pas de distinction à l'égard de si c'est un homme ou si c'est une femme.

Mme Harel: Est-ce que je comprends que vous avez complété ce que vous considérez être une démarche de relativité salariale?

M. Desrosiers (Bernard): On a complété ça. Disons qu'on a eu beaucoup de travaux de faits dans les années 1990, 1991, 1992, qui étaient les années, je dirais, d'élaboration des systèmes. Lorsque les systèmes ont été élaborés, il y avait des groupes de travail composés de femmes et d'hommes pour dessiner le plan d'évaluation, et, toujours dans l'élaboration du plan d'évaluation, on a consulté des employés au niveau des caisses quant au contenu des plans d'évaluation, parce que, par la suite, ils étaient évalués par ces plans-là. Donc, les critères qui ont été choisis au niveau des plans d'évaluation ont fait l'objet de consultations de personnes tant, je dirais, sur le plancher que de gens au niveau de la conception. Et ça s'est terminé, disons, vers 1992, 1993; et, même, encore cette année, on fait une implantation à l'extérieur du Québec, mais l'implantation s'est faite graduellement. Ça fait qu'on peut dire qu'à peu près en 1994 on avait pas mal atteint l'ensemble du réseau Desjardins.

Mme Harel: L'écart moyen est de combien entre les hommes et les femmes? Vous voyez, par exemple, on dit: Dans la société globale, l'écart moyen est de 69 % en 1994. On dit que, dans la fonction publique québécoise, pour des travaux similaires – c'est un écart équivalent plutôt que similaire, je pense, hein; c'est mieux d'utiliser «équivalent» – c'est de 86 %. Et on dit que, dans santé et services sociaux, c'est 94 %. Ce serait combien? Est-ce que vous avez ce chiffre-là chez Desjardins?

M. Desrosiers (Bernard): Bien, disons qu'on n'a pas procédé nécessairement peut-être de la façon dont vous l'apportez. C'est que, lorsqu'on a établi les systèmes, on ne s'est pas attardés spécifiquement à savoir: Est-ce que c'est des hommes ou des femmes qui occupent ces fonctions-là? On est allés de façon beaucoup plus générale de façon à englober tout le monde. Et c'est pour ça qu'on peut dire qu'à travers le réseau, que vous soyez un homme ou une femme, au Groupe Desjardins ou à la Confédération ou à SECUR, selon les critères d'évaluation, vous entrez dans tel type de catégorie d'emploi et les salaires sont les mêmes pour toutes les personnes. Mais on n'a pas examiné les salaires, je dirais, individuels des femmes, les salaires individuels des hommes pour savoir, bon... est-ce que la moyenne des salaires gagnés des femmes vis-à-vis des hommes... On n'a pas regardé cette différence-là. Je prends à titre d'exemple, à la Confédération, l'entreprise, où on a à peu près 1 800 employés. Si je prends les emplois techniques et professionnels, bien, le professionnel de niveau senior femme et un professionnel de niveau senior homme gagnent exactement les mêmes taux de salaire. Les seuls critères qui peuvent changer, c'est soit l'ancienneté ou des éléments de cette nature-là.

Mme Harel: En fait, vous êtes quand même favorables, en principe du moins, à une loi d'application d'équité salariale qui est une démarche qui se distingue de celle de la relativité, dans ce sens que je comprends qu'en équité les classes d'emplois à prédominance féminine se voient reconnaître pleinement une valeur qui ne leur a pas été, même dans la relativité, compte tenu du fait que ces classes d'emplois à prédominance féminine ont été l'objet, si vous voulez, de stéréotypes... Et, avec raison, dans votre mémoire, vous souhaitez qu'on illustre par des exemples concrets la notion de préjugé sexiste, hein. Vous en faites mention dans votre mémoire. Et ça me rappelait l'excellent document que le Syndicat des fonctionnaires du gouvernement du Québec a déposé jeudi soir dernier dans lequel on retrouve des exemples concrets, si vous voulez, de mesures ou d'évaluation de désagréments qui permettent d'établir une rémunération. Et les désagréments relatifs au travail manuel, par exemple, recevaient beaucoup, beaucoup plus de points que d'autres types de désagréments plus relatifs au travail, si vous voulez, disons, étiqueté féminin. Je pense que c'est cette étape-là qu'il faut franchir aussi quand on souhaite un scénario d'équité salariale. Je ne sais pas, en tout cas, si ça peut être intéressant, cependant... Vous cherchiez des illustrations, j'imagine, pour pouvoir avoir des modèles correspondants. Mais les comparateurs externes, vous n'en aurez pas besoin, de toute façon. Je sais qu'en principe vous n'avez pas l'air d'être favorable, mais, pour vous, est-ce que ça peut avoir une application? Au nombre que vous êtes, vous n'aurez pas besoin de comparateurs externes, non?

M. Desrosiers (Bernard): Du moins, on ne le pense pas. À première vue, on ne pensera pas en avoir besoin à l'externe, mais, si jamais l'éventualité se présentait, ce qu'on dit, ce serait... On conçoit difficilement d'aller se comparer avec des entreprises à l'extérieur, alors que, nous, on a un souci aussi au niveau de notre concurrence. Et notre comparatif externe ne sera sûrement pas chez les banques, en tout cas à première vue. Et on se dit: Bon, bien, là, on va aller où à l'extérieur? Il y a peut-être d'autres méthodes. C'est sûr que la loi prévoit la méthode proportionnelle. Je veux dire, peut-être qu'avec la méthode proportionnelle on peut toujours s'arranger à l'intérieur d'une entreprise. Mais, étant donné que le mémoire était aussi... On l'aborde chez nous, mais, de façon générale, c'est qu'on trouve un peu curieux qu'on aille se comparer dans d'autres entreprises externes pour satisfaire des besoins d'interne. C'est un peu sur le principe également.

Mme Harel: Comment fait-on, à ce moment-là, dans des entreprises où il y a uniquement de la main-d'oeuvre féminine?

M. Desrosiers (Bernard): Ah! là, je ne le sais pas.

Mme Harel: En fait, c'est une bonne... Remarquez qu'on n'a pas plus de réponse, là. Alors, faites-vous-en pas. Mais je pense que la question mérite d'être répondue, à la suite de tous les travaux qu'on fait. Vous avez l'air d'avoir une réponse, M. Paré.

M. Paré (Yvan): Bien, je n'ai pas une réponse. Mais la question que vous posez, en fait, c'est que... Je pense que ça présuppose que la réponse, elle n'est plus au niveau de l'entreprise, mais que c'est le mécanisme de décision salariale qui devient plus, entre guillemets, étatique ou légal que déterminé par des forces de marché ou internes habituelles. En fait, c'est ça que ça implique. Ça veut dire que la dynamique de détermination des salaires n'est plus surtout à l'interne et en comparaison avec le marché mais qu'elle est faite par des facteurs qui sont plus d'ordre politique. En fait, je pense que c'est là que ça nous conduit.

(14 h 40)

Mme Harel: Oui, mais, en même temps, on prend pour acquis que ces forces du marché ont introduit des biais stéréotypés dans l'évaluation des tâches étiquetées «féminines» ou celles étiquetées «masculines».

M. Paré (Yvan): Ça, je vous dirais qu'on a ce souci-là dans les développements. On a parlé de relativité salariale, j'y ai été mêlé très étroitement, puis on a voulu... Dès le début, on a ciblé cet objectif-là; c'était un de nos objectifs, la question de l'équité salariale. Mais notre problème étant plus large, on s'est adressé aux relativités salariales. Donc, on a voulu atteindre le même objectif, mais par un chemin vraiment différent et plus large. C'est-à-dire que la première chose qu'on s'est déterminé comme objectif, c'était d'avoir une structure salariale unique dans Desjardins. Partant de là, vouloir avoir une structure salariale unique, on s'est dit... la deuxième étape, c'était donc des échelles identiques à travers le Mouvement; maintenant, il faut aller déterminer quelle était la valeur de nos emplois pour faire en sorte que partout, indépendamment que ce soient des hommes ou des femmes, à une valeur d'emploi donnée allaient correspondre les mêmes échelles de salaire, indépendamment que ce soient des hommes ou des femmes.

Donc, tout a été dans la détermination des instruments en question, où il y avait des hommes et des femmes qui étaient présents. Parce que c'est beaucoup, là, au-delà des instruments, c'est beaucoup les gens qui les appliquent, je pense, qui font la différence. Et, donc, ces outils-là ont été développés en consultation, avec la préoccupation des éléments typiquement, je pense... auxquels vous faisiez référence, des éléments de force physique ou d'attention sensorielle ou de communication, qui sont plus typiques du travail féminin... ils ont été incorporés dans les outils, et tous nos emplois ont été évalués indépendamment qu'il s'agisse d'emplois d'hommes ou de femmes. Parce que la problématique des relativités est beaucoup entre les emplois féminins, beaucoup entre les emplois masculins, et on a beaucoup d'emplois qui sont neutres aussi, avec un nombre égal d'hommes et de femmes. Pour nous, c'était un problème aussi. On n'a jamais pensé qu'on ferait un exercice juste entre hommes et femmes, parce que ça ne solutionnait aucun problème chez nous. On s'est dit: On va solutionner le problème pour l'ensemble, et les hommes et les femmes, et en faisant en sorte que nos outils et notre processus permettent un respect, à savoir qu'en bout de piste, que ce soient des hommes ou des femmes qui occupent ces emplois-là, il y ait des outils d'évaluation et une rémunération qui soient équitables. Et, dans ce sens-là, l'application de la loi, ça ne nous fatigue pas outre mesure dans la mesure où, ce qu'on a fait, on pense que ça devrait normalement générer de l'équité, et on ne s'attendrait pas à de grandes surprises, finalement. C'est un peu pour ça, nos propos.

Mme Harel: Vous considérez satisfaire le dispositif que l'on retrouve, je pense, aux articles 75...

M. Paré (Yvan): Exact.

Mme Harel: ...ou 76 et suivants.

M. Paré (Yvan): Exact.

Mme Harel: D'autre part, vous nous dites qu'on devrait écarter les travailleuses autonomes ou travailleurs autonomes, les travailleuses autonomes de l'application générale d'une politique d'équité salariale. Vous savez que, cette année, une personne sur cinq sera un travailleur autonome. Il y a 25 ans, c'était une personne sur 10, puis on dit que dans quatre ans – ce sont les chiffres de M. Jean-Marie Toulouse, le professeur aux HEC – dans quatre ans, c'est l'an 2000, mais c'est demain, ça, ce sera une personne sur quatre. Donc, c'est la voie de l'emploi. Et est-ce qu'il n'y a pas danger de tout concevoir, nos mesures, notre filet de sécurité, nos mesures de protection sociale, pour, finalement, un groupe de personnes qui est de moins en moins nombreux, puis de ne concevoir absolument rien, si vous voulez, pour le changement qui s'en vient au siècle qui s'en vient? Est-ce que dans à peu près, si vous voulez, je pense, sans exception... toutes les mesures de protection sociale le sont pour des contrats à durée indéterminée, le sont pour ce qu'on appelait une vraie job, et puis, sinon, on tombe dans le vide? Alors, est-ce qu'il n'y a pas intérêt à revoir ça, puis, à défaut de quoi, on ne se prépare pas, finalement, à une société qui aura préparé sa sécurité du revenu à la retraite, qui aura préparé une recrudescence du taux de natalité parce qu'il n'y a pas de congé de maternité avec les travailleurs autonomes, etc? Travailleuses, en fait, évidemment. Les hommes ne sont pas encore «enceints», mais, enfin... Ha, ha, ha!

M. Desrosiers (Bernard): Bien, lorsque vous vous exprimez ainsi, ce n'est peut-être pas tellement dans ce sens-là qu'on l'avait – en tout cas, Yvan pourra me corriger – perçu. Parce que, lorsqu'on regardait notre organisation, on a ce qu'on appelle chez nous... c'est des contractuels. Et, souventefois, un contractuel, je ne sais pas, moi, un conseiller spécialisé en finances ou en marketing qui vient faire un travail d'un an dans un but très précis est souvent soit un travailleur autonome, mais, pour notre organisation, est un contractuel. Ça fait qu'on disait: Si, à l'intérieur de notre organisation, on compare des salaires avec ce type de personne là, ça vient débalancer un peu, je veux dire, l'équité salariale à l'intérieur de Desjardins. C'est pour ça qu'on voulait l'exclure. Quant à la problématique que vous soulevez comme telle, on ne l'avait pas prise du tout sous cet angle-là. Ce n'est pas sous cet angle-là que nos commentaires portaient, c'est plus en termes de contractuels dans notre organisation.

Mme Harel: En tout cas, je termine en vous remerciant de votre offre de collaboration. Je pense que ça peut être vraiment, vraiment intéressant qu'une entreprise, une grande entreprise, le plus grand employeur privé du Québec ait déjà engagé des démarches dans ce sens-là, et ça peut en rassurer plusieurs autres. Alors, je considère que cette offre de collaboration, en tout cas, est acceptée de notre côté pour aller voir concrètement comment tout ça peut s'incarner.

La Présidente (Mme Leduc): Je vous remercie, Mme la ministre. Je cède la parole maintenant à Mme la députée de Saint-François, qui est porte-parole de l'opposition en matière d'équité salariale.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, Mme la Présidente. M. Desrosiers, MM. Paré et Morency, c'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai lu votre mémoire et je vous remercie pour votre présence, votre présentation aujourd'hui.

Vous vous dites plutôt en faveur avec... je veux dire, avec le principe, vous êtes tout à fait avec le principe de l'équité salariale et vous vous dites plutôt en faveur de l'avant-projet de loi. Et, bon, vous estimez qu'en vertu des articles 76 et 77 vous en seriez finalement exemptés étant donné que vous avez déjà introduit une démarche de relativité salariale, et vous êtes déjà très avancés, finalement, au sein de votre Mouvement. Par contre, la semaine dernière, plusieurs syndicats sont venus nous dire, y compris... surtout les syndicats, je pense bien, sont venus nous dire que, pour eux, «relativité salariale» et «équité salariale» étaient tout à fait, étaient très différents, fort différents. Et malgré que le gouvernement s'est engagé dans une démarche d'équité salariale et qui a coûté, je dirais, près de 400 000 000 $... c'est-à-dire 350 000 000 $, au-delà de 350 000 000 $, je dirais plutôt 375 000 000 $, on trouvait que ce n'était pas suffisant et qu'il faudrait poursuivre cette démarche de relativité salariale pour en arriver à une véritable équité salariale. Donc, vous comprenez qu'on ne s'entend pas nécessairement toujours sur les termes, c'est très complexe. Puis, si on passe, par exemple, des programmes d'accès à l'égalité à l'obligation contractuelle, aux relativités salariales et à l'équité salariale, vous comprenez que c'est loin d'être facile. Mais si, cependant, on se rendait compte que, dans votre Mouvement, vous avez fait cette démarche de relativité salariale mais que vous n'êtes pas encore rendus à l'équité salariale, est-ce que vous seriez toujours d'accord avec l'avant-projet de loi?

M. Desrosiers (Bernard): On n'a pas... d'ailleurs, ça n'a pas été, je pense... Dans l'étude de l'avant-projet de loi, ça n'a pas été le facteur le plus important. C'est sûr, c'est des coûts monétaires. Mais, je veux dire, on a toujours cru, et, même, je dirais, dans tout notre processus des relations de travail ou même nos processus de rémunération depuis un certain nombre d'années, ça n'a jamais été un critère de distinction. La philosophie qu'on a avancée, c'était toujours d'essayer, aux salariés du Mouvement Desjardins, de procurer la meilleure rémunération et d'être, je ne dirais pas les meilleurs payeurs dans le marché financier, bien qu'à certains niveaux d'emplois on paie plus cher que le marché financier... Peut-être que je ne réponds pas directement à votre question, mais le souci de l'équité salariale, même s'il nous coûtait un certain montant d'argent, on n'est pas contre une loi puis de progresser vers l'équité salariale.

(14 h 50)

Ce qu'on veut, par contre, c'est éviter le plus possible les coûts inhérents au programme. Parce que, si on regarde spécifiquement, si on suit le projet de loi tel qu'il est présenté, il y aurait des comités d'équité salariale chez chaque employeur. Ça veut dire, chez nous, 1 350 comités d'équité. Quand on pense qu'il faudrait former soit le directeur ou des cadres, former des salariés, avoir la contribution des fédérations, avoir la contribution de la Confédération, puis qu'on évaluait du travail, peut-être 25 à 30 jours ouvrables, on fait un chiffre rapide, on arrive dans les millions de dollars; quand on pense au salaire du directeur, au salaire des employés, etc. Donc, juste sur le plan de l'application, ça pourrait nous coûter excessivement cher. C'est pour ça qu'on demande qu'on puisse procéder par association d'employeurs. Déjà, on réduirait de beaucoup les coûts. Juste développer, ce qu'on a fait actuellement, ça a coûté déjà pas mal d'argent. Ça fait qu'on dit: Évitons d'aller plus loin. C'est pour ça que, par le biais de l'article 76, à la limite, que la Commission mette un certain nombre de critères ou un certain nombre d'éléments qui pourraient être rajoutés et sur lesquels, si les organisations répondent à ces critères-là... elle pourrait dire; Bon, bien, vous êtes conformes à la loi qui est présentée. Donc, c'est en termes d'efficacité, je veux dire, qu'on demande ces éléments-là.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Lorsque vous parlez de l'article 15, d'orientation, de cogestion ou encore d'approche paritaire dans l'élaboration, je reviens au comité d'équité, vous semblez... finalement, si je comprends bien, c'est que vous souhaitez qu'il y ait un seul comité pour l'ensemble des caisses Desjardins, étant donné que c'est un unique employeur.

M. Desrosiers (Bernard): C'est-à-dire que ce n'est pas un unique employeur. Chez Desjardins, il y a 1 320 caisses populaires, donc c'est 1 320 employeurs différents, et chaque employeur est différent; ça voudrait donc dire que... Mais, nous, on travaille par association d'employeurs. On a 11 fédérations, et les 11 fédérations regroupent les caisses populaires, comme la Fédération de Québec regroupe environ 320 ou 350 caisses populaires, donc c'est une association d'employeurs. Et, par le biais de la Confédération, ces associations d'employeurs là se regroupent pour faire des grands systèmes, parce que, dans Desjardins, on a des grands systèmes d'évaluation qui couvrent l'ensemble. Ce qui fait qu'on dit: Il faudrait que la loi nous permette au moins d'être capables de travailler selon des plans d'ensemble. Avoir des comités dans chaque entreprise, ça pourrait être la cacophonie aussi, parce que, je veux dire, selon l'interprétation de chacun, un certain milieu, un autre milieu, on pourrait arriver, en poussant la limite, à 1 320 façons de voir l'équité salariale. Et on pense que ce ne serait pas non plus rendre service à une organisation comme la nôtre et à d'autres organisations qui sont sûrement structurées comme la nôtre. Il y a d'autres coopératives qui marchent aussi en fédération. Il y a d'autres types, je dirais, d'entreprises au Québec qui marchent sous forme d'association. Ça ne leur rendrait peut-être pas service non plus, là. C'est dans ce sens-là.

Et c'est pour ça qu'au niveau des comités, à l'article 15, je pense que la première demande qu'on fait, c'est presque d'abolir les comités, je veux dire, par entreprise, ou, du moins, les laisser par entreprise, au niveau des grosses entreprises employeurs uniques, mais permettre au moins l'association des employeurs. Et, lorsqu'on arrive au niveau des comités, on dit: Bon, bien, là, on veut marcher paritairement; bon, là, on va embarquer dans toutes les discussions. Des décisions vont être différentes d'une place à l'autre, des plaintes à la Commission, ça fait qu'on dit: Peut-être que ce serait encore bien plus simple... Je comprends que le but est louable, d'essayer d'amener des gens à partager sur des choses, mais est-ce que ça, cette façon de faire, va détruire l'équité salariale? C'est dans le sens de dire: Il va y avoir tellement d'efforts de mis là puis d'argent dépensé là que les gens vont dire: C'est ça, ça vient comme mettre du sable dans l'engrenage pour nuire, comme tel, à l'équité salariale, alors qu'on pense que de l'information, en bout de ligne, aux gens qui ne seraient pas satisfaits, puis la capacité d'avoir recours à la Commission, qui, elle, pourrait intervenir, on pense qu'on peut atteindre l'équité salariale par ce chemin-là.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous avez différents syndicats au sein de vos entreprises, de vos caisses, ou si vous avez un seul syndicat pour chaque... pour différentes entreprises? Est-ce que vous avez un seul syndicat avec qui vous faites affaire ou s'il y en a plusieurs?

M. Desrosiers (Bernard): Il y en a plusieurs.

Mme Gagnon-Tremblay: Plusieurs.

M. Desrosiers (Bernard): Actuellement, on a environ 300 caisses populaires dont les employés sont syndiqués, et, encore là, c'est des accréditations par employeur. Nous avons des affiliations avec la FTQ puis, à l'intérieur de la FTQ, avec divers locaux de la FTQ. On a des affiliations avec la CSN, avec divers locaux de la CSN. On en a avec la CSD. On a des syndicats indépendants. Ça fait qu'on a une multiplicité sur le plan salarial aussi.

Mme Gagnon-Tremblay: Comment, alors, réussir à s'entendre sur un modèle pratiquement unique ou une démarche identique pour l'association des caisses si vous avez différents syndicats? Comment croyez-vous pouvoir vous entendre avec les nombreux syndicats pour développer une espèce de modèle ou une démarche plutôt unique si vous avez plusieurs syndicats, justement, qui vont revendiquer, bien sûr?

M. Desrosiers (Bernard): Bien, ce qui arrive... en tout cas, pour le moment, jusqu'à aujourd'hui, les grands systèmes, dont Desjardins, ont toujours été développés, je dirais, du côté de l'employeur, si on s'exprime ainsi. Je veux dire, les plans d'évaluation d'emplois s'appliquaient à l'ensemble des employés, qu'ils soient syndiqués ou non syndiqués. Les grands systèmes, comme le régime de rentes, je veux dire, s'appliquent à l'ensemble de Desjardins; tous nos systèmes d'assurances collectives, ce sont des systèmes qui ont été développés pour l'ensemble. Au niveau des négociations dans nos conventions collectives, ce qui est beaucoup plus régional ou local, je dirais, c'est les autres aspects de la convention collective. Mais on a des grands systèmes qui couvrent l'ensemble de nos conventions collectives actuellement qui sont, je dirais, non négociables quant au fond, parce que ce ne serait pas nécessairement rentable non plus, pour les syndicats ou même pour les employés dans une caisse de cinq employés, de négocier son propre régime de rentes ou de négocier ses systèmes d'assurances collectives ou même de négocier son système d'évaluation des emplois. Ça fait que c'est des grands ensembles.

Ce qui est arrivé dans le passé... Même, on a un exemple pratique au niveau d'une de nos grosses corporations où le syndicat voulait apporter un système d'évaluation des emplois, où on a négocié qu'on implanterait le nôtre. Puis, en fin de compte, ils ont accepté nos systèmes, où ils ont le droit de parole ou de grief davantage sur l'application des systèmes, je veux dire, mais pas sur la conception des systèmes.

Mme Gagnon-Tremblay: Moi, j'ai l'impression que, si une loi était adoptée, les syndicats seraient, voudraient absolument être beaucoup plus partie prenante à la conception du système qu'à l'évaluation comme telle, d'après, finalement, les commentaires qu'on a eus depuis la semaine dernière. Et c'est ça que j'essaie de voir, comment on peut concilier, par exemple, ces demandes, étant donné que, vous, vous pensez que l'approche employeur, finalement, a été plus... a évité peut-être des frais, a évité des contestations, finalement, puis a évité, peut-être, une démarche au neutre.

M. Desrosiers (Bernard): Bien, en tout cas, pour le moins, il faudrait être inventifs parce que, je veux dire, il faudrait... Si jamais on voulait avoir une approche, je dirais, Desjardins, jusqu'à un certain point, d'équité salariale, il faudrait quand même asseoir pas seulement l'employeur, mais il faudrait asseoir les centrales syndicales ensemble. Et ça, c'est une autre... en tout cas, c'est une autre dynamique aussi, là. Puis il y a des intérêts, je pense, il y a des intérêts qu'on constate, là, je dirais, sur le terrain, des intérêts divergents entre diverses organisations syndicales, et le discours n'est pas nécessairement le même. Et, déjà là, il y aurait conciliation de ces discours-là et conciliation aussi, là, du discours de l'employeur.

Ça fait que je pense qu'au niveau de l'équité salariale, dans une organisation comme la nôtre, sans vouloir dénier toute forme de participation des salariés, je pense qu'on est prêts à aller, je dirais, à de la consultation avec les gens, à échanger avec les gens. Parce que, même, comme on disait tantôt, lorsque le plan d'évaluation a été construit, le plan qui couvre environ, je dirais, 28 000, 30 000 employés, il a été fait avec consultation des salariés et, même, c'est un système d'évaluation qu'on appelle, sur le plan technique, questionnaire structuré. En fin de compte, c'est chaque employé qui fait sa propre évaluation d'emploi, et c'est eux autres mêmes qui ont participé à l'élaboration du questionnaire.

En tout cas, je dirais, sans craindre... mais, en tout cas, il y aurait énormément de travail à faire, je pense, si on place le plan syndical dans le portrait au point que vous le placez.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

M. Morency (Yves): Ce que notre système fait également, c'est que, contrairement à ce qu'on avait autrefois, ça permet une plus grande mobilité. Ayant des entités autonomes, les 1 320 caisses étant des entités autonomes, alors, si chacune de ces caisses-là avait son propre système d'évaluation, on viendrait limiter la migration, je dirais, d'un employé de la caisse vers la fédération, vers sa Confédération. Donc, la mobilité verticale et horizontale serait moindre.

Et là je ne sais pas si, ayant ce système-là, on favoriserait encore moins la progression des femmes à l'intérieur, quand même, d'une organisation comme la nôtre ou des employés qui veulent déjà changer d'emploi, acquérir de nouvelles expériences, de nouvelles expertises. Ayant autant de comités, on aurait peut-être des écarts peut-être plus grands en termes d'équité que ce qui peut, je dis bien, qui peut rester présentement. Et, encore là, selon la modalité de l'avant-projet de loi, il y aurait au-delà de 500 caisses qui ne seraient même pas couvertes. Alors qu'à l'heure actuelle ce qu'on vous donne comme garantie, c'est que toutes nos caisses sont couvertes, peu importe qu'il y ait trois employés, quatre employés, 10 employés, 25 ou 50. Alors, il y a comme des équilibres à aller rechercher. C'est certain qu'il y a des méthodes qui peuvent être plus intéressantes que d'autres, mais il faut aussi voir les effets négatifs qu'elles pourraient apporter. On ne vous dit pas qu'on a le système idéal, mais on en a quand même un qui...

Mme Gagnon-Tremblay: Si je comprends bien, c'est que vous semblez avoir un salaire unique dans toutes vos caisses pour un travail semblable. Je pense, par exemple, à une caissière, qu'elle soit de Québec, qu'elle soit de Sherbrooke, qu'elle soit de Montréal; dépendamment de son ancienneté ou du temps qu'elle y travaille, elle a le même salaire que n'importe qui, là, qu'une autre...

M. Morency (Yves): C'est ça.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est ce que je comprends bien.

M. Morency (Yves): Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Donc, ça veut dire que vous ne prenez pas en compte, comme le souhaitent, par exemple, certains groupes au niveau de l'avant-projet, vous ne prenez pas en compte l'indice de la richesse d'une région ou encore le coût de la vie. Ce n'est pas pris en compte dans votre démarche?

(15 heures)

M. Desrosiers (Bernard): Bien, c'est-à-dire que les structures salariales sont construites pour l'ensemble. Le coût de la vie va rentrer davantage lorsqu'on fait nos recommandations salariales annuelles. Je veux dire, les structures vont bouger en fonction du coût de la vie. Par contre, sur le plan régional, on n'en a pas tenu compte en disant: Montréal, c'est plus cher, le Saguenay, c'est moins cher, ou vice versa. C'est peut-être le contraire, remarquez, mais on a fait les taux moyens, et c'est cette application-là qu'on a privilégiée dans l'ensemble de nos structures salariales.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci.

La Présidente (Mme Leduc): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Desrosiers, de venir nous présenter votre dossier, et M. Paré et M. Morency. Tantôt, vous avez mentionné la disparité entre l'établissement bancaire, ou les banques, et la fédération des caisses populaires. Évidemment, il y a des avantages à fonctionner comme une caisse populaire, il y a aussi des inconvénients. Ha, ha, ha! Ça semble en être un, peut-être, dans l'état actuel. Mais est-ce que, dans votre réflexion quant à l'équivalence salariale, vous avez trouvé des mécanismes par lesquels on pourrait demander aux banques de faire la même démarche que le groupement Desjardins a faite ou est en train de faire quant à la relativité? Est-ce que vous avez trouvé des mécanismes qui pourraient nous être utiles aujourd'hui?

M. Morency (Yves): Non. Tout simplement, ce qu'on vous dit, c'est: Il y a une problématique à l'égard de cette comparaison qui pourrait nous amener certaines contraintes. On n'a pas nécessairement de solution.

M. Beaudet: Vous n'avez pas de solution.

M. Morency (Yves): On n'a pas de solution. On ne s'est pas penchés nécessairement là-dessus, on veut juste simplement sensibiliser les membres de la commission sans en faire un plat. Je pense qu'ici ce n'est pas l'objet principal de notre défense et des aspects qu'on aimerait corriger, mais tout simplement porter à votre attention que le même gouvernement qui légifère concernant une institution financière québécoise et qui travaille dans les intérêts de la population québécoise n'a pas à lui imposer un carcan que, à côté, quand même, ses concurrents n'ont pas.

Une fois ça dit, ça n'enlève rien à notre accord favorable au principe de la loi, mais on vous dit: Écoutez, on pourrait travailler ça, et je ne vous dis pas qu'on ne se pencherait pas là-dessus, mais ce n'était pas l'objet premier de notre mémoire. Mais on est consentants à travailler avec les membres de la commission à trouver peut-être des façons de faire en sorte que ça s'applique à l'ensemble des institutions et de l'industrie, que ce soit bancaire ou autre.

M. Beaudet: Si j'ai bien compris votre intervention avant ma première question, chaque caisse est un employeur autonome. Par ailleurs, vous avez une échelle de salaires qui est uniforme à travers les 1 320 caisses de la province de Québec.

M. Morency (Yves): Caisses, fédérations...

M. Beaudet: Tout. C'est une échelle uniforme.

M. Morency (Yves): ...et institutions, filiales, oui.

M. Beaudet: Comment peut-on concilier cela avec les différents syndicats qu'il y a à travers les différentes caisses puis les grèves que l'on voit dans une caisse et qui vont durer des mois et des mois par rapport à une autre, alors que la grève n'a pas sa raison d'être, parce que c'est la même échelle partout dans la province? Est-ce qu'il y a une disparité? Et, s'il y en a une, disparité, comment réagissez-vous à l'égard d'une disparité à un niveau de travail, une équivalence qui devrait être la même?

M. Desrosiers (Bernard): Bien, sur le plan des relations de travail et de la négociation des conventions collectives, sur une expérience de 25 ans, disons, la Confédération, avec les fédérations, projette des normes provinciales, et les caisses populaires adhèrent à ces normes provinciales là. Lors des processus de négociation, nous, on a dit: Bon, bien, là, la norme, disons, est 100 %. Si la norme est 100 %, qu'il y ait un écart à 102 %, 103 % ou à 97 %, 98 %, on dit: Bon, bien, ça, ça fait partie du jeu de la négociation. On peut constater, sur l'ensemble des conventions collectives, des écarts de cette nature-là.

M. Beaudet: 2 % ou 3 %.

M. Desrosiers (Bernard): Bien, à un moment donné, ça monte à 7 %, 8 %, puis, oups! ça redevient... C'est une courbe à long terme; je veux dire, il y a des endroits où, à un moment donné...

M. Beaudet: O.K.

M. Desrosiers (Bernard): ...ils étaient à 7 %, 8 %, puis là ils sont maintenant rendus à 2 %, 3 %, ou même égaux. Là, oups! c'en est un autre qui dépasse, puis on revient... Actuellement, on a une région, je pense, où ils sont 7 % ou 8 % au-dessus depuis deux, trois conventions collectives. C'est pour ça qu'on dit que l'écart, lors de négociations, est créé par le pouvoir de négociation et n'est pas nécessairement une question d'équité salariale ou de non-équité. Mais, sur ce plan-là... Puis il y a eu des grèves aussi pour maintenir les normes. Il y a eu des grèves des salariés pour avoir des salaires plus élevés, mais il y a eu des grèves pour maintenir...

M. Beaudet: De votre part.

M. Desrosiers (Bernard): ...des normes salariales.

M. Beaudet: O.K.

M. Desrosiers (Bernard): Ça fait que...

M. Beaudet: Merci.

Mme Gagnon-Tremblay: En somme, si je vous comprends bien, c'est que vous êtes pour le principe de l'équité salariale, sauf que vous êtes contre le projet de loi tel que libellé. Est-ce que je comprends bien?

M. Morency (Yves): Quand même, il faut faire attention. Sans être nécessairement contre tel qu'il est libellé, ce que nous proposons, c'est de lui apporter certains accommodements et certains amendements qui feraient en sorte que, à notre point de vue, ce soit une amélioration globale. Mais, quant au principe de base, nous sommes favorables et, comme je vous le disais, pour nous, c'est des questions de nuance, d'adaptation et d'ajustement.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous avez évalué, par exemple, ce que ça pourrait coûter en termes de coûts administratifs ou encore de mise en application pour les ajustements d'écarts salariaux, étant donné qu'on a très peu de chiffres? Personne ne nous a vraiment soumis des véritables chiffres concernant les frais administratifs et aussi les écarts, les ajustements, finalement, pour l'ensemble des entreprises. Est-ce que vous en avez?

M. Desrosiers (Bernard): Je ne pourrais pas vous dire qu'on a des chiffres à caractère scientifique, pour le moment. On n'a pas de chiffres, mais on a seulement à penser que notre masse salariale dépasse le 1 000 000 000 $, ça fait que, si on avait des ajustements de 1 %, ou 2 %, ou 3 %, ou 4 %, ou 5 %, c'est assez facile de voir l'écart salarial.

Maintenant, sur le plan administratif – c'est pour ça que, tantôt, on demandait des assouplissements – si c'est conservé, sur le plan des comités, au niveau de chaque employeur, quand on pense que ça prendrait – on calcule – une vingtaine de jours par employeur pour, en tout cas, placoter du plan puis essayer de faire quelque chose, puis de la formation, etc., on évalue dans les millions le coût d'implantation. Parce que si vous prenez une masse salariale de 1 500 000 000 $, disons, projetez l'équivalent d'une semaine de 5 % ou 10 %, 5 % pour l'implantation, rapidement on monte dans les millions. C'est pour ça qu'on dit: On n'est pas contre l'équité salariale. Nous, de la façon qu'on voit les choses, il ne faut pas oublier que nos caisses, c'est 1 300 employeurs; à mettre des mécanismes trop lourds pour eux autres pour fins d'application de l'équité salariale, ça voudrait peut-être dire qu'ils n'aiment pas du tout l'équité salariale. Le mécanisme peut devenir douloureux et blessant, ce qui fait rejeter le fond, l'objectif du projet comme tel.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Leduc): Je vous remercie, MM. Desrosiers, Paré et Morency. On va suspendre, quelques minutes, pour permettre au Syndicat canadien de la fonction publique de prendre place.

(Suspension de la séance à 15 h 8)

(Reprise à 15 h 10)

La Présidente (Mme Leduc): J'inviterais le Syndicat canadien de la fonction publique à prendre place, s'il vous plaît.

Alors, je rappelle que le temps alloué à l'organisme pour sa présentation est de 20 minutes et qu'il y a 40 minutes de discussion avec les députés parlementaires. M. Charland, ça me fait plaisir de vous accueillir à cette commission. Si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent.


Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP)

M. Charland (Gilles): Alors, à ma gauche, Mme Marie Beaulieu, qui est présidente du Conseil provincial du soutien scolaire, mais qui est aussi la responsable politique de la condition féminine au Syndicat, chez nous; à ma droite, Mme Carol Robertson, qui est conseillère syndicale en matière d'équité en emploi; et M. Serge Perreault, qui est conseiller syndical spécialisé en évaluation des emplois.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, M. Charland, vous êtes directeur québécois du Syndicat de la fonction publique. C'est ça?

M. Charland (Gilles): C'est ça.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, si vous pouvez commencer votre présentation.

M. Charland (Gilles): D'abord, mesdames, messieurs de la commission, il nous fait plaisir de se présenter devant vous pour exposer les motifs pour lesquels nous intervenons aujourd'hui. Rapidement, pour vous présenter notre organisation, nous sommes un système pancanadien qui regroupe plus de 400 000 membres, 455 000 membres, officiellement, à travers le Canada, dont près de 96 000 au Québec. Nous oeuvrons dans une multitude de secteurs: hydroélectrique, municipal, de l'éducation, universitaire, des affaires sociales, du transport tant terrestre que maritime et aérien, des communications et dans les différentes sociétés d'État au Québec. Dans tout cet amalgame, nous représentons des employés qu'on peut identifier comme étant quatre grandes catégories: cols bleus, cols blancs, techniciens et techniciennes et employés professionnels.

On se présente devant vous non sans inquiétude et avec beaucoup d'interrogations, devant cette commission relativement à l'avant-projet de loi sur l'équité salariale. Inquiétude parce que, bien qu'une loi proactive sur l'équité salariale s'avère, à notre avis, indispensable au Québec, l'avant-projet de loi qui nous est proposé dans sa forme actuelle ne nous semble pas augurer des résultats par rapport au but qui est visé et suscite beaucoup d'interrogations sur plusieurs des aspects qui nous semblent soit ambigus, si ce n'est pas litigieux. Nous admettons d'emblée qu'une loi proactive sur l'équité constitue un choix politique, mais ce choix-là doit être clair, net et précis. Maintes fois réclamée, maintes fois promise, cette loi doit permettre l'instauration, quant à nous, d'une véritable justice sociale pour les travailleuses et les travailleurs pour mettre fin à une discrimination trop longtemps connue, admise et même tolérée.

Certes, nous reconnaissons que le contexte social et économique est difficile, mais est-il besoin de rappeler que les Québécoises en souffrent tout autant, si ce n'est davantage parce que plus pauvres, et pendant leur vie active et à leur retraite? Il y a toute une conséquence à cela. Le Québec doit donc cesser d'exiger plus de ses travailleuses que de ses travailleurs et doit, pour ce faire, adopter une loi proactive d'équité salariale respectueuse de l'objectif visé et qui établit clairement les règles nécessaires pour y parvenir, ce qui, à notre avis, n'est malheureusement pas le cas dans l'avant-projet de loi qui nous est proposé.

Depuis ses tout débuts, le SCFP a toujours lutté contre la discrimination et pour la justice. Notre membership se situe aux alentours de 455 000 membres – plus de la moitié sont des femmes – à l'échelle pancanadienne. Donc, pour nous, le dossier de l'équité salariale est vite devenu un enjeu de taille, un objectif à atteindre. Partout, nous avons lutté pour l'obtention d'une loi proactive sur l'équité salariale et nous avons développé des instruments et une expertise qui nous permettent d'identifier clairement les écarts salariaux discriminatoires et les correctifs à y apporter. C'est donc forts de cette expérience acquise ici même, au Québec, et forts de l'expérience partagée dans les autres provinces canadiennes qui ont adopté à ce jour des lois proactives, que ce soit l'Ontario, le Manitoba, l'Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse – ou nous avons même négocié à certains endroits où il n'y a pas de loi comme telle mais des ententes d'équité salariale, notamment à Terre-Neuve...

Il est donc de notoriété publique que la discrimination salariale faite aux femmes est inscrite dans le fondement même des sociétés industrialisées, et le Québec ne fait pas exception. Depuis, il n'y a pas beaucoup de choses qui ont changé. Il y a toujours un écart salarial que nous évaluons entre 60 % et 70 % par rapport aux femmes, donc c'est 30 % à 40 % de moins que les femmes gagnent. Donc, une partie importante de cet écart est due à la non-reconnaissance de la valeur réelle du travail des femmes.

Le Québec reconnaît depuis de nombreuses années qu'il existe une problématique de discrimination salariale. Nos gouvernements successifs se sont, selon différentes formules – législation, programmes ou ratification de conventions – engagés à prendre toutes les mesures, à mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour éliminer cette discrimination. Cependant, force nous est de constater qu'il ne les ont jamais prises. Le discours économique a toujours, finalement, primé sur les revendications légitimes des femmes. On vous donnera un certain nombre d'exemples lors de la période des questions. En principe, on reconnaît le droit à l'égalité des femmes, le droit à une rémunération équitable, mais, en pratique, on vote des législations qui aboutissent à des coquilles vides, à des voeux pieux qui satisfont tout le monde et son père mais surtout pas les femmes, qui ne réclament qu'une chose: l'égalité et l'équité.

Donc, après de longs débats où le gouvernement invitait les femmes, à titre de partenaires réelles, à entreprendre une démarche de concertation, celui-ci nous a-t-il semblé céder au lobby de certains groupes de pression, que ce soit le monde des affaires ou de la finance. Loin d'être la démarche rigoureuse demandée par les femmes pour mettre enfin un terme à la discrimination, les programmes sont devenus une démarche volontaire sous la responsabilité des employeurs, dépouillée de l'obligation de négociation et de l'approbation de la Commission des droits de la personne, le gouvernement, en tant qu'employeur, s'étant lui-même soustrait à toute obligation légale. Et, ça, ça nous inquiète.

Les groupes de femmes, les différents syndicats qui les avaient réclamés s'en sont trouvés exclus, et le résultat est celui que l'on connaît: tellement d'énergie pour si peu de résultats. On avait espéré que cette fois-là serait la bonne, que ç'aurait été différent, mais ça ne semble pas être le cas. Nous avons attendu longtemps que la preuve soit faite relativement au fait que l'article 19 de la Charte s'avère, quant à lui, insuffisant pour corriger un problème à caractère systématique de cette nature. Pendant tout ce temps-là, nous avons, en tant que syndicat, tenté par tous les moyens de négocier l'équité salariale. Partout, sauf à la ville de Montréal et à la Communauté urbaine de Montréal, nous nous sommes heurtés à un mur. On reconnaît l'existence d'un problème, mais on refuse l'ampleur des correctifs nécessaires. Tout se passe comme si, lorsqu'il s'agit des femmes, c'était trop cher. On avait eu aussi des engagements du premier ministre Parizeau, à l'époque, qui était venu à notre congrès et qui s'était engagé – et j'ai le texte avec moi – à une législation en matière d'équité sur un modèle ontarien. Donc, le moins qu'on puisse dire, c'est que ce projet de loi là ne tient pas ses promesses.

Le titre est évocateur, mais, il faut le souligner par exemple, il y a de bons aspects dans le projet. La mécanique préconisée pour l'atteinte de l'équité est excellente, à peu de chose près, mais ça s'arrête là. Ensuite, apparaissent les véritables contradictions. Le gouvernement est-il lié? Ses ministères? On assimile la relativité à de l'équité salariale en sachant qu'on exclura, d'une autre part, le secteur public et une grande partie du secteur parapublic en nous disant qu'ils ont déjà réalisé l'équité salariale ou la relativité. La participation des salariés est, quant à nous, aussi pleine de points d'interrogation, et il nous apparaît, dans la forme où il est rédigé, inefficace. On remet aussi l'administration de la loi à la Commission des normes et on limite les recours au tribunal. Ce n'est pas ce à quoi nous nous attendions.

Donc, je vais passer la parole à ma collègue, Carol Robertson, qui va vous expliquer, sur le plan plus technique, quant au contenu de la loi, quels sont les éléments qui, quant à nous, devraient être modifiés.

Mme Robertson (Carol): L'avant-projet de loi répond-il à ses objectifs? «Législation proactive» signifie «en faveur de l'action», donc une manifestation effective de la volonté, et on nous avait promis une loi proactive sur l'équité.

Quand on survole les différents chapitres, d'abord au niveau de l'objet et du champ d'application, on ne mentionne pas qu'il s'agit clairement de la discrimination salariale faite aux femmes. Or, il nous apparaît important de le reconnaître dans une loi proactive sur l'équité salariale. Ce n'est pas des personnes qui souffrent de la discrimination salariale, ce sont, d'abord et avant tout, majoritairement des femmes qui souffrent de discrimination salariale dans des emplois féminins. Évidemment que les hommes qui occupent les mêmes emplois en souffrent aussi, mais c'est d'abord une discrimination faite aux femmes.

Au niveau de l'article 2, on dit: La loi est d'ordre public et a effet malgré toute disposition d'un contrat individuel de travail. Une loi qui aurait effet malgré les dispositions de nos conventions collectives doit nous donner les véritables moyens d'atteindre l'équité et doit respecter les droits et obligations des syndicats, sans quoi c'est un recul sur le droit de négocier, qu'une loi vienne limiter les droits que nous nous sommes négociés antérieurement. Au niveau de l'article 3, cet article-là semble clair, lie le gouvernement, ses ministères et organismes, mais il est clairement contredit par les articles 77, 78 et 80, même, qui viennent contredire et empêcher l'application de l'article 3.

Au niveau des comités d'équité, ceux-ci permettent, en principe, la participation des salariés mais confirment surtout le pouvoir de l'employeur et menottent l'association accréditée. Ainsi, quand on fait l'analyse de l'application des articles de la loi, on se rend compte qu'un employeur peut décider d'un seul comité d'équité plutôt que de plusieurs, d'un comité de trois membres pour représenter plusieurs associations accréditées; dans certains cas, des milliers de salariés. Ce serait le cas, en tout cas, dans plusieurs endroits chez nous. Syndiqués et non-syndiqués – parce que les non-syndiqués ne sont pas couverts, dans certains cas, ce sont même des cadres de premier et deuxième niveau – ces gens-là se partageront deux sièges et participeront à l'établissement de un ou de plusieurs programmes, selon la volonté de l'employeur, mais ils n'auront toutefois qu'une seule voix.

(15 h 20)

Ce que, nous, nous réclamons, c'est la reconnaissance véritable des droits et obligations des associations accréditées sans que celles-ci ne dépendent en aucune façon et à quelque étape que ce soit du bon vouloir des employeurs. Ce droit-là a été reconnu partout: en Ontario, au Manitoba, à Île-du-Prince-Édouard, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick. On ne peut pas faire la remise du contrôle de l'exercice d'équité à ceux qui ont le pouvoir déjà de discriminer ou non. Et, sans la participation significative des associations accréditées, la législation proposée constitue une porte ouverte aux firmes d'experts, qui, elles, sont trop enclines à proposer aux entreprises des outils qui répondent à leurs besoins mais pas aux impératifs de l'équité; et, ça, ça nous a été prouvé par une sentence arbitrale en Ontario dans le cas des infirmières.

Au niveau de l'article 16 de la loi, on a le droit de s'absenter du travail pour recevoir de la formation et pour exécuter aussi le mandat dévolu au comité. Ce n'est pas tout de recevoir la formation, encore faut-il pouvoir quitter son emploi pour recevoir cette formation et pour exercer les travaux qui sont relatifs au comité, sans quoi il n'y a pas de participation véritable des salariés. À l'article 18, quand on dit que les informations obtenues sont confidentielles, on retrouve ici un parallèle, encore, avec l'exercice des programmes d'accès à l'égalité, où toutes les données sont tellement confidentielles que, finalement, les syndicats ne peuvent véritablement travailler à changer les choses en milieu de travail.

Au niveau des programmes d'équité salariale, ce qu'on doit souligner dans l'avant-projet de loi, c'est le haut niveau de qualité de ce chapitre. On a été très heureux de constater que l'équité salariale, qui demande un exercice rigoureux, a été fort bien élaborée ici, et ça doit, dans un projet de loi sur l'équité salariale, demeurer à peu de chose près tel quel. Et le «peu de chose près» concerne surtout tout ce qu'on devra déterminer ultérieurement par règlement de la Commission. Nous, on pense que ça doit d'emblée apparaître dans un projet de loi qu'on puisse discuter.

En commentaires à faire au niveau de l'article 39, quand on inclut les congés parentaux dans les avantages à valeur pécuniaire, attention! Les congés de maternité, c'est une mesure sociale qui permet aux parents d'assumer leurs responsabilités et, plutôt que de les comptabiliser pour fins d'équité, ce qu'on devrait plutôt faire, c'est s'assurer qu'ils sont accessibles également à tout le monde.

Le maintien de l'équité salariale, c'est fondamental. Cependant, on constate, au niveau de l'article 50, deuxième paragraphe, que l'association accréditée, qui n'avait aucun cas, est nommément ici responsable de s'assurer du maintien de l'équité salariale. C'est la première fois qu'on rencontre une responsabilité dévolue directement à l'association accréditée, et ça nous a suscité beaucoup de questions à cet égard-là. On n'a pas la même reconnaissance de l'association accréditée pour l'élaboration et l'implantation d'un programme d'équité. Quand on dit, à l'article 53, que c'est l'employeur qui doit, tous les cinq ans, transmettre à la Commission un rapport, comment l'employeur assurera-t-il lui-même la surveillance de son propre programme? Ça nous suscite encore des questions.

Au niveau de la Commission des normes, on pense que cet organisme n'est pas du tout, du tout, du tout spécialisé en discrimination salariale, que ce n'est pas là sa mission et que, dans toutes les autres provinces, on a privilégié un organisme indépendant responsable de l'application, de la promotion et de l'administration de la loi. On trouve au Manitoba un bureau, en Ontario une commission, à l'Île-du-Prince-Édouard un bureau et en Nouvelle-Écosse une commission de l'équité salariale, et on pense qu'un organisme spécialement voué à l'équité salariale pourrait beaucoup mieux remplir un mandat.

Quant aux pouvoirs d'intervention de la Commission, quant à nous, ils nous semblent absolus et on ne donne surtout pas à l'association accréditée ou aux salariés les mêmes recours qui sont prévus dans la Charte, notamment aux articles 74 et 84. On n'oubliera pas qu'au niveau de la Charte les salariés et les associations accréditées ont le pouvoir de déposer des plaintes et, si la Commission des droits de la personne en vient à une décision qui nous apparaît non satisfaisante, nous pouvons aller contester cette décision-là au Tribunal des droits de la personne. Nous avons accès au Tribunal, ce que cette loi-là ne nous donne pas présentement, dans les problèmes d'équité salariale. Pour nous, il s'agit d'un recul tout à fait inadmissible, d'autant plus qu'on ne peut saisir le Tribunal, mais l'employeur le peut, lui, dans les cas visés à l'article 77.

Quand on passe au chapitre XI, Dispositions applicables aux programmes d'équité ou de relativité salariale complétés ou en cours, Gilles en a parlé tantôt, on a été vraiment étonnés de nous rendre compte que, pour avoir tenté d'atteindre l'équité salariale, pour avoir investi, travaillé à appliquer l'article 19 de la Charte, nous sommes, avec d'autres, pénalisés, exclus. On est exclus à l'égard d'un véritable exercice d'équité, mais on est aussi exclus de tout recours possible. On n'a aucun souci, dans cet avant-projet de loi, de savoir si l'équité salariale a été atteinte ou non. On applique à ceux qui avaient commencé ou effectué un exercice de relativité salariale des conditions moindres que celles prévues pour les groupes demeurant couverts par la loi. On ne définit aucunement «relativité» par rapport à «équité», on n'exige même pas une méthode exempte de biais discriminatoires, on n'exige pas le respect des mêmes principes et on ne dit surtout pas à quel moment on était supposé avoir atteint l'équité.

Ces dispositions-là, elles vont avoir pour effet d'exclure de l'application du principe d'équité des milliers de travailleuses qui oeuvrent dans l'éducation, les soins de santé, les services gouvernementaux, les universités, et, ça, pour nous, c'est impensable. L'exercice qui a été amorcé en 1988-1989 n'a pas comblé l'ampleur de l'écart salarial dû à la discrimination, jamais, et c'est ce qu'on refuse de faire aujourd'hui.

Quant au dernier article, qui est l'article 80 et qui nous parle d'assimiler accès à l'égalité à équité salariale, on tient à rappeler ici que les programmes d'accès à l'égalité ont constitué une démarche volontaire des employeurs, démarche sur laquelle ils ont eu le plein contrôle. Encore une fois, ils ont pu se soustraire à la loi sans véritable garantie de contrôle quant à la rigueur et à la justesse de l'exercice effectué, et c'est ce qu'on va retrouver si l'avant-projet de loi demeure tel quel. Quand on parle de souplesse et d'inaction, on pense qu'on ne peut pas servir deux maîtres, qu'il y a une loi qui est en vigueur au Québec depuis 1976, la Charte des droits et libertés de la personne, et que l'approche souple a laissé tout le temps voulu et n'a rien donné. Il est bon de noter que la première loi contre la discrimination dans l'emploi avait été votée en 1964, il y a plus de 32 ans. Il n'existe pas deux remèdes pour l'équité, deux actions antagonisantes. La discrimination ne se corrige jamais d'elle-même, sinon ce serait déjà fait.

Et un mot sur les coûts de l'équité salariale. En Ontario, les coûts ont été approximativement de 2,2 % de la feuille de paie pour le secteur public. On ne dit pas 2,2 % pour les travailleuses, on dit 2,2 % de la feuille de paie, beaucoup plus pour les travailleuses; au Manitoba, 3,3 %. Les expériences nous prouvent que les coûts reliés à l'équité ne sont pas si exorbitants. Ce qui fait qu'ils sont souvent faramineux, c'est qu'on a trop souvent l'habitude d'y inclure d'autres coûts qui n'ont rien à voir avec la correction de la discrimination. On parle de l'élaboration, de l'implantation de plans, on parle de correction de structures salariales, on parle d'une multitude de mesures qui n'ont rien à voir avec l'équité, et ces coûts doivent être séparés des coûts reliés à l'équité salariale.

M. Charland (Gilles): Donc, pour conclure, il est clair qu'on se devait de parler de la question des coûts. On ne veut pas voir ici apparaître le spectre de la faillite des entreprises ni la preuve, de notre part, d'une responsabilité marquée au niveau social, mais, encore une fois, je pense qu'on vous démontre là que les coûts sont beaucoup moins importants et peuvent être échelonnés sur une certaine période de temps.

Maintenant, en conclusion, ce que nous vous disons, c'est que le gouvernement du Québec ne peut pas renier sa parole. Pour nous, une loi sur l'équité salariale doit être adoptée et faire en sorte que dans toute la société québécoise on applique davantage le principe «à travail équivalent, salaire égal», et cela devrait constituer une prochaine étape et importante étape au Québec. C'était un engagement pris par le Parti québécois dans son document «Le coeur à l'ouvrage» et c'était aussi un de ses engagements durant la campagne électorale. Il s'agit donc ici d'une question de volonté, de choix politique, et nous vous exhortons à mettre en application les véritables principes d'une législation proactive, et c'est à ce prix-là seulement, quant à nous, qu'il sera possible pour les Québécoises de vivre au Québec l'égalité et l'indépendance.

La Présidente (Mme Leduc): Je vous remercie, M. Charland, Mme Robertson. Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité et ministre responsable de la Condition féminine.

(15 h 30)

Mme Harel: Mme la Présidente, je ne peux m'empêcher de souscrire à la conclusion du président du Syndicat canadien de la fonction publique. Cependant, je suis quand même surprise de voir le ton virulent qui a été utilisé, en fait, pas seulement tout au long de la présentation, mais également dans le mémoire que vous nous présentez. Je pense que, dans ce mémoire, vous nous dites même que ça constitue, l'avant-projet de loi, un recul sur les droits conférés par la Charte des droits et libertés de la personne. J'ai l'impression, je vous le dis en toute amitié, que ça manque du sens de la mesure, parce que la Charte des droits et libertés de la personne prévoit un principe, qui est celui de «à travail équivalent, salaire égal», depuis 20 ans, et l'application en est laissée à un recours fondé sur la plainte. Alors, il me semble quand même que l'avant-projet de loi, tout aussi imparfait soit-il, c'est un pas en avant et non pas un pas en arrière, parce que la Charte, et son recours à l'article 19, je crois, ça individualise complètement, tandis qu'il me semble que l'avant-projet de loi reconnaît l'aspect, je dirai, collectif ou systémique de ces stéréotypes qui sont associés au travail étiqueté féminin. Vous ne trouvez pas que ça se tient, mon raisonnement?

Mme Robertson (Carol): Oui, ça se tient comme raisonnement, mais c'est, jusqu'à un point, teinté de notre expérience que nous faisons, que nous apportons ici cette réflexion-là. Si on regarde la démarche des programmes d'accès à l'égalité dans la Charte, la démarche des programmes d'accès à l'égalité ne nous a jamais empêchés, en tant qu'organisation syndicale, de déposer des plaintes de discrimination à caractère systémique dans le cas d'employeurs qui, eux, disaient souscrire à la démarche des programmes d'accès à l'égalité. Et l'avant-projet de loi, ici, quand ton employeur effectue une démarche d'équité salariale, si nous manifestons notre désaccord à la Commission des normes du travail, tel que prévu, nous ne pouvons, si la décision de la Commission ne nous satisfait pas, l'amener au Tribunal pour une autre décision. On n'a pas de recours au Tribunal en tant qu'organisation syndicale, recours que la Charte nous laissait dans le cas des programmes d'accès à l'égalité. C'est dans ce sens-là qu'on considère que c'est un recul qu'on ne peut pas accepter, parce qu'on a dû, contre des employeurs assez bien... des gros employeurs bien connus au Québec, déposer quand même des plaintes de discrimination systémique, même si ceux-ci faisaient une démarche et disaient s'être dotés de programmes.

Il nous apparaît important que, s'il y a un recours à un tribunal, ce recours-là soit accessible à l'association accréditée pour pouvoir permettre une manifestation de la justice. Et c'est ces recours qui ont permis, dans les autres provinces, de faire déclarer discriminatoires des plans fort connus de firmes. Dans le cas des infirmières en Ontario, c'est le tribunal qui, ultimement, doit décider. Et tout le monde doit pouvoir aller au tribunal, pas seulement l'employeur. C'est dans ce sens-là.

Mme Harel: Mme Robertson, est-ce que vous nous dites que les programmes d'accès à l'égalité, lorsque la Commission – c'est la Commission des droits de la personne qui les sanctionne – advenant que la Commission les sanctionne et que ça ne fasse pas votre affaire, vous pouvez aller au Tribunal?

Mme Robertson (Carol): Ils sont sanctionnés par la Commission seulement quand ils sont imposés par un tribunal. Autrement, l'employeur, c'est une démarche volontaire.

Mme Harel: Oui. D'accord. Mais j'essaie de concilier ce que vous venez de dire de ce qu'il est possible de faire maintenant puis de ce que vous semblez me dire qu'il ne sera plus possible dorénavant. C'est quoi, la différence?

Mme Robertson (Carol): La différence, c'est que, dans l'avant-projet de loi, s'il y a un désaccord entre les salariés, l'association accréditée et l'employeur, on amène ça à la Commission et la décision de la Commission s'applique, ou la Commission va décider d'aller au Tribunal. Mais qu'est-ce qu'on fait si on n'est pas d'accord avec la décision de la Commission? On n'a aucun recours, aucun.

Mme Harel: Bon. Alors là...

M. Charland (Gilles): On a, d'ailleurs, si vous permettez...

Mme Harel: D'accord.

M. Charland (Gilles): ...une parenthèse, des expériences...

Mme Harel: Oui, certainement, M. Charland.

M. Charland (Gilles): ...fort malheureuses avec... Vous savez qu'il y a de nombreuses plaintes de la Commission des droits de la personne qui sont pendantes depuis de nombreuses années et qui n'aboutissent pas faute de budget ou pour toutes sortes d'autres raisons.

Mme Harel: En tout cas, on est venu ici, devant nous, nous en présenter une. Ça fait 15 ans que ça dure.

M. Charland (Gilles): Oui.

Mme Harel: C'est pour ça que je suis un peu surprise de voir que vous voulez garder ce recours-là devant le Tribunal.

M. Charland (Gilles): Bien, ce qu'on dit, c'est qu'on ne veut pas ce Tribunal-là. On veut un tribunal qui soit propre à une loi.

Mme Harel: À la Commission.

M. Charland (Gilles): À la Commission.

Mme Harel: Mais je comprends que, la Commission, si vous n'agréez pas à sa décision, vous voulez aller devant le tribunal. C'est ce que vous venez de dire, Mme Robertson. Non?

Mme Robertson (Carol): Bien, écoutez, qu'est-ce qu'on fait si la Commission rend une décision puis qu'on a un désaccord? Qu'est-ce qu'on fait? On n'est pas d'accord avec la décision qui nous est rendue. Ça s'arrête là. La Commission a plein pouvoir. Ce n'est pas ce qu'on voit dans les lois d'équité salariale dans les autres provinces. Partout où il y a des lois sur l'équité salariale, quand il y a un désaccord avec la commission de l'équité salariale, il y a un recours au tribunal pour les salariés ou pour l'association accréditée. Et on s'étonne de ne pas voir ce recours-là dans la loi, dans l'avant-projet qui nous est présenté. C'est dans ce sens-là qu'on dit que c'est un recul, puis un recul sur la Charte, aussi.

Mme Harel: Alors, je comprends cependant que, à part en Ontario et dans les autres provinces, c'est seulement dans le secteur public. Il n'y a pas, donc, d'aucune façon, l'équivalent du début, du commencement de quoi que ce soit qui ressemble à de l'équité salariale dans le secteur privé, sauf en Ontario. Et on voit, malheureusement, là, disons, les interventions récentes du gouvernement ontarien qui altèrent, en fait, ce qui était déjà accepté. Bon. Mais j'ai compris quand même. Vous voulez donc avoir ce recours suite à la décision d'une commission que vous voulez indépendante.

Je vais vous le dire tout de suite, la suggestion que vous faites quant à la rédaction de l'article 1, je la trouve vraiment intéressante, cette suggestion à l'effet de préciser que l'objet de la loi est de corriger la discrimination salariale faite aux femmes et aux personnes occupant des emplois à prédominance féminine. C'est l'idée qui est bonne. Évidemment, je ne pense pas que ça puisse se rédiger comme ça parce que, tel que rédigé, ça donne l'impression que les femmes ne sont pas des personnes. Alors, je ne pense pas que, malgré tout, il y ait un sexe qui ne soit pas homme ou femme. Alors, je pense bien, mais, cependant, je comprends l'idée. L'idée, c'est que vous voulez cerner mieux que l'équité salariale, ce n'est pas de la relativité salariale. Donc, c'est de la discrimination salariale faite aux femmes, on pourra dire «et aux hommes occupant des emplois à prédominance féminine», je pense. Alors, à ce moment-là, dans le fond, ça cerne bien l'objet de ce qu'est vraiment l'équité salariale. Je pense qu'on va l'étudier, en tout cas. J'allais dire que je ne suis pas juriste, mais, en fait, je suis une juriste du dimanche, là, mais... Ha, ha, ha! Je pense bien qu'on va voir les implications que ça a, mais ça peut sûrement être intéressant.

Peut-être un mot sur le pouvoir de négociation. En passant, il faut quand même un projet de règlement, mais un projet de règlement, ça peut aussi se discuter. Vous voyez, la solution, ce n'est pas nécessairement de mettre un règlement dans la loi. La solution, c'est de faire un examen parlementaire d'un projet de règlement, parce que c'est une loi d'application. Alors, la loi va contenir des principes d'application, là. Le principe, il est déjà dans la Charte, lui. C'est l'application du principe. Mais le règlement, dans le fond, c'est ce qu'on peut plus facilement changer au fur et à mesure qu'on se rend compte que ça ne donne pas les résultats escomptés, parce que, si on avait la certitude que l'application des lois se fait de la façon dont on les a adoptées, ce serait extraordinaire. Mais là je n'ai aucune illusion sur le fait que ce qu'on adopte ici est automatiquement, dans le même sens, là, mis en application. Il y a le principe de la vie à tous ses échelons, là, ce qui fait que le règlement, lui, permet justement de pouvoir ajuster ça au fur et à mesure plus facilement. Alors... Parce que j'avais l'impression que vous nous disiez: Tout ce qui est dans le règlement, vous devriez le mettre dans la loi. Moi, je dirais: Tout ce qui est dans le règlement va devoir faire l'objet, en même temps que la loi d'application, d'un examen. C'est ce que je crois, là. Je pense que ça s'impose concurremment. Je ne sais pas ce que vous en...

M. Charland (Gilles): C'est un peu ce qui nous inquiète, de ne pas avoir un certain nombre de principes dans la loi qui reconnaissent que l'association accréditée a des pouvoirs d'intervention, a des pouvoirs de négociation, alors que, dans un règlement, on sait que ça fait toujours l'objet de discussions entre les parties et que, bien souvent, ça dilue la portée de la loi. On a vu ça, entre autres, à la SQDM, que vous avez pilotée, la difficulté que les parties ont eue à s'entendre sur un projet de règlement; et, bon, il y a de nombreuses discussions au conseil d'administration même de la SQDM et ici même. Donc, c'est parfois difficile et, pour nous, il faut qu'il y ait des principes bien arrêtés dans la loi. Après ça, la mécanique, comment y arriver, ça, ça peut faire l'objet, je suis d'accord avec vous, d'une réglementation.

Mme Harel: Mais l'idéal restera toujours une réglementation qui, comme celle de la SQDM à laquelle vous faites allusion, qui, en fait, est celle de la formation admissible, fait l'objet, finalement, de l'unanimité des parties, parce que chacune y trouve un peu son compte en ayant négocié. Alors, je souscris au principe qu'un règlement négocié vaut mieux qu'une convention imposée. Alors, comment faire pour que ce principe de la participation efficace de l'association accréditée soit reconnu? Comment vous introduiriez ça dans la loi, si vous voulez? Comment vous le feriez?

(15 h 40)

M. Charland (Gilles): Bien, il nous apparaît clair qu'il faut que la loi, un peu comme l'accréditation lorsqu'un syndicat est accrédité, lui donne la juridiction pour représenter les salariés et négocier l'ensemble de leurs conditions de travail. Donc, il nous apparaît que, dans la loi, le principe de négociation de l'équité salariale doit faire partie de ce qu'on appelle le champ du négociable, parce qu'il y a une loi qui nous y oblige et qui oblige les parties à le faire. Ça devra faire partie de la négociation entre les parties et, s'il y a mésentente, il y a des recours; mais, à ce moment-là, on reconnaît l'association accréditée, quels sont ses pouvoirs, ses droits et les obligations aussi – parce qu'il n'y a pas juste des devoirs, il y a aussi des obligations. Autant les employeurs que les salariés sont sujets à poursuite en vertu du Code du travail. Donc, ça va forcer les organisations syndicales à faire leurs devoirs correctement et à suivre le processus jusqu'à sa limite et pour s'assurer que, en bout de piste, il y ait une véritable équité salariale qui soit faite pour les femmes.

Mme Harel: Vous savez, M. Charland, qu'il y a beaucoup de femmes qui sont inquiètes parmi, disons, les personnes assez actives dans les groupes de femmes, celles qui, depuis 20 ans, ont porté souvent à bout de bras et, je dirais, parfois envers et contre les syndicats, là, et je ne vous parle pas du vôtre. Beaucoup, beaucoup, beaucoup résistent et voudraient que le gouvernement résiste complètement à l'idée d'introduire une participation élargie, par exemple, de l'association accréditée à la négociation, se disant: Écoutez, ça fait longtemps que les syndicats auraient pu régler la question de l'équité s'ils l'avaient voulu. Alors, ils ne l'ont pas fait parce qu'ils ont choisi d'autre chose à la place. Ils ont confortablement, souvent, négocié pour les hommes seulement.

Je ne veux pas que vous vous sentiez attaqué, M. Charland...

M. Charland (Gilles): Mais...

Mme Harel: ...dans ce que je dis parce que vous êtes un homme, parce que vous pourriez être, finalement... Ça pourrait être une femme qui soit présidente du syndicat. Ce n'est pas vous, ce n'est pas votre syndicat...

M. Charland (Gilles): Non, non.

Mme Harel: ...c'est le syndicalisme comme tel qui, pour beaucoup de femmes, a failli à cette tâche-là. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Robertson (Carol): On a eu ces discussions-là, Mme Harel, au niveau de la Coalition en faveur de l'équité salariale où siègent, ma foi, plus de groupes de femmes que d'associations syndicales, Coalition qui a présenté un mémoire devant vous. On a eu l'occasion de clarifier beaucoup de ces questions-là et on a mentionné certaines difficultés des associations accréditées. Il est très difficile de garder des employés en grève pour quatre types d'emplois féminins qu'on ne peut pas faire rehausser. On a discuté de ça aussi avec la Coalition. On a beaucoup travaillé dans le cadre des programmes d'accès à l'égalité. On a créé des liens avec les groupes de femmes, et, ça, je pense que c'est en train de se clarifier. S'il reste encore des groupes qui ont beaucoup de craintes par rapport aux syndicats, c'est peut-être qu'ils ont moins eu l'opportunité de travailler avec une majorité de syndicats dans certains points. Je ne dirai pas que tout est parfait, rien n'est jamais parfait nulle part, mais, ça, je pense qu'il y a beaucoup moins de craintes qu'il y en avait.

Au fur et à mesure qu'on a travaillé... Les groupes qui font partie de la Coalition en faveur de l'équité salariale n'ont pas ce problème-là non plus. On s'est encore rencontrés hier toute la journée.

Mme Harel: Elle accepterait, vous pensez, la Coalition? Elle accepterait que le principe d'une participation de l'association accréditée soit reconnu? Ça, ça veut dire que, dans la loi ou l'avant-projet, ou la loi, ce qui va devenir un projet de loi, on ne peut pas avoir trois ou quatre dispositifs concurremment. On dit, par exemple, un peu comme on l'a fait, par exemple, pour le 1 %: Lorsque c'est négocié librement et que c'est dans la convention, ça tient lieu de formalité. Et là ça simplifie la vie, évidemment, et, en général, les entreprises préfèrent négocier avec les gens qui sont dans leur entreprise que de se laisser faire par des fonctionnaires. Mais est-ce que vous pensez que la Coalition accepterait ça?

Mme Robertson (Carol): Bien, écoutez, on n'a jamais eu de discussion à l'effet qu'elle n'accepterait pas ça puisque la Coalition admet le principe de la négociation des programmes d'équité salariale.

Mme Harel: De la négociation en entreprise, la négociation dans le cadre... avec une association accréditée.

Mme Robertson (Carol): Oui.

Mme Harel: Bon.

M. Charland (Gilles): Mais si vous permettez...

Mme Robertson (Carol): On en fait partie, de cette Coalition-là, alors on ne fait pas partie d'une coalition qui refuse la négociation.

M. Charland (Gilles): Et je reprendrai...

Mme Harel: Non, je ne dis pas qu'elle la refuse, mais qu'elle la reconnaît comme étant une formule qui tient lieu, si vous voulez, là, parce qu'il ne peut pas y avoir à la fois la négociation plus en même temps le comité, plus en même temps le plan d'action, etc... On ne peut pas avoir trois formules d'équité dans une entreprise.

M. Charland (Gilles): Effectivement, mais je reprendrai un peu ma réponse que je vous disais tantôt, dans le sens où je la considérais peut-être audacieuse, peut-être que j'ai été mal compris. Mais, dans la mesure où, pour nous, les organisations syndicales – j'inclus notre syndicat aussi – si la loi oblige tous les employeurs à faire de l'équité salariale et que les associations accréditées doivent y être partie prenante parce qu'elles ont l'obligation de la négocier, donc ça va responsabiliser les parties, incluant la partie syndicale, où j'avoue qu'effectivement, dans certains cas, parce qu'il n'y avait pas de pression, il n'y avait pas de législation, peut-être que les gens ont passé à autre chose et peut-être dans des endroits où il y avait des majorités d'hommes, etc.

Mais, là, ça va responsabiliser. Et ce que je vous disais tantôt, par le biais de l'article 47, lorsqu'un syndicat ne fait pas son job, les femmes à l'intérieur même du syndicat pourraient poursuivre leur propre syndicat. Je pense que vous aviez compris ça. Bon. Donc, on vous dit: On va se responsabiliser et, à l'intérieur de nos organisations, on va s'organiser pour faire notre job.

Mme Harel: Oui. C'est très intéressant. Peut-être une dernière, dernière vite, là, parce que le temps file. Concernant le principe de la couverture universelle, je vous avoue que ça m'a beaucoup surprise, parce que et la Commission des droits et le comité consultatif, que vous appelez, dans le milieu de la Coalition, le comité des sages, ont reconnu qu'il valait mieux une couverture de 10 employés et plus, à défaut de quoi, sur le plan de l'applicabilité, etc., ça devenait trop compliqué et, surtout, l'opérationalisation de ça s'avérait presque impensable. Et la Commission des droits puis le comité consultatif ont une expertise, je pense, qui n'est pas à dédaigner.

En tout cas, je conclus que, vous, il y a quatre principes. Couverture universelle, c'est le seul, je pense, avec lequel on est en désaccord, parce que la reconnaissance du droit de négociation, un recours véritable en cas de désaccord... Il y a la question, évidemment, qui est peut-être plus litigieuse, de l'organisme responsable indépendant. Ça m'étonnerait beaucoup que ça puisse faire consensus au Québec, de créer un nouvel organisme, quand on a souvent l'impression que la rationalisation devrait nous amener, au contraire, à faire performer ceux qui existent déjà.

Avant de cesser cet échange, j'aimerais savoir pourquoi vous tenez tant à un organisme responsable indépendant et pourquoi un organisme crédible ne pourrait pas jouer le même rôle, finalement.

Mme Robertson (Carol): Écoutez, il s'agit de discrimination à caractère systémique, et les femmes ont très souvent été très mal desservies dans notre société par différentes législations. Et, dépister la discrimination systématique à l'égard de toute la rémunération, c'est la même chose que de la dépister à l'égard des programmes d'accès à l'égalité dans l'ensemble des organisations. On doit, pour ça, être formé à la discrimination systémique et avoir cette préoccupation, cette mission, ce souci. Il nous semble qu'un organisme dont c'est la mission exclusive aura peut-être plus de chances d'y arriver qu'un organisme qui a plusieurs missions et plusieurs objectifs qui peuvent être contradictoires à rencontrer.

Mme Harel: Bien, s'ils sont contradictoires, c'est parce que ce n'est pas à la bonne place, là, parce que, normalement, ça devrait être compatible. Je ne vois pas en quoi c'est incompatible avec la mission, par exemple, de la Commission des droits, qui a déjà toute une expertise là-dessus, et je ne vois pas en quoi ce serait incompatible avec la Commission des normes, qui pourrait se donner cette expertise – que je conviens que la Commission n'a pas, mais qu'elle pourrait acquérir – et qui, dans le fond, a un souci constant et qui devrait être encore élargie d'application des lois pour les non-syndiqués.

M. Charland (Gilles): Un peu aussi à cause de ce que vous avez mentionné tantôt. Vous savez que, nous, sur le plan syndical, nous avons toujours favorisé que tout ce qui touche les relations de travail devrait être sous le même chapeau d'une commission large des relations de travail et inclure ce qu'on pourrait appeler des secteurs ou des départements ayant leur propre champ de juridiction, leur propre... Ce qui nous inquiète, et vous avez prononcé le mot, c'est la question de la rationalisation et, compte tenu de cette rationalisation-là et des échanges, parce qu'on voit les mouvements de personnel à l'intérieur de la fonction publique, que des gens soient déplacés, et, comme Carol le mentionnait, je n'ai pas de mauvaise foi, encore une fois, ce n'est pas les individus, mais cette connaissance profonde, cette formation-là, parce que ce n'est pas un cours de deux ou trois jours ou d'une semaine qui va faire que les gens vont se recycler. Alors, ce que nous visons, c'est d'avoir en poste des gens qui aient vraiment une expertise et une compétence reconnues en la matière.

Mme Harel: Vous voulez dire des gens extérieurs à la fonction publique, si je vous interprète?

M. Charland (Gilles): Pas nécessairement. Il s'en trouve peut-être à l'intérieur de la fonction publique, là. Mais, compte tenu justement de ce que vous avez appelé la rationalisation, et tout ça, qu'on s'assure que les bonnes personnes sont au bon endroit.

Mme Harel: Oui. Mais s'ils sont à l'intérieur de la fonction publique, ils vont se retrouver, que ce soit une commission indépendante... Vous voulez qu'elle soit indépendante de la fonction publique complètement?

M. Charland (Gilles): Bien, nous, ce qu'on disait, c'est des gens qui relèvent... Ce qu'on vise essentiellement, c'est des gens qui soient spécialisés en la matière. Ça, je pense...

(15 h 50)

Mme Harel: Mais ils ne seraient pas professionnels du gouvernement, ils ne seraient pas à l'emploi...

M. Charland (Gilles): Ah! Ça, là, sur la forme, tout ça, on n'a pas de...

Mme Harel: Parce que, à la Commission des droits, ils ne sont pas dans la fonction publique et ils ont une expertise... Et, à la Commission des normes, hors les problèmes qui sont en voie de solution, je pense qu'il y a une expertise là aussi.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, je vous remercie, Mme la ministre.

Mme Harel: C'est moi qui vous remercie.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, Mme la députée de Saint-François et porte-parole de l'opposition.

Mme Gagnon-Tremblay: Mesdames, messieurs, merci de vous être déplacés pour nous faire connaître votre point de vue. D'emblée, je vous soulignerai que j'ai été un peu surprise, étonnée. Aux pages 3 et 4 de votre mémoire, je trouve que vous avez une mémoire plutôt sélective de ce que le Québec a fait en termes de discrimination. J'ai comme l'impression que vous avez passé toute une période, la période 1985 à 1994, période au cours de laquelle on a implanté les programmes d'accès à l'égalité, on a créé l'obligation contractuelle, on a fait les relativités salariales pour le secteur public et parapublic, on a déposé une loi en équité en emploi, et je ne vois rien, absolument rien, qui figure aux pages 3 et 4 de votre mémoire.

Ceci étant dit, je voudrais revenir sur les comités qu'on a suggérés dans l'avant-projet de loi. Vous étiez sûrement ici tout à l'heure, au moment où les représentants de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins ont fait valoir leur point de vue quant à l'avant-projet de loi et souhaitaient qu'il n'y ait pas, nécessairement, de cogestion ou ce qui semblait être un peu paritaire, pour le bon fonctionnement, finalement, de toute la démarche en équité en emploi, alors que, vous autres, c'est le contraire. Vous souhaitez être très impliqués à l'intérieur de ces comités, suivre de très près toute cette démarche. Comment concilier les deux approches? J'imagine que si les caisses populaires souhaitent cette démarche, est-ce que vous croyez que c'est parce que le dialogue serait plus facile? Comment concilier ces deux démarches?

M. Charland (Gilles): Écoutez, quand on est tout seul devant son miroir, c'est toujours plus facile de s'entendre. On se regarde avec nous-même, et tout ça. Alors, à partir du moment où il y a deux parties d'impliquées, c'est comme dans un ménage, ça, là; quand il y a deux personnes, c'est un dialogue et il y a parfois des divergences, etc. Donc, c'est plus difficile. Or, pour nous, et on va le répéter, ça doit devenir ce que l'on appelle du droit négociable et, donc, que la partie syndicale soit en mesure, avec l'employeur, d'établir quels sont les critères qui doivent être établis par le biais d'un plan d'évaluation, sans égard au sexe, sans biais discriminatoire, de façon à ce que nous ayons l'assurance, comme organisation, que nous adhérons à cette démarche-là, et pour la faciliter, aussi, en entreprise.

Parce que ça ne doit pas être une opération unilatérale de l'employeur et qui semble venir du Saint-Esprit. Il faut que ce soit important que les salariés, hommes et femmes, adhèrent à cette démarche-là et, pour ce faire, il faut que les représentantes et les représentants d'associations accréditées soient présents aux tables de négociation, puissent donner leur point de vue, faire valoir leurs arguments, pour arriver à une véritable entente et équité salariale et éviter, par la suite, des plaintes. Si on laisse ça à l'employeur tout seul et qu'on n'a pas un mot à dire, on va regarder le train aller et, par la suite, si on n'est pas satisfait, on va déposer des plaintes. Parce qu'on n'aura peut-être pas compris toute la démarche de l'employeur. À l'ère où nous sommes, où on se gargarise de partenariats, qu'il faut associer les salariés, etc., et responsabiliser les organisations syndicales et les employés, il nous apparaît de bon aloi d'être présents et d'être partenaires, entre guillemets, dans cette démarche-là.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais, selon ce que nous ont dit tout à l'heure les représentants des caisses Desjardins, qui semblent avoir fait une démarche très poussée qu'ils appelaient «en relativité salariale» et, possiblement aussi, qu'ils disaient jusqu'en équité salariale, et qui semblent avoir réussi, malgré qu'il n'y avait pas de ces comités paritaires ou de ces comités de cogestion, parce qu'ils ont quand même mis leur personnel à contribution, ils ont été informés tout au long de la démarche, est-ce que vous croyez qu'à ce moment-là, si, d'autre part, vous réclamez l'inverse, c'est-à-dire une implication beaucoup plus soutenue à l'intérieur des comités – vous parlez même de négociations – est-ce qu'à ce moment-là, pour éviter, par exemple, les frais d'administration... Parce qu'il ne faut pas se le cacher, en frais d'administration, frais administratifs, c'est un coût, à mon avis, qui sera sûrement assez considérable. Donc, ce qui signifie que, plutôt que de le donner aux femmes pour les ajustements ou les écarts qui suivraient les ajustements, c'est certain qu'on devra payer en coûts administratifs. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu d'avoir, avant d'entreprendre toutes ces démarches, ce qu'on peut appeler une espèce de modèle commun ajustable, mais, finalement, qui éviterait la négociation à la pièce dans chacune des entreprises pour en arriver à amorcer cette démarche et qui éviterait aussi de négocier la formation, les libérations syndicales et ainsi de suite? Comment voyez-vous ça?

Mme Robertson (Carol): Comment on voit ça? On voit ça du côté d'un syndicat qui a une expérience, je dirais, de 20 ans à 30 ans dans la négociation de plans d'évaluation des emplois et qui a fait un cheminement dans le sens de l'équité salariale. Et on fait une immense différence entre plans d'évaluation des emplois pour refaire une structure salariale chez un employeur, entre relativité salariale où on sent le besoin de classer les emplois les uns par rapport aux autres, et entre équité salariale, où, là, on s'attarde à analyser les emplois de femmes sans aucun biais discriminatoire et à effectuer le principe «à travail équivalent, salaire égal».

De notre côté, nous avons depuis des années tenté de négocier l'équité salariale, et mon collègue, Serge Perreault, va vous faire état de ce qui nous est arrivé dans beaucoup de négociations. On se rend compte qu'il est peut-être plus facile de négocier de la relativité salariale que de l'équité salariale. Chez nous, on a toujours voulu négocier le salaire avec l'employeur pour mieux partager l'enveloppe salariale entre l'ensemble des employés, hommes et femmes. On a à cet effet-là établi des comités d'évaluation des emplois, et il est évident qu'on doit dissocier les coûts entre le besoin d'une entreprise de se doter d'une nouvelle structure salariale et une entreprise qui fait de l'équité salariale. L'équité salariale peut souvent, si je prends des exemples, tel la ville de Montréal, tel Hydro-Québec, concerner en tout et partout un maximum d'environ 20 % de femmes dans une entreprise, qui n'auront pas toutes des rajustements salariaux, parce qu'elles n'occupent pas toutes des emplois féminins.

Alors, si on ne fait que l'équité salariale, les coûts vont être gardés minimes, 1 %, 2 % de la feuille de paie, comme c'est arrivé dans certains endroits. Ils vont être répartis entre un nombre de femmes, et ces coûts-là, qui sont de 1 %, 2 %, 3 %, vont représenter, pour les femmes, des augmentations substantielles. Et nous, on fait une immense différence. On a fait la preuve que, tout ça, c'est négociable, mais que ça demande une chose de la part des employeurs; ça demande, de la part des employeurs, de reconnaître que les femmes sont, au plan salarial, discriminées. Et, ça, mon collègue va vous en parler, ce n'est pas évident que parce qu'on réussit à négocier de l'évaluation des emplois, de la relativité salariale, on ait réussi à négocier de l'équité. Il va vous en parler abondamment. Soit dit en passant, en Ontario, où notre syndicat regroupe environ 160 000 syndiqués, dans 98 % des cas de plans d'équité salariale qui découlent de la loi, on a eu des ententes avec l'employeur sans devoir avoir aucun recours à la Commission ou aux tribunaux d'équité salariale. C'est donc tout à fait faisable puisqu'on l'a réussi dans 98 % des cas. Et mon collègue va vous faire les différences.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Peut-être, avant d'entendre les commentaires de votre collègue, est-ce que vous reconnaissez, lorsque vous dites que ça va toucher particulièrement des femmes, cependant, que ça peut aussi valoir pour les hommes? C'est-à-dire qu'il y a des hommes qui vont profiter et qu'il n'y a pas non plus de salaire à la baisse, mais qu'il peut n'y en avoir qu'à la hausse et que ça ne touche pas seulement des femmes. L'équité salariale profite non seulement aux femmes, mais également aux hommes dans un même corps d'emploi.

Mme Robertson (Carol): Dans un même corps d'emploi. C'est sûr que ce qu'on aura à réévaluer, c'est l'emploi qui a été discriminé. Et ce sont, tel que la règle et dans l'avant-projet de loi, les emplois qui sont à prédominance féminine, donc qui comportent 60 % de femmes. S'ils comportent 60 % de femmes, c'est sûr qu'il peut y avoir un 40 % d'hommes. Il fallait arrêter la démarcation quelque part, et c'est clair que c'est l'emploi qui devra être réévalué, puisque c'est l'emploi, la valeur de l'emploi qui n'a pas été reconnue. Mais ce qu'on sait, c'est que les emplois à 60 % sont peut-être plutôt rares. Souvent, on va aller à des emplois, c'est 90 %, 98 % de femmes dans l'emploi. Mais ça n'exclut pas que les hommes qui sont sous-payés en vertu de ça ne seront pas réévalués, absolument pas. Mais ce sont majoritairement des femmes. Mon collègue va vous parler de l'expérience qu'on a faite au niveau des relativités.

(16 heures)

La Présidente (Mme Leduc): M. Perreault.

M. Perreault (Serge): Oui, bonjour. Pour avoir vécu, depuis bon nombre d'années au SCFP, autant de situations de construction ou d'implantation de systèmes d'évaluation des emplois, on peut vous dire qu'il y a quand même une différence importante entre l'exercice d'équité salariale et de relativité salariale. J'ai eu aussi l'occasion d'avoir été le porte-parole au niveau de la table FTQ lors de l'installation de l'exercice de relativité salariale, en 1988-1989. Et ça nous amène, en gros, à distinguer entre ce que ma consoeur, Mme Robertson, vous a dit, c'est qu'en termes de relativité salariale il s'agit de comparer tous les emplois entre eux et, par la suite, de tenter de s'entendre, par voie de négociations, sur une structure de salaires, avec différents barèmes, différents critères.

En matière d'équité salariale, la prémisse, c'est, premièrement, d'identifier des emplois qui sont à caractère féminin et d'identifier des emplois qui sont à caractère masculin selon les différents indices qu'on reconnaît au niveau de la loi; et, deuxièmement, d'établir les paramètres de règlement, très clairement, salarial à partir des emplois qu'on dit masculins; et, par la suite, de redresser les emplois qu'on dit féminins selon ces paramètres. Donc, il y a des éléments, quand même, très importants entre l'exercice qu'on doit viser dans les deux cas. Pour m'en souvenir, au niveau du règlement auquel on est arrivé en 1989, on a parlé, à travers l'établissement... Et, encore là, ça n'a jamais été un plan qui a été ensuite prévu. Il n'a jamais été appliqué au niveau des différentes conventions collectives. On a essayé de redresser certains salaires, parce que depuis, en autant que je me souvienne, 1976 les parties en négociations se disaient toujours: C'est quoi qui n'est pas correct au niveau des salaires? Nous autres, on prétend que celui-là devrait être haussé. Et l'employeur disait: Ce n'est peut-être pas celui-là qui devrait être haussé, c'est l'autre qui est trop haut.

Donc, on est passé à travers un exercice où on a essayé d'établir, à travers un système d'évaluation des emplois – aussi imparfaits soient les systèmes, entre guillemets – la relation entre tous les emplois et, par la suite, essayé, par voie de négociations conventionnelles, d'en arriver à une entente salariale. La position qu'on a toujours eue à ce moment-là, c'est de dire: Oui, il y a eu un gain au niveau de la masse et non en termes d'équité, puis on a atteint ce qu'on a appelé l'équité pour différents critères – qu'il serait peut-être trop long d'expliquer ici – sur le plan technique. Si ce n'est qu'un exemple bien évident, c'est que la très grande majorité des emplois qu'on peut appeler de bureau, ce sont des emplois qui sont majoritairement féminins, et ces emplois-là se retrouvent dans une structure salariale avec des échelons, comparativement à des emplois qu'on dit métiers, très majoritairement masculins, sur lesquels, ces emplois-là, n'existe aucun échelon. Et le salaire unique des emplois masculins est le même que le maximum des emplois de bureau. Si ce n'est que cette approche-là, qui est par voie de négociations et non pas par voie d'interprétation de règles d'équité salariale...

Alors, il y a des nuances importantes. Il y a aussi des dénominateurs communs dans les deux exercices, on en convient. En termes d'équité salariale, il faut réussir, pour être capable d'en arriver à déterminer l'équité salariale, à bâtir des systèmes – ce qu'on reconnaît même au niveau de l'avant-projet de loi – à bâtir des outils de mesure quantitatifs qui quantifient les emplois et qui nous amènent à pouvoir redresser des situations. Tandis qu'en termes de relativité salariale on doit aussi bâtir des outils de même nature qui quantifient des emplois, mais qui nous amènent à les comparer, à les relativiser entre eux, par la suite à tenter de déterminer une structure salariale.

Une autre expérience, qui est assez récente, c'est au niveau du secteur universitaire, où c'était assez curieux. Depuis plusieurs années, la structure des emplois de bureau, secteur universitaire, comparativement aux emplois de bureau du secteur public, était quand même un peu plus haute. Et, à toutes fins pratiques, ce à quoi on arrivait, confronté vis-à-vis de l'employeur, c'était de dire, bien: Il faut établir l'équité salariale, c'est-à-dire qu'il faut que les emplois de bureau se retreouvent au même niveau qu'ailleurs dans le secteur, c'est-à-dire qu'il faudrait les baisser. Alors, ça a été assez curieux, un petit peu, comme exercice, mais c'est pour démontrer que toute l'approche, en termes de relativité, a des paramètres, lorsqu'ils arrivent à la négociation, qui sont tout à fait différents de ceux, en termes de conclusion, auxquels on arrive au niveau de l'équité, même si, dans leur essence, il peut y avoir des outils qui sont communs pour faire progresser les deux phénomènes.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Je reviens sur un point qui me paraît assez important. On sait qu'actuellement tous les gouvernements, ou encore les entreprises privées, gèrent la décroissance. Actuellement, on est davantage vers des plans de rationalisation. On regarde, par exemple, comment on peut, d'une part, geler les salaires, comment... c'est-à-dire qu'on ne crée pas de nouveaux postes, on n'embauche pas de surnuméraires, il y a plein de choses actuellement qu'on fait pour essayer de rationaliser. Et, cependant, on a à faire face au programme d'équité en emploi, et on sait très bien que l'assiette salariale n'est pas illimitée. Je pense que l'assiette salariale est plutôt restreinte. Est-ce que, à ce moment-là, compte tenu de ce qui pourra être donné en termes de masse salariale au cours des prochaines années, que ce soit par le gouvernement ou encore par les entreprises privées, ce qui, à mon avis, est minime par rapport à ce qu'on pouvait obtenir il y a 10 ans, est-ce que votre syndicat serait prêt, par exemple – ou les autres syndicats – à accepter de privilégier l'équité salariale dans toutes ses négociations – dans toutes leurs négociations – dans le sens que, avant de négocier quoi que ce soit, les écarts, par exemple, au niveau de l'équité salariale devront être payés, devront être donnés aux femmes avant, bon, toute autre possibilité en termes de salaire? Est-ce que c'est quelque chose que vous pouvez privilégier au cours des prochaines années?

M. Charland (Gilles): Écoutez, ce qui est clair et important pour nous, c'est que le principe de l'équité salariale soit dans la loi et que ce soit un objectif à atteindre, pas dans 100 ans. On a toujours été reconnu comme une association qui était pragmatique, et on est prêts à échelonner l'atteinte de cet objectif-là, à l'échelonner dans le temps. Et ce que mon collègue Serge disait tantôt, ce qui est important pour nous, c'est d'établir une règle à mesurer sur laquelle les parties vont convenir, on va... quitte à faire la relativité, par la suite l'équité, et qu'à partir de ce moment-là, quand ce principe-là sera établi, que tel emploi à prédominance féminine par rapport à un emploi à prédominance masculine, on les évalue, on dit: Ça, maintenant, ça devrait avoir le même salaire, le reste, ça fait partie de la négociation. Et, oui, je répondrais à votre question, on est prêts à regarder, dans une négociation globale faisant partie d'un des aspects de la négociation, à privilégier l'atteinte de l'équité salariale.

Serge parlait de la négociation – je vous dis ça, là, sans aucune partisanerie, aucune – mais, lorsqu'on a négocié, en 1989, on a été sujets à des pressions du monde patronal, qui disait: Ne faites pas l'équité trop vite, ne faites pas l'équité, point – par en arrière des portes, là – ne faites pas l'équité parce que ça va amener une hausse du salaire des employés de bureau par rapport au reste du secteur privé. Et, dans le dernier rapport de l'IRIR, qui date de novembre 1995, on s'aperçoit que, pour les emplois bureau, qui sont à prédominance féminine, on est 6,9 %, juste au niveau du salaire, en bas du marché, et 6,7 % quant à la rémunération globale quand on inclut tous les bénéfices marginaux, et que, dans les emplois métier, qui sont à prédominance masculine, on est égal au marché et dans la rémunération globale et dans les salaires. Alors, ça veut dire, donc, que, même avec toute la bonne volonté du monde, on a réussi, dans le secteur public, à reculer majoritairement les femmes par rapport aux hommes. Alors, on va vous dire, on a un bout de chemin et, pour nous, ce qu'on vient plaider aujourd'hui, c'est qu'on est prêts. Et ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait des instruments de mesure, qu'ils soient négociés et que l'objectif soit très clair dans la loi qu'on doit atteindre l'équité. La forme, la période pour l'étaler, ça, c'est du négociable. Bien sûr, pas dans 30 ans, mais on est prêts à avoir des périodes où ça va se faire.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Je voudrais revenir à l'organisme qui devra appliquer la loi et gérer. Je ne veux pas prêter d'intentions au gouvernement, mais, moi, il m'apparaît que, si on a décidé ou inscrit dans la loi qu'il pourrait s'agir de la Commission des normes du travail, je pense que, davantage dans le contexte de restrictions budgétaires, le gouvernement n'a pas nécessairement d'argent à allouer pour l'application de la loi et qu'il pourrait facilement refiler la facture à l'employeur ou aux employeurs étant donné que ce sont les employeurs qui financent la Commission des normes du travail. Mais, ceci étant dit, je crois toujours qu'un organisme indépendant serait souhaitable, c'est sûr, pour gérer, par exemple, toute la discrimination salariale.

(16 h 10)

Maintenant, est-ce que vous avez pensé... Par contre, il faut être aussi responsable, et on ne peut pas créer non plus des organismes au gouvernement dans le contexte actuel. Est-ce que vous avez pensé à un organisme qu'on pourrait abandonner ou qu'on pourrait tout simplement mettre de côté pour permettre la création d'un nouvel organisme concernant la discrimination salariale?

M. Charland (Gilles): Écoutez, nous, ce qu'on souhaite essentiellement, là, c'est d'avoir l'assurance... On ne veut pas créer une superstructure avec des présidences puis tout ce qui en découle au niveau – excusez l'anglicisme – du «red tape» et de la hiérarchie, et tout ça. Ce que nous souhaitons et ce que nous avons toujours dit, c'est que, ça, ça devrait relever des relations de travail, d'une structure, d'une commission de relations de travail, avec une branche ou une section composée de gens spécialisés en la matière. Pour nous, c'est la première prémisse: que les personnes qui vont devoir trancher sur ces questions-là soient des gens qui aient toute l'expertise voulue. Et je ne dis pas ça de façon péjorative. Je vais vous donner un exemple. Quand on a donné aux commissaires du travail la tâche d'évaluer ou de prendre en charge les plaintes qui étaient déposées pour les cadres lorsqu'ils étaient congédiés, bien, ces gens-là n'avaient pas la formation, etc. Il y a eu des décisions contradictoires, la jurisprudence, les contestations en cour, etc. Alors, donc, notre crainte, c'est que, fondamentalement, on donne ça à la Commission des normes, là, à un moment donné, qu'il n'y ait pas toute l'expertise et, en dehors des individus, là, entendons-nous bien, mais que les gens n'aient pas... Même si on leur donne une formation de deux, trois semaines, et tout ça, ça prend des gens qui sont imprégnés de ça, qui ont, je dirais, une culture, qui ont ça un peu depuis de nombreuses années en eux. Alors, donc, peut-être que ça peut amener du déplacement. On ne dit pas d'engager 150 nouvelles personnes, là, mais d'aller chercher les personnes qui ont vraiment des compétences reconnues en la matière.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous n'avez pas d'organisme à suggérer qu'on pourrait abolir en remplacement?

M. Charland (Gilles): Écoutez, ça serait trop facile, là. Vous tirerez ça à pile ou face.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Saint-François, et je remercie le Syndicat canadien de la fonction publique. Nous allons maintenant inviter le prochain groupe à se présenter, qui est l'Union des municipalités du Québec.

Alors, il me fait plaisir d'accueillir l'Union des municipalités du Québec, M. Jean-Marc Gendron, qui est le maire de Mistassini. Si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent.


Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Gendron (Jean-Marc): Avec plaisir, Mme la Présidente, Mme Harel, Mmes et MM. les députés. Alors, je suis accompagné de Mme Aline Laliberté, conseillère en relations de travail à l'UMQ, et par M. Stéphane Guinta, conseiller en relations du travail à la ville de Longueuil.

Donc, l'UMQ tient à vous remercier de lui permettre la possibilité d'exprimer son point de vue et ses commentaires sur l'avant-projet de loi. Alors, sans plus tarder, je me mets à l'oeuvre.

(16 h 20)

L'Union des municipalités du Québec est le principal regroupement de municipalités locales du Québec. Ses quelque 300 municipalités membres implantées dans toutes les régions représentent plus de 80 % de la population totale du Québec et gèrent une proportion plus imposante encore des budgets municipaux, 85 %, étant donné le caractère urbain de la majorité de ses municipalités membres. L'UMQ compte également parmi ses membres 32 municipalités régionales de comté et les trois communautés urbaines. La principale mission de l'UMQ est de promouvoir le rôle fondamental du gouvernement local et de défendre les intérêts des municipalités, MRC et communautés urbaines en regard des besoins et aspirations des citoyens ainsi que promouvoir l'institution municipale en tant que palier local de gouvernement élu au suffrage universel.

Le monde municipal constitue un employeur important au Québec. Un peu plus de 80 000 travailleurs québécois sont à l'emploi d'une municipalité ou d'un organisme de transport en commun. Ces fonctionnaires municipaux reçoivent environ 3 600 000 000 $ annuellement en rémunération, soit plus de 40 % des budgets municipaux évalués à plus de 9 000 000 000 $. Bien que les municipalités soient, à première vue, un palier de pouvoir public semblable aux autres réseaux publics – éducation, santé – elles s'en distinguent du fait que c'est la collectivité locale qui en constitue le bailleur de fonds presque exclusif.

Le principe de l'équité salariale entre les femmes et les hommes occupant des emplois de valeur comparable peut difficilement être rejeté. Il est lié à l'interdiction de la discrimination fondée sur le sexe, tel que prévu dans la Charte des droits et libertés de la personne. Les municipalités adhèrent sans réserve à cet objectif, et je prends la peine de le redire: les municipalités adhèrent sans réserve à cet objectif. Toutefois, la préoccupation de l'Union des municipalités du Québec et de ses municipalités membres réside dans la mise en oeuvre d'un tel programme et des coûts engendrés par cet exercice. Le niveau de rémunération dans le secteur municipal et la conjoncture économique actuelle ne se prêtent pas à une bonification des conditions de travail des employés municipaux. La question de l'équité pourrait trouver naturellement sa solution dans le cadre de négociations de conventions collectives, sans qu'aucune loi vienne alourdir le fonctionnement administratif des municipalités et augmenter les coûts de gestion.

Peu de municipalités – environ une cinquantaine – possèdent, au niveau de leur structure administrative, un service de ressources humaines organisé. La gestion des ressources humaines des quelque 1 400 municipalités restantes est assumée soit par un directeur général ou par un secrétaire trésorier. La panoplie de responsabilités relevant de ce premier fonctionnaire fait en sorte que ce n'est pas un spécialiste qui devra s'assurer de la mise en place de ce programme. L'état des finances publiques commande que l'appareil municipal fasse plus avec moins. Il est peu probable que ces nombreuses municipalités soient en mesure de mettre en place des ressources spécialisées en évaluation des emplois sans en appeler à des firmes extérieures.

L'état de la rémunération en milieu municipal. Les administrations publiques sont actuellement liées par des conditions de travail hors de proportion avec les réalités économiques d'aujourd'hui. Depuis plusieurs années, l'UMQ demande au gouvernement du Québec d'apporter des modifications à la législation pertinente afin de redonner aux municipalités un véritable pouvoir de gestion, c'est-à-dire le droit de gérer la chose publique dans la mesure de la capacité de payer des contribuables et de façon comparable aux conditions qui prévalent pour ces derniers dans le secteur privé. Depuis 1992, l'IRIR compare spécifiquement le secteur public avec le secteur municipal. Force nous est de constater que les travailleurs du secteur municipal ont des conditions de travail très avantageuses par rapport aux autres secteurs d'activité.

Le rapport de l'IRIR rendu public le 16 mai 1995 constate que la fonction publique québécoise accuse un retard, par rapport au secteur municipal, de 16,6 % sur les salaires et de 27,5 % sur la rémunération globale. Les employés de l'administration québécoise sont, quant à eux, en avance sur le secteur privé au niveau de la rémunération globale. Ces conditions de travail ont été accordées de bonne foi aux travailleurs à une époque où il était financièrement possible de le faire pour les municipalités, la croissance des revenus de la taxation foncière permettant cette générosité au cours des années soixante-dix et quatre-vingt. Or, depuis 1991, la richesse foncière per capita a diminué graduellement alors que les dépenses per capita des municipalités n'ont pas augmenté.

La conjoncture économique des dernières années a donc changé, et le législateur l'a reconnu. À la demande de l'UMQ, le législateur a convenu, en 1993, qu'il existait un déséquilibre entre la rémunération du secteur municipal et celle des autres secteurs et a permis aux municipalités d'utiliser un outil pour contrôler leur masse salariale, à savoir l'assujettissement des municipalités à la loi 102, Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public et le secteur municipal. Autant les municipalités qui se sont assujetties à la loi 102 que les municipalités qui s'en sont soustraites en négociant des ajustements avec les syndicats représentant leurs travailleurs ont réalisé des économies sur leur masse salariale. Les résultats d'une recherche effectuée par deux professeurs de l'Université Laval démontrent que les municipalités qui se sont soustraites ont déployé un aussi grand nombre de mesures pour réaliser des économies sur les masses salariales que les municipalités assujetties, mais elles ont utilisé des moyens très différents et rarement ceux qui étaient prévus à la loi 102. L'étude mentionne également que les municipalités assujetties se sont contentées de récupérer le 1 % tandis que certaines municipalités soustraites ont obtenu des récupérations supérieures à 1 %. C'est bien là la preuve que les municipalités ont su se servir d'un instrument mis à leur disposition par le gouvernement. D'ailleurs, les municipalités prévoyaient que, pour l'année 1995, les dépenses en rémunération de leurs travailleurs diminueraient de 0,7 % par rapport à l'année 1994.

Les finances municipales et le dossier de la décentralisation. Les retombées d'une réforme improvisée de la fiscalité municipale en 1991 et l'état actuel des finances publiques font en sorte que les municipalités se sentent démunies face au niveau de rémunération de leurs travailleurs municipaux. La capacité de payer des contribuables locaux est limitée et, ces dernières années, les administrations municipales ont dû faire face à de nombreux rejets de règlements d'emprunt et à des demandes de réduction des dépenses et de gel de taxes foncières.

Dans le cadre des discussions en cours sur la décentralisation, il faut retenir l'argument mis de l'avant par l'UMQ à l'effet que le niveau moyen de rémunération globale des employés en milieu municipal aura un effet important sur le coût des services à la communauté. L'éventuelle prise en charge par les municipalités de responsabilités assumées jusqu'ici par le gouvernement devrait être justifiée à la fois par une amélioration des services rendus et par une réduction du coût de ces services. D'ailleurs, l'entente de principe signée en octobre 1995 entre les unions municipales et le ministre des Affaires municipales reconnaît pour la première fois la problématique des relations du travail en milieu municipal et dans un contexte de décentralisation. Le poste budgétaire le plus important des municipalités est celui consacré à la masse salariale des employés. Le niveau de rémunération en milieu municipal constitue ainsi le principal obstacle à une décentralisation efficace d'activités ou de services du gouvernement vers les municipalités.

L'équité salariale. La question de l'équité salariale ne concerne pas que les municipalités. Cette consultation se veut un débat de société sur l'écart qui continue à exister entre la rémunération des femmes et celle des hommes. L'UMQ n'a pas la prétention de détenir les meilleures solutions pour contrer ce déséquilibre qui peut s'expliquer en partie par les rapports de force syndicaux, la rareté de certaines compétences et bien d'autres facteurs. Toutefois, tel qu'exprimé précédemment, la rémunération en milieu municipal est au coeur des débats que l'UMQ tient présentement avec les représentants du gouvernement. Tous s'accordent pour dire que l'élaboration et l'application d'un système d'évaluation des employés est un processus complexe auquel il faut apporter beaucoup d'attention. La plupart des municipalités devront retenir les services d'une firme de consultants pour obtenir l'appui technique et l'expertise qu'elles ne détiennent pas. Cette mobilisation d'énergie et de ressources techniques pour mener à bien cette opération engendrera des frais administratifs importants pour toutes les municipalités.

(16 h 30)

Exclusion des policiers et pompiers municipaux. L'Union désire particulièrement attirer l'attention de la commission sur la situation particulière des municipalités. Malgré le cadre juridique général imposé à tous les employeurs en matière de relations de travail, la particularité du rapport de force entre l'employeur municipal et ses employés se distingue nettement. Le régime des négociations collectives des policiers et des pompiers municipaux, pour qui le droit de grève est interdit, fait en sorte que, si le processus de négociation ne résulte pas en une convention collective négociée, le différend est déféré en arbitrage où seront statuées les conditions de travail devant s'appliquer à ce groupe de salariés. L'UMQ a décrié, décrie et décriera ce système qui a créé une spirale inflationniste des conditions de travail des policiers et pompiers municipaux et continue de demander des modifications législatives pour contrer ce phénomène. Les municipalités ne sont plus en mesure d'exercer leur pouvoir de gérance correctement à l'égard d'une des fonctions qu'elles ont à assumer. Cette remarque a pour but d'attirer l'attention des membres de cette commission sur l'obligation faite aux municipalités, en préparant leur programme d'équité salariale, de tenir compte de ces groupes de salariés incomparables. Incomparables, pas nécessairement dans le sens de rendement, mais dans le sens de trouver ailleurs une catégorie de travailleurs qui rencontre les mêmes exigences et qui obtient des conditions de travail relativement équitables. L'avant-projet de loi, article 20, spécifie que tout employeur doit établir un programme d'équité salariale applicable à l'ensemble de son entreprise. Les municipalités ne devraient pas être tenues de considérer les conditions de travail des policiers et pompiers municipaux dans l'établissement des programmes d'équité salariale.

L'UMQ dénonce le niveau de rémunération de ces catégories d'employés depuis déjà plusieurs années et demande au législateur de lui donner les outils nécessaires au rétablissement d'un équilibre du rapport de force qui traduise mieux les limites de la capacité de payer des municipalités. La loi ontarienne sur l'équité salariale permet d'exclure des plans d'évaluation la comparaison des groupes de salariés dont le pouvoir de négociation est considérable. Nous considérons donc que les groupes de policiers et pompiers municipaux devraient être exclus de la loi en raison du régime des relations du travail fort différent des autres salariés, où une sentence arbitrale de différend tenant lieu de convention collective est décidée par un tiers et est exécutoire, et en raison, également, du pouvoir de négociation très élevé chez ce groupe de salariés. Le petit passage qui suit, à mon avis, est important: De plus, le niveau de la rémunération des policiers de la Sûreté du Québec n'a pas été comparé à celui des travailleurs des secteurs public et parapublic lors de l'exercice de relativité salariale effectué par le gouvernement avec ses syndicats. Je pense que nous nous comprenons.

Comparaisons inter-catégories. L'UMQ est également inquiète des difficultés d'application d'un programme d'équité inter-catégories. Il existe dans les municipalités plusieurs catégories d'emplois au sein d'une même unité d'accréditation et plusieurs unités d'accréditation, leur nombre pouvant dépasser 10 unités par employeur. Créer une méthode d'évaluation unique de comparaison des emplois adaptable autant pour les professionnels que pour les employés du loisir ou des centres sportifs ne sera pas une tâche aisée. La loi québécoise devrait prévoir, tout comme la loi ontarienne sur l'équité salariale le prévoit, que les correctifs à être apportés aux catégories d'emplois à prédominance féminine devraient se faire sur la comparaison avec les catégories d'emplois à prédominance masculine les moins bien rémunérées. De plus, notre système de relations du travail, basé sur la libre négociation des conditions de travail et donc des salaires, à l'exception d'un régime particulier pour les policiers et pompiers municipaux, vient d'être entraîné dans le courant de comparaison inter-catégories, ce qui suppose que la négociation des salaires pour une unité d'accréditation donnée va déterminer les salaires des autres unités.

Maintien des salaires. L'obligation prévue à l'avant-projet de loi de ne pas diminuer les salaires payables aux salariés qui occupent des emplois dans l'entreprise est une contrainte qui entraînera une hausse de la masse salariale des municipalités. Il est possible que certains corps d'emplois auxquels on peut se comparer soient surpayés par rapport à la tendance générale ou aux compétences exigées. Le niveau général de la rémunération en milieu municipal en est une démonstration probante, et il ne faut pas que le plan d'évaluation génère une surenchère des salaires payés aux employés municipaux. Idéalement, l'établissement de l'équité salariale devrait donc, dans le monde municipal, donner lieu tout autant à certains réajustements à la baisse de la rémunération dans des emplois majoritairement masculins et n'exigeant pas de compétence élevée qu'à des ajustements à la hausse dans des emplois majoritairement féminins.

Délai d'implantation du programme d'équité. L'UMQ est en désaccord avec le délai d'implantation du programme d'équité salariale exigé des municipalités, soit dans les deux ans de l'entrée en vigueur de la loi. Cette mise en oeuvre représente une charge importante de travail. Il ne faut pas négliger les contraintes organisationnelles des municipalités, où existent de nombreuses catégories d'emplois, ou encore le temps requis pour la formation que peut recevoir chaque membre du comité. Il peut être utile de rappeler que la démarche de relativité salariale entamée par le gouvernement du Québec avec ses syndicats a débuté en 1987 pour se terminer en partie huit ans plus tard, en 1995, puisque certaines plaintes sont toujours pendantes devant la Commission des droits de la personne. La comparaison des emplois n'en reste pas moins très difficile, et le délai imparti aux municipalités nous semble nettement insuffisant.

Paiement des ajustements. Quant au délai imposé pour le versement des ajustements salariaux s'échelonnant sur une période maximale de quatre ans à compter de la date où le programme doit être complété, l'Union considère que ce délai est aussi insuffisant étant donné la conjoncture économique actuelle des municipalités et les coûts appréhendés au moment où les contribuables ne veulent pas subir une hausse de leur taxation. Les coûts des redressements salariaux pour les employés du gouvernement, autour de 350 000 000 $, ont été assumés par tous les contribuables québécois. Les coûts engendrés par un même exercice dans les municipalités devront aussi être assumés par ces mêmes payeurs de taxes, à même les taxes foncières cette fois, alors même que les salaires payés se situent déjà nettement au-dessus de la moyenne des autres secteurs d'activité.

Rémunération globale. Le projet de loi oblige les employeurs à tenir compte des avantages à valeur pécuniaire. Ces avantages ne sont pas également accessibles à toutes les catégories d'emplois comparées. Par exemple, les municipalités fournissent des vêtements à une certaine catégorie d'employés, tels les travailleurs manuels, leurs policiers, pour fins d'identification auprès de la population, ce qui n'est pas nécessairement le cas d'un employé qui est identifié à la municipalité puisqu'il travaille dans les locaux de la municipalité comme d'autres employés. Cette question de fourniture de vêtements relève de la simple logique plutôt que de la discrimination.

Conclusions et recommandations. Le principe de l'équité ne doit pas mener seulement à des ajustements à la hausse des salaires des employés féminins des municipalités. En toute logique, les exigences de l'équité dans le secteur municipal doivent prévoir des corrections dans l'autre sens et mener à la diminution ou au gel de salaires masculins qui demandent de faibles compétences. L'application de cette loi ajoutera au fardeau fiscal déjà lourd des contribuables municipaux. Les enjeux monétaires associés à cette démarche d'évaluation des emplois pourraient être astronomiques. Au moment où l'État se désengage de certaines activités et où les municipalités s'apprêtent à prendre la relève et, dans le contexte actuel, où le niveau de la rémunération des employés municipaux est supérieur à celui des employés des secteurs privé et public, des mesures d'exception doivent être prévues pour tenir compte de la réalité municipale.

(16 h 40)

L'Union des municipalités du Québec recommande à la commission: premièrement, d'exclure, comme le gouvernement l'a fait, la comparaison des catégories d'emplois des policiers et pompiers du programme d'équité salariale; de permettre que la comparaison des catégories d'emplois se fasse seulement à l'intérieur de la même unité d'accréditation; de permettre, étant donné la particularité du secteur municipal, certains réajustements à la baisse de la rémunération dans des emplois majoritairement masculins et n'exigeant pas de compétences élevées; de prolonger le délai d'implantation du programme d'équité salariale; de prolonger le délai du paiement des ajustements et d'exclure certains avantages à valeur pécuniaire du calcul de la rémunération.

Alors, étant maire, Mme la Présidente, d'une ville de taille réduite – maximum, dans les périodes de pointe, d'une quarantaine d'employés – et M. Guinta étant conseiller en relations du travail dans une municipalité de taille plus imposante, en l'occurrence Longueuil, vous comprendrez que vous allez avoir un éventail de la réalité municipale québécoise. Et Mme Laliberté fera la jonction, étant celle qui a conçu cet excellent mémoire. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Leduc): Je vous remercie, M. Gendron. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. Je veux saluer le maire de Mistassini et porte-parole de l'UMQ cet après-midi – cet après-midi et à bien d'autres occasions. Je me rappelle que vous étiez venu présenter également le mémoire de l'Union des municipalités du Québec à l'occasion de l'examen du projet de loi concernant le 1 % en formation. Je veux également vous saluer, Mme Laliberté et M. Guinta. Alors, je comprends que vous dites oui à l'équité salariale, oui à une loi proactive. Est-ce que je me trompe?

M. Gendron (Jean-Marc): Oui à une loi proactive, et, puisque vous m'avez ouvert une porte, il est vrai que j'ai effectivement présenté un mémoire portant sur le 1 % de la formation professionnelle. Et, vous me permettrez, en traversant le parc ce matin, qui était splendide, en passant, j'ai rencontré mon directeur général, qui avait le plaisir de remplir trois formulaires reliés à l'application du 1 %, et je lui ai dit: Miville, ne te décourage pas, il y en a un autre qui s'en vient. Et, ce que mon directeur général déplorait et ce que nous avions prévu, c'est que c'est évident que ce genre de politique là, mur à mur, normée, a toujours des implications très sérieuses, dépendamment de la taille de la municipalité.

Et, comme vous le savez, Mme Harel, en 1994, j'occupais une place privilégiée lors des mois de juin, juillet, août, septembre pour entendre nos discours respectifs, et puis il y a un leitmotiv qui m'avait impressionné: Pas de mur-à-mur, fini le mur-à-mur. Et puis, le 1 %, malheureusement, eu égard à la formation professionnelle, on ne peut pas qualifier cette politique-là de très adaptée, parce que les problèmes que nous rencontrons dans des municipalités de ma taille, il y a, premièrement, toutes les contingences administratives qui y sont reliées, deuxièmement, identifier les formateurs accrédités pour être capables de dispenser de la formation et, troisièmement, en bout de course, le problème, si jamais on ne les trouvait pas, d'envoyer un chèque à la SQDM pour combler le montant qui n'a pas été assumé et dédié à la formation. Donc, le cadre réglementaire, malheureusement, Mme la ministre, n'a pas atteint les objectifs prévus et l'élément souplesse qu'on aurait dû y retrouver, libéré de toute contrainte administrative standard, nous aurait permis, en tout cas, de peut-être mieux atteindre cet objectif-là.

Donc, ce qu'on vous redit, c'est que l'équité salariale, Mme la ministre, on est d'accord avec ça, tellement d'accord que ça me fait plaisir de vous confesser que, à l'avant-dernière convention collective qui est intervenue entre mes cols bleus et cols blancs, on a accordé l'équité salariale à tous nos employés féminins qui souffraient d'un certain préjudice par rapport à des employés qui étaient mieux payés qu'elles dans d'autres secteurs d'activité. Donc, sans avoir eu besoin de loi, nous avons donné un sérieux coup de barre pour atteindre l'objectif visé par votre projet de loi.

Mme Harel: Je ne l'aurais pas fait de mon propre chef, mais, comme vous-même l'avez souligné en nous mentionnant que vous étiez en campagne, disiez-vous, aux mois de juin, juillet, août 1994, en fait, vous avez été l'adversaire malheureux de notre collègue, M. Laprise.

M. Gendron (Jean-Marc): Depuis que nous travaillons au niveau de la régie régionale de la santé et des services sociaux, j'ai appris que la prévention, c'est important. La première fois, on me l'avait servi, donc, là, j'ai dit: On va sauver du temps, je vais le leur servir. Ça va?

Mme Harel: Alors, je trouve ça intéressant, ce que vous me dites à propos du 1 %, parce que ce n'est pas d'aucune façon les échos que j'en ai. Je participais la semaine passée au lancement d'un programme universitaire pour la Banque Nationale à travers le Québec tout entier, associé avec toutes les composantes de l'Université du Québec, dans toutes les régions, et je comprends que la majorité des employeurs ont compris qu'il s'agissait là d'un investissement dont ils avaient l'initiative entre les mains, étant donné que le règlement sur les dépenses de formation admissibles a été littéralement élaboré conjointement par les grandes associations patronales et les centrales syndicales. Et, donc, il ne s'agissait pas là, finalement, d'un obstacle, mais d'un moyen, d'un instrument pour mieux réaliser des obligations qu'ils ont à l'égard de la formation continue, d'autant plus que la majorité de ces entreprises investissent beaucoup dans les équipements, dans les processus. Je serais surprise de voir votre ville, Mistassini, combien vous investissez chaque année dans les équipements, dans les processus nouveaux de gestion, dans les technologies. Je suis toujours surprise de voir à quel point il y a de la résistance, pas contre les machines, pas contre les outils, pas contre les équipements, contre la formation des gens qui vont pourtant avoir à les utiliser et à qui, finalement, cette formation donne de la confiance, de la motivation, de la polyvalence aussi, et puis moins de résistance au changement. Ceci étant dit, je me réjouis que... Disons que c'est sans nuance que cet appui de principe s'exprime, puis j'en suis très contente. En tout cas, je vous transmets pour l'UMQ, vraiment, ma joie de voir que vous appuyez ce principe et cette nécessité de corriger la discrimination qui s'est glissée, mine de rien, dans la rémunération en fonction de stéréotypes étiquetés «emplois féminins ou masculins».

Alors, là, la question, c'est de savoir comment, puis vous nous proposez des choses. Il y en a une en particulier sur laquelle j'aimerais bien revenir avec vous, c'est la question relative à la méthode. Vous nous dites dans votre mémoire souhaiter que... Je crois que c'est à la page... Attendez, elles ne sont peut-être pas paginées, alors... En tout cas, c'est sous le titre «Maintien des salaires». Attendez. Quoi qu'il en soit, en tout cas, le résumé se fait comme suit. Vous souhaitez que la comparaison des emplois à prédominance féminine se fasse avec ceux des emplois à prédominance masculine les moins bien payés et vous nous rappelez que c'était la formule ontarienne. Alors, à ce moment-là, en quoi ça peut vous inquiéter que les policiers-pompiers soient concernés, étant donné que les comparaisons... Puis c'est vous-même, d'ailleurs, dans le mémoire, qui nous le rappelez. Vous le faites à «Comparaisons inter-catégories». Vous nous dites: «La loi québécoise devrait prévoir, tout comme la loi ontarienne sur l'équité salariale le prévoit, que les correctifs à être apportés aux catégories d'emplois à prédominance féminine devraient se faire sur la comparaison avec les catégories d'emplois à prédominance masculine les moins bien rémunérées.» Alors, quel est l'impact, à ce moment-là, de la comparaison avec les policiers-pompiers?

M. Gendron (Jean-Marc): Alors, Mme la ministre, faut-il déduire ou induire de votre question et de son préambule que, a priori, vous vous apprêtez à acquiescer à une demande que l'UMQ vous fait, c'est-à-dire de ne pas tenir compte de la catégorie des policiers-pompiers aux fins de comparaison des catégories d'emplois?

(16 h 50)

Mme Harel: Je ne vois pas comment vous pouvez interpréter ma question de cette façon-là, mais je vous demande, moi, si tant est que c'était ça, parce que c'est un scénario possible, pourquoi ça le serait? Quels sont les motifs qui nous y amèneraient? Vous le souhaitez, puis, moi, je vous pose de bonne foi la question. Quels sont les motifs qui nous y amèneraient, compte tenu que la comparaison, de toute façon, se fait avec les emplois masculins les moins bien rémunérés?

M. Gendron (Jean-Marc): Mme la ministre, si, effectivement, on est d'accord que vous adhérez à l'orientation qui vous est soumise dans son ensemble par l'UMQ, c'est évident que ça vient d'éliminer une enfarge qui est importante. Mais, ce sur quoi on aimerait attirer votre attention – et puis on insiste – c'est que, pour les fins de comparaison, on doit absolument, tout comme le gouvernement l'a fait à l'époque, exclure une catégorie de travailleurs qui, elle, à sa face même, obtient des conditions de travail consécutives à un régime de négociation particulier qui vienne fausser toute comparaison à l'intérieur du milieu municipal.

Mme Harel: M. Gendron, je pense que je vous suivrais si tant est que la comparaison se faisait, comme on m'indique, dans l'avant-projet de loi, sur la moyenne. À ce moment-là, ça a beaucoup d'importance. Mais, comme vous le recommandez, que la comparaison se fasse comme en Ontario, sur les plus bas salariés des emplois à prédominance masculine, là, ça n'a plus de conséquences.

M. Gendron (Jean-Marc): C'est très clair. Mais, Mme la ministre, on veut attirer votre attention sur un danger potentiel qui n'est pas négligeable, et puis c'est très clair que, si jamais vous acquiescez à la demande qui vous est logée, c'est vrai que le problème n'existe plus.

Mme Harel: Parce qu'il y a deux manières de faire qu'il n'existe pas, soit l'exclusion, soit la comparaison, comme en Ontario, sur la catégorie d'emplois la moins rémunérée. Je sais que ma collègue, la députée de Sherbrooke, aussi, veut échanger avec vous. Alors, je m'empresse de lui laisser le temps.

La Présidente (Mme Leduc): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci. Bonjour, M. Gendron, ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Il y a une de vos recommandations, je dois dire, qui m'a un petit peu étonnée, mais j'aimerais que vous me l'expliquiez un peu plus. Vous dites qu'il faudrait prévoir également des réajustements à la baisse dans certaines catégories d'emplois à prédominance masculine qui n'exigent pas de compétences élevées, hein, c'est bien ce que vous demandez?

M. Gendron (Jean-Marc): C'est ça.

Mme Malavoy: Là où je réagis, c'est que c'est déjà difficile de faire passer l'idée d'un projet de loi sur l'équité salariale, si je me fie à ce que j'entends déjà depuis plusieurs jours, et que c'est déjà difficile dans l'hypothèse où on gèle les salaires des autres catégories d'emplois. Mais je me demande si, en acquiesçant à la recommandation que vous faites, on ne se trouve pas à tenter de régler un autre problème, qui est par ailleurs réel, qui est celui du déséquilibre entre la rémunération dans le secteur public par rapport à la rémunération dans le secteur municipal. Et, moi, je serais inquiète de faire porter l'odieux de ça, parce qu'il y a quelque chose qui va être très difficile à avaler pour les gens concernés... Je serais très gênée de le faire porter par le dossier de l'équité salariale. Et j'aimerais vous entendre là-dessus, parce qu'il me semble que ce sont des problèmes de deux natures différentes que vous évoquez à l'intérieur du même mémoire.

M. Gendron (Jean-Marc): Alors, Mme Malavoy, c'est évident que l'on partage le même sentiment, l'inquiétude, mais qui n'est pas fondée sur les mêmes causes. Alors, je vous l'explique. C'est que, au niveau municipal, quand on regarde les enseignements qui découlent des études qui ont été réalisées par l'IRIR, on constate qu'actuellement les employés du secteur municipal, dans plusieurs catégories comparables, touchent une rémunération globale qui est nettement supérieure à celle des employés du secteur public, secteur public qui, lorsque l'on parle encore de rémunération globale, touche une rémunération qui est supérieure à celle d'employés du même secteur dans le privé. Alors, nous, ce que l'on dit, c'est que, dans la politique, ou dans l'avant-projet de loi qui est sur la table, on introduit à l'intérieur du monde des relations du travail un nouveau paramètre qui dit qu'il ne faut pas que l'équité salariale ait d'impact à la baisse sur le salaire des employés. J'ai bien saisi la quintessence de l'avant-projet de loi?

Maintenant, il faut comprendre aussi que, dans le cadre d'une négociation, c'est évident que le monde municipal, n'ayant pas les outils que vous avez, va être obligé de continuer le travail pour être capable de ramener les conditions de travail versées à ces catégories d'employés à un niveau, dans un premier temps, comparable à celui du secteur public et, pour ce faire, va certainement être obligé, dans certains cas, de limiter la croissance par un gel et, dans certains cas, de les faire progresser négativement. C'est évident que, si on ajoute la contrainte reliée à la politique de l'équité salariale, ça peut avoir un impact dans le dossier global des relations du travail et dans les négociations que nous allons avoir avec nos différentes catégories d'employés.

Mme Malavoy: Mais le problème de la rémunération dans certains secteurs, dans le domaine municipal, c'est un problème en soi. On pourrait vouloir le régler en lui-même. On pourrait vouloir le faire indépendamment de toute autre loi sur l'équité salariale ou sur quoi que ce soit d'autre. Et est-ce que vous vous servez, autrement dit, de cette loi-là comme d'une porte d'entrée parce que vous n'en trouvez pas d'autre? Ou est-ce que vous dites: Il va falloir qu'on dégage une marge de manoeuvre salariale, donc, on va en enlever d'un côté puis ça va nous permettre d'en redonner de l'autre?

M. Gendron (Jean-Marc): Absolument pas, madame. Ce que l'on dit, c'est qu'il ne faudrait pas non plus que cette loi-là... Et j'en arrive aux conclusions inverses de ce que vous avancez, c'est qu'il ne faudrait pas non plus en arriver avec des résultats qui feraient en sorte que cet avant-projet de loi là devienne un cadenas pour les récupérations qu'il y a à faire au niveau de la rémunération globale auprès de certaines catégories d'employés. Puis il faut toujours être bien conscient d'une chose. Je vous écoutais échanger avec ceux qui nous précédaient tantôt, vous leur posiez la question: Accepteriez-vous éventuellement de limiter la croissance de groupes de travailleurs dont la rémunération est nettement supérieure à celle de groupes de travailleurs féminins ou d'emplois à prédominance féminine qui ont du rattrapage à faire? La réponse a été un oui-non. Mais il y a une affaire qui est sûre et certaine, c'est que, tout ça, c'est très, très, très lié lorsque l'on se retrouve à une table de négociation. C'est qu'en bout de course il y a la capacité de payer de l'employeur, et, dans le cas des villes, la capacité de payer de ses contribuables par rapport aux demandes, par rapport au contrat de travail qui est à négocier avec ses employés. C'est que c'est évident que toutes les fois qu'on parle de négociation – et puis il y a une approche qui est nettement plus proactive qu'elle l'a déjà été dans le passé – il y a toujours un partage, il y a toujours un élément de «give and take» qui fait en sorte que tous ces éléments-là sont compris et ont des incidences les uns sur les autres.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, je vous remercie. Je passe la parole à Mme la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. Gendron, de votre présentation et bienvenue aux gens qui vous accompagnent. La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, vous aviez eu la gentillesse de m'inviter à votre parade du Festival du bleuet, dans votre merveilleuse ville. Je ne savais pas que, quelques années plus tard, on se rencontrerait sur un sujet aussi important que celui de l'équité salariale.

Depuis le tout début de cette commission, j'entends plusieurs discours, bien sûr, mais ce qui m'étonne le plus, c'est qu'on est d'accord avec le principe. Je pense qu'on dit toujours oui, mais c'est toujours, après ça, le «mais» qui vient. Donc, on est d'accord avec le principe, mais, dans certains cas, c'est la question monétaire qui inquiète. Mais qui va payer en bout de ligne? Je pense que c'est la véritable question qu'on entend souvent. Pour certains groupes, la question monétaire a peu ou très peu d'importance. C'est qu'on reconnaît qu'il y a une injustice faite aux femmes et il faut y trouver une solution. Et, finalement, c'est qu'on doit prioriser, ça doit être une priorité par rapport à d'autres. Donc, la question monétaire devient très peu importante. Tandis que, pour ceux qui doivent payer, bien sûr que, à ce moment-là, la question monétaire, je me rends compte que c'est le gros problème, parce qu'on n'est pas contre le principe. On semble être tous d'accord avec le principe, mais c'est: Qui va partager la facture? Comment elle va être partagée, cette facture-là? Et je comprends vos préoccupations, surtout au niveau municipal, parce que, comme vous le mentionniez, ce sont les citoyens d'une même municipalité qui devront l'assumer, comme, au niveau gouvernemental, c'est l'ensemble de la population.

(17 heures)

Mais, cependant, il va falloir essayer de trouver une solution. Je ne sais pas laquelle, comment on va le faire et de quelle façon on va pouvoir prioriser. Je pense que c'est une question de priorité, à mon avis, et c'est une question aussi, autant que possible, d'en diminuer les coûts, que ce soit les coûts administratifs ou que ce soit... Bon, je pense que c'est ça qu'il faut trouver, ces modèles très souples pour en arriver à améliorer... c'est-à-dire donner l'équité salariale aux femmes qui en ont besoin, mais s'arranger aussi pour que ce soit acceptable pour l'ensemble de la population.

Dites-moi, au niveau municipal, j'imagine que les emplois qui sont occupés par les femmes sont davantage des emplois de bureau. Je ne sais pas si vous avez un pourcentage. Est-ce qu'il y a beaucoup de femmes qui sont dans ce qu'on appelle le non-traditionnel, qui travaillent au niveau de la voirie, par exemple, ou bien si c'est tellement un faible pourcentage que ça ne vaut pas la peine d'en parler?

M. Gendron (Jean-Marc): Bon. C'est une réalité qui est en mouvance. O.K.? Ce qui était impensable il y a de cela 25 ou 30 ans est maintenant une réalité qui devient de plus en plus concrète. Mais vous comprendrez que le monde municipal, c'est un peu comme le secteur public, c'est un secteur ou un employeur qui offre une certaine permanence, une certaine sécurité d'emploi, donc, les gens qui ont le bonheur de travailler pour une municipalité, généralement, conservent leur emploi et les départs sont moins fréquents. Mais, aujourd'hui, on voit des personnes de sexe féminin qui occupent de plus en plus des emplois tels que: directeur des travaux publics, inspecteur en bâtiment, secrétaire-trésorier, policier ou policière, et de plus en plus cette réalité-là est en train d'être présente parmi nos employés, et est même souhaitable. Mais c'est clair que, compte tenu que les postes ne se créent pas à une vitesse extraordinaire, il faut tenir compte du facteur temps et du facteur attrition pour permettre de combler ces postes-là qui deviennent vacants.

Ce sur quoi j'aimerais également répondre à votre question, que vous ne m'avez pas posée, l'équité salariale, c'est comme la formation, c'est incontournable, c'est essentiel. Et on en fait, de la formation, et on en a fait, de l'équité salariale. Ce qui est important, c'est le cadre administratif qui accompagne toutes ces mesures-là. C'est évident que plus on met de contraintes administratives, plus on devient enfargeants, plus on devient contraignants pour les intervenants qui ont, justement, à discuter de ces nouvelles réalités-là et à y apporter des solutions concrètes.

À titre d'exemple, pour une organisation comme la mienne – et il y en a plusieurs au niveau du Québec – j'aime nettement plus accorder des sommes d'argent pour diminuer l'inéquité salariale, si elle existe encore dans mon organisation, que d'accorder des sommes d'argent à une firme-conseil qui va venir me mettre en place un beau plan, créer un beau comité où je vais être obligé d'exiger des efforts et des énergies de personnes qui sont actuellement suroccupées. Et là je vous parle d'une petite ville où on a un directeur général qui est aussi trésorier, d'un directeur général adjoint qui est aussi greffier de la cour municipale, greffier tout court, et qui a à s'occuper de bien d'autres dossiers, à qui on vient de rajouter le tout.

De la formation, c'est clair qu'on en fait, mais quand la personne a à remplir de la paperasse, a à se creuser la tête pour trouver un formateur agréé, c'est là que ça devient irritant. Et quand je regarde – ça m'a renversé, et j'imagine que Mme la ministre l'a fait, sans aucun doute, avec la qualité de l'expertise qu'elle a derrière elle – l'article paru dans Le Devoir le 6 février 1996, c'est fantastique de voir à quel point, si on fait une comparaison entre l'Ontario, qui en avait une loi, et le Québec, qui n'en avait pas, quand on regarde le cheminement sur la diminution de l'écart, les tendances, à toutes fins utiles, sont à quelques dixièmes de pour-cent près, là, dans les mêmes ordres de grandeur.

Alors, moi, je me dis: De grâce, pensez à ceux qui vont avoir à gérer vos politiques. La règle, le temps de la norme mur à mur, on l'a dénoncé. Tout le monde sait que, effectivement, ça crée des lourdeurs administratives qui viennent gruger notre système cardiovasculaire, et, même si on a le coeur à l'ouvrage, on s'aperçoit que le fait d'investir notre coeur dans la paperasse, ça a un effet démobilisateur et on dilapide les deniers publics. Mettons donc nos énergies pour atteindre et régler le problème dans ses finalités plutôt que de créer un cadre qui vient faire en sorte qu'il hypothèque les efforts qu'on est prêts à mettre dans cela.

Là, c'est Mistassini, le maire de Mistassini qui vous parle, et je laisse parler M. Guinta, de Longueuil. Peut-être que, lui, il ne l'a pas, le problème des lourdeurs administratives.

M. Guinta (Stéphane): C'est sûr que, pour Longueuil, qui est une ville, au Québec, de moyenne envergure – on dirait, en Amérique du Nord, peut-être de moyenne envergure; ici, une ville de 100 000 habitants, c'est une grosse ville – il faut être conscient que, chez nous, par exemple, aux ressources humaines, on est trois professionnels pour gérer l'embauche, les relations de travail, la formation, l'évaluation des emplois, etc. Les grosses villes comme Longueuil, Sherbrooke, Gatineau, peut-être Montréal, l'évaluation des emplois, on fait ça depuis 20 ans. Ce n'est pas nouveau, et on est très conscients des problèmes qu'il y a à ce niveau-là.

On a des discussions, je dirais, régulières avec les représentants syndicaux – j'entendais, j'ai eu l'avantage d'écouter mes collègues du SCFP tout à l'heure – on a des comités d'évaluation régulièrement. Effectivement, ce qu'on fait depuis 20 ans, c'est de la relativité, c'est-à-dire qu'on a des plans d'évaluation des emplois où on range les emplois les uns par rapport aux autres dans une unité d'accréditation. Et ce qu'on est en train de discuter là, c'est la comparaison intergroupe, c'est-à-dire le salaire d'un employé, je dirais, plus clérical, un employé qui fait commis de bureau, secrétariat, etc., avec des employés, par exemple, manuels, des journaliers, où les exigences sont relativement faibles et où les salaires sont très élevés.

C'est sûr qu'il y a des facteurs qui relèvent, je dirais, de la discrimination pour expliquer cette disparité salariale, il y en a un certain nombre. Mais ça ne s'explique pas, cette disparité salariale, uniquement sur la base du sexe, il y a tout un historique, au niveau des relations de travail, qui s'est fait chez les cols blancs et qui s'est fait chez les cols bleus, pour des raisons différentes. Par exemple, les cols bleus; on sait que les cols bleus privilégient beaucoup les augmentations salariales, alors que, chez les cols blancs, il y a un paquet de choses qui ont été négociées au plan normatif. Qu'on pense, par exemple, au niveau des congés de maternité, qu'on pense au niveau de la formation professionnelle. Donc, ce qu'on veut dire – et on n'a pas beaucoup parlé de cette recommandation-là de notre rapport, celle qui dit de permettre que la comparaison de catégories d'emplois se fasse à l'intérieur d'une unité d'accréditation, et c'est un peu ça que je vous explique – il y a d'autres facteurs explicatifs qui expliquent la disparité salariale.

D'ailleurs, même les plans d'évaluation des emplois... Je parle toujours pour les grandes villes, parce que, pour les petites villes, c'est beaucoup plus problématique. Souvent, elles n'ont pas ces outils-là d'évaluation, elles n'ont pas les ressources non plus pour le faire. Et, comme le maire de Mistassini l'expliquait tout à l'heure, ça va être relativement problématique, parce que ça implique d'embaucher des consultants, etc.

Bon. Toujours pour revenir aux grosses villes, donc, il y a des plans d'évaluation qui sont différents chez les cols bleus, il y a des plans d'évaluation qui sont différents chez les cols blancs parce que les critères retenus pour évaluer sont différents aussi. Les cols bleus ont choisi, par exemple, d'utiliser des plans qui valorisent beaucoup le travail manuel. Et, avec ça, ils ont acquis – là je vous fais grâce des détails techniques – une évaluation avec un certain nombre de points qui les favorisaient. Tandis que, chez les cols blancs, là où on valorise plus le travail intellectuel, on a insisté sur des facteurs qui s'intéressaient plus aux choses intellectuelles.

Avec ce genre de projet de loi, ce que ça veut dire, c'est qu'on met la hache dans nos plans d'évaluation et on essaie de s'entendre avec tous les groupes pour trouver un plan d'évaluation qui pourrait évaluer tous les emplois, et que toutes les parties s'entendent sur les mêmes critères d'évaluation. Ce qui est loin d'être évident. J'entends d'ici crier les cols bleus: Nous, ce qu'on veut, c'est valoriser le travail manuel; donc, ça nous prend des critères qui vont évaluer le travail manuel. Tandis que les cols blancs ou les employés de bureau vont nous dire: Non, nous, ce qu'on veut, c'est des critères qui évaluent le travail intellectuel. C'est normal. Je pense que c'est des revendications propres à chacun des groupes.

Et tout ça pour vous mettre dans le bain, que ça va être très difficile de s'entendre, fort complexe en termes de négociations, en termes d'administration, aussi en termes de délais – on parle de deux ans, par exemple, ce qui est, je pense, impossible à réaliser – en termes d'efforts. C'est fort difficile. Et je ne suis pas sûr même que les parties vont être contentes de ça. Je ne suis pas sûr que les employés manuels vont être contents, qu'ils vont s'entendre, par exemple, avec les employés de bureau là-dessus.

On parlait aussi d'équité. C'est important, ça, l'équité, parce qu'on parle de principe. J'entendais madame tout à l'heure nous dire: Bon, écoutez, on est tous d'accord avec la question de dire que ça n'a pas de bon sens qu'il y ait encore de la discrimination basée sur le sexe, au travail. On est tous d'accord avec ça, ce principe-là. Et on parle de principe. C'est la même chose au niveau, je pense, de la rémunération. Si on est pour parler de principe, l'équité, ça va dans les deux sens. S'il y a des gens qui sont surpayés, il va falloir qu'on revoie ça aussi. Ça ne va pas juste dans un sens. Quand on parle d'équité, ça implique toujours pour les employeurs de consacrer de l'argent additionnel.

(17 h 10)

Et c'est un peu ça aussi, le message qu'on vous passait. Actuellement, les municipalités ont des difficultés. Nous, à Longueuil, on s'est engagé à un gel de taxes de quatre ans, alors que nos revenus sont à la baisse, avec la diminution des évaluations foncières. On a des gros problèmes là. Il va falloir qu'on boucle les budgets pendant quatre ans. Et si c'est pour nous coûter encore de l'argent de plus, comment on va faire? Les citoyens n'ont pas l'intention, je pense, qu'on hausse encore la masse salariale avec des choses comme ça.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Je voudrais revenir, M. Gendron. Lorsque vous disiez que votre masse salariale... que vous aviez des salaires au-dessus de la moyenne comparativement, là, au secteur privé, entre autres, est-ce que vous croyez que les emplois à prédominance féminine, comme, par exemple, les emplois de secrétaire, j'imagine, les employées – je ne parle pas des secrétaires-trésorières; malheureusement, il n'y en a pas encore suffisamment, c'est plus des secrétaires-trésoriers – mais des secrétaires, pas sténodactylos, mais je veux dire secrétaires-dactylographes ou techniciennes, est-ce que vous croyez que, dans ces professions-là, dans ces métiers-là, elles sont suffisamment payées?

M. Gendron (Jean-Marc): Moi, madame, quand je regarde le degré de satisfaction des employés qui oeuvrent à l'intérieur de notre organisation... Vous savez, l'objectif, en 1975, l'objectif des négociateurs syndicaux, c'était d'obtenir un salaire pour ces catégories d'employés comparable avec le secteur public. Je puis vous dire une chose, c'est qu'en 1996 ça n'est surtout plus un objectif de négociation pour la partie syndicale. Ça fait longtemps que c'est dépassé, ça. C'est clair que la qualité de la rémunération s'est améliorée et, en ce qui concerne mon organisation, qui est de petite taille et qui n'est pas couverte par les études de l'IRIR, c'est clair que l'écart est nettement moins important que d'autres organisations municipales, à l'exception, peut-être, de mes travailleurs qui sont dédiés à la sécurité publique et au combat des incendies.

La Présidente (Mme Leduc): Mme la députée de Jean-Talon, rapidement.

Mme Delisle: Oui, merci, Mme la Présidente. Mes salutations, également, à d'ex-collègues, au moment où je portais un autre chapeau. Ça m'amène à bien comprendre la portée du mémoire que vous nous avez présenté.

J'apprécie énormément les commentaires concernant les politiques mur à mur. On s'aperçoit, en lisant votre mémoire, de la difficulté, finalement, d'implanter dans les municipalités une politique d'équité salariale telle qu'elle est présentée dans l'avant-projet de loi. Est-ce que l'UMQ a des statistiques sur le nombre d'emplois féminins, là? Monsieur, de Longueuil, parlait tout à l'heure des emplois à prédominance masculine ou féminine, et que, bon, chez les cols bleus, en général, là, dans l'ensemble des villes, peut-être pas dans les plus grandes villes mais certainement dans les villes de taille un peu plus petite que moyenne, il n'y a pas tant de femmes que ça qui sont dans les cols bleus, là, à moins que je ne connaisse pas le milieu.

M. Gendron (Jean-Marc): C'est clair.

Mme Delisle: Par contre, chez les cols blancs, on en a davantage.

M. Gendron (Jean-Marc): Oui.

Mme Delisle: Bon. Est-ce qu'on a des statistiques? Avez-vous des statistiques, à l'UMQ, là-dessus?

M. Gendron (Jean-Marc): Bon. Mme la députée, dans un premier temps, vous savez, parce que vous étiez présente à l'époque, qu'on a mis sur pied un excellent outil de travail, au niveau de l'UMQ, qui s'appelle le CRM, le Centre des ressources municipales, qui est à colliger et à élaborer une banque de données qui va outiller nos membres pour être capables de cerner la réalité du monde du travail. Et, sans plus tarder, je cède le micro à Aline, qui, elle, est plus au fait de ces questions pointues.

Mme Laliberté (Aline): Non, nous n'avons pas de statistiques relativement au nombre, mais nous avons plusieurs catégories d'emplois. Chez les cols bleus aussi, il y a des femmes, il y a la présence des femmes. Il y a des policières, il y a des pompières, mais on n'a pas de données statistiques sur le nombre de... On a des chauffeur-e-s d'autobus. Elles sont assez présentes, là, mais, comme M. Gendron en faisait mention tantôt, l'embauche dans les municipalités ces dernières années ne s'est pas très développée et l'accès des femmes aux emplois non traditionnels n'était pas très élaboré, comparativement aux dernières années qu'on vit.

Mme Delisle: D'ailleurs, l'embauche, finalement, est décroissante par rapport à la croissance qu'on a connue les autres années. Une préoccupation que j'ai...

La Présidente (Mme Leduc): Rapidement, parce que le temps est terminé.

Mme Delisle: Rapidement, Mme la Présidente. Ça concerne justement la taxe foncière. On sait que, bon, chez les employeurs, dans l'entreprise privée, c'est pris à même les revenus de l'entreprise. On devrait certainement savoir que, dans les municipalités, les taxes proviennent de la taxe foncière, donc de ta propriété. Avez-vous des réflexions là-dessus, rapidement, là, sur le bien-fondé, finalement, de taxer à outrance ta propriété pour te donner d'autres services que ceux, finalement, dont tu devrais te doter comme communauté?

M. Gendron (Jean-Marc): Je pense, Mme la députée, jadis maire, que les indicateurs sont très clairs, hein, en provenance de nos contribuables payeurs de taxes. C'est très clair: Assez, c'est assez! Et puis lorsqu'on adopte des mesures de rationalisation et de compression au niveau de nos services, les mouvements de contestation sont très faibles. O.K.? C'est clair que le contribuable en a ras le bol des augmentations de taxes. Quand on regarde la tendance qui est largement répandue au niveau de l'ensemble de notre membership, la tendance va dans la mesure du possible.

Parce que, là, ce qu'il ne faut pas oublier non plus, c'est qu'il y a d'autres dépenses qui nous sont imparties et qui nous viennent par la bande. O.K.? Quand on parle du 1 % de formation professionnelle, de formation...

La Présidente (Mme Leduc): En conclusion, M. Gendron.

M. Gendron (Jean-Marc): Oui, ça va me faire plaisir de conclure sur deux choses. C'est évident que ça ajoute. La décentralisation, telle que pratiquée par M. Ryan, ça a apporté des coûts supplémentaires. On sait que, du temps où le gouvernement actuellement en place était dans l'opposition, il nous disait que toute décentralisation serait accompagnée de revenus; alors, ça, ça va bien, ça s'équilibre. Mais s'il y avait une légère discordance entre les deux, vous comprendrez que ça représenterait encore des coûts supplémentaires.

Et, là, réellement en concluant, Mme la Présidente, je vous invite tous à Mistassini au mois d'août, peu importent votre couleur et votre allégeance politique...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron (Jean-Marc): ...au merveilleux Festival du bleuet, parce qu'on est très ouverts sur le monde, et vous allez avoir un environnement très chaleureux et quasi acquis.

La Présidente (Mme Leduc): Bon! Alors, on prend en compte votre invitation. Et on remercie l'Union des municipalités: M. Gendron, M. Guinta et Mme Laliberté.

J'inviterais la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante à prendre place. J'inviterais les parlementaires à reprendre leur siège, s'il vous plaît.

Alors, M. Cléroux, ça me fait plaisir de vous accueillir à la commission parlementaire des affaires sociales. Vous êtes vice-président de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. Je vous inviterais à nous présenter la personne qui vous accompagne.


Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

M. Cléroux (Pierre): Merci, Mme la Présidente. Je suis accompagné aujourd'hui de Martine Marleau, qui est économiste à la Fédération. Nous allons nous partager la présentation, comme c'est toujours le cas.

Donc, j'aimerais vous rappeler que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante regroupe 17 000 propriétaires dirigeants d'entreprises, 17 000 propriétaires dirigeants de PME au Québec. Ces entreprises sont présentes dans tous les secteurs de l'activité économique et dans toutes les régions du Québec. Donc, il y a des dépanneurs qui sont membres de la Fédération, comme des entreprises manufacturières de haute technologie de 80 ou de 100 employés.

J'aimerais commencer, tout d'abord, en vous parlant un peu du rôle des PME dans l'économie québécoise. Je pense que, plus que dans n'importe quelle région en Amérique du Nord, au Québec, c'est les PME qui créent de l'emploi. En 1978, 26 % des travailleurs et travailleuses québécois se retrouvaient dans une entreprise de moins de 50 employés. En 1992, cette part est rendue à 32 %. Dans la même période, la part relative de l'emploi des grandes entreprises a chuté de 49 % à 42 %. Les PME ont créé plus de 500 000 emplois au Québec au cours de la dernière décennie. Pendant la même période, les grandes entreprises ont perdu plus de 60 000 emplois.

(17 h 20)

Donc, tout le monde s'accorde maintenant pour dire que l'avenir de l'emploi au Québec passe par la PME. Les PME, par leur dynamisme, leur innovation et leur flexibilité, sont devenues le moteur de l'économie québécoise.

Nous devons donc absolument tenir compte de ce fait dans l'élaboration de nos politiques gouvernementales. Nous sommes bien conscients de l'écart salarial entre les hommes et les femmes au Québec, mais nous ne sommes pas convaincus qu'une loi sur l'équité salariale est une façon efficace de trouver la solution.

La différence entre la rémunération des femmes et des hommes est un phénomène complexe qui a des sources multiples. En effet, selon une étude qu'on a faite, nous, on observe que les femmes entrepreneurs au Québec se versent des salaires inférieurs à ceux que se versent les hommes entrepreneurs. On n'a pas trouvé d'explication pour ça. L'aspect historique de rattrapage est aussi un élément important dans cet écart salarial. Enfin, ni le gouvernement, ni l'expérience ontarienne, ni les expériences dans d'autres régions n'ont démontré l'efficacité d'une loi sur l'équité salariale pour résoudre la problématique des écarts salariaux.

Donc, je vais demander à Martine de vous parler plus spécifiquement des PME et de l'équité salariale.

Mme Marleau (Martine): On entend souvent dire que les PME sont intensives en main-d'oeuvre, c'est-à-dire que la fonction de production des PME s'appuie davantage sur le facteur humain que celle des grandes entreprises. La gestion des ressources humaines est donc un aspect incontournable de la réalité des PME. Toutefois, la gestion des ressources humaines est très différente à l'intérieur d'une PME et à l'intérieur d'une grande entreprise.

Dans les PME, évidemment, on a un petit nombre de travailleurs. Ça favorise la souplesse, la mobilité, la flexibilité et l'esprit d'équipe. Il n'est pas rare qu'un travailleur effectue plusieurs tâches diversifiées, qu'il porte plusieurs chapeaux. Donc, il devient très difficile de réaliser des descriptions de tâches exhaustives à l'intérieur des PME pour leurs travailleurs. En fait, très peu de PME ont de telles descriptions de tâches. La plupart des descriptions de tâches sont informelles, approximatives, voire même verbales.

De plus, les PME ont rarement un département des ressources humaines. L'absence de personnel affecté directement à la gestion des ressources humaines fait en sorte que, la majorité du temps, c'est le propriétaire lui-même qui doit s'acquitter de cette tâche, contrairement aux grandes entreprises, qui disposent d'une équipe s'occupant exclusivement de la gestion des ressources humaines. Pour ces deux raisons, l'absence de description de tâche exhaustive et l'absence de personnel affecté à la gestion des ressources humaines, l'administration d'une loi sur l'équité salariale sera extrêmement compliquée à l'intérieur des PME.

Faire la comparaison des tâches, tel que le requiert la loi, dans des entreprises de 10, 20 ou même 30 employés, est impensable. Le bassin de travailleurs n'est pas assez vaste pour permettre une comparaison solide, basée sur des données significatives.

Deuxième aspect: l'absence d'économies d'échelle fait en sorte que le coût moyen par employé de se conformer à la loi est fonction décroissante de la taille de l'entreprise. Qu'il s'agisse de l'embauche de spécialistes pour élaborer des descriptions de tâches ou encore pour vérifier un programme d'équité salariale, les grandes entreprises bénéficieront de rabais provenant de leur grand nombre d'employés.

Enfin, il est loin d'être évident qu'il sera possible de faire une description de tâche du personnel des PME sans imposer à ces entreprises un carcan qui mettra en péril leur capacité et leur vitesse d'ajustement tant vantées et qui leur permettra, comme le mentionnait M. Cléroux, de créer des emplois.

M. Cléroux (Pierre): De plus, nous considérons que le moment est mal choisi pour mettre en oeuvre une telle réglementation. Non seulement les entreprises se relèvent difficilement de la dernière récession, mais leur fardeau administratif et fiscal n'a cessé d'augmenter au cours de la dernière décennie.

Ainsi, les taxes sur la masse salariale ont fait un bond de 42 % au cours des 10 dernières années, dont 30 % uniquement dans les cinq dernières années. De plus, l'important manque à gagner du Régime de rentes du Québec, comme celui du régime des rentes canadien, engendrera nécessairement des hausses de cette taxe sur la masse salariale pour les années qui viennent.

En matière de fardeau administratif, les PME n'ont pas été épargnées non plus. Ainsi, depuis janvier 1995, les entreprises québécoises doivent s'inscrire à un nouveau registre gouvernemental et 1996 marquera l'entrée en vigueur de nouvelles responsabilités des PME en matière de formation professionnelle et de perception des pensions alimentaires.

Dans un tel contexte, il est clair que les PME sont essoufflées et ont de plus en plus de mal à créer de l'emploi. Cette situation est d'autant plus préoccupante que les petites entreprises sont la source la plus stable de création d'emplois, principalement au Québec, où elles ont réussi l'exploit d'engager plus de 500 000 nouveaux travailleurs au cours de la dernière décennie. Les PME sont devenues le moteur de l'économie, et c'est sur elles que va reposer la création d'emplois des années à venir.

Par conséquent, nous croyons que le gouvernement devrait différer son projet de réglementation de trois à cinq ans. Cette période lui permettrait également de faire une analyse exhaustive de l'impact d'une telle politique sur l'écart salarial entre les hommes et les femmes. Mal outillées pour répondre aux exigences de cette loi sur l'équité salariale, les PME subiraient aussi la majeure partie des coûts administratifs. C'est pourquoi la FCEI est convaincue qu'une telle réglementation doit exempter les entreprises comptant moins de 50 employés. Si le gouvernement souhaite que les PME continuent à assumer le rôle primordial qu'elles jouent dans la création d'emplois, il ne doit pas les paralyser davantage en alourdissant une fois de plus leur fardeau administratif. Merci.

La Présidente (Mme Leduc): Merci. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. M. Cléroux, bienvenue. Ça me fait vraiment plaisir de vous voir ici. Mme Marleau, c'est, je crois, la première fois que vous y participez. Je ne me trompe pas?

Mme Marleau (Martine): J'étais ici pour la formation.

Mme Harel: Ah! Vous y étiez pour la formation.

Mme Marleau (Martine): Oui.

Mme Harel: Ah! Remarquez que notre échange était tellement virulent, M. Cléroux et moi, que j'avais oublié qui pouvait l'entourer. Ha, ha, ha! Mais je comprends qu'on a mûri, vous et moi, je crois. Ha, ha, ha! En tout cas, il y a une année écoulée et je crois que vous nous présentez, en fait, le point de vue d'entrepreneurs dans les petites et moyennes entreprises, et c'est un point de vue qui, même s'il ne souscrit pas à l'intention gouvernementale, est quand même un point de vue légitime, qui doit s'exprimer.

J'aimerais revenir sur la question, là, de la comparaison Québec-Ontario. Je le fais, dans le fond, à l'occasion de notre échange parce que vous l'avez abordée dans votre mémoire, mais je sais très bien qu'on ne peut pas corriger une impression qui est dégagée lorsqu'on a lu dans un journal sérieux, par exemple, comme Le Devoir , là, cette information à l'effet que, entre 1989, je pense, et 1993, les ratios d'écart s'étaient rétrécis de la même façon. Mais je veux le faire quand même parce que je pense que c'est important d'avoir la même information.

Et ce qu'on m'indique, c'est un aspect qui ne doit pas être négligé, parce qu'on ne peut pas réécrire l'histoire. Et, au Québec, il y a eu un très important exercice de relativité salariale. Il a eu lieu à partir du début des années quatre-vingt-dix, et cet exercice de relativité salariale aura eu un impact de 2,5 %, en 1993, sur la masse salariale totale du secteur public au Québec et a atteint 3,1 % à la fin de l'exercice de relativité salariale. Quand on connaît l'importance du secteur public au Québec – c'est quasi la moitié du PIB – on voit l'impact que ça a eu.

Ce n'est pas indifférent, ça, le fait que, malgré l'absence d'une loi sur l'équité, le gouvernement du Québec avait procédé à des réajustements salariaux. Ça avait beau s'appeler une démarche de réévaluation des emplois ou de relativité salariale, ça a quand même été effectué de façon très sérieuse au sein du secteur public, et c'est 20 % des emplois occupés par des femmes qui ont été, si vous voulez, modifiés. Et ça a été des rajustements, à partir du 1er janvier 1990, à raison d'un maximum de 2,5 % par année, et en janvier 1991 également. Le solde devait être versé le 31 décembre 1991, puis après, ça s'est poursuivi en 1992, 1993, 1994, 1995. Alors, ça a eu un impact, en tout cas, bien évident.

(17 h 30)

Tandis qu'en Ontario c'est dans le secteur privé que les entreprises, à partir de la loi d'équité, ont eu à verser. Mais c'est juste à partir du 1er janvier 1992 que les entreprises ontariennes, si vous voulez, de 500 employés et plus, avaient l'obligation de commencer le versement de réajustements, et ça ne devait pas être supérieur à 1 % de la masse salariale annuelle. Alors, c'est difficile de tirer des conclusions parce que, finalement, on compare une loi qui avait été adoptée en Ontario mais qui n'a pas donné de résultat avant le début 1992 dans les entreprises de forte taille, puis une situation où il n'y avait pas, peut-être, dans la loi, mais où le secteur public – qui n'est pas rien, quand même, au Québec – a fait quand même l'objet d'un exercice important. C'était 371 000 000 $ cette année, la conséquence, si vous voulez, additionnée de ça. Je le dis pour le bénéfice, si vous voulez, de notre échange, parce que quelle aurait été la situation avec une loi dans le privé? Je pense qu'on ne peut pas, actuellement en tout cas, tirer de conclusion à cet effet-là. Est-ce que je comprends que vous êtes en faveur, en principe, d'une loi proactive?

M. Cléroux (Pierre): Oui. Écoutez, on est conscients de l'écart. L'écart est là, on est conscients de ça. Comme je le disais tantôt, c'est difficile d'expliquer l'écart. Nous, on a même fait nos recherches sur notre propre clientèle, entre guillemets, pour comprendre l'écart de la rémunération entre les femmes entrepreneures et les hommes entrepreneurs. Et je reviens un peu sur le point que vous avez fait...

Mme Harel: Pensez-vous qu'il va être possible d'aller plus loin pour comprendre les mobiles, pourquoi les femmes entrepreneures se versent à elles-mêmes des salaires inférieurs? Est-ce qu'il y a des motifs?

M. Cléroux (Pierre): Il y a un peu de recherche qui a été faite dans les universités, puis la seule raison qu'on a trouvée pour l'instant, c'est que la motivation de l'argent semble moins forte chez les femmes que chez les hommes. Alors que les hommes se partent une entreprise pour faire de l'argent, les femmes se partent une entreprise pour se créer une job, pour se sentir bien dans quelque chose, pour avoir un style de vie. Évidemment, elles veulent faire de l'argent, mais ce n'est pas leur première motivation. Ça semble être un petit peu ce qui ressort des recherches qui ont été faites. Mais, aussi, je dois souligner qu'un des facteurs, c'est que les femmes ont beaucoup plus de difficultés à se financer. Et ça, nos études ont été très claires là-dessus, il y a une discrimination qui est faite envers les femmes entrepreneures au Québec et au Canada par les institutions financières. Donc, ayant plus de difficultés à se financer, évidemment, ces gens-là ont plus de difficultés à avoir des profits importants.

J'aimerais revenir sur le point que...

Mme Harel: Et sans doute sont-elles plus prudentes, d'une certaine façon, pour se mettre du capital de côté et, éventuellement, pour pouvoir, disons, progresser, grossir, elles auront elles-mêmes à l'autofinancer.

M. Cléroux (Pierre): Oui, vous avez parfaitement raison, et c'est ce qui est tout à fait illogique. La perception des institutions financières, c'est que, de prêter à une femme entrepreneure, c'est plus risqué, alors que toutes les études démontrent que c'est l'inverse, ce sont des entrepreneures qui sont plus prudentes et qui s'embarquent moins dans des projets extravagants. On essaie de démontrer ça aux institutions financières et on a beaucoup de difficultés. Parce que, en terminant là-dessus, ce qu'il est extrêmement important de comprendre, c'est que, présentement, il y a 30 % des entrepreneurs québécois qui sont des femmes, mais, si on regarde l'ensemble des entrepreneurs qui ont moins de 25 ans, c'est 50-50. Ça, ça veut dire que, dans 10 ans ou 15 ans, 50 % des gens d'affaires au Québec seront des femmes. Il faut absolument que les institutions financières s'ajustent en fonction de ça.

Mme Harel: Je suis contente qu'on en parle, M. Cléroux, parce que ça m'a toujours surprise de voir que, même avec ce qu'on appelle le plan Paillé – je salue, d'ailleurs, mon collègue, le député de Prévost, qui est avec nous aujourd'hui – en fait, ça a donné des résultats. Je regardais encore les chiffres dernièrement. En 14, 15 mois, c'était un peu plus de 10 000 entreprises, dont 1 134 créées par des personnes, si vous voulez, qui ont des prêts-bourses et qui peuvent utiliser, parce qu'ils étaient étudiants récemment, donc, c'est quand même des étudiants quasi diplômés qui font... Il y a finalement moins de 30 % de femmes. Et je me suis toujours demandé: Comment se fait-il que, avec une garantie de prêt, un endossement, ça ne soit pas, mettons, moitié-moitié? Il doit y avoir de l'institution financière là-dedans. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Parce que, vous, vos chiffres moitié-moitié, vous les détenez d'où?

M. Cléroux (Pierre): De Statistique Canada.

Mme Harel: Ah bon!

M. Cléroux (Pierre): Mais il faut comprendre que ce sont des gens qui ont 25 ans et moins, donc ce sont les plus jeunes. Évidemment, les gens du plan Paillé ont probablement une gamme d'âges beaucoup plus élevée que ça, beaucoup plus différente que ça.

Mme Harel: Alors, vous nous dites: S'il y a une loi, bien, cette loi-là devrait, dans le fond, s'appliquer pour les entreprises de 50 travailleurs et plus.

M. Cléroux (Pierre): Oui. Et ça, pour nous, c'est un point important, pour deux raisons, et je pense que Martine l'a bien expliqué. Techniquement, la capacité de faire un plan d'équité salariale pour une entreprise de 20 ou 30 ou 40 employés, c'est très difficile. Dans ces entreprises-là, dans plusieurs des catégories d'emplois, des fois, il y a seulement deux ou trois personnes, parce que ce sont des petites entreprises. Donc, trouver des définitions d'emplois à prédominance féminine ou masculine, c'est difficile. Je regardais, même chez nous, on a un département de service aux membres qui rend service à nos membres, et il y a trois personnes, un homme et deux femmes. S'il y a une de ces personnes qui partait, une femme qui partait et que j'engageais un homme, ça vient de changer la catégorie de l'emploi. Donc, c'est ça qui est un peu difficile d'application dans une petite entreprise. Je pense qu'on a bien expliqué aussi le coût administratif, évidemment. J'écoutais un des gens qui étaient avant moi, la personne de Longueuil, qui expliquait qu'il avait déjà ses emplois par catégories d'emplois, par définitions de tâches, et tout ça. Dans une entreprise de moins de 50 employés, vous n'avez pas ça. Donc, pour se rendre à un plan d'équité salariale, on part de très loin.

La deuxième chose, nous, on est convaincus que, s'il y avait une loi sur l'équité salariale qui s'appliquait aux 50 employés et plus, par les forces du marché, ça va faire que les ajustements vont se faire. Si, par exemple, les secrétaires – pour prendre une catégorie d'emploi qui est généralement dominée par les femmes – voient leur salaire augmenter, effectivement, les propriétaires de PME devront s'ajuster pour pouvoir garder leur main-d'oeuvre, pour avoir une main-d'oeuvre qualifiée. Donc, on pense que c'est possible d'avoir une loi sur l'équité salariale. Parce que, si on regarde la structure de la loi, elle correspond beaucoup plus à la structure des grandes entreprises et à la structure de leurs ressources humaines qu'à la structure d'une petite. Donc, c'est vraiment le point essentiel de notre mémoire, nous, on pense que c'est possible d'atteindre vos objectifs, mais en réduisant le fardeau administratif chez les plus petites entreprises, les 50 et moins.

Mme Harel: Le fait est que c'est difficile à comparer, des emplois à prédominance masculine ou féminine, comme l'exemple que vous nous mentionniez: dans un service de trois personnes, deux femmes, un homme, une femme quitte, un homme la remplace, l'emploi devient à prédominance masculine. Donc, ça suppose, à ce moment-là, avec difficulté, l'application de cette comparaison. Cinquante employés et plus, ça couvre 52 % de la main-d'oeuvre féminine. Alors, ce que vous nous dites, c'est que, dans le fond, il y aurait une moitié qui influencerait l'autre moitié. Est-ce que c'est à peu près votre opinion?

M. Cléroux (Pierre): Je pense que oui. Je pense que ça pourrait être vu aussi comme une première étape. Vous avez sûrement regardé l'expérience ontarienne. Nous, on l'a fait. L'expérience ontarienne est un peu désastreuse, dans cet aspect-là, parce que les entreprises de 50 et moins n'ont presque pas fait leur plan d'équité salariale, pour toutes sortes de raisons. Donc, on pense, nous, que, en ayant une loi qui exempterait ces gens-là au début, on pourrait, un, voir l'impact. Et si, dans cinq ans, on s'aperçoit qu'il s'est développé un écart, et bien, là, on serait obligé d'aller plus loin.

Mme Harel: Le fait est que, selon les études qu'on a, c'est 80 % des entreprises de moins de 100 employés, en Ontario, qui n'ont pas procédé à un réajustement et, si vous voulez, à une démarche d'équité salariale. Ceci dit, en Ontario, la loi ne le prévoyait pas comme obligation. Il y a toute une interprétation à ce sujet-là. D'aucuns disent qu'il y avait des articles dans la loi qui disaient que ça s'appliquait à tout le monde et que d'autres articles, après, restreignaient l'application obligatoire. Mais, en fait, dans la réalité, c'est finalement seulement 80 % des entreprises de moins de 100 employés qui ont procédé.

Là où la difficulté se présente, cependant, c'est que je regardais les chiffres du MIC, du ministère de l'Industrie et du Commerce, sur la création d'emplois au Québec. Les derniers chiffres me révélaient que 99 % des nouveaux emplois avaient été créés dans des entreprises de 50 employés et moins. Donc, ça signifie qu'il n'y a plus d'emplois créés dans les entreprises de taille supérieure à 50 employés, il y en a 1 %.

M. Cléroux (Pierre): Et on en est très fiers.

Mme Harel: Oui.

M. Cléroux (Pierre): Parce que, nous, on représente les PME.

Mme Harel: Oui, mais vous ne pensez pas, M. Cléroux, que ça serait mieux de s'additionner, là. Ha, ha, ha!

M. Cléroux (Pierre): Oui, oui. Non, non, je vous disais ça parce qu'on est très fiers de pouvoir dire que les PME créent beaucoup d'emplois.

(17 h 40)

Mme Harel: Et, en même temps, incidemment, ça révélait que... Les années exactes, je crois que c'était... Malheureusement, je pourrais l'apporter. Je ne veux pas me tromper, si c'est 1986 ou 1989. Mais c'était les cinq dernières années, donc 1989, en fait, à 1994, je crois. C'est 79 000 nouvelles entreprises créées, mais 82 000 de même taille, là, disparues. Donc, les entreprises ont une longévité qui est quand même assez réduite. Ce qui ne signifie pas qu'il ne faille pas en créer – parce qu'il faut beaucoup de petits menés pour faire des gros poissons – mais encore faut-il, peut-être, allonger leur durée de vie. Autour de la deuxième ou troisième année, j'ai l'impression que c'est là où c'est le plus compliqué. Est-ce que c'est votre avis aussi?

M. Cléroux (Pierre): Oui, effectivement, je veux dire, c'est difficile de partir une entreprise et c'est difficile de la maintenir. Il y a différentes...

Mme Harel: Ça a comme l'air plus difficile de la maintenir que de la partir, là.

M. Cléroux (Pierre): Oui, en fait, le problème, c'est que plus on grossit, plus le nombre de responsabilités d'une entreprise s'accroît. On est en train de faire la recherche, justement, pour voir comment il se fait qu'il semble y avoir un seuil, un seuil de difficulté de croissance, là.

Mme Harel: Ça, ça a l'air comme le mariage, là, avant cinq ans, ça a l'air bien difficile à traverser, après, ça va tout seul. Non? Ha, ha, ha!

M. Cléroux (Pierre): Ça se peut que ce soit comme ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Leduc): Sur ces bonnes paroles, merci, Mme la ministre. Mme la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci. Je vous remercie pour votre participation. Tout à l'heure, lorsqu'on parlait des femmes entrepreneures qui se payaient des salaires moindres, je voulais ajouter que, généralement, elles font aussi moins de faillites, le taux de faillite est moindre.

M. Cléroux (Pierre): Très exact.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que, cependant, on a des indications à l'effet que, si elles se paient un salaire moindre, elles paient à leurs employés des salaires moindres aussi? Pas nécessairement ou...

M. Cléroux (Pierre): Pas nécessairement. J'aurais tendance à dire non, mais j'avoue qu'on n'a pas de chiffres là-dessus, là.

Mme Gagnon-Tremblay: Je constate que, dans les grandes entreprises, c'est quand même, bon, récent, c'est peut-être depuis les 10 dernières années, là, on s'est dotés davantage de comités de gestion des ressources humaines. Je pense qu'on a misé beaucoup, beaucoup sur les ressources humaines. Dans toutes les entreprises, je pense que ça a été une force, parce que, d'une part, ça augmentait la productivité et, aussi, le fait d'impliquer les travailleurs et les travailleuses dans la bonne marche de l'entreprise, je pense que ça a eu des résultats positifs. Donc, il n'y a pas beaucoup, je pense, de grandes entreprises qui n'ont pas le souci des ressources humaines.

Donc, ces grandes entreprises viennent nous dire: Bon, on n'a pas besoin de projet de loi sur l'équité en emploi parce qu'on a déjà entrepris une démarche soit de relativité salariale ou d'autre type, on travaille déjà avec nos employés. Alors, c'est comme si les grandes entreprises nous disaient: Laissez-nous faire, ne nous mettez pas des contraintes, une réglementation inutile, et permettez-nous de poursuivre notre travail, parce qu'on a déjà entrepris cette démarche, et permettez-nous de poursuivre notre démarche, notre travail, bon, je pense bien, tout en ayant le souci, pour le gouvernement, d'en vérifier, là aussi, les résultats.

Par contre, pour les petites entreprises, vous mentionnez dans votre mémoire que, justement, vous n'avez pas ces comités de ressources humaines, les petites entreprises n'ont pas le moyen de se payer, là, des responsables ou des spécialistes en ressources humaines, et ce n'est peut-être pas autant nécessaire, non plus. Je pense que le salaire est dépendant, là, du bon fonctionnement de l'entreprise et des bénéfices que peut faire l'entreprise. Donc, à ce moment-là, qu'est-ce qu'on peut faire pour ces entreprises de 50 employés, pour s'assurer qu'il n'y a pas non plus... que les femmes ne sont pas sous-payées? Est-ce que vous avez des idées, par exemple, de quelque chose qui pourrait peut-être remplacer une loi sur l'équité salariale, mais tout en s'assurant que ces personnes-là vont être prises quand même en charge?

M. Cléroux (Pierre): Oui, je pense que notre mémoire dit effectivement – et c'est très vrai – que les ressources humaines sont faites différemment dans une petite entreprise que dans une grande. Mais ce n'était pas notre intention de dire, loin de là, que ce n'est pas aussi important pour une petite entreprise, la gestion des ressources humaines, que dans une grande. On fait beaucoup la promotion, nous, à l'intérieur de notre organisme, sur l'importance des ressources humaines à l'intérieur de l'entreprise. Les ressources humaines restent la ressource numéro un à l'intérieur de n'importe quelle entreprise, qu'elle soit petite ou grande. Mais, effectivement, à cause de la taille, ça se prête moins. Comme on disait auparavant, souvent, dans une petite entreprise, les gens font plusieurs tâches, pas parce qu'ils sont plus pénalisés que travaillant dans une grande entreprise, sauf que, à cause du nombre d'employés, ces gens-là font un peu de marketing, ils font un petit peu de collection de comptes, ils font un petit peu d'autres choses. Et tout ça fait que c'est extrêmement difficile de quantifier ou de qualifier exactement leurs tâches.

Moi, je pense que, pour s'assurer... Pour répondre à votre question plus précisément, je pense que, ce qui se passe dans les grandes entreprises aura toujours un impact sur la petite. Les petites entreprises, ce sont, en termes économiques, ce qu'on dit souvent, des «price takers». Ce n'est pas la petite entreprise qui détermine les salaires ni même les prix sur un marché. Les petites entreprises... C'est les grandes entreprises qui, par leur taille, par leur puissance sur le marché, déterminent ces salaires-là, et la petite entreprise doit s'ajuster en fonction de ça. Donc, ce qui va arriver, c'est que, avec l'application d'une loi sur l'équité salariale aux grandes entreprises, ou même si cette loi ne rentrait pas en vigueur, l'évolution qui va se faire dans la grande entreprise va définitivement, par les lois du marché, se faire dans la petite également.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que vous avez un aperçu du nombre d'entreprises syndiquées par rapport à celles non syndiquées, par exemple? Là, il y a déjà un syndicat à l'intérieur des entreprises dont vous faites mention, les 50 et plus. Est-ce que vous avez un pourcentage, là?

M. Cléroux (Pierre): Je n'ai pas de pourcentage, mais c'est sûr que, dans les petites entreprises, le niveau de syndicalisation est beaucoup moindre. Il n'y a pas de doute là-dessus.

Mme Gagnon-Tremblay: Tout à l'heure, vous suggériez au gouvernement de différer son projet de loi de trois à cinq ans pour les petites entreprises. Vous comprendrez que ce n'est pas le discours qu'on a entendu de la part des groupes qui, absolument, veulent que la loi entre en vigueur le plus rapidement possible. On suggère même que ce soit fait, que cette loi soit adoptée d'ici le mois de juin.

Déjà, le gouvernement, il a exempté les entreprises de 10 employés et moins. Déjà, il y a beaucoup de commentaires à l'effet qu'on ne devrait exclure personne. Alors, vous comprendrez que 50 employés, là, j'imagine que ça va être une grosse bataille pour la ministre. Mais, par contre, je comprends votre point de vue, puis je pense qu'on ne peut pas ne pas être conscients qu'il y a une difficulté, puis il faut aussi que la ministre la prenne en considération, cette difficulté, malgré, bien sûr, toutes sortes de pressions qu'on pourrait avoir. Je pense que c'est important, aussi, de bien peser la raison pour laquelle vous demandez au gouvernement de différer, là, pour les entreprises de 50 employés et moins.

Est-ce que vous avez vérifié l'impact sur l'emploi qu'une telle loi pourrait avoir sur vos entreprises?

M. Cléroux (Pierre): C'est très difficile de quantifier l'impact que cela aurait sur l'emploi. C'est évident que, pour nous, c'est un fardeau administratif supplémentaire. Comme on l'a mentionné, c'est un fardeau supplémentaire, en plus, sur les PME, parce que le nombre d'employés va faire que ça va coûter relativement moins cher pour la grande entreprise d'appliquer une loi comme ça que pour les petites. De plus, la structure des ressources humaines va faire en sorte que le fardeau va encore être plus élevé sur les petites.

En termes d'emplois, on ne sait pas ce que ça représente, mais, comme on le disait tantôt, le taux de faillites, le nombre d'entreprises qui ne survivent pas dans les cinq premières années est très, très élevé. Donc, nous, on pense que c'est un fardeau supplémentaire qui va faire en sorte que ça va rendre encore plus difficile de démarrer des entreprises, ça va rendre encore plus difficile pour les PME de se développer. Donc, c'est pour ça qu'on demande l'exemption, mais c'est très difficile de dire combien d'emplois seront touchés.

Mme Gagnon-Tremblay: En demandant l'exemption pour les 50 employés et moins, bon, vous vous fiez beaucoup sur ce qui pourrait arriver au niveau des grandes, c'est-à-dire l'impact que ça pourrait avoir sur les grandes entreprises pour, après ça, pouvoir comparer, comparer et, après ça, ajuster les salaires en conséquence, s'il y a lieu. Mais, à ce moment-là, si jamais le gouvernement – et je ne réponds pas pour le gouvernement, loin de là – décidait de différer de trois à cinq ans pour vos entreprises, est-ce que, entre-temps, il serait important de mettre en place quand même un mécanisme pour non seulement sensibiliser, mais peut-être réviser certaines pratiques, certaines méthodes salariales dans vos entreprises de 50 employés et moins pour éviter, peut-être, par la suite, là, d'autres moyens un peu plus rigides, un peu plus difficiles?

(17 h 50)

M. Cléroux (Pierre): Je pense que, effectivement, ça pourrait être intéressant de sensibiliser les propriétaires de PME à la gestion des ressources humaines. Il y a déjà des choses qui se font par les associations comme la nôtre, mais, effectivement, je pense qu'une action gouvernementale pourrait sensibiliser davantage les propriétaires d'entreprises. Mais je dois dire qu'il y a beaucoup de chemin qui s'est fait depuis cinq ou 10 ans dans ce domaine-là. Il y a une nouvelle génération d'entrepreneurs qui sont beaucoup plus conscients de l'importance des ressources humaines, et je pense qu'on est dans la bonne voie de ce côté-là.

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, je vous remercie. Merci beaucoup, là, pour vos commentaires.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, je remercie la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, M. Cléroux, Mme Marleau, et, à ce moment-ci, je suspendrais la séance jusqu'à 20 heures ce soir. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 51)

(Reprise à 20 h 25)

Le Président (M. Williams): À l'ordre, s'il vous plaît! Bonsoir à tous. La commission des affaires sociales reprend son travail. Je voudrais inviter maintenant la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec à prendre leur place. Avant de commencer, je voudrais juste rappeler que nous allons avoir 60 minutes avec vous. Vous allez avoir 20 minutes pour votre présentation, la ministre va avoir 20 minutes et Mme la députée de Saint-François va avoir 20 minutes aussi pour les échanges.

M. Reid, bienvenue. Est-ce que vous pouvez présenter les autres membres de votre délégation?


Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ)

M. Reid (Pierre): Oui, bien sûr. Je voudrais vous présenter, d'abord à ma gauche, M. Jacques Racine, vice-recteur à l'Université Laval, et, à ma droite, Mme Denise Lanouette, vice-rectrice à l'UQAM; de même que M. Elvio Buono, qui est chargé de recherche à la Conférence des recteurs.

M. le Président, Mmes et MM. de la commission parlementaires des affaires sociales, au nom de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, je désire vous remercier d'avoir accepté d'entendre les universités sur l'avant-projet de loi sur l'équité salariale.

D'entrée de jeu, il est bon de préciser dans quel contexte se situe la réaction des établissements universitaires à l'égard de l'avant-projet de loi sur l'équité salariale. Essentiellement, cette réaction porte sur les enjeux politiques et financiers que soulève l'avant-projet de loi et les effets de celui-ci sur la situation financière des universités dans l'éventualité où le texte proposé aurait force de loi. En effet, en tenant compte de l'impact considérable qu'une telle loi aurait sur les universités tant au plan financier qu'à celui du climat des relations de travail, une réaction qui se bornerait à commenter les dispositions de l'avant-projet de loi risquerait de banaliser les effets de celui-ci sur le milieu universitaire. La situation financière des universités les amène à réagir sur le fond de la question.

Pour bien comprendre la réaction des établissements universitaires, un bref rappel historique s'impose afin d'apprécier les efforts importants que les établissements universitaires font depuis quelques années, depuis plusieurs années en fait, pour corriger certaines inéquités salariales et mettre ainsi les choses en perspective. Dans la foulée de l'initiative gouvernementale ayant mené à une opération d'équité salariale dans les secteurs public et parapublic vers la fin des années 1980, les établissements universitaires se sont engagés dans cette voie au début de la présente décennie avec leur personnel administratif et de soutien. L'Université Concordia et l'École des hautes études commerciales ont pris l'initiative, et leur opération respective a été menée à terme depuis déjà un certain temps.

Il était inévitable, aussi, que certaines instances syndicales universitaires, et notamment le Syndicat canadien de la fonction publique, réclament chez elles l'équité salariale, puisque les mêmes acteurs avaient joué un rôle central dans l'opération gouvernementale. Ainsi, les différentes sections locales du SCFP ont signé des lettres d'entente avec leurs établissements universitaires au cours des années 1990 et 1991 pour réaliser une opération d'équité salariale. L'Université McGill et l'Université de Sherbrooke se sont aussi engagées dans l'opération équité salariale il y a quelques années, et l'Université Bishop's a amorcé la sienne récemment. Il est à noter que les lettres d'entente signées avec le SCFP et à l'Université de Sherbrooke en début d'opération prévoyaient, comme cela a été le cas dans les secteurs public et parapublic, que les correctifs pour les fins de l'équité salariale seraient rétroactifs au 1er décembre 1989.

À l'automne 1992, les sections locales du SCFP, à l'exception du SEUQAM, demandaient aux établissements universitaires concernés la mise sur pied d'une table sectorielle de négociation de l'équité salariale. La table sectorielle a fonctionné pendant plus de deux ans et beaucoup de travail y a été réalisé. Cependant, devant l'impossibilité d'en arriver à une entente sur une offre globale et finale présentée par les universités, le comité exécutif de la CREPUQ, au mois de février 1995, mettait fin aux activités de la table sectorielle et renvoyait la négociation aux tables locales. Au printemps 1995, trois règlements sont intervenus avec des sections locales du SCFP: à l'Université de Montréal, à l'École polytechnique et à l'UQAR, l'Université du Québec à Rimouski. Au cours de l'automne, des règlements sont intervenus dans la majorité des constituantes de l'Université du Québec et à l'Université Laval. Il est également important de souligner que les règlements intervenus dans les universités ont permis de corriger les iniquités salariales pour des fonctions occupées majoritairement par des femmes.

(20 h 30)

Ce bref tour d'horizon permet de constater que les établissements universitaires ont voulu corriger certaines iniquités salariales bien avant qu'une législation vienne les contraindre à le faire. Cela témoigne du fait qu'ils sont sensibles à la problématique sociale que soulève l'équité salariale. Avant même le début de toute négociation de l'équité salariale, les universités se sont enquises officiellement auprès du ministère de l'Éducation et du Secrétariat du Conseil du trésor des paramètres à respecter pour un financement de l'équité salariale dans le secteur universitaire. S'étant fortement inspirées des politiques de rémunération des secteurs public et parapublic depuis le début des années soixante-dix, elles savaient devoir le faire également dans le cas de l'équité salariale.

Le message des autorités gouvernementales fut très clair: si les universités voulaient obtenir le financement de l'équité salariale, elles devaient réaliser pour elles-mêmes la démarche du gouvernement avec ses employés et faire la preuve d'iniquités réelles. Les universités ont donc été induites dès le départ par les représentants ministériels à suivre un processus lourd et complexe alors qu'elles auraient pu emprunter une voie plus simple et moins coûteuse pour la réalisation de l'équité salariale. Elles s'y sont engagées de bonne foi, en escomptant évidemment le financement des coûts à la fin de l'exercice.

On connaît la suite des événements. Au mois d'avril dernier, le ministère de l'Éducation a consenti à verser une somme de 20 000 000 $ à titre de contribution finale et totale au coût de la rétroactivité de l'équité salariale. La somme consentie par le gouvernement représente un tiers seulement des coûts estimés relatifs à la rétroactivité pour la période du 1er décembre 1989 au 31 mai 1995 et rien n'a été prévu par ailleurs pour le financement des coûts récurrents annuels estimés à 13 000 000 $.

Le faible financement gouvernemental de l'équité salariale s'inscrit dans un contexte où la situation financière des universités est très difficile. Les paramètres du financement universitaire pour l'année 1995-1996 sont très sévères. L'enveloppe budgétaire est fermée au même niveau que pour l'année 1994-1995, mais elle inclut des coûts nouveaux importants dont, par exemple, le financement du service de la dette. Ajouté à des diminutions du financement dues à des baisses de clientèles universitaires constatées en 1994-1995 et aux coûts de système, le total des compressions atteint quelque 80 000 000 $.

De plus, la situation financière déjà précaire des universités ne devrait pas s'améliorer au cours des prochaines années, alors que le désengagement du gouvernement fédéral du Financement des programmes établis aura un impact certain sur les finances publiques du Québec.

Déjà, dans le cadre de la préparation de leur budget pour l'année 1995-1996, les universités ont dû rechercher, souvent avec la collaboration de leurs différentes catégories d'employés et des syndicats ou associations qui les représentent, les moyens les plus efficaces à mettre en oeuvre pour éviter ou minimiser les déficits d'opération. Mais il est déjà certain que ces mesures seront insuffisantes pour faire face à la situation qui se dessine pour les prochaines années, et c'est du côté de la réorganisation du travail que l'attention se tourne actuellement.

Ainsi, les prochaines années seront celles de la décroissance dans les universités et de profonds bouleversements administratifs et académiques surviendront, en fait, qui transformeront le milieu universitaire.

C'est à la lumière de cette grave crise financière des universités et des efforts déployés depuis cinq ans pour réaliser une opération d'équité salariale qu'il faut examiner les effets d'une éventuelle loi sur l'équité salariale dans le secteur universitaire. Dans cette perspective, le sentiment des universités en est un de frustration et d'incompréhension. D'abord, en bon citoyen, elles se sont engagées dans de vastes opérations d'équité salariale depuis plusieurs années et elles ont tenté de réaliser celle-ci en respectant les règles de l'art et la méthodologie qui devaient leur assurer le meilleur financement possible de la part du gouvernement.

Comme nous l'avons déjà mentionné, les coûts de l'équité salariale dans les universités ne seront que très partiellement financés par le gouvernement même si la méthodologie suggérée par les instances gouvernementales a été suivie. Si, dès le point de départ, il n'y avait pas eu de lien entre la méthodologie et le financement gouvernemental, les universités auraient été libres de réaliser l'opération équité salariale comme bon leur semble. Mais tel n'a pas été le cas. Les universités ont été contraintes d'utiliser une méthodologie particulière si elles voulaient recevoir le financement de l'opération équité salariale, et maintenant que les règlements interviennent, elles savent déjà que ce financement gouvernemental s'est rétréci comme une peau de chagrin.

Comme si cela n'était pas suffisant, l'avant-projet de loi sur l'équité salariale vient maintenant leur indiquer qu'elles n'ont pas utilisé la bonne méthodologie en ce qui touche la construction de la structure salariale et que, à toutes fins pratiques, elles doivent reprendre l'opération. Doit-on rappeler que l'estimation du coût récurrent des opérations d'équité salariale dans les universités réalisées avec le personnel administratif et de soutien est de 13 000 000 $? Doit-on rappeler que l'estimation des coûts de la rétroactivité est de 60 000 000 $?

Au moment où la plupart des établissements universitaires sont en train de sortir d'une opération lourde sur le plan administratif et fort difficile aussi sur le plan des enjeux idéologiques que soulève l'équité salariale et qui a eu un effet non négligeable sur le climat des relations de travail au cours des dernières années, voilà qu'on semble vouloir les replonger dans une deuxième phase de cette opération. Il faudrait réaliser une phase 2 en tenant compte des méthodes d'évaluation que l'avant-projet de loi propose pour estimer les écarts salariaux. L'article 34 de l'avant-projet de loi indique que l'estimation des écarts salariaux doit être obtenue par la comparaison des catégories d'emplois à prédominance féminine et des catégories d'emplois à prédominance masculine et propose quatre méthodes d'évaluation pour y arriver. Les établissements universitaires n'ont pas utilisé cette méthodologie, ils ont plutôt réalisé une opération d'évaluation des fonctions du personnel administratif et de soutien sans tenir compte de la caractéristique féminine ou masculine des emplois. Dans la majorité des cas, la structure salariale a été élaborée en tenant compte des salaires versés au gouvernement et de certaines particularités salariales propres aux universités. La référence à la structure salariale du gouvernement à la suite de sa propre opération d'équité salariale s'explique par le fait que les universités, dans le cadre de leurs opérations, ne voulaient pas s'éloigner des paramètres salariaux des secteurs public et parapublic.

Le chapitre II de l'avant-projet de loi prévoit des dispositions applicables aux programmes d'équité ou de relativité salariale complétés ou en cours de réalisation.

Si, pour des raisons méthodologiques, certaines opérations menées dans les universités ne devaient pas être reconnues comme étant conformes aux dispositions de l'article 76 alors que l'ensemble des secteurs public et parapublic pourrait bénéficier de la reconnaissance de son opération, les conséquences seraient catastrophiques pour le secteur universitaire. En effet, la construction d'une structure salariale à partir du salaire des emplois masculins des universités va inévitablement éloigner les universités des paramètres salariaux des secteurs public et parapublic. Depuis plus de 20 ans, les universités suivent de très près la politique salariale du gouvernement. Cependant, pour les groupes Bureau et Métiers et Services, certaines fonctions du secteur universitaire jouissent d'un écart salarial par rapport aux fonctions équivalentes des secteurs public et parapublic. Par le fait même, la construction d'une structure salariale à partir des emplois masculins ne peut faire autrement que de creuser l'écart entre les secteurs universitaires et les secteurs public et parapublic.

Si certains établissements universitaires étaient tenus de faire une seconde opération, elle risquerait aussi d'engendrer des écarts entre les universités en ce qui touche les structures salariales et, par le fait même, elle favoriserait la surenchère lors de négociations ultérieures. Depuis le début des années soixante-dix, les universités tentent d'harmoniser leur structure salariale pour éviter, dans un milieu fortement syndiqué, la surenchère entre les établissements.

Comme nous l'avons déjà mentionné précédemment, les règles intervenues dans les universités ont bénéficié essentiellement aux femmes et, par le fait même, d'importants correctifs salariaux ont été apportés à plusieurs fonctions occupées majoritairement par elles. Tout en poursuivant cet objectif, les universités se sont assurées qu'elles ne s'éloigneraient pas des paramètres salariaux des secteurs public et parapublic et, pour ce motif, elles ont élaboré une structure salariale qui tient compte de l'opération d'équité salariale réalisée par le gouvernement et de certaines particularités salariales qui leur sont propres. Dans les circonstances, les résultats obtenus sont tout aussi valables que ceux des secteurs public et parapublic.

On sait que l'estimation du coût récurent de 13 000 000 $ pour les universités, dans le cadre des opérations en cours, n'est aucunement financée par le gouvernement. Comment les universités financeraient-elles la somme additionnelle – sans doute plusieurs millions de dollars supplémentaires – dans l'éventualité où il faudrait construire une nouvelle structure salariale en faisant une comparaison de la rémunération des emplois féminins et des emplois masculins? Dans le contexte budgétaire actuel des universités, les coûts additionnels qu'engendrerait une loi sur l'équité salariale ne pourraient être absorbés, malheureusement, que par une plus grande attrition du personnel. Dans cette perspective, et sans vouloir ajouter des épouvantails, il est certain que plusieurs femmes à l'emploi des universités feraient les frais de cette situation, comme les hommes, évidemment.

Au-delà de ces importantes considérations financières, une éventuelle loi sur l'équité salariale viendrait perturber grandement les relations de travail dans les universités. D'abord, il nous semble impensable que l'on puisse construire une seule structure salariale pour l'ensemble de l'université, sur laquelle on pourrait retrouver les salaires des professeurs, des chargés de cours, des cadres, du personnel administratif et de soutien, et aussi des étudiants rémunérés. Il est difficile d'imaginer un instrument d'évaluation assez souple permettant d'évaluer des fonctions aussi différentes.

De plus, en ce qui touche le métier de professeur, la problématique en est davantage une d'équité en emploi que d'équité salariale, c'est-à-dire de présence féminine dans les effectifs professoraux des universités québécoises. En fait, les salaires sont les mêmes. Ainsi, au cours des dernières années, plusieurs universités ont adopté des politiques en matière d'équité en emploi et participent aux programmes des contrats fédéraux, et des efforts importants ont été faits pour accroître la présence des femmes dans les unités académiques, les professeurs.

(20 h 40)

Pour ce qui est des chargés de cours, ils sont payés à l'acte et devraient être exclus de la comparaison salariale. Au cours des dernières années, les universités ont réussi à atteindre une parité entre elles dans la rémunération de leurs chargés de cours, et les inclure dans une opération d'équité salariale risquerait de provoquer des frictions avec le corps professoral puisque cela aurait pour effet de mettre en relief l'écart salarial entre les deux catégories de personnel enseignant en fonction de la seule charge d'enseignement, alors que les professeurs de carrière assument plusieurs autres tâches, comme on le sait.

Par ailleurs, nous croyons que l'exclusion relative aux étudiants devrait s'étendre à tout étudiant qui travaille dans l'institution d'enseignement où il étudie, même si ce travail ne se situe pas dans un domaine relié à ses études. Il est bon de rappeler qu'au Québec, compte tenu de l'importante syndicalisation des universités, le travail étudiant y est beaucoup moins répandu que dans le reste du Canada et aux États-Unis. Dans cette perspective, il serait contre-productif d'ajouter d'autres contraintes car les étudiants et les étudiantes risqueraient d'en faire les frais. Les universités en tant qu'institutions d'enseignement sont les seules responsables des relations qu'elles doivent avoir avec les étudiants, et responsables dans tous les sens, évidemment.

Enfin, l'avant-projet de loi indique que les cadres supérieurs seraient exclus de l'opération. Il serait certes opportun de préciser ce que l'on entend par cadres supérieurs, mais, en ce qui touche les universités, il s'agit généralement de la haute direction de l'établissement. Si tel devait être le cas, l'approche serait encore une fois trop restrictive. Dans un milieu fortement syndiqué, une loi sur l'équité salariale, si elle devait inclure les cadres, servirait de catalyseur pour accroître les tensions entre les gestionnaires et les autres catégories de personnel.

Ainsi, comme on peut le constater, une éventuelle loi sur l'équité salariale risquerait de sérieusement perturber le climat des relations de travail dans les universités. D'autant plus qu'une telle législation arriverait au moment où les universités, devant la crise financière sans précédent qu'elles traversent, doivent interpeller les syndicats et les associations d'employés pour assouplir les conventions collectives et les protocoles de travail en vigueur si elles veulent espérer traverser cette crise.

Enfin, devant l'ampleur des difficultés économiques que traverse le Québec, à l'instar des autres pays industrialisés et face à la crise sans précédent des finances publiques et de son effet direct sur la situation budgétaire des universités, les chefs des établissements universitaires exhortent le gouvernement du Québec à surseoir à l'adoption d'une loi sur l'équité salariale.

Dans la foulée de l'initiative proposée par le premier ministre, M. Lucien Bouchard, de tenir un sommet économique au Québec au cours des prochains mois, il serait mieux indiqué de dresser un diagnostic global de la situation économique et de dégager des orientations claires en ce qui touche l'avenir des finances publiques plutôt que d'avancer à la pièce avec des législations qui, bien que poursuivant des objectifs légitimes – et j'insiste sur le mot légitime – vont à l'encontre des réalités économiques et financières des entreprises et des institutions et qui, parfois, font fi des acquis déjà réalisés au prix d'efforts coûteux.

Je vous remercie.

Le Président (M. Williams): Merci, M. Reid. Maintenant, je passe la parole à Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Reid, Mme Lanouette et M. Racine. C'est M. Buono, je crois, qui vous accompagne.

Une voix: Oui.

Mme Harel: C'est bien. Est-ce que la composition de la délégation représente la représentation féminine dans les postes-cadres dans les universités?

Une voix: Mme Lanouette.

Mme Lanouette (Denise): Je vous dirais que ça varie selon les universités, mais, là comme ailleurs, nous sommes en rattrapage et nous avons des programmes d'accès à l'égalité pour tous.

Mme Harel: Quelle est la proportion... Parce que ma collègue me souffle que ce n'est pas tout à fait représentatif, parce qu'il n'y a pas 25 % de femmes-cadres dans les universités.

Mme Lanouette (Denise): Il y en a moins, vous voulez dire?

Mme Harel: Oui. Il y en a combien, à l'UQAM par exemple?

Mme Lanouette (Denise): Bien, à l'UQAM, il y a environ... presque la mixité chez les cadres, et chez les cadres supérieurs également. Le chiffre 11 ne se divise pas en deux, alors, il y en a cinq et six, oui.

Mme Harel: Cinq et six?

Mme Lanouette (Denise): Oui.

Mme Harel: Bon. Alors, l'UQAM est donc, comme d'habitude, un peu à l'avant-garde.

Mme Lanouette (Denise): Dans certains domaines, nous espérons, dans d'autres, moins, sans doute.

Mme Harel: Alors, écoutez, M. Reid. Nous dites-vous que vous êtes en faveur ou pas de l'équité salariale?

M. Reid (Pierre): Nous sommes tellement en faveur de l'équité salariale dans les universités que nous avons commencé depuis fort longtemps. Et, dans la plupart des universités, nous avons terminé une opération que nous pensons être tout à fait conforme aux objectifs poursuivis par le gouvernement et par l'ensemble des universités elles-mêmes.

Mme Harel: Alors, en quoi est-ce qu'une loi d'application peut vous déranger?

M. Reid (Pierre): Dans un premier temps, si je peux essayer de résumer, si une telle loi nous oblige à recommencer un travail que nous considérons déjà fait, et de refaire ça maintenant plutôt que dans cinq ans, autrement dit, si on n'est pas considéré comme ayant fait ce travail d'équité salariale, bien, ça dérange, dans ce sens qu'il faut recommencer l'opération qui, d'une part, coûte en soi très cher, qui est très complexe et, d'autre part, on peut se poser la question à savoir: Est-ce que la méthodologie qu'on nous demanderait d'appliquer dans cette loi est tellement meilleure que celle qu'on a appliquée qu'il faudrait absolument consacrer des millions, encore une fois, pour refaire une opération qui doit avoir coûté entre 3 000 000 $ et 5 000 000 $, sur le plan administratif, juste pour calculer et examiner l'ensemble des facteurs?

Mme Harel: Dites-moi, quel est l'écart actuellement entre les salaires des femmes et des hommes, le ratio moyen? Le ratio moyen des salaires féminins eu égard à ceux des hommes pour des emplois comparables.

M. Reid (Pierre): M. Buono a probablement plus l'information que moi là-dessus.

M. Buono (Elvio): Pardon, je m'excuse de ma voix. Je ne peux pas vous répondre en termes de ratios moyens, mais, dans le cadre des opérations d'équité salariale que nous avons faites, on a réussi à redresser pour 75 % des cas le salaire des femmes.

Mme Harel: Ça touchait combien d'employées féminines?

M. Buono (Elvio): L'opération qu'on a faite?

Mme Harel: Pour une opération qui vous a coûté cher, ça suppose, j'imagine, des résultats.

M. Buono (Elvio): Bien, comme je vous dis, pour un effectif de soutien d'à peu près, si je n'inclus pas seulement le SCFP, mais l'ensemble des établissements, où on avait pas loin de 16 000 personnels de soutien qui étaient visés par l'opération, il y a certainement plus de 60 %, 70 % de ce personnel-là qui est du personnel féminin. Et les correctifs sont allés, à plus de 75 %, à des fonctions occupées majoritairement par des femmes.

M. Reid (Pierre): Sur le plan financier, je pense que les chiffres de 60 000 000 $ de rétroactivité sur cinq ans seront distribués à ces personnes-là. Et quand on parle de 13 000 000 $ récurrents, ça veut dire qu'on ajoute 13 000 000 $ dans les salaires, majoritairement pour les salaires féminins, et ceci, de façon durable, année après année.

Mme Harel: Alors, ce 60 000 000 $, il est distribué à combien de personnes? Combien sont des hommes, combien sont des femmes?

M. Reid (Pierre): 70 % sont des femmes, je pense.

Mme Harel: 70 % de combien?

M. Reid (Pierre): Combien de personnel? 16 000 à peu près.

M. Buono (Elvio): Sur 16 000.

Mme Harel: Sur 16 000. Vous dites qu'il y en a 16 000 qui ont été visés par l'exercice?

M. Buono (Elvio): A peu près. Pour l'ensemble des établissements, oui.

Mme Harel: Les 16 000 sont visés? Puis 70 % de 16 000, c'est ça que vous nous dites?

M. Buono (Elvio): Oui.

Mme Harel: Ça voudrait dire qu'à peu près 11 200 vont bénéficier de ce réajustement.

M. Reid (Pierre): 13 000 000 $, oui.

Mme Harel: Alors, donc, vous appelez ça équité salariale. Vous avez déjà dû entendre parler de la notion de relativité salariale? Puis vous préférez maintenir que c'est de l'équité?

M. Reid (Pierre): Écoutez, comme dans beaucoup d'éléments, on peut discuter d'un mot qui correspond à une méthode ou une méthodologie. Nous avons poursuivi depuis le début des objectifs d'équité salariale, nous avons adopté une méthode qui était reconnue et qui était celle qu'a adoptée le gouvernement, en autant qu'on est concernés. On nous a même demandé de prendre celle-là pour atteindre les objectifs d'équité salariale. Maintenant, on peut débattre: Est-ce que ça, c'est de l'équité salariale ou si on prend un formule qui, mathématiquement, va selon une régression plutôt que selon une formule en 16 points? Est-ce que c'est plus de l'équité salariale ou moins? La chose qui est certaine, c'est que les universités, depuis cinq ans, poursuivent des objectifs très clairs d'équité salariale. Le moyen que nous avons pris donne un élément, donne un résultat que nous n'avons pas peur d'appeler une augmentation substantielle d'équité salariale, sachant que la perfection, de toute manière, quelle que soit la méthode, n'est pas facile à atteindre. Et, dans ce sens-là, on peut débattre, évidemment, de ce qui est équité ou je ne sais pas quel autre mot. Mais il est clair que nous avons poursuivi cet objectif-là et nous pensons, selon de nombreux critères, en tout cas, que, nous, on a pu voir et utiliser, nous avons atteint une bonne partie de nos objectifs d'équité salariale.

Mme Harel: Écoutez, ma collègue, la députée de Sherbrooke, veut échanger également avec vous. Alors, je vais devoir peut-être accélérer.

(20 h 50)

À la page 2 de votre mémoire, d'une part, vous dites que vous avez été induits, par les représentants ministériels que vous identifiez être le ministère de l'Éducation puis le secrétariat au Conseil du trésor, à partir de 1990, dans un processus lourd et complexe, que vous auriez pu emprunter une voie plus simple et moins coûteuse. Peut-être vous pouvez nous parler de la voie plus simple et moins coûteuse. D'autre part, peut-être vous indiquer que la formule dont vous vous êtes inspiré est reconnue, de commune renommée, comme étant une formule de relativité salariale. Ça ne la déprécie pas, là, d'être appelée par son nom, hein, il n'y a pas d'opprobre, si vous voulez contre cette formule-là, elle peut donner des résultats.

Et je comprends que les articles 76 et suivants, où, finalement, il est possible à un programme d'équité salariale ou de relativité salariale d'être réputé établi conformément à la loi s'il comprend trois conditions qui sont énumérées, et cette méthode d'évaluation des catégories d'emplois doit, en outre, permettre la comparaison de chacune des catégories d'emplois à prédominance féminine à des catégories d'emplois à prédominance masculine. Est-ce que votre mémoire, c'est... Dans le fond, l'impression que vous laissez, c'est que vous pensez que ce test-là, à l'article 76, avec ce que vous avez fait, vous ne passeriez pas à travers?

M. Reid (Pierre): Je ne pense pas que... Est-ce que vous voulez donner quelques éléments d'information?

M. Buono (Elvio): Oui. Mais, d'abord, pour ce qui est du rappel historique, lorsqu'on s'est embarqué dans l'opération équité salariale – parce qu'avec, entre autres, le SCFP, on a signé des lettres d'entente qui identifiaient bien l'opération comme étant de l'équité salariale – avec tout le SCFP à Sherbrooke et dans d'autres universités, on a signé comme étant une opération d'équité salariale. Et, pour des raisons de financement, on nous a indiqué quelle devait être la méthode qu'on devait suivre. Donc, on nous a, à toutes fins pratiques, imposé le plan à 16 facteurs de toute une opération qui s'en est suivie.

Par rapport aux exemptions que prévoit l'article 76, ce qu'on craint, c'est que, comme on a fait, nous, l'évaluation de toutes les fonctions, et non pas seulement une comparaison des fonctions à prédominance féminine ou masculine, c'est dans la construction même de l'échelle salariale où on risque d'avoir des problèmes avec l'article 76. On était pris entre deux problématiques: à la fois de faire des ajustements pour l'équité salariale et, aussi, ne pas s'éloigner des paramètres salariaux du gouvernement. Donc, dans la construction de notre échelle, on a tenu compte à la fois de notre point de départ, les salaires qu'on versait et on a aussi tenu compte des salaires que le gouvernement versait.

Mme Harel: Mais avez-vous l'impression qu'il y a des biais sexistes, comme on dit, là, qu'il y a des stéréotypes qui sont glissés encore et qui viennent influencer l'appréciation des postes à partir de stéréotypes?

M. Reid (Pierre): Je ne pense pas que ce soit la source de notre préoccupation. Mais, enfin, vous vous rendez peut-être compte que c'est un peu technique comme discussion. Mais nous ne voulons justement pas, à un moment donné, nous retrouver devant une situation où il faut recommencer une opération extrêmement coûteuse pour des raisons plus ou moins techniques, soit de définition, soit qu'il n'y a pas assez de catégories dans telle ou telle chose ou parce qu'il y a un ratio qui ne correspond pas tout à fait. Et nous voulons vous faire part, à la commission, de cet élément-là. Et, en même temps, vous nous trouvez peut-être un peu trop prudents, mais nous nous sommes avancés très rapidement dans l'opération que nous avons entreprise il y a cinq ans pour nous retrouver aujourd'hui avec des éléments financiers. Écoutez, ça ne met pas en doute du tout l'opération, on va les payer, ces salaires-là qu'on va augmenter, mais ça nous cause des problèmes assez importants. Et même, assez paradoxalement, ça nous oblige à diminuer les embauches qu'on va faire pour remplacer les gens qui partent et des choses comme ça. En quelque sorte, on voudrait être certains qu'on va dire avant de commencer plutôt que de dire cinq ans plus tard: Voici sur quoi on s'était entendu, là.

Le Président (M. Williams): Merci. Maintenant, je passe la parole à Mme la députée de Rimouski. Vous avez deux minutes.

Mme Charest: Oui, merci. M. le président, c'est bien ça?

M. Reid (Pierre): Oui.

Mme Charest: Alors, ce n'est pas des questions, c'est strictement un commentaire. Permettez-moi de vous dire que je suis extrêmement déçue de votre mémoire. Ça m'apparaît avant tout être un genre de document de récrimination sur la problématique du financement des universités, et l'équité salariale sert en quelque sorte, je ne sais pas là, de sujet ou d'objet de négociation ou, enfin, de prétexte pour parler du financement des universités comme tel.

Je vous avoue que je m'attendais à autre chose, je m'attendais à une réflexion, à des suggestions, à des commentaires sur l'application éventuelle du principe de l'équité salariale. Puis, au risque de vous bousculer, je vous dirai que je trouve ça très décevant d'avoir un mémoire de la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec qui a un ton et un discours sur l'équité salariale tel que celui que vous nous avez soumis. Alors, c'est, pour l'instant, ce que je tenais à vous souligner. Merci, M. le Président.

M. Reid (Pierre): Est-ce qu'on peut réagir?

Le Président (M. Williams): Vous pouvez faire une réponse, M. Reid.

M. Reid (Pierre): Écoutez, je pense qu'on peut comprendre votre déception si vous vous attendiez à un exposé universitaire sur la question. Malheureusement, les universités vivent des situations qui sont difficiles sur le plan financier. Il y a beaucoup d'autres tribunes pour parler des questions financières que celle-ci. Il s'agit cependant d'attirer l'attention des membres de la commission sur le fait qu'il est difficile de séparer totalement la question financière, d'en faire totalement abstraction, quand on parle d'une opération à laquelle nous souscrivons entièrement, la preuve, c'est que nous l'avons fait très tôt. Mais il faut quand même attirer l'attention sur le fait qu'il y a un lien entre les deux, c'est ce que nous voulons faire, et de ne pas faire abstraction totalement de la question financière.

Le Président (M. Williams): Merci. Pour une courte question, Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Ça va être très rapide, quoique j'aurais beaucoup de choses à dire parce que je me retrouve avec des collègues; alors, j'aurais envie d'en abuser, mais je ne le ferai pas.

Je voudrais simplement poser une question qui prendra peut-être autrement ce que ma collègue vient de dire. Nous, on a le double défi de l'assainissement des finances publiques, d'une part, et en même temps d'adopter des lois qui font progresser un certain nombre de choses, dont la situation des femmes en emploi. Ce sera notre éternel défi, c'est à nous de nous débrouiller avec ça.

Ce qui m'a étonnée dans le mémoire, c'est de voir qu'à la fin vous dites: On a un certain nombre de problèmes qui sont beaucoup d'ordre financier ou d'ordre méthodologique et, en conséquence, vous dites qu'il faut surseoir. Moi, je me serais attendue à ce qu'à la fin vous disiez: Nous vous recommandons telle et telle modification pour que, entre autres, au plan méthodologique, on arrive à s'entendre. Mais vous dites simplement: Il faut surseoir. Et je me demande s'il n'y a pas d'autres avenues que simplement surseoir, qui peut vouloir dire tout simplement renvoyer aux calendes grecques, et, donc, on ne fait pas avancer la cause de l'équité salariale.

M. Reid (Pierre): Peut-être est-il nécessaire de préciser, et ce n'est peut-être pas assez clair dans le document. Le mot surseoir ne doit pas être interprété comme étant repoussé aux calendes grecques. Je pense que ce qui est dit, et je pensais que c'était assez explicite, c'est: Est-ce qu'on ne pourrait pas au moins, avant de prendre des décisions – et je ne sais pas quel est votre calendrier – attendre de voir, dans l'opération que le premier ministre veut faire, quels sont les paramètres dans lesquels notre pays va évoluer sur le plan des priorités et de l'application du calendrier d'application de ces priorités? Simplement, on ne voudrait pas qu'il y ait des décisions qui se prennent, peut-être, avant d'en arriver à ça. Et surseoir, ça veut dire surseoir jusque-là; ça ne veut pas dire surseoir deux ans, cinq ans.

Quant aux questions méthodologiques, je pense qu'on peut effectivement fournir et aider dans ce sens-là. Nous avons travaillé très fort et nous avons des gens qui ont développé beaucoup d'expertise là-dessus. Malheureusement, ce n'est peut-être pas ce qu'on pensait qu'on devait faire aujourd'hui, mais je pense qu'il y a déjà des contacts d'établis avec certaines personnes, et il est clair, et nous l'avons fait même tout à l'heure, avant le commencement, avant le début, que tout ce que nous avons développé comme expertise qui peut aider, il est à la disposition de toute personne ici autour ou des personnes qui travaillent pour vous.

Le Président (M. Williams): Merci, M. Reid. Maintenant, je passe la parole à Mme la députée de Saint-François, porte-parole de l'opposition.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci M. Reid et bienvenue aux personnes qui vous accompagnent. Comme députée responsable, je pense qu'on ne peut pas du tout faire abstraction des coûts que pourrait engendrer un tel projet de loi. Ça, c'est inévitable. Maintenant, ce qu'il faut savoir, c'est comment on va les financer. Même tout en étant d'accord avec le principe, il faut aussi se questionner là-dessus.

Je pense aussi qu'il aurait été beaucoup plus facile pour nous d'avancer dans notre réflexion si le gouvernement avait pu nous produire des chiffres exacts sur les coûts administratifs, sur, par exemple, l'impact sur la masse salariale des entreprises, de même que l'impact sur l'emploi aussi. Parce que, même si, pour certains groupes, il n'y a pas d'impact sur l'emploi, dans certains cas, et je pense entre autres au niveau des universités, comme vous le mentionniez, alors que 80 % de votre budget représente la masse salariale, naturellement, la marge de manoeuvre, elle est très, très, très mince, surtout quand vous devez respecter des conventions collectives et surtout quand vous n'avez pas cette marge de manoeuvre pour modifier quoi que ce soit. Alors, donc, dans ce sens-là, je pense qu'on ne peut pas faire abstraction des chiffres. Bien sûr qu'on doit se questionner là-dessus en gens responsables. Cependant, ce qu'il faut savoir en bout de ligne, c'est: Qui va pouvoir payer? Je pense que c'est ça qu'il faut se poser comme question.

(21 heures)

Je sais, par exemple, que l'Université de Sherbrooke a été quand même une des premières, je pense, à emboîter le pas au niveau des programmes d'accès à l'égalité. Et, par la suite, je me rends compte que ça a conduit à plus que des programmes d'accès à l'égalité. Je pense que vous avez poursuivi, de même que les autres universités, dans un programme davantage de relativité salariale, qui avait dépassé le stade des programmes d'accès à l'égalité.

Pouvez-vous me dire si toutes les universités ont fait cette démarche et si vous vous êtes entendus pour la faire un peu en même temps, cette démarche, et si vous vous êtes basés sur un modèle un peu commun, ou bien si chaque université a fait sa propre démarche indépendante de l'autre? Et êtes-vous rendues au même niveau, toutes les universités, j'entends, du Québec? Est-ce que vous êtes rendues au même niveau dans cette démarche?

M. Reid (Pierre): Je pense que les universités ne sont pas planifiées de façon centrale. La CREPUQ est une organisation de concertation, et, ce que nous faisons, donc, nous nous concertons. De temps en temps, nous formons une table commune pour négocier. Par exemple, dans le contexte de l'équité salariale, ça s'est fait. Est-ce que les universités sont toutes au même niveau? Je pense qu'on peut dire que, globalement, oui. Il y a des variations qui peuvent dépendre de toutes sortes de choses. Il y en a qui ont des ententes formellement signées avec leurs syndicats; d'autres, c'est plutôt des pratiques ou des politiques.

Il serait peut-être intéressant, là-dessus... Je ne sais pas si Mme Lanouette veut nous donner, peut-être, un peu plus... elle qui a travaillé dans cette question-là plus et qui connaît peut-être plus en détail, étant donné qu'elle est vice-rectrice aux ressources humaines, le cas particulier de l'UQAM. Elle pourra peut-être donner quelques éléments complémentaires sur ce qu'elle connaît des autres universités. Si vous voulez, Mme Lanouette.

Mme Lanouette (Denise): Oui. Effectivement, nous avons avancé à un rythme qui peut être légèrement différent, mais, bien sûr, nous jouons de cette concertation dans tous ces dossiers qui sont d'équité salariale, mais qui sont aussi, on l'a mentionné, les questions d'accès à l'égalité et les questions d'équité en emploi. Alors, toutes les universités ont des programmes qui sont soit existants, soit en révision, soit à bâtir ou en train de. Alors, donc, à ce niveau-là, nous sommes bien coordonnés, tout en étant, bien sûr, spécifiques et en ayant chacun nos personnalités en ce domaine comme dans d'autres choses. Mais on peut dire que nous avons un avancement qui est assez semblable à ce moment-ci.

Comme le disait mon collègue tout à l'heure, certaines ententes sont déjà signées, d'autres se signent. Celle chez nous se signe le 20 de ce mois. Et, bien sûr, les travaux ne sont pas terminés, car, vous savez, quand on signe une entente comme celle-là, on a de très, très longs mois de travaux à les appliquer puisque, dans le cas des universités, l'équité salariale est signée rétroactivement au 1er décembre 1989, et c'est pourquoi on vous parle de tant de millions. C'est qu'on a cinq, six ans en arrière que nous appliquerons. Alors, on en a pour des mois à faire des calculs. Mais nous en sommes... soit que nous venons de signer, nous sommes à signer et d'autres signeront dans les prochains jours. Bref, on a suivi un rythme assez semblable.

Mais, puisque j'ai la parole, j'aimerais peut-être compléter mon propos. Je comprends le malaise, exprimé par certaines personnes autour de cette table, sur notre mémoire. Effectivement, comme femme, cette fois – je me permettrai de me particulariser – comme femme, cette fois, gestionnaire d'université, je dois vous dire que, devant de telles questions, je me sens profondément mal à l'aise, et je vous explique pourquoi. Et vous allez me comprendre puisque vous êtes plusieurs femmes autour de cette table, et j'imagine que vous partagerez aussi mes tourments. Bien sûr que nous sommes pour l'équité salariale. Le président vous l'a dit, non seulement nous le sommes mais nous l'avons fait, nous le faisons et nous le faisons six ans en arrière. On n'a pas attendu la loi, on l'a fait. Donc, on ne peut pas vous dire qu'on est contre. Le problème que nous avons est que... Moi, j'ai particulièrement, comme femme ici présente et chez moi, réalisé des choses. Ça fait des années que je travaille à différents postes dans la maison, chez nous, à bâtir d'abord des programmes d'accès à l'égalité. Vous savez que, dans le monde professoral, c'est ça qui est important. Nous sommes parties de loin. Nous avançons aussi dans ce domaine. On est parties à 15 % de femmes professeures et nous sommes rendues passé les 20 % maintenant. Alors, on a fait aussi, là, des progrès importants. Ce n'est pas de l'équité salariale, c'est de l'accès à l'égalité, et c'est très important. Et c'est aussi l'accès à l'égalité des étudiants. Les étudiantes dans nos universités, comme vous savez, quand on met tous les cycles confondus, dépassent maintenant 50 % des clientèles. Et quand on veut ensuite faire la boucle avec l'accès à l'égalité aux fonctions supérieures, professeures, professionnelles, il faut passer par la scolarisation; et, là-dessus, nous avons aussi beaucoup travaillé.

Alors, je reviens à ma problématique. Quand on gère actuellement les universités, ou quoi qu'on gère actuellement, quoi qu'on gère – vous gérez vous-mêmes des choses – nous sommes dans un terrible dilemme où on a à faire des choix très criants. Moi, je suis, chez moi, la même personne qui essaie de réaliser l'équité salariale – avec des millions que nous n'avons pas, malheureusement, et nous le faisons quand même – et je suis la même personne qui, de l'autre main, doit couper des emplois. Je suis la même personne, et je suis une femme gestionnaire d'université, comme mes collègues le font aussi à leur titre.

Alors, c'est un dilemme. Je suis personnellement très perturbée par ça parce que, qu'est-ce que je fais? Qu'est-ce que je fais? Est-ce que je fais encore un peu plus d'équité? On ne prétend pas qu'on a des modèles parfaits, on vous l'a dit. On fait de l'équité actuellement. Peu importe le terme qu'on y met, on fait de l'équité. Bien sûr qu'on n'a pas des systèmes qui sont parfaits, mais on a mis beaucoup d'efforts, en tout cas, pour faire le chemin qu'on a fait actuellement, et qui n'est sans doute pas terminé. Mais, en même temps, c'est un très mauvais moment, je dirais. C'est malheureux parce que, est-ce que, quand on n'a plus d'argent, on ne s'occupe plus d'équité envers les femmes?

C'est là où on en est, et c'est très compliqué. Alors, moi, je suis la même femme qui coupe des emplois chez moi. Est-ce que je vais en mettre un peu plus pour satisfaire cette loi à laquelle, peut-être, on n'échappera pas, on n'est pas très sûr qu'on pourra y échapper? Est-ce que je couperai davantage de postes? Et qu'est-ce que je couperai comme postes? Des postes de femmes. Des postes de femmes parce que, quand on coupe des postes dans les universités maintenant, qu'est-ce qu'on coupe? Des postes de soutien, des postes de bureau où 98 % des postes sont occupés par des femmes. Pourquoi on coupe ceux-là? Parce que les professeurs, vous savez, maintenant, ont chacun leur ordinateur, font chacun leurs travaux. De quoi ont-ils le moins besoin? C'est du personnel de bureau. On ne coupe pas des postes de professionnels, qui sont très près de l'enseignement, très près des laboratoires, très près de la recherche.

Alors, comme femme, je suis obligée de vous dire que je suis vraiment très malheureuse. Et je comprends votre déception de notre mémoire, mais imaginez-vous que, nous, c'est ça qu'on vit actuellement. Alors, je vous répète: Nous sommes pour l'équité, nous en faisons rétroactivement six ans en arrière, à coups de millions que nous n'avons pas. Alors, on se dit: Mon Dieu! mais qu'est-ce qu'on fait maintenant?

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, madame.

M. Racine (Jacques): J'aimerais intervenir, s'il vous plaît...

Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

M. Racine (Jacques): ...comme homme, dans une situation un peu semblable.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Racine (Jacques): Je dois dire qu'au cours des dernières années, à l'université, on a commencé par, assez bizarrement, organiser un campus qui puisse accueillir des femmes, puisque nous étions un campus âgé. Ça a été notre première phase: de faire en sorte que les femmes se retrouvent en sciences et génie, en agriculture, en foresterie. On a une de nos diplômées là-bas, au bout de la table. C'était une première phase très importante, et différents programmes à ces niveaux-là.

La deuxième phase qui est arrivée, ça a été de s'assurer qu'il y ait des femmes professeures pour enseigner à ces étudiantes qui entraient. Nous avons fait des programmes d'accès, même des programmes d'aide financière pour envoyer des étudiantes au doctorat et au postdoctorat à l'extérieur pour qu'elles reviennent dans l'enseignement, puisqu'il y avait peu de gens du sexe féminin qui avaient le doctorat à ce moment-là. Ça a été la deuxième phase.

La troisième phase. Dans les années 1989, on nous a dit: De l'équité salariale. Je veux bien discuter du terme équité-relativité. Quand nous nous sommes engagés là-dedans, nous nous sommes engagés dans l'équité salariale et en négociations avec un syndicat. Et, avec ce syndicat-là, nous avons essayé de traiter de la façon dont le syndicat traitait lui-même cette question-là à ce moment-là, pas en 1995, au moment où on en traitait, en 1990. Comment traitait-il cette question d'équité salariale et comment cette question avait-t-elle été traitée au niveau du gouvernement? Ça a pris cinq ans pour faire ça, et ça a été difficile, et ça a été difficile pour un tas de raisons. Je ne tiens pas à vous les expliquer, mais jamais nous n'avons mis en question le fait que nous y arriverions, que nous paierions la rétroactivité même si le gouvernement ne finançait pas. Nous nous sommes toujours engagés, devant ce personnel-là, à faire la même chose. Actuellement, nous sommes dans des objectifs de compressions. Dans notre université, nous avons demandé des efforts aux professeurs de façon particulière, aux professionnels; nous n'avons demandé aucun effort d'ordre pécuniaire au syndicat des employés de soutien, avec lequel nous venons de signer une entente d'équité. Tout simplement pour vous dire que, même si nous connaissons...

(21 h 10)

Oui, je dois dire que c'est assez difficile, comme pour vous, d'ailleurs, d'essayer de lier nos valeurs, nos objectifs et les contraintes dans lesquelles nous travaillons. Je pense que nous essayons de le faire, mais nous le faisons dans un tour d'horizon, avec un tas de partenaires. Quand nous discutons avec les professeurs, nous discutons de l'accès, nous essayons de convaincre certains collègues, dans des départements, qu'ils doivent faire un effort très particulier en ce sens-là. Et, pour nous, c'est aussi important que de recommencer aussi le tir dans l'équité avec les employés de soutien.

Peut-être qu'on a donné une mauvaise impression par le texte que nous avons fait, mais je crois qu'il faut voir ce qui s'est fait dans les universités et les conséquences que ça a dans l'ensemble de la société québécoise. Maintenant, nous vivons quand même dans un contexte difficile à ce moment-ci. Nous le disons parce que peut-être que ces chiffres n'étaient pas aussi bien connus de la commission, les 13 000 000 $ et les 60 000 000 $ de rétroactivité. Nous le disons parce que nous avons fait l'expérience à Laval en essayant la courbe de régression, en l'appliquant seulement aux employés de soutien. Je veux passer d'une facture récurrente de 2 200 000 $ à une facture récurrente de 4 000 000 $. S'il fallait que je mette dans le même groupe les professeurs, j'aime autant ne pas y penser. Je n'ai pas fait l'essai parce que nous avons toujours considéré que, du côté des professeurs, nous devions plutôt rechercher l'accessibilité des femmes pour augmenter le taux de présence des femmes là-dessus. Il ne nous apparaissait pas clair dans la loi, comme il ne nous a pas paru clair quand nous avons rencontré le comité qui a travaillé pour le ministère et pour préparer cela, il ne nous a pas paru clair, même si nous en avions parlé, que les professeurs étaient exclus d'une telle opération, d'après la loi 76. Et, pour nous, ça, ça paraissait très difficile parce que, avec la courbe de régression, évidemment, nous débarquions totalement de la comparaison avec les échelles du public et du parapublic à cause de ce groupe. C'est le même problème vis-à-vis des chargés de cours, dans la compréhension qu'on a d'un chargé de cours par rapport à un professeur qui fait de la recherche, qui fait de l'accompagnement, de l'encadrement aux deuxième et troisième cycles.

Mme Gagnon-Tremblay: Si on avait à faire un sondage auprès du personnel féminin des universités, croyez-vous que ce personnel serait plutôt d'accord avec toute la démarche que vous avez effectuée au cours des dernières années? Démarche qui est fort louable, d'ailleurs. Je veux vous féliciter pour l'avoir faite. Est-ce qu'à ce moment-là la réponse serait: Oui, nous reconnaissons que les universités ont fait un effort louable et que, pour nous, relativité salariale, ça équivaut finalement aussi bien à équité, et on souhaiterait avoir d'autres mesures que ça, comme, par exemple, garderies, congés de maternité, ainsi de suite, mieux adaptées? Si vous faisiez un sondage, quelle serait, d'après vous, la réponse, à partir de tout ce que vous avez fait?

M. Racine (Jacques): Bien, congés de maternité, garderies, c'est déjà présent, là; il faut voir qu'il y a un certain nombre de ces mesures-là. Je dirais, pour être honnête, cependant, qu'il y a encore des employées de bureau qui considèrent que nos efforts ne sont pas suffisants – et je pense que c'est tout à fait juste – et qu'on reste avec des écarts considérables, comme dans l'ensemble de la société, entre des postes, par exemple, de secrétariat, où il y a beaucoup de travail utile de fait. Et on comprend que, là, il y a une distance réelle, mais c'est une distance qui n'est pas le fait des universités seules puisque, dans ce corps d'emploi particulièrement, la rémunération des secrétaires est plus élevée à l'université que dans le public et le parapublic. Mais si on se distancie trop, on se fait cogner sur les doigts d'un autre côté, là.

Le Président (M. Williams): Merci, M. Racine. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci. M. Reid, Mme Lanouette, messieurs, vous nous dites oui à l'équité salariale, et on le reçoit bien. On sait qu'en toile de fond à votre mémoire il y a un sérieux problème de sous-financement des universités par le gouvernement. Je pense que vous avez déjà élaboré là-dessus à d'autres tables. Vous dénoncez aussi – je lisais des articles dernièrement – le gel des frais de scolarité des étudiants. Est-ce qu'on peut penser qu'en augmentant les frais de scolarité des jeunes étudiants, des jeunes étudiantes, vous êtes en train de nous dire que vous pourriez atteindre les objectifs d'équité salariale?

M. Reid (Pierre): Je pense que, d'une façon globale, on en arrive à un point dans les universités où, si on en retire, il faut en mettre, et inversement, si on veut la qualité... En tout cas, si on veut garder la même qualité et si on veut également satisfaire à nos objectifs vis-à-vis de nos personnels de toutes catégories, et, évidemment, plus particulièrement envers les femmes, il est évident que, dans cette perspective, tout apport financier, évidemment, aide à combler les demandes financières. Et les demandes financières qui existent déjà, elles nous posent déjà des problèmes: il faut les trouver, les 13 000 000 $, parce que ce n'est pas évident. Et, à la poursuite de l'égalité, enfin, si on veut, d'une équité salariale qui est encore perfectible et qui pourrait être perfectionnée, il est évident que des ressources financières supplémentaires – les droits de scolarité en sont – peuvent être utiles dans cette perspective-là. Maintenant, il ne faudrait pas faire une équation trop nette entre, mettons, droits de scolarité et équité salariale ou... Enfin, je pense qu'il faut voir ça comme une équation globale, un peu comme le budget du Québec. Le Québec a toujours refusé d'identifier les transferts fédéraux pour l'éducation, de les étiqueter «éducation». C'est une option que le Québec a toujours prise, quels que soient les partis. Et ce n'est pas parce qu'il y a une coupure à ce titre-là que ça se traduit automatiquement par des coupures en éducation. Alors, je pense que, de la même façon, il ne faut peut-être pas étiqueter trop précisément les fonds.

Le Président (M. Williams): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui. Plutôt que de regarder du côté des frais de scolarité, surtout supportés par les jeunes... Je me souviens, quand j'étais dans le réseau... et ce n'est pas votre université, c'est celle de Montréal, où il y avait des ententes, des conventions collectives qui avaient des avantages pour certains professeurs, qui étaient vraiment contestées et contestables. Certains d'entre eux pouvaient n'avoir à peu près pas de charge d'enseignement, ne pas voir de patients et être rémunérés comme PTG ou DTG. Je pense que vous connaissez bien, M. Reid, ce semi-scandale. Est-ce qu'il n'y aurait pas là des avenues de récupération d'argent pour mieux financer toute la problématique associée à l'équité salariale?

M. Reid (Pierre): D'une façon générale, il y a des potentiels. Vous parlez, par exemple, d'une faculté de médecine. À Sherbrooke, par exemple, depuis déjà un certain temps, depuis déjà longtemps, les professeurs mettent en commun une bonne partie des revenus de nature médicale et embauchent des professeurs. Ça permet, entre autres, à la Faculté de médecine d'avoir un très grand nombre de professeurs féminins, par exemple. Mais, d'une façon générale, il est clair que – et je ne voudrais pas singulariser les professeurs – nos conventions collectives, comme à différents endroits, avec le temps, ont accumulé, toujours. Et c'est rare qu'on diminue dans les conventions collectives, surtout lorsqu'on a connu des périodes de croissance importante sur le plan du nombre d'étudiants et des revenus qui sont venus avec ces étudiants-là pendant des années.

On en est à l'étape maintenant, comme partout où il y a une restriction, où on doit demander à nos différents syndicats et associations de faire des concessions plutôt que de demander toujours plus. Et, en ce sens-là, il faut choisir, évidemment, les cibles et les objectifs. Pour nous, il est clair – et vous avez vu tout à l'heure une démonstration très nette à l'Université Laval – qu'on ne veut pas donner de la main gauche, sur le plan de l'équité salariale, et redéfaire ça de l'autre côté. Alors, à l'Université Laval, très clairement, ils ont demandé des concessions importantes au groupe de professeurs, au groupe de professionnels, et ils ont laissé au groupe du personnel de soutien accès aux sommes d'argent que l'équité salariale venait de leur apporter. On ne leur a pas automatiquement enlevé. Et je pense que, ça, c'est une question de choisir quels sont les objectifs, choisir qu'est-ce qu'on demande à quels groupes, mais il est clair aussi que nous en sommes là.

Le Président (M. Williams): Merci, M. Reid. Pour la dernière question, Mme la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, une question très courte. Tous les syndicats que nous avons entendus à cette commission souhaitent, bien sûr, jouer un rôle prépondérant dans la formation et, entre autres, dans l'application ou dans la gestion, finalement, de tout programme d'équité en emploi. Pouvez-vous me dire quel est le rôle qu'ont joué les syndicats, par exemple, pour implanter les programmes que vous avez mis en place? Est-ce que c'est souhaitable que ça demeure l'affaire de l'employeur seulement ou si ça doit être ce qu'on peut appeler une cogestion ou encore un comité paritaire?

Mme Lanouette (Denise): Oui, en fait, nous l'avons fait ainsi. Toute l'opération d'équité salariale ou tout autre programme, qu'on a mentionné tout à l'heure, d'accès à l'égalité et d'équité en emploi s'est fait avec les syndicats, du début à la fin. Alors, nous travaillons déjà en cogestion dans tous les dossiers, y compris celui-là.

M. Racine (Jacques): C'est un petit peu la même chose. Le programme d'accès est un programme que nous avons avec le syndicat des professeurs de l'université, et nous avons besoin des professeurs aussi pour faire de l'animation dans certains départements qui sont un petit peu plus réfractaires. Je veux dire, il y a des choses comme ça. Par rapport aux employés de soutien, nous avons une entente de partenariat avec eux.

(21 h 20)

Le Président (M. Williams): Merci beaucoup. Malheureusement, il ne reste plus de temps. Je voudrais dire merci beaucoup à M. Reid, à M. Racine, Mme Lanouette et M. Buono pour votre présentation ce soir.

Et maintenant, je voudrais inviter l'Association des professionnels en ressources humaines du Québec.

Bon. À l'ordre, s'il vous plaît! Maintenant, nous avons le plaisir d'entendre l'Association des professionnels en ressources humaines du Québec. Bonsoir, Mme Perryman.


Association des professionnels en ressources humaines du Québec (APRHQ)

Mme Perryman (Michèle): Bonjour.

Le Président (M. Williams): Pouvez-vous vous présenter, ainsi que les autres membres de votre délégation? Et vous savez que vous avez 20 minutes, et nous allons avoir un échange de 40 minutes, après ça.

Mme Perryman (Michèle): Parfait. Alors, à ma droite, M. Claude Duhamel, consultant en ressources humaines de la firme Centre de formation en gestion; ensuite, M. Lague, directeur de la rémunération à la STCUM, M. Lague; à ma gauche, M. Marc Chartrand, qui est directeur de la rémunération et de l'évaluation du rendement chez Astral communications; moi-même, qui suis présidente de l'Association des professionnels et vice-présidente, ressources humaines, chez Lévesque, Beaubien, Geoffrion.

Alors, l'Association des professionnels en ressources humaines regroupe 2 500 membres. La représentation que vous voyez aujourd'hui n'est pas nécessairement équitable, mais nous sommes à égalité, ou presque, hommes et femmes, au sein de notre association professionnelle. Nous provenons des différentes régions du Québec, de tous les secteurs d'activité, et nous oeuvrons à tous les niveaux de la gestion des ressources humaines, du conseiller en ressources humaines au vice-président, ressources humaines. Par conséquent, c'est nous qui, dans un contexte d'une loi sur l'équité salariale, avons à appliquer ces lois sur l'équité salariale.

Au niveau des valeurs, nous avons comme valeur la question de l'équité, du respect des individus et des groupes, et c'est certain que, pour nous, l'équité en entreprise et l'équité salariale sont très importantes. Nous avons comme mission, comme association, de promouvoir l'importance stratégique de la gestion des ressources humaines et des principes de gestion sous-jacents, et on privilégie la prise de position publique sur des sujets d'intérêt en ressources humaines et le maillage de nos membres à l'intérieur des activités professionnelles et sociales. La rémunération étant un secteur spécialisé de la gestion des ressources humaines, nous retrouvons les membres spécialistes dans les moyennes et les grandes entreprises, le secteur public et la consultation.

L'Association est convaincue de l'importance stratégique de la rémunération au niveau de la compétitivité des entreprises. Au niveau de l'équité salariale, nous n'avons pas pris position jusqu'à ce jour sur le dossier de l'équité salariale. Cependant, nous souhaitons que le gouvernement n'hésite pas à nous consulter plus fréquemment sur les différents projets qui ont trait à l'une ou l'autre des nombreuses problématiques touchant les ressources humaines au Québec – à l'heure actuelle, l'équité salariale, parce que, comme je vous l'ai dit tantôt, c'est nous qui avons à appliquer ces lois dans les entreprises par la suite. Alors, nous sommes en accord avec les objectifs de l'avant-projet de loi, mais nous souhaitons proposer des modifications touchant les éléments d'application de ceux-ci et nous souhaitons, bien sûr, une démarche moins coercitive que l'adoption d'une loi.

Nous pensons que l'objet de l'avant-projet de loi doit être élargi. L'article 1, par exemple, parle de corriger la discrimination salariale faite aux personnes qui occupent des emplois dans des catégories d'emplois à prédominance féminine. Nous disons que l'avant-projet de loi n'incite pas les entreprises à établir une structure salariale équitable, mais vise essentiellement à corriger la discrimination historique ou systémique subie par des catégories d'emplois à prédominance féminine. L'Association croit que l'objet doit être élargi de façon à ce qu'il y ait équité salariale pour les emplois à prédominance féminine et les emplois à prédominance masculine. Nous considérons que l'obligation impartie aux employeurs n'est pas de corriger la discrimination pour certaines catégories d'emplois mais d'établir un programme d'équité salariale au sein de l'entreprise. Donc, nous privilégions de regarder véritablement la valeur relative des emplois au sein de l'entreprise.

La portée doit tenir compte des contraintes des petites entreprises. Ce que l'avant-projet de loi dit à l'heure actuelle, c'est que tout employeur dont l'entreprise compte 10 salariés ou plus, y inclus le travailleur autonome à l'emploi d'une entreprise, doit être visé. Nous considérons que la portée de l'avant-projet de loi est trop large et que l'application de programmes d'équité salariale pour les très petites entreprises va générer des coûts directs et de gestion importants. Force est de constater que ces entreprises n'ont pas les ressources humaines et matérielles nécessaires pour mettre en place ce programme et devront donc faire appel à des services spécialisés dans ce domaine, ce qui engendrera des coûts supplémentaires. Et vous avez remarqué que je suis accompagnée par des consultants à l'heure actuelle, et ce sont ces consultants qui vous disent ça. Donc, ils sont très conscients de cela. L'article 87 permettant des révisions éventuelles de la loi, nous pourrions, à ce moment-là, faire le bilan de ces programmes et apporter des modifications au besoin. Pour ces raisons, nous préconisons un programme incitatif pour les entreprises entre 10 et 50 employés.

La possibilité d'élaborer un cadre commun pour plus d'un employeur, prévue à l'article 22, nous amène à nous questionner sur l'impact du regroupement d'un cadre commun sur le positionnement de la rémunération dans l'avant-projet de loi. En effet, la rémunération étant un élément déterminant de la compétitivité, nous envisageons difficilement comment plusieurs employeurs, particulièrement en région, pourraient se regrouper pour comparer des emplois différents et partager des éléments d'information sur la rémunération, élaborer ensemble un programme d'équité salariale avec des structures salariales et des plans d'évaluation différents. Par conséquent, nous demandons le retrait de cette disposition.

Un seul programme d'équité salariale pour l'ensemble des salariés, sauf que l'employeur peut, sur demande d'une association accréditée, convenir d'un programme distinct. Nous disons que, idéalement, pour en arriver à une véritable évaluation de la relativité entre les catégories d'emplois, un seul programme pour l'ensemble de ces salariés est préférable. L'ouverture sur la possibilité de programmes distincts est une mesure qui pourrait générer d'importants coûts de gestion additionnels et qui est susceptible de poser des problèmes de cohérence entre les programmes. Il serait difficile de concilier les choix des différents comités. Puis, quand on dit ça, on pense plus aux grandes organisations, comme à la STCUM, par exemple, où il y a plusieurs syndicats. Alors, dans ces situations-là, c'est très difficile de s'entendre avec plusieurs syndicats. Et, là, la mesure dit: «sur demande d'une association accréditée». Alors, ça veut dire qu'on est tributaire des bonnes relations qu'on a avec les syndicats et des bâtons qu'ils veulent nous mettre dans les roues, dépendant des situations. Alors, on dit que l'élaboration d'un seul programme peut devenir une opportunité pour les employeurs aux prises avec plus d'un plan d'évaluation et qui, à l'occasion, reproduisent une forme de ségrégation professionnelle au sein d'une entreprise.

Plus d'une méthode d'évaluation des catégories d'emplois, selon les qualifications requises, les responsabilités assumées, l'effort requis et les conditions de travail. En fait, il y a quatre critères qui sont déterminés dans la loi et à côté desquels on ne peut pas passer. Alors, bien que le choix de la méthode d'évaluation des emplois soit laissé à la discrétion des parties, l'avant-projet de loi spécifie que la méthode utilisée doit être celle de l'évaluation par points-facteurs et qu'au moins quatre facteurs devraient être utilisés, soit les qualifications requises, les responsabilités assumées, l'effort requis et les conditions dans lesquelles le travail est effectué. La méthode par points-facteurs est reconnue par la Charte des droits et libertés et la jurisprudence. Toutefois, d'autres méthodes d'évaluation sont maintenant utilisées et sont tout aussi exemptes de biais sexistes. Ça dépend de la façon dont on définit les critères. Pour n'en nommer que quelques-unes, les méthodes d'évaluation par compétences, les méthodes de comparaison par pairs ou à des postes repères, les méthodes où à la fois les personnes et les tâches sont évaluées et la méthode «Time span measurement».

(21 h 30)

Même en utilisant la méthode d'évaluation par points-facteurs, les quatre facteurs retenus pourraient ne pas être utiles pour des fins de comparaison valable si... Par exemple, dans les entreprises où les qualifications requises et les conditions de travail seraient les mêmes pour tous les employés, ça veut dire qu'il n'y aurait que deux facteurs qui seraient utilisés et qui serviraient à discriminer entre les emplois. Parce qu'on a beau vouloir établir l'équité salariale entre des emplois également exigeants, il y a quand même une valeur relative entre des emplois dans une entreprise.

Par conséquent, nous demandons l'assouplissement de cette disposition et que toute autre méthode d'évaluation ou facteurs puissent être considérés dans la mesure où il y a entente au comité d'équité salariale et que la méthode ou les facteurs soient exempts de biais sexistes.

La simplification des méthodes d'estimation des écarts salariaux et de calcul des ajustements. L'avant-projet de loi prévoit quatre méthodes possibles: comparaison de courbe salariale... Bon, en tout cas, vous les avez lues probablement autant que moi, ces méthodes.

Alors, considérant les délais serrés de présentation du mémoire, nous n'avons pu obtenir un document d'appui. Oui. C'est qu'on voulait avoir un document qui a été produit par Mme Chicha, de l'Université de Montréal, et on n'a pu avoir ce document à temps.

De façon générale, l'Association constate que les catégories d'emplois neutres ne sont pas reconnues dans l'avant-projet de loi et plus particulièrement au niveau des méthodes d'estimation des écarts salariaux et du calcul des ajustements. Ces emplois regroupent de façon équivalente des hommes et des femmes et se retrouvent de plus en plus sur le marché. Nous croyons que la non-reconnaissance de ces emplois est susceptible de ne pas donner une vision complète de la structure des emplois et des méthodes d'estimation et du calcul des écarts salariaux. Donc, nous demandons de considérer ces types d'emplois dans l'avant-projet de loi. Il n'y en a pas beaucoup, on en convient. Et si on s'entend pour dire que des emplois majoritairement féminins ou masculins sont toujours regardés en fonction de l'historique, il y en a encore moins. Mais, de nos jours, il y en a de plus en plus, et on pense qu'il faut tenir compte de la nouvelle conjoncture du marché du travail.

L'Association considère que la détermination de la méthode ne doit pas faire l'objet de tractations entre l'employeur ou les associations d'employés. Par conséquent, le choix de la méthode doit être une prérogative de l'employeur à l'intérieur des quatre méthodes proposées. Si la méthode n'est pas empreinte de sexisme, si elle est reconnue par la loi, pourquoi on ne donnerait pas à l'employeur le choix de la méthode en question? Bien sûr, s'il peut s'entendre avec ses syndicats, c'est encore mieux. Mais, pour sauver du temps, pour être plus efficace, nous, ce qu'on préconise, c'est que l'employeur puisse avoir le choix de la méthode.

Des modalités plus flexibles de versement des ajustements salariaux. L'étalement du versement des ajustements est sur une période maximale de quatre ans. Les premiers versements sont dus à la date où le programme est complété. Considérant le contexte économique actuel, l'Association demande, lorsque l'ajustement salarial excède 1 % de la masse salariale par année, que le versement des ajustements salariaux se fasse sur une période plus grande que quatre ans. Lorsque le fardeau financier pour un employeur met en péril la survie de l'entreprise, celui-ci pourrait s'adresser à la Commission afin de rendre les modalités de versement plus flexibles. Et là on avait comme exemple les plus petites entreprises qui ont un seul emploi de catégorie féminine, et, si on compare cet emploi avec des emplois majoritairement occupés par des hommes dans d'autres secteurs d'activité, les écarts salariaux peuvent être pas mal plus grands que 4 % et mettre en péril la survie de ce type d'entreprise là. Alors, c'est pour ça qu'on dit qu'il devrait y avoir un endroit où on va expliquer cela au lieu de mettre fin à une entreprise.

Un délai qui tient compte de la complexité de la mise en oeuvre. Alors, là, il y a des dates dans l'avant-projet de loi, qui sont de deux ans, trois ans et quatre ans, selon le nombre de salariés. Ce qu'on préconise, nous, c'est qu'on soit un peu plus généreux quant à ces dates et que, pour une période de trois ans, ce soient les entreprises de 500 employés et plus; quatre ans, entre 100 et 500 employés; et cinq ans, entre 50 employés et 100 employés, étant entendu que ce qu'on préconise, c'est que, en bas de 50 employés, ce soit plus incitatif.

Conclusion. L'avant-projet de loi sur l'équité salariale s'inscrit dans le courant actuel du respect des droits de la personne et de l'élimination de toute forme de discrimination. L'Association souscrit d'emblée à cette orientation. Plusieurs facteurs militent en faveur d'une approche plus progressive et qui tient compte de la compétitivité des entreprises et de leur capacité de payer. Avec des charges sociales élevées, les employeurs ne doivent pas voir dans cet avant-projet de loi des contraintes financières additionnelles qui auraient pour effet de mettre en péril la survie de l'entreprise. C'est à ce niveau que le législateur doit adoucir l'administration de cette loi. Les entreprises doivent voir dans cette loi une opportunité d'améliorer la gestion des ressources humaines en corrigeant certaines iniquités historiques ou systémiques et s'assurant de l'équité salariale interne. Ce qu'on suggère aussi, c'est que soient mises sur pied des mesures plus incitatives au niveau de l'équité salariale. On pense, par exemple, à ce que la Commission des droits de la personne a déjà fait en matière de programmes d'équité salariale, de formation dans les entreprises. Je vous remercie.

Le Président (M. Williams): Merci, Mme Perryman. Maintenant, je passe la parole à Mme la ministre.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme Perryman, et bienvenue à vous tous qui, je crois, êtes le comité de direction?

Mme Perryman (Michèle): C'est-à-dire que, non, c'est plus un comité...

Mme Harel: Un groupe de travail?

Mme Perryman (Michèle): Un comité de travail, oui.

Mme Harel: Alors, de l'Association des professionnels en ressources humaines du Québec. J'aime bien votre conclusion. Vous nous dites: «L'avant-projet de loi sur l'équité salariale s'inscrit dans le courant actuel du respect des droits de la personne et de l'élimination de toute forme de discrimination. L'Association souscrit d'emblée à cette orientation.» Je dois vous dire qu'on n'a pas été habitués, depuis le début de nos travaux en commission parlementaire, à entendre de tels propos. Ils sont presque courageux, dans le contexte. Alors, je vous en félicite.

Évidemment, vous nous dites aussi qu'il y a des changements à apporter à l'avant-projet de loi, notamment vous ajoutez: «Avec des charges sociales élevées, les employeurs ne doivent pas voir dans cet avant-projet de loi des contraintes financières additionnelles qui auraient pour effet de mettre en péril la survie de l'entreprise. C'est à ce niveau que le législateur doit adoucir l'administration de cette loi. Les entreprises doivent voir dans cette loi une opportunité d'améliorer la gestion des ressources humaines en corrigeant certaines iniquités historiques ou systémiques et s'assurant de l'équité salariale interne.» Ça paraît que vous êtes des spécialistes de la rémunération. En fait, vous connaissez la rémunération, vous en êtes des experts. C'est votre métier, je crois, hein, à part le reste aussi, là?

Mme Perryman (Michèle): Oui, c'est ça. Pour plusieurs d'entre nous, oui, c'est-à-dire qu'il y a la formation, la dotation, le développement organisationnel. Il y a des gens dans notre association qui font des relations de travail. Il y a des gestionnaires de ressources humaines. Mais il y a une partie de nos membres qui font de la rémunération, effectivement.

Mme Harel: Alors, dans le fond, vous connaissez l'état de la situation, en d'autres termes. Mais, moi, je pense qu'une conclusion comme celle qu'on retrouve dans votre mémoire, venant de gens qui connaissent ça, est d'autant plus, je pense, intéressante. Remarquez que ça a fait pas mal consensus, le fait qu'il y avait dans notre Charte depuis 20 ans un principe de «à travail équivalent, salaire égal», qui faisait consensus dans la société mais qui n'était pas réellement appliqué faute de modalités concrètes en termes, si vous voulez, d'application, parce que c'était laissé uniquement à l'article 19 de la Charte, qui prévoit un recours fondé sur une plainte individuelle, avec la lourdeur que ça signifie.

Quant aux modifications, dans le fond, je ne veux pas les résumer, mais je comprends que, parmi les modifications importantes, ce que vous dites, c'est que, dans les entreprises de 10 à 50 employés, ce devrait être un programme incitatif. C'est bien ça que je comprends, hein? Vous dites également que les méthodes d'évaluation pourraient être autres que la méthode points-facteurs. Je ne pense pas, par exemple, que l'avant-projet de loi prévoie que ce soit points-facteurs, hein.

Mme Perryman (Michèle): Oui, c'était ça.

Mme Harel: C'est ça?

Mme Perryman (Michèle): Oui, il y avait les quatre facteurs d'identifiés.

Mme Harel: Écoutez, tant mieux. Il y a un bout qui m'a échappé. C'est à l'article 29, hein. Vous avez raison. En fait, je suis contente qu'on le reprenne ensemble...

Mme Perryman (Michèle): Ils sont identifiés.

Mme Harel: ...parce que vous êtes le premier organisme avec lequel on échange sur cette question-là. Alors, à l'article 29, on nous dit: «La méthode d'évaluation doit tenir compte, pour chaque catégorie d'emplois, des facteurs suivants: 1° les qualifications requises; 2° les responsabilités assumées; 3° l'effort requis; 4° les conditions dans lesquelles le travail est effectué.» Alors, ça, c'est donc, comme vous nous le dites, la méthode points-facteurs.

Mme Perryman (Michèle): Oui.

Mme Harel: Et vous dites: On devrait permettre l'utilisation d'autres méthodes. Alors, vous en mentionnez quelques-unes, les méthodes d'évaluation par compétences, les méthodes de comparaison par pairs ou à des postes-repères. J'aimerais que vous nous parliez de ça, votre appréciation de la méthode mentionnée à l'article 29.

Mme Perryman (Michèle): Je vais passer la parole à M. Claude Duhamel, sur la description des méthodes d'évaluation.

(21 h 40)

M. Duhamel (Claude): Le point qu'on voulait faire ici, c'est qu'il y a plusieurs méthodes d'évaluation qui existent et qui, de fait, sont capables d'évaluer la complexité des tâches qui sont à être faites en entreprise. Les quatre facteurs qui sont énumérés ici, de fait, on mentionne que c'est une évaluation par points-facteurs. Le point que je voudrais faire, c'est que, de fait, il n'y a pas de facteur unique ou de combinaison de facteurs qui sont capables de mesurer de façon systématique les emplois. Alors, dans un cas, peut-être que ces quatre facteurs-là pourraient correspondre à l'évaluation des emplois qu'on pourrait faire. Par contre, dans un autre cas, ces quatre facteurs-là pourraient ne pas correspondre. Alors, le fait qu'on installe ces quatre facteurs-là dans la loi fait qu'on ne pourrait pas les changer de façon très facile.

Il y a d'autres méthodes d'évaluation. Exemple, il y a la méthode du «Time span measurement», qui a été développée en Angleterre par un professeur du Tavistock Institute of Human Relations, Jacques Elliott. À travers plusieurs années de recherche, il a trouvé qu'il y avait une méthode qui existait, qui était sans biais sexiste, qui était une méthode d'évaluation universelle. Alors, je pensais, moi, que c'était une méthode qui avait été développée de façon scientifique à partir d'observations, etc., qui, de fait, mesurait très bien la complexité des emplois.

Il y a des méthodes d'évaluation par compétences qui, de fait, pour être capable de mesurer la complexité des emplois, mesurent des compétences des individus pour accomplir certaines tâches.

Il y a d'autres méthodes qui ont été utilisées aussi. On fait référence à des méthodes d'évaluation par points-repères où, de fait, il y a des emplois qui, dans l'entreprise, ou ailleurs dans des organisations, sont évalués avec le terme anglais qu'on pourrait appeler «benchmark». On évalue certains postes et puis on les compare à ces postes-là qu'on appelle repères. Ces postes-repères ont été évalués par un certain nombre de personnes. Il y a entente par rapport à la valeur relative de ces postes-là.

Alors, c'est autant des méthodes d'évaluation qui peuvent être utilisées de façon tout à fait correcte, qui n'ont aucun biais sexiste et puis qui, de fait, sont exclues par la loi. C'est là qu'est mon point.

Mme Perryman (Michèle): Ces méthodes sont plus simples que celles de l'évaluation par points-facteurs parce que, dans l'évaluation par points-facteurs, vous avez à établir un certain nombre de niveaux pour chacun des facteurs, à établir des descriptions et, à l'intérieur de chacun des facteurs, vous avez à grader vos facteurs et, là, s'ensuivent autant de discussions possibles avec les syndicats. Et quand on ne s'entend pas avec un syndicat ou quand c'est difficile avec un syndicat, ça complexifie le processus.

Donc, des postes-repères, par exemple, où vous vous servez de descriptions d'emplois qui identifient des niveaux de complexité d'emplois sont peut-être plus faciles à certains moments, surtout quand vous avez à aller à l'extérieur de votre entreprise et non pas seulement à regarder à l'intérieur de votre entreprise.

Mme Harel: Alors, je comprends qu'à l'article 29 ce qu'on indique, c'est que, quelle que soit la méthode, elle doit tenir compte de ces quatre facteurs.

Mme Perryman (Michèle): Oui.

Mme Harel: Alors, que la méthode soit une peut-être de celles que vous avez mentionnées, mais j'ai l'impression que ça réduit, c'est ce que vous considérez...

Mme Perryman (Michèle): Ça réduit les possibilités. Bon, que ces quatre facteurs-là soient dans la loi, mais il y en a d'autres facteurs, par exemple, les communications interpersonnelles. Dans certaines entreprises, les communications avec l'extérieur, la persuasion, ce qu'on doit utiliser comme force de persuasion dans son travail au niveau de la communication, bien, ça peut être un facteur intéressant, et, bon, ce n'est pas prévu dans la loi. Donc, ce qu'on se demande, c'est: Est-ce qu'il faudrait amender la loi pour introduire de nouveaux facteurs, étant entendu qu'il n'y a que ces quatre-là de prévus? C'était ça, notre interrogation.

Mme Harel: Ah oui! Tout à fait. Bien, merci...

M. Duhamel (Claude): Si vous permettez. C'est parce que ces quatre-là sont prévus, on pourrait dire: Bien, utiliser ceux-là puis d'autres. Parce que les gens qui nous ont précédés, ils ont utilisé jusqu'à 16 facteurs, à l'Université du Québec. Notre point, nous, c'est que ces facteurs-là ou n'importe quel autre, tout ce qu'on dit, c'est: Ne cimentez pas ça dans la loi.

Mme Harel: Non, parce que, dans le fond, c'est au moins ceux-là. Ça n'empêche pas, finalement, d'autres, hein. Je crois comprendre que, tel que rédigé, ça signifie, «doit tenir compte des facteurs suivants», que ça n'exclut pas qu'on tienne compte d'autres.

M. Duhamel (Claude): Oui, mais, en disant ça, si vous excluez les autres méthodes, vous excluez, exemple, le «Time span measurement»...

Mme Harel: Oui, d'accord.

M. Duhamel (Claude): ...vous excluez la méthode d'évaluation par pairs, etc.

Mme Harel: Oui, ça, je comprends que c'est limitatif, en tout cas...

Mme Perryman (Michèle): Oui.

Mme Harel: ...puisque ce sont ceux-là, même s'il y en a d'autres, ce sont ceux-là, absolument, dont il faut tenir compte.

M. Duhamel (Claude): Oui.

Mme Harel: C'est ça. Vous nous proposez également de considérer les catégories d'emplois neutres, parce que, effectivement, la comparaison se fait entre les catégories d'emplois à prédominance féminine et masculine, et vous dites: Ces catégories d'emplois neutres devraient aussi être considérées, puisque «la non-reconnaissance de ces emplois est susceptible de ne pas donner une vision complète de la structure des emplois et des méthodes d'estimation et du calcul des écarts». Est-ce que, dans le fond, on ne glisse pas un peu vers la relativité salariale?

Mme Perryman (Michèle): Un peu.

Mme Harel: Parce que, dans le fond, j'ai compris, là, que la comparaison d'emplois les uns par rapport aux autres, indépendamment, si vous voulez, de ceux à prédominance féminine ou masculine, c'est le système de relativité salariale, qui peut à la fois bénéficier aux hommes qui occupent des emplois dans des catégories étiquetées «féminines».

Mme Perryman (Michèle): Oui, mais, effectivement, dans le fond, quand on fait de la rémunération, il s'agit d'établir une valeur relative entre les emplois, et il faut en établir une, valeur relative entre les emplois. On ne peut pas dire, par exemple: Tous les emplois qui exigent un diplôme universitaire ou tous les emplois qui exigent un diplôme d'études secondaires doivent être catégorisés de la même façon, parce qu'il y a plein de facteurs dont on ne tient pas compte quand on dit ça. Puis c'est pour ça, au début, qu'on disait: On pense plus, nous, à établir une équité salariale à travers une entreprise. C'est bien certain que, quand on fait ça, aussi, on fait des enquêtes salariales au marché puis on va se tester avec l'extérieur. Mais, effectivement, on ne peut pas parler d'équité salariale sans parler de valeur relative entre les emplois, puis là c'est une question de vocabulaire à un moment donné, et, à travers le temps, c'est certain qu'on a traîné des biais sexistes.

Cet après-midi, au bureau, on a fait l'exercice, avec l'historique de chacun... de plusieurs titres d'emploi, et c'était très difficile de trouver des titres d'emploi – si on regarde l'historique, c'est pour ça que je vous disais ça tantôt – qui n'ont pas de connotation sexiste. Sauf qu'à travers le temps, à l'heure actuelle, il y a une nouvelle réalité dans le marché du travail où il y a un rajeunissement, pas assez vite à notre goût, mais il y a un rajeunissement de l'entrée des emplois, c'est-à-dire des employés sur le marché du travail, ce qui fait en sorte que les structures salariales s'ajustent en fonction de ça, et ce sont autant des hommes que des femmes, et c'est délicat, parce qu'elles s'ajustent en fonction du fait que ce sont des nouveaux entrés qui n'ont pas beaucoup d'expérience, et, dans un contexte où il y a des mises à pied qui se font, il y a des ajustements qui se font à la baisse, malheureusement. Mais ça n'a rien à voir avec le fait que ce soient des emplois majoritairement occupés par des hommes ou par des femmes, puisque les postes d'entrée accueillent autant d'hommes que de femmes à l'heure actuelle.

Donc, ce qu'on dit, c'est: Essayons, dans certaines entreprises où c'est possible, de tenir compte du fait qu'il y a des emplois neutres. Par exemple, en ressources humaines, on considère que, nous, on est devenus un emploi neutre.

Mme Harel: Oui, parce que je comprends que c'est quand même objet de culture, tout ça, et que la culture est vivante, hein.

Mme Perryman (Michèle): Oui.

Mme Harel: Parce que ça dépend aussi des valeurs, à un moment donné. Je me rappelle un exemple qu'on m'avait justement donné il y a quelques années pour me faire comprendre les biais sexistes, en me disant qu'il y a eu une époque où on accordait beaucoup d'importance à la mobilité des personnes. Donc, le lecteur de compteurs qui se déplaçait d'une maison à l'autre pour prendre tout simplement les tarifs de gaz ou d'électricité, la mobilité était beaucoup plus appréciée que le «sédentarisme», qui consistait, par exemple, à répondre au téléphone. Alors, mobilité versus «sédentarisme». Je crois que tout ça est en évolution aussi. Mais si on fait simplement la relativité salariale, on ne tient pas compte de ça, on ne tient pas compte de ces biais-là, de ces biais qui sont les produits, si vous voulez, de culture.

Mme Perryman (Michèle): C'est-à-dire que, non, on ne dit pas qu'on veut faire que de la relativité salariale. Si on fait de la relativité salariale avec des critères très précis, exempts de sexisme, on fait de l'équité salariale, là. C'est pour ça que je disais tantôt que c'est une question, peut-être, de vocabulaire. Nous, on croit beaucoup à la valeur relative entre les fonctions...

Mme Harel: Oui.

Mme Perryman (Michèle): ...ça, c'est certain.

Mme Harel: C'est ce que prétend, en tout cas, le gouvernement...

Mme Perryman (Michèle): Oui.

Mme Harel: ...avec son avant-projet de loi, et c'est pour ça que l'article 76, qui prévoit qu'un programme de relativité salariale peut être réputé conforme à l'équité s'il souscrit...

Mme Perryman (Michèle): Oui.

Mme Harel: ...et satisfait les critères, les conditions plutôt...

Mme Perryman (Michèle): Oui.

Mme Harel: ...qui sont mentionnées.

(21 h 50)

Mme Perryman (Michèle): Oui, sauf qu'on trouve le gouvernement moins sévère à son endroit qu'envers l'entreprise privée. Parce qu'il y a deux parties à cette loi, et la première partie, qui vise l'entreprise privée, est plus sévère que la deuxième partie, qui parle d'un processus qui est déjà entamé et qui est plus libre au niveau des critères, justement, et qui tient compte, justement, de relativité salariale, donc d'une valeur relative entre les emplois. Et ce qu'on constate aussi, c'est que le commun des mortels ne comprend pas ce qu'est l'équité salariale, il s'imagine que c'est une question de salaire entre un homme et une femme qui font la même fonction. Alors, une des choses qu'on a dites tantôt puis à laquelle on tient beaucoup, c'est la question de la formation et de l'information des personnels dans les entreprises ou, enfin, publiquement, sur ce que c'est, l'équité salariale et la valeur relative entre les emplois, parce que ce n'est pas très bien compris, ces notions-là, à l'heure actuelle. Et quand on leur explique que c'est, dans le fond, pour corriger des biais historiques de société, ils tombent en bas de leur chaise, ils ne comprennent pas ce qu'on veut dire... oui, ou, quand ils finissent par comprendre, ils trouvent ça effrayant. Bon. Alors, il y aurait certainement de l'éducation à faire à ce niveau-là, je pense.

Mme Harel: Écoutez, je sais que mon temps est écoulé, je veux vous remercier pour votre contribution. Je pense que ça va permettre une réflexion plus approfondie sur les questions que vous avez abordées.

Mme Perryman (Michèle): Merci.

Le Président (M. Williams): Merci, Mme Perryman. Maintenant, je passe la parole à Mme la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci, Mme Perryman, messieurs. Je pense qu'on va profiter de la présence d'experts en ressources humaines pour invalider ou valider certains commentaires ou en connaître un peu plus.

Je pense que vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que la notion d'équité salariale est très méconnue. Je disais récemment à quelqu'un que les employeurs semblent avoir beaucoup de réticence à adopter ou à faire adopter un tel projet de loi. Imaginez-vous, au moment où ils vont comprendre ce que c'est véritablement que l'équité salariale, quel choc ils auront. Dans ma propre région, j'ai côtoyé au cours des derniers jours certains entrepreneurs, et lorsque je leur disais ce que c'était véritablement que l'équité salariale, je vous avoue, comme vous le mentionniez, c'est que c'était... une chance et heureusement qu'il y avait une chaise près parce que je pense qu'ils auraient vraiment tombé en bas de la chaise. Et c'est surtout immédiatement, aussi, pour eux autres, c'est toujours... c'est le coût, c'est qu'ils voient aussi le coût associé à tout ça, et pas juste la question du coût, pas juste les ajustements des écarts, mais davantage l'administration, les coûts administratifs, la rigidité, finalement. Et je pense que ce qui leur fait peur davantage aussi, pour les entreprises syndiquées, c'est la mainmise, à un moment donné, par les syndicats. Ils ont très peur, pour leur entreprise, de toute la gestion des ressources humaines. Quoique, aujourd'hui, on gère beaucoup avec les syndicats. Mais, par contre, ils ont très peur, ils ont beaucoup peur aussi de cette approche parce qu'ils se disent: Bien, c'est peut-être une façon détournée aussi d'augmenter des salaires dans un contexte où on serait plutôt porté à les geler. Alors, il y a une inquiétude de cette manière, de cette façon-là.

Tout à l'heure, vous étiez présents lorsque les représentants de la Conférence des recteurs se sont adressés à la commission et vous avez vu de quelle façon ils ont travaillé au cours des dernières années pour implanter ce qu'ils appelaient un programme d'équité en emploi. Ils ont travaillé beaucoup sur l'accès à l'égalité, sur les relativités salariales. Pour vous, comme spécialistes, est-ce qu'ils avaient raison, par exemple, de dire: Écoutez, nous, on a fait quand même un bon bout de chemin et, normalement, on devrait être exemptés, on devrait avoir cette souplesse dans le projet de loi pour nous permettre de terminer notre démarche, mais pas nous imposer à nouveau une autre méthodologie avec des facteurs? Est-ce que, pour vous, ce serait acceptable?

Mme Perryman (Michèle): C'est difficile de répondre pour eux parce que je n'ai pas vu ce qu'ils ont fait, d'abord, premièrement. Ensuite, ce que je viens de dire tantôt par rapport au fait qu'on est moins sévère pour le secteur public que pour le secteur privé, ça doit certainement s'appliquer dans les universités, mais, en même temps, ce que Mme Lanouette disait tantôt par rapport aux coupures de postes, c'est évident que j'aurais pu le dire aussi, là. C'est évident que, dans certaines entreprises, il y a des gens qui vont se faire dire: Bien, ça augmente de combien la masse salariale? Ça augmente de tant de millions. Bien, coupe le nombre de postes en conséquence. C'est sûr qu'il y a des entreprises qui vont se faire dire ça. On ne peut pas se le cacher, ça.

Donc, c'est pour ça qu'on a parlé, nous, d'adoucir à travers le temps l'implantation de cela, de faire de la formation et de l'information, autrement dit, de sensibiliser les gens à ce que c'est, l'équité salariale, à ce que sont les biais sexistes, et de le faire le plus doucement possible. Il faudrait se rasseoir puis regarder comment. Mais c'est certain que, dans certaines entreprises, ça va avoir des effets comme ceux-là, les effets de coupures de postes. Dans d'autres, ça a moins d'effets. Et dans d'autres, comme on l'a dit tantôt, effectivement, ça peut mettre en péril la survie d'une entreprise. Si on pense, par exemple, à un magasin de vêtements qui embauche 15 vendeuses et qui sont mal payées par rapport aux hommes vendeurs, puis, mon exemple, c'est toujours chez Holt Renfrew ou Sauvé Frères, je suis certaine... je ne les ai pas vus, leurs salaires, mais je suis certaine que c'est au moins le double des salaires des femmes dans un magasin de vêtements féminins. Ça, c'est sûr. Mais est-ce qu'on va mettre en péril la survie d'une entreprise parce qu'on veut implanter des principes d'équité salariale? Là, je ne suis pas tout à fait certaine, je suis même plus certaine du contraire. Donc, oui, on est pour l'équité salariale, mais il faut regarder les conséquences que ça a effectivement.

Mme Gagnon-Tremblay: On mentionne dans le projet de loi qu'on devra donner de la formation, les employés de l'entreprise devront être formés pour implanter un programme d'équité en emploi, et, bien sûr, les syndicats souhaitent beaucoup être impliqués dans cette formation, avec libération syndicale. Est-ce que vous croyez, compte tenu qu'on n'est pas tous des spécialistes en la matière, contrairement à ce que mentionnaient certains groupes, qu'il serait préférable de faire affaire directement avec des gestionnaires, justement, en ressources humaines, plutôt que d'avoir, par exemple, à former des personnes de l'entreprise et aussi d'avoir à libérer ces personnes-là? Est-ce que vous croyez qu'il est vrai que ça pourrait coûter davantage, faire affaire avec des firmes, des experts, plutôt que de former les employés?

Mme Perryman (Michèle): Bien, écoutez, ça dépend, là. Ça dépend de la valeur de vos ressources internes, de leur facilité d'apprentissage, etc. Comme on l'a dit précédemment aussi, il y a des consultants avec moi aujourd'hui, et ce que les consultants disent, c'est que, effectivement, il va y avoir des coûts administratifs reliés à ça. M. Lague a des statistiques là-dessus, que j'ai avec moi. M. Lague a des statistiques là-dessus, par rapport aux coûts administratifs qui ont été générés en Ontario, par exemple, quant à ces mesures d'équité salariale.

M. Lague (Normand): Alors, permettez-moi de citer l'étude de Mme Chicha, de l'Université de Montréal. Il y a deux niveaux de coûts. Il y a les coûts qui sont directement reliés aux ajustements salariaux et il y a les coûts administratifs. Alors, ce que l'étude nous révèle, à partir des coûts de l'Ontario, c'est que, pour les petites entreprises de 10 à 49 employés, il y a des coûts de 1,4 % de la masse salariale qui sont directement générés par l'application de la loi; pour une entreprise de 50 à 99 employés, c'est un coût de 0,5 %; pour une entreprise plus moyenne de 100 à 499 employés, 1,12 %; et, pour les grandes entreprises, on a des coûts reliés aux ajustements salariaux, dans le secteur privé, de 0,6 %, et, dans le secteur public, de 2,2 %.

Maintenant, les coûts administratifs; on parlait de ressources internes versus ressources externes. Pour les petites entreprises qui, évidemment, n'ont pas de ressources internes, on parle d'un coût administratif de 9 000 $ au niveau de l'implantation du programme, développement et implantation; pour les moyennes entreprises, de 35 000 $; et, pour les entreprises de 500 employés et plus, de 49 000 $ à 121 000 $ pour le secteur privé et, pour le secteur public, allant jusqu'à un quart de million.

M. Chartrand (Marc): Et ce que j'ajouterais là-dessus, pour avoir été longtemps en consultation lorsque la loi a été mise en place en Ontario et, donc, d'en avoir vécu, de cette loi-là, il est très clair qu'en plus de ces coûts-là, qu'on parle de 35 000 $, par exemple, il est très clair que les employeurs doivent aussi débourser beaucoup d'argent. Parce que former un comité de huit personnes, c'est difficile de les faire travailler entre 18 heures et minuit le soir; donc, on les fait travailler pendant les heures de travail normales, évidemment, et il y a aussi des coûts reliés à ça. Une telle démarche pour une entreprise de moyenne taille peut difficilement être exécutée à l'intérieur d'un délai inférieur à huit ou 10 mois, c'est presque impensable. C'est sûr qu'ils ne se rencontrent pas à chaque jour pendant huit à 10 mois. Il y a des rencontres régulières et il vient une période où c'est très prenant. Alors, il y a aussi des coûts de consultants externes, il y a aussi des coûts à l'interne qui doivent être assumés pour passer à travers un tel projet de loi.

(22 heures)

Mme Gagnon-Tremblay: Dans le mémoire qui a été présenté au Conseil des ministres par le Secrétariat à la condition féminine, on retrouve sensiblement les coûts d'administration que vous avez mentionnés, c'est-à-dire, dépendamment des entreprises... de 10 à 49 employés, 9 000 $. On évalue à peu près à 322 000 000 $ les coûts administratifs. Bien sûr que ça ne comprend pas les coûts dont vous faites mention. Cependant, quant à la répartition des coûts reliés aux ajustements salariaux, ici, on mentionne environ 630 000 000 $. Alors, vous comprenez que les coûts administratifs sont... bon, pratiquement, c'est la moitié des écarts, c'est-à-dire des ajustements. C'est quelque chose à faire peur aux entreprises, bien sûr, quand on sait qu'avant de payer on doit injecter près de la moitié, finalement, seulement en frais d'administration. Est-ce qu'il n'y aurait pas une mesure, un moyen plus souple pour éviter des coûts d'administration, pour en arriver quand même à l'équité et aider quand même les femmes qui en ont besoin, sans avoir à investir autant en frais d'administration?

Mme Perryman (Michèle): Oui. Mais on a suggéré certaines choses qui peuvent alléger les coûts. Par exemple, quand on dit «laisser la méthode au choix de l'employeur de façon à sauver du temps», ça a l'air simple comme ça, mais, dans certaines entreprises où c'est très complexe, avec plusieurs syndicats qui doivent s'entendre et tout, je pense que c'est une façon de sauver du temps, en tout cas. Ensuite, on a suggéré d'autres méthodes que celle qui est suggérée, c'est-à-dire dans la loi, et qui sont des méthodes plus simples d'évaluation des emplois. Par conséquent, on dit que, encore une fois, il y a des coûts à sauver. Ensuite, bon, il y a la formation et l'information, qui aident certainement tout le monde à arriver au même niveau de conscientisation à un moment donné quant à ce que c'est, l'équité salariale. Parce que, comme on le disait tantôt, il y a un problème de société à ce niveau-là; il y a des gens qui font de l'inéquité salariale sans s'en rendre compte et pas par mauvaise foi; ils ne savent pas qu'ils en font. Donc, à partir du moment où on sensibilise les entreprises à cela, je pense qu'il y a des entreprises qui, elles-mêmes, vont emboîter le pas là-dedans et qui n'auront pas besoin de mesures plus coercitives pour implanter l'équité salariale. Par conséquent, c'est une autre façon d'alléger les coûts. Puis, ensuite, dans notre mémoire, finalement, on préconise un seul programme. Ça, ça réduit les coûts administratifs, c'est certain.

M. Chartrand (Marc): J'ajouterais à ça qu'il y a beaucoup d'entreprises privées, tout comme des entreprises du secteur public, qui se sont déjà engagées dans des démarches comme celles-là au cours des sept ou huit dernières années. Elles ne les ont pas nécessairement appelées des démarches d'équité salariale; elles les ont peut-être tout simplement nommées des démarches d'évaluation des emplois. Mais elles ont répondu, en tout cas, en gros, à plusieurs des critères qui sont ici. Alors, peut-être que ces entreprises-là aussi pourraient avoir une façon plus rapide pour elles de répondre aux exigences de la loi sans avoir à passer encore par tout ce processus-là par lequel, finalement, elles ont peut-être déjà passé en formant des comités, en évaluant des emplois, en mettant en place des structures salariales équitables, etc. Alors, elles ont probablement déjà fait l'exercice. Et, là-dessus, il y a sûrement des consultants qui pourraient donner l'information sur le nombre d'entreprises qui se sont déjà engagées là-dedans, même dans le secteur privé. Et c'est sûr qu'il y en a eu beaucoup au cours des 10 dernières années. Il y a eu la loi en Ontario qui a eu un effet aussi au Québec parce que beaucoup d'employeurs ont des opérations tant en Ontario qu'au Québec. Après avoir fait l'exercice en Ontario, ils l'ont fait au Québec aussi. Alors, il y a aussi cet effet-là.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais comment le gouvernement peut laisser le choix à l'entreprise quand on voit, par exemple, avec quelle force les syndicats veulent s'impliquer, veulent être impliqués et qu'ils voient ça, finalement, comme des négociations de conventions collectives? Comment on peut laisser le choix aux entrepreneurs, et quel impact ça va avoir sur les relations de travail? Moi, je me dis: Supposons, par exemple, qu'on passe une telle loi et qu'on laisse de la souplesse à l'employeur, ce qui est souhaitable, finalement, parce qu'on l'a vu tout au cours de cette commission, mais, en même temps, on sent vraiment de la part des syndicats un désir très prononcé non seulement d'être partie prenante, mais d'avoir un pouvoir de décision très, très fort et en faire vraiment, là, une condition de négociation. Comment on va pouvoir avoir des relations de travail, avec ça, qui vont être souhaitables?

M. Lague (Normand): Moi, je dirais, dans un premier temps, que l'équité salariale, ce n'est pas une question qui se négocie comme telle, c'est une situation que les employeurs doivent rétablir, et on ne doit pas s'attarder plus qu'il faut au niveau des moyens, dans le sens que c'est plus une obligation de résultat que les employeurs doivent avoir et non pas de moyens, s'entendre avec la partie syndicale, qui pourrait devenir, comme on dit dans notre mémoire, peut-être un élément de tractation ou d'échange au niveau de relation de pouvoir entre la partie syndicale et la partie patronale. Donc, il ne faut pas mettre plus d'emphase qu'il faut au niveau des moyens, mais plus au niveau du résultat, quant à moi.

Mme Gagnon-Tremblay: Donc, vous apportez un élément qui est très, très nouveau et qui est très inspirant. En somme, si je comprends bien ce que vous avez dit, c'est que, pour vous, l'équité salariale, c'est à l'employeur à décider. C'est-à-dire que si, à un moment donné, il y a une obligation de la part du gouvernement pour obliger les entreprises à faire de l'équité salariale, ça relève avant tout de l'employeur, c'est sa responsabilité et, finalement, il doit faire de l'équité salariale, et, après ça, si jamais on ne réussit pas à s'entendre avec les syndicats, ce qui n'est pas souhaitable, mais si on ne réussit pas, l'employeur doit aller de l'avant de toute façon. Et on ne doit pas nécessairement, dans l'avant-projet de loi ou dans le projet de loi, faire en sorte que... mettre les bois dans les roues, finalement, à l'employeur par toutes sortes de contraintes qui seraient reliées aux conventions collectives. Est-ce que c'est bien ça?

Mme Perryman (Michèle): En tout cas, on a essayé de dire ça...

Mme Gagnon-Tremblay: Ah bon!

Mme Perryman (Michèle): ...de dire qu'il fallait que ce soit le plus simple possible.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est nouveau, ça, là.

Mme Perryman (Michèle): On a essayé de dire que ce soit le plus simple possible...

Mme Gagnon-Tremblay: Mais c'est nouveau, ça.

Mme Perryman (Michèle): ...et que l'employeur joue son rôle et qu'on sensibilise les employeurs à ce que c'est, parce que, comme on a dit tantôt, ils ne savent pas toujours ce que c'est, l'équité salariale, et ils ne sont pas les seuls, remarquez, les employés aussi. Les pauvres employeurs, ils ont souvent le dos large, là, mais la population en général, dans le fond, ne sait pas ce que c'est vraiment que l'équité salariale.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. J'ai apprécié beaucoup vos commentaires.

Le Président (M. Williams): Merci beaucoup. Malheureusement, il ne reste plus de temps. Merci beaucoup, Mme Perryman, M. Duhamel, M. Chartrand et M. Lague, pour votre présentation au nom de l'Association des professionnels en ressources humaines du Québec.

La commission ajourne ses travaux au jeudi 15 février, à 10 heures. Merci. Bonsoir.

(Fin de la séance à 22 h 6)


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