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Version finale

35e législature, 1re session
(29 novembre 1994 au 13 mars 1996)

Le jeudi 15 février 1996 - Vol. 34 N° 39

Consultation générale sur l'avant-projet de loi sur l'équité salariale et modifiant certaines dispositions législatives


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Table des matières

Auditions

Conclusions

Mémoires déposés


Autres intervenants
Mme Lyse Leduc, présidente
Mme Céline Signori, présidente suppléante
Mme Solange Charest
M. Russell Copeman
Mme Marie Malavoy
M. André Gaulin
M. Régent L. Beaudet
*Mme Johann Emond, CSF
*Mme Maude Rochette, idem
*Mme Suzanne Messier, CNAPFPQ
*Mme Marianne Rouette, idem
*M. Pierre Chabot, Groupe-conseil KPMG
*M. Roland Thériault, Société conseil Mercer limitée
*Mme Chantal Brien, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures onze minutes)

La Présidente (Mme Leduc): Bonjour! Le quorum est atteint pour la commission, alors nous allons débuter les travaux. Le mandat de la commission: la commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur l'avant-projet de loi sur l'équité salariale et modifiant certaines dispositions législatives.

Des remplacements, Mme la secrétaire?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Cusano (Viau) sera remplacé par Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François). C'est tout.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, aujourd'hui, nous allons entendre les groupes suivants: le Conseil du statut de la femme; les personnes suivantes: Mmes Marie-Thérèse Chicha, Esther Déom et Hélène Lee-Gosselin; le Comité national d'action politique des femmes du Parti québécois; le Groupe-Conseil KPMG; M. Alain Gazaille; MM. Jean-Paul Deschênes et Claude Deschênes; la Société conseil Mercer ltée. Alors, ce sont les groupes que nous entendrons aujourd'hui.

Je rappelle la procédure. La commission consacre une heure à l'audition de chaque organisme, répartie de façon suivante: 20 minutes pour la présentation du mémoire, 40 minutes pour les échanges avec la commission, réparties également entre le groupe parlementaire et le groupe de l'opposition.

Alors, mesdames du Conseil du statut de la femme, vous êtes déjà installées. Mme Johann Emond, directrice des bureaux régionaux et substitut de la présidente par intérim. Est-ce que vous voulez nous présenter la personne qui vous accompagne, Mme Emond? Bonjour.


Auditions


Conseil du statut de la femme (CSF)

Mme Emond (Johann): Bonjour. Je vous remercie beaucoup. La personne qui m'accompagne est une collègue, Mme Maude Rochette, qui est agente de recherche et responsable du dossier de l'équité salariale au Conseil du statut de la femme.

Nous vous remercions de nous recevoir, de recevoir le Conseil du statut de la femme aux audiences de la commission parlementaire sur l'avant-projet de loi sur l'équité salariale.

En premier lieu, permettez-moi de vous rappeler que le Conseil du statut de la femme est un organisme consultatif créé par le gouvernement du Québec pour le conseiller sur l'égalité, les droits et la situation des femmes. Nommés par le gouvernement, les membres qui forment le Conseil proviennent des associations féminines, des milieux socioéconomiques, des syndicats et des universités. La raison de notre présence ici est donc plus qu'évidente: l'équité salariale est une question de droit, de justice et d'équité pour les femmes et principalement pour les femmes qui sont sur le marché du travail.

En fait, c'est de reconnaissance qu'il est question ici. Il s'agit en effet de reconnaître la véritable valeur du travail accompli traditionnellement par les femmes, dont les compétences et la qualification ne sont pas innées. Le marché du travail est encore fortement divisé sur la base du sexe, et ce, malgré les percées de certaines femmes dans des domaines où elles étaient pratiquement absentes, il n'y a pas si longtemps. Il s'agit aussi de reconnaître que l'article 19 de la Charte des droits et libertés de la personne, seul recours actuel, est fondé sur un système de plainte individuelle, alors que les iniquités salariales affectent les femmes collectivement, en tant que groupe social.

Enfin, c'est de reconnaître que le Québec doit se donner les bons moyens de respecter ce principe qui résulte de la convention n° 100 de l'Organisation internationale du travail, convention adoptée en 1953. Or, ce droit est actuellement compromis. En fait, il est compromis depuis trop longtemps. Par conséquent, la société québécoise doit se donner les véritables moyens d'agir, et nous croyons que l'adoption d'une loi sur l'équité salariale représente la solution indiquée pour régler ce problème.

Comme plusieurs autres groupes vous l'ont indiqué déjà, nous aurions aussi préféré être ici pour discuter d'un projet de loi. Mais, malgré ce détour, si la volonté gouvernementale demeure ferme, il est sans doute possible d'atteindre l'objectif visé à l'intérieur d'un délai raisonnable. L'État doit donc maintenant faire un choix. Si on ne doit pas s'attendre à ce que ce choix résulte d'un consensus social, il peut cependant reposer sur un ensemble de compromis. À cet égard, l'équité salariale est loin de constituer un précédent. En matière de travail, pensons, par exemple, à la Loi sur les normes du travail, à la Loi sur la santé et la sécurité du travail ou encore à la récente Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre, des lois dont la nécessité a été jugée supérieure à la charge qu'elles pouvaient représenter.

La présente commission fait suite à plusieurs consultations, colloques, écrits, recherches sur cette question de l'équité salariale pour les femmes sur le marché du travail. Tous les groupes intéressés ont donc eu l'occasion de faire valoir leur point de vue à maintes reprises. Depuis plusieurs années déjà, les divergences connues semblent toujours irréconciliables. Nous doutons fortement qu'en se donnant plus de temps il sera possible d'atteindre un consensus.

Pour nous, cet avant-projet de loi représente bien plus qu'une base de discussions. En y ajoutant quelques resserrements, il pourrait en résulter une loi adéquate. Plutôt que de faire table rase ou de reporter le projet aux oubliettes, nous croyons qu'il faille tout de même agir maintenant. Nous ne partageons donc pas la position du milieu patronal et nos réserves sont beaucoup plus grandes que celles exprimées par les syndicats...

Une voix: Moins.

Mme Emond (Johann): Moins grandes, je m'excuse, donc, que celles exprimées par les syndicats et les groupes de femmes, Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Leduc): Une nuance de taille.

Mme Emond (Johann): Petite nuance. Les employeurs estiment que le contexte économique est mal choisi pour entreprendre une démarche aussi coûteuse. Il n'est pas question de nier que cette démarche implique des coûts; cependant, toute loi visant à corriger un déséquilibre, à reconnaître un principe de justice et d'équité ne peut être laissée en plan dans l'attente du moment économique le plus opportun.

Il est aussi important de rappeler que les employeurs n'ont pas été proactifs lorsque nous traversions des années plus fastes. Les travailleuses financent depuis trop longtemps les employeurs qui les embauchent dans des emplois féminins. La sous-rémunération du travail traditionnellement féminin entraîne également un enchaînement de manque à gagner, plusieurs des prestations étant déterminées en fonction du niveau de revenu. On pense ici aux prestations de remplacement du salaire en raison du congé de maladie, de maternité, ou encore à la suite d'un départ à la retraite. L'effet cumulatif de cette situation reste difficile à chiffrer, mais il n'en demeure pas moins réel; surtout, il risque de retomber, donc, sur l'ensemble de la société et l'État, qui doit compenser ces pertes par des paiements de transfert.

Les employeurs prétendent également que l'écart salarial entre les femmes et les hommes se résorbe graduellement de lui-même et qu'il faut, par conséquent, laisser le temps faire son oeuvre. À cet égard, l'amélioration de la formation académique des femmes est souvent présentée comme un remède aux iniquités salariales; mais, au rythme où vont les choses, il faudrait au moins compter sur 68 ans pour que la moitié de l'écart salarial se résorbe. En effet, entre 1981 et 1994, la réduction annuelle moyenne de l'écart salarial entre les hommes et les femmes qui travaillent à temps plein toute l'année n'a été que de 22 centièmes de point de pourcentage. Et pourtant, au cours de cette période, les femmes ont considérablement accru leur niveau de formation.

Les employeurs estiment aussi qu'une telle loi aura pour effet de réduire le niveau d'emploi des femmes. Sans nier complètement cette éventualité, nous croyons plutôt qu'elle demeure très difficile à évaluer avec précision. En outre, on peut douter de son sérieux si on la considère à l'inverse. En effet, comment se fait-il que les travailleuses ne soient pas plus menaçantes pour la main-d'oeuvre masculine ou plus attrayantes pour les employeurs puisqu'elles sont moins coûteuses à embaucher?

(10 h 20)

Enfin, les employeurs redécouvrent aussi les vertus des programmes d'accès à l'égalité. Selon eux, c'est bien davantage par l'intégration des emplois traditionnellement masculins que les travailleuses réaliseront de véritables gains. L'intégration plus soutenue d'emplois traditionnellement masculins est un objectif que les femmes continuent de poursuivre, mais cela ne change en rien la nécessité de l'équité salariale. Les emplois traditionnellement féminins sont là pour rester. Ils sont socialement utiles et économiquement rentables.

Lorsqu'on examine attentivement l'avant-projet de loi, on constate, pourtant, que plusieurs efforts ont été faits pour satisfaire à la demande de souplesse des employeurs. L'on tient amplement compte de la taille des entreprises lorsqu'on accorde deux, trois ou quatre ans pour l'établissement du programme. De même, l'avant-projet de loi prévoit l'étalement des rajustements salariaux sur une période de quatre ans. Cela signifie donc, pour les entreprises comptant entre 10 et 49 salariés, qu'elles auront huit années pour réaliser l'équité salariale, ce qui nous apparaît plus que raisonnable.

Outre les délais, l'avant-projet de loi permet aux employeurs, moyennant le respect de quelques conditions de base, d'effectuer les choix méthodologiques qu'ils jugent appropriés à l'organisation interne de leur entreprise. Comme nous l'avons souligné plus tôt, nos réserves ne sont pas aussi nombreuses que celles exprimées par les syndicats et les groupes de femmes. Certaines réclament que toutes les étapes du programme d'équité salariale soient négociées et que des recours, en cas de mésentente, soient prévus dans toutes ces étapes. Nous croyons plus réaliste, comme le fait l'avant-projet de loi, d'amener les groupes à s'entendre avec les employeurs. Autrement, les oppositions risquent de se multiplier, ce qui aura pour effet d'allonger de beaucoup toute la démarche.

On réclame également que les entreprises de moins de 10 salariés soient visées et qu'une solution au cas particulier des ghettos d'emplois soit incluse dans la loi. Pourtant, tous et toutes admettent que ces deux problématiques sont complexes à résoudre. Nous croyons plutôt qu'au lieu de priver une forte majorité de travailleuses des bénéfices d'une telle loi il est préférable de procéder dès maintenant. Il faudra cependant, comme l'indique l'avant-projet de loi, se mettre immédiatement à nos tables de travail pour combler cette lacune importante. C'est donc dans ce contexte d'opposition que le gouvernement doit trancher.

L'État n'est pas demeuré insensible à cette question de l'équité salariale; dès l'adoption de la Charte des droits et libertés de la personne, dans le milieu des années soixante-dix, il y intégrait l'article 19. Toutefois, il constate maintenant que cette mesure comporte des limites importantes. Une mesure incitative ou dissuasive ne produit pas le même résultat qu'une mesure proactive. D'ailleurs, l'État pose le même constat à l'égard de plusieurs autres matières pourtant essentielles au développement économique et social; nous pensons ici à la formation professionnelle.

L'État réalise aussi que le marché du travail ne peut, de lui-même, résoudre les iniquités constatées à l'égard de certains groupes. Il admet finalement que le principe en cause demeure fondamental et qu'il doit et peut se traduire dans une loi qui offre la souplesse nécessaire, notamment en tenant compte de la taille des entreprises.

Enfin, même si l'État est lui-même aux prises avec une crise budgétaire et financière importante, il ne peut pour autant perdre de vue l'objectif de l'équité salariale. C'est la recherche de justice pour toutes les travailleuses qui doit guider son action, et non l'attente d'une reprise économique ou du projet idéal.

Donc, de manière générale, nous sommes en accord avec le contenu de l'avant-projet de loi qui comporte déjà, il faut le reconnaître, plusieurs compromis. Par ailleurs, certains aspects de l'avant-projet de loi suscitent pour nous des commentaires plus précis. Sans reprendre ici tout le contenu de notre mémoire, nous souhaitons attirer votre attention sur les principaux ajustements que nous aimerions voir introduits dans la loi.

Tout d'abord, nous reconnaissons que des difficultés techniques puissent empêcher la réalisation d'une démarche d'équité salariale classique dans les entreprises de moins de 10 employés. Nous croyons cependant que d'autres solutions doivent être envisagées en raison de l'importance de la main-d'oeuvre féminine dans ces très petites entreprises. Ce mandat devrait être confié à l'organisme responsable de l'administration de la loi.

Par ailleurs, en ce qui concerne les comités d'équité, nous formulons trois recommandations. D'une part, il nous semble que la participation des travailleuses directement concernées sera mieux garantie si la moitié des personnes représentant les salariés appartiennent à des catégories d'emplois à prédominance féminine. D'autre part, même si l'article 11 permet un dépassement du nombre des personnes composant le comité d'équité, nous croyons que la loi devrait déjà prévoir que, dans une entreprise comptant 100 salariés ou plus, le comité devrait être formé de six membres. Enfin, l'article 17 laisse une grande latitude aux membres du comité en ce qui concerne ses règles de fonctionnement.

Nous désirons que la loi prévoie minimalement que les rencontres du comité se déroulent durant les heures de travail, sinon la participation des femmes risque d'être grandement remise en question.

Quant au programme d'équité salariale, nous demandons le respect absolu du principe du programme unique. Selon nous, la possibilité qu'offre l'avant-projet de loi de déroger à ce principe rendra le travail plus complexe. Les groupes en présence devraient s'entendre après coup sur les liens à faire entre les différents programmes, et cela, dans le but de s'assurer que chacune des catégories d'emplois à prédominance féminine soit comparée à l'ensemble des catégories d'emplois à prédominance masculine. Il nous semble préférable que les différents groupes s'entendent dès le début de leurs travaux, ce qui conférera beaucoup plus de transparence à l'ensemble de la démarche.

Tout programme doit être affiché en deux étapes. L'article 46 indique que toute requête de la part d'un salarié au sujet du contenu d'un programme doit être faite dans les 15 jours qui suivent ces affichages. Ce délai nous semble trop court et nous recommandons de le porter plutôt à 30 jours.

Comme plusieurs groupes, nous aurions préféré que la responsabilité de l'administration de la loi soit confiée à un nouvel organisme qui aurait l'équité salariale comme mandat exclusif. Toutefois, nous recommandons que cette tâche soit assumée par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse en raison du fait que cet organisme possède déjà une expertise en matière d'équité salariale.

Par ailleurs, nous croyons que l'organisme responsable devra aussi être habilité à procéder à la vérification de la conformité des programmes sur une base aléatoire. Il devra, également, déterminer toute mesure qui doit être prise pour remédier à un défaut constaté. Cette vérification aléatoire sera moins lourde qu'une vérification systématique et elle apparaît essentielle pour porter un jugement éclairé sur l'application de la loi.

Le troisième alinéa de l'article 72 est fort important en ce qui concerne les ghettos d'emplois féminins et, surtout, il indique la direction que pourra prendre la recherche des solutions dans ce cas. Cependant, il nous semble que la loi devrait prévoir que ce sujet fasse préalablement l'objet d'une consultation et que le règlement qui en résultera soit adopté au plus deux ans après l'entrée en vigueur de la loi, autrement ce règlement risque de ne jamais voir le jour.

En ce qui concerne les dispositions applicables aux programmes d'équité ou de relativité qui ont été complétés ou sont en cours au moment de l'entrée en vigueur de la loi, notre commentaire porte plutôt sur le contrôle. Nous croyons juste de ne pas requérir de ces organisations qu'elles reprennent intégralement leur travail. Cependant, nous ne souhaitons pas non plus que ces dispositions particulières servent d'échappatoire à l'application réelle de la loi.

En conséquence, nous recommandons que le rapport qui doit être transmis dans les six mois de l'entrée en vigueur de la loi fasse préalablement l'objet d'un affichage à l'intention du ou des syndicats et de l'ensemble des salariés. L'article 46 devrait s'appliquer dans ces cas, c'est-à-dire que tout salarié pourrait demander des informations additionnelles.

Toujours au sujet de ce chapitre de la loi, nous recommandons de biffer l'article 80, qui vise les entreprises soumises au programme d'obligations contractuelles. Par souci de cohérence, et surtout parce que nous savons que les programmes d'accès à l'égalité ne conduisent pas à l'équité salariale, ces entreprises devraient plutôt, comme les autres, invoquer l'article 76 et l'article 77 si elles estiment, comme un rapport en ferait foi, qu'elles ont bel et bien réalisé l'équité salariale.

(10 h 30)

Enfin, nous recommandons que la Loi sur l'équité salariale entre en vigueur le plus rapidement possible et que toutes les ressources nécessaires y soient consacrées. Nous vous remercions de votre attention.

La Présidente (Mme Leduc): Je vous remercie, Mme Emond. Alors, Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité et ministre responsable de la Condition féminine.

Mme Harel: Bonjour, Mme Emond.

Mme Emond (Johann): Bonjour.

Mme Harel: Et Mme Rochette. Je vous remercie de venir devant cette commission présenter un mémoire. Je sais que ça avait dû être annulé la semaine passée. On vous espérait dès le début de nos travaux, vous les terminez, en fait, en cette dernière journée, et c'est pour des raisons complètement hors de votre contrôle. Vous saluerez donc Mme Mailloux, qui est présidente par intérim, pour nous.

Donc, votre mémoire, je le résume bien en disant que l'avant-projet de loi vous convient. Est-ce que c'est le cas?

Mme Emond (Johann): Avec quelques resserrements, oui.

Mme Harel: Alors, les resserrements étant essentiellement l'organisme chargé de l'application qui, selon vous, devrait être la Commission des droits de la personne; les resserrements étant aussi... Bien, je vais vous laisser nous les résumer.

Mme Emond (Johann): D'accord.

Mme Rochette (Maude): Bon. Eh bien, les principaux resserrements, comme Mme Emond en a fait état à la fin de sa présentation, concernent, vous l'avez mentionné, l'organisme responsable de l'administration de la loi. Nous, on pense fermement que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse devrait être l'organisme désigné, principalement en raison de l'expertise qu'elle a déjà développée sur ce sujet-là.

Un autre resserrement qui nous apparaît aussi assez important, c'est la fameuse question des ghettos d'emplois féminins, ce qui est visé par le troisième alinéa de l'article 72. On est contentes de constater que cet article-là, déjà, donne une direction dans laquelle on pourrait aller pour la recherche de solutions à ce problème particulier, parce que je pense que tout le monde convient que ce n'est pas une question facile à régler. Alors, ce qu'on dit, c'est que, essentiellement, le résultat auquel on pourrait en arriver devrait être soumis à une consultation, qu'elle soit restreinte ou large, mais qu'il y ait au moins une consultation des principaux groupes intéressés, justement parce que la question est assez unique et surtout que le règlement qui devrait en résulter devrait être appliqué dans les deux ans de l'entrée en vigueur de la loi. Parce que, actuellement, l'avant-projet de loi ne donne aucune indication à cet effet-là. Alors, ça, c'est un autre commentaire, un autre resserrement qui nous apparaît assez important.

On demande aussi le respect absolu d'un programme unique. L'actuel avant-projet de loi pose ce principe-là, c'est à l'article 20, si ma mémoire est bonne. Cependant, l'article suivant indique qu'on peut déroger à ce principe si un syndicat en fait la demande. Alors, nous, on croit que c'est préférable que les groupes en présence s'entendent au départ sur la meilleure façon de faire un programme d'équité salariale qui viserait l'ensemble des composantes d'une entreprise, par exemple, surtout quand on sait que le découpage traditionnel des unités d'accréditation, des unités de négociation a souvent conduit à l'établissement de frontières assez étanches entre les emplois de soutien, qui sont souvent des emplois majoritairement féminins, et les emplois de cols bleus, qui sont des emplois plutôt masculins. Alors, on se dit: L'idée principale à la base de l'équité salariale, c'est vraiment de briser ces frontières-là, de faire en sorte que les emplois des femmes soient comparés aux emplois des hommes. Alors, on pense qu'on a peut-être plus de chances d'y arriver si on ne permet pas, justement, de déroger au principe d'un programme unique qui intégrerait donc l'ensemble des composantes d'une entreprise.

Mme Harel: Alors, écoutez, je comprends que vous souhaitez, dans le fond, l'application d'un seul programme par employeur.

Mme Rochette (Maude): Oui.

Mme Harel: Bon, pour le résumer, c'est exactement le contraire de ce que les employeurs sont venus nous dire, mais, d'une certaine façon, c'est aussi vraiment différent de ce que les centrales syndicales et les syndicats sont venus nous dire parce que, dans le fond, ce que les syndicats sont venus, avec véhémence, nous dire, c'est qu'ils étaient exclus du processus, qu'ils voulaient être intégrés à la négociation et qu'ils étaient prêts à faire de l'équité une de leurs priorités. Ce qui suppose, bien évidemment, à ce moment-là, un dispositif différent de celui qui consiste à faire un seul programme par employeur, au niveau de l'employeur seulement, puisque ce que les centrales et les syndicats, en fait, réclament, c'est d'avoir voix au chapitre, à la table, donc, de négociation. Je comprends que ce serait par unité d'accréditation. Alors, vous dites qu'il ne faut pas s'engager dans cette voie-là. C'est ça que je comprends?

Mme Rochette (Maude): Oui, en gros, vous traduisez bien notre pensée. Par contre, ce que j'ai compris aussi de la position des syndicats quand ils réclament d'avoir plus de place dans l'élaboration du programme, je ne me souviens pas qu'on ait fait référence spécifiquement au fait que ce serait à l'intérieur de plusieurs programmes, donc des programmes qui respecteraient le découpage des unités de négociation ou pas. Ce que j'en retiens, c'est que les syndicats demandent une plus grande place. Pour moi, ça n'apparaît pas inconciliable avec l'établissement d'un programme unique où autant les employés syndiqués que les employés non syndiqués seraient représentés.

Mme Harel: Alors, disons, cette plus grande place, comment elle se traduirait concrètement?

Mme Rochette (Maude): Il y a eu effectivement, pendant la semaine dernière et encore mardi... Les syndicats, certains se disent même bâillonnés. Moi, ce que je comprends de l'avant-projet de loi, c'est qu'il vise vraiment à amener les parties à s'entendre, à forcer en quelque sorte l'entente, justement pour qu'on arrive à des résultats à l'intérieur de délais assez raisonnables.

Mme Harel: Mais ce que les syndicats disent, c'est que les parties, ce ne sont pas elles, justement... les parties sont, si vous voulez, les comités qui sont censés être mis en place, mais les parties ne sont pas les associations représentatives. Parce qu'il faut comprendre qu'on est en entreprise, là. Donc, il y a déjà une association, si vous voulez, accréditée. Et, dans l'avant-projet de loi, on convient que les parties, ce n'est pas l'association accréditée.

Mme Rochette (Maude): Oui. Oui, ça, je comprends bien. Maintenant, la solution, est-ce que ce serait, par exemple, de prévoir une manière d'établir un programme qui soit spécifique aux entreprises où il y a des syndicats et une autre qui serait spécifique aux entreprises où les employés ne sont pas syndiqués? Ça, je n'ai pas la réponse précisément. Sauf que, ce que je sais aussi, c'est qu'une forte majorité des travailleuses ne sont pas syndiquées. Donc, je vois mal comment ça pourrait être conciliable. Pensez, par exemple, au fait que, dans une entreprise, toutes les étapes seraient négociées par le syndicat; à côté, on aurait un autre programme pour les employés non syndiqués, qui n'ont pas du tout le même pouvoir et la même préparation à travailler sur cette question.

Mme Emond (Johann): Dans le fond, si vous permettez...

Mme Harel: Est-ce que je peux vous demander, à ce moment-là: Est-ce que vous voulez qu'on traite tout le monde comme s'il n'était pas syndiqué? Je pense que c'est la question qui se pose, compte tenu de la réponse que vous venez de donner. Et, d'autre part, puis vous y répondrez parce que ma collègue, la députée de Rimouski, aussi, je pense, veut échanger avec vous... Je reprends parce que c'est un peu le coeur. Il y avait la question des 10 employés et moins. Vous, vous suggérez que ce soit à caractère universel. Et je voulais vous demander comment vous réagissiez ou interprétiez le fait que la Commission des droits de la personne et le comité consultatif, qui va vous suivre, d'ailleurs, recommandent que ce soit dans les entreprises de 10 et plus, et je comprends que, vous, c'est 10 et moins. Vous souhaitez...

Mme Emond (Johann): Non.

Mme Rochette (Maude): Non, je pense qu'il y a peut-être eu une...

Mme Emond (Johann): Non, non.

Mme Harel: Non?

Mme Emond (Johann): J'ai peut-être fait un lapsus en lisant.

Mme Harel: Vous êtes d'accord avec...

Mme Emond (Johann): Oui...

Mme Harel: D'accord.

Mme Emond (Johann): ...nous sommes d'accord avec l'avant-projet de loi...

Mme Harel: Parfait.

Mme Emond (Johann): ...qui vise les entreprises de 10 employés et plus.

(10 h 40)

Mme Harel: Excusez-moi. C'est mon erreur. Bon, bien, alors, je termine tout simplement, d'une part, en vous demandant: Est-ce que vous pensez qu'il vaudrait mieux traiter tout le monde comme s'il n'était pas, finalement, syndiqué, pour ne pas faire de distinction, comme vous sembliez l'interpréter? Et, dans le cas concret... Prenons Noranda. Noranda, il y a pâtes et papiers, scieries, opérations forestières. Est-ce que vous concevez que, compte tenu de tous ces secteurs-là, il peut y avoir un seul programme par employeur?

Mme Rochette (Maude): Là, vous faites référence à une entreprise qui est effectivement grande et complexe.

Mme Harel: Je fais référence à la réalité, madame.

Mme Rochette (Maude): Oui, mais la réalité...

Mme Harel: Je peux vous en proposer d'autres.

Mme Rochette (Maude): Oui.

Mme Harel: Parce que, vous savez, des principes valent quand on est capable de les appliquer. À défaut de quoi, ça reste sur papier.

Mme Emond (Johann): Dans le fond, madame, sans répondre à la question précise sur Noranda, ce que le Conseil voulait, lorsqu'il a analysé le projet et qu'on en a discuté, c'est que, bon, il y a les grandes entreprises mais on pense aussi qu'il y a beaucoup d'entreprises qui vont être entre 10 et 20 employés. Beaucoup aussi ont regardé le taux de syndicalisation des femmes, qui est très peu élevé. Donc, ce n'est pas vraiment les syndicats qui, à tous les jours, vont défendre ces femmes non syndiquées; elles ne sont pas syndiquées.

D'autre part, on se disait aussi, dans les entreprises où il y a un, deux ou trois syndicats plus un groupe de non-syndiqués, que, de toute façon, la loi prévoit déjà qu'à la fin du processus ils s'entendent aussi. Il doit y avoir un lien qui doit se faire entre ces programmes-là. Et on trouvait qu'il était peut-être plus facile et plus clair, pour l'ensemble des parties en présence – les différents syndicats ou le syndicat et le groupe des non-syndiqués – que cette démarche-là soit déjà clarifiée au point de départ, que l'on s'entende au point de départ sur les paramètres de base qui vont procéder au programme unique par entreprise. C'était là l'objet... Dans le fond, on se disait: Il ne faudrait peut-être pas retarder une discussion qui, de toute façon, va venir. Et elle ne sera peut-être pas la plus ardue dans les grandes entreprises, mais peut-être plus dans les moyennes et petites entreprises. C'est ce qu'on croyait au moment de l'analyse du projet.

La Présidente (Mme Leduc): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, Mme la Présidente. Merci, mesdames, pour votre mémoire. Ce que je peux constater, suite à ce que vous nous avez donné comme contenu, c'est que votre approbation, en tout cas, votre... Si vous êtes favorables au projet de loi sur l'équité salariale, c'est parce que ça repose sur le constat que vous avez pu faire avec les groupes de femmes au Québec, à l'effet que les écarts salariaux sont loin de se résorber, que l'article 19 est pratiquement inopérant, de la Charte des droits et libertés, et que l'accès à l'égalité, ça ne remplacera jamais, en aucun temps, l'équité salariale. Est-ce que c'est juste, si j'interprète votre accord, compte tenu de ces prémisses de départ? C'est ça?

Mme Emond (Johann): Oui, ces prémisses de départ nous indiquent que ça prend une loi sur l'équité salariale, donc une loi proactive.

Mme Charest: O.K.

Mme Emond (Johann): Maintenant, aussi, les autres prémisses qui sont que le consensus ne peut pas être fait dans les discussions, on l'a expérimenté... Même au Conseil, on l'a expérimenté avec des consultations. Nous n'avons pas été les seuls à faire des consultations sur le sujet. Plusieurs organismes ont fait des consultations sur le sujet. Et même, dernièrement, le gouvernement a fait aussi des consultations sur le sujet, et les mémoires qui sont présentés à ces consultations-là sont, à peu de chose près, les mêmes. Donc, depuis six ans au moins que l'on en parle, que l'on dépose des mémoires, et les positions ne changent pas. Donc, il ne faut pas prévoir de consensus à court terme et même à moyen terme. De ce fait, il faut que cette loi, qui va, de toute façon, s'appliquer quand même assez fermement, il faut que cette loi soit tout de suite mise à l'agenda du gouvernement et qu'elle soit adoptée. C'est surtout cet aspect...

Mme Charest: Qu'elle soit adoptée.

Mme Emond (Johann): Qu'elle soit adoptée, bien sûr. Et c'est surtout cet aspect-là. Nous, on souligne que l'avant-projet de loi, quand même, est relativement souple pour les entreprises, d'une part, et, d'autre part, offre aussi des garanties assez intéressantes pour les salariés. Donc, à ce moment-là, ce n'est peut-être pas le projet de loi idéal, l'avant-projet de loi idéal, puis ce ne sera peut-être pas la loi idéale, mais elle va s'appliquer à près de 75 % des travailleuses, et ça aussi, ça compte, à quelque part.

Mme Charest: O.K. Vous dites également que vous êtes plutôt favorables au respect du principe du programme unique par opposition à une pluralité de programmes, parce que ça vous apparaît être une garantie pour mieux atteindre l'équité salariale. Vous ne trouvez pas que, concrètement, dans la vie pratique de tous les jours, dans le quotidien des entreprises, ça ne pourrait pas soulever, quand même, des problèmes très complexes, très difficiles? J'aimerais ça vous entendre pour mieux me faire comprendre votre position par rapport au programme unique.

Mme Rochette (Maude): Bien, on en a parlé tout à l'heure. Ce que je répéterais là-dessus, c'est que l'avant-projet de loi, actuellement, permet de déroger au principe du programme unique mais à une certaine condition, et cette condition-là, c'est que ça ne doit pas empêcher... la mise en place de plusieurs programmes ne doit pas empêcher la comparaison de l'ensemble des emplois. Donc, ce que ça veut dire, c'est qu'une fois que les différents programmes auront été établis, supposons que chez Noranda il y en a 10, bien, tout ce monde-là, tous les comités qui auront travaillé à l'élaboration de chacun des programmes devront s'entendre entre eux pour faire en sorte qu'il n'y ait aucune catégorie d'emploi à prédominance féminine qui soit laissée pour compte et que les meilleures comparaisons soient faites aussi. Alors, nous, ce qu'on dit par rapport à ça, c'est que ce sera peut-être plus difficile d'arriver à s'entendre après coup que de s'asseoir au départ et de dire: Bon, on a tel objectif à atteindre; ce qu'on veut, c'est des résultats; essayons de développer une façon commune de travailler. Alors, essentiellement, c'est ça.

Mme Charest: O.K. Et, quand vous parlez de la méthodologie à suivre dans le cas des ghettos d'emplois féminins, vous recommandez qu'elle soit comprise dans un règlement. Est-ce que c'est parce que, vous, vous avez en tête de recommander une méthodologie plutôt qu'une autre ou si, peu importe la méthodologie retenue, il faut qu'elle soit encadrée, réglementée? J'aimerais interpréter votre recommandation.

Mme Rochette (Maude): Bien, je dirais là-dessus que c'est la voie qu'a déjà choisie l'avant-projet de loi. Comme on n'a pas de réponse actuellement et qu'on ne peut pas inclure ce cas particulier dans la loi... L'avant-projet de loi indique déjà que c'est dans un règlement ultérieur que cette solution sera apportée. Ou j'ai mal compris votre question.

Mme Charest: ...si vous, vous aviez une méthodologie que vous privilégieriez mettre dans un règlement, ou peu importe la méthodologie retenue, comme le projet de loi le prévoit, ce sera de toute façon encadré par un règlement. C'est parce que vous dites: En ce qui concerne la méthodologie à suivre dans le cas des ghettos d'emplois féminins, nous recommandons qu'elle soit comprise dans un règlement. Ça, ça va se soi, on est d'accord là-dessus. Mais, moi, je veux savoir: Est-ce que vous avez une méthodologie que vous privilégiez?

Mme Rochette (Maude): Je pense que si on avait une solution, si on avait trouvé une solution, on serait bien contentes de vous en faire part aujourd'hui. Et je pense que, là-dessus, vous l'avez entendu la semaine dernière...

Mme Charest: Vous n'avez pas de tendance plus vers l'une que l'autre.

Mme Rochette (Maude): ...il n'y a pas de solution miracle, là, qui émerge comme ça de façon tout à fait évidente. Ce qu'on constate, et ce que je disais tout à l'heure, c'est que le troisième alinéa de l'article 72 indique une piste intéressante, c'est-à-dire qu'il faut probablement songer à sortir du cadre de l'entreprise pour trouver des emplois équivalents aux emplois des femmes qui travaillent dans des ghettos d'emplois féminins. Et ça, je trouve que c'est important de le rappeler, ce n'est pas un phénomène qui est complètement nouveau, là, l'idée de sortir du cadre de l'entreprise. Les entreprises le font régulièrement par le biais d'enquêtes salariales externes pour vérifier leur position concurrentielle sur le marché. L'IRIR le fait depuis à peu près 10 ans. Et l'Ontario l'a aussi expérimenté dans sa loi sur l'équité salariale. Donc, le fait, si je peux dire, d'aller voir ailleurs ce qui se fait pour voir si ça ne pourrait pas nous servir chez nous, ce n'est pas un phénomène qui est complètement nouveau. Mais, cela dit, je pense que tout le monde est conscient qu'il y a beaucoup de recherche qui reste à faire pour développer une méthodologie qui serait applicable, là.

Mme Charest: Merci, mesdames.

La Présidente (Mme Leduc): Je vous remercie. Mme la députée de Saint-François et porte-parole de l'opposition.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, Mme Emond, Mme Rochette. Il me fait grand plaisir que vous soyez ici pour participer à cette commission parlementaire et, bien sûr, pour nous faire part de vos propos.

(10 h 50)

Depuis la semaine dernière, nous avons entendu des opinions fort différentes et, à la lumière de tous ces propos qu'on a entendus, j'en suis pratiquement venue à la conclusion qu'à un moment donné il y a beaucoup de différence lorsqu'on parle de petites entreprises, lorsqu'on parle, je dirais, de très petites entreprises, de 10 employés et moins, et lorsqu'on arrive avec une entreprise de 50 employés et moins et de 50 et plus. Je pense que les arguments qu'ont apportés les différents groupes sont tous valables, Par exemple, lorsqu'on parle des groupes de femmes, ou encore des syndicats, bon, toutes les entreprises, même de 10 employés et moins... on ne doit pas faire d'exclusion, ça doit être un programme universel. Et cependant, lorsqu'on entend certains autres groupes, comme, par exemple, les détaillants, il y a quand même des difficultés d'application pour, peut-être, même une entreprise de 50 employés et moins et, parfois, bien sûr, de 10 employés.

Et là je pense que l'objectif qu'on vise, c'est de réduire les écarts salariaux entre les femmes, entre les différents groupes, finalement, et de donner davantage au niveau des femmes. Par contre, ce n'est pas nécessairement facile. C'est de trouver le mécanisme qui entre dans l'espèce de moule, mais on ne peut pas avoir un moule unique pour ces différentes entreprises. Parce qu'il ne faut pas, non plus, que les coûts administratifs en arrivent, à un moment donné, à surpasser ou à dépasser les ajustements des écarts salariaux qu'on pourrait donner aux femmes. Et on se rendait compte, à certains moments donnés, que les coûts administratifs étaient pratiquement la moitié de ce qu'on pourrait donner en écarts salariaux. Alors, je me dis: Comment trouver ce mécanisme qui est un mécanisme quasi universel ou presque universel mais qui permettrait, en même temps, de donner satisfaction aux femmes pour les entreprises de 10 employés et moins, de 50 et moins et pour les autres?

Parce que ce que je constate, en bout de ligne, et je pense qu'on ne peut pas l'ignorer, c'est que les grandes entreprises, elles ont fait beaucoup plus de chemin que les plus petites entreprises, que ce soit, par exemple, en termes d'accès à l'égalité ou encore de relativité salariale. Plusieurs entreprises ont fait ce qu'on appelle des relativités salariales et qui, parfois, bon, s'imaginent que c'est de l'équité salariale et demandent au gouvernement d'en être exemptées. Ces entreprises ayant fait des relativités salariales et ayant maintenant, de plus en plus, à l'intérieur de cette entreprise, des comités de gestion de ressources humaines, des experts en ressources humaines, ces entreprises ont l'impression qu'elles font régulièrement des relativités salariales et, pour elles, c'est de l'équité salariale, donc, en bout de ligne, veulent être exemptées, ce qui n'est pas le cas, finalement, des plus petites entreprises qui, bien sûr, du fait que c'était toujours un programme volontaire, n'ont pas nécessairement mis en place certains programmes. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Emond (Johann): Quand vous dites qu'effectivement les grandes entreprises, parce qu'elles ont fait des programmes de relativité salariale, désiraient être exemptées, je pense que, quand même, l'avant-projet de loi prévoit que ce travail-là ne sera pas nécessairement rejeté du revers de la main et il prévoit que les grandes entreprises pourront soumettre leurs programmes à l'attention de la commission pour évaluation selon un certain nombre de critères qui, je pense, pourront garantir un rapprochement de ce qui est exigé pour les entreprises qui n'ont rien fait. Par ailleurs, nous, là-dedans, nous demandions que ces programmes, quand même, de relativité soient affichés un peu avant qu'ils soient présentés à la commission pour que tant les syndicats que les salariés puissent être au courant de ces programmes et demander des informations et aller un petit peu plus loin si nécessaire, d'une part.

D'autre part, il faut dire que l'avant-projet de loi permet l'utilisation de différentes méthodologies. Et, à cet égard, on croyait qu'il était possible que les entreprises puissent les adapter à leur organisation interne, dépendant qu'elles soient grandes ou petites ou dépendant, aussi, des secteurs dans lesquels elles se trouvent, les secteurs d'activité qu'elles couvrent.

Alors, il nous semble que l'avant-projet de loi est quand même suffisamment souple là-dessus et, par contre, il est aussi suffisamment clair sur les critères de base à respecter et qui sont, je pense, vraiment des critères de base. C'est clair. Et la méthodologie, tant pour l'évaluation des emplois que pour l'estimation des écarts, peut être... Il y a suffisamment de souplesse, en tout cas, pour qu'elle puisse être adaptée aux différentes entreprises.

Maintenant, pour ce qui est des coûts, des coûts administratifs, parce que, effectivement, vous avez raison de dire qu'il ne faudrait pas que les coûts administratifs dépassent les écarts non plus, les écarts qu'on veut corriger, je laisserais peut-être Mme Rochette parler sur l'aspect des coûts administratifs.

Mme Rochette (Maude): Oui. Sur les coûts, on a peu de données. On a pris connaissance des estimés qui ont été rendus disponibles par le Secrétariat à la condition féminine la semaine dernière. Moi, j'ai toujours tendance à considérer ces coûts, autant les coûts des rajustements salariaux que les coûts administratifs, avec beaucoup de prudence. On sait que ces données-là sont des estimés qui ont été faits à partir des résultats obtenus en Ontario.

Maintenant, ce qu'on sait aussi, c'est que la Commission ontarienne de l'équité salariale n'a aucun moyen d'aller elle-même vérifier le contenu des programmes d'équité salariale qui sont élaborés. Donc, c'est à des firmes externes qu'elle a dû demander de mener des sondages auprès des entreprises, selon leur taille, et il semble, d'après ce qu'on peut lire dans des documents, que les entreprises n'étaient d'ailleurs pas tenues de répondre aux firmes de sondage qui étaient intéressées à connaître quels avaient été les coûts d'établissement d'un programme d'équité salariale dans leur entreprise. Donc, pour toutes ces raisons-là, moi, je suis assez prudente quand on parle des coûts, et je ne dis pas ça pour nier l'importance des coûts, loin de là, sauf que c'est important de les considérer avec beaucoup, beaucoup de prudence.

J'ajouterais peut-être un élément pour rejoindre votre question sur les plus petites entreprises. On sait, effectivement, que les très petites entreprises n'ont pas tous les moyens sur lesquels peuvent compter les grandes entreprises quand viendra le temps d'élaborer un programme d'équité salariale. En ce sens-là, nous, on pense que la commission ou l'organisme responsable de l'administration de la loi aura un rôle très important à jouer, et c'est un peu dans cet esprit-là qu'on a formulé une recommandation à l'effet que le soutien que devra apporter la Commission aux entreprises le soit plus précisément auprès des petites entreprises et peut-être que ça pourra conduire à développer des méthodes de travail qui sont un peu différentes mais qui conduisent à des résultats intéressants et pertinents.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Pour revenir à votre commentaire, Mme Emond, lorsque vous disiez qu'il y avait suffisamment de souplesse dans l'avant-projet de loi pour qu'on puisse reconnaître le travail qui avait été fait en termes de relativité salariale, je dois vous dire que je ne pense pas que ce soit, finalement, ce que pensent nécessairement les syndicats, parce que, pour les syndicats, «relativité salariale», puis, je pense, non seulement pour les syndicats, mais, aussi, on sait que ce n'est pas de l'équité salariale et on ne voudrait surtout pas que les entreprises en restent à des relativités salariales, mais poursuivent leur démarche pour en arriver à de l'équité salariale... Alors, dans ce sens-là, bien sûr que c'est un peu la revendication des syndicats à l'effet que, au contraire, aucune entreprise, et même le gouvernement, ne devrait être exemptée, mais que toutes ces entreprises, aussi bien que le gouvernement, devraient poursuivre une démarche en équité salariale.

Mme Emond (Johann): Écoutez, nous, nous regardions l'article 76, parce que c'est par le biais de l'article 76 que les entreprises pourraient se prévaloir et déposer leur rapport, et, dans le troisième alinéa, on dit que, dans le rapport présenté et que la Commission devra examiner rigoureusement... on parle de la méthode d'estimation des écarts salariaux et, nécessairement, elles devront déposer ce qu'elles ont payé suite aux négociations, et il y a une comparaison qui devra être faite. Autrement dit, nous, on était conscientes du fait qu'il y a peut-être des relativités salariales qui se sont réglées pas nécessairement toujours à la bonne volonté du syndicat comme tel. Cependant, il y a des articles et des alinéas qui permettent, je pense, à la Commission de rattraper ces aspects-là et de faire en sorte... Mais ce qu'on n'aurait pas voulu... Quand vous parliez de coûts administratifs, ces exercices ont coûté quand même cher et il y a déjà des pas de faits, il y a déjà une réflexion de faite, ne serait-ce qu'une mentalité qui est déjà modifiée. Ce n'est pas l'équité salariale mais c'est quand même plus positif que quand il n'y a rien du tout. Donc, on voulait quand même qu'il y ait des choses qui soient récupérées à l'intérieur de toute cette démarche-là et, dans le cas où ça se rapproche de l'équité salariale, bien, mon Dieu, il ne leur reste qu'un petit bout de chemin à faire et elles pourront atteindre ce que la loi désire.

(11 heures)

Mme Gagnon-Tremblay: Mais vous comprenez qu'il y a quand même une certaine inquiétude, parce que, quand on parle du petit bout de chemin, comme, par exemple, lorsque les représentants de la Conférence des recteurs sont venus nous voir, ils nous ont dit à quel prix et avec quels efforts, quel temps, quels délais ça a pu prendre pour s'entendre, même, dans les négociations pour en arriver à des relativités salariales, et qu'ils ont encore de la difficulté à payer les ajustements, et qu'ils s'imaginent que, actuellement, la démarche va devoir être complétée, mais peut-être par d'autres mécanismes... Il y a une inquiétude, je pense, qu'on doit partager, à ce moment-là.

Mais, pour en revenir, cependant, à la question de l'implication, peut-être, des syndicats face aux entreprises, il y a un groupe d'experts qui s'est prononcé la semaine dernière, et il nous disait qu'il était souhaitable, qu'il était même important que l'équité salariale ne fasse pas partie des négociations des conventions collectives, mais que ça appartient aux patrons. Si c'est une obligation, c'est une obligation pour le patron de mettre en place un mécanisme pour en arriver à l'équité salariale, mais ça ne doit pas faire partie des négociations des conventions collectives parce que, ce qu'il disait, en gros, c'est qu'on ne s'en sortirait à peu près jamais puisque, parfois, seulement pour négocier les libérations syndicales, ça peut prendre six mois puis huit mois, ce que certaines entreprises ont expérimenté. Alors, donc, est-ce que, pour vous, l'équité salariale doit faire partie des négociations syndicales, des négociations des conventions collectives, ou en être exclue?

Mme Rochette (Maude): Je pense que les salariés dans leur ensemble, qu'ils soient syndiqués ou pas syndiqués, doivent avoir leur mot à dire dans toute cette démarche-là, parce qu'il est question d'évaluer le travail, et je pense qu'il n'y a personne de plus indiqué que les salariés eux-mêmes pour parler de leur propre emploi, le décrire. Maintenant, qu'un employeur ait le droit de mener cette démarche-là tout seul d'un bout à l'autre, je pense que ce n'est pas tellement réaliste non plus. La participation des salariés, une participation minimale, m'apparaît tout à fait essentielle.

Mme Emond (Johann): Et, à cet égard, le fait que l'affichage soit obligatoire deux fois, après la deuxième étape et la quatrième étape, garantit cet aspect-là, là. Par ailleurs, pour ce qui est des négociations, quand vous parlez des négociations, je vais vous sembler un peu puriste, là, mais, en début de mémoire, on dit que, l'équité salariale, c'est un droit et c'est de la justice. À ce moment-là, on ne voyait pas très bien que ce soit inclus dans des négociations de conventions collectives. On évalue le travail fait majoritairement par des femmes au travail, fait majoritairement par des hommes. On ne négocie pas l'équité salariale à la baisse. Je veux dire, le travail, il est payé à sa juste valeur, et c'est ça l'équité salariale. Donc, on ne voyait pas que ça entre dans le régime de négociation, la négociation des conventions collectives.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais vous comprenez cependant...

Mme Harel: Mme la députée de Saint-François, est-ce que vous me permettriez...

Mme Gagnon-Tremblay: Oui.

Mme Harel: ...sur ça, là...

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, oui.

Mme Harel: ...peut-être juste un échange très, très rapide...

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, oui.

Mme Harel: ...avec votre consentement. Je voudrais reprendre les termes mêmes. Vous venez de dire: Si c'est négocié, c'est négocié à la baisse. On ne négocie pas un droit, on négocie les modalités d'application. Par exemple, le congé de maternité, par exemple, la santé et sécurité au travail, on peut dire que le congé de maternité, c'est une modalité d'application du droit de ne pas être discriminée, si vous voulez, pour raison de grossesse. Le droit, c'est de ne pas être discriminée pour raison de grossesse. On ne négocie pas ça, ce droit-là, il est là, mais on négocie une modalité d'application du congé de maternité.

Ça vaut aussi pour le principe «à travail équivalent, salaire égal». C'est là le droit, mais on en négocie les modalités d'application. Négocier, ça ne veut pas dire à la baisse, ça.

Mme Emond (Johann): Non, c'est....

Mme Harel: Il y a...

Mme Emond (Johann): O.K.

Mme Harel: Je veux juste vous l'indiquer...

Mme Emond (Johann): Oui.

Mme Harel: ...parce que c'est les termes mêmes que vous avez utilisés.

Mme Emond (Johann): Oui, négocier. C'est que, moi, je faisais référence à Mme la députée de Saint-François, où elle parlait de négociation de conventions collectives. Peut-être que j'ai mal saisi aussi, mais c'est certain qu'avant de partir il faut négocier; il faut négocier sur la méthodologie qu'on va utiliser, mais ce n'est pas à l'intérieur des conventions collectives. Bien oui, il faut se parler. Je veux dire, si on met du monde autour de la table, c'est pour qu'ils se parlent.

La Présidente (Mme Leduc): Mme la députée de Saint-François, vous reprenez.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, mais c'est parce qu'il faut aussi... On ne peut pas mettre de côté l'inquiétude de la part des employeurs, et on ne peut pas faire abstraction non plus des coûts, compte tenu du contexte et compte tenu aussi de la masse salariale, qui n'est pas illimitée. L'assiette est plutôt limitée dans les temps que l'on connaît actuellement. Donc, dans ces circonstances, ça veut dire qu'il faut prioriser. Il va falloir que l'équité salariale soit priorisée par rapport à toute autre démarche ou toute autre demande qu'on pourrait faire. Mais, mon inquiétude, c'est cependant les tensions au niveau des relations de travail. Je ne sais pas si, par exemple, lorsque viendra le temps de négocier même les modalités, si ça n'apportera pas naturellement beaucoup de tensions dans le contexte actuel.

Mme Emond (Johann): Oui. Quand il y aura des négociations, surtout quand l'argent est en ligne de compte, je pense qu'il va y avoir des tensions. Maintenant, il n'en demeure pas moins que... Comment je dirais ça? Ce qui est souvent, aussi, apporté maintenant, c'est la nouvelle façon de travailler, la nouvelle façon de voir, aussi, le travail. Alors, vous me parliez de tensions. Oui, il est fort possible qu'il y ait des tensions, mais les gens sont assis autour de la table pour discuter. Il va y en avoir, mais ça va sûrement se régler. Bon, je ne veux pas être naïve, là, mais ce que je veux dire, c'est qu'il va y avoir des discussions probablement très serrées, mais...

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que le Conseil du statut de la femme a vérifié l'impact que ca peut avoir sur l'emploi chez les femmes? La semaine dernière, nous avions ici, en commission, une gestionnaire d'une université, qui, comme femme, était très déchirée, premièrement, face à l'équité, qui trouvait que c'était, naturellement, tout à fait un objectif de justice sociale que l'équité salariale et qui était, naturellement, pour cet objectif, mais, d'autre part, qui avait à gérer la décroissance, qui avait à gérer une masse salariale limitée et qui nous disait que, seulement pour mettre en force, c'est-à-dire pour donner les ajustements des écarts salariaux au niveau des relativités salariales, naturellement, elle n'avait pas d'autre choix que de faire des mises à pied parce qu'il n'y avait pas de financement nécessaire. Alors, donc, comme femme, elle se sentait vraiment déchirée entre un grand principe de justice sociale, qui s'appelle l'équité salariale pour les femmes, et, d'autre part, comme gestionnaire d'une grande entreprise, elle se voyait obligée, dans les prochaines années ou même maintenant, de mettre à pied des femmes parce que, finalement, c'était les postes qu'on pouvait le plus facilement couper. Quelle est votre position face à ça?

Mme Rochette (Maude): On n'a pas fait d'évaluation très, très spécifique, et je pense que... En tout cas, moi, je n'en ai jamais vu de façon très, très précise, des évaluations qui indiqueraient que, après avoir appliqué une loi sur l'équité salariale, on peut conclure que le niveau d'emploi des femmes a diminué de x %. On ne nie pas que ça puisse avoir un effet sur le niveau d'emploi des femmes. Ce qu'on dit, c'est que c'est très difficile à estimer ou à évaluer. Et je pense que, dans le contexte actuel, ce qu'on constate, c'est que, même sans Loi sur l'équité salariale, il y a des mises à pied, mais il y a aussi la création de nouveaux emplois, de nouvelles entreprises. Alors, on vit une période de transition assez importante. Il y a beaucoup de mouvement. Je pense qu'il ne faut pas nier qu'il y ait un ajustement éventuel après l'entrée en vigueur de la loi, mais je pense que ça ne doit pas nous empêcher d'agir.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Je pense que mon collègue a une question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Leduc): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente. Mesdames, dans votre mémoire, vous indiquez que vous n'allez pas refaire la preuve de la nécessité pratique de l'adoption d'une loi sur l'équité salariale ni rappeler les fondements théoriques de base de ce principe. Vous faites référence à un travail de recherche et un avis que le Conseil a déjà fait en la matière.

(11 h 10)

Comme organisme d'étude, si on peut dire, peut-être organisme expert dans le domaine, est-ce que vous avez, dans le passé, calculé l'importance de l'écart salarial des femmes dû à la discrimination versus l'écart dû peut-être à d'autres facteurs? La question m'intéresse, parce que la loi qui est devant nous a l'objectif de corriger l'écart dû à la discrimination. Quel est le pourcentage? Avez-vous fait des études pour déterminer, s'il y a moyen de le déterminer, quel pourcentage est dû à la discrimination et quel pourcentage est peut-être dû à d'autres facteurs, puis quels sont les autres facteurs?

Mme Rochette (Maude): Au milieu des années quatre-vingt, je pense que c'est 1985 ou 1986, je n'ai pas la date exacte, le Conseil a procédé à une recension de l'ensemble des études, ou d'un grand nombre d'études, en tout cas, qui avaient été menées sur cette question-là: à quoi donc peut-on attribuer les raisons de l'écart salarial, et aussi dans le but de tenter d'isoler la portion de cet écart-là qui serait liée à la ségrégation des emplois sur la base du sexe. Cette étude-là et d'autres qui ont été faites par la suite, d'autres recensions d'études, indiquent que ça peut aller du tiers à la moitié. On ne peut pas arriver avec un pourcentage très, très précis; ça varie selon les études, qui sont faites à partir de bases de données différentes, par exemple. Mais, dans l'ensemble, ce qu'on peut dire, c'est que du tiers à la moitié de l'écart salarial entre les hommes et les femmes serait spécifiquement dû au fait que des femmes occupent des emplois traditionnellement féminins et, les hommes, des emplois traditionnellement masculins, donc la division du travail lui-même.

M. Copeman: Et le restant de l'écart est dû à...

La Présidente (Mme Leduc): M. le député, parce que le temps est écoulé, rapidement.

M. Copeman: Oui. Le restant de l'écart est dû à quoi?

Mme Rochette (Maude): Le reste de l'écart est dû à une multitude de facteurs. On pense, bon, au niveau de formation, aux heures de travail. Il y a plusieurs facteurs qui interviennent. Le secteur aussi, le secteur de l'activité économique où les femmes et les hommes travaillent, parce qu'on a aussi une division sexuelle du travail selon les secteurs d'activité, bien souvent, aussi. Donc, c'est une combinaison de plusieurs facteurs qui expliquent.

M. Copeman: Merci, madame.

La Présidente (Mme Leduc): Je vous remercie. Alors, il reste deux minutes au parti ministériel. Mme la députée de Rimouski a demandé la parole. Rapidement, Mme la députée. Une question rapide.

Mme Charest: C'est juste un commentaire suite à l'intervention de Mme la représentante de l'opposition officielle à l'effet qu'une porte-parole des universités est venue nous déclarer qu'ils étaient contre l'équité salariale parce que, les professeurs utilisant des systèmes informatiques dans leur bureau, elle aurait comme tâche de congédier des femmes, qui perdraient leur emploi. Alors, moi, je voudrais rajouter le commentaire suivant, c'est que ce n'est pas l'équité salariale qui va faire perdre les emplois, c'est beaucoup plus le fait qu'en augmentant l'informatique dans certains postes de travail c'est vrai qu'il y a certains postes, d'autres postes qui vont être abolis, mais ce n'est pas vrai que c'est strictement une question d'équité salariale. Je pense que c'est important de faire la nuance parce que, là-dessus, pour le moins qu'on puisse dire, c'est que l'information fournie à la commission était plus ou moins complète. Merci.

La Présidente (Mme Leduc): Je vous remercie, Mme la députée de Rimouski. Je remercie le Conseil du statut de la femme de sa présentation. On va suspendre un moment. Et j'invite Mmes Marie-Thérèse Chicha, Esther Déom et Hélène Lee-Gosselin à prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 14)

(Reprise à 11 h 17)

La Présidente (Mme Leduc): Nous allons continuer nos travaux. Alors, Mme Déom, ça me fait plaisir de vous accueillir à la commission des affaires sociales. Si vous voulez nous présenter la personne qui vous accompagne et vous présenter vous-même.

Mme Déom (Esther): Ils ne s'approchent pas, là, c'est nous qui nous approchons. D'accord.

La Présidente (Mme Leduc): Le système est très bon. Vous pouvez rester...


Mmes Marie-Thérèse Chicha, Esther Déom et Hélène Lee-Gosselin

Mme Déom (Esther): D'accord. Alors, je me présente: Esther Déom. Je suis professeure et directrice du Département des relations industrielles à l'Université Laval. Je ne suis pas ici en tant que directrice. Ma collègue est Mme Hélène Lee-Gosselin, qui est professeure également au Département d'administration de l'Université Laval. Et je tiens à excuser Mme Marie-Thérèse Chicha, qui nous a appris ce matin qu'elle ne pouvait se déplacer pour se rendre à cette commission. Nous présenterons donc le mémoire à deux et, si vous voulez, je commence tout de suite.

La Présidente (Mme Leduc): Oui.

Mme Déom (Esther): D'accord. Alors, je tiens d'abord à vous remercier de nous avoir invitées, étant donné que nous ne constituons pas un groupe institutionnel. Nous avons été un comité pendant quelques mois, mais nous avons quand même beaucoup travaillé sur le sujet. Et je voudrais rappeler, en partant, un peu nos intérêts dans le dossier de l'équité salariale, de façon à ce qu'on puisse établir clairement à quel titre nous sommes ici aujourd'hui.

D'abord, Marie-Thérèse Chicha, qui est absente, Hélène Lee-Gosselin et moi-même avons été les trois membres du comité de consultation sur une loi proactive sur l'équité salariale au Québec, qui a remis son rapport final à Mme Blackburn en novembre 1995. Mme Chicha et moi-même étions aussi, avant, membres du comité d'élaboration, donc le comité interne du gouvernement, donc le comité qui était chargé d'élaborer un projet de consultation. Donc, ça fait déjà quelques mois, sinon quelques années, et, toutes trois, nous avons, dans nos enseignements, dans nos interventions auprès de groupes de femmes, auprès d'employeurs, dans nos enseignements, nos recherches et nos publications, nous avons comme intérêt principal l'équité en emploi, dans son sens large la discrimination au travail. Donc, c'est un intérêt qui ne date pas d'hier. C'est à ce titre que nous sommes là. Nous avons toutes les trois signé le rapport déposé à la ministre Blackburn, mais, le comité étant dissous, nous sommes maintenant ici à titre individuel. C'est évident que nous allons reprendre bien des choses que nous avons dites dans le rapport.

Alors, je n'ai pas l'intention de faire une lecture du mémoire, vous l'avez. C'est peut-être ma déformation de professeure, je pense bien que tout le monde l'a lu. Je veux simplement souligner certains aspects qui nous apparaissent importants, que d'autres ont soulignés mais sur lesquels on veut revenir aussi. D'abord, notre appréciation générale de la loi.

(11 h 20)

Comme beaucoup, nous avons été heureuses qu'il y ait quelque chose, donc un pas de plus, c'est-à-dire le dépôt d'un avant-projet de loi, mais nous aurions souhaité le dépôt d'un projet de loi. Ça, je pense que ça a été suffisamment dit à cette commission sans que j'élabore davantage. Mais nous partageons ce point de vue de la nécessité d'une loi. Quant à la... Excusez-moi. C'est parce qu'on a dû remplacer Mme Chicha à la dernière minute, et je prends sa partie, alors, je vous demande juste une petite minute.

Donc, notre appréciation générale, c'est qu'on est contentes qu'il y ait un pas qui a été fait. Par ailleurs, on est en désaccord avec certains éléments importants de l'avant-projet de loi, sur lesquels on va parler immédiatement. Mais, avant de faire ça, je pense que ce n'est pas superflu de revenir sur la nécessité d'une loi proactive sur l'équité salariale au Québec. Dans le contexte actuel, il semble que c'est même important d'en parler. Alors, je dois vous dire que nous croyons en la nécessité d'une loi proactive maintenant, et pour deux éléments importants. Il y en a d'autres, mais les deux principaux sont le fait que, d'abord, on remarque une persistance de l'écart salarial entre les emplois féminins et les emplois masculins. Il y a différentes statistiques là-dessus, puis je n'ai pas l'intention d'embarquer là-dedans, parce que l'écart salarial varie d'une année à l'autre. Mais, si vous le regardez sur une période de temps suffisamment longue, il y a une persistance dans l'écart salarial, et ce, malgré le fait que l'article 19 de la Charte s'applique depuis 1976, depuis 20 ans. Donc, il y a eu une approche volontaire, je dirais, depuis 20 ans, qui n'a pas donné de résultats ou qui en a très peu donné.

Donc, on constate que cet écart salarial est maintenu à travers les années, et on constate aussi – deuxième point important – que le bilan que l'on peut faire de l'article 19, qui est, en fait, la référence, à l'heure actuelle, en l'absence d'une loi proactive, le bilan qui est fait de l'application de cet article est loin d'être positif. C'est une procédure de plaintes, là. Les gens du Conseil du statut l'ont mentionné, c'est un processus qui est long, complexe et coûteux. C'est un processus qui n'est pas accessible à des personnes non syndiquées. C'est un processus, également, qui a eu tendance à être appliqué de façon individuelle. Donc, cas par cas, on règle une plainte et on n'étend pas la solution à un problème qui, lui, est systémique. Donc, ça paraît très peu approprié. Et il nous semble que, dans les circonstances, compte tenu du maintien de l'écart, compte tenu du fait que l'article 19 ne nous semble pas approprié du tout pour régler le problème, dans les circonstances, une loi proactive constitue vraiment, et je dirais à l'heure actuelle, la mesure peut-être la plus progressiste et la mieux adaptée pour remédier à la discrimination salariale.

Il y a certains effets à l'adoption ou à la mise en place d'une loi proactive, et on parle beaucoup des coûts. Ce n'est jamais les mêmes coûts, ce n'est jamais les mêmes données, mais on parle beaucoup des coûts. Ce dont on ne parle pas assez, par contre, c'est des effets bénéfiques pour les entreprises de mettre sur pied un programme d'équité salariale. On le sait, au Québec, et particulièrement pour les PME, la gestion des ressources humaines laisse souvent à désirer, et la rationalisation de la rémunération et d'autres activités de gestion de ressources humaines, qui peut découler d'un exercice bien fait d'équité salariale, est un bénéfice pour l'entreprise. Et, ça, on oublie souvent de le calculer. Et je parlerais aussi du bénéfice, peut-être, au niveau de la satisfaction au travail et de la motivation quand on sait que notre travail est évalué de façon non discriminatoire. Donc, il y a également des bénéfices qui ne sont pas assez, d'après moi, soulevés, là, la question des coûts prenant vraiment tout le plancher.

Si je reviens à l'avant-projet de loi, donc, c'est un peu la mise en contexte pour justifier la nécessité. Ce qu'on remarque, nous... et, là, il y a bien d'autres choses, mais on va y aller rapidement, parce que je ne sais même pas à quelle heure j'ai commencé, Hélène...

Une voix: ...

Mme Déom (Esther): ...mais je suis encore dans mon temps. Merci.

Alors, au niveau de l'avant-projet de loi, nous croyons que, dès le départ, il n'y a pas de définition claire de ce qu'est l'équité salariale. Et, ça, ça ne peut qu'avoir des effets négatifs sur l'application de quelque projet de loi que ce soit. L'absence d'objectifs clairs a été une des raisons identifiées pour l'absence de succès des programmes d'accès à l'égalité. Et, quand les objectifs ne sont pas clairs, il n'est pas possible ou il est très difficile, après ça, de mettre des sanctions étant donné que les objectifs ne sont pas clairs. Il nous apparaît, à tout le moins, qu'on devrait clarifier l'objectif dès le départ, dès l'article 1, au niveau de l'avant-projet de loi, c'est-à-dire l'élimination de la discrimination salariale en obligeant les employeurs à supprimer les écarts salariaux entre les emplois à prédominance féminine et ceux à prédominance masculine.

L'autre élément qui nous semble fondamental, et, ça, ça touche beaucoup à ce que j'appelle les mesures transitoires, donc les mesures qui s'appliquent – on en a parlé tantôt et ça a été soulevé; il y a beaucoup de questions qui ont été soulevées là-dessus – les mesures qui vont toucher, dans une section particulière, les entreprises qui ont complété une démarche d'équité salariale avant l'entrée en vigueur éventuelle de la loi et les entreprises qui ont commencé mais non complété. C'est deux cas différents. Et il faut peut-être se remettre en contexte que, l'équité salariale étant une réalité dans certaines provinces depuis bien des années, il y a eu des expériences d'équité salariale au Québec, ou de relativité salariale – il faudrait voir ce qui est le plus juste, l'appellation la plus juste – et on ne part pas, donc, on ne fait pas table rase, il y a eu des choses. Mais les mesures qui sont prévues à l'heure actuelle, et qui prévoient, donc, que l'employeur soumette à l'éventuelle commission, quelle qu'elle soit, ce qui s'est fait chez lui et qu'il n'y ait aucune vérification de la part de la commission sur les principes qui ont été respectés, sur la démarche, sur la participation des syndicats, et que ces informations ne soient même pas contresignées par les salariés ou les travailleuses, on a tout simplement... On demande à l'employeur la soumission de ce qu'il a fait, et la commission n'aurait même pas à vérifier si ce qui a été fait est conforme aux principes qui sont, par ailleurs, énoncés dans la première partie de la loi, les principes au niveau des facteurs qui doivent être pris en considération, etc. Donc, on crée deux catégories d'équité salariale ou de relativité salariale pour les gens qui l'auraient déjà fait et qui, compte tenu de la généralité de l'article 19, ont pu faire à peu près n'importe quoi. Et, quand je dis «n'importe quoi», ça peut être du bien comme ça peut être du mauvais, mais ils ont pu faire à peu près n'importe quoi parce qu'il n'y avait pas d'encadrement. Mais, tel que rédigé, le contenu ne permettrait pas de vérifier ce qui s'est fait, et, ça, ça peut créer des situations assez difficiles.

L'autre situation, c'est des entreprises qui ont commencé et qui n'ont pas complété. Ça, on se rend compte que c'est un peu plus délicat, parce que c'est vrai qu'il y a des entreprises qui ont investi. Il faudrait vérifier, je pense, là aussi, donner à la commission le pouvoir de vérifier si ce qui a été fait a été fait de façon conforme aux grands principes de la loi, sinon, bien, moi, je pense qu'il faut que ce soit recommencé. On a une législation, il ne faut pas que la législation crée deux catégories: des gens qui ont eu une équité bien relative, comme l'indique le titre de notre mémoire, avant le projet de loi et d'autres travailleuses qui auront une équité avec le nouveau projet de loi, avec la loi. Donc, je pense qu'au niveau des mesures transitoires cette section est complètement à revoir parce qu'on risque – et c'est le risque réel, je pense – avec la formulation actuelle, d'entériner des exercices d'équité qui sont à rabais, qui ne sont pas des exercices réels d'équité salariale. Donc, ça, c'est un grand risque.

Je ne vous lis pas tout ce qu'on propose, parce que ça reprend des choses qu'on avait également inscrites dans le rapport soumis à Mme Blackburn, mais je voudrais quand même souligner encore une fois qu'il faut à tout le moins permettre, pour assurer le respect du principe de l'équité salariale, que la commission puisse vérifier si les exercices en cours ou déjà réalisés sont conformes aux principes qui sont élaborés dans la première partie de la loi et à la démarche.

Je vais laisser la parole à ma collègue en ce qui concerne l'organisme responsable de la loi.

Mme Lee-Gosselin (Hélène): Nous avons aussi des inquiétudes concernant l'organisme responsable de l'administration de la loi. À notre avis, il y a des qualités bien particulières que devrait avoir l'organisme, quel qu'il soit, qui aura cette responsabilité-là, et la première, c'est de posséder l'expertise et les ressources nécessaires. Et il ne faut pas sous-évaluer ce que ça veut dire, posséder l'expertise et les ressources nécessaires. Pendant cette commission, vous avez été témoins de beaucoup de confusion dans l'esprit de bien du monde quant à ce qu'est l'équité salariale, comment ça se réalise. Donc, on ne peut pas se proclamer expert rapidement. Donc, il faudra s'assurer que l'organisme en question ait cette expertise et ait ces ressources.

(11 h 30)

On témoigne depuis un bon moment de l'inefficacité, donc, des dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne qui n'ont pas permis l'objectif, qui était déjà le nôtre comme société en 1975, de s'assurer des traitements non discriminatoires entre les hommes et les femmes dans le milieu du travail. Donc, ça prend des ressources pour le faire.

Deuxième caractéristique nécessaire. À notre avis, il faut que l'organisme responsable de ce dossier n'ait pas déjà des relations dans d'autres dossiers avec les mêmes parties, donc les employés et les employeurs, pour ne pas risquer que le ton des relations dans ces autres domaines colore les interactions nécessaires au chapitre de l'équité salariale. Elles pourraient même être en conflit avec les exercices d'équité salariale. Finalement, il est aussi important que l'autorité responsable soit indépendante de l'État, de sorte qu'elle puisse, elle aussi, regarder si, comme employeur, l'État satisfait aux principes de l'équité dans ses relations avec ses employés et employées.

Alors, notre position, bien sûr, en était une d'avoir un organisme qui aurait cette seule responsabilité. On comprend très bien que, en faisait cette proposition, on va à contre-courant. On comprend très bien qu'il y a toutes sortes d'autres impératifs qui pourraient amener le législateur à choisir de faire autrement. À notre avis, la proposition actuelle que ce soit la Commission des normes du travail qui ait la responsabilité de cette loi sur l'équité salariale pose problème. Il serait plus logique, s'il fallait que ce soit une autre autorité, que ce soit la Commission des droits et libertés de la personne. Ce qu'on y gagne, à ce moment, c'est, au moins, simplicité dans la compréhension des citoyens et des citoyennes, qu'en matière d'équité il y a un guichet unique. D'autre part, ce qu'on y gagne, c'est que, tout de même, la Commission a acquis, depuis plusieurs années, une certaine expertise en équité salariale. Donc, il y aurait utilisation de ces savoirs déjà accumulés.

Deux autres points sont à revoir aussi, au niveau des recours et des sanctions. Au niveau des sanctions, il faut s'assurer que la loi ait des dents. Il faut s'assurer que les sanctions font vraiment la différence et constituent un «déterrent» à ne pas respecter la loi. Au niveau des recours, présentement, il n'est pas possible, dans le projet actuel, de faire appel aux décisions qui pourraient être rendues au tribunal, et, à notre avis, ça serait à revoir.

Certaines dispositions de l'avant-projet de loi causent problème. La première, c'est l'exclusion des cadres supérieurs. Une des raisons pour lesquelles on suggère que les cadres supérieurs soient inclus parmi les groupes visés, c'est que, d'une part, dans bien des entreprises, distinguer à partir de quel niveau ça commence, les cadres supérieurs des cadres intermédiaires, peut engendrer de longues discussions et ralentir la mise en branle d'une démarche d'équité salariale. Deuxièmement, le niveau de rémunération consenti aux cadres supérieurs peut témoigner de la véritable capacité de payer d'une organisation. Troisièmement, en excluant les cadres supérieurs d'un exercice d'équité salariale, on peut se priver, dans bien des cas, d'un comparateur qui va permettre de voir comment, sur les quatre facteurs clés, sont évalués et rémunérés des emplois à prédominance féminine qui pourraient être l'essentiel des emplois de l'entreprise, sauf un ou deux cadres supérieurs qui s'adonneraient à être les seuls comparateurs possibles à l'intérieur de cette entreprise.

Autre chose à revoir, la composition du comité. Il y a quelques ambiguïtés dans l'article 11. On dit que le comité d'équité est formé de trois membres, et on développe plus loin. Il est clair qu'un des membres, c'est un représentant de l'employeur, il est clair qu'un des membres, c'est un représentant des salariés. Alors, qui est l'autre membre? Alors, ça nous est apparu confus dans l'article 11.

Autre chose. À l'article 14, il faudrait bien s'assurer que les emplois qui seront comparés seront bien les emplois à prédominance féminine et à prédominance masculine.

À l'article 15, on prévoit que l'ensemble des représentants des salariés n'a droit qu'à un seul vote au sein du comité d'équité. Or, une telle disposition, à notre avis, peut avoir l'effet pervers suivant, c'est-à-dire encourager les employés et les entreprises à mettre sur pied autant de programmes d'équité salariale qu'il y a de groupes d'employés, chaque groupe de salariés revendiquant son propre programme d'équité salariale dans le but de maintenir un bon poids, donc son droit de vote, dans la décision qui sera éventuellement prise. Une disposition comme celle-là, donc, décourage un objectif qui était énoncé par le Conseil du statut de la femme, tout à l'heure, le programme unique, qui est certainement un objectif désirable qui peut poser problème de réalisation. Quant à nous, il n'y avait pas d'impératif de programme unique, cependant, il y avait impératif que, dans le cas où il y aurait plusieurs programmes au sein d'une organisation, des comparaisons soient établies pour s'assurer qu'ils respectent les mêmes principes.

La Présidente (Mme Leduc): En conclusion, parce que le temps coule vite.

Mme Lee-Gosselin (Hélène): Oui, en conclusion. Si on est devant vous et qu'on réclame une loi proactive en équité salariale, le premier objectif qui est poursuivi, c'est un objectif de justice sociale. Quand on met sur la table des chiffres importants quant aux coûts que ça pourrait représenter pour des employeurs, on ne fait que témoigner de l'importance de l'iniquité salariale dont sont victimes certaines femmes, maintenant et depuis longtemps.

Bien des études ont été faites à date, on vous en a parlé à bien des reprises. Il est plus que temps d'agir. Il est clair qu'il y a encore plusieurs questions ambiguës; la Commission ou l'autorité responsable pourra en être chargée et faire les études nécessaires. La loi, on en a besoin maintenant. Il y a des coûts. Il y a aussi des avantages. La rationalisation dans la gestion des ressources humaines en est un, et non seulement c'est un avantage escompté dont on peut parler, mais il a été aussi documenté à partir des expériences d'équité salariale réalisées sous d'autres juridictions. Merci.

La Présidente (Mme Leduc): Je vous remercie. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente, Mmes Déom et Lee-Gosselin, bienvenue. C'est pour vous, d'une certaine façon, l'aboutissement d'un travail considérable d'être parmi nous comme expertes. Et, à ce titre-là, je crois que vous avez consacré plusieurs mois de votre vie à la préparation d'un document qui a servi d'inspiration à l'avant-projet de loi.

J'ai plusieurs questions en tête. Peut-être juste, d'abord, s'assurer de la conformité de notre compréhension mutuelle sur certaines questions qui sont peut-être plus secondaires mais, quand même, qui ont une certaine importance. Je pense, dans votre mémoire, vous mentionnez que la Commission ou, enfin, l'organisme n'aurait pas à se prononcer sur la validité des programmes en cours ou déjà réalisés, mais seulement vérifier si l'employeur a bien transmis les informations qu'il doit transmettre. Simplement pour vous indiquer que, à l'article 76 de l'avant-projet de loi, il est déjà prévu que la Commission va déterminer si le programme remplit les conditions de l'article 76 et va déterminer s'il est présumé conforme. Ça, on y reviendra, de toute façon.

L'autre question est celle des comités. À l'article 12, on prévoit que les deux tiers des membres représentent les salariés. C'est sur la question de vote, le vote est paritaire. La composition, elle, est aux deux tiers salariés et au moins la moitié des membres doivent être des femmes. Mais le vote est paritaire, ça, effectivement, on y reviendra si on a le temps.

Peut-être, plus à fond... Vous savez, Mme Déom, qu'il a été question de vous pendant les travaux de la commission parlementaire. Est-ce que vous avez été...

Mme Déom (Esther): Oui, j'en ai eu des échos.

Mme Harel: Vous en avez eu des échos.

Mme Déom (Esther): J'aimerais bien répondre, si on m'en laisse l'occasion.

Mme Harel: Bon. J'ai pensé, justement, peut-être vous en donner l'occasion. En fait, c'est un mémoire que vous aviez présenté devant la Commission des droits de la personne pour la consultation sur l'équité salariale, à Montréal, le 25 mars 1991, qui a été cité dans un des mémoires qui a été présenté, celui du Conseil du patronat, où on vous attribuait les mots suivants: «Comme chaque entreprise est particulière, les solutions adoptées dans chaque cas seraient très différentes. Il serait impossible, pour quelque organisme que ce soit, de voir à l'application d'une telle loi.» Alors, je pense que l'occasion est peut-être utile, à ce moment-ci de nos travaux.

(11 h 40)

Mme Déom (Esther): Je vais faire une courte réponse, parce que je ne veux pas... D'abord, rétrospectivement, en 1991, je maintiens ce que j'ai dit, on commençait à peine à avoir des résultats d'expériences en Ontario ou ailleurs. Et je dois tout simplement dire que, comme enseignante, si un étudiant m'avait citée comme ça, hors contexte, il n'aurait pas passé son examen. C'est tout ce que j'ai à dire là-dessus.

Mme Harel: Alors, bon, écoutez, je pense bien que, de toute façon, pour tout de suite, ce sur quoi je souhaiterais, en priorité, échanger avec vous, c'est peut-être sur la question des coûts et de la relativité salariale. Les coûts, d'abord. Tantôt, dans votre présentation, vous avez semblé considérer qu'il y avait un flou, sinon un vague artistique, là, sur la question des coûts administratifs relatifs à l'application. Cependant, je comprends que c'est à partir de l'étude que vous-même aviez réalisée et du rapport final du 1er décembre dernier, où, à la page 8, on retrouve le résumé des coûts de la loi proactive en Ontario. Moi, je n'y étais pas à ce moment-là, mais, ce qu'on m'a dit, c'est que les services, ici, au ministère des Finances, au gouvernement du Québec, avec le Secrétariat à la condition féminine, ont repris les mêmes données qu'on retrouve à la page 8 de votre rapport final et ont fait simplement une application sur la structure industrielle du Québec, là, compte tenu de la taille des entreprises, sur la masse salariale, compte tenu des estimations qu'on peut en faire, et sur les délais qu'on retrouve dans le projet de loi et ont tout simplement repris les mêmes données des coûts ontariens et les ont, en fait, appliqués à la réalité québécoise. Est-ce que vous considérez que ça, cet exercice-là, n'est pas adéquat et qu'il y en aurait un autre qui nous permettrait plus justement d'identifier les coûts administratifs?

Mme Déom (Esther): Je peux commencer et Hélène continuera. Ce que je voulais souligner, c'est que la question des coûts... D'abord, les coûts que vous avez à la page 8 du mémoire et qui se retrouvent également dans le rapport, il est vrai que ces coûts-là proviennent d'études partielles de résultats en Ontario. O.K. Donc, ce n'est pas parce que la commission ontarienne n'avait pas le pouvoir de demander les résultats des exercices d'équité salariale, elle a procédé par sondage, etc., c'est très partiel. Donc, il faut être prudents. C'est une illustration de ce que ça peut coûter. Quant au fait de le reproduire, bon, c'est une manière qui peut m'apparaître valable, mais ce que je déplore, ce que je voulais dire, c'est que, si on en arrive à dire que ça coûte 630 000 000 $ aux entreprises, ce qu'il faut comprendre, c'est que c'est de 630 000 000 $ que sont privées les femmes. On a toujours tendance à dire que ça coûte ça aux entreprises, mais on oublie...

Mme Harel: Je vous interromps tout de suite...

Mme Déom (Esther): Oui.

Mme Harel: ...parce que je ne pense pas que ce soit de ce 630 000 000 $ qu'il soit question ici.

Mme Déom (Esther): Peu importent les coûts.

Mme Harel: Non, mais le 630 000 000 $ a été évoqué, à quelques reprises, comme un correctif, comme un ajustement. Non, moi, je parle des coûts administratifs, qui seraient la moitié de ce montant de 630 000 000 $. C'est autre chose que des correctifs, là.

Mme Déom (Esther): Bon, oui.

Mme Harel: Alors, en regard de ça, vous nous dites: C'est une illustration, il faut la prendre pour ce qu'elle est. Mais elle peut être à la hausse ou à la baisse, en fait.

Mme Déom (Esther): Oui, c'est clair.

Mme Harel: Donc, est-ce qu'il y a une meilleure façon d'essayer d'évaluer les coûts administratifs que de partir, si vous voulez, de ces données et d'essayer de les appliquer à la réalité québécoise?

Mme Déom (Esther): Il n'y a pas de grille magique, il y a des critères qui peuvent nous permettre de dire que ça peut coûter plus cher. Bon. Moins l'entreprise est organisée en matière de gestion des ressources humaines, moins elle est organisée en matière de gestion de ses dossiers. Ça peut coûter plus cher. Il n'y a pas de grille qui a été faite, à ma connaissance. Ces chiffres-là, comme vous le dites, ça peut être à la hausse ou à la baisse, parce que la source indique bien divers rapports annuels, mais ce n'est pas des rapports, là, qui sont complets sur toute la situation en Ontario. Et, comme on le sait, l'écart salarial, quand on en parle dans le contexte de la discrimination, c'est une moyenne. Nous, on a fait une étude sur une quarantaine d'entreprises, mon collègue Jacques Mercier et moi, et on a trouvé que les écarts varient. Je veux dire, dans certaines entreprises, l'écart salarial entre les emplois à prédominance, ça peut être 2 %, dans certaines, 45 %. La discrimination n'est pas la même partout. Alors, ça m'apparaît difficile, à cette étape-ci, de discuter de coûts, de grille. Je ne sais pas si Hélène a des...

Mme Harel: Alors, vous avez retrouvé des entreprises où il y a un écart de 45 %.

Mme Déom (Esther): Oui, absolument, dans certains emplois qui étaient jugés équivalents, et d'autres où c'était 2 %. C'est un article qui a paru, qui a été cité dans le document final, là.

Mme Harel: Peut-être juste une question importante – ça a été l'objet d'un examen pendant tous les travaux de la commission – c'est la question de l'application aux entreprises de 10 et moins ou 10 et plus. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus parce que, dans votre rapport, vous recommandiez des entreprises de 10 et plus, pour des raisons d'application. Vous savez sûrement que bon nombre d'organismes qui se sont présentés, issus des groupes de femmes ou des centrales syndicales, ont plutôt choisi de recommander 10 et moins. Alors, peut-être pouvez-vous nous indiquer les raisons qui vous avaient amenées à recommander 10 et plus?

Mme Déom (Esther): Des raisons pratiques, d'efficacité, d'honnêteté aussi, parce que, en bas de 10, à l'heure actuelle, avec les outils qu'on connaît, ça pourrait être peut-être difficilement réalisable. Mais je ne pense pas trahir la pensée de mes collègues – puis Hélène pourra le confirmer immédiatement – en disant que nous, dans notre tête, quand on suggérait ça, c'était un point de départ pour se donner le temps de trouver d'autres moyens d'aller dans les 10 et moins. À l'heure actuelle, on pense que 10 et plus, on peut, avec les outils qu'on connaît, réaliser l'équité salariale; 10 et moins, on n'a pas de données beaucoup sur les entreprises de 10 et moins, et il y a une extrême variété de situations. Alors, ça, c'est très, très difficile, mais, dans notre tête ou, en tout cas, dans la mienne – je vais parler pour moi, puis je laisserai Hélène répondre – c'était vraiment comme un premier pas pour donner le temps à la Commission, chargée d'appliquer la loi, de développer des outils pour pouvoir l'appliquer partout, l'équité salariale.

Mme Harel: Mme Lee-Gosselin, voulez-vous intervenir?

Mme Lee-Gosselin (Hélène): C'est une opinion que je partage tout à fait. Notre objectif ultime, c'est l'équité. Cependant, on est tout à fait disposées, de façon pragmatique, à s'assurer qu'on commence quelque part.

Mme Harel: Est-ce que vous considérez que la relativité salariale a donné des résultats positifs en matière, si vous voulez, de correctif des biais sexistes?

Mme Déom (Esther): Vous parlez dans le secteur public ou de façon générale?

Mme Harel: Bien, c'est à peu près juste là que ça s'est appliqué. Est-ce qu'il y a eu de la relativité salariale dans des entreprises privées?

Mme Déom (Esther): Bien, c'est-à-dire qu'il y a eu des exercices d'équité salariale qui n'en étaient pas. Donc, on peut peut-être les appeler de la relativité, là, mais il y a eu toutes sortes de choses.

Mme Harel: Est-ce que la relativité est tout ce que l'équité n'est pas?

Mme Déom (Esther): Non, mais c'est parce qu'il faut peut-être distinguer. La relativité, c'est le fait – puis je pense qu'on le distingue dans notre mémoire – qu'on réévalue les emplois, tous les emplois, quels qu'ils soient. Ce n'est pas juste les emplois à prédominance féminine et masculine. Et ça, c'est bien. C'est aussi bien, là, remarquez, mais l'équité salariale, c'est qu'on réévalue les emplois à prédominance féminine et qu'on les compare à des emplois à prédominance... Ce n'est pas la même chose. Souvent, un exercice de relativité va suivre un exercice d'équité, parce que l'équité peut créer des bouleversements. Parce que c'est des valeurs qu'il y a en arrière de ça, des valeurs qu'on donne aux emplois, mais ça provient des valeurs qu'on partage aussi comme société. Donc, ça peut amener des bouleversements dans les structures salariales.

En Ontario, entre autres, l'expérience montre que les gens ont ajusté après, ont fait de la relativité après avoir fait l'équité. Mais, au Québec, il y en a eu des expériences dites d'équité, mais qui ne rencontreraient même pas les critères qui sont prévus dans la loi actuellement. Mais, comme il n'y avait pas de critères avant, bon, c'est difficile de dire que ce n'en était pas à ce moment-là. Mais, si on les regardait avec les critères qui existent maintenant, on pourrait dire: Non, ce n'est peut-être pas des exercices d'équité.

Mme Harel: Compte tenu de l'exercice de relativité salariale qui s'est appliqué dans la fonction publique québécoise, on voit, par exemple, que – ce sont des chiffres qu'on a souvent cités, puis peut-être que vous les connaissez – en fait, cette somme récurrente en 1995, là, de 371 000 000 $ injectée dans des programmes de relativité qui ont permis d'ajuster 3,6 % de la masse salariale, mais surtout 89 % des ajustements salariaux aux personnes oeuvrant dans les types d'emplois à prédominance féminine, ça a finalement concerné 155 000 personnes en équivalent temps complet. Et le collectif salarial moyen pour les types d'emplois à prédominance féminine s'est chiffré à 5,6 %. Enfin, ce sont les chiffres qui m'ont été fournis. Sur ce 371 000 000 $, c'est donc 319 000 000 $ qui ont été injectés sur les types d'emplois à prédominance féminine et 52 000 000 $ sur les types d'emplois mixtes ou à prédominance masculine.

(11 h 50)

Alors, ça a quand même eu un impact, parce qu'on voit, sur le plan des écarts, que le salaire moyen des femmes représente maintenant 86 % de celui des hommes, alors qu'il est de 97 % dans le réseau de la santé et des services sociaux. C'est quand même très différent de l'écart qu'on retrouve dans la moyenne de tous les emplois, les types d'emplois, puisque c'était, je crois, 69 %, le ratio moyen des gains d'une femme par rapport à ceux d'un homme, au Québec, là. Alors, est-ce que vous pensez que ces exercices de relativité salariale peuvent passer le test qu'on a prévu dans l'avant-projet de loi, aux articles 76 et suivants?

Mme Déom (Esther): Juste deux choses. D'abord, c'est peut-être une question de compréhension, mais, à l'article 76, quand on dit qu'on vérifie la conformité du programme, on ne vérifie pas la conformité du programme avec les principes, on vérifie juste si l'employeur a fourni certaines indications. Ça m'apparaît fort différent. Si un programme est conforme parce qu'on fournit certaines informations, mais qu'on ne vérifie pas la qualité des informations, ça m'apparaît différent. Mais peut-être que je le comprends mal.

Mme Harel: Attendez, on va le lire ensemble. Vous voulez? C'est indiqué: «Un programme d'équité salariale ou de relativité salariale complété avant le (indiquer ici la date de l'entrée en vigueur de la présente loi) est réputé être établi conformément à la présente loi, s'il comprend...» un, une identification... Donc, c'est comme des conditions. «S'il comprend...» il y a quatre conditions qui... Excusez-moi, il y en a trois qui suivent: identification des catégories d'emplois et une indication de la proportion de femmes dans chacune de ces catégories; deux, description de la méthode, des outils d'évaluation des catégories d'emplois retenus, élaboration d'une démarche d'évaluation qui a tenu compte, à titre de facteurs, des qualifications, des responsabilités, des efforts ainsi que des conditions de travail; trois, mode d'estimation des écarts salariaux.

Donc, il y a ces trois conditions, et là on ajoute: «La méthode d'évaluation des catégories d'emplois doit, en outre, permettre la comparaison de chacune des catégories d'emplois à prédominance féminine à des catégories d'emplois à prédominance masculine.» Ensuite, on ajoute: Il en est de même pour un programme d'équité ou de relativité en cours s'il remplit en outre l'une ou l'autre des conditions suivantes... Alors, suivent encore d'autres conditions dont...

Mme Déom (Esther): Oui, oui.

Mme Harel: ...le programme est complété pour au moins 50 % des catégories d'emplois à prédominance féminine en cause; l'évaluation des catégories d'emplois est débutée.

En fait, ça, ça ne vous semble pas faire passer un test?

Mme Déom (Esther): Non, pas vraiment...

Mme Harel: Bon, alors...

Mme Déom (Esther): ...dans le sens où... Bien, c'est-à-dire, oui, il y a un certain test. Ce que je veux dire, c'est que ce qui manque là-dedans, c'est que, un, on arrête au mode d'estimation des écarts salariaux. Est-ce qu'on va obliger les entreprises à fournir les ajustements, le calcul des ajustements et les ajustements qui ont été versés? Ça ne m'apparaît pas clair, en tout cas, là.

Mme Harel: C'est à l'article 79. Remarquez que...

Mme Déom (Esther): Oui, mais...

Mme Harel: ...il est possible qu'il faille clarifier, là, mais je veux juste qu'on... L'article 79 dit: «Un employeur dont le programme d'équité salariale ou de relativité salariale – encore une fois – est complété et rencontre les conditions de l'article 76 doit, si les ajustements salariaux n'ont pas encore été effectués, procéder au versement de ceux-ci.»

Et on ajoute: «Les articles 42 à 44 s'appliquent alors, compte tenu des adaptations nécessaires. Les premiers ajustements doivent cependant être versés dans les trois mois qui suivent» la date de l'entrée en vigueur de la présente loi. Ça ne vous semble pas non plus suffisant?

Mme Déom (Esther): Bien...

Mme Harel: Remarquez, là, moi...

Mme Déom (Esther): Non, non, mais c'est parce que...

Mme Harel: ...je ne suis pas une experte, là. Ha, ha, ha! Alors, s'il y a...

Mme Déom (Esther): Ha, ha, ha! Non. Ce que je veux dire, c'est que... Mais, moi, je ne suis pas une juriste non plus. Donc, peut-être que je l'interprète mal. Mais, même après la lecture que vous en avez faite, Mme la ministre, je dois dire qu'il n'y a rien là-dedans qui garantit que la Commission va pouvoir vérifier les résultats. On dit que l'employeur doit verser les ajustements, mais on ne les connaît pas. De toute façon, je ne suis pas juriste et je ne voudrais pas m'embarquer là-dedans, là. C'était ma compréhension; si elle n'est pas la bonne... Mais ce qui n'est carrément pas là, par contre – et ça, ce n'est pas une question de compréhension – c'est que, dans la première partie, où on parle d'équité salariale, les quatre facteurs, etc., et tout ça, on mentionne aussi un article – je ne l'ai pas de mémoire – où la démarche doit être exempte de biais sexistes.

Mme Harel: L'article 24.

Mme Déom (Esther): C'est ça. Ça, ça ne se retrouve pas et ça ne semble pas s'appliquer aux entreprises qui ont déjà réalisé ou qui sont en cours de réaliser des exercices d'équité. Donc, ça, c'est un peu un problème, parce que, même si on marque que l'entreprise doit indiquer son plan d'évaluation et que celui-ci doit comprendre les quatre facteurs, ça fait des années que ces quatre facteurs-là existent. Les consultants, ça fait des années, là, ils ne sont pas sortis d'une boîte de cracker jack, là, c'est vraiment les facteurs qui sont utilisés, c'est la façon de les utiliser, la façon de les définir. Alors, le simple fait d'indiquer qu'on a pris ces quatre facteurs-là, ça ne veut strictement rien dire. En Ontario, du jour au lendemain, des entreprises très connues de consultants, je ne les nommerai pas, ont pris des programmes, des plans d'évaluation qu'ils avaient avant. Ils en ont, ils ont marqué «non sexistes» dessus et ils les ont vendus aux entreprises. Bon. Je veux dire, il y a des limites, là!

Mme Harel: Et si l'article 24 était...

Mme Déom (Esther): Est très important.

Mme Harel: ...introduit dans le processus, là ça vous semblerait satisfaisant? Moi, je cherche, là...

Mme Déom (Esther): Plus satisfaisant!

Mme Harel: Bien, qu'est-ce qui serait très satisfaisant?

Mme Déom (Esther): Bien, que la Commission puisse vérifier ce qui s'est fait...

Mme Harel: Ah!

Mme Déom (Esther): ...et qu'il y a une, je pense...

Mme Harel: Qu'elle ait le pouvoir de tout faire recommencer. C'est ça? Qu'elle vérifie après.

Mme Déom (Esther): Bien, si ça s'est mal fait ou si ça ne s'est pas fait, pourquoi on ne ferait pas recommencer?

Mme Harel: Mais elle a déjà, la Commission, à l'article 77, le pouvoir de déterminer si le programme remplit les conditions prévues à l'article 76.

Mme Déom (Esther): Oui.

Mme Harel: Et, si elle conclut que ça ne remplit pas les conditions, l'employeur peut en saisir le tribunal. Mais, ceci dit, si l'article 24 était inclus, je comprends, dans ce dispositif-là, la Commission l'aurait, ce pouvoir-là.

Mme Lee-Gosselin (Hélène): Si elle l'a, c'est ça qu'on veut.

Mme Déom (Esther): Si elle l'a, c'est ça qu'on veut. Mais, comme je ne suis pas juriste, je ne peux pas... Mais, si elle l'a, c'est en partie ce qu'on veut.

La Présidente (Mme Leduc): Mme la députée de Sherbrooke. Ça va, vous?

Mme Malavoy: Merci. Je suis consciente qu'on pourrait discuter très longtemps, parce que vous avez le mérite d'avoir longuement réfléchi sur ces questions-là et de ne pas avoir d'intérêt immédiat, donc, ce qui rend d'autant plus crédibles vos propos.

J'aimerais revenir sur un aspect, parce que c'est un argument qu'on nous sert souvent pour nous dire que les conséquences peuvent être graves, un aspect que vous abordez rapidement à la page 8 et qui est celui des effets pervers de l'application d'un programme d'équité salariale. Il y a la question du coût pour l'entreprise, mais il y a la question aussi de savoir si on ne risque pas, en augmentant la masse salariale totale, de faire que des femmes soient mises à pied. On nous a servi cet argument, entre autres, dans les milieux universitaires, que vous connaissez bien vous aussi, comme moi, et c'est un milieu où il y a, éventuellement, du travail à faire en termes d'équité salariale. Mais on nous a dit, récemment: Si on est obligé de faire un choix comme celui-là, c'est très cruel et ça aura comme conséquence de faire que des femmes, tout simplement, perdent leur emploi. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus, parce que ça me semble être un argument auquel il va falloir que nous puissions répondre.

Mme Lee-Gosselin (Hélène): Ce que j'ai envie de dire, c'est que cet argument-là, ce qu'il a l'air de dire, c'est qu'on ne peut rien faire pour améliorer la situation des femmes qui sont sous-payées à cause de notre sous-évaluation comme société de leurs qualifications, de leur contribution à nos organisations; on ne peut pas corriger leur situation à elles parce qu'il va falloir qu'il y en ait une, deux, trois ici qui risquent peut-être de perdre leur emploi. Il y a plein de femmes qui perdent leur emploi, pour toutes sortes de raisons. On achète des ordinateurs, on restructure l'entreprise et il y a plein de gens soit qui perdent leur emploi ou qui voient leur situation professionnelle devenir beaucoup plus précaire. Elles deviennent travailleuses à contrat, etc.

Alors, ce qu'on brandit, c'est le risque d'aggraver la menace à l'emploi de certaines, peut-être. Peut-être. Mais est-ce que, parce que ça pourrait... Et pourquoi on viserait quelques femmes, dont on couperait les postes, plutôt que de changer autre chose dans l'organisation, au niveau de la répartition de la fameuse masse salariale? Peut-être que des avantages moins importants à certaines catégories pourraient permettre de rétablir l'équité interne envers d'autres catégories strictement discriminées, de un.

Mais les coûts, on en fait beaucoup de choses. Il n'y a pas grand monde qui parle des effets positifs d'avoir une démarche d'équité salariale qui va faire en sorte qu'on va rationaliser ce qu'on donne et à qui, d'une part. On va aussi rationaliser l'organisation du travail. Quand on dit que 70 % des entreprises québécoises n'ont pas de politique de rémunération, bien, pour avoir une politique de rémunération, il faut avoir une bonne idée de ce que font les gens. Ça, ça fait partie de la gestion quotidienne. Or, quand on n'a pas une bonne idée claire de ce que font les gens, bien, il y a des chances qu'on présume qu'ils fassent des choses ou, encore, qu'il y ait de la redondance au niveau de l'organisation du travail. Il y a des épargnes, il y a des économies à réaliser en faisant l'exercice de définition des emplois et d'évaluation des emplois qui peuvent aussi permettre d'augmenter soit l'efficacité ou de faire des économies, par ailleurs, qui pourraient peut-être contribuer à payer une partie de la facture. Donc, il y a des coûts administratifs à faire l'exercice, mais il y a aussi des coûts administratifs à ne pas faire l'exercice, des coûts qui sont au chapitre de l'inefficience ou du manque de rationalité. Et, ça, il n'y a pas beaucoup de monde qui nous en parle.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, le temps est terminé. M. le député, vous aviez un léger commentaire, un court commentaire. Est-ce qu'il y aurait accord pour qu'on le laisse faire son commentaire? Est-ce qu'il y a accord?

(12 heures)

M. Gaulin: Oui. Je voulais saluer mes anciennes collègues de l'Université Laval. Je vais les remercier, en tant qu'ancien collègue, d'être venues ici déposer devant la commission. Je trouve que les universitaires ne le font peut-être plus suffisamment. En particulier, j'ai trouvé que certaines des notions opératoires qu'elles ont avancées ici étaient très éclairantes pour des hommes politiques comme nous, en particulier quand Mme Lee dit: Le salaire des cadres nous parle de la capacité de payer des entreprises. J'aurais aimé qu'elle entende peut-être la Conférence des recteurs qui est venue nous faire ses doléances, et ils ont pourtant quand même de très bons salaires. Alors, je pense que le courage des unes supplée peut-être à un certain manque de courage des autres. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Leduc): Je vous remercie, M. le député de Taschereau. Mme la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, mesdames, merci de votre présence...

La Présidente (Mme Leduc): Oh! un instant. Comme le temps est terminé – nous devions terminer à midi – est-ce qu'il y a consentement mutuel pour que nous prolongions jusqu'à 12 h 20?

Une voix: Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, j'ai pris connaissance avec beaucoup d'intérêt de votre rapport, le rapport que vous avez soumis à la ministre suite à votre travail, et je dois vous dire que les groupes, que ce soient les groupes de femmes ou encore les syndicats, s'en sont beaucoup inspirés pour blâmer le gouvernement, parce que l'avant-projet de loi ne reflétait pas nécessairement toutes vos recommandations.

Tout à l'heure, je pense que c'est Mme Déom qui parlait du 630 000 000 $, pourquoi on s'en inquiétait tant, puisque le 630 000 000 $, c'était 630 000 000 $ qu'on enlevait aux femmes. Mais ce que je constate cependant, c'est que ce n'est pas nécessairement tout à fait le cas, dans le sens que le 630 000 000 $ peut aussi être alloué aux hommes lorsqu'on va faire cette démarche. Est-ce qu'on a une idée, par exemple, du pourcentage qui pourrait être alloué à un ou l'autre des groupes?

Mme Déom (Esther): C'est-à-dire que, oui, c'est évident qu'il y a des hommes qui vont recevoir, dans des exercices même bien faits, faits de façon, je dirais, à la lettre, des exercices d'équité salariale, parce que ce que l'on compare, c'est des catégories d'emplois à prédominance. Donc, s'il y a 60 % ou 65 % de femmes, il va y avoir des hommes, dans ces catégories d'emplois là, qui peuvent recevoir des ajustements. Mais ils ont le salaire, quand même, de l'emploi, et ce salaire-là est fortement influencé par des stéréotypes, donc ils sont eux aussi affectés par le fait qu'ils sont dans une catégorie d'emploi qui est à prédominance féminine et qui est affectée par les stéréotypes qu'on a généralement à l'égard des emplois féminins. Donc, le salaire est généralement moins élevé aussi; donc, il y a un effet de...

Mais c'est évident que c'est une fausse compréhension des choses de dire qu'il n'y aura que des femmes. Dans certains cas, ça se peut; il y a des entreprises où la main-d'oeuvre est à 100 % féminine. À ce moment-là, il va y avoir un problème pour trouver des emplois de comparaison. Mais les emplois sont fortement sexistes, sexisés, si vous voulez, donc les taux sont généralement en haut de 90 %. Les emplois neutres à 50 %, 60 %, il n'y en a pas tant que ça. Mais, à ma connaissance, il n'y a pas vraiment d'étude approfondie là-dessus.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais, dans ces emplois, justement, on retrouve plus de femmes que d'hommes, et je pense, par exemple, au cas du détail, du commerce de détail. Les représentants sont venus nous rencontrer et, justement, c'est que souvent ce sont des entreprises de 50 employés et moins. À ce moment-là, est-ce qu'il serait souhaitable d'avoir un autre mécanisme qui serait moins coûteux, en termes d'administration, pour permettre quand même aux femmes certains ajustements sans avoir à passer par tous ces mécanismes? Et c'est là, peut-être, qu'arrive la demande d'exemption des entreprises de 50 employés et moins.

Mme Lee-Gosselin (Hélène): Moi, j'ai envie de dire: Au niveau du commerce en détail en particulier, il y a peut-être un mythe autour des coûts à réaliser l'exercice. Prenons un magasin typique avec 50 employés; la probabilité est élevée qu'il y ait à peu près deux ou trois types d'emplois. Alors, c'est de ça qu'on parle. Comparez des emplois de vendeuses, il y aura probablement la majorité des travailleuses qui sont des vendeuses. On parle d'un emploi. Avec l'emploi de manoeuvre, la personne qui transporte les boîtes est probablement un homme, et peut-être qu'un emploi de gérant est occupé par un homme ou par une femme. On parle d'évaluer trois postes.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais vous comprenez que la définition, entre autres, soit d'équité ou de relativité salariale est très mal comprise.

Mme Lee-Gosselin (Hélène): Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Finalement, elle est très ambiguë, dans le sens que les entreprises ne savent pas exactement. Et plusieurs entreprises de bonne foi sont venues nous dire qu'elles avaient fait de l'équité salariale. Je pense même à La Confédération des caisses populaires Desjardins qui souhaitait être exemptée, qui était d'accord avec le principe et tout à fait d'accord avec l'équité salariale et qui disait: Nous, nous avons fait de l'équité salariale et nous voulons être exemptés. Donc, je pense qu'il va falloir sensibiliser davantage les entrepreneurs sur ce que c'est exactement, l'équité salariale. Je pense qu'il y a une confusion avec les relativités salariales.

Je voudrais revenir... Oui.

Mme Lee-Gosselin (Hélène): Mais, madame, j'aurais envie de vous dire: S'ils l'ont fait, bien, tant mieux pour eux! Lorsqu'ils feront leur bilan et leurs représentations à l'autorité responsable, s'ils l'ont vraiment fait, l'autorité responsable sera tout à fait d'accord avec l'exercice, et il n'y aura pas de devoirs à reprendre. Mais, si c'est moins fait, donc s'il reste effectivement des traces d'écarts salariaux qui sont essentiellement discriminatoires parce qu'ils ne sont pas ancrés dans les qualifications, dans les responsabilités, dans l'effort et dans les conditions de travail et parce que, dans les emplois occupés par des femmes, les systèmes utilisés n'ont pas permis de rendre compte de leurs particularités, eh bien, ils devront refaire l'exercice, parce qu'ils ne l'ont pas fait.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous avez des entreprises qui ont des succursales à peu près dans toutes les régions du Québec, que ce soient les caisses ou que ce soient d'autres entreprises, et on nous a parlé à quelques reprises du modèle ontarien concernant des zones régionales – on devrait déterminer des zones régionales. On en arrivait même jusqu'à dire que, une fois qu'on aurait déterminé les écarts, évalué les écarts entre les différents groupes et les différents types d'emplois, il faudrait aussi prendre en considération soit l'indice de richesse d'une région ou encore l'indice du coût de la vie.

Est-ce que, pour vous, ça doit également faire partie de ça ou bien si, par exemple, je ne sais pas, moi, une réceptionniste à Montréal doit gagner le même salaire qu'une réceptionniste dans n'importe quelle région du Québec?

Mme Déom (Esther): C'est-à-dire que l'idée n'est pas de dire qu'une réceptionniste à Montréal gagne exactement la même chose qu'une réceptionniste dans une autre région chez un employeur différent. Chez le même employeur, c'est une obligation qu'il y a déjà dans la Charte. Quand on parle, dans la Charte, de l'article 19, c'est: «Tout employeur doit...» Ce n'est pas l'établissement, c'est l'employeur. Alors, c'est déjà là. On ne fait que reproduire, parce qu'on est parties des obligations qui sont inscrites depuis 20 ans dans la Charte. C'est que tout employeur – et l'employeur, c'est la capacité de payer – il peut y avoir bien des facteurs qui l'affectent d'une région à l'autre, mais, nous, on n'a pas retenu la notion de «région», effectivement, comme en Ontario dans nos études. On a retenu la notion d'«employeur», par contre, comparativement à l'Ontario, où la notion d'«établissement» est très présente.

Mme Gagnon-Tremblay: Même avec l'adoption de la Loi sur l'équité salariale, est-ce que le gouvernement aurait avantage, malgré tout, à corriger l'article 19 de la Charte des droits pour y apporter un peu plus de mordant, un peu plus de dents, ou bien si ce serait quand même un exercice inutile?

Mme Déom (Esther): Je ne le sais pas. Je vais vous dire honnêtement qu'on ne s'est pas penchées sur la question, parce que notre mandat était très clair: nous, c'était une loi proactive pour les emplois à prédominances féminine et masculine, donc sur le facteur sexe.

C'est sûr que l'article 19 est plus général; il réfère à l'article 10, qui indique tous les motifs pour lesquels il est interdit de discriminer. Alors, à la limite, on pourrait établir des programmes d'équité salariale entre les emplois à prédominance de gens de telle nationalité, de gens de telle autre nationalité, ou selon l'âge ou selon n'importe quel motif qui est dans l'article 10. À l'heure actuelle, ce n'est pas faisable. On n'a même pas les données pour nous permettre de dire s'il y a des emplois à prédominance.

Je dois vous dire qu'on ne s'est pas penchées là-dessus et que je n'ai pas vraiment de réponse. Je pense qu'il faut maintenir certainement l'article 19, parce qu'il y a des gens qui vont échapper, d'abord, à une loi qui ne contiendrait que les 10 et plus, dans un premier temps, et pour tous les autres motifs que le sexe. Bon, si la situation évolue, il faudra avoir quelque chose de prévu. Quant à vous dire s'il faudrait le rendre plus mordant, c'est évident que ça passe par une compréhension aussi du rôle de la Commission puis des ressources qu'on associe à la Commission des droits de la personne. Parce que la Commission a le pouvoir de faire enquête; elle ne l'a jamais fait. Elle a le pouvoir d'étendre un cas et de rendre un remède systémique; elle ne l'a jamais fait. C'est une question de ressources, c'est une question de volonté, mais ce n'est pas nécessairement une question de l'article qui a... D'après moi. C'est mon opinion personnelle, vraiment, ce n'est pas...

(12 h 10)

Mme Gagnon-Tremblay: Parlant de question de ressources, puisque la Commission, justement, n'a jamais été capable d'obtenir ces ressources, croyez-vous que la Commission des normes du travail va pouvoir, elle, les obtenir? Parce que, comme vous le mentionnez, la commission chargée de l'application de la loi devra, dans un premier temps, vérifier la démarche des entreprises qui ont déjà terminé une démarche pour savoir si elles conviennent, ces démarches, à la notion d'équité; vérifier aussi les entreprises ou évaluer les démarches qui sont en cours; par la suite, bien sûr, proposer aussi des mécanismes, ou un mécanisme, pour les entreprises qui ont à faire la démarche; par la suite, faire appliquer la loi et aussi faire le suivi. Alors, si la Commission des droits n'avait pas ces ressources, la Commission des normes du travail n'a pas l'expertise et n'a pas non plus les ressources.

On sait que la Commission des normes, elle est financée par les employeurs, actuellement. Alors, est-ce que c'est un objectif, au moins avant l'adoption de la loi, de savoir quel budget le gouvernement entend prioriser au cours des prochaines années pour mettre en application une telle loi? Parce qu'on a beau avoir une loi, mais encore faut-il pouvoir l'appliquer. Alors donc, ça prend quand même des budgets, et je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il serait souhaitable d'avoir un organisme tout à fait indépendant.

Lorsqu'on avait mis en place les programmes d'accès à l'égalité, l'obligation contractuelle, à l'époque, on se disait: Il serait souhaitable que ce soit un organisme indépendant et qu'un jour on en vienne à ça. Cependant, il faut comprendre aussi les contraintes gouvernementales. Et je mentionnais à un certain groupe: Dites-nous quel organisme il faudrait abolir pour pouvoir le remplacer par le nouvel organisme qu'on devrait créer.

Mais vous n'avez pas non plus d'idée des coûts de mise en application pour le gouvernement d'une telle commission, pour, naturellement, que ça soit efficace, ça soit profitable?

Mme Déom (Esther): On a une idée des coûts dans le sens qu'on connaît, règle générale, les coûts associés au fonctionnement de la Commission ontarienne. Mais ça dépend, effectivement, du mandat qu'on donne à la Commission, quelle qu'elle soit. On s'est exprimées, tantôt, sur le fait qu'on pensait que ça devrait être plutôt la Commission des droits ou, au mieux, une commission indépendante, mais, quelle qu'elle soit, il va falloir qu'il y ait des ressources. Mais ça dépend de ce qu'on lui fait faire, à cette Commission. Quand la Commission ontarienne a été mise sur pied, en 1988, il y avait une énorme sensibilisation à faire auprès de la population. Donc, il y a eu, au niveau de l'information, beaucoup de choses de faites. On se promenait à Toronto et, sur les autobus, partout, on voyait des choses sur l'équité salariale, parce qu'il y avait de la sensibilisation à faire, puis je pense qu'il y en a encore à faire au Québec. Comme quelqu'un le soulignait tantôt, il y a des mémoires soumis par certaines organisations d'employeurs qui n'ont pas bougé d'une virgule depuis 1991. Donc, ça, c'est un peu dur à accepter.

Donc, je pense qu'il y a beaucoup de sensibilisation à faire, et ça, ça devrait faire partie du mandat. Mais, je veux dire, je ne suis pas à même de vous dire: Ça va coûter 6 000 000 $, 7 000 000 $, la première année, 8 000 000 $. Ça va coûter de l'argent. Mais, moi, je me dis: C'est un choix de société. Quand on veut que les lois soient respectées puis qu'on envoie des gens en prison parce qu'on veut absolument que nos lois soient respectées, ça coûte de l'argent aussi. Mais là c'est une loi qu'on a, la Charte qu'on s'est donnée. On se targue d'être avant-gardistes avec l'article 19 parce qu'on a été les premiers à inscrire le travail équivalent, mais ça fait 20 ans que ça ne fonctionne pas. Et là on voudrait encore attendre et commander d'autres études, etc., parce qu'on n'a pas toutes les données; mais on ne les aura jamais, toutes les données, et je ne pense pas que ce genre de... Ce n'est pas construire une prison. Mon exemple est peut-être mal choisi, mais ça coûte des sous, aussi, défendre des principes, des lois. Moi, je ne suis pas en mesure de vous donner une appréciation de ces coûts-là. La Commission ontarienne serait probablement en mesure de le faire de façon beaucoup plus précise que moi.

Mme Lee-Gosselin (Hélène): J'aurais envie d'ajouter qu'il y a plein de choses qui ont été réalisées par la Commission ontarienne et qui seraient certainement en partie importables ici. Il y a plein de matériel de sensibilisation, de formation, etc., qui n'a pas besoin d'être réinventé. Donc, il y a peut-être des économies à réaliser, mais, je suis d'accord avec Esther, pour faire quelque chose, ça prend des sous. Encore faudra-t-il voir quelle est l'ampleur des budgets qu'on accepte de consentir. Ça veut dire aussi que ça représente le genre de choix qu'on fait et ça témoigne de l'engagement qu'on a envers cette loi ou qu'on n'a pas. Si on n'adopte qu'une loi et qu'on la loge au mauvais endroit, ou encore, si on la loge à un bon ou à un mauvais endroit, mais qu'on ne donne pas de moyens à cet organisme, c'est clair que tout ce qu'on a fait, c'est progresser un petit peu dans un énoncé de principe. C'est mieux que rien, mais ce n'est pas encore grand-chose.

Mme Déom (Esther): Et c'est même dangereux, parce qu'on va avoir cru avoir résolu le problème, et on ne l'aura pas fait. Ha, ha, ha!

Mme Gagnon-Tremblay: Mais je crois aussi que, en tant que légiste, cependant, il est tout à fait normal qu'on s'attende à avoir des chiffres un peu plus précis lors de l'adoption de la loi, que ce soit au niveau des frais d'administration ou encore des écarts ou encore de ce que ça peut coûter à la Commission pour l'application.

Mme Déom (Esther): Oui, oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Je pense qu'on devrait être en mesure d'avoir des chiffres un peu plus précis que ceux que nous avons actuellement avant l'adoption de la loi.

Mme Déom (Esther): Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Je pense... Oui.

Mme Déom (Esther): Mais ce que je voulais dire, c'est que, à ce moment-là, ce n'est vraiment pas quelque chose qui est insurmontable. Il s'agit de faire un coup de téléphone à la Commission ontarienne, puis ils vont vous dire comment ça a coûté pour leurs années de fonctionnement et quels services ils ont rendus. Nous, on n'a pas eu le temps de le faire. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de l'échéancier auquel on était soumises, c'était vraiment très serré. On est arrivées dans les temps...

Mme Gagnon-Tremblay: Sauf que, pour enlever l'inquiétude des entreprises...

Mme Déom (Esther): Oui. Mais ça, c'est...

Mme Gagnon-Tremblay: ...je pense que c'est important qu'elles sachent où elles s'en vont.

Mme Déom (Esther): Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Je pense que mon collègue avait, Mme la Présidente, une question.

La Présidente (Mme Leduc): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, Mme la Présidente. Je tiens à vous remercier, Mme Déom et Mme Lee-Gosselin, d'être venues nous éclairer. Votre mémoire est très informateur, en tout cas pour moi, et on connaît vos expertises, votre expérience et vos contributions dans le domaine.

Tantôt, Mme la ministre a soulevé un point auquel vous avez répliqué en disant que l'équité pouvait susciter des bouleversements importants et que, souvent, après une telle démarche, on enclenche une démarche de relativité. Je vais rejoindre le commentaire de mon confrère de Taschereau, tantôt, où il disait que les recteurs étaient très bien payés. Il y a un article dans la loi qui interdit de revoir les salaires à la baisse, et c'est l'article 44. Je ne sais pas si vous avez apporté une réflexion là-dedans, dans une démarche de relativité, parce que, si on la fait, il faudrait aussi être équitable, mais équitable non seulement pour les femmes, mais équitable pour les autres travailleurs, dans une même démarche. Est-ce que vous pourriez m'éclairer là-dessus, sur l'article 44 qui interdit de revoir les salaires à la baisse?

Mme Déom (Esther): Des gens qui sont déjà là...

M. Beaudet: Oui, oui.

Mme Déom (Esther): ...et non pas des emplois.

Mme Lee-Gosselin (Hélène): Le principe qui est en cause ici, c'est qu'il ne faut pas réduire le salaire des personnes, des comparateurs, entre guillemets, surpayés quand on fait l'exercice, parce que, autrement, une façon simple pour bien des entreprises serait de dire: C'est simple, c'est tels emplois qui sont surpayés, puis il y avait 75 personnes dans ces emplois-là; bien, on va les baisser au niveau des personnes qui étaient sous-payées. Ça ne marche pas. On ne rétablit pas l'équité comme ça.

Une des façons dont on peut le faire pour résoudre ce problème, parce que, après un exercice, on peut découvrir qu'effectivement il y a des gens qui sont surpayés par rapport à d'autres, et on veut monter ceux-là, puis on dit: Hop! on est pris avec des contraintes, ici, mais une des choses qu'on pourrait faire, c'est d'encercler de rouge ces salaires qui sont gelés pour ces personnes pendant un bout de temps. Mais, quand on embauche dans le même poste de nouvelles personnes, bien, ces nouvelles personnes dans ces postes ont le salaire du poste.

Mme Harel: Je ne sais pas si vous me le permettez, mais vous concevez donc que les personnes en place continuent d'avoir leur salaire, mais le poste, si tant est qu'elles aient à être remplacées, pourrait être diminué.

Mme Lee-Gosselin (Hélène): Bien, on a ça tout le temps quand on a des restructurations d'entreprise.

Mme Harel: Ah! O.K.

Mme Lee-Gosselin (Hélène): Il y a des postes qui sont «red circled» pendant un bout de temps, le temps que les autres les rattrapent.

M. Beaudet: ...mentionné, tantôt, qu'à peu près la moitié de l'écart salarial est reliée au sexe et que la moitié est reliée à d'autres facteurs. Peut-être que, dans les autres facteurs, un des éléments, c'est qu'il y a un groupe qui est surpayé et qui fait que l'autre est pénalisé. Et ce que vous avez mentionné, tantôt, Mme Déom, je l'ai apprécié, puis on l'a déjà entendu, mais c'est très clair, vous subventionnez les entreprises. Alors, moi, j'accepte ça, comme démarche, sauf que, à ce moment-là, vous subventionnez celui qui est trop payé. Et, si c'est ça, un des facteurs importants, mais alors pourquoi nous introduire l'article 44? Corrigeons cette situation-là aussi en procédant jusque dans la relativité.

Mme Déom (Esther): Mais les gens vont le faire de toute façon. Ils l'ont fait de toute façon.

M. Beaudet: Je sais qu'on va soulever la guerre, là, j'en suis conscient, parce qu'il ne faut pas déshabiller Jean pour habiller Pierre, mais il y a une relativité qu'il va falloir prendre en considération, à un moment donné.

Mme Déom (Esther): Oui. Mais ils vont le faire, ça. En Ontario, ça s'est fait. Ils l'ont fait après, l'exercice, quand ils se sont rendu compte... Après les ajustements, le calcul des ajustements, ils se sont rendu compte que ça avait créé des hiérarchies d'emplois qui n'étaient pas celles auxquelles ils s'attendaient. Puis c'est un peu normal quand on ajoute d'autres valeurs. Ça a causé des problèmes. Ils ont refait les choses. Ça n'a pas empêché les ajustements pour équité salariale, ça. Et, à ce moment-là, les gens vont le faire parce qu'ils ont intérêt à le faire. Ce n'est pas qu'on le mette dans la loi ou pas, là, ils vont le faire, ça.

(12 h 20)

La Présidente (Mme Leduc): Oui, Mme la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: Non, ça va. Merci, mesdames.

La Présidente (Mme Leduc): En conclusion?

Mme Gagnon-Tremblay: Merci beaucoup de vos commentaires.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, je vous remercie, Mmes Déom et Gosselin, et je vais suspendre les travaux de la commission jusqu'à 14 heures. J'aimerais rappeler que la commission siégera, cet après-midi, de 14 heures à 19 heures seulement.

(Suspension de la séance à 12 h 21)

(Reprise à 14 h 10)

La Présidente (Mme Leduc): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît. La commission des affaires sociales va reprendre ses audiences sur la Loi sur l'équité salariale et modifiant certaines dispositions législatives.

Le groupe que nous entendons présentement est le Comité national d'action politique des femmes du Parti québécois. Alors, Mme Messier, vous êtes conseillère et membre du comité, je vous invite à nous présenter la personne qui vous accompagne et, ensuite, à faire votre présentation. Je rappelle qu'il y a une heure d'audience, dont 20 minutes sont consacrées à la présentation et 40 minutes d'échange avec les membres, les députés parlementaires de l'opposition et du parti ministériel. Mme Messier.


Comité national d'action politique des femmes du Parti québécois (CNAPFPQ)

Mme Messier (Suzanne): Oui. Bonjour, Mme Leduc. Bonjour aux membres de la commission. Ça me fait plaisir de venir vous rencontrer aujourd'hui. Je suis accompagnée, aujourd'hui, par Marianne Rouette, qui est une des membres du Comité national d'action politique des femmes.

Le Comité national d'action politique des femmes est la structure que s'est donnée le Parti québécois pour étudier les questions qui concernent particulièrement les femmes au sein de son parti, et notre mandat est, notamment, de voir à la promotion des femmes dans toutes les instances du parti, mais également à la promotion des dossiers qui visent l'amélioration de la situation des femmes.

Si j'ai rédigé le mémoire au nom du Comité, c'est que j'ai développé, dans les années quatre-vingt-cinq, quatre-vingt-dix, une expertise dans le dossier de l'accès à l'égalité, ayant été la rédactrice, à l'époque, pour le Conseil du statut de la femme, du mémoire portant sur le règlement sur les programmes d'accès à l'égalité. Alors, c'était ma première expérience en commission parlementaire, à l'époque, en 1985, et, aujourd'hui, c'est ma deuxième.

Alors, j'ai le plaisir de venir vous faire état des commentaires du Comité national d'action politique des femmes du Parti québécois sur l'avant-projet de loi qui a été déposé par Mme Blackburn en décembre. Essentiellement, je pense que notre première réaction est certainement très positive, parce que ça correspond à une demande maintes fois formulée par le Parti québécois, les femmes du Parti québécois, que d'obtenir une loi proactive en matière d'équité salariale. Mais, évidemment, tout projet de loi étant perfectible, nous allons vous présenter ici, aujourd'hui, des pistes d'amélioration audit projet de loi.

Essentiellement, nous avons suivi la présentation de l'avant-projet de loi lui-même pour faire notre analyse, et nos recommandations, qui sont au nombre d'une douzaine, portent surtout sur le chapitre I de l'avant-projet de loi, sur l'objet et le champ d'application de même que sur la partie organismes responsables.

Alors, tout d'abord, pour ce qui est de l'objet et du champ d'application, nos préoccupations touchent trois articles. Deux de ces articles portent sur le terme «employeur». En fait, nous disons que le législateur a décidé de limiter l'application de la loi à une définition d'«employeur» qui compte 10 personnes et plus dans son entreprise. Nous sommes conscients que c'est un choix que le gouvernement a fait et nous sommes sensibles à cette question-là, parce qu'il est clair que plusieurs, de part et d'autre, ont critiqué cet élément de l'avant-projet de loi. Quant à nous, notre position est à l'effet que, dans la mesure où il s'agit d'un avant-projet de loi qui repose sur la règle des nombres, il apparaît raisonnable de considérer que le texte de loi va s'appliquer aux employeurs comptant 10 personnes et plus. Toutefois, dans la mesure où un bon nombre des travailleuses se voient ainsi exclues du champ d'application, notre comité recommande que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui est responsable de l'application de l'article 19 de la Charte, demeure vigilante et fasse la promotion de cet article-là auprès des personnes, travailleuses, qui seraient exclues de l'application de la loi, puisqu'il s'agit du seul recours législatif, en matière des droits de la personne, qui peut les toucher et les concerner.

Il y a aussi, par ailleurs, évidemment, la Loi sur le salaire minimum qui pourrait toucher un bon nombre de ces femmes-là, et, dans ce sens-là, on appuie la revendication des femmes de la marche «Du pain et des roses», qui demandent, je pense, pour le 1er octobre 1996, une hausse du salaire minimum à 7,60 $ de l'heure. Alors, pour nous, c'est clair que ça irait dans le sens de permettre aux femmes de se sortir de la pauvreté persistante qui les accable bien souvent lorsqu'elles sont au salaire minimum.

Toujours par rapport à la question de la définition d'«employeur», il nous apparaît important d'inclure une définition qui englobe les employeurs qui sont propriétaires de chaînes de boutiques ayant à leur emploi un nombre limité de salariés dans chacune de leurs succursales, mais qui, lorsqu'on fait le décompte, nous permettent de croire qu'elles ont plus de 10 employés. Ça nous semble être une imprécision de la loi qui devrait être couverte.

Maintenant, le dernier élément du champ d'application, c'est l'article 6, qui traite de la personne salariée. On se dit relativement satisfaits de cette définition-là, sauf en ce qui a trait à l'exclusion des cadres supérieurs. Encore une fois, on invite le législateur à préciser sa pensée à cet effet-là, parce qu'il nous semble que, dépendant des entreprises, on sait très bien qu'ils peuvent... S'il y a une porte ouverte pour une définition large de ce terme-là, ça peut exclure des femmes qui sont gestionnaires mais qui pourraient être intéressées à voir à l'application de la loi dans leur cas, puisqu'il y aurait, selon elles, une certaine inéquité. Alors, s'il faut croire que l'intention du législateur n'était que de toucher aux quelques personnes qui sont au sommet de la pyramide des salaires, à ce moment-là, j'inviterais le législateur à préciser sa pensée en ce sens-là.

Un deuxième chapitre du projet de loi qu'on a analysé, c'est celui des comités d'équité. En fait, à ce titre-là, on a deux recommandations. D'abord, il faut rappeler – je pense que vous l'avez certainement entendu, mais c'est bon de le rappeler – que toute la question de la revendication d'une loi en matière d'équité salariale repose sur la comparaison symbolique entre les gardiens de zoo et les techniciennes de garderie. Mais c'est tellement évocateur que tout le monde est resté accroché à cette idée-là, et je suis heureuse de voir que le législateur a trouvé une façon intéressante de couvrir les lieux d'emplois qui n'ont à leur compte qu'un bon nombre de femmes, sans possibilité de comparaison avec les hommes, ce que j'ai appelé, dans le mémoire, des ghettos féminins. Ce n'était pas évident qu'on pouvait trouver une façon élégante de s'en sortir. J'imagine que la tentation aurait pu être là d'écarter ce problème-là, mais non, la façon d'y arriver en comparant ces emplois-là avec des emplois à l'extérieur de l'entreprise nous semble une idée intéressante.

Toutefois, à l'instar de la Fédération des femmes du Québec, nous recommandons d'obliger, d'une part, l'élaboration, dans un délai maximal de deux ans, de la réglementation dans les cas des ghettos féminins, pour être capables de faire rapidement des comparaisons et, d'autre part, de prévoir une consultation de ce règlement-là avant son adoption. Il nous semble que c'est une exigence qui devrait être inscrite dans le projet de loi.

Maintenant, dans la section des comités d'équité, il y a des articles qui nous sont apparus intéressants, et je tiens à souligner, notamment, la question de l'obligation de représentation des principales catégories d'emplois. Ça peut paraître bénin, mais, quand on a oeuvré auprès des employeurs, on peut constater que, souvent, ils cherchent à minimiser l'interprétation de certains articles de loi, et, lorsqu'ils sont si clairement stipulés, comme c'est le cas à l'article 14, et, quant à l'article 17, pour ce qui est de la formation des membres, et, quant à la collecte des informations, à l'article 18, il nous apparaît que ce sont des précisions intéressantes à conserver dans un projet de loi qui pourrait être modifié.

Maintenant, la question de la possibilité qu'un employeur décide lui-même d'établir son programme nous apparaît être une ouverture inquiétante. Mais il faut aussi admettre que, dans les relations de travail, si déjà ça ne va pas très bien dans une entreprise, il faut s'attendre à ce que, dans l'application de l'équité salariale, ça n'aille pas mieux, et tout est sujet au climat qui existe déjà dans les relations de travail entre l'employeur et les représentants des employés. On souhaiterait toujours, idéalement, que les employeurs reconnaissent l'importance de ne plus faire payer aux femmes l'équilibre relatif dans leur système économique, mais ce n'est pas toujours le cas, et nous en convenons.

(14 h 20)

Par ailleurs, nous faisons une recommandation quant à la volonté que semble avoir le législateur de voir adopter des mesures de soutien spécifiques pour informer, former adéquatement le personnel et favoriser leur participation. Encore une fois, je reviens à la question des relations de travail. Lorsque, dans une entreprise, le syndicat est très sensible à la question des femmes, ça peut toujours bien aller, on peut croire qu'il puisse bien défendre leurs droits. Mais, lorsqu'il n'y a pas de syndicat ou encore lorsque le syndicat est plutôt sensible aux préoccupations des hommes qui sont membres, à ce moment-là, ça peut causer des difficultés. Alors, c'est un peu ce qu'on dit dans notre mémoire, il faut être prudent par rapport à l'intérêt que peut avoir le syndicat à bien défendre les intérêts des femmes, et, à ce titre-là, on souhaite que le projet de loi soit renforcé quant à la participation des travailleuses, des salariées à la formation dont elles vont avoir besoin pour bien participer au comité d'équité qu'il y aurait dans l'entreprise.

Maintenant, par rapport à la section II du projet de loi, qui traite de l'identification des catégories d'emplois, de la même façon que par rapport à la section III concernant la méthode d'évaluation et l'évaluation des catégories d'emplois, concernant l'estimation des écarts salariaux et le calcul des ajustements salariaux, notre mémoire, essentiellement, souligne les éléments positifs du projet de loi, parce qu'on juge qu'effectivement les articles qu'on y retrouve sont essentiels, et, notamment, je tiens à le souligner, l'obligation de prendre en compte les quatre facteurs classiques – responsabilité, qualification, effort et conditions de travail – pour définir les catégories d'emplois. Ça peut sembler banal aux gens qui ne sont pas dans le dossier depuis longtemps, mais c'est clair que ce sont des sujets qui pourraient amener et retarder beaucoup les discussions si le projet de loi ne définissait pas clairement quels sont les éléments dont on doit tenir compte pour faire la comparaison entre les diverses catégories d'emplois. Alors, que le législateur l'ait précisé dans son projet de loi, c'est fort intéressant, et nous nous en réjouissons.

Par ailleurs, un autre élément qui pourrait susciter de longs débats à l'intérieur des entreprises, c'est la question de la fixation de la prédominance. Pour avoir oeuvré dans le dossier des programmes d'accès à l'égalité, je me rappelle fort bien de ces questions-là qui étaient continuellement amenées sur la table: Où, quand est-ce qu'on s'arrête? Il faut déterminer une balise, et le législateur a été d'avant-garde en précisant, a priori, que cette balise-là était fixée à 60 %. Et, moi, qui suis démographe, je trouve que c'est une initiative qui est à souligner.

Maintenant, par rapport aux méthodes d'évaluation, il nous apparaît... Encore une fois, je le répète parce que je pense que ça va être le noeud de la question, et on l'a vu, au cours des derniers jours, lorsque les employeurs, d'une part, et les syndicats, d'autre part, venaient faire leurs représentations, lorsque les gens sont confiants dans la qualité de leurs relations de travail, ils sont toujours plus optimistes quant à la facilité avec laquelle ils vont pouvoir appliquer cette loi-là, mais plus le climat est pourri, plus ils voient de bibites dans le projet de loi. C'est dit crûment, mais c'est concrètement comment ça se passe sur le terrain également.

Alors, par rapport à la méthode d'évaluation, nous, il nous semble que, contrairement au Programme d'accès à l'égalité, dans ce cas-ci, le législateur a appris qu'il y avait place pour une certaine souplesse dans la méthodologie dans la mesure où les résultats n'étaient pas remis en cause, et le fait qu'on prévoie une méthodologie applicable en quatre temps nous apparaît fort intéressant et va permettre aux employeurs qui sont efficaces dans leurs relations de travail de trouver des moyens peu coûteux de voir à atteindre les objectifs qui sont fixés dans la loi, et, en ce sens-là, on est heureux qu'il y ait cette souplesse-là dans le projet de loi.

Maintenant, encore une fois, on félicite le législateur pour avoir déjà prévu comment on devrait interpréter le salaire à considérer dans les comparaisons qu'il va devoir faire. En fait, il définit, notamment, la rémunération flexible de même que les avantages à valeur pécuniaire qui ne peuvent être exclus des évaluations. Je pense que c'est la preuve que le législateur s'ajuste aux nouvelles réalités du monde du travail. On ne peut plus parler de simple salaire, mais il faut aussi considérer tous les avantages qui s'y rattachent, et, en ce sens-là, je pense que l'approche est novatrice et intéressante.

Concernant la section IV de l'avant-projet de loi, il y a l'estimation des écarts salariaux. Ici, encore une fois, ce n'est pas parce qu'on veut trouver des bons côtés au projet de loi, mais c'est parce qu'on est foncièrement convaincus que ce sont des éléments fort positifs du projet de loi. L'article 42, qui prévoit l'étalement des ajustements salariaux sur une période bien déterminée de quatre ans, nous apparaît être un point positif. Quand on regarde la législation qui a été appliquée dans d'autres provinces canadiennes, on voit qu'il y a des portes de sortie ou des variations importantes d'une province à l'autre qui ne sont pas toujours satisfaisantes. Alors, l'encadrement qui est actuellement prévu dans notre projet de loi, au Québec, est fort intéressant, et je pense que ça devrait être maintenu.

Mais un des articles les plus intéressants du projet de loi, c'est l'article 44, qui consacre la reconnaissance, par le législateur, de l'obligation de redressement salarial. Encore, au cours de cette commission parlementaire, vous avez entendu des gens qui, à mots couverts, ont demandé qu'on continue à faire payer aux femmes le prix d'un certain équilibre économique dans notre société: On est dans des situations de compressions budgétaires, ce n'est pas le temps d'adopter une loi proactive comme celle-là qui va nous coûter x millions de dollars. Je pense que, en ce sens-là, la ministre a bien répondu, mais, faut-il le rappeler, on ne peut plus tolérer que les femmes paient le prix de cet équilibre factice. Je pense qu'on a montré la qualité professionnelle de l'engagement des femmes au cours des dernières décennies, et les femmes deviennent un élément de notre société, sur le marché du travail, de plus en plus essentiel à son bon fonctionnement. Même, certains diront que l'avenir est aux femmes sur le marché du travail parce qu'elles sont novatrices dans leur façon de voir les choses. En tout cas, c'est ce qui ressort de plusieurs revues sérieuses en matière de relations de travail puis en matière économique. Enfin, tout le monde a le droit d'avoir son opinion là-dessus, mais ce sur quoi je pense qu'on peut bien s'entendre, c'est la question de la place des femmes sur le marché du travail et la juste rémunération à laquelle elles ont droit. Et, cette question-là, je pense qu'il ne faut pas y déroger, et c'est ce que je considère que l'article 44 vient corroborer.

Quant à la section V du projet de loi, concernant l'affichage, il nous apparaît important, effectivement, que, pour s'assurer que les relations de travail soient saines dans ce dossier-là, il faut que l'information circule. L'information, c'est le pouvoir, et je rappelle, dans notre mémoire, une mention du Syndicat de la fonction publique du Québec qui disait que la formation et l'information du personnel constituent un des facteurs incontournables de réussite. Et, en ce sens-là, il nous apparaît peut-être que, s'il y a une amélioration à apporter à la formulation du projet de loi, c'est qu'on puisse prolonger de 15 à 30 jours le délai accordé à toute personne salariée pour exercer un recours, parce que 15 jours, c'est un peu court, et ça devient un recours un peu factice si on n'est pas capable de l'exercer convenablement.

(14 h 30)

Les délais applicables. Il nous apparaît raisonnable de retenir l'étalement prévu, entre deux et quatre ans, pour la mise en oeuvre du programme, selon la taille des entreprises visées, et de limiter à deux ans le délai, lorsqu'il s'agit d'entreprises où on n'observe pas de catégorie d'emploi à prédominance masculine, donc seulement des ghettos féminins. Toutefois, ce qui nous agace sérieusement, c'est la réserve qu'a prévue le législateur en ce qui a trait à l'article 49. Mais, là, vraiment, on ne comprend pas pourquoi cette hésitation-là. Il nous semble qu'une entreprise qui commence devrait devoir respecter la loi et devrait donc se donner les conditions, dès le départ, pour respecter cette loi-là. C'est bien plus simple de commencer sur le bon pied que de commencer croche puis de recommencer un an plus tard. Alors, pour nous, c'est la loi du bon sens.

Maintenant, pour ce qui est du maintien de l'équité salariale, encore une fois, on reconnaît l'intention saine du législateur de pourvoir à toute dérobade en cette matière-là, notamment lorsqu'il rédige les articles 50 et 51 et prévoit toute éventualité dans le cas de changements organisationnels ou de changement de structure syndicale, quand il y aura des changements au niveau des entreprises.

Cela dit, il y a la question de la publication des résultats qui nous apparaît être un élément important de cette section du chapitre VI. On prévoit que chacune des entreprises devra déposer un rapport à tous les cinq ans. Or, si on se rappelle un rapport fédéral qui avait fait la manchette, à l'époque, Mme la juge Abella, au moment de déposer son rapport sur l'équité en matière d'emploi, en 1982, avait fait une de ses principales recommandations celle d'obliger la publication des rapports, en disant que cette obligation-là revêtait une force de persuasion insoupçonnée, parce que, évidemment, les entreprises veulent toujours prouver qu'elles ont une bonne image.

Alors, ce que prévoit actuellement le projet de loi, c'est un dépôt de ce rapport-là à travers le rapport de la commission responsable, à tous les cinq ans. Nous, on est d'accord avec le principe de rendre publiques les données de l'entreprise à travers le rapport de la commission responsable, mais il nous apparaît que, à tous les cinq ans, c'est un peu long pour avoir la force de persuasion que ça devrait avoir. Donc, on se dit, il faudrait absolument raccourcir ce délai-là.

La Présidente (Mme Leduc): En conclusion, mesdames, parce que le temps imparti est très avancé.

Mme Messier (Suzanne): Oui? Ah bon, excusez-moi. La critique la plus forte, la plus virulente qu'on a à l'endroit du projet de loi, et je ne peux pas l'esquiver, c'est la question de la Commission qui est responsable. Il nous apparaît inacceptable que le législateur prévoie mettre entre les mains de la Commission des normes du travail cette responsabilité-là, pour plusieurs raisons: parce que cette Commission ne détient aucune expertise dans le domaines des droits et libertés de la personne, aucune expérience dans la gestion des programmes; par ailleurs, son mode de financement l'amènerait à être en conflit, les employeurs cherchant à influencer à la baisse ses interventions; et, enfin, il nous apparaît que l'organisme responsable devrait être indépendant du gouvernement, parce que le gouvernement est loin d'être exemplaire en la matière, et, en ce sens-là, il nous apparaît que la Commission des droits de la personne serait la mieux placée pour assumer cette responsabilité-là, à moins que le gouvernement ne trouve les crédits pour confier ça à une organisation indépendante. Mais c'est clair pour nous que ça ne doit surtout pas être la Commission des normes du travail qui doit avoir cette responsabilité-là.

Donc, en clair – je vais résumer la conclusion – il nous apparaît que le projet de loi est intéressant, mais, pour lui donner toute la portée qu'il doit avoir, il nous apparaît qu'il devrait inclure les recommandations qu'on vous a faites. Chose certaine, sur le principe, il ne faut surtout pas reculer, ça fait trop longtemps que les femmes paient de leurs poches l'injustice criante qui existe encore aujourd'hui et, en ce sens-là, on veut que le gouvernement ou que le législateur demeure intransigeant sur l'adoption d'une loi proactive en cette matière. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Leduc): Je vous remercie, Mme Messier, et sans doute qu'au cours de la période des questions vous pourrez faire les points qui ont été escamotés. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. Mme Messier, vous avez l'air bien familière avec toutes ces questions, y compris, là, les questions les plus compliquées concernant les méthodes de rémunération, les différents facteurs d'évaluation, d'appréciation. Mme Rouette – vous pouvez hocher la tête – on me dit que vous avez perdu la voix aujourd'hui? Vous avez une extinction de voix?

Mme Rouette (Marianne): J'ai une mauvaise grippe.

Mme Harel: Oh! Il n'y a rien de pire quand on vient en commission parlementaire. Ha, ha, ha!

Mme Rouette (Marianne): C'est peut-être la peur.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Bien, merci d'être là quand même cet après-midi. Voyons voir. D'abord, vous nous dites: Il faut que ce soit la Commission des droits de la personne. Ça, ça a été assez souvent exprimé devant la commission. Mais vous nous dites: «surtout pas la Commission des normes». Et, là, j'aimerais vous entendre là-dessus. Parce que, autant on peut avoir, disons, des raisons pour comprendre que la Commission des droits a déjà une expertise, bon, autant le «surtout pas» laisse planer une sorte de discrédit sur la Commission des normes, qui fait quand même un travail auprès des 3 249 000 hommes et femmes qui travaillent au Québec. Pourquoi le «surtout pas la Commission des normes»?

Mme Messier (Suzanne): Bien, c'est toute la question de l'indépendance face au gouvernement, qui m'apparaît très importante à soulever. Il ne faut surtout pas que la Commission des normes soit mal placée pour juger d'une situation. Donc, en ce sens-là, elle ne serait pas libre d'agir face au gouvernement, et non plus face aux employeurs qui paient, qui subventionnent le fonctionnement de la Commission. Quand on prend 1 % de notre masse salariale pour financer la Commission des normes du travail puis qu'on se retrouve à demander à la Commission de nous juger, bien, on devient juge et partie.

Mme Harel: Oui, mais, là, je pense qu'il faut faire attention. Là, tout de suite; ça j'y tiens beaucoup, beaucoup. Je ne vous dis pas quelle sera la conclusion là, je ne préjuge de rien, mais je tiens beaucoup, beaucoup, beaucoup, là, à ce qu'on insiste sur le fait que ce n'est pas parce que la CSST est financée par les employeurs, ou la Commission des normes, que, pour autant, ça en fait des organismes qui ont un parti pris. Je regrette là, ça, il ne faut pas laisser propager ça. C'est vraiment important.

La Commission des normes a un conseil d'administration qui est représentatif des non-syndiqués, qui est représentatif des femmes, des familles, qui est représentatif des entreprises. Puis la CSST, qui est aussi financée entièrement par les entrepreneurs, a aussi un conseil d'administration. À défaut de quoi, on laisse planer que c'est celui qui paie là qui choisit comment ça va s'appliquer. Il y a des lois d'application, puis c'est des lois d'ordre public, ça. Pensez au salaire minimum là, c'est appliqué par la Commission des normes; et puis c'est appliqué. Alors, il ne faut pas penser que, parce que le financement emporte, si vous voulez... Ce n'est pas: Dis-moi qui te finance et je te dirai comment tu décides.

Mme Messier (Suzanne): Est-ce que vous me permettez de répondre?

Mme Harel: Oui, certain, écoutez. Au contraire... Ah oui!

La Présidente (Mme Leduc): C'est votre privilège et votre droit.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Et vous avez tellement, en plus, de familiarité avec tous ces dossiers-là que j'ai tout à fait confiance que notre niveau d'échange est à égalité.

Mme Messier (Suzanne): Merci de cette confiance, Mme Harel. Je vous dirai que je respecte votre opinion, mais je ne la partage pas. Et je suis, encore une fois, bien placée pour ce faire, parce que mon conjoint est dans le dossier des tribunaux administratifs et est un éminent avocat en le domaine. Il a présenté un mémoire pas plus tard qu'il y a une semaine et demie.

Mme Harel: Il doit s'appeler Marc Bellemare.

Mme Messier (Suzanne): Marc Bellemare, c'est juste.

Mme Harel: Ha, ha, ha!

Mme Messier (Suzanne): Et il a fait la preuve, à maintes reprises, que la CSST, puisque vous la nommez, est partie prenante aux décisions de ces tribunaux administratifs et que c'est de la foutaise que de dire qu'il y a équité en la matière. Et c'est pourquoi il a demandé devant la commission, la semaine dernière ou la semaine précédente, que ces tribunaux administratifs soient abolis et que cette responsabilité-là soit remise entre les mains de la Commission des affaires sociales.

Alors, je regrette, mais je suis trop bien placée pour croire que, dans le dossier de la Commission des normes du travail, ce soit différent. Je pense qu'on vit dans une société démocratique et que le gouvernement qu'on a est, en comparaison avec celui de bien d'autres pays, exemplaire en ce qui a trait à la bonne représentation des intérêts de sa population. Mais il ne faut pas non plus être naïfs au point de croire qu'il n'y a aucune intimité entre les actionnaires d'une entreprise, qu'elle soit gouvernementale ou paragouvernementale, et la mission que cette entreprise-là porte.

Mme Harel: Et vous en pensez tout autant, je pense, du Conseil du trésor, hein?

Mme Messier (Suzanne): Ha, ha, ha!

Mme Harel: Vous avez été sévères, dans votre mémoire, sur le Conseil du trésor.

(14 h 40)

Mme Messier (Suzanne): Absolument, absolument. Et j'y ai travaillé, au Conseil du trésor, pendant deux ans et demi, et j'ai été déçue de voir la façon dont le gouvernement gérait les fonds publics. Et, dans le dossier de l'accès à l'égalité et dans celui de l'équité salariale, je pense qu'il est mal placé pour faire un travail honnête, parce qu'il est partie prenante, il paie le prix de ses décisions. Et, en ce sens-là, je pense qu'on ne peut pas lui donner carte blanche dans son comportement en ces matières, et c'est pourquoi on a recommandé que...

Mme Harel: Quel que soit le gouvernement?

Mme Messier (Suzanne): Absolument. Ha, ha, ha!

Mme Harel: Ha, ha, ha!

Mme Messier (Suzanne): Parce que ça change trop vite. Ha, ha, ha!

Mme Harel: Ha, ha, ha! À la page 2 de votre mémoire... J'aime votre franc-parler, en tout cas, là. Ha, ha, ha!

Mme Messier (Suzanne): Excusez-moi?

Mme Harel: J'ai dit: J'aime votre franc-parler. Ha, ha, ha!

Mme Messier (Suzanne): Ha, ha, ha! Marianne venait justement de me dire que le Comité national d'action politique m'appuyait dans mon jugement à cet endroit.

Mme Harel: Concernant le Conseil du trésor? Bon, on va transmettre à M. Léonard. Ha, ha, ha!

Mme Messier (Suzanne): Ha, ha, ha!

Mme Harel: Bon. À la page 2...

Mme Messier (Suzanne): Oui.

Mme Harel: ...vous dites: «D'une part, l'expérience de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse en matière d'équité salariale a démontré que les intérêts d'un syndicat peuvent ne pas être partagés, surtout lorsque l'enjeu est la détermination du salaire des femmes à partir de comparaisons avec le salaire des hommes.» Qu'est-ce que vous voulez dire exactement?

Mme Messier (Suzanne): Bien, ce que je veux dire, clairement, c'est que, lorsqu'on doit décider de la rémunération des employés, que le syndicat est à la table de négociation et qu'il est composé très majoritairement d'hommes, sinon exclusivement, c'est clair que ces personnes-là sont humaines et pensent bien plus à eux qu'aux femmes qui sont dans leur «membership» et qui n'ont pas la place dans les instances pour bien représenter leurs intérêts. Je pense que ce que vit un syndicat, à cet égard-là, c'est la même chose que ce que vit un gouvernement en la matière. Je pense que les femmes sont peu nombreuses et, si elles étaient plus nombreuses dans toutes les instances du parti ou du gouvernement, les choses seraient bien différentes.

Mme Harel: En tout cas, on va compter sur vous, sûrement...

Mme Messier (Suzanne): Ha, ha, ha!

Mme Harel: ...sur votre détermination et sur notre collaboration.

Bon. Ceci dit, là, reprenons les choses, donc, en termes opérationnels. Parce que, du côté syndical, ce qu'on nous dit, c'est que ce n'est pas facile, finalement, étant donné que, parfois, c'est le dernier des dossiers qu'il reste de pas réglé pour un groupe plus restreint de membres, hein?

Mme Messier (Suzanne): Oui, c'est juste.

Mme Harel: Si on introduisait, par exemple, une règle très, très simple qui dirait que les conventions collectives ne doivent pas contenir de biais sexiste? Je le résume de façon peut-être caricaturale, mais, ce que je veux dire par là, c'est que ce serait, disons, dit plus élégamment, là, que les conventions collectives qui sont signées ne doivent pas contenir de la discrimination. Comment vous réagiriez?

Mme Messier (Suzanne): Moi, je pense que ça serait une poignée certainement intéressante pour les femmes du syndicat, pour demander, si on le juge opportun, de réviser les ententes qui ont été conclues, parce que, effectivement, sans ça, elles n'ont aucun recours, puisqu'elles ont confié à leurs représentants syndicaux le mandat de négocier les échelles salariales et les autres éléments de la convention.

Si, aujourd'hui, on constate qu'il y a iniquité salariale, il faut bien comprendre que c'est parce que les syndicats ont été complices de cette situation-là. Aujourd'hui, avec la Loi sur l'équité salariale, il va y avoir une révision qui va être faite du processus. Mais il m'apparaîtrait fort intéressant qu'un article comme celui-là soit introduit, pour permettre aux femmes un recours à l'intérieur même de leurs syndicats, pour s'assurer de...

Mme Harel: Il y a Mme la députée de Sherbrooke, là, qui veut échanger avec vous.

Mme Messier (Suzanne): Oui.

Mme Harel: Les syndicats disent non pas avoir été complices, mais, dans le fond, victimes. Mais ça, quoi qu'il en soit, là, je pense que l'idée, ce n'est pas de chercher des boucs émissaires ou des coupables, mais...

Mme Messier (Suzanne): De protéger les intérêts des femmes.

Mme Harel: ...de changer les situations.

Mme Messier (Suzanne): Oui.

Mme Malavoy: Est-ce que je peux y aller?

La Présidente (Mme Leduc): Il y a la députée de Sherbrooke, s'il vous plaît.

Mme Malavoy: Bonjour. Je vais vous poser une question qui va, en même temps, vous permettre de poursuivre ce que vous n'avez pas eu le temps de faire à cause des délais. Il y a un des débats importants qui tournent autour de la coercition versus le volontariat.

Mme Messier (Suzanne): Oui.

Mme Malavoy: Bon. J'aimerais que vous me précisiez un peu votre point de vue là-dessus, et vous pourrez en même temps enchaîner sur la question des dispositions pénales, parce que vous abordez cette question-là au point 12 de votre mémoire. Mais, pour nous, c'est une question de fond, parce que c'est clair qu'une loi proactive, c'est un élément coercitif et il y a un certain nombre de groupes, représentant particulièrement l'entreprise, qui sont venus nous dire: Laissez-nous aller dans un effort plus volontaire et on va arriver aux mêmes résultats sans être obligés de se lier à une loi qui, évidemment, a des mesures plus coercitives.

Mme Messier (Suzanne): Bon! Pour moi, c'est clair que tout le monde sur cette terre est de bonne volonté et personne n'accepte l'idée qu'il y ait de l'injustice, sauf que, dans les faits, ici, au Québec, il y a une charte des droits et libertés qui existe depuis 1976. Il y a un article qui prévoit qu'il n'y a pas de discrimination salariale entre hommes et femmes qui doit être tolérée. Donc, ça fait 20 ans que cette Charte est en vigueur. Sauf qu'on s'aperçoit, par ailleurs, qu'il existe encore de la discrimination salariale, parce que cette discrimination-là n'est pas évidente, elle est systémique. En ce sens-là, pour remédier à ce genre d'iniquité, il faut avoir des méthodes qui soient efficaces et qui soient conçues pour intervenir, pour modifier le système de gestion des entreprises.

Dans le dossier de l'accès à l'égalité, on a retenu l'approche volontaire, en 1986; le gouvernement du Québec, à ce moment-là, avait adopté un programme triennal visant à encourager et à soutenir les programmes d'accès à l'égalité dans le monde de l'éducation, dans le monde municipal, de même que dans le monde de la santé et des services sociaux. Et, pendant trois ans, moi, personnellement, j'ai travaillé, à ce moment-là, à encourager et à soutenir la mise sur pied de programmes volontaires dans les commissions scolaires. S'il y a un milieu où on pouvait croire que cette initiative-là était bienvenue, c'était bien dans le milieu des commissions scolaires, parce que vous savez que les femmes sont majoritaires dans ces milieux-là, surtout comme enseignantes au primaire; moins nombreuses au secondaire. Mais lorsqu'on atteint des postes de responsabilité de gestion... On disait souvent, dans le milieu scolaire: les hommes sont directeurs et le féminin du poste de directeur, c'est adjointe au directeur. C'était le cas classique lorsqu'on a fait le diagnostic de la situation en 1986.

Les commissions scolaires qu'on avait retenues étaient celles qui avaient été les plus actives en matière de condition féminine, donc avaient démontré leur intérêt réel pour cette situation-là. Avec elles encouragées financièrement à s'engager dans un tel programme de changement de gestion, de mentalité, on a fait le processus d'analyse de leur situation en termes numériques, mais aussi en termes de clauses de conventions collectives et, finalement, pour s'apercevoir qu'il y avait, malgré tout ça, des réticences à changer dans le milieu, parce que le changement, ça dérange.

Tout le monde était d'accord avec l'idée qu'on s'engage là-dedans, mais, dans les faits, quand il s'est agi de procéder à des entrevues pour choisir des personnes et que certains hommes se retrouvaient à égalité avec d'autres femmes, parce qu'on a prouvé la nécessité de mesures de redressement, on choisissait une femme et bien vite revenait sur la table le discours de dire: Ah, bien, là, les femmes ont été choisies parce que c'est des femmes et non pas parce qu'elles ont les compétences.

Malgré tous les efforts qu'on a déployés pour rappeler aux gens que tout ça ne devait pas se faire au prix d'une non-reconnaissance de la valeur du travail des femmes, il n'en reste pas moins qu'il y en a qui disaient: Ah, les femmes ne sont pas aussi compétentes, c'est parce qu'elles sont femmes qu'elles ont les postes. Si je vous cite cet exemple-là, c'est pour vous montrer à quel point c'est difficile d'agir dans un changement de mentalité comme celui-là, même si tout le monde, a priori, est d'accord pour procéder au changement.

Alors, je reviens à votre question. Tout le monde est d'accord pour que les femmes gagnent un salaire équivalent aux hommes pour un travail de valeur équivalente, mais, dans les faits, si on ne les oblige pas à faire les analyses qu'il faut et à prendre les mesures qu'il faut pour atteindre cette équité-là, on n'y arrivera pas. Et c'est pourquoi la loi proactive est importante, parce que, autrement, si on reste juste au niveau des intentions, dans 20 ans, on va être au même pied d'égalité et ce n'est pas vrai que la situation va changer d'elle-même, parce que l'iniquité est trop bien assise dans notre système pour que ça se change de soi. Il faut vraiment des mesures systémiques pour contrer le système qui perdure depuis trop longtemps.

(14 h 50)

Mme Malavoy: Je peux en poser une autre?

La Présidente (Mme Leduc): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci. Je trouve votre réponse très intéressante. Il y a un point qui m'a un petit peu étonnée, c'est quand vous demandez que, pour les nouvelles entreprises, on ne souffre aucun délai, c'est-à-dire qu'on exige que, de but en blanc, elles satisfassent à la loi. Sachant que des entreprises naissent et meurent presque tous les jours et que, donc, certaines sont peut-être à la veille de naître, mais avec le système qu'on connaît à l'heure actuelle et avec les modes de rémunération qu'on connaît à l'heure actuelle, est-ce que vous ne croyez pas que c'est un peu sévère quand même de dire: Pour les nouvelles entreprises, il n'y aura pas de délai d'un an ou, enfin, quel que soit le temps du délai, un délai pour leur permettre de voir venir un peu?

Mme Messier (Suzanne): D'accord. Moi, je pense que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse pourrait faire la promotion de mesures visant à informer les entreprises naissantes de la façon dont elles devraient établir leurs échelles salariales pour que ces échelles-là soient exemptes de discrimination. Et, en ce sens-là, il ne faut pas oublier que le mandat de la Commission des droits de la personne, c'est un mandat non seulement de plaintes, mais aussi un mandat d'information, de promotion et de formation.

On ne doit pas chercher seulement à régler les problèmes, on doit être proactifs aussi dans la promotion d'attitudes et de comportements qui soient exempts de discrimination et, en ce sens-là, si les employeurs qui démarrent une entreprise voulaient s'adresser à la Commission pour savoir comment procéder à l'établissement d'échelles salariales équitables au plan du sexe, bien moi, je pense que ce serait la meilleure façon d'agir, plutôt que de leur donner un délai pour se corriger s'ils sont mal partis. Ça m'apparaît être beaucoup plus simple et beaucoup plus positif comme approche également.

La Présidente (Mme Leduc): Je vous remercie. Alors, Mme la députée de Saint-François, porte-parole de l'opposition.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui. Merci, mesdames. Je regrette de ne pas avoir eu le temps nécessaire pour lire votre mémoire, je l'ai eu ce matin seulement. Mais, bon, avec les explications que vous nous avez données, ça m'éclaire un peu.

Vous n'ignorez sans doute pas que plusieurs groupes de femmes ont regretté le fait que le gouvernement n'ait déposé qu'un avant-projet de loi au lieu d'un projet de loi. Ils ont beaucoup critiqué aussi le fait que l'avant-projet de loi ne reflétait pas nécessairement les conclusions du rapport d'expertes, je dois dire, qu'avait mandaté l'ex-ministre de la Condition féminine. Et, bien sûr, ils ont demandé au gouvernement de refaire son travail le plus rapidement possible afin d'adopter dans les plus brefs délais un projet de loi, un véritable projet de loi.

Pour vous, est-ce que vous souhaiteriez justement que le gouvernement adopte ce projet de loi tel que le demandent les groupes de femmes, c'est-à-dire d'ici juin 1996? Est-ce que c'est, pour vous, un délai raisonnable?

Mme Messier (Suzanne): Moi, j'ai dit en introduction que l'adoption d'une loi proactive en matière d'équité salariale était une revendication de notre comité depuis longtemps et, plus vite le gouvernement pourra adopter un tel projet de loi, mieux ce sera pour la condition de vie des femmes. Est-ce que le délai de juin 1996 me semble intéressant? Oui, dans la mesure où ça me semble être le délai le plus court qu'on peut espérer. Si on avait pu le faire il y a 10 ans, ça aurait été encore mieux, mais, en même temps, je ne veux pas que ce soit au prix d'un projet de loi qui ne soit pas bien fonctionnel. Si ça va dans le sens d'une amélioration des articles qui sont déjà prévus pour inclure les recommandations qu'on fait actuellement, ce sera pour nous l'idéal.

Mme Gagnon-Tremblay: J'imagine que vous allez pouvoir conseiller la ministre. Compte tenu de votre expertise, vous allez pouvoir la conseiller et lui permettre de déposer le plus rapidement possible un projet de loi.

Mme Harel: Sinon, vous allez pouvoir me dénoncer? Ha, ha, ha!

Mme Gagnon-Tremblay: C'est ça. Vous parliez justement de tout ce qui s'est fait au cours des dernières années. Écoutez, je me souviens fort bien de l'application des programmes d'accès à l'égalité, de la mise en place des programmes d'accès à l'égalité, de l'obligation contractuelle et des relativités salariales. Tout à l'heure, je vous entendais dénoncer le Conseil du trésor. Bien sûr que c'est toujours difficile pour le payeur. Le payeur espère toujours avoir un mot à dire, finalement, parce qu'on sait fort bien que c'est ce même employeur qui aura à en payer, à en supporter les coûts en bout de ligne. Et on ne peut pas faire abstraction, naturellement, de ces coûts-là.

Alors, je comprends que le Conseil du trésor est aussi très soucieux de ce qui peut arriver, compte tenu, en plus de ça, qu'il y a plusieurs groupes qui ont demandé, en somme, que, pour tout ce qui touche le secteur public et parapublic, le Conseil du trésor soit reconnu comme l'employeur pour être capable de négocier l'équité salariale, et souhaitaient, bien sûr, en plus, que le gouvernement ne s'exempte pas lui-même de cette démarche d'équité salariale. Pour les groupes, bien sûr que le gouvernement n'avait pas encore été assez loin, malgré qu'on y a investi au-delà de 375 000 000 $.

Ceci étant dit, cependant, je comprends aussi de votre intervention que, pour vous, les syndicats devraient aussi en faire une priorité, parce que c'est certain qu'au cours des prochaines négociations, aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public et parapublic, c'est important. Si on avait eu plus de femmes qui avaient négocié des conventions collectives, peut-être qu'on aurait eu ce souci et peut-être aussi qu'on en aurait fait une priorité. Il va falloir, bien sûr, que ça devienne une priorité parce que, comme je le mentionnais ce matin, la masse salariale n'est pas illimitée.

En plus de ça, vous avez d'autres clientèles, au sein d'un même syndicat, qui ne partageront peut-être pas les effets bénéfiques d'une équité salariale. Donc, c'est sûr qu'il y a toute une question de conventions collectives, mais aussi de climat de travail, et ce n'est pas nécessairement facile. Tout ça pour vous dire qu'il y a un groupe d'experts qui nous disait que, bien sûr, le principe n'est pas négociable, mais ils allaient peut-être un peu plus loin: que, même pour les modalités d'application, le patron, l'employeur devait avoir un mot à dire; c'est lui qui devait décider. En autant que ces modalités étaient conformes au projet de loi ou conformes à ce que la Commission des droits ou quelque commission que ce soit qui aura à appliquer la loi, en autant que ce sera conforme, il faut laisser quand même de la souplesse et l'employeur doit avoir le choix de ses moyens et de ses modalités. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Messier (Suzanne): Bien, moi, je vois deux éléments à votre question. D'abord, vous avez parlé du Conseil du trésor et des syndicats publics et parapublics. À ce titre, moi, je pense, pour oeuvrer dans la fonction publique depuis 17 ans et pour avoir travaillé dans le dossier de la condition féminine pendant 10 ans, notamment au Conseil du statut de la femme, qu'il est important que le gouvernement soit exemplaire dans ses rapports avec ses employés, pour être capable ensuite de demander au secteur privé d'être également correct dans le traitement de son propre personnel.

Alors, en ce sens-là, il m'apparaît déraisonnable d'accepter le fait que le Conseil du trésor déroge aux modalités d'application qui sont demandées au secteur privé. Pour moi, c'est clair que le gouvernement, donc le Conseil du trésor, ne doit en aucune façon intervenir à titre de payeur dans ses obligations lorsqu'il agit comme employeur. Peu importe le prix que ça va coûter, c'est une question d'exemplarité et de principe.

(15 heures)

Que le syndicat soit également exemplaire dans son attitude pour juger prioritaire cette question-là; c'est clair que ce serait intéressant de voir que le syndicat juge que ce dossier-là est prioritaire. Et vous faisiez allusion au fait qu'il y a d'autres clientèles qui ont d'autres revendications et, effectivement, c'est lorsqu'on se retrouve au conseil syndical et qu'on a à décider, parmi toutes les priorités qui sont sur la table et qui répondent aux préoccupations de différents groupes, quels sont les dossiers qui, somme toute, devront être les plus prioritaires, c'est là que se jouent les rapports de force et c'est souvent là que les femmes perdent leurs dossiers prioritaires. Souvent, ça fait bien l'affaire du syndicat de se gargariser – excusez l'expression – et de se vanter que, parmi ses dossiers prioritaires, il y a le dossier des femmes. Mais, quand arrive le moment de décider, en bout de piste, ce qu'on retient, souvent, celui des femmes est écarté. Et, ça, on l'a vu trop souvent, et notamment au sein des syndicats de la fonction publique. C'est pourquoi, finalement, certaines clauses, par exemple au syndicat des professionnels, avantagent plus les personnes d'un certain âge, parce que c'est un syndicat qui est vieillissant. C'est aberrant, parce que les femmes représentent près de 50 % de la clientèle, mais on ne voit pas de façon évidente que leurs dossiers ont été considérés de façon prioritaire.

L'autre question que vous posiez, je l'ai comprise comme étant plus en lien avec les entreprises privées, c'est ça?

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, c'est ça.

Mme Messier (Suzanne): Pouvez-vous...

Mme Gagnon-Tremblay: Parce que, ce qui arrive, comme l'entreprise, l'employeur doit aussi payer, à ce moment-là, quel rôle... Est-ce que le syndicat... Parce que le syndicat veut avoir, bien sûr, un rôle très important à jouer au niveau des comités. Et ce que j'ai senti finalement, tout au cours de nos discussions en commission parlementaire, c'est non seulement avoir un rôle important, mais avoir un rôle de décision, aussi, dans les modalités, et ainsi de suite. Pour vous, si l'entrepreneur répond aux modalités prévues par le gouvernement dans sa loi ou par la Commission, est-ce qu'on doit laisser à chaque syndicat la négociation de toutes les modalités?

Mme Messier (Suzanne): Bien, moi, je pense que, dans le cadre des relations de travail, il est toujours souhaitable que les deux parties s'entendent pour faire en sorte que les modalités qui vont être retenues conviennent aux deux parties. Je pense que c'est dans l'intérêt des deux parties que ça soit ainsi. Un employeur qui ne veut pas partager son information, puis qui ne veut pas échanger avec la partie syndicale pour voir à l'application de la loi de l'équité salariale risque d'avoir bien des problèmes. Parce que, comme je le dis en conclusion de mon mémoire, ce n'est pas juste une question salariale, c'est toute la question de l'équité salariale, ce qui va avoir un impact non négligeable sur les mentalités, qui sont à la base de toutes les formes de discrimination salariale et systémique. Ce que je veux dire par là, c'est que ça nécessite des changements de mentalité. Et, pour ce faire, je pense qu'un employeur ne peut pas juste dire: Bien, moi, j'impose ma façon de voir l'équité salariale. Il faut qu'il y ait des discussions, sur ce plan-là comme sur les autres plans. Dans le dossier des programmes d'accès à l'égalité, on avait mis sur pied des comités consultatifs au sein des entreprises visées. Et ce qui se passait là, c'est un peu le reflet du climat de travail qu'il y avait sur d'autres plans dans l'entreprise. Mais mieux ça va, plus le syndicat est content et plus normalement les revenus sont importants pour l'entreprise. C'est un peu caduc, la façon de gérer en se disant: Bien, moi, je suis le boss, j'agis comme boss, puis le syndicat, vous vous débrouillerez. Souvent, ces entreprises-là ne vont pas très loin.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous parliez de sensibilisation et d'information. Justement, lorsque les employeurs, entre autres le Conseil du patronat, sont venus nous faire part de leurs commentaires, je mentionnais justement à M. Dufour que, en plus de l'équité salariale, bien sûr, si on veut être capables de concilier vie familiale et vie professionnelle, il va falloir que les entreprises soient davantage sensibilisées et en fassent une priorité, comme, par exemple, on en fait dans les entreprises pour la qualité totale. Il va falloir trouver des moyens novateurs pour être capables de concilier les deux, que ce soit en termes de garderies ou encore de temps de travail ou de congés de maternité. Il va falloir poursuivre notre démarche, je dirais même parallèlement à l'équité en emploi, parce qu'on ne peut pas, à mon avis, éviter non plus ce grand débat, compte tenu du contexte démographique dans lequel nous vivons actuellement, aussi.

Mme Messier (Suzanne): Vous avez raison. Ça fait partie de toute la même problématique. La question fondamentale, c'est de dire: Est-ce que, oui ou non, les femmes ont le droit de prendre leur place dans la société? Puis cette place-là, elle ne se limite pas au secteur privé, à la maison. On reconnaît de plus en plus que les femmes ont le droit de prendre leur place sur le marché du travail. Et, pour ça, ce n'est pas des demi-mesures. Ça ne veut pas dire qu'elles doivent continuer à faire leur job à la maison plus celle qu'il y a au bureau, mais ça veut dire que c'est un partage équitable. En ce sens-là, les hommes, si on partage le travail rémunéré, doivent partager le travail à la maison. Et je pense que c'est au bénéfice non seulement des femmes, mais de tous les travailleurs et travailleuses, si on arrive à établir des conditions de travail qui permettent cette double responsabilité familiale et professionnelle.

De plus en plus, les hommes sont heureux des percées que les femmes ont faites pour faire reconnaître les obligations qu'elles ont, lorsqu'elles doivent s'absenter parce qu'un enfant est malade ou qu'elles doivent aller chercher leur enfant en garderie. Les hommes sont heureux et sont beaucoup plus à l'aise, aujourd'hui, de dire en pleine réunion: Excusez, mais il faut que j'aille chercher mes enfants à la garderie parce que ma femme ne peut pas ou parce que c'est moi ce soir qui doit m'en occuper. L'avancement que les femmes ont apporté à notre société, au cours des dernières années, n'est pas bénéfique qu'à elles-mêmes, mais aux hommes aussi qui le comprennent et qui en sont heureux. Je pense que ce n'est pas une question de privilégier les demandes des femmes, c'est de faire en sorte que tout le monde en sorte grandi et plus épanoui comme être humain.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci. Vous soulignez, dans votre mémoire, une augmentation du salaire minimum.

Mme Messier (Suzanne): Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que c'est pour corriger, par exemple, ou pour prendre place... C'est-à-dire pour aider les petites entreprises de 10 employés et moins ou c'est en général? Est-ce que c'est pour compenser, par exemple, certains écarts salariaux alors que c'est beaucoup plus difficile dans ces petites entreprises à faire des comparaisons et à établir une équité salariale dans ces entreprises, c'est pour ça que vous compensez par une augmentation du salaire minimum?

Mme Messier (Suzanne): Je dis que c'est souvent dans ces petites entreprises-là qu'on détermine le salaire des gens par la Loi du salaire minimum. C'est un moindre mal puisqu'on ne peut pas intervenir par une loi sur l'équité salariale, puisque cette loi-là repose sur une règle des nombres qui est non applicable. Je me dis, tout au moins, si on augmentait le salaire minimum pour ces gens-là, ils trouveraient un bénéfice quelconque aux efforts du législateur pour améliorer la condition de travail des salariés de ce secteur d'activité.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci beaucoup, madame.

La Présidente (Mme Leduc): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Oui, merci, Mme la Présidente. Je dois vous dire, aujourd'hui, je suis impressionné par votre franchise, la clarté de votre discours. Je pense que c'est rafraîchissant d'entendre ça comme ça. D'ailleurs, l'expérience de votre vécu, votre vécu que vous partagez avec nous, nous donne des exemples clairs et simples qu'on peut comprendre. Ça n'a pas été nécessairement le fait de tous les mémoires qui nous ont été présentés.

Ceci dit, je dois vous dire que tous les gens sont pour la vertu. Malheureusement, il y en a peu qui la pratiquent. Vous mentionniez, tantôt... Et vous avez fait un parallèle entre le comportement du Conseil du trésor et des syndicats. J'aimerais que vous me fassiez un parallèle, maintenant, avec la loi coercitive que l'on a imposée en Ontario, et les résultats qu'on en a eus, et celle qu'on va faire, nous, ici. Comment vous voyez ça? Est-ce que vous pensez que les résultats vont être différents en appliquant une loi coercitive ici par rapport aux résultats qu'on a obtenus en Ontario, après huit ou neuf ans d'application d'une loi qui ne semble pas avoir eu d'effets beaucoup plus marqués que juste le bon vouloir et la bonne volonté des gens de chez nous?

Mme Messier (Suzanne): Moi, je pense, sous réserve d'une connaissance limitée que j'ai d'une loi semblable en Ontario, ce que j'en comprends, c'est que la loi ontarienne n'a pas adopté des modalités d'application qui ressemblent à celles qu'on prévoit au Québec. Je pense qu'au Québec on a su profiter des erreurs, ou des lacunes, ou des faiblesses de la loi ontarienne. Et c'est en grande partie pour ça que je pense que, ici, au Québec, on va mieux réussir qu'ailleurs. Je ne vous dirai pas que l'inverse n'aurait pas pu être possible aussi, que l'Ontario prenne les leçons d'une expérience qui aurait été préalable à la leur. Je vous dirai même que, dans le dossier de l'accès à l'égalité, il y a eu échange réciproque d'avantages et d'inconvénients, mais des lois qui ont été adoptées à peu près à la même époque.

(15 h 10)

Pour revenir à la question de l'équité salariale et de l'Ontario, j'ai l'impression qu'on a prévu des modalités d'application, au Québec, qui nous permettent de croire que ça va bien fonctionner, dans la mesure où les gens vont être obligés de s'asseoir ensemble, au sein de comités d'équité, et ils vont devoir travailler avec des critères qui sont déjà déterminés par le législateur et qui sont fondamentaux. Ça, si vous révisez toute la littérature qui porte sur l'équité salariale depuis 1978, déjà, en 1978, il y a eu des colloques qui ont porté sur la question, au Québec. Il y a beaucoup de littérature sur la question. On voit toujours la préoccupation qu'avaient ces gens-là de déterminer des critères qui permettraient de faire une comparaison juste et équitable des emplois-hommes et des emplois-femmes. Et ça, le fait que le législateur, ici au Québec, l'inscrive déjà dans le projet de loi, ça va éviter des discussions. Le fait, comme je l'ai souligné également, qu'on détermine a priori que le pourcentage de 60 % est la norme pour identifier qu'un corps d'emploi ou une catégorie d'emploi est à prédominance féminine, c'est aussi déjà un pas en avant. C'est probablement tous ces éléments-là qui font que ça n'a pas très bien fonctionné en Ontario. En tout cas, moi, à partir de l'expérience que j'ai, j'estime que, si, au Québec, les employeurs et les syndicats veulent bien procéder à une révision de leurs échelles salariales à partir du texte de loi qu'on a entre les mains, ça devrait bien fonctionner. S'il y a des résistances, ça ne sera pas parce que le projet de loi n'est pas bien structuré, bien opérationnel.

M. Beaudet: On a mentionné, ce matin, au dernier mémoire que nous avons eu, on nous parlait que, dans les négociations collectives, on ne devait pas inclure l'équité salariale parce que c'était un droit, donc pas une partie d'une négociation, et c'est tout à fait vrai. Par ailleurs, je pense que, dans la démarche, les syndicats ont un peu renié leurs obligations et, au lieu de porter les avantages financiers sur l'équité salariale ou à la partie des femmes, on l'a fait porter sur d'autres éléments, comme vous l'avez mentionné tantôt, c'est-à-dire le groupe le plus fort de pression, qui est vraisemblablement les hommes.

Par ailleurs, c'est peut-être 25 % des travailleurs qui sont couverts par une convention collective. Mais, même si c'est un pourcentage très restreint et que, malheureusement, la majorité, ce que vous avez mentionné, les ghettos féminins, ne sont pas syndiqués, si les syndicats incluent dans leur volonté de vouloir maintenir et mettre en place l'équité salariale, ils peuvent jouer un rôle très actifs, même dans leurs négociations, même si on implique que ça ne fait pas partie de la négociation, c'est un droit. Mais on peut quand même y mettre un petit peu de baume, de temps en temps. Il me semble que si les syndicats voulaient jouer leur rôle, aussi, ils pourraient faciliter la tâche grandement.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, rapidement, Mme Messier, votre réponse, s'il y a réponse.

Mme Messier (Suzanne): Bien, moi, ce que retiens de votre intervention, c'est que la loi va obliger les syndicats à être proactifs en matière d'équité salariale. Cette préoccupation-là, ils disent l'avoir depuis un certain temps, mais là, si la loi est adoptée, ils vont devoir procéder, et on ne parlera plus que de bonnes intentions. Et je pense que la méthode est claire, et il va falloir procéder, et c'est en bout de piste qu'on verra si les résultats sont aussi performants qu'on l'aurait souhaité. Mais, moi, je me méfie beaucoup des bonnes intentions.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, je vous remercie, je remercie le Comité national d'action politique des femmes, Mme Messier et Mme Rouette, et j'inviterais le groupe suivant, le Groupe-conseil KPMG à prendre place.

La Présidente (Mme Signori): À l'ordre, s'il vous plaît! Veuillez prendre place.

Alors, M. Chabot, nous avons une heure à vous consacrer, 20 minutes pour la présentation du mémoire, 20 minutes pour la ministre et le côté ministériel et 20 minutes à l'opposition. Nous vous écoutons.


Groupe-conseil KPMG

M. Chabot (Pierre): Mon nom est Pierre Chabot, je représente le Groupe-conseil KPMG. Puis la présentation et le document qu'on a soumis s'enlignaient beaucoup plus sur une vision pratique ou une analyse plus pratique de la loi. Notre expérience en fait d'équité salariale date de plusieurs années où on a fait du travail, surtout dans les juridictions fédérales et de l'Ontario, où on a eu à travailler avec bon nombre d'employeurs et de syndicats pour mettre en place des programmes d'équité salariale. Et c'est à travers cette lunette-là qu'on a voulu analyser, jusqu'à un certain point, l'avant-projet de loi qui a été présenté par le gouvernement.

En gros et en très gros, si je peux dire, le Groupe supporte l'avant-projet de loi, sa forme, ses modalités, et ainsi de suite. Je pense que, sans vouloir repartir la discussion, le commentaire qui a été posé, c'est: Est-ce qu'en comparaison de la loi de l'Ontario, qui est en place depuis huit ou neuf ans, l'avant-projet de loi, ou la forme que la loi voudrait prendre ici, a de meilleures chances de réussir? Je crois que oui. La raison pour laquelle je crois que oui, c'est que les modalités qui ont été insérées dans l'avant-projet de loi respectent beaucoup plus les pratiques en fait de développement de structures salariales et de mise en place de structures salariales, ou de systèmes d'administration des salaires, ou des revenus pour les compagnies tant du secteur public que privé.

(15 h 20)

L'approche qu'on a voulu prendre quand on avait fait la présentation aussi au comité d'étude était que c'est une loi qui devrait s'insérer au sein des pratiques salariales d'un employeur au lieu d'être une loi qui devienne un obstacle aux pratiques salariales des employeurs. En fait, ce qui va faire la réussite ou l'échec de la loi, c'est la façon dont elle va être acceptée, la façon dont les gens vont comprendre le but, les intentions et la façon de mettre en place une loi comme la loi de l'équité salariale.

C'est à partir de cette lumière-là qu'on a fait les recommandations qu'on a vues. Nos recommandations, grosso modo, viennent d'expériences qu'on a vécues. Les situations qu'on a voulu amener ici, qu'on a voulu présenter, nous sont venues d'expériences qui sont soit du côté fédéral, soit du côté de l'Ontario. Surtout des situations qui ont été peut-être, dans ces juridictions, les irritants les plus sentis du côté des employeurs et aussi de certains syndicats.

Le premier commentaire qu'on avait à faire, c'est au chapitre I dans Objet et champ d'application, l'article 6, une partie qu'on aurait voulu voir dans la définition de «salarié». C'est surtout en fonction d'articles suivants au sein de l'avant-projet de loi et dans la définition de «salarié». La définition ne fait pas de différence entre un employé à temps plein permanent ou un employé à temps partiel permanent ou un employé à temps partiel occasionnel, et ainsi de suite. Surtout dans la globalisation de la rémunération, dont on parle dans l'avant-projet de loi, où on parle de revenus, on parle de revenus variables, on parle d'avantages sociaux. Le fait d'avoir un groupe de salariés aurait un impact très important chez plusieurs employeurs, surtout au niveau des avantages sociaux. Si on parle d'employés à temps partiel dont la moyenne d'heures est de cinq heures, 10 heures ou 15 heures par semaine, ou de 10 heures ou moins, où, en fait de rémunération globale, on doit maintenant faire une équivalence d'un employé à temps plein, dont c'est l'emploi à temps plein et d'où les avantages sociaux, typiquement, doivent venir, comparativement à certains employés qui peuvent travailler au sein d'une entreprise pour une période de 10 à 12 heures par semaine, est-ce qu'il est raisonnable, dans ce contexte-là, que le coût des avantages sociaux pour tous ces employés-là soit inclus au sein de la rémunération globale ou si on devrait faire, à ce moment-là, la comparaison au niveau du salaire?

Le deuxième commentaire qu'on voulait faire était au sujet des dispositions générales et ce qui touche la préparation de programme, ou de programmes au pluriel, au sein d'un employeur. Ça a été, dans notre expérience au sein d'autres juridictions, le problème le plus commun, où il y avait plus d'un syndicat chez un employeur, d'établir un programme unique d'équité salariale. Le problème majeur était les différences d'opinion entre syndicats sur la façon, la méthode et les outils à utiliser pour mettre en place le processus des analyses amenant au projet d'équité salariale. Bon nombre de projets ont été arrêtés à zéro, ont été extrêmement ralentis par ces différences d'opinion là, tant et aussi longtemps que, d'un côté ou de l'autre, la commission de l'équité salariale ou le département des ressources humaines n'a pas tranché la question chez l'employeur et au sein des différents syndicats. Il y a certains syndicats – le commentaire a été fait à la présentation précédente – qui sont très intéressés par une loi d'équité salariale, il y en a qui sont moins intéressés et il y en a qui sont peu intéressés par la question de l'équité salariale, et leurs réactions sont souvent indiquées dans la façon qu'ils réagissent au sein de ces processus-là.

Ce qu'on avait recommandé dans notre document, c'est que des programmes d'équité salariale soient établis au sein d'un employeur couvrant chaque groupe syndiqué et qu'un programme soit aussi établi couvrant le groupe non syndiqué qui peut exister chez un employeur. Mais que la loi définisse très clairement que, dans un cas, si un groupe en particulier n'a pas de représentation masculine, ce groupe-là puisse aller, si on veut, emprunter la ligne salariale des postes à prédominance mâle ou des postes mâles en tant que tels d'un autre groupe au sein de cette entreprise-là afin d'établir une norme d'équité salariale enlignée avec les salaires des employés mâles. Comparer les employés féminins d'un groupe à la courbe de référence, de courbe à courbe ou de position à courbe. Ou encore, aussi, que la loi spécifie, si l'employeur et les syndicats veulent établir un programme unique, qu'ils en ont toujours la possibilité. Mais que la loi en tant que telle, la demande de la loi soit que, au moins, au sein d'une unité, l'équité salariale existe. Et si c'est impossible, faute de positions mâles, qu'on aille emprunter à un groupe au sein de l'entreprise les données dont on a besoin pour rétablir l'équité.

Les modalités des versements des ajustements salariaux, en tant que telles, nous ont semblé très raisonnables. Sauf qu'il y a certaines entreprises chez qui le coût des ajustements d'équité salariale va être élevé. On a vu des cas, sur la scène fédérale ou au sein de la juridiction ontarienne, où le processus d'équité salariale se traduisait par des sommes de 7 %, 8 %, 9 %. Établi même sur une période de quatre ans, ça peut être un fardeau chez certains employeurs. Il serait peut-être bon que la loi ait une clause indiquant qu'un employeur dont les ajustements pourraient excéder 4 % ou 5 % de sa masse salariale ait droit de faire un recours à la Commission afin d'étaler ses ajustements sur une période plus longue, tant et aussi longtemps que cette compagnie-là s'engagerait à mettre de côté un pourcentage de sa masse salariale à chaque année afin de faire ces ajustements-là, que ce pourcentage-là soit de 1 %, 1,5 % ou 2 % par année. Donc, de façon à ce que ça puisse se faire, sans toutefois rendre une dépense ou un coût exorbitant sur une période assez courte.

Le dernier commentaire qu'on avait, la dernière section touchait à tout ce qui touche le maintien de l'équité salariale. Il y avait deux points qui, si on veut, nous irritaient un peu dans l'avant-projet de loi. Un touche à ce qui se reliait, aussi, à l'article 21. Quand je parlais d'un programme unique d'équité salariale au sein d'une entreprise, c'est que si on établit un programme unique d'équité salariale au sein d'une entreprise où on retrouve deux ou trois syndicats, par la suite, qu'est-ce qui arrive au processus de négociation de conventions collectives d'un syndicat à l'autre? Si un syndicat, pour des raisons de capacité de négociation ou de force syndicale ou ainsi de suite a un poids plus fort qu'un autre, est-ce qu'on doit ralentir ce syndicat-là ou est-ce que l'employeur doit accepter automatiquement que l'autre unité syndicale va être ajustée au niveau de l'unité syndicale qui a mieux négocié pour ses membres? D'où le problème du programme unique d'équité salariale au sein d'une entreprise. Encore là, il y a la question d'aller chercher des comparateurs chez le groupe voisin. Quand je parlais des problèmes, peut-être un des problèmes que le législateur va avoir à régler, parce que le législateur en Ontario, jusqu'à un certain point, s'est retourné quand est venu le temps de régler cette situation-là, on a dit: Vous devez atteindre l'équité salariale au sein de l'entreprise, mais une fois que l'équité salariale a été atteinte, après ça, le processus syndical peut recommencer. Donc, c'est-à-dire, atteignez l'équité salariale une fois, mais, après ça, vous pouvez oublier ça. Parce qu'on respecte toujours le fait que chaque syndicat a la capacité de représenter ses membres et on reconnaît qu'une fois qu'elle a été atteinte l'équité salariale pourrait être perdue s'il y a deux unités syndicales différentes au sein d'une entreprise. Donc, est-ce que ça vaut la peine d'aller le chercher pour le perdre? Ou s'assurer qu'au moins au sein de chaque unité syndicale il y ait équité. Et par osmose, jusqu'à un certain point, ce qu'on aperçoit depuis cette période-là, c'est que, si un syndicat, sans que ça soit formalisé, ou un groupe, que ce soit syndiqué versus non syndiqué ou un syndicat à l'autre, monte de tant de degrés, l'autre groupe est appelé à suivre. Même chez l'employeur, on tient à maintenir la relativité qui avait été établie.

(15 h 30)

L'autre situation est beaucoup plus une question de notre expérience vis-à-vis les groupes qui ont eu à gérer ces lois-là. Je dois dire que je supporte entièrement – sans rentrer dans le débat du Conseil du trésor ou de tel groupe – le commentaire qui a été fait par la dame qui m'a précédé: Tout groupe, toute commission, tout comité, toute organisation qui aura à gérer la loi d'équité salariale, un, doit être indépendant et, deux, doit être constitué de personnes qui connaissent à fond toute la situation qui touche la rémunération, pour la simple raison que la loi est une loi sociale mais c'est une loi qui touche l'administration et la gestion des revenus, des salaires, et ce sont des gens qui doivent comprendre le processus amenant à établir un processus d'équité salariale.

Le commentaire qu'on avait fait aussi quant au maintien de l'équité salariale et sur la requête ou le prérequis de soumettre un rapport à cette Commission-là est une partie qu'on recommanderait au gouvernement de retirer. Le gouvernement ou cette Commission-là, selon les ressources qu'elle aura, qu'elles soient humaines ou qu'elles soient financières, dépenserait beaucoup mieux ces ressources-là dans un rôle d'information, d'éducation, d'enquête que dans un rôle de revue de rapports soumis par l'ensemble des employeurs au sein de la province de Québec.

Le fait qu'un employeur ait, oui ou non, à présenter un rapport, ce qu'on a vu dans des causes semblables, que ce soit l'équité salariale au niveau fédéral, a peu d'impact. Le fait d'avoir à présenter un rapport à une agence gouvernementale n'est pas ce qui amène un impact important. Le fait d'avoir à soumettre ou présenter ou afficher un rapport sur les lieux de travail devant ses propres employés a beaucoup plus d'impact sur le fait qu'un employeur ait, ou fasse ou ne fasse pas un programme d'équité salariale. Et, si cette Commission-là a beaucoup plus un rôle d'éducation et voit à ce que les gens qui sont visés directement par cette loi-là soient adéquatement informés et éduqués de la loi, de leurs droits, en fait, vis-à-vis cette loi-là, ça aura beaucoup plus d'impact et ce serait, à notre avis, une meilleure utilisation des fonds qui lui seraient décernés et des ressources qu'elle aura à gérer.

En conclusion, ce que nous voulons dire, puis je reprends un peu mon commentaire du début, c'est que, dans sa forme actuelle, la loi n'est pas parfaite. Il y a des questions techniques auxquelles on a touché, mais la loi est beaucoup plus raisonnable et beaucoup plus à la lumière aussi de tout ce qui est, ce que j'ai mentionné, le secteur de la rémunération. Et est-ce qu'elle a une meilleure chance de réussir que la loi fédérale ou la loi de l'Ontario? À mon avis, oui, pour cette simple raison, pour cette raison-là, parce qu'elle respecte beaucoup plus les méthodes et les acquis du secteur de la rémunération qui font... quand je disais, c'est la mise en place de structures salariales, l'administration de structures salariales et la gestion des salaires. Merci.

La Présidente (Mme Signori): Merci beaucoup. Alors, Mme la ministre.

Mme Harel: Ah, mon Dieu! Je ne sais pas si tous les membres de la commission ont autant apprécié que moi votre présentation, mais je crois que c'est là une contribution majeure à nos travaux. Je veux vous en remercier. Alors, vous êtes M. Chabot, je crois, hein, vous avez dit...

M. Chabot (Pierre): Chabot.

Mme Harel: Chabot. Vous avez été modeste dans la présentation. Vous avez dit Groupe-conseil KPMG. En fait, je pense que c'est le groupe Peat, Marwick, hein?

M. Chabot (Pierre): C'est ça.

Mme Harel: C'est ça. Et puis je lisais... Je vais le lire pour vous, là: Vous êtes la plus grande organisation de services professionnels au monde. Est-ce que c'est bien le cas?

M. Chabot (Pierre): On est un réseau de firmes nationales.

Mme Harel: Donc, c'est un réseau global de plus de 800 bureaux établis dans plus de 130 pays.

M. Chabot (Pierre): Oui.

Mme Harel: Bon. En fait, il y a plein d'autres choses de cet acabit. Ici, vous comptez au Canada, je pense, au total, 4 800 employés?

M. Chabot (Pierre): En tout et partout, oui...

Mme Harel: En tout et partout.

M. Chabot (Pierre): ...du côté de la vérification et de groupes-conseils.

Mme Harel: Oui. Alors, bon, ça donne du poids quand même à ce que vous apportez cet après-midi. C'est vraiment du baume, d'une certaine façon. Cependant, on nous a beaucoup dit que le processus, la réglementation du processus allait coûter assez cher aux entreprises. Et là, tout de suite, j'ai à vous poser une question parce que d'aucuns vont penser que, s'il vient dire ça, c'est parce qu'il va en profiter, c'est sans doute sa firme qui va en bénéficier. Vous dites quoi à l'égard de ça?

M. Chabot (Pierre): Ce que je dis, c'est qu'il y a aussi un processus d'éducation qui a à se faire pour mettre en place un projet d'équité salariale. Et on m'a posé la question aussi quand on s'est présenté au comité précédent, des programmes d'équité salariale, pour vous nommer des prix, il s'en est fait avec notre support qui ont coûté entre 1 500 $ et 700 000 $. Donc, partout entre ça, il y a des situations. Puis ce que je réponds à si on va en profiter, ma réponse typique à ça, c'est: Si tout le monde était en santé, les médecins auraient des problèmes. Nous autres aussi, on a souvent à guérir certaines situations ou à amener les gens à être capables de régler leurs problèmes. Donc, je ne suis pas gêné du tout par le fait de dire que, oui, s'il y a une loi de l'équité salariale, un groupe comme le nôtre va travailler avec un bon nombre d'employeurs. Sauf que les employeurs peuvent, et je pense que le format de la loi... le fait d'avoir les comités d'employeurs et d'employés, le rôle majeur des firmes-conseils serait de fournir un outil d'évaluation et de former les gens au processus. Après ça, ce qu'on a vu surtout dans le cas de la loi en Ontario, c'est que notre rôle est beaucoup plus un rôle de formation au début du processus et, à la fin du processus, un rôle de revue pour voir si le programme a été fait selon les règles ou les modalités de la loi. Il est très rare que c'est un processus où c'est le consultant ou le groupe-conseil qui fait le travail pour l'employeur; c'est impossible, le groupe-conseil ou le conseiller ne peut pas faire ce travail-là pour l'employeur. Le conseiller peut conseiller, peut éduquer, mais c'est là que s'arrête le rôle du conseiller.

Mme Harel: Je comprends dans ce que vous nous dites aujourd'hui que vous êtes d'accord avec la création des comités ou bien vous pensez, en contrepartie, si tant est, par exemple, que la loi énonçait une sorte de disposition impérative à l'effet que les conventions collectives ne doivent pas contenir de dispositions portant des biais sexistes ou discriminatoires ou, en fait, ne doivent pas contenir un dispositif qui est porteur de stéréotypes... Enfin, je ne sais quelle serait la formulation mais je crois que vous comprenez l'intention. Est-ce que vous pensez que cela aussi pourrait avoir un résultat concret, au moins dans les entreprises qui sont syndiquées?

M. Chabot (Pierre): C'est un énoncé qui peut être mis en place. Je pense que l'énoncé pourra être respecté une fois que les entreprises auront mis en place un programme d'équité salariale et auront établi tout le processus qui touche à l'évaluation des postes, l'identification des postes comparables ou l'identification des courbes de rémunération. D'une part, dire... puis je pense que, du côté d'un syndicat, ce serait qu'il est illégal ou qu'il est contre l'esprit de cette loi de négocier le biais sexiste en matière de rémunération, comme certaines lois disent qu'il est illégal pour un employeur de développer ou de maintenir des pratiques salariales qui amènent une discrimination contre certains groupes. À partir de ce point-là, comment est-ce qu'on gère ça? Quelles sont les modalités qui vont faire que les gens vont respecter, vont comprendre cette loi-là?

(15 h 40)

Ce qui est arrivé – et la réalité du manque d'équité salariale, comme la dame avant moi disait, ce n'est pas nécessairement un processus volontaire. L'équité salariale est un problème systémique. Ce que les employeurs ont fait, c'est que les employeurs recréaient les relations qui existent sur le marché entre les postes en allant chercher leurs salaires sur le marché. Le sexisme, si on veut, se faisait sur le marché. Puis, quand je parlais du rôle de l'éducation et je parlais du rôle de faire comprendre la loi, c'est que c'est là aussi que bon nombre d'employeurs ont des problèmes et vont dire: Mais, de la discrimination, je n'en fais pas, je paie ce que j'ai à payer. C'est de leur faire comprendre. Mais ce que tu paies parce que tu as à le payer est discriminatoire parce qu'il y a un manque de relations entre les postes qui sont à prédominance de femmes et ceux qui sont à prédominance d'hommes. Et, souvent, le rôle premier d'une loi, c'est vraiment de faire comprendre, premièrement, la loi, et de faire comprendre le processus qui va amener à régler ce problème-là.

Mme Harel: Vous nous avez parlé de la question du programme d'équité unique dans une entreprise ou de la pluralité de programmes en nous disant qu'il y a vraisemblablement une dynamique plus intéressante dans une pluralité de programmes puisqu'il peut y avoir un peu, beaucoup ou pas du tout d'intérêt, mais il y a un effet d'entraînement. Et, si on s'attend tous, on peut ne jamais commencer, tandis que, si on laisse aller, ça finit par créer le mouvement. En tout cas, c'est ce que j'ai compris des propos. Et vous avez comme solution au fait que certaines unités d'accréditation, cols blancs versus cols bleus, peuvent avoir des emplois à prédominance féminine seulement, qu'il pourrait y avoir des comparateurs externes mais à l'intérieur de l'entreprise. C'est ça que vous suggérez, hein?

M. Chabot (Pierre): Oui. Si, par exemple, il y avait une unité syndicale ayant une population presque entièrement de femmes où, au sein de ce groupe-là, on ne pourrait pas trouver de comparateur de postes mâles, et qu'une autre unité syndicale, elle, avait une bonne représentation de postes mâles, ce que l'employeur peut faire, un, c'est d'aller le chercher, faire une comparaison de poste à poste, ou d'établir quelle est la tendance ou la courbe salariale des postes mâles au sein de l'autre unité, et de transférer cette courbe-là dans l'unité où il n'y a pas de représentation mâle.

Mme Harel: Donc, en regard de l'article 21... Je ne sais pas si vous avez avec vous le projet de loi. Vous ne l'avez pas? Peut-être quelqu'un pourrait vous le remettre. Je vais vérifier avec vous, tant qu'à vous avoir. C'est gratuit, en plus, on va en profiter. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Parce qu'il y a aussi la question de l'étalement des ajustements. J'aimerais aussi, si vous voulez, revenir là-dessus. C'est l'article 21, deuxième paragraphe, où on dit: «Une pluralité de programmes ne peut être établie que si chacune des catégories d'emplois à prédominance féminine identifiées au sein de l'entreprise peut être comparée avec l'ensemble des catégories d'emplois à prédominance masculine...» Vous, ce que vous dites, ce n'est pas ça, hein? Non?

M. Chabot (Pierre): Au départ, faire la comparaison des postes au sein d'un programme, faire la comparaison des postes à prédominance de femmes au sein d'un programme avec les postes mâles au sein de ce même programme-là. Donc, un programme serait une unité syndicale.

Mme Harel: Unité d'accréditation. C'est ça.

M. Chabot (Pierre): Une unité d'accréditation ou le groupe non syndiqué d'une entreprise. Si cette comparaison-là n'est pas possible, après ça, aller emprunter un comparateur, si on veut, chez une autre unité d'accréditation.

Mme Harel: On ne passe pas à côté de choses importantes en prenant cette méthode-là? Puisque, dans l'unité d'accréditation, à ce moment-là... Je pense, par exemple, à forêts. Il y a la scierie – il n'y a pas beaucoup de femmes – et il y a la forêt elle-même – il n'y en a pas tellement non plus. Elles vont se retrouver dans certaines catégories, dans les bureaux, infirmières, des unités d'accréditation différentes. Là, elles vont pouvoir, à ce moment-là, trouver un comparateur externe dans l'entreprise. C'est ça que vous nous dites, finalement.

M. Chabot (Pierre): C'est ça.

Mme Harel: Quant à l'étalement des ajustements, en Ontario, c'était 1 % maximum, mais ça pouvait être étalé, je pense, hein?

M. Chabot (Pierre): Bien, en fait, c'était 1 % minimum.

Mme Harel: Minimum.

M. Chabot (Pierre): L'employeur devait mettre de côté 1 % de sa masse salariale aux ajustements des iniquités jusqu'à ce que le programme soit complété. La seule situation, en Ontario, où il y avait un échéancier précis, c'était dans le cas du gouvernement lui-même, qui s'était donné six ans pour faire ces correctifs.

Mme Harel: Il n'y avait pas, donc, d'échéancier. Puis, vous, vous considérez que c'était un minimum? Parce que les expertes qui m'entourent me disent qu'elles le considéraient comme un maximum.

M. Chabot (Pierre): C'est que ça a été mis dans la loi comme étant un minimum. En fait, c'est que le peu d'employeurs qui avaient à étaler leurs ajustements ont été... Les employeurs n'avaient pas à aller au-delà de 1 %, mais devaient au moins mettre 1 %. Il y a certains cas où plusieurs de nos clients, où l'ajustement total était de 1,2 % ou 1,3 %, ont fait les correctifs à la première année pour que ça soit fait. Mais, dans certains cas, des employeurs se retrouvaient avec 3 %, 4 %, donc, pouvaient étaler sur une période tant et aussi longtemps que, chaque année, ils se servaient de 1 % de leur masse salariale... ou ils augmentaient la masse salariale de 1 %, et que ce 1 % là allait aux correctifs en matière d'équité salariale.

Mme Harel: Et, donc, c'était étalé. Et vous considérez que, dans l'avant-projet de loi, il y a une omission de ne pas permettre l'étalement?

M. Chabot (Pierre): C'est que l'échéancier est très raisonnable puis va couvrir la majorité, même la très grande majorité des employeurs.

Mme Harel: Les quatre ans.

M. Chabot (Pierre): Quatre ans. Sauf qu'il va y avoir des cas où, pour certains employeurs, le correctif total va être de plus de 4 % ou 5 %. Et ce qu'on demandait ici, c'est que la loi ait cette possibilité pour ces employeurs, pas nécessairement d'étaler, mais d'aller à la commission ou au groupe qui va gérer la loi pour demander une capacité de pouvoir étaler ces ajustements-là sur une période plus longue que quatre ans.

Mme Harel: Et ma dernière question portait sur les employés à temps partiel. J'aimerais que vous repreniez ce que vous considérez comme pouvant être... Je voudrais comprendre pourquoi vous nous proposez ça, parce que vous nous dites: Il faut un nombre d'heures minimales, hein, en deçà desquelles on ne fait pas intervenir les comparaisons.

M. Chabot (Pierre): Oui, de ce côté-là, il n'y a pas une formule magique. Il y a un certain arbitraire qui dirait que, pour être considéré, il y a un nombre d'heures minimales, sauf que ce n'est peut-être pas nécessairement une situation de zéro à 100. Dans bon nombre de cas, ce qu'on a retrouvé souvent dans le passé, c'est que là où il y avait des comparaisons entre des employés à temps plein ou ce qu'on appelle un temps-partiel permanent, quelqu'un qui travaille régulièrement plus de 20 heures par semaine, les différences de salaire de base n'étaient pas énormes et, de plus en plus, il y a des employés, les temps-partiels permanents qui ont soit l'ensemble des avantages sociaux ou une partie ou un pourcentage des avantages sociaux. Là où ça peut être un irritant beaucoup plus difficile à avaler pour plusieurs employeurs, c'est ce qu'on appelle les employés occasionnels ou ceux qui travaillent 10 heures ou moins par semaine qui, à la lecture de la loi, ici, auraient à recevoir l'ensemble des avantages ou une équivalence pour l'ensemble des avantages qu'un employé à temps plein recevrait, tant du côté salaire que des avantages sociaux, et ainsi de suite, tout ramener sur la base d'un taux horaire. Ce qui pourrait faire en sorte que, si l'employeur ne veut pas, en fait, insérer ces gens-là au programme d'avantages sociaux, il doit payer une prime au salaire horaire pour couvrir le coût des avantages sociaux. Il y a un coût, là, qui pourrait être une couleuvre dure à avaler pour plusieurs employeurs.

Mme Harel: Mais vous n'êtes pas inquiet que ça ait un effet d'incitation à la précarisation du travail? Si on introduit bon nombre de protections ou, en fait, comment dirions-nous, de législations sociales qui ne concernent que le travail régulier ou permanent, ou à durée indéterminée, ça incite, à ce moment-là, à du travail, si vous voulez, plus précaire?

M. Chabot (Pierre): Ma réponse va être tout ce qu'il y a de moins scientifique: Non. Mais c'est mon opinion. Et ce que j'ai vu, c'est qu'une situation comme ça où un employeur va dire: Maintenant, tous mes occasionnels ou mes temps-partiels doivent recevoir exactement la même chose que mes temps-pleins, ce serait peut-être beaucoup plus un irritant qui va le ralentir dans le processus d'équité salariale, qu'un autre qui dirait: Bon, bien, voici une façon dont je peux contourner la loi, c'est en prenant trois postes à temps plein et en les échelonnant sur 10 postes à temps partiel de 10 heures ou moins par semaine. Les employeurs n'iront pas à cet extrême-là. Mais, d'un autre côté, de dire: Bon, tout le monde est couvert de la même façon, puis certains postes ou, enfin, ces postes-là sont pour combler des vides où il n'y a pas de place pour un employé à temps plein, et où on dit: Bon, bien, pour couvrir ce trou-là, on va aller chercher un employé qui, en bout de ligne, ne coûtera peut-être pas aussi cher que l'équivalence à temps plein. Maintenant, c'est quoi l'avantage?

(15 h 50)

Mme Harel: Parce que, des fois, c'est surprenant, l'application qui suit des lois qui sont adoptées ici. Je pense, en 1991, notamment à la loi modifiant la Loi sur les normes du travail et qui avait introduit un excellent principe d'égalité, si vous voulez, de rémunération globale entre les temps-partiels et les temps-pleins, et c'était introduit suite à des représentations très vigoureuses qui avaient été faites par le comité des jeunes, ou la Commission-jeunesse du parti du gouvernement à ce moment-là. Mais l'impact de ça, c'est que, très souvent, pour l'avoir vérifié avec des gens qui en ont été victimes, c'est que les employeurs passaient par de la sous-traitance, en fait, par des firmes de location de main-d'oeuvre, de louage, finalement, et ne se trouvaient plus, donc, couverts par l'obligation de traiter de la même manière des employés à temps partiel et à temps plein, puisque ce n'étaient plus leurs employés juridiquement, c'était donc les employés de la firme de louage, si vous voulez. Et je me dis, c'est quand même toujours surprenant de voir qu'on n'anticipe pas assez comme législateurs l'effet que ça peut avoir dans le concret.

M. Chabot (Pierre): L'effet, justement, de mettre une demande comme ça dans la loi, qui va dire que, maintenant, un employé que j'ai, un employé à temps partiel que j'ai, qui travaille de 10 à 12 heures par semaine, et à qui, maintenant, je dois donner l'équivalent des avantages sociaux, ça va pousser beaucoup plus l'employeur à aller chercher de la sous-traitance ou à envoyer ces employés-là dans une compagnie de sous-traitance où il n'aura plus à s'en occuper, qu'à dire: Bon, bien, je vais continuer, ou: J'ai à faire un mouvement d'équité pour ces employés-là, mais ça va se limiter au salaire au lieu d'englober toutes les autres modalités de rémunération, et surtout, d'où le coût vient, et c'est un coût qui est croissant, tout ce qui touche le côté des avantages sociaux des régimes de retraite.

Mme Harel: Alors, je vous remercie beaucoup, M. Chabot. J'ai beaucoup, beaucoup apprécié votre présentation. Ça a été un des premiers mémoires qu'on a reçus au Secrétariat à la condition féminine et on espérait que tous les autres qui suivraient soient un peu semblables, finalement... Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Signori): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie. Vous avez soulevé des points très révélateurs, et ça confirme certaines craintes, certaines appréhensions que j'ai depuis le tout début de la présente commission parlementaire, à savoir comment on va pouvoir concilier le tout, comment on va pouvoir... parce que notre objectif principal c'est l'équité pour les femmes, mais il faut le mettre en application. Alors, comme le disait souvent la ministre, c'est bien beau les grands principes par écrit, mais encore faut-il que ça s'applique, et que ça s'applique avec souplesse puis que ça s'applique convenablement. Après avoir entendu aussi tous les discours que j'ai entendus des syndicats, bien sûr que, parfois, on ne le voit pas toujours de la même façon, et je trouve ça quand même un peu difficile, d'autant plus que, justement, Mme Messier, avant vous, tout à l'heure, semblait dire aussi que ce ne sont pas toujours des femmes qui négocient au nom des syndicats et, parfois, ils ont d'autres préoccupations que l'équité salariale, et il va falloir peut-être qu'on en fasse... non peut-être, mais il va falloir qu'on en fasse une priorité.

Donc, dans ce sens-là, c'est sûr que, lorsqu'il y a plusieurs syndicats, ce n'est pas nécessairement facile, et on l'a vécu même à différentes reprises. Après avoir accepté un mode de fonctionnement, si un syndicat est en désaccord, après ça, c'est des plaintes qui n'en finissent plus. Alors, vous avez beau accorder des millions et des millions de dollars pour des ajustements mais, par contre, les plaintes demeurent et, dans le projet de loi, on voit que ça n'empêche pas, non plus, quelqu'un de soulever des plaintes. Puis pas seulement ça, mais c'est le processus aussi. Des groupes, entre autres la Conférence des recteurs des universités, sont venus... ces gens nous ont dit aussi quel temps ça a pris pour implanter un programme de relativité salariale, seulement pour négocier soit des libérations syndicales ou tout ce qui pouvait toucher à l'application comme telle. Alors, parfois, on prend six mois... Puis, pour l'avoir vécu même au niveau du gouvernement, au Conseil du trésor, après avoir signé des ententes-cadres, ça a pris six à huit mois pour seulement discuter des libérations syndicales. Comment on peut épargner tout ça, on peut éviter tout ça aux entreprises? Au fait, je pense que c'est ça que craignent les entreprises, c'est tous ces types que je peux appeler d'embêtements et de bois dans les roues, alors que je pense qu'il y a une volonté, mais on ne veut pas, non plus, dépenser inutilement des sommes pour d'autres choses que des ajustements de salaires. On ne veut pas nécessairement en ajouter trop dans l'administration. Comment on peut éviter tout ça?

M. Chabot (Pierre): La réalité, madame, c'est que l'équité salariale n'envenimera pas les relations syndicales-patronales mais elle ne les améliorera pas non plus. Si vous êtes dans un contexte où la... ou encore, pour rapporter ce que la dame avant moi disait, si le contexte est déjà malsain, l'équité salariale ne sera pas différente. C'est un processus qui peut être extrêmement long. On a eu des cas où il y avait une confrontation syndicale-patronale et où le processus prenait un temps énorme, parce que tous les t devaient être barrés, tous les i pointillés, puis ainsi de suite. Et c'est une autre, en fait, c'est une autre bonne raison pour se chicaner, comme on dit.

Dans bon nombre de cas, par exemple, il y a eu des situations où l'employeur et le syndicat ont réglé la question de l'équité salariale dans deux, trois mois. Et, ça, on parle de mise en place des structures du processus, de l'évaluation des postes, de l'identification des postes à régler, de l'affichage du programme. Et c'était fait. Mais c'était dans une situation où employeurs et syndicats avaient l'habitude de travailler ensemble. Malheureusement, et puis si j'avais la recette magique à apporter à cette situation-là, comme Mme Harel disait, mon sourire serait encore plus grand qu'il l'est présentement, mais ce n'est pas un processus qui va être facile parce que, justement, il faut que les parties travaillent ensemble. Les parties vont avoir à décider, un, quels sont les postes à prédominance, parce qu'il y a un pourcentage qui existe. Mais on parle aussi de l'historique de certains postes. Un poste peut présentement être à 60 % et plus de mâles mais, pour les 10 ou 15 dernières années, c'est un poste qui était constamment en majorité de femmes. Est-ce que c'est parce que, aujourd'hui... Ou encore, les postes uniques. On a un homme dans ce poste-là aujourd'hui mais, pour les 20 dernières années, ça a été une femme dans ce poste-là. Est-ce que c'est vraiment aujourd'hui un poste à prédominance mâle ou est-ce que c'est un... Donc, toutes ces choses-là doivent se négocier.

Il n'y a pas de formule magique mais il y a le processus d'information le plus clair que la loi peut être sur le fait que: Voici ce à quoi on s'attend, voici les objectifs, voici le but de la loi et comment on peut amener la loi de façon à ce qu'il y ait quelque chose qui se fasse. De prime abord, quand j'ai vu la question du programme unique au sein d'une entreprise, ça va être le grain de sable dans l'engrenage, parce que, s'il y a une place dans le processus où il va y avoir du retard parce que personne ne peut s'entendre – peut-être qu'un groupe et l'employeur sont prêts à partir et qu'un autre groupe dit: Non, nous, on n'embarque pas dans ça – ils peuvent complètement arrêter le processus.

D'une autre façon, si on dit: Bon, l'employeur a à négocier avec chaque groupe différemment ou de façon unique, une fois qu'il y a un groupe qui va être parti, dont le programme va être en place, les employés représentés par l'autre groupe vont commencer à se demander ce qui se passe: Comment ça se fait que ça ne se fait pas pour nous? Comment ça se fait que ça n'avance pas, ce programme-là, pour nous? Il va y avoir de la pression qui va se faire tant chez l'employeur que chez le syndicat et peut-être qu'à ce moment-là ça va dégeler l'atmosphère.

Mme Gagnon-Tremblay: Dans le cas où le gouvernement impose aux employeurs une loi sur l'équité salariale par l'adoption, justement, dudit projet de loi, jusqu'où le gouvernement pourrait aller dans l'imposition aux syndicats des modalités d'application ou d'un modèle quelconque d'application et, aussi, d'accepter les résultats d'une telle démarche en équité salariale?

M. Chabot (Pierre): Aussi loin que le gouvernement peut, veut aller pour imposer ces choses-là à un employeur.

Mme Gagnon-Tremblay: Donc, ça veut dire qu'il faut aussi prendre en compte ce qui pourrait arriver quant aux résultats ou quant à l'application comme telle.

À un moment donné, vous avez dit, si j'ai bien compris, que, pour les syndicats, ils étaient, pour certains, peu ou pas intéressés à l'équité salariale. Pouvez-vous m'expliquer ce que vous vouliez dire exactement?

(16 heures)

M. Chabot (Pierre): Il y a des syndicats avec qui on a eu affaire qui, en fait, avaient peu d'intérêt. Je dois dire, pour leur défense – je manque de meilleurs mots là – c'est que ce sont des syndicats qui sont en très grande partie vraiment des syndicats d'hommes, où ces syndicats-là, dans plusieurs cas, en Ontario, ont eu à participer au processus afin, justement, d'apporter des comparateurs dans un processus où d'autres groupes au sein de l'entreprise manquaient de comparateurs mâles. Mais, je veux dire, comme on l'a dit auparavant, les conventions collectives qui sont négociées depuis 50, 60, 100 ans ont été négociées par deux parties, et il y a plusieurs syndicats qui s'aperçoivent, à la lumière d'une loi d'équité salariale, qu'eux aussi n'ont pas toujours eu les yeux grand ouverts quant au processus d'équité salariale et qu'ils ont satisfait une certaine portion de leur membership. Et, souvent, c'est plus difficile aussi pour eux d'accepter ça, surtout dans certains cas qu'on a vus où, dans certaines unités, la majorité des membres étaient des femmes, mais il y avait des différences très prononcées entre ces groupes-là et les quelques postes mâles qu'il y avait au sein de l'unité. Je pense que c'est un secret de Polichinelle si on parle du secteur des textiles. Si on compare la majorité des conventions collectives qui ont été négociées, où est-ce qu'on parle d'une opératrice de machine à coudre et d'un coupeur de matériel, prenez à peu près n'importe quelle méthodologie d'évaluation de poste, elles vont vous amener ces deux postes-là comme étant comparables, et la rémunération d'un coupeur de matériel est au moins, en moyenne, 10 % à 15 % supérieure à celle d'une opératrice de machine à coudre.

Mme Gagnon-Tremblay: Remarquez que ça ne m'étonne pas parce que, lorsqu'on a implanté les programmes d'accès à l'égalité, on souhaitait, et les femmes syndicales aussi souhaitaient implanter de tels programmes à l'intérieur de leurs structures. Nous avons la FTQ qui a accepté d'élaborer un programme d'accès à l'égalité, et nous l'avons d'ailleurs, à l'époque, comme gouvernement, subventionné à raison de 50 000 $, comme toute entreprise privée. Et, lorsque la CSN est venue en commission la semaine dernière, je lui posais la question, à savoir si les femmes avaient réussi à implanter un programme d'accès à l'égalité au sein des structures mêmes de la CSN, et on m'a vite répondu que oui. Et je recevais une petite revue de la CSN avant-hier, où on mentionnait qu'on vient de s'entendre – je pense que c'est au mois de décembre l'année dernière – pour l'implantation de programmes d'accès à l'égalité alors que, nous, on est rendus à l'équité salariale. Alors, je pense que, comme vous le mentionniez, il y a des pas de géant à faire, de la sensibilisation à faire au sein même des syndicats aussi, et il va falloir que les syndicats priorisent le dossier de l'équité en emploi aussi, ne l'imposent pas uniquement à l'employeur mais en fassent également une priorité.

M. Chabot (Pierre): C'est un processus qui doit se faire par les deux parties; les deux parties doivent être... Et, tant d'un côté que de l'autre, surtout – vous m'excuserez l'expression – quand on parle dans le champ, il est certain qu'il y a des experts chez les groupes d'employeurs, les associations d'employeurs, il y a des experts au sein des syndicats, en fait, de rémunération et d'équité salariale. Mais, au sein de chaque entreprise, il y a un manque d'information et un manque d'éducation pour ce qui est de la gestion des salaires et de ce qu'est l'équité salariale. Encore aujourd'hui, en Ontario, on rencontre des employeurs pour qui l'équité salariale et le concept de salaire égal pour travail égal sont la même chose, pour qui équité salariale, équité en matière d'emploi ou salaire égal pour travail égal sont la même chose. Ils ne peuvent pas comprendre les différences. Ou la réaction qu'on a encore aujourd'hui, que: Je suis juste, je paie ce que le marché me demande de payer. Mais, justement, en faisant ça, tu importes les problèmes d'iniquité, et c'est là qu'il y a un manque d'information.

Mme Gagnon-Tremblay: Je vous remercie. Je pense que j'ai des collègues qui...

La Présidente (Mme Signori): Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: ...veulent poser des questions, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Signori): Alors, M. le député d'Argenteuil, s'il vous plaît.

M. Beaudet: Merci, Mme la Présidente. Éclairez-moi si j'ai bien compris, M. Chabot. D'abord, je vous remercie pour votre mémoire. Je pense que de voir des gens qui sont sur le tas, sur le terrain, comme vous avez dit, ça nous donne des exemples très pratiques et ça nous éclaire; comme, moi, ça me fait comprendre beaucoup plus facilement la démarche.

Vous avez mentionné que, s'il y a une disparité salariale, l'employeur devra compenser à raison de 1 % ou 2 %, selon la loi, mais que, pendant ce moment-là, les négociations syndicales seront interrompues sur la base salariale. Est-ce que je vous ai mal compris, que le syndicat ne pourra plus négocier d'augmentation tant et aussi longtemps que l'équité n'aura pas été atteinte?

M. Chabot (Pierre): Non. Je pense que, où je parlais du problème de négociation des syndicats, c'est que, si la loi demeure comme elle a été présentée ici, d'avoir un programme unique d'équité salariale pour une entreprise, et que la loi dit aussi qu'il faut atteindre et maintenir l'équité salariale par la suite, et cette entreprise-là a, si on prend l'exemple, trois unités syndicales, qui avant le processus d'équité salariale avaient des niveaux de salaires...

M. Beaudet: Des disparités.

M. Chabot (Pierre): ...différents, qui, suite au processus d'équité salariale, ont été...

M. Beaudet: Nivelés.

M. Chabot (Pierre): ...nivelés, qu'est-ce qu'il reste à ces syndicats-là à négocier après ça, en tant qu'unités indépendantes? Parce que l'unité A ne peut pas aller négocier des salaires plus hauts que ce que l'unité B a négocié parce...

M. Beaudet: Parce que qu'il n'y a plus d'équité.

M. Chabot (Pierre): ...que, maintenant, ils viennent de briser l'équité salariale. Donc, comment est-ce qu'on réconcilie le programme unique d'équité salariale qu'on doit maintenir et la capacité de négocier de chaque unité de négociation?

M. Beaudet: D'un autre côté, si on maintient cette disparité entre différentes unités syndicales, on va aller à l'encontre du principe qu'on veut soutenir.

M. Chabot (Pierre): Sauf si, au moins, au sein de chaque unité syndicale, au sein de chaque convention collective, on a l'équité salariale et que, s'il y a des unités syndicales où il n'y a pas de représentation mâle, cette unité syndicale là, à ce moment-là, doit aller chercher un comparateur dans un autre groupe.

M. Beaudet: À l'intérieur d'une même unité syndicale, je comprends, mais lorsqu'on en a trois à l'intérieur d'une même entreprise et qu'on parle d'un employeur, là, on parle de l'employeur, il y a juste un employeur, si on veut qu'il y ait l'équité salariale, alors, on ne peut pas accepter que trois unités syndicales aient trois échelles de salaires différentes, même si le principe d'équité à l'intérieur de chaque unité syndicale est maintenu, parce que l'employeur, lui – puis la loi le dit – un employeur, un principe d'équité, il devra le maintenir. Et, à ce moment-là, il faudra que les unités syndicales s'entendent et qu'il n'y en ait qu'une. Mais on ne peut pas renier sur le principe qu'on veut mettre de l'avant parce qu'il y a trois unités syndicales.

M. Chabot (Pierre): Il y a une décision à prendre.

M. Beaudet: Bien, moi, je ne prends pas la décision, je suis de l'autre bord!

M. Chabot (Pierre): Ces organisations-là vont avoir à prendre cette décision-là. C'est le fait qu'on maintient le droit d'avoir des unités différentes au sein d'une entreprise, qui ont le droit de négocier une convention collective pour leurs membres, où on dit que ça doit prendre absolument un programme unique d'équité salariale au sein...

M. Beaudet: D'un même employeur.

M. Chabot (Pierre): ...d'une entreprise, qui, à ce moment-là, vient de dire à ces trois unités syndicales là: Il faut que vous négociiez les mêmes avantages sociaux, les mêmes salaires, les mêmes conditions de vacances, et ainsi de suite. Donc, tout ce qui touche la rémunération, maintenant, doit être égal pour ces trois unités-là.

La Présidente (Mme Signori): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente. M. Chabot, il y a une phrase dans votre mémoire, qui me frappe beaucoup, dans votre introduction: «Notre expérience nous a démontré que le succès d'une telle démarche dépend en grande partie de la perception, par les différents intervenants, des règles, méthodes et conditions qui s'y rattachent.» Autrement dit, vous plaidez un peu pour un consensus dans le domaine avant qu'on embarque dans un processus, une mécanique pour établir des plans d'équité salariale, si j'ai bien compris le sens de votre phrase.

M. Chabot (Pierre): Ce qu'on voulait amener avec ce commentaire-là, c'était beaucoup plus que la loi d'équité salariale va connaître un certain niveau ou un niveau de succès dans le public, chez le public, chez les employeurs, tant chez les employeurs que chez les syndicats, si elle est amenée beaucoup plus comme un processus qui va s'insérer et, d'une façon beaucoup plus évolutive, modifier les pratiques salariales qui existent chez ces employeurs-là au lieu d'une loi qui dit: Bon, boum! Maintenant, aujourd'hui, c'est comme ça que la rémunération doit se faire dans toutes les entreprises au Québec.

Le commentaire que j'avais fait au comité précédent, c'est que, si la loi atteint l'objectif d'insérer chez la majorité des employeurs ou l'ensemble des employeurs au Québec un processus d'administration des salaires ou de mise en place, de développement de structures salariales basées sur le concept de la valeur des postes, la loi va avoir atteint son objectif.

(16 h 10)

M. Copeman: O.K. Mais parlons précisément de l'avant-projet de loi qui est devant nous. Depuis le début de nos audiences générales, on a entendu, si mon décompte est bon, à peu près sept groupes d'employeurs dans le privé, dont six sont soit férocement, partiellement ou complètement contre le projet de loi qu'on a devant nous. Ça va à cet extrême-là. Il y en a un qui est pour, mais les six autres, la gamme va jusqu'au retrait complet du projet de loi, un autre qui dit: Ne pas légiférer dans ce domaine. Un autre qui dit: Bien, si vous allez légiférer, ça prend beaucoup, beaucoup de changements pour qu'on puisse l'accepter, etc.

Mme Harel: Lequel est pour?

M. Copeman: Si j'ai bien compris, la caisse des fédérations, là.

Une voix: Les caisses populaires.

M. Copeman: La seule.

Une voix: À condition d'être exemptée.

Mme Harel: Ha, ha, ha!

Une voix: Ha, ha, ha! À condition d'être exemptée.

M. Copeman: Oui, à condition d'être exemptée, c'est sûr. C'est parce que je n'y étais pas quand la caisse est venue. Alors, c'est une nuance importante à apporter. Dans le cas précis, d'ailleurs, M. Chabot, si six sur sept sont opposés, quel conseil avez-vous pour le gouvernement afin de surmonter cette opposition, pour assurer que cet avant-projet de loi ou un éventuel projet de loi atteigne les objectifs qu'il vise?

M. Chabot (Pierre): La recommandation puis, en fait, le commentaire que j'ai fait au départ, c'est qu'une fois que la loi vient, est en place, la loi est expliquée et les intervenants sont éduqués adéquatement ou informés adéquatement du processus d'une loi. Et c'est pour ça qu'on a fait le commentaire, ici, que, si c'est une loi qui est logique et c'est une loi qui permet aux gens de s'insérer dans le processus, c'est une loi qui a beaucoup plus de chances de succès. Pourquoi l'avant-projet de loi, ici, a beaucoup plus de chances de succès que les lois précédentes? C'est que, un, il respecte beaucoup plus les principes de rémunération que ce qu'on a vu dans les lois précédentes. Les méthodes de comparaison qu'on a vues dans les lois précédentes allaient à l'encontre des pratiques courantes en rémunération. La méthode de conversion de poste à poste, strictement ça, a amené beaucoup plus de problèmes en Ontario qu'elle n'en a réglé. La méthode qu'on préconise ici, de la courbe, et ainsi de suite, amène beaucoup plus de logique au processus.

M. Copeman: Mais il semble que...

La Présidente (Mme Signori): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, le temps...

Mme Harel: Mme la Présidente, je m'excuse infiniment. S'il y avait consentement, on pourrait peut-être demander à M. Chabot de nous faire rapidement la différence entre la méthode courbe à courbe puis la méthode poste à poste?

M. Chabot (Pierre): La méthode poste à poste, c'est la méthode initiale, qui a été amenée par la loi de l'Ontario, où, à ce moment-là, ce que la loi de l'Ontario disait, c'est: Une fois que vous avez évalué ou établi la valeur de chaque poste, vous avez à déterminer si deux postes sont comparables, c'est-à-dire un poste à prédominance de femmes est comparable à un poste spécifique à prédominance d'hommes, et, s'il y a une différence de salaire, le salaire du poste à prédominance de femmes doit être ajusté au taux de ce poste-là, d'hommes. Ce qu'on retrouvait souvent, par exemple, c'est qu'à partir de l'ensemble des postes à prédominance mâle, du plus bas à aller jusqu'au plus haut, c'est à peu près toujours une courbe ou une ligne qui montait de façon droite. Ça pouvait faire ça, comme ça. Et, souvent, ce qu'on faisait, c'est qu'on répétait les inégalités qu'il pouvait y avoir entre les postes d'hommes pour les postes de femmes.

Comparativement à cette méthode-là, si on prend la méthode de la courbe, qui est d'établir la relation entre, par exemple, les points d'évaluation et les niveaux de salaires actuels, c'est qu'on établit une courbe moyenne selon la valeur des postes, et on dit: Si on ajuste les postes à prédominance de femmes à cette courbe-là et qu'éventuellement on ramène les postes vers la courbe, on a un système d'équité interne pour l'ensemble de l'organisation.

Le fait d'utiliser cette méthode-là, aussi, ce que ça a amené plusieurs employeurs à faire, c'est de formaliser leurs pratiques en rémunération, et ça a réglé des problèmes qui n'étaient pas couverts par les lois: bien souvent, les deux postes où il y avait des postes égaux femme et femme où une était payée plus haut que l'autre, ou homme versus homme où un était payé beaucoup plus que l'autre, et ça a corrigé aussi ces situations-là.

Si je peux juste répondre à la question du député de Notre-Dame-de-Grâce. Il y a huit ans, il y a neuf ans, en Ontario, la même levée de boucliers s'est faite. Et il y a des employeurs, encore aujourd'hui, en Ontario qui n'ont pas mis en place le programme d'équité salariale. Et, comme je disais, une des questions: le fait de présenter des rapports à la Commission va juste ralentir les travaux de cette Commission-là. Cette Commission-là, que vous allez mettre en place, a beaucoup plus un rôle d'éducation, un rôle d'enquête, un rôle de répondre aux plaintes qui pourraient être amenées par les employés. J'aurais été extrêmement surpris si tous les groupes d'employeurs étaient arrivés ici en disant merci. Mais le fait est que la majorité, encore en Ontario, ont mis en place leur programme d'équité salariale et ont...

M. Copeman: Mais ils n'avaient pas beaucoup le choix. Il n'y avait pas beaucoup le choix, c'était la loi.

M. Chabot (Pierre): Ils n'avaient pas d'autre choix, mais, une fois que le programme a été mis en place, ils se sont aperçus que c'était une couleuvre qui était beaucoup moins difficile à avaler que ce qu'ils avaient cru. Parce que tout le monde pensait à 20 %, 25 % d'augmentation de la masse salariale. Le résultat, en bout de ligne, c'était 2 %, 3 %.

La Présidente (Mme Signori): Alors, je vous remercie, M. Chabot. Merci aussi à votre organisme. Et je demanderais à M. Alain Gazaille de prendre place. Il y aura suspension pour quelques minutes, pour permettre à tout le monde, là, de...

(Suspension de la séance à 16 h 16)

(Reprise à 16 h 19)

La Présidente (Mme Signori): M. Gazaille, bienvenue. Et je vous rappelle que vous avez un temps de présentation de 10 minutes, M. Gazaille, et 20 minutes d'échanges avec les membres de l'opposition et du côté ministériel.


M. Alain Gazaille

M. Gazaille (Alain): Bien, je voudrais d'abord remercier la commission d'avoir bien voulu m'entendre et puis souligner que, le but de mon mémoire, c'est surtout d'amener des commentaires et des propositions pour améliorer la compréhension et l'application de la future loi.

Le premier commentaire général porte sur l'ensemble de la loi. C'est que la loi devrait être plus complète, plus élaborée, moins laisser place à la réglementation. Je me mets à la place des employeurs et des employés, pour qu'ils puissent avoir une vision, une compréhension du processus sans être obligés de se référer à une ressource extérieure, qui serait une commission ou des consultants.

(16 h 20)

Ma deuxième remarque porte un peu sur le titre du projet de loi, c'est-à-dire qu'on a parlé de confusion dans la population sur ce que c'est, l'équité salariale, même dans les entreprises, même pour les salariés. En fait, je veux dire, le projet de loi s'appelle l'équité salariale, mais il s'agit, en fait, d'équité salariale basée sur le sexe. La notion d'équité salariale en tant que telle est beaucoup plus large que ça. Elle peut porter sur des catégories sociales, des gens d'origine ethnique qui sont concentrés dans des emplois particuliers, etc.

Mon deuxième commentaire – je pense qu'il a déjà été fait par d'autres mémoires, d'ailleurs – porte sur la formation des membres du comité. On crée un comité d'équité salariale, lequel, je pense, pour faire référence un peu à la discussion sur le comité d'équité salariale qu'il y a eu à la fin du dernier mémoire... C'est que, je veux dire, il y a quand même un mécanisme prévu dans l'avant-projet de loi, qui fait que, même s'il y a deux syndicats parties au même plan d'équité, je veux dire, du fait qu'ils doivent s'entendre, parce que, s'il n'y a pas entente entre les deux, le projet de loi prévoit que c'est l'employeur qui va décider, je pense qu'il y a une incitation, à ce moment-là, pour les syndicats, à s'entendre. Ma remarque sur la formation des membres des comités, c'était en ce qui concerne la rémunération. Qui est responsable de la formation des membres du comité? Est-ce que c'est l'employeur? Est-ce que c'est le syndicat, lorsqu'il y en a? Est-ce qu'il y a quelque chose de prévu pour leur formation? Ce n'est pas clair, en fait.

Bon. En ce qui concerne le programme, on propose un programme par employeur. Il est évident qu'un programme par employeur, c'est avantageux pour l'équité salariale en tant que telle parce que ça élargit les comparateurs possibles pour les emplois à majorité féminine, mais il y a quand même une difficulté pratique que ça amène, c'est que le plan d'évaluation, à ce moment-là, est beaucoup plus général, les repères pour les membres du comité, lorsqu'ils ont à faire l'évaluation, deviennent plus abstraits. Pour les salariés, le plan est aussi perçu par les salariés comme beaucoup plus théorique puis plus éloigné de leur réalité de travail. C'est-à-dire qu'il est évident que, si ça leur amène un réajustement salarial, ils vont le prendre d'une façon positive, mais ça ne veut pas dire que, pour eux, ils vont considérer que, légitimement, ça affecte l'équité salariale, parce que les critères vont être de plus en plus éloignés de leur réalité quotidienne.

Un autre commentaire, peut-être un petit peu plus théorique, c'est la question de la notion de catégorie d'emploi. C'est évident que, dans la loi de l'Ontario aussi, on parle d'emplois et de catégories d'emplois, mais c'est une notion qui est très difficile à comprendre pour la majorité des gens parce que quand est-ce qu'un emploi devient une catégorie d'emploi et quand est-ce qu'un emploi reste un emploi? Je pense qu'il faudrait évaluer son utilité concrète, dans ce sens: Est-ce que ça vaut la peine de mettre ça dans un projet de loi puis de l'imposer, alors que ça peut créer de la confusion?

En ce qui concerne la prédominance sexuelle d'un emploi, l'avant-projet de loi amène toute une série de notions statistiques de taux de représentativité. Encore une fois, je me pose la question: Est-ce que, je veux dire, pour la majorité des employeurs, cette notion statistique... Pour les petits employeurs puis la majorité des salariés, est-ce que cette notion statistique là est vraiment nécessaire, parce que... Je veux dire, est-ce qu'on ne pourrait pas se limiter aux autres éléments du projet de loi, de même... Je cite, à la section ou à l'article 27.2°, c'est qu'on parle de... On pourrait peut-être formuler plus simplement en parlant des titulaires précédents de l'emploi plutôt que du taux de représentation historique. Ça peut paraître un peu tatillon, là, mais c'est quand même... Pour les gens ordinaires, là, le taux de représentation historique, là, ça peut porter à discussion et à confusion.

Il y a l'article 30 qui prévoit que la Commission – que ce soit la Commission des normes ou une autre commission – va développer une méthode d'évaluation des emplois qui pourra être sanctionnée par règlement. Je pense qu'il s'agit d'un grand risque de figer la Commission dans un système qu'elle va elle-même s'être imposé, système qui pourra peut-être ne pas s'avérer adéquat dans toutes les circonstances. Je pense qu'il faudrait plutôt donner à la Commission le pouvoir d'agir avec les parties impliquées pour les amener à adopter un système d'évaluation des emplois. Parce que l'évaluation des emplois, en fait, comporte une grande part de subjectivité, de jugement subjectif, et doit être adaptée à chaque contexte.

En ce qui concerne l'estimation des écarts salariaux, l'avant-projet de loi prévoit quatre méthodes d'estimation des écarts salariaux. Le danger, avec quatre méthodes, c'est que chacune des méthodes peut ne pas donner le même résultat. Ça fait que, là, on part sur une discussion entre les parties pour choisir la méthode qui est la plus avantageuse dans leur situation. Je pense que l'Ontario... Là, peut-être que je diffère un peu de la présentation précédente, mais je pense que l'Ontario s'est limitée d'abord à la comparaison par paires – ce dont on a parlé tout à l'heure – puis, après ça, a adopté la valeur proportionnelle pour les cas où la comparaison par paires n'est pas possible, puis ça a amené qu'il a fallu que la législation, en Ontario, délimite qu'est-ce qu'on fait lorsque la valeur proportionnelle est différente de ce qu'on obtient par la comparaison par paires. En tout cas, à ce moment-là, c'est pour limiter un peu les débats qu'ils peuvent avoir là-dessus.

Bon. La notion de rémunération. Aux articles 37 et 40, on définit la rémunération. Je pense qu'elle est, là aussi, inutilement complexe et peut prêter à discussion. La reformuler puis la représenter d'une façon plus simple. Il y a une chose, aussi, qu'il y a, c'est que la pratique du salaire étoilé, que quelqu'un a... dans un mémoire ce matin, là, ce qui se dit en anglais le «red circle». La pratique du salaire étoilé n'a pas été retenue comme justifiant un écart salarial, alors qu'en Ontario elle est retenue comme justifiant un écart salarial entre les emplois à prépondérance masculine et les emplois à prépondérance féminine. Ceci pourrait avoir pour conséquence de mettre en cause un objectif essentiel d'évaluation des emplois, qui est l'équité interne. Parce que, à ce moment-là, je dois dire, une entreprise ne pourrait plus dire: Bon, bien, je me trouve à un moment donné avec quelqu'un qui est trop rémunéré pour l'emploi qu'il occupe et je maintiens son salaire, parce que cette chose-là, consacrée par la loi, ferait qu'on serait obligé de l'inclure à l'intérieur de l'équité salariale.

Bon, en ce qui concerne le versement des ajustements, bien, là, de façon générale, le délai était un peu court par rapport à ce qui se fait dans d'autres juridictions. Je faisais référence à l'Ontario qui, en fait, parle de 1 % de la masse salariale par année, ce qui pourrait peut-être faire que les entreprises ou les employeurs disent: Bon, bien, c'est peut-être... Parce que leur préoccupation va être monétaire, c'est évident, et puis, ça rend plus acceptable le fait qu'on se dise: On embarque dans un processus, mais on sait qu'au moins, au niveau de notre implication salariale, notre implication monétaire, on ne sera pas plus engagés que 1 % de notre masse salariale par année. Donc, ça peut aider, en tout cas, à faire que le projet de loi soit mieux considéré du côté des employeurs.

Ma remarque suivante concerne le rapport à transmettre à la Commission. Je pense que je ne suis pas le premier à en parler, mais, moi, j'en parle dans ce sens-là: quelle est l'utilité réelle de ce tel rapport et l'usage qui va en être fait? Je pense que la question doit être posée avant de demander de faire un rapport, à cause des coûts supplémentaires, tant pour les employeurs que pour la Commission, d'avoir à gérer des rapports qui vont être là pourquoi, en fait? Pour témoigner ou pour avoir une utilité réelle pour des mesures qui vont être prises? C'est pour ça, un peu, que je pose la question, tout en n'ayant pas la réponse à ce sujet-là.

La Présidente (Mme Signori): M. Gazaille, brièvement, si vous voulez conclure.

M. Gazaille (Alain): O.K.

La Présidente (Mme Signori): Il vous reste une minute.

M. Gazaille (Alain): O.K. Je vais parler du recours dans le cas des représailles. Les articles 66 à 68 prévoient des recours pour les salariés contre les représailles des employeurs en fonction de la future loi. Ça se rapproche beaucoup des dispositions semblables du Code du travail pour l'exercice d'un droit prévu à la loi ou à la Loi sur les normes du travail, les articles 122 à 123.2.

Ma remarque est simple là-dessus, c'est que tous ces recours-là sont à l'heure actuelle confiés aux commissaires du travail, qui ont développé une jurisprudence puis une expertise vis-à-vis de ça. Ça fait que pourquoi alors ne pas confier le même type de recours, encore, aux commissaires du travail plutôt que de demander à une autre entité juridique, qui serait probablement le Tribunal des droits de la personne, de traiter de cette question-là?

(16 h 30)

En ce qui concerne les programmes complétés ou en cours, bien, je pense que... Je veux dire, en fait, ce serait de leur appliquer les mêmes règles, de ne pas faire une équité salariale à deux vitesses, d'avoir une équité salariale à une vitesse, c'est-à-dire les mêmes règles s'appliquent aux programmes en cours ou aux programmes déjà complétés, autant que pour les nouveaux programmes. De toute façon, je souligne aussi là-dedans qu'il serait important que la loi définisse ce qu'elle entend par «relativité salariale». Est-ce que c'est une équité salariale basée sur le sexe, incomplète, ou, en tout cas, autre chose? En quoi ça consiste?

Je terminerai en soulignant simplement la question des secteurs parapublic et public. Considérer tous les secteurs public et parapublic comme un seul employeur, un seul programme, je pense qu'on doit y penser fortement avant d'embarquer dans une chose comme ça parce que, là, on va comparer les enseignants de la CEQ avec les infirmières de la fédération des hôpitaux dans le même programme. Je pense que ça a des conséquences importantes, tant au niveau de la compréhension que de la légitimité du programme vis-à-vis des salariés.

La Présidente (Mme Signori): Alors, Mme la ministre, vous avez 10 minutes.

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Gazaille. J'allais me pencher pour demander à l'experte qui est à côté si ça signifiait qu'on allait comparer les policiers de la Sûreté du Québec aux infirmières des hôpitaux. Cette disposition dans l'avant-projet de loi à l'effet que le Conseil du trésor est réputé être l'employeur ou présumé être l'employeur, est-ce que ça vaut aussi pour la Sûreté du Québec?

M. Gazaille (Alain): Bien, ça semble, parce que les salaires de la Sûreté du Québec sont déterminés par le Conseil du trésor.

Mme Harel: Je vais faire faire les vérifications. Je vous remercie. Alors, vous êtes un consultant; vous préparez, je crois, une publication sur ces questions. Vous nous rappelez une chose très simple, mais qui vaut la peine d'être dite, je pense: c'est qu'une loi proactive qui force les employeurs à prouver qu'il n'y a pas d'iniquité salariale basée sur le sexe dans leur entreprise implique l'utilisation d'un instrument de la gestion des ressources humaines. Alors, vous rappelez une évidence, mais il semble important de le dire, à défaut de quoi tout ça semble bien abstrait. Alors, il faut donc un instrument d'évaluation des emplois, et là on tombe dans les méthodes, n'est-ce pas? Alors, vous nous dites – puis j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que c'est la première fois qu'on échange sur cette question, celle du salaire dit étoilé – à la page 11 de votre mémoire, que ne pas retenir cette pratique-là comme justifiant un écart salarial pourrait avoir comme conséquence de mettre en cause l'objectif d'évaluation des emplois. Parce que, à l'article 44, il ne peut pas y avoir diminution de salaire. J'aimerais vous entendre rapidement là-dessus.

M. Gazaille (Alain): O.K. C'est parce que, traditionnellement, l'évaluation des emplois vise l'équité interne; c'est-à-dire que l'ensemble des emplois d'un employeur dans une entreprise soit rémunéré de façon égale, équivalente. Donc, lorsqu'on applique un processus d'évaluation des emplois dans une entreprise, on en arrive à déterminer qu'à un moment donné il y a un emploi x qui, lui, est trop rémunéré par comparaison à l'ensemble des emplois, donc on réajuste la rémunération, mais, pour les personnes qui occupent ces emplois-là, on dit: Vous allez rester à tel niveau de rémunération jusqu'au moment où, suite aux augmentations normales, vous rejoindrez le salaire que vous devriez avoir en vertu du plan de rémunération qu'on a élaboré. C'est cette pratique-là, en fait.

Mme Harel: Je comprends que l'avant-projet de loi est muet sur cette question-là.

M. Gazaille (Alain): Non, l'avant-projet de loi dit...

Mme Harel: ...à l'article 44, qu'il ne peut pas y avoir de diminution de salaire.

M. Gazaille (Alain): Non, ce n'est pas l'article 44 qui dit qu'il n'y a pas de diminution de salaire, c'est aux articles 37 à... que, à un moment donné, on parle de la rémunération flexible.

Mme Harel: À l'article 44, on dit: «Un employeur ne peut, pour atteindre l'équité salariale, diminuer les salaires...

M. Gazaille (Alain): C'est ça, diminuer les salaires.

Mme Harel: ...payables aux salariés qui occupent des emplois dans l'entreprise.» Mais, ça, on ne mentionne pas si c'est les emplois ou les personnes, hein? C'est bien ça?

M. Gazaille (Alain): C'est ça.

Mme Harel: Parce que, finalement, les personnes peuvent continuer à avoir le salaire acquis, mais l'emploi, lui, peut être réajusté à un autre salaire. Et vous dites qu'il faudrait, dans notre notion de rémunération, tenir compte de cette pratique-là.

M. Gazaille (Alain): De la pratique du salaire étoilé.

Mme Harel: Du salaire, donc, du poste ou de l'emploi; pas du poste, de l'emploi qui est rémunéré différemment de la personne.

M. Gazaille (Alain): C'est ça. Dû, à un moment donné... Ou ce qui est retenu dans... Disons, en Ontario, ils le retiennent au niveau du...

Mme Harel: Est-ce que c'est nécessaire de le dire ou si ça va de soi?

M. Gazaille (Alain): Non. Non, ça ne va pas de soi, parce que, à ce moment-là, on définit dans la loi, ou dans l'avant-projet de loi, ce qui est considéré comme un écart acceptable entre un emploi à majorité féminine et un emploi à majorité masculine. Donc, dans le projet de loi actuel, on en définit un certain nombre. On va dire, à l'article 40: Ne sont pas prises en compte, aux fins de l'estimation des écarts salariaux, les différences entre les catégories d'emplois fondées sur l'un ou l'autre des critères suivants: l'ancienneté, une affectation à durée déterminée notamment dans le cadre d'un programme de formation, la région dans laquelle le salarié occupe un emploi, une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée. Ça serait à cet endroit-là qu'on pourrait parler de la pratique du salaire dit étoilé, entre parenthèses, c'est-à-dire qu'à ce moment-là on dirait: Ça ne tient pas compte du fait qu'il y a un emploi précis qui est occupé par une personne qui a une rémunération plus élevée qu'elle devrait avoir suite à une évaluation des emplois mais qu'on a maintenue de façon temporaire jusqu'à temps qu'elle rejoigne l'emploi qu'elle devrait obtenir dans sa catégorie d'emploi.

Mme Harel: Bon. Alors, c'est là un aspect, je pense, important qu'il va falloir trancher. Chose certaine, il n'est comme pas abordé dans l'avant-projet de loi. C'est ce que je comprends...

M. Gazaille (Alain): Oui.

Mme Harel: ...et on va devoir sûrement l'examiner de façon plus approfondie. D'autre part, vous nous rappelez que, l'équité salariale, ça couvre plus large que l'équité salariale basée sur le sexe, hein?

M. Gazaille (Alain): Oui.

Mme Harel: Dans l'avant-projet de loi, la définition, elle est très large. On nous a demandé de la restreindre aux femmes et aux hommes occupant des emplois à prédominance féminine.

M. Gazaille (Alain): Bien, à l'article 1, l'avant-projet de loi dit: «La présente loi a pour objet de corriger la discrimination salariale faite aux personnes qui occupent des emplois dans des catégories d'emplois à prédominance féminine.»

Mme Harel: Ça peut être des hommes...

M. Gazaille (Alain): En tout cas, moi, je l'ai interprété comme quoi c'est une équité salariale basée sur le sexe, en fait, parce que c'est sur les emplois à prédominance féminine.

Mme Harel: On peut dire, par ailleurs, que c'est autant pour les hommes que pour les femmes. C'est ça.

M. Gazaille (Alain): Oui, oui, dans ces catégories d'emplois là à prédominance féminine.

Mme Harel: Là, vous nous rappelez qu'il pourrait y avoir aussi une équité salariale en regard, par exemple, des travailleurs d'origine immigrante versus ceux de souche. Est-ce qu'il y a des ghettos d'emplois, également, relatifs à l'origine?

M. Gazaille (Alain): Bien, je ne suis pas un expert, mais je peux vous donner quelques exemples que je connais, au moins un exemple dans l'industrie du textile à Montréal, l'industrie de confection: la majorité de la main-d'oeuvre, à ma connaissance, provient de ce qu'on appelle les allophones au Québec, est surtout recrutée dans ces secteurs-là, puis, évidemment, ce n'est pas les emplois où... Ha, ha, ha! En tout cas, c'est un ghetto d'emplois, qu'on peut dire, dans lequel sont concentrés les gens d'origine non... en tout cas, allophone.

Mme Harel: Évidemment, votre comparaison, disons, est altérée du fait que c'est une majorité de femmes qui, donc, vont être couvertes par une disposition relative à l'équité basée sur la prédominance féminine.

M. Gazaille (Alain): Oui. Bien, là, je veux dire...

Mme Harel: Mais, ceci dit, c'est... Parce qu'il faut quand même que ce soit comparé avec l'équivalence.

M. Gazaille (Alain): Oui.

(16 h 40)

Mme Harel: Là, évidemment, il y a un autre aspect aussi. Ce sont des secteurs couverts par des décrets, et ça nous amène à penser qu'il faudrait vraisemblablement aussi que tant les conventions collectives que les décrets soient couverts par le dispositif de l'article 24 qui dit qu'il faudrait s'assurer que ce soit exempt de préjugés sexistes. Il n'est pas évident que c'est le cas dans les décrets ni dans les conventions collectives. Les décrets sont, pour la plupart, évidemment, l'objet d'une entente au niveau du comité paritaire.

M. Gazaille (Alain): Oui, mais...

Mme Harel: Bien. Peut-être la dernière chose, à moins, écoutez...

M. Gazaille (Alain): Non, non, non. Tout ce que je voulais dire, c'est que le décret n'assure pas qu'il n'y a pas de discrimination basée sur le sexe en tant que tel. Ce n'est pas parce que c'est négocié, nécessairement, que c'est exempt de discrimination.

Mme Harel: Ah non, non, non! Je ne dis pas que c'est couvert, je dis que, d'autre part, pour que ce le soit, il faudrait introduire un dispositif qui soit d'ordre public, si vous voulez...

M. Gazaille (Alain): Oui.

Mme Harel: ...autant pour les décrets que pour les conventions. Bien. Une dernière chose. Je vous remercie de m'avoir, dans le fond, rappelé que l'application de l'article 82, concernant le Conseil du trésor comme étant présumé être l'employeur du gouvernement, couvre aussi la Sûreté. Alors, c'est un bassin très élargi de comparaison. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Signori): Mme la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Gazaille. Je sais que vous avez suivi nos travaux patiemment depuis le tout début de cette commission. J'imagine que, dans le cadre de vos fonctions d'expert, vous avez eu à négocier, pas à négocier, mais je veux dire à aider des entreprises à travailler sur soit les relativités salariales ou l'équité. À ce moment-là, est-ce que vous avez eu... Vous avez rencontré les mêmes difficultés dont faisait mention M. Chabot, tout à l'heure, à partir de plusieurs unités syndicales, par exemple. Est-ce que, pour vous, c'est vraiment probable, ça?

M. Gazaille (Alain): O.K. Bien, disons, le monsieur, tout à l'heure, de KPMG... Moi, je n'ai pas travaillé en Ontario, donc... Au Québec, il n'y a jamais eu d'imposition d'équité salariale. Donc, j'ai travaillé indirectement sur certains dossiers où il y avait l'équité salariale, mais c'est quand même les mêmes difficultés. Souvent, la discussion va porter au niveau du plan d'évaluation. C'est là qu'on va...

C'est parce que j'ai eu à toucher indirectement au dossier des universités. Je pense que ce qui a été fait dans les universités, c'est une bonne illustration du moment où on veut faire un gros plan qui englobe beaucoup de gens, beaucoup d'unités un petit peu partout. Dans les universités, la Conférence des recteurs a élaboré un plan avec une firme de consultants, puis elle a négocié ce plan-là, en gros, avec le Syndicat canadien de la fonction publique, qui, lui, représentait un bon nombre d'unités syndicales dans les universités. Ils se sont entendus. Après ça, vous aviez, à côté de ça, d'autres universités où les syndicats étaient indépendants, au moins une université où il y avait un syndicat indépendant. À ce moment-là, on a voulu imposer ce plan-là à cette université-là, ou à ce syndicat-là dans cette université-là où il y avait un syndicat indépendant. À ce moment-là, les mêmes difficultés sont arrivées, parce que ce plan-là avait été entendu entre un syndicat et les recteurs des universités, puis là on est allé dire à l'autre syndicat: On va vous imposer ça. Donc, évidemment, c'est long, ça retarde parce que ça ne répond pas nécessairement aux préoccupations de cette unité syndicale là, et puis, bon, il y a réticence.

L'employeur, lui, a élaboré son plan, il veut absolument rester avec le même plan. Parce que, là, on parle plutôt de relativité salariale, si on veut rester dans ce vocabulaire-là. L'employeur reste avec son plan puis veut imposer absolument ce même plan là, parce que, avec ce plan-là, il s'assure d'une uniformité dans l'ensemble des universités, puis il s'assure que le résultat obtenu dans toutes les universités va être à peu près le même au niveau de l'équité salariale, tandis que, si vous négociez un plan par université, vous avez peut-être des facteurs différents ou vous allez avoir une pondération différente des facteurs, des niveaux et des sous-facteurs, puis, à ce moment-là, vous pourrez arriver avec des résultats différents. Donc, c'est un peu cette chose-là, en tout cas, au niveau des universités.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais vous ne trouvez pas, par exemple, qu'une femme qui a un emploi dans une université et qui a un salaire x puisse avoir le même salaire qu'une autre qui travaille dans une autre université, mais dans le même type d'emploi? Je ne sais pas.

M. Gazaille (Alain): Bien, c'est le dilemme, en fait. C'est évident qu'il y a cette préoccupation-là, mais, à ce moment-là, pour les gens qui, au niveau local, dans l'université, qui est différente, si vous voulez, au niveau accréditation syndicale, des autres universités, eux, lorsqu'ils travaillent le dossier, si vous parlez aux femmes qui sont sur le comité qui avait travaillé ce dossier-là dans cette université-là, bien, elles ne se reconnaissaient pas nécessairement dans ce qui avait été fait avec les autres. C'est évident que c'est le dilemme, en fait. Il y a toujours un choix, à un moment donné, mais il y a toujours deux côtés, de ce côté-là, à la médaille, un peu.

Mme Gagnon-Tremblay: À la page 9 de votre mémoire, vous parlez de prédominance sexuelle des emplois, et je vous cite: «La notion du taux de représentation appliquée à la détermination du sexe de l'emploi – article 27.1° – ne me paraît pas nécessaire. Elle porte à discussion et à interprétation et vient compliquer la compréhension de la procédure. De même, la section 27.2° pourrait être formulée plus simplement en parlant des titulaires précédents de l'emploi plutôt que du taux de représentation historique.» Voulez-vous m'expliquer ce que ça veut dire exactement, s'il vous plaît?

M. Gazaille (Alain): Bien, le taux de représentation historique... En ce qui concerne 27.2°, je pense que c'est simplement une question de formulation. Pour moi, en tout cas, avec le peu d'expérience que j'ai dans le domaine, pour les gens, les salariés qui ont à être impliqués dans un dossier d'équité salariale, c'est plus facile de comprendre que les titulaires précédents de l'emploi, c'étaient des femmes; aujourd'hui, même si c'est occupé par un homme, c'est un emploi à majorité féminine quand même, tandis que, lorsqu'on parle du taux de représentation historique, pour moi, ça fait référence à des notions statistiques, parce qu'il y a un taux significatif. En tout cas, je ne sais pas si c'était le but de la formulation, si c'était ça, mais, en fait, ça fait référence à une notion statistique de taux significatif. C'est un peu ça, à ce niveau-là. C'est: est-ce que ça vaut la peine de mettre ça puis d'avoir des discussions à savoir si...

C'est parce que, là, le taux significatif, c'est une notion statistique, donc c'est discutable, hein? Ha, ha, ha! Comme plusieurs choses de cette nature-là, c'est très discutable. Donc, est-ce que ça vaut la peine de mettre ça alors que je pense qu'on voulait parler des titulaires précédents de l'emploi, qui étaient historiquement des femmes, en fait?

Si je reviens au premier point, qui est l'écart entre le taux de représentation des femmes et des hommes et leur taux de... c'est parce que, là, on rentre dans des notions statistiques de taux de représentation, ou d'écart, d'écart qui est significatif ou pas. Moi, ma prévention vis-à-vis de ça, c'est pour éviter la confusion, ou les discussions qu'il pourrait y avoir entre les parties: Est-ce que c'en est un? Est-ce que ce n'en est pas? Est-ce que l'écart est significatif? Non, il ne l'est pas. Puis là on peut engager des batailles mathématiques ou statistiques là-dessus avec experts, etc. C'est un peu ça, là-dessus.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. Gazaille. Je pense que mon collègue avait une question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Signori): M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, M. Gazaille, de venir partager avec nous. À la page 10 de votre mémoire, vous soulevez qu'il s'agit d'un grand risque de figer la Commission dans un système qui pourrait ne pas s'avérer adéquat. Il faudrait plutôt lui donner le pouvoir d'agir avec les parties impliquées – en parlant de la Commission des normes qui va développer une méthode d'évaluation. Pouvez-vous me citer des exemples concrets dans lesquels on pourrait retrouver le danger?

M. Gazaille (Alain): Bien, c'est que, si j'ai bien compris l'avant-projet de loi, la Commission des normes ou une autre commission – la Commission, en tout cas – a le mandat de faire un plan d'évaluation. Donc, elle va déterminer des facteurs, des sous-facteurs, des degrés des facteurs puis des valeurs numériques à ça, puis il y a une pondération à ces facteurs-là, si j'ai bien compris l'avant-projet de loi. Donc, l'évaluation des emplois, c'est une technique, disons, qui est basée... Il y a une bonne part de subjectivité là-dedans, c'est-à-dire qu'il y a des jugements subjectifs à passer pour dire: Bon, bien, pour moi, dans mon entreprise, dans un contexte de travail, un facteur ou un sous-facteur comme, je ne sais pas quoi, la responsabilité ou l'effet des erreurs peut être plus important que dans un autre contexte de travail. Là, en disant à la Commission: Vous faites un plan, vous pondérez, puis on l'applique, on ne peut pas tenir compte des particularités de chaque entreprise. C'est ça que je veux dire, dans le sens qu'il n'y a pas de recette universelle en évaluation des emplois. On ne peut pas dire: Il y a un modèle, j'ai pondu une recette, puis je l'applique partout, cette recette-là. Il faut tenir compte des particularités, il faut tenir compte des contextes de travail, il faut tenir compte de ce qui se fait dans chaque milieu de travail. On ne peut pas avoir un modèle unique qui s'applique à tout le monde.

M. Beaudet: Dans les particularités que vous soulevez, est-ce que vous impliqueriez, exemple, les régions? Est-ce que vous auriez un élément différent pour quelqu'un qui travaille en Abitibi par rapport à quelqu'un qui travaille à Québec, à Montréal?

(16 h 50)

M. Gazaille (Alain): Bien, moi, la question de la région, je relisais l'avant-projet de loi, et l'avant-projet de loi, quelque part, il en tient compte, des régions. Je pense que c'est au niveau de... C'est parce que, en Ontario, on avait tenu compte des régions en disant: On va faire des plans d'équité salariale régionaux pour certaines régions. Mais, ici, on en tient compte quand même; je pense que c'est au niveau de la rémunération, mais certainement pas au niveau du plan d'évaluation. Je ne pense pas qu'on puisse. Non.

M. Beaudet: Ça ne fera pas partie... O.K. Une demi-heure...

La Présidente (Mme Signori): Alors, je vous remercie, M. Gazaille.

M. Gazaille (Alain): Merci.

La Présidente (Mme Signori): C'est tout le temps qui vous est imparti. Alors, je vous remercie de votre présentation.

J'inviterais maintenant MM. Jean-Paul Deschênes et Claude Deschênes à prendre place, et il y aura aussi suspension des travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 51)

(Reprise à 16 h 53)

La Présidente (Mme Signori): Alors, bonjour et bienvenue. J'aimerais vous rappeler que votre présentation durera 30 minutes: 10 minutes de présentation et 10 minutes, chacun des côtés de la députation, pour échanger avec vous. Alors, si vous voulez bien commencer et vous présenter, s'il vous plaît.


MM. Jean-Paul Deschênes et Claude Deschênes

M. Deschênes (Jean-Paul): Jean-Paul Deschênes.

M. Deschênes (Claude): Claude Deschênes.

La Présidente (Mme Signori): Bonjour.

M. Deschênes (Claude): Bonjour.

M. Deschênes (Jean-Paul): Bonjour, madame. Mme la Présidente, Mme la ministre, Mme la représentante de l'opposition, membres de la commission, il est impérieux que le Québec se donne une loi permettant d'atteindre l'équité salariale dans sa totalité, sans aucune forme de discrimination. Il faut aussi que cette loi reconnaisse les efforts qu'ont fournis beaucoup d'entreprises québécoises pour qu'on paie un salaire égal pour un travail équivalent.

Quand on lit l'avant-projet de loi, on a l'impression que ses concepteurs ont pris pour point de départ que les quatre principes suivants s'appliquaient. Le premier principe est à l'effet que tout est à faire, au Québec, en matière d'équité salariale; on part de zéro. Si nous prenons... Est-ce que je peux utiliser des noms d'entreprises?

La Présidente (Mme Signori): Si c'est public, l'information est publique...

M. Deschênes (Jean-Paul): C'est une entreprise publique, oui.

La Présidente (Mme Signori): L'information est publique? Il n'y a pas de problème.

M. Deschênes (Jean-Paul): C'est parfait. Merci. Si nous prenons comme exemple Hydro-Québec, on constate que, pour les employés de bureau, on a adopté une méthode d'évaluation points et facteurs; deuxièmement, on a formé un comité paritaire qui a évalué tous les emplois pour établir leur importance relative; troisièmement, on a redistribué la masse salariale de façon à respecter l'importance relative des emplois; quatrièmement, on a établi des classes salariales qui regroupent tous les emplois en fonction de leur importance relative; cinquièmement, on a confié au comité paritaire la responsabilité de redécrire les emplois et de les réévaluer lorsque des modifications interviennent.

On a établi des programmes semblables à la STCUM, à la STCUQ, à Alcan, à la ville de Saint-Hubert et dans beaucoup d'autres entreprises. Ces programmes ne prévoyaient pas de catégories d'emplois à prédominance féminine et de catégories d'emplois à prédominance masculine, comme ils ne prévoyaient pas non plus de catégories d'emplois pour tenir compte d'autres formes de discrimination telles qu'on les retrouve à l'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne. Nous prétendons que ces entreprises ont développé des méthodes et des procédures qui permettent d'atteindre l'équité salariale sans considération d'aucune forme de discrimination, y inclus la discrimination basée sur le sexe.

Maintenant, selon l'article 76 de l'avant-projet de loi, il faut, pour s'y conformer, premièrement, identifier les catégories d'emplois à prédominance féminine et celles à prédominance masculine et, deuxièmement, établir, à toutes fins pratiques, deux courbes salariales, une pour les hommes et une autre pour les femmes, donc recommencer à neuf; mais à quel prix et pour quels résultats en matière d'équité salariale?

Le deuxième principe est à l'effet qu'en matière d'équité salariale l'Ontario s'est donné une loi idéale qu'on ne peut qu'imiter. Ce principe met tout simplement en évidence le premier principe à l'effet que les entreprises québécoises n'ont rien fait en matière d'équité salariale. Si des entreprises ont fait quelque chose et ont réussi, la loi devrait, à partir de nos propres expériences, inciter les autres entreprises à suivre une même démarche ou une démarche semblable, sinon la leur imposer.

Le troisième principe est à l'effet que les hommes sont bien payés et qu'il faut que les femmes les rattrapent. Nous ne croyons pas que l'équité salariale soit tout simplement une question de rattrapage. Tant mieux s'il y a des entreprises qui sont capables de maintenir la courbe salariale et les classes salariales des emplois à prédominance masculine. Puis, relocaliser les catégories d'emplois à prédominance féminine dans les mêmes classes salariales.

La capacité de payer de beaucoup d'entreprises ne permet pas de généraliser ce principe. La procédure normale, une fois établie l'importance relative des emplois, qu'ils soient à prédominance masculine ou à prédominance féminine, est de redistribuer la masse salariale en fonction des résultats obtenus. Il en résultera des employés surpayés qui garderont leur salaire actuel et des employés sous-payés qui se retrouveront au moins au minimum de leur classe salariale. L'équité salariale est ainsi atteinte, et le reste demeure une question de négociation entre les parties. Il est possible que ce soient surtout des emplois masculins qui se retrouvent surpayés et dont le salaire est gelé, mais nous croyons que c'est le prix que les hommes ont à payer pour atteindre l'équité salariale, lorsque la capacité de payer de l'entreprise est limitée.

Le quatrième principe, maintenant. L'équité salariale ne peut s'établir et se maintenir que par l'action directe et coercitive d'une commission. Nous ne nions pas qu'il soit essentiel de donner à la Commission tous les pouvoirs prévus dans l'avant-projet de loi, non pas pour toutes les entreprises en général, mais seulement pour les entreprises réticentes, qui seront, nous l'espérons, des cas d'exception. Si des entreprises se donnent un programme d'équité salariale, par exemple, semblable à celui que l'on retrouve dans la convention... En fait, la convention collective de la STCUM, que je mentionne, n'a pas prévu un programme d'équité salariale, mais je considère que les clauses que l'on retrouve dans le chapitre traitant de l'évaluation des emplois permettent d'atteindre l'équité salariale. Alors, c'est la convention collective des employés de bureau de la STCUM. À ce moment-là, si cette convention collective permet d'atteindre l'équité salariale, pourquoi une commission interviendrait? Cette commission devra-t-elle imposer des clauses dans la convention collective en regard de l'équité salariale?

Ce sont là quelques commentaires supplémentaires et complémentaires au mémoire déjà soumis. Merci. Maintenant, je ne sais pas si Claude aimerait ajouter quelque chose.

(17 heures)

M. Deschênes (Claude): Oui. Je voudrais peut-être rajouter quelque chose rapidement, un commentaire relativement à l'équité salariale basée sur le sexe, comme dans l'article 1 on en fait mention. Moi, je voudrais juste dire: Ça fait 10 ans que je travaille en équité salariale, je n'ai jamais travaillé dans un autre domaine que celui-là. Je sais que c'est des mouvements de femmes qui ont beaucoup poussé l'équité salariale, j'ai entendu les mémoires d'à peu près tout le monde ici, mais je ne pense pas que c'est une exclusivité des femmes d'être payées à un salaire égal pour un travail équivalent. Premièrement, je pense que ça ne passerait même pas la barre de la Charte des droits, parce que, dans la Charte des droits, à l'article 10, on dit: «Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction de la race, de la couleur, du sexe.» Puis, deuxième point, c'est l'article 19 qui dit: «Tout employeur doit, sans discrimination, accorder un traitement ou un salaire égal aux membres de son personnel qui accomplissent un travail équivalent au même endroit.»

Alors, je vous ai passé un petit document; c'est un programme d'équité salariale que j'ai implanté dans une entreprise de 30 employés en utilisant une méthode que je juge non discriminatoire, avec les expériences que j'ai eues en travaillant au Conseil du trésor pour... à la CEQ. Donc, j'ai utilisé une méthode que j'ai appliquée.

Là, regardez les résultats que ça a donnés. La droite, c'est une droite de régression. C'est ça, la fameuse droite de salaires. Autrement dit, l'ensemble des points qui sont au-dessus de la droite équivalent à ceux qui sont en dessous. C'est pour ça. Donc, normalement, pour un certain pointage, le salaire devrait correspondre à... J'ai mis «devrait correspondre à» le long de cette ligne-là. Donc, la ligne, c'est exactement la masse salariale de l'entreprise. Alors, la somme des salaires individuels qu'il y a dans cette entreprise-là donne cette ligne-là par une droite de régression.

Alors, si on regarde, mettons... J'ai mis une petite flèche pour les emplois féminins. Comme l'emploi 22, qui était le plus haut, c'est une comptable. Souvent, dans les entreprises, on dirait que les emplois qui rapportent de l'argent, les techniciens à la facturation, les comptables, tout ce qui touche... Des fois, l'employeur va penser que c'est eux autres qui sont les plus importants dans l'entreprise puis il va leur donner un salaire plus élevé.

Alors moi, j'ai évalué ça dans un comité – j'ai respecté les normes – de trois personnes. Moi, j'étais conseiller à ça. C'est eux autres qui se sont entendus sur chacun des facteurs, chacun des degrés. Puis, regardez, ça sonne drôle parce que, finalement, dans ce cas-là, les surpayés, les «red circles», appelez-les comme vous voulez... j'avais plusieurs femmes, j'en avais quatre. Puis, tout le petit groupe qui est entre 400 et 500 points, là, 6, 7, 10, 11, 24, ça, c'étaient des emplois masculins, c'étaient tous des contremaîtres.

Puis, je reviens un peu à ce que M. Chabot a dit tantôt. Il a dit: Un emploi a déjà été occupé par un homme, maintenant il est occupé par une femme. Regardez, mettons, l'emploi 25 puis l'emploi 2 qui sont en bas, qui sont deux sous-payés. Est-ce que l'emploi 25, parce que c'est un emploi féminin, je vais le monter, puis l'emploi 2, parce que c'est un emploi masculin, je vais le laisser là? Moi, je crois à la relativité salariale dans l'entreprise entre tous les emplois. Moi, je crois à l'évaluation des emplois, je ne crois pas à l'évaluation des personnes. Si on veut faire des méthodes de rendement, ça, je suis d'accord avec ça. C'est pour ça que je crois à l'équité salariale. Puis regardez, même dans ce cas-là, puis c'est un cas réel, c'est une entreprise...

La Présidente (Mme Signori): Excusez-moi, monsieur, il vous reste à peu près 10 secondes pour conclure.

M. Deschênes (Claude): Bon. C'est juste pour dire qu'il pourrait arriver, dans des cas, que la courbe de salaires féminine soit plus haute que la courbe de salaires masculine. Ça pourrait peut-être arriver dans une exception des cas, mais ça pourrait arriver. Alors, c'est un peu ça que je vous dis. Moi, je préfère l'évaluation des emplois puis l'équité salariale pour l'ensemble des hommes et des femmes. Merci.

La Présidente (Mme Signori): Merci, monsieur. Alors, Mme la ministre.

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. MM. Deschênes, je comprends que vous avez suivi attentivement nos travaux. M. Claude Deschênes, vous y étiez depuis le début, je crois. Mais je n'arrive pas à bien conclure à partir de ce que vous nous avez dit. Est-ce que je comprends que vous dites qu'il n'y a pas eu de stéréotypes et de préjugés à l'égard des emplois à prédominance féminine?

M. Deschênes (Claude): Non. Je dis que ça se peut qu'il y ait des femmes... C'est fort probable, c'est même... Assurément qu'il y a des emplois qui sont sous-payés et que ce sont des emplois féminins. Mais, moi, je pense que, dans les entreprises, peut-être que ça va être juste 5 % des emplois masculins qui sont souspayés. Autrement dit, si un emploi féminin puis un emploi masculin sont tous les deux sous-payés, est-ce qu'on va dire: salaire égal, travail équivalent, on les laisse tous les deux en bas? Comprenez-vous?

Mme Harel: À ce moment-là, je comprends que, dans l'avant-projet de loi, lorsqu'il y a équivalence, bon, le même emploi, même s'il est occupé par un homme, s'il est dans une catégorie d'emploi à prédominance féminine, il bénéficie de l'équité. Vous, vous dites qu'il y a des emplois masculins qui ne sont pas sous-payés, parce que, ça, c'est une question d'appréciation relative, si vous voulez, c'est justement la relativité salariale...

M. Deschênes (Claude): Oui.

Mme Harel: ...mais qu'il y aurait des emplois masculins sous-payés à cause de préjugés?

M. Deschênes (Claude): Non, c'est parce que... Ce n'est pas des préjugés...

Mme Harel: Est-ce qu'ils sont équivalents aux emplois féminins, ces emplois masculins?

M. Deschênes (Jean-Paul): Si vous permettez, juste l'exemple qui a été donné. J'ai remarqué aussi que, dans certaines entreprises, on a privilégié des salaires, des postes qui... Ils citaient le transport, qui était très important pour l'entreprise, et c'était récupérer de l'argent de la même entreprise. Alors, il y a une femme qui était préposée au transport qui était super bien payée et une femme qui était préposée à la collecte de l'argent qui était très bien payée, puis vous avez d'autres personnes... Là, c'est à cause de la nature de l'entreprise, et non pas parce que c'étaient des femmes. Puis vous retrouvez des postes, un, entre autres, occupé par un homme, qui est minimisé parce que, dans l'esprit de l'entreprise, d'après les traditions, ce n'est pas un poste important, ce n'est pas quelque chose qui rapporte de l'argent. Puis...

Mme Harel: C'était quoi, ce poste-là?

M. Deschênes (Jean-Paul): C'est le poste n° 2, mais il y en a un sur lequel...

Mme Harel: Ça correspondait à quoi?

M. Deschênes (Claude): C'est un contremaître d'entretien.

Mme Harel: L'entretien.

M. Deschênes (Claude): Je les ai marqués sur les feuilles...

Mme Harel: Bon, on peut toujours dire que l'entretien...

M. Deschênes (Claude): L'entretien...

Mme Harel: ...est associé aux travaux féminins.

M. Deschênes (Claude): Non, mais c'était l'entretien mécanique des machines, ce n'était pas l'entretien des tapis puis des...

M. Deschênes (Jean-Paul): Il y a un autre poste sur lequel je voudrais attirer votre attention, c'est le poste 25, qui est assez évident. C'est une technicienne en sols, puis c'est elle qui préparait tous les nouveaux produits qu'on pouvait produire à partir de la tourbe. Elle, elle était sous-payée, elle avait le même salaire que le poste le plus bas de l'entreprise. Je ne sais pas pourquoi. Moi, je pense que c'est parce que c'est une femme pour ce poste-là, je n'en suis pas sûr, mais je suis prêt à l'affirmer. Alors, cette personne est complètement sous-payée.

Mme Harel: Alors, vous concluez quoi?

M. Deschênes (Jean-Paul): C'est que l'idée générale... C'est que peu importe... Je n'ai pas besoin de faire de distinction entre les catégories à prédominance féminine et à prédominance masculine. On a à redistribuer une masse salariale, et c'est ça qui est important, la redistribution de la masse salariale pour en arriver à des salaires qui reflètent réellement l'importance relative de l'emploi.

Je suis bien d'accord avec deux courbes: une courbe pour refléter les salaires des postes occupés par des femmes et une autre courbe... Mais supposons que les hommes, et c'est pour... D'ailleurs, le chiffre de 30 % de différence, il a été prouvé, il a été établi. Donc, on va trouver une courbe salariale pour les hommes et une courbe salariale pour les femmes à un niveau plus bas. Si le rattrapage coûte trop cher, bien, on va faire ce qui existe depuis 10, 15 ans, on va continuer à en parler. Mais, si on redistribue une masse salariale et que ceux qui sont surpayés... Qu'ils restent là, qu'ils attendent un peu, même, il y a des entreprises qui vont décider d'accorder une augmentation inférieure, mais ils vont en avoir une quand même par rapport aux autres. Ça veut dire que, dans deux, trois, quatre ans, ils auront repris le rythme de la progression. Mais il y a un prix à payer, puis je pense que, s'il y a des gens qui sont surpayés, bien, ils devraient aussi contribuer à l'équité salariale, parce qu'ils en ont bénéficié pendant plusieurs années, d'un salaire plus élevé.

Mme Harel: Bon, est-ce que je me trompe de penser que le message, dans le fond, que vous transmettez est le suivant: Il est possible, dans les mécanismes prévus par la convention collective négociée, si tant est que cette négociation d'une convention collective est faite à partir d'une volonté d'éliminer les biais... Je ne sais pas, là, si, même, vous utilisez ce facteur-là, mais vous pensez, vous, de toute façon, qu'une convention collective, ça peut régler ça.

M. Deschênes (Jean-Paul): Non. Ce que je dis: Il y a des conventions collectives qui, à mon avis... Si vous me dites, par exemple, qu'à Hydro-Québec ou à la STCUM l'équité salariale n'existe pas à l'intérieur d'une unité d'accréditation, par exemple, parce que le passage d'une unité à une autre unité, ça, c'est une autre question, je l'ai abordée dans mon mémoire, mais je ne l'ai pas abordée aujourd'hui... Mais, si, disons à l'intérieur des employés de bureau d'Hydro-Québec, on a atteint l'équité salariale et on a un mécanisme qui permet de maintenir l'équité salariale, je dis qu'on devrait le reconnaître et regarder ce que ces entreprises ont fait, ont négocié et puis peut-être, là, essayer d'imposer la même technique ou la même procédure ou la même démarche dans d'autres entreprises qui n'ont rien fait ou qui l'ont fait de travers. Alors, je dis: Il y a des entreprises qui l'ont fait, pourquoi d'autres ne pourraient pas le faire aussi en utilisant les mêmes méthodes et la même procédure? Et c'est là, je pense, que le rôle de la Commission serait très important.

(17 h 10)

Mme Harel: Mais vous nous dites qu'il est assez habituel d'utiliser des méthodes pour évaluer les emplois manuels et une autre méthode pour étudier les emplois de bureau.

M. Deschênes (Jean-Paul): Ça dépend. Il y a...

Mme Harel: Bien, regardez bien. Si on dit qu'il y a de l'équité dans les emplois de bureau entre les hommes et les femmes, c'est peut-être parce que c'est l'emploi de bureau lui-même qui est sous-payé par rapport, disons, à un emploi manuel.

M. Deschênes (Jean-Paul): Bon. Oui.

Mme Harel: Alors, je veux bien, moi, que vous me disiez: L'équité est atteinte entre les hommes et les femmes des emplois de bureau...

M. Deschênes (Jean-Paul): Oui.

Mme Harel: ...mais, si je n'ai pas de comparateur externe entre les emplois de bureau puis les emplois manuels, à ce moment-là – comment vous dire? – c'est l'égalité dans la malchance.

M. Deschênes (Jean-Paul): Bon. Il y a deux tentatives qui ont été... Il y a eu la tentative du Conseil du trésor avec son système de 16 facteurs, qui devait s'appliquer à tout le monde, que les universités ont essayé d'appliquer, puis j'ai cru comprendre l'autre jour que ça leur avait coûté 60 000 000 $ puis qu'ils n'ont pas réussi à passer à travers. L'autre système que je connais, je l'ai mentionné dans mon rapport, c'est un système du Syndicat canadien de la fonction publique qui est développé pour le secteur des communications. Qu'est-ce qui arrive dans le secteur des communications? Vous n'avez pas d'emploi pénible à l'extérieur: gros froid, le bruit, etc. Alors, on pouvait prendre cette méthode-là puis l'utiliser pour tous les emplois. Mais il y a des entreprises où ce n'est pas possible de prendre un seul et unique système. C'est pour ça que je vous dis dans le mémoire: Soit qu'on puisse prendre des emplois repères qui existent dans l'autre unité d'accréditation et puis les évaluer avec le même système d'évaluation pour évaluer la différence qu'il peut y avoir entre les deux catégories...

Mme Harel: C'est ce que proposait M. Chabot tantôt.

M. Deschênes (Jean-Paul): ...ou encore un troisième système qui ferait la part des choses entre celui d'une unité et celui de l'autre unité. Pour ce que M. Chabot a dit, je suis 100 % d'accord en ce qui concerne cet aspect de comparaison, parce que la comparaison poste à poste ne nous mène pas loin.

Mme Harel: C'est une belle démonstration. Je vous remercie.

M. Deschênes (Jean-Paul): Merci.

La Présidente (Mme Signori): Mme la députée de Saint-François, s'il vous plaît.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. Deschênes, pour votre beau commentaire. Je voudrais revenir à une phrase que vous avez mentionnée tout à l'heure en disant qu'il fallait redistribuer une masse salariale.

M. Deschênes (Jean-Paul): Oui.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que ça veut dire qu'on la redistribue? Pour vous, quand on parle d'équité salariale, on redistribue la masse plutôt que de l'augmenter?

M. Deschênes (Jean-Paul): Non. Vous allez nécessairement l'augmenter parce que... D'ailleurs, la loi le reconnaît, puis on le reconnaît dans toutes les conventions collectives. L'implantation d'un système d'évaluation des emplois dans l'entreprise ne doit pas amener une diminution des salaires des personnes. Alors, vous reprenez la masse salariale, vous la redistribuez. C'est là que, je l'expliquais dans le mémoire, si vous avez des échelons, ça peut vous coûter, mettons, entre 3 % et 4,5 %, parce qu'un emploi qui est entre deux échelons va monter sur l'échelon immédiatement supérieur au moment de l'application du système. Si vous n'avez pas d'échelon – ça existe, par exemple, à la STCUM, ils n'ont pas d'échelon – ça veut dire que vous avez une boîte, une classe salariale, et les parties vont négocier les augmentations à l'intérieur de cette boîte-là. Alors, à ce moment-là, si vous avez ce système-là, le coût d'implantation va être à peu près de 1 %, 1,5 %. Mais redistribuer une masse salariale... C'est que l'employeur, il a une masse salariale. Bon. Il peut la distribuer de 56 façons. C'est pourquoi, à la limite, je dirais au syndicat: Emportez-moi votre évaluation, puis je vais redistribuer ma masse salariale selon votre décision. Je comprends que ça serait peut-être bien un peu irréaliste de raisonner comme ça, mais la masse salariale va nécessairement augmenter parce que les surpayés vont rester surpayés, et ceux qui sont sous-payés vont augmenter dans leur classe salariale s'il s'agit de classe salariale, comme pour les employés de bureau en général.

Mme Gagnon-Tremblay: Et ceux qui sont surpayés peuvent être gelés pour un bon bout de temps aussi, non?

M. Deschênes (Jean-Paul): La question que je me posais... Est-ce qu'une loi peut intervenir jusqu'à ce point-là ou si les parties vont faire quelque chose? Parce que, moi, je me rappelle d'un exemple. Il y en avait un surpayé, c'est le syndicat qui a dit: Ça fait assez longtemps qu'il en bénéficie, il va rester là. Je connais un autre exemple où les parties ont décidé que les surpayés, au lieu d'avoir, mettons, 5 % d'augmentation, ils vont avoir 2,5 %. Mais, quand on dit 5 % d'augmentation, c'est toute la structure salariale qui augmente, et, à un moment donné, les surpayés vont être rattrapés avec ces augmentations.

Mme Gagnon-Tremblay: Je voudrais revenir à votre méthode pour les emplois manuels versus celle pour les emplois de bureau. Est-ce que, pour vous, ça représente de l'équité salariale?

M. Deschênes (Jean-Paul): Non.

Mme Gagnon-Tremblay: Non.

M. Deschênes (Jean-Paul): Je pourrais prendre une entreprise qui s'appelle... En tout cas, ils fabriquent des cheminées et des poêles. Vous allez dans l'usine, c'est un bruit d'enfer. Ils testent leurs produits, il y a de la fumée, il y a de tout, et, dans le bureau, vous avez la musique ambiante, l'air conditionné, il n'y a pas de problème. Alors, vous n'êtes pas capables de prendre un même système et évaluer les deux groupes, parce que l'évaluation des emplois, c'est déterminer l'importance relative des emplois. Du côté de l'usine, il va y avoir beacoup d'effort physique, beaucoup de bruit, les conditions de travail sont pénibles. Alors, je ne peux pas prendre un système d'évaluation qui va me donner 5 %, 6 %, de marge de manoeuvre pour évaluer ces emplois-là. Pour le bureau, ça va très bien aller, mais, le bureau, lui, il va se rattraper avec des responsabilités, compétences professionnelles, etc. Je ne peux pas avoir la même pondération pour les facteurs d'évaluation qui vont être utilisés pour l'un ou l'autre groupe. Bon.

Alors, vous avez le bureau, mettons, qui est sous-payé avec son système, vous avez l'usine qui est surpayée avec son système, parce que c'est en majorité des hommes, comment est-ce que je vais faire le lien entre les deux? Je peux essayer de me trouver des postes comparables et je vais avoir de la difficulté. Moi, ce que je prétends, c'est que, quand même, on peut se trouver, du côté de l'usine, peut-être des commis, des postes qui peuvent s'apparenter à ceux du côté du bureau, les évaluer avec le système du bureau et voir la différence salariale qui existe entre les deux cas. Le faire poste à poste, je ne sais pas si je serais capable d'aller loin, d'avoir suffisamment de postes comparables pour pouvoir réellement établir la différence entre les deux groupes ou les deux unités d'accréditation.

Mme Gagnon-Tremblay: Donc, ça prend beaucoup de souplesse compte tenu de la diversité des entreprises.

M. Deschênes (Jean-Paul): Ça prend beaucoup de souplesse. Et puis... Non.

Mme Gagnon-Tremblay: C'est difficile de... Vous ne pouvez pas avoir un modèle unique.

M. Deschênes (Jean-Paul): En fait, c'est parce que c'est difficile de généraliser, de dire: On va procéder de telle façon pour comparer. C'est des cas particuliers. Si je prends mon entreprise où on fabrique des cheminées, je ne peux pas la comparer avec une autre entreprise ailleurs. Il faut, à un moment donné – et, là, la commission pourrait jouer un rôle – dire: Oui, vous pouvez comparer de cette façon ces deux groupes, ces deux unités d'accréditation à l'intérieur d'une entreprise.

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que cette méthode d'évaluer des emplois manuels par rapport aux emplois de bureau, elle a été acceptée par les syndicats?

M. Deschênes (Jean-Paul): Bien, je vous dis qu'il y en a une que je connais, c'est celle qui a été développée pour le secteur des communications. C'est la seule, c'est un système à 12 facteurs, puis je pense que l'université, après ses déboires avec le 16 facteurs du Conseil du trésor, veut tenter d'appliquer cette méthode-là. Mais c'est une méthode qui peut s'appliquer dans les hôpitaux, qui peut s'appliquer dans le secteur scolaire, qui peut s'appliquer dans le secteur des communications, bien entendu, parce qu'il n'y a pas de travaux pénibles. Je peux prendre un même système pour comparer des contremaîtres, même des cadres inférieurs et intermédiaires, jusqu'à des postes de messagers les moins élevés. Je n'ai pas de conditions de travail pénibles qui m'obligent à utiliser une autre méthode pour pouvoir établir cette différence, cette hiérarchie entre les emplois. La relativité entre les emplois, il faut que je sois capable de l'établir et que ma méthode me permette de le faire.

Juste un dernier exemple. À un moment donné, je travaillais, j'avais un arbitrage, c'était pour les policiers, justement, de la Communauté urbaine de Montréal. Il y avait, dans leur plan d'évaluation, un facteur qui s'appelait formation ou éducation, et, l'exigence, c'était un premier diplôme de cégep. Pour tout le monde, qu'ils soient capitaines ou un policier au coin de la rue, c'était la même exigence sur le plan de formation. Mais je n'en ai pas besoin, parce qu'il ne permet pas d'établir cette différence entre les emplois. C'est un facteur qui ne me sert absolument à rien. Alors, si j'ai des conditions pénibles et que j'ai juste 5 %, 6 % des points pour faire la différence entre le contremaître et le manoeuvre, je n'ai pas assez de souplesse pour pouvoir déterminer l'importance relative de ces emplois-là.

Mme Gagnon-Tremblay: Vous nous dites, à la page 9 de votre mémoire également, qu'on peut atteindre l'équité salariale avec une augmentation de 4,5 % ou moins d'une façon générale.

(17 h 20)

M. Deschênes (Jean-Paul): Ça, c'est mon expérience de certains plans sur lesquels j'ai eu à travailler. Mais c'était dans le bureau. Je ne parle pas de l'usine, où vous avez habituellement un seul salaire. C'est des classes salariales de type escalier. Mais dans le bureau – justement, la feuille qui a été passée tout à l'heure – quand vous avez une structure salariale avec des classes salariales, un minimum et un maximum, le coût d'implantation, ce que ça va coûter d'augmentation de masse salariale, peut varier entre 3 %, 3,5 % à 4,5 %...

Mme Gagnon-Tremblay: Est-ce que ça peut...

M. Deschênes (Jean-Paul): ...parce que, là, l'exemple que j'ai pris, c'est un cinq échelons avec augmentation de 5 % entre les échelons. Ça, ça coûte ça d'implantation.

M. Deschênes (Claude): D'ailleurs, je l'ai marqué sur la...

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, oui, mais je voudrais revenir là-dessus, parce que vous me dites que ça peut coûter entre 3 % et 4,5 %...

M. Deschênes (Jean-Paul): D'une façon générale.

Mme Gagnon-Tremblay: ...alors que ce qu'on semblait nous dire, c'est davantage 0,9 % et 1 %. Mais, si on pense que ça peut coûter 4 %, je vous avoue que, là, il y a des craintes qu'on soulève, parce que sur une masse salariale...

M. Deschênes (Jean-Paul): Oui, mais on a parlé de...

Mme Gagnon-Tremblay: ...de plusieurs millions de dollars...

M. Deschênes (Jean-Paul): Non, non, mais on a parlé de 0,9 % répartis sur plusieurs années. Moi, je vous parle d'un coût direct d'implantation qui peut... Mais oui, si vous avez des gens qui sont surpayés puis vous les laissez là, et que vous en avez qui sont souspayés et que vous les augmentez, ça, ça va vous coûter quelque chose au point de départ. Je comprends que, si on reprend un système d'évaluation dans une entreprise, si ça a déjà existé, vous n'aurez pas autant de différences que vous avez sur le tableau. Les postes vont être évalués assez correctement, ça va vous coûter moins cher. Mais, si ça s'est fait au petit bonheur, que l'ami du maire, lui, il est bien payé parce que c'est un ami et qu'il a une grosse famille, etc., les critères qu'on utilisait autrefois pour déterminer le salaire des employés... C'est entendu que, si j'arrive avec mon magasinier qui gagne 35 000 $, qui est le même salaire que celui du spécialiste en loisirs qui a fait un diplôme universitaire, etc., lui, le 35 000 $, il nous coûte quelque chose, parce qu'on ne le descendra pas à son salaire qui devrait être de niveau de 18 000 $ à 20 000 $. Alors, lui, il contribue à l'augmentation de la masse salariale parce qu'il ne baisse pas. Si je prends l'exemple de la technicienne en sols dans une entreprise de tourbe, qui gagnait 10,50 $ de l'heure et puis qui, maintenant, doit gagner 16,50 $...

Une voix: Non, c'est 12...

M. Deschênes (Jean-Paul): En tout cas, peu importe, mais disons un ordre de grandeur. À ce moment-là, vous êtes obligé de la payer, elle. Puis, si en plus... Je parlais de la distinction entre les classes salariales à la STCUM versus, disons, Hydro-Québec. À la STCUM, ils ont des classes salariales où il n'y a pas d'échelons. Alors, si j'implante le système et que quelqu'un se retrouve à l'intérieur de cette classe salariale là, il ne me coûte rien, mais, si c'est une classe salariale avec échelons puis...

La Présidente (Mme Signori): Je m'excuse, mais le temps est écoulé.

M. Deschênes (Jean-Paul): O.K., parfait.

Mme Gagnon-Tremblay: Ça va, merci. C'est assez technique.

La Présidente (Mme Signori): Alors, je vous remercie, M. Deschênes. J'inviterais maintenant la Société conseil Mercer limitée à prendre place, s'il vous plaît. Il y a une suspension de quelques minutes.

(Suspension de la séance à 17 h 23)

(Reprise à 17 h 26)

La Présidente (Mme Signori): Alors, si vous voulez bien vous présenter, s'il vous plaît, et je dois vous expliquer que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, et ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission d'une quarantaine de minutes.


Société conseil Mercer limitée

M. Thériault (Roland): Bonjour et merci de l'invitation que vous nous avez faite. Vous avez...

La Présidente (Mme Signori): Est-ce que vous voulez vous présenter, s'il vous plaît...

M. Thériault (Roland): Oui, oui, oui.

La Présidente (Mme Signori): ...et présenter votre compagne?

M. Thériault (Roland): Oui, oui, oui.

La Présidente (Mme Signori): Merci.

M. Thériault (Roland): Ma compagne, c'est Mme Chantal Brien, et mon nom est Roland Thériault. Mme Brien est conseillère en gestion de la rémunération depuis neuf ans. Auparavant, elle a été, pendant trois ans, à s'occuper de rémunération à l'intérieur d'une entreprise. Au cours des dernières années, Mme Brien a aidé plusieurs entreprises, notamment en Ontario, à se conformer à la législation en matière d'équité salariale, mis à part les travaux qu'elle a pu faire au Québec au cours des dernières années. Quant à moi, j'oeuvre en gestion de la rémunération depuis près de 25 ans. La première partie de ma carrière a été à l'École des hautes études commerciales comme professeur et également conseiller auprès d'entreprises. Au cours des 10 dernières années, j'ai été conseiller à temps plein avec la firme Mercer.

Chantal et moi allons nous partager la présentation de notre mémoire. Dans un premier temps, je présenterai certains commentaires généraux, et, par la suite, Chantal présentera des commentaires plus spécifiques en regard des différents articles.

Avant d'effectuer nos commentaires au sujet de l'avant-projet de loi, peut-être quelques commentaires au sujet de notre firme, la Société conseil Mercer. Elle a son siège social à Montréal depuis 1977, et notre société fait partie du groupe de sociétés Mercer à travers le monde. L'origine de l'entreprise, c'est Vancouver, en 1945. Mercer est la plus importante société internationale dans le domaine des avantages sociaux, régimes de retraite et gestion de la rémunération. Nous servons environ 3 000 clients au Canada à partir de bureaux dans une quinzaine de villes différentes. Nous avons environ 1 000 employés au Canada et plus de 6 000 à travers le monde. Au Canada, nous sommes impliqués dans les différents aspects de la rémunération dans chacune des provinces. Nous avons notamment été étroitement liés à la mise en oeuvre de la loi sur l'équité salariale en Ontario.

Ceci étant dit, j'aimerais passer maintenant à la présentation de notre mémoire d'une façon plus spécifique. Notre mémoire vise à présenter nos réflexions sur le bien-fondé de l'existence d'une loi en matière d'équité salariale et contient nos premiers commentaires sur le libellé de l'avant-projet de loi. Bien que nos constatations ne soient pas le fruit d'une étude exhaustive de l'avant-projet de loi, elles soulignent nos principales préoccupations sur le libellé de celui-ci..

Notre mémoire se divise en deux sections comme suit: d'abord, le bien-fondé d'une loi sur l'équité salariale au Québec, et, par la suite, Chantal présentera un certain nombre de commentaires sur le libellé de l'avant-projet de loi.

(17 h 30)

Notre réflexion sur le bien-fondé d'une loi sur l'équité salariale au Québec vise à apporter une autre perspective au débat sur la question en s'appuyant notamment sur notre expérience d'élaboration de systèmes sur le terrain dans les juridictions québécoise, ontarienne et fédérale, notre expertise en matière d'élaboration et de mise en oeuvre de systèmes d'évaluation des emplois, des nouvelles formes de rémunération ainsi qu'en développement organisationnel. Donc, dans cette première partie de nos commentaires, nous aimerions faire quelques constats généraux et traiter de la problématique d'application d'une telle loi à la fois pour les individus et pour les entreprises elles-mêmes. Finalement, nous décrirons certaines pratiques émergentes et proposerons certaines solutions de rechange. Mais, avant d'aller plus loin et de faire certains constats généraux, nous aimerions mentionner que nous souscrivons entièrement et d'emblée au principe d'équité salariale. Dans ce contexte, cependant, nous aimerions formuler certains constats généraux.

Premièrement, bien que les buts visés par le projet de loi soient louables, nous sommes d'avis que ceux-ci pourraient être mieux atteints par des démarches moins coercitives que l'adoption d'une loi. Deuxième constat: Si on regarde qu'est-ce qui se passe dans les entreprises, notamment depuis un certain nombre d'années, plusieurs entreprises se conforment déjà à l'esprit d'équité salariale en termes pratiques, ce qui réduit l'impact d'une éventuelle loi. Troisièmement, l'initiative d'une loi proactive en matière d'équité salariale, avec un encadrement administratif, nous croyons, engendrerait des coûts pouvant être plus importants que les problèmes qu'elle vise à régler. Quatrième constat: Une approche proactive d'information et de formation, appuyée d'un outillage simple d'autoévaluation, serait plus souhaitable et plus efficace pour résoudre les problèmes d'équité salariale. D'autres méthodes à plus long terme pourraient également être mises de l'avant. Et, enfin, un dernier constat général: Bien que nous pourrions – et j'insiste là-dessus – bénéficier d'occasions d'affaires qu'apporterait une telle loi, nous croyons que, d'un point de vue économique global, les travailleuses du Québec ainsi que les entreprises où elles oeuvrent seraient mieux servies par des méthodes plus créatrices que l'adoption de cette loi.

Quelques commentaires, maintenant, sur la problématique d'application. La venue d'une loi sur l'équité salariale entraînera, et on l'a vu ailleurs, la création d'une bureaucratie administrative et juridique. Elle entraînera également l'élaboration d'une jurisprudence et de règles d'interprétation qui prendront souvent une orientation beaucoup plus légale qui fait contraste avec les pratiques qui existent en matière de gestion. Une telle loi entraînera également une difficulté d'application dans les entreprises – et je pense surtout à l'ensemble ou la grande masse de PME au Québec – en raison, notamment, du manque de ressources qu'elles ont, du manque de ressources humaines spécialisées pour un tel type de loi, de l'absence de transparence, souvent, qui existe dans ces entreprises en matière de communication de la rémunération et, enfin, des méthodes de détermination des écarts de salaires qui existent. Une telle loi entraînera également un changement important dans le rôle des syndicats comme agents économiques.

Troisième aspect qu'on aimerait toucher: coûts-bénéfices de l'application d'une telle loi. L'application d'une telle loi, pour nous, a un effet direct sur les individus, puisqu'elle ne touche qu'une minorité de gens qui bénéficieront de rajustements salariaux éventuels. À cet égard, on n'a qu'à penser à l'expérience ontarienne: c'est une minorité de personnes qui sont, en termes pratiques, affectées par cette loi et qui bénéficient de rajustements. Une telle loi aura également des effets directs sur les entreprises, puisque les coûts administratifs dépassent souvent les coûts de rajustement des salaires. Et, enfin, une telle loi aura un effet direct sur l'État, qui devra assumer les coûts fixes reliés au maintien d'un tel appareil. Cette réflexion nous amène à nous demander si les efforts et les sommes liés à l'application d'une telle loi ne pourraient pas, à ce moment-ci, être mieux canalisés.

Quelques commentaires, enfin, sur les pratiques émergentes et certaines solutions de rechange. Au cours des cinq dernières années, on a vu l'émergence d'un certain nombre de pratiques. Par exemple, on n'a qu'à penser à la diminution du nombre de niveaux hiérarchiques et possiblement du nombre de classes salariales différentes à l'intérieur des entreprises. On n'a qu'à penser aux mutations, fusions et achats d'entreprises. Également, on a vu l'émergence d'un grand nombre d'entreprises qui, sans loi proactive au Québec présentement, se sont déjà conformées à la loi ou à son esprit.

On a également vu de nouveaux concepts de rémunération apparaître: on parle de fourchette salariale élargie – de «broad banding» dans le jargon du métier – on parle de système de rémunération fondé sur les compétences du personnel; on parle, de plus en plus, de rémunération variable. Ces nouveaux concepts qui sont présentés aujourd'hui et d'autres concepts qui pourront apparaître au cours des prochaines années ont un impact sur les notions traditionnelles contenues dans la loi proposée.

Enfin, selon nous, il existe plusieurs solutions de rechange possibles à une éventuelle loi proactive en matière d'équité salariale. Entre autres, on pourrait penser aux solutions suivantes: Premièrement, aller à la source, c'est-à-dire former les entreprises quant aux vraies causes de discrimination. On pourrait, également, fournir ou donner un outillage simple et complet pour une autoévaluation à l'intérieur des entreprises; et on pense ici, notamment, aux plus petites entreprises qui mettraient l'accent sur des méthodes globales, sur les listes de contrôle, etc. Une solution de rechange pourrait être de ne pas imposer la méthodologie contenue dans la loi. Enfin, on pourrait penser à un élargissement de l'esprit législatif de l'équité en emploi.

En effet, une des causes importantes – et vous le savez sûrement aussi bien que nous, à ce moment-ci – de l'écart entre la rémunération des hommes et des femmes, c'est celle de l'équité en emploi. En corrigeant l'iniquité en emploi, on va davantage contribuer à corriger l'écart de salaires entre les femmes et les hommes qu'on pourrait le faire, si on tient compte des coûts-bénéfices, par une éventuelle loi proactive en matière d'équité salariale.

Ces commentaires généraux étant établis, je céderais maintenant la parole à ma collègue, Chantal, pour la formulation d'un certain nombre de commentaires sur le libellé de l'avant-projet de loi.

Mme Brien (Chantal): Alors, bien que nous mettons en cause le bien-fondé d'une telle législation, nous prenons soin de formuler certains commentaires préliminaires sur le libellé de cet avant-projet de loi dans l'éventualité où le gouvernement décidait d'aller de l'avant avec cette initiative.

De façon générale, nous constatons que le libellé de la loi restreint la détermination des salaires à l'évaluation des emplois. En effet, les entreprises devront ignorer, par exemple, le marché ou l'offre et la demande de la main-d'oeuvre, le rendement des employés, les modes de gestion par compétence, ainsi que les nouveaux modèles de rémunération.

Si je passe aux articles en particulier dans les libellés, alors, l'article 4 stipule: «La présente loi s'applique à tout employeur dont l'entreprise compte dix salariés ou plus.» Alors, compte tenu de nos préoccupations concernant les coûts-bénéfices, ainsi que la difficulté d'application d'une telle loi, le paramètre 10 salariés ou plus nous apparaît irréaliste.

Les articles 11 et 12 citent que l'employeur doit permettre la participation des salariés à l'établissement du programme en instituant un comité. Alors, compte tenu du rôle que le comité est appelé à jouer – référence: articles 41 à 44 – il nous apparaît inéquitable et illogique que la participation de l'employeur au sein du comité soit réduite à un tiers. En effet, plusieurs des décisions du comité ont une incidence monétaire pour l'entreprise et, de par sa représentation au comité, l'employeur aura peu de regard sur les décisions. Par exemple, l'article 41 énonce: «Le comité d'équité [...] doit prévoir les modalités de versement des ajustements salariaux.» D'autre part, les articles 16 et 17 permettent aux membres du comité d'identifier ses besoins en formation. Bien que l'employeur assumera entièrement les répercussions monétaires d'une telle décision, il aura peu de pouvoirs pour contrôler, à tout le moins, les abus potentiels.

(17 h 40)

Article 14: «La désignation des représentants des salariés au sein d'un comité d'équité doit être effectuée de manière à favoriser une représentation des principales catégories d'emplois.» L'intention de favoriser une représentation des principales catégories d'emplois au sein du comité peut donner lieu à un nombre important de membres au sein du comité. Par expérience, nous savons qu'une multiplicité de représentations diminue nettement l'efficacité d'un tel comité et n'est nullement le gage de résultats plus adéquats.

Les articles 25 et 72, paragraphe 3°, stipulent qu'il n'existe pas de catégorie d'emplois... «Lorsque, dans une entreprise, il n'existe pas de catégories d'emplois à prédominance masculine, le programme est établi conformément au règlement de la Commission.» Et l'article 72, paragraphe 3°, mentionne certaines méthodes.

Alors, les méthodes avancées pour évaluer les emplois à prédominance féminine dans le cas où il n'existe pas de catégories à prédominance masculine ne nous semblent pas réalisables, dans le secteur privé à tout le moins. En effet, la méthode décrite au paragraphe 3° de l'article 72 obligerait un employeur à utiliser des méthodes d'évaluation et d'estimation des écarts salariaux retenues par d'autres employeurs. En plus de ne pas tenir compte de l'équité interne de l'entreprise, cette méthodologie oblige l'employeur à retenir un niveau salarial de marché sans égard à ses politiques internes ou à sa capacité de payer.

L'article 26 mentionne les trois caractéristiques permettant de regrouper les emplois en catégories d'emplois. Alors, dans cet article, les références visant à identifier les catégories d'emplois dans une entreprise peuvent donner lieu à de fausses interprétations et ne reflètent pas la façon dont les emplois sont regroupés dans les entreprises. Dans les entreprises, on va davantage retrouver des familles d'emplois ou encore des grandes fonctions, tels les emplois de production, cléricaux, techniques, etc.

L'article 34 présente quatre méthodes pour effectuer l'estimation des écarts salariaux. Alors, puisque les méthodes proposées ne produisent pas les mêmes résultats, il y aurait lieu d'établir l'ordre dans lequel elles doivent être privilégiées. De plus, la quatrième méthode suggérée, comparaison selon la valeur proportionnelle, amène un déplacement des structures salariales du bas vers le haut de la hiérarchie organisationnelle.

Si on prend une situation hypothétique – le graphique apparaît à la page 7, en haut de notre mémoire – supposons que les emplois de bureau sont à prédominance féminine, alors que les emplois de cadre sont à prédominance masculine. Tel que le mentionnait M. Thériault, on prétend que c'est davantage un problème d'équité en emploi qu'un problème d'équité salariale. Alors, cette quatrième méthode obligerait l'employeur à aligner la structure salariale de ses emplois de bureau sur celle de ses cadres.

Or, prenons un employeur dont la rémunération des emplois de bureau est comparable à celle de son marché de référence, alors que celle de ses cadres est supérieure à celle du marché de référence. Disons également qu'il a récemment adopté des mesures visant à rattraper le marché au niveau de ses cadres. Et c'est des exemples concrets que nous voyons dans le marché présentement. Alors, dans cette situation, la quatrième méthode viendrait obliger l'employeur non seulement à maintenir le niveau de rémunération de ses cadres – référence: article 44 – mais à augmenter de manière draconienne la rémunération de ses emplois de bureau.

Finalement, l'avant-dernier alinéa de l'article 34 fait référence à la moyenne des salaires versés sans préciser le type de moyenne. Et pourquoi pas la médiane? O.K. Alors, il y a différents types de moyennes qui peuvent exister. Est-ce qu'on va parler d'une moyenne arithmétique, d'une moyenne pondérée? Pourquoi on n'utiliserait pas une médiane qui donne davantage une mesure centrale des données?

La Présidente (Mme Signori): Vous avez une minute pour conclure, madame.

Mme Brien (Chantal): D'accord. On peut dire aussi qu'à l'article 50... À l'article 50, on dit que, finalement, les syndicats auront un pouvoir de levier sans précédent lors de toute négociation future des salaires. De plus, on ne tient pas compte de la position de l'entreprise par rapport à son marché de référence.

M. Thériault (Roland): En conclusion, la détermination des salaires selon une telle approche a pour effet de réduire... Pardon. Une telle approche en matière de législation a pour effet de réduire la détermination des salaires à un seul élément, à savoir l'évaluation des emplois, alors qu'en pratique il y a plusieurs éléments dont on doit tenir compte dans la détermination des salaires.

Le deuxième point, c'est que même au niveau de l'évaluation des emplois, comme on s'en rend compte, la formulation dans un cadre juridique d'une telle exigence a pour effet de complexifier énormément une telle démarche. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Signori): Merci, monsieur. Mme la ministre.

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Thériault et Mme Brien, nous terminons nos travaux avec vous. Bienvenue à cette commission. Je comprends que la Société conseil Mercer ltée est, comment vous dire, administrée par chapitres au Québec, au Canada, distinctement, en Ontario, ou si c'est un seul service-conseil pour le Canada?

M. Thériault (Roland): Pour le Canada. Il y a une entreprise Société conseil au Canada.

Mme Harel: Au Canada. D'accord. Alors, je vais revenir là-dessus pour une raison pratique, en fait, ça concerne un jugement qui est intervenu devant la Commission sur l'équité salariale, en Ontario. La Commission sur l'équité salariale, en 1991 – j'aimerais que vous nous en parliez tantôt – avait considéré qu'il y avait un biais sexiste qui était introduit dans les méthodes utilisées par la Société conseil Mercer, puis j'aimerais ça qu'on y revienne.

Sur la question de la détermination des salaires, qui n'est pas neutre – hein, vous l'avez dit vous-mêmes, la détermination des salaires, ce n'est pas neutre – comment expliquer que le ratio des gains des femmes par rapport aux hommes s'est établi à 69,9 % au Québec, en 1994? Quand on compare, par exemple, pour la même année, dans le monde, là, le ratio du salaire féminin sur le salaire masculin, par exemple, en Australie, était de 90,8 %; en Suède, de 89 %; en Norvège, 86 %; en France, 81 %. Alors, c'est évident qu'il y a comme du rattrapage à faire, au Québec. C'est d'autant plus inquiétant que ça a diminué, entre 1993 et 1994, plutôt que de s'améliorer.

Bon. Comment faire? Vous, vous nous dites que ce n'est pas par une loi qu'il faut le faire. Quand on regarde dans les pays où ça leur a réussi, bien, en fait, dans les pays où le ratio est vraiment réduit, là, en comparaison du nôtre, on se rend compte qu'eux, c'est le niveau de syndicalisation qui est très, très élevé. Est-ce que c'est de cette façon-là qu'il vaudrait mieux procéder?

D'autre part, je ne peux pas croire que ce soit, comme vous le suggériez à la page 4, par l'«élargissement de l'esprit législatif de l'équité en emploi». Quand j'ai lu ça, je me disais: Mon Dieu, c'est élégant, mais ça veut dire quoi? Mais vous l'avez expliqué, par ailleurs, quand vous l'avez présenté. Vous avez dit, dans le fond, que c'est – je l'ai résumé – pour les femmes, occuper les emplois d'hommes. Plus il y aura d'équité en emploi, plus, disons, ça réussira aux femmes.

Mais, là-dedans, vous savez qu'il y a un préjugé terrible, hein? C'est-à-dire que, finalement, il faut occuper des emplois d'hommes pour avoir une rémunération qui soit convenable. Ça, ça veut dire que tout l'héritage féminin, on le laisse tomber. Ça, ce qui, depuis des millénaires, consistait à travailler pas payée, à rendre service, etc., ça, finalement, le message derrière ça, ça ne vaut rien. Et puis après on est surpris qu'on manque de valeurs dans notre société. Alors, il me semble que ça ne peut pas être un message pour nos filles, ça, que c'est juste... Moi, je suis très favorable aux emplois, comme on appelle, non traditionnels. Puis j'ai l'impression d'en occuper un aussi. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Et je ne suis pas la seule. Mais, en même temps, je crois que ça ne peut pas s'en aller juste de ce côté-là, ce n'est pas possible. Puis l'inverse est vrai, c'est-à-dire que ça n'attire pas nos enfants garçons non plus dans les métiers, si vous voulez, à services où se retrouvent les femmes principalement, parce qu'ils sont déconsidérés. Donc, il ne me semble pas que ça soit par l'élargissement de l'esprit législatif de l'équité en emploi. C'est comment? Vous nous dites: Ça va se faire parce qu'il y a un nouvel esprit. Vous dites que ça se développe. C'est un peu comme l'impression, je crois, en tout cas, à la lecture, que ça va se développer un peu naturellement.

(17 h 50)

Et là j'en reviens au jugement dont je vous parlais, puis je vous laisserai tout le temps qu'il faut, tout le temps que vous voulez après pour vous expliquer. Mais c'est assez intéressant, finalement, parce que vous avez dû, en tout cas, y réfléchir beaucoup. Mais il reste que c'était, dans le processus d'équité salariale, en 1991, un cas: des infirmières, l'Association des infirmières de l'Ontario. C'était à l'égard d'une municipalité régionale, vous connaissez sûrement le dossier. Il y a eu, finalement, plusieurs jugements, dont un concernant le système d'évaluation. L'employeur dit qu'il avait obtenu l'assurance de l'expert-conseil sur le caractère non sexiste du système d'évaluation. Mais, finalement, la Commission de l'équité, en Ontario, avait comme, si vous voulez, conclu que le système d'évaluation l'était, sexiste, et que les données n'étaient pas colligées de la bonne façon, etc.

Alors, est-ce qu'il n'y a pas intérêt, finalement, à être plus clairs, à défaut de quoi on va prendre, si vous voulez, nos désirs pour des réalités, mais ça ne se passera pas dans la vraie vie?

M. Thériault (Roland): Vous soulevez beaucoup de points. On va essayer de faire des commentaires sur quelques-uns. Si je ne couvre pas tous les points que vous aviez à l'esprit, à ce moment-là, on pourra peut-être y revenir.

Je ne sais pas trop dans quel ordre commencer. Vous avez parlé d'écart de salaires entre les hommes et les femmes, un écart de 30 %, 35 %. C'est vrai qu'il existe un écart de salaires entre les hommes et les femmes, mais le point qu'on veut faire ressortir ici, c'est que cet écart de salaires est dû principalement au fait de l'iniquité en emploi par opposition à une équité salariale. Donc, dans la mesure où, par différents mécanismes, on réussira à corriger, en partie ou au complet, les questions d'iniquité en emploi, nous croyons... Lorsqu'on regarde les études où on contrôle davantage les emplois, on s'aperçoit que l'iniquité en emploi explique une grande partie des écarts de salaires qui peuvent exister entre les hommes et les femmes.

Le deuxième commentaire que j'aimerais faire, c'est: Oui, c'est malheureux, mais ne nous mettons pas la tête dans le sable, il existe de la discrimination salariale; c'est vrai. Le point qu'on veut faire, cependant, ici, c'est que nous ne sommes pas convaincus que c'est par un tel avant-projet de loi ou que c'est par une telle loi... qu'une telle loi, dis-je, est la démarche la plus efficace pour corriger une telle situation. C'est plutôt ça le point qu'on veut faire.

Mme Harel: Est-ce que c'est cette loi ou une loi?

M. Thériault (Roland): Une loi proactive, et cette loi-ci en particulier, compte tenu d'un certain nombre de problèmes qu'on a soulevés tout à l'heure, notamment au niveau de chacun des articles.

L'autre élément que j'aimerais soulever, c'est que si on regarde qu'est-ce qui se passe dans les entreprises depuis trois, quatre, cinq ans au Québec, dans tous les cas où nous sommes impliqués, pour procéder à de l'évaluation d'emploi, un des critères que l'employeur ou que les parties – s'il y a syndicat et employeur – nous fournissent pour la mise en place de ces régimes d'évaluation d'emploi, c'est celui de s'assurer qu'il y aura équité salariale, c'est-à-dire que l'on développera le système pour tenir aussi bien compte du contenu des emplois majoritairement occupés par les femmes que le contenu des emplois majoritairement occupés par les hommes.

Donc, c'est dans ce sens-là qu'il y a un nouvel esprit. Contrairement à avant, par exemple, où on mettait en place des systèmes d'évaluation d'emploi pour le personnel de bureau, d'un côté, pour le personnel de production, de l'autre côté, pour le personnel de métier, d'un autre côté, et pour le personnel technique, d'un autre côté, j'allais dire d'une façon régulière, aujourd'hui, on met en place des régimes d'évaluation d'emploi qui couvrent l'ensemble des catégories d'emplois à l'intérieur d'une organisation. On cherche à diminuer le nombre de systèmes d'évaluation différents et, par le fait même, on augmente les chances de s'assurer qu'il n'y aura pas de discrimination salariale sur la base du sexe.

Donc, c'est dans ce sens-là que l'on mentionnait ce nouvel esprit qui existe à l'intérieur des entreprises, et il n'y a pas de loi proactive qui oblige les entreprises au Québec à faire ça présentement, et c'est cependant dans cet esprit-là que ça se fait, lorsque ça se fait.

L'autre élément à ne pas oublier, cependant, c'est que, lorsqu'on met en place un système d'évaluation d'emploi, c'est sûr que ça existe pour un certain nombre d'années. Donc, ce n'est pas toutes les entreprises qui sont au point, présentement, de remettre à jour leur système d'évaluation d'emploi, de le corriger pour être sûr qu'il va inclure plus de catégories de personnel que le système actuel. Cependant, au fur et à mesure que les systèmes sont requestionnés, qu'un employeur remet à jour ses systèmes d'évaluation d'emploi, il le fait dans cet esprit-là, notamment.

L'autre commentaire que vous m'amenez à formuler, c'est sur ce jugement rendu par la Commission, en Ontario. Il amène quelques commentaires, ce point-là. D'abord, il faut bien réaliser que, contrairement à certaines autres firmes en matière de conseillers en rémunération, la firme Mercer, les bureaux de Mercer à Montréal, ou les bureaux de Mercer à Toronto, ou la firme Mercer au complet, n'a pas de méthode d'évaluation d'emploi. Chaque fois qu'on développe une méthode ou une démarche d'évaluation d'emploi, un instrument d'évaluation d'emploi, on le développe pour qu'il s'adapte au client avec lequel on travaille, compte tenu de la nature des emplois qu'on a à évaluer. Donc, chacun de nos instruments d'évaluation ou de détermination de l'équité salariale à l'intérieur d'une organisation est unique. Donc, dans ce contexte-là, on ne peut pas dire que les autres systèmes ou les autres instruments qu'on a pu utiliser ailleurs ne rencontrent pas les critères de la législation ontarienne, parce que, ça, c'était dans le contexte de la municipalité de Haldimand-Norfolk, auquel vous faites allusion, c'était un instrument bâti avec les parties à ce moment-là, dans le temps. Premier commentaire.

Deuxième commentaire: nous avons bâti un instrument avec les parties, dans ce contexte-là, comme on le fait ailleurs. Si les parties ne s'entendent pas sur le contenu à avoir à certains éléments, ce n'est pas nécessairement le rôle du conseiller, c'est-à-dire que ce n'est pas nécessairement la faute du conseiller. Les parties peuvent avoir des divergences qui ne sont pas reliées au conseiller.

Troisième remarque que j'aimerais faire au sujet du cas en question, c'est: Oui, la firme Mercer a été appelée. Cependant, j'allais dire, pratiquement toutes les firmes significatives, entre guillemets, ou d'importance majeure au Canada ont également été appelées, dans un cas ou dans un autre, ou ont également été citées par le ONA, le Nurses' Association, de l'Ontario. Donc, j'allais dire, peu importe pratiquement la firme de conseillers qui était impliquée dans le dossier, il y avait toujours des choses qui accrochaient, peu importe la firme qui était impliquée.

Enfin, au sujet de ce cas-là, si on lit la sentence rendue par le tribunal, une des choses, cependant, ou une couple des choses qui sont valorisées dans la démarche Mercer utilisée dans ce cas-là, et qu'on utilise ailleurs, c'est l'implication directe des employés dans une telle démarche d'évaluation et l'utilisation d'un questionnaire structuré, comme démarche d'évaluation. Là, ce qui était critiqué, c'était le contenu de certaines questions, ou le manque de certaines questions plutôt.

Mme Harel: J'apprécie l'ensemble de la présentation que vous faites, parce que je me rends compte que, finalement, c'est la relativité salariale à laquelle vous faites référence. Mais la relativité salariale n'élimine pas la sous-évaluation historique, la sous-appréciation, et c'était le cas justement dans la décision. J'ai fait sortir la décision. En fait, l'Association des infirmières a fait porter, finalement, le cas devant la Commission de l'équité salariale. Et, vous voyez, ça revient au même là. En définitive, est-ce que la relativité salariale est satisfaisante pour corriger la discrimination qui est fondée sur une sous-évaluation des emplois étiquetés féminins?

(18 heures)

M. Thériault (Roland): Dans ce cas-là, c'est un contexte de relativité salariale, comme vous dites, c'est vrai, et ce qui a été rendu comme décision, ce qui a été identifié, c'était que les éléments considérés ou qui auraient dû être considérés dans le questionnaire causaient des problèmes. Donc, dans ce cas-là – et j'insiste, dans ce cas-là – l'instrument élaboré pour établir la relativité salariale n'était pas correct en matière d'équité salariale. Cependant, suite à ce cas-là, il y a eu des expériences acquises de façon à augmenter les chances de s'assurer dans l'avenir que l'instrument en question va permettre de mesurer aussi bien les emplois occupés par des femmes que les emplois occupés par des hommes. Et, j'allais dire, dans la mesure où les parties veulent travailler à cela, ça se fait. Si je regarde notre expérience au Québec en cette matière, dans la mesure où les parties veulent travailler à cela, ça se fait. C'est-à-dire qu'on s'assure d'avoir, dans l'instrument qui va servir à évaluer l'ensemble des emplois à l'intérieur d'une organisation, les éléments qui vont nous permettre d'évaluer aussi bien les emplois tenus ou occupés par des femmes que des emplois occupés par des hommes.

La Présidente (Mme Signori): Merci, Mme la ministre. J'aimerais passer la parole à la porte-parole officielle de l'opposition.

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, M. Thériault et Mme Brien, pour votre participation comme derniers intervenants à cette commission parlementaire. Tout à l'heure, M. Thériault, vous disiez que plusieurs entreprises avaient entrepris une démarche d'évaluation d'emploi, mais ce n'était pas toutes les entreprises. Compte tenu de l'article 19 qui est déjà mentionné dans la Charte des droits et libertés de la personne depuis fort longtemps et qui, sur une base volontaire, finalement, permettait l'implantation de programmes d'équité dans les entreprises, pourquoi, finalement, qu'on a très peu d'entreprises qui ont commencé une démarche d'évaluation d'emploi ou se sont rendues à la relativité ou encore à l'équité salariale? Est-ce que c'est à cause de la taille de l'entreprise? Pourquoi, finalement, on n'a pas été suffisamment conscient qu'il y avait quand même une obligation, c'est-à-dire, je ne peux pas parler d'obligation comme telle, mais il y avait quand même un principe dans une loi, mais qu'on passait outre à ça?

M. Thériault (Roland): O.K. J'aimerais mieux me faire comprendre et merci de me redonner l'occasion de me réexpliquer là-dessus. Lorsque je mentionnais, tout à l'heure, que c'était dans les entreprises où on implante un nouveau système d'évaluation d'emploi ou de relativité salariale, etc., ceci ne laisse pas sous-entendre que, dans les autres entreprises, il n'existe pas de système de relativité salariale. Comprenons-nous bien. J'allais dire, dans toutes les entreprises, il existe un système qui vise à établir la relativité salariale. Dans un grand nombre d'entreprises, ce système est explicite. Dans les autres cas, il est implicite. Dans la grande majorité des entreprises de tailles moyenne et grande, le système est explicite. Maintenant, ces systèmes explicites qui existent dans ces entreprises-là ont été bâtis dans le temps, avec les démarches du temps, avec les valeurs du temps, et ce n'est pas des choses qu'on reprend à chaque année. Donc, au fur et à mesure que vieillissent ces systèmes-là, si je peux m'exprimer comme ceci, les employeurs les remettent en question ou les systèmes ne rendent plus justice. Il y a de nouveaux emplois qui ne sont pas bien évalués par les systèmes existants ou, encore, on se trouve dans des situations où la gestion de ces systèmes-là devient tellement onéreuse parce qu'on a trop de systèmes différents dans une organisation. À ce moment-là, au fur et à mesure, j'allais dire, que les employeurs procèdent à la mise à jour de leur système de relativité salariale, ils le font également avec l'esprit d'équité salariale.

C'était plutôt ça, mon commentaire, parce qu'il en existe, des systèmes d'évaluation d'emploi. Là où ça n'existe pas d'une façon formelle, explicite, il en existe aussi d'une façon implicite. C'est-à-dire que, dès que je décide, à l'intérieur d'une organisation, de payer un emploi mieux qu'un autre ou, deux emplois, de les payer le même salaire, implicitement, je porte un jugement sur la relativité interne de ces emplois-là. Ce jugement-là risque fort d'être biaisé parce qu'il n'est pas articulé. C'est sûr. Maintenant, à quel prix, dans une petite entreprise, puis-je articuler ce jugement-là et est-ce que ça vaut le coup? C'est toute la question que l'on pose, ici. Là où il y a probablement des choses à corriger, c'est dans les plus petites entreprises, où il faudra rendre les systèmes plus explicites. La question, c'est: Est-ce que ça vaut le coup de faire cela et quel est le coût de l'appareil qui va nous permettre de vérifier ou de s'assurer que ça se fasse, là?

Mme Gagnon-Tremblay: Vous êtes contre une loi coercitive. Est-ce que c'est parce que vous présumez qu'on a changé ces mentalités au niveau des entreprises et qu'on y met beaucoup plus d'efforts, maintenant, au niveau des ressources humaines dans nos entreprises que jadis et, finalement, que le tout va se corriger avec le temps? Mais combien d'années?

M. Thériault (Roland): Nous sommes contre l'utilisation d'une loi proactive comme moyen privilégié pour corriger cette situation-là, parce que nous ne croyons pas que le coût vaut la chandelle. Là où il y aura des correctifs, où il y aura peut-être le plus de correctifs à faire, c'est dans les plus petites entreprises, et là on va avoir d'autres types de problèmes, c'est-à-dire qu'il pourra, par exemple, ne pas y avoir d'emplois majoritairement occupés par des hommes auxquels je peux me comparer. Et, à ce moment-là, on aboutit avec la même situation. Je n'ai pas de comparable, à moins d'utiliser des comparables d'un autre employeur. Mais est-ce que c'est correct de demander à un employeur de comparer ses salaires avec ceux d'un autre employeur? Donc, là où il y a peut-être des choses à faire, le coût de mise en oeuvre d'une telle loi et le coût de vérification, nous croyons, sont beaucoup trop élevés, à ce moment-ci, pour que ça vaille la peine de faire quelque chose.

L'autre élément qu'on a à l'esprit, c'est que, comme je le mentionnais tout à l'heure, il y a beaucoup de choses qui bougent en matière de rémunération dans les entreprises depuis la fin des années quatre-vingt. Et, si on regarde, une des choses qui bougent, c'est l'esprit. Les employeurs sont de plus en plus sensibilisés, sont de plus en plus conscients de ces éléments-là auxquels il faut faire particulièrement attention pour ne pas dévaloriser certains emplois, compte tenu des occupants. Comme je le mentionnais tout à l'heure, les employeurs qui nous demandent de les aider pour mettre à jour leur système de relativité interne le font, dans la grande majorité des cas, avec, entre autres, un critère supplémentaire en tête, le critère de s'assurer que ça ne causera pas de problèmes d'équité salariale.

Mme Gagnon-Tremblay: En somme, c'est que, bon, vous préconisez des moyens non coercitifs, des mesures non coercitives, mais lesquelles, finalement? Parce qu'on reconnaît tous et toutes qu'il y a iniquité, qu'on va devoir corriger. Alors, est-ce que c'est par le moyen d'une obligation envers les entreprises de faire des évaluations d'emplois? Et c'est là que vous revenez peut-être à l'équité en emploi?

M. Thériault (Roland): Oui, c'est-à-dire qu'il y a deux choses. O.K. Nous croyons, d'un côté, que la grande proportion de l'écart ou des écarts de salaire homme-femme est une question d'équité en emploi, par opposition à une question d'équité salariale. Au niveau de l'équité salariale comme telle, si on regarde ce qui se passe autour de nous dans les entreprises au Québec, depuis un certain nombre d'années, nous croyons qu'il y a de plus en plus de sensibilisation à ces questions-là, au point où, lorsque les employeurs mettent à jour leur système – et j'insiste, on ne fait pas ça à chaque année – ils le font dans cet esprit-là. S'il y a quelque chose à faire davantage, ça serait de la plus grande sensibilisation, plus grande formation, plus grande information aux gens, c'est-à-dire aux parties concernées.

(18 h 10)

Mme Gagnon-Tremblay: Lorsque vous mentionnez dans votre mémoire, à la page 3, que les coûts administratifs dépassent souvent les coûts de rajustement des salaires, est-ce que vous avez expérimenté? Lorsque vous avez fait vos évaluations, est-ce que vous avez des exemples? Est-ce que c'est parce que c'est arrivé dans des entreprises là où vous avez fait des évaluations d'emplois?

M. Thériault (Roland): Si on regarde, de fait... Regardons ce qui s'est passé dans les entreprises en Ontario, avec l'application de la loi ontarienne. Dans les entreprises de tailles intermédiaire et grande, où on retrouvait, dans la grande majorité des cas, des systèmes d'évaluation d'emploi, il y a eu très peu de correctifs à faire dans ce contexte-là. Donc, la loi nous a obligés à passer à travers toute une démarche qui, à toutes fins pratiques, a donné très peu d'effets, parce que, de fait, les systèmes d'évaluation d'emploi existants ou beaucoup de systèmes d'évaluation d'emploi existants étaient relativement corrects en termes d'équité salariale. Donc, la démarche en question a généré des coûts, et ce sont ces coûts-là qui ont été, dans plusieurs cas, plus élevés que les quelques correctifs à apporter au niveau équité rapport homme-femme. Mais, à nouveau, je n'ai pas à l'esprit des écarts de salaire de l'ordre de 30 %, là. O.K. Je n'ai pas ça à l'esprit, parce que ces écarts de salaire de l'ordre de 30 % homme-femme, c'est une question d'emplois différents que les gens occupent. C'est une question d'équité en emploi, et je réinsiste sur ça. L'équité salariale ou l'iniquité salariale, c'est une portion beaucoup plus mince que ce grand écart là.

Mme Gagnon-Tremblay: Mais, si le gouvernement adopte une loi et n'impose pas la méthodologie contenue dans la loi, comme vous le soulignez dans votre mémoire, ne croyez-vous pas, cependant, que, si on ne balise pas, si on ne donne pas des balises, à ce moment-là, on peut arriver, finalement, avec un résultat neutre?

M. Thériault (Roland): Nous ne sommes pas convaincus. Nous croyons que... Et, à nouveau sur la base des expériences que l'on a eues en entreprise au cours des dernières années, les mentalités ne sont plus les mêmes, il y a des changements profonds qui s'opèrent, nos filles occupent des emplois différents des filles de nos parents. Dans ce sens-là, lorsqu'il y a mise en place ou mise à jour de systèmes d'évaluation d'emploi à l'intérieur des organisations, pour s'assurer de la relativité – et ce n'est pas uniquement homme-femme, c'est entre hommes et entre femmes également aussi – les systèmes que l'on met en place sont davantage élaborés avec, entre autres, ce critère-là à l'esprit.

Remarquez, madame – et je me permets de réinsister sur une chose – dans le fond, d'une façon très égoïste, Chantal, moi et tous nos confrères et consoeurs de chez Mercer, on a tout intérêt à avoir une loi sur l'équité salariale au Québec. Ça va être extraordinaire pour nos affaires au cours des prochaines années. O.K. Et c'est plutôt, j'allais dire, à l'expérience que l'on a eue en entreprise au cours des récentes années, contrairement à ce qui pouvait se passer il y a 10, 15 et 20 ans, qu'on se dit: Est-ce que ça vaut le coup? Si j'ai une petite entreprise où j'ai essentiellement des femmes qui travaillent dans cette entreprise-là, ce n'est pas une telle loi proactive en matière d'équité salariale qui va corriger la situation, je n'aurai pas de comparable homme. Je vais me retrouver dans de nombreuses situations où ça va être ça, la situation, dans les plus petites entreprises. Une telle loi ne peut pas changer cette situation-là. Donc, si le salaire de ces femmes-là est moins intéressant qu'il devrait être selon ce qu'on pense dans la société, on n'a quand même pas de moyens de le corriger, parce qu'il n'y a pas de comparable dans cette situation-là.

Mme Gagnon-Tremblay: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Signori): Alors, M. le député d'Argenteuil, il vous reste à peu près deux minutes pour une courte question et une courte réponse.

M. Beaudet: Une brève question. Si vous n'avez pas de comparable, mais vous me dites que vous jugez qu'elles devraient être mieux payées, là je ne comprends plus.

Mme Brien (Chantal): Oui, mais le problème, à ce moment-là, c'est que les cas les plus flagrants d'iniquité salariale qu'on reconnaît au Québec, et je prends, par exemple, le fameux cas des éducatrices en garderie par rapport à des gardiens de zoo, oui, c'est flagrant, cette situation-là...

M. Beaudet: Bien, corrigeons.

M. Brien (Chantal): ...mais ce n'est pas une loi en équité salariale, telle qu'elle est formulée, qui va corriger ce genre de situation là. Ce qu'on a vu en Ontario, c'est qu'on a passé à travers le projet de loi, on l'a appliqué, et, comme la loi s'adresse toujours à l'entreprise, à l'organisation et non à la société, O.K., le problème ne s'est pas réglé pour autant en Ontario. C'est dans ce sens-là. Les iniquités à l'interne dans l'entreprise ne sont pas si présentes qu'on le pense, mais elles sont beaucoup plus du point de vue social.

La Présidente (Mme Signori): Mme Brien et M. Thériault, je vous remercie de votre présentation. Maintenant, j'inviterais la porte-parole de l'opposition officielle à formuler ses dernières remarques, ses remarques finales.

Mme Gagnon-Tremblay: ... les saluer.

Mme Harel: Oui, on peut...

La Présidente (Mme Signori): Ah! bien oui, bien oui.

(Consultation)

La Présidente (Mme Signori): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît, à l'ordre! Mme la députée de Saint-François, pour les remarques finales.


Conclusions


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Oui, merci, Mme la Présidente. On arrive, justement, à la fin d'une consultation qui a été très enrichissante, consultation générale sur une question qui revêt, dans notre société libre et démocratique, une grande importance. Je pense que tous et toutes reconnaissent que l'équité salariale, c'est un objectif de justice sociale pour toutes les femmes du Québec. Bien sûr, on a remarqué qu'on était d'accord avec le principe. On a entendu, par contre, plusieurs «mais», dans le sens que, pour certains, on allait trop loin, pour d'autres, on ne va pas assez loin, pour d'autres, on soulève beaucoup de craintes, et je pense que, parfois, elles sont aussi justifiées, il faut parfois en prendre compte.

(18 h 20)

L'avant-projet de loi a suscité aussi beaucoup de mécontentement, parce que, pour les groupes de femmes et les syndicats, on s'attendait davantage à un projet de loi qu'à un avant-projet de loi. On a soulevé le fait que l'avant-projet de loi ne correspondait pas nécessairement aux conclusions du rapport qui a été soumis à l'ex-ministre de la Condition féminine. Donc, ça aussi, je pense que ça a soulevé plusieurs mécontentements. Pour les employeurs, on nous a fait mention qu'on devrait surseoir à une telle loi. Je comprends que ce n'est pas facile, dans un tel dossier, d'obtenir un consensus, mais on ne peut pas, cependant, ignorer non plus tout le travail qui a été fait. Quand je parle du travail qui a été fait, on ne peut pas ignorer non plus le travail qui a été fait au cours des dernières années. Le Québec a quand même, au cours des 20 dernières années, fait des pas considérables vers la reconnaissance équitable de la grande force que constitue la main-d'oeuvre féminine. Peut-être que ce n'est pas assez, j'en conviens. Il reste beaucoup à faire, et je pense que, tous ensemble, on doit y mettre les efforts. Mais qu'il suffise, par exemple...

Je pense qu'il est important qu'on rappelle, Mme la Présidente, que les programmes qui ont été mis en place au cours des 10 dernières années l'ont été par une équipe ministérielle qui était consciente de ses responsabilités et de ses devoirs envers les femmes du Québec. Je pense, entre autres, à l'implantation des programmes d'accès à l'égalité. Plusieurs entreprises, que ce soit dans le secteur public, parapublic ou encore dans le secteur privé, ont créé des programmes d'accès à l'égalité. Je pense, entre autres, à l'obligation contractuelle, aussi, qui a obligé les entreprises de 100 employés et plus, au niveau du gouvernement, d'implanter un programme d'accès à l'égalité lorsque ces entreprises avaient des subventions ou encore des contrats avec le gouvernement de 100 000 $ et plus. Je pense aussi à toute la démarche en relativité salariale qu'a faite le Conseil du trésor, le gouvernement avec ses employés, et qui a donné aussi des résultats. Je pense aussi à la politique qui avait été déposée par ma collègue de l'époque, Violette Trépanier, sur l'équité en emploi. On n'a pas eu le temps de voir sa mise en vigueur, on n'a pas eu le temps de voir ses effets, mais cette politique avait aussi été adoptée par notre parti à l'époque, notre gouvernement.

Donc, toutes ces politiques ont donné, je dirais, des résultats qui sont perfectibles, bien sûr, mais des résultats qui ont permis le versement de plusieurs centaines de millions de dollars en ajustements dans les secteurs d'activité, comme je le disais, du gouvernement. Et, aussi, l'exemple que le gouvernement a donné a permis, je crois, à plusieurs entreprises du secteur privé de reconnaître la juste valeur de cette richesse que constituent les ressources humaines féminines dans notre société. Je pense qu'on doit louer aussi les efforts des entreprises du secteur privé, les efforts qu'ils y ont mis au cours des dernières années et aussi de l'ouverture de... Naturellement, on n'a plus... Je pense qu'il y a cette ouverture d'esprit là, aussi, il y a cette volonté ou c'est peut-être aussi devenu une nécessité, parce qu'on porte plus d'importance maintenant aux ressources humaines dans le cadre des négociations des conventions collectives. Mais on ne peut pas, naturellement, là, faire abstraction des efforts des entreprises du secteur privé. Bon, maintenant, il s'agit de savoir jusqu'où on peut aller. Il ne faudrait pas non plus qu'une loi, par exemple, aille à l'encontre de tout progrès. Je pense que c'est ça qui est important.

L'avant-projet de loi, bien sûr, comme l'ont mentionné plusieurs groupes, ne correspond pas aux engagements qui avaient été pris par le gouvernement actuel. Qu'on pense, par exemple, à cet engagement qui avait été pris sur une loi en équité en emploi lors de la campagne électorale, qu'on a réitéré lors de la marche des femmes «Du pain et des roses» et aussi en campagne référendaire. J'ose espérer – et là, bien sûr, je ne veux imputer quoi que ce soit au gouvernement – qu'on n'avait pas fait cet engagement dans le but de séduire, dans un objectif de séduction pour s'attirer le vote des femmes, mais, bien sûr, c'est l'impression que les groupes de femmes semblent avoir actuellement.

Bien sûr que je comprends que l'ancienne ministre, lorsqu'elle est arrivée au Conseil des ministres avec un projet de loi, bon, je pense bien qu'il y a eu sûrement des collègues qui étaient en désaccord. Parce que vous savez, lorsqu'on est au gouvernement, puis qu'on est censé produire un projet de loi et qu'on arrive avec un avant-projet de loi, généralement, il y a quelque chose qui s'est passé. Bien sûr qu'il y a aussi une image qu'on veut préserver, et on essaie de s'en sortir élégamment. Et, généralement, on dit à la ministre concernée: On est en désaccord avec ton projet de loi, mais, naturellement, on ne veut pas faire perdre... on veut conserver l'image et, bien sûr, on veut s'en sortir élégamment. Donc, on dit: Écoute, on va faire un avant-projet de loi et on va ainsi gagner du temps. Ça va permettre, quand même, de respecter, en partie, un engagement et ça va nous donner un peu plus de temps. Vous savez, c'est des choses qu'on a déjà connues, nous aussi. Alors, donc, je m'imagine un peu ce qui a pu se passer.

Mais, finalement, je reviens à la question des engagements du gouvernement. À l'issue de cette consultation, je le mentionnais, les femmes se sont senties trahies, trompées par le gouvernement. Et là on a seulement relever les différents mémoires qui nous ont été présentés. Je dois dire, Mme la Présidente, que j'ai beaucoup de respect pour la ministre actuelle. Elle hérite d'un dossier dans lequel elle devra réparer les erreurs et amener son gouvernement à oser, au coeur d'un débat acerbe, comme le disait le Conseil du statut de la femme. Donc, le gouvernement a créé beaucoup d'espoir, par son engagement, mais, bien sûr, maintenant, il doit en assumer ses promesses.

Alors, j'aimerais, à ce moment-ci, faire, peut-être, un bref bilan de cette commission parlementaire. Alors que la question de l'équité salariale aurait dû susciter de l'enthousiasme, une action proactive et positive de tous les mouvements, tant patronaux que syndicaux que communautaires dans notre société, la première chose qu'on constate d'une écoute attentive et studieuse des propos tenus par nos invités, c'est cette espèce, comme je le disais tout à l'heure, de mécontentement généralisé. Tout le monde est mécontent de la proposition gouvernementale, avec un degré d'agressivité variable et parfois surprenant. Nous avons entendu une diversité de motifs de mécontentement tout à fait remarquable. Qu'on pense, par exemple, à toutes ces phrases ou ces termes qu'on a utilisés, que ce soit: volte-face, virage ambigu, projet de loi dénaturé, simulacre de loi, confusion pernicieuse entre les notions de relativité salariale et équité salariale, bon, tel que rédigé, un piège pour les femmes, une voie royale d'exemption pour les secteurs public et parapublic, processus complexe, lourdeur administrative, difficile d'application. Alors, vous comprendrez que ce n'est pas moi qui invente ces termes-là, ce sont des termes qu'on a entendus et dont on a pris connaissance dans les différents mémoires.

Certains auraient souhaité une loi universelle, sans exclusion basée sur le nombre d'employés. Et c'est bien connu, Mme la Présidente, que les plus grandes injustices ne se produisent pas toujours dans les plus grandes entreprises. Et je comprends les femmes qui n'acceptent pas que le gouvernement puisse laisser tomber 25 % des travailleuses du Québec à l'emploi d'entreprises de moins de 10 salariés, sauf qu'on devra trouver, bien sûr, un mécanisme beaucoup plus souple pour répondre à cette catégorie de travailleuses. Certains insistent aussi sur la création d'un organisme indépendant spécialisé dans l'application d'une loi proactive en équité salariale. J'ai fait connaître ma position, précédemment, concernant l'organisme qui devrait appliquer cette loi, et je ne reviendrai pas là-dessus.

D'autres, Mme la Présidente, dénoncent l'intention voilée du gouvernement de s'exclure de l'obligation d'appliquer l'équité salariale aux femmes des secteurs public et parapublic. Certains groupes questionnent toute la mécanique complexe, lourde, dispendieuse que supposent l'implantation du comité d'équité, sa composition, ses pouvoirs, ses devoirs, ses responsabilités, son financement et le degré de préparation et de formation absolument nécessaires pour réussir à appliquer les méthodes, les facteurs de comparaison et le calcul des écarts salariaux.

Plusieurs ont souligné la faiblesse des amendes prévues dans le projet de loi. D'autres questionnent les coûts administratifs plus élevés que suppose l'approche gouvernementale par rapport aux versements qui profiteront aux femmes victimes de discrimination. Nous avons remarqué aussi le fossé immense qui sépare et qui divise, qui coupe en deux, devrais-je dire, les acteurs sociaux des acteurs économiques de notre société. Ce fossé se creuse, Mme la Présidente, sur les moyens proposés par le gouvernement pour atteindre l'objectif noble de l'équité salariale par une loi proactive.

(18 h 30)

Il existe, encore aujourd'hui, et j'en suis plus convaincue maintenant, une réelle et honnête confusion sur les termes, le vocabulaire et les savantes distinctions qui paraissent évidentes pour les initiés de ce que veut dire l'équité en emploi, les relativités salariales, l'accès à l'égalité, l'équité salariale. C'est pour toutes ces raisons que, finalement, et quelques appuis... En somme, ce que je veux dire, c'est que quelques appuis de principe ont été donnés par certains employeurs – je pense ici à la Confédération des caisses Desjardins – et je trouve que ces appuis sont parfois ou demeurent bien fragiles. Parce que même eux souhaitent et croient sincèrement pouvoir être exemptés de la loi grâce aux efforts consentis depuis plusieurs années pour implanter une politique de rémunération basée sur les relativités salariales. Or, nous avons appris que la relativité salariale et l'équité salariale étaient deux choses bien différentes qui ne pouvaient, sous aucune considération ou presque, être interchangeables, de l'avis même des femmes et des groupes.

Donc, Mme la Présidente, le gouvernement, bien sûr, devra refaire son travail, déposer, comme il s'y était engagé, un projet de loi, d'ici juin, qui tiendra compte des préoccupations des intervenants et des intervenantes. Entre-temps, je pense qu'il serait peut-être souhaitable que le gouvernement forme un comité de travail pour possiblement colliger toutes les différentes formules d'évaluation auprès des experts. Je pense qu'il y a plusieurs experts, même y compris les syndicats, qui ont développé des formules, et ce serait peut-être intéressant, à un moment donné, de colliger ces différentes formules et de voir si, avec certains ajustements, elles ne seraient pas applicables aux entreprises pour éviter peut-être toujours des frais d'administration.

Je pense aussi qu'on s'attendrait à ce que, dans le prochain budget gouvernemental, on puisse retrouver les sommes nécessaires pour permettre l'application d'un tel projet de loi. Je comprends le contexte budgétaire difficile avec lequel doit vivre le présent gouvernement. Cependant, comme on l'a dit, et les groupes l'ont dit et redit, il s'agit d'une priorité gouvernementale. C'est un engagement. Il faut prioriser. Donc, on s'attendrait, dans le prochain budget, de voir les sommes nécessaires pour permettre l'application d'une telle loi et permettre aussi, à quelque organisme que ce soit qui aura l'application, qu'il puisse avoir les ressources non seulement financières mais, finalement, les ressources humaines pour pouvoir donner suite à quelque projet de loi que ce soit.

Je pense que ce serait important aussi qu'on informe mieux les entreprises, je dirais peut-être la population en général, sur la notion d'équité salariale à la lumière de tout ce qu'on a entendu, peut-être aussi développer des mécanismes un peu plus souples à partir des propositions qui nous ont été faites.

Quant aux syndicats, je pense que Mme la ministre devra, à mon avis, être, comme on le mentionnait, peut-être aussi exigeante envers les syndicats qu'on le sera envers les entreprises. Je pense que c'est important aussi que les syndicats soient sensibilisés au fait qu'ils devront prioriser dans toute négociation l'équité salariale. Je pense que ça devra faire partie... c'est-à-dire, il faudra aussi que leurs membres soient bien au fait que, dans un contexte de gel salarial plutôt que d'augmentation salariale, ce dossier doit être priorisé.

La même chose pour les patrons ou encore les employeurs. Il faut absolument qu'ils comprennent que l'équité salariale est incontournable et que, bien sûr, on doit, par contre, trouver les moyens pour atteindre l'objectif. Mais on devra tenir compte aussi de la taille des entreprises suite aux propos qui nous ont été faits, essayer de diminuer le plus possible les coûts d'administration, la bureaucratie trop lourde, entre autres, essayer de travailler sur des mécanismes beaucoup plus souples qui tiendraient compte de la disparité des entreprises et aussi de certains secteurs d'employés qui ne seraient pas partie prenante, finalement. Je pense aux employeurs non syndiqués ou encore aux plus petites entreprises. Donc, je pense qu'on doit tous avoir en tête un seul objectif qui est celui de corriger une injustice envers les femmes, je dois dire, une injustice, cependant, souvent involontaire. Mais je pense qu'il faut investir les efforts.

Donc, en conclusion, Mme la Présidente, vous me permettrez, bien sûr, de remercier tous ceux et celles qui ont produit des mémoires, qui ont accepté de venir débattre de cette question importante, complexe mais pourtant élémentaire dans une société libre, démocratique et progressiste, assurer à nos travailleuses du Québec un traitement juste et équitable. Ces échanges, comme je le mentionnais, sont, je crois, très positifs et permettront d'alimenter nos réflexions sur ce dossier pour lequel nous avons, dans le passé, démontré un intérêt sincère et responsable.

Je voudrais aussi remercier mes collègues, membres de cette commission des affaires sociales, qui ont su être attentifs tout au long de nos travaux. Je voudrais aussi remercier la ministre pour le climat dans lequel nos travaux se sont déroulés, sa patience et les efforts de compréhension et d'analyse qu'elle a démontrés et qu'elle devra déployer encore davantage au cours des prochaines semaines.

Je salue également l'équipe ministérielle de même que les personnes qui ont accompagné la ministre, et le personnel, bien sûr, de la commission, pour cette consultation. Je sais que leurs conseils seront précieux et que la tâche sera particulièrement difficile. Cette tâche sera difficile parce que le gouvernement doit maintenant revenir rapidement, comme je le mentionnais, avec un projet de loi plus souple qui tienne compte de tous les éléments de la problématique québécoise, plus respectueux de la réalité, de la fragilité de l'organisation québécoise du marché du travail. Et l'équité salariale, comme je le disais, je pense qu'elle ne doit pas nécessairement être négociable, de l'avis même des experts en rémunération qui ont témoigné devant cette commission. La ministre devra être prudente et ne pas céder aux revendications tenaces des syndicats de négocier dans le sens classique du terme. L'approche pour réussir doit être efficace, rapide, légère et, bien sûr, tabler sur le partenariat dans le respect mutuel, la participation, l'échange d'informations et la communication.

À mon avis, Mme la Présidente, le gouvernement doit nous dire également quelle somme, quel budget il est prêt à investir pour prioriser ce dossier – et aider les femmes – de discrimination. On devra aussi, bien sûr, lors du dépôt du projet de loi, avoir une idée, je pense, plus poussée des coûts, puisque, malheureusement, on a travaillé avec très peu de chiffres à l'appui. On ne sait pas exactement quels sont les véritables coûts administratifs, quels sont les véritables coûts des ajustements pour les employeurs. Donc, on devra s'assurer, d'ici à ce que le projet de loi soit déposé, d'avoir une meilleure idée, finalement, des coûts. Donc, s'assurer que les montants investis dans l'équité passent d'abord pour celles qui seront les premières concernées, plutôt que dans des structures administratives coûteuses dont la lourdeur retardera d'autant la réparation tellement souhaitée par les femmes.

Le défi est considérable. Il faut que la ministre réussisse à transformer la confrontation qu'on sent sur le terrain en concertation, en dialogue. Je lui souhaite bonne chance et je lui offre toute ma collaboration. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Signori): Merci, Mme la députée de Saint-François. Maintenant, je céderai la parole à Mme la ministre pour ses remarques finales.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Mme la Présidente, je tiens tout d'abord à souligner la précieuse contribution que les députés ministériels ainsi que les députés de l'opposition ont apportée à notre étude de l'avant-projet de loi sur l'équité salariale. Les remarques finales que je livre ont été mises au point avec la collaboration de mes collègues ministériels, et je les remercie de leur appui. La présence constante, le sérieux et l'intérêt avec lesquels nous avons travaillé, je pense que c'est à souligner.

Je voudrais remercier d'une façon toute particulière Mme la députée de Saint-François qui, par sa vaste expérience jointe à la pertinence de ses analyses et l'acuité de ses interventions, a mis en lumière plusieurs aspects de notre projet qui méritaient d'être expliqués. J'ai apprécié le rôle constructif qu'elle a joué tout au long de cette commission parlementaire.

(18 h 40)

Je voudrais aussi rendre hommage à ma collègue, la députée de Chicoutimi, qui a porté ce dossier avec la ferveur qu'on lui connaît. Elle a réussi à le mettre, d'une façon incontournable, à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et à l'agenda de la société et même des associations d'employeurs; à preuve, ce colloque organisé le 4 avril prochain et portant sur l'équité salariale par nul autre que le Conseil du patronat.

Je voudrais très chaleureusement aussi remercier toute l'équipe qui a permis, à une semaine d'avis, que je puisse être assez bien préparée pour être en mesure de convoquer cette commission parlementaire. Sans elle en particulier – je corrige vraiment une omission que j'ai faite en commençant – mais, sans Mme Diane Vincent, qui est sous-ministre au Secrétariat à la condition féminine, et son équipe que je vais vous présenter... Mme Hélène Jolicoeur, M. Réal Bouchard, Mme Susan Blais, Gisèle Tourigny, Suzanne Galibois, Paule Drolet, Hortense Boivin, Josée Perreault et Yves Demers. Alors, je pense qu'ils ont tous travaillé très fort depuis de nombreux mois.

Également, il y a une équipe de légistes composée de Me Liette Harvey, qui est du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, de Me Manuelle Oudar, qui est aussi du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, et de Me Francine Lagrenade. J'avais déjà présenté Gisèle Tourigny.

Alors, évidemment, aussi, la contribution spéciale de Mme Gaucher, du ministère du Travail, et de M. Dufour, du développement des régions, sans oublier, du Secrétariat à la concertation, Mme Ginette Busque, qui est du cabinet, et Suzanne Vaillancourt, qui est agent de liaison.

Alors, c'était là, en fait, une équipe formidable, puisque, comme je vous l'ai indiqué, si je connaissais à peu près ce que la Québécoise moyenne connaît de ce dossier, j'ai eu un cours accéléré. En fait, maintenant, je peux, je pense, sans difficulté, différencier l'équité salariale, la relativité salariale, l'équité en emploi puis les programmes d'accès à l'égalité. Mais je me dis que, s'il en faut tant, c'est parce qu'on est loin encore de l'égalité dans notre société.

La consultation générale qui prend fin aujourd'hui nous a permis de réaffirmer et de mieux expliquer, dans certains cas, le principe du salaire égal pour un travail équivalent inscrit dans notre Charte des droits et libertés depuis plus de 20 ans maintenant. L'adoption de la Charte reflète un consensus social sur les droits fondamentaux que tous, concitoyennes et concitoyens, reconnaissent et valorisent. Le principe étant reconnu, il faut se donner les moyens de le mettre en application lorsque des écarts sont constatés.

Or, c'est un fait admis qu'il existe toujours de la discrimination salariale entre les femmes et les hommes qui font un travail équivalent malgré que la Charte des droits et libertés le proscrive. Les femmes reçoivent systématiquement moins d'argent que les hommes pour le travail qu'elles fournissent, travail équivalent. En 1992 et 1993, au Québec, le ratio du salaire féminin sur le salaire masculin s'établissait à 74 %, c'est-à-dire que les femmes qui travaillaient à temps plein toute l'année recevaient en moyenne 26 % de moins que les hommes ayant le même statut d'emploi. Et cet écart, loin de se réduire par les effets combinés d'une meilleure scolarisation des femmes, d'une orientation professionnelle moins traditionnelle ou d'une plus grande expérience sur le marché du travail, cet écart, donc, s'est élargi en 1994, les femmes recevant 30 % de moins que les hommes pour un travail équivalent. Plusieurs études démontrent que la moitié de cet écart salarial est attribuable à la ségrégation professionnelle, c'est-à-dire à la concentration des femmes dans des emplois étiquetés «féminins» auxquels sont associées des caractéristiques stéréotypées qui conduisent à la dévaluation du travail des femmes. L'effet insidieux de ces stéréotypes et préjugés est qu'on en vient, sans s'en rendre compte, à considérer comme normal que les emplois de femmes soient moins payés que les emplois d'hommes. C'est bien là une manifestation de la discrimination systémique qui est une discrimination cachée, non intentionnelle de la part des employeurs, et qui touche les femmes collectivement plutôt qu'individuellement.

C'est pourquoi l'article 19 de notre Charte des droits et libertés de la personne s'est buté à des limites sévères dans son application qui repose sur un système individuel de plaintes, le fardeau de la preuve reposant sur la plaignante. Le problème est systémique et il faut y répondre par une solution systémique. Il nous faut maintenant une loi d'application, une loi capable de mettre en oeuvre le principe inscrit dans la Charte. En utilisant la législation comme levier, des progrès significatifs peuvent être obtenus concernant l'atteinte d'un salaire égal pour les femmes.

Nous avons entendu 28 groupes ou personnes au cours de ces deux dernières semaines et quatre autres ont acheminé directement des mémoires pour dépôt auprès de la commission des affaires sociales. Je me rends compte que je ne vous ai pas remerciée, Mme la secrétaire, mais je le ferai en terminant. Vraiment, votre travail a été si efficace qu'on ne s'en est presque pas aperçu tellement ça a bien été. Ha, ha, ha!

De façon générale, les intervenants et intervenantes que nous avons entendus et questionnés reconnaissent la nature systémique de la discrimination salariale faite aux femmes et, en général, sont d'accord pour la corriger. La présente consultation aura donc permis une prise de conscience élargie de la nécessité d'agir en vue d'assurer l'équité salariale aux travailleuses québécoises. Les groupes de femmes nous ont dit qu'elles ne peuvent se permettre d'attendre plus longtemps les corrections salariales qui leur sont dues. Elles sont fermes sur la nécessité d'une loi d'application générale. Il faut reconnaître leur souci de solidarité envers toutes les femmes peu importe la taille de l'entreprise ou l'absence d'association accréditée pour les représenter.

Par ailleurs, les associations syndicales réclament une plus grande participation des travailleuses et des travailleurs dans l'ensemble de la démarche d'équité salariale et suggèrent l'intégration du processus aux mécanismes de négociation des conventions collectives. Elles ont déclaré leur intention de faire de l'équité salariale une priorité d'action.

Du côté des employeurs, il faut constater un désaccord majeur à l'égard de l'avant-projet de loi. Si beaucoup de résistance s'est manifestée envers une loi proactive quelle qu'elle soit, il faut souligner une ouverture à obtenir des résultats concrets. Je formule le souhait que les employeurs acceptent sereinement de contribuer à l'élaboration d'un projet de loi sur l'équité salariale à partir de maintenant. Retenons que les ajustements salariaux destinés à corriger la discrimination salariale représentent un droit fondamental pour les femmes. Par ailleurs, on convient qu'il faille simplifier le plus possible le processus de façon à ce que l'argent qui sera investi soit consacré essentiellement aux ajustements salariaux plutôt qu'aux frais administratifs.

Au cours de ces débats, nous avons mieux compris la nécessité de reconnaître les efforts consentis jusqu'à maintenant en termes d'équité salariale et de relativité salariale tant par les employeurs du secteur public et parapublic que par certains employeurs privés. J'aimerais remercier tous ceux et celles qui nous ont fait partager leurs réflexions et leur expertise en matière d'équité salariale et qui nous ont permis de creuser les motivations qui génèrent des points de vue parfois divergents, même parfois contradictoires. C'est avec cette masse d'informations ainsi que les nombreuses offres de collaboration qui nous ont été exprimées que nous poursuivrons la route souhaitable de la concertation.

En conclusion, nous entendons revoir les modalités de l'avant-projet de loi soumis à la consultation en tenant compte des recommandations que les divers intervenants nous ont formulées. Il me semble important de rendre réellement applicable une loi en matière d'équité salariale qui nous conduira à l'atteinte de l'objectif que nous poursuivons, un juste salaire pour le travail des femmes. Je vous remercie.


Mémoires déposés

La Présidente (Mme Signori): Merci, Mme la ministre. À ce stade-ci, si vous me permettez, je dépose les mémoires des personnes et organismes qui n'ont pas été entendus afin de les rendre publics et pour qu'ils valent comme s'ils avaient été présentés devant la commission. Ces mémoires sont les mémoires de l'Association des détaillants en alimentation du Québec, l'Association des femmes de carrière commerciale et professionnelle de Montréal, l'Association professionnelle des techniciennes et techniciens en documentation du Québec et le mémoire de M. Émile Lavergne.

Avant d'ajourner, j'aimerais, moi aussi, remercier Mme Denise Lamontagne.

La commission ayant rempli sont mandat, elle ajourne ses travaux sine die. Merci à tous.

(Fin de la séance à 18 h 49)


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