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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 14 mai 1996 - Vol. 35 N° 11

Consultations particulières concernant la consommation de médicaments et la recherche et développement dans ce secteur au Québec


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Table des matières

Auditions


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
M. Pierre Marsan
M. Russell Williams
Mme Nicole Loiselle
M. André Gaulin
Mme Lyse Leduc
Mme Solange Charest
*M. Claude St-Georges, Coalition Solidarité Santé
*Mme Marie Pelchat, idem
*Mme Louise Blain, idem
*Mme Thérèse Tremblay, AGIDD-SMQ
*M. Jacques Picard, idem
*M. Luc Vigneault, idem
*M. Mario Bousquet, idem
*Mme Louise Bourdon, Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs
*Mme Lina Dessurault, idem
*M. Jacques Plamondon, idem
*M. Jean-Rémy Provost, idem
*M. Claude Guimont, idem

Journal des débats


(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative à l'effet d'étudier le fonctionnement des organismes ayant une influence sur la consommation de médicaments au Québec et de faire des recommandations visant une meilleure utilisation des médicaments tout en maintenant le contrôle des coûts directs et indirects et en stimulant la recherche et le développement dans ce secteur.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je vous rappelle brièvement que nous avons une heure pour chaque organisme. Il y a 20 minutes pour l'exposé de l'organisme et 40 minutes pour les échanges avec la commission, ces 40 minutes étant partagées à parts égales entre les deux groupes parlementaires.

Je vous demanderais de commencer vos 20 minutes et de nous présenter les gens qui vous accompagnent.


Auditions


Coalition Solidarité Santé

M. St-Georges (Claude): Alors, bonjour. À ma gauche, Louise Blain, qui représente la Fédération des associations coopératives d'économie familiale, et, à ma droite, à l'extrémité, Nancy Trépanier, qui est de la Fédération nationale des associations de consommateurs, Marie Pelchat et moi-même, Claude St-Georges, qui représentons, les deux, la Coalition Solidarité Santé.

Alors, peut-être une petite remarque: dans la précipitation pour se conformer au délai, on vous a envoyé un texte qui avait quelques scories. Alors, on a une version avec les corrections, mais ça ne change rien à la substance du texte que vous avez. Alors, excusez-nous des fautes dans la précipitation.

(9 h 40)

D'abord, nous sommes très, très heureux d'être ici ce matin comme coalition. Je voudrais vous rappeler que, nous, nous existons depuis 1991. Notre Coalition, qui est un vaste regroupement d'associations de personnes âgées, d'associations de consommateurs, de personnes handicapées, d'organisations syndicales, c'est véritablement un des grands regroupements qui existent au Québec. Il n'y a pas de permanence, mais ça indique quand même l'attachement de beaucoup d'organismes à notre système de santé. Nous avons toujours défendu l'universalité, l'accessibilité, le caractère public de notre système de santé, ce sont des valeurs auxquelles nous sommes très profondément attachés, et, donc, notre organisme intervient depuis 1991 sur ces sujets-là. Beaucoup de nos organismes ont contribué aux travaux de la commission Rochon, notamment.

Alors, nous sommes heureux d'être ici ce matin, d'abord parce que, je pense, c'est une des rares fois que les associations de consommateurs, des groupes représentatifs de différents mouvements dans la société s'expriment sur la question de l'accès aux médicaments depuis fort longtemps. En fait, nous, ça remonte aux travaux du Dr Demers sur l'assurance-médicaments, où on a pu rencontrer, exprimer un point de vue comme coalition. Alors, je pense, c'est bienvenu dans les circonstances, d'autant plus qu'on a insisté auprès du comité Castonguay pour être entendus comme groupe de consommateurs, groupe représentatif de différents mouvements et qu'on n'a pas eu écho à notre demande. Alors, on se retrouve aujourd'hui, on est heureux de ça. Et, malgré tout, on a vu, cependant, que les travaux qui ont été conduits dans les derniers mois ont été faits en lien avec l'industrie pharmaceutique et les compagnies d'assurances. Ça, ça nous inquiète pour la suite des choses.

Alors, nous, nous sommes très en faveur de l'établissement d'un régime universel d'assurance-médicaments au Québec. En fait, on nous dit que c'était la courtepointe inachevée; on a besoin de compléter le système de santé par un mécanisme d'accès universel aux médicaments. Cependant, on a toujours eu deux sortes de préoccupations, à la Coalition, c'est-à-dire à la fois l'accessibilité – on a eu des problèmes, on y reviendra tantôt – mais aussi la croissance des coûts des médicaments, ce que vous avez abondamment abordé dans vos travaux, déjà. Ça aussi, ça fait partie de nos préoccupations comme coalition.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'excuse, je vous rappelle que le sujet de ce matin est celui-là, en effet. L'assurance-médicaments, on aura l'occasion d'y revenir plus tard.

M. St-Georges (Claude): Oui, tout à fait. On voulait aborder un peu indirectement le rapport Castonguay, mais ce n'est pas l'objet de notre présentation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): O.K.

M. St-Georges (Claude): Parce qu'on aura évidemment à y revenir lorsqu'il y aura un projet de loi.

Des voix: On est ouverts.

M. St-Georges (Claude): Ah! Très bien. Alors sur la consommation de médicaments, je pense que c'est une chose qu'on doit regarder. On a examiné l'enquête Santé Québec, notamment. On s'aperçoit que, de plus en plus, les Québécoises et les Québécois consomment des médicaments. En cinq ans, il y a eu une progression de 7 % des médicaments en vente libre, 3 % de médicaments prescrits. Et, parallèlement à ça, on n'a pas eu un effet global sur l'amélioration de la santé, parce que l'enquête Santé Québec nous dit en même temps que, les gens qui se disent en très bonne ou en excellente santé, il y a une diminution de 4 % ou 5 %. Alors, il n'y a pas de relation, globalement, de cause à effet: plus de consommation de médicaments entraîne une meilleure santé. Alors, c'est un objet de préoccupation pour nous.

Et on a remarqué la forte croissance de la consommation des médicaments en vente libre. Ça, je pense que c'est un objet de préoccupation, et, s'il y avait à établir une politique globale de médicaments au Québec, je pense qu'on devrait prendre en compte la consommation de médicaments en vente libre. Les gouvernements québécois et canadien – parce que les deux peuvent intervenir à ce sujet-là – et les autorités de santé publique devraient se doter de moyens d'intervention pour que le consommateur québécois puisse faire des choix plus pertinents en matière d'automédication. On constate, en effet, que la surconsommation et la consommation inappropriée de médicaments en vente libre sont souvent induites par l'effet d'un constant battage publicitaire de l'industrie pharmaceutique. Il s'ensuit des dépenses inutiles pour le consommateur et même des retombées indésirables sur la santé. Ça, je pense que ça devrait être, dans une réflexion plus globale, un objet d'intérêt.

Si on regarde la consommation des médicaments relativement aux revenus des personnes au Québec, on s'aperçoit que, pour les médicaments prescrits, les plus pauvres en consomment davantage, et, ça, c'est le reflet, évidemment, des... Alors, 40 % des personnes très pauvres consomment des médicaments prescrits, tandis que, pour les gens à revenus supérieurs, ça baisse à 30 %. Donc, ça peut être le reflet à la fois que la pauvreté est une cause de mauvaise santé, ou encore que la mauvaise santé entraîne la pauvreté. Je pense que les deux phénomènes, il faut en tenir compte dans nos politiques éventuelles d'assurance-médicaments.

Et il y a un autre tableau dans le document qu'on vous a fait parvenir, qui démontre que la couverture par l'assurance privée est un phénomène qui est assez inéquitable. Il y a une sorte de darwinisme là-dedans, c'est-à-dire que, plus on est élevé dans l'échelle de revenus, plus on dispose d'une meilleure couverture d'assurance et plus on est couvert par l'assurance. Par exemple, l'enquête Santé Québec démontre que les gens très pauvres ont seulement 11 % de couverture, en moyenne, alors que les gens qui se situent dans la strate moyenne supérieure ou supérieure ont une couverture autour de 70 %. Alors, c'est ça qu'il faut corriger par un régime universel.

Maintenant, un autre sujet, c'est le ticket modérateur. On en a beaucoup parlé lors de la dernière campagne électorale, il y a même eu des engagements à l'effet que le ticket de 2 $ pourrait être enlevé. On a pris connaissance de l'étude de Mme Rheault, du ministère, qui est quand même éloquente; je pense qu'on doit reconnaître, par ses conclusions, que le ticket modérateur de 2 $ n'a pas eu d'effet sur la consommation. Je pense qu'on doit convenir de ça. Maintenant, Mme Rheault nous met en garde, cependant. Elle dit que, si on élevait la contribution, est-ce que, là, on ne pourrait pas avoir des effets indésirables sur de la sousconsommation. Et elle dit elle-même qu'il est difficile de prédire le seuil où la tarification permettrait à la fois de réduire les coûts publics, de diminuer la consommation, et sans affecter la santé. Alors, donc, je pense que, dans comment on abordera la tarification, la coassurance et les primes, on devra tenir compte de l'effet potentiel sur la consommation, et il faudra qu'il y ait des mécanismes de suivi très importants là-dessus.

Je voudrais aborder maintenant la situation des aînés, qui risque d'être forte en termes de consommation de médicaments, et ce que des débats éventuels sur l'assurance-médicaments pourraient nous apprendre.

Alors, on sait que le ticket modérateur entraîne une contribution maximale de 100 $ pour les aînés actuellement. Alors, on a vu qu'il y a eu des commentaires favorables du ministère, et les crédits indiquent qu'on veut faire des choix par rapport à une contribution supérieure des aînés aux coûts des médicaments. Or, si on regarde l'hypothèse, même si on ne veut pas aborder trop longuement le rapport Castonguay, on dit que la gratuité serait éventuellement maintenue pour les personnes qui bénéficient du maximum du supplément de revenu, soit 9 % des aînés, à peu près, et les autres seraient appelés à contribuer jusqu'à hauteur éventuelle de 1 000 $ – tous les autres – plus la prime qui devrait être payée. Alors, le saut est énorme pour l'ensemble des aînés. Et, quand on regarde la consommation moyenne des aînés, qui est de 730 $, à peu près, on peut penser qu'un couple moyen aurait à payer non pas 200 $ maintenant mais 800 $, et ça semble être l'application de la proposition Castonguay.

(9 h 50)

Alors, on veut vous faire remarquer que le niveau de pauvreté des aînés dépasse plus que 9 %. On est la province canadienne où le taux de pauvreté des aînés est le plus élevé; c'est des statistiques récentes en provenance du Conseil national du bien-être social. Et on remarque, entre autres, que chez les femmes de 65 et plus le niveau de pauvreté atteint 31 %. Alors, l'écart entre les 9 % éventuellement couverts et les autres qui seront soumis au régime jusqu'à 1 000 $, ça pose un problème dans la proposition, tel qu'on l'entend. Alors, on a fait un tableau ici. Par exemple, ça, c'est les statistiques qui viennent du Conseil des aînés: chez les femmes de 65 ans et plus, 87 % ont un revenu inférieur à 20 000 $. Alors, on voit comment on est en situation précaire chez les aînés et qu'est-ce que des contributions élevées pourraient faire.

Je voudrais, très brièvement, parler des personnes assistées sociales. C'est vrai que le rapport Bouchard et le rapport Fortin disaient qu'il pourrait y avoir une contribution des personnes assistées sociales pour qu'il n'y ait pas de distorsion avec les personnes à très bas revenus qui sont au salaire minimum et qu'il y ait une espèce de continuité entre les groupes. C'est vrai qu'on a suggéré ça. Cependant, Bouchard et Fortin, Bouchard particulièrement, ont été assez critiques face aux compressions qu'on a observées chez les personnes assistées sociales, et d'ajouter une autre contribution de l'ordre de 300 $ pourrait être énorme pour les personnes assistées sociales et pourrait les entraîner à faire des choix qui ne seraient pas souhaitables au plan de leur santé et contribuer à leur plus grand appauvrissement.

Alors, je pense qu'il faut aborder ça de façon très, très prudente, quoique l'idée qu'il y ait une contribution des personnes assistées sociales ne soit pas à rejeter, mais il faudrait que ce soit en lien avec une augmentation éventuelle du niveau des prestations. Et, en passant, les personnes qui sont au salaire minimum, dans le régime dont on discute, paieraient, elles, jusqu'à 1 000 $. Alors, il faudrait aussi regarder une progressivité dans la contribution éventuelle.

Très rapidement, pour des choses que vous avez certainement vues, les coûts des médicaments au Canada sont parmi les plus élevés au monde, probablement plus élevés, même, qu'aux États-Unis. Au Québec, la moyenne est inférieure un peu à la moyenne canadienne, mais la progression des coûts des médicaments au cours des dernières années a été plus rapide que dans la majorité des provinces. On a donc une situation un peu problématique au Québec au regard de notre niveau de dépenses globales comme société.

Bon. Comment on arrive à mieux contrôler les prix des médicaments? Il semblerait que ce sont les régimes publics qui réussissent mieux à contrôler les prix des médicaments, et ça, c'est l'expérience mondiale. Le journaliste, Michel Venne, récemment, dans Le Devoir , disait: «En Grande-Bretagne, 84 % du régime de médicaments est financé par le secteur public et on y dépense deux fois et demie moins qu'au Québec en pilules chaque année. Plus la part du financement public est élevée, plus l'État est incité à en contrôler la croissance.»

Bon. Il y a un tableau qu'on a fourni dans notre document, qui nous préoccupe beaucoup et qui, aussi, nous met en lien avec d'autres phénomènes dans notre système de santé, à savoir la privatisation. Selon Statistique Canada, quand on compare les chiffres comparables, de 1991 à 1994, les derniers qui peuvent exister, il se dépense au Québec actuellement 4 500 000 000 $ en dépenses privées de santé, et ce serait en progression, en trois ans, de 17 %. La rémunération des médecins, elle, a augmenté de 10 % pendant la même période, les médicaments qui sont remboursés par la RAMQ ont progressé de 23 %. Pendant ce temps-là, les dépenses du réseau de la santé, c'est-à-dire les établissements, hôpitaux, CLSC, centres d'accueil, centres d'hébergement, leur croissance n'a été que de 3,4 %. Et les dernières années démontrent encore que, si on se rendait jusqu'en 1996, on est en décroissance dans le financement des établissements de santé pendant que les dépenses privées augmentent au rythme d'à peu près 6 %, 7 % par année.

Alors, c'est une de nos grandes préoccupations, comme coalition, nous qui tenons au caractère public du système de santé, de voir aller de plus en plus vers de la privatisation, du renvoi des dépenses aux consommateurs, au rythme de 6 %, 7 %. Où sont les économies? Parce que, globalement, on sait que les dépenses privées, la gestion privée coûte plus cher. L'exemple américain dont on parle incessamment vient de démontrer ça. Alors, est-ce que le choix qu'on fera au regard de l'assurance-médicaments ira dans un sens de renforcer, de déplacer vers le privé de plus en plus de dépenses, ou si on pourra assister, par d'autres alternatives, à un renforcement du régime public, à une part croissante de dépenses publiques en matière de santé en élargissant la couverture de l'assurance-médicaments?

Alors, pour conclure très rapidement – et là on voulait aborder les questions pour l'avenir sans trop s'étendre sur le rapport Castonguay – il y a, dans le débat actuel, des idées qui sont intéressantes. Par exemple, que la gratuité soit maintenue pour une partie des personnes assistées sociales, que certains aînés continuent de bénéficier de la gratuité, que tous les enfants soient couverts, c'est des bons points. Cependant, on a des déceptions par rapport au rapport Castonguay, parce qu'on pense que le rapport Castonguay ne s'est pas suffisamment inspiré de ce que le rapport Demers a dit, non plus que des travaux qui ont été faits au ministère par la direction de l'évaluation et de la programmation, notamment, parce que le choix qui a été fait a priori, c'est de s'appuyer sur les assureurs privés pour construire le nouveau régime, et ça, ça nous fait problème.

On s'étonne, en fait, que l'hypothèse d'un élargissement de la couverture publique ne soit pas soumise à la discussion lorsque l'on constate l'efficience de la performance de la RAMQ. La RAMQ gère 3 500 000 000 $ de budget, et ça leur coûte 75 000 000 $ d'administration, à peu près 2 % de frais. Si on regarde comment ça se comporte, les régimes privés, l'exemple américain, par exemple, il y a un article récent du New York Times qui nous dit que, quand on regarde l'administration, les profits, la publicité que coûte la gestion des régimes privés, ça va entre 17 % et 27 %. Ce sont des dépenses qui sont consacrées à des frais autres que des soins. Et la question qui se pose aujourd'hui, je pense, devant les choix à faire face aux médicaments, c'est: Est-ce qu'on veut, dans notre système de santé, plus de vendeurs d'assurances ou plus de personnes qui vont donner des soins? Ce sont des choix stratégiques qu'il faut faire, et ce, en regardant, en ayant à l'esprit en même temps l'efficacité et le contrôle des coûts. Ce n'est pas parce qu'on aura déplacé des dépenses vers les consommateurs que, globalement, les citoyens vont être gagnants, même s'il y a eu des économies au plan des dépenses publiques. Je pense qu'une proposition qui élargirait le rôle de la RAMQ, par exemple que les 1 400 000 personnes non assurées puissent être prises en charge par la RAMQ, ça serait peut-être une très, très bonne idée au plan de l'efficacité.

Finalement, je pense qu'il reste que, sur la question du contrôle des coûts des médicaments, il y a une double juridiction là-dedans, il faut s'en rendre compte. Et là le gouvernement fédéral a des leviers d'intervention très importants. On a vu récemment des déclarations du ministre Dingwall, qui se préoccupe, effectivement, de la croissance des coûts des médicaments. Des provinces comme la Colombie-Britannique aussi en sont préoccupées. Est-ce que ça ne serait pas approprié, pour regarder en même temps la croissance du coût des médicaments, de demander au gouvernement fédéral, conjointement avec les provinces, de faire enquête sur la situation: Pourquoi on paie des médicaments aux coûts si élevés au Canada et au Québec, et comment faire pour regarder des stratégies qui sont utilisées dans d'autres pays dans le monde, et notamment regarder, entre autres, tout l'aspect de la publicité? Pourquoi on ne pourrait pas réglementer? On voit comment on est bombardés, submergés d'information des compagnies pharmaceutiques, et il n'y a pas de contre-information faite par les organismes de consommateurs, par les directions de santé publique. Je pense que, si on donnait des moyens de mieux informer la population, on pourrait y trouver un effet bénéfique, entre autres pour contrer le seul message qui nous provient des compagnies pharmaceutiques.

Dernière chose, il faudrait aussi regarder le comportement des prescripteurs. Revoir le mode de rémunération des médecins, ce serait une très bonne idée au plan de leur rôle stratégique dans la prescription. Alors, il y a des choses qui seraient à regarder dans une approche stratégique globale. Je vous remercie.

(10 heures)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Je suis maintenant prêt à commencer les interventions, tout en vous rappelant, encore une fois, le mandat. J'ai laissé dévier dans l'approche du 20 minutes, mais notre rôle pour cette commission-ci est très clair: la commission se réunit afin de procéder à des consultations particulières, je le répète, et de tenir des auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative à l'effet d'étudier le fonctionnement des organismes ayant une influence sur la consommation de médicaments au Québec et de faire des recommandations. On n'est pas ici pour le projet potentiel à être déposé éventuellement suite à une étude faite sur l'assurance-médicaments – je vais être obligé de ramener constamment à l'ordre – on aura du temps pour faire ça, j'imagine.

M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: D'abord, peut-être avant de commencer, un peu ma surprise qu'on ne laisse pas les gens parler du programme d'assurance-médicaments alors qu'on est dans le dossier du fonctionnement des médicaments, de surconsommation. Et ces gens-là représentent – combien, vous avez dit, d'organismes, tantôt? – ...

M. St-Georges (Claude): Vingt-six.

M. Marsan: ...vingt-six organismes qui ont été vus aussi par le comité Demers, qui a conclu, lui, à l'importance d'avoir un régime d'assurance-médicaments. Eh bien, je pense que c'est difficile de dissocier l'un et l'autre complètement ou de faire une cloison qui nous empêche de regarder ce qui s'en vient au niveau de l'assurance-médicaments. En tout cas, dans nos interventions, nous voulons laisser aux invités libre cours à ce qu'ils ont à nous dire et nous souhaitons qu'ils aient des choses à nous dire sur l'ensemble du dossier. Je pense qu'il faut avoir une approche globale.

D'abord remercier M. St-Georges, Mme Pelchat, Mme Blain et Mme Trépanier de vous être présentés, d'avoir accepté notre invitation. Vous devez savoir que cette invitation-là ne vient pas du ministre, elle vient de la commission des affaires sociales. C'est un mandat d'initiative, donc c'est une initiative des députés péquistes et des députés libéraux, ensemble, qui ont convenu de vous inviter pour que vous nous parliez du dossier des médicaments de façon globale aussi. Et c'est dans ce contexte-là que nous avons le privilège de vous recevoir aujourd'hui, et nous l'apprécions beaucoup.

Moi, j'aurais peut-être voulu, d'emblée, vous entendre parler un peu davantage... vous l'avez fait dans le préambule de votre présentation, vous avez bien dit que vous avez participé aux travaux du comité Demers, donc à sa conclusion aussi, qu'il fallait instaurer un régime d'assurance-médicaments. Et vous semblez dire à ce moment-ci que vous n'avez pas été consultés ou qu'on n'a pas retenu vos demandes. Est-ce que vous avez demandé à être vus par M. Castonguay et le groupe?

M. St-Georges (Claude): Oui, on a écrit à M. Castonguay, avec copie au ministre. Alors, on aurait souhaité effectivement que... Et pas seulement notre organisme. Je pense que, ce qu'on aurait attendu, c'est que, par exemple, les associations d'aînés, les groupes de consommateurs amènent leur point de vue, plus large que le seul point de vue des assureurs privés, qui ont été abondamment consultés si on en juge par le résultat des travaux. Alors, oui, on avait fait une demande, et elle n'a pas été agréée.

M. Marsan: Parce que je pense que, les 26 organisations qui sont chapeautées par votre groupe, elles ont des choses quand même importantes à dire. Je pense que, le mémoire que vous nous présentez, c'est un mémoire substantiel. Il y a de la matière à l'intérieur, et vous exprimez, en tout cas, je pense, ce que vos associations représentent aussi.

Ceci étant dit, moi, je voudrais vous questionner, toujours, sur la nécessité d'un régime universel. Vous reconnaissez qu'il y a 1 400 000 Québécois et Québécoises qui ne sont pas assurés. Vous en êtes arrivés à la conclusion qu'il faut les assurer et vous parlez d'une couverture de qualité pour leurs besoins en médicaments sans créer de nouvelles pressions sur les finances publiques. J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Comment est-ce qu'on peut assurer 1 400 000 personnes additionnelles sans créer une pression indue sur les finances publiques?

M. St-Georges (Claude): Mme Pelchat.

Mme Pelchat (Marie): Bien, on est d'accord avec le rapport Demers quand il dit qu'il y a suffisamment d'argent à l'heure actuelle dans le système pour couvrir à la fois les personnes qui sont déjà couvertes et celles qui ne le sont pas. Pour nous, la couverture de ces personnes-là passe par une bonification du contrôle des coûts. Plus on va investir dans l'administration – les marges bénéficiaires, les profits de l'industrie pharmaceutique sont assez faramineux, disons-le – moins on va en avoir pour notre argent. Et c'est sur cette base-là. Bien sûr, quand M. Demers a écrit ça et quand, nous, on a appuyé ça, le dépôt des crédits 1996-1997 n'avait pas été fait et il n'était pas question d'amputer 196 000 000 $ au budget de la RAMQ. Mais nous sommes convaincus que, en faisant des choix différents, effectivement, nous aurions l'argent.

M. Marsan: Là, vous nous parlez, par exemple, de choisir les priorités de façon différente ou...

Mme Pelchat (Marie): Bien, il y a un manque évident de contrôle des coûts, de contrôle, aussi, des prix. Le gouvernement avait renoncé à la politique d'achat au plus bas prix. Il y a eu un certain nombre de choix qui ont été faits qui nous ont coûté extrêmement cher. C-91 est de ceux-là. À cet égard-là, nous, on dit: Contrôlons les coûts au maximum, contrôlons les marges bénéficiaires, regardons du côté de la profitabilité de l'industrie pharmaceutique et maximisons l'argent qui est sur la table pour faire en sorte qu'on en ait assez pour tout le monde.

M. Marsan: O.K. Vous mentionnez: «Pour ce faire, il faut oser emprunter des avenues qui ne sont pas souvent évoquées.» Et c'est là que vous intervenez en mentionnant le contrôle des coûts. Et, juste pour le président, le contrôle des coûts, que ce soit dans le cadre de l'assurance-médicaments ou dans le cadre des dépenses actuelles du gouvernement, je pense que c'est un dossier qui est extrêmement important.

Vous, vous privilégiez l'approche de contrôle des coûts par l'adoption d'une politique de remboursement des médicaments au plus bas prix disponible, comme cela existe dans les autres provinces canadiennes. J'aimerais vous entendre là-dessus. C'est un choix, là, qui a été fait par vos organisations. Vous dites: On va en soumissions, puis le plus bas prix disponible... C'est un peu le modèle qu'on connaît dans le reste des secteurs gouvernementaux quand on veut faire des achats.

M. St-Georges (Claude): Bon, c'est ça. C'est que je pense qu'on n'a pas une si grande expertise de ces questions-là, mais on sent qu'on n'a pas fait le passage, par exemple, aux génériques autant que d'autres provinces l'ont fait. Il reste des espaces là-dedans. Quels sont les leviers que le gouvernement peut se donner pour avoir des meilleurs prix, pour faire utiliser davantage la substitution? Je pense que ce sont les différentes avenues qui ont été explorées techniquement. Alors, moi, je pense que, là-dessus, il reste encore des efforts à faire.

C'est certain que, dans le débat, il reste qu'il y a la question de la centralisation de l'industrie innovatrice au Québec. Enfin, ça a été le discours qui a été souvent utilisé par l'ensemble des gouvernements au cours des dernières années. Mais la question qu'on peut poser – parce qu'on n'est pas en train de souhaiter le démantèlement de la recherche dans l'industrie pharmaceutique au Québec – c'est: Est-ce qu'on n'est pas en train d'observer, d'abord, un déplacement vers l'Ontario de l'industrie de la recherche? Enfin, j'ai vu certains chiffres, récemment, où il y avait une croissance plus importante des multinationales. Il y a des déplacements d'activités vers l'Ontario, mais peu importe. Est-ce qu'on n'est pas en face de cette tendance-là? Et autre chose qu'on peut se demander: Est-ce qu'on ne pourrait pas, nous-mêmes, au Québec, inciter l'entreprise des génériques à s'installer davantage ici? Alors, je pense qu'il faut, effectivement, se préoccuper, ne pas être insensible au fait qu'il y a une activité qui touche l'industrie pharmaceutique au Québec, mais on pense qu'il reste des espaces là-dedans pour, entre autres, favoriser, peut-être, le développement d'industries du générique au Québec.

M. Marsan: Toujours dans l'historique des coûts, vous parlez d'un régime offrant une couverture élargie aux nouveaux besoins découlant du virage ambulatoire. Je pense qu'il y a eu plusieurs tribunes pour discuter des problématiques associées au virage ambulatoire, particulièrement au niveau des médicaments, mais vous ajoutez aussi le remboursement des pansements et fournitures médicales utilisés à domicile. Alors, là aussi, ça va exercer une pression additionnelle sur les fonds publics. Est-ce que c'est ça que vous voulez nous dire comme message? Ou si vous dites: Écoutez, on le payait déjà avant. Dans le contexte, donc, il n'y a pas de nouveau coût qui est ajouté. Donc, il n'y aurait pas de pression si on associait ces éléments-là dans le cadre du nouveau programme.

(10 h 10)

M. St-Georges (Claude): C'est peut-être la deuxième hypothèse. C'est des dépenses qui étaient déjà faites à l'hôpital. Alors, pourquoi, tout d'un coup, alors, la durée de séjour étant raccourcie, est-ce qu'il n'y a pas une partie des dépenses qui suivent le malade? Et je pense que c'est la façon, peut-être, de financer les médicaments aux malades chroniques, par exemple; les MTS aussi. Est-ce qu'un nouveau régime ne pourrait pas prendre en compte certaines de ces dépenses-là qui sont faites soit dans les cliniques externes d'hôpitaux, soit dans le cadre du maintien à domicile des CLSC? Je pense qu'il reste beaucoup de choses à explorer là-dedans pour que la couverture publique et l'accessibilité, y incluant aussi d'autres frais nouveaux dont les familles risquent d'écoper, entre autres les pansements et fournitures médicales qui ne sont pas des médicaments... Alors, je pense que le virage ambulatoire ne doit pas être vu comme une mesure d'économie, mais comme une façon différente de donner des soins. Je pense que, là, il faut en tenir compte dans l'avenir.

Mme Pelchat (Marie): Et ça cause des problèmes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Excusez, vous voulez compléter?

Mme Pelchat (Marie): Je voulais juste ajouter que ça a posé problème dans de nombreux cas où on s'est rendu compte que les gens arrivaient difficilement à se procurer les médicaments. On nous a dit que, le virage ambulatoire, c'était de faire mieux et autrement, et les gens se ramassent avec des factures qui, autrement, étaient assumées par le milieu hospitalier. On pense que le milieu hospitalier pourrait, comme mesure transitoire, minimalement, sur les médicaments et les pansements, jusqu'à l'instauration d'un régime, continuer d'assumer ces frais-là. Déjà, on diminue les frais par la diminution de la durée de séjour. Est-ce qu'on a besoin d'en rajouter en refilant une autre facture aux citoyens? Et ça, ça a été souligné à peu près dans toutes les régions du Québec dans les consultations des régies régionales.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, M. le Président. Sans les mettre en ordre, je voudrais peut-être cibler quelques-uns de mes commentaires sur la deuxième partie du mandat, sur les recommandations visant une meilleure utilisation. Et, si ça peut toucher, par exemple, au régime universel, peut-être qu'on peut discuter de ça aujourd'hui, pendant ces études, sans nécessairement mentionner le nom de M. Castonguay.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On ne peut pas faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement, M. le député.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup, M. St-Georges et les autres porte-parole pour votre présentation de la Coalition Solidarité Santé. Vous avez mentionné beaucoup de choses que je trouve tellement importantes. Un, je voudrais avoir juste vos réflexions sur le chiffre que vous utilisé à la page 13, où vous avez dit qu'il y a une augmentation de 23 % du prix des médicaments. Je pense que ça inclut aussi les frais de pharmacien, cette augmentation. Mais ça ne change pas ma question. Nous, ici, nous avons fait plus ou moins la même analyse, et il me semble que c'est un peu unidimensionnel et que ce n'est pas assez compréhensible comme analyse. Est-ce que la Coalition a eu une chance de discuter ou de réfléchir sur le fait que, avec une utilisation rationnelle des médicaments, qui peut augmenter ce budget de 23 % – je ne veux pas mettre vos chiffres en doute, là – il se peut, actuellement, deux choses: sauver de l'argent dans le reste du système de santé, comme vous l'avez justement mentionné, je pense, et aussi augmenter la qualité des services? Parce qu'il me semble que, quand on voit juste une ligne dans le budget qui sauve 23 %, on dit: Voilà le problème. Mais est-ce que vous avez, actuellement, eu une chance d'étudier... Peut-être que cette augmentation, c'est une solution et pas nécessairement un problème. Avez-vous quelques commentaires sur ça?

M. St-Georges (Claude): Il est fort possible – puis je pense que l'avenir nous le dira, pourra nous le confirmer – que, effectivement, la pression pour l'augmentation des coûts des médicaments soit quelque chose d'inévitable, c'est-à-dire que, si, effectivement, les médicaments, dans certaines circonstances, évitent des hospitalisations, des opérations, je pense que ça fait partie d'un arsenal thérapeutique global, et il faut suivre ça de très près. Mais, dans la croissance du 27 %, on sait qu'il y a des choses qui ne se font pas parce qu'il y a des nouveautés thérapeutiques. Il y a aussi un problème de gestion. Il y a des problèmes qui sont liés à la mise en marché inhérente aux médicaments eux-mêmes.

Mais l'objectif n'est pas nécessairement d'arrêter la croissance des coûts des médicaments. C'est parce que ça va devenir inévitable que, avec des découvertes nouvelles, on se retrouve en face de choix thérapeutiques complexes et peut-être coûteux, et, là, il faut que le débat public et que le débat éthique qui entourent ça soient le plus transparents possible. Mais, en même temps, faisons tout ce qu'on a à faire pour d'abord, entre autres, contrôler et diminuer les coûts où on le peut, par exemple en surveillant la pratique des prescripteurs, des médecins. Il y a des mécanismes qui nous laissent des marges de manoeuvre pour faire face, justement, à l'arrivée de nouveaux médicaments qui pourraient nous coûter plus cher comme société.

M. Williams: Merci. Vous avez aussi mentionné les prix des médicaments. Je voudrais juste rappeler que nous avons, nous, comme État, gelé les prix des médicaments pour quatre ans. Avec ça, l'augmentation des coûts, ce n'est pas nécessairement les prix des médicaments, c'est le nombre de participants, certainement quelques nouveaux médicaments, etc. Ce n'est pas nécessairement le coût tel quel. Et, aussi, M. Castonguay a mentionné que, effectivement, après que les brevets sont finis, on doit utiliser plus souvent les génériques. Sauf qu'il a mentionné aussi qu'on doit avoir un meilleur contrôle des prix des génériques parce que, selon mon information – et je ne sais pas si vous avez la même – actuellement, les produits pharmaceutiques des innovateurs sont moins chers au Canada qu'aux États-Unis et les génériques sont moins chers aux États-Unis qu'au Canada. Avec ça, si vous êtes chanceux et que vous êtes près de la frontière, vous voyagez. Cependant, les médicaments que vous êtes en train d'acheter... Je n'encourage pas ce «cross-border crossing», mais en tout cas... Avez-vous fait quelques réflexions sur comment on peut mieux contrôler les prix des génériques? Parce que, souvent, comme gouvernement... et maintenant comme opposition, mais, quand nous étions au gouvernement... Bientôt, nous allons corriger ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Williams: Souvent, un générique peut arriver 20 % moins cher. Un gouvernement achète ça parce que c'est 20 % moins cher, mais actuellement le prix est de 50 % moins cher. Avez-vous fait quelques réflexions sur cette question?

M. St-Georges (Claude): Oui. On n'a pas une grande expertise sur ces questions, mais c'est sûr que ça fait partie du problème, tout ça. Et la préoccupation des autres provinces est évidente par rapport à la croissance importante de la facture de médicaments pour chacun des gouvernements provinciaux. Il me semble que, si on avait un message à transmettre au gouvernement fédéral, il y a une ouverture à regarder l'ensemble des pratiques commerciales, des coûts des médicaments génériques et des compagnies d'origine et à regarder dans une perspective plus globale, aussi, toutes les stratégies de marketing, la publicité, l'information des consommateurs. Il me semble qu'il y aurait des choses à faire conjointement avec d'autres provinces pour regarder un ensemble.

M. Williams: Merci.

Mme Pelchat (Marie): En complétant, le rapport Demers est à peu près silencieux là-dessus, et le rapport Castonguay aussi, c'est le rôle des pharmaciens dans les coûts, parce qu'il n'y a pas que les médicaments achetés par le gouvernement du Québec et payés par lui. Il y a eu une enquête de Protégez-vous qui mettait en évidence que, pour les mêmes médicaments, les coûts pouvaient varier entre 49 $ et 78 $, ce qui commence à être considérable. Il va falloir regarder, à la lumière de ce qui s'est passé ailleurs dans le monde, comment on met les pharmaciens à contribution, aussi, dans le contrôle des coûts parce qu'il n'y a pas que les médicaments payés par la RAMQ. Il y a aussi tout un autre rayon pour à peu près 4 500 000 à 5 000 000 de personnes au Québec, là.

M. Williams: Oui, mais il me semble que toutes les études démontrent que, la façon de contrôler le coût des programmes, ce n'est pas nécessairement par les prix mais par l'utilisation rationnelle des médicaments, parce qu'on a dit aussi que, 15 % des admissions dans nos hôpitaux, c'est des ordonnances inappropriées ou des problèmes avec l'utilisation des médicaments; pas nécessairement les ordonnances inappropriées.

(10 h 20)

Mais je voudrais mentionner une autre chose, c'est que les derniers mots de notre mandat, c'est: «...et en stimulant la recherche et le développement dans ce secteur». Quand vous avez dit que vous voulez encourager l'utilisation de génériques pour baisser les prix des médicaments, je comprends ça, sauf que, ici, au Québec, les industries pharmaceutiques réinvestissent 17 % de leurs ventes dans la recherche et le développement, particulièrement dans nos universités. Si on fait ça pour chaque 1 000 $ ou chaque 1 000 000 $, nous allons perdre 17 % de recherche et développement. Comment voulez-vous remplacer cette recherche et développement dans nos universités?

Mme Pelchat (Marie): Pour nous, il n'est pas question de la remplacer, mais il faut savoir aussi que l'industrie pharmaceutique dépense deux fois plus en publicité puis en marketing qu'en recherche et développement. Il y a des pratiques de l'industrie pharmaceutique qui sont drôlement questionnantes: des cadeaux d'ordinateurs à des médecins ou des conventions chromées. Je pense qu'un jour il va falloir les nommer, ces affaires-là. Notre objectif n'est pas de mettre un frein à la recherche et au développement, pas plus dans l'industrie des brevetés que dans celle des génériques. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'une politique d'achat au plus bas prix et la loi du marché – parce que c'est de ça qu'on parle – joueront pour faire une pression à la baisse sur le coût. Mais il faut aussi regarder les pratiques de l'industrie pharmaceutique qui dépense deux fois plus en publicité puis en marketing.

M. Williams: Mais vous ne voulez pas toucher à la recherche et au développement, si j'ai bien compris. C'est ça? O.K.

Dernière question: Est-ce que j'ai bien compris quand vous avez dit qu'un ticket modérateur, un copaiement – appelez ça comme vous voulez – peut causer des risques pour la population québécoise dans l'utilisation des médicaments? Oui ou non? Comme ça, là. J'ai compris que vous avez dit que ça peut causer un risque, particulièrement pour les personnes qui n'ont pas assez d'argent pour payer ça au début. Est-ce que j'ai bien compris?

M. St-Georges (Claude): Bien, en fait, nous, on a lu attentivement le rapport du Conseil de la santé et du bien-être, et il en arrive à cette conclusion-là. Le rapport Bouchard, aussi, fait une mention très précise là-dessus, à l'effet qu'une trop forte contribution de l'usager, du consommateur à faibles revenus a des effets. Puis il y a une foule d'études internationales là-dessus. Entre autres, le rapport Rochon a fait un long chapitre sur l'effet dissuasif du ticket modérateur sur la consommation, particulièrement des enfants et des personnes âgées. Et je pense qu'il faut avoir ça, de façon très importante, en vue d'un éventuel régime.

Mme Pelchat (Marie): La Banque mondiale rajoutait que, pour contrôler les coûts d'un système, il valait mieux encadrer le paiement à l'acte que de recourir au ticket modérateur qui était, somme toute, contre-efficace. Je pense qu'on a à regarder globalement le problème et la solution parce qu'on parle beaucoup, beaucoup de surconsommation de médicaments au Québec, mais on parle peu de sous-consommation. Or, il y a des gens qui sous-consomment, qui devraient en consommer et qui n'en prennent pas, et il est temps que, ça aussi, on en parle. Puis les tickets modérateurs, moi, pour avoir travaillé dès l'implantation du ticket modérateur de 2 $, ce que ça avait pour effet, c'est que les gens consommaient les médicaments «effet court terme», faisaient une sélection et, finalement, ne privilégiaient pas les médicaments «effet long terme», ce qui était plus préjudiciable. Donc, il y a des choix que les gens sont amenés à faire au moment du déboursé qui ne sont pas nécessairement basés... On n'a pas, comme citoyen, une expertise en pharmacologie. Donc, on fait les choix les plus judicieux pour nous, mais ce n'est pas nécessairement évident.

M. Williams: Et vous croyez que le ticket modérateur peut faire augmenter la sous-consommation qui peut, plus tard, faire augmenter les frais du système de santé. C'est ça?

Mme Pelchat (Marie): Une sous-consommation dans certains domaines et une surconsommation dans d'autres, oui.

M. Williams: Oui, effectivement. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, s'il vous plaît.

Mme Loiselle: Oui, merci. Mais, peut-être dans la même ligne, je vous ramène à la page 10 de votre mémoire où vous parlez d'un certain projet du gouvernement pour une coassurance pour les assistés sociaux, pour l'assurance-médicaments. Bon, on sait tous que la pauvreté, l'isolement, finalement, ça amène une détérioration de l'état de santé chez les gens. On sait tous que, pour les bénéficiaires de l'aide de dernier recours, surtout dans la grande région de Montréal, 500 $ par mois pour une personne seule, c'est déjà vivre sous le seuil de la pauvreté. À ça s'ajoutent les coupures de l'aide sociale de la loi n° 115. Il y a certains bénéficiaires participants qui se retrouvent avec 50 $ en moins dans leurs poches ou 30 $ en moins. Quand, déjà, tu vis sous le seuil de la pauvreté, ça a toute une signification dans ta vie de tous les jours. De penser que les assistés sociaux pourront débourser une coassurance allant – vous parlez du plan A – peut-être jusqu'à 300 $, je pense que les gens ne vivent pas sur la même planète que moi. Ils ne connaissent pas ce que c'est qu'être un assisté social. Ils n'ont pas côtoyé des familles qui vivent de l'aide de dernier recours.

J'aimerais peut-être vous entendre, si vous avez des orientations à suggérer au gouvernement, avant que celui-ci n'embarque dans une telle possibilité pour les personnes de dernier recours, qui ne seront pas capables de payer cette coassurance-là. Et, d'après certains groupes qui protègent les droits des assistés sociaux, soit qu'ils vont couper dans la nourriture pour pouvoir arriver à payer leur contribution, soit que, finalement, ils vont se priver de médicaments dont ils ont besoin. Alors, j'aimerais peut-être vous entendre, si vous avez des idées à suggérer au gouvernement à cet égard-là.

M. St-Georges (Claude): Bien, quand on regarde le rapport Bouchard, d'abord il ne parlait pas de 300 $. Il parlait de 176 $...

Mme Loiselle: Oui, pour la prime, là.

M. St-Georges (Claude): ...et ça s'accompagnait aussi d'un relèvement des prestations. Alors, c'est sûr qu'il faut que ça soit à somme neutre. Si jamais on accepte, dans un éventuel régime, qu'il y ait une petite contribution, il faudrait que ça s'accompagne de relèvements équivalents du niveau de prestations, et je pense que je suis assez d'accord avec vous, que, la situation actuelle des personnes assistées sociales, suite aux diverses coupures qu'elles ont connues dans les derniers mois, dans les dernières années, ça rendrait insupportable l'application d'un ticket modérateur ou d'une coassurance du niveau dont on parle.

Mais je sais qu'on a abordé cette question-là de façon prudente dans le rapport Bouchard, et, nous-mêmes, je pense qu'on a cette même attitude. Il ne faudrait pas que ce qu'on appliquerait pour les personnes assistées sociales ait pour effet de les appauvrir davantage ou encore de les mettre à risque face à leur propre santé. Ce serait un mauvais choix social aussi, globalement, parce que probablement que des gens seraient amenés à se priver de médicaments nécessaires et, plus tard, à se retrouver à consommer des soins beaucoup plus aigus en milieu hospitalier, ce que la littérature nous démontre.

Mme Loiselle: Alors, sans augmentation du barème ou des prestations, pour vous, c'est un non-sens d'aller dans cette direction-là.

M. St-Georges (Claude): Oui, tout à fait. Tout à fait.

Mme Loiselle: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Oui, bonjour. On a fait allusion, tout à l'heure, à l'immense lobby des médicaments, et Mme Pelchat, entre autres, parlait de trouver des règles pour faire jouer les lois du marché dans le médicament comme ailleurs. Est-ce que vous avez des pistes là-dessus?

Mme Pelchat (Marie): Bien, dans le rapport «Recension des options», qui a été travaillé par la direction de la planification, il y a des exemples de nombreux pays dont on aurait intérêt à tirer avantage. Il me semble que, quand on regarde l'exemple de la régionalisation par bassin de population pour le contrôle des coûts, il y a plein de pistes que d'autres pays occidentalisés ont avancées, et, là-dessus, on pourrait, nous aussi, avancer. Mais on ne peut pas en avancer une, là, parce que, en quelque part, ça doit être un tout cohérent comme politique. Mais, là-dessus, le document travaillé par la direction de la planification est absolument fascinant, notamment par rapport aux pharmaciens, de mettre un prix de base plus 10 %, et, si le pharmacien demande plus, il devra le demander aux consommateurs, ce qui fera que les consommateurs pourront faire des choix de pharmacie aussi. Donc, là-dessus, il y a beaucoup de pistes à développer.

M. Gaulin: Est-ce que vous envisagez aussi qu'il y ait une certaine liberté du pharmacien de suggérer d'autres types de médicaments du même ordre que celui qui est nommément inscrit sur une prescription, par exemple?

Mme Pelchat (Marie): Bien, je pense qu'on rentre dans les règles éthiques, là. Quand le médecin ne marque aucune substitution, le pharmacien a ce pouvoir-là. S'il n'est pas d'accord, il peut relancer le médecin. Mais, là, on joue dans des actes professionnels qui ne sont pas beaucoup de notre compétence.

M. Gaulin: Oui. Ce n'est pas de notre compétence, mais est-ce qu'on peut envisager qu'on pourrait remettre en question une certaine manière de pratiquer l'éthique à cet égard-là...

Mme Pelchat (Marie): Bien, je pense que...

M. Gaulin: ...quand il y a, surtout, une très grande différence d'un médicament à l'autre? Je sais qu'il y a des gens qui sont venus avant vous, qui nous ont dit que ce n'était pas la même chose, que, quand on prescrivait tel médicament, étant donné sa qualité, la guérison pouvait être plus rapide, etc. Bien sûr, il y a des considérations médicales qui ne sont pas de notre compétence, mais est-ce que, parfois, on ne peut pas douter, étant donné le lobby, qu'il y a des médecins qui peuvent recommander plutôt tel médicament que tel autre, eu égard à...

(10 h 30)

Mme Pelchat (Marie): Bien, je pense que les pharmaciens sont les experts de la pharmacopée et qu'ils ont là-dessus une bonne longueur d'avance sur les médecins, ne serait-ce que par le profil de formation. Et, à cet égard-là, oui, les pharmaciens devraient avoir des marges de manoeuvre, mais il faudrait aussi baliser les marges de manoeuvre des pharmaciens.

M. Gaulin: On évoquait tout à l'heure le fait que, plus ça irait, plus les médicaments coûteraient cher au Québec. On sait bien que, en fonction des budgets, on ne peut pas nécessairement envisager ça, même si notre population vieillit. Donc, il y a des compressions à faire, il y a une espèce de modification qu'il faut faire dans notre pratique des médicaments. Vous suggériez à cet égard, par exemple, d'encadrer le paiement à l'acte. Est-ce que vous pourriez être plus explicite là-dessus?

M. St-Georges (Claude): C'est bien sûr que, un des grands leviers dont on pourrait se doter, c'est effectivement de revoir le comportement des prescripteurs, des médecins. Alors, il y a différentes approches qui peuvent être utilisées. Entre autres, on connaît bien l'exemple de l'Allemagne, où ils ont fait des passerelles entre la rémunération des médecins et le volume de médicaments qu'ils prescrivent pour que ce soit tout géré dans une enveloppe commune, pour que les médecins soient découragés de trop prescrire. Et, effectivement, ça aurait eu des effets très importants.

Une des solutions peut être aussi le suivi des profils de pratique des médecins, et, là, ça exigerait tout un appareillage informatique. Je pense que la proposition d'un futur régime nous conduit vers ça, c'est-à-dire qu'il faudrait qu'il y ait un ordinateur centralisé qui puisse appliquer les revues d'utilisation médicale et le suivi des profils de pratique des médecins. Ça, ce sont des éléments où on peut agir, je pense, parce que tout le monde sait que la surprescription est très présente dans un régime de rémunération à l'acte.

Une autre approche qui a été proposée par le Conseil de la santé et du bien-être, ce serait non pas de défaire la RAMQ, mais de gérer les enveloppes de la RAMQ au niveau des régies régionales. Si les régies régionales étaient en mesure de suivre à la fois, en même temps, le coût de fonctionnement du système des établissements et aussi ce que ça coûte pour la rémunération des médecins et ce que ça coûte pour la région en termes de médicaments, de démocratiser un peu le processus décisionnel, je pense qu'on pourrait avoir, en combinaison, probablement, avec l'élargissement du salariat pour les médecins... Parce que la pratique solo, le «walking clinic», fait problème. Les médecins qui surprescrivent sont ceux qui sont rémunérés à l'acte. C'est très documenté, tout ça. Alors, il me semble qu'on a un ensemble de stratégies potentielles qui pourraient nous amener à régler en amont les problèmes de consommation et de coûts.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: J'ai encore une question.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière, rapide?

M. Gaulin: Oui. On entend plus souvent parler de la surconsommation. On sait que c'est un problème pour beaucoup de gens qui sont malades parce qu'ils prennent trop de médicaments, mais vous parlez aussi de la sous-consommation qui est dommageable à la santé. Bien sûr, on ne peut pas forcer les gens à prendre des médicaments, mais est-ce que vous pourriez développer un petit peu ce que vous disiez tout à l'heure, Mme Pelchat?

Mme Pelchat (Marie): Bien, je pense que les pharmaciens ont la règle des cinq B: le bon médicament, la bonne personne, le bon moment, etc. Bon. Quand on regarde les personnes à faibles revenus, par exemple, elles sont de celles qui peuvent effectivement sous-consommer. Le prix des médicaments est rendu tellement scandaleux que, dans un budget, ça arrive que ça ne «fitte» pas. Et, à ce moment-là, je pense qu'il y a des gens qui se privent de médicaments ou qui étirent indûment. Ce qu'on a vu beaucoup chez les personnes âgées au moment de l'entrée en vigueur du ticket modérateur, c'est que, au lieu de prendre leur médicament trois fois par jour, elles le prenaient une fois par jour pour étirer leur prescription. Je ne sais pas l'effet que ça avait sur la santé, mais je pense que ça ne donnait pas tout à fait le résultat escompté. Et, à cet égard-là, les gens ont développé, je dirais, un code de survie, des stratégies, des plans B pour réduire leur consommation. Dans certains cas, ça peut être une bonne affaire, mais, dans d'autres, ne pas respecter la posologie pose problème. Et c'est encore pire quand les gens ne vont même pas se procurer le médicament parce qu'ils savent qu'il est horriblement cher.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais revenir à l'affirmation que vous faites qu'un régime assurant l'équité n'a pas pour effet de désavantager les plus pauvres, les plus malades. Vous nous donnez des statistiques, aussi, basées sur le dernier rapport du Conseil national du bien-être social, sur le profil de pauvreté au Canada, qui indiquent que le taux de pauvreté chez les personnes âgées, entre autres, est le plus élevé des provinces canadiennes. Donc, au Québec, c'est le plus élevé.

Nous avons un régime, celui que nous avons actuellement, puis je pense que vous le connaissez bien, avec la circulaire «malades sur pied». Et on évolue vers un autre régime dont on a eu, en tout cas, un encadrement, là, avec les conclusions du rapport Castonguay. Ce que je voudrais savoir de vous, c'est si le régime actuel va combattre les iniquités et si le prochain régime va combattre de meilleure façon les iniquités. Vers quoi on s'en va de ce côté-là, du côté de la pauvreté, particulièrement des personnes âgées?

Mme Blain (Louise): Bien, vous parlez du régime actuel, pas du projet de loi qui s'en vient? Actuellement?

M. Marsan: Non, actuellement, la circulaire «malades sur pied» ou le 2 $, là, jusqu'à un maximum de 100 $, pour les personnes âgées lorsqu'elles veulent une prescription.

Mme Blain (Louise): Oui, bien, la circulaire «malades sur pied», c'est surtout pour certaines maladies spécifiques, peu importe si les personnes sont âgées ou pas. Mais ça, c'est inéquitable dans le sens qu'il y a des maladies qui ne sont pas couvertes. Alors, quelles maladies on considère qu'elles devraient être couvertes ou non? Bon. À notre point de vue, c'est bien pour ceux qui ont ces maladies-là, même si ce n'est pas bien pour eux autres d'avoir la maladie. Mais, en tout cas, il reste que, bon, c'est toujours quand tu tombes sur la mauvaise maladie qui n'est pas couverte, bien, que, à ce moment-là, c'est inéquitable.

Pour ce qui est des personnes âgées, bien, actuellement, je pense que le 2 $, bon, ça n'a pas eu l'effet qu'on pensait que ça pouvait avoir, mais il faut faire attention à l'augmentation indue par rapport aux revenus. Je pense que, pour que ce soit équitable, il va falloir fixer les primes, ou les coassurances, ou la franchise en fonction du revenu. C'est ça qu'il va falloir surveiller, tout en surveillant toujours l'augmentation des coûts, parce que, évidemment, tout ça va de pair. Et je pense qu'il va falloir assurer un contrôle de l'augmentation des coûts, mais aussi s'assurer que les primes, coassurances et franchises respectent vraiment les capacités de payer des consommateurs. C'est ça qui va faire que le régime va être plus équitable ou moins équitable.

M. Marsan: Alors, vous postulez que, si on respecte la capacité de payer des consommateurs, les gens devraient, s'ils ont un bon encadrement, prendre leurs médicaments et être bien soignés, là, suite à leur prise de médicaments, et éviter la sous-consommation. Vous l'avez bien souligné, il est sûr que...

Mme Blain (Louise): Mais, tout ça, je pense que c'est dans une politique globale. C'est sûr qu'il va falloir aussi continuer ou mettre l'accent sur la prévention, l'information. C'est tout ça, aussi, qui fait qu'une personne peut mal consommer, parce qu'elle a mal compris comment ça fonctionne. Alors, ça fait partie d'une politique globale où on doit mettre des ressources au niveau de l'information, de la prévention, au niveau du contrôle des coûts et aussi respecter la capacité de paiement. Je pense que, ça, ça fait un tout. Puis que l'État assure un contrôle, reste dans le décor, très présent, pour s'assurer que tout ça n'augmente pas trop vite et que ce soit équitable. C'est tout ça qui va faire que le régime va être équitable.

M. Marsan: Je vous remercie, madame.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Le temps passe malheureusement beaucoup trop vite. J'ai une petite question à vous poser, et le député de Nelligan posera la dernière question. Vous dites que les autorités gouvernementales devraient se doter de leviers d'intervention afin que le consommateur québécois puisse faire les choix les plus pertinents en matière d'automédication. Pouvez-vous préciser un petit peu plus ce que vous envisagez comme solution à ce moment-là?

(10 h 40)

M. St-Georges (Claude): Bien, en fait, c'est le contrepoids à la publicité ambiante, le fait que, la source d'information, c'est l'investissement important des compagnies pharmaceutiques dans toutes sortes de supports publicitaires. Et, d'abord, est-ce que, ça, ça ne pourrait pas être réglementé? Est-ce que le CRTC, par exemple, ne pourrait pas examiner tout l'envahissement publicitaire qui peut poser des problèmes au plan de la santé publique? Mais, en contrepartie, est-ce que les directions de santé publique, les CLSC, des associations de consommateurs ou d'aînés, étant subventionnées... qu'on ait une alternative au niveau de l'information, qu'on puisse soutenir plus un autre message qui va à l'encontre d'une consommation qui, au fond, est surstimulée par les compagnies pharmaceutiques.

Alors, je pense qu'il faut ouvrir la réflexion là-dessus parce que ça fait partie du problème que, de plus en plus, les gens croient à l'automédication. Et ça n'a pas, semble-t-il, d'effets sur la santé parce que, quand on regarde les listes de Santé Québec, ce n'est pas ça que ça nous indique.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Une dernière question, M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, M. le Président. Je suis heureux que la Coalition Solidarité Santé ait enfin eu une chance de discuter en public la question des médicaments. Vous avez mentionné dans votre document beaucoup de politiques globales quand vous avez parlé, mais vous avez aussi mentionné une plus grande cohésion et la responsabilisation des divers niveaux d'administration du gouvernement. Est-ce que vous pouvez expliquer comment vous voulez voir ça? Je trouve l'idée intéressante et nécessaire. Avez-vous réfléchi un peu plus sur ce sujet?

M. St-Georges (Claude): Bien, c'est qu'on est en face d'un triple système, si on veut: le système du réseau de santé géré par la loi 120 où tout a été démocratisé, où il y a un contrôle, où il y a un resserrement des dépenses très sévère actuellement, alors que, d'un autre côté, il y a une trajectoire indépendante, presque; c'est celle de la rémunération des médecins; et il y a aussi celle des médicaments.

Le Conseil de la santé et du bien-être s'est posé des questions autour de ça. Il semble qu'on pourrait arriver à mieux gérer conjointement ces enveloppes-là, donner la responsabilité, par exemple, aux régies régionales de gérer l'enveloppe, par exemple, par capitation, de la rémunération des médecins, et avoir une prise... Entre autres, si on fait le suivi des profils de pratique des médecins, de suivre en même temps la croissance des coûts et l'utilisation des médicaments.

M. Williams: Et vous ne recommandez pas une autre instance gouvernementale?

M. St-Georges (Claude): Non, non, non. Pas du tout.

Une voix: S'il vous plaît, là!

M. St-Georges (Claude): Pas du tout.

M. Williams: Merci.

M. St-Georges (Claude): Sauf que, si on doit mettre en place un système de gestion des médicaments avec un système informatique centralisé – le seul exemple est celui de la Colombie-Britannique, le PharmaNet, où le gouvernement, avec les associations de pharmaciens, gère le système de médicaments, et, eux-autres, ils peuvent appliquer la revue d'utilisation médicale. Ça prend un appareillage technologique, et il va falloir, si on met ça en place, que les consommateurs soient très présents, que la confidentialité soit un des grands enjeux, et je ne vois pas les assureurs privés dans la gestion de ce système-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Le temps est maintenant déjà écoulé. M. le député de Robert-Baldwin va faire la conclusion.

M. Marsan: M. le Président, simplement pour remercier nos invités. M. St-Georges, Mme Pelchat, Mme Blain et Mme Trépanier, un gros merci. Je pense que l'éclairage que vous nous apportez va sûrement être utile. Vous savez qu'on aura à débattre bientôt de projets de loi extrêmement importants, dont un sur l'assurance-médicaments, et, moi, j'apprécie beaucoup que vous ayez daigné nous rencontrer pour nous donner cette information-là, pour laquelle, malheureusement, le comité Castonguay a refusé de vous écouter. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie et je suspends deux, trois minutes pour permettre à l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec de s'approcher. Merci.

(Suspension de la séance à 10 h 44)

(Reprise à 10 h 46)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous avez entendu, j'imagine, les petites directives. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, et les membres de la commission procéderont immédiatement après avec des échanges. Et je vous prie de commencer en présentant les personnes qui vous accompagnent.


Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ)

Mme Tremblay (Thérèse): M. le Président, permettez-moi de vous présenter M. Jacques Picard, qui a déjà reçu des services en psychiatrie et qui est présentement formateur pour l'AGIDD-SMQ sur le «Guide critique des médicaments»; vous avez aussi M. Luc Vigneault qui, lui aussi, a déjà utilisé des services en psychiatrie et qui, présentement, est président de Pleins Droits de Lanaudière, un organisme régional de défense des droits en santé mentale; vous avez M. Mario Bousquet, qui est coordonnateur de l'AGIDD-SMQ; et moi-même, Thérèse Tremblay, présidente de l'AGIDD-SMQ.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, madame. Alors, c'est vous qui commencez, j'imagine.

Mme Tremblay (Thérèse): C'est ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y. Bienvenue, d'abord, à la commission.

Mme Tremblay (Thérèse): Merci. Alors, l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec tient à remercier la commission pour cette nouvelle occasion de prise de parole, car le médicament constitue un enjeu clinique et sociopolitique de poids en cette fin de siècle.

Notre organisme provincial regroupe 41 groupes membres, des comités d'usagers, des groupes d'entraide et des organismes d'aide et d'accompagnement dans la quasi-totalité des régions sociosanitaires du Québec. Il a choisi de vous présenter ce mémoire selon une perspective politique précise, celle de représenter les usagers et usagères des services de santé mentale qui font une analyse critique des services médico-psychiatriques. L'AGIDD-SMQ s'inscrit dans un courant de pensée qui met de l'avant le respect de la dignité et de la spécificité de l'individu, le respect de son droit à l'autodétermination et accorde une grande importance, au dire des personnes concernées dans l'organisation, à la dispensation et à l'évaluation des services de santé mentale.

Nous avons aussi fait oeuvre originale en menant à terme un projet de recherche et de vulgarisation scientifique qui a donné lieu, l'an passé, à la publication du «Guide critique des médicaments de l'âme». Avant tout, nous avons voulu donner aux usagers et usagères des services psychiatriques le moyen de se prévaloir du droit légitime d'être associés aux décisions concernant leur état de santé. Le monopole de l'information détenu par les compagnies pharmaceutiques et les prescripteurs dans le domaine des psychotropes légaux a aussi été brisé pour l'une des rares fois dans le milieu de la communication de masse. Il ne s'agit que d'un début. Nous participons au débat de société soulevé par la commission des affaires sociales. C'est une autre possibilité pour les usagers et usagères de mettre de l'avant un autre principe, celui de pharmaco-vigilance face à la publicité pharmaceutique et aux prétendus miracles opérés par les médicaments psychotropes.

En premier lieu, nous contextualisons la prise de médication psychotrope en soulignant à quel point tout le discours bio-psycho-social est fallacieux pour les usagers et usagères. La réalité des services de santé mentale s'exprime en effet par l'hégémonie de la solution psychotropique. La pharmacopée, symbole de la science triomphante, exerce une quasi-hégémonie sur les modes de pratique en santé mentale. Il y a donc une opposition entre la biologisation des troubles de santé mentale et la communautarisation préconisée du système. Par exemple, la popularité de la nouvelle génération d'antidépresseurs constitue incontestablement un phénomène de société. Ainsi, le Prozac, introduit en 1988 par la compagnie Lilly, a généré des ventes mondiales annuelles de 1 200 000 000 $ en 1993, pour devenir l'antidépresseur le plus vendu au monde. Nous en sommes au point où l'on n'hésite pas à mentionner l'avènement d'une culture légale de la drogue. C'est ce conditionnement aux comprimés que nous analyserons dans la deuxième section.

(10 h 50)

Mais il y a évidemment des coûts humains et sociaux à cette façon de faire. Les témoignages recueillis et diffusés par Mme Suzanne Cailloux-Cohen et M. David Cohen, auteurs du «Guide critique des médicaments de l'âme», le confirment amplement. Ils peuvent donc légitimement commenter que «nous sommes au seuil d'une époque où les innovations technologiques dans ce domaine vont faire déferler sur nous une avalanche de molécules miracles qui nous permettront à tous, jeunes et vieux, hommes et femmes, sérénité spirituelle et adaptation sociale. Cependant, un bref regard historique suffit à nous avertir que des tendances liées aux normes et aux valeurs propres à chaque culture ne comportent pas que des retombées positives. Combien de traitements miracles pour la détresse psychologique ont été introduits et louangés par les experts et les élites avant d'être abandonnés, mais pas avant d'avoir produit leurs ravages».

Nous mettons donc en lumière dans notre troisième section les coûts sociaux et humains de cette pratique, comme, par exemple, la multiplication des effets iatrogéniques ou l'utilisation de la médication comme contention chimique. Pourtant, nous n'avons pas, au Québec, un service de santé qui tienne compte de façon rigoureuse des effets parfois désastreux de la médication psychiatrique. Il y a ici tout un défi à relever par le ministère. L'une des façons de le relever consisterait à développer des alternatives à la médication, alternatives qui s'appuieraient sur des recherches rigoureuses. En termes de recherche, une voie prometteuse a trait au placebo et à son corollaire, l'effet placebo. Nous explorerons donc ces pistes de solution dans les sections subséquentes.

Notre conclusion nous amènera sur les voies de nos recommandations. Celles-ci nous semblent être des mesures minimales afin de répondre aux préoccupations légitimes de maints usagers et usagères.

M. Picard (Jacques): Pour ma part, je vais vous faire lecture des sections 1 et 2 en fournissant, s'il y a lieu, certains commentaires pour amener un meilleur éclairage sur notre point de vue et même certains constats qu'on est appelé à voir assez régulièrement, et aussi, peut-être, certains points d'information parce que, des fois, il y a un langage un petit peu technique.

Donc, la section 1: Santé mentale et psychiatrisation. Le point de départ de cette section provient de très nombreux commentaires que nos organismes reçoivent des usagers et usagères des services de santé mentale. Ils sont à l'effet qu'ils reçoivent peu d'écoute de leur psychiatre et que l'unique réponse thérapeutique consiste en la prescription de médicaments. Et même, certains vont jusqu'à considérer qu'ils reçoivent plus d'écoute d'un omnipraticien et que l'omnipraticien est souvent plus soucieux du type de prescription qui est fournie aux patients. Donc, pour continuer, cette prescription de médicaments renforce évidemment l'identité médicale de la psychiatrie. Pourtant la nature et les limites de la psychiatrie en tant que discipline professionnelle ont toujours été incertaines et changeantes. L'histoire de la psychiatrie est, en effet, caractérisée par une oscillation entre les approches biomédicales et psychosociales. Donc, il y a très peu de constance. C'est souvent soumis plus à des modes qu'à une rigueur scientifique.

Présentement, et depuis une quinzaine d'années, cette profession accentue la dimension neurophysiologique des troubles de santé mentale au détriment de la vision communautarisante et de la nécessaire diversité des approches officiellement prônées dans la politique de santé mentale. Ce vent de médicalisation place, de fait, au premier plan des préoccupations de recherche, d'évolution des connaissances biologiques. Les mass médias se font l'écho de ces préoccupations. On recherche le gène de la violence, de l'estime de soi, de la timidité, du suicide, et la liste pourrait s'allonger à l'infini. La recherche médicale permettrait également de régler le problème de la société causé par les malades mentaux chroniques. Pourtant ces recherches reposent sur une méthodologie scientifique naïvement plaquée. En effet, ni sur le plan physiopathologique, ni sur le plan diagnostique, ni sur le plan des modèles génétiques, les troubles mentaux ne peuvent se confondre avec les maladies génétiques. Cité de Granger, DeBray et Pélicier.

Ce vent de médicalisation place, de fait, au premier plan des préoccupations de recherche l'évolution des connaissances biologiques, seule garante d'une démarche scientifique. Comment expliquer alors, à la lumière de la thèse génétique, que la fréquence des diagnostics de troubles maniaco-dépressifs ait augmenté de plus de 400 % en Amérique du Nord entre 1972 et 1988? Cette tendance, on le comprendra, n'a rien à voir avec la propagation naturelle d'une maladie d'origine génétique. Elle relève plutôt de la popularité croissante du lithium et des changements dans les critères diagnostiques en psychiatrie. Ici, le lithium est pris comme exemple, mais la coutume veut que, après 15 ans qu'on parle du médicament miracle, on constate les effets iatrogéniques et on a tendance à déchanter. Aux États-Unis, la tendance est maintenant de retirer tranquillement le lithium pour faire place aux antiépileptiques pour les mêmes types de diagnostics, soit la maniaco-dépression. Là, il est peut-être un peu tard parce que certains ravages ont déjà été causés.

Nous en sommes au point où certains psychiatres considèrent désormais presque comme un non-sens de parler avec leurs patients, car, pour eux, tout est dans la biologie moléculaire. Ici, c'est le Dr Lehman qui est cité. C'est un psychiatre qui était rattaché au Douglas Hospital, à Montréal, et c'est lui qui a introduit le premier médicament neuroleptique au Canada, en 1952, soit un an après la France. L'illusion scientiste en psychiatrie fait donc fureur mais avance d'autant plus masquée qu'elle s'appuie sur une valeur prétendument sûre, les progrès de la médecine. L'autorité de l'expert ne saurait alors être questionnée, puisqu'il s'agit de maladies endogènes. La psychiatrie est alors tout simplement une branche de la médecine parmi d'autres. Elle n'a plus qu'à prescrire.

Pourtant, comme le reconnaissait le Dr Jean-Marie Albert lors d'un colloque organisé par l'AGIDD-SMQ autour de la sortie du «Guide critique des médicaments de l'âme», il y a absence de test objectif pour faire des diagnostics en psychiatrie. D'ailleurs, dans le manuel de diagnostic qui sert de base en psychiatrie, le DSM-IV, maintenant, à chaque parution, on retire certains diagnostics qui font place à de nouveaux. Donc, ce n'est pas quelque chose de coulé dans le béton; ça varie encore. C'est peut-être une question de mode, je ne le sais pas.

La commission Castonguay a reconnu d'emblée le caractère spécifique de ce champ d'intervention et l'a repris tel quel dans le rapport de la Commission d'enquête sur les services de santé et les services sociaux, en 1988: «...il est hasardeux de juger de l'évolution des maladies mentales, car les critères d'évaluation varient beaucoup d'une époque à l'autre et sont fortement teintés des valeurs culturelles qui ont cours.»

La prescription du Ritalin pour lutter contre les syndromes hyperkinétiques – c'est ce qu'on appelle communément... pour les enfants souffrant d'hyperactivité avec attention déficitaire – nous servira pour illustrer cette constatation. Aux États-Unis, la multinationale Ciba-Geigy a fait un chiffre d'affaires de 350 000 000 $ en 1995 grâce à la vente de ce produit, mais, en France, ce médicament vient tout juste d'obtenir une mise en marché. Et, de plus, aux États-Unis, depuis cinq ans, le Ritalin est prescrit 2,5 fois plus. Donc, ça a plus que doublé. Beaucoup de pédopsychiatres craignent que sa mise sur le marché ne soit le symptôme annonciateur d'une régression collective dans la prise en charge médicale d'enfants, certes difficiles, mais qui, sur le fond, demandent plus une écoute attentive qu'une prescription médicamenteuse.

La pharmacopée triomphante représente donc le principal support de cette discipline médicale, à un point tel que nous assistons à «la fin de l'idée de guérison en santé mentale». Cité de Ehrenbergh, 1995. Combien d'usagers et d'usagères ne cessent, en effet, de nous dire qu'ils doivent prendre leur médication à perpétuité, que ce soit un antidépresseur, du lithium ou un neuroleptique. Pourtant le médicament ne guérit pas, et surtout pas ceux-là, car, chose certaine, ils peuvent créer à long terme des troubles, cette fois-ci très observables scientifiquement – de nature, entre autres, neurologique – et permanents.

Section 2. Le conditionnement aux psychotropes. La course à l'innovation et à la publicité domine l'industrie pharmaceutique. Au Québec, en 1981, le Conseil des affaires sociales et de la famille, dans un avis «Médicaments ou potions magiques?» soulignait ce fait. Pour conquérir et développer des marchés, les compagnies pharmaceutiques doivent constamment innover pour renouveler sans cesse la panoplie des produits à vendre. Comme à cette époque, les compagnies pharmaceutiques dépensent deux fois plus en publicité qu'en recherche. Ainsi, ces compagnies dépensent de véritables fortunes «pour amplifier l'efficacité de leurs spécialités, modifiant le nom, la taille, la couleur, la forme, la saveur des produits en fonction du symptôme traité, au gré de la symbolique de guérison». Ça, c'est du Dr Lemoyne qui a écrit un ouvrage sur l'effet placebo et le placebo.

Il y a ici tout un paradoxe à l'oeuvre dans le déploiement de cet arsenal promotionnel. Comment notre société peut-elle tolérer que l'on octroie pratiquement aux seuls fabricants d'un produit pharmaceutique le privilège et le quasi-monopole de l'information médicale sur ce produit? D'autant plus que la course au gigantisme imposée par la globalisation des marchés et les efforts des gouvernements pour maîtriser les dépenses de santé provoquent des fusions entre de puissants groupes pharmaceutiques. Ainsi, en mars 1996, Sandoz et Ciba-Geigy ont fusionné. Cette plus grande fusion industrielle de tous les temps a créé le groupe Novartis employant 143 000 employés.

(11 heures)

Deux logiques s'affrontent: celle de l'intérêt collectif et celle de la compétition économique et industrielle. En 1977, le Dr Lazure, alors ministre des Affaires sociales, s'était déclaré en faveur de l'interdiction totale de la publicité pharmaceutique afin de décourager une consommation excessive des psychotropes, en particulier des tranquillisants. Dans cet ordre d'idées, le Conseil des affaires sociales et de la famille était défavorable à la publicité directe du médicament auprès du public. Il est cependant conscient de l'énorme pression du lobby de l'industrie pharmaceutique et auprès des organismes qui diffusent dans les médias, telles les agences publicitaires.

L'AGIDD-SMQ estime qu'il est grand temps que des gestes concrets soient posés afin de remédier à une situation qui a trop perduré. C'est d'ailleurs aussi l'avis du Conseil de la santé et du bien-être. Preuve est faite que la consommation des médicaments est directement reliée aux façons de faire de ceux qui les mettent en marché et de ceux qui les prescrivent. D'autant plus que le mode de rémunération à l'acte favorise des abus de toutes sortes, comme le démontrent les poursuites engagées par la Régie de l'assurance-maladie du Québec contre plusieurs psychiatres de l'hôpital psychiatrique de Verdun. De même, un psychiatre en service à l'urgence peut jouer sur une double palette: à l'acte à l'urgence, à vacation sur le département, et ce, dans un même laps de temps. Pour ma part, c'est terminé.

M. Vigneault (Luc): M. le Président, je vais vous lire la section 3 et, avant d'enchaîner, je tiens à vous dire que, la dernière fois, j'étais dans une enceinte qui portait le nom de Louis-Hippolyte-LaFontaine, et tout le monde était habillé en blanc. Je peux vous dire que je vous trouve pas mal plus beaux et plus belles comme ça. Alors, des usagers et usagères de psychiatrie nous ont fait part, récemment, des observations suivantes.

L'insuffisance, sinon l'inexistence de mécanismes professionnels visant la détection des effets neurologiques toxiques et souvent irréversibles induits par les neuroleptiques; on parle de dyskinésie tardive, d'akathisie, de dystonie, de démence et de psychose. Pour vulgariser tout ça, c'est, entre autres, des tics, c'est l'envie irrésistible de bouger, c'est des grimaces de la bouche, des problèmes de vision, de sécrétion, des problèmes d'ordre sexuel. C'est ce qu'on appelle les effets iatrogéniques, c'est-à-dire que, quand tu prends une pilule, ça crée une maladie. C'est que tu règles un problème pour en créer deux, trois autres. Ça fait qu'on n'est pas avancé.

L'incapacité, observée quotidiennement dans certains lieux de traitement, à distinguer ces effets toxiques des médicaments des symptômes des troubles de santé.

Le manque flagrant à l'obligation d'informer – de la part des médecins et des autres professionnels de la santé encore moins informés – quant aux effets néfastes aigus et chroniques des médicaments ainsi qu'aux alternatives thérapeutiques autres que pharmacologiques.

Le laxisme, voire l'insouciance concernant les prescriptions médicamenteuses, en particulier l'ajout d'antiparkinsoniens aux neuroleptiques. Encore une fois, quand tu prends des neuroleptiques, tu «shakes», vous savez, tu as toujours un tremblement, et ça ressemble au Parkinson. Donc, ils te donnent un antiparkinsonien pour masquer ce qu'on appelle la dyskinésie. Ce qu'il est important de savoir, c'est qu'une personne sur deux va avoir de la dyskinésie et que, parmi ces personnes-là, une sur deux va l'avoir de façon tardive. Ça ne veut pas dire que ça vient tard, ça veut dire que c'est irréversible. Même si elle cesse sa médication, la personne va être prise avec ça pour le restant de ses jours. Donc, ça, c'est encore des coûts sociaux énormes.

Donc, la tendance à hausser les doses de neuroleptiques dès que la personne s'agite, alors que l'agitation est souvent produite par ces médicaments – c'est ce que je vous disais, l'envie irrésistible de bouger; on donne des médicaments; les gens, il faut qu'ils se promènent parce qu'ils ne peuvent pas rester assis; alors, ce qu'on fait, c'est qu'on donne des médicaments pour masquer ça ou, encore pire, on les attache sur les lits – alors qu'ils n'ont aucune efficacité sur une proportion substantielle d'usagers et d'usagères. En général, l'automatisme à remplir les feuillets d'ordonnance après des évaluations plus que sommaires. Quand tu restes deux minutes dans un bureau de psychiatre et que tu sors avec six, sept pots de pilules, je me questionne beaucoup.

Le manque flagrant de mettre en place des programmes systématiques de réduction de médication neuroleptique aux personnes usagères de longue durée afin d'éviter la parution ou l'aggravation des problèmes iatrogéniques.

Pourtant, David Cohen, expert de renommée internationale, a constaté la rareté des études sur la relation entre les médicaments neuroleptiques et la qualité de vie des patients. L'un des facteurs explicatifs les plus importants est la croyance répandue et persistante que les comptes rendus spécifiques des états émotionnels ou des conditions de vie des patients schizophrènes ne sont pas fiables. En termes plus clairs, quand tu es diagnostiqué malade mental, tu n'as pas de crédibilité face à la société puis tu n'as pas de crédibilité quand tu es devant ton psychiatre. Alors, tout ce que tu dis, c'est bon à rien.

Selon ce chercheur dans le domaine du traitement médicamenteux de la schizophrénie, aucun progrès réel n'a été fait depuis l'introduction des neuroleptiques, il y a 40 ans. Les évidences suivantes le démontrent.

Les psychopharmacologues ne savent pas quelles sont les doses optimales ou minimales effectives des neuroleptiques les plus fréquemment employés.

Le taux de non-réponse au traitement neuroleptique chez les patients schizophrènes aigus et chroniques est probablement à une échelle de 45 % à 70 % et non pas à l'échelle de 5 % à 25 % généralement mentionnée. De plus, l'effet positif net des neuroleptiques, en tenant compte de la prévention d'une rechute sur une période de une à deux années, est visible sur seulement un tiers des patients.

Même des cliniciens bien entraînés peuvent, de façon routinière, faillir à reconnaître des présentations classiques de symptômes extrapyramidaux aigus et tardifs. De plus, quand ces symptômes extrapyramidaux sont diagnostiqués correctement, au lieu de choisir de réduire la dose de l'agent responsable, on préfère prescrire un médicament additionnel.

Contrairement aux recommandations de la recherche et des directives officielles, les psychiatres qui prescrivaient des neuroleptiques aux patients chroniques jusqu'au milieu des années quatre-vingt avaient une tendance à augmenter les doses avec le temps.

Malgré des déclarations fréquentes et sans appel par des psychopharmacologues réputés dans les prestigieux journaux médicaux et psychiatriques à l'effet que la clozapine, un nouvel antipsychotique, est remarquablement libre de symptômes extrapyramidaux typiques, l'évidence facilement disponible suggère que ceci est une fausse affirmation.

Le protocole de recherche utilisé afin de déterminer si une drogue psychotrope est plus efficace qu'un placebo peut être fondamentalement imparfait, puisqu'il a été démontré à maintes reprises que l'apparition des effets secondaires nie le caractère aveugle de l'investigation clinique.

En regard de ce dernier point, le psychiatre français Pierre Lemoyne est lui aussi très critique. La méthode comparative – en double aveugle – repose pour une bonne part sur une standardisation extrême des données. L'exemple de la psychiatrie est probablement le plus caricatural. Il est évident que, d'un point de vue sémiologique, les patients recrutés sont l'exception, car ils doivent avoir un syndrome parfaitement pur, comme dans les livres de classification, ce qui est parfaitement rare dans la réalité et ne peut en fait exister que dans le milieu de la recherche hospitalière.

De même, comme le consentement libre et éclairé des personnes concernées est rarement demandé – soit dit en passant, c'est la loi 120 – quant à leur médication et aux effets secondaires en découlant, nous en arrivons à des situations limites où une personne, M. Atif Naek, peut recevoir une mégadose d'Orap et en décéder, selon les propres termes du coroner Nolet. Pourtant l'on recherchera plutôt comment surveiller le patient, lorsqu'il a une mégadose, que de se questionner sur cette même mégadose. Le traitement est un succès; malheureusement, le patient est décédé. Cela ressemble à la guerre du Viêt-nam où l'on devait détruire des villes et leurs habitants pour les sauver du communisme. Les travaux en cours dans le cadre de la révision de la Loi sur la protection du malade mental, où la question de l'absorption forcée d'un médicament apparaît clairement comme une mesure de contrôle des patients, nous portent à croire que cette mentalité veut même s'incruster dans une loi d'exception. Nous dénonçons cette pensée rétrograde. Il y a donc urgence à faire cesser la vague de maladies iatrogéniques affligeant des milliers de personnes.

(11 h 10)

Et j'aimerais juste dire, en terminant, qu'il ne faut pas perdre de vue qu'il n'y a aucun médicament qui guérit la maladie mentale. Ça ne fait que geler ou contrôler la personne et ça engendre plus de maladies. Merci.

M. Bousquet (Mario): Alors, je vais faire vite pour les dernières pages. Je vais résumer ça de façon très rapide. La section 4 était réservée à l'innovation sociale.

Alors, l'innovation sociale. Ce dont on se rend compte, c'est que les budgets actuels au niveau de la santé et des services sociaux, en matière de santé mentale, sont injectés à 97 % dans l'institution, dans les établissements et à 3 % au niveau des ressources communautaires ou alternatives. Donc, il faut trouver des solutions alternatives à la pharmacie, à la pharmacothérapie. Donc, on a démontré longuement les ratés, jusqu'à maintenant, à ce chapitre-là.

Aussi, d'autres endroits où on devrait explorer, c'est au niveau de l'effet placebo, et il y a toute l'étude du Dr Pierre Lemoyne à ce sujet-là. On y parle d'une moyenne d'efficacité du placebo qui se situerait autour de 30 %. Alors, à 30 %, 40 % de ratés, on est rendu à 70 % de ratés au niveau de la pharmacothérapie, au niveau de la santé mentale, au niveau des maladies psychiatriques. Donc, il y a là aussi, peut-être, des interventions à faire. Il y a aussi des études sur l'utilisation des correcteurs qui devraient être faites également.

Je vais essayer de faire vite. Je vais sauter immédiatement à nos recommandations à la fin de la page 16. Je pense que c'est à ce niveau-là que la commission parlementaire souhaitait nous entendre.

Alors, sur la question des alternatives, on demande au ministère:

Que soit privilégié le développement de ressources alternatives et communautaires ayant une approche globale de la personne;

Que soient mis en place des mécanismes de support au sevrage, incluant un centre de sevrage et d'entraide entre pairs, et que soient évalués ces mécanismes et leurs résultats disséminés;

Que des approches rationnelles de sevrage soient pratiquées dans tout établissement de soins de santé mentale qui le désire et ainsi offrir un choix en accord avec la volonté de la personne usagère;

Que soit mis sur pied dans tout établissement de soins un programme strict de détection et de contrôle des effets neurologiques identifiables – produits par la médication neuroleptique – chez les personnes usagères de services psychiatriques;

Que la recherche sur le placebo et l'effet placebo soit privilégiée;

Qu'une enquête soit effectuée sur la prescription croissante de Ritalin chez les jeunes et sur les alternatives à ce médicament. On a fait une émission, hier, qui est passée à Radio-Québec et à RDI, Option Éducation, sur la question du Ritalin. Il y a une montée croissante du Ritalin dans nos écoles élémentaires. Je demeure à Chambly. À Chambly, on a découvert un cas où il y avait huit jeunes, dans une classe de 30 jeunes, qui étaient sur le Ritalin. Il faut se poser des questions très sérieuses;

Qu'une portion du budget du FRSQ et du CQRS soit réservée à la recherche sur les alternatives non médicamenteuses au traitement des troubles mentaux;

Que l'information au médecin et la formation médicale continue soient intensifiées afin de favoriser le processus naturel de guérison;

Que les compagnies pharmaceutiques aient l'obligation de commercialiser des placebos correspondant à chaque médicament.

Sur la question de l'utilisation des médicaments:

Que soit instituée une commission d'enquête ayant trait à la pratique psychiatrique en regard de l'utilisation de mégadoses, de surconsommation et d'incompatibilité médicamenteuse;

Que les médicaments psychotropes fassent partie des médicaments dits contrôlés;

Que l'on assure que toute personne à qui un psychotrope est prescrit ait droit à un suivi rigoureux.

Et sur la question des services médicaux:

Que le rythme d'augmentation du nombre de médecins soit révisé à la baisse et ajusté à la croissance réelle de la population;

Que la rémunération à honoraires fixes ou forfaitaires soit instaurée mode de rémunération de base pour la pratique en établissement;

Que les champs de pratique où la rémunération à l'acte doit s'appliquer pour des raisons d'efficacité et d'efficience fassent l'objet d'une entente entre le ministère, les régies régionales et la fédération médicale.

Et, finalement, sur la question de la diffusion de la publicité:

Que l'on fixe un plafond aux dépenses de publicité et de promotion; interdire la publicité directe des compagnies pharmaceutiques aux consommateurs;

Que l'information transmise par les compagnies pharmaceutiques fasse l'objet d'un contrôle gouvernemental rigoureux.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Vous avez sûrement constaté qu'on vous a laissé... Je voudrais, au nom de la commission, madame, vous dire à quel point on est très, très touché que des usagers puissent s'exprimer et aient le courage de le faire. Et c'est ce que, spontanément, on a tous convenu, d'être très heureux de vous entendre et d'apprécier. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui. Merci, M. le Président. À mon tour de vous remercier, Mme Thérèse Tremblay, M. Mario Bousquet, M. Jacques Picard et M. Luc Vigneault, d'abord, pour la qualité de votre présentation et aussi pour les témoignages que vous nous apportez.

J'ai été surpris, mais je pense que, à cause de la crédibilité de vos témoignages, j'aimerais ça qu'on puisse discuter. À la page 5, vous mentionnez que les usagers reçoivent peu d'écoute de leur psychiatre – vous avez même ajouté que vous en avez plus de votre médecin omnipraticien – et que l'unique réponse consiste en la prescription de médicaments. Si vous voulez, j'aimerais ça que vous nous donniez, peut-être, pas nécessairement plus d'exemples, mais un point de vue plus détaillé. C'est grave, comme affirmation. Et, comme je vous le dis, votre témoignage est très, très crédible. Un, est-ce que vous pouvez nous décrire cette situation-là? Et, deux, quelles seraient les façons de la corriger? Parce que je peux penser que ça peut être difficile, mais vous avez peut-être des suggestions qui pourraient nous aider. Vous en avez nommé un certain nombre à la fin. On pourrait y revenir aussi si vous le désirez.

M. Picard (Jacques): Bien, peut-être que, en reprenant le dernier point, en termes de solution, l'expertise, en termes thérapeutiques, ne doit pas seulement revenir au psychiatre. Je pense que des expertises ont été démontrées par d'autres types d'intervention que la psychiatrie traditionnelle.

Maintenant, pour ce qui est de l'écoute, c'est qu'il va de soi que, maintenant, pour avoir un chapeau scientiste – et davantage scientiste que scientifique – la psychiatrie prône souvent des hypothèses de recherche et elle les vend souvent par les médias comme étant les vérités du moment, comme s'il y avait urgence d'avoir une molécule responsable de la détresse émotionnelle. Ces théories-là, bon, elles se promènent d'une année à l'autre. On privilégie certains faits, on dissimule certains faits aussi pour toujours faire la promotion de certaines théories, et ces théories-là sont de l'ordre du moléculaire et des substances qu'on appelle les neurotransmetteurs. Maintenant, bien souvent, si vous souffrez de dépression, eh bien, ce n'est pas compliqué, c'est que vous avez un manque de sérotonine dans le cerveau. Si vous êtes schizophrène, c'est que vous avez un taux de dopamine trop élevé. Si vous êtes maniaco-dépressif, c'est que vous avez une hausse de noradrénaline ou une baisse de noradrénaline trop subite. En fait, on ne sait plus si on relève du fantasme scientifique ou de la rigueur à laquelle on devrait s'assujettir.

Donc, l'écoute, à ce moment-là, devient comme plus tellement nécessaire, rendu à un certain point, alors qu'on se base strictement sur un modèle biomédical de ce type-là qui est loin d'être fondé. Je pense que c'est évident, si j'ai un ulcère au duodénum, il y a des tests objectifs qui vont permettre d'identifier qu'il y a lésion, et il y a des moyens thérapeutiques adéquats. Lorsqu'il y a toute une vie de détresse, souvent, qui a amené la personne à arriver à un épisode psychotique – c'est souvent le cas – et que c'est en urgence qu'on la ramasse et que, pendant 15 minutes, on lui administre une dose massive de neuroleptiques, souvent de longue durée, dont l'effet dure trois semaines, c'est évident que, là, c'est plus une approche en catastrophe qu'un souci d'aider vraiment la personne dans la détresse qu'elle vit.

Bon, je ne veux pas mettre tout le blâme sur les psychiatres comme tels. Il y a une question d'organisation de services, c'est sûr, là, bon. C'est que, par le fait que la psychiatrie est jumelée aux autres disciplines médicales, souvent la pratique est similaire aux autres. On a le département de psychiatrie, on a des soins très expéditifs où on n'a plus d'institutionnalisation, comme on en a déjà connu, mais, par contre, il y a un processus de psychiatrisation. Je veux dire: Tu sors et tu rentres; tu ressors et tu rentres, parce que, la première fois dans ta vie où tu mets le pied dans le bureau d'un psychiatre, il n'est pas dit que tu n'y retourneras pas. Habituellement, on tombe dans un processus de psychiatrisation où on est appelé souvent à revenir au bout de 10 ans, 15 ans et on est comme pris dans cet engrenage-là. Enfin, je ne sais pas si je réponds, là. Je zigzague un peu.

(11 h 20)

M. Bousquet (Mario): Il faut aussi mentionner ou préciser qui sont les psychiatrisés d'aujourd'hui. Les psychiatrisés d'aujourd'hui, on ne parle pas que des schizophrènes, là, qui vivent dans un monde à part, ce qui représente 1 % de la population. On parle de la violence, on parle de l'itinérance, on parle des gens qui vivent des facteurs de deuil. Alors, on parle de problèmes sociaux, et, de plus en plus, on psychiatrise ces problèmes sociaux en faisant miroiter qu'on a réglé le problème en donnant une pilule miracle. Alors, il faut donc revenir et se questionner sur ce monopole et le pouvoir qu'a le pouvoir psychiatrique. Il faut le nommer, ce pouvoir psychiatrique, car c'est lui qui détermine quel sera le traitement à administrer.

Donc, c'est le psychiatre qui décide si tu vois un psychothérapeute. C'est le psychiatre qui dit si tu vois quelqu'un en consultation dans un autre plan de traitement, et souvent celui qui est préconisé, celui qui est le plus facile, c'est la prescription. Il n'est pas rare de voir qu'un médecin psychiatre rencontre quatre usagers, usagères des services en une heure. Ça, c'est la règle, c'est la moyenne, quatre patients à l'heure. Alors, qu'est-ce qu'on fait dans ces cadres-là? Donc, il n'y a pas d'écoute.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Est-ce qu'il y a... Additionnelle?

M. Bousquet (Mario): Oui, je ne sais pas si vous vouliez faire un complément de... Oui.

M. Vigneault (Luc): Oui, je voudrais ajouter... Parce qu'il y a la loi 120, qui est le choix de l'établissement et du professionnel, et ça, en santé physique, c'est de toute beauté, ça va bien, sauf en psychiatrie. En psychiatrie, il y a la sectorisation – j'espère que je l'ai bien dit. Si on reste au coin de telle rue et de telle rue, on est obligé d'aller voir tel psychiatre. Et, si on n'a pas d'affinité avec cet être humain là, il ne peut y avoir de relation thérapeutique, en partant. Donc, ce qu'on demanderait, c'est de renforcer cette loi aussi, que ça soit vraiment appliqué. Pourquoi les psychiatres ne semblent pas avoir de boss – si vous me permettez l'expression – au Québec? Il y a des lois en place, et ils ne les respectent pas. Est-ce que le gouvernement pourrait dire: Écoute, il y a une loi qui s'appelle la loi 120, tu es tenu de la respecter? L'établissement et le professionnel du choix, l'usager qui est au centre des services, la primauté de la personne, qu'on sorte ça des bibliothèques et qu'on mette ça dans la réalité; ça va nous aider à avoir un peu plus d'écoute.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Une petite, vite, oui.

M. Marsan: En fait, vous répondez à la prochaine question. Je trouve que la présentation que vous nous faites, elle dépasse de beaucoup les considérations politiques, et je pense que, tous les députés qui sont ici, ce qu'on souhaite en vous écoutant, c'est de savoir comment on peut vous aider. Vous nous dites que, peut-être, il y a des moyens, à travers la loi 120, qui arrêteraient cette sectorisation ou qui permettraient d'avoir une souplesse dans la sectorisation. Je ne sais pas s'il y aurait d'autres éléments ou des éléments du message ici. Vous nous avez fait une série de recommandations; on les a passées rapidement. Est-ce qu'il y en aurait, en particulier, que vous voudriez nous adresser, comme députés, où on pourrait, à notre tour, soit par des prochaines législations, soit par des amendements à des législations existantes, vous donner un véritable support?

M. Bousquet (Mario): J'en vois un rapidement et j'espère que Jacques va le faire sur l'autre. Le premier, c'est de rééquilibrer les budgets en termes de ressources. Je pense qu'il faut que les budgets, au niveau des ressources alternatives et communautaires, où une approche qui va être autre que médicale serait souhaitable... Et les coûts vont être diminués d'autant parce que, là, on vient de dire que la pharmacie psychiatrique peut causer des problèmes de santé physique qui amènent, eux, des coûts sociaux supplémentaires. Donc, en investissant dans l'innovation, dans des approches autres que médicales, à mon avis, le gouvernement ferait preuve de diligence, même au niveau du budget.

L'autre côté, c'est au niveau du centre de sevrage, et la pierre angulaire de notre mémoire est axée là-dessus. Peut-être que Jacques pourrait élaborer sur ce centre de sevrage.

M. Picard (Jacques): Oui. En fait, en psychiatrie, lorsqu'on commence à prendre de la médication, c'est un processus de prise en otage. Les médicaments psychiatriques, lorsqu'ils ont été inventés, tout dépendant de la classe, ne devaient correspondre à une prescription qu'à un moment précis. Comme les neuroleptiques, ça devait apparaître comme prescription pour contrôler des épisodes aigus, psychotiques. Leur champ d'intervention et d'application devait se limiter à ça.

La tendance, aujourd'hui, vu que les diagnostics de toute catégorie deviennent de plus en plus chroniques, c'est que la personne, surtout, va prendre la médication toute sa vie, et d'autant plus qu'on prescrit ces mêmes substances là même pas pour des raisons thérapeutiques, mais préventives, au cas où tu rechuterais. Alors, évidemment, à moyen et à long terme, ces médicaments-là, qui ne sont pas quand même inoffensifs – c'est de la dynamite, je sais de quoi je parle, je les ai expérimentés – finissent par créer des problèmes de santé physique qui sont graves. On se répète peut-être, mais je vous jure que ce n'est pas particulièrement agréable à vivre.

Les centres de sevrage auraient donc un rôle préventif, et je pense qu'ils respecteraient aussi le fameux concept de primauté de la personne, en ce sens qu'elle aurait un lieu, si elle le désire, pour pouvoir diminuer, voire cesser et tenter une autre approche psychothérapeutique que celle que la psychiatrie lui offre. Je pense que c'est un droit tout à fait légitime et je pense que, même en termes de coûts sociaux et financiers, ce serait aussi rentable.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée...

M. Marsan: M. le Président, si vous me permettez.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, une petite dernière, vite.

M. Marsan: Oui, c'est ça. Moi, je comprends que, dans n'importe quelle profession, on peut trouver des as et on peut en trouver des moins bons. On peut penser qu'en psychiatrie, là aussi, il y a d'excellents psychiatres et il y en a pour qui, peut-être, la relation humaine n'est pas aussi importante que d'autres. Mais je ne voudrais pas qu'on se laisse sur l'idée que l'ensemble des psychiatres ne font pas leur travail comme il faut. J'ai l'impression que, à travers ce que vous nous avez dit, il y en a peut-être certains... Vous avez parlé de certaines expériences, mais, de façon générale, je crois que la profession de psychiatre, au Québec, donne un service qui est quand même extrêmement important et qui vient en support à cette maladie aussi. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Picard (Jacques): Je crois qu'il y a 1 066 psychiatres au Québec. Avec la tendance actuelle, on peut laisser croire qu'on va en avoir 5 000 en l'an 2000 parce qu'on psychiatrise, maintenant, de plus en plus. Avant, on allait porter les gens à l'asile; maintenant c'est l'asile qui entre dans la maison. Je veux dire, on est en train de... Les enfants, l'exemple, le Ritalin. Problèmes de comportement, solution: on leur donne quand même une substance qui est contrôlée; c'est du méthylphénidate. C'est comme les amphétamines; c'est des substances qui sont dans le Code criminel, dont l'usage est prohibé à des fins autres que... Je pense qu'il y a un manque de vigilance.

M. Bousquet (Mario): Oui, et c'est le rôle aussi qu'on a donné aux psychiatres qui est important. On leur a donné, en 1960 ou dans ce coin-là, un rôle de contrôleurs sociaux, celui de contrôler les gens qui dérangeaient. Il faut donc réviser ça. Il faut donc réviser le rôle qu'on veut donner à la psychiatrie. L'autre affaire, c'est que, quand on parle de psychiatrisation, jusqu'en 1972, l'homosexualité était dans le DSM, dans le diagnostic, et maintenant elle est toujours dans les diagnostics, mais c'est pour les personnes qui ne l'avouent pas, qui ne l'acceptent pas. C'est un peu pour vous démontrer les cohérences ou les modes qui changent. Maintenant, le syndrome prémenstruel, pour les dames... Je regrette, mais vous êtes maintenant dans le DSM sous l'étiquette de la dépression. Alors, on a psychiatrisé le syndrome prémenstruel. Donc, maintenant on peut régler ça avec du Prozac, avec du lithium. Alors, il faut se questionner sur le sérieux de la démarche psychiatrique.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je vais être obligé, peut-être, de vous demander de raccourcir un petit peu les réponses parce que j'ai beaucoup de députés qui veulent intervenir. J'ai la députée des Mille-Îles, qui sera suivie des députés de Taschereau, de Nelligan, de Rimouski et de Saint-Henri–Sainte-Anne. Ça vous donne juste une petite idée.

Mme Leduc: Alors, bonjour. Je vous remercie de votre présentation. Moi, je vais m'attarder plus aux pages 7 et 8 où vous traitez de la publicité directe du médicament auprès du public. Vous endossez, dans vos recommandations, finalement, la position du Conseil des affaires sociales et de la famille. Moi, j'aimerais vous demander dans le fond, est-ce que... Vous avez des positions très arrêtées pour demander qu'il n'y ait plus de publicité, mais je voudrais savoir s'il n'y a absolument aucune utilité à la publicité auprès du public en général, dans le sens: Est-ce que cette publicité-là ne permet pas, quand même, un certain contrôle du patient vis-à-vis du traitement qu'on lui donne, une certaine information qu'il pourrait un peu connaître? Si on enlève toute publicité, est-ce que, même si ce contrôle-là est minime ou cette information-là est minime, à ce moment-là, on n'évacue pas ça, ou votre position est que les effets sont plus nocifs que bénéfiques et qu'il vaut mieux se passer de ce qui pourrait peut-être être apporté d'une façon positive?

Et j'avais une deuxième question qui m'est venue, enfin, par une des recommandations que vous donniez. Vous vouliez demander aux compagnies pharmaceutiques d'avoir un placebo pour tout médicament qu'elles mettent en marché. En tout cas, je ne sais pas si vous pouvez élaborer sur comment ceci peut être fait ou pourquoi vous considéreriez ça comme utile.

M. Bousquet (Mario): Je vais répondre à la première question. À la première question, il faut différencier la publicité qui vise la propagande, qui vise la vente d'un produit d'une information dite objective; c'est très différent. Alors, si on donne une information objective sur un médicament, sur les effets secondaires, pourquoi on le prescrit, je suis d'accord. Mais la publicité ne vise pas ça, la publicité vise une publicité qui vise à vendre un produit. Des fois, on ne donne pas toute l'information dite objective. Quant au placebo, peut-être que Jacques ou...

M. Picard (Jacques): Bien, je peux...

(11 h 30)

M. Vigneault (Luc): O.K. Dans le cas d'une dépression, vous savez, comme Jacques l'a mentionné, on nous vend du Prozac, qui est en fait un inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine. Tout médicament antidépresseur est efficace pour une personne sur trois, c'est-à-dire qu'il agit à 30 %. Un placebo a les mêmes résultats que l'antidépresseur, exactement les mêmes; il agit aussi sur une personne sur trois et il agit aussi à 30 %. Donc, un comprimé avec la médication et un comprimé de sucre font la même job. C'est tout l'aspect psychologique, de dire: Prends ça, ça va te guérir. Donc, on veut étendre ça partout.

Mme Leduc: Mais, l'effet placebo, s'il était connu que c'est un placebo, j'imagine que ça diminuerait de beaucoup son effet de 30 %, là, si la personne savait qu'elle prend un placebo.

M. Vigneault (Luc): Vous savez qu'il existe des placebos avec des effets secondaires?

Mme Leduc: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Taschereau, suivi du député de Nelligan.

M. Gaulin: Oui, très brièvement, puisqu'il y a plusieurs questions. Je voulais d'abord vous remercier de votre mémoire, que j'ai reçu avec beaucoup d'attention. Au fond, votre approche est une approche qui accentue le rapport social qu'on doit avoir quant à la santé mentale, la nôtre et celle de tout le monde, et ça m'a rappelé, entre autres, beaucoup des propos et de Michel Foucault, pour qui la maladie était sociale, et de Jacques Ferron, aussi, qui a écrit d'ailleurs de très beaux livres. Je pense, en particulier, à ses lettres sur la folie et à «Les roses sauvages» où il disait qu'il fallait, à un moment donné, mettre un cran d'arrêt à un certain ordre des choses. C'est ce à quoi, je pense bien, vous nous appelez par rapport à la considération des médicaments dans l'intervention de la santé mentale.

Alors, en particulier, je ne sais pas si j'ai mal lu, mais est-ce que c'est vrai que vous considérez un peu que, parfois, il y a une certaine médication qui voit le corps humain comme un laboratoire?

M. Picard (Jacques): Plusieurs faits, historiquement, même récemment, le démontreraient facilement – je ne sais pas s'il y en a d'autres qui veulent intervenir. Je pourrais prendre un médicament, le premier médicament psychiatrique comme tel, le Largactil, qui est connu sous ce nom-là, qui est un neuroleptique qui a été administré la première fois en 1951 à des fins psychiatriques, puis ça a comme effet de créer de l'indifférence psychomotrice. En fait, il n'y a plus rien qui t'intéresse, donc il n'y a plus rien qui se passe; tu es guéri, tu ne déranges plus personne. Puis, en 1957, on s'est rendu compte que ça créait des troubles iatrogéniques irréversibles. C'est le psychiatre Pierre Deniker qui l'a appliqué la première fois, en 1951, à l'hôpital Sainte-Anne, et ce même docteur Pierre Deniker, voilà trois ans, a dit que l'une des plus grandes catastrophes médicales du XXe siècle a été l'introduction de ces médicaments-là en psychiatrie. J'appelle ça, moi, un peu le remords d'Einstein, là. Bon. Probablement qu'il a fait ça de bonne foi. En 1951, je peux comprendre, mais, en 1957, déjà, il était très documenté, à savoir que les troubles de dyskinésie tardive sont des troubles neurologiques dont, même, on peut décéder par la dyskinésie du diaphragme. Tout ça était déjà connu.

Ce n'est qu'en 1970 que les compagnies pharmaceutiques ont eu comme l'obligation d'en faire mention dans leur monographie, et ce n'est qu'en 1980, suite aux procès qui ont été gagnés pour ceux qui souffraient de dyskinésie aux États-Unis, que l'association des psychiatres américains a commencé à faire des recommandations visant à ce qu'il y ait un contrôle par rapport à la prescription de ces substances-là, aux trois mois et aux six mois, à toujours rechercher la dose minimum, à en faire le retrait temporairement pour voir s'il n'est pas en train de se développer une dyskinésie. Parce qu'une dyskinésie va se développer, mais elle va être masquée par le même médicament qui la développe. C'est le médicament le plus paradoxal que je connaisse.

Les taux de suicide, par exemple, les plus réussis, c'est avec des antidépresseurs qu'on les fait, de la famille tricyclique. Alors, c'est paradoxal encore sur l'efficacité antidépressive de certaines substances. Aux États-Unis, il y a au-dessus de mille causes de poursuites à cause de l'usage du Prozac, où la cause à effet est en train d'être établie que c'est l'usage du Prozac qui a amené des individus à poser des actes homicidaires ou à passer à l'acte et faire des tentatives de suicide. J'en passe. Le lithium, là, on est en train de se rendre compte que, bon, c'est un peu similaire à un empoisonnement au plomb à long terme, en quelque sorte, que les traces de lithium qu'on a dans l'organisme viendraient plus de l'environnement, alors qu'elles correspondent véritablement à une nécessité organique. Donc, je pourrais énumérer longuement; c'est juste pour illustrer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On voit que vous connaissez ça. Une autre, monsieur...

M. Gaulin: Très rapidement, oui. Un des aspects originaux de votre mémoire, justement, qui est intéressant eu égard à notre fonction ici, comme commission, c'est un petit peu un centre de désintoxication que vous évoquez aux pages 13 et 14, et en particulier la création d'un milieu de soins psychosociaux intensifs qui va dégorger les urgences, entre autres, et peut-être assurer une meilleure santé, parce que nous sommes tous menacés par cette surutilisation des médicaments. Je ne sais pas si vous pourriez ajouter quelques éléments.

M. Bousquet (Mario): Écoutez, le mégadosage et la surconsommation des médicaments sont au coeur, actuellement, d'une enquête publique. Et, dans le cas d'Atif Naek, les psychiatres experts et les psychiatres sont venus témoigner en disant que c'est même reconnu actuellement qu'il y a une pratique courante de surconsommation et de mégadosage. On reconnaît d'emblée, la psychiatrie reconnaît d'emblée, qu'il y a mégadosage en psychiatrie, qu'il y a surconsommation en psychiatrie et que, même, selon le Dr Mauffette, et je le cite: «Dans des considérations thérapeutiques, oui, il faut dépasser les doses recommandées par les compagnies pharmaceutiques.» Alors, il y a à se questionner actuellement.

Le Dr Mauffette trouvait que, quatre fois la dose permise dans le cas d'Atif Naek, ce qui l'a tué – c'étaient les conclusions de la coroner Nolet – ça ne constituait pas un mégadosage. Et, selon elle, c'est 15 ou 20 fois la dose permise qui constitue un mégadosage. En tout cas, il faut se questionner sérieusement sur ces affirmations-là, alors que quatre fois suffit pour entraîner la mort. Alors, il faut faire une enquête. D'ailleurs, on recommande qu'il y ait des enquêtes sur le mégadosage.

Et un centre de désintoxication ou de sevrage pour des malades psychiatriques, c'est très mal vu dans notre société. En alcoolisme ou en toxicomanie, c'est bien vu parce que c'est vu comme des personnes qui se prennent en charge. Elles vont se réhabiliter puis elles vont faire quelque chose de leur vie, mais en psychiatrie on considère ça comme étant une manifestation de la maladie ou une manifestation des effets du sevrage. Alors, il faut faire attention. Donc, il faut travailler autant sur les préjugés que sur l'établissement d'un centre de sevrage en tant que tel.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, M. le Président. Quelques brèves questions, et merci beaucoup pour votre présentation. Est-ce que, toutes les personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale, leurs médicaments sont maintenant couverts par notre système d'assurance-médicaments?

M. Vigneault (Luc): Non.

M. Williams: Non.

M. Vigneault (Luc): Bien, la réponse, c'est non. Ceux qui sont sur l'aide...

M. Williams: C'est quoi les lacunes?

M. Vigneault (Luc): Ceux qui sont sur l'aide sociale, non. Il y a dans les hôpitaux, là, au niveau des pharmacies ou les...

M. Williams: Excusez-moi.

M. Vigneault (Luc): Oui.

M. Williams: Sur l'aide sociale, c'est oui?

M. Vigneault (Luc): C'est oui.

M. Williams: Oui.

M. Vigneault (Luc): Ceux qui ne sont pas sur l'aide sociale peuvent, dans les pharmacies d'hôpitaux, se procurer, pour 2 $, la prescription, le médicament.

M. Williams: Avec ça, un régime d'assurance-médicaments, ça va être, dans votre opinion, quelque chose dans la bonne direction, quelque chose de positif? Et je voudrais demander: Est-ce que ça doit être complètement universel ou est-ce que vous pensez que le paiement peut causer des problèmes?

M. Vigneault (Luc): On n'a pas réfléchi encore sur la question de l'assurance-médicaments parce que ce n'était pas l'objet du mémoire, mais, chose certaine, c'est qu'il faut...

M. Williams: Je parle des recommandations potentielles de l'utilisation.

M. Vigneault (Luc): Oui. Il faut d'abord replacer le débat, et c'est pour ça qu'on le fait aujourd'hui, il faut replacer le débat sur une position sur la psychiatrie. Je vous fais juste remarquer, par exemple, que, face à l'assurance-médicaments, au Québec, actuellement, il y a 10 000 personnes captives dans des institutions psychiatriques de longue durée. Il y a 17 asiles psychiatriques au Québec, à l'heure où on se parle, pour une population de 7 200 000, alors qu'en Colombie-Britannique il y a un seul asile psychiatrique; 800 personnes, pour une population de 3 600 000. Alors, il y a quand même 10 000 personnes captives qui ont la gratuité de ces médicaments, et il ne faut pas s'étonner qu'il y ait des compagnies pharmaceutiques au Québec aussi généreuses, parce qu'il y a peut-être des cobayes dans les institutions psychiatriques.

M. Williams: Merci. Peut-être qu'on peut vous réinviter pour la prochaine discussion une autre fois.

M. Vigneault (Luc): Oui.

M. Williams: Une dernière question. J'en ai plein d'autres, mais je sais que mes collègues veulent demander des questions. Vous avez fait plusieurs recommandations sur la diffusion et la publicité, particulièrement pour la population. Avez-vous quelques recommandations pour les relations entre les compagnies pharmaceutiques et les médecins?

M. Bousquet (Mario): Bon. Évidemment, on ne veut pas s'ingérer dans leur rôle, mais ce dont on s'aperçoit, c'est que les médecins ont un manque flagrant de formation au niveau de la pharmacie. J'ai discuté dernièrement avec des pharmaciens d'hôpitaux. Entre autres, un pharmacien avait passé 900 recommandations en un an et demi sur les prescriptions faites par des médecins dans un même hôpital; 900 recommandations, 900 commentaires d'erreurs de prescription que les médecins avaient faites. Alors, évidemment qu'on devrait davantage faire de la formation auprès des médecins, financer ça, plutôt que de faire de la promotion ou de la propagande au niveau de la vente de médicaments. Alors, il y a quelque chose là, évidemment, mais en termes de formation et de prévention.

M. Williams: Vous recommandez que le secteur privé donne cette formation ou qu'il fasse ça en partnership avec l'État?

(11 h 40)

M. Bousquet (Mario): À mon avis, si on veut avoir un contrôle réel de l'information, il faudrait que l'État s'implique à ce chapitre-là également.

M. Williams: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Rimouski, suivie de Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Merci, madame et messieurs. Moi, je voudrais faire valoir qu'à l'intérieur de votre mémoire vous nous parlez beaucoup de la question de la prescription médicamenteuse versus le psychiatre, qui est le prescripteur comme tel, et vous ne nous avez pas parlé du tout de ce qui pourrait être autre chose, c'est-à-dire une approche multidisciplinaire, parce que, si on parle de vision globale, il me semble qu'il n'y a pas que le professionnel psychiatre qui peut posséder cette approche et qui peut avoir des alternatives aux médicaments. Et ça, ça me surprend un petit peu, que vous ne l'ayez pas mentionné, ou, en tout cas, que vous n'en fassiez pas état. J'aimerais ça que vous me disiez si vous avez regardé cette possibilité-là de près. Quand vous me dites qu'il y a 17 établissements de psychiatrie au Québec, ça me fait frémir. Est-ce que, à votre connaissance, dans le réseau de la santé, ces équipes multidisciplinaires existent déjà? Est-ce qu'elles ont fait leurs preuves? Est-ce qu'on les a évaluées? Est-ce qu'on a une bonne idée de quels types de professionnels devraient en faire partie? Et est-ce qu'on a une idée, si jamais ça a été expérimenté, de l'impact que ça a pu avoir sur les traitements et sur les résultats par rapport à ça?

M. Vigneault (Luc): Pour répondre à votre question, au niveau des équipes multidisciplinaires, entre autres, ce qu'il est important de savoir, c'est que, encore une fois, c'est le psychiatre qui contrôle l'équipe multidisciplinaire. Donc, si, moi, j'ai un problème de santé mentale, je décide d'avoir une approche avec une équipe multi, bien, il faut absolument que j'aie une prescription du psychiatre pour avoir accès au psychologue, pour avoir accès à l'ergothérapeute, pour avoir accès à la travailleuse sociale ou au travailleur social. Si, lui, juge que je n'en ai pas besoin, je n'ai pas droit à ces services-là, sauf si je paie de ma poche, évidemment. Au point de vue des services offerts par l'État, c'est lui qui va décider. Donc, il est assez difficile d'évaluer. Étant donné que c'est eux qui décident, donc, ils refusent toute évaluation, d'une part.

Deuxièmement, on vient de créer les hôpitaux de jour en psychiatrie, spécifiquement dans Lanaudière. Ça coûte 500 000 $, cette affaire-là. Ils soignent 12 personnes à la fois, il y a toute l'équipe multi et, encore une fois, il faut que le patient soit référé par un psychiatre pour avoir accès à ces services-là. O.K.? Donc, nous, ce qu'on dénonce, c'est ça: l'accès au professionnel de notre choix en psychiatrie n'est pas là.

Mme Charest: Donc, ce que je comprends de votre réponse, c'est que le contrôle médical par le professionnel est absolu, ce qui ne vous facilite pas les choses. Et, d'après votre mémoire et d'après les réponses que vous donnez depuis le début, les patients en psychiatrie sont isolés, sont dépendants, compte tenu du type de traitement qu'on leur inflige ou qu'on leur donne. Ils ne sont peut-être pas nécessairement suffisamment informés ou...

M. Bousquet (Mario): Exact.

Mme Charest: ...outillés, en tout cas, je suppose, par rapport à ce qu'ils peuvent avoir à vivre comme période lorsqu'ils sont entrepris pour un traitement à court, à moyen ou à long terme. Alors, moi, là-dessus, je me dis: C'est quoi, l'alternative que votre association a pu explorer ou, en tout cas, est prête à proposer pour, d'une part, sortir le patient psychiatrisé de la médication, du traitement médicamenté, c'est-à-dire du contrôle médical, et lui donner une vision plus sociale? Parce que, le problème, il n'est pas seulement médical, il est aussi social, je ne sais pas. Est-ce que vous avez exploré des pistes?

M. Bousquet (Mario): Je vais faire frémir des gens. Il y a des expériences intéressantes au niveau mondial. Si on prend l'expérience de Trieste, en Italie, où on a fermé tous les asiles psychiatriques d'un coup sec et où on a dit aux psychiatres d'aller dans la communauté travailler soit dans le sevrage ou à communautariser les gens, parler, apprivoiser la population aux problèmes de santé mentale plutôt que de les isoler. Alors, il y a des expériences mondiales. Nous autres, on a des ressources alternatives. À mon avis, il y a des ressources alternatives qui font un bon travail. A contrario du centre de jour dont parlait tantôt Luc, il y a des groupes d'entraide qui peuvent être des lieux où les gens peuvent sortir de l'isolement. On parlait tantôt de centres de sevrage pour essayer que les gens prennent leur vie en main davantage, avec un support, évidemment, parce que le sevrage n'est pas une fin en soi. C'est là que commence le problème. Les gens n'ont pas réglé leur problème parce qu'ils ne prennent plus de médicaments; ce n'est pas ça qu'on dit. On dit qu'il y a peut-être des approches qui doivent être apportées, du support à ces gens-là, mais du support qui va peut-être respecter plus la personne et ce qui ne fonctionne pas dans sa vie.

Tantôt, on parlait de l'équipe. Il y a effectivement des équipes multidisciplinaires. Effectivement, il y a, des fois, des références à des psychologues dans les hôpitaux. Il y en a qui se font, il ne faut pas se leurrer, mais il y a des listes d'attente de six mois, un an pour voir un psychologue dans un hôpital. Ça, c'est des réalités également. Alors, il n'y a pas juste le fait qu'il n'y a pas de référence et qu'il manque aussi de services à ce niveau-là. Quand on les réfère à un psychologue, il y a une liste d'attente automatique.

Mme Charest: J'aurais le goût de vous poser une question quand même brutale, parce qu'à la lecture de votre mémoire je me dis que, dans le fond, vous remettez en question aussi les compétences des psychiatres, parce qu'il n'y a rien de prouvé en psychiatrie et qu'on ne connaît pas les effets pervers des médicaments qu'on utilise compte tenu du type de chacun des individus qui sont traités.

M. Vigneault (Luc): C'est exact.

Mme Charest: Alors, par rapport à ça, vous parlez de formation continue, mais est-ce qu'il y aurait des formations de base ou élémentaires? Parce que, en tout cas, ça m'apparaît absent de vos commentaires ou de vos réflexions.

M. Vigneault (Luc): Par exemple, dans le groupe d'entraide où je vais – mettons qu'on est 15 autour de la table puis on a 15 diagnostics – on prend tous les mêmes pilules. Toute la gang, tous les mêmes pilules. Que tu sois schizo, maniaco-dépressif, dans ton syndrome prémenstruel, tu prends les mêmes pilules. Un. Deux, quand on demande les effets secondaires, les effets iatrogéniques, les effets tardifs, ils ne le savent pas, les psychiatres. Moi, je me pose de sérieuses questions. O.K.? Je ne dis pas qu'ils n'ont pas une bonne formation. Troisièmement, ils me perçoivent comme un malade mental. Quand j'arrive dans ma ressource alternative, madame, je suis une personne. Là, c'est toute la différence. D'ailleurs, notre ministre Rochon, quand il était président de la commission Rochon, a fait cette découverte-là, qu'on était des personnes. C'est de là que ça vient, la primauté de la personne. Je suis une personne. Qu'ils arrêtent de nous voir comme des malades mentaux. Juste ce changement de vision là va faire toute la différence. Toute la différence. Jacques.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je suis obligé de vous demander, parce qu'il me reste une députée qui a une dernière question... Je suis obligé de terminer parce qu'on a déjà un peu de retard. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, dernière question.

Mme Loiselle: Oui. Merci, M. le Président. Vous parlez beaucoup du médicament, le Ritalin, chez les enfants. Vous faites mention, à la page 7, que, juste aux États-Unis, en 1995, il y en a eu pour 350 000 000 $ en vente. Je ne sais pas combien d'enfants qui ont consommé ce médicament ça représente, mais vous faites une recommandation au gouvernement qu'une enquête soit effectuée. Si vous parlez d'une enquête, je ne sais pas, je voudrais peut-être vous entendre davantage... Vous jugez qu'il y a une problématique là. C'est un domaine que je ne connais pas, alors j'aimerais vous entendre sur ça. Et vous parlez d'alternatives. Je me demande, est-ce que vous avez des alternatives aussi à suggérer aux gouvernements? Vous entendre davantage sur ça, M. Picard. Vous en avez parlé tantôt.

M. Bousquet (Mario): Sur le Ritalin, tantôt on en a jasé, effectivement. On a fait une enquête au niveau des personnes âgées, et l'enquête a fait la découverte qu'il y avait surconsommation au niveau des personnes âgées. On a donc rectifié le tir. Actuellement, pendant qu'on contrôle les personnes âgées, on infiltre le milieu scolaire. Je vous dis, le nombre de jeunes, actuellement, qui est estimé, on parle de 5 % à 6 % de jeunes, actuellement, au Québec, qui prennent du Ritalin. Le Dr Jean-François Lemay, pédiatre à Sainte-Justine, nous disait que, sur 10 cas qui lui sont référés par jour, il y a un cas qui devait prendre du Ritalin. Maintenant, ce sont les professeurs qui disent: Je diagnostique. Ce jeune-là trouble la classe, il faut qu'il prenne du Ritalin. Donc, il faudrait peut-être regarder plus le modèle d'éducation concernant spécifiquement le monde scolaire et non pas psychiatriser ou donner du Ritalin pour contrôler les jeunes qui sont dits hyperactifs. Donc, il y a peut-être des solutions dans le monde de l'éducation. On est un peu pressé par le temps, je m'excuse.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'excuse, est-ce qu'il y avait un complément rapide?

M. Vigneault (Luc): Peut-être sur le fait de se faire couper. On est habitué avec nos psychiatres. Aussitôt qu'on commence à s'ouvrir, notre temps finit.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous ferai remarquer qu'on a dépassé pas mal le temps.

M. Vigneault (Luc): On l'apprécie.

(11 h 50)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui, rapidement et simplement pour vous remercier de la qualité de vos témoignages et aussi de votre présentation. Je pense que vous nous apportez un éclairage extrêmement important, et je pense bien qu'on l'apprécie, et j'espère qu'on sera en mesure d'étudier les recommandations que vous nous avez faites et que, dans plusieurs cas, on pourra y apporter des correctifs. Merci.

M. Vigneault (Luc): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, au nom de la commission, merci beaucoup, et, encore une fois, comme je le disais au début, c'est drôlement apprécié. Et je suspends deux, trois minutes pour permettre à l'Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs de se préparer. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 51)

(Reprise à 11 h 52)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mesdames, messieurs, bonjour. Vous avez, vous aussi, assisté aux autres, donc vous savez un petit peu les directives. On ne recommencera pas. Je vais tout de suite excuser certaines et certains membres de la commission qui, à midi, devront quitter, parce que, du côté de l'opposition, il y a un caucus. Au début de l'avant-midi, c'était du côté du gouvernement. Alors, Mme Bourdon, si vous voulez, peut-être, nous présenter les gens qui vous accompagnent.


Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs

Mme Bourdon (Louise): Certainement. Alors, Mme Lina Dessurault, responsable du développement à l'Association, le Dr Jacques Plamondon, un psychiatre – alors, je vous amène un psychiatre; Jean-Rémy Provost, qui est intervenant social à l'Association; Claude Guimont, qui travaille à l'Association, qui est aussi une personne atteinte de maniaco-dépression; et moi, je suis Louise Bourdon. Je suis moi-même atteinte de la maniaco-dépression. Alors, je suis bien médicamentée et je fonctionne très, très normalement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, vous avez 20 minutes, et après ça il y aura échange avec les membres de la commission.

Mme Bourdon (Louise): Alors, M. le Président, Mme, MM. les députés, au nom de l'Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs, je tiens à remercier la commission parlementaire des affaires sociales de son invitation à exposer notre point de vue sur la problématique de la consommation des médicaments au Québec.

L'Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs est un organisme sans but lucratif qui a pour but de venir en aide aux personnes atteintes soit de dépression ou de maniaco-dépression ainsi qu'à leurs proches, et ce, partout dans la province. Sous sa forme actuelle, l'Association existe depuis le printemps 1992. Ses mandats sont les suivants: diffuser de l'information sur la dépression et la maniaco-dépression, informer et supporter l'entourage des malades, informer les professionnels oeuvrant auprès de ces malades, briser l'isolement des dépressifs et des maniaco-dépressifs, former des animateurs pour la mise en place de groupes d'entraide et des écoutants sur la ligne d'écoute.

L'Association a un champ d'action très diversifié. Par exemple, nous avons mis sur pied une ligne d'écoute qui permet de fournir une oreille attentive aux gens et de les référer à des ressources appropriées afin de briser l'isolement auquel font face les personnes souffrant de ces maladies mentales et leur entourage.

Tous les deux mois, nous organisons pour le grand public des conférences sur des sujets reliés à la dépression et à la maniaco-dépression afin de démystifier certains tabous qui persistent sur ces maladies. Une de nos priorités est de faciliter la mise sur pied de groupes d'entraide pour les dépressifs et les maniaco-dépressifs, leurs proches et leurs conjoints.

Nous publions également un bulletin appelé «Question d'humeur», qui vise à appuyer les efforts du vaste réseau d'entraide de personnes atteintes et des professionnels qui travaillent auprès d'eux. Nous collaborons de façon régulière avec les associations et les fédérations de ces mêmes intervenants. Finalement, nous faisons chaque année des tournées à travers la province au niveau de séances d'information et de formation, et des outils d'information sous forme de documents audiovisuels et littéraires. Nous venons de produire deux nouveaux documents audiovisuels sur la dépression et la maniaco-dépression qui ont été distribués à plusieurs niveaux à travers la province et qui ont été diffusés à Radio-Québec en mars et en avril derniers.

Toutes ces activités nous ont permis de rejoindre, à ce jour, des dizaines de milliers de personnes à travers tout le Québec, et cela ne doit pas s'arrêter là, car les besoins sont immenses. En effet, la dépression est une maladie beaucoup plus répandue qu'on ne le croit. Selon les données publiées récemment par l'Association des psychiatres du Canada, cette maladie affecte une femme sur quatre et un homme sur 10. De 15 % à 25 % des personnes âgées sont atteintes.

La dépression majeure est une maladie ayant des facteurs biologiques, psychologiques, socioculturels et héréditaires, et qui s'échelonne sur une longue période, avec des symptômes intenses. Son incidence est plus élevée chez les groupes socioéconomiques défavorisés.

Quant à la maniaco-dépression, c'est une maladie qui touche 100 000 personnes au Québec. De ce nombre, seulement 10 % sont diagnostiquées et reçoivent des traitements. Cette maladie touche également des hommes et des femmes. Un premier épisode peut survenir à tout âge, y compris à l'adolescence ou chez les personnes âgées.

Ces deux maladies se caractérisent non seulement par des symptômes biologiques, mais aussi par un ensemble de facteurs psychologiques. Il est donc essentiel que les traitements tiennent compte de l'ensemble de ces différents facteurs si l'on veut venir en aide adéquatement à ces personnes et à leurs proches, pour qui ces maladies sont de véritables enfers. Le mémoire que nous vous avons déposé contient plus de détails à ce sujet.

De par son expérience auprès de dizaines de milliers de personnes atteintes de dépression, l'Association ne peut privilégier une médication particulière pour la dépression. Là n'est pas son rôle. Cependant, de par cette même expérience, l'Association considère que les traitements à caractère biologique sont quasiment toujours nécessaires à la personne aux prises avec des problèmes de dépression majeure. Nous recommandons toujours à nos membres et à leurs proches de discuter de traitements possibles avec leur médecin traitant, et par la suite de s'en tenir à la décision qu'ils auront prise ensemble, et ce, pour une durée de temps également prévue avec celui-ci.

Dans le cas de la maniaco-dépression, et malgré ses effets secondaires, le lithium demeure le meilleur traitement actuellement disponible. Là aussi, l'Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs appuie la prise de ce médicament par ceux à qui il est prescrit et recommande aux médecins traitants d'assurer le suivi de leurs patients selon les normes. Nous recommandons à nos usagers de discuter avec leur médecin de la meilleure solution à envisager en regard de leur état et par la suite de s'en tenir à la décision qu'ils auront prise ensemble.

Diverses approches thérapeutiques peuvent être utiles aux personnes atteintes de maniaco-dépression et à leur entourage pour accepter leur maladie et apprendre à vivre avec ses conséquences. Malheureusement, les traitements psychothérapeutiques sont difficilement accessibles pour nos usagers. Il serait souhaitable que tout soit mis en oeuvre pour que des services adéquats leur soient offerts. Une disponibilité accrue des services psychothérapeutiques réduirait sans nul doute le recours fréquent par les personnes atteintes à des gourous de la santé mentale qui nuisent à leur mieux-être et à leur propre prise en charge.

J'aimerais maintenant accorder la parole à Mme Lina Dessurault, responsable du développement à l'Association, qui abordera brièvement les différents problèmes reliés à la prise des médicaments par les dépressifs et les maniaco-dépressifs.

(12 heures)

Mme Dessurault (Lina): Alors, Mme Bourdon a dit que, dans le facteur... et la dépression... Et, là, il faut bien faire la différence entre la dépression et, peut-être, les différentes formes de déprime auxquelles on est tous assujettis ces derniers temps. Je pense que la température nous a tous déprimés, puis on n'était pas... On a toujours parlé de dépression majeure, où il y a pathologie, donc où il y a maladie, mais on n'a pas peur de parler de maladie mentale, comme on peut parler de maladies neurologiques ou de maladies d'autres ordres. Le Dr Plamondon me reprendra si je me trompe. Et la maniaco-dépression est une pathologie aussi, en ce sens que nous avons tous des hauts et des bas d'humeur aussi, mais, dans le cas des maniaco-dépressifs diagnostiqués... Et ces diagnostics-là ne se font pas sans outils, sans instruments et sans méthodologie quand même très sérieuse. Là aussi, on parle de maniaco-dépression, on parle de maladie. Alors, Mme Bourdon l'a dit, étant donné les facteurs biologiques héréditaires, psychologiques et socioculturels qui sont évidents dans le cas des deux maladies, on ne peut être contre la médication, naturellement bien prescrite, bien suivie et bien dosée. Il y a des problèmes inhérents, et je pense qu'on va sauter tout de suite étant donné le peu de temps.

La problématique. Le sujet de la rencontre d'aujourd'hui, c'est de voir quelles sont les problématiques qui concernent l'utilisation des médicaments. Bien sûr, d'autres en ont parlé avant nous, mais on va en reparler de surconsommation. Des études déjà éprouvées disent qu'il y a un problème de surconsommation chez les personnes âgées et chez les femmes d'âge moyen. On pourrait rajouter, sans que des études scientifiques ne nous le prouvent, qu'il y en a aussi chez nos personnes atteintes de dépression et de maniaco-dépression parce que la souffrance est tellement grande qu'on va, entre guillemets, magasiner chez plusieurs médecins pour avoir plus de médicaments, ou pour avoir des médicaments différents, ou pour avoir rapidement fin à nos douleurs, parce que, quand on parle de dépression, de maniaco-dépression majeure, la douleur est immense. Alors, naturellement, ces conséquences de surconsommation là sont désastreuses, et les personnes qui en abusent s'exposent à des risques énormes. Alors, c'est sûr qu'il y a un problème de ce côté-là, et, si on règle le problème de surconsommation, on règle le problème de coût.

L'automédication. Là aussi, c'est très présent chez nos usagers, c'est-à-dire chez les dépressifs, les maniaco-dépressifs, parce que, avant qu'une dépression sévère, une dépression majeure soit diagnostiquée – vous savez qu'il y a seulement 10 % des maniaco-dépressifs au Québec qui ont un diagnostic et qui sont traités – on va essayer un petit peu toutes sortes de choses puis on va, là aussi, faire le tour des médecins. On va préférer avoir plutôt un problème cardiovasculaire, un problème digestif, un problème d'hypoglycémie. Donc, là aussi on va faire le tour des médicaments, souvent en vente libre, et on va faire des échanges de médicaments. On va dire: Bon, la belle-soeur, elle a eu le même problème que moi. Puis on va prendre les pilules qu'il reste à la belle-soeur, et tout ça. Donc, l'échange de médicaments, l'automédication dans les médicaments prescrits – parce qu'on magasine chez plusieurs professionnels – et le fait, aussi, d'abuser de médicaments en vente libre sont des problèmes majeurs.

La solution qu'on avance, où on a des hypothèses, c'est qu'il faut éduquer les personnes adéquatement quant au danger découlant de l'automédication et qu'un certain contrôle doit s'effectuer sur la littérature et les publicités qui favorisent ce phénomène. Il y a beaucoup de publicité, à ce moment-ci, pour toutes sortes de médicaments qui se vendent en vente libre, qui ont souvent des effets négatifs ou des effets secondaires désastreux et qui, souvent, ont des interactions médicamenteuses désastreuses avec soit des médicaments prescrits ou d'autre chose qu'on prend déjà.

Et, le problème majeur, à notre avis, ou, du moins, parmi les plus importants au niveau de la médication, c'est le manque de fidélité au traitement. On en a parlé tout à l'heure. On a dit: On va étirer la prescription, peut-être pas juste à cause du ticket modérateur. Nous, on pense que, pour toute maladie qui concerne la psychiatrie, étant donné les préjugés, étant donné les tabous, étant donné bien des choses, on ne sera pas fidèle au médicament prescrit, et il va y avoir récidive, on va traîner la maladie, on va être inconfortable, et ça va entraîner toutes sortes d'aspects négatifs.

Donc, pour toutes les maladies, on réitère que la non-fidélité au traitement est sûrement le plus épineux problème en matière de médication. Des études ont démontré que, en général, un utilisateur de médicaments d'ordonnance sur deux prend ses médicaments de façon inappropriée ou est infidèle à son traitement. La non-fidélité au traitement peut se chiffrer financièrement à partir de coûts directs. Donc, on vous l'a probablement dit ce matin: hausse des hospitalisations, des visites et des interventions chez des médecins, coûts plus élevés en foyer d'accueil; et des coûts indirects, c'est-à-dire baisse de productivité au travail, absentéisme et décès prématuré.

Malheureusement, par rapport à ces coûts indirects là qui se répercutent sur l'ensemble de la société, il est à noter que la principale cause de décès chez les personnes atteintes de dépression et de maniaco-dépression est le suicide et que ce phénomène est d'autant plus douloureux pour notre société qu'il touche principalement nos adolescents et nos jeunes adultes qui sont souvent aux prises avec l'une de ces maladies.

Quand on parle de coûts indirects, de baisse de productivité au travail, nous, on connaît, de par nos interventions, et tout ça, des gens – vous avez sûrement entendu parler de «burnout» aussi, c'est un mot à la mode; on pourrait parler de «burnout», on aurait peut-être l'écoute plus facile qu'en parlant de dépression majeure – qui traînent des dépressions sur des années, qui sont non fonctionnels, qui sont malheureux. Il y a les divorces qui s'ensuivent, et tout ça. Donc, les coûts indirects sont loin d'être négligeables. Je pense qu'ils sont aussi élevés, sinon plus élevés, que les coûts directs.

Donc, les coûts directs ont pu être évalués de la non-fidélité au traitement en général – ce n'est pas juste pour la dépression et la maniaco-dépression – ils s'élèveraient à entre 3 500 000 000 $ et 4 400 000 000 $. Les coûts indirects seraient sensiblement les mêmes. La non-fidélité au traitement impose au système de soins de santé des fardeaux financiers qui représenteraient quelque sept à neuf milliards par année. C'est donc une des sources de coûts les plus importantes, car ce serait l'équivalent du coût total défrayé pour traiter les maladies coronariennes. Alors, ça, c'est des données constatées. On ne parle que de non-fidélité au traitement.

Sans que des études nous le prouvent – puis, là, nous, on y va de par l'expertise auprès des gens – nous sommes convaincus, à l'Association, que, étant donné les tabous, les préjugés entourant les maladies mentales, c'est ça, on ne peut pas parler de maladie. Si on parle de santé mentale, notre message passe bien. Si on parle de «burnout», notre message passe bien. Quand on parle de maladie mentale, de dépression, de maniaco-dépression, on va souvent utiliser «problèmes d'humeur», «troubles unipolaires, bipolaires», et tout ça. Mais, bon, comme dit souvent le Dr Yves Lamontagne qui est le président de l'association des médecins psychiatres: On ne dit pas «quelqu'un atteint de maladie coronarienne», on dit «des maladies coronariennes». Donc, on parle de «maladies mentales». Les dépressifs et les maniaco-dépressifs sont probablement encore moins fidèles à leur médication que toute autre catégorie de malades à cause des préjugés. On a vu que, la médication entourant les maladies mentales, parce qu'il y a des facteurs sociaux, les préjugés sont là.

La non-fidélité au traitement est un problème de comportement. Donc, la fidélité au traitement est fonction du comportement et des attitudes, et envers la maladie, et envers les médicaments, et envers la relation patient-médecin, et de la nature de la maladie. Donc, toutes les conditions portant à ne pas être fidèle à un médicament d'ordonnance sont souvent réunies chez les personnes atteintes de dépression, de maniaco-dépression ou d'autres types de maladies mentales.

En résumé, il est évident que, chez les dépressifs et les maniaco-dépressifs, la non-fidélité au traitement est sûrement le problème majeur en matière de médication. C'est bien souvent par l'entremise de programmes d'aide – et ça on en a parlé ce matin aussi – et de suivi... Ça, c'est nouveau, ça s'en vient. Il y aura des programmes de suivi pour aider les gens à être fidèles parce qu'on peut parler de quelqu'un qui peut être fonctionnel après une dépression majeure, après quelques mois, voire quelques semaines, alors qu'une dépression majeure non soignée dure non seulement de longs mois, mais souvent des années, et il y a récidive par la suite. Donc, on croit que ce type de programmes qui facilitent la motivation à prendre les médicaments tels que prescrits est une hypothèse de solution.

La difficulté du diagnostic aussi. Il importe de souligner, je pense, qu'il arrive souvent – on en a parlé vaguement tout à l'heure – que la dépression et la maniaco-dépression ne soient pas diagnostiquées. Donc, cette situation risque d'entraîner une aggravation de la maladie parce que, plus tard elle est diagnostiquée, plus tard elle est traitée, plus la personne devient vulnérable et reçoit moins facilement le traitement, et la maladie traîne sur plus longtemps à ce moment-là. Donc, un diagnostic précoce et des traitements adéquats ont pour effet d'améliorer l'issue thérapeutique et aussi, nécessairement, d'en réduire les coûts. À cet effet, l'Association estime que les programmes et les outils de formation et d'information peuvent jouer un rôle clé pour aider les divers intervenants à établir un diagnostic plus rapide et à prescrire des traitements appropriés. Donc, on peut revenir là-dessus et on va y revenir rapidement.

Les interactions médicamenteuses aussi sont un des problèmes. Comme nous l'avons déjà mentionné, les dépressifs et les maniaco-dépressifs sont particulièrement portés à visiter plusieurs médecins dans le but d'en trouver un qui leur propose la solution à leurs maux. Donc, en plus de favoriser la surconsommation, ce phénomène amène souvent la prise de multiples médicaments qui peuvent donner lieu à des interactions dangereuses. Donc, un moyen de contrer cela – puis c'est une des hypothèses qu'on soumet au gouvernement – serait d'instaurer un système d'information mécanisé permettant au médecin de connaître la médication complète de son patient et de prévenir ainsi des interactions médicamenteuses néfastes à la santé.

(12 h 10)

L'accès aux nouveaux médicaments aussi. Plusieurs facteurs rendent l'accès aux nouveaux médicaments difficile pour nos usagers. À ce chapitre, nous parlerons d'équité pour nos usagers ainsi que de manque d'information chez plusieurs médecins. Équité, d'abord parce que nos usagers proviennent souvent d'un milieu socioéconomique défavorisé et sont prestataires d'aide sociale; ensuite, parce qu'ils sont souvent suivis par une clinique externe après une hospitalisation en milieu psychiatrique – le programme «malades sur pied» dont vous parliez ce matin. Par conséquent, ils n'ont pas accès aussi facilement à la nouvelle classe d'antidépresseurs, par exemple, ou à l'adjuvant trop dispendieux qui, en sus du lithium, pourrait stabiliser définitivement leurs humeurs.

De plus, il y a un manque d'information chez plusieurs de nos médecins omnipraticiens – peut-être chez nos psychiatres aussi, mais je n'ose pas en mettre plus qu'on en a déjà mis contre nos psychiatres – car, malheureusement, ceux-ci prescrivent encore souvent des antidépresseurs qui ont des effets secondaires très néfastes, voire même uniquement des psychotropes à des personnes atteintes de dépression majeure ou de maniaco-dépression. Advenant un nouveau régime universel, nous croyons, à l'Association, qu'il serait important que la liste des médicaments admis comprenne les nouveaux produits afin de minimiser les substitutions inadéquates, de réduire les effets secondaires et d'éviter ainsi l'inobservance des traitements, parce que, avec les nouveaux médicaments, bien souvent la recherche est axée sur l'abolition des effets secondaires. Donc, c'est toujours plus facile de prendre un médicament quand les effets secondaires sont quasi inexistants.

Recommandations. Alors, nous sommes convaincus qu'une meilleure fidélité au traitement et un emploi plus judicieux des médicaments permettraient sûrement d'épargner des milliards de dollars chaque année en soins de santé. Pour réaliser de telles économies et, surtout, pour faire en sorte que des centaines de milliers de personnes recouvrent leur santé physique et mentale, nous suggérons que les instances concernées envisagent les solutions suivantes: augmenter le nombre de programmes d'information et de suivi des personnes; continuer de mettre en place... Parce qu'on n'en a pas parlé ce matin, mais il y en a eu des programmes récemment. Le programme-cadre en santé mentale, qui a été mis en place par les régies régionales, a été un programme efficace, et c'était l'initiative du gouvernement. Donc, il ne faut pas dire qu'il n'y en a pas eu. Alors, continuer de mettre en place – c'est pourquoi on dit continuer; c'est parce qu'il y en a eu un – des programmes-cadres pour les professionnels; apporter un meilleur soutien aux organismes communautaires dont, par hasard, le nôtre; favoriser, bien sûr, la recherche et le développement; et favoriser l'accès aux nouveaux médicaments.

Je vais passer rapidement. Donc, augmenter les programmes d'information et de suivi. Pendant ses trois années, voire bientôt ses quatre années d'existence, l'Association a mis en place des programmes d'information et de formation et auprès des malades, et auprès des proches, et auprès du grand public en général, et auprès des professionnels de la santé. Donc, au cours des trois dernières années, trois tournées annuelles provinciales d'information ont été faites chaque année dans 10 villes du Québec. Un volet pour le grand public, les malades, les proches des malades; un volet pour les professionnels. Des conférences – ce n'est pas bimensuel, c'est deux conférences par mois; on s'excuse – sur différents sujets pour les personnes atteintes et leurs proches; des dépliants d'information en quantité sur les différents aspects reliés à la maladie; le bulletin dont Mme Bourdon vous a parlé; la production et la diffusion d'autres outils d'information, dont deux précieux documents audio-visuels qui ont été produits récemment et qui ont été télédiffusés à Radio-Québec aux mois de mars et avril derniers.

Par l'entremise de nos différentes activités et de notre ligne d'écoute, l'Association est un petit organisme qui démarre, qui aura quatre ans bientôt. Je dois vous dire que, si on parle de Tel-Aide, ils ont 10 000 téléphones par année, si on parle de Tel-Jeunes, qui est la plus grosse ligne d'écoute au Québec, ils ont autour de 12 000 téléphones par année, et, nous, à l'Association, on a plus de 10 000 téléphones par année. Donc, je pense que c'est une ligne... On n'ose pas en faire la promotion, parce qu'on n'a pas le temps de les compter, là, mais c'est une ligne d'écoute qui reçoit plus de 10 000 appels chaque année.

Alors, on sait que l'éducation au niveau... Vous m'arrêtez?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous laisse continuer deux minutes.

Mme Dessurault (Lina): O.K.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...parce qu'on a dépassé le temps.

Mme Dessurault (Lina): Vous me faites des grands signes. Parce que, si je mets mes lunettes, je ne vous vois pas, mais, si je les enlève, je ne vois pas mon texte. Alors, c'est ça. On doit se dire que l'éducation est déficiente, et l'éducation est très déficiente au niveau de la médication aussi. Nous avons déjà mis en relief les tabous, les préjugés qui règnent quand il s'agit de maladie mentale. Nous sommes convaincus que des programmes d'information sérieux doivent être encouragés pour favoriser l'utilisation rationnelle parce que, en fait, le gros problème de la médication, c'est l'utilisation irrationnelle. Quel que soit le volet, continuer de mettre en place des programmes de formation pour les professionnels de la santé. Et, là, on entend les psychiatres, les omnipraticiens, les pharmaciens, les psychologues, les travailleurs sociaux et autres types d'intervenants. Et, quand on parle de psychologues, nous, on a vécu de véritables miracles parce qu'ils nous ont dit: Vous nous apprenez des choses qu'on ne nous apprend même pas à l'université. Puis on travaille de concert avec eux de façon fort adéquate. On en a un, d'ailleurs, avec nous, qui travaille.

Alors, depuis sa création, l'Association... On va passer rapidement. Les programmes de formation pour les professionnels de la santé. On obtient des crédits de formation continue de par les associations et les fédérations professionnelles, mais c'est dur de les rejoindre. Et je pense que, vous le savez, le programme-cadre a eu aussi un succès mitigé, du moins dans certaines... Faut-il obliger les médecins à se recycler? Peut-être que oui. Ce n'est peut-être pas la solution idéale, mais il y a des médecins qui, dans le fond de leur bureau, je pense, n'ont pas pris de crédits de formation continue depuis des années et ils prescrivent encore les anticycliques d'il y a 30 ans avec lesquels on voyait tous les effets secondaires dont on vous a parlé tout à l'heure.

Apporter un meilleur soutien aux organismes communautaires, c'est la solution. Alors, beaucoup de choses peuvent être faites par le communautaire, et de façon adéquate et de façon fort rentable, si vous me permettez le mot. Alors, des services d'éducation, de prévention, de promotion de la santé mentale, d'écoute, de référence, de soutien, d'entraide, de soutien pour les proches des malades, de prévention de crise, de prévention de rechute, d'accompagnement, de réinsertion sociale, dont la réinsertion au marché du travail – qui est un volet important chez nous dont on ne parlera jamais trop – de formation auprès des professionnels en collaboration avec les autorités en la matière, parce que, quand on fait des programmes de formation pour les professionnels, on va chercher des autorités dans les différentes matières.

Favoriser la recherche et le développement. Nous, on vous dit que les dernières décennies ont permis à la psychiatrie... Tout à l'heure, j'écoutais des propos puis je me disais: Je suis en psychiatrie depuis 1984, puis il me semble qu'on était déjà plus avancé en 1984 que ce qu'on dit maintenant. Alors, il y a des recherches importantes qui ont été faites au cours des dernières décennies puis il y a des pas de géant qui sont sur le point de s'accomplir aussi dans les années qui viennent. On est à l'aube de découvertes encore plus importantes, et cela exige cependant des conditions propices à ces activités.

Le Québec peut être, s'il ne l'est déjà, un leader dans ce domaine, car beaucoup de nos chercheurs ont déjà acquis une réputation internationale. Ces chercheurs redoublent d'ardeur en ce moment, car des résultats tangibles sont sur le point d'apporter des modifications importantes dans le traitement des maladies mentales. Il faut faciliter l'émergence de nos talents et maintenir, voire même améliorer leurs conditions. On parlait du FRSQ, du CQRS dernièrement. Alors, on a des médecins ou des chercheurs qui travaillent en maladie mentale ou en santé mentale qui sont sur le point d'éclore dans des découvertes extraordinaires.

De plus, il y a chez nous des compagnies qui sont prêtes à investir dans la recherche de nouveaux traitements dont la psychiatrie a besoin. Plusieurs de ces entreprises sont installées au Québec. En plus de nous faire profiter de leurs découvertes, ces compagnies peuvent conserver et même créer des emplois ici même, si les conditions le leur permettent. Je pense que les conditions, ici, sont déjà plus favorables qu'ailleurs pour eux. On considère que cela peut être permis de continuer de leur faire ces conditions-là. Favoriser l'accès aux nouveaux médicaments, et ce, de façon équitable envers nos...

En conclusion, rapidement. Je ne reviendrai pas sur les deux premiers paragraphes qui sont un petit peu le résumé de nos recommandations, mais ce que je veux vous dire, c'est que, globalement, à l'Association, on favorise l'hygiène physique et mentale aussi chez nos usagers et leur responsabilisation face à leur maladie. L'État peut et doit faire tout ce qui est possible. Les organismes communautaires peuvent soutenir l'action gouvernementale au moyen de leurs activités. Il n'en demeure pas moins que, ultimement, chaque individu doit assumer sa propre responsabilité face à sa santé physique et à sa santé mentale, et c'est ce que l'Association préconise auprès de ses nombreux usagers, surtout au niveau des groupes d'entraide. C'est que chaque personne est responsable de sa santé et doit retenir les moyens qui l'aideront à vivre avec.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Nous commençons immédiatement l'échange. Le député de Robert-Baldwin sera suivi de la députée de Rimouski, du député de Taschereau et de la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

M. Marsan: Alors, merci, M. le Président, et mes remerciements à vous, Mme Bourdon, Mme Dessurault et à toute votre équipe. Je pense que vous nous avez présenté un mémoire qui est très bien documenté, beaucoup de statistiques. Vous nous avez aussi remis des témoignages extrêmement importants et hautement intéressants.

(12 h 20)

J'espère que vous allez comprendre que ma première question va s'adresser au Dr Plamondon – avec ce qu'on a pu entendre – et j'aimerais lui demander: Quel est le rôle du psychiatre dans le traitement de la maladie pour les maniaco-dépressifs? Et, aussi, j'aimerais vraiment l'entendre sur cette relation qui doit être privilégiée entre le patient et le psychiatre, là, par rapport à ce qu'on a pu entendre jusqu'à maintenant.

M. Plamondon (Jacques): D'abord, je vais mentionner que je ne suis pas venu ici pour défendre la psychiatrie ou les psychiatres. S'il y en a qui ont voulu faire le procès de la psychiatrie ce matin, c'est leur droit, puis je les respecte. Je suis ici pour appuyer un organisme qui s'appelle l'Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs du Québec.

Je pense que c'est très important que des professionnels de la santé s'impliquent aussi au niveau communautaire. Souvent, les médecins ou les psychiatres, on est perçu, effectivement, par le grand public comme des gens un peu à l'écart ou, bon, qui ne se mêlent pas tellement de ce qui se passe. Je pense que, là, on veut encourager un organisme qui s'occupe des patients, des gens que, nous, on traite quotidiennement. Je pense que c'est très important que les gens soient mieux éclairés, mieux informés sur leur maladie afin qu'ils soient mieux traités. Alors, je pense qu'il n'y a aucun doute, il faut qu'il y ait un lien, il faut qu'il y ait une connexion entre les professionnels de la santé – que ce soient les psychiatres, ou les médecins omnipraticiens, ou les psychologues – et les patients que l'on traite. Et je pense que, des organismes comme ça, c'est un véhicule qui m'apparaît très important et que, moi, je tiens à encourager.

M. Marsan: J'aimerais aussi vous entendre sur, peut-être, les particularités de la relation entre vous, comme professionnel, et ces patients-là. Est-ce que vous consacrez beaucoup de temps lorsque vous avez une rencontre, par exemple, où vous diagnostiquez cette maladie? En tout cas, je n'ai pas l'impression, là...

M. Plamondon (Jacques): O.K.

M. Marsan: ...que c'est juste une question de pilules, d'après la façon dont vous l'abordez et la présentation que nous avons eue.

M. Plamondon (Jacques): En fait, encore là, je ne voudrais pas non plus faire un cours de psychiatrie. Je fais ça avec mes étudiants à l'occasion. Mais simplement pour vous illustrer que c'est évident que, encore là, souvent c'est un mythe qu'on a que le médecin ou le psychiatre est là simplement pour prescrire des pilules, hein? Puis cinq minutes, puis on fait une prescription, puis bonjour, va-t'en, c'est réglé, c'est fini. C'est loin de la réalité.

La réalité, ce n'est pas du tout ça. Il faut prendre le temps, effectivement, d'écouter. Il faut prendre le temps d'évaluer, il faut prendre le temps d'entrer en contact, comme vous dites, en relation avec nos malades, avec nos patients, parce que ce n'est pas juste des malades, c'est également, aussi, des êtres humains. Il n'y a aucun doute que, ça aussi, ça prend du temps. C'est, comme on dit en anglais, «time consuming». Souvent on se fait reprocher, justement, nous autres, de prendre trop de temps pour écouter nos patients. C'est pour ça que je vous dis que, ce matin, on en a entendu des vertes et des pas mûres, de toutes les couleurs. Il y a toutes sortes de paradoxes, comme vous le savez, dans notre profession. Il y a toutes sortes d'extrêmes aussi. Il y a des gens, comme on a entendu, qui ne croient absolument pas à la pharmacothérapie. Il y en a d'autres qui, au contraire, vont ne jurer que par ça. Je pense qu'il y a un équilibre à établir là-dedans. Et, comme je vous disais, c'est sûr qu'il faut également prendre du temps pour entrer en contact ou en relation avec les patients ou les gens qu'on soigne. Ça, c'est indéniable.

M. Marsan: Vous avez...

Une voix: ...

M. Marsan: Rapidement, O.K. Mais je pense qu'on fait état – et vous connaissez cela – des difficultés qui sont reliées à la sectorisation des patients. Et, là aussi, j'aimerais entendre votre Association. Vous en avez parlé rapidement tantôt. Mais est-ce qu'il y aurait des améliorations qui peuvent être apportées? Est-ce que c'est quelque chose que vous trouvez défendable à ce moment-ci?

M. Plamondon (Jacques): Je voudrais peut-être souligner un point...

M. Marsan: Oui.

M. Plamondon (Jacques): ...d'information aussi, que c'est un phénomène qui est quand même assez particulier à la région de Montréal et que, pour ce qui est de la région de Québec où, moi, je pratique depuis plus de 10 ans – j'ai pratiqué aussi dans la région de l'Estrie – ce n'est pas du tout un problème. C'est un problème, donc, qui est très localisé dans la région de Montréal. Et, pour l'ensemble de la province, je ne pense pas que ce soit un problème aussi aigu que ça peut l'être à Montréal.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Rimouski.

Mme Bourdon (Louise): Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose à ce sujet-là?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

Mme Bourdon (Louise): Moi, je crois aussi que, étant donné qu'il n'y a pas assez de psychiatres – je crois vraiment qu'il n'y en a pas assez; par rapport aux appels qu'on reçoit à l'Association, il y a une insuffisance de psychiatres – il faut former les omnipraticiens pour qu'ils soient en mesure de bien diagnostiquer la dépression et la maniaco-dépression. Et ce n'est pas tous les omnipraticiens qui veulent prendre en charge ces patients-là. Alors, nous, à l'Association, on est en train de monter un programme, justement, pour pouvoir référer à des omnipraticiens et qu'ils soient habilités à pouvoir bien diagnostiquer la maladie. Ça, c'est vraiment un problème, il n'y a pas assez de médecins présentement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Merci, mesdames et messieurs, pour le mémoire. Moi, j'aimerais avoir une idée... L'Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs, c'est quoi les sources de financement de cette Association, de cet organisme?

Mme Dessurault (Lina): C'est moi, la mendiante.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Dessurault (Lina): Nous sommes très peu subventionnés. Sur un budget de quasi 300 000 $, les modalités de financement sont surtout des modalités d'autofinancement. Alors, nous sommes très innovateurs, nous faisons de l'autofinancement. Mme Loiselle est au courant, elle se fait prendre régulièrement par son frère. Ha, ha, ha!

Mme Charest: Ça veut dire quoi ça, madame?

Mme Dessurault (Lina): Alors, c'est un organisme qui vit à 90 %, peut-être à 95 % d'autofinancement, soit campagnes corporatives, tout le traditionnel, là, campagnes grand public, événements bénéfices. On invente toutes sortes de façons, mais on a eu une petite subvention, l'an passé ou il y a deux ans, de la régie régionale, de 7 000 $. On a un apport du gouvernement fédéral pour les programmes d'entraide, une petite subvention aussi. Naturellement, on a des programmes EXTRA, et tout ça, qui amènent de la main-d'oeuvre. Mais je dois vous dire qu'on est très axé sur l'autofinancement.

Mme Bourdon (Louise): On est très innovateur et créateur parce qu'on fait de véritables miracles, surtout avec nos bénévoles. On a plus de 150 bénévoles à l'Association, que ce soient des médecins, des malades, des proches et des conjoints. C'est grâce à ça qu'on a réussi à faire tout ce qu'on fait aujourd'hui, et l'implication du milieu est très importante. Alors, c'est pour ça qu'on est si présent comme petite association.

Mme Charest: O.K. Alors, j'aimerais aussi attirer l'attention... Dans la feuille de présentation qu'on a, on nous a présenté le Dr Jacques Plamondon comme psychiatre, mais les autres personnes, on ne nous a pas mentionné quelle était, en quelque sorte, leur formation de base. Alors, Mme Bourdon, tout à l'heure vous avez dit que vous étiez en psychiatrie. Est-ce que vous êtes psychiatre aussi ou si vous êtes...

Mme Bourdon (Louise): Absolument pas. Je suis une malade mentale. Je souffre de maniaco-dépression. Je suis diagnostiquée depuis...

Mme Charest: Ah, c'est vous, Mme Bourdon. Oui, O.K.

Mme Bourdon (Louise): C'est ça. Je suis diagnostiquée depuis huit ans, maintenant, et je suis stabilisée depuis cinq ans environ. Alors, j'ai vécu plein de choses avant. Je me suis impliquée, moi, comme bénévole, à l'Association. À un moment donné, on a eu besoin d'un directeur, et je me suis offerte. Ne pensant même pas être capable de le faire, j'ai dit: Je vais le faire bénévolement pour quelques mois, et je suis encore là. Alors, je fais, j'imagine, avec toute mon équipe, du très bon boulot.

Mme Charest: Alors, il faut toujours avoir confiance en soi. C'est bien. La responsable du développement, c'est Mme Dessurault?

Mme Dessurault (Lina): Oui, je suis responsable du développement. Je suis en santé mentale ou en maladie mentale – parce que j'ai été à l'école d'Yves Lamontagne, alors on dit «maladie mentale». J'ai été à la Fondation québécoise des maladies mentales pendant six ans et, depuis quatre ans maintenant, je travaille avec des organismes, toujours, soit la Fondation des maladies mentales, l'Association des dépressifs et des maniaco-dépressifs, la Fondation pour l'art thérapeutique et l'art brut du Québec, donc un regroupement d'organismes qui oeuvrent auprès des malades mentaux au niveau du développement, entre autres le développement de programmes et le développement de programmes de financement aussi. Et M. Provost est...

M. Provost (Jean-Rémy): Moi, je suis responsable des groupes d'entraide à l'Association, responsable de la formation, aussi, des animateurs de groupes d'entraide. Moi, en tout cas, j'ai eu la piqûre du communautaire quand je suis arrivé il y a deux ans. J'ai vu là un esprit créateur extraordinaire. Je pense qu'on peut réussir à établir un partenariat entre l'État, nous, le milieu hospitalier, le milieu communautaire et le milieu des CLSC. Alors, je pense que c'est très important. Mon rôle vise surtout à informer – autant que, l'Association, je pense que c'est ça, son rôle – à démystifier la dépression et la maniaco-dépression, à sensibiliser les gens à ce que c'est, à enlever les tabous et les préjugés. Je pense qu'on y parvient. On a encore beaucoup à faire, mais...

Mme Charest: O.K.

M. Guimont (Claude): Moi, mon nom est Claude Guimont. Je suis bénévole à l'Association et, moi, je suis atteint de maniaco-dépression, et l'Association me permet la réintégration sur le marché du travail.

Mme Charest: O.K. Je trouve ça très intéressant et très pertinent, là, d'avoir... Vous avez peut-être trouvé ça bizarre, une question de même, mais ça donne qui nous parle, quelles sont les origines – je le dis entre guillemets – professionnelles ou autres des intervenants. Moi, je vous amènerais à la page 19 de votre mémoire où vous parlez du manque de fidélité au traitement par les patients et où vous dites que la non-fidélité coûte à peu près 7 000 000 000 $ à 9 000 000 000 $. J'aimerais savoir comment vous avez fait pour estimer ces coûts-là, à partir de quelle étude.

Mme Dessurault (Lina): Des études dont vous avez la source à la fin, le rapport Castonguay...

Mme Charest: C'est ça.

Mme Dessurault (Lina): ...et le total des coûts directs de la non-fidélité aux traitements est entre 3 500 000 000 $ et 4 400 000 000 $, et on dit que c'est presque autant en coûts indirects. Donc, le total des deux totalise entre 7 000 000 000 $ et 9 000 000 000 $.

Mme Charest: Mais c'est la non-fidélité, pas seulement, strictement...

Mme Dessurault (Lina): Dans l'ensemble...

Mme Charest: L'ensemble des soins de santé.

Mme Dessurault (Lina): ...des pathologies, là. Pas juste en maladie mentale.

Mme Charest: Des pathologies, O.K. Parce que ce n'est pas strictement 7 000 000 000 $ à 9 000 000 000 $ pour le domaine de la santé mentale.

Mme Dessurault (Lina): Non. On n'est pas capable, vraiment, d'extrapoler des données relatives aux maladies mentales ou à la maniaco-dépression uniquement.

(12 h 30)

Mme Charest: O.K. Et, à la page 20, vous avez l'accès aux nouveaux médicaments et vous semblez dire que, l'accès aux nouveaux médicaments, c'est une question d'équité compte tenu que la clientèle vient souvent de milieux défavorisés ou que ce sont des prestataires d'aide sociale. Mais, vous savez, les nouveaux médicaments, ce n'est pas nécessairement une garantie d'efficience, d'efficacité et de qualité parce que, dépendamment des types d'expériences ou d'études qui nous prouvent leurs effets, et tout ça, là, on peut se poser des questions, parce qu'il y a plusieurs raisons qui amènent les compagnies pharmaceutiques à nous présenter de nouveaux médicaments. Et, de la façon dont vous nous présentez ça, je me posais des questions. Pourquoi en faire une question d'équité? Ce n'est pas automatique, là.

M. Plamondon (Jacques): O.K. Peut-être que ce que je peux répondre là-dessus, c'est qu'il n'y a aucun doute que, depuis les 40 dernières années, comme je dis souvent, la psychiatrie est sortie de la noirceur, et, il n'y a aucun doute là-dessus, les progrès scientifiques ont amené des traitements beaucoup plus efficaces et avec beaucoup moins d'effets secondaires également, parce que, quand on parle de non-fidélité au traitement, je pense que c'est très bien mentionné dans le document, les gens arrêtent de prendre leurs médicaments parce qu'ils ont trop d'effets secondaires. C'est aussi simple que ça. C'est bien beau, prescrire un médicament qui est efficace, mais, si je prends ça puis que ça me rend nauséeux, ou que j'ai des maux de tête, ou que j'ai de la diarrhée, ou n'importe quel effet secondaire, c'est évident que le premier réflexe, ça va être de mettre les médicaments de côté. Et, à ce moment-là, le patient fait une rechute. C'est le phénomène de la porte tournante, comme il a été mentionné. Bon. Les gens reviennent à l'hôpital, sont réhospitalisés, et ça, ça entraîne des coûts beaucoup plus considérables que le coût de la pilule comme telle.

En tout cas, pour être sur un comité de pharmacologie dans mon hôpital, on parle des coûts des médicaments; c'est épouvantable, les nouveaux médicaments, comme ça coûte cher. Mais ça coûte encore bien plus cher quand le patient est réhospitalisé. Alors, c'est dans ce sens-là qu'il faut non seulement calculer le coût d'un nouveau médicament, mais également le coût du non-traitement qui, lui, amène des coûts sociaux et des coûts indirects deux fois plus élevés que le coût du médicament comme tel.

Mme Charest: Oui, mais est-ce qu'on peut dire aussi qu'on peut calculer les coûts, à ce compte-là, des effets pervers de certains médicaments? Parce que ce n'est pas juste de culpabiliser le patient qui ne prend pas son médicament parce qu'il subit des désagréments à le prendre.

M. Plamondon (Jacques): Encore là, ça dépend de ce qu'on entend par «effets pervers». Si on parle des effets secondaires, ce n'est pas des effets pervers.

Mme Charest: En tout cas, des effets secondaires, c'est plus juste. Je pense que vous avez raison. Alors...

M. Plamondon (Jacques): Et, dans ce sens-là, comme je le disais, les effets secondaires vont amener la personne à délaisser le traitement parce que les effets secondaires sont trop indésirables. En tout cas, ce n'est pas nécessairement catastrophique non plus. Je pense que, encore là, il faut remettre ça en perspective, et un effet secondaire, parfois, c'est juste temporaire, c'est juste passager. Il faut expliquer au patient que c'est juste quelques jours puis que, après ça, ça rentre dans l'ordre. Alors, il y a toute l'information, comme je disais tout à l'heure, qui est très importante aussi à ce niveau-là.

Mme Charest: Puis ça remet en question le type de suivi que l'on fait une fois qu'on a prescrit certains types de médicaments parce que, je veux dire...

M. Plamondon (Jacques): Oui, ça renforce, je pense, la nécessité du suivi.

Mme Charest: ...si les effets secondaires sont si incommodants pour la clientèle qu'elle finit par les abandonner, je pense qu'il y a peut-être aussi des choses à voir au niveau du suivi par rapport aux prescriptions qu'on donne et aux effets secondaires qui peuvent être engendrés par cette prise de médicaments là.

M. Plamondon (Jacques): C'est évident. Comme vous dites, ça nécessite un suivi, ça nécessite une surveillance. Ça, c'est indéniable, et je pense que, le psychiatre, c'est peut-être la personne la mieux placée pour exercer cette surveillance-là.

Mme Dessurault (Lina): Je pense que je compléterais, puis, Dr Plamondon, vous me corrigerez, je ne suis pas psychiatre. C'est que les nouvelles classes de produits ont beaucoup moins d'effets secondaires que les classes précédentes, donc favorisent la fidélité au traitement, parce qu'il y a un fort pourcentage de personnes pour lesquelles, avec les nouveaux produits, il n'y a aucun effet secondaire ou à peu près pas. Donc, n'ayant pas les effets secondaires dont on a parlé ce matin, dont le Dr Plamondon vient de parler, bien, c'est plus facile d'être fidèle à un traitement quand on n'a pas de nausées, quand on n'a pas d'embonpoint, quand on n'a pas de diarrhée, et tout ça. On parlait ce matin de «shaker», et tout ça. Ça n'existe plus dans les nouvelles classes de produits, ou très rarement; il y a toujours des exceptions. Donc, l'accès aux nouveaux produits, c'est dû au fait qu'il y a moins d'effets secondaires. Avec moins d'effets secondaires, la fidélité au traitement est plus grande, nécessairement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

Mme Charest: À la page 21...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Toujours sur le même...

Mme Charest: ... – c'est une dernière question, oui – vous parlez d'une tendance à la désinformation. Qu'est-ce que vous identifiez comme de la désinformation?

Mme Dessurault (Lina): De la littérature, dont un livre qui est paru récemment, sur le traitement des maladies de l'âme. Alors, c'est sûr que le lobbying a bien fait son effet, puis on trouve ça un petit peu négatif parce qu'on se dit que, si demain il y avait des gens qui se levaient puis qui disaient, bon: Les gens qui sont diabétiques, bien, arrêtez de prendre votre insuline, parce que, c'est sûr, l'insuline a des effets secondaires – et c'est un suivi sérologique drôlement plus serré chez les diabétiques que chez les maniaco-dépressifs qui prennent du lithium, par exemple – arrêtez de prendre votre insuline parce qu'il y a des effets secondaires désastreux ou votre espérance de vie, etc., je ne pense pas que l'écoute du grand public serait généreuse, alors que, quand on parle de maladie mentale, l'écoute est là. Donc, c'est ce qu'on appelle un peu de la désinformation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Oui, bonjour. Vous disiez tout à l'heure, si j'ai bien compris, qu'il y avait environ 10 % des gens qui savaient qu'ils étaient maniaco-dépressifs. C'est ça? Vous estimez à combien actuellement les gens qui le savent?

Mme Dessurault (Lina): Dix mille personnes au Québec.

M. Gaulin: Ça veut dire qu'il...

Mme Dessurault (Lina): Il y a 100 000 maniaco-dépressifs au Québec.

M. Gaulin: ...y en aurait 100 000.

Mme Dessurault (Lina): Il y a environ 500 000 à 600 000 personnes avec des facteurs dépressifs importants et 100 000 personnes maniaco-dépressives.

M. Gaulin: C'est une estimation?

Mme Dessurault (Lina): C'est des données qu'on retrouve dans des...

M. Plamondon (Jacques): C'est des données basées sur des enquêtes épidémiologiques très rigoureuses faites au Canada, aux États-Unis, au Québec. Les taux de prévalence ou d'incidence de ces maladies-là sont semblables d'une province à l'autre, d'un pays à l'autre. C'est comme pour le diabète ou d'autres maladies, c'est très standard.

M. Gaulin: Bon. À la page 19, vous parlez du manque de fidélité au traitement. Vous dites en particulier, dans un des paragraphes, un petit peu dépassé le centre: «Sans que des études nous le prouvent de façon scientifique, nous sommes convaincus qu'étant donné les tabous et les préjugés entourant les maladies mentales les dépressifs et les maniaco-dépressifs sont probablement encore moins fidèles à leur médication que toute autre catégorie de malades.»

Mme Dessurault (Lina): Oui.

M. Gaulin: Comment pouvez-vous dire ça si vous n'avez pas de données?

Mme Dessurault (Lina): Oui, c'est ça. Je vous dis que je ne suis pas scientifique là-dedans, mais c'est à cause des tabous parce que, c'est sûr, si demain matin on vous diagnostique une maladie coronarienne, on va vous prescrire un médicament x, vous allez le prendre, puis non seulement vous ne vous sentirez pas coupable, mais femme, entourage, enfants, et tout ça vont s'assurer que vous preniez votre Cardizem, alors que, dans le cas de la maniaco-dépression, vous pouvez arriver à la maison et vous pouvez dire: On m'a prescrit du lithium et de l'adjuvant, puis souvent, votre femme les proches vont dire: Bien, voyons donc! Ou, dans le cas de la dépression, la pression est très forte de dire: Ne prends pas ça, ne prends pas tes pilules. Donne-toi un coup de pied aux fesses, lève-toi le matin. Fais quelque chose, pars, va en vacances. Puis la personne va se sentir coupable, puis, par ses propres préjugés, va dire: Bien non, je ne suis pas pour prendre ça. Donc, encore plus que quels que soient d'autres types de maladies, je pense pouvoir affirmer – mais, là, scientifiquement, ce n'est pas prouvé, je pense, Dr Plamondon – que la non-fidélité au traitement serait en deçà du 50 % que l'on a noté chez l'ensemble des malades.

Mme Bourdon (Louise): Par les téléphones, aussi, qu'on reçoit et par les gens qui font des rechutes à plusieurs reprises, on sait... J'ai arrêté de prendre mes médicaments, moi-même, à plusieurs reprises et je sais maintenant que je ne peux plus arrêter parce que je vais faire une rechute. Alors, si, moi, je l'ai fait en tant que directrice, imaginez-vous les gens, autour de moi, qui ont pu le faire. Puis je suis encore plus en mesure de comprendre cette maladie-là, je vis dedans à la journée longue.

Alors, beaucoup, beaucoup de témoignages nous le font dire à l'Association. Claude voudrait ajouter...

M. Guimont (Claude): Je pense que oui. Là-dessus, par mon expérience personnelle, un peu comme Louise disait, moi-même, j'ai arrêté mes médicaments à un moment donné et j'ai de l'expérience aussi au niveau des groupes d'entraide. Et j'ai discuté avec d'autres qui ont réuni des groupes d'entraide où les gens viennent parler. On ne parle pas de médication comme telle, mais tout le monde a dit que soit ils avaient arrêté ou...

(12 h 40)

M. Gaulin: Oui, mais le sens de ma question, c'était surtout de vous questionner, de vous faire vous poser la question: Comment se fait-il qu'une association qui a quand même 300 000 $ de budget... Ça peut vous paraître peu important, mais je sais que, du point de vue des députés, un OSBL qui a ce montant, c'est quand même un gros montant. Je vous félicite d'aller le chercher. Mais comment se fait-il, étant donné qu'il y a des statistiques générales sur la non-fidélité au traitement, qu'une association qui est très ciblée sur les maniaco-dépressifs n'ait pas pensé faire une enquête auprès de 10 000 personnes, de manière scientifique, une sorte de sondage qui vous donnerait autre chose que des probabilités? Parce que vous êtes affirmatifs, vous dites que c'est probable, tout en en doutant. Alors, il y a...

Mme Dessurault (Lina): Je peux répondre. Je veux dire, le 300 000 $... Il y a beaucoup de programmes, il y a des programmes d'information. Je pense que vous dites de faire une étude. Il y a des choses qui s'en viennent à l'automne...

M. Gaulin: Un questionnaire, une question.

Mme Dessurault (Lina): ...un sondage important, mais il y a aussi des coûts et des ressources en jeu, et des services. On dessert environ 12 000 personnes par année, donc il y a d'autres programmes que ça. Mais, je veux dire, c'est peut-être une phrase un petit peu... Mais nous sommes quand même convaincus que les gens, encore moins que dans le cas des autres maladies... c'est plus facile de se sentir coupable de prendre des médicaments.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée...

M. Gaulin: Non, je n'ai pas terminé. Est-ce que...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Bien, on va terminer avec les dernières interventions. Alors, une dernière, M. le député?

M. Gaulin: Oui. Bien, tout à l'heure on a parlé d'une sorte de procès, peut-être, d'une approche médicale par rapport à la maladie mentale, qui a été fait, qui a remis complètement en question – le Dr Plamondon parlait de procès – la psychiatrie. Mais, par ailleurs, moi, je suis frappé – parce que je suis d'abord un littéraire – en lisant votre texte, de voir comment il est conforme, lui. Surconsommation, oui; automédication, faites attention – en particulier à la page 18 – à la mauvaise littérature, quant à ce qui vous dirait d'arrêter de consommer ou de vous poser des questions sur vos médicaments.

Mme Dessurault (Lina): On a glissé le message aussi, là, des nouveaux produits soi-disant naturels. Il y en a d'excellents, mais il y en a que ça...

M. Gaulin: Oui, bien sûr, on ne peut pas s'improviser médecin, mais, moi, j'aurais aimé voir, en tout cas, dans votre approche, et, simplement, j'exprime un voeu: d'avoir une approche plus sociale aussi. Pour les maniaco-dépressifs, il doit y avoir aussi des traitements qui sont autres que des traitements par médicaments, on le sait fort bien, alors...

Mme Dessurault (Lina): On en parle dans la première partie.

M. Gaulin: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, et nous terminerons avec M. le député de Robert-Baldwin.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour. Moi, j'aimerais revenir sur quand vous dites que, la maniaco-dépression, c'est une maladie qui touche environ 100 000 personnes et qu'il y en a seulement 10 % qui sont en traitement. Dans les 10 000 appels que vous recevez par année, 10 000 à 12 000... Moi, je suis impressionnée. Je ne pensais pas que vous receviez autant d'appels; pour un organisme à but non lucratif, en plus. Les gens qui vous appellent, en majorité, est-ce que ce sont des gens qui sont en traitement, mais qui traversent une période plus difficile ou c'est des gens qui ne sont pas en traitement, qui savent qu'ils ont besoin d'aide et qui, sous l'anonymat, j'imagine, appellent? Qui sont les gens qui appellent, ces 10 000 personnes là?

Mme Bourdon (Louise): Alors, c'est des gens qui, comme vous dites, ne sont pas en traitement, qui veulent avoir plus d'information sur la maladie – parce qu'ils ont vu une émission, ils pensent qu'ils le sont – ou c'est des proches ou des conjoints qui voient leurs enfants, leur mari qui agit très drôlement, alors ils se posent des questions suite, souvent, à de l'information qui leur est donnée. Et c'est aussi des intervenants qui nous appellent. C'est aussi des enfants, des conjoints des personnes atteintes. C'est très vaste comme personnes qui nous appellent. Les médecins nous appellent aussi pour référer les gens chez nous pour qu'ils aient de l'aide, mais c'est surtout les personnes atteintes, les proches et les conjoints qui nous appellent.

Mme Loiselle: Dans votre recommandation pour apporter un meilleur soutien aux organismes communautaires... J'imagine que vous êtes la seule association au Québec, centralisée à Montréal?

Mme Bourdon (Louise): C'est ça, oui.

Mme Loiselle: O.K. Est-ce qu'il y a des gens qui vous appellent de partout ou si c'est surtout pour la grande région de Montréal?

Mme Bourdon (Louise): C'est partout à travers la province de Québec parce qu'on a un numéro 1-800. Alors, c'est environ 65 % pour Montréal et la région, et le restant pour le restant de la province de Québec.

Mme Loiselle: O.K. Alors, disons, pour un meilleur soutien aux organismes communautaires, c'est sûr qu'au niveau des subventions le gouvernement va dire: Bien, ce n'est pas possible de vous aider. On aimerait bien, mais on n'a pas d'argent. Qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire pour vous épauler au niveau de vos interventions, soit par les CLSC ou par d'autres choses? Est-ce que vous avez regardé cette avenue-là?

Mme Dessurault (Lina): Je pense que, les services d'éducation, de prévention et de promotion de la santé mentale, souvent, les gouvernements en font de ces types de services là, et de l'information auprès des professionnels de la santé, comme le projet-cadre qui a été fait de concert avec les régies régionales – je pense que c'est l'an dernier – spécifiquement pour les omnipraticiens, qui a regroupé quelque 900 omnis à travers la province, je pense, sur l'ensemble des problématiques sur les maladies mentales. C'était une initiative. Naturellement, on ne rejoint pas encore le médecin qui est dans le fond de son bureau, qui ne sort jamais, puis qui prescrit encore, mais ça, c'est des initiatives qui nous aident, nous, les campagnes d'information puis les publicités qui ont été faites. Prévention: des centres de crise pour les aider. Ça nous aide quand vous les aidez. La recherche: aidez la recherche, et tout ça. Vous allez peut-être me dire: Là aussi, on n'a pas plus de sous. Mais, au moins, continuez à assumer un rôle de soutien auprès de nos chercheurs, vu qu'on a des chercheurs d'une qualité extraordinaire, je pense, au Québec. On a des centres de recherche en psychiatrie. Ça aussi, ça ne peut qu'aider nos malades, et c'est tout. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député...

Mme Loiselle: Juste brièvement. Au niveau des interventions locales, comme dans les quartiers comme chez moi, est-ce que les CLSC communiquent avec vous? Est-ce qu'il y a une intervention à ce niveau-là?

Mme Dessurault (Lina): On a un projet, d'ailleurs, avec les régies régionales.

Mme Bourdon (Louise): Sauf que, présentement, les CLSC n'ont pas l'expertise en santé mentale. Il y en a quelques-uns sur l'île de Montréal et à l'extérieur aussi, mais la plupart viennent chercher notre expérience à nous, à l'Association, parce qu'on l'a développée à travers les quatre années d'existence qu'on a présentement. Alors, il faut développer les services en santé mentale dans les CLSC. Il n'y en a presque pas présentement.

Mme Dessurault (Lina): Des projets de formation que l'Association donnerait aux intervenants des nouvelles équipes en santé mentale des CLSC.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Dernière question par le député de Robert-Baldwin, et je ferai la conclusion tout de suite.

M. Marsan: Plutôt, même, la conclusion, M. le Président. D'abord, en remerciant Mme Bourdon, Mme Dessurault, M. Provost, M. Guimont, le Dr Plamondon, de nouveau, pour la qualité des documents que vous nous avez présentés, pour vos présentations également, vos témoignages.

Moi, je voudrais juste ajouter ou différer d'opinions avec mon collègue de Taschereau. Je trouve que, dans votre approche, vous favorisez vraiment tout l'aspect communautaire, ce qui devrait aider le patient dans son intégration sociale, et je pense que c'était largement documenté, et c'est très apprécié de notre part.

Je voudrais terminer en relisant une de vos recommandations. Vous demandez un meilleur soutien aux organismes communautaires. Je pourrais vous mentionner qu'au moment où nous avons fait l'étude des crédits nous avons pu, avec le ministre de la Santé, voir qu'il y a un budget discrétionnaire avec des montants assez importants. Alors, si jamais vous voulez faire une demande particulière au niveau de ce budget-là, vous êtes certains d'avoir le support des députés de l'opposition. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de la commission, mesdames, messieurs, je vous remercie beaucoup et j'ajourne la commission à demain, mercredi, à midi. Merci.

(Fin de la séance à 12 h 48)


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