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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 16 mai 1996 - Vol. 35 N° 13

Consultations particulières concernant la consommation de médicaments et la recherche et développement dans ce secteur au Québec


Consultations particulières sur le projet de loi n° 116 - Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux (titre modifié)


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Table des matières

Consultations particulières concernant la consommation de médicaments et la recherche et développement dans ce secteur au Québec

Consultations particulières sur le projet de loi n° 116 – Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux


Autres intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
M. Michel Létourneau, président suppléant
Mme Solange Charest, présidente suppléante
M. Russell Williams
Mme Lyse Leduc
M. Lévis Brien
M. Michel Bourdon
Mme Nicole Loiselle
M. Claude Boucher
Mme Marie Malavoy
Mme Claire Vaive
M. André Gaulin
* M. Daniel Larouche, Société canadienne de la sclérose en plaques, division du Québec
* M. Marc Girard, idem
* M. Gilles Savoie, idem
* Mme Johanne Pépin, idem
* M. Miklos Fulop, idem
* M. Ken McCaughey, Société d'arthrite
* M. Denis Choquette, idem
* Mme Anne Marie Labonté, idem
* Mme Céline Côté, idem
* Mme Louise Gagné, SLAQ
* Mme Marie-Andrée Corneille, idem
* Mme Françoise Cholette Pérusse, idem
* M. Bruno Leblanc, idem
* Mme France Picard, Association québécoise de l'épilepsie
* M. François Dubeau, idem
* Mme Lise Laverdière, idem
* M. Claude Robitaille, APQ
* M. Louis-Philippe Boulet, idem
* M. André Amesse, idem
* Mme Lise Lamontagne, RCSFQ
* Mme Danielle Routhier, idem
* M. Serge Bouchard, Fédération des CLSC du Québec
* M. Maurice Payette, idem
* Mme Jeanne d'Arc Vaillant, idem
* M. André Munger, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative à l'effet d'étudier le fonctionnement des organismes ayant une influence sur la consommation de médicaments au Québec et de faire des recommandations visant une meilleure utilisation des médicaments tout en maintenant le contrôle des coûts directs et indirects et en stimulant la recherche et développement dans ce secteur.

Je vous dis bonjour, madame et messieurs. Il nous fait plaisir, à la commission, de vous recevoir. Je vous dis tout de suite que ça fait quelques groupes qu'on rencontre et on est très touché par votre présence, et surtout par le fait aussi que vous avez avec vous des gens qui sont atteints, en termes – je ne sais jamais trop, trop l'expression à employer, mais je pense qu'en employant ça c'est typique... Je peux vous dire qu'on est très, très sensible à ça et très touché. On apprécie beaucoup que des gens atteints viennent devant nous. On veut que vous soyez à l'aise totalement. L'échange qu'on va avoir entre les députés des deux formations politiques et vous, ça doit être le plus profond possible, sans barrière de quelque nature que ce soit.

Vous avez 20 minutes pour votre exposé, les remarques préliminaires, et ensuite nous aurons 40 minutes d'échanges durant lesquels les députés peuvent questionner à peu près sur tous les sujets, mais qui concernent de façon particulière les médicaments. Ce que je vous demanderais, c'est de présenter les personnes qui vous accompagnent, de façon à ce qu'on sache qui vous êtes, chacune et chacun, et pour permettre aussi l'enregistrement correct des interventions.


Consultations particulières concernant la consommation de médicaments et la recherche et développement dans ce secteur au Québec


Société canadienne de la sclérose en plaques, division du Québec

M. Larouche (Daniel): Merci, M. le Président. Merci, MM. et Mmes les membres de la commission, de nous avoir invités à venir vous faire notre témoignage. Mon nom est Daniel Larouche, je suis le président de la Société canadienne de la sclérose en plaques, division du Québec. Mon intérêt pour cette maladie vient de ce que ma conjointe est atteinte. À ma gauche, M. Miklos Fulop, notre directeur général; à ma droite, le Dr Marc Girard, membre du conseil de la Société, de la division du Québec, il est aussi neurologue à l'Hôtel-Dieu de Montréal et il soigne plusieurs centaines de personnes atteintes de la sclérose en plaques. Nous sommes accompagnés aussi de trois personnes membres de la Société, qui sont des personnes atteintes et qui ont aussi en commun d'être traitées à l'interféron bêta, toutes les trois. Donc, à mon extrême gauche, Mme Johanne Pépin; à mon extrême droite, M. Richard Lemire et M. Gilles Savoie. Donc, en notre nom ainsi qu'au nom des 5 000 membres de la division du Québec de la Société canadienne de la sclérose en plaques, nous vous remercions de nous accueillir.

Vous avez eu notre mémoire; aussi, je ne m'attarderai pas sur la description des symptômes ou des caractéristiques de la maladie. Simplement, pour mémoire, je voudrais vous rappeler qu'il s'agit d'une maladie du système nerveux central, d'une maladie dégénérative qui frappe à peu près toutes les manifestations reliées au système nerveux central. Donc, les symptômes peuvent aller de la paralysie aux troubles visuels, jusqu'à la cécité. Ce sont des symptômes qui arrivent et qui peuvent repartir ou non. C'est une maladie qui a plusieurs formes, les deux grandes catégories étant la forme rémittente cyclique, c'est-à-dire une succession de poussées plus ou moins graves et de rémissions, et la forme évolutive, qui se caractérise davantage par une détérioration progressive de l'état et des fonctions de la personne. Sous ces deux grands parapluies, on peut classer à peu près toutes les formes de la maladie. La sclérose en plaques, on oublie trop souvent de le préciser, n'est pas une maladie mentale, elle n'est pas contagieuse, mais, pour l'instant, elle ne peut être ni prévenue ni guérie.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais vous faire quelques observations sur le contexte qui entoure notre intervention. Il y a des éléments de ce contexte-là, je crois, qui vous permettront de mieux comprendre notre intervention proprement dite. Premièrement, votre commission, cette séance porte sur l'utilisation des médicaments, sur le contrôle de leur coût, ceci au moment même où apparaît sur le marché, pour nous, le premier et pour l'instant le seul médicament ayant une influence sur le cours de la sclérose en plaques. Jusqu'à présent, les personnes atteintes de sclérose en plaques se distinguaient peu par le volume de leur consommation, qui visait essentiellement à atténuer certains symptômes comme les spasmes musculaires, les douleurs, l'incontinence urinaire et d'autres symptômes semblables. Les personnes atteintes de sclérose se distinguaient davantage par le faible taux de personnes employées, donc en emploi, et, par conséquent, par la proportion élevée de gens atteints de sclérose en plaques qui ne pouvaient obtenir de l'assurance-médicaments. Alors, notre préoccupation porte davantage, quant à nous, sur l'accessibilité aux médicaments qui sont en voie de se développer, au moment même où votre préoccupation portera sur le contrôle de la consommation.

Deuxièmement, notre comparution a lieu quelques semaines après le dépôt du rapport du comité d'experts, en fait le lendemain du dépôt du projet de loi qui a suivi ce rapport-là et qui est relativement fidèle, si ma compréhension est bonne, aux recommandations de M. Castonguay et de son groupe de travail. Et, troisièmement, notre comparution a lieu quelques mois après que le Conseil consultatif de pharmacologie a recommandé de ne pas inscrire à la liste de médicaments le Betaseron, le seul médicament commercialisé qui ait un impact sur l'évolution de notre maladie.

Alors, jusqu'à un passé récent, la problématique du médicament pour les personnes atteintes de sclérose en plaques tenait essentiellement à l'absence de traitement pharmaceutique efficace. Si le médicament présentait un problème économique, celui-ci ne découlait pas tant du coût d'un médicament en tant que tel, il découlait plutôt du manque à gagner provoqué par l'inemployabilité de plusieurs personnes atteintes de sclérose en plaques ou de l'impossibilité pour elles d'obtenir de l'assurance-médicaments. Donc, le problème était bien davantage économique, purement, que pharmaceutique.

(9 h 40)

Aujourd'hui, il existe quelques médicaments qui modifient l'évolution de la maladie, mais leur coût en soi constitue et continuera de constituer un fardeau, peu importe le statut socioéconomique du patient. Le seul de ces nouveaux médicaments qui soit commercialisé à l'heure actuelle, le Betaseron, coûte environ 18 000 $ par année. Même pour un patient assuré, la coassurance habituelle de 20 % représente une dépense annuelle d'environ 3 600 $. Si on ajoute que certaines compagnies d'assurances refusent de rembourser ce médicament, que, chez les autres, plusieurs contrats prévoient que les prestations payables sur la vie d'un assuré sont plafonnées à 30 000 $, 35 000 $ ou 40 000 $, on voit vite que les progrès scientifiques qui ont été accomplis ces dernières années ont engendré, pour les personnes atteintes, un défi économique, c'est le moins qu'on puisse dire.

Dans ce contexte-là, c'est évident que la Société de la sclérose en plaques accueille avec beaucoup d'enthousiasme le projet gouvernemental d'instaurer un régime universel d'assurance-médicaments. Quand nous avons pris connaissance du rapport du comité d'experts sur l'assurance-maladie, nous avons constaté qu'il cherchait d'ailleurs en priorité à régler des problèmes propres à des gens dont le profil ressemble beaucoup au profil des personnes qui sont atteintes de sclérose, c'est-à-dire des personnes qui sont difficiles ou impossibles à assurer à l'heure actuelle et qui ont néanmoins des besoins de médicaments très coûteux. C'est pour cette raison que la Société appuie sans aucune réserve les recommandations du comité d'experts et, à ma lecture rapide, la plupart des stipulations du projet de loi qui a été déposé hier, suite au dépôt de ce rapport, notamment les recommandations qui ont trait à l'universalité, à l'instauration d'un plafond aux dépenses annuelles à être consenties à une personne assurée et à une protection spéciale pour les assistés sociaux inaptes au travail.

Par ailleurs, la Société de la sclérose en plaques est aussi parfaitement consciente des contraintes budgétaires du gouvernement. Nous connaissons et nous partageons les objectifs poursuivis par cette commission, à savoir la recherche d'une meilleure utilisation du médicament et le contrôle des coûts de cette consommation. C'est pourquoi nous endossons aussi les autres recommandations et les autres stipulations du projet de loi, notamment celles qui ont trait au maintien du secteur privé en assurance-médicaments, au paiement de primes par les personnes aptes au travail, à l'instauration d'une franchise individuelle et à l'instauration des mécanismes de coassurance. Nous sommes convaincus que ces divers paramètres offrent à l'État des outils à la fois très efficaces et très souples pour que la consommation de médicaments atteigne son optimum et pour que l'État puisse en contrôler le coût et puisse en partager le financement entre le secteur privé et le secteur public.

La fixation des paramètres précis relatifs à ces primes, à la franchise, à la coassurance et au plafond dépendent essentiellement des sommes que l'État acceptera de consacrer à l'assurance-médicaments. Abstraction faite de toute nécessité d'arbitrage, il va de soi que la préférence de la Société irait à la formule la plus libérale, celle qui taxerait le moins ses membres. Cela dit, on reconnaît la nécessité de ces arbitrages.

On pourrait donc conclure que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Malheureusement, ce n'est pas le cas, parce que, au-delà de tous les paramètres de contrôle que je viens de vous énumérer, ceux qui sont dans le rapport Castonguay et dans le projet de loi, il y en a un autre dont l'effet, dans la réalité, est de priver d'une véritable assurance certaines personnes atteintes de sclérose en plaques et, j'imagine, atteintes d'autres maladies aussi: je veux parler de la gestion de la liste de médicaments par le Conseil consultatif de pharmacologie et le ministère de la Santé.

Vous le savez, je l'ai dit il y a quelques minutes, le Conseil a recommandé le refus d'inscription à la liste du Betaseron, le seul médicament commercialisé au Canada qui ait un impact sur l'évolution de la sclérose en plaques. Le Betaseron est disponible sur le marché américain depuis 1993, sur le marché canadien depuis octobre 1995. Il fait l'objet d'études cliniques poussées dans plusieurs pays du monde et au Canada. Un autre interféron bêta, Avonex, fabriqué par Biogen, ainsi que des copolymères sont deux médicaments capables aussi de modifier l'évolution de la sclérose en plaques; les études cliniques ont été concluantes. Ils attendent de la Direction générale de la protection de la santé l'autorisation d'être commercialisés. Le seul commercialisé à l'heure actuelle, le Betaseron, a été approuvé pour utilisation commerciale dans le cas de la forme rémittente cyclique de la sclérose en plaques; des études cliniques sont en cours pour les autres formes.

Dans le cas de la sclérose en plaques rémittente cyclique, les études cliniques sur le Betaseron ont démontré les résultats suivants: réduction de 31 % de la fréquence des poussées; réduction de 50 % de la sévérité des poussées; une diminution du nombre de plaques mesurées par résonnance magnétique; une réduction de la fréquence des hospitalisations des personnes traitées au Betaseron. Tantôt, vous pourrez parler aux gens qui se cachent derrière ces statistiques-là.

Bien que le médicament ne guérisse pas la maladie, bien qu'il ne renverse pas les effets déjà faits, on peut appréhender que ses bénéfices sont importants. Les bénéfices se mesurent en détérioration évitée, c'est-à-dire en diminution du nombre et de la gravité des périodes de l'incapacité des personnes atteintes. Ces effets bénéfiques accroissent non seulement la qualité de vie des personnes traitées à l'interféron bêta, mais ils les rendent aussi économiquement plus productifs. La Société connaît de nombreux cas de personnes qui ont pu retourner au travail à temps plein ou à temps partiel grâce au traitement par l'interféron bêta.

Dans le cas d'une maladie dégénérative, il est raisonnable de croire que le bénéfice tiré d'un médicament qui freine l'évolution de cette maladie s'accroît avec le temps parce que l'effet du médicament est cumulatif dans la mesure où l'effet de la maladie non-traitée est lui aussi cumulatif. Plus le temps passe, plus s'accroît la différence entre l'impact de la maladie non traitée et l'impact de la maladie dont l'évolution a été freinée par un traitement médicamenteux.

Les études menées sur le Betaseron, parce que c'est lui qui s'est vu refuser l'inscription, n'ont pas conclu que le traitement avait un impact sur la progression de l'incapacité. Ce volet a été secondaire dans les études cliniques portant sur le Betaseron. Mais les études qui ont porté sur Avonex, l'autre interféron bêta qui est en voie d'obtenir ses permis de commercialisation, ont donné des résultats semblables à tous autres égards et ont aussi incorporé l'aspect fonctionnalité à leur protocole de recherche. Et on a trouvé que le taux de détérioration de l'incapacité chez les gens ayant pris de l'Avonex était de 40 % inférieur en comparaison des patients qui ont reçu un placebo. En d'autres termes, Avonex ralentit la progression de la sclérose en plaques et il n'est pas interdit de penser que le Betaseron a le même effet.

Ces découvertes ont été reçues, bien sûr, avec énormément d'enthousiasme par toutes les personnes intéressées à la sclérose en plaques. Nous demeurons lucides quant aux limites de ces médicaments. Les patients et les neurologues qui soignent ces patients-là ont quand même accueilli les nouvelles comme un progrès scientifique significatif puis aussi comme un progrès en matière de qualité de vie pour les personnes atteintes de sclérose en plaques et comme un développement extrêmement porteur d'espoir pour l'avenir. Mais, comme bon nombre de nouveaux médicaments, cet espoir coûte un peu cher. Les autres médicaments mentionnés plus haut, c'est-à-dire Avonex et d'autres, les copolymères, vont coûter vraisemblablement au moins aussi cher que le Betaseron, c'est-à-dire 18 000 $ par année et davantage.

Ce n'est ici, je crois, ni le lieu, ni l'endroit, ni le moment pour contester le bien-fondé d'une recommandation spécifique du Conseil consultatif de pharmacologie, ni pour discuter des mérites pharmaco-économiques du Betaseron proprement dit; ce n'est pas à nous de le faire. Mais je voudrais quand même préciser que les raisons invoquées par le Conseil consultatif de pharmacologie apparaissent hautement contestables à tous les neurologues consultés par la Société, et ce sont des neurologues qui non seulement sont des spécialistes en neurologie, mais qui sont également des spécialistes de la sclérose en plaques. Un de ceux-ci, le Dr Girard, qui est à ma droite, pourra vous parler d'ailleurs de son efficacité, si le sujet vous intéresse. Puis, vous pourrez aussi discuter avec des personnes qui le prennent, qui, à mon avis, sont des experts de première ligne.

La recommandation du CCP étonne d'autant plus que, sur la base des mêmes résultats cliniques que ceux qui ont été obtenus au Canada, le médicament est remboursé par la sécurité sociale au Royaume-Uni, au Danemark, en Israël, en Espagne et chez nos voisins de l'Ontario. D'autres régimes publics, en Allemagne et en France, sont à compléter l'évaluation. À notre connaissance, le Québec est la première juridiction au monde à recommander l'exclusion pure et simple du Betaseron de sa liste de médicaments remboursés.

Pour les patients atteints de la sclérose en plaques, les conséquences de cette recommandation sont graves. De façon très immédiate, les personnes atteintes de sclérose en plaques et bénéficiaires des régimes publics, à l'heure actuelle, se voient refuser l'accès au seul médicament qui soit commercialisé et qui ait un impact sur l'évolution de leur maladie. Mais, en plus, dès l'entrée en vigueur du régime universel projeté, l'absence de ce médicament sur la liste signifiera qu'il ne sera plus couvert par le régime universel de base. Et il est vraisemblable, donc, que même les assureurs privés qui le remboursent actuellement cesseront de le rembourser ou cesseront d'offrir cette couverture-là, à partir de ce moment-là.

Quand on connaît les difficultés que connaissent déjà les personnes atteintes de sclérose à obtenir de l'assurance-médicaments, quand on connaît leurs difficultés avec les assureurs de façon générale, il serait étonnant que les régimes privés complémentaires qui sont prévus par la loi ou par le projet de loi incluent à la couverture le Betaseron ou tout autre médicament nouveau destiné à une maladie chronique et dégénérative comme la sclérose en plaques.

Assez ironiquement, par conséquent, si on combine l'approche actuelle du Conseil consultatif de pharmacologie face au Betaseron et à d'autres médicaments nouveaux et coûteux issus de la biotechnologie, j'imagine, si on combine cette approche-là avec le projet d'assurance-médicaments universel, on se retrouve avec un effet pervers qui est celui que les gens atteints de sclérose en plaques vont se retrouver en plus mauvaise posture, une fois le régime instauré, que maintenant. Pourtant, on avait compris qu'un des objectifs prioritaires de ce projet d'assurance-médicaments universel était d'aider justement des gens qui ont le profil des gens qui ont la sclérose en plaques.

(9 h 50)

Alors, j'insiste, nous ne prétendons pas que l'État doit faire abstraction de toute considération économique ou financière dans la gestion du régime d'assurance-médicaments; des arbitrages doivent et devront être faits. D'ailleurs, le rapport du comité Castonguay recommandait même que la formule de financement de l'assurance-médicaments ait pour effet de diminuer le niveau de la dépense publique en matière de médicaments. Mais nous sommes d'avis qu'en faisant ces arbitrages et qu'en fixant les paramètres de contrôle, de coût et de consommation le gouvernement devra donner la priorité à la protection contre les catastrophes, pas contre la consommation qu'on pourrait qualifier de régulière et prévisible. Comme le stipule le rapport du comité Castonguay, et je le cite, «il faut être conscient [...] que moins la dépense publique est élevée, plus elle devrait être orientée vers les personnes atteintes de maladies nécessitant des traitements coûteux et les personnes à faible revenu».

La Société reconnaît que le Conseil consultatif de pharmacologie ou, le cas échéant, tout autre gestionnaire de la liste doit incorporer dans ses préoccupations la dimension des coûts. Il nous apparaît souhaitable, par exemple, d'inclure des médicaments génériques dans la liste, d'inciter à leur consommation le cas échéant, de créer des mesures recréant ou simulant des pressions concurrentielles sur les prix. Tout ça ne fait aucun doute dans notre esprit. Mais nous souscrivons, comme Société, à l'avis émis par le comité Castonguay qui a explicitement rejeté, et je le cite encore une fois, «la possibilité de restreindre à un plus petit nombre les médicaments inscrits sur la liste».

De façon générale, la Société est d'avis que l'exclusion des médicaments de la liste des médicaments existants ou à venir ne constitue pas une approche valable ou productive de contrôle des coûts, particulièrement si l'exclusion touche des médicaments qui n'ont aucun substitut pour certaines indications. Notre crainte touche en particulier les nouveaux médicaments issus de la biotechnologie et dont le prix est systématiquement élevé. À cause de ce prix, il est à craindre que les gestionnaires de la liste imposent à ces médicaments, même implicitement, même sans jamais l'écrire nulle part, un fardeau de preuve très élevé, à la fois en termes thérapeutiques et en termes économiques.

En dernière analyse, il est à craindre que plusieurs de ces nouveaux médicaments coûteux soient exclus de la liste du seul fait de leur prix élevé, sans aucun égard pour leur productivité thérapeutique. Or, ces médicaments, souvent dispendieux parce qu'ils s'appliquent à un nombre restreint de patients, devraient être considérés pour inclusion en priorité justement parce qu'ils sont coûteux et non pas malgré qu'ils soient coûteux. Le citoyen québécois doit être protégé des coûts de thérapies qui coûtent 5 000 $, 10 000 $ et 15 000 $ bien davantage que du coût des ordonnances qui coûtent 10 $, 15 $ ou 20 $.

Est-ce à dire que tout médicament coûteux devra être automatiquement inclus dans la liste simplement parce qu'il est nouveau et coûteux? Probablement pas. Comme principe général, cependant, l'obtention d'une approbation de la Direction générale de la protection de la santé devrait suffire à rendre un médicament d'ordonnance assuré. On peut admettre que soit questionnée la pertinence d'ajouter un médicament nouveau qui reproduit à peu de choses près la fonction thérapeutique d'une molécule existante. Mais la Société se demande à quelle aune on peut mesurer la valeur économique d'un médicament qui obtient des résultats qui sont sans précédent, donc sans point de comparaison. C'est le cas du Betaseron, c'est le cas des autres interférons bêta qui s'en viennent.

La Société trouve étrange, la Société trouve même incohérent que la dimension économique des médicaments semble plus importante lorsque l'unité de ce médicament coûte très, très, très cher, que lorsqu'il est moins coûteux, mais qu'il est susceptible d'être utilisé très massivement. Du point de vue des tiers payeurs, l'enjeu économique n'est pas nécessairement moins important lorsque le coût unitaire est faible: le régime public coûte, à l'heure actuelle, 800 000 000 $, à coups d'ordonnances qui coûtent 15 $, 20 $ l'unité. En fait, d'un point de vue de contrôle des coûts, le prix élevé et la faible consommation des médicaments sont des facilitateurs, puisqu'on peut envisager des mesures comme l'approbation préalable, comme le contrôle patient par patient de l'autorisation, à savoir: Est-ce que ce médicament-là lui sera payé ou non? Tout ça est envisageable, dès lors que les volumes sont bons et que le coût de la thérapie unitaire est, lui, très élevé.

Si la liste des nouveaux médicaments devait être absolument soumise à un test de nature économique, la Société est d'avis, cependant, que la définition du bénéfice utilisée pour faire les analyses de coûts-bénéfices devrait être aussi large que possible pour embrasser non seulement la notion de productivité économique, mais aussi les notions de bien-être physique et psychologique, de qualité de vie, pour bien mesurer l'impact global et réel de ces médicaments-là.

En conclusion, la Société est d'avis que, même dans le cas de médicaments de pointe très coûteux, on ne doit pas avoir recours à leur exclusion de la liste pour contrôler les coûts. Leur inclusion, éventuellement assortie de mécanismes de contrôle particuliers, semble de beaucoup préférable. Ces mesures particulières pourraient être la simple restriction quant à la spécialité du médecin prescripteur comme condition de remboursement, jusqu'à une approbation préalable. On pourrait aussi penser à des mesures comme la hausse de la franchise si vraiment les ressources financières du régime apparaissent comme étant insuffisantes, et on pourra en discuter tantôt si vous voulez.

Conclusion. Je voudrais vous soumettre deux autres citations du rapport Castonguay. «Tous les Québécois, dit le rapport, doivent être couverts par le régime de base» – j'imagine que ça inclut les personnes atteintes de sclérose en plaques – et «aucun risque ne pourra être refusé par la RAMQ ou par un assureur privé». C'est un autre principe fondamental. Il suffit d'enlever le Betaseron ou les médicaments semblables qui vont suivre de la liste des médicaments pour que ces deux recommandations-là deviennent, pour les personnes atteintes de sclérose en plaques, de la théorie pure et des recommandations en l'air, totalement. Je vous remercie infiniment de votre attention. Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je vous avoue que, depuis qu'on entend des groupes, depuis quelques jours, on s'aperçoit qu'une heure c'est très, très vite passé; on a déjà 22 ou 23 minutes de passées. Je voudrais juste vous souligner que, compte tenu qu'il y aura une commission parlementaire sur le projet d'assurance-médicaments et compte tenu qu'on ne sait pas encore qui va être invité – parce que j'ai cru comprendre que c'était sur invitation – si vous ne l'êtes pas, vous êtes invités à soumettre – hier, on en parlait – quand même des mémoires. Je vous recommande premièrement d'employer le maximum du temps sur la question des médicaments, parce que c'est la raison d'être de la commission actuellement, et, deuxièmement, encore une fois, si vous n'êtes pas invités, de faire parvenir des mémoires. Et, le mémoire, moi, je vous recommanderais de le faire parvenir à la commission. À ce moment-là, les deux parties en prennent connaissance et, comme commission, on peut faire des interventions, si on le juge à propos, même si ce n'est pas sur une base de commission, même si c'est sur une base individuelle. Alors, vous êtes assurés, à ce moment-là, qu'il y a quelqu'un quelque part, au niveau des parlementaires, qui défend vos intérêts.

M. Larouche (Daniel:) Je vous remercie.

M. Williams: M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci. Avant d'entrer dans nos 40 minutes de discussion, M. le Président, compte tenu de vos remarques, je voudrais encore juste insister sur le fait que le mandat est effectivement de faire des recommandations sur l'utilisation, une meilleure utilisation, le contrôle des coûts directs et indirects et de discuter d'un autre régime; c'est certainement dans ce mandat. Ce n'est pas surprenant que les groupes veuillent faire des commentaires sur ce régime, parce que le ministre de la Santé et des Services sociaux que vous avez maintenant n'est pas nécessairement connu pour être ouvert aux consultations populaires. Avec ça, je pense qu'on peut vraiment avoir une bonne discussion, avec toute la liberté que vous avez donnée hier.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Jusqu'à maintenant. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. D'abord, je veux vous remercier bien sincèrement de vous être déplacés, de prendre le temps de nous sensibiliser davantage, nous donner un éclairage nouveau sur cette maladie. Je voudrais aussi vous indiquer qu'en ce qui nous concerne nous allons insister pour que vous puissiez venir en commission parlementaire vous faire entendre sur le projet de loi sur l'assurance-médicaments. Nous pensons que vous avez tellement des témoignages importants à offrir aux parlementaires que ça va être vraiment essentiel de vous entendre. Et vous pouvez être certains que nous allons demander que vous soyez accueillis de nouveau en commission parlementaire sur le projet de loi.

J'aimerais, pour commencer, tout simplement rappeler que j'ai été sensibilisé par une patiente sur la difficulté d'obtenir des médicaments, particulièrement le Betaseron, à cause de son coût. Le coût, je crois, qu'il peut atteindre entre 15 000 $ et 18 000 $, à ce qu'on m'a expliqué. Au moment où j'ai été sensibilisé, j'ai voulu savoir qui étaient les médecins qui effectuaient la recherche, qui étaient à la fine pointe du dossier de la sclérose en plaques. Je me suis permis d'appeler au fonds de recherche en santé du Québec, au Collège des médecins, à la Fédération des médecins spécialistes, puis il y avait toujours un nom qui revenait, et c'était celui du Dr Marc Girard, qui est avec vous, aujourd'hui. Je me suis permis, à l'époque, de l'appeler pour avoir son opinion sur le médicament Betaseron.

(10 heures)

Alors, ma première question va s'adresser au Dr Girard. J'aimerais qu'il renouvelle, pour le bénéfice de tous les membres de la commission... ce qu'il pense du médicament et, ensuite, j'aimerais demander à un patient qui utilise le médicament quels sont les effets pour lui. S'il pouvait nous donner la façon dont il réagit par rapport au médicament, je pense que ce serait important pour l'ensemble des membres de la commission. Alors, ma question première s'adresse au Dr Girard et, ensuite, à un patient. Merci.

M. Girard (Marc): Merci, M. Marsan. Cette médication-là, on la connaît bien. Je veux juste peut-être faire un point sur l'importance de Montréal et du Québec dans la recherche. Le fait que la médication soit maintenant acceptée dans différents pays du monde, c'est basé sur une recherche qui s'est faite au Canada et aux États-Unis. Il y avait 360 patients qui ont participé à cette étude-là, et, parmi les centres qui ont participé à l'étude, il y en avait quatre au Canada, il y en avait deux à Montréal. Il y avait 60 patients de l'étude qui – maintenant, cette étude-là est reconnue internationalement – venaient de Montréal. Donc, Montréal était la ville qui fournissait le plus de patients dans l'étude en Amérique du Nord.

Ce que l'étude a démontré, c'est que les gens qui ont participé à l'étude et qui recevaient le médicament faisaient moins de poussées; M. Larouche, tout à l'heure, a parlé sur le fait que la maladie pouvait se présenter sous forme de poussées. Et, quand les poussées surviennent, parfois elles sont légères, mais parfois elles sont vraiment incommodantes et ça peut obliger les gens à quitter leur emploi pendant quelques jours et parfois quelques semaines. Alors, les gens qui prennent le médicament font moins de poussées et les poussées sont beaucoup moins sévères. Et ça, ça entraîne ipso facto des gens qui ont moins d'hospitalisation et qui peuvent être maintenus au travail beaucoup plus longtemps.

Pour nous, les gens qui ont participé à l'étude et qui utilisent ce médicament-là depuis huit ans, on était fort encouragés, et ça, ce n'est pas seulement au Québec, c'est vraiment l'impression qu'on a, la communauté des neurologues qui travaillent en sclérose en plaques, la communauté internationale. C'est pour ça que je dois vous avouer qu'on a été fort déçus, un peu, des conclusions de la commission, d'autant plus que, dans les autres pays du monde, les mêmes conclusions de l'étude, les résultats ne sont pas du tout les mêmes. C'est-à-dire que les autres pays le voient de façon différente. Alors qu'au Québec on a dit que, scientifiquement, ce n'était pas valable, dans d'autres pays, notamment en Ontario, c'est reconnu comme utile.

Ça crée des situations un peu bizarres comme: il y a des gens de Hull qui vont consulter un neurologue à Ottawa – parce que le neurologue spécialisé en sclérose en plaques dans la région de l'Outaouais se trouve à Ottawa – et il y a des patients qui me rapportaient qu'ils sont assis à côté d'autres patients de l'Ontario, ils ont exactement la même situation; alors que son voisin de l'Ontario, il reçoit le traitement, le Québécois de Hull, il ne reçoit pas le traitement. Ça crée, à notre avis, des situations d'injustice.

Je dois avouer que les gens qui travaillent en recherche, moi, le Dr Duquette à l'hôpital Notre-Dame, le Dr Francis, le Dr Antel, le Dr Lapierre à l'Université McGill, donc les gens qui travaillent en sclérose en plaques plus spécifiquement au Québec, ça nous déçoit. En fait, ça fait des années qu'on cherche une façon d'améliorer la situation, d'avoir un traitement; on le trouve et on reçoit une réponse négative, alors qu'on voit que, dans les autres pays, ce n'est pas du tout le cas. Alors, on se demande c'est quoi, la logique. On ne comprend pas du tout.

M. Marsan: Alors, est-ce qu'on peut maintenant demander à un patient de nous parler du Betaseron?

M. Larouche (Daniel): M. Savoie va répondre à cette question.

M. Marsan: S'il vous plaît.

M. Savoie (Gilles): Alors, disons, en gros, moi, dans ma situation, j'ai commencé à faire partie de l'expérience à l'occasion du début de la recherche, en 1988. Je faisais partie du groupe que Pierre Duquette avait regroupé pour embarquer dans la recherche quant à ce médicament-là. Pendant tout le temps de la recherche, j'ai été constamment malade, souvent retiré du ministère – puisque je suis curé de paroisse – et, à un moment donné, j'ai même pensé remettre ma démission, puis, avec l'archevêque, on avait commencé à en parler. Mais, au moment où l'on s'est rendu compte, à la fin de la recherche, que je n'avais pas eu le médicament, j'ai eu un petit espoir puis j'ai dit... Bon, là, ils m'ont donné le médicament, à ce moment-là. Depuis trois ans, deux ou trois ans, bien, ma situation a complètement changé. Ça fait deux ou trois ans que je n'ai pas été hospitalisé pour cette raison-là. Ça fait deux ou trois ans que je n'ai pas manqué de journée d'ouvrage dans mon travail. J'ai même trois communautés chrétiennes au service desquelles je suis puis je suis drôlement impliqué dans mon quartier.

Alors, moi, quand je vois un médicament qui, pour moi, est vraiment une réponse – je passe de la situation où je donne ma démission à la situation où je me réimplique; je viens d'accepter une nouvelle tâche pour les 12 prochaines années à Saint-Henri – alors, moi, je trouve ça extraordinaire. Puis c'est aussi simple que ça. On est passé de l'un à l'autre, aussi simple que ça.

C'est sûr que ce médicament-là ne m'apporte pas une guérison totale. J'ai beaucoup d'inconfort. Par exemple, il y en a qui disent: Comment ça se fait qu'il n'a pas de veston, lui, il n'a pas l'air... C'est que je suis hypersensible et, pour moi, c'est une façon d'éliminer un paquet d'inconvénients. Si je porte un veston, je vais être irrité, c'est pareil comme si on me grafigne à tour de bras, là, puis c'est pareil comme si j'étais en feu. Alors... Mais, ça, c'est des conséquences, mais on vit avec ça. Ça, on peut assumer notre vie avec ça; ce ne sont pas des «incommodements» qui vont nous faire retirer du ministère. Alors, moi, je trouve ça...

Quand j'ai appris que le médicament n'était pas sur la liste, j'ai été drôlement touché, parce que je me suis dit: Bien, c'est effrayant. Puis, dans tout le groupe qui faisait la recherche avec le Dr Duquette, bien, c'est ça, c'est que la majorité disaient: Là, ça va, mais, si on ne l'a pas, qu'est-ce qui arrive? Puis c'est sûr qu'il n'y a personne, sauf des curés comme moi ou d'autres bien nantis, qui peuvent se permettre de payer ce médicament-là 18 000 $ par année.

Alors, moi, je ne réclame pas pour moi, mais je réclame pour l'ensemble de la société, puis je dis: Ça n'a pas d'allure. Ce n'est pas une maladie qu'on choisit, c'est le seul médicament qui nous donne une espérance de vie, puis ce médicament... le premier espoir depuis des années et des années de recherches réellement faites, puis voici que notre gouvernement nous dit: Bien, il ne fait pas partie de... Ça fait un drôle de coup, surtout qu'au Québec on a été vraiment... Moi, j'ai travaillé pendant quatre ans à me piquer tous les jours pour la recherche, avec le Dr Duquette, puis il y avait une autre équipe. Montréal a participé, le Québec a participé à cette recherche-là d'une façon privilégiée par rapport à beaucoup d'autres régions au Canada. On a été même, comme participants, nombreux, puis, au bout de la corde, ils l'ont en Ontario et ils ont participé moins, puis, nous autres, on ne l'a pas. Ça me pose une question fondamentale.

M. Marsan: M. le Président, j'aimerais demander s'il y aurait d'autres personnes atteintes de cette maladie qui voudraient intervenir sur le médicament ou...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous avez seulement à parler, il n'y a pas de problème.

Mme Pépin (Johanne): Il n'y a pas de problème? O.K. Moi, le médicament, j'ai eu, on peut dire, une très bonne expérience parce que je l'ai pris avant mon arrêt qui m'a rendue semi-paralysée, si on peut dire; en tout cas, j'avais besoin du fauteuil roulant. Quand j'ai recommencé le Betaseron, le médicament, l'interféron, ça a commencé à aller mieux, j'ai recommencé à marcher. Avant que je prenne le médicament, je filais plus ou moins bien; en tout cas, ce n'était pas facile pour moi. J'ai commencé le bêta interféron, qui m'a permis de vivre une vie plus normale, comme une jeune fille, à cette époque, de 18 ans, puis j'ai continué à travailler, puis jusqu'à temps...

J'allais comme trop bien. Ça allait bien, puis là je me suis dit: Bon, bien c'est peut-être mon corps qui change. Mais non, c'était le médicament qui m'aidait, parce que j'ai arrêté puis je me suis rendue en fauteuil roulant. Au bout d'un an, j'ai recommencé le médicament, à me piquer à tous les deux jours puis j'ai recommencé aussi à marcher et à vivre une vie normale.

M. Marsan: Je vous remercie pour ces témoignages, je pense qu'ils sont éloquents, ils parlent d'eux-mêmes. Je pense que ça confirme des choses qu'on savait.

J'aimerais émettre le commentaire suivant, M. le Président: Nous avons ici un médicament qui ne guérit pas cette maladie-là, mais qui donne une qualité de vie supérieure aux gens atteints de sclérose en plaques. Il y a eu des recherches qui ont été faites au Québec par l'équipe du Dr Girard et en association avec les médecins qu'il a mentionnés. Il y a eu des recherches qui ont été faites à travers le monde avec des paramètres de recherche scientifique importants, avec des conclusions qui font que ce médicament qui soulage cette maladie, la province voisine, l'Ontario, reconnaît que c'est un médicament important et qu'il est inclus dans les services qui sont donnés par la régie de l'assurance-santé de l'Ontario.

Et, nous autres, au Québec, il y a un groupe, c'est le CCP, Conseil consultatif de pharmacologie, qui dit: Non, ce n'est pas bon, ce médicament-là. Je me suis permis de vérifier ce qui arrivait avec le CCP, et, eux autres, ils ont essayé de commander d'autres études pour avoir une position différente, puis, bon, ça peut avoir un peu de succès des fois, d'autres fois moins.

(10 h 10)

Moi, je pense qu'actuellement notre Conseil consultatif de pharmacologie, la seule raison pour laquelle il intervient, c'est la raison du coût, parce que ce médicament-là coûte trop cher. Je trouve que c'est un exemple qu'il faut absolument dénoncer dans l'étude qui s'amorce sur le projet de la loi de l'assurance-médicaments. Moi, je vous remercie du témoignage que vous nous apportez, et vous allez avoir notre support le plus complet. Il faut que ce médicament-là, comme d'autres – on a entendu d'autres groupes, hier aussi, qui avaient cette même difficulté – il faut que ce soit reconnu et que les gens soient capables... il faut que le médicament soit accessible aux gens qui sont atteints d'une maladie semblable. Je pense que c'est une prémisse fondamentale de quelque régime d'assurance-médicaments que ce soit. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député. Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Merci, M. le Président. Je remercie les personnes qui ont présenté le mémoire et aussi les personnes qui sont ici présentes pour témoigner de leur situation. Je voudrais les assurer que nous sommes aussi très sensibles à leurs représentations concernant l'interféron bêta. C'est évident que, si nous souhaitons mettre en place une façon de couvrir le plus de médicaments, c'est aussi dans le but de pouvoir répondre à ces besoins-là. Alors, vous pouvez être certains que ce que vous nous présentez ce matin sera pris également en considération de ce côté-ci de la commission.

Moi, j'avais une question qui m'est venue en ayant en mémoire la dernière présentation que nous avons eue hier et qui était celle de la Société canadienne du cancer qui nous suggérait, dans une de ses recommandations, une campagne publicitaire auprès des patients afin de les inciter, dans le fond... une campagne publicitaire concernant les médicaments accessibles afin, dans le fond, de les empêcher de succomber à certains charlatans. Vous mentionnez ça, à la page 16 de votre mémoire, aussi, que les patients qui sont atteints non pas de la sclérose en plaques, parce que je ne veux pas faire la... de la sclérose latérale amyotrophique sont aussi des sujets qui peuvent être vulnérables à toutes sortes de médications plus ou moins efficaces ou reconnues.

J'aimerais ça savoir, vous, quelle est votre position là-dessus. Est-ce que vous pensez qu'il y aurait possibilité de protéger un peu plus ces personnes? De quelle façon on pourrait les empêcher de tomber dans le panneau des charlatans, finalement? Quel pourrait être le rôle du gouvernement et quel pourrait être votre rôle dans ce type de protection?

Ce que je me posais comme question aussi... Bien, c'est-à-dire que ce n'est pas une question, c'est que je suis sensible, finalement, à ce que vous avez dit, dans le fond, que, quand on doit considérer quels sont les médicaments qui seront couverts ou qui seront accessibles, on doit aussi penser non seulement au coût à l'unité, mais quelle utilisation on en fait, parce que c'est sûr qu'un coût peut être inférieur et finalement avoir des déboursés beaucoup plus importants compte tenu du grand nombre de personnes. Alors, je pense que ça, je veux vous assurer qu'on va être sensibles à cette considération-là dans nos délibérations futures. Alors, est-ce que je pourrais vous entendre sur la première partie de ma question?

M. Larouche (Daniel): La Société fait déjà des choses à cet égard. M. Fulop va vous faire le topo.

Mme Leduc: D'accord.

M. Fulop (Miklos): En ce qui concerne les différentes cures miracle, comme je dirais, là, dont il y en a plusieurs qui touchent les gens qui sont atteints de sclérose en plaques, tant qu'il n'y a pas un remède, les gens cherchent quelque chose. Ils sont prêts à investir leur temps, leur énergie, leur argent pour essayer de trouver un remède comme tel. Nous, on a compilé de façon internationale un catalogue des différents remèdes valables et non valables et on a un service de référence téléphonique qu'on utilise de façon constante vis-à-vis des patients. On les encourage chaque fois à nous appeler pour avoir des nouvelles sur tel ou tel médicament, qu'est-ce que ça peut faire et qu'est-ce que ça ne peut pas faire.

Je pense que la question de la recherche clinique est quelque chose qui est fondamental dans ça aussi. Il est important pour nous d'être capables de référer des patients à des faits réels qui sont attestés. Quand il y a quelqu'un qui dit: J'ai été guéri par tel ou tel, on dit toujours: Bien, il faudrait qu'on ait des preuves scientifiques là-dessus. Dans ce sens-là, en tout cas – je reviens aux recommandations du CCP – quand le CCP dit qu'un médicament qui a été testé en essai clinique n'est pas vraiment bon, ça décourage les patients de nous croire quand on dit que les médicaments des charlatans ne sont pas efficaces.

Mme Leduc: O.K. Je comprends, là. Alors, vous faites référence à l'interféron, à ce moment-là.

M. Fulop (Miklos): C'est ça.

Mme Leduc: Vous dites que ça fait perdre de la crédibilité à la liste des médicaments efficaces...

M. Fulop (Miklos): C'est ça.

Mme Leduc: ...ou reconnus comme tels. Alors, vous dites que vous avez une ligne, c'est ça, où les gens peuvent appeler. Est-ce que c'est une ligne 800 accessible à tout le monde?

M. Fulop (Miklos): C'est une ligne 800 qui est disponible à travers le Québec. N'importe qui peut appeler. On a une liste de 22 sections locales à travers le Québec. Les gens peuvent se référer à l'organisation un peu partout ou, s'il n'y en a pas, il y a le numéro 800, à Montréal, pour que les gens puissent nous contacter pour demander des questions sur n'importe quel médicament. On garde un catalogue là-dessus de façon très systématique.

Mme Leduc: D'accord. Si vous aviez une suggestion à faire au gouvernement dans ce sens-là, ça pourrait être quoi pour supporter votre action? Est-ce que c'est suffisant ou s'il pourrait y avoir une action plus importante? Vous répondez aux besoins? Oui?

M. Larouche (Daniel): Écoutez, je pense que la base de l'information requise pour que les gens puissent faire la différence entre les faux traitements et le traitement plus prometteur ou plus efficace, la base d'information existe au sein de la Société, ça nous est disponible. On a des moyens de diffusion de cette information-là qui sont limités. La ligne dont parlait M. Fulop en est un. On a un bulletin d'information qu'on adresse à nos membres et, à l'occasion, on va traiter de façon générale ou de façon spécifique de certains de ces sujets-là. Des fois, il y a des cures miracle qui deviennent à la mode et on le sait, donc on va s'y adresser.

Maintenant, si un programme gouvernemental ou l'autre nous permettait d'assurer une meilleure diffusion, une diffusion plus efficace et plus générale de cette information-là, de sorte qu'on soit à même de rejoindre plus de gens atteints et plus de leurs proches, ça serait bienvenu.

Mme Leduc: Oui. Ma question tenait justement à la page 16, parce que vous disiez: «Peu de professionnels de la santé se préoccupent de cette automédication et abordent ouvertement la question avec leurs patients.» Je me disais, je pensais peut-être à de l'information ou de la formation de ces professionnels de la santé, vu qu'ils sont en contact direct avec les patients. C'est au bas de la page 16 que vous avez cette affirmation que les professionnels de la santé...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée...

Mme Leduc: Oui?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...je pense que vous n'êtes pas dans le bon mémoire.

Mme Leduc: Bien voyons donc!

Une voix: Nous, on est la sclérose en plaques.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous n'êtes pas dans le bon mémoire.

Mme Leduc: Bon. Excusez-moi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. D'abord et avant tout, je voudrais vous féliciter pour votre excellente présentation et votre excellent travail. Je pense que la Société canadienne a fait un travail incroyable. Peut-être avant de demander quelques questions – et peut-être je ne suis pas 100 % objectif – je voudrais particulièrement féliciter le travail d'un de vos bénévoles, Rick Lemire. Ce n'est pas surprenant, il vient du comté de Nelligan. Il a fait un excellent travail pour la cause. Je pense que lui, comme plusieurs autres de vos membres, fait avancer la cause d'une façon incroyable. J'espère que vous allez continuer votre travail.

Je suis presque convaincu, comme l'a recommandé le député de Johnson hier, là, peut-être que chaque député va être ouvert à vous donner de l'argent par son programme de soutien aux groupes communautaires. Je vais certainement vous donner son adresse pour faire les demandes un peu plus tard, là.

Mais, pour de vrai, félicitations. Je pense que vous avez fait un service incroyable aujourd'hui pour votre groupe, mais aussi pour toutes les personnes qui souffrent d'une maladie au Québec, qui essaient d'avoir leurs médicaments sur la liste des médicaments et doivent passer devant le CCP. C'est la première fois, je pense, en public, que nous avons entendu cette frustration. Je souligne que c'est la première fois en public, enregistré, parce que je connais les problèmes. Et, effectivement, je pense que vous avez montré que ce monopole de pouvoir qui existe au CCP cause un problème fondamental pour vous.

Vous avez mentionné que le CCP, quand il a refusé, ç'a certainement causé des problèmes pour vos membres. Je voudrais aller plus loin dans ça et je vous donne une chance d'expliquer comment on peut améliorer ce système décisionnel. Est-ce que nous avons besoin d'audiences publiques chaque fois qu'un médicament essaie d'être sur la liste, d'avoir les pour et les contre? Est-ce que nous avons besoin, comme quelques autres groupes hier l'ont offert bénévolement, d'être un membre du CCP pour offrir leur point de vue? Comment on peut améliorer cette façon décisionnelle? Parce que, effectivement, selon mon opinion, souvent la décision est trop unidimensionnelle. Nous avons besoin d'étudier la qualité des médicaments et comment on peut améliorer la qualité de vie des personnes. Est-ce que vous pouvez donner quelques suggestions comment on peut améliorer le Conseil consultatif de pharmacologie?

M. Larouche (Daniel): Le CCP a pour mandat, si ma compréhension est bonne, d'effectuer ses choix sur une base d'efficacité thérapeutique des médicaments. Il y a déjà une autorité qui sanctionne l'efficacité thérapeutique des médicaments et leur innocuité, et c'est la Direction générale de la protection de la santé, à Ottawa, et les autres pays du monde ont aussi des régulateurs semblables. Alors, quand un médicament obtient son DIN, son «drug identification number», il est déjà censé avoir, un, efficacité thérapeutique, deux, innocuité; sa certification est obtenue. Alors, je ne vois pas pourquoi on aurait besoin d'un deuxième palier d'approbation pour se pencher sur essentiellement la même question.

(10 h 20)

Ma recommandation, moi, ce serait soit d'éliminer carrément le CCP, soit de réviser son mandat de fond en comble pour lui donner, de façon très explicite, un mandat à caractère économique. S'il s'agit d'un tiers payeur qui veut s'assurer de contrôler ses coûts et que c'est sur cette base-là qu'on veut gérer la liste des médicaments, bien qu'on le fasse au moins de façon explicite et les compagnies sauront au moins à quoi s'en tenir et elles approcheront le CCP avec un dossier purement économique.

À ce moment-là, le CCP pourra, lui, plutôt que de choisir des médicaments, prétextant une plus ou moins grande efficacité thérapeutique, suggérer tout simplement des façons de mieux contrôler le coût des médicaments, pourra jouer avec les autres paramètres, pourra recommander qu'on joue avec les autres paramètres, à savoir la franchise, le plafond, la prime, la coassurance. Il y a une foule d'autres instruments avec lesquels on peut contrôler le coût du régime et qui sont, à mon avis, beaucoup plus productifs que le choix de médicaments dans la liste qui ont un impact, je pense, que le CCP n'est pas à même de mesurer dans la vie du vrai monde.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Il nous reste huit minutes, et j'aimerais qu'on revienne sur les médicaments et non sur le CCP.

M. Williams: M. le Président, juste sur ça, là, je voudrais rappeler le mandat. Le mandat est à l'effet d'étudier le fonctionnement des organismes ayant une influence sur la consommation. Il me semble que ma question tombe à 100 % dans notre mandat, mais, en tout cas, je voudrais demander une autre question.

Non, non, M. le Président, vous dites qu'on ne peut pas parler du régime d'assurance universel, qu'on ne peut pas parler du CCP. Moi, je pense qu'on doit parler... On essaie d'avoir de la transparence, on essaie de mieux comprendre ce système, et, si on ne peut pas demander les questions aux personnes qui comprennent ce qui se passe dans cette section-là, je pense qu'on ne profite pas de notre mandat.

Mais j'ai une autre question sur une autre affaire. Peut-être que mes collègues vont revenir aux questions sur le CCP. Vous avez parlé un peu de régime universel. J'ai bien compris que le médicament n'est pas sur la liste; avec ça, ils ne sont pas assurés. De plus en plus, j'entends que les compagnies privées disent: Si vous n'êtes pas sur la liste publique, on n'assure pas sur la liste privée. Avec ça, c'est le «double jeopardy» un peu, dans ça, là, ça peut être pas mal cher.

Selon mon interprétation, la chose est absolument claire pour vous: Si l'interféron n'est pas sur la liste, le régime universel ne sera bon à rien?

M. Larouche (Daniel): Quant à nous, c'est à peu près ça. C'est-à-dire que, écoutez, les personnes atteintes de sclérose en plaques sont des personnes et, à ce titre là, elles consomment d'autres médicaments que l'interféron.

M. Williams: Oui.

M. Larouche (Daniel): Elles vont en profiter dans ce sens-là, dans la même mesure que n'importe quel autre citoyen du Québec. Cela dit, ça ne règle pas ou ça ne s'adressera pas à leur problème et à leur solution la plus importante dans tout l'appareil pharmaceutique qui est disponible actuellement.

M. Williams: Merci. Mais comme...

M. Girard (Marc): Juste un point. Même que la situation va être pire parce qu'actuellement le médicament est remboursé par les programmes d'assurances privées parce qu'il y a le DIN, justement, un numéro d'identification. On a peur, suite à l'adoption du projet d'assurance universelle, que les compagnies d'assurances disent aux gens qui sont assurés: Comme il n'est pas sur la liste, on ne vous le paie plus. Alors, on va être dans une situation pire que maintenant, c'est-à-dire qu'il va y avoir moins de monde qui vont avoir droit au médicament. Les gens qui l'ont actuellement par les assurances privées ne l'auront plus après ce projet.

M. Williams: Oui, avec cela, il y a un grave danger dans ce projet. Comme le député de Robert-Baldwin l'a déjà mentionné, nous allons certainement vous supporter pour nous assurer que ce médicament soit sur la liste.

Dernière question. J'ai bien compris: Une fois qu'ils ont reçu le DIN, le HPB, vous pensez que ça va être assez comme contrôle; nous n'avons pas besoin du CCP. C'est ça que vous avez...

M. Larouche (Daniel): Notre avis, c'est qu'en termes thérapeutiques on n'a plus besoin d'autre autorisation que celle de l'organisme qui sanctionne ça, c'est-à-dire la Direction générale de la protection de la santé. On n'a pas besoin de rajouter un autre palier qui va faire exactement la même chose.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Je trouve que, ce matin, ce qu'on devrait faire, c'est un débat beaucoup plus à caractère scientifique, parce que, je veux dire, je pense que ça prend quand même de l'expertise et une connaissance particulière qui est pointue pour faire la discussion sur: tel médicament devrait être reconnu automatiquement plutôt qu'un autre. Il y a des démarches, il y a des processus par rapport à ça.

Je suis surprise d'entendre des commentaires comme quoi le Comité consultatif de pharmacologie, arbitrairement, déciderait de rajouter ou de ne pas ajouter un médicament inclus dans la liste des médicaments reconnus sur les listes officielles. Il faut se rappeler que le Comité consultatif de pharmacologie comprend non seulement des pharmaciens, mais a aussi des comités d'experts dans chaque sphère d'activité, dans chaque spécialité et que ses décisions, il ne les prend pas quand même sur le sens commun, il les prend après des études et après des analyses. Je pense que c'est très sérieux, ça aussi.

Cette mise au point étant faite, moi, j'aimerais savoir – vous avez, je pense, fait de la recherche – c'est quoi, les objets de vos recherches en cours. Quels sont vos partenaires? Est-ce que vous avez plusieurs partenaires avec vous? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Girard (Marc): Des partenaires en recherche?

Mme Charest: Oui.

M. Girard (Marc): En fait, moi, à titre de membre associé de la clinique de sclérose en plaques de l'hôpital Notre-Dame...

Mme Charest: Vous êtes épidémiologiste, je pense?

M. Girard (Marc): Non, je suis neurologue, neurologue spécialisé en sclérose en plaques.

Mme Charest: O.K.

M. Girard (Marc): Alors, les recherches des médicaments, bien sûr, sont subventionnées par les compagnies pharmaceutiques. Ce sont les compagnies pharmaceutiques qui subventionnent ces recherches-là. On a participé à l'étude sur le Betaseron en association avec Berlex, et il y a d'autres protocoles qui se font actuellement – les nouveaux médicaments qui sont testés pour le traitement de la maladie – en association avec les autres compagnies pharmaceutiques.

Cela dit, moi, mon association personnelle avec la compagnie se limite à cela. Je n'ai pas d'autres...

Mme Charest: Pardon?

M. Girard (Marc): Ça se limite à cela. Je veux dire, je n'ai pas d'autres intérêts avec la compagnie Berlex. Et c'est aussi vrai pour mes confrères qui participent à ces études-là, que ce soit le Dr Duquette ou les gens de McGill.

Mme Charest: Je n'ai pas compris ses réponses.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): D'autres questions, madame? Voulez-vous qu'il répète la dernière partie?

Mme Charest: Non, ça va aller. J'aimerais aussi savoir de quelle façon vous assurez le suivi auprès de vos patients, parce que certaines problématiques nous ont fait voir que, à l'intérieur de cliniques, on avait organisé et structuré à la fois toute la question du diagnostic et du suivi des patients. On s'attardait surtout aussi sur le contrôle de la prise des médicaments et sur les effets secondaires que ces médicaments pouvaient donner ou qu'on pouvait rencontrer chez certains patients. J'aimerais vous entendre. Est-ce que c'est quelque chose qui s'y prête? C'est quoi, vos guides de pratique par rapport à...

M. Girard (Marc): Je peux parler en termes de clinique, si vous voulez, pas en termes personnels. Nous, on fait partie d'un réseau canadien de cliniques de sclérose en plaques. Il y a treize cliniques reconnues au Canada pour la sclérose en plaques.

(10 h 30)

Mme Charest: Il y en a combien au Québec là-dessus?

M. Girard (Marc): Deux. Deux sur 13, une à l'Université...

Une voix: Trois.

M. Girard (Marc): Trois même, excusez, il y en a une à Québec aussi qui a été reconnue récemment. Donc, il y en a une à Québec et deux à Montréal, une à l'hôpital Notre-Dame et une à l'Université McGill, l'Institut neurologique. Ces cliniques-là étant reconnues, alors c'est des cliniques qui sont organisées, donc, en termes de pratiques multidisciplinaires, et, comme on est des cliniques organisées avec une grande clientèle de sclérose en plaques – à Notre-Dame, on a 800 patients qu'on suit; à l'Université McGill, il y a 2 000 patients – à ce moment-là, on est sollicité régulièrement par des organismes américains et canadiens pour participer à des études sur les médicaments.

Bien sûr, on est surtout un centre de référence. Alors, souvent, les patients nous sont référés, parce que les médecins savent qu'on est des gens qui ont un intérêt en sclérose en plaques et, souvent, des patients viennent nous voir parce qu'ils savent qu'on fait partie des protocoles de recherche et qu'on est un petit peu à la fine pointe de la recherche. C'est ce qui a permis aux patients, ici, de recevoir le Betaseron depuis 1988, ils ont participé aux protocoles de recherche depuis 1988. Même si le médicament est disponible seulement depuis l'année dernière, les gens que vous avez devant vous, c'est des gens qui ont reçu le traitement depuis maintenant près de huit ans, à cause qu'on est, si vous voulez, près des milieux de recherche dans les traitements.

Maintenant, le suivi. Bien, ça dépend des protocoles. Mais, généralement, on voit nos patients régulièrement. Je pense qu'on a une bonne disponibilité auprès des patients et je pense que les patients sont satisfaits du suivi qu'on leur donne.

Mme Charest: Vous n'avez pas de cueillette de données à travers vos cliniques canadiennes sur les effets secondaires par rapport à certains médicaments. Vous ne faites pas ce type de relevé.

M. Girard (Marc): Bien, en fonction des médicaments qu'on étudie en recherche, oui, bien sûr.

Mme Charest: Oui? Vous le faites?

M. Girard (Marc): Bien sûr, bien sûr. Dans le cadre des protocoles de recherche, bien sûr.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dernière question, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui, M. le Président. On a parlé tantôt du CCP, de son rôle, peut-être, en tout cas, trouver une certaine forme d'arbitrage par un comité d'experts, mais on pourra y revenir subséquemment. Je voudrais vous demander... Il y a sûrement d'autres besoins aussi en plus de la reconnaissance de certains médicaments par le CCP, des besoins en fournitures médicales ou autres. Est-ce qu'il y aurait un support qui pourrait être accru pour aider les personnes atteintes de sclérose en plaques?

M. Fulop (Miklos): Disons que la Société de la sclérose en plaques a une gamme de services qu'on offre à nos personnes qui sont atteintes, mais il y a aussi des services offerts à travers les cliniques de sclérose en plaques, qu'on aide avec un peu d'argent qu'on ramasse dans les campagnes de financement. Mais les services, en tout cas, pas directement médicamentaux, mais des services d'accompagnement, des services à la maison, des services de bénévolat, tous ces services-là sont quelque chose où il y a un grand besoin. On a quelquefois fait des demandes de subventions des régies régionales pour avoir du financement là-dessus, que, malheureusement, on n'a pas eues. Donc, c'est le genre d'aspect qu'on voudrait développer davantage, mais on aura besoin d'un certain soutien des organisations subventionnaires comme l'État pour nous aider dans cette voie-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie...

M. Marsan: En terminant, rapidement. Pourquoi les régies ont-elles refusé de vous donner une subvention? Ça me surprend beaucoup. Ils ont des gros budgets, 120 000 000 $, on l'a vu aux crédits.

M. Fulop (Miklos): Disons qu'on a fait une demande au niveau de la Montérégie, dernièrement. On a reçu une lettre de refus, parce qu'ils ont dit...

M. Marsan: Une lettre de refus de la Montérégie...

M. Fulop (Miklos): ...que la Société avait une charte fédérale. O.K.? Ce n'est même pas vrai, la Société a une charte québécoise, mais ils ont mal lu la charte et ils ont refusé la subvention parce que... On vient de recevoir la lettre, hier, avant de venir ici.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. L'heure est déjà terminée. En conclusion, M. le député de Robert-Baldwin et Mme la députée de Rimouski.

M. Marsan: En tout cas, je suis renversé de ce que vous nous dites: Parce qu'on n'a pas regardé le dossier comme il faut... Une régie, sous prétexte que vous avez une charte fédérale, alors que ce n'est même pas vrai, refuse une subvention à des personnes qui sont vraiment dans le besoin. En tout cas, ça fait partie de mes commentaires. Si on peut vous aider, et, je suis certain, des deux côtés de cette Assemblée, on va essayer de le faire. On peut vous donner des lettres de support. Continuez, demandez, parce que ces fonds-là sont là pour vous aider, et je pense que vous avez démontré que vous les utilisez bien aussi.

En terminant, je retiens vraiment les commentaires que vous nous avez faits sur les nouveaux médicaments, sur l'impossibilité d'avoir des nouveaux médicaments et aussi sur une nouvelle forme peut-être de trouver un CCP qui soit un peu plus indépendant des organismes habituels, que l'on connaît, et qui permettrait peut-être une décision beaucoup plus éclairée et non pas basée sur le coût, parce qu'un médicament coûteux, bien, on ne le donne pas. Et ça, je pense, c'est important. Mon collègue a mentionné que, si vous voulez aussi faire appel au fonds discrétionnaire du ministre, bien, là aussi, on va vous supporter. Et, enfin, nous allons insister pour que vous reveniez en commission parlementaire sur le projet de loi sur l'assurance-médicaments.

Alors, merci beaucoup. Félicitations aussi pour les travaux qui sont faits en recherche et en association avec vous. Félicitations aux gens qui nous ont présenté des témoignages au nom de tous les patients. Un gros merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): En conclusion, Mme la députée de Rimouski.

Mme Charest: Merci, M. le Président. Alors, au nom de l'équipe gouvernementale, sachez que nous sommes très sensibles à la sclérose en plaques parce que nous avons, parmi nos collègues, le député de Pointe-aux-Trembles, Michel Bourdon, qui est atteint de sclérose en plaques. Alors, il a souvent l'occasion de nous faire voir et partager avec lui les inconvénients que ça peut lui apporter dans sa vie de tous les jours. Alors, nous sommes doublement sensibilisés, je dirais.

Je voudrais également vous remercier pour votre mémoire. Cependant, je voudrais vous rappeler qu'aujourd'hui les audiences ne sont pas sur l'assurance-médicaments comme telle, mais elles sont beaucoup plus sur toute la problématique du médicament, de ses coûts et des organismes qui en assurent, en quelque sorte, la conception, la distribution, enfin, la prescription et tout ça. Alors, c'est beaucoup plus de ça aujourd'hui qu'il s'agit que de l'assurance comme telle. Alors, nous aurons sûrement l'occasion d'en reparler. Merci beaucoup de vous être déplacés et de nous avoir fourni quelques, plusieurs même, éléments de réflexion.

Une voix: Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À titre de président, je voudrais ajouter, évidemment, aux remerciements des collègues ceux, en particulier, de la quantité et de la qualité de bénévolat que vous démontrez et, surtout, ne lâchez pas. Merci beaucoup.

Je suspends les travaux quelques minutes pour permettre à un autre groupe de se préparer.

(Suspension de la séance à 10 h 38)

(Reprise à 10 h 41)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Bonjour. Vous avez entendu le mandat de la commission, donc je n'ai pas à le répéter. Vous avez 20 minutes pour vos remarques préliminaires. Il me fait plaisir, au nom de la commission, de vous saluer de façon particulière, les représentants de la Société d'arthrite – parce qu'on fait un changement par rapport à notre horaire. Alors, vous pouvez commencer.


Société d'arthrite

M. McCaughey (Ken): Alors, mon nom est Ken McCaughey, je suis directeur général à la Société d'arthrite. Je suis, aujourd'hui, accompagné du Dr Denis Choquette, à ma gauche, rhumatologue à l'hôpital Notre-Dame, à Montréal, et administrateur bénévole à la Société d'arthrite; d'Anne Marie Labonté, à ma droite, coordonnatrice des programmes d'éducation à la Société d'arthrite; et, à mon extrême gauche, de Mme Céline Côté, arthritique.

M. le Président, au nom de près de 1 000 000 de Québécoises et de Québécois atteints d'une des 100 différentes formes d'arthrite, la Société d'arthrite tient à remercier la commission des affaires sociales de lui fournir l'occasion d'exprimer son point de vue sur la problématique de la consommation des médicaments au Québec et d'échanger par la suite avec les membres de la commission sur ce dossier très névralgique.

Comme c'est la première fois que notre Société est invitée à une commission parlementaire, M. le Président, mentionnons brièvement, à titre d'information, que la Société est un organisme sans but lucratif entièrement voué à la promotion et au financement de la recherche sur l'arthrite, aux services aux arthritiques et à la sensibilisation du public. Notre mission est d'encourager la recherche sur les causes de l'arthrite afin qu'il soit un jour possible de mettre au point des traitements qui guériront cette maladie. La Société d'arthrite compte sur l'efficacité de son personnel et sur la générosité de ses 2 000 bénévoles partout au Québec pour mener à bien sa mission. Elle est soutenue dans son travail par un conseil d'administration très engagé à défendre la cause de l'arthrite. La Société d'arthrite contribue annuellement un montant d'environ 1 500 000 $ à des projets de recherche structurants. Ces sommes sont attribuées par un comité des pairs aux quatre centres universitaires de recherche sur l'arthrite, soit l'Université de Montréal, l'Université McGill, l'Université de Sherbrooke et l'Université Laval.

Les Québécois, M. le Président, ne peuvent plus se permettre d'ignorer l'arthrite, qui constitue l'un des plus importants problèmes de soins de santé auxquels notre société soit confrontée. Permettez-nous de brosser un tableau étonnant des répercussions considérables de l'arthrite sur les Québécoises et les Québécois, sur l'économie du Québec et sur son système de soins de santé. Une prise de conscience est d'autant plus nécessaire que la plus importante génération, les baby-boomers, atteindra bientôt 65 ans et qu'à chaque année le nombre de citoyens atteints d'arthrite augmentera de façon exponentielle. Permettez-moi d'évoquer sommairement quelques statistiques relatives à cette terrible maladie.

L'arthrite se classe parmi les maladies chroniques les plus répandues au Québec avec la fièvre des foins, les allergies et les troubles du système circulatoire comme les maladies du coeur ou l'hypertension. On estime à 1 500 le nombre de Québécois de moins de 16 ans qui sont atteints d'arthrite juvénile. Sous ses nombreuses formes, l'arthrite rhumatoïde touche une personne sur 100 au Québec, soit environ 72 000 personnes.

L'arthrite est la plus importante cause d'invalidité de longue durée: les handicaps causés par l'arthrite affectent plus de 150 000 Québécoises et Québécois, soit environ 25 % de tous les cas d'invalidité de longue durée, ce qui représente l'équivalent de la population d'une ville, par exemple, comme Trois-Rivières ou même Sherbrooke. Cette invalidité se manifeste par une perte d'autonomie, une réduction du temps de loisirs et d'activités reliées à l'emploi, des difficultés au plan de la mobilité ainsi qu'un isolement social.

Les handicaps causés par l'arthrite sont mesurés en fonction des limitations qu'ils imposent aux activités normales. Ils sont généralement classés selon trois catégories: légers, modérés et graves. Ces handicaps ont des répercussions dramatiques sur tous les aspects de la vie des gens, de la capacité à accomplir des tâches quotidiennes à celle de conserver même son emploi.

Plus de 50 % des personnes en âge de travailler, M. le Président, et ayant un handicap causé par l'arthrite sont exclues de la population active à cause de leur maladie.

On estime qu'en 1986 l'arthrite a coûté au Canada l'équivalent de 1 % de son produit national brut. Cela représente environ 5 000 000 000 $ en médicaments, soins médicaux, frais hospitaliers, recherches, prestations d'invalidité et pertes de revenus. Je vous laisse imaginer l'ampleur de ces coûts, M. le Président, 10 ans plus tard, à la seule échelle du Québec.

Les coûts directs attribuables au traitement de l'arthrite, notamment les soins médicaux, les médicaments, les frais hospitaliers, etc., représentent 22 % du coût global. Toutefois, la majorité des frais associés à l'arthrite est attribuable à des coûts indirects en bonne partie attribuables à la perte de rendement découlant d'une maladie arthritique et d'un handicap.

L'arthrite est l'un des motifs les plus fréquents de consultation médicale: 65 % des personnes atteintes consultent des omnipraticiens et 23 % des spécialistes.

Les médicaments constituent une partie importante du traitement de l'arthrite, qui se classe au troisième rang pour ce qui est de l'utilisation de médicaments d'ordonnance. Ceux-ci aident à maîtriser la maladie et ses symptômes, tels que la douleur et l'inflammation. Malheureusement, ils ne freinent pas l'évolution de la maladie.

L'arthrite se classe au second rang pour ce qui est de la fréquence d'utilisation des médicaments vendus sans ordonnance. Des douleurs sans importance, quoi. Pourtant, cette douleur, c'est tout autre chose. Elle peut être tellement intense et constante qu'elle domine tous les instants de la journée et de la nuit, perturbant ainsi le sommeil ainsi que toutes les activités de la vie quotidienne, même celle d'attacher un bouton, par exemple.

En 1992, les médecins canadiens ont rédigé près de 29 000 000 d'ordonnances pour l'arthrite. Ces ordonnances représentaient près de 14 % de toutes les ordonnances et leur coût atteignait près de 340 000 000 $.

On estime que 1 900 Canadiens et Canadiennes meurent chaque année d'ulcères causés par les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Les anti-inflammatoires représentent une méthode importante et souvent incontournable de contrôler l'inflammation. Cependant, leur usage à long terme comporte certains risques. De toute évidence, il faut réduire le risque associé à l'utilisation d'anti-inflammatoires, et les professionnels de la santé ont effectué à cet égard des percées prometteuses. La recherche de médicaments plus sécuritaires doit également se poursuivre.

Bien que l'arthrite soit susceptible de frapper tous les groupes d'âge, les risques de développer cette maladie ou une maladie connexe augmentent avec l'âge. Entre les années 2011 et 2031, la génération la plus nombreuse de l'histoire, les baby-boomers, atteindra l'âge de 65 ans. Cette perspective laisse présager une augmentation massive de la prévalence de l'arthrite et une augmentation correspondante du coût des soins de santé. Cela accentue la nécessité d'élaborer, dès aujourd'hui, une stratégie de soins aux arthritiques.

Aucun changement dans le mode de vie ne contribue à prévenir la plupart des formes d'arthrite. La réponse au problème, évidemment, c'est la recherche. Il n'y a pas si longtemps, il n'existait aucun médicament suppressif d'usage répandu pour le traitement de l'arthrite. Depuis, la recherche nous en a donné au moins cinq: les sels d'or, le methotréxate, l'azathioprine, l'hydroxychloroquine et la sulfasalazine.

Mais, maintenant, parlons des conséquences de l'arthrite sur l'utilisation des médicaments, car, l'arthrite, c'est vraiment sérieux, et je laisse la parole maintenant au Dr Denis Choquette.

M. Choquette (Denis): L'arthrite se traduit par l'inflammation d'une articulation. Il en existe plus de 100 formes. Vivre avec de l'arthrite, c'est beaucoup plus que d'avoir mal ici et là. L'arthrite n'a rien à voir avec le vieillissement. C'est une maladie au même titre que le diabète, la maladie cardiaque athérosclérotique, le cancer et toutes les autres maladies qui sont actuellement un fléau de notre société moderne.

Il serait trop ambitieux de vouloir définir toutes les formes d'arthrite dans le présent mémoire. Nous nous limiterons donc aux formes les plus susceptibles d'avoir une incidence importante sur la consommation de médicaments au Québec, afin de comprendre la problématique de l'arthrite dans toute sa complexité. Dans ce contexte, nous définirons très brièvement ce que sont l'arthrose, l'arthrite rhumatoïde et l'arthrite juvénile.

(10 h 50)

D'abord, l'arthrose. L'arthrose est la détérioration du cartilage, cette substance rigide et très élastique qui recouvre l'extrémité des os au niveau des articulations. Dans une articulation normale, le cartilage joue un rôle d'amortisseur; il absorbe les secousses et les chocs transmis par les mouvements du corps. Lorsque le cartilage se détériore, les extrémités osseuses, privées de cette protection, celle du cartilage, se frottent l'une contre l'autre, entravant ainsi la fonction de l'articulation. Elle provoque aussi des douleurs qui sont de plus en plus importantes. Une fois le diagnostic établi, le traitement de l'arthrose consiste à utiliser soit de l'acétaminophène dans les formes mineures, de l'aspirine ou des anti-inflammatoires non stéroïdiens, des injections de stéroïdes en bout de ligne.

Différents protocoles thérapeutiques sont utilisés selon que le patient est ou non en période inflammatoire. Au début, ce qui se passe quand un malade commence à faire de l'arthrose, il ne prend des médicaments que sur une base occasionnelle. Graduellement, la maladie progresse, le cartilage se détruit, il doit prendre de plus en plus fréquemment des médicaments jusqu'à ce qu'arrive le moment où il doit en prendre de manière quotidienne. Et, graduellement, ces médicaments, qui n'ont aucun pouvoir de stopper la maladie, deviennent inefficaces parce que celle-ci progresse, progresse, et on en arrive, en bout de ligne, à être au point de changer l'articulation, de la remplacer par une structure métallique.

Parlons de l'arthrite rhumatoïde, maintenant. L'arthrite rhumatoïde est la forme d'arthrite la plus débilitante et dévastatrice. La majorité des gens atteints font partie de la population active. Ce n'est pas une maladie de la personne âgée ou de la personne retraitée. C'est, en général, la femme, jeune, entre 30 et 45 ans. Le système immunitaire qui, habituellement, assure la défense contre les agents externes ou étrangers, tels les infections, les corps étrangers, s'attaque et détruit les articulations. Ce système immunitaire a perdu le contrôle qu'il avait auparavant et commence à attaquer les structures propres. C'est pour ça qu'on appelle auto-immunité ces maladies. Concrètement, cela se manifeste chez les patients par des douleurs quotidiennes et un handicap qui mène très fréquemment à la cessation d'emploi. Il n'existe pas de cure pour cette maladie dévastatrice. Un traitement précoce et agressif peut en partie prévenir les handicaps, mais la découverte de nouvelles médications plus efficaces s'impose et de façon aiguë.

Parlons, finalement, de l'arthrite juvénile. Cette maladie regroupe les différentes formes de maladies articulaires qui touchent les enfants de moins de seize ans. Le traitement de l'arthrite juvénile fait appel aux médicaments, à la physiothérapie et à l'éducation. Bien que la maladie cesse d'évoluer dans les cinq à 10 ans, certains patients doivent continuer de prendre des médicaments pendant toute leur vie.

Bien que nous n'ayons effleuré que les trois plus importantes formes d'arthrite, il en existe, comme je vous le mentionnais au début, plus d'une centaine de formes différentes. Pour en mentionner quelques-unes, parlons du lupus érithémateux systémique, de l'arthrite psoriasique, de la fibromyalgie, des vasculites, du syndrome de Reiter, des arthrites associées aux maladies inflammatoires digestives, puisque nous remplaçons ces gens-là actuellement.

La constante de toutes ces formes d'arthrite est que nous sommes confrontés à des patients souffrant pendant de longues périodes et qui doivent consommer une grande quantité de médicaments durant des années, des années, voire même une vie entière. Ajoutons à cela que les patients arthritiques ne sont pas exempts d'autres maladies. Les plus fréquentes sont la maladie cardiaque, l'hypertension artérielle et le diabète. Donc, ces patients, en plus d'avoir à prendre de manière chronique des médicaments pour le traitement de leur maladie articulaire, doivent être exposés à d'autres médicaments.

Je cède maintenant la parole à Mme Anne Marie Labonté.

Mme Labonté (Anne Marie): Les programmes d'éducation sont des outils de sensibilisation essentiels pour favoriser une meilleure utilisation des médicaments tout en contrôlant les coûts directs et indirects.

Depuis 1992, la Société d'arthrite a innové au Canada et au Québec en instaurant un programme d'éducation destiné aux arthritiques. Le Programme d'initiative personnelle de l'arthritique, PIPA, élaboré par Kate Lorig, du Stanford Arthritis Center de Californie, est disponible dans plusieurs régions du Québec, et, à ce jour, 2 100 personnes se sont déjà prévalues ici, au Québec, de ce programme. Ce programme est échelonné sur une période de six semaines, à raison de deux heures et demie par semaine, et est prodigué à des groupes de 10 à 15 personnes. Chaque participant s'y implique financièrement – des frais de matériel sont demandés – et y consacrent du temps supplémentaire destiné à des travaux et lectures à domicile. Il doit donc jouer un rôle d'apprentissage actif, puisque le principe du programme est la prise en charge de l'arthritique, peu importe la forme d'arthrite dont il est atteint.

Dans le cadre de ce programme, nous expliquons brièvement ce qu'est l'arthrose, la fibromyalgie et l'arthrite rhumatoïde.

Par la suite, nous abordons aussi dans le programme l'activité physique. Nous enseignons comment s'y adonner sécuritairement sans endommager les articulations. L'exercice est essentiel pour conserver la mobilité et réduire les pertes d'autonomie associées à l'arthrite, maintenir les acquis et réduire aussi les régressions. Le PIPA n'est pas une classe d'activité physique. Notre but est simplement de sensibiliser les arthritiques aux bienfaits de l'exercice, qui est aussi essentiel que la prise des médicaments pour réduire la douleur associée à l'arthrite.

Chaque participant doit s'engager par contrat à poser des gestes concrets face à son arthrite, sur une base hebdomadaire. Nous l'incitons à adopter des comportements plus sains afin d'augmenter son autonomie et réduire sa perte de mobilité.

Le programme permet également l'explication des mécanismes de la douleur, tout en démontrant comment certains comportements peuvent l'amplifier ou la réduire. Ainsi, les participants réalisent qu'ils n'ont pas seulement les médicaments pour lutter contre la douleur, mais que l'impact de leur pensée et de leurs émotions peut aussi l'influencer.

Le PIPA permet en outre une meilleure préparation du patient à sa visite chez le médecin. En fournissant des informations pertinentes sur sa condition, sur les médicaments et les effets secondaires, sur la douleur et l'évolution de la maladie, le patient peut compter sur un meilleur diagnostic et un meilleur suivi.

Finalement, le programme prévoit une rencontre sur l'utilisation des médicaments. On y traite notamment de l'importance des médicaments, de leurs effets secondaires, de l'observance thérapeutique et de la nécessité de s'informer auprès de son médecin ou de tout autre personnel de la santé. Le PIPA incite aussi le participant à se prendre en main et à développer un sentiment de compétence personnelle lui permettant de mieux gérer son arthrite.

Le PIPA s'oriente vers la responsabilisation du patient, ce qui a pour effet d'abaisser le nombre de consultations médicales, d'assurer une plus grande fidélité au traitement, et, à la fin du programme, les participants ressentent moins d'anxiété et sont plus confiants de pouvoir maîtriser leur douleur, car ils comprennent que la solution n'est pas nécessairement le recours à un médicament.

Nous avons aussi les forums de patients, qui est un autre moyen d'éducation et de sensibilisation destiné aux arthritiques, qui assistent en grand nombre à ces conférences. Ces rencontres d'information se tiennent sur un thème particulier concernant l'arthrite et sont animées principalement par un rhumatologue, un médecin ou tout autre professionnel de la santé. Il s'agit d'une forme d'éducation de masse, essentielle pour entreprendre un processus d'information adapté au cheminement de l'arthritique. Ces réunions répondent aux besoins d'information formulés par les arthritiques à l'égard des médicaments, des formes d'arthrite, de la chirurgie de remplacement et autres. C'est au moyen de cette information de base que nous les incitons, dans un deuxième temps, à faire les démarches nécessaires pour obtenir des renseignements adaptés à leur condition.

L'information de base est également assurée depuis 1995 grâce à un nouveau service 800 accessible partout au Québec. À titre d'exemple, au cours de l'année 1995-1996, plus de 1 500 pochettes d'information sur différentes formes d'arthrite ont été postées, sans compter les nombreux appels de référence aux institutions de la santé telles que CLSC, centres hospitaliers et nombreux groupes d'entraide.

Finalement, grâce à des ententes de partenariat avec l'industrie pharmaceutique, la Société d'arthrite gère ses différents programmes qui, en bout de ligne, permettent une utilisation plus avisée des médicaments.

M. McCaughey (Ken): J'invite donc, M. le Président, Mme Côté à faire un témoignage.

Mme Côté (Céline): Moi, je me présente, Céline Côté. Je suis atteinte de polyarthrite rhumatoïde. Je suis mariée et mère d'une fille de 11 ans. Parce que l'arthrite n'est pas trop apparente dans mon cas, je dois me justifier souvent. Puis, quand tu es jeune, ce n'est pas évident. On me dit que tu peux le faire, tu n'es pas âgée. Je porte des orthèses aux doigts afin de les protéger tout en leur donnant un alignement raisonnable.

L'arthrite rhumatoïde a modifié grandement mes habitudes de vie. J'ai beaucoup de consultations médicales. Je prends deux anti-inflammatoires par jour. De plus, je dois recevoir une douloureuse injection de sels d'or aux trois semaines et je dois faire faire des analyses d'urine et de sang aux six semaines pour vérifier si tout va bien.

J'ai dû planifier mes horaires afin de conserver mon énergie en alternant travail, périodes de repos et de relaxation. J'ai besoin d'aide pour certaines tâches qui me sont impossibles à faire maintenant ou qui sont trop épuisantes. J'ai dû faire des adaptations, tant à la maison qu'au travail, pour protéger mes articulations. J'ai dû changer le service de vaisselle, le fer à repasser pour des articles plus légers. J'utilise moins les escaliers. J'ouvre les robinets et les portes différemment. Je m'équipe d'aides techniques pour ouvrir les pots, pour tenir les couteaux et ma brosse à dents. Je prends plus de douches que de bains, c'est bien moins compliqué. M'habiller constitue un défi, car chaque geste est demandant et parfois douloureux. Par exemple, mettre une simple paire de bas de nylon est difficile, et aller faire les emplettes est tout un exploit.

(11 heures)

Je travaille à plein temps chez Télé-Direct, les éditions Pages Jaunes, et j'ai dû, dernièrement, avec leur aide, réévaluer mes possibilités pour combler un nouveau poste où il y avait moins de manipulation de papier et d'équipement afin de demeurer une employée efficace.

J'ai des peurs face à l'arthrite. J'ai peur des déformations, de perdre mon autonomie, ma mobilité, ma dextérité et ma force. J'ai peur de la douleur, qui est parfois insupportable. Certaines fois j'éprouve de la dépression, de la panique, de l'insomnie et de la fatigue. J'ai aussi peur d'avoir des ulcères d'estomac dus surtout aux anti-inflammatoires. J'ai peur de faire une réaction toxique aux sels d'or. Aussi de devoir changer de traitement et d'attendre les effets cliniques d'un nouveau produit jusqu'à son efficacité maximale. Et, enfin, je crains, un jour, de n'être plus capable de travailler.

C'est important de s'informer sur la maladie et non de l'ignorer. J'ai suivi le Programme d'initiative personnelle de l'arthritique, PIPA. Ce programme m'a sensibilisée à l'arthrite et j'ai appris à vivre avec la maladie, à développer de saines habitudes de vie et à contrôler la douleur avec certains trucs. Je connais mieux mes médicaments et pourquoi je les prends. Ma maladie évolue lentement. J'en profite pour que, quand je serai vraiment atteinte durement, je me dirai que j'ai vu mieux. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Le temps est écoulé. Je vous permettrais peut-être une ou deux minutes de conclusion.

M. McCaughey (Ken): Est-ce que je pourrais faire les recommandations à cette commission?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Rapidement, oui.

M. McCaughey (Ken): Merci, M. le Président. Alors, nous soumettons rapidement à cette commission les recommandations destinées à favoriser une meilleure utilisation des médicaments aux arthritiques, améliorer la qualité de vie de nos patients et favoriser la recherche et le développement sur l'arthrite au Québec.

La première recommandation a trait à la recherche: poursuivre non seulement la recherche fondamentale, mais accélérer la recherche de médicaments performants en fonction du vieillissement de la population. L'avènement de médicaments de haute technologie permettra d'améliorer la qualité de vie tout en réduisant les coûts, de réduire les handicaps causés par l'arthrite et de maintenir l'employabilité et le niveau de revenu des arthritiques. Le gouvernement devra maintenir ses politiques favorisant des initiatives de recherche et développement appliquées aux domaines pharmaceutique et biomédical.

Deuxième recommandation. En ce qui concerne l'éducation, d'abord maintenir des programmes d'éducation aux patients et continuer d'innover dans ce domaine par des efforts de partenariat entre la Société d'arthrite, l'industrie pharmaceutique et les professionnels de la santé. Rendre obligatoire un programme d'éducation continue pour les omnipraticiens afin qu'ils soient en mesure de mieux diagnostiquer le cas d'arthrite à un stade plus précoce; une meilleure connaissance de la maladie permet une intervention rapide par l'usage de médicaments appropriés. Ce projet pourrait nécessiter l'implication de nombreux intervenants, dont le gouvernement, l'industrie pharmaceutique, les rhumatologues, divers centres de recherche sur l'arthrite et évidemment la Société d'arthrite. Disposant d'une meilleure formation de base en rhumatologie, les médecins généralistes seraient en mesure d'assurer une utilisation plus rationnelle des médicaments par la connaissance des interactions et des effets secondaires. De plus, cela aura sûrement un impact positif sur le nombre de consultations, le taux d'hospitalisation et de fidélité au traitement.

En ce qui concerne les nouveaux médicaments, comme troisième recommandation: favoriser l'accès au remboursement des nouveaux médicaments contre l'arthrite qui auront démontré une adéquation entre les coûts et les bénéfices pour nos patients. Bloquer l'accès à ces nouvelles médications dans le seul but de contrôler les coûts nous apparaît inéquitable et inacceptable. Nous soutenons cependant le concept de révision périodique d'utilisation des nouveaux médicaments, en particulier pour s'assurer de leur performance. L'adoption de cette recommandation sur les nouveaux médicaments permettrait à l'arthritique de maintenir une meilleure fonction des articulations, de ralentir la destruction articulaire et, en bout de ligne, d'améliorer sa qualité de vie et celle de sa famille.

Et la quatrième recommandation touche les dons de bienfaisance. Rendre plus attrayante la politique fiscale actuelle en matière de crédit d'impôt afin d'encourager le citoyen à jouer un rôle social encore plus marqué. Une plus grande générosité envers notre organisme permettrait à la Société d'arthrite de soutenir financièrement un plus grand nombre de projets de recherche et d'assurer la poursuite de ses différents programmes d'éducation offerts aux arthritiques.

Et, en termes de conclusion, accélérer la recherche pour trouver de meilleurs moyens de traiter, de guérir exigera un effort concerté tant de la part de la Société d'arthrite que d'autres bailleurs de fonds. Le gouvernement, l'industrie et le public doivent reconnaître que l'arthrite est une question de santé qui a des conséquences dévastatrices sur l'économie et le système de santé du Québec, sans parler de la qualité de vie du 1 000 000 de Québécoises et de Québécois qui en sont atteints. L'arthrite, c'est vraiment sérieux et, malheureusement, c'est une maladie méconnue.

En ce qui a trait à notre programme d'éducation continue aux patients, nous souhaitons vivement intensifier la collaboration avec les ressources du milieu, soit les centres hospitaliers, les CLSC, les centres de jour, les centres de réadaptation et le reste, afin de mettre en place des programmes conjoints ou des initiatives de collaboration réciproque et rejoindre ainsi un plus grand nombre de personnes.

En terminant, M. le Président, la Société d'arthrite endosse dans son ensemble le rapport Castonguay, qui préconise l'accès pour tous les arthritiques québécois aux médicaments. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup et je vous rappelle d'être très à l'aise dans l'échange qui va se faire avec les députés des deux formations politiques. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Alors, merci, M. le Président, et merci à vous, d'abord, de vous être déplacés et de nous avoir présenté un mémoire très bien articulé. On apprécie les commentaires et également le témoignage que vous nous avez rendu, Mme Côté. Merci beaucoup.

Ma première question. Ça fait plusieurs groupes que nous recevons et il y a toujours cette recommandations qui nous revient: de favoriser l'accès au remboursement des nouveaux médicaments. Dans ce cas-ci, vous parlez de l'arthrite. Vous dites également: «Bloquer l'accès de nouvelles médications dans le seul but de contrôler les coûts nous apparaît inéquitable et inacceptable.»

Est-ce qu'actuellement il y a des médicaments par lesquels les patients pourraient améliorer leur qualité de vie et aussi mieux soigner la maladie et... lesquels médicaments vous seraient refusés?

M. Choquette (Denis): Fort heureusement, la situation ne s'est pas présentée encore à l'heure actuelle, et je dirais même que le CCP a agi à l'inverse de ce qui s'est passé avec le groupe précédent, et je dois les en remercier. Je pense que l'inclusion, tout récemment, de trois nouveaux anti-inflammatoires non stéroïdiens – la

nabumétone, l'étodolac et le salsalate – qui sont des nouveaux anti-inflammatoires non stéroïdiens qui ont comme avantage pas nécessairement d'améliorer l'efficacité du médicament, mais de diminuer la toxicité des médicaments... Plusieurs études épidémiologiques, dont certaines qui ont été faites au Canada, par Claire Bombardier, par exemple, en Ontario, ont démontré que ces médicaments-là, alors qu'ils sont aussi efficaces lorsqu'on les compare aux autres anti-inflammatoires connus depuis de nombreuses années, ils ont, par contre, l'avantage de déclencher beaucoup moins souvent d'effets secondaires, particulièrement au niveau digestif, et c'est là où le bât blesse avec les anti-inflammatoires non stéroïdiens, c'est au niveau du tube digestif. M. McCaughey, tout à l'heure, vous a dit qu'il y a 20 000 Canadiens par année qui ont des problèmes, des ulcères; il y en a 2 000 qui décèdent par année des ulcérations associées à l'utilisation de ces médicaments-là. Je pense que c'est très judicieux d'avoir inclus ces trois nouveaux médicaments là au formulaire thérapeutique du Québec.

J'encourage énormément le Conseil consultatif et le gouvernement à continuer dans cette veine, particulièrement dans l'ère qui s'en vient vers nous. Faisant partie d'une unité de recherche en rhumatologie à l'hôpital Notre-Dame, nous sommes, en tant que rhumatologues, exposés à de nombreuses molécules qui n'ont pas encore actuellement atteint le marché, mais qui vont l'atteindre incessamment; il y en a certaines qui sont sur le point d'être incluses sur le marché. Une de celles-là, en particulier, permet de combiner l'action d'un anti-inflammatoire et l'action d'une nouvelle formation qui permet de ralentir l'évolution de la maladie, de diminuer la survenue des dommages, et c'est vers ça qu'on s'en va actuellement. Il y a des médicaments qui vont être moins toxiques, qui vont avoir une efficacité comparable, et il y a des médicaments qui vont être plus efficaces, qui vont empêcher la maladie d'évoluer.

Je pense que, dans l'accès aux médicaments, qui devra être analysé dans les années futures, il faudra, en plus de tenir compte des coûts directs, c'est-à-dire le coût d'achat d'un médicament donné, tenir compte des coûts qui pourront être sauvés en incapacité, en absence au travail et ainsi de suite pour assurer leur accès à cette liste de médicaments. Combien d'argent on pourrait sauver? Des milliards de dollars. Les chiffres qu'on vous a avancés tout à l'heure le reflètent: sur 5 000 000 000 $, il y a 1 000 000 000 $ qui est en coûts directs et 4 000 000 000 $ qui l'est en coûts indirects pour ce qui est de l'ensemble du Canada, et ce sont des chiffres qui datent de presque 10 ans. Je ne sais pas de quoi ont l'air ces chiffres aujourd'hui, mais j'aurais tendance à croire qu'ils ne se sont pas améliorés. Je vous remercie.

M. Marsan: Est-ce que je pourrais vous demander le coût des trois médicaments que vous avez mentionnés?

M. Choquette (Denis): Les anti-inflammatoires non stéroïdiens varient en général entre 2 $ et 3 $ par jour. Donc, un anti-inflammatoire non stéroïdien, chez quelqu'un qui doit en prendre tous les jours, ça varie entre, je dirais, 75 $ et 150 $, dépendamment des différents anti-inflammatoires non stéroïdiens.

M. Marsan: O.K. Peut-être juste avoir plus d'information. Je pense que vous êtes reconnu dans le milieu, là, vous avez fait des travaux. Pourriez-vous nous parler de la recherche qui est faite pour essayer de combattre l'arthrite?

(11 h 10)

M. Choquette (Denis): Actuellement, il y a beaucoup de programmes de recherche à travers les quatre unités rhumatismales. Je peux vous parler beaucoup plus précisément des programmes qui sont faits à l'hôpital Notre-Dame: on a des programmes qui touchent actuellement l'arthrose, l'arthrite rhumatoïde, les maladies du collagène telles le lupus, la sclérodermie, les vasculites. On a aussi des programmes d'études épidémiologiques sur les effets secondaires associés à l'utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens. On vient justement de finir une étude et on doit compléter avec certaines données avant d'assurer la publication de cette étude-là. Donc, à l'hôpital Notre-Dame, on a des implications directes avec la recherche fondamentale, une recherche qui est subventionnée par la Société d'arthrite, la FRSQ, les organismes.

On a aussi des programmes de recherche en collaboration avec l'industrie pharmaceutique qui ont soit, à l'occasion, rapport avec certains médicaments qu'ils vont mettre sur le marché, ou qui pourraient être mis sur le marché, parce que, souvent, certains de ces médicaments-là n'atteignent jamais le marché malgré les sommes importantes qui y sont investies.

Et on a aussi un intérêt, qui est particulièrement le mien, dans l'éducation. J'ai un intérêt particulier dans l'éducation, parce que je me rends compte de plus en plus qu'il y a beaucoup de solutions aux problèmes médicaux de cette ère moderne qui passent par l'éducation. L'éducation des patients, l'éducation des médecins rendent ces gens-là plus compétents et plus capables d'analyser globalement les impacts d'une maladie, plutôt que de penser: Ah! pilules, ah! traitement, ah! arrêt de travail, et ainsi de suite. Je pense qu'il faut penser différemment, particulièrement quand on parle d'arthrite; il faut avoir une vue beaucoup plus globale, comme on le mentionnait dans notre mémoire, que celle d'administrer un médicament.

D'ailleurs, les études de Kate Lorig, le PIPA, qui est maintenant employé au Canada, ont très bien démontré l'impact de l'éducation. Les gens qui suivent le PIPA, le Programme d'initiative personnelle de l'arthritique, ont moins de douleurs, consomment moins de médicaments, font moins d'effets secondaires, consultent moins souvent leur médecin, se présentent moins souvent à l'urgence et sont moins souvent hospitalisés.

Donc, je pense qu'un programme d'éducation comme le PIPA a un impact majeur. Les moyens sont limités. Graduellement, de plus en plus de ces patients-là vont passer à travers le programme du PIPA. Mais il y a des moyens de sensibilisation qui existent, et des moyens tels ceux-là nous permettent d'éviter de nombreuses complications de la maladie et du traitement de ces maladies-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui. M. le député de Rousseau.

M. Brien: Merci, M. le Président. D'abord, moi aussi, j'ai été touché par le témoignage de Mme Côté. Des fois, on réalise qu'on a nos petits bobos, mais il y a des gens dont le bobo est plus gros. Et puis, comme citoyen aussi, j'ai appris ce matin davantage: que l'arthrite, ce n'est pas seulement pour les personnes âgées. Parce qu'on caricature un peu, des fois, en se disant: Bon, bien, oui, ma grand-mère, elle souffrait de l'arthrite. Ou bien, on pense que c'est des personnes de 65 ans, 70 ans. Et puis, quand on voit de jeunes personnes qui en sont atteintes, ça nous fait réaliser des choses.

Ce que j'aurais le goût de demander peut-être, c'est: Mme Côté, vous avez parlé de sels d'or?

Mme Côté (Céline): Oui, myochrysine.

M. Brien: Ça, c'en est un, anti-inflammatoire?

Mme Côté (Céline): Heu...

M. Brien: Peut-être que vous pouvez vous faire aider, là.

M. Choquette (Denis): Non.

Mme Côté (Céline): L'anti-inflammatoire, c'est Voltaren que je prends. Tandis que le sel d'or, c'est plus... C'est parce que c'est en vue d'une rémission éventuelle. Parce qu'il y a quand même des recherches qui ont été faites là-dessus. C'est plus un AINS, qu'on dit?

M. Choquette (Denis): AINS, oui. Si je peux me permettre un commentaire...

Mme Côté (Céline): Oui, plus technique.

M. Choquette (Denis): ...dans le traitement d'une maladie comme celle de Mme Côté, il y a des traitements qui doivent être utilisés au jour le jour, qui visent à calmer les symptômes tels le gonflement de l'articulation, la douleur au niveau de l'articulation, la raideur. Ce sont les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Vous en connaissez tous: Voltaren, Motrin, Naprocyn, Indocid – je pourrais vous en faire une liste – et les trois derniers qui ont démontré un meilleur profil de tolérance.

Mais on sait que les anti-inflammatoires tels qu'on les connaît à l'heure actuelle ne modifient pas l'évolution de la maladie. Ils n'empêchent pas le dommage de se faire. On calme l'apparence de maladie, on met une «patch», si on peut s'exprimer ainsi, mais, malheureusement, ces traitements-là seuls n'arrêtent pas la maladie.

M. Brien: Ça soulage, je suppose.

M. Choquette (Denis): Ça soulage, exactement. Donc, au jour le jour, en plus de ça, il faut tenter, par les moyens qu'on a, d'essayer d'arrêter ou de ralentir l'évolution de la maladie, et c'est pour ça que les cinq médicaments qu'on vous a mis dans le mémoire, dont les sels d'or, la myochrysine, sont un de ceux qui sont actuellement utilisés pour essayer de ralentir.

Malheureusement, avec ces cinq médicaments-là, les preuves formelles qu'on réussisse à faire cela, à ralentir la maladie, ne sont pas aussi évidentes qu'on voudrait qu'elles le soient. On se demande même, à certains moments, si on réussit à le faire. Dans mon expérience clinique de tous les jours, il arrive fréquemment que je voie des jeunes qui prennent soit du methotréxate ou un autre produit similaire à ça, qui sont dits des agents de fond et qui, malgré tout, continuent de démolir leurs articulations.

On parle, comme je vous le disais tout à l'heure, d'individus jeunes. L'arthrite rhumatoïde, c'est des gens, des jeunes femmes qui ont entre 35 et 45 ans, en général, en pleine force de l'âge. La famille n'est pas élevée, ils sont au travail. C'est ces gens-là. C'est pour ça que ces médicaments-là ne sont pas suffisants à l'heure actuelle et c'est pour ça que je mentionnais qu'il ne faut pas s'arrêter au coût direct, il faut vraiment regarder la fonction d'un médicament et voir ce qu'il peut faire sur l'impact futur de la maladie.

M. Brien: J'aurais le goût de vous demander... Vous savez, il y a peut-être des mythes derrière l'arthrite, dans le sens: Est-ce que, par exemple, le froid fait qu'une personne va souffrir davantage d'arthrite...

M. Choquette (Denis): Ce n'est pas...

M. Brien: Il y a des gens qui disent: Je pars pour la Floride, comme ça, bien, ça va me soulager.

M. Choquette (Denis): Ce n'est pas la température comme les variations de pression barométrique.

M. Brien: Ce n'est pas la température.

M. Choquette (Denis): Il y a un médecin de Toronto, Murray Urowitz, qui est un de mes amis, qui a fait une étude il y a peut-être une dizaine d'années où il a bien démontré que les gens pouvaient prédire la température. Puis c'est ça qu'on dit, combien de fois: Il va faire beau ou il va faire laid demain, je sens ça dans mon rhumatisme. Combien de fois vous vous êtes fait dire ça? Très souvent.

M. Brien: Oui, oui.

M. Choquette (Denis): Ça a l'air d'être un dicton banal, mais ce n'est pas si faux que ça. L'articulation, c'est un vase clos à l'intérieur duquel il existe une certaine pression, et ce vase clos est en communication avec l'atmosphère. Et on sait que les changements de température sont précédés par des changements de pression barométrique et c'est pour ça qu'on peut les sentir. Et les gens qui font de l'arthrite – peut-être quelques-uns d'entre vous – ont probablement déjà eu cette expérience-là. Moi, je l'ai eu personnellement.

Mme Côté (Céline): Oui. Puis-je rajouter que, quand il fait soleil, là, je peux avoir autant mal que quand il pleut. Même que, quand il pleut, des fois ça fait du bien parce que la pression est tombée. Vous savez, l'humidité est comme tombée. Ça dépend aussi, il y a d'autres facteurs qui viennent en cause: la fatigue, le stress. Il y a beaucoup de choses qui peuvent affecter un arthritique.

Puis, moi, je sais que – pour revenir à la question de tantôt – la myochrysine, pour moi, les sels d'or, ça s'améliore de jour en jour, puis les milligrammes, les injections aident. Et puis, moi, tout ce que je sais, c'est que ça marche.

Comme le docteur le disait tantôt à propos d'un nouveau médicament, c'est sûr et certain qu'en ce moment, moi, il marche, celui-là. Mais, si un jour les tests sont négatifs, il va falloir que je change pour un autre, puis il faut que les autres soient accessibles financièrement.

Moi, je suis chanceuse, je travaille pour une grosse compagnie et j'ai une assurance. Mais il y a des gens aussi qui n'ont pas réellement...

M. Brien: Oui, je vous comprends puis je partage votre point de vue aussi.

Mme Côté (Céline): C'est ça.

M. Brien: Je veux juste mentionner aussi que je me rappelle très bien, moi, dans les années antérieures, Lucille Dumont, qui est une des pionnières comme chanteuse québécoise, qui a tellement souffert d'arthrite aussi, et puis je pense que ç'a été une représentante importante au Québec, dans ce sens-là.

Ce que je souhaite, c'est que justement l'assurance-médicaments on puisse pallier puis aider les gens qui en ont besoin et puis permettre la recherche aussi, de trouver ce qu'il y a de meilleur pour soulager les gens qui en sont atteints. Merci beaucoup.

Le Président (M. Létourneau): Merci. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, M. le Président. Je vois que, chaque fois que le côté ministériel mentionne le régime universel, c'est correct; mais, chaque fois que l'opposition mentionne ça, ce n'est pas correct. Avec ça, là... Nous n'avons pas le droit, mais peut-être que je peux suivre la même direction... Oui...

Actuellement, là, comme les autres, je voudrais vous féliciter pour votre présentation, votre travail et votre témoignage. Je pense que nous sommes en train d'humaniser le débat. Souvent, quand on parle du coût des médicaments, on parle des centaines de millions, on parle de milliards, là, et c'est dire absolument rien pour M. et Mme Tout-le-Monde. Mais, maintenant, nous sommes en train de parler avec ceux et celles qui ont besoin des médicaments. Je pense, j'espère que ça va nous aider, des deux côtés, à mieux comprendre la situation que vous êtes en train de vivre.

Je suis heureux que votre expérience avec le CCP ait mieux été que le groupe précédent. Je suis heureux, mais le message était, je pense, assez clair que, pour les médicaments moins chers, c'est beaucoup plus facile devant le CCP que les médicaments chers. Je pense que le message est noir et blanc et je souhaite encore qu'on trouve une autre façon, pas d'empêcher les trois bonnes décisions, mais actuellement d'en encourager d'autres sur la liste.

Vous avez, vous-même, dans votre mémoire, page 14, parlé de l'impact sur – vous avez parlé de formation – les consultations, les taux d'hospitalisation, les coûts directs et indirects. Pensez-vous que ça va être utile d'avoir un critère plus clair dans la grille décisionnelle du CCP sur les coûts indirects dans le système? Si on liste ce médicament, s'il est assuré, ça va effectivement coûter 1 000 000 $, 10 000 000 $, je ne sais pas, mais nous allons avoir un taux d'hospitalisation moindre et une qualité de vie meilleure.

Avec ça, on peut faire un calcul, mais pas juste un calcul flou, quelque chose de plus clair. Pensez-vous que ça va être utile de vraiment établir un système plus directement attaché comme ça?

(11 h 20)

M. Choquette (Denis): Je pense que ça va être très utile, effectivement, et, en plus de ça, je vois que la tendance s'en va de manière très ferme dans cette direction-là, à l'heure actuelle. Écoutez, ça fait quand même plusieurs années que je travaille en collaboration avec l'industrie pharmaceutique, et, au début, les protocoles de recherche étaient beaucoup moins complexes sur la composante de pharmacoéconomie qu'ils le sont rendus à l'heure actuelle.

Actuellement, les protocoles de l'industrie pharmaceutique, ce sont probablement les protocoles les plus solidement basés, parce qu'ils ont toujours la crainte de la critique, une critique qui peut être acerbe et très dangereuse. Et ces protocoles-là sont de plus en plus bâtis en fonction, un, de bien s'assurer de l'efficacité du médicament, de la toxicité du médicament, mais aussi de la valeur en bout de ligne du médicament.

Ce n'est pas parce qu'un médicament coûte 10 000 $ en tant que tel que c'est un bon ou un mauvais médicament, même si, au jour le jour, on pense qu'il est efficace. Je pense qu'il faut faire plus que ça, il faut dépasser ce stade de l'investigation et démontrer, comme vous le mentionnez, que ce médicament-là va avoir un impact maintenant et dans le futur sur l'individu, sur sa famille, sur son entourage, sur son emploi et sur l'ensemble de l'impact qu'un individu malade peut générer dans une société. Je pense que c'est fondamental, et les études épidémiologiques, à l'heure actuelle, vont toutes dans ce sens-là.

M. Williams: Je suis d'accord, votre recommandation va plus loin que juste étudier les coûts directs et indirects dans le système de la santé.

M. Choquette (Denis): Oui.

M. Williams: C'est dans la société, sur l'emploi, l'éducation, tout. Ça va être compliqué, mais je pense que vous avez raison.

M. Choquette (Denis): Ça peut être fait de plusieurs manières. C'est sûr qu'on peut demander à un médicament de prouver d'abord son efficacité et sa tolérance. Première étape. Par la suite, par des études de pharmacovigilance, en surveillant ce qui se passe dans les cinq premières années ou 10 années de la mise en marché d'un médicament, on peut, à cause de ces études-là, mettre en évidence des phénomènes qui étaient complètement insoupçonnés et des facteurs socioéconomiques qui peuvent être prépondérants.

C'est des études qui sont en général beaucoup moins onéreuses que des études d'impact prospectives, comme on le fait à l'heure actuelle, mais qui amènent des conclusions qui sont souvent très intéressantes et différentes de celles qu'on s'attendait à trouver. On pense qu'un médicament n'a pas d'efficacité à long terme. Oh! on découvre que c'est probablement le cas.

Ça a été fait avec l'hydroxychloroquine, un des médicaments qu'on emploie ici dans le traitement du lupus. Ce qui était connu de ce médicament-là, c'est qu'il était efficace sur certaines manifestations du lupus. Suite à une étude faite par John Esdaile, à l'Hôpital général de Montréal, en collaboration avec l'hôpital Notre-Dame, on s'est rendu compte qu'en plus d'être efficace sur les manifestations qu'on le pensait être efficace, il était aussi efficace sur d'autres manifestations et il empêchait la maladie de récidiver. Et, quand on avait des récidives, ça empêchait les récidives d'être plus importantes. Donc, ça contrôlait la maladie, ça calmait la maladie de manière globale. Ce n'était pas connu, ça, il y a 10 ans. Ces études-là ont permis de mettre ça en évidence.

Donc, la tendance, aujourd'hui, c'est beaucoup plus de continuer à administrer un médicament comme ça longtemps, parce qu'on sait qu'en bout de ligne on va sauver des organes, des patients, et qu'il y aura un impact socioéconomique qui va être nettement avantageux.

M. Williams: Je suis d'accord, parce que l'idée de juste étudier la question des médicaments d'une façon unidimensionnelle, le coût du programme, c'est moins de la moitié du problème. On doit vraiment attacher ça d'une façon multidimensionnelle.

Votre mémoire. Vous avez passé un message assez clair, je pense: l'importance de la recherche. Nous sommes en train d'étudier ça aussi, avec ce mandat. J'aimerais savoir c'est quoi, le niveau de recherche. Avez-vous plus ou moins une idée de combien de millions on dépense et qui paie pour ça? Est-ce que c'est partagé entre les particuliers, l'industrie pharmaceutique et l'État? Avez-vous une idée? Je ne cherche pas les chiffres exacts, mais avez-vous une idée de la participation de l'État, du secteur pharmaceutique et des particuliers québécois?

M. McCaughey (Ken): Pour répondre à votre question, je pense que la mission même de la Société d'arthrite, c'est de promouvoir et de financer la recherche partout. Depuis près de 50 ans, la Société d'arthrite finance des projets de recherche jugés méritoires par un comité des pairs, non seulement à travers le Québec, mais à travers le Canada. Juste ici même, au Québec, depuis les cinq dernières années, nous avons financé pour plus de 10 000 000 $ en projets méritoires dans les quatre centres de recherche sur l'arthrite que j'ai mentionnés dans mon énoncé plus tôt.

Alors, le problème que nous avons présentement, M. le Président, c'est que nous manquons de fonds, parce que, de plus en plus, nos chercheurs, et à raison d'ailleurs, nous donnent des projets de recherche qui sont jugés dans bien des cas méritoires, mais on ne peut pas les subventionner parce qu'il nous manque des fonds. Et c'est une des raisons pour lesquelles, d'ailleurs, dans une de nos recommandations, nous avons parlé des dons de bienfaisance, c'est que 85 % de nos revenus, la source de nos revenus, provient des particuliers et des citoyens québécois; 85 % de la source de nos revenus. Donc, on demande évidemment au gouvernement s'il n'y aurait pas lieu de modifier sa politique fiscale en matière de crédit d'impôt, justement pour encourager davantage le citoyen à jouer un rôle social encore plus marqué.

Donc, étant donné que la mission première de la Société, c'est de promouvoir et de financer, on a peur, et avec raison aussi, qu'il y ait un exode de nos excellents chercheurs vers les États-Unis, par exemple, parce qu'il y a un manque de fonds. Je sais qu'il y a des compressions budgétaires de part et d'autre, d'autres organismes, et on a de plus en plus de demandes de projets comme tels qu'on ne peut pas, malheureusement, subventionner, par manque de fonds. Mais c'est la principale raison, c'est notre raison d'être en fait, à la Société d'arthrite, de promouvoir la recherche comme telle, parce qu'on trouve que c'est fondamental.

Si le gouvernement, par exemple, a encouragé dans le passé la recherche et le développement sur l'aspect économique, je pense que, si le gouvernement veut bien améliorer la qualité de vie des gens, il se doit également, évidemment, de promouvoir la recherche et le développement.

M. Williams: Merci pour cette réponse. Vous avez mentionné que 85 % de vos fonds viennent des particuliers.

M. McCaughey (Ken): C'est exact.

M. Williams: Est-ce que le secteur pharmaceutique aussi est un interlocuteur important pour le financement de la recherche?

M. McCaughey (Ken): Absolument pas, pas en ce qui nous concerne, nous autres, directement. Pas du tout.

M. Williams: Mais...

M. McCaughey (Ken): L'industrie pharmaceutique doit sûrement, oui, financer certains projets avec d'autres chercheurs ou quoi que ce soit, mais nous...

M. Williams: Mais pas avec vous, là?

M. McCaughey (Ken): Non, pas avec nous comme tels.

M. Williams: O.K. Merci.

Le Président (M. Létourneau): Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Alors, vous avez répondu quand même à un certain nombre de mes interrogations concernant la recherche, ce qui montre que, des fois, on peut avoir des idées convergentes des deux côtés.

Mais vous avez parlé aussi de politique fiscale à élaborer. Est-ce que vous pourriez élaborer un peu là-dessus? Est-ce que ce serait des politiques fiscales qui s'adresseraient peut-être plus aux particuliers, suite à la réponse que vous avez faite que les industries pharmaceutiques ne collaboraient pas, bien, c'est-à-dire n'avaient pas de projets avec vous? Vous aviez en tête quel type de mesures fiscales pour les particuliers? Ça serait ma première question.

M. McCaughey (Ken): Bien, la politique fiscale qui existe présentement, bon, les gens ont droit à 20 %, etc.

Mme Leduc: Oui, oui. Mais ce que je voulais savoir, c'est si vous souhaitiez une politique fiscale plus adressée aux particuliers ou plus adressée à l'industrie, qui pourrait faire qu'elle collaborerait un peu plus.

M. McCaughey (Ken): Bien, dans un premier temps, je parlais au niveau des particuliers, parce que 85 % de notre source de revenus provient des particuliers. Mais rien n'empêche, madame, d'avoir aussi une politique fiscale pour les autres intervenants, si vous voulez. Mais, nous, on ne reçoit aucune subvention de la part du gouvernement, on ne reçoit aucune aide de Centraide. On doit vraiment chercher auprès des citoyens du Québec pour aller chercher les fonds nécessaires pour remplir notre mission.

Mme Leduc: D'accord. Alors, avant que mes collègues vous disent que le ministre a un budget discrétionnaire – sûrement qu'ils vont vous le dire, si vous n'avez pas de subvention – je voudrais dire que le ministre précédent aussi avait un budget discrétionnaire et vous auriez pu être sur la liste depuis un bon bout de temps.

Maintenant, ce que je voudrais...

M. Williams: ...discrétion, hein?

Mme Leduc: Oui, c'est ça. Vous avez parlé que vous aviez un programme d'éducation et de sensibilisation, particulièrement, qui s'appelait le programme PIPA, qui avait quand même des effets bénéfiques. Est-ce que ce programme-là est accessible, dans le fond, à l'ensemble des patients et dans toutes les régions du Québec? Pourriez-vous nous donner un peu l'envergure, là, de votre action dans ce domaine?

Mme Labonté (Anne Marie): Alors, le programme est accessible un peu partout au Québec, dans les régions de la Gaspésie, du Bas-Saint-Laurent, le Témiscouata; vous avez les régions de Montréal, de la Rive-Sud, de la Montérégie; vous avez l'Outaouais.

Mme Leduc: Dans l'ensemble.

Mme Labonté (Anne Marie): Je serais peut-être mieux de vous dire quelles régions je n'ai pas visitées à la place. Ha, ha, ha!

(11 h 30)

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Labonté (Anne Marie): Alors, il reste à peu près juste l'Abitibi, et je dois retourner au Lac-Saint-Jean. Le reste, en principe, le programme est disponible. Cependant, c'est que c'est un programme qui est disponible grâce à la fois à la collaboration des bénévoles qui sont formés et à celle des bénévoles arthritiques qui sont animateurs et aussi certains intervenants... Dans certaines régions, c'est des CLSC qui nous ont libéré du personnel pour venir suivre les deux jours et demi de formation. Parce que ça prend toute une infrastructure de ressources humaines pour donner ce programme-là. C'est accessible habituellement deux fois par année, à l'automne et au printemps, selon la disponibilité des gens. Dans certaines régions plus éloignées, ça peut être une fois par année, selon le bassin de population. Et aussi, on a des contraintes climatiques; en plein hiver, à part Montréal et Québec un peu, ça ne bouge pas. Et ce qui arrive actuellement avec les compressions budgétaires... Parce que ça fait quatre ans que je visite le Québec pour implanter le programme; à différentes années, on va à différents endroits, c'est les compressions budgétaires des services de santé. Je travaille avec les ergothérapeutes des CLSC, physiothérapeutes, travailleurs sociaux. Ce que je reçois actuellement c'est des téléphones qui me disent: Écoutez, on est surchargé, on est en train de perdre notre emploi. Donc, il y a des ententes, du partenariat qui était déjà fait qui est en train de tomber parce qu'ils ne sont plus capables de suivre.

Dans un deuxième temps, on essaie d'aller chercher des gens pour repartir ça, mais ce n'est pas évident. Alors, en principe, il est accessible dans de nombreuses régions, selon la disponibilité qu'on a. Mais aussi, c'est qu'on a une contrainte financière, à savoir... Moi, je ne peux pas retourner former des gens, 10 personnes à Gaspé, une fois par année; ça coûte trop cher. Je peux y retourner dans trois ans. Donc, ça me prend des ressources bénévoles très fiables. Et je dois vous dire que, jusqu'à date, on a formé plus de 350 personnes. On a peut-être 175 bénévoles actifs à travers le Québec et...

Mme Leduc: Pour ce seul programme?

Mme Labonté (Anne Marie): Ça, c'est pour le programme PIPA, oui.

Mme Leduc: C'est ça.

Mme Labonté (Anne Marie): Et, à ce moment-là, ils sont très fiables et ça fonctionne bien. L'avènement du numéro 1-800 nous a aussi facilité la tâche et aussi les forums de patients. Aussi, il y a peut-être une contrainte financière; les participants doivent payer 30 $, excepté qu'il ne faut pas oublier que c'est un programme de prise en charge. Il faut que l'arthritique soit rendu à l'étape de la prise en charge; s'il n'en est pas là, ce n'est pas sa place. Il y a six semaines. Il y a des lectures à faire. Il y a des choses à faire. Alors, il faut que, dans son esprit, lorsqu'il vient au programme PIPA, il soit prêt à s'investir aussi personnellement à l'intérieur du processus. C'est pour ça que le nombre n'est pas nécessairement aussi volumineux que des forums de patients, où, depuis deux semaines, j'ai eu 400 personnes.

Mme Leduc: C'est ça.

Mme Labonté (Anne Marie): D'accord? C'est une soirée; il y a une conférence avec un rhumatologue. Mais nos objectifs sont totalement différents. Là, c'est de l'éducation de masse, parce que, lorsque la personne sort, on a des objectifs extrêmement précis de prise en charge, de changement de comportement, de changement de perception par rapport à la maladie; mais ça fonctionne si la personne s'implique. Et plus le programme va être connu, plus on va les inciter et leur donner le goût de venir suivre le programme. Vous posiez une question tantôt à l'autre groupe. C'est que souvent l'arthrite aussi, par rapport à la sclérose en plaques, c'est la belle maladie pour être, si vous voulez, victime de charlatanisme...

Mme Leduc: O.K.

Mme Labonté (Anne Marie): ...ou de produits, de tout ce que vous voulez. Et souvent, avec le programme, on va leur donner une grille d'analyse par rapport à ça pour être justement moins victimes de tous ces produits dits miraculeux qu'ils pourraient être tentés d'utiliser. Et, comme le Dr Choquette disait aussi, dans l'arthrite rhumatoïde, on en reçoit des fois, des téléphones. Alors, ils abandonnent leur médication, ils essaient autre chose. Un an après, il recommencent. Les dommages ont été faits. Alors, dans le programme, ça leur donne souvent une chance d'être moins sensibles à ça, parce qu'ils connaissent leur maladie, ils connaissent leurs médicaments, ils comprennent pourquoi ils fonctionnent et, à partir de là, ils ne jouent plus avec. Ou ils prennent aussi leurs médicaments correctement; avant, ils ne le faisaient pas.

Mme Leduc: O.K. Je vous remercie.

Mme Labonté (Anne Marie): Bienvenue.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. Je voudrais de nouveau demander à Mme Côté... On a lu les recommandations. Mais, vous qui devez vivre avec les difficultés de la maladie dans son quotidien, si vous aviez une recommandation plus personnelle à nous faire pour améliorer le sort ou la qualité de vie qu'on pourrait vous donner, qu'est-ce que vous nous suggéreriez à ce moment-ci?

Mme Côté (Céline): Je dirais de consulter les arthritiques à tous les niveaux, premièrement, parce que c'est eux autres qui sont impliqués. Comme moi, tantôt, je cherchais les toilettes. Je demande au monsieur: Y a-t-il bien des escaliers? Il me dit oui. J'arrive là: trois toilettes, il n'y en a pas une pour handicapé. Je suis capable de me débrouiller, mais je tombe de haut. Vous savez, c'est tous des détails de même. Je suis sûre que vous êtes équipés. Puis, vu que, moi, je ne peux pas traîner ma carte, hé, je suis... Je ne suis pas handicapée en chaise roulante, mais je n'ai pas de facilité. Ça serait une des choses. C'est d'avoir soit des comités ou des rencontres, puis comme ils le font ici, à la Société d'arthrite, ils prennent des suggestions, ils demandent à plusieurs personnes. Il faut avoir du monde qui peut nous aider, puis du monde qui est impliqué directement avec la maladie. Il faut demander de l'aide. En parlant, nous autres, les arthritiques, il faut demander de l'aide, il ne faut pas être gênés. Des fois, je suis gênée, mais je m'organise autrement. Il y a des façons de le demander. Merci.

M. Marsan: Je vous remercie. En relisant le mémoire, je suis toujours surpris, mais vous le vivez tellement – je m'adresse au Dr Choquette: «Rendre obligatoire un programme d'éducation continue pour les omnipraticiens afin qu'ils soient en mesure de mieux diagnostiquer les cas d'arthrite à un stade plus précoce.» Ça veut dire qu'actuellement, je pense qu'il faut se rendre à l'évidence, il y a des cas d'arthrite qui ne sont pas diagnostiqués, avec comme conséquence des gens qui souffrent davantage. Et vous dites à vos collègues omnis: Écoutez, il y aurait peut-être quelque chose à faire de ce côté-là.

M. Choquette (Denis): Oui, effectivement. Je pense que la médecine, c'est rendu tellement vaste que la plupart des médecins de famille, des omnipraticiens doivent passer à travers certains stages. Et la plupart d'entre eux font le même raisonnement que n'importe quel individu: Il faut que je sois compétent en cardiologie; il faut que je sois compétent en gastro; il faut que je sois compétent en pneumologie; il faut que je sois compétent en infectiologie – donc les choses qui semblent à première vue les plus importantes – ce qui fait, en bout de ligne, que l'entraînement en tout ce qui est pathologie musculo-squelettique est souvent laissé un peu de côté. Ça représente peut-être deux à quatre semaines dans l'ensemble des deux ans de formation en résidence de médecine familiale; je pense que c'est insuffisant, c'est absolument insuffisant pour permettre à ces gens-là d'évaluer l'ampleur du problème de l'arthrite. Et je pense qu'en faisant de l'éducation, que ce soit de l'éducation médicale continue, en favorisant des programmes, en permettant à ces médecins-là, comme je l'ai fait tout récemment...

Lors d'un séminaire que j'ai organisé à l'hôpital Notre-Dame, j'ai permis à une quarantaine d'omnipraticiens d'être mis en contact avec des problèmes concrets: quatre patients qui sont venus, que j'ai invités, de ma clientèle. Je leur ai expliqué leur rôle, et il y a différents médecins, en petits groupes, qui ont visité chacun de ces patients-là à tour de rôle, qui les ont questionnés et qui ont essayé de faire le diagnostic et essayé de voir ce qu'était le problème et comment ils auraient confronté et affronté ce problème-là. Et, dans l'après-midi, un groupe de rhumatologues experts révisait chacun des cas, présentait la problématique associée à ce patient-là et donnait des solutions. Lorsqu'on fait quelque chose comme ça, un module d'enseignement qui s'adresse à des problèmes très spécifiques, l'impact qu'on a sur le changement de pratique est énorme, particulièrement lorsqu'on implique les patients. On a un rôle à jouer de ce côté-là.

Ça me fait plaisir que vous souleviez la question, parce qu'actuellement on est dans une ère de récession, une ère de restructuration qui entraîne des conséquences qui sont, à mon point de vue, néfastes. Au Québec, actuellement, on est environ 80 rhumatologues. De ce groupe-là, la grande majorité fait de la recherche clinique ou de la recherche fondamentale et est localisée dans les centres tertiaires tels les grands centres de Montréal, Québec et Sherbrooke. Avec un nombre aussi restreint de rhumatologues, à l'heure actuelle, on arrive à peine, un, à donner au milieu ce dont il a besoin et à donner en enseignement et en recherche ce que les gens exigent de nous. Compte tenu des compressions, le nombre de rhumatologues qui vont sortir dans les années futures est insuffisant pour maintenir le nombre critique actuel; et le nombre de rhumatologues va diminuer.

Je pense que, dans une situation comme celle-ci, on n'a pas besoin de 500 rhumatologues au Québec, on en a besoin d'un nombre critique qui va permettre d'assurer l'éducation, parce que c'est eux autres qui vont la faire, cette éducation-là. Faire faire de l'éducation par les omnipraticiens, je pense que ce n'est pas adéquat; il faut vraiment que ce soient des spécialistes dans un domaine donné qui assurent la structuration des programmes d'enseignement, que ce soit prégradué ou postgradué. Et, dans la lancée où on est actuellement, ça va devenir de plus en plus difficile. Les contraintes budgétaires vont entraîner des départs, vont entraîner une attrition inhabituelle des forces vives en rhumatologie. Et j'espère que cette tendance-là sera renversée dans les plus courts délais, parce qu'on se dirige vers une catastrophe à très court terme. D'ici 10 ou 15 ans, le nombre de rhumatologues va être rendu autour de 55 ou 60, ce qui sera nettement insuffisant, et ils vont être âgés, en plus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière question, M. le député de Robert-Baldwin.

(11 h 40)

M. Marsan: J'étais prêt à conclure, M. le Président, d'abord en remerciant nos invités d'avoir accepté de se déplacer, mais aussi de nous avoir présenté, je pense, une facette de cette maladie. On pensait toujours qu'on connaissait bien ça, mais je pense que vous nous démontrez vraiment que vous améliorez nos connaissances par la présentation que vous faites. Je retiens beaucoup les recommandations qui y sont associées, mieux connaître la maladie et la sensibilisation que le témoignage de Mme Côté nous demande. Je pense que, vous-même, vous faites un excellent travail de ce côté-là, et on vous en remercie beaucoup. Vous parlez de continuer à investir du côté de la recherche, du côté de l'éducation; je crois que ça aussi, c'est extrêmement important. Pour les nouveaux médicaments, une précaution: s'assurer que, lorsqu'ils sont bien reconnus, ils peuvent être disponibles pour les patients. Une recommandation aussi au ministre des Finances, on la retient, en ce qui concerne vos dons de bienfaisance et l'impact fiscal. Et mon collègue de Nelligan est notre critique en matière de revenus, alors je pense qu'il a sûrement pris bonne note.

M. Williams: J'ai pris note.

M. Marsan: Je retiens aussi et j'apprécie, à la fin, votre commentaire sur le nombre de rhumatologues. Au-delà des grandes statistiques – on a besoin de tant de spécialistes, tant d'omnis – il faut voir ce que les patients vivent vraiment, et je pense que votre recommandation va dans ce sens-là.

Enfin, comme ma collègue de Mille-Îles l'a mentionné, il y a sûrement des budgets discrétionnaires. On vient de terminer l'étude du budget de dépenses du ministère de la Santé et on s'est aperçu qu'en gros il y a peut-être des budgets qui vont jusqu'à 130 000 000 $ pour le soutien à des organismes comme le vôtre; les régies régionales en ont pour 120 000 000 $; le ministre a son budget discrétionnaire. Alors, nous, si vous voulez faire application pour avoir des budgets particuliers, nous vous confirmons que nous vous supportons grandement. Un gros merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Oui. Alors, moi aussi, je tiens à vous remercier, au nom de l'équipe ministérielle, de votre présentation. Je pense que, tout au long de ces journées, on a bien compris. Moi, ce que je retiens, c'est que des associations comme la vôtre – la vôtre et d'autres qu'on a reçues – vont beaucoup plus loin que les traitements cliniques précis que les gens reçoivent, pour traiter; ils traitent la personne dans sa globalité, dans son entité. Et je pense qu'à l'ère de la surspécialisation même si on a besoin de spécialistes – je suis d'accord avec ça – c'est très important. Vous venez contribuer, finalement, à la fois au mieux-être des patients et, par le mieux-être, à ce qu'il y ait aussi une justice plus équitable dans l'ensemble de la répartition des soins et des coûts de santé. Je pense que ce que vous nous avez présenté a été entendu et sera retenu dans les recommandations que nous pourrons faire lors du rapport. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup, au nom de tous les membres de la commission. Je suspends les travaux quelques minutes pour permettre à un autre groupe de se préparer.

(Suspension de la séance à 11 h 43)

(Reprise à 11 h 47)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Je remercie de façon particulière les gens de la Société de la sclérose latérale amyotrophique du Québec d'avoir accepté notre invitation. Étant donné que vous venez d'arriver, vous n'avez pas assisté aux séances de ce matin, je vais répéter le mandat et deux, trois petits détails.

La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques dans le cadre du mandat d'initiative à l'effet d'étudier le fonctionnement des organismes ayant une influence sur la consommation des médicaments au Québec et de faire des recommandations visant une meilleure utilisation des médicaments tout en maintenant le contrôle des coûts directs et indirects et en stimulant la recherche et le développement dans ce secteur.

Je vous dis que vous avez 20 minutes pour présenter vos commentaires et 40 minutes d'échange avec les députés. Je vous demande d'être très à l'aise, je vous invite à être très, très à l'aise, on veut un échange qui est agréable et détendu. J'aimerais que vous nous présentiez les personnes qui vous accompagnent, et on espère pouvoir les entendre aussi s'exprimer.


Société de la sclérose latérale amyotrophique du Québec (SLAQ)

Mme Gagné (Louise): Merci beaucoup, M. le Président. Je suis Louise Gagné. Je suis la présidente de la Société de la SLA – si vous voulez, on parlera avec ce code-là pour la prochaine heure – et je suis accompagnée de trois personnes qui vont vous être présentées dans une minute. Je voudrais simplement vous remercier de nous permettre de vous présenter notre organisme, mais surtout les raisons d'être de notre organisme. En fait, il y a 600 personnes qui sont atteintes de cette maladie au Québec. C'est une maladie qui est connue depuis très longtemps, mais c'est une maladie dont on ne connaît pas la cause. Donc, on n'a pas de traitement pour cette maladie. On vient tout juste d'avoir un médicament disponible, enfin presque disponible, et on est très, très anxieux de savoir comment vous allez traiter avec l'assurance-médicaments. Donc, voilà pourquoi nous sommes ici.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Juste avant que vous commenciez, j'aimerais vous présenter le député de Pointe-aux-Trembles, Michel Bourdon, qui est lui-même atteint de sclérose en plaques. Vous allez me dire que c'est différent un peu, mais, quand même, Michel a tenu à assister à votre présentation. Alors, je pense que, des deux côtés, vous pouvez être assurés d'une grande attention à ce que vous allez dire.

Mme Gagné (Louise): Merci. Tout d'abord, notre organisme est né depuis déjà plusieurs années au Québec, justement, de la jonction qui s'est faite entre les personnes qui étaient atteintes, leurs familles et les milieux qui, graduellement, étaient intéressés à cette réalité-là. On voyait qu'il y avait Lou Gehrig qui avait été atteint, on a su après qu'il y avait Sue Rodriguez et on se doutait bien qu'il y avait du monde comme ça chez nous. Effectivement, on a maintenant 500 personnes qui sont membres de notre organisme, dont 200 sont atteints; je dois vous dire qu'on en perd à peu près 10 par mois, 12, 13 les mauvais mois. On en retrouve autant et sinon plus, parce que notre courbe est quand même ascendante en termes de pénétration dans les régions québécoises.

(11 h 50)

Notre travail consiste essentiellement en un travail d'écoute, d'abord parce que les neurologues qui diagnostiquent la maladie donnent très peu d'information à leurs patients. Ils sont très malheureux, très mal à l'aise avec cette maladie parce qu'ils doivent leur dire, eux qui ont un peu l'habitude de jouer au bon Dieu, que, cette fois-là, ils ne savent pas quoi faire, ils n'ont rien à faire. Et ils nous les réfèrent ou ils ne nous les réfèrent pas, et, alors, les gens nous cherchent. Ils finissent par nous trouver, dans certains cas, par des professionnels de la santé avec qui on est déjà en réseau, parce qu'on travaille essentiellement à rejoindre ces professionnels partout au Québec, principalement dans les CLSC, parce que, vous allez comprendre que, quand un malade ne peut pas être traité par des médicaments, on le rejoint par des soins de base, n'est-ce pas? Donc les soins de base sont donnés par des professionnels, dans les CLSC principalement, quand les gens veulent bien aller les demander.

95 % des personnes atteintes de la SLA n'iront jamais à l'hôpital ou dans un hébergement. Donc, ça augmente un petit peu, actuellement, l'hébergement, peut-être à 7 %, ou 8 %, ou 9 %, parce qu'on commence à avoir de l'hébergement de répit – ça, c'est pour soulager les aidants naturels, c'est pour permettre aux gens de souffler. Et, finalement, la maladie progresse, progresse, avec une évolution extrêmement rapide; on va vous en parler dans deux minutes.

Notre organisme, c'est donc essentiellement un organisme communautaire qui se donne un mandat d'aller chercher toute l'information sur cette maladie. Il y a actuellement de la recherche qui se fait au plan mondial. Les Québécois chercheurs sont très actifs dans cette maladie. Une portion importante du budget qui est ramassé au Canada, dont une portion est ramassée au Québec et revient au Québec, dans des projets de recherche et des projets qui commencent à donner des informations intéressantes en génétique, en pharmacologie... On a besoin de plus de recherche; on en parle tantôt.

Maintenant, qu'est-ce qu'on fait, aussi? C'est qu'on ramasse les gens autour de ce problème-là, dans leur milieu naturel, on leur permet de s'entraider. Donc, on a, sur une base régionale, des rencontres mensuelles pour permettre aux gens de se parler, de se donner des trucs quand ils en ont découverts et surtout de garder confiance, de garder le cap en avant, même si on leur a dit: D'ici un an ou deux... Alors il faut garder confiance, il faut regarder en avant, il faut continuer à vivre et il faut chercher la qualité de vie.

Et voilà que nous découvrons, nous, les gens qui travaillons avec ces gens-là, des choses extraordinaires. Pour vous donner des exemples: trois de nos malades québécois, récemment, ont publié des livres, des gens qui n'avaient jamais écrit avant, des livres qui sont devenus d'ailleurs des best-sellers, enfin, qui se vendent, là: des poésies, puis un livre de chasse, puis... Bon. Il y a des gens qui continuent à produire; on va vous en parler tantôt. C'est très important de garder cette qualité de vie. Et une des façons, c'est qu'un des médicaments qui s'en vient, dont l'expérimentation est terminée, va permettre de prolonger, disons, la meilleure partie de la vie, si vous me permettez l'expression, pendant six mois. Mais, six mois de meilleure qualité de vie, vous vous imaginez ce que ça veut dire quand on a cette intensité de vie.

La troisième chose que l'on fait, nous, l'organisme communautaire, en plus d'écouter les gens, de les soutenir dans leur milieu, de les soutenir en réseau avec les professionnels de la santé... On ne veut pas remplacer les professionnels qui sont dans les CLSC, on veut juste travailler avec eux, mais on s'assure qu'ils vont avoir de bonnes références, puis qu'ils vont aller directement où ils ont besoin d'aller. Puis on pousse souvent pour que ça accélère les affaires; ça aussi, on va vous en parler tantôt.

Mais l'autre élément qui est bien important, on est rendu là et c'est pour ça qu'on est si content de vous rencontrer, c'est parce que, comme il y a juste 600 personnes d'atteintes au Québec – à peu près, là, si on rencontre les mêmes statistiques qu'ailleurs dans le monde, nous autres on en connaît 200, avec les autres là, on pourrait en trouver 300 ou 400, certain – on voudrait faire une étude de la situation de toutes ces personnes en créant une clinique; on est en train de le faire. On a trouvé les chercheurs; on a trouvé les médecins cliniciens; on a les professionnels de la santé qui sont mobilisés pour ça; on a un lieu physique. Tout ce beau monde attend un O.K. d'en haut. Je ne sais pas si c'est Dieu le Père qui est en haut, mais, en tout cas. Il semble que la régie régionale de Montréal ne peut pas décider ça. Il semble qu'un centre de réadaptation ne peut pas décider ça, c'est en dehors de son mandat. Il semble que... Bon, vous connaissez le reste, c'est votre jargon habituel. Donc, on vient voir Dieu le Père, ce matin, au cas où il y aurait possibilité d'avoir quelque chose de là. O.K.? Maintenant, je donne la parole à Marie-Andrée Corneille. Marie-Andrée est comédienne, son papa vient de décéder de la SLA.

M. Corneille (Marie-Andrée): Bonjour. Je pourrais vous en parler très longtemps de cette maladie-là, de ce que ça implique, de ce que j'en pense, ou vous pourrez me poser des questions après, si vous voulez. Je suis ici pour vous présenter quelques aspects de la maladie; c'est dans le document qu'on vous a remis. Je vais passer à travers rapidement pour donner la parole aux personnes atteintes, puisque vous avez déjà les renseignements ici. Mais, quand même, ça va peut-être vous situer, parce que c'est vrai que c'est une maladie qui n'est pas très connue, que j'ai moi-même appelée longtemps: sclérose latérale «amyotropique» et... Bon. Voilà.

Donc, c'est une affection neuromusculaire qui est éventuellement mortelle, de causalité inconnue. Ça attaque certains neurones moteurs spécifiques qui sont responsables de l'action des muscles volontaires. Cette maladie-là amoindrit graduellement la fonction musculaire et éventuellement le malade est dans l'impossibilité de se déplacer, de s'alimenter, de respirer même, et ça entraîne la mort. Donc, dans 75 % des cas, la maladie débute dans les membres; c'est la forme spinale – c'est ça? – et, dans les autres cas, donc 25 %, l'atteinte est d'abord bulbaire. Et puis, la forme bulbaire évolue plus rapidement que la forme spinale parce qu'elle affaiblit immédiatement les muscles responsables des fonctions vitales, donc pas seulement en périphérie. Alors, ça entraîne l'atrophie du diaphragme, des muscles thoraciques, puis ça entraîne éventuellement la mort par insuffisance respiratoire. Alors, les fonctions cognitives, tout ce temps-là, ne sont pas atteintes. Le patient reste lucide jusqu'à la fin. Mon père, moi, a été atteint pendant de longues années, pendant 13 années, et je peux vous dire qu'il est resté lucide jusqu'à peu près une heure avant qu'il meure.

Donc, finalement, la quadriplégie gagne la personne atteinte dans un délai moyen de 18 mois – mais ça dépend, encore là, de la forme dont elle est atteinte – et l'espérance de vie dépasse en moyenne rarement les deux à quatre ans. Mais, comme je vous le dis, il y a des formes, aussi... Il y a des gens qui peuvent être atteints de ça très longtemps. La qualité de vie, à ce moment-là, ça devient extrêmement important. Enfin, dans tous les cas, c'est très important.

La sclérose latérale amyotrophique, on peut dire qu'elle est plus fréquente que la sclérose en plaques, si on tient compte du fait que la sclérose en plaques, premièrement, se développe dans des aires géographiques bien précises, alors que la sclérose latérale amyotrophique, la SLA, n'a pas d'aire de prédilection, elle est répandue à la grandeur de la planète. De plus, les personnes qui sont atteintes de la SLA vivent en moyenne 2,8 ans, alors que les personnes atteintes de sclérose en plaques peuvent vivre quelques décennies, une fois le diagnostic établi, ce qui donne, évidemment, un plus grand nombre de personnes visibles atteintes de la sclérose en plaques à un même moment autour de nous.

Une autre donnée qui est surprenante, c'est qu'il y a des chercheurs qui considèrent que la SLA est une maladie orpheline. En 1991, les statistiques de l'Organisation mondiale de la santé établissaient à 270 000 le nombre des personnes atteintes de la SLA, tandis que celui des personnes atteintes du virus du VIH était alors estimé à 250 000. Alors, cette année, près de 200 Québécois et Québécoises recevront un diagnostic de SLA; la majorité, soit 80 %, auront entre 40 et 70 ans; 20 % seront plus jeunes ou plus âgés. Les hommes sont plus nombreux que les femmes. Ce n'est pas une maladie contagieuse; cependant, chez 10 % des sujets atteints, on observe une forme familiale qui laisse à penser qu'il y a peut-être une composante héréditaire chez certains. Donc, entre 620 et 670 Québécois seraient atteints. Chaque mois, on reçoit en moyenne 5,5 nouvelles inscriptions, puis on compte également une moyenne de 5,5 décès par mois. L'âge moyen de nos membres, des membres de la Société, est de 57,9 ans. Voilà.

Comme a dit déjà Louise, il y a à peu près un tiers des personnes atteintes qui sont référées à l'organisme. Elles y viennent par besoin de mieux comprendre les conséquences de leur diagnostic. La première demande de service provient souvent des membres de la famille immédiate qui se retrouvent confondus devant l'annonce de cette nouvelle réalité et de ce qui s'en vient. Alors que certaines personnes atteintes auront été adroitement préparées à leur diagnostic par le spécialiste consulté, d'autres, en revanche, seront rapidement confrontées aux statistiques de leur espérance de vie et laissées à elles-mêmes. Et, là-dessus, je vais passer la parole à Mme Françoise Cholette Pérusse qui pourra témoigner.

(12 heures)

Mme Cholette Pérusse (Françoise): Bonjour, tout le monde. Il me fait très plaisir d'être ici. Quand même, je suis... je sais que c'est émouvant pour moi, évidemment, de raconter une expérience qui a été terrible. Il y en a des pires, mais la mienne est... c'était pas mal.

Disons, la première personne que j'ai consultée et qui m'a fait passer toutes sortes d'examens était une neurologue. Elle a fini par me convoquer dans son bureau. Je venais d'apprendre ce que ça voulait dire, la sclérose latérale amyotrophique, parce que mon fils m'avait dit: J'espère que ce n'est pas ça que tu as. Alors, elle a dit: Bonjour, madame, je vais vous dire ce que vous avez. Elle a dit: C'est la sclérose latérale amyotrophique. Elle a dit: Savez-vous ce que c'est? J'ai dit: Oui, je sais ce que c'est. Mais j'étais assommée, hein, vous comprenez bien. Alors, elle m'a dit: Vous savez, préparez-vous – très froidement, hein – l'année prochaine, vous allez probablement être hospitalisée et, dans deux ans, dans deux ans...

Vous savez, j'ai senti ma fin prochaine, ma fin approcher. Inutile de vous dire que j'ai été plongée dans un enfer pendant... On s'arrache les cheveux, on se dit: Pourquoi moi? Et puis je ne savais vraiment pas quoi faire. Mon mari m'appuyait, mais, évidemment, on ne connaissait pas, on ne savait pas... Il n'y a pas grand monde qui veut entendre parler de ça et, puis qui va vous aider, puis à qui vous allez dire: Je suis désespérée.

Alors, à force de réfléchir, je me suis dit: Il faut que j'aie une deuxième opinion. Et je n'avais pas beaucoup d'espoir. Mais, enfin, je suis allée à l'institut neurologique et j'ai vu le neurologue en chef, le Dr Jack Antel, qui est une sommité internationale. Il m'a dit, après m'avoir examinée: Madame, vous avez une chance dans votre malchance. Il a dit: Le premier diagnostic n'était pas tout à fait exact; votre forme de sclérose latérale amyotrophique, elle n'est pas bulbaire – vous avez entendu Marie-Andrée l'expliquer, «bulbaire», ça fait allusion au bulbe rachidien qui est un centre, enfin, cérébral de coordination des mouvements et de bien d'autres choses – Il a dit: Vous avez la forme spinale, spinale ou périphérique, spinale, c'est-à-dire qui affecte les neurones, les neurones moteurs qui partent de la moelle épinière. Alors, il m'a dit: Vous allez avoir – déjà, j'étais affectée – les muscles des jambes, des membres inférieurs, les muscles du dos, en tout cas, en bas de la taille... Alors, je peux vous dire que j'ai poussé un grand soupir de soulagement. Puis je n'étais pas aussi atteinte que je le suis aujourd'hui, c'est-à-dire que je marchais assez facilement, seulement avec une canne, dont j'avais l'impression que je n'avais presque pas besoin.

Il faut vous dire que je suis psychologue, depuis 30 ans que je pratique, et j'ai mon bureau chez moi. Depuis quelque temps, même si j'ai la forme de sclérose latérale qui évolue assez lentement, ça évolue quand même. Et puis je suis confrontée à un problème de qualité de vie, puisque c'est mon travail. Mon bureau est au sous-sol de ma demeure, et puis on ne peut pas transformer la demeure. On a essayé de voir toutes les manières possibles, c'est impossible. Alors, il faut que je descende. J'ai un escalier à descendre, qui a 12, 13 marches, puis, là, j'ai un escalier à remonter. Alors, c'est surtout celui-là, mais il y en a un autre dans la maison, mais, ça, je peux toujours m'arranger avec celui-là.

Et ce qui est terrible pour moi, c'est que j'ai fait une demande à la Société d'habitation du Québec pour un programme qui s'appelle le Programme d'adaptation de domicile, le programme PAD, dont vous avez peut-être entendu parler. Alors, j'ai reçu une réponse, après un certain laps de temps, comme quoi je devrais attendre au moins deux ans. Ce qui est angoissant là-dedans, c'est que je ne sais pas à quel moment je ne pourrai pas négocier l'escalier. Alors, vous savez, ça entretient l'angoisse. Puis je considère que, pour moi, le travail, c'est la vie. Si j'arrête de travailler, bien, je suis finie.

Vous voyez comment je vois ça. Dans ma famille, on est tous... Mon père était un vieux médecin de famille, mes frères sont tous chirurgiens, ils sont âgés maintenant, on est tous des soignants. Puis mon père a travaillé jusqu'à 90 ans. Vous savez, le travail, c'est bon pour l'hygiène mentale, puis c'est la vie, à mon avis. Mes frères pensent la même chose, parce que c'est ce qu'ils font. Alors, je suis comme encore suspendue au-dessus... une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête, parce que je me dis: Le jour où je ne pourrai pas négocier mon escalier, bien, je ne peux plus travailler.

Puis n'oubliez pas le fardeau financier que ça représente aussi que ces équipements. Il n'y a pas grand monde parmi nous, enfin dans la population, qui est capable de payer ces équipements-là. Je parle de moi, vous savez, mais ça vaut pour tous les autres patients. Ces équipements-là peuvent coûter entre 15 000 $ et 20 000 $, même en étant très raisonnable. Je ne parle pas d'un ascenseur dans la maison, je trouve que ce n'est pas nécessaire, on peut s'arranger autrement.

Une autre difficulté, c'est avec l'Office des personnes handicapées. Bon, avec eux, ça a été un peu plus vite, j'ai reçu quelques équipements au bout de six mois. Mais c'est trop long quand même, parce qu'il y a des cas où les équipements sont arrivés et le patient était décédé, ou bien le patient était rendu à une étape plus avancée, il ne pouvait plus profiter des équipements qu'on lui envoyait.

Ensuite, je veux juste dire un mot sur les médicaments. J'ai participé à une recherche, j'ai été obligée de l'abandonner au bout d'un an parce que j'avais des effets secondaires. Mais le médicament, je crois qu'il est très bon quand même. Puis il y en a un autre qui est à la recherche aussi, mais seulement, c'est les coûts, ça va être entre 10 000 $ et 20 000 $, j'ai entendu parler de 15 000 $, 17 000 $ chacun. Alors, moi, en plus d'être menacée de ne plus être capable de travailler, donc de ne plus gagner ma vie comme les autres patients, c'est la même chose, bien, je n'aurai pas les moyens de me payer ça. Je vais savoir que j'ai une maladie qui progresse, il y a là un médicament, je ne peux pas l'avoir. Bien, je trouve ça injuste, pour moi comme pour tous les autres qui sont dans le même cas.

Alors, je fais appel à votre compréhension, à votre sens humain. Je ne peux pas vous dire autre chose que ma propre expérience. Je vous assure que c'est quelque chose. J'espère vous l'avoir fait sentir un peu. Maintenant, je vous présente M. Bruno Leblanc, qui est atteint lui aussi, mais d'une autre façon, je crois. Merci.

M. Leblanc (Bruno): Bonjour. Je vais vous raconter mon histoire. Retraité depuis 1989, je faisais du ski alpin, je jouais au golf et au tennis. À pareille date, l'an dernier, je jouais au tennis six heures par semaine. Petit à petit, j'ai commencé à mal jouer, je ne pouvais plus sortir ma deuxième balle de ma poche, je n'avais plus de force dans ma main gauche. Un médecin a d'abord diagnostiqué une bursite. En août 1995, le vrai diagnostic: la SLA. Un train m'a frappé, je cherche encore quel train. Je ne peux plus ni m'habiller, ni manger seul, je ne peux même plus tourner la page du journal ni même me gratter. Ma femme travaille à l'extérieur. Des gens du CLSC viennent quatre heures et demie par jour. Quand je suis seul, je regarde la télé puis j'essaie de penser à penser à rien. Notre fille a 25 ans, elle s'inquiète beaucoup pour sa mère et pour moi, elle appelle tous les jours et vient nous voir régulièrement. J'ai de bons amis qui me patentent toutes sortes de choses: ça se pourrait bien que j'aie des skis avec une chaise pour que je puisse me promener à la campagne.

Cette maladie est bien cruelle. Lou Gehrig en est mort en 1940, et, 50 ans plus tard, on ne peut pas me dire pourquoi je suis atteint. On a besoin de chercheurs pour nous aider à trouver la cause de cette maladie. Merci. Maintenant, je vous passe Louise.

(12 h 10)

Mme Gagné (Louise): Je remercie beaucoup surtout nos deux amis qui sont venus de loin, et vous comprenez que, pour eux, venir à Québec, c'est toute une entreprise ce matin.

Je veux vous dire en deux mots en quoi signifie la recherche actuellement qui se fait au Québec – et ailleurs, parce que les Québécois sont en relation avec les grands chercheurs sur le plan international. D'abord, au niveau génétique, c'est le Dr Guy Rouleau, de l'Hôpital général de Montréal, qui vient d'identifier un gène, enfin, qui ne vient pas, ça fait deux ans. Il est en train d'en identifier un autre, parce qu'on a trouvé une famille de 1 000 personnes – 1 000 personnes, vous avez bien compris – qui sont atteintes, c'est-à-dire, pas toutes atteintes au même niveau, mais avec un risque important. Donc, on est en train de faire des prélèvements. C'est notre Société qui a versé la première contribution pour qu'on commence les prélèvements depuis deux mois. On risque de trouver un deuxième gène.

Peut-être que ce ne sera pas encore suffisant pour qu'on identifie de vrai remède, mais, entre-temps, des entreprises pharmaceutiques ont identifié deux types de médicaments. Un médicament travaille directement sur la cellule elle-même – c'est Rhône-Poulenc – et les travaux se font aussi à Montréal, et la population québécoise atteinte de la SLA fait partie de l'expérimentation depuis deux ans. L'expérience est terminée. La demande a été faite pour la reconnaissance du médicament.

Le deuxième médicament, le BDNF, est en expérimentation aux États-Unis et au Canada, et c'est encore la population québécoise qui a été choisie pour bénéficier du médicament. C'est en cours; ça se termine à l'automne. C'est un produit, le BDNF, qui a une fonction complètement différente. Je ne pourrais pas vous l'expliquer en détail. Nous avons eu une rencontre des grands chercheurs la semaine dernière, à Montréal. C'est notre organisme qui a créé, qui a provoqué la rencontre. C'est pour vous dire un peu ce qu'un organisme fait, d'accord, avec de petits moyens. On a à peu près 100 000 $ par année de budget; 95 % de notre budget, c'est nos sources à nous; 5 %, ça vient du gouvernement du Québec, à travers le SOC, le programme du ministère des Affaires sociales. On n'a pas d'argent qui vient des régies. On pense qu'on n'a pas d'énergie pour aller en chercher là. C'est trop... c'est 16 régies. On est partout au Québec, nous autres.

Mais on aimerait ça que vous disiez, puis je termine là-dessus, parce que c'est très important, que vous demandiez au ministère des Affaires sociales de donner un O.K. pour qu'il se fasse une étude systématique de tous les cas de la SLA. On n'a pas besoin de faire un échantillonnage, on en a juste 600. Ils sont partout au Québec. On a la collaboration des gens qui travaillent avec eux, on va vous aider et on va en savoir un peu plus. Parce qu'on pense que ce n'est pas juste la recherche médicale qu'il faut. Il faut aussi de la recherche psychosociale, de la recherche environnementale. On a quatre cas de personnes, dont deux sont déjà décédées sur un même étage dans un même cégep. Bon. Ça commence à donner des indications de quelque chose qu'il y a dans l'air. Il y a déjà eu des plaintes de faites à la CSST dans ce département-là, mais il n'y a personne qui, actuellement, s'assoit pour ramasser les données. La seule façon de ramasser les données, c'est de ramasser le monde, hein! À la même place, il faut que les données arrivent là, qu'on fasse des compilations de toutes sortes.

Ça fait 150 ans que la maladie est connue, est identifiée. On nous a lu, l'autre jour, la description clinique de la maladie il y a 150 ans. Les docteurs nous la donnent de la même façon maintenant. On n'a pas fait un pouce, là-dessus, de connaissances. Ça n'a pas d'allure dans notre siècle de science. Alors, nous autres, on est d'accord pour travailler, mais on a besoin d'un O.K. de votre... de notre gouvernement. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, Mme Gagné. Soyez assurée que tout ce qui vient de se passer là est à la fois très apprécié, et je pense que chacune et chacun des membres de la commission... je sentais qu'il passait tout un courant.

M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui, M. le Président, je pense que vous avez parfaitement raison. C'est à mon tour de vous remercier du témoignage que vous nous apportez ce matin. Je voudrais aussi remercier Mme Pérusse et M. Leblanc d'une façon particulière. Je peux comprendre que ça a dû être très difficile pour vous de vous déplacer et de vous rendre ici. J'apprécie aussi la présentation que vous nous avez faite, Mme Corneille et Mme Gagné.

Au début de votre exposé, vous avez souligné l'importance d'un nouveau médicament qui crée, semble-t-il, des espoirs certains. Est-ce que ce médicament a fait l'objet d'expérimentations, de travaux de recherche? Est-ce que vous pouvez nous en parler, le nommer aussi, le médicament?

Mme Gagné (Louise): Oui, le riluzole, c'est un médicament qui est expérimenté chez l'humain. L'expérimentation est terminée déjà depuis plusieurs mois. En juillet dernier, la demande a été faite aux autorités fédérales pour obtenir la permission de le rendre disponible sur le marché. Pendant le temps où l'étude est faite au niveau fédéral, la compagnie Rhône-Poulenc Rorer le rend disponible sur une base humanitaire pour ceux qui l'ont déjà pris avant. O.K. Ceux qui n'étaient pas encore diagnostiqués et qui n'ont pas pu bénéficier du médicament n'y ont pas droit, parce qu'il n'est pas en circulation libre, vous comprenez. Mais, même s'ils y avaient droit aujourd'hui, ceux qui ne sont pas assurés, ils ne pourraient pas se le permettre, parce que ce médicament coûterait à peu près 13 000 $ par année, par personne.

Alors, ce qu'on a appris, c'est que vous avez l'intention, au gouvernement, par l'avènement de l'assurance-médicaments, de procéder selon les anciennes formules. Dans l'ancienne formule – on veut vous mettre en garde – vous avez une liste de maladies qui bénéficiaient, pour les «malades sur pied», de médicaments gratuits. Ceux-là, ça va. La fibrose kystique, on se souvient, ils ont crié quand vous avez décidé de les enlever de la liste; ils sont revenus sur la liste. Nous autres, on ne l'est pas sur la liste. La SLA ne l'est pas, parce qu'il n'y avait pas de médicament accessible. Il n'y en avait pas, point. Bon. Alors, là, il y en a, des médicaments, donc c'est très important qu'on revienne, qu'on mette cette maladie-là sur la liste.

En plus, il faut que vous vous disiez que c'est une maladie qui ne coûte rien à l'État actuellement, sauf les soins primaires des CLSC, un peu de maintien à domicile. Puis je peux vous dire que les gens hésitent beaucoup avant d'en demander, ça fait que ce n'est pas eux autres qui coûtent cher. C'est vraiment les proches qui sont les plus grands dispensateurs de services. D'ailleurs, ils sont assez adéquats là-dessus, puis on les aide beaucoup, puis, nous autres, on fait de l'entraide en plus pour que les gens se supportent mieux.

Mais, pour revenir aux médicaments, c'est très important qu'on poursuive la recherche au niveau pharmaceutique. Mais je vous dis, ce n'est pas là la solution; il y en a d'autres aspects qu'on n'a pas encore inventoriés.

M. Marsan: Vous pouvez nous parler des autres aspects?

Mme Gagné (Louise): O.K. Par exemple, nous autres, on a fait, avec nos petits moyens, une étude psychosociale, en 1993, à travers tout le Canada. On a pris tous les patients connus à l'époque. On a, par exemple, compris qu'au niveau des neurologues les gens ne comprennent pas ce que c'est, cette maladie-là. Ils ne comprennent tellement pas qu'ils ne sont pas capables d'expliquer à leurs malades. Bon, ils ont des bebites personnelles devant la maladie. Mais il y a aussi le fait qu'ils n'en savent pas grand-chose.

La deuxième chose qu'on a comprise, c'est que, dans les soins qui viennent, selon l'évolution de la maladie... Vous avez vu un peu comment ça va vite. Il y a une telle rapidité dans les changements de situation que les organismes, comme l'Association canadienne de la dystrophie musculaire, qui ont l'habitude de délivrer – excusez l'expression, ce n'est pas un bon terme – d'offrir des services d'équipements, ils n'arrivent plus à suivre le rythme. Il faut dire qu'ils ont des rythmes assez lents, surtout, madame a parlé de la Société d'habitation du Québec avec deux, trois ans d'attente. Nos gens sont morts; c'est trop tard. Alors, il faut absolument qu'on change ces éléments-là, c'est très important.

Quand je vous ai parlé tantôt de la qualité de vie, quand ces gens vous ont dit ce que ça représente, la qualité de vie... Nous autres, ce qu'on se rend compte, c'est que, quand on améliore la qualité de vie, on allonge la vie, c'est très important, puis on allonge une vie qui est intéressante, pas juste pour les gens qui sont en vie, pour les gens qui sont autour et qui peuvent être même bénéfiques. Madame, elle continue à travailler, elle paie ses taxes. C'est très important, donc, qu'on comprenne qu'on est devant un environnement... O.K.? C'est une maladie qui nous crée un problème d'environnement. Il faut qu'il y ait des chercheurs qui s'intéressent à cet aspect-là aussi.

M. Marsan: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Pointe-aux-Trembles... J'imagine que les députés ne verront pas d'objection à ce que je permette au député de Pointe-aux-Trembles de poser une question.

M. Bourdon: M. le Président, brièvement, je veux dire que je suis atteint de la sclérose en plaques, la SP qu'on dit dans le jargon, et non pas la sclérose latérale amyotrophique, la SLA. Ça ne m'empêche pas d'éprouver, comme mes collègues, un sentiment de compassion pour les personnes atteintes et d'admiration pour le travail que fait la Société. Quand on est atteint d'une maladie, ça nous rend plus sensible aux maladies des autres.

(12 h 20)

Mme Gagné (Louise): C'est gentil. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça aussi, c'est difficile.

Mme Gagné (Louise): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Bonjour. Oui, je dois dire aussi que j'ai été très sensibilisée et très émue de vous entendre ce matin. Je voudrais vous parler un peu. Vous avez dit que les chercheurs québécois étaient très actifs au niveau de connaître un peu plus d'où provient la maladie, ses causes. Leurs sources de financement, quelles sont-elles?

Mme Gagné (Louise): C'est essentiellement les associations qui travaillent au niveau canadien et américain avec les malades atteints de la SLA. Alors, ici au Québec, on ramasse un peu de fonds, nous, la SLA du Québec. On est complètement autonome de SLA Canada, O.K.?

Mme Loiselle: O.K.

Mme Gagné (Louise): Mais, à chaque année, à l'assemblée générale, on décide ce qu'on fait avec notre argent. Cette année, on a décidé de donner notre argent au Dr Guy Rouleau parce qu'il venait de trouver 1 000 personnes, puis il fallait qu'on fasse vite, puis on n'avait pas le temps de passer par la procédure normale. Mais, normalement, on met notre argent dans le pot, avec tout le monde, et il y a un processus de sélection. Mais nos travailleurs québécois, nos chercheurs québécois sont tellement intéressés qu'ils souscrivent, plusieurs, à cette... ils viennent présenter des projets, puis, l'année dernière, sur six projets retenus au Canada, il y en avait quatre au Québec. C'est des projets de recherche de base, très, très basiques, là. Il y en a un ici à Laval, c'est dans la biologie moléculaire; il y en a à Montréal; il y en a un qui fait de l'expérimentation sur des souris, de certaines affaires qui ont été comprises par un autre. Tu vois, c'est ce genre de projet.

Le plus gros, donc, de l'argent est distribué par SLA Canada. Mais SLA États-Unis, américain, donne aussi de l'argent à Guy Rouleau, par exemple. C'est un bénéficiaire d'autres... Et, nous autres, on travaille dans le projet avec Guy Rouleau, avec deux chercheurs français, un à Lyon, l'autre à Paris, qui sont en même temps des neurologues qui travaillent dans les associations de gens qui sont atteints de la SLA. Vous comprenez?

Mme Loiselle: Oui, oui.

Mme Gagné (Louise): Le Dr Cashman, qui vient de rentrer membre de notre conseil d'administration, c'est le plus grand chercheur qu'on a à Montréal, un chercheur clinicien, c'est-à-dire que, lui, il administre les médicaments et il fait toutes les observations cliniques qui sont connexes pour faire évoluer l'expérimentation. Il vient de rentrer avec nous autres au conseil d'administration; ça va nous aider beaucoup. Mais on a déjà deux médecins sur notre conseil d'administration. On ne vous les a pas amenés parce que, nous autres, le jargon médical, on en a un peu peur. Il n'y a pas tellement de réponses de ce côté-là. On se dit: Si on allait voir ailleurs, peut-être qu'on trouverait d'autre chose.

Mme Loiselle: Vous nous avez parlé tantôt que vous êtes prêts, votre équipe, à mettre sur pied une clinique. Tout semble être structuré comme il le faut. Tout ce qu'il vous manque, quoi, c'est l'autorisation de la régie régionale?

Mme Gagné (Louise): Non, la régie, ils disent: Ce n'est pas notre problème, c'est le problème du Québec, hein. On a juste 25 patients à Montréal, ou 52, pourquoi on paierait pour l'ensemble du Québec? En fait, l'étude, il faut qu'elle provienne d'un mandat du ministère des Affaires sociales. O.K.? Il faut que quelqu'un dans ce ministère-là... On m'a donné des noms. Je n'ai pas encore eu le temps d'aller voir si c'est le bon monde. Il faut trouver le bon monde qui va donner le O.K.

Ça ne coûte pas cher, là. Actuellement, on a évalué que l'administration, par exemple, du médicament, si tout le monde était admissible et si on trouvait les 600 personnes pour le prendre – ce n'est pas sûr que tout le monde est en état de le prendre, il y en a qui sont dans des phases trop avancées, par exemple – ça nous coûterait à peu près 2 000 000 $. On ne parle pas de 100 000 000 $. Faire une étude sur 600 personnes au niveau clinique... J'ai fait l'exercice, parce que, moi, je suis dans l'administration publique. Je leur ai montré qu'un large pourcentage des ressources humaines sont déjà payées. On ne les paie pas une deuxième fois. On leur dit juste: Le deuxième mardi du mois, vous êtes tous à la même place, puis vous voyez le même monde, puis vous vous en parlez.

Il y a, c'est sûr, des budgets additionnels pour faire la coordination de la clinique, mais, tu sais, c'est quelques dizaines de milliers de dollars. Mais on ramasse des faits, on ramasse des données, on intéresse des étudiants de toutes sortes à étudier toute sortes de parties de la maladie. Puis, là, à un moment donné, parce qu'on a une clinique, parce qu'on a un centre d'intérêt commun, on apprend des affaires.

Mme Loiselle: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui. Je vous remercie, M. le Président. J'ai remarqué, vous nous l'avez présentée tantôt, une personne aidante, et je voudrais la saluer, Mme Michèle Authier.

Ce que j'aimerais savoir de vous, Mme la présidente, c'est: Est-ce que c'est le CLSC qui peut fournir des personnes aidantes ou si c'est vraiment des personnes qui sont bénévoles ou rémunérées par votre organisation? J'aimerais qu'on nous parle des personnes aidantes, s'il vous plaît.

Mme Gagné (Louise): O.K. Essentiellement, les personnes aidantes, c'est les proches. Dans notre étude, on a vu que, si le monsieur est atteint, c'est beaucoup la conjointe. Quand la madame est atteinte, ce n'est pas toujours le conjoint, ça peut être la soeur, bon, des membres de la famille. C'est des proches.

Mme Corneille (Marie-Andrée): Les enfants.

Mme Gagné (Louise): Les enfants. Oui, Marie-Andrée, beaucoup les enfants – ha, ha, ha! – qui, à tour de rôle... Veux-tu en parler un peu?

Mme Corneille (Marie-Andrée): Bien, écoutez, oui. Moi, j'ai beaucoup, beaucoup, effectivement, donné d'aide à mon père, parce que ma mère n'était pas tellement présente pour ça. On est cinq enfants, on s'est relayés énormément. On a tous eu des conséquences: j'ai encore mal dans le bas du dos, moi, cinq mois plus tard. Mais, cela dit, c'était un réel plaisir de le faire.

Mon père a été placé, lui, finalement. Il a passé quand même quatre ans et demi placé parce qu'il avait trop une grosse perte d'autonomie et, comme sa maladie dégénérait très tranquillement, bon, à un moment donné, il a fallu prendre la décision de le placer, ce qu'il souhaitait de toute façon. Mais, avant qu'il soit placé... dans toutes ses activités, mon père a continué à travailler quand même jusqu'à peu près la dernière limite. Mais, pour faire les courses, pour se déplacer, aller à ses réunions, pour continuer ses activités, certaines activités même sportives qu'il pouvait faire, il avait besoin d'aide et d'accompagnement, ce qu'on lui a toujours donné.

Et puis, quand il a été placé pendant quatre ans et demi, malgré le dévouement du personnel de l'institut thoracique où il était placé, c'est sûr qu'il avait énormément besoin de nous, pour de multiples raisons, quoi. À la fin, bien, il ne pouvait plus manger par lui-même; je veux dire, on a nourri mon père pendant les deux dernières années. Comme disait M. Leblanc, il ne pouvait pas se gratter, tu sais. Il ne pouvait pas tourner les pages de ses dossiers pour mettre ses affaires à jour. À la fin, il ne pouvait plus rien faire. On lui a fait la lecture. On lui a permis d'avoir une vie.

Moi, je voudrais juste vous dire un truc. Je ne sais pas si c'est pertinent de dire ça ici, mais on pense souvent à sauver la vie, tu sais, à dire: On va empêcher la mort d'arriver. Moi, la mort ne me fait plus très peur. Je trouve que la qualité de la vie pendant qu'elle est là, par contre, c'est très, très important, c'est aussi important. On a une espèce de peur phobique de ce qui nous attend, mais, bon, ça va aller, ça va être correct, tu sais. Mais le temps qu'on est là... Par contre, que la personne se lève le matin en se disant qu'elle va avoir une belle journée, où il va arriver des choses, où elle va grandir ou elle va aider les autres à grandir autour d'elle, où les oiseaux vont chanter pour elle aussi, pour moi, c'est ça qui est le plus important. Et ce dont Mme Gagné vous parle depuis tantôt, bien, moi, je pense que c'est ça qu'on espère dans l'avenir.

M. Marsan: Je vous remercie, Mme Corneille.

Mme Gagné (Louise): Si vous permettez, monsieur.

M. Marsan: Oui.

Mme Gagné (Louise): C'est parce que j'ai bien connu André Corneille, son père, qui a été trésorier de notre organisme pendant des années et des années; il était à l'hôpital, il faisait encore la comptabilité sur son ordinateur. C'est un homme qui a été capable, jusqu'à la fin, d'envoyer des messages. On a un bulletin qui est produit quatre fois par année, qui est très lu. Les gens se le passent parce qu'il est très fouillé. Il est fait par Renée Rowan, une ancienne journaliste du Devoir . On a une qualité de production dans tout ce qu'on fait, pas juste la recherche, mais tout le travail que l'on fait est très professionnel chez nous. Alors, ça fait en sorte que des gens, comme André, qui contribuent, c'est très important, pas juste pour lui – lui aussi, il en était fier, je pense, quand il voyait des choses publiées dans le bulletin – mais pour les autres qui recevaient son témoignage.

Alors, je pense que le travail que fait l'organisme communautaire – c'est ça que vous voulez savoir, hein – c'est essentiellement de tenir le monde ensemble, et, quand je mets le monde ensemble, j'inclus les professionnels de la santé, j'inclus les institutions. Je pense que la contribution la plus grande, c'est de chercher cette vie-là qui nous anime, puis c'est les personnes malades qui nous la communiquent. Vous n'avez pas la chance, vous autres, d'être en contact avec ces gens-là – sauf monsieur, je m'excuse – mais, nous autres, on a cette chance, parce qu'on est près d'eux, ils nous stimulent beaucoup, et c'est un peu ça qu'on essaie de vous transmettre, pour ne pas juste voir la recherche de la qualité de vie comme étant un éloignement de la maladie. Non, il y a des maladies avec lesquelles il va falloir qu'on apprenne à vivre. Mais comment on va apprendre à vivre socialement? C'est ça qu'on est en train d'apprendre.

(12 h 30)

M. Marsan: Ce que j'aimerais aussi savoir – et je vous remercie de ces explications – c'est si vous avez le support des CLSC, par exemple, pour le maintien à domicile des patients atteints de la SLA.

Mme Gagné (Louise): Oui, mais il a fallu la solliciter, leur collaboration, et on la reçoit. Et la façon de le concrétiser, c'est par des colloques scientifiques qu'on fait une fois par deux ans; si on était capable de les faire à tous les ans, ça serait encore mieux. Là, on va chercher toutes les nouvelles générations, les nouvelles personnes qui sont en ergothérapie, en physiothérapie, puis tous ces professionnels-là qui arrivent tout le temps dans le milieu et qui n'ont pas appris... Parce qu'à l'université on ne leur parle pas de ça. Je ne sais pas ce qu'on leur montre, mais, en tout cas, ce n'est pas ça. Alors, quand ils viennent au CLSC, bien, tout à coup, ils ont leur premier cas, ils ne savent pas comment faire. Alors, ils viennent chez nous et on les met en contact avec des gens qui sont déjà venus à notre colloque. Alors, ils s'entraident aussi entre professionnels de la santé, d'un CLSC à l'autre; et ça, c'est très important.

Parce que, souvent, à cause de notre système québécois, que par ailleurs j'adore, on nous cloisonne. Tu sais, on nous dit: Ah! région de Montréal; ou bien: CLSC tel territoire. Mais, en fait, dans la vraie vie, les gens qui travaillent dans un CLSC, ils ont besoin de savoir si l'autre, à côté, il n'a pas une chaise roulante en trop ou bien s'il n'y a pas du monde qui connaît ça, les gens de la SLA. C'est souvent leur premier cas. Alors, il faut favoriser cette communication. Et le seul lieu où vous pouvez avoir ça, je m'excuse, mais c'est le communautaire. Parce que, nous autres, on n'est pas menaçants là-dedans, on ne veut pas les contrôler au niveau médical, au niveau paramédical ou au niveau scientifique. On veut juste leur donner l'information qu'on apprend, par ailleurs, des uns et des autres, et on favorise cette communication entre le monde.

On prépare un colloque pour le début de 1997. On vient de réaliser, la semaine dernière, une rencontre scientifique. Pour la première fois, les chercheurs sont venus se parler entre eux, pas à un niveau scientifique, là, ils sont venus parler à des malades, ils sont venus dire ce que ça veut dire, leurs recherches; c'est très important. Ils se rencontrent sur le plan international pour parler de leurs articles qu'ils viennent de publier dans le New England Journal of Medicine – ou je ne sais pas quoi; en tout cas. Bref, ils viennent dans ces lieux-là qui sont très bien. Sauf qu'ils ont besoin aussi d'être en contact, comme nous, avec les malades, parce que c'est très stimulant, c'est ça qui leur donne le goût de continuer à faire de la recherche.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais, comme mes collègues des deux côtés l'ont déjà dit, vous dire merci pour votre présentation. C'est une présentation tellement touchante. Je souhaite la meilleure chose pour les membres de ce groupe, mais aussi pour l'avenir de ce groupe parce que vous avez plein d'idées. Et j'espère que vous allez envoyer votre idée au ministère de la Santé parce que, effectivement, nous avons besoin d'une étude et, je pense que vous avez raison, ce n'est pas nécessairement tellement cher de faire ça. J'espère au moins que, si vous n'avez pas les moyens d'écrire un projet, on pourra envoyer le libellé de cette conversation d'aujourd'hui au ministre et j'espère qu'il va accepter de donner les ressources nécessaires pour cette évaluation.

Dans ce mandat d'initiative, à la commission des affaires sociales, nous sommes en train d'étudier les médicaments et le contrôle, l'utilisation, les coûts directs et indirects. Vous avez mentionné toutes les questions de recherche, vous avez mentionné aussi le nouveau médicament, le riluzole. Je voudrais savoir... je présume qu'ils ne l'ont pas présenté devant le CCP jusqu'à maintenant.

Mme Gagné (Louise): Oui, c'est fait.

M. Williams: Ils l'ont présenté.

Mme Gagné (Louise): Oui.

M. Williams: Et on attend...

Mme Gagné (Louise): On attend.

M. Williams: On attend. Je voudrais savoir: Est-ce que le système marche dans ça? Les recherches... Vous avez expliqué...

Mme Gagné (Louise): Oui.

M. Williams: ...quatre projets. Est-ce que c'est trop vite? Ce n'est pas assez vite, les étapes différentes jusqu'au point où le médicament est disponible pour vos membres? Est-ce que le système met plus de barrières ou est-ce qu'il facilite l'accès à ces médicaments?

Mme Gagné (Louise): C'est très intéressant que vous posiez cette question. Vous qui avez l'habitude de travailler avec les affaires sociales – je sais que vous êtes dans ce dossier-là – vous devez savoir qu'il y a peu d'instances dans notre société, et ce n'est pas juste au Québec, qui préparent les gens à entrer dans un protocole de recherche; même les universités n'ont pas pensé ça encore. Alors, nous autres, ce qu'on vous a demandé dans nos recommandations, parce qu'on a l'intention de le faire, c'est de développer des outils – pas des grosses affaires, des dépliants, des vidéos – pour expliquer ce que c'est qu'un protocole de recherche et pour enlever l'anxiété dont parlait madame, là: Quand on participe à un protocole, qu'est-ce que ça veut dire? Puis, quand on en sort, qu'est-ce que ça veut dire? Bon.

Est-ce que c'est lent? C'est-à-dire que c'est beaucoup trop lent pour le rythme dans lequel, nous autres, on est. Nos malades, là... C'est fou, la vitesse avec laquelle ça évolue. Sauf qu'on considère que c'est très important que ce soit bien fait. Et on était d'accord pour participer. On s'est posé beaucoup de questions avant d'entrer dans la collaboration avec Rhône-Poulenc. On a favorisé la relation avec nos membres, on a soutenu nos membres tout au long du protocole. Et on explique pourquoi ceux qui ne sont pas encore dedans ne peuvent pas recevoir le médicament, même si c'est très frustrant pour eux, et pour nous de le leur expliquer. Mais on le comprend, le système.

Vous vous préoccupez de savoir: Est-ce que le système marche? Moi, je vous dirais que la recherche générale marche, mais elle est beaucoup trop médicalisée. Je crois qu'il faut qu'elle soit interdisciplinaire, et même la pharmacologie. Dans notre relation, dans notre partenariat avec Rhône-Poulenc, on travaille là-dessus. Ils sont ouverts, en autant que, nous, on peut les comprendre, à cette possibilité d'entendre des gens comme nous qui ne sommes pas en pharmacologie. Ils sont intéressés à travailler avec des cliniciens qui ont d'autres observations sur la maladie, sur les comportements des malades avec leurs médicaments.

Mais, encore là, je vous le dis, ce qui peut faire le lien entre les disciplines, c'est souvent des gens aussi modestes que nous, ce n'est même pas les universités. Elles vont travailler avec nous, dans notre clinique. On a deux universités, actuellement, qui sont d'accord. McGill est d'accord, à cause de Jack Diamond, qui est un des directeurs qui travaille aussi avec SLA Canada, à cause de Cashman, qui travaille avec nous au conseil d'administration; on les a avec nous. L'Université de Montréal est d'accord parce que Duquette, à Notre-Dame, est d'accord et d'autres chercheurs de Montréal seraient intéressés. Mais qui va mettre les deux universités ensemble? Vous avez essayé, vous autres, Montréal, de ce temps-là... «Ç'a-tu» marché? C'est tellement compliqué. Donc, il va falloir que nous autres on trouve une autre recette.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je ne veux pas vous arrêter, mais le temps passe et il reste deux interventions.

M. Williams: J'ai une courte question. Rhône-Poulenc s'est présentée devant le CCP quand? Plus ou moins, là.

Mme Gagné (Louise): Juillet 1995.

M. Williams: Avec ça, vous attendez depuis presque un an.

Mme Gagné (Louise): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je voudrais juste faire une petite correction pour être bien sûr qu'il n'y a pas une mauvaise interprétation, mais on m'informe que le produit serait encore à être approuvé. Alors, ce ne serait pas au niveau du CCP, là...

Mme Gagné (Louise): Oui, oui, il a été présenté pour étude...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est que le produit va être étudié par le CCP après avoir été approuvé par le fédéral.

Mme Gagné (Louise): Ah! Excusez-moi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Donc, je veux juste être sûr, là, qu'il n'y a pas...

Mme Gagné (Louise): Non, non, vous avez raison. Vous avez raison.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...une mauvaise interprétation.

M. Williams: Avec ça, ils l'ont présenté devant le HPB. C'est ça?

Mme Gagné (Louise): C'est ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est à l'étude pour être approuvé. Juste pour être sûr qu'il n'y a pas une mauvaise interprétation...

Mme Gagné (Louise): Non, non, vous avez raison.

M. Williams: Oui, effectivement, c'est assez...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Mon collègue a une autre petite question.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que vous avez une autre question?

M. Williams: Non, non, laissez faire. Allons-y.

Mme Loiselle: Non, mais, moi, c'était dans le même sens que... Termine.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'était dans le même sens?

Mme Loiselle: C'était dans le même sens, alors...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors M. le député de Nelligan, allez-y pour votre dernière, et on va terminer avec la conclusion, avec le député de Robert-Baldwin et M. le député de Johnson.

M. Williams: Le sens de ma question était: Est-ce qu'Ottawa ou, selon vos contacts préliminaires avec le CCP... Est-ce qu'ils ont demandé la perspective des patients? Est-ce qu'ils ont demandé que votre association donne une opinion sur l'évaluation de ce médicament?

Mme Gagné (Louise): Non. Nous autres on n'a jamais été contactés par le fédéral. Mais je voudrais tout de suite vous dire, dans le même sens que se faisaient les corrections tantôt, nous, on n'a pas d'intervention à faire du tout en matière d'autorisation pour ces médicaments-là, on ne fait pas de démarches; c'est la compagnie elle-même qui fait ses propres démarches. Nous, on a participé à l'expérimentation du médicament, à l'étape antérieure, où ils avaient besoin d'avoir accès aux patients.

M. Williams: Mais vous-même avez dit, je pense: Pendant notre évaluation, est-ce que nous allons le lister ou ne pas le lister, on doit demander aux patients... Je pense que c'est une étape qui souvent est oubliée.

Mme Gagné (Louise): Ah! non, je le disais dans le contexte où, en attendant les réponses d'autorisation et fédérale et québécoise, la compagnie donne le médicament gratuitement aux gens qui y avaient déjà eu accès auparavant; c'est la seule chose pour laquelle... Et, nous, notre plus grand travail, actuellement, c'est d'expliquer aux gens qui n'y ont pas accès...

M. Williams: Oui.

Mme Gagné (Louise): ...pourquoi ils n'y ont pas accès, parce que ça, c'est très frustrant.

M. Williams: Oui, oui. Vous avez raison.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Terminé?

M. Williams: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Conclusion, M. le député de Robert-Baldwin.

(12 h 40)

M. Marsan: Oui, M. le Président, d'abord, je veux vous remercier et remercier votre présidente, Mme Gagné. Je pense que vous avez une excellente présidente, qui défend avec coeur et avec beaucoup d'émotion les patients atteints de SLA. Je voudrais vous remercier, Mme Pérusse et M. Leblanc, je pense que vos témoignages sont extrêmement importants pour nous, ils nous apportent un éclairage nouveau, en tout cas, sur une maladie que nous ne connaissions pas suffisamment. Je voudrais vous remercier, Mme Corneille, pour l'expérience que vous avez connue comme personne aidante et je pense que vous nous avez touchés beaucoup pour avoir accompagné votre père tout ce temps-là dans des conditions sûrement difficiles. Je voudrais remercier Mme Michèle Authier et finalement toute la grande équipe de la SLA. Je crois que vous avez une travailleuse sociale du nom de Mme Rouillier qui est peut-être avec vous aussi. Et je voudrais que vous transmettiez nos félicitations à vos nombreux bénévoles.

Mais ce que je retiens aussi de votre témoignage, c'est... Nous recevons la demande pour le médicament et nous allons suivre ce dossier-là d'une façon particulière, mais nous recevons aussi cette demande d'une étude un peu plus systématique, épidémiologique même, sur l'évolution du nombre de cas de SLA, et peut-être de ressources additionnelles. Je voudrais vous mentionner aussi que nous allons bientôt discuter en commission parlementaire du nouveau projet de loi sur l'assurance-médicaments et que ce serait notre intention, si vous acceptiez, si vous étiez intéressés, de vous inviter de nouveau à venir rencontrer... Cette fois, le ministre serait avec nous, et je pense que ce serait extrêmement important que le ministre puisse écouter ce que vous avez à nous dire.

C'est le deuxième groupe d'association de sclérose en plaques qui est venu ce matin. Je me permettrais, moi aussi, de témoigner à mon collègue, le député de Pointe-aux-Trembles, Michel Bourdon, toute l'appréciation qu'on a vis-à-vis son courage. Je voulais vous mentionner qu'il a présenté, la semaine dernière, une motion sur la semaine de la sclérose en plaques, motion qui a fait l'unanimité à l'Assemblée nationale. Alors, merci beaucoup.

Mme Gagné (Louise): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Johnson.

M. Boucher: Alors, très rapidement, j'aimerais, au nom de mes collègues du gouvernement, vous remercier de votre présentation. Elle a été touchante parce que vous y avez mis votre coeur, et vos convictions sont profondes, on le voit. Je souhaite qu'on puisse donner suite à vos demandes et que vous puissiez continuer à faire votre travail comme vous le faites si bien. Je vous remercie donc de vous être déplacés. Je sais que c'est difficile pour vous de venir ici, c'est un effort extraordinaire, et vous méritez toute notre appréciation.

Mme Gagné (Louise): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, à mon tour, comme président. Merci beaucoup. J'insiste sur la qualité du bénévolat que vous offrez à ces gens-là, ceux et celles qui s'impliquent.

La séance est suspendue jusqu'après les travaux de la Chambre, cet après-midi, vers 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 43)

(Reprise à 15 h 15)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Bonjour, au nom des membres de la commission. Vous représentez l'Association québécoise de l'épilepsie. Je dis ça de façon particulière pour les gens qui enregistrent; il y a un changement à notre ordre. Vous savez le but de la commission, donc je ne le répéterai pas. C'est simplement pour vous dire que vous avez 20 minutes pour nous faire vos remarques préliminaires et ensuite il y aura un échange entre les députés. Alors, en plus de vous souhaiter la bienvenue, on vous dit d'être très, très à l'aise. Parfois, on est un petit peu impressionné par... oui, voilà, la disposition. Alors, bonjour et allez-y.


Association québécoise de l'épilepsie

Mme Picard (France): Bonjour. Je voudrais d'abord remercier les gens de la commission de nous avoir accordé cette période pour nous faire entendre et faire entendre les besoins des personnes épileptiques au Québec. Je me présente, je suis France Picard, directrice générale de l'Association québécoise de l'épilepsie. À ma droite, il y a Mme Lise Laverdière, qui est coordonnatrice d'Épilepsie section de Québec, une de nos associations régionales; et à gauche, le Dr François Dubeau, neurologue de l'Institut neurologique de Montréal.

Le plan de la présentation sera le suivant. Je vais vous brosser un tableau général au sujet de l'Association, au sujet de l'épilepsie, au sujet un petit peu de la population épileptique et passer peut-être un peu plus de temps sur les recommandations. Je laisserai environ un tiers de la présentation au Dr Dubeau, qui vous entretiendra de considérations plus médicales, évidemment, puisque nous sommes dans ce champ de réflexion.

Alors, l'Association québécoise de l'épilepsie est un organisme qui a déjà 36 ans à son actif. Elle s'appelait auparavant la Ligue de l'épilepsie du Québec. C'est dans la lignée des organismes à but non lucratif reconnus par la loi 9 sur l'exercice des droits des personnes handicapées... Je vous mentionne cet élément parce que, bien sûr, ça nous positionne par rapport à notre mémoire. Nous sommes ici pour défendre les droits des personnes épileptiques, en particulier leur droit au travail; c'est ce que nous avons expliqué dans la présentation du mémoire. L'Association a 11 associations régionales avec qui elle travaille de concert, à travers le Québec. Nous avons un conseil d'administration constitué de 21 administrateurs, majoritairement des personnes épileptiques, des parents de personnes épileptiques, des neurologues et des gens d'affaires.

Qu'est-ce que c'est, l'épilepsie? Vous en avez peut-être vu, quelques personnes qui ont fait des attaques. C'est parfois très confondant parce qu'on se demande s'ils ne sont pas cardiaques ou ce qui leur arrive. Les gens qui ont peu d'information sur l'épilepsie arrivent difficilement à la reconnaître, d'autant plus que ça a été un handicap très caché, très tabou. Donc, on a beaucoup de travail d'information et de sensibilisation à faire sur le sujet. Cependant, on sait qu'elle a différentes formes. Vous avez vu des gens qui faisaient des absences et vous ne vous en êtes pas rendu compte. Vous avez vu des enfants à l'école à qui on a dit: Vous êtes dans la lune, mais, au fond, ils n'étaient pas dans la lune, ils faisaient des absences épileptiques qui peuvent se répéter jusqu'à une centaine de fois par jour, ce qui se traduit par un déficit scolaire très important. Vous avez des gens chez qui c'est plus spectaculaire, où la personne perd carrément conscience ou tombe. Alors, là, vraiment, on est dans une situation où l'entourage a à intervenir ou est saisi par l'événement, et ça donne l'occasion de connaître un peu plus ce qu'est l'épilepsie.

Comment peut-on s'organiser pour que ces choses-là arrivent le moins souvent, pour que les attaques arrivent le moins souvent et créent le moins de dommages possible? Nous sommes donc dans le vif du sujet, ce n'est que par les médicaments. C'est la raison pour laquelle l'Association a sollicité votre attention à ce sujet, parce que, chez nous, les médicaments, c'est une donnée très importante. Sans les médicaments, les personnes épileptiques ne peuvent pas vivre; c'est aussi clair que ça. Et ça se traduit aussi par des déficits très importants. Vous avez sans doute entendu parler du status épileptique où on est obligé d'entrer la personne à l'hôpital, de lui accorder des soins hospitaliers très onéreux. Et c'est vraiment par les médicaments qu'on peut arriver à une situation qui est un peu plus potable pour la personne épileptique, pour son environnement familial et pour la société en général, parce qu'il y a des coûts fort importants reliés à ces situations-là.

L'épilepsie. On dit que les patients doivent prendre des médicaments la grande majorité de leur vie. Entre 40 % et 60 % des patients prennent des médicaments pour leur vie et plusieurs en prennent plus qu'un, plus qu'une sorte de médicament. Mais tout ce domaine des médicaments et des anticonvulsivants, le Dr Dubeau insistera davantage sur cet aspect-là. On note aussi, parfois, qu'il y a une incidence de deux à quatre fois plus élevée des problèmes psychologiques et psychiatriques chez les patients dont les crises ne sont pas contrôlées. Donc, c'est pour vous indiquer que le contrôle de l'épilepsie est fort important.

(15 h 20)

Si on s'intéresse un peu plus à la population épileptique: Il y en a combien au Québec? C'est quoi son importance par rapport aux autres handicaps? Il est reconnu qu'il y en a entre 0,7 % et 1 % de la population québécoise et de la population canadienne également, et ça se traduit au Québec par le nombre suivant: de l'ordre de 60 000 personnes, entre 42 000 et 60 000 personnes. De celles-là, il y en a 10 000 qui sont réfractaires aux médicaments, c'est-à-dire qu'elles ne répondent pas, le médicament n'arrive pas à contrôler à 100 % leurs crises ou à leur accorder un rythme de vie pour qu'elles soient capables de s'intégrer. Alors, c'est de ceux-là dont on va vous parler, c'est ceux-là qui sont le plus en péril et qui sont les plus vulnérables aux changements, lorsqu'on décide de projets de loi comme celui-là, à savoir: Est-ce qu'on va faire payer les gens? Dans quelle proportion on va les faire payer? Qu'est-ce qu'on va leur faire payer?

Il faut aussi comprendre que l'épilepsie, donc, c'est un handicap qui est répandu, c'est plus répandu que la sclérose en plaques; on parle de 10 fois plus répandu que la sclérose en plaques. Elle est aussi beaucoup plus répandue que la maladie de Parkinson. La maladie de Parkinson apparaît chez 1 % des personnes âgées de plus de 50 ans. Donc, c'est un phénomène important dans notre société, ça touche un grand nombre de personnes et, quand ça les touche, ça les touche sévèrement.

Ce que nous vous disons finalement à travers ce mémoire, c'est que nous vous demandons l'accessibilité aux médicaments. Pourquoi on vous demande l'accessibilité aux médicaments, nous-mêmes, à titre de payeurs de taxes? C'est pour réduire les coûts que représente l'épilepsie au Québec. La personne épileptique qui n'est pas médicamentée, qui n'a pas ses médicaments, n'a pas non plus un statut de travailleur, la plupart du temps, et coûte très cher, en termes de coûts hospitaliers et autres coûts, ce qu'on appelle les coûts directs et indirects. C'est de ces coûts dont nous allons vous entretenir plus en profondeur. C'est pourquoi on vous dit, comme principe de base: La personne épileptique a absolument besoin de médicaments et on doit lui rendre les médicaments accessibles.

Vous avez parlé, dans l'étude que vous avez rendue publique, d'une surconsommation des médicaments pour les gens à travers la population québécoise. Cet enjeu n'apparaît pas pour nous. Il ne peut pas y avoir surconsommation, les prescriptions sont très quantifiées par les neurologues, on ne peut pas en prendre trop. Si on en prend trop, ça crée un autre désordre. Donc, on n'a pas les mêmes caractéristiques, en termes de groupe, que ce que vous avez présenté dans votre étude générale. Il n'y a pas ici de surconsommation.

L'autre enjeu qui était fort important pour nous: Est-ce qu'on doit axer vers le médicament original ou le médicament générique? Évidemment, plusieurs débats peuvent être ouverts à ce sujet, mais, chez nous, on vous dit que, pour la personne épileptique, c'est très important que, lorsque l'on commence avec une molécule, on la maintienne, qu'on réussisse à établir un équilibre et qu'on ne brise pas cet équilibre juste au nom de l'économie, parce que, finalement, ça n'en est pas une. Est-ce qu'on lui donne la générique parce que ça coûte moins cher? Mais, si on la désorganise dans son fonctionnement social et dans son fonctionnement producteur, finalement, ça coûte beaucoup plus cher. Donc, ce sont des considérations que nous voulons vous soumettre.

Nous questionnons beaucoup la présence des génériques. On ne dit pas que ce n'est pas possible dans certains cas, mais il faut surtout éviter les va-et-vient. Il faut aussi se rendre compte que la recherche au sujet des génériques n'est pas aussi importante qu'au sujet des originaux. Et, dans notre domaine, la recherche sur le médicament est très importante parce que ce que l'on traite en épilepsie, c'est les symptômes et on les traite par les médicaments. Le Dr Dubeau vous parlera un peu de la chirurgie, mais ça, c'est un petit nombre de la population épileptique. L'ensemble des personnes épileptiques sont soumises à une médicamentation.

Chanceux ou malchanceux? L'industrie pharmaceutique, l'année dernière, a produit, a mis sur le marché trois nouveaux anticonvulsivants. Chanceux, parce que ce sont des molécules qui donnent de très bons résultats, qui diminuent les effets secondaires. Peut-être moins chanceux, vous et moi en tant que payeurs de taxes, parce que, évidemment, ce sont des médicaments plus chers. Quand on découvre de nouvelles générations de médicaments comme celle-là, souvent, l'inconvénient c'est que les coûts augmentent. Cependant, là encore, si on les met en relation avec les coûts hospitaliers et les coûts de non-productivité de la personne, ils sont moins importants que le coût du manque de revenu.

Je vous parle depuis plusieurs minutes du coût des médicaments. Au Québec, on dit qu'en 1995 les personnes épileptiques ont consommé pour 20 500 000 $ de médicaments, d'anticonvulsivants; donc, il y a là un chiffre important, mais considérez qu'il est seulement 1 % des coûts totaux reliés à l'épilepsie. Donc, si la personne épileptique prend ses médicaments, elle demeure fonctionnelle au niveau de son intégration sociale et économique et, si elle ne les prend pas, les coûts sont 99 % plus élevés. Donc, c'est un choix qui, finalement... De prime abord, ça peut paraître très dispendieux, les médicaments pour les personnes épileptiques, mais ce sur quoi nous voulons réfléchir avec vous aujourd'hui, c'est que c'est bien peu dispendieux, en comparaison, lorsqu'on ne les a pas et qu'on a des gens qui ne produisent pas au plan économique et surtout qui consomment beaucoup de soins de santé très dispendieux au niveau de l'hospitalisation, des examens, et tout ça.

Donc, au niveau des recommandations, l'Association québécoise de l'épilepsie étant un organisme voué à la défense des droits des personnes épileptiques et les études démontrant que l'accessibilité aux anticonvulsivants réduit les coûts de l'épilepsie, nous recommandons que, pour des raisons d'équité et d'économie publique, les personnes épileptiques aient un accès illimité et non restrictif aux anticonvulsivants.

Nous avons fait un point spécial par rapport à votre mention que nous avons vu apparaître dans les journaux au sujet du 300 $ à faire payer pour les bénéficiaires d'aide sociale aptes. Le point que nous voulons faire valoir à cet effet est que, peu importe le statut que le bénéficiaire d'aide sociale a, qu'il soit inscrit dans la catégorie apte au travail ou inapte au travail au sens de la loi n° 37, on demande que cet individu ait accès aux médicaments, un accès illimité et non restrictif.

Le médicament original versus le générique. Étant donné que les études conduites par rapport au générique n'assurent pas la même fiabilité que celles conduites par le médicament original et que la personne épileptique a droit à un libre choix dans ce domaine ainsi qu'un bon contrôle de son épilepsie, nous recommandons que les personnes épileptiques aient un accès au médicament original en tout temps et que ce ne soit que par choix si elles optent pour des génériques reconnus.

Troisième recommandation. Considérant que les nouveaux anticonvulsivants visent bien sûr à assurer un meilleur contrôle de l'épilepsie et surtout à diminuer les effets secondaires et que de même leur consommation a pour effet de réduire les coûts indirects de l'épilepsie, nous recommandons que les personnes épileptiques aient accès à tous les nouveaux anticonvulsivants sans restriction aucune.

L'Association québécoise est préoccupée par le fait qu'il puisse exister une médecine à deux vitesses, soit l'une pour les gens nantis et l'autre pour les moins bien nantis. Par conséquent, les bénéficiaires d'aide sociale risquent d'être moins desservis. Nous recommandons que l'ensemble des anticonvulsivants soient reconnus dans la liste adoptée par la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Alors, nous avons donc formulé quatre recommandations qui sont supportées par une élaboration dans notre mémoire. Je demanderais maintenant au Dr Dubeau d'ajouter davantage au plan médical.

M. Dubeau (François): Je voudrais d'abord me représenter, si vous permettez. Je suis François Dubeau, neurologue à l'Hôpital et Institut neurologique de Montréal et je suis spécialiste en traitement des patients épileptiques, ce qui occupe à peu près 100 % de mon temps. Je suis actuellement au-delà de 1 000 personnes avec un désordre épileptique. Ceci dit, je voudrais reprendre certains points. En fait, je vais répéter probablement en partie – mais en insistant sur certains aspects plutôt médicaux – ce que Mme Picard vient de souligner ou de vous expliquer.

D'abord, l'épilepsie, j'aimerais la redéfinir. Souvent on considère l'épilepsie comme une maladie unique, homogène, on la compare un peu au diabète ou on la compare à des maladies qui sont souvent connues par le public. Et on pense ou on dit que l'épilepsie est une maladie. En fait, l'épilepsie, c'est un état neurologique, c'est une condition neurologique qui traduit des dysfonctions dans le système neuronal ou dans les cellules du cerveau. Et ces troubles de fonction cellulaire sont dus à des centaines de différentes maladies qui vont affecter de façon variable soit tout le cerveau ou une partie du cerveau et, de là, causer une maladie épileptique. Donc, en somme, encore une fois, l'épilepsie, c'est un état qui se traduit par des crises épileptiques répétées, imprévisibles et pour lequel cas la personne qui en souffre ne peut pas prédire, ne peut pas prévenir et ne peut pas empêcher la survenue de ces attaques lorsque le désordre, la maladie qui cause cette attaque-là est active.

(15 h 30)

Deux façons de traiter cette maladie épileptique: une première, qui est évidemment les médicaments et sur laquelle je reviendrai rapidement; deuxième façon de traiter l'épilepsie, c'est par la chirurgie. La chirurgie représente un traitement qui touche une très faible proportion des patients épileptiques. Je dirais qu'au-delà de 80 % à 90 % des malades ont, de façon obligatoire, continue et permanente, à prendre des médicaments pour contrôler leur maladie épileptique ou leur désordre épileptique.

Autre point important à souligner pour ce qui est de comprendre cette maladie, c'est qu'elle commence, dans la plupart des cas, chez le jeune enfant. Et je réfère à ce qui, je crois, a été suggéré dans l'avant-projet de loi, où on aura jusqu'à 18 ans, je pense, accès de façon gratuite, en tout cas, aux médicaments pour traiter toutes les formes de maladie qui existent, entre autres l'épilepsie, donc pour traiter tous les individus jusqu'à l'âge de 18 ans. Enfin, c'est ce que j'ai compris.

Nous, ce que nous tentons de suggérer, c'est que cette accessibilité universelle au traitement chez les patients épileptiques devrait s'étendre au-delà de cet âge de 18 ans pour la raison bien précise que cette maladie, qui commence donc chez l'enfant pour la plupart d'entre eux, se poursuivra pendant toute leur vie, jusqu'à leur décès. La grande majorité, donc, des épileptiques commencent leur maladie avant l'âge de 18 ans, continuent à présenter ce désordre pendant tout le cours de leur vie, et jusqu'à l'âge adulte, et jusqu'au troisième âge.

Évidemment, au cours de la vie, des individus vont s'ajouter. On sait que des patients épileptiques vont apparaître pendant la vingtaine, au cours des années productives, et aussi, finalement, à la fin de leur vie. Mais, encore une fois, j'insiste sur le fait que la majorité des patients épileptiques, au-delà de 50 % d'entre eux, débutent leur maladie avant l'âge adulte et vont demeurer épileptiques actifs pendant toute leur vie et, donc, dépendre des médicaments.

Deux points, maintenant, sur le traitement médicamenteux. Le premier: comme l'expliquait Mme Picard, le traitement médicamenteux ou le traitement médical, pardon, avec médicaments antiépileptiques, des patients épileptiques, est un traitement compliqué qui nécessite un suivi constant. Environ 70 % des personnes atteintes de ce syndrome vont nécessiter de façon permanente au moins un médicament antiépileptique à prendre tous les jours, sans l'omettre, avec un suivi médical approprié. À peu près 10 % à 20 % des patients vont devoir prendre deux médicaments épileptiques. Et le reste, donc environ 10 % des malades, vont devoir prendre jusqu'à trois, quatre ou même cinq différents types de médicaments antiépileptiques. 30 % de ces malades, de tout le total dont je viens de vous décrire, représentent des patients qui, souvent, demeurent réfractaires, malgré qu'on leur donne un, deux ou trois médicaments antiépileptiques, et représentent le groupe de patients qui, probablement, vont peser le plus sur les coûts du traitement de l'épilepsie dans une société comme la nôtre.

Cependant, il a été très bien démontré, lorsque l'on suit ces patients de façon régulière et lorsqu'ils sont traités de façon appropriée avec leurs médicaments, soit qu'ils ont eu un bon diagnostic et le traitement approprié et que, par la suite, parce que le suivi est adéquat et que la médication est bien prise par le patient, on peut, si j'ose dire, récupérer ou réchapper un certain nombre de ces malades et les intégrer ou les mettre dans le groupe des 70 %, 75 % ou 80 % des patients qui ne prendront qu'un seul médicament et qui n'auront plus de crise épileptique en autant que leur médication est bien prise.

Donc, premier constat, c'est le fait qu'un suivi médical, un traitement médical approprié va permettre à des individus de fonctionner normalement, probablement d'avoir un fonctionnement, donc, dans la société équivalent à celui de toute autre personne qui n'aura pas à prendre de médicaments, entre autres des médicaments épileptiques, pour un désordre de cette nature.

Deuxième point important qui est à souligner, c'est la présence ou non des effets secondaires liés au traitement. Et la raison pour laquelle je souligne ce point de vue, c'est en raison de la présence des nouveaux médicaments antiépileptiques ou des nouveaux médicaments en général auxquels on a tendance à attribuer une augmentation importante dans les prix ou dans la pression que ces augmentations-là causent sur les coûts de la santé en général.

Il faut bien comprendre que ces nouveaux médicaments, qui sont maintenant de quatrième génération dans le traitement des épileptiques, ont eu des avantages énormes, de notre point de vue, pour traiter les désordres épileptiques de ces malades. Pas tellement pour contrôler les crises elles-mêmes, parce que les médicaments des vieilles générations, comme les barbituriques ou le Dilantin, ont très bien fait leur travail de ce point de vue là, mais surtout pour prévenir les effets secondaires importants que les médicaments antiépileptiques, les anciens par rapport aux nouveaux, peuvent avoir sur les individus, et donc sur leur fonctionnement.

Les effets secondaires les plus importants vont toucher particulièrement les fonctions cognitives, c'est-à-dire les fonctions intellectuelles de l'individu, comme la capacité d'attention, de mémoire ou de concentration. Ils vont aussi modifier, de façon importante parfois, le comportement des individus lorsque ces effets secondaires seront trop importants. Les enfants, par exemple, peuvent devenir agressifs ou agités. Les adultes peuvent devenir déprimés, etc.

Les nouveaux médicaments... Et toute la recherche, maintenant, dans la médication antiépileptique ou la médication neurologique en général tente ou vise à avoir des médications ou des molécules qui vont avoir un effet spécifique pour tenter de contrôler ce que je vous expliquais au début, l'activité anormale des neurones, sans cependant modifier l'activité normale des neurones voisins qui sont, eux, utilisés pour le fonctionnement normal de l'individu, pour son intellect, pour ses déplacements moteurs et pour son comportement.

Et de là, donc, le deuxième point que je voulais reprendre, qui avait déjà été souligné par Mme Picard, c'est l'importante utilisation des médicaments de nouvelle génération et de bien comprendre que, même s'ils coûtent plus cher, ils ont un avantage énorme sur certains aspects comparativement aux anciens ou aux anciennes générations de médication antiépileptique. Et bien qu'ils coûtent souvent cinq, 10 et même 20 fois plus cher que les médications d'ancienne génération, on ne doit pas, pour cette raison, écarter d'emblée l'accessibilité à ces médicaments.

Dernier point que je voudrais souligner rapidement, c'est l'utilisation des génériques. Je pense que les génériques, de façon générale, du moins, en neurologie, dans le traitement de l'épilepsie – j'en ai pour 30 secondes environ – vont entraîner des coûts qui seront de 20 % à 50 % plus chers que la molécule originale. Enfin, tout le monde, je pense, comprend pourquoi les médicaments génériques sont moins chers: ils sont produits par des compagnies qui ne sont là que pour fabriquer un produit qui va être vendu. Ces compagnies, elles-mêmes, n'ont jamais investi dans la recherche et, donc, peuvent vendre leurs médicaments à moindre prix.

En général, les médicaments génériques vont atteindre les mêmes buts que la médication originale, ou ce qu'on appelle les «brand name» ou «trade name medication», utilisée dans le traitement de l'épilepsie en particulier. Sauf qu'on aura tendance... et cette tendance avait failli survenir, il y a deux ans environ, lorsqu'il y a eu des rumeurs où on disait que la Régie de l'assurance – enfin, tout ce qui gère l'utilisation des médicaments chez les gens sur l'aide sociale – voulait instaurer un système où on essaierait de vérifier, mois après mois, en tout cas période de temps après période de temps, lesquels groupes de médicaments coûtaient tel prix par rapport à telle autre période de temps, et tenter d'ajuster l'utilisation ou la prescription des médicaments, du moins ceux de l'aide sociale, selon les barèmes en vigueur au moment où on observait, où on regardait ces périodes pour les coûts des médicaments. Donc, comparant les génériques, entre les génériques et les molécules originales, on aurait dit: Bon, bien, alors, ça coûte moins cher, ce médicament, nous allons prescrire celui-là. Et, dans six mois, l'autre coûte moins cher, on va prescrire l'autre.

Encore une fois, bien que le médicament générique, comme la molécule originale, ait un effet relativement semblable, on sait très bien que ce genre d'agissement ping-pong, j'oserais dire, peut entraîner des problèmes énormes dans le traitement médical de ces patients, parce que la molécule originale est souvent semblable, mais le transporteur de ces molécules originales varie et fait que la pharmacocynétique des médicaments génériques peut être différente, finalement, pour n'importe quel individu épileptique, de celle de la médication originale.

Le deuxième point important, tel que Mme Picard l'a souligné, en ce qui concerne les médicaments génériques, c'est le fait que, souvent, on ignore, même comme médecin, quelle sorte d'études ont été faites pour mesurer ou vérifier la valeur de ces médicaments, tant du point de vue de leur pharmacocynétique que de leur effet thérapeutique. Il est probable que l'effet thérapeutique, en général, sera l'équivalent, encore une fois, de la molécule originale, mais il faut toujours se souvenir qu'il existe des différences fondamentales dans la structure de la pilule elle-même qui vont changer, en fin de compte, les effets chez le patient à cause des troubles d'absorption ou des différents mécanismes d'absorption qui vont arriver, donc, ce qu'on appelle la pharmacocynétique.

Je pense important de souligner aussi qu'il y a une question de choix ici. On ne peut pas, à mon avis, imposer pour des raisons économiques qu'un médicament qui coûte 80 % du prix d'une molécule originale soit prescrit simplement basé sur ce fait.

Finalement, je pense – et j'aimerais insister sur ce point de vue – que l'utilisation indue des médicaments génériques, du moins qui deviendrait une politique supportée par le gouvernement, à court terme, aurait peut-être des bénéfices financiers, mais, à long terme, désavantagerait, à mon avis, les compagnies qui font, elles, des études originales. Et bien que ces compagnies soient des multinationales extrêmement riches, elles n'en demeurent pas moins celles qui vont créer les nouvelles molécules dans les années qui vont venir et qui vont être, ces nouvelles molécules, celles qui vont aider encore plus nos malades. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Est-ce que, Mme Laverdière, vous voulez ajouter quelque chose?

(15 h 40)

Mme Laverdière (Lise): Non.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, nous commençons la période d'échange. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. D'abord, merci à vous, Mme la présidente, docteur, et vous aussi, madame, d'avoir accepté notre invitation, de vous être déplacés puis de nous avoir présenté les caractéristiques de cette terrible maladie.

Je voudrais peut-être m'adresser, en commençant, à Mme Laverdière. J'aimerais ça qu'elle nous parle des difficultés qu'elle rencontre avec cette maladie, de la médication, du coût de la médication aussi. Est-ce que vous seriez d'accord pour nous livrer un peu ces choses-là?

Mme Laverdière (Lise): Bon. Oui, effectivement, je suis concernée par la problématique qu'est l'épilepsie. Bien sûr que nos inquiétudes sont toujours à savoir si la médication, on a la meilleure.

Les effets secondaires. Bien sûr, on a toujours confiance au neurologue, parce qu'on a un très bon suivi; ça, c'est un fait. Cependant, ce qui est un peu nos inquiétudes, c'est les effets secondaires qui vont faire qu'on va être moins productifs en société. Moi, parce que j'ai un bon suivi, parce que j'ai un médicament qui convient à mon type d'épilepsie... En passant, c'est des absences. Si je ne suis pas là quelques secondes, vous comprendrez et Mme Picard prendra la relève.

C'est bien sûr que j'ai pu me marier, avoir un enfant. Je peux maintenant gagner ma vie. Alors, je pense que je participe collectivement à la société. C'est l'estime de soi. D'ailleurs, je travaille au niveau de Épilepsie, section Québec, et je peux vous dire que, nous, le plus grand problème qu'on retrouve chez nos personnes épileptiques n'est pas la médication, mais bien l'estime de soi qu'elles ont perdue.

Si elles n'ont pas une bonne médication, si tu n'es pas en mesure de bien accomplir ton travail, si tu fais des crises tout le temps, c'est bien certain que même nos personnes qui vont venir, les bénévoles, chez nous, ou nos personnes aptes à des mesures EXTRA, dans nos programmes de travail, elles vont s'en aller et ne voudront pas participer parce que, à un moment donné, bon, bien, elles sont toujours en crise, elles ne peuvent pas comprendre ce qu'on leur demande, et là elles ne s'estiment plus, et là on vit l'isolement. On les retrouve dans les bureaux de nos médecins, et c'est difficile pour le médecin d'arriver à convaincre le patient de prendre sa médication.

Il y a aussi le fait des génériques, moi, qui me fait peur, quand c'est moins cher. Je pense à mes familles qui m'appellent, où le père de famille me dit: J'ai trois enfants, dont un enfant épileptique. Le médecin me prescrit telle chose; par contre, il y a un générique qui est moins cher, et là je dois décider si j'achète des souliers nouveaux pour mes enfants à l'école, ou si je paie la médication pour mon enfant épileptique, ou si je cesse de travailler pour être sur le bien-être social, parce que là je vais assurer à mon petit Olivier sa médication, ce que je ne peux pas faire. Ou on fait une «non-compliance» à la médication, c'est-à-dire on ne les prend pas, on les économise pour payer la pinte de lait. C'est ce qu'on retrouve, nous, au niveau du quotidien de notre organisme.

M. Marsan: J'aimerais vous demander: Combien ça peut coûter, un traitement pour un épileptique? Les coûts de la médication aussi. Est-ce que c'est des montants assez faramineux?

Mme Laverdière (Lise): Bien, dans mon cas, ça peut être de l'ordre de 300 $ par mois. Vous allez dire que ce n'est pas plus cher que fumer là, mais c'est d'autre chose, dans mon cas à moi. Mais je suis un beau cas. S'il y a des belles épilepsies, peut-être qu'on pourrait dire que moi...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): En moyenne? Je pense que la question du député, en moyenne...

Mme Laverdière (Lise): En moyenne? Ça ressemble à ça.

Mme Picard (France): On parle souvent de 2 000 $ par année, l'équivalent d'un REER. Alors, si vous êtes obligé de payer vos médicaments... Et ça rejoint toute la question de la compensation de la déficience, c'est-à-dire déficience neurologique. C'est qu'au bout d'une vie ça représente un montant fort important, parce que vous n'êtes pas épileptique pour une journée, comme vous l'a dit le Dr Dubeau. Donc, vous traînez ça jusqu'à la fin et ça représente des coûts très importants.

Mais, encore une fois, là, je parle du coût des médicaments et on parle du revenu de la personne. Je pense que c'était l'esprit de la question de monsieur. Quand on se met d'un côté plus collectif, d'un point de vue plus global, par rapport aux autres services et aux autres facteurs occasionnés par l'épilepsie, le médicament, vu comme ça, est quand même la partie la moins dispendieuse. Parce que, si on n'a pas le médicament, on ne peut pas travailler, et c'est là que ça commence à coûter cher, je pense. Vous en savez quelque chose.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député.

M. Marsan: Je voudrais, si vous permettez, vous remercier – c'est Mme Laverdière, je pense – pour le témoignage.

Mme Laverdière (Lise): Oui, mais j'aimerais juste conclure. Est-ce que je peux conclure?

M. Marsan: Oui, oui.

Mme Laverdière (Lise): Merci. Je voudrais juste vous signaler que, bon, une personne handicapée physique, on va lui fournir un fauteuil roulant et elle devient productive en société. Il faut bien penser qu'au niveau de la personne épileptique il faudrait peut-être considérer la médication comme une orthèse chimique, parce que ce qui est le fauteuil roulant au quadraplégique devient la médication en permanence, comme le Dr Dubeau et Mme Picard l'ont convenu. Alors, je vous demande d'être vigilants dans vos décisions, c'est important pour notre qualité de vie. Merci.

M. Marsan: Alors, je vous remercie bien pour ce témoignage. Je pense que c'est important et je peux vous assurer que tous les messages que vous nous faites sont vraiment bien reçus.

Je voudrais aussi demander au Dr Dubeau. Dans les recherches que vous faites, il y a sûrement des nouveaux médicaments. Est-ce que vous avez de la difficulté à faire inscrire ces médicaments-là sur le formulaire qu'on connaît habituellement pour qu'ils puissent devenir peut-être plus accessibles pour vos patients?

M. Dubeau (François): Vous parlez du formulaire pour les gens qui sont sur l'aide sociale, vous voulez dire, à ce moment-ci?

M. Marsan: La liste du formulaire établi par le CCP.

M. Dubeau (François): O.K. Généralement, non, on n'a aucune difficulté. Je dois dire que, de façon très adéquate, généralement, on a accès à ces médicaments-là de façon rapide. Souvent, comme chercheurs, il peut arriver qu'on les utilise d'abord dans des projets de recherche ou alors, comme médicament de compassion, on obtient l'autorisation du gouvernement fédéral, et il est très facile, à ce moment-là aussi, d'obtenir la médication des compagnies dans les périodes où ces médicaments-là ne sont pas accessibles sur le marché. Et, dès qu'ils sont sur le marché, on peut très facilement, même si les médicaments ne sont pas sur la liste d'exception, obtenir l'autorisation de la Régie, enfin, de la Régie qui s'occupe de cet aspect, donc de la Régie au Québec, pour obtenir l'autorisation pour un patient spécifique, avant qu'il ne vienne sur la liste, donc l'utiliser pour un patient spécifique sans aucun problème.

Ensuite, en général, je dirais au maximum après 12 mois lors de l'introduction d'un nouveau médicament, ce médicament se retrouve sur la liste d'exception. Les trois nouveaux médicaments qui sont sur le marché depuis les trois dernières années ont à peu près suivi ce pattern à chaque fois.

Parfois, cependant – c'est un exemple isolé, mais je pense que c'est important à souligner – j'ai voulu obtenir un médicament qui n'existe pas au Canada, qui est produit par une compagnie belge, pour un patient qui est maintenant incapable de travailler et qui doit demander l'aide sociale pour pouvoir survivre, j'ai voulu obtenir un médicament qui s'appelle du Piracetam – je peux faire de la publicité, mais c'est son nom, le «brand name», ça n'a pas d'autre importance – qui est fabriqué en Belgique. J'ai demandé à la Régie de l'assurance-maladie du Québec d'obtenir l'autorisation d'avoir le médicament et qu'il soit couvert par la Régie, et ça a été refusé pour les raisons que ce médicament-là n'existait pas au Canada, qu'on devait le faire venir de Belgique, etc. Je pense que c'est une situation exceptionnelle, mais je crois que, dans des circonstances comme celle-là, c'est là qu'on se rend compte que cette accessibilité, que l'on demande sans restriction, devrait être réellement comprise, comme dans plusieurs cas, des phénomènes parfois d'urgence ou des utilisations dont on a besoin. Toute molécule ne devrait pas être écartée, du moins sans une étude sérieuse, sous prétexte qu'il y a des raisons économiques qui dirigent cette décision.

M. Marsan: Est-ce que, à votre connaissance, il y aurait des patients qui ne sont pas bien soignés à cause du coût trop élevé des médicaments?

M. Dubeau (François): Oui. La réponse est oui. Peut-être que le projet de loi, dans ce sens-là, va modifier un peu cet aspect-là et aura probablement ces avantages-là. Je n'ai pas encore compris tous les aspects du projet de loi, mais je peux vous dire qu'on a un groupe de patients, on a un groupe de malades...

M. Marsan: Votre remarque est partagée, docteur.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dubeau (François): Enfin, on verra! C'est parce que je ne veux pas faire de politique.

M. Marsan: Non, non, c'est correct.

M. Dubeau (François): On a un groupe de malades qui représente, enfin, je dis toujours à peu près 10 %. Il y a un groupe de patients qui existe, qui sont les gagne-petit, qui n'ont pas l'aide sociale, qui souvent n'ont pas d'assurances. Un point qu'on n'a pas souligné ici, soit dit en passant, c'est que plusieurs patients épileptiques n'ont pas d'assurances. Ils n'ont pas d'assurances parce qu'ils ont de l'épilepsie depuis fort longtemps et ils n'ont jamais pu avoir accès au support des assurances parce que soit que les coûts deviennent prohibitifs pour eux, s'ils veulent avoir une prime qui a de l'allure, ou alors simplement à cause de leur condition plus ou moins chronique, ils se sont toujours trouvés dans la situation de dépendance, de faiblesse. Encore une fois, pas tous, mais plusieurs n'auront pas eu, donc, d'assurances pour toutes ces raisons-là.

(15 h 50)

Donc, ce petit groupe de gagne-petit, qui n'est pas bénéficiaire de l'aide sociale, qui n'a pas d'assurances, ce sont souvent des individus qui vont devoir prendre des médicaments qui coûtent moins cher, qui ont plus d'effets secondaires, ou alors, parfois – enfin, je pense qu'il y a beaucoup de médecins qui vont participer à ça – ils réussissent à obtenir des échantillons des compagnies et vont en donner aux patients pour les aider à avoir une meilleure molécule. Ça existe régulièrement. J'en ai, moi, dans mon cas personnel, plusieurs patients comme ça. Ou, finalement, et ce qui est plus dramatique, à mon avis, ces gens-là vont devenir bénéficiaires de l'aide sociale pour avoir accès aux médicaments. Je pense que, à ce moment-là, les coûts vont augmenter encore plus que si on avait pu fournir à ces gens-là une médication appropriée.

Je veux simplement terminer en disant que, dans le projet de loi ou l'avant-projet de loi, un écueil semble se présenter, et Mme Picard l'a souligné, en ce qui concerne les gens de l'aide sociale, c'est cette définition d'«apte» ou «pas apte» au travail. Je pense que cette définition-là est très floue pour les patients épileptiques. C'est un désordre qui est souvent mal défini. On comprend très bien ce que c'est d'être paralysé, d'être paraplégique, d'être aveugle ou d'être sourd, mais on ne comprend pas ce que c'est d'être un handicapé épileptique. À cause de ça, cette définition-là d'«apte» ou «pas apte» au travail est beaucoup plus floue et difficile à établir.

Je pense que, si on essaie – enfin, je ne sais pas par quel moyen – de dire: Bon, certains épileptiques le sont; certains ne le sont pas, bien, là, on va retransposer ce qu'on fait maintenant avec les gagne-petit versus l'aide sociale, là, on va se retrouver avec les aptes au travail devenant non aptes au travail. À mon avis, on devrait éviter à tout prix d'orienter les gens vers l'aide sociale parce qu'ils ont une maladie chronique. Si c'est au prix de leur fournir des médicaments, je pense que c'est un faible coût et qu'à long terme on va y gagner.

M. Marsan: Juste en terminant, peut-être, M. le Président, j'aimerais vous entendre davantage sur les «aptes» et les «inaptes», parce que, bon, dans le nouveau projet de loi on fait cette distinction. Et c'est quoi, la conséquence de ne peut-être pas avoir une bonne définition claire pour les patients atteints d'épilepsie? Vous pouvez juste clarifier, pour nous aider lorsqu'on va être...

M. Dubeau (François): La difficulté des épileptiques, des patients épileptiques, c'est que c'est un groupe extrêmement hétérogène. Pour toutes sortes de raisons, un patient épileptique peut être inapte réellement ou pas nécessairement réellement, mais peut être inapte réellement au travail pour des problèmes d'ordre purement psychiatrique, d'ordre cognitif intellectuel. Parce que, sur le plan cognitif intellectuel, il est très bien, mais, parce qu'il fait beaucoup de crises... Donc, on peut avoir, je dirais, une kyrielle de présentations qui vont faire qu'un patient pourrait être considéré inapte, par exemple, au travail, et sans que ça soit de façon très claire, très évidente. On va avoir tendance à les mêler, malheureusement, aux termes péjoratifs qu'on accorde souvent aux gens de l'aide sociale qui sont des profiteurs, etc.

Je ne veux pas porter de jugement sur l'ensemble du groupe, je veux simplement viser particulièrement les gens qui sont épileptiques et souligner que ces gens-là, souvent, ont l'air d'individus qui, contrairement aux paraplégiques, vont avoir une fonction tout à fait normale. Sauf que le fait d'avoir – ma comparaison est grossière, mais je pense qu'elle est très claire – un revolver chargé qui peut déclencher n'importe quand, comme lorsqu'on joue à la roulette russe... Bien, imaginez-vous que c'est pendu régulièrement au-dessus de votre tête, ou enfin près de votre tempe, et que ça part sans qu'on vous avertisse, je pense que, déjà là, on a un indice que la définition peut être très large.

Ce que je pense qu'est le risque, c'est que, si on arrive à trop vouloir serrer la vis autour d'individus qui souffrent de maladies chroniques – et je parle maintenant d'épilepsie – je pense que ces gens-là, spontanément, de par leur vulnérabilité, vont vouloir tout faire pour qu'on les prenne pour inaptes au travail, et on va perdre des individus qui vont être aptes au travail, qui vont devenir des inaptes au travail. C'est un peu ce que j'essayais d'expliquer, là. Mais je ne peux pas arriver à une définition claire et précise, je pense, dans le cas des épileptiques.

M. Marsan: Juste un commentaire en terminant, M. le Président. Moi, je pense que c'est important, ce que vous nous dites, ce que vous venez de dire, et sûrement qu'il y a d'autres éléments.

On va commencer bientôt l'étude du nouveau projet de loi sur l'assurance-médicaments en commission parlementaire. Je souhaite que votre organisation puisse être entendue. L'éclairage que vous nous apportez, là, sur les définitions d'«apte» et «inapte», devient extrêmement important lorsqu'on étudiera notre projet article par article. Alors, je voulais vous remercier sur ce commentaire. Je pense que...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Madame, vous vouliez ajouter un commentaire?

Mme Picard (France): Cette considération d'«apte» et «inapte» est une considération pour les groupes sociaux, les groupes de défense des droits comme l'Association québécoise de l'épilepsie, qui est fort importante.

Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on en parle. On en a parlé au moment du nouveau projet de loi n° 37, sur la sécurité du revenu, et on avait, à ce moment-là, même demandé que ce langage disparaisse, parce que c'est une tare pour le bénéficiaire d'aide sociale d'être considéré inapte au travail. D'autant plus, c'est comme un couperet qui vous tombe sur la tête: Est-ce que vous êtes inapte pour la vie?

Spécialement en épilepsie, lorsqu'on a des situations changeantes, il arrive, dans certaines périodes de notre vie, que l'épilepsie crée moins de dommages, un meilleur contrôle avec les médicaments qui apparaissent, et tout ça. Il faut vraiment, nous, du point de vue social, travailler très fort pour les remettre dans le groupe apte. Parce que même du point de vue de l'administration, une fois qu'ils sont classés inaptes, c'est tout un effort de les sortir de là. Donc, même l'appellation est à requestionner et, à mon avis, est beaucoup trop discrimante, particulièrement pour chez nous.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, Mme la députée de Mille-Îles, suivie de Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Leduc: Oui. Bonjour, Mme Picard, M. Dubeau, Mme Laverdière. Vous avez une recommandation à la page 19, vous recommandez que les personnes épileptiques aient accès au médicament original en tout temps et que ce ne soit que par choix si elles optent pour des génériques reconnus. D'abord, je voudrais savoir si, cette recommandation-là, vous la faites surtout pour les personnes atteintes d'épilepsie, parce que la prise de médicaments génériques aurait eu des effets néfastes. Vous avez certaines données qui pourraient nous dire que, pour ces personnes-là, le générique a vraiment des effets néfastes, ou si vous l'avez fait ici pour les épileptiques, parce que c'est votre domaine d'intervention, ou si ça s'applique à l'ensemble? Je voudrais savoir ce qui vous a amenés à faire cette recommandation-là.

Et, dans un même ordre d'idées, vous dites que l'utilisation des génériques peut aussi être bénéfique pour inciter la recherche, parce que ça soutient les entreprises qui font de la recherche. Est-ce que vous avez pensé à des façons dont ces entreprises-là pourraient vraiment être incitées à investir dans la recherche plutôt que dans les profits? C'est normal, elles sont là pour faire des profits, mais, quand même. Par exemple, il y aurait un certain pourcentage des ventes de réinvesti ou des choses comme ça. Alors, c'est ma double question, dans le fond.

Mme Picard (France): Le Dr Dubeau va en prendre soin, madame. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dubeau (François): Je ne peux pas répondre pour l'ensemble des problèmes médicaux, quoique, intuitivement, je vous répondrai que ça devrait s'appliquer probablement à tous les problèmes, du moins de maladies chroniques ou autres, à tout traitement médical. Et je pense que les gens des autres associations auront peut-être aussi des commentaires de ce point de vue là.

Ce sur quoi, nous, on se base, comme épileptiques, c'est sur des études, des études qui sont quand même peu nombreuses, mais qui existent, surtout aux États-Unis, qui démontrent un peu cette difficulté qui survient lorsque est appliqué ce principe de générique versus l'original. Si on utilise une médication originale de bout en bout, dans un traitement particulier pour un individu épileptique, les variations de la médication dans le sang de cette personne-là, donc, qui vont, en principe, être minimisées par l'ajustement et le fait qu'il n'y aura pas de changement indus ou fréquents de la médication, ces variations-là pourraient être modifiées si on applique le principe suivant: qu'il y aurait des changements d'une médication originale à une médication générique; ensuite, d'une autre médication générique à une autre médication générique, et ainsi de suite.

Ce que simplement on voulait soulever d'abord, c'est qu'on ne veut pas qu'il y ait une réglementation qui soit décidée en dehors de la personne médicale et de la personne traitée et qui définirait, par toutes sortes de critères économiques, qu'on puisse, à un moment donné, statuer que tel médicament générique sera utilisé plutôt que tel autre, ou plutôt que la molécule originale. Quand je parle toujours de la molécule originale, je parle du «brand name». Je m'excuse, je n'ai pas le nom exact, mais, enfin, le produit qui a été initialement créé par la recherche. Et ce que, en fait, je pense que cette recommandation reflète, c'est simplement que nous ne voulons pas... Enfin, je crois que nous ne voulons pas qu'il y ait une réglementation qui ferait une politique où on aurait une espèce de comité de surveillance qui déciderait que, selon les coûts, à telle période de temps de la vie d'un individu, on va lui donner tel médicament ou on va l'orienter vers tel médicament plutôt que tel autre. Donc, il faut que le libre-choix de l'individu demeure. Et, maintenant, si on veut essayer de sauver de l'argent, parce que je pense que c'est le but, entre autres, de l'exercice, il ne faudra pas que ça se fasse, donc, sur le dos – et le risque que peut entraîner un changement de médicaments – de cette personne épileptique.

(16 heures)

Encore une fois je reviens d'une façon plus générale au sens de votre question, je pense que ce principe pharmacologique qui sous-tend un peu cette réponse-là doit exister pour d'autres formes de médicaments qui n'ont rien à voir avec les traitements de l'épilepsie, mais qui auraient à voir avec les autres maladies, cardiaques ou autres. Mais je laisserai le soin aux gens des autres associations de s'expliquer là-dessus.

Moi, je pense que le principe important qu'on a voulu soulever, c'est celui de la liberté de choix, de la non-réglementation de cet aspect-là, en dehors de la décision d'un individu qui doit prendre une médication non pas par plaisir mais par obligation, et finalement aussi les autres aspects, quand même, qui ne sont pas de moindre importance, qui sont cet aspect que la recherche ou la compréhension qu'on a du fonctionnement d'un médicament générique est probablement moins bonne que celle qu'on a d'une médication originale.

En général, les médicaments originaux, sauf exception, ont été étudiés pendant 10, 20 ans dans les laboratoires de recherche, ont été étudiés sur des dizaines de milliers, voire même parfois des centaines de milliers de personnes, avant d'être commercialisés. Donc, c'est des médicaments, en ce qui nous concerne en tout cas en épilepsie, qui sont bien connus. Il peut arriver des problèmes, après coup, même après leur commercialisation, qu'on peut découvrir, mais, en général, c'est des médicaments bien connus.

La molécule générique est aussi une molécule qui est bien connue, puisque toutes ces études faites depuis 10 ou 20 ans ont quand même des points en commun avec la molécule originale. Mais où un problème survient, c'est: Comment ces médicaments vont être absorbés dans l'estomac de l'individu? Comment tout ce qu'on appelle, nous, la pharmacocinétique sera modifiée par le fait qu'un médicament générique n'est pas exactement la même pilule, pas juste la molécule qui traite le problème épileptique, mais son transporteur? Comment donc cette molécule est différente de la molécule originale? Et en quoi donc cette différence-là peut affecter le traitement du patient en faisant des changements dans les niveaux sériques? Ce qu'on veut donc à tout prix éviter, c'est qu'il y ait un principe de changement qui soit accepté, basé sur des phénomènes ou des raisons économiques.

Finalement, pour répondre à la dernière partie de votre question, qui est la recherche, ce n'est pas sur les médicaments génériques que la recherche est faite, c'est sur le médicament original. Et je ne sais pas comment inciter les compagnies. Je pense qu'il y a une réglementation fédérale, ici, qui joue et qui est donc différente de la réglementation provinciale. Je ne suis pas un avocat ou un homme d'affaires, mais je pense, si systématiquement une politique était adoptée où on encouragerait uniquement les compagnies qui fabriquent des génériques, qui sont des compagnies à but lucratif uniquement... Les compagnies pharmaceutiques qui font les nouveaux produits aussi; on sait qu'elles font des milliards de dollars, mais, à mon point de vue à moi en tout cas, elles ont l'avantage d'inventer, d'être imaginatives et d'avancer. Et je pense que, si on peut trouver des moyens qui compenseraient pour l'effort monétaire qu'ils ont en retour de leur travail, pour les avantager à réinvestir dans la recherche épidémiologique, dans la recherche psychosociale, dans la recherche pharmacologique, je pense que ça compenserait pour ces manques ou cette différence de coût entre le générique et la molécule originale et inciterait des compagnies à continuer à chercher chez nous plutôt que de le faire ailleurs et de venir nous vendre les médicaments.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée.

Mme Leduc: Non, je suis très consciente que, oui, les compagnies pharmaceutiques qui font de la recherche et développement font des milliards; les génériques aussi, par exemple.

M. Dubeau (François): C'est ça. Mais la différence entre les deux, c'est qu'il y en a un qui a un effort imaginatif dans son travail; il ne fait pas juste fabriquer une pilule blanche, jaune ou rouge.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Bonjour. J'aimerais vous poser peut-être une ou deux questions, d'abord pour comprendre, parce que ce n'est pas un domaine que je connais beaucoup. J'aimerais savoir si la prévalence de l'épilepsie est stable ou bien si c'est quelque chose qui évolue un peu selon les époques? Autrement dit, est-ce que la proportion d'épileptiques dans la société est la même au cours de cette époque-ci, ou est-ce que ça diminue, ou ça augmente? Juste pour comprendre.

Mme Picard (France): D'abord, pour comprendre, le nombre de personnes épileptiques, c'est déjà en soi un phénomène un peu mystérieux. Vous ne pouvez pas les dénombrer comme on le fait dans le cas des handicaps visibles; première constatation et qui sert de grille d'analyse, ici. Lorsque vous faites les recensements, par exemple, les gens ne sont pas intéressés à déclarer qu'ils sont épileptiques, parce que ça occasionne toutes sortes de problèmes de fonctionnement dans la société. Est-ce que je vais perdre mon permis de conduire? Est-ce que je vais être intégré à l'école? Est-ce que je vais être intégré au marché du travail?

Donc, il a fallu fonctionner, madame, d'abord, pendant une grande période de temps, sur les données de l'OMS, qui nous disait: Les incidences, pour les épileptiques, ça joue de l'ordre de 1 %. À savoir: Est-ce que ça dépend des pays? Est-ce que ça dépend des temps? Non, on n'a pas de données qui nous disent que ça évolue, cette condition-là. Vous savez que c'est dû généralement à des accidents, que ça peut être dû à des accidents. Et peut-être que, là, vous allez me dire: Il y a plus d'accidents de voiture qu'avant. Mais, toute proportion gardée, est-ce que ça influence vraiment? Parce que, dès que vous avez un traumatisme crânien, vous êtes très susceptible de faire de l'épilepsie. Donc, ce n'est pas un phénomène qui évolue comme une maladie infectieuse, par exemple, ou quelque chose comme ça. On ne peut pas la caractériser de cette manière-là. Donc, là, on commence à avoir des études, on vous en a mentionné une dans le mémoire, en référence, où on essaie d'avoir des chiffres un peu plus précis. Mais il demeure que c'est une situation qu'on ne peut pas quantifier sous base de recensement, comme les autres handicaps.

Mme Malavoy: Une autre question. Une chose qui m'inquiète, c'est le nombre de personnes qui demeurent réfractaires. D'abord, j'aimerais que vous m'expliquiez ce que ça veut dire, si c'est réfractaire totalement ou partiellement. Et j'aimerais savoir s'il y a des recherches qui se font particulièrement pour ce sous-groupe. Je comprends, d'après le document que vous nous avez remis, qu'il y a près de 10 000 personnes qui demeurent réfractaires, dans la population canadienne, je crois, et c'est...

M. Dubeau (François): C'est dans la population québécoise.

Mme Malavoy: Québécoise? C'est encore pire. Et, donc, j'aimerais simplement savoir: Qui sont-ils, ces gens-là? C'est quoi, être réfractaire? Et est-ce qu'on fait des recherches pour les aider, eux aussi?

M. Dubeau (François): De ces 10 000 patients réfractaires, au Québec, j'en connais à peu près 1 000. Les patients réfractaires sont les patients qui sont, par définition, des malades épileptiques qui n'ont pas une réponse habituelle ou normale au médicament qu'on leur prescrit. On exclut de ce groupe-là ceux qui ne sont pas contrôlés parce qu'ils ne prennent pas leur médicament ou parce qu'ils n'ont pas eu le bon traitement pour la bonne maladie ou le bon désordre. Donc, les réfractaires, c'est ceux qui ont un diagnostic de désordre épileptique dû à une maladie comme une tumeur ou un traumatisme, ou à une maladie métabolique du cerveau, ou à un désordre chromosomique, etc. Pour que se recoupent un peu la réponse et la question que vous aviez posée précédemment et comme j'ai expliqué tout à l'heure, l'épilepsie, c'est un syndrome qui regroupe des centaines de maladies. Alors, c'est un groupe extrêmement hétérogène. Donc, les réfractaires, qui représentent environ... Et le 10 000 vient de là; c'est des études surtout américaines qui donnent ces chiffres. On a probablement les mêmes études au Canada, mais je ne pense pas qu'on ait eu d'études épidémiologiques faites aussi précises que celles qui ont été conduites aux États-Unis, dans les années soixante, soixante-dix et quatre-vingt, par des groupes de Rochester ou des groupes du Minnesota. Donc, basé sur ces études, qui sont quand même fiables et, je pense, qu'on peut reproduire au Canada, on pense qu'il y a environ 10 % à 20 % des personnes épileptiques qui sont définies comme réfractaires, donc des patients qui prennent la bonne médication et qui continuent à faire des attaques épileptiques malgré la bonne médication.

Une voix: C'est beaucoup.

M. Dubeau (François): C'est beaucoup. Par contre, d'un autre côté, sur les individus épileptiques, on pense qu'il y a environ 30 % à 40 % des individus qui vont cesser de faire des crises et qui n'auront plus à prendre de médicaments. Donc, on reste avec un 60 % d'individus, incluant nos réfractaires, qui vont devoir prendre des médicaments. Le poids et la pression économique viennent de ces individus-là. Plus vous êtes dans le groupe réfractaire, plus vous coûtez cher à la société ou plus vous coûtez cher à l'entourage, à la famille, à vous-même, etc. En termes de coûts: perte de travail, coûts d'hospitalisation, etc. Et les réfractaires coûtent probablement facilement au-delà de 60 % à 70 % des coûts totaux de tout le groupe des épileptiques. Encore une fois, cependant, je reviens sur ce point, c'est que ces réfractaires peuvent être quand même, certains d'entre eux, transformés en non-réfractaires, si on s'assure d'un traitement médical approprié et adéquat. Et, malheureusement, même si je l'ai comme exclue de ma définition, une des causes de ce problème de réfractaires, c'est que des patients épileptiques, pour toutes sortes de raisons, peuvent ne pas vouloir prendre leurs médicaments ou ne pas les prendre de façon adéquate et, même s'ils ont une épilepsie difficile, parce qu'ils ont des problèmes de confusion, etc., vont prendre encore moins leurs médicaments et encore plus compliquer leur désordre épileptique. Donc, de là l'importance de bien comprendre que cette médication est primordiale pour ces individus-là, en autant qu'on veut bien les traiter.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je m'excuse, le temps passe tellement vite. Une dernière question, Mme la députée de Chapleau, et on conclura tout de suite après.

Mme Vaive: Merci, M. le Président. Je tiens à vous féliciter, l'Association. À la page 5 de votre mémoire, vous mentionnez que vous agissez à titre d'incubateur d'entreprises pour permettre aux personnes épileptiques de devenir plus autonomes économiquement, et Mme Laverdière l'a mentionné un petit peu. J'aimerais savoir comment. Qu'est-ce que vous faites? Comment vous vous y prenez?

(16 h 10)

Mme Picard (France): Le problème d'intégration scolaire est un problème pour les enfants épileptiques, mais celui de l'intégration au travail en est un beaucoup plus grand. Par les téléphones et les demandes que nous avions sous forme téléphonique ou écrite, on se rendait compte, depuis une dizaine d'années, que c'était dans ce secteur-là qu'il fallait axer nos interventions.

Donc, l'Association québécoise de l'épilepsie, bien sûr, est une association de promotion et de défense des droits, mais on s'est dit: Même si on dit: Embauchez des personnes épileptiques, il faut quelque part faire un effort spécial, parce que souvent ils manquent de formation.

Vous savez, le Dr Dubeau en a parlé légèrement, mais, souvent, avec l'épilepsie viennent aussi les pertes de mémoire et le manque de concentration. Donc, ce que nous avons fait, à l'Association québécoise, et on est supporté par le ministère de la Sécurité du revenu pour le faire, nous avons créé un centre de formation professionnelle. Alors, on a, comme ça, 300 personnes qui circulent à travers nos murs, en général, par année et par délégation de pouvoir, à qui on dessert des diplômes d'éducation professionnelle, des DEP qu'on appelle, des diplômes d'études professionnelles. On le fait dans le domaine de la bureautique parce que c'est un domaine qui correspond bien à la déficience que nous traitons, et qui n'occasionne aucun risque.

Même avec cette formation, même en ajoutant un surplus de formation, il y avait encore des problèmes. Le Dr Dubeau a parlé des réfractaires, lorsque l'épilepsie n'est pas contrôlée. On ne réussissait pas à placer autant de gens qu'on voulait en placer, et c'est là que nous est venu l'idée: Bien, coudon, on va partir nous-mêmes nos entreprises; on ne peut pas se fier juste sur le voisin. Notre voisin, c'est Bell Canada et la Banque Nationale, mais ce n'est pas évident qu'ils vont les embaucher demain matin. Donc, nous avons mis sur pied quelques programmes de développement d'entreprises. Et on a un groupe qui vient de s'incorporer et qui s'appelle Les Éditions du réel. Ils ont produit un livre de recettes et ils sont en train de créer un marché pour développer des produits qui découlent de ce livre de recettes et avoir des activités de vente. Je ne vous dis pas que ça va devenir superrentable demain matin et que ces gens-là vont disparaître de l'aide sociale demain matin, mais je vous dis qu'on est dans un processus d'apprentissage, à ce sujet-là. En effet, on a aussi un autre groupe qui est en germination. Alors, on est en train de donner des instruments à des personnes épileptiques pour qu'elles se partent à leur compte.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui, en conclusion, M. le Président. Laissez-moi d'abord vous remercier bien sincèrement pour la qualité de votre présentation et la sensibilisation que vous nous donnez aujourd'hui dans votre présentation. Je voudrais vous dire qu'on retient vos recommandations, particulièrement celle où vous souhaitez un meilleur accès aux médicaments. Je retiens la remarque que, peut-être à cause des coûts, il y a des patients qui ne sont pas soignés et qu'il faudrait qu'on puisse corriger cela. Et aussi la définition, avec les effets pervers, de «apte» ou «inapte», ce qui me fait conclure que votre présence en commission parlementaire, lors de l'étude du projet de loi sur l'assurance-médicaments, est essentielle. Et on m'indique que, suite à la recommandation que nous avons faite, vous allez être invités. Alors, j'espère que vous allez accepter notre invitation. Alors, merci beaucoup. Et merci à vous, Mme Laverdière, pour votre témoignage.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée de Mille-Îles, en conclusion aussi.

Mme Leduc: Alors, oui, il me fait plaisir de vous remercier au nom de l'équipe ministérielle. C'est évident que l'ensemble de vos recommandations sont retenues. Quant à moi, je me suis particulièrement intéressée à votre position sur les médicaments génériques et d'origine et je pense qu'on va creuser ça un peu plus loin éventuellement. Je ne peux que vous féliciter, parce que je constate que, comme les autres associations, vos activités débordent largement le cadre de juste le soutien clinique ou de s'assurer que les gens ont les soins. Je pense que c'est ce qui fait la richesse et que c'est ce qui est important pour le gouvernement, d'avoir des partenaires comme vous, à la fois pour les personnes qui sont atteintes d'épilepsie et pour nous aider à mieux les soutenir. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça prend beaucoup de dévouement et de générosité, et on l'apprécie beaucoup. Merci beaucoup. J'invite maintenant l'autre groupe à venir immédiatement.

Alors, tel que vous avez pu l'entendre tout à l'heure pour l'autre groupe, vous avez 20 minutes pour faire votre présentation. On vous invite à être très à l'aise. Il y aura des échanges avec les députés des deux formations, une période de questions et de discussion. Alors, vous représentez l'Association pulmonaire du Québec et le Réseau québécois pour l'enseignement sur l'asthme.

Une voix: C'est exact.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent, allez-y.


Association pulmonaire du Québec (APQ) et Réseau québécois pour l'enseignement sur l'asthme (RQEA)

M. Robitaille (Claude): Oui. Mon nom est Claude Robitaille, je suis directeur général de l'Association pulmonaire du Québec. À ma gauche, vous avez le Dr Louis-Philippe Boulet, pneumologue à l'hôpital Laval et directeur du comité scientifique du Réseau québécois, ainsi qu'à ma droite, M. André Amesse, qui est directeur de nos programmes éducatifs et coordonnateur provincial du Réseau québécois pour l'enseignement sur l'asthme.

Je vais faire un très bref historique de l'Association pulmonaire. C'est l'ancienne Ligue antituberculeuse, qui a été créée en 1926. À l'époque, on sait que la tuberculose faisait des ravages. On n'avait même pas le temps de parler de médicaments, dans ces années-là, parce qu'on devait toujours trouver une cure et un vaccin pour contrôler la maladie, ce qui fut fait dans les années soixante-dix, où la Ligue antituberculeuse a changé son nom pour l'Association pulmonaire du Québec et a englobé toutes les maladies, dont l'asthme, l'emphysème et naturellement les moyens de prévention des maladies pulmonaires.

Alors, l'Association pulmonaire a un conseil d'administration composé de 16 personnes provenant de différents secteurs, c'est-à-dire les personnes qui sont atteintes, nous avons également des professionnels de la santé, des gens du milieu des affaires. C'est un conseil d'administration qui est à l'échelle provinciale.

Alors, mon introduction serait beaucoup pour vous dire que l'asthme est une maladie qui est généralement contrôlable. En somme, ce qu'on a dénoté beaucoup, c'est que les gens peuvent se prendre en main avec cette maladie-là. En somme, quand on pense que 37 %, au Québec, des asthmatiques sont fumeurs, c'est là qu'on se dit qu'il y a un problème d'éducation et un problème de prévention, sans parler aussi des autres éléments déclencheurs de crises. Les gens qui sont asthmatiques et qui ont des chats... Moi, il y a des gens qui m'ont appelé et ils ont dit: Bien oui, mais on les aime, nos chats, puis ce n'est pas à cause de ça... Alors, si on pouvait axer davantage sur l'éducation et la prévention, ça serait peut-être le genre de maladie où les médicaments seraient peut-être moins utilisés. On pense que, juste dans ces deux secteurs-là, des millions de dollars seraient sauvés si les gens prenaient soin de leur santé.

On a le Dr Boulet qui, avec son équipe de l'hôpital Laval, a mis sur pied un réseau d'enseignement sur l'asthme. Il s'est dit, lui: Bien, on va éduquer les gens, on va faire... Ça a été un travail pratiquement, je vous dirais, de missionnaire qu'il a dû faire avec son équipe pour aider les gens à se prendre en main. Il y a eu d'excellents résultats; il va vous en parler tantôt.

Par la suite, ceci a fait son petit bout de chemin, et nous avons eu la collaboration de compagnies de produits pharmaceutiques, dont Glaxo Wellcome, bureau d'affaires du Québec, qui a été membre fondateur, la compagnie Astra Pharma comme membre consultatif et le ministère de la Santé qui nous ont appuyés dans notre projet. Alors, naturellement, ça fait maintenant deux ans que le Réseau est en marche et on a réussi à ouvrir une douzaine de centres. On a aussi eu une évaluation, une étude qui s'est faite auprès de 1 200 travailleurs, à Rimouski, qui a démontré que, si on pouvait prendre le temps et que les gens pouvaient s'impliquer pour leur santé, on pourrait arriver avec d'excellents résultats.

(16 h 20)

Alors, au Québec, on compte 600 000 asthmatiques. On prévoit que notre Réseau d'enseignement permettrait de réduire un très bon pourcentage de visites à l'urgence et de cas de décès également – et ça, le Dr Boulet pourra vous en parler tantôt – mais malheureusement, naturellement, on a un budget qui est très restreint. Ce qu'on demande, en somme, c'est l'appui du ministère de la Santé, qu'il continue de nous appuyer financièrement dans l'établissement des centres d'enseignement, également que les généralistes réfèrent leurs patients au centre d'enseignement et que, naturellement, les régies régionales puissent désigner ces centres-là le plus rapidement possible.

J'ai fait une petite conclusion, en disant qu'une des meilleures polices d'assurance qu'on peut offrir à ces gens-là, c'est encore la prévention et l'éducation. Alors, je laisse la parole au Dr Boulet.

M. Boulet (Louis-Philippe): Merci, M. Robitaille. Alors, c'est un privilège pour moi d'être ici aujourd'hui pour vous faire part de nos réflexions quant à la santé respiratoire des Québécois et particulièrement, en tant que directeur scientifique du Réseau québécois pour l'enseignement sur l'asthme, de ce problème très fréquent qu'est l'asthme au Québec comme dans tous les pays industrialisés.

L'asthme est une maladie chronique qui atteint de 5 % à 10 % de la population. À peu près 10 % de la population de moins de 18 ans est atteinte d'asthme, et c'est une maladie qui, fréquemment, dure toute la vie. Cette maladie, souvent, devient à ce point présente qu'elle nécessite une médication chronique qui devient parfois très coûteuse lorsque l'asthme est grave. Bien sûr, c'est une maladie qui ne se guérit pas, présentement. Il y a énormément de recherche dans ce domaine, mais on ne peut que contrôler les manifestations, maîtriser les manifestations de l'asthme, qui sont cet essoufflement intermittent, avec des silements et des sensations d'oppression qu'ont les asthmatiques et qui les empêchent, finalement, de vaquer à leurs occupations normales, qui interfèrent avec le sommeil. Et ces pauvres gens qui encombrent nos urgences et nos hôpitaux...

Alors, on s'est rendu compte quand même, au cours des dernières années, que l'asthme est une maladie qui peut se maîtriser de façon efficace. On considère actuellement que 80 % des hospitalisations, des visites à l'urgence et une grande proportion des médicaments qui sont consommés pour cette maladie, tout ça pourrait être corrigé par un traitement adéquat et une éducation adéquate de la personne asthmatique. Il faut dire une chose, c'est que le traitement et la philosophie de traitement de l'asthme s'est grandement modifié dans les dernières années. Les recherches récentes ont porté beaucoup d'attention sur le fait que l'asthme est une maladie inflammatoire qui nécessite une médication anti-inflammatoire chronique, alors qu'autrefois on insistait beaucoup sur ce qu'on appelle les bronchodilatateurs, médicaments qui ouvrent les voies aériennes qui sont fermées, mais qui n'ont pas d'effet à long terme sur la maladie.

L'asthme est un problème à ce point important, à l'échelle mondiale tout comme au Québec, que toutes les associations respiratoires à travers le monde et les regroupements internationaux se sont rassemblés, dans les 10 dernières années, pour évaluer vraiment ce qu'on doit faire avec cette maladie qui augmente sans cesse en prévalence et en sévérité. Alors, ces consensus en sont venu tous à la même conclusion, c'est que le traitement n'était pas adéquat, que les professionnels de la santé n'étaient pas assez informés des recherches récentes dans ce domaine, que les personnes ne prenaient pas suffisamment en charge leur santé respiratoire. Étant donné que l'asthme est une maladie qui évolue beaucoup, change beaucoup d'une journée à l'autre, d'une semaine à l'autre, on doit manipuler la médication de façon vraiment efficace pour minimiser les effets. Donc, le traitement approprié et l'éducation étaient les deux failles, les deux grands manquements au traitement de l'asthme. Et des consensus de traitement ont été largement publiés, dont un des premiers a été le consensus canadien auquel ont participé de nombreux Québécois, qui a donné un guide thérapeutique sur l'asthme et qui incorporait des notions d'éducation, guide qui a été repris, en fait, l'année dernière et qui vient d'être publié ce mois-ci, qui indique de quelle façon l'asthme doit être traité de la façon la plus adéquate possible.

Donc, si vous abordez le problème des maladies respiratoires, ce n'est pas seulement nécessaire de rendre les médicaments accessibles... Et Dieu sait, bien sûr, que le prix de ces médicaments ne cesse d'augmenter de mois en mois et d'année en année et, avec toutes les découvertes qui s'en viennent... J'aimerais mentionner, en passant, que le nombre de médicaments pour l'asthme qui sont en expérimentation est absolument incroyable, actuellement, par rapport à ce que nous avions déjà. Il y a une foule de nouvelles classes de médicaments antiasthmatiques qui sont en développement. Et Dieu sait que ça va devenir très compliqué pour les médecins et pour les personnes asthmatiques, bientôt, d'utiliser toutes ces nouvelles molécules, tous ces nouveaux agents et d'essayer de voir comment, de façon cohérente, on peut arriver à les utiliser de la meilleure façon.

Donc, il est absolument essentiel que tout programme d'accès à la médication, aux médicaments, on joigne un programme qui éduque, finalement, non seulement les personnes qui les utilisent, mais aussi les professionnels de la santé, pour qu'on puisse faire des mises à jour les plus efficaces possible, et non seulement les rendre disponibles, mais vraiment rendre disponible une éducation, un enseignement qui permettra de les utiliser de façon adéquate et la plus optimale possible, pour diminuer justement les coûts en médicaments, mais également les coûts en soins de santé et soins d'urgence et également augmenter la qualité de vie des personnes qui en souffrent.

C'est dans ce contexte, finalement, qu'il y a environ deux ans le Réseau québécois pour l'enseignement sur l'asthme a été mis sur pied, grâce à la collaboration fort innovatrice, je crois, des milieux gouvernementaux. Le ministère de la Santé et des Services sociaux s'est impliqué dès le début. L'Association pulmonaire est l'organisme qui chapeaute le Réseau, et nous avons la collaboration des professionnels des quatre grandes universités québécoises qui possèdent une faculté de médecine et d'à peu près toutes les associations médicales et paramédicales qui oeuvrent auprès des asthmatiques. Nous avons pu, grâce à ce rassemblement, développer des programmes de formation des professionnels de la santé, des programmes de mise à jour des médecins, de formation des éducateurs en asthme qui sont soit pharmaciens, infirmières, inhalothérapeutes ou autres professionnels, et également des programmes destinés aux personnes asthmatiques et à leur famille, pour apprendre, finalement, comment manipuler ces fameux médicaments, non seulement ça, mais comment utiliser les méthodes préventives, puisque dans le cas de l'asthme, qui est une maladie de l'environnement bien souvent, où les allergènes sont très fortement impliqués, les polluants atmosphériques, les substances industrielles, il y a énormément de prévention à faire de ce côté. Et, bien souvent, ça évite, justement, d'utiliser les médicaments, lorsque les mesures préventives environnementales sont effectuées de façon adéquate. Et Dieu sait qu'il y a du chemin à faire de ce côté-là. Une étude récente nous a démontré – une étude que nous avons faite en collaboration avec nos collègues du CHUL – que 70 % de notre population asthmatique québécoise est fortement sensible au poil d'animaux – par exemple, les chats, les chiens, etc. – et que la majorité des gens qui font de l'asthme conserve un animal à la maison, comme disait M. Robitaille, et permettent la perpétuation du problème asthmatique. Alors, ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres, mais qui a des répercussions extrêmement lourdes pour la santé des Québécois au point de vue respiratoire et au point de vue économique.

Donc, nul doute que l'Association pulmonaire du Québec va de l'avant actuellement avec les programmes de prévention. Je pense qu'il y a un pas très important à faire pour essayer d'améliorer justement l'implication des mesures préventives aux mesures thérapeutiques, ce qui est encore loin de se faire actuellement. Nous avons des balises et des guides extrêmement sophistiqués qui ont été développés récemment par ces fameux consensus de traitement. Et, encore une fois, toutes les recherches des dernières années nous poussent à développer justement des moyens de communiquer aux personnes atteintes de l'asthme et des autres maladies respiratoires l'information de base, finalement, l'information nécessaire pour mieux utiliser leurs médicaments.

Alors, pour terminer, je voulais simplement souligner les répercussions de l'asthme dans la province de Québec. Les études ont été faites dans l'ensemble du Canada. Et il y a environ deux mois était publiée dans le journal de l'Association médicale canadienne une étude qui démontrait que l'asthme, uniquement au Canada – je ne parle pas de la bronchite chronique et de l'emphysème, qui sont des maladies également extrêmement fréquentes – coûtait 600 000 000 $ en frais directs et indirects de santé; au Québec, ça se situe aux alentours de 125 000 000 $ à 150 000 000 $, certainement. Et environ le tiers, sinon un peu plus, de ces frais semble relié au coût des médicaments, qui, encore une fois je vous le dis, sont mal utilisés dans bien des cas, très mal utilisés. On pourrait également, outre améliorer la condition de nos asthmatiques, sauver bien sûr beaucoup de sous en se donnant les moyens d'améliorer l'efficacité et l'utilisation de ces médicaments.

Alors, j'aimerais passer la parole, maintenant, à M. André Amesse, qui vous fera part de certaines recommandations qui ont été faites par le comité scientifique du Réseau québécois pour l'enseignement sur l'asthme et qui résument un peu les vues, en fait, de ce regroupement par rapport à l'asthme au Québec.

M. Amesse (André): Mesdames et messieurs, bonjour. Avant de passer, comme tel, aux recommandations, j'aimerais juste circonscrire ou préciser certaines dimensions, finalement, de l'asthme au Québec. Il y a 5 % à 10 % des Québécois qui sont directement touchés par l'asthme, c'est-à-dire qui sont asthmatiques à différents niveaux de gravité, ce qui veut dire qu'il y a environ 600 000 individus qui sont asthmatiques au Québec. Évidemment, ce ne sont pas tous des asthmatiques sévères, mais il y a quand même 600 000 personnes qui sont directement touchées par cette maladie-là. Qui, dans sa famille ou dans son environnement immédiat, ne connaît pas au moins une personne asthmatique? C'est un problème chronique, finalement, qui est très, très répandu. Et puis ce qu'il est important de constater, c'est que la prévalence de l'asthme et la mortalité due à cette maladie n'ont pas cessé d'augmenter depuis les 10 dernières années dans la plupart des pays industrialisés. Ça fait qu'on a un problème, là, qui prend de l'ampleur d'une façon constante.

(16 h 30)

Et puis, si on regarde au niveau du fardeau personnel, social ou financier que l'asthme occasionne, juste pour vous donner une idée, là, c'est 37 000 visites à l'urgence de la part des personnes asthmatiques à chaque année. C'est 760 000 visites en cabinet privé, chez le médecin. C'est 50 000 hospitalisations. C'est 325 000 journées d'absence au travail. Là, on parle d'absence au travail, mais ça occasionne également un absentéisme assez élevé chez les enfants, plus significatif que dans la population en général. Puis il y a également 1 300 000 unités de médicaments antiasthmatiques vendus annuellement au Québec. La facture annuelle, pour les Québécois, payée pour tout ça, c'est 150 000 000 $.

Par contre, si on va du côté des causes, le principal problème qu'on a avec l'asthme au Québec, c'est une faible observance thérapeutique. Puis il faut aller aux causes de faible observance thérapeutique. Cette faible observance thérapeutique fait... En tout cas, c'est ça qui occasionne finalement des coûts de l'ordre de 150 000 000 $ annuellement pour les Québécois.

Si on regarde au niveau des causes, finalement, les causes de base, les causes majeures, c'est un manque de connaissances sur l'asthme de la part de la personne asthmatique. Le système de santé, quelque part, ne réussit pas à transmettre toutes les informations nécessaires à une personne asthmatique pour l'habiliter, finalement, à prendre sa maladie en charge d'une façon adéquate, à prendre ses médicaments d'une façon adéquate et puis à bien contrôler les facteurs de l'environnement, dans son environnement immédiat, qui déclenchent ses crises. Ce qui fait qu'il y a des éléments de base qui sont manquants, qui sont la compréhension de la maladie et puis la façon de se traiter adéquatement au quotidien.

Notre système de santé ne semble pas répondre à ces besoins-là, finalement. La personne asthmatique qui va en cabinet privé va sortir avec un diagnostic d'asthme, puis avec une ordonnance, finalement, pour faire remplir, de médicaments, mais elle va sortir avec très peu d'information qui va lui permettre de comprendre sa maladie et de se traiter d'une façon adéquate. La personne qui se présente à l'urgence, c'est un peu la même chose, finalement. Elle va recevoir son traitement d'urgence. On pose le diachylon, mais ce n'est pas à l'urgence que la personne peut approfondir la compréhension de sa maladie.

Si on parle maintenant des hospitalisations, sur les unités de soins, il y a très peu d'éducation qui se fait auprès des personnes asthmatiques, finalement, parce que les gens sont surchargés et n'ont pas le temps d'aborder ces dimensions-là. C'est la dimension la plus fondamentale, qui pourrait nous permettre de réduire les coûts associés à l'asthme. Ce qui fait qu'il y a un problème clé, un problème de base qui gravite autour de l'éducation, finalement, de la personne asthmatique.

Je voudrais aussi vous laisser avec une réflexion. Il y a un petit proverbe chinois qui dit: Donnez un poisson à un homme, il va se nourrir une seule fois. Par contre, si vous lui apprenez à pêcher, cette personne-là va se nourrir toute sa vie. Ce qui fait qu'au niveau des dimensions, des mots clés là-dedans: lui donner une fois, là, ça maintient une certaine forme de dépendance, ça; par contre, lui apprendre à pêcher, c'est éduquer une personne, c'est la faire cheminer, c'est l'outiller puis c'est développer ses capacités, finalement, de se prendre en charge. C'est la rendre autonome pour la vie. C'est là-dessus qu'on insiste au niveau du Réseau québécois pour l'enseignement sur l'asthme.

Éduquer, ça se démarque des liens impersonnels qui caractérisent souvent les visites chez le médecin, les visites à l'urgence ou les hospitalisations. Mais il y a des conditions qui sont prérequises à ça. Il faut être en mesure, au niveau des centres d'enseignement que le Réseau vise à mettre sur pied, d'identifier le niveau de connaissances de la personne, de l'individu par rapport à sa maladie, d'identifier sa capacité actuelle à se traiter adéquatement, d'identifier ses carences, finalement, par rapport à son traitement, définir les apprentissages qui sont requis de la part de cette personne-là, puis de mesurer en bout de ligne de ces apprentissages.

Donc, il y a une relation d'aide qui est nécessaire, là, qui nécessite du temps en externe, sur rendez-vous, avec un éducateur spécialisé, compétent, dans le domaine de l'asthme. C'est cet éducateur-là qui peut faire preuve d'écoute, de respect à l'égard de la personne asthmatique, et puis qui va lui fournir toutes les informations, et puis qui va lui transmettre tous les outils nécessaires, finalement, à une prise en charge adéquate de la maladie, une médication appropriée, une compréhension de ces médicaments-là.

Il y a d'excellents médicaments sur le marché, mais, malheureusement, ils sont mal utilisés. Puis, parmi les médicaments efficaces sur le marché actuellement, il y a déjà une confusion, là, au niveau des professionnels de la santé, au niveau des médecins, finalement. Ce n'est pas tous les médecins qui traitent l'asthme de la même façon, ce qui fait que les gens sont portés à faire du magasinage et à essayer d'identifier les professionnels de la santé qui, enfin, vont leur donner des outils pour qu'ils soient en mesure de se prendre en charge efficacement.

Dans le mémoire qu'on vous a soumis, à la page 11, au tableau 2, on vous fait part de toute la panoplie des nouvelles molécules antiasthmatiques qui sont à la veille d'entrer sur le marché. Étant donné qu'il y a une confusion actuelle, l'ajout de nouvelles molécules est juste susceptible d'ajouter à la confusion de la personne asthmatique parmi tous les choix thérapeutiques qui vont se présenter éventuellement, ce qui fait que ça complique tout le processus de mise à jour des connaissances des professionnels de la santé, incluant les médecins, puis ça complique également, finalement, la compréhension de la thérapeutique de l'asthme de la part des personnes asthmatiques, ce qui fait que ça va juste venir amplifier les besoins d'éducation des personnes asthmatiques.

Si on regarde un petit peu, finalement, aux pages 27, 28, l'étude de Camelford Graham Associates, on se rend compte, par rapport à une seule catégorie de médicaments que sont les anti-inflammatoires bronchiques, des conceptions erronées que les personnes asthmatiques peuvent avoir de ces médicaments-là. Je vous en cite seulement quelques-unes, parce qu'elles sont quand même toutes bien citées.

C'est une étude qui a été effectuée auprès de 600 adultes asthmatiques à travers tout le Canada, dont 150 personnes asthmatiques québécois et québécoises. Parmi les personnes interrogées, 31 % ne savaient pas que les corticostéroïdes en inhalation existaient. Il y en a 28 % qui ne les aiment pas en raison de conceptions erronées ou de préjugés à l'égard de ces médicaments-là: c'est soit mauvais pour la santé; ils ont des effets secondaires; ça semble effrayant; ça peut créer une accoutumance, ce qui pourrait les amener finalement à ne pas respecter leur ordonnance.

Il y a plus de 40 % des utilisateurs de corticostéroïdes en inhalation qui ne savaient pas qu'on leur avait prescrit ce médicament-là au cours des 12 derniers mois. Il y a 37 % des asthmatiques qui n'utilisaient pas de corticostéroïdes en inhalation au moment du sondage qui ont indiqué qu'ils n'avaient aucune intention de faire remplir l'ordonnance pour ces médicaments-là par crainte des effets secondaires ou par confusion quant au rôle du médicament dans le traitement de l'asthme.

Un asthmatique sur cinq ayant fait remplir une ordonnance de corticostéroïdes en inhalation ne les prendra jamais, puis il y a 43 % de tous les asthmatiques interrogés qui croient à tort que les corticostéroïdes en inhalation réduisent la constriction des voies aériennes. Ils confondent ce médicament-là... les deux principales classes de médicaments antiasthmatiques: les bronchodilatateurs à courte durée d'action, qui atténuent la constriction et la sensation de pression au niveau des voies aériennes, et les corticostéroïdes en inhalation qui combattent l'inflammation sous-jacente, qui est le phénomène à l'origine de l'asthme.

Ce qui fait que vous voyez un petit peu toute l'ampleur du travail éducatif qu'il y a à faire auprès des personnes asthmatiques, et qui ne se fait pas actuellement. C'est ça, finalement, le but du Réseau québécois pour l'enseignement sur l'asthme. D'ici les prochaines années... On a une dizaine de centres qui sont en opération présentement. On a 12 protocoles d'entente de signés, on est à la veille de signer une dizaine de protocoles d'entente en Montérégie, avec des centres hospitaliers de courte durée et puis des CLSC afin de pouvoir structurer l'enseignement auprès des personnes asthmatiques. Ça a déjà commencé, mais on vise à amplifier le phénomène. Dans l'idéal, on devrait avoir des centres d'enseignement dans toutes les régions sociosanitaires du Québec pour être en mesure, finalement, de répondre à cet urgent besoin d'information et d'éducation auprès des personnes asthmatiques. Et puis c'est en renseignant adéquatement les personnes et en les outillant adéquatement qu'on va réduire le fardeau financier de l'asthme au Québec.

Donc, si on regarde un petit peu ce qu'est un centre d'enseignement, c'est tout simplement un lieu, soit un centre hospitalier de courte durée ou un CLSC – ça pourrait même être une clinique privée, ça pourrait être une entreprise privée qui a des ressources dans le domaine de la santé – où la personne asthmatique est référée par son médecin traitant et puis rencontre, sur rendez-vous, un éducateur formé adéquatement par le Réseau d'enseignement – on parlait tantôt d'infirmières, d'inhalothérapeutes, de pharmaciens et de pharmaciennes – et puis la personne asthmatique y reçoit un enseignement individualisé, centré sur ses besoins spécifiques.

C'est ce qui manque un petit peu dans notre système de santé actuellement, une approche personnalisée où on prend le temps de vraiment identifier toutes les composantes et puis tous les besoins, finalement, sur lesquels il faut s'appuyer pour faire un travail éducatif avec la personne. On ne retrouve pas ce genre de rapport ou ce genre de lien étroit. C'est difficile de retrouver ça en cabinet privé, les gens n'ont pas le temps; à l'urgence, ça va vite, vite, les gens n'ont pas le temps d'assimiler, finalement; sur les unités de soins, c'est la même chose, il n'y a jamais personne qui a le temps de faire l'éducation des personnes asthmatiques. Ça fait que le Réseau vise à former des éducateurs dont c'est le mandat spécifique de prendre le temps de recevoir la personne asthmatique sur rendez-vous, référée par son médecin – c'est le médecin qui demeure en charge du traitement – mais l'éducateur fait tout le travail avec la personne asthmatique et fait cheminer cette personne tant et aussi longtemps que des comportements de maîtrise de la maladie ne deviennent pas évidents. Ça fait que, pour certaines personnes, ça peut être une visite d'une heure, finalement, en centre d'enseignement, alors que chez d'autres personnes ça va prendre plus de temps parce qu'il y a plus d'apprentissage à faire puis il y a plus d'éléments à couvrir.

Dans un autre ordre d'idées, il y a 15 % des personnes asthmatiques au Québec qui ne sont pas couvertes par les programmes publics de gratuité de médicaments ou par un régime privé d'assurance collective; ce qui fait que ça fait 75 000 Québécois ou Québécoises asthmatiques qui sont dans un no man's land, qui se retrouvent dans un état de précarité puis qui deviennent à risque, finalement, de fréquenter souvent les urgences, qui deviennent à risque d'être hospitalisés plus fréquemment, qui deviennent même à risque de décéder par asthme parce qu'ils n'ont pas accès aux principaux médicaments, finalement, aux corticostéroïdes inhalés, qui contrôlent le phénomène inflammatoire associé à l'asthme.

(16 h 40)

Ce qui nous amène à vous faire les recommandations suivantes, finalement. L'utilisation rationnelle des médicaments antiasthmatiques nécessite un traitement adéquat basé sur les recommandations du consensus canadien doublé d'une intervention éducative efficace axée sur la compréhension et la maîtrise de l'asthme par la personne asthmatique. La personne asthmatique éduquée et traitée réduit considérablement ses visites à l'urgence et ses hospitalisations. Comme le projet-pilote à l'hôpital Laval l'a clairement démontré, c'est au-delà de 50 % de réduction des visites à l'urgence, des hospitalisations et de l'absentéisme au travail ou à l'école occasionnés par l'asthme.

Il nous semble donc impératif de développer des services préventifs mieux articulés avec le curatif afin de coordonner efficacement les énergies que l'ensemble des professionnels de la santé déploient auprès des personnes asthmatiques et d'uniformiser les messages aux patients asthmatiques en vue d'une utilisation optimale de la médication.

Pour ce faire, nous recommandons que le ministère de la Santé soutienne énergiquement les initiatives du Réseau québécois pour l'enseignement sur l'asthme et de l'Association pulmonaire du Québec, premièrement, dans la mise à jour des connaissances des professionnels de la santé impliqués dans le domaine de l'asthme – à venir jusqu'à date, le Réseau a contribué à la mise à jour des connaissances de plus de 2 000 professionnels de la santé dans le domaine de l'asthme, ce qui est considérable, et puis il faut poursuivre dans le même sens afin d'uniformiser les messages qui sont véhiculés par les différents professionnels auprès des personnes asthmatiques.

Deuxièmement, dans le développement et la mise à jour périodique de nos programmes-cadres d'enseignement auprès des personnes asthmatiques et du matériel didactique qui est nécessaire pour appuyer cet enseignement-là dans les centres d'enseignement qu'on met sur pied.

Et puis, troisièmement, dans ses stratégies d'éducation médicale continue, afin que les médecins intègrent à leur pratique les orientations du consensus canadien de la thérapeutique de l'asthme. Il faut travailler dans tous les sens, finalement. Il faut sensibiliser les médecins à ces nouvelles orientations thérapeutiques afin qu'ils intègrent ces nouvelles orientations là dans leur pratique.

Quatrièmement, dans le déploiement des centres d'enseignement aux asthmatiques au sein d'une centaine de centres hospitaliers de courte durée et de CLSC au Québec. On considère que notre réseau d'enseignement va couvrir adéquatement la presque totalité de la clientèle asthmatique de la province de Québec quand on aura réussi à mettre sur pied une centaine de centres au sein des 18 régions sociosanitaires du Québec. C'est, à ce moment-là, avec une centaine de centres qu'on pourra couvrir adéquatement en services éducatifs les 600 000 personnes asthmatiques du Québec.

Et puis, si on réussit à rejoindre seulement 50 % de la clientèle asthmatique au Québec, on prévoit qu'un enseignement adéquat pourrait avoir des retombées de l'ordre de 7 000 000 $ par année en termes de réduction de coût. Ça coûte à peu près une trentaine de dollars l'heure, éduquer adéquatement une personne asthmatique. Par contre, une personne qui n'est pas éduquée adéquatement, qui n'a pas toutes les notions pour se prendre en charge, finalement, va se retrouver systématiquement à l'urgence à répétition, va multiplier ses visites chez le médecin, finalement va subir plus d'hospitalisations, va être plus absente du travail et puis, chez les adolescents et chez les enfants, cette personne-là va être plus absente de l'école, ce qui fait que les coûts s'accumulent, à un moment donné, là.

Cinquièmement, dans la mise sur pied de groupes de soutien à l'intention des personnes asthmatiques. Il est important, dans la foulée, finalement, de la prise en charge de l'asthme par les personnes elles-mêmes, que les personnes asthmatiques, dans leurs localités, se regroupent et puis fassent circuler entre elles de l'information adéquate sur l'asthme. Évidemment, ce qu'on vise à faire, on vise à ce que, chaque fois qu'on met sur pied un centre d'enseignement, le centre d'enseignement favorise la mise sur pied de ces groupes de soutien à l'intention des personnes asthmatiques pour renforcer les apprentissages, les acquis qui se font en centre d'enseignement.

On vise également à ce que les régies régionales intègrent le déploiement des centres d'enseignement sur l'asthme dans leur plan de reconfiguration du réseau de la santé.

Que les régies régionales suppléent au manque de ressources humaines du Réseau en favorisant l'intégration de certaines ressources humaines qualifiées mises en disponibilité dans le cadre de la restructuration actuelle du réseau de la santé. On a besoin d'aide, finalement, pour réaliser nos objectifs.

Que les régies régionales financent les postes de coordination régionale du Réseau, contribuant ainsi au déploiement des centres d'enseignement sur l'asthme dans toutes les régions du Québec et, par le fait même, à l'éducation des personnes asthmatiques en vue d'une maîtrise accrue de leur asthme.

Et puis que les CLSC, finalement, implantent un programme-cadre de gestion de l'asthme en milieu scolaire. Il y a déjà tout un réseau articulé d'infirmières en milieu scolaire qui peuvent nous aider à faire de l'éducation auprès des étudiants asthmatiques. Ce réseau-là, finalement, peut vraiment nous appuyer dans l'atteinte de nos objectifs.

Maintenant, au niveau de la deuxième recommandation, compte tenu de la mission de l'Association pulmonaire, qui consiste à promouvoir la santé pulmonaire, à prévenir les maladies et à venir en aide aux personnes qui en sont atteintes par la recherche, l'éducation et les services, nous souscrivons à l'actualisation d'un régime universel d'assurance-maladie, car nous sommes persuadés qu'un tel régime rendrait plus accessible la médication antiasthmatique, particulièrement les médicaments préventifs tels les corticostéroïdes, tout en aidant les personnes asthmatiques défavorisées, qui n'ont pas les revenus nécessaires pour se procurer ces médicaments-là. Comme on vous le disait tantôt, ces gens-là sont particulièrement à risque.

Finalement, en ce qui a trait à l'amélioration de la qualité de l'environnement des personnes asthmatiques, l'Association recommande l'amélioration de la connaissance de la maladie, l'application de mesures préventives environnementales, particulièrement au niveau des édifices, établissements publiques et scolaires, ainsi que la diffusion de l'information sur les effets de substances environnementales sur la santé respiratoire; le développement de mesures visant la réduction du tabagisme, particulièrement chez les jeunes, toujours en se faisant appuyer par le réseau d'infirmières en milieu scolaire.

Et, attendu que le tabagisme constitue un facteur important des exacerbations de l'asthme, que le ministère de la Santé mandate l'Association pulmonaire afin de développer et d'implanter un programme de soutien à l'arrêt tabagique de concert avec les 161 CLSC du Québec afin de réduire significativement la mortalité, la morbidité, les coûts faramineux engendrés par le tabagisme. Le tabagisme est également un facteur de consommation accrue de médicaments antiasthmatiques. Merci de votre attention.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Vous n'êtes pas sans constater qu'on vous a laissé dépasser largement le temps.

M. Amesse (André): Je m'en excuse.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On va réduire simplement les questions. Vous aviez tellement d'information qu'on pensait qu'il était bon de vous les laisser exprimer.

M. Amesse (André): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui, je voudrais vous remercier à mon tour, comme le président. Effectivement, vous nous avez donné beaucoup d'information et nous apprécions la qualité des informations qui nous sont données. Nous apprécions aussi que vous ayez accepté notre invitation.

Il y a quelque chose qui me renverse dans votre exposé, cependant, c'est l'accessibilité des médicaments. Vous dites qu'il y a une difficulté dans certains cas, un, parce que ça peut être une mauvaise utilisation. Ça me surprend, mais, écoutez, vous êtes capable de le documenter et vous êtes très crédible.

Ça peut être à cause du coût. Il peut y avoir des médicaments qui sont très coûteux et ça pourrait entraîner un effet où le patient, parce que c'est très coûteux, ne veut pas ou ne peut pas se le procurer. Donc, le phénomène de la porte battante un peu: il ne prend pas ses médicaments, il tombe malade, il revient à l'urgence, il revient à la clinique, il revient dans le réseau.

Il y aurait aussi la possibilité que cette accessibilité-là, peut-être qu'elle n'est pas possible à cause des différents organismes d'approbation, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau provincial, le CCP que vous connaissez sûrement.

J'aimerais vous entendre. Peut-être que ma question s'adresse davantage à vous, Dr Boulet, sur les trois possibilités de diminution d'accessibilité des médicaments dans le cas des patients atteints d'asthme.

M. Boulet (Louis-Philippe): Il y a quelques raisons principales pour lesquelles les médicaments sont mal utilisés présentement. En fait, premièrement, je dois faire la distinction. C'est que contrairement à une maladie chronique, par exemple, comme l'hypertension artérielle, où on prend une médication fixe de façon régulière et, bon, ça va, on vérifie parfois avec le médecin si la dose est adéquate ou le type de médicament est adéquat, dans l'asthme, il y a deux aspects à la prise de la médication: Est-ce que la bonne médication est donnée, appropriée au degré de sévérité et au type d'asthme dont la personne souffre? et, deuxièmement, l'utilisation de la médication, puisque la dose, le type ou le mode d'administration peut varier et varie selon le degré de stabilité de la maladie qui peut varier énormément suite à une infection respiratoire, à un contact allergique ou spontanément.

Donc, il n'y a pas seulement le fait de prendre une médication, il faut savoir comment changer la sorte de médicament, la dose de médicament selon le degré de symptômes, selon les contacts environnementaux, etc. Donc, c'est un problème, à ce niveau-là, pour l'utilisation, et les médecins n'ont pas encore été formés et les personnes asthmatiques n'ont habituellement pas d'information suffisante sur comment modifier leur médication lorsque c'est nécessaire. Il y a beaucoup d'initiatives qui sont en cours. Ça commence à changer, mais il faut supporter ça.

Les autres points pour la mauvaise utilisation, vous savez, il y a une espèce de crainte historique, qui est ancrée dans la tête de tout le monde, à propos de la cortisone. La cortisone, autrement dit, qui est les fameux corticostéroïdes, qui, bien sûr, au début, étaient autrefois sous forme systémique, soit en comprimés, en injections, qui ont des effets secondaires absolument importants, effectivement. Au cours des 20 dernières années, on a eu quand même l'utilisation maintenant de formes locales, topiques, en aérosol, de ces corticostéroïdes, qui n'ont strictement pas les mêmes effets secondaires, qui sont très sécuritaires et qui constituent actuellement tous les concensus de traitement.

Je voyais le dernier concensus international au congrès de l'American Thoracic Society cette semaine, c'est la base du traitement de l'asthme. Mais il y a une espèce de hantise des effets de la cortisone qui est associée à ça, et pas seulement chez les personnes asthmatiques, mais chez les médecins aussi. Les gens ont de la difficulté à s'enlever ces conceptions à propos des corticostéroïdes.

(16 h 50)

L'autre raison, c'est une raison aussi de complexité de prise du traitement. Ça demande un aérosol doseur parfois, un appareil qui est difficile à utiliser à l'occasion, que les gens ne savent pas utiliser. La prise peut être parfois prescrite plusieurs fois par jour, ce qui ne facilite pas l'observance thérapeutique, et aussi le coût, comme vous l'avez mentionné, qui limite plusieurs de nos jeunes asthmatiques. Donc, ce sont les principaux facteurs actuellement.

M. Marsan: En ce qui concerne les organismes d'approbation, est-ce que ça peut être limitatif ou si, jusqu'à maintenant, vous n'avez pas eu de difficulté à faire accepter des nouveaux médicaments, par exemple?

M. Boulet (Louis-Philippe): Présentement, nous avons les médicaments qu'il faut pour maîtriser 99 % des asthmatiques. Bien sûr que les recherches doivent continuer dans le sens d'améliorer toujours le rapport efficacité versus effets secondaires, parce qu'il peut y avoir quelques effets indésirables locaux ou encore, à forte dose, des effets un peu plus marqués; donc, il y a encore du chemin à faire de ce côté-là, ou il y a certaines catégories d'asthmatiques qui répondent moins bien à la thérapeutique et pour lesquelles on a besoin de faire des recherches.

Mais ce qui est le plus frustrant actuellement, c'est qu'on a, pour la majorité des gens, ce qu'il faut pour les garder dans un état quasi normal, et c'est la diffusion de l'information, c'est la diffusion des résultats des recherches récentes qui ne s'est pas traduite dans des changements de pratiques et dans des changements de comportements, et les gens traînent leurs vieux préjugés, leurs vieux concepts et ça nuit finalement au contrôle.

M. Marsan: Merci.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. le député. Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci. Je suis intéressée par le Réseau québécois pour l'enseignement sur l'asthme et puis les centres que vous mettez sur pied. Vous parlez du centre pour la région de Montréal-Centre, particulièrement, et je serais intéressée à savoir où c'en est, comment ça marche, comment ça s'implante, pour Montréal-Centre, bien sûr, mais aussi dans le reste du Québec. Est-ce qu'il y a déjà des percées?

Et, en sous-question, j'aimerais savoir si vous avez espoir de convaincre les médecins, qui m'ont l'air d'avoir une résistance assez marquée à cette approche, si vous avez espoir de les convaincre d'embarquer. Parce que, moi qui ne suis pas médecin, ça me semble le bon sens, ce que vous prêchez, mais je veux comprendre pourquoi le bon sens n'a pas l'air de fonctionner si facilement que ça.

M. Robitaille (Claude): Je vais laisser M. Amesse y répondre.

M. Amesse (André): C'est sûr que les médecins, de prime abord, ils ne sont pas enclins à favoriser l'éducation s'ils ne sont pas convaincus des bienfaits de l'éducation. Puis un réseau d'enseignement, ça se présente un petit peu, c'est perçu comme étant une ressource compétitive à l'égard des médecins.

Autrement dit, il y a déjà eu des expériences par rapport au diabète. Il y a eu des cliniques sur le diabète qui ont été mises sur pied dans le passé et puis qui récupéraient un petit peu, au niveau du diagnostic et puis du traitement, des patients d'omnipraticiens. C'est le genre de situation qui avait, à l'époque, mis un peu le feu aux poudres, et puis les omnipraticiens étaient un petit peu sur les «breaks», comme on dit, n'étaient pas enclins à référer leurs patients diabétiques dans ces centres-là. Ce qui fait qu'on a vraiment à vendre l'idée de l'efficacité de l'enseignement auprès des médecins. C'est un des grands objectifs du Réseau, c'est une des priorités actuelles, finalement, de trouver une façon adéquate d'inciter les médecins à référer leurs patients asthmatiques dans les centres d'enseignement qui sont déjà en opération.

Il y a plusieurs stratégies qui sont envisagées. C'est des communications dans des revues, finalement, qui sont lues par les médecins, mais également une approche individualisée. C'est-à-dire que, quand on met sur pied un centre d'enseignement, il est très important que les éducateurs, dans un premier temps, qui ne sont pas inondés de références de la part des médecins, rencontrent les médecins sur une base individuelle et puis expliquent ce qui se passe en centre d'enseignement, expliquent le contenu du programme éducatif et puis ce que ça peut apporter à leurs patients.

On se rend compte qu'une fois que le médecin commence à référer son patient au centre d'enseignement il en résulte une plus grande satisfaction de la part de la personne asthmatique à l'égard du système de santé comme tel, puis il en résulte une plus grande fidélité de la part de la personne asthmatique à l'égard de son médecin, qui, enfin, l'a référée à la bonne ressource, qui lui apporte enfin des réponses à ses questions, au quotidien, finalement.

Mme Malavoy: Avez-vous la collaboration des facultés de médecine dans cette démarche?

M. Boulet (Louis-Philippe): Actuellement, finalement, le Réseau, initialement, a été construit par les spécialistes des quatre facultés de médecine. Donc, on n'a pas un lien direct avec les facultés, mais, par les professeurs des universités, les quatre grandes universités québécoises, l'expertise universitaire est la base du Réseau actuellement, avec, d'ailleurs, ce qui se fait dans la littérature. Donc il y a une collaboration étroite avec le milieu universitaire actuellement, même si elle n'est pas strictement officielle, sous forme de contrat ou quoi que ce soit.

M. Amesse (André): Ce qu'on est en train de développer aussi, c'est des ateliers interactifs de mise à jour des connaissances des médecins, dans différentes régions du Québec, puis c'est ça qui se fait en collaboration, actuellement, avec les grands réseaux universitaires.

Autrement dit, on axe, finalement, nos stratégies de communication sur la mise à jour des connaissances, parce que cette mise à jour des connaissances va nous aider également à faire connaître le Réseau. À travers ces ateliers interactifs, on peut expliquer aux médecins ce qui se passe dans un centre d'enseignement, on peut leur indiquer comment il est facile, comment il est simple, finalement, de prescrire de l'enseignement à son patient, comme il prescrit des médicaments antiasthmatiques efficaces. C'est les stratégies qu'on a envisagées, finalement, là, pour aller chercher l'appui des médecins.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Boulet (Louis-Philippe): Très brièvement, si vous me permettez, juste pour rajouter. On ne blâme pas les médecins, ici. Autrement dit, il y a eu quand même un virage radical dans la philosophie de traitement de l'asthme dans les dernières années. Ça s'est fait de façon très rapide. Il y a eu des écoles de pensée qui ont fait de la contrepublicité ou de la contre-éducation et beaucoup de gens sceptiques des informations.

Actuellement, voyez-vous, l'information qui est donnée aux médecins se fait de différentes sources. Autrement dit, il y a beaucoup de sources commerciales, il y a beaucoup d'influences qui, à ce moment-là, rendent la situation complètement confuse, parce que certains prônent différentes choses.

L'uniformité du message est une chose importante pour que nous puissions donner aux médecins, vraiment, une conduite. Et on est drôlement chanceux, actuellement, parce qu'on a les fameux consensus de traitement où on est arrivés, finalement, à un mode de pratique qu'on pense optimal. Et notre rôle, c'est de communiquer cette nouvelle philosophie et ce nouveau mode de pratique aux médecins pour que, le plus rapidement possible, ils puissent l'appliquer à leur pratique.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Une dernière question par la députée de Chapleau.

Mme Vaive: Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais savoir, là, les corticostéroïdes en inhalation – c'est un mot là, ça ne me dit pas grand-chose – est-ce qu'on l'apparente avec le Ventolin? Est-ce que c'est ça?

M. Boulet (Louis-Philippe): Il y a deux grandes catégories de médicaments antiasthmatiques: il y a les bronchodilatateurs, les médicaments qui ouvrent les bronches en relaxant les muscles qui les entourent, et il y a les médicaments qui combattent l'inflammation. L'inflammation, bon, on sait tous ce que c'est. L'asthme est une maladie inflammatoire.

Autrefois, on pensait que c'était tout simplement d'ouvrir les bronches avec le Ventolin ou ces médicaments-là. Les corticostéroïdes, qui sont les dérivés, justement, de la fameuse cortisone, les corticostéroïdes en inhalation sont des anti-inflammatoires qui enlèvent le processus qui cause l'asthme. Ils ne l'enlèvent pas complètement, parce qu'il a toujours tendance à revenir, mais, en l'enlevant, on peut supprimer les symptômes, on peut supprimer les problèmes que cette maladie-là cause. Donc, les corticostéroïdes sont des anti-inflammatoires qui sont dérivés, justement, des molécules qu'on appelait la cortisone, autrefois.

Mme Vaive: Moi, depuis quelques années, je m'aperçois qu'il y a beaucoup plus de cas d'asthme que, disons, il y a 10 ans ou 20 ans. Le phénomène est peut-être dû aussi à la pollution. On a beaucoup plus de pollution présentement qu'on en avait dans les années antérieures. Mais ce qui m'inquiète, c'est le nombre de personnes qui ont cette fameuse petite pompe, qui l'utilisent trop souvent et il y a des effets très négatifs du côté cardiaque.

Moi, j'ai un collègue qui est mort dans mes bras. C'était un grand asthmatique, puis ça m'a toujours effrayée. Je me dis: J'espère qu'un jour je ne l'aurai pas, l'asthme, parce que je ne suis pas intéressée à utiliser ce machin-là.

M. Boulet (Louis-Philippe): Vous touchez un point majeur: il y a un abus de bronchodilatateurs, un médicament strictement inefficace pour contrôler la maladie, mais qui, bien sûr, soulage temporairement les symptômes. Ça fait mourir les gens parfois, nos collègues de McGill l'ont bien prouvé. Et on en sait quelque chose, il y a deux adolescents, les enfants de deux médecins de l'hôpital, qui sont décédés d'une crise d'asthme aiguë, justement, qui avaient abusé de bronchodilatateurs. Mais c'est ça, justement. Il y a un abus de cette classe de médicaments. Il y a une crainte, il y a un manque d'éducation sur l'utilisation adéquate de l'autre classe de médicaments qui traitent l'asthme, qui sont les corticostéroïdes et les anti-inflammatoires bronchiques en général.

Donc, c'est très important pour nous d'essayer de renverser cette chose-là. Il y a 80 % des prescriptions pour maladies bronchiques qui sont des bronchodilatateurs, actuellement, et 20 % des anti-inflammatoires. Ça devrait être l'inverse. Le consensus canadien de traitement indique qu'un asthmatique ne devrait presque jamais avoir besoin de se servir de sa pompe pour se soulager. Il devrait prendre une pompe de corticostéroïdes une fois par jour, le soir, ou deux, pour justement essayer de maîtriser cette fameuse inflammation, mais il ne devrait pas y avoir d'abus comme il s'en fait actuellement. Et c'est un problème répandu partout, pas seulement au Québec, partout. Ça a passé sur le Time , justement, aux États-Unis. Il y a un fameux modèle qui est décédé de la même façon.

Alors, c'est pour ça qu'on vous dit que ce n'est pas tout de rendre les médicaments accessibles. Si vous rendez les bronchodilatateurs plus accessibles, surtout aux adolescents et à une catégorie de personnes qui n'ont pas l'information, ça peut être même dangereux. Donc, ce n'est pas seulement de donner l'accès, mais c'est surtout, surtout de leur dire comment les utiliser.

(17 heures)

M. Robitaille (Claude): Concernant la pollution de l'air, il y a une étude qui a été faite à Montréal, il y a quelques années. En somme, la pollution de l'air extérieur est moins dommageable, encore aujourd'hui, que la pollution de l'air intérieur. C'est la pollution de l'air intérieur qui est vraiment un problème. La pollution de l'air extérieur, pour vous donner un cas, dans Montréal, où il y avait la carrière Miron, où il y avait beaucoup de poussière, oui, il y avait plus d'asthmatiques là, mais c'est très isolé. Généralement, c'est la pollution de l'air intérieur. On parle des maisons qui sont mal isolées, les tapis dans les maisons, la fumée de tabac.

M. Boulet (Louis-Philippe): Cigarettes et allergènes: deux fléaux québécois pour l'asthme actuellement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Conclusion par le député de Robert-Baldwin et la députée de Rimouski.

M. Marsan: M. le Président, je voudrais, en guise de conclusion, remercier nos invités, M. Claude Robitaille, directeur général; M. André Amesse, le directeur des programmes et des services éducatifs; et le Dr Boulet, pneumologue de l'hôpital Laval. Je pense que vous nous avez fait vraiment un résumé et, de façon claire, maintenant, nous recevons les difficultés que peuvent connaître les asthmatiques.

Je voudrais aussi vous dire qu'on reçoit bien les nombreuses recommandations qui ont été faites, et particulièrement celles qui pourraient améliorer l'éducation de la population, l'éducation des patients. J'apprécie aussi, Dr Boulet, ce que vous avez dit en terminant. Connaissant de réputation l'équipe de l'hôpital Laval, quand vous parlez d'un consensus de traitement... C'est difficile, souvent, d'avoir des consensus de traitement, mais, quand on peut en obtenir, je pense que les patients sont vraiment en sécurité dans ce temps-là. Quand l'ensemble d'une pratique médicale convient d'un traitement pour les patients, les asthmatiques, dans ce cas-ci, eh bien, je suis certain qu'ils sont en très bonnes mains. Alors, je voulais vous remercier bien sincèrement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: À mon tour de vous remercier, messieurs, je pense que vous nous avez éclairés et je veux simplement vous souhaiter bonne chance pour les centres d'enseignement aux asthmatiques, parce que je pense que c'est une approche en douceur, c'est une médecine douce, et je pense qu'elle aurait droit à beaucoup de succès, et souhaitons que les médecins se mettent de la partie pour être des partenaires et non pas des résistants à cette approche.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, au nom de la commission, merci beaucoup, et j'invite tout de suite le groupe du Regroupement des centres de santé des femmes du Québec à s'approcher.

Alors, je ne répéterai pas les informations, vous avez été présentes tout l'après-midi. Vous avez pu constater que c'est très simple, c'est entre nous, alors vous pouvez être très à l'aise. Vous avez 20 minutes pour faire vos remarques préliminaires, vous pouvez les prendre, c'est comme vous voulez, et ensuite il y a un échange avec les députés. On apprécierait évidemment que vous présentiez la personne, la madame qui vous accompagne.


Regroupement des centres de santé des femmes du Québec (RCSFQ)

Mme Lamontagne (Lise): Je suis Lise Lamontagne, coordonnatrice du Regroupement des centres de santé des femmes du Québec, et c'est Danielle Routhier qui m'accompagne, ma collègue de travail.

Nous autres, on va vous parler des médicaments en général et de la société en particulier. Donc, ce n'est pas d'une maladie en particulier qu'on va traiter, mais plus de la consommation de médicaments chez l'ensemble des femmes et aussi de l'impact de l'action des groupes de femmes sur la consommation des médicaments.

Notre analyse de la consommation, c'est, bien sûr, une analyse sociale. Nous autres, on considère que dans la société les médicaments, qu'ils soient prescrits ou non, sont perçus comme un moyen rapide de régler les problèmes de santé. Et on n'a pas fait de distinction, on a englobé la médication large.

Leur phénomène est très bien intégré dans notre société. Chez les femmes, bien sûr, c'est plus important: deux fois plus de femmes que d'hommes consomment des médicaments de toutes sortes, et on doit attribuer ce phénomène à la perception qu'ont les femmes de leur état de santé, leur niveau de détresse psychologique, leur relation avec les médecins et aussi la réalité de l'industrie pharmaceutique. On en a entendu un peu parler; je vais en reparler.

Le rôle des femmes et leurs attitudes aussi peuvent apporter des indices sur pourquoi elles consomment plus. Entre autres, elles vont être plus aptes, mais plus fréquentes à parler des aspects psychosociaux de leurs problèmes, et, du reste, on a encouragé les femmes à médicaliser leurs problèmes. Alors, c'est sûr que la réponse, aujourd'hui, c'est qu'elles consomment des médicaments.

La maladie et la médication sont aujourd'hui considérées beaucoup plus acceptables que la révolte, et c'est une des façons qu'on a, la société, de contrôler la révolte des femmes. Alors, les médecins ont tendance à prescrire plus de tranquillisants aux femmes qu'aux hommes. Ils vont en prescrire pour toutes sortes de raisons, que ce soit des symptômes reliés à l'anxiété, à l'insomnie, au syndrome prémenstruel, et même s'il existe des alternatives psychosociales aux traitements médicamenteux, les médecins les connaissent peu; ils vont donc peu référer les femmes à ces traitements.

Il faut savoir aussi que les femmes sont plus susceptibles de faire usage des médicaments. Il faut comprendre le lobbying des compagnies pharmaceutiques. Tout à l'heure, on en a parlé. Il faut se rappeler que les compagnies vont investir deux fois plus d'argent dans la publicité que dans la recherche. Alors, la publicité, c'est la publicité qu'on a à tous les jours et que nos médecins ont aussi. C'est donc l'information qu'on a sur les médicaments.

Deux mots pour parler du Regroupement des centres de santé. Peut-être, en résumé, je vous dirais qu'on est là pour changer le monde. C'est-à-dire qu'on est un regroupement qui existe pour défendre les droits et intérêts des femmes en matière de santé, promouvoir leur santé dans un contexte social, reconnaître l'oppression dont elles sont victimes et proposer des alternatives.

Notre regroupement existe depuis plus de 10 ans. On a travaillé, bien sûr, au maintien et à la promotion de la santé des femmes, au développement de services alternatifs en santé des femmes également. On a dénoncé des préjugés sociaux, les mythes qui entourent la santé des femmes, la surmédicalisation des étapes de la vie, la déshumanisation des soins de santé, le manque d'information accessible et critique, et l'énorme pouvoir corporatif médical – on en a parlé tantôt – et leurs graves conséquences sur la santé des femmes.

Le Regroupement sert de lien entre les groupes de femmes, les individus qui s'intéressent à la question des femmes, fait différentes actions de formation, d'information, de concertation, de représentation comme aujourd'hui. On regroupe au-dessus de 150 membres, des groupes et des femmes à travers toutes les régions du Québec.

En fait, on est un peu le porte-parole des femmes en matière de santé. On s'est rendu compte que les femmes ont peu l'occasion de s'exprimer publiquement et que les actions du Regroupement, bien, c'est de donner la parole aux femmes, donner la parole aux femmes qui sont impliquées dans la communauté, leur permettant d'émettre leur point de vue, de partager leur expérience et d'ouvrir la voie à une réflexion communautaire sur la santé qui est menée par les femmes. Or, il apparaît que cette réflexion-là est importante pour qu'on puisse voir des pistes de recherche, des alternatives, des solutions, des ressources qui répondent davantage aux besoins des femmes.

Sur le portrait de la consommation des médicaments chez les femmes, je vous l'ai dit tout à l'heure, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à faire usage de médicaments, prescrits ou non, et aussi de plus d'un médicament à la fois, bien qu'il y ait beaucoup d'effets secondaires quand on fait des combinaisons médicamenteuses. Par ailleurs, il est connu que la consommation des médicaments croît avec l'âge.

Dans notre société occidentale, la jeunesse, chez les femmes surtout, et la productivité sont des valeurs primordiales. Il faut être productives en tout temps. Il faut assumer efficacement les rôles que la société nous a confiés. Alors, maintenant, il faut être à la fois mère, travailleuse, femme épanouie, ha, ha, ha! tout ça ensemble, et les médicaments sont là pour nous soutenir, hein, dans cette quête de remplir les multirôles que la société nous a confiés. Les médicaments sont là pour qu'on ne ralentisse pas notre course folle. Puis je pense à des femmes qui sont ici, ha, ha, ha! en train d'assumer les nombreux rôles, je pense que vous allez me comprendre.

Puis, si on regarde le message que la publicité nous envoie, c'est: On est là pour vous soutenir. Il y a une annonce qui m'a frappée, puis qui me frappe à chaque fois. On voit des gens, dans un métro, qui vont à une vitesse accélérée et qui arrêtent deux secondes pour dire: Pas le temps d'avoir mal à la tête! Ils prennent une médication et ils recommencent leur course folle, hein. Bien, c'est à ça que ça sert, les médicaments. C'est-à-dire, non, prendre une pause de 10 minutes pour prendre un peu d'air, garder le lit une journée et puis se moucher, ce n'est pas normal, ça, il faut qu'on puisse assumer continuellement nos différents rôles.

(17 h 10)

Les femmes ont aussi plus de difficulté psychologique que les hommes, c'est bien connu. Elles reçoivent dans des proportions plus importantes qu'eux des diagnostics et des traitements reliés à des problèmes mentaux. C'est pour ça qu'on va parler quand même dans notre présentation de la consommation des psychotropes, parce que c'est quand même les médicaments que les femmes utilisent le plus, et elles les utilisent dans une proportion deux fois plus importante que les hommes.

On a retenu quelques aspects de nos vies pour vous illustrer ça. L'image du corps en est une bonne. Alors, depuis des siècles, on est aux prises avec une image négative du corps des femmes. On n'a pas marqué Freud dans notre mémoire, mais, en tout cas, on peut remonter au moins jusque-là. L'obsession de la minceur et de la jeunesse fait partie du quotidien des femmes, et les pratiques qu'on adopte pour atteindre cet idéal-là sont néfastes pour notre santé. Il se dépense, au Québec, 875 000 000 $ par année pour des régimes, et neuf fois sur dix, c'est par des femmes. Par contre, on sait que sur 10 femmes, sept ont un poids considéré comme normal. Alors, il y a comme un problème au niveau de la consommation.

Quand on parle de régimes, il y a des régimes, il y a des opérations aussi et il y a des traitements aux hormones. Ce qu'il faut aussi savoir, c'est que les fillettes de plus en plus jeunes se mettent au régime. Il y a quelques années, on parlait des fillettes de 14 ans; maintenant on parle des fillettes de neuf ans. Alors, la publicité est là encore pour nous soutenir dans ces images-là. Le corps mince et musclé va avec la santé, le bonheur, la prospérité. Alors, c'est sûr qu'on a tendance à répondre à ces normes-là.

Il faut aussi observer les préjugés qu'on a socialement par rapport aux grosses personnes ou à celles qu'on appelle chez nous plus en chair qu'en os. On a juste à regarder comment, nous, on réagit quand on voit une personne comme ça prendre plaisir à manger. Tout de suite, on a des préjugés, des idées qui sont teintées de préjugés.

L'accès au travail. Bien, il y a des femmes ici qui pourraient en parler plus que moi. Les secteurs d'activité économique et les emplois qui sont occupés par les femmes sont souvent des emplois qui sont plus à risque.

Les valeurs d'efficacité et de productivité. Peut-être le travail des femmes les plus jeunes et les plus âgées principalement, parce qu'on essaie de cadrer dans un modèle qui a été mis sur pied pour la production d'un travailleur d'âge moyen. Alors, nous autres, tout ce qu'on a à faire là-dedans, c'est de s'adapter.

De plus, les femmes sont aux prises avec la difficile conciliation travail-famille, vie domestique-vie personnelle. Nous assumons, nous avons assumé et nous continuons d'assumer, malheureusement, la majeure partie des responsabilités liées à la famille, ce qui veut dire que 70 % du temps consacré aux travaux ménagers est encore assumé par les femmes. Ces situations peuvent entraîner des problèmes psychologiques et physiologiques: l'anxiété, l'angoisse, la dépression, la fatigue, l'épuisement, j'en passe.

On peut penser aussi que les effets du virage ambulatoire, de retourner les gens à la maison, c'est quelque chose qui va retomber aussi sur les épaules des femmes et, donc, va augmenter leurs tâches.

De plus, la position toujours plus instable des femmes dans le monde du travail, dans la conjoncture économique actuelle, va obliger bon nombre d'entre nous à vivre l'expérience du chômage – maintenant, je vais parler d'assurance-emploi – et, comme suite logique, la pauvreté, l'isolement, le stress et leurs impacts sur la santé.

Alors, c'est clair que toute la question du travail, de la conciliation et de la double tâche, c'est quelque chose qui affecte notre santé, et on va utiliser les médicaments pour nous soutenir et répondre à ces rôles-là.

Sur la sexualité aussi. C'est sûr que ça, c'est un dossier qu'on a plus travaillé depuis toujours. Bien, en fait, on l'a dit peut-être d'une façon un peu crue, mais notre capacité d'enfanter est souvent perçue comme un problème, et le monde médical a cherché à nous rendre disponible en tout temps à une forme de sexualité définie par et pour les hommes, soit la pénétration-éjaculation. D'une certaine façon, qu'est-ce qu'on a demandé aux hommes comme changements dans leur comportement pour avoir moins d'enfants, ce qui était notre souhait comme société? Les hommes n'ont pas apporté beaucoup de changements à leur comportement.

Pour les moyens contraceptifs qui existent actuellement, ils ne sont pas accessibles pour tous et pour toutes partout au Québec non plus. En général, bien sûr, les grands centres sont mieux desservis que les régions éloignées. La majorité des médecins ne connaissent pas toutes les méthodes contraceptives, vont prescrire quelques marques de pilules et un seul type de stérilet. Très peu donnent de l'information sur les méthodes douces ou dites barrières.

On note aussi une différence d'accès relativement au revenu. Alors, les personnes qui sont sur l'aide sociale n'ont pas le choix du contraceptif qu'elles vont prendre. Seule la pilule est remboursée sur prescription médicale; quant au stérilet, il nécessite une lettre du médecin avant son insertion pour pouvoir être remboursé. Ces deux contraceptifs détiennent le plus haut taux d'efficacité, mais comptent aussi le plus haut risque pour la santé et la fertilité et, en outre, ils ne protègent pas contre les MTS. Et, quand on dit ça, c'est entre autres parce qu'une femme sur l'aide sociale qui veut utiliser des condoms, ça, ce n'est pas remboursé par l'aide sociale.

Alors, certaines d'entre nous, au niveau de la contraception, si on pense aux adolescentes, aux Amérindiennes, aux femmes de couleur, aux immigrantes, aux femmes handicapées, aux femmes peu instruites, pauvres, de même que celles qui ont déjà subi plus qu'un avortement, sont susceptibles de subir des pressions pour accepter des contraceptifs de longue durée qui sont sous contrôle médical: on parle de la stérilisation ou du Norplant. Le Depo-Provera, qui est un médicament qui n'est pas accepté au Canada comme contraceptif, est cependant utilisé sur ces mêmes groupes là. Alors, le courant social – bien, c'est une question qu'on pose – considérerait-il que, pour certaines d'entre nous, ce soit indésirable d'avoir des enfants?

Un autre exemple, c'est la question du vieillissement. Quand on a parlé tout à l'heure... Bon, la jeunesse, c'est une valeur, dans notre société, à laquelle on tient. Bien, le vieillissement, une fois rendu là, on n'y tient plus. Ce que ça fait, c'est que les femmes vivent avec des préjugés par rapport à leur vieillissement, elles contractent plus de maladies chroniques, c'est vrai, mais aussi ont un plus haut taux de détresse psychologique. Les conditions de vie des femmes aussi font en sorte qu'elles consultent plus souvent leur médecin, mais il faut comprendre que c'est la façon dont elles ont appris à prendre soin d'elles, finalement. La seule place où elles peuvent parler d'elles, c'est dans le cabinet du médecin, alors c'est un peu normal que leur réflexe, pour contrer l'isolement, soit d'aller chez le médecin. Elles consomment beaucoup de psychotropes.

Le monde médical. Bien, en fait, ce sont les grands spécialistes de notre santé, ceux qui savent ce qui est bon pour nous. Ils s'en remettent... Bon, les femmes nous le disent quotidiennement et vous le savez sans doute: les médecins écoutent peu ce qu'on a à leur dire et répondent vite à nos questions. En général, on ressort de là avec une prescription. Est-ce que c'est ça qu'on allait chercher? Ce n'est pas toujours le cas. Et la médication agit comme une sorte de courtepointe: à chaque problème, tu as un médicament; à chaque effet secondaire de médicament, on t'en redonne un deuxième. Alors, là, on peut avoir un bon dosage de pointes de tarte.

Les médecins ne vont pas non plus informer les femmes sur les interactions médicamenteuses; on a des exemples comme ça toutes les semaines. Il faut dire que les médecins connaissent peu de chose, finalement, des médicaments, puisque leur information vient des compagnies pharmaceutiques qui disposent de l'information la plus organisée, la plus soutenue, la plus accessible et la moins critique. Les médecins sont aussi peu ou mal informés des aspects psychosociaux.

Alors, peut-être qu'on va vous parler directement de ce que c'est, l'intervention féministe, qu'est-ce qu'on fait et comment ça peut agir sur la consommation des médicaments.

Mme Routhier (Danielle): Alors, au-delà des réactions aux thérapies traditionnelles, la naissance et le développement de l'intervention féministe ont été reliés au mouvement des femmes, à la prise de conscience que les femmes étaient les principales consommatrices de médicaments, de psychothérapies et d'hospitalisations et qu'il fallait penser à d'autres types de réponses plus adéquates. L'analyse féministe perçoit davantage les souffrances des femmes comme des conditions de vie communes résultant des inégalités de la société dans laquelle nous vivons. Un des objectifs que nous poursuivons, c'est donc de permettre aux femmes de prendre conscience qu'elles ne sont pas les seules à vivre leurs difficultés, qu'elles ne sont pas les seules responsables de ces difficultés et qu'il existe un lien entre leur douleur personnelle et l'oppression sociopolitique dont elles sont victimes.

Par exemple, on regarde un adulte sain. Les qualités, c'est que c'est une personne qui est compétitive, agressive, active, objective, et, socialement, ce ne sont pas des qualités que l'on reconnaît aux femmes: une femme est plutôt soumise. C'est ce qu'on voudrait. Mais, en tout cas, il y a comme une contradiction ici à la reconnaissance.

(17 h 20)

Donc, l'intervention féministe questionne le fait de prioriser les changements individuels plutôt que des changements pour l'ensemble des femmes et des remises en question sociales, ou encore le fait d'encourager l'adaptation plutôt que la révolte. Par rapport à la colère, un homme qui est en colère, on va dire: Il s'affirme. Une femme, on va dire: Elle est hystérique. Alors...

Donc, ce qu'on fait, c'est davantage de se réapproprier son corps, sa sexualité, de s'affirmer davantage. Donc, on va travailler aussi au niveau de l'estime de soi puis de l'affirmation de soi; on va devenir indépendante de la médication. Et ce sont tous des objectifs qu'on poursuit à travers un long cheminement dont la réalisation ne dépend pas uniquement de nous comme individus.

Faire des choix autonomes, s'exprimer, exprimer ses propres désirs, apprendre à s'estimer, c'est aussi un discours qui doit être lié aux choix réels que nous avons comme femmes. Et, si je regarde, dépendamment, bon, pour les femmes, pour les lesbiennes, les femmes qui sont plus âgées, issues de milieux populaires, assistées sociales ou étiquetées comme malades mentales, ou encore handicapées, ou chefs de familles monoparentales, donc on en rajoute, on en rajoute... Donc, les femmes ont évidemment moins accès aux services plus on rajoute de catégories.

Alors, ce qu'on fait, donc, on parle aussi des ressources: qu'elles ont le droit d'être reconnues, d'être écoutées, d'être respectées, aimées, le crédit, la confiance, la validation. Bon, des ressources tangibles comme la rémunération, un travail bien rémunéré, donc de l'argent, de la nourriture adéquate, un logement décent, l'aide légale, l'instruction, la garderie, la contraception, l'avortement. Bon.

L'action des groupes de femmes. Bon. On a mis sur pied des groupes et, ce qu'on fait, c'est qu'on reconnaît l'importance de l'action politique pour des changements sociaux. On considère qu'on contribue au renouvellement et à l'amélioration des services sociosanitaires pour les femmes. C'est des lieux de recherche, de développement, de pratique et de services alternatifs. C'est des lieux de références, d'échanges, de formation, d'autoformation, de revendication, de lutte pour le droit des femmes. Ils ont été créés par et pour les femmes et privilégient un modèle de gestion en collégialité.

Donc, les centres de santé des femmes au Québec, ils s'inscrivent dans un vaste mouvement pour la santé des femmes. Leur objectif repose sur la volonté de déprofessionaliser, démédicaliser, désexiser les pratiques médicales d'un système de santé qui tarde à s'adapter aux besoins spécifiques des femmes et qui a pour conséquence une surmédicalisation des étapes de nos vies. On parle ici de traitements multiples qui sont souvent inutiles et parfois dangereux pendant les menstruations, la grossesse, l'accouchement, la ménopause, et une déshumanisation des soins, donc, des interventions pratiquées sur le mal et non sur la personne. Aussi un manque flagrant d'information critique à l'égard de médicaments puis de traitements disponibles.

Par la mise sur pied des ateliers collectifs en autosanté, les groupes de soutien sur différentes thématiques et par la vulgarisation et la diffusion d'informations objectives, les centres de santé favorisent la prévention, donc la prise en charge individuelle et collective par les femmes de leur santé.

Conscientes que le changement individuel est indissociable du changement social, les intervenantes et militantes dans les groupes de femmes visent à identifier non seulement les problèmes, mais à examiner aussi les facteurs qui les engendrent. L'analyse découle donc d'un modèle d'intervention articulé autour de trois axes principaux qui sont: une perspective féministe, l'importance d'une aide concrète et la prise en considération du vécu personnel de chaque femme.

Le travail de groupe est privilégié par l'intervention féministe, parce qu'il permet aux femmes de briser l'isolement dans lequel elles se retrouvent trop souvent et fait en sorte qu'elles ne se sentent plus seules à vivre leurs problèmes et qu'elles se reconnaissent, et qu'elles reconnaissent et qu'elles voient les causes communes. Le groupe permet aussi aux femmes de créer des alliances, de développer des liens de solidarité, de vivre des expériences avec d'autres femmes, d'apprendre à se reconnaître entre elles. Enfin, l'intervention féministe de groupe devient aussi un moyen de partager le pouvoir et favorise une prise en charge collective des femmes par elles-mêmes et une maximisation de leur propre potentiel.

O.K. Alors, mon Dieu, j'ai comme des exemples concrets qu'on voulait... ça irait toujours dans le...

Le Président (M. Létourneau): Allez-y.

Mme Routhier (Danielle): O.K. Donc, on irait, concrètement, comment on actualise tout ça dans les différents centres de femmes. D'abord, j'aimerais vous parler du programme SEVE, qui a été développé par le groupe Élixir. Ce sont des femmes âgées, évidemment, qui sont des grandes consommatrices de médicaments psychotropes. En passant ainsi par l'intervention médicale pour tenter de résoudre leurs problèmes, elles reproduisent un modèle qu'elles ont expérimenté, comme Lise le disait tantôt, tout au long de leur vie.

Alors, la maladie leur permet de briser l'isolement social, et, puis, bon, toutes les démarches qui sont entreprises relativement à leurs problèmes, donc la consultation, les visites chez le médecin, les examens à l'hôpital, deviennent un moyen d'obtenir de l'attention. Donc, le groupe a développé le programme SEVE – c'est savoir et entraide pour un vieillissement éclairé – qui est conçu à partir des besoins des femmes tels que décrits par elles. Et puis l'expérience d'Élixir est la préoccupation aussi de tenir compte des conditions de vie des femmes aînées en lien avec la prise de médicaments.

Donc, les objectifs de ce programme, c'est de contribuer à l'actualisation du potentiel des aînées, de les aider à conserver leur autonomie puis de favoriser chez elles l'utilisation adéquate des médicaments. C'est malheureusement la seule ressource au Québec réservée aux femmes âgées, qui travaille à la fois à la prévention de la consommation de médicaments psychotropes et à la promotion de la santé des femmes.

Mme Malavoy: C'est le programme de Sherbrooke?

Mme Routhier (Danielle): Oui.

Mme Malavoy: On peut le dire, ça nous fait de la publicité.

Mme Routhier (Danielle): Bien oui, c'est ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Malavoy: Excusez-moi, M. le Président, mais l'occasion était belle.

Le Président (M. Létourneau): Vous êtes pardonnée.

Mme Malavoy: C'est parce que je les connais bien.

Le Président (M. Létourneau): Vous êtes pardonnée.

Mme Routhier (Danielle): Alors, les femmes ont donc l'occasion de faire le rapprochement entre les différentes facettes du vieillissement puis les motifs qui peuvent entraîner la consommation continue de médicaments ou abusive de médicaments, particulièrement les somnifères et les tranquillisants. Elles font le point sur les rapports entre les uns et les autres et les implications sociales. Enfin, les participantes ont l'occasion de prendre conscience des aspects positifs et du potentiel individuel qui est relié au processus de vieillissement. Les pertes et les changements peuvent aussi être perçus en termes de capacité d'adaptation puis de découverte d'un potentiel nouveau.

Le deuxième exemple que j'aimerais vous présenter... Sans faire la promotion de services d'avortement, on se doit, là, d'offrir des services de qualité. Dans les centres de santé des femmes, par exemple, on va proposer des médications qui vont partir de la tisane médicinale à une médication narcotique puissante. On explique aux femmes le rôle des médicaments et puis leurs effets secondaires. Donc, on prend le temps de le faire aussi.

On regarde l'aspect physique de l'avortement et aussi l'aspect psychologique. Donc, on explique que c'est intimement relié. Et, si une femme vit beaucoup de tristesse par rapport à un avortement, sa douleur physique risque d'être plus intense. On parle aussi du seuil de douleur qui est propre à chaque femme et de la particularité aussi de l'avortement, parce que, bon, l'utérus est à l'intérieur du corps et, donc, on peut être plus sensible à la douleur dans cette région.

Une autre pilule humaine qui est offerte aux femmes, c'est le calme et la douceur des intervenantes, tant au niveau de l'accueil, de l'intervention, que des suivis aux interventions. Donc, les femmes sont soutenues et non jugées face à ce geste et aux décisions motivant leur choix. Ce n'est pas nécessairement toujours le cas en milieu hospitalier. Une main chaleureuse sur l'épaule d'une femme qui pleure ou qu'on encourage dans l'expression aussi de ses sentiments peut remplacer bien des pilules. Les rencontres de groupe avant l'intervention permettent aussi aux femmes de se soutenir naturellement et créent des liens de complicité entre elles. Donc, une femme qui est très anxieuse peut en aider une autre, là, juste par le fait d'être ensemble puis de partager leur expérience.

Il faut aussi souligner que l'équipe questionne sa propre pratique sur l'avortement. Par exemple, si on voit qu'il y a une augmentation de consommation des médicaments, on va voir de quelle façon. Est-ce que c'est la façon de présenter le médicament? Bon, c'est souvent lié. Alors, il y a cette préoccupation-là.

(17 h 30)

Le troisième exemple, c'est le programme d'obsession de la minceur qui a été mis sur pied par le Centre des femmes de Verdun, qui a été utilisé, là aussi, à travers le Québec. Donc, ce programme met l'accent sur la préoccupation excessive pour plusieurs d'avoir un poids insuffisant à tout prix pour ainsi correspondre au modèle de beauté créé par notre société. On démontre les risques de miser uniquement sur la beauté esthétique, qui est en perpétuel changement. On peut le voir à travers les âges, les femmes ont fait vraiment... sont passées d'accordéons... Il y a eu une époque où, pour les femmes, c'était bien d'être ronde, c'était un signe de santé. D'autres années, il fallait réduire. Donc, à travers l'histoire on passe à différentes images et il faut s'adapter constamment. Donc, on démontre les risques de tous ces régimes.

Le but de l'approche, c'est non pas d'insister sur l'amaigrissement, et les femmes ne vont pas nécessairement maigrir ou arrêter leur régime, mais on met vraiment l'accent sur l'obsession qu'engendre le poids chez elles, sur les causes sociales de cette obsession-là et sur les effets sur leur santé et sur leurs conditions de vie. Donc, le programme permet de prendre conscience et de porter un regard plus critique sur les pressions exercées par la société pour faire correspondre les gens à un modèle bien défini qui doit passer par une industrie fabriquant tout un arsenal de produits, soi-disant indispensables pour le corps. Donc, il incite les femmes à remettre en question, à démystifier les croyances et les préjugés qui sont véhiculés par la société face aux grosses personnes. En plus d'acquérir l'information juste concernant le poids naturel, les régimes et les troubles alimentaires, les participantes sont appelées à trouver des moyens pour prendre du pouvoir et augmenter leur estime de soi.

Pour atteindre ces objectifs, les ateliers sur l'obsession de la minceur ouvrent une voie à une réflexion qui se poursuit à travers la semaine; c'est-à-dire que, de semaine en semaine, les femmes ont des devoirs, donc des réflexions personnelles. Il y a toute une gamme d'activités qui sont présentées et qui vont aussi mener à des actions. Par exemple, le groupe a dénoncé des publicités – pour ne pas la nommer – de Weight Watchers où on présentait une femme avant et après. Avant, on voit la femme avec le sac de patates, donc: Avant, je portais ça. En tout cas, c'est douteux, un peu, comme image.

Et puis, à la question, aussi: Pourquoi les femmes sont obsédées par la minceur? on peut répondre: De façon, pour elles, à s'intégrer à la société, à se conformer aux normes que cette société impose en ce qui a trait à l'apparence des femmes. Le programme mis sur pied par ce centre-là, qui est implanté, comme je le disais tantôt, un peu partout à travers le Québec, c'est un contrepoids idéologique et une politique de type féministe dont l'importance est le vécu des femmes et leur santé dans la société québécoise toute entière.

Alors, j'irais avec le contexte socioéconomique actuel, les coupures et tout ça. On peut imaginer que la situation ne va pas s'améliorer pour autant. On a vu, dans les années quatre-vingt-dix, l'arrivée du Prozac, qui a marqué le début d'une ère nouvelle, la mise sur le marché d'un type de médicaments de plus en plus performants qui sont présentés comme n'ayant pas d'effets secondaires. Donc, ce type de médicament qui est approuvé pour la dépression est actuellement prescrit pour traiter les troubles affectifs saisonniers, l'obésité, le syndrome de fatigue chronique, l'anxiété, le syndrome prémenstruel, et on peut continuer. Alors, le Prozac aiderait les gens à se sentir mieux dans leur peau et à mieux fonctionner. Il aide les gens... Donc, ses qualités spéciales laissent miroiter au public en général la pilule du bonheur, qui conditionne une vision nouvelle des médicaments psychotropes. À notre avis, cette nouvelle génération de médicaments risque d'avoir des effets catalyseurs sur les facteurs du phénomène. Donc, en plus des conséquences qui sont reliées à l'utilisation de ces substances, on pense que ça pourrait amplifier la médicalisation des problèmes des femmes, donc diminuer les probabilités qu'elles s'attaquent aux véritables causes des problèmes. L'analyse féministe en santé propose donc des pistes d'action qui méritent de retenir l'attention des décideurs.

Bon, c'est sûr qu'au Regroupement on a comme projet de mettre sur pied un réseau québécois pour la santé des femmes où on voudrait rassembler toutes les actrices dans le domaine de la santé. Mais nos recommandations précises concernant la consommation de médicaments chez les femmes seraient: de mettre en place une stratégie québécoise pour la santé des femmes; de soutenir financièrement aussi des initiatives communautaires qui favorisent l'autonomie et la prise en charge des femmes de leur santé tant physique que mentale; de favoriser les liens entre les différents intervenants dans tous les secteurs du domaine de la santé; d'assurer que toutes les personnes aient accès à un emploi décent et qui les place au-dessus du seuil de la pauvreté; de faciliter aussi la conciliation travail-famille.

J'y arrive, je termine bientôt. On veut s'assurer aussi que la publicité ne véhicule pas des stéréotypes sexuels, qu'elle n'encourage pas les valeurs dominantes que sont la productivité et la jeunesse. On recommande aussi d'abolir toute la publicité qui concerne toute forme de médication. On sait qu'en 1977 le Dr Lazure, qui était alors ministre des Affaires sociales, s'était déclaré en faveur de l'interdiction totale de la publicité pharmaceutique. On voudrait aussi favoriser le développement de la recherche de médicaments sécuritaires, notamment en contraception, et le remboursement aussi aux femmes bénéficiaires de l'aide sociale des contraceptifs de leur choix.

Le Président (M. Létourneau): Je pense qu'on pourrait procéder à la période de questions, si vous le voulez bien. Je vous remercie pour votre présentation. Je reconnaîtrais maintenant Mme la députée de Mille-Îles, suivie de M. le député de Robert-Baldwin et de Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Leduc: Bonjour, mesdames. Bonjour Mme Lamontagne. Ça me fait plaisir d'être assise encore une fois autour d'une table avec vous, peut-être pas dans les mêmes conditions, mais, quand même. Je pense qu'on peut continuer à collaborer. Je connais bien le Regroupement des centres de santé des femmes du Québec. Dans le fond, un de mes questionnements, c'est quand vous avez parlé du réseau québécois en santé. Je me disais: Bon, mon éloignement fait que je ne connais pas ce réseau-là. Je pense que vous souhaitez l'implanter. Est-ce que vous pourriez expliquer ce qu'il va apporter de plus que votre Regroupement? Finalement, c'est quoi, les besoins pour implanter ce réseau?

Mme Lamontagne (Lise): En fait, le réseau québécois... On s'est rendu compte que les énergies qui travaillent sur la santé des femmes au Québec ne sont pas si nombreuses que ça, mais sont dans divers milieux, et on souhaite, à travers ce réseau-là, regrouper à la fois les chercheurs, les intervenantes, les décideurs, décideuses et les groupes de femmes pour que tout le monde s'assoie autour de la même table et qu'on parle de la santé des femmes. Alors, c'est sûr que c'est d'abord un lieu où on va promouvoir ensemble l'analyse féministe, donc un petit peu le «réseautage» – je sais bien que c'est un mot bizarre, en français – permettre à ces gens-là d'agir ensemble pour améliorer la santé des femmes et aussi permettre le transfert de connaissances. Parce que, dans plusieurs régions et à ces différents niveaux là, il y a des choses qui se passent, mais c'est un peu hermétique. Alors, entre ce qui se passe dans les universités et ce qui se passe dans les groupes de femmes, on n'a pas toujours des liens. Ça fait que le réseau veut permettre ces échanges-là qui vont, d'une part, uniformiser les informations et les pratiques à travers le Québec, mais aussi, j'espère, améliorer les services partout pour les femmes.

Mme Leduc: Dans le fond, ce réseau-là... Vous disiez à la page 9, concernant la connaissance des médecins qui provient principalement de deux sources, etc., soit leur formation ou des compagnies pharmaceutiques. Je me disais: Qu'est-ce que vous auriez à suggérer pour finalement les informer? Le réseau serait un de ces moyens-là de sensibilisation et d'éducation?

Mme Lamontagne (Lise): Oui. On en fait déjà. On a produit cette année un dépliant sur le RU-486, qui est ce qu'on appelle une pilule abortive. Il n'y avait pas d'information en français, ici, disponible au Québec. On a distribué 2 000 dépliants là-dessus dans le temps de le dire. Les groupes communautaires ont beaucoup favorisé l'information critique et l'information objective aussi sur les médicaments. Et je pense que le réseau va favoriser ça en permettant l'échange entre les différents intervenants.

Mme Leduc: C'est ça. Par le réseau, vous allez atteindre les intervenants médicaux.

Mme Lamontagne (Lise): ...plus grand. Oui.

Le Président (M. Létourneau): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: À mon tour de vous remercier d'avoir accepté notre invitation, de vous être déplacées. J'apprécie les commentaires que vous nous présentez aujourd'hui. En relisant ou en référant à votre mémoire, à la page 9, quand vous nous parlez du monde médical, vous nous mentionnez que les médecins considèrent l'aspect physique de vos problèmes, les placent peu dans le contexte psychologique, économique et social. En général, les rencontres sont assez courtes – vous le mentionnez – elles vont droit au but, il y a peu de place pour le dialogue. Et vous terminez en disant que la majorité du temps on vous répond par une prescription. Je pense qu'on a affaire à un problème d'attitude, de comportement.

Comment est-ce qu'on peut changer cette façon de faire du monde médical? Et qu'est-ce que vous nous suggérez de prendre comme moyen pour y arriver, pour que la dimension, je pense, que vous souhaitez – c'est la dimension psychologique, économique et sociale – puisse être retenue dans les relations que vous pouvez avoir avec le monde médical?

(17 h 40)

Mme Lamontagne (Lise): Bien, moi, je dirais qu'il faut soutenir d'autres initiatives que le monde médical. Je pense que, ça, ç'en est un pouvoir. C'est-à-dire qu'il faut contrebalancer le pouvoir des médecins. À partir du moment où, dans les régions du Québec, on peut avoir accès à autre chose qu'au cabinet du médecin... Tout à l'heure, l'exemple des centres d'enseignement sur l'asthme, c'est un bon exemple. Quand on peut obtenir l'information juste, quand on peut prendre le temps de la placer en contexte, on n'a pas besoin d'aller chez le médecin; et, quand on va chez le médecin, on y va pour une raison précise, pour répondre à un besoin. Actuellement, il n'y en a pas nécessairement beaucoup de lieux comme ça. Je regarde ce qui se passe dans les centres de santé: une femme vient, se pose des questions par rapport à sa contraception, on va lui demander largement: Pourquoi, maintenant, aujourd'hui, tu te poses des questions par rapport à ta contraception? C'est quoi, ton expérience? Qu'est-ce que tu as déjà pris? C'était quoi, les effets? Qu'est-ce que tu as aimé? Qu'est-ce que tu n'as pas aimé? Moi, je pense qu'il y a des alternatives comme ça qui peuvent être implantées dans des groupes communautaires et qui feraient un contrepoids au monde médical. C'est sûr que le travail du Regroupement puis le travail du futur réseau québécois, c'est aussi une façon de changer le monde médical. C'est-à-dire qu'on les talonne, on ne les lâche pas; ils sont obligés de justifier leur pratique.

M. Marsan: Je vous remercie.

Le Président (M. Létourneau): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour. Bienvenue à cette commission. Moi, je dois dire que je suis renversée quand vous dites, à la page 6, qu'au Québec il se dépense 875 000 000 $ en régimes. Et, quand je vois la statistique des jeunes filles, qu'il y a 80 % des jeunes filles de neuf ans – des enfants, dans le fond – qui ont suivi au moins un régime, c'est quand même aberrant d'entendre ça.

Je veux vous parler d'une problématique que vivent à 95 %, si ce n'est pas à 97 %... une maladie qu'on retrouve chez les femmes: l'anorexie. Il y a eu un article dans Le Soleil , au mois de mars – je ne sais pas si vous en avez pris connaissance – qui dit que, pour la région de Québec seulement, la rive sud, la rive nord, on retrouve 13 000 jeunes femmes. Avant, l'anorexie, c'étaient plus des adolescentes qui la vivaient; maintenant, l'âge diminue de plus en plus. «Treize mille jeunes femmes souffrent d'anorexie, la situation est désespérée», c'était le titre de l'article, dans Le Soleil . Et on disait que, pour la région de Québec, la problématique est encore plus grande parce qu'il y a seulement deux lits pour répondre à ces 13 000 cas, au CHUL, à l'hôpital de la région de Québec. Il y a deux lits seulement pour répondre aux 13 000 jeunes filles qui souffrent d'anorexie.

Moi, j'aimerais vous entendre, parce que, dans les centres de femmes, vous avez sûrement fait un suivi sur ça. Je veux savoir si vous avez développé une intervention face à ces jeunes filles là, ou vous entendre au niveau de cette maladie-là, l'anorexie, parce que vous n'en avez pas parlé dans votre mémoire et c'est quand même une maladie qui nous touche, nous, les femmes.

Mme Routhier (Danielle): Justement, entre autres, au Centre de santé des femmes de l'Estrie a été développé un programme de santé globale; ça s'appelle la santé de nos adolescents et nos adolescentes. Et je pense que, quand on parle de la problématique où les jeunes filles sont de plus en plus jeunes à souffrir de problèmes d'anorexie, il y a, entre autres, une thématique qui porte sur l'obsession de la minceur. Donc, les intervenantes vont dans les écoles parler de cette problématique, démontrer et démystifier; un peu ce que j'expliquais tantôt. Donc, il y a ce programme-là qui a été mis sur pied, qui a été financé par Santé et Bien-être Canada pour une durée de trois ans.

Il y a un guide pédagogique qui a été produit. Là, on essaie de voir de quelle façon on peut former les intervenants à ce niveau-là, pour un peu sensibiliser les intervenants, parce qu'ils sont avec les jeunes et ils ont comme une part à jouer là-dessus. Mais il y a effectivement auprès des jeunes des services qui sont aussi offerts de façon à démystifier l'image et à démontrer que l'image de beauté qui est proposée, ça ne correspond pas à la réalité. Donc, il y a une partie comme ça qui est faite. Bon. Ça se fait aussi dans les groupes de soutien, dans les centres de santé. Les différents centres de femmes aussi offrent des services de ce genre-là, de groupe.

Mme Loiselle: Êtes-vous au courant si... Je ne sais pas s'il y a eu une recherche ou une étude qui a été faite. Parce que, là, on se rend compte qu'il y a une augmentation vraiment fulgurante et bouleversante. Et de voir qu'il y a encore de plus en plus de jeunes filles qui souffrent d'anorexie et de voir que l'âge est de plus en plus jeune... Est-ce qu'il y a une étude qui a été faite à ce niveau-là, à savoir pourquoi?

Mme Lamontagne (Lise): Je ne sais pas s'il y a des études comme telles. Quand on va avoir notre réseau québécois on va faire ça...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lamontagne (Lise): ...appeler les chercheurs et dire... C'est à ça que ça va servir; l'exemple est bon. Mais c'est clair que les jeunes sont aux prises avec les mêmes images que les femmes adultes. On regarde la télévision ou n'importe quel magazine: Combien elles pèsent, ces filles-là? Elles ont quel âge? Alors les jeunes, c'est ça qu'ils ont en tête. Si on regarde les femmes, même les femmes... Des fois, tu as un groupe de femmes qui ne sont même pas rondes; il y en a pareil 80 %, dans ces femmes-là, qui sont préoccupées par leur poids. Alors, si on a ça chez la femme adulte et puis qu'on sait qu'à l'adolescence l'image corporelle est quelque chose d'inquiétant pour les jeunes adolescents et les adolescentes aussi – on se préoccupe beaucoup de notre image corporelle, c'est notre passeport vers le monde – bien, c'est sûr qu'ils vont être particulièrement touchés là-dedans. Je pense que des programmes sur l'obsession de la minceur, des programmes globaux aussi... Le programme dont Danielle parle, c'est un programme qui parle aussi de la sexualité, qui parle aussi...

Mme Routhier (Danielle): La puberté, les menstruations...

Mme Lamontagne (Lise): ...de la puberté, des changements qui arrivent avec la puberté.

Mme Routhier (Danielle): ...les relations amoureuses aussi, donc c'est vraiment...

Mme Lamontagne (Lise): Oui. Ça, ça peut aider, mais dans la mesure où ces programmes-là sont exportés en région. Là, ils sont dans la magnifique région de Sherbrooke; éventuellement, ce serait bien qu'ils puissent être dans toutes les régions.

Mme Loiselle: Est-ce qu'il y a des démarches qui ont été faites auprès du gouvernement? Parce que, quand on voit l'article, 13 000 jeunes femmes sont atteintes d'anorexie pour la région de Québec seulement et il y a seulement deux lits de disponibles dans les hôpitaux de la région. Est-ce qu'il y a des démarches qui ont été faites pour que, justement, les services soient agrandis au niveau médical?

Mme Lamontagne (Lise): Bien, nous autres, on ne pousse pas tellement pour que les services médicaux comme tels, dans les hôpitaux, soient agrandis; ce n'est pas tellement ça, notre action. Par contre, oui, on va faire des démarches auprès du ministère pour que le programme dont on vous parle, par rapport aux adolescents et aux adolescentes, soit disponible dans toutes les régions du Québec.

Mme Loiselle: D'accord. Merci.

Le Président (M. Létourneau): M. le député de Taschereau.

M. Gaulin: Trois petites questions, peut-être. Un des éléments qui me frappent, c'est le fait que vous disiez que les femmes sont beaucoup plus dépendantes de leur médecin que les hommes. Est-ce que vous pensez que, dans la mesure où le métier va se féminiser, il en sera encore ainsi, ou bien si c'est une espèce d'ancienne image archétypale dont on pourrait se débarrasser, justement, dans la mesure où la médecine va changer de sexe ou va devenir bisexuée?

Mme Charest: Ou démystifiée?

Mme Lamontagne (Lise): C'est une bonne question. Bien, je pense que, d'une certaine façon, la société reconnaît le pouvoir des médecins. Je le disais tantôt, le monde médical, c'est lui qui connaît ce qui est bon pour nous. Tant que cette image-là ne changera pas, que ce soient des femmes ou des hommes médecins, les femmes vont avoir recours aux médecins pour régler leurs problèmes. D'une certaine façon, les activités des groupes de femmes sont orientées pour que les femmes reprennent possession et de leur corps et de leur vie, et elles leur donnent aussi les moyens. Dans ce sens-là, moi, je pense que ça, ça a beaucoup plus d'impact sur l'utilisation, si vous voulez, des services de santé que le fait que la profession se bisexualise.

M. Gaulin: Une deuxième petite question. Un petit peu comme disaient Les Cyniques, je pense: On veut votre bien, on va l'avoir, quand vous citez le fait que la pub est plus importante, comme dépense, que la recherche en médicaments, comment vous voyez-ça? Est-ce que vous seriez favorables au fait qu'on interdise la pub sur les médicaments, par exemple, comme le demandait l'ancien ministre Lazure?

Mme Lamontagne (Lise): Oui, nous autres, c'est une des recommandations... C'est clair que, quand on pense que les compagnies pharmaceutiques dépensent deux fois plus d'argent en publicité qu'en recherche, il y a un problème sérieux qui est là. Quand on voit le nombre de médicaments, maintenant, qui sont libres sur le marché, donc qui ne nécessitent pas de prescription... Puis, regardez à la télévision, un soir, en une heure, combien de publicités, maintenant, sont là pour faire la promotion de médicaments. Ce n'est pas la promotion de la santé qu'on fait. S'il y avait autant d'annonces pour faire la promotion de la santé qu'il y a d'annonces pour faire la promotion des médicaments, je ne suis pas sûre que la société en aurait tant besoin que ça. Ça fait que c'est clair pour nous autres que la publicité qui s'adresse au consommateur, par rapport aux produits pharmaceutiques, ça devrait être aboli.

(17 h 50)

M. Gaulin: Une troisième courte question. Finalement, on est tous, si je comprends bien, victimes de la même image, de la «slimilitude», si vous me permettez l'expression. On vise tous à être le moins en chair possible, finalement. C'est comme si on voulait devenir des esprits. On est tous là à se serrer dans notre linge, autant les hommes que les femmes. Est-ce que la pub, en général, non plus la pub sur les médicaments, ne serait pas un petit peu responsable de cette espèce d'image, entre autres, toute la pub des compagnies de bière, par exemple, où les gens sont toujours beaux, sont toujours jeunes, sont toujours heureux, alors qu'on sait qu'il y en a tellement qui n'ont plus d'emploi et qui n'en ont pas?

Mme Routhier (Danielle): Par rapport à cette question-là, évidemment, oui, la publicité est responsable, je pense, de cette problématique-là. Il y a un travail qui se fait quand même, un effort, en tout cas... Ce n'est pas facile, parce que c'est là, partout. Et, comme on disait, pour être prospère, il faut être mince, il faut être... Si on n'est pas mince, on n'est pas prospère. Donc, il y a, évidemment, partout, dans toute forme de publicité, l'image des personnes minces. Donc, il y a un travail qui se fait par certains groupes; je pense entre autres au Collectif action alternative en obésité, je pense aux groupes de femmes, je pense, en tout cas, à différents groupes qui travaillent à présenter d'autres images, donc d'autres types de modèles de beauté aussi. Mais ça, ça doit être encouragé, aussi, je pense.

M. Gaulin: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke. J'ai même hésité encore.

Mme Malavoy: C'est bien dit, cette fois-ci. Bonjour. Ça me fait grand plaisir, moi aussi, de vous voir. D'abord, j'aimerais vous dire que je trouve très intéressant que vous ayez pu venir et nous apporter ce type d'éclairage, parce que je vais vous dire qu'en ces lieux ça manque parfois un peu, l'approche féministe, dans le domaine de la santé, comme dans d'autres domaines. Et, moi, j'ai apprécié beaucoup vous entendre, évidemment, et j'ai eu l'impression que ça intéressait aussi d'autres personnes, d'avoir cette lecture un peu nouvelle des choses. Il me semble qu'un des intérêts de l'approche féministe, c'est justement d'avoir un nouveau regard sur des choses qui sont soi-disant des évidences. Et, quand on y regarde à deux fois, on se rend compte que les évidences, on peut les questionner, on peut les ébranler.

Ma question, ce serait simplement de savoir, à la dernière page de votre mémoire, quand vous faites des recommandations, sur quoi mettriez-vous l'accent de façon prioritaire? Parce qu'il y a beaucoup de choses que vous englobez. Il y en a même qui sont très, très larges, par exemple la conciliation travail-famille, oui, mais enfin, ça touche la santé, ça touche bien d'autres questions. Mais sur quoi mettriez-vous l'accent? Si vous aviez une chose à nous laisser comme message principal, vous diriez quoi par rapport à ça?

Une voix: ...trois.

Mme Malavoy: O.K. je les prends en note.

Mme Lamontagne (Lise): Ha, ha, ha! Je dirais que la plus simple, peut-être, pour vous, ça serait la dernière, c'est-à-dire de rembourser aux femmes bénéficiaires de l'aide sociale le contraceptif de leur choix; mettons que ça, c'est une aberration que ça ne soit pas encore fait. C'est simple, ça ne coûte pas cher. S'il vous plaît, réglez-moi ça cette semaine, qu'on n'en parle plus.

Abolir la publicité, on en a parlé, on y est revenu. Je pense que, oui, il faut absolument abolir la publicité, parce que c'est rendu tellement la solution facile, et, présentée comme ça, sans considération pour la santé, c'est important de l'abolir.

Mais, avant tout, moi, je dirais que c'est le numéro un qui est la stratégie québécoise pour la santé des femmes. Nous autres, on travaille en prévention-promotion de la santé. Si on peut faire des actions concertées dans ce domaine-là, en prévention-promotion de la santé, on va agir sur la consommation des médicaments, c'est garanti. Alors, j'en ai retenu trois. Mais je pense qu'avec ces trois-là... Il y en a des plus faciles et des plus difficiles, j'avoue; mais il y en a... Je pense qu'avec ça, quand même, vous allez agir sur la consommation des médicaments, c'est certain.

Mme Malavoy: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, dernière question.

Mme Loiselle: J'aimerais revenir sur le Prozac. Hier, on a eu un groupe qui est venu nous dire – qui a parlé de la pilule du bonheur, finalement – que, quand c'est sorti, dans les années 1992, 1993, c'était presque «in» de prendre du Prozac et que les ventes mondiales annuelles, seulement pour 1993, obtenaient jusqu'à 1 200 000 000 $ pour cette pilule qui était très, très vendue. Il y avait des émissions de télévision sur ça, et c'était vraiment... Pour les gens qui étaient stressés, qui avaient une vie très active, qui manquaient de temps, qui manquaient de sommeil, il fallait prendre Prozac. Il n'y avait pas d'effets négatifs à ça. Alors, c'était le bonheur total.

Après ça, il y a eu l'inverse qui s'est produit au niveau de regroupements tels que le vôtre, j'imagine. On a fait connaître à la population que la pilule du bonheur avait des conséquences à long terme. Dans les regroupements de femmes, chez les femmes que vous côtoyez, voyez-vous maintenant une diminution de l'utilisation du Prozac et peut-être aussi une diminution de prescrire aussi facilement ce médicament aux femmes?

Mme Lamontagne (Lise): Bien, moi, je dirais que non, parce que, dans le fond, on n'est pas loin du début des années quatre-vingt-dix, quand même; les effets à long terme de Prozac, on n'est pas en mesure maintenant d'en parler. Ce qu'on voit, par contre, c'est que c'est un médicament qui a été d'abord mis en marché pour la dépression – donc, une dépression, ça a un début, un milieu, puis une fin, d'habitude – mais que, là, on va le prescrire pour toutes sortes d'affaires, comme on disait tantôt, syndrome de fatigue chronique, syndrome prémenstruel, obésité – puis, c'est quoi d'autre qu'on disait – anxiété, fatigue chronique, là, la tablette est large. Alors, moi, je suis plutôt inquiète de savoir comment ce médicament-là et d'autres – on nomme Prozac, il y en aura d'autres, l'industrie est là pour nous en fournir – sont là pour agir sur toutes sortes d'aspects de notre vie qui ne nécessitent pas de médicalisation. Alors, moi, je ne dirais pas qu'il y a diminution, je dirais que mon inquiétude demeure entière.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Robert-Baldwin, en conclusion?

M. Marsan: Oui, M. le Président. Alors, de nouveau, je voudrais vous remercier bien sincèrement pour la qualité de votre présentation, mais aussi pour la qualité des réponses que vous nous avez données. Vous avez su mettre en lumière la problématique de la santé des femmes et, en plus, vous avez pu nous tracer un portrait global fort intéressant. Alors, au nom de notre formation, je vous remercie et je veux vous dire notre appréciation de la présentation que vous avez faite.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Moi aussi, je voudrais vous remercier de votre présentation. Je trouve heureux que vous soyez le dernier groupe que nous entendions aujourd'hui. Les autres étaient des groupes plus spécialisés. Vous nous apportez une vision plus globale, plus générale de l'ensemble des problèmes de la santé. Mais je pense qu'en même temps, même si vous vous attaquez aussi à des problèmes qui sont généraux, donc, je constate que vous avez beaucoup de travail. Vous avez précisé certaines priorités à ma collègue de Sherbrooke. Je pense que, du côté ministériel, on les a bien entendues et on va tenter de faire tout notre possible pour pouvoir répondre à ces besoins-là.

Ce que je trouvais intéressant aussi dans votre analyse, c'est que, dans le fond, en étant générales, vous nous avez apporté une vision aussi plus sociale que médicale de la problématique de la médication chez les femmes. Et vous nous avez souligné, comme le disait ma collègue de Sherbrooke, peut-être certaines choses; je pense plus particulièrement à la recherche dans la contraception, qui se fait toujours pour contrôler la contraception chez les femmes et beaucoup peu pour la contraception chez les hommes. Alors, je pense que c'est un point de vue qui a intérêt à se faire entendre. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, au nom de la commission, on vous remercie beaucoup.

Maintenant, avant de suspendre, j'aurais deux points pour les membres de la commission. Je dépose le mémoire de la Fondation canadienne des maladies inflammatoires de l'intestin, qui n'a pas été entendue par la commission, afin qu'il soit rendu public. Alors, avec l'accord des deux...

Une voix: Déposé.


Mémoire déposé

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Déposé. Maintenant, le dernier point. Ce matin, il y a eu une information de donnée par un groupe, l'organisme de la sclérose en plaques, et j'ai fait vérifier. Alors, juste de façon à ce qu'il n'y ait pas d'équivoque, nulle part, j'ai l'impression que c'est une erreur qui s'est glissée. On disait que ce groupe-là avait été refusé par la régie de la Montérégie pour une demande d'aide, je pense, financièrement. Effectivement, ça avait été le cas. Excepté que j'ai fait vérifier par le ministère de la Santé, à la régie même, et ça a été révisé et l'organisme a été informé en conséquence. Afin que les enregistrements corrigent simplement cette erreur-là...

Alors, je suspends les travaux à 20 heures ce soir. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 5)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Si on veut fermer les portes. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 116, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre du jour, ce soir, on aura les remarques préliminaires – 15 minutes par le ministre et 15 minutes par le porte-parole de l'opposition – et une heure sera consacrée aux gens de la Fédération des CLSC du Québec.

Alors, M. le ministre, je vous invite à prendre vos 15 minutes de remarques préliminaires.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 116


Remarques préliminaires


M. Jean Rochon

M. Rochon: O.K. M. le Président, merci. On a convenu qu'on pourrait peut-être même être plus brefs dans les remarques préliminaires de sorte qu'on gardera le maximum de temps pour pouvoir bien échanger ensemble. Même si ce n'est pas le lieu qui est, d'emblée, le plus convivial comme disposition, on devrait se passer... les messages vont se rendre à travers la table.

Écoutez, moi, je voudrais tout simplement rappeler, pour bien situer, vu que c'est le tout début de cette consultation, ce qui s'est fait, d'abord, depuis le dépôt de la loi au mois de décembre, où le temps n'a pas permis de compléter l'étude de cette loi. Dans le fond, c'est une bonne chose, parce qu'on a réalisé après le dépôt de la loi qu'il y a certains éléments dans cette loi-là qui ont créé des réactions, et je l'ai déjà dit et je le redis, qui ont été plus vives que ce que j'avais pu prévoir. Et on a pu, à ce moment-là, utiliser un peu de temps entre les sessions pour compléter de l'information, rencontrer des gens, s'assurer qu'on pouvait vraiment bien cerner et centrer les discussions qu'on pourrait avoir là-dedans, dans la mesure où il pourrait y avoir des opinions et des visions qui restent différentes.

D'ailleurs, je pense qu'on va revoir en commission parlementaire la plupart des groupes qu'on a déjà pu rencontrer. Il y a un grand nombre de personnes qui ont réagi à un document de consultation qu'on a fait circuler, de sorte que, dans l'étude du projet de loi, je pense qu'on pourra suggérer un bon nombre d'améliorations qui viennent vraiment du terrain. Donc, c'est un temps qui, au total... ce n'est pas vraiment un retard, c'est un retard dans le temps, mais qui va avoir permis de bonifier beaucoup, je pense, ce qu'étaient les intentions de ce projet de loi. Vous permettez, M. le Président, de les rappeler.

Dans le projet de loi qu'on a là, il y a trois éléments essentiellement. Il y a des modifications qui sont faites, l'ensemble du projet vise à faire des modifications à la loi 120, la loi qui définit l'organisation des services de santé et des services sociaux au Québec. Comme on l'a déjà dit, ça veut être assez limité comme modifications. Ça ne veut pas partir une autre réforme; on a une réforme qui a été faite. On en est rendu au stade de la transformation du réseau, c'est ce qu'on veut continuer. Mais l'expérience de cette transformation et de plusieurs rencontres au cours des 18 derniers mois ont permis d'identifier qu'à trois égards il y avait des améliorations, semble-t-il, qu'on pourrait considérer.

Premièrement, amélioration du processus électoral. Je n'entrerai pas dans les détails, on va y revenir plus tard. Mais, sur la base des expériences, il y a des indications assez précises qu'on peut faire quelques petits ajustements qui vont bonifier beaucoup le fonctionnement du processus électoral, ce qui est très important, parce qu'un processus électoral qui fonctionne de façon harmonieuse est un des éléments importants pour la capacité de prise de décision que peuvent avoir les conseils d'administration des établissements et des régies régionales.

Le deuxième élément est celui de renforcer les mécanismes de prise de décision et surtout en fonction de l'imputabilité des décideurs locaux, toujours au niveau des conseils d'administration des établissements et des régies régionales. Et je donne... Par exemple, au niveau des régies régionales, une bonification qui a paru intéressante est d'assurer, par exemple, la présence, sur les conseils d'administration des régies régionales, des commissions scolaires en tant que telles, comme c'est le cas pour les représentants du milieu municipal, du milieu communautaire et du milieu socioéconomique, et aussi de s'assurer que les conseils d'administration autant des établissements que des régies régionales ont une composition qui est représentative de la population et du territoire qu'ils desservent, de sorte qu'un établissement qui a une vocation au niveau régional ou à un niveau qui touche différentes régions, on retrouve nécessairement sur le conseil d'administration des gens qui viennent des différents endroits du territoire qui est desservi. Ceci a pour but d'éviter ce que le hasard du processus électoral comme tel non bien encadré peut causer en termes de représentation disproportionnée en fonction du territoire, ce qui, on sait, au niveau des processus de décision dans des cas un peu corsés, peut causer des difficultés à un conseil d'administration.

(20 h 10)

Et, finalement, il y a une autre modification qui se veut être un ajout, une autre modalité de permettre l'intégration de services aux différents niveaux, autant, d'une part, au niveau des populations locales qu'au niveau régional. Je pense que, dans l'ensemble des représentations qui nous ont été faites ce soir, c'est peut-être un des points essentiels sur lequel la Fédération des CLSC a des opinions que je voudrais qu'on réentende et qu'on puisse voir dans quelle orientation on peut prévoir des modifications au projet de loi qui a été déposé pour s'assurer que les objectifs visés puissent être réalisés en ayant toutes les balises nécessaires pour qu'il n'y ait pas de risque de dérapage sur d'autres choses ou qu'il n'y ait pas d'effets pervers.

Là-dessus, je voudrais bien redire ce que j'ai eu l'occasion de dire publiquement à quelques occasions depuis le dépôt du projet de loi et encore ce matin au congrès annuel de l'Association des hôpitaux du Québec. Il y a dans le système de santé et des services sociaux du Québec qui se dessine présentement un élément essentiel, qui est l'organisation de la première ligne de services. Et ça, je pense qu'il y a un consensus dans le domaine des services de santé et des services sociaux, pas juste au Québec, mais en Amérique du Nord et même dans beaucoup de pays: un système de santé moderne, ça repose sur sa pyramide – et ce n'est pas une pyramide inversée, c'est une première ligne qui est solide – et qu'il y a un paradigme qui a basculé au cours des 30 dernières années dans l'organisation des services de santé, où on est parti de systèmes qui étaient bâtis essentiellement, parce que c'était la technologie du temps, sur l'hôpital de courte durée et sur l'hospitalisation, où on donnait vraiment les services les plus significatifs aux gens, et où on en est aujourd'hui – et je vous sauve le détail, la trame de l'évolution, mais on peut très, très bien la retracer – avec un paradigme qui a renversé complètement et où le focus d'un système de santé, ce n'est plus le service de personnes hospitalisées, c'est le service de première ligne. L'hôpital demeure très important, il demeure très, très, très important pour un certain nombre de problèmes de santé pour lesquels il faut des hôpitaux, il faut des hôpitaux très performants. Mais ce n'est pas pour l'offensive générale qu'il y a à faire en regard des problèmes de santé. La masse des activités vient plutôt de la première ligne.

La première ligne au Québec, ça veut dire quoi? Ça veut dire d'abord, bien sûr, dans le système public, les CLSC. On a un réseau complet, on le sait, de CLSC. Toute la population du Québec est couverte, et les CLSC sont représentés essentiellement par la Fédération des CLSC, et on est, à cet égard, probablement un des pays au monde qui a le meilleur réseau de première ligne.

Maintenant, la première ligne, ça comprend aussi, au Québec, au niveau de chacun des territoires... et, quand on parle de territoires, on parle, en dehors des communautés urbaines, d'une MRC. Pas par décision administrative que c'est nécessairement une MRC, mais l'expérience a amené à identifier une dynamique qui fait que c'est une MRC, parfois deux MRC, mais ça joue autour du territoire de la MRC qu'on retrouve une population peut-être en moyenne autour de 20 000 habitants – un peu plus, un peu moins selon les densités – qui est une population pour laquelle se développe ce réseau de services intégré. Dans le milieu des communautés urbaines, il y a cette notion de territoire aussi qui est différente et qui est plus variable selon les communautés urbaines, mais on retrouve un peu l'équivalent en termes de territoires.

Or, sur ces territoires, on retrouve des cabinets de médecins et on retrouve les organismes communautaires, et je pense qu'on s'entend tous assez bien qu'il y a là le noyau des trois acteurs principaux sur la première ligne, auxquels, je pense, on en est venu à rajouter, pour la majorité des cas en tout cas, les services de longue durée, les services d'hébergement et les soins de longue durée qui sont développés dans un concept de créer des milieux de vie substituts, mais avec une interaction très grande avec la communauté.

Et, de plus en plus, c'est les quatre composantes, encore là avec des variantes, il n'y a pas de mur-à-mur, il y a des variantes d'un endroit à l'autre au Québec. Mais il y a comme une tendance forte, là, qui regroupe ces acteurs-là.

Alors, l'intention – puis j'aimerais que nos discussions, on puisse les faire vraiment avec cet objectif – c'est de voir comment on peut, en plus des moyens qu'on a, où on peut avoir toutes sortes de moyens, d'ententes, de liens, d'alliances de toutes sortes entre des établissements, comment on peut – et il s'en est fait un certain nombre au Québec – amener des fusions de certains établissements, des intégrations d'un établissement ou de l'autre. Et il n'y a pas un seul moyen qui est bon à faire, l'objectif étant, et c'est ce que veut le projet de loi, de favoriser la création de ces réseaux intégrés de services qui donnent les services de première ligne, qui sont orientés vers la prévention et la promotion. Mais il a semblé que, si on veut bien protéger les missions, et ça, c'est essentiel... Et, par «missions», je pense qu'on est tous familiers avec un article, si vous avez le texte de loi, je pense que c'est à l'article 79, qui identifie les cinq missions de base dans notre système... C'est identifié comme étant les établissements, dans le jargon juridique, mais ce n'est pas l'établissement structure et encore moins l'établissement bâtisse que vise le projet de loi, c'est la mission soit du CLSC, qui est de la première ligne, ou du centre hospitalier de courte durée, du centre hospitalier de longue durée, c'est le noyau des services de santé et, du côté des services sociaux, on a les centres de réadaptation et les centres de protection, les centres de la jeunesse.

Alors, l'objectif est vraiment de s'assurer que ces missions-là sont protégées quand on intègre les réseaux de services, mais que, par contre, on peut avoir, pour une population sur un territoire donné, le regroupement le plus fonctionnel possible, et que, dans toute la mesure du possible, on ait vraiment une unité, une autorité pour le territoire. Parce que la bascule du paradigme orienté sur des services surtout cliniques à des populations hospitalisées, qui nous amène à penser non seulement à des services de première ligne, mais à une orientation de prévention et de promotion de la santé, ça fait que la responsabilité s'est déplacée pour aller non seulement vis-à-vis des clients, mais vis-à-vis des populations. Et, pour être imputable vis-à-vis une population, ça demande une base d'opération, souvent, qui est plus grande, qui est plus forte que l'imputabilité vis-à-vis une clientèle qui vient chercher des services dans un établissement ou un autre.

Alors, on discutera de ce qui se voulait être un moyen, pour des établissements, de continuer à exister en tant qu'établissements, mais de se donner un conseil d'administration pour deux, trois types d'établissements, incluant la limite – et c'est là, je pense, qu'on aura à préciser les balises – sur un territoire de MRC, la possibilité qu'un établissement qui a moins de 50 lits de soins de courte durée puisse être géré par le regroupement des activités, mais vraiment sur un modèle de première ligne, où les CLSC ont la commande de l'intégration et de la coordination des services sur le territoire et qu'au besoin, quand c'est indiqué, ça puisse, si vous voulez, aller à l'interface de la deuxième ligne de services, quand il s'agit d'un petit nombre. Mais, là, c'est là qu'on aura des discussions.

Alors, M. le Président, je m'arrête là-dessus, j'ai peut-être même été un peu long, mais je trouvais que c'était important de bien rappeler les intentions, les objectifs et qu'on puisse très bien voir où sont les consensus là-dessus. Et la forme, bien, on prendra les moyens qu'il faut pour l'ajuster. Et, depuis toutes les conversations qu'on a eues, je veux dire, on a déjà préparé une couple d'idées qui nous aideront, pendant l'étude article par article, à essayer d'aller, à passer plus rapidement sur ce qui peut être plus près d'un consensus. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition, M. le député de Robert-Baldwin, à prendre la parole.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président. D'abord, un mot pour vous remercier d'avoir accepté notre invitation, et je vous assure que nous avons l'intention, tantôt, d'écouter vraiment les propos que vous avez à nous dire sur la loi n° 116. Nous avons reçu votre mémoire, nous l'avons apprécié, nous avons des questions d'éclaircissement à vous poser, et je suis certain que vous allez donner des réponses sûrement satisfaisantes.

Je voudrais, en guise de remarques préliminaires, M. le Président, rappeler que c'est au mois de décembre dernier qu'on a déposé la loi n° 116. Nos attentes... En ce qui concerne l'opposition, M. le Président, nous nous attendions à ce que, dans la foulée du rapport Marcoux, nous ayons un projet de déréglementation, et c'était, en tout cas, nous le pensions, ce à quoi nous nous attendions. Bien, on est arrivé avec la loi n° 116, avec ses articles de loi qui parlent de fusion d'établissements et aussi la partie qui concerne davantage les régies régionales.

(20 h 20)

Nous étions sous l'impression, puisque ça a été déposé en décembre dernier, que ce projet de loi là serait activé rapidement, peut-être en janvier, en février, ou même en décembre. Pour toutes sortes de raisons, et c'est le ministre qui peut décider, il a préféré faire une consultation – en tout cas, c'est nouveau pour moi, mais j'imagine que c'est des choses qui peuvent se faire. Alors, le ministre a écrit à l'ensemble ou, j'imagine, à plusieurs établissements du réseau, les invitant à répondre à un questionnaire, «Modifications à la Loi sur les services de santé, document de consultation», pour avoir le pouls, j'imagine, de ce que le réseau peut penser.

Quand j'ai lu cette forme de consultation, j'ai été un peu inquiet parce qu'à un moment donné, dans la lettre de transmission signée par le ministre, c'était indiqué: «Il est possible que certains des organismes qui auront à présenter des commentaires soient invités à en discuter lors d'une rencontre à laquelle je les convierai.» Et vous pouvez penser que, pour l'opposition, bien, on avait certaines inquiétudes, et j'espère que nous pourrons, tout au long des consultations maintenant qui nous sont présentées, vérifier si nous avions raison d'être inquiets ou pas, M. le Président. Nous soulignons cependant cette procédure comme étant particulière au moment où un projet de loi était déjà déposé à l'Assemblée nationale.

Nous, ce qu'on souhaite, à travers les consultations qui débutent ce soir, bien, on veut entendre le réseau – c'est la première fois qu'on en a l'occasion depuis que le ministre est devenu ministre de la Santé et des Services sociaux – et on souhaite vraiment avoir le pouls de ce que les intervenants majeurs du réseau peuvent nous dire, nous indiquer, suite aux différentes décisions qui ont été prises dans les presque deux dernières années. Je remarque qu'à la lecture du mémoire des représentants des CLSC ils semblent avoir des réserves assez sérieuses surtout par rapport à la loi n° 116, je pense que c'est l'article 2 et l'équivalent de l'article 126 de la loi 120, où on parle, en tout cas, du respect des missions. Et, tantôt, je souhaiterais vraiment avoir les préoccupations de la Fédération des CLSC.

Il faut comprendre que, tous ensemble, nous essayons de nous inscrire un peu dans une certaine continuité. Tout d'abord rappeler que le rapport Castonguay, le rapport de l'époque, au moment où il était ministre libéral, M. le Président, eh bien, M. Castonguay avait quand même signifié certaines orientations qui ont été suivies depuis par l'ensemble des ministres de la Santé, indépendamment de leurs options politiques. Nous, nos inquiétudes, à ce moment-ci, c'est que nous constatons, en ce qui concerne la première ligne... nous sommes inquiets par rapport à une espèce de brisure. Je pense particulièrement à la politique de santé et de bien-être. Nous avons une inquiétude qu'il y ait une brisure par rapport à cette continuité qui, je pense, se dégage, qui a toujours fait consensus, ou un minimum de consensus à tout le moins.

On veut reconnaître dans les CLSC les polycliniques aussi sur cette première ligne. Le ministre parle de changements par rapport aux établissements de santé, aux hôpitaux particulièrement, et nous devons convenir avec la Fédération des CLSC, avec les médecins omnipraticiens aussi, que la première ligne devrait revenir à eux, si on veut être en continuité avec toutes les décisions qui ont été prises précédemment, particulièrement au moment où, je pense que c'était... Mme Lavoie-Roux avait initié cette politique de santé et de bien-être.

Je voudrais absolument dire un mot sur les régies régionales, puisqu'elles sont touchées par la loi n° 116. Eh bien, nous avons un certain nombre de difficultés quant au mandat, précisément, des régies. Nous constatons qu'il peut y avoir beaucoup de gens qui vont être associés à leur conseil d'administration. On aura l'occasion d'en discuter plus longuement avec les différents représentants qui viendront nous donner les informations que nous souhaitons.

Je voudrais simplement rappeler que nous avons déposé des signatures de pétitionnaires – pour la région de Montréal je crois que c'était près de ou plus de 300 000, pour la région de Québec c'était peut-être 100 000 – et que jamais les régies n'ont fait écho aux problèmes que les patients vivaient. Et ça, pour nous, ça a commencé à faire une certaine démarcation. Une autre chose, M. le Président, quant aux régies. Il y a eu des décisions qui ont été annoncées quant aux fermetures comme telles et il y a eu des consultations par la suite. On s'est aperçu qu'à la fin des consultations, bien, les décisions qui avaient été prises au préalable, avant même les consultations, bien, ça ne les a pas changées et ça nous a occasionné un questionnement vraiment sérieux sur le mandat des régies régionales. On vient dans la loi n° 116, alors qu'à la loi n° 83 qui avait été passée en juin dernier sous le bâillon, qu'on l'appelle, M. le Président, bien, on permettait de faire une espèce de pont avec les membres du conseil d'administration pour leur réélection, pour que les régies puissent continuer. Nous aurons sûrement des questions assez sérieuses à poser au cours de ces audiences-là sur le pourquoi des articles de la loi à ce moment-ci, de la loi n° 116.

Je voudrais, en terminant, saluer de façon particulière les gens de la Fédération, mais aussi Mme Vaillant. Mme Vaillant a été une sous-ministre, je pense, qui a laissé sa marque au moment où elle est passée au ministère, elle a été vraiment au coeur de la réforme de la santé. Je pense que vous avez servi sous tous les gouvernements, alors je pense que les recommandations que vous allez nous faire aujourd'hui vont sûrement être des plus intéressantes et je dois vous dire que nous sommes très intéressés à les entendre.

Sur ce, M. le Président, j'aimerais arrêter mes remarques pour que, comme le ministre le mentionnait, on puisse laisser à nos invités le temps de nous expliquer leur position sur la loi n° 116. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député. Je vous souligne que le ministre et le député de l'opposition ont pris 20 minutes à eux deux, donc ça nous donne 10 minutes additionnelles pour échanger. Je souhaite la plus cordiale des bienvenues aux gens de la Fédération et je vous rappelle que nous espérons un échange très dégagé, très détendu; on veut que vous soyez très à l'aise parce qu'on veut échanger au maximum possible. Avant de vous reconnaître pour les 20 minutes préliminaires, j'aimerais que vous présentiez les personnes qui vous accompagnent, avec nom et titre.


Auditions


Fédération des CLSC du Québec

M. Bouchard (Serge): Merci, M. le Président. Alors, effectivement, je vais vous présenter les personnes qui composent la délégation de la Fédération des CLSC pour cette présentation. Alors, je vais aller à mon extrême droite, je vous présente M. André Munger, qui est médecin, qui est secrétaire général de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et aussi président de l'Association des médecins de CLSC du Québec. Tout près de moi, toujours à ma droite, il y a M. Maurice Payette, qui est un citoyen, membre du conseil d'administration du CLSC Gaston-Lessard, dans la région de Sherbrooke...

Une voix: Alfred-Desrochers.

M. Bouchard (Serge): Alfred-Desrochers, pardon. On a présenté tantôt Mme Jeanne d'Arc Vaillant, alors je précise qu'elle est directrice générale de la Fédération des CLSC. Et moi-même, Serge Bouchard, qui est président de la Fédération des CLSC, qui est simple citoyen, membre d'un conseil d'administration au début du CLSC de l'Aquilon, à Baie-Comeau.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, allez-y.

M. Bouchard (Serge): M. le ministre, mesdames, messieurs, députés et ministres, permettez-moi tout d'abord de vous exprimer la reconnaissance de l'ensemble des établissements membres de la Fédération des CLSC du Québec de pouvoir être entendus ce soir. Nous voulons tout d'abord vous faire part de notre accord général sur les objectifs et sur la majorité des propositions du projet de loi n° 116 dont l'objet vise à modifier la réforme de la santé et des services sociaux actuellement en cours dans l'ensemble de l'organisation sociosanitaire du Québec. Une réforme, faut-il le rappeler, qui a été amorcée il y a à peine quatre années avec l'adoption de la loi 120 et dont plusieurs des processus ou des mécanismes d'ancrage sont, on le comprend aisément, ou bien en voie d'élaboration ou à l'une ou l'autre des étapes d'actualisation.

(20 h 30)

Nous sommes ici aujourd'hui pour vous dire notre inquiétude. Nous le faisons d'abord à notre titre de citoyens élus démocratiquement et au nom des 1 200 bénévoles représentant la population au sein des conseils d'administration des CLSC. Cette inquiétude ne saurait avoir de poids toutefois si, à sa base, on devait découvrir un égocentrisme associatif ou quelque intérêt d'établissement. Elle est tout autre, M. le ministre et chers membres de la commission, elle a pour mobile unique une menace considérable, celle de participer, avec l'adoption du projet de loi n° 116 tel que formulé présentement, à la déconstruction de l'objectif central de la loi 120, tel que souhaité et initié en 1992. Nous voulons tout particulièrement partager avec vous notre préoccupation quant à l'une des propositions que ce projet de loi préconise avec l'article 126.1: les regroupements d'établissements ayant des missions différentes et principalement la mission de première ligne.

Nous estimons, en effet, qu'avec l'introduction de l'article 126.1 seront reproduites les conditions qui soutiennent le modèle traditionnel de services orientés vers l'institutionnel et le médico-hospitalier depuis longtemps fortement critiqué par l'Organisation mondiale de la santé. C'est la mission de première ligne qui est ainsi menacée. Il s'agit d'une menace réelle qui touchera tout le réseau, et plus particulièrement la clientèle de notre système de santé, source même des orientations de la loi 120.

C'est aussi toute la dimension sociale des services du réseau qui est visée. En effet, les nouveaux établissements risquent de compromettre le nécessaire équilibre santé et services sociaux en se concentrant uniquement sur la santé, écartant ainsi le social qui a été gagné au coût d'importants efforts au cours des dernières années. Il s'agit d'un enjeu des plus déstabilisateurs à cette étape-ci, où l'adhésion au principe, à la nécessité et aux objectifs de la réforme est maintenant largement acquise et mobilise l'ensemble des acteurs du réseau.

Rappelons-en les grandes lignes. Souvent qualifié à l'extérieur comme l'un des meilleurs systèmes de santé en Occident, le système de santé québécois s'est donné, avec son projet de réforme, un immense programme et d'énormes défis. À l'instar de la majorité des pays occidentaux, tous reconnaissent alors que la santé a un coût social qui doit se gérer avec des objectifs et des résultats.

La réforme lance un concept nouveau: le système de santé devra se reconstruire sur la base des besoins de santé de la population. C'est son orientation clientèle, un concept novateur où l'on rappelle que le citoyen est la raison même de l'existence des services. L'entière structure du système est repensée: décentralisation, régionalisation des services, démocratisation du système, accessibilité large sur tout le territoire.

Nouveau concept, nouvelle philosophie aussi, où la notion de santé globale devra devenir l'une des valeurs profondes de la réforme. D'un système centré sur le traitement de la maladie apparaît désormais la notion de préservation de la santé et du bien-être. Le modèle passe du remède sur l'ordonnance à celui favorisant une orientation de prévention. On veut se réorienter vers des services plus légers, accessibles, près des gens et moins coûteux, pour agir davantage sur les déterminants de la santé. Enfin, cette transformation doit aussi permettre aux citoyens de participer davantage à la gouverne du système de santé pour mieux l'influencer.

La loi 120 reconnaît aussi, pour la première fois, une mission de services de première ligne et précise son rôle de dispensateur de services de santé et de services sociaux courants, préventifs et curatifs, de réadaptation et de réinsertion. Les services spécialisés sont accessibles sur référence à partir de la première ligne.

L'actualisation de cette mission dans le secteur public a été confiée, sur une base territoriale, aux CLSC gérés par un conseil d'administration autonome, bénévole et majoritairement issu du milieu. Aujourd'hui, partout sur le territoire, les citoyens du Québec peuvent bénéficier de cette première ligne par cette accessibilité aux services sociosanitaires de base. Très lié à son milieu, le CLSC est le seul établissement du réseau qui se soit aussi bien enraciné dans son milieu. Il est présent à l'école, à la maison, en milieu de travail et dans le voisinage. Aucun autre établissement du réseau ne s'adresse comme le CLSC à toute la population, et ce, avant même la naissance jusqu'à la mort.

Pour être près des citoyens et de leurs besoins dans leur milieu de vie, divers services et programmes leur sont offerts: qu'on pense à Info Santé CLSC, un service de consultation téléphonique 24 heures sur 24, sept jours par semaine, service qui permet d'éviter l'utilisation des services d'urgence; aux services médicaux qu'on développe continuellement pour mieux correspondre aux besoins de la population, en complémentarité avec les cabinets privés; de même qu'à tout un ensemble de programmes d'intervention communautaire dont plusieurs sont axés sur une démarche de prévention et de promotion de la santé.

Qu'on pense aussi aux services développés directement pour répondre aux besoins des familles: périnatalité, vaccination, programmes de prévention ou de support aux parents, des interventions en cas de violence familiale, d'abus sexuel, de même que le programme OLO, soutenant les jeunes femmes enceintes sous-alimentées, pour intervenir en amont des problèmes de santé et sociaux de leurs enfants à naître et de la famille.

Pensons aussi aux programmes correspondant aux besoins propres des adolescents et des jeunes en général, dont plusieurs sont offerts directement en milieu scolaire: programmes d'éducation sexuelle, de prévention de MTS et du sida, de prévention à la dépendance aux drogues, au tabac et à l'alcool.

Qu'on pense aussi au maintien à domicile dont bénéficient plus de 160 000 personnes par année, nombre qui ne cesse de croître dans le contexte du virage ambulatoire.

Qu'on pense enfin aux interventions sociales et communautaires offertes en situation d'urgence ou en situation de crise, développées conjointement avec les municipalités et les autres partenaires. À cet égard, on se souviendra sans doute de la tristement célèbre tuerie de l'École polytechnique de Montréal, de celle de l'Université Concordia, ou encore du pacte de suicide de deux adolescentes retrouvées sur une voie ferrée, situations pour lesquelles des services de support à la détresse ont été institués pour l'ensemble des personnes en besoin. Des programmes de vaccination massive offerts sans délai en situation de risque d'épidémie, comme celle récente de rougeole ou de méningite. Des cas de support aux populations en cas de catastrophe naturelle: feu de forêt, glissement de terrain, inondation dans de nombreuses régions du Québec. Tous ces exemples illustrent bien l'importance de l'ancrage avec le milieu pour les services de première ligne.

À l'heure de la mondialisation des marchés, les CLSC ont structuré et continuent de développer des services peu coûteux représentant actuellement 6,1 % du budget du ministère. Très près des gens, de leur communauté et de leur milieu de vie, ils leur permettent ainsi de participer à la gestion de leur santé, une formule d'avenir en ce qui concerne les services de santé et qui rallie un grand nombre de nos partenaires du réseau et plusieurs membres de la communauté internationale.

(20 h 40)

Le modèle hospitalier de services demeure une structure trop coûteuse pour les besoins de première ligne, surtout quand on considère que 80 % de la population n'a pas besoin de services spécialisés. Rappelons, à ce propos, que la Banque mondiale soutient que les réformes du secteur de la santé doivent conduire à cesser d'affecter de nouveaux crédits de santé au personnel, matériel et équipement spécialisés au sommet de la pyramide sanitaire, pour en faire bénéficier, au contraire, l'ensemble des services largement accessibles dispensés dans des services et centres de santé communautaires qui en constituent la base.

«Les chiffres ne mentent pas», nous disait Mme Barbara Starfield, médecin et professeure à la John Hopkins School of Hygiene and Public Health, à Baltimore, au cours de la Conférence internationale sur les centres communautaires de santé, en décembre dernier. «Plus un pays réussit à se doter d'une infrastructure de soins de première ligne, moins élevée est la note totale de son système de santé.» Et encore plus: «Au fur et à mesure qu'un pays améliore sa performance au niveau de sa première ligne, meilleur est son rang sur toute une série d'indicateurs, allant de la satisfaction même de la clientèle jusqu'au coût des médicaments ou encore des taux de mortalité. Ils indiquent la pertinence et l'efficacité, au sein d'une communauté, d'un régime de santé de première ligne qui s'inspire en priorité des valeurs communautaires.»

Il ne fait pas de doute pour elle que l'expérience du Québec, avec son réseau de CLSC, est des plus pertinentes pour l'ensemble des pays qui se livrent présentement à des réformes de leur système de santé. Il faudra sans doute prendre exemple sur le milieu scolaire, qui a compris depuis longtemps que les services de base à l'école primaire et secondaire ne doivent pas être mêlés ou intégrés au secteur des études avancées ou professionnelles: cégeps, universités, écoles de formation professionnelle.

Et là je me permets une petite parenthèse. Étant du milieu scolaire, on a vécu aussi les commissions scolaires régionales, qui sont devenues des commissions scolaires locales, qui, présentement, dans les états généraux, s'en vont vers leurs écoles avec possiblement un conseil scolaire pour chacune de ces écoles. Alors, ce sera peut-être un modèle à suivre.

Aussi, pour bien faire saisir l'importance des changements proposés par le projet de loi n° 116, rappelons les caractéristiques et les conditions d'exercice d'une première ligne de services. Ces caractéristiques ont été définies récemment dans le cadre de la première Conférence internationale sur les centres communautaires de santé, à laquelle participaient des représentants de 43 pays issus des cinq continents. Elles sont reconnues mondialement. L'OMS a d'ailleurs produit plusieurs documents à cet effet, le Québec s'en est inspiré lorsqu'il a redéfini son réseau. Ce sont les suivantes: la participation des individus et des communautés au maintien de leur santé et de leur bien-être; l'«empowerment» des individus et des communautés; la participation des citoyens à la prise de décision; une orientation communautaire plutôt qu'individuelle; des services de santé et sociaux courants de nature préventive ou curative, de réadaptation ou de réinsertion dans une approche globale et multidisciplinaire; une approche intersectorielle; une organisation à échelle humaine; une approche centrée sur la population d'un territoire donné.

Depuis le dépôt du projet de loi, la situation dans les régions évolue rapidement, devançant en quelque sorte l'adoption de la loi sous les pressions des réductions budgétaires. La rapidité de leur mise en oeuvre agit comme un rouleau compresseur. Dans une douzaine de régions, les établissements de toutes catégories sont conviés à des regroupements par fusion. Dans 10 régions, ces regroupements impliquent des CLSC et des CHCD, développant ainsi le concept d'ensemble intégré de soins de santé.

Ce qui nous préoccupe, c'est que la reconfiguration proposée par l'article 126.1 présente l'intégration verticale d'établissements comme un des moyens privilégiés de dispenser les services à la population. Il ne s'agit pas là de modifications mineures, ce sont des changements de fond qui se profilent sous des changements de forme.

À cette étape-ci de l'évolution de la réforme au Québec, où l'ensemble du réseau et des structures organisationnelles ont été conviés à cette magistrale ronde de changements, nos inquiétudes ne peuvent être libellées au sceau de la seule protection de nos identités. Des changements profonds étaient nécessaires, qui sont en cours présentement, changements qui ont notamment permis – et on doit le souligner – le développement de partenariats nombreux.

Dans ce contexte de transformations profondes, où tous les acteurs du réseau sont interpellés, nous nous interrogeons comme citoyens sur l'urgence de ces nouvelles modifications. En pédagogie, quand on fait de la gestion pédagogique avec nos profs, on dit qu'on applique la loi des trois «p», c'est la loi des petits pas. Ici, on va appliquer la loi des trois «p», mais ça sera les trois «pourquoi»: Pourquoi proposer des mesures aussi radicales alors que l'ensemble des études incitent à la prudence? Pourquoi porter atteinte à la mission de première ligne qu'introduit l'article 126.1? Pourquoi risquer de voir la disparition de l'intégration et de l'équilibre santé et services sociaux dans notre système de santé?

Nos craintes ne sont pas isolées, elles s'appuient sur l'opinion de nombreux experts. Qu'on pense aux études ou analyses de Jean-Claude Deschênes, de Paul Lamarche, de Jean Turgeon, de celles du conseil consultatif canadien de la santé et de l'ensemble des provinces et des territoires canadiens et du gouvernement fédéral, et même celles provenant du réseau international. M. le ministre, chers membres de la commission, pourquoi prendre de tels risques?

Alors j'aimerais, à ce moment-ci, céder la parole à mon collègue citoyen, M. Maurice Payette, qui va vous livrer son témoignage à titre de citoyen. M. Payette est vice-président à la Fédération des CLSC. Merci.

M. Payette (Maurice): M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, je tenterai d'illustrer ce qui se passe sur le terrain. Jamais je n'aurais pensé qu'un jour je me retrouverais dans le jus de la transformation du réseau. Le CLSC avec lequel, je l'avoue, j'ai développé un lien affectif est menacé de disparaître. Je contribue à son développement à titre de représentant de la population depuis sa création, en 1985. Il s'agit du CLSC Alfred-Desrochers, qui dessert la MRC Memphrémagog, dans la région de l'Estrie, une population de 41 000 habitants.

Avec mes collègues du conseil d'administration, je navigue dans la tornade de la transformation du réseau. Deux établissements sont en cause: une nouvelle entité, qui ressemble à un petit hôpital de 36 lits, et un centre d'hébergement qui compte 126 lits. Le budget de cette entité est présentement de 15 700 000 $. L'autre établissement, c'est le CLSC, dont le budget est de 3 700 000 $. Notre régie régionale a créé un comité local d'orientation, dont je fais partie, pour étudier divers scénarios de transformation, avec le support de la firme CGO qui nous a soumis un volumineux rapport plutôt technique, j'avouerais. Le scénario privilégie la fusion des établissements. Les dés seraient-ils pipés? se demandent certains membres de ce comité.

Tout au long des délibérations, le citoyen décideur que je suis a ressenti, peut-être à tort, la forte pression d'une machine technocratique appuyée par le pouvoir médico-hospitalier. L'image qui m'est souvent venue à l'esprit est celle que Serge citait tout à l'heure: le rouleau compresseur que rien ne peut arrêter. On se comporte comme si l'article 126.1 du présent projet de loi était déjà adopté. C'est l'épée de Damoclès au-dessus de nos délibérations.

(20 h 50)

Ainsi, il n'y aurait plus de CLSC, ni de centre d'hébergement, ni d'hôpital dans notre MRC, mais on créerait un nouvel établissement dont la mission serait de dispenser des services dans le milieu, des services d'hébergement et des services hospitaliers de courte durée. On nous assure en même temps que les missions seraient protégées et que les services dans le milieu seraient appelés à se développer, et même qu'en l'an 2001 ils occuperaient à peu près le tiers du budget du nouvel établissement, mais plus de CLSC.

Pour moi, ces propositions modifient substantiellement l'esprit et la lettre de la loi 120. Ce cadre législatif met de l'ordre dans le système, comme le disait le ministre Marc-Yvan Côté, en resserrant les missions des établissements et en faisant du conseil d'administration, majoritairement composé de citoyens, le chien de garde de la mission de son établissement. La mission de première ligne de mon CLSC me paraît sérieusement menacée.

Tout me porte à croire que ce CLSC fait un excellent travail: ses services sont très appréciés, très utilisés par la population et les partenaires locaux. Rien de ce que j'ai entendu actuellement me permet de penser que ce serait encore mieux si ces services, dans le milieu, devenaient un département d'un complexe de santé. Je me devais donc de résister, non pas pour protéger mes intérêts personnels – tout ce que je risque de perdre, c'est le plaisir que je retire de mes activités de bénévole – je dois avouer que j'ai peur de la tendance lourde, un peu comme j'ai peur des poids lourds sur les autoroutes.

Les services préventifs et les services communautaires, auxquels je crois profondément, sont essentiels, à mon sens, pour amener les citoyens et les communautés à devenir les premiers artisans de leur santé. Ils me semblent menacés. Quand l'heure des choix budgétaires arrive, il est toujours difficile d'opter pour la prévention, dont les activités ne sont pas très sensationnelles et les effets ne sont pas très immédiats. Quand on est petit, on se méfie des vases communicants.

Je me suis permis peut-être de douter de mon analyse. Peut-être bien que mes craintes ne sont pas fondées et qu'au fond la réorganisation proposée facilitera la continuité des services et en augmentera la qualité et l'efficacité. Le citoyen serait peut-être le grand gagnant de cette opération. J'ai décidé de me documenter et de m'informer, d'abord en consultant les recherches disponibles dont a parlé Serge. J'ai été surpris de constater la quasi-unanimité des analyses effectuées ici et ailleurs. Les économies anticipées se réalisent rarement et les effets pervers se manifestent souvent au détriment des services communautaires. Tous recommandent la prudence.

J'ai aussi consulté une personne extérieure au débat, mais dont la compétence et l'expertise dans le domaine de l'organisation des services de santé sont généralement reconnues. J'ai rencontré, avec mes collègues de mon conseil d'administration, M. Jean-Claude Deschênes pour lui demander d'analyser le rapport de CGO et de nous donner l'heure juste. Résultat de ma consultation: l'analyse de CGO est fondée sur une approche comptable qui ne tient pas compte des dimensions importantes comme la qualité et l'efficience des services. Le rapport néglige de remettre en cause l'existence d'un petit hôpital périphérique. Dans ce cas de fusion, la protection des missions est très fragile.

Pour ralentir la marche du rouleau compresseur, nous avons suggéré un compromis: maintenir les deux établissements, avec leur conseil respectif, et créer une direction unifiée. La proposition a été acceptée par le comité d'orientation et la régie régionale, mais on laisse entendre que ce serait une étape vers la fusion complète. En préparant les démarches qui conduiraient au choix d'un responsable de cette direction unifiée, nous, les citoyens, venons de nous rendre compte que, si notre choix se porte sur une personne autre que l'un des deux directeurs en place actuellement, le coût de cette opération pourrait s'élever à 650 000 $. Où est l'économie?

Le cas du CLSC Alfred-Desrochers n'est pas un cas unique, mais plutôt un cas typique qui illustre la situation d'une trentaine de CLSC. Je vous invite à examiner de près les effets possibles de l'article 126.1. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je vous souligne que je vous ai laissé dépasser de...

M. Payette (Maurice): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...tout près de sept minutes pour permettre, évidemment, de donner le plus d'information possible. M. le ministre, vous avez maintenant la parole.

M. Rochon: Bon. Je ne veux pas argumenter, ce soir, je veux surtout essayer de bien comprendre la situation et votre proposition. D'abord, est-ce que vous pensez réellement que dans la loi telle qu'elle est là... Quels changements on pourrait faire pour s'assurer que l'objectif poursuivi – parce que ce n'est pas d'abord ça – n'en est pas un de réduction budgétaire, mais un d'intégration de services?

Et préfacé par une autre question: Dans la réalité, comme vous l'avez dit vous-même, il existe quand même un certain nombre de ce genre de regroupements, soit de CLSC ou de CHSLD, centres hospitaliers de soins de longue durée, soit, des fois, de CLSC ou d'hôpitaux, de CHCD de moins de 50 lits, et des fois des trois. Au total, il y a peut-être entre 15 et 20 situations du genre au Québec, si ma vérification des chiffres est bonne. Est-ce que vous nous dites qu'à l'expérience, ces endroits-là, il y a quelque chose qui fonctionne mal, que la mission CLSC – on va les voir aussi, on va voir ce qu'ils ont à nous dire... Est-ce que la mission CLSC, dans les endroits où ça existe, a été englobée, est disparue et que ce qui reste, en fait, comme établissement, c'est plus un centre hospitalier, ou si ç'a donné des expériences...

Je voudrais essayer de voir aussi, là, à l'expérience que vous connaissez... Vous êtes sur le terrain, et c'est ce que vous nous dites, là, que ce qui s'est fait, il faudrait défaire ça, là, parce que ce n'est pas un grand succès? Ou le corollaire de ma question, là – tenons-nous-en là-dessus – est-ce qu'il y a des situations ou il n'y a pas de situation où ça pourrait être bon pour la population que l'intégration aille jusqu'à un conseil d'administration qui est imputable à la population d'une gestion des missions dont on parle, là? Juste pour qu'on voie.

Moi, je reconnais une chose, là. Vous l'avez dit, l'article tel qu'il est présenté là puis qu'on le lit, il n'y a pas de balise dedans. Et, si quelqu'un – vous pouvez craindre ça à bon escient – voulait utiliser ça pour défaire le système de santé, comme vous dites, peut-être bien que ça pourrait faire ça. Si on postule que ce n'est pas ça qui est l'intention, comme on vous a dit, que ce n'est pas ça, que c'est de confirmer et de consolider la première ligne, mais de le faire en fonction de territoires et de populations, est-ce qu'on est d'accord là-dessus? Si on le fait en fonction de territoires et de populations, est-ce qu'il y a des situations où ça existe, que cette intégration, ça fonctionne bien, ou moins bien, ou ça devrait être amélioré? Puis est-ce qu'il y a d'autres situations où ça pourrait peut-être se faire bien en admettant que ce n'est pas quelque chose qui est mur à mur?

Autrement dit, comment on pourrait baliser l'article pour que l'objectif soit réalisé? Ou est-ce que vous dites: Non, il ne faudrait pas que ça se fasse, il ne faudrait plus qu'il s'en fasse une, que les CLSC, on ne peut plus intégrer ça avec rien? Essayons de voir où est l'enjeu. L'enjeu n'est pas budgétaire; ça, c'est clair. Mais, en termes d'intégration, qu'est-ce qu'on pourrait faire de mieux ou autrement si l'article est là? Et je reconnais, moi, qu'il doit être modifié, mais dans quel sens?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): La réponse.

M. Bouchard (Serge): Juste un commentaire général. Je comprends bien l'intention, mais, quand je vis tous les jours sur le terrain, quand on parle de rouleau compresseur, présentement, c'est ce qu'on vit. Et à la lumière de ce qu'on peut vous fournir comme information, si ça continue, des CLSC qui avaient pour mission de mettre en place une première ligne au Québec, il n'en restera plus beaucoup. Et là peut-être que Mme Vaillant pourrait élaborer. On est peut-être prêt à faire des compromis pour préciser justement cet article-là, mais il est clair que, présentement, on est très, très inquiet.

M. Rochon: Non, ça, je comprends ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Vaillant.

(21 heures)

Mme Vaillant (Jeanne d'Arc): Deux choses. D'une part, quand vous parlez de CLSC avec une autre mission, abordons d'abord la longue durée. Vous avez effectivement – et ça s'est fait au cours des années quatre-vingt – vous avez des CLSC qui gèrent des lits d'hébergement; vous en avez plusieurs. Et ça ne pose pas de problème majeur, à partir du moment où il y a un équilibre entre la mission première ligne et la mission longue durée. C'est pour ça que, lors des discussions et des évaluations que nous avons faites, autour d'une centaine de lits, 100, 125 lits, ça ne pose pas de problème. L'important, quand vous parliez tantôt de changement de paradigme... Un paradigme, ça doit être porté par du monde, et ceux qui le portent doivent avoir un pouvoir de décision, ils doivent être capables d'influencer et être en mesure à tous les paliers de changer les choses. Or, dans les établissements, que ce soit le CLSC J.-Octave Roussin, à Montréal, où vous avez de la longue durée, autour d'une centaine de lits, 100, 125 lits, il y a un équilibre, ça ne pose pas de problème majeur... Bon, ça, c'est le premier point.

Dans les relevés, si on veut, de projets de fusion qui sont en marche, vous en avez à peu près 14, une quinzaine, actuellement, qui sont en marche dans les différentes régies régionales – j'ai la liste ici – qui ne posent aucun problème. Ça va de 88 lits à 65 lits, 71 lits, 79 lits, donc ça ne pose pas de problème, premier point. Donc, à ce niveau-là, vous avez un lien, pour les aînés, entre l'ensemble de vos services à domicile et de votre hébergement. Donc, ça, ça va.

L'autre élément. Je pense que vous référez aux centres de santé dans votre question, quand vous parlez des petits hôpitaux. Il faut connaître l'histoire des centres de santé qui ont été créés par une circulaire du ministère en 1980 – curieusement, et c'est Jean-Claude Deschênes qui attirait notre attention, c'est la circulaire 116.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Vaillant (Jeanne d'Arc): C'est vrai, M. le ministre. C'est vrai.

M. Rochon: C'est vrai! Oui, il m'a montré ça, il me l'a montrée.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rochon: Je vous assure que c'est un pur hasard.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Vaillant (Jeanne d'Arc): Et vous connaissez sûrement les études de Clermont Bégin. Très rapidement, les centres de santé ont été créés à partir de petits hôpitaux auxquels on a donné une charte CLSC au moment où on parachevait les CLSC, en 1981. Et, à partir de là – je peux en parler un peu – donc, à cause des territoires éloignés, à cause de la faible densité de population, il était inopportun de jouxter deux établissements à Lebel-sur-Quévillon où il y a 5 000 personnes ou 3 000, en région éloignée. Dans ces établissements qui sont des centres de santé, dans la population, le symbole hôpital est très important. Et, si on regarde au niveau des budgets, ils ont maintenu une vocation hospitalière avec une vocation communautaire.

Il y a eu aussi des expériences de centres hospitaliers avec des CLSC, au cours des années quatre-vingt, entre autres Boisbouscache, les Îles-de-la-Madeleine, où, dans les années quatre-vingt, on a dû défusionner. Ce qui est important – et vous parliez encore de changement de paradigme – c'est que, dans le nouvel établissement, avec votre longue durée qui peut comporter une centaine de personnes, votre CLSC qui comporte 60 personnes et votre courte durée, elle, qui a un budget plus élevé, qui peut avoir, comme dans certains cas, 200, 300 personnes, vous avez là un déséquilibre.

Et l'autre élément, c'est que, dans votre courte durée active, vous avez des spécialités, vous avez un plateau technique. Et ce qu'on observe dans certains centres de santé, et là-dessus on est d'accord, c'est qu'il y a des centres de santé – j'en ai trois en mémoire – Le Minordet, je pense, Témiscaming et L'Hématite, ce sont des lits d'observation et des lits de stabilisation, et ça, ça ne nous pose pas de problème. Là où on a des inquiétudes, c'est que, si on veut véritablement changer de paradigme, si on veut véritablement toucher, avoir une approche «populationnelle», il faut absolument que votre première ligne soit protégée et que ceux qui décident, tant au conseil d'administration qu'au niveau de la direction, soient voués à ces objectifs-là; c'est aussi ce que disent la plupart des études. Et c'est dans ce sens-là qu'à partir des expériences que nous connaissons, quand on voit le projet de loi n° 116, avec CLSC, CHCD de moins de 50 lits et CHSLD, nous avons énormément d'inquiétudes.

M. Rochon: O.K. Je peux avoir une complémentaire pour... ou plutôt revenir après?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je pense qu'il y a une réponse complémentaire, M. le ministre, avant que...

M. Rochon: Ah! excusez.

M. Bouchard (Serge): Oui. Simplement, M. le ministre, que les centres de santé... Dans ma région, il y a huit établissements. Il y a six centres de santé et il y a deux CLSC. Et, quand on lit la presse régionale, c'est le jour et la nuit: il y a deux CLSC, on parle des CLSC; et, quand on parle de centres de santé, on parle de petits hôpitaux. J'aimerais ça, M. le ministre, vous apporter un point de vue qui a un autre langage que le nôtre, mais qui pourrait peut-être vous éclairer aussi: M. Munger, son point de vue, par rapport à l'Association, de la première ligne, versus ce qu'on vient de discuter.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Pour votre information...

M. Munger (André): Si vous me permettez...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui. Pour votre information, j'ai quand même un problème de procédure, parce qu'on doit permettre à tout le monde de poser le plus de questions possible. Le ministre en étant sur son 20 minutes maximum, on peut toujours... Si on laisse répondre, c'est sur le 20 minutes. Après ça, ce sera au député de Robert-Baldwin. Alors, moi, je n'ai pas d'objection, mais, à 20 minutes, le 20 minutes du ministre est écoulé, on doit passer à l'autre. Alors, une courte réponse peut-être, là, en...

M. Bouchard (Serge): Très rapidement, M. Munger.

M. Munger (André): Vous me demandez ça, à moi, d'être très rapide? Enfin...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Munger (André): M. le ministre, ça marche, la transformation. Je ne sais pas quels échos réverbèrent jusque chez vous, mais on a deux exemples: la Conférence des régies régionales, où on apprend curieusement que, malgré le ressac qu'on devait ressentir, il y a un taux de satisfaction intéressant, on est capable d'en prendre plus, même... Donc, engagés dans le tunnel, soit, mais je vais dire: la lumière est au bout du tunnel et on a une capacité de réagir.

Hier soir, je rencontrais un de mes amis qui est chirurgien «cardiovasc» et qui me disait: Bien, écoutez, la situation était catastrophique, on attendait, dans le fond, une catastrophe encore plus grande; loin de là, c'est le contraire, je n'ai jamais tant opéré, facile, beaucoup moins de délais. Donc, ça marche. Donc, la notion du nombre de lits est très relative, compte tenu de la retransformation, de la reconfiguration et des principes qui sous-tendent les changements dans le système. Oui, c'est vrai, moi, je pense que, sur le plan de l'individu, la médecine de pointe, la médecine de deuxième, troisième ligne, soit; pour la population, la collectivité, le système de première ligne. C'est des concepts que vous manipulez fort bien, mieux que moi; alors, je n'insisterai pas là-dessus.

Maintenant, on s'inscrit dans une dynamique qui est celle de la hiérarchisation des services médicaux, comme vous le savez, où on va demander à chacun de faire ce qu'il est habilité à faire le mieux. Et, là-dedans, notre préoccupation, nous, c'est de maintenir un système de première ligne qui est viable, qui est efficace et qui est efficient. Nos discussions sont entamées et, là-dessus, on doit compter sur deux joueurs principaux, vous l'avez souligné tantôt, c'est bien sûr le réseau des CLSC, qui est les établissements de première ligne, et le réseau des cabinets privés. Donc, il y a un forum, et on travaille depuis plusieurs années. On a créé des ententes, des avis de nomination spécifiques, etc., toutes sortes de choses qui vont mener à la création de réseaux intégrés de soins sur une base territoriale; et c'est ça, dans le fond, qu'il faut et ça me semble extrêmement important.

Pour ce qui est de la deuxième ligne, oui, on a une crainte. On sait ce qui va bien et on connaît les limites acceptables, en tout cas, il nous semble les connaître et je vais vous les proposer. Un CLSC, qui fonctionne avec un CHSLD avec une mission de deuxième ligne, soit; il n'y a aucun problème. À la limite, je vous dirais que, un CHSLD qui, pour les fins de desservir la population, a un service d'urgence, je pense que c'est acceptable, c'est dans la limite du raisonnable. Le problème, c'est quand on entre dans le champ de la deuxième ligne avancée – vous savez ce que je veux dire, les plateaux chirurgicaux, les plateaux d'interventions plus complexes – indépendamment du nombre de lits: là, il y a un risque de transfusion. Et, effectivement, la coexistence de ces deux réalités-là est d'une manoeuvrabilité un petit peu dangereuse, un petit peu délicate, ce qui nous porte à penser qu'il faudrait, à mon sens, respecter cette espèce de dimension relative de la deuxième ligne – comme je l'entends, là – parce qu'il y a une certaine compatibilité entre la première et la deuxième ligne, dans la mesure où on respecte la mission du CHSLD, qui est très voisine de celle du maintien à domicile, et celle de l'urgence aussi, compte tenu des services de santé courants. Mais je m'arrête là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le ministre.

M. Rochon: Non, je reviendrai plus tard.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député...

M. Rochon: Pour être sûr qu'on partage bien le temps, là, je vais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Alors, je ne voudrais pas abuser. Je vais poser deux questions, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marsan: Depuis tantôt, je pense, on convient, je crois bien, des deux côtés de cette Assemblée, qu'il faut procéder dans la continuité de la politique de santé et de bien-être. J'ai devant moi la loi 120, qui, à l'article 128, permet un certain nombre de regroupements d'établissements. Je pense savoir même que ça a été appliqué, dans certains cas précis, avec des paramètres. Et aussi, vous l'avez bien signifié tantôt, dans le cadre de la réforme de M. Côté, l'objectif était de placer le citoyen au coeur de cette réforme-là.

Ma première question va aller à Mme Vaillant. Je voudrais qu'elle nous dise pourquoi elle juge l'article 126.1 si menaçant. Vous avez parlé, M. le Président, vous, d'épée de Damoclès. Et, ma deuxième question va aller au Dr Munger. Je voudrais qu'il nous parle des relations entre les médecins des CLSC et les médecins en omnipratique, particulièrement dans les polycliniques et je voudrais savoir où on est rendu de ce côté-là. Si jamais on peut arriver à un véritable mariage, entre parenthèses, des polycliniques et des CLSC, j'ai l'impression que le problème de la première ligne va être en grande partie résolu. Alors, ma première question va d'abord à Mme Vaillant et ensuite au Dr Munger. Merci.

(21 h 10)

Mme Vaillant (Jeanne d'Arc): Pour répondre à votre question, effectivement, pour nous, l'article 126.1 défait une partie de la loi 120. Ce que la loi 120 proposait à l'article 80, c'est un système qui repose sur une première ligne et avec une vision où on référait à la deuxième ligne à partir d'une première ligne. Le projet de loi n° 116, par l'article 126.1, met de l'avant un concept de réseau intégré de services. Un concept de réseau intégré de services, c'est un concept qui n'est pas nouveau. Déjà, au début des années quatre-vingt, dans trois régions, quand on a parachevé les CLSC, on voulait les intégrer – c'est Nord-Ouest québécois, Côte-Nord et 01, Gaspésie–Bas-du-Fleuve – dans les hôpitaux. On proposait, à ce moment-là, un réseau intégré de services. Et, pour nous, c'est une intégration verticale, où vous avez une première et une deuxième ligne; et là il y a un changement important.

Dans ce sens-là, la première ligne, elle est vouée à une approche «populationnelle». Ce n'est pas une clientèle spécifique, elle est responsable d'une population sur un territoire donné. C'est comme ça que les CLSC ont été conçus, c'est comme ça qu'ils ont été collés aux MRC, au début des années quatre-vingt, pour qu'ils puissent avoir une approche «populationnelle», réservant – la loi 120 le fait – la deuxième ligne, les ressources plus coûteuses.

Or, ce que 116 vient faire par l'article 126.1, c'est en quelque sorte faire en sorte qu'on mêle la première ligne et la deuxième ligne. Donc, pour nous, ça présente des dangers. On n'est pas les seuls à le soutenir, que ce soit les études canadiennes ou encore les experts que nous avons consultés, la première ligne, elle doit prendre son ancrage dans la communauté, et les décideurs que sont les citoyens des conseils doivent être responsables de ce paradigme de première ligne. Et, penser comme ça, ce n'est pas du corporatisme, ça procède sûrement d'une conviction très profonde, pour maintenir également l'équilibre santé, services sociaux et communautaires, ce que nous avons réussi à faire au Québec mieux qu'ailleurs. Donc, en gros, c'est ça, à notre point de vue, qu'il faut préserver. Et que ce soit l'étude de Jean Turgeon qu'on cite ou d'autres, on dit: Faites des expériences-pilotes avant de généraliser un modèle, c'est trop risqué pour le Québec; évaluez ce que font les CLSC avant de les intégrer. Pour nous, il y a du danger, basé sur les expériences dont j'ai parlé tantôt.

M. Marsan: Alors, 116 ne s'inscrit vraiment pas, surtout à cause de l'article 126 – en référence, les articles 2 et 126 – dans la continuité de la loi 120?

Mme Vaillant (Jeanne d'Arc): Pour nous, au niveau de la première ligne, en mon âme et conscience, l'article 126.1 fait courir des risques énormes à la première ligne et la met en danger et, dans ce sens-là, va à l'encontre de l'article 80 et de ce qui était prévu dans la loi 120.

M. Marsan: Je vous remercie, Mme Vaillant. Alors, maintenant, je demanderai au Dr Munger de répondre à mon autre question, sur le mariage, entre parenthèses, possible des médecins des polycliniques et de ceux des CLSC.

M. Munger (André): Il est consommé.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Munger (André): Vous savez, la FMOQ – moi, je suis secrétaire général aussi à la FMOQ – représente les intérêts de tous les médecins omnipraticiens du Québec. L'Association des médecins de CLSC , que je représente aussi comme président, c'est la deuxième association en importance au sein de la FMOQ, derrière l'inatteignable Montréal, évidemment, pour des raisons qui sont fort compréhensibles.

Maintenant, c'est un noeud qui est à toutes fins pratiques dénoué, cette question-là. Je voudrais juste vous... pas vous révéler des choses, c'est des choses que vous connaissez. Mais on est convaincu qu'on fait face à un défi qui est intéressant. Le défi, c'est d'être capable de prouver, de démontrer que le citoyen du Québec est capable d'en avoir plus pour son argent, malgré le train de coupures, de compressions, dans le contexte de la reconfiguration; et c'est possible quand on met l'accent sur la première ligne. Mais il faut faire un examen de conscience: Comment est-ce qu'on va livrer la marchandise? Et c'est l'examen de conscience qu'on fait depuis un certain temps, et ça nous porte à conclure que c'est réaliste puis réalisable. On ne fera pas l'un ou l'autre; on va faire l'un et l'autre, en collaboration.

Il y a des termes qui ont été utilisés et qu'on ne devrait plus utiliser, celui de la fameuse complémentarité, par exemple. Moi, ce que j'ai compris de la complémentarité, au bout du compte, c'est: Quand moi j'y suis, vous n'y êtes pas; puis, quand je vais y être, vous n'y serez plus. Ce genre d'affaire là, on n'en veut pas. Ça, ça fonctionnera dans les réseaux pour des fins d'efficience, mais on va fonctionner en collaboration. D'abord, la collaboration, c'est de mettre en commun nos énergies pour arriver à un but commun, c'est de livrer une marchandise commune. C'est pour ça qu'on parle de réseau intégré, c'est parce qu'on ne peut pas compter sur l'un ou l'autre des groupes; on est, effectivement, interdépendants l'un et l'autre. Et, dans cette démarche-là, maintenant, c'est suffisamment intégré qu'il faut aller un petit peu plus loin que, je pense, les qu'en-dira-t-on, puis les bons voeux pieux, puis les ententes.

Il y a une réunion récente qui a permis de rassembler les officiers supérieurs des deux fédérations, celle des médecins omnipraticiens et celle des CLSC. Il nous apparaît important que, pour deux cibles particulières, la population, d'une part, et nos joueurs, de part et d'autre, on ait un message commun et cohérent qui mette en lumière le fait qu'on fonctionne maintenant en collaboration. On est rendu en 1996, les guerres de religions devraient être finies chez nous. On veut s'associer dans un partenariat, en collaboration, pour fonctionner en réseau sur une base territoriale, pour être capable justement de livrer la marchandise qu'on attend de nous. Je vais m'arrêter là, si vous voulez.

M. Marsan: Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonjour. Ça me fait plaisir de vous saluer et particulièrement mon ex-collègue Maurice Payette, que je retrouve avec plaisir ici. Je vais poser ma question rapidement, mais derrière cette question il y a pour moi beaucoup de choses. Vous opposez l'approche d'une structure hiérarchisée et l'approche d'une structure organique – c'est bien expliqué dans votre mémoire – et vous semblez lier de façon vraiment très claire la première ligne à la structure organique et la deuxième ligne à la structure hiérarchisée. Et, moi, j'aimerais comprendre pourquoi il ne pourrait pas y avoir un peu de croisement. Autrement dit, pourquoi on ne pourrait pas imaginer qu'il y ait aussi, dans la deuxième ligne, une approche organique qui inclut, par exemple, une approche participative des citoyens et des citoyennes? Parce que je comprends que c'est une des réalités de la première ligne que d'avoir réussi à pénétrer une communauté et à l'attirer aussi dans la responsabilité partagée par rapport aux soins. Mais j'aimerais comprendre pourquoi on ne pourrait pas avoir une influence de cette approche-là dans la deuxième ligne.

M. Bouchard (Serge): Bon, très rapidement. Je faisais un commentaire tantôt. D'abord, en termes de nombre, si on applique la loi n° 116 présentement, des citoyens, il va y en avoir pas mal moins qui vont participer aux conseils d'administration des établissements unifiés que ceux qu'on connaît présentement. Ce n'est pas une religion, mais Mme Vaillant disait tantôt, c'est une conviction profonde qu'une première ligne elle se doit d'être proche, dans le style «small is beautiful». Et, lorsqu'on s'en va dans un établissement qui va dépasser les 200, les 300 et même les 400 employés, on va en perdre des bouts, on va manquer nécessairement le bateau sur plusieurs choses. C'est plus ça qui nous inquiète. Et vous voyez comment on travaille. En CLSC, la procédure, pour nous autres: on fait des assemblées à l'entour d'une table, dans une cuisine. Quand on va à la régie régionale, on est dans les papiers; c'est une autre culture, c'est autre chose. On est proche du monde, on vit avec le senti, on est fier, comme citoyen, d'aller à notre réunion de CLSC, on est fier de rencontrer les groupes communautaires, d'organiser des fêtes avec eux autres. Si on se retrouve dans un établissement où on a 200, 300, 400 employés, on ne pourra plus faire ça. C'est un coup de coeur qu'on vous dit là.

Mme Malavoy: Mais vous ne pensez pas qu'il y a moyen de recréer des petites unités ou des unités plus petites? C'est sûr que la structure elle-même est plus grande, mais on peut peut-être démultiplier une structure pour faire que, là où les gens vivent et là où les gens travaillent, il y ait moyen de continuer à faire ce que vous dites.

(21 h 20)

M. Bouchard (Serge): Bien, en tout cas, la grande entreprise, même, on nous dit, au niveau de la gestion, que, quand elle arrive avec une unité de 100, elle la divise pour qu'elle soit plus petite, pour qu'elle soit plus proche, qu'elle soit plus efficiente, qu'elle soit plus efficace.

Mme Malavoy: Mais c'est une même entreprise?

M. Bouchard (Serge): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Excusez.

Mme Malavoy: Mme Vaillant avait des...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, allez-y.

Mme Vaillant (Jeanne d'Arc): Vous permettez?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est toujours sur le temps...

Mme Vaillant (Jeanne d'Arc): Je vais essayer d'y aller rapidement. Vous avez des valeurs qui supportent une mission et vous avez un paradigme. Pour la première ligne, c'est vraiment des valeurs de prévention-promotion, c'est vraiment axé sur la santé, c'est vraiment axé de zéro à 100 ans. Et le conseil d'administration, qui vient du local, de la communauté, porte ces valeurs-là avec une vision. Quand vous parlez de la courte durée, vous parlez d'un plateau technique, vous parlez de traitements et vous parlez d'une organisation qui ne procède pas de la même dynamique; on en a besoin. Là où le lien se fait... Et vous avez raison, les deux concepts ne s'opposent pas, on a besoin, dans un système de santé, d'une approche «populationnelle» et on a besoin d'un centre de gravité «populationnel», mais on a besoin aussi d'une continuité de services – on souscrit à ça – et d'un lien avec la deuxième ligne et la troisième ligne. Mais cette continuité de services là, vous n'êtes pas obligés de tout intégrer pour l'assurer. Vous pouvez le faire par alliance stratégique, vous pouvez le faire par du partenariat; c'est d'ailleurs ce que les différents auteurs suggèrent, Jean Turgeon et autres. Et, à ce moment-là, vous êtes assurés que vos services, qui sont moins tangibles que la prévention...

Je vais vous donner un exemple qui a été donné par un des experts qu'on a consultés. Si vous gérez un petit hôpital, si vous êtes en réduction budgétaire, vous ne penserez pas à prendre 10 000 $ ou 15 000 $ pour votre maison de jeunes plutôt que de les mettre au niveau du plateau technique ou au niveau d'un des départements. Pourquoi? Parce que c'est deux dimensions, c'est deux logiques. Et on a à ce point besoin... Oui, il y a des changements, mais le changement de paradigme, dans le système de santé, il n'est pas achevé, il commence à se faire. Et, dans ce sens-là, on a besoin d'un centre de responsabilité parce qu'on n'a pas beaucoup d'argent qui est voué, qui est dédicacé à ces objectifs-là. Et je vous dis que ce n'est pas trop que de demander à du monde élu d'une communauté de s'en faire le gardien et de rester et de faire en sorte que le système de santé ait cette gravité: état de santé, population, prévention. Et c'est ça qu'on dit. Et puis, voilà.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. M. Bouchard, pour bien comprendre votre position, retirer du projet de loi n° 116 l'article 2, l'équivalent de 126 dans la loi 120, pour vous, c'est presque une condition sine qua non. Il faudrait vraiment le retirer à ce moment-ci.

M. Bouchard (Serge): Oui, l'idéal, c'est ca.

M. Marsan: O.K. Est-ce qu'il y a d'autres articles de cette loi n° 116 sur lesquels vous faites aussi des conditions sine qua non ou que vous souhaitez peut-être améliorer ou enrichir, ou si c'est vraiment le pire?

M. Bouchard (Serge): Le noeud, il est là.

M. Marsan: D'accord. Il y a une autre partie aussi à la loi n° 116, qui concerne davantage peut-être les régies régionales, notamment l'abolition de l'assemblée régionale. J'aimerais avoir vos commentaires sur cette possibilité d'abolir l'assemblée régionale de la régie régionale.

M. Bouchard (Serge): Oui, très brièvement, là-dessus. Nous, on pense que l'assemblée, c'était difficile de la faire fonctionner telle que constituée et que, dans son opération, les résultats n'étaient pas tangibles. Et, après l'avoir analysée – et on l'a analysée, nous autres, avec 160 personnes de notre réseau – on est venu à la conclusion qu'effectivement si les régies régionales se donnaient comme mécanisme de faire des audiences publiques quand elles ont des décisions importantes à prendre sur le territoire, ça pourrait remplacer ce modèle-là de l'assemblée; et c'est ce qu'on suggère.

La Présidente (Mme Charest): Merci. M. le ministre, pour conclure. Non? Ah! excusez, M. Marsan. C'est à vous, M. le député.

M. Marsan: Je vous remercie. Nous avons un certain nombre de réserves aussi sur les audiences publiques; je les ai manifestées lors de mes remarques préliminaires. Est-ce que vous croyez vraiment que, des consultations qui seraient faites par les régies, on pourrait avoir le pouls de la population et que ce que les gens pensent vraiment pourrait par la suite être recommandé par la régie au ministre pour que, finalement, on revienne à placer le citoyen au coeur de cette réforme-là? Est-ce que vous pensez que ça pourrait réussir?

M. Bouchard (Serge): M. Payette aimerait vous répondre.

M. Payette (Maurice): Je dirais que oui, M. Marsan, mais il ne faudrait pas que le citoyen, quand il arrive là, ait l'impression que c'est paqueté d'avance, que les décisions sont déjà prises, ou presque. Souvent, ces consultations publiques nous donnent cette impression-là. Et on sent que, quelles que soient nos réactions à ces choses-là, il y a un appareil technocratique qui est déjà en marche pour implanter les décisions. Alors, moi, je dis que oui. On en fait, nous, des assemblées publiques dans les CLSC, chaque année, pour écouter la population, recevoir les commentaires des gens et puis pour pouvoir travailler par rapport à ça. Mais, moi, je crois que ça serait possible, mais à condition qu'il y ait certaines modifications d'attitude et de comportement dans ces assemblées.

M. Marsan: Vous parlez juste de modifications d'attitude et de comportement. Pourriez-vous être juste un petit peu plus précis, M. Payette, s'il vous plaît?

M. Payette (Maurice): Bien, moi, je pense que, quand je dis ça, je dis qu'il faudrait que ceux qui, en tout cas, représentent les régies régionales soient vraiment ouverts à des modifications, à des changements et que les consultations qui sont faites ne soient pas bidon, mais que ce soient des consultations qui permettent de pouvoir enrichir des projets, de les modifier, de les corriger, et ainsi de suite, et que ça soit clair qu'on fait ces choses-là. Souvent, la consultation arrive à la fin d'un processus où tout est déjà attaché. C'est de ça que je parle, de ces changements-là dans la façon de faire des consultations.

M. Marsan: Et la meilleure façon de traduire votre pensée, ce serait de l'indiquer dans la loi pour que ça soit vraiment...

M. Payette (Maurice): Bien, il me semble qu'on pourrait...

M. Marsan: ...clair qu'il y a une obligation des régies de faire de véritables consultations publiques.

M. Payette (Maurice): La loi ne change pas les attitudes, mais des fois, ça peut aider. Ha, ha, ha!

M. Marsan: Je voudrais vous remercier de vos commentaires.

La Présidente (Mme Charest): Alors, si vous voulez conclure... Oui? C'est le ministre qui conclut, ou bien c'est...

(Consultation)

La Présidente (Mme Charest): Alors, vous avez encore du temps, l'opposition. Alors, si vous voulez poser d'autres questions...

M. Marsan: ...

La Présidente (Mme Charest): Alors, allez-y, M. Rochon.

M. Rochon: Si je suis bien la discussion, il semble... Je pense que je voudrais distinguer ce sur quoi tout le monde semble être d'accord et ce sur quoi il y a des opinions peut-être un peu différentes. Est-ce que je comprends bien quand on parle qu'on est d'accord pour l'intégration des services en fonction d'une population, qu'il faut distinguer l'intégration horizontale par rapport à l'intégration verticale? L'intégration verticale: s'il y a un hôpital qui arrive dans le portrait – et je pense que tout le monde va être d'accord avec ce que vous dites – un hôpital de 100, 150 lits, si on voulait accrocher un CLSC à ça ou accrocher cet hôpital-là à ce CLSC... Ça a été fait comme expérience. Je ne pense pas qu'il y ait personne qui prétende que ça peut fonctionner, si on veut préserver une première ligne. Donc, il n'est pas question d'intégration verticale.

Horizontale. J'avais compris que, ça, on est d'accord là-dessus. Meilleure est l'intégration horizontale au niveau de la première ligne, entre les joueurs de première ligne, plus efficace dans tous les sens d'«efficacité» peut être le service pour la population. Je crois comprendre que c'est important que, peu importe ce qu'on fait, on ait comme une balise assez serrée en ce qui regarde les missions et la protection des missions, que quoi que ce soit qui veut faire une intégration de services n'aille pas au point de diluer les missions et que, si on veut intégrer les services, c'est d'arrimer mieux les missions entre elles qu'on vise, plutôt que de risquer de les baliser. Et, ça, c'est en fonction d'une population et d'un territoire. J'ai l'impression, là, que ça revient constamment, l'intégration horizontale en fonction d'une population et d'un territoire et la protection des missions.

(21 h 30)

Il m'apparaît que la seule difficulté intervient vraiment quand on voit, dans 126.1, apparaître l'hôpital de moins de 50 lits, le CHCD de moins de 50 lits. Vous avez dit que, pour ce qui est des CHSLD, la taille autour de 100, ça entre là-dedans. Donc, c'est vraiment très précis sur le... Puis on s'entend bien qu'on ne parle pas de CHSLD de 100, 150 lits; il n'en est pas question. Donc, c'est sur un territoire, en général le territoire d'une MRC, ce petit hôpital. Et, là, la question qui peut se poser et qui se pose dans la réalité, c'est: Qu'est-ce qu'on fait quand les services de première ligne s'intègrent bien; qu'au niveau de la deuxième ligne, sur un plan régional ou sous-régional, des plateaux techniques de deuxième ligne s'organisent avec leur logique et qu'à cause des raisons de distance, très souvent, mais des fois pas de façon aussi serrée que dans 128 là, restent... Puis, avec le virage ambulatoire et la diminution des lits, il y a pas mal d'hôpitaux qui avaient 75 lits et qui n'auront plus ça; ils sont rendus à 40 lits ou moins, ou en tout cas, carrément en bas de 50.

Est-ce qu'on n'a pas là un dilemme ou un choix à faire entre laisser un conseil d'administration et toute une équipe professionnelle pour gérer un établissement de courte durée de 45 lits, ou trouver un moyen... Est-ce qu'il n'y a pas un moyen de l'arrimer vraiment en support de la première ligne, mais devenant vraiment dépendant et raccroché à la première ligne, plutôt que de le laisser comme organisation autonome qui génère sa propre activité? Et là, ma question: Si toutes les autres balises sont bonnes, est-ce que la difficulté, si je vous entends bien, est de voir quel genre d'activité il y a dans cet hôpital-là? Je pourrais dire: On peut avoir un hôpital de moins de 50 lits qui roule comme un hôpital de 150 lits, comme type de plateau technique; mais on peut en avoir d'autres où c'est essentiellement des praticiens généraux sur le territoire, qui travaillent peut-être aussi au CLSC, qui ont des lits aussi, parce que la distance fait qu'ils ne peuvent pas expédier tout le monde, et qui vont traiter des choses à l'hôpital pour des... peut-être au-delà de la pure stabilisation, mais c'est les mêmes équipes de praticiens généraux qu'il y a là. Est-ce qu'il y a, sur le territoire, à votre expérience – là, ça paraît de plus en plus clair – deux types au moins ou peut-être une gradation de niveaux de spécialisation et d'intensité de plateaux techniques dans ces petits établissements?

Moi, parfois, comme j'ai déjà dit, je trouve que c'est difficile d'appeler ça un hôpital quand tu es rendu à 30, 35 lits, par rapport à ce que devient l'hôpital dans notre système moderne. Mais est-ce qu'il y en a encore... Et c'est là-dessus qu'il faudrait essayer de bien discerner que ce qui est même petit, mais qui roule comme un gros hôpital, pour des circonstances x, y, il faut l'assimiler carrément à la deuxième ligne, mais qu'il y a peut-être des situations où l'animal est différent, et c'est quelque chose qui est en train d'évoluer vers la première ligne. C'est juste pour voir comment on pourrait favoriser cette intégration de la première ligne, mais en étant bien sûr qu'on ne risque pas de faire entrer le renard dans la bergerie, comme vous dites. Alors, est-ce que c'est ce que je pense être des choses sur lesquelles on s'entend, c'est... On se comprend bien? Puis, il y a ce champ-là où on n'a pas encore assez bien cerné de quel animal on parle. Et juste dire: Un CHCD de moins de 50 lits, ça couvre un univers encore trop hétérogène, c'est là que vous voyez le risque. C'est ça que je crois comprendre, là, en vous écoutant; je ne sais pas si c'est juste.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je dois vous demander une réponse relativement courte, parce qu'on a déjà dépassé l'heure. Ça va très, très vite. On devait terminer à 9 h 30. Je dois permettre évidemment au député de Robert-Baldwin de poser les dernières questions, et les conclusions par et le ministre et le député de Robert-Baldwin. S'il vous plaît!

Mme Vaillant (Jeanne d'Arc): Très rapidement. Par rapport à la longue durée, autour de 100 lits, 125 lits, pas de problèmes, équilibre: équilibre santé et services sociaux, équilibre mission première ligne préservés. Premier point.

Deuxième point. Plateaux techniques, spécialités, 35 lits ou 50 lits: problèmes par rapport à la première ligne, danger, problèmes, oui; conviction, oui. Si on peut transformer le petit hôpital, si ce sont des omnis, on peut le transformer en lits de stabilisation ou en lits d'observation, avec une certaine activité gérable. Le Dr Munger a peut-être des choses à ajouter, il est encore plus connaissant que moi.

M. Munger (André): Bon, en fait, le danger, c'est celui de la transfusion des efforts, des énergies, des budgets et du sentiment d'appartenance aussi. Il faut faire attention à ça, parce qu'on est contraint, vous savez, par des effectifs médicaux; et puis, le lien d'appartenance, on est sensible à ça. Alors, vous savez, le travail ne manque pas, on peut le multiplier ad infinitum. Ce qui est important, c'est de développer un sentiment d'appartenance, mais aussi des sentiments de responsabilité chez les médecins. Le médecin omnipraticien, son rôle fondamental au Québec, c'est d'assurer la première ligne. Bien sûr, l'interface se fait en deuxième ligne parce que c'est normal; et puis il y a des activités plus spécifiques qu'on doit jouer là. Mais il faut être très prudent là-dedans. On sait que les expériences qu'on vit à ce niveau-là par rapport aux LD ne posent aucun problème. J'irais plus loin, moi: lits d'observation, urgence, ne posent pas de problèmes non plus; c'est quand on arrive dans des activités qui sont plus élaborées, de type patient admis comme... Même l'omni peut jouer un rôle comme un médecin spécialiste. Il y a des exemples nombreux dans des hôpitaux périphériques; ne parlons que de celui des Îles-de-la-Madeleine, par exemple, où il y avait quand même des effectifs... Et c'est un excellent modèle de pratique, sauf que c'est un modèle orienté sur l'hôpital et les services de deuxième et troisième lignes. Or, c'est ça qu'on veut éviter. Il faut être très prudent.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je m'excuse si je suis assez difficile sur le temps. C'est que, nous, on doit remonter en Chambre tout de suite après, en plus. M. le député de Robert-Baldwin, pour les dernières questions, et nous allons aux conclusions.

M. Marsan: Une dernière question, M. le Président. Je réfère à la page 4 de votre mémoire où vous mentionnez qu'il y a un risque: «Le risque d'émiettement des dimensions promotion et prévention des services de première ligne devient encore plus grand lorsqu'on regroupe un CLSC ayant peu d'effectifs avec un CHSLD ou un CHCD comptant un nombre important de ressources humaines.» J'aimerais demander à Mme Vaillant de commenter cette affirmation-là. De quelle façon la promotion et la prévention sont-elles en danger, lorsqu'on peut parler d'une éventuelle fusion avec un CHSLD ou un CHCD?

Mme Vaillant (Jeanne d'Arc): Quand, dans un établissement, vous avez un gros CHSLD qui a 400, 500 personnes, avec une clientèle assez lourde et que vous avez une courte durée avec un plateau technique, vous comprenez bien que, quand le CLSC représente 10 % à 15 % du budget et que les effectifs sociaux représentent 2 % à 5 %, que les activités de prévention et de promotion entrent... Et on est en période de restriction budgétaire. Donc, quand un conseil a à décider entre un service à rendre au niveau d'un département ou au niveau de la longue durée et un service de promotion dont on voit les effets à plus long terme, les choix budgétaires vont être facilement faits. Et même dans le cadre du virage ambulatoire, on est obligé d'être prudent pour éviter... À cause du poids du traitement et des services à donner, les services de promotion et de prévention doivent être protégés et ils doivent s'inscrire dans la programmation et la mission même du CLSC. Et, dans ce sens-là, quand vous avez un établissement intégré et que vos effectifs, au niveau du CLSC, sont très minoritaires, encore là, et c'est humain, on va mettre de côté les éléments de promotion et prévention.

M. Marsan: Je reviens toujours à votre exemple sur la maison des jeunes, parce qu'il était vraiment frappant. J'ai l'impression que, si on essaie de faire une fusion avec un CHCD ou un CHSLD – je peux vous parler pour les CHCD – il y aura toujours un besoin d'argent pour un équipement médical additionnel...

Mme Vaillant (Jeanne-d'Arc): C'est ça.

M. Marsan: ...il y aura toujours un besoin d'argent pour un milieu de vie à améliorer...

Mme Vaillant (Jeanne d'Arc): C'est exact.

M. Marsan: ...et la maison des jeunes, en bout de ligne, je pense qu'on va se réveiller en difficulté. C'est vraiment l'affirmation que vous nous faites, hein?

Mme Vaillant (Jeanne d'Arc): Oui. Exact.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin, en conclusion.

M. Marsan: Oui, M. le Président. D'abord, je veux vous remercier, M. Bouchard, M. Payette, Mme Vaillant et Dr Munger. C'est très apprécié que vous ayez accepté notre invitation, mais surtout la qualité des remarques que vous faites dans le mémoire que vous nous avez présenté et la conviction avec laquelle vous nous l'avez présenté. Moi je retiens, en tout cas, des éléments, particulièrement ce qui est dans l'article 2 ou la référence à 126 de la loi 120, qui a une difficulté majeure si elle est appliquée, et, dans ce sens-là, la loi n° 116 ne s'inscrit pas en fonction des objectifs qu'on a connus avec la politique de santé et bien-être et aussi avec la loi 120, et je pense que c'est très important. Je reçois avec, je vous assure, beaucoup de bonne volonté... Et il y a un suivi que nous allons faire à votre recommandation pour qu'on puisse trouver une façon de donner aux régies régionales un véritable moyen de faire des consultations qui reflètent ce que les patients pensent aussi et ce que le citoyen peut penser. On aura sûrement des occasions d'en discuter, mais ce sont des améliorations que vous nous proposez qui sont essentielles, si on veut aller de l'avant avec un projet de loi.

(21 h 40)

Enfin, je me permets de rappeler, comme vous l'avez fait, que dans la loi existante, la loi 120, il y a un article 128 qui permet de faire un certain nombre de fusions avec quelques paramètres. Et moi, pour un, j'aurais pensé qu'avec cet article-là on aurait pu continuer, en tout cas, d'aller dans le sens qui serait souhaité tout en préservant cette première ligne. Je retiens aussi les avis du Dr Munger en ce qui concerne le mariage déjà consommé entre l'ensemble des médecins. C'est vraiment important, cette relation entre les polycliniques et les CLSC, et ça va faire encore plus la force de cette première ligne dont on a tant besoin. Alors, un gros merci pour votre présentation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Rochon: Alors, M. le Président... Je voudrais aussi, au nom de mes collègues, vous remercier beaucoup pour tout le travail et les efforts que vous avez investis autour de cette consultation. On peut être assuré qu'il y a au moins une association d'établissements – au moins une, je sais qu'il y en a d'autres – au Québec qui va défendre toujours farouchement la première ligne...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rochon: ...et c'est très rassurant pour l'avenir de notre système de santé. Alors, je vous en remercie beaucoup. Je profite de l'occasion pour vous remercier beaucoup et, par vous, tout le personnel des CLSC, du travail qui a été fait – vous y avez fait allusion dans votre présentation – dans toute la transformation du réseau. Sachez qu'on est très conscient que, et on s'en était déjà parlé, d'ailleurs, pour assurer une collaboration de ce côté-là, les CLSC ont dû et encore absorbent un transfert de demandes et de clientèles très important et qu'ils doivent le faire avec les moyens du bord, en attendant que les ressources suivent dans la dynamique normale d'une transformation. Alors, ça aussi, ça... On sait que vous êtes des partenaires très, très importants dans ce domaine-là.

Je comprends, par les commentaires qu'on a eus, que, dans l'ensemble de ce projet de loi n° 116, la difficulté est avec l'article 126.1. Le reste de 116 ne pose pas de problème, et vous le voyez vraiment, en général, comme une bonification à la loi. C'est là-dessus qu'il faut travailler, de votre point de vue. Et, moi, je peux vous assurer qu'on a à coeur aussi non seulement de protéger, mais de renforcer la première ligne. Je pense que votre intervention, votre mémoire aident à comprendre plus les difficultés comme vous les voyez et qu'on devra sûrement être capable de trouver le moyen de donner des moyens aux gens, de respecter la volonté locale, de donner des moyens, mais en balisant très bien ce qui peut se faire pour ne pas que n'importe qui puisse faire n'importe quoi, dans ce domaine-là. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de la commission, merci beaucoup. Je souligne la qualité des interventions de toutes les personnes.

M. Bouchard (Serge): À notre tour de vous remercier.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): La commission ajourne ses travaux à mardi 21 mai 1996, à 11 heures.

(Fin de la séance à 21 h 44)


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