L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des affaires sociales

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des affaires sociales

Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 5 juin 1996 - Vol. 35 N° 24

Consultations particulières sur le projet de loi n° 33 - Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions

Mémoires déposés

Conclusions


Autres intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Lyse Leduc, présidente suppléante
M. André Gaulin, président suppléant
Mme Nicole Loiselle
M. Russell Williams
Mme Marie Malavoy
*Mme Liliane Lecompte, AQDR
*Mme Yolande Richer, idem
*M. Norbert Rodrigue, CSBE
*M. Jean-Bernard Trudeau, idem
*M. André Archambault, idem
*M. Joseph Ayoub, FQC
*M. Guy Germain, idem
*Mme Michèle Julien, AGIR
*Mme Nancy Beaulieu, idem
*M. Raymond Dandavino, ANQ
*M. Marc Parent, APES
*Mme Dolorès Lepage-Savary, idem
*Mme Manon Lambert, idem
*M. Florian Saint-Onge, Conférence des Régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec
*Mme Lise Denis, idem
*M. Richard Lemieux idem
*M. Yves Millette, ACCAP
*M. Denis Morcel, idem
*M. Claude Leblanc, idem
*M. Claude Castonguay, Comité d'experts sur l'assurance-médicaments
*M. André Ménard, CCQ
*M. Gilles Lemire, idem
*Mme Louise Charette, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures dix-neuf minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des audiences publiques sur le projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives.

Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, les membres de la commission ont l'ordre du jour devant elles et devant eux. Je vous rappelle, pour l'information de tous les membres, que nous terminons cette consultation-là en fin de journée aujourd'hui – c'est le cas de le dire, en fin de journée, minuit ce soir. Et, madame, je vous informe d'abord que vous avez 20 minutes de remarques préliminaires avant l'échange avec les membres de la commission, et j'apprécierais que vous présentiez la personne qui vous accompagne, avec le nom et la fonction.


Auditions


Association québécoise pour la défense des droits des personnes retraitées et pré-retraitées (AQDR)

Mme Lecompte (Liliane): M. le Président de la commission, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je commencerai donc par présenter ma compagne, c'est Mme Yolande Richer, qui est secrétaire provinciale de l'AQDR, l'Association québécoise de défense des droits des retraités.

(11 h 20)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Et vous êtes Mme Lecompte?

Mme Lecompte (Liliane): Mme Liliane Lecompte...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Pour fins d'enregistrement.

Mme Lecompte (Liliane): ...la présidente de l'Association québécoise de défense des droits des retraités.

L'AQDR vous remercie de lui permettre d'exprimer son point de vue sur le projet de loi n° 33 concernant l'assurance-médicaments. Répondre très rapidement à divers projets de loi élaborés patiemment par les hauts fonctionnaires du gouvernement disposant de ressources abondantes est un exploit fréquemment exigé des organismes communautaires. Ce défi, car c'en est un, consiste, en fait, à défier le temps lui-même et à agir pratiquement en dehors de lui. Ces consultations précipitées exigent une rapidité de réflexion et d'analyse qui, selon nous, portent atteinte au caractère démocratique dont se réclament de tels exercices. C'est pourquoi, en conformité avec la Coalition des aînés, l'AQDR vous demande, monsieur, de surseoir à l'adoption de ce projet de loi.

L'AQDR réagit à ce projet de loi en le plaçant dans un ensemble de mesures qui, depuis la fin des années quatre-vingt, n'ont cessé de gruger les revenus des aînés. Que ce soit par la disparition de l'universalité des pensions de retraite, par les contributions progressives à certains régimes, par les mesures du budget de M. le ministre Bernard Landry, la hausse du coût du téléphone, d'Hydro-Québec, l'introduction de la TPS, les bas taux d'intérêt, tout cela et d'autres mesures encore ont contribué à insécuriser et à appauvrir les aînés dont les revenus sont fixes mais dont les dépenses n'ont cessé de croître. Il n'est donc pas surprenant que ce projet de loi soit perçu par les aînés comme une autre mesure qui s'abat sur eux.

Ce projet de loi fait appel à la solidarité des Québécois, nous dit-on, afin que tous aient un accès raisonnable et équitable aux médicaments. Nous souscrivons à un tel objectif, mais nous nous demandons qui sera solidaire de qui. Le projet de loi interpelle des aînés à revenus modestes, 14 800 $ pour un adulte, 25 700 $ pour deux adultes. Il interpelle également des bénéficiaires du supplément du revenu garanti, des chefs de familles monoparentales, 23 900 $ pour un adulte et deux enfants, et, finalement, certains groupes d'assistés sociaux. C'est à eux qu'est lancé l'appel à la solidarité sociale. Qu'on nous permette d'exprimer ici notre surprise et notre désaccord. Les plus pauvres sont mis à contribution pour réduire le déficit de l'État et les coûts du système de santé, alors que d'autres facteurs d'augmentation des coûts du régime sont ignorés: nous parlons ici du coût des médicaments et de la pratique médicale.

Le gouvernement fédéral accorde aux brevets pharmaceutiques une protection de 20 ans. Le Québec est plus généreux: il superpose à cette protection une règle qui en prolonge la durée de 15 ans après l'inscription sur la liste à laquelle le gouvernement se réfère pour rembourser les médicaments. Cette mesure retarde d'autant l'arrivée des médicaments génériques sur le marché. Durant tout ce temps, le gouvernement rembourse aux compagnies pharmaceutiques près de 50 % de plus qu'il ne rembourserait si les médicaments génériques figuraient sur sa liste. Cette politique, qui prive le gouvernement de plus de 30 000 000 $ par année, pèsera lourdement sur les aînés et les autres contribuables par le biais de la coassurance proposée de 25 %; 25 % du prix d'un médicament de marque représentera une contribution évidemment plus substantielle que 25 % du prix d'un médicament générique.

Pourquoi une telle politique alors que les experts du comité Castonguay ont reconnu, et je cite: «Les produits génériques sont de même qualité que les équivalents de marque et assujettis aux mêmes normes d'essai en ce qui concerne leur qualité et leur innocuité.» La règle de 15 ans ne peut se justifier dans un contexte de restrictions budgétaires. Son maintien affaiblirait, M. le ministre, votre appel à la solidarité sociale. Vous demandez aux plus pauvres de mettre l'épaule à la roue, il faut également le demander aux multinationales de l'industrie pharmaceutique. L'AQDR demande donc aujourd'hui au gouvernement du Québec d'abolir la règle de 15 ans.

Dans le but de favoriser l'utilisation des médicaments génériques, de réduire ainsi les coûts de la santé et de les répartir équitablement entre tous les consommateurs, l'AQDR reprend à son compte certaines propositions des experts du comité Castonguay: que la Régie de l'assurance-maladie du Québec réduise le facteur de coassurance payable par l'assuré lorsque celui-ci reçoit des médicaments génériques; que la substitution de médicaments de prix supérieur soit interdite à moins que l'assuré n'accepte d'en payer la différence de coût. Il serait également souhaitable que la liste des médicaments couverts soit disponible dans les pharmacies pour les contribuables qui désireraient la consulter. Cette liste devrait également couvrir le médicament dit unique: ceux qui sont les seuls médicaments existants pour traiter certaines maladies comme la sclérose en plaques ou le cancer.

L'impact positif de ces changements sur les coûts de la santé serait toutefois compromis si la pratique médicale n'était pas révisée. Les médecins prescrivent souvent les médicaments nouveaux et coûteux à la place de ceux qui existent déjà et qui coûtent moins cher. Non seulement le prix des anciens médicaments de marque est moindre que celui des nouveaux médicaments, mais ces anciens médicaments sont aussi ceux pour lesquels il existe des équivalents génériques. L'appel à la solidarité sociale, M. le ministre, doit également s'adresser au corps médical.

L'intérêt que porte ce gouvernement à la vie privée des citoyens inquiète grandement l'AQDR parce que cet intérêt se traduit souvent par une intrusion dans la vie privée. Certaines dispositions du projet de loi n° 33 inclinent dans ce sens. Sous peine d'amende, le citoyen devra contracter une assurance et verser sa prime à une compagnie privée. Le citoyen ne peut plus décider lui-même s'il s'assure ou pas, l'État le somme de s'assurer. En forçant à peine, on peut demander: À quand une assurance obligatoire pour le piéton qui traverse la rue, ou bien une assurance obligatoire pour le citoyen qui s'expose aux rayons du soleil? En ce sens, nous souscrivons entièrement à la position de Coalition Solidarité Santé, qui s'exprimait ainsi: En forçant les 1 200 000 personnes non assurées à se procurer une assurance chez un assureur privé, le gouvernement ferait une chose complètement inédite dans notre société: il déléguerait une perception d'impôt à l'entreprise privée. L'État faciliterait, par ailleurs, le commerce de l'assurance en se chargeant des mesures punitives à l'égard des citoyens qui seraient en difficulté de payer. Selon notre compréhension, le seul rôle des assureurs dans le régime individuel serait celui de percevoir la prime impôt, puisque le reste des transactions se ferait entre le consommateur et le pharmacien, sous la gouverne du système interactif de la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Une des dispositions troublantes de ce projet de loi est la création d'un système de communication interactive entre la Régie, les pharmacies et le fichier central, qui, forcément, devra exister. L'AQDR reconnaît que la vérification de l'utilisation des médicaments peut avoir des effets bénéfiques comme celui d'éviter la consommation simultanée de médicaments produisant le même effet ou ayant des effets contraires. Cela dit, notre inquiétude demeure.

L'un des aspects importants du régime d'assurance-médicaments est le contrôle des coûts. L'AQDR redoute que ce contrôle se fasse au détriment de la vie privée des citoyens. Qui aura accès à ce dossier informatique en plus du pharmacien? Les compagnies d'assurances privées, peut-être. Cela s'est produit en Ontario. À l'heure actuelle, toutes les interrogations sont permises. Ainsi que le soulignait Michel Venne dans Le Devoir du 21 mai 1996: «Il s'agit là de l'une des intrusions les plus graves dans la vie privée des citoyens si les balises, les normes, les règles d'accès et d'utilisation des données ne sont pas soigneusement définies. Or, l'appel d'offres pour ce système a été lancé trois semaines avant le dépôt du projet de loi n° 33 et le contrat sera peut-être – ou est peut-être – attribué avant même que le projet de loi ne soit adopté.»

(11 h 30)

La loi d'accès à l'information existe et devrait empêcher l'utilisation inappropriée des données informatiques, mais cette loi est contournable, comme toutes les autres lois. L'AQDR s'inquiète des assauts répétés qu'elle subit. Que dire des dispositions législatives importantes et nombreuses qui seront modifiées par ce projet de loi? Le ministre du Revenu ou son représentant autorisé aura accès au fichier d'inscription des bénéficiaires établi aux fins de la Loi sur l'assurance-médicaments. Il y a là un risque réel d'abus de pouvoir que l'AQDR dénonce avec la plus grande énergie. Et, en ce sens, nous souscrivons à la recommandation de Coalition Solidarité Santé, nous demandons que le report de l'adoption de la loi permette de tenir des audiences particulières sur les nouveaux enjeux entourant l'informatisation de données à caractère médical et que soient notamment invités à se faire entendre la Commission d'accès à l'information et les organismes voués à la défense et à la promotion des droits et libertés.

Notre Association souscrit entièrement aux préoccupations et revendications exprimées ici même par la Coalition des aînés. Elle vous exprime de plus son désaccord concernant l'inégalité de l'effort demandé à la société québécoise dans la réduction des coûts du système de santé et les possibilités d'atteinte sérieuse à la vie démocratique au Québec que comporte ce projet de loi. Nous vous remercions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, madame. J'invite maintenant le ministre de la Santé et des Services sociaux à vous poser la première question.

M. Rochon: Oui, M. le Président. Je vous remercie beaucoup pour votre contribution et des points très importants que vous soulevez. On va avoir le temps, un peu, d'échanger là-dessus pour préciser, s'assurer qu'on comprend très bien les points que vous soulevez, les suggestions que vous nous faites, et peut-être apporter certaines clarifications sur un certain nombre de choses.

D'abord, je voudrais vous rassurer, madame, qu'on est très conscient, comme gouvernement, qu'il doit se prendre un certain nombre de décisions dans différents domaines et qu'on a le souci de s'assurer d'avoir le portrait d'ensemble pour chacun des groupes dans la société, que ça soit les personnes âgées ou tous les autres groupes, pour être bien sûr que l'ensemble des mesures qui peuvent changer pour eux compte tenu de la situation actuelle nous donne au total une situation qui est équilibrée et que, l'objectif de l'équité, on ne le vise pas seulement secteur par secteur de façon indépendante, mais en faisant le lien entre les différents secteurs. Je reconnais avec vous que ce n'est pas nécessairement évident au premier regard, que ça pourrait être un risque qu'on procède sans se parler d'un secteur à l'autre, mais je vous assure que ce n'est pas le cas et que c'est même un sujet de préoccupation très important pour le ministère et pour le Conseil des ministres présentement.

Je voudrais apporter une précision, là, sur la question du système interactif. Le système interactif qui est proposé présentement et qui est nécessaire pour gérer un système général d'assurance-médicaments n'est pas un dossier personnalisé des gens. C'est de faire ce qu'on fait présentement, ce que fait la Régie de l'assurance-maladie présentement pour gérer le programme d'assurance-médicaments qu'elle a déjà pour les personnes âgées et les personnes qui sont des prestataires de la Sécurité du revenu, et que font présentement les assureurs privés pour les régimes collectifs qu'ils ont déjà. Et tout ce qui va être fait avec un régime général, c'est de mettre en interrelation ces régimes-là, de sorte qu'une personne assurée par un régime ou l'autre se présentant à une pharmacie ou l'autre pourra être servie. Mais ce n'est pas un dossier personnalisé auquel va avoir accès... même pas le pharmacien, actuellement.

On pourra y arriver, à ça. Une fois le système interactif existant, on pourra le faire évoluer vers un régime qui serait vraiment un fichier de dossiers. Mais, ça, comme vous le dites, ça sera une autre étape, ça sera quelque chose à faire dans un autre contexte. Il faudra revenir, si on fait ça, vraiment avec un projet où on pourra consulter les gens, discuter là-dessus spécialement. Et, si on évoluait vers ça... parce qu'il y aurait certains avantages à faire ça; on n'est pas obligés, on n'en a pas besoin du tout pour gérer le système, mais, si on voulait y aller, c'est sûr... D'ailleurs, la Commission d'accès à l'information est venue devant la commission. Ils sont au courant de tout le système qu'on met en place, et, si on devait aller vers un fichier de dossiers personnalisés, c'est bien sûr que la Commission d'accès à l'information va être très impliquée là-dedans et va devoir donner son caveat partout. Alors, ça, je veux vous en donner l'assurance, là, il n'y a rien de ça qui est fait en termes de fichier de dossiers personnalisés.

Maintenant, il faudrait peut-être y revenir un jour, parce que le but réel d'un système, en se donnant tous les contrôles de la confidentialité, on réalise que ça peut donner un service de bien meilleure qualité, par ailleurs, parce que, si le médecin et le pharmacien peuvent avoir devant eux l'ensemble du dossier médicaments d'une personne... Il y a des logiciels, maintenant, qui existent pour assister les médecins et les pharmaciens, pour s'assurer qu'en voyant l'ensemble des médicaments qu'une personne peut prendre on peut tout de suite prévenir des interactions néfastes entre les médicaments, ou des choses du genre. Mais, si on en arrive là, on aura sûrement le temps de se parler; ce n'est pas du tout de ça qu'il s'agit actuellement. Bon.

J'aurais deux, trois questions, peut-être, mais je vais en poser une seule pour tout de suite pour qu'on partage le temps correctement, c'est sur le caractère obligatoire du régime, et je voudrais bien comprendre ce que vous nous dites. Bon. D'une part, ce n'est pas la première fois qu'on fait ça. On s'est donné une assurance-hospitalisation où tout le monde contribue depuis les années soixante, donc on contribue par nos taxes. Au début des années soixante-dix, on s'est donné une assurance-santé, qui est du même genre, qui est obligatoire, et, au début, l'assurance-santé, c'était une prime qu'on payait pour l'assurance-santé. Et, comme c'était un régime d'administration publique, on la payait au moment de la déclaration d'impôts, mais c'était une prime. Après ça, ça a été intégré dans la fiscalité générale, c'est-à-dire qu'on le paie avec nos impôts. La plus récente en liste, je pense, c'est l'assurance pour les accidents d'automobile, où on s'est donné un régime obligatoire, aussi, d'assurance-automobile. Et c'est un peu la décision qu'on a à prendre socialement, que, si on veut atteindre un objectif de rendre disponible à tout le monde, selon ses besoins, un service ou un produit qui, laissé à chacun, va être trop coûteux, et pour certaines personnes qui n'auront pas les moyens de se le payer, il faut se donner un régime général obligatoire où tout le monde participe selon ses moyens de participer, selon ses revenus – c'est ce qu'on essaie de faire – mais qui permet que tout le monde ait accès aux produits ou aux services selon ses besoins.

Alors, il faut prendre les deux ensemble. Ou bien on n'a pas ce partage collectif puis on n'assume pas collectivement un coût, mais, à ce moment-là, il y a des gens qui vont être privés du service, comme c'est le cas pour les médicaments présentement. On a plus de 1 000 000 de gens au Québec qui n'ont pas cette couverture, et c'est dramatique pour certains quand il y a des problèmes qui se présentent, assez souvent. Et, parmi ceux qui ont une couverture, dans les régimes privés, c'est très diversifié; il y en a qui ont des régimes qui protègent plus contre la catastrophe que d'autres choses, d'autres ont des régimes plus généreux.

Alors, ma question est, si je vous entends bien: Est-ce que c'est contre le fait d'avoir un autre régime général, universel, pour tout le monde, mais qui est obligatoire, nécessairement, ou est-ce que c'est contre le fait, pour les polices individuelles, de donner la responsabilité aux partenaires privés, aux assureurs privés, que vous en avez? Vous nous dites: O.K., on y va pour un système universel, mais faisons-en un système public, ou bien si c'est contre le principe même que vous êtes?

Mme Lecompte (Liliane): M. le ministre, c'est bien sûr que l'AQDR est en faveur d'un régime universel, un accès universel aux médicaments, puis même qui favoriserait les plus pauvres, mais, bon, on se demande, de la façon dont vous avez peut-être l'intention de procéder: Est-ce qu'il y a un consensus social qui vous a amené à choisir ce mode de participation?

Et vous avez raison quand vous nous laissez entendre que peut-être il nous répugne de payer une prime d'assurance-médicaments à une compagnie privée. Nous avons l'impression que, si cette contribution était versée au gouvernement via un impôt, les gens trouveraient ça plus démocratique et seraient moins inquiets que d'avoir à payer une prime à une compagnie privée. C'est avec beaucoup d'inquiétude qu'on voit les compagnies privées intervenir dans ce champ-là.

La Présidente (Mme Leduc): M. le député de Robert-Baldwin et porte-parole de l'opposition officielle.

M. Marsan: Merci, Mme la Présidente, et merci à vous d'avoir accepté l'invitation de la commission et, en si peu de temps, vous le dites si bien, de nous faire des remarques extrêmement pertinentes et importantes sur un projet de loi qui peut bouleverser les habitudes de beaucoup de Québécois et de Québécoises, particulièrement en termes de débourser de l'argent, pour les personnes aînées.

Ma première question, c'est... Dans votre énoncé, vous demandez de surseoir à l'adoption du projet de loi. Vous savez, c'est presque tous les groupes, à quelques exceptions près, qui ont demandé un report, pour plusieurs raisons, et, moi, j'apprécierais connaître les raisons de votre Association pour demander un tel report.

La Présidente (Mme Leduc): Mme Richer.

(11 h 40)

Mme Richer (Yolande): Oui. Dans le moment, c'est que c'est un cumul de nouvelles façons, des mesures gouvernementales que les aînés subissent depuis quelques mois. Nous sentons que nous sommes bombardés par les mesures, et, seulement quand on parle d'équité, on réalise que, sous le couvert de l'équité, les retraités et préretraités sont ciblés présentement. Alors, ce n'est pas une illusion. C'est que, d'une part, ces mesures sont intégrées semaine après semaine, et ceci s'ajoute, je pense, à 14 mesures, depuis les derniers mois, qui touchent particulièrement les aînés. Alors, je pense que ce ne sont pas des illusions, c'est la réalité. Et l'AQDR est là pour relever toutes ces mesures pour des gens qui sont à revenus fixes et que l'on parle de revenus des retraités, mais on ne parle pas des obligations des retraités.

Alors, ce qui se passe présentement, c'est que ce qui touche les retraités va toucher également tous les membres d'une famille. Alors, le pouvoir d'achat, l'économie... Je pense que, présentement, la classe moyenne, on est en train de démanteler tout ce pourquoi les aînés ont travaillé depuis les 30 dernières années, avec nos programmes sociaux, et qu'on s'en va vers une forme... on régresse présentement, ce qui est très dangereux pour tous les programmes que l'on met de l'avant présentement.

Ce que l'on déplore, d'autre part, c'est que nous n'avons pas les informations voulues pour faire les analyses en profondeur. On nous demande de nous présenter devant vous. Je pense que c'est une façon, peut-être, d'amuser la galerie, mais on pense qu'il faudrait réellement que ça soit plus sérieux, parce qu'on se présente devant vous, on se sent bousculés, comme bien d'autres associations, d'ailleurs. Alors, je pense que l'AQDR, présentement, à l'intérieur de la Coalition des aînés, avec tous les groupes d'aînés, dénonce cette façon de procéder ne nous donnant pas le temps d'analyser semaine après semaine toutes les mesures qui nous touchent présentement.

M. Marsan: Merci. Je voudrais poursuivre. Ce que vous nous dites aujourd'hui, c'est aussi ce que d'autres groupes ont affirmé. Mais, ce matin, nous avons interrogé le ministre à l'Assemblée nationale, et il semblait minimiser beaucoup les affirmations comme celles qui ont été faites avant vous et comme celles que vous nous faites ce matin: Ah! il n'y a pas tellement de problèmes, c'est juste des petites améliorations qui doivent être apportées. Mais vous n'y allez pas avec le dos de la cuiller, je pense. Vous parlez d'un chèque en blanc parce que tout est délégué au pouvoir de réglementation. Vous dites que vous aimeriez avoir un projet plus sérieux, que vous vous sentez bousculés; vous êtes des aînés, à part ça, vous vous sentez bousculés. Vous faites état de tout ce que ce gouvernement a fait dans la dernière année, la dernière année et demie. On parle de la disparition de l'universalité des pensions de retraite, des contributions progressives à certains régimes, des mesures du budget du ministre Landry, de la hausse du coût du téléphone, de la hausse des coûts d'Hydro-Québec, de l'introduction de la TPS ou des bas taux d'intérêt, aussi, qui affectent ceux qui ont pu avoir un petit peu de revenus et qui, bientôt, seront obligés de le verser dans le programme d'assurance-médicaments.

Sous le souci de l'équité, ce gouvernement nous dit que les personnes aînées sont capables de payer. Comment vous réagissez à une affirmation comme ça? Moi, je l'ai entendue souvent du ministre de la Santé.

La Présidente (Mme Leduc): Mme Lecompte.

Mme Lecompte (Liliane): Oui. Effectivement, depuis quelques mois, on entend souvent dire que les aînés sont capables de payer, et on entend même dire: Il serait temps que les aînés paient. Et, ça, ça nous apparaît quelque chose de tellement choquant, tellement inexact. Nous payons depuis longtemps et nous payons depuis plus longtemps que d'autres, pour une raison bien simple, c'est que nous sommes plus âgés qu'eux autres. Donc, ça fait plus longtemps que certaines personnes qui nous reprochent de ne pas avoir fait notre part que nous faisons notre part.

Et ensuite, qu'on vienne nous dire que les aînés sont capables de payer! Nous avons toujours payé, nous voulons continuer à faire notre part, mais on aimerait que les informations soient plus précises, et les chiffres aussi. Quand on nous parle d'un revenu net – bon, ça, c'était M. Landry – de 24 000 $, dans la terminologie fiscale, un revenu net, c'est avant les déductions d'impôts. Donc, une personne qui a un revenu net de 24 000 $ ne dispose pas de 24 000 $ pour affronter toutes ses dépenses et toutes ses obligations. Alors, nous croyons que les aînés ont fait leur part, les aînés veulent continuer à la faire, mais de façon équitable. Et nous avons l'impression que l'appel à l'équité qui est fait actuellement, c'est une équité vers le bas, et nous répétons ce que nous avons dit dans notre mémoire: L'appel à la solidarité doit également être lancé à ceux qui sont nantis: il doit être lancé aux compagnies pharmaceutiques, il doit être lancé également au corps médical, qui doit modifier certaines de ses pratiques. Combien de fois des personnes ne se retrouvent-elles pas à l'hôpital à la suite de complications médicamenteuses? Ça arrive très souvent.

M. Marsan: Je pense que ce que vous nous dites, c'est qu'on est en train de déshabiller Paul pour habiller Jacques, jusqu'à un certain point. On parle encore d'équité, et nous avions soulevé, à l'Assemblée nationale, le problème suivant: qu'une personne vivant seule, un adulte qui gagne 15 000 $, pour une même moyenne de consommation de médicaments, par rapport à une personne qui en gagne 100 000 $ ou 150 000 $, va payer les mêmes montants d'argent. Et, là-dessus, on nous affirme, de l'autre côté, que c'est équitable. J'aimerais vous entendre, parce qu'on sait qu'il y a beaucoup d'adultes qui gagnent tout près du 15 000 $; il y a une vaste majorité beaucoup plus près du 15 000 $ que du 150 000 $. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

La Présidente (Mme Leduc): Mme Richer?

Mme Richer (Yolande): Je pense que vous avez raison. D'une part, on nous dit: Les plus nantis. Bon. Il faut s'entendre. Il y a 15 % des retraités qui sont parmi les plus nantis. Alors, ça veut dire que 85 %, dont la majorité, à 75 %, sont au seuil de la pauvreté... Alors, il faut rétablir les faits.

D'autre part, quand on dit: le 15 000 $, si on regarde la franchise, la prime, la coassurance, on s'aperçoit que la personne qui reçoit le supplément du revenu – l'aîné – doit débourser 300 $ à l'avance, et la personne qui reçoit un supplément partiel du revenu doit débourser 500 $. Quand on regarde les plus nantis, qui vont débourser 750 $, alors, ça, ce n'est que 250 $ de différence entre les plus nantis... un couple qui aurait un salaire combiné de 80 000 $ ne paierait que 250 $ de plus que la personne qui est sous le seuil de la pauvreté, ou presque. Si c'est ça, l'équité, j'aimerais qu'on me l'explique.

M. Marsan: Sûrement qu'on pourrait laisser au ministre le soin de l'expliquer tantôt.

Une autre façon de s'attaquer vraiment aux personnes aînées, et vous la mentionnez, c'est l'intrusion dans la vie privée. Les citoyens devront contracter des assurances et verser une prime à une compagnie privée. Le citoyen ne peut plus décider lui-même s'il s'assure ou pas. J'aimerais vous entendre sur cet aspect d'intrusion dans les vies privées des personnes aînées.

La Présidente (Mme Leduc): Mme Lecompte?

Mme Lecompte (Liliane): Oui, c'est effectivement un des aspects qui nous inquiètent le plus, mais M. le ministre Rochon nous a donné certaines informations, là, qui vont faire que, peut-être, nous allons nuancer notre position. Mais nous constatons que la tendance existe, et elle n'existe pas uniquement à l'intérieur du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Cet après-midi, nous assistons à la commission parlementaire sur la réforme de l'aide juridique, et le pouvoir discrétionnaire qui va être accordé pour donner accès ou non à l'aide juridique, selon nous, c'est encore... Ce qui nous préoccupe, c'est que ce sont des tentatives qui viennent de toutes parts, dans un objectif qui est louable, mais ces tentatives vont avoir pour effet de contrôler encore plus la vie privée des gens, et c'est ce qui nous fait peur. Si l'État s'introduit partout, partout, partout, quelle liberté va-t-il rester au citoyen? Et ça va devenir quoi, la démocratie dans notre province ou dans notre pays?

M. Marsan: Je vous remercie, madame.

La Présidente (Mme Leduc): Mme la députée de... Sainte-Marie–Sainte-Anne?

Mme Loiselle: Saint-Henri–Sainte-Anne.

La Présidente (Mme Leduc): Saint-Henri– Sainte-Anne, pardon.

Mme Loiselle: Oui. Seulement au niveau des personnes âgées qui vivent sous le seuil de la pauvreté, on a eu quelques différents groupes qui nous ont dit que, finalement, l'impact pervers de demander une contribution financière à ces personnes-là qui n'ont pas les moyens va s'avérer... que ces personnes-là, finalement, vont soit se priver de médicaments ou ne prendront pas les médicaments, comme, si elles ont quatre pilules à prendre par jour, elles vont peut-être en prendre deux, puis, finalement, en bout de piste, ces gens-là vont se retrouver en centre hospitalier. J'aimerais savoir si vous avez la même préoccupation, les mêmes appréhensions à cet égard-là.

La Présidente (Mme Leduc): Mme Lecompte.

Mme Lecompte (Liliane): Oui, évidemment que nous avons peur que ça se produise, parce que, quand les aînés ou les pauvres se voient dans l'obligation de réduire encore leurs dépenses, leur réduction de dépenses n'est pas sélective. Ils vont réduire, là, sur n'importe quoi, même sur des choses qui sont essentielles, de sorte qu'on pourrait arriver à un sous-traitement. Et, par une réaction identique aux contributions qui sont demandées, eh bien, les citoyens pourraient, à la longue, devenir plus malades, ce qui, à long terme, va engendrer des coûts pour l'État. Il y aura peut-être des coûts moindres dans un avenir très rapproché, parce que les gens consommeraient moins, mais, à long terme, effectivement, les gens risquent d'être plus malades, de se retrouver à l'hôpital et de coûter plus cher à l'État.

Mme Loiselle: Merci.

(11 h 50)

La Présidente (Mme Leduc): M. le ministre.

M. Rochon: Pour en revenir, madame, sur la... Pour qu'on comprenne bien, là, ce qui vous semblerait équitable comme répartition des coûts. Là, dans le domaine de la santé, on a toujours eu l'approche que les mêmes services, les mêmes bénéfices étaient accessibles à tout le monde et qu'on contribuait en fonction de nos revenus. Ça, c'est la base de notre système d'assurance-santé. On s'entend là-dessus, c'est comme ça que c'est bâti. Et, comme je le rappelais tout à l'heure, au début de l'assurance-santé, dans les années soixante-dix, on payait une prime, comme là on parle d'une prime pour le médicament. Et, par la suite, on l'a intégrée aux taxes en général.

Pour le médicament, contrairement aux pays européens, par exemple, on a fait exception, pour différentes raisons historiques. Au lieu de le rendre disponible, le médicament, à tout le monde, il a été rendu disponible d'abord seulement aux personnes âgées, dans le milieu des années soixante-dix. D'abord les personnes âgées qui avaient le supplément maximum du revenu garanti, puis, après ça, ceux qui avaient le supplément partiel, puis, après ça, quelques années plus tard, à tout le monde. Et une des grandes raisons qui a amené cette décision du gouvernement à l'époque était que, comme groupe social, les personnes âgées étaient en général, de façon très, très, très majoritaire, dans des situations économiques assez précaires: ou ils étaient carrément sous le seuil de la pauvreté ou ils étaient juste au bord, sans régime de rentes et de pension et des choses du genre pour leur donner une sécurité. Et c'est donc beaucoup pour des raisons de fragilité économique, là, qu'on a protégé tout le groupe. Bon.

Présentement, on se retrouve aujourd'hui où on ne dit pas que les personnes âgées sont, par définition, des gens riches, comme vous le dites. Non. Il y a 8 % ou 9 % des personnes âgées qui ont le supplément maximum du revenu garanti puis il y en a à peu près 40 % qui ont le supplément partiel. Donc, 50 % des personnes âgées – c'est un faible revenu – qui, dans un régime comme ça... d'ailleurs, ça va les amener à être exemptées de la prime complètement. Ils ne paieront pas de prime, ces gens-là, parce qu'ils sont en bas d'un revenu. Alors, là, je veux vraiment comprendre ce que vous nous dites. Ou bien vous nous dites: Non, on reste comme ça puis, comme personnes âgées, on ne contribue pas parce qu'on est des personnes âgées, et ça reste une exception... Nous, ce qui nous a amenés, comme gouvernement, à considérer... puis ce qu'on entend dire, c'est: il y a encore des personnes âgées, 50 % qui ont un supplément de revenu garanti. C'est sûr qu'elles sont dans la situation où étaient à peu près toutes les personnes âgées il y a 20, 25 ans, mais il y en a d'autres qui sont dans de meilleures situations comparativement à il y a 20, 25 ans. Il y a à peu près 30 % de moins, je pense, des personnes âgées qui sont sous le seuil de la pauvreté comparativement à il y a 20 ans. Par contre, il y a beaucoup de jeunes aujourd'hui qui ne trouvent pas d'emploi facilement, qui ont des difficultés, et ce n'est pas parce qu'ils ont un diplôme universitaire ou pas qu'ils ne sont pas dans des situations précaires. Alors, je veux juste rappeler ça, là, que l'objectif de reprendre, dans le cadre de notre assurance dans le domaine de la santé, la même logique que pour le reste de la couverture, c'est ça qu'on essaie de faire.

J'avais cru comprendre que vous n'êtes pas contre ce principe-là, là, qu'au contraire vous seriez prêts là-dessus, mais vous dites: Partageons la chose vraiment équitablement. Mais là on dit: Pour quelqu'un, pour une personne seule qui aurait moins de 10 400 $, il n'y a pas de prime à payer et, si c'est quelqu'un qui a le supplément du revenu garanti, il y aurait un plafond à 300 $. C'est l'exemple que vous avez pris. Mais, ça, c'est un plafond. Pour payer jusqu'à 300 $, cette personne-là va devoir avoir consommé pour 900 $ de médicaments. Parce qu'elle va payer le premier 100 $, après ça, elle paie 25 % de chaque chose, et elle va se rendre à 300 $ si elle en consomme pour 900 $. Et, si la personne consomme plus que ça, elle va rester à 300 $; elle n'aura pas contribué, au maximum, plus que 300 $ dans son année. La personne qui a le supplément partiel, elle, elle pourra se rendre jusqu'à 500 $, mais, pour se rendre à 500 $, elle aura consommé 1 700 $ de médicaments. Bon. On sait, par ailleurs, juste pour mettre les choses en proportion, que, si on parle de 900 $, c'est seulement 25 % des personnes âgées, à peu près, qui consomment plus que ça; les autres consomment beaucoup moins que ça. Pour vous donner une autre idée, là, à 300 $, c'est à peu près le tiers des personnes âgées qui consomment en bas de 300 $. Donc, ce n'est pas tout le monde, là. Je ne voudrais pas qu'on ait l'impression que tout le monde va d'abord payer 300 $ ou 500 $. Ça dépend du volume de médication.

Maintenant, est-ce que vous nous dites que ces plafonds-là sont trop élevés, que 300 $ pour une personne qui a le maximum du revenu garanti, c'est trop? Et, si c'était trop, qu'est-ce qui, selon vous, serait à peu près un ordre de grandeur normal à demander aux personnes âgées, selon leurs revenus, comme contribution en termes de franchise et de coassurance? Pouvez-vous me donner une idée de ça pour qu'on voie un peu comment... Parce qu'il y a beaucoup de scénarios et de simulations qui ont été faits, et il y a peut-être des ajustements possibles, mais il faudrait que vous nous disiez un peu ce qui vous semble équitable et raisonnable. C'est pour ça que la consultation se fait.

Mme Lecompte (Liliane): Oui. Dans un premier temps, M. le ministre, je vais essayer de vous répondre et, après, Mme Richer aimerait également prendre la parole.

Je vais vous répondre au niveau des principes plutôt que de vous répondre au niveau des chiffres. Peut-être que ça ne fera pas votre affaire, mais...

M. Rochon: Commencez par là.

M. Lecompte (Liliane): Votre appel à la solidarité, M. le ministre, si vous le lancez à tout le monde, si cet appel est lancé à tout le monde, c'est sûr que, de notre part, cet appel-là va être reçu avec plus de sympathie. Et nous avons dit dans notre rapport qu'à notre connaissance – peut-être que nous ne sommes pas bien informés – l'industrie pharmaceutique n'a pas été interpellée, et les médecins, dans certains aspects de leur pratique médicale, n'ont pas encore été interpellés. Et je suis certaine que, si cet appel-là est lancé également à tous les groupes de la société, votre appel recevra chez nous un accueil plus favorable.

Maintenant, j'aimerais revenir sur... Vous nous avez parlé des jeunes qui sont sans emploi. On n'aime pas ça, M. le ministre, quand les deux groupes sont apparemment opposés, les jeunes et les aînés. Quand on dit ou qu'on laisse entendre: On va enlever aux aînés pour donner aux jeunes et on va enlever aux jeunes pour donner aux aînés, ça, ça met en confrontation deux groupes de la société. Cette année, l'AQDR a travaillé beaucoup, beaucoup avec les jeunes étudiants de la FEUQ, la Fédération étudiante universitaire du Québec, et de la FECQ, les étudiants de collège, et nous avons fini par comprendre que, lorsqu'une mesure s'abat sur un groupe, ce n'est qu'une question de temps avant que les effets de cette mesure ne rejoignent l'autre groupe. Et là vous avez parlé des jeunes qui sont sans emploi. Nous déplorons que le milieu du travail ne s'ouvre pas aux jeunes, mais cette fermeture du milieu du travail pour les jeunes a des effets sur les parents, sur les parents et les grands-parents. Les jeunes qui ne trouvent pas d'emploi, où s'en vont-ils? Ils s'en vont chez les parents et chez les grands-parents.

Alors, disons que je vous répond au niveau des principes. Ce n'est pas nécessairement en privant un groupe que vous allez améliorer les conditions d'un autre groupe. Je pense que je vais passer la parole à Mme Richer.

La Présidente (Mme Leduc): Un instant, oui. M. le ministre.

M. Rochon: Ce n'est pas le temps de faire une longue discussion là-dessus, mais je voudrais bien être sûr de ne pas vous laisser sur une mauvaise impression quant à ce que j'essayais de dire. Je n'essaie pas d'opposer des groupes. Ma question, c'est plus: Est-ce qu'on est d'accord pour faire un partage du coût d'un système ou d'un produit en fonction de nos revenus ou bien si on veut le faire en fonction d'autres critères? Parce que, actuellement, les critères pour l'assurance-médicaments, c'est l'âge ou le type de maladie qu'on a. C'est ça qui fait que certains ne paient pas pour leurs médicaments, c'est parce qu'ils ont un certain âge ou bien c'est parce qu'il y a une maladie qui est sur la liste, la circulaire «malades sur pied». C'est ça. Et là la question est en termes d'équité: Est-ce qu'on se partage plutôt ça sur une base de revenu qu'on a, peu importe l'âge, peu importe le sexe, peu importe la maladie qu'on peut avoir? Sur le plan des principes. J'ai pris un exemple parce qu'il est patent, mais je ne voudrais pas que la discussion soit emportée par l'exemple. S'il n'est pas bon, je vais en prendre un autre ou je n'en prendrai pas, je vais rester au principe. Bon.

Et l'autre chose que je veux vous dire, dans le projet de loi, la contribution de l'industrie pharmaceutique et des médecins, quand on les rencontre, ils nous disent qu'ils sentent, qu'ils craignent d'être mis à contribution un peu vite, eux autres aussi. Parce que, dans la mise en place d'un système comme ça, il y a le Conseil consultatif de pharmacologie dont le rôle est étendu pour qu'on tienne compte, vis-à-vis de l'industrie pharmaceutique, non seulement de la valeur thérapeutique d'un produit, mais aussi du juste prix, du prix juste et raisonnable. Et, ça, ça les interpelle, et c'est ce qu'ils viennent nous dire, qu'ils sont un peu inquiets là-dessus, et il y a déjà une certaine expérience... Il y a donc un mécanisme qu'on introduit pour faire ça en termes d'équité.

Et, pour les professionnels, médecins comme pharmaciens, il y a tout le mécanisme, dans le projet de loi, de la révision d'utilisation du médicament, où ils ont accepté de s'impliquer et où ça va avoir un effet important pour eux. Si on a une meilleure utilisation du médicament, plus adéquate, ça veut dire que ça va diminuer et ça va avoir un impact pour eux. Alors, je pense que je suis d'accord avec vous, il faut que tout le monde soit mis à partie, mais je pense que le projet qu'on présente a les mécanismes pour le faire. Mais, là, il faudra le gérer puis le faire correctement après, c'est bien sûr.

(12 heures)

La Présidente (Mme Leduc): Mme Lecompte.

M. Rochon: Je m'excuse, madame, de vous dire ça.

Mme Lecompte (Liliane): M. le ministre, l'AQDR reconnaît que des droits ou des privilèges qui seraient accordés uniquement en fonction de l'âge, ça peut être rediscuté. Mais on vous signale en même temps que, en ce qui concerne la santé ou la maladie, l'âge est un facteur important. L'âge est un facteur important et il apporte la maladie, il apporte la fatigue, il apporte... Il apporte, par le fait même, une contribution plus grande dans l'utilisation des médicaments.

Quand vous nous dites: Est-ce que ce serait équitable que les contributions soient basées sur le revenu? Nous vous répondons: Oui, ce serait équitable. Mais nous ne partageons pas les mêmes critères quand il s'agit d'évaluer les revenus. Vous donnez certains montants, par exemple, de revenus annuels qui, à votre avis, sont suffisants pour justifier la contribution que vous demandez, et, nous, nous disons: Ces revenus, amputés des impôts et de toutes les autres contributions, font que le citoyen n'est pas en mesure d'accorder la contribution que vous demandez.

La Présidente (Mme Leduc): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui. Merci. Vous avez mentionné que vous êtes vraiment en faveur du report du projet de loi, comme les autres groupes l'ont fait de façon très claire et sans équivoque, pas en demandant des petites améliorations: Reportez-le, le travail n'a pas été bien fait. Si votre recommandation n'est pas écoutée, quelle sera votre réaction?

La Présidente (Mme Leduc): Mme Lecompte.

Mme Lecompte (Liliane): C'est sûr que tous les groupes d'aînés... D'ailleurs, vous êtes au courant que les associations d'aînés font coalition à l'heure actuelle. Il faudra prendre note que cette demande n'aura pas été écoutée et, nous, passer à une autre étape, à une autre façon d'exprimer nos revendications.

M. Marsan: Là, ce que j'entends, pour un, actuellement, c'est que les personnes aînées ne sont pas structurées comme les syndicats, ne peuvent pas faire de manifestations, ne sont pas capables de s'organiser pour venir ici. Moi, j'ai entendu ça dans le Parlement très, très récemment. Comment vous réagissez aux gens qui avancent des idées comme ça?

Mme Lecompte (Liliane): Nous réagissons en souriant, comme nous venons de le faire. Je vous assure que nous sommes beaucoup plus organisés que peut-être certaines personnes pourraient le penser. La coalition des aînés existe et elle devient de plus en plus forte. Et c'est fini le temps où chaque groupe d'aînés défendait son clocher. Vous pouvez vous attendre à des actions communes de la part des différentes associations d'aînés.

M. Marsan: Je voudrais juste terminer, oui.

La Présidente (Mme Leduc): Ah! vous avez... O.K.

M. Marsan: Je suis heureux vraiment de vous entendre. Vous avez sûrement tout notre support par rapport à ce que vous pourriez décider, parce que je pense que c'est important, ce que vous dites aussi.

J'ai une inquiétude que je veux vous manifester. Nous sommes en fin de session et ce gouvernement, c'est la deuxième fin de session, le deuxième mois de juin qu'on passe. L'an passé, on n'a pas hésité à nous mettre le bâillon sur le projet de loi, sur la loi maintenant, la loi 83 qui autorise le ministre à fermer les hôpitaux, sans aucun critère. Alors, je m'attends aujourd'hui à ce qu'on nous fasse la même chose. Pourquoi? Parce que l'objet du projet de loi n'est pas d'instaurer un programme d'assurance-médicaments, c'est de récupérer 200 000 000 $ pour le Conseil du trésor. C'est ça, l'enjeu du projet de loi. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Lecompte (Liliane): Oui. Nous savons que la mesure du bâillon existe et nous savons qu'elle a déjà été utilisée par le parti au pouvoir et par d'autres partis qui ont déjà été au pouvoir. Si, par malheur, cette tactique était encore utilisée, nous la considérerions comme un accroc au fonctionnement démocratique de nos institutions.

M. Marsan: Merci, madame.

La Présidente (Mme Leduc): M. le député de Lévis, rapidement, s'il vous plaît.

M. Garon: Une seule question: Comme vous avez demandé un peu au ministre de retarder son projet, comment vous souhaiteriez que ça procède pour que les gens, les aînés se sentent en... le processus en sécurité? Comment vous voudriez que ça fonctionne pour que vous vous sentiez vraiment dans le coup?

Mme Richer (Yolande): Bien, je pense que les comités qui ont été mis en place à date, les usagers n'ont pas été invités à la table. Nous sommes invités à la dernière heure aux commissions. Je pense qu'il faudrait que ce soit plus élargi, que les gens se parlent à la même table, que les revendications des retraités soient prises en compte. Et nous ne sommes pas non plus – je vais ajouter ce que Mme Lecompte disait tantôt – nous ne sommes pas seulement isolés en tant qu'aînés, mais nous formons des coalitions avec d'autres groupes et, de plus en plus, les contribuables se resserrent les coudes, parce que l'assurance-médicaments touche tout le monde. Et, quand on dit «les jeunes», les jeunes vont se joindre à nous, parce que les jeunes de 18 à 35 ans vont payer aussi.

Alors, pour nous, les mesures ne sont pas encore assez bien orchestrées, il y a encore des analyses à faire sur les coûts. Et je reviens à ce que le ministre Rochon disait tantôt, c'est que 40 % ne payaient que partiellement. Mais, 40 % des aînés, ça commence à être des gens, ça, à 500 $. Puis il faut ajouter: Ce n'est pas seulement le 500 $, c'est le 25 % qui est ajouté à chaque médicament. On a des gens qui nous envoient leurs médicaments. Il y a des personnes pour qui c'est environ 2 000 $ par mois de médicaments qui ne sont pas sur la liste des médicaments gratuits. Alors, là, on s'en va vers des gens qui prennent 886 médicaments par mois. Ça, c'est de la surprescription, c'est un abus. Alors, comment allons-nous contrôler la surprescription des médecins et la surmédication des aînés? On dit que c'est là que ça coûte cher. Mais on a des médecins qui nous disent: C'est l'administration de tout ça, c'est la surprescription. Ce sont des médecins eux-mêmes qui nous le disent. Alors, ce ne sont pas nécessairement les usagers comme l'administration des soins qui coûtent cher à l'État présentement.

Alors, comment allons-nous régler ce problème? Mais il faut que tout le monde soit à la même table et se parle, à ce moment-là, parce que, là, on met des plans d'action où les gens ne sont pas consultés au préalable et on s'en va puis on se dit: Bien, ça va crier un peu. On nous avertit d'avance: il y aura des manifestations, tout le monde va réagir. Mais ce n'est pas grave, on continue quand même. On fait quelques petits ajustements comme baisser le plafond, par exemple, de 1 000 $ à 750 $, mais on augmente la coassurance de 20 % à 25 %. On se rattrape quelque part. Alors, c'est quoi, là? C'est l'équilibre? Alors, on se demande s'il y a une analyse sérieuse qui va suivre. Est-ce qu'il y aura un suivi? Est-ce que réellement on va prendre en compte les revendications des associations communautaires et des aînés, en particulier, qui sont touchés de toutes parts? C'est la panique générale présentement. Nous sentons que nous sommes les boucs émissaires de toute la Législature, de toutes les législations qui vont se faire dans les mois qui suivent. Alors, là, avant la fin de la session, on aimerait avoir au moins des indications à savoir où on s'en va avec tout ça.

L'AQDR représente tous les aînés du Québec. Nous avons des congrès, les gens nous posent des questions. Réellement, là, on ne sait pas quoi dire à nos membres, on ne sait pas quoi dire à nos gens, parce que, là, ils se disent: Où est-ce qu'on s'en va avec tout ça? On s'en va, on retourne 30 ans en arrière.

M. Garon: Avez-vous demandé à vos représentants ou aux associations dans les comtés de rencontrer les députés?

Mme Richer (Yolande): Oui.

M. Garon: Parce que, moi, dans mon comté, il y a 25 % des gens qui ont plus de 55 ans.

Mme Richer (Yolande): Oui.

M. Garon: Alors, je pense que c'est une voix importante. Leur avez-vous demandé...

Mme Richer (Yolande): Vous avez raison.

M. Garon: ...de sensibiliser...

Mme Richer (Yolande): Oui.

M. Garon: ...que les gens viennent sensibiliser les députés, dans leur comté, à...

Mme Richer (Yolande): Oui.

M. Garon: ...leurs préoccupations, localement, pour qu'ils puissent vraiment refléter, au niveau des caucus, ce que...

Mme Richer (Yolande): Oui.

M. Garon: ...les gens disent?

Mme Richer (Yolande): Nous avons 12 régions et 40 sections partout au Québec, et le mot d'ordre, oui, c'est de rencontrer les députés. Il y a plusieurs sections qui le font présentement, et, je pense, même dans les médias. Les gens sont de plus en plus frustrés.

M. Garon: Bien, les médias, on ne sait jamais si c'est ce que vous avez dit qui est rapporté. Des fois, c'est la phrase-choc. Mais, dans le bureau de comté, c'est plus tranquille, c'est...

Mme Richer (Yolande): Mais je vous dirai que le gouvernement se sert des médias également.

M. Garon: Oui, oui.

Mme Richer (Yolande): Alors, les ballons qu'on envoie, c'est dans les médias que vous les envoyez. Nous, quand on nous donne des mesures avec la colonne de millions qu'on sauve, comment voulez-vous que les gens puissent faire autre chose que de faire la connexion entre les deux? On enlève tant, ça veut dire tant de millions au Trésor. Alors, à ce moment-là, on sait très bien que c'est le médium...

Une voix: L'opposition aussi.

Mme Richer (Yolande): La façon dont la politique se fait présentement, c'est dans les médias...

Une voix: Quand ça fait votre affaire.

Mme Richer (Yolande): ...on vous répond aussi par les médias.

La Présidente (Mme Leduc): Bon. Alors, le temps dévolu au côté ministériel est écoulé. Est-ce que vous voulez faire votre conclusion, M. le député de l'opposition?

M. Marsan: Oui. D'abord, vous remercier bien sincèrement pour la qualité des témoignages que vous nous rendez ce matin et aussi pour avoir, en si peu de temps, présenté un mémoire extrêmement détaillé et poussé. Je voudrais également souligner, comme vous le faites bien dans votre mémoire, que nous avons l'impression que les aînés sont attaqués de toutes parts par ce gouvernement, et particulièrement dans le régime d'assurance-médicaments. Sans insister de nouveau, quand même, mais c'est important: l'objectif, ce n'est pas d'avoir un plan d'assurance universel, c'est vraiment de récupérer 200 000 000 $. Qui va payer? Qui consomme? On sait que ce sont les personnes aînées qui consomment, évidemment, majoritairement. On nous demande également un chèque en blanc. Vous l'avez clairement identifié: 15 pouvoirs de réglementation. Alors, nous, on nous demande de voter sur une coquille qui est vide, jusqu'à un certain point, et ce sera extrêmement difficile.

(12 h 10)

Je retiens aussi quelques mots de votre vocabulaire: «Panique générale», «Bombardés de coupures» et «Retour en arrière de 30 ans» pour les personnes aînées pour qui on devrait, je pense, comme gouvernement et comme députés, avoir beaucoup plus de respect. C'est quand même vous qui avez contribué à bâtir notre société. Toutes les chances que nous avons eues d'être éduqués et d'avoir des soins médicaux, c'est vous qui étiez là, qui avez été là avant nous. Je pense qu'au lieu de vous bombarder de coupures, ce qu'on devrait vous dire et de façon beaucoup plus éclatante, c'est: Merci, merci beaucoup pour ce que vous avez fait pour nous. Merci.

La Présidente (Mme Leduc): Je vous remercie. M. le ministre, en conclusion.

M. Rochon: Oui. Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie aussi beaucoup pour votre collaboration. Moi, je n'ai aucun doute que vous êtes des gens très bien organisés. D'ailleurs, on vous a déjà rencontrés sur ce projet de loi là. On a rencontré vos représentants. On vous a déjà donné de l'information et on va continuer de vous en donner au maximum, tout ce dont vous avez besoin comme information. Je sais très bien que vous êtes parfaitement bien organisés et qu'au-delà des appels larvés à la révolution, moi, c'est plutôt l'appel direct à votre collaboration que je fais. Parce que, qu'on le dise ou non, on ne s'en est jamais caché, il y a, oui, dans cette mesure, aussi un objectif budgétaire. Ce n'est pas un secret; je l'ai toujours dit, et c'est réel. On est un gouvernement qui est dans une situation, puis je ne ferai pas de débat politique, là, mais il faut quand même qu'on règle notre problème de déficit, puis il faut qu'on règle notre problème de dette parce que, si on continue comme on était parti, on va éclater. Chaque Québécoise et Québécois a plus de 10 000 $ de dettes qui est sa part dans la dette collective du Québec. C'est 2 000 $ de plus que les citoyens de l'Ontario. On est la province la plus endettée au Canada et parmi un des pays les plus endettés. Alors, si on continue d'accumuler les déficits, c'est clair qu'on ne va jamais s'en sortir.

Il y a un objectif que le gouvernement s'est donné. Il y a eu, lors de la conférence socioéconomique, un appui de tous les partenaires là-dessus. Il y aura une rencontre à l'automne... Oui, la conférence socioéconomique de février, mars. Les partenaires syndicaux, les partenaires des affaires, les partenaires de l'industrie ont convenu avec le gouvernement qu'on se donne un objectif de réduire le déficit, cette année, à 3 200 000 000 $, à 2 200 000 000 $ après et qu'on rentre en l'an 2000 avec un déficit zéro. Il y a donc un ensemble de mesures qui sont prises. Ce n'est pas facile. C'est un exercice qui est délicat, de s'assurer que c'est fait équitablement, je vous le concède. C'est dans cette phase qu'on est, là, de bien s'assurer qu'on équilibre correctement.

Mais l'objectif budgétaire est là, et, si on ne réduit pas notre déficit, on est dans le problème. On ne peut pas continuer ce qu'on a fait pendant tant d'années, de vivre au-dessus de nos moyens et de dépenser collectivement plus qu'on ne dépensait avant. Il faut agir à plusieurs...

Je prends très bien votre message. Il faut que les médecins soient à contribution, les pharmaciens, l'industrie. Je pense que c'est là, dans le projet de loi. Tous les mécanismes sont là. Il va falloir qu'on le fasse. Les professionnels se le sont fait dire et ils nous ont dit qu'ils étaient prêts à collaborer aussi. Il faut le faire sur tous les plans.

Mais ce qu'on ne va pas réaliser comme objectif à un endroit dans le domaine de la santé et des services sociaux, sur le plan budgétaire, il va falloir le réaliser ailleurs. On ne s'en sort pas. Si on ne le fait pas dans le domaine de la santé, il va falloir aller dans d'autres secteurs, parce qu'on ne peut plus dépenser de l'argent qu'on n'a pas, et ça, je pense qu'il faut qu'on le partage. Je sais que vous le savez. On va s'en sortir plus, je pense, en trouvant ensemble les ajustements qu'il faut faire, en s'assurant qu'on partage équitablement l'effort qu'on a à faire qu'en se polarisant et en s'assurant que personne ne veut bouger avant que l'autre ait bougé. C'est ce qu'on appelle un blocage total. Mais je ne sens pas... je n'ai jamais senti, dans les contacts qu'on a eus avec vous, que c'était votre attitude. Je vous assure de notre collaboration et je compte sur la vôtre. Merci.

La Présidente (Mme Leduc): Je vous remercie, Mme Lecompte, Mme Richer. Je remercie l'AQDR pour le mémoire qu'elle nous a présenté.

J'inviterais le Conseil de la santé et du bien-être à prendre place pour la prochaine présentation.

S'il vous plaît, j'inviterais les parlementaires à prendre leur siège... dont fait partie M. le ministre. Ha, ha, ha! Alors, si vous voulez prendre place, on est en consultation.

Des voix: Vote nominal.

La Présidente (Mme Leduc): Il n'y a pas de vote, c'est en consultation. Nous sommes en consultation et non pas à l'étude article par article. Alors, M. le ministre.

Alors, j'inviterais le Conseil de la santé et du bien-être et son président à nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Je suis certaine que M. le ministre va prêter une oreille attentive à votre présentation.


Conseil de la santé et du bien-être (CSBE)

M. Rodrigue (Norbert): Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission parlementaire, dans un premier temps, bien sûr, vous présenter ceux qui m'accompagnent. Ne prenez pas ça comme une coutume permanente, mais on est quatre hommes. D'habitude, on est accompagnés par la gent féminine, mais, ce matin, concours de circonstances. À ma droite, André Archambault, membre du Conseil de la santé et du bien-être, Jean-Bernard Trudeau, vice-président du Conseil; à ma gauche, André Garon, conseiller au Conseil de la santé et du bien-être.

Alors, au nom du Conseil de la santé et du bien-être... D'abord vous prévenir, Mme la Présidente, que je ne lirai que jusqu'à la page 12 pour permettre aux membres de la commission de me suivre, probablement. Alors, au nom du Conseil, je tiens à vous remercier de l'occasion que vous nous donnez de nous faire entendre sur ce projet de loi concernant l'assurance-médicaments. Vous vous doutez bien que le sujet préoccupe vivement les membres du Conseil, eu égard aux fonctions que le législateur lui a confiées et à la manière dont ceux-ci ont jusqu'à maintenant interprété leur mandat. Dans la foulée de la tenue et de la conduite d'un certain nombre d'événements et de travaux, le Conseil a cru nécessaire de s'interroger sur l'évolution du rapport public-privé à l'endroit de notre système de services de santé et de services sociaux. Le dépôt du présent projet de loi constitue une autre manifestation, particulièrement éloquente celle-là, de cette évolution. Alors, les membres du Conseil s'y sont intéressés à la fois dans ce que ce projet représente comme instrument de production sociale, mais aussi dans ce qu'il véhicule comme conception du rôle de l'État, comme expression de l'exercice de la fonction régulatrice de l'État. Enfin, le Conseil s'est préoccupé de questions plus spécifiques découlant du régime proposé par ce projet de loi et certaines de ses dispositions.

(12 h 20)

D'entrée de jeu, nous tenons à saluer l'initiative du gouvernement actuel qui, en toute cohérence et continuité avec son prédécesseur, a poursuivi la réflexion engagée sur le rôle et la place de l'État dans la couverture des risques conduisant à la prise de médicaments, tout en tenant compte de la situation des finances et malgré certaines idéologies, disons, dominantes plus à l'ouest. Il était d'ailleurs devenu pressant de conclure cette réflexion étant donné, notamment, la place croissante occupée par le médicament dans l'arsenal thérapeutique et son coût à la fois pour les utilisateurs et pour les contribuables. Tout porte également à croire que le développement de ce type de technologie, s'il s'accompagne de gains thérapeutiques significatifs, suscitera d'y avoir davantage recours, en particulier pour soutenir la consolidation des services offerts sous une forme ambulatoire et en dépit du caractère dispendieux des nouvelles molécules. En outre, l'État se devait de revoir son intervention parce que ses propres programmes clientèles d'assurance-médicaments participaient, il faut se l'avouer, à des formes d'iniquités d'accès de moins en moins tolérables. Aussi partageons-nous cette conclusion d'ensemble à l'effet que la mise en place d'un outil de protection de base, d'application universelle à l'égard du médicament était devenue une nécessité.

L'inclusion progressive des médicaments dans l'offre de services associée à l'assurance-maladie correspond d'ailleurs à ce que préconisait la commission Castonguay-Nepveu. La proposition actuelle visant à universaliser un régime d'assurance-médicaments et à en mutualiser les risques rapproche le Québec des pays européens en termes de comportement en matière de sécurité sociale.

Par contre, le transfert obligé des risques à un tiers, tantôt l'État, tantôt un assureur privé, qui se partagent l'administration du nouveau régime, pour nous, c'est une innovation. Bien que seul l'avenir dira s'il y a plus d'un gagnant, le Conseil croit utile de souligner ce qui lui apparaît les points forts de la formule proposée et de relever des inquiétudes qu'il entretient à son endroit.

On tient d'abord à témoigner qu'il souscrit entièrement, comme Conseil, aux objectifs visés par ce régime et contenus à l'article 2 du projet de loi, à l'effet «d'assurer à l'ensemble de la population du Québec un accès raisonnable et équitable aux médicaments requis par l'état de santé des personnes». Il constate néanmoins que les notions d'accès raisonnable et d'accès équitable, ainsi que leur application, évoluent rapidement.

Concernant le caractère raisonnable de l'accès à un bien ou à un service, il s'agit là d'un attribut que l'on cherche de plus en plus à circonscrire et à traduire concrètement sur une base normative de façon à relier la production de services de même que leur utilisation à la poursuite d'objectifs ayant trait à leur pertinence, leur efficacité, leur efficience et leur coût.

Ainsi, au cours des dernières années, des précisions ont été apportées à la notion d'accès raisonnable par rapport aux délais, par exemple, qu'il était jugé normal d'encourir pour trouver une réponse à des besoins de services. Notons, à titre d'exemple, le nombre de minutes pour avoir accès à des services préhospitaliers d'urgence, le nombre d'heures passées sur une civière à l'urgence, les durées de séjour en institution, etc. Bientôt devrons-nous probablement préciser le délai raisonnable pour accéder à des services électifs de prélèvements, à des examens de laboratoire et à leurs résultats.

Ces précisions qui normalisent la tendance à produire et à consommer et qui balisent les écarts à ne pas dépasser sont importantes, particulièrement lorsque aucun tarif n'est requis de l'utilisateur. Non seulement interpellent-elles les consommateurs et les producteurs, mais elles imposent à l'assureur, en l'occurrence l'État, de rendre disponibles et d'organiser les ressources nécessaires au respect de ses propres normes.

Dans le cas présent, le Conseil constate que le caractère raisonnable prend un nouveau visage. En effet, assujetti à une participation financière des utilisateurs de médicaments couverts par le régime, ce caractère raisonnable sera établi et revu à partir d'une conception de la modération entretenue par les décideurs, donc selon une posologie de freins à la consommation jugée économiquement et socialement requise. Ainsi, il sera périodiquement défini par le ministre, qui met à jour la liste des médicaments, ainsi que par le gouvernement, qui, en ce qui a trait au régime de base, fixe la prime, la franchise, le pourcentage de coassurance et le plafond de contributions, bref, la participation financière des personnes et des familles, en tenant compte notamment de leur situation économique. En toute objectivité, nous soumettons que le «notamment» suggère que d'autres variables puissent être prises en compte, dont certaines considérations apportées par le milieu de l'assurance. Il y aurait lieu, pensons-nous, de profiter de l'occasion pour préciser ces autres variables.

Concernant le caractère équitable, c'est là le fondement même de la solidarité sociale. L'équité verticale commande que les moins favorisés, en raison de circonstances hors de leur contrôle, soient assurés que les soins nécessaires leur seront raisonnablement accessibles et qu'ils pourront du même coup compter sur un revenu suffisant pour combler leurs besoins essentiels. Alors, l'équité horizontale exige que ceux dont la capacité de payer est supérieure contribuent davantage que les autres, en fonction d'une progressivité des revenus.

Dans le cas présent, le Conseil constate que le caractère équitable prend aussi un nouveau visage. En effet, bien que les moins fortunés auront peu ou n'auront pas à débourser de prime et que leur plafond de coassurance sera plus bas, ils auront une franchise à payer, et cela fera très mal pour certains d'entre eux. Quant aux plus fortunés, leurs déboursés maxima seront les mêmes, quel que soit le revenu familial en haut de 30 000 $. Par ailleurs, le régime proposé maintient une application douteuse, quant à nous, de la taxation en matière d'assurance entre, d'une part, les personnes couvertes par des régimes collectifs et, d'autre part, celles couvertes par l'État ou par une assurance privée individuelle.

Le Conseil tient aussi à souligner que, dans le domaine privé de l'assurance, l'équité se fonde d'abord sur la détermination d'une prime qui reflète bien le risque économique, ce qui tend à multiplier les catégories de risques pour être juste envers les assurés, notamment. Dans le domaine public, l'équité se fonde sur une application du principe de solidarité qui, à l'inverse, invite à diminuer les catégories de risques et à faire payer davantage les plus fortunés au nom de l'accès plus égal à la santé et aux soins de santé, sans égard au portefeuille. À compter de maintenant, ces deux visions, si on comprend bien, devront cohabiter dans un régime général public-privé d'assurance-médicaments. Ce choix raisonnable et équitable semble, entre autres, lié à la protection du marché privé de l'assurance des personnes de même que des revenus de taxes d'assurances encaissés par l'État ainsi que lié au coût du service de la dette. Ce sont là des considérations différentes de celles qui ont prévalu en 1970, nous semble-t-il, au moment de l'étatisation de l'assurance-maladie.

Dans les grandes lignes, il semble donc y avoir accord entre le gouvernement et les assureurs: le gouvernement fixe à peu près tous les barèmes du régime de base et crée aux assureurs l'obligation de ne refuser aucune personne non déjà assurée. En contrepartie, toute personne doit s'assurer, l'État conservant à sa charge les risques présentés par les personnes âgées et les plus démunis. Est-ce que les assureurs privés auraient pu refuser ce que comporte ce projet s'ils n'avaient pu agir auprès du ministre, par l'entremise du Conseil consultatif de pharmacologie, sur la liste des médicaments, leur utilisation et l'évolution des prix? Auraient-ils pu refuser s'ils n'avaient pu être consultés par le gouvernement et possiblement par l'Inspecteur général des institutions financières quant à la prime de risque en assurance individuelle à payer? Ce qui revient à dire qu'ils peuvent agir sur le caractère raisonnable. En outre, auraient-ils pu refuser si les non-assurés avaient eu le choix de plutôt adhérer à la RAMQ?

En résumé, dans le contexte actuel où l'État cherche à atténuer la dimension financière de sa présence dans plusieurs secteurs d'activité économique, ce projet de loi donne des assises pour accroître l'équité dans l'accès à un bien et un service essentiels en s'appuyant sur l'expertise, la place et la culture d'entreprise du secteur privé, faisant des assureurs des partenaires du régime. Les interrogations du Conseil relèvent plus particulièrement, d'une part, de l'ordre des engagements gouvernementaux à plus long terme à l'endroit du secteur privé et, d'autre part, de l'ordre des hypothèses quant au comportement des uns et des autres quant à la présence et à la suffisance de mécanismes favorisant un équilibre entre les intérêts des assurés et ceux des assureurs, qui, désormais, se rejoignent dans un marché à économie partiellement planifiée. Manifestement, les assureurs étant les associés du gouvernement et les assurés n'ayant pas le choix d'acheter ou non l'assurance, il me semble que c'est le genre de formule qu'il est souhaitable de retrouver en démocratie. On parlera plutôt, tout à l'heure, de l'équilibre de la représentation.

Par ailleurs, le Conseil s'interroge sur l'intérêt que porte le gouvernement à la coassurance dans le domaine des services de santé et des services sociaux. Lorsque le ticket modérateur passe de 100 % à 25 %, les groupes sont généralement positifs, d'autant plus qu'ils ont le sentiment que les résidus d'iniquités sont un mal nécessaire à la modération. Un tel sentiment peut rejoindre facilement les élus, surtout en période de relative rareté de ressources. L'opinion du Conseil concernant la tarification et la coassurance est déjà connue. Elle a déjà été formulée dans son premier avis sur l'efficience du système de santé, intitulé «Un juste prix pour les services de santé». On n'a pas l'intention d'y revenir. On va se limiter à rappeler qu'invariablement la tarification et la coasssurance ne modèrent pas la consommation des plus fortunés. En outre, dans un système où le consommateur peut difficilement évaluer le coût d'opportunité de ce qu'il achète, la modération doit particulièrement interpeller le producteur et l'appareil de production. Pour l'essentiel, l'interrogation du Conseil est la suivante: Cette consécration de la tarification et de la coassurance peut-elle avoir un effet contaminant?

En effet, le Conseil s'est questionné sur l'évolution possible, voire probable de ces technologies médicamenteuses. Il est déjà acquis que l'emploi de certaines molécules dans le traitement de nombreuses conditions de santé est la solution la meilleure. Dans un avenir rapproché, l'emploi de nouveaux médicaments devrait supplanter d'autres modes thérapeutiques jusque-là reconnus pertinents. Cette situation présente, et bientôt amplifiée, fera ressortir l'incohérence, encore socialement tolérée, d'avoir, d'un côté, une réponse à des besoins dont le financement est assuré à 100 % par l'État – exemples: services hospitaliers, actes de chirurgie – et, de l'autre, une réponse de plus en plus efficace à des besoins comparables, mais dont le financement fait l'objet d'une contribution privée de l'usager dans le cadre d'un régime jusque là qualifié de complémentaire. Est-ce à dire que le système de soins de santé est appelé à évoluer dans le sens d'un co-paiement et d'une tarification à l'utilisateur? Pour quelle raison fondamentale un malade devrait-il, par exemple, contribuer, dans un cas, au financement de son traitement, mais pas dans l'autre cas? Pendant combien de temps cet écart de conduite pourra-t-il être maintenu? Et, lorsque la tolérance ne pourra plus être justifiée, quelle formule de régime sera retenue?

(12 h 30)

Lourdes de signification, ces questions renvoient au rôle de l'État dans ses dimensions de protection et d'équité sociales. Elles commandent de prendre, je pense, au sérieux l'évolution actuelle et prévisible du rapport privé-public dans le financement et la prestation des services sociaux et de santé. Elles exigent de s'interroger sur le discriminant permettant de déterminer la responsabilité collective qui doit être assumée par l'État.

D'ailleurs, dans la mesure où les garanties du régime pourront dans certains cas couvrir le coût des services et des médicaments fournis dans le cadre des activités d'un établissement, celui-ci ne sera désormais plus le discriminant utilisé pour déterminer le financement public d'activités non accessoires.

Face à cette évolution rapide, il n'est pas inutile de rappeler ce qui est largement reconnu, à savoir que la forte présence de l'État à titre d'assureur unique ou prépondérant est le moyen le plus efficace pour contrôler la croissance des coûts. Toutes les expériences internationales tendent à démontrer qu'un financement public fort et stable des services sociaux et de santé et une ouverture à divers modes de prestation publique-privée des services permettront l'exercice adéquat de la fonction régulatrice de l'État et des gains d'efficience. Ce financement public fort facilite le respect de conditions de nature à éviter la sélection des clientèles et certaines économies sur la qualité des services. Ce financement public interpelle au plus haut point le gouvernement dans la nature des services couverts par les régimes d'assurance et d'assistance qu'il offre seul ou en partenariat avec d'autres assureurs et organismes. À ce titre, la révision de la liste de médicaments couverts est d'une importance, nous semble-t-il, capitale. Dans d'autres domaines, se pourrait-il que des services deviennent de plus en plus couverts simultanément par l'État et par le privé de telle sorte que, du côté de l'État, l'assurance se transforme en assistance? Enfin, l'État doit-il définir sa couverture en réaction aux initiatives du secteur privé? À cet égard, la révision de la liste des services sociaux et de santé couverts par d'autres régimes est aussi importante, même si les assureurs privés ne sont pas là pour le rappeler au gouvernement.

En d'autres termes, l'accès aux médicaments suscitera, dans un système intégré de soins de santé, de faire bientôt d'autres choix tant dans la nature des biens et services que dans le quantum de leur couverture. Qui et quels seront les déterminants de ces choix? Il faudra tenter de répondre sans tarder à cette question, en particulier dans le contexte de la décentralisation et de la situation actuelle des finances publiques.

Le Conseil, en lien avec les recommandations de son premier avis sur l'efficience des services de santé, s'est aussi interrogé sur les possibilités éventuelles d'intégration des enveloppes fermées d'assurance-médicaments, maladie, hospitalisation et la décentralisation de leur administration au niveau régional. Devons-nous comprendre que, du point de vue central, une telle intégration ne pourrait être possible au niveau régional, du moins dans un avenir prévisible? Malgré tout, le Conseil estime que les dépenses dans le cadre du régime général d'assurance-médicaments pourraient être prises en compte dans l'équité applicable à l'enveloppe de fonctionnement du réseau dans son ensemble. En outre, M. le ministre, un rôle formel pourrait être reconnu aux régies régionales, nous semble-t-il, par l'attribution de responsabilités légales dans l'accompagnement des personnes non assurées dans chacune des régions. On reviendra sur cette question.

Voilà pour les considérations, enjeux et interrogations d'ordre général. Le Conseil comprend que le choix du gouvernement est celui d'un régime dont le financement n'est qu'en partie public, donc en partie fiscalisé seulement. À lui seul, on comprend tous que ce choix pourrait justifier tout un débat. Cependant, le Conseil tient à souligner que le régime proposé constitue une nette amélioration pour les personnes qui ne bénéficient d'aucune assurance-médicaments. Elles risquent de subir beaucoup moins de difficultés financières si la maladie les frappe.

Ce régime cherche à mettre fin à une discrimination fondée sur le type de maladie. Quant à la discrimination fondée sur l'âge, le Conseil estime que l'équité transgénérationnelle et la protection particulièrement nécessaire des enfants commanderaient que le gouvernement fasse un pas dans la direction qu'il propose.

Ce régime cherche à mettre fin aux ambiguïtés dans le financement des médicaments consommés à la sortie de l'hôpital. Désormais, les hôpitaux devront se conformer au règlement d'application de la Loi sur l'assurance-hospitalisation dans le financement de médicaments consommés à l'intérieur de l'hôpital et à un nouveau règlement sur la couverture apportée par ce régime. Concernant ce dernier, il peut être utile d'orienter l'exercice du pouvoir réglementaire du gouvernement en précisant l'objectif recherché plutôt que de vous suggérer de tout mettre dans la loi, tenant compte de la marge de manoeuvre parfois nécessaire.

Ce régime favorise une implication gouvernementale dans un secteur en développement. Il ouvre la porte à une véritable politique sur les médicaments. Il est à espérer qu'un partenariat bien dosé avec le secteur privé favorise une évolution raisonnable des coûts du régime et une utilisation plus judicieuse du médicament.

L'équilibre entre prime à payer, franchise, coassurance et plafond semble à première vue intéressant, bien que la progressivité de la participation financière ne soit pas entièrement fiscalisée avec le revenu. Vraisemblablement, le partage du fardeau financier entre les différentes catégories de populations s'en trouve tout de même amélioré. Il pourrait l'être davantage, à notre point de vue, si la prime à payer était fonction d'une progressivité qui rejoigne une plus grande amplitude d'échelles de revenus. On y reviendra aussi.

Ce régime protège et consolide des centaines d'emplois dans le secteur privé, soulage certaines dépenses de programmes. Je pense que tout le monde sait ça.

Sauf erreur – et, ça, ça nous apparaît important aussi – la prime est dédiée au régime, n'est-ce pas? Elle ne peut pas servir à réparer les routes. On l'espère, en tout cas!

Le Conseil s'attend à ce que ce nouveau régime d'assurance ajoute à nos instruments de protection sociale sans les dénaturer, bien qu'il reconnaisse la nécessité de les faire évoluer. Le Conseil estime que, malgré les inconnues qu'il comporte et qui feront l'objet d'ajustements dans le temps, le gouvernement doit aller de l'avant maintenant avec ce projet d'assurance-médicaments. De toute manière, il serait illusoire d'obtenir réponse à tout avant de démarrer. Pour le Conseil, ce qui importe, c'est d'avoir déjà une idée, Mme la Présidente, assez juste de ce qu'il faudra surveiller en termes d'évolution du régime, du rapport privé-public, en se demandant ce qu'une loi québécoise sur la santé devrait contenir, si une telle loi était à faire. Merci.

La Présidente (Mme Leduc): Je vous remercie, M. Rodrigue. J'invite premièrement le ministre à faire part de ses commentaires, ensuite, le député de Robert-Baldwin et celui de Nelligan. M. le ministre.

M. Rochon: Mme la Présidente, merci beaucoup au président et aux autres représentants du Conseil. C'est encore une fois une contribution très significative que vous nous faites, comme plusieurs qui ont été faites au cours des deux dernières années. Et d'autres, à ce que je sache, sont déjà en préparation.

D'abord faire un commentaire auquel vous pourrez réagir et soulever une question plus particulière: la question des régimes qui pourraient être plus progressifs au-delà du revenu où la prime est exigible complètement, un revenu de 30 000 $ pour une famille.

C'est bien sûr que, pour avoir un régime complètement progressif et lissé parfaitement, il faudrait vraiment qu'on aie, je pense, si j'ai bien compris, un système qui est financé complètement par les impôts, de sorte que la perception des impôts permette que chacun paie, au 1 000 $ ou au 100 $ près, vraiment selon son revenu. Ce que ce régime-là qui est financé autrement, par une prime et une contribution à l'utilisation du médicament, essaie de faire, c'est de s'en rapprocher le plus possible. On a vu que les gens à bas revenus n'ont pas de prime du tout; à petits revenus, il y a une gradation dans un créneau qui a été choisi. Mais, là-dessus, mon observation est la suivante: pour ceux qui sont à revenus très élevés, 75 000 $ par année, comparativement au revenu de 35 000 $ – et là, c'est le même plafond et la même prime – il y a quand même la situation que les plus hauts revenus, par leurs taxes, contribuent pour à peu près 800 000 000 $ de ce que l'État va payer, dans ce système-là, pour les primes, pour compenser les primes et pour payer au-delà des plafonds les coûts du médicament. Et, de ce 800 000 000 $, c'est quand même plus du tiers du coût total du médicament, qui est de 2 200 000 000 $, 2 300 000 000 $, et il y en a une partie qui sert justement à compenser les primes pour les bas revenus.

Alors, juste rappeler ça, parce que, s'il y avait un moyen de le rendre encore plus progressif malgré les contraintes... Bien, ça, ce n'est pas évident au premier regard, mais, pour les plus hauts revenus, il y a une contribution additionnelle, par l'impôt, qui leur est demandée par rapport aux autres personnes qui rend quand même, qui étale un peu plus la progressivité, mais tout en reconnaissant que ça ne peut pas être aussi parfait que si on avait un régime qui est complètement public et payé par les impôts.

Bien, venant à ça, c'est bien sûr qu'on a un régime où la prime, elle, elle est plus de la nature de ce qui est du financement de notre système de santé parce qu'elle est exigible ou non selon le revenu: la prime est vraiment en fonction du revenu, c'est le financement de base du système, par rapport aux paramètres de la franchise, de la coassurance qui, eux, sont reliés à la consommation du médicament.

Les commentaires que vous faites recoupent d'autres suggestions qui nous ont été faites hier et aujourd'hui. Ce qui rend plus difficile un mécanisme de prime comparativement à un impôt, en travaillant avec le secteur privé, c'est le mécanisme de la perception de la prime. Si on travaille avec une prime et que c'est un régime public qui l'utilise, la perception peut toujours se faire sur un mode semblable à l'impôt, c'est-à-dire à la fin de l'année plutôt qu'au début. Tandis que dans un régime privé, pour que ça puisse fonctionner sur le terme de gestion, la prime est exigible au moins mensuellement. Donc, il faut que les gens paient régulièrement.

(12 h 40)

Est-ce que, pour vous, c'est important à ce point que ça serait un autre argument qui s'ajouterait à ce que les syndicats nous ont dit, à ce que les représentants des personnes âgées nous ont dit, par exemple ce matin, que, d'une part, l'assurance collective, c'est quelque chose qui existe, c'est quelque chose où il y a un autre type d'équilibre, de rapport de force en termes d'équité entre des syndicats, des employeurs et des assureurs pour établir un régime? Donc, il y a quelque chose où la solidarité et l'équité sont assurées par certains mécanismes de négociation, socialement. Mais, pour la prime individuelle qui rejoint ceux qui sont déjà couverts par la Régie de l'assurance-maladie du Québec et le 1 100 000 ou le 1 200 000 qui ne sont pas couverts, en termes d'équité, ça serait important qu'ils soient couverts par le système public plutôt que privé, de sorte que, même si on est pris avec une prime et des paramètres reliés à la consommation, on se rapprocherait de façon importante. Jusqu'où vous rejoignez ce que les syndicats nous disent là-dessus? Parce qu'on a vraiment un choix à faire, comme vous le dites, entre l'État, laissant plus au privé la gestion de certains services. Ça, c'est ma première question. Donc, pour vous, ce que vous nous suggérez, dans le fond, c'est de considérer sérieusement – des scénarios existent à cet effet-là, de toute façon – que tout ce qui est individuel devrait être public et ce qui est collectif devrait rester privé. C'est sur cette base-là qu'on aurait un meilleur partage.

Deuxièmement – j'arrêterai là pour le moment – le système qui s'introduit, tout en ayant ce côté original d'être une gestion privée-publique, avec peut-être certains ajustements, veut être un système général où l'État, quand même, assure les paramètres de base partout. La loi dit clairement que, pour la prime individuelle, c'est le gouvernement qui va fixer le montant de la prime et qui va déterminer les principaux paramètres. Et tout le monde va avoir accès, que ça soit dans l'individuel ou le collectif, à la même liste de médicaments, et les plafonds au-delà desquels les individus ne seront pas appelés à contribuer seront les mêmes partout. Est-ce que c'est assez comme contrôle, dans un régime public-privé, que l'État se garde au nom des citoyens ou si vous en avez des additionnels que vous voulez nous suggérer qu'on devrait considérer à court ou à moyen terme?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Rodrigue.

M. Rodrigue (Norbert): Merci, Président. Il faut faire attention, Présidente ou Président. Ha, ha, ha!

Regardons un petit peu la première question. Bien sûr, l'État va participer, ou les citoyens en général vont participer pour 800 000 000 $ au paiement, en solidarité avec les moins bien nantis, etc. Mais il nous semble, par ailleurs, vous savez, qu'à 30 000 $ on commence à payer de l'impôt un peu pour le régime de santé aussi. Historiquement, c'est une forme de solidarité aussi; c'est une forme de participation sociale. Et, à cet égard-là, on ne voit pas pourquoi la progressivité ne serait pas du tout présente de ce côté-là, à partir de 30 000 $.

Si on considère qu'il y a, en 1992, 400 000 contribuables au Québec qui gagnent entre 30 000 $ et 50 000 $ par année, on pense que l'examen de la possibilité de rendre plus progressive l'application de la prime pourrait agir sur d'autres caractéristiques du système aussi. Dans ce cadre-là, on fait une nuance entre le régime proposé et les régimes collectifs, par exemple, négociés avec le syndicat. Vous savez comme moi – parce que je n'en ai pas négocié beaucoup, deux, trois, dans ma vie! – que les régimes collectifs, bien sûr, contiennent des ingrédients de solidarité, etc. Mais, avant tout, c'est le calcul actuariel, c'est l'évaluation des risques de l'assureur. Le régime qui nous est proposé, il me semble en tout cas, il nous semble, comme Conseil, contenir des dispositions et une philosophie de protection sociale beaucoup plus basées sur ce qu'on est habitués à faire dans nos instruments publics depuis une trentaine d'années.

M. Rochon: Et qu'on impose au collectif jusqu'à une certaine mesure.

M. Rodrigue (Norbert): Effectivement, qu'on impose, d'une certaine manière, au collectif. Or, il me semble que c'est deux démarches différentes.

D'autre part, j'en profiterais pour vous dire que je suis un peu curieux à l'égard d'une question. Vous savez, il est fort à parier que malgré les commentaires souvent disgracieux, même démagogiques à l'endroit de la fonction publique, il me semble que la RAMQ, dans les circonstances, pourrait peut-être réussir à administrer, c'est-à-dire à être dans le groupe comme tout autre assureur et, probablement, à servir, dans un secteur intéressant en termes de secteur témoin et en termes de secteur d'attrait pour les non-assurés éventuellement, tenant compte de sa position, tenant compte de son rôle, tenant compte du fait que la RAMQ n'a pas de profits à réaliser. La RAMQ, c'est important, ses frais administratifs me semblent différents des assureurs. Ça se pourrait bien que, comme Québécois, moi, j'aimerais bien ça pouvoir m'assurer à mon institution publique, puis à un autre assureur si je décide autrement, mais avoir un choix. Si le privé ne peut à lui seul ni minimiser les risques, ni diminuer la couverture, ni augmenter la prime, la franchise et le pourcentage de coassurance, on a l'impression qu'il va aller chercher ses profits ailleurs. Il n'y a pas de miracle. Alors, ces profits, ça va être dans les coûts administratifs et dans la vente d'autres produits d'assurance, un autre menu, invalidité, etc. Alors, si on disait, pour le fun, que la RAMQ facture les coûts administratifs réels, tout le monde joue à la même «game», les assureurs privés et la RAMQ, et que le meilleur gagne. On a l'impression, M. le ministre, que ça pourrait être un facteur important. Et je vous dirais que, si c'était ça qui se produisait, je n'hésiterais pas à vous dire: Allez-y demain matin, parce que la situation serait différente, puis on pourrait la suivre différemment.

En ce qui concerne votre deuxième question, on n'a pas de solution miracle à proposer. Ce qui nous semble, nous, important, c'est d'être vigilant dans cette affaire-là, d'être capable de suivre l'évolution de ce régime-là, d'être capable, bien sûr, d'agir sur la prime, d'agir sur le déductible, d'agir sur le copaiement de manière à faire en sorte que le monde ait accès, que ce soit équitable ou que ce soit raisonnable le plus possible.

Il y a une chose qui est certaine – je reviens toujours avec la même question, la question de l'assureur public éventuel que pourrait être la RAMQ – il nous semble que, là, c'est déterminant. Si le secteur privé est laissé à lui seul... Bon, vous savez, vous connaissez un peu mon opinion là-dessus, je n'ai pas de réticence majeure dans la mesure où mon gouvernement me dit: On va suivre la situation de près. Et il faut dire que le marché qui s'ouvre, c'est un nouveau marché, M. le ministre. Les assureurs nous ont dit, ont réclamé d'être partie de la gestion. Au départ, j'avais compris, comme Conseil on avait compris ça aussi, qu'il y avait un perte potentielle, pour eux, dans l'assurance-médicaments. Mais, dernièrement, ils sont venus dire que les médicaments, ce n'est pas ça qui les payent, c'est d'autres possibilités, c'est le menu plus large qui est payant pour eux autres. Alors, c'est un marché de 1 200 000 personnes à peu près pour les assureurs privés. O.K., moi, j'en conviens. Puis on les aide un peu. Je ne dirai pas, comme je l'ai déjà dit, qu'on crée un bien-être social pour l'entreprise de l'assurance, mais on les aide un peu. Pourquoi pas la RAMQ à côté pour voir comment on peut se comporter publiquement et privément sur cette question-là?

C'est un peu ma réponse pour l'instant, on pourra revenir sur...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je ne veux pas vous arrêter, mais j'ai plusieurs députés qui ont déjà demandé la parole. Alors, le temps passe tellement vite. Le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci à vous d'avoir accepté l'invitation de la commission.

M. Rodrigue (Norbert): Ça me fait plaisir de vous revoir, monsieur.

M. Marsan: Oui, moi aussi. Peut-être juste avant de poser une question, si vous voulez, en quelques mots et très rapidement, juste nous situer un peu le Conseil de la santé et du bien-être, son mandat, de qui relève-t-il et comment sont nommés les membres du Conseil? En trois secondes.

M. Rodrigue (Norbert): Je vais répondre d'abord, parce que c'est une question subtile et imprudente, qu'on relève du ministre de la Santé et des Services sociaux. Ha, ha, ha!

Deuxièmement, son mandat, c'est de conseiller le ministre sur les moyens à prendre pour améliorer l'état de santé et le bien-être de la population en général. C'est son mandat plus spécifique. Et nous avons aussi un mandat relié à la politique de santé et bien-être quant à son évolution.

Je dois vous dire que, quand on a regardé ça, on s'est efforcé de regarder ça dans le sens, je dirais, de la responsabilité publique d'un organisme-conseil. On existe depuis deux ans et demi, on est composé de 23 membres, dont quatre non votants et 19 votants, qui est intersectoriel autant que possible.

(12 h 50)

M. Marsan: Je vous remercie pour ces informations. Ma première question irait dans l'affirmation que vous faites à la page 5. En effet, vous constatez un caractère équitable, mais j'ai l'impression que ç'aurait pu être entre parenthèses. Vous constatez que les moins bien fortunés auront peu ou n'auront pas à débourser de prime, que leur plafond de coassurance sera plus bas mais qu'ils auront une franchise à payer, et cela fera très mal pour certains d'entre eux. Ça, c'est le premièrement.

Deuxièmement, quant aux plus fortunés, les déboursés maxima seront les mêmes, quel que soit le revenu familial en haut de 30 000 $: 30 000 $ ou 150 000 $, c'est le même montant pour une même consommation.

Et vous dites enfin que le régime proposé maintient une application douteuse de taxation en matière d'assurance: les personnes couvertes par les régimes collectifs, eh bien, doivent en payer; celles dans une assurance privée individuelle, non.

Alors, j'aimerais que vous nous exposiez le principe d'équité sociale que vous avez trouvé dans cette loi.

M. Rodrigue (Norbert): Bien, écoutez, sur la question du fardeau pour les personnes moins bien nanties, etc., au Conseil, on est conscients que demander à quelqu'un, même s'il n'a pas à payer la prime à cause de ses revenus, d'avoir à absorber un déductible de 100 $, par exemple, puis un copaiement de 25 % jusqu'à concurrence de 300 $, ça peut être lourd dans plusieurs cas.

Par ailleurs, le Conseil est aussi conscient que la même personne, devant des risques de maladie ou devant des difficultés de santé, se trouve dans une situation tout à fait différente que si elle n'était point assurée, avec la présence d'un régime comme celui-là. C'est pour ça que nous proposons, par ailleurs, la progressivité en ce qui concerne la prime, en espérant – parce qu'on n'est pas des actuaires et, pour l'instant, on n'en a pas consultés non plus – que la distribution plus large de la prime par rapport aux échelles de revenus permette d'alléger un certain poids dans d'autres dimensions du régime. Et, à cet égard-là, ce qu'on se dit, c'est que l'équité sociale, ça ne passe pas toujours par, comment dirais-je, une garantie absolue que tout le monde va payer moins cher. Actuellement, on dit que le régime comporte ces iniquités.

Actuellement, si on regarde la situation, entre nous, on prend par exemple – j'ai essayé de me faire une liste de ça pour le fun – les iniquités qu'on retrouve dans le régime actuel: 2 $, si on a 65 ans et plus, on va chercher nos médicaments, on paie 2 $. Ma mère, elle me dit souvent: Je suis sûre que mémère puis Ti-Coune comprennent ça vite: ils dépensent 2 $ et ils ont leurs médicaments. C'est très intéressant. Les personnes aînées, elles ont participé et elles ont contribué beaucoup à l'édifice de notre protection sociale, mais on a tous contribué à la dette aussi. En tout cas, je pense qu'on a contribué à la dette collectivement aussi.

Gratuité chez les prestataires de la sécurité du revenu, incluant les aptes au travail: c'est important pour ces gens-là, majeur. Mais, si on continue, puis on considère que si on est «malades sur pied», ça nous coûte 2 $ pour avoir nos médicaments à l'hôpital, les incohérences, selon les CH, vis-à-vis de la clientèle ambulatoire... Vous connaissez ça, M. Marsan, vous avez été dans un hôpital, vous devez savoir ce que ça veut dire, ce que je viens de dire là. Chance pour plusieurs d'être couverts par des régimes collectifs négociés avec l'État-employeur. Il y a une chance là. Quant aux autres, ils paient leurs médicaments.

Alors, l'équité sociale, on la retrouve dans une nouvelle répartition de la charge et financière et sociale qu'un régime, perfectible nous l'admettons, pourrait apporter.

À la page 11 de notre mémoire, on dit que le fardeau financier est équitable. Mais, comme je le disais, c'est perfectible, il y a une place à l'amélioration. Alors, la progressivité, la RAMQ, toutes ces mesures-là, pour nous, c'est une place à l'amélioration.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Merci pour votre présentation ce matin, cet après-midi.

Avant de vous questionner un peu, je voudrais juste passer un commentaire – peut-être que si vous voulez faire des commentaires sur mon commentaire, vous pouvez – je trouve ça un peu surprenant qu'on prenne comme acquis qu'on puisse avoir un ticket modérateur, une coassurance, un copaiement sur les questions de médicaments. Il me semble que nous avons, peut-être, presque tout le monde... c'est presque un fait accompli qu'on doit demander plus aux malades de payer. Mais la loi qui contrôle le paiement et le système de santé partout au Canada dit que si c'est un acte médicalement nécessaire, ça va être assuré.

Il me semble que, peut-être, nous sommes allés trop vite juste sur le point de dire qu'effectivement les médicaments ne sont pas inclus par définition, par hasard, dans le passé, mais, maintenant, on peut taxer, on peut avoir tout un système de ticket modérateur et on peut aller jusqu'à un copaiement de plus ou moins 1 000 $.

Peut-être que le Conseil de la santé et du bien-être a eu une chance de faire quelques réflexions sur le principe de base: Est-ce que, effectivement, nous sommes en train d'aller dans la mauvaise direction? Est-ce qu'on doit aller vraiment dans l'autre direction et dire: Effectivement, c'était des actes qui sont «medically necessary», médicalement nécessaires? Je trouve que c'est un débat peut-être qu'on doit avoir avant la fin de cet exercice.

Je vous laisse le temps de répondre à ça, mais je vais demander une autre question. Vous avez parlé d'un copaiement à 100 % qui tombe à 25 %. Tout le monde va être bien content. Mais vous savez que le contraire, ce n'est pas nécessairement la bonne chose, et je n'ai pas entendu beaucoup, dans votre mémoire, peut-être que j'ai manqué ça, vos réflexions sur l'utilisation des médicaments, pas juste les coûts. Est-ce que vous avez une chance, comme Conseil qui donne des conseils directement au ministre, de faire quelques réflexions? Est-ce que ce copaiement, jusqu'à 750 $ et plus, va avoir un impact négatif sur l'utilisation et, par conséquent, un impact négatif sur le bien-être de la population québécoise?

M. Rodrigue (Norbert): Président, Jean-Bernard Trudeau, vice-président, va répondre à ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. Trudeau.

M. Trudeau (Jean-Bernard): Si vous êtes d'accord pour... J'aimerais, comme Conseil de la santé et du bien-être, vous ramener aussi à un premier avis qu'on a produit au mois de juin dernier, dans lequel ces questions-là étaient soulevées, toute la notion de la coassurance, du ticket modérateur, des tarifs. On a étudié cette question-là, et, de fait, quand on a reçu le document de l'assurance-médicaments, on était préoccupé. Parce que, dans cet avis-là, c'était clair, à partir des études qu'on avait regardées et de ce qui existe un peu partout dans le monde, qu'à partir du moment où il y a une notion de coassurance, de tarification, il y a un danger de dérapage au niveau du système. À tel point, face à toutes ces études-là qu'on avait faites et les recommandations aussi qu'on avait faites dans le cadre de notre avis, qu'on est actuellement, un autre comité, à regarder tout le rapport public-privé. Et ça nous inquiète beaucoup. Moi, je suis médecin de profession aussi, mais, au niveau du Conseil de la santé, il y a un souci important par rapport à cette notion-là. Et la notion par rapport à la médication d'amener, par exemple, la Régie de l'assurance-maladie du Québec comme un interlocuteur qui pourrait être important et qui pourrait compétitionner avec l'assurance privée, ça nous apparaîtrait, en tout cas, un filet de sécurité qui pourrait être quand même satisfaisant. Pour nous, c'est clair que c'est quelque chose qu'il faut suivre de près.

Et quand on regarde le «médicalement requis», comme vous l'avez amené, le «médicalement requis» est de juridiction provinciale. On peut voir qu'au niveau du «médicalement requis», à un moment donné, là aussi, il peut y avoir un dérapage par rapport à ce qui l'est ou ce qui ne l'est pas. À la limite, il y a les délais d'attente. Quand on est face à une situation «médicalement requis» et qu'il y a des délais d'attente pour avoir accès à ce médicalement requis là, jusqu'à quel point on n'ira pas acheter ce délai d'attente.

Toute l'infiltration du privé nous inquiète beaucoup, tout le pourcentage de ce qui est la contribution du privé dans les dépenses totales de santé versus la contribution publique nous interpelle et ça amène, au niveau du Conseil, beaucoup de réflexion à ce niveau-là.

Dans ce qu'on avait produit, c'était clair que, pour nous autres, à court terme, la coassurance, ça pouvait avoir des effets bénéfiques, mais, à moyen et long terme, il fallait suivre ça de près pour éviter que les dépenses totales de santé ne deviennent trop importantes et prennent un pourcentage trop grand au niveau du PIB.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Une autre question, M. le député, une dernière.

(13 heures)

M. Williams: Oui, une dernière question. Merci, M. le Président.

À la page 10 de votre mémoire, vous avez mentionné la possibilité éventuelle d'intégration des enveloppes fermées d'assurance-médicaments. Si j'ai bien compris cette idée des enveloppes fermées pour les médicaments, il y a une possibilité que ce gouvernement puisse arriver avec une enveloppe fermée et, une fois que c'est vidé, le gouvernement va dire: «Just too bad», on ne paie pas pour ça. Si mon interprétation, si l'interprétation est correcte, j'espère que le Conseil de la santé et du bien-être va sortir carrément contre, malgré sa proche relation avec le ministre. J'espère que j'ai peut-être fait une mauvaise interprétation de cette possibilité. Voulez-vous expliquer un peu plus ce que vous voulez dire sur les enveloppes fermées d'assurance-médicaments? Et, si j'ai eu la bonne interprétation de ça, est-ce que vous pouvez vous prononcer contre ça tout de suite?

M. Rodrigue (Norbert): M. Williams, je voudrais vous dire d'abord que notre Conseil, y compris moi-même, avons été nommés par votre parti politique quand il était au pouvoir. Alors, les relations proches avec le ministre, elles étaient aussi proches dans le temps qu'elles le sont aujourd'hui.

M. Williams: Je pense que je n'ai pas dit le contraire.

M. Rodrigue (Norbert): J'ai bien compris, mais je voudrais qu'on se comprenne bien.

M. Williams: Oh oui!

M. Rodrigue (Norbert): Alors, sur cette question-là...

M. Williams: Et, sur les questions fondamentales, malgré le ministre, j'espère que vous allez avoir une chance de donner un bon conseil, effectivement.

M. Rodrigue (Norbert): Oui, oui. Sur les questions fondamentales, comme disait le Dr Trudeau, on a regardé cette question. Et d'ailleurs, ça fait partie d'une grande partie de notre mémoire d'alerter le gouvernement sur ce risque de dérapage concernant le copaiement, concernant les tickets modérateurs, etc.

On a été placé, comme vous probablement, comme Conseil, dans cette analyse, on a été placé un peu dans un paradoxe par rapport à nos croyances fondamentales, les valeurs de la société québécoise depuis 30 ans, et l'obligation de considérer la couverture pour 1 200 000 personnes qui ne sont pas assurées. Et, de là, on est parti du 100 % à 25 % pour essayer de voir quel impact ça avait, pour en arriver à la conclusion, sous condition d'un certain nombre de choses à surveiller de près, d'un certain nombre de conditions, comme on le propose, qu'il valait mieux couvrir, même avec un régime mixte, qu'il valait mieux couvrir l'ensemble de la population que de ne pas la couvrir. Et on continue de dire que c'est perfectible jusqu'à sa limite.

Pour les enveloppes, en ce qui concerne les enveloppes, c'est parce que, dans notre avis de juin dernier, on a proposé au ministre responsable de suggérer au gouvernement d'examiner l'intégration de nos régimes d'assurance. Vous savez qu'on a un régime d'assurance-hospitalisation, un régime d'assurance-maladie, un régime d'assurance-médicaments. Ce sont des régimes qui ne sont pas intégrés les uns aux autres, qui, parfois, nous créent des problèmes, parfois ne se parlent pas, et ça a des effets qui portent sur l'ensemble de notre comportement. Alors, on avait proposé d'examiner l'intégration, M. le Président. Et la question qu'on pose, c'est: Est-ce que le régime nouveau peut empêcher cette intégration ou si c'est une réponse à notre question et si, au plan de la régionalisation, ça demeure, à court terme ou à moyen terme, une chose possible? C'est juste ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il est 13 heures. J'aurais besoin du consentement pour continuer. Consentement accordé? Il me reste l'intervention de la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Une voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, je vais la prendre quand même. Il me reste Saint-Henri–Sainte-Anne, le député de Lévis et le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui aura une question et qui fera la conclusion, ainsi que le ministre. Tout ça pour vous dire qu'il reste quand même passablement d'interventions, et j'apprécierais que les réponses soient plus courtes. Vous avez un complément de réponse, je pense?

M. Archambault (André): Très rapidement, sur la question de l'équité. Effectivement, ce qui nous semble équitable, c'est que les gens qui n'étaient pas couverts le soient maintenant. Ce qui nous apparaît très inquiétant – puis je pense que la plupart des gens du Conseil avaient cette inquiétude-là – c'est qu'il y a des gens qui passent de zéro à 25 % qui ont très peu de moyens. Pour eux autres, 300 $ sur 6 000 $ ou 7 000 $, ça représente beaucoup plus que ce que les gens qui ont au-dessus de 30 000 $ pourraient payer de plus si, effectivement, il y avait une plus grande progressivité. Donc, s'il y avait peut-être plus de progressivité sur les plus de 30 000 $, on pourrait peut-être, à ce moment-là, permettre aux gens qui ne paient pas présentement de continuer de ne pas payer. À plusieurs égards, je pense que, là, il y aurait quelque chose, sûrement, il y aurait un transfert d'un bout à l'autre du continuum.

Sur la question de la consommation et des copaiements comme effets pour réduire ces éléments-là, au niveau du Conseil, on considérait, dans le premier avis, que c'était beaucoup plus du côté des producteurs et des distributeurs de services qu'il y avait un effort à faire.

Au niveau des coûts des médicaments, il semble y avoir une difficulté à les contrôler. Quand on pense qu'au niveau des entreprises pharmaceutiques il y a peut-être 10 % qui va en recherche et développement dans le chiffre d'affaires alors qu'il y a 20 % qui va sur le marketing, marketing déductible d'impôts, et qu'il y a une marge de profit qui varie de 11 % à 20 %, je pense qu'il y a effectivement là un effort qui devrait être fait et qui nous permettrait peut-être de réduire la facture.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Oui, merci, M. le Président. Dans le même sens, dans votre mémoire, vous faites mention de, justement, la notion d'accès équitable versus le caractère de la solidarité sociale. Moi, j'aimerais vous parler des bénéficiaires de l'aide sociale. Même quand on parle des bien nantis versus les moins bien nantis, moi, je mets cette catégorie-là même en bas des moins bien nantis; c'est des gens qui vivent déjà sous le seuil de la pauvreté.

Il faut regarder ce que le gouvernement a fait depuis les derniers mois. Ces gens-là, les prestataires de l'aide sociale qui sont participants, ont subi une coupure de 50 $ ou de 30 $ sur leurs prestations, dépendamment s'ils étaient sous le barème «disponibilité» ou «participant». On leur demande aussi un effort supplémentaire parce que le gouvernement s'est désengagé au niveau des soins dentaires, du service optométrique. On dit maintenant aux nouveaux demandeurs qui vont aller faire une demande à l'aide sociale: Vous devez arriver avec les poches vides, aucune économie à la banque. Quand vous allez arriver maintenant à l'aide sociale, vous devez vider votre compte de banque. Et là on apprend, M. le Président, qu'on leur demande un fardeau supplémentaire au niveau du logement, parce qu'on vient d'annoncer une réduction à l'allocation-logement hier, et l'allocation-logement va toucher 90 000 familles, et qui devront devoir... Comme une famille, actuellement, monoparentale avec deux enfants, reçoit pour se loger 83 $ comme aide du gouvernement, ce 83 $ là va fondre à 20 $. Alors, il y a un fardeau supplémentaire, pour le même barème de prestations, de 63 $. Et on annonce aussi que la catégorie «soutien financier» qui... Ça, ce sont les personnes; 105 000 familles, ménages, ne recevront plus l'indexation annuelle que ces familles-là recevaient.

Alors, moi, je vous demande si c'est raisonnable et même rationnel de demander à des familles, à des gens qui vivent déjà sous le seuil de la pauvreté, qui déjà n'arrivent pas à boucler les fins de mois, s'il est raisonnable de leur demander une contribution financière pour l'assurance-médicaments, ou si vous allez dans le sens du rapport Camil Bouchard, ou même de M. Castonguay et d'autres groupes qui sont venus nous rencontrer qui disent que, si le gouvernement a l'intention de demander aux prestataires de l'aide sociale une contribution financière pour l'assurance-médicaments, il devra, de l'autre côté, hausser les barèmes des prestataires de l'aide sociale.

M. Rodrigue (Norbert): Bien, peut-être qu'André pourra ajouter, mais, rapidement, ça nous préoccupe, on vient de l'exprimer. Ça nous préoccupe aussi parce que, la situation socioéconomique, on la connaît tous. C'est pour ça qu'on pense que la RAMQ doit jouer un rôle majeur en termes de compétition avec les assureurs privés. C'est pour ça qu'on pense que la prime doit être bien examinée en termes de progressivité, pour essayer d'amoindrir le fardeau.

M. Archambault (André): Bien, je dirais, pour avoir travaillé avec des jeunes qui sont souvent, et trop souvent, malheureusement, clients chez Mme Harel, effectivement, que la situation n'a pas cessé de se détériorer pour eux et, effectivement, ça risque d'être un fardeau qui amène au point de rupture. C'est-à-dire qu'à un moment donné il y a des choses qui ne sont plus possibles. Cependant, effectivement, si un régime d'assurance-médicaments permet à plus de monde d'accéder, il faut que ce soit fait de façon plus progressive. Donc, dans ce sens-là, je pense que, oui, il faut transférer; le fardeau qu'on fait porter aux plus démunis, il faudrait le transférer vers ceux qui en ont plus. Que des gens qui gagnent au-dessus de 150 000 $ paient la même chose que deux personnes, un couple, qui gagnent à eux deux 30 000 $, avec des enfants, c'est là que ça devient impossible à vivre pour ceux qui sont au bas de l'échelle, dont une majorité grandissante de jeunes qui sont de plus en plus désespérés. Ça va leur prendre beaucoup, beaucoup de médicaments pour passer à travers cette déprime-là et, ça, ça va nous coûter très cher, parce qu'ils sont... et ils sont de plus en plus sollicités à en prendre, de toute façon.

M. Rodrigue (Norbert): Si le président me le permet, juste une petite parenthèse. Je voudrais dire à madame que, au-delà de ces préoccupations-là, le Conseil est très préoccupé aussi par les perspectives de développement économique, parce qu'on ne pourra pas ratatiner jusqu'à disparaître, il va falloir qu'on travaille beaucoup sur les perspectives de développement économique, d'accompagnement du développement social et du développement économique pour atténuer ces impacts-là. Si on ne règle pas le problème de notre dette, par exemple, où on paie 6 500 000 000 $ d'intérêts cette année, c'est nos régimes sociaux qui vont ratatiner. Alors, on va devoir travailler collectivement à ça sûrement, sûrement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière question, Mme la députée.

(13 h 10)

Mme Loiselle: Oui. Est-ce que vous avez analysé l'impact, justement, de l'effet pervers de demander aux prestataires de l'aide sociale une contribution financière? Tous les groupes sont venus nous dire que, si on faisait ça, on mettait en péril leur santé, parce que ces gens-là n'ont plus le choix. Ils devront soit couper dans la nourriture ou se priver de médicaments. Avez-vous fait cette analyse-là?

M. Rodrigue (Norbert): Bien, on n'a pas besoin de la faire, on la partage, madame. Ça fait des années qu'on travaille sur les grands déterminants de l'état de bien-être et de l'état de santé de la population puis qu'on sait que ce n'est pas notre réseau de services qui est le meilleur répondant, même s'il est nécessaire, qu'on sait que le travail, que l'environnement, que le chômage, etc., sont des causes majeures à l'état de santé ou à l'état de bien-être de la population. Et, à cet égard-là, on n'a pas eu besoin de faire l'analyse, on est convaincu, comme Conseil, de ça, et on y travaille. On travaille actuellement, par exemple – je ne l'apprends pas, j'espère, au ministre, là, mais je pense que je le lui ai déjà souligné – sur un avis à soumettre sur la réinsertion au marché du travail des exclus du marché du travail. En 1994, on avait 1 128 000 personnes d'exclues du marché du travail au Québec. Il faut travailler à ça, comment on corrige ces situations-là si on veut trouver un équilibre quelque part. Sans ça, on ne s'en sortira pas, on va tous être à la même place dans cinq ans.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Lévis, et on terminera avec le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Garon: J'ai écouté attentivement et, quand vous avez parlé de demander au ministre d'être méfiant dans les partages de responsabilités entre l'État puis les compagnies privées, vous m'avez rappelé un souvenir. Je ne sais pas si vous l'avez étudié, parce qu'il y a un bon exemple de ça.

J'étais, à ce moment-là, dans le siège du député de Robert-Baldwin et, quand le ministre responsable des assurances était venu pour établir un nouveau régime avec un fichier central administré conjointement par les compagnies d'assurances privées de dommages et la Société de l'assurance automobile, à ce moment-là, moi, j'avais posé la question, comme député de l'opposition, parce qu'on disait qu'on voulait établir une prime en tenant compte des responsabilités. Si vous avez fait des accidents dont vous êtes responsable, vous n'êtes pas responsable. Et, moi, ma méfiance... Puis là il en était venu, des actuaires, tu sais, qui nous rassuraient. On avait même l'Inspecteur général des institutions financières qui nous rassurait à tour de bras, hein – je l'ai rappelé, lui, par après, par exemple, plusieurs fois – et qui nous disait: Ah! il ne faut se méfier de rien, tout est correct. Sauf que, ce qu'on nous avait dit, c'était des menteries. Parce que, moi, j'avais dit: Ma crainte, c'est qu'on se serve de ce régime-là éventuellement pour faire payer des gens qui ne sont coupables de rien, qui ne sont responsables de rien. Et c'est exactement ce qui est arrivé. Finalement, on était le seul endroit, apparemment, même, en Amérique du Nord où, quand on n'était pas responsable d'un accident, on avait une augmentation de prime parce qu'on avait été impliqué dans un accident, même si on n'avait aucune responsabilité. Et je l'ai vécu personnellement, moi. On a arrêté de m'assurer parce que mon pare-brise a été brisé deux fois dans l'année par un camion qui garrochait une roche, si vous voulez. On a dit: Bon, c'est trop, deux fois. Mais j'ai dit: Oui, mais je suis responsable de quoi, là-dedans, quand la roche arrive dans le pare-brise?

Les compagnies ont augmenté, puis on a dit, même, et ça avait été dit dans les journaux, qu'on était le seul endroit en Amérique du Nord où les primes augmentaient, pour des gens qui n'étaient pas responsables d'un accident, parce qu'on avait donné un moyen aux compagnies d'assurances, à mon avis, d'être dans une situation un peu de cartel. La compagnie se disait: Bien, je m'en fous, si tu ne t'assures pas avec moi, si tu vas à l'autre, elle ne t'assurera pas davantage. Avec un fichier qui procédait d'une bonne intention, mais qui créait une dynamique différente. Je ne sais pas où c'est rendu maintenant. J'avais appelé, après ça, souvent, l'Inspecteur général des institutions financières et dit: Qu'est-ce que vous allez faire maintenant? Ce que vous avez dit, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas ça qui est arrivé. Allez-vous dire quelque chose publiquement? Il ne disait rien. Non, non, ça va s'arranger. Il n'arrivait rien.

Alors, c'est sur ça que je veux attirer l'attention du ministre: que, si on veut étudier un cas, il y en a un, cas, où les actuaires, l'Inspecteur des institutions financières avaient dit qu'il n'arriverait rien, mais il était arrivé que les gens payaient. Alors, pourquoi? Parce que le projet de loi se fiait un peu à la parole des institutions. L'Inspecteur général des institutions financières, qui se méfiait de ça? Il était là pour nous protéger.

Sauf que, dans la réalité, c'est arrivé, et je porte ce cas-là à l'attention. Ce serait bon d'étudier comment la dynamique pourrait jouer dans le cas qui nous concerne, l'assurance-médicaments, quand ça a joué de telle façon avec l'assurance automobile, avec les compagnies privées d'assurance de dommages puis avec la Société d'assurance automobile du Québec, qui avaient fait ensemble un fichier central.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député, de votre avis. C'est plutôt un avis qu'une question. Si vous voulez faire un court commentaire, parce qu'il faut que je termine.

M. Rodrigue (Norbert): C'est un appel que je voudrais faire à l'ensemble des parlementaires – vous le verrez dans le mémoire – très rapidement. Simultanément à l'étude de ce projet, il y a un débat à la commission des institutions portant sur l'article 20 de la Charte des droits, juste pour vous alerter là-dessus. Je pense que le ministre, notamment, devrait porter attention à ça; ça porte sur la discrimination pour état de santé, et il faudra surveiller comment ça évolue, les deux en parallèle, régime et Charte.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie... une dernière intervention, très courte.

M. Archambault (André): Sur la question de l'évolution du régime, je pense qu'il serait aussi important de noter qu'on propose que les consommateurs, que les gens qui vont utiliser les services soient réintroduits dans les processus qui vont permettre de contrôler ce régime-là, et, ça, ça m'apparaît important, parce qu'on l'oublie malheureusement trop souvent. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Dernière intervention, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, et votre conclusion.

M. Copeman: Ça va être très bref, M. le Président. Vous avez certaines préoccupations dans le même ordre d'idées que ma collègue, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, au sujet de l'impact de la prime-franchise–coassurance sur les personnes à très faibles revenus. Je trouvais que la position du Conseil était, pour reprendre le mot du président, subtile dans son mémoire, mais beaucoup plus claire dans le questionnement en réponse à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Alors, ça me satisfait beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Vous pouvez procéder à votre conclusion.

M. Copeman: Merci. Bien, en notre nom, je vous remercie, messieurs, pour votre présentation. C'est toujours d'un intérêt certain d'entendre les divers conseils du gouvernement mandatés pour conseiller les ministres sur les projets de loi qui sont devant l'Assemblée nationale, dans ce cas-ci le Conseil de la santé et du bien-être, mandaté pour conseiller le ministre de la Santé. Et on tient bonne note des suggestions, des commentaires que vous faites dans votre mémoire, et je suis convaincu que le ministre en tient bonne note aussi. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Oui, merci, M. le Président. Je vous remercie beaucoup, les membres du Conseil. Vous dites, au début de votre mémoire, que l'initiative se situe dans la continuité de ce qui avait été entrepris par notre et nos prédécesseurs, ce qui est absolument exact, et vous avez dû rappeler que, même la contribution du Conseil, il y a là aussi une continuité avec un organisme qui a été créé par l'ancien gouvernement et dont le président et la composition, aussi, ont été déterminés par l'ancien gouvernement. C'est une continuité qu'il faut protéger dans notre système de santé parce qu'elle remonte à assez loin, et j'espère qu'on va continuer à la respecter.

Merci de votre contribution, comme je le disais au début, qui sont toujours des contributions de bon calibre, et on va sûrement prendre bonne note de ce que vous nous dites, là, dans les ajustements qu'on peut essayer de faire pour renforcer encore, si c'est possible, l'équité dans un régime dans ce genre-là, et aussi des commentaires que vous nous faites sur l'importance des contrôles et du suivi du système, parce que, comme tout nouveau système, on va apprendre des choses en le mettant en application, on va apprendre des choses en le gérant, il va falloir être capables d'intégrer ça à mesure et d'améliorer le système à mesure qu'on avance. Alors, merci infiniment.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. Les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 18)

(Reprise à 15 h 14)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Nous recevons maintenant les représentants de la Fondation québécoise du cancer. Bienvenue, au nom de la commission. Je vous invite d'abord à vous présenter, noms et fonctions, et ensuite à prendre votre 20 minutes de remarques préliminaires, et il y aura échange tout de suite après.


Fondation québécoise du cancer (FQC)

M. Ayoub (Joseph): Merci, M. le Président. Les membres du groupe de travail de la Fondation. À ma droite, j'ai M. Marcel Marion, qui est consultant pour la Fondation québécoise du cancer, M. Guy Germain, qui est le directeur général de la Fondation québécoise du cancer. Et, à ma gauche, j'ai M. Visal Uon, qui est président du regroupement des pharmaciens en oncologie de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec, et moi-même, Joseph Ayoub, secrétaire de la Fondation québécoise du cancer et directeur de la recherche clinique au Centre de recherche Louis-Charles-Simard de l'hôpital Notre-Dame.

M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, la Fondation québécoise du cancer se réjouit du projet du gouvernement d'instaurer un régime universel d'assurance-médicaments. Ce régime mettra fin à des iniquités qui prévalaient entre certaines catégories de citoyens. La Fondation québécoise du cancer fait donc écho avec plusieurs organismes ou associations qui ont félicité le gouvernement d'entreprendre cet audacieux projet. Il s'agit d'un ajout majeur et longtemps espéré au programme de santé de l'État.

Les motifs sous-jacents à la mise sur pied d'un tel régime inquiètent cependant grandement la Fondation, car les visées du gouvernement sont manifestement plus économiques que sociales. La Fondation craint que, dans la foulée de l'adoption précipitée de la loi instaurant le régime d'assurance-médicaments, les malades pour lesquels elle oeuvre depuis 17 ans, les cancéreux, y perdent au change ou n'y gagnent pas grand-chose. Compte tenu du grand nombre de personnes atteintes du cancer au Québec, toute économie sur les médicaments reliés aux soins de ces personnes constituerait un avantage financier notable. Mais là ne devrait pas être l'objectif premier du programme.

Les cancéreux subissent déjà les inconvénients des procédures gouvernementales concernant la détermination des médicaments d'exception pouvant être payables par l'État. En effet, le Conseil consultatif limite l'utilisation de médicaments à certains stades de certains cancers, alors que d'autres indications pourraient être appropriées. Par ailleurs, le Comité d'experts sur l'assurance-médicaments recommande que le régime de base ne couvre pas les médicaments utilisés par les personnes hospitalisées puisque celles-ci sont déjà couvertes par le régime d'assurance-hospitalisation. Or, les hôpitaux n'auront-ils pas tendance à prendre des décisions en fonction de leur situation économique? Et, en ambulatoire, les médicaments seront-ils tous couverts par l'assurance-médicaments? N'y a-t-il donc pas un risque de créer des iniquités en créant deux systèmes, un en hospitalisation et un autre en ambulatoire?

Cependant, la principale inquiétude de la Fondation provient du fait que le Comité d'experts sur l'assurance-médicaments met grandement l'accent sur la gestion des coûts des médicaments et fait peu référence à la gestion des soins, qui devrait être prépondérante à la gestion des médicaments. Comme l'a souvent mentionné la Fondation dans d'autres documents, et je cite principalement le «Mémoire sur la lutte contre le cancer au Québec», que nous avons présenté à la commission d'enquête Rochon sur la santé en avril 1986, avec le Dr Pierre Audet-Lapointe, président de la Fondation québécoise du cancer, ainsi que le rapport du comité ministériel sur l'organisation des services en cancérologie au Québec, en mars 1992, nous avons déjà mentionné qu'une meilleure organisation des soins amènerait nécessairement une meilleure utilisation des différentes thérapies, et particulièrement de la thérapie médicamenteuse.

Que veut donc la Fondation québécoise du cancer? La Fondation veut, en un premier temps, sensibiliser le gouvernement aux aspects du régime d'assurance-médicaments proposé touchant plus spécifiquement les personnes atteintes du cancer. La Fondation fait également des recommandations pour que ces personnes soient plus en mesure de recevoir le bon médicament au bon moment dans le cadre de protocoles de traitement bien identifiés par la communauté oncologique. Une de ces recommandations est d'ailleurs de mettre sur pied un comité multidisciplinaire en cancérologie pour déterminer les médicaments pouvant se retrouver sur la liste des médicaments assurables.

(15 h 20)

Mais quelles sont les caractéristiques des médicaments pour les personnes atteintes de cancer? Premièrement, la disponibilité des médicaments, dans le cadre de l'assurance-médicaments, constitue un enjeu très important pour les patients atteints de cancer et pour ceux qui travaillent à leur guérison ou à l'amélioration de leur qualité de vie. La chimiothérapie est fréquemment utilisée, que ce soit dans une optique adjuvante ou encore comme principale modalité thérapeutique à visées palliatives ou curatives. Ainsi, on dénombre environ une soixantaine de médicaments régulièrement utilisés dans des épisodes de soins touchant les malades en question, chaque type de cancer nécessitant une panoplie de médicaments différents. En ajoutant les agents adjuvants essentiels, on peut retrouver facilement, dans la pharmacie d'un hôpital, environ 75 médicaments destinés à des patients atteints de cancer.

Le deuxième point, c'est l'accessibilité à la chimiothérapie. Cela prend toute son importance lorsqu'on constate qu'au Québec il y a près de 30 000 nouveaux cas de cancer par année. Une personne sur trois sera atteinte d'un cancer au cours de sa vie. Ainsi, la fréquence du cancer augmentant avec l'âge, on observera une augmentation du nombre de cas au cours des prochaines années.

Un autre aspect majeur à considérer dans le dossier des médicaments pour les patients cancéreux est leur coût souvent élevé. En effet, pour un seul patient, il n'est pas rare que le coût du traitement s'élève à plus de 10 000 $ uniquement en ce qui a trait aux médicaments. Il faut mentionner que le résultat des nombreuses recherches en oncologie est l'identification de nouveaux médicaments. Or, les médicaments d'origine sont très dispendieux. Malgré ces éléments, les coûts des médicaments antinéoplasiques fournis par les hôpitaux du Québec aux patients cancéreux s'élèvent à moins de 20 000 000 $ par année, ce qui est marginal par rapport à l'ensemble des dépenses pour les médicaments, qui se chiffre à 2 500 000 000 $. Cela signifie que toute économie abusive réalisée sur le dos des cancéreux pourrait être minime comparativement au tort qu'elle pourrait engendrer.

Et, finalement, une autre particularité de la chimiothérapie est qu'elle se donne surtout en centre hospitalier, en mode ambulatoire. Étant donné les caractéristiques des médicaments antinéoplasiques, ceux-ci doivent être donnés sous surveillance médicale étroite. Même les médicaments doivent être préparés dans des conditions, avec des équipements techniques que l'on ne retrouve habituellement pas en clinique privée. Ceci a comme conséquence qu'en vertu de la circulaire «malades sur pied» les malades peuvent recevoir ces médicaments gratuitement, mais, en corollaire, cela signifie que ce sont les centres hospitaliers qui doivent se débrouiller pour leur fournir ces médicaments dans le cadre d'une enveloppe budgétaire généralement insuffisante pour répondre aux besoins.

Avant de passer aux commentaires spécifiques, j'aimerais faire un commentaire général. Le principal commentaire que la Fondation québécoise du cancer veut formuler à l'égard du régime d'assurance-médicaments proposé a trait au fait qu'il met surtout l'accent sur la gestion des coûts des médicaments plutôt que sur la gestion optimale des soins. La Fondation est d'accord qu'on recherche des moyens pour éliminer les vices du système générant une facture démesurée par rapport à ce qu'elle devrait être, mais ces préoccupations devraient être subordonnées à une organisation optimale des soins et services de santé à la population. Sans cette organisation optimale dont la Fondation québécoise du cancer, à plusieurs reprises, a fait état dans ses documents, le régime d'assurance-médicaments risque d'entraîner des conséquences importantes pour la santé même de nombreuses personnes. Ainsi, si un médicament n'est pas assuré en raison de la lenteur ou de l'inaptitude du système à reconnaître l'efficacité d'un tel médicament, la nouvelle politique du gouvernement par rapport aux médicaments anticancéreux entraînera d'autres genres d'iniquités permettant aux biens nantis de se procurer de toute façon les médicaments, alors que les autres devront s'en passer. Cette situation pourra entraîner par le fait même des coûts autrement évitables comme une chirurgie importante ou de la radiothérapie, en plus de tous les coûts indirects liés à l'absentéisme ou à l'arrivée précoce d'un handicap majeur.

Face à cette orientation mercantile que prend le régime d'assurance-médicaments, la Fondation formulera des recommandations précises. Mais, avant cela, j'aimerais parler des risques que court la population atteinte d'un cancer en fonction de plusieurs éléments du projet d'assurance-médicaments.

Premièrement, modalités d'inscription sur la liste des médicaments assurés. Un des volets majeurs de l'assurance-médicaments pour la cancérologie a trait aux modalités par lesquelles les médicaments pouvant être bénéfiques aux malades cancéreux seront ou ne seront pas inscrits sur la liste des médicaments assurés, car le régime d'assurance-médicaments ne couvrira que les médicaments prescrits qui seront inscrits sur cette liste. De plus, même si des médicaments se retrouvent sur la liste, leur assurabilité peut être limitée s'ils se trouvent dans la catégorie des médicaments d'exception, car, à ce moment-là, ils ne sont payés que pour certaines indications thérapeutiques. Or, les médicaments antinéoplasiques entrent fréquemment dans cette catégorie de médicaments d'exception.

La chimiothérapie constitue une sphère d'activité très complexe qui évolue très rapidement, au rythme des nombreuses recherches et des multiples essais cliniques. Un médicament originalement prévu pour une indication peut, quelques mois ou années après son arrivée sur le marché, être considéré comme efficace par rapport à d'autres indications. Or, les instances décisionnelles actuelles ont tendance à ne reconnaître que les premières indications spécifiées par le fabricant. En bout de ligne, il devient donc très difficile de faire autoriser certaines indications liées à certains médicaments même si ces indications sont scientifiquement reconnues par le milieu de la cancérologie.

Les médicaments de pointe posent un problème particulier. En chimiothérapie, on retrouve un grand nombre de médicaments de pointe, et ceci pose souvent un problème, comme nous l'avons vu précédemment, car leurs indications évoluent quelquefois rapidement. Je vous donne deux exemples pour étayer cette situation particulière. Le cas du Taxol illustre bien la problématique des médicaments dits de pointe. Mis en marché depuis maintenant trois ans pour le traitement de deuxième ligne des cancers récidivants de l'ovaire et du sein, il est utilisé actuellement par la communauté oncologique pour les cancers ovariens en première ligne. Or, présentement, la Régie de l'assurance-maladie ne paie le Taxol qu'en deuxième ligne et non en première ligne.

Un autre exemple est le facteur de croissance ou G-CSF, dont l'utilisation pour certaines indications est reconnue par la communauté scientifique mais non encore approuvée par le Conseil consultatif de pharmacologie. Or, l'utilisation du facteur de croissance dans le cadre de ces nouvelles indications optimise la thérapie, réduit les complications cliniques et améliore le coût-efficacité de la thérapie. De plus, certaines compagnies d'assurances privées ont refusé récemment de couvrir les frais encourus par des patients suite à un traitement au facteur de croissance. Dans ces circonstances, le malade est pris entre l'arbre et l'écorce avec des directives contradictoires des compagnies d'assurances privées, des médecins et de la Régie.

(15 h 30)

Nous avons donc des exemples de médicaments de pointe qui, à ce jour, sont sous-utilisés pour des raisons d'ordre principalement monétaire. Plusieurs patients en sont privés dans des situations où le médicament est clairement souhaitable. Les indications d'utilisation s'élargissent et nous craignons que de plus en plus de contraintes n'en limitent l'usage. Il nous paraît donc impératif que tout système d'assurance-médicaments puisse rapidement s'ajuster à l'arrivée de nouveaux médicaments de pointe et, après consultation avec un comité d'experts, s'assurer que le médicament sera disponible et les indications d'utilisation mises à jour en fonction des résultats des études cliniques les plus récentes.

Le troisième point est le paiement des médicaments en milieu hospitalier. Dans le régime d'assurance-médicaments proposé, on ne prévoit pas couvrir les médicaments utilisés par les personnes hospitalisées puisque celles-ci sont couvertes par le régime d'assurance-hospitalisation. Or, d'une part, une grande partie des médicaments antinéoplasiques se donne à l'hôpital, en ambulatoire, et, d'autre part, les budgets pour les médicaments dans les hôpitaux constituent des enveloppes fermées. Comme la situation existe déjà et que la tendance est à la réduction des budgets, de plus en plus de malades risquent de ne pas avoir les médicaments au moment opportun. Cette situation va donc à l'encontre du principe véhiculé par le projet même de l'assurance-médicaments qui proclame que tous les citoyens ont droit à la même couverture de soins, quels que soient la nature de leur maladie et l'endroit où ils sont traités. Nous pensons donc qu'il serait beaucoup plus équitable d'assurer tous les citoyens de la même façon, quel que soit l'endroit où ils sont traités, c'est-à-dire en centre hospitalier comme en ambulatoire, sinon les personnes cancéreuses, et elles sont très nombreuses, risquent de faire partie d'une classe à part face à l'assurance-médicaments, puisqu'elles reçoivent très fréquemment leurs médicaments majeurs en ambulatoire.

Donc, quatrièmement, je passe aux instances décisionnelles pour le choix des médicaments de pointe. En regard des médicaments coûteux, le Comité d'experts sur l'assurance-médicaments entrevoit différents mécanismes pour réduire la facture de l'État ou, du moins, pour la maintenir à un niveau le plus bas possible. Le Comité recommande ainsi que le rôle du Conseil consultatif de pharmacologie soit intensifié dans le cas de l'évaluation de nouveaux produits coûteux, un lien devant absolument exister entre la recommandation d'inscrire un nouveau médicament sur la liste, les contraintes budgétaires du gouvernement et la nécessité d'une allocation efficiente des ressources. La Fondation convient que la décision d'inscrire un médicament sur la liste doit se prendre dans un cadre d'analyse très sérieux. Néanmoins, elle se demande si le Conseil consultatif de pharmacologie n'agira pas davantage dans une optique de gestion des coûts que dans une optique de gestion optimale des soins.

La Fondation se demande également si le Conseil consultatif de pharmacologie dispose de toutes les ressources pour faire une évaluation très rigoureuse des plus récents développements dans un domaine aussi complexe que les médicaments dans le secteur de la cancérologie. Sans présumer, il y a actuellement... Nous savons qu'il y a actuellement un Comité consultatif sur le cancer qui est en action et que, sans présumer des recommandations spécifiques qui seront prises par ce Comité, on peut être passablement certain qu'il préconisera un meilleur encadrement des soins et services de santé pour les personnes atteintes du cancer. Il découle des propos précédents que, parmi les comités spécialisés recommandés par le Comité d'experts, devrait figurer celui d'un comité multidisciplinaire en cancérologie. Et, finalement, il y a quelques commentaires que nous avons mentionnés dans notre document sur l'administration, la coordination et le pouvoir de décision.

En conclusion, la Fondation craint que, dans le cadre du régime d'assurance-médicaments proposé, l'accessibilité à certains médicaments pour les personnes atteintes du cancer soit plus limitée alors qu'elle l'est déjà trop. Pour la Fondation, la seule façon de fournir aux cancéreux les médicaments requis par leur état de santé, tout en évitant les abus et le gaspillage et même de permettre des économies, est de subordonner la prescription de médicaments à une gestion optimale des soins.

Finalement, la Fondation québécoise du cancer recommande les points suivants. Premièrement, que le régime d'assurance-médicaments soit davantage orienté vers une gestion optimale des soins que vers une gestion basée principalement sur les coûts des médicaments et que les différentes instances décisionnelles concernées dans le fonctionnement de ce régime tiennent compte de ce principe.

Deuxièmement, que le régime d'assurance-médicaments s'applique autant en milieu hospitalier qu'en ambulatoire de façon à ce que la fourniture de médicaments ne soit pas fonction de la situation budgétaire des hôpitaux.

Troisièmement, qu'un comité multidisciplinaire en cancérologie soit un des comités spécialisés que le Comité d'experts sur l'assurance-médicaments recommande de mettre sur pied. Ce comité devrait jouer un rôle majeur dans la détermination des médicaments nécessaires aux personnes atteintes du cancer devant apparaître sur la liste des médicaments assurables.

Quatrièmement, qu'en ce qui a trait au rôle de la Régie de l'assurance-maladie du Québec et des assureurs privés dans l'administration du régime d'assurance-médicaments la Régie et les autres instances gouvernementales gardent le contrôle sur les décisions importantes de façon à ce qu'on réponde avant tout aux besoins de la population en matière de médicaments.

Cinquièmement, que le haut fonctionnaire qui sera responsable du régime d'assurance-médicaments soit un professionnel de la santé ayant les connaissances médicopharmaceutiques nécessaires.

Sixièmement, que tous les moyens soient pris pour s'assurer que les médicaments de pointe requis pour soigner les cancéreux soient couverts par le régime d'assurance-médicaments et que les indications scientifiquement reconnues par la communauté oncologique le soient aussi par le Conseil consultatif de pharmacologie.

Et, finalement, la Fondation veut féliciter le gouvernement pour ce projet de loi audacieux et est prête à participer à la mise en place des recommandations qui seront retenues pour les patients atteints de cancer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant le ministre à vous poser la première question.

M. Rochon: Oui. Merci, M. le Président. Je vous remercie beaucoup, Dr Ayoub et l'équipe qui vous accompagne, pour cette contribution. Vous êtes dans un domaine assez spécialisé où on a besoin d'avoir vos éclairages pour bien s'assurer que des secteurs particuliers puissent s'arrimer correctement au régime général.

J'ai un petit peu de difficultés à suivre une de vos conclusions, quand vous dites que vous craignez qu'un régime, dont vous reconnaissez, par ailleurs, si je vous suis bien, les mérites, qui va améliorer l'accessibilité aux médicaments pour les gens, mais que ça finisse par ne pas avoir cet effet-là pour les gens dont vous parlez plus précisément, qui sont traités pour des cancers. J'aimerais que vous me disiez un peu quel effet pervers vous craignez voir arriver.

Et, en lien avec ça, vous faites beaucoup référence à la liste, et ça va être un élément essentiel pour la gestion du régime. Pourriez-vous nous dire quelles sont les difficultés, par expérience, que vous avez connues? Parce que c'est sûr que le fonctionnement du CCP, la confection de la liste, ça a été fait dans un environnement différent de ce que sera l'environnement avec un régime d'assurance-santé. On a bien compris qu'on prend pour acquis que, d'ailleurs, le projet de loi, comme vous l'avez vu, élargit le rôle du CCP, et il va y avoir, à partir de la liste qu'il y a actuellement, une révision de cette liste-là. Il va falloir y intégrer, par exemple, les médicaments qui sont de la circulaire «malades sur pied». C'était une de vos grandes difficultés, je pense. On n'était plus capable de faire évoluer la circulaire «malades sur pied» depuis, d'ailleurs, qu'un de vos collègues, M. Demers, qui n'est pas venu aujourd'hui avec vous, a mis le doigt sur le bobo. Bien, votre plus gros problème était plus que, comme on ne pouvait plus se servir et faire évoluer la circulaire «malades sur pied», vous tombiez un peu entre deux chaises, entre ça et la liste par laquelle vous n'étiez pas couvert. Si on prend pour acquis – puis je pense que ça va de soi – qu'il va y avoir une intégration des deux, ce qui se retrouvait sur la circulaire «malades sur pied» devra être intégré à la liste, nécessairement. Mais, au-delà du rôle élargi qu'on veut donner au CCP, est-ce qu'il y a d'autres éléments dans son fonctionnement que vous voulez nous pointer de façon très spécifique, pour lesquels il faudra être vigilant pour s'assurer que les effets pervers que vous semblez craindre risquent d'arriver?

(15 h 40)

Et j'associe à cette question-là votre première recommandation: qu'on ait un régime orienté davantage sur la gestion optimale des soins que sur les coûts des médicaments. Là, j'aimerais aussi que vous clarifiiez un peu votre pensée, parce que, pour la gestion des soins, ça dépasse le médicament, l'ensemble des soins aux malades. Et, ça, il y a déjà tout un système de santé en place pour ça, il y a des établissements qui ont des missions bien particulières. Moi, je voyais plus que c'est le médicament qui vient s'intégrer dans la gestion des soins qui se fait présentement, pour laquelle il y a peut-être moyen de faire d'autres améliorations, ça, je vous le concède. Mais je voyais mal comment ça peut être la gestion de l'ensemble des soins qui devient, elle, intégrée dans quelque chose de plus particulier qui veut s'arrimer, qui est la gestion du médicament comme telle. Alors, ce genre d'arrimage là, vous pourriez peut-être nous dire un peu comment vous le souhaiteriez de façon plus explicite. Parce que la loi prévoit déjà, en plus du rôle du CCP, le rôle de la révision d'utilisation des médicaments, qui se fait déjà en établissement et qui va être étendue pour se faire aussi en externe, de la même façon que ça se faisait en établissement. Alors, ça nous apparaissait deux éléments importants de la gestion du médicament, le rôle du CCP élargi, la révision d'utilisation des médicaments, et cela étant en fait dans le contexte d'un système de santé qui gère déjà les soins.

Je vous dis, en terminant, que votre recommandation, l'avant-dernière de la page 15, ce qui regarde la politique du médicament et qu'un haut fonctionnaire en soit responsable, ça, on est entièrement d'accord. On prépare déjà puis on va proposer de rajouter spécifiquement dès le début de la loi la référence à la politique du médicament. On l'avait à l'esprit, mais on va en faire une obligation légale d'emblée, et ça va s'assurer que tout ce qu'on donne comme médicament, comme régime, va faire partie d'une politique du médicament. Au-delà de ça, sur quoi vous voulez qu'on mette le doigt?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Ayoub.

M. Ayoub (Joseph): Merci. Il y a deux éléments, M. le ministre. Tout d'abord, vous savez que nous n'avons pas à date le traitement et la solution pour guérir le cancer. Conséquemment, le traitement du cancer est établi et il est basé principalement sur la recherche clinique et les essais cliniques. Ces essais cliniques sont continuellement en mouvement et il faut être extrêmement vigilant, particulièrement dans les centres universitaires, pour être à la fine pointe du progrès et pouvoir donner aux patients atteints du cancer, au Québec, ce qu'il y a de mieux dans le traitement du cancer en termes de traitements modernes.

Conséquemment, ce que nous craignons, c'est que, si un médicament paraît dans un délai d'un mois ou de trois mois, où on démontre son efficacité en cancer, jusqu'à ce qu'il passe par la routine du Conseil consultatif de pharmacologie, le CCP, et qu'il soit accepté sur la liste des médicaments basée sur les éléments mentionnés dans la loi, en tenant compte du coût, en tenant compte du budget présent, ce médicament risque d'être très en retard dans son entrée au niveau thérapeutique. L'exemple le plus frappant est l'utilisation d'un des médicaments à l'heure actuelle, le Taxol, dans le cancer de l'ovaire. Il y a plusieurs femmes qui peuvent être guéries pour une période adéquate et avoir une rémission complète par ce médicament qui est extrêmement actif dans le cancer ovarien. Or, ce médicament n'est disponible qu'en deuxième ligne. Or, à l'heure actuelle, tous les éléments parlent de son utilisation en première ligne dans le cancer de l'ovaire. Ça, c'est le premier point que nous voulons mentionner et c'est l'exemple... Donc, ça, M. le ministre, c'est le premier point que nous mentionnons. L'autre exemple que j'ai mentionné est celui, justement, du facteur de croissance, le Neupogen, qu'on utilise dans l'autogreffe de la moelle, où il y a eu aussi des problèmes entre les indications acceptées et les indications non acceptées.

Le deuxième point que je voudrais mentionner, c'est justement qu'il n'y a pas un traitement égal à travers les différents centres hospitaliers du Québec dans l'utilisation des médicaments anticancéreux. Ces médicaments sont mieux utilisés dans certains centres universitaires et ne sont pas donnés d'une façon adéquate en région. Et, là, justement, le comité ministériel... le Comité consultatif sur le cancer est en train de régler ce problème, à savoir la gestion des soins en cancérologie. Ce que nous voulons donner, c'est, à travers un système suprarégional, régional et local, permettre à tous les malades à travers le Québec de recevoir le même traitement, et le meilleur traitement.

M. Rochon: O.K. Vous allez me permettre un tout court commentaire pour être sûr que, dans la poursuite de nos échanges, on sache exactement de quoi on discute par rapport à la situation actuelle et à ce qui est proposé. Je détecte, moi, deux éléments dans ce que vous dites. D'abord, vous nous parlez d'une expérience – est-ce que c'est bien correct? – qui est d'abord l'expérience, pour vous, de la circulaire «malades sur pied».

M. Ayoub (Joseph): Oui.

M. Rochon: Avec les malades que vous traitez, c'est surtout ça qui vous gérait, plus que la liste et le CCP.

M. Ayoub (Joseph): C'est ça.

M. Rochon: Pour vous, ça va être une nouvelle expérience avec le CCP. Parce que, déjà, de la façon dont fonctionne le CCP, qui fonctionne depuis 25 ans – on l'a rappelé – il y a une révision de cette liste-là deux fois par année pour y introduire des médicaments; il y a le mécanisme de rajouter, même entre les révisions, si vraiment il y a une découverte scientifique qui sort tout d'un coup et un mois après une révision qui se fait aux six mois, il y a déjà le moyen. Il y a quelques mois, j'ai ajouté, sur recommandation du CCP, le 3TC pour le sida de cette façon-là. Donc, il y a déjà ce mécanisme-là et il y a en plus le mécanisme qui est utilisé, du patient d'exception. Si vraiment il arrive un cas très pointu d'une ou de deux personnes qui ont besoin d'un médicament entre deux révisions, c'est déjà un mécanisme qui existe. Alors, je voudrais clarifier ça, parce que c'est un des avantages, me semble-t-il, que, passant dans un régime comme ça, on oublie la circulaire «malades sur pied», qui est devenue ingérable, et, ça, encore une fois, votre collègue Demers nous l'a dit depuis 1993 puis nous a orientés là-dessus. Donc, ça ne serait peut-être pas le bonheur parfait avec le CCP, mais, déjà là, je pense que le régime propose une gestion complètement différente du médicament.

De plus, le CCP, vous le savez, travaille déjà avec des comités d'experts, et, dans un rôle élargi qu'il va avoir avec un régime d'assurance-médicaments, c'est sûrement un aspect de la gestion du CCP qui va se développer encore plus. Le CCP va vraiment devoir... Parce qu'on ne peut pas avoir tous les experts sur le CCP, ça va devenir plus que l'Assemblée nationale, cette histoire-là. Alors, il va falloir que le réseau des comités des experts ou des comités d'experts, qui est déjà quelque chose qui existe... Je veux juste vous montrer que, ça, ce n'est pas quelque chose qu'on a besoin de créer de toute pièce. Ça existe, ça va avoir un rôle élargi, mais on part d'une base organisationnelle qui est toute là. Il y a toute une expérience accumulée de 25 ans qui automatiquement va devoir se rajuster à ça.

L'autre point que je voudrais bien m'assurer qu'on clarifie avec vous pour qu'on sache vraiment... Là, on parle d'aujourd'hui et de ce qui va être demain. Toute la gestion de la distribution du médicament et l'arrimage qui se fait entre établissement puis en ambulatoire, ça, ça devient plus un mandat du système de santé lui-même, avec les régies régionales et les établissements, si on veut organiser ce qui se fait au niveau national pour la surspécialité au niveau des régions et au niveau local. Une des choses qui nous rendent difficile d'améliorer ça présentement, c'est qu'on a un financement pour le médicament en établissement, puis on n'avait pas vraiment de financement hors établissement, sauf, encore, la circulaire, qui était devenue non opérationnelle. Alors, ça, ça réfère plus... il ne faudrait peut-être pas complètement télescoper deux processus. La gestion du médicament dans un régime comme ça va permettre au système de santé, lui, de faire les arrimages entre l'ambulatoire et l'établissement. Comment exactement ça se fera? Ce sera à voir, sur le terrain, comment on le fera, mais là on saura au moins qu'on a assuré le financement de l'ambulatoire alors qu'il n'était pas assuré et qu'il était en débalancement complètement avant.

Je voulais juste, si vous me permettez, bien clarifier ça, M. le Président, pour ne pas qu'on discute indistinctement d'une situation qui, de toute façon, va changer drastiquement si on applique ce régime-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Rochon: On s'entend?

(15 h 50)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin, porte-parole de l'opposition en matière de santé et de services sociaux.

M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président, et merci à vous d'avoir accepté l'invitation de la commission. Peut-être juste avant de commencer... Je vous parlais tantôt... Je voulais juste une précision: Comment bien situer la Fondation québécoise du cancer par rapport à la Société canadienne du cancer section Québec? Voulez-vous juste nous donner un éclaircissement, rapidement, s'il vous plaît?

M. Ayoub (Joseph): Je demanderai au directeur général de vous en parler, M. Germain.

M. Germain (Guy): Oui. La question qu'on se fait poser régulièrement, la Fondation québécoise du cancer a été... Bon, c'est deux organismes très, très différents. La Fondation a été créée en 1979 par des médecins parce qu'il y avait des besoins essentiels pour les gens qui étaient atteints de cancer. D'ailleurs, la mission première de la Fondation, c'est toujours l'amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de cancer, leurs proches, leurs amis, etc., et on a créé des services.

Ce qu'est la Société, un des premiers buts qu'elle a et qu'elle fait très bien, c'est de la recherche fondamentale. Alors, nous, on ne touche pas vraiment la recherche fondamentale, mais je pense qu'on touche des services directs, soit par nos hôtelleries, soit par notre service Info-Cancer, soit par nos centres de documentation, soit par un tas de renseignements qu'on donne par des brochures et des dépliants. Je pense que la Fondation, depuis 1979, a fait de grands pas et continue d'en faire, surtout, comme je le disais tantôt, avec des services et notre service Info-Cancer, qui donne cette chance à la population d'avoir les renseignements voulus quand une personne atteinte d'un cancer l'apprend. C'est un peu ce que je voulais dire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Marsan: Merci bien. Ma première question, elle va tout de suite dans votre introduction, où vous dites que votre Fondation craint que, dans la foulée de l'adoption précipitée de la loi instaurant le régime d'assurance-médicaments, les malades pour lesquels elle oeuvre depuis 17 ans, les cancéreux, y perdent au change ou n'y gagnent pas grand-chose. Alors, j'aimerais ça savoir pourquoi vous nous dites ça à l'introduction.

M. Ayoub (Joseph): Bon. J'ai mentionné qu'un des problèmes était justement qu'on ne savait pas comment les patients en ambulatoire allaient être régis, et M. le ministre m'a donné certains éclaircissements là-dessus. Il réalise qu'il y a un arrimage à être effectué, et c'étaient des points que la Fondation se posait.

Le deuxième point qu'on se posait: Qu'allions-nous faire pour les médicaments de pointe? Aussi, là, le ministre m'a répondu en me mentionnant qu'au niveau du rôle élargi du CCP ce comité-là pourra utiliser des experts en cancérologie qui vont pouvoir réellement lui recommander et lui suggérer l'addition de nouveaux médicaments de pointe sur la liste des médicaments.

M. Marsan: Est-ce qu'on a la certitude, je pense au niveau médicaments particulièrement, que tous les médicaments qui sont acceptés par la communauté oncologique vont être automatiquement sur la liste? Est-ce que c'est ce que vous avez compris de ce que le ministre vous a dit tantôt?

M. Ayoub (Joseph): C'est un point d'interrogation. Nous savons qu'il y a plusieurs de ces médicaments qui sont, si vous voulez, sur la sellette, et nous sommes confiants. C'est ce que nous voulons bien penser, à la Fondation, qu'avec les éclaircissements mentionnés par le ministre ces médicaments qui auront fait leurs preuves au niveau scientifique seraient mis automatiquement sur la liste.

M. Marsan: Moi, je suis un petit peu plus perplexe que vous. J'espère que vous avez raison et j'apprécierais que ce soit aussi clair que vous l'entendiez. Hier soir, nous avons eu les représentants de LEUCAN et j'ai avisé le ministre, dans le cas d'une patiente qui avait besoin du médicament Neupogen, et... Bon, en tout cas, les demandes ont été faites. J'avais dit au ministre que je lui remettrais même le dossier. Je l'ai ici, je vais vous le transmettre tantôt. Cependant, on est toujours en attente d'une décision importante dans un cas où c'est très pathétique, où la famille doit intervenir. Financièrement, elle n'a pas les moyens, il semble que ça aura des conséquences difficiles. Il y a déjà des lettres qui avaient été adressées au ministre, dont certaines sans réponse. Mais j'imagine qu'avec les longs délais ça pourrait peut-être arriver. Le point que je veux faire avec vous, c'est de vous dire oui à ce que vous demandez, un gros oui, puis vous avez notre support pour que vous puissiez l'obtenir, et je pense que c'est très important.

Dans votre mémoire, vous mentionnez la communauté oncologique et vous faites référence, par exemple, si le CCP veut ajouter un médicament, bien, qu'il ait la recommandation de la communauté oncologique. On peut tous avoir une bonne définition de la communauté oncologique. Moi, je vous dis oui tout de suite, sauf que je voudrais savoir exactement c'est quoi, la communauté oncologique, c'est quoi, les expertises de la communauté, rapidement.

M. Ayoub (Joseph): C'est les médecins spécialistes dans le domaine de la cancérologie, et c'est sur un aspect multidisciplinaire, c'est-à-dire qu'il y a des chirurgiens oncologues, comme le Dr Luc Deschênes, qui préside à l'heure actuelle le comité ministériel, le Comité consultatif sur le cancer, il y a des gynécologues oncologues, il y a des radiothérapeutes et des médecins hémato-oncologues, comme le Dr Jocelyn Demers.

M. Marsan: Alors, je pense qu'on peut aussi parler de communauté scientifique en oncologie...

M. Ayoub (Joseph): C'est ça, oui.

M. Marsan: ...et vous souhaitez qu'il y ait un lien entre la communauté scientifique en oncologie et le Conseil consultatif de pharmacologie pour qu'on puisse recevoir une expertise scientifique sur les médicaments. Il faut vraiment qu'il y ait un lien qui n'est pas établi actuellement.

M. Ayoub (Joseph): Oui. Ceci est très important si nous voulons avoir la collaboration des médecins qui traitent les malades atteints de cancer. Le seul moyen d'avoir une collaboration optimale est justement de trouver les moyens de les intégrer dans ce processus-là.

M. Marsan: Nous... J'aimerais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une petite clarification.

M. Marsan: Oui.

M. Rochon: ...certaine clarification, parce qu'il y a déjà une certaine complexité là-dedans, pour ne pas qu'on s'embrouille.

Si j'ai bien compris, le cas du Neupogen dont on parle est justement le genre de cas qui va être solutionné par un régime d'assurance-médicaments. Parce que le problème, ce n'est pas que le Neupogen n'est pas sur la liste. Il a été inscrit sur la liste, le Neupogen. Mais, quand il y a un monsieur ou une madame X qui se présente pour l'avoir, même s'il est sur la liste, si cette personne-là n'est pas une prestataire d'aide sociale ou n'a pas 65 ans et plus, il faut qu'elle paie de sa poche. C'est ça qui est le problème, là. On a des gens qui ne sont pas couverts. Puis, souvent, les assureurs privés, comme dans le cas du Neupogen, ne le couvrent pas. Alors, l'assureur privé ne veut pas le couvrir, la personne n'est pas un prestataire d'aide sociale puis n'est pas une personne âgée; comme elle ne peut pas vieillir plus vite selon son désir, tout ce qui lui reste comme possibilité, c'est de se laisser glisser sur l'aide sociale pour être couverte. Et c'est ça que le régime d'assurance-médicaments, en couvrant tout le monde, en répartissant autrement le coût du médicament, va régler automatiquement. Donc, ce n'est pas un problème de liste, là. C'est un problème qu'on n'a pas de régime général. On se comprend bien? Même chose.

M. Marsan: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député, on revient...

M. Rochon: Non. Lui, c'est une question de démonstration scientifique. C'est une autre affaire.

M. Marsan: Mais, sans vouloir allonger, là, pour le cas précis, je pense, en tout cas, dans la correspondance, vous trouverez que la compagnie d'assurances réfère à la circulaire «malades sur pied», puis, par la suite, on dit que, non, ce n'est pas possible. Cependant, je ne veux pas allonger le débat. Mais si vous dites que, oui, le Neupogen est...

M. Rochon: Il est sur la liste.

M. Marsan: ...autorisé, bien, écrivez le plus rapidement possible à cette famille-là. Je pense qu'elle en a grandement besoin. Elle va apprécier.

M. Rochon: C'est ça. Mais, là encore, clarifions. Parce qu'on a écrit aux compagnies... Je ne veux juste pas qu'à partir d'un cas tous ceux qui nous écoutent, qui nous entendent et qui voient ça pensent que, là, tout est bien compliqué puis n'est pas clair. Ce n'est pas vrai.

Les compagnies d'assurances, parce qu'il a été mis sur la liste, ont pensé que c'était couvert. Elles n'avaient pas fait le lien entre ça puis la circulaire «malades sur pied». La circulaire «malades sur pied» n'a pas d'autre budget pour couvrir. On leur a écrit puis on leur a expliqué: Attention! il est inscrit à la liste. Pour les gens qui sont couverts par le régime public, ils vont l'avoir. Mais il n'est pas dans la circulaire «malades sur pied» puis il n'y sera pas parce que, depuis 1993, ce n'est plus gérable, cette opération-là. Il sera couvert quand on aura un régime public. En attendant, couvrez-le, mais ne dites pas que vous ne le couvrez pas parce que le gouvernement a dit qu'il le couvrait. On voit comment c'est plutôt la situation actuelle qui est complètement la confusion ingérable que ce que le régime va apporter. Donc, je m'arrête là-dessus, là, mais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le ministre. M. le député, on continue.

M. Marsan: Moi, je termine là-dessus. La compagnie d'assurances réfère à la circulaire et l'Hôpital de Montréal pour enfants dit que ce n'est pas couvert par la circulaire. En tout cas, je ne voudrais pas qu'on continue...

M. Rochon: Ça ne l'est pas puis ça ne le sera pas par la circulaire. Mais il est sur la liste.

M. Marsan: Parce que j'avais l'impression, tantôt, que vous aviez dit que ce patient-là pourrait recevoir son médicament Neupogen.

M. Rochon: S'il était un prestataire d'aide sociale, parce qu'il serait couvert par le système.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dans ce cas-là précis, j'ai bien compris que le cas va être analysé en fonction de ça.

M. Rochon: Non, non. Bien, le cas sert d'exemple...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, on continue.

M. Rochon: ...mais je ne veux pas qu'on «confusionne» l'enjeu général à partir d'un cas...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est ça.

M. Rochon: ...qui a été très bien clarifié sur le terrain, je pense.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député, si vous voulez continuer.

M. Marsan: Au contraire, je pense que c'est un des cas qui illustrent bien ce qu'on venait de dire et qu'il faut absolument que la liste prévue par le CCP puisse être faite en collaboration avec les milieux scientifiques concernés. Nous, ce que nous supportons, et ça réglerait ce problème, c'est qu'au lieu de dire que le CCP peut consulter votre Association ou vos professionnels, on souhaite introduire qu'au lieu du «peut», ce soit «doit» consulter vos professionnels, votre communauté scientifique oncologique.

Mon prochain point, c'est toujours à la même page, la page 9. Vous parlez des enveloppes fermées des hôpitaux et vous dites que certains patients pourront être traités non pas en fonction de leurs besoins, mais en fonction des possibilités financières des hôpitaux. On sait que les hôpitaux, ce sont des budgets globaux, et, à ce moment-là, avec les contraintes que les centres hospitaliers ont eues au cours des deux dernières années, il se pourrait qu'ils ne donnent pas les médicaments nécessaires aux patients atteints de cancer. C'est bien votre compréhension?

(16 heures)

M. Ayoub (Joseph): C'est ce qui arrive à l'heure actuelle dans certains centres hospitaliers qui n'ont pas la compétence oncologique. On leur dit: Ce médicament, nous ne l'avons pas, nous ne pouvons pas le payer, ça dépasse notre budget, allez dans les centres universitaires, allez dans d'autres centres hospitaliers. Alors, ça, c'est un problème au niveau de la gestion de soins, à cause, justement, des budgets fermés, des enveloppes fermées. Et nous espérons qu'à travers le Comité consultatif sur le cancer on arrivera à une meilleure gestion des soins en cancérologie, ce qui permettrait que le malade, où qu'il soit au Québec, ait l'accessibilité au meilleur traitement cancérologique.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Marsan: Vous introduisez quand même quelque chose qui est nouveau, là, même si on est à la fin des audiences publiques, et c'est la médication qui est donnée aux patients en milieu hospitalier. Au début, le ministre nous avait confirmé que ces budgets-là ne devraient pas être touchés, que l'accessibilité devrait être grande pour les patients, mais vous nous dites qu'à cause des contraintes des milieux hospitaliers l'accessibilité pourrait être diminuée et qu'on réfère d'hôpital en hôpital jusqu'à temps qu'on arrive au niveau du sommet de la pyramide, aux hôpitaux universitaires, pour des médications assez complexes.

M. Ayoub (Joseph): À l'heure actuelle, les médicaments de pointe ne sont pas disponibles dans tous les hôpitaux du Québec.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Marsan: Je vous remercie de...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Terminé?

M. Marsan: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. J'aimerais renchérir un peu sur la question, maintenant fameuse question, de la liste des médicaments. À plusieurs reprises depuis le début de nos audiences particulières, des groupes comme le vôtre sont venus témoigner quant à leur crainte des médicaments qui vont être couverts par l'assurance-médicaments, basée sur la fameuse liste recommandée par le CCP et adoptée par le ministre. Il y a une crainte pas mal généralisée, là. Et, depuis le début, le ministre tente, je pense, de nous dire qu'on ne devrait pas être inquiets, le CCP fait son travail, basé sur des processus scientifiques. On a tantôt jasé de la question du Betaseron. Là, la réponse du ministre est: Bien, il n'y a pas de preuve scientifique que ça fonctionne comme il est supposé de fonctionner, etc., ça fait que c'est pour ça qu'il n'est pas sur la liste.

Mais, vous, à la page 3 et à la page 8, vous dites qu'il y a peut-être d'autres éléments dans l'analyse du CCP. Vous dites, au troisième paragraphe: «En effet, le Conseil consultatif limite l'utilisation de médicaments, à certains stades de certains cancers, alors que d'autres indications pourraient être appropriées.» Mais, plus tard, à la page 11, ce que je trouve plus inquiétant, vous vous demandez si le Conseil consultatif de pharmacologie n'agirait pas «davantage dans une optique de gestion des coûts que dans une optique de gestion optimale des soins». Ça, c'est un message tout à fait différent du message du ministre. Ça ne marche pas ensemble, ces deux choses. Je regrette, là. Je ne suis pas médecin, je ne suis pas expert, je suis un humble citoyen, mais quand le ministre dit: Le Conseil consultatif de pharmacologie fonctionne uniquement sur des données, des bases scientifiques, puis là vous avez les indications qu'il y a d'autres éléments, ça ne marche pas ensemble, là, pommes et oranges. Vous avez, j'imagine, des indications ou des craintes là-dessus, sur la question des coûts. J'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce qui vous amène à dire qu'il y a la question des coûts dans la liste du CCP?

M. Ayoub (Joseph): C'est une crainte que nous formulons et qu'il est excessivement important de prendre en considération pour les patients atteints de cancer. Ces patients-là ne peuvent pas attendre après une hésitation à savoir l'efficacité ou non d'un médicament. La réponse doit venir rapidement. Et si, dans le cadre du Conseil consultatif de pharmacologie, il y a des experts ou il y a des contacts avec des experts et des spécialistes dans le domaine de la cancérologie, nous sommes confiants que c'est possible que ceci soit réglé et soit solutionné.

D'autre part, s'il n'y en a pas ou s'il n'y a pas ces contacts établis avec les spécialistes en oncologie, là on risque réellement d'avoir des problèmes et que les malades n'aient pas le bon médicament au bon moment. Et c'est pour cela que nous avons demandé, que nous avons fait une recommandation d'un comité multidisciplinaire en cancérologie, pour s'assurer que les médicaments du cancer soient bel et bien mis sur la liste au moment opportun selon les données scientifiques.

M. Copeman: Ça, je comprends, mais il me semble qu'il y a une différence entre ce que vous venez de dire, une opportunité de le mettre au bon moment – ça, j'aurai une deuxième question là-dessus plus tard – mais c'est différent de la question des coûts, que vous soulevez à la page 11. Parce que, même tous vos experts dans la communauté oncologique, s'ils ont accès au processus, mais, s'il y a une barrière quelque part qui s'appelle considération des coûts, même la meilleure information scientifique de vos experts ne va pas changer nécessairement l'orientation du Conseil.

Alors, soit que la considération des coûts n'est pas là ou, si elle est là... Je comprends que c'est souhaitable que vos experts, à l'occasion, fassent de l'input sur le processus scientifique, mais, s'il y a une autre base d'évaluation qui s'appelle «coût» dans un régime universel de médicaments, bien, je pense qu'on a un problème.

M. Ayoub (Joseph): Bon, bien, c'est un point, justement, qu'il faut clarifier. Maintenant, M. le ministre m'a mentionné qu'au sein du CCP élargi les moyens seront pris, justement, pour que les décisions soient sur une base scientifique et sur une base d'efficacité du médicament. Nous sommes tout à fait d'accord et nous ne voulons pas qu'il y ait d'abus de l'utilisation des médicaments, mais c'est une crainte formulée, elle est objective, et nous espérons que dans la loi il y ait justement mention que ce n'est pas uniquement basé sur un point de coût du médicament, mais que c'est surtout sur l'efficacité du médicament que sera établie la liste de ces médicaments.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Une dernière petite question?

M. Copeman: Oui, sur la question de l'opportunité, le bon moment. Le ministre a soulevé à deux reprises maintenant pendant notre commission parlementaire la question du 3TC comme exemple d'un médicament ajouté en cours de route, en dehors des deux périodes normales d'ajout. Les informations qu'on a – puis le ministre va me corriger; si j'ai tort, ce ne sera pas la première fois, ni une dernière – sont que le 3TC est un médicament «fast track» à cause de sa nature, à cause du sida. C'est un programme unique qui s'applique aux médicaments du sida, et il y a une entente au CCP de «fast traquer», si vous me permettez l'expression québécoise, les médicaments qui touchent le sida. Nous ne sommes pas convaincus, nous, que l'ajout d'autres médicaments qui ne sont pas «fast traqués» est si facile que ça.

M. Rochon: Écoutez, ça, on peut le corriger tout de suite. Non, ce qu'il y a de spécial pour le sida, je pense, actuellement, ce qu'il y a de plus formel qu'il n'y a pas pour les autres situations, et récemment, c'est le comité scientifique qui avise le CCP. Dans les autres cas, le CCP travaille avec un réseau d'experts ad hoc, consulte des gens, des experts, des groupes de travail ou des choses du genre, tandis que, pour le sida, comme il y a beaucoup d'activités pharmacologiques et médicamenteuses, il s'est avéré plus utile d'avoir un comité plus formel. Mais, dans le passé, on a déjà aussi utilisé la procédure rapide pour d'autres médicaments. Donc, ce n'est pas une filière particulière au sida.

Mais, si vous me permettez, toujours en termes de clarification, parce qu'on parlait sur ce sujet-là, la loi, le projet de loi propose... L'article 55, dans les fonctions du CCP, dit qu'il doit donner au ministre un avis «sur la valeur thérapeutique de chaque médicament et la justesse des prix exigés». Ça, ça veut dire que, s'il y a deux médicaments puis il y en a un qui coûte 1 000 $ puis l'autre qui coûte 5 000 $ et que, sur la base de la valeur thérapeutique, le CCP les trouve équivalents, il va mettre sur la liste celui de 1 000 $. Et ça, on pense que ça va permettre de traiter cinq fois plus de monde avec le même argent et que c'est une meilleure façon d'utiliser les taxes et l'argent des citoyens. Je présume que vous n'êtes pas contre ça!

(16 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le ministre. J'inviterais maintenant le député de Robert-Baldwin à faire la conclusion.

M. Marsan: Oui, M. le Président, merci. Merci, évidemment, à nos invités pour la qualité de leur présentation et des échanges qu'ils ont suscités. Si vous avez remarqué qu'on a peut-être haussé le ton, vous avez sûrement bien compris que c'était pour aider le plus possible les patients cancéreux, particulièrement dans l'introduction de nouvelles médications. On sait que la recherche est très poussée, et elle va continuer, et nous voulons nous assurer que ce que vous demandez à ce chapitre puisse être introduit dans le projet de loi, et pas seulement des voeux pieux. Mais, de façon certaine, on va suivre. On a parlé du «peut» par rapport au «doit»; on doit consulter la communauté scientifique oncologique, c'est bien important pour nous.

Nous retenons également votre commentaire sur les enveloppes fermées, les budgets globaux des hôpitaux, où on peut mettre en difficulté certains des patients atteints du cancer parce que les contraintes pourraient être trop fortes et parce que les médicaments ne seraient pas disponibles. Et, en terminant, juste s'assurer, seulement s'assurer que le Conseil consultatif de pharmacologie n'aura pas comme seule préoccupation de diminuer les coûts des médicaments, mais particulièrement la valeur thérapeutique.

Alors, merci beaucoup pour la qualité de votre présentation et pour la qualité des échanges que vous nous avez permis. J'espère maintenant qu'on pourra traduire ce que vous nous demandez dans le projet de loi. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Rochon: Oui, M. le Président. Parfois on hausse le ton, il faut que la vérité se dise haut et fort. Je vous remercie beaucoup aussi pour votre contribution, et je veux vous rassurer, que tout ce qui se fait dans l'amélioration de la gestion du réseau et du système va continuer à se faire de sorte qu'on utilise à bon escient nos budgets, et que les priorités soient aux bonnes places, et qu'on ait des médicaments disponibles pour les gens, autant en établissement que sur une base ambulatoire. Et, ça, ça va vouloir dire, je pense qu'on se comprend là-dessus, qu'effectivement des traitements qui sont du domaine de la surspécialité... Et vous l'avez dit en parlant d'un système national et régional qui fait que tout médicament ne sera pas disponible dans tout établissement. Pour une bonne qualité, pour une efficacité et assurer qu'on peut les payer à ceux qui en ont besoin, il y a certains traitements qui sont déjà centralisés et qui vont continuer à l'être dans certains établissements pour une meilleure accessibilité et une meilleure gestion du médicament. Bon.

Je peux vous assurer qu'on prend très en note les craintes que vous nous soulignez. Je comprends que, dans l'ensemble, vous êtes d'accord avec ce projet de loi là et le système qui est proposé. Et, à première vue, je pense pouvoir vous dire que la très grande majorité de vos craintes, quand on voit comment le projet veut faire fonctionner le système, va trouver une très bonne réponse, sinon totale, en grande partie, et, d'ici la fin des travaux, on va essayer même de bonifier ça encore un peu plus, si c'est possible. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. Et j'invite maintenant les représentants de l'Association générale des insuffisants rénaux à prendre place.

À l'ordre, s'il vous plaît! Nous recevons les représentants de l'Association générale des insuffisants rénaux, AGIR, et, si je comprends bien, vous êtes accompagnés par les représentants de l'Association des néphrologues du Québec, et vous allez partager le temps; le 20 minutes va être partagé en deux, et les questions par les parlementaires, évidemment, devront s'adresser à l'un ou l'autre des porte-parole. Alors, vous avez 20 minutes, et vous voulez présenter, madame, les personnes qui vous accompagnent, noms et fonctions, s'il vous plaît?


Association générale des insuffisants rénaux (AGIR) et Association des néphrologues du Québec (ANQ)

Mme Julien (Michèle): À ma droite, le Dr Raymond Dandavino, président de l'Association...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Voulez-vous répéter, parce qu'on est un petit peu... Non, non, vous n'avez besoin de toucher à rien.

Mme Julien (Michèle): À ma droite, le Dr Raymond Dandavino, qui est le président de l'Association des néphrologues du Québec, qui présentera son mémoire à la suite du mien; à côté, M. Guy St-Pierre, qui est un greffé, membre de l'AGIR; à ma gauche, Mme Nancy Beaulieu, qui est une greffée, membre de l'AGIR, et M. Alain Fillion, qui est un dialysé, membre aussi de l'AGIR.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On vous dit tout de suite, avant que vous commenciez, que nous apprécions beaucoup qu'il y ait des gens qui vous accompagnent qui ont vécu ce dont vous allez nous parler.

Mme Julien (Michèle): Merci. M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs. D'abord, permettez-moi de vous faire un bref résumé de l'Association générale des insuffisants rénaux, de sa composition et des objectifs principaux qu'elle poursuit. L'Association générale des insuffisants rénaux est un organisme à but non lucratif qui compte plus de 3 000 membres, dont 2 500 sont des insuffisants rénaux, dialysés ou greffés, et des parents, amis de ceux-ci ainsi que des professionnels de la santé.

Les principaux objectifs de l'Association sont: acquérir une meilleure qualité de vie pour les insuffisants rénaux; les informer et leur faire connaître les services et traitements disponibles pour eux; défendre leurs droits; revendiquer auprès des instances gouvernementales l'aide aux insuffisants rénaux au sujet du transport, des médicaments et, surtout, tenter d'obtenir l'équité dans les centres de dialyse du Québec. Et, finalement, un de nos objectifs, et non le moindre, est de regrouper les personnes souffrant d'insuffisance rénale en comités dans les centres de dialyse par des rencontres mensuelles les premiers vendredi du mois, des brunches, des soirées de quilles et une journée annuelle de rencontre.

(16 h 20)

La situation actuelle des insuffisants rénaux face à leurs médicaments. Je vais commencer par les médicaments pour les dialysés. Le plus important, c'est l'érythropoïétine, plus communément appelé l'Eprex. C'est un nouveau médicament qui remplace les transfusions sanguines et qui, présentement, fait partie d'un programme spécial du gouvernement. Les transfusions sanguines sont souvent nécessaires aux insuffisants rénaux pour pallier à leur anémie constante provoquée par leur traitement. À la suite de plusieurs commentaires négatifs dans les journaux au sujet des transfusions sanguines, plusieurs insuffisants rénaux refusent ces transfusions. Ce médicament, l'Eprex, est considéré par l'Association des néphrologues du Québec aussi essentiel aux dialysés que l'insuline aux diabétiques. Pourtant, aucun diabétique n'est sur une liste d'attente. L'AGIR a récemment fait une étude à travers les centres de dialyse du Québec et nous avons été très surpris de constater que, malgré les montants accordés par le gouvernement aux centres pour défrayer le coût de l'Eprex, plus de 150 patients sont présentement sur une liste d'attente pour le recevoir dans quatre centres, et dans sept autres centres on établit les critères d'admissibilité pour recevoir le médicament en fonction du budget disponible et non du besoin du patient.

Les autres médicaments. Plusieurs autres médicaments sont aussi nécessaires aux dialysés pour prévenir des complications osseuses, comme le calcium, la vitamine D et les antiacides. Pour la prévention de la thrombose des accès vasculaires, on a des anticoagulants, des antiplaquettaires et, pour la prévention des complications cardiovasculaires, des antihypertenseurs. À noter que le coût des complications est beaucoup plus élevé que le coût de la prévention. À titre d'exemple, nous avons dressé la liste des médicaments d'un dialysé qui n'a pas de complications et nous arrivons à un coût annuel de 2 800 $, à part l'Eprex. J'ai apporté des copies de la liste des médicaments, si vous en désirez.

Les greffés, les médicaments antirejet. Les greffés sont des insuffisants rénaux pour lesquels la prise de médicaments antirejet est obligatoire. Présentement, la Cyclosporine est offerte gratuitement à tous les greffés par le biais de l'hôpital. Il est essentiel qu'elle le reste compte tenu de son coût inabordable pour la majorité des greffés. Il peut en coûter environ 7 900 $ par année. Les autres médicaments antirejet, la Prednisone et l'Imuran, sont aussi nécessaires aux greffés pour ne pas faire de rejet. Si le greffé doit payer 20 % du coût de l'Imuran, il réduira sa dose et se retrouvera en dialyse et aux crochets de la société.

Les autres médicaments. Souvent, plusieurs autres médicaments sont nécessaires aux greffés pour leur permettre de conserver leur greffon plus longtemps, le plus longtemps possible. Hypotenseurs pour stabiliser leur pression, diurétiques pour aider le greffon. Là aussi, nous avons fait dresser la liste des médicaments pris par un greffé dont la condition est normale et stable; j'ai des copies disponibles. Le coût pour un greffé s'élève à 3 950 $, à part la Cyclosporine, qui peut coûter jusqu'à 7 900 $ par année.

La situation actuelle des insuffisants rénaux face à leurs médicaments. Présentement, dans les centres de dialyse, un budget spécifique pour l'érythropoïétine permet de distribuer ces médicaments aux insuffisants rénaux. L'AGIR a récemment fait une étude à travers les centres de dialyse du Québec et nous avons été très surpris de constater que, malgré les montants accordés par le gouvernement aux centres pour défrayer le coût de l'Eprex, 250 personnes sont présentement sur une liste d'attente pour le recevoir. C'est beaucoup plus dispendieux que de leur donner le médicament, et c'est aussi une question de qualité de vie et de traitement. Les patients sur des listes d'attente nécessitent souvent des hospitalisations.

Une autre constatation que notre enquête nous a permis de faire est la disparité qui existe d'un centre à l'autre pour la sélection des patients qui ont besoin de ce médicament. Les centres ont tous un taux différent d'hémoglobine nécessaire pour que le patient puisse recevoir le médicament ou être mis sur une liste d'attente. Certains autres établissent le taux d'hémoglobine en fonction du budget reçu et non du besoin du patient. Le budget de l'Eprex est souvent inclus dans le budget global de la dialyse même si c'est un budget spécifique. Plusieurs insuffisants rénaux qui ont de l'assurance se voient refuser le remboursement de l'Eprex. Ce médicament coûte environ 5 000 $ à 6 000 $ par patient par année. À la lumière des éléments ci-haut mentionnés, concernant l'Eprex, l'AGIR demande que l'Eprex soit gratuit et distribué à tous les dialysés qui en ont besoin et non basé sur le budget de l'administration des centres.

Plusieurs insuffisants rénaux en traitement de dialyse s'inquiètent du sort qui leur sera réservé quant au paiement de leurs médicaments. Les greffés qui sont retournés sur le marché du travail sont inquiets de savoir comment réagira leur employeur au paiement des primes d'assurance. Plusieurs ont beaucoup de difficultés à retrouver du travail et craignent de le perdre quand l'employeur connaîtra le coût de leurs médicaments.

En conclusion, considérant que la société n'économise rien en n'aidant pas les insuffisants rénaux à défrayer le coût de leurs médicaments; les insuffisants rénaux sans leurs médicaments sont toujours anémiques et ne peuvent donc pas être productifs – ils vivent aux crochets de la société – les hospitalisations à répétition coûtent beaucoup plus cher que les médicaments;

Considérant que la vie des insuffisants rénaux en traitement d'hémodialyse ou en dialyse péritonéale est déjà assez remplie d'ennuis sans ajouter à tout cela l'inquiétude du coût des médicaments; les insuffisants rénaux peuvent vivre 20, 25 ans et plus en recevant des traitements de dialyse; seulement un dialysé sur quatre aura la chance d'être greffé un jour;

Considérant que la grande majorité des insuffisants rénaux ne travaillent pas à temps plein dû à leur état de santé précaire, nous nous demandons comment ils feraient pour absorber ces dépenses.

Considérant que les insuffisants rénaux sur le marché du travail, dialysés ou greffés, doivent lutter chaque jour avec les contraintes dues à leur état de santé, nous sommes assurés que plusieurs d'entre eux se décourageraient et feraient comme beaucoup d'autres et abandonneraient le travail et demanderaient de l'aide sociale.

Considérant que certaines patients se privent volontairement de leurs prescriptions sachant très bien que leur état se détériorera et qu'ils seront hospitalisés et recevront gratuitement leurs médicaments, cela cause beaucoup plus de dépenses pour le gouvernement.

Quant aux greffés, la prise des médicaments antirejet est obligatoire. Ces médicaments étant très dispendieux, il n'est pas rare de voir des greffés réduire leur dose de médicaments, étant incapables d'en défrayer le coût. Les conséquences sont souvent désastreuses car elles entraînent la perte du greffon et, par le fait même, le retour du patient en traitement, ce qui est beaucoup plus onéreux pour le gouvernement. Un patient en dialyse coûte au moins 35 000 $ par année à l'État.

Considérant que les insuffisants rénaux doivent payer des médicaments qui ne sont pas remboursés par les assurances, les suppléments de vitamine ou de calcium devraient être considérés comme des médicaments assurables car ils sont essentiels aux insuffisants rénaux.

Considérant que le budget de l'érythropoïétine est un programme spécifique pour les insuffisants rénaux;

Considérant que les insuffisants rénaux ont une grande quantité de médicaments à prendre pour se maintenir en vie et que, parmi ces médicaments, certains sont très onéreux, nous croyons que les médicaments prescrits pour les insuffisants rénaux devraient être considérés comme une catégorie d'exception et qu'ils ne devraient pas être assujettis aux mêmes normes que la masse populaire. L'ensemble des médicaments devraient être offerts à tous les insuffisants rénaux; les compagnies d'assurances n'assurent pas les insuffisants rénaux, et, si on les oblige à le faire, elles demanderont sûrement des primes très élevées.

En terminant, le gouvernement pourrait récupérer les montants identifiés à l'intérieur des budgets de dialyse depuis 1984-1985, et je cite: «Pour défrayer le coût des autres médicaments prescrits à certaines personnes dialysées qui ont besoin d'aide financière à ce niveau». Ce montant de 370 000 $ en 1984-1985 a d'ailleurs été indexé en 1992 et s'élève maintenant à 520 000 $. Je peux vous remettre la liste des centres qui en bénéficient et le montant qu'ils reçoivent.

L'AGIR tient à féliciter le gouvernement pour la mise en place du régime d'assurance-médicaments, qui permettra sûrement d'obtenir l'équité pour tous les insuffisants rénaux du Québec. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Les listes ont été distribuées. Allez-y.

M. Dandavino (Raymond): M. le Président de la commission, M. le ministre, mesdames et messieurs membres de la commission. Il existe présentement au Québec plus de 3 500 personnes atteintes d'insuffisance rénale terminale qui sont traitées soit par dialyse ou soit qu'elles sont porteuses d'un greffon rénal fonctionnel. À ce nombre s'ajoutent tous les ans près de 100 nouveaux cas par million de population. Toutes ces personnes doivent consommer une quantité importante de médicaments soit pour leur maladie rénale de base et ses complications associées, soit pour les autres états pathologiques qui causent ou qui accompagnent l'insuffisance rénale.

L'Association des néphrologues du Québec représente les médecins traitants de ces malades. Notre participation active dans une réflexion quant à l'organisation des soins aux insuffisants rénaux du Québec s'est traduite depuis 1991 par des travaux conjoints que nous avons menés avec les professionnels du ministère de la Santé et des Services sociaux, et ces travaux ont donné lieu, en 1995, à la publication conjointe par le ministère de la Santé et des Services sociaux et l'Association des néphrologues du Québec d'un document portant sur la dialyse et son organisation. Ces documents sont disponibles au ministère pour ceux qui en voudront.

(16 h 30)

La présentation du présent mémoire devant cette commission est en continuité avec cette réflexion et les recommandations contenues dans ce document. Notre intervention va se limiter essentiellement aux besoins des médicaments reliés au traitement de l'insuffisance rénale terminale et de ses complications associées. Elle concerne les malades au stade de la prédialyse, pendant leur traitement en dialyse et pendant leur traitement à titre de greffés rénaux, s'ils ont la chance d'être greffés. Pour les autres informations relatives à l'insuffisance rénale terminale, nous vous référons au document dont on a fait état précédemment.

L'insuffisance rénale est traitée par hémodialyse ou par dialyse péritonéale. L'hémodialyse a lieu, dans l'immense majorité des cas, dans un centre hospitalier où le malade se présente pour ses traitements à raison de trois séances par semaine. Après chacune de ces séances, le malade retourne chez lui. La dialyse péritonéale, quant à elle, et, par définition, bien sûr, la dialyse à domicile sont réalisées à domicile avec le support technique requis.

Les médicaments que doivent prendre ces malades sont payés par des régimes d'assurance privés ou par la RAMQ dans les mêmes proportions qu'ils le sont pour les autres catégories de malades au Québec. Toutefois, certains hôpitaux fournissent une partie ou la totalité des médicaments à certaines catégories de malades qui ne se qualifient pas pour une fourniture gratuite de médicaments par la RAMQ et qui ne bénéficient pas d'assurance privée, mais qui, par ailleurs, sont tout à fait incapables d'assumer eux-mêmes le coût de la médication. Cela donne lieu à une variation importante d'un hôpital à l'autre et parfois même à l'intérieur d'un même hôpital, entre les malades traités selon une forme ou une autre de dialyse. Il y a donc là un problème d'équité qu'il nous faut solutionner. D'autre part, les hôpitaux qui fournissent les médicaments le font à partir de leur budget propre et aggravent, par conséquent, leur situation budgétaire en rapport avec la dialyse.

L'érythropoïétine et la cyclosporine constituent des situations particulières dont nous allons discuter en détail plus tard. Ces médicaments sont disponibles uniquement à l'hôpital et sont par conséquent distribués aux malades à partir des budgets hospitaliers. Ces budgets sont tout à fait insuffisants par rapport aux besoins puisqu'ils n'ont pas été indexés avec le temps pour tenir compte de l'augmentation du nombre des malades. Cela cause deux problèmes particuliers: soit que les malades qui en ont besoin n'en reçoivent pas faute de budget, soit qu'ils en reçoivent, ce qui aggrave davantage le déficit budgétaire de l'hôpital. L'érythropoïéitine n'est pas payée par la RAMQ ni par les assureurs privés car ce médicament est réputé être inclus dans la circulaire «malades sur pied». Quant à la cyclosporine, non seulement est-elle réputée faire partie de la circulaire «malades sur pied», mais, aussi, elle n'est pas disponible à l'extérieur de l'hôpital lorsque son indication est celle de l'immunosuppression pour transplantation rénale.

On va parler en particulier de l'érythropoïétine. C'est une substance utilisée pour stimuler la formation de globules rouges par la moelle osseuse et, par conséquent, corriger l'anémie qui accompagne nécessairement l'insuffisance rénale. La correction de cette anémie a des effets considérables sur l'amélioration de la qualité de vie des malades et sur la prévention des complications associées à l'anémie. L'utilisation de ce médicament évite de procéder périodiquement à des transfusions sanguines qui non seulement sont coûteuses, mais aussi comportent le risque de transmission de maladies virales. Les effets bénéfiques de l'érythropoïétine ont été démontrés de façon non équivoque pour les malades traités par dialyse et ils l'ont été aussi pour les malades au stade prédialyse et pour certains malades porteurs d'un greffon rénal fonctionnel.

Nos difficultés actuelles proviennent du fait que cette médication n'est pas remboursée par les assureurs privés ni par la RAMQ lorsque ces malades sont au stade de la dialyse. Elle est remboursée occasionnellement seulement par certains assureurs lorsque les malades sont au stade de la prédialyse et lorsqu'ils sont porteurs d'un greffon rénal fonctionnel. Cela entraîne donc une iniquité importante. Puisqu'il s'agit d'une médication coûteuse, les malades qui n'ont pas de couverture d'assurance ne peuvent pas se procurer cette médication et s'en trouvent donc privés. Cela a également pour effet d'occasionner pour la société des coûts directs importants reliés aux transfusions sanguines et à leurs complications, de même qu'aux traitements et aux complications d'une anémie qui n'est pas traitée.

Le nouveau régime d'assurance-médicaments, à notre avis, devrait permettre à tous les insuffisants rénaux qui en ont besoin de recevoir de l'érythropoïétine. Puisqu'il s'agit d'une médication coûteuse, peut-être y aurait-il lieu de prévoir une réglementation pour en limiter la prescription ou la diffusion aux seuls malades pour lesquels un bénéfice est prévisible, ce qui implique, bien sûr, une opinion ou une prescription néphrologique. Le budget annuel pour l'érythropoïétine dans les centres de dialyse du Québec était, en 1991, de l'ordre de 3 800 000 $ environ par année. Depuis cette date, les besoins ont augmenté et le déficit budgétaire s'est soit aggravé, soit maintenu, mais avec pour conséquence qu'un nombre plus grand de malades qui en ont besoin en ont été privés. L'instauration d'un régime universel d'assurance-médicaments au Québec constitue, à notre avis, une occasion idéale pour corriger cette situation et améliorer la santé et la qualité de vie de ces patients.

On va parler des autres médicaments pour le traitement de l'anémie. Bien sûr, le régime d'assurance-médicaments donnerait également les autres médicaments nécessaires pour le traitement de l'anémie. En effet, il serait illogique d'administrer une médication coûteuse comme l'érythropoïétine sans administrer les autres médicaments associés nécessaires sans lesquels l'administration de l'érythropoïétine est inutile. Ainsi, nous croyons que devraient être inclus dans ce régime d'assurance-médicaments les suppléments de fer sous toutes leurs formes et les autres suppléments vitaminiques nécessaires pour le traitement de l'anémie chez l'insuffisant rénal. Encore une fois, ceci devrait s'appliquer au stade prédialyse, pour les dialysés et pour les greffés rénaux.

L'hyperparathyroïdie secondaire est un état qui est associé à peu près nécessairement à l'insuffisance rénale terminale. À long terme, cela cause une maladie osseuse importante. Les insuffisants rénaux doivent contrôler le métabolisme phosphocalcique par la prévention de l'hyperphosphorémie et par la correction du fonctionnement excessif de la glande parathyroïde. Il est nécessaire pour cela d'utiliser des médicaments chélateurs du phosphore. Ces médicaments font généralement partie de la catégorie des antacides. Ces médicaments ne sont généralement pas remboursés par les assureurs ou la Régie de l'assurance-maladie du Québec car ils sont disponibles en vente libre et ils sont utilisés surtout pour le traitement de problèmes digestifs. Dans le cas particulier de l'insuffisance rénale, on fait appel à leur propriété de chélation du phosphore, et c'est là le motif de la prescription aux insuffisants rénaux. La Régie de l'assurance-maladie rembourse ces médicaments à certains malades à titre d'exception. Nous croyons que la disponibilité de ces médicaments devrait être étendue à tous les insuffisants rénaux au stade de prédialyse, chez les dialysés et chez les greffés rénaux. De même, pour prévenir et corriger l'hyperparathyroïdie, il est nécessaire d'administrer des suppléments de calcium et de vitamine D. Nous croyons que le calcium et la vitamine D sous toutes leurs formes devraient également faire partie de la liste des médicaments remboursés par le régime d'assurance-médicaments pour les insuffisants rénaux.

Les antibiotiques. Les malades hémodialysés et dialysés par dialyse péritonéale peuvent avoir besoin de médicaments antibiotiques pour le traitement de complications reliées à des infections de leurs accès vasculaires pour hémodialyse ou pour des péritonites chez les dialysés péritonéaux. Ces complications sont directement reliées à l'état d'insuffisant rénal dialysé. Par conséquent, les antibiotiques, sous toutes leurs formes, nécessaires pour le traitement de ces complications devraient être couverts par le régime.

Médicaments immunosuppresseurs. Les insuffisants rénaux qui ont pu profiter d'une greffe rénale doivent obligatoirement utiliser des immunosuppresseurs pour la prévention du rejet. Actuellement, le plus répandu est la cyclosporine, laquelle est fournie uniquement par les centres transplanteurs agréés. Cette médication n'est pas disponible à l'extérieur de l'hôpital pour le traitement des transplantés. Par conséquent, elle n'est remboursée ni par la RAMQ ni par les régimes d'assurance privés. Ces médicaments coûtent à l'État plus de 1 700 000 $ annuellement. Ce montant ne peut qu'augmenter puisque de nouveaux insuffisants rénaux sont transplantés chaque année et que les transplantés des années précédentes continuent de vivre avec un greffon rénal fonctionnel et, par conséquent, continuent de prendre la même médication. Ce budget est insuffisant et occasionne, pour les hôpitaux transplanteurs, des déficits budgétaires importants. L'instauration d'un régime universel d'assurance-médicaments constitue là aussi, à notre avis, une occasion unique de corriger cette situation. La cyclosporine devrait être admissible dans le régime d'assurance-médicaments en préparation. Il faudrait alors prévoir sa disponibilité dans des pharmacies extrahospitalières, y compris dans les régions non universitaires, pour que les malades qui y habitent puissent s'en procurer facilement sans risque de rupture d'approvisionnement. Dans le cas de ces médicaments, il est essentiel de comprendre qu'une interruption dans l'approvisionnement de la médication entraîne un rejet de l'organe transplanté, ce qui est catastrophique à la fois pour le malade, puisque cela entraîne son retour en dialyse, et pour la société, car les coûts de la dialyse sont considérablement supérieurs aux coûts de la transplantation.

De nouveaux médicaments immunosuppresseurs sont devenus disponibles récemment et d'autres le seront sans doute prochainement. Tous ces médicaments ont pour point commun d'améliorer les résultats de la transplantation rénale, mais ils ont aussi pour point commun d'être dispendieux. Il ne fait aucun doute qu'aucun transplanté rénal n'a les moyens de payer lui-même pour cette médication. À l'occasion de l'instauration du régime d'assurance-médicaments, il faudrait prévoir que la diffusion de ces nouveaux immunosuppresseurs et leur couverture soient semblables à celles de la cyclosporine afin de ne pas reproduire avec eux les problèmes que nous avons rencontrés dans le passé avec la cyclosporine. Pour l'avenir immédiat, les nouveaux immunosuppresseurs dont nous parlons sont le mycophénolate et le FK-506, connus respectivement sous les noms de commerce de Cell-cept et de Prograf.

Hormone de croissance. Dans le cas particulier des enfants porteurs d'insuffisance rénale chronique, se pose le problème de la croissance. Récemment sont devenus disponibles des suppléments d'hormone de croissance dans le but de corriger cette situation. Cette médication est également dispendieuse et devrait, pour le bénéfice de ces enfants, être rendue disponible à l'intérieur du régime lorsque ce traitement aura dépassé le stade expérimental et sera devenu un traitement régulier chez l'insuffisant rénal enfant.

Autres médicaments. Certains insuffisants rénaux traités par dialyse peuvent avoir besoin de suppléments vitaminiques ou autres substances nutritives. Sur prescription du néphrologue, nous croyons que ces suppléments vitaminiques et nutritifs devraient être admissibles au remboursement par le régime d'assurance-médicaments. Il devrait en être de même pour les vaccins pour la prévention de l'hépatite et de l'influenza.

(16 h 40)

En ce qui concerne les médicaments génériques et les médicaments brevetés, en général, nous n'avons pas d'objection à l'utilisation de médicaments génériques lorsque ces médicaments sont disponibles pour le traitement des insuffisants rénaux et des transplantés rénaux. Toutefois, nous voudrions faire une exception pour les médicaments immunosuppresseurs, car les conséquences sont trop graves de donner une médication dont nous ne connaissons pas parfaitement les caractéristiques en ce qui concerne le contrôle de la qualité, l'absorption, l'efficacité thérapeutique et l'innocuité. Parmi les immunosuppresseurs, nous entendons surtout actuellement la cyclosporine, le mycophénolate et le FK-506.

En conclusion, notre intervention devant cette commission vise à vous donner des informations essentielles pour que le projet de régime d'assurance-médicaments du Québec assure l'équité pour tous les insuffisants rénaux, rende disponibles pour tous les médicaments nécessaires pour le traitement de leur état d'insuffisant rénal, rende disponible la médication nécessaire pour le traitement des complications associées à la maladie, notamment l'anémie et l'hyperparathyroïdie secondaire, rende disponibles tous les médicaments sans lesquels la médication principale est inefficace et permette le traitement de maladies associées de façon à ralentir la vitesse d'évolution de l'insuffisance rénale et retarder ou prévenir, même, le besoin de faire appel à la dialyse pour le traitement de l'insuffisance rénale terminale.

Nous voudrions également que le régime qui sera mis en place comporte des mécanismes pour des révisions périodiques de la liste des médicaments devant être inclus de façon à pouvoir y ajouter de nouvelles médications s'il y a lieu, surtout si ces médicaments ont un effet de prévention sur la maladie rénale terminale ou s'ils améliorent davantage les résultats de la transplantation rénale. Enfin, nous remercions la commission pour l'intérêt qu'elle porte à notre document et, surtout, pour l'intérêt qu'elle porte à la cause des insuffisants rénaux du Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant le ministre de la Santé et des Services sociaux à vous adresser la parole.

M. Rochon: M. le Président, je vous remercie beaucoup de venir nous rencontrer et pour le mémoire que vous avez préparé. Je pense que ça va nous aider à clarifier un certain nombre de choses. On a dû rencontrer six, sept, huit groupes, je pense, qui, comme vous, oeuvrent avec des gens et aussi d'autres personnes comme vous qui vivent avec un problème de santé. Ça nous aide vraiment à voir comment on ajuste le régime. Parce que vous êtes parmi les citoyens et les citoyennes, je pense, pour qui un régime comme ça devrait être bénéfique, surtout pour des gens dans votre situation, si on tient compte de la situation actuelle.

Quelques commentaires qui sont aussi peut-être un peu des questions sur lesquelles vous pourrez réagir pour bien compléter votre pensée, qu'on vous saisisse très bien. La couverture. Vous faites référence, à un moment donné dans votre présentation, madame, au fait qu'il y a certains médicaments qui sont très coûteux et que, si c'est couvert par des régimes d'assurance, les primes vont devenir excessives, ce qui est vraiment le problème de la situation actuelle: ou bien ce n'est pas couvert ou c'est couvert, mais avec une prime qui devient très grande. Je voudrais juste rappeler que, dans ce qui est proposé comme projet de loi, ça prévoit justement, même avec une gestion mixte – privée pour certaines assurances et publique pour d'autres – un même régime, c'est-à-dire que tout le monde a accès à la même liste de médicaments et selon les mêmes paramètres. Ça devient possible de le faire parce que, dans un seul régime où tout le monde va être couvert, les assureurs – et c'est déjà prévu – au-delà d'un certain coût pour une personne, vont faire ce qu'ils appellent... vont mutualiser le risque. Alors, pour l'ensemble des assureurs, ensemble, ça constitue un pool où ils peuvent l'absorber, à ce moment-là, ce qui n'est pas possible quand on n'a pas un régime général de base, où tout le monde collabore ou participe au même régime. Donc, ça, d'avoir un régime comme on propose, c'est le genre de chose que ça permet de corriger.

Un autre point que vous soulignez et sur lequel je voudrais revenir, comme on a fait avec le groupe qui vous a précédé, pour bien s'assurer qu'on n'essaie pas de sortir d'un régime d'assurance-médicaments des choses auxquelles on ne peut pas s'attendre... Par exemple, la gestion du système de santé, pour des traitements de surspécialisation dans un domaine comme ça, il y a tout le réseau, le système, avec les responsabilités d'ordre national, régional ou local, qui va continuer à côté; c'est plutôt le régime du médicament qui va se greffer à ça. Actuellement, on a de la difficulté à faire des arrimages entre les deux, parce qu'on a tout un financement qui est prévu pour ce qui se fait dans des établissements, et, comme vous l'avez bien dit, c'est sûr que, si on n'est pas dans un établissement, on tombe devant rien, là, en ce qui regarde le financement du médicament, à moins d'avoir une maladie qui est sur la circulaire «malades sur pied» ou d'avoir un certain âge ou d'être prestataire de la sécurité sociale; autrement, il n'y a aucune couverture. Bien, la gestion du réseau, comme, par exemple, de s'assurer qu'on a le bon nombre de centres hospitaliers qui sont au bon endroit pour qu'on puisse concentrer des budgets, pour ce qui est de la partie de l'établissement qu'il faut gérer, ça, c'est en train de se rationaliser et ça va se faire de plus en plus, mais on ne peut pas l'attendre du régime du médicament, je pense. Ça va venir en complément.

Maintenant, vous soulignez, je pense – puis je veux m'assurer que vous avez bien compris – que, dans certains cas, si on veut que le médicament soit accessible pour ceux qui en ont vraiment besoin – et ça peut être le cas pour la cyclosporine – ce que le CCP peut déjà faire et que la liste prévoit déjà, certains médicaments peuvent être classés médicaments d'exception. Ça veut dire qu'ils sont disponibles dans certaines conditions bien précises et qu'un médecin doit l'attester. J'ai cru comprendre que vous trouviez que c'était un bon moyen. Je voudrais être bien sûr de vous avoir bien compris. Et, en retour, vous, je ne sais pas dans quelle mesure vous êtes familiers avec le fonctionnement du CCP et la liste du Conseil consultatif de pharmacologie et la liste de médicaments, mais c'est déjà quelque chose qui se fait, ça, actuellement, pour qu'on s'assure que, par glissement, on ne se mette pas à prescrire pour différentes fins un médicament qui est très coûteux alors que d'autres médicaments sont aussi utiles... qu'on réserve ce médicament-là à des fins spécifiques. Ça, c'est aussi prévu.

Maintenant, la question que je voudrais surtout vous poser... Vous avez, dans votre mémoire, je pense, surtout... Dans le deuxième mémoire que vous nous présentez, Dr Dandavino, page 4, au milieu, vous nous dites que le régime devrait tout couvrir, y compris, par exemple, les suppléments ferreux et les suppléments vitaminiques. La façon dont se gère présentement la liste prévoit déjà que peuvent être couverts un ensemble de médicaments et même certains instruments, comme la seringue pour l'insuline, par exemple, qui sont nécessaires pour que le traitement soit vraiment donné.

Maintenant, comme pour notre régime d'assurance-santé, c'est un régime universel et général qui couvre tout ce qui est médicalement requis, mais qui ne couvre pas nécessairement tout le tour. On dit: Une fois qu'on a couvert l'essentiel, ce qui est 80 %, peut-être 90 % de la dépense, les gens peuvent... Certains, c'est pour une maladie; d'autres, c'est pour autre chose. Ils peuvent quand même assumer certains coûts. Bon. L'exemple... On me dit, par exemple, que, du sulfate ferreux, ça s'achète même sans prescription puis, pour 3 $, on en a une bouteille de 100. Je prends ça comme exemple, là. Est-ce que vous voulez vraiment nous dire que tout au complet, y compris certains suppléments d'une thérapie, devrait être couvert ou si ce qui est important est qu'un régime couvre l'essentiel et que peut-être certains suppléments... qu'on pourrait tenir compte que les gens, ayant le noyau bien couvert, peuvent se débrouiller avec ça ou pas? Précisez un peu, peut-être, là-dessus.

M. Dandavino (Raymond): Je vais répondre tout de suite à votre question et je vais revenir faire un commentaire ensuite par rapport, notamment, à la cyclosporine et les hôpitaux où sont concentrés ces budgets.

Mon mémoire a porté essentiellement sur l'insuffisance rénale et les conséquences très proches de l'insuffisance rénale terminale. Je n'ai pas parlé du diabète, qui est une maladie de base ou associée, de l'hypertension, qui est une maladie de base ou associée, de la dyslipidémie, qui est une maladie de base ou associée. En fait, je n'ai pas parlé de ça. Donc, tous ces malades qui ont une insuffisance rénale ou la plupart d'entre eux, ils ont une foule de médicaments qu'ils prennent pour d'autres états pathologiques. Même s'il est vrai que certains médicaments comme le sulfate ferreux, vous l'avez dit avec raison, ça ne coûte pas très cher, le sulfate ferreux, ça ne fait que s'ajouter à une foule de médicaments qu'ils prennent déjà, par ailleurs, et qu'ils prendront déjà, par ailleurs. Donc, ces gens-là sont vraiment à la limite de ce qu'ils peuvent payer, un certain nombre d'entre eux. Ce qui serait dommage, et énormément dommage, je pense, pour la société dans laquelle on est, ce serait qu'on se rende compte que du sulfate ferreux est prescrit à un malade ou qu'on demande à un malade d'en prendre et que ce malade ne peut pas en prendre ou n'en prend pas parce qu'il n'a pas les moyens d'en prendre ou il pense qu'il n'a pas les moyens d'en prendre et, à cause de ça, on se dit: Voici un cas où il y a une non-réponse, une réponse non satisfaisante à la médication qu'on lui donne, et, au lieu de lui donner du sulfate ferreux qu'on paie 3 $ pour 100 comprimés, on augmente sa dose d'érythropoïétine, ce qui nous coûte 200 $ de plus par semaine.

En fait, lorsque je disais qu'il fallait voir ça dans son ensemble, surtout pour des médicaments coûteux, c'est qu'on court le risque, à vouloir économiser des sous, de dépenser des dollars ou des centaines de dollars. Donc, il faut s'assurer que, dans cette situation bien particulière, on ne gaspille pas des argents précieux à donner une médication dispendieuse simplement parce que le supplément associé, qui, lui, n'était pas dispendieux, n'a pas pu être acheté par le malade parce qu'il devait le payer. Donc, ça, c'est une mise en garde que je fais et c'est la raison pour laquelle je l'ai dit spécifiquement, parce que tout ce qui se trouve sur une tablette ou sur les tablettes en général, les assureurs ont tendance à dire: On ne couvre pas ceci.

(16 h 50)

Le problème qu'on a actuellement en ce qui concerne nos malades, c'est le problème de l'iniquité, surtout pour les malades qui ne sont pas couverts par le régime de sécurité du revenu et qui ne sont pas assurés. En fait, ceux qui sont couverts par le régime de sécurité du revenu, ça ne pose pas beaucoup de problèmes parce que le régime de sécurité du revenu paie ces médicaments-là. Ceux qui sont assurés, ça va. C'est toute la catégorie des personnes qui sont entre les deux. Et puis, finalement, j'ai bien compris qu'un des objectifs importants de la loi que vous présentez, c'est de donner une couverture à ces personnes-là. Donc, il faudrait bien s'assurer qu'au moins, pour les insuffisants rénaux, bien, au-delà des objectifs généraux de la loi, la réglementation de la loi fasse en sorte que la loi soit utile pour eux et non pas qu'elle soit une liste de principes ou de voeux pieux et, finalement, qui n'ait aucune conséquence.

Vous avez parlé de la cyclosporine, par exemple; je profite de ceci pour y revenir. Vous avez dit, et vous avez raison, que la cyclosporine fait partie de la liste actuellement. C'est vrai, mais la cyclosporine fait partie de la liste actuellement seulement pour le traitement du psoriasis. Si on achète de la cyclosporine à la pharmacie pour le traitement d'une transplantation, ça ne fait pas partie de la liste. Ça oblige donc les transplantés à s'approvisionner en cyclosporine dans les hôpitaux. Et, comme vous savez, les hôpitaux utilisent plus de cyclosporine que ce pourquoi ils ont des budgets; c'est la même chose pour l'érythropoïétine.

D'une certaine façon, si on était capable d'inclure ces médicaments dans le régime général, ça enlèverait aux hôpitaux le poids du paiement de l'érythropoïétine et de la cyclosporine. Évidemment, leur déficit budgétaire serait amélioré et ils pourraient consacrer ces ressources à d'autres catégories de malades qui, forcément, en sont privés puisque, quand il y a de l'argent à être utilisé à un endroit, ce n'est pas à l'autre endroit. Bien sûr, il faudrait faire bien attention que pour des médicaments, notamment la cyclosporine... Je n'ai pas beaucoup de craintes pour la cyclosporine, mais, disons, l'érythropoïétine, par exemple, il faudrait bien s'assurer qu'il y a un encadrement ou qu'il y a des balises à la prescription de médicaments coûteux comme ceux-là, parce que, finalement, des gens qui n'en ont pas l'expérience ou qui n'en ont pas tout à fait l'expertise ou qui voudraient en faire un usage autre pourraient se mettre à l'utiliser. Donc, il faut mettre des balises bien précises. Ce n'est pas à moi, je pense, à établir la mécanique de ces balises-là, mais je pense qu'il faut s'assurer de ça.

C'était ça, l'essentiel de notre message. En ce qui concerne le message de Mme Julien et le mien, c'était surtout d'illustrer qu'il y a actuellement des malades au Québec qui ont des insuffisances rénales et qui ne reçoivent pas le traitement qu'ils devraient avoir parce qu'ils ne se qualifient pas soit pour la sécurité du revenu, soit pour être assurés.

M. Rochon: Alors, ça, on s'entend bien. C'est pour ça que je disais tout à l'heure qu'un régime comme ça vise d'abord des gens comme ça; et là, au moins, on aurait une situation où une personne, selon son revenu, paierait jusqu'à un plafond maximum, selon le projet de loi qui est présenté, de 750 $, et, après ça, tout le reste, le régime le prend à son compte. C'est ce qui me faisait dire que, si l'essentiel est couvert jusqu'à un maximum, il y a peut-être certains petits compléments peu coûteux qui n'ont pas nécessairement besoin d'être tous là à 100 %. Mais, ça, ce serait à voir sur une base ad hoc, je pense. Là-dessus, je peux vous assurer que c'est bien entendu que la liste qui est préparée par le CCP et le rôle du CCP, comme c'est écrit dans la loi, vont être rajustés pour tenir compte d'un nouvel environnement qui est un régime d'assurance-médicaments, ce qui n'est pas ce pourquoi fonctionnent présentement le CCP et la liste. Et les mécanismes dont vous parlez, ils existent déjà pour baliser l'utilisation des médicaments coûteux et très spécifiques. Merci.

Le Président (M. Gaulin): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. À mon tour de vous remercier d'avoir accepté l'invitation de la commission et, aussi, de recevoir votre mémoire et la qualité des interventions.

Je voudrais retenir... Dans le document que vous nous avez donné, vous mentionnez que plus de 150 personnes sont présentement sur une liste d'attente; je pense que c'est par rapport au médicament Eprex. Je voudrais peut-être adresser ma question à des gens qui ont le problème d'insuffisance rénale. Qu'est-ce que c'est pour un patient qui est sur une liste d'attente? Donc, j'imagine qu'il n'a pas son traitement ou qu'il a des demi-traitements ou qu'il n'a pas des traitements réguliers. J'aimerais savoir comment vous vivez ça ou comment les patients qui sont sur la liste d'attente vivent ce genre de problème.

Une voix: L'Eprex... Bien, moi, j'ai connu ce qu'était la vie avant l'Eprex...

Le Président (M. Gaulin): Voudriez-vous vous identifier, s'il vous plaît?

Mme Beaulieu (Nancy): Oui, je m'excuse. Nancy Beaulieu, greffée.

Le Président (M. Gaulin): Merci, Mme Beaulieu.

Mme Beaulieu (Nancy): J'ai connu... J'ai eu 16 ans de dialyse avant ma dernière greffe; c'est la troisième, ça fait un an. J'ai connu ce qu'était la vie sans Eprex, c'est-à-dire multi, multi, multi transfusée. J'ai connu ce que c'était, l'Eprex. C'est le jour et la nuit. C'est un changement de vie complet parce qu'en retour on ne fait plus d'anémie. Maintenant, ce que vivent les gens qui sont en attente, étant donné qu'ils ne connaissent pas vraiment la différence, ils ne peuvent pas nécessairement l'apprécier, parce que la qualité de vie qu'on a sur Eprex équivaut à peu près à la forme qu'on peut avoir les 15 jours suivant une transfusion. À ce moment-là... Et, aujourd'hui, bien, les gens sont de plus en plus inquiets à être transfusés, donc refusent des transfusions, et ainsi de suite.

M. Marsan: Le médicament est donné, je pense, surtout...

Mme Beaulieu (Nancy): Pendant les traitements d'hémodialyse.

M. Marsan: C'est ça, dans les unités de dialyse, donc en milieu hospitalier.

Mme Beaulieu (Nancy): C'est ça.

M. Marsan: On peut penser que, là aussi, si les... On sait que la composante des médicaments fait partie du budget global d'un établissement. Si l'établissement reçoit des contraintes de façon assez importante – et je pense qu'elles le sont, là, depuis les deux dernières années – on peut penser que le médicament pourrait ne pas être disponible. Mais je crois savoir que le ministère donne des montants d'argent pour l'Eprex particulièrement, sauf que vous nous dites aujourd'hui qu'il y a quand même des patients qui ne peuvent recevoir le traitement. Est-ce que c'est parce que le médicament n'est pas disponible ou parce que les unités de dialyse ne sont pas suffisantes pour recevoir les patients?

Mme Beaulieu (Nancy): C'est réellement à cause du coût que le médicament n'est pas disponible. C'est réellement réel. Souvent, au moment d'une greffe, ça va libérer un... de permettre un patient de moins qui a été hémodialysé, donc permettre d'en avoir un nouveau qui va pouvoir recevoir l'Eprex. C'est réellement en termes de coûts. Il y a un budget fermé pour une certaine quantité d'Eprex et ils le distribuent du mieux qu'ils peuvent. Comme le docteur le disait... comme AGIR le disait, c'est-à-dire, ça varie d'un centre à l'autre parce que les critères peuvent varier selon le taux d'hémoglobine ou selon... si la personne travaille ou pas. Ça ne va pas vraiment avec l'état de santé de la personne.

M. Marsan: Je veux entendre aussi... Je pense que vous avez manifesté, Dr Dandavino?

M. Dandavino (Raymond): Oui, je voulais faire une remarque à M. Marsan pour bien préciser les choses. Il est vrai que l'Eprex est donné à un certain nombre de malades à l'occasion de leur visite pour la séance d'hémodialyse, là, leurs deux ou trois séances hebdomadaires. Donc, il ne faut pas tirer comme conclusion de ça que c'est donné en milieu hospitalier. C'est par commodité, ça. L'Eprex, c'est un peu comme l'insuline. Le malade diabétique qui est hospitalisé, l'infirmière la lui donne à l'hôpital, bien sûr, sur le budget de l'hôpital, mais le même malade diabétique à la maison se donne lui-même son insuline. Donc, les malades qui sont en dialyse péritonéale s'administrent eux-mêmes leur Eprex à la maison, mais à partir d'un médicament qui est fourni par la pharmacie de l'hôpital. On pourrait très bien imaginer que, pour des raisons de commodité, qui font que l'infirmière de dialyse l'administre au malade trois fois par semaine à l'occasion de sa visite, le malade pourrait prendre le même Eprex à l'extérieur. Donc, je dis ceci pour dissiper toute ambiguïté, parce que c'est sous cette ambiguïté-là que se basent les assureurs pour refuser de payer aussi l'érythropoïétine. Ils disent: Ça vient de l'hôpital, donc on n'a pas d'affaire à payer ça à l'extérieur. Je pense qu'on devrait corriger cette ambiguïté-là et que ce soit très clair et très bien expliqué dans la réglementation qui accompagne la loi.

Ensuite, en ce qui concerne la non-disponibilité d'Eprex pour un certain nombre de malades, bien, ça, ça provient des politiques variables d'un hôpital à l'autre en ce qui concerne la prescription d'Eprex. Il est bien sûr que le néphrologue qui est devant un malade qui a besoin d'érythropoïétine, son devoir, c'est de prescrire de l'érythropoïétine. Et là il se produit deux choses: soit que l'érythropoïétine est livrée par la pharmacie et administrée, comme ça devrait être sur une prescription qui est correcte, soit que la pharmacie ne la livre pas, parce qu'ils ont dit: Nous, on a livré suffisamment d'érythropoïétine dans le mois dernier, là, et on a dépassé notre budget pour la période et il n'y a pas d'autre érythropoïétine qu'on a achetée, on n'en achètera pas, on n'en donnera pas. Donc, il y a une prescription qui n'est pas exécutée. Ou bien, des fois, il y a des situations qui sont quelque part entre les deux, où les néphrologues s'entendent avec le chef de la pharmacie, le directeur des finances et le directeur général de l'hôpital pour dire: Bon, au lieu d'avoir comme objectif de traiter l'anémie de nos malades, bien, on va traiter à peu près l'anémie de nos malades, à peu près à moitié ou aux deux tiers ou aux trois quarts, selon nos disponibilités budgétaires, pour l'ensemble de notre population de malades. Et d'autres ont plutôt fait le choix de dire que, quant à traiter des malades, ceux qu'on doit traiter, on va les traiter correctement et les autres attendront à la période budgétaire suivante.

En fait, c'est une situation qui est un non-sens et qui est indéfendable à la fois sur le plan social, éthique, professionnel, et ainsi de suite. Toutefois, on vit ça dans la vie de tous les jours, et je pense que ce n'est pas quelque chose de neuf que je vous annonce.

M. Marsan: Je vous remercie bien.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci, docteur. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

M. Marsan: Alors, en conclusion...

Le Président (M. Gaulin): Alors, je vais demander, en conclusion, au député de Robert-Baldwin, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et de...

(17 heures)

M. Marsan: Oui. Je voudrais remercier bien sincèrement nos invités. Je pense que ça a été extrêmement intéressant. J'apprécie tous les commentaires qui ont été faits, particulièrement le témoignage que vous nous avez fait, madame, sur ce qu'un patient peut subir avec la médication ou le manque de médication. J'apprécie également tous les points qui ont été faits par la présidente, par le Dr Dandavino et par toute votre équipe. Alors, un gros merci.

Le Président (M. Gaulin): M. le ministre.

M. Rochon: Je vous remercie aussi. C'est une situation qu'on connaissait assez bien, je pense, celle qui est la vôtre, mais ça nous remet à jour d'entendre un témoignage plus récent. Soyez assurés qu'il y a une préoccupation très grande non seulement d'améliorer la situation de l'accès aux médicaments par ce régime qui est proposé, mais aussi que, libérant ainsi certaines zones de problèmes, ça va nous permettre de nous concentrer encore plus sur la partie de gestion des soins et d'organisation des services dans le réseau pour que le résultat total soit encore meilleur pour les personnes qui doivent vivre avec ce problème-là à gérer. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci à l'Association générale des insuffisants rénaux d'avoir déposé devant la commission. Merci à Mme Julien, porte-parole, au Dr Dandavino, à M. Fillion, à Mme Beaulieu et à M. St-Pierre.

Alors, nous suspendons jusqu'à 20 heures pour la reprise de la commission.

(Suspension de la séance à 17 h 2)

(Reprise à 20 h 7)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, nous recevons, pour cette dernière partie de nos auditions qui vont se terminer à minuit ce soir, les représentants de l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec. Et je vous rappelle que vous avez 20 minutes de remarques préliminaires, et j'apprécierais que vous présentiez les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.


Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES)

M. Parent (Marc): Merci beaucoup, M. le Président. Alors, à ma droite, Mme Dolorès Lepage-Savary, à ma gauche, Mme Manon Lambert, et, à côté d'elle, Mme France De Villers, toutes pharmaciennes. Alors, l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec, l'APES, tient à remercier les membres de la commission pour cette opportunité de participer à cette consultation sur le projet de loi qui vise à doter les citoyens du Québec d'une couverture minimale face aux problèmes d'accessibilité économique des soins pharmaceutiques et des médicaments.

L'APES représente plus de 1 000 pharmaciens oeuvrant dans les différents établissements de santé du Québec, dont la majorité exercent dans les hôpitaux. L'hôpital est certes l'établissement qui symbolise le mieux, aux yeux du citoyen, l'accessibilité sans barrière aux soins médicaux et pharmaceutiques et aux hautes technologies. Il n'est donc pas surprenant que les plus démunis de notre société frappent à notre porte lorsqu'un traitement pharmacologique ne leur est pas accessible, généralement pour des raisons économiques. Nos membres connaissent donc bien les problèmes d'accessibilité et les inéquités soulevées par les régimes actuels, dont les critères d'admissibilité sont notamment établis selon l'âge, le type de pathologie, le lieu de prestation des soins et des services pharmaceutiques. Cette situation a entraîné et entraîne toujours des conséquences néfastes sur l'accessibilité des médicaments, ressource thérapeutique efficace et efficiente s'il en est une.

L'avènement d'un régime général d'assurance-médicaments représente donc une mesure visant à rétablir une forme d'équité pour la clientèle visée par la circulaire «malades sur pied» et les autres clientèles injustement oubliées. Il s'agit, pour notre Association, du dénouement de nombreuses représentations effectuées depuis le début des années quatre-vingt. Nous reconnaissons les qualités du régime proposé par le gouvernement puisqu'il permet de solutionner plusieurs des problèmes rencontrés en pratique par les pharmaciens et leurs patients tout en tenant compte des difficultés économiques actuelles. Le projet de loi répond au questionnement social que notre Association avait soulevé depuis plus d'une décennie face à l'accessibilité et à l'équité au sein des programmes en place. Nous ne reviendrons pas sur les vertus sociales du projet, nous en sommes déjà convaincus.

Nous sommes conscients de la difficulté de préciser les modalités et conditions d'un programme d'assurance-médicaments dans un projet de loi. Nous ne remettons pas en question la pertinence de déterminer celles-ci dans la réglementation. Cependant, ces modalités et conditions sont si fondamentales qu'elles détermineront l'acceptabilité du projet par la population et l'acceptabilité de la contribution que nous exigerons d'elle. Nous concentrons donc une partie de nos interventions sur ces modalités.

(20 h 10)

Comme nous l'avons mentionné dans nos interventions aux comités Demers et Castonguay, la participation financière des citoyens est une mesure d'équité nécessaire dans le cadre de ce programme. Nous ne sommes ni actuaires ni assureurs, mais nous nous expliquons mal pourquoi le montant de la prime ou de la cotisation est fixé selon des modalités qui diffèrent selon qu'il s'agit de la couverture assumée par la Régie ou par le secteur privé.

Nous croyons qu'il faut éviter que toute hausse imprévue des coûts, plus particulièrement dans le cas d'une assurance collective, n'entraîne des déboursés excessifs pouvant limiter l'accessibilité aux médicaments et aux services pharmaceutiques pour un groupe donné. Nous craignons que, malgré le projet de mutualisation des risques, certains petits groupes d'assurés ayant à supporter des malades à risque voient leurs primes ou les frais administratifs augmenter de façon importante et ainsi nuire à l'accessibilité prévue au projet de loi. En fait, le projet recèle un paradoxe en ce qu'il présente une mesure sociale de partage collectif des risques mais selon des modalités qui préservent la couverture individuelle et de multiples couvertures collectives. Outre l'objectif d'affecter le moins possible les régimes d'assurance en place, rien ne semble justifier une telle diversité, aussi importante, des modalités de couverture dans un projet de loi à visée sociale.

On peut lire, aux articles 39 et 41, qu'au montant de la prime de risque s'ajoutent des frais d'administration relatifs au régime général et que le montant des frais d'administration est établi par chaque assureur. Même s'il est vrai que cette façon de faire laisse libre cours à la compétition, il nous semble opportun que le législateur, par souci d'équité, fixe par voie de réglementation un maximum qui pourrait être révisé périodiquement. Cette mesure garantirait l'intérêt du citoyen à ce que la compétition s'opère à la baisse, surtout suite aux chiffres présentés devant cette commission récemment.

Nous notons que l'article 14 du projet de loi pourrait permettre plus d'une modification de tarifs durant la période de référence. Nous comprenons donc ici que les montants peuvent varier au cours d'une année. Cela nous semble une souplesse exagérée par rapport aux autres régimes d'assurance, privés et publics. L'APES recommande qu'à cette fin le projet de loi devrait fixer la période de référence à au moins une année.

Finalement, le gouvernement et les pharmaciens des établissements partagent le souci commun de fournir aux Québécois une protection de base pour un accès raisonnable et équitable aux médicaments et aux soins pharmaceutiques. Il est bien connu que la contribution des usagers freine, au moins temporairement, la consommation des médicaments. Cet effet de frein s'applique autant sur les médicaments requis par l'état de santé de l'usager que sur les médicaments utilisés de façon non appropriée. Des études ont démontré qu'une contribution aussi faible que 0,50 $ peut conduire à un tel effet.

Compte tenu des précédents, l'APES recommande donc au ministre une extrême prudence afin de s'assurer que le projet de l'assurance-médicaments atteigne les buts auxquels nous le destinons. La mise sur pied d'un tel programme constitue une occasion en or d'évaluer l'impact de cette mesure. À cette fin, l'APES recommande qu'une étude épidémiologique soit amorcée à l'instauration du programme d'assurance-médicaments pour s'assurer que la contribution exigée des citoyens ne devienne pas un obstacle à l'accessibilité et n'ait pas un effet négatif sur les coûts indirects de santé.

La nature de la couverture prévue au premier alinéa de l'article 8 englobe le coût de la rémunération des services déterminés par règlement du gouvernement, qui sont requis au point de vue pharmaceutique. Pour la portion de ces services offerts en établissement, nous vous offrons, M. le ministre, notre expertise et toute notre collaboration pour contribuer à déterminer judicieusement les services pharmaceutiques qui devraient être offerts aux citoyens et qui devront être prévus au règlement.

Le panier de services qui constituera le programme québécois d'assurance-médicaments fera foi de sa qualité et de son efficacité à fournir aux citoyens une pharmacothérapie optimale et continue. Il témoignera également de sa capacité à fournir le support requis par les citoyens afin qu'ils utilisent à bon escient leurs médicaments. Ce support est d'autant plus important que le virage ambulatoire exige plus des patients, qui doivent maintenant jouer un rôle actif dans leurs traitements. Cela exige des professionnels de leur consacrer temps et énergie afin de les doter des connaissances et des habiletés requises pour le succès de leurs traitements. Le panier de services doit donc, lui aussi, s'adapter à cette nouvelle réalité.

Nous avons toujours soutenu que certaines clientèles ayant des besoins en soins pharmaceutiques généraux et actuellement desservies par les établissements publics sur une base externe devraient être transférées aux pharmaciens de pratique privée. Ce faisant, nous nous assurons d'un point de service adapté aux besoins des usagers.

D'autre part, une certaine partie de la clientèle nécessite des soins médicaux et pharmaceutiques ambulatoires spécialisés et requiert que l'équipe interdisciplinaire de l'établissement prenne en charge une partie ou la totalité de la prestation des soins. L'APES recommande donc que seuls les cas, conditions et catégories de personnes susceptibles de nécessiter des médicaments et des services pharmaceutiques spécialisés ou requérant les expertises, les immobilisations, le plateau technologique ou l'équipe interdisciplinaire d'un établissement soient prévus à l'article 8 du projet de loi.

Le programme de soins pharmaceutiques spécialisés auquel nous pensons particulièrement touche les secteurs de l'oncologie, de l'antibiothérapie, du traitement du diabète en centre de jour, du traitement du sida, les préparations parentérales, dont la nutrition parentérale totale, de la néphrologie, de l'hémodialyse, les greffés d'organes, le traitement parentéral de la douleur, les soins palliatifs ainsi que de la psychiatrie ou de certains secteurs de l'hématologie. Toute facturation par les établissements pour des services, des soins ou des médicaments en dehors du cadre précédemment décrit pourrait être assimilée à de la facturation pour des services hospitaliers au sens de la loi canadienne. Ainsi, en accord avec les recommandations du comité présidé par M. Claude Castonguay, nous croyons que le libellé du troisième alinéa de l'article 8 du projet devrait être plus restrictif, puisque l'ensemble des soins et services pharmaceutiques fournis dans le cadre des activités d'un établissement ne peuvent, à notre avis, être soumis au projet d'assurance-médicaments, particulièrement dans les cas des clients admis ou hébergés.

Il est toutefois important de mentionner notre inquiétude à l'effet que l'exercice du pouvoir réglementaire puisse conduire au maintien d'effets pervers produits actuellement par la circulaire «malades sur pied». Le fait d'édicter par règlement une liste trop limitative de catégories de personnes, de cas ou de conditions pourrait, pour toutes sortes de raisons, mais surtout face à l'évolution rapide des technologies en matière de pharmacothérapie, limiter à nouveau l'accessibilité de soins et de services pharmaceutiques pour certains malades. Afin d'éviter que ces patients se retrouvent pris entre deux programmes ou modes de prestation de services, l'APES recommande fortement au ministre de prévoir dans la loi la création d'un comité de surveillance réunissant les représentants du ministère, du Conseil consultatif de pharmacologie, des assureurs, des associations d'établissements, des ordres professionnels ainsi que des représentants des cliniciens suggérés par les associations de pharmaciens pour recommander au ministre les ajustements, les ajustements qui, inévitablement, seront nécessaires au fil des années en raison de l'évolution de la pharmacothérapie et des modes de prestation des soins et services. Ce comité aurait autorité pour résoudre les problèmes d'application du programme d'assurance-médicaments. Cette solution aurait pour avantage une souplesse que la méthode réglementaire n'a pas et évitera aux citoyens des préjudices liés à la lenteur du processus législatif.

Les nouvelles façons de faire imposées par le virage ambulatoire créent un vide, notamment pour les établissements, pour la détermination du coût des services et des médicaments requis. Cette étape nous semble importante puisque, sans remboursement équitable, les services requis par les patients pourraient être partiellement rendus ou, pire, ne pas être rendus du tout. Nous mentionnions que ce financement doit être équitable, ce qui implique aussi qu'il ne doit pas être excessif, en ce que les médicaments et les soins pharmaceutiques ne doivent pas devenir un centre de financement d'autres activités au sein des établissements. Cette situation ne serait pas équitable pour le citoyen-payeur.

La polémique reliée au sous-financement de la circulaire «malades sur pied» a trop longtemps obligé les établissements à choisir entre le bien-être des malades ambulatoires et le bien-être budgétaire de l'établissement. À cette fin, nous croyons qu'il faut examiner de près le mode de remboursement des soins et services pharmaceutiques fournis en établissement. La rémunération à l'acte nous semble mal adaptée aux besoins de ces patients et au mode de prestation des soins pharmaceutiques en établissement. L'APES recommande qu'un mode de remboursement apparenté à une vacation, basé sur un épisode de soins, soit sérieusement envisagé.

Face à ces défis, c'est avec plaisir que nous vous offrons notre entière collaboration dans la détermination d'une valeur juste et équitable aux services qui seront offerts par les établissements et les pharmaciens qui y oeuvrent. Notre Association milite depuis longtemps afin d'assurer une accessibilité raisonnable aux médicaments et une continuité aux soins pharmaceutiques pour la population québécoise, et nous souhaitons vivement que tout sera fait pour éviter qu'une situation analogue à celle vécue avec la circulaire «malades sur pied» ne se reproduise.

Nous venons de discuter abondamment des soins pharmaceutiques requis et des modes de remboursement. L'autre volet du programme d'assurance-médicaments touche le médicament lui-même. La couverture des médicaments sera déterminée par une liste de médicaments; ceci est une stratégie éprouvée au Québec et avec laquelle nous sommes en accord. L'article 58 du projet maintient la notion de médicament d'exception. Nos consultations auprès de nos membres nous font craindre certains problèmes d'application en établissement, puisque certains médicaments non inscrits sur la liste actuelle ou des médicaments inscrits pour des cas et conditions particulières doivent parfois être utilisés en dehors de ces critères dans le cadre de programmes de soins ambulatoires. De nombreux exemples touchant les agents de chimiothérapie pourraient être avancés.

Ainsi, puisque les établissements seront les points de service les plus susceptibles d'être confrontés à ces situations dites exceptionnelles, nous nous inquiétons de la lourdeur et de la lenteur que pourrait revêtir une démarche de préapprobation auprès d'un tiers-payeur. Nous suggérons qu'aux fins d'application par les établissements, pour les cas ou circonstances assimilables aux médicaments d'exception, l'article 116 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux s'applique intégralement et qu'en conséquence le Conseil des médecins, des dentistes et des pharmaciens se porte garant du processus et en avise secondairement le Conseil consultatif de pharmacologie. Cette démarche fournira une souplesse d'application supplémentaire et garantira un mécanisme de contrôle adéquat tout en fournissant un mécanisme de rétroaction permettant au Conseil consultatif de pharmacologie une mise à jour de la liste à partir de l'évolution des situations cliniques.

(20 h 20)

En raison de son importance tant pour la qualité de l'utilisation des médicaments que sur le coût du régime, il importe de vous présenter nos commentaires sur le Comité de revue de l'utilisation des médicaments. Rappelons que les programmes de Revue d'utilisation des médicaments, ou RUM, ont vu le jour en milieu hospitalier, notamment à l'initiative des pharmaciens d'établissement et grâce à la collaboration de nombreux partenaires. Ces programmes se sont avérés excellents pour améliorer la qualité d'utilisation des médicaments et ainsi utiliser judicieusement les budgets alloués à la pharmacothérapie et juguler efficacement la croissance des coûts directs et indirects reliés à leur utilisation.

Les programmes de RUM visent essentiellement à identifier des problèmes au niveau des processus d'utilisation des médicaments et à agir sur les causes de ces problèmes afin de corriger la situation. La théorie des RUM ainsi que l'expérience acquise en milieu hospitalier démontrent qu'un programme RUM doit être basé sur un processus de révision par les pairs pour être efficace. La méthodologie d'une RUM prévoit la transmission aux professionnels de leur profil de prescription ou de dispensation des médicaments. Nous croyons que cette responsabilité doit demeurer celle du comité de RUM.

Tout ou une partie de cette responsabilité de cette étape cruciale d'une RUM est pourtant attribuée, au cinquième alinéa de l'article 70, à la Régie de l'assurance-maladie ou aux corporations professionnelles, selon les circonstances. L'expérience acquise en établissement nous porte à douter qu'un agent payeur ou une corporation professionnelle responsable de sanctionner les écarts disciplinaires de ses membres puissent être perçus comme des pairs par ces professionnels. L'absence de cette approche collégiale, non coercitive, nous fait craindre des débuts difficiles pour le programme de RUM ambulatoire. La collaboration des cliniciens est essentielle au maintien de tels programmes, et il nous faut craindre que tout l'exercice soit voué à l'échec si la perception du «Big Brother» que nous lisons dans les journaux est maintenue. De tels ratés au lancement du RUM ambulatoire pourraient également ébranler sérieusement la crédibilité et l'efficacité des RUM actuellement réalisées en milieu hospitalier.

Dans un souci de continuité et d'intégration des milieux ambulatoires et d'établissement au processus de révision d'utilisation des médicaments et aussi pour réduire les coûts reliés à l'exploitation d'un réseau de RUM, nous ne croyons pas qu'il soit pertinent de dédoubler la structure déjà existante, le Réseau de revue d'utilisation des médicaments, le RRUM. Bien que son action soit actuellement confinée au réseau des établissements de santé, il nous semble que des modifications mineures aux niveaux structurel, administratif et budgétaire pourraient permettre d'étendre son mandat. L'APES recommande donc que les mandat, fonctions et structure organisationnelle du RRUM en milieu hospitalier soient modifiés afin de permettre la réalisation d'un RUM ambulatoire. Le comité scientifique distinct prévu au RRUM devra cependant être maintenu.

Afin de mener à bien les analyses et évaluations prévues au quatrième alinéa de l'article 70, nous croyons essentiel que la banque de données contienne l'information pour l'ensemble des usagers du régime général, incluant donc les usagers des régimes publics. Une banque de données complète permettra d'émettre des recommandations pertinentes en raison de la présence de groupes de comparaison pour une essentielle mise en perspective. Nous insistons aussi pour que soit maintenu le caractère confidentiel des données lors de leur utilisation et, par le fait même, juguler la tentation de mettre en place un mécanisme de contrôle de la consommation individuelle des patients via un programme de RUM. Il s'agirait d'une action contraire à la philosophie généralement reconnue d'un programme de RUM.

Finalement, afin de protéger le citoyen contre l'utilisation inappropriée des informations de cette banque et à l'instar des comités d'éthique en recherche clinique dans nos établissements, l'APES recommande d'ajouter à la législation l'obligation pour le comité de RUM de se doter d'un code d'éthique par rapport à la transmission et l'utilisation des informations du fichier central et de voir à le faire respecter.

En terminant, la volonté du ministre de la Santé et des Services sociaux de développer une politique globale du médicament dans le cadre de laquelle s'inscrit le présent projet d'assurance-médicaments est une idée fort intéressante. Elle viendra renforcer et supporter les nombreuses initiatives des pharmaciens d'établissement pour améliorer l'utilisation des médicaments au Québec. Les stratégies d'intervention visant à réduire la sous ou la surconsommation des médicaments et en contrer les effets indésirables devront trouver une place dans notre réseau. Ainsi, de par sa vocation, le CLSC est l'établissement tout désigné pour accomplir ces nouveaux mandats, en autant qu'il ait les expertises pharmaceutiques requises. L'éducation populaire fournie dans le cadre de ces activités et une ligne téléphonique unique d'information sur le médicament devraient améliorer la responsabilisation du citoyen face à sa santé. Il s'agit là d'un mécanisme de contrôle durable face à la crainte d'une explosion des coûts reliés au programme d'assurance-médicaments.

L'APES est heureuse qu'un programme d'assurance-médicaments voie finalement le jour. Cette mesure sociale remplace efficacement et équitablement la courtepointe de programmes à laquelle nous nous trouvions confrontés quotidiennement et qui laissait pour compte plusieurs citoyens. Le projet de loi, dans son esprit et dans sa forme, respecte les attentes que nous avons maintes fois formulées. Les pharmaciens oeuvrant en établissement de santé sont enthousiastes à l'idée de contribuer activement à la mise en place de ce projet qui rendra aux médicaments et aux soins pharmaceutiques la place qui leur revient dans la structure même du système de santé québécois. À cette fin, M. le ministre, notre collaboration vous est acquise. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. J'invite maintenant le ministre de la Santé et des Services sociaux à vous poser la première question.

M. Rochon: Je vous remercie beaucoup. Je pense que vous êtes un groupe qui avait été impliqué depuis très longtemps à plusieurs titres. Mme Lepage-Savary, je ne sais pas si vous étiez présidente de l'APES à l'époque?

Mme Lepage-Savary (Dolorès) : Je ne suis pas présidente, c'est mon collègue de gauche...

M. Rochon: Non. Non, non, mais à l'époque du comité Demers...

Mme Lepage-Savary (Dolorès): J'étais présidente.

M. Rochon: ...vous étiez...

Mme Lepage-Savary (Dolorès): Tout à fait, M. le ministre.

M. Rochon: ...présidente, donc l'APES, par votre intermédiaire, à l'époque, avait été impliquée avec M. Jocelyn Demers et votre autre collègue...

Mme Lepage-Savary (Dolorès): M. Jean Francoeur.

M. Rochon: Oui, M. Francoeur, qui est devenu Commissaire aux plaintes.

Mme Lepage-Savary (Dolorès): Tout à fait.

M. Rochon: Et c'est un peu grâce à vous, ou à cause de vous, qu'on se retrouve tous ici ce soir, dans un sens.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lepage-Savary (Dolorès): J'espère pas trop «à cause» de nous...

M. Rochon: Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Lepage-Savary (Dolorès): ...un peu plus «grâce».

M. Rochon: Ha, ha, ha! Et vous avez un mémoire, là, une contribution qui est très technique à plusieurs égards, et ça dénote bien l'implication que vous avez depuis longtemps dans ce domaine-là et la compétence, aussi, que vous avez dans ce domaine-là.

Il y aurait beaucoup de questions. Je vais essayer de choisir celles qui pourraient être les plus essentielles, pour bien suivre ce que vous nous présentez, en revenant peut-être d'abord aux pages 5 et 6 du mémoire que vous nous avez présenté, dans la section qui parle des soins et services pharmaceutiques à offrir dans les établissements de santé. Là, il va y avoir tout un arrimage à faire entre ce qui est offert dans les établissements et ce qui n'est pas offert actuellement ou ce qui dépend de la circulaire de «malades sur pied» et de la série de programmes hospitaliers.

Est-ce que je comprends bien la recommandation que vous faites dans cette section-là, au haut de la page 6, quand vous dites que: «L'APES recommande donc que seuls les cas, conditions et catégories de personnes susceptibles de nécessiter des médicaments et des services pharmaceutiques spécialisés ou requérant les expertises, les immobilisations, le plateau technologique [...] d'un établissement soient prévus à l'article 8 du projet de loi»? Est-ce que, donc, vous proposez que le régime d'assurance-médicaments ne couvre qu'une gamme de médicaments relativement spécialisés? Et, à ce moment-là, qu'est-ce qui arrive d'autres médicaments qui seraient moins spécialisés, mais peut-être importants aussi, comme consommation, compte tenu des problèmes des gens? Premier volet de la question.

L'autre. Selon votre expérience, là, quelle pourrait être la bonne approche pour déterminer, compte tenu du virage ambulatoire, comme vous y faites référence, la démarcation entre l'établissement qui assumerait sur son budget, encore, des médicaments par rapport au transfert au régime du coût des médicaments, selon la condition du patient, étant hospitalisé ou ambulatoire? Bon, ça, c'était un type de question sur cette section-là.

Je vais en poser une autre tout de suite pour partager plus efficacement le temps, et je laisserai la chance à d'autres après. C'est à la page 9 de votre mémoire, sur le mode de remboursement des médicaments et services pharmaceutiques en établissement. Les pharmaciens d'établissement sont présentement rémunérés à salaire, je pense. Est-ce que vous proposez que ce mode de rémunération soit modifié, pas pour devenir à l'honoraire, mais pour devenir sur une base de vacation, ou vous proposez plutôt que tous les pharmaciens, même dans les pharmacies, au lieu d'être payés à l'honoraire, soient payés plutôt sur une base de vacation? Je n'étais pas sûr de bien lire. Je vous laisse aller sur ces deux choses-là.

M. Parent (Marc): Pour l'arrimage entre les services spécialisés et les autres services, c'est évident qu'il faudra déterminer une ligne claire. Les prémisses sur lesquelles on s'est basé... On s'est dit: La tendance actuelle n'est pas à aller vers les établissements, mais à sortir un peu des établissements. Alors, en ce sens-là, il fallait trouver quels sont les services qui doivent essentiellement être fournis en établissement. On s'est dit: Il y a des expertises particulières, de par la formation, de par la participation aux travaux des établissements, qui caractérisent probablement la pratique en établissement. On en a mentionné quelques-unes dans notre mémoire. On pense que c'est là-dessus, sur ces expertises-là, qu'il faut miser pour donner aux citoyens les services qui sont requis.

Le problème que vous mentionnez, d'arrimage avec d'autres services plus généraux, c'est probablement la difficulté où on va parler de continuité de soins où ça va être important, et les mécanismes de communication entre les pharmaciens d'établissement et les pharmaciens communautaires vont trouver un rôle central, je pense; et des outils en développement comme la carte à puce, je pense, vont être ce trait d'union qui va permettre que le citoyen ait une continuité de soins et que le lieu de prestation où il recevra ses médicaments et ses soins sera adapté à ses besoins, et dans le respect des compétences de chacun et des ressources qu'on a, aussi, dans notre système de santé, qui sont limitées, évidemment.

(20 h 30)

Alors, je pense que c'est un trait d'union qui va être important pour se baser pour déterminer ce partage-là, et, donc, il faudra aussi prévoir des mécanismes de communication, qu'ils soient informatiques ou électroniques, et aussi des mécanismes de communication entre les professionnels, qui pourront permettre de transférer l'information qui aura été acquise en établissement aux pharmaciens communautaires sous forme de plan de soins, possiblement, pour qu'on puisse travailler, tout le monde ensemble, au bénéfice de cette clientèle-là qu'on traitera.

La démarcation entre ce qui sera imputable à l'établissement et ce qui sera imputable au régime est une question qui a fait l'objet de nombreuses discussions dans les derniers mois, vous le savez. Si on avait eu une réponse toute faite, on aurait eu un plaisir de vous l'écrire dans le mémoire. La difficulté, en fait, vient, vous le savez, de l'évolution rapide de tous les modes de prestation, des technologies disponibles. Alors, je pense que toute décision qu'on prendra sera une photo arrêtée dans le temps et qu'il faudra réévaluer périodiquement. Alors, à moins que mes collègues n'aient une idée...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous pouvez, en n'importe quel temps, intervenir, Mmes De Villers, Lambert et Lepage-Savary.

Mme Lepage-Savary (Dolorès): Oui. J'aimerais mentionner, M. le ministre, qu'évidemment, avec les nouvelles technologies qui nous sont disponibles pour effectuer efficacement le virage ambulatoire, nous nous retrouvons à donner à nos patients qui retournent à domicile des traitements qui nécessitent une supervision à peu près identique à celle qu'on donne dans nos lits d'hôpital actuellement encore. Donc, à certains points de vue, ça nécessite une plateforme spécialisée pour faire le suivi adéquat à domicile, à distance, parce qu'on est capable de le faire grâce aux technologies pharmaceutiques maintenant et à l'expertise que nos pharmaciens, dans les équipes interdisciplinaires, ont acquise là-dedans. Je vous mentionnerai tout simplement nos programmes de conversion de thérapie parentérale à la thérapie orale et nos programmes d'antibiothérapie ou de chimiothérapie à domicile, qui nécessitent une supervision très serrée même s'ils sont à domicile. Alors, il y a cinq ans, 10 ans, on ne faisait pas ce genre d'approche là; on traitait ces malades-là hospitalisés. Donc, on transfère une technologie très lourde, mais qui est, avec l'approche qu'on a maintenant, possible à domicile.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le ministre.

M. Rochon: Moi, ça va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert... Oui? Commentaire additionnel? Pardon?

M. Parent (Marc): La troisième question de M. le ministre n'a pas été répondue.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y, monsieur.

M. Parent (Marc): Alors, concernant les modes de remboursement comme tels, non, on ne veut pas changer le mode de rémunération des pharmaciens d'établissement. Ce qu'on propose, c'est un mode de facturation ou de... Il va falloir, donc, transférer les demandes de fonds au tiers-payant, et on pense qu'il faut quand même être basé sur le volume d'activités. Le mot «vacation» est peut-être mal interprété dans notre façon de... Ça, c'était un terme connu qui voulait assurer un remboursement équitable pour un épisode de soins. La vacation nous semblait être un bloc d'heures qui se rapprochait probablement le plus de ça; c'est une mécanique à développer, mais uniquement aux fins de facturation. C'est l'établissement qui est remboursé et qui verra à fournir les soins, tel que présenté dans le projet de loi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il semblerait qu'il va y avoir une sous-question.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): En attendant, M. le député de Robert-Baldwin, porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé et de services sociaux.

M. Marsan: Oui. Merci, M. le Président, et merci à votre Association d'avoir accepté l'invitation de la commission. Je voudrais tout de suite vous demander... C'est dans les premières pages de votre mémoire, c'est les pouvoirs réglementaires. Vous parlez d'une certaine absence de balises dans le projet de loi actuel et vous souhaitez que le projet de loi ou que la loi prévoie explicitement des paramètres transparents – j'imagine que vous avez bien choisi votre mot – d'élaboration des règlements qui garantiraient aux usagers un accès et un niveau de contribution raisonnable aux soins et services pharmaceutiques. J'aimerais vous entendre sur cet aspect, sur cette absence de balises. Vous constatez que, dans le projet de loi actuel, les paramètres ne sont pas suffisamment explicites.

M. Parent (Marc): En fait, ce que vous soulignez est une difficulté inhérente au processus, et c'est ce qu'on a soulevé dans la présentation que je viens de terminer. Il est clair que les détails ne peuvent pas être prévus au projet de loi. Cependant, les cas et conditions qui seront prévus vont conditionner de façon importante le projet de loi. Alors, c'est un peu la difficulté qu'on comprenait du processus, mais qui demeure fondamentale dans l'acceptation du projet et sur laquelle on ne pouvait malheureusement pas se prononcer. Alors, c'est simplement par cette conscience bien aiguë que ces modalités-là vont vraiment conditionner l'acceptabilité du programme par les citoyens et qui va aussi les prémunir contre les problèmes d'accessibilité auxquels on veut faire face, que notre inquiétude se présentait par défaut, si on veut, mais en comprenant bien que la place réelle de ces précisions-là demeurait dans le pouvoir réglementaire.

M. Marsan: Merci. Ma prochaine question, c'est à la page 4 et ça concerne les établissements publics. Votre Association «accueille donc avec satisfaction la possibilité de facturer les soins et services rendus par les établissements. En effet, le projet de loi, par les garanties qu'il propose à l'article 8, ouvre la porte à la facturation des médicaments et des services pharmaceutiques par les établissements publics».

J'aimerais vous entendre là-dessus. J'ai regardé l'article 8, et vous semblez nous dire que, maintenant, les établissements vont pouvoir faire une charge pour leurs médicaments.

M. Parent (Marc): Bien, ça a été...

(Consultation)

M. Marsan: C'est à la page 4, excusez, c'est l'article 8.

M. Parent (Marc): Oui. Je me référais au projet de loi. Notre compréhension était que, comme le programme couvrait le coût des services pharmaceutiques et des médicaments qui sont fournis dans le cadre des activités d'un établissement, il nous semblait implicite qu'il y avait une possibilité, donc, de facturation, quel que soit le mode de transfert des fonds des tiers-payants aux établissements, pour des clientèles qui ne tombaient pas sous leur juridiction, au sens des lois du Québec.

Alors, il nous semblait important, pour assurer la prestation de services qui avaient été développés en établissement et qui étaient requis par les citoyens, que... En fait, c'était par la disparition de la circulaire «malades sur pied», qui couvrait ces services-là en établissement. Le retrait de la circulaire «malades sur pied» par la mise en place pouvait nous emmener dans une situation où il n'y aurait pas de source de financement pour prodiguer ces services-là aux malades non hospitalisés ou non inscrits dans nos établissements.

M. Marsan: J'aimerais ça être certain qu'on s'entend bien.

M. Parent (Marc): Oui.

M. Marsan: Pourriez-vous nous donner un exemple précis? Par exemple, on pourrait facturer au patient un médicament qu'il prendrait au moment où il est hospitalisé. C'est oui ou c'est non?

M. Parent (Marc): Non.

M. Marsan: Bon. Alors, donnez-moi votre complément d'information.

M. Parent (Marc): O.K. Alors, ce qu'on dit... Par exemple, un patient qui se présenterait avec un diagnostic de cancer, qui se présente à la clinique externe d'un établissement pour recevoir un traitement de chimiothérapie, actuellement, ce malade-là est couvert par la circulaire «malades sur pied». Alors, les frais sont assumés par l'établissement et les services sont fournis par l'établissement au bénéfice de ce malade-là. Si on retire la circulaire «malades sur pied», ce patient-là n'est plus couvert par les programmes existants et doit se référer à autre chose.

Notre compréhension, c'est que le régime d'assurance-médicaments devra couvrir ça et, donc, l'établissement lui fournira les services, lui fournira les médicaments, et les frais afférents à cette fourniture-là seront...

M. Marsan: Vous permettez, puis, si vous voulez me donner un complément d'information... Moi, je suis sous l'impression – et il me semble que le ministre l'a affirmé un peu plus tôt dans les audiences – qu'en ce qui concerne les établissements il n'y avait pas de changement au programme actuel. Donc, je suis sous l'impression que c'est le budget global qui va continuer de dispenser les médicaments en milieu hospitalier.

M. Rochon: Non. Ça, peut-être qu'on peut essayer de clarifier, là, puis, au besoin, M. Castonguay pourra peut-être nous aider.

Quand j'ai dit ça, ce à quoi je voulais référer, là, ce qui sûrement ne va pas changer, c'est évidemment tout le programme, tous les médicaments qui sont couverts par le budget d'assurance-hospitalisation, tout ce qui est donné à un patient, comme vous avez dit, là, selon le jargon du réseau, qui est admis à l'hôpital. Reste la zone intermédiaire, la zone grise du patient inscrit, selon notre jargon, donc un patient... Bien, je pense qu'on a vu, cet après-midi, les gens qui sont traités par dialyse. Alors, c'est un exemple. Ou dans certains types de cancers où, comme vous dites, de plus en plus on peut peut-être quand même le faire à domicile, mais, encore souvent, à cause de la surveillance que ça peut demander en cours d'application d'un médicament, ça peut demander une surveillance qui se fait en établissement. Donc, le patient va en établissement, mais il n'est pas admis; il est là pour une période. L'article 8 avait été conçu pour couvrir ces gens-là. C'est-à-dire que, pour ça, il y aurait un transfert du coût de ce médicament-là, tel que c'est proposé, au nouveau régime. Sur ça, vous aviez bien compris.

M. Marsan: O.K. Alors, parlons des patients qui sont admis actuellement. Et ça, je ne pense pas que ça va être changé.

M. Rochon: Non. C'est ça.

M. Marsan: Donc, le budget en médicaments fait partie de la composante globale des budgets des établissements.

M. Rochon: Budgets d'hôpital, exact.

M. Marsan: Nous savons qu'il y a des contraintes assez importantes, particulièrement dans les deux dernières années. J'ose imaginer que le budget de médication fait partie de cette contrainte aussi et qu'il peut donc y avoir des situations où les patients hospitalisés pourraient ne pas avoir la médication voulue, surtout dans des cas où le médicament est assez dispendieux. Est-ce que c'est possible ou si je fais une erreur? Vous me le dites tout de suite.

M. Parent (Marc): Ce que je comprends de votre question, c'est que, oui, il y a des problèmes actuellement, où il faut faire des choix, qui sont parfois douloureux, au bénéfice de nos malades le plus souvent possible, avec les ressources limitées qu'on a. Est-ce que l'assurance-médicaments est une solution à ça? Je ne le pense pas. Il faudra trouver une façon.

(20 h 40)

Le médicament... C'est sûr que le coût des médicaments est une enveloppe dont le coût croît rapidement. Cette enveloppe-là, c'est probablement dû au rôle grandissant que joue le médicament, qui facilite des choses, qui nous donne des outils technologiques, qui amène des glissements aussi en évitant des coûts de chirurgie, en évitant d'autres coûts qui ne sont pas toujours attribués ou compensés dans le budget médicaments, les transferts ne se font pas toujours. Alors, possiblement qu'une globalisation des budgets pourra permettre un financement adéquat des médicaments qui sont plus dispendieux, mais en raison de l'impact majeur qu'ils peuvent avoir sur l'ensemble des soins et des services fournis en établissement.

Mme Lambert (Manon): Si je peux me permettre, vous avez quand même des mécanismes, dans les hôpitaux, qui permettent de faire une sélection appropriée des médicaments qui vont être utilisés dans l'hôpital. On pense, entre autres, aux comités de pharmacologie, qui sont constitués de médecins et de pharmaciens, qui évaluent la pertinence d'avoir ou de ne pas avoir un médicament dans l'établissement. Habituellement, le coût est un des éléments, mais il va être un élément qui va plutôt baliser ensuite l'utilisation du médicament que le fait de l'admettre ou de ne pas l'admettre dans l'établissement, c'est-à-dire qu'on va réserver parfois l'utilisation d'un médicament à une certaine catégorie de patients parce qu'on pense que le rapport coûts-bénéfices est plus avantageux ou parce qu'on pense que l'efficacité du médicament est davantage démontrée sur cette catégorie de patients là plutôt que de couper carrément l'accès au médicament au patient. Alors, il y a des bases scientifiques aux décisions qui sont prises derrière ça.

M. Marsan: O.K. Juste pour résumer, puis je laisse le sujet. Les patients qui sont admis, donc ceux qui, selon le jargon, sont présents à minuit, les fameuses présences à minuit, ils relèvent du budget global, avec toute la dynamique associée au budget global, avantages et inconvénients. De l'autre côté, les patients inscrits – et là, l'exemple des insuffisants rénaux de cet après-midi est un bel exemple; c'est des patients qui ne sont pas présents à minuit, selon le guide budgétaire – eux, pourraient être couverts par le régime d'assurance-médicaments. C'est bien ça? On s'entend bien? C'est beau. Le coût des médicaments, le transfert de la circulaire «malades sur pied» au secteur privé, est-ce que vous savez l'évaluation qu'on peut en faire? J'ai entendu un chiffre de 50 000 000 $ à un moment donné. Est-ce que c'est quelque chose qui est près de la réalité?

Mme Lepage-Savary (Dolorès): Si vous permettez, d'abord vous mentionner que les malades inscrits, il y a toute une panoplie de malades, là. On ne parle pas uniquement de patients qui souffrent de cancer ou... Il y a maintenant, avec nos unités de médecine de jour, des patients diabétiques, par exemple, qui viennent recevoir des traitements et qui retournent chez eux, ou des patients qui viennent recevoir l'antibiothérapie. Donc, cette panoplie de malades là, ils sont actuellement sous la couverture des hôpitaux. Ils ne sont pas dans les montants qui ont été estimés pour la circulaire «malades sur pied». Finalement, c'est un nouveau virage qui fait en sorte que ça gonfle un peu. Le montant consacré à la circulaire «malades sur pied» était aux environs de 50 000 000 $, mais les deux tiers de ce montant-là étaient consacrés à des patients souffrant de cancer, soit d'hématologie ou d'oncologie. Le reste, c'est les patients qui souffraient de maladies psychiatriques, d'hyperlipidémie ou encore des patients qui souffraient de diabète insipide ou de tuberculose ou de fibrose kystique. Donc, le gros morceau du programme, dans le 50 000 000 $, était constitué principalement des patients d'oncologie et d'hématologie. Ce sont des patients qui reçoivent encore leur traitement en clinique externe des hôpitaux ou à domicile et qui n'ont pas le statut de malade hospitalisé, donc non couverts par la Loi sur l'assurance-hospitalisation.

M. Marsan: C'est ça. Je peux poursuivre, M. le Président? Vous recommandez la constitution d'un comité scientifique distinct du comité de RUM et vous nous suggérez de le prévoir au projet de loi. Alors, j'aimerais savoir pourquoi vous faites cette recommandation, quelle en serait l'utilité et de quelle façon on pourrait introduire une telle recommandation dans le projet de loi

Mme Lambert (Manon): O.K. C'est qu'à l'expérience, au niveau du Réseau de revue d'utilisation des médicaments en milieu hospitalier, il appert que la présence d'un comité scientifique qui n'est là que pour valider l'information, justement, purement scientifique a apporté des éléments parfois... je ne dirais pas contradictoires, mais a apporté des éléments nouveaux à l'espèce de comité directeur, le comité exécutif du réseau RRUM, qui nous semble être apparenté au comité qu'on retrouve dans la loi. Or, parfois, le comité directeur va avoir tendance à sélectionner un médicament pour des raisons qui ne sont pas que scientifiques. Or, il est arrivé en cours d'expérience, dans certains cas, que le comité scientifique nous disait: Oui, vous avez choisi tel ou tel médicament pour étude, mais les données scientifiques nous indiquent que, un, il y a trop de controverses ou, deux, ce n'est pas le sens où vous pensiez qu'on peut la faire. Donc, ça a amené une certaine pureté au niveau de l'analyse qu'on ne retrouve pas si, à la fois, le comité qui fait la sélection des cibles, qui pourrait avoir un intérêt à sélectionner des cibles plus coûteuses seulement... Et ce n'est pas parce qu'une cible est coûteuse qu'on doit nécessairement interpréter qu'elle va être mal utilisée ou qu'il n'y a pas nécessairement de controverses autour de son utilisation. Donc, on pense que ça amène un mécanisme supplémentaire, une soupape de sécurité par rapport à une analyse scientifique pure et dure, si je peux m'exprimer ainsi, et par rapport à l'élaboration des critères qui vont servir ensuite à l'étude.

M. Marsan: O.K. M. le Président, si vous permettez, j'aurais une question qui déborde peut-être un petit peu sur les RUM. On a parlé beaucoup des revues d'utilisation depuis qu'on est ici, mais si vous pouviez nous dire quelques mots sur... Comment ça se passe en milieu hospitalier? Je sais qu'il y a des établissements qui ont des projets extrêmement importants, cohérents et avec beaucoup de compétences. Bon, il y a toujours d'autres établissements qui pourraient les améliorer aussi. Est-ce que vous pourriez nous faire juste une courte parenthèse sur ce qui se passe en milieu hospitalier? Ce n'est pas le propre du projet de loi, le RUM, ni de la Régie de l'assurance-maladie, à ce moment-ci.

Mme Lambert (Manon): O.K. Alors, grosso modo, historiquement, ça fait une quinzaine d'années que les RUM ont été exportées des États-Unis. Ça s'est fait sur une base individuelle dans chacun des établissements jusque dans les années quatre-vingt-dix. Là, les établissements se sont rendu compte, et les pharmaciens d'établissement se sont rendu compte qu'il y avait beaucoup d'énergie qui était mise à refaire des critères d'élaboration qui, finalement, finissaient par se ressembler d'un établissement à l'autre. Notre Association, avec, entre autres, l'Association des hôpitaux du Québec, la corpo, le Collège des médecins, l'Ordre des pharmaciens et le Conseil consultatif de pharmacologie, bien, ils se sont réunis et ont dit: On va essayer de créer une espèce de structure qui va faciliter la mise en oeuvre et l'implantation de programmes de revue d'utilisation. Parce qu'il faut bien voir que ça demande de l'énergie, faire de la revue d'utilisation de médicaments. Donc, l'idée de créer un réseau, c'était de minimiser l'énergie qui était nécessaire à le réaliser. Alors, ce réseau-là a été créé en 1992 et, je dirais, maintenant, après presque cinq ans d'existence, on commence à voir la culture changer. Parce qu'il faut voir que la revue d'utilisation, c'est l'évaluation, et ce n'est pas nécessairement drôle de se faire évaluer. Donc, il fallait habituer les professionnels à cette culture-là et, effectivement, depuis les deux dernières années, on commence à avoir des résultats.

Alors, il y a deux façons de faire les RUM actuellement. Il y en a encore qui se font au niveau local, pour des besoins locaux, avec des expertises locales, et il y a le réseau RRUM qui pilote un certain nombre d'études, qu'on appelle «multicentres», c'est-à-dire qu'il y a un comité scientifique qui élabore des critères à partir de cibles qui ont été déterminées par les établissements, nous disant: On soupçonne qu'il y a un problème d'utilisation par rapport à telle et telle chose. Alors, nous, on passe la commande au niveau... Je dis «nous», c'est parce que j'ai été au réseau RRUM avant. Mais les gens du réseau RRUM passent la commande au comité scientifique. Il y a un comité scientifique permanent qui est constitué d'experts de la méthode. Ce comité-là, dépendamment du médicament choisi, s'adjoint des experts plus pointus.

Par exemple, si on étudie un médicament qui touche l'estomac, on va aller chercher des gastroentérologues. Donc, ils vont chercher de l'expertise pointue, élaborent des critères, élaborent un formulaire de collecte de données qui va recueillir de l'information non nominative, ni sur le patient ni sur les prescripteurs, vont collecter l'information, vont l'analyser, la retournent à l'établissement. L'établissement a une certaine vue sur l'interprétation qu'on en fait. Ils nous disent: Vous vous êtes peut-être trompés parce que vous n'aviez pas le contexte dans telle et telle situation. Donc, ils nous disent: Ce critère-là, vous aviez évalué qu'il y avait une non-conformité, mais, nous, on vous dit, après analyse par un de nos comités de pairs: C'est correct, il y avait un cas exceptionnel qui justifiait ça. Ensuite, le réseau RRUM va rédiger des rapports individualisés pour chacun des établissements et va «pooler», si vous me permettez l'expression, ensuite l'information par catégories d'établissements ou par catégories d'utilisateurs, pour faire en sorte, finalement, qu'on ait une vision un petit peu plus globale de l'utilisation d'un médicament ou d'un groupe de médicaments donné. Alors, grosso modo, c'est comme ça que ça se passe.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre, vous auriez un complément de réponse à donner, si j'ai bien compris, à une première question.

M. Rochon: C'est la question préliminaire, là, et en profiter pour clarifier le comité scientifique que vous proposez. On a rencontré aussi... Les gens du Réseau de revue d'utilisation des médicaments sont venus nous rencontrer. Si je comprends bien ce que vous dites aussi, et je pense que c'est ce qu'ils nous ont expliqué, eux fonctionnent déjà en ayant créé à l'intérieur du RRUM un comité scientifique. Est-ce qu'il n'y a pas... Ce n'est pas plutôt... Bon, beaucoup nous font la suggestion, vous aussi, au moins de considérer que, peut-être, on ait un seul comité de révision d'utilisation des médicaments pour autant ce qui se fait en établissement – et ce sera à eux, à l'interne, à voir comment ils vont gérer ce qui se fait en établissement – ou en ambulatoire.

(20 h 50)

Est-ce que ce n'est pas à l'intérieur de l'organisation du RRUM qu'il devrait aussi y avoir un comité scientifique? Parce que, là, on a le Conseil consultatif de pharmaco, on aurait le RRUM, on aurait un autre comité scientifique à côté... Ça va commencer à faire pas mal de structures, ça.

Mme Lambert (Manon): Nous, ce qu'on suggère, c'est qu'il y ait une espèce d'unification. Plutôt que de créer deux structures qui risquent peut-être... On sait que, quand on a des structures séparées, des fois, ça ne se parle pas nécessairement toujours et toujours de façon efficace. Alors, dans un contexte où la limite entre l'hospitalier et le communautaire va en s'effritant et va s'effriter encore davantage, on pense qu'il y aurait un intérêt marqué par rapport au processus de continuité des soins et, donc, de l'évaluation de la pharmacothérapie, qui ne commence pas nécessairement en milieu hospitalier pour s'arrêter quand le patient sort, mais continue.

On pense qu'effectivement il y aurait un avantage évident à ne faire qu'une seule et même structure et...

M. Rochon: O.K.

Mme Lambert (Manon): Bon. Puis, effectivement, le réseau RRUM pourrait juger de ne pas avoir de comité scientifique. Mais, pour y avoir travaillé, je pense qu'il y a un intérêt important à créer un comité scientifique.

M. Rochon: Donc, quand vous dites de le prévoir au projet de loi, ce n'est pas de créer une autre structure...

Mme Lambert (Manon): Non.

M. Rochon: ...c'est de prévoir, dans le projet de loi, que le RRUM a un comité scientifique.

Mme Lambert (Manon): C'est ça, c'est ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci, M. le Président. Bonsoir. Je voudrais vous poser une question au chapitre de l'équité et de l'accessibilité. À vrai dire, j'aurais deux questions, mais qui se retrouvent... par rapport au texte qui est en haut de la page 15... La première, c'est une petite déclaration que vous faites en disant: Une contribution a un effet de frein. Ça, je pense que tout le monde reconnaît bien ça. Et vous dites: Même si c'est 0,50 $, c'est un frein. Seulement, ce qui m'intrigue, c'est que vous dites que c'est un frein à la consommation de médicaments requis – jusque-là, je vous suis bien – mais aussi un frein à la consommation de médicaments non requis. Alors, j'aimerais que vous m'expliquiez un petit peu en quoi c'est un frein de cette double nature. Ensuite, j'aimerais comprendre le lien qu'il y a, dans votre recommandation, juste après, entre le fait de faire une étude épidémiologique et le fait de s'assurer que la contribution exigée des citoyens ne soit pas un obstacle à l'accessibilité.

Je vous parle comme quelqu'un qui n'est pas du tout spécialiste en la matière, mais je veux comprendre l'ensemble de votre raisonnement.

M. Parent (Marc): Alors, on mentionnait qu'effectivement les contributions des usagers... et on pourrait discuter du montant longtemps... pour un effet de frein. Ça souligne une chose, c'est que les usagers n'ont pas toujours le bagage qu'il faut et le support qu'il faut pour porter un choix. Est-ce qu'ils vont faire remplir leur ordonnance ou pas? Est-ce que l'ordonnance qu'ils vont choisir de ne pas faire remplir, c'est celle dont ils peuvent se passer ou celle qu'ils devraient faire remplir? Alors, il faut les aider. Il y a des statistiques qui démontrent que près de 15 % des patients qui sortent du bureau du médecin ne font jamais remplir leur prescription, et c'est dans ce processus-là qu'il y a un trou. Il y a un trou qui est assez important. Il ne faut pas que la raison qui fait que le patient ne fait pas remplir sa prescription, ce soit la contribution qu'il a à y mettre. Il peut faire d'autres choix de priorités dans sa vie qui ne seront pas le médicament.

C'est un peu traître, la situation. Les problèmes d'observance au traitement... C'est souvent les maladies les plus silencieuses et les plus sournoises, qui n'ont pas de symptômes pour rappeler au patient qu'il doit prendre une médication, qu'il doit se traiter et se prendre en charge, qui sont le plus souvent délaissées par les malades. Donc, ça amplifie cet effet pervers là.

Notre recommandation de faire une étude épidémiologique, c'est seulement d'aller voir sur le terrain pour faire une analyse un peu de sensibilité pour savoir où sera le point de rupture dans notre population au Québec, avec nos contraintes socioéconomiques, pour s'assurer que le programme qu'on aura mis en place va respecter les besoins des usagers puis ne fera pas qu'on aura ajouté une barrière économique plutôt que d'en régler une. Et ça, on ne sait pas où il est, ce point-là. Notre recommandation, c'est d'essayer d'aller mesurer actuellement ce point-là. On a une clientèle particulière, là-dedans, qui est une consommatrice importante: le groupe des personnes âgées, pour lesquelles les règles du jeu vont changer de façon importante et qui pourraient se retrouver dans une position parfois préjudiciable.

Alors, on ne sait pas où il est, ce point-là, on n'a pas de données. Si on regarde l'étude qu'on cite, qui dénotait qu'une contribution de 0,50 $ pouvait avoir un effet de frein, on a des données similaires au Québec avec l'instauration du 2 $, qui a eu un effet temporaire. Alors, il semble que ça n'a pas été très préjudiciable. C'est sûr que, entre 2 $ par ordonnance jusqu'à un plafond de 100 $ et des contributions qui approchent le 1 000 $ dans la proposition, il y a certainement une zone grise qu'on ne peut pas préciser, en tout cas pas avec les données qu'on a retrouvées dans la littérature. Alors, c'est ce qu'on voudrait aller mesurer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une petite dernière?

Mme Malavoy: Rapidement, très rapidement. Ça se fait comment, une étude comme ça? Est-ce que c'est un questionnaire? On pose des questions aux gens, on leur demande ce qu'ils feraient s'il se passait telle chose, ou bien est-ce qu'on suit des personnes qui, vraiment, en situation, ont des prescriptions et on essaie de voir comment elles réagissent?

M. Parent (Marc): Normalement, on suit une population ou un sous-groupe puis on regarde leurs habitudes, effectivement, puis on essaie de voir les paramètres qui ont influencé la décision des gens et, par les comportements qu'ils ont eus, de voir si c'est conforme aux attentes qu'on avait et aux besoins de santé. On peut aussi suivre les complications que ces gens-là ont eues. Est-ce qu'ils se sont présentés, par exemple, dans les hôpitaux, en termes de réhospitalisation ou d'hospitalisation, pour des problèmes qui auraient pu être évités s'ils avaient pris adéquatement leur médication? Alors, il y a différentes méthodologies possibles qui pourraient nous amener, dépendamment de l'angle sous lequel les chercheurs qui pourraient s'adresser à une question comme ça décideront de l'aborder ou des balises qu'on leur suggérera.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Deux dernières questions, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: La dernière, sûrement. Vous faites une suggestion qui est pour le moins intéressante, là. Je pense que c'est la première fois qu'on reçoit cette recommandation. C'est de suggérer au comité du RRUM de se doter d'un code d'éthique sur la transmission et l'utilisation de l'information du fameux fichier central et de voir à le faire respecter. J'aimerais vous entendre parce que je pense que ça peut être extrêmement important par rapport au projet de loi que nous avons.

M. Parent (Marc): On a été conscient dans les derniers mois, particulièrement dans le secteur de la pharmacie, de plusieurs questionnements et même des situations qu'on a mises au grand jour, où on s'inquiétait de la transmission de l'information. En général, c'est évidemment de l'information non nominative, mais sur des profils de consommation de clientèle qui sont utilisés à diverses fins. Les débats ne sont pas clos à ce stade-ci, mais le questionnement a été lancé. Prenons seulement, par exemple, des ventes de données de banques d'information à des entreprises de marketing, par exemple, ou des choses comme ça. Et ça soulève un questionnement pour lequel les réponses ne sont pas toutes tombées mais qui, je pense, dans l'intérêt du citoyen, devrait être encadré. Et un code d'éthique, c'est une question de morale qu'un groupe se donne, et on pense que ça va donner une souplesse, mais aussi une garantie pour protéger ces informations-là au fur et à mesure de l'évolution de ce dossier-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Vous voulez faire votre conclusion, M. le député?

M. Marsan: Oui. D'abord vous remercier bien sincèrement pour la qualité de la présentation. Nous, en politique, on fait toujours attention quand on parle de nos vies antérieures, mais je voudrais souligner que, comme directeur général de différents établissements, j'ai eu la chance de travailler avec des gens de votre Association et j'ai toujours eu à trouver des... Ça a été un privilège, même, de travailler avec des gens qui avaient à coeur la recherche de la qualité pour l'ensemble des services pharmaceutiques dispensés. Et je pense qu'on le retrouve dans le mémoire que vous nous présentez aujourd'hui.

Plusieurs organisations ont recommandé au ministre de prendre le temps qu'il faut pour mettre en place sa loi, éventuellement. Il y a peut-être une problématique qu'on a à peine effleurée, ce n'est peut-être pas le sujet, mais... Je pense que c'est toute la problématique des médicaments en milieu hospitalier, avec la notion de budget global, qui peut avoir une difficulté d'accessibilité. Puis je ne veux pas élaborer là-dessus, je ne veux surtout pas faire de polémique, mais on sait que les budgets hospitaliers, il y a une non-indexation. On sait aussi que les médicaments, le coût des médicaments, le taux d'indexation est assez élevé et il y a une problématique. Donc, si on prend le temps nécessaire pour réviser le projet de loi, je suggère sûrement au ministre de regarder cette problématique qui permettrait aussi aux patients qui sont admis, selon notre jargon, d'avoir une accessibilité accrue.

Alors, en terminant et de nouveau, merci pour la qualité de votre présentation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre.

M. Rochon: Oui, M. le Président. Je pense bien que, si le nouveau régime prend en charge un certain nombre de médicaments qui présentement sont assumés sur les budgets des hôpitaux, ça a plus de chances d'être un début de solution que de venir compliquer la situation actuelle. De toute façon, évidemment, je ne pense pas qu'on puisse demander au régime, malgré tout ce qu'il va nous apporter de nouveau, de régler tous les problèmes de gestion du système de santé et des services sociaux. On va devoir avoir encore et des régies régionales et des conseils d'administration et des gestionnaires, dont certains d'entre vous êtes, pour s'assurer que ce nouveau régime s'arrime bien avec l'ensemble du système. Sûrement qu'au niveau de la mise en oeuvre d'un tel régime il y aura du boulot à faire et probablement d'autres innovations à développer en cours de route.

Je veux vous remercier beaucoup pour votre contribution, qui remonte à longtemps, dans le domaine. Vous avez fait référence à tout ce que vous avez pu faire et initier, aussi, dans ce secteur-là. Sûrement que les pharmaciens, comme profession, vont être des collaborateurs, des acteurs très importants dans la mise en oeuvre du régime d'assurance-médicaments. Et je pense bien que les pharmaciens d'établissement, vous êtes probablement, là – je ne veux pas donner de médaille à personne, là, ce soir; ce n'est pas la place – parmi tous les pharmaciens, sûrement situés à un endroit des plus stratégiques, un peu à l'interface, un peu dans un carrefour de ce qui se passe dans notre système. Alors, je vous souhaite bonne chance, parce qu'on va en avoir besoin, et je vous remercie d'avance pour la collaboration que vous allez sûrement continuer à nous donner. Merci beaucoup.

(21 heures)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de la commission, merci beaucoup. J'invite maintenant les représentants de la Conférence des Régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec à prendre place.

À l'ordre, s'il vous plaît. Alors, j'invite maintenant les représentants de la Conférence des Régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec à nous présenter leur mémoire, et vous avez 20 minutes de préliminaires. J'apprécierais que vous présentiez les gens qui vous accompagnent.


Conférence des Régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec

M. Saint-Onge (Florian): Alors, M. le Président, Mmes, MM. les députés, M. le ministre, je voudrais d'abord vous remercier de nous recevoir ce soir à cette commission parlementaire et vous présenter mes collègues.

D'abord, ce sont deux permanents de la Conférence des Régies. À ma droite, Mme Lise Denis, qui est vice-présidente exécutive, et, à ma gauche, le Dr Richard Lemieux; votre humble serviteur, Florian Saint-Onge.

La Conférence des Régies régionales de la santé et des services sociaux désire présenter certains commentaires concernant le projet de loi n° 33 portant sur la Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives. Ces commentaires portent sur plusieurs aspects de ce dossier, dont le projet d'assurance lui-même, la transformation des pratiques en matière de services pharmaceutiques et le rôle des régies régionales en regard de la politique du médicament.

Tout d'abord, la Conférence appuie le projet de loi dont l'objet est de mettre en place une assurance-médicaments qui permette à toute personne un accès raisonnable et équitable aux médicaments et aux services pharmaceutiques et une protection de base face aux coûts des services pharmaceutiques et des médicaments.

De par le passé, ce projet a été évoqué à de multiples reprises comme une des pièces importantes du filet de protection sociale dont le Québec s'est doté depuis plusieurs années. La transformation du réseau et le virage ambulatoire exigent qu'un tel régime soit mis en place. En effet, les changements dans le réseau de la santé et des services sociaux introduisent de nouvelles dynamiques tant dans la consommation des services que dans la manière dont ils sont délivrés. Par exemple, le bénéficiaire qui quitte l'hôpital plus tôt qu'auparavant dans le cadre du virage ambulatoire doit pouvoir continuer de recevoir les traitements appropriés et compter sur un système qui lui assure que les traitements se poursuivent hors du milieu hospitalier avec qualité, sécurité et continuité de services.

Mais également, pour plusieurs problèmes de santé qui étaient auparavant traités en chirurgie, il est maintenant possible de proposer une thérapeutique de type médicamenteuse, influençant de ce fait les temps de séjour en milieu hospitalier et augmentant le nombre de bénéficiaires en traitement ambulatoire. D'ailleurs, ces changements dans les pratiques thérapeutiques ne pourront que se développer dans le futur, suivant ainsi l'évolution technologique et pharmaceutique. Les divers rapports d'experts – Demers et Castonguay – qui ont précédé le dépôt de ce projet de loi documentent bien les problématiques liées aux médicaments et permettent une bonne compréhension des enjeux et des préoccupations auxquels nous sommes confrontés.

Soulignons notamment, au titre de ces enjeux, la transformation des pratiques en matière de services médicaux et pharmaceutiques, l'accès raisonnable et équitable aux médicaments et le transfert intergénérations de certaines responsabilités qui permettront de mieux répondre aux besoins de jeunes en situation précaire. Il s'ensuit une discrimination fondée sur la capacité de payer de l'usager plutôt que sur son âge. Le régime d'assurance-médicaments vient donc offrir les conditions qui doivent être mises en place pour soutenir ces changements.

La Conférence des Régies régionales conserve toutefois quelques préoccupations concernant certains aspects du régime que nous désirons vous présenter. Dans le cadre actuel de transformation de l'offre de services, il est fort légitime de s'inquiéter du financement du régime d'assurance-médicaments, mais le coût de ce régime doit transcender les préoccupations comptables immédiates et s'attarder au fait qu'un tel régime vise aussi une meilleure utilisation des ressources collectives. Compte tenu d'un état de santé généralement moins bon chez les personnes disposant d'un faible revenu, il est certain qu'une assurance de ce type doit concourir à prévenir la détérioration de leur santé en favorisant l'accès aux médicaments requis. Il n'est pas inutile de se rappeler également que l'utilisation appropriée de certains médicaments peut favoriser l'amélioration ou le maintien de la santé, par exemple en réduisant la mortalité cardiovasculaire. À moyen terme, une assurance-médicaments devrait donc avoir un impact positif sur la santé et le bien-être de la population et sur les coûts globaux des services de santé.

Les divers régimes d'assurance-médicaments mis en place ailleurs ont évolué de manière différente, et plusieurs ont connu des difficultés à contenir les coûts liés tant à la hausse des prix des produits pharmaceutiques que ceux liés à la consommation. Le Comité d'experts résume bien les enjeux liés à l'augmentation des coûts du régime et aux coûts des médicaments.

Le projet de loi contient des dispositions qui semblent prometteuses sur le plan de l'analyse de la consommation pour, en conséquence, conduire à la mise en place de correctifs lorsque jugés nécessaires. Citons, à ce titre, le mandat du comité consultatif sur la liste des médicaments et la mise en place d'un comité de revue de l'utilisation des médicaments. La Conférence des Régies est en accord avec les dispositions du projet de loi et appuie le principe d'indexation systématique des divers éléments du régime d'assurance-médicaments, principe garantissant le maintien de l'intégrité du régime. Cependant, elle se questionne sur les mécanismes à mettre en place, car il ne semble pas y avoir de dispositions qui nous permettent de penser que des actions énergiques pourraient être entreprises pour contenir la hausse des coûts des produits pharmaceutiques, en favorisant, par exemple, l'utilisation du meilleur médicament au meilleur coût.

(21 h 10)

Nous croyons que le ministère devra se montrer vigilant dans la gestion du régime, notamment en s'assurant d'un contrôle très étroit de l'accroissement des prix des médicaments et de l'utilisation des médicaments génériques toutes les fois où c'est possible. Il devra conserver toute l'autorité nécessaire sur le processus de révision et d'évaluation des coûts, processus qui est à la base de la détermination des paramètres d'indexation. Il demeure impératif que toutes les garanties nécessaires puissent être données concernant la hausse des coûts du régime en portant une attention particulière aux frais administratifs des assureurs. Par ailleurs, concernant les familles à faibles revenus, il faudrait introduire davantage de flexibilité dans la contribution des usagers. On doit également veiller à supporter adéquatement le réseau des pharmacies communautaires et les équipes de maintien à domicile en regard des nouvelles responsabilités qui leur seront confiées en termes de services pharmaceutiques.

Le régime d'assurance-médicaments permettra sûrement de mieux intégrer le médicament dans la gamme des services de santé, mais il faut prendre garde à certains effets négatifs qui pourraient être introduits en même temps que le régime. Prenons, à titre d'exemple, le cas des personnes âgées en maintien à domicile ou hébergées en CHSLD. On sait qu'actuellement toutes les personnes âgées, sans égard au lieu de résidence, bénéficient d'une couverture à 100 %. Or, dans le cadre du régime proposé, les personnes âgées résidant à domicile devront contribuer financièrement, alors qu'aucune disposition ne semble indiquer qu'il en sera de même pour les personnes vivant en CHSLD. En favorisant ces derniers, il pourrait se créer une pression en faveur d'une demande grandissante des personnes âgées pour les CHSLD. Ce phénomène s'opposerait à l'objectif de virage vers les ressources alternatives à l'hébergement en CHSLD. Étant donné la révision actuellement envisagée de la contribution des usagers, on pourrait penser à mettre en place un système de contribution des usagers en CHSLD qui soit similaire à celui en maintien à domicile. Bien entendu, on pourrait étendre cet exemple à tous les bénéficiaires des réseaux de services en famille d'accueil, en résidence d'accueil, en centre d'hébergement, etc. Il serait aussi intéressant de penser à établir les liens nécessaires entre ce régime d'assurance-médicaments, les nouvelles pratiques pharmaceutiques qu'il sous-entend et le concept de milieu de vie. Les pratiques pharmaceutiques pourraient faire l'objet d'une révision visant à mieux les coordonner avec les services des pharmaciens du secteur privé et ceux d'établissement.

Je vais demander à ma collègue de poursuivre.

Mme Denis (Lise): Oui, M. le Président, assez rapidement, je vais vous parler d'abord des médicaments en termes de liste des médicaments, d'offre et de demande, vous parler ensuite du rôle des régies et de l'organisation des services pharmaceutiques, et enfin du système de gestion des données.

Les médicaments, au niveau de la liste des médicaments. Le régime d'assurance-médicaments proposé maintient le principe de la liste des médicaments. Nous considérons aussi qu'il s'agit là d'un outil essentiel que doit gérer le Conseil consultatif de pharmacologie. Afin d'assurer l'intégration souhaitée du médicament à l'ensemble des services de santé, il ne devrait exister qu'une seule liste des médicaments couvrant aussi bien les services en établissement que les services en pharmacie privée.

Par rapport à l'offre et la demande en médicaments. La Conférence des Régies est sensible au contrôle de l'offre et de la demande en médicaments. Il faut s'assurer de mettre en place les mesures propres à inciter, d'une part, le consommateur à limiter sa consommation et à demander le médicament le plus efficace au meilleur prix, mais aussi, d'autre part, à obtenir la plus grande participation possible des médecins afin qu'ils contribuent à la régulation de l'offre et de la demande. Les activités de Revue de l'utilisation des médicaments pourraient, en ce qui a trait à la consommation, être d'un grand service. Les programmes RUM ont fait la démonstration de leur valeur, et la Conférence est en accord avec la reconnaissance d'une structure formelle pour en assurer la réalisation. Peut-être pourrions-nous même songer à la mise sur pied d'activités RUM sur une base régionale, ce qui nous permettrait de cibler davantage les interventions de formation et de contrôle pour toute question portant sur l'emploi inadéquat de médicaments, telles la surconsommation, la sous-consommation, les interactions médicamenteuses. Par ailleurs, le régime d'assurance-médicaments permettra assurément d'exercer un meilleur contrôle sur les médicaments prescrits, mais il pourra aussi avoir un impact significatif sur l'utilisation des médicaments non prescrits qui, selon l'enquête sociale et de santé de 1992-1993, est en hausse, la proportion d'utilisateurs passant de 23 % à 31 % de 1987 à 1992.

Sur le rôle des régies régionales et l'organisation des services pharmaceutiques. Le rôle des régies régionales en regard de la politique du médicament n'est précisé nulle part. Pourtant, les régies seront mises à contribution à toutes les phases de l'implantation régionale du régime d'assurance-médicaments et de la planification des services pharmaceutiques sur leur territoire. Entre autres, les régies auront à assurer l'organisation intégrée de soins et de services pharmaceutiques entre les établissements, le réseau de maintien à domicile et les pharmacies privées.

La mise en place du régime d'assurance-médicaments favorise l'émergence de pratiques pharmaceutiques orientées vers une meilleure gestion de l'utilisation des médicaments et davantage de collaboration entre les usagers, les prescripteurs et les pharmaciens, tant des établissements du réseau que des officines privées. Ainsi, les pharmaciens d'établissement devront-ils s'impliquer dans la transformation des pratiques pharmaceutiques, notamment par le biais de la formation des intervenants des équipes de maintien à domicile et par le support des pharmaciens en officine privée et des médecins. Ce rôle est d'ailleurs essentiel notamment pour faire les liens nécessaires entre le milieu hospitalier et le milieu de vie du bénéficiaire.

On devra aussi revoir les rôles respectifs des pharmacies d'établissement, des établissements du réseau et des pharmacies communautaires dans cette nouvelle dynamique de services et prendre en considération l'impact de ces changements de pratique sur la redistribution des ressources. Certaines régies régionales ont déjà entrepris des actions pour revoir la dynamique des services pharmaceutiques en projetant de mettre en place, par exemple, un service pharmaceutique régional à partir de l'expertise des pharmaciens d'établissement. On pourrait aussi penser à divers moyens comme, par exemple, la création d'un département régional de pharmacies communautaires à qui pourrait être confiée la mise en place d'activités régionales de revue de l'utilisation des médicaments, d'information, de formation et de recherche de formules incitatives pour les médecins et pharmaciens.

Les régies régionales doivent être associées au processus dès maintenant, puisqu'elles sont un pivot dans la reconfiguration du réseau et qu'elles assument la responsabilité de l'allocation des ressources budgétaires dans une perspective d'équité interétablissements. Elles sont donc interpellées constamment pour créer des passerelles ou des liens entre les services pharmaceutiques intrahospitaliers et les attentes du ministère face à la distribution des médicaments liée au virage ambulatoire. Les régies devront s'orienter vers un décloisonnement budgétaire afin d'assurer l'accessibilité des médicaments et des services pharmaceutiques à toutes les clientèles, peu importe le lieu de prestation des services, afin d'éviter des transferts injustifiés de coûts. Elles doivent être présentes aux niveaux décisionnels les plus importants – on pense ici, notamment, à la politique du médicament – notamment parce qu'elles seront au coeur de la mise en place du régime et qu'elles auront à gérer les interfaces entre les établissements et les partenaires associés au régime.

Au niveau du système de gestion et de la confidentialité des données, deux préoccupations majeures: la première est l'identification d'un besoin, effectivement, d'un fichier central unifié contenant à la fois les informations de la RAMQ et celles des assureurs, tant pour la Revue d'utilisation des médicaments que pour l'information sur les interactions médicamenteuses.

Une deuxième préoccupation, cependant: la nécessaire confidentialité de ces données et la garantie quant à une utilisation des données qui ne sera jamais pour des fins commerciales. Et, à ce titre, il nous semble que quatre principes devraient guider le législateur pour assurer aux Québécois et aux Québécoises la tranquillité d'esprit à l'égard des données personnelles qui les concernent.

Le premier: les analyses de revue d'utilisation des médicaments doivent être réalisées par des personnes n'ayant aucun lien avec des entreprises pharmaceutiques, ni intérêt commercial. Il va de soi que des ententes de non-divulgation de renseignements doivent être signées par ces ressources.

Deuxièmement, les données recueillies sur les services pharmaceutiques dans le cadre du régime d'assurance-médicaments sont des actifs qui demeurent la propriété des assurés et qui ne doivent être cédés sous aucun prétexte.

Troisièmement, les analyses non nominatives réalisées sur les données recueillies peuvent être cédées davantage dans une perspective de soutien des activités scientifiques que commerciales.

Et, quatrièmement, les études réalisées devraient être autorisées par un comité d'éthique, autant en termes de la définition des buts de l'étude que de la divulgation des résultats.

(21 h 20)

M. Saint-Onge (Florian): Nous aimerions aborder maintenant la politique du médicament. Le rapport du Comité d'experts suggère une politique du médicament sous la responsabilité du ministère. Cette suggestion nous semble très pertinente en raison des multiples facettes du contrôle d'utilisation et des coûts des médicaments et d'une saine gestion de l'utilisation des médicaments. Plusieurs de ces facettes sont d'ordre politique et touchent différents ministères ainsi que le ministère de la Santé et des Services sociaux. Les régies sont intéressées à être associées au ministère pour formuler certains aspects de la politique qui seraient en lien direct avec leur mandat. À titre d'exemples, on peut citer l'organisation des services entre établissements, l'accessibilité aux services, l'information à la population, la promotion de saines habitudes de consommation et la prescription appropriée. Le médicament, ayant souvent été perçu comme un bien de consommation ordinaire, doit absolument être intégré aux stratégies de prévention développées par les régies. Ces stratégies sont au coeur de notre politique de santé et visent l'intérêt des citoyens.

Le rôle du ministère, maintenant. Il faudrait, enfin, s'assurer d'un partage adéquat des responsabilités entre les partenaires associés dans ce régime. Encore une fois, nous croyons que le ministère devra conserver toute l'autorité nécessaire comme porteur des orientations gouvernementales et intervenir dans la régulation du régime.

En guise de conclusion, M. le Président, plusieurs intervenants ont fait part de leurs inquiétudes quant à la vitesse du processus d'implantation du régime d'assurance-médicaments. La Conférence des Régies régionales comprend cette inquiétude. Cependant, tous les délais qui se rajouteront dans l'implantation de l'assurance-médicaments contribueront à priver plus d'un million de citoyens d'un instrument propre à améliorer leur état de santé. La maîtrise des coûts passe par une meilleure coordination de la transformation entre les intervenants et les établissements, une meilleure définition des rôles et une meilleure planification des soins et services pharmaceutiques en vue d'une gestion optimale des soins de santé.

Il nous faut aussi investir dans des mesures qui assurent une formation continue adéquate des professionnels de la santé. Par ailleurs, il nous faut aussi prendre les moyens nécessaires pour supporter l'actuelle transformation du réseau dans un esprit de continuité des soins et d'équité. Je vous remercie.

Le Président (M. Gaulin): Alors, merci à vous, porte-parole de la Conférence des Régies. Je donne maintenant la parole à M. le ministre.

M. Rochon: Oui, M. le Président. Bien, merci pour avoir, à travers toutes les commandes et les obligations de ce temps-ci, réussi à isoler un peu de temps pour faire une réflexion sur l'implication des régies dans le cadre de la gestion du médicament, qui, comme on le sait, est une technologie qui prend une importance très grande dans ce qu'on a appelé le virage ambulatoire. Et, comme les régies sont des instances décentralisées responsables de la coordination, de l'organisation des services et de l'allocation des ressources, vous allez sûrement jouer un rôle important là-dedans, surtout, je pense, et même si... je ne sais pas si, comme vous le suggérez, le projet de loi devra y faire référence de façon vraiment spécifique, mais ce qui va être ajouté dans le projet de loi est devenu évident dès le début des audiences que l'on a présentement.

C'est qu'on devra ajouter, dès le début du projet, une référence spécifique à la politique du médicament. C'était déjà prévu que ça existait; en définissant le régime, on a intégré à cette législation ce qui existe déjà dans la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, par exemple, ou dans la Loi sur l'assurance-maladie en ce qui concerne le CCP, le Conseil consultatif de pharmacologie, et on a réintégré là-dedans ce qui existait déjà pour la Revue d'utilisation des médicaments comme protocole avec les ordres professionnels. Il va falloir ramener, là-aussi, la référence à la politique. Comme instance décentralisée, le ministère va devoir sûrement articuler son travail avec les régies régionales pour définir cette politique.

L'autre point que je voulais souligner avant de vous poser une question. Vous faites référence au fichier, et je pense qu'on aura, avec un régime d'assurance-médicaments, effectivement la possibilité de développer un fichier, un réel fichier qui aura le dossier des patients et qui pourra permettre un service de très haute qualité en ce que le médecin et le pharmacien pourront avoir éventuellement le dossier du patient et s'assurer que toutes les interactions sont contrôlées entre les médicaments, ou des choses du genre.

Maintenant, ce que je veux bien souligner, c'est qu'on s'entend que ce n'est pas ça qui est prévu dans le projet de loi présentement. Il est prévu d'avoir un système d'information interactif pour gérer le programme, mais qui ne comprendra pas le dossier du patient. Si on doit en arriver là, c'est un autre projet. Il y aura toute la structure informatique pour le faire, c'est sûr, mais ça sera un autre projet parce que, là, il va vraiment falloir développer de façon très rigoureuse tous les mécanismes de contrôle de confidentialité des dossiers. Dans notre réseau, on connaît ça, il y a déjà beaucoup de dossiers qui sont gérés avec de l'information très confidentielle, mais l'application dans ce cadre-là devra se faire, au lendemain de la mise en application du régime, avec la collaboration, entre autres, de la Commission d'accès à l'information, qui sont déjà venus devant cette commission-ci, de toute façon, et qui sont déjà impliqués, et très impliqués, même, dans tout ce qu'on a développé dans le domaine de la santé pour innover sur le plan des réseaux d'information. Entre autres, la carte à puce, qui a pu être développée et qui assure être une technologie qui permet un bon contrôle de la confidentialité. Et ça a été fait, ça, grâce, entre autres, à la collaboration de la Commission d'accès à l'information. Je tenais à souligner ça, parce qu'il ne faut pas, là... C'est un sujet qui est très délicat et très sensible, on le sait, et je veux que tout le monde soit bien assuré qu'on ne se lancera pas là-dedans sans en faire un projet spécifique comme tel et en ayant toutes les consultations qu'il faudra à ce sujet-là. Mais, dès le début, on aura le système en interaction pour gérer efficacement le réseau.

Deux questions sur ce que vous soulignez. D'abord, c'est intéressant, vous faites référence au rôle, dans le réseau, qui va se développer plus dans les établissements et dans l'interface entre les établissements et des pharmacies communautaires, par exemple, et vous dites que des régies régionales ont déjà entrepris des actions dans ce domaine-là pour voir un peu la dynamique des services pharmaceutiques. Si c'est une information que vous avez et que vous pouvez peut-être élaborer un peu là-dessus, ça serait peut-être intéressant de l'entendre. Vous n'avez peut-être pas cette... Si vous l'avez, vous le faites.

Une autre question et je laisse le temps aux autres après. Vous faites référence aux différents mécanismes de contrôle des coûts du médicament; il y a des mécanismes, on le sait, je ne reviendrai pas sur tout ça, là. Le rôle que le Conseil consultatif de pharmacologie aura à jouer, dans un rôle élargi, à cet égard en assurant le médicament efficace, mais en tenant compte du rapport qualité-prix aussi, je pense que c'est important dans le choix des médicaments parmi les médicaments disponibles. La révision de l'utilisation du médicament va être un élément important. Au niveau de la politique, on aura aussi, sûrement, un accent particulier sur la formation des professionnels et l'information à la population.

Maintenant, vous suggérez des choses qui rappelaient... Quand on est à la page, par exemple, 3, le deuxième paragraphe de votre mémoire, et peut-être surtout à la page 5, au point 3.3, quand vous parlez de l'offre et de la demande en médicaments, vous suggérez quelque chose qui rappelle une suggestion – ce n'était pas, peut-être, une recommandation formelle, mais une suggestion très claire – que le comité de M. Castonguay avait faite à l'effet que, dans l'application d'un régime comme celui qui est proposé, en ayant, comme c'est déjà le cas d'ailleurs, mais même en favorisant sur la liste des médicaments, à côté des innovateurs, aussi des médicaments génériques, comme les gens vont être amenés à faire une contribution, dans certains cas, plus grande, il y aurait vraiment un incitatif de type marché, offre et demande, parce que le patient qui doit payer une franchise et une coassurance, s'il a le choix – bon, autant le pharmacien que le médecin, mais aussi le patient lui-même – il pourrait avoir un certain incitatif à prendre un médicament de qualité égale, mais le générique plutôt que le médicament de marque si, comme il doit fournir sa coassurance, bien, il y voit un avantage immédiat pour lui, indépendamment de l'avantage pour le régime. Pensez-vous que c'est quelque chose qui peut être intéressant et permettre, peut-être de façon surprenante, des ajustements de type marché avec lesquels on est très, très familiers dans ce type de réseau?

M. Saint-Onge (Florian): M. le Président, je pense que ce que souligne le ministre, étant donné qu'on dit, justement, que les régies peuvent s'impliquer aussi dans toute la question de l'information, de la formation... Et c'est à cette condition-là, cependant. Si tout le monde est bien renseigné, à ce moment-là, on pourrait l'avoir. Je ne sais pas si Mme Denis...

Mme Denis (Lise): Oui. Peut-être, oui, juste revenir sur la question du fichier. Effectivement, ce qu'on annonce, ce qu'on indique dans le texte, c'est: On a la certitude, je pense, que dans le temps on s'en ira vers un regroupement des informations et que le souci par rapport à la confidentialité, à la non-utilisation des données pour des fins commerciales, il est majeur et il doit être balisé de façon très explicite et très correcte. Mais c'est ce que notre mémoire visait à faire, nos recommandations visaient à faire: c'était de bien visser, je dirais, un certain nombre de balises pour faire en sorte que, oui, on assure la confidentialité et qu'on n'utilise pas non plus les informations à des fins commerciales.

(21 h 30)

Par rapport à la première question, oui, il y a des régies qui ont commencé à faire des choses – j'essaie de me rappeler du nom de la région ou du territoire, mais je le sais, il ne me revient pas, je pourrais vous le trouver – mais j'ai au moins à l'esprit deux expériences qui ont été relatées. Une dans un sous-territoire où, avec l'hôpital et le CLSC – je me demande même s'il n'y a pas un deuxième CLSC là-dedans – il y a des ententes au niveau des pharmacies en établissement, celles du CH, qui vont desservir les bénéficiaires du CLSC. Ils sont comme dans un même département, à toutes fins utiles. Ils sont aussi en train de se doter d'un système d'information, de communication entre eux qui leur facilitera aussi l'échange de données.

J'ai à l'esprit une autre expérience – malheureusement, je n'ai pas le nom des territoires – où il y a des ententes qui se développent avec des pharmacies communautaires, par ailleurs, et des CLSC. Et là je dis qu'il y a des choses qui sont prometteuses, porteuses. Il y a des expériences sur le terrain qui se développent, et tout ça, pour moi, fait partie de ce qu'on appelle un peu l'organisation des services. Avec certains paramètres, oui, les gens sont en train de s'organiser pour faire face au défi du virage ambulatoire, entre autres, et à un certain nombre de changements de pratiques aussi, puisqu'on a un déplacement, effectivement, des bénéficiaires vers le maintien à domicile.

Donc, on pourrait facilement retrouver le nom des territoires. Et ça, ce sont ceux qui ont été portés de façon très explicite à notre attention; il y en a peut-être d'autres qui existent.

Par rapport à l'autre question. Dans le fond, ce qu'on a évoqué dans le mémoire, et probablement pas, comment je dirais, sous forme d'une proposition de règlement ou de loi, c'est sûrement le fait que, oui, on doit inciter à ce que ce soit le meilleur médicament au meilleur coût, donc, de faire en sorte que l'utilisation des médicaments génériques puisse être favorisée. Je sais qu'on réfère à ce qui a été effectivement évoqué dans le rapport Castonguay où, si ma mémoire est bonne, il fallait, pour favoriser la concurrence, établir vraiment un système. Est-ce que c'est la meilleure solution? J'avoue que c'est une question qui demeure pour moi une question. Je ne sais pas si Dr Lemieux...

M. Lemieux (Richard): Pas de commentaires additionnels, sauf pour vous dire qu'effectivement on ne peut pas penser à des solutions concernant le contrôle des coûts sans toucher cette question-là, qui est les produits génériques.

Concernant les actions dans les régies, pour revenir à la question antérieure, j'ai des informations que je ne vous avais peut-être pas passées concernant une régie, que je pourrais vous donner tout à l'heure, qui ont comme projet d'entreprendre, de mettre en place un département régional, une expertise régionale en pharmacie à partir des pharmaciens d'établissements. On m'a demandé pour l'instant d'essayer d'être un peu discret, mais c'est...

Mme Denis (Lise): ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que je me trompe, Mme Denis, en pensant que la mémoire vient de vous arriver sous forme de mémo?

Mme Denis (Lise): C'est ça, là...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous auriez le goût de nous en informer?

Mme Denis (Lise): C'est Brome-Missisquoi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

Mme Denis (Lise): Dans le territoire de Brome-Missisquoi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est très pratique, avoir une bonne mémoire. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: À mon tour de vous saluer. Je pense que c'est la deuxième occasion que nous avons de nous rencontrer en trois semaines. C'est ça?

Ma première question, c'est à la page 3, et c'est ce que vous mentionnez pour les contributions des personnes en CHSLD, centre hospitalier de soins de longue durée. Vous parlez d'un exemple de réajustement des contributions et vous indiquez que, pour des patients qui reçoivent des soins à domicile, peut-être qu'il y aurait une espèce d'incitatif dans le régime actuel d'aller en institution pour pouvoir avoir les médicaments de façon gratuite.

J'aimerais vous entendre à ce sujet-là et, si possible, savoir de quelle façon on pourrait éviter qu'il y ait ce genre d'incitatif.

Mme Denis (Lise): Ce qui a été exprimé dans le mémoire, en fait, c'est une crainte. Je dois dire que notre compréhension – et peut-être qu'on se trompe – telle qu'on lisait le projet de loi, et les lois existantes aussi, faisait en sorte qu'une personne, actuellement, avec le nouveau régime, qui serait maintenue à domicile, donc serait couverte par le nouveau régime d'assurance-médicaments; la personne qui est en CHSLD, elle, verrait l'ensemble de ses médicaments pris en charge par l'établissement. On dit: Est-ce que ça ne peut pas avoir des effets pervers? Est-ce que ça peut amener un glissement? En même temps, il n'est pas évident non plus qu'il faut que ce soit identique, si vous êtes maintenu à domicile et si vous êtes en CHSLD. Mais est-ce qu'on ne pourrait pas imaginer, au minimum, qu'il y ait une forme de contribution sur la partie médicaments? On sait qu'il y a déjà une contribution des bénéficiaires plus sur la partie hôtellerie et logement, je dirais, mais, sur la partie médicaments, est-ce qu'on ne devrait pas avoir une certaine parité? Puis je dis: «à traiter avec délicatesse», parce qu'il ne s'agit pas de mettre... compte tenu peut-être aussi de la quantité ou de l'intensité de la médication requise quand on est en CHSLD. Par ailleurs, des fois, on me dit que l'intensité est plus grande pour des gens maintenus à domicile, bien souvent, que pour des gens... même en CHSLD.

On n'a pas la solution parfaite, mais on dit: Il nous semble qu'il y aurait là quelque chose à regarder pour s'assurer d'une équité la plus grande possible.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Marsan: La conclusion, c'est que vous pensez qu'une contribution pour les patients qui sont hébergés soit dans des centres d'accueil ou dans des unités de soins de longue durée, s'ils avaient à payer une espèce de frais, que vous n'identifiez pas à ce moment-ci, ça pourrait avoir un effet dissuasif d'aller prendre les médications en institution.

Mme Denis (Lise): C'est que ça pourrait maintenir une certaine équité, parce que, entre le maintien à domicile et le CHSLD, il y a aussi tout un ensemble de formules intermédiaires. Si on pense à des personnes maintenues à domicile, on peut penser aussi à des personnes qui sont en ressources intermédiaires; on peut penser à des personnes qui sont en famille d'accueil et des personnes qui sont en CHSLD. Il nous semble que la contribution, il devrait effectivement y en avoir une, à juger cependant de sa nature et de son intensité.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député, est-ce que vous avez terminé?

M. Marsan: Non, j'en aurais quatre ou cinq.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

M. Marsan: La prochaine question, c'est à la page 4: «Le projet de loi est aussi silencieux à propos des nouveaux médicaments dispendieux pour traiter, par exemple, le sida ou la sclérose en plaque.» J'aimerais vous entendre à ce sujet.

M. Lemieux (Richard): Effectivement, on n'a pas trouvé de dispositions qui nous rassuraient sur l'utilisation de ces médicaments-là. On voulait le signaler, tout en se disant que, bien sûr, il existait une disposition qui s'appelle «médicaments d'exception» qui pourrait peut-être traiter de ces questions-là, et tout en se disant également que le Conseil consultatif de pharmacologie pourrait être mis à contribution pour pouvoir en arriver à permettre que ces médicaments-là, plus dispendieux, puissent être mis à la disposition des clients, des bénéficiaires.

M. Marsan: La difficulté, au niveau du Conseil consultatif, la liste qui est faite par les gens, actuellement en tout cas... Nous avons reçu plusieurs groupes, des associations de patients, des experts scientifiques qui suggéraient que le CCP prenne avis obligatoirement pour inscrire un médicament, alors qu'actuellement ce n'est pas la situation. Donc, ça peut entraîner une situation où, parce qu'un médicament est coûteux, il n'apparaîtra pas sur la liste des médicaments fournis par la Régie et autorisés par le ministre.

M. Lemieux (Richard): Je pense qu'il y a là une préoccupation de notre part. On n'a pas de réponse précise à savoir quel mécanisme mettre en place pour régulariser cet état de fait, mais on voulait le signaler comme étant tout de même un point important à prendre en considération.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Des commentaires additionnels? Merci, M. le député, vous avez d'autres questions?

M. Marsan: Oui, toujours. C'est la même page, c'est le prix d'acquisition des médicaments. Vous souhaitez que le prix d'acquisition soit semblable, tant pour les établissements publics que pour les pharmacies privées, afin de maintenir un écart de prix minimal et d'interférer le moins possible dans l'équilibre qui devrait s'installer entre les établissements et le réseau. Nous avons reçu ici l'Association des pharmaciens propriétaires, et eux nous ont clairement indiqué que c'était difficile d'avoir un prix uniforme, pour toutes sortes de raisons, des lois du marché évidentes, que ce soit seulement les coûts du transport; vous savez que nos régions sont assez éloignées et, des fois, c'est difficile, d'une région à l'autre. Donc, il y a des coûts qui sont associés. J'aimerais avoir vos commentaires sur cette difficulté de maintenir un prix égal à travers toute la province.

Mme Denis (Lise): Moi, je vous dirais d'abord, ce qui est indiqué ici, c'est que ça doit être semblable, pas nécessairement égal non plus. Dans le fond, l'objectif est de maintenir un écart de prix minimal, d'avoir tendance à les rapprocher. C'est ce qui était visé ici.

(21 h 40)

Je comprends, par ailleurs, la préoccupation qui est indiquée, mais l'objectif étant, dans le fond, que l'écart de prix soit minime entre les établissements et le réseau privé. Et j'imagine que ce qui est vrai dans une région, au niveau d'un établissement et du privé, sur la Côte-Nord versus une autre région, c'est la même dynamique. Je veux dire que c'est le même genre d'écart relié aux distances. Le transport est aussi vrai si vous êtes dans un établissement de la Côte-Nord que si vous êtes dans une pharmacie privée de la Côte-Nord.

M. Marsan: Oui. Un peu plus loin, vous parlez du rôle des régies régionales et de l'organisation. Vous dites que le rôle des régies en regard de la politique des médicaments n'est pas précisé nulle part. Vous vous sentez quand même obligés d'intervenir: vous êtes ici ce soir. J'aimerais connaître les raisons qui vous motivent à faire cette présentation.

Mme Denis (Lise): Essentiellement, les régies sont interpellées au titre de l'organisation des services. Les services pharmaceutiques font partie de l'organisation des services de santé et des services sociaux. Les médicaments constituent un instrument ou, si vous voulez, font partie aussi de la gamme des services, à toutes fins utiles. Donc, dans ce sens-là, oui, les régies sont interpellées. Elles sont interpellées, c'est pour ça qu'elles sont ici ce soir. Et je vous dirais que la Conférence et les régies régionales travaillent, de plus en plus étroitement d'ailleurs, avec les pharmaciens. Que ce soit avec les associations représentatives ou avec des groupes, des comités en région, ça se passe de plus en plus. Dans le cadre du virage ambulatoire, c'est devenu rapidement, pour les régies régionales, une préoccupation importante qui prend forme de différentes façons dans les régions.

Donc, fondamentalement, oui, les régies sont interpellées. On dit que leur rôle n'est précisé nulle part. Je pense que l'attente n'était pas non plus de retrouver les régies régionales un peu partout dans un texte de loi, mais bien de dire: Oui, il y a une réalité là. Elle va se vivre en région et, en termes d'organisation des services, ce sont les régies qui vont travailler avec les établissements et les différents partenaires.

On pense cependant qu'au niveau de la politique du médicament, il devrait y avoir un lien étroit avec ceux qui vont préparer cette politique-là, le ministère.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

M. Marsan: Un peu plus loin, toujours dans le rôle, vous dites qu'on devrait revoir le rôle respectif – et ça, j'imagine que ce sont les régies qui souhaitent ça, qui souhaitent le faire – des pharmacies d'établissements, des établissements du réseau et des pharmacies communautaires. Nous, et vous me direz si c'est la même compréhension, lorsque nous avons reçu l'Association des pharmaciens propriétaires, on disait que leurs pharmacies étaient des pharmacies communautaires, et ils nous ont indiqué que, pour eux, le projet de loi, c'était une nationalisation, finalement, qui est déguisée.

Si je fais le lien avec votre mémoire aujourd'hui, vous nous dites que, bien, les régies, vous voulez vous occuper, vous voulez revoir le rôle des pharmacies privées de type communautaire. Est-ce que vous trouvez que c'est normal?

Mme Denis (Lise): Je vais juste, oui, reprendre ça. Je pense qu'il n'appartient pas nécessairement aux régies de revoir le rôle des pharmacies communautaires. Je pense que ce sont des entreprises privées. Cependant, les interrelations entre les pharmacies d'établissements, les établissements du réseau et les pharmacies communautaires, ça, je pense que ça peut faire l'objet de concertation dans une région. Je pense que là où il faut faire attention aussi, c'est que dans chacune des régions peuvent s'aménager des façons de faire qui sont propres à cette région-là, parce que, par exemple, des pharmacies communautaires ne sont pas dans les mêmes nombres et dans les mêmes proportions partout dans les régions. Les CLSC, avec les pharmacies communautaires, ont déjà, dans plusieurs cas, développé des approches. Alors, il n'est pas question pour nous de dire qu'on va aller remplacer le monde et définir leur rôle à leur place, mais bien qu'on va s'assurer, avec les gens et les ressources disponibles, de regarder comment on est capable, de la meilleure façon possible, ensemble, chacun en se mettant à contribution dans son rôle et dans ce qu'il est, de bien assurer l'intégration des services pharmaceutiques et la disponibilité des médicaments.

M. Marsan: Une dernière question, M. le Président. Peut-être parce qu'on l'a eu juste avant le début, j'ai sûrement oublié, mais je n'ai pas vu beaucoup de notes sur le patient. Pour le patient, on sait que les coûts vont être beaucoup plus élevés dans le nouveau régime et qu'il peut y avoir une espèce d'effet. Parce que les coûts sont élevés, bien, les patients ne prendront pas leur médication. Donc, s'ils ne prennent pas leur médication, leur état de santé pourrait se détériorer et on retourne soit à l'urgence ou en CLSC ou en polyclinique. Alors, j'aimerais vous entendre sur cet effet pervers du nouveau régime.

M. Saint-Onge (Florian): Alors, M. le Président, dans cette question, je crois que... Nous avons une préoccupation. Il ne faut pas se cacher, à ce moment-là, que, quand on fait des changements comme ceux-ci, bien sûr qu'il y a un questionnement. Cependant, quand on sait qu'on a quand même au-delà de 1 000 000 de contribuables, de citoyens qui ne sont pas actuellement assurés, la préoccupation qu'on peut avoir... Bien sûr que, si on touchait à des patients qui ne sont pas capables de se payer des médicaments, certes que, pour nous autres, ce serait une préoccupation. Mais on ose espérer que dans le régime on va tenir compte justement des gens, tant les personnes âgées, ou les personnes qui ont des faibles revenus, ou des personnes qui sont justement sur le bien-être ou qui ne sont pas capables de s'en payer. J'espère qu'on aura le moyen que ces patients-là ne souffrent pas d'un manque de médicaments parce qu'on manque d'argent. Bien sûr que nous l'avons, cette interrogation.

Mais, pour nous autres, je crois que nous avons cependant une certaine satisfaction ou consolation de voir qu'actuellement, pendant qu'on se parle, on a au-delà de 1 000 000 de citoyens qui ne sont peut-être pas capables de se payer ça actuellement parce qu'ils n'ont pas de régime. Et, pour nous autres, actuellement, peut-être que le nouveau régime permettrait d'avoir l'assurance générale.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Sherbrooke, suivie de M. le député de Nelligan et de M. le député de Lévis. Donc, Mme la députée de Sherbrooke, suivie du député de Lévis.

Mme Malavoy: Merci. Bonsoir. Je vous poserais une question qui concerne un texte qui est en bas de la page 6. Vous dites que vous êtes convaincus de la pertinence d'impliquer les commissions médicales régionales. J'aimerais vous demander d'abord quel rôle vous pensez on pourrait leur faire jouer, comment les impliquer et à quelles fins? Et j'aimerais aussi savoir si, à part la table des directeurs des services professionnels, vous voyez d'autres organisations régionales qu'il serait également utile d'associer à ce processus, et pour faire quoi.

Mme Denis (Lise): Quand on parle d'impliquer les commissions médicales régionales, il faut voir que, dans l'évolution des deux, trois dernières années, les commissions médicales régionales, qui ont comme rôle de donner des avis au conseil d'administration des régies sur l'ensemble de ce qui touche l'organisation des services médicaux notamment, peuvent être mises à contribution et, dans plusieurs régions, sont déjà impliquées dans la question des produits pharmaceutiques, notamment de l'utilisation des médicaments. Donc, ces commissions-là peuvent avec pertinence, croyons-nous, apporter un certain éclairage et faciliter la mise en place d'un réseau mieux intégré de services. Et aussi travailler beaucoup sur le rôle des prescripteurs, parce que, quand on parlait de régulation de l'offre et de la demande et de travailler sur les prescripteurs, donc sur le médecin qui prescrit, les commissions médicales régionales, croyons-nous, sont drôlement bien placées pour assumer ce genre de fonction là.

Quand on dit «d'autres organisations régionales», et là je pense que c'est aussi variable un peu selon les régions, il est certain que les partenaires, par exemple au niveau des pharmaciens, les partenaires au niveau, par exemple, du Collège des médecins, la table des directeurs de services professionnels – puis je dis «selon les régions», il peut y avoir d'autres instances – sont, dans l'ensemble, à mettre à contribution dans un tel processus. Probablement que les médecins en CLSC aussi sont à mettre à contribution.

Alors, je dis «selon les régions». Ça, ça peut prendre différentes formes, mais il est clair qu'il faut associer les énergies des gens pour être capable d'avoir un réseau plus intégré et favoriser pour le patient ou pour l'ensemble de la population un accès aux médicaments et un maintien du service entre l'hôpital et la maison.

M. Saint-Onge (Florian): Je pense aussi peut-être au directeur de santé publique, également.

Mme Denis (Lise): Bien oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Lévis.

M. Garon: Moi, je regarde à la page 7, le système de gestion et la confidentialité des données. Je trouve qu'il y a beaucoup de monde qui a accès à ça. Dans votre esprit, le dossier médical d'un patient ou d'un citoyen appartient à qui? Le dossier de médicaments d'un citoyen appartient à qui?

M. Saint-Onge (Florian): M. le Président, je pense que M. Garon souligne une question où, justement, nous autres aussi, on se dit qu'il y a des précautions à prendre dans ce sens-là. C'est évident que le dossier, il appartient au citoyen, au patient. Et ça, c'est clair dans notre esprit. Évidemment, c'est pour ça qu'on attire l'attention, qu'on prendra toutes les mesures pour la confidentialité.

(21 h 50)

M. Garon: Moi, je vais vous dire, M. le Président, je l'ai dit cet après-midi, j'ai vu, quand on a parlé d'accident, l'assurance automobile, qu'on regarderait le dossier des gens pour voir s'ils étaient responsables ou pas responsables des accidents pour établir des catégories de primes différentes. J'étais dans le siège du député de Robert-Baldwin et j'avais dit: Moi, j'ai peur que le système qu'on met en place pénalise ceux qui ne sont coupables de rien, qui ne sont responsables de rien. Tout le monde me disait: Non, non, non, on prend des précautions, pas de problème. Des actuaires, tout le monde, l'Inspecteur général des institutions financières également.

Pourtant, on est le seul endroit en Amérique du Nord où le citoyen qui n'est coupable de rien, qui n'est responsable de rien est pénalisé. Et ça a paru publiquement. Dans tout le reste du Canada, dans le reste de l'Amérique du Nord, on ne pénalise pas quelqu'un qui n'est pas responsable d'un accident. Nous autres, parce qu'il y a un fichier central, on pénalise les gens qui ne sont responsables de rien. Alors, tout le monde avait donné ces belles garanties là. Sauf que le résultat est là. Moi, j'ai appelé plusieurs fois, après, l'Inspecteur général des institutions financières et j'ai dit: Maintenant, vous, vous me disiez qu'il n'arriverait rien, bien, les gens qui ne sont coupables de rien, ils paient, qu'est-ce que vous allez faire? Ah! ça va s'arranger. Mais, là, je ne sentais plus la même dynamique de prendre la parole pour défendre les citoyens. Alors, c'est pour ça que je demande: À qui appartient le dossier médical, qui a le dossier de médicaments et qui a le droit d'aller «zigonner» là-dedans? Il me semble que c'est un dossier personnel. Les citoyens sont des gens responsables, ça leur appartient, c'est leur santé à eux. Qui a le droit d'aller jouer là-dedans? Avec la permission de qui?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Si je comprends bien, M. le député, vous aimeriez avoir l'opinion des gens qui nous visitent et vous dites en même temps au ministre de prendre ça en note.

M. Garon: Mais, non, parce que je vois ici, à la page 7...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je voudrais qu'on reste sur, justement, le dossier.

M. Garon: «Un support informatique doit donc être mis en place. Toutefois, pour constituer ce fichier central, il faudra pouvoir mettre en commun les données recueillies par la RAMQ et celles recueillies par les assureurs privés.» Ça me fait penser que c'était ça exactement, l'assurance de dommages automobile! «Sans la mise en commun de ces données, il sera difficile de procéder à des activités de revue d'utilisation des médicaments qui couvrent bien l'ensemble des activités de services pharmaceutiques. L'analyse de ces données devrait également être rendue disponible pour les besoins des régies régionales.» Je vous épargne le reste, là, ça fait bien du monde qui se donne le droit d'aller voir dans le dossier d'un citoyen; un dossier, à mon avis, qui lui appartient à lui et à son médecin traitant.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Saint-Onge, Mme Denis ou M. Lemieux, est-ce que quelqu'un de vous aimerait donner un commentaire? Et on va aller à la conclusion.

M. Saint-Onge (Florian): M. le Président, tant et aussi longtemps qu'on aura des députés comme vous qui avez ces interrogations-là, ça nous rassure, parce qu'on espère que toutes les précautions seront prises, justement, pour arriver à conserver cette confidentialité.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous répondez en vrai politicien.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que quelqu'un d'autre voudrait ajouter un commentaire? Non. Merci.

M. le député de Robert-Baldwin, vous êtes prêt pour votre conclusion?

M. Marsan: Simplement remercier nos invités, je n'ai pas d'autres commentaires, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le ministre.

M. Rochon: Donc, je veux remercier aussi la Conférence des Régies régionales et la rassurer, même si ce n'est peut-être pas nécessaire, à l'effet que sa collaboration va être requise et sollicitée pour la mise en oeuvre de la politique du médicament et pour contribuer, dans le sens des recommandations que vous nous faites, à une intégration très harmonieuse de cette technologie du médicament dans le cadre des plans de transformation qui ont été faits dans chacune des régions, pour qu'on puisse continuer ce fameux virage ambulatoire. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie.

J'invite maintenant les représentants de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes à s'approcher.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, nous recevons l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes. Je m'excuse, au nom de tous les membre de la commission, de vous recevoir à une heure aussi tardive, mais, compte tenu du sujet et des délais, on voulait permettre au plus grand nombre possible de personnes et de groupes de s'exprimer.

(22 heures)

Alors, je vous invite à présenter, M. Millette, les gens qui vous accompagnent, avec les noms et titres. Vous avez 20 minutes de remarques préliminaires avant l'échange. Merci.


Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes (ACCAP)

M. Millette (Yves): Merci, M. le Président. M. le ministre, mesdames, messieurs de la commission, je vous présente d'abord, à ma droite, le président du Comité de l'assurance-médicaments de l'Association et vice-président aux opérations régionales d'assurance collective à La Prudentielle d'Amérique, M. Claude Leblanc, et, à ma gauche, M. Denis Morcel, qui est vice-président régional en assurance collective au groupe La Mutuelle du Canada.

On vous a soumis, quand même assez récemment, un mémoire qui est assez volumineux; je n'ai pas l'intention de le passer page par page ce soir, je vais vous laisser l'occasion de poser des questions, si vous en avez, et je vais me contenter de passer avec vous le sommaire exécutif, tout en me permettant certains commentaires à l'occasion.

L'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes partage la préoccupation du gouvernement, qui cherche à trouver une solution à l'accessibilité aux médicaments pour toute la population. Dès le début, notre industrie s'est associée aux démarches du gouvernement pour en arriver à une solution à l'intérieur de cadres qui respecteraient les cadres d'opération de notre industrie. Pour y arriver, nous reconnaissons que les assureurs doivent renoncer à l'exclusion du risque catastrophique et mettre en commun leurs efforts pour rejoindre toutes les personnes admissibles.

Nous croyons toutefois qu'il faut respecter le choix que font certaines personnes de ne pas s'assurer, du moins à la mesure de leur capacité de payer. Par exemple, les jeunes, les gens plus fortunés qui pensent être en mesure d'assumer eux-mêmes les coûts de leurs médicaments, ces gens-là contribueront pour les autres à même leurs taxes et leurs impôts. Et l'assurance, quant à nous, n'est pas un système d'assistance mais un véritable système d'indemnisation, et nous croyons qu'il n'appartient pas à un système d'assurance de faire de l'assistance financière. Nous croyons qu'il appartient au gouvernement de veiller à ce que ceux qui ont besoin d'assistance financière pour le paiement de leur prime l'obtiennent.

Pour l'assurance collective, le régime proposé nous semble trop rigide. Le marché libre a fait en sorte que les employeurs, les employés et les assureurs ont été capables de mettre en place des régimes collectifs qui répondent aux besoins des entreprises et de leurs employés et qui partagent équitablement les coûts entre eux. Comme l'assurance collective ne suscite pas de critiques et que les parties sont prêtes à y intégrer le risque catastrophique, c'est-à-dire la circulaire des «malades sur pied», et les médicaments nécessaires au virage ambulatoire, que les parties sont prêtes à intégrer le risque catastrophique, comme je le disais, nous croyons que le régime proposé devrait être aussi neutre que possible pour éviter que les employeurs s'en désintéressent.

Le projet de loi n° 33 doit renoncer, quant à nous, à la divisibilité de la couverture de l'assurance collective prévue aux articles 27 et 44 ainsi qu'à la non-contribution des enfants prévue aux articles 17 et 18. On pense qu'on doit être également plus ouverts à l'équivalence des primes, franchises et coassurances différentes du régime de base lorsque, ensemble, elles n'occasionnent pas de déboursés plus élevés pour les adhérents. En assurance individuelle, la prime unique...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Millette, étant donné que je pense que vous ne suivez pas votre mémoire, est-ce qu'il serait possible pour vous, de temps à autre, de nous donner la page ou la référence, si les membres de la commission veulent référer à ce que vous dites?

M. Millette (Yves): O.K. Comme je vous disais, je m'en tiens à mon sommaire exécutif et j'ajoute quelques commentaires à l'occasion.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Donc, c'est la première page...

M. Millette (Yves): C'est les trois premières pages du document.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Les trois premières pages?

M. Millette (Yves): Oui. Excusez-moi, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Non, c'est correct, c'est moi qui m'excuse.

M. Millette (Yves): En assurance individuelle, la prime unique fixée par le gouvernement, couplée à des mesures d'indexation, de collecte des primes basée sur la déclaration fiscale et d'assistance financière pour le paiement de la prime des plus démunis, ces éléments ne nous apparaissent pas suffisants pour permettre au régime de fonctionner. Il faut que la prime, en plus du coût des médicaments, intègre des facteurs comme la courbe évolutive du coût des médicaments, les changements dans les méthodes de traitement, les transferts entre programmes de santé, l'incitation à ne pas s'assurer, et ainsi de suite. Comme plusieurs autres intervenants, nous croyons que la mise en place du régime proposé devrait être retardée pour permettre aux différentes parties d'en arriver à une compréhension commune du système, parce que je pense que le grand problème qu'on peut constater à l'heure actuelle, c'est que les différentes parties n'ont pas nécessairement la même compréhension du régime, et nous croyons qu'une période de temps est nécessaire pour arriver, pour le meilleur bénéfice de la population, à ce que chacun puisse exercer son art avec la meilleure diligence possible.

Nous croyons que la prime, en assurance individuelle, ne devrait pas être fixée par le gouvernement. Elle devrait être modulée en fonction de la consommation de médicaments de l'assuré, et la franchise devrait être plus élevée. Afin de mettre le régime proposé pleinement en vigueur pour l'assurance individuelle, il faudrait accumuler des données sur les coûts. Au lieu de lier l'assistance financière au paiement de la prime, elle devrait être liée à l'ensemble des déboursés. Cette assistance financière doit être harmonisée à la fiscalité générale des particuliers, sans quoi nous assisterons à des disparités intolérables entre les participants. Un exemple, comme ça, en passant, qui nous vient du projet de loi: nous n'avons rien vu dans le projet de loi qui empêcherait un employé dont la prime est entièrement payée par l'employeur de recevoir une assistance financière du gouvernement. On n'y voit pas, absolument pas de nécessité, à ce moment-là.

La mutualisation des risques en assurance individuelle et collective devrait être séparée, car, autrement, les employeurs subventionneraient le régime individuel. Or, c'est le gouvernement qui doit jouer ce rôle en assurance individuelle, parce que l'expérience n'est pas établie et qu'il sera difficile d'établir les primes adéquates, du moins au cours des premières années. Les mécanismes de mutualisation doivent être établis par les participants, et la latitude nécessaire doit être laissée pour utiliser des techniques adéquates.

Nous sommes conscients de l'importance que cette réforme-là a pour la société québécoise, et elle se doit, si on la met en application, d'être un succès, mais je pense qu'il faut se donner le temps de bien faire les choses. Pour ce faire, l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes vous suggère une solution intérimaire qui respecte vos objectifs budgétaires et qui vous permettra de poursuivre les objectifs du virage ambulatoire. Vous avez présenté, M. le ministre, hier, l'idée d'implanter la réforme en trois phases. Nous croyons que les clientèles de la Régie de l'assurance-maladie devraient être assurées conformément au mémoire que vous avez présenté; nous respectons votre choix à ce niveau-là. Quant aux non-assurés, dans le projet de réforme, un budget est prévu pour le remboursement des primes des non-assurés.

On a vu, là, l'échelle que vous avez proposée, dans un communiqué de presse, qui va, si je me souviens bien, de 10 100 $ à environ 30 000 $. Nous croyons que les montants qui y sont prévus sont... nous avons estimé, pour les non-assurés, environ 93 000 000 $. Pendant la période intérimaire, ce budget devrait être utilisé pour rembourser le coût des médicaments des non-assurés au-delà de 3 % de leur revenu net. Nous croyons qu'une telle mesure pour les non-assurés coûterait environ 60 000 000 $ par année. Par conséquent, ces coûts-là se situeraient à l'intérieur des limites prévues au régime général, parce que, pour chacun des assurés, nous croyons qu'avec une limite de 3 % du salaire, en partant de 10 000 $, ça ferait un coût moyen minimum d'environ 300 $ par citoyen. Il n'y aurait évidemment pas de prime à payer, là; ça ferait un coût de 300 $ par année, en moyenne, pour chacun des assurés, jusqu'à environ 30 000 $ de revenu net par individu, ce qui voudrait dire environ 900 $. Au-delà, nous croyons que les citoyens n'ont peut-être pas la nécessité de recevoir une aide aussi importante, et, à ce moment-là, même 3 % du revenu permettrait de subvenir aux besoins de ceux qui ont vraiment des coûts catastrophiques de médicaments, sans nécessairement que ces gens-là puissent en être appauvris pour autant, parce que ce serait toujours 3 % du revenu.

En assurance collective, nous croyons que les assureurs pourraient intégrer très rapidement, sur simple augmentation des primes, le coût de la liste des «malades sur pied» et celui du virage ambulatoire. Et nous croyons que ce coût-là serait environ de 50 000 000 $ à 60 000 000 $ pour les employeurs et l'industrie. Et l'avantage d'une telle situation ne ferait qu'augmenter les coûts de la prime de risque, parce qu'au niveau des coûts administratifs, du moins pour les assureurs privés, il n'y en aurait à peu près pas, alors que, pour les non-assurés, la Régie de l'assurance-maladie pourrait fort bien administrer le régime pendant la période intérimaire. Donc, il ne sera pas nécessaire que ce soit un régime privé ou les assureurs privés qui le fassent.

Ceci, nous croyons, nous donnerait suffisamment de temps pour étudier les mécanismes qui ont été proposés dans le projet de loi, voir leur application, voir s'ils rendent les promesses que nous croyons tous qu'ils rendront, notamment au niveau de la Revue d'utilisation des médicaments, et pour voir dans quelle mesure les coûts des assureurs privés peuvent être ajustés en fonction du régime proposé de façon à ce que tout le monde en bénéficie au maximum.

Je pense que je vais arrêter là ma présentation, et nous sommes disposés à répondre à toute question et à élaborer sur notre proposition intérimaire, si vous le souhaitez.

(22 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. Millette. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Merci, M. le Président. Je vous remercie pour la préparation de votre mémoire et de venir nous rencontrer malgré l'heure tardive qu'on doit vous imposer. On s'en excuse.

On devra sûrement prendre le temps de regarder votre mémoire plus en détail que ce qu'on a eu le temps de faire avant de discuter avec vous, mais, avant d'aller dans des détails, permettez-moi donc de vous demander tout simplement une question de fond. Parce que j'entends ce que vous nous dites, et vous avez peut-être annoncé vos couleurs dès le début en disant que vous ne pensez pas que c'est nécessaire, utile ou souhaitable qu'il y ait une assurance de type social qui crée un régime général pour l'ensemble des citoyens, avec des paramètres de base quant aux coûts associés à la consommation, quant à la prime de risque et avec l'assurance d'une couverture uniforme pour tout le monde. Si j'ai bien saisi, dans le fond, c'est un peu ça. Vous nous dites que... Si c'est ça, on va respecter ça puis on va comprendre ça, mais on ne va pas nécessairement questionner chacune des modalités que vous proposez, à moins que ce soit pour nous proposer quelque chose qui ait une meilleure équivalence à ça.

M. Millette (Yves): Ce qu'on propose, évidemment, c'est un régime d'indemnisation, qui est le travail des assureurs privés, faire de l'indemnisation, et on souhaite que dans un tel régime, s'il y a de l'assistance financière à faire, ce soit le gouvernement qui la fasse et non pas les assureurs privés, puisque ce n'est pas notre rôle.

Donc, à ce moment-là, le régime proposé, nous souhaitons qu'il permette le plus possible, et nous sommes bien conscients qu'il est impossible de le faire totalement si on veut avoir un régime universel, mais nous souhaitons que, le plus possible, l'industrie privée puisse exercer son art lorsqu'elle assure des individus. Mais on est bien conscients, comme on le disait tantôt, que, pour avoir un régime universel, par exemple, on doit être en mesure d'accepter tout le monde sans égard à son état de santé, par exemple, et ça, nous sommes prêts à le faire.

M. Rochon: O.K. Maintenant, que le régime général établisse une prime, et qui prévoit, d'ailleurs, qu'il y a une compensation que le gouvernement fait... Vous dites que ce n'est pas aux entreprises privées, puis je suis bien d'accord, à aider les plus démunis, c'est au gouvernement à faire ça avec les taxes des gens. C'est correct. Mais c'est ce qui est proposé. C'est que, si les assureurs privés offrent une prime au million de personnes, par exemple, qui ne sont pas assurées, ou si on demande... si la situation... Ce qui est offert par les régimes collectifs actuels demandait certains ajustements pour se conformer, pour offrir au minimum autant que le régime général; il y a peut-être une compensation à faire pour les gens qui ont des petits salaires. Et ça, le régime proposait de le faire, mais vous trouvez probablement que c'est insuffisant comme compensation ou...

M. Millette (Yves): Non, au contraire. On sait que, dans la majorité des régimes privés, du moins ceux qui couvrent des employés du secteur privé, les employeurs, très souvent, vont payer une partie sinon la totalité de la prime et...

M. Rochon: Ça, c'est pour les régimes collectifs.

M. Millette (Yves): Pour les régimes collectifs, effectivement. Et ces régimes-là ont été établis et fonctionnent bien. Je ne pense pas, chez les employeurs qui en ont... Et nous sommes d'accord avec les propositions qui font en sorte que les régimes collectifs devraient assurer tous les employés sans égard à leur état de santé et donc couvrir les coûts supplémentaires qui en découlent. Mais où on ne vous suit pas du tout, où on n'est pas d'accord du tout, c'est lorsqu'on veut imposer des règles de divisibilité pour toujours reconnaître le régime et la prime à l'intérieur de l'assurance collective. On est prêts à discuter de cette approche-là en assurance individuelle, où il va y avoir un régime de mis en place et où on est bien conscients que ça en prend un. On est conscients aussi qu'il n'y a pas d'expérience d'un tel régime privé au Québec et qu'il faut se donner le temps de l'établir, mais nous croyons que le régime individuel et le régime collectif doivent être séparés, et on doit laisser autant que possible le régime collectif faire son oeuvre, qu'il fait quand même assez bien à venir jusqu'à aujourd'hui.

M. Rochon: Est-ce que ce n'est pas ça qui est proposé, que les régimes collectifs continuent? Là, je pense que ce que vous nous dites, c'est qu'au lieu de reconnaître, dans le régime collectif, ce qui correspond au régime de base qui est offert on devrait plus avoir un système d'équivalence...

M. Millette (Yves): Exactement.

M. Rochon: ...et des critères, des agréments qui pourraient reconnaître l'équivalence. Ça, est-ce que c'est raisonnablement facile à développer? Est-ce que ça existe déjà, qu'on peut facilement comparer des régimes différents et établir l'équivalence en termes de couverture qui est offerte par rapport aux risques?

M. Millette (Yves): Je vais demander à M. Morcel de répondre, c'est notre spécialiste du collectif.

M. Morcel (Denis): J'imagine qu'il y a plusieurs façons dont on pourrait évaluer l'équivalence, l'équivalence en valeur d'une protection collective à comparer au régime minimal. Il y a des propositions qui ont été avancées à l'effet que, par exemple, tout régime collectif qui prévoirait un déboursé maximal égal à celui proposé par le régime universel...

M. Rochon: Le plafond, par exemple...

M. Morcel (Denis): Un plafond maximal...

M. Rochon: ...il doit avoir un plafond...

M. Morcel (Denis): ...équivalent, peu importe d'où il vient. Est-ce qu'il vient d'une franchise de 25 $, de 100 $, de 200 $? Est-ce qu'il l'atteint par une coassurance de 70 $, 80 $, 90 $ ou 100 $? Mais, en autant que ce mécanisme-là est là, un tel régime, on devrait lui permettre de survivre tel quel sans avoir à diviser et démontrer et catégoriser où dans son régime est l'équivalence du coût du régime prévu par le projet.

M. Rochon: O.K. Donc, vous seriez d'accord qu'il y ait une liste de médicaments générale qui donne au moins la couverture de base...

M. Morcel (Denis): Bien sûr.

M. Rochon: ...avec un plafond qui est le même pour tout le monde? Et ce que vous nous dites, c'est: Le jeu de la prime, de la franchise et de la coassurance, laissez flotter ça, du moment qu'il y a ces deux balises-là. Je n'argumente pas, là, je veux juste être sûr de bien comprendre puis...

M. Morcel (Denis): Non, non, c'est essentiellement... Oui, exact.

M. Rochon: Bon, O.K.

M. Morcel (Denis): Je pense que, probablement, dans la majorité des régimes collectifs d'assurance, la liste des médicaments couverte est déjà plus étendue que celle prévue par le régime...

M. Rochon: Oui.

M. Morcel (Denis): ...du projet de loi, exception faite de la circulaire «malades sur pied», qui, je pense, peut être prise en charge par les régimes collectifs.

M. Rochon: C'est ça. Maintenant, pour l'assurance individuelle... Alors, pour le collectif, ça, là, on voit un peu comment vous vous situez, puis je pense qu'on peut voir comment on s'ajuste à ça. C'est pour l'individuel, là, comme d'autres assureurs nous ont dit, les 1 000 000 de personnes qui n'ont pas de couverture présentement, c'est une grande inconnue qui fait peur. C'est un peu ça, en fait.

M. Millette (Yves): Disons que, résumé très rapidement, oui, c'est à peu près ça. On pense toujours qu'il est possible de le faire. Et, comme je dis souvent, il y a peut-être une seule chose dont les assureurs ont peur plus que tout, c'est le risque, parce qu'ils sont habitués à contrôler globalement le risque. Et, lorsqu'on arrive dans des choses nouvelles où on n'a pas les données nécessaires, on se sent beaucoup plus conservateurs parce que, en vertu des règles qui régissent la solvabilité des assureurs et les règles qui nous viennent de l'Inspecteur général des institutions financières, par exemple, on est obligés de s'assurer que les primes qu'on va charger vont refléter l'ensemble des coûts qui vont devoir survenir dans le présent et dans le futur, pour que le régime soit en mesure de remplir ses obligations.

Donc, à ce moment-là, surtout quand on parle d'individuel... Parce que, dans le collectif, on a trouvé des mécanismes d'adaptation qui fonctionnent, mais ce sont des mécanismes qui se sont établis au cours de négociations tripartites entre des assureurs, des employeurs puis des syndicats, et il s'est établi un équilibre au cours des années. Mais, dans l'assurance individuelle, on n'a pas cette expérience-là. Les expériences qu'on pourrait voir sont des expériences surtout américaines, et, vous avez vu, on le cite dans notre mémoire, elles ne sont pas toujours nécessairement intéressantes, pour personne. Donc, à ce moment-là, on pense qu'on doit être suffisamment prudents et être certains qu'autant du côté des régimes publics que du côté de l'assurance privée on s'entend sur les objectifs. Parce que je pense qu'on a une tradition au Québec et ailleurs au Canada, on a une tradition de travail en complémentarité qui s'est établie depuis 25 ans, et je pense que, globalement, ça a bien fonctionné. Et on est conscients qu'aujourd'hui, si on veut aller plus loin, on doit faire un pas de plus, et on est prêts à le faire avec vous dans la mesure où chacun continue d'exercer ses fonctions.

(22 h 20)

M. Rochon: O.K. Alors, si je comprends bien, là, c'est à la fois – puis je respecte ça, là – un problème d'un marché qu'on ne connaît pas, ces 1 000 000 de personnes. On connaît les 1 500 000 qui sont assurées par le régime public présentement, mais l'autre 1 000 000, on peut supposer qu'elles se comporteraient à peu près comme... avec certaines modifications, mais on ne sait pas vraiment. Mais je comprends, avec ce que vous nous dites, là, qu'il y a aussi le plan de la connaissance et de l'expérience; le domaine des polices individuelles, de la couverture individuelle, c'est un autre genre de produit qui n'est pas quelque chose que vous avez développé jusqu'ici. Vous avez développé du collectif, essentiellement.

M. Millette (Yves): C'est un autre genre de produit qu'on n'a pas traité depuis 25 ans, parce qu'il y a 25 ans il y en avait, mais on n'en a pas fait depuis 25 ans, et les conditions ont tellement changé qu'on ne peut pas se servir de l'expérience de l'époque.

M. Rochon: O.K. C'est ça. Donc, ce n'est pas juste la clientèle, c'est le produit qui, pour vous, est nouveau aussi.

M. Millette (Yves): Non, il y a tout ça ensemble, effectivement.

M. Rochon: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président, et merci à vous d'avoir accepté notre invitation et de nous avoir donné un mémoire extrêmement fouillé.

Moi, je souhaiterais avoir des précisions sur un certain nombre d'affirmations. D'abord, comment ça fonctionne, le coût d'une prime? Qu'est-ce qu'il y a dans une prime? Qu'est-ce que ça comprend vraiment?

M. Millette (Yves): Bon, d'abord, il y a la prime de risque, dont on parle beaucoup, la prime de risque qui fait en sorte que, le risque qu'on assume, on soit capable d'en absorber le coût. Et, à la prime de risque s'ajoutent toujours certains facteurs d'ajustement pour s'assurer que, tout au cours des années, ça va fonctionner. À cela s'ajoutent des coûts d'administration. Les coûts d'administration peuvent se diviser en trois ou quatre catégories, si vous voulez.

La première catégorie, c'est l'administration des polices. C'est quelque chose qu'on ne retrouve pas habituellement dans un régime public parce que le régime public est un régime, habituellement, qui est établi dans une loi et qui n'oblige pas l'émission de documents individuellement à chaque personne. Mais, dans un régime comme celui-là, par exemple, pour les personnes âgées, nous croyons qu'il va y avoir une certaine couverture, la Régie va devoir percevoir une prime, etc., donc il va y avoir des coûts d'administration. Que ce soit un régime administré du public ou du privé, il va y avoir des coûts d'administration reliés à la couverture comme telle.

Il y a une autre catégorie de la prime qui vient des coûts reliés aux réclamations. Ça, tout le monde le sait, c'est quoi: quand il y a une réclamation, on la paie, puis, pour traiter cette réclamation-là, il y a un coût.

Et la troisième catégorie, surtout lorsqu'on est en individuel, qui exige une mise en marché où il faut rejoindre tout le monde, il y a, encore là, un coût qui peut être plus ou moins grand selon les méthodes de mise en marché qu'on utilise. Peut-être qu'un produit comme celui dont on parle, l'assurance-médicaments, qui est quand même un produit relativement simple et uniforme, eh bien, peut-être qu'il peut être vendu par «mass marketing», par marketing direct, par exemple. Mais, si on veut le faire vendre par un intermédiaire en assurance de personnes, si on prend une prime, pour prendre le chiffre dont on parle souvent, 176 $, bien, pour que ce soit intéressant pour un intermédiaire de le vendre, il faudrait quand même que la commission soit assez élevée. Donc, à ce moment-là, on parle d'un pourcentage qui serait probablement inacceptable. Mais, encore là, il y a une bonne partie de la prime qui ressort de la mise en marché.

Et, finalement, une autre partie de la prime pourrait venir, si on les utilise, de l'utilisation des régimes électroniques, de la carte de débit direct, dont on parle souvent. On sait que ça ajoute un coût par rapport au traitement traditionnel des polices. Donc, grosso modo, la composition viendrait de là.

M. Marsan: Alors, en résumé, il y a le coût du risque, vous ajoutez une partie coût administration...

M. Millette (Yves): En trois ou quatre parties.

M. Marsan: ...qui, elle, comprendrait... ce coût comprendrait: administration des polices, réclamations, exigences de la mise en marché et, en fin de compte, si on décide qu'il y a une perception directe ou un débit direct, il pourrait aussi y avoir des coûts.

M. Millette (Yves): Et, évidemment, à ça il faut ajouter toutes les taxes directes et indirectes qui vont s'ajouter, effectivement.

M. Marsan: Alors, ma question, maintenant, c'est: Le rapport Castonguay et aussi les affirmations du ministre sont à l'effet que la prime devrait coûter 176 $. Est-ce que c'est possible pour vous de décortiquer le 176 $?

M. Millette (Yves): Bien, si on comprend bien, ce n'est que la prime de risque. D'ailleurs, ça semble être ça. Et on n'a pas ajouté les autres frais. Juste, par exemple, l'article 109, qui crée le fonds pour les paiements des différentes réclamations en vertu de la loi, on dit à l'article, je pense que c'est 40.3, qui est ajouté par l'article 109, que le ministère du Revenu peut se voir payer ses frais d'administration. Ça, je suis à peu près certain que ces frais d'administration là ne sont pas inclus dans le 176 $. C'est dans ce sens-là.

M. Marsan: Bon. Juste pour ma compréhension, là. 176 $, prime de risque. Maintenant, on ajoute les coûts administratifs. On a parlé de trois coûts plus la perception. Qu'est-ce que ça peut représenter comme montant, soit en pourcentage ou en chiffres absolus?

M. Millette (Yves): Bon. Je pense que nos confrères ont avancé des chiffres l'autre jour, là, nos confrères québécois, et, globalement, ils reflètent l'expérience de l'industrie. Et ça, c'est une chose qu'on a beaucoup de difficultés à évaluer présentement. Il est évident qu'il y a un certain nombre de mesures dans le projet de loi qui vont ou faciliter ou alourdir l'administration du régime, dépendant comment ça va fonctionner, et ça, on n'est pas capables vraiment de l'évaluer pour l'instant.

M. Marsan: Bon. Là, j'ai un problème, et, j'imagine, beaucoup de Québécois et de Québécoises aussi. On sait qu'on va payer une prime de risque de 176 $ puis on sait qu'il va y avoir des coûts administratifs, puis on a de la difficulté à évaluer l'ampleur des coûts administratifs à ce moment-ci?

M. Millette (Yves): À première vue, oui, parce qu'on n'a pas d'expérience d'un régime comme celui-là.

M. Marsan: O.K. Il y a des chiffres qui ont quand même été avancés. Je pense qu'on a parlé d'un 5 % au début, dans le rapport Castonguay.

M. Castonguay (Claude): Ce n'était pas pour les frais d'administration, ça, c'était pour les...

M. Marsan: C'est correct, de voir les...

M. Rochon: Oui, oui. Nous autres, ce qu'on a... Juste pour revenir aux faits, là. On a effectivement... Moi, en tout cas, dans le discours, là, ce que j'ai toujours dit, je pense, c'est que la prime totale se situerait quelque part entre 176 $ et 200 $. O.K.? Il y avait la prime de base, prime individuelle de 176 $, et qu'avec les coûts administratifs qui pourraient être ajoutés, bien, ça flotterait possiblement jusqu'à 200 $, et que le jeu de la compétition ferait que ça pourrait s'établir quelque part dans ce créneau-là. L'évaluation du Regroupement des assureurs qui est venu nous voir, pour la prime individuelle, jouait un peu dans ces créneaux-là. Ils disaient 205 $, nous disant qu'avec le jeu de la compétition ça pourrait baisser un peu. C'est quand on arrive à la prime familiale que ça se gâte. Là, au lieu de prévoir une prime familiale qui serait essentiellement la prime des deux parents, donc quelque chose de l'ordre d'à peu près le double de la prime individuelle, là, on est passé à quelque chose de l'ordre de 560 $ au lieu de 400 $, pour dire quelque chose. Et c'est là que c'est hors proportion par rapport à ce que, nous, on vise comme objectif. Je pense que ce sont les faits que j'essaie de...

M. Marsan: Moi, je voudrais quand même revenir d'abord sur la prime individuelle pour souligner... Je pense que j'ai donné l'attention au ministre, là... En fin de semaine, l'Assurance-vie Desjardins, par la voix d'un de ses vice-présidents, a mentionné que la prime individuelle pouvait atteindre de 225 $ à 230 $. C'était l'Assurance-vie Desjardins qui l'affirmait la fin de semaine dernière. Et les commentaires que j'avais eus étaient à l'effet, aussi, pour avoir interrogé certains assureurs privés, que cette partie administrative pouvait aller de 30 % à 40 % du montant de la prime.

M. Rochon: Laissez-les donc dire.

M. Millette (Yves): Dans le pire des cas, je pense que ça pourrait aller à... je pense que c'est 42 %. Mais, ça, c'est fait à partir de toutes sortes d'expériences qu'on ne peut pas vraiment utiliser dans le cadre du régime proposé parce que les paramètres sont différents, il y a une obligation d'assurance, il y a différentes obligations qui sont difficiles, à ce moment-ci, à évaluer. Mais on peut vous dire que, globalement, à l'heure actuelle, et je le cite dans mon mémoire, à la page 8, il y a 78,3 % de la prime qui est payée à l'heure actuelle – qui est la prime de risque, si vous voulez – qui sert à indemniser directement les réclamations des assurés. Le reste, à peu près 22 % ou 21,7 %, serait des frais d'administration, d'une façon ou d'une autre.

(22 h 30)

M. Marsan: Si on parle...

M. Millette (Yves): C'est l'assurance collective, ça.

M. Marsan: C'est ça. Si on parle de 40 %... Vous allez jusqu'à 42 %, mais... En tout cas, c'est à peu près 70 $ de plus que la prime de risque; 176 $, c'est près de 245 $ à 250 $. Pour la prime familiale, est-ce que vous êtes d'avis que la prime de risque est de 350 $ et, là aussi, il faut ajouter un 30 % à 40 % additionnel pour les coûts administratifs?

M. Millette (Yves): J'aimerais mieux laisser...

M. Morcel (Denis): C'est difficile de se prononcer au niveau des frais individuels parce que, effectivement, c'est des mécanismes qui ne sont pas en place. M. Millette vient d'avancer que, du côté du collectif, qui est une opération d'assurance très efficace... Quand vous y pensez, le collectif, en général, bon, on a toujours un employeur qui collecte les primes pour nous autres, on n'a pas de preuve d'assurabilité à gérer; dans le fond, on n'a pas à courir après nos assurés dans nos groupes, individuellement, pour collecter leur prime. On a donc quelqu'un qui est très efficace et qui a une main sur le système de paie des employés pour nous aider dans la collecte, lorsque les employés participent. Tout ça, bon, on vient à bout de faire ça, en moyenne, au collectif, autour de 20 %.

Alors, on peut imaginer toutes sortes de chiffres en haut de 20 % pour gérer l'individuel, et gardons à l'esprit qu'il faut mettre en place des mécanismes pour aller chercher des sommes d'argent.

M. Marsan: Ce que j'ai dans le questionnement, c'est que nous essayons de savoir... Je pense que, l'ensemble des députés, on a beaucoup de demandes dans nos bureaux de comté: Combien ça va coûter, ce régime-là? Alors, on a eu certaines affirmations, ça a été contredit, et on essaie de voir clair. Je pense que c'est important que les gens puissent savoir, avant que le projet de loi soit adopté, combien ça va réellement coûter, et c'est dans ce sens-là qu'on poursuit le questionnement. Dans votre réponse, vous dites: Bien, c'est toujours difficile parce qu'on n'a pas une expérience d'assureur dans un domaine donné. Il va falloir, à un moment donné, que quelqu'un tranche, et j'espère qu'on sera...

Cependant, je retiens tout ce que vous nous avez décortiqué, là, comme frais administratifs, et c'est de l'ordre de 30 % à 40 %. Vous avez aussi mentionné – et je pense que ça s'ajoute, là – des taxes potentielles. On sait que les régimes collectifs, je pense, sont taxés et les régimes individuels ne le sont pas. Est-ce que ça va entraîner une difficulté?

M. Millette (Yves): Il y a moins de taxes dans le régime individuel, mais il y en a quand même, des taxes sur primes et des choses comme ça, des taxes sur primes qui sont différentes des taxes sur le capital.

Mais, nous, on pense – et c'est une des raisons qui nous amènent ce soir à proposer un régime intérimaire – qu'avant de commencer à charger une prime individuelle à des gens dans le public, à des citoyens, on devrait être capables de déterminer avec la plus grande certitude ce que c'est. Et, comme il y a plusieurs mécanismes qui vont prendre un certain nombre d'années, un an ou deux ans, avant de connaître leur fonctionnement... Je pense au RRUM, par exemple, je ne pense pas qu'on puisse connaître un véritable résultat de tout ça avant deux ans.... Bien, je pense... Puis ça, ça va avoir une influence importante sur le coût du système individuel.

On a parlé de la perception de la prime par le ministère du Revenu. On voit qu'il peut s'écouler jusqu'à 16 ou 18 mois avant que la prime puisse être collectée, effectivement. Il y a des coûts qui vont découler de ça et on ne connaît pas cette expérience-là. Donc, c'est pour ça qu'on pense qu'à l'heure actuelle ce serait peut-être mieux d'avoir un régime intérimaire qui ne pénalise personne parce que personne n'aurait à payer de prime, mais à peu près tout le monde serait indemnisé à peu près au même niveau que ce que le projet de loi prévoit. Par la suite, lorsqu'on commence à avoir une meilleure expérience du fonctionnement et qu'on s'entend, à peu près tout le monde, sur la façon dont ça devrait fonctionner, à ce moment-là on pense que le consommateur serait regagnant. Il aurait un régime le moins dispendieux possible qui serait disponible.

M. Marsan: Juste un commentaire. Vous n'êtes pas obligé de répondre à cette question-là. Le ministre des Finances, lui, qui voit que les régimes collectifs sont taxés puis que les régimes individuels ne le sont pas, vous ne pensez pas qu'il pourrait être tenté de taxer les régimes individuels? Vous n'êtes pas obligé de répondre.

M. Millette (Yves): Bien, là, j'imagine que le ministre de la Santé va prendre notre défense là-dedans. Ha, ha, ha! Je pense qu'il y aurait intérêt. Ha, ha, ha!

M. Marsan: Vous me permettez? Oui, je voudrais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Avant de passer...

M. Rochon: Si le ministre des Finances me proposait de partager une partie de la taxe, je serais peut-être tenté autrement... Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Avant de passer la parole à quelqu'un d'autre, juste pour être bien sûr que je ne lis pas dans les journaux, demain, que c'est 40 %, là, parce que je trouve qu'il y a quelque chose de pas correct dans tout ça, là... Si je comprends bien, les taux vont dépendre du nombre, puis des catégories, etc., que vous allez assurer.

M. Millette (Yves): Effectivement, oui. Aussi...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Monsieur parle de 20 %. Vous, vous dites: Maximum, 40 %. On sait qu'il y a quand même le risque, qui va avoir une très grosse influence aussi, la compétition. Moi, je trouve que vous êtes superbement, très, très, très conservateurs, pour connaître le milieu de l'assurance un peu.

M. Millette (Yves): Bien, c'est notre métier. Je pense qu'on doit s'assurer que tout ça va fonctionner.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça m'amènerait quasiment à poser la question: Est-ce qu'on doit y aller, selon vous autres, sur un régime mixte? Ça, aussi direct que ça.

M. Millette (Yves): La réponse, c'est: Oui, si on est capable d'en évaluer les coûts.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Et, oui, vous pensez que les assureurs sont prêts à arriver au niveau de la compétition et à rendre la qualité de services, etc., à la clientèle?

M. Leblanc (Claude): Je pense que, dans le cas présent, il y a des étapes d'implantation à traverser. Puis je pense que la proposition intérimaire est intéressante parce qu'elle permet de régler le problème d'aide financière aux gens tout en mettant en place les systèmes électroniques pour pouvoir monter les données et être en mesure, après une période de temps, d'avoir le détail requis pour être en mesure d'évaluer la valeur de ces transactions-là et de mettre en place les mécanismes nécessaires.

Je pense que la mesure intérimaire permet de donner l'accès et d'aider le virage ambulatoire, et sans compromettre les objectifs budgétaires, et d'être prudent par rapport à l'engagement qu'on veut offrir comme programme aux citoyens. Au lieu de leur charger une prime obligatoire par loi, on leur donne une aide financière qui répond aux mêmes critères de plafond de contribution du citoyen sans lui imposer une prime avant même qu'on en ait évalué la portée à moyen et à long terme.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous seriez prêts à rendre votre période intérimaire combien longue, pour le même montant d'argent?

M. Millette (Yves): Le même montant... Je pense que, théoriquement, il n'y a pas de limite, mais, pratiquement, je pense bien que ça ne dépassera jamais deux ans.

M. Leblanc (Claude): Il faudrait au moins, au minimum, qu'il y ait une période... une année complète d'existence du système de réseau d'information pour être en mesure d'avoir un profil de consommation globale de cette clientèle-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Robert-Baldwin, vous continuez?

M. Marsan: Oui. Il faut que je fasse quand même le parallèle entre ce que vous nous dites et ce que le Regroupement des assureurs de personnes à charte nous a dit également. Je pense que vous arrivez aux mêmes conclusions, les deux groupes. Le ministre, après avoir reçu les recommandations du Regroupement des assureurs, semblait contester ce qui était avancé. Il a décidé de prendre une autre expertise; on ne sait pas qui ou quelle compagnie, mais on devrait avoir un résultat bientôt, je pense, dans le courant de la semaine.

Cependant, déjà, un deuxième groupe extrêmement compétent, l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes inc., nous dit que, oui, il y a un problème au niveau du coût administratif, et vous le définissez avec plusieurs paramètres. O.K., je retiens ça. Vous nous dites d'autres choses, aussi, extrêmement importantes. À la page 16 du mémoire, c'est les difficultés avec les deux groupes d'assurance, l'assurance collective et l'assurance individuelle.

Prenons d'abord l'assurance collective. «Le régime général proposé par le projet de loi n° 33 pour l'assurance collective est trop rigide et risque d'inciter les employeurs à se retirer de la couverture des médicaments.» J'aimerais que vous commentiez, puis je vais vous demander ensuite de commenter l'autre, sur l'assurance individuelle: «Le régime [...] proposé est problématique et il faut le simplifier si on veut lui donner une chance de fonctionner.»

M. Millette (Yves): Au niveau de l'assurance collective, c'est ce que j'ai dit en présentation tantôt, c'est tout le phénomène de la divisibilité qui vient ajouter une complexité, quant à nous, qui n'a pas de valeur ajoutée au produit, qui vient ajouter une grande complexité. On pense qu'en abandonnant cette notion-là, on rendrait le système tout à fait vivable.

Pour ce qui est de l'assurance individuelle, comme on l'a dit tantôt, c'est problématique si on n'a aucune expérience de ça. On nous amène à aller dans une mutualisation au premier dollar. On pense qu'il y aurait peut-être des façons plus efficaces de le faire et qui laisseraient une plus grande compétition entre les assureurs, donc un meilleur gage de coûts aussi bas que possible. À ce moment-là, on pense qu'on devrait prendre le temps de mettre en place un régime qui fonctionnerait et qui pourrait être utile dans tout le domaine de l'assurance-maladie complémentaire, si ça fonctionne bien. Dans ce sens-là, nous, on pense que – et c'est la raison pour laquelle on offre une solution intérimaire – en le dessinant comme il faut, en prenant notre temps pour le faire, on va réussir à faire de quoi d'intéressant pour l'ensemble de la population, en collaboration, toujours, entre le public et le privé.

(22 h 40)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Fini? Autres questions?

M. Rochon: Oui, si je peux, M. le Président, mais un peu commentaire-question. À la page 5 de votre mémoire, deux choses à souligner. Au bas de la page, vous référez à la mutualisation des risques en disant qu'ils devraient être différents pour l'individuel et le collectif. Je pense que l'article 36 de la loi prévoit ça. Ça, on est d'accord là-dessus.

M. Millette (Yves): Vous pouvez en être sûr. C'était notre compréhension, mais on veut en être certains.

M. Rochon: C'est ça. Alors, si on est d'accord... Je ne sais pas si l'article devrait être plus spécifique, mais, ça, c'est un point d'accord.

Par contre, au troisième paragraphe, ou au deuxième paragraphe complet de la page, on dit que la prime en assurance individuelle devrait être modulée en fonction de la consommation de médicaments de l'assuré et que la franchise devrait être plus élevée. Si on fait ça, c'est un système complètement différent de celui qui voudrait que le coût de la prime, du financement du système soit en fonction du revenu plutôt qu'en fonction des caractéristiques d'âge ou de risque. Parce que les personnes âgées consomment beaucoup plus que les personnes plus jeunes. Vous avez une courbe, dans votre mémoire, qui le montre très bien, d'ailleurs. On est d'accord, c'est ça qui est le profil en général. Ça voudrait dire indirectement que les personnes âgées, plus grands consommateurs, paieraient une prime plus élevée que les personnes plus jeunes, moins grands consommateurs?

M. Millette (Yves): Là, on parle d'assurance individuelle.

M. Rochon: Oui, oui.

M. Millette (Yves): O.K. On sait déjà que le gouvernement a fait un choix en ce qui concerne les personnes âgées et les assistés sociaux et a mis un régime en place qui tient compte de tous ces paramètres-là. Il a fait un choix et, ça, on ne le discute pas. C'est au niveau de la population des 0-64 ans où, à ce moment-là, il pourrait être intéressant de jumeler différentes expériences, comme des notions de revenu avec des notions de coût effectif des médicaments.

M. Rochon: C'est ça. Mais, nous, dans le régime qu'on proposait, l'aspect de la consommation, du prix pour la personne relié à la consommation était reflété dans les paramètres du programme, franchise et coassurance, et la prime était établie strictement en fonction du revenu. Dans ce que vous proposez, c'est, y compris la prime... vous la mettriez en fonction de la consommation et non pas strictement en fonction du revenu.

M. Millette (Yves): Écoutez, nous... Du moins, partiellement, parce que, comme on est avec des entreprises privées qui chacune se spécialise au niveau de certaines clientèles, vous pouvez avoir des compagnies qui vont avoir des clientèles plus réparties, et, à ce moment-là, une prime unique ne poserait peut-être pas de problème, mais on pourrait nommer certaines compagnies qui se spécialisent dans des clientèles plus âgées et qui, celles-là, pourraient avoir des problèmes financiers importants si elles n'avaient que la prime de 176 $ alors qu'il en coûte peut-être 250 $ ou 300 $ par année pour chacun de leurs assurés. Donc, on pense que le régime ne peut pas vraiment fonctionner; et, à ce moment-là, un assureur comme celui-là n'aurait, avec un système de mutualisation au premier dollar, aucune incitation à gérer son risque, alors qu'on a des assureurs – je ne veux pas en nommer – qui sont spécialisés et qui font très bien pour les personnes de 55 ans et plus, qui ont des taux très compétitifs, compte tenu du genre de clientèle qu'ils ont. Et, ça, ça participe aux économies du système, globalement.

M. Rochon: Ça nous ramène un peu à la mutualisation du risque. S'il y a des assureurs qui s'adonnent à avoir des clientèles qui consomment plus, si le risque est mutualisé soit à partir du premier dollar ou d'un certain niveau, ça ne fait pas un régime général où on peut compenser ou partager les plus grands risques.

M. Millette (Yves): On a vu que – et là je suis bien conscient que le parallèle ne peut pas être parfait – en assurance automobile, on a essayé la mutualisation pure et on s'est rendu compte qu'un système qui incite à une plus grande administration de la part de l'assureur et qui doit sélectionner les risques qu'il envoie à la mutualité donne des résultats qui sont peut-être plus intéressants qu'une mutualisation globale. Dans ce sens-là, on pense que c'est ce genre de chose là qu'on devrait essayer et qui tirerait bénéfice à tout le monde. On ne parle pas de faire varier une prime entre 0 $ et 650 $, mais on pense qu'on aurait besoin d'un certain incitatif, d'une certaine modulation de la prime sur trois ou quatre niveaux, ou quelque chose comme ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière question, M. le député de Robert-Baldwin, et vous faites la conclusion tout de suite après.

M. Marsan: Une question à deux volets, M. le Président. La liste des médicaments représente le coeur de la garantie du régime général, mais il doit y avoir une limite à cette garantie et les médicaments d'exception semblent être la ligne à ne pas franchir. J'aimerais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît. C'est mon premier volet.

M. Millette (Yves): Oui. Évidemment, on est ouvert quant au contenu de la liste, mais, lorsqu'on arrive au niveau des médicaments d'exception, c'est peut-être là que le danger est le plus grand. Si ces médicaments-là sont administrés par le privé, ça peut être plus facile ou plus tentant de ne pas résister aux pressions et d'ajouter de plus en plus de ces médicaments-là le plus rapidement possible, et, ça, on pense que ça pourrait être une façon de faire déborder les coûts très rapidement. On citait l'exemple du Tennessee. C'est le genre de chose, c'est une des choses qui ont fait en sorte que le régime a perdu son contrôle. C'est qu'on s'est mis à payer toutes sortes de choses. Donc, on pense qu'on doit être aussi large que possible. On est d'accord avec la liste qui est proposée, en tout cas, au début, de la façon dont on la comprend, mais on veut s'assurer qu'il y a encore un couvercle sur la marmite pour empêcher de l'enlever, et on pense que la limite à ne pas dépasser, c'est les médicaments d'exception.

M. Leblanc (Claude): Il risque d'y avoir une confusion dans le traitement. C'est que l'acte professionnel n'est pas couvert, à cause des normes canadiennes, et le produit le serait. Alors, ça crée une confusion chez les citoyens, puis je ne suis pas sûr que ce serait à l'avantage du régime.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Une dernière?

M. Marsan: Dernier volet. Enfin, nous commentons plusieurs articles qui devraient être amendés, notamment ceux concernant la contribution des enfants. Ça, je voudrais vous entendre là-dessus, s'il vous plaît.

M. Morcel (Denis): Essentiellement, ce qu'on dit, c'est que – et le commentaire porte sur les régimes collectifs, en grande partie – les régimes collectifs tels qu'ils sont dessinés en ce moment... Et notre préoccupation serait, je pense, s'évanouirait si la loi ou la réglementation permettait une équivalence sur le déboursé maximum du régime sans regarder: Est-ce que les enfants ont un déductible de 25 $ ou de 0 $ ou de 10 $? Et la coassurance applicable aux enfants est-elle de 100 $, de 90 $, de 80 $, dans le régime? C'est sur ce point-là que l'on pense que...

Nous ne sommes pas d'avis, d'abord, que l'accessibilité aux médicaments est nécessairement améliorée par une gratuité totale. Accessibilité et gratuité ne vont pas nécessairement de pair. La notion de 0 %-100 %, pour les assureurs collectifs, crée une très grande lourdeur administrative. La façon d'illustrer, peut-être rapidement si vous me permettez, c'est que les contrats d'assurance collective, que vous avez possiblement vous-même, vont habituellement comporter une franchise familiale et une coassurance familiale qui s'appliquent et aux médicaments, et aux frais divers, et aux frais hospitaliers, et aux souliers orthopédiques, et tout ça mis ensemble. Notre préoccupation, c'est que, si le projet dit: Dorénavant, la portion médicaments du régime général, qui fait partie de la portion médicaments du régime collectif, qui est plus généreux, celle pour les enfants, il faut qu'elle soit 0 %-100 %, ça nous force à suivre, dans les coûts des régimes, la petite tranche des enfants 0 %-100 %, ça nous force à gérer les autres conjoints de la famille, les parents des enfants, séparément des enfants, parce que, dans notre notion familiale d'assurance collective, on vient me dire qu'il faut isoler les enfants, donc il faut isoler les parents. Il faut également isoler le régime général du régime supplémentaire de médicaments, parce que le régime collectif est souvent plus généreux, et il faut, en plus, isoler les médicaments de toutes les autres protections, parce que présentement les franchises et les coassurances s'appliquent à tout ça mis ensemble.

Alors, essentiellement, mon analogie... notre préoccupation, c'est que le projet de loi demande à ce que le gâteau d'assurance collective que se sont conçu les employeurs, les syndicats, les employés, le projet de loi nous force à le couper en huit petits morceaux, mais qu'il reste de la même grosseur qu'avant, juste pour être capable d'isoler le petit morceau qui correspond ou bien au coût du régime général ou bien à la protection des enfants du régime général. En faisant tout ça, on ne rajoute aucune valeur, la protection collective est encore supérieure. On ne fait que générer, dans le fond, du papier. Les objectifs du gouvernement, en termes de budget, peuvent être rencontrés, de toute façon, en couvrant, dans les régimes, le formulaire «malades sur pied».

(22 h 50)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député Robert-Baldwin, pour la conclusion.

M. Marsan: Oui. Moi aussi, je vous remercie beaucoup. À part ça, je pense que c'est un éclairage qui vient confirmer les appréhensions que nous avons développées tout au cours des audiences publiques. Je pense que nous allons quitter, ce soir, en sachant maintenant ce que c'est que des frais administratifs lorsqu'on va parler de la prime d'assurance. C'est assez complexe et compliqué: administration des polices, réclamations, toutes les exigences d'une mise en marché potentielle, la perception, aussi, des fameux débits directs. Tout ça mis ensemble, bien, ça peut représenter des montants extrêmement importants; on parle de l'ordre de 30 % à 40 %. On va ajouter de façon extrêmement importante, en termes de coûts à la prime et en termes de coûts, finalement, pour le contribuable. Puis, là, je n'ai pas parlé des taxes.

Quelque chose qui nous laisse songeur, mais je reconnais la justesse de ce que vous nous dites, à la question posée par le président: Est-ce que ça vaut la peine de faire un régime? Vous dites: Oui, si on peut en évaluer les coûts. Vous nous donnez les paramètres pour les évaluer, mais il semble y avoir vraiment une difficulté à affirmer de façon certaine combien va coûter cette fameuse prime et tout ce qui en découle par la suite. Alors, nous aussi, nous souhaitons qu'on puisse prendre le temps qu'il faut pour être en mesure de bien renseigner les contribuables et, évidemment, ceux qui éventuellement auront à consommer des médicaments. Je note, encore une fois, que le Regroupement des assureurs de personnes à charte et votre Association, eh bien, vous arrivez aux mêmes conclusions. Je pense que ça mérite que le ministre puisse s'y attarder comme il faut et je pense que ça mérite qu'on puisse répondre de façon claire à la question: combien ça coûte, le nouveau régime?

Alors, merci beaucoup pour l'éclairage que vous nous avez apporté sur le débat que vous avez suscité. Nous apprécions au plus haut point les commentaires que vous avez faits. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre.

M. Rochon: Bon. Je vous remercie aussi pour toute la collaboration que vous nous avez donnée. Au cours des derniers mois, il y a eu beaucoup d'échanges et il y a un bon bout de chemin qui a été fait pour voir jusqu'où et comment c'était possible de développer, dans une approche de partenariat privé-public, des régimes qui couvriraient tout le monde au Québec en ce qui regarde le médicament.

Vous me permettrez d'apporter peut-être une petite information. Si j'ai bien saisi, quand vous avez fait référence aux médicaments d'exception, tout à l'heure, en répondant, vous avez dit «quand on ajoute les médicaments d'exception». Dans le contexte, ça avait l'air de faire une référence à un médicament coûteux, dispendieux. Je dis ça parce que... En fait, c'est souvent ça. Mais, dans le régime actuel, avec la liste de médicaments telle qu'elle est gérée, la désignation, l'appellation, la classification «médicament d'exception», c'est vraiment une façon de gérer un médicament dispendieux pour en contrôler plus le prix. On dit: C'est un médicament d'exception parce qu'il est très coûteux, mais c'est un médicament qui a des indications, en général, très spécifiques, quand il est très coûteux, soit d'être de deuxième ou de troisième recours, ou pour vraiment des critères cliniques très clairs. Quand on le met d'exception, ça veut dire qu'il va n'être couvert que quand il est prescrit dans ces conditions-là.

Alors, je voudrais bien qu'on s'entende là-dessus, qu'un médicament d'exception, dans le jargon de ce qu'est la liste telle que confectionnée par le CCP, c'est une façon de contrôler les coûts des médicaments très coûteux plutôt que d'être une façon de recevoir ou d'absorber plus de coûts.

Alors, on vous remercie. Moi, je comprends que vous nous dites de repenser un certain nombre de choses. Du côté du collectif, il y a une réalité qui existe, que vous connaissez bien, que vous gérez bien. Vous nous dites: Quand vous nous présentez ça, ça pourrait peut-être être un peu plus simple pour s'arrimer, et puis il y aurait moyen de faire ça, peut-être, sans trop de problèmes. Et, dans le domaine individuel, je comprends que vous nous dites: Nous, on est des gens qui avons de l'expérience; nous sommes dans le métier de gérer des risques, mais pas dans le métier de prendre des risques. Alors, on comprend bien ça et on va respecter ça. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. J'appelle maintenant les gens de la Commission de la construction du Québec.

À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous entreprenons la dernière rencontre, madame et messieurs. Il est seulement 22 h 55; ce n'est pas trop pire. Vous savez que vous avez 20 minutes pour les préliminaires et qu'il y aura échange après. Et je vous demanderais, M. Ménard, de présenter les personnes qui vous accompagnent. Pour les membres de la commission, je vous souligne que, tout de suite à la fin, on devra faire la conclusion des travaux de cette commission. Alors, j'aimerais que tous les gens restent ici jusqu'à ce qu'on ait fini officiellement les travaux de la commission. Alors, M. Ménard, c'est à vous la parole.


Commission de la construction du Québec (CCQ)

M. Ménard (André): Merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés, d'abord, permettez-moi de vous présenter, à ma droite, Mme Louise Charette, qui est la directrice générale adjointe, administration et finances; et, à ma gauche, M. Gilles Lemire, le directeur des avantages sociaux à la Commission de la construction du Québec.

D'abord, je devrais dire que les différents éléments qui vont être soulevés dans notre mémoire, les quelques éléments qui vont être soulevés sont pour un peu, si vous voulez, éclairer les membres de la commission sur les particularités de l'industrie de la construction.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'excuse, M. Ménard, j'aimerais que vous donniez votre nom, vous aussi, pour fins d'enregistrement. J'ai oublié, je m'en excuse.

M. Ménard (André): André Ménard, président-directeur général, Commission de la construction du Québec.

Comme je disais, les éléments qui sont soulevés dans le mémoire, c'est pour démontrer, finalement, les particularités, un peu, de l'industrie de la construction. Je pense que les principes de base du projet de loi ne sont pas remis en question, mais c'est pour exprimer effectivement certains points de vue, que ça soit par rapport aux coûts ou par rapport à notre couverture d'assurance. Étant donné le rôle central que joue la Commission de la construction du Québec dans l'administration des avantages sociaux de l'industrie de la construction, permettez-moi, en guise de préambule, de vous la présenter.

(23 heures)

La Commission de la construction du Québec regroupe au sein de son conseil d'administration les représentants des différentes associations de salariés et d'employeurs de même que des représentants gouvernementaux, faisant de cet organisme un lieu de concertation où les gens du milieu et le gouvernement peuvent ensemble contribuer à définir des politiques favorables au développement de l'industrie de la construction. En somme, la CCQ est le forum permanent pour les partenaires de cette industrie. Soulignons tout d'abord que le financement de la Commission est entièrement assuré par les salariés et les employeurs de l'industrie de la construction.

Quels sont les principaux mandats et les services qu'elle rend à l'industrie? Premièrement, la Commission doit veiller à l'application de la convention collective ou du décret régissant les relations du travail dans la construction. Ce mandat origine des années trente. Deuxièmement, la Commission doit veiller à l'application de la loi et des règlements se rapportant à la gestion de la main-d'oeuvre, dont le contrôle de la compétence des travailleurs et travailleuses oeuvrant seuls sur les chantiers de construction. Troisièmement, la Commission doit veiller à l'application des mesures et programmes relatifs à la formation professionnelle de la main-d'oeuvre de l'industrie de la construction. Ce mandat lui a été confié en 1987.

Finalement, et c'est à ce titre que nous sommes ici, la Commission doit administrer les régimes complémentaires d'avantages sociaux. La loi lui a confié ce mandat au début des années soixante-dix. Il implique: la réglementation et l'administration des régimes d'assurance-vie, d'assurance-salaire et d'assurance-maladie pour 55 000 salariés assurés de la construction, ce qui implique environ 150 000 bénéficiaires; l'administration d'un régime de retraite qui compte 48 000 prestataires de rentes de retraite et dont l'actif, géré par la Caisse de dépôt et placement du Québec, s'élève à près de 5 000 000 000 $; la signature de plus de 300 ententes de réciprocité avec d'autres régimes privés canadiens et américains; l'implication constante des parties dans le design et la promotion des régimes par le comité de promotion, qui est un comité paritaire où siègent des représentants syndicaux et patronaux; l'amélioration constante et voulue par les parties des couvertures d'assurance – qu'on pense aux programmes de prévention en alcoolisme et autres toxicomanies, à l'assistance médicale à l'étranger; la mise en place de l'autoassurance des régimes au début des années quatre-vingt et de l'autogestion des régimes prévue depuis 1988; la mise en place, dès 1988, de la carte MEDIC construction par laquelle l'assuré ou ses personnes à charge n'a qu'à débourser la coassurance pour obtenir un médicament en pharmacie.

L'analyse du marché de l'emploi révèle deux phénomènes importants particuliers à l'industrie de la construction au Québec. Le premier a trait au caractère temporaire de l'emploi. En effet, l'activité de l'industrie de la construction est directement influencée par la conjoncture économique et, de ce fait, affiche une performance cyclique. Ainsi, en période de basse activité, la permanence des emplois est compromise. La nature saisonnière des travaux contribue également au caractère provisoire de l'emploi, puisque certains travaux ne peuvent être exécutés durant les mois d'hiver. Une partie de la main-d'oeuvre se retrouve donc inactive à cette période. De plus, la contribution du salarié ne représentant qu'une étape dans la réalisation d'un projet, les travailleurs se retrouvent souvent sans emploi après avoir effectué les travaux relatifs à leur métier. Cette nature temporaire de l'emploi engendrée par les cycles économiques, le climat saisonnier et le roulement des travailleurs exige une grande mobilité de la part de la main-d'oeuvre. Deuxième caractéristique propre à l'industrie de la construction: cette mobilité s'exerce d'un chantier à l'autre, d'un employeur à l'autre et même d'une région à l'autre. Le caractère temporaire de l'emploi et la grande mobilité de la main-d'oeuvre qui en découle ont définitivement influencé la conception des régimes d'avantages sociaux de l'industrie et entraîné leurs particularités.

Quelles sont donc les principales caractéristiques des régimes d'assurance de l'industrie de la construction? Il y a déjà quelques dizaines d'années, le législateur a confié l'administration de ces régimes à la Commission afin de s'assurer qu'ils soient organisés, structurés et intégrés au régime de relations du travail de l'industrie de la construction. Ces régimes s'inscrivent ainsi dans un principe fondamental en matière d'avantages sociaux, celui de faire partie intégrante d'une convention collective ou d'un contrat de travail. Ainsi, que ce soient les régimes d'assurance, le régime de retraite ou les indemnités de vacances, les avantages sociaux existant dans l'industrie de la construction ont été conçus en fonction du régime de relations du travail de l'industrie et de façon à répondre à ses caractéristiques. Par exemple, les heures travaillées et déclarées à la CCQ sont la base de l'admissibilité à ces régimes. Ceci comporte un certain nombre d'avantages qu'on ne peut passer sous silence.

D'une part, la participation à ces régimes est un incitatif pour le salarié à l'exercice d'un travail légal. En effet, plus le salarié compte d'heures rapportées à son nom, meilleures sont ses protections d'assurance-vie, maladie et salaire pour lui et sa famille. D'autre part, la participation des salariés à des régimes privés tels que ceux-ci évite au gouvernement un fardeau social à leur endroit. L'industrie s'est donné des régimes d'assurance répondant à ses besoins et qu'elle finance entièrement, réduisant aussi de ce fait la charge de l'État. C'est un élément non négligeable, compte tenu des 15 000 employeurs et des dizaines de milliers de salariés qui vont d'un chantier à l'autre selon les projets en cours.

Le financement des régimes d'assurance provient des cotisations patronales négociées. L'industrie de la construction est actuellement dans une période de négociation. Ces régimes sont considérés comme des régimes multiemployeurs dont la CCQ est l'administrateur. Les régimes d'assurance apportent, entre autres, une protection d'assurance-médicaments à plus de 150 000 personnes incluant les salariés, les retraités ainsi que leurs personnes à charge. Ils fonctionnent de la façon suivante pour déterminer le niveau de protection. La période d'assurance débute soit un 1er janvier ou un 1er juillet et dure six mois. L'ampleur de la couverture dépend des heures travaillées durant une période de référence, qui va de mars à août, pour établir l'admissibilité à l'assurance au 1er janvier, ou encore de septembre à février, pour déterminer l'admissibilité à l'assurance au 1er juillet. Ainsi, la période sur laquelle la prime, c'est-à-dire les cotisations reliées aux heures travaillées, est payée précède d'au moins quatre mois la période au cours de laquelle le travailleur est assuré.

(23 h 10)

Quatre régimes d'assurance sont accessibles aux travailleurs selon le niveau de leurs heures travaillées. Le régime A, avec 750 heures de travail durant la période de référence, offre la protection la plus complète, et le régime D, avec 300 heures, offre une protection minimale. On retrouve des protections dites intermédiaires offertes par le régime B, à 600 heures, et le régime C, à 450 heures. Le régime A couvre les médicaments à 80 %, et la protection décroît à 70 %, 60 % et 50 % pour les régimes B, C et D.

Une protection moyennant cotisation est également offerte aux retraités de l'industrie. Le travailleur qui effectue plus d'heures que le nombre minimal requis pour être assuré voit l'excédent mis en réserve pour l'aider à conserver ses protections lors d'une autre période d'assurance. Ceci répond au caractère cyclique de l'activité et à un besoin lié à son assurance. De plus, considérant la fluctuation de l'activité dans l'industrie, certains travailleurs peuvent redevenir assurés après avoir perdu leur protection durant quelques périodes d'assurance. La Commission traite annuellement plus de 800 000 réclamations de médicaments, pour un volume de 20 000 000 $ et un déboursé de 15 000 000 $. Tous les assurés de l'industrie ont une carte MEDIC construction qui leur permet d'obtenir les médicaments couverts par le régime en ne payant au pharmacien que la coassurance prévue. La Commission rembourse la différence directement au pharmacien. À cet égard, nous avons conclu une entente de services avec le Centre d'autorisation et de paiement des services de santé. Ainsi, les transactions aux pharmaciens sont acheminées en direct à l'ordinateur de la Commission pour être validées et autorisées puis retournées en pharmacie afin de concrétiser l'achat du médicament. De plus, cette entente nous permet de payer le prix usuel et coutumier des médicaments, ce qui a une influence directe sur le coût des médicaments.

Le projet de loi n° 33 entraîne des modifications substantielles aux régimes d'avantages sociaux de l'industrie de la construction. Il s'ensuit des impacts sur l'administration et les services que la Commission rend à l'industrie ainsi que sur les protections d'assurance dont jouit sa clientèle, les travailleurs de la construction.

Le projet de loi n° 33 entraîne une augmentation des coûts du régime. Il a donc un impact sur la solvabilité des régimes d'assurance de l'industrie. Or, tel que nous le mentionnions précédemment, les montants dévolus aux avantages sociaux font partie de la négociation dans l'industrie de la construction. Quels sont les éléments du projet de loi qui occasionnent des coûts? En voici quelques uns: une définition plus large du conjoint; une définition plus large des enfants à charge; un remboursement à 100 % des médicaments achetés pour les enfants à charge; un remboursement à 75 % des médicaments achetés pour un adulte, sujet à un déboursé maximum de 2 700 $ par année; une liste de médicaments comportant certaines différences avec celle utilisée pour les assurés de l'industrie de la construction; la participation à la mutualisation des coûts.

Pour garantir leur solvabilité, les régimes de l'industrie de la construction devront être revus, à moins d'une augmentation de la cotisation. Le design des régimes répond aux besoins de l'industrie et à ses particularités. Le projet de loi n° 33 pourrait entraîner des modifications majeures à leur conception. Quel traitement accorder aux travailleurs québécois oeuvrant à l'extérieur de la province et pour lesquels des sommes d'argent parviennent à la Commission via les ententes de réciprocité? Dans la détermination des groupes particuliers, tel que prévu au projet de loi n° 33, les employeurs forment-ils un tel groupe? Qu'en est-il des travailleurs appartenant à un même métier? Advenant que l'on offre l'équivalent du régime général d'assurance-médicaments aux personnes qui ne rencontrent plus les règles d'admissibilité des régimes d'avantages sociaux, pendant combien de temps allons-nous le faire? Six mois, un an, ou plus? Cette approche d'assurance individuelle ou collective devrait-elle être soumise à la mutualisation des risques? Comme il y a un délai entre les heures travaillées et l'assurance liée à ces heures, la situation financière du salarié peut changer, et il pourrait avoir droit, selon l'article 16, à une subvention de sa prime d'assurance. Comment allons-nous contrôler cette subvention?

Dans le même ordre d'idées, la situation financière du salarié pourrait changer en cours de période d'assurance. Des ajustements au dossier d'un salarié suite au travail effectué par les inspecteurs de la Commission pour l'application des conventions collectives ou du décret de la construction sont fréquents. Cela a un impact sur ses heures travaillées et peut affecter ses protections, même après le début d'une période d'assurance. Le délai qu'il faut nécessairement accorder à un employeur pour rapporter les heures des salariés à la Commission, décret 875-73, oblige un décalage entre la période travaillée et la période d'assurance.

Malgré les modifications importantes aux régimes de l'industrie requises par l'implantation du régime général, les efforts et les énergies nécessaires pourraient être consentis. Au niveau administratif, la Commission de la construction du Québec, avec l'appui des partenaires de l'industrie, a démontré à maintes occasions, et encore récemment, lors de la refonte globale des régimes d'assurance au 1er janvier 1996, être en mesure de réagir rapidement. La difficulté de la mise en application du régime général d'assurance-médicaments se situe davantage au niveau des coûts et des modifications à apporter aux régimes de l'industrie. Compte tenu de l'ampleur de ces régimes, des impacts du régime général d'assurance-médicaments sur les assurés et selon les modalités définitives de la loi, l'industrie de la construction devrait avoir la possibilité d'obtenir certains accommodements ou même certaines exclusions pour tenir compte de ses particularités et favoriser une transition en douceur. En effet, la mise en place du régime général a un impact sur le coût des régimes de l'industrie et, par le fait même, sur leur solvabilité. Pour s'y conformer, il faudra en revoir le design, ce qui implique une consultation des parties, la révision de la réglementation et sa mise en vigueur progressive.

Également, compte tenu des particularités d'un régime multiemployeur qui répond aux caractéristiques propres de l'industrie, celle-ci pourrait être consultée dans l'établissement de la réglementation découlant du projet de loi n° 33. Ainsi, par exemple, pour être en mesure d'assurer la continuité de la protection d'assurance-médicaments pour les périodes pendant lesquelles le salarié n'a pas travaillé suffisamment d'heures pour avoir droit aux régimes A, B, C ou D, le projet de loi n° 33 devrait autoriser la Commission à fournir le régime général aux personnes reliées à l'industrie qui ne rencontrent pas les critères actuels d'admissibilité des régimes d'avantages sociaux.

En conclusion, en se basant sur notre expertise dans l'administration des régimes d'avantages sociaux de l'industrie de la construction, nous avons tenté dans ce mémoire de présenter le plus objectivement possible les impacts du projet de loi n° 33 sur les régimes d'avantages sociaux de l'industrie de la construction. Des pistes de solution peuvent être mises de l'avant pour favoriser la mise en place du régime général d'assurance-médicaments tout en minimisant l'impact sur les régimes de l'industrie de la construction. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. J'invite maintenant le ministre à vous poser la première question.

M. Rochon: Merci, M. le Président. Bien, je suis bien content que vous soyez venus nous voir. J'avoue qu'au début ce n'était pas évident, mais c'est en effet très pertinent, parce que je vais vous poser une question, là, et vous allez me donner votre première réaction. On n'est pas obligés de régler ça ce soir, mais je pense qu'il y a deux pistes possibles, là. Vous nous dites, en partie: On a un régime non seulement très structuré, qui existe depuis longtemps, mais on a une population qui a des conditions assez particulières aussi, qui bouge sur différents chantiers. C'est tout un environnement puis un monde qui est assez particulier, que vous semblez contrôler très bien. De deux choses l'une: ou bien on est dans une situation où – on l'a réalisé avec les gens qui sont venus nous voir – après avoir adopté une loi qui crée le régime, il faudra se donner du temps pour faire des arrimages, des changements, compte tenu de ce qui sont des échéanciers qui ont de l'allure pour vous... Mais votre situation m'apparaît de prime abord assez particulière... que vous seriez peut-être un groupe à qui s'appliquerait l'article 6 de la loi, qui dit que: «Ne sont pas couvertes par le régime général les catégories de personnes déterminées par règlement du gouvernement qui bénéficient par ailleurs d'une couverture en vertu d'une autre loi du Québec, d'une loi du Parlement du Canada, d'une autre province du Canada» ou d'un autre organisme administré par...

(23 h 20)

Alors, il y a peut-être... Est-ce que votre première impression de ce que vous avez vu du régime qui est proposé, ce que vous offrez à vos gens, la condition de travail de vos gens feraient que ça serait une piste qu'il faudrait peut-être explorer? Parce que le rapport du comité Castonguay proposait, par exemple, que des gens qui, pour certains problèmes, sont couverts par la CSST ou sont couverts par la SAAQ, ce serait des gens qui ne seraient pas couverts pour les mêmes fins par le régime. Et est-ce qu'il y a là une piste qui correspondrait plus aux réalités très particulières qui font que vos gens n'ont pas besoin, qu'il n'y a pas lieu de les couvrir par un régime général? Qu'est-ce que vous dites de ça?

M. Ménard (André): Je pense que, effectivement, M. le ministre, ce que vous soulevez pourrait être une avenue qui pourrait être envisagée. Comme je l'ai dit tout à l'heure, bon, l'industrie de la construction a ses particularités. Le monde patronal et syndical, depuis les deux dernières années, a procédé à une refonte globale de ses régimes et, définitivement, ce que, nous, on recherche pour l'industrie, c'est un peu d'être capables de faire l'arrimage, finalement, entre le projet de loi n° 33 et nos régimes. Et le but de notre intervention ou d'être entendus était effectivement pour vous souligner ça et faire en sorte que... Comme je l'ai mentionné, sur les éléments de base, on n'est pas contre le projet de loi, mais c'est de faire en sorte que, à la fois patronal, syndical, gouvernemental, ça puisse se faire en douceur.

M. Rochon: M. Castonguay me soulève un autre élément qui peut être intéressant, puis je pense qu'on pourra se donner le temps d'explorer les arrimages possibles. Est-ce que, par exemple, un partage ou un partenariat pour mutualiser, pour une certaine forme de mutualisation pour les risques les plus grands, par exemple, dit-il, d'un régime catastrophe, pourrait faire qu'un régime général, par certains arrangements avec votre régime, pourrait à la fois le respecter et offrir une bonification à vos membres? C'est des exemples qu'on donne. Encore une fois, on ne fera pas un règlement là-dessus ce soir, mais juste pour voir, se donner une idée sur quelle piste on va suivre au lendemain de la consultation.

M. Lemire (Gilles): Donc, c'est évident que, ce que vous proposez, ça paraît excessivement intéressant. La possibilité, surtout, d'un régime catastrophe, comme vous parlez, donc, ça pourrait être un élément excessivement intéressant au niveau de l'industrie de la construction, dans le contexte d'un arrimage, effectivement, oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Effectivement, M. le Président, on a eu un échange, moi et le président de la Commission, il y a à peu près une heure. Je me suis à peu près posé la même question que le ministre. Essentiellement, j'ai dit: Bien, qu'est-ce qu'ils font ici, eux autres? Mais, là, je comprends mieux. Je comprends très bien ce que vous faites ici et je pense, fondamentalement, que l'exposé que vous venez de nous faire indique une problématique très importante pour le ministre. Comment faire l'arrimage d'un système qui existe et qui fonctionne déjà avec une structure bien détaillée, avec des critères, avec 150 000 bénéficiaires, et le régime proposé?

Un premier commentaire, peut-être, au niveau de la possibilité soulevée par le ministre de carrément soustraire les gens qui sont assurés sur votre plan de l'application de la loi par le biais de l'article 6. Si j'ai bien compris votre présentation et votre mémoire, il y a des périodes de temps dans l'année, selon les heures travaillées des travailleurs, où les travailleurs ne sont pas couverts. Il me semble que soustraire carrément vos bénéficiaires de l'assurance-médicaments fait en sorte que le programme n'est plus universel, parce qu'il va y avoir une période de temps, potentiellement, où les travailleurs de la construction ne seront pas couverts, ni par votre régime ni par le régime d'assurance-médicaments. Est-ce que j'ai bien saisi cette subtilité potentielle?

Mme Charette (Louise): Effectivement, comme il y a des périodes, pas au cours d'une année, par contre, forcément, mais compte tenu de l'activité que le travailleur a eue durant une période de temps, il est possible que, pendant une période d'assurance de six mois ou plus, il ne puisse pas profiter des couvertures des régimes d'assurance de l'industrie et, donc, se retrouve sans assurance. Ça, c'est une réalité de l'industrie, effectivement.

M. Copeman: Alors, il faudrait trouver une autre façon d'arrimer, si jamais le projet de loi est adopté, vos deux plans, que nécessairement, carrément les soustraire, selon l'article 6, si j'ai bien compris.

Si j'ai bien compris, encore une fois, là, à la page 5, et ainsi de suite, votre carte MEDIC construction est branchée sur le système de CAPSS, direct, là. Si j'ai bien compris, les bénéficiaires, les assurés n'ont pas à débourser pour obtenir les médicaments, sauf pour la partie de la coassurance. Est-ce que c'est exact?

M. Ménard (André): C'est exact, oui.

M. Copeman: C'est exact. Est-ce qu'il y a une franchise, ou est-ce que vous considérez que ça fait partie de la coassurance? Pour bien situer une possibilité d'arrimage, je pense que c'est important qu'on connaisse le plus de détails possible sur votre régime. C'est pour ça que je vous pose ces...

M. Lemire (Gilles): En fait, lorsqu'on parle des régimes dont on parlait tantôt, A, B, C, D, en fait, il y a uniquement une coassurance. Lorsqu'on fait appel au régime qu'on appelle le régime des retraités, à ce moment-là, il y a coassurance et franchise. Donc, à ce moment-là, il y a les deux éléments, oui, effectivement.

M. Copeman: O.K. Combien de travailleurs dans l'industrie de la construction ne sont pas couverts par votre... Est-ce que c'est obligatoire, votre régime, ou est-ce que c'est facultatif? Est-ce que tout le monde est couvert s'ils travaillent, ou est-ce que c'est leur choix?

M. Lemire (Gilles): En fait, ce n'est pas un choix. Le régime est obligatoire en autant, évidemment, que le salarié concerné, à ce moment-là, ait un minimum, au moins, de 300 heures de travail durant la période de référence. Donc, évidemment, ceux qui n'ont pas le minimum de 300 heures et qui n'avaient pas le principe de la réserve dont on parlait tantôt, de la réserve d'heures, qui n'avaient pas suffisamment d'heures en réserve, à ce moment-là, évidemment, ceux-là ne sont pas couverts par les régimes.

M. Copeman: Et puis on peut parler d'un bassin de combien de personnes qui n'atteignent pas le nombre suffisant de ces heures dans le domaine de la construction? Avez-vous des chiffres là-dessus?

M. Lemire (Gilles): On peut y aller sur base approximative, là. On parle peut-être d'un 25 %, à peu près, qui n'ont pas beaucoup d'heures, là, et la majorité de ces gens-là ont... je dirais plus de 60 % à 70 % ont moins, même, de 150 heures de travail.

M. Copeman: O.K. Parce que ce n'est pas un domaine que je connais très bien, 25 % représentent combien de personnes?

Mme Charette (Louise): Il y a à peu près 100 000 travailleurs actifs dans une année, là, en gros. L'année dernière, il y en a eu 90 000. Donc, ça vous donne une idée de l'importance des gens qui sont non assurés. Ce que je peux peut-être préciser, c'est qu'en termes d'activités de l'industrie, souvent, comme le soulevait le directeur des avantages sociaux, les gens qui ont très peu d'heures, 150 heures, sont souvent des gens qui soit ont intégré l'industrie en cours d'année, soit l'ont quittée en cours d'année. Donc, l'industrie a, par définition, une notion de temporalité très particulière, évidemment, compte tenu, entre autres, de la saisonnalité, mais, souvent, la notion des heures assez faibles représente le cas de ce qu'on appelle des gens qui adhèrent à l'industrie ou qui l'abandonnent. Ce sont souvent ces gens-là.

M. Copeman: On sait, M. le Président, qu'aujourd'hui le domaine de la construction est divisé en quatre secteurs: résidentiel, commercial, industriel et voirie. Est-ce qu'à peu près la même situation des travailleurs existe dans les quatre grands secteurs? Est-ce qu'ils sont à peu près pareils en ce qui concerne la couverture de votre régime?

M. Ménard (André): Oui, il s'agit des mêmes couvertures, effectivement. En ce qui concerne les heures travaillées, ça peut varier d'un secteur à l'autre, mais, en ce qui concerne les couvertures, c'est exactement les mêmes couvertures.

M. Copeman: O.K. Mais les heures travaillées peuvent varier.

M. Ménard (André): Les heures peuvent varier, effectivement, dépendamment du secteur d'activité.

(23 h 30)

M. Copeman: À la page 10 de votre mémoire, le deuxième paragraphe, l'entente de services avec le CAPSS. Si, juste pour qu'on saisisse bien... J'imagine, parce que vos travailleurs sont éligibles à quatre différents taux de couverture en termes de coassurance, selon les heures travaillées, que le paiement de la coassurance est basé sur les heures travaillées. Les échanges auxquels vous faites allusion au deuxième paragraphe se font en temps réel. Quand la personne se présente avec sa carte MEDIC construction, vous avez déjà un système d'ordinateurs qui fait en sorte que le pharmacien sait que cette personne qui fait la demande doit payer tel et tel pourcentage de la coassurance.

M. Lemire (Gilles): Effectivement, toute la transaction que le pharmacien génère à ce moment-là est acheminée, via le réseau dont on parlait tantôt, à l'ordinateur de la CCQ et, en temps réel, la transaction, l'acceptation, la validation du médicament pour voir si la personne, le salarié ou la personne à charge est une personne assurée, couverte par le régime, à ce moment-là, tout ça est retourné au pharmacien pour lui dire: Voici, cette personne-là est assurée, ce médicament-là est couvert et voici ce que le salarié a à payer.

M. Copeman: Lors de plusieurs présentations devant la commission, plusieurs groupes ont soulevé la question de la confidentialité des informations. Avec un système, que plusieurs appellent un fichier des bénéficiaires, proposé dans la loi, avec la nécessité de faire des transactions en temps réel – parce que, là, on voit qu'il y a un système d'assurance-médicaments qui bénéficie d'un système d'échange d'informations en temps réel entre une fiche des bénéficiaires et des pharmaciens – avez-vous des expériences concernant la confidentialité de l'information? Est-ce que ça a été soulevé de quelque façon quand vous avez mis ce système en place, dans les années quatre-vingt, si j'ai bien compris?

Mme Charette (Louise): Effectivement, en fait, nous sommes avec le réseau CAPSS depuis cette année. Ce qu'il faut préciser, c'est qu'au fond le pharmacien vient chercher non pas une information mais une validation. Et c'est nous qui faisons la validation. Donc, il n'y a pas d'accès aux informations spécifiques, si vous voulez. Ça, c'est une chose.

Par ailleurs, le réseau informatique de la Commission est un réseau très important et il comporte toutes les mesures de sécurité d'entrée, et de sortie, d'ailleurs, mais en particulier d'entrée. Et ça, c'est quelque chose qui est très important chez nous. Cette sécurité-là existait et elle a été revalidée spécifiquement pour l'entrée en vigueur du réseau CAPSS.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Donc, Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: M. Ménard, j'avoue que, moi aussi, comme mes collègues, quand j'ai vu que vous étiez sur la liste, je me demandais un peu ce que la Commission de la construction du Québec venait faire ici.

Maintenant, je comprends que, malgré le régime que vous avez, votre mémoire dit que, même s'il y a des ajustements substantiels, votre industrie pourrait s'ajuster d'une façon ou d'une autre pour arrimer son régime. J'en profite pour souligner que vous n'avez pas de résistance au changement, ce que votre mémoire propose. Et je voudrais souligner que vous avez fait un travail – on s'était rencontrés à la loi 46 – et ça dénote... Vous avez annoncé, la semaine dernière, je crois, un programme d'intégration des femmes dans l'industrie de la construction, de «2 000 femmes pour les années 2000». Ça aussi, ça n'a pas dû être facile, ça a dû demander beaucoup d'arrimage. Alors, je tenais à le souligner parce que ça m'a fait extrêmement plaisir, vu qu'on avait travaillé là-dessus ensemble.

Puis je reviens, finalement. Vous dites qu'un des éléments qui occasionnerait des coûts – c'est un peu en rapport avec ce que je disais – c'est une définition plus large du conjoint. Est-ce que vous pourriez m'expliquer un peu c'est quoi, la différence de votre définition avec votre plan et celle qui est dans la loi? Et, peut-être, deuxièmement – dans le fond, vous semblez être ouverts – est-ce que vous avez certaines pistes de solution qui pourraient être un arrimage avec la loi et votre régime?

M. Lemire (Gilles): En fait, au niveau de la définition de «conjoint», je vous reporterais à l'annexe II, Divers impacts monétaires, et, à ce moment-là, on fait référence à la définition de conjoint telle qu'elle existe dans le Règlement sur les régimes complémentaires d'avantages sociaux pour l'industrie de la construction et par rapport à ce que le projet de loi n° 33 amène, à ce moment-là.

Peut-être l'élément marquant de la définition, c'est que ça prend un minimum d'une année. Ça prend trois ans, disons, de vie maritale, ou encore, s'il y a des enfants qui sont nés ou à naître, à ce moment-là, on parle d'une année de vie maritale, ce qui n'est pas tout à fait la même définition que ce que le projet de loi n° 33, qui fait référence, à ce moment-là, à la Loi sur les impôts, propose. En fait, à ce moment-là, aussitôt qu'il y a des enfants, automatiquement, ça devient un conjoint.

Donc, il y a un aspect coût, qui n'est peut-être pas nécessairement un aspect coût renversant, mais il y a un coût additionnel qu'il faut évidemment évaluer, et on ne connaît pas l'ampleur de ce coût-là. On sait pertinemment que ce n'est pas un coût renversant, quand même.

Mme Leduc: Est-ce que vous avez comme des pistes de solution, pas nécessairement sur la notion de conjoint, sur l'ensemble du projet de loi? Dans le fond, quels pourraient être les arrimages? Vous avez suggéré, peut-être, une entrée en vigueur progressive, c'est ça?

M. Ménard (André): Oui, c'est un peu ça. Ça pourrait être une entrée en vigueur progressive. Ça pourrait aussi... Ce qui est important, je pense, dans notre industrie, c'est d'impliquer les partenaires, les gens de l'industrie. Vous avez fait référence tout à l'heure à un dossier, l'accès des femmes dans l'industrie. Je peux vous dire que, quand j'ai apporté ça au conseil d'administration, aux différentes instances, les gens, ils avaient vu l'article dans la loi 46. C'est un peu ça qu'on dit dans le projet de loi n° 33. Je pense que les partenaires de l'industrie, en tout cas, ont démontré puis démontrent que... Lorsque j'ai parlé, tout à l'heure, de refonte globale au niveau du régime des assurances depuis deux ans, c'est un peu ça qu'on dit: il y a moyen de l'implanter progressivement en impliquant à la fois les gens du milieu. D'autant plus qu'actuellement ils sont en période de négociation. Et lorsqu'il y a des coûts... à ça, je pourrais référer à la loi n° 116 qui... à un moment donné, l'industrie a été exclue.

Par ailleurs, dans la refonte, je dirais que beaucoup d'éléments, la totalité des éléments, moins la cotisation patronale minimale, la cotisation minimale a été... il reste uniquement ça à régler. Ce qu'on demande, c'est un peu de temps, finalement, et des accommodements pour être capable de bien faire le mariage.

Mme Leduc: Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Oui, M. le Président, merci. À la page 7, vous faites une constatation, une allusion, quant à moi, très intéressante, et c'est le fait que, selon votre régime, le taux de couverture, le taux de coassurance est basé sur le nombre d'heures travaillées. Vous dites que c'est «un incitatif pour le salarié à l'exercice d'un travail légal». Là, je ne suis pas un expert dans la construction, mais, comme n'importe qui dans la population québécoise, on entend beaucoup parler du travail au noir dans la construction. Si, avec votre régime, les gens ont accès à une meilleure protection selon le nombre d'heures de travail, si on arrive avec un arrimage d'un système public universel qui va combler les trous – s'il en existe, des trous – ou qui va, dans le cas, carrément remplacer, peut-être, potentiellement, votre régime, est-ce qu'il peut avoir un effet pervers ou néfaste sur cet incitatif de travail légal? Je ne sais pas si vous saisissez mon point, là. À 11 h 35, j'ai tendance à être moins clair.

Une voix: Puis, nous, à être moins vites.

M. Copeman: J'espère, en tout cas, que je suis moins clair. Je ne sais pas si c'est constant.

M. Ménard (André): Non. Définitivement, ça n'a pas d'impact, parce que, ce qu'on mentionne, les heures travaillées et déclarées à la Commission sont la base de l'admissibilité des régimes. Les régimes qu'on a actuellement, A, B, C, D, permettent effectivement que plus les heures sont rapportées, plus la couverture est grande.

À mon avis, je ne croirais pas, parce qu'il y aurait certains salariés qui pourraient être couverts par le régime de base, que ça ferait en sorte que ça puisse venir atténuer, si vous voulez, l'incitatif qui existe actuellement à rapporter des heures. Je pense que ça n'a rien à voir, à mon avis.

(23 h 40)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Ça va?

M. Copeman: Oui, juste pour bien comprendre, M. le Président, également à la page 8: «Le financement des régimes d'assurance provient des cotisations patronales négociées.» En bon québécois, ça veut dire que ce sont les patrons qui paient; les salariés ne font aucune contribution à votre régime?

M. Lemire (Gilles): En fait, effectivement, ça fait partie des conditions de travail des salariés de la construction. La partie assurance est payée par l'employeur, effectivement.

M. Copeman: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Pas d'autres questions? Alors, M. le député, est-ce que vous voulez conclure sur cette partie-là?

Encore une fois, je demande aux collègues, aux membres de la commission de rester, de ne pas se lever tout de suite, parce que nous allons faire la conclusion de tous les travaux de la commission tout de suite après. Alors, vous voulez faire votre conclusion?

M. Copeman: Bien, moi, je vous remercie beaucoup pour votre présentation. Je m'avance peut-être un peu, mais j'ai un léger soupçon que le régime proposé par le ministre n'a pas prévu l'arrimage avec le système que vous avez. Ce n'est peut-être pas vrai, mais la réaction initiale du ministre me laisse penser qu'on a une situation très particulière dans le domaine de la construction, qui couvre quand même 150 000 bénéficiaires, un nombre important de Québécois et Québécoises, incluant les bénéficiaires familiaux. Les caractéristiques de votre régime sont assez différentes de celles proposées dans un régime public: le niveau de coassurance basé sur les heures de travail, qui est un concept complètement inattendu dans un régime public universel; le concept de qui paie, là ce sont les patrons, les cotisations patronales, tandis que, dans le régime universel tel que proposé, il y a une prime, une contribution importante de la part de l'individu, tandis que votre régime, il n'y en a pas; les définitions potentielles des médicaments couverts, la liste des médicaments couverts, les enfants à charge, les conjoints. Tout ça pour dire, M. le Président, très humblement, je pense que l'arrimage de ces deux régimes, ce n'est pas une question facile, simple et qui peut se régler rapidement.

Quant à moi, M. le Président, une autre indication que le projet de loi devrait être retardé pour permettre une saine harmonisation, tel que demandé par les centrales syndicales, tel que demandé par d'autres groupes.

Une voix: ...

M. Copeman: Vous ne l'avez pas demandé? Mais, moi, je fais une constatation qu'avec l'arrimage qu'il faut, là, ça va être nécessaire.

Alors, un autre témoignage, quant à moi, de la nécessité pour le ministre d'aller tranquillement, de prendre le temps qu'il faut pour ne pas être obligé de revenir corriger des erreurs dans un avenir proche.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député. M. le ministre, conclusion uniquement sur cette partie-ci; après, j'entreprendrai la conclusion sur les travaux.

M. Rochon: Alors, je vous remercie beaucoup. Vous êtes venus nous expliquer et nous donner une information additionnelle, effectivement, sur un groupe qui a une situation tout à fait particulière. Je dois dire que, si votre groupe comme tel n'était pas un de ceux qu'on avait identifiés auparavant, je suis content de voir, par ailleurs, que des travaux qui ont mené à la préparation du projet de loi auront permis de prévoir qu'il y aurait des groupes qui, au-delà des arrimages lors d'une phase de présentation, seraient dans des situations spéciales, n'auront pas nécessairement besoin d'être couverts par ce régime, ou d'être couverts complètement par ce régime.

Comme l'objectif est d'assurer à tous les Québécois et Québécoises une couverture, quelque chose de stable, qui soit bien établi sur un base d'un partenariat entre les assureurs privés et l'assureur public qui est la Régie de l'assurance-maladie du Québec, sur la base de ce que vous avez dit ce soir, le document que vous nous avez donné, puis, au besoin, quelques vérifications complémentaires qu'on pourra faire, je pense qu'on a tout en main pour savoir comment on pourra gérer et, au besoin, adapter le régime pour une situation comme la vôtre. Je vous remercie beaucoup.


Mémoires déposés

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Pour les rendre publics et pour valoir comme s'ils avaient été présentés devant la commission, je dépose les mémoires des personnes et organismes qui n'ont pas été entendus, à savoir: Conseil des aînés, Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, Fondation canadienne du rein, Jean-Marc Noël, et M. Carol Villeneuve, médecin.

Je serais maintenant prêt à procéder aux remerciements. Ça va prendre deux petites minutes. Je serais maintenant prêt...

Une voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous préfériez que... Oui. Alors, je suspends, deux minutes.

(Suspension de la séance à 23 h 46)

(Reprise à 23 h 49)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Taschereau, avant que je permette au député de Robert-Baldwin et au ministre de conclure, vous m'avez demandé la parole pour un... Non?

M. Gaulin: Oui, bien, écoutez, je ne sais pas si c'est le moment, mais, puisque vous m'avez donné la parole, je voulais remercier le ministre, en tout cas, au nom de ma formation à moi, de sa grande capacité d'écoute. Recevoir 40 groupes, pour tout le monde, même si c'est très intéressant, ça reste une épreuve; c'est une épreuve d'endurance, ne serait-ce que ça. On n'a pas toujours été là. Je sais que M. Marsan était toujours là, le ministre était toujours là aussi, alors toujours attentif, toujours capable de faire s'exprimer les points de vue. C'est une attention continue.

Donc, les différents points de vue qui ont été exposés nous montrent aussi que le ministre reste, lui, toujours au gouvernail. On ne peut pas dire qu'on se dirige à l'estime, mais il reste que, quand même, les points de vue sont très importants. Ce qui nous permet sûrement d'enrichir la loi qui est devant nous.

Alors, je voulais remercier, en notre nom en tout cas, le ministre.

(23 h 50)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député. Je vais permettre maintenant au député de Robert-Baldwin de faire ses remarques.

M. Copeman: Juste une question de directive, M. le Président, est-ce que les autres membres de la commission auront peut-être l'occasion de dire quelques mots?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vais le permettre, oui.

M. Copeman: Très bien, merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): D'abord, M. le député de Robert-Baldwin et M. le ministre et, tout de suite après, s'il y a des députés qui veulent... Oui, M. le député de Robert-Baldwin.


Conclusions


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Alors, merci, M. le Président. Je pense qu'on clôt des séances extrêmement enrichissantes. Je pense qu'on vient d'avoir, une autre fois, une preuve vivante que c'est important, des consultations publiques et d'écouter ce que la population a à nous dire à travers les différents organismes.

Où le bât blesse dans le projet de loi, et je pense que plusieurs l'ont souligné, c'est le montant qui doit être récupéré pour les taxes. Si on pouvait exclure du projet cette dimension et s'attaquer vraiment à mettre en place un véritable plan d'assurance universel, j'aurais l'impression qu'on aurait fait un pas dans la bonne direction. Mais, en mélangeant les deux objectifs – et ce n'est pas deux objectifs concurrents, il y en a un qui est plus prioritaire que l'autre, on le sent bien, c'est celui de la récupération des 200 000 000 $ – je pense qu'on a mis du sable dans l'engrenage. Parce qu'on aurait pu réussir à s'entendre, je pense, avec la plupart des gens qui sont venus et à trouver des améliorations, des bonifications au projet si on prenait le temps nécessaire.

Quand je parle de coupures de 200 000 000 $, souvent le ministre me rétorquait: Il faut faire ça, les finances publiques sont dans un tel état, etc. Mais, pour nous, il nous apparaît que c'est une question de priorité. Je comprends que, si 200 000 000 $ n'est pas récupéré dans le programme d'assurance-médicaments, il faudra le prendre ailleurs. Je comprends aussi qu'il y aurait d'autres priorités qui pourraient être regardées. Puis je ne veux pas commencer de polémique, mais, une de celles-là – c'est quand même des priorités et non pas des polémiques – c'est les bureaucraties. Je pense qu'il y aurait des efforts qui pourraient être faits au ministère de la Santé, particulièrement au niveau des régies régionales, en tout cas.

Je vous laisse le message. Il y aurait sûrement d'autres priorités, mais c'est d'autres enjeux. On pourra en discuter à d'autres tables, et on le fera sûrement.

Deuxième point, c'est le régime comme tel. Je pense qu'il faut comprendre qu'un régime, ce n'est pas acquis, c'est fort complexe, lorsqu'on veut le faire comme il faut, et ça prend du temps, et on a besoin... et on a entendu les groupes nous le dire, là. Je ne sais pas, on peut interpréter ça comme on veut, mais il y a une limite à l'interprétation. C'est clair qu'il y a un consensus qui souhaite qu'on puisse reporter ce projet de loi pour l'approfondir davantage, approfondir plusieurs points, que ce soit la liste des médicaments, que ce soit l'arrimage des régimes privés avec le régime public. Il me semble qu'on pourrait prendre le temps, et ce serait à l'avantage de toute la population.

Un des points majeurs sur lesquels... Tantôt, l'association des assureurs est venue nous dire que, eux-mêmes, ils ont des difficultés à évaluer les coûts d'un tel régime. Tout en respectant ce que le regroupement des assureurs privés nous avait dit au préalable, moi, je pense, ça m'indique, en tout ca, une note d'inquiétude certaine. Parce que quand ce sont des professionnels de l'assurance qui viennent nous dire: Avec les paramètres que nous avons, on aurait besoin de plus d'informations, on aurait besoin peut-être de faire différents scénarios pour arriver vraiment au coût le plus réel possible... Et ma surprise, encore – il faut dire que des consultations, c'est bon jusqu'à la fin – c'est quand les assureurs nous disent qu'il y a un coût pour le risque dans la prime, mais qu'il y a aussi des coûts d'administration qui ont une ampleur. Ce n'est pas un petit peu, on parle de 30 % à 40 %. Et on l'a explicité: l'administration des polices; les réclamations; les exigences de la mise en marché; et on ajoute aussi la possibilité d'avoir un débit direct, une perception automatique, ensuite, qui pourrait être possible pour l'ensemble des assurés; à ça, on peut ajouter aussi des taxes.

Je pense que ça nous donne une meilleure compréhension de toute la composante prime. Et nous sommes très inquiets quant à cette composante et quant au montant total qui va être associé à cette couverture. Inquiets parce qu'il y a des groupements dans notre population qui ne seront pas en mesure de les payer comme il faut et que, à défaut de payer leur couverture, ils peuvent subir des pénalités ou encore ne pas prendre des médicaments, avec ce qu'on connaît d'impact sur la santé et du retour soit à l'urgence, soit en cabinet privé ou encore dans un CLSC.

Qui va payer le régime? Je pense que c'est clair, c'est ceux qui consomment le plus, c'est les personnes aînées, les assistés sociaux aussi, pour une partie.

J'ai été impressionné par la prestance du front commun, les syndicats FTQ, CEQ, CSN. Ils représentent quand même plus d'un million de personnes, et beaucoup plus d'un million quand on sait que les régimes couvrent des familles complètes. Je pense que leur message a été clair, à eux aussi: Retardez, retardez, essayons de mettre tous les efforts pour pouvoir arriver à un projet beaucoup plus final dans son application.

En résumé, je pense que c'est le consensus qui se dégage, le projet n'est pas prêt, il ne répond actuellement qu'à un seul impératif, c'est celui du Trésor. Et c'est malheureux. Alors, c'étaient les commentaires que je voulais faire.

En terminant, M. le Président, je voudrais remercier tous les membres de cette commission. Je voudrais remercier le ministre, M. Castonguay, le président de la Régie de l'assurance-maladie du Québec et, je pense, tout le personnel de soutien, vous-même, M. le Président, notre secrétaire, qui ne parle pas beaucoup mais qui nous donne des conseils ou des informations fort utiles. Je voudrais remercier mes collègues qui nous ont assistés, particulièrement l'attachée qui travaille avec moi, Mme Josée Noreau.

Alors, merci. J'espère que ce que nous avons entendu n'aura pas été entendu en vain et que nous allons continuer à vouloir enrichir et bonifier un projet de loi aussi important. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député. M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Oui, M. le Président, quelques points en concluant. Je voudrais d'abord rappeler qu'on est effectivement dans une situation où on doit se partager la richesse qu'on a, et la richesse qu'on a est beaucoup moins grande qu'elle n'a déjà été, parce qu'on est dans une période où on a un Québec qui a été endetté pendant longtemps et qui doit faire face, en plus de ça, à un déficit terrible.

Malgré ça, après l'aboutissement d'un peu plus de trois ans de travail, différentes étapes qui ont été franchies; moi, je pense qu'on a pu constater par les travaux de cette commission, d'abord ce qui est vraiment important – je pense qu'à peu près tout le monde nous l'a dit – c'est qu'il y ait effectivement une protection qui soit donnée, beaucoup plus grande que ce que beaucoup de gens ont au Québec maintenant, en ce qui regarde le médicament, l'accès aux médicaments. Tous les gens qui sont venus nous voir ont dit reconnaître le lien important entre cette action-médicaments et les conditions essentielles pour la santé de la population.

On a un régime assez original. Je pense que tout le monde l'a reconnu, et c'est ce qui a parfois rendu un peu difficile l'appréciation du régime. Je ne pense pas qu'il y en ait beaucoup comme ça qui existent, qui appellent une participation, une collaboration entre les assureurs privés et l'assureur public.

(minuit)

On arrive en bout de piste, je pense, en ayant pu dégager assez bien, me semble-t-il, ce qui doit être modifié et amélioré dans le projet de loi comme tel et dégager ce qui devra se gérer correctement au niveau de l'implantation du projet de loi – ça va être très important de ne pas mêler ces deux cartes-là – et, pour arriver à un point, il faut d'abord se donner une direction très claire, il faut se donner des règles de jeu, il faut se donner des balises. C'est le rôle du projet de loi. Et, par après, il faudra qu'on puisse gérer l'implantation du régime. Et ça, je pense qu'on a tous, autant au niveau du ministère qu'à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, des équipes qui ont l'expérience et les compétences pour bien mener l'étape d'implantation à bon port.

C'est évident qu'au moment où on finalise un projet de loi, on ne peut pas avoir des réponses à tous les aspects de l'implantation. Il y a même des particularités de la mise en oeuvre d'un projet comme ça qu'on va découvrir sur le terrain, en le faisant. Alors, ce qu'il faut, c'est d'être capable d'avoir de bonnes équipes – on les a – et d'être capable de se faire confiance.

Pour moi, la commission a bien joué son rôle de ce genre d'étape qu'on doit franchir dans un processus démocratique de législation et nous a donné, à ce qu'il me semble, probablement tout ce qu'il faut pour être capable de bonifier le projet de loi, peut-être bien de simplifier certains aspects du régime. Je pense qu'on va pouvoir, dans quelques jours, après avoir décanté tout ça, revenir et faire des propositions qui, je pense, vont nous montrer clairement la lumière au bout du tunnel, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je remercie toutes et tous mes collègues, toutes les collaboratrices et les collaborateurs.

Maintenant, je sais que le député de Notre-Dame-de-Grâce voudrait parler, et celui de Lévis. Il faudrait se limiter uniquement... Très, très court.

M. Rochon: Me permettriez-vous...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

M. Rochon: Je ne voudrais pas être redondant, mais, moi aussi, je veux remercier, en plus des collègues des deux côtés de la table, notre secrétaire, le personnel de la commission et toute l'équipe du ministère et de la Régie, pas seulement pour le temps de la commission, mais pour ces deux années-là. Ça n'aurait pas été possible sans tout ce monde-là. On leur en rend hommage.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Très brièvement, M. le Président, juste pour dire, comme parlementaire, à quel point j'apprécie le processus qu'on fait ici et d'être à l'écoute des groupes, 43 groupes. Je pense que c'est essentiel, comme parlementaires, qu'on soit à l'écoute du monde. Au niveau personnel, je pense qu'on apprend énormément de choses, et ce n'est pas à négliger, comme êtres humains, comme parlementaires, comme législateurs responsables, d'adopter des projets de loi pour au moins les quelques prochaines années, à moins qu'il y ait des imprévus. Je pense que ce processus ajoute à nos connaissances, à nos capacités d'adopter de bons projets de loi.

Une dernière brève remarque, M. le Président, c'est un thème que j'ai déjà abordé et que je vais continuer à aborder lors de l'étude détaillée. Espérons qu'on aura assez de temps pour le faire. La question des pouvoirs réglementaires. J'ai feuilleté rapidement, cet après-midi, le projet de loi. J'ai trouvé 28 pouvoirs réglementaires, minimum. Mais oui! On va faire la démonstration, un à la fois, tantôt. Et, comme parlementaire, surtout comme législateur, j'ai un préjugé défavorable à des pouvoirs réglementaires. Et j'espère que le jour où ma formation politique va être au pouvoir, je vais dire la même chose, que je vais avoir le courage de dire la même chose, comme député du parti ministériel éventuellement – on sait que ça va arriver – que je vais dire que je suis contre un pouvoir réglementaire accru à un ministre ou à un gouvernement. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Courte intervention, M. le député de Lévis, et on terminera là.


M. Jean Garon

M. Garon: Alors, moi, M. le Président, je veux simplement souligner qu'un projet comme celui-là, c'est un projet majeur. Au début des années soixante, quand on a mis à contribution l'État, la phrase qui a peut-être marqué tout le monde, c'est quand René Lévesque a dit: «L'État est le plus fort des nôtres». On devrait s'en servir. Aujourd'hui, les gens voient de plus en plus l'État comme le plus fort des nôtres, dont il faut se méfier parce qu'il peut faire plus mal que les autres.

Quand on a mis en place la Société de l'assurance automobile du Québec, ce n'était pas pour siphonner 3 000 000 000 $ dans la caisse. Ça devait être une mutuelle d'assurance. Finalement, le gouvernement, au cours des années passées, a siphonné 3 000 000 000 $ dans la caisse de la Société de l'assurance automobile. Personne n'avait imaginé ça, parce que les gens pensaient que c'était une caisse pour les assurés et les accidentés. Finalement, les gens, l'assurance automobile, on l'a vu dans nos bureaux de comté, sont de moins en moins assurés et vivent les années d'attente, ce qui était le cas antérieurement à la mise en place de la Société de l'assurance automobile.

Le ficher central des régimes d'assurance de dommages en automobile, ça a été la même chose. Ça devait être extraordinaire, et, finalement, on en est rendu, parce qu'on devait tenir compte de la responsabilité des conducteurs dans les accidents, à pénaliser ceux qui n'étaient responsables de rien. Je me méfie, moi, de la collaboration entre les assureurs privés et les assureurs publics. Je trouve que, souvent, la meilleure façon, c'est qu'ils se concurrencent. Quand ils se concurrencent, il y a plus de chances qu'on obtienne le meilleur prix.

Moi, ce que j'ai observé aujourd'hui... pas aujourd'hui, au cours des délibérations, dans les mémoires, c'est qu'il y a de l'inquiétude. Je pense que les gens ne sont pas contre un régime d'assurance, mais excepté que le seul but d'un régime d'assurance, ça devrait être de rendre des services aux citoyens, de bien les assurer au moindre coût, et de bien les assurer. Si on poursuit trop de buts en même temps, ça peut être... on peut en arriver un jour, à un moment donné, que les gens veulent scraper tout ce que l'État touche. Et ça, c'est dangereux. C'est ça qui se passe dans certaines provinces actuellement. Ils ont peur de l'État puis ils disent: Scrapons l'État.

Alors, moi, je ne voudrais pas que ça arrive au Québec. Parce que je pense encore, je suis un de ceux qui croient encore que l'État est le plus fort des nôtres, qu'il peut rendre des services, mais à condition que la première préoccupation de l'État, ça ne soit pas le bonheur des bureaucrates, ça ne soit pas l'État au service des bureaucrates mais l'État au service des citoyens.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Rochon: Je ne prolongerai pas là, mais il y a un groupe de gens qui ne sont pas ici ce soir, sauf qui sont représentés par celui qui est à ma gauche, M. Castonguay. Je voudrais être spécifique et ne pas oublier qu'il y a toute une consultation qui n'a pas paru et qui, pendant cinq mois, de façon très intensive, a permis d'attacher beaucoup de choses qui ont été examinées ce soir.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, à toutes celles et ceux qui ont contribué de près ou de loin, de proche, merci beaucoup.

La commission ayant rempli son mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 0 h 7)


Document(s) associé(s) à la séance