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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 3 septembre 1996 - Vol. 35 N° 37

Consultations particulières sur le document intitulé «Modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants»


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Table des matières

Auditions

Mémoires déposés

Remarques finales


Autres intervenants
M. Rosaire Bertrand , président
Mme Madeleine Bélanger, présidente suppléante
M. Russell Copeman
Mme Céline Signori
M. Marcel Parent
*Mme Diane Lemieux, CSF
*Mme Lucie Desrochers, idem
*Mme Geneviève Bouchard, ministère de la Sécurité du revenu
*Mme Andrée Bergeron, idem
*M. Sylvain Bourassa, Association des avocats et avocates en droit familial du Québec
*Mme Sylvie Lévesque, FAFMRQ
*Mme Maria-Marcelle Therrien, idem
*Mme Claudette Mainguy, idem
*Mme Nathalie Duhamel, FFQ
*Mme Marie-Christiane Carrier, idem
*Mme Carmen Saint-Laurent, COFAQ
*Mme Lysane O'Sullivan, idem
*Mme Monique Émond, FACEF
*Mme France Latreille, idem
*Mme Louise Blain, idem
*M. Yves Ménard, GEPSE
*M. Sylvain Camus, idem
*M. Aurelien Lessard, AMEF
*M. Denis Pronovost, idem
*M. Jacques Pettigrew, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, bonjour tout le monde. Je vous rappelle le mandat de la commission qui est de se réunir afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le document de consultation intitulé «Modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants».

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gagnon (Saguenay) remplace M. Gaulin (Taschereau) et Mme Bélanger (Mégantic-Compton) remplace M. Marsan (Robert-Baldwin).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. Concernant l'ordre du jour de la journée, étant donné que c'est un tout petit peu différent de ce qu'on fait normalement, j'aimerais avoir l'accord des deux parties. Je vous souligne qu'on arrête à midi au lieu de 13 heures et qu'on recommence à 14 heures; et le gros changement, c'est ce soir, on termine à 18 heures et on recommencerait à 19 h 30 au lieu de 20 heures. Alors, est-ce que l'ordre du jour est accepté tel que présenté?

Des voix: Accepté.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. Alors, nous recevons pour commencer les représentantes du Conseil du statut de la femme. Mme Lemieux, vous êtes une habituée maintenant. Est-ce que vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent, avec noms et titres, pour fins d'enregistrement, et commencer votre présentation?


Auditions


Conseil du statut de la femme (CSF)

Mme Lemieux (Diane): Tout à fait. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, Mmes les députées, MM. les députés. Alors, à ma gauche, Monique des Rivières, directrice de la recherche au Conseil, et, à ma droite, Lucie Desrochers, une de nos spécialistes sur cette question, agente de recherche au Conseil depuis plusieurs années.

Alors, bonjour. Le Conseil étudie depuis assez longtemps la question de la pension alimentaire, et nous l'avons étudiée sous toutes ses coutures: de la fixation à la perception, à la fiscalité. Le Conseil croit que l'équité entre les parents et le droit des enfants à bénéficier d'un soutien adéquat de ces derniers repose sur des mécanismes bien adaptés à chacun de ces aspects. Quant à nous, la présente consultation vient boucler, pour ainsi dire, la boucle de la trilogie des actions pour améliorer la sécurité économique des parents qui ont la garde de leurs enfants après la rupture du couple.

(10 h 10)

D'abord, nous aimerions dire que le Québec doit se doter d'un modèle de fixation de pensions alimentaires pour deux raisons. La première, parce que les lendemains d'une rupture sont difficiles, particulièrement pour les femmes et les enfants. Alors, on sait qu'au moment d'une rupture la solidarité économique est à refaire. On sait également que, dans les trois quarts des situations, ce sont les mères qui obtiennent la garde des enfants. Or, les inégalités économiques qui affectent les femmes se font sévèrement sentir. Plusieurs connaissent l'appauvrissement et y entraînent leurs enfants. Donc, s'il est vrai que les lendemains d'une rupture sont difficiles à plusieurs égards pour tous les membres d'une famille, les lendemains économiques sont généralement différents, que l'on soit mère ou père.

Au Québec, on sait que le niveau de vie des femmes diminue de 37 % au cours de l'année qui suit le divorce. Pour leur part, les hommes connaissent, après le divorce, une légère augmentation du niveau de vie. Ce qui amène donc plusieurs études et auteurs à faire une corrélation directe entre le divorce et la féminisation de la pauvreté.

Le deuxième motif en faveur d'un modèle de fixation des pensions alimentaires, c'est qu'il y a des ordonnances alimentaires inadaptées actuellement aux situations des familles en cause et qui accentuent les inconvénients économiques pour les enfants. Il y a donc des écarts entre les niveaux de vie des hommes et des femmes après une séparation. On constate aussi que la contribution financière des parents non gardiens à l'éducation n'est pas suffisamment élevée. Par exemple, il y a là un indicateur extrêmement significatif. En 1988, les hommes versaient en moyenne 16 % de leur revenu brut en pension alimentaire, alors que la pension que touchaient les femmes représentait 34 % de leur revenu, si bien qu'à première vue la responsabilité économique des enfants ne serait pas dans tous les cas répartie équitablement entre les deux parents. Il s'agit donc pour nous de doser le bien des enfants, l'équité entre les parents, la justice envers la collectivité en faisant en sorte que la contribution des ex-conjoints soit équitable quant au coût d'éducation et d'entretien des enfants.

Actuellement, la façon de fixer les pensions alimentaires, bien qu'elle ait ses mérites, est trop souvent perçue comme un exercice aléatoire qui soulève beaucoup de difficultés et d'insatisfaction. On sait que la majorité des jugements en divorce impliquant des enfants sont le fruit d'une entente entre les conjoints – on parle à peu près de l'ordre de 80 % – si bien que le plus important problème que connaissent le tribunal, les parties, les conseillers et les conseillères est l'évaluation réaliste des coûts d'entretien et d'éducation des enfants dans une famille séparée. Le coût d'entretien et d'éducation des enfants est souvent sous-évalué.

Donc, un modèle de fixation de pensions alimentaires constitue un instrument extrêmement utile qui pourrait remédier à une bonne partie des problèmes que rencontrent actuellement les différents intervenants concernés. Un modèle de fixation de pensions alimentaires devient une référence commune pour l'évaluation des coûts, il devient aussi un outil un peu plus neutre pour tous ceux qui sont concernés et, surtout, il permettra de rendre des décisions beaucoup plus prévisibles, et une plus grande prévisibilité des résultats offre une voie pour résoudre les conflits, favorise le respect des ordonnances, ce qui non seulement pourrait réduire les coûts pour les parties, mais libérer les tribunaux d'un certain nombre de causes contestées. Les principes à la base du modèle de fixation de pensions alimentaires doivent s'appuyer sur un certain nombre de choses. La première, à nos yeux, c'est qu'on doit avoir des règles uniques, et, en ce sens, le Conseil est favorable à ce que le gouvernement du Québec adopte ses propres règles en la matière.

Le deuxième élément sur lequel devrait s'appuyer ce modèle, c'est le fait qu'il convient de développer un modèle en conservant les aspects les plus positifs dégagés par la jurisprudence. Rappelons-en quelques-uns. D'abord, la jurisprudence a établi que plus les revenus sont élevés, plus la pension sera importante. Ça veut donc dire que la pension n'a pas uniquement pour but de satisfaire aux stricts besoins de l'existence des enfants, mais aussi de les faire bénéficier équitablement des ressources financières des parents.

Deuxièmement, la jurisprudence a établi que l'évaluation de la proportionnalité des ressources respectives des parents doit également tenir compte du travail que le parent gardien accomplit pour l'éducation et l'entretien des enfants.

Troisièmement, la jurisprudence a établi que la pension alimentaire doit avoir pour objectif de minimiser, à l'égard des enfants, les conséquences et les inconvénients qui découlent de la séparation des parents. Et à ce sujet, la Cour suprême, en 1987, a confirmé que les efforts consentis pour permettre le maintien du niveau de vie des enfants peuvent avoir comme conséquence que le niveau de vie du parent non gardien diminuera et que celui du parent gardien augmentera.

Pour ces raisons, le Conseil propose deux modifications aux principes énoncés dans le document de consultation. D'abord, que le deuxième principe se lise ainsi: Que la pension alimentaire doit viser à minimiser, pour les enfants, les inconvénients économiques qui découlent de la rupture de l'union de leurs parents et à leur assurer, dans la mesure du possible, le niveau de vie qu'ils auraient eu si leurs parents vivaient ensemble, et ce, pour toute la durée de l'ordonnance. La deuxième modification que nous proposions concerne le cinquième principe. Nous proposions qu'on y ajoute: Conformément à l'esprit de l'article 522 du Code civil du Québec, reconnaître l'égalité de traitement de tous les enfants issus des différentes unions en ce qui a trait à leurs droits aux aliments. Nous croyons, en ce sens, que le modèle de fixation doit clairement promouvoir que les enfants ne peuvent être privés de leurs droits parce qu'un des parents a formé une nouvelle famille.

Maintenant, quelques éléments d'analyse du modèle proposé. D'abord, le coût de l'enfant. Et c'est là le défi le plus important, c'est-à-dire le fait d'isoler les sommes qui sont réellement dépensées pour l'éducation et l'entretien des enfants au sein d'une famille. C'est vraiment là la difficulté la plus importante. À notre point de vue, l'approche empirique retenue par le gouvernement pour calculer le coût direct de l'enfant nous apparaît la plus réaliste.

Par contre, nous désirons attirer votre attention sur la question des coûts indirects ou la prise en compte, donc, des coûts non financiers du parent gardien. Il est très fréquent, par exemple, que le parent gardien réduise sa participation au marché du travail, renonce à travailler en temps supplémentaire. Bref, bien des situations peuvent se présenter où il devra faire face à un manque réel à gagner à cause de la présence régulière des enfants. Bien sûr, il est difficile d'évaluer la contribution non financière du parent gardien. Nous croyons qu'elle doit être considérée dans le partage des coûts des enfants. C'est d'ailleurs la volonté exprimée par la jurisprudence.

Donc, bien que cette contribution soit difficile à quantifier, le Conseil propose une formule bien imparfaite, nous en convenons, mais qui peut être considérée comme un point de départ et qui pourrait être éventuellement évaluée dépendamment de son utilisation. Donc, le Conseil recommande que le modèle de fixation des pensions alimentaires affirme clairement que les transferts gouvernementaux généralement versés aux parents qui vivent régulièrement avec les enfants ne soient pas pris en considération dans la détermination des revenus des parents ni dans l'évaluation des coûts liés aux enfants, parce qu'ils compenseraient ainsi pour l'apport non financier du parent gardien.

Au sujet, maintenant, du revenu disponible des parents, le Conseil recommande que le modèle de fixation des pensions définisse le plus précisément possible les composantes du revenu et des dépenses liées à l'emploi de façon à inclure, notamment, la valeur des avantages liés à l'emploi. En toute équité, si on entend exclure les dépenses liées à l'emploi, il faut, en contrepartie, inclure les avantages liés à l'emploi.

Toujours au sujet de la reconnaissance des besoins de base des parents, le Conseil recommande que, dans le calcul du revenu disponible, aucune exemption ne soit accordée pour compenser la perte d'économies d'échelle pour les ex-conjoints qui vivent seuls après la rupture. Et ça, pour essentiellement deux raisons – mais je vous en souligne une en particulier. C'est que la pension alimentaire est fixée à un moment précis de l'histoire des membres de la famille. Or, l'ajustement pour perte d'économies d'échelle ne peut s'appliquer que dans le cas où un parent vit seul et doit cesser de s'appliquer lorsqu'il fait vie commune avec une autre personne. Une telle situation risque de multiplier les demandes de révision, sans compter qu'un parent n'est pas nécessairement au courant de la situation conjugale de l'autre. Nous voyons donc là un conflit, une source de conflit plutôt qu'une source d'équité.

Sur la question de la table de fixation de la contribution alimentaire de base, nous l'avons déjà dit, la qualité d'un modèle de fixation repose en grande partie sur la crédibilité de l'évaluation du coût des enfants. En ce sens, le modèle proposé nous apparaît réaliste, quoique le Conseil désire encore une fois attirer votre attention sur le fait que le modèle devrait tenir compte d'un facteur éminemment prévisible qu'est la croissance des enfants. Si bien que le Conseil recommande que, compte tenu qu'il est largement reconnu que les dépenses engagées pour un enfant augmentent avec son âge et afin de conserver l'équilibre dans la répartition des coûts, la table de fixation de contribution alimentaire parentale de base soit graduée en fonction de l'âge des enfants.

(10 h 20)

Au sujet, maintenant, des difficultés excessives concernant les ententes, le modèle, évidemment, bien qu'il puisse être complet, ne peut tenir compte de la diversité des situations dans lesquelles les familles peuvent se retrouver. Toutefois, on sait que le tribunal, lorsqu'il s'éloignera du modèle, il aura l'obligation, donc, d'utiliser cette clause de difficulté excessive. Nous croyons qu'il devrait avoir l'obligation de motiver sa décision, d'abord pour nous permettre de récupérer des données très utiles quant à l'évaluation éventuelle du modèle. Le Conseil recommande donc que le modèle permette effectivement au tribunal d'y déroger lorsqu'il estime que l'intérêt de l'enfant l'exige. Le Conseil recommande également que, lorsque le tribunal déroge au modèle, il signifie clairement les motifs qui le justifient, pour des questions de transparence et pour une éventuelle évaluation du modèle.

Pour ce qui est, justement, de l'évaluation du modèle, l'introduction d'un modèle de fixation de pensions alimentaires entraînera évidemment des changements, dont certains pourraient être difficiles à évaluer à ce moment-ci. Tous les effets ne sont pas prévisibles. Bien sûr, l'objectif d'un tel modèle est d'apporter une plus grande équité et une plus grande transparence dans la fixation des pensions alimentaires, mais il se pourrait que certaines dispositions produisent des effets et des résultats différents. Par exemple, si les tribunaux avaient recours à la dérogation d'une manière beaucoup plus importante que ce qu'il avait prévu, il est donc possible que le modèle devienne inopérant. Pour cela, nous croyons que le gouvernement a tout intérêt à ce que les textes législatifs ou réglementaires concernant le modèle de fixation prévoient que, cinq ans après son adoption, une évaluation de son application soit faite et que, s'il y a lieu, les modifications nécessaires soient apportées.

Je pense qu'il y a là un élément important. On introduit une nouvelle manière de faire, il faut se donner les instruments pour pouvoir évaluer si les résultats fixés sont atteints.

Un dernier élément au sujet du maintien de la valeur de la pension alimentaire. On le sait, une ordonnance alimentaire pour enfant est émise à un moment précis de l'histoire de la famille, généralement assez tôt après la rupture du couple. Malgré les mécanismes d'ajustement, dont l'indexation automatique des pensions alimentaires stipulée au Code civil, l'indexation prévue du modèle de fixation lui-même et le fait, nous l'espérons, d'opter pour une table de fixation graduée en fonction de l'âge des enfants, la pension alimentaire pourrait devenir inappropriée à la suite de changements survenus dans la situation économique des parents, notamment dans le niveau de revenus du débiteur. Et on le sait également, ce sont souvent les enfants qui sont appelés à jouer le rôle d'informateurs sur la nouvelle situation financière de l'un ou l'autre des parents.

Pour cette raison, le Conseil recommande que le gouvernement étudie différentes manières de permettre aux parents assujettis à une ordonnance alimentaire d'obtenir les renseignements nécessaires à leur prise de décision quant à une demande éventuelle de révision de la pension. Il y aurait lieu, selon nous, bien que nous n'ayons pas investigué de manière exhaustive cet aspect, d'examiner la possibilité d'établir des liens à partir du système de perception des pensions alimentaires administré par le ministère du Revenu.

Vous me permettrez, je vois que... J'ai toujours peur de manquer de temps, alors je vais vite. Je veux peut-être revenir en arrière, sur un élément qui m'a échappé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il vous reste six minutes.

Mme Lemieux (Diane): Six minutes. J'ai le temps.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On n'a pas de problème avec les demies, peut-être sept.

Mme Lemieux (Diane): Non, ça va. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On est très, très flexibles.

Mme Lemieux (Diane): Alors, il m'a vraiment échappé, parce que je ne le retrouve pas. Ça nous reviendra peut-être au moment des questions.

Alors, avant de conclure, dernier élément. Je pense que ce modèle-là aura davantage de succès dans la mesure où les gens seront clairement informés de l'existence du modèle, et, en ce sens-là, nous pensons que ceux et celles qui auront à le véhiculer devront faire de larges efforts d'information auprès des personnes concernées.

D'ailleurs – l'élément me revient, là, je ne retrouve pas mon texte – on a deux recommandations qui concernent cette question-là de l'information. D'abord, comme on sait que la majorité des situations, ce sont des ententes, le tribunal n'a qu'à sanctionner – si vous me passez l'expression – cette entente.

Nous croyons important de passer le message aux tribunaux, de s'assurer d'abord que les parents ont pris connaissance de ce modèle-là, quitte à ce qu'ils en soient éloignés, mais de s'assurer que le processus a été bien utilisé et, donc, tout au cours des prochains mois, qu'il y ait vraiment des efforts d'information pour s'assurer que les objectifs poursuivis par le modèle soient atteints.

Alors, en conclusion, une conclusion qui se veut aussi une mise en garde. Bien sûr, la fixation des pensions alimentaires s'inscrit dans la recherche d'équité entre les parents après la rupture de leur union afin qu'ils continuent de s'acquitter de leurs responsabilités communes envers les enfants proportionnellement à leurs capacités respectives.

Bien qu'il s'agit là d'un moyen intéressant, nous tenons à rappeler les limites de ce moyen. Il est illusoire de penser que la pension alimentaire peut à elle seule résoudre le problème de l'appauvrissement des femmes et de leurs enfants lorsque la famille se dissout. L'amélioration de la situation économique des familles ne passe que partiellement par la bonification du droit privé. Une plus grande équité dans l'emploi pour les femmes, une meilleure répartition des responsabilités familiales, un soutien plus énergique de l'État aux familles sont des avenues tout aussi importantes à explorer pour apporter davantage de justice et d'équité entre les femmes et les hommes et entre les familles.

Les meilleures méthodes de fixation de pensions alimentaires ne peuvent tenir lieu de politiques publiques à l'égard du soutien aux familles, de lutte à la discrimination sous toutes ses formes ni remplacer un changement profond des mentalités en ce qui a trait au partage traditionnel des tâches entre les femmes et les hommes. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup, Mme Lemieux. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer les échanges.

Mme Harel: Alors, bienvenue, Mme la présidente du Conseil du statut de la femme; Mme des Rivières, qui êtes directrice de la recherche et de l'information et qui avez eu à maintes occasions la possibilité de présenter les points de vue du Conseil du statut; et Mme Desrochers, qui êtes agente de recherche. Alors, je vous remercie pour ce mémoire qui est très substantiel et exhaustif.

J'aimerais tout de suite, là... D'abord noter que vous êtes en faveur d'un modèle de fixation des pensions alimentaires, que vous l'êtes en principe parce que vous considérez que ça va déterminer avec plus de confiance et plus de précision le montant de la pension tout en réduisant les occasions de conflits. C'est ça, je pense, l'essentiel de votre appui.

Par ailleurs, vous nous dites qu'il y a des ajustements à faire. C'est là-dessus, dans le fond, que j'aimerais échanger avec vous ce matin. Tout de suite, je vous indique, là, que votre recommandation à l'effet d'affirmer clairement que les transferts gouvernementaux généralement versés aux parents avec qui vivent les enfants ne seront pas pris en considération dans la détermination des revenus des parents ni dans l'évaluation des coûts liés aux enfants parce qu'ils compensent pour l'apport non financier du parent gardien, c'est une excellente recommandation, parce que les transferts gouvernementaux n'étaient pas pris en considération, mais pas pour les bonnes raisons. Alors, je comprends que vous nous dites que c'est pour compenser la contribution du parent gardien et qu'il faut que ce soit clairement affirmé, positivement, de cette façon. Alors, cela sera fait.

D'autre part, vous nous dites également qu'il serait utile d'avoir une clause qu'on appelle crépusculaire, là. Celle qui consiste, au bout de cinq ans, à revoir la législation et la réglementation pour être d'abord certains que ça n'a pas eu d'effets pervers ou encore que ça a eu les effets qui étaient recherchés. Ça aussi, je pense que c'est une excellente recommandation.

(10 h 30)

Revenons sur le reste, n'est-ce pas. Alors, première chose concernant la modulation. Vous nous recommandez une modulation des coûts liés aux enfants en fonction de leur âge. Vous dites que l'étude réalisée par le comité fédéral-provincial-territorial, de 1990 à 1995, a conclu que, à l'exception des frais de garde, les dépenses engagées pour un enfant augmentent avec son âge. Ce que vous nous recommandez, pour ne pas que ce soit compliqué, c'est que la modulation soit prévue dans l'ordonnance alimentaire initiale pour ne pas qu'il y ait, par un mécanisme de révision périodique, des occasions de conflits. Comment voyez-vous cette modulation dans l'ordonnance alimentaire initiale? Juste le principe, ou plus que le principe, c'est-à-dire un modèle de fixation.

Mme Lemieux (Diane): Bien, je pense que, d'abord, comme c'est un élément extrêmement prévisible, les enfants vieillissent, et comme c'est documenté que les coûts augmentent avec l'âge des enfants...

Mme Harel: Je ne le sais pas, est-ce que c'est suffisamment documenté pour qu'on les chiffre en pourcentage?

Mme Lemieux (Diane): Je pense que oui.

Mme Harel: Bon.

Mme Lemieux (Diane): On me dit que le comité fédéral-provincial l'avait...

Mme Harel: Je vais me faire sortir ça.

Mme Lemieux (Diane): En tout cas, ça resterait à voir, mais ça avait été, semble-t-il, un des postulats des travaux du comité fédéral-provincial.

Nous, on pense que, même si, au niveau mécanique, ce n'est pas quelque chose qu'on a exploré dans le détail, ça devrait être prévu dans le modèle pour que l'ordonnance puisse s'en inspirer et, donc, éviter de revenir dans le processus lourd aux étapes différentes de la croissance des enfants. Mais ça pourrait être une variable dans le modèle, qui serait intégrée dans le modèle.

Mme Harel: Remarquez que c'est quelque chose qui a de l'allure, parce que je veux bien croire que, plus jeunes, c'est des coûts de services de garde, mais, en même temps, même après six ans, lorsque les enfants sont à l'école, il y a une différence de coûts entre six et 15 ans ou six et 12 ans.

Bon, alors, ça, on va le faire regarder attentivement. Je vais demander aux services du ministère d'entrer en contact avec les services de recherche du Conseil du statut pour échanger sur quelle serait, finalement, cette modulation, concrètement, là.

L'autre principe sur lequel vous voulez des modifications, c'est le deuxième principe, et le cinquième. C'est à la page 14 de votre mémoire. Je dois vous dire que c'est notre troisième journée d'examen approfondi en commission parlementaire et, maintenant, j'en suis rendue à penser que ces principes-là peuvent, dans la réalité de la vie des familles, s'opposer, à savoir que le deuxième principe dit: «...minimiser, pour les enfants, les inconvénients économiques qui découlent de la rupture de l'union de leurs parents et à leur assurer, dans la mesure du possible, le niveau de vie qu'ils auraient si leurs parents vivaient ensemble, et ce, pour toute la durée de l'ordonnance.» Alors, là, dans le fond, vous voulez qu'on introduise, en soi, dans ce deuxième principe, l'idée que ce n'est pas qu'en fonction des besoins de l'enfant établis par Statistique Canada – pour des adultes, de toute façon – qui sont appliqués aux familles selon leur catégorie de revenus, mais que cela soit plus associé au niveau de vie. C'est le niveau de vie qui est le concept que vous voulez voir introduit là.

Bon, ça, il y a eu des représentations nombreuses en faveur de cela. Admettons qu'on introduit, dans le deuxième principe, le niveau de vie, comment le conjuguer et le réconcilier avec le cinquième principe, qui est: Tous les enfants issus de toutes les unions sont placés sur un même pied d'égalité?

Ici vous a précédées notamment la porte-parole d'une association, qui a dit: Ça n'a pas de bon sens que l'enfant, finalement, soit, petit à petit, défavorisé parce qu'un de ses parents, non gardien, a décidé d'avoir un deuxième, un troisième, un quatrième ou un cinquième enfant et qu'à eux cinq ils doivent se partager la misère. C'est ça qu'on a entendu, là, comme représentation.

Alors, c'est bien évident que le principe d'avoir un niveau de vie qui se compare à celui qui était avant la rupture finit par entrer en collision avec le principe que tous les autres enfants à venir, si vous voulez, auront une égalité de traitement. Alors, comment vous réconciliez ça? Ah oui! parce qu'il faut vous dire qu'on a eu les deuxièmes épouses ici, vous voyez.

Mme Lemieux (Diane): Oui.

Mme Harel: Alors, là, pour les deuxièmes, l'ordonnance devait se terminer après deux ans, puis c'était la nouvelle famille, dans le fond, qui devait aller chercher le plus possible son niveau de vie.

Mais, moi, je me disais: Oh, mon Dieu! s'il faut qu'un jour il y ait une troisième épouse, l'Association des troisièmes, sinon des quatrièmes, là, à un moment donné... Vous voyez? Comment on fait, dans le fond, pour rendre les gens responsables? Parce que, nécessairement, moi, je veux bien qu'on mette tous les principes sur la table, mais vous savez, dans la vraie vie, ils prennent un rang, n'est-ce pas. Alors, c'est quoi, le rang?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est une bonne question.

Mme Lemieux (Diane): Alors, première chose, c'est le revenu – et ça a été le choix aussi qui a été pris dans le document de consultation – du parent qui est considéré, et non pas le revenu du parent et de 50 autres personnes, quatre autres nouvelles conjointes. Ça, je pense que c'est important à considérer. On sait que dans la détermination des pensions alimentaires il y a, bien sûr, les besoins des enfants qui sont mis dans la balance, mais il y a aussi la capacité contributive, si je peux dire, des parents.

Deuxième élément...

Mme Harel: Mais, Mme Lemieux, excusez-moi...

Mme Lemieux (Diane): Oui.

Mme Harel: ...le revenu du parent, comme vous dites, après une rupture, une première rupture, il peut être à égalité. Vous avez dit moins 4 % ou un peu plus de 4 %, bon, enfin, égalité. S'il a une nouvelle union, avec de nouveaux enfants, il diminue.

Mme Lemieux (Diane): Oui.

Mme Harel: Et s'il a une troisième union, avec de nouveaux enfants, il rediminue.

Mme Lemieux (Diane): Oui, mais si cette...

Mme Harel: Alors, comment faites-vous pour assurer aux premiers, comme vous le recommandez, un niveau de vie qu'ils auraient si leurs parents vivaient ensemble?

Mme Lemieux (Diane): Oui. Si le troisième enfant issu d'une autre union était né dans la première union, le niveau de vie aurait changé: les parents auraient redistribué les ressources différemment à l'égard de leurs enfants. Alors, pour nous, le lien, c'est le lien parent et enfant. Bien sûr, on dit dans notre formulation: Dans la mesure du possible. Mais il reste qu'on pense qu'il faut garder le cap sur la responsabilité des parents, quelle que soit leur nouvelle situation. La famille n'est pas quelque chose de figé. Alors, que cet enfant-là soit né dans le noyau familial d'origine ou soit né avec d'autres composantes familiales, la redistribution des ressources se ferait d'une autre manière également.

Mme Harel: Donc, c'est vraiment l'égalité de traitement qui prime, selon vous, plutôt que le niveau de vie. Attendez, moi, je veux bien qu'on dise qu'on veut tout en même temps, mais, dans la vraie vie... C'est, selon vous, l'article 522 du Code civil, et c'est l'égalité de traitement des enfants qui va primer plutôt que le niveau de vie. Parce que le niveau de vie, comme vous l'énumérez, qu'ils auraient si leurs parents vivaient ensemble, ils ne peuvent plus l'avoir parce que leurs parents ne vivent pas ensemble et que le parent non gardien a peut-être eu une deuxième, troisième ou quatrième union dans lesquelles il a pu avoir des enfants. Donc, à un moment donné, vous savez, quand on écrit tout dans une loi, c'est qu'on n'écrit rien, hein. Ça, ça veut dire que le tribunal peut décider ce qu'il veut. Tout s'oppose, finalement. Donc, c'est l'égalité de traitement qui prime?

Mme Lemieux (Diane): Bien, je dirais égalité de traitement, tenant compte du niveau de vie, comme on en tiendrait compte... J'ai l'impression d'un peu me répéter, mais, si une famille a un enfant, évidemment, il y a plus de ressources qui peuvent être affectées aux besoins de l'enfant; s'il y en a trois, bien, on partage l'assiette, dans la mesure où les revenus ne changent pas de manière substantielle.

J'ai peut-être une formulation un petit peu brusque, mais ceux qui doivent le moins souffrir du fait que les parents ne sont plus ensemble, que les parents retissent d'autres liens familiaux, c'est les enfants. Alors, donc, je dirais égalité de traitement, en tenant compte du niveau de...

Mme Harel: Vous voulez dire que c'est les nouveaux enfants, parce que...

Mme Lemieux (Diane): Non.

Mme Harel: ...ceux antérieurs vont en souffrir, étant donné que...

Mme Lemieux (Diane): Oui, c'est sûr. Ah oui!

Mme Harel: ...ça peut même résulter par aucune pension. Il peut en résulter que la première ordonnance de pension pour un premier enfant résulte en une annulation, si vous voulez, d'ordonnance si tant est qu'au bout du troisième ou quatrième enfants nés de deux ou trois unions il n'y a plus...

Mme Lemieux (Diane): Ah oui, c'est évident.

Mme Harel: Donc, ça peut ne résulter en aucune pension.

Mme Lemieux (Diane): Bien, enfin, j'espère que ça ne donnera pas ça.

Mme Harel: Mais ça peut donner ça.

Mme Lemieux (Diane): Oui, mais je redis ce que je disais: si, pendant un certain nombre d'années, un enfant était seul dans une famille et trois autres arrivent en un laps de temps, effectivement, on repartage autrement la réponse aux besoins des enfants. Mais je conviens qu'il y a un équilibre délicat.

Mme Harel: En fait, c'est l'égalité de traitement qui est un principe de base; le niveau de vie, c'est un objectif.

Mme Lemieux (Diane): Oui, oui, tout à fait.

Mme Harel: Ce n'est pas un principe, en fait.

(10 h 40)

Mme Lemieux (Diane): Non. Et je pense qu'on a eu beaucoup... Il y a eu une certaine époque où... Enfin, il y a deux manières de prendre la question du modèle: ou bien on dit: Voici ce que ça coûte, un enfant, et peu importe ce que vous avez comme revenus comme parents, vous payez ça – bon, je fais des raccourcis – ou bien on dit: Oui, il y a des besoins de base, mais, évidemment, ces besoins-là ne sont pas comblés de la même manière, dépendamment des revenus des parents. Alors, nous, on prend la deuxième option parce que, dans la vie des enfants, effectivement, la viabilité financière des parents a une influence aussi sur les besoins auxquels on répond.

Mme Harel: Vous recommandez également, dans le calcul du revenu disponible pour fixer le modèle de pension, qu'il n'y soit pas pris en considération l'exemption pour le parent non gardien qui vit seul, n'est-ce pas? Alors, vous voyez, de toute façon, c'est une exemption qu'il peut toujours demander dans son rapport d'impôts. Vous nous dites: Oui, il peut la demander dans son rapport d'impôts, mais n'en tenez pas compte pour fixer le modèle de pension. Alors, ce n'est pas parce que c'est nécessairement cohérent avec la fiscalité qu'il faut l'appliquer aveuglément. Ça, je souscris à ça. Mais, en l'occurrence, maintenant, dans le modèle, l'enlever, ça aurait comme conséquence qu'un travailleur à faibles revenus ou un prestataire de la sécurité du revenu aurait à verser une pension alimentaire. Parce que vous comprenez qu'à 6 840 $ – je pense, c'est bien ça – de point de départ, avec 1 200 $ d'exemption pour une personne qui vit seule, donc on est à 8 000 $ à peu près, c'est là le seuil à partir duquel il y a une obligation, même si c'est symbolique, de commencer à verser une pension.

Alors, si tant est qu'on – je vais le faire calculer – écartait l'exemption pour le parent non gardien qui vit seul, sans doute faudrait-il hausser, à ce moment-là, le seuil, à défaut de quoi les travailleurs à faibles revenus seraient tentés de quitter le marché du travail, parce que, à ce moment-là, ça ne deviendrait plus payant, là. Donc, il y a cet ajustement-là qu'il faut faire. Et là il faut voir le coût que ça peut représenter, de l'autre côté, de hausser le seuil. Mais, en fait, ça s'évalue. Alors, je pense que, ça, c'est... On va donner suite, en tout cas, au moins à l'analyse de cette recommandation-là.

Il y en a vraiment une autre sur laquelle je veux vraiment avoir votre point de vue, c'est celle concernant l'ordonnance, si vous voulez, de pension alimentaire qui prend en considération le fait que le parent gardien a ou n'a pas de revenus. Vous voyez, par exemple, dans le modèle fédéral, on voit très bien que le modèle fédéral ne s'applique pas qu'aux dépenses occasionnées pour l'enfant, il se rapproche du niveau de vie, le modèle fédéral. Vous êtes consciente de ça, hein, que le modèle fédéral, il se rapproche du niveau de vie, y compris pour le conjoint qui pouvait être un conjoint de fait, qui n'a pas droit à des obligations alimentaires, en vertu du Code civil, mais qui, par le biais du modèle fédéral, pourrait, dans le fond, se voir compensé, d'une certaine façon, d'être gardien?

Je comprends que les tribunaux au Canada, en vertu de la «common law», ont beaucoup plus strictement, je pense, accordé des pensions pour les enfants ou pour les femmes distinctement, tandis que, au Québec, le Code civil, jusqu'à maintenant, a amené très souvent les tribunaux à plus interpréter la pension comme étant un tout, sans la distinguer clairement de ce qui était la partie pour l'enfant et la partie pour conjoint.

À partir du moment où on introduit un modèle pour enfants, une pension pour enfants, l'effet que ça aura, c'est d'écarter les conjoints de fait de, si vous voulez, toute compensation. Jusqu'à maintenant vous allez me dire qu'en vertu du Code ils n'y avaient pas droit, mais en vertu de l'interprétation qui se faisait globalement, souvent, ils allaient chercher, pour l'enfant, un montant dont ils bénéficiaient aussi.

Alors, vous voyez, je pense qu'il va falloir creuser ça beaucoup plus pour savoir, pour comprendre si ça n'a pas des effets où, au bout de la ligne, les conjoints de fait, avec cette fixation pour enfants seulement, se trouveraient, mais là, à tout jamais écartés de la possibilité d'une certaine reconnaissance comme parent gardien. Alors, je ne sais pas ce que vous en pensez, si vous avez analysé ça.

Mme Lemieux (Diane): Bien, c'est sûr que, à première vue, les conjoints de fait sont aussi des parents, et, à ma connaissance, ce n'est pas impossible qu'un conjoint de fait demande une pension alimentaire pour un enfant.

Mme Harel: C'est seulement pour l'enfant.

Mme Lemieux (Diane): Pour l'enfant, exactement, oui.

Mme Harel: Mais vous savez que, en vertu du Code civil, le parent conjoint de fait... C'est quand même 48 % des naissances qui étaient hors mariage, au Québec, il y a deux ans.

Mme Lemieux (Diane): Oui. Bien, moi, je dirais deux choses. D'abord, déjà, de s'assurer que les pensions alimentaires pour les enfants sont déterminées le plus correctement possible, le plus adéquatement possible, c'est déjà un bon pas. Évidemment, ça ne règle pas tous les problèmes, notamment, de pauvreté chez les femmes, mais, comme on le disait, il ne faut pas compter uniquement sur la question des pensions alimentaires pour régler la pauvreté pour les femmes.

Vous savez, le titre de notre mémoire, c'est: «Quand une pomme égale deux oranges». Ça, c'est à bien des niveaux qu'une pomme n'égale pas toujours deux oranges; c'est aussi à ce niveau-là. En tout cas, quand vous dites que vous voulez l'explorer, moi, je vous encourage à le faire, d'autant plus que ce n'est peut-être pas si évident que ça. Bien sûr, c'est perçu comme un tout, mais des pensions strictement versées à des épouses est un phénomène, je pense, un peu plus rare qu'à une certaine époque. Mais ça resterait à voir. Je pense que ça vaut la peine, certainement, de l'explorer.

Mme Harel: Je le croyais plus rare, moi aussi, mais le fait est que 85 %, je pense, des pensions le sont indistinctement.

Mme Lemieux (Diane): Oui.

Mme Harel: 12 % le sont...

(Consultation)

Mme Harel: Je vais demander... D'accord.

Mme Bouchard (Geneviève): Ce qu'on sait, c'est que, dans la fameuse étude de 1986 à laquelle on fait souvent référence en matière de pensions alimentaires, on en était à peu près à 12 % de pensions alimentaires fixées strictement pour des femmes. Ce que le ministère de la Justice nous dit, même si cette étude-là n'a pas été mise à jour, c'est que ça a baissé, effectivement, mais dans une proportion qu'on ne connaît pas exactement. Mais, effectivement, ce serait rendu à moins de 12 % de cas de pensions seulement pour des femmes.

Mme Harel: Sauf que... mais je comprends que 85 % des pensions versées le sont indistinctement. On ne peut pas dire: parce qu'il y a 12 %, en 1986, pour les femmes, il y en a 88 % pour les enfants.

Mme Bouchard (Geneviève): Il y en a qui sont seulement pour les enfants, ce qui veut dire à peu près 30 %...

Mme Harel: C'est quoi, le pourcentage?

Mme Bouchard (Geneviève): C'est 50 % strictement pour des enfants et 35 % pour femmes et enfants, ce qui laisse, là, l'autre 15 % pour seulement des femmes, ou 12 %, en fait... C'est 38 %... C'est ça, c'est 50 % seulement au titre des enfants; 38 % indistinctement, femmes et enfants, et 12 % seulement pour des femmes; et, encore là, ce sont les données de 1986. Alors, il faut imaginer une petite diminution du nombre de pensions seulement pour des femmes.

Mme Harel: Bon. Alors, regardez, moi, je trouve ça extrêmement important, puis je vais demander au ministère de déposer au secrétariat de la commission ces données, qui vont nous permettre aussi de vous les transmettre. Parce que, vous voyez, 12 % pour les femmes seulement, ça, ça signifie que c'est uniquement quand il y a un contrat de mariage; c'est dans le mariage. Le 38 %, c'était indistinct, n'est-ce pas, femmes et enfants, en fait, en général, peut-être quelques hommes, et, finalement, 35 % enfants. Là, moi, je pense qu'il nous faut fouiller ça pour ne pas bouleverser tout ce processus, étant donné que les conjoints de fait n'ont, en vertu du Code civil, même s'ils sont parents gardiens, accès à aucune obligation alimentaire. Le fait est que, sans doute, par l'ordonnance, le juge venait souvent compenser en octroyant à l'enfant un niveau de vie qui lui permettait de tenir compte, finalement, de la situation du parent gardien même s'il était conjoint de fait. En tout cas, au moins 38 %, c'est le pourcentage le plus élevé des ordonnances, en 1986.

Alors, vous voyez, la situation est vertigineuse en matière de naissances hors mariage. Moi, j'avais fait sortir les chiffres il y a quelques années, on était à 40 %; là, on est rendu à 48 %.

Je lisais le Washington Post il y a deux, trois semaines, ils étaient très énervés et aussi très inquiets parce que c'est en progression vertigineuse aux États-Unis, et eux sont rendus à 32 %. Vous voyez combien on les a dépassés depuis longtemps.

(10 h 50)

Alors, ça crée une situation qui n'est pas étrangère à la pauvreté des femmes, parce qu'il n'y a pas d'assistance mutuelle entre conjoints de fait.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. Est-ce que vous voulez faire un court commentaire?

Mme Lemieux (Diane): Très, très, très, très court, en disant que je pense qu'il faut l'évaluer, parce qu'il ne faudrait pas créer des effets pervers non plus en voulant régler quelque chose, et créer d'autres effets.

Deuxièmement, je le répète, la fixation de pensions alimentaires ne peut pas à elle seule régler le problème de l'appauvrissement des femmes. Il y a beaucoup d'autres choix que l'État fait qui sont bien défavorables aux femmes et sur lesquels on aurait peut-être avantage aussi à agir, jumelés à un meilleur processus de fixation de pensions alimentaires.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne à faire son échange.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Bienvenue à cette commission. Tantôt, vous avez échangé avec Mme la ministre au sujet des coûts liés en fonction de l'âge des enfants. Il y a deux ou trois groupes qui nous ont parlé aussi de l'importance, si jamais le gouvernement décidait d'adopter ce principe-là à sa grille, d'inclure les étudiants majeurs qui se retrouvent toujours sous le toit du parent gardien. Avez-vous une analyse des coûts? Parce qu'ils nous ont dit que ça avait des coûts quand même assez considérables pour le parent gardien, les étudiants majeurs.

Mme Lemieux (Diane): On n'a pas étudié de manière particulière cet aspect-là, on n'a pas d'élément informatif non plus quant à cet aspect-là. Le seul élément qu'on pourrait apporter à ce moment-ci, c'est que, lorsque la situation s'avère exceptionnelle, le tribunal a la possibilité de déroger. Alors, je pense que ça peut être l'utilité, pour toutes sortes de raisons. Bon, on peut en imaginer plusieurs: un jeune qui va étudier à l'étranger, je ne sais quoi. Alors, à partir du moment où il y a des éléments qui s'éloignent d'une situation un peu plus standard, je pense qu'il est possible pour le tribunal d'y déroger.

Est-ce qu'on doit, maintenant, l'inclure, l'ériger en système? On ne l'a pas étudié, mais, comme ça varie beaucoup, j'aurais tendance à dire non. Mais, là, j'avoue que je dis non en n'ayant pas de données sur l'importance du phénomène, etc. Peut-être vaut-il mieux bien utiliser les possibilités de dérogation pour les situations un peu plus exceptionnelles qui s'éloignent du modèle.

Mme Loiselle: Au lieu de l'inclure à votre proposition, vous préféreriez qu'il soit conservé au niveau des frais particuliers.

Mme Lemieux (Diane): C'est le réflexe que j'ai à ce moment-ci considérant qu'on n'a pas fouillé la question. Mais j'avoue que je ferais attention, parce que la liste des situations exceptionnelles qu'on pourrait inclure, elle est longue, finalement. On a toutes, à la limite, des situations exceptionnelles, je pense qu'il faut peut-être s'en tenir à une espèce de tronc commun limpide, transparent, et là le tribunal jouera son rôle.

Mme Loiselle: Mais, au Conseil du statut de la femme, vous n'avez aucune étude à cet égard-là?

Mme Lemieux (Diane): Non.

Mme Loiselle: Non. Vous parlez beaucoup dans votre mémoire de pauvreté, de l'appauvrissement des femmes, des enfants suite à une rupture, et vous donnez des statistiques: 37 % de diminution pour les femmes et 4 % d'augmentation pour les hommes, tout ça. Vous savez qu'actuellement, pour les familles pauvres, les familles de l'aide de dernier recours, le gouvernement, quand il y a une petite pension qui est envoyée à ces familles-là, on déduit dollar pour dollar de la prestation de l'aide sociale. D'après la grille qui nous est fixée... Puis si le gouvernement ne fait pas de changement, il pourrait le faire soit par une modification au règlement ou lors de la réforme de l'aide sociale, la sécurité du revenu, mais si le gouvernement ne fait pas de modification pour ces familles-là, les familles de l'aide de dernier recours... Disons, nous, ce qu'on a proposé, c'est que la pension soit laissée à ces familles-là, à ces enfants-là de l'aide de dernier recours, pour améliorer leur sort, soit en totalité ou soit en partie, et que les frais encourus... parce que, bon, la question, c'est de dire: Oui, vous proposez une mesure qui va coûter de l'argent au gouvernement. Nous, on rappelle ce qui avait été annoncé lors du discours du budget par le ministre Landry, que le 71 000 000 $ qui sera récupéré par la défiscalisation sera remis à la famille québécoise. Alors, nous, on dit de prendre l'impact financier dans ces 71 000 000 $ là pour donner aux enfants les plus pauvres du Québec, les enfants de l'aide sociale.

Si le gouvernement ne fait pas de modification à cet égard-là, croyez-vous que la grille de fixation québécoise qu'on a devant nous actuellement aide, quelque part, à améliorer le sort des enfants les plus pauvres du Québec, les enfants de l'aide sociale?

Mme Lemieux (Diane): C'est une question à laquelle on pourrait répondre oui ou non, mais c'est complexe parce que ça fait appel à plusieurs éléments. D'abord, sur la question de la défiscalisation, on s'est présenté il y a quelques jours à la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics et, effectivement, il y a eu beaucoup de questions de la part de la Commission sur cet élément-là. Je pense qu'elle était effectivement à la recherche de manières de réutiliser l'argent qui est perçu par l'État par cette opération de défiscalisation. Et c'est sûr que... Parce qu'il y a quelque chose d'un peu paradoxal: on fait une opération fiscale en espérant qu'on va rétablir une situation entre les couples, mais, finalement, c'est l'État qui en encaisse les bénéfices. Alors, c'est un petit peu paradoxal.

Alors, donc, je pense que, de la part de la Commission sur la fiscalité, il risque d'y avoir des propositions dans ce sens-là. Et nous aussi, je pense, on a ce souhait-là de réinvestir ces économies.

Deuxièmement – et ça me ramène aussi à notre propos tenu à la Commission sur la fiscalité – je pense qu'il faut faire attention en ne dirigeant que nos mesures auprès des familles les plus démunies. Je m'explique. En étant de moins en moins universel et de plus en plus sélectif, ça a un effet très grand, c'est-à-dire que, à première vue, on peut avoir tendance à croire qu'on va aider les plus démunis, mais, au bout de la ligne, surtout lorsqu'on se met du point de vue des femmes, lorsqu'on est de plus en plus sélectif dans les mesures, lorsque de plus en plus on tient compte du revenu familial, ça veut donc dire qu'on ne voit pas les femmes comme des êtres non pas dépendants d'un conjoint ou d'une famille, mais des êtres à part entière qui doivent s'approcher le plus près possible de leur autonomie. Alors, ça, il faut être prudent.

Le troisième élément, c'est effectivement que les marges entre des familles qui bénéficient du dernier recours et les familles à faibles salaires sont très minces. En ce sens-là, les choix qu'on fait qui visent, par exemple, les familles bénéficiaires d'aide sociale peuvent avoir des effets pour les familles à faibles revenus. Il y a là un rééquilibrage, effectivement, à faire.

Maintenant, sur la question précise, moi, je pense qu'il faut tenir compte – et j'avoue que, peut-être, je ne répondrai pas assez précisément – et c'est ça l'intérêt du modèle, du niveau de vie des parents pour faire en sorte que les enfants aient le moins de conséquences économiques. Effectivement, il y a un choix de l'État, à savoir comment on utilise une pension alimentaire: Est-ce que c'est donc un revenu qu'on ajoute, pour une personne qui est bénéficiaire d'aide sociale? C'est un choix qui est effectivement important. Probablement qu'il y aurait lieu, si ce choix-là n'est pas fait, de réviser le modèle à la hausse pour les familles à plus faibles revenus.

Mme Loiselle: Oui, parce qu'il y a un danger. Comme un travailleur à faibles revenus qui se retrouve à payer une pension alimentaire mais qui réalise que sa pension alimentaire, au lieu de servir à améliorer le sort de son enfant, s'en va dans les coffres de l'État. C'est très démotivant pour cette personne-là et ça peut l'amener à dire: Écoute, moi, déjà je vis sous le seuil de pauvreté tout en travaillant, ma famille vit de l'aide sociale, mon enfant est sur l'aide sociale, j'envoie une petite pension, mais ce n'est même pas mon enfant qui va l'obtenir, ça retourne dans les coffres de l'État. Pour cette personne-là, c'est très démotivant.

Moi, je suis certaine qu'il va y avoir un glissement, parce que cette personne-là va avoir le goût de tout laisser tomber et de, elle aussi, s'en aller vers l'aide sociale. Et le gouvernement, en ne rectifiant pas le tir au niveau de laisser la pension alimentaire aux enfants de l'aide sociale, va amener plus de gens, finalement, vers ce glissement-là qui va se faire vers l'aide sociale à cause de la démotivation.

Mme Lemieux (Diane): Moi, je vous dirais, là-dessus, qu'il faut distinguer deux choses. D'abord, que le parent non gardien verse une pension alimentaire, peu importe comment est gérée cette pension-là, ça ne change rien à sa responsabilité de verser la pension alimentaire.

Le deuxième niveau de question, c'est comment, effectivement, la pension alimentaire va être venue comme revenus, notamment pour les petits salariés ou encore les bénéficiaires de l'aide sociale. Je peux comprendre la frustration, mais ça ne change rien à sa responsabilité qu'il doit verser la pension.

Mme Loiselle: Ça peut jouer sur sa responsabilité étant donné qu'il sait que cette pension-là ne va même pas à son enfant; elle s'en va dans les coffres de l'État. Vous comprenez?

Mme Lemieux (Diane): Oui, mais si la situation de la mère, par exemple, change... Je veux dire qu'on ne peut pas lier la responsabilité... Je peux comprendre que cela peut avoir un effet sur la motivation, mais il a la responsabilité de verser une pension alimentaire. Ça, c'est une question. La deuxième question, c'est comment on gère ce revenu-là. Là, comme je vous le disais, il y a des zones extrêmement délicates.

Mme Loiselle: Il y a une réflexion importante du gouvernement à décider de faire le changement qui a été demandé, de toute façon, par les regroupements de femmes et associations de familles monoparentales justement de faire cet ajustement-là pour les pensions alimentaires pour les enfants les plus pauvres du Québec. Je vous rappelle qu'il y a tout près de 250 000 enfants qui se retrouvent dans les familles d'aide sociale, de l'aide de dernier recours, au Québec.

Mme Lemieux (Diane): Tout à fait.

(11 heures)

Mme Loiselle: Alors, il y a quelque chose à faire là si vraiment... Parce que, durant la loi 60 sur la perception des pensions alimentaires, on nous a répété à maintes reprises que cette loi-là était pour aider les enfants du Québec, les sortir de la pauvreté, et je pense que la grille de fixation, aussi, c'est de voir à la hausse les pensions alimentaires versées aux enfants. Or, si vraiment on veut améliorer le sort des enfants, il faut peut-être commencer aussi à penser aux enfants qui sont les plus pauvres et les plus démunis du Québec.

Alors, on va peut-être clore cette discussion-là, parce qu'on peut échanger longtemps. Il y a des...

Mme Lemieux (Diane): Oui. Mais est-ce que vous me permettez, peut-être, un dernier élément?

Mme Loiselle: Oui, oui.

Mme Lemieux (Diane): On va examiner, évidemment, le document de consultation de la réforme sur la sécurité du revenu. Je pense que c'est des aspects qui seront fouillés davantage. Mais je dois dire... Parce qu'on a examiné récemment certaines données, et, effectivement, il y a un cercle vicieux qu'il faut arriver à briser, parce que le principal motif pour lequel les femmes se retrouvent sur l'aide sociale, c'est la rupture d'un couple. Ça pose donc la question de l'autonomie financière des femmes, parce que, dès qu'il y a rupture, elles tombent dans la dèche. Et, là, il y a un cercle vicieux qu'il faut absolument arrêter de faire tourner.

Mme Loiselle: Merci. Vous parlez, à la page 3, dans la section Le revenu disponible des parents, vous proposez au gouvernement qu'il définisse avec plus de précision les composantes du revenu et les dépenses liées à l'emploi. Moi, j'aimerais peut-être que vous nous donniez... Parce qu'il y a un autre groupe qui nous a parlé aussi des avantages liés à l'emploi, mais on ne sait pas exactement quels sont ces avantages-là. Et il y a des groupes aussi qui nous ont suggéré d'inclure peut-être une nouvelle section qui nous donnerait les actifs et les possessions du parent gardien.

Alors, j'aimerais peut-être vous entendre sur ces deux facettes-là.

Mme Lemieux (Diane): Sur les actifs et possessions, effectivement, on a une recommandation – il faudrait que je la retrace, là – à l'effet, d'abord, d'éviter de prendre les enfants en otage et que ce soient les enfants qui donnent l'information sur les nouveaux revenus, ce type d'information là, à l'autre parent. Donc, d'avoir des mécanismes un petit peu plus systématiques qui permettent d'avoir un état des revenus du parent non gardien. Quand on dit, entre autres, que «le tribunal devrait s'assurer que», je pense que ça fait partie des choses où il devrait y avoir un dépôt presque systématique de ces informations-là.

On a aussi une recommandation, par exemple, qui dit qu'à défaut pour le parent non gardien de livrer à la goutte ce type d'information là, le tribunal pourrait, à partir d'un certain nombre d'éléments, déterminer un état de revenus, point à la ligne, pour que ça puisse procéder.

Pour ce qui est de votre première interrogation, bon, c'est toujours par un souci de faciliter les choses. Bien sûr qu'il ne faut pas nécessairement tout... On ne peut pas tout prévoir, mais je pense qu'il faut éviter les échappatoires qui sont évidentes. Dans ce sens-là, on a peut-être intérêt à préciser les dépenses. Moi, je ne suis pas une fiscaliste, mais on en souligne quelques-unes: par exemple, les frais liés au travail, dépenses admissibles à des déductions fiscales, donc éviter les échappatoires. Même chose du côté des avantages, par exemple, liés à l'utilisation d'une automobile, etc. Sur le moment, ça a l'air pas beaucoup de sous, mais ça fait une différence quand on a des avantages liés à l'utilisation d'une automobile. Et, ça, pour un souci d'équité, si on tient compte des dépenses, il faut aussi tenir compte des avantages et des revenus liés à l'emploi.

Alors, c'est plus dans ce sens-là, sans entrer dans quelque chose de bien exhaustif, qu'il faut le prévoir.

Je ne sais pas si ça vous convient comme...

Mme Loiselle: Oui, ça va. Je ne sais pas si madame voulait rajouter quelque chose, là.

Mme Desrochers (Lucie): C'est parce que, dans le modèle, on prévoit que les dépenses qui sont liées à l'emploi... On les énumère. On dit que c'est les cotisations au Régime de rentes du Québec ou au Régime de pensions du Canada, à l'assurance-chômage, ou les cotisations syndicales et professionnelles. Or, on sait très bien qu'il y a des personnes qui vont demander des dérogations parce qu'elles ont effectivement des dépenses liées à l'emploi qui sont d'un autre ordre que ça. On n'a qu'à penser au grand nombre de professionnels ou de travailleurs autonomes qui vont additionner tous les frais qui sont liés à leur emploi. Donc, ça, ça peut représenter des bons montants.

Donc, en toute logique, il faudrait aussi tenir compte des avantages qui sont liés à l'emploi, quand il y en a, là. J'avoue que c'est moins facile de les énumérer maintenant, mais l'imagination des gens va faire en sorte qu'il y en a certainement qui vont venir rééquilibrer les dépenses. C'est des choses qui risquent, ça, d'être des sujets de dérogation. Donc, il faudrait que ce soit précisé pour, justement, que ça ne devienne pas des échappatoires et que le modèle perde finalement de son efficacité. C'est pour cette raison-là qu'on demande des précisions.

Mme Loiselle: O.K. Que ce soit finalement plus encadré, justement, pour ne pas que l'imagination soit trop fertile. C'est ça?

Mme Desrochers (Lucie): On veut que la définition soit plus précisée.

Mme Loiselle: O.K. Peut-être dans la même veine, le Barreau recommandait un bilan, peut-être pas annuel, mais un bilan, soit sur demande du parent non gardien, de la situation financière. Le groupe FOCUS, lui, disait: Peut-être un bilan annuel de la situation financière, mais des deux parents. Parce que le groupe FOCUS nous disait: Si le parent gardien a une augmentation de salaire, il ne sera peut-être pas tenté de le dire au parent non gardien. Alors, c'est vice versa. Alors, FOCUS recommandait un bilan annuel pour les deux parents gardiens. J'aimerais vous entendre sur ça. Est-ce que, vous, vous prévoyez plus sur demande du parent gardien, ou sur demande du parent non gardien, ou de façon annuelle?

Mme Lemieux (Diane): Non, je pense qu'on va plus du côté de quelque chose d'un peu plus systématique. Bon, l'hypothèse qu'on émettait: Est-ce qu'il y a moyen de jumeler, sans entrer dans le branchement informatique à outrance, mais... Par exemple, le ministère du Revenu est quand même en charge de la perception des pensions alimentaires, est-ce qu'il y a moyen de jumeler cette opération-là? Mais c'est évident que, dans la recommandation, on n'a pas été jusqu'à dire: Est-que ça devrait être à toutes les années, etc.? Mais il faut systématiser cet échange d'informations là pour dépolariser, et l'échange d'informations, j'en conviens tout à fait, de la part du parent gardien comme du parent non gardien, mais comme du parent gardien aussi, ça, on en convient tout à fait. Je pense qu'il faut éviter les... Fort heureusement, on constate que, quand même, il y a une bonne portion des ententes qui sont des ententes, c'est-à-dire où le tribunal n'a pas à intervenir. On est dans un contexte où on a beaucoup judiciarisé, que ça soit dans le domaine civil ou criminel. Je pense qu'il faut éviter les zones de conflit, puis c'est une manière de le faire, de rendre cette information-là un peu plus systématique.

Mme Loiselle: Il me reste combien de temps? Parce que j'ai mon collègue qui veut...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Quatre minutes.

Mme Loiselle: Ah bon! Très brièvement, parce que j'ai mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce qui a des questions pour vous. Le nouveau concept en droit familial, le fait de calculer le temps de partage que l'enfant passe avec ses parents pour calculer la pension alimentaire, plusieurs groupes nous disent: Oui, il faut aller de l'avant avec ça, mais ils nous ont mis en garde qu'il y aurait peut-être... Je pense que c'est le Barreau, non, c'est la Chambre des notaires qui nous disait que ça serait peut-être un outil de marchandage, finalement, où certaines personnes diraient: Moi, je le veux tant de temps, pour voir leur pension alimentaire diminuée. Elles ne respecteraient pas, en bout de piste, leur temps de garde et auraient une pension un petit peu plus basse, mais, finalement, auraient l'enfant moins longtemps. Le Barreau, lui, nous dit qu'il est en complet désaccord avec ça, qu'il faudrait retirer cette nouvelle notion de droit familial du nouveau modèle de fixation des pensions alimentaires. Moi, j'aimerais vous entendre sur ça. Quelle est votre position sur ça?

Mme Lemieux (Diane): Je pense qu'il faut distinguer les modalités de garde de la fixation des pensions alimentaires. Entre autres, il y a tout le courant, par exemple, des gardes partagées, qui, dans bien des cas, est un modèle extrêmement intéressant, mais à certaines conditions, évidemment. Le Conseil a examiné, bon, dans le passé, la fixation des pensions alimentaires, la perception, la fiscalité. On n'a pas regardé cette combinaison-là, si ce n'est que pour dire: Il faut distinguer les deux questions. C'est-à-dire qu'il pourrait être tentant – et, d'ailleurs, c'est le problème qu'on peut avoir auprès des parents – de lier, justement, ces deux questions-là, et ça, ça devient une source de conflit extrêmement importante. Alors, sans l'avoir examiné, on n'a pas lié ces deux éléments-là, mais je pense que je dirais: Prudence!

Mme Loiselle: Est-ce que vous vous seriez plus penchées, justement pour ne pas qu'il y ait – mon Dieu, je ne veux pas dire abus, là – ces situations-là...

Mme Lemieux (Diane): Il faut éviter de...

Mme Loiselle: ...sur le fait de l'abolir, l'enlever, finalement...

Mme Lemieux (Diane): Ah oui.

Mme Loiselle: ...comme le Barreau le suggère au gouvernement?

Une voix: Ne pas en tenir compte.

Mme Lemieux (Diane): Oui.

Mme Loiselle: Ne pas en tenir compte.

Mme Lemieux (Diane): Mon Dieu, c'est...

Mme Loiselle: Parce que c'est un nouveau concept qui n'existait pas...

Mme Lemieux (Diane): Oui.

Mme Loiselle: ...et le Barreau, lui, dit qu'il y a des dangers à ça.

Mme Lemieux (Diane): Oui. Vous savez, le problème qu'on a, parce que, quand on s'est préparé pour ça, on s'est dit: Peut-être qu'ils vont nous entraîner sur des questions de garde, etc., et une des choses qu'on a réalisées, c'est qu'on a chacun des histoires autour de nous, on a tous des anecdotes horribles, comme on a des situations un peu plus harmonieuses, mais, dans le fond, là, on ne le sait pas. Autour, entre autres, des modalités de garde, ce n'est pas quelque chose qui est documenté. Par exemple, on sent qu'il y a une tendance à la garde partagée, mais est-ce que quelqu'un peut nous trouver un chiffre là-dessus? On ne le sait pas. On ne sait pas non plus, dans les faits, comment se «deale» – passez-moi l'expression – la pension alimentaire dans ce contexte-là. Alors, avant de se lancer tête première là-dedans, je pense qu'on a intérêt à documenter ces éléments-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de... Oui, excusez, madame.

(11 h 10)

Mme Loiselle: Ah! Je voulais seulement dire qu'il n'y a pas de fumée sans feu, parce que la plupart des groupes nous ont dit qu'il y avait danger à ça, de faire très attention. Alors, je me dis que c'est des gens qui travaillent. Alors, c'est pour ça.

Mme Lemieux (Diane): Oui, oui. Ah oui. C'est: Prudence! le sentiment qu'on exprime maintenant.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Oui. Juste pour enchaîner là-dessus, mesdames, vous avez dit qu'il faut être prudents avant de peut-être se lancer dans cette direction, mais, malheureusement – malheureusement, on verra – le modèle québécois nous lance dans cette direction, c'est clair, parce que le pourcentage de la pension alimentaire est encore divisé ou calculé au prorata du temps de garde. Alors, ce n'est pas nous qui vous amenons là-dessus, c'est le modèle québécois qui nous amène là-dessus, et ça fait la base de ma question. Quand on calcule que la pension alimentaire est divisée au prorata du revenu, quand on calcule qu'on tient compte également du temps de garde, est-ce que, selon vous, ce modèle est équitable?

Moi, j'ai peur, honnêtement, là. J'ai pris note de votre premier commentaire, de votre première remarque suite à votre première recommandation, qu'on n'est pas dans la science ici, là, on est dans le gros bon sens. On essaie d'améliorer le sort. Moi, j'ai peur – c'est une peur non fondée par des chiffres et par la science – que, si la pension est au prorata, en fonction du revenu et également au prorata, en fonction du temps de garde, le parent gardien – on devrait dire la parente gardienne – ne soit pas traité d'une façon équitable. C'est un soupçon que j'ai, parce qu'on n'a pas de données, nécessairement, sauf qu'on sait que, suite à des ruptures, le niveau de vie des femmes baisse tandis que celui des hommes augmente légèrement ou reste stable. Quand on pense aux frais fixes, quand on pense à la contribution non monétaire du gardien, que vous appelez, et que vous tentez de compenser avec le 1 200 $, tout ça mis ensemble, j'ai une crainte que le modèle, dans son objectif d'être équitable sur le plan scientifique, ne le sera pas dans les résultats. Je ne sais pas si vous vous êtes penchées là-dessus ou si c'est juste moi qui crie au loup tout seul.

Mme Lemieux (Diane): Bon. Comme je vous dis, on ne s'est pas penchées – mais je vous garantis que ça ne restera pas là – de manière extrêmement précise, je pense qu'on parle plus de l'expertise qu'on a des dernières années, mais je dirais deux choses. D'abord, à partir du peu d'information dont tout le monde dispose, effectivement, que le temps de garde devienne la variable pour déterminer la portion des uns et des autres, il y a probablement d'autres variables à considérer, et ça ne peut pas être une variable unique. Et, deuxièmement, je pense qu'on sous-estime les coûts d'une garde partagée. Je pense que c'est quelque chose qu'on pourrait éventuellement examiner, mais les coûts d'une garde partagée ne sont probablement pas plus économiques, au contraire, parce que ça implique de maintenir – passez-moi l'expression – deux infrastructures. Alors, c'est ce qui fait que la variable de la portion du temps de garde biaise probablement l'information. Ça demeure effectivement quelque chose sur lequel il faudra être tous attentifs.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je vous remercie beaucoup. Mesdames, je vous remercie au nom de la commission. J'invite maintenant les représentants de l'Association des avocats et avocates en droit familial du Québec à se présenter.

Mme Harel: Faites attention. L'Association de médiation est fortement en faveur, l'Association de médiation familiale est très, très, très, très en faveur.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous recevons maintenant M. Sylvain Bourassa, directeur de l'Association des avocats et avocates en droit familial du Québec. Si je comprends bien, M. Bourassa, vous êtes seul?

M. Bourassa (Sylvain): Je suis seul.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, je vous invite à commencer immédiatement votre présentation.


Association des avocats et avocates en droit familial du Québec

M. Bourassa (Sylvain): Merci, M. le Président. Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, l'Association des avocats et avocates en droit familial du Québec s'est penchée sur le document de consultation sur les modèles de fixation des pensions alimentaires sous deux différents aspects: soit celui des praticiens qui ont présentement à appliquer les règles de fixation de pensions alimentaires actuelles et qui auront à appliquer les règles éventuellement adoptées par le gouvernement et, dans un deuxième temps, sous l'optique d'un officier de justice qui a à s'assurer que le meilleur intérêt des enfants sera maintenu et sera atteint dans la fixation de la pension alimentaire.

D'abord et avant tout, ce qui ressort peut-être un peu moins bien de notre mémoire, c'est que nous ne sommes pas contre l'adoption de lignes directrices en matière de fixation de pensions alimentaires. Ce qui nous rend un peu inconfortables, ce sont les tables qui ont été fixées, en ce sens que nous ne pouvons adhérer à cette présomption des besoins de l'enfant qui, malheureusement, vous le demanderez à tous les avocats, est une situation de cas d'espèce. C'est avec ça qu'on a de la difficulté.

Quand nous nous sommes penchés sur le document, nous avons surtout examiné les objectifs que visait le modèle, à savoir que le modèle de fixation vise à affirmer la commune responsabilité des parents à l'égard de leurs enfants. Nous croyons que la façon de fixer les pensions alimentaires actuellement, lorsqu'elle est bien fixée par les tribunaux, à savoir que les tribunaux doivent adopter la formule Paras, soit de prendre le salaire de monsieur, le salaire de madame, en tirer un revenu familial, de voir la proportion de chacun des parents dans ce salaire-là, d'établir dans un deuxième temps les besoins des enfants et de voir dans quelle mesure chacun des parents devra contribuer, quand c'est bien appliqué, je pense qu'on atteint cet objectif de responsabiliser les parents à leurs obligations alimentaires envers les enfants. Et ce que le modèle actuel vient ajouter, ce n'est que la présomption des besoins des enfants, parce que, si on se réfère à la formule de l'annexe 1, la partie 2, des lignes 200 jusqu'à la partie 4, c'est la formule Paras telle quelle, celle qu'on adopte présentement devant les tribunaux. C'est exactement cette formule-là.

Quand on dit aussi, comme deuxième objectif: d'assurer aux enfants la couverture de leurs besoins en fonction de la capacité de payer des parents, les articles 585 et suivants du Code civil du Québec, c'est exactement ce qu'on fait présentement quand on dit: On regarde la masse de revenus et même des ressources jusqu'à l'heure actuelle et on regarde dans quelle proportion chacun des parents doit y contribuer, on atteint cet objectif-là.

Où on a un peu plus de problèmes, c'est avec le cinquième objectif, celui de reconnaître autant que possible l'égalité de traitement de tous les enfants issus de différentes unions. Si cet objectif-là est de dire: Pour les enfants du couple A, on doit couvrir les mêmes besoins que les enfants du couple B, à ce moment-là, je me dis que ce n'est pas parce que les deux couples ont les mêmes revenus qu'ils prennent la même proportion quant aux besoins des enfants dans leurs revenus. Je pense que chaque cas est un cas d'espèce et que l'on doit quand même conserver cette possibilité de faire une preuve devant un tribunal de chaque cas de chaque famille dans l'établissement des besoins des enfants.

Si cet objectif-là est de dire, c'est-à-dire... Je vais reprendre ma phrase. On trouve que cet objectif-là est un peu en conflit avec le deuxième objectif que j'ai traité précédemment, à savoir la masse de revenus de la famille. Si j'ai un couple qui a trois enfants et que le débiteur... Je vais donner un exemple, ça va peut-être être plus simple. Le débiteur alimentaire a un revenu de 30 000 $ et madame n'a aucun revenu. Ils ont trois enfants ensemble. Ce que l'on dit, c'est que le débiteur devra payer 7 520 $ annuellement pour les trois enfants. On dit que ce sont les besoins que les enfants ont par rapport à la masse de revenus disponible des parents. Par contre, où il y a une différence majeure, c'est si ce même débiteur a des enfants de deux conjointes. Les deux, pour les fins de discussion, n'ont pas de revenus. On va dire que le débiteur paiera à sa première conjointe, de laquelle il a deux enfants, une somme de 6 080 $, et à sa deuxième conjointe, de laquelle il a un enfant, 4 000 $. On vient dire, quelque part, que ce débiteur-là a une capacité de 10 080 $, alors que, s'il avait eu ses trois enfants avec une seule conjointe, il aurait seulement une capacité de 7 520 $. Ça, on a un problème avec ça. Nous soutenons, à l'Association, que les tribunaux doivent garder leur discrétion judiciaire de façon à établir une juste répartition entre les enfants des deux couples.

(11 h 20)

Un des objectifs était aussi d'inciter les parents défavorisés à remplir leurs obligations alimentaires envers leurs enfants. Il arrive souvent, dans le cas de parents défavorisés, que les tribunaux vont, dans un premier temps, donner une pension symbolique. Et, souvent, il nous arrive de plaider que cette pension symbolique là, M. le juge, qui n'apportera rien de plus à la créancière alimentaire parce que c'est tellement minime que c'en est pratiquement une farce, laissez-la au parent débiteur qui pourra en bénéficier lors de l'exercice de ses droits d'accès. Nous croyons que, si le modèle est adopté tel quel, avec les tables, ce sera très difficile d'atteindre cet objectif-là et d'aller plaider devant les tribunaux que laisser ça aux parents... puisque, malheureusement, on a certains juges qui vont nous dire: Maître, vous avez vu le document de fixation, ce qu'ils disent. Et certains juges iront vers la facilité, ils diront: C'est le minimum. Ça, c'est une crainte que nous avons.

Bref, ce que, nous, nous croyons, c'est que c'est sûr que, pour la fixation des pensions alimentaires, il faut adopter des lignes directrices pour éviter les écarts entre les différents jugements, mais, comme chaque enfant est un cas d'espèce, je pense que les tribunaux devront établir leurs besoins selon une preuve qui leur sera apportée et selon le cas précis qui est devant eux. À cet effet, nous citons, dans notre mémoire – je vais juste m'y retrouver – un extrait de l'arrêt Willick contre Willick, qui est quotidiennement appliqué devant les tribunaux, à l'effet que Mme la juge L'Heureux-Dubé dit: «Bien que l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire reste essentiel, à mon avis, pour que justice soit rendue dans chaque cas, étant donné l'infinie variété des situations dans lesquelles se trouvent les enfants et leurs parents, il se peut que, dans de nombreux cas, le coût réel d'entretien des enfants ne soit pas reconnu et qu'en conséquence les changements survenus dans les ressources, les besoins ou dans la situation générale des parties ou des enfants ne soient pas adéquatement évalués. Aussi, tant en matière d'ordonnance alimentaire initiale que d'ordonnance modificative, convient-il de procéder à une large analyse contextuelle qui tienne compte des nombreux facteurs qui régissent la détermination des aliments destinés aux enfants.»

Et Mme L'Heureux-Dubé continue en disant: «De plus, bien que cela puisse sembler un truisme, je ne saurais trop souligner que les lois régissant le droit de la famille n'existent pas dans l'abstrait. Non plus que les dispositions de la Loi sur le divorce régissant l'entretien des enfants. Le juge en chef Fraser de la Cour d'appel a fait observer récemment que le droit alimentaire repose sur un "faisceau de faits". Comment, dans ce faisceau, peut-on légitimement interpréter et appliquer des termes clés comme "besoin" sans examiner le contexte global dans lequel le besoin s'inscrit? L'interprétation consciencieuse des critères législatifs en matière de droit de la famille et plus encore leur application ne peuvent, à mon avis, se faire sans prendre en considération à la fois le texte de la loi et la réalité dans laquelle elle s'inscrit.»

Alors, comme je le répétais, les tables, à notre avis, à l'Association, entraînent des inconvénients qui risquent de créer des dommages aux enfants, à savoir que nous sommes d'avis que des revenus égaux n'entraînent pas nécessairement des besoins égaux. Tout à l'heure, on a fait remarquer, et je trouvais le point tout juste, que des familles qui auraient des revenus familiaux de 30 000 $ n'ont pas les mêmes besoins dépendamment de l'âge des enfants. À l'Association, on a soulevé le fait qu'une famille ayant des enfants de deux, quatre et six ans n'a pas les mêmes besoins ou les mêmes coûts qu'une famille ayant des adolescents de 13, 15 et 17 ans. Ça, le gouvernement devra, je pense, en tenir compte dans l'élaboration de tables.

Ce dont on a peur avec les tables aussi, c'est qu'il y ait un chantage émotif dans la négociation des aliments dans le cadre de la rupture. On a vraiment peur que le débiteur dise à son épouse qui voudrait des aliments qui correspondent peut-être vraiment aux besoins des enfants: Mais, écoute, regarde ce que les tables fixent, regarde, c'est ça que ça coûte, et que cette créancière-là, étant elle-même démunie, n'ait d'autre choix que de dire: Bien, O.K., je vais les accepter parce que je n'ai pas les moyens d'aller devant les tribunaux pour contester ça et faire valoir que mes enfants coûtent un peu plus que ce que les tables de base disent. Ça, je pense que ça peut créer un problème et un grave désavantage face aux enfants.

L'Association, aussi, a peur que ces tables-là fassent que le droit familial devienne un droit tampon, en disant – et de la part des tribunaux, et de la part des créanciers, et de la part de tout le monde – Bien voici, les tables disent ça, c'est ça que ça coûte, c'est ça que sera l'ordonnance alimentaire, et voilà, jugement rendu. Nous avons aussi peur – et ça, c'est aussi dans l'intérêt de tous les justiciables – que ça entraîne une certaine pratique illégale. Présentement à Montréal – parce que le phénomène est beaucoup plus présent là-bas – nous avons beaucoup de problèmes avec la pratique illégale. Nous avons des gens qui s'amusent à copier des procédures, à faire des ententes, qui ne se soucient pas, présentement, des besoins réels des enfants et qui vont se servir de ces tables-là sans être capables de faire le discernement nécessaire pour comprendre que ce sont des besoins de base et qu'il est possible pour la créancière d'aliments d'avoir davantage.

Nous avons même soulevé le problème des avocats qui prennent des causes de droit de la famille pour arrondir leurs fins de mois. Le droit familial, c'est un droit qui est complexe puisque les lois et les règles de pratique ont changé beaucoup. Et nous avons peur que les avocats qui, pour arrondir leurs fins de mois, prennent des mandats en droit de la famille, n'ayant pratiquement pas d'expérience devant les tribunaux, à savoir comment les tribunaux fixent les pensions alimentaires, quels sont les critères de fixation, se servent de ces tables-là pour fixer les aliments. Encore une fois, ce sont les enfants qui en seront pénalisés.

Quant à la notion de difficultés excessives, à l'Association, nous croyons qu'elle ne fera qu'augmenter le nombre de causes contestées, puisque, devant les attitudes dont j'ai fait état préalablement, notamment du débiteur qui va se cacher derrière les tables pour ne pas payer plus, nous n'aurons d'autre choix que d'aller plaider les difficultés excessives. À l'analyse des tables, dans un premier temps, nous trouvons qu'elles sont minimes; et, dans un deuxième temps, il y a un adage qui dit que la pension alimentaire n'est jamais suffisante pour la créancière et toujours trop pour le débiteur. Alors, tout le monde, à notre avis, va se replier sur la notion de difficultés excessives et on va avoir une augmentation des causes devant les tribunaux.

Un problème que nous avons soulevé aussi, c'était peut-être une disparité avec la loi d'aide sociale. Dans les cas précis où il s'agit d'un couple non marié, donc monsieur n'a pas d'obligation alimentaire envers madame – je prends «monsieur» et «madame» parce que c'est sensiblement les cas que nous avons à plaider présentement – et que... Bon, prenez, par exemple, que madame, pour elle seule, si elle n'avait pas d'enfants, recevrait un montant de 500 $ sur l'aide sociale par mois et que, puisqu'elle a la garde d'un enfant, on lui en accordera, par exemple, 400 $ de plus. Prenant comme exemple que le père de l'enfant aurait des revenus de 70 000 $ par année, les tables fixent à 7 310 $ par an sa contribution alimentaire, soit 609 $ par mois. Sachant que la loi d'aide sociale dit que tout dollar gagné sera coupé, est-ce que nous couperons strictement le 400 $ qui est alloué pour les besoins de l'enfant, supplémentaire, ou est-ce que l'on coupera totalement le 609 $ des prestations de la prestataire d'aide sociale? Bon.

(11 h 30)

Est-ce qu'on fait indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement? Peut-être. Ça, c'est une question que le gouvernement devra soulever. D'autre part, il est vrai que, dans des cas de fixation de pensions alimentaires, le tribunal, de par sa discrétion judiciaire, dans ces cas-là précis, pouvait, par exemple, dans la détermination des besoins des enfants, allouer 50 % des coûts du loyer plutôt que, dans un autre cas où madame n'était pas sur l'aide sociale, en appliquer que 30 % de façon à, indirectement, oui, augmenter les besoins des enfants de façon à faire favoriser le parent qui, en temps normal, n'avait pas droit à des aliments d'un surplus pour son enfant.

Quant à l'annexe 1 du document, à savoir la formule de fixation, l'Association, notamment au niveau de la partie 4, s'est longuement interrogée à savoir: Est-ce qu'on doit entrer dans ces distinctions de types de garde là sachant que, présentement, on a réussi, quelque part, à dire à nos clients que la garde était une chose distincte des aliments? Là, en commençant à calculer le nombre de droits d'accès, le nombre de jours par année dont le parent non gardien bénéficiera en fonction de la pension alimentaire, on crée tout un autre débat. On va probablement se retrouver devant les tribunaux parce que monsieur va dire: Moi, je ne peux pas payer beaucoup de pension alimentaire, mais, si je prenais mes enfants un peu plus longtemps, je pourrais payer moins et être moins étouffé.

Sachant aussi que les tribunaux considèrent les droits d'accès comme un droit et non pas comme une obligation, combien de fois on a vu des parents se négocier des droits d'accès? Combien de fois nous avons fixé cette pension alimentaire là en fonction de ces droits d'accès et que le résultat, c'est que le parent n'exerçait pas ses droits d'accès? Alors, on avait beau dire à nos clientes: Mais vous savez, c'est un droit, ce n'est pas une obligation, on ne peut pas forcer monsieur à le faire, et on devait retourner devant les tribunaux encore une fois pour faire refixer une pension alimentaire, et là on se faisait dire: Quel est le changement? Il fallait attendre que cette situation de fait dure assez longtemps pour démontrer au tribunal que le parent débiteur et non gardien n'exerçait pas ses droits d'accès.

Alors, quand on pense qu'on veut, quelque part, fixer une pension alimentaire pour l'enfant, on devrait exclure, je pense, cette notion de partage de temps pour ne pas créer un préjudice. À l'heure actuelle, les tribunaux ont maintes fois répété qu'il n'existait que deux sortes de garde, soit une garde exclusive et une garde partagée. Entrer dans un 20 %, un 30 %, un 40 % du temps, je pense que c'est de compliquer des dossiers et d'augmenter de beaucoup le nombre de causes contestées. Alors, c'était la position de notre Association.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. Bourassa. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer son intervention.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Alors, M. Bourassa, vous êtes Me Bourassa. C'est bien ça? Vous êtes directeur de l'Association des avocats et avocates en droit familial.

M. Bourassa (Sylvain): C'est exact.

Mme Harel: Nous avons reçu le Barreau et nous avons reçu également l'Association des médiateurs et médiatrices en droit familial, dont bon nombre sont des avocats ou des avocates qui ont exprimé un point de vue, je dirais, quasiment antagonique au vôtre, en fait totalement différent.

Le premier élément est le suivant. Dans le mémoire que vous nous présentez, vous introduisez une analyse du modèle de fixation comme si on avait le choix entre la discrétion judiciaire actuelle – vous citez d'ailleurs l'arrêt Willick, là – ...

M. Bourassa (Sylvain): C'est ça.

Mme Harel: ...et le modèle de fixation québécois. Est-ce que vous avez l'impression qu'on a le choix?

M. Bourassa (Sylvain): Non. Je pense que, comme je le disais au départ, c'est peut-être ce qui ressort le moins de notre mémoire, c'est qu'à l'heure actuelle le modèle de fixation, hormis cette présomption des besoins de l'enfant par les tables, nous sommes d'accord avec cette formule-là puisqu'elle reprend essentiellement ce qu'on applique présentement, soit la formule Paras. Je ne sais pas si je comprends mal votre question...

Mme Harel: Oui. Bon. Regardez... Oui, oui. Me Bourassa, je me rends compte qu'il y a finalement eu une omission qui est très importante et qui est la suivante, c'est que le gouvernement canadien a déposé en mai dernier un projet de loi. Ce projet de loi modifie la Loi sur le divorce et prévoit des lignes directrices dans un modèle fixe, n'est-ce pas...

M. Bourassa (Sylvain): Fixe, effectivement.

Mme Harel: ...celui que vous aimeriez ne pas voir appliqué. Mais ce modèle fixe fédéral pour les pensions alimentaires pour enfants va s'appliquer à compter du 1er mai...

M. Bourassa (Sylvain): Si les provinces...

Mme Harel: ...à moins que les provinces adoptent en ce domaine leurs propres règles de fixation.

M. Bourassa (Sylvain): Effectivement.

Mme Harel: Donc, on n'a pas le choix, comme vous pensez, là, en fait, comme vous introduisez dans votre mémoire, entre des règles de fixation ou pas. Il y a celles du fédéral ou celles que les provinces adopteront.

M. Bourassa (Sylvain): Si je ne m'abuse, Mme la ministre, ce que la loi fédérale dit, c'est que, à défaut de lignes directrices complètes de la part des provinces, c'est le modèle fédéral qui s'appliquera.

Mme Harel: C'est ça.

M. Bourassa (Sylvain): Ce que, nous, nous soutenons, à l'Association: en quoi le gouvernement ne pourrait pas adopter ses propres lignes directrices en expliquant que les lignes directrices en matière de fixation de pensions alimentaires pour enfants seront les suivantes: le tribunal ou les gens devront appliquer, dans le fond, les grandes lignes de l'arrêt Paras, à savoir que nous devrons, dans un premier temps, regarder les revenus familiaux, prendre les proportions de chacun, établir les besoins des enfants et l'établir en proportion. Ce sur quoi nous ne sommes pas d'accord, c'est les tables.

Mme Harel: Bon, regardez bien, Me Bourassa, je ne pense pas qu'on puisse faire indirectement ce que la loi ne prévoit pas directement. Vous nous dites que vous voudriez écarter le modèle fédéral de fixation en adoptant, au Québec, un modèle qui dirait qu'on laisse ça à la discrétion judiciaire.

M. Bourassa (Sylvain): La preuve des besoins des enfants.

Mme Harel: Oui, mais regardez...

M. Bourassa (Sylvain): Parce que chaque cas est un cas d'espèce, Mme la ministre.

Mme Harel: Bon, bien, c'est ça, là. Je pense que c'est le point... Ce que vous nous dites, c'est que ça va bien maintenant, c'est un cas d'espèce, puis il faut continuer. C'est ça que vous nous dites?

M. Bourassa (Sylvain): Je n'irais pas jusqu'à dire que ça va bien, j'irais jusqu'à dire qu'il faut quand même peut-être rétablir la situation. Effectivement, on a une majorité de juges qui l'applique très bien. Le problème, c'est qu'on a des écarts: on a des juges qui n'appliquent pas adéquatement la formule Paras et on en a d'autres qui l'appliquent à l'excès. Je pense que, si on adoptait des lignes directrices qui rétablissaient les lignes de la formule Paras et qu'on disait aux tribunaux: Appliquez-les, ça risquerait de régler le problème. Ce que l'on ne veut pas, c'est de se voir enchaîné dans une table qui présume des besoins des enfants.

Mme Harel: Regardez, Me Bourassa, je pense que le Code civil prévoit déjà – vous l'indiquez d'ailleurs, à bon droit, dans votre mémoire, vous nous le rappelez – que les pensions alimentaires pour les enfants doivent être basées sur les besoins des enfants et la capacité de payer des parents. C'est déjà là, les principes, n'est-ce pas?

M. Bourassa (Sylvain): Oui.

Mme Harel: Mais vous savez ce à quoi ça donne lieu, ça donne lieu à tellement d'inéquités que les gens sont même venus ici nous dire que ça dépendait non seulement du juge, mais souvent de la journée où la décision est rendue...

M. Bourassa (Sylvain): Malheureusement.

Mme Harel: ...par le même juge, n'est-ce pas?

M. Bourassa (Sylvain): Oui.

Mme Harel: Alors, donc, c'est non seulement imprécis, mais c'est en plus insuffisant, parce que, appliqué sur la base des statistiques des pensions alimentaires extraites de déclarations fiscales, le modèle, par exemple, que vous avez soumis à la consultation représente une hausse moyenne annuelle des montants nets de pensions alimentaires pour enfants d'environ 1 200 $ par année. Donc, il y a une insuffisance dans l'évaluation puis il y a une imprécision. Alors, c'est ça, finalement, qu'on doit corriger.

Ceci dit, j'ai bien... En tout cas, je n'ai pas votre interprétation, mais le fédéral nous impose d'avoir un modèle complet, et «complet», ça signifie des règles de fixation, à défaut de quoi ce sont les siennes qui s'appliqueront.

M. Bourassa (Sylvain): Des règles de fixation, oui, mais est-ce qu'on doit absolument avoir une table? C'est ce que l'Association suppose. Est-ce qu'on doit absolument avoir une table qui fixe et qui crée une présomption, si vous voulez, des besoins des enfants?

Mme Harel: Écoutez, ceci dit, dans ce modèle, il y a plus d'avenir pour les médiateurs que pour la procédure adversariale.

M. Bourassa (Sylvain): Oui, oui.

Mme Harel: Ça, c'est sûr et certain. Je vous dirais qu'avec un tel modèle l'avenir est plus à la médiation, n'est-ce pas, qu'aux procédures. D'autant plus que le ministère de la Justice étudie la possibilité de favoriser l'entente entre les parties par une médiation préalable gratuite qui serait obligatoire lorsqu'il y a présence d'enfants et étudie aussi afin de diminuer les délais et les coûts reliés aux auditions devant un tribunal en introduisant une procédure devant un greffier spécial, n'est-ce pas. Donc, c'est plus une procédure de médiation... C'est plus par de la médiation que par, si vous voulez, de la confrontation.

M. Bourassa (Sylvain): Quoique, à l'heure actuelle, Mme la ministre, l'expérience nous démontre qu'il n'y a peut-être que 10 % à 15 % des causes qui sont devant les tribunaux. Je suis d'accord avec vous, et c'est ce qu'on applique, nous, à... C'est ce qu'on suggère, à l'Association.

Mme Harel: Mais, Me Bourassa, vous êtes conscient que ces 10 % à 15 % des causes occupent...

M. Bourassa (Sylvain): C'est beaucoup de causes.

Mme Harel: ...80 % du temps de la Cour supérieure.

M. Bourassa (Sylvain): Oui.

Mme Harel: C'est quand même incroyable. C'est effectivement 10 %, des causes qui sont litigieuses en droit familial, puis ça occupe 80 % du temps de la Cour supérieure.

M. Bourassa (Sylvain): Mais peut-être que l'expérience dans les prochaines années nous le démontrera, mais nous croyons, à l'Association, que nous allons assister à une augmentation des causes. C'est clair que nos clients vont nous mandater de prendre la difficulté excessive, puisque les tables ne correspondent pas à la réalité des enfants de certains couples.

(11 h 40)

Mme Harel: Bon, de certains couples, nous dites-vous. Ça, je pense qu'on peut regarder ça, parce que c'est perfectible, hein, puis ça peut être amélioré.

M. Bourassa (Sylvain): Oui.

Mme Harel: Juste vous rappeler que le fédéral lui-même prévoit non seulement un modèle, mais une table de fixation. Il est clair, sur le plan juridique, que le concept d'un modèle complet doit inclure une table. Alors, dans le fond, la question, c'est de savoir comment trouver une table qui soit...

M. Bourassa (Sylvain): Plus adéquate.

Mme Harel: ...plus représentative de nos valeurs comme société. Et je comprends que ce n'est pas simple. Il y a 30 ans, il n'y avait pas de divorce: ça fait 28 ans que la Loi sur le divorce a été adoptée. Alors, ça évolue beaucoup, et, dans l'évolution, je pense, entre autres, à la garde, le concept de garde, de 20 % à 30 % du temps de garde. Je comprends que c'est nouveau. C'est sûr que c'est nouveau, comme la garde partagée l'était il y a 30 ans. Il n'y avait pas, finalement, quasi de garde, il n'y avait pas de divorces. Donc, il ne faut pas avoir peur d'innover dans ces domaines-là. En fait, l'idée étant: Quelles sont nos valeurs comme société? De responsabiliser les parents. Alors, je pense que, cependant, il faut mettre des balises. Alors, vous avez raison, par exemple, de nous signaler que le parent qui n'exerce pas son droit d'accès devrait automatiquement, vraiment par une procédure expéditive, à ce moment-là, faire en sorte que soit rétablie la pleine et entière pension en vertu du modèle.

Vous voyez, il y a toutes sortes d'aménagements. Mais l'idée, c'est certain, c'est de favoriser la responsabilisation des deux parents. Je pense, moi, personnellement, que ce n'est vraiment pas souhaitable qu'un enfant n'ait pas de père, fille ou garçon, et que ça fixe beaucoup la confiance et l'estime de soi quand on a vraiment, je pense, la relation avec les deux parents.

Bon, ceci étant dit, je pense cependant, comme vous, qu'il faut trouver des manières d'aménager les choses pour ne pas non plus qu'il y ait des abus. Et ça vaut pour les pensions alimentaires. Vous nous avez dit... Effectivement, en 1988, il y a huit ans, à l'occasion de l'adoption de la loi 37, le gouvernement précédent a décidé de faire en sorte que la pension versée pour un parent gardien qui est sur l'aide sociale soit déduite. Mais il la considère comme un revenu, et, en fait, l'aide sociale vient compléter le revenu.

Alors, je comprends que, vous, ce que vous dites, c'est que l'État seul devrait assumer ça. C'est ce que je comprends dans ce que vous recommandez.

M. Bourassa (Sylvain): Ce que nous recommandons, dans le fond, c'est, si on fixe une pension alimentaire pour enfant dans un couple non marié, que soit coupée la portion attribuable à l'enfant et que, en fin de compte, si on estime que cet enfant-là va recevoir quelque 7 000 $ par année, pour reprendre l'exemple que j'ai pris tantôt, on ne coupe pas tout ce montant-là, parce que, quelque part, l'enfant ne bénéficiera pas davantage. Je pense qu'on devrait laisser la portion d'aide sociale à madame, puisqu'elle n'y a pas droit en vertu du Code civil, on devrait lui couper la portion qui lui est versée pour les besoins de l'enfant et on devrait laisser la totalité de ce montant-là à madame, ce qui fait que l'enfant pourra bénéficier d'une augmentation de son coût de vie, de la différence entre ce que l'aide sociale versait à madame pour l'enfant et ce que le parent non gardien, par contre, versera.

Mme Harel: Alors, vous voyez, par exemple, ça, ça signifierait ceci. On reprend votre exemple: c'est à 70 000 $ de revenu.

M. Bourassa (Sylvain): C'est ça.

Mme Harel: Alors, dans la table – je ne l'ai pas devant moi – mais vous nous dites que c'est 6 000 $ environ.

M. Bourassa (Sylvain): C'est 609 $ par mois.

Mme Harel: 609 $ par mois, en vertu de cette table-là.

M. Bourassa (Sylvain): Pour un enfant.

Mme Harel: Donc, qui serait versé à l'enfant. Et le parent gardien aurait la différence qui lui serait versée à titre, disons, d'aide de derniers recours. N'est-ce pas?

M. Bourassa (Sylvain): C'est ça. Il aura sa partie à lui comme s'il était seul, en fait. Si le parent gardien... Une personne seule sur l'aide sociale a un montant x. Ce que l'on dit, c'est que, parce qu'il a un enfant, on majore à un montant supplémentaire qui... Bon, grosso modo, parlons de 400 $, à titre d'exemple. Si le parent débiteur verse, pour les besoins de son enfant, 609 $, ce 609 $ devrait être attribué à l'enfant. Donc, le gouvernement récupérerait le 400 $ qu'il versait pour l'enfant et ne verserait que 500 $ à la prestataire d'aide sociale qui, elle, aurait 609 $ pour son enfant.

Mme Harel: Bon. Alors, ça, c'est, évidemment, à partir d'un certain revenu. Vous savez que la question est de savoir s'il doit y avoir une imposition pour qu'il y ait une égalité de traitement de revenus dans notre société. Prenons l'exemple d'une personne qui ferait 100 000 $ et qui aurait à verser, disons, une pension alimentaire pour un parent qui, finalement, pourrait se voir octroyer de l'aide sociale, il y aurait vraiment une très grande différence de traitement basé sur le revenu, à ce moment-là. Parce qu'une personne, par exemple une chef de famille monoparentale qui irait travailler dans une usine le matin et qui n'aurait pas eu droit à ce même montant, étant donné que le parent non gardien n'a pas ce niveau de revenu, se verrait imposer, dans son revenu, à partir d'un certain seuil – à 14 000 $, je pense, le seuil d'imposition – pour travailler, ce qu'un parent gardien à la maison n'a pas à payer, si vous voulez. Il va falloir quand même introduire toujours une certaine égalité de traitement d'imposition selon le revenu dans notre société.

M. Bourassa (Sylvain): Effectivement.

Mme Harel: Mais je vous remercie, ça va être pris en considération.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Me Bourassa, bonjour.

J'aimerais peut-être revenir sur le nouveau concept du pourcentage du temps partagé. La ministre vient d'ouvrir, peut-être, une ouverture au niveau d'établir un mécanisme pour, justement, les personnes, les parents non gardiens qui ne respectent pas leur droit de visite. FOCUS nous proposait à cet égard-là de prévoir un remboursement pour les dépenses occasionnées suite au non-respect des mesures de visite et de garde prévues par ordonnance. On donnait comme exemple, bon, disons qu'un parent non gardien devait prendre les enfants durant la fin de semaine, ne se présente pas, le parent gardien avait organisé sa fin de semaine, a dû appeler une gardienne, des choses comme ça. Pensez-vous que de mettre en place un mécanisme de la sorte, si le gouvernement va de l'avant avec ce nouveau concept de droit familial, ça ne va pas alourdir tout le système?

M. Bourassa (Sylvain): Je pense à la difficulté de perception de ces montants-là, aussi, après.

Mme Loiselle: Pardon?

M. Bourassa (Sylvain): Je pense à la difficulté de perception de ces montants-là, comment les établir. Est-ce qu'on n'aura pas un parent qui dirait: Aïe! 50 $ pour deux jours de gardiennage, tu y vas un peu fort. Comment on va pouvoir faire ça?

Mme Loiselle: C'est ça.

M. Bourassa (Sylvain): Ça, c'est un problème que j'y vois. Si le gouvernement décide de dire: Bon, bien, si monsieur exerçait des droits d'accès réguliers, il aurait une pension alimentaire de x à payer. Comme il exerce une garde, des accès plus étendus, on va lui accorder x. La seule façon, ça serait de le retourner à sa pension initiale, comme s'il avait une pension alimentaire avec un droit d'accès très limité. Parce qu'on parle de droit d'accès illimité, je pense qu'on parle d'une garde avec, prenons-le tel quel, une fin de semaine sur deux, ce qu'on voit régulièrement. Si un parent nous arrivait en nous disant: Moi, je vais les prendre tous les week-ends, ou je vais les prendre une fin de semaine sur deux, y compris le vendredi, et je vais les prendre tous les mercredis soir, on fait un calcul et on s'aperçoit qu'il a 30 %, 35 % du temps et qu'il ne les exerce pas. Je pense que la solution, ce n'est pas de dire: Bon, bien, j'ai dû prendre une gardienne, ça a coûté tant; j'ai dû les nourrir, ça a coûté tant; j'ai dû faire ci, ça a coûté tant. C'est tout simplement de dire: Pour ne pas alourdir ce système-là, si le gouvernement y va de l'avant, bien, revenons à la pension alimentaire d'une fin de semaine sur deux. Mais, là, il faudrait qu'il y ait un mécanisme automatique qui prévoie ce retour.

Mme Loiselle: Le fait d'établir dans le modèle de fixation un certain mécanisme à cet égard-là pour les droits de visite non respectés, pensez-vous que ça pourrait ralentir peut-être l'idée de demander un certain pourcentage de temps de garde en ayant en tête une diminution de pension?

M. Bourassa (Sylvain): Je pense que, si on instaurait le mécanisme de retourner à la pension alimentaire plus élevée en cas de non-respect, ça va sensibiliser les gens à ne pas faire... à ne pas, si vous me permettez l'expression, négocier ça dans l'intention de ne pas le faire. Ça va les responsabiliser, en disant: Si je m'avance à dire que je prends 40 % du temps, bien, la personne va savoir que, si elle ne prend pas 40 % du temps, elle va revenir. Alors, avant de s'avancer, ça, ça va peut-être la conscientiser.

Mme Loiselle: Moi, j'essaie de voir, là... Parce que ce qui m'inquiète un peu, ce n'est pas tellement le nouveau concept qui est présenté par le gouvernement, c'est de voir qu'une grande majorité d'organismes qui ont passé nous ont dit qu'il y aurait peut-être des abus à cet égard-là. Croyez-vous vraiment qu'il va y avoir tant d'abus que ça? C'est ça.

(11 h 50)

M. Bourassa (Sylvain): Oui. Moi, je... À l'instant, je vous dirais oui. La pratique nous... Combien de fois j'entends, personnellement, mon expérience personnelle, qu'on va commencer à discuter avec notre client d'une pension alimentaire selon ce que nous, en tant qu'avocats, on est habitués de voir devant les tribunaux, et quand la personne qui s'attendait à payer encore juste 50 $ par semaine puis qu'on lui dit: Une pension à 50 $, ça n'existe pas, oublie ça, en bas de 125 $, 150 $, elle va dire: Je vais demander la garde, à ce moment-là. Combien de fois ça nous arrive! Alors, je pense que, si on sort la table et qu'on lui dit: Si tu prends tes enfants juste une fin de semaine sur deux, ça va coûter tant, je pense qu'il y a des avocats – je m'avance peut-être, là – qui n'ont que l'intérêt de leur client en tête et non pas l'intérêt des enfants – et ça, je le déplore – et qui vont lui dire: Écoute, si tu t'engageais à prendre ton enfant juste un petit peu plus, bien, dans le fond, tu sais, les droits d'accès, c'est un droit, ce n'est pas une obligation, tu paierais un petit peu moins. Sans un mécanisme de retour, je pense qu'il va y avoir des abus.

Mme Loiselle: O.K. J'aimerais relire la discussion, l'échange que vous avez eu au niveau du coût de l'enfant.

M. Bourassa (Sylvain): Oui.

Mme Loiselle: D'après vous, la grille ne représente pas du tout le coût, les besoins essentiels d'un enfant, parce que chaque famille est particulière. Tantôt, vous avez laissé échapper une phrase qui m'a fait cliquer, vous avez dit que les juges pourraient se servir avec facilité de la grille.

M. Bourassa (Sylvain): Effectivement.

Mme Loiselle: Et ça m'a ramenée à différents groupes, également, qui nous ont dit que, bon, étant donné que tout a été basé sur les neuf besoins essentiels de la sécurité du revenu, ici, on parle d'un coût minimum. Alors, si les juges étaient portés à se servir de la grille avec facilité, alors prendre les montants qui sont là, moi, j'ai l'inquiétude, avec le coût réel, le minimum qu'on retrouve dans la grille. Est-ce que vous avez cette inquiétude-là que, finalement, pour accélérer les choses, on se servirait de la grille et qu'on parle ici de coûts minimums, en bout de piste, c'est peut-être l'enfant qui...

M. Bourassa (Sylvain): Ce qu'on a vécu dernièrement, c'est qu'il y a eu un arrêt qui est sorti, l'arrêt Lévesque, de la Cour d'appel d'Alberta, qui est venu, dans cet arrêt-là, dire: Un enfant, c'est 20 % du salaire brut; deux enfants, 32 % du salaire brut. On a eu certains juges qui l'ont appliqué sans même se poser la question à savoir si on a tenu compte du parent gardien qui avait un revenu. C'était tellement drôle, ils montaient sur le tribunal, sortaient la calculatrice, voilà! Et ils nous écoutaient sans prendre de notes, alors qu'on essayait de faire des distinctions avec ces arrêts-là. Je me dis que, quelque part, s'ils ont fait ça avec cet arrêt-là, notre crainte, c'est qu'ils prennent les tables et qu'ils les appliquent aussi telles quelles. C'est sûr qu'il y aura un gros travail à faire du côté de la magistrature, on le souligne dans notre mémoire, de façon à leur donner la formation adéquate.

Mme Loiselle: Vous parlez de formation, oui.

M. Bourassa (Sylvain): Le système étant fait comme il est fait, il arrive qu'il y a des juges qui viennent passer une semaine en droit familial par année, qui connaissent le principe de base, mais ils ne sont pas capables de faire les distinctions et qui se sont fait, on le sait, briefer avant – excusez l'expression – en disant 20 % ou 32 %, et ils appliquent. C'est une simple question de calculatrice.

Alors, je me dis que c'est ça qui sera le danger avec les tables aussi, qu'on arrive devant le tribunal et que le tribunal nous dise: Bien, maître, regardez ce que le gouvernement dit. Ça, c'est une crainte que nous avons.

Mme Loiselle: D'accord, merci. Moi, je vais vous dire, je n'avais jamais entendu parler de ça et je voudrais que vous nous donniez des cas spécifiques. Quand vous parlez, dans votre mémoire, des jugements tampons, de la pratique légale du droit par des travailleurs sociaux, des secrétaires, des comptables, des clubs juridiques, moi, je vous avoue que je ne savais même pas que ça existait. Donnez-nous des exemples. C'est quoi, cette pratique-là? Il semble y avoir un réseau ou...

M. Bourassa (Sylvain): O.K. Je vous donne un exemple. Oui, il y a présentement... ne serait-ce que pour parler du club juridique. C'est un club qui est fait par un avocat qui a été radié du Barreau et qui fait des procédures, qui va même jusqu'à faire des procédures, si je veux extrapoler, pour poursuivre la magistrature, pour poursuivre les avocats, et qui dit: Faites votre propre divorce vous-même, et qui tout bonnement... ils vont dire aux gens: Bon, voici, on fait la convention. Je te fais ton modèle, et voilà, signe et va-t'en au palais de justice et dépose ça. Si les personnes connaissent bien leur droit de la famille, ça va; s'ils font de la vraie médiation, ça va aussi. On a vu des secrétaires juridiques, pour se faire des revenus, faire les propres divorces. C'est sûr qu'ils ne signent rien, c'est les parties...

Officiellement, ce qu'on voit, c'est les parties qui se représentent seules qui ont de très belles procédures et qui ont tout déterminé ce que ça leur coûtait, et on se dit: Où ont-ils pris ça? Alors, le danger, c'est que ces mêmes personnes là qui n'ont pas la formation juridique nécessaire – et là je n'entre pas dans la question de la médiation, parce qu'on a des médiateurs qui ne sont pas avocats, qui sont très compétents aussi dans le domaine – qui décident de ne pas faire les distinctions nécessaires vont dire: Bon, bien, la table prévoit que l'enfant coûte tant. Ils ne penseront peut-être pas à dire: Bon, bien, les frais de garde, l'école privée, les activités sportives. Qui va en être pénalisé au bout de la ligne? Ce sont les enfants. C'est le danger, quand on parle justement de cette pratique illégale là.

On a vu, comme je vous le dis, des avocats, des notaires – mais, encore là, ça, s'ils sont compétents, ça va – des secrétaires, des comptables prendre... Et les tables, là, il ne faut pas se leurrer, elles circulent à l'heure actuelle. Les clients nous arrivent en disant: Mon comptable m'a dit qu'un enfant coûtait tant, alors... Il y a des comptables qui en font, des ententes puis qui prennent... et ensuite ils disent: Allez-vous-en au palais de justice, il y a un petit livre qui existe, faites vos procédures, et on n'a pas fait la distinction nécessaire.

Il y a les avocats qu'on réfère, les avocats de fins de mois, qu'on appelle, en droit de la famille quand on a un problème. C'est facile de fixer une pension alimentaire quand la table est préétablie, que les gens viennent te voir et qu'ils disent: Bien, nous, on ne sait pas trop comment. Ça coûte combien un enfant? Puis l'avocat dit: Bien, la table coûte tant, sans poser plus de questions à savoir s'il y aura des points particuliers. Ça, on le fait, nous, parce qu'on a l'intérêt des enfants à coeur, mais ceux qui ne l'ont pas, bien, c'est le danger.

Mme Loiselle: O.K. Juste une courte avant de passer la parole à mon collègue. La Chambre des notaires et l'Association des services – j'oublie tout le temps le nom...

Une voix: ...

Mme Loiselle: Oui, c'est ça, de la famille juive... nous a suggéré de peut-être mettre en place une grille régionalisée à cause des écarts de coûts qu'il y a par région, de vivre dans une région ou dans une autre. À brûle-pourpoint, est-ce que ça vous...

M. Bourassa (Sylvain): Nous, à l'Association, on a soulevé ce point-là strictement parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous, on pense que les besoins des enfants devraient être spécifiques, un cas d'espèce. Ce qu'on se disait, c'est que la famille qui bénéficie d'un revenu, on peut toujours prendre le même qu'on donne, par exemple, de 30 000 $ et qui habite, on peut donner par exemple Notre-Dame-de-Grâce, à Montréal, parce que c'est l'exemple qu'on donnait, n'aura pas nécessairement le même coût d'habitation, donc la même part aux besoins des enfants dans le coût d'habitation que quelqu'un qui vit, par exemple, à Trois-Rivières ou même quelqu'un qui vit dans l'est de Montréal. Parce que les besoins des enfants, selon ce qu'on fait présentement, sont évalués, il y a une part du loyer, il y a une part d'électricité, il y a une part de tout qui est donnée. La part ne sera pas la même s'ils vivent différemment. De là à établir des tables régionalisées, nous, à la base, on était contre. Ça fait qu'on n'est pas allé plus loin sur la question.

Mme Loiselle: O.K.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Me Bourassa, quelle est la différence essentielle, quant à vous, entre la formule Paras et la formule présentée par la ministre?

M. Bourassa (Sylvain): À l'heure actuelle, ce qu'on voit comme différence, c'est que, dans la formule Paras, c'est la question des besoins des enfants que l'on mettra en preuve. La formule Paras ne présume pas des besoins des enfants. C'est pratiquement la même chose. On prend, dans la formule Paras, les revenus de chacun des parents, on en tire un salaire familial, on regarde la proportion de chacun dans ce salaire familial là, ce revenu familial.

Là où ça diffère, c'est que, dans la formule Paras, le juge va nous demander: Avec l'aide d'un état de revenus et dépenses, avec votre preuve, combien coûtent les enfants de cette famille-là? Et, là, avec la preuve, on en arrive à dire: Ces enfants-là coûtent, admettons, 150 $ par semaine, ou 300 $ par semaine, selon les cas. Et, là, on revient à la formule du gouvernement en disant: Bon, bien, si l'enfant coûte tant, chacun des parents va payer selon sa contribution. C'est là qu'on voit la grosse différence entre le projet du gouvernement et la formule Paras: ce n'est qu'au niveau de l'établissement des besoins des enfants.

M. Copeman: La discrétion judiciaire dont vous parlez dans votre mémoire est liée d'une façon très étroite à cette notion de coûts des enfants plus qu'autre chose, selon vous.

M. Bourassa (Sylvain): Coûts des enfants et aussi de la situation en général. Parce que, quand on est devant un tribunal et qu'on a à déterminer une pension alimentaire pour un enfant, il y a une foule de points qu'on devra prendre en considération, notamment les deuxièmes familles.

C'est sûr que l'arrêt Willick vient nous dire qu'il faut en tenir compte, qu'on n'a pas de... L'obligation alimentaire de la première famille ne cesse pas. Il y a beaucoup de juges qui nous disent: Bon, bien, dans cette élaboration-là, un débiteur ne se prend pas une deuxième hypothèque s'il n'est pas capable d'assumer sa première hypothèque. Sauf que, à ce moment-là, ils vont faire un certain dosage, ils vont dire: Peut-être que cet enfant-là coûte tant, mais il faut prendre en considération qu'il y a une deuxième famille. Le juge va aussi prendre en considération des dettes familiales que le débiteur alimentaire va prendre à sa charge.

Je pense que la discrétion du tribunal, elle est au niveau de l'élaboration des besoins des enfants mais qu'elle est un petit peu plus large.

M. Copeman: Mais admettons que vous êtes un peu à contre-courant là-dessus, parce que le fédéral s'en va vers une table.

M. Bourassa (Sylvain): Oui.

(12 heures)

M. Copeman: Moi, j'ai lu la clause de la loi fédérale qui indique que, éventuellement, lorsqu'elle sera adoptée, les provinces devront adopter des procédures complètes, pas pour commencer à savoir s'il faut une table pour une autre table, ce n'est pas grave. La volonté du gouvernement est là, d'aller de l'avant avec des tables de fixation.

Je comprends votre réticence. Mais, vu la volonté du gouvernement, comment on peut améliorer la table? Faut-il faire de gros changements, selon vous? Mettons que, malheureusement, le tribunal ne pourra pas faire le calcul des coûts, il faut avoir un calcul de base quelque part. Comment on améliore le processus, présentement, sans remettre le taux en question?

M. Bourassa (Sylvain): Alors, si on veut strictement améliorer le processus, nous croyons, à l'Association, qu'on devra tenir compte des âges des enfants, à savoir si une famille qui a de jeunes enfants a les mêmes coûts qu'une famille qui a des adolescents. Ça, c'est une des grandes améliorations qu'il faudra faire.

Je pense qu'il faudra passer le message comme il faut que ce sont des tables de base et que la notion de difficulté excessive devra être prise dans son sens large, à savoir ne pas la limiter strictement à des besoins comme l'éducation, comme les frais de garde; il y a des questions de loisir. Et peut-être – les gens de l'Association ne seront peut-être pas très contents – de diriger la discrétion de tribunal sur cette notion-là, si le gouvernement va de l'avant avec les tables.

Alors, ce sera très important de prévoir quelque part, je ne sais pas où, mais de bien faire comprendre à la population, aux avocats, à la magistrature qu'il s'agit de tables minimales et que chaque cas va demeurer quand même un cas d'espèce et que ces tables-là sont, quelque part, normatives ou à titre d'information, sinon, je ne peux pas voir comment on peut éviter tous les pièges d'une table, si le gouvernement va de l'avant avec sa table.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Je permets une toute petite question à Mme la ministre pour terminer.

Mme Harel: Parce que je veux profiter de votre présence et de votre expérience aussi de plaideur pour savoir comment, en général, selon votre expérience, les tribunaux attribuent la pension au conjoint de fait. Étant donné qu'il n'y a pas d'obligation alimentaire, est-ce qu'ils en tiennent compte ou pas, selon vous, dans l'attribution globale?

M. Bourassa (Sylvain): C'est sûr que, si un tribunal allait dire qu'il va donner une pension alimentaire plus élevée pour l'enfant, ça irait en appel. C'est clair. Ce qu'on remarque, c'est que les tribunaux sont généralement plus généreux, plus souples dans la détermination des besoins de l'enfant. Alors, comme je l'expliquais tout à l'heure, il ne serait pas étonnant de voir un tribunal accorder 50 % du coût du loyer dans un cas d'union de fait pour, peut-être, donner un coup de main à madame, alors que, si les gens étaient mariés et que madame avait droit à une pension alimentaire ou pas, mettons qu'elle serait autonome, n'en mettrait que 30 %.

Mme Harel: D'autant plus qu'il y a le patrimoine, le partage du patrimoine dans les cas de rupture de mariage, et il n'y en a pas dans le cas des conjoints de fait. Il n'y a donc ni patrimoine ni obligation alimentaire.

M. Bourassa (Sylvain): C'est-à-dire que, dans le cadre de la rupture, le débat est beaucoup plus limité dans les unions de fait. On ne peut même pas aller chercher une prestation compensatoire pour la contribution de madame dans l'entreprise de monsieur, par exemple. On ne peut pas faire de partage de biens non plus. Ça se limite à la garde, à la pension et aux accès. Alors, souvent, il arrivait – c'est du non-dit, mais l'expérience nous le démontre – que le tribunal allait juste, pour donner un petit coup de pouce ou pour une certaine reconnaissance, augmenter la pension alimentaire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Me Bourassa, malgré que ce soit très intéressant et instructif, je vous remercie beaucoup, au nom des membres de la commission.

Je suspends les travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 5)

(Reprise à 14 h 18)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! J'invite les représentantes de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec à nous faire leur présentation. Si vous voulez vous présenter, pour fins d'enregistrement.


Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ)

Mme Lévesque (Sylvie): Oui. Merci beaucoup. Mon nom est Sylvie Lévesque. Je suis directrice générale de la Fédération. Je ne répéterai pas le nom, vous l'avez déjà mentionné. Il est déjà assez long comme ça. Je vais vous présenter mes collègues, aussi. Il y a Maria-Marcelle Therrien, qui est vice-présidente de la Fédération, qui va aussi, tantôt, faire un bout de notre présentation, ainsi que Claudette Mainguy, qui est agente de développement.

Alors, effectivement, c'est un dossier qui nous préoccupe beaucoup, à la Fédération, depuis plusieurs années. On a fait le bout de la perception; on est rendu pas mal au bout de la chaîne, qui est la fixation des pensions alimentaires, c'est-à-dire les modalités, comment fixer la pension alimentaire. Alors, je vais faire un bout, Maria va compléter et Claudette va plus rentrer dans le vif au niveau du contenu.

Juste un point d'introduction. Comme vous avez pu voir dans notre mémoire, quelque chose qu'on a trouvé déplorable, quand même, c'est que, comme on est un organisme communautaire dans lequel on regroupe beaucoup d'associations et beaucoup de gens, on a beaucoup déploré le fait que la consultation se fasse durant l'été. Alors, on a pu difficilement, malheureusement, consulter l'ensemble de nos membres parce qu'on a eu un délai très court pour le document de consultation. Alors, on a quand même présenté un document, mais c'est sûr qu'on n'a pas pu aller aussi en profondeur qu'on l'aurait voulu parce que, compte tenu des délais qu'on a eus... Alors, on espère que, dans d'éventuelles commissions ou d'éventuels dossiers, vous serez plus sensibles à la question des organismes communautaires, puisqu'on a justement, nous, eu à retourner auprès de nos membres puis à aller vérifier. Donc, c'est un élément qu'on trouve regrettable, et on espère que, dorénavant, le gouvernement en tiendra compte. Maria, peut-être sur le bout de la Fédération.

(14 h 20)

Mme Therrien (Maria-Marcelle): D'accord. La pension alimentaire est directement liée aux ruptures d'unions. Lorsque le noyau familial se scinde, elle vise à permettre aux enfants de continuer à vivre à peu près au même niveau qu'avant le divorce ou la séparation. Elle vise également à perpétuer, après la dissolution du couple, la responsabilité des deux parents. L'administration actuelle en matière de divorce se résume en un affrontement entre deux adultes qui doivent continuer, malgré leurs différends, à voir au bien-être de l'enfant ou des enfants qu'ils ont eus ensemble. Nous croyons sincèrement que les règles de fixation peuvent aider grandement à réduire les frustrations et les négociations qui entourent la séparation ou le divorce. Cependant, elles doivent être simples à comprendre et à appliquer, c'est fondamental. En ce sens, nous croyons que votre proposition est trop complexe, et c'est ce que nous tenterons de vous démontrer.

La Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec est un organisme provincial sans but lucratif qui existe depuis plus de 20 ans et dont la mission première est la défense des droits des familles monoparentales et recomposées du Québec. En accord avec notre mission, nous avons mené, au fil des ans, plusieurs batailles pour obtenir des gains pour les familles monoparentales et recomposées. Nous regroupons plus de 40 associations de familles monoparentales et recomposées à travers la province et nous rejoignons plus de 20 000 personnes. Pour répondre aux besoins de nos associations ou membres, un soutien leur est offert par des services de formation et d'information.

Vous savez qu'au Québec on détient le record canadien du taux de monoparentalité. À la fin de 1994, il y avait plus de 268 880 familles à parent unique et, de ce nombre, 82 % des familles sont dirigées par une femme. Et, selon une étude publiée par Santé Québec, 59 % des enfants de familles monoparentales ayant une femme à leur tête sont pauvres ou très pauvres. En tant que fédération, il nous apparaît essentiel de vous faire part de nos recommandations en ce qui concerne la fixation des pensions alimentaires malgré que la majeure partie de nos membres vit de l'aide sociale. Même si ces personnes ne profitent pas actuellement des bienfaits qu'une pension alimentaire pourrait représenter pour leurs enfants, elle peut, à moyen et à long terme, les aider à quitter l'aide sociale.

Nos commentaires sur le modèle de fixation. Premièrement, les principes. Les principes énoncés dans votre modèle mettent de l'avant la responsabilité des deux parents. C'est ce qui prime. Il est facile de le constater tant dans l'énoncé que dans le traitement des divers modes de garde. Le principe est louable, certes, mais, entre l'idée et la réalité, il y a un monde. De plus, l'élaboration des coûts reliés aux enfants tient compte de dépenses non qualifiables représentant les exigences physiques, psychologiques et autres que peuvent représenter les enfants. Nous croyons que cette reconnaissance devrait être un principe. Nous croyons qu'une amélioration passe nécessairement par une simplification de la procédure. Plus l'ensemble sera simple et standard, plus il pourra tendre à réduire les conflits et les tensions. Cette différence est fondamentale puisqu'elle démontre une volonté d'équité. Nous sommes tous conscients et conscientes de la lourdeur du système de justice et nous sommes tous d'accord pour l'alléger. Nous croyons que le système de fixation doit viser en premier lieu à réduire la lourdeur de la machine.

Mme Mainguy (Claudette): Alors, pour ce faire, nous aimerions que la fixation soit le plus simple possible. Les tables de fixation, l'idée est excellente, sauf que l'efficacité des tables réside dans leur application. En fait, si les tables ne sont que des guides, la progression par rapport à ce qu'on vit actuellement n'est pas très grande, et puis on va voir, dans quelques années, les mêmes problèmes ou les mêmes situations continuer à se perpétuer dans le temps parce que, tant que ça demeure négociable, il va toujours y en avoir pour négocier puis pour passer à côté. Dans ce sens-là, si une table est appliquée pour ce qu'elle est – comme une table d'impôt, on ne conteste pas que la table est valable ou pas, on l'applique même si ça ne fait pas toujours notre affaire – on va arriver à déjudiciariser le système puis à éliminer cet élément de négociation qui est si important puis si lourd.

Il ne faut pas oublier non plus qu'il y a beaucoup de personnes qui subissent des pressions de tout ordre, qui ont souvent peur des représailles. Beaucoup de femmes ne retournent pas en cour parce qu'elles ont peur des représailles. Ça, c'est quelque chose qui est réel. Ensuite, que les tables soient basées sur le revenu individuel, pour nous, ça revient à la même chose que de faire une table basée sur un revenu familial puis, après ça, de séparer ça au prorata du revenu. Si la table est individuelle, elle montre les mêmes chiffres. D'ailleurs, j'ai fait le rapport entre le fédéral, qui montre une table individuelle, et la proposition provinciale, puis, à quelques dollars près, ça arrive à la même chose. Pourquoi montrer nécessairement qu'un paie un pourcentage, quand on sait que c'est un pourcentage présumé et c'est un pourcentage réel dans un autre cas? C'est la même réalité qui est là; les parents gardiens ont toujours une part en dollars à assumer auprès de l'enfant.

Je vais expliquer un petit peu plus tard aussi... Il y a un point qui était un petit peu choquant par rapport à ce pourcentage-là; je vais l'expliquer un petit peu plus loin dans l'exposé.

Ensuite, que le système de fixation soit géré par le Revenu. Et pourquoi pas? Si on arrive avec quelque chose de simple, ça peut très bien être géré par le Revenu. Il y a déjà un personnel en place à cause de la perception. Le Revenu détient toutes les informations concernant les revenus de chacun. Il est donc en mesure d'ajuster les montants de pensions alimentaires en fonction des augmentations ou des diminutions de revenus des personnes payeuses. Si on parle de gérer un tel système par le Revenu, il est également possible de penser à automatiser le système de la même façon que l'est la perception. Une fois que les tables s'appliquent, il n'y a aucune raison que ce ne soit pas automatique, dans le fond.

Alors, qu'une requête en diminution de pension alimentaire puisse être accordée à un parent non gardien à la fin d'une année, après qu'il aura prouvé qu'il a bien passé plus de 20 % du temps avec son ou ses enfants, cette proposition-là, on l'a reprise même si – et je vous explique pourquoi – quelque part, c'est un petit peu choquant. Vous avez une table qui détermine un montant de pension alimentaire à payer; par rapport à un revenu familial ou par rapport à un revenu individuel, le principe est le même. Cette table-là comporte un coût direct et un coût indirect. C'est bien dit dans la proposition; dans le document qui nous est parvenu avant le résumé, là c'est très bien défini, les coûts indirects étant des coûts psychologiques, physiques et autres que le parent gardien peut subir ou subit, même.

Alors, si on dit: Bon, ce montant-là englobe ces deux types de coûts là, on aurait dû avoir deux colonnes: une colonne de coûts directs et une colonne de coûts indirects. La colonne de coûts directs est basse quand l'enfant est bébé, alors que la colonne de coûts indirects est très élevée. À mesure que l'enfant grandit, la colonne de coûts directs monte et la colonne de coûts indirects baisse, ce qui fait que les montants sont égaux; ça, on comprend ça. La colonne de coûts directs, au pourcentage, c'est logique parce que c'est des dépenses qu'on fait en dollars, mais la colonne de coûts indirects, c'est en temps qu'elle se calcule. Or, vous créditez avant le fait un 20 % au parent qui dit qu'il va garder son enfant 20 % du temps. À notre sens, à notre point de vue, c'est une erreur parce qu'il y a beaucoup de gens qui vont s'avancer pour dire: Oui, je vais garder mon enfant 20 % du temps, et qui ne le feront pas. Mais qui va avoir l'odieux, encore, de retourner en cour? C'est toujours le parent gardien qui va devoir retourner pour se faire remettre cet argent-là, ce que le père – le père, dans la majeure partie des cas, là – n'aura pas fait. Vous comprenez un petit peu la nuance? Par contre, on l'a laissé, l'article, parce qu'on trouve ça important que le père prenne ses responsabilités. Pour les familles monoparentales, un des problèmes principaux est le répit parental, avoir des temps de répit parce qu'on cumule la double tâche, on le sait.

Il y a aussi un père qui n'assume pas ses droits de garde correctement. L'enfant, il va en souffrir d'une certaine manière, parce que le petit, il attend à la porte avec sa valise et le père n'arrive pas. Alors, ce genre de situation là, c'est dommage pour l'enfant. Il y a aussi des cas où la personne, le parent gardien travaille cette fin de semaine là et doit s'occuper de trouver des solutions à la dernière minute pour faire garder son enfant, pour aller occuper son emploi. Alors, c'est toutes sortes de choses que nous pensons que, si cette clause-là demeure, mais après le fait seulement, ça ne peut qu'être bon pour tout le monde.

(14 h 30)

Alors, Sylvie, j'aimerais que tu enchaînes avec le dernier article.

Mme Lévesque (Sylvie): On revient encore avec... Bon, puis je pense que le Barreau aussi... Il y a d'autres groupes qui l'ont mentionné: c'est au niveau de la prestation des femmes chefs de famille monoparentale qui sont sur l'aide sociale. On sait qu'il y en a un bon nombre au Québec. Alors, c'est sûr que ce n'est pas nécessairement relié au domaine de la fixation, mais, nous, on revient à la charge là-dessus dans le sens de dire, pour ces femmes-là – comme, nous, on regroupe aussi la majorité des femmes sur l'aide sociale – qu'en soi ça ne règle pas leur problème de pauvreté. Et de ne pas... Comme la pension alimentaire, elle est réduite, évidemment, à 100 %, on réitère le fait que... au moins d'avoir une préoccupation pour qu'elle ne soit pas, justement, encore une fois, quand l'«ex» donne la pension alimentaire, déduite à 100 %. Donc, on a encore fait la recommandation que, au moins la majoration que les enfants reçoivent, celle-là pourrait être, par exemple, réduite, mais, pour ce qui est de celle de la femme chef de famille, qu'au moins celle-là ne soit pas déduite à 100 %. Donc, on revient à la charge avec ça. C'est sûr que ça ne relève pas juste de la fixation – on en est bien conscientes – mais, en même temps, je pense que c'est important d'avoir encore cette préoccupation-là en tête.

Ensuite, au niveau de... Bon, c'est un peu l'essentiel qu'on voulait vous transmettre. On revient aussi sur la perception automatique. On sait que le système, il est, oui, en vigueur. Au départ, il y a un an et demi, quand la loi a été mise en place – la loi 60 – on avait mentionné le fait qu'il devait y avoir, à l'époque, un comité de suivi. Alors, on redemande si, effectivement, ce comité-là... s'il existe, s'il a vu le jour. Aussi, comme c'est quelque chose qui est quand même récent au niveau du fonctionnement, alors on se demande si ce serait intéressant que ce comité-là voie le jour ou, en tout cas, qu'il y ait une certaine surveillance au sein de ce dossier-là de la perception.

Au niveau de la défiscalisation, on sait que ça va venir aussi en mai 1997, que les argents économisés, justement, puissent bien servir aux familles qui vont en avoir besoin, aux familles les plus démunies, qu'ils serviront, justement, à alléger leur fardeau fiscal. Et aussi, à ce moment-là, de prévoir des moyens plus... moins judiciarisés, des moyens de médiation auxquels... Justement, plutôt que les femmes retournent encore en cour pour renégocier, que ça ne soit pas imposé, leur pension alimentaire, particulièrement celles qui sont avant 1997. Alors, on revient à la charge là-dessus aussi pour voir si vous avez prévu des mécanismes de médiation dans ce sens-là.

C'est sûr que le modèle proposé... En tout cas, ce qui est nettement intéressant là-dedans... Même si, nous, on a aussi des critiques par rapport au modèle que vous proposez, c'est sûr qu'il va y avoir une nette augmentation au niveau... Ça va être substantiel. Je pense que ça va être intéressant aussi, à ce niveau-là, pour les femmes – et ça, il faut le mentionner, quand même – dans le modèle que vous proposez. À ce niveau-là, nous, on ne voulait pas faire une guerre de chiffres avec vous là-dessus pour vous dire si ces tables-là conviennent ou non. On est plutôt allées du côté de la simplification au maximum pour les deux parties en cause, pour que ce soit le plus facile possible et le plus simple possible pour les deux parties et non pas de faire des... Je pense que vous avez assez de ressources compétentes à ce niveau-là pour faire les chiffres auxquels... On ne voulait pas faire de guerre là-dessus; c'était plus au niveau des relations entre les deux parties. Alors, c'est un peu ça, dans l'ensemble.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, mesdames. J'inviterais maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Alors, merci, Mme Lévesque, de même que Mme Therrien et Mme Mainguy. J'imagine que ma collègue de Blainville va vouloir aussi certainement participer à l'échange. Alors, M. le Président, retenez-moi dans le temps pour lui laisser du temps.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'aime ça quand quelqu'un me demande de le retenir...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Oui, parce que, dans le fond, votre mémoire porte sur beaucoup d'aspects. D'abord, je veux m'excuser du fait qu'on vous ait bousculées – vous le mentionnez – mais je vous rappelle que le gouvernement fédéral a déposé en mai le projet de loi modifiant la Loi sur le divorce qui prévoit des lignes directrices pour les pensions alimentaires pour les enfants. Alors, à partir du moment où il y avait un compte à rebours qui était commencé, je ne vous dis pas que c'est le calendrier qu'on aurait choisi, là, n'eût été du fait qu'on était comme bousculés de notre côté, puisque, si on n'a rien adopté d'ici au printemps prochain, c'est finalement la table de fixation fédérale qui va s'appliquer. Alors, ça nous a amenés, donc, à choisir dans la balance des inconvénients, à déposer le document en juin, en se disant qu'on pouvait sans doute, avec la consultation qui a lieu fin août, prévoir un projet de loi qui serait adopté d'ici à Noël de façon qu'il puisse s'appliquer et de façon aussi que les débiteurs puissent se préparer à l'idée qu'ils vont avoir une augmentation.

Vous savez que, appliqué sur la base des statistiques des pensions alimentaires extraites des déclarations fiscales, là... l'application du modèle de fixation devrait se traduire par une hausse moyenne des montants nets des pensions alimentaires pour enfants d'environ 1 200 $ par année.

Une voix: Oui, oui.

Mme Harel: J'ai pensé, ceci dit – puis je vais le remettre au secrétariat de la commission, qui pourra le remettre aussi aux membres de cette commission – faire faire le même exercice, mais sur le modèle fédéral, pour voir qu'est-ce que ça donne au bout de la ligne, là, l'idée étant d'aller chercher celui qui, à mon point de vue, doit être le plus généreux pour les enfants. Alors, je pense qu'on va faire le même exercice aussi.

Dans la grille de fixation, selon les chiffres que j'ai, là, jusqu'à environ 80 000 $ de revenu familial, c'est beaucoup plus généreux, le modèle québécois, que le modèle fédéral.

Une voix: Oui.

Mme Harel: En haut de 80 000 $, là ça commence à diminuer. C'est la fiche... Ceci dit, c'est assez systématique, là, quand il y a présence d'un enfant, jusqu'à un revenu du parent non gardien de 50 000 $, avec un revenu du parent gardien, disons, jusqu'à 20 000 $, vous voyez? Alors, là c'est beaucoup plus généreux, le modèle québécois.

Le modèle québécois le devient moins, en comparaison au modèle fédéral, en haut de 80 000 $. Ceci dit, le modèle fédéral n'est pas tablé que sur le pourcentage de revenu correspondant aux dépenses des enfants. Il présume aussi. Vous êtes conscientes de ça. Il présume un revenu du parent non gardien... du parent gardien, excusez-moi. Il présume que le parent gardien...

Mme Lévesque (Sylvie): Oui, oui, 40 %.

Mme Harel: ...a un revenu à 40 % du revenu du parent non gardien. Alors, il fait l'addition du revenu du parent non gardien et de 40 % du revenu du parent gardien, puis c'est le total qui donne le revenu familial. Vous aviez quelque chose à dire à ce sujet-là?

Mme Mainguy (Claudette): Oui. C'est que ce n'est pas les coûts... Sylvie vous a dit d'ailleurs que les coûts, on ne s'est pas arrêtées à ça. Il y a des spécialistes, il y a des gens qui se penchent là-dessus puis qui sont pas mal plus qualifiés que nous autres pour établir des coûts pour les enfants, en fait, des montants qui correspondent à une réalité. C'est surtout pour le principe. La table fédérale est individuelle. C'est juste le principe de l'individualité. Parce que...

Mme Harel: Non, elle ne l'est pas, justement. C'est parce que... C'est invisible, mais il y a une contribution du parent gardien qui est...

Mme Mainguy (Claudette): Hypothétique.

Mme Harel: ...invisible... pas hypothétique; elle est présumée. Elle est introduite. Elle est à 40 % du revenu du parent non gardien. Alors, ça a l'air occulte, mais elle est dedans. Alors, peut-être que je... Moi-même, vous remarquerez que j'ai eu la même réaction que vous, mais après, spécialistes aidant, on m'a démontré que, non, on prenait en considération deux revenus, un qui a beau être hypothétique, qui est quand même additionné.

Mme Mainguy (Claudette): Oui, c'est normal, et la table, mettons la table provinciale, si on lui enlève les déductions puis qu'on la part plus haute pour tenir compte des déductions, et puis si on la fait sur une base individuelle, le résultat va être le même.

Mme Harel: Attendez.

Mme Mainguy (Claudette): Entre le présumé et le réel...

Mme Harel: Il y a une grande...

Mme Mainguy (Claudette): ...c'est-à-dire... Mettons que, je ne sais pas, moi, une femme gagne 25 000 $, ce qui est à peu près dans nos réalités, et que monsieur gagne 75 000 $, qui est à peu près aussi une réalité...

Mme Harel: Ha, ha, ha!

Mme Mainguy (Claudette): ...en tout cas, mettons que c'est un petit peu comique, là. Ha, ha, ha! Ça fait 100 000 $. Monsieur gagne 75 % du revenu familial et madame en gagne 25 %. On s'entend là-dessus? Donc, la table provinciale fait ce calcul-là, qui n'est pas nécessaire, à notre point de vue. C'est juste ça.

Mme Harel: Bon. Mais...

Mme Mainguy (Claudette): Autrement, si on a une table qui élabore tout ça, à 25 000 $, on regarde quel montant qui est présumé, puis à 75 000 $, on regarde quel est le montant réel à être payé. Comprenez-vous? C'est la même chose.

Mme Harel: Ah! oui, oui, oui.

Mme Mainguy (Claudette): C'est la même chose.

Une voix: Même avec le 40 %...

Mme Mainguy (Claudette): Vous me suivez, là?

Mme Harel: Donc, ça, c'est un troisième scénario.

Mme Mainguy (Claudette): Ha, ha, ha!

(14 h 40)

Mme Harel: Bon, attendez. On va regarder. On va regarder au moins les conséquences qu'il a sur la réalité des enfants. Mais il y a une chose, par ailleurs, sur laquelle je voudrais insister, c'est que les transferts gouvernementaux, vous êtes conscientes qu'ils ne sont pas pris en considération dans la table québécoise; ils s'ajoutent aux montants qui sont, si vous voulez, identifiés comme étant la pension à payer. Par exemple, avec un enfant, si le parent non gardien gagne autour de 30 000 $, ce qui est plausible, et le parent gardien autour de 20 000 $, ce qui est plausible aussi, alors, vous voyez, avec un enfant, c'est 2 727 $, la pension alimentaire, et dites-vous que le parent gardien garde tous les transferts gouvernementaux, c'est-à-dire les allocations familiales et les crédits d'impôt pour enfants, ce qui fait autour de 800 $ par année non imposables. Ça, pour nous, ce n'est pas dit comme tel, mais je pense que ça vaut la peine d'insister, c'est modeste, mais ça compense en partie les coûts non financiers du parent gardien, parce que ça s'ajoute.

Dans le modèle fédéral, tout ça, c'est intégré, les transferts. Vous êtes conscientes de ça, les transferts sont intégrés. Allocations, crédits d'impôt, ils sont intégrés et ils ne s'ajoutent pas en surplus de la pension. Dans le modèle québécois, ils s'ajoutent.

Une voix: ...

Mme Harel: Non. Ça, c'est peut-être un élément... Le Conseil du statut de la femme est venu ce matin, d'ailleurs, pour insister sur le fait qu'il fallait l'inscrire comme un principe, nommément, en disant que c'est une plus juste compensation pour le coût du parent gardien. Je pense que, ça, c'est un élément qui est peut-être important. Juste avant de terminer... vous m'indiquez déjà que la fin est quasi arrivée...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non, je n'ai rien indiqué encore.

Mme Harel: Ah! vous ne m'avez rien indiqué.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Bon. Il y a deux choses sur lesquelles j'aimerais vraiment avoir votre point de vue. Vous nous parlez des chefs de famille monoparentale qui sont à l'aide sociale. On sait que deux tiers des familles monoparentales dirigées par une femme dont les enfants ont moins de six ans, 75 % en fait, deux tiers sont à l'aide sociale. C'est un peu plus que deux tiers, même. C'est finalement les trois quarts, alors c'est 75 %. Et vous dites: Il devrait y avoir une compensation. À ce moment-là, est-ce que... Et cette compensation, vous, vous pensez que la prestation de base devrait être conservée et, en fait, c'est la prestation pour enfants qui devrait être modulée, n'est-ce pas... pourra l'être, dites-vous. Mais avez-vous un rationnel? Par exemple, c'est évident qu'il faut trouver un rationnel socialement justifiable, de manière à ce qu'une femme chef de famille qui va travailler puis qui paie de l'impôt, disons, à 14 000 $, et se voit amenée, disons, à être comparée à une femme qui pourrait recevoir une pension très, très substantielle pour l'enfant, mais être, elle personnellement, sur l'aide sociale, à un niveau de revenus peut-être de 15 000 $, par exemple...

Alors, est-ce que vous pensez qu'il doit y avoir un rationnel au moins quant aux revenus permis? Disons, hypothétiquement, est-ce que vous envisagez que ça puisse être une pension même de 20 000 $, à un moment donné, avec l'aide sociale qui s'ajouterait, ou si vous pensez qu'il faut que ce soit socialement équitable?

Mme Mainguy (Claudette): J'aimerais répondre à ça. À un moment donné, c'est qu'il y a une table qui est mise sur la table, soyons clairs. Quelque part, je ne suis pas sûre, là, mais il me semble que je n'ai pas vu de montant de pension alimentaire qui montait à 15 000 $. En tout cas, je ne me suis pas rendue à ce niveau-là. Dans ma réalité à moi, ça ne touchait pas ça.

Mme Harel: Non, mais la réalité est multiple et complexe.

Mme Mainguy (Claudette): Oui. Ça, ça s'applique pour les pensions alimentaires pour les enfants mineurs. Madame qui voudrait avoir une pension alimentaire parce qu'elle est restée 20 ans à la maison, ou quelque chose comme ça, là, puis qu'elle a besoin de retourner aux études ou de se recycler, je ne pense pas qu'elle collecte de l'aide sociale quand le monsieur est capable de payer des pensions de l'ordre de 15 000 $ et 20 000 $. Je pense qu'à ce moment-là elle va demander à monsieur de verser une pension alimentaire pour madame, chose qui est en dehors de cette proposition-là, finalement.

Mme Harel: Oui, mais je vous rappelle qu'entre conjoints de fait il n'y a pas d'obligation alimentaire.

Mme Mainguy (Claudette): Non. C'est un fait.

Mme Harel: À 100 000 $ de revenus... Tantôt, vous pensiez qu'à 75 000 $ c'était fréquent pour un homme. Bien, à 100 000 $ de revenus pour le parent non gardien, sans aucun revenu pour le parent gardien, ça donne 15 420 $ de pension. Alors, il est possible qu'il n'y ait aucun revenu, puis que ce soient des conjoints de fait, puis qu'elle ne puisse pas demander d'obligation alimentaire. En fait, je vous dis simplement ceci: Je pense qu'il faut regarder une réalité qui est justement celle de motiver, d'encourager, d'inciter les pères à être des pourvoyeurs. On a beaucoup dévalorisé le fait d'être pourvoyeur. Je pense qu'il faut revaloriser ça dans notre société. C'est aussi un rôle parmi d'autres, mais un rôle important aussi.

Ceci dit, il faut que cela se fasse peut-être aussi pour qu'il y ait moins de pères inconnus. Vous êtes conscientes qu'à l'aide sociale presque le tiers des enfants n'ont pas de père sur leur certificat d'enregistrement. Le père n'est même pas inscrit au certificat. C'est des enfants qui, toute leur vie, n'auront pas de père, disons, qui leur sera attribué. Je ne vous dis pas qu'il n'y en a pas un dans la salle d'accouchement à l'hôpital, mais il n'est pas inscrit, en tout cas, sur le certificat, sans doute peut-être pour l'aide sociale.

Mme Mainguy (Claudette): Oui, c'est possible. Mais ce que vous soulevez comme question, si on parle d'une pension alimentaire de 15 000 $ versée pour les enfants, à ce moment-là, il reste que la personne, elle a un supplément. Elle n'a plus le montant d'aide sociale. Le supplément, ce qui est l'excédent de l'aide sociale va lui être versé. Et puis, dans le fond, si le 15 000 $ s'applique à ses enfants, je comprends que ça représente un problème, ça en représente un effectivement. Il reste que ce 15 000 $ là n'est pas versé pour madame, il est versé pour les enfants.

Mme Harel: Oui, mais vous nous dites qu'avec votre formule la dame recevrait 6 000 $ par année plus le 15 420 $, donc elle recevrait 21 420 $ non imposables. Moi, ce que je vous dis, c'est qu'une chef de famille monoparentale qui va travailler, qui fait un revenu autour de 14 000 $, commence à payer de l'impôt. Là, il commence à y avoir un problème d'équité. D'accord.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que, Mme la députée de Blainville, vous avez des questions?

Mme Signori: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous pouvez y aller.

Mme Signori: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue à la Fédération. Je me suis retrouvée à la place de Sylvie quelquefois et quelquefois à la place de Mme Therrien aussi, lors de commissions parlementaires.

Moi, j'ai deux questions à vous poser. La première, c'est: Est-ce que vous avez un peu réfléchi à la situation de l'enfant adulte qui serait encore aux études, dans la proposition que l'on vous fait? Et la deuxième question – je les pose tout de suite, au cas où le président me coupe la parole – alors, la deuxième, c'est sur...

Une voix: Elle le connaît bien.

Mme Signori: ...je voudrais savoir si vous avez... Je sais que vous avez mentionné brièvement dans votre mémoire... Vous avez réfléchi un peu sur les difficultés excessives et vous mentionnez aussi qu'on laisse ouvert... en mentionnant les difficultés excessives, qu'on va probablement ouvrir aussi aux négociations ou, en tout cas, au marchandage entre les individus. On en mentionne quelques-unes. Moi, ma peur, c'est que cet élément-là soit souvent apporté en voulant modifier la fixation des pensions alimentaires.

Alors, je sais que... Vous avez peut-être réfléchi à ça. Est-ce que, vous autres, vous avez quelque chose à nous proposer autre que ce que vous avez mentionné?

Mme Lévesque (Sylvie): On pourrait peut-être y aller avec la première parce qu'on en avait discuté, au niveau des enfants majeurs.

Mme Mainguy (Claudette): Oui. D'abord, pour la première question. On en a justement parlé en montant, parce que la fixation touche les enfants mineurs. Mais, aujourd'hui, c'est une réalité, les enfants, à 18 ans, sont au cégep, ou à peu près, et ça, dans les meilleures conditions, parce que c'est normal. C'est là qu'ils sont rendus. Qu'est-ce qu'on fait avec ces enfants-là qui ont 18 ans et qui sont au cégep? Ils ne sont pas compris dans cette proposition-là. Ils ne sont nulle part. On n'a pas de réponse miracle non plus. En fait, il y a comme deux solutions. Évidemment, de les inclure aux tables de fixation, mais, encore là, il y a danger aussi, ils sont majeurs. On présume qu'ils peuvent avoir un petit revenu pour assurer leurs petites dépenses, quelque part, pendant l'année, pour subvenir au moins à leurs vêtements et à leurs petites dépenses personnelles.

Si, par contre, on élimine ça complètement ou si on l'embarque d'une façon complète, il y a aussi danger que, par caprice et non pas par besoin, un enfant décide d'aller... de partir de chez ses parents, par exemple, de s'en aller se prendre un appartement. Si on impose ça. Tandis qu'on va devoir le faire si, par contre, l'enfant doit se déplacer dans le cadre des études qu'il poursuit. Par exemple, je pense à un enfant qui étudierait à l'école vétérinaire, à Saint-Hyacinthe, bien, s'il reste à Québec, c'est bien évident qu'il ne peut pas voyager. Donc, il faut qu'il reste là. Alors, c'est difficile.

On se dit aussi que peut-être ça pourrait être, j'imagine, comme une femme qui voudrait avoir une pension alimentaire parce qu'elle a besoin de retomber sur ses pattes, et ainsi de suite, comme je le disais tout à l'heure. Peut-être que l'enfant de 18 ans pourrait être traité comme ça et qu'on le laisse, lui, faire la démarche s'il n'y a pas d'entente entre les parents ou s'il n'y a pas moyen de s'entendre autrement.

Mme Signori: Mais si vous prévoyez que l'enfant pourrait faire sa démarche, vous ne trouvez pas ça un peu... C'est un peu mettre l'enfant... en tout cas, moi, je pense, un peu... entre le père et la mère. C'est le mettre... Même s'il est majeur selon la loi, ça va rester que cet enfant-là va être un peu comme obligé de poser une action contre un de ses parents, là.

(14 h 50)

Mme Mainguy (Claudette): Les deux.

Mme Signori: Bien oui, c'est ça. Je trouve ça assez difficile.

Mme Lévesque (Sylvie): C'est un peu le même principe que la contribution alimentaire actuellement au niveau de l'aide sociale aussi. Au parental, ça cause certains problèmes aussi à ce niveau-là. Donc, c'est sûr... C'est pour ça qu'on n'a pas nécessairement de solution à ce niveau-là, mais on a effectivement un peu réfléchi à ça. Peut-être que si, éventuellement, il y a des discussions qu'on peut faire, conjointes, à ce niveau-là, ça peut être intéressant.

Mme Signori: Vous seriez favorables à ce qu'on prévoie quelque chose.

Mme Mainguy (Claudette): Oui.

Mme Lévesque (Sylvie): Parce que c'est une réalité, je pense, de plus en plus. Les jeunes restent plus longtemps à la maison même s'ils ont un revenu, qui n'est pas suffisant pour les faire vivre, sauf que c'est une réalité qui est là, qui est des années actuelles, qui ne l'était pas dans le temps. Donc, je pense qu'il faut en tenir compte à ce niveau-là.

Mme Mainguy (Claudette): Pour la deuxième question en ce qui concerne les contraintes excessives, je pense que dans les documents, que ce soit le document provincial, étant donné que c'est celui-là qu'on regarde maintenant, elles sont très bien exprimées. C'est sûr que, quand on regarde ça, contraintes excessives, bien, c'est facile de penser que tout le monde peut vivre au-dessus de ses moyens. Mais je pense que la proposition, en tout cas ce qui est mis sur la table concernant les contraintes excessives, va au-delà de ça puis s'applique à des choses vraiment concrètes et réelles qui peuvent arriver dans la vraie vie. Comme un parent qui est obligé de déménager pour son travail en Gaspésie, mettons qu'il veut voir ses enfants, c'est bien évident qu'il va falloir qu'il couche quelque part, et ça va lui prendre un motel, ça va lui coûter plus cher de gaz, ça va lui coûter... en tout cas, des dépenses plus grandes. Ce n'est pas par mauvaise foi qu'il le fait, c'est pour travailler, mettons. Ensuite, comme au niveau d'une deuxième... Puis, ça, c'est quelque chose qu'on regardait aussi, mettons: Un père gagne 40 000 $, il paie une pension de 4 000 $ aux enfants de sa première famille. Ce monsieur-là se remarie et, là, il divorce à nouveau, il a eu un enfant avec la deuxième famille. Donc, pour nous, la contrainte excessive, dans ce cas-là, ça veut dire que le monsieur a vécu avec sa deuxième famille avec 36 000 $, donc, pas 40 000 $, parce que son 4 000 $ est déjà hypothéqué pour ses enfants de sa première famille. Ça, c'est une traduction de la contrainte excessive version famille monoparentale.

Mme Lévesque (Sylvie): C'est la réalité actuelle aussi, parce que, des familles recomposées, il y en a de plus en plus. C'est important d'en tenir compte.

Mme Mainguy (Claudette): Puis il y a aussi une portion qui s'applique à des dettes contractées de bonne foi pour le bien-être de la famille. Ça, c'est vérifiable. Je pense que le Revenu... Si on confiait ça au Revenu... Le Revenu a en main tout ce qu'il faut pour ça. Le Revenu peut même jusqu'à présumer que le revenu de monsieur n'est pas conforme au style de vie qu'il mène. Il a ce pouvoir-là. J'ai vu ça au moment où on suivait un cours sur la loi 60 au Barreau. Il y a vraiment des normes pour voir.

Mme Signori: Bien. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Moi, j'aimerais revenir... Ce matin, juste avant le lunch, on a rencontré Me Bourassa, de l'Association des avocats et avocates en droit familial. C'est la première fois que quelqu'un nous a peut-être fait réaliser que... Bon, on sait tous que... On parle ici, le modèle qui est devant nous, ce sont des coûts minimums, parce qu'ils ont été basés sur les neuf besoins de la sécurité du revenu, mais ce qu'il nous a fait réaliser... c'est qu'il a dit: Peut-être que les juges, quand ils vont se retrouver à la cour avec les parents devant eux, ils vont peut-être prendre la grille par facilité, c'est très humain, déjà une grille est là, c'est une référence, et ils vont prendre leurs décisions d'après la grille qui est devant eux, mais en sachant aussi – peut-être qu'il va falloir que la ministre fasse une campagne de sensibilisation à ce niveau-là pour que ce soit bien connu – qu'on parle de coûts minimums. Alors, moi, j'aimerais savoir: Vous, avez-vous la même appréhension que, finalement, on se retrouve que les juges prennent la grille comme référence, les montants sont là, et qu'on applique les montants qui sont là?

Mme Mainguy (Claudette): Nous, on espère non seulement que ça soit pris à titre de référence, mais que ce soit donné au Revenu et appliqué tel quel. On se donne la peine de faire des grilles; à tout le moins, suivons-les.

Mme Loiselle: Oui, mais le fait qu'on parle ici de coûts minimums pour les besoins de l'enfant, ce sont des coûts minimums, vous n'avez pas une inquiétude que, finalement, s'il n'y a pas un ajustement... Parce que le minimum, ça a été calculé d'après les besoins de la sécurité du revenu. Je n'ai pas à vous convaincre, je pense, qu'on parle ici d'un minimum vital. Est-ce qu'il n'y aurait pas à ce moment-là, au niveau des juges, à voir à ce qu'ils soient sensibilisés, à se rendre compte qu'on parle ici de coûts minimums?

Mme Mainguy (Claudette): C'est des coûts... Les tables comportent des coûts de base plus un coût indirect. Si vous lisez les papiers de la proposition provinciale, les premiers papiers, le document préliminaire, c'est le coût direct et le coût indirect qui sont compris. C'est loin d'un coût minimum. Je dois vous dire que je reçois plusieurs milliers de téléphones par année concernant les pensions alimentaires, au bureau, puis, à la lumière de ce que j'ai vu, je peux vous dire qu'il y a plus de 80 % des femmes qui ne reçoivent pas actuellement les montants des tables, et ces personnes-là sont imposées depuis nombre d'années. Alors, je ne pense pas que ce soit un pas en arrière.

Mme Loiselle: Moi, je ne parle pas d'aller à la baisse, là. Qu'on se comprenne, là. Ha, ha, ha!

Mme Lévesque (Sylvie): Alors, si c'est déjà plus que ce qu'ils ont maintenant, c'est déjà un plus. Nous, on était plus... C'est déjà plus. En tout cas, nous autres, on a vu plus qu'un coût minimum relié à la sécurité du revenu, là. On a vu un peu plus que ça. Ce n'est pas comme ça qu'on a fait la lecture. Mais ce qu'on dit surtout, c'était plus. C'est pour ça qu'on disait tantôt qu'on ne voulait pas discuter avec vous longtemps sur les montants des tables, mais plutôt sur le principe de comment ça va être appliqué. Alors, on se dit... Parce que, souvent, vous savez, l'irritant majeur entre les parties, c'est la pension alimentaire.

Quand on uniformise au maximum, moi, je pense qu'on évite des irritants à ce niveau-là, dans le sens que si, effectivement, déjà si les tables... Parce que, souvent, les juges, c'est ce qu'ils demandaient, puis le milieu des avocats, ce qu'il demandait, c'est d'avoir des choses fixes sur lesquelles se baser pour, justement, que ce soit le plus majoritaire, en tout cas que ça touche le plus de monde possible et que ce soit à peu près les mêmes montants.

Donc, à ce niveau-là, moi, je pense que ça va déjà être une nette augmentation si déjà ça, c'est appliqué. Alors, à ce niveau-là, on n'est pas tellement d'accord avec cette perception-là ou cette analyse-là.

Mme Loiselle: O.K. J'aimerais revenir sur votre proposition au niveau du pourcentage de temps partagé. Vous suggérez... Parce que... Je dois vous dire que la majorité des groupes... Il y a l'Association de médiation familiale qui nous a dit que c'était très innovateur, mais la majorité des groupes nous dit que, sous ce nouveau concept de droit familial... Ils nous ont fait des mises en garde, mises en garde que vous avez soulevées également.

Ce que vous suggérez, c'est le principe de mettre... que, finalement, quelqu'un qui respecte son engagement se voie accorder une réduction à la fin de l'année. La réduction, là, c'est le parent gardien qui la redonnerait au parent non gardien? Comment vous la voyez? Comment vous...

Mme Mainguy (Claudette): Non. C'est l'année suivante.

Mme Lévesque (Sylvie): Elle ne serait pas donnée, tout simplement. C'est l'année suivante. Oui.

Mme Loiselle: L'année suivante, il y aurait réduction sur le montant. O.K.

Mme Lévesque (Sylvie): En fait, ce qu'on dit, nous, c'est un peu ce que Claudette mentionnait tantôt en exemple. Souvent, bon, ça arrive... Il y en a quand même, des pères responsables. Je pense qu'il faut le dire aussi ici aujourd'hui, là. Même dans nos groupes, à la Fédération, on a de plus en plus de pères, aussi, qui sont chefs de famille monoparentale. Donc, je pense que c'est une réalité aussi, de plus en plus, des années 2000, on l'espère. Ce n'est pas notre objectif qu'il y ait de moins en moins d'hommes responsables, au contraire. Mais ce qu'on veut dire, c'est dans le sens que, malheureusement, ce qui se passe, des fois, nous en tout cas, dans notre milieu, c'est que, oui, il y a une certaine responsabilité, mais, en bout de ligne, on se rend compte que soit les mères ou les enfants se retrouvent que le père n'y va pas, voir son enfant, même à ce niveau-là.

Donc, nous, c'est pour démontrer une certaine... On comprend le principe. Je crois qu'on dit qu'on est d'accord avec vous aussi dans ce sens-là, justement, qu'il y ait une responsabilité des deux côtés, mais il faut démontrer une bonne foi aussi, parce que, quelque part, ils vont tous dire: Oui, oui, oui, on l'a fait, le 20 %, puis on va avoir une réduction. Parce que vous savez que, même si vous parlez de fixation de pensions alimentaires, il y a sûrement des groupes d'hommes qui vont venir aujourd'hui, ou ils sont venus la semaine dernière, ou je ne sais pas trop, qui vont sûrement déjà dire que c'est trop élevé, par rapport aux tables. Donc, ça, c'est l'argument majeur, puis on peut comprendre. Mais, en même temps, je pense que... On comprend le côté de responsabiliser les pères, mais en même temps on dit qu'il faut démontrer une bonne foi aussi. Ce n'est pas juste de dire: Oui, oui, je l'ai fait, mais il faut le démontrer. Donc, c'est pour ça qu'on dit, l'année suivante, de donner la réduction. C'est dans ce sens-là. Ça ne serait pas au parent gardien de la donner, évidemment.

Mme Loiselle: O.K. C'est ça que je n'avais pas saisi, puis je trouvais ça un petit peu difficile.

Mme Lévesque (Sylvie): Oui. Non. Ca, ça va.

Mme Loiselle: Alors, l'idée pourrait être... Parce que la mise en garde qu'on a, c'est que, finalement, si vous allez de l'avant avec cette nouvelle notion là, il faut mettre un mécanisme pour prévenir les abus. Parce que beaucoup nous ont parlé d'outils de marchandage et qu'il y aurait des abus et que ce serait... Peut-être pas venant de l'idée première – c'est ce qu'on nous a dit ce matin – du parent non gardien, mais des fois, peut-être, par son avocat. Il dirait: Écoute, je peux peut-être te trouver une façon indirecte de baisser ta pension alimentaire.

Mme Lévesque (Sylvie): Oui, entre autres. Vous l'avez dit vous-même. Oui.

Mme Loiselle: Pardon?

Mme Lévesque (Sylvie): Vous l'avez dit vous-même, oui. Ha, ha, ha!

Mme Loiselle: Ha, ha, ha! Alors, j'aime ça radoter.

Mme Lévesque (Sylvie): Non. Ça va.

Mme Loiselle: Mais aimez-vous mieux votre mécanisme ou le mécanisme que, peut-être, la ministre a laissé sous-entendre qu'on pourrait implanter, que, si on voit qu'il y a défaut, non-respect des visites ou de garde, à ce moment-là, on voie la pension alimentaire aller vers la hausse un peu?

Mme Mainguy (Claudette): Ça prend un an avant de le savoir. C'est long. Puis, encore là...

Mme Loiselle: C'est votre mécanisme ou celui suggéré?

(15 heures)

Mme Mainguy (Claudette): Bien, avant de savoir si la personne va remplir ses engagements, ça prend un an, parce que... Bien, ça prend un an, peut-être moins un, moins 73 jours, parce que ça correspond... 20 %, ça correspond à 73 jours. Donc, un an moins deux mois et demi à peu près. Donc, c'est long. Tout ce temps-là que tu attends, puis que la réduction a lieu, là, qui va faire les démarches, encore? La personne qui va avoir la réduction, minimalement, devrait faire les démarches pour s'assurer d'avoir son 20 %: elle aura rempli son contrat, elle fera la démarche et elle aura 20 %. Il me semble que c'est logique.

Mme Loiselle: Votre proposition, c'est que la démarche revient au non-gardien, au lieu de la proposition que...

Mme Mainguy (Claudette): Oui, c'est ça.

Mme Loiselle: ...s'il y a non-respect...

Mme Mainguy (Claudette): Mais c'est lui qui va avoir le...

Mme Loiselle: ...à ce moment-là, c'est le gardien qui le demande?

Mme Mainguy (Claudette): Oui.

Mme Loiselle: O.K.

Mme Lévesque (Sylvie): C'est parce que, en général, jusqu'à maintenant, les lois sont intéressantes, celles qui sont en vigueur actuellement, mais, malheureusement, l'odieux de retourner en cour vient toujours du côté des femmes, soit d'aller chercher son avocat, c'est des frais supplémentaires, et tout ça. Alors, on se dit: Bon, bien, O.K., c'est au responsable, à ce moment-là, à aller le démontrer. C'est dans ce sens-là.

Mme Loiselle: D'accord. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je suis rassuré, ça faisait un bout de temps que je n'avais pas entendu un ministre dire que c'était la faute du fédéral dans un dossier. Là, ça va mieux. On est dans le...

Mme Loiselle: On revient à la routine.

M. Copeman: Ha, ha, ha! On revient à la routine.

Mme Harel: Je peux vous le dire plus souvent, si vous préférez.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Loiselle: On ne vous entend plus, «anyway».

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Mais, dans ce cas-là, si j'ai bien compris votre mémoire, si on n'avait pas commencé nos travaux et si la table fédérale était celle qu'on utilisait, vous seriez contentes, parce que vous dites que vous préférez la table fédérale, dans votre mémoire.

Mme Mainguy (Claudette): On préfère le principe de table individuelle. Pourquoi reprendre un revenu familial d'une famille qui n'existe plus? On «va-tu» faire ça toute notre vie? Tu sais, à un moment donné, ça n'a plus d'allure. C'est que, là, tu remets tout ça ensemble. Ce n'est plus là, ça fait 10 ans, tu demandes une révision parce qu'il y a eu un changement, tu remets encore la famille qui n'est plus là. Tu sais, je veux dire, pourquoi ne pas le calculer sur une base individuelle? C'est si simple. C'est ça qui est le principe, dans le fond, de la table fédérale, c'est ce qu'elle nous a montré...

M. Copeman: Oui.

Mme Mainguy (Claudette): ...c'est: un revenu égale tant à payer. Que le reste, ça soit bâti selon les mêmes normes ou les mêmes coûts que le Québec a tenus en compte, il n'y a pas de problème avec ça, c'est juste le principe de le présenter d'une façon individuelle.

M. Copeman: O.K. Vous pouvez comprendre qu'on a une certaine difficulté, nous, surtout de ce côté de la table, parce que vous êtes le troisième ou le quatrième groupe qui nous dit, en tout cas le Barreau et quelques autres groupes ont dit: Même si la façon de procéder avec la table québécoise est plus équitable – semble-t-il, selon eux autres – les résultats ne sont pas évidents, en tout cas.

Le but qu'on recherche, je pense, tout le monde – il faut être de bonne foi – c'est de s'assurer qu'il y ait plus d'argent pour les enfants qui sont visés par une ordonnance de pension alimentaire. Là, il y a le Barreau qui est venu nous dire: Nous, on préfère la façon de calculer du fédéral parce que ça donne des meilleurs résultats, si j'ai compris, meilleurs résultats, globalement, en termes des sommes réellement données. Là, vous, vous ne dites pas la même chose. Vous, vous ne dites pas nécessairement que la façon de procéder du fédéral va donner des pensions alimentaires plus importantes qu'avec celle du Québec.

Mme Mainguy (Claudette): C'est que ce que la table fédérale... Les montants, c'est à peu près pareil, je les ai calculés. Depuis deux semaines, à peu près, trois semaines, peut-être même un petit peu plus, qu'on a le document, à chaque fois que les personnes appellent – parce que les personnes appellent beaucoup à la Fédération pour avoir des informations quand elles sont en négociation pour le divorce, et puis tout ça – je leur envoie... je leur dis: Bon, c'est combien? Combien tu gagnes? Combien ton «ex» gagne? On additionne tout ça, on prend la table provinciale, on fait le calcul, on prend la table fédérale, on fait le calcul: 15 $ de différence, c'est des bineries.

M. Copeman: O.K.

Mme Mainguy (Claudette): Ce n'est pas ça, le principe...

M. Copeman: C'est le principe, là, c'est le principe qui...

Mme Mainguy (Claudette): ...c'est de présenter quelque chose... Le monde ordinaire n'est pas comptable. Tu arrives avec une formule où il faut que tu déduises ci, ça; c'est compliqué. Tu as une table, tu dis: Je gagne tant, je paie tant. C'est facile. Tout le monde est capable de se servir de ça.

M. Copeman: O.K., O.K.

Mme Mainguy (Claudette): Mon «ex», elle, elle gagne tant, c'est présumé qu'elle paie ça pour l'enfant. C'est tout.

M. Copeman: Oui, je comprends.

Mme Mainguy (Claudette): Ce n'est pas plus compliqué que ça.

M. Copeman: Là, je suis encore plus mêlé, parce que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: ...il y a effectivement trois groupes: il y a la ministre qui dit: Nous, nos chiffres sont généralement plus favorables que le fédéral; le Barreau qui vient nous dire le contraire; et, vous, vous dites: C'est pareil.

Mme Mainguy (Claudette): C'est presque pareil.

Mme Loiselle: ...la séance.

M. Copeman: D'où vient l'importance de la séance de travail. Ils ont tous raison, oui.

Mme Harel: Et tout le monde a raison, parce que...

M. Copeman: Bon, bien, c'est ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Quand même!

Mme Harel: ...le Barreau, c'est en haut de 80 000 $; le modèle québécois, c'est en bas de 80 000 $; et puis, vous, quand c'est égal, c'est parce que c'est des bas revenus, mais vous ne prenez pas compte des transferts gouvernementaux. Ce n'est pas des bineries, ça, le 600 $, 800 $ de crédits d'impôt et d'allocations familiales.

M. Copeman: En tout cas, d'où vient l'importance, quant à nous, là, d'avoir une vraie séance de travail avec tout le monde pour qu'on puisse tous comprendre. J'ai encore cette manie de vouloir comprendre quelque chose avant de voter dessus, et je vais avoir de la misère rendu au projet de loi, là, parce que je ne comprends presque plus rien.

Mme Lévesque (Sylvie): Ce qu'on voulait mentionner, nous aussi, c'est que, bon, c'est sûr, comme je disais tantôt, je suis revenue souvent là-dessus au niveau des chiffres, c'était aussi toute la complexité de la chose. Ça coûte des sous, ça aussi. Bon, c'est sûr que les avocats ne le diront pas parce que, eux autres, ça va leur donner des sous de négocier ces montants-là, puis, bon, etc., de remplir les grilles, parce que, nous autres, on a tenté de le faire, puis c'est complexe, là: garde conjointe, garde partagée, garde semi-conjointe, bon, etc. Donc, c'est dans ce sens-là qu'on dit aussi: Ça coûte des sous, ça. Il faut que le système soit le plus simple possible pour éviter, justement, un processus lourd. Habituellement, quand tu as un processus lourd, ça coûte plus cher. Donc, c'est dans cette optique-là qu'on amenait ça.

M. Copeman: O.K. Juste sur les transferts gouvernementaux, moi, en tout cas, des fois, je comprends mal, parce que, si j'ai bien compris la table fédérale, eux autres non plus ne prennent pas en compte les transferts fédéraux.

Mme Lévesque (Sylvie): Ils le prennent brut.

M. Copeman: Parce que la pension alimentaire est basée uniquement sur le revenu du parent non gardien.

Mme Lévesque (Sylvie): Oui, oui. Non.

M. Copeman: Madame me dit non, ça fait que, moi, je suis... Mais, si le tableau est là, le fédéral, qu'on prend... Si la pension alimentaire est basée uniquement sur le revenu... Vous me dites non, non plus...

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Éclairez-moi, là.

Mme Mainguy (Claudette): La pension alimentaire déterminée est bâtie en fonction du coût de l'enfant et non pas du revenu, O.K., d'un coût, sauf que le coût est toujours, quelque part, proportionnel au revenu. Si une famille gagne 100 000 $ puis qu'une autre famille gagne 30 000 $, le coût des enfants ne sera pas le même. C'est pour ça que les tables tiennent compte de cette réalité-là.

M. Copeman: Non, mais je ne suis pas là. Moi, je suis dans les transferts fédéraux ou provinciaux. La ministre faisait référence aux allocations familiales, aux crédits d'impôt...

Mme Mainguy (Claudette): Oui.

M. Copeman: ...que normalement le parent gardien reçoit. C'est uniquement les parents gardiens qui reçoivent ces bénéfices, ces transferts du gouvernement.

Mme Mainguy (Claudette): Oui, oui.

M. Copeman: Avec la table fédérale, on n'en tient pas compte non plus, de ces affaires-là, de ces sommes qui peuvent représenter jusqu'à 800 $ par famille, parce que la pension alimentaire, en ce qui concerne la contribution du parent non gardien, ne comprend pas nécessairement les transferts du gouvernement, parce que les transferts du gouvernement demeurent la...

Mme Mainguy (Claudette): La propriété.

M. Copeman: ...partie exclusive du parent gardien.

Mme Mainguy (Claudette): Oui, oui.

M. Copeman: Quand on dit que notre modèle est plus équitable ou plus favorable parce que les transferts du gouvernement ne sont pas inclus là-dedans, moi, je ne comprends pas comment ils le sont au fédéral. Si vous pouvez me... tout de suite, je...

Une voix: Tout de suite.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: C'est parce que, au niveau fédéral, le crédit d'impôt pour enfant, la prestation unifiée, là, la PUF, prestation unifiée pour enfant, là, prestation fiscale, est jusqu'à un revenu de 26 000 $. Alors, au-delà de ce revenu familial de 26 000 $, elle est décroissante et elle est imposable aussi. Donc, à partir de là, on peut calculer aussi que le modèle fédéral intègre les frais de garde, les frais médicaux, les frais particuliers, il en tient compte dans les revenus des deux parents.

M. Copeman: O.K. Mais nos transferts du Québec ne sont pas traités de la même façon?

Mme Harel: Non, ils ne sont pas traités de la même façon.

M. Copeman: O.K. Mais quelqu'un, un Québécois, si on utilisait les tables du fédéral, je comprends peut-être que les transferts du fédéral seraient calculés dans le calcul du revenu familial, mais, nous, quelqu'un demeurant au Québec, même si on utilisait les tables fédérales, nos allocations familiales, etc., ne sont pas touchées.

Mme Harel: Vous avez raison, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: O.K. J'ai à moitié raison, comme d'habitude.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Bon. O.K., merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce qu'il y a d'autres questions? Ça termine cette rencontre. Alors, je vous remercie beaucoup, mesdames.

Mme Therrien (Maria-Marcelle): Merci.

Mme Mainguy (Claudette): Merci.

Mme Lévesque (Sylvie): Merci.

(15 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'invite maintenant les représentantes de la Fédération des femmes du Québec à se présenter.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, Mme Duhamel et Mme Carrier, si vous voulez vous présenter, à la fois le nom et le titre, et commencer votre présentation.


Fédération des femmes du Québec (FFQ)

Mme Duhamel (Nathalie): Bonjour. Je suis Nathalie Duhamel. Ma collègue est Marie-Christiane Carrier. Nous sommes toutes les deux vice-présidentes à la Fédération des femmes du Québec.

Alors, je commence. Premièrement, nous tenons à saluer la détermination avec laquelle le gouvernement poursuit sa réforme touchant les pensions alimentaires. Nous tenons cependant, avant de commencer notre commentaire, à rappeler certaines choses. Nous sommes conscientes que ce dernier projet de fixation se situe dans l'ensemble de cette réforme-là que nous avons quand même suivie de près depuis plusieurs années, à la Fédération des femmes du Québec. Cependant, force nous est de constater qu'à date les décisions qui ont été prises et les positions qui ont été avancées semblent toujours privilégier une certaine application pour les nouveaux jugements, laissant encore les femmes qui sont déjà dans une situation de divorce avec décision judiciaire toujours aux prises avec la situation que nous souhaitions voir corrigée au début, quand nous avons commencé à nous intéresser à ce dossier-là.

Je vais juste rappeler rapidement que, au niveau de la perception automatique des pensions alimentaires, la loi est applicable au niveau des nouveaux jugements. Toutes celles qui ont payé, par exemple, de leur poche des jugements judiciaires dans le passé, pour avoir droit à la perception automatique et donc être libérées de l'esclavage de devoir quêter leur pension alimentaire avec tout ce qui s'ensuit, devront retourner devant le tribunal. C'est la même chose au niveau de la défiscalisation. Nous nous apercevons que ça va bien, la défiscalisation pour les nouveaux jugements, mais, pour toutes les situations qui sont déjà objet d'un jugement judiciaire, s'il n'y a pas entente entre les parties, la grande majorité va devoir se retrouver encore une fois devant les tribunaux pour obtenir la défiscalisation en question.

Alors, pour nous, il est très important – et c'est l'essentiel de notre commentaire d'aujourd'hui – d'appuyer sur le fait que la fixation doit éviter de mettre et de prolonger cet état de fait là pour les femmes et doit faire en sorte de libérer les femmes de ce recours incessant aux tribunaux. Ce n'est pas la première fois qu'on vient le dire ici, en commission parlementaire, et on ne le dira jamais assez: On pense qu'on a les outils présentement, au niveau public, au niveau de l'État, pour faire en sorte de déjudiciariser le plus possible la situation des ruptures d'unions et pour faire en sorte que les décisions y afférentes, toutes celles qui sont de nature mécanique comptable, puissent se régler le plus possible hors cour. Ça, c'est le petit commentaire en préambule. Je m'attends à ce que vous y reveniez par la suite. Ça va nous faire plaisir.

Donc, nous ne nous attarderons pas très longuement sur la question du modèle provincial, du modèle fédéral et sur toute la mécanique, simplement pour vous dire que, pour nous aussi, à la Fédération des femmes du Québec, on était sous l'impression que le modèle fédéral était plus simple, plus clair, et on le préfère parce que, encore une fois, notre objectif, c'est de faire en sorte que les changements qu'on fait en 1996, qui sont, dans le fond, l'aboutissement d'années et d'années de pressions et de luttes que les femmes ont faites pour obtenir des changements au niveau du droit de la famille, que ces changements-là ne nous maintiennent pas encore sous le joug du juge et de la cour.

Donc, on vous encourage à faire quelque chose de simple, de clair que les parties, c'est-à-dire les citoyens et citoyennes, vont pouvoir comprendre facilement et qui vont être des éléments qui pourront être négociés hors cour ou, comment je pourrais dire, qui vont pouvoir faire l'objet d'ententes hors cour plutôt que de mener toujours à des situations de conflit où, finalement, il n'y a que le juge qui est la dernière instance pour trancher. Donc, ce qu'on vous dit, dans le fond, c'est: On préfère le modèle fédéral. Si vous êtes capable de vous en approcher, tant mieux. Ce qu'on veut, c'est quelque chose de simple, de clair et qui va mener, au bout de la ligne, à une déjudiciarisation maximale de la situation.

On est d'accord avec le principe de la contribution des deux parents. Par contre, on a les mêmes réserves au niveau de la mécanique du calcul du revenu familial, puis on pense que la question des dépenses des enfants, probablement, représente une meilleure façon d'y aller. Je vais vous dire que, personnellement, moi, je tombe dans les 80 000 $ et plus, là, de revenu familial, puis j'ai de la misère à le prendre, là, que ça va être moins généreux pour nous autres. J'estime que les gens qui font un revenu x et qui ont les moyens de maintenir un certain niveau de vie pour leurs enfants et de leur donner plus devraient être amenés à contribuer plus. Il n'y a aucune raison pour qu'à 80 000 $ et 100 000 $ – après tout, c'est quoi? c'est deux salaires de 50 000 $; il y en a quand même pas mal qui tombent, j'imagine, dans cette catégorie-là – le régime soit moins généreux, là, pour ces gens-là que pour les autres. Je ne comprends pas très bien, là, comment on en arrive à des situations comme ça. Je préférerais qu'on examine la question de la fixation autour des dépenses des enfants.

Nous aussi, on trouve que toute la question des coûts indirects – les coûts psychologiques, la charge domestique, la responsabilité familiale pour les parents gardiens – ne doit jamais être oubliée. Ce qui fait que je vais vous dire que l'histoire de réclamer une réduction parce qu'on passe 20 % de temps avec l'enfant, là, moi, j'ai trouvé ça très choquant. Ça m'a rappelé beaucoup le bonbon des avantages fiscaux liés aux pensions alimentaires, bonbon contre lequel on s'est battues encore tout récemment. Je ne comprends absolument pas pourquoi on se sentirait l'obligation d'encourager de cette façon-là la responsabilisation parentale. Dans notre mémoire... Je vous dis, tant qu'à faire, à ce moment-là, donnez-nous une majoration, pour les femmes qui gardons nos enfants, le 80 %, puisque nous avons l'odieux, nous aussi, de ne jamais pouvoir sortir quand on veut, de ne pas nécessairement pouvoir nous remarier parce qu'on est moins disponibles, on est plus fatiguées, on a l'air plus bête...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Duhamel (Nathalie): ...puis, bon, peut-être aussi qu'on est moins capables de faire les choix professionnels qu'on a envie de faire dans la vie parce qu'on a des enfants à la maison, que ça nous retient de faire une journée de travail jusqu'à 19 heures ou 20 heures, etc., donc ce qui nous permettrait d'augmenter nos revenus. Je trouve ça... J'écoutais les arguments de la Fédération des familles monoparentales, puis je dois vous dire que ça ne m'a pas convaincue. Je n'aime pas ça pantoute, puis je ne comprends pas.

Au niveau des difficultés excessives aussi, il y a quelque chose de fatigant là-dedans qui, encore une fois, va nous mener, à mon avis, directement encore en cour. Et Dieu sait que, avec la vie moderne d'aujourd'hui, les difficultés excessives, il peut y en avoir d'une année à l'autre. Quand est-ce que ça va arrêter, cette situation de toujours devoir retourner en cour, renégocier un changement de situation, renégocier un montant de pension alimentaire? Ça devient odieux, et, la plupart du temps, ce qui arrive, c'est que ce sont les femmes qui, pour obtenir plus d'argent, ont cet odieux de devoir retourner devant le tribunal.

(15 h 20)

Je préférerais – et c'est la raison pour laquelle on vous fait la recommandation d'une fixation automatique puis qu'on voudrait la voir gérée par une instance administrative de l'État et non pas par une judiciarisation – que ce soit établi en fonction du revenu et que ce soit le plus simple possible. Je vois difficilement comment on va se sortir du carcan judiciaire en établissant au départ des possibilités d'invoquer des difficultés excessives à tout bout de champ. Ça va être sans fin, à mon avis, ça. Ça pose la question des nouvelles unions, des nouvelles obligations parentales. Celui qui ne l'aura pas anticipé avant de faire l'autre enfant, une fois qu'il va être devant la situation, il va pouvoir se réveiller et l'invoquer. J'ai beaucoup de difficultés par rapport à ça.

Ce qui nous amène finalement à conclure en vous disant, au niveau de la Fédération, que, pour la fixation des pensions alimentaires, tâchez de privilégier un système qui soit simple et qui soit négociable entre les parties hors cour, qui soit le plus simple possible. Faites en sorte de vous approcher le plus possible du modèle fédéral, dans le sens qu'on pense qu'il semble être plus simple. Et on pense que le ministère du Revenu, qui a déjà la charge de la perception automatique et qui a les données nécessaires pour connaître effectivement les revenus réels des parties, pourrait très bien, de façon purement administrative, arriver à régler ces différends-là sans pour autant qu'on soit obligé à chaque fois d'avoir recours au système judiciaire.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à... Est-ce que vous aviez des commentaires à ajouter? Excusez-moi.

Mme Carrier (Marie-Christiane): Moi, j'aurais quelques commentaires à ajouter suite à Mme Duhamel en ce qui concerne le projet. Quand j'ai lu votre modèle de fixation des pensions alimentaires, un des principes importants qui est invoqué dans le modèle, c'est reconnaître – bon, le «autant que possible», je l'aurais enlevé – l'égalité de traitement de tous les enfants issus de différentes unions en ce qui regarde leur droit à des aliments. Pour nous, finalement, ce principe-là ne trouvera sa réalité concrète ou son application que lorsqu'on aura un modèle de fixation de pensions alimentaires qui sera simple et prévisible. Parce que, si on a des tables fixes, avec des revenus fixes, on prévoit, on sait exactement combien les enfants vont recevoir, ce qui va faciliter les ententes hors cour entre les parents, parce que, de toute façon, on va savoir à l'avance quelle sera l'étendue de l'obligation alimentaire du parent non gardien. Donc, si on veut vraiment appliquer ce principe-là, je pense qu'une méthode simple et facile à comprendre et à appliquer va faciliter les ententes entre les parents, donc, du même coup, coûter beaucoup moins cher à l'État en ce qui concerne les coûts de l'administration de la justice.

Sûr que, à la Fédération, un des points importants que nous avons retenus, même si c'est indirect par rapport au projet de loi, c'est toute la question de la judiciarisation des droits lorsque les enfants et que les femmes réclament des pensions alimentaires. Donc, si on déjudiciarise la situation et qu'on a des tables claires, ça va faciliter les ententes, ça va enlever des coûts énormes d'administration de la justice. Parce qu'on sait qu'une portion importante de l'administration de la justice concerne la question des divorces, que c'est peut-être, je pense, au moins une journée ou deux sur cinq à la Cour supérieure, si ce n'est pas plus, dans une semaine, l'engorgement des tribunaux. Les coûts pour les parents, autant le père que la mère. Quand on sait qu'aujourd'hui les nouveaux emplois créés, 60 % des nouveaux emplois créés sont des emplois précaires, ça veut dire que, continuellement, si vous voulez, les revenus disponibles du parent non gardien sont en changement. Donc, ça veut dire qu'on va se retrouver constamment en cour parce que les revenus disponibles du parent gardien changent continuellement. On va toujours se trouver en cour en révision de pension alimentaire. Ce qui fait que c'est sûr que ça fait vivre certaines personnes, mais ça en appauvrit d'autres, et, nous, nous représentons les femmes.

Finalement, en ce qui concerne la réduction de 20 % pour le parent non gardien qui garde ses enfants plus qu'un certain nombre de jours par année, il faut bien dire que, eux, les frais fixes pour le parent gardien, ils ne sont pas réduits de 20 %. L'électricité, le chauffage, le loyer, il n'est pas réduit de 20 % parce que monsieur garde son enfant 20 % du temps par année. Donc, c'est un peu bizarre.

En ce qui concerne les coûts excessifs, les difficultés excessives, les raisons invoquées pour illustrer les difficultés excessives sont des raisons qui peuvent être facilement calculées et comptabilisées, donc on n'a pas à retourner en cour pour ça, que ce soit une deuxième union, que ce soient des frais de transport particuliers pour exercer un droit de visite. Donc, on pense que, encore une fois, on ne devrait pas laisser ouverture à ce genre de chose, parce que ça veut dire qu'une table qui sera mise de l'avant ne sera qu'à titre consultatif, parce que, de toute manière, on pourra toujours invoquer certaines choses pour la modifier. Il faudrait que ça soit une table à laquelle on s'en tienne.

Alors, pour terminer, je pense que, en ce qui concerne la fixation des pensions alimentaires, ce qui nous préoccupe le plus, c'est autant sa simplicité qu'un montant adéquat pour les femmes. Je pense que la société aura bientôt ou doit dès maintenant faire des choix importants par rapport à la judiciarisation. Est-ce qu'on choisit de faire vivre une profession ou on élimine les irritants qui appauvrissent et insécurisent les femmes et les enfants? Alors, ce sont des choix sociaux que nous aurons à faire ou que nous devrons faire. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, mesdames. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue, mesdames. Je pense que c'est votre première commission parlementaire? Non? Vous êtes déjà une habituée, c'est bien cela?

Mme Duhamel (Nathalie): Moi, je suis déjà venue.

Mme Harel: Vous êtes déjà venue? Sur quel sujet était-ce?

Mme Duhamel (Nathalie): La perception.

Mme Harel: Sur la perception, bon. Alors, je pense, ces choix sociaux dont vous parlez sont déjà faits, en tout cas, ils le sont du moins aux yeux des avocats qui sont venus comme porte-parole de leurs diverses associations.

Je voudrais peut-être vous rappeler... J'ai l'impression qu'il y a un malentendu sur la question de la perception. La perception, je vous rappelle qu'elle n'est pas judiciarisée. Dès qu'il y a défaut, dès qu'il y a un débiteur qui fait défaut, vous savez sûrement que la créancière du jugement n'a qu'à enregistrer, à constater le défaut auprès du greffier du tribunal. Elle n'a pas à aller voir un avocat, elle n'a pas à se retrouver devant un tribunal, elle n'a qu'à aller voir le greffier, faire enregistrer le défaut, puis la perception débute automatiquement.

Je ne sais pas ce que vous voulez de plus en matière de perception. Vous souhaitiez qu'on échange là-dessus, mais attendez, ce n'est pas tout, ça. Il suffit aussi que les deux parties en fassent la demande, puis, s'il y a défaut, c'est automatique. Alors, je ne vois pas ce qu'on peut ajouter en plus sur la perception.

Mme Duhamel (Nathalie): C'est juste que, au départ, quand on avait commencé toute cette bataille-là au niveau de la perception, ce que les femmes souhaitaient, c'est de ne pas avoir à vivre les difficultés. Et les femmes qui ont déjà eu, avant même la nouvelle loi, des problèmes de paiement de pension alimentaire, qui avaient déjà eu des difficultés, qui n'étaient peut-être pas allées chez le percepteur, qui n'étaient peut-être pas allées en cour en raison d'une situation soit de violence familiale ou simplement parce qu'elles n'avaient pas l'argent pour prendre un avocat ou n'avaient pas, vous me direz, le courage de faire cette bataille-là, pour ces femmes-là, elles sont encore dans une situation d'attente, dans le fond, qu'il se produise à nouveau un non-paiement pour que la loi s'applique. On s'entend? C'est pour les anciens jugements.

(15 h 30)

C'est décevant, dans le fond, parce que la loi s'applique pour les nouveaux jugements. Pour les anciens, bien, c'est encore un petit peu la corde à linge, on se croise les doigts, on espère qu'il n'y aura pas de défaut. S'il y a défaut, bien là, effectivement, on l'inscrit et on proteste, et on tombe sous la perception automatique. Il y a quand même certains délais et il y a quand même certaines inquiétudes. La connaissance, dans le fond, de la situation par toutes les femmes n'est pas acquise. Donc, il y a fort à parier que les femmes, dans une situation de non-paiement, vont retourner voir un avocat peut-être pour se faire dire exactement ce qui en est de la nouvelle loi, mais il y aura quand même des frais de consultation à payer, quand, dans le fond, ça aurait été intéressant que tout ça soit réglé. C'est simplement ce commentaire-là.

Mme Harel: Vous êtes consciente qu'on peut compter sur des organismes comme le vôtre aussi pour faire connaître l'accès gratuit et automatique à un droit comme celui de faire enregistrer auprès du greffier le défaut de paiement. Mais vous êtes consciente qu'il y a un vieux proverbe américain qui dit: Pourquoi réparer quelque chose qui va bien? Alors, quand il y avait défaut dans le passé, automatiquement ça a été la perception et, quand il y a défaut actuellement, automatiquement c'est la perception, même pour des jugements antérieurs. Vous dites que ça aurait dû être tout de suite le tout, mais il y avait bien des... Ce n'était pas encore mon dossier à ce moment-là, mais je comprends qu'il y avait des points de vue qui s'exprimaient de la part de groupes, aussi d'organismes qui visaient au contraire. Mais, en fait, de toute façon, maintenant je pense que ce qui est important, c'est de faire savoir que ce n'est pas nécessaire d'aller voir un avocat, qu'il faut simplement se présenter auprès du greffier, faire enregistrer le paiement pour que la perception automatique s'applique.

Pour ce qui est du projet qui est devant nous, je pense qu'il est important aussi de vous informer que le ministère de la Justice entend mettre à la disposition des parties des services gratuits de médiation familiale préalable à toute demande contestée qui met en cause des enfants. Alors, c'est donc dans ce contexte-là qu'on étudie présentement la fixation du modèle de pension alimentaire, puisque c'est dans un contexte où à la fois il y aura médiation préalable gratuite et obligatoire, lorsqu'il y a présence d'enfants, et où il y aura également une procédure allégée devant un greffier spécial, sans audition. Alors, je pense que ça va vous rassurer, là. En tout cas, ça inquiète pas mal plus les avocats qu'on ne le croit. Mais, effectivement, cette procédure allégée va avoir un effet qui, concrètement, va permettre d'aller devant le greffier sans avoir besoin de retourner devant un tribunal et, donc, d'avoir un avocat.

Mme Duhamel (Nathalie): Pour tout nouveau jugement ou pour toute demande en réduction, en révision, en ajustement? Pour tout?

Mme Harel: Alors, ça, c'est, effectivement, parallèle à l'adoption des règles de fixation de pensions alimentaires et c'est pour alléger le processus d'attribution des pensions alimentaires. Alors, c'est dans les cas de révision, évidemment, provisoire aussi, mais ça vaut autant pour celles qui étaient déjà octroyées, qui vont être modifiées en révision, que pour les nouvelles qui vont être en demande.

Mme Duhamel (Nathalie): Parce que vous savez qu'avec tout ça, puis se mêlent aussi toute la question de la défiscalisation des pensions alimentaires et les recours en réduction que ça peut provoquer, là, l'assiette est pleine, au niveau des possibilités de se ramasser encore devant le juge, pour toutes celles qui ont en main déjà un jugement du tribunal.

Mme Harel: C'est évidemment pour cette raison-là que le ministère de la Justice envisage, à même des revenus prélevés, dans le cas de la défiscalisation, en priorité de faire une sage et judicieuse utilisation dans le cadre de ressources, de services gratuits de médiation préalable.

Mme Duhamel (Nathalie): Donc, les anciennes qui ont des jugements, qui ont payé leur jugement 6 000 $, par exemple, ou quelque chose comme ça, elles ont intérêt à attendre puis faire d'une pierre deux coups: de régler la question de la fiscalisation puis de la fixation en même temps.

Mme Harel: Tout à fait.

Mme Duhamel (Nathalie): O.K.

Mme Harel: D'autant plus que le 1er mai 1997 vont s'appliquer en même temps la défiscalisation et la fixation. Donc, ça, je comprends que ça puisse venir vous rassurer, en tout cas, quant au fait qu'il ne s'agit pas de financer une catégorie de personnes sur le plan professionnel, mais vraiment de faire bénéficier les familles d'une procédure simple et allégée.

D'autre part, tantôt vous mentionniez que les familles à 100 000 $ de revenus étaient sûrement nombreuses dans notre société. En tout cas, je suis certaine qu'avec... Vous avez mentionné que deux salaires de 50 000 $, un revenu familial de 100 000 $, c'était fréquent. Vous le pensez?

Mme Duhamel (Nathalie): Ça arrive. Il y en a. Oui.

Mme Harel: Oui, mais comme si c'était quelque chose qui était quand même fréquent.

Mme Duhamel (Nathalie): Je n'ai pas dit que c'était fréquent, mais j'ai dit que ça arrivait. J'ai ensuite enfilé en disant que je ne comprenais pas pourquoi le régime serait moins généreux.

Mme Harel: Vous seriez surprise de savoir que c'est 5,8 % des familles québécoises qui ont un revenu supérieur à 100 000 $. Donc, 94,2 % ont un revenu familial inférieur à 100 000 $. Alors, c'est donc un aspect important, parce que vous avez, avec raison, signalé qu'en bas de 80 000 $ de revenu familial, où se logent 80 % de toutes les familles québécoises, le modèle québécois est beaucoup plus généreux.

Mme Duhamel (Nathalie): C'est ce que vous avez dit. Oui.

Mme Harel: Donc, il y a une question de balance d'inconvénients. Ceci dit, si on peut le corriger de façon à ce qu'il devienne intéressant pour tout le monde, je pense qu'il faut quand même un rationnel derrière ça. Tantôt, vous avez mentionné qu'il était plus simple parce que vous avez, je pense, comme bien des gens, le sentiment qu'il prend en compte seulement le revenu du parent gardien. C'est bien le cas?

Mme Duhamel (Nathalie): Que qui prend en compte ce...

Mme Harel: Du parent non gardien, excusez-moi. Que...

Mme Carrier (Marie-Christiane): Que le modèle fédéral. Oui, oui. Ce que vous avez expliqué, qu'il y avait un 40 % d'induit dans le modèle fédéral qui n'était pas apparent au départ.

Mme Harel: Mais, pour vous, il prend en compte seulement le revenu du parent non gardien?

Mme Duhamel (Nathalie): J'ai entendu les explications supplémentaires que vous avez fournies à la Fédération des femmes du Québec... c'est-à-dire à la Fédération des associations de familles monoparentales pour expliquer les coûts non déclarés du modèle fédéral.

Mme Harel: C'est parce que c'est un salaire qui est présumé. En fait, ce n'est pas un salaire, c'est un revenu qui est présumé et qui, additionné, fait en sorte finalement qu'il y a une composante des deux parents.

Moi, ce qui m'apparaît peut-être intéressant, c'est que, dans le modèle fédéral, il y a cependant – attendez, je vais vous dire ça dans les termes spécialisés – un montant pour l'enrichissement du parent gardien, ce qui n'est pas le cas dans le modèle québécois parce que le modèle québécois est basé sur le coût réel de l'enfant dépendamment du revenu de ses parents. Donc, je rappelle que ce n'est pas en fonction de la sécurité du revenu. C'est, en fait, à partir de l'estimation des coûts des enfants en fonction du revenu total familial, estimation produite au moyen de statistiques de consommation des ménages canadiens, des couples sans enfant en comparaison avec les couples avec un, deux ou trois enfants, dépendamment de chaque catégorie de revenu. Mais c'est à partir de neuf éléments. Mais c'est des éléments qui sont appliqués au revenu total familial dans chaque catégorie de revenu, en comparant les revenus des couples sans enfant et des couples ayant un enfant ou deux ou trois.

Ceci dit, faut-il ou pas garder la composante enrichissement du parent non gardien? Parce que l'ensemble du modèle québécois est basé sur le coût réel de l'enfant; ça n'inclut pas, ni implicitement ni explicitement, un montant de pension alimentaire pour le parent gardien. Le seul effet, c'est les transferts. Tantôt, je pense que vous y étiez quand on en a parlé. Les transferts gouvernementaux...

Mme Duhamel (Nathalie): Oui, oui, j'ai compris.

Mme Harel: ...au total, ne sont pas, si vous voulez, inclus. Donc, y compris transfert fédéral et les allocations québécoises.

Je comprends que dans le modèle fédéral, il inclut ses propres transferts fédéraux. Il n'inclut pas les transferts des provinces, cependant. Je vais demander à madame de vous expliquer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que vous voulez vous identifier, s'il vous plaît?

(15 h 40)

Mme Bergeron (Andrée): Ce qui est un petit peu... Andrée Bergeron. Je suis aux politiques et programmes de Sécurité du revenu.

C'est que le modèle fédéral inclut un revenu du parent gardien, incluant un revenu du parent gardien qui n'est pas transparent, là. On ne le connaît pas. On ne le sait pas. Automatiquement, ils incluent des revenus, tous les types de revenus que le parent gardien peut avoir, notamment des revenus de transfert qu'il peut recevoir. C'est pour ça que c'est très difficile de dire: Est-ce qu'il l'inclut? Est-ce qu'il ne l'inclut pas? On a dans le montant, dans la formule mathématique, parce qu'on parle toujours d'une formule mathématique... Ceux qui n'ont pas eu le plaisir de participer aux tables de travail avec le comité fédéral-provincial-territorial ne sont pas au courant de ça, incluant nous qui n'avons pas participé à toutes les discussions. On a eu parfois certaines informations. Alors, le 40 % inclut évidemment d'autres revenus que les revenus de travail, puisqu'on va jusqu'à un 40 % du revenu familial. Alors, dans les bas revenus, ce n'est pas évident.

Mme Harel: Ce que ça signifie, c'est que, contrairement à ce que j'avais répondu tantôt au député de Notre-Dame-de-Grâce, on inclurait ces transferts-là dans le revenu présumé du parent non gardien. Donc, ils ne s'ajouteraient pas une fois la pension déterminée. Alors, vous comprenez la différence: c'est que, dans le modèle québécois, il faut l'ajouter en surplus, en sus, tandis que, dans le modèle fédéral, il est inclus comme faisant partie du revenu du parent non gardien. Je pense qu'on se comprend mieux, là, maintenant.

Alors, dans ce contexte-là, je me demande si, dans le fond, la seule question qui reste est bien celle: Faut-il un enrichissement du parent non gardien, en surplus, si vous voulez, dépendamment des seuils de revenus? Mais on se rend compte qu'en bas de 80 000 $ de revenu il n'y en a pas, d'enrichissement du parent non gardien. L'allocation pour enfant... excusez-moi... la pension alimentaire pour enfant est de loin supérieure. Alors, c'est sûr que lorsque l'enfant ne sera plus à charge... Parce que, je vous l'indique tout de suite, on pense introduire la même modélisation pour enfant à charge que celle pour les enfants qui sont mineurs, mais, une fois que l'enfant n'est plus à charge, ça signifie donc qu'il y a une perte complète. Au fédéral, remarquez que c'est la même chose aussi. Lorsqu'il n'y a plus de présence d'enfant – il y a la notion, cependant, d'enfant à charge, au fédéral – alors, à ce moment-là, il n'y a plus, non plus, d'enrichissement. Je ne sais pas. Vous, vous considérez qu'en haut de 80 000 $ il devrait y avoir une reconsidération du modèle québécois. C'est ce que je comprends des propos que vous avez tenus.

Mme Duhamel (Nathalie): Je ne peux pas ici, aujourd'hui, tenir compte de tous les impacts... de vous donner une position là-dessus. Tout ce que je vous dis... Et je suis tout à fait consciente qu'en utilisant l'application d'une table et en établissant tous les calculs comparatifs en fonction des revenus et des courbes x, y, z qu'on peut établir au niveau des familles, et tout ça, je ne suis pas capable de vous dire, comme tel, quel pourrait être l'impact.

La seule chose que j'ai envie de vous dire, c'est: quand le revenu familial est supérieur et que l'enfant ou les enfants en question pourraient jouir de cet enrichissement ou cette capacité supérieure là, ils devraient pouvoir en jouir. Ce qui arrive, malheureusement, la crainte que j'ai, c'est que souvent ce qu'on voit ou... Peut-être qu'on va arrêter de le voir, là, avec les réformes qui sont sur la table, mais c'est cette situation où un premier mariage mène à un divorce, et un deuxième mariage, à d'autres enfants. Finalement, celui qui a les moyens ou la partie qui a les moyens de ce mode de vie là s'offre ce luxe-là et les enfants, dans le fond, du premier mariage peuvent peut-être être perdants à ce niveau-là. Je me dis, quelque part: Autant, dans votre projet, vous souhaitez envoyer un message clair au niveau du 20 % de temps passé donnant lieu à une réduction, ce serait peut-être aussi intéressant d'envoyer un message clair que ce n'est pas parce qu'on a des revenus x, y qu'on doit multiplier à perpète les projets de vie avec descendants au bout de la ligne puis que tout ça va se financer sur le dos du premier mariage et des premiers enfants. Il y a quelque part quelque chose de fatigant là-dedans. Quand est-ce que, dans le fond, il va y avoir... Et tout ça, en tout cas jusqu'à maintenant – tant mieux si le ministère de la Justice met sur pied son programme – ça amenait les femmes à se faire retraîner en cour en réduction de pension alimentaire. Ça n'avait pas de sens, toute cette histoire-là. Et, pendant ce temps-là, elles, elles ne refaisaient pas nécessairement leur vie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci. Bonjour. Moi, j'aimerais revenir sur les transferts gouvernementaux. On a appris que la reconnaissance des coûts non monétaires pour le parent gardien se faisait par le biais qu'on garantissait au parent gardien le transfert gouvernemental, les crédits pour enfants et les allocations familiales. Est-ce que, pour vous, cette reconnaissance-là, c'est suffisant? Ou vous avez peut-être d'autres mécanismes, d'autres avenues à proposer au gouvernement, autres que ces transferts-là?

Mme Duhamel (Nathalie): On n'a pas vraiment réfléchi à cette question-là, madame.

Mme Loiselle: Non.

Mme Duhamel (Nathalie): J'imagine que, quelque part, quand on parlera de l'ensemble d'une réforme fiscale, on pourrait se poser ce genre de question là. Je vais vous dire, dans le contexte de l'avis qu'on nous demandait ce mois-ci, on n'a pas pensé à ça du tout.

Mme Loiselle: O.K.

Mme Duhamel (Nathalie): C'est sûr que, bon, j'imagine que ça fait une bonne différence quand on a un revenu familial très bas. Plus le revenu monte, plus c'est très aléatoire, c'est très insignifiant. Je n'ai pas vraiment d'opinion à donner là-dessus.

Mme Loiselle: Je pense qu'avec un enfant c'est environ 800 $. C'est ce qu'on a dit ce matin, je pense. C'est ça? Avec un enfant, c'est environ 800 $, les transferts? C'est ça, 800 $ par année.

Mme Duhamel (Nathalie): Oui, mais, ça, ça dépend du revenu que tu gagnes. Plus tu as un revenu annuel important, plus tu as un...

Mme Loiselle: Au niveau des allocations familiales et le crédit, là, oui.

Mme Duhamel (Nathalie): C'est ça. Mais tout ça se recalcule ensuite au niveau du rapport d'impôts et tu le perds, là, au niveau de la déduction. En tout cas, moi, ça ne m'a jamais rien donné.

Mme Loiselle: O.K.

Mme Harel: Juste au fédéral. Ce n'est pas imposable au Québec.

Mme Loiselle: Non, non, mais un enfant, c'est quoi?

Mme Harel: Le crédit d'impôt, c'est autour de 600 $ par année.

Mme Duhamel (Nathalie): Mais, à la limite, ça pose la question...

Mme Loiselle: Vous avez dit 800 $ à peu près, ce matin, pour un enfant.

Mme Harel: 600 $, le crédit d'impôt...

Mme Loiselle: 600 $? O.K.

Mme Harel: ...puis 200 $ à peu près, les allocations familiales.

Mme Loiselle: Les allocations familiales. C'est ça, à peu près 800 $.

Mme Duhamel (Nathalie): Mais, tu sais, c'est parce que ça pose toute la question, ça, des régimes de contribution publics. Devraient-ils, dans le fond, être universels? Devraient-ils privilégier les gens qui en ont le plus besoin? Et, les gens qui n'en ont pas besoin, devraient-ils, dans le fond, abandonner ou, du moins en tout cas, ne pas avoir le droit à ces régimes-là? En fait, toutes ces questions-là, je pense, risquent d'être débattues probablement plus au niveau de la réforme de la fiscalité que... En tout cas, nous autres, on n'y a pas réfléchi pour les besoins de...

Mme Loiselle: Parce que, habituellement, il va apparaître dans le modèle de fixation, là...

Mme Duhamel (Nathalie): Oui, je le sais bien.

Mme Loiselle: ...que le gouvernement est en train de mettre en place.

Mme Duhamel (Nathalie): Bien oui.

Mme Loiselle: O.K. Je reviens sur – on en a beaucoup parlé et j'imagine qu'on va en parler d'ici la fin de la journée – le pourcentage du temps partagé de l'enfant avec les parents, pour calculer au prorata, vous, vous êtes contre, le Barreau aussi.

Mme Duhamel (Nathalie): Je trouve ça...

Mme Loiselle: Si le gouvernement décide d'aller de l'avant avec ce nouveau concept là, le fait de mettre en place un mécanisme pour prévenir les abus qui nous ont été maintes fois répétés depuis le début des auditions, est-ce que ça vous rassure un peu, même si vous trouvez que ça ne devrait même pas apparaître dans le modèle?

Mme Duhamel (Nathalie): Je vais vous raconter une petite histoire. Il s'est occupé de l'enfant pour 20 % et plus, il prétend ça, on se ramasse en conciliation. Une mécanique de conciliation, quand elle ne permet pas de résoudre le problème, on se ramasse en cour «anyway». Là, ce projet-là, vous avez une carotte financière de rattachée à un pourcentage de temps passé avec l'enfant. C'est évident que les parents non gardiens vont se battre pour essayer de démontrer qu'ils ont passé ce 20 % là, pour aller chercher la carotte. Au niveau de la médiation, est-ce que ça va marcher? Je ne suis pas sûre, moi, que ça va marcher. Ça fait qu'on va se ramasser en cour pour une question comme ça? Je trouve que ça n'a comme pas d'allure. Je ne comprends pas pourquoi, par le biais d'une volonté de vouloir fixer des montants de pension alimentaire, arriver à une certaine équité, arriver à une transparence au niveau du système et, bon, maintenant que Mme la ministre a expliqué que le ministère de la Justice allait mettre sur pied un programme de conciliation, éviter la judiciarisation... Pourquoi rajouter encore une question comme de récompense financière pour responsabilité parentale? Je ne comprends pas. Je pense que, si on fait ça, on va se retrouver dans quelques années à se battre là-dessus.

Mme Loiselle: Ah oui?

(15 h 50)

Mme Duhamel (Nathalie): Oui, comme on s'est retrouvé, il n'y a pas longtemps, à se battre sur la question de la fiscalité. Ça faisait des années qu'on le disait: Comment ça se fait que les pensions alimentaires sont imposées au niveau fiscal? Pourquoi les femmes doivent payer de l'impôt? C'est un peu comme si le gouvernement se payait deux fois sur le même salaire: une fois au paiement du salaire du parent non gardien puis une autre fois au paiement... sous forme de pension alimentaire au parent gardien. J'ai l'impression qu'on va se rechicaner là-dessus dans quelques années. Je n'ai pas l'impression que ça va passer comme une lettre à la poste avec les femmes, ça, de se faire dire: Bien, le gars, il va pouvoir avoir une petite carotte, là, s'il s'occupe de son petit pour 20 % du temps. Il y a quelque chose de choquant là-dedans. Il y a quelque chose où... Je préférerais que vous n'alliez pas chercher cette carotte-là. Gardez donc les sous puis faites donc une campagne d'éducation publique pour continuer de promouvoir les responsabilités parentales. Je ne vois pas, là.

Mme Loiselle: C'est sûr que... Je pense que le gouvernement a eu le message qu'il faut qu'il réfléchisse davantage sur ce nouveau concept là, parce que la plupart des groupes, sauf l'Association de médiation familiale, nous ont dit qu'il y avait une problématique à ça, qu'il y avait des effets négatifs à cette nouvelle mesure là, cette nouvelle notion là. Alors, je pense que le gouvernement a eu le message que, s'il décide d'aller de l'avant dans son nouveau modèle de fixation, il va peut-être falloir qu'on approfondisse davantage les impacts peut-être négatifs de tout ça justement pour ne pas – ce que vous dites – qu'on se retrouve, dans plusieurs années, et qu'on ait justement peut-être à défaire ce qu'on a voulu faire avec ce nouveau concept là.

Mme Duhamel (Nathalie): C'est ça.

Mme Loiselle: Alors, il y a une réflexion peut-être plus approfondie, plus recherchée à faire sur ça.

Un point avant de passer la parole à mon collègue. Je veux revenir à votre système de fixation standardisée au maximum géré par le ministère du Revenu. Avec la nouvelle que le gouvernement a faite au niveau de la médiation familiale, que les gens vont pouvoir avoir accès de façon facile et gratuite à la médiation familiale... Et l'Association nous a dit que lors de médiation entre les couples, même les couples en conflit grave, quand ils vont en médiation, souvent ils ressortent de là et la pension alimentaire est plus élevée que ce que le juge aurait pu accorder. Il y a des bienfaits à la médiation; moi, j'y crois beaucoup. Moi, j'ai peur que, finalement, en standardisant de façon maximum... j'irais jusqu'à dire un peu rigide, moi, j'ai beaucoup de difficultés à ce que les ententes entre les parties disparaissent complètement. Moi, j'étais de celles – je vous le dis tout de suite – qui ont prôné, qui ont défendu le consentement mutuel clair, de façon éclairée, pour la perception des pensions alimentaires, parce que je me dis: Des parents responsables, même en crise de rupture, peuvent arriver à s'asseoir ensemble, surtout en médiation familiale, pour aller chercher le maximum dans l'intérêt de leur enfant. Moi, j'y crois encore et je suis persuadée qu'il y a plein de parents, même s'ils se séparent, qui vont aller chercher le maximum pour le bien-être de leur enfant, même en période de désunion. Je pense que, ça, c'est un minimum qu'on doit donner à des adultes qui se sont mariés puis qui aujourd'hui se séparent et qui sont parents. Les ententes entre parties, moi, je pense qu'il faut que ça reste. C'est une souplesse, dans le modèle de fixation, qui doit demeurer là.

Je veux vous entendre davantage sur ça parce que, moi, je ne suis pas convaincue qu'il faille tout mettre dans un bloc, tout gérer par le ministère du Revenu. Je vous le dis, moi, je crois à la médiation et je crois à la liberté de ces parents adultes qui veulent aller chercher le maximum pour leur enfant, même en période de rupture. Alors, moi, je crois dans les ententes... puis je veux vous entendre davantage.

Mme Duhamel (Nathalie): Bien, si... Ça dépend par quelle lunette vous le regardez. Si vous le regardez en mettant la lunette où on a affaire à deux personnes responsables qui veulent aller chercher le maximum pour leurs enfants, effectivement, ils vont réussir en médiation. La médiation existe déjà maintenant, mais il y a plein de monde qui se ramasse pareil devant le juge. La chicane poigne pareil, la médiation échoue quand même. Alors, si on prend la lunette de plutôt regarder deux personnes dysfonctionnelles qui sont en chicane puis qui ne sont pas capables de s'entendre, elles vont se ramasser devant le juge.

Moi, je ne remets pas en question l'hypothèse que, oui, ce serait souhaitable qu'il y ait le moins de tension possible, que le monde se chicane le moins possible, qu'il soit capable d'arriver à un arrangement en médiation qui soit le plus profitable pour les enfants. Tout ce que je dis aujourd'hui, c'est: Regardons la situation: les femmes retournent très souvent devant le tribunal, les avocats des parents non gardiens utilisent souvent toutes sortes d'éléments contenus dans les lois pour traîner les femmes, ramener les jugements précédents sur le plancher et repasser devant le juge. Ça m'inquiète. Maintenant, si, socialement, on est capable de répandre la médiation familiale plus encore qu'elle ne l'est actuellement, contraindre, à la limite, les parties à passer par là... Parce que, aujourd'hui, on ne peut pas contraindre, là. S'il y en a un des deux qui veut se battre avec le canon, on s'en va directement en cour. Tu ne peux pas y aller, en médiation. C'est directement devant le juge.

Alors, si on est capable de mettre en place une mécanique de médiation, de contraindre les parties à passer par là, on a peut-être une chance, effectivement, de déjudiciariser sans pour autant avoir recours à, tu sais, une mécanique plus administrative comme: je mets 0,25 $ dans la machine, je rentre les revenus puis, au bout de la ligne, il me sort un petit billet avec le montant de la pension alimentaire fixé.

Je suis bien consciente que ça fait bien mécanique, mais, quelque part, la préoccupation, c'est d'enlever l'odieux d'avoir à retourner devant le tribunal à tout bout de champ, et cette espèce d'inquiétude constante pour les parents gardiens, à chaque fois que l'autre se remarie ou à chaque fois qu'il y a un autre enfant ou à chaque fois qu'il y a un changement de travail, que la galère va repartir et qu'on va devoir repasser par le système.

Mme Carrier (Marie-Christiane): Mais un n'empêche pas l'autre. Je veux dire, il y a des gens qui, par contrat de mariage, vont voir un notaire et ont un contrat de mariage; il y en a d'autres que c'est la loi, c'est le Code civil qui s'applique à eux. Alors, c'est la même logique: ceux qui veulent signer leur contrat de garde, ils le signent par entente entre les parties, mais dans les autres cas il y a une protection minimale quand il y a mésentente.

Mme Loiselle: Dans ce que vous suggérez là, il y a entente pour les parties, dans ce que vous suggérez, au niveau du...

Mme Carrier (Marie-Christiane): Non, mais, je veux dire, dans un processus de médiation ou...

Mme Loiselle: Non, mais je parle de ce que vous suggérez au gouvernement de mettre en place. Moi, je pense que, de la façon dont je l'ai lu, en tout cas, les ententes entre les parties disparaissent.

Mme Duhamel (Nathalie): Il n'y a pas nécessité qu'il y ait négociation.

Mme Loiselle: C'est ça. Mais, moi, je me dis que, si le gouvernement prend des mesures de cette façon-là, standardise au maximum, il déresponsabilise les parents, quelque part. C'est le message qu'il envoie, en tout cas. Moi, c'est comme ça que je le vois: il se substitue aux parents et les déresponsabilise. Vous ne trouvez pas?

Mme Carrier (Marie-Christiane): Bien...

Mme Loiselle: Non, mais c'est important, parce que là on parle des adultes. Je comprends qu'il y ait des situations, parce que chaque dossier est quand même particulier, chaque situation a son passé, mais il faut laisser la place à des gens adultes, même en période de conflit et de rupture, qui ont des enfants. Je pense qu'il faut avoir au moins cette souplesse-là, minimum. Quand même, on parle d'adultes, que ces gens-là puissent s'entendre, au moins qu'ils aient la chance de pouvoir s'entendre entre eux et de présenter leur entente avant que le gouvernement décide pour eux de façon rigide: Non, vous vous séparez; nous, on détermine que ça va aller comme ça.

Parce que la médiation... Même si on ne passe pas par la médiation, souvent les parents... Moi, j'ai plein d'amis qui se sont séparés, et je suis certaine que l'entente qu'ils ont eue pour leurs enfants, elle est beaucoup plus grande, comme pension alimentaire, que ce que peut-être ils auraient eu comme entente, parce que leur intérêt premier lors de la séparation, c'est le bien-être des enfants. Alors, moi, je pense qu'il faut avoir quand même un minimum de souplesse envers ces parents-là pour les laisser décider eux-mêmes du bien-être qu'ils veulent apporter à leurs enfants.

Mme Duhamel (Nathalie): Bien, juste pour finir, les réformes qui sont sur la table vont effectivement, dans un certain sens, contraindre un peu plus les parties à se comporter en parents plus responsables. C'est à souhaiter que ça marche. Si ça ne marche pas, puis si on se ramasse encore dans une situation où on a x % de pensions alimentaires qui sont toujours plus ou moins bien payées, puis les femmes sont toujours autant contraintes aux tribunaux, bien, on reviendra. Ha, ha, ha! On reviendra puis on vous dira: On avait bien raison.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Mesdames, est-ce que les propos dans votre mémoire seront plus nuancés maintenant concernant le modèle fédéral, en vue de l'explication de Mme la ministre? Parce que, moi, je commence à comprendre un peu plus.

Au début de votre mémoire, c'est assez clair, vous dites que le modèle devrait être basé sur... «nous préférons l'approche fédérale basée...» Plus tard: «...le système québécois de fixation se modèle sur celui proposé par le fédéral.» Ayant obtenu des clarifications, peut-être des explications plus poussées de Mme la ministre, est-ce que vous tenez les mêmes paroles ou est-ce qu'on nuance un peu?

(16 heures)

Mme Duhamel (Nathalie): Bien, je serais portée à vous dire que je suis prête à nuancer un peu, mais je ne suis pas sûre qu'il y aura moins de chicane, qu'il y aura moins de mésentente. Donc, l'assurance que la ministre nous a donnée, que le ministère de la Justice allait mettre sur pied un programme de médiation, pour moi, est absolument essentielle. Parce qu'un ne va pas sans l'autre. Il faut absolument... D'ailleurs, on avait besoin de ça au départ aussi avec la défiscalisation. C'était la même chose. L'entente préalable à la défiscalisation, ça, prolongé, c'est un nid de problèmes.

M. Copeman: Pendant nos discussions antérieures, on en a parlé un peu, de la situation des conjoints de fait et que, plus le revenu du parent non gardien est élevé, plus il y a, selon même les gens qui ont travaillé dans la jurisprudence, une certaine tendance pour un juge, il y avait une certaine tendance pour un juge de compenser l'absence d'une pension alimentaire pour conjointe de fait par l'augmentation de la pension alimentaire pour enfants. La conjointe de fait n'a pas droit à une pension alimentaire, selon l'acte sur le divorce.

Vu que notre table de fixation au Québec, comme vous dites, au niveau de revenus plus importants, 80 000 $, 90 000 $, 100 000 $, est plus avantageuse en termes de pension alimentaire, est-ce que vous pensez que l'argument d'un peu de transfert de revenus pour un conjoint de fait est également important dans tout ça? Je ne sais pas si je m'exprime assez clairement, là.

Mme Duhamel (Nathalie): Je ne suis pas sûre de bien vous comprendre, mais j'étais sous l'impression que, quand on parle de pension alimentaire au Québec, on parle de pension alimentaire pour les enfants...

M. Copeman: Tout à fait.

Mme Duhamel (Nathalie): ...on ne parle pas de pension pour le parent, là.

M. Copeman: Tout à fait. Sauf que c'est, je pense, le représentant des avocats et avocates en droit familial qui nous a dit ce matin que, même en admettant qu'on parle d'une pension alimentaire pour enfants, avec un parent non gardien dont le revenu est assez élevé...

Mme Duhamel (Nathalie): Qui pourrait payer un petit quelque chose pour...

M. Copeman: ...souvent, le juge ajoutait un tout petit peu pour compenser le conjoint de fait qui ne recevait pas de pension alimentaire, pour tenter de faire un peu...

Mme Duhamel (Nathalie): De rééquilibrer.

M. Copeman: ...un transfert de ressources vers la famille, vers la conjointe de fait.

Mme Duhamel (Nathalie): Mais, moi, j'aimerais mieux qu'on dise que c'est un transfert ou, du moins, en tout cas, que c'est plus d'argent au niveau des enfants. Que, quelque part, ce plus d'argent au niveau des enfants permette à la femme d'avoir une maison, de maintenir ses enfants dans un quartier x, de les envoyer à l'école privée, c'est correct, là, si le parent non gardien a les moyens de faire ça, que ça soit fait et que ces enfants-là aient la possibilité de jouir du revenu supplémentaire du parent non gardien comme ils l'auraient fait si l'union s'était perpétuée. Alors, je ne veux pas, moi non plus, que ça soit un système qui soit au minimum puis que, dans le fond, ceux qui peuvent donner plus à leurs enfants s'en tirent à bon compte. Je n'appellerais pas ça pour autant un transfert envers le parent gardien. Ça, je trouve que c'est encore maintenir l'espèce de dépendance puis de... J'aime mieux que ça soit simplement une contribution supplémentaire pour ce parent non gardien qui a des moyens supplémentaires ou plus grands que les autres.

M. Copeman: O.K. Ce qui, à date, est possible en utilisant des composantes du tableau fédéral, comparé au tableau québécois. Moi, je suis très sensible à l'argumentation de la ministre ou à l'ouverture qu'elle avait donnée au moins de tenter de trouver un moyen, même basé sur quelque forme de méthodologie, pour ajuster un peu nos critères en ce qui concerne les familles, surtout les parents non gardiens à revenus assez importants. Que ça soit juste 5,8 % de la population, je pense que, s'il y a une volonté politique de le faire, quelque part, il y aurait moyen de le faire.

La première journée, j'ai fait un calcul rapide basé sur mes circonstances particulières, ma famille. Mon épouse, je dois vous dire, elle n'était pas très contente que j'aie dévoilé tout ça, mais – ça, je l'ai su hier...

Mme Harel: Est-ce qu'on peut faire un peu de médiation?

M. Copeman: On n'en est pas à ce point-là encore, Dieu merci! Mais les différences peuvent être importantes, surtout quand on considère que, nous, de notre côté, on utilise le revenu disponible. Ce que j'ai fait, j'ai fait la simulation à 100 000 $ avec nos revenus respectifs bruts. En résumé, il faut baisser ça à peu près à 10 000 $ chacun, si j'ai bien compris: mes 6 800 $ pour les deux exemptions, plus 1 200 $, plus les déductions d'emploi donnent, selon vos experts, à peu près 10 000 $ chacun. Ça, alors, je l'ai fait utilisant le revenu disponible. Dans ma circonstance à moi, avec trois enfants, ça ferait une différence de 2 300 $ de moins que je paierais en pension alimentaire.

Mme Duhamel (Nathalie): Avec le système québécois?

M. Copeman: Oui.

Mme Loiselle: À comparer au fédéral.

M. Copeman: C'est beaucoup, hein?

Mme Duhamel (Nathalie): Oui.

M. Copeman: C'est 12 168 $ au fédéral, comparé à 9 814 $. Là, j'ai certains collègues qui me disent...

Mme Duhamel (Nathalie): Ne dis pas un mot.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: ...ne dis pas un mot, mais, moi, je dis un mot parce que c'est important...

Mme Duhamel (Nathalie): Oui. Bien, merci. Ha, ha, ha!

M. Copeman: ...de donner plus d'argent dans les poches des enfants au Québec, que ce soit même les 5 % les plus...

Mme Duhamel (Nathalie): Quelle que soit la situation de l'enfant, c'est ça.

M. Copeman: Quelle que soit la situation de revenus, c'est ça.

Mme Harel: Si vous voulez, on pourrait partir de ça, cet exemple-là. Moi, j'apprécierais, peut-être pour ajouter ce que c'est en fonction des transferts gouvernementaux: combien, à ce moment-là, ou pas, là, ajouter ou retrancher? Ça donnerait peut-être une situation particulière. Ensuite, il y a les frais de garde possibles, les frais d'activité, parce que, au niveau fédéral, c'est déjà inclus. Donc, les frais de garde, au niveau québécois, ça ne l'est pas. Donc, ça peut s'ajouter aussi. Je veux juste faire vraiment la comparaison complète...

M. Copeman: Complète.

Mme Harel: ...pour savoir, même au niveau des hauts revenus, ce qui est plus intéressant.

M. Copeman: Sauf que, moi, je ne l'ai pas ajusté pour le temps de garde.

Mme Harel: Non, c'est ça.

M. Copeman: Ça fait que, là, s'il faut réduire ça de 20 % parce que j'aurais la charge de mes enfants pendant 20 %...

Mme Harel: Non. Là, il faut faire attention. Le 20 % n'est pas un 20 % diminué de la pension, c'est une formule qui fait qu'au maximum à 30 %...

Mme Bergeron (Andrée): C'est entre 20 % et 30 %.

Mme Harel: ...mais qui n'est pas une diminution de la pension, c'est 20 % à 30 % du temps de garde.

Mme Bergeron (Andrée): C'est un ajustement minime qui est apporté...

M. Copeman: O.K., minime.

Mme Bergeron (Andrée): ...à la contribution parentale.

Mme Harel: La pension, au maximum, m'a-t-on dit, ne peut être réduite que de 10 %. Mais je vais demander qu'on mette ça sur papier, et ça va être...

M. Copeman: O.K. Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup, Mmes Duhamel et Carrier. J'invite maintenant les représentantes de la Confédération des organismes familiaux du Québec à se présenter.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je vous invite, Mme Saint-Laurent, à présenter madame qui vous accompagne, avec le titre, de façon à ce qu'on enregistre bien, et à commencer votre présentation.


Confédération des organismes familiaux du Québec (COFAQ)

Mme Saint-Laurent (Carmen): Mme O'Sullivan et moi, nous allons partager la présentation du mémoire de la COFAQ. Nous avons titré notre mémoire «Pension alimentaire: le bien-être des enfants et le respect de la parentalité des deux parents».

La Confédération des organismes familiaux du Québec est un regroupement national d'organismes ayant pour but la promotion de la qualité de vie des familles québécoises. La COFAQ réunit actuellement 872 associations familiales locales dans les 16 régions du Québec et représente plus de 180 000 familles.

Le texte «Pension alimentaire: le bien-être des enfants et le respect de la parentalité des deux parents» se veut une proposition réfléchie du mouvement familial que nous représentons. Il réitère des positions déjà prises lors des consultations sur le projet de loi facilitant le paiement des pensions alimentaires. La vision famille ne doit pas être exempte de la réflexion. Des parents, des enfants sont avant tout des familles. Les ruptures conjugales ne doivent pas toutes être comprises comme des ruptures familiales.

Dans le débat actuel, l'élément fondamental de notre position réside dans la reconnaissance incontournable du rôle des familles dans la société québécoise, du respect de la parentalité et du soutien nécessaire que l'État doit fournir aux enfants. Les parents se séparent, mais nullement les enfants. Les deux parents doivent pouvoir réunir les conditions leur assurant le respect de leur parentalité et le bien-être de leurs enfants.

(16 h 10)

Les concepts de parent gardien et de parent non gardien peuvent poser dans la réalité de nombreux problèmes d'application. Concepts souvent théoriques et administratifs, ils reflètent souvent mal la réalité quotidienne. Le parent gardien doit pouvoir maintenir, pour le bien-être de ses enfants, un niveau de vie comparable à celui avant la rupture. Le parent non gardien, pour sa part, n'a-t-il pas aussi le droit de pouvoir conserver un niveau de vie comparable s'il veut offrir à ses enfants, lorsqu'il les reçoit, des conditions de vie similaires? Une chambre, des meubles, des objets propres à son enfant. Le respect des responsabilités parentales des deux parents n'est-il pas à ce prix? La promotion de la responsabilité des pères, puisque c'est de cela dont il est souvent question dans cette discussion, ne devrait-elle pas prendre le chemin de la conciliation et de l'équité?

Pour conserver cette équité, l'État ne doit pas se soustraire à ses responsabilités et doit garantir, par le biais d'une fiscalité profamiliale et redistributive, une qualité de vie à tous les enfants. Les ruptures de couples ne doivent pas se faire sur le dos des enfants. L'État a son rôle à jouer s'il veut préserver la seule véritable richesse de notre société, les enfants, puisqu'ils sont les seuls à garantir la reproduction de l'humanité. Ils sont l'humanité de l'homme et de toutes les sociétés. La Confédération des organismes familiaux du Québec n'oeuvre pas, faut-il le rappeler, pour déresponsabiliser les parents, mais bien pour leur fournir, avec le concours de l'État, toute l'aide nécessaire à la pleine réalisation et au plein développement de leurs enfants.

La Confédération des organismes familiaux du Québec est favorable à la consultation actuelle sur les modèles de fixation de pensions alimentaires. Il ne sera pas aisé de retenir un modèle exempt de distorsions. Nous retenons que ce mécanisme de fixation doit servir à renforcer les liens parents-enfants et assurer le maintien de la responsabilité parentale pour les deux parents. Il y va du bien-être de l'enfant. Pour maintenir et promouvoir la responsabilité des deux parents, la Confédération réitère le principe selon lequel l'équité entre les parents et le droit des enfants à bénéficier d'un soutien adéquat de ces derniers reposent sur un mécanisme souple et bien adapté de fixation, de perception des pensions alimentaires et une fiscalité redistributive profamiliale. Les trois dimensions doivent aller de pair et renforcer la mécanique de redistribution adéquate de la richesse collective.

L'application de la loi: définir le modèle profamilial. En retenant le principe fondamental selon lequel les enfants sont la première et la principale richesse d'une société, la seule garantie de la reproduction de l'espèce humaine, nous reconnaissons que, dans la fixation des pensions alimentaires, le droit et le bien-être de l'enfant doivent primer. Cette reconnaissance ne doit pas faire oublier la responsabilité des deux parents et de l'État de garantir aux enfants la continuité de conditions de vie assurant leur plein épanouissement.

Le modèle de fixation de pensions alimentaires ne doit pas servir de prétexte à nier la paternité. La société québécoise est mûre pour promouvoir une paternité plus active. L'établissement d'un modèle doit pouvoir s'arrimer à une promotion d'une paternité plus active. Père, on le reste toute sa vie. Les tribunaux ont actuellement trop souvent une idée assez négative de la paternité. Faut-il le rappeler, les pères ne sont pas des incompétents mais des apprenants. Le père n'a pas la confiance naturelle, d'instinct, de la société. La paternité et la parentalité doivent devenir des liens plus naturels. La reconnaissance de l'apport du père dans le développement cognitif, social et affectif de l'enfant constitue autant de raisons visant à la valorisation du rôle paternel. Nous sommes conscients, toutefois, qu'il reste beaucoup de chemin à parcourir pour favoriser socialement l'engagement paternel, et nombre d'embûches parsèment cette route.

La recherche d'un modèle original de fixation de pensions alimentaires ne devrait-elle pas tenter d'influencer cette promotion de l'engagement paternel? Les pères ne devraient-ils pas conserver les moyens d'assumer leur paternité même après la rupture? À tout le moins, le modèle retenu ne devrait pas avoir l'effet dissuasif actuel qui, a priori, considère tous les pères comme des irresponsables.

Le droit de visite est plus qu'une promenade au parc. Nombre de parents non gardiens reçoivent leurs enfants deux, trois et même plus de jours consécutifs. Les enfants doivent pouvoir retrouver chez le parent non gardien, à l'instar de la résidence du parent gardien, s'ils veulent intérioriser un sentiment d'appartenance, un espace qui leur ressemble et qui leur est propre. L'État a ici un rôle important à jouer. Il doit, par une fiscalité redistributive profamiliale, assurer cette réalisation. Réunir ces conditions minimales pour la pleine réalisation des responsabilités parentales des deux parents réduirait les embûches à l'engagement parental et paternel après les ruptures de couples.

Je dois vous dire ici que les familles que nous représentons sont surtout les familles de classe moyenne. Pour nous, là, les revenus de 100 000 $ par famille sont assez rares. Notre mémoire le reflète, d'ailleurs. Mme O'Sullivan va continuer.

La Présidente (Mme Bélanger): Mme O'Sullivan.

Mme O'Sullivan (Lysane): Bonjour. Un modèle souple et équitable de fixation. Retenir un modèle souple et équitable de fixation des pensions alimentaires pour les deux parents n'est certes pas une chose facile puisque l'équité salariale est loin d'être réalisée. Le partage des tâches domestiques est loin d'être égalitaire et la responsabilité parentale est encore entachée de coloration sexuée. Voilà pourquoi il est d'autant plus urgent d'assurer ce tournant dans notre vision légaliste et administrative des relations familiales et conjugales.

Appliquer un modèle qui avantage essentiellement le parent gardien, comme si les enfants, au lendemain de la rupture de leurs parents, se retrouvaient en deuil d'un des deux parents, est une conception passéiste qui nie les efforts actuels de la société québécoise pour reconnaître la nécessité de l'implication des deux parents dans l'équilibre et le développement des enfants. Est-ce là prendre le parti des enfants? Pourtant, il existe des méthodes simples pour contourner cette distorsion archaïque. Une exemption relative à une dépense fixe de base, comme le coût d'une pièce supplémentaire pour accueillir convenablement les enfants, pourrait être accordée au parent non gardien. Le gouvernement pourrait aussi tenir compte de cette dépense de base dans le calcul de la pension pour enfant.

Le modèle de fixation de la pension alimentaire, avec toute la souplesse que ce modèle doit refléter, doit garantir aux deux parents les conditions leur assurant la pleine réalisation de leurs responsabilités parentales. Le modèle se doit d'atténuer la conceptualisation souvent toute théorique et administrative du parent gardien et non gardien. Nous devons voir devant nous deux parents investis de leurs responsabilités parentales, jusqu'à preuve du contraire, comme nos principes de droit le stipulent.

Investir pour soutenir les enfants qui subissent une rupture parentale, c'est nécessaire mais non suffisant. Investir dans la famille, dans toutes les familles, c'est investir dans l'avenir d'une société. Alors, pourquoi les familles sont-elles les parents pauvres de la fiscalité? Comme société qui crie haut et fort son besoin d'enfants, comment peut-on expliquer de pareils sous-investissements? Comme la redistribution de la richesse se fait surtout par la rémunération en emploi et qu'aucune rémunération n'est rattachée au statut des parents, les parents, de par leur suractivité parentale, ont donc les plus faibles revenus disponibles pour assurer une qualité adéquate à leur famille. Ce faible pouvoir économique aurait-il une incidence sur les difficultés conjugales des nouveaux parents? Étant à faible économie, très faible – moi, je sais qu'à 26 000 $ on ne paie pas d'impôt, là – effectivement, ça use les parents puis ça mène au divorce. Je ne suis pas divorcée encore parce qu'on n'a pas les moyens de divorcer, là. La question reste posée et a très certainement sa pertinence. Aujourd'hui, nous savons que les meilleurs emplois vont aux personnes les plus disponibles. Les couples avec enfants partent perdants, pour l'un ou l'autre et quelquefois pour les deux. À quand une fiscalité redistributive pro familia pour les familles québécoises?

Dans cette carence dans la redistribution des richesses collectives, les jeunes familles sont une des catégories sociales les plus touchées. Le chômage, le sous-emploi chronique et précaire sont le lot d'un nombre croissant de jeunes familles. Quelque 27 % des jeunes familles vivaient sous le seuil de la pauvreté en 1986. Cette proportion s'est accrue à 29,2 % en 1991. Au Québec, en 1994, près de 300 000 enfants, soit 20 %, une augmentation de 2 % en cinq ans, vivent dans la pauvreté, dont 66,1 % sont des enfants de familles monoparentales.

(16 h 20)

Les jeunes familles, qui sont pourtant celles qui ont un besoin pressant de revenus pour établir leur famille, sont sans soutien adéquat de la part de l'État et de la société. La déresponsabilisation de l'État est doublée ici d'une déresponsabilisation de la société civile. Les jeunes familles, outre quelques bonus à la naissance, sont ensuite laissées à elles-mêmes. Les allocations financières à la naissance sont loin d'être la panacée à tous leurs problèmes. Elles ont souvent l'effet contraire au but recherché, elles appauvrissent très souvent davantage les familles les plus fragilisées. Il faut définir un cadre préventif de promotion sociale des familles. Les jeunes familles, sans être les seules, sont celles qui ont un urgent besoin. À quand la réforme fiscale bénéficiant aux familles porteuses de la société de demain? Pourquoi ne pas penser à une taxe au soutien des familles par ceux qui n'en ont pas, puisqu'ils retireront le plus d'avantages de cette situation?

Le débat sur la fixation des pensions alimentaires doit être associé au débat actuel sur la fiscalité et le financement des services publics. Ces deux débats de fond sont certes l'occasion idéale pour requestionner notre vision sociétale. L'avenir de nos enfants en dépend. Pourquoi tant de ruptures de couples? Est-ce que les parents réussissent à réunir les conditions adéquates au développement de leur famille? Des choix sociaux se sont posés à nous au cours des deux dernières décennies. D'une relative distribution équitable de la richesse collective associée à une politique de relatif plein-emploi et de sécurité sociale, nous avons glissé vers un renforcement de la concentration de la richesse sous couvert de créer des pôles économiques fort capables de concurrencer sur les marchés mondiaux, crise économique et mutation de l'économie mondiale obligeaient.

Le résultat? L'appauvrissement d'un nombre de plus en plus grand de familles québécoises, appauvrissement de plus en plus accentué de jeunes familles, augmentation de chômage, détérioration des conditions de vie. Est-ce cela les résultats attendus? Ils étaient, tout compte fait, probables. Pourquoi avoir délaissé la coopération, la concertation partenariale, la responsabilité et la solidarité sociales? En temps de crise, ne devions-nous pas nous serrer les coudes?

Il ne s'agit pas ici de refaire le passé mais de bien en tirer des leçons. Les organismes familiaux, de concert avec nombre d'intervenants sociaux, ont retissé des solidarités sociales et familiales, ils ont contribué à refaire les réseaux d'entraide et les réseaux intergénérationnels. La Confédération a innové depuis six ans en créant des réseaux entraide-grands-parents, services d'aide et de soutien aux jeunes familles. Il est impératif que la société québécoise valorise désormais l'humain et la famille.

Pour ce faire, la concertation et la réallocation des ressources vers les familles doivent guider cinq principes fondamentaux: privilégier la prévention, favoriser la conciliation entre famille et travail, améliorer le milieu de vie des familles et assurer le virage familial. Il est important de se préoccuper de la prévention au sens le plus large, celle dont l'objet consiste à éviter que les problèmes surviennent. Et pourtant, la prévention, de l'aveu même des décideurs publics, c'est payant. Alors, pourquoi ne pas orchestrer un virage préventif dans le financement des services publics, un virage qui mettrait à contribution tous les partenaires sociaux, les groupes d'entraide et les organismes communautaires? Il est beaucoup question de la mutation actuelle de l'économie, de la productivité des travailleurs. Favoriser la conciliation entre la famille et le travail est certes l'un des principes qui pourrait contribuer à accroître la capacité concurrentielle de nos entreprises. Cette souhaitable conciliation fait encore grandement défaut et a très certainement une influence sur les tensions conjugales et les ruptures de couples.

Mme Saint-Laurent (Carmen): Les recommandations. La COFAQ recommande donc au gouvernement des ajustements inhérents aux transformations actuelles des réalités familiales, de retenir comme principes novateurs mais pleins d'espoir: que le gouvernement adopte un modèle de fixation de pensions alimentaires souple et efficace pour les deux parents; qu'un des principes guidant le modèle de fixation des pensions alimentaires soit que la fin d'une union entre deux conjoints ne devrait pas remettre en cause la responsabilité parentale du parent non gardien; que la pension alimentaire soit non imposable au créditeur et déductible au débiteur, et ce, afin d'affirmer haut et fort que les enfants sont aussi et surtout une richesse sociale et la première richesse; que les mécanismes de fixation de pensions alimentaires reconnaissent la responsabilité des deux parents; que le gouvernement applique une exemption relative à une dépense fixe de base, comme le coût d'une pièce supplémentaire pour accueillir convenablement les enfants, et qui serait accordée aux parents non gardiens; que le modèle de fixation des pensions alimentaires permette toute la souplesse pour que le tribunal puisse y déroger lorsqu'il estime que l'intérêt de l'enfant l'exige.

Je vous remercie de nous avoir écoutées.

La Présidente (Mme Bélanger): Merci, Mme Saint-Laurent et Mme O'Sullivan. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, je vous remercie, Mme la Présidente. Bienvenue, Mme Saint-Laurent et Mme O'Sullivan. Alors, vous comprendrez que j'ai à mes côtés Mme la députée de Blainville qui veut aussi échanger avec vous. Alors, là, je vais vraiment vous demander, Mme la Présidente, de faire tout en votre pouvoir...

La Présidente (Mme Bélanger): Vous avez 20 minutes, Mme la ministre.

Mme Harel: ...pour qu'on partage la moitié du temps.

La Présidente (Mme Bélanger): Dix minutes pour vous et 10 minutes pour Mme la députée de Blainville.

Mme Harel: D'accord. Très bien. Alors, j'irai donc droit au but sur deux questions, la première concernant le droit de visite et de garde prolongées, celui qui est une innovation dans le projet de fixation des pensions alimentaires et qui prévoit, lorsqu'il y a garde exclusive, habituellement de la mère, mais un droit de visite de plus de 20 %, n'est-ce pas, de 20 % à 30 % pour le père, ce qui est habituellement le rôle, à quelques exceptions près, attribué aux deux, eh bien, qu'il puisse y avoir, à ce moment-là, une prise en compte, dans la contribution alimentaire des deux parents, d'une compensation pour droit de visite prolongée. Ce n'est pas une compensation de 20 %. En fait, c'est une compensation qui ne peut pas excéder 10 %. Disons que le maximum étant de 30 %, la visite prolongée, on fait le calcul suivant: 30 %-20 %, le 20 % étant, dans le fond, un droit de visite. Alors, 30 %-20 %, ça donne 10 %, et c'est ce 10 % qui est appliqué à la contribution alimentaire annuelle des deux parents.

Alors, disons que cette contribution est plus symbolique qu'autre chose, parce qu'un niveau de revenus de 100 000 $ pour les deux, c'est-à-dire 60 000 $ pour le père, 40 000 $ pour la mère, avec toutes les exemptions, ce qui va chercher autour de 80 000 $, grosso modo, la contribution alimentaire annuelle des deux parents est autour de 13 880 $ et la compensation pour le droit de visite prolongée est de 694 $, vous voyez. Mais c'est une contribution qui, quelque part, valorise ce droit de visite prolongée.

Ceci dit, on a eu beaucoup de remarques nous mettant en garde en nous signalant que, très souvent – et ça, ça semble être la vraie vie – dans la relation que le client – attendez, s'il est débiteur, donc le père, en fait, pour résumer la chose en la simplifiant à outrance – entretient avec l'avocat, quand il apprend le montant de pension auquel il va être sans doute obligé, il réagit en disant: Bien, si c'est comme ça, je vais demander la garde. Il y aurait là une grande tentation pour demander ce droit de visite et de garde prolongées simplement pour faire diminuer la pension, sans que, par la suite, ce soit honoré, parce qu'on sait que c'est un droit et non pas une obligation.

Alors, on nous met beaucoup en garde en disant... Disons, ça va de l'échiquier de toutes les positions disant: Laissez tomber ça. Ça, c'est le Barreau qui dit: Ce n'est pas un concept qu'on connaît suffisamment pour l'introduire maintenant, gardons la garde exclusive avec le droit de visite ou la garde partagée moitié-moitié, donc seulement deux scénarios plutôt que trois. Ou bien la mise en garde est plus nuancée en disant: Introduisez-le, mais appliquez automatiquement le retour à la garde exclusive avec droit de visite, si tant est qu'il y a défaut d'honorer le droit de garde prolongée. D'autres vont nous dire: Attendez un an, que la vérification ait été faite, qu'il y ait eu vraiment respect de ce droit de visite et de garde prolongée, auquel cas alors s'appliquera automatiquement la réduction, qui est un maximum de 10 %. Je le rappelle encore, ce n'est pas 10 % sur la pension, mais sur la contribution alimentaire annuelle des deux parents.

Alors, vous, vous pensez quoi dans tout ça?

(16 h 30)

Mme Saint-Laurent (Carmen): Pour commencer, je dois vous dire que, moi, je n'ai pas lu tout le document qui a été envoyé aux organismes, parce que ça a été envoyé par courrier électronique chez nous et qu'il s'en est perdu une partie. Ça fait que je n'étais pas au courant du 10 % ou du 20 %.

Mais pour ce qui a trait à la garde, je le sais parce qu'on a des groupes de pères chez nous, et j'ai pris conscience avec eux de la souffrance qu'ils vivaient de ne pas voir leurs enfants assez souvent. Un père m'a dit: Je vois mon enfant 50 jours par année. Ce n'était pas beaucoup. Ce n'est pas beaucoup, sur 365 jours.

Mme Harel: Mais pourquoi il n'a pas demandé la garde partagée? Il pourrait l'avoir la moitié du temps, c'est-à-dire, quoi, 165 jours.

Mme Saint-Laurent (Carmen): Probablement à cause des conflits de personnalité entre lui et sa conjointe, là. Je ne peux pas...

Mme Harel: Mais la garde partagée n'est pas soumise à la décision de la conjointe. Si le parent veut la garde partagée, c'est le juge qui va en décider.

Mme Saint-Laurent (Carmen): Je vous raconte une expérience que j'ai vue, et j'ai vu que ce père-là se... En tout cas, c'était pénible pour lui, puis il vivait de la souffrance.

Aussi, parmi les gens qui sont à faibles revenus, par exemple nos jeunes qui sortent avec même des diplômes universitaires, qui ne se trouvent pas de travail, qui sont sur des projets d'emploi, qui subissent des séparations de couples mais qui ont de faibles revenus, puis il y a une importante partie de ces faibles revenus là qui va à la pension alimentaire pour les enfants; eux, ils ont des droits de garde, mais ils sont obligés de vivre dans un un et demie où ils ont leurs enfants là qui sont obligés de coucher sur le divan, un fauteuil, etc. C'est aussi la réalité de tous les jours, ça. C'est ce qu'on voudrait, en fait, qu'on tienne compte du vécu des gens.

Mme Harel: Oui. Mais regardez, là. Le droit de visite et de garde prolongées, qui est un des concepts innovateurs qui est introduit, en tient compte. Alors, je ne sais pas quelle est votre appréciation, mais, chose certaine, le niveau de vie comparable est bien moins une réalité pour le parent gardien, c'est-à-dire la mère, que pour le parent non gardien. Toutes les études les plus sérieuses, les plus fouillées ont démontré que le parent non gardien baisse de revenu, dans l'année de la rupture, de 37 %, tandis que le parent... Excusez-moi, c'est le contraire. Le parent gardien baisse son niveau de revenu de 37 %, tandis qu'en tout moment le parent non gardien maintient son niveau de vie comparable, même, il augmente légèrement, de 4 %, mais à aucun moment il ne baisse en bas du niveau de vie qu'il avait avant.

Alors, je vous sens pleine de compassion pour le parent non gardien, mais je ne pense pas, en tout cas par les études qu'on a, que c'est lui qui est mal pris.

Mme Saint-Laurent (Carmen): Non, non, je suis tout à fait d'accord avec vous. Ayant moi-même vécu cette situation-là mais sans avoir de pension alimentaire, j'ai élevé mes enfants... En tout cas, c'est moi qui ai été la plus punie dans cette situation-là.

Maintenant, c'est en train de changer, puis je pense que c'est en train de changer pour le mieux. J'en suis convaincue. Mais ce que je veux dire, il faut être... Ce que je défends, c'est l'équité. Il faut vraiment peser pour que la situation rende justice aux deux parents pour le bénéfice de l'enfant. C'est pour ça qu'on revient souvent sur la fiscalité. On revient dans d'autres dossiers aussi.

Mme Harel: Bon. Attendez. Je n'aurai pas beaucoup de temps, là. L'équité des deux parents. Alors, tout de suite, je veux profiter de votre présence pour connaître votre opinion sur la prépondérance qu'on doit accorder soit à l'égalité de traitement de tous les enfants, indépendamment de l'union d'où ils originent, ou le principe du maintien du niveau de vie de l'enfant. Tantôt, vous parliez d'un niveau de vie comparable, hein?

Mme Saint-Laurent (Carmen): Oui.

Mme Harel: Vous êtes consciente qu'en introduisant le principe de l'égalité de traitement le premier enfant à qui une pension a été accordée, selon un certain niveau de vie, peut voir cette pension diminuer, même résulter à rien du tout s'il s'ajoute une deuxième, troisième, quatrième union d'où résultent de nouveaux enfants.

Vous, dans la balance, qu'est-ce que vous choisissez? Il y en a qui nous ont dit ici qu'il faut vraiment que, comme société, vous privilégiiez la responsabilité, si vous voulez, qui fait que, si on maintient le niveau de vie comparable pour la première pension, alors le parent non gardien va y repenser à deux fois avant d'en faire quelques autres après. Tandis que si vous mettez en premier l'égalité de traitement de tous les enfants des unions, alors qu'il y en ait un deuxième ou un troisième, un quatrième venant de deux ou trois autres unions, c'est tous les enfants, dont le premier, qui vont se trouver à voir diminuer la contribution du parent non gardien. Vous pensez quoi de ça?

Mme Saint-Laurent (Carmen): Nous, nous n'en avons pas discuté dans ce sens-là. On a discuté que, s'il y a eu des familles recomposées, donc des naissances dans une autre famille, que les enfants doivent être traités équitablement, donc l'apport donné en pension devrait être séparé équitablement entre les enfants.

Mme Harel: Donc, ça signifie que, par exemple, le premier pourrait voir, dans le fond, son niveau de vie considérablement diminué s'il y a eu un deuxième, s'il y a eu un troisième ou un quatrième, jusqu'à, vraisemblablement, épuisement – compte tenu d'un revenu qui n'est pas nécessairement élastique selon le nombre d'enfants – c'est-à-dire jusqu'à la possibilité qu'il n'y ait pas de pension, aussi.

Mme Saint-Laurent (Carmen): Il y a ça, mais il reste qu'il y a le contraire, aussi, qui peut arriver. Si on laisse un revenu beaucoup plus élevé au premier enfant qui a eu à subir cette situation-là, le dernier ou les derniers, est-ce qu'il va leur en rester, eux autres aussi? C'est vrai qu'il y a des incitations là-dedans.

Mme Harel: C'est parce que, tantôt, vous parliez...

Mme O'Sullivan (Lysane): Si je peux me permettre, Mme la ministre...

Mme Harel: ...de la promotion de la responsabilité des pères.

Mme Saint-Laurent (Carmen): Oui.

Mme Harel: Et là je me disais: Dans la promotion de la responsabilité des pères, est-ce qu'il n'y a pas aussi, pour le père, à prendre en considération qu'il ne peut pas en faire, disons, plusieurs, plusieurs après en avoir fait un ou deux, parce qu'il a déjà des pensions à payer pour eux? Sinon, à chaque fois, s'il se dit: Ce n'est pas grave d'en faire un autre, de toute façon, ma pension va baisser, est-ce qu'il n'y a pas une déresponsabilisation?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme O'Sullivan, vous voulez commenter?

Mme O'Sullivan (Lysane): S'il vous plaît. Si je peux me permettre, Mme la ministre. À la différence des intervenantes nous précédant, je crois que nous avons un penchant favorable pour le gros bon sens des adultes qui forment les familles d'aujourd'hui. Ce n'est pas vrai que ce sont tous des mauvais pères; ce n'est pas vrai que ce sont tous des mauvais payeurs; ce n'est pas vrai que ce sont toutes des bonnes mères et que les mères ne font pas de chantage avec les pères; ce n'est pas vrai que ce sont les mères qui sont toujours toutes à plaindre. Il faut mettre un bémol là-dessus. C'est dans ce sens-là que la Confédération des organismes familiaux tient son propos par le vécu de l'ensemble des familles que l'on représente.

On a un préjugé favorable au gros bon sens des individus qui forment notre société. C'est pour ça qu'on pense de cette façon-là. Effectivement, oui, il y a des problèmes. Mais, souvent, dans notre société, c'est beaucoup plus facile de se rappeler le gars qui n'a pas payé sa pension et qui est un salaud, etc., que de penser au père qui est obligé de se battre avec sa femme pour être capable d'avoir le droit de visite parce que madame fait du chantage dessus. Celles-là, on n'en parle jamais, mais...

Mme Harel: Bien, regardez, c'est parce que, nous, il faut légiférer, et le gros bon sens, là, on ne peut pas légiférer le gros bon sens, malheureusement, comme bien d'autres affaires qu'on ne peut pas légiférer. J'y reviens souvent, mais la fraternité, la solidarité, l'hospitalité, on ne peut pas légiférer ça, ni le gros bon sens. Mais, ceci dit, il faut qu'on décide, dans les principes qu'on va mettre dans une loi, si c'est l'égalité de traitement ou si c'est le niveau de vie d'abord. Vous, vous choisissez quoi, en fonction du gros bon sens que vous pratiquez à la Confédération?

Mme O'Sullivan (Lysane): Un niveau de vie acceptable pour l'ensemble des enfants. La majorité des familles...

Mme Harel: Attendez.

Mme O'Sullivan (Lysane): ...ont entre 20 000 $ et 30 000 $, O.K., les familles qu'on représente. Là, je n'ai pas le chiffre exact de la moyenne des familles au Québec, mais, comme vous le disiez tantôt, il y a 5 % des familles qui gagnent en haut de 100 000 $. Je ne sais pas, la masse des familles au Québec, ce qu'elles gagnent, je pense que ça se joue entre 20 000 $ et 50 000 $. Bien, ces familles-là, elles ont un niveau de vie présent, et, si le père se remarie ou si c'est la mère qui se remarie, à ce moment-là, les enfants doivent garder le même niveau de vie, et, s'il y a une famille reconstituée, il faut s'organiser. Je veux dire, ce n'est pas des imbéciles, les parents. Quand ils font des enfants, ce n'est pas vrai qu'ils font des enfants juste pour le fun d'en faire. Ils sont conscients des responsabilités qu'ils ont.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Blainville.

Mme Signori: Alors, bonjour, mesdames. Moi, je vais commencer par un petit commentaire avant mes questions, parce que, dans ma vie antérieure, j'étais directrice et présidente d'un organisme qui s'occupait spécifiquement des familles monoparentales, et, à moins que ça n'ait beaucoup changé depuis ce temps-là, c'était 55 % des pensions alimentaires qui n'étaient pas payées ou qui étaient payées partiellement, et les conditions qui allaient avec, on le sait, les taux de pauvreté des familles monoparentales. Je suis d'accord qu'on responsabilise de plus en plus les pères, mais je pense que ça doit venir de l'intérieur plutôt que de l'extérieur.

(16 h 40)

Alors, ma première question, c'est au sujet de votre troisième recommandation. Quand vous demandez – d'ailleurs, vous allez un peu à contre-courant de tout ce qui s'est fait dans les dernières années – que la pension alimentaire soit non imposable au créditeur et déductible au débiteur, c'est-à-dire qu'on retourne à ce qui était avant. Alors, moi, j'aimerais juste que vous m'expliquiez ce qui a motivé cette recommandation-là, parce que, quand on est allé en commission parlementaire justement sur cet élément-là, la majorité des Québécois et Québécoises s'entendait pour la défiscalisation des pensions alimentaires dans le sens qu'on veut le proposer. Alors, j'aimerais vous entendre sur ça.

Mme Saint-Laurent (Carmen): Je pense que de la façon dont ça a été approuvé au niveau gouvernemental, je ne pense pas que ça soit un gros gain pour les femmes, en fait, puis les familles monoparentales, ce changement-là qu'il y a eu dans la loi...

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): La consultation est terminée. Oui, vous pouvez y aller, madame.

Mme Saint-Laurent (Carmen): Est-ce que ça va?

Mme Signori: Je m'excuse, là, j'ai été distraite par ma ministre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Voulez-vous répéter votre réponse?

Mme Saint-Laurent (Carmen): Ma réponse, c'est que, après que ce changement dans la loi fut passé, je ne pense pas que ça ait été un gain extraordinaire chez les femmes. C'est elles qui le réclamaient, c'est les mères qui recevaient des pensions alimentaires qui réclamaient que la pension ne soit pas...

Mme Signori: C'est-à-dire que, dans le moment, on n'est pas encore rendu à cette loi-là...

Mme Saint-Laurent (Carmen): Oui, oui.

Mme Signori: ...dans le moment, le débiteur a une déduction fiscale pour le montant qu'il donne et la créancière, elle, doit l'inclure dans ses revenus.

Mme Saint-Laurent (Carmen): Oui.

Mme Signori: Qu'est-ce que vous demandez, là, vous autres?

Mme Saint-Laurent (Carmen): Dans les changements, ce qui va se produire, c'est que, quelque part, il y a quelqu'un qui est puni au niveau famille dans ça.

Mme Signori: Comment?

Mme Saint-Laurent (Carmen): Moi, si je paye une pension alimentaire de 2 000 $ par mois, par exemple, et que je n'ai pas droit de déduction sur l'impôt, je subis une injustice.

Mme Signori: Alors, ce que je comprends, c'est que vous voulez que le débiteur ait toujours une déduction fiscale pour sa pension alimentaire.

Mme Saint-Laurent (Carmen): Je pense que c'est une question de fiscalité. Il y aurait moyen d'étudier, au niveau fiscalité, la façon de rendre les choses le plus juste possible. Ce que nous croyons, là, c'est que ça rend injustice à un des parents, ça, cette loi-là.

Mme Signori: Mais, mon député de Notre-Dame-de-Grâce...

Une voix: Notre député préféré.

Mme Signori: ...notre député préféré – bien, à part Mme Loiselle, excusez, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne – lui, quand il fait son rapport d'impôts – vous en avez combien? Trois enfants maintenant – bon, alors, il n'a pas de déduction fiscale pour ses enfants. Le couple normal qui élève trois, quatre, cinq, six enfants, le parent, s'il est le seul à gagner, n'a pas une déduction fiscale pour ça. Alors, c'est une question aussi, je trouve, d'équité, parce que, en général, il y a eu appauvrissement de la famille monoparentale après la rupture.

Mme O'Sullivan (Lysane): C'est que, quand on est marié, c'est le revenu familial qui rentre en ligne de compte, tandis que quand on est séparé, bien, le père qui fait 25 000 $ puis que, sur son 25 000 $, il y en a 2 000 $, 3 000 $ ou 4 000 $ qui part pour la pension alimentaire des enfants...

Mme Signori: C'est très rare, ça, madame.

Mme O'Sullivan (Lysane): Bien, il y en a. Et quand ils ont des enfants handicapés, ou des choses comme ça, bien, à ce moment-là, lui, il est pénalisé. C'est dans ce sens-là qu'on demande une certaine forme d'équité. Ou il y a d'autres tantôt où ça va être la mère qui va faire un plus grand revenu. Moi, j'aimerais ça qu'on enlève le sexe sur le parent gardien et sur le parent qui ne l'est pas puis qu'on arrête de toujours taper sur le père ou sur la mère, parce que, souvent, les femmes ont des revenus qui sont quasi comparables ou supérieurs à l'homme. Ça fait que, dans ce sens-là, j'aimerais ça que les décideurs politiques le regardent avec toute l'objectivité possible.

Mme Signori: En tout cas, moi, je pense que, sur ce sujet-là, on l'a fait. Je ne voudrais pas... Je veux me permettre de poser d'autres questions. Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est déjà fini, madame.

Mme Signori: Bien, voyons donc! Je n'ai même pas parlé 10 minutes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mais, étant donné notre grande compréhension, on vous laisse quand même continuer... une ou deux questions additionnelles.

Mme Loiselle: On accorde notre consentement.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Signori: Juste une. On fait un compromis, c'est correct?

La recommandation 5, «que le gouvernement applique une exemption relative à une dépense fixe de base, comme le coût d'une pièce supplémentaire pour accueillir convenablement les enfants». Encore là, cette exemption relative, ce serait accordé au parent non gardien. Alors, j'ai un peu de misère à comprendre ça aussi, parce que, souvent, le parent gardien n'a pas nécessairement les moyens de se choisir un appartement avec le nombre de chambres nécessaires pour le nombre d'enfants qu'il a parce qu'ils sont obligés de réduire, eux aussi. Le parent qui s'en va avec les enfants est réduit de ce qu'il avait avant. Alors, le parent non gardien – parce que, là, vous avez remarqué que je ne mettais pas un sexe à ce parent – ...

Mme Saint-Laurent (Carmen): Merci.

Mme Signori: ...doit aussi faire des concessions, d'une certaine façon. Expliquez-moi pourquoi il y aurait une exemption relative à cette dépense fixe.

Mme Saint-Laurent (Carmen): C'est juste parce qu'on n'en tient pas compte présentement quand il s'agit d'allouer les pensions alimentaires, du coût que ça peut faire. Par exemple, pour des gens à faibles revenus, ceux qui gagnent le salaire minimum ou un peu plus, quand il y a rupture d'union, donc ils sont obligés de déménager, mais, comme les revenus sont très peu élevés et qu'ils payent une pension alimentaire, ils partagent, la plupart du temps, des appartements avec quelqu'un d'autre pour réduire les coûts et ils ne peuvent pas prendre des logements assez grands pour avoir une chambre, par exemple, pour leurs enfants quand ils viennent durant les permissions, pour pouvoir leur permettre de coucher. Donc, quand ils sont chez leur parent qui est non gardien, à ce moment-là, ils sont comme en camping. Mais, chez le parent gardien, ils peuvent toujours avoir leur lit. C'est juste de regarder puis de penser... Je pense que c'est une question de logique, là, que l'autre puisse recevoir ses enfants aussi, puisse avoir la capacité. C'est surtout dans les familles à très bas revenus que ça arrive, ces situations-là.

Mme O'Sullivan (Lysane): Si on peut vous donner un exemple, c'est un parent qui travaille à 20 000 $ ou 25 000 $ par année, après qu'il a payé ses impôts, lui, il a son logement. Quand ils sont mariés et qu'ils font ces revenus-là, ils partagent la même hypothèque ou ils partagent le même coût de loyer, tandis que, après, souvent, malheureusement, la femme a comme débouché de s'en aller sur l'aide sociale, mais, là, elle est aidée. Lui, il va continuer à travailler... ou le parent qui continue va continuer à travailler, et, lui ou elle, à ce moment-là...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ce n'est pas évident!

Mme O'Sullivan (Lysane): ... – non, je vous comprends! – réduit... Je vais vous donner un exemple. Si, demain matin, je divorçais, on n'a pas les moyens de garder le petit bungalow, si minime soit-il, qu'on a. On va se retrouver chacun dans un logement. Si, mon mari – parce que, moi, je suis plus batailleuse que lui – je réussis à lui en soutirer assez, il n'aura pas les moyens de garder un quatre et demie, ou un cinq et demie, comme, moi, je vais être capable d'aller me chercher pour les filles. Ça fait que, là, à ce moment-là, quand les filles vont aller là, elles n'auront pas le sentiment d'être chez elles, d'avoir leur place chez papa. Ils vont être corrects chez maman, mais pas chez papa. Et c'est dans ce sens-là, les gens qu'on rencontre, les gens qu'on côtoie. On a plusieurs cas comme ça, de gens qu'on connaît personnellement qui, bon, l'enfant a un petit lit, puis c'est tout, dans le salon, qu'on déplie quand il arrive, parce qu'il n'a pas les moyens d'avoir un autre logement que ça, parce que sa portion de pension alimentaire, c'est ce qui lui permettrait d'avoir un plus grand logement. Mais, ça, c'est évidemment pour les gens qui sont à faibles revenus. Les éternels oubliés, ceux qui ne sont pas sur le bien-être social, qui travaillent au salaire minimum, ceux qui sont juste sur la limite. Ça, c'est les vrais pauvres parce qu'ils n'ont pas d'avantages et ils n'ont pas de privilèges dans notre système, eux autres. C'est pour eux autres qu'on parle.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne à...

Mme Loiselle: Parler. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...échanger avec vous.

Mme Loiselle: Merci. Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Bienvenue à cette commission. Peut-être continuer... Moi, je dois vous dire que, quand j'ai lu votre mémoire la première fois, ce que, moi, j'ai ressenti en le lisant, c'est comme un cri du coeur pour améliorer la qualité de vie des familles québécoises, en gros, parce que vous parlez beaucoup, beaucoup politique familiale, comment on peut améliorer, finalement, la vie des familles québécoises à moyens revenus et à revenus très modestes. C'est le premier sentiment que, moi, j'ai eu en le lisant. Je trouve ça beau puis je vous félicite. C'est un beau cri du coeur.

(16 h 50)

Pour continuer dans la même veine de votre échange avec Mme la députée, pour les travailleurs à faibles revenus. Encore là, je vais faire du radotage, pour certains de mes collègues qui m'entendent. Moi, j'ai la conviction que... Étant donné que, dans ce projet-là, ce modèle de fixation québécois des pensions alimentaires, il n'y a absolument rien pour les familles de l'aide sociale... Les enfants, si on parle de sortir de la pauvreté les enfants les plus pauvres du Québec, dans ce projet-là, il n'y a rien pour ces enfants-là, les enfants des bénéficiaires de l'aide sociale. J'espère que le gouvernement va se reprendre lors de la réforme sur l'aide sociale et va justement apporter une mesure qui fait que la pension alimentaire serait, soit en partie ou en totalité, conservée à ces familles-là.

Mais, pour le travailleur à faibles revenus, celui que vous venez d'identifier, au salaire minimum, qui, souvent, lors de l'éclatement de la famille, la dame, le parent gardien se retrouve sur l'aide sociale, ne pensez-vous pas que le fait de savoir, pour ce travailleur-là, que sa pension alimentaire, même si elle est minime, quand elle est envoyée, elle ne va pas finalement retrouver son enfant, pour améliorer le sort de son enfant, mais retourne dans les coffres de l'État parce qu'elle est diminuée de la prestation familiale de l'aide sociale, ne pensez-vous pas que c'est une démotivation assez grande de savoir que cet argent-là... Parce que lui vit aussi sous le seuil de pauvreté, là, c'est le minimum vital. Il se dit: Bien, coudon, moi, j'envoie un peu pour améliorer le sort de mon enfant, puis, lui, finalement, mon enfant, ne voit même pas un sou de ça, ça s'en va dans les coffres de l'État. Ne pensez-vous pas que c'est assez démotivant pour le faire glisser vers l'aide sociale, vers l'aide de derniers recours, qu'il laisse son emploi?

Mme Saint-Laurent (Carmen): Je pense que oui. Dans ce sens-là, j'approuve le Barreau qui est intervenu dans ce sens-là.

Mme Loiselle: Le Barreau du Québec.

Mme Saint-Laurent (Carmen): Le Barreau du Québec. Il ne faudrait pas que le dollar reçu par un enfant coupe un revenu de un dollar de l'autre côté. On n'améliore la situation de personne à ce moment-là. Donc, nos débats ne servent à rien. On veut l'améliorer. C'est pour ça que je vous dis que, quelque part dans tout ça, il y a une question de fiscalité – et on y revient souvent dans d'autres dossiers qu'on a à défendre à la COFAQ – par rapport aux familles. Il y a beaucoup de choses à repenser. Dans ce sens-là, nous, on approuve les déclarations du Barreau. Si on change blanc noir, noir blanc, c'est du temps perdu, là. Il faut voir... Si on le fait, c'est parce qu'on veut améliorer la qualité de vie des enfants, les maintenir à un niveau décent. Sans ça, ça ne sert à rien, l'exercice ne sert à rien.

Mme Loiselle: D'accord. J'aimerais revenir à votre mémoire, au tout début, quand vous parlez que le modèle de fixation ne doit pas servir de prétexte pour nier la paternité. Un petit peu plus loin, vous parlez que le modèle retenu considère tous les pères comme des irresponsables, et vous en faites même une recommandation au gouvernement, votre deuxième recommandation, que le modèle de fixation des pensions alimentaires entre deux conjoints ne devrait pas remettre en cause la responsabilité parentale du parent non gardien. Moi, quand je regarde le modèle qu'on a devant nous, où on retrouve les deux revenus des parents qui sont comptabilisés, il y a la discrétion judiciaire, il y a les difficultés excessives, il y a le pourcentage du partage de temps qui, comme l'expliquait la ministre, doit être réfléchi davantage, mais il y a quand même, je trouve, assez un équilibre envers les deux parents. J'essaie de savoir où vous trouvez que le modèle nie la parentalité au niveau du père. Je n'arrive pas à saisir. Où voyez-vous cet aspect-là dans le modèle que vous avez devant vous?

Mme Saint-Laurent (Carmen): On ne voit pas cet aspect-là dans le modèle, on le voit dans le quotidien, la vie de tous les jours. Parce que, habituellement, quand on parle de pension alimentaire, c'est un mauvais père qui ne paie pas sa pension alimentaire. C'est l'image qu'on donne du père qu'il faut valoriser. Puis, peut-être, leur donner le goût de prendre soin de leurs enfants aussi. Ce n'est pas nécessairement la tâche de la mère de prendre soin des enfants, ça peut être la tâche du père. Moi, je sais que mon fils a deux enfants, je ne laisserais jamais mon fils, si jamais il y avait – souhaitons que ça n'arrive jamais – quelque chose qui n'allait pas dans son couple, qu'il laisse ses enfants à sa conjointe puis qu'il ne s'en occupe plus. Il aurait affaire à sa mère, même si je ne suis pas une mère sévère. Mais c'est l'image du père qui abandonne puis qui ne s'occupe pas des enfants. Tu sais, le sans-coeur qui ne paie pas sa pension, ça image bien! Valorisez ce rôle-là puis on ne sera peut-être pas obligé de faire autant de lois pour que les pères s'occupent de leurs enfants puis qu'ils paient leur dû.

Mme Loiselle: Le message, finalement, que vous donnez, c'est de revaloriser le rôle du père.

Mme Saint-Laurent (Carmen): Oui.

Mme Loiselle: Puis, peut-être, quelque part, pas qu'il ait été oublié, mais étant donné les statistiques que la ministre vient d'énoncer, le fait qu'on se serve de façon... Maintenant, on dit toujours... Avant, on n'entendait pas ça, mais les mots «famille monoparentale», c'est un terme qu'on utilise depuis quelques années; avant, on ne l'utilisait pas, puis on sait que, en grand nombre, les familles monoparentales sont dirigées par des femmes. C'est peut-être de là que vient le fait que, quelque part, les hommes, ou les pères, se sentent comme mis un petit peu à l'écart. C'est peut-être...

Mme Saint-Laurent (Carmen): C'est l'image d'abuseur que ça peut donner, là.

Mme Loiselle: De viseur de...

Mme Saint-Laurent (Carmen): D'abuseur.

Mme Loiselle: D'abuseur.

Mme Saint-Laurent (Carmen): Le type qui ne s'occupe pas de ses enfants, le type qui abuse de ses enfants, le type... C'est une espèce d'image comme ça, là, qui est véhiculée dans la société. Je parle de la grande société, de M. et Mme Tout-le-Monde, dire: Ça ne va pas, tout de suite, dans l'idée des gens: Qu'est-ce qu'il a fait? Mais ce n'est pas nécessairement lui qui a fait de quoi, ça peut être elle aussi. Puis ce n'est pas évident, aussi, que ce soit toujours la mère qui ait la garde de ses enfants.

Moi, dans ma famille, j'ai déjà une professionnelle, ça ne veut pas dire que, si un jour mes filles ont des familles, elles vont la prendre à la charge, la famille, si jamais il y a une rupture d'union. Je ne suis pas sûre que ce soit eux autres qui vont le faire. Ça sera peut-être le père de leurs enfants qui va le faire. C'est dans ce sens-là. Je ne suis pas à la défense spécialement des hommes, c'est dans le sens de valoriser le rôle...

Mme Loiselle: Du père au sein de...

Mme Saint-Laurent (Carmen): ...du père, d'une personne dans la famille.

Mme Loiselle: Oui, parce que, pour l'enfant, le père est aussi important que la mère. Ça, c'est un amour qui ne se partage pas, qui ne se divise pas.

Mme Saint-Laurent (Carmen): Bien, on ne divorce pas de nos parents.

Mme Loiselle: Exactement. Non, non, je suis d'accord avec vous, je vous rejoins. Pour l'enfant, l'équilibre est aussi important, de la présence et de l'affection, pour son développement aussi, à cet enfant-là, du père et de la mère. Ça, on se rejoint parfaitement à cet égard-là.

Mme Saint-Laurent (Carmen): Oui.

Mme Loiselle: Oui, Mme O'Sullivan?

Mme O'Sullivan (Lysane): Tantôt, j'ai été très sensible à l'argument de Mme la ministre, qu'il y a des problèmes qu'il faut régler, qu'il faut légiférer. Justement, le document de la COFAQ, qui est un cri du coeur, dit: On fait beaucoup de curatif dans notre société, mais on fait très peu de préventif, de donner aux familles les outils pour qu'elles se séparent le moins possible. Ça va être là le plus grand geste qu'on va pouvoir poser pour nos enfants.

Je vous dirais que, personnellement, tantôt, en écoutant les discours des dames avant, où on commençait à dire: Bon, bien, parce qu'ils s'en occupent, parce qu'ils ont droit à un répit, parce qu'ils ont besoin d'un répit, parce qu'ils ont besoin... Moi, je me dis: Moi, la cave à la maison, au salaire minimum, je n'en ai pas, de ça. Ça «va-tu» être encore un avantage de se séparer, ça, là? Ça a été ma première réaction.

Je ne suis pas au fait de toutes, toutes, toutes les discussions, je suis tout nouvellement au sein de la COFAQ, et tout ça, sauf que, comme perception dans la population... Je me rappelle qu'il y a un notaire qui a essayé de prouver que c'était plus avantageux, au niveau fiscal, d'être séparé que d'être marié. Il y a plein, plein de choses comme ça qui sont en train de détruire la famille, qui font qu'on se retrouve de plus en plus en monoparentale. Il y a même des rumeurs comiques qui disent que, bon, ça a été poussé pour aider à l'augmentation de la construction, etc. Il y a toutes sortes de choses qui peuvent se véhiculer dans notre monde. Sauf que, à un moment donné, quand tu es rendue épuisée, en état de précarité, tu n'es plus capable. Et les enfants, c'est eux autres qui paient le prix de ça.

Donc, le préventif, au niveau des pensions alimentaires, comme gouvernement, ce serait de favoriser tellement la famille pour qu'on ait de moins en moins de pensions alimentaires à donner et qu'on ait des gens plus stables. La famille, ça doit être stable. La famille demeure toujours, même quand les parents sont séparés. C'est une rupture de couple, c'est une rupture d'individus, mais jamais ça ne sera une rupture de famille, parce qu'il y aura toujours un père, une mère et des enfants...

Mme Loiselle: Oui, oui.

Mme O'Sullivan (Lysane): ...et c'est ça, le cri du coeur de notre document.

Mme Loiselle: D'accord, merci. Je vais passer la parole à mon collègue, le député de Sauvé, qui a quelques questions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Sauvé.

M. Parent: M. le Président, j'avais une question à poser à madame concernant la recommandation 3, qui voulait exempter d'impôt les pères ou les mères, dans le cas, qui avaient la responsabilité des enfants. Mais, à la question de ma collègue d'en face, vous avez répondu et ça me satisfait. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Il reste une ou deux minutes. Oui.

Mme Loiselle: Peut-être juste vous entendre. Le Conseil du statut de la femme suggère, parce que ça ne paraît pas dans le modèle de fixation, de peut-être regarder, d'inclure une section au niveau de la modulation des coûts reliés à l'âge des enfants, parce qu'on considère qu'entre un enfant plus jeune et un jeune adolescent les coûts sont plus élevés.

(17 heures)

D'autres groupes nous ont dit aussi, peut-être, en plus de ça, d'inclure aussi les coûts reliés, pour le parent gardien, des étudiants majeurs qui restent à la maison... Oui, c'est ça, qui vont à l'école mais qui demeurent avec le parent gardien. Est-ce que vous avez eu la chance de regarder cette avenue-là ou seriez-vous enclin, à brûle-pourpoint aujourd'hui, si vous ne l'avez pas étudiée, à nous dire: Oui, ça a de l'allure ou...

Mme Saint-Laurent (Carmen): J'ai lu le document du Conseil du statut de la femme et puis, moi, je suis d'accord, puis la Confédération, en général, ça rentre dans nos dossiers, dans nos consultations auprès de nos membres. Sur le document en général, nous sommes d'accord, nous les appuyons. Puis, tout ce qui a trait à des familles qui ont des enfants majeurs, avec des étudiants, pour l'avoir vécu... Moi, en tant que mère, j'étais obligée de subvenir à leurs besoins. J'étais obligée. Ça allait même jusqu'à... J'étais obligée de mettre dans mon rapport d'impôts leurs revenus de bourse d'études, ce qui fait que... J'ai eu cinq enfants. À un moment donné, mes cinq enfants, avec leurs bourses d'études, ça faisait plus de la moitié de mon revenu que j'étais obligée d'ajouter à mon rapport d'impôts, mais c'était un revenu que je n'administrais pas moi-même.

Mme Loiselle: Puis vous n'aviez pas de pension alimentaire, vous avez dit. Vous avez dit ça tantôt.

Mme Saint-Laurent (Carmen): Je n'avais pas de pension alimentaire, ce qui fait que mes crédits d'impôt pour mes jeunes, je les perdais complètement. Il y a de l'incohérence dans la fiscalité dans certains endroits. Ce n'est pas toujours évident. C'est des gens comme ça qui m'ont apporté un témoignage de ce qu'ils vivent qui vont faire prendre connaissance à d'autres, puis même à moi qui suis à l'écoute des groupes de base, d'incohérences qu'il peut y avoir dans la loi. C'était comme au moment des allocations familiales, quand mon aîné a atteint 18 ans, à ce moment-là, les plus jeunes, les quatrième et cinquième enfants, étaient dans une marge plus élevée pour l'allocation familiale. Mais, quand mon aîné a atteint ses 18 ans, ils ne m'ont pas enlevé l'aîné, ils m'ont enlevé la cinquième. Tu sais, quelque part, les familles, on est toujours rejointes quelque part. De cette façon-là de... C'est une façon punitive, en fin de compte. Ce n'est pas payant d'avoir des enfants. Ce n'est vraiment pas payant parce que la société ne soutient pas les gens. Puis c'est ce qu'on réclame.

Notre grand cri, à la COFAQ, c'est d'aider les familles, de les soutenir parce que c'est elles qui sont le renouvellement de la société. C'est important. Ça a l'air redondant de dire ça, mais c'est effectivement ça. Je vois mes enfants qui sont de jeunes professionnels qui n'en ont pas, d'enfants, qui n'en auront peut-être jamais. Pourquoi? Parce qu'on n'a pas à leur offrir de facilité. C'est de la complication. Il faut qu'ils fassent leur carrière, il faut qu'ils... Puis, dans le monde du travail, c'est la même chose. Avec le travail à temps partiel, le travail contractuel... Nos enfants n'ont pas beaucoup d'avenir, ça fait qu'il faut les protéger le plus possible. C'est notre pensée profonde.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Un court commentaire.

Mme O'Sullivan (Lysane): Pour revenir aux pensions alimentaires, moi, je vous dirais que, oui, un enfant en bas âge, un enfant à six ans, à la rentrée scolaire, on apprend que ça coûte cher. Puis, quand ils sont adolescents, on l'apprend aussi. Les miens ont 15 ans, 13 ans, 11 ans, là, trois filles, ça coûte cher. Et, oui, les pensions alimentaires devraient être indexées en fonction de l'âge des enfants. Pour ce qui est des jeunes adultes, je vous dirai que, là, personnellement, moi, je ne mettrais pas ça obligatoire, parce que, à ce moment-là, toujours en ayant un préjugé favorable aux parents, je me dirais: Bon, c'est dans le... Il y a bien des choses qui évoluent, là. Quand les parents se séparent, que les enfants ont un an, deux ans, puis que l'enfant est rendu à 18 ans, il y a bien des fois où, après deux ou trois années de divorce, ils recommencent à se parler un peu plus, puis tout ça.

Moi, j'ai eu la chance de vivre un divorce où mes parents ont continué de se voir à Noël, à la maison, où on n'en a pas subi les conséquences. Ça fait que je suis bien mal placée pour comprendre ceux qui s'entredéchirent, là. Sauf que, moi, je me dis: Quand tu es rendu majeur, que tu fais le choix d'aller faire des études, je dirais que le même principe que le principe dans la réflexion que j'ai eue pour l'obligation alimentaire des grands-parents m'animerait. Quand tu deviens majeur, à ce moment-là tu t'assois avec tes parents et tu décides de ce que tu peux faire ou ne pas faire. Puis, s'il le faut, bien, tu fais comme, moi, j'ai fait, tu t'en vas à une table de restaurant puis c'est là que tu fais des devoirs. Puis tu ne finis pas ton cours, mais tu te débrouilles pareil.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Avant de conclure, il n'est pas dans les habitudes d'un président de commission de commenter ou de questionner, mais, juste pour votre information et l'information des membres, je vais déposer ce soir deux mémoires de groupes qui ne sont pas venus ici. Je les ai lus ce midi et ça m'a frappé. Et ça me frappe, ce que vous dites. Il y a un mémoire qui est présenté par le Groupe d'action des pères pour le maintien des liens familiaux. Je vous lis juste trois lignes: «Nous visons surtout à donner aux enfants le droit d'être aimés par leurs deux parents à leur juste valeur. Le Groupe veut ainsi sensibiliser la société et trouver de nouvelles solutions justes et équitables lors d'une séparation ou d'un divorce. Le Groupe d'action des pères pour le maintien des liens familiaux croit qu'il est possible de donner à nos enfants un milieu sain où ils pourront s'épanouir et vivre normalement avec leurs deux parents, comme ils le méritent.»

Je veux juste terminer là-dessus en vous disant que vos propos sont confirmés quand même par quelqu'un d'autre. Moi, ça m'a touché énormément. Au nom des membres de la commission, merci beaucoup.

Des voix: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'invite maintenant les représentantes de la Fédération des ACEF du Québec à se présenter.

À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, bonjour, mesdames. J'apprécierais que vous vous présentiez, nom et occupation, pour fins d'enregistrement. Vous pouvez commencer votre présentation de 20 minutes.


Fédération des ACEF du Québec (FACEF)

Mme Émond (Monique): Bonjour, tout le monde. Mon nom est Monique Émond. À ma droite, France Latreille; à ma gauche, Louise Blain. Nous sommes les trois personnes responsables du comité dossiers sociaux de la Fédération des ACEF et nous sommes aussi en même temps trois personnes qui intervenons dans des ACEF régionales.

Alors, pour la présentation, on pensait, dans un premier temps, expliquer un peu en gros ce que fait la Fédération des ACEF, un bref résumé, et ensuite vous lire les parties du mémoire qui concernent les recommandations suite au modèle de fixation des pensions alimentaires.

Donc, la Fédération des ACEF regroupe huit membres qui interviennent, sur le plan régional, dans huit régions du Québec depuis plus de 25 ans et dont, je dirais, la raison pour laquelle on est... Ce qui nous permet de venir intervenir ici, c'est beaucoup notre travail de consultation budgétaire auprès des familles, des individus qui ont des problèmes de budget et d'endettement, particulièrement. On sait qu'un des phénomènes importants qui est cause de problèmes financiers, c'est la problématique des séparations et divorces. D'un côté, il y en a qui souvent attendent après la pension. La pension ne rentre pas, n'est pas suffisante pour assumer la vie familiale. D'un autre côté, on rencontre aussi des personnes payeuses de pensions alimentaires qui souvent ont de la difficulté également à refaire leur vie, je dirais, sur le plan financier.

Donc, notre pratique nous amène à composer avec les deux aspects du problème. C'est ce qui fait qu'on a l'impression, en tout cas, qu'on peut bien traduire la réalité des deux faces. Il faut préciser aussi dès le départ – et ça, ça va un petit peu à côté de la question de la grille ou du guide de fixation – que, nous, notre objectif, et ça depuis des années, partout, quand on est dans une commission parlementaire ou bien au Sommet de la Justice, en 1992, nous, on dit toujours qu'il faut régler... ce type de problème là doit être réglé le moins possible par le biais de la justice, mais d'aller plus dans le sens de régler ces problèmes-là par la médiation, entre autres, avant d'être jugés par une personne ou aller vraiment... Donc, c'est ça qui sous-tend notre approche et que vous allez voir, au départ, dans notre mémoire aujourd'hui.

Alors, je vais demander à France de présenter la partie, justement, de la médiation familiale.

(17 h 10)

Mme Latreille (France): Alors, pour enchaîner avec ce que Monique Émond vient de dire, notre première recommandation traite de la médiation familiale, principalement. On pense que, pour le Québec, ce serait assez important de se doter de services de médiation familiale dans toutes les régions au Québec. Ces services auraient comme tâches de régler les droits de garde et de visite des enfants, la fixation des pensions alimentaires et le partage du patrimoine familial. Ces services de médiation ont fait leurs preuves à Québec et à Montréal. Ils ont souvent permis d'éviter des conflits familiaux qui ont des effets psychologiques désastreux pour les personnes impliquées. Ils évitent également d'avoir à payer des sommes vertigineuses pour les frais juridiques. Il ne faut pas perdre de vue que certains avocats profitent de la situation pour exacerber les conflits. De plus, il est important que des décisions de cette nature ne soient pas liées à la capacité financière de l'une des deux parties de se payer le meilleur avocat ou de multiplier les procédures. Les parties impliquées sortent de toute façon toujours perdantes de ces querelles juridiques.

Les problèmes de séparation ou de divorce d'un couple avec enfant sont davantage des problèmes à caractère social que des problèmes légaux à être tranchés par l'appareil juridique. Sans une alternative du type de la médiation familiale, aucune formule, quelle que soit sa valeur, ne pourra éviter des procédures juridiques qui ont comme effet d'accentuer une situation déjà fort émotive. C'est pourquoi nous recommandons que les services de médiation familiale soient rendus disponibles et accessibles partout au Québec pour tous les cas de séparation et de divorce qui traiteraient du droit de garde et de visite, de la fixation des pensions alimentaires et de la séparation du patrimoine familial.

Au niveau du modèle de fixation comme tel, dans le cadre d'une médiation familiale, un modèle de fixation des pensions alimentaires prend tout son sens. Il devient donc un instrument objectif permettant de faciliter le calcul de la pension alimentaire qui prend en compte les besoins des enfants concernés et la capacité financière réelle des deux parents.

Nous tenons à préciser notre accord le plus complet quant à la décision du gouvernement d'abolir l'imposition des pensions alimentaires et de proposer un instrument le plus objectif possible pour déterminer le montant de la pension alimentaire à être versée pour les enfants à charge. Le modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfant proposé nous semble positif à plusieurs égards, notamment sur les différents principes qui ont guidé l'élaboration de ce modèle. La reconnaissance de la responsabilité commune des parents à l'égard des enfants, la couverture des besoins des enfants en fonction de la capacité de payer des parents et le partage des responsabilités financières en fonction des revenus de chacun reflètent très bien nos préoccupations. Nous apprécions également le fait que l'on reconnaisse les bénéfices engendrés par la présence de l'enfant, ce qu'on oublie souvent lorsqu'il est question de fixer le montant de la pension alimentaire.

Selon nous, les éléments suivants de la formule proposée doivent demeurer: la déduction de base, la déduction pour personne vivant seule et la nature de la garde. Par contre, le montant alloué à la déduction de base, soit 6 840 $, est beaucoup trop faible, compte tenu du coût de la vie. Nous savons que ce montant s'harmonise avec celui de la sécurité du revenu. On fera donc, en temps et lieu, des représentations à ce sujet lors du dépôt de la réforme de l'aide sociale. Les frais médicaux et les frais de garde nets doivent également faire partie du calcul pour la détermination de la pension alimentaire. Mais, d'après nous, il faudrait ajouter d'autres éléments dans cette grille-là, dans la formule comme telle. C'est pour ça qu'on dit qu'on devrait ajouter, entre autres, les frais liés à l'exercice des droits de visite, les obligations alimentaires assumées à l'endroit d'autres personnes que l'enfant et les dettes raisonnablement contractées pour les besoins familiaux. Ces frais sont généralement connus lors de la séparation. Nous croyons que la grille doit en tenir compte afin d'éviter, dans la mesure du possible, des discussions qui devront être tranchées par un juge.

Nous insistons particulièrement sur la question des dettes issues des besoins familiaux. Nous avons vu trop souvent des personnes aux prises avec le paiement de l'ensemble des dettes sans que le jugement ne tranche cette question ni n'en tienne compte dans la détermination des capacités financières de l'une ou l'autre des parties. D'ailleurs, on peut voir de nombreux cas de faillite qui sont liés au fait que la personne se retrouve avec un bon montant de dettes à payer et, en même temps, un bon montant de pension alimentaire aussi. C'est pour ça qu'on demande d'en tenir compte dans la formule. Nous souhaitons également voir dans la grille le paiement des dettes reliées aux études. C'est une responsabilité financière souvent échelonnée sur un long terme, dont les montants sont de plus en plus élevés et dont, par conséquent, les versements mensuels sont non négligeables.

Notre recommandation 2: On recommande d'ajouter à la grille de calcul les éléments suivants: les frais reliés à l'exercice des droits de visite à l'égard de l'enfant, les frais reliés aux obligations alimentaires assumées à l'endroit d'autres personnes que l'enfant, les frais reliés aux dettes raisonnablement contractées pour les besoins familiaux et le versement mensuel relié aux dettes d'études.

Mme Blain (Louise): Pour ce qui est de la méthode de calcul, l'application que nous avons faite de la méthode de calcul proposée aux cas de différentes personnes rencontrées en consultation budgétaire semble, au premier abord, démontrer une méthode de fixation réaliste des montants de pension imposés.

Évidemment, pour les parents à faibles revenus, le montant versé demandera souvent un effort démesuré relativement à leurs ressources financières. Mais ce problème en est un d'insuffisance de revenus et devra, selon nous, faire l'objet d'une étude spécifique visant à instaurer des politiques pour augmenter ou soutenir les revenus de ces ménages. Dans une autre commission parlementaire, éventuellement, on viendra encore.

Cependant, nous n'avons pas eu le temps d'évaluer en profondeur l'impact des mesures fiscales reliées aux familles avec enfants. La grille de fixation n'en tient pas compte. Toujours en se référant au partage des responsabilités parentales, y a-t-il une iniquité à l'endroit du parent non gardien qui doit assumer une partie des dépenses reliées aux enfants sans que le régime fiscal tienne compte de cette réalité? Est-il possible de penser à partager les déductions pour personnes à charge et les prestations fiscales pour enfants selon les mêmes principes et méthodes de calcul proposés dans la grille?

Donc, la recommandation 3: Nous recommandons qu'une étude sur l'impact des déductions fiscales consenties au parent gardien soit effectuée afin de vérifier l'équité de ces mesures en fonction des obligations alimentaires imposées au parent non gardien et que, s'il y a lieu, la méthode de calcul soit réajustée de façon à tenir compte de cet impact fiscal.

Enfin, selon la grille de calcul proposée, il semble que le calcul du revenu des parties se fera à partir du rapport d'impôts de l'année précédente. C'est donc sur une base très aléatoire que le calcul sera effectué, étant donné que la situation matrimoniale et financière des parties peut changer considérablement d'une année à l'autre, ce qui nous amène à insister sur la nécessité d'instaurer un processus de révision souple, rapide et accessible. C'est pour ça qu'on insiste beaucoup sur la question des modalités de révision.

Pour qu'une grille soit utilisable et efficace, elle doit être conçue en fonction d'une utilisation à un moment déterminé. La grille qui nous est proposée tient compte de la situation des deux parties au moment du divorce ou de la séparation. Or, comme rien n'est immuable, prenant, par exemple, en considération la situation instable de l'emploi que nous connaissons et qui ne cesse de s'accentuer, nos inquiétudes se situent au niveau de la façon dont la pension pourra être réajustée pour tenir compte des changements conjoncturels dans la situation des deux parties. Le document de travail ne propose rien à ce sujet et la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires semble silencieuse sur cette question.

Présentement, nous rencontrons trop souvent des personnes pour qui une révision du montant serait souhaitable sinon essentielle, compte tenu d'une situation qui a changé, mais qui, à cause des frais élevés d'avocat et de la lenteur du système judiciaire, n'entreprennent pas de démarches pour faire réviser le montant de la pension. Déjà, dans son document «Le nouveau système de pensions alimentaires pour enfants», le gouvernement fédéral annonçait qu'il «établira un fonds de 50 000 000 $ qui sera utilisé, en partenariat avec les gouvernements provinciaux, pour mettre au point, diriger et mettre en oeuvre des mécanismes administratifs efficaces et peu coûteux qui aideront les familles à obtenir ou à faire modifier une ordonnance alimentaire.»

Il nous semble donc primordial d'instaurer ce processus de révision souple et efficace pour permettre un changement rapide des montants de pension alimentaire lorsque la situation de l'une des deux parties change. Un tel processus doit être mis en place dans les plus brefs délais et ne doit pas nécessiter d'emblée le recours à un avocat. Nous pensons que, en ce qui concerne les changements prouvables suivants: le changement de statut matrimonial, le changement dans la nature de la garde, les changements reliés aux frais de garde, aux frais médicaux, une modification des revenus de l'une ou l'autre des parties, les changements reliés aux dépenses liées au droit de visite et l'échéance du paiement des dettes, une simple demande de révision de la part de l'une ou des deux parties pourrait être déposée auprès du bureau de perception des pensions alimentaires ou à tout autre organisme compétent désigné par le gouvernement. Sur réception de la preuve du changement, un nouveau calcul pourrait alors être fait afin de fixer rapidement le nouveau montant de la pension et ainsi éviter des délais indus et des frais juridiques.

En ce qui regarde les changements au niveau des frais particuliers liés aux besoins spéciaux, tels les frais d'études, tout autre programme éducatif ou activités parascolaires, s'il y a mésentente pour fixer un nouveau montant entre les parties, il reste toujours le recours à la médiation et, si nécessaire, au tribunal. Donc, notre dernière recommandation, c'est que soit instauré, dès la mise en application du nouveau modèle de fixation des pensions alimentaires, un processus de révision souple et efficace qui tienne compte des changements prouvables suivants dans la situation de l'une ou l'autre des parties: le changement de statut matrimonial, dans la nature de la garde, les changements reliés aux frais de garde, aux frais médicaux, une modification des revenus de l'une ou l'autre des parties, les changements reliés aux dépenses liées au droit de visite et l'échéance du paiement des dettes.

Nous tenons, en terminant, à souligner l'effort de recherche qui a été fait afin d'établir un moyen concret et le plus objectif possible permettant de faciliter la fixation du montant de la pension alimentaire reliée aux enfants à charge. Nous poursuivons tous l'objectif d'atténuer le plus possible les sources de conflits reliés à la fixation des responsabilités financières pour les enfants et, par le fait même, de faciliter la résolution de conflits qui ont des impacts psychologiques, économiques et sociaux pour les personnes confrontées à ces problèmes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

(17 h 20)

Mme Harel: Merci, M. le Président. Bienvenue, mesdames, Mme Émond et les personnes qui vous accompagnent. Vous savez en quelle haute considération je tiens les travaux de la Fédération des ACEF et l'expertise qui vous est reconnue en matière d'économie familiale. J'allais dire: Vous êtes un peu les spécialistes des familles endettées, d'une certaine façon. C'est triste de le dire, mais c'est la réalité.

Je vous remercie également d'avoir souligné l'effort de recherche qui a été fait pour fixer le montant de la pension relié aux besoins des enfants. Je n'en prends aucun crédit, ça s'est fait entièrement par les services de recherche des personnes qui m'accompagnent. Je tiens, en fait, à le souligner après vous pour qu'elles puissent en profiter, compte tenu que, la plupart du temps, elles essuient plus mes nombreuses questions et mes critiques que mes félicitations. Alors, je profite des vôtres pour leur transmettre les miennes.

Ceci dit, tout de suite je vous rassure, à la page 6 de votre mémoire, à la recommandation 3, vous considérez que ce pourrait être sur le calcul du revenu des parties dans le rapport d'impôts de l'année précédente. Non, il n'en est pas question. C'est dans l'année en cours. Alors, je tiens à bien le préciser pour que ce soit bien entendu que, dans la grille de calcul proposée, ce sera dans l'année en cours.

D'autre part, je veux également que vous sachiez que, quant à votre recommandation 4, qui consiste à proposer un processus de révision permanent, en fait, je considère important d'introduire dans le projet de loi une clause qu'on appelle crépusculaire, qui nous obligera, dans cinq ans, à revoir les effets et de la loi et du règlement.

Mme Émond (Monique): Ce n'était pas dans ce sens-là.

Mme Harel: Non?

Mme Émond (Monique): Non. Le mode de révision, c'est dans le sens...

Mme Harel: Ah oui! D'accord.

Mme Émond (Monique): ...d'un changement de situation.

Mme Harel: Vous avez raison, permanent. À cet effet aussi, une autre nouvelle, une bonne nouvelle, je pense...

Mme Émond (Monique): On ne restera pas longtemps. Si vous nous dites que tout est accepté, on s'en va!

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: ...

Mme Émond (Monique): Ah oui! O.K. D'accord. Il y a une opposition.

Mme Harel: Il y a toujours matière à amélioration...

Mme Émond (Monique): Oui. D'accord.

Mme Harel: ...inquiétez-vous pas. C'est pour ça qu'il y a une opposition. Heureusement, d'ailleurs.

Alors, non, je voulais vous signaler que le ministère de la Justice est en train d'examiner la mise en place, l'implantation d'un service préalable de médiation familiale, gratuit et obligatoire lorsqu'il y a présence d'enfants, avec une procédure allégée pour les parties devant le greffier, un greffier spécial, sans que ça nécessite de recourir aux tribunaux et aux avocats.

Mme Émond (Monique): Est-ce que je peux vous demander une précision là-dessus?

Mme Harel: Certainement.

Mme Émond (Monique): Parce qu'il y avait un projet de changement au Code civil à un moment donné... D'ailleurs, c'est le ministre Rémillard qui avait apporté la médiation, effectivement, de cette façon-là, sauf qu'on devait, à ce moment-là, passer devant le juge qui, lui, donnait la permission d'aller vers la médiation. Est-ce qu'on parle de la même chose ou on parle vraiment de la véritable médiation?

Mme Harel: Écoutez, je ne veux pas jouer le rôle à la place du ministre de la Justice...

Mme Émond (Monique): Non, mais j'aimerais comprendre...

Mme Harel: ...mais les informations qui m'ont été transmises sont très, très précises. Sous réserve de certaines exceptions, notamment dans les cas de violence conjugale – il ne sera pas question de médiation, ça, tout le monde s'entend – ...

Mme Émond (Monique): Oui.

Mme Harel: ...les parties devront se soumettre à une médiation préalable à toute demande contestée – c'est avant d'aller devant le juge – ...

Mme Émond (Monique): Ah!

Mme Harel: ...mettant en jeu les intérêts de parents et d'enfants. En fait, il y aura cette obligation de médiation préalable lorsqu'il y a des enfants. Cette médiation sera exigée dès lors qu'une demande sera contestée sur des questions relatives à la garde des enfants, aux aliments dus à un parent ou à un enfant ou au partage du patrimoine. Des mesures seront prévues afin de favoriser les arrangements entre les parties pour amorcer le processus de médiation familiale. Le coût de cette médiation préalable sera assumé par le ministère de la Justice.

Mme Émond (Monique): O.K.

Mme Harel: Remarquez que c'est un des effets bénéfiques de la défiscalisation. Compte tenu des revenus qui sont générés par la défiscalisation, il sera donc possible de mettre à la disposition des familles, en fait, un service de médiation préalable gratuit.

Mme Émond (Monique): O.K. Parce que, nous, le service de médiation familiale, je pense que... L'expérience est faite à Québec et à Montréal, et je pense que... En tout cas, moi qui viens de la région de la Mauricie, je trouve ça très dur qu'on ne l'ait pas, parce que, pour moi, c'est nécessaire.

Le seul bémol que je... Mais, ça, peut-être qu'il faudrait que j'en discute avec le ministre de la Justice lui-même, parce qu'on parle d'obligation à la médiation. Puis, pour avoir beaucoup discuté avec les services de médiation de Montréal et Québec, où on disait que la réussite à quasiment 90 %, c'est quand il n'y a pas d'obligation de médiation... Parce que, dans le processus, tu ne peux pas obliger quelqu'un à «médier»... à «médiationner»? – c'est une farce! – à discuter s'il ne veut pas discuter. Dans ce sens-là, c'est l'obligation, moi, qui... Mais je pense qu'on pourrait... J'imagine que le ministre va nous consulter là-dessus.

Mme Harel: Vous savez, les parties pourront en être exemptées s'il y a un motif sérieux qu'une des deux parties invoque. Mais il y a deux écoles de pensée, là, j'en suis consciente. Il y a vraiment deux courants, parce que, vous voyez, à l'intérieur de ma propre formation politique, je me suis fait dire qu'il ne fallait peut-être pas que ce soit obligatoire. Il y a vraiment des courants très importants, des écoles de pensée.

Chose certaine, je pense que la médiation préalable, qu'elle réussisse ou pas, doit être mise à la disposition des parties. On ne peut pas rendre obligatoire autre chose que le fait de se rendre en médiation. Mais on ne peut pas rendre obligatoire un règlement, n'est-ce pas? Cependant, je pense que c'est souvent un service à rendre, même à des adultes, que ce service qui consiste à leur dire: Au moins, essayez. Vous voyez? Je pense que c'est de ça dont il s'agit, en fait.

Mais il y a aussi plus, là. Pour les parties qui pourront s'entendre sur des modalités relatives à la garde de l'enfant, à leur obligation alimentaire, il pourra y avoir, dans la législation, des modifications qui permettront une procédure allégée devant un greffier spécial. Alors, ils pourront, en conséquence, s'épargner tous les frais qui seraient encourus autrement. Alors, ça, je pense que... Mais, vous, vous proposez plus encore.

Mme Émond (Monique): Oui.

Mme Harel: Je pense à la recommandation 4, là. Alors, c'est un processus de révision dans lequel on identifierait à l'avance que, pour des motifs liés au changement de statut matrimonial, au changement dans la nature de la garde, aux changements reliés aux frais de garde ou aux frais médicaux, ou à une modification de revenus de l'une ou l'autre des parties, aux changements reliés aux dépenses liées au droit de visite ou encore à l'échéance du paiement des dettes...

Mme Émond (Monique): En fait, la grille tient compte de ça. On dit: Il y a une déduction, par exemple, pour être... Si on est seul ou en couple, par exemple, déduction d'une personne seule. Donc, on disait: Il y a certaines déductions qui sont calculées pour fixer la pension alimentaire. Et, là, s'il y a un changement, qui sont des changements, pour nous autres, de nature objective...

Mme Harel: Ah oui.

Mme Émond (Monique): Tu sais, tu es en couple ou tu ne l'es pas. Ça, c'est quand même plus facile à... Ton revenu a nettement changé. Tu as perdu 50 % de ton revenu en tombant sur l'assurance-chômage, ça, c'est concret. Donc, comment on peut arriver à avoir une façon de pouvoir faire réviser la pension alimentaire sans tomber, encore une fois... aller chercher ton avocat? Moi, en tout cas... On entend assez de... même les médiateurs privés, le monde n'a pas les moyens de négocier, même si tu veux négocier. Alors, dans ce sens-là, comment on peut arriver à avoir un mécanisme rapide, effectivement souvent souple, qui dise: Bien, écoute, ça, c'est objectif; est-ce que c'est possible de faire une modification?

Et ça, c'est pour une des deux parties, là, parce que les deux situations peuvent changer.

Mme Harel: Oui. En fait, il y aura toujours possibilité d'utiliser la médiation dans les cas de révision. Mais, vous, vous nous dites d'aller plus loin, en fait, de prévoir un processus par lequel... simplement en faisant la preuve – parce qu'il faudra qu'il y ait une preuve qui soit faite à ce moment-là...

Mme Émond (Monique): Exactement.

Mme Harel: Mais une preuve ne peut pas se faire ex parte, là, en l'absence de l'autre partie.

Mme Émond (Monique): Oui, mais, là, elle est faite par... C'est sûr que...

Mme Harel: Même, par exemple...

Mme Émond (Monique): ...il faut qu'il y ait un mécanisme pour...

Mme Harel: ...le changement de statut matrimonial, je peux vous dire que, dans la vie maritale, ce n'est pas quelque chose d'évident pour bien des gens.

(17 h 30)

Mme Blain (Louise): Mais il faut qu'il y ait un mécanisme. Surtout avec la perception automatique à la source, il faut absolument qu'il y ait un mécanisme, parce que ce qui se passe dans le moment, c'est que, si la pension est fixée, je ne sais pas, moi, à 300 $ par mois puis que la personne tombe sur le chômage, bon, bien, elle perd 50 % de son revenu, mais comment ils continuent de lui soutirer 300 $ par mois? Puis cette personne-là n'a pas les moyens de faire réviser. Alors, là, c'est vraiment l'appauvrissement du parent payeur, puis il faut éviter ça. De toute façon, on a une augmentation du travail précaire. Les personnes qui sont à la pige, bien, au moment où ils vont fixer la pension alimentaire, peut-être que la personne a eu un contrat de 50 000 $ une année puis, l'année suivante, elle n'a plus de contrat. Bien, il faut en tenir compte. Elle ne peut pas continuer de payer le même montant puis elle n'a pas l'argent pour se prendre un avocat. Il faut que ce soit vite fait. Il ne faut pas... Surtout à partir du moment où c'est saisi à la source, il faut que ce soit un mécanisme rapide. Puis, il y a des preuves... Nous autres, on a essayé de trouver des... justement sur ces sujets-là parce que c'est des preuves quand même assez faciles à... Peut-être que le statut matrimonial est un peu plus difficile à prouver, mais le fait de changer de revenu, c'est prouvable. Les frais de garde, c'est prouvable. Tu arrives avec ta facture de frais de garde qui a changé parce que, là, tu ne travaillais pas, puis, tout à coup, tu t'es trouvé un emploi, puis... Bon. C'est des frais prouvables et objectifs où il n'y a pas de décision à prendre entre les deux conjoints, il n'y a pas de consultation entre les deux conjoints, il y a des frais de garde. L'enfant est tombé malade puis il y a des soins médicaux précis à payer, c'est prouvable. Ça ne doit pas prendre un avocat et trois ans de recours pour ça.

Mme Harel: Vous savez, vraiment, on est dans la balance des inconvénients, parce que c'est évident que, s'il y a entente entre les parties, ça se fait par procédure allégée devant le greffier spécial. Voilà. S'il n'y a pas entente entre les parties, il faut qu'il y ait une preuve qui se fasse. Vous voyez, ce qui apparaît évident à l'une des parties peut apparaître totalement imprécis pour l'autre.

Alors, par exemple, ce n'est pas parce qu'une personne, disons, a perdu son emploi que, pour autant, elle a perdu ses revenus. Elle peut avoir d'autres sources de revenus. Vous savez, on ne peut pas appliquer aveuglément en disant: Dès qu'il y a assurance-chômage, automatiquement, la pension, par exemple, va être en conséquence diminuée. Parce qu'il y a peut-être des revenus de loyer, des revenus, en fait, de toute nature. On est vraiment dans la balance des inconvénients, parce qu'on ne peut pas faire ça ex parte, sans la présence d'une des deux parties concernées. Il y a un vieux principe en droit qui dit, en latin, là... Il n'y a pas quelqu'un qui peut me le souffler?

Une voix: Audi alteram partem.

Mme Harel: C'est ça, je pense, audi alteram partem, n'est-ce pas? Vous avez déjà entendu ça, j'imagine? Alors, tout ça pour...

Mme Blain (Louise): Mais ça n'empêche pas de consulter l'autre partie. Si les preuves sont acheminées d'une façon assez rapide et...

Mme Harel: Ah! Si les deux parties s'entendent, ça, de toute façon, la procédure sera allégée.

Mme Blain (Louise): Non, non, mais sans s'entendre... Mais, par exemple, la personne dit: J'ai perdu mon emploi, alors je conserve, par exemple, un loyer, je conserve le loyer de mon locataire et l'assurance-chômage, et c'est envoyé à l'autre partie qui le confirme.

Mme Harel: Oui, mais...

Mme Émond (Monique): Et, s'il conteste...

Une voix: Pourquoi ça ne serait pas...

Mme Émond (Monique): ...là la procédure va continuer.

Mme Harel: ...il peut y avoir d'autres actifs, il peut y avoir d'autres revenus.

Une voix: Bien non, mais c'est toujours, ça.

Mme Émond (Monique): Oui, mais, si c'est contesté, ça ira devant le juge, là.

Mme Harel: Ah!

Mme Émond (Monique): Mais, au moins, si on pouvait éliminer une partie du problème...

Mme Harel: C'est bon, ça. En tout cas, ça peut être intéressant. Soyez certaines qu'on va le regarder de très, très près, et, comme ça, s'il n'y a pas de contestation, ça pourra être chose jugée, à ce moment-là.

Mme Émond (Monique): Parce qu'on peut éliminer, peut-être... Si on élimine 25 % des problèmes, c'est déjà beaucoup.

Mme Harel: Oui, vous avez raison.

Mme Blain (Louise): Parce que c'est vraiment un problème qu'on rencontre très, très fréquemment. Souvent, les pères – parce que c'est souvent les...

Une voix: Le payeur.

Mme Blain (Louise): ...pères – le payeur, si on ne veut pas parler des pères, là, veut payer sa pension, mais, dans toutes les statistiques qu'on apporte depuis des années sur les mauvais payeurs, on oublie souvent de préciser qu'il y a des changements de situation puis qu'il y en a, des parents qui ne peuvent pas payer. Ils ne sont plus capables de payer parce qu'il y a un changement de revenus. Ils ne sont même pas capables de se prendre un avocat et d'aller en cour le contester. Donc, ils ne la payent pas. Ils ne payent plus parce qu'ils ne sont pas capables de la payer puis ils ne sont pas capables de faire réviser.

Mme Harel: En fait, c'est intéressant. Vous nous dites, dans le fond, qu'il doit y en avoir pas mal qui ont tout simplement décroché. Même, ça peut accélérer le décrochage social du fait qu'ils ne sont plus en mesure de satisfaire leurs obligations, puis ils ne sont même plus en mesure de le dire ou de le faire, si vous voulez, se produire.

Mme Émond (Monique): Oui, puis je pense qu'il faut... Je veux dire, on donne un coup, ici, au système juridique, aux avocats, dans notre mémoire. On va continuer à le faire encore pour quelques années. J'espère que...

Mme Harel: Bon.

Mme Émond (Monique): Parce que le problème qui se pose, c'est qu'effectivement, suite à une séparation ou un divorce, dès qu'il y a eu des avocats dans le décor, souvent ça a alimenté le conflit, et là c'est des frais qui montent à une vitesse... Donc, tu es déjà très, très touché par le fait que tu as vécu un divorce et que tu as des frais d'avocat à payer, quand tu veux y retourner, là, tu y penses deux fois avant de le faire, parce que tu vas te dire: Je vais me ramasser avec une autre dette de 1 000 $, 1 500 $ encore. Ça n'a plus de sens.

Mme Harel: La crainte est le début de la sagesse. Je vais aller très rapidement, avant que le président me dise que le temps est écoulé et terminé. La première chose, c'est concernant la discrétion du tribunal d'apprécier les obligations financières. Ça va dans le sens que vous venez d'évoquer, mais, à votre recommandation, à la page 5, vous recommandez d'ajouter à la grille de calcul – non pas, cette fois, à la révision, mais à la grille initiale – diverses choses dont les frais reliés à l'exercice des droits de visite, les frais reliés aux obligations alimentaires assumées à l'endroit d'autres personnes que l'enfant ou peut-être à d'autres enfants...

Mme Émond (Monique): Oui, c'est ça qu'on veut dire.

Mme Harel: ...d'unions ultérieures, les frais reliés aux dettes raisonnablement contractées, les versements mensuels reliés aux dettes d'études.

Il n'y a pas, c'est vrai, dans le modèle qui est soumis à la consultation, une réduction automatique de la pension alimentaire sur une simple preuve de dépense, puisque, dans le fond, c'est variable selon le revenu disponible. Si le revenu disponible est important, alors le juge prendra en considération autrement les dettes d'études ou les dettes contractées pour les besoins de la famille ou la venue d'autres enfants, il prendra ça différemment que si le revenu disponible est peu. Alors, si c'est automatique... Dans le fond, vous visez d'abord et avant tout et surtout le fait de ne pas avoir à recourir à un avocat, c'est ça que je comprends.

Mme Émond (Monique): Éviter les conflits le plus possible.

Mme Harel: Comment faire en sorte... Disons que c'est l'objectif que vous recherchez avant les autres: comment faire en sorte qu'il n'y ait pas d'avocat là-dedans.

Mme Blain (Louise): C'est de déjudiciariser un problème social, pour nous, qui n'est pas un problème...

Mme Harel: Bon. Cependant, il faut faire attention, parce que, là, il peut y avoir des effets pervers. Si, automatiquement, tout ça peut être déduit du revenu sur simple preuve de dépense, ça veut dire que la pension alimentaire peut résulter en quasiment rien et, en même temps, ça ne veut pas dire que le débiteur n'a pas des revenus disponibles ailleurs qui ne sont pas pris en considération, parce que ça sera...

Une voix: Dans le calcul, oui.

Mme Harel: ...automatique, vous savez. Là, l'autre chose aussi très importante, c'est les coûts qu'on dit non financiers pour le parent gardien. Le parent gardien, il a quand même des coûts non financiers. Il a l'immense joie d'avoir un enfant, mais il a des coûts aussi, des coûts non monétaires, comme on dit, là. Alors, ces coûts-là, comment on les compense? Dans notre modèle, c'est par les transferts gouvernementaux qui ne sont pas inclus dans le revenu, qui s'ajoutent en sus de la pension, c'est-à-dire toutes ces déductions pour enfants à charge, crédits d'impôt pour enfants, plus les allocations familiales. En fait, tout ça qui s'additionne est comme considéré comme une compensation pour le parent gardien. Vous, dans le fond, ce que vous recommandez, c'est qu'on sépare ça.

Mme Émond (Monique): Oui, c'est parce qu'il ne faut pas mêler les deux...

Mme Harel: Si c'était la garde partagée, je ne dirais pas, mais, si c'est la garde exclusive avec un droit de visite une fois par 15 jours, je ne vois pas pourquoi, là, ça serait partagé, pour vous dire la vérité.

Mme Blain (Louise): On propose de le partager au prorata, de la même façon que c'est calculé quand on calcule le nombre de jours que le parent non gardien va avoir l'enfant. Bon, il y a différents modèles de calcul selon la nature de la garde.

Mme Harel: Oui.

Mme Blain (Louise): On pourrait considérer que, si le parent, c'est une fois par deux semaines, il a moins de déductions fiscales, là, il peut...

Mme Harel: Moi, je vais vous dire, on regarde tout ça souvent avec nos yeux, c'est impossible de regarder ça objectivement, c'est très subjectif. Chacun y est allé de son témoignage. Moi, le mien, je suis très contente, ça aurait pu être différent, je n'en ai pas de mérite, mais c'était très réussi parce que c'était pleinement partagé. Ceci dit, je me demande, dans les cas de couples où, après une rupture, le père vient jouer au Père Noël une fois par 15 jours, si le parent gardien, qui a à faire la discipline, qui a à aller reconduire l'enfant chez le dentiste ou qui a à aller reconduire l'enfant à toutes les autres tâches qui ne sont pas toujours drôles dans la vie, là... Il a la joie immense de l'enfant, mais il a aussi parfois...

Une voix: Oui, oui, absolument.

Mme Harel: ...n'est-ce pas, disons, quelques complications, quelques contraintes. Je me demande comment on va faire pour reconnaître, pour compenser.

Mme Émond (Monique): C'est-à-dire qu'on parle de deux différentes recommandations, et la deuxième, elle dit... Nous, ce qu'on voit, en tout cas, c'est que souvent – bien, parce qu'on fait de la consultation budgétaire, donc les gens ont des problèmes financiers, ils viennent à l'ACEF puis le disent – suite à un divorce – que ce soit la femme ou l'homme, les deux se peuvent très bien – on se ramasse avec les dettes, par exemple, qui ont été contractées – ça, c'est la recommandation 2 – lors du mariage, puis le juge, bien, il a oublié ce détail-là, puis l'avocat aussi, ils ont oublié ce petit détail. Mais il y a des fois qu'ils se ramassent dans une situation financière assez égorgeante merci.

(17 h 40)

Nous autres, on dit: On doit tenir compte de ça. Ça, c'est la recommandation. Mais vous, ce dont vous parlez, c'est la... Nous, on l'a posée en termes de question parce qu'on n'a pas fait les calculs, on n'a pas eu le temps de les faire non plus, puis je ne pense pas, aussi, qu'on avait peut-être les moyens pour les faire. On dit, là-dedans: Est-ce qu'il y a une iniquité? Quand on dit: Il y a une coresponsabilité... Quand on regarde la question du revenu disponible, on va dire, par exemple: Monsieur a 70 % au niveau du revenu disponible, madame a 30 %, donc il y a un partage qui se fait au niveau des... Et là la question qui est soulevée, c'est: Si on fait le calcul au niveau des déductions fiscales, est-ce qu'il n'y aurait pas quelque chose à corriger là? Mais on l'a posée comme question, on n'a pas affirmé qu'on doit le faire, parce qu'on ne connaît pas tous ces calculs fiscaux là. Mais, moi, je pense qu'il y aurait quelque chose à regarder là. Puis je suis d'accord avec vous qu'on ne peut pas considérer quelqu'un qui voit son enfant 70 jours et moins, même, des fois, 10 jours et moins, dans une année, que, là, tout d'un coup, on va lui donner une belle déduction fiscale, parce que je vous félicite, tandis que quelqu'un qui fait un partage équitable avec l'enfant, là... Je pense qu'il y a des nuances à faire. Nous, on dit juste: Est-ce que ça a été considéré? Et on aimerait que ça soit regardé, cette question-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Ça termine cette partie-ci. Maintenant, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour. J'aimerais revenir... Quand vous parlez de l'exemption personnelle de base, le 6 840 $, vous dites que c'est beaucoup trop faible compte tenu de la réalité de la vie, là, de la vie de tout le monde, du coût de la vie. Vous nous dites aussi que vous allez nous en parler, mais un peu plus tard, lors de la réforme sur la sécurité du revenu. Je me demandais si vous ne pouviez pas nous donner un peu une ouverture sur ce que vous avez l'intention de nous dire à l'autre commission qui pourrait peut-être voir à ce qu'on hausse cette exemption de base.

Mme Émond (Monique): On pourrait demander le scoop à Mme Harel, avec quoi elle va nous arriver, pour qu'on puisse réagir à ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Émond (Monique): Non, mais une chose qui est sûre, c'est que, nous, on regarde la réalité financière, économique des gens, le coût de la vie, puis on dit: 6 840 $... Je veux dire, dans le fond, il faut changer la question des barèmes de l'aide sociale, et, pour nous, c'est intégré complètement là-dedans. Donc, c'est sûr que ça va être à la hausse, mais ça comprend beaucoup plus que la simple déduction de 6 840 $. C'est peut-être une conception différente de la question de l'aide sociale. Ça fait que, non, on n'est pas prêtes à vous donner un scoop là-dessus.

Mme Loiselle: Mais j'imagine que, si vous le trouvez...

Mme Émond (Monique): Mais une préoccupation, oui, par exemple.

Mme Loiselle: ...trop faible puis que vous l'exprimez dans votre mémoire, c'est que vous préféreriez le voir haussé.

Mme Émond (Monique): Oui, oui, ça, c'est clair. Oui, ça me semble assez clair.

Mme Loiselle: Parce que, dans la réalité... J'étais pleinement d'accord avec vous que le 6 840 $, il est beaucoup trop bas pour arriver à vivre décemment. Quand on parle, là, que c'est... Moi, je considère que c'est moins, un minimum vital, là.

Mme Émond (Monique): Oui, absolument. On est d'accord avec ça.

Mme Loiselle: O.K. Vous avez mentionné tantôt, Mme Émond, que vous représentez la région de la Mauricie. Est-ce que c'est ça que vous avez dit?

Mme Émond (Monique): Je travaille en région, oui...

Mme Loiselle: Ah! Vous travaillez en région. O.K.

Mme Émond (Monique): ...et dans la région de la Mauricie, oui.

Mme Loiselle: Parce que la Chambre des notaires a suggéré, peut-être, de regarder la grille, mais par région, de façon régionalisée. Il y a aussi l'association des services d'aide à la famille juive qui nous a fait cette recommandation-là étant donné les écarts du coût de la vie dépendamment des régions. Est-ce que vous avez analysé cette possibilité-là de faire la grille sur une base de région?

Mme Émond (Monique): Moi, je ferais répondre Montréal, pas parce qu'ils sont à Montréal, mais je regardais la disparité au niveau du logement, par exemple, à Montréal par rapport aux régions, puis... Mais de là à dire qu'il faut que ça rentre dans le calcul, je dois vous avouer que je pense qu'on n'a pas discuté de ça du tout.

Mme Loiselle: Vous n'en avez pas discuté? Non?

Mme Émond (Monique): Non. Il y a une réalité, effectivement, là qui est importante, mais on n'en a pas discuté.

Mme Loiselle: Il y a peut-être une recherche à faire sur ça.

Mme Émond (Monique): J'essayais de voir une grille sous-régionale. Avec tant de régions administratives au Québec, ça va être beau. Ça fait qu'on va déménager à chaque fois qu'on...

Mme Loiselle: Bien, la Chambre des notaires, c'est ça, disait de peut-être découper, finalement, le Québec en quatre ou cinq régions, ne pas y aller avec autant de régions. Il y a peut-être la possibilité... Moi, ce que j'avais vu comme premier... parce que, vraiment, je ne l'avais pas analysé non plus, mais je me disais: Bon, les gens qui vivent dans une région où les écarts... comme le logement est beaucoup moins cher, qui décident d'aller vivre, pour n'importe quelle raison que ça soit, là, dans une région comme Montréal, est-ce que ça va entraîner des révisions de pensions alimentaires? Ça va alourdir le système?

Mme Émond (Monique): Moi, je répondrais que, à Montréal, le logement est très important; par contre, en région, si on regarde le coût du transport, il est très important aussi.

Mme Loiselle: Oui.

Mme Émond (Monique): Ça fait que je ne suis pas sûre que ça ne compliquerait pas plus les affaires que les faciliter. Nous autres, on essaie d'aller dans le plus... Plus ça va être simple, mieux ça va être, malgré la complexité.

Mme Blain (Louise): Finalement, faire une grille qui tienne compte d'à peu près tous les éléments du budget, je pense que c'est impossible. Il faut tenir compte plus des données objectives, puis c'est ce qu'on remarquait dans le modèle qui était proposé, c'est que c'étaient plus les données plus objectives dont on tenait compte, parce que, quand on rentre dans les items du budget, là on rentre dans les valeurs, dans les façons de vivre, puis là je ne suis pas sûre...

Mme Loiselle: On alourdit toute la...

Mme Blain (Louise): En tout cas, ce n'est pas certain qu'on arrive à donner une grille de calcul qui se tienne.

Mme Loiselle: O.K. Il y a un sujet dont on n'a pas beaucoup parlé, que le Barreau nous a proposé: suggérer à la ministre, peut-être, d'ajouter un dixième besoin essentiel, au niveau des frais scolaires, de ne pas considérer les frais scolaires dans des frais particuliers mais d'en faire un besoin essentiel.

À première vue, encore, là, qu'est-ce que vous pensez de ça? Parce que, moi, la réaction que j'ai eue à ça, je me suis dit: Bon, ce n'est pas toutes les familles qui ont la même notion au niveau... Bon, il y a des familles qui envoient leurs enfants à l'école privée; d'autres, à cause des régions éloignées, sont obligées de les envoyer dans des pensionnats. Alors, il y a des coûts reliés à ça qui sont plus hauts. Alors, je me demandais, vous, cette suggestion-là de rendre ça comme un dixième besoin essentiel, est-ce que vous préférez que ça demeure dans les frais particuliers? L'aviez-vous notée, cette suggestion-là du Barreau?

Mme Blain (Louise): Non, parce qu'on est parties avec l'idée que c'est le système public au départ, mais c'est sûr que les frais augmentent même au système public. Pour ce qui est du privé, non, on n'en tient pas compte. Pour nous, ça, c'est le choix de parents qui doivent discuter de ça et prendre une décision par rapport au privé. Ça ne doit pas être pris tout de suite comme tel que ça va de soi que tu vas aller à l'école privée et qu'on en tient compte tout de suite. Ce n'est pas essentiel. Jusqu'à maintenant, je pense... Bon, l'éducation, en principe, c'est gratuit jusqu'au cégep. C'est sûr qu'il y a des frais reliés à ça, mais on n'en a pas discuté plus que ça. Peut-être qu'il faudrait les mettre au même titre que les frais de garde, les frais de base. Dans le secteur public, peut-être qu'il faudrait qu'ils soient considérés comme les frais de garde, de la même façon, à cet item-là.

Mme Loiselle: O.K. Tantôt, vous avez échangé beaucoup avec la ministre sur votre dernière recommandation, la recommandation 4. Sur le bilan de la situation financière des gens, le Barreau recommandait, lui, de peut-être le faire soit sur demande ou de façon périodique, le bilan financier annuel. Le groupe FOCUS recommandait de le faire pour les deux parents, parce qu'il disait que c'était peut-être aussi facile pour le parent gardien de ne pas déclarer au parent non gardien des changements de revenus, une augmentation de salaire, une augmentation dans son poste de travail ou des choses comme ça. Alors, il disait, à chaque année, de mettre en place un système assez léger, mais que les deux parents auraient à déclarer leur situation financière.

J'aimerais vous entendre parce que, tantôt, je n'ai pas... Est-ce que, vous, vous parliez des deux parents ou seulement du parent...

Mme Émond (Monique): Les deux.

Mme Loiselle: Les deux parents.

Une voix: Toujours les deux.

Mme Loiselle: O.K.

Mme Émond (Monique): Parce que les changements peuvent être d'un bord ou de l'autre.

Mme Loiselle: Oui, c'est ça.

Mme Émond (Monique): Et puis la grille tient compte aussi des deux. Ça fait que, nous, on tient compte aussi de la réalité des deux, des changements dans les deux. Tu sais, quand on dit, par exemple, des changements au niveau des frais médicaux, ça en est un changement qui est important. Ça, tu ne pourras pas... Je ne pense pas que ce soit nécessaire d'avoir une déclaration annuelle au 1er janvier, sauf que, s'il y a une réalité là qui vient de changer, ton enfant est malade et a besoin de soins importants, bien, nous, on pense que ça pourrait être révisable facilement. Donc, dans ce sens-là... mais de là à dire... Parce que, vous, ce que vous faites, vous apportez la question du revenu, du changement du revenu...

Mme Loiselle: Oui, de la situation financière. Le bilan financier annuel, oui.

Mme Émond (Monique): ...seulement, exclusivement.

Mme Loiselle: Vous, c'est plus détaillé, c'est beaucoup plus précis, ce que vous suggérez.

Une voix: Oui, la liste est là.

Mme Blain (Louise): La liste est plus longue.

Mme Loiselle: Oui. Ce que vous suggérez, c'est beaucoup plus précis.

Mme Latreille (France): C'est ça, et on n'y va pas avec une fois par année ou une fois aux deux ans, on y va selon la date du changement, parce qu'on voit trop, justement, de personnes qui doivent payer un montant de pension alimentaire qui a été fixé en fonction d'un revenu où ils faisaient beaucoup de temps supplémentaire, par exemple. L'année d'après, ils ne peuvent plus en faire, de temps supplémentaire, il y a moins de travail, mais le montant de la pension est le même. Comme on le disait tantôt aussi, à ce moment-là, recourir à un avocat, c'est 2 000 $, 3 000 $, 4 000 $. Ça ne vaut pas la peine de...

Mme Loiselle: Non. En bout de piste, non.

Mme Latreille (France): Donc, c'est ça. Ce qu'on demande, c'est ça, c'est un processus de révision souple et efficace quand il y a un changement.

Mme Loiselle: O.K. Quand un changement s'impose.

Une dernière question, parce qu'il y a mon collègue aussi. Au niveau des coûts reliés à l'âge des enfants, on nous a soulevé le fait qu'on n'avait pas pris ça dans le modèle de fixation, que, finalement, un enfant plus jeune va coûter moins cher à un parent qu'un jeune adolescent. Et, aussi, on a rajouté, certains groupes nous ont dit: Vous devriez penser aussi aux parents gardiens qui se retrouvent avec des étudiants à la maison, mais majeurs. Il y a des coûts reliés à ça et on devrait peut-être inclure dans le modèle de fixation une section particulière pour ça. Est-ce que vous l'avez analysé? Vous travaillez beaucoup avec les familles, alors j'imagine que le coût des dépenses reliées à l'âge, vous êtes en accord avec ça, qu'un enfant beaucoup plus jeune, c'est plus le parent qui a le contrôle au niveau des dépenses, soit pour son habillement, des choses comme ça, qu'un jeune adolescent ou...

Mme Latreille (France): Au niveau du coût selon l'âge...

Mme Loiselle: C'est une recommandation du Conseil du statut de la femme.

Mme Latreille (France): Oui, c'est ça. Bien, c'est-à-dire, au niveau du coût selon l'âge, peut-être qu'à l'adolescence les parents ont moins de contrôle au niveau des choix de vêtements, etc., sauf qu'il y a les frais de garde qui sont moins élevés. Donc, on n'a peut-être pas de chiffres précis, mais c'est sûr que les adolescents peuvent demander beaucoup au niveau des loisirs, mais, à ce moment-là, c'est une question de valeurs, encore une fois.

(17 h 50)

Mme Loiselle: Mais ça ne semble pas une nécessité de l'inclure dans une section particulière?

Mme Latreille (France): De faire des tranches d'âge?

Mme Loiselle: Oui, la modulation d'après les coûts reliés à l'âge des enfants.

Mme Blain (Louise): On n'en a pas vraiment parlé plus que ça, sauf que, pour un étudiant à plein temps qui reste chez ses parents, qui est encore dépendant, il devrait être considéré, bon, comme mineur, comme personne à charge. S'il est étudiant à plein temps, bien, peut-être tenir compte s'il a un revenu, s'il travaille. Bon, en tout cas, ça, c'est... Peut-être, à ce moment-là, qu'il faudrait tenir compte de...

Mme Loiselle: Mais c'est pour l'étudiant majeur, là.

Mme Blain (Louise): Oui, pour l'étudiant majeur. Mais, pour les questions d'âge, encore une fois, c'est comme les sujets qu'on disait tout à l'heure, si on détaille tous les systèmes du budget, là on rentre dans les questions des valeurs et des choix de vie, des choix de consommation qui font qu'un adolescent x va demander 3 000 $ par année pour ses loisirs, alors qu'un autre va en demander 100 $. Il y en a un qui va se débrouiller en passant les journaux le matin puis l'autre ne voudra rien faire. Bon, quand on commence à rentrer là-dedans, en tout cas, ce n'est pas sûr que ça simplifie vraiment le calcul.

Mme Loiselle: O.K. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Mesdames, j'aimerais revenir sur la question de la dette contractée, dette raisonnable familiale, pour bien comprendre votre suggestion. Quand vous dites qu'il serait important d'ajouter cette notion dans la grille, j'imagine que vous voulez dire par ça, pas nécessairement dans la grille, mais dans le calcul des revenus disponibles des parents, n'est-ce pas?

Mme Blain (Louise): C'est ce qu'on appelle la grille.

M. Copeman: O.K. Une grille ou un tableau. C'est beau. Il faut, selon vous, ajouter la notion de la dette contractée en proportion, j'imagine, parent gardien, parent non gardien. Comment est-ce qu'on fera ça, cette proportion-là? Il me semble que c'est compliqué un peu de l'ajouter. Quel est votre but? Parce que, dans la loi, on... Dans le document de consultation, on prévoit la possibilité de plaider difficultés excessives, un des motifs pour plaider difficultés excessives, c'est la dette. Déjà, devant le tribunal, il y a une possibilité d'ajuster la pension alimentaire en fonction de la dette; vous, vous semblez vouloir le faire avant qu'on arrive aux tribunaux. Est-ce que c'est ça, le but de votre intervention?

Mme Blain (Louise): Parce qu'un des premiers buts qu'on a, c'est d'enlever les tribunaux du décor pour tout de suite. Alors, si on va en médiation, comme beaucoup... En tout cas, il y a beaucoup de personnes qui se séparent qui ont des dettes, ne serait-ce que 2 000 $ sur une carte de crédit, on n'a pas fait le calcul, mais ça doit être la grosse majorité des gens qui se séparent qui ont au moins quelques dettes; il faudrait que ce soit possible de régler par la médiation, sinon tout le monde va se retrouver devant le juge.

Il faut tenir en considération ce paiement-là, ce qui ne veut pas dire de – il faudrait revoir la grille de calcul, comment on partage ça – déduire au complet le montant payé, mais de tenir compte du montant de celui qui va assumer la dette, parce qu'il faut que ce soit partagé. Si le gardien payeur dit: Bien, moi, je la prends au complet, j'accepte de payer la dette au complet puis d'assumer ça, bien, il faut en tenir compte, à ce moment-là, dans le calcul. Si les deux décident: On a deux cartes de crédit, on la sépare en deux, chacun paie, bon, à ce moment-là, on peut l'inclure aussi dans la grille, mais il faut séparer ce montant-là et il faut en tenir compte. Il faut que la personne qui fasse la médiation puisse en tenir compte et que ça ne soit pas... À ce moment-là, on va toujours aller au tribunal, parce que la plupart des gens ont des dettes, que ce soit... Bon.

M. Copeman: Oui, je pense que la suggestion a un certain mérite, sauf que, moi, j'ai essayé de comprendre la vraie vie du monde. Est-ce que, même avec la médiation, on va être capable de s'entendre sur une division de dette contractée par une famille? En tout cas...

Mme Émond (Monique): L'esprit, c'est d'essayer de le faire, parce que, souvent, c'est qu'ils se ramassent dans un état de fait, ça passe en cour, le jugement est là, petit détail, on a oublié comment on séparerait ça! Et là la personne se ramasse en disant: Bien là, c'est parce que, lui, il a gardé l'auto, mais la dette était à mon nom personnel, donc je me ramasse avec la dette à payer, mais je n'ai pas nécessairement... Donc, comment on peut arriver le plus possible à pouvoir s'entendre sur cette question-là?

M. Copeman: Mais la situation que vous évoquez, d'être passé devant la cour, jugement rendu, la dette est là, on n'en a pas tenu compte. Ça, c'est prévu par la loi, en ce qui concerne la possibilité de plaider difficultés excessives devant le tribunal.

Vous, votre intervention, il me semble, c'est plutôt d'essayer, de tenter d'inclure cette notion de dette avant que ce soit rendu aux tribunaux. Parce que, une fois rendu aux tribunaux, la possibilité est là de plaider difficultés excessives à cause de la dette. Puis vous pensez que le maximum de 50 % en ce qui concerne les ressources disponibles, ce n'est pas suffisant, ça, comme bémol là-dessus? Parce que, comme vous le savez, dans les tableaux, dans la formule, il y a le maximum de ressources disponibles. Si on peut plaider qu'il y a une dette, bien là, ça peut peut-être dépasser le maximum en fonction du revenu pour la pension alimentaire. Mais ce n'est pas suffisant, selon vous, là?

Mme Émond (Monique): Dans le fond, l'esprit, c'est de dire: Est-ce qu'il n'y a pas moyen de tenter de mettre un mécanisme qui tienne compte de ça? Si c'est contesté, si ça n'a pas d'allure, le juge tranchera. Mais pourquoi ne pas le mettre? Moi, ce que j'ai vu, en tout cas, j'ai vu des cas de médiation, et ça a été tranché en médiation. Le juge n'a pas eu... On n'est pas allé en Cour suprême là-dessus. Donc, il y a moyen, à mon avis, de s'arranger, en tout cas, au moins, de l'inclure. Et, si ce n'est pas possible, ça sera tranché par un juge.

M. Copeman: À la page 5 de votre mémoire, vous parlez de l'inéquité ou la possibilité... C'est là où vous posez la question. Je vais vous dire, la façon dont vous la posez me surprend un peu, et je m'explique. Selon les chiffres qu'on a, à la suite d'une rupture familiale, le revenu moyen du parent gardien – normalement la mère – diminue d'une façon assez remarquable, tandis que le revenu du parent non gardien – très souvent et majoritairement le père – reste au même niveau ou augmente légèrement. Mais, vous, vous posez la question de l'équité de façon inverse, vous la posez en fonction d'une potentielle inéquité envers le parent non gardien.

Moi, je vous demande s'il n'y a pas quelque part une équité face au parent gardien, qui, selon nos statistiques, voit une baisse de niveau de vie assez impressionnante. Comment est-ce qu'on aborde cette question-là?

Mme Émond (Monique): Mais est-ce qu'on s'entend pour dire que, dès qu'il y a séparation ou divorce, il y a un appauvrissement de part et d'autre?

M. Copeman: Bien non, c'est...

Mme Émond (Monique): Non? Vous n'êtes pas d'accord avec ça?

M. Copeman: Bien, semble-t-il, non.

Mme Émond (Monique): Donc, ça veut dire que vous considérez que, dès qu'il y a une... Mais, ça, il faudrait... Là, c'est un débat de chiffres. Là, je comprends que les statistiques peuvent dire que non, mais, dans la réalité, oui, il y a un appauvrissement, à mon avis, parce qu'on divise aussi. En même temps, on a à assumer personnellement des deux bords, dont les femmes qui ont souvent des enfants, absolument, il y a un appauvrissement, et aussi de l'autre qui doit assumer son propre loyer, qui doit... Ça, c'est une discussion de statistiques à ce moment-là, parce que, nous, on part de ça, et ce qu'on voit dans les chiffres chiffrables faits au niveau familial, c'est qu'il y a un appauvrissement des deux côtés.

M. Copeman: O.K. Mais là vous le voyez parmi les gens qui vous consultent, parmi... Là, vous vous basez sur quoi? Moi, je trouve ça intéressant, pas pour nier votre expérience, mais, si les chiffres sont là, ils sont quelque part, c'est bien beau d'avoir des chiffres, mais, semble-t-il, les chiffres qui sont là indiquent qu'il y a un appauvrissement remarquable chez les parents gardiens, pas exclusivement, mais majoritairement des femmes, la mère, tandis qu'il y a maintien du niveau de vie, semble-t-il, ou même une possibilité d'une augmentation du niveau de vie chez le parent non gardien. Ça, c'est chiffré dans... Tout le monde.

Mme Émond (Monique): Bon, bien, je ne peux pas contester les statistiques.

M. Copeman: Mais, vous, selon votre vécu, vous semblez dire que ce n'est pas tout à fait ça. Est-ce que c'est basé sur les gens qui viennent vous consulter ou est-ce que c'est...

Mme Émond (Monique): En tout cas, nous autres, ce qu'on apporte ici, on est toujours sur la base des gens qui viennent nous consulter. Et ça, les gens qui nous consultent ne sont pas nécessairement uniquement des personnes à très, très faibles revenus, assistées sociales, mais on joue avec des revenus moyens. Donc, on a quand même un éventail de revenus très différents.

M. Copeman: O.K. Et quand ils se présentent chez vous, c'est parce que, normalement, il y a déjà un problème d'endettement.

Mme Émond (Monique): Ou de budget.

M. Copeman: Ou de budget.

Mme Émond (Monique): D'organisation financière.

M. Copeman: O.K. Moi, je vous pose la question, ça peut être l'explication, ça peut être la raison pour laquelle vous avez l'impression qu'il y a un appauvrissement de tout le monde: Si les gens qui se présentent chez vous, ils se présentent chez vous parce que soit il y a un problème de budgétisation ou un problème d'endettement, c'est clair que chacun qui se présente chez vous, il a un problème d'appauvrissement quelque part, tandis que chez beaucoup d'autres, semble-t-il, qui ne se présentent pas chez vous... Y a-t-il ou pas une possibilité que, pour le parent non gardien...

Mme Émond (Monique): Tant mieux pour eux autres!

M. Copeman: Bien oui, mais tant mieux pour eux autres! Mais, malheureusement, nous, il faut qu'on tente d'évaluer tout ça aussi.

Mme Émond (Monique): Oui, oui, absolument. Je suis absolument d'accord. Moi, je...

(18 heures)

Mme Blain (Louise): Mais on ne veut pas dire que c'est automatique, dans le sens que quelqu'un qui fait 40 000 $, et c'est le seul revenu, alors ils vivent à quatre avec 40 000 $, et là il y a une séparation, la personne gardienne s'en va sur l'aide sociale parce qu'elle n'avait pas de travail et l'autre se retrouve avec son 40 000 $ pour vivre tout seul en payant une pension. Dans ce cas-là particulier, effectivement, il y a un appauvrissement davantage du parent gardien. Mais, si on considère deux revenus dans une famille, un 25 000 $ et l'autre 40 000 $, disons, bon, bien, on vit à quatre avec 65 000 $, ce n'est pas la même chose quand ils se séparent: les deux s'appauvrissent à ce moment-là.

Mme Émond (Monique): Ce n'est pas de même. On dit que les statistiques ne disent pas ça. Alors, j'aimerais qu'on me donne les statistiques.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On vous remercie beaucoup de vous être présentées, de nous avoir aussi bien informés. Merci beaucoup. Je suspends les travaux jusqu'à 19 h 30.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 19 h 36)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Nous reprenons nos travaux. Je vous rappelle, évidemment, qu'on reçoit deux groupes et que, après, on aura la conclusion.

Nous commençons avec le Groupe d'entraide aux pères et de soutien à l'enfant.

M. Ménard, je vous prierais de présenter la personne qui vous accompagne, et vous pouvez commencer votre présentation. Vous avez 20 minutes de présentation et, après, chaque partie vous interroge ou dialogue, discute avec vous pour 20 minutes.


Groupe d'entraide aux pères et de soutien à l'enfant (AHSD) inc. (GEPSE)

M. Ménard (Yves): Ça va. Je vous remercie. Donc, je suis Yves Ménard, président du Groupe d'entraide aux pères et de soutien à l'enfant, et je...

Des voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, à l'ordre!

M. Ménard (Yves): Je vous présente Sylvain Camus, qui est le directeur général de notre Groupe. Il remplace Diane Ampleman, qui est notre conseillère juridique et qui n'a pas pu venir ce soir.

Alors, une brève présentation de notre organisme. Finalement, on est un organisme d'environ 1 000 membres qui existe depuis 13 ans, et notre mission, c'est de défendre le droit des enfants d'aimer leurs deux parents et le droit des deux parents d'aimer leurs enfants.

En passant, il y a les groupes de Trois-Rivières et de Hull qui existent aussi, et on déplore un petit peu qu'il n'aient pas pu s'exprimer ici, parce qu'ils ont sûrement de bonnes idées, eux autres aussi.

Nous, pour comprendre un petit peu notre position, c'est qu'il faut expliquer qu'il y a deux écoles de pensée au niveau de la notion de l'intérêt des enfants, parce que l'ensemble de la société est d'accord pour dire qu'il faut penser à l'intérêt des enfants quand il y a un divorce.

Donc, les deux écoles de pensée, il y en a une, c'est l'approche monoparentale, qui est celle qui existe depuis des années, finalement, qui est appliquée par la jurisprudence, et il y a aussi l'approche biparentale, qui est une nouvelle option qu'on va expliquer un petit peu après.

Donc, Sylvain, qui est ici, va vous expliquer en quoi ça consiste, l'approche monoparentale.

M. Camus (Sylvain): Oui. Alors, l'approche monoparentale, c'est une approche qui est très en concordance aujourd'hui avec ce qui vient des pressions des groupes féministes: la crainte des gouvernements de s'aliéner le vote des femmes, certains abus qu'on souligne chez un faible pourcentage de pères. Puis, finalement, ça se résume un peu à un certain courant idéologique aussi qui sous-tend tout ça et qui veut que la femme soit toujours une victime et l'homme toujours le méchant: une approche dans le féminisme qu'on a vue à partir des années quatre-vingt environ.

Alors, cette simplification idéologique, elle s'est développée ces dernières années, puis on la voit un peu dans les lois gouvernementales, dans la jurisprudence à travers les différentes provinces au Canada, et au Québec.

Alors, cette approche, ça consiste à promulguer que l'enfant, après une rupture, n'a plus besoin de la présence paternelle mais uniquement du support financier de ce dernier. C'est une tendance à consolider et surprotéger les droits de la mère. Ça présume de la bonne foi de la mère puis ça présume de la mauvaise foi du père. Ça considère que la mère a un rôle familial naturel puis ça considère que le père n'a qu'un rôle facultatif dans l'apport quotidien et émotif de la famille.

Il y a différents effets pratiques de cette école de pensée. On utilise le terme «famille monoparentale» pour désigner la cellule familiale constituée du parent gardien et des enfants. Le terme «monoparental» sous-entend bien que l'enfant n'a qu'un seul parent.

La garde des enfants est octroyée sur la base du sexe du parent, habituellement la mère. Il suffit d'un refus de la mère pour une garde partagée pour qu'elle obtienne immédiatement la garde complète. Alors, il y a des stratégies dans ce sens-là.

On met en place des mécanismes coûteux de perception automatique des pensions alimentaires, même pour les pères non fautifs. On présume que le père ne contribuera pas de lui-même, en sus d'une pension alimentaire, au bien-être financier de ses enfants. On calcule donc des taux de pensions alimentaires en fonction du transfert de la totalité des ressources destinées aux enfants du parent non gardien vers le parent gardien, et ce, autant pour les besoins essentiels que les besoins de luxe. Aucune ressource financière n'est prévue pour l'exercice des droits de visite. On présume que les sommes d'argent versées à la mère pour les enfants ne seront pas détournées pour le bien-être personnel de madame. En fait, on présume toujours que le payeur est de mauvaise foi, c'est-à-dire le père.

(19 h 40)

On présume que le bien-être de l'enfant ne doit être défini qu'en fonction du bien-être économique chez le parent gardien. On oublie les besoins des enfants en termes de liens affectifs avec ses deux parents au point de vue de l'équilibre, du développement et de son épanouissement. Bref, sur le plan de l'intérêt de l'enfant, l'approche monoparentale déresponsabilise le rôle du père et de la mère parce qu'elle inculque la culture de la dépendance et de surprotection à la mère et elle dépersonnalise le père au niveau de l'ensemble de ses fonctions parentales, sauf, bien sûr, l'apport financier.

L'approche monoparentale entraîne nombre de problèmes dont les plus connus sont: les coûteuses guérillas entre ex-conjoints; des enfants privés de la présence paternelle par la suite du décrochage du père ou de l'obstruction systématique de la mère; violence entre ex-conjoints. Notre groupe, le Groupe d'entraide aux pères, ne croit pas que cette école de pensée soit dans l'intérêt des enfants, ni même de la société en général.

M. Ménard (Yves): Là, on va parler de l'approche biparentale. Alors, on va faire un petit peu d'histoire. Au début du siècle, les femmes voulaient partager le pouvoir économique que détenaient les hommes. Depuis les années soixante-dix, les femmes sont massivement sur le marché du travail. Donc, à ce moment-là, bien, veux veux pas, les pères s'impliquent beaucoup plus auprès de leurs enfants. Ça, c'est accepté, sauf au niveau... Quand il y a une rupture, on retourne loin en arrière, et on dit: Maintenant, il n'y a plus de partage des pouvoirs parentaux, la mère, aujourd'hui, a encore, après une rupture, le monopole des pouvoirs parentaux. Ce qui fait que, finalement, ce qui arrive, c'est que les pères, au niveau du partage des rôles familiaux, se retrouvent dans la même situation que les femmes dans les années vingt, au niveau du partage économique. Donc, finalement, les pères ne sont pas d'accord avec cette approche-là, et les enfants du divorce non plus.

Alors, à ce moment-là, l'approche qu'on a, qui est une solution de rechange à l'approche monoparentale et qui, finalement, fait l'affaire de très peu de monde, c'est l'approche biparentale, c'est celle qui assure le mieux une continuité affective et financière aux enfants. C'est très simple, ça consiste à dire que les enfants ont le droit d'aimer leurs deux parents, que les deux parents ont le droit d'aimer leurs enfants et qu'il faut respecter les trois acteurs du divorce là-dedans: les enfants, le père et la mère. Les effets pratiques de cette école de pensée là, c'est qu'on ne dira plus «famille monoparentale», on va dire «famille éclatée».

Ensuite, on va privilégier la garde partagée. Maintenant, les parents, qui sont émotivement impliqués auprès de leurs enfants, la conséquence, c'est qu'ils vont contribuer d'une façon volontaire au bien-être de leurs enfants, comme quand ils étaient mariés. Les deux parents ne sont pas brimés, parce qu'ils vont continuer de jouer leurs rôles parentaux et il vont être tous les deux, dans les deux cas... on va présumer de leur bonne foi. Donc, on va les traiter en parents responsables. Donc, la conséquence, c'est que les enfants vont bénéficier à la fois de la richesse financière et affective de leurs parents.

Donc, par l'approche biparentale, le père demeure un décideur responsable qui va contribuer volontairement pour des services à ses enfants. Et la mère, on va arrêter de la surprotéger, mais elle va continuer, elle aussi, de jouer un rôle essentiel. Donc, on valorise la bonne entente entre les conjoints. Finalement, ce que ça donne, c'est que l'approche biparentale est efficace dans la majorité des cas, d'après des études qu'on a lues, parce que et le père et la mère ne se sentent pas lésés par le système, donc continuent d'être impliqués en tant que parents et non seulement en tant que guichet automatique, dans le cas du père. Donc, on pense que c'est la voie privilégiée.

Maintenant, à partir de ces deux approches-là, on va faire l'analyse de la proposition gouvernementale, qui va être présentée par Sylvain.

M. Camus (Sylvain): Bon, alors, pour nous, la proposition gouvernementale, les tables qui sont proposées, tant par le fédéral que le provincial, s'inscrivent dans une approche monoparentale, même s'il y a une petite ouverture timide de l'approche provinciale de ce côté-là. Mais il y a un certain manque. Ce n'est pas conséquent en soi, parce qu'on introduit la notion de compensation pour droit de visite prolongée. Alors, nous autres, on veut éviter aussi certains excès avec le plafond de 50 % qu'on impose sur la perception alimentaire. Cependant, le modèle québécois proposé, il est imprégné de l'approche monoparentale, puis il ne règle que très peu de problèmes actuels.

Bien que les grilles des taux semblent tenir compte du salaire des deux conjoints, l'écart entre les grilles du fédéral et du provincial est minime. Dans les faits, les tables sont encore construites avec l'approche monoparentale, de façon à transférer la totalité des ressources financières prévues pour les enfants chez le parent gardien. Puisque les montants des tables ne représentent que des taux minimums, les batailles juridiques vont continuer sur la base des autres items, les frais particuliers, médicaux et de garde seront gonflés, puis toujours une surévaluation pour maximiser ce que le payeur, le père, va avoir à débourser en argent comptant. On vient donc du coup détruire un des objectifs d'une grille de taux de pensions alimentaires, à savoir encourager la déjudiciarisation. Le projet du gouvernement, il est fait dans l'esprit de transférer des sommes allouées aux enfants chez le parent gardien, autant pour les biens essentiels que de luxe.

L'idée de compensation pour droit de visite prolongée risque d'engendrer des guérillas judiciaires pour limiter sous 20 % le droit des enfants de voir leur père afin de pouvoir retirer le plein montant. Il faut donc prévoir une augmentation des procédés déloyaux pour carrément éliminer le père de la vie des enfants, notamment les fausses accusations criminelles et les déménagements rendant impossible l'exercice des droits de visite.

Il y a la question de l'indexation annuelle, alors que les salaires ne sont pas vraiment indexés. Qu'est-ce qu'on fait avec ça? Rien n'est prévu pour s'assurer que, dans tous les cas, le parent non gardien ait suffisamment de ressources pour recevoir ses enfants de façon adéquate. On lui garde juste un minimum.

Rien n'est prévu pour éviter le détournement de la pension alimentaire pour enfants vers les coffres de l'État non plus lorsque le parent créancier bénéficie de l'aide sociale. L'approche monoparentale permet donc même à l'État de se déresponsabiliser face aux familles pauvres. Rien n'est fait pour s'assurer que cette pension sera bien utilisée pour les enfants puis que le parent gardien fournira selon sa juste part. Parce que, en fait, théoriquement, le parent qui reçoit débourse théoriquement, il ne débourse pas effectivement, tandis que le père doit toujours débourser effectivement. Ça, c'est ce qu'on retrouve dans des problèmes actuels, surtout quand les besoins sont gonflés. Alors, on veut éviter qu'un débiteur ne paie plus que 50 % de son revenu disponible.

En général, on pourrait dire aussi qu'il y a une absence de distinction entre revenu normal et revenu d'appoint. De nombreux débiteurs de pensions alimentaires doivent se trouver un deuxième emploi s'ils veulent avoir suffisamment de ressources pour recevoir leurs enfants de façon adéquate. Or, la proposition du gouvernement fera en sorte d'augmenter la pension à payer à partir du deuxième revenu, annulant ainsi les efforts du père pour un rapport de qualité avec ses enfants lors des droits de visite.

Pour résumer, très peu d'efforts pour reconnaître le père à titre de parent plutôt qu'à titre de guichet automatique. On croit que les enfants ont besoin de leurs deux parents, c'est pourquoi on veut faire des recommandations qui visent à sensibiliser le gouvernement, votre commission, à l'approche biparentale.

M. Ménard (Yves): On a étudié avec notre conseillère juridique la proposition du gouvernement puis la Charte des droits. Alors, d'après nous, le principe même d'une pension alimentaire, ça va à l'encontre de la Charte des droits. Ce qu'on dit, notre Groupe, nous, de toute façon, pour des raisons pratiques, on ne s'oppose pas à une pension alimentaire pour des besoins essentiels. On va vous expliquer rapidement pourquoi ça va à l'encontre de la Charte des droits.

Bon, il y a l'article 4 qui dit que «toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation». Alors, en présumant que le père ne contribuera pas de lui-même au bien-être de ses enfants, vous attaquez la réputation, la dignité, l'honneur des pères en présumant, finalement, que les pères n'aiment pas leurs enfants.

On dit: «Toute personne a droit au respect de sa vie privée.» L'article 5. En imposant exactement le montant que le père doit utiliser pour ses enfants, à ce moment-là, vous allez jouer dans le domaine de la vie privée du père au niveau de ses rapports avec ses enfants. Le père ne peut plus inculquer ses valeurs à ses enfants parce que vous prenez la totalité des sommes qui servent pour les enfants et vous l'envoyez chez le parent gardien.

Au niveau de l'article 10, bien, ça, c'est évident, là, vous n'avez pas le droit de faire de discrimination selon le sexe et l'état civil. Alors, je ne connais pas un père marié qui doit payer une pension alimentaire à sa femme. Donc, il y a discrimination au niveau de l'état civil.

10.1: «Nul ne doit harceler une personne en raison de l'un des motifs visés dans l'article 10.» Bien, les pères divorcés, contrairement aux pères mariés, sont harcelés par les politiques gouvernementales en matière de pensions alimentaires.

On dit à l'article 11: «Nul ne peut diffuser, publier ou exposer en public un avis, un symbole ou un signe comportant discrimination.» Bien là, vu qu'une pension alimentaire, en elle-même, c'est discriminatoire, bien, à ce moment-là, le document du gouvernement devient discriminatoire. «Nul ne peut, dans un acte juridique, stipuler une clause comportant discrimination.» Bien, le fait d'imposer une pension alimentaire à quelqu'un qui s'est toujours occupé de ses enfants, à ce moment-là, ça devient un acte discriminatoire.

«Toute personne a droit, en pleine égalité, à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant et qui ne soit pas préjugé...» Comme la proposition gouvernementale y va avec l'approche monoparentale plutôt que l'approche biparentale, à ce moment-là, les juges ne pourront plus être impartiaux, parce qu'ils vont déjà avoir un préjugé contre l'approche biparentale et pour l'approche monoparentale.

On dit, l'article 39: «Tout enfant a droit à la protection, à la sécurité et à l'attention que ses parents ou les personnes qui en tiennent lieu peuvent lui donner.» En transformant le père en guichet automatique, à ce moment-là, vous privez l'enfant des droits auxquels il aurait normalement droit avec l'article 39. Ensuite, bon, etc. Vous pourrez le lire, parce que je sais que le temps passe.

Au niveau des recommandations. En fait, il y a des recommandations – on a divisé ça en deux – qui concernent uniquement la proposition gouvernementale et des propositions plus globales au niveau, finalement, de la famille. Alors, je vais laisser Sylvain parler des recommandations sur la proposition gouvernementale en particulier.

(19 h 50)

M. Camus (Sylvain): Bon, alors, là-dessus, les recommandations:

Il ne faut pas gonfler les besoins des enfants lorsque le parent gardien travaille, de façon à en arriver à des grilles de pensions alimentaires qui tiennent réellement compte du salaire du créancier.

Il faut éviter d'encourager des batailles judiciaires en laissant la porte ouverte à des frais particuliers qui vont occasionner des batailles de chiffres entre ex-conjoints. Il faut considérer la bonne foi du débiteur, le père dans 85 % des cas. S'il est impliqué comme parent, il contribuera volontairement aux dépenses spéciales, aux frais de scolarité et aux frais médicaux de ses enfants.

Alors, il faut fixer des pensions alimentaires pour les besoins essentiels uniquement. Modifier la législation pour s'assurer que les deux ex-conjoints puissent continuer de jouer leur rôle de parent, de façon à encourager, d'une part, le support financier sur une base volontaire et, d'autre part, l'ouverture vers la garde partagée.

Il faut encourager des droits de visite prolongée en présumant d'un pourcentage minimum de droits d'accès dans le calcul de la pension. Il est inconcevable de penser qu'un enfant n'a pas accès au minimum, à 20 % du temps avec le parent non gardien.

Il ne faut pas indexer les pensions pour les débiteurs.

Il faut prévoir le partage des ressources pour les besoins essentiels des enfants au prorata du temps passé avec ceux-ci, puis il faut inclure dès le départ le 20 %.

Il ne faut pas systématiquement détourner les pensions alimentaires pour enfants dans les coffres de l'État, pour les prestataires de l'aide sociale, car ça crée une situation où la mère n'a pas plus d'argent, les ressources du père sont diminuées, les enfants bénéficient de moins de ressources de la part des deux parents que dans un système où il n'y aurait pas de pensions alimentaires du tout.

Il faut cesser de créer deux catégories de parents: la bonne mère à qui aucun compte n'est exigé pour savoir si elle contribue selon sa juste part au bien-être des enfants ou si elle détourne à son profit personnel, et le méchant père, celui qui est contrôlé au point de lui dire le montant exact qu'il doit fournir pour ses enfants. Donc, il faut soit présumer de la bonne foi des deux parents en encourageant la contribution financière volontaire, soit ne pas le faire, et il faut le faire. Il faut présumer, selon notre système de justice, que les deux parents sont crédibles et sont responsables vis-à-vis de leurs enfants.

Il ne faut pas encourager les juges à faire obstruction aux parents qui voudraient une approche biparentale. Puis on ouvre la porte à ça grandement.

M. Ménard (Yves): Il faut aussi faire des recommandations globales sur la politique familiale, parce qu'on pense qu'on ne peut pas régler le problème des pensions alimentaires si on ne règle pas le problème de la famille au complet. C'est pour ça qu'on pense que, en fait, si, vous autres, vous croyez que les enfants, après un divorce, ont droit à leurs deux parents – si vous ne le croyez pas, écoutez-moi pas – à ce moment-là, les moyens à privilégier, c'est les suivants:

Garde partagée obligatoire, sauf dans les cas extrêmes. On sait qu'il y a des cas où ce ne sera pas possible, par exemple parce que le père travaille tous les soirs, ça n'aurait pas d'allure de faire une garde partagée. Donc, dans le cas où la garde partagée n'est pas faisable, des mécanismes pour assurer le respect des droits de visite.

Aussi, d'impliquer le père comme parent. Donc, il faut qu'il ait de quoi à dire aux niveaux santé, éducation, loisirs. Il y a beaucoup de nos membres qui ne peuvent même pas avoir la carte d'assurance-maladie quand ils ont leurs enfants.

Il faut fixer les pensions à un taux modéré, en tenant compte du fait que les pères aiment leurs enfants – à moins que vous n'y croyiez pas – et en tenant compte du fait qu'ils vont contribuer au bien-être financier de leurs enfants, en plus d'une pension alimentaire, contrairement à ce qui est dit dans le document du Conseil du statut de la femme.

S'assurer que les pensions alimentaires pour enfants sont bien utilisées pour les enfants et non pas détournées pour d'autres fins, c'est-à-dire soit l'État, soit le bien-être financier du parent gardien.

Un gros problème que vous ne voyez pas, c'est les fausses accusations. Il faut trouver un moyen de décourager les fausses accusations d'inceste, de violence et de menace de mort.

Il faut s'assurer que les deux parents des familles pauvres ont suffisamment de ressources pour s'occuper adéquatement de leurs enfants. Il faut aussi sensibiliser les couples en instance de séparation sur les effets nocifs pour les enfants d'un divorce et des guérillas entre parents.

Finalement, tous nos membres, maintenant, qui viennent, et même des enfants à qui on parle, qui ont grandi et qui ont vu dans quoi ils ont vécu ne croient plus du tout au système judiciaire. Donc, vous vous retrouvez maintenant dans une situation qui mine la crédibilité du système judiciaire. C'est pour ça qu'on vous demande de faire une approche où on va respecter tout le monde dans le divorce.

C'est tout, dans le moment. On vous remercie de nous avoir écoutés. Puis on espère... Il y avait M. Bouchard qui avait déjà fait un discours en disant: Il faut oser, oser briser les tabous. Alors, je ne sais pas si vous allez oser briser les tabous au niveau de l'approche monoparentale et l'approche biparentale, on sait que ça va se faire dans quelques années, mais on aimerait que vous soyez les initiateurs de ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il faut oser, puis il faut vous croire aussi. Merci beaucoup. J'inviterais maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Ménard et M. Camus. Je comprends que c'est là votre première commission parlementaire.

M. Ménard (Yves): C'est la deuxième fois que...

Mme Harel: À quelle occasion étiez-vous venus?

M. Ménard (Yves): C'était sur la perception automatique des pensions alimentaires. On était contre à peu près pour les mêmes raisons.

Mme Harel: D'accord. Et vous êtes contre la défiscalisation.

M. Ménard (Yves): La défiscalisation, le problème – j'en ai déjà parlé, pas ici mais ailleurs – c'est que c'était plus une guerre des femmes riches contre les femmes pauvres, parce que le système actuel, avant la défiscalisation, ça avantageait les femmes pauvres. Vous savez que le gouvernement du Québec sauve 65 000 000 $, à peu près, à cause de la défiscalisation des pensions, puis le gouvernement fédéral 330 000 000 $.

Alors, à ce moment-là, finalement, on pense, au niveau de la défiscalisation, que ça devrait être un choix discrétionnaire. C'est-à-dire que, quand ça avantage les deux parents, bien, à ce moment-là, continuons avec le système actuel; si ça ne les avantage pas, ne continuons pas. Ne pas imposer des choses qui peuvent désavantager surtout les familles pauvres.

Mme Harel: Alors, si je comprends bien, après la présentation de votre mémoire, est-ce que je vous interprète mal si je conclus, pour moi, en tout cas, que ce que vous souhaiteriez, votre objectif, si vous aviez à nous proposer un modèle qui vous semble idéal, ce serait celui qui reposerait sur une contribution financière volontaire?

M. Ménard (Yves): Pas pour les besoins essentiels, pour des raisons pratiques, là. Je veux dire, les besoins essentiels, c'est à tous les jours que l'enfant doit manger, puis, bon, il faut qu'il s'habille, mais, pour les besoins de luxe... Finalement, il ne faut pas faire ça seulement en pensant aux pensions alimentaires, c'est qu'il faut regarder l'ensemble du problème de la famille. C'est que, ça, ça ne fonctionne pas si on ne permet pas au père de s'impliquer comme parent auprès de ses enfants. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est: Ne regardez pas seulement la pension alimentaire, regardez l'ensemble des problèmes de la famille. Permettons au père de s'impliquer auprès de ses enfants et, dans 85 à 90 % des cas, il n'y aura pas de problème. Alors, ça ne sert à rien d'éviter que les pères... d'enlever les bons pères, finalement, puis de les faire décrocher, quand, finalement, il y a juste un problème avec 10 ou 15 % des pères.

Mme Harel: Bon, écoutez. Là, donc, vous nous dites: Oui à la pension alimentaire pour les besoins essentiels. C'est ce que je comprends?

M. Ménard (Yves): C'est ça, oui.

Mme Harel: Parce que vous avez tenté de faire une démonstration sur le fait que la pension alimentaire, c'était discriminatoire. Ça, là, je dois vous dire que c'est une drôle de démonstration. Ça, c'est de l'ordre des aliments.

Vous êtes conscient que ça appartenait au code Napoléon, avant le Code civil de 1866 qui a été en profondeur révisé il y a trois ans maintenant, et, avant le code Napoléon, c'était dans la Commune de Paris. L'obligation alimentaire, c'est une obligation entre ascendant et descendant et c'est une obligation qui est amenée par le mariage. Vous savez qu'il n'y a pas d'obligation alimentaire pour les conjoints de fait. Donc, c'est une obligation qui existait avant les chartes et qui va exister après les chartes.

Je dois vous dire que... Je ne sais pas où... En tout cas, je vous propose de ne pas reprendre cette explication-là, cette démonstration-là, parce que je pense qu'elle ne vous mène nulle part. Sincèrement, j'ai l'impression qu'elle ne vous mène absolument nulle part, étant donné que vous-même reconnaissez – c'est ce que vous venez de me dire – qu'il y a besoin, pour les besoins essentiels d'un enfant, d'une obligation alimentaire qui soit autre chose qu'une contribution volontaire.

M. Ménard (Yves): Quand vous dites que ça ne nous mène nulle part, là, c'est juste que les femmes, dans les années vingt, se faisaient dire la même chose; les Noirs qui voulaient aller à l'université, aux États-Unis, dans les années quarante, se faisaient dire la même chose aussi. On est d'accord, au niveau de la contribution alimentaire, c'est la forme que ça prend.

Les grands-parents ont dit la même chose que nous autres: On va contribuer au bien-être de nos petits-enfants, mais on ne veut pas ça sous la forme d'une pension alimentaire. Alors, nous, on dit la même chose: On les aime, nos enfants, laissez-nous le droit de les aimer, nos enfants, puis vous n'aurez pas de problème.

Le système actuel, en donnant, finalement, le gros lot à la personne qui a la garde, bien, ça encourage les batailles puis ça encourage à éliminer carrément l'autre parent. Alors, c'est ça qu'on ne veut pas.

(20 heures)

Mme Harel: Mais, M. Ménard, regardez bien. Les grands-parents, ce qu'ils ont dit, là, pour avoir assisté à la consultation qui était menée par mon collègue Paul Bégin, c'était: Laissez-nous une contribution volontaire, parce que ce sont nos enfants qui doivent avoir une contribution obligatoire. Alors, ce que les grands-parents disent, c'est: Faites-nous pas jouer le rôle des parents. Ils n'ont jamais dit que les parents devaient à leur tour aussi se départir de leurs responsabilités à l'égard de leurs enfants, ils concevaient ça comme étant une responsabilité obligatoire. C'est une obligation alimentaire, c'est une obligation d'aliments. Le gros lot... J'ai bien de la misère à vous suivre, moi, sur le gros lot. Un gros lot qui fait que, dans les derniers, derniers résultats... C'est les études les plus récentes, qui ont été faites par l'Université Laval. C'est tout un gros lot, ça, une diminution de 37 % du niveau de vie des familles dont le chef de famille est une femme, après une rupture, alors que le niveau de vie des hommes connaît immédiatement une hausse de 4 % après une rupture. C'est tout un gros lot, ça, de baisser de 37 % son niveau de vie alors que le niveau de vie des hommes, après une rupture, se maintient et augmente autour de 4 %!

Je veux bien, vous savez, que chacun de vous ayez des expériences de vie douloureuses et qui sûrement vous donnent raison, mais, en même temps, il ne faut pas que l'arbre nous empêche de voir la forêt, là. Dans la moyenne... Ça, ce n'est pas des chiffres traficotés, là, ce que je vous cite, c'est des chiffres dont toutes les études sont concluantes. Alors, il doit bien y avoir quelque part comme un problème assez grave qui vaille la peine qu'on le corrige.

M. Ménard (Yves): Au niveau de la contribution obligatoire pour les grands-parents, comme vous disiez, pour les besoins essentiels, on a dit que, pour des raisons pratiques, on est d'accord. C'est quand vous allez chercher la totalité des ressources. On n'est pas d'accord, par exemple... Vous dites dans votre document: Si le père a les enfants 25 % du temps, on va reconnaître 5 % de dépenses, alors que, dans la réalité, ce n'est pas ça.

Vous parlez de cette étude-là. Moi, j'ai vu d'autres études, celle du Conseil du statut de la femme, et ça disait un petit peu des choses semblables, mais c'était sur des données qui dataient de 1982 à 1986, et puis on n'avait pas soustrait la pension alimentaire qui était payée par le père pour faire le calcul. Alors, si on soustrait la pension alimentaire, bien, à ce moment-là, ça change les données, surtout aujourd'hui, parce que, en 1986, les pensions alimentaires n'étaient pas faites comme aujourd'hui.

Au niveau de la hausse de 4 %, comme je vous dis, je n'ai pas vu cette nouvelle étude là. Je ne sais pas si elle a été faite dans le même esprit que celle de 1986 et je ne sais pas sur quelles années ça se tient. Et je ne sais pas si c'est une moyenne. Je ne sais pas si... Il y a des choses que je ne sais pas. Il y a une chose qui est sûre, ça ne doit sûrement pas tenir compte de la contribution volontaire qui est faite par le père au moment où il reçoit les enfants, et puis ça ne tient sûrement pas compte non plus de la perte, au niveau affectif, qui est engendrée par le fait, finalement, de ne plus être considéré comme un parent.

On va dire qu'il y a une surcharge de travail pour la personne qui a la garde. Souvent, on s'aperçoit que nos membres voudraient participer à cette surcharge-là, mais, finalement, il y a obstruction pour des raisons monétaires, parce que les pensions alimentaires, aujourd'hui, on voit souvent nos membres qui paient 40 %, 50 %, 60 %. Le pire cas qu'on a vu, c'était 96 % de son salaire en pension alimentaire. Alors...

Mme Harel: Alors, écoutez, il y a peut-être un autre aspect qu'il est important de relever, c'est celui des besoins essentiels. Je comprends donc que vous convenez qu'il faut une pension alimentaire pour les besoins essentiels. Je ne me trompe pas, là?

M. Ménard (Yves): Non.

Mme Harel: Alors, là, ce que vous dites dans votre mémoire, c'est que les besoins essentiels ne sont pas les mêmes que ceux qui ont été utilisés dans la grille qui est déposée.

M. Ménard (Yves): C'est ça.

Mme Harel: Vous savez comment a été constituée cette grille. Vous savez que ça l'est à partir des dépenses normalement encourues pour des enfants, en fonction du revenu familial. En fait, ce que ça prend en considération, c'est neuf... si vous voulez, neuf éléments. Je vais vous les énumérer dès qu'on les aura retrouvés. Alors, les neuf éléments...

Alors, les neuf éléments sont les suivants: alimentation, logement, communications, entretien ménager, soins personnels, habillement, ameublement, transport et loisirs. À partir de ces neuf éléments, je ne sais pas... Lesquels vous paraissent ne pas constituer des besoins essentiels? Ça, c'est peut-être ma première question. Les éléments vous étaient transmis dans le document concernant la grille qui vous a été envoyé. Alors, lesquels n'appartiendraient pas à des besoins essentiels?

M. Ménard (Yves): Bien, je vais vous donner un exemple. Par exemple, au niveau de l'alimentation – c'est un exemple un petit peu bête, mais... – admettons que, quand les parents vivaient ensemble, les enfants mettaient des crevettes sur leurs toasts le matin. Alors, qu'est-ce qui arrive une fois qu'il y a une séparation? Est-ce que c'est préférable que les enfants continuent de mettre des crevettes sur leurs toasts le matin, chez la mère, puis, quand ils vont chez le père, ils n'ont plus rien à manger, ou si c'est préférable, peut-être, de diminuer un petit peu la qualité de la nourriture qu'ils avaient, au niveau des crevettes, chez la mère puis que, finalement, ils soient heureux et chez le père et chez la mère? Ça dépend, donc, comme je vous dis, c'est quoi, l'alimentation. Au niveau des loisirs, par exemple...

Mme Harel: Si vous me permettez, M. Ménard, je vais tout de suite vous indiquer que l'estimation n'a pas été faite en fonction de ce que chaque famille dépensait. L'estimation a été produite au moyen des statistiques de consommation des ménages canadiens pour des couples sans enfant, comparé aux ménages canadiens des couples avec un, deux ou trois enfants. Les dépenses ont été compilées, puis ça a été comparé afin de déterminer les dépenses attribuables aux enfants pour un même niveau de revenu. Par exemple, ils partent avec un même niveau de revenu, disons 20 000 $ à 30 000 $: Qu'est-ce que dépense un couple sans enfant? Qu'est-ce que dépense un couple avec un enfant? Qu'est-ce que dépense un couple avec deux enfants? Qu'est-ce que dépense un couple avec trois enfants? Et c'est à partir de là, finalement, donc en vertu du revenu total familial, que le coût des enfants a été établi.

Même, on a eu beaucoup de critiques, pendant les trois journées, en disant: Ce n'est pas assez. Parce que c'est évident que c'est le minimum. À 100 000 $, le montant, en proportion, n'est pas tellement plus élevé que, mettons, à 30 000 $, parce qu'un enfant, même si vous augmentez de revenu, finalement, dans ces éléments de base là, ne vous coûte pas nécessairement beaucoup plus. Mais ce que je veux que vous sachiez, c'est que la grille, elle n'a pas été bâtie en fonction, si vous voulez, de crevettes sur des toasts. La grille a été établie en fonction de la comparaison de ce que des familles moyennes, normales, dépensent pour leurs enfants.

M. Camus (Sylvain): Si j'ai bien compris, Mme la ministre, dans la grille, c'est les couples seuls, donc des couples en tant que tels. Puis, deuxièmement, des familles biparentales, d'où ça vient? Donc, des couples où il y a deux personnes pour supporter les enfants, ce qu'on dit à la page 9. Alors, à l'intérieur de ça, les problèmes qu'on retrouve, c'est les problèmes qu'on retrouve à la base en jurisprudence, tant au Québec qu'ailleurs, c'est de toujours arriver à dire qu'il faut essayer de contribuer, autant que possible, à supporter le niveau de vie des enfants tel qu'il l'était avant la dissolution du mariage.

Alors, le problème, c'est les contraintes qu'on fixe puis le poids des contraintes qu'on met sur le dos des payeurs de pensions alimentaires, les pères habituellement, de plus en plus. Alors, si un père a un revenu qui rentre moins, ou la mère a un revenu qui rentre moins, lorsqu'un couple est ensemble, bien, s'il faut baisser le niveau de vie des enfants, on va le faire automatiquement. Alors, on a une certaine flexibilité, alors que là, le problème, c'est tout le manque de flexibilité. On dit: Oui, oui, il faut regarder les choses, c'est beau, il faut avoir de la souplesse vis-à-vis des enfants, mais on ne regarde pas c'est qui, principalement, le payeur, puis c'est quoi, l'absence de flexibilité qu'il y a chez le payeur. C'est ça, le problème de fond, puis c'est là que la grille ne résout rien, de ce côté-là, au problème de fond qui existe actuellement, avant la grille, puis qu'il va y avoir après. On essaie.

Mme Harel: C'est quoi, le problème de fond, selon vous?

M. Ménard (Yves): Bien, je peux vous donner un exemple au niveau des loisirs... parce qu'on a parlé de la nourriture, maintenant on parle au niveau des loisirs. Admettons que l'enfant, quand il était dans une famille ordinaire, à ce moment-là, bien, il y avait tant de dépenses au niveau des loisirs. Maintenant, la famille éclate. Donc, à ce moment-là, on dit: Bon, bien, s'il y avait tant de dépenses au niveau des loisirs, bien, on va envoyer ça chez la mère. Sauf que peut-être que c'est des dépenses qui étaient faites parce que le père faisait des activités avec ses enfants, et, maintenant, ces activités-là ne seront plus faites avec le père parce que l'argent qui était consacré à ces activités-là s'en va chez la mère. On ne comprend pas pourquoi... Oui?

Mme Harel: M. Ménard, je m'excuse de vous interrompre, mais la grille n'est pas faite comme ça. La grille n'est pas faite en fonction de ce qui s'était dépensé avant. La grille n'est pas faite en fonction de ce que, par exemple, le père dépensait en loisirs avec un enfant qui n'est plus avec lui mais avec la mère. La grille est faite en fonction des neuf besoins essentiels, qui sont juste pris en considération dans la comparaison, à revenu égal, de familles avec enfants ou sans enfant. C'est des moyennes, là. Ça signifie, dans le fond, qu'une famille avec enfants dépense tant. Ça, ça permet de savoir combien coûte un enfant par rapport à une famille sans enfant.

(20 h 10)

M. Ménard (Yves): Oui. Ça va, ça. Sauf qu'une fois qu'on sait combien coûte un enfant, après ça on dit: Bon, bien, on envoie cet argent-là chez le parent qui a la garde. Alors, on ne tient pas compte du fait que le parent qui n'a pas la garde, lui aussi dépense de l'argent pour ses enfants, surtout s'il est impliqué encore comme parent. Alors, à ce moment-là, c'est pour ça, vous me dites: Bon, c'est une dépense moyenne. Mais ces dépenses-là qui se faisaient avant, quand la famille était unie, ne se feront pas nécessairement une fois que la famille est éclatée. Donc, à ce moment-là, la personne qui reçoit l'argent qui est destiné aux enfants, mais qui n'est pas intéressée à faire, par exemple, ce genre d'activité là, ne le fera pas. Alors, où va l'argent? Bien, l'argent va dans les poches de madame; il ne faut pas se le cacher, ça arrive. Donc, c'est là-dessus, on en a contre ça. On dit que le père, il faut continuer de lui laisser un pouvoir discrétionnaire, comme la mère en a, finalement, et comme c'est dans les couples mariés. C'est pour ça qu'on dit que ça va contre la Charte, parce qu'on dit qu'il doit continuer de contribuer lui-même, sur une base volontaire, au bien-être de ses enfants, surtout pour les besoins qui ne sont pas des besoins de base, essentiels.

M. Camus (Sylvain): Tantôt, Mme la ministre, vous mentionniez que l'arbre empêche de voir la forêt. Mais il y a certains grands arrêts de jurisprudence, Lévesque contre Lévesque, Willick contre Willick, qui marquent vraiment le droit familial en profondeur. Puis, avec ces arrêts-là, on est allé jusqu'à dire: Bien, le père, même s'il reste en maison de chambres, ce n'est pas important. Mais, si tu es en maison de chambres puis que tu veux recevoir tes enfants, comment tu t'arranges? Alors, là, on a commencé à reconnaître certains besoins essentiels du père, mais c'est des besoins essentiels très minimaux. Par exemple, les questions de transport. On a parlé du transport pour l'enfant, mais est-ce qu'on a parlé du transport pour le père? Est-ce qu'on a parlé des droits d'accès pour le père à ses enfants, les droits d'accès habituels, même si c'est quelqu'un qui n'est pas en région éloignée? Alors, ça, on ne le mentionne pas en tant que tel. Alors, c'est là que le père, finalement... Ça reprend le modèle monoparental, puis on voit le père qui demeure foncièrement un pourvoyeur, malgré certaines ouvertures du modèle. Il n'arrive pas...

M. Ménard (Yves): Par exemple, au niveau du transport, s'il y a des sommes qui sont allouées pour une automobile parce que la personne a trois enfants, bien, à ce moment-là, quand les enfants s'en vont chez le père, est-ce que les enfants peuvent bénéficier de l'automobile de famille? Finalement, non. Comment ça se fait? Bien, c'est là-dessus. C'est que les pères n'ont pas les moyens de s'occuper de leurs enfants. On leur dit: Vous contribuez pour vos enfants. Mais, finalement, quand les enfants sont avec le père, bien là, ce n'est plus important.

Mme Harel: Est-ce que vous suggéreriez que le père ait l'usage de l'automobile durant le temps où il a ses enfants?

M. Ménard (Yves): Bien, c'est qu'il faut cesser de dire, d'abord, que c'est une pension alimentaire pour enfants si les biens qui sont achetés pour les enfants ne suivent pas les enfants. Ça, c'est la première chose. Donc, une pension alimentaire pour enfants, finalement, ça n'existe pas tant qu'on ne s'assure pas que ces sommes-là s'en vont aux enfants. Donc, pour l'automobile, ce serait facile, ça pourrait suivre les enfants. Mais il y a des choses, c'est plus difficile. Par exemple, une piscine creusée, c'est plus difficile de la déménager les fins de semaine. Donc, à ce moment-là, c'est pour ça qu'on dit: Laissons un pouvoir discrétionnaire aux parents. Mais, pour ça, c'est très important de continuer de les impliquer en tant que parents.

On sait que ça fonctionne à 85 %, à 90 % des cas. Avec l'approche monoparentale, ce qu'on sait aussi, c'est qu'il y a 50 % des pères qui décrochent, et ça devrait aller en augmentant avec une loi comme celle-là qui va faire en sorte que, finalement, les pères n'auront plus les moyens de recevoir leurs enfants. Alors, nous, on dit: Les enfants ne veulent pas divorcer de leurs parents. Alors, il y a des mécanismes, si on est d'avant-garde, si on veut briser les tabous, comme je disais tantôt, qu'il faudrait absolument essayer. Parce que la méthode actuelle, de toute façon, quand les enfants du divorce vont prendre le pouvoir, ils vont tout balayer ça puis ils vont revenir avec une approche biparentale, ils ne resteront pas avec une approche monoparentale. Les enfants du divorce ne seront pas d'accord avec ce genre d'approche.

Mme Harel: Moi, je me sens très mal à l'aise avec les orientations que vous exposez, je vous le dis bien simplement, parce que j'ai l'impression qu'il y a quelque chose de très vindicatif. On a eu ici, d'ailleurs, des groupes qui vous ont précédés, qui l'ont été en sens contraire. Et, d'un côté comme de l'autre, je pense qu'on n'est pas gagnant à tenter, si vous voulez, de présumer de la mauvaise foi ou de la bonne foi... présumer, plutôt, de la mauvaise foi d'un côté comme de l'autre. Je trouve ça assez embêtant, parce que je comprends que vous plaidez pour vous-mêmes, et je suis convaincue que ceux qui sont ici ce soir sont certainement des pères responsables qui ont à coeur de plaider pour une paternité responsable, ça, j'en suis absolument certaine, mais, en même temps, je suis mal à l'aise parce que vous avez l'air d'excuser tous ceux qui ne font pas ça correctement.

Puis, pour vous dire la vérité, ce n'est pas les lois qui les provoquent à ne pas faire ça correctement, c'est parce qu'on constate que ce n'est pas fait correctement qu'on adopte des lois. Ça me met bien, bien mal à l'aise. D'autant plus qu'il y a un parti pris. Moi, je sens un parti pris dans ce que vous exprimez, comme si, par exemple, les besoins essentiels des enfants, ce qui était finalement identifié comme tel, là... Après, en plus de ça, c'est au prorata du revenu des parents. Nous, notre grille, les deux sont à contribution et sont mis à contribution, et c'est au prorata de leurs revenus. Vous avez vu que dans la grille, de toute façon, il est bien possible qu'un parent gardien paie plus qu'un parent non gardien, à un moment donné. C'est la différence avec la grille fédérale, effectivement, si le parent gardien a des revenus plus élevés. Alors... Mais il y a un parti pris. Moi, c'est ça qui me rend mal à l'aise, c'est votre parti pris.

M. Camus (Sylvain): Bien, Mme Harel...

M. Ménard (Yves): Sylvain voulait absolument parler.

M. Camus (Sylvain): Mme Harel, nous autres aussi, on est très, très mal à l'aise vis-à-vis de la situation juridique des pères. Un divorce, une séparation, par rapport aux enfants, ça commence comment? Des fois, quand la police vient, elle va vous dire, même si c'est monsieur qui a porté la plainte: Bien, monsieur, vous avez deux choix: vous mettez madame dehors, parce que vous avez fait la plainte, avec l'enfant ou vous partez et vous laissez l'enfant là. Alors, en partant... On n'a pas notre enfant en partant. C'est comme ça que ça commence, et, après ça, ça continue de différentes façons et il y a beaucoup d'abus. Alors, de dire que parce qu'on serait partisans, qu'on serait de mauvais pères, qu'on essaie de faire sauter la bâtisse, on pourrait dire, d'une certaine façon, il y a un côté excessif.

Quand on va dans un CLSC et qu'on dit: Il faut contrer la violence contre les hommes en tant que telle – parce que c'est les hommes, au niveau familial, qui font de la violence – et qu'on voit un poster avec l'homme qui pointe du doigt et la femme qui a les bras croisés, je pense que c'est un poster sexiste, parce que j'ai vu des rapports, en Ontario entre autres – et c'est soulevé par la sénatrice Cools, au niveau de la violence – et les plaintes de violence dans les familles vis-à-vis des abus vis-à-vis des enfants sont habituellement faites contre les mères: 60 % des cas d'accusation de violence sont contre les mères. Et on dirait: Les pauvres victimes, encore là, ce sont des femmes, des petites filles. Mais non, ce n'est pas des petites filles qui sont des victimes habituellement, ce sont des petits garçons. Alors, il y a une inquiétude.

Aussi, dans les abus sexuels, les cas d'inceste, les spécialistes s'entendent pour dire que c'est dans les cas familiaux, dans les cas où il y a des questions de garde d'enfants et de divorce qui incluent des enfants qu'il y a le plus d'accusations, le plus de fausses accusations, et ils varient leur jugement entre 30 % et 70 % des cas qui sont des fausses allégations, des fabulations.

Alors, on est pris comme ça. Les femmes sont une... On l'a montré dans le «Manifeste d'un salaud», il y a quelques années, comment on peut exagérer des chiffres et jouer avec les chiffres. Alors, si les femmes sont une classe de femmes oppressées, il y a quelqu'un qui les oppresse. Donc, c'est les hommes, les oppresseurs. Alors, il y a quelque chose de faux là-dedans. Alors, qu'aujourd'hui les hommes se lèvent, après 15 ans, et qu'ils commencent à s'organiser et à venir se présenter devant une commission parlementaire, on vient le faire à titre de pères, à titre d'hommes pour essayer de contrebalancer ça, pour essayer de s'entendre en fonction aussi des enfants, foncièrement, parce que c'est les enfants qui ont besoin des deux parents. Ce n'est pas l'homme qui a encore besoin de la femme ou la femme qui a vraiment besoin de l'homme, c'est d'abord les enfants.

C'est là-dessus qu'on essaie quand même... Même si on a, comme n'importe qui, une certaine vision qu'on pourrait dire corporatiste, on prêche pour nous-mêmes, on essaie de le faire avec une certaine crédibilité, et là il y a une exagération dans la crédibilité qu'on nous enlève dans toutes les fausses accusations. Et tout l'apport du féminisme, qui a été très bon – et vous vous sentez peut-être dérangée de ce côté-là, mais ça a été un grand apport pour notre société et ça doit continuer d'en être un – mais, à un moment donné, il y a des effets pervers et il faut contrer ça, d'une certaine façon, Mme la ministre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Sur ça, une très courte intervention, parce que je dois...

M. Ménard (Yves): Pardon?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une très courte intervention, parce que je dois...

M. Ménard (Yves): O.K. C'est parce qu'on...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...donner la parole à une autre députée.

M. Ménard (Yves): O.K. Quand on est d'accord, là, c'est... Je veux le souligner.

Bon. Vous dites qu'il ne faut pas présumer de la mauvaise foi d'un côté comme de l'autre. On dit la même chose. On dit: Il n'y a aucune contrainte, au niveau de la personne qui a la garde de ses enfants, pour vérifier si elle contribue selon sa juste part, à la cenne près. Vous présumez de sa bonne foi. Au niveau du père, on vous dit: Bien, faites ce que vous nous avez dit, finalement, présumez de la bonne foi aussi et ne mettez pas des contraintes. C'est tout.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Maintenant, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonsoir. Bienvenue à cette commission.

M. Ménard (Yves): Bonsoir.

Mme Loiselle: Au tout début de la consultation, la ministre a annoncé que le ministre de la Justice était pour mettre en place la médiation familiale, qui serait ouverte et gratuite à tout le monde, aux couples qui veulent s'en prévaloir. Est-ce que vous voyez la médiation familiale comme une approche biparentale?

(20 h 20)

M. Ménard (Yves): La médiation familiale, c'est une autre chose. C'est que ça va fonctionner seulement si un des deux parents n'a pas intérêt à boycotter le processus de médiation. Présentement, ce n'est pas comme ça, parce que, présentement, la femme sait qu'elle a tout intérêt à boycotter le processus de médiation parce que, après ça, elle retourne devant le juge puis le juge dit: Bon, bien, vous êtes la femme, ça ne marche pas, donc on vous donne la garde. Et, maintenant, on prend les ressources qui sont normalement attribuées pour l'enfant et on les envoie chez vous. Donc, le père n'a plus aucun rôle parental à jouer, sauf celui de guichet automatique.

Alors, c'est pour ça que ça ne marche pas. Il y a beaucoup de nos membres qui sont passés par la médiation. Il y a même, des fois, des membres qui avaient été obligés par le juge à aller en médiation. Madame est arrivée en médiation puis elle dit: Bon, bien, j'ai fini la médiation. Ça venait de finir. Donc, à ce moment-là, ça ne donne rien, la médiation.

La médiation fonctionne si les deux qui sont là ont intérêt à s'entendre et à être de bonne foi. Présentement, donc, ça ne fonctionne pas. On est pour la médiation, mais on est pour une vraie médiation, pas une médiation où un des deux peut ne pas faire de médiation parce qu'il sait, de toute façon, qu'il gagne le gros lot, l'affection de ses enfants, tout le pouvoir monétaire, le droit de déménager à Vancouver s'il veut puis laisser le père à Montréal. Ça, à ce moment-là, ça ne marchera pas. Donc, c'est pour ça que je vous dis qu'il faut voir ça d'une façon plus globale.

Mme Loiselle: Est-ce que vous voyez plus la médiation sur une base obligatoire?

M. Ménard (Yves): Pardon?

Mme Loiselle: Voyez-vous plus la médiation sur une base obligatoire?

M. Ménard (Yves): Il faudrait que ce soit obligatoire. Il faudrait que ça aille plus loin que ça. Il faudrait que, avant de faire une médiation pour savoir comment on partage les biens, on s'assure que les deux parents divorcent pour les bonnes raisons.

Ce qui arrive souvent, c'est que, parce que les lois sont injustes et créent deux catégories de parents, le bon puis le méchant, les avocats s'en mêlent. Vous allez voir un avocat puis tout de suite il vous dit: Bon, bien, là tu peux demander la grosse pension puis tu peux demander ci, tu peux demander ça. Alors, quelque chose qui était une petite chicane peut devenir une grosse chicane pouvant faire en sorte que, si deux parents sont dans une chicane temporaire à ce moment-là, c'est sûr qu'ils ne reviendront pas ensemble. Alors, il faudrait peut-être d'abord dire: On fait une médiation pour voir s'il n'y a pas possibilité de récupérer le couple, si c'est faisable. Si ce n'est pas faisable, bien, on passe à l'autre étape qui est de dire: Bon, bien, maintenant, vous, vous divorcez. Mais, peu importe ce qui va arriver après, on va vous considérer tous les deux comme des parents après. Donc, entendez-vous parce que, de toute façon, on va vous considérer comme des parents.

Présentement, ce n'est pas le cas parce que présentement, vous le savez, là, il y a un des deux parents qui n'est vraiment plus considéré comme un parent.

Mme Loiselle: Les représentantes de l'Association de médiation familiale, quand elles sont venues ici, la semaine dernière, nous disaient que, même dans des situations où les parents étaient en grave conflit, là, les deux, où ça ne marchait pas du tout, du tout, bien, ils acceptaient d'aller en médiation familiale parce que leur but premier était le mieux-être de leurs enfants, finalement, ils se retrouvaient... que, bon, peut-être qu'avec plus d'efforts que d'autres couples, en bout de piste, ils arrivaient à s'entendre et que, finalement, l'enfant se retrouvait avec une pension alimentaire plus élevée que ce qu'il aurait obtenu par la cour, s'il avait été par le biais du tribunal.

Alors, c'est pour ça que peut-être, même dans les situations de conflit entre les deux parents, il y a possibilité d'arriver à trouver un terrain d'entente par le biais de la médiation.

M. Ménard (Yves): Oui, sauf qu'il faut éviter que la personne soit en médiation puis qu'elle se fasse dire par le médiateur: Bien, de toute façon, si tu passes devant le juge, ça va être pire que ça. Avec les grilles qu'on propose, c'est ça qui va arriver. C'est qu'il y en a, des ententes en médiation. Il y a des parents qui sont vraiment de bonne foi, qui ne se laissent pas influencer par le courant social d'aujourd'hui, là, qui dit: Bon, l'autre parent ne sera plus un parent, là. Alors, à ce moment-là, ces personnes-là peuvent s'entendre.

Mais, de plus en plus, il va y avoir des parents qui vont être tentés de boycotter quand même ce processus-là. Alors, le nombre d'ententes qu'on a aujourd'hui, il risque d'y en avoir moins après. C'est ça, le problème.

M. Camus (Sylvain): Puis, disons, la médiation, ça s'inscrit beaucoup actuellement dans une tentative d'essayer de déjudiciariser le processus. Mais, au niveau des coûts sociaux, il y a un problème actuellement à appliquer ça, naturellement, parce qu'on fait affaire avec d'autres professionnels, puis c'est déterminé par le champ de compétence juridique, d'une certaine façon. Mais, de la manière dont on applique une médiation... Il y a différentes expériences qui se font actuellement dans différents pays, en différentes provinces. Mais il y a toujours... Alors, la médiation, ça peut être un mot vide. C'est un mot qui peut... Appliquer une médiation, comme... Les lois sur les pensions alimentaires vont avoir une certaine incidence, quand même, sur une médiation en tant que telle. Ça, on l'entend au niveau de différents pères qui viennent nous voir.

Alors, on peut aussi, finalement, selon ces lois-là, avoir une approche biparentale ou monoparentale à l'intérieur de ces lois-là, puis qui va influencer sur la médiation. Par exemple, la médiation familiale, à un moment donné, dans un cas, par exemple, où il y aurait une approche biparentale puis qu'on dirait: On donne les besoins essentiels, puis là on peut quand même essayer d'évaluer c'est quoi, les besoins scolaires des enfants, si on veut les envoyer... les projets qu'on peut avoir avec les enfants. Il y a des projets de médiation. Il y a des États, aux États-Unis, où la médiation va se baser peut-être plus sur un projet de vie commun, une orientation pour les enfants à moyen terme et à long terme, essayer d'élaborer ça.

Alors, là il peut y avoir un rôle éducatif qui est fait. Alors, si c'est quelque chose qui n'est pas contraint nécessairement par la loi, mais que la médiation est contrainte par la loi, par exemple, ça peut obliger les parents à se mettre ensemble puis à penser à dire: Bien, dans le cadre d'une approche biparentale, comment est-ce qu'on doit contribuer, disons, à l'avenir de notre enfant? Ça, c'est très important. La garde, est-ce qu'on doit vraiment faire une garde partagée? Est-ce qu'on doit faire un compromis? Il faut que je m'en aille à l'extérieur du pays, là, ou ailleurs travailler loin pendant un certain temps, pendant un an, ou faire des études à l'étranger. Est-ce qu'on fait un compromis de ce côté-là? On s'entend là-dessus. Alors, ça, c'est important dans le cadre du processus de médiation familiale. Ça doit favoriser la communication et l'entente, mais le processus juridique va jouer énormément là-dedans. Les paramètres qui vont être instaurés vont être très, très importants.

Mme Loiselle: Mais c'est gratuit. Ce qui a été annoncé, là, c'est une médiation familiale gratuite. Il n'y avait pas de...

M. Camus (Sylvain): Bien, je veux dire... Dans le sens de gratuit, je voulais dire que...

Mme Loiselle: Ça va être absorbé par le gouvernement, par...

M. Camus (Sylvain): Bien, par le gouvernement. C'est ça. O.K. Ha, ha, ha! Par le...

Mme Loiselle: Non, mais l'impact de la défiscalisation, le 71 000 000 $, si j'ai bien compris, c'est là que le ministre de la Justice va prendre les argents pour justement payer pour la médiation familiale.

M. Camus (Sylvain): Oui. Moi, je voulais juste vous rappeler, de ce côté-là, pour une mise en garde... C'est au niveau, on dit, des intérêts corporatistes. C'est bien, c'est peut-être très bien, ce qu'on vous a présenté, mais, moi, je me rappelle que lorsque, nous autres, on est allés se présenter devant le ministre Bégin, justement, pour les grands-parents, puis on s'est montrés contre une obligation alimentaire des grands-parents... Alors, les médiateurs familiaux, c'est sûr qu'eux autres étaient pour, parce que c'était quand même un créneau d'affaires pour eux. Alors, on peut transformer les choses en créneaux d'affaires, mais il faut voir à un moment donné c'est quoi, les vraies balises qu'ils vont avoir pour régler leurs problèmes, puis, ça, c'est important pour nous que l'approche biparentale permette d'inscrire la médiation familiale dans ce sens-là.

M. Ménard (Yves): C'est ça. Parce que la médiation, finalement, est faite dans un système judiciaire et politique qui a une approche monoparentale. Alors, c'est là que ça biaise les choses. Il y a sûrement plusieurs personnes qui ne veulent pas de l'entente mais qui la signent parce qu'elles savent que de toute façon ça va être une approche monoparentale qui va arriver en cour, puis, de toute façon, les lois s'en vont dans cette direction-là.

Mme Loiselle: Vous ne voyez pas du tout... La médiation, vous ne la voyez pas comme une approche biparentale?

M. Ménard (Yves): Non, parce que, comme je vous dis, il y a beaucoup de nos membres qui sont passés par le système de médiation...

Mme Loiselle: Oui, mais...

M. Ménard (Yves): ...et qui savent que, finalement, si madame boycotte le processus, ça se retrouve en cour, puis, en cour, c'est l'approche monoparentale. Donc, à ce moment-là, ce n'est pas une vraie médiation. Comme je vous dis, pour qu'il y ait une vraie médiation, il faut que tout le système, toutes les lois sur la famille soient faites avec une approche biparentale plutôt qu'avec une approche monoparentale, ce qui n'est pas le cas actuellement. Et on ne s'en va malheureusement pas dans cette direction-là, avec les lois des dernières années.

Mme Loiselle: Parce que les groupes qu'on a rencontrés à date et avec lesquels on a échangé au niveau de la médiation familiale, ils ont tous dit qu'ils étaient heureux de voir qu'il y avait cette possibilité-là maintenant de l'approche de médiation familiale, surtout de façon gratuite, et que les gens puissent en bénéficier avant, justement, de...

M. Ménard (Yves): Oui, on est pour ça, qu'il y ait de la médiation. Comme je vous dis, ça dépend de ce qui va arriver après. Ce qu'on sait, comme je vous disais, c'est que...

Mme Loiselle: Mais je n'ai pas vu de boycott de la part des femmes ou quoi que ce soit à ce niveau-là.

M. Ménard (Yves): Pardon?

Mme Loiselle: Vous avez parlé d'un boycott.

M. Camus (Sylvain): Ça peut être de la part de l'homme, des fois, dans certains cas, tu sais.

Mme Loiselle: Oui. Bien, c'est ça, là. Ha, ha, ha!

M. Camus (Sylvain): Moi, j'ai eu le plaisir d'aller à Montréal, au palais de justice de Montréal, assister comme observateur à la médiation familiale, c'est-à-dire juste les deux premières sessions, où ils donnent des informations. Alors, on va montrer c'est quoi, les effets psychologiques sur l'enfant, la séparation, etc. Ça, c'est très beau. Mais, comme je suis observateur, puis j'étais du groupe d'entraide, on m'a demandé de rester après puis d'échanger avec les professionnels qui étaient là, puis là tout le monde avait l'air bien gentil. Tu as de la misère à croire qu'ils sont en séparation quand tu les vois dans la salle. Ha, ha, ha! Mais là on m'a dit: Bien, une fois qu'ils partent, là, une fois qu'ils commencent à parler chacun de leur bord, les vrais problèmes commencent là.

Mme Loiselle: Font surface.

M. Camus (Sylvain): Alors, l'acceptation... Le médiateur va essayer de résoudre certains cas. Il y a tout le temps des patterns qui sont plus réglables que d'autres, mais... Pour les cas de dissension aussi, il y en a qui vont être applicables, mais il y a des cas où ça ne sera pas applicable. Puis quelqu'un qui veut vraiment faire payer l'autre peut vraiment, des fois, boycotter le processus en tant que tel pour arriver à ses fins.

M. Ménard (Yves): Ce qu'on ne sait pas non plus après, c'est qu'est-ce qui arrive. Si la médiation s'est faite sur une base monoparentale, combien il y a de pères qui décrochent après? Alors, nous, ce qu'on a vu, c'était 50 %, d'après une étude de Jean-François Saucier, qui est psychiatre, puis il dit: Parce que le père n'est plus considéré comme un père, bon, bien, à ce moment-là il décroche, dans 50 % des cas.

M. Camus (Sylvain): Puis il y a aussi un problème...

Mme Loiselle: Les pères qui décrochent, ça m'amène à... Pardon?

(20 h 30)

M. Camus (Sylvain): Une observation sur la médiation familiale en tant que telle. C'est qu'on disait là-bas, les spécialistes disaient qu'il y a à peu près 90 % de la dernière décision de séparation qui est prise par la femme, puis, comme c'est elle qui a pris la décision, elle est mieux préparée à la séparation et au divorce que le conjoint, que le père en tant que tel. Alors, elle arrive comme avec une longueur d'avance. Puis, en plus, le père, il croit encore à la conciliation, puis, des fois, en faisant de la conciliation, dans un deuxième temps, il va se trouver désenchanté, parce qu'il y en a, des fois, qui font des compromis en espérant que le couple va reprendre, ou autre.

Puis, en même temps, c'est que l'homme, son principal support affectif, c'était souvent sa conjointe; il a peu de support affectif à l'extérieur en tant que tel. Alors, là, il va se retrouver encore, au niveau affectif et émotif, pendant la crise, en pleine crise lorsque la médiation va se faire.

Alors, on ne dit pas que la médiation est mauvaise. Au contraire, on encourage la médiation. Mais ça va demander des supports extérieurs, comme nous autres, comme groupe, l'appui qu'on donne aux pères en tant que tel, puis au niveau de l'État, au niveau quand même de certains choix sociaux qui doivent quand même essayer d'être orientés à travers la justice, comme la médiation.

Mme Loiselle: D'accord. M. Ménard, vous avez fait mention tantôt des pères qui décrochent. Ça m'amène à vous poser la question au niveau des travailleurs à faibles revenus qui voient – vous en parlez dans votre mémoire – le montant de leur pension alimentaire... Si le parent gardien est sous l'aide de dernier recours avec ses enfants, il voit sa pension alimentaire, finalement, retourner dans les coffres de l'État et non pas dirigée vers son enfant.

Moi, j'ai la conviction que, ça, ça amène beaucoup de travailleurs à faibles revenus à être démotivés, à se sentir frustrés de savoir que la pension alimentaire qu'ils envoient pour améliorer le sort de leur enfant, finalement, ne se rend pas là mais retourne dans les coffres de l'État et, finalement, qu'il y a un glissement vers l'aide sociale pour ces travailleurs-là.

Au sein de vos membres, vous avez quand même plus de 1 000 membres, est-ce qu'il y en a qui ont vécu cette situation-là?

M. Ménard (Yves): Il y en a qui ont vécu ça, sauf qu'on n'a pas de chiffres là-dessus parce que, nous, on est un organisme très pauvre, très peu subventionné parce qu'on n'est pas politiquement correct...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Loiselle: J'aime votre franchise.

M. Ménard (Yves): Donc, il y a beaucoup...

M. Camus (Sylvain): ...du statut de la condition masculine pour avoir nos ressources financières.

M. Ménard (Yves): Donc, finalement, c'est qu'on a fait quelques statistiques, mais on n'a pas de statistiques précisément sur ce point-là. On a d'autres statistiques, mais pas là-dessus, par rapport à nos membres.

Mme Loiselle: O.K.

M. Ménard (Yves): Parce qu'on n'a pas le temps de faire ça, là. On est six, sept bénévoles qui viennent de se faire mettre dehors de notre CLSC, parce que ça a l'air qu'on est trop nombreux, le problème est trop grand. Bon, bien, à ce moment-là, il faut qu'on s'occupe de tout ce monde-là, puis il faut qu'on s'occupe de toutes sortes de problèmes qui nous arrivent à tous les jours. Donc, on n'a pas eu le temps de faire des statistiques très élaborées.

Mme Loiselle: Mais c'est une situation vécue.

M. Ménard (Yves): Oui, bien, c'est une situation... Finalement, ce qui arrive, c'est quand on parlait de pension alimentaire pour enfants, quand je dis que ça n'existe pas, bien, ça, c'est un beau cas. Ce n'est pas une pension alimentaire pour enfant, c'est une pension alimentaire pour l'État, dans ce cas-là.

Ce qu'on ne sait pas, c'est combien de mères, par exemple, ont dit que le père était disparu puis qu'il ne contribue pas du tout, alors que, finalement, il continue de contribuer en dessous de la table. Donc, tout ça, il y a un paquet d'affaires qui faussent les statistiques, qui font qu'on va accentuer l'image du père méchant qui ne veut pas contribuer, etc., alors que, finalement, ça ne représente pas la réalité.

Mme Loiselle: O.K.

M. Camus (Sylvain): Un des principaux problèmes qu'on rencontre, c'est des problèmes de garde: des pères qui veulent avoir des gardes partagées, qui veulent vraiment un accès aux enfants, qui veulent s'occuper de leurs enfants; puis, aussi, des problèmes de pensions alimentaires, en tant que tel, qui sont excessivement élevées: quelqu'un qui gagne 42 000 $, peut-être, avec son «overtime», 45 000 $, qui a payé une pension alimentaire à 20 000 $. Ça se voit.

M. Ménard (Yves): Ça, c'est courant, il y en a des pires.

M. Camus (Sylvain): Aussi, c'est une autre affaire, quand on met les taux beaucoup trop élevés... En tout cas, je vous laisse continuer pour ne pas m'écarter.

Mme Loiselle: Dans une de vos recommandations... pas recommandations mais propositions, vous dites au gouvernement que «l'idée de compensation pour droit de visite prolongée risque d'engendrer des griefs judiciaires pour limiter sous 20 % le droit des enfants de voir leur père».

La plupart des groupes qui sont venus nous voir, au niveau du temps, de la façon de calculer le temps partagé pour statuer la pension alimentaire, nous ont mis en garde... Parce qu'ils nous ont dit le contraire. Ils ont dit que plusieurs parents non gardiens demanderaient peut-être plus de temps de garde et, en bout de piste, ne respecteraient pas leur temps de garde mais le feraient pour obtenir une diminution de pension alimentaire. Ça, une grande majorité des groupes sont venus nous dire ça.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Loiselle: Vous pouvez rire, là, mais c'est ce qui a été dit en commission parlementaire par la plupart des groupes, et même... Alors, non, je vous le dis, ce n'est pas pour vous provoquer, c'est pour vous dire ce qui a été dit en commission, pour que vous soyez conscients de ce qui a été dit pendant que nous n'étiez pas ici. La plupart des groupes l'ont dit: On met en garde le gouvernement que, si vous allez avec ce nouveau concept de droit familial, il y avait peut-être cet abus-là qui pourrait générer de ce nouveau concept-là.

M. Ménard (Yves): O.K. Alors, ça, c'est parce que les gens, la culture de ces 10, 15 dernières années, c'était vraiment une culture monoparentale, c'est-à-dire de toujours considérer que le père est méchant. Donc, dans n'importe quelle situation, on va essayer de trouver la bibite.

Effectivement, on ne dit pas que ça n'arrivera pas, ce genre de chose là. Par contre, ces groupes-là, je ne sais pas s'ils vous ont parlé des pensions alimentaires que les gens recevaient, les parents gardiens, et qui étaient détournées pour leur bien-être personnel et même, dans certains cas, pour éloigner les enfants du père. Par exemple, on se sert de la pension alimentaire pour enfants et on les envoie dans un camp d'été plutôt que de laisser au père cet argent-là pour qu'il puisse faire des activités avec ses enfants. Alors, à ce moment-là, il y a une présomption de bonne foi de la personne qui reçoit la pension alimentaire. Pourquoi vous ne feriez pas une présomption de bonne foi, pour une fois, au niveau de...

Mme Harel: En général.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Camus (Sylvain): En général. Vous, en général. Ha, ha, ha!

M. Ménard (Yves): En général, c'est ça. Présumons de la bonne foi, comme Mme Harel le disait tantôt, tout le temps, et présumons-la, la bonne foi, à ce niveau-là, au niveau du respect des droits de visite, et mettons les mécanismes en place pour que les droits de visite soient respectés aussi. Parce que, ça, c'est important, parce que les fausses accusations pour éliminer le père ou les déménagements à des kilomètres et des kilomètres juste pour enlever le père de la vie des enfants, on voit ça de plus en plus souvent. C'est un problème qu'on voit de plus en plus.

Alors, comme je vous le dis, ça serait un pas en avant de dire: On présume de la bonne foi d'un côté, on va aussi la présumer de l'autre côté. Ou on présume de la mauvaise foi des deux côtés, mais n'allons pas à l'encontre de l'article 10 de la Charte des droits qui dit qu'on ne peut pas faire de discrimination selon le sexe ou l'état civil.

Alors, comme je vous le dis, je vous pose la question à savoir: Est-ce que ces groupes-là vous ont parlé des pensions alimentaires que les parents gardiens détournaient?

Mme Loiselle: Non.

M. Camus (Sylvain): Je voudrais juste rajouter...

M. Ménard (Yves): Bon. Ha, ha, ha!

M. Camus (Sylvain): ...une information là-dessus. Il y a actuellement une grande enquête en Ontario au niveau de la revue de la justice civile... Puis ce dont, nous autres, on se rend compte, premièrement, c'est que les droits du parent gardien sont de mieux en mieux protégés: les enlèvements internationaux, ces choses-là. Le parent gardien peut même décider de s'en aller à Vancouver, comme c'est arrivé récemment, même s'il est sur le bien-être social, même si le père travaille, etc., parce qu'il avait le droit de garde. Alors, il y a un droit absolu de partir comme ça, et ça a été reconnu tel quel.

Mais ce qui ressort de la justice civile, de leur enquête, entre autres, du moins de la critique des pères là-bas, c'est que ce sont les droits d'accès du parent non gardien qui ne sont plus respectés. C'est là que sont les problèmes. On a, dans les dernières années, protégé de plus en plus les droits du parent gardien: qu'on pense juste aux pensions alimentaires, la perception automatique. Juste parce qu'il y a un certain pourcentage, une minorité de pères qui ne paient pas, on a mis ça sur le dos de tous les pères. C'est rendu même qu'il y a des cas où on commence à dire: Bon, bien, on va suspendre les permis de conduire des pères. Je veux dire, mais qu'est-ce qu'on fait pour protéger les droits d'accès? On ne veut pas protéger les droits d'accès pour deux raisons: mettre une femme en prison, la pauvre mère en prison, mais on n'hésite pas, sur des accusations sommaires, à mettre le père en prison. Et il y en a beaucoup où les accusations ont été rejetées, en tant que tel, le pourcentage est aussi fort que les abus sexuels, sinon plus fort.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, il me reste deux minutes.

M. Copeman: Une chance. Merci, M. le Président. Messieurs, j'aurais beaucoup de choses à dire dans les deux minutes, là, mais on va tenter de se limiter à une question précise.

D'entrée de jeu, je trouve votre argumentation un peu difficile à suivre de temps en temps. Je ne sais pas si je suis vendu ou «politically correct», en tout cas, je n'ai pas l'habitude d'être «politically correct», mais ce n'est pas grave.

Dans votre définition de l'approche monoparentale, vous dites, à la page 6 de votre mémoire, qu'elle consiste essentiellement «à transférer la totalité des ressources financières pour les enfants chez le parent gardien». Si j'ai bien capté votre notion de la différence entre l'approche monoparentale et biparentale, l'approche monoparentale est coercitive, ça ne laisse quasiment aucune marge de manoeuvre, selon vous, parce qu'on transfère la totalité des responsabilités financières chez le parent gardien, ce qui enlève un peu la notion de ce que c'est être le père, si je suis bien votre raisonnement.

Est-ce que vous considérez qu'à un revenu brut de 30 000 $, une pension alimentaire d'un parent non gardien – mettons un père – de 2 560 $ constitue la totalité des ressources qui devraient être consacrées à un enfant?

M. Ménard (Yves): Ce qu'on sait, c'est...

M. Copeman: Ça représente 8 % du revenu brut et peut-être 10 % du revenu net. Autrement dit, n'y a-t-il pas une marge de manoeuvre, même quand on considère la pension alimentaire, pour cette contribution, soit financière ou autre, du parent non gardien pour maintenir le lien père-enfant?

M. Ménard (Yves): Ce qu'on nous a dit, ce que j'ai compris du document du gouvernement, c'était que... Non, c'est parce que, ici, je vois que le gars a un revenu disponible de 1 $ et il doit payer 500 $, là. Ça fait que ça dépend des exemples qu'on prend.

M. Copeman: Oui, mais...

(20 h 40)

M. Ménard (Yves): Ce qu'on a compris du document de consultation, c'est qu'on a calculé, on a fait des moyennes au niveau de ce que les familles dépensaient normalement pour les enfants et on prend ces chiffres-là et on dit: Bon, bien, ce montant-là, c'est le montant qui va aller chez le parent qui a la garde. Alors, peu importe le montant, c'est qu'on prend quand même la totalité des ressources pour les envoyer là.

Vous prenez un exemple où il y a un enfant, prenez-en un où il y en a deux, trois ou quatre, là, ça augmente. Si le parent gardien a un gros revenu, ça ne change rien, avec les grilles du fédéral, là, contrairement à ce que vous disiez tantôt, là. Mme Harel disait qu'on tenait compte du revenu du parent gardien, mais j'ai fait des comparaisons fédéral-provincial, puis, finalement, ça donne à peu près la même chose, si on gonfle les dépenses, puis on arrive aux mêmes chiffres, finalement, à peu près.

L'important, c'est ça. C'est qu'on dit: Voici, un couple qui gagne tant, il a tant de revenus, normalement, il devrait dépenser tant pour les enfants, et on envoie ça chez le parent qui a la garde. C'est ce principe-là. Pourquoi, par exemple, dans le document, on dit: Si la personne reçoit les enfants 25 % du temps, alors, à ce moment-là, on va soustraire de 5 % le montant de la pension alimentaire? C'est là-dessus. Ça enlève du pouvoir discrétionnaire au niveau des dépenses qui sont normalement attribuées pour les enfants. Alors, ça redevient une surcharge seulement pour le parent non gardien, et le parent gardien, lui, n'a pas cette surcharge-là. C'est le principe...

M. Copeman: M. Ménard, moi, je vous trouve pas mal bon politicien, parce que vous avez évité complètement de répondre à ma question.

M. Ménard (Yves): Ha, ha, ha!

M. Copeman: Sur un revenu brut de 30 000 $, est-ce que vous trouvez qu'une pension alimentaire de 2 560 $ représente la totalité des ressources qu'un parent non gardien va investir dans son enfant?

M. Ménard (Yves): Bien, là, si c'est les chiffres que vous avez sortis, normalement, c'est ce que ça représente. Normalement, là. Je ne sais pas, moi. Le gouvernement a entre les mains le montant minimum qui est nécessaire pour la survie d'un enfant. Alors, nous, on dit que c'est les chiffres qu'on devrait appliquer. Alors, 2 560 $, comme ça, pour un enfant, c'est sûr que ça va lui enlever une partie de son pouvoir discrétionnaire, parce que, si j'ai bien compris, il y avait les neuf besoins essentiels tantôt, alors, les neuf besoins essentiels sont couverts par ça. Si j'ai bien compris comment ça marche, vous pouvez m'arrêter si ce n'est pas ça. Mais, si j'ai bien compris comment ça fonctionne, c'est ça. Alors, comme je vous le dis, vous vous trouvez, à ce moment-là, à donner une surcharge du côté du parent non gardien seulement et uniquement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'excuse. Je dois terminer cette partie. Alors, M. Ménard et M. Camus, merci beaucoup de vous être présentés devant la commission, au nom de tous les membres de la commission.

J'invite maintenant les représentants de l'Association masculine d'entraide pour la famille à prendre place à la table immédiatement.

Je m'excuse si on va rapidement, c'est parce qu'on est en retard un petit peu, là.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, M. Lessard, vous voulez présenter les gens qui vous accompagnent et le titre, pour fins d'enregistrement, et vous pouvez commencer immédiatement votre présentation de 20 minutes maximum.


Association masculine d'entraide pour la famille (AMEF)

M. Lessard (Aurelien): Mon nom, c'est Aurelien Lessard, je suis président de l'Association masculine d'entraide pour la famille, et vous avez M. Jacques Pettigrew, secrétaire-trésorier, et M. Denis Pronovost, qui est membre de notre Association.

M. le Président, Mme la ministre, les membres de la commission, L'Association masculine d'entraide pour la famille, l'AMEF, est heureuse de présenter ses observations et ses recommandations sur le modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants.

L'AMEF regroupe des pères séparés ou divorcés dans la région de Québec. Elle souhaite la déjudiciarisation la plus complète de la procédure consécutive à la rupture d'union et surtout de la procédure établissant les arrangements nécessaires pour assurer la garde et la subsistance des enfants. Nous proposons le recours obligatoire à la médiation et nous préconisons, en plus, l'établissement présomptif de la garde conjointe en alternance comme disposition de base. En effet, le maintien du lien affectif entre l'enfant et son père constitue l'un des meilleurs programmes de prévention sociale qui soit et l'un des moins coûteux.

Le modèle de fixation des pensions alimentaires pour enfants tel que présenté ouvre la voie à une nouvelle approche en tenant compte du revenu des deux parents et en prévoyant une approche différente afin de responsabiliser les deux parents.

L'approche empirique employée, tel que décrit dans le modèle de consultation, ne peut être retenue. Ce n'est pas le coût de l'enfant qui augmente avec l'augmentation du revenu, mais plutôt l'investissement financier consenti par les parents qui augmente avec leurs revenus. Nous aimerions connaître à partir de quelle enquête furent élaborées la base d'échantillons ainsi que la formule de conversion pour en arriver aux grilles présentes.

L'AMEF ne peut souscrire au principe suivant: un des principes qui guident l'élaboration d'une grille de fixation veut que l'on se rapporte autant que possible à la situation que connaissait l'enfant avec ses deux parents, antérieurement à la rupture. Nous sommes maintenant en présence de deux unités familiales, nous devons tenir compte des dépenses supplémentaires occasionnées par la rupture.

Maintenant, j'aimerais que mon collègue Denis nous fasse part des iniquités sur le présent projet du modèle de fixation des pensions alimentaires.

M. Pronovost (Denis): M. le Président, Mmes et MM. les commissaires. Tel que nous l'avons énoncé dans notre mémoire, après avoir effectué nombre de recherches et d'études, nous avons trouvé certaines lacunes et iniquités dans le présent projet de modèle de fixation des pensions alimentaires.

Dans un premier temps, alors que le gouvernement prétend par ce projet veiller au meilleur intérêt de nos enfants, permettez-nous de nous interroger sur la crédibilité de cette affirmation. Au dire même de Mme la ministre – vous me corrigerez si je fais erreur – il y a actuellement, en 1996, 100 395 familles monoparentales au Québec. De ces 100 395 familles monoparentales, 74 % sont des familles comptant au moins un enfant de moins de six ans et dépendant de l'aide sociale. Certes, nous sommes très sensibles à ce phénomène devenu de plus en plus alarmant, c'est d'ailleurs pour cette raison que nous nous sommes interrogés à savoir si le projet proposé ici changerait quoi que ce soit à la situation précaire de ces familles. Avec la pratique actuelle du ministère de la Sécurité du revenu, la réponse est claire, nette et précise: Non. Tel qu'il a été mentionné dans notre mémoire et à quelques reprises durant les débats de cette commission, la totalité de la pension alimentaire reçue par le parent gardien est déduite de la prestation d'aide sociale versée à ces familles.

Comment pourrions-nous en conclure alors autrement que le modèle de fixation des pensions alimentaires proposé ici ne changera absolument rien à la condition économique de ces 75 000 familles monoparentales qui doivent dépendre de l'État? Devant une telle constatation, alors que le gouvernement prétend toujours défendre l'intérêt de nos enfants, il est permis de se demander si ce projet ne représente pas plutôt une méthode détournée et camouflée de privatiser une partie du système d'aide sociale et d'ainsi assainir les finances publiques.

Dans un deuxième temps, nous avons également fait mention que le présent projet comprenait une prime à la séparation pour le parent gardien. Cette iniquité, que nous ne pouvons que qualifier d'inacceptable, n'est qu'un incitatif à la dislocation des familles qui, par le fait même, va à l'encontre de toute politique visant la revalorisation de la famille. Cette prime, tel que nous l'avons démontré, ne peut se traduire que par une forte augmentation des ressources nettes du parent gardien, comparé aux ressources nettes dont il disposait avant la rupture.

Dans un souci de rendre équitable le modèle de fixation des pensions alimentaires, nous vous proposons une grille de calcul fort simple, que nous avons déposée devant vous il y a quelques instants, celle-ci portant le titre: «Rajustement des crédits et transferts de l'État liés à la présence des enfants». Nous avons mis sur pied ce calcul car nous considérons que la principale cause d'iniquité et d'injustice est le principe de garde exclusive actuel, qui demande la contribution financière des deux parents au prorata de leurs ressources disponibles mais qui laisse, par contre, la totalité des crédits et transferts au parent gardien.

Comme vous pouvez le constater en prenant connaissance de celle-ci, il est fort simple à effectuer. Il s'agit tout bonnement d'établir la moyenne entre le facteur de répartition des ressources disponibles et le facteur de répartition de la garde pour obtenir le facteur de rajustement des crédits et transferts de l'État liés à la présence des enfants.

Afin de s'assurer que celui-ci est effectivement équitable, nous avons effectué quelques simulations en considérant les différentes situations que nous pouvons rencontrer. Vous pouvez d'ailleurs en observer le principe dans l'exemple qui se trouve sur le document que nous vous avons remis. Parmi toutes les probabilités que nous avons envisagées, en aucun cas ces simulations ne nous ont semblé inéquitables. Cependant, il y a une exception et elle concerne justement ce qui se doit d'être considéré comme une exception, soit le cas d'une garde exclusive où le parent non gardien n'a absolument aucun contact avec ses enfants.

(20 h 50)

Ce qui nous amène à en conclure que l'adoption de cette proposition pourrait facilement devenir un standard aisément applicable pour l'ensemble des situations possibles lors des ruptures d'unions.

De plus, nous considérons que l'application de ce rajustement des crédits et transferts éliminerait les iniquités et les injustices dont nous avons fait mention dans notre mémoire, et plus particulièrement les deux cas que j'ai énoncés précédemment, soit celui des familles monoparentales dépendant de l'aide sociale ainsi que celui de la prime à la séparation. Comme nous sommes d'avis, pour que la mise en place d'un tel calcul soit un succès, qu'elle doit s'accompagner d'une présomption de garde conjointe dès la rupture familiale.

M. Lessard (Aurelien): Ce qu'on a voulu ici, la formule... Remarquez bien qu'on vous la soumet à titre de suggestion. D'après ce qu'on a pu simuler, elle ne présente aucune iniquité. Maintenant, cette formule-là... On nous avait posé une question lorsqu'on est passé devant la Commission sur la fiscalité, à savoir comment on devrait répartir les crédits de l'État. C'est à la suite de ça qu'on a sorti cette formule-là, ce qui nous permet de réajuster ce qu'on appelle, nous, la prime au divorce. Maintenant, tout ce qu'on va vous proposer ce soir, ça se fait dans un contexte où il y a une présomption de garde conjointe. Sur ce côté-là, j'aimerais que M. Pettigrew nous donne plus de détails.

M. Pettigrew (Jacques): Bonsoir, Mme la ministre, M. le Président, messieurs, mesdames de la commission.

Dans le cadre actuel de la rupture entre conjoints, la garde exclusive des enfants est accordée à la mère dans une proportion de plus de 80 %. Il existe une présomption incrustée dans la communauté juridique à l'effet que la mère est meilleure éducatrice que le père. Cette présomption tire ses origines de l'époque où les rôles parentaux étaient établis et prédéterminés par une division des tâches selon le sexe. Alors, on parle de la femme éducatrice demeurant au foyer et l'homme pourvoyeur et agent socialisant travaillant à l'extérieur.

Cette notion de garde exclusive n'est pas sans causer de multiples problèmes et de soulever des difficultés pratiquement impossibles à surmonter dans ce contexte rigide. La garde est la récompense de l'époux innocent, et la non-garde, la punition du coupable. Cet extrait est tiré de l'étude sur la paternité, par Germain Dulac, pour le Conseil de la famille en 1993.

Dans ce régime de garde exclusive avec ou sans droit de visite ou de sortie prolongée, le programme de fixation des pensions alimentaires pour enfants tel que proposé par le gouvernement du Québec s'avère inéquitable pour le parent non gardien et produit des effets indésirables, et ce, pour les raisons suivantes: il accorde une prime au divorce ou à la séparation au parent gardien. Et ça, nous allons l'expliquer un petit peu plus longuement par la suite, mais, en fait, selon les grilles qu'on a, on sait que le parent qui est avec ses enfants et qui vit dans la famille, lorsqu'il divorce, lorsqu'il se sépare ou qu'il y a une rupture, le parent gardien va avoir un revenu net, après impôts, et une fois la contribution alimentaire payée, supérieur au montant qu'il avait lorsqu'il vivait en couple. Alors, c'est ce qu'on appelle la prime au divorce ou à la séparation ou à la rupture.

Il accorde tous les crédits et autres transferts de l'État au parent gardien. Il ne tient pas véritablement compte des dépenses encourues par le parent non gardien lors des visites ou des sorties. Le parent non gardien se trouve, par le fait de la garde exclusive, déchu de l'autorité parentale et ne peut s'impliquer activement auprès de ses enfants et participer à leur éducation. Le parent non gardien est réduit au seul rôle de soutien financier.

Dans ce contexte, l'Association masculine d'entraide pour la famille considère que le mécanisme qui sera mis en place par le gouvernement du Québec pour la fixation des pensions alimentaires ne rencontrera pas les principes énoncés dans le document de consultation, soit affirmer la commune responsabilité des parents à l'égard de leurs enfants et maintenir autant que possible l'incitation des parents défavorisés à remplir leurs obligations alimentaires à l'égard de leurs enfants. Nous croyons que le parent non gardien pourra chercher à se désengager davantage de ses responsabilités affectives et financières dans cette situation.

Par ailleurs, la garde exclusive n'est plus justifiable aujourd'hui puisque la majorité des mères est sur le marché du travail. En effet, depuis 1977, de tous les nouveaux emplois à temps complet créés au Québec, neuf sur 10 sont attribués aux femmes. C'est tiré de «Statistiques chronologiques sur la population active», de 1995, Statistique Canada.

L'Association masculine d'entraide pour la famille est d'avis que le mécanisme de fixation des pensions alimentaires pour enfants serait la solution la plus appropriée si on l'appliquait à la garde conjointe, avec les modalités d'application de la garde conjointe. En effet, la garde conjointe permet un plus grand équilibre financier et une plus grande qualité des relations affectives tant pour le père que pour les enfants, ces derniers bénéficiant de la présence du père et de son apport éducatif. Nous croyons que la garde conjointe devrait être la règle et la garde exclusive l'exception. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Afin de réaliser ces objectifs d'équité dans le programme de fixation des pensions alimentaires pour les enfants et le partage entre les deux parents de la responsabilité du soutien financier des enfants en fonction des revenus respectifs des parents, l'Association masculine d'entraide pour la famille propose la disparition de la notion de garde exclusive et droit d'accès et de visite prolongée dans le formulaire de fixation des pensions alimentaires. Ce qui a été proposé par plusieurs lors de cette commission et, entre autres, par le Barreau, position que nous endossons.

La reconnaissance de la garde conjointe comme étant la règle et la garde exclusive l'exception par la création d'une présomption de garde conjointe lors de la rupture des conjoints.

La reconnaissance de l'exercice de l'autorité parentale conjointe de façon implicite, même après la rupture et la fin de la vie commune, en apportant la modification suivante au premier alinéa de l'article 600 du Code civil du Québec... Alors, on pourrait ajouter: Même après la rupture de la vie commune, les pères et mères exercent conjointement l'autorité parentale. C'est une proposition, ça peut être autre chose qui va dans ce sens-là.

Le rajustement des crédits d'impôt et autres transferts en fonction du facteur de répartition des crédits et transferts de l'État liés à la présence des enfants par l'incorporation du facteur de rajustement – le document qu'on vous a remis – de crédits dans le formulaire de fixation des pensions alimentaires pour enfants. Alors, dans les documents, il y a déjà des formulaires de prévus. On parle de l'incorporation de ce facteur de rajustement.

La déjudiciarisation des conséquences de la rupture familiale par le biais de la médiation. L'Association masculine d'entraide pour la famille approuve la proposition du ministère de la Justice rendant obligatoire la médiation comme étape préalable – et c'est important – à la déjudiciarisation dans le cas de demande de garde d'enfants, contestée ou non.

L'AMEF approuve la procédure sommaire devant le greffier spécial dans le cas d'entente entre les parties suite à une médiation.

L'AMEF suggère la possibilité – c'est une suggestion – une simple possibilité d'exiger la production d'un rapport du médiateur dans le cas d'échec de la médiation, pour augmenter l'efficacité de la médiation et la déjudiciarisation.

Si l'on accepte le principe de la présomption de la garde conjointe, aucun des parents n'aura avantage à ne pas s'entendre sur les modalités de la réorganisation provoquée par la rupture puisque les deux parents seront reconnus législativement comme égaux et possédant une capacité parentale comparable.

Enfin, l'AMEF est en mesure de constater que le mécanisme de fixation des pensions alimentaires proposé par le gouvernement du Québec est avantageux et fort simple d'utilisation. Bref, nous saluons la décision du gouvernement du Québec d'établir les grilles afin de faciliter le calcul des pensions alimentaires attribuables aux enfants en tenant compte du revenu disponible de chaque parent. Merci.

(21 heures)

M. Lessard (Aurelien): L'AMEF accueille avec satisfaction le principe de procéder par tables de référence pour déterminer la pension alimentaire. C'est reconnaître et admettre que le système actuel ne fonctionne plus; c'est reconnaître et admettre que la solution à un conflit familial ne peut se trouver dans l'affrontement; c'est reconnaître et admettre que, dans l'intérêt de toutes les parties, dans le droit de la famille, le processus d'affrontement devrait être complètement exclu. On doit chercher les objectifs suivants: faire en sorte de ne pas exclure l'un des parents, assumer la participation financière des deux parents, reconnaître que la sécurité affective des enfants est aussi importante que la sécurité financière et économique. L'État doit aussi préconiser la collaboration des deux parents au soutien de leurs enfants et promouvoir l'équité, répartir équitablement les coûts reliés à l'enfant, suivant le facteur de rajustement que nous proposons, rechercher l'efficacité, élaborer un ensemble de mesures qui incitent les ex-conjoints à retrouver le plus rapidement possible leur autonomie financière, éviter les effets pervers de mesures susceptibles d'inciter au décrochage des ex-conjoints du marché du travail pour recourir au système de sécurité du revenu, viser la neutralité, éviter d'instaurer des mesures se traduisant par des gains financiers nets suite à la rupture d'union et susceptibles d'inciter l'un ou l'autre conjoint à mettre fin à l'union, éviter d'implanter des mesures qui pénalisent les ex-conjoints au moment de la recomposition d'un nouveau ménage avec une nouvelle partenaire.

En conclusion, l'AMEF est disposée à souscrire au principe de l'établissement de barèmes pour la fixation des pensions alimentaires. Ceux-ci favoriseraient aussi une plus grande transparence. La mise en place de barèmes pour fixer les pensions alimentaires devrait être conçue de manière à favoriser la déjudiciarisation et à tenir compte du coût de garde des enfants pour l'autre parent. L'introduction d'un système de barèmes ne doit pas donner lieu à un double standard, indépendamment si le soutien des enfants est assuré par leur père ou la sécurité du revenu. Rien dans le projet n'assure que la prestation versée par le père pour assurer la subsistance de ses enfants ne sera pas purement et simplement confisquée par le ministère de la Sécurité du revenu lorsque la mère sera prestataire de l'aide sociale, continuant ainsi de lier le père au comportement de la mère de l'enfant. Dans ce cas, l'AMEF propose que le père assure la garde financière de l'enfant et qu'il bénéficie des crédits fiscaux selon le facteur de rajustement. La grille proposée ne satisfait pas au plan de l'équité en enlevant à l'autre parent tout regard sur les dépenses des enfants, au plan de l'efficacité, en incitant les autres parents à faibles revenus à quitter le marché du travail et à joindre les effectifs de la sécurité du revenu; au plan de la neutralité, en y créant une incitation monétaire substantielle au profit des éventuels parents gardiens, le plus souvent la mère, à recourir au divorce ou à la séparation.

Plusieurs approches sont possibles: privilégier la garde conjointe, modifier les méthodes de calcul, partir du point de vue que la garde conjointe est présomptive, c'est la garde exclusive qui est l'exception. Puis, ce qu'on remarque un petit peu aujourd'hui avec une garde exclusive, c'est qu'on est beaucoup plus en présence d'une lutte de pouvoir que de recherche du bien-être des enfants. En effet, l'approche préconisée de transférer les revenus du père à la mère pour qu'elle puisse les administrer à son seul jugement... Et, nous, on demande encore que la garde conjointe avec alternance soit la règle. M. le Président, Mme la ministre, membres de la commission, l'AMEF veut vous remercier de nous avoir invités, et nous vous demandons de prendre en considération nos demandes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'inviterais maintenant Mme la ministre à commencer l'échange.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Bienvenue, messieurs. Je comprends que vous avez travaillé très fort à l'élaboration de votre mémoire, qui est d'ailleurs substantiel. Il y a au moins, en fait, deux points de convergence, le premier étant la nécessité d'une table de référence, comme vous le dites, et le second étant l'opportunité d'offrir des services de médiation préalable. J'ai eu l'occasion déjà ici, lors des travaux de la commission, la semaine passée, d'indiquer que mon collègue, le ministre de la Justice, veut pouvoir offrir de tels services gratuits et obligatoires aussi.

Incidemment, je comprends qu'il pourrait y avoir une sanction pour une partie qui, sans motif sérieux, ne se serait pas soumise à la médiation et qui pourrait être condamnée au paiement de tous les dépens s'il s'avérait que son refus de participer à la médiation n'a pas été fondé sur des motifs raisonnables. Cet après-midi, je pense... Vous savez, ça passe tellement vite, le temps. Est-ce que c'est aujourd'hui? C'est ce matin qu'on a entendu l'Association des avocats et avocates en droit familial. Alors, évidemment, cette association venait plaider pour qu'il n'y ait pas de tables de référence, qu'il n'y ait pas de grille de fixation et pour que cela soit laissé à la discrétion judiciaire de manière à pouvoir amener des plaideurs, disons, à faire connaître les intérêts des clients. Mais, ceci dit, je pense que l'échange a été assez franc. Dans cette espèce de franchise qui s'est installée entre le porte-parole et les membres de la commission, nous avons fait appel à son expérience de plaideur. Ce qu'il nous a dit, c'est que très souvent il lui arrivait d'avoir un client débiteur, donc un client qui se trouvait à être surpris du montant que la jurisprudence accorde habituellement en pension alimentaire, et qui, dans le fond, réagissait en disant: Si c'est comme ça, je vais demander la garde. La garde se trouvait à être un moyen pour essayer de diminuer la pension à payer. Ce n'était pas la garde qui était, si vous voulez, recherchée en tant que tel. C'était la garde qui était un plaidoyer, un moyen de négocier pour avoir une pension moins élevée.

Je ne sais pas. Vous, qu'est-ce que vous en pensez?

M. Lessard (Aurelien): Nous, ce qu'on dit dans ça, c'est que, premièrement, ça peut devenir un moyen, mais on dit... on ne parle plus de droit de garde, on parle de garde. Et, en parlant de garde, c'est une obligation. Alors, si vous vous engagez, si vous dites: Bon, moi, je prends les enfants 30 % du temps, et on fait le calcul avec ça, bien, vous vous engagez à 30 %. Maintenant, si un parent, pour une raison ou pour une autre, a été faux en disant: Oui, je vais prendre 30 %, en ayant dans sa tête qu'il le prendra quand il voudra, bien, c'est un parent qui est fautif. Alors, il en subira les conséquences.

Mme Harel: Quelles seraient-elles, selon vous, les conséquences?

M. Lessard (Aurelien): Les conséquences... On se s'est pas penché vraiment pour aller au fond, dire: Dans des cas comme ça, quelles devraient être les conséquences? Par contre, on pourrait regarder et dire: Bien, si monsieur ou madame – ça dépend qui a le 30 % ou le 40 % de la garde – s'il est toujours de mauvaise foi et s'il avait pris le temps de garde, si le temps de garde réel qu'il exerce... quelle aurait été la pension alimentaire à ce moment-là? Il y aurait eu un écart; il y aurait eu une différence. Alors, à ce moment-là, on dit: Bien, il paiera plus.

Maintenant, tous les mécanismes... il ne faut pas que ce soit... deviennent des mécanismes, qu'on se retrouve devant les tribunaux à chaque fois. Il faut que ce soient des mécanismes qui soient simples. C'est sûr qu'on n'a pas eu le temps d'élaborer tous les mécanismes de détails, parce que, comme vous le comprenez, on n'a pas encore notre statut du conseil de la condition masculine pour nous aider.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lessard (Aurelien): J'espère que d'ici un an, Mme la ministre, vous allez nous aider à obtenir ça, parce qu'on est tous des travaillants...

M. Copeman: Ça coûte cher, d'autres conseils.

M. Lessard (Aurelien): Pardon?

M. Copeman: Ça coûte cher, des conseils. On n'est pas convaincu que...

M. Lessard (Aurelien): Oui, mais si vous voulez savoir ce que la population pense, ce que la population veut... On est peut-être 200 000 pères dans des situations comme ça au Québec, et, si vous calculez les enfants... Donc, je pense qu'il faut qu'il y ait un mécanisme pour qu'on puisse établir une communication continuelle sur ça.

Je regardais, ce matin, au conseil... on disait... Mme la ministre disait: Je vais vous envoyer de la documentation du Conseil du statut de la femme et vous me donnerez votre avis. Mais, nous, présentement, à partir de ce soir, quel lien on a encore avec vous pour continuer dans le processus de consultation?

M. Pettigrew (Jacques): On pourrait ajouter un peu sur la question que vous avez posée, à l'effet que le parent non gardien dit: Bon, écoute, moi, ça ne fonctionne pas, je veux avoir la garde puisque je paie une pension alimentaire et, de toute façon, je ne peux pas décider.

(21 h 10)

Alors, il faut voir deux volets à ça. Un premier volet, c'est-à-dire que le parent payeur, aujourd'hui, est dans un contexte de garde exclusive. Alors, il ne décide pas. Il paie et il n'a pas un mot à dire sur l'éducation des enfants, sur l'orientation de son enfant. Il n'a rien à dire. Alors, comme il n'a rien à dire, c'est quoi, sa position? Il va dire: Écoute, moi, je préfère avoir la garde et, à ce moment-là, je pourrai décider. C'est un peu cette façon de voir. Ça, c'est un premier volet.

Il y a le deuxième volet aussi, c'est qu'on est dans un système contradictoire. On est devant la cour avec deux avocats qui représentent les parties, et ça, ça change toute la dynamique. Alors, si on était dans un processus de médiation et qu'on parlait plutôt, comme point de référence, de garde conjointe, ce serait complètement différent, ça ne serait plus la même chose.

Mme Harel: Mais je vous rappelle que... J'aime bien votre interprétation, mais, en l'occurrence, dans l'exemple qui nous était présenté, c'était... la réaction qui nous était transmise, c'était celle de vouloir la garde juste quand la personne se rendait compte que ça allait être un moyen de diminuer la pension.

M. Pettigrew (Jacques): Dans un contexte dans lequel on se situe à l'heure actuelle, un système contradictoire, oui. C'est sûr, il n'y a pas de négociation. Il n'y a aucune négociation, ça se fait par parties interposées. C'est très difficile de réussir à s'entendre de cette façon-là parce qu'il y a seulement deux choix: soit la garde, la garde étant parent gardien, et l'autre parent non gardien avec une pension alimentaire à payer, droit d'accès, droit de visite. C'est ce qu'on veut faire disparaître pour demander qu'il y ait seulement une garde qui soit reconnue. Et la garde, à ce moment-là, deviendrait une obligation et non pas un droit. Alors, c'est une obligation à travers la garde.

M. Pronovost (Denis): Pour ajouter là-dessus, Mme la ministre, je voudrais dire qu'il a souvent été fait mention – pratiquement tous ceux, en tout cas, dont on a eu connaissance – qu'il y en avait beaucoup qui avaient peur – à propos de la notion de garde exclusive avec un droit d'accès élargi – que si, ça, c'était en vigueur, les pères chercheraient à faire élargir leur droit d'accès pour payer moins de pension alimentaire. C'est justement. Si on oublie ce principe-là, comme on l'a mentionné tantôt, on oublie le principe du droit d'accès élargi puis on considère ça comme une garde conjointe. Une garde conjointe, c'est une obligation, comme on l'a dit. Le père, il ne peut plus se défiler, il est obligé. S'il fait faux bond puis que madame est prise pour payer la gardienne, bien, ce sera sa responsabilité, payer la gardienne. Ça responsabiliserait le père et ça donnerait l'assurance à la mère que le père ne ferait pas faux bond.

Mme Harel: Écoutez, moi, je pense que ça peut être certainement, en tout cas, ce qu'on peut souhaiter dans l'avenir. Pour l'avoir vécu personnellement, je sais que ça peut fonctionner. Ça a été une grande réussite, moi. À défaut d'avoir réussi notre mariage, on a au moins réussi notre divorce. Ça peut être une réussite quand même. Ha, ha, ha!

M. Pronovost (Denis): Je suis très heureux pour vous. Ha, ha, ha!

Mme Harel: Ça peut être une réussite dont on peut être fier, je pense. En tout cas, on l'est tous les deux, et certainement à juste titre.

Ceci dit, vous comprenez que ce n'est pas l'à-propos de la présente consultation, ça relève du Code civil. Il y a sûrement pas mal de chemin à parcourir avant qu'on en arrive là. Tantôt, j'ai entendu une vague statistique concernant le travail à temps plein des femmes. Je dois vous dire que ce n'est pas des chiffres à citer, parce que les derniers, derniers que j'ai, moi, globalement... Ceux que vous mentionnez, c'est peut-être en fonction d'un pourcentage d'une année. Mais, dans la réalité des choses, vous voyez, les travailleurs au salaire minimum sont des travailleuses; c'est quand même 68 % des travailleurs au salaire minimum qui sont des femmes. Et l'écart de salaire entre hommes et femmes, à travail à temps plein, même à temps plein – imaginez-vous, alors, je n'inclus même pas le temps partiel là-dedans – en 1994, les derniers chiffres, les plus récents, l'écart de salaire à temps plein entre un homme et une femme était de 31 %.

M. Pettigrew (Jacques): Ce n'est pas de l'écart, en fait, qu'on a parlé. J'ai parlé, entre 1977 et 1995, que les nouveaux emplois créés au Québec, à temps plein, étaient occupés par des femmes.

Des voix: Non, pas occupés. Attribués.

M. Pettigrew (Jacques): Excusez – on m'a repris à quelques reprises là-dessus – attribués. Et ce n'est pas des chiffres inventés, ça provient de Statistique Canada...

Mme Harel: Oui. Mais, comme je vous dis...

M. Pettigrew (Jacques): ...des grilles de Statistique Canada.

Mme Harel: ...ça ne prouve rien d'autre que le fait que cette...

M. Pettigrew (Jacques): C'est plus facile d'accéder au marché...

Mme Harel: Oui, parce que les emplois...

M. Pettigrew (Jacques): ...du travail pour les femmes, aujourd'hui.

Mme Harel: ...sont précaires...

M. Pettigrew (Jacques): C'est ce que...

Mme Harel: ...souvent, et les emplois de services, entre autres, sont plus des emplois qui font appel à du travail féminin, contrairement à ce qui était le cas, si vous voulez, avec les emplois industriels, que l'on perd, comme vous le savez, dans la transformation... la mondialisation dans laquelle on est. Mais le fait est que 1994, vous voyez les derniers chiffres, l'écart reste très, très... l'écart s'est même aggravé. L'écart se réduisait jusqu'à la fin des années quatre-vingt et l'écart a recommencé à s'élargir. Et, malheureusement, c'est indépendamment de la scolarisation. Ça, ça a été sans doute les chiffres les plus éloquents, qu'entre un homme et une femme, à huit années de scolarité, à temps plein, une femme gagne 17 000 $, un homme 27 000 $; donc, la différence est d'à peu près 10 000 $. Tandis qu'à niveau de scolarité universitaire, là, vraiment, la différence est considérable: une femme gagne 36 000 $, mais un homme, 57 000 $.

Alors, les femmes pensaient qu'avec un diplôme ça pourrait se réduire, et ça ne s'est pas réduit. Alors, on se rend compte qu'il y a des problèmes sur le marché du travail comme tel, ce qu'on appelle la discrimination systémique, qui n'est comme pas intentionnelle ni délibérée. Juste la bonne volonté, ça ne suffit pas à corriger, parce que c'est rentré dans le système d'évaluation qui détermine la rémunération.

M. Pettigrew (Jacques): Si vous me permettez de vous interrompre juste une seconde, parce que j'avais quelque chose à l'esprit, c'est qu'il y a peut-être un écart entre les deux, mais, lorsqu'on parle de discrimination positive et que ceci a permis à beaucoup de femmes d'entrer sur le marché du travail, selon les statistiques qu'il y a, bien, peut-être qu'il y a un écart, mais il y a aussi une certaine facilité, de la part des femmes, à entrer sur le marché du travail. Ça, je tenais à le soulever.

Mme Harel: Oui. Mais, regardez, il y a des statistiques qui ne trompent pas. Vous voyez, il y a deux ans, les derniers chiffres que l'on a, c'est seulement 4 % des pères qui ont utilisé leur droit au congé paternel; le congé a été utilisé à 96 % par les mères. Tant que les salaires des femmes vont être inférieurs à ceux des hommes, on ne peut pas reprocher aux couples – hommes et femmes confondus – de décider que celui qui prend le congé, c'est celui qui est moins payé. C'est pour ça que j'espère avoir votre appui sur l'équité, parce que c'est évident que ça changerait beaucoup de choses. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Pettigrew (Jacques): Ha, ha, ha! On sait où vous voulez aller.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Hein?

M. Lessard (Aurelien): Ça, oui. On va attendre la commission parlementaire...

Mme Harel: Non, mais regardez...

M. Lessard (Aurelien): ...sur l'équité salariale. Ça...

Mme Harel: Non, mais regardez tout ce que ça change: ça change la perception sur le marché du travail; ça change l'utilisation des congés de maternité et parentaux; ça change aussi quant à la garde. C'est évident qu'en étant mieux payées qu'au salaire minimum à 20 ou 30 heures par semaine il y a pas mal de femmes qui vont souhaiter continuer de travailler et qui vont être contentes de ne plus, si vous voulez, se rabattre sur leur rôle de mère pour donner un sens à leur vie.

Une voix: Oui.

Mme Harel: Alors...

M. Pettigrew (Jacques): Allons sur la garde...

Mme Harel: ...je pense que vous allez en être gagnants, vous aussi.

M. Pettigrew (Jacques): Allons sur la garde conjointe. On peut faire une négociation tout de suite: allons sur la garde conjointe et on vous appuiera à ce niveau-là.

Mme Harel: Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Sur cette dernière intervention, j'invite maintenant Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonsoir. Je veux peut-être continuer dans la même lignée que la discussion, l'échange que vous avez eu avec la ministre au niveau... mon obsession, le temps partagé. Vous étiez là ce matin. Toute la journée, je pense que je vous ai...

M. Pronovost (Denis): ...juste ce matin. Ha, ha, ha!

Mme Loiselle: Vous étiez là toute la journée, je pense. Alors, vous avez...

M. Pronovost (Denis): Non. On est venus juste ce matin, aujourd'hui.

Mme Loiselle: Seulement ce matin? Après, vous avez quitté?

M. Pronovost (Denis): Oui. On est venus les deux jours la semaine passée...

Mme Loiselle: O.K.

M. Pronovost (Denis): ...et juste ce matin.

Mme Loiselle: Alors, vous avez entendu différents groupes...

M. Pronovost (Denis): Oui.

Mme Loiselle: ...nous dire, nous exprimer des inquiétudes sur le nouveau concept du droit familial, sur la portion du temps partagé pour calculer la pension alimentaire, dont le fait que je vous disais tantôt, qu'il y ait des gens qui seraient peut-être tentés de demander plus de temps pour obtenir une pension alimentaire plus basse. On a eu deux suggestions: une qui fait que, bon, si l'engagement du temps de garde n'est pas respecté, ce serait au parent gardien à faire la démarche pour le dire et, à ce moment-là, il y aurait une augmentation de la pension alimentaire; il y a eu l'autre suggestion, qui nous a été proposée par la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec qui, elle, nous disait cet après-midi que, si une garde est respectée, l'engagement est respecté, le temps de garde est respecté, ce serait au parent non gardien à en faire la démonstration pour obtenir, après une année, une diminution de la pension alimentaire. Qu'est-ce que vous pensez de... Ha, ha, ha! Oh!

(21 h 20)

M. Lessard (Aurelien): On ne peut pas partir sur ce point-là, parce que, lorsque le désaccord est installé, vous ne pouvez plus revenir. C'est pour ça que, tout de suite, dès le départ, en médiation, il faut partir avec les critères suivants: la garde, elle est présumée conjointe. Si vous partez, si vous laissez la morosité s'installer, c'est fini après. Oubliez ça, il n'y en aura plus, d'entente, et ça va marcher tout croche.

C'est dès le départ – et je pense que M. Bégin l'avait mentionné, ça – qu'il faut que ce soit en médiation. Il faut partir avec des critères qui soient assez clairs, comme les tables peuvent être assez claires. Le processus de pénalité peut être assez clair aussi, si vous ne respectez pas vos engagements. Mais il faut tout de suite établir de dire: C'est à la présomption de la garde conjointe. Et il faut faire confiance aux gens aussi. Le processus de garde conjointe, là, en alternance, c'est assez nouveau, et vous allez voir que les pères – et vous allez en avoir plus que vous ne pensez – vont s'en prévaloir et vont s'y tenir.

Mme Loiselle: Oui, je comprends. Mais si vous vous trouvez devant le fait que le gouvernement décide d'aller de l'avant avec ce nouveau concept en droit de la famille, là il faut vivre avec et il va faire partie du nouveau modèle de fixation de la grille québécoise. Pour prévenir, justement, qu'il y ait peut-être des abus à cet égard-là, qui ont été démontrés, est-ce que vous préféreriez, vous, voir quelqu'un qui ne respecte pas son temps de garde... Comme mécanisme souple et efficace qu'on pourrait mettre comme prévention, est-ce que vous préféreriez voir la suggestion des familles... excusez, je suis un petit peu fatiguée... de la Fédération des associations de familles monoparentales ou plutôt voir le fait que le parent gardien dénonce le fait que le parent non gardien n'a pas respecté son droit de garde et voie automatiquement sa pension alimentaire à la hausse?

M. Pettigrew (Jacques): Nous, on voudrait voir ça disparaître complètement, cette partie-là...

Mme Loiselle: Oui, mais si, vous, vous trouvez qu'elle est là, le gouvernement décide qu'il va de l'avant, il va falloir vivre avec. C'est ça.

M. Pettigrew (Jacques): Mais, si on vit avec ça, je vous assure que ça ne sera pas possible d'aller en médiation avec ça...

Mme Loiselle: Non?

M. Pettigrew (Jacques): ...et je vais vous dire pourquoi. Parce que, là, on accorde encore un droit exclusif à un parent, qui va être gardien, et un non- gardien avec des droits d'accès et des droits de visite prolongée. Dans ce cadre-là, une mère avec un jeune enfant d'un an, un an et demi, qu'est-ce que vous pensez qu'elle va faire? Elle va demander la garde exclusive, à tous les coups. Alors, elle va avoir la garde exclusive puis elle va accorder un maximum de 30 % de temps. Et ça crée une autre injustice, parce que, dans le calcul dans les formulaires, on soustrait 20 % du temps, 20 % qui est enlevé, lorsqu'on fait le formulaire au complet, dans la méthodologie qui est utilisée pour calculer la garde conjointe... exclusive, je m'excuse, on fait une soustraction de 20 %. Alors, il va avoir la garde 30 %, mais on lui accorde 10 %. Si c'est ça, l'équité... Moi, je doute, je doute sérieusement de cette équité-là, d'une part.

Alors, vous allez avoir un parent qui va vouloir absolument la garde exclusive et l'autre qui va dire: Écoute, là ça ne fonctionne pas, ça. J'ai 30 % du temps puis on m'accorde 10 %, là. Il y a une inéquité qui se passe quelque part. Il y a quelque chose qui ne va pas, et je ne peux pas décider. Je ne peux pas décider; vous ne me donnez pas la possibilité. Ça équivaut, on l'a dit, à une déchéance d'autorité parentale, dans les faits. Pas juridiquement, mais dans les faits, c'est une déchéance d'autorité parentale. La garde exclusive accorde au parent gardien tous les droits de décider, sur tous les points de vue: où l'enfant va être gardé, à quel endroit, de quelle façon, qui va garder l'enfant. Il y a des négociations, souvent, à faire en médiation. Je pense qu'il faut centrer le débat sur la médiation, parce que c'est là qu'il semblerait qu'on veut aller.

Alors, à ce moment-là, laissons la possibilité aux médiateurs de trouver des façons de fonctionner, de composer, mais pas accorder une garde exclusive. Et, on le sait, devant les tribunaux, aussitôt qu'on a des enfants en bas âge, mettons six ans, quand ils sont d'âge préscolaire, c'est la garde systématique qui est accordée à madame. Tu as beau te battre, tu as beau faire des pieds et des mains, les juges, on l'a dit, c'est un peu de la façon dont on voyait dans les années où... ils voient ça de cette façon-là. Je veux dire, la garde va à la mère. La mère est meilleure éducatrice, dans la tête. C'est un peu dans la mentalité. C'est malheureux, mais c'est ça.

Mme Loiselle: J'ai juste une autre... avant de passer la parole à mon collègue qui a des questions pour vous. Je veux que vous me l'expliquiez davantage parce que je ne l'ai pas bien compris, je ne l'ai pas saisi.

À la page 28 de votre mémoire, quand vous parlez des prestations majorées versées par le père pour assurer la subsistance de ses enfants quand le parent gardien est sur l'aide sociale, vous proposez que ce soit le père qui assure la garde financière de l'enfant et qu'il bénéficie de la totalité de l'aide financière que le gouvernement accorde aux familles. Expliquez-moi parce que, moi, je ne vous suis pas du tout.

M. Lessard (Aurelien): O.K. Ce qu'on veut dire ici... Ça peut être modulé par la formule qu'on vous a remise, mais ce qu'on veut dire là-dedans, c'est que bien souvent les crédits de l'État, dans beaucoup de crédits, la mère qui est sur les prestations du revenu, elle n'en aura pas, elle ne pourra pas en bénéficier. Alors, c'est pour ça qu'on dit: Laissez-les au père.

Maintenant, quand la mère est sur le bien-être social, peu importe le... en autant que le montant que le père verse est plus haut que...

Mme Loiselle: En pension.

M. Lessard (Aurelien): ...en pension, est plus haut que le barème établi par l'État, l'enfant n'en bénéficie pas.

Mme Loiselle: Non.

M. Lessard (Aurelien): Alors, on dit: Pourquoi on ne considérerait pas que les enfants sont carrément à la charge du père, puis il en bénéficie, il a tous les crédits avec lui, d'accord, et le supplément qui est donné de plus que ce que l'État établit, ça devrait rester au père, parce que le père va être capable, volontairement, de pouvoir en donner plus à ses enfants, tandis que là, présentement, c'est confisqué par l'État.

Mme Loiselle: Mais, là, parlez-vous, quand vous dites que les enfants soient à la charge du père... Vous parlez... C'est...

M. Lessard (Aurelien): On parle de la charge financière, là.

Mme Loiselle: Financière. O.K.

M. Lessard (Aurelien): Là, la garde... Nous, on dit tout le temps que ça devrait être une garde conjointe, mais advenant... Là, vous me posez la question, si je comprends bien, dans le cas d'une garde exclusive. Est-ce que c'est bien...

Mme Loiselle: Oui. Bien, je pense que c'est de la façon dont vous l'aviez établi, là.

M. Lessard (Aurelien): C'est ça. On part toujours du principe... À l'heure actuelle, on parle toujours de garde exclusive. Alors, c'est pour ça qu'on dit: Bien, dans une garde exclusive, oui, la charge financière devrait être au père et les crédits doivent aller avec.

M. Pronovost (Denis): Si je peux ajouter... Là-dessus, il est dit assez fréquemment que les enfants n'ont pas à dépendre de l'État quand leur père peut subvenir à leurs besoins. Je pense que ce serait la plus belle façon que les enfants ne dépendent pas de l'État quand leur père peut subvenir à leurs besoins. J'ai mes deux enfants, mon ex-conjointe est sur l'aide sociale et je vis la situation. Je serais facilement capable de tout fournir à mes enfants, mais ce que je paie en trop, ils n'en profitent pas.

Mme Loiselle: Mais non. C'est ça, dans le fond. On en a discuté avant. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Oui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs. Dans un premier temps, peut-être quelques points de convergence. Je pense que votre point sur la question des prestataires de la sécurité du revenu est important. Le souci qu'on a, nous, c'est de s'assurer qu'il y a un meilleur niveau de vie pour les enfants. On n'est pas convaincus, d'une part, que baisser les prestations de sécurité du revenu, dollar par dollar, par la pension alimentaire est une bonne chose, ni pour l'enfant, ni pour la famille, ni pour le débiteur, le parent non gardien.

(21 h 30)

Moi, je peux facilement comprendre que quelqu'un qui est parent non gardien, qui verra sa pension alimentaire, en principe, destinée à son enfant et qui va quasi directement dans les coffres de l'État, soit un peu frustré par cet exercice-là. C'est tout à fait compréhensible. Il y a quelque chose, avec le groupe qui vous a précédés et vous aussi, la question de l'indexation me préoccupe un peu aussi, l'indexation automatique. Je pense que vous faites un bon point, là, que c'est vrai, peut-être, que le coût de l'enfant va augmenter selon le coût de la vie, c'est peut-être fort possible. Mais, à moins que les revenus des parents augmentent, où est-ce qu'on prend cet argent-là, s'il est indexé automatiquement? C'est un...

M. Lessard (Aurelien): Nous, l'indexation des pensions alimentaires, ça ne devrait plus exister, et je vais vous dire pourquoi. Ça fait cinq ans que je n'ai pas...

M. Copeman: Je suis en train de vous donner raison. Je ne veux pas qu'on passe trop de temps là-dessus.

M. Lessard (Aurelien): Non, non, non. O.K. Mais je n'en ai pas eu, d'augmentation. Ce qui arrive quand il y a une indexation, c'est que... Lorsque les impôts, les taxes augmentent, qu'est-ce qu'on fait quand on est dans une famille intacte? On répartit la charge des impôts et des taxes sur toute la famille, tous les revenus qui servent à la famille. Là, on présume qu'il n'y a pas d'augmentation de revenus. Mais, lorsqu'on arrive dans un cas de divorce, on dit: Ah! Tous les argents qui servent à la famille, aux enfants et à madame aussi, eux autres, on va les indexer. Savez-vous que c'est une grosse partie du revenu que le père doit prendre pour ça? Et il n'a aucun contrôle. Il ne peut pas dire: Moi, je vais réduire les dépenses. Tandis que la mère, elle, si le coût de la vie augmente, bien, à la place d'acheter une paire de jeans à 35 $, elle va peut-être en acheter à 25 $, à la place de faire telle activité, elle va peut-être réduire l'activité, elle a un certain pouvoir. Mais, nous, si on se fait imposer l'indexation, on n'en a plus, de pouvoir. Le seul pouvoir qu'on a, c'est sur notre petit morceau de salaire qui nous reste net, et on doit tout absorber sur ce petit morceau de salaire là. C'est pour ça qu'on dit: L'indexation devrait disparaître. Si on accepte le processus, le principe de la garde conjointe, c'est que ça va dégager du temps à la mère pour pouvoir aller travailler. Dans le temps, quand les enfants vieillissent, il y a plus de temps que la mère a. Donc, ça lui permet de retourner sur le marché du travail.

M. Copeman: Je comprends. La difficulté qu'on a, je pense, ce soir, c'est que, à moins que j'aie mal saisi le mandat de la commission, on n'est pas ici pour déterminer si on va avoir une garde conjointe présomptive ou pas. Moi, je n'ai aucune influence là-dessus, je ne connais pas assez le droit pour savoir si même le gouvernement a un impact là-dessus, puis je ne veux pas nécessairement embarquer là-dedans ce soir parce que ce n'est pas le mandat de cette commission-là. On est vraiment à l'étude d'un modèle de fixation des pensions alimentaires. Je comprends que, peut-être, vous ayez des doléances concernant l'habitude des cours, des juges. Moi, je faisais remarquer à des collègues, en guise de blague, que le problème que vous avez avec les juges, c'est également un problème avec les hommes. Parce que les juges, j'imagine, à 90 %, c'est des hommes. Mais, en tout cas, ça, c'est autre chose.

Dans tout votre mémoire, vous soulevez deux choses. Dans un premier temps, que les barèmes, présentement, sont inéquitables. Moi, ça m'intéresserait, en tout cas, si on pouvait vérifier un peu vos trois hypothèses. Moi, je suis, depuis deux ans, de nature sceptique. Quand le gouvernement me dit: J'ai fait ces calculs-là, ça me donne ça, moi, je veux toujours voir la méthodologie. Je dois vous avouer que je fais un peu la même chose avec vous autres. Vous avez fait un calcul, dans les trois circonstances, ça vous donne, en ce qui concerne les revenus nets, ce qui m'apparaît une inégalité assez importante, 80 % versus 20 %, etc. Ça diminue avec un revenu plus imposant. On va tenter de vérifier ça, je pense. Mais, par contre, surtout dans votre première hypothèse, le résultat, c'est que, après les besoins essentiels du parent non gardien, on est laissé avec 215 $. Ça, ça me frappe aussi, ça. Donc, la conclusion est peut-être qu'une famille avec un enfant, qui gagne 25 000 $, même ensemble, elle vit en dessous du seuil de pauvreté, je pense.

Ça fait que je ne suis pas convaincu que votre première hypothèse ou simulation est très révélatrice, parce que, quant à moi, même en famille, à 25 000 $ avec un enfant, le budget est serré quelque part, là. Ce n'est pas facile. Je ne sais pas si ça nous avance beaucoup. Moi, j'ai pris une note, là: le parent gardien qui travaille à 30 heures-semaine, qui paie 2 500 $ de frais de garde, pour obtenir un salaire de 10 000 $, là, la proportion est élevée, là, puis ses enfants sont à l'école. Je ne sais pas à quel point on peut pousser...

M. Pettigrew (Jacques): Avec le temps qu'il nous reste, si vous me permettez...

M. Copeman: Oui, oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Dernier commentaire.

M. Pettigrew (Jacques): Cinq minutes, parce que, là, vous étiez parti sur une envolée. On va vous laisser faire ça pour les prochaines élections.

Regardez, c'est que, là, vous avez soulevé plusieurs points. J'en ai noté un parmi tant d'autres concernant... Vous avez parlé de garde exclusive et de garde conjointe et qu'on n'était pas ici pour établir la garde conjointe. Moi, ce que je vous dis sur ce point-là et parce que c'est notre point d'intérêt à nous, sur la garde conjointe, tout ce qu'il y a à faire, c'est d'enlever, dans les grilles de fixation, cette partie-là. La garde exclusive, là, avec droit de visite et de sortie, abolissez ça, enlevez-la, faites sortir ça du document, ça presse.

M. Copeman: Mais est-ce que ça ne correspond pas à une réalité juridique?

M. Pettigrew (Jacques): Pardon?

M. Copeman: Est-ce qu'elle ne correspond pas à une réalité juridique?

M. Pettigrew (Jacques): Non, non.

M. Copeman: Pourquoi est-ce qu'on ferait...

M. Pettigrew (Jacques): Le Barreau est venu vous le dire aujourd'hui – aujourd'hui ou hier, je ne me souviens pas – et non seulement le Barreau... c'est une notion qui tend à disparaître, c'est-à-dire la garde accordée à un parent gardien, et l'autre non gardien. On s'en va de plus en plus vers la garde, la reconnaissance de la garde. On s'en va vers ça. Alors, pourquoi ne pas le faire dans ce document-là? Tout ce qu'il y a à faire, c'est faire abolir cette section-là. Enlevez-la et établissez la garde conjointe à partir du 20 % et plus, et vous venez de régler une mautadite grosse partie du problème de la garde conjointe, et sans modifier aucune loi.

M. Copeman: O.K.

M. Pettigrew (Jacques): Alors, si c'est ça qui était votre objectif, votre but, de connaître notre position à ce niveau-là, et qu'on ne fera pas de modification législative ou qu'on ne propose pas de modification législative, on pourrait proposer ça, au moins: Enlevez ça puis, après ça, ça sera peut-être pas mal plus viable.

M. Copeman: Oui. Mais les principes qui sous-tendent un peu nos discussions, sans partir sur une envolée pour prendre trop de votre précieux temps, c'est que les...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: On n'est pas convaincu, en tout cas, selon les statistiques qu'on a eues, que la situation est rose, non plus, à la suite d'un éclatement de famille, là. Il y a des données qui ont été contestées par le groupe qui vous a précédés. Je ne sais pas si vous contestez ces mêmes données, parce que c'est un principe important, là.

Si on accepte que le revenu des femmes baisse de 37 % à la suite d'un éclatement...

M. Pronovost (Denis): Le niveau de vie des femmes.

M. Pettigrew (Jacques): O.K. Regardez, nous...

M. Copeman: Oui, oui. O.K.

M. Pronovost (Denis): Le niveau de vie des femmes, pas le revenu.

M. Copeman: Oui. O.K., le niveau de vie. Si on accepte que ça baisse de 37 % puis que, pour les hommes, c'est stable, bien, quant à moi, ça indique un problème. Si on conteste ces chiffres, j'aimerais bien vous entendre là-dessus.

M. Lessard (Aurelien): Là-dessus, là, est-ce que...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ce sera votre dernière intervention.

M. Lessard (Aurelien): Est-ce que vous faites référence à l'étude Ross Finnie?

Une voix: Oui.

Mme Loiselle: Oui.

M. Lessard (Aurelien): Oui? Bon! Bien, tout de suite, là, l'étude Ross Finnie, premièrement, elle se base sur des renseignements de 1985-1986. En 1985-1986, le montant des pensions alimentaires versus 1996, c'est presque le double aujourd'hui. La fiabilité de la perception des pensions alimentaires, entre 1985-1986 et 1996, aujourd'hui, c'est à 100 %. Si vous n'êtes pas capable de percevoir une pension alimentaire aujourd'hui, c'est parce que le débiteur n'a plus aucun revenu, aucun patrimoine. Donc, il ne devrait même pas avoir de pension alimentaire. La troisième chose, dans l'étude Ross Finnie, la pension alimentaire a été additionnée au revenu de madame, mais elle n'a pas été déduite du revenu de monsieur. Et, dans la même étude, il dit que ça correspond à 18 % du salaire de monsieur, après impôts. Dans l'étude Ross Finnie, il n'a pas additionné les crédits de l'État que madame reçoit. Et, avec tout ça, il dit: Madame a baissé son revenu de 37 %; monsieur l'a augmenté, ou pratiquement égal.

(21 h 40)

Ce qui fait la grosse manchette présentement, c'est que, là, M. Finnie, pour en arriver à être capable de dire ça, il prend comme hypothèse... Je vais vous donner l'hypothèse, si M. le Président veut me donner quelques secondes de plus, là. Je vais vous donner juste, par exemple, un salaire familial de 35 000 $ qui est réparti comme suit: monsieur gagne 20 000 $, puis madame 15 000 $. On respecte à peu près les proportions que vous avez constatées. Maintenant, on prend le seuil de faible revenu de 1986. Là, je dis, hypothétiquement: famille biparentale, le seuil de pauvreté en 1986 était, supposons, 20 000 $. Donc, on a un ratio de revenu familial, versus le seuil de pauvreté, de 1,75. Maintenant, on va... Là, après la rupture, vous êtes rendu avec deux familles, pas une, là, deux familles. Le revenu de madame, lui, il est de 15 000 $, et elle se retrouve avec une famille monoparentale, deux enfants. Alors, le seuil de pauvreté d'une famille monoparentale, deux enfants, est de 15 000 $. Donc, le ratio revenu versus seuil de pauvreté est rendu de 1,00. Dans le cas de monsieur, monsieur, lui, il a son salaire de 20 000 $, mais son seuil de pauvreté comme célibataire, parce qu'il est tout seul, est de 10 000 $. Donc, le ratio entre les deux est rendu de 2,00.

Et là, à partir de ça, M. Finnie, il dit: Bien, les femmes s'appauvrissent, les hommes s'enrichissent. Ce n'est pas vrai. Ils gagnent le même salaire. C'est simplement que, par un tripotage de ratios, on finit par faire dire ça, et c'est faux. C'est pour ça qu'on dit: On a besoin d'un conseil du statut de la condition masculine. C'est pour démentir des choses de même.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça termine, je m'excuse. Ça termine votre intervention. Mme la ministre m'a demandé la permission de dire quelques mots dans cette intervention-ci. Je vous dis tout de suite que, nous, on fait la conclusion après. Vous serez libres de rester pour entendre les remarques et de Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne et de Mme la ministre.

M. Lessard (Aurelien): Je ne peux pas demander de questions à Mme la ministre?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Non, malheureusement, l'échange est terminé. Alors, Mme la ministre, je vous permets... court, court.

Mme Harel: Bon, bien, c'est parce que c'est notre dernier groupe, là, le dernier des 15 groupes, non le moindre, évidemment. C'est, en fait, pour vous dire que votre mémoire m'apparaît vraiment très substantiel. Je ne dis pas que les recommandations que vous faites sont opérationnelles, là, demain matin, mais, en tout cas, elles méritent d'être examinées avec attention. Et soyez convaincus que je ferai en sorte qu'on reste en contact avec vous. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est parfait. Alors, je...

M. Lessard (Aurelien): On vous aime comme ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît. Alors, si vous voulez rester, comme je vous ai dit, pour entendre les derniers commentaires, vous êtes les bienvenus.

Alors, nous allons procéder, nous, à la conclusion de ces audiences, à la fin des audiences, au dépôt des mémoires, pour ceux et celles qui nous ont déposé des mémoires mais qui ne sont pas venus ici, alors, pour les rendre publics et pour valoir comme s'ils avaient été présentés devant la commission. Je dépose les mémoires des personnes et organismes suivants, soit le Groupe d'action des pères pour le maintien des liens familiaux, le Regroupement des pères immigrants divorcés pancanadien, et celui de M. Daniel Gouin.


Mémoires déposés

Est-ce que j'ai l'accord des deux côtés? Oui. Alors, merci beaucoup. J'invite maintenant Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne à procéder à ses remarques de la fin.


Remarques finales


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je pense que vous allez constater avec moi, M. le Président, que cette consultation, elle s'est faite dans l'harmonie et la collaboration la plus grande de la part de l'opposition officielle.

M. Copeman: Habituelle.

Mme Loiselle: Habituelle. Les échanges que nous avons eus avec les différents groupes nous ont beaucoup éclairés et nous ont apporté aussi beaucoup de questionnements sur certaines mesures qu'on retrouve dans le modèle qui nous a été soumis par le gouvernement.

On a bien identifié, je pense, lors de nos auditions, deux tendances. Il y a soit que le modèle qui nous est présenté est souple, et il est accepté favorablement par un grand nombre de groupes au niveau de sa souplesse et aussi du fait qu'on retrouve une discrétion judiciaire et des ententes qui sont possibles entre les parties. D'un autre côté, on nous dit: Non, c'est trop souple. Il faut standardiser davantage afin de déjudiciariser le plus possible la fixation de pensions alimentaires. On nous suggère même de mettre en place des mécanismes afin que les parents se retrouvent le moins possible devant les tribunaux.

On retrouve aussi, M. le Président, plusieurs points communs. Permettez-moi de vous en énoncer quelques-uns, les points communs que les groupes nous ont fait remarquer. Il s'agit, finalement, que tout le monde est d'accord, est favorable à un modèle de fixation québécois pour les pensions alimentaires. Et ça, je pense que c'était presque à l'unanimité, on nous a dit qu'on était favorable à ce que le Québec ait sa propre grille de fixation. On a dit aussi que la plupart des groupes étaient favorables à ce qu'on prenne en compte les revenus des deux conjoints afin de comptabiliser la pension alimentaire. Et, aussi, on a parlé beaucoup de la contribution de base et des frais particuliers. Je me permets peut-être de vous souligner que plusieurs groupes ont demandé de bien spécifier qu'il s'agit bien ici d'un minimum, quand on parle de la contribution de base, pour que ce soit bien clair dans tous les esprits et surtout au niveau de la magistrature. Il y a la reconnaissance, aussi, de la contribution non monétaire des parents gardiens, on en a discuté avec plusieurs groupes. On nous a appris que c'étaient les transferts gouvernementaux qui seraient finalement reconnus pour la contribution non monétaire des parents gardiens.

Il y a aussi des inquiétudes qui ont été soulevées et des mises en garde. J'aimerais aussi vous préciser quelques points sur lesquels les groupes ont attiré notre attention. Le faible montant qui est attribué à l'exemption personnelle de base. La plupart des groupes nous ont dit que le montant de 6 840 $ ne reflétait pas la réalité du coût de la vie d'aujourd'hui. Il y a les effets négatifs, aussi, du nouveau concept des visites prolongées – on en a discuté beaucoup ce soir – et le fait de tenir compte du temps partagé. On nous a beaucoup sensibilisés au fait qu'il pourrait peut-être y avoir des outils de marchandage. Ça, c'est le terme qui a été apporté par, je pense, la Chambre des notaires ou le Barreau du Québec, au niveau d'obtenir un plus haut taux de garde pour avoir une pension moindre et que ces temps-là ne seraient peut-être pas respectés, ces engagements ne seraient pas respectés. Alors, différents groupes nous ont suggéré de mettre en place des mécanismes souples de prévention pour ne pas que de tels abus voient le jour.

Aussi, au niveau des enfants majeurs étudiants, on nous a soulevé que ça n'apparaissait pas dans les calculs, mais que des enfants majeurs étudiants qui demeurent à la maison, pour le parent gardien, il y a des coûts quand même importants à ça. Il y a aussi la modulation des coûts liés d'après l'âge des enfants, que le gouvernement, je pense, s'est engagé à regarder.

Il y a eu plusieurs échanges et discussions à savoir quelle grille était la plus avantageuse pour les enfants. Ça, c'est mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce qui, à plusieurs occasions, a échangé avec la ministre et avec les groupes au niveau de savoir si c'était la grille fédérale qui était plus avantageuse, au niveau du résultat pour la pension alimentaire des enfants, ou la grille québécoise. Le Barreau du Québec a démontré un intérêt particulier, très vif à pouvoir s'asseoir avec les spécialistes du ministère et les parlementaires dans une séance de travail afin qu'on examine de très près les deux grilles pour, finalement, bonifier la grille québécoise, s'il y a lieu. J'espère que cette demande-là, qui a été faite aussi par l'opposition officielle, d'avoir une séance de travail à cet effet-là avec les gens du Barreau, les spécialistes du ministère et les parlementaires, finalement, on va pouvoir organiser cette rencontre-là dans les plus brefs délais, M. le Président.

Finalement, plusieurs groupes ont exprimé des préoccupations pour les travailleurs à faibles revenus et les enfants vivant de l'aide de dernier recours. Le dernier groupe, aussi, en a parlé beaucoup, de trouver des pistes de solution pour que les pensions alimentaires qui sont envoyées aux enfants qui vivent, malheureusement, sur l'aide de dernier recours – on parle ici, M. le Président, de tout près de 250 000 enfants – soient conservées pour les enfants et que ça ne démotive pas le parent non gardien à peut-être délaisser son travail pour glisser vers l'aide sociale.

(21 h 50)

Il est clair, M. le Président, qu'il reste encore du travail à faire pour le gouvernement en place au niveau de mettre en place cette grille québécoise de fixation. Toutes les préoccupations et les interrogations qui nous ont été soulevées disent, finalement, au gouvernement, peut-être, de réévaluer certains aspects de sa grille avant de légiférer. Je peux certifier à la ministre qu'elle aura l'accord et la collaboration qu'elle a connus pendant ces trois jours de consultation de la part de l'opposition officielle pour bonifier davantage cette grille-là afin de s'assurer, finalement, que le mieux-être des enfants soit protégé avec la grille. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup, Mme la députée.

Mme Loiselle: Un autre point. Mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce avait demandé qu'on nous remette l'étude qui déclare que, avec la grille de fixation, il y aurait une hausse de 1 200 $ pour les pensions alimentaires, et si on pouvait obtenir copie de cette étude-là, s'il vous plaît.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup, et j'en profite pour vous remercier, ainsi que votre formation politique, pour l'excellente collaboration des trois dernières journées. Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, je veux immédiatement vous informer que je déposerai au secrétariat de la commission parlementaire les grilles qui sont établies en fonction des extraits de déclarations fiscales sur les pensions alimentaires et qui nous permettent de conclure que, une fois appliquée, la grille québécoise résulterait en une hausse nette d'environ 1 200 $ par enfant. Alors, j'apprécie, finalement, que la question soit revenue à la clôture de la séance, de cette dernière séance de nos travaux, M. le Président.

Alors, après ces trois journées de commission parlementaire au cours desquelles nous avons reçu 15 organismes d'opinions diverses et parfois contradictoires qui sont venus réagir sur les règles québécoises de fixation des pensions alimentaires, je suis finalement très satisfaite des travaux que nous avons menés. La grille de fixation, qui constitue le dernier jalon d'une trilogie dans l'intervention gouvernementale en matière de pensions alimentaires, est le produit de facteurs complexes. Cela comporte des notions de droit, de comptabilité, mais aussi de relations humaines et d'émotions, de charges émotionnelles que nous avons pu voir se manifester à l'occasion.

Il est inévitable, dans un processus normatif qui est le nôtre en matière de grille de fixation, que nous devions nous appuyer sur des études statistiques, sur des moyennes de coûts. Cependant, même si cette question nécessite que l'on utilise de telles données statistiques, il ne faut pas perdre de vue, comme le dit le député de Notre-Dame-de-Grâce, le sens commun. C'est pourquoi je suis ouverte à analyser l'ensemble des considérations qui ont été débattues lors de cette commission pour en venir à concilier les objectifs variés et parfois contradictoires qui s'en dégagent à la lumière du sens commun.

Je tiens à souligner, compte tenu de l'évidente complexité de la question étudiée, la qualité des mémoires qui nous ont été déposés, de même que la cordialité des échanges que nous avons eus ici, en commission parlementaire. Ces mémoires reflètent une profondeur d'analyse et de réflexion dont le gouvernement saura s'inspirer pour compléter et améliorer son approche en la matière. Je remercie les groupes, particulièrement ceux qui sont avec nous ce soir, du temps et de l'effort qu'ils ont déployés pour enrichir de leur contribution cette importante réflexion.

Ce que j'ai entendu m'a permis de constater que, si les objectifs visés par l'établissement de règles de fixation font consensus, la très grande majorité des organismes qui ont déposé un mémoire partageait la préoccupation de minimiser les écarts actuellement observés dans l'attribution des pensions à l'égard des enfants. Donc, si ces objectifs font consensus, les moyens proposés dans le document de consultation ne suscitent pas la même unanimité. J'ai entendu ici des critiques qui m'ont paru fort constructives. Il y a, parmi les organismes qui se sont fait entendre, des tenants de l'approche fédérale. Toutefois, j'ai cru observer que cela pouvait parfois s'expliquer par le fait que certains aspects du modèle fédéral et des conséquences qui en découlent pour le bien-être des enfants, surtout les plus démunis, sont restés méconnus faute de transparence sur la méthode de calcul utilisée.

Mais, dans l'ensemble, il m'est apparu qu'une majorité d'intervenants favorisait un modèle québécois tout en souhaitant y voir apporter des modifications, dont certaines sont très importantes. Plus particulièrement, le choix qui se reflète dans le document de consultation de n'inclure dans le modèle que la couverture des besoins des enfants et non le niveau de vie du parent gardien, comme c'est le cas dans le modèle fédéral, semble poser problème à plusieurs organismes. C'est le cas, notamment, du Barreau du Québec, de la Fédération des familles monoparentales et recomposées du Québec, de la Fédération des femmes du Québec et d'autres. Je comprends que ces organismes craignent que les tables soient perçues comme un maximum plutôt que comme un minimum et que les familles dont le débiteur dispose d'un revenu plus élevé ne puissent obtenir davantage alors que ce dernier serait en mesure de mieux faire profiter ses enfants ou son ex-conjointe de la situation.

J'ai également cru comprendre que, dans la situation actuelle, malgré que les parents qui sont des conjoints de fait n'aient pas un droit formel à une pension alimentaire, les juges font implicitement une compensation qui a un certain effet dans ce qu'on peut appeler l'égalisation des niveaux de vie, parce qu'ils se montrent plus souples dans la prise en compte de certains besoins des enfants. L'exemple qui nous fut apporté est celui du calcul du besoin logement, qui est parfois octroyé à 50 % au lieu de 30 %. Or, la grille de fixation québécoise proposée n'inclut pas un objectif d'égalisation du niveau de vie entre les ex-conjoints, contrairement à la grille fédérale. C'est ce qui explique les montants plus bas obtenus dans l'application de la grille québécoise pour les tranches supérieures de revenus. Je tiens ici à rappeler cependant que le modèle québécois s'avère plus généreux pour toutes les autres familles à revenus faibles et moyens ou moyens supérieurs, ce qui constitue la majorité des familles au Québec.

Donc, il y aura un choix à faire, si tant est qu'on ne peut pas le bonifier pour que la grille puisse parfaitement harmoniser des facteurs qui permettraient, à toute catégorie, d'être plus généreux. Ceci dit, j'ai été sensible à cette critique amenée par le Barreau du Québec et les groupes de femmes, et je souhaite bien faire analyser davantage cette question de façon à rechercher des solutions aux problèmes évoqués, illustrés avec éloquence par certains intervenants.

Par ailleurs, d'autres critiques ou suggestions ont été formulées, auxquelles j'ai été également sensible, comme mes collègues et les membres de cette commission. J'énumère les principales, à savoir la question de la prise en compte du mode de garde et des droits de visite prolongée dans la fixation du montant des pensions alimentaires qui semble poser le problème du respect de ces droits de visite ou du défaut qui peut en résulter par le parent non gardien. Il est vrai que ces ajustements pourraient créer un incitatif à obtenir un droit de garde à des fins de payer une pension alimentaire moins élevée. Cependant, le projet de loi pourrait prévoir que la pension alimentaire serait réajustée si les temps de garde prévus n'étaient pas respectés dans les faits.

D'autre part, une question est ressortie du débat en commission, et c'est la suivante, celle du maintien du niveau de vie antérieur à l'union pour les enfants concernés et de l'égalité de traitement des enfants issus d'unions différentes. Un paradoxe est apparu autour de ces objectifs. Je réalise que, dans la réalité, il peut s'avérer très difficile d'assurer aux enfants le maintien non seulement de leur niveau de vie antérieur, mais aussi du niveau de vie qui leur est garanti par la pension alimentaire fixée à un moment donné si le parent non gardien a d'autres enfants dans des unions subséquentes. J'en conclus que le principe qui prévaut est celui de l'égalité de traitement de tous les enfants en droit, mais que le maintien du niveau de vie est un objectif qui, bien que souhaitable, pourra difficilement être réalisable dans les faits pour certaines familles. Il nous faut, je pense, faire des analyses plus approfondies sur cette question en particulier.

Plusieurs organismes ont exprimé le souhait que les transferts gouvernementaux ne soient pas considérés dans le revenu disponible du parent gardien parce qu'il s'agit là d'une façon de compenser les coûts non monétaires liés à la présence d'un enfant. Je comprends que c'est déjà le cas dans le modèle québécois qui est proposé. Cependant, je suis d'accord pour que ce principe soit énoncé beaucoup plus formellement.

(22 heures)

D'autre part, des recommandations d'améliorations ont été faites, auxquelles je pense, avec mes collègues, pouvoir souscrire immédiatement. Ainsi, le projet de loi pourrait prévoir l'obligation pour le tribunal de mentionner au jugement les raisons pour lesquelles il s'écarte du montant prévu à la table, le cas échéant où la discrétion judiciaire s'appliquerait. Je suis également favorable à m'engager pour qu'une évaluation de l'application des règles après cinq ans soit prévue au sein du cadre législatif. Je reconnais aussi, à l'instar de plusieurs organismes, l'importance de bien informer la population et plus particulièrement les intervenants, comme les médiateurs, les avocats, les juges, des objectifs du modèle de fixation, de la discrétion qui subsiste, des situations particulières qui pourraient être retenues et surtout du fait que les montants de la table constituent des minimums plutôt que des maximums.

Enfin, d'autres questions auront été éclaircies, d'une certaine façon, par les travaux qui ont été faits en commission ou, en tout cas, à défaut d'avoir été éclaircies, auront été mieux posées, je pense. C'est le cas de la modulation de la pension alimentaire en fonction de l'âge des enfants et en fonction des enfants majeurs à charge et, également, de la question du seuil de faible revenu à partir duquel est exemptée, finalement, l'obligation alimentaire. Alors, nous reviendrons définitivement sur ces questions. Également, celle de l'exemption pour perte d'économies d'échelle chez les personnes vivant seules et la question de prévoir une obligation de la part des parents de se transmettre des informations sur l'évolution de leur situation financière. Ça reste trop peu développé dans le projet actuel, y compris, également, la question de la possibilité de prévoir un mécanisme automatique géré par le ministère du Revenu du Québec.

Dans un autre ordre d'idées, j'ai entendu avec plaisir les organismes qui se préoccupent de la promotion de la médiation familiale. Leurs recommandations vont dans le sens de ce qui est envisagé à l'heure actuelle par le ministre de la Justice et le gouvernement du Québec. Je pense que nous partageons tous les avis qui ont été exprimés sur l'importance de favoriser une approche souple et biparentale en matière familiale. À cet égard, je suis heureuse de constater que les mesures envisagées par le ministre de la Justice rencontrent l'adhésion de tous ceux et celles qui sont venus partager avec cette commission leur point de vue et leur expérience, sans exception, je crois.

L'ensemble des mémoires qui ont été présentés feront l'objet d'autres analyses. Les commentaires et les critiques qui ont été formulés seront considérés dans la suite des travaux, y compris, évidemment, dans le cadre des travaux de la réforme de la sécurité du revenu. Tout ce qui concerne le traitement des revenus des pensions alimentaires en regard de la prestation d'aide sociale, c'est là un sujet extrêmement important. Mes collègues ministériels le savent. Peut-être aurons-nous l'occasion d'échanger prochainement sur cette question. Je fais faire des travaux présentement pour mesurer l'impact et de la défiscalisation et de la grille de fixation sur la sécurité du revenu de façon à ce que ça ne résulte pas en un manque à gagner pour les enfants des familles qui sont à la sécurité du revenu et dont le parent est débiteur d'une obligation alimentaire.

Alors, la prochaine étape va consister à élaborer un projet de loi et, disons, à travailler sur les outils accompagnant le document de consultation, c'est-à-dire sur le formulaire, sur le guide aussi. En fait, d'ici là, je pense que nous aurions intérêt à mettre à contribution les membres de la commission parlementaire dans des séances de travail où nous pourrons également offrir d'associer les membres de l'opposition, évidemment Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne comme porte-parole et les députés de l'opposition qui souhaiteraient y être associés.

Alors, je voudrais remercier d'abord Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne et les personnes... Je voudrais évidemment ne pas oublier le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Une voix: Surtout pas!

Mme Harel: Ha, ha, ha! Mais je pense qu'on peut mutuellement apprécier la qualité des interventions que nous avons eues et des échanges également que nous avons eus avec les porte-parole des organismes. Je voudrais également remercier Mme Bouchard, Geneviève Bouchard, qui est à mes côtés, ainsi que Mme Bergeron, qui le fut au cours de la journée, Me Gauvin, qui est derrière, également, Mes Charbonneau et Tanguay, de la Justice, qui sont des nôtres, et quelques autres qui ont suivi tous nos travaux.

C'est un domaine qui est en évolution. Ce n'est pas simple, à ce moment-ci, d'anticiper quelles seront finalement les tendances lourdes en matière familiale et de le faire d'une façon visionnaire, d'une certaine façon, pour essayer de favoriser une responsabilité accrue, une responsabilité paternelle accrue tout en s'assurant, évidemment, que cette recherche de responsabilité paternelle accrue ne se fasse pas au détriment des enfants.

Alors, je vous remercie, M. le Président, vous-même, n'est-ce pas, qui savez, je pense, hein, je pense que...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'étais inclus dans vos remerciements.

Mme Harel: Non, mais vous savez donner à nos travaux un air, si vous voulez, débonnaire qui nous permet, dans le fond, d'être efficaces. Alors, je vous en remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, Mme la ministre. Avant de conclure moi-même, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: M. le Président, j'ai fait trois omissions, et je voudrais m'en excuser. J'ai oublié de vous remercier, c'est vrai que ça a très bien fonctionné sous votre présidence, et mes collègues, aussi, de l'opposition officielle pour leur collaboration, mais surtout ma précieuse collaboratrice, Mme Andrée Fortin.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Pour ceux et celles qui sont ici dans la salle, à la fin des travaux d'une commission comme ça, c'est vraiment spécial. On a travaillé deux, trois jours de temps sans arrêt, et tous très fort. Quand on termine, ça nous fait quand même quelque chose. Je voudrais remercier chacune et chacun des collègues. On a remercié toutes les collaboratrices et collaborateurs, et je voudrais à mon tour remercier de façon spéciale les collaboratrices de l'Assemblée nationale.

Alors, la commission ayant rempli son mandat, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 22 h 7)


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