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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 9 octobre 1996 - Vol. 35 N° 39

Consultation générale sur le document intitulé «Pour vous et vos enfants : garantir l'avenir du Régime de rentes du Québec»


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Table des matières

Documents déposés

Auditions


Autres intervenants
Mme Lyse Leduc, présidente
Mme Louise Harel
M. Henri-François Gautrin
M. Pierre Marsan
M. Serge Deslières
M. Russell Copeman
*M. Pierre Cléroux, FCEI
*M. Claude Legault, Régie des rentes du Québec
*M. Jean-Claude Ménard, idem
*M. Patrick Howe, FEUQ
*M. Patrick Robitaille, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures sept minutes)

La Présidente (Mme Leduc): À l'ordre, s'il vous plaît! Si les parlementaires veulent bien prendre leur siège. Vous êtes prêt, M. Gautrin?

Pendant ce temps, je vais rappeler le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le document de consultation sur la réforme du Régime de rentes du Québec intitulé «Pour vous et vos enfants: garantir l'avenir du Régime de rentes du Québec».

On m'a avisée qu'il y avait des remplacements. Mme Barbeau (Vanier) remplace M. Boucher (Johnson), et M. Gautrin (Verdun) remplace Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne). Évidemment, Mme la ministre participe d'office à la commission tout le temps des audiences.

L'ordre du jour. Aujourd'hui, nous avons quatre représentations. Deux présentations d'individus: M. Pierre Lefebvre et, une demi-heure plus tard, MM. Yves Carrière et Jacques Légaré. Nous entendrons, à 16 heures, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et la Fédération étudiante universitaire du Québec. Je rappelle que, pour les audiences des particuliers, des personnes, la commission consacre 30 minutes par audition pour les personnes, soit 10 minutes pour la présentation du mémoire et 20 minutes d'échanges pour les échanges avec les membres.

Alors, j'inviterais M. Lefebvre. Vous êtes ici. Bonjour, M. Lefebvre. Oui, Mme la ministre?


Documents déposés

Mme Harel: Vous permettez, Mme la Présidente. Juste avant que nous entendions la présentation de M. Lefebvre, j'aimerais, pour ne pas l'oublier, immédiatement déposer l'étude qui a été réalisée au ministère fédéral des Finances sur l'impact économique de hausses de cotisation au Régime de pensions du Canada et, mutatis mutandis, je considère que, vraisemblablement, cette étude peut trouver application ici, au Québec. Alors, j'en ai trois copies, je pourrais peut-être vous en laisser des copies au Secrétariat, mais, je m'en excuse, elle n'est pas traduite. Alors, c'est...

(15 h 10)

M. Gautrin: Ça ne nous pose aucun problème.

Mme Harel: D'une part. D'autre part, j'aimerais également déposer, Mme la Présidente, une réponse à la question posée par le député de Notre-Dame-de-Grâce. Alors, j'aimerais bien que la secrétaire de notre commission puisse lui transmettre la réponse...

Des voix: ...

Mme Harel: Oui, mais peut-être la lui transmettre. Je ne sais s'il sera de retour parmi nous au cours des travaux de la commission, mais il avait précisément demandé à connaître les implications financières de la proposition de limiter la rente d'invalidité au montant de la rente de retraite maximale payable à 65 ans. Alors, au 30 septembre 1996, il y avait 47 200 rentes d'invalidité. En paiement de ce nombre, 22 000 bénéficiaires recevaient une rente supérieure à la rente de retraite maximale payable à 65 ans. L'écart moyen par bénéficiaire entre le montant versé au titre de l'invalidité et la rente maximale de retraite était de 82,44 $. Pour une année, le coût attribuable à ces bénéficiaires est d'environ 24 000 000 $. La rente de retraite maximale payable à 65 ans est de 727,08 $ en 1996. Alors, je vous remets donc l'explication et puis je comprends que ça va être transmis aux membres de la commission.

La Présidente (Mme Leduc): Oui, à l'ensemble des membres de la commission. Alors, ça va, Mme la ministre?

Mme Harel: Oui.

La Présidente (Mme Leduc): Oui?

Mme Harel: Je voudrais simplement signaler également que j'ai un bref résumé, en français, des faits saillants contenus dans l'étude du ministère fédéral des Finances. Alors, je peux aussi le déposer, tout en sachant la connaissance approfondie de la langue anglaise du député de Verdun, ça peut peut-être lui être utile. Ha, ha, ha!

M. Gautrin: On va les...

La Présidente (Mme Leduc): Et on va faire des copies aussi pour...

Une voix: Non, non, on en a, des copies.

La Présidente (Mme Leduc): Ah, vous en avez, des copies?

Mme Harel: J'en avais, des copies.

La Présidente (Mme Leduc): Bon, parfait. Alors, M. Lefebvre, ceci étant dit, la parole est à vous.


Auditions


M. Pierre Lefebvre

M. Lefebvre (Pierre): Merci. Alors, mon mémoire est déposé, donc je ne vais pas le reprendre en long. Mon mémoire, essentiellement, pose quatre questions et répond à ces quatre questions. Avant de rappeler ces questions, je vais faire un certain nombre de remarques préalables.

À mon point de vue, la réforme du Régime de rentes du Québec et du régime des rentes du Canada pose un problème complexe. C'est un problème de nature financière. Financière pour les raisons suivantes: il va un peu de soi que la crédibilité financière future du régime et sa viabilité politique reposent sur un relèvement du taux actuel de cotisation, qui est de l'ordre de 5,6 %, vers un taux d'environ 13,5 %. Alors, ça va de soi que, s'il n'y a pas un relèvement du taux, le régime, financièrement, disons, n'est pas viable.

Ça pose un problème également économique de la façon suivante. Le problème est le suivant, c'est: Comment décider du financement efficace et équitable de cette assurance sociale qui consiste à quoi? Qui consiste à assurer, enfin à protéger contre le risque de vivre longtemps et les conséquences d'événements économiques et démographiques incertains.

Dans le fond, cette assurance, elle vise quoi? Elle vise à réduire la variance du revenu associée au fait de ne plus être en mesure de travailler et de vivre longtemps; à opérer également une redistribution entre les revenus et entre les revenus des différentes générations; et à répartir différents risques de nature démographique, économique entre les générations. Alors donc, c'est dans ce sens-là que le problème économique est un problème complexe de trouver un financement équitable et efficace.

C'est aussi un problème social dans la mesure suivante: cette protection dont je viens de donner les caractéristiques et la solidarité qu'elle implique ont une valeur qui ne s'exprime pas uniquement en termes monétaires. Donc, dans le fond, il faut décider des modalités futures d'une partie du contrat social qui lie les générations entre elles, compte tenu qu'on ne peut pas faire marche arrière sans faire des perdants et des gagnants.

Deuxième remarque préalable. Je pense qu'on a tendance, souvent, à oublier le fait que la hausse du coût du financement du régime actuel, bien sûr, est due, en partie, pour environ 50 %, à des modifications dans l'environnement économique et démographique, mais un autre 50 % de la hausse du coût du financement est dû à des changements des paramètres du programme. Donc, on a bonifié le programme mais, en même temps qu'on bonifiait le programme, sans augmenter les taux de cotisation. Alors donc, il y a un peu un problème à cet égard, et on se retrouve avec ce problème 15 ou 20 ans plus tard. Donc, ça implique également qu'on peut s'interroger sur des changements dans les paramètres du programme, qui auraient pour effet de réduire le coût du financement sur le long terme.

J'arrive à mes quatre questions que je soulève dans mon mémoire et auxquelles j'essaie de donner une réponse.

En premier lieu – c'est la première question – est-ce qu'il est pertinent socialement de maintenir un régime d'assurance public qui offre une protection de revenus à la suite de la prise de la retraite, de l'invalidité ou du décès du cotisant en faveur des personnes à charge?

Bon, la question est un peu académique, puisque le gouvernement, dans le fond, a dit – tant le gouvernement canadien que le gouvernement québécois: On maintient un régime public de pensions. Alors, néanmoins, disons qu'il vaut la peine de s'interroger sur les raisons pour lesquelles on devrait maintenir socialement un tel régime. Mon mémoire donne un certain nombre de ces raisons. Je ne reviendrai pas sur ces raisons.

Deuxième question qui peut être posée en marge de la réforme du Régime de rentes du Québec, question très générale: Est-ce qu'il est efficace de financer un régime supplémentaire de retraite à l'intention des personnes qui occupent un emploi rémunéré au moyen d'une taxe sur les salaires?

Alors, pour répondre à cette question, dans mon mémoire, je fais l'analyse suivante. De façon générale, lorsque l'État veut aller chercher des recettes supplémentaires, alors la question qui se pose, c'est: Quel genre de taxe on devrait utiliser? Et on a à la disposition, enfin le gouvernement a à sa disposition un certain nombre de taxes et, dans le fond, on devrait choisir les taxes, dans la mesure où on a pris la décision d'aller chercher des recettes supplémentaires, on devrait utiliser les taxes qui apparaissent comme étant les plus efficaces et qui également ont des caractéristiques d'équité.

Alors, si on regarde uniquement – disons que je fais abstraction de l'équité – en termes d'efficacité, quelles sont les taxes les plus efficaces, on peut les classer, grosso modo, selon une analyse économique des taxes, de la façon suivante: les taxes les plus efficaces sont celles qui impliquent le moins de distorsion ou de changement dans les comportements économiques des individus. Or, par ordre d'efficacité, on peut classer les taxes sur la consommation comme étant des taxes plus efficaces. Ensuite, par ordre d'importance en termes d'efficacité, en termes d'efficacité relative, on peut parler des taxes sur les salaires. En troisième lieu, comme taxe moins efficace que les deux premières, on peut parler d'impôt sur le revenu des particuliers. Et finalement on peut parler, comme taxes moins efficaces – et la raison en est relativement simple dans une petite économie ouverte comme celle du Québec ou celle du Canada – de taxes sur les revenus du capital qui vont apparaître comme étant vraiment les moins efficaces.

Donc, de façon générale, la réponse à la question «Est-ce qu'il est efficace d'utiliser des taxes sur les salaires pour aller chercher des recettes supplémentaires?»: bien, compte tenu, que, dans le classement général, les taxes sur les salaires apparaissent comme relativement efficaces, c'est une bonne façon d'aller chercher des recettes supplémentaires. Et, dans le cas précis du Régime de rentes du Québec, dans la mesure où on veut maintenir les protections de ce régime-là et également dans la mesure où on veut resserrer le lien entre prestations et cotisations, cotisations levées sur les revenus, compte tenu évidemment que les prestations sont déterminées par les revenus gagnés par les individus, donc, de ce point de vue, il apparaît qu'augmenter la taxe sur les salaires gagnés par les individus apparaît comme une taxe relativement efficace pour aller chercher, enfin pour faire face au problème du financement du Régime de rentes du Québec.

En troisième lieu, mon mémoire pose la question suivante: Quels seront les effets économiques prévisibles d'une hausse continue des taux de cotisation? Et est-ce que c'est socialement avantageux? Et, dans le fond, socialement avantageux, la question qui se pose est la suivante... Et Mme la ministre a déposé une étude du conseil économique qui fait la comparaison entre un régime de répartition et un régime de capitalisation et essaie de voir s'il y a des avantages au Canada, de façon générale, à avoir un régime de capitalisation plutôt qu'un régime par répartition.

Alors, je réponds de la façon suivante à la question «Quels sont les effets économiques prévisibles?»: bien, il y en a plusieurs genres d'effets économiques: il y a les effets de court terme; il y a les effets financiers; il y a les effets d'équité intergénérationnelle; il y a les effets de long terme.

Pour ce qui est des effets de long terme – je reprends personnellement, parce que je n'ai pas fait cette étude et que je trouve qu'elle est bien faite au plan technique, les conclusions de l'étude faite par le ministère des Finances du Canada, en fait par l'équipe technique d'économistes qui a fait cette étude, qui n'engage pas évidemment le ministère des Finances du Canada – les effets de long terme semblent être intéressants, pour le Canada et, par extension, pour le Québec, d'avoir un régime qui serait mieux capitalisé ou qui aurait une plus grande capitalisation que le régime actuel. Donc, ça a des effets positifs sur l'épargne globale dans l'économie, sur l'accumulation du stock de capital et ça se traduit sur le long terme par des salaires plus élevés pour l'ensemble des travailleurs.

(15 h 20)

En ce qui concerne les effets de court terme, bien, évidemment, c'est l'inverse des effets de long terme. À court terme, lorsqu'on augmente les taxes sur la masse salariale, ça va se traduire par une diminution de la consommation, augmentation de l'épargne. Et la diminution à la consommation évidemment va se traduire par une baisse relative de la production privée, dans un premier temps.

Et, également, disons que se pose la question à savoir: Quel va être l'effet d'augmenter la taxe sur les salaires? Mais, évidemment, à très court terme, ceci augmente les charges salariales. Cependant, disons que l'analyse économique, de façon générale, montre que ses effets sur l'emploi se dissipent relativement rapidement, de sorte que, à moyen et à long terme, l'incidence d'une augmentation continue d'une taxe sur le salaire va se traduire par des salaires qui sont moins élevés, à moyen terme.

En ce qui concerne les effets financiers, bien, c'est un petit peu hypothétique, puisque, dans la mesure où, par exemple, on a un régime qui est beaucoup plus capitalisé, alors ça se traduit, pendant les premières années, par une accumulation de fonds très importante, et se pose la question, dans le cadre d'une petite économie ouverte, comme l'économie canadienne, à l'échelle mondiale, des débouchés pour ces épargnes supplémentaires, c'est-à-dire ces fonds supplémentaires qui devraient être placés dans le marché privé des capitaux.

Alors donc, ma réponse à la troisième question «Est-ce que les effets économiques prévisibles, là où se continuent les taux de cotisation, seraient socialement avantageux?»: oui, dans la mesure... Une minute?

Finalement, quatrième question: Est-ce que la réforme du Régime de rentes est en concordance avec le nouvel environnement économique et s'inscrit-elle dans le courant central adopté par ses grands partenaires économiques concernant les régimes publics de retraite? Bien, ma réponse est oui, dans la mesure où le Québec adopte une modification, une réforme du Régime de rentes qui s'apparente à celle du Canada. Lorsqu'on fait des comparaisons en ce qui concerne le financement des régimes publics de retraite, dans les pays européens ou aux États-Unis, on se rend compte que, dans le fond, on peut facilement... en termes économiques, pour l'économie québécoise et canadienne, ça permet d'augmenter la taxe sur les salaires pour financer les protections ou les assurances qui actuellement sont promises dans le cadre du Régime de rentes du Québec. Merci.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, je vous remercie, M. Lefebvre. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. M. Lefebvre, j'ai senti qu'à la fin, là, vous... Compte tenu du peu de temps, est-ce qu'il y autre chose que vous voudriez ajouter, ou si, pour vous, ça complétait votre intervention?

M. Lefebvre (Pierre): Bien, disons que je peux ajouter, peut-être, une petite conclusion qui est la suivante: les régimes de répartition sont souvent considérés comme impliquant plus d'égalité et de solidarité entre les générations, tandis que les régimes capitalisés sont perçus comme provoquant une rupture entre les générations, chacune travaillant et épargnant pour elle-même. Ces points de vue sont un peu simplistes, car ils négligent les relations complexes qui existent entre le développement du système des pensions et les expériences économiques des générations qui se succèdent. Les générations futures sont le plus souvent susceptibles de faire face à des conditions économiques meilleures que les générations passées, à cause des progrès de la productivité et du progrès de la connaissance. Alors, cette vision plus complexe implique que, pour atteindre des résultats importants en termes d'équité intergénérationnelle, la politique publique devrait, à mon avis, combiner régime de répartition et régime de capitalisation.

La Présidente (Mme Leduc): Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, merci. Je pense que c'est la première fois sans doute, je ne pourrais pas dire dans l'histoire, je n'ai pas cette prétention-là, mais ça fait la première fois, d'aussi loin qu'on puisse se rappeler, que les générations futures n'ont pas le sentiment que leur condition économique va être meilleure que celle de la génération qui les a précédées. Et est-ce que ça vous semble être un élément qui est du domaine du débat public, cette question-là?

M. Lefebvre (Pierre): Bien, enfin, je pense qu'il faut avoir un peu une perspective historique ces jours-ci. Si c'était le cas que la génération actuelle, la jeune génération actuelle, les jeunes générations, les très jeunes, ceux qui ont entre zéro et 25-30 ans actuellement, que leur perspective, lorsqu'ils seront beaucoup plus âgés, s'avère inférieure, enfin s'avère très mauvaise, ce serait la première fois dans l'histoire qu'une telle chose se produirait, ce serait vraiment une rupture dans l'histoire. Alors donc, dans ce sens-là, je pense qu'il faut faire confiance à l'histoire de façon générale, en ce qui concerne l'évolution des niveaux de vie des différentes générations.

Mme Harel: Vous êtes un expert, professeur du Département des sciences économiques de l'École des sciences de la gestion. J'ai lu la prestation que vous avez faite dans un forum où se trouvait d'ailleurs le député de Verdun, le groupe Insight... Comme on n'a pas beaucoup de temps, je vais aller au plus pressé, mais j'ai quand même, en tout cas, juste le sentiment qu'aux États-Unis des études récentes ont démontré que la génération qui a autour de 30 ans maintenant a globalement un niveau de vie qui n'est pas équivalent à celui que ses parents avaient au même âge, disons, toute comparaison étant difficile à faire.

Ceci dit, vous avez fait connaître, à quelques occasions justement, publiquement votre point de vue sur les taxes sur la masse salariale. Alors, je comprends que ça ne vous semble pas d'une perversité équivalant à celle qui est brandie, présentement, souvent, dans les médias, et que vous considérez que c'est là une façon qui peut être très légitime de financer des programmes publics, des interventions publiques. C'est bien le cas?

M. Lefebvre (Pierre): C'est tout à fait le cas, oui.

Mme Harel: Est-ce que vous assimilez, par exemple, cette épargne-retraite à l'équivalent d'une taxe sur la masse salariale, disons la cotisation versée à la Régie des rentes, là? Pour vous...

M. Lefebvre (Pierre): Oui, c'est une taxe sur les salaires gagnés par les individus. Oui.

Mme Harel: Et, en même temps, ça l'est parce qu'elle est obligatoire, c'est son caractère obligatoire qui en fait une taxe? Parce que, si c'était dans le cas d'un REER, par exemple, immobilisé, à ce moment-là ça ne paraîtrait pas une taxe. Alors, je me demande pourquoi... C'est le caractère obligatoire qui, selon vous, détermine, disons, le fait que ce soit une taxe?

M. Lefebvre (Pierre): Enfin, c'est une taxe, on peut dire, dans le cas du Régime de rentes du Québec ou du Canada, c'est une épargne forcée, obligatoire. Donc, dans ce sens-là, on oblige les individus à faire une épargne. Donc, dans le fond, on fait le prélèvement de façon obligatoire.

Mme Harel: Ce que vous démontrez dans votre mémoire, c'est que c'est à long terme, en fait. De toute façon, ça se répercute sur les salaires et sur les prix à la consommation, donc sur la capacité, dans le fond, de consommer. Et donc, c'est porté par les travailleurs eux-mêmes, finalement, ce prélèvement. Est-ce que vous pouvez nous le décrire rapidement?

M. Lefebvre (Pierre): Je le décrirai de la façon suivante, en faisant état de l'expérience chilienne. Au Chili, on a en quelque sorte mis fin au régime public de retraite et on a dit, dans le fond, aux individus: Vous allez devoir quand même, néanmoins, épargner pour votre retraite de façon obligatoire, mais c'est à vous de placer.

Alors, évidemment, ça s'est traduit par une diminution des cotisations obligatoires. Et on a constaté quoi dans cette expérience qu'on appelle «naturelle»? On a constaté que les salaires des travailleurs ont augmenté en contrepartie. Donc, dans le fond, l'effet est tout à fait asymétrique. Lorsqu'on augmente la taxe sur les salaires, dans un premier temps, l'entreprise peut difficilement, disons, reporter ceci sur les salaires. Mais évidemment, très rapidement, lorsque s'ouvrent les conventions collectives, lorsqu'il est question de discuter les salaires, ça veut dire que c'est passé sous forme d'augmentations de salaires qui sont moins importantes.

D'autre part, les entreprises vont avoir tendance à essayer de répercuter l'augmentation de leurs coûts salariaux. Évidemment, ils peuvent être plus ou moins importants, compte tenu de la façon dont l'entreprise fonctionne, du type d'entreprise. L'entreprise va essayer de répercuter l'augmentation de ses coûts salariaux sous forme d'une augmentation de ses prix de vente. Et donc, on a les deux mécanismes qui vont jouer, c'est-à-dire augmentation des prix de vente ou rationalisation, augmentation de l'efficacité de la part de l'entreprise et, également, disons, augmentation des salaires qui serait beaucoup moins importante qu'elle ne l'aurait été autrement s'il n'y avait pas eu cette augmentation de taxe sur les salaires. Et, dans le fond, il ne faut pas perdre de vue... On a tendance à dire, depuis quelques années, que les salaires n'augmentent pas très vite. Mais évidemment, lorsqu'on ajoute aux salaires gagnés... Si on ajoute les augmentations de taxes, l'ensemble des taxes sur les salaires qui ont été décrétées par les deux paliers de gouvernement depuis cinq ou six ans, bien, dans le fond, il faut ajouter ceci: on se rend bien compte que les salaires, l'ensemble des salaires ont augmenté, mais il y a une partie des salaires qui sont allés à payer des assurances collectives du type assurance-emploi, assurance-chômage, accidents de travail, et ainsi de suite.

(15 h 30)

Mme Harel: Donc, en fait, il y a des salaires moins élevés qu'amènent finalement ces assurances collectives contre des risques divers: la maladie, la retraite, l'accident, et autres.

J'ai compris que, dans votre mémoire, dans le fond, vous relativisiez tout le débat économique sur l'impact négatif de la hausse d'une taxe sur la masse salariale, compte tenu que, si ce n'est pas par le biais de programmes, disons, collectifs, ce sera par le biais de hausses salariales que les travailleurs voudront se donner en privé ce genre de protection. C'est ce que je comprends de ce que vous nous démontrez, je crois, hein?

M. Lefebvre (Pierre): Et enfin, dans la mesure où il y a une hausse assez importante de la taxe sur les salaires gagnés par les individus, elle sera d'autant plus acceptée par les travailleurs qu'elle sert à payer des protections futures, qu'elle sert à payer des rentes futures.

Alors donc, on va accepter d'autant plus facilement de voir son salaire augmenter moins vite si on sait que cette progression moins importante des salaires va se traduire par la viabilité financière du régime de rentes public.

Mme Harel: À la page 6, d'ailleurs, vous nous donnez des bonnes raisons pour être en faveur d'un régime public. Au premier paragraphe, vous rappelez que seul un régime public est en mesure d'offrir une assurance contre des changements démographiques, disons, brutaux, que seul un régime public peut répartir certains risques – comme les incertitudes technologiques, les périodes de grande récession – entre les générations. «Un régime public peut, ajoutez-vous, favoriser les externalités favorables associées aux investissements dans le capital humain – des parents vers les enfants en contrepartie de transferts de revenu à la retraite.» Et «un régime public est une façon d'imposer la mise en application d'une partie du contrat social qui lie les générations entre elles».

Une fois cela dit, vous ajoutez cependant que toutes ces bonnes raisons ne permettent pas de favoriser un mode de financement par rapport à un autre. Donc, vous optez pour un régime public. Mais, quant au mode de financement, soit par capitalisation ou répartition, là, vous nous dites: Il y a du pour et du contre des deux côtés. Pouvez-vous nous les résumer?

M. Lefebvre (Pierre): En d'autres mots, ces différentes raisons pour la mise en place d'un régime public ne favorisent pas, disons, un mode de financement, c'est-à-dire répartition ou capitalisation, par rapport à un autre. Et en fait, ça favorise plutôt un mode de financement par répartition plutôt que par capitalisation parce que, dans la mesure où on a un régime qui serait strictement capitalisé, il est très clair qu'on épargne individuellement pour sa retraite et qu'il n'y a aucune redistribution entre les générations, entre les individus, et le mécanisme de protection aux fins de dilution de ces risques, évidemment, serait perdu dans un régime de capitalisation.

Mme Harel: Mais, entre...

La Présidente (Mme Leduc): Oui, rapidement.

Mme Harel: Une dernière minute, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Leduc): Court, très court.

Mme Harel: Entre régimes de redistribution, par exemple, vous en parlez à la page 7 de votre mémoire – je sais que ça va intéresser le député de Verdun – vous dites: «Si on considère que ces régimes sont des mécanismes de redistribution du revenu des personnes actives aux personnes âgées, le financement par répartition au moyen d'impôts généraux sur la consommation, le salaire ou le revenu est tout à fait convenable.»

Bon. Ce qui est le cas actuellement. Mais ce n'est pas à partir, si vous voulez, des impôts généraux sur la consommation ou sur le revenu. En fait, ce qu'on a choisi, c'est sur le salaire. Est-ce que ça vous semble être un mode à privilégier? Entre les régimes qui sont financés, comme le supplément de revenu garanti, par exemple, ou le supplément de vieillesse, «pay as you go» ou ce genre de régime capitalisé, qu'est-ce que vous choisissez?

M. Lefebvre (Pierre): Bien, en fait, c'est un peu à ça que faisait allusion mon texte. C'est-à-dire que, dans le fond, la pension de vieillesse actuelle au palier fédéral, le supplément de revenu garanti, ce sont des régimes de répartition du revenu vraiment entre les générations, qui sont financés par des impôts extrêmement généraux.

Alors, cet aspect-là, je pense qu'on devrait le garder, enfin garder une composante de cet aspect-là. Et ça va être beaucoup plus clair. Dans le fond, l'objectif de redistribution, qui, je pense, est défendable, il devrait être très clair. Il devrait peut-être aussi être dissocié du régime de retraite du Québec. C'est-à-dire, il y a un peu deux objectifs, et les objectifs qu'on vise devraient peut-être être séparés et avec les instruments appropriés.

La Présidente (Mme Leduc): Monsieur, je vous remercie. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. Alors, je vais poursuivre un peu les discussions qu'on a déjà pu avoir ensemble. Si je comprends bien ce que vous avez, vous avez commencé par classifier sur un critère d'efficacité les effets des différentes taxes pour les individus. Ça, c'est le premier élément de votre position.

Deuxièmement, vous dites: Les taxes sur la masse salariale payées par les entreprises, dans le fond, doivent être identifiées à la taxe pour les individus parce qu'elles sont de fait transférées sur les salaires payés par les... Et vous refusez, et c'est là le grand point de divergence que je peux faire encore comme étant entre vous et nous, ici, enfin entre vous et moi là-dessus, puisque vous assimilez complètement la taxe sur la masse salariale payée par les entreprises... vous dites: Grosso modo, c'est la même chose que la taxe payée par les employés des entreprises. C'est à peu près la position que vous avez.

Alors, ma première question, parce que vous ne l'avez pas dit dans votre exposé, donc je vais vous laisser un peu de temps: Comment vous définissez l'efficacité d'une taxe? Enfin, vous l'avez vaguement dit en disant: Ce qui ne change pas les comportements économiques d'une personne. Mais je vais vous laisser la chance de pouvoir mieux préciser le concept d'efficacité ici, parce que ça peut amener, si vous voulez, par exemple, à dire qu'on devrait abandonner toute taxe sur le capital parce que c'est la moins efficace dans le sens de notre collègue. Enfin, pouvez-vous expliquer l'efficacité?

M. Lefebvre (Pierre): Bien, enfin, disons, l'idée d'efficacité, c'est l'implication suivante: dès qu'on lève une taxe, évidemment, on change des incitations financières, par exemple de travailler ou de ne pas travailler, de consommer tel type de bien plutôt que tel autre. Ça modifie également la façon dont on va épargner durant sa vie. Donc, il est clair que, dès qu'on lève une taxe, les incitations financières de se comporter d'une façon ou d'une autre risquent de se modifier parce que le rendement privé, le rendement, pour soi, privé de travailler une heure de plus, d'épargner 1 $ de plus, de consommer un paquet de cigarettes de plus ou un litre d'essence de plus, ça risque de se modifier. Alors donc, on n'y échappe pas. Toute taxe entraîne des changements à la marge dans les comportements.

Or, ce qu'on veut, évidemment... C'est qu'on met en balance la chose suivante. On dit: Lorsqu'on lève des taxes, ça permet de financer des services publics qui génèrent des bénéfices, et on est d'accord pour financer ces services publics, en autant que les bénéfices de ces services publics soient supérieurs à ce qu'il en coûte pour les taxes. Or, ce qu'il en coûte pour les taxes, dans le fond, c'est ce qu'on perd comme revenus disponibles et qu'on retrouve sous forme de services publics, mais également, en plus, s'ajoute au fardeau fiscal direct le fardeau indirect qui est le changement de comportement. Alors donc, c'est ça, l'idée d'efficacité, c'est-à-dire que ça modifie à la marge les comportements des individus. Alors donc, il faut voir, dans la mesure où on veut aller chercher des ressources supplémentaires, utilisons les taxes qui sont les plus efficaces, donc qui modifient le moins...

M. Gautrin: Le moins possible le comportement à la marge. On pourrait avoir un long... On a peu de temps et on pourrait avoir un long débat un peu théorique là-dessus.

Les points où je diverge d'opinions avec vous, c'est sur deux choses. Vous dites: L'augmentation de la taxe sur la masse salariale pour les entreprises aura peu d'effet sur l'emploi à moyen terme parce que l'économie va finir par se stabiliser et corriger ces effets pervers, à court terme. C'est à peu près la position que vous avez dite, à ce que je comprends.

Je dois dire qu'aussi bien moi que les personnes qu'on va recevoir tout à l'heure, qui sont les représentants des manufactures, je pense que c'est l'industrie des manufacturiers...

La Présidente (Mme Leduc): La Fédération canadienne...

M. Gautrin: ...la fédération canadienne des manufacturiers – c'est bien ça? – ...

La Présidente (Mme Leduc): ...de l'entreprise indépendante.

M. Gautrin: ...de l'entreprise indépendante, divergeons d'opinions avec vous dans la réalité à court terme. Le moyen terme étant quelque chose qu'on projette sur une tellement longue période de temps que souvent on a peut-être cessé d'être actif lorsque le moyen terme arrive, alors peut-être que ce qui touche les gens, c'est le court terme. Et, pour vous, le court terme, c'est combien de temps, ou le moyen terme, c'est-à-dire au moment où...

M. Lefebvre (Pierre): Le court terme, c'est une année, une année et demie; le moyen terme, c'est plus d'une année; et le long terme, c'est 10 ans et plus. Alors donc...

M. Gautrin: Et...

M. Lefebvre (Pierre): ...les études économiques, de façon générale, montrent qu'à moyen terme les effets sont plus ou moins dissipés, d'une augmentation d'une taxe sur les salaires.

M. Gautrin: Vous me permettrez de... Je pense qu'on pourrait repartir ici un débat un peu théorique sur les effets sur le chômage. Même l'étude dont vous avez fait état et que j'essaie de traverser rapidement, du Conference Board, met quand même un minimum, pour rétablir la situation, d'une quinzaine d'années, ce qui est quand même assez important pour rétablir la situation de l'emploi.

Bon. Alors, écoutez, je ne sais pas si j'ai le temps encore de faire un débat...

La Présidente (Mme Leduc): Oui.

M. Gautrin: ...sur ça...

La Présidente (Mme Leduc): Oui, oui.

M. Gautrin: ...ou pas.

La Présidente (Mme Leduc): Il vous reste du temps, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Bien, vous voyez les éléments de divergence. Un des points que vous avez faits dans le début de votre intervention, vous avez dit: Il est socialement juste qu'il y ait un régime de pensions financé par l'État. Et alors, vous aviez bien expliqué qu'un régime de pensions, c'est un régime de répartition entre les générations.

Le RRQ est aussi, en plus d'un régime de pensions, une forme de régime d'assurance, assurance-invalidité, assurance qui paie un certain nombre de prestations, disons, la rente de conjoint survivant, et des choses comme ça. Est-ce que vous avez le même type d'analyse sur l'importance de payer ces bénéfices à même une taxe sur la masse salariale?

M. Lefebvre (Pierre): Bien...

(15 h 40)

M. Gautrin: Si on s'entend, de part et d'autre, que les contributions au RRQ sont une taxe sur la masse salariale. Je ne voudrais pas entrer à nouveau dans ce débat-là, et vous avez été d'accord au départ.

M. Lefebvre (Pierre): Disons que je n'ai pas réfléchi très longuement à la question, mais je suis peut-être plus réservé en ce qui concerne l'assurance-invalidité et les compléments de ce qui sera financé par le Régime de rentes du Québec. Donc, c'est moins évident, disons, l'intérêt d'une intervention publique... Enfin, disons que ça m'apparaît peut-être moins clair.

M. Gautrin: Et ça inclut la rente de conjoint survivant, dans votre analyse.

M. Lefebvre (Pierre): Oui.

M. Gautrin: Ça, c'est un point sur lequel moi, personnellement, je pense que ça serait intéressant de pousser un peu plus l'analyse. Moi, j'ai terminé mes questions, mais je pense que peut-être le député de Robert-Baldwin veut intervenir.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Avec votre permission. C'est à mon tour de vous remercier pour votre présentation, M. Lefebvre. Vous mentionnez – et je pense que vous l'avez affirmé à plusieurs reprises: Une taxe sur le salaire apparaît comme un instrument fiscal relativement efficace pour dégager des recettes supplémentaires en vue du financement du système de retraite public. Mais est-ce qu'il n'y a pas quand même une limite à imposer une taxe sur les salaires à un moment donné, en sachant les objectifs poursuivis par l'entreprise de dégager des profits, en pensant qu'elle peut réinvestir ces profits-là pour accélérer le moteur de toute l'économie, en tout cas, habituellement? Alors, est-ce qu'il n'y aurait pas une limite à taxer les salaires?

M. Lefebvre (Pierre): Bien, écoutez, la limite... Enfin, disons, pour que ça soit vraiment très clair, que la difficulté, c'est que très souvent dans les cotisations sociales il y a une partie qui est payée par l'employeur et une partie payée par l'employé. Alors, la difficulté, c'est de dire: La partie payée par l'employeur, est-ce qu'elle est vraiment payée par l'employeur? Donc, c'est l'idée de faire une analyse d'incidences.

Alors, pour que les choses soient très claires, à mon point de vue, moi, disons que je suis tout à fait d'accord que, pour faire face au problème du financement du Régime de rentes du Québec, la totalité d'augmentation soit perçue auprès des employés. À mon point de vue, ça ne change pas grand-chose.

Donc, la limite, c'est quoi, la limite? La limite, c'est que, si on augmente les impôts prélevés auprès des individus, comme l'impôt personnel ou toute taxe, les individus vont réagir. Donc, la limite, c'est: Est-ce que le fardeau supplémentaire du fardeau direct, c'est-à-dire le changement de comportement, le changement de comportement est-il assez important pour que ça vienne annuler les bénéfices de la protection, la valeur de la protection ou la valeur des services publics? Alors, c'est ça, la limite. Est-ce que, dans le fond, lorsqu'on prélève des impôts, ça modifie de façon très importante les comportements de façon telle que ça devient plus intéressant, à la marge, de financer des services publics supplémentaires? C'est ça, la limite, à mon point de vue.

M. Marsan: Merci.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, je vous remercie, M. Lefebvre. Je pense que je vais vous remercier au nom de tous les parlementaires et demander leur collaboration pour qu'on passe immédiatement aux intervenants suivants sans qu'il y ait trop de retard. Alors, je vous remercie de votre présentation et j'inviterais MM. Carrière et Légaré à prendre place, s'il vous plaît.

Alors, M. Carrière? Ah bon, le voilà! Alors, M. Carrière, ça me fait plaisir de vous accueillir. Vous étiez présent. Vous avez 30 minutes: 10 minutes de présentation et 20 minutes d'échanges réparties également entre la députation ministérielle et les représentants de l'opposition.


MM. Yves Carrière et Jacques Légaré

M. Carrière (Yves): Alors, je voudrais d'abord vous remercier de nous avoir invités à collaborer à ce débat sur la réforme de la Régie des rentes du Québec et je m'excuse de la part de M. Légaré. M. Légaré est parti à Genève et ne pouvait pas se joindre à nous aujourd'hui.

Ne voyez pas dans mon regard une tristesse d'être ici aujourd'hui. C'est une vilaine grippe qui s'est jointe à une très vilaine conjonctivite. Je me sentais obligé de vous le dire parce que je ne me suis pas fait dévisager autant depuis ma dernière poussée d'acné il y a à peu près 25 ans. Alors...

La Présidente (Mme Leduc): Alors, on va prendre ça en considération. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Carrière (Yves): D'ailleurs, je ne vois à peu près rien. Ha, ha, ha! Donc, comme vous avez pu le voir, ce qu'on a fait, c'est un document de trois pages. C'est des commentaires assez rapides sur différents points qui ont été soulevés dans le document de consultation. Alors, ce que je vais faire pendant les, peut-être, 10 minutes – je ne suis pas certain que ça va prendre 10 minutes – c'est de tout d'abord soulever pourquoi on a voulu participer à ce débat. Et la première raison, c'est le discours alarmiste qui était transmis dans les médias au début de l'année, où tout ce qu'on semblait vouloir relever de l'étude actuarielle de la Régie des rentes du Québec, c'était le fait que, si on ne fait rien, dans 10 ans, la caisse va être épuisée et le régime mourra de sa belle mort. Alors, c'était un discours qui était très alarmiste, qui, d'une part, ne tient pas compte de certaines prévisions de la Régie des rentes, qui sont de faire différentes études actuarielles à tous les cinq ans et de revoir la progression des taux de cotisation, qui font qu'on prend l'assurance que la caisse ne sera pas vide mais que les taux de cotisation, par ailleurs, peuvent augmenter de façon assez drastique dépendamment de l'évolution économique et démographique.

Et, surtout, j'ai entendu, dans plusieurs colloques sur la réforme des régimes, surtout au Canada... Il y en a qui s'amusent à montrer que, quand on fait un petit sondage: Est-ce que vous croyez aux OVNI? et: Est-ce que vous croyez à la pérennité du Régime de pensions du Canada?, il y en a plus qui croient aux OVNI qu'à la pérennité du Régime de pensions du Canada, ce qui fait que plusieurs personnes se disent: Pourquoi cotiser à un régime qui, de toute façon, dans 20 ou 25 ans, ne pourra pas nous donner les bénéfices auxquels on est censés avoir droit?

Ensuite, il faut voir aussi que c'est un régime qui compte pour 25 % du revenu des retraités qui ont un revenu entre 10 000 $ et 20 000 $ par année. Donc, ce n'est sûrement pas un régime à abolir, peut-être le réformer, mais sûrement pas l'abolir.

Et il y a aussi, évidemment, l'urgence d'agir. D'une part, il y a le vieillissement démographique – je suis démographe, je ne peux pas passer à côté. Alors, tout le monde est au courant, je n'ai pas à faire de leçon sur le vieillissement démographique. On a à peu près une période d'une quinzaine d'années où on peut adapter plusieurs des programmes sociaux qui sont basés sur des critères d'âge; on a à peu près une quinzaine d'années pour les ajuster. Le vieillissement démographique, disons, est un petit peu en pause pour les 15 prochaines années. Il y a une poursuite du vieillissement, mais ce n'est quand même pas l'accélération qu'on va connaître à partir de 2011, où les baby-boomers vont accéder graduellement au rang des 65 ans et plus.

Et il y a aussi que, si on laisse les choses aller, comme l'étude actuarielle le démontrait, on va être obligé de monter les taux de cotisation à 13 %, éventuellement, ce qui fait que les générations futures vont devoir payer plus de deux fois ce que les générations de retraités actuelles vont avoir déboursé pour avoir exactement les mêmes bénéfices, si mêmes bénéfices il y a dans 20 ou 25 ans. Donc, c'est des facteurs qui font qu'on ne peut pas tarder à agir. On l'a déjà fait à la fin des années soixante-dix, alors qu'on savait très bien que le vieillissement démographique se pointait, et on n'a rien entrepris comme réforme. Si on l'avait fait à cette époque-là, on n'en serait pas ici aujourd'hui à débattre: Est-ce qu'on devrait augmenter les taux de cotisation de façon très rapide pendant huit ans ou 10 ans? Je pense qu'on aurait un régime un petit peu stable.

Je vais en profiter pour soulever des petits points qui n'ont peut-être pas été mentionnés dans le document et qui méritent peut-être un peu d'attention. Certaines personnes disent que le taux de 13 % qui est prévu n'est peut-être pas si dramatique que ça, puisque, dans certains pays développés, on a des taux qui sont nettement plus élevés que ça déjà, actuellement, aux États-Unis, en France et dans plusieurs pays. Sauf que tous les régimes, si on veut les comparer, il faudrait peut-être comparer aussi les prestations et les cotisations, ce qui n'est pas toujours le cas quand on brandit les taux de cotisation dans d'autres pays. Les prestations ne sont pas toujours les mêmes; le Régime de rentes du Québec couvre 25 % d'un maximum qui n'est déjà pas tellement élevé. Donc, ce n'est pas du tout ce qui se passe nécessairement dans d'autres pays. Et aussi, dans ces pays-là, on a augmenté ou on songe sérieusement à augmenter l'âge de la retraite. Donc, si c'est ce à quoi on veut arriver ici, bien, c'est peut-être une chose à faire. Mais, si ce n'est pas à ça qu'on veut arriver, il faudrait peut-être prendre les moyens, tout de suite, pour ne pas en arriver là.

Aussi, il y a des gens qui disent que les taux de cotisation, si on les augmente trop rapidement – j'ai entendu tantôt, je suis ici depuis une demi-heure – par rapport aux employeurs, ça demanderait une contribution un petit peu trop élevée, surtout dans les conditions actuelles où la reprise de l'emploi est loin d'être évidente. D'une part, j'ai remarqué que ce n'est pas une hausse équivalente de la masse salariale, puisqu'il y a des gains maximums admissibles et il y a aussi une déduction de base pour tout le monde. Donc, c'est évident qu'on augmente, on peut doubler les cotisations, mais ce n'est pas un doublement par rapport à la masse salariale.

(15 h 50)

La déduction annuelle aussi. Bon, dans le document qu'on vous a envoyé, on parle de geler la déduction annuelle. Peut-être qu'il faudrait aussi voir à avoir des mesures fiscales qui vont permettre aux bas salariés de s'en sortir quand même pas trop mal si, dans les deux, trois prochaines années, on hausse, d'une part, les taux de cotisation de façon assez drastique, surtout que ces gens-là ne payaient pas ou payaient très peu de cotisations.

Par rapport à la période d'exclusion – ce qui n'est pas mentionné dans le document, mais comme je travaille beaucoup sur le vieillissement et sur le maintien à domicile des personnes âgées – il y a des périodes qui sont prévues pour, bon, l'élevage des enfants et, si on veut mettre différentes politiques gouvernementales une à côté de l'autre et voir la logique qu'il y a une envers l'autre, quand on parle de virage ambulatoire et de favoriser le maintien à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie, il faudrait peut-être voir aussi à ajouter une clause qui fait que les personnes qui doivent – et la plupart du temps, c'est les femmes – quitter le marché du travail pour s'occuper des parents âgés ou d'un conjoint qui est malade, voir à comptabiliser un certain nombre de mois, d'années, je ne le sais pas, mais il faudrait peut-être y penser, surtout que, d'autre part, on veut responsabiliser de plus en plus les individus face à leur retraite. Les gens qui planifient prendre une retraite à 64 ans ou à 63 ans et qui sont obligés de la prendre à 57 ou 58 ans pour s'occuper des parents, ça va avoir un effet sur leurs revenus de retraite, et il faudrait peut-être avoir des dispositions qui vont prévoir ce genre de choses.

Bon, par rapport à la proposition du fédéral de baisser les prestations de 25 % à 22,5 %, ça équivaut à réduire le revenu des personnes âgées qui... De toute évidence, la situation économique des personnes âgées s'est nettement améliorée depuis les 10 ou 15 dernières années, mais ce n'est quand même pas le paradis, et de réduire un tant soit peu les prestations fait que l'incidence de la pauvreté chez les personnes âgées risque d'augmenter de façon assez importante parce que, comme je le disais, c'est à peu près 25 % du revenu des retraités qui ont un revenu entre 10 000 $ et 20 000 $ par année, donc 25 % de ce revenu-là provient de la Régie des rentes du Québec. Donc, le réduire un petit peu fait que ces gens-là vont glisser assez vite en dessous du seuil de pauvreté.

La Présidente (Mme Leduc): En conclusion, ça va?

M. Carrière (Yves): Ça va.

La Présidente (Mme Leduc): Ça va. Alors, j'ai Mme la ministre et, ensuite, M. le député de Salaberry-Soulanges. Oui? Salaberry-Soulanges. Alors, Mme la ministre.

M. Gautrin: Non, non, ça va. C'est 10-10.

La Présidente (Mme Leduc): Oui.

Mme Harel: M. Carrière, alors vous êtes démographe et vous êtes à l'Institut universitaire de gérontologie sociale du Québec.

M. Carrière (Yves): C'est bien ça.

Mme Harel: Alors donc, habitué à porter un regard sur ces questions de vieillissement.

M. Carrière (Yves): Oui.

Mme Harel: Et votre regard est à long terme. Comme démographe, là, je crois que, pas par déformation professionnelle mais, en fait, par formation professionnelle, l'horizon est plus lointain. N'est-ce pas?

M. Carrière (Yves): Oui.

Mme Harel: Bon, vous nous dites, notamment, être en faveur d'une accélération du taux de cotisation. Donc, je comprends que vous choisissez la vitesse de croisière la plus rapide, le six ans... six à huit ans plutôt que 11 ans. C'est bien le cas?

M. Carrière (Yves): Oui, c'est bien ça.

Mme Harel: Et vous le faites en vertu d'un objectif qui est de réduire le plus possible le transfert intergénérationnel. Est-ce que c'est le motif, là, qui favorise la séquence la plus rapide?

M. Carrière (Yves): Je ne sais pas si je comprends bien quand vous dites: Réduire le transfert intergénérationnel.

Mme Harel: Plus vite on hausse le taux de cotisation, moins, finalement, les générations qui nous suivent auront...

M. Carrière (Yves): Moins il y a de générations qui vont être pénalisées par rapport à d'autres, oui, effectivement.

Mme Harel: C'est-à-dire moins elles auront à payer un taux de cotisation élevé parce que, à ce moment-là, plus c'est rapide, plus le taux de cotisation est relativement moins élevé.

M. Carrière (Yves): Bien, c'est que ça fait contribuer un peu tout le monde. Les baby-boomers sont ceux qui ont décidé, volontairement, involontairement ou pour 56 raisons, d'avoir moins d'enfants, ce qui alimente le problème auquel on doit faire face. Si on retarde la hausse des taux de cotisation ou si on prend ce qui est proposé dans l'étude actuarielle, dans le fond ce qu'on fait, c'est de ne pas demander ou demander le moins possible aux baby-boomers de contribuer, de cotiser à un régime qui va les favoriser grandement, et de demander à leurs enfants, le peu d'enfants qu'ils ont eus et le peu de petits-enfants, de payer des taux de cotisation très élevés par rapport à ce qu'eux vont avoir payé, pour avoir des bénéfices qui pourraient être les mêmes. Et ce n'est même pas évident que les bénéfices vont être les mêmes pour les petits-enfants parce qu'on ne sait pas ce qu'il va y avoir comme réforme dans 20, dans 25 ou dans 30 ans. Et je pense que c'est une façon. C'est de l'équité intergénérationnelle, à un moment donné. C'est de demander à tout le monde de mettre la roue à l'épaule et de faire sa part.

Mme Harel: J'aime bien l'expression «la roue à l'épaule». En fait, vous favorisez aussi un gel de l'exemption générale et puis une réduction proportionnelle. Vous mentionniez d'ailleurs dans votre mémoire ne pas préconiser attendre d'avoir atteint un niveau permanent pour appliquer la réduction proportionnelle. Vous considérez, dans le fond, que cette réduction proportionnelle d'exemption générale est fondée dans l'équité, si vous voulez, intersalariale là...

M. Carrière (Yves): Disons peut-être l'intragénérationnelle ou il y a des...

Mme Harel: Parce que vous dites, en fait vous concevez que ce sont ceux qui arrivent qui ont les salaires les moins élevés, et ceux qui sont là, plus expérimentés, donc, qui auraient des salaires plus élevés. C'est un peu le fondement de votre analyse?

M. Carrière (Yves): Si on est pour le faire, ça vaudrait la peine de le faire le plus tôt possible parce que, bon, en ce moment, les baby-boomers ont entre 30 et 50 ans. Si on prend les 40-50 ans, c'est peut-être là que les revenus sont souvent les plus élevés, et il faut peut-être profiter un peu du fait qu'il y a des cohortes qui sont extrêmement nombreuses dans ces groupes d'âge là, et qui ont des salaires, des revenus qui sont plus élevés, et qui pourraient contribuer un peu plus à assurer la pérennité du régime. Et de demander... Bon, j'ai fait un calcul très rapide, ce n'est pas quelque chose qui va coûter très cher à ceux qui ont un revenu de 35 000 $ et plus. C'est évident qu'il faut rajouter ça à la hausse des taux de cotisation assez draconienne pour les prochaines années, mais ce n'est pas un fardeau, en tout cas, qui m'apparaît, à moi, insupportable.

Mme Harel: Dans votre mémoire, à la page 3, vous chiffrez, au maximum des gains admissibles, le coût d'une telle mesure de réduction proportionnelle de l'exemption générale, qui est de 3 500 $, à 2 $ par semaine après impôt. C'est bien ça, hein?

M. Carrière (Yves): Oui, pour ceux qui ont 35 000 $ et plus; pour les autres, c'est encore moins. C'est le maximum, dans le fond, là.

Mme Harel: Avez-vous envisagé de déplafonner ce maximum de gains admissibles?

M. Carrière (Yves): Écoutez, c'est sûrement une des possibilités pour aller chercher plus de sous, mais je pense que, si on fait ça, il faut aussi... il faut qu'il y ait quand même un certain parallèle entre les cotisations et les prestations. Et, si on augmente le plafond, il va falloir aussi augmenter les prestations.

Mme Harel: À 25 % de couverture...

M. Carrière (Yves): Bien, ça va être 25 % du montant des gains admissibles, des gains maximums admissibles, donc... Je ne suis pas actuaire, il s'agirait de faire les calculs pour savoir si on y gagne ou si on y perd, mais c'est une possibilité.

Mme Harel: Il y a une proposition dans ce sens-là qui a été introduite au Régime de pensions du Canada par la Colombie-Britannique.

M. Carrière (Yves): Oui, j'ai vu qu'il y en a qui demandent de hausser les...

Mme Harel: C'est en discussion. Semble-t-il qu'on peut y gagner l'équivalent, disons, si tant est que le plafond soit porté à 50 000 $, là, on pourrait, même en maintenant la couverture à 25 % du remplacement de revenus, y gagner l'équivalent de 1 % de moins.

M. Carrière (Yves): De 1 % du taux de cotisation?

Mme Harel: Oui.

M. Gautrin: Parce qu'on aurait une capitalisation à court terme, à ce moment-là.

Mme Harel : Je pense qu'il y a eu des travaux, avant que j'arrive moi-même dans le dossier, qui avaient été faits par mes prédécesseurs à ce sujet-là.

Sur l'âge de la retraite, vous mettez en garde d'un allongement de l'âge de la retraite de 65 à 67 ans, et vous nous dites que cela introduirait une sorte d'iniquité entre des travailleurs, dépendamment de la taille de l'entreprise, certains se voyant contraints de travailler plus longtemps, d'autres moins. Vous savez que présentement l'âge moyen, c'est 63 ans, l'âge moyen où les travailleurs demandent leur rente du Québec, et 70 % la demandent avant 65 ans; l'autre 30 % la demandent à 65 ans, l'âge moyen étant 63 ans. Dans le fond, vous savez que cette proposition-là du fédéral n'est quasiment plus sur la table. Il y a même eu des déclarations à l'effet que ça n'était plus une hypothèse ou un scénario sérieusement envisagé dans la mesure, justement, où c'est évident que, les travailleurs, la tendance lourde est à quitter le marché du travail à un âge qui diminue maintenant. Je ne sais pas combien de temps ça durera.

(16 heures)

Il semble qu'aux États-Unis on fasse appel maintenant à des travailleurs plus âgés que c'était le cas auparavant. Mais l'effet que ça aurait, finalement, de prolonger à 67 ans, c'est tout simplement qu'il y aurait maintien du départ à l'âge actuel, vraisemblablement, ou peut-être même plus tôt, et ça n'aurait comme effet que de diminuer les prestations parce que les années cotisées ne seraient plus les mêmes, évidemment, et les gens partiraient pareil, mais ils se trouveraient à être appauvris.

Alors, tant qu'à le faire de cette façon-là, indirectement, je pense que les gouvernements sont mieux d'aborder la question de front sur l'assiette des prestations plutôt que de le faire en faisant semblant qu'on augmente, si vous voulez, la durée travaillée des gens. Mais ça ne suivrait pas, en tout cas pas dans l'époque que nous vivons présentement. Je ne sais pas ce que, vous, vous en pensez.

M. Carrière (Yves): Bon, je suis d'accord avec vous par rapport à avancer l'âge de la retraite. J'ai les coudées franches un peu parce que Jacques Légaré n'est pas là. On a des débats un peu là-dessus, par rapport à l'âge de la retraite.

Mme Harel: Est-ce qu'il est de la même génération que vous?

M. Carrière (Yves): Non, on n'est pas de la même génération.

Mme Harel: Non. Ha, ha, ha!

M. Carrière (Yves): Il ne serait pas touché par ça. Bon, moi, j'ai fait des études par rapport à quand on divise les industries par le centre et la périphérie, le centre étant les grosses entreprises où il y a des bonnes conditions de travail, les gens sont syndiqués et la périphérie, les petites, les secteurs concurrentiels. Et, quand on regarde l'âge moyen de la retraite... Parce que c'est une chose de dire: Les gens prennent, en moyenne, leur retraite ou demandent leur rente du Québec à 63 ans, c'est une moyenne. Et il faut voir qui prend sa retraite. Pour avoir une moyenne, il faut qu'il y en ait qui la prennent à 60 puis qu'il y en ait d'autres qui la prennent à 65.

Et, moi, ce que j'ai peur qu'il arrive si jamais on augmente l'âge de la retraite, c'est tout simplement d'accentuer les disparités entre les retraités. Il y a des retraités qui ont effectivement une belle retraite et, bon, tout ce qu'on peut annoncer à la télé ou dans les journaux sur «Vive la retraite!», et il y a d'autres personnes pour qui la retraite, ce n'est pas quelque chose qui est nécessairement bon à vivre.

Et, si on augmente l'âge de la retraite, ça risque de toucher surtout les gens qui travaillent dans les petites entreprises. Dans les grosses entreprises, un employeur qui va avoir l'intention de réduire sa main-d'oeuvre pour x raisons va continuer à offrir des packages où il va payer la différence entre la pénalité actuarielle de la Régie des rentes du Québec jusqu'à l'âge de 67 ans plutôt que de la payer jusqu'à 65 ans. S'il est vraiment contraint de le faire, il va le faire. Dans les petites entreprises, les gens n'ont pas accès aux régimes privés de pensions, eh bien, ils s'en vont ou ils sont obligés de rester, des fois, malgré une santé qui est déficiente. Et est-ce que ça va coûter plus cher en services de santé rendus à 68 ou 69 ans, parce qu'on va demander à ces gens-là de travailler deux ans de plus?

Il y a aussi des études qui ont été faites aux États-Unis quand... Bon, il y a eu la politique d'augmenter l'âge de la retraite au tournant du siècle et, la plupart des études que j'ai vues, l'effet que ça aurait sur l'âge effectif de la retraite, c'est peut-être quelque chose comme quatre ou cinq mois, d'augmenter l'âge de la retraite de deux ans. Donc, tout ce que ça fait, c'est diminuer le revenu des personnes âgées. Et là, bien, je suis moins d'accord avec vous quand vous dites: Allons chercher dans les prestations. Tout ce qui est pour enlever, abaisser le revenu des personnes âgées, je me dis que c'est vrai que leur situation s'est améliorée, mais ce n'est pas le paradis. Et je veux dire que, déjà, il y a beaucoup de mesures qui ont été entreprises depuis une année, qui vont sabrer un petit peu dans les revenus de façon directe ou indirecte chez les personnes âgées, et il faudrait peut-être faire attention, là, d'en empiler, puis d'en empiler, puis d'en empiler, de ne pas recréer... Finalement, la vieillesse, ce n'est plus un synonyme de pauvreté. Il ne faudrait pas s'arranger pour que, dans 10 ans, ça redevienne encore un synonyme de pauvreté.

La Présidente (Mme Leduc): M. le député de Vaudreuil-Soulanges. Salaberry-Soulanges, pardon.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Deslières: Mme la Présidente. Bonjour, M. Carrière. Je voudrais revenir sur un point de votre document, M. Carrière, page 3. Ça concerne l'exemption générale. Vous vous dites d'accord pour une réduction proportionnelle de celle-ci en fonction du revenu. D'une façon plus explicite, en termes de revenus, vous voyez quoi comme cédule?

M. Carrière (Yves): Un peu comme ce qui est proposé dans le document d'information, où on a une échelle graduelle qui passe de...

M. Deslières: Qui partirait à 5 000 $.

M. Carrière (Yves): C'est ça et où on arrive à 35 000 $. Bon, dépendamment, effectivement, si on augmente le maximum des gains admissibles, bien l'échelle va être en conséquence, mais, une fois qu'on arrive au maximum des gains admissibles...

M. Deslières: Cette réduction-là pourrait commencer à 5 000 $. Vous êtes d'accord avec la proposition qui est contenue dans le document...

M. Carrière (Yves): Bien, effectivement, quand...

M. Deslières: ...par rapport à une série de mesures où on doit réorganiser le régime.

M. Carrière (Yves): Oui. Tout ce qui peut nous aider à réduire un peu le taux de cotisation mais qui ne touche pas aux prestations, je pense qu'il faut y songer sérieusement. Il faut y songer sérieusement.

La Présidente (Mme Leduc): Merci. M. le député de Verdun.

M. Deslières: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Leduc): C'est terminé.

M. Deslières: Une courte, 30 secondes.

La Présidente (Mme Leduc): C'est déjà dépassé. Oui, ça va? O.K. Avec votre permission.

M. Gautrin: Oui. On est en général souple, ici.

M. Deslières: Merci. Je voudrais profiter de la présence de M. Carrière en termes de démographe pour lui demander: Est-ce que le gouvernement, l'opposition, doit se fier, pour bâtir ses politiques, aux études démographiques? Si vous étiez à notre place, vous y fieriez-vous?

Une voix: Quelle bonne question!

M. Carrière (Yves): Je ne voudrais quand même pas me mettre à la porte. Si je prends les...

M. Deslières: Vous voyez, M. Carrière...

M. Carrière (Yves): ...projections démographiques qui ont été faites en 1960, j'aurais l'air fou de vous dire que les projections étaient bonnes, sauf que...

M. Deslières: Excusez-moi, je n'ai pas compris votre réponse.

M. Carrière (Yves): Si je prenais les projections qui ont été faites dans les années soixante et que je regardais où on est rendu aujourd'hui, j'aurais peut-être l'air un peu fou de vous dire: Oui, fiez-vous sur les projections démographiques. Je pense que ce à quoi il faut faire attention avec les projections actuellement, ce n'est pas tellement la fécondité que la mortalité. Parce que, bon, avec M. Légaré, on s'est amusé à faire des projections de population de personnes âgées, en fonction de différentes hypothèses de mortalité, et on peut arriver avec des écarts assez importants si l'espérance de vie augmentait.

M. Deslières: Je ne voulais pas vous poser une colle, M. Carrière. C'est parce qu'on avait prévu dans les études, lorsqu'on a mis en place le régime, au tournant du siècle, à peu près 10 000 000 de population. On se retrouve avec 7 000 000, l'écart est quand même important, et je comprends qu'il y a toutes sortes de phénomènes...

M. Carrière (Yves): C'est pour ça que je vous dis que les projections qui ont été faites au début, quand la fécondité était élevée, on pouvait peut-être s'imaginer que ça durerait, mais...

M. Deslières: Mais, nonobstant ceci, vous vous fieriez à...

M. Carrière (Yves): Il faut se fier sur quelque chose, et elles sont faites sérieusement.

M. Deslières: Merci. Excusez, Mme la Présidente, merci de votre patience.

La Présidente (Mme Leduc): M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. Je vais rentrer à peu près sur le même type de questionnement. Là, depuis les dernières années, l'évolution de l'espérance de vie à 65 ans a augmenté ou augmente de combien par année, à peu près?

M. Carrière (Yves): Je n'ai pas compris le début.

M. Gautrin: L'espérance de vie à 65 ans.

M. Carrière (Yves): Mais le début de votre question, à partir de...

M. Gautrin: Depuis, disons... Est-ce que vous avez une idée à peu près? Vous la mesurez, j'imagine, année après année, l'espérance de vie à 65 ans?

M. Carrière (Yves): Bien, ce n'est pas aussi important qu'on pourrait le croire. Chez les femmes, ça a augmenté de façon assez importante. Depuis les années cinquante, chez les femmes, ça a augmenté peut-être de cinq ans, alors que, chez les hommes, ça a augmenté peut-être de deux ans. Alors, c'est...

M. Gautrin: Ce qu'on avait, c'était trois ans et cinq ans, mais, enfin, c'est à peu près ça.

M. Carrière (Yves): C'est à peu près ça.

M. Gautrin: Et est-ce que vous avez des projections? Évidemment, c'est, pour vous, difficile d'évaluer la performance de notre système de santé, parce que c'est lié, bien sûr, à la performance du système de santé. Mais est-ce que vous prévoyez une augmentation de l'espérance de vie à 65 ans, ce qui aurait pour effet, évidemment, de soulever des pressions sur un régime de retraite, comme vous comprenez facilement?

M. Carrière (Yves): Bon, les hypothèses... Et ça, écoutez, il y a des gens qui vont vous dire qu'ils font des projections avec des espérances de vie de 100 ans en 2080 et qui sont sérieux dans leurs propos. Je pense que les hypothèses réalistes, entre guillemets, qu'on peut faire, c'est que l'écart entre les hommes et les femmes risque de...

M. Gautrin: De diminuer.

M. Carrière (Yves): ...diminuer. On le remarque depuis la fin des années quatre-vingt, et je pense que...

M. Gautrin: Un relèvement de l'espérance de vie des hommes, c'est ça?

M. Carrière (Yves): Bien, peut-être un plafonnement de celle des femmes.

M. Gautrin: D'accord, je comprends.

M. Carrière (Yves): Et celle des hommes continue à augmenter un peu plus. Je pense qu'au fil des ans ce qu'on va voir, c'est un écart qui va continuer à s'amenuiser, à cause des comportements aussi, sauf qu'il faut aussi voir l'espérance de vie en bonne santé. Je ne veux pas partir dans un débat là-dessus.

(16 h 10)

M. Gautrin: C'est exactement ce que j'allais... Vous ouvrez la porte sur ma deuxième question. Lorsque nous avons rencontré, hier, les représentants du monde syndical, FTQ, CSN, CEQ, et lorsqu'on a échangé sur l'augmentation de l'âge de la retraite, compte tenu de l'augmentation de l'espérance de vie depuis la création du régime, en 1966, et maintenant, ils nous ont dit: Vous devriez prendre en considération aussi un autre indicateur qui est l'espérance de vie en bonne santé, qui peut être un frein à l'augmentation de l'âge de la retraite. Par contre, moi, je n'ai pas l'indicateur pour ça. Est-ce que vous avez un indicateur sur l'espérance de vie en bonne santé? On l'a ici, oui. Est-ce qu'il a augmenté ou si c'est...

M. Carrière (Yves): Bon. L'espérance de vie en bonne santé augmente, mais pas proportionnellement à l'espérance de vie. Donc, ce qui arrive, c'est qu'il y a un écart. Si vous voulez, la proportion d'années, les gains, si on gagne deux ans dans les 10 prochaines années, il risque d'y en avoir une proportion assez élevée en incapacités. Et c'est ce qu'on remarque dans tous les pays, toutes les études qui sont faites. Il y a toujours des problèmes de comparaison, aussi de suivre dans le temps, les enquêtes ne posent pas toujours les mêmes questions et comment on définit une incapacité, ce n'est pas... Sauf que ce qu'on remarque, par ailleurs, c'est que c'est plus relié à une augmentation des incapacités qui sont légères et à une diminution des incapacités qui sont sévères. Mais, encore là, il y a deux écoles. Il y en a qui disent que l'espérance de vie va...

M. Gautrin: Je comprends, mais vous comprenez qu'on a la chance d'avoir un expert avec nous, donc on essaye d'en profiter. Là, vous, vous êtes contre l'augmentation de l'âge de la retraite. Votre argumentation est essentiellement une argumentation basée sur la conjoncture économique et du chômage à court terme. Ce n'est pas à vous que j'apprendrai que, quand on fait un régime de rentes, on voit ça sur le long terme, même le très long terme, pour reprendre l'argument de votre collègue, le collègue qui vous a précédé. S'il n'y avait pas, disons, la situation économique, l'environnement économique, compte tenu de l'augmentation de l'espérance de vie en bonne santé, est-ce que vous seriez prêt à recommander une augmentation de l'âge de la retraite...

M. Carrière (Yves): Fort probablement.

M. Gautrin: ...sans nécessairement la pousser jusqu'à l'augmentation de l'espérance de vie, compte tenu de la différence qu'il y a entre les deux indices?

M. Carrière (Yves): Non. Je n'aurais pas de problème avec l'augmentation de l'âge normal de la retraite si la conjoncture était...

M. Gautrin: Si la conjoncture économique n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui?

M. Carrière (Yves): Oui.

M. Gautrin: C'est un point, je pense, qui est important pour notre réflexion parce que la conjoncture économique, je l'espère, est conjoncturelle, c'est-à-dire va se modifier assez rapidement après le sommet, oui, de la fin de semaine. Ça, c'est une petite boutade partisane.

Je reviens maintenant sur un autre point de votre mémoire. Vous parlez du niveau de la réserve, et je n'ai pas compris votre analyse sur le niveau de la réserve. À la page 3 de votre mémoire, vous dites: «En ce qui a trait au choix du niveau de la réserve, la question mérite en effet d'être posée et rien n'oblige le gouvernement du Québec à adopter le niveau fixé par le fédéral.» Pour vous, c'est quoi que vous voulez couvrir? Je comprends que rien n'oblige là-dedans, mais on peut... L'important, c'est qu'il y ait quand même harmonisation entre les deux régimes en termes de prestations et en termes de cotisations. Mais vous pensiez à quoi quand vous avez dit ça?

M. Carrière (Yves): Je trouve que la question est bonne. Est-ce qu'on devrait fixer comme objectif le même, bon, la différence, c'est-à-dire la réserve par rapport aux prestations de l'année précédente?

M. Gautrin: Oui. Mais est-ce que vous comprenez que la réserve n'est pas fixée arbitrairement? La réserve est fixée à partir d'un taux de cotisation.

M. Carrière (Yves): Bien, on vise un objectif.

M. Gautrin: Ce qui est fixé comme tel, ce qui est connu, ce qui est analysé à partir de vos travaux et des travaux des démographes, on a une perception des besoins du fonds en pourcentage de la masse salariale, qui peuvent être assumés uniquement par des cotisations, soit parce qu'il y a eu une réserve qui a été accumulée par les revenus d'intérêt de la réserve, et il n'y a aucun dogme qui établit qu'il faut qu'il y ait une réserve de deux ou de trois... Bon, deux fois les sorties de fonds, oui, pour éviter les fluctuations prévisibles, mais le reste, c'est strictement une analyse pour prévoir les revenus d'intérêt de la réserve.

M. Carrière (Yves): Oui. Je ne me sens pas en position pour répondre convenablement à cette réponse-là. J'ai...

M. Gautrin: Je comprends. J'ai posé cette question-là parce que vous l'avez dit, vous l'avez soulevé, c'était un point que vous vouliez soulever.

M. Carrière (Yves): Oui. Bien, c'est parce que la question a été soulevée et ça réduisait, je pense, de 0,3 % la... C'est tout.

M. Gautrin: Oui, je comprends. Non, mais, écoutez, moi, ça m'intéresse. Je vous remercie quand même de l'information que vous nous avez donnée sur l'âge de la retraite et le lien qu'il pouvait y avoir avec l'espérance de vie en bonne santé. Pour moi, c'est un élément important. Moi, j'ai terminé mes questions, mais peut-être que mes collègues en ont d'autres.

La Présidente (Mme Leduc): Oui. Ça va. Alors, je vous remercie, M. Carrière, et j'inviterais les représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante à prendre place. Alors, merci beaucoup, M. Carrière.

M. Carrière (Yves): C'est moi qui vous remercie.

(Consultation)

La Présidente (Mme Leduc): Alors, nous allons reprendre nos travaux. M. Cléroux, je comprends que M. Arnau est absent.

M. Cléroux (Pierre): Oui. Malheureusement, il est au Nicaragua. Il ne peut pas être ici, malheureusement.

La Présidente (Mme Leduc): Ah bon! Alors, c'était difficile, quand même, de... Ha, ha, ha! Alors, ça voyage beaucoup, oui. M. Cléroux.


Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI)

M. Cléroux (Pierre): Merci. D'abord, j'aimerais vous remercier de nous donner l'opportunité de présenter l'opinion des PME face à cette réforme, qui est très importante, la réforme du Régime de rentes du Québec. Je vous rappelle qu'on représente 17 000 PME et que nos opinions – je vais en parler un peu plus tard – exprimées ici sont basées sur un sondage auprès de nos membres. Donc, pour nous, c'est très important de refléter l'opinion des propriétaires d'entreprise, et c'est pour ça qu'on utilise des sondages, pour mieux nous donner les priorités des PME.

Je vous ai fait distribuer un aide visuel qui reflète exactement le rapport qu'on a soumis. Je ne sais pas si vous l'avez reçu. Oui?

La Présidente (Mme Leduc): Oui? Est-ce qu'il a été distribué?

Une voix: Oui.

M. Cléroux (Pierre): Donc, c'est pour mieux vous aider à suivre un petit peu la présentation, parce que cette réforme-là, évidemment, elle est très technique et il y a beaucoup de chiffres. Donc, j'ai pensé que ça serait plus facile pour vous de suivre l'opinion que je veux vous exprimer.

Donc, la première chose dont on s'aperçoit, c'est qu'on compare les coûts et les revenus du régime depuis 1966 et que, par exemple, au niveau des revenus, le taux effectif de cotisation, donc les cotisations sur la masse salariale cotisable, a été à peu près stable jusqu'en 1986 et a augmenté à partir de 1986, lorsqu'on a augmenté le taux de cotisation. Donc, on n'a pas vraiment eu un problème de revenus dans le régime, puisque les revenus ont toujours été stables ou en augmentation.

Sur le côté des dépenses, ça a été une tout autre histoire, puisque, en 1966, les dépenses de prestations, par rapport à la masse salariale cotisable, étaient de 0,1 % et que, en 1994, elles étaient de 7 %. Donc, on voit qu'il y a eu une augmentation très importante. Et là où on a commencé à avoir un problème, c'est en 1982, où le ratio des dépenses a été supérieur au ratio des revenus, et c'est à partir de ce moment-là qu'on a commencé à utiliser les revenus des placements. Et, à partir de 1992, en fait, on commence à utiliser le revenu de la caisse elle-même. Donc, c'est là qu'on s'aperçoit qu'on a vraiment un problème.

Il y a trois grandes raisons pourquoi les coûts ont augmenté d'une façon si importante. Évidemment, il y a la démographie, et je ne reviendrai pas là-dessus parce que je pense qu'il y en a plusieurs qui en ont parlé avant moi. Mais c'est évident que ça a eu un impact très important. Il y a les causes économiques. Notre faible croissance des salaires, au cours des 10 ou 15 dernières années, n'a pas aidé à augmenter nos revenus, c'est évident, puisqu'on avait projeté d'avoir des croissances plus importantes que ça.

Et la troisième raison, qui est une raison qui n'est pas souvent mentionnée, c'est l'indexation des rentes. Et je vous réfère au graphique 1 de l'aide-mémoire que je vous ai remis. On a fait, sur le graphique, une comparaison entre l'indice des rentes, donc qui est un indice qui est basé sur l'indice des prix à la consommation au Canada, et l'indice de la rémunération hebdomadaire moyenne. Donc, on s'aperçoit que l'indice des rentes augmente d'une façon beaucoup plus importante que l'indice des salaires.

(16 h 20)

Ça a, évidemment, deux conséquences. La première, ça a une conséquence sur les coûts, puisque les coûts augmentent plus rapidement que les revenus parce que ce qu'on donne aux bénéficiaires est indexé d'une façon plus généreuse que l'indexation des salaires sur lesquels les taux de cotisation sont basés. Donc, effectivement, ça contribue au manque de financement du régime. Et l'autre conséquence, c'est que, en fin de compte, les bénéficiaires s'enrichissent plus rapidement que les salariés. Et là je dis «enrichissent» entre guillemets parce que je ne pense pas qu'on peut dire que les bénéficiaires des rentes du Québec sont des gens riches, mais il reste que leur bénéfice est indexé d'une façon plus rapide que les gens qui paient les cotisations, donc les salaires. Je pense que c'est un fait qui est quand même intéressant.

Le graphique suivant, le graphique 2, démontre qu'au Québec c'est encore plus vrai, puisque l'indice des prix à la consommation, au Québec, est moins élevé, quelque peu, que l'indice des prix à la consommation au Canada sur lequel le taux d'indexation des rentes est basé. Donc, les bénéficiaires du Régime de rentes du Québec se trouvent encore en meilleure position, si je peux dire, que les salariés.

Donc, on fait le même constat que tout le monde, qu'il est grandement temps d'agir, et, même, je suis d'accord avec Mme Harel qui disait, dans les journaux, qu'on est 10 ans en retard. Effectivement, on est très en retard pour agir et on reconnaît l'importance d'agir. Le gouvernement propose donc ou le livre vert propose donc d'augmenter rapidement le taux de cotisation afin de constituer une réserve importante dont les rendements permettront de stabiliser les revenus du fonds. Et le gouvernement semble écarter, en tout cas dans le livre vert, toute réduction des bénéfices au régime.

Nous avons deux préoccupations face à cette stratégie. La première, c'est que nous pensons que le livre vert, ou l'étude actuarielle sur laquelle les estimations sont basées, surestime les revenus futurs du régime. On s'aperçoit que les hypothèses sont basées sur un taux de chômage de 8 % en 2007, de 5 % en 2020. Pour avoir un taux de chômage de 8 % en 2007, il faudrait avoir une croissance de l'emploi, au Québec, de 2 % pendant les 11 prochaines années, alors que, dans les 10 années passées, la croissance de l'emploi a été d'à peu près 1 % et que, dans les cinq dernières années, elle a été de 0,27 %. Donc, pour nous, c'est un scénario optimiste. Évidemment, tout le monde, et nous les premiers, aimerait voir un taux de chômage de 8 % le plus tôt possible, mais on pense que, dans la conjoncture économique actuelle, c'est un scénario plutôt optimiste.

La deuxième préoccupation, c'est au niveau des coûts. Le graphique 4 de l'aide-mémoire montre l'évolution de l'analyse actuarielle de 1994 au niveau des coûts, et on s'aperçoit qu'entre 1995 et 2005 l'analyse qu'on en fait, c'est qu'il y aura une certaine stabilité dans l'augmentation des coûts du régime, alors que, selon nous, il n'y a rien qui nous laisse croire, encore une fois, qu'il y aura stabilité des coûts, puisque le vieillissement de la population continue. Donc, on pense que, encore là, on tend à sous-estimer les coûts futurs du régime.

Donc, c'est ce qui nous préoccupe grandement, parce que, si on se trompe sur ces hypothèses, on a peur qu'on arrive avec la solution de seulement se baser sur l'augmentation des taux pour solutionner le problème financier qu'on a. On pense que, dans 10 ou 15 ans, on aura le même problème qu'on a présentement, mais avec des taux beaucoup plus élevés, de 10 %, ou de 11 %, ou de 12 %. Et, à ce moment-là, la survie même du régime sera en question, puisque les bénéficiaires, et même les payeurs de taxes de ce moment-là, se poseront sérieusement la question s'ils veulent augmenter, encore une fois, les taux d'une façon importante pour pouvoir s'assurer que le système ou que le régime survive.

Donc, pour répondre un peu aux interrogations de ce qu'on peut faire, dans quel sens on peut orienter la réforme, nous avons fait un sondage, au début de l'année, auprès de nos membres. Mille cinquante propriétaires d'entreprise, au Québec, ont répondu au sondage, et les propositions que je vais présenter découlent directement de ce sondage-là.

La première chose qui est ressortie du sondage, c'est l'importance que les propriétaires de PME attachent à ce régime. Les gens nous ont dit non seulement qu'ils avaient confiance au régime, mais qu'ils voyaient dans le Régime de rentes du Québec la principale politique du gouvernement en matière de pensions pour leur propre personne. Donc, 50 % des gens ont dit qu'ils se basaient sur le Régime de rentes du Québec comme un revenu futur de pension, alors que 40 % ont dit que c'étaient plutôt les REER qui étaient leur outil numéro 1. Donc, on voit que le propriétaire de PME est très préoccupé par le régime, considère que c'est un régime qui est viable, considère que c'est un régime extrêmement important et compte sur ce régime-là pour ses revenus futurs.

Il faut comprendre aussi que le propriétaire d'une PME, ce n'est pas le propriétaire d'une grande entreprise et qu'il est à la fois bénéficiaire... Il sera bénéficiaire parce que c'est une personne qui est salariée, donc qui paie des cotisations, mais c'est aussi un employeur, donc qui a aussi la préoccupation de l'augmentation des cotisations.

On a demandé aux gens: Quelle serait la direction qu'on devrait prendre pour faire face au manque de financement du régime? Est-ce que c'est en augmentant les cotisations seulement? 30 % des gens ont dit que oui. En augmentant les cotisations mais aussi en réduisant les bénéfices? On s'aperçoit qu'environ 55 % des gens ont répondu que c'était la solution qu'ils préféraient et que seulement 12 % ont indiqué qu'ils préféraient réduire seulement les bénéfices pour régler le problème. Donc, la majorité des gens préfèrent une solution mitoyenne ou un compromis entre l'augmentation des cotisations et la réduction des bénéfices.

Lorsqu'on leur a demandé quel serait le taux de cotisation maximum ou acceptable pour les entrepreneurs face à la concurrence, face à leur capacité de payer, on s'aperçoit que 70 % des répondants – et ça, c'est au graphique 7 – ont privilégié un taux en deçà de 9 %. Donc, la grande majorité des gens se situent dans un taux de cotisation d'environ 9 %. Entre 9 % et 11 %, on retrouve 15 % des répondants et, en haut de 11 %, on retrouve quand même peu de gens, à peu près, en fait, 2 % ou 3 %, qui ont dit qu'ils seraient confortables avec un taux aussi élevé que de 11 % à 13 %.

Donc, on leur a demandé... Évidemment, si le taux maximum acceptable était de 9 %, il faudrait agir sur le côté des bénéfices. Et on leur a demandé quelles étaient les avenues que le gouvernement devrait envisager. Et là, au graphique 8, on voit qu'il y a beaucoup d'options qui sont suggérées. Les plus populaires sont la hausse du nombre d'années pour avoir droit à la pleine retraite, l'élimination de la prestation de décès, l'indexation partielle. Donc, on parle d'une indexation de 1 % de moins que le taux d'inflation. Et on s'aperçoit, avec l'analyse qu'on a faite précédemment, que c'est peut-être une solution qui a beaucoup de bon sens, puisqu'on s'aperçoit que l'indexation des prestations va beaucoup plus rapidement que l'indexation des salaires sur lesquels sont basés les taux de cotisation.

Enfin, il y a la hausse de l'âge de la retraite de 65 à 67 ans. C'est une autre solution qui est proposée et, lorsqu'on sait que l'espérance de vie a beaucoup augmenté depuis le début du régime... En 1962, lorsqu'on a commencé à dessiner le régime, l'espérance de vie pour un homme était de 67 ans, alors qu'en 1994 l'espérance de vie pour un homme est de 74 ans. Donc, c'est sept ans de plus. Et, évidemment, ça a contribué beaucoup au coût du régime, donc ça rend la proposition de la hausse de l'âge de la retraite peut-être plus intéressante.

(16 h 30)

Donc, pour conclure, on reconnaît l'urgence d'agir. Et ça, je pense que tout le monde s'entend là-dessus. Le système est apprécié par les propriétaires d'entreprise, donc le système doit demeurer, et on doit s'assurer qu'il survive. Mais, nous, on est convaincus que la réforme doit être un compromis entre une hausse des taux et une diminution des bénéfices. On reconnaît qu'on doit absolument hausser les taux pour la survie du régime, mais on pense que le régime aura beaucoup plus de chances de survivre si on réduit aussi, dans une certaine mesure, les bénéfices. Deux raisons pour assurer la survie même du régime. Parce que, si, par exemple, on se trompait, comme on l'a fait en 1966... Parce que, si on se reporte en 1966... Et je suis persuadé que ces gens-là avaient de très bonnes intentions lorsqu'ils ont dessiné le régime. Mais il faut bien comprendre que la croissance économique a été différente, que la croissance de la démographie a été extrêmement différente des projections à ce moment-là. Tout ça a fait qu'on se retrouve avec un problème de financement présentement. Si on fait la même erreur aujourd'hui, on se retrouvera, dans 10 ou 15 ans, avec le même problème.

Et la deuxième raison, c'est que, évidemment, les taux de cotisation, que ce soit pour l'employeur ou pour l'employé, vont réduire la capacité de dépenser des consommateurs, la capacité de développer des entreprises, donc ça aura un impact sur notre croissance économique. Donc, dans ce sens-là, on est d'accord pour qu'il y ait une augmentation des taux, mais on pense qu'une augmentation des taux jusqu'à 9 % ou 10 % serait beaucoup plus raisonnable qu'une augmentation de 12 % ou de 13 %. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Leduc): Merci, M. Cléroux. Mme la ministre.

Mme Harel: Alors, je vous remercie, M. Cléroux. Vous nous dites, essentiellement, dans le mémoire que vous nous présentez: La réforme doit établir un équilibre entre l'augmentation des cotisations et la réduction des bénéfices. Peut-être, avant d'examiner ce qui, dans le livre vert, fait l'objet d'un réaménagement des prestations, notamment le gel de l'exemption générale, la réduction proportionnelle de l'exemption générale, la question relative à la rente d'invalidité à 65 ans, qui pourrait être assimilée, à ce moment-là, à une rente de retraite anticipée, la question de la cotisation des travailleurs de plus de 65 ans qui retournent sur le marché du travail et qui ont une rente de retraite – enfin, il y a divers aspects – peut-être, avant de l'examiner, voir avec vous les données selon lesquelles vous considérez qu'il y a eu une augmentation substantielle des rentes versées au Québec. Notamment, vous recommandez que ce soit indexé à la moyenne des salaires payés, au salaire moyen en fait, plutôt qu'à l'indice des prix à la consommation. Je ne me trompe pas, hein?

M. Cléroux (Pierre): Je ne suis pas sûr qu'on recommanderait d'être sur le salaire moyen, mais peut-être un compromis entre les deux. Peut-être que ça pourrait être 1 % de moins que l'inflation ou... Parce qu'il y a quand même un écart important. Je pense que, si on abaissait ça au salaire moyen, il y aurait une baisse importante de l'indexation. Mais ce qu'on dit, c'est que de baser ça sur l'indice des prix à la consommation canadien, ça nous semble généreux.

Mme Harel: Parce que, en fait, moi, j'ai les chiffres des analyses qui ont été faites à partir de votre mémoire, et ce que je constate, c'est que la proposition que vous faites, elle aurait, dans le fond, l'effet inverse de celui que vous recherchez parce que, dans les analyses actuarielles, il est quand même prévu que les salaires augmenteront de 1,2 % au-dessus de l'inflation, à long terme. Alors donc, la proposition, par exemple, qui consisterait à indexer à l'évolution des salaires au lieu de l'évolution de l'indice des prix à la consommation aurait pour effet d'augmenter le taux de cotisation et non pas de le réduire. Parce que l'affirmation que vous faites dans le mémoire, que le coût du Régime de rentes aurait été inférieur de 15 % au coût actuel si les rentes avaient été indexées à l'évolution des salaires plutôt qu'à celle de l'indice des prix, peut-être ne part pas des mêmes prémisses.

En fait, selon les chiffres que l'on me fournit, pour les mêmes périodes que celles que vous analysez, de 1983 à 1994, l'augmentation de la rémunération hebdomadaire moyenne aurait été identique à celle de l'indice des prix à la consommation, c'est-à-dire, entre ces années 1983 et 1994, donc en 11 ans, une augmentation de 48 % dans les deux cas. Et, donc, la rémunération hebdomadaire moyenne est passée de 382,62 $ en 1983 à 568,19 $ en 1994, alors que l'indice des prix à la consommation est passé de 88,5 en 1983 à 130,7 en 1994. Ce qui fait que, durant ces années-là tout au moins, ça a été comme égal, si vous voulez. Mais, selon les analyses actuarielles, en tout cas, pour les prochaines années, les augmentations de salaire devraient dépasser l'inflation à long terme. Je voulais simplement vous le signaler parce que ce n'est sans doute pas l'effet recherché, que vous souhaiteriez, d'une certaine façon, mais c'est là un aspect seulement.

Celui sur lequel j'aimerais beaucoup échanger, c'est l'élimination de l'exemption générale, en fait. Vous proposez l'élimination, hein, du 3 500 $? Vous êtes conscient que ça a un effet drastique sur les PME et que ça peut pénaliser assez fortement, cette abolition de l'exemption de 3 500 $, les secteurs où les salaires sont peu élevés. Ce qui est proposé dans le livre vert, c'est une méthode plus douce, j'en conviens. Ça prend 40 ans, dans le fond, hein? Mais, en même temps, ça permet à des secteurs comme la restauration, l'hébergement, les dépanneurs, etc., de s'y adapter petit à petit. Vous préconisez une médecine qui est un petit peu plus rapide. Vous avez considéré que ces secteurs-là pouvaient le supporter?

M. Cléroux (Pierre): Oui. On pense que oui. En fait, dans les résultats du sondage, il y a des gens dans tous les secteurs de l'activité économique. On a autant des dépanneurs que des manufacturiers de haute technologie. Et, lorsqu'on a vu ce résultat-là, on a été un peu surpris. Donc, on a bien regardé par secteur, et les gens nous ont... Il n'y avait pas de différence marquée d'un secteur à l'autre.

Donc, je pense que les gens voient cette mesure-là – et j'imagine qu'ils ont vu l'impact sur leur entreprise – comme un peu, si vous recevez des cotisations basées sur ces salaires-là, vous devez payer les cotisations. Je pense que c'est le raisonnement que la plupart des gens ont fait. Mais...

Mme Harel: Vous avez raison pour ce qui est de l'exemption lorsqu'elle est utilisée pour déduire, si vous voulez, la cotisation sans s'appliquer à la prestation. Parce que vous avez raison de considérer qu'il y a une cotisation maximale sur environ 37 400 $ moins le 3 500 $. C'est bien le cas? Mais les prestations sont versées, elles, sur non pas la totalité du salaire cotisé, mais la totalité, mettons, des gains admissibles.

M. Cléroux (Pierre): C'est ça.

Mme Harel: Mais, pour ceux, si vous voulez, qui ont un revenu moindre que 3 500 $, ça signifie qu'à ce moment-là la première heure travaillée est cotisée. Alors, ça aussi, vous pensez qu'ils ont pris ça en considération lorsqu'ils se sont déclarés en faveur d'une abolition de l'exemption générale?

M. Cléroux (Pierre): J'avoue que j'ai de la difficulté à répondre parce que, bon, ça vient du résultat d'un sondage, là. Mais, je pense que oui, parce que je dois vous dire aussi que, comme c'est une question extrêmement complexe, toute cette réforme-là, avec le sondage il y avait une note explicative de quatre pages qui expliquait bien, pour chaque mesure proposée ou avancée, plutôt avancée que proposée, ce que ça voulait dire exactement. Donc, dans ce sens-là, on a expliqué ce genre de chose là, et les gens ont tout de même voté en faveur de cette mesure-là.

Mme Harel: Vous avez quand même un très haut taux de réponse, hein? Ça manifeste quand même leur intérêt.

M. Cléroux (Pierre): Oui.

Mme Harel: Et je comprends que 51 % de vos répondants jugent que le Régime de rentes, c'est le principal outil de préparation à la retraite.

M. Cléroux (Pierre): Oui, vous avez raison. Et, souvent, on a la mauvaise... Il faut dire que je représente des PME, hein? Le propriétaire de PME, c'est quelqu'un qui travaille dans son entreprise pendant 30, 35 ans et, lorsqu'il prend sa retraite, devient un Québécois ou une Québécoise comme n'importe qui d'autre. Donc, ce n'est pas quelqu'un qui est nécessairement millionnaire. Il y en a, mais ce n'est pas la majorité. Et, dans ce sens-là, les gens réagissent comme le Québécois moyen, je dirais.

Mme Harel: En fait, ils sont eux-mêmes des cotisants.

M. Cléroux (Pierre): C'est ça.

Mme Harel: C'est ça. Et vous nous dites que la mesure qui a reçu le plus d'appui, c'est l'élimination de la prestation de décès, alors que celle qui a reçu le moins d'appui, c'est le relèvement de l'âge de la retraite.

M. Cléroux (Pierre): Oui.

Mme Harel: C'est donc dire qu'ils sont prêts à un réaménagement des prestations. Mais l'âge de la retraite, quand on regarde vos graphiques, ça, c'est finalement là où ils voudraient le moins que le gouvernement intervienne, en fait.

M. Cléroux (Pierre): Oui, vous avez raison.

Mme Harel: Sur la question du réaménagement, je comprends que, vous, vous fixez un horizon maximal de 9 %. Et vous dites 9 % parce que, dans le fond, vous croyez que les prémisses des analyses actuarielles, que les prévisions ne vont pas se révéler fondées compte tenu d'autres facteurs qui interviendront. C'est ce que je comprends de ce que vous nous dites.

(16 h 40)

M. Cléroux (Pierre): Oui, en fait, on dit 9 % parce qu'on pense qu'avec l'augmentation des cotisations doit être associée une certaine réduction ou un réaménagement des bénéfices. Donc, lorsque je disais tantôt un compromis entre les deux, dans le fond, ce n'est pas un compromis 50-50. Mais ce qu'on ressent dans le sondage, c'est que les gens disent: Il y a un problème. On peut le régler à 70 %, à 75 % par l'augmentation des cotisations, mais il faut le régler aussi, en partie, peut-être 20 %, 25 %, en réaménageant les bénéfices ou en réduisant les bénéfices, d'une certaine façon.

Mme Harel: Mais, en même temps, l'abolition de l'exemption générale tient lieu de l'équivalent de 2 %, n'est-ce pas, sur le taux de cotisation. Alors, c'est beaucoup, 2 %. Puis l'exemption générale, son abolition, là, drastiquement, je suis surprise, pour vous dire vrai, de voir que les PME la favorisent, parce que c'est finalement une façon d'élargir l'assiette de cotisations par en bas plutôt que par en haut. Et les salaires dans les PME sont plutôt par en bas que par en haut. Alors, est-ce qu'elles n'auraient pas préféré que ce soit plus, par exemple, par le déplafonnement du maximum de gains admissibles, qui, lui, pourrait correspondre, si tant est que c'était élevé à 50 000 $ même avec un remplacement de revenu à 25 % sur ce montant, à 1 % de moins du taux de cotisation? Mais, à choisir, est-ce que, selon vous, vous pensez qu'elles choisiraient de payer la première heure travaillée cotisée ou d'augmenter le maximum de gains admissibles?

M. Cléroux (Pierre): Oui. On n'a pas posé la question parce que cette proposition-là n'était pas tellement avancée...

Mme Harel: Non.

M. Cléroux (Pierre): ...lorsqu'on a fait le sondage. Mais, selon mon expérience, vous avez raison, je pense qu'on préférerait avoir une augmentation vers le haut que vers le bas, pour les raisons que vous avez mentionnées et qui sont très vraies, par rapport aux salaires des PME.

Mme Harel: Alors, je vous remercie pour la présentation. Et je comprends que ça a toujours... peut-être pas une valeur actuarielle ou scientifique, mais ça indique des tendances, en tout cas. Ça indique des tendances dont il faut prendre connaissance et qu'il faut, je pense, retenir dans notre réflexion. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Leduc): Merci. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, Mme la Présidente. D'abord, je vais confirmer ce que vous semblez affirmer. Lorsque vous posez des questions sur la valeur de l'analyse actuarielle et des variables qui sont utilisées, je vous référerais, moi, à l'analyse actuarielle elle-même qui a pris la peine de faire ces études-là. Elle l'a fait avec différentes hypothèses. Elle a retenu celle dont vous avez fait mention, mais elle fait état aussi de deux scénarios: un scénario plus optimal et un scénario plus pessimiste.

Et, simplement pour les fins de l'enregistrement des débats – parce que je sais bien que vous savez tout ça – il est important de bien comprendre que, dans le scénario le plus optimal, donc si tout marchait bien et mieux que ce qu'ils prévoyaient – et la mesure, il faut bien le comprendre, c'est le rapport – le pourcentage de la masse salariale nécessaire pour équilibrer les sorties de fonds serait, en 2030, de 11,9 % de cette masse salariale. Ça, c'est dans le scénario le plus optimal. Dans le scénario qui est ce qu'on appelle le scénario normal, il est de 14,3 %, qui est celui autour duquel tout le monde travaille.

Mais, si jamais les variables ou la situation étaient un peu différentes, c'est-à-dire si la création d'emplois n'était pas à 3 % mais était à 1 % simplement, si jamais le taux de chômage passait à 8 % au lieu de baisser à 5 %, tel qu'il était dit, en 2005, si jamais l'écart entre les salaires n'était pas de 1,5 % mais de 1 % seulement en 2005, si jamais le taux d'intérêt réel était de 0,5 %, enfin toutes sortes de choses qui, malgré tout, sont dans l'ordre du possible, le taux de cotisation nécessaire en termes de pourcentage de la masse salariale, en 2030, arriverait à 18,2 %. Il faut vraiment être conscient de cela.

Et, lorsqu'on fonctionne, donc, entre ces deux balises-là, la balise de 11,9 % et la balise de 18,2 %, on a une solution intermédiaire qui est à 14,3 % où, de part et d'autre... Et je comprends que vous en doutiez, de la véracité de cette balise, mais il faut bien être conscient qu'il y a deux balises devant nous. Et ce que vous nous dites, si je comprends bien, c'est que ce n'est pas tout de jouer avec les augmentations de cotisation, si vous ne regardez pas les bénéfices et si la situation se comporte d'une manière non optimale, à ce moment-là, vous n'allez jamais être capables d'équilibrer le fonds. Est-ce que je comprends bien le message que vous essayez de nous donner?

M. Cléroux (Pierre): Oui, c'est ça. Et je veux souligner qu'on ne remet pas en cause, on ne met pas en doute les études actuarielles qui ont été faites. Je pense qu'il y aura toujours des hypothèses.

M. Gautrin: Mais ce que je vous dis, c'est à l'intérieur de l'étude actuarielle.

M. Cléroux (Pierre): Oui.

M. Gautrin: Il ne faut pas...

M. Cléroux (Pierre): Oui. Ce qu'on dit, c'est que... Moi, je suis économiste de formation, donc des études de prévisions, je suis habitué d'en voir, et malheureusement il n'y a rien de sûr dans ça. Et le problème, c'est que, si on se trompe et qu'on compte seulement, presque exclusivement, sur l'augmentation des cotisations pour régler notre problème de financement, on risque de se tromper et, à ce moment-là, on aura un problème qui sera le même qu'aujourd'hui, dans 10 ou 15 ans, mais à la différence près que notre taux de cotisation sera déjà beaucoup plus élevé.

M. Gautrin: Alors, seulement pour vous insécuriser un peu plus et pour aller dans le sens que vous dites, si je prends l'historique des études actuarielles depuis 1978-1979, étude actuarielle après étude actuarielle, on a été obligé d'augmenter le pourcentage de la masse salariale pour les sorties de fonds. Ce n'est pas que je veuille commencer à contester, aucunement, le 14,3 %, mais ça donne de l'eau au moulin aux types de points de vue que vous mettez de l'avant.

Je voudrais vous questionner sur un autre point de vue qui est les effets d'une taxe sur la masse salariale sur l'emploi et sur... Une des personnes qui sont venues devant nous, et que vous connaissez parce que vous avez participé au même débat, qui était l'économiste Pierre Lefebvre, nous a dit qu'au bout d'un certain temps, c'est-à-dire dans un moyen terme, la situation, les effets pernicieux d'une taxe sur la masse salariale sur l'emploi seraient rétablis par l'économie. Alors, je ne sais pas quelle est votre analyse sur les effets d'une taxe sur la masse salariale sur l'emploi dans votre secteur, qui est, rappelons-le, celui qui est le plus générateur d'emplois, de nouveaux emplois.

M. Cléroux (Pierre): Oui. Deux volets à cette réponse-là. Le premier, c'est que, pour moi, une taxe sur la masse salariale sera toujours dommageable à l'emploi parce qu'on augmente le coût du travail. Donc, c'est très difficile d'évaluer quel sera l'impact et combien d'emplois seront perdus par une augmentation, on ne le sait pas. Et il y a eu plusieurs études qui ont été faites là-dessus puis il n'y a personne vraiment qui s'entend, parce que ce sont des études d'économistes. Mais, chose certaine, c'est que, lorsqu'on augmente le prix ou le coût du travail ou du salaire, c'est évident qu'on a moins tendance à embaucher. Ça, c'est la première réponse.

La deuxième, qui est peut-être encore plus importante, c'est que c'est vrai que les taxes sur la masse salariale sont plus élevées aux États-Unis qu'ici, et on se sert souvent de cet argument-là pour dire: Bien, il y a de la place, pour nous, pour les augmenter. Mais, premièrement, elles sont plus élevées au Québec qu'ailleurs au Canada, et on sait que notre plus grand partenaire économique, c'est l'Ontario. Et la deuxième chose, c'est que la différence... les taxes sur la masse salariale ont augmenté beaucoup plus rapidement ici qu'ailleurs, surtout aux États-Unis.

Donc, le niveau est important, mais l'augmentation est aussi très importante, parce que, au cours des cinq dernières années, les taxes sur la masse salariale au Québec ont augmenté de 25 % et que, lorsqu'elles augmentent aussi rapidement, on a de la difficulté à les absorber. Et c'est là que vient le problème parce que, si on est incapable de les absorber aussi facilement, ça diminue notre capacité de concurrencer. Et c'est pour ça que les taxes sur la masse salariale, dans le contexte, ici, au Québec, d'après moi, sont aussi dommageables. Ça a été l'augmentation rapide qu'on a connue au cours des cinq dernières années.

M. Gautrin: Donc, c'est le taux d'augmentation de la masse salariale qui est aussi important que le niveau auquel on le met. Et c'est pour cette raison que, si vous aviez à faire un choix entre les deux propositions du livre vert, vous choisiriez l'option qui est l'étalement, sur le temps le plus long possible, des augmentations.

M. Cléroux (Pierre): C'est ça.

M. Gautrin: Et, éventuellement, si j'en reviens à la réserve, est-ce que vous avez des commentaires à faire sur le niveau de la réserve ou pas?

M. Cléroux (Pierre): Non, pas vraiment, parce que je ne suis pas vraiment un expert dans ce domaine-là.

(16 h 50)

M. Gautrin: Et le niveau de la réserve, dans le fond, doit être fixé, bien sûr, en fonction des besoins du régime et du niveau que vous voulez fixer. Dans l'abandon des prestations, vous avez... Évidemment, vos gens vous ont suggéré d'abandonner d'abord la prestation de décès. Évidemment, je pense que c'est... Mais elle a peu d'effets, vous comprenez.

Sur la question qui touchait la rente de conjoint survivant, où on a quand même une société qui a considérablement évolué depuis 1966 où, dans une bonne partie des couples, il n'y avait qu'une seule personne qui était sur le marché du travail – maintenant, la situation a évolué et les deux personnes sont souvent sur le marché du travail – est-ce que vos membres se sont prononcés là-dessus?

M. Cléroux (Pierre): Non. Malheureusement, on n'avait pas indiqué ce choix-là parce que, lorsqu'on a fait l'analyse du sondage, on n'avait pas vu ça comme une option.

M. Gautrin: Parce que ce n'était pas présent à l'intérieur du livre vert ni dans le dossier du RPC.

M. Cléroux (Pierre): C'est ça.

M. Gautrin: Moi, je vous remercie. Je dois dire que je partage en grande partie vos points de vue.

Mme Harel: Mme la Présidente, si M. le député de Verdun et les membres de la commission nous y autorisent, je souhaiterais demander au président de la Régie des rentes du Québec, M. Legault, une précision quant à la nature des études qui ont été citées. Il ne semble pas que ce soit des études actuarielles mais des tests de sensibilité, mais je laisserais M. Legault le préciser.

M. Gautrin: Je peux très bien expliquer sans difficulté. Je sais très bien ce que c'est qu'un test de sensibilité par rapport à une étude actuarielle. Enfin, commençons le débat si vous voulez.

Mme Harel: Ce n'est pas un débat. En fait, c'est une précision.

M. Gautrin: Non, non, allez-y.

Mme Harel: Alors, M. Legault.

M. Legault (Claude): Ça me fait plaisir de répondre à la question qui m'est posée, mais je n'ai pas l'intention de partir un débat maintenant.

M. Gautrin: Non, ce n'est pas la question.

M. Legault (Claude): C'est qu'on semble prendre les tests de sensibilité et dire qu'il y a, dans l'analyse actuarielle, des montants différents, et l'expression est employée que l'analyse actuarielle dit qu'il y a des montants qui varieraient de 11,9 % à 18,2 %. L'analyse actuarielle ne dit pas ça. Il y a une analyse actuarielle qui est complète et, après l'analyse actuarielle, dans le même rapport, il est fait état de tests de sensibilité. Donc, si ces variables bougeaient dans un sens ou dans l'autre, on donne les endroits où elles pourraient se retrouver.

Les actuaires – parce que les questions ont été posées lorsqu'ils nous ont présenté ça – nous disent qu'ils ne signeraient jamais une évaluation actuarielle qui est présentée sous le nom de «test 1» ou de «test 2». Il ne s'agit pas d'autres analyses actuarielles parce que ces données-là sont en interréaction. Et c'est simplement que, tout à l'heure, on a parlé d'analyses actuarielles, puis je voulais juste m'assurer que la commission avait bien saisi.

M. Gautrin: Mais, si vous me permettez, monsieur, je veux quand même bien préciser que, ce que j'ai utilisé, je suis bien sûr que je fais référence aux tests de sensibilité. L'autre personne qui témoignait devant nous nous a dit qu'il y avait certains questionnements quant au niveau des variables qui étaient utilisées dans l'analyse actuarielle. C'était, je crois, l'élément, et il est sûr qu'à partir du moment où vous vous questionnez sur le niveau des variables dans l'analyse actuarielle c'est à ce moment-là que vous pouvez, bien sûr, revenir dans les tests de sensibilité et uniquement – et, on s'entend bien, uniquement – sur ce qui touche la partie des besoins du fonds.

Donc, c'est essentiellement l'élément qu'ils considèrent. Ils considèrent actuellement les besoins du fonds en termes de pourcentage de la masse salariale. Et vous convenez avec moi que c'est l'élément clé qui va nous permettre après de pouvoir déterminer quel est le taux de cotisation, etc. On s'entend là-dessus?

Et alors, sur les besoins du fonds, ils sont évalués comment, les besoins du fonds? Bien sûr par un élément de courbe démographique, par une analyse de la situation économique, par le nombre de gens qui vont être à leur pension, par l'évolution du taux de croissance de l'économie et des salaires. Et alors, suivant les éléments, ils font un test de sensibilité, c'est-à-dire que, si je fais varier telle variable de telle manière et si je prends un élément où toutes mes variables varient dans un certain sens, où toutes mes variables varient dans un autre sens, je me retrouve, sur les besoins du fonds, variant – je mets mes lunettes, mais c'est ce que j'ai dit tout à l'heure – entre 11,9 % et 18,2 %. Est-ce qu'on est d'accord là-dessus?

M. Legault (Claude): Écoutez. Je ne voudrais pas partir un débat. Ça m'est impossible.

M. Gautrin: Non, non. Moi non plus.

M. Legault (Claude): Je voulais simplement préciser que les mots qui avaient été utilisés tout à l'heure devant la commission avaient parlé d'analyse actuarielle variant de... à...

M. Gautrin: Mais permettez...

M. Legault (Claude): ...alors que l'analyse actuarielle comme telle ne varie pas. Il n'y en a qu'une.

M. Gautrin: Je suis très d'accord. L'analyse actuarielle, si vous me permettez, contient des tests de sensibilité, et j'y ai fait nommément référence. Et je voudrais, Mme la Présidente, la déposer ici devant la commission, l'analyse actuarielle du 31 décembre 1994.

La Présidente (Mme Leduc): Oui. Bon, alors, je pense que les précisions ont été apportées à vos commentaires et je remercie...

M. Gautrin: Je voudrais déposer l'analyse actuarielle du régime, Mme la Présidente?


Document déposé

La Présidente (Mme Leduc): Oui, d'accord. Et je vous remercie, M. Cléroux. Avez-vous une conclusion ou... Ça va?

M. Cléroux (Pierre): Non, ça va. Merci.

La Présidente (Mme Leduc): Bon, merci beaucoup. Au nom de la commission, je vous remercie. Oui?

Mme Harel: Peut-être juste avant de terminer, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Leduc): Oui.

Mme Harel: Étant donné que notre actuaire est parmi nous, je souhaiterais qu'il puisse nous indiquer en quoi l'analyse actuarielle qui a été effectuée diffère des tests de sensibilité.

M. Gautrin: Elle comprend les tests de sensibilité, oui ou non?

Mme Harel: Vous allez avoir la réponse.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, monsieur, pour les besoins...

M. Ménard (Jean-Claude): M. Jean-Claude Ménard, actuaire en chef de la Régie des rentes.

La Présidente (Mme Leduc): D'accord, merci, pour l'enregistrement.

M. Ménard (Jean-Claude): Lorsqu'on fait une analyse actuarielle, notre devoir, c'est tout d'abord de projeter les entrées et les sorties de fonds pour les prochaines années, pour évaluer les besoins futurs du régime. Alors, évidemment, les hypothèses, qu'elles soient démographiques ou économiques, ne peuvent pas être prises séparément et ont un lien entre elles. Et, en ce sens-là, l'étude a été faite d'une façon très rigoureuse pour faire le rapport actuariel, je dirais le seul rapport actuariel.

Dans le passé, des gens nous ont dit: Maintenant, ce sont des hypothèses. Est-ce que vous pourriez montrer la variabilité de certaines hypothèses? D'où la section qui parle des tests de sensibilité. Alors, évidemment, lorsqu'on combine différentes hypothèses que j'appellerais plus pessimistes, on arrive à un scénario qui n'est pas nécessairement un scénario raisonnable. Et, en ce sens-là, je dirais que, comme actuaire, professionnellement, je ne signerais pas nécessairement la combinaison de toutes les hypothèses dites optimistes ou de toutes les hypothèses dites pessimistes. C'est la précision que je peux apporter.

M. Gautrin: Est-ce que je peux avoir...

La Présidente (Mme Leduc): Rapidement parce que le temps se termine.

M. Gautrin: Rapidement. Je comprends bien cela, mais ça vous donne néanmoins une borne inférieure et une borne supérieure dans lesquelles on peut varier.

La Présidente (Mme Leduc): Bon. Alors, je pense que...

Mme Harel: Et c'est justement, Mme la Présidente, ce qui est en cause, là. C'est justement qu'on ne puisse pas additionner pour avoir une borne inférieure ou additionner pour avoir...

M. Gautrin: Je n'additionne rien du tout.

Mme Harel: ...une borne supérieure, parce que ce sont des choses qui ne devraient pas s'additionner étant entendu qu'elles ne peuvent pas...

M. Gautrin: Mais je n'additionne rien du tout.

La Présidente (Mme Leduc): En tout cas, je pense que ce débat-là mérite d'être continué et je vous remercie beaucoup, M. Cléroux, de votre présentation.

Une voix: De votre patience.

La Présidente (Mme Leduc): Oui. Et j'inviterais les intervenants suivants, qui sont les représentants de la Fédération étudiante universitaire du Québec, à prendre place.

(Consultation)

Alors, M. Robitaille, M. Howe, ça me fait plaisir de vous accueillir à la commission des affaires sociales. Si vous voulez débuter votre présentation.


Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ)

M. Howe (Patrick): Alors, bonsoir et merci de nous recevoir. Tout d'abord me présenter: mon nom est Patrick Howe, je suis vice-président de la Fédération étudiante universitaire du Québec, et je suis accompagné de Patrick Robitaille, qui est coordonnateur à la recherche universitaire à la FEUQ.

(17 heures)

Il peut sembler particulier qu'un groupe qui défend les intérêts des étudiants se sente concerné par un projet de réforme d'un régime public de rentes. Seulement, lorsqu'on songe que les modifications à un tel régime affecteront les membres de notre génération beaucoup plus longtemps que ceux des générations qui nous précèdent, notre présence à cette commission s'avère beaucoup plus logique, voire même essentielle. L'urgence de la situation nous a d'ailleurs incités à mettre le temps et les ressources nécessaires afin de soumettre des propositions de réforme pour le régime, et ce, malgré tous les autres dossiers sur lesquels nous nous penchons.

Cette situation est devenue urgente, notamment en raison des erreurs commises dans le passé quant aux décisions qui auraient pu affecter le régime. En effet, nous pouvons penser aux négociations provinciales-fédérales lors de l'établissement du régime, où le Québec a dû renoncer à la sûreté du régime qu'il comptait mettre en place. Nous pouvons aussi penser aux gouvernements précédents qui firent la sourde oreille aux recommandations pourtant éclairées des rapports tels Cofirentes+ et «Perspectives 2030», qui réclamaient que des ajustements soient faits rapidement, sans quoi le glas du régime sonnerait à brève échéance.

Malgré les modifications apportées au taux de cotisation depuis 1986, le régime poursuit inexorablement sa route vers la mise à sec. Nous espérons, à la suite de cette période de consultations, que le gouvernement agira rapidement et ne laissera pas s'accumuler la poussière sur des recommandations vitales pour la survie du régime et la sécurité financière de milliers de travailleurs.

Malgré cette urgence qui tarde déjà, il importe toutefois que les modifications ne résultent pas d'un coup de tête ayant pour unique but de sauver les meubles de la situation présente. Nous avons plutôt besoin de solutions durables, issues d'une vision portant sur le court, le moyen et le long terme. Ces solutions doivent s'appuyer sur des principes solides et égalitaires, afin de ne pas avantager ou pénaliser une catégorie de gens au détriment d'une autre. C'est pourquoi nous sommes en accord avec les principes énoncés dans le document de consultation, c'est-à-dire l'équité entre les générations, la solidarité sociale et une responsabilité partagée entre les travailleurs et les employeurs. Nous aimerions toutefois approfondir ces notions, car notre interprétation de celles-ci diffère un peu de celle exposée dans le document de consultation.

Quand nous parlons d'équité intergénérationnelle et de solidarité sociale, nous croyons qu'il faut tenir compte de la situation socioéconomique vécue par chacun des individus. Toute demande de cotisation, par exemple, devrait reposer sur la capacité de payer de l'individu. L'époque du mur-à-mur est révolue, compte tenu des grandes disparités qui caractérisent les différents groupes de notre société. De plus, nous considérons comme essentiel le fait que chaque génération assume pleinement la responsabilité des bénéfices qu'elle reçoit en retour. Cela signifie que nous n'accepterons aucune modification qui avantagerait ou désavantagerait une génération par rapport à l'autre en la faisant payer davantage ou en la faisant profiter de bénéfices supérieurs à l'autre.

Enfin, comme nous avons affaire à un régime public qui doit d'abord viser le bien-être de la collectivité, nous croyons que l'aspect de la redistribution de la richesse devrait être mis davantage en évidence, dans le cadre de la définition du régime. Et je laisserais la parole à Patrick et je reviendrai pour la conclusion.

La Présidente (Mme Leduc): M. Robitaille.

M. Robitaille (Patrick): Oui. Maintenant, élaborons les propositions que nous souhaitons mettre de l'avant pour réformer le régime. D'emblée, nous émettons le souhait que la structure actuelle de prestations demeure telle quelle et que les mécanismes d'indexation qui y sont rattachés demeurent inchangés, et ça inclut non seulement les prestations de retraite, mais aussi toutes les autres prestations, c'est-à-dire celles de décès, d'invalidité et la rente de conjoint survivant.

Cette proposition qui découle des principes d'équité entre les générations et de solidarité sociale a pour but de protéger le revenu de retraite de ceux qui bénéficient déjà de la rente prévue au régime, mais aussi de ceux qui sont à l'aube de la retraite et qui sont à la planification de celle-ci.

De plus, il serait carrément illogique que ceux qui cotisent maintenant doivent cotiser davantage et obtenir moins au bout du compte. Enfin, déjà beaucoup trop de travailleurs retraités n'ont comme source de revenus de retraite que des allocations des régimes d'assistance et la rente du Régime de rentes du Québec. Bien souvent ces travailleurs ne disposaient pas d'un revenu d'emploi faramineux. Il importe de leur assurer une source de revenus fiable et sûre qui ne subira pas les aléas d'une mauvaise situation financière publique.

Quant à la structure des cotisations, nous souhaitons proposer un mécanisme novateur qui tienne compte du souci exprimé auparavant de tenir compte de la réelle capacité de payer des travailleurs et de l'objectif d'une plus grande redistribution de la richesse. Au cours de nos réflexions sur les propositions de réforme à apporter, nous avons constaté qu'un taux uniforme de cotisation, même agencé avec d'autres mesures, ne permettait pas l'atteinte des objectifs que nous venons tout juste d'énoncer et qu'il ne rendait pas justice aux réelles conditions vécues par les différentes catégories de travailleurs de notre société.

Ainsi, nous proposons une structure de cotisation établie en fonction de l'âge et du revenu du travailleur. Expliquons ici les motifs qui justifient une catégorisation selon l'âge et le niveau de revenus.

La vie active de tout individu se compose, selon nous, de trois phases bien distinctes. La première, que nous avons établie entre 18 et 29 ans, se caractérise par les nombreux investissements qu'exige l'entrée dans la vie active: achat d'une maison, d'une voiture, fondation d'une famille, et j'en passe. De plus, les conditions de vie de cette catégorie ne sont guère alléchantes. Le revenu moyen des 18-34 ans a diminué de 8 % en dollars constants depuis 1981, alors que les autres groupes d'âge ont connu une hausse. Et je tire ces chiffres du document de consultation. Les emplois, quand ils sont disponibles, sont régulièrement précaires et mal rémunérés. Du côté des étudiants, ils ont à assumer un endettement plus grand que leurs prédécesseurs, à en juger l'endettement moyen qui se situe présentement à plus de 10 000 $ et le nombre de faillites étudiantes qui augmentent en flèche. Nul besoin de spécifier que c'est à cette époque de la vie que le revenu disponible est le plus faible.

La deuxième catégorie d'âge, qui regroupe les individus de 30 à 44 ans, est caractérisée par une consolidation des actifs et une croissance du revenu disponible. Les investissements sont en voie de paiement complet et la carrière de ces individus prend une tournure plus stable. Certains commencent même à planifier leur retraite au cours de cette période.

Enfin, la troisième période, qui débute à 45 ans et se termine à 69, constitue celle où les revenus d'emploi, et par conséquent le revenu disponible, atteignent leur maximum. Les investissements sont payés. Dans la plupart des cas, les enfants sont élevés. La planification de la retraite constitue une activité importante pour ce groupe.

Sans que ces justifications constituent toutefois une vérité de La Palice, cette répartition par tranches d'âge ne saurait être complètement adéquate sans que l'on tienne compte des revenus d'emploi effectivement gagnés par les individus. C'est pourquoi nous avons considéré dans notre modèle trois tranches de revenus d'emploi établies en fonction de la norme actuelle qui sert à déterminer les maximums de cotisations et de prestations, soit le maximum des gains admissibles. Ainsi, la première catégorie serait constituée des travailleurs gagnant annuellement entre le montant de l'exemption générale et 50 % du maximum des gains admissibles; la deuxième comprendrait les individus gagnant entre 50 % et 100 % du maximum des gains admissibles; enfin, la dernière catégorie regrouperait les gens qui gagnent au-delà du maximum des gains admissibles.

Il en résulte alors une structure de cotisation qui prévoirait neuf taux déterminés selon l'âge et le revenu. Ces taux seraient progressifs, le plus bas étant appliqué aux jeunes de 18 à 29 ans à faibles revenus, tandis que le plus élevé toucherait les personnes âgées entre 45 et 69 ans bénéficiant d'un revenu plus élevé.

Partant de l'obligation qui nous incombe de prévoir une croissance de ces taux de cotisation, nous avons établi une échelle de croissance de ces taux jusqu'en 2003, telle que nous l'avons présentée au tableau 1 de notre mémoire. Ainsi, les taux ultimes de cotisation se situeraient, à cette époque, entre 7,7 % et 12,8 %.

Nous verrons plus loin qu'il sera possible de diminuer ces taux en appliquant d'autres modifications au régime. Nous aimerions auparavant vous faire part des avantages de la structure de cotisation que nous proposons.

Tout d'abord, ce modèle répond mieux à l'objectif de cotiser les travailleurs selon leurs moyens financiers et la situation socioéconomique qui leur est propre. De plus, en modulant les taux de cotisation selon le niveau de revenu d'emploi, il est possible d'opérer une meilleure distribution de la richesse au sein du régime que ce qui prévaut présentement.

Nous croyons aussi que cette structure pourrait inciter les entreprises à renouveler plus rapidement leur main-d'oeuvre ou, à tout le moins, à favoriser l'implantation d'un système de travail partagé en raison de l'écart entre les taux de cotisation des groupes plus âgés et plus jeunes.

Nous voudrions également proposer d'autres mesures qui permettront une plus grande couverture des travailleurs, un élargissement de l'assiette de cotisation et, par conséquent, une marge de manoeuvre supplémentaire qui pourrait conduire à une baisse des taux de cotisation ultimes.

D'abord, nous proposons un gel temporaire du montant d'exemption générale à 3 500 $ jusqu'à ce que celui-ci corresponde à 5 % du maximum des gains admissibles. Notons que, présentement, il équivaut à 10 % du maximum des gains admissibles. Cette dernière éventualité se produirait vers 2014, d'après la dernière évaluation actuarielle de la Régie des rentes. Cette mesure aurait pour conséquence d'augmenter le nombre de cotisants admissibles. Présentement, 13 % des travailleurs gagnent moins que l'exemption générale. Aussi, cette modification permettrait une augmentation du taux effectif de cotisation pour l'ensemble des travailleurs. Vous n'êtes pas sans savoir que, par exemple, si vous avez un taux de cotisation de 5,6 %, vous ne cotiserez jamais complètement ce taux en raison de la soustraction de l'exemption générale faite sur le revenu de l'individu. Ainsi, en réduisant progressivement cette exemption, l'assiette de cotisation s'en verra élargie. Cet élargissement permettra de créer une marge de manoeuvre supplémentaire afin de diminuer les taux de cotisation ultimes que nous avons présentés. Nous avons estimé sommairement qu'il serait possible de diminuer les taux d'environ 0,5 %.

(17 h 10)

Une autre mesure permettrait d'élargir encore l'assiette de cotisations tout en répondant à l'objectif de solidarité sociale énoncé plus haut. Nous proposons, en effet, que tous les travailleurs âgés de 60 ans et plus cotisent au régime sans égard au fait qu'ils reçoivent déjà la rente prévue par le régime. Les dispositions présentes du régime font en sorte qu'un travailleur qui prend sa retraite prématurément et qui décide de retourner au travail par la suite n'ait plus à cotiser au régime. Nous considérons que cette disposition ne rend pas justice au principe de solidarité sociale et favorise, par le fait même, la pratique tant décriée de la double rémunération.

Il en va de même pour les travailleurs de plus de 70 ans. Nous voudrions toutefois baliser cette proposition d'une autre qui ferait en sorte que l'on reconnaisse ces nouvelles expériences de travail supplémentaires dans la rente des travailleurs qui ne reçoivent pas la rente maximale. Ainsi, nous proposons que la rente de ces travailleurs âgés soit ajustée actuariellement en fonction des nouvelles cotisations payées jusqu'à concurrence de la rente maximale.

Enfin, nous voudrions annoncer une proposition qui n'a pas de rapport direct avec les dispositions actuelles du régime, mais dont l'impact pourrait favoriser une meilleure santé financière pour le régime. Nous avons remarqué dans l'évaluation actuarielle qu'une hypothèse de fécondité à long terme était fixée à 1,8. Or, si cette hypothèse se concrétise, il en résultera à moyen terme une diminution de la population active et, par conséquent, du nombre de cotisants. La structure actuelle du régime, qui prévoit une capitalisation partielle des actifs, ne peut supporter une décroissance de son nombre de cotisants. Il en résultera inévitablement un épuisement des fonds du régime et une nouvelle demande de hausse de cotisation, même si cet événement se produit dans 50 ou 60 ans d'ici.

Il va sans dire qu'une diminution de la population active aura bien d'autres effets économiques qui auront un impact néfaste sur le développement de la société québécoise. Bien que cette hypothèse de fécondité soit réaliste, il faudrait toutefois s'assurer que la population québécoise dispose d'incitatifs qui permettraient une augmentation graduelle de la natalité. C'est pourquoi nous proposons au gouvernement de revoir en profondeur les politiques actuelles en matière d'encouragement à la natalité, dans le but de les renforcer et d'accroître les ressources dévolues à ces politiques. Il faudrait, à moyen terme, que l'indice de fécondité dépasse le seuil de 2,1, seuil requis pour maintenir une population stable.

M. Howe (Patrick): Rapidement et avant de conclure, nous aimerions vous faire part de certains commentaires connexes à la présentation de ce mémoire. On a beaucoup discuté, ces derniers temps, des effets néfastes des taxes sur la masse salariale sur l'emploi. Nous nous sommes même prononcés en faveur d'une diminution du niveau de ces taxes dans un mémoire que nous avons présenté lors de la commission sur la fiscalité et le financement des services publics.

Nous sommes conscients que les cotisations au Régime de rentes du Québec constituent une taxe sur la masse salariale. Toutefois, nous considérons que les effets engendrés par une hausse de cotisation seraient tout autres que si nous augmentions, par exemple, une autre taxe sur la masse salariale. En effet, cette hausse étant progressive, elle laissera le temps aux entreprises de s'ajuster à cette nouvelle dynamique. De plus, les sommes gérées par la Régie des rentes seront déposées à la Caisse de dépôt et placement du Québec qui, depuis longtemps, est reconnue comme un véhicule permettant la création d'emplois.

Enfin, et dans la foulée de la demande qu'a faite M. Bernard Landry au gouvernement fédéral, nous appuyons la proposition de diminuer le taux de cotisation à l'assurance-emploi, compte tenu des énormes surplus qui ont été réalisés dernièrement dans le fonctionnement de cette caisse. Cela aura pour conséquences de diminuer le niveau des taxes sur la masse salariale et de contrecarrer sûrement les effets pervers d'une hausse de cotisation du Régime de rentes.

Nous voudrions aussi critiquer quelque peu l'optimisme des actuaires de la Régie des rentes du Québec en ce qui concerne leur hypothèse relative à l'évolution du taux de chômage. Nous partageons, d'ailleurs, à cet effet les vues de l'économiste Georges Mathews qui se demandait comment il pouvait se faire que l'on émette une hypothèse de plein-emploi vers 2020, alors que le gouvernement québécois ne prévoyait pas de baisse du taux de chômage dans ses prévisions budgétaires pour l'an 2000. Nous croyons que cette hypothèse repose sur une croyance naïve que, dès que les baby-boomers quitteront le marché de l'emploi, une place grandissante sera faite aux jeunes pour qu'ils puissent travailler, permettant ainsi une baisse substantielle du taux de chômage. Bien d'autres facteurs pourraient d'ailleurs influencer l'évolution de ce taux avant qu'il puisse être réduit au niveau du plein-emploi.

En guise de conclusion, nous aimerions vous faire part, tout d'abord, de nos craintes face aux discours publics qui réclament que tout le monde doit faire sa part dans le but de régler le problème des finances publiques. Nous, en tant que jeunes, sommes bien prêts à l'assumer, cette part. Vous pouvez en prendre à témoin les propositions que nous avons faites aujourd'hui dans le mémoire. Mais qu'on ne s'y méprenne pas, il faut que cette part soit juste et équitable en regard des obligations qui se présentent à nous à l'orée de notre vie active. Ainsi, nous voulons signifier notre profond désaccord sur la notion que toute la société devra payer pour résorber la crise des finances publiques en cours. Nous considérons que cette facture incombe plutôt à tous ceux qui en ont bénéficié, de tous ces investissements publics, car nous avons l'impression que notre génération n'en bénéficiera pas autant que celle qui nous a précédés.

Veuillez noter au passage le fait que nous finançons présentement la retraite des personnes qui n'ont pas contribué pleinement au régime durant leur vie active, et que les futurs bénéficiaires des 10 prochaines années n'auront pas trop à souffrir des prochaines hausses de cotisation. L'équité intergénérationnelle présume que chaque génération doit payer le même prix pour ce qu'elle obtient en retour. Ce principe n'existe pas réellement dans le cadre du présent Régime de rentes. Nous souhaitons donc que cette situation ne se répète pas dans le cadre de la résolution de la crise des finances publiques, car nous ne souhaitons pas devenir la génération sacrifiée à l'autel des dépenses de la génération précédente. Merci.

La Présidente (Mme Leduc): Je vous remercie, M. Howe. Mme la ministre.

Mme Harel: Oui. Alors, bienvenue, MM. Robitaille et Howe. Je comprends que c'est la première occasion, je crois, que vous ayez de représenter la Fédération étudiante universitaire du Québec en commission parlementaire.

M. Robitaille (Patrick): Pour moi, c'est la deuxième.

Mme Harel: C'était à quelle occasion, la fois précédente?

M. Robitaille (Patrick): Dans le cadre de la réforme sur la Loi électorale.

Mme Harel: Très bien.

M. Robitaille (Patrick): À la dernière minute, j'ai dû remplacer quelqu'un.

Mme Harel: Ah bon! Bien, là, écoutez, moi, je voulais vous féliciter pour la rigueur et le sérieux du mémoire que vous nous présentez. Je comprends qu'il y a pas mal d'heures de travail qui sont investies dans ce mémoire.

Peut-être juste un mot pour vous inviter à faire très, très, très attention sur ce refrain qui est quasiment éculé maintenant de dire: On n'a pas à financer la retraite des personnes qui, elles, n'ont pas cotisé. Effectivement, le régime a 30 ans. En 1966, quand il a débuté, il fallait avoir 10 années de cotisations, de travaillées, donc c'est en 1976 que ces personnes-là en ont bénéficié, mais, en même temps, c'est elles qui ont payé à 100 % le rapport Parent, la mise en place des commissions scolaires, qui ont mis en place le système de cégeps, le réseau, par exemple, d'universités du Québec, en 1979. Et, vous savez... En 1969, excusez-moi, le réseau des universités du Québec.

J'ai parfois l'impression qu'à vouloir tout calculer comme ça il y a des bouts qu'on finit par oublier. Puis on ne voit pas à quel point, malgré tout, l'héritage que les générations nous laissent, on doit le faire fructifier, mais c'est un héritage qui est intéressant. Juste un mot pour vous raconter dernièrement être allée au Venezuela où, à la place de ces investissements dans le système d'éducation vénézuélien, les gens qui avaient des revenus croissants, pas seulement à cause de l'inflation, mais aussi, là-bas, à cause des bénéfices générés par le pétrole, ont préféré envoyer leurs enfants étudier à l'étranger, aux États-Unis, etc., puis là ils se retrouvent après 30 ans sans un réseau qui peut, dans une période de plus grande pénurie, leur permettre de poursuivre la scolarisation des nouvelles générations.

Bon, écoutez, je ne veux pas non plus trop en mettre parce que je pense que, dans les rapports de profits et pertes, il n'est pas évident qu'il n'y a pas quelques bénéfices qui nous sont laissés par les générations qui nous ont précédés puis par celle qui est là présentement. Peut-être que vous voulez réagir tout de suite ou vous pouvez réagir plus tard, c'est comme vous voulez.

M. Robitaille (Patrick): Bien, je vous concède un peu ce point-là, effectivement.

Mme Harel: Mais vous en prenez...

M. Robitaille (Patrick): Toutefois, si on a énoncé un peu cette affirmation-là, ça tenait compte du fait que – je vais peut-être rafraîchir votre mémoire – à l'époque de l'instauration du Régime de rentes, il y avait des négociations entre le Québec et Ottawa qui concernaient les différentes modalités du régime à mettre en place. Le Québec a dû céder sur plusieurs points, notamment sur le niveau du taux de cotisation, notamment sur la période pendant laquelle les gens devaient cotiser avant de pouvoir toucher leur rente: la proposition québécoise était de 20 ans, celle du Canada était de 10 ans. Donc, sur un certain nombre de points, on a dû céder. Je n'étais pas né, malheureusement, à cette époque-là, je ne peux pas vous dire ce qui s'est passé exactement, vous devez être plus à même de le savoir, mais, sur ce point-là, je vous le concède. Mais ce que je viens de mentionner, ça fait partie des erreurs qu'on a prélevées dans le passé, et ce qui fait en sorte qu'on se ramasse avec la situation qu'on a présentement. Si des décisions de modifications avaient été prises au début des années quatre-vingt tel que ça avait été proposé, on ne serait peut-être pas ici en train de se parler présentement.

Mme Harel: Alors, bon. Écoutez. Je vois que vous avez une connaissance, disons, assez approfondie de tout cela. Allons donc directement dans ce que vous proposez. Je comprends qu'après – parce que ça a été bien pesé et soupesé, là, ça semble assez évident – vous dites: Il faut maintenir telles quelles les prestations du régime. Vous êtes prêts à y faire, cependant, des réaménagements, notamment avec l'exemption générale. Vous n'allez pas aussi loin que ce qui est proposé dans le livre vert. Vous y allez plus rapidement, mais vous vous arrêtez à 5 %. Puis ce que vous dites aussi, je pense, c'est que vous invitez les gouvernements à mettre en place des politiques natalistes, en fait.

(17 h 20)

M. Robitaille (Patrick): Oui.

Mme Harel: Le grand mot est lâché, mais vous l'utilisez. Alors, comme ça vient de vous, ça ne peut pas être reproché au gouvernement. Je voudrais vous entendre là-dessus.

M. Robitaille (Patrick): Ha, ha, ha! Vous voulez connaître mes intentions personnelles ou quoi, là?

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Ha, ha, ha!

Une voix: Moi, je l'ai fait ma part, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Demande-moi pas plus!

Mme Harel: Mais, si j'ai bien compris, vous voulez que l'indice de fécondité atteigne 2,1 %, hein? Vous voulez un effort quand même substantiel.

M. Robitaille (Patrick): Oui. Bien, là, encore là, bon, ça...

M. Gautrin: ...ce n'est pas les hommes.

M. Robitaille (Patrick): Ah! Ha, ha, ha! Effectivement, je suis d'accord avec vous, M. Gautrin.

Mme Harel: Ça se fait à deux.

Une voix: Les hommes sont aussi actifs.

M. Gautrin: ...l'indice de fécondité, c'est les femmes.

M. Robitaille (Patrick): Mais c'est ça. Puis je pense que M. Legault va comprendre pourquoi on fait cette proposition-là ou, à tout le moins, l'actuaire en chef de la Régie des rentes va comprendre. C'est qu'on ne peut pas continuer à croire qu'on peut maintenir un régime sur une base de semi-répartition, semi-capitalisation partielle tant que l'indice de fécondité ne fera pas en sorte que la population ne demeure pas stable ou ne croisse pas, parce que sans ça, c'est la faillite du régime ou, sinon, c'est alourdir le fardeau des générations futures en termes de cotisations. Ça, c'est aussi simple que ça.

Pour ce qui est de propositions concrètes, je vais vous avouer qu'on n'a pas réfléchi beaucoup encore sur des propositions sur la natalité. Je sais qu'il existe déjà un certain nombre de mécanismes, mais, comme je vous le dis, il faudrait peut-être voir à les renforcer puis à accentuer ça pour que ça revienne à un équilibre plus normal. Puis ça ne touche pas seulement le Régime de rentes, là. La société québécoise au complet va en souffrir, là, si la population se met à diminuer.

Mme Harel: En fait, c'est toute la question du vieillissement...

M. Robitaille (Patrick): Oui.

Mme Harel: ...qui ne pourra être, dans le fond, atténué que s'il y a une augmentation de la natalité. C'est bien le cas.

Je voudrais soutenir, en fait, le point de vue qui est exprimé dans votre mémoire, peut-être pas la conclusion cependant, en termes d'effectifs de cotisations dépendamment de l'âge, pour la bonne raison que j'y avais pensé moi-même il y a quelques mois quand j'ai hérité du dossier. J'avais demandé qu'on me prépare différents scénarios pour me rendre compte qu'ils pouvaient tous être plus ou moins attaqués en fonction des chartes, notamment, mais qu'il y avait peut-être une façon d'y arriver autrement. Puis j'aimerais échanger avec vous.

Peut-être que la première chose que je voudrais rendre, disons, disponible aux membres de cette commission, c'est le fait que les jeunes ont des gains de travail mais cotisent de moins en moins à la Régie des rentes. En fait, les derniers chiffres, là, qui sont en ma possession sont les suivants. En particulier pour les 18-19 ans, la participation au Régime de rentes est passée, de 1975 à 1993 – vous voyez, pas tout à fait 20 ans, 18 ans – de 67 % à 43,4 %. Alors, vous voyez à quel point il y a eu une baisse substantielle, et pour la bonne raison que plus de jeunes ont eu des gains de travail mais que moins ont eu des gains supérieurs à l'exemption générale au régime.

Alors, on se comprend? Il y a des tableaux là-dessus. C'est le cas des 18-19 ans puis c'est le cas aussi des 20-24 ans. Les gains moyens pour les jeunes travailleurs de 18 à 29 ans, c'est-à-dire tous ceux qui ont eu des gains de travail, comme vous le mentionnez, ont diminué de 13 354 $ en 1989 à 13 339 $ en 1993 et, pour suivre l'inflation, les revenus de travail auraient dû passer à 15 277 $ en 1993. Alors, ce sont les 18-19 ans qui sont le plus affectés avec une baisse de leurs gains de 14,3 % comparativement à une baisse de 7,6 % pour les 20-24 ans. Pour les 25-29 ans, ça augmente quand même de 5 %. Mais l'idée générale, c'est qu'il y a plus de gains de travail, mais ces gains sont inférieurs à l'exemption.

Quelles conséquences ça a, ça? Je pense que c'est à prendre en considération. C'est que, finalement, dans le calcul de la période cotisable, étant donné que la période des années travaillées inférieures, si vous voulez, à l'exemption est plus nombreuse puis étant donné aussi la réduction de l'âge de la retraite, c'est que les années cotisables diminuent. Alors, on a beau considérer le 15 % de retranchement des années de gains faibles comme étant une mesure importante... C'est pour ça qu'il ne faut pas y toucher, à cette mesure-là, parce que, si on y touchait, comme le recommandait le document fédéral portant sur le Régime de pensions du Canada, ce serait ajouter, d'une certaine façon, à l'inéquité. Mais l'exemption, cependant, quant à l'exemption, on voit bien que de geler l'exemption, même sur une longue durée, ça va permettre à plus de personnes d'avoir une ouverture à un droit de rente, si vous voulez, autant pour l'invalidité, éventuellement, ou pour le conjoint survivant que pour une période cotisable plus longue travaillée.

Cependant, si on introduit l'idée d'un taux de cotisation selon l'âge, on peut introduire toutes sortes d'effets – vous vous en rendez bien compte – qui peuvent être pervers. D'abord, il faudrait utiliser des nonobstants en fonction des chartes. Ensuite, il faudrait vraisemblablement le justifier en considérant que ça pourrait avoir un effet pour mettre à la retraite précipitée des travailleurs qui ne sont pas nécessairement bien rémunérés. Et puis est-ce que l'effet n'est pas atteint autrement si on examine un déplafonnement? Parce qu'un déplafonnement, ce n'est pas fondé sur l'âge mais sur le revenu. Et cette catégorisation en fonction du revenu est beaucoup plus acceptable socialement, dans notre société, que sur l'âge ou même sur le sexe; on le voit avec les difficultés que rencontre le dossier sur l'équité salariale.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Et vlan!

Mme Harel: C'est un euphémisme, mais enfin, pour ne pas en dire plus. Ha, ha, ha! Mais je ne sais pas si vous avez regardé ça de près, l'impact que peut avoir, dans le fond, un certain déplafonnement du maximum de gains admissibles avec l'impact que ça peut avoir en regard de l'application de ce taux de cotisation variable selon l'âge.

M. Robitaille (Patrick): Je dois vous avouer qu'on n'a pas travaillé avec l'hypothèse de déplafonnement, qu'il faudrait peut-être y réfléchir. Mais, moi, je vais quand même avoir une question à vous poser sur le fait, justement, que vous dites qu'on peut invoquer les chartes pour des motifs de discrimination selon l'âge. Je vais vous poser une question très précise, vous qui êtes ministre de l'Emploi et de la Solidarité, et ministre de la Sécurité du revenu, et avocate: Comment se fait-il, dans ce cas-là, qu'il y a un critère d'âge qui est appliqué à l'aide sociale?

Mme Harel: Lequel?

M. Robitaille (Patrick): Il n'y avait pas un critère d'âge, en fait, pour les moins de 30 ans, plus que 30 ans, qui était appliqué dans la détermination des prestations d'aide sociale? Est-ce que ce n'est pas discriminatoire, ça aussi?

Mme Harel: Ça a été changé en...

M. Robitaille (Patrick): Ça a été modifié?

Mme Harel: ...1985.

M. Robitaille (Patrick): O.K.

Mme Harel: Alors, dans le fond, vous nous dites qu'il ne faut pas y revenir. C'est ce que je comprends.

M. Robitaille (Patrick): Bien non, pas nécessairement. Tout ce que je vous demandais, c'est si ça existait. Je vous demandais si ça existait encore...

Mme Harel: Vous demandiez si ça existait. Non, ça n'existe pas.

M. Robitaille (Patrick): ...parce que, si ça existait encore, moi, j'aurais pu vous dire: Bien, pourquoi on ne pourrait pas adopter ce que nous proposons ici?

Mme Harel: Non, ça n'existe pas.

M. Robitaille (Patrick): O.K.

(17 h 30)

Mme Harel: Je ne pense que ça a été porté devant les tribunaux, mais c'était un des arguments invoqués, à savoir que l'âge n'était pas un critère considéré comme raisonnable en regard de l'aide de dernier recours.

M. Robitaille (Patrick): O.K.

Mme Harel: Ceci dit, est-ce que vous me permettrez, moi aussi, une question?

M. Robitaille (Patrick): Oui.

Mme Harel: On se demande, M. Howe et vous-même, quelles sont les études que vous poursuivez présentement?

M. Robitaille (Patrick): Bon.

Une voix: Lui, il est au Régime de rentes. Ha, ha, ha!

M. Robitaille (Patrick): Je pense qu'il y a des gens qui vont bien rigoler ici.

Mme Harel: On se demandait si...

M. Robitaille (Patrick): Bien, justement, ma situation, je pense qu'elle est assez représentative de celle que les jeunes vivent aujourd'hui. J'ai un bac en actuariat depuis 1991. Je suis encore aux études, malheureusement, parce que le marché de l'emploi est fermé depuis ce temps-là, et j'essaie encore, année après année, de me tailler une place, et ça ne fonctionne pas. J'ai décidé de faire de la politique à la place puis de continuer des études.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: Politique étudiante.

M. Robitaille (Patrick): Puis je vais vous dire...

Une voix: Vous pourriez combler les deux puis travailler pour la RRQ?

Mme Harel: Ha, ha, ha!

M. Robitaille (Patrick): Ah, peut-être, mais je vais vous dire que la politique, ce n'est pas plus payant.

Mme Harel: Ha, ha, ha! Vous voulez dire la politique étudiante.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Robitaille (Patrick): Oui, oui, effectivement. C'est ça. Présentement, je poursuis des études en littérature et en cinéma.

Mme Harel: Et votre collègue?

M. Howe (Patrick): Et comme quoi la politique n'offre pas nécessairement plus de débouchés, je suis diplômé de sciences politiques et je continue mes études en pédagogie.

Mme Harel: En pédagogie. Alors, je vous remercie pour votre contribution.

M. Robitaille (Patrick): Merci.

La Présidente (Mme Leduc): Merci, Mme la ministre. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci. Moi aussi, je vais vous féliciter pour l'originalité de ce... Non, non, mais ce n'est pas du tout en riant. Vous êtes les premiers qui nous proposez un taux variable de cotisation, et je pense que c'est quelque chose auquel on doit réfléchir. Je comprends qu'il y a un problème avec les chartes, mais tout problème est résoluble, le cas échéant.

Le problème que je me pose, néanmoins, c'est facile d'analyser cela pour le cotisant comme tel. Pour l'entreprise, comment vous voyez ça? Est-ce qu'elle va payer un taux uniforme sur sa masse salariale ou un taux différencié suivant l'âge de son employé? Et vous voyez tout de suite ce qui pourrait arriver comme élément quant à la manière de favoriser l'embauche de telle ou telle personne ou la désembauche de telle ou telle personne à cause des cotisations. Alors, est-ce que, parallèlement à ce taux différencié pour les individus – et je pense que vous l'avez clairement exprimé – pour ce qui est de la contribution patronale au Régime de rentes, vous voyez un taux uniforme sur la masse salariale, qui pourrait être le taux moyen tel que calculé, ou si vous maintenez les taux différenciés en fonction des personnes?

M. Robitaille (Patrick): Pour ce qui est de la cotisation de la partie patronale, nous, on est partis avec l'hypothèse que ça se finançait 50-50, comme ça prévaut actuellement, c'est-à-dire que, si, par exemple, on dit que le taux de cotisation d'un employé, pas d'un employé, mais d'un travailleur, est de 9 %, bien le travailleur paie 4,5 % et l'employeur paie 4,5 %. Il n'y a pas de taux uniforme appliqué sur les entreprises parce que ce serait, selon moi, excessivement compliqué de déterminer, par exemple, quel taux on applique sur une grande entreprise qui engage beaucoup de personnes à faible salaire, comparativement à une PME qui oeuvre dans un domaine de technologie avancée puis qui a des groupes de travailleurs à très, très haut salaire. Ce serait difficile de pouvoir moduler tout ça. Donc, il faut vraiment revenir sur une base individuelle.

Et, selon nous, ça n'a pas nécessairement de répercussions au niveau des coûts administratifs pour gérer ce régime-là, parce que, d'une part – puis là je vais être pratico-pratique – le ministère du Revenu calcule les tables à chaque année, qu'il envoie aux employeurs, et c'est à eux d'appliquer les bons taux, selon le salaire et l'âge des employés...

M. Gautrin: Mais...

M. Robitaille (Patrick): Laissez-moi terminer. Et, d'un autre côté, au point de vue de s'assurer que les cotisations sont bel et bien payées et que ce sont ces cotisations-là qui doivent être payées, je dois vous faire noter que, dans le rapport d'impôts, il y a toujours une vérification qui se fait, par la suite, des montants qui devraient être effectivement cotisés. Donc, le ministère du Revenu peut envoyer une notice de cotisation à la personne et à l'entreprise qui a mal fait sa déclaration.

M. Gautrin: Ce n'était pas ma question.

M. Robitaille (Patrick): O.K.

M. Gautrin: Enfin, je vais vous revenir sur ma question. C'est: Qu'est-ce que vous percevez comme effets sur les politiques d'embauche...

M. Robitaille (Patrick): O.K.

M. Gautrin: ...c'est-à-dire le fait que vous ne payiez pas la même taxe sur la masse salariale? Que ça puisse être calculé facilement, ça, je n'en disconviens pas avec vous.

M. Robitaille (Patrick): O.K.

M. Gautrin: Mais sur l'embauche, est-ce que vous avez étudié cette question-là?

M. Robitaille (Patrick): Bon, oui, effectivement, dans la détermination des taux qu'on a essayé de faire, on n'a pas voulu avoir un écart trop grand entre le taux le plus faible et le taux le plus élevé, justement pour essayer de diminuer ces effets-là par rapport à l'embauche. Toutefois, étant un groupe qui représente des jeunes, qui est très concerné par la question de l'emploi ces temps-ci – et on vous en a fait la preuve il n'y a pas tellement longtemps – on essaie de trouver des mécanismes supplémentaires qui favoriseraient l'embauche des jeunes travailleurs. Donc, le fait d'avoir des cotisations un peu plus élevées pour les gens qui sont âgés inciterait – moi, j'y ai réfléchi, d'ailleurs, en rédigeant notre présentation hier soir – peut-être beaucoup plus les entreprises à s'engager dans une voie de travail partagé que de faire en sorte de forcer prématurément à la retraite les travailleurs âgés et de les remplacer par de la main-d'oeuvre plus jeune et peut-être même moins bien rémunérée.

M. Gautrin: Est-ce que, pour vous, la question de l'harmonisation avec le RPC, le Régime de pensions du Canada, dont vous avez établi les questions tout à l'heure, est un élément important à maintenir?

M. Robitaille (Patrick): Moi, je dois vous dire que je suis conscient qu'il y a des négociations qui doivent avoir lieu entre les provinces, pas entre les provinces, mais entre le Québec et le Canada, concernant les régimes de retraite. D'une part – et cela, on a pu s'en apercevoir la semaine dernière – le gouvernement canadien commence à se rendre compte qu'il se fait des choses pas mal intéressantes ici. Ils ont songé à l'idée de mettre sur pied une caisse de dépôt et de placement pour placer les cotisations du Régime de pensions du Canada. Deuxièmement, en plus d'avoir des idées intéressantes, on devrait mettre nos culottes puis se battre pour les faire passer, ces idées-là. Puis j'espère que le gouvernement québécois, dès qu'il se sera entendu sur la réforme qu'il veut apporter au Régime de rentes du Québec, mettra ses culottes devant le gouvernement fédéral et imposera ses vues pour que ça fonctionne ici.

M. Gautrin: En général, dans une négociation, on négocie, on n'impose pas, mais peut-être...

La Présidente (Mme Leduc): Oui.

M. Gautrin: Je voudrais laisser la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce qui serait prêt à intervenir aussi.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente. M. Robitaille, M. Howe, dans un premier temps, je dois exprimer mon désaccord avec une partie de votre mémoire qui indique qu'il peut paraître bizarre, à première vue, qu'un groupe représentant une bonne partie de la jeunesse investisse autant de temps. Moi, je trouve ça tout à fait logique et normal. Comme vous l'avez dit, si je peux m'exprimer ainsi, c'est notre génération qui va être appelée à financer, pour une bonne partie du temps, le sain financement de notre système public de retraite. Ce n'est pas bizarre, c'est tout à fait normal que vous soyez ici aujourd'hui.

(17 h 40)

En ce qui concerne votre mémoire et le tableau 2, qui indique les années, les cotisations, les sorties de fonds, les entrées de fonds, etc., la partie qui m'intéresse le plus, c'est le ratio réserve-sorties de fonds, une certaine discussion sur: Quel est le niveau approprié de réserve versus sorties de fonds pour maintenir un taux stable? Semble-t-il que l'idéal, au minimum, c'est 4 à 1 à peu près. L'idéal, c'est 6 à 1 pour maintenir vraiment un taux stable. Je vois, dans vos projections jusqu'à l'an 2049, qu'au début de... Jusqu'à l'an 2000, 2005, on n'obtient même pas le 4 à 1; le 6 à 1, on ne l'obtient que pour quelques années, vers l'an 2020. Et mon collègue le député de Verdun a parlé des ratios. Il nous rappelle que ce n'est pas des questions théoriques parce que le ratio réserve... La réserve doit générer assez de revenus pour tenter de pallier à un taux trop élevé de cotisations. Est-ce que vous pensez que vos ratios réserve-sorties de fonds sont réalistes, selon les analyses que vous avez faites?

M. Robitaille (Patrick): Tout à fait. D'une part, si on a choisi le ratio de 3, c'est qu'on a voulu couper la poire en deux entre la proposition gouvernementale qui était de viser un objectif de 4 en l'an 2050 et l'autre limite de notre poire qui est la cible que l'évaluation actuarielle de 1994 s'était donnée, c'est-à-dire un ratio de 2. Donc, on jugeait quand même assez prudent de conserver un ratio de 3 pour 2050. Toutefois, par exemple, je sais que le gouvernement fédéral propose un ratio de 6 et qu'il vise un taux de cotisation qu'il appelle permanent en fonction de tout ça. Je pense que c'est faire preuve d'un petit peu trop de prudence, voire même de conservatisme, de viser ce ratio-là. Je pense que c'est un petit peu plus raisonnable de viser 3 puis je pense que, dans les dernières expériences – là je parle des 15 dernières années, pas du début du régime, mais de maintenant – la plupart du temps, quand la Régie des rentes faisait ses évaluations actuarielles et faisait ses prévisions pour les années à venir, elle réussissait régulièrement à atteindre ses objectifs et à obtenir des résultats qui étaient supérieurs à ce qui était prévu. Parce que, si je me rappelle bien, dans le rapport de Cofirentes+ ou dans «Perspectives 2030», on prévoyait déjà que, s'il n'y avait pas de changement, la caisse était à sec en 2006. Bon, il y a eu des modifications de cotisations, ça, j'en conviens, depuis 1986. Or, il y a certaines données, certaines hypothèses qui se sont réalisées peut-être un petit peu mieux. Donc, si on se fie à cette expérience-là, peut-être qu'on pourrait réussir à atteindre les objectifs qu'on a fixés dans le mémoire.

M. Copeman: Merci.

La Présidente (Mme Leduc): En conclusion, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: J'ai encore d'autres questions. Il me reste du temps?

La Présidente (Mme Leduc): Oui, oui.

M. Gautrin: Alors, on a abordé facilement tout ce qui touchait les régimes de pensions, mais vous êtes conscients que le Régime de rentes touche d'autres bénéfices que les régimes de pensions, en particulier la rente au conjoint survivant qui pouvait avoir un certain sens au moment où la situation des couples était avec une seule personne dans le couple qui était sur le marché du travail, une situation qui semble avoir considérablement changé et qui coûte beaucoup dans les sorties de fonds. Je vous rappellerai que, dans les sorties de fonds, comme vous le savez certainement, du RRQ actuellement, ça représente 20 % des sorties de fonds. Mais quelle est votre position par rapport au maintien de la rente de conjoint survivant, du moins pour les nouvelles générations?

M. Robitaille (Patrick): Je vais vous avouer qu'on n'a pas réfléchi là-dessus, mais que je ne me lancerai pas dans une improvisation, je vais y aller à la mesure de mes connaissances et de mon jugement pour vous répondre.

M. Gautrin: Oui.

M. Robitaille (Patrick): Je dois tout d'abord mentionner que, même si, nous-mêmes, on réclame l'indépendance financière des deux personnes d'un même couple – ça, ça fait partie de nos positions quand on défend le régime de prêts et bourses, par exemple – même si on est pour cette position-là, dans le cadre de la Régie des rentes, je pense que la situation est différente. D'accord qu'il y a beaucoup plus de couples, maintenant, où, en fait, deux personnes ont un gagne-pain, sauf que le niveau de ce gagne-pain-là n'est pas nécessairement toujours élevé. Ça peut arriver qu'il y ait une personne qui gagne beaucoup et l'autre qui ne gagne pas beaucoup. Qu'est-ce qui se passe quand la personne qui gagnait beaucoup – parce que là on suppose qu'elles sont à la retraite – meurt? L'autre personne, elle a déjà une rente qui n'est pas très élevée, mais il ne lui reste que ça pour survivre. Je pense que la rente de conjoint survivant a encore sa raison d'être, et elle doit être maintenue au niveau actuel.

M. Gautrin: Vous avez très spécifiquement utilisé le terme «rente». Donc, dans votre esprit, vous pensez à des personnes lorsqu'elles sont déjà à la retraite?

M. Robitaille (Patrick): Oui, tout à fait.

M. Gautrin: C'est-à-dire que, pour les personnes qui sont en période d'activité, ce serait moins pertinent?

M. Robitaille (Patrick): Oui, je conviens que ça peut arriver, effectivement. On va prendre un exemple fictif, une femme qui a gagné très bien pendant sa carrière et qui a maintenant sa rente, qui est mariée ou conjointe de fait avec un monsieur qui est encore au travail, qui a 56 ans, par exemple. La dame meurt puis le monsieur a quand même un certain revenu. Là je suis peut-être d'accord qu'on pourrait remettre ça en question en fonction du revenu. Il faut vraiment tenir compte du revenu de la personne qui subit la perte de son conjoint. Je pense que ça, c'est un aspect sur lequel on peut travailler, mais, de là à éliminer ce mécanisme-là, nous, on n'est pas d'accord.

M. Gautrin: Une dernière question: Le fait des cotisations pour les personnes qui n'ont pas de conjoint, donc qui ne peuvent pas bénéficier de ce bénéfice-là par rapport à celles qui ont un conjoint, ça ne vous pose pas de problème?

M. Robitaille (Patrick): Non, pas vraiment, parce qu'il faut voir... Veux veux pas, c'est un régime de retraite public, c'est un peu un système d'assurance, puis il y a un partage de risques qui doit se faire entre tous les participants au régime d'assurance. Donc, ça fait partie des risques incombant au régime.

M. Gautrin: Il est clair que quelqu'un, pour vous, ne tire aucun bénéfice. Celui qui n'a pas de conjoint n'a même pas aucune probabilité d'avoir un bénéfice.

M. Robitaille (Patrick): Vous pourriez répéter votre question? Celui qui n'a pas de conjoint...

M. Gautrin: Celui qui n'a pas de conjoint n'a aucune probabilité de tirer aucun bénéfice.

M. Robitaille (Patrick): De tirer aucun bénéfice.

M. Gautrin: Bénéfice de sa participation à la rente de conjoint survivant.

M. Robitaille (Patrick): Bien non! Mais là, s'il meurt, il ne peut pas la recevoir, sa rente.

M. Gautrin: Non, non, mais on se comprend bien. Donc, c'est un...

M. Robitaille (Patrick): Il ne peut pas la donner à personne d'autre, il n'a pas de conjoint.

M. Gautrin: Non, non. Alors, c'est une participation à un régime d'assurance collective pour laquelle il n'a aucun bénéfice.

M. Robitaille (Patrick): Mais, comme vous l'avez mentionné, ça ne tient que pour 20 % des dépenses. Et, moi, je vous dis que...

M. Gautrin: C'est 900 000 000 $.

M. Robitaille (Patrick): ...il s'agit d'un risque à assumer. Même, les actuaires vont me comprendre, là. Tout régime – là, je renverse le terme – pas de rentes, mais d'assurance, suppose qu'il y a un risque et qu'on doit, s'il est public, partager ce risque-là.

M. Gautrin: Mais quel est le risque à ce moment-là?

M. Robitaille (Patrick): Là, écoutez, je n'ai pas fait les calculs, M. Gautrin.

M. Gautrin: Non, non. Mais, simplement, c'est que j'essaie d'échanger avec vous là-dessus, pour bien comprendre.

M. Robitaille (Patrick): Oui.

M. Gautrin: C'est que deux cotisants, par rapport à des bénéfices potentiels, l'un peut en avoir s'il a un conjoint, l'autre n'y a aucun accès s'il n'a pas de conjoint. On se comprend bien?

M. Robitaille (Patrick): Oui. Effectivement, je vous comprends là-dessus. Mais, en tout cas, je ne partage pas vos vues, là, sur ce sujet-là.

M. Gautrin: Non. Mais est-ce qu'on est d'accord là-dessus?

M. Robitaille (Patrick): Pas vraiment, non.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Alors, je m'excuse de vous le dire, expliquez-moi. Pour moi, ils peuvent avoir... L'un cotise et il a un conjoint, et l'autre n'a aucune possibilité d'accorder une rente à son conjoint.

M. Robitaille (Patrick): Ça, je suis d'accord avec vous qu'il y a une situation différente. Mais, de là à voir que la personne n'a pas de bénéfice, écoutez...

M. Gautrin: Quel bénéfice elle en tire?

M. Robitaille (Patrick): Il va toujours bien recevoir sa rente personnelle.

M. Gautrin: Non, non. Mais, de la rente, si on prend la part à l'heure actuelle, la part qui est la rente de conjoint survivant...

M. Robitaille (Patrick): Oui.

M. Gautrin: ...quel bénéfice il en tire s'il n'a pas de conjoint?

Mme Harel: C'est le prix à payer pour ne pas avoir de conjoint.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Robitaille (Patrick): C'est parce que, comme je vous le dis, je trouve ça extrêmement bizarre que vous rattachiez ça à une notion de bénéfice personnel, le fait que cette personne-là cotise même si elle n'a pas de conjoint. Moi, je ne vois pas une perte nécessaire parce qu'elle ne peut pas renverser sa rente pour son conjoint qui n'existe pas. Je ne vois pas... Ça fait partie...

M. Gautrin: Je m'excuse. Dans un régime d'assurance...

M. Robitaille (Patrick): Oui.

M. Gautrin: Et comprenez bien que ceci, c'est un régime d'assurance. On se comprend bien?

M. Robitaille (Patrick): Oui.

M. Gautrin: Dans un régime d'assurance, par exemple, sur la vie, vous assurez un certain nombre de choses et vous pouvez redonner ça à un bénéficiaire. On se comprend bien?

M. Robitaille (Patrick): Oui.

M. Gautrin: Dans ce cas-là, dans ce cadre de régime d'assurance, il n'y a, pour ceux qui n'ont pas de conjoint, pas de possibilité de transférer ça à un bénéficiaire.

M. Robitaille (Patrick): Bon. Mais là je vais vous faire une comparaison.

La Présidente (Mme Leduc): Rapidement, en conclusion.

M. Robitaille (Patrick): Oui. Vous assurez votre maison contre les incendies, par exemple. Si jamais vous n'avez pas d'incendie...

M. Gautrin: Ça n'a rien à voir.

M. Robitaille (Patrick): ...allez-vous retirer un bénéfice?

M. Gautrin: Ça n'a rien à voir.

M. Robitaille (Patrick): Bien oui!

M. Gautrin: Ça n'a absolument rien à voir, ce que vous dites. Ça n'a absolument rien à voir. Ce n'est pas ça du tout que je vous dis.

M. Robitaille (Patrick): Parce que c'est une forme d'assurance.

La Présidente (Mme Leduc): M. le député de Verdun, si vous voulez laisser M. Robitaille terminer l'intervention...

M. Gautrin: Non, non, mais écoutez!

La Présidente (Mme Leduc): ...et nous allons conclure sur ça.

M. Gautrin: Ça n'a rien à voir.

La Présidente (Mme Leduc): Est-ce que votre intervention est terminée, M. Robitaille?

M. Robitaille (Patrick): Oui, oui.

La Présidente (Mme Leduc): Alors, je remercie M. Howe et M. Robitaille de leur présentation, au nom des membres de la commission.

Je voudrais dire que la commission ajourne ses travaux au mercredi 16 octobre 1996, 16 heures.

(Fin de la séance à 17 h 50)


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