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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 18 février 1997 - Vol. 35 N° 57

Consultations particulières sur le projet de loi n° 39 - Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elle-même ou pour autrui (titre modifié)


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Table des matières

Remarques préliminaires

Auditions


Autres intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Diane Barbeau, présidente suppléante
M. Russell Copeman
M. Jean Garon
* Mme Marie-Claire Daigneault-Bourdeau, AHQ
* M. Gilbert Matte, idem
* M. Ghislaine Gosselin, idem
* M. Jacques Gagnon, idem
* M. Claude Filion, CDPDJ
* Mme Claire Bernard, idem
* Mme Gisèle Tourangeau, FFAPAMM
* M. André Forest, idem
* Mme Francine Parker, idem
* Mme Hélène Fradet, idem
* M. Luc Vigneault, AGIDD-SMQ
* M. Mario Bousquet, idem
* M. Paul Morin, idem
* M. Patrice Bérubé, idem
* Mme Hélène Lizak, idem
* M. Yves Lamontagne, Association des médecins psychiatres du Québec
* M. Jacques Bouchard, idem
* M. Patrick A. Molinari, idem
* M. Jean-Marie Albert, idem
* M. André Primeau, Comité des usagers de l'hôpital Louis-H. Lafontaine
* Mme Mylène Demers, idem
* Mme Geneviève Lecours, idem
* Mme Juliette P. Bailly, Curatrice publique
* M. André Rochon, bureau du Curateur public
* M. Robert Legault, idem
* M. Denis Lazure, OPHQ
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures huit minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a quorum?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, nous avons quorum.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Je rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le livre vert intitulé La réforme de la sécurité du revenu: un parcours vers l'insertion, la formation et l'emploi .

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous avez l'ordre du jour devant vous. Faute de questions, je présume que l'ordre du jour est accepté, adopté tel que présenté. Alors, j'invite maintenant en premier lieu M. le ministre à prendre son 15 minutes de présentation, qui sera suivi par le porte-parole officiel de l'opposition, le député de Robert-Baldwin. M. le ministre, c'est à vous.


Remarques préliminaires


M. Jean Rochon

M. Rochon (Jean): Merci, M. le Président. Je voudrais présenter ce projet de loi qui suscitera, j'en suis convaincu, beaucoup de discussions, d'abord en rappelant le contexte qui nous a amenés à la préparation de ce projet de loi et, par la suite, j'essaierai de résumer brièvement les éléments essentiels du projet de loi.

(10 h 10)

Le contexte d'abord. Le contexte a deux aspects: il y a un aspect de l'évolution de notre législation dans le domaine de la santé mentale et aussi une série de consultations plus récentes chronologiquement ou historiquement qui se sont déroulées et qui continueront au cours des prochains mois sur les questions et les enjeux qui sont pertinents par rapport à la santé mentale.

La législation d'abord. C'est intéressant de revoir que c'est au milieu du dernier siècle, vers 1856, qu'on a eu une première législation au Québec qui s'est appelée la loi sur les asiles, où on a introduit dans une législation pour la première fois, je crois, ce concept de dangerosité et qui permettait à un médecin de décider de l'internement d'une personne dans un asile si cette personne était jugée dangereuse pour elle-même ou pour sa communauté. Et cette loi a été intouchée pendant 75 ans, et c'est en 1925 qu'on y a fait un amendement ou quelques amendements, mais qui visaient essentiellement – tout à fait dans le même sens du concept original de cette loi – à permettre un internement qui pouvait aller durant toute la vie d'une personne, toujours pour la même raison, autour de ce concept de danger ou de risque pour la personne elle-même ou pour son entourage. Il n'y avait donc, à cette époque, aucune notion de traitement. Il faut bien se le rappeler, c'était une notion asilaire et de protection de la personne et de la société pour quelqu'un qui avait un comportement qui était jugé dangereux.

Et là il faut attendre en 1960, où il y a eu une commission d'enquête qui a été connue sous le nom de ses trois membres, les Dr Bédard, Lazure et Roberts, qui, essentiellement, si on tente de résumer les conclusions de cette commission d'enquête et ses recommandations, nous ont dit deux choses: un, c'est que ce qu'on appelait la folie était une maladie et qu'il fallait prendre soin de ces gens-là et pouvoir les traiter. Il faut dire que c'était à l'époque où, sur le plan de la psychiatrie, des changements importants se faisaient et que des traitements devenaient possibles. Et c'était à l'époque – et dans les années qui ont suivi – où on a aussi développé tout le mouvement, toutes les approches alternatives communautaires pour entourer, soutenir, supporter et aider des gens qui avaient un problème de maladie mentale. Et on a aussi dit: S'il s'agit d'une maladie, ces gens-là doivent être traités, et leur place, c'est dans des centres hospitaliers. Et c'est là qu'on a lancé le concept qu'un centre hospitalier général devrait avoir aussi un département de psychiatrie et s'occuper aussi des gens qui ont un problème de maladie mentale et non pas laisser aux asiles seulement le soin de s'occuper de ces gens-là.

C'est une dizaine d'années après, au moment des travaux de la commission d'enquête sur la santé et les services sociaux, la commission Castonguay-Nepveu, qu'on s'est repenché sur la question de la maladie mentale, et, au-delà de raffiner les approches pour la protection du malade mental, on a aussi poussé plus loin les recommandations – à l'instar et en profitant de l'exemple de ce qui s'était fait dans d'autres pays – de ce qu'on a appelé la désinstitutionnalisation pour vraiment permettre à des gens qui étaient encore dans un contexte asilaire de pouvoir se retrouver dans un milieu de vie plus normal, dans leur famille, dans une communauté et, très rapidement, aller vers la prévention d'institutionnalisation dans toute la mesure où cela était possible.

Dans la suite des travaux de la commission Castonguay-Nepveu, on a eu, en 1972, la Loi sur la protection du malade mental qui est la loi qui sera modifiée par le projet de loi que nous proposons aujourd'hui. La Loi sur la protection du malade mental, à ce concept de dangerosité et de protection, rajoutait de façon très spécifique celle des droits du malade mental et notamment des droits du malade mental à l'information et à la communication avec son entourage et les gens à l'extérieur, et, essentiellement, la loi qui est celle qu'on propose de modifier présentement comprenait quatre éléments si on veut la résumer. D'abord, cette notion d'une ordonnance de cour pour vérifier le processus de décision amenant à garder quelqu'un à ce qu'on appelle maintenant non plus un internement, mais une cure fermée, donc cette notion de traitement qui était introduite où de garder quelqu'un en cure fermée était pour une raison de protection toujours, mais dans un milieu hospitalier, même si ça ne rendait pas le traitement obligatoire. On avait un élément de ce système qui assurait que deux décisions médicales étaient nécessaires, qu'une première décision médicale de garder quelqu'un en cure fermée devait être confirmée par un autre examen par un autre médecin. Troisièmement, on rajoutait un système de révision systématique à des périodes fixes de 21 jours, de trois mois et de six mois pour décider du maintien d'une cure fermée. Et, finalement, le malade mental, d'après cette loi, acquérait un droit d'appel des décisions qui pouvaient être prises en ce qui regardait sa cure fermée.

Alors, dans ce contexte-là, à la suite de l'application de cette loi, il y a eu beaucoup de discussions et beaucoup de consultations et il faut dire – et je suis sûr qu'on va le revoir dans les débats autour de la commission parlementaire – qu'il y a beaucoup d'idées différentes, de concepts et d'approches différentes qui ont suscité des discussions, toujours, sur la Loi sur la protection du malade mental. Et ces discussions ont amené quand même une certaine synthèse qui a pris la forme d'une politique gouvernementale en santé mentale en 1989 et par la suite, en 1993, une consultation sur les quatre éléments qui composent le projet de loi qu'on va présenter aujourd'hui. Et, finalement, l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1994, du Code civil, en plus de toute cette évolution de consultations, de discussions sur les principes d'un projet de loi, amenait la nécessité de faire des ajustements et une harmonisation et de compléter, même, certains éléments, ce qui sera le but de la loi qu'on va présenter aussi.

La projection dans les prochaines semaines et les prochains mois. On est très actif dans ce domaine-là présentement. Au début de février, il y a un bilan qui a été présenté sur l'implantation de la politique de la santé mentale. Un bilan qui a eu des échos par la suite dans le rapport du Vérificateur général, où on signale un certain nombre de lacunes dans l'application de ce qu'était la politique de santé mentale adoptée en 1989. On aura l'occasion d'y revenir dans un autre contexte. Il y a quelques semaines, la Direction générale de la santé publique du ministère a lancé un document et une consultation sur le suicide au moment de la semaine sur le suicide et, en mars prochain, on aura un autre document de consultation sur des orientations ministérielles pour l'organisation et une transformation des services en santé mentale visant vraiment à consolider la base communautaire et ambulatoire des traitements en santé mentale et le complément des services en institution.

Alors, voilà donc tout un contexte législatif en évolution, où les idées, pendant longtemps, n'ont pas bougé et où, rapidement, depuis quelques décennies, on a progressé dans ce domaine-là. Et c'est ce qui nous a amenés à penser que la loi, pour l'harmoniser avec le Code civil et compte tenu de la consultation faite en 1993 et des discussions dans ce contexte-là... On a pensé qu'on pourrait bonifier notre loi actuelle avec certaines modifications.

Alors, essentiellement, je résume le projet de loi qui nous est présenté et je terminerai là-dessus, M. le Président. Il y a d'abord, en deux parties, l'harmonisation au Code civil où, pour assurer une plus grande protection des droits de la personne qui a une maladie mentale et pour laquelle il y a une décision à prendre sur ce qu'on a appelé un internement et, après ça, une cure fermée, ce que le Code civil appelle plutôt maintenant une garde en établissement, et pour bien signifier qu'il s'agit d'une détention préventive de protection plutôt que d'amener quelqu'un à un traitement obligatoire, la décision qui était auparavant prise par un médecin et, par la suite, en donnant le pouvoir au tribunal de s'assurer que le processus de décision était bon, maintenant, pour qu'une personne soit gardée de façon prolongée en garde en établissement, la décision est remise au tribunal. La pertinence de la garde ne revient pas seulement au médecin mais doit être entérinée par le tribunal. Ça, c'est essentiellement la partie – je la résume succinctement aujourd'hui – d'arrimage, d'ajustement, de complément avec le Code civil.

(10 h 20)

Suite à la consultation et à ce qui a été mis en discussion à ce moment-là, il y a quatre autre modifications qui sont proposées, toujours avec la même orientation et le même esprit. D'abord, les examens psychiatriques qui étaient demandés, de deux sont ramenés à un. C'est un ajustement, en fait, parce que, comme c'était le deuxième examen psychiatrique qui validait le premier quant à la décision de garder quelqu'un en cure fermée, c'est maintenant le tribunal qui prend la décision – à la suite d'un premier examen médical – d'une garde en établissement.

Le deuxième changement qui est proposé est celui de la garde provisoire où la loi vient ici valider une pratique qui était en fait établie – excusez, là, j'ai une note à revérifier – à l'effet de pouvoir éviter une procédure devant le tribunal dans la mesure du possible. Et, si une personne, à la suite d'une première difficulté, devait être transportée à l'hôpital, on avait une situation où, souvent, dans un cas de dérèglement de comportement important, bien, les gens pouvaient être complètement mis en difficulté pour s'occuper d'une personne qui avait un problème, et, maintenant et à la suite de la consultation – et je sais qu'il y aura beaucoup de discussions là-dessus – le projet de loi prévoit qu'on peut demander à un policier d'intervenir pour amener quelqu'un à un centre hospitalier et qu'il puisse être vu, qu'on puisse juger de son état sur le plan médical et prendre une décision si la personne doit être gardée provisoirement pour des raisons de protection jusqu'à ce que le tribunal puisse décider là-dessus.

Pourquoi le choix du policier? Je sais qu'il y a eu beaucoup de discussions là-dessus, et finalement l'orientation a été que, quitte à avoir une formation encore plus pointue, les policiers étaient peut-être, dans notre société, les professionnels qui, de par leur métier, étaient les mieux préparés à correctement aider quelqu'un et à pouvoir, si c'était nécessaire, appliquer certaines mesures de contention physique s'il y avait une situation de violence importante pour amener quelqu'un dans un milieu où on pourrait s'occuper de lui.

Troisièmement, on parle de garde à distance. Et là le projet de loi vient proposer de valider, en fait, une pratique qui s'est graduellement établie où des gens pour qui on a décidé d'une garde en établissement avant qu'ils puissent retourner complètement dans la communauté... La pratique psychiatrique, semble-t-il, a établi une façon d'y aller graduellement et de permettre à la personne une journée, une fin de semaine, un congé, dans un sens, en simplifiant toutes les procédures et en évitant de devoir recourir à des réadmissions à l'hôpital, de donner une chance à quelqu'un, à sa famille, à son entourage, de refaire l'ajustement d'intégration dans la société. Et il semble que cette pratique a permis de raccourcir les séjours en institution dans le but de rendre plus facile la réintégration dans la communauté, parce qu'on sait que, plus une personne est gardée en retrait de sa communauté, plus la réintégration peut être difficile et longue. Donc, c'est prévu, l'esprit est celui d'un arrimage, d'un retour d'une personne, le plus possible, à une vie normale.

Finalement, l'autre modification importante qui est proposée vise les mesures de contention qui peuvent ou doivent être prises, si nécessaire, dans un établissement. C'est quelque chose qui existe déjà dans la loi sur la santé et les services sociaux, où la loi oblige le gouvernement à faire un règlement, lequel règlement amène des établissements – surtout des hôpitaux, mais des établissements en général – à avoir un règlement interne, un code professionnel, dans un sens, ou un guide de pratique à l'intérieur de l'établissement pour bien baliser quelles sont les mesures de contention si c'est nécessaire: dans quel cas, dans quelle situation, quelles sont les mesures et comment on doit les appliquer. Dans ce cas-ci, ce que le projet de loi propose, c'est de baliser directement dans la loi la façon et les conditions dans lesquelles une contention peut s'appliquer, tout ça toujours dans le but d'assurer une plus grande protection à une personne qui, dans un moment de sa vie, est dans un état de grande vulnérabilité et de fragilité.

Alors, voilà, M. le Président, ce qui fait un tour d'horizon du projet de loi. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir dans les présentations des mémoires, et je dirais simplement en concluant que nous serons en mode d'écoute très, très, très ouverte parce que je suis très conscient que ces discussions, au-delà des mécaniques et des propositions précises qui sont sur la table, réfèrent à un débat, un peu un débat de société sur des valeurs. Et je n'en rappellerais que deux types de valeurs qui, en termes de dosage, peuvent aller jusqu'à s'opposer et je suis sûr qu'on va avoir à discuter beaucoup là-dessus. Il y a, d'un côté, le droit qu'on reconnaît à tous nos citoyens et nos citoyennes à la santé, donc droit au traitement pour protéger et recouvrer sa santé, par rapport au droit du consentement éclairé et d'une décision qui revient à la personne d'accepter ou pas un traitement. Il y a donc deux pôles, là, qu'on doit équilibrer. Par ailleurs, il y a aussi deux pôles importants en ce qui regarde toute la protection d'une personne, la protection d'une communauté vis-à-vis certains comportements qui peuvent se produire, par rapport aux libertés individuelles qui sont une valeur très grande dans notre société. Alors, je suis très conscient que, selon qu'on se situe plus sur un ou l'autre de ces pôles par rapport à ces grandes valeurs sociales, on peut avoir un débat. Je souhaite que cette commission nous permette de l'avoir, le débat et qu'on soit donc très bien informé quand on arrivera à regarder le projet de loi article par article et à prendre des décisions finales.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le ministre. J'invite maintenant le député de Robert-Baldwin, porte-parole en matière de santé et de services sociaux à prendre la parole.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Merci, M. le Président. À notre tour de remercier les groupes qui viendront nous présenter cette semaine leurs inquiétudes, leurs recommandations afin que le projet de loi n° 39 devienne une loi protégeant véritablement les personnes atteintes de maladie mentale. Je me permets aujourd'hui d'insister et de rappeler que ce projet de loi est attendu depuis fort longtemps, depuis de nombreuses années. C'est un projet de loi extrêmement important, et il faut, après avoir écouté les différents groupes qui viendront en commission parlementaire, après avoir écouté leurs recommandations, après avoir, nous le souhaitons, accepté les bonifications de ce projet de loi, que ce projet de loi puisse être accepté par l'Assemblée nationale le plus tôt possible. C'est très important pour les patients, pour leur famille et aussi pour les institutions.

L'un des objectifs que nous souhaitons atteindre au cours de toute cette étude en commission parlementaire et, par la suite, article par article, c'est l'établissement d'un juste équilibre entre le pouvoir d'intervention et la protection des personnes atteintes de maladie mentale. Je pense que c'est peut-être difficile, mais il faut qu'on puisse réussir à atteindre cet équilibre-là. Le second objectif que nous poursuivrons est de questionner aussi le ministre et les intervenants sur le fond de scène qui existe. En santé mentale, on parle de la fermeture de 3 000 lits, la moitié des lits existant actuellement. On n'aurait pas atteint des normes – je fais référence au rapport du Vérificateur général, M. le Président – mais, là encore, si on peut regarder des normes, il faut regarder de quelle façon on est prêt à faire nos investissements, particulièrement dans les services de réinsertion, dans la réadaptation des patients, dans les services à domicile. Nous, notre crainte, c'est que ces argents-là, un peu comme le virage ambulatoire, eh bien, n'aillent pas directement aux ressources alternatives. Et ce virage pourrait être réussi si, vraiment, les argents qui sont récupérés pouvaient être remis au patient, donc objectif de désinstitutionnalisation, mais une meilleure prise en charge du patient par aussi bien... ça peut être par les organismes communautaires, le support des familles et aussi par les centres de réadaptation, en pensant évidemment à la réinsertion sociale.

Alors, nous remercions les groupes qui nous ont fait parvenir des mémoires très rapidement. Il semble qu'on ait eu un peu plus de temps, ce qui nous a permis de bien les étudier, de bien les approfondir et de connaître davantage les préoccupations. On s'aperçoit aussi que les gens qui viendront discuter avec nous sont très sensibles à la révision des motifs d'intervention, à la révision des processus d'intervention et aux ressources requises d'intervention. Nous aurons la chance d'entendre des professionnels qui verront leur rôle, leurs responsabilités et leurs pouvoirs définis, nous le souhaitons, de meilleure façon de même que, pour les organismes représentant les personnes atteintes de maladie mentale, eh bien, on va sûrement traiter des règles de procédure, des droits à l'information, des recours possibles. Nous nous rejoignons tous ensemble, puisque nous recherchons tous un projet qui mènera à une plus grande accessibilité, à des soins de qualité partout à travers le Québec. Et c'est important de souligner «partout à travers le Québec», M. le Président.

Par ailleurs, nous désirons pour chaque individu atteint de maladie mentale qu'il puisse recevoir les soins humains qui, par conséquent, respectent ses droits, sa dignité, qui respectent aussi la famille de ce patient, le support que la famille peut donner. Alors, cette loi est attendue, nous le reconnaissons, M. le ministre, depuis fort longtemps, et c'est pour cette raison que nous souhaitons, comme opposition officielle, écouter d'abord les différents intervenants en commission parlementaire pour ensuite reprendre et bonifier le projet de loi pour le mieux-être de ces patients.

(10 h 30)

Le fond de scène – c'est notre inquiétude – c'est la fermeture de 3 000 lits. Nous souhaitons recevoir des précisions, M. le ministre, à savoir par quels services vous entendez remplacer les lits manquants. Je suis convaincu qu'il aura fort à faire pour rassurer les familles, les milieux communautaires, les médecins, la population en général. Des efforts supplémentaires doivent être consentis pour le développement des ressources communautaires telles que les centres d'hébergement, les centres de crise, les ressources d'hébergement, les groupes d'entraide, etc.

Je rappelle aussi que, dans un article, l'attaché de presse du ministre reconnaissait qu'il y avait peu d'économies à faire en santé mentale. Donc, nous souhaitons que l'approche que nous aurons de ce dossier ne soit pas une approche de restrictions budgétaires, qu'il faille atteindre des normes pour récupérer des argents pour qu'ils soient réinvestis à d'autres endroits alors qu'on sait que les ressources en santé mentale sont vraiment à l'heure actuelle très déficientes.

Des ressources alternatives doivent être mises en place avant de procéder à une seule fermeture. Alors, nous souhaitons vraiment qu'on ait appris du virage ambulatoire que nous avons connu, où on a fermé des hôpitaux sans que les CLSC puissent faire les prises en charge au niveau des soins à domicile, sans que toutes les ressources alternatives aient été mises en place. Alors, si ce n'est pas le cas, M. le Président, c'est sûr que le ministre de la Santé, le gouvernement du Parti québécois, trouvera l'opposition officielle à travers son chemin, car nous entendons mener une chaude lutte afin qu'aucune compression ne soit réalisée dans le domaine de la santé mentale, qui souffre déjà d'un manque de ressources. Je voudrais rappeler ici que, si on ferme les lits tout simplement pour faire des économies, eh bien, ce sera le vieux cercle vicieux de violence, de criminalité et d'itinérance que nous retrouverons.

Je voudrais aussi rappeler une déclaration chez Solidarité psychiatrie, organisme communautaire d'aide au malade mental. On se disait très favorables, en principe, à la désinstitutionnalisation. Je pense que tous les groupes que nous aurons à entendre, pour l'ensemble, pourraient être en accord avec la désinstitutionnalisation, mais tous les groupes vont souhaiter avoir vraiment des ressources alternatives. La porte-parole de ce groupe, Mme Massicotte, émettait des réserves: «La famille ne constitue pas toujours le meilleur milieu de vie pour le malade mental et l'ouverture sur le communautaire, c'est une excellente nouvelle, mais malheureusement ça va sans doute encore se faire de façon sauvage – je la cite, M. le Président – à la va-comme-je-te-pousse, un peu comme l'assurance-médicaments.»

Nous souhaitons éviter, M. le Président, que ce dossier soit mené de la même façon dont le dossier de l'assurance-médicaments a été mené. On est au milieu du mois de février; on sait que la session se terminera quelque part à la fin du mois de juin probablement et que nous avons le temps de travailler ensemble, de bonifier et d'aider les patients et surtout aussi de réussir à trouver ce juste équilibre au niveau des interventions par rapport aux droits des patients.

M. le Président, j'aurais beaucoup d'interventions à suggérer; cependant, je pense qu'il est plus important à ce moment-ci de laisser le temps à nos invités, en commission parlementaire... d'abord, de les écouter, d'échanger avec eux. Le seul objectif, que je rappelle encore une fois, c'est de trouver ce juste équilibre entre le pouvoir d'intervention et la protection des personnes atteintes de maladie mentale et réussir absolument à avoir un projet de loi pour aider ces patients, d'ici le mois de juin. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député. Juste pour souligner, vous avez mentionné que vous auriez peut-être l'intention à un moment donné de poser des questions. Alors, je voudrais simplement rappeler pour tout le monde l'article du règlement qui dit: Question à la suite d'une intervention: «Tout député peut demander la permission de poser une question au député qui vient de terminer une intervention. La question et la réponse doivent être brèves.» Je le souligne simplement pour s'assurer que, si vous avez des questions à poser, elles se posent dans le cadre très précis et, pour répéter aussi ce que vous avez dit, la commission a d'abord comme objectif d'entendre au maximum les gens qui veulent bien se présenter devant elle.

Je dois rectifier, parce que j'avais la mauvaise feuille au début, et pour fins d'enregistrement, le mandat de la commission – de façon erronée, là... Le mandat correct est: La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 39, Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives. Je m'excuse, je n'ai pas donné la bonne définition.

J'invite maintenant tout de suite les représentantes et représentants de l'Association des hôpitaux du Québec à se présenter. Alors, je répète, pour la connaissance et des membres de la commission et des invités, que les invités ont 20 minutes de présentation; le parti au pouvoir a 20 minutes et l'opposition a 20 minutes pour échanger. Et la façon dont nous allons procéder, c'est qu'après que les invités auront fait leurs 20 minutes, du côté ministériel, on commence. Si, exemple, on prend trois minutes, je vais de l'autre côté et on alterne comme ça jusqu'à ce que le 20 minutes soit écoulé. Et j'entends, avec votre collaboration, respecter le temps qui nous est alloué.

Alors, si vous voulez vous présenter. Je pense que c'est Mme Daigneault-Bourdeau qui va faire la première présentation. J'apprécierais que vous présentiez les gens qui vous accompagnent avec les titres, pour fins d'enregistrement, et vous pouvez y aller. Bienvenue.


Auditions


Association des hôpitaux du Québec (AHQ)

Mme Daigneault-Bourdeau (Marie-Claire): Alors, merci, M. le Président, Mmes, MM. membres de la commission. Alors, Marie-Claire Daigneault-Bourdeau, je suis présidente de l'Association des hôpitaux du Québec. Et m'accompagnent, pour faire partie de la délégation, le Dr Gilbert Matte, psychiatre au Centre universitaire de santé de l'Estrie et président de la Commission de santé mentale de l'Association; M. Jacques Gagnon, conseiller à la direction Programmes et recherche; et Me Ghislaine Gosselin, directrice des Affaires juridiques à l'AHQ.

L'Association des hôpitaux regroupe quelque 160 établissements exploitant des centres hospitaliers, des centres d'hébergement et de soins de longue durée ainsi que des centres de réadaptation. Après consultation auprès d'eux, l'Association est heureuse de vous soumettre son mémoire concernant le projet de loi n° 39, Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives. Ce projet de loi portant réforme à la Loi sur la protection du malade mental pose un défi de taille au législateur, soit celui d'établir un juste équilibre entre, d'une part, la nécessité de dispenser des services de santé et des services sociaux de qualité à toute personne dont l'état mental représente un danger pour elle-même ou pour autrui et, d'autre part, le droit de cette même personne à sa sécurité, à son intégrité et à sa liberté. Ça, c'est très important.

La disposition préliminaire. Tout d'abord, quelques remarques. En ce qui a trait à la notion de consentement, nous sommes d'avis, M. le Président, qu'à l'instar de ce qui est prévu en matière de consentement de soins, il est nécessaire de permettre le consentement substitué à la garde en vue d'un examen psychiatrique. Ainsi, le consentement pourrait être donné non seulement par le mandataire, le tuteur ou le curateur d'un majeur inapte qui représente un danger pour lui-même ou pour autrui, mais également par l'une ou l'autre des personnes visées par l'article 15 du Code civil du Québec, soit, par exemple, son conjoint ou un proche parent. Cette approche s'avère selon nous, M. le Président, beaucoup plus réaliste et pratique, particulièrement compte tenu du fait qu'une personne dont l'état mental représente un danger pour elle-même et pour autrui, et qui est par ailleurs un majeur inapte, n'est généralement pas sous un régime de protection.

Comme deuxième remarque, nous croyons que la disposition préliminaire du projet de loi n° 39 devrait référer non seulement aux règles relatives à l'intégrité de la personne, mais également à celles du système de santé et des services sociaux. En effet, la reconfiguration du réseau amorcée par la réforme de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, en 1991, ainsi que les politiques et les directives, dont celles relatives à la santé mentale, doivent être prises en considération.

La déjudiciarisation du processus. L'un des points majeurs de notre étude, M. le Président, concernant le projet de loi n° 39, dont nous aimerions vous entretenir aujourd'hui, porte sur la déjudiciarisation du processus. À cet égard, rappelons que, lors de l'entrée en vigueur du Code civil du Québec et de la Loi sur l'application de la réforme du Code civil, le régime procédural entourant l'application des règles édictées par la Loi sur la protection du malade mental est passée d'un processus judiciaire relativement informel, puisque présidé jusqu'alors par le juge en chambre, à un processus judiciaire dans toute sa rigueur, audition devant le tribunal incluse.

(10 h 40)

M. le Président, nous vous soumettons aujourd'hui que ce processus judiciaire, expressément prévu par les lois, est irréaliste et comporte des difficultés d'application certaines. Comme nous le verrons, cette procédure complexe qui devrait normalement veiller aux intérêts de la personne atteinte de maladie mentale est nettement inadéquate et inefficace dans les circonstances. Entre autres, recourir au tribunal judiciaire – et ça, c'est très important – entraîne pour tous des coûts financiers importants et fort probablement inaccessibles pour plusieurs, particulièrement, nous le savons tous, dans le contexte économique actuel.

De plus, pour la personne concernée et ses proches s'ajoutent des coûts émotifs supplémentaires à la détresse psychologique déjà vécue, particulièrement étant donné que ces derniers, les proches, se sentent plutôt délateurs qu'aidants. À titre d'exemple des coûts émotifs, il suffit de penser au stress causé par le formalisme entourant un interrogatoire devant un juge. Si être conduit devant un tribunal par des agents de la paix est traumatisant pour toute personne en général, que dire dans le cas d'une personne atteinte de maladie mentale? Il est fréquent de voir cette dernière interroger régulièrement des employés de nos centres hospitaliers pour savoir quel crime elle a commis.

L'organisation matérielle des cours de justice, M. le Président, n'est certes pas pensée en fonction de la protection d'une personne atteinte de maladie mentale. Enfin, que dire du délai extrêmement court dont bénéficie une personne pour présenter sa défense, si elle désire l'assistance d'un médecin-expert? Cette préoccupation est d'autant plus importante si un délai, pour obtenir une contre-expertise, est accordé par le tribunal, car ce délai ne peut se substituer à celui de 48 heures autorisé pour une garde provisoire, suivant le Code civil du Québec. Le médecin traitant doit-il alors signer le congé de la personne même si elle est atteinte de maladie mentale et qu'elle est imminemment dangereuse pour elle-même et pour autrui?

Ce que l'Association des hôpitaux désire vous soumettre, M. le Président, comme solution de rechange, c'est avant tout la reconnaissance d'une juridiction exclusive à la Commission des affaires sociales, tant pour l'émission d'une ordonnance d'examen psychiatrique ou d'une ordonnance de garde en établissement que pour la révision d'une ordonnance de garde. Notons que le projet de loi n° 39, par son article 22, reconnaît toujours à la Commission des affaires sociales une compétence en la matière, soit de réviser toute décision, dont celle prise par un tribunal judiciaire.

À notre avis, le recours à ce tribunal quasi judiciaire qu'est la Commission des affaires sociales se justifie pleinement par des impératifs d'efficacité et un souci d'offrir aux personnes atteintes de maladies mentales un recours qui soit entendu par une autorité compétente, impartiale, par le biais d'une procédure simple, rapide et peu coûteuse.

Voilà pourquoi nous croyons, M. le Président, qu'il serait plus bénéfique à tout point de vue de s'adresser dès le départ à la Commission des affaires sociales. Nous traiterons dans quelques instants des modalités d'application de ce processus, et je réfère la parole au Dr Gilbert Matte pour les chapitres plus spécifiques du projet de loi n° 39.

M. Matte (Gilbert): M. le Président, peut-être qu'on pourrait voir les différents chapitres du projet de loi n° 39 et vous suggérer les recommandations que nous jugeons les plus appropriées.

Premièrement, concernant l'examen psychiatrique, nous croyons qu'un premier examen devrait être complété par tout médecin, psychiatre ou non, puisque le but visé est principalement de rendre accessibles les services le plus près possible du lieu de résidence de l'usager.

D'autre part, il est évident pour nous qu'il est indispensable qu'on garde deux examens psychiatriques, comme c'était le cas dans l'ancienne loi, la loi actuelle, pour confirmer la pertinence d'une garde. Ce deuxième examen, lui, devrait être nécessairement complété par un psychiatre. De plus, ce mécanisme de deux examens peut permettre d'éviter souvent le recours à une garde, puisque le 48 heures de délai entre les deux examens va souvent permettre une stabilisation de l'état de crise ou une amélioration suffisante pour que la garde ne soit plus nécessaire. Donc, on va par ce fait éviter des mises sous garde.

Le contenu du rapport d'examen. Comme c'est le degré de dangerosité qui est l'élément indispensable pour justifier la garde, nous sommes d'avis que l'opinion du médecin devrait porter sur la gravité du danger et sa prévisibilité à court terme et non pas sur la gravité de la maladie et ses conséquences probables, comme le prévoit l'article 3. De plus, il est important de bien distinguer entre un examen psychiatrique pour une personne dangereuse pour elle-même ou pour autrui par rapport à un examen pour déterminer l'aptitude d'une personne à subir son procès. C'est deux choses complètement distinctes. Il faut également éviter que l'usager puisse identifier par ce rapport – le rapport du médecin – le tiers qui aurait transmis au médecin des informations le concernant.

Nous croyons que l'on doit limiter la portée du rapport aux motifs et faits sur lesquels le médecin fonde son opinion concernant la présence d'une dangerosité liée à la maladie mentale et, par conséquent, ne pas l'obliger à noter, parmi les faits mentionnés, ceux qu'il a lui-même observés et ceux qui lui ont été communiqués par d'autres personnes.

La garde provisoire. Mentionnons que, pour dispenser des soins d'urgences requis par des personnes habitant des régions éloignées, il serait opportun d'obliger tous les établissements opérant un CH ou un CLSC désigné par le ministre pour que ces derniers puissent s'assurer de remplir le premier examen psychiatrique plutôt que de les limiter aux établissements possédant des aménagements nécessaires. D'autre part, comme la garde d'une personne ne nécessite pas nécessairement un hébergement, puisqu'il peut se faire en salle d'urgence ou en CLSC, il faudrait peut-être éviter de parler dans le texte «d'admettre une personne», puisque son statut réel en est un à ce moment-là «d'inscrit».

Dans l'éventualité du deuxième examen psychiatrique que nous proposons pour confirmer le danger imminent, il faudrait prévoir la possibilité de prolonger le délai de 48 à 96 heures pour demander et obtenir une ordonnance de garde.

La collaboration des agents de la paix. Nous souscrivons au bien-fondé d'une telle disposition en requérant tout simplement d'ajouter «tout médecin» à la liste des personnes pouvant demander une telle collaboration.

La garde. Les établissements visés. Il nous semble important d'établir une liste par régions sociosanitaires des établissements désignés comme pouvant offrir la garde plutôt que de s'en remettre aux établissements disposant des aménagements nécessaires pour recevoir et traiter les personnes atteintes de maladie mentale, comme le prévoit l'article 9 du projet de loi. Par cette liste, on pourrait s'assurer qu'il y a un nombre suffisant d'établissements pour répondre aux besoins, en plus d'informer la population sur les lieux où ils peuvent s'adresser, et également faciliter le transfert interétablissements.

Concernant le transfert entre établissements, lorsqu'une personne sous garde demande un transfert, nous croyons qu'à l'article 11 du projet de loi n° 39 il faudrait limiter la demande de transfert aux établissements les plus près possible de son domicile ou de celui d'un membre de sa famille ou d'une personne qui démontre un intérêt particulier, en autant évidemment que cet établissement soit désigné pour admettre une personne sous garde.

De plus, nous estimons qu'un tel transfert ne devrait pas être soumis à l'obtention préalable d'un certificat par le médecin traitant, puisqu'il faudrait plutôt obliger l'établissement à s'assurer que le transfert se fasse en toute sécurité – parce que ça peut devenir un peu discordant que le médecin émette un avis comme de quoi la personne ne représente pas un danger quand elle est précisément sous garde parce qu'elle est un danger.

Le congé temporaire. La possibilité d'accorder un congé temporaire à une personne sous garde est perçue par quelques-uns de nos membres comme heureuse, mais en laisse d'autres fort perplexes. Puisque c'est l'évolution clinique de la personne atteinte de maladie mentale qui amène la réduction ou l'augmentation de l'encadrement thérapeutique, il nous semble que c'est sur cette base que la décision d'un congé temporaire devrait être prise. Il serait davantage pertinent que le médecin qui signe un congé temporaire motive sa décision par une note au dossier de l'usager plutôt que d'émettre un certificat à l'effet que ce congé temporaire ne représente pas de risques sérieux et immédiats pour cette personne.

D'autre part, en vertu de l'article 6, paragraphe 20, du Règlement sur l'organisation et l'administration des établissements... Tout centre hospitalier possède un règlement déterminant la procédure d'attribution des congés temporaires aux usagers, donc, il nous semble que le congé temporaire d'une personne sous garde devrait être accordé conformément à ce règlement.

Droits et recours. Lorsqu'une personne est conduite par un agent de la paix dans un établissement, pour un examen, il incombe alors au médecin de constater le degré de dangerosité de cette personne envers elle-même ou envers autrui, mais ce en rapport avec la présence d'une maladie mentale. C'est pourquoi nous croyons important que l'on précise que l'inscription, tant en CLSC qu'en CH, doit être faite obligatoirement par un médecin, lequel devra poser un diagnostic à cet effet.

D'autre part, il relève également de ce dernier – du médecin – de dégager le policier de ses responsabilités à l'endroit de la personne qu'il a amenée si, mais si seulement, il s'agit d'un cas relevant du système de santé. Il faut comprendre qu'il y a des personnes qui peuvent être amenées pour des examens, qui représentent un danger, mais qui ne sont pas porteuses d'une maladie mentale. Dans de tels cas, ça ne relève pas du système de santé d'en assurer la suite.

(10 h 50)

La Commission des affaires sociales. Nous proposons donc une juridiction exclusive de la Commission des affaires sociales et nous allons résumer brièvement les modalités d'application du processus.

Premièrement, s'il y a danger imminent, toute personne intéressée peut s'adresser à la Commission, sur demande écrite, pour obtenir une ordonnance de garde en vue d'un examen psychiatrique. L'examen doit être complété dans les meilleurs délais et, s'il conduit à la nécessité d'une garde, il doit être suivi d'un deuxième examen de façon à ce que la personne puisse recevoir son congé au plus tard dans les 48 heures.

Sous réserve de ce qui suit, une ordonnance de garde peut être rendue si, aux deux rapports d'examen psychiatrique transmis à la Commission des affaires sociales dans les sept jours du début de la garde, est jointe une demande à cet effet et sans autre formalité, à moins qu'elle ne soit contestée par la personne.

Si le danger est imminent et que la personne est sous garde provisoire dans un centre hospitalier, le directeur des services professionnels, le directeur général ou toute autre personne désignée par l'établissement doit, dans les 48 heures, aviser la Commission et lui transmettre les deux rapports d'examen psychiatrique concluant la nécessité d'une garde.

Les membres de la Commission des affaires sociales sont dans l'obligation de se rendre au centre hospitalier dans les 96 heures suivant le début de la garde provisoire afin d'entendre les parties et, si possible, d'interroger la personne sous garde, et ce, avant de rendre une ordonnance.

Cinquièmement, la personne concernée a le droit d'être accompagnée d'un avocat, si tel est son choix.

Sixièmement, l'établissement est dûment représenté par son directeur des services professionnels, son directeur général ou toute personne qu'il désigne à cet effet.

Septièmement, le médecin traitant ou celui qui le remplace doit être disponible lors de l'audition afin d'être interrogé et contre-interrogé tant par les membres de la Commission que par la personne concernée ou son avocat.

Mesures de protection. Leur introduction par le biais du projet de loi nous semble plus ou moins adéquate. Bien que nous ne pouvons que souscrire à l'importance des mécanismes qui sont prévus pour assurer le contrôle d'utilisation de la force, de l'isolement et des moyens mécaniques ou chimiques pour empêcher une personne souffrant de maladie mentale de s'infliger ou d'infliger à autrui des lésions, nous sommes cependant préoccupés par le fait que cette problématique déborde largement le cadre des personnes atteintes de maladies mentales. On peut penser, entre autres, aux clientèles en pédiatrie ou en gériatrie. Les mesures prévues dans le projet de loi servent donc davantage, selon nous, à marginaliser la clientèle visée par le projet de loi. Nous jugerions plus adéquat que la Loi sur les services de santé et les services sociaux, à portée plus générale, dispose du sujet et que la présente loi y fasse référence, si nécessaire.

La psychiatrie légale. Nous croyons qu'il faut absolument prévoir un chapitre particulier et distinct concernant la psychiatrie légale. On a bien dit tout à l'heure qu'il ne faut pas confondre la personne dont l'état mental représente un danger pour elle-même ou pour autrui et qui nécessite tout simplement des soins, de la personne engagée dans un processus pour déterminer son aptitude à l'instruction de sa cause lors d'une poursuite pénale. De même, il nous semble important de se limiter à certains établissements qui seraient plus mandatés pour l'évaluation de la psychiatrie légale. À cette fin, nous proposons que le chapitre sur la psychiatrie légale inclue l'article du projet de loi n° 39 qui remet au ministre, par arrêté publié à la Gazette officielle du Québec , de désigner ces établissements. Je vais laisser à la présidente le soin de préciser les conclusions.

Mme Daigneault-Bourdeau (Marie-Claire): M. le Président, en terminant nous aimerions rappeler à votre attention certains principes que nous considérons totalement déterminants dans le choix des mesures à retenir.

Premièrement, assurer un juste équilibre entre l'exercice des droits de la personne atteinte de maladie mentale et le pouvoir d'intervenir auprès de celle-ci lorsque sa sécurité ou celle d'autrui est menacée.

Deuxièmement, favoriser une réponse adéquate, rapide et le plus près possible du milieu de résidence de la personne.

Aussi, privilégier une approche humaniste et normalisante à chacune des étapes du processus d'intervention auprès de la personne, et on ne le dira jamais assez.

Refléter, enfin, l'esprit et la lettre de la Charte des droits et libertés de la personne, du Code civil du Québec et des autres lois en vigueur.

À ces principes, M. le Président, s'ajoute une réalité terrain. Aussi, observons-nous qu'en général les psychiatres ne recommandent plus la garde pour une personne qui, en raison de son état mental, est dangereuse pour elle-même ou pour autrui, à moins que le danger ne soit imminent.

Tant les établissements que les psychiatres préconisent davantage de dispenser les traitements requis par l'état de santé d'une personne plutôt que de la placer sous garde. Ainsi, M. le Président, si la personne refuse d'être traitée ou, en cas d'inaptitude, oppose un refus catégorique, l'établissement se dirigera davantage vers la Cour du Québec pour obtenir un jugement autorisant lesdits soins dans ces cas-là. Incidemment, ce jugement comportera une autorisation d'admission du patient, si nécessaire, au même titre que tout autre jugement le prévoit en cas de chirurgie ou de soins de longue durée.

M. le Président, penser autrement démarquerait selon nous la personne atteinte de maladie mentale et contribuerait à la marginaliser davantage et ce serait dommage. Vous référant au mémoire de l'Association des hôpitaux du Québec pour plus de détails, nous vous remercions de votre attention et les membres de la délégation se feront un plaisir de répondre à vos questions. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant M. le ministre à commencer l'échange.

M. Rochon (Jean): Merci. Merci beaucoup pour votre présentation. Vous avez vraiment fait un examen exhaustif du projet de loi. J'aurais une question à laquelle je vous demanderais peut-être d'élaborer un peu plus votre réflexion en regard de ce qui regarde ce que vous appelez la déjudiciarisation, pour confier globalement à la commission de révision... à la Commission des affaires sociales, tous les pouvoirs. J'ai entendu par ailleurs la remarque, le commentaire, qui a été fait à l'effet qu'on mettrait peut-être la Commission dans une situation un peu de juge et partie, si elle décidait à la fois de la garde et qu'elle était responsable de réviser la décision.

Alors, peut-être vous entendre un peu plus en détails ou est-ce que vous suggérez essentiellement de revenir un peu plus à ce qui est la loi présentement: que la décision de garde ne soit pas celle ni de la Commission ni d'un tribunal, mais qu'elle soit celle du médecin, avec les examens qui sont demandés, et qu'on ne donne à la Commission que le pouvoir de révision ou de sanction, ce qui serait un peu essentiellement maintenir la législation actuelle? J'essaie de voir, là, si changements vous souhaitez, dans quel sens ils seraient.

Mme Daigneault-Bourdeau (Marie-Claire): M. le Président, Me Ghislaine Gosselin.

M. Gosselin (Ghislaine): Pour répondre à votre question, M. le ministre, il y a lieu de préciser qu'actuellement la Commission des affaires sociales intervient de son propre chef si elle le veut ou est immédiatement appelée, soit bien souvent le lendemain de l'ordonnance de garde émise par la Cour du Québec. Alors, on a toujours considéré, nous, qu'il ne s'agissait pas d'une révision systématique comme on l'entend de tout autre jugement rendu par la Cour du Québec, mais davantage de revoir la situation qui a évolué parce que les faits ont évolué. Alors, la Commission à ce moment-là n'est pas en révision d'un tribunal supérieur, parce que ce serait quand même mal interprété, et à cet égard, dans notre mémoire, à la page 15, on notait justement les propos de Me Monique Ouellette qui écrit:

«En vertu du mandat confié à celle-ci – à la CAS – par la Loi sur la protection du malade mental, la Commission a l'obligation de réviser, à période fixe et déterminée, les dossiers de la personne gardée en établissement.

«En exécutant son mandat de révision, la Commission pourrait "renverser" une décision de la Cour d'appel. Il n'y a pas lieu de s'en inquiéter; la décision de la Commission serait alors fondée sur une situation de fait qui aurait évolué ou changé complètement.»

Alors, pour nous, je pense que la Commission, qui a toujours eu compétence sur le dossier comme tel, en psychiatrie, est la mieux placée du départ pour évaluer la situation et la réviser, dans l'optique où la révision est un changement de situation.

M. Rochon (Jean): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président, et merci à vous madame et à toute l'organisation de l'Association des hôpitaux. Vous nous avez toujours habitués à des mémoires extrêmement bien travaillés et des recommandations des plus pertinentes et encore une fois, on voit le sérieux avec lequel vous nous présentez des recommandations qui pourraient bonifier de beaucoup le projet de loi. Alors, merci.

Tout de suite, d'emblée, vous indiquez qu'il faut, à travers le projet de loi... Vous avez le même objectif que nous poursuivons, c'est-à-dire assurer un meilleur équilibre entre l'exercice des droits de la personne versus le pouvoir d'intervenir lorsque sa sécurité ou celle d'autrui pourrait être menacée. Vous nous dites aussi... Vous nous parlez de certaines priorités, dont la déjudiciarisation. Je pense que c'est quelque chose qui est très important dans votre mémoire.

Ce qui m'a sauté peut-être aux yeux, c'est le titre du document que vous nous avez déposé, «l'AHQ propose d'importants correctifs au projet de loi n° 39», et la question que je souhaiterais adresser à Me Gosselin serait: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire qu'il faudrait refaire le projet de loi? Et loin de moi l'idée, là, de retarder indûment un tel projet de loi à cause de l'importance que ce projet a d'abord pour les patients, pour leur famille, et aussi pour les institutions qui sont aux prises avec des décisions, des fois, sans toujours avoir les consentements éclairés des avocats autour, etc.

(11 heures)

M. Gosselin (Ghislaine): Alors, si vous me le permettez, à l'instar de ce que le ministre de la Santé a dit dans l'introduction, je vais faire aussi une petite partie d'historique.

Dès 1979, l'Association des hôpitaux du Québec avait demandé une révision de la loi parce que déjà on voyait que les situations ne collaient pas nécessairement avec le texte de loi. Quand le Code civil a été modifié, autant l'Association a collaboré avec le ministère de la Justice pour revoir tout le chapitre concernant les soins et je dirais même dès 1989 par la révision de la Loi sur la curatelle publique où on a regardé tout le régime de protection, lorsqu'on est arrivé au chapitre sur la garde, on a nous-mêmes avisé le ministère de la Justice qu'au ministère de la Santé il y avait un avant-projet de loi modifiant ou portant réforme à la Loi de la protection du malade mental.

Alors, le projet de loi qui a été déposé, le projet de loi n° 39, certes on en est fort heureux, et il constitue, il faut le reconnaître, des modifications intéressantes que l'Association elle-même a souhaitées. Alors, quand on parle de la collaboration des agents de la paix, lorsqu'on parle du congé temporaire, c'est des choses qui ont été discutées depuis plusieurs années avec le ministère de la Santé et le ministère de la Justice, et on en est fort heureux.

La problématique qui a été soulevée en 1991, quand on a regardé le Code civil sur la garde, c'est qu'on était un petit peu embêté parce qu'on ne savait pas qu'est-ce qui passerait dans la loi portant réforme à la protection du malade mental et on s'attendait à ce que cette loi-là soit déposée et débattue avant l'entrée en vigueur du Code civil. Donc, on a été un petit peu en suspens et on n'a pas fait vraiment toute la réflexion concernant la garde comme on l'a fait pour les soins en général. Et ça, on l'a déploré parce que, dans la loi d'application du Code civil, on a alors – et c'est ça dans l'historique qu'on oublie un petit peu, M. le ministre – oublié que la Loi sur la protection du malade mental a été modifiée en introduisant dans le Code de procédure civile des dispositions particulières où là il fallait s'adresser à la Cour pensant ainsi protéger la personne davantage, respecter davantage son intégrité.

Ces deux lois, le Code civil et le Code de procédure, sont entrées en vigueur en 1994, et les quelques années qui se sont écoulées depuis nous permettent de constater que ce n'était peut-être pas le meilleur outil que de confier tout ça à la Cour du Québec, parce que la compétence est toujours et demeurera toujours à la Commission des affaires sociales et le formalisme qu'on a introduit n'a pas permis d'atteindre les objectifs visés, à savoir que la personne ne se rend presque pas au tribunal parce que l'exception devient le principe, c'est-à-dire on va demander une dispense de l'amener au tribunal. Et je vous dirai qu'on en est souvent fort heureux parce que la personne, complètement déstabilisée, qui est sous garde provisoire dans un centre hospitalier, ce n'est pas facile de l'amener au tribunal. Et quand on l'amène au tribunal, il y a deux alternatives: ou ce sont, suite à une ordonnance, deux policiers qui viennent la chercher – mais, là, ils ne l'amènent pas dans une cellule, ce n'est pas quelqu'un qui a commis un acte criminel; il n'y a aucun lieu pour l'accueillir, on attend de procéder – ou encore on demande carrément à l'établissement d'amener le patient à la cour. Alors là, il y a deux préposés aux bénéficiaires et une infirmière qui vont l'accompagner et là, c'est encore aussi complexe que lorsque c'est deux agents de la paix. Ça demeure des cas très particuliers quand même où on a amené la personne.

Donc, l'objectif recherché de permettre effectivement que le juge entende la personne n'a pas été atteint, et la procédure que, nous, on propose, c'est, quand la personne est sous garde provisoire, que ce soit la Commission qui se déplace, et je glisserai incidemment que tout le temps qu'on avait regardé le projet de loi, l'avant-projet de loi, avant même l'introduction du Code civil, il nous était dit que les juges se déplaceraient dans les établissements de santé pour venir entendre les personnes, et ça ne s'est pas avéré vrai. Alors, c'est pour ça que nous demandons des bonifications significatives au projet de loi n° 39 pour l'arrimer avec le Code civil, mais, je vous dirai aussi, presque pour arrimer le Code civil à la Loi de la protection du malade mental, c'est-à-dire s'assurer que l'objectif visé de la protection de la personne soit atteint et pour ça, ça demande aussi des corrections au Code civil, selon nous.

M. Marsan: Je vous remercie de ces éclaircissements. Si on veut toujours bonifier le projet de loi n° 39 et on voulait prendre des grandes têtes de chapitre pour la compréhension de tout le monde, ce serait quoi les principaux secteurs où on devrait faire une amélioration? J'ai entendu le Dr Matte aussi nous dire tantôt qu'il y avait un chapitre inexistant sur la psychiatrie légale. Là aussi j'aimerais vous entendre un peu là-dessus. Qu'est-ce que vous aimeriez voir? Pourriez-vous de façon assez précise nous situer les priorités qui devraient être reprises dans le projet de loi n° 39?

Mme Gosselin (Ghislaine): Il y a un aspect fondamental qu'on n'a pas traité en parlant de la déjudiciarisation, c'est: Qui peut consentir aux soins? Alors, quand il s'agit de soins, le Code civil permet effectivement, et c'est l'article 15 du Code civil qui le stipule: «À défaut que la personne soit placée sous un régime de protection si elle est un majeur inapte, il est possible pour un conjoint ou, à défaut de conjoint, un membre de la famille ou une personne significative, de consentir aux soins.»

Dans les faits, lorsqu'un membre de la famille amène une personne souffrant de maladie mentale et dangereuse à cause de son état mental pour elle-même ou pour autrui, normalement on devrait s'attendre à ce que cette personne-là puisse consentir effectivement non seulement aux soins, mais également à la garde, si la personne se rend effectivement et ne s'oppose pas à la garde.

À l'heure actuelle, le consentement est impossible parce que presque toute la clientèle visée par la Loi de la protection du malade mental ou par le projet de loi n° 39 n'est pas sous un régime de protection, donc n'a pas de représentant légal. À ce moment-là, on ne peut pas aller chercher le consentement substitué aux soins. Et ça, c'est un problème de base auquel il faut s'attaquer immédiatement.

Par ailleurs, ce que, nous, on a recherché dans les propositions qu'on vous a faites, c'est de s'assurer que le premier examen clinique psychiatrique soit fait par tout médecin – et ça, je couvre littéralement les omnipraticiens – en tenant compte du système de santé. Or, M. le ministre, vous avez mis en place – et on est à faire la reconfiguration – dans chaque sous-région des conseils unifiés qui gèrent à la fois des CLSC, des CHSLD et des centres hospitaliers. Les centres hospitaliers qui font partie de ce conseil unifié n'ont que des soins généraux à offrir et les seuls lits qu'ils ont, c'est des lits de stabilisation. C'est ce que j'en comprends, là, de ce qui est en train de se développer.

Dès lors, ils n'ont pas tous toute la psychiatrie voulue pour être capables de garder la personne plus longtemps que 48 heures et bien souvent, si on pense aux CLSC, ils ne peuvent recevoir qu'en externe des personnes. Donc, ce qu'on a tenté de faire, c'est arrimer effectivement tout le projet de loi n° 39 avec le système qui se développe et s'assurer, certes, que la personne puisse être examinée le plus près possible de sa résidence, donc, que l'omnipraticien, à l'intérieur de ce centre hospitalier ou CLSC désigné, soit dans l'obligation effectivement de faire le premier examen clinique psychiatrique et par la suite permettre les transferts dans les établissements de santé plus régionaux, CH régionaux, où, là, la garde pourrait se faire lorsque nécessaire.

La Commission, dans tous les cas, lorsque le danger est imminent et que la personne est sous garde provisoire dans un établissement, devrait se déplacer, et là on ne crée pas de bombe en vous disant ça. Déjà, la Commission des affaires sociales se déplace dans les établissements dès qu'elle fait la révision d'une garde. Et la révision d'une garde... Il y a eu des appels; j'ai ici des chiffres. En 1995-1996, il y a eu 344 demandes d'appels des ordonnances de la cour; en 1994-1995, il y en avait eu 121. Or, déjà, bien souvent, le lendemain de l'ordonnance émise par la Cour du Québec, la Commission des affaires sociales est saisie et se déplace dans les établissements pour venir entendre le patient. Pour nous, ça, c'est fondamental; c'est ça le respect de l'intégrité de la personne. En gros, là... Je pourrais parler longtemps, mais j'espère que ça répond à votre question.

M. Marsan: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Vanier.

Mme Barbeau: Merci. Premièrement, mesdames et messieurs, merci de votre contribution à cette commission. Moi, ma question, c'est sur une nouvelle disposition sur l'agent de la paix. L'article dit ceci: «Un agent de la paix peut, à la demande du titulaire de l'autorité parentale, du tuteur au mineur ou de l'une ou l'autre des personnes visées par l'article 15 du Code civil du Québec et s'il a des motifs sérieux de croire que l'état de santé mentale de cette personne présente un danger imminent pour elle-même ou pour autrui, amener une personne contre son gré auprès d'un établissement visé à l'article 6.»

Même si on dit par la suite que l'établissement qui reçoit cette personne doit la prendre en charge dès son arrivée et la faire examiner par un médecin, il y a plusieurs – je sais que vous êtes d'accord avec ça, mais vous demandez d'ajouter «tout médecin» à la liste – il y a plusieurs associations et organismes qui s'interrogent sur les connaissances et la formation des agents de la paix en ce qui a trait à la maladie mentale et à la notion de dangerosité. Alors, j'aimerais savoir si vous avez un opinion là-dessus.

(11 h 10)

Mme Gosselin (Ghislaine): Oui. Alors, si vous me permettez, comme préambule il y a lieu peut-être de vous souligner que l'Association des hôpitaux du Québec, l'an dernier, avec les différentes associations de policiers, a fait un colloque: Services de policiers, services de santé: convergence des rôles. Et il y avait un atelier spécifique qui traitait de la santé mentale et ces problématiques ont été discutées. On a réalisé, pour beaucoup, que ce colloque avait permis autant aux agents de la paix de connaître notre système de santé qu'aux personnes oeuvrant dans les établissements de connaître effectivement le système qui s'applique aux agents de la paix, et ça, ça a été un plus.

Ce qu'il est important de noter, et pourquoi nous sommes fondamentalement d'accord avec cette proposition, c'est que, lorsqu'une personne est dangereuse pour autrui, il est de la compétence de l'agent de la paix de l'arrêter et de la détenir pour l'amener devant la cour. Ce que, nous, on dit, c'est que, si cette personne est dangereuse à cause de son état mental, ce n'est pas dans une cellule qu'elle doit être conduite, mais bien dans un établissement de santé où on pourra effectivement la traiter. Alors, à ce moment-là l'agent de la paix est probablement le mieux placé pour, au lieu de la conduire dans une cellule, amener la personne afin qu'elle soit traitée, parce que c'est vraiment du traitement dont elle a besoin. Certes, on doit et on espère qu'une formation spécifique sera donnée aux policiers pour les aider effectivement dans cette nouvelle responsabilité qu'on leur confie, mais depuis plusieurs années, on a toujours demandé la collaboration des policiers, des agents de la paix à cet égard; il ne faut pas se leurrer.

Pourquoi on demande d'ajouter à la liste les médecins? C'est que les médecins sont probablement ceux que la famille appelle immédiatement quand la personne est en crise et ils sont probablement les mieux placés pour communiquer avec les agents de la paix et justifier la pertinence effectivement de les amener dans un centre hospitalier ou dans un CLSC désigné.

Ceci dit, toute la notion de prise en charge par l'établissement, là, on a fait des commentaires effectivement, parce que quelquefois les agents de la paix amènent le patient, amènent la personne dans l'établissement, lui enlèvent les menottes, disent: Merci, bonjour, et laissent le patient complètement confus auprès de la petite infirmière qui ne pèse pas 100 lb. Bon. Alors, là, on dit: Un instant. Il est important, dans un premier temps, que ce soit un médecin qui pose un diagnostic. Alors, dans un CLSC, il faut être bien au fait que la prise en charge peut être faite par d'autres professionnels de la santé. Donc, c'est pour ça que nous tenons à ce que le projet de loi spécifie que c'est vraiment le médecin qui pose le diagnostic et nous insistons également pour que le policier ne pense pas, parce qu'il a laissé le patient à l'urgence, que le patient est automatiquement pris en charge par le médecin. Il faut qu'il attende le diagnostic du médecin, qui va établir effectivement que la dangerosité du patient est reliée à son état mental.

Le meilleur exemple que je puisse vous donner – parce que je suis très profane, je ne suis pas médecin – c'est une personne qui est complètement ivre. Alors, effectivement elle peut commettre des méfaits. On va l'amener au centre hospitalier pensant qu'elle délire, alors que c'est simplement son état d'ébriété qui justifie son comportement, ce n'est pas du tout son état mental. Alors, à ce moment-là le médecin dira au policier: Ce n'est pas un cas qui relève du système de santé; si vous avez à l'amener, c'est dans une cellule. Alors, c'est les modifications, nos recommandations, pourquoi on les a faites, mais fondamentalement on souhaite la collaboration des agents de la paix.

Mme Barbeau: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je ne sais pas si l'AHQ a des statistiques ou des informations concernant le nombre de personnes qui pourraient faire l'objet de tels changements proposés par la loi n° 39. En général, avez-vous une idée de combien de personnes, sous le régime actuel, sont l'objet d'une ordonnance, soit de la cour ou d'un autre, à cause du danger imminent, qui sont mises en cure fermée, l'équivalent de la cure fermée, aujourd'hui?

Mme Daigneault-Bourdeau (Marie-Claire): M. le Président, Me Gosselin.

Mme Gosselin (Ghislaine): Écoutez, je vous réfère à ce que j'ai obtenu ce matin seulement, par téléphone – alors, vous pourrez le valider dans le rapport de la Commission des affaires sociales elle-même, les statistiques y sont – et, entre autres, en 1995, il y a eu 344 appels au niveau de la commission et, sur ça, seulement 127 ont été entendus. Alors, ça démontre qu'entre l'appel et le moment où la Commission se présente – parce qu'elle se présente généralement le vendredi – alors, la différence entre les deux, c'est parce que déjà la personne a été stabilisée, contrôlée et qu'il n'est plus pertinent d'aller chercher une ordonnance parce que le congé a déjà été signé. Alors, ça me permet peut-être, M. le député, de vous souligner que, quand on parle d'un extension de délai de 48 heures à 96, on va probablement régler la plupart des problèmes, parce qu'il n'en reste que 127, au niveau d'une année, pour lesquels la garde est justifiée.

Les statistiques, quant à 1994 et 1995 sont à l'effet qu'il y a eu 318 demandes de révision et, sur ça, seulement 121 décisions ont été rendues. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Copeman: En partie. Mais vous n'avez pas le nombre d'ordonnances qui auraient pu être émises par les cours concernées.

Mme Gosselin (Ghislaine): Par les cours, oui. Pour 1995 et 1996, confondues, ordonnances pour examens cliniques psychiatriques et pour gardes – parce que c'est deux types d'ordonnances différentes – 12 384, alors qu'en 1994 et 1995 – j'ai les chiffres distincts – pour examens cliniques psychiatriques, 642 et pour gardes, 2 485. Alors, on comprend bien qu'il y a beaucoup d'ordonnances, mais que les personnes ne demeurent pas plus de cinq jours, en général, dans l'établissement de santé.

M. Copeman: Si vous me permettez, M. le Président. En principe, toutes ces ordonnances sont émises par la cour à cause de la notion que la personne représente un danger pour elle-même. Est-ce que c'est bien ça que je dois comprendre?

Mme Gosselin (Ghislaine): C'est-à-dire, déjà normalement la Cour du Québec va s'assurer, dans la requête, que les faits justifient la demande et généralement ils insistent pour avoir au moins un rapport d'un médecin pour appuyer effectivement la justesse de la requête.

M. Copeman: Mais on parle de la notion de dangerosité qui existe dans tous les cas?

Mme Gosselin (Ghislaine): Oui.

M. Copeman: O.K. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: En terminant, juste rappeler la question que j'ai posée tantôt sur la psychiatrie légale: si on pouvait savoir un peu ce que vous souhaitez. Mais en terminant, je voudrais demander à la présidente l'opinion de l'Association par rapport à la fermeture de 3 000 lits sur les 6 000, sans que, à ce moment-ci, tous les services alternatifs aient été mis en place.

Mme Daigneault-Bourdeau (Marie-Claire): En ce qui regarde la transformation qui est en cours, l'Association a fait état plus d'une fois qu'elle participe étroitement à la transformation et à la reconfiguration, et nos centres hospitaliers, nos membres, travaillent étroitement à cette transformation-là. Nous sommes d'avis qu'il est très important pour la personne malade, atteinte de maladie mentale, que les ressources en établissement, que les ressources en milieu communautaire et que les ressources policières soient bien coordonnées sur le terrain pour faire en sorte que, au préalable, on est préparés avant de fermer les lits, il n'y ait pas de vide, il y ait un arrimage qui se fasse avec les ressources alternatives. Je vais demander à M. Gagnon, s'il veut ajouter.

M. Gagnon (Jacques): Oui. Alors, M. le Président, j'ajouterais que la position de l'AHQ est relativement connue, du moins par M. le ministre de la Santé. Une chose sur laquelle on a insisté et sur laquelle, je pense, on doit insister encore, c'est sur la prudence qui doit s'exercer dans ce processus de transformation. Et ce qui nous rassure, c'est évidemment la durée, le plan qui s'échelonne sur cinq ans, et on pourrait même penser que ça pourrait prendre un peu plus de temps. On sait d'autre part qu'il y a des obligations en ce qui touche les finances publiques, mais on est rassurés du fait que le processus de transformation en santé mentale ne vise pas l'assainissement des finances publiques mais davantage une amélioration de l'accessibilité à des services de qualité le plus près possible du lieu de résidence des personnes.

À ce niveau-là, on considère qu'il faut déjà reconnaître aux hôpitaux un rôle actif dans ce processus de transformation; c'est un rôle qui est déjà exercé. Il y a une responsabilité qui est présente et de ce point de vue on considère que l'hôpital constitue une ressource de la communauté. Un danger, ce serait de considérer ou de vouloir exclure l'hôpital de ce processus de transformation alors que c'est possible – et je pense que c'est l'objectif qui est poursuivi – de redéployer ou d'étendre les ressources, l'expertise existante en milieu hospitalier, dans la communauté, et cela, dans une perspective de partenariat et de collaboration.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Avez-vous fini?

Une voix: ...psychiatrie légale.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Sur la psychiatrie légale, oui, avant de terminer.

Mme Daigneaut-Bourdeau (Marie-Claire): Oui, M. le Président. Me Gosselin.

Mme Gosselin (Ghislaine): Deux aspects à cette question. Le premier, c'est que nous avons demandé que l'évaluation pour fins de savoir si une personne est apte ou non à subir son procès soit retirée du rapport général d'examen clinique psychiatrique. Pourquoi? Parce que ça demande une expertise particulière, alors que, nous, on veut que le premier examen clinique psychiatrique soit posé par tout médecin, même un omnipraticien.

(11 h 20)

Vous vous souviendrez sûrement, M. le ministre, que, lorsque le Code criminel a été modifié pour demander effectivement au ministre de désigner les établissements qui devaient effectivement rendre un tel rapport d'examen psychiatrique et qu'on a nommé tous les centres hospitaliers psychiatriques ou tous les centres hospitaliers de soins généraux et spécialisés ayant un service psychiatrique, on a créé une panique à travers la province.

Et il a fallu – et je me souviens, à ce moment-là, le Dr Matte était au ministère – le rencontrer à plusieurs reprises pour lui faire savoir que tous nos établissements n'avaient pas cette expertise-là. Ils l'auront de moins en moins parce qu'avec la reconfiguration, quand je parle du conseil unifié, on n'aura pas nécessairement des médecins aussi expert.

Donc, on trouve important, dans un premier temps, de distinguer l'examen psychiatrique requis pour savoir si la personne a besoin ou non de soins de l'examen psychiatrique qui n'a que pour fonction d'évaluer si la personne est apte ou non à subir son procès. Et selon nous, ce ne sont pas les mêmes établissements qui seront appelés à faire cela.

Par ailleurs, je pense qu'il est important de départager tout le volet «Psychiatrie légale» du volet «Soins», parce qu'on est porté souvent à penser que les malades mentaux, que les personnes souffrant de maladie mentale, ont des problèmes avec le système de justice; et ce n'est pas du tout le cas. Alors, cette démarcation, pour nous, serait davantage dans le respect de la personne.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Vanier.

Mme Barbeau: Merci. J'ai une autre petite question. Par rapport... Bien, vous êtes au courant qu'il existe des groupes régionaux de défense des droits et d'accompagnement en santé mentale dans toutes les régions du Québec. Un certain nombre des mémoires reçus proposent qu'ils soient reconnus officiellement comme recours, ces organismes. On sait que, des fois, ils ont de la difficulté à avoir des contacts, à suivre les gens jusqu'au bout. Alors, j'aimerais savoir si vous avez une opinion sur cette proposition, qu'ils soient reconnus officiellement.

Mme Daigneault-Bourdeau (Marie-Claire): M. le Président, Me Gosselin et M. Gagnon.

Mme Gosselin (Ghislaine): Je veux simplement vous dire que M. Gagnon sera capable de vous dire effectivement l'importance de ces recours-là, mais qu'il faut bien contexter que nous sommes ici dans la Loi de la protection de la malade mentale – donc, personne dangereuse pour elle-même ou pour autrui – et que cela est une petite partie de toute la problématique de santé mentale. Et l'intervention de ces groupes-là n'est pas nécessairement directement reliée à la Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale. Ceci dit, M. Gagnon va pouvoir davantage vous contexter l'intervention de ces groupes-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Gagnon.

M. Gagnon (Jacques): Je pourrais élaborer, mais je ne sais pas si, à la question que Mme la députée a posée, c'est absolument nécessaire de compléter sur le sujet.

Mme Barbeau: Bien, c'est de savoir si vous avez une opinion là-dessus. Parce que c'est une proposition qui nous est faite dans plusieurs mémoires, qu'ils soient reconnus officiellement pour, par exemple, suivre le patient jusque dans... avec le psychiatre, puis il peut être à côté, par exemple...

Une voix: Ho! Ho!

Mme Barbeau: ...aller jusqu'au bout, là.

M. Gagnon (Jacques): O.K. Alors, je pense...

Mme Barbeau: Je pense que c'est dans ce sens-là, là, je...

M. Gagnon (Jacques): O.K. Je pense que c'est difficile, ici, de débattre nécessairement là-dessus et, je dirais, de poser une conclusion. Mais je pense que ces groupes-là ont une importance qu'il faut reconnaître dans notre société, mais de là à dire qu'on doit absolument les associer à un processus du début à la fin, un peu comme des responsables – on pourrait imaginer un «case manager» qui va accompagner la personne du début à la fin... Je pense qu'il faut accorder ou considérer la liberté de l'individu.

Je pense que ce n'est pas tous les individus qui souhaitent être assujettis à un processus ou à un groupe ou à une association tout au long d'un épisode de soins, par exemple. Alors, qu'ils aient des possibilités de recours, d'intervenir et de représenter la personne lorsqu'elle le demande, je pense qu'il faut le privilégier, mais je ne le verrais pas comme une obligation ou une contrainte pour l'individu.

Mme Barbeau: Ça veut dire que vous n'en avez pas contre le fait qu'une personne pourrait demander, par exemple, qu'un organisme la suive tout le long. Elle voudrait être accompagnée de ces gens-là...

M. Gagnon (Jacques): Absolument.

Mme Barbeau: ...mais que ça ne soit pas nécessairement obligé. C'est ça que vous me dites, là?

M. Gagnon (Jacques): Oui.

Mme Daigneault-Bourdeau (Marie-Claire): Me Gosselin.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Conclusion, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Simplement remercier nos invités. On apprécie beaucoup la qualité de vos recommandations, particulièrement celles qui touchent à la déjudiciarisation, aussi le nombre d'examens – extrêmement important – la psychiatrie légale. Je reçois aussi les commentaires que vous avez faits lorsque certains patients peuvent arriver dans les salles d'urgence, les infirmières peuvent être démunies et je pense qu'on aurait avantage, là, à pouvoir, à travers le projet de loi, régler les problèmes, aussi bien pour le patient que pour le personnel. Et je retiens également qu'une fermeture, une diminution de la moitié des lits de psychiatrie, bien, vous seriez sûrement favorables à ce qu'il y ait des ressources alternatives avant que l'on procède. Alors, je vous remercie encore une fois.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Conclusion, M. le ministre.

M. Rochon (Jean): Oui, je vous remercie, M. le Président. Je vous remercie beaucoup. J'apprécie vraiment, là, la bonne connaissance que vous démontrez de l'évolution de cette question sur le plan légal, et vous nous aidez à décortiquer les passages qui ont été ceux du passé. Et aussi l'effort que vous faites pour ajuster vos recommandations à ce qu'est l'évolution et la transformation de notre système de santé et de services sociaux, ce qui peut vraiment nous aider, là, à prendre des décisions qui seront beaucoup mieux opérationnelles, si on s'ajuste au système plutôt que de forcer le système à s'adapter, lui, à 56 réalités différentes. Alors, j'apprécie beaucoup. On va sûrement tenir compte, là, de ce que vous nous proposez comme argumentation.

Vous me permettrez, M. le Président, peut-être de revenir sur une chose. On va peut-être sauver du temps... Pour qu'on n'ait pas à reprendre la question des... Je ne suis pas sûr que je vais y réussir, là, mais quand même de rediscuter des lits de psychiatrie à chaque présentation. Je voudrais redire ce que sont les intentions du ministère et ce qui a été déclaré.

D'abord, il n'y a pas – et je crois que l'Association des hôpitaux a bien compris ce que le ministère a annoncé – il n'y a pas d'objectif budgétaire dans ce qui est poursuivi. Il y a même au contraire un objectif dans certaines régions d'améliorer les ressources qui sont données en santé mentale, parce qu'on sait que dans certaines régions on peut faire mieux, alors que dans d'autres on est en bon équilibre.

Deuxièmement, l'objectif est vraiment de commencer par développer des ressources alternatives, et on parle plus d'éviter l'institutionnalisation que de désinstitutionnaliser. C'est vraiment ça qu'est l'objectif. Et on voit déjà que ça correspond beaucoup à la réalité parce que, si vous nous dites que la moyenne de séjour déjà des gens en psychiatrie dans les hôpitaux est relativement courte, on sait qu'on peut faire mieux, si on a des meilleurs ressources dans la communauté.

Troisièmement, on sait très bien aussi – et il se fait présentement dans le réseau des évaluations cliniques, au lit du malade, des gens qui sont dans des instituts psychiatriques, dans ces fameux 3 000 lits... Il y en a une bonne partie – je pense qu'on parle de peut-être 1 000 personnes – qui sont déjà... en fait, qui sont là pour des raisons de déficience intellectuelle, des gens qui ont vieilli et qui ont besoin beaucoup plus de centres hospitaliers de soins prolongés de longue durée que d'un institut dit de santé mentale.

Et le départ de ces gens-là pourrait être orienté vers des milieux plus appropriés à leurs besoins et va libérer des lits dont on n'a pas besoin, et la première vague de diminution va venir de là. Mais dans la mesure finalement où les ressources dans la communauté vont permettre d'éviter l'institutionnalisation, on va de moins en moins utiliser de lits, et l'intention est seulement qu'à mesure qu'on n'en aura pas besoin de bien s'assurer de prendre ces ressources-là et de faire d'autre chose avec.

Finalement, comme M. Gagnon l'a rappelé, on prévoit un plan d'une opération pas sur un an ou deux, mais sur cinq ans et, comme on lance une consultation – je l'ai rappelé tout à l'heure – au mois de mars sur les orientations ministérielles que je viens de résumer, bien, on aura toute la chance de faire les ajustements nécessaires. Alors, je pense que c'est important, là, que tout le monde comprenne très bien qu'on n'est pas dans une opération comme ce qu'on a dû faire au cours des deux dernières années, qui était de rattraper un retard important et de devoir le faire dans un contexte budgétaire dont on avait hérité aussi. C'est une autre réalité. On est en prévention, là, plus qu'en rattrapage. Merci.

(11 h 30)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le ministre. Au nom de la Commission, merci beaucoup pour la présentation de votre mémoire.

J'invite maintenant les représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse à se présenter.

À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. Filion, étant donné que vous êtes un habitué, vous savez maintenant quoi faire: présentation et présentation de votre mémoire.


Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Filion (Claude): Oui, très bien. Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes et MM. les députés, d'abord, je voudrais vous présenter la personne qui m'accompagne. À ma gauche, Me Claire Bernard, de la Direction de la recherche de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Alors, conformément au mandat que nous confère la Charte des droits et libertés de la personne, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a procédé à un examen très attentif du projet de loi n° 39. Beaucoup d'énergie. C'est un sujet qui, a priori, a l'air simple, mais, lorsqu'on l'approfondit, on s'aperçoit qu'il y a énormément de matière dans le projet de loi, énormément de questions également qui doivent être résolues. Alors donc, nous avons été attentifs au projet de loi n° 39, lequel introduit une réforme très attendue de la Loi sur la protection du malade mental.

Cet examen fut d'autant plus vigilant que le projet de loi prévoit des restrictions à des droits fondamentaux à l'égard d'une population qui est vulnérable et qui est trop souvent victime de préjugés au Québec et ailleurs. Or, suivant le principe d'égalité que proclame la Charte, la personne atteinte de maladie mentale a droit à la jouissance et à l'exercice de l'ensemble des droits et libertés reconnus à toute personne. Toute atteinte à un droit protégé par la Charte qui serait fondée sur l'état de santé mentale d'une personne serait donc discriminatoire.

La Commission a pu constater avec satisfaction que des droits déjà reconnus dans la présente Loi sur la protection du malade mental ont fait l'objet de confirmation, de clarification et même d'extension. Ainsi en est-il, par exemple, du droit d'être informé de ses droits et recours, du droit d'être transféré d'un établissement à un autre. Toutefois, certaines modifications qui touchent le droit d'être informé et le droit aux communications confidentielles ainsi que les trois nouvelles mesures proposées dans le projet de loi, à savoir la garde provisoire et le rôle de l'agent de la paix ainsi que la garde à distance et les mesures de protection, ont suscité des inquiétudes sérieuses dont la Commission tient aujourd'hui à vous faire part. Nous allons aborder chacun de ces points séparément.

D'abord, en ce qui concerne les droits et recours conférés par la loi. Parce qu'elle constitue une privation de la liberté, la mise sous garde d'une personne pourrait entraîner une atteinte grave à d'autres droits fondamentaux. De ce fait, elle devrait être appliquée dans le strict respect de ces mêmes droits. Ainsi, l'accès à l'information et la confidentialité des communications constituent des garanties essentielles non seulement pour permettre au patient psychiatrique ou à son représentant d'exercer plus efficacement des recours à l'encontre des décisions prises à son endroit, mais aussi pour protéger sa dignité et sa vie privée. De plus, le droit de demander un transfert d'établissement permet de mettre en oeuvre l'autodétermination du patient, laquelle fait partie intégrante de son droit à l'intégrité.

Alors, d'abord, en ce qui concerne le droit à l'information. À certains égards, la nouvelle loi garantirait un meilleur encadrement du droit des personnes mises sous garde d'être informées adéquatement. Par exemple, dès sa prise en charge par un établissement ou dès qu'elle est en mesure de comprendre, la personne amenée contre son gré devra être informée du lieu où elle est gardée, du motif de la garde et du droit qu'elle a de communiquer immédiatement avec ses proches, d'une part, et avec un avocat d'autre part. Les règles envisagent également la situation d'une personne incapable de comprendre en obligeant l'établissement à avertir un tiers. Ces règles comportent cependant une lacune en ce qui concerne les personnes incapables de comprendre l'information qui sont admises pour une garde provisoire et qui ne sont pas représentées en vertu d'un mandat d'inaptitude ou d'un régime de protection. Pour corriger cette lacune, nous proposons que l'établissement ait alors l'obligation d'avertir un tiers qui démontre pour la personne un intérêt particulier.

D'autre part, parallèlement à la création du nouveau mécanisme permettant à un agent de la paix d'amener contre son gré une personne dans un établissement pour qu'elle y subisse un examen psychiatrique et dont nous reparlerons un peu plus loin, le projet de loi obligerait l'agent qui procède à un tel acte en vertu de la nouvelle loi ou d'une ordonnance judiciaire à informer la personne de ce fait et du lieu où il l'emmène. Par contre, il ne serait pas tenu de l'informer de son droit de recourir sans délai à l'assistance d'un avocat ou de prévenir ses proches.

Il est vrai que, suivant l'article 16 du projet de loi, la personne amenée contre son gré dans un établissement devra être informée dès sa prise en charge par l'établissement de ses droits de recourir à l'assistance d'un avocat ou de prévenir ses proches. Néanmoins, l'état de détention débute avec l'intervention de l'agent de la paix et peut durer pendant une période prolongée. Par exemple, en région éloignée, les établissements ne se trouvent pas toujours à proximité des lieux où est susceptible de se produire l'intervention policière. De même dans les régions plus urbaines, compte tenu des ressources ou de l'organisation des établissements de santé, il n'est pas rare que l'un d'eux ne soit pas en mesure de prendre en charge une personne et soit obligé de le diriger vers un autre établissement, comme le prévoit d'ailleurs l'article 25 du projet de loi. Rappelons que l'article 29 de la Charte garantit à toute personne détenue le droit de recevoir cette information promptement. Que la détention soit de source pénale ou civile, la personne détenue devrait avoir le droit de connaître l'étendue de ses droits, et ce, dès le début de la période de détention. Dans notre mémoire, il y a peu de jurisprudence sur le sujet, mais nous citons une décision d'une Cour supérieure d'une autre province canadienne qui reprend cet élément de détention civile ou de détention pénale.

Toutefois, la Commission convient que l'application de ce droit en matière de santé mentale ne doit pas recevoir nécessairement la même interprétation qu'en matière pénale. Ce n'est pas la même nature de détention. Il ne s'agit pas, ici, de protéger la personne détenue contre des déclarations incriminantes, mais bien, plutôt, de lui donner la possibilité d'être informée de ses droits. C'est pourquoi nous soulignons que l'exercice du droit d'être informée de ses droits à l'assistance d'un avocat ou de prévenir ses proches ne doit pas constituer un obstacle à la réalisation de l'objectif que vise l'article 8, à savoir la protection de la personne ou d'autrui. Qui plus est, l'agent de la paix devrait être exempté de l'obligation de fournir cette information quand la personne est visiblement incapable de la comprendre.

Par conséquent, la Commission recommande que l'article 15 du projet de loi soit amendé afin d'exiger que l'agent de la paix qui amène une personne dans un établissement soit tenu de l'informer de son droit de recourir sans délai à l'assistance d'un avocat et de prévenir ses proches, sauf si la personne n'est pas en mesure de comprendre cette information.

(11 h 40)

Maintenant, en ce qui concerne le droit aux communications confidentielles. En ce qui a trait à un deuxième droit conféré aux personnes sous garder, soit le droit aux communications confidentielles, la Commission constate que la nouvelle loi continuerait à protéger la confidentialité des communications écrites entre le patient et un certain nombre de personnes identifiées de manière limitative, à savoir la Commission des affaires sociales, le Curateur public, un avocat, son représentant ou la personne habilitée à consentir aux soins requis par son état de santé. La protection serait augmentée, puisque le droit à la confidentialité ne se limiterait plus aux communications écrites mais couvrirait toute forme de communication, y compris les conversations téléphoniques.

En revanche, la liste des destinataires n'inclurait plus certaines catégories de personnes. Elle ne garantirait pas non plus le droit de communiquer confidentiellement avec un membre de la famille ou un proche autre que la personne habilitée à consentir aux soins au nom du patient ou encore avec tout autre tiers, tel qu'un ami ou un représentant d'un organisme de défense des droits des usagers.

En limitant la liste de destinataires des communications confidentielles, le projet de loi restreint une protection fondamentale, le droit au respect de la vie privée, pour des raisons dont la justification n'est pas apparente et qui devrait donc être démontrée. Comme la Commission a déjà eu l'occasion de le souligner il y a plusieurs années, il n'y a pas lieu de restreindre arbitrairement le droit à la vie privée des personnes mises sous garde par une disposition qui impose une limitation générale aux communications confidentielles. Nous admettons toutefois que ce droit peut être limité par une exception visant les communications avec certaines personnes identifiées, uniquement quand il existe des motifs de croire que ces communications peuvent être préjudiciables, exception dont la mise en oeuvre devra se faire au cas par cas.

La Commission recommande donc que le droit aux communications confidentielles soit reconnu de manière absolue à l'égard des personnes identifiées dans le projet de loi, auxquelles elle estime aujourd'hui nécessaire d'ajouter les médecins, les députés de l'Assemblée nationale, les responsables de l'examen des plaintes désignés dans les établissements et les régies régionales, le commissaire aux plaintes nommé en vertu de la Loi sur les services de santé et les services sociaux ainsi que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

De surcroît, la loi devrait prévoir que le droit aux communications confidentielles avec toute autre personne est aussi protégé, mais qu'il peut être limité quand l'intérêt de la personne mise sous garde ou l'intérêt du destinataire le justifie. Cette limitation devrait être le fruit d'une décision motivée et rendue par écrit par le directeur de l'établissement.

En ce qui concerne, maintenant, la garde provisoire et l'agent de la paix. Se fondant sur le respect du droit à la liberté et à l'intégrité de la personne, le Code civil consacre le principe qu'une personne ne peut être ni soumise à un examen psychiatrique ni gardée dans un établissement sans son consentement et sans autorisation judiciaire. Cependant, la loi prévoit une mesure d'exception, soit la garde provisoire, visant la personne dont l'état mental présente pour elle-même ou pour autrui un danger imminent, nous dit le projet de loi.

La Commission se réjouit de voir le projet de loi préciser l'effet de la limite de 48 heures sur la durée de la garde provisoire. Cette période dépassée, la personne devra être libérée, à moins qu'un juge n'ait ordonné le prolongement de la garde afin de la soumettre à un examen psychiatrique. Ainsi, la détention ne sera pas prolongée en raison de l'attente d'une audition. Dans le contexte, cependant, de cette garde provisoire, la Commission s'est attardée à la nouvelle mesure que propose le projet de loi et qui autoriserait un agent de la paix à amener une personne contre sa volonté auprès d'un établissement. La Commission admet que la garde provisoire peut présenter des difficultés si la personne refuse de se rendre volontairement dans un établissement.

Néanmoins, elle s'interroge sur la mise en oeuvre du recours à un agent de la paix. Premièrement, comment peut-on s'assurer que l'appel à un agent n'est pas un geste abusif posé non pas en face d'un véritable danger, mais parce que la personne dérange, entre guillemets, son entourage? De plus, comment va-t-on éviter que cette mesure ne devienne un moyen de court-circuiter le processus judiciaire, processus que la réforme est venue instaurer, rappelons-le, pour assurer le respect des droits fondamentaux de la personne? À cet égard, il aurait pu être utile de reprendre une condition que prévoyait la Loi uniforme sur la santé mentale, cette dernière exigeant que l'agent ne puisse agir qu'à la condition qu'il soit impossible de présenter une requête judiciaire.

Certes, d'un autre côté, cette condition additionnelle peut découler de la deuxième condition que prévoit le projet de loi, relative à l'imminence du danger. Il est sans doute implicite pour le législateur que, dans les circonstances d'un danger imminent, il est impossible de présenter une requête judiciaire. Or, en ce moment, la Commission s'interroge donc également sur les critères qui guideront les policiers qui devront décider que le comportement dangereux d'une personne relève d'un problème de santé mentale plutôt que d'un comportement criminel ou encore que la situation justifie une garde provisoire et non une garde ordonnée par le juge. Il faudra nécessairement que les agents de la paix possèdent, il faut en convenir, la formation suffisante pour poser ce genre d'évaluation afin d'éviter des détentions injustifiées.

Plus fondamentalement, cette forme d'arrestation, entre guillemets, qui s'opérerait sans autorisation judiciaire constitue une atteinte grave à la liberté de la personne. Par conséquent, avant d'adopter cette mesure qui contrevient à l'article 1 de la Charte, il incombe au législateur de s'assurer qu'il s'agit là d'un moyen rationnel, proportionnel de réaliser un objectif légitime, notamment en examinant des moyens alternatifs et moins attentatoires aux droits de la personne de remédier aux problèmes qu'il tente de résoudre.

À cet égard, la Commission réitère que l'appel à un agent de la paix ne devrait pas être un moyen de remédier aux coûts et délais qu'impose la voie judiciaire. Il serait bon de rappeler aux intéressés que les dispositions contenues au Code de procédure civile ainsi qu'au nouveau Règlement sur l'aide juridique devraient résoudre les problèmes de coûts et de délais que rencontrent les familles.

En admettant que, en dernier recours, il soit nécessaire de demander une intervention avant de pouvoir procéder devant un juge pour éviter un préjudice grave, ne faut-il pas s'assurer qu'il existe des mesures qui puissent être mises en oeuvre pour éviter une escalade et prévenir la survenance d'une telle situation, telles que le recours à des organismes formés pour intervenir et désamorcer la crise? Et, quand une situation de crise se produit néanmoins, ne serait-il pas souhaitable de favoriser le recours à des équipes médicales formées pour intervenir en cas de crise, comme d'ailleurs le recommandait la Commission des droits de la personne de l'Australie?

Quoique ces moyens ne relèvent pas directement du cadre de la Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale, ils devraient être envisagés comme moyens alternatifs dans une perspective plus globale de la problématique de la santé mentale. Souvenons-nous que le recours à des centres de crise devant agir en tout temps et aux services d'Urgences-santé faisait partie des plans d'organisation proposés dans le cadre de la politique de santé mentale adoptée il y a plus de six ans. Si des mesures moins attentatoires aux droits que l'intervention policière s'avèrent ne pas être réalisables, la Commission insiste auprès de vous et du gouvernement afin qu'ils adoptent des dispositions prévoyant que les agents de la paix appelés à intervenir auront la formation requise.

De plus, la Commission recommande – et c'est là une recommandation importante – que l'article 8 exige explicitement que la personne soit amenée immédiatement par l'agent de la paix, mais soit amenée immédiatement dans un établissement qui puisse la recevoir, qu'un ajout puisse être donc fait à l'article 8 pour prévoir «sans autre délai» ou une notion de rapidité, si l'on veut, de l'intervention du policier.

Quelques mots sur la garde à distance. Le projet de loi introduit une deuxième mesure qui prévoit que la personne mise sous garde puisse se voir accorder par le médecin l'autorisation de sortir temporairement de l'établissement tout en restant sous garde. À première vue, cette disposition semble louable, d'autant plus qu'elle expose que son objectif consiste à favoriser la guérison, la réadaptation ou la réinsertion sociale de la personne sous garde. Pourtant, on comprend mal la cohérence d'une mesure qui permettrait la mise en liberté d'une personne dont, par ailleurs, l'état mental est tel qu'elle doit être placée sous garde et qu'on vient de rappeler que l'objectif de la loi n'est pas de traiter ou de faire traiter toute personne souffrant de problèmes de santé mentale, mais plutôt de retenir en institution une personne parce qu'elle est dangereuse pour autrui ou pour elle-même.

La jurisprudence de la Commission des affaires sociales établit clairement que le critère de dangerosité repose sur des risques sérieux et immédiats. Pourtant, selon la disposition proposée, la personne mise sous garde pourrait être libérée sur une base temporaire si l'application de cette mesure ne présente pas de risques sérieux et immédiats pour cette personne ou pour autrui, donc, en fait, si elle ne remplit pas les critères de la garde. Un des risques de cette mesure, qui se situe entre la garde et la liberté, est de voir des gardes prolongées indûment par l'effet des congés temporaires. Quant à l'application de la garde à distance, elle soulève des questions, d'autant que sa mise en oeuvre dépend entre autres du consentement de la personne concernée. Nous soulevons dans notre rapport certaines de ces questions-là.

(11 h 50)

Et, en terminant sur ce sujet-là, tout en reconnaissant le bien-fondé de la garde à distance, laquelle poursuit évidemment un objectif thérapeutique tout à fait légitime, la Commission s'interroge sur sa compatibilité avec l'objectif même de la garde en établissement, soit limiter la liberté d'une personne en raison du danger qu'elle pose à elle-même ou à autrui. D'autre part, la Commission s'inquiète des atteintes que la mise en oeuvre de cette mesure pourrait entraîner sur le droit du patient de consentir librement à un traitement. En outre, elle souligne le risque des décisions arbitraires à l'égard du droit à la liberté d'une personne que peut entraîner le droit de révocation.

Les mesures de protection, maintenant. Le projet de loi introduit une troisième mesure relative à l'utilisation de mesures de protection. En définissant un cadre d'utilisation, le projet de loi n° 39 instaure une reconnaissance plus explicite du recours aux mesures de contention et d'isolement, laquelle se limite cependant aux personnes souffrant de maladie mentale, ce qui pourrait les stigmatiser. Ces mesures sont susceptibles de porter atteinte à l'intégrité et à la dignité des personnes et de les priver de leur liberté. Comme toute atteinte à un droit fondamental, pour être justifiées, elles doivent poursuivre un objectif légitime en respectant des normes de rationalité et de proportionnalité. L'objectif des mesures permises est défini en termes explicites. Il s'agit d'empêcher une personne atteinte de maladie mentale de s'infliger à elle-même ou à autrui des lésions.

Par conséquent, les mesures de contention et autres mesures de protection ne peuvent et ne doivent être utilisées que pour un seul objectif: la protection de l'intégrité du patient ou d'autrui. C'est dire que, pour la Commission, l'application des mesures de protection à des fins autres, qu'elles soient thérapeutiques, disciplinaires ou administratives, ne pourrait et ne devrait jamais être justifiée en vertu de cette nouvelle disposition.

L'article 24 spécifie deux conditions pour recourir aux mesures de protection: la mesure utilisée doit être minimale et elle doit tenir compte de l'état physique et mental de la personne. Ces conditions nous semblent insuffisantes dans la mesure où, vu la nature attentatoire des mesures de contention, le recours à celles-ci doit être exceptionnel et se limiter aux situations où il n'existe pas d'autre alternative. En outre, il est essentiel que les mesures soient immédiatement levées dès que la situation d'urgence cesse. Aussi, la Commission recommande que la disposition législative encadrant les mesures de contention fasse apparaître clairement un critère de nécessité et d'urgence.

D'autre part, l'absence de qualification de la notion de «lésion» risque d'entraîner une interprétation large, au risque d'être abusive. Dans d'autres juridictions, la loi exige que le préjudice corporel que l'on appréhende soit sérieux. Comme il peut être difficile d'évaluer à l'avance la nature de la lésion, la Commission recommande plutôt que la disposition ajoute comme balise qu'il doit exister des raisons sérieuses de croire que la personne va s'infliger ou infliger à autrui des lésions.

La Commission note avec satisfaction l'obligation de documenter l'utilisation des mesures de contention. Cette garantie étant toutefois insuffisante si elle se limite à une simple inscription au dossier, il est nécessaire d'instaurer un mécanisme de révision périodique – c'est ce que nous suggérons – éventuellement dans le cadre du contrôle de l'utilisation des mesures de protection prévues dans le Règlement sur l'organisation et l'administration des établissements. De plus, il devrait être clair que le mécanisme de révision prévu à l'article 22 s'applique aux décisions relatives à l'utilisation des mesures de contention.

Alors donc, sur ce sujet, si la Commission admet que des mesures de contention puissent être justifiées par la nécessité de protéger en situation d'urgence l'intégrité physique du patient psychiatrique ou d'autrui, elle s'inquiète sérieusement des répercussions sur l'exercice des droits fondamentaux des personnes visées que risque d'entraîner la mise en oeuvre de ces mesures. Il serait important de s'assurer, notamment par la formation du personnel des établissements, que la reconnaissance législative des mesures de contention ne soit pas comprise comme autorisant leur utilisation pour pallier le manque d'effectifs et de ressources dans les établissements ou pour tout autre motif.

Alors donc, en conclusion, on constate que le projet de loi n° 39 harmonise dans une bonne mesure les dispositions du Code civil du Québec et de la Loi relative à la protection des personnes atteintes de maladie mentale et qu'il clarifie certains droits reconnus à la personne en établissement. Néanmoins, nous proposons des modifications au chapitre des droits dont devrait jouir la personne mise sous garde en ce qui a trait, premièrement, aux personnes à contacter lorsqu'une personne incapable de comprendre l'information relative à ses droits est admise pour une garde provisoire et qu'elle n'est pas représentée; deuxièmement, à l'information que doit fournir l'agent de la paix qui amène une personne dans un établissement contre son gré; et, troisièmement, à la portée du droit aux communications confidentielles, comme nous l'avons vu plus haut.

D'autre part, la Commission réitère que l'appel à un agent de la paix ne doit pas être un moyen de remédier aux coûts et délais qu'impose la requête judiciaire. Elle recommande que la loi exige explicitement que la personne soit amenée immédiatement dans un établissement qui puisse la recevoir. De plus, les agents de la paix appelés à intervenir devront avoir la formation requise.

Finalement, en ce qui concerne les mesures de protection, les mesures de contention, la Commission recommande d'ajouter deux critères d'utilisation, soit le critère de nécessité et l'existence de raisons objectives et sérieuses de croire que la personne va s'infliger ou infliger à autrui des lésions. Elle demande également qu'il soit clair que le mécanisme de révision prévu à l'article 22 s'applique aux décisions relatives à l'utilisation des mesures de contention. De plus, elle recommande l'instauration d'un mécanisme de révision périodique de l'utilisation des mesures de protection.

Alors donc, de façon plus générale, la Commission tient à souligner que les mesures proposées, même si elles étaient conçues pour porter le moins possible atteinte aux droits et libertés de la personne, ne doivent en aucune façon servir à pallier le manque d'effectifs et de ressources, notamment en ce qui concerne l'utilisation de la garde à distance ou les mesures de contention, et ce, surtout dans un contexte de coupures budgétaires, bien que nous ayons entendu tantôt le ministre nous rassurer. Et nous sommes convaincus, d'ailleurs, que la révision de la Loi sur la protection du malade mental ne se situe pas dans le cadre d'une réduction budgétaire. Cependant, il demeure quand même que l'environnement budgétaire est toujours présent dans les établissements, d'où la nécessité, à notre sens, des recommandations que nous avons faites plus haut. Alors, nous vous remercions donc de votre attention.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant M. le ministre à commencer l'échange.

M. Rochon (Jean): Merci beaucoup. Je pense que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse est sûrement un des organismes les plus habilités et autorisés pour bien nous présenter toute l'argumentation qui est à un des pôles auxquels je faisais référence dans ma conclusion et dont je suis très conscient. Si on veut favoriser, d'une part, la protection des gens, de leur entourage et des communautés par rapport aux libertés fondamentales des individus, on est sur un axe très, très délicat, entre deux pôles. J'apprécie beaucoup l'analyse rigoureuse que vous avez faite du projet de loi.

Je voudrais vous demander peut-être deux précisions pour être bien sûr que, dans l'analyse de ce que je pourrais peut-être appeler la balance des inconvénients, on évite d'être pris dans le cercle de la poule et de l'oeuf, ne sachant pas comment on peut intervenir. D'abord, en regard de l'article 12, de la garde à distance, vous nous dites que vous êtes d'accord avec le bien-fondé de cette mesure – si je vous ai bien entendu et compris – dans un objectif qui est fondamentalement celui qui a présidé, je pense, à cette loi, de s'assurer que l'intégration ou la réintégration sociale d'une personne soit le plus favorisée et que la pratique a établi, selon des informations que j'ai, que cette garde à distance favorise plutôt un séjour plus court en établissement que de le rallonger. Vous nous avez dit: Il ne faudrait pas que ça rallonge le séjour en établissement. Avez-vous des informations à l'effet qu'il y ait eu des effets pervers de ce côté-là? Moi, les informations que j'ai, c'est que ça a plutôt joué dans le sens d'éviter d'institutionnaliser, de garder quelqu'un plus en contact avec sa famille.

(12 heures)

Par ailleurs, vous me dites qu'il ne faudrait pas que ça contrevienne, malgré son bien-fondé, au risque du droit au consentement de la personne à être traitée. Voyez-vous une autre option ou approche alternative que ce que le projet de loi a essayé de valider de ce côté-là? Ça, c'est ma première question. J'en ai seulement deux.

La deuxième, qui est en regard des commentaires que vous faites sur l'article 24, et surtout le dernier commentaire, qu'il est important de s'assurer que l'utilisation de mesures de contention ne soit pas une façon de pallier au manque de ressources humaines pour s'occuper des patients. Bon. Je ne doute pas que, quand, en 1960, on a publié Les fous crient au secours , on a fait valoir qu'il y avait peut-être, dans l'époque asilaire, eu certains abus de ce côté-là, mais j'avais un peu l'impression qu'on était sorti de là et je veux savoir jusqu'à quel point il y a un risque appréhendé ou si vous avez de l'information à l'effet qu'on pourrait vraiment craindre quelque chose de ce côté-là. Et comment on pourrait aller au-delà de la balise qui est mise dans l'article 24, à son deuxième paragraphe, où on dit – et c'est ça qui est un ajout important par rapport à loi actuelle – qu'on doit consigner la description des moyens utilisés, la période de temps pendant laquelle ils ont été utilisés et le comportement qui a motivé la prise ou le maintien de cette décision? Comment on pourrait baliser ça mieux pour éviter, encore une fois, ce qui me semble être la crainte d'un risque qui, j'osais croire, était d'une époque révolue au Québec? Merci, M. le Président.

M. Filion (Claude): Bon. D'abord, de façon générale, je pense bien que les deux questions soulevées par M. le ministre mettent le doigt sur l'aspect délicat de cette législation-là qui demande une bonne dose de jugement parce que vous agissez dans un secteur éminemment fragile. Je l'ai mentionné plus tôt, on parle ici de personnes qui sont évidemment atteintes de maladie mentale. Elles sont vulnérables. Elles sont aussi, je l'ai mentionné, de façon générale, malheureusement, parfois victimes de préjugés. Alors, dans ce délicat équilibre que vous recherchez entre, évidemment, l'amélioration de la santé mentale de ces patients, d'une part, et, d'autre part, leurs droits et libertés, je pense que le projet de loi réussit, de façon générale, assez bien à effectuer cet équilibre-là. Néanmoins, nous suggérons des améliorations, à notre avis nécessaires, pour aller dans le sens qu'en cas de doute nous invitons le législateur – surtout dans le contexte de la médecine moderne – à protéger les droits et libertés.

Il ne faut pas oublier que, d'abord, dans bien des cas, dans les établissements, je croirais, sans avoir toute l'expérience du ministère là-dessus, qu'il y a une bonne partie des cas où le consentement du patient existe. On parle surtout des cas où le consentement du patient n'existe pas. Surtout, hein? Et, dans ces cas-là, nous vous invitons encore une fois à introduire des balises pour éviter quoi? Pour éviter des abus qui seront absolument minimes. Je veux dire minimes proportionnellement par rapport à un ensemble de situations. Tu sais, c'est un peu comme le bénéfice du doute en droit criminel. Tu sais, dans le fond, on dit souvent: Bien, mieux vaut parfois libérer quelques coupables que de trouver coupables des innocents. C'est un petit peu la même chose, c'est-à-dire que des abus, dans notre système, il n'y en aura pas beaucoup. Mais il faut – on n'a pas le choix comme société – être particulièrement vigilant dans ce cas-là pour éviter des situations où l'arbitraire domine.

Alors, appliquant ceci, peut-être... Et je suis convaincu que le législateur a fait cet exercice de réflexion là. C'est manifeste, quand on voit le projet de loi, qu'il y a eu une très solide réflexion à la base du projet de loi. Et nous avons participé longuement. Comme je vous l'ai mentionné tantôt, on a commencé, à la Commission, l'étude de ce projet de loi là d'une façon très, si on veut, bon, parcellaire, mais on s'est rendu compte que, finalement, on a mis énormément d'énergie dans à peu près toutes les directions, parce que, plus on se pose des questions, plus on va loin dans ce secteur-là.

Et, donc, appliquons maintenant aux deux questions soulevées par M. le ministre ces réflexions-là en ce qui concerne la garde à distance. Évidemment, un des problèmes, c'est le droit de révocation, parce que la garde à distance, elle-même, j'en suis profondément convaincu, et les commissaires de la Commission le sont également, poursuivent un objectif thérapeutique, comme je le dis, qui est tout à fait légitime, mais, en même temps, il ne faudrait pas que ça prolonge la garde, d'une part, puis, deuxièmement, il ne faudrait pas que le droit de révocation soit exercé de façon arbitraire. Comme l'a mentionné un des commissaires de la Commission des droits, la personne qui est très près du milieu de la santé mentale, il ne faudrait pas que ça devienne un genre d'élastique.

Mais, vous m'avez posé la question, M. le ministre, très franchement, est-ce que vous avons des solutions à cet effet-là? Je pense que les solutions que nous croyons possibles sont avancées dans notre mémoire. Cependant, l'application de ces moyens-là ne devrait pas amener le législateur à mettre de côté, bien sûr, la garde à distance. C'est un concept tout à fait valable, à notre sens, qu'il faut conserver. Peut-être que je vais demander à Me Bernard, qui, en plus, a eu l'occasion de fouiller dans le milieu puis qui s'est promenée, en plus de ça, à travers les établissements de santé à la Commission, de compléter peut-être ma réponse.

Mme Bernard (Claire): Pour le premier point, vous avez raison que, factuellement, la détention de la personne en établissement va être raccourcie si elle sort de l'établissement, mais sa situation de personne qui est sous garde, elle, reste. Donc, même si elle est sortie, elle n'est pas complètement libre de ses mouvements, puisqu'elle peut être ramenée et, tant qu'il ne se passe pas un événement qui fera que le médecin va révoquer la décision, elle sera libre entre guillemets, mais ce ne sera pas une personne totalement libre de ses mouvements comme tout autre citoyen. Et, dans ce sens-là, la garde peut être prolongée, donc sa situation juridique avec ce qu'elle implique, c'est-à-dire qu'elle peut être ramenée sur un appel d'un tiers, sur la base d'une situation qui ne sera pas nécessairement observée directement par le médecin, sans préavis, sans mécanisme de révision de cette décision qui n'aura pas nécessairement, même, les précautions qui sont là au départ pour la mise sous garde, c'est-à-dire le droit d'être entendu, le droit de faire une contre-expertise. Ces éléments-là ne seront plus là parce que, ce qu'on veut éviter, évidemment, c'est d'alourdir le processus. Mais elle sera juridiquement toujours sous garde, avec cette épée de Damoclès dont l'exercice va dépendre de la réaction, entre autres, de ces tiers ou du médecin. Donc, dans ce sens-là, la situation juridique d'une personne qui est détenue va continuer même si, physiquement, elle ne sera pas nécessairement détenue.

M. Filion (Claude): Ça, c'est sur le premier point. Sur le deuxième point, je voudrais peut-être revenir sur les mesures de contention. Non, on ne croit pas, encore une fois, que, de façon générale, les mesures de contention puissent être utilisées. Cependant, on attire votre attention sur le fait que, sauf erreur, ça va être la première fois que nous reconnaissons législativement, comme j'ai mentionné, les mesures – bon, il y a déjà le règlement – reconnues dans la loi. Les mesures de contention. Or, ce faisant... Évidemment, les mesures de contention sont des mesures de privation de liberté extrêmement importantes dans les établissements. C'est pour ça que, nous, on suggère d'ajouter deux autres critères: la nécessité de la mesure de contention puis, deuxièmement, l'existence de raisons objectives et sérieuses de croire que la personne va s'infliger ou infligera à autrui des lésions.

C'est intéressant – puis je vais demander à Me Bernard – on a regardé la loi ontarienne sur ce sujet-là, et à la loi ontarienne on ajoutait le critère de lésion grave, sauf erreur. Nous ne faisons pas semblable recommandation de lésion grave. Ça, on en parle un peu dans le mémoire, mais ça peut être parfois difficile, peut-être, à retenir. On aimerait ça, mais je pense que les deux critères, soit la nécessité puis, deuxièmement, l'existence de raisons objectives de croire qu'il y aurait lésion qui pourrait être infligée, c'est ce qu'on suggère pour baliser davantage l'utilisation de mesures extrêmement importantes que sont les mesures de contention, d'autant plus que vous savez que toutes ces questions-là, M. le ministre et Mmes et MM. les députés, se situent dans un cadre... on connaît si peu en termes de santé mentale.

En deux mots, quel est le degré de conscience, de connaissance des personnes qui sont parfois victimes de mesures de contention dans des établissements? Ouf! ça donne des frissons dans le dos quand on sait que, finalement, la médecine a atteint un degré si peu profond de la connaissance de l'état mental des gens. Et nous – quand je dis nous, la société – on impose un carcan à ces gens-là. Il faudrait évidemment que ce carcan-là, à notre sens, soit extrêmement balisé. Puis, deuxièmement, encore une fois, en cas de doute, dans vos travaux, allez donc dans le sens des droits et libertés de la personne, vous ne vous tromperez pas.

(12 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le...

M. Rochon (Jean): Juste une petite vérification.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre.

M. Rochon (Jean): Vous avez dit, monsieur, que c'est la première fois qu'on reconnaîtrait la contention qui peut s'exercer dans une loi. Je n'ai pas vérifié récemment, là, mais est-ce que la Loi sur les services de santé et les services sociaux ne reconnaît pas déjà au besoin la contention en faisant obligation, d'ailleurs, aux établissements d'établir un règlement pour bien baliser?

Mme Bernard (Claire): C'est ce que disait le président. C'est compris dans le règlement, mais sans aucune balise...

M. Rochon (Jean): C'est ça.

Mme Bernard (Claire): ...et là ce qu'on fait, c'est qu'on reconnaît spécifiquement avec des balises. Donc, on ajoute une certaine protection, mais...

M. Rochon (Jean): Merci. Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui, à mon tour de remercier la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, M. Filion, Me Bernard. Il y a quelque chose qui me frappe: vous nous présentez un mémoire extrêmement bien fait avec des propositions très, très précises, bien articulées. De l'autre côté, on a un projet de loi qui n'est quand même pas volumineux, là, si on enlève les dispositions diverses et les concordances. C'est à peu près une vingtaine d'articles. Je regarde, vous nous faites des propositions de modifications au chapitre des droits dont devraient jouir les personnes mises sous garde, de l'information que doit fournir l'agent de la paix, de la portée du droit aux communications confidentielles. Vous voulez même ajouter des critères d'utilisation. Vous n'avez pas l'impression que, si on veut vraiment avoir une oreille attentive à ce que vous nous dites – et ce que vous nous dites est très, très important – il ne faudrait pas refaire ou réécrire le projet de loi?

Ma deuxième question, c'est: À deux reprises, vous faites allusion à la possibilité qu'on veut sauver de l'argent dans ce dossier-là. Vous dites: «...la Commission réitère que l'appel à un agent de la paix ne doit pas être un moyen de remédier aux coûts et délais qu'impose la requête judiciaire.» Et, à la fin, au dernier paragraphe de votre conclusion: «...la Commission tient à souligner que les mesures proposées, même si elles sont conçues pour porter le moins possible atteinte aux droits et libertés de la personne, ne doivent pas servir à pallier le manque d'effectifs et de ressources, notamment dans l'utilisation de la garde à distance ou les mesures de contention, surtout dans un contexte de coupures budgétaires.» Alors, j'aimerais vous entendre sur ces deux points.

M. Filion (Claude): D'accord. Honnêtement, non. Je pense que nos recommandations viennent, si on veut, parfaire les efforts législatifs du projet de loi, et, à notre avis, vous tenez cette commission parlementaire là ouverte, vous allez siéger article par article dans une autre étape qui sera déterminée par votre Assemblée, alors, à ce moment-là, il ne nous apparaît pas véritablement, d'aucune façon, que vous devriez réécrire, à notre point de vue, le projet de loi. J'ai lu le projet de loi, j'ai pris connaissance de notre mémoire, bien sûr, j'ai écouté un peu les mémoires des autres, là, ce matin, mais, à moins qu'il intervienne des grandes modifications, en tout cas qui sont absentes de notre esprit, on ne verrait pas pourquoi... En deux mots, le principe du projet de loi est valable. Les directions doivent être balisées en fonction de la Charte des droits et libertés à notre point de vue, mais ça ne demande pas réécriture.

Deuzio, en ce qui concerne votre deuxième question, je l'apprécie. C'est que, d'abord, non, nous, encore une fois – et le ministre le mentionnait tantôt – nous ne pensons pas que la révision de la Loi sur la protection du malade mental est une loi qui est là pour porter un effort budgétaire. Bien sûr, cependant, il existe un contexte dans lequel cette loi sera vécue quotidiennement dans les établissements, dans le réseau et également chez les agents de la paix, etc., et on doit tenir compte de ce contexte-là qui est un contexte où, à l'intérieur des établissements, même à l'intérieur des services de police, il y a des réductions importantes qui sont faites, et c'est pour ça qu'on insiste tant sur la formation qui est nécessaire, notamment des agents de la paix, mais aussi du personnel des établissements lorsque la nouvelle loi sera en vigueur. En deux mots, on ne peut pas faire abstraction du contexte de réduction budgétaire qui est celui qui affecte la réalité québécoise, mais, à ce moment-là, ça devient un élément, donc, qu'il faut prendre en considération et qui vient, à notre point de vue, peut-être renforcer la nécessité des balises.

En deux mots, l'intention va rester très, très saine et légitime, mais, rendu dans l'application quotidienne, lorsque le législateur aura terminé son travail, bien, il faut que la loi qui sera adoptée puisse être un outil facilement applicable et compréhensible par le réseau et par les employés du réseau. C'est un défi, bien sûr, mais c'est un défi qui n'est pas insurmontable et, encore une fois, au niveau de la législation, c'est pour ça qu'il faut être extrêmement prudent.

M. Marsan: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée de Vanier.

Mme Barbeau: Merci. Merci pour votre contribution à cette commission. On vous a vu aussi pour le mémoire sur le livre vert de la réforme de l'aide sociale. C'est toujours très apprécié. Je vais vous poser la même question que j'ai posée au groupe avant par rapport aux groupes régionaux de défense des droits d'aide et d'accompagnement en santé mentale dans les régions du Québec. Dans certains mémoires, on demande qu'ils soient reconnus comme recours officiellement. Alors, je voudrais savoir si vous avez une opinion là-dessus.

M. Filion (Claude): Je vais demander à Me Bernard de compléter ma réponse. Elle connaît probablement plus que moi les travaux de ce groupe-là, que je soupçonne être tout à fait compatibles avec les meilleurs objectifs de la santé mentale, et tout, et tout. En deux mots, cependant, j'aurais, personnellement – et, encore une fois, personnellement parce que la Commission ne s'est pas penchée là-dessus – certaines réticences, peut-être, à ce que le législateur puisse accorder une espèce de reconnaissance obligatoire à des organismes qui assureraient le suivi de dossiers. En deux mots, vous savez, les législations restent. J'allais dire: Les groupes, les organismes, parfois, changent, etc., puis les meilleures intentions du monde président à certains organismes, mais parfois il arrive des changements, etc. Mais la loi, elle, demeure. Alors, je croirais que, administrativement parlant, le ministère de la Santé et des Services sociaux pourrait considérer, par ses différents programmes, une forme de reconnaissance quelconque de cet organisme-là ou des organismes qui oeuvrent de façon similaire en santé mentale, qui n'ont pas seulement une expertise, mais qui ont aussi, ma foi, une attitude, une affection aussi et un dévouement dans ce secteur-là. Puis c'est extrêmement précieux, mais, à mon avis, ça devrait peut-être plus être fait administrativement parlant, par une forme d'action du ministère que de le faire législativement. Je ne sais pas, Me Bernard voudrait peut-être compléter.

Mme Bernard (Claire): Je voudrais juste ajouter qu'ils n'ont pas leur place explicitement, mais qu'ils ont déjà la place dans le processus si on ajoute, par exemple, notre proposition face aux personnes inaptes à comprendre qui arrivent en garde provisoire. C'est que la loi parle déjà des personnes qui ont un intérêt particulier, et ces groupes s'inscrivent dans cet intérêt particulier. Et la mise en exercice – c'est-à-dire est-ce que ces groupes subissent des obstacles? – c'est l'exercice de cette définition, c'est cette compréhension de cette définition par les établissements. Mais je pense que, effectivement, la loi offre un cadre qui les comprend déjà, et je ne connais pas d'autres exemples – peut-être qu'il n'y en a pas – où on reconnaît une place particulière dans une loi-cadre. Et, effectivement, je pense que les groupes reçoivent déjà des subventions. La politique de santé mentale reconnaissait déjà leur rôle. Le gouvernement devrait continuer à travailler en les consultant aussi, mais je pense qu'ils ont déjà leur place comme personne qui a un intérêt particulier.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. M. le président de la Commission, en ce qui concerne la garde à distance, surtout aux pages 8 et 9 de votre présentation orale devant la commission, vous soulevez une question qui est pour moi fondamentale et qui me préoccupe personnellement beaucoup. C'est la question de s'assurer qu'on n'est pas confondu dans la notion de traitement ou de garde obligatoire pour des raisons thérapeutiques versus un traitement ou une garde obligatoire, que ce soit prolongé, à distance ou provisoire à cause d'un danger imminent.

(12 h 20)

Et j'ai cru comprendre que vous soulevez à peu près la même question de cohérence avec la garde à distance. Si, selon la loi, une personne est confiée à une garde à cause – et c'est les critères qui sont retenus, semble-t-il, dans la loi – d'un danger imminent – c'est les mots qui sont utilisés: «un danger imminent pour elle-même ou pour autrui» – comment est-ce que c'est cohérent avec la notion de garde à distance, des libérations temporaires, etc.? Moi, je crois que c'est fondamental parce que, si la personne – et vous le dites si bien – est en situation de danger imminent pour elle-même ou pour autrui, bien, elle devrait, quant à moi, ne pas être nécessairement libérée sur des bases temporaires et, si elle n'est pas en danger imminent, elle ne répond plus aux critères de garde, point. Je ne sais pas si vous pouvez, peut-être, nous enrichir un tout petit peu.

M. Filion (Claude): Je pense que M. le député exprime en d'autres termes, essentiellement, la préoccupation que nous avons émise. En réalité, j'allais tout simplement dire: C'est en plein ça, c'est le problème. Cependant, de l'autre côté, comme législateur, vous avez, je pense, l'obligation d'encadrer la garde à distance et vous ne pouvez pas juste en faire une mesure administrative qui n'aurait pas de balises à l'intérieur de la loi, et c'est pourquoi... Les lois ne sont jamais parfaites. Celle-là ne le sera pas non plus, c'est évident, parce qu'il y a un objectif thérapeutique tout à fait souhaitable et que, en même temps, ça pose un problème de fond. En deux mots, je pense que vous avez là une belle contradiction, comme il en arrive parfois, mais, à mon avis, il est important d'avoir quelque chose qui ressemble à une garde à distance parce que c'est tellement utile pour des fins thérapeutiques, pour des fins d'emmener ce qui est l'objectif final, d'ailleurs, la réinsertion du patient qui est en psychiatrie, de le ramener dans la société.

Alors, bref, vous avez, je pense, le problème. À mon avis, ce n'est pas possible. En tout cas, à la Commission, nous considérons et nous sommes arrivés à la conclusion qu'il fallait conserver cette notion de garde à distance à l'intérieur de la législation avec les modifications que nous suggérons, tout en restant extrêmement alertes pour voir de quelle façon sera vécue la garde à distance par les établissements, par les autorités médicales, de quelle façon ça sera utilisé, etc., parce que l'autre solution, ça serait de la faire disparaître, et vous ne pouvez pas faire ça. C'est-à-dire que, à ce moment-là, vous vous trouvez en face d'un vide, sur le plan thérapeutique, extrêmement important. La question est excellente. Je ne sais pas si Me Bernard, qui avait bien perçu, d'ailleurs, cette contradiction-là au fil de nos travaux, voudrait ajouter quelque chose, mais je pense que c'est en plein ça, hein?

Mme Bernard (Claire): Je pourrais juste ajouter qu'on a vu des exemples dans la jurisprudence où des patients sous garde ont eux-mêmes fait la requête pour être libérés pendant quelques jours ou pour une occasion. Donc, en tant que mesure, quand on regarde la mesure elle-même, on ne pouvait pas conclure qu'elle était contraire à un droit, puisque, au contraire, pratiquement, la personne est libérée, mais, nous, notre devoir était de souligner que, telle que la loi est formulée, elle vise la situation de danger. Donc, on a signalé la contradiction entre l'objectif de traitement et l'objectif de détention, mais, au-delà de là, on ne pouvait pas conclure que la mesure elle-même devait être retirée, puisqu'elle est même demandée par les bénéficiaires.

M. Copeman: Je n'en doute pas et je conviens avec vous de la nécessité de retenir la garde à distance pour des valeurs thérapeutiques. Par contre, la question que je me pose, c'est: Est-ce qu'il n'est pas irréconciliable de voir une garde à distance pour des raisons thérapeutiques versus la notion de danger imminent? C'est ça qui m'achale le plus. Qu'il y ait une garde à distance pour des raisons thérapeutiques dans le traitement des maladies mentales, j'en conviens, c'est probablement essentiel. Mais c'est le critère de danger imminent qui, quant à moi – et je ne suis pas psychiatre, mais vu de l'extérieur – pose des sérieuses questions.

M. Filion (Claude): Évidemment que la Loi sur la protection du malade mental, c'est une loi qui n'est pas une loi thérapeutique, mais on ne peut pas faire abstraction de toute la réalité thérapeutique qui est sous-tendue dans l'application de la loi. Et ce que vous soulevez est tout à fait exact. C'est une réalité et c'est pour ça que la Commission, là-dessus, vous soulève des préoccupations, alors que, par exemple, si on revient à la question de l'intervention de l'agent de la paix, là, la Commission est beaucoup plus claire dans le message qu'elle tente de vous envoyer très élégamment, mais à l'effet que l'agent de la paix, il faut qu'il... Le droit à l'information, pour le patient, c'est tellement important.

Écoutez – je termine un peu là-dessus – il y a un policier qui vient enlever la liberté d'une personne, alors, le droit à l'information, c'est important. Puis, en droit criminel, le droit à l'avocat, souvent, pour les policiers, c'est interprété comme un empêcheur de tourner en rond, mais, en matière de santé mentale, l'avocat peut être utile, peut aider à désamorcer la crise.

Et l'autre obligation qu'on crée à l'agent de la paix, c'est d'amener immédiatement... ce qu'il ne faudrait vraiment pas faire, là. Puis placez-vous en face de la situation, par exemple, d'une personne qui traverse une phase difficile, et, on le sait, en matière de santé mentale, ça dure parfois très peu longtemps, hein? Et, avec la médecine, avec parfois aussi l'aspect chimique, les médicaments, bon, la personne, elle... L'agent de la paix arrive, enlève la liberté d'une personne, bon, sans... Là, on demande à ce qu'elle soit informée de ses droits. Je suis convaincu que le législateur va étudier ça sérieusement. Mais qu'on puisse l'amener immédiatement dans un établissement de santé pour éviter quelle soit trimbalée – et c'est le type de situation pour laquelle on vous met en garde – d'un poste de police à l'autre en Abitibi parce que l'établissement à Val-d'Or ne veut pas la prendre, etc. Ça, c'est le type de situation auquel, vraiment, la Commission allume un feu rouge. Mais, dans les autres cas, on soulève des préoccupations tout en sachant que ce n'est peut-être pas facile, parfois, de réussir la quadrature du cercle.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Conclusion, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président et merci à vous, Me Filion et Me Bernard pour la qualité de votre présentation, la qualité aussi des recommandations que vous nous faites. Et quelque chose, peut-être, un peu personnel, mais j'apprécie beaucoup le style direct que vous avez pris dans votre mémoire. Vous mentionnez clairement que le projet de loi restreint une protection fondamentale, le droit au respect de la vie privée, pour des raisons dont les justifications ne sont pas nécessairement apparentes et qui devraient être démontrées. Un peu plus loin, vous dites: «...le projet de loi n° 39 instaure une reconnaissance plus explicite du recours aux mesures de contention et d'isolement, laquelle se limite cependant aux personnes souffrant de maladie mentale, ce qui pourrait les stigmatiser [...]. Ces mesures sont susceptibles de porter atteinte à l'intégrité et à la dignité des personnes et de les priver de leur liberté.»

Nous, M. le président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, nous recevons très bien vos recommandations et nous allons nous assurer qu'elles pourront être intégrées dans le projet de loi au moment de sa phase finale. Et, encore une fois, merci pour la qualité de votre présentation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Rochon (Jean): Merci beaucoup. Je pense que votre présentation et la discussion font ressortir, pour moi, deux éléments qu'il faudra avoir à l'esprit probablement jusqu'à la fin. D'une part, on est dans une situation où on doit faire certains choix, prendre certaines décisions quant à des droits qu'on veut assurer ou protéger, mais en s'assurant qu'on trouve des meilleures balises pour minimiser les risques ou les inconvénients. Ça fait que, comme vous l'avez dit, il n'y a pas de situation parfaite. On est obligé de faire un choix pour assurer certains droits en reconnaissant qu'il y a des inconvénients qui découlent du choix et qu'il faut tout faire pour les bien baliser. Vous avez des recommandations que vous nous faites qui peuvent être très intéressantes à cet égard.

(12 h 30)

Ça me frappe aussi, ce genre de discussion – c'est ma deuxième observation – que, malgré tout ce qu'on fera avec le projet de loi qui, comme vous dites, ne pourra jamais être parfait – la perfection n'est pas de ce monde – on devra toujours, en bout de piste, faire confiance à la formation et au jugement des professionnels qui sont ceux qui ont à coeur de s'occuper des gens et aussi de les protéger. Alors, personnellement, je vais bien garder ça en mémoire jusqu'à la fin. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de la commission, merci beaucoup. Je suspends les travaux jusqu'à 14 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

(Reprise à 14 h 19)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom du ministre et en mon nom, on s'excuse. On avait un rendez-vous à l'extérieur et ça a pris un petit peu plus de temps que prévu. Nous recommençons nos travaux en recevant les représentants de la Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale. Si je comprends bien, Mme Tourangeau, c'est vous qui présentez les gens qui vous accompagnent.


Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale (FFAPAMM)

Mme Tourangeau (Gisèle): Oui. Bonjour, Mmes, MM., membres de la commission, M. le Président. Mon nom est Gisèle Tourangeau; je suis présidente de la Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale. Je représente la région de Montréal. Je tiens à vous présenter, ici, les collègues qui m'accompagnent. Ce sont, à mon extrême gauche, Mme Monique Stevenson, vice-présidente, représentant la région de Laval; à ma gauche, Mme Francine Parker, vice-présidente, représentant la sous-région de l'Outaouais; à ma droite, M. André Forest, administrateur, représentant la région de l'Estrie; et, à la droite de M. Forest, notre directrice générale de la Fédération, Mme Hélène Fradet.

(14 h 20)

Je vous propose donc le déroulement suivant de notre présentation aujourd'hui. Pour débuter, je vais vous brosser un bref aperçu de ce qu'est notre Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale, de ses intérêts et de ses préoccupations. Enchaîneront ensuite mes collègues qui présenteront, à tour de rôle, les principales recommandations sur le projet de loi n° 39.

Tout d'abord, la Fédération, ce qu'elle regroupe, c'est 43 associations de familles qui sont réparties en 15 régions administratives au Québec. Ces groupes oeuvrent auprès des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale sévère et persistante. Il est important de rappeler que les associations favorisent une forme unique de soutien que seuls les gens vivant les mêmes difficultés peuvent se donner: de l'entraide. C'est donc en 1986 que la Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale a été fondée. Elle se veut le porte-parole provincial des associations de familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale.

La protection de la personne atteinte de maladie mentale a toujours été une préoccupation des familles. Depuis 1993, plus de 400 personnes ont participé à des consultations et à une journée d'étude à ce sujet. C'était pour mieux comprendre et interpréter les lois concernant les personnes atteintes de maladie mentale. Les recommandations proposées ici reflètent donc le consensus sur les changements jugés essentiels par l'ensemble de nos membres au sujet de la Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale.

Il est à noter que les familles insistent sur l'utilisation de l'expression «maladie mentale» désignant les troubles sévères et persistants, la santé mentale évoquant, selon nous, un concept général qui décrit l'état psychologique de la population. L'appellation «maladie mentale» ne veut pas porter préjudice à la personne qui en est atteinte. Bien au contraire, c'est pour éviter que la problématique ne soit associée ou confondue aux problèmes d'ordre socio-affectif que nous l'utilisons.

Contrairement à des préjugés qui sont généralement répandus dans la population, nous constatons l'implication assidue de la famille auprès de leur personne atteinte de maladie mentale. D'ailleurs, selon un sondage Léger & Léger commandé par la Fédération des familles en 1994, il ressort que 50 % des personnes atteintes de maladie mentale vivent dans leur famille et que, dans plus de 65 % des cas, leur plus proche aidant est un membre de la famille immédiate, même si la personne n'habite pas à la maison. Alors, vous comprendrez donc pourquoi nous trouvons important d'être ici aujourd'hui pour vous présenter notre point de vue sur le projet de loi n° 39. Je suis présente ici aujourd'hui non seulement en tant que présidente de la Fédération des familles, mais aussi en tant que mère d'un proche atteint d'une maladie mentale sévère et persistante.

J'aimerais passer la parole maintenant à M. André forest, administrateur, représentant la région de l'Estrie.

M. Forest (André): Bonjour. Alors, je vais vous présenter les recommandations de la Fédération sur trois points en particulier, c'est-à-dire la garde provisoire, la notion de dangerosité, ainsi que la notion d'imminence. Tout d'abord, pour ce qui est de la garde provisoire, il est évident que, lorsqu'une famille se retrouve dans une situation de crise causée par la désorganisation de la personne atteinte, il faut une action rapide. La rareté des ressources de crise au Québec fait en sorte que souvent des familles doivent s'adresser à des ressources qui sont, d'une certaine manière, traumatisantes ou qui risquent d'interpeller les proches, et de les amener dans des situations où ils doivent recevoir des soins autres que ceux qu'ils désirent. Ces situations d'urgence extrême nécessitent une intervention ponctuelle et la venue des articles 6, 7 et 8 du présent projet de loi, relativement à la garde provisoire, nous rassure.

Mais, concrètement, les familles, au quotidien, sont confrontées à la question suivante: Qu'arrive-t-il après les 48 heures? Que se passe-t-il lorsqu'une personne a été hospitalisée en psychiatrie et qu'après 48 heures on juge que son état ne nécessite pas une hospitalisation? Dans un premier temps, il faut comprendre que les familles en arrivent à cette décision en cas d'extrême nécessité et que, lorsque la personne revient à la maison, juste le fait d'avoir été hospitalisée ou, du moins, amenée à l'hôpital contre son gré entraîne une exacerbation des relations et souvent une crise qui, cette fois-ci, va entraîner une montée de violence, ce qui n'est pas rare. Donc, à notre avis, une fois que les 48 heures sont écoulées, il faudrait déterminer dans la loi des paramètres solides par lesquels les centres hospitaliers seraient tenus de présenter expressément à la cour une requête pour fins d'examen psychiatrique.

Nous recommandons donc de maintenir les principes des articles 6, 7 et 8 du projet de loi n° 39 relativement à la garde provisoire, mais en ajoutant l'obligation de faire un rapport sur l'état de la personne et d'établir des paramètres par lesquels les centres hospitaliers seraient tenus de présenter expressément à la cour, avant la levée des 48 heures, une requête pour fins d'examen psychiatrique.

Une deuxième notion sur laquelle on veut vous interpeller, c'est la notion de dangerosité. Évidemment, on parle ici de danger pour la personne atteinte et pour ses proches. On entend souvent parler des aspects spectaculaires du danger qu'on relie à l'état d'une personne atteinte de maladie mentale, mais concrètement, lorsque la personne ne voit plus la nécessité de subvenir à ses besoins de base, lorsqu'elle se désorganise de plus en plus et qu'une non-intervention peut lui causer un préjudice sérieux, voire entraîner une tentative de suicide ou un acte criminel, on parle de danger. Malheureusement, on n'a qu'à se rappeler les cas de Pascal de Villemure, qui s'est suicidé, et de Rémy Beauregard, qui a tué sa mère, pour se rendre compte à quels extrêmes le danger peut amener certains individus à se comporter d'une façon qui, autrement, n'existerait probablement pas. Il y a donc le danger pour la personne, mais le danger pour autrui également. En situation de crise, en situation d'urgence, la personne atteinte a énormément de difficultés à communiquer avec l'entourage. Il n'est pas rare que des parents, des conjoints, des enfants se retrouvent dans des situations dangereuses où le passage à un acte de violence ne tient qu'à un fil. Malheureusement, nous nous devons de rappeler ici un autre cas qui a été très médiatisé, soit celui de René Gaumond, à Baie-Comeau. C'est pourquoi la Fédération recommande de maintenir la notion de dangerosité dans un sens large et de préciser les critères de dangerosité pour la personne atteinte de maladie mentale et pour autrui, afin de guider l'évaluation et non de la restreindre.

La décision du tribunal devrait être prise à partir des critères suivants, c'est-à-dire que la personne manifeste des symptômes reliés à la maladie mentale et va continuer de se désorganiser si elle n'est pas traitée promptement, ou elle est gravement désorganisée, ce qui signifie qu'elle est en substance incapable de voir à ses besoins de base à l'exception des situations causées par l'indigence, ou elle manifeste des signes imminents de violence.

En parlant d'imminence, c'est une dernière notion sur laquelle je veux attirer votre attention. On a beaucoup parlé de danger, mais, lorsqu'on parle d'imminence, c'est quelque chose qui peut être plus vécu d'une façon quotidienne, d'une façon plus insidieuse. Par exemple, le parent qui, nuit après nuit, s'enferme, entend son proche se désorganiser au fil des heures, il est à la limite de sa résistance nerveuse. Le climat de stress familial grandissant exacerbe souvent des comportements de décompensation. De là toute l'importance d'accorder aux parents la possibilité d'intervenir lorsque la personne en désorganisation manifeste des symptômes avant-coureurs d'une crise.

Donc, comme troisième recommandation, nous recommandons de privilégier l'expression «danger imminent» telle qu'on la retrouve dans le projet de loi n° 39, «danger imminent» devant être interprété dans le sens large en tenant compte de la nécessité d'éviter l'aggravation de l'état de la personne. Je laisse la parole à Mme Parker.

(14 h 30)

Mme Parker (Francine): M. le Président, mesdames et messieurs, j'aimerais enchaîner avec les six prochaines recommandations qui se regroupent autour des questions suivantes, soit le refus de traitement, le protocole de sortie d'hôpital, toute la notion de l'inaptitude et la garde à distance. En ce qui a trait au refus de traitement, dans l'état actuel du droit on se retrouve avec deux problématiques traitées de façon indépendante, soit la garde en établissement et le refus de traitement. Nous croyons que ces deux problématiques gagneraient à être adressées ensemble, qu'il est important de lier hospitalisation et traitement, pour éviter une plus grande désorganisation de la personne et de son réseau. La Fédération vous propose un outil qui répondrait au besoin des familles d'intervenir plus activement pour permettre à leur proche de retrouver son équilibre.

Une personne non traitée présente un comportement lourd pour son entourage et, pour éviter que ses proches ne se désengagent à cause de l'impuissance qu'ils vivent de façon répétitive face aux services de soins présentement en place, les membres de la Fédération vous proposent une approche proactive. Les contraintes actuelles résultent en un délai temporel important du traitement tout en provoquant un affrontement, qui est, comme vous le savez très bien, une source supplémentaire de stress pour le patient. Nous croyons qu'il faut éviter les délais abusifs d'intervention entre le moment de la mise sous garde autorisée par un tribunal et l'obtention d'un traitement.

Notre quatrième recommandation se lit donc: Nous recommandons qu'advenant un refus de traitement de la personne mise sous garde l'établissement, après que deux psychiatres se seraient prononcés sur l'inaptitude et la nécessité de traiter la personne, entame une démarche judiciaire dans les 96 heures suivant le refus, afin d'obtenir une ordonnance de traitement. Nous croyons que cette quatrième recommandation éviterait que les patients stagnent sur les départements, reçoivent des congés précipités suite à leur refus de traitement ou voient leur état se dégrader.

Cette recommandation nous amène à discuter du problème de la dualité de juridiction des tribunaux judiciaires. Pour éviter de multiplier les recours à la cour et pour faciliter la tâche des tribunaux, nous vous proposons la recommandation suivante: Nous recommandons de conférer à la Cour du Québec la juridiction lui permettant d'entendre les requêtes pour ordonnance de traitement en établissement, suite à une garde autorisée par un tribunal.

Pour la question du protocole de sortie, les recommandations 6 et 7 se veulent une reconnaissance de la part des familles dans le soutien quotidien des personnes atteintes et veulent éviter les sorties de l'hôpital mal préparées et sans suivi. Comme le disait un père membre chez nous: Je n'ai pas eu le temps de réparer les trous dans le mur qu'il a faits pendant sa crise qu'il était déjà à la porte avec son petit sac brun plein de pilules. Donc, nous recommandons d'intégrer à la loi le principe suivant: Toute garde en établissement, ordonnée par un tribunal, doit comporter un plan d'intervention, lequel doit intégrer un protocole de sortie, les balises de ce protocole devant être négociées avec les représentants des parties impliquées, soit l'usager, le psychiatre, la famille et les intervenants sociaux.

Nous enchaînerions avec une septième recommandation, qui propose d'amender l'article 19 du projet de loi, qui devrait se lire: Lorsque la garde prend fin, l'établissement doit immédiatement en informer la personne qui était gardée ainsi que toute personne qui a démontré pour le majeur un intérêt particulier. Et je suis très fière de vous annoncer que, dans la région de l'Outaouais, ce projet de protocole de sortie est déjà en expérimentation.

Pour ce qui a trait à l'inaptitude, le concept d'inaptitude, on s'entend bien, est très difficile à définir avec certitude. La personne malade nie souvent sa maladie. Son état mental peut fluctuer rapidement entre le déni, le délire; on s'entend. C'est pourquoi les membres de la Fédération, toujours avec la notion d'être proactifs, ont choisi de vous proposer des critères pouvant guider toute personne ayant à juger de l'inaptitude d'un usager.

La recommandation 8 se lit donc comme suit: Il est recommandé que soient spécifiées dans la loi les caractéristiques permettant de conclure à l'inaptitude d'une personne à refuser un traitement pour maladie mentale, soit: La personne comprend-elle la nature de la maladie pour laquelle un traitement lui est proposé? La personne comprend-elle la nature et le but du traitement? La personne saisit-elle les risques et les avantages du traitement, si elle le suit? La personne comprend-elle les risques de ne pas subir le traitement? La capacité de comprendre de la personne est-elle affectée par sa maladie? Si l'une ou l'autre de ces conditions n'est pas remplie, le refus de traitement de la personne inapte n'est pas valide.

Pour la question de la garde à distance, nous saluons le principe sous-jacent à l'article 12 du projet de loi, mais, afin d'éviter des libérations trop rapides et pour favoriser la réinsertion de la personne dans son milieu, la recommandation 9 se lit comme suit: Nous recommandons que l'article 12 soit rattaché à une section spécifique concernant les modalités reliées à la fin d'une garde en établissement. Nous croyons d'ailleurs que le projet de garde à distance se prêterait bien au projet de protocole de sortie de l'hôpital.

Je vous laisse le plaisir de relire nos recommandations sur nos préoccupations spéciales, soit la signification de la requête et la représentation par avocat. Pour conclure, j'aimerais vous rappeler que plus de 400 familles se sont prononcées sur les modifications à apporter au projet de loi n° 39 et toutes ces familles sont unanimes pour reconnaître que la présente loi en est une d'exception. Pour les parents, elle doit servir après qu'ils auront épuisé toutes les autres ressources, ce qui est d'ailleurs la réalité dans le quotidien. Aucune famille ne va chercher une ordonnance de cour avec gaieté de coeur.

Jusqu'à maintenant, comme société, nous avons choisi de protéger nos membres fragiles et vulnérables. Est-ce que nous devons reculer maintenant? Comme familles, nous préférerions n'avoir jamais à nous mêler de la vie d'un proche adulte. Nous ne le voyons jamais comme adversaire. C'est d'ailleurs le principe qui guide nos démarches. Mais assister impuissants à la détérioration de quelqu'un que vous aimez, c'est trop nous demander. Si c'était votre fils, votre fille, votre frère, votre soeur, votre conjoint qui se débattait contre la maladie mentale, n'aimeriez-vous pas avoir à votre disposition tous les outils pour l'aider dans sa lutte? Ce sont ces outils que les familles vous ont proposés aujourd'hui. Merci de votre attention.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. M. le ministre.

M. Rochon (Jean): Oui. Merci beaucoup. Je pense que, pour nous, d'entendre le point de vue et les suggestions de gens qui représentent des familles qui ont l'expérience d'avoir vécu avec des personnes qui doivent lutter pour vaincre une maladie mentale, ça nous est très précieux. Et, à cet égard, j'aimerais vous demander peut-être une précision, développer un peu votre pensée par rapport à deux de vos recommandations. D'abord, celle de la garde provisoire où, si je vous comprends bien, vous suggérez qu'après un premier délai de 48 heures on puisse demander une ordonnance du tribunal pour prolonger la garde, si c'est nécessaire.

Ma question est de voir qu'est-ce que ça rajoute de plus? J'avais l'impression que le projet de loi – vous en avez copie, je pense – prévoit un peu, mais je n'ai peut-être pas bien saisi votre suggestion, là. L'article 7 du projet de loi, à son dernier paragraphe, dit très bien que: «À l'expiration de la période de 48 heures, la personne doit être libérée, à moins qu'un tribunal n'ait ordonné que la garde soit prolongée», et, par la suite, l'article 10, sans aller jusqu'au tribunal, donne les étapes de 21 jours, trois mois et six mois auxquelles le patient doit être évalué et qu'on doit prendre une décision, à savoir si la garde est toujours nécessaire – ça joue dans les deux sens – pour s'assurer que quelqu'un n'est pas oublié en garde, mais, par contre, de refaire une décision quant à la nécessité de continuer la garde si elle est nécessaire, par ailleurs, probablement en ajustant le traitement au besoin.

Donc, c'est la première chose. Si vous pouvez nous préciser un peu le lien que vous faites vis-à-vis du tribunal ou qu'est-ce que ça ajouterait de plus, ce que vous souhaitez ajouter de plus à la loi telle qu'elle est là pour la garde provisoire...

Mme Tourangeau (Gisèle): Oui, M. le ministre.

(14 h 40)

M. Rochon (Jean): Deuxième question. Quant à la dangerosité, vous allez jusqu'à dire que, dans le cas de refus de traitement, on pourrait donner le pouvoir au tribunal de donner une ordonnance de traitement. On a beaucoup de groupes qui nous disent aussi que la liberté des gens, leur liberté de choix, leur intégrité doit être protégée et qu'on doit parvenir à les convaincre d'être traités. Qu'on peut les garder contre leur volonté, les détenir, jusqu'à un certain sens, pour les protéger si leur comportement est trop dangereux, mais que le consentement au traitement doit ultimement être obtenu de la personne. Il y a effectivement, dans nos législations, très peu de lois à traitement obligatoire. Je pense qu'il y a la tuberculose qui est encore une maladie à traitement obligatoire. Mais très peu. Alors, on a la balance de deux pôles d'options, là, comme vous le voyez très bien: la liberté des individus et, par contre, je vois très bien l'intérêt que vous voyez du patient à son droit d'être traité s'il est malade.

Si vous pouviez clarifier un peu où vous mettez les balises par rapport à ça, ça nous aiderait.

Mme Tourangeau (Gisèle): Oui, M. le ministre. M. le Président, M. André Forest.

M. Forest (André): Je pense que, Dr Rochon, ce matin, vous avez vraiment mis de l'avant, au fond, ces deux principes-là qui vont, je crois, s'entrechoquer tout le long de cette commission-là. Nous, au fond, les démarches... les demandes qu'on fait viennent du vécu des familles qui sont confrontées quotidiennement, d'une part, à la désorganisation de leur proche, au fait qu'ils attendent l'extrême limite pour demander des soins et qu'une fois qu'elle est à l'hôpital, dans une grande proportion, la personne, après le délai de 48 heures – je ne sais pas quel terme utiliser – est libérée et revient souvent à la maison. Cela a certains effets pervers.

Premièrement, le fait que les familles, suite à ces situations-là, vont parfois, à ce moment-là, éviter de faire la démarche une seconde fois, jusqu'à ce qu'à un moment donné il y ait un danger réel et qu'on arrive à des actes de violence, en se disant: On amène la personne à l'hôpital pour qu'elle soit traitée, et on n'a pas de support... Les familles ont le sentiment qu'elles ont fait de leur mieux et, une fois rendues là, elles ont le sentiment que la personne revient à la maison.

D'un autre côté, il y a tout le fait que, pour les familles, lorsqu'une personne est en crise, lorsqu'elle a perdu contact avec la réalité, on voit mal comment on pourrait la convaincre du bien-fondé d'être traitée. Dans ce sens-là, lorsqu'on fait une espèce de jumelage entre une demande d'hospitalisation et de traitement, c'est en se disant: Bien, notre expérience fait en sorte que, lorsque la personne n'est pas traitée, on n'avance à rien. Au fond, nous, les familles, on a le sentiment qu'on demeure avec le fardeau complètement et, surtout, avec un sentiment d'impuissance. Mais on est très conscients aussi que la personne a des droits, que la personne... D'ailleurs, elle a beaucoup de droits, comme n'importe quel autre individu, mais les familles cherchent des appuis. Je pense que c'est un peu ça que, dans notre mémoire, on veut présenter.

M. Rochon (Jean): O.K.

M. Forest (André): On veut bien aider du mieux qu'on peut, mais le sentiment qu'on a... C'est qu'on parle du système hospitalier parce que c'est lui qui est le plus interpellé, mais ça peut être un peu partout ailleurs. On a le sentiment qu'une fois épuisée à l'extrême limite, on amène la personne et, à ce moment-là, on n'a pas le support dont on aurait besoin et on a le sentiment que la personne elle-même, dans son état actuel, n'a pas le support dont elle aurait besoin.

C'est dans ce sens-là qu'on demande que ce soit l'hôpital qui fasse une demande et non pas la famille pendant le 48 heures, parce que les familles, on l'a dit, ce n'est pas de gaieté de coeur qu'elles se retrouvent devant toutes ces procédures-là et elles ont souvent à vivre avec beaucoup de difficultés l'antagonisme que ça crée. Mais je suis très conscient...

M. Rochon (Jean): Un pôle.

M. Forest (André): ...qu'il y a tout le temps cette balance-là entre les droits des uns et, je dirais, les responsabilités des autres, les familles se sentant davantage tributaires de responsabilités que de droits.

M. Rochon (Jean): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui. À mon tour de vous remercier. Je pense qu'il faut vraiment souligner l'appréciation que nous avons. Vous représentez plus de 400 familles et vous êtes à même de nous donner des conseils, je pense, dans une loi que vous appelez une loi d'exception. Cette loi d'exception, vous dites qu'elle doit être présente dans notre système législatif, puisqu'il y a un manque flagrant de ressources dans la communauté, tant au niveau de la crise que de la réinsertion sociale de la personne atteinte de maladie mentale. J'aimerais vous entendre sur ce manque de ressources. Est-ce qu'on pourrait pallier à des articles de la loi, si on faisait des investissements dans des secteurs, comme vous le mentionnez, des centres de crise ou encore la réinsertion sociale? Est-ce qu'il y aurait des avenues à regarder de ce côté-là ou si l'ampleur de la tâche est trop importante?

Mme Tourangeau (Gisèle): O.K. M. le député, M. le Président, Mme Fradet.

Mme Fradet (Hélène): Oui, effectivement, il y a un manque flagrant de ressources et c'est à plusieurs niveaux. Tant au niveau de la crise qu'au niveau de la réinsertion sociale, ou en termes d'hébergement, en termes de travail, de loisir, il y a une grande panoplie de besoins à ce niveau-là. C'est bien évident, et on en est tout à fait conscients, qu'il y a certains blocs, je dirais, au niveau du projet de loi, qui sont là pour pallier des manques de ressources dans la communauté, et je pense qu'on a un très bel exemple concernant, entre autres, la garde provisoire. Cet article-là vient combler le manque de centres de crise au Québec.

C'est bien évident que ce n'est pas toutes les familles qui vont passer par le biais de la garde provisoire pour faire hospitaliser un proche. Certaines d'entre elles vont aller chercher elles-mêmes une ordonnance, sans avoir recours, entre autres, aux corps policiers pour amener quelqu'un sans son consentement. Si, effectivement, il y avait des centres de crise bien articulés au Québec, qui seraient disponibles sept jours par semaine, 24 heures par jour, où des intervenants pourraient se déplacer dans les familles pour, justement, apaiser, peut-être, la crise et éviter une hospitalisation, je pense que c'est quelque chose qui est envisageable.

Mais, au moment où on se parle, le 18 février 1997, on n'en est pas là, et je pense qu'il faut avoir des options, des crans de sécurité pour pallier à ce manque de ressources là. Et, même si on a une bonne volonté et qu'on écrit noir sur blanc qu'on va en créer, nous, l'expérience nous dit – parce qu'on a vécu, nous, les familles, la désinstitutionnalisation d'une façon assez difficile – l'expérience nous dit que c'est très long à implanter, des ressources comme celles-là, avant qu'elles deviennent opérationnelles. Donc, je pense qu'une de nos préoccupations aussi, et on vous amène à cette ouverture d'esprit là, d'avoir la possibilité de revoir cette loi-là au fil des ans, et qu'éventuellement, si les services sont implantés dans la communauté, effectivement, il pourra y avoir des retraits de mécanismes, comme on le voit actuellement. Ça répond à votre question?

M. Marsan: Oui. Si vous me permettez...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

M. Marsan: Je crois que vous avez fait une déclaration qui signifie beaucoup, je ne sais pas si ça a été reflété dans les journaux: «Ce sont les familles qui ont à combler les nids de poule, actuellement – entre parenthèses – créés par le manque de ressources communautaires destinées aux personnes atteintes de maladie mentale, mentionne la directrice de la Fédération.» Alors, je pense que, là encore, vous confirmez qu'il y a un manque flagrant de ressources dans le domaine de la santé mentale, et on sait qu'on s'apprête à une autre rationalisation dans ce domaine-là, où on tend à viser des normes, là, qui semblent être reconnues, jusqu'à un certain point, où on veut, par exemple, diminuer de moitié le nombre de lits en psychiatrie. Nous, notre inquiétude est à l'effet que les services alternatifs ne sont pas encore introduits. Alors, est-ce que vous avez les mêmes inquiétudes? Est-ce que vous les partagez?

Mme Fradet (Hélène): On partage ces inquiétudes-là. Par contre, on le dit aussi publiquement, la Fédération... ces familles sont d'accord avec le principe. D'ailleurs, on réclame ces ressources-là depuis plusieurs années, mais il faut tout mettre en perspective, je pense. Les gens qui sont présentement dans les institutions sont là depuis longtemps, c'est des cas lourds. M. Rochon a mentionné justement ce matin qu'il y avait également des lits qui étaient occupés par des cas de déficience intellectuelle, donc des personnes âgées aussi. Il y aura un transfert à faire au niveau de ces ressources d'hébergement là.

Mais une préoccupation qu'on a au-delà de l'implantation des ressources pour les 3 000 personnes qui sont actuellement sur les départements de psychiatrie, c'est ceux qui sont actuellement dans la rue et qui sont dans nos familles, et on le sait par expérience que la famille, ce n'est pas le milieu de vie le meilleur pour amener la personne à l'autonomie. Je l'ai répété à plusieurs reprises, les familles sont vieillissantes au Québec. Je pense qu'on ne peut pas leur imposer un fardeau supplémentaire en leur demandant d'être des intervenants de première ligne. Ce n'est pas leur rôle. La famille, c'est un milieu où on est supposé se sentir bien, où il y a beaucoup d'amour, où on a du plaisir à partager. Moi, je vous dis que les familles que, nous, on rencontre, qu'on côtoie, ces familles-là vivent des situations très stressantes. Ça a des impacts également sur la santé physique et mentale de ces familles-là. On a vu des cas... On en voit tous les jours. On pourrait être des heures à vous raconter des histoires, mais je pense que ce n'est pas là l'objectif de notre présence ici aujourd'hui. On veut juste vous démontrer que les familles ne sont pas là pour pallier le manque de ressources dans la communauté, il ne faut pas qu'elles deviennent la voie de service du réseau public.

(14 h 50)

M. Marsan: Je vous remercie beaucoup pour le témoignage et la compréhension que vous nous donnez au rôle de la famille. Je reviens à Mme la présidente, si vous me permettez, et j'aurais deux questions. D'abord, est-ce que vous pensez que, si on veut déjudiciariser, si on veut enlever la notion de tribunal, la Commission des affaires sociales serait une commission appropriée? On sait que la Commission des affaires sociales se déplace déjà dans les établissements. Ma deuxième question, c'est: Par rapport aux agents de la paix, est-ce que vous vous questionnez par rapport au rôle accru qu'on veut donner aux agents de la paix, compte tenu de certaines difficultés qu'on a pu connaître dans le passé?

Mme Tourangeau (Gisèle): M. le Président, M. le député, pour répondre à cette question-là, M. Forest.

M. Forest (André): Je vais commencer peut-être par votre deuxième question au niveau des agents de la paix. J'ai l'impression un peu aussi qu'à l'intérieur de ce projet de loi là on se retrouve à reconnaître des choses qui se produisent déjà. Les agents de la paix sont souvent les premiers appelés lorsqu'il y a des situations de crise dans les familles. On est en train de dire qu'on va peut-être utiliser leur expertise professionnelle. Nous, la seule réserve qu'on a, c'est que ces gens-là aient une formation. On donne comme exemple le rôle accru qu'ont eu à jouer les agents de la paix par rapport à la violence familiale. Voici 50 ans, ça aurait été totalement impensable qu'on intervienne dans des familles où les femmes étaient victimes de violence.

Maintenant, vous savez tout aussi bien que moi que les agents de la paix sont autorisés à le faire et que, même, ils peuvent faire des dépositions, etc. Je pense que, comme société, il y a des débats qui se font et il y a des changements qui doivent être conséquents avec le rôle de certains intervenants. Dans ce sens-là, le fait que des agents de la paix, ayant eu une formation adéquate, soient les premiers appelés, encore une fois dans une situation où d'autres ressources sont inexistantes, ça nous apparaît quelque chose qui est positif, qui permet d'offrir un support ponctuel aux familles.

Pour ce qui est de la question de la Commission des affaires sociales, on en a débattu plus ou moins à l'intérieur de notre Fédération. Ce n'était pas mentionné comme tel, c'est d'autres partenaires qui l'ont proposé. Nous, tout ce qu'on peut vous dire à ce niveau-là, c'est que le moins lourds les processus administratifs ou judiciaires seront, le mieux ça va faciliter la vie des familles. Mais on ne peut pas vous donner une opinion éclairée là-dessus, sur le rôle que pourrait jouer la Commission des affaires sociales en aval ou en amont de ces situations-là.

M. Marsan: Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la députée de Vanier.

Mme Barbeau: Bonjour. Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui pour participer et enrichir cette commission. Moi, j'ai une question que j'ai posée à d'autres groupes, que je vais vous poser à vous aussi. Ceux qui y étaient ce matin l'ont entendue, mais je vais quand même la reposer pour la transcription des débats. C'est que, bon, il y a des groupes de défense de droits, d'aide et d'accompagnement dans chaque région et il y a plusieurs mémoires qui proposent que ces groupes soient reconnus officiellement comme recours. Alors, j'aimerais savoir si vous avez une opinion là-dessus.

Mme Fradet (Hélène): On le dit déjà dans notre mémoire, on croit au bien-fondé de ces groupes de défense de droits là. Par contre, on ne croit pas qu'il soit pertinent de les intégrer à la loi. Je pense qu'ils ont déjà un statut particulier qui fait partie prenante de la politique en santé mentale, et on pense que, plutôt que de les intégrer à la loi, on aurait peut-être intérêt à les faire connaître aux usagers qui sont sur les départements de psychiatrie. Je pense qu'il y a une méconnaissance des organismes communautaires, tant au niveau de la défense de droits qu'au niveau des organismes familiaux, par exemple, et on ne verrait pas très bien que ces groupes-là soient intégrés à la loi.

Mme Barbeau: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. D'autres questions? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, vous soulevez deux problématiques, une qui est, selon vous, le besoin d'interpréter dans leur sens large et la notion de dangerosité et la notion d'imminence. On en a discuté un peu avec la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, ce matin, et, également, la notion du traitement. Si j'ai bien compris votre mémoire – et vous pouvez peut-être me corriger si je suis dans le tort – vous prônez essentiellement une position un peu plus proactive en ce qui concerne un cas de refus de traitement. Vous désirez une limite dans le temps, pendant laquelle quelqu'un qui est mis sous garde peut refuser un traitement et, par la suite, entamer des procédures judiciaires. Est-ce que j'ai bien saisi?

Mme Tourangeau (Gisèle): Oui, tout à fait.

M. Copeman: O.K. Alors, la différence fondamentale dans ce qui existe présentement, c'est que vous suggérez de continuer à opter pour la nécessité ou le bien-fondé de la cour de statuer sur un refus de traitement, mais vous désirez la possibilité que ce soit circonscrit dans le temps. J'ai bien saisi?

Mme Tourangeau (Gisèle): Voilà.

M. Copeman: O.K. À quel moment... Qui prend cette décision pour vous, là? C'est qui qui va déterminer, au moment propice... Est-ce que c'est... Selon vous, est-ce que c'est obligatoire après x nombre d'heures ou c'est sur recommandation des médecins traitants? Est-ce que la famille est impliquée, etc.? C'est une question.

L'autre question. Vous citez ou vous faites référence à une étude, à la page 11 de votre mémoire, concernant le pourcentage des personnes admises involontairement et qui avaient refusé des traitements. Je ne sais pas si vous pouvez peut-être élaborer là-dessus aussi? Parce que la façon dont il est abordé dans votre mémoire, ça varie entre 22 % et 48 %. Il me semble une variation assez importante de cette étude-là.

Mme Tourangeau (Gisèle): O.K. Bon. M. le député, merci. M. le Président, pour répondre à cette question-là, Mme Fradet ou Monsieur...

Mme Fradet (Hélène): O.K. Donc, dans un premier temps, au niveau du refus de traitement, le 96 heures, les familles nous ont fait part de ces préoccupations-là, et je m'explique. Il n'est pas rare de voir des individus qui sont amenés en cure fermée ou garde en établissement, O.K., et qui refusent le traitement, qu'on voit stagner sur les départements de psychiatrie deux, trois semaines et, tout à coup, la cure se lève, l'individu s'en va et se retrouve au point de départ, case départ. On se retrouve à la case départ.

Autre scénario... Donc, là il passe 15 jours, trois semaines. Autre scénario possible: l'individu refuse le traitement et les psychiatres, plutôt que de monter à la Cour supérieure pour obtenir le traitement, qui est une démarche quand même assez laborieuse, coûteuse pour l'établissement, vont lever la cure de l'individu, donc, case départ.

Nous, ça nous préoccupe et on se dit: Tant qu'à amener tout ce processus-là, à amener l'individu... Je pense que c'est aussi une question de conscience sociale, je vous dirais. Je pense que c'est inadmissible qu'on voie des gens en psychiatrie et qui sont dans des états psychotiques retourner à la rue sans soutien, sans suivi, et c'est la préoccupation des familles. Le délai de 96 heures, évidemment, on est très sensible au fait que, si la personne accepte elle-même de prendre ses médicaments et comprend les raisons, le traitement va déjà être beaucoup plus facile et sûrement plus efficace, et de là notre délai de 96 heures. C'est bien évident que les familles ne seront pas là pour statuer sur le 12, 24 ou 96. Il en appartient à ce moment-là, je pense, à l'équipe soignante, et c'est notre rationnel pour amener les gens vers le traitement.

(15 heures)

En ce qui concerne l'étude, maintenant, évidemment on amenait ça aussi pour mettre en relief le fait que les gens vont parfois refuser le traitement sur des motivations irrationnelles, vont avoir très peur, une peur démesurée du traitement. On est aussi conscient que le traitement, ce n'est pas facile. Moi, demain matin, amenez-moi sur un département de psychiatrie et je vais vous dire que je vais être possiblement très stressée aussi de ce qu'on va m'administrer. Ça aussi, c'est un autre bout de chemin à faire, je pense, au niveau de l'approche. Il va falloir que les médecins, les infirmières, l'équipe soignante soit plus proche de la personne qui est atteinte et lui explique c'est quoi: c'est quoi qu'elle prend, c'est quoi, les effets secondaires que ça va occasionner. Parce qu'on en voit, des gens qui ont des effets secondaires très, très marqués, et on peut comprendre les raisons qui les amènent à arrêter cette médication-là.

Mais je pense que, justement, on est dans un virage et c'est important de ne pas le manquer. Il faut que les gens... Il faut humaniser notre système, je pense. La psychiatrie, c'est vu comme des pilules, et on trouve ça bien triste, nous, parce que les parents ne croient pas que les médicaments, à eux seuls, peuvent régler le problème. Je pense qu'on croit beaucoup, nous, au niveau de l'approche biopsychosociale, et il faut que ce soit ensemble, un ne va pas sans l'autre. Par contre, le milieu hospitalier, évidemment, fait référence au traitement médical, et il faut apprendre, je pense, à changer nos pratiques.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

Mme Fradet (Hélène): Je ne sais pas si ça répond à votre question?

M. Copeman: Ce que j'essaie de comprendre, c'est que... Parce que vous avez admis dès le début que c'est une loi de mesure d'exception...

Mme Fradet (Hélène): Oui.

M. Copeman: ...et, moi, je suis très sensible, comme législateur, à la nécessité de tout tenter de balancer, les droits fondamentaux des individus avec la notion de traitement obligatoire, etc., et la Commission des droits de la personne nous a mis en garde en ce sens-là. Moi, j'essaie de comprendre – peut-être que ce n'est pas vous qui allez me donner la réponse définitive – est-ce que la suggestion que vous faites est méritée, dans le sens peut-être même du nombre de cas réels qui refusent le traitement, ou est-ce que... C'est ça que j'essaie de comprendre. Est-ce que, vraiment, 22 % ou 48 % des gens qui sont mis en garde, soit en cure fermée, ils refusent vraiment? Est-ce que c'est le moyen... Est-ce qu'il est nécessaire, votre moyen? C'est ça que j'essaie de comprendre. Je sais que ce n'est pas facile à répondre, mais c'est la balance des choses qu'on essaie de voir.

Mme Fradet (Hélène): Bien, on aimerait bien vous apporter des chiffres; je n'en ai malheureusement pas. Ce qu'on vous apporte, c'est du vécu. C'est du vécu par le biais de 6 000 familles qui sont membres chez nous. Nous, on n'a pas les moyens techniques, actuellement, pour faire des études de cet ordre-là. Par contre, moi, je peux vous dire que M. Tremblay, de l'Abitibi, qui appelle et qui dit: J'ai rentré mon fils en cure fermée, il a refusé le traitement et il frappe encore à ma porte, je ne sais plus quoi faire, nous, ça nous préoccupe. Quand, moi aussi, j'entends un père de famille qui me dit: Écoute, Hélène, j'ai dû attendre que mon fils me frappe pour faire intervenir quelqu'un, c'est inhumain. On ne peut pas demander ce genre de tolérance là aux familles. Et c'est à ce niveau-là, le traitement, notre préoccupation du traitement. Ce n'est pas un traitement à vie, là, pour nous, cette obligation d'intervenir après 96 heures. C'est du court terme, mais on parle de situation de crise, là. Je ne vous parle pas de quelqu'un avec qui on peut discuter, comme on le fait aujourd'hui. Je vous parle de quelqu'un qui est déconnecté, qui est débranché de la réalité. On parle de situations extrêmes. Et moi, les familles, je pense...

M. Copeman: C'est l'accusation qui est souvent faite avec le politiciens.

Mme Fradet (Hélène): Sans commentaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Lévis.

M. Garon: Moi, je vais vous donner un exemple concret, là, que j'ai connu, et j'aimerais... Je ne vois pas comment ça marche dans les hôpitaux à ce point de vue là. Quelqu'un sort de l'hôpital, et tout le monde a convenu qu'il avait un traitement, lui aussi. Il ne prend pas son traitement; quand il ne le prend pas, il devient agressif, il attaque quelqu'un. Moi, j'ai eu l'occasion, dans ce cas-là, d'appeler le psychiatre. Il a dit: Ah! le problème, c'est qu'il n'a pas pris son traitement. Sauf que moi, dans les cas que j'ai pu connaître, ça faisait au moins six ou sept fois qu'il attaquait quelqu'un, à la carabine, ou au couteau, ou avec d'autres moyens. Ça prend combien de fois, pour un hôpital, pour comprendre que la personne a décidé, quand elle sort de l'hôpital, même si elle dit qu'elle va le prendre et qu'elle ne le prend pas... Parce que c'est un danger public qui se promène, là. Est-ce qu'il n'y aurait pas d'autres moyens? Par exemple, que l'hôpital oblige la personne à venir prendre ses pilules à l'hôpital même ou au CLSC? Parce que, à tout moment, si elle décide de ne pas prendre ses médicaments, personne ne le sait que la personne ne les a pas pris.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que quelqu'un de vous autres veut répondre?

Mme Tourangeau (Gisèle): Oui, M. le Président, M. Forest.

M. Forest (André): Je suis très content de vous entendre parler ainsi, monsieur. De fait, je pense qu'il y a deux possibilités. La première, il y a toute la question du suivi communautaire qui ferait en sorte qu'une personne qui comprendrait l'importance de sa médication, et qui aurait un suivi, qui aurait quelqu'un qui pourrait la supporter, et qui l'amènerait à comprendre que ce n'est pas seulement de prendre ses pilules qui va régler ses problèmes, qu'elle pourrait recommencer à avoir une vie qui aurait un certain sens, à ce moment-là, possiblement que ce serait déjà une voie qui lui permettrait peut-être d'éviter ces récidives-là.

L'autre réponse que je vous donnerais, et ça va dans le sens de la question de monsieur tantôt, je pense que les cas de refus de traitement, très souvent c'est les mêmes personnes qui refusent et c'est ça qui encombre le système. Il y a des gens que les policiers amènent à l'hôpital et d'ores et déjà le personnel infirmier sait que la personne, elle va refuser; elle va retourner dans la communauté; elle va recommencer. Et on vit la même impuissance que vous. On se dit: Est-ce qu'il y aurait des mesures législatives plus grandes à prendre, tout en respectant en même temps les droits de la personne? Mais cette personne-là, à notre avis, elle a droit au traitement puis, actuellement, elle n'en a pas, de traitement. Parce que, qu'est-ce qu'on dit, c'est: Si tu ne veux pas prendre des médicaments et si tu ne mets pas en danger ta vie et celle d'autrui, on te laisse aller. Et, une fois que tu es dans la communauté, de fait, si tu menaces quelqu'un avec une arme, on te ramène, mais, s'il n'y a pas de danger imminent immédiat, tu vas ressortir.

Parce que ce qu'on nous dit comme discours, dans le milieu hospitalier, c'est: On n'est pas des prisons, on n'est pas des centres de détention, on est des centres de traitement. Si les gens ne veulent pas se faire traiter, on ne peut pas les garder contre leur gré. Mais ça amène des situations, dans certains cas, comme celle que vous décrivez, et on n'a pas évidemment de réponse. On aimerait pouvoir réconforter la population avec des réponses. Parce qu'un des enjeux qu'on voit actuellement, c'est malheureux à dire, c'est que, si on ne réussit pas à conforter les familles et la population en général par rapport à la qualité et à la sécurité du traitement, on croit que les préjugés envers les personnes atteintes de maladie mentale vont aller en augmentant dans la population. On va associer de plus en plus le danger à la personne qui souffre de maladie mentale, ce qui n'est pas le cas. C'est une infime minorité de gens qui souffrent de maladie mentale qui sont dangereux, mais, si la même personne, celle dont vous parlez, fait six, sept fois des coups, on va travailler au niveau de l'imaginaire collectif puis on va se retrouver avec un problème. Alors, votre question, on la partage, puis on se dit qu'il faudrait y trouver une réponse.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin, pour la conclusion.

M. Marsan: Oui. Bien, sûrement vous remercier bien sincèrement pour le témoignage que vous nous apportez aujourd'hui. Vous êtes les témoins privilégiés. Vous aimez les patients qui sont atteints de maladie mentale, mais je retiens également le message que vous nous avez passé sur le manque de ressources, que ce soit au niveau de la réinsertion sociale ou au niveau des centres de crise.

Et, par rapport à cet autre virage qu'on veut faire encore, eh bien, je pense que ce serait très, très important d'être certain que les investissements vont être faits avant de procéder aux fermetures de lits. Alors, un gros merci pour la qualité de vos témoignages et de votre présentation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre, pour votre conclusion.

M. Rochon (Jean): Oui. Alors, je vous remercie beaucoup aussi. Je pense que votre témoignage va nous être précieux, là, pour le projet de loi aussi. Mais vous faites beaucoup ressortir aussi qu'un projet de loi comme ça, ça prend son sens en autant qu'il est dans un contexte plus général, qu'il y a des services qu'on améliore et qu'il y a un soutien qu'on apporte de plus en plus aux familles et aux organismes communautaires qui viennent, en complément de ce que peut faire l'hôpital et de ce que peut faire la médication. Ça, on en est très conscient.

Comme vous le savez, au Québec, il y a un bon bout de chemin qui a été fait là-dessus. On s'était donné une politique, en 1989. Il y a des améliorations qui ont été faites, mais on sait qu'il nous reste énormément à faire. Dans les prochains mois, on reviendra... je veux le souligner, là, parce qu'on aura à proposer des orientations ministérielles qui, tenant compte de ce projet de loi là, vont vouloir apporter aussi plus de services, plus de soutien aux familles et aux groupes communautaires, de sorte qu'on ait la gamme complète, à un moment donné, d'interventions et de services.

Alors, le projet est important, mais on ne peut pas demander au projet de loi de donner plus que ce qu'il ne peut donner. Mais soyez assurés qu'on va suivre avec le reste aussi.

(15 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mesdames, monsieur, merci beaucoup au nom de la commission. J'invite maintenant la représentante et les représentants de l'Association des groupes d'intervention en défense de droits en santé mentale du Québec à se présenter.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. Vigneault, vous pouvez présenter les gens qui vous accompagnent et procéder à votre présentation de 20 minutes.


Association des groupes d'intervention en défense de droits en santé mentale du Québec (AGIDD-SMQ)

M. Vigneault (Luc): D'accord. Alors, je vous remercie, M. le Président. Nous avons, à l'extrême droite, ici, M. Patrice Bérubé, qui est un usager et président du groupe régional de promotion et de défense de droits du Bas-Saint-Laurent, Mme Hélène Lisak, qui est une usagère, qui est présidente de l'organisme régional de promotion et de défense de droits de Lanaudière qui est Pleins droits Lanaudière; à l'autre extrémité, ici, j'ai M. Paul Morin, qui est coordonnateur du groupe régional de promotion et de défense de droits de la Montérégie, et M. Mario Bousquet, qui est coordonnateur de l'AGIDD-SMQ.

Alors, j'aimerais, M. le Président, avant, mentionner qu'il y a présentement 300 à 400 usagers qui manifestent à l'extérieur du parlement. Je peux vous dire que, s'ils étaient en garde élastique, ils ne seraient pas ici aujourd'hui. Je ne pense pas qu'on les aurait laissés sortir pour ça, mais ils sont présentement là pour manifester leur mécontentement. Ils désapprouvent le projet de loi n° 39. Cependant, les usagers m'ont demandé quand même... Vous savez que l'AGIDD-SMQ – je l'ai mentionné avant – regroupe les groupes régionaux en défense de droits, les comités d'usagers dans des centres hospitaliers et des groupes d'entraide qui ont un volet promotion vigilante. On a 44 membres, on est dans les 15 régions du Québec.

Donc, ceux que j'ai eu le privilège de rencontrer ont tenu quand même à transmettre au ministre Rochon leurs remerciements les plus profonds, car il a été l'investigateur de la primauté de la personne au Québec. On s'en souvient, quand il y a eu la commission Rochon puis le rapport Harnois, il a été le premier, je pense, à reconnaître cette primauté de la personne, et ça, on lui en est très reconnaissant.

Ensuite, nous aimerions également souligner que, suite à la politique de santé mentale de 1989, la formation Droits et recours en santé mentale est intégrée dans toutes les régies régionales et, ça aussi, nous tenons à vous en remercier. Nous tenons également, M. le Président, à souligner que le mémoire a fait l'objet d'une consultation auprès de 700 usagers et usagères, 700 personnes qui ont été victimes d'une cure fermée involontaire, et je pense que ces personnes-là savent de quoi elles parlent. Donc, elles ont été consultées à travers la province de Québec.

De plus, elles tiennent à vous mentionner que cette loi d'exception importante, quand même, concerne 20 % de la population au Québec. Quand on sait que 20 % des gens ont des problèmes de santé mentale, ça pourrait les concerner, eux aussi.

Ensuite de ça, M. le Président, ce qu'on tient à dire aussi, on déplore que la notion de dangerosité soit associée à des problèmes de santé mentale. On le déplore beaucoup. On tient également à vous mentionner qu'on ne veut pas être enfermés, mais on veut être traités de façon humaine et non de façon barbare, attachés sur un lit. En d'autres termes, nous tenons à souligner le courage politique de M. Rochon pour amender la Loi sur la protection du malade mental, mais nous ne voulons pas non plus être traités de façon distincte dans notre belle société distincte. Nous voulons un traitement égal aux autres.

Ensuite, j'aimerais rappeler – c'est parce que j'ai écouté M. Rochon ce matin – que les fous crient encore au secours, M. Rochon. Vous disiez que c'était fini, mais je pense que vous devriez venir faire un tour dans les ailes psychiatriques, parce que ce n'est pas fini. Moi, j'ai été injustement attaché, on m'a battu à coups de pied, à l'aile psychiatrique – les préposés – alors ça se fait encore. Pour moi, ce n'est pas traiter quelqu'un, ça; pour moi, c'est agir en sauvage, et ça existe encore au Québec, M. Rochon. Alors, je tenais à vous le souligner. Là-dessus, je vais passer la parole à M. Bousquet.

M. Bousquet (Mario): Alors, on va revenir au mémoire, à la page 4. On parle d'un contrôle social maquillé en protection. Comme l'a reconnu la commission Castonguay-Nepveu, il est hasardeux de juger de l'évolution des maladies mentales, car les critères d'évaluation varient beaucoup d'une époque à l'autre et sont fortement teintés des valeurs culturelles qui ont cours. Cette constatation a été reprise telle quelle par la commission d'enquête sur les services de santé et les services sociaux. Ce nécessaire passage de la biologie à la culture devrait donc imprégner nos modes d'intervention en santé mentale, comme l'a explicitement recommandé le Comité de la santé mentale du Québec. En toute logique, ce passage aurait dû aussi avoir des répercussions au niveau du droit et remettre en question le paradigme de l'internement qui, depuis un siècle et demi, a constitué le rapport, jusqu'à aujourd'hui dominant, entre souffrance psychique et société moderne. D'autant plus qu'il y a été amplement démontré par les recherches les éléments suivants: le concept d'état dangereux ne résiste pas à une observation sérieuse et prolongée; la dangerosité existe d'une manière moins certaine, sa prédiction n'est pas, sauf exception, certaine.

D'ailleurs, au Québec, dès 1978, un comité de révision de la Loi sur la protection du malade mental reconnaissait que la démonstration a été faite de l'incapacité du psychiatre de prédire la dangerosité. Le législateur a quelque peu tenu compte de cet état de fait au nom du principe fondamental de la liberté, en renforçant les règles procédurales lors d'une audition pour une ordonnance d'examen psychiatrique et garde obligatoire. Cependant, deux prémisses fondamentales découlent de la formulation actuelle. La loi demande au psychiatre de prédire l'apparition éventuelle, chez le malade, d'un comportement dangereux ou sa répétition; nulle part la loi ne définit ce qu'est un état mental dangereux pour la santé et la sécurité de la personne ou pour autrui. Selon les usagers et usagères, ces deux prémisses ont préséance sur le droit à la liberté et font en sorte de maintenir les préjugés envers les personnes psychiatrisées par le maintien du lien dangerosité et troubles mentaux.

Comment veut-on que la population modifie sa façon de se comporter envers ces personnes et admette que les troubles mentaux sont un problème de santé au même titre que les autres, quand l'on maintient une loi d'exception découlant de l'association dangerosité et troubles mentaux? Ces personnes ne peuvent donc devenir des citoyens ou citoyennes comme les autres, elles sont cantonnées dans un statut de citoyen de seconde zone. Nous affirmons donc haut et clair que l'État québécois a fait fausse route en perpétuant la trilogie état mental-examen psychiatrique-dangerosité. Ce faisant, afin de camoufler ce qui est véritablement une loi d'exception, c'est-à-dire un instrument de contrôle social, le législateur réfère à la protection des personnes atteintes de maladie mentale.

En agissant ainsi, l'État perpétue d'une double façon le processus d'exclusion de ces personnes. Le stigma social se renforce, car les gens ne sont pas dupes. La dangerosité l'emporte sur le besoin de protection. De plus, ce choix s'inscrit en porte-à-faux avec la politique de santé mentale puisqu'en continuant à utiliser la psychiatrie comme un instrument de contrôle social l'État doit s'appuyer sur un modèle d'intervention psychiatrique de tendance biologisante. Comment pense-t-on alors réussir l'opération de reconversion du réseau de services? La contradiction est inscrite au coeur même de l'opération. Qui paiera encore la note? Malheureusement, les usagers et usagères, encore une fois.

Le nécessaire encadrement de l'examen psychiatrique. L'encadrement de l'évaluation psychiatrique est accueilli très favorablement par les usagers et usagères consultés, mais apparaît comme insuffisant et biaisé, tant au niveau du contenu que de la forme. L'AGIDD appuie donc le principe de l'encadrement de l'examen psychiatrique, mais estime trop limitées les mesures proposées. En effet, les témoignages confirment les anomalies constatées par une récente recherche de Pro-Def Estrie. Il est d'usage d'entendre des expressions comme celles-ci: «Jamais je n'ai été mis au courant qu'on m'évaluait»; «Ç'a été fait dans le cadre de porte, je ne m'en suis jamais rendu compte.»

C'est pourquoi nous demandons que l'article 3, alinéa 2° soit modifié par l'ajout de «la durée». Il se lirait donc comme suit: «la date et la durée de l'examen». L'AGIDD recommande également que le psychiatre ait l'obligation d'informer la personne qu'il va procéder à un examen. Les usagers et usagères ont aussi réagi vivement à la proposition de laisser l'évaluation de la dangerosité, rapport déposé ultérieurement au tribunal, à un seul psychiatre, et ce, malgré l'insatisfaction de la procédure actuelle. Les usagers et usagères souhaitent donc le maintien des deux évaluations psychiatriques afin d'éviter les abus, car cela donne beaucoup de pouvoirs à un seul médecin et multiplie les chances d'erreurs.

Toutefois, afin de rompre la pratique actuelle de la concordance des deux rapports psychiatriques, l'AGIDD demande que la première évaluation ne soit pas accessible au deuxième psychiatre et qu'il n'y ait aucun échange d'information sur le dossier entre les évaluateurs, ceci afin de favoriser une plus grande objectivité de sa part.

(15 h 20)

Le contenu du rapport a soulevé également de nombreuses inquiétudes. Pourquoi le diagnostic devrait-il être considéré comme un élément essentiel, tel que spécifié à l'article 3, alinéa 3°? Que cela apporte-t-il de plus au juge? Les usagers et usagères connaissent trop bien ce poids du diagnostic. L'AGIDD demande donc le retrait de l'article 3, alinéa 3°. L'article 3, alinéa 4°, quant à la gravité de la maladie et à ses conséquences probables, a soulevé des interrogations de la même espèce. L'article 29 du Code civil du Québec nous apparaît suffisant et nous ne voyons pas pourquoi l'évaluation devrait être à ce point précise au niveau de la maladie et de ses conséquences probables. Nous sommes ici au niveau de l'évaluation de la dangerosité et non d'une ordonnance de traitement. Cela risque seulement de nuire à la personne lorsque viendra le temps, pour le juge, de rendre sa décision. L'examen psychiatrique doit être centré seulement sur l'évaluation de la dangerosité, et rien d'autre. L'AGIDD demande donc le retrait de l'article 3, alinéa 4° de toute référence à la gravité de la maladie et à ses conséquences probables.

Finalement, les usagers et usagères ont démontré beaucoup de réticences et de méfiance envers la cueillette des propos des tiers. Ils craignent les règlements de compte et de faire l'objet d'abus, compte tenu des préjugés.

Nous comprenons qu'il s'agit des faits et non des opinions, ce qui est un gain par rapport à la pratique actuelle. Cependant, cela demeure du ouï-dire, et son inclusion dans le rapport psychiatrique remis à la cour nous préoccupe grandement, compte tenu des pratiques actuelles. En effet, ces affirmations peuvent rarement être contestées, puisqu'un grand nombre de témoignages nous révèlent que les personnes ne sont pas signifiées lors de la présentation de la requête par l'établissement. Elles n'ont donc pas l'opportunité d'être présentes à la cour. Les faits rapportés par un tiers prennent donc l'allure d'une preuve en l'absence de toute contestation. Le rapport psychiatrique constitue l'élément clé de la requête de la garde obligatoire présentée par l'établissement.

L'AGIDD demande que le ministère de la Santé et des Services sociaux s'assure que les établissements respectent l'esprit et la lettre du Code civil du Québec afin que ceux-ci signifient à la personne concernée les requêtes présentées à la cour. Les organismes régionaux d'aide et d'accompagnement seront aussi vigilants à cet égard.

Dans l'optique que la primauté de la personne teinte quelque peu le rapport psychiatrique, l'AGIDD-SMQ demande que soit annexée au rapport psychiatrique la version de la personne hospitalisée contre son gré. À tout le moins, il sera alors possible d'y retrouver ses propos sans qu'ils soient déformés par une interprétation clinique. La personne concernée pourra alors écrire un texte qui sera joint au rapport psychiatrique. Si la personne ne peut écrire mais souhaite que l'on retrouve sa version dans le rapport, le psychiatre aura alors l'obligation de faire un compte rendu fidèle des propos de la personne. En tous les cas, la personne concernée doit contresigner le texte attestant de sa version.

M. Morin (Paul): L'agent thérapeutique. Le rôle attribué à l'agent de la paix dans le projet de loi a provoqué des commentaires très négatifs de la part des usagers et usagères. L'agent de la paix risque fortement de devenir une police des familles; on s'entend pour dire qu'il n'a pas la formation nécessaire. De plus, cette mesure fait fi des droits judiciaires reconnus et, ainsi, laisse place à l'arbitraire. La personne concernée est privée temporairement de sa liberté sans qu'un tiers autorisé ne se soit prononcé sur la question. Ces nouveaux pouvoirs sont disproportionnés et rien ne justifie que l'on remette en question l'inviolabilité du domicile. Ce pouvoir indu accordé à l'agent de la paix place la personne dans un état de vulnérabilité extrême vis-à-vis le bon vouloir d'un agent de la paix. C'est celui-ci qui va décider de la pertinence ou non d'agir. Il n'y a ici aucune imagination; le policier devient un agent thérapeutique qui évalue la dangerosité d'une situation. Cette façon de faire risque pourtant de se généraliser.

Celui-ci, le policier, doit être le dernier intervenant et non le premier. En déléguant ce pouvoir au policier, on accentue le pouvoir des familles et des proches. Cela risque de rendre caduque l'utilisation de la requête pour une ordonnance d'examen clinique psychiatrique. Pourquoi s'en servir, si on peut utiliser à volonté la force constabulaire? Les usagers et usagères considèrent que la parole des tiers sera plus considérée par les agents de la paix que celle de l'usager ou l'usagère. L'augmentation du pouvoir délégué à l'agent de la paix ne fait que confirmer notre analyse en ce qui a trait à l'instrument de contrôle social qu'est cette loi. Le rôle dévolu à l'agent de la paix par cette loi d'exception ne peut être toléré dans une société démocratique. L'AGIDD demande donc le retrait de l'article 8.

L'absence temporaire ou la liberté surveillée. L'introduction d'une modification législative d'importance, l'absence temporaire, a, elle aussi, suscité de vives critiques de la part des usagers et usagères consultés. Elle est, d'abord et avant tout, vue comme un outil de contrôle et de chantage, plaçant l'usager ou l'usagère dans une situation stressante de yoyo. Souvent victimes de représailles quand ils revendiquent leurs droits, les usagers et usagères estiment que l'instauration des mesures temporaires constitue pour l'établissement un moyen supplémentaire d'obtenir une conduite dite adéquate. Ceux-ci se sont d'abord interrogés sur la logique d'une telle mesure. Comment peut-on être à l'extérieur des murs si on est encore dangereux?

Nous sommes dans l'ordre d'un danger appréhendé et non plus dans l'ordre d'un danger physique réel, d'un acte récent et manifeste. Une personne apte à faire des sorties de l'établissement ne devrait pas être sous garde. Tel est le principe que nous défendons.

On souligne d'abord à quel point il deviendra facile pour la psychiatrie d'exercer une emprise sur la personne hospitalisée involontairement. Celle-ci, afin d'obtenir un tel congé, devra se soumettre aux quatre volontés du médecin, comme par exemple prendre sa médication. Cela soulève toute la question de l'inviolabilité de la personne. Cette mesure sera utilisée pour obtenir le consentement à des soins qu'une personne aurait peut-être refusé autrement. De même, la non-collaboration à son traitement constituera certainement un motif pour lui refuser un tel congé.

Une autre crainte exprimée est que la durée des gardes pourrait s'allonger. On la garderait pendant une période indéterminée afin de s'assurer que celle-ci continue à prendre sa médication. Cela va encourager le développement de pratiques défensives; la personne est mise sous garde car on peut maintenant utiliser les absences temporaires.

Les usagers et usagères se sont également interrogés sur les conditions qui seront imposées à la personne durant sa liberté surveillée; par exemple: prendre sa médication, rester à tel endroit, revenir à telle heure, ne pas consommer de boisson alcoolique, etc. En fait, exactement comme un prisonnier qui a une sortie de fin de semaine. Une ressource alternative pourrait ainsi se voir proposer d'héberger une personne. Imagine-t-on dans quelle situation cela place la ressource? D'autant plus que des pouvoirs exorbitants sont donnés à toute personne si elle sait que l'absence temporaire a été révoquée par le psychiatre traitant. Celui-ci devient en effet une espèce d'agent de probation qui peut révoquer sans préavis le congé provisoire. Ce pouvoir d'intervention ou de détention octroyé à toute personne nous inquiète grandement et est contraire au respect des principes de justice naturelle.

L'AGIDD s'inquiète également de la reconnaissance de l'expertise psychiatrique contenue dans l'article 12. En effet, le psychiatre devra attester par un certificat motivé que l'absence temporaire ne présente pas de risques sérieux et immédiats pour cette personne ou pour autrui. Comment pourra-t-il le faire, puisqu'il ne peut s'appuyer sur une base scientifique pour faire un tel pronostic? Encore une fois, l'on renforce la trilogie état mental-psychiatrie-dangerosité. De plus, l'on confond une intervention clinique axée sur la réinsertion sociale de la personne avec des mesures de contrôle sociales.

Comme le recommandait récemment le Comité de la santé mentale, il faut soutenir et développer les initiatives dans le milieu. Ces initiatives s'appuient sur des relations de confiance et non des menaces ou du chantage, comme l'a constaté la sociologue Françoise Boudreau, lors de son analyse des mémoires présentés lors d'une consultation en Ontario sur la garde à distance. Cette mesure ne favorise donc en aucun cas la réinsertion sociale et la normalisation. Il n'y a rien de normalisant à vivre le stress d'une telle situation. Vivre en liberté sous condition n'est pas une situation qui doit se propager. L'AGIDD demande donc le retrait de l'article 12.

M. Bérubé (Patrice): Bonjour. Je veux vous remercier pour les usagers, qu'on puisse prendre la parole en leur nom. C'est peut-être une primeur, puis je trouve ça... Je remercie M. le ministre et le président qu'on puisse le faire. C'est ça. Au niveau de ce qu'est l'article 24, on a intitulé ça «La codification de l'inqualifiable». En lisant, vous allez peut-être comprendre pourquoi on dit ça comme ça. C'est que les usagers et usagères sont outrés que l'article 24, ayant trait aux dites mesures de protection, soit inclus dans un projet de loi. Cela est perçu comme un retour à la barbarie.

Un premier point: Que fait une telle mesure dans une loi d'exception alors que son principe d'application le dépasse largement? Il semblerait que l'on viserait à mieux protéger les personnes soumises à des mesures d'isolement et de contention. Cependant, les témoignages recueillis vont en sens opposé. Les usagers et usagères sont très inquiets et interprètent l'ajout de cet article comme une validation de mesures extrêmes et contraignantes. Personnellement, j'ai vécu cette expérience-là, puis je me joins fortement lorsque le comité des droits de la personne disait que ce serait peut-être utilisable dans les cas de lésions ou d'automutilation. Je pense que ce serait, dans ces cas-là, à l'extrême que ça pourrait être utilisé, vu les répercussions et les impacts que ça a sur la vie d'une personne qui, comme le disait M. le ministre, est très vulnérable lorsqu'on est en milieu psychiatrique.

Plutôt que de s'interroger sur la qualité des services psychiatriques en milieu hospitalier, on privilégie aussi ici de mettre de l'avant des formules qui paraissent protéger les personnes, mais qui, en réalité, légitiment des façons de faire éminemment répréhensibles. Au nom de l'urgence, tout est permis.

(15 h 30)

L'isolement et la contention ont beau être prescrits, les usagers et usagères les vivent comme des mesures traumatisantes de contrôle et de punition et non de traitement. Suite à un traitement, j'ai fait une recherche. Un traitement, normalement, c'est là pour normaliser l'état d'une personne, améliorer sa situation, sa santé, la guérir, puis favoriser une intégration sociale. Est-ce que des traitements de même, vous croyez que ça dirige, ça amène une personne à une meilleure intégration sociale, à se sentir respectée des personnes la traitant et à amener un climat de confiance, je veux dire, si tu subis ces abus-là? Je pense que c'est une interrogation qu'il est important de se poser.

Aussi, en insérant ces mesures dans une loi d'exception, le message transmis est tout, sauf normalisant. Comme exemple, on a, en avril dernier, lorsque le Curateur public a informé la population qu'il poursuivait l'hôpital psychiatrique de Rivière-des-Prairies pour avoir négligé de prendre tous les moyens nécessaires pour protéger l'intégrité et la sécurité d'une personne lors d'une mise sous contention, Mme Fontaine, la Curatrice publique à l'époque, était citée comme se questionnant sur l'usage de la contention beaucoup trop répandu.

Aussi, moi personnellement, je veux dire, au nom des usagers aussi, c'est que j'aimerais attirer l'attention sur ces mesures-là... l'attention et la considération accordées à l'usager nécessitant le recours à de telles mesures. Sont-elles déterminantes en regard des résultats visés et assurent-t-elles le respect de la dignité de la personne? Et est-ce qu'on voit aussi l'impact que ça peut avoir à long terme sur cette personne-là, mais à court terme aussi?

Je vais passer à la proposition. C'est que nous autres, le mouvement l'AGIDD, on demande donc le retrait de l'article 24 et la mise sur pied d'un groupe de travail, au niveau ministériel, composé de divers acteurs, comme le MSSS, l'AGIDD-SMQ, le Comité des usagers, le Protecteur du citoyen, le Curateur public. Ce comité analyserait toute la problématique de l'isolement et de la contention et se pencherait sur les alternatives à leur utilisation.

Je vais passer la parole à Mme Hélène Lisak.

Mme Lizak (Hélène): Il faut donner plus de pouvoirs aux groupes régionaux, renforcer le droit à l'accompagnement. Le groupe devrait être informé de la situation de la personne. Les personnes en crise sont seules. Souvent, elles reçoivent les informations et ne s'en souviennent pas. Elles ne peuvent penser à se défendre, il faut aller au-devant de leurs besoins.

Nulle part ne sont inclus dans le projet de loi les délais de présentation d'une requête de garde obligatoire. Ceci constitue selon nous un vide juridique important, laissant trop de latitude aux établissements dans la présentation d'une requête. De plus, de récents jugements nous portent à croire qu'il y aurait tout lieu de circonscrire cette période. Nous demandons donc un ajout à l'article 13, alinéa 2°: «si la personne ne consent pas à la garde obligatoire, l'établissement doit présenter une requête dans les sept jours de l'admission ou de l'ordonnance d'examen clinique psychiatrique».

Compte tenu du caractère flou et imprécis de la notion de danger imminent, introduite à l'article 7, car elle laisse place aux abus de pouvoir, l'AGIDD demande que celle-ci soit définie comme suit: «tentative de s'infliger ou d'infliger à autrui des lésions».

La reconnaissance, à l'article 11, du droit pour la personne sous garde de ne pas être transférée sans son consentement est un acquis considérable pour les usagers et usagères, compte tenu que la pratique actuelle de la sectorisation bafoue le libre choix de l'individu. Par exemple, un usager hospitalisé contre son gré dans un établissement, en vertu d'une ordonnance d'examen clinique psychiatrique, a été transféré dans les heures qui ont suivi son arrivée, ce malgré l'ordonnance du juge qui, à la demande des parents, avait inscrit sur le jugement «dans un autre hôpital que celui de son secteur». Cette façon de faire serait désormais illégale.

Ce qui nous amène à la disparition de l'article 32 de la Loi sur la protection du malade mental prévoyant des amendes pour tout établissement ne respectant pas les termes de la loi. L'AGIDD demande que cet article soit maintenu et que les pénalités maximales prévues soient majorées à 10 000 $.

Finalement, l'AGIDD appuie le principe émis à l'article 22; il ouvre la possibilité pour l'usager ou l'usagère de contester devant la CAS toute décision prise à son endroit en vertu de la présente loi, comme par exemple le transfert d'une personne sans son consentement.

M. Vigneault (Luc): M. le Président, deux minutes à M. Bousquet.

M. Bousquet (Mario): Une proposition très importante qu'on a passée: l'AGIDD demande que le projet de loi reconnaisse l'apport des organismes régionaux d'aide et d'accompagnement ainsi que des comités d'usagers en hôpital psychiatrique en les incluant dans le document d'information sur les droits et recours d'une personne sous garde quant au droit de communiquer confidentiellement et au droit d'être accompagnée devant la Commission des affaires sociales. Nous demandons aussi l'inclusion dans le projet de loi des deux articles suivants: Le ministre doit pour chaque région ou hôpital psychiatrique désigner un comité d'usagers ou un organisme communautaire à titre de service de conseillers en défense des droits pour les personnes sous garde. Le service de conseillers a pour fonctions de rencontrer les personnes sous garde qui le désirent, de discuter avec elles, de les conseiller et de les aider.

Malgré le premier alinéa de l'article 59 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, le directeur général d'un établissement ou toute personne qu'il désigne à cette fin doit faire parvenir au service de conseillers un avis de chaque décision d'un médecin d'admettre une personne sous garde ou de prolonger cette garde, de chaque requête dont il a été avisé et qui est présentée à la Commission des affaires sociales à l'égard de cette personne. Et finalement, un conseiller a le droit, à toute heure convenable, de rencontrer une personne sous garde et de discuter avec elle.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant M. le ministre à commencer l'échange.

M. Rochon (Jean): Alors, merci beaucoup. En ce que venant d'un témoignage... venant de la part de gens qui connaissent de très près le problème et des situations malheureuses comme celles que vous avez rappelées nous touche beaucoup. Soyez assurés que l'intention qu'il y a derrière ce projet de loi là et l'ensemble des mesures qu'on souhaiterait prendre et qu'on va... sur lesquelles on aura d'autres consultations dans les prochaines semaines pour réussir à mieux appliquer ce qu'est la politique de santé mentale que le Québec s'est donnée et apporter plus de services aux gens dans leur communauté, dans leur famille. C'est vraiment ce qui est visé.

Donc, comme je le disais en concluant avec le groupe qui vous a précédés, le projet de loi est important, mais on ne peut pas penser que ce n'est que ça ou essentiellement ça qu'est l'action que le gouvernement doit prendre, que les groupes doivent prendre et, comme société, qu'on doit prendre. Il faut vraiment le mettre dans son contexte.

Et là, je pense que je sens très bien vos préoccupations. J'essaie de voir, de vérifier une chose avec vous. Si on voit les amendements qu'on a faits à notre Code civil, ce projet de loi là qui a en commun les objectifs de faire un meilleur arrimage et une harmonisation avec le Code civil, est-ce que vous sentez aussi qu'il y a d'abord une préoccupation de protéger les droits des gens qui ont à vivre un moment avec un problème d'une maladie mentale et de s'assurer que leurs droits vont être protégés, ne seront pas violés? Et que, si une personne...

Une première question, ce serait de déceler... Est-ce que vous êtes d'accord qu'il peut arriver des situations où une personne a besoin d'être protégée parce que son comportement peut présenter un risque pour elle-même et pour son entourage? Je suis d'accord avec vous que ce n'est pas... Ça, il faudra voir, là. Je ne pense pas que le projet de loi voulait associer un comportement dangereux ou la dangerosité uniquement à une situation de maladie mentale. Ça peut être le cas de quelqu'un qui est ivre, ça peut être le cas de quelqu'un qui est sous l'influence de drogues. Il peut y avoir beaucoup d'autres raisons aussi. Ce cas-ci, c'est de tenter de protéger les droits du malade mental et la personne comme étant une des situations qui peut... qui ne ferait pas nécessairement, mais qui peut mener à une situation comme ça. Ce qu'on essaie vraiment, c'est d'assurer que cette protection-là puisse se faire, mais qu'elle soit balisée, qu'il y ait des conditions et des façons de faire et qu'il y ait des droits, et je pense surtout au droit du patient à être traité, mais son droit aussi à consentir au traitement, donc son droit à être informé de sa situation et de ce qu'on veut faire. Est-ce que vous êtes d'accord là-dessus, puis vous voulez surtout qu'on travaille des modalités, ou si vous dites, finalement, qu'il ne devrait même pas y avoir de législation là-dessus?

M. Bousquet (Mario): Bon. En premier lieu, j'aimerais préciser qu'en 1994, lorsque le Code civil a fait ces modifications, il a changé les termes. On ne parle plus maintenant de «cure fermée» mais bien de «garde en établissement» pour ne plus confondre, à notre avis, l'élément de la dangerosité à l'élément du traitement. Depuis ce matin, on entend beaucoup de témoignages qui vont dans le sens d'aider les personnes qui ont besoin d'un traitement, obliger les personnes d'avoir besoin d'un traitement.

Nous, on dit: C'est une loi d'exception qui concerne la dangerosité et ça a des impacts incroyables auprès des personnes, de se faire mettre en garde en établissement ou en cure fermée. Écoutez, il y a plein d'exemples qu'on voudrait vous donner au niveau de l'impact. Ce n'est pas... On veut bien démontrer, ce matin, par des exemples que vivent les parents ou les hôpitaux, ou tantôt les psychiatres, de situations qui sont des situations du quotidien. Là, je fais appel à des situations qu'on a déjà vues et vécues.

(15 h 40)

Je me souviens, souvent, lorsque j'accompagnais les personnes dites dangereuses, au niveau de l'hôpital, c'étaient des personnes qui vivaient des situations psychosociales. Alors, la femme qui a été battue, qui se ramasse à l'hôpital, à qui on panse les blessures et à qui on fait voir un psychiatre pour voir pourquoi elle pleure, et qu'on l'achemine dans un département de psychiatrie pour dire; Bien, écoutez, tu aurais peut-être besoin d'un peu de repos, on va te donner un antidépresseur... Alors, ces situations-là sont quotidiennes, elle sont souvent, souvent invoquées dans l'accompagnement. Bon, les madames qui sont victimes de cette situation-là reçoivent quelques jours plus tard une requête pour un divorce, et là, bien, la madame, elle dit: Tant qu'à vivre cette situation-là, j'aimerais mieux être morte. Là, on commence les évaluations psychiatriques, et on la met en garde en établissement. Alors, vous voyez les impacts.

Donc, il faut faire attention, sur un projet de loi qui pourrait avoir une application très élastique. Alors, il faut que la loi d'exception demeure une loi d'exception, tel qu'elle était vue par le législateur, au niveau du Code civil, quand il a voulu changer vraiment la philosophie ou enlever toute ambiguïté au niveau de l'élément curatif, en enlevant le mot «cure» pour le remplacer par «garde en établissement».

Alors, ça, c'est très important pour nous, de vraiment faire de ce projet de loi un projet... Évidemment, associer dangerosité à maladie mentale, on le dit en début de mémoire, ça nous cause un gros problème, mais, compte tenu qu'on l'a finalement cantonné au Code civil, on dit: Bien, il faudrait peut-être, maintenant, s'assurer que les balises soient très, très encadrées, afin de ne pas permettre les abus qu'on a vus depuis les cinq ou six dernières années au niveau des groupes régionaux, au niveau de l'accompagnement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui. À mon tour de vous remercier de prendre le temps de venir nous expliquer clairement votre position. Vous êtes à même de bien connaître les situations que l'on peut rencontrer, que ce projet de loi, éventuellement, pourra rencontrer auprès des gens souffrant de maladie mentale.

J'aurais une première question qui s'adresse à l'article 8, où vous souhaitez que le rôle attribué aux agents de la paix, dans le projet de loi... Vous nous mentionnez que ça a provoqué des commentaires extrêmement négatifs. «L'agent de la paix risque fortement de devenir une police des familles. On s'entend pour dire qu'il n'a pas la formation nécessaire.» Et vous faites référence aussi aux cas de Barnabé et Ferraro. J'aimerais vous entendre sur cet article-là. Je pense que c'est extrêmement important pour nous de savoir jusqu'où on peut aller dans un projet de loi, où on souhaite et on veut parler de déjudiciarisation, aussi.

Ma deuxième question, en corollaire, peut-être: Si on veut procéder de façon différente ou qu'on ne veut plus identifier les patients qui souffrent de cette terrible maladie à de vulgaires criminels, parce que je pense qu'il y a eu des cas où ça a été vraiment une association, eh bien, est-ce qu'on peut penser que la Commission des affaires sociales pourrait se substituer aux tribunaux?

M. Morin (Paul): Sur la deuxième question, au niveau de la Commission des affaires sociales, nous, on a déjà, dans une autre commission parlementaire, critiqué le fait que la composition de la Commission, où on est la seule province au Canada où c'est une majorité de psychiatres qu'il y a sur la Commission, c'est deux psychiatres et un avocat. À l'extérieur du Québec, c'est un psychiatre, un avocat et quelqu'un d'autre. Donc, on verrait mal qu'on remplacerait un tribunal impartial par la Commission des affaires sociales qui est un tribunal administratif, qui est composé par deux psychiatres majoritaires, quand on connaît la façon dont ça se déroule au niveau de la Commission des affaires sociales à l'heure actuelle, où les principaux critère de dangerosité, c'est: Est-ce que tu reconnais que tu es malade? Est-ce que tu collabores au traitement? As-tu de l'insight? Est-ce que tu as de l'autocritique? Ça fait que, pour nous, c'est absolument aberrant qu'on ait pu penser à une telle solution. C'est vraiment de la science juridique, de la science-fiction. C'est vraiment tout à fait abominable.

Par rapport à la première question...

M. Bousquet (Mario): Par rapport à la... Bon, de considérer l'agent de police comme un agent thérapeutique, comme on le dit dans le mémoire, il ne faut pas que la police devienne la ligne première. On peut utiliser la police dans des cas de circonstances, mais comme étant l'aide qui va accompagner les autres moyens qu'on a utilisés. Alors, je ne pense pas que la police puisse être le moyen, elle ne peut pas être utilisée sur une ligne de front. Alors, il faut, un peu comme on l'utilise actuellement... c'est-à-dire que, bon, après une ordonnance, si la personne ne veut pas aller à l'hôpital, d'utiliser la force policière, bien, avec tout ce que ça englobe avec la force policière, la formation des policiers qui n'est pas faite... Les cas qu'on vous a cités, Ferraro et Barnabé, en sont assez éloquents. L'intervention n'est pas toujours adaptée aux circonstances. Donc, même avec une formation, nous croyons que le policier devrait être le dernier appelé et non pas le premier.

M. Morin (Paul): Puis, juste en complément, même sans ordonnance, la pratique actuelle en vertu des pouvoirs policiers, des pouvoirs en vertu de la Loi de police, les policiers peuvent intervenir. Je veux dire, si vous êtes... Il fait -20° C dehors et vous êtes pieds nus dans la neige, le policier va vous ramasser et il va vous amener à l'hôpital. Ça se fait déjà. Là où c'est plus problématique, c'est quand il y a des situations où les personnes sont chez elles. Là, effectivement, ça prend vraiment... En principe, pour qu'une police rentre chez quelqu'un, il faut vraiment qu'il y ait une situation de péril extrême où la personne va se suicider ou, bon, le feu est pris.

Mais là, la façon dont, nous, on interprète l'article 8, c'est que, là, le policier, en vertu d'un tiers, pourrait cogner à la porte, puis, même si la personne s'oppose: Je rentre. Et là, le policier fait une évaluation. C'est pour ça que, nous, on dit qu'on tombe dans l'agent thérapeutique et dans la police des familles. Ce n'est pas le rôle des policiers de faire de la thérapie et de faire de l'intervention en situation de crise. Ça n'a pas de rapport. Qu'on laisse ça à d'autres.

M. Marsan: Je ne sais pas si vous permettez, M. le Président... Je pensais qu'au niveau des idées ou des grands principes ce serait une bonne chose d'essayer de judiciariser vraiment toute l'approche, surtout auprès des patients en santé mentale. Je comprends que vous avez des... En tout cas, vous n'êtes pas d'accord avec la formation de la Commission des Affaires sociales, mais est-ce qu'il n'y aurait pas une autre façon, si vous me permettez l'expression, de sortir les patients des tribunaux conventionnels pour vraiment qu'on puisse regarder la problématique qu'ils vivent en santé mentale avec des gens qui connaissent bien cette problématique-là, plutôt que des tribunaux conventionnels? Il me semble qu'il y aurait une avenue ou... Est-ce que, vraiment, vous nous dites aujourd'hui: Non, non, vous faites une erreur si vous allez dans ce sens-là?

M. Morin (Paul): Écoutez, c'est une revendication historique des groupes de défense de droits, que ce soit le groupe Auto-Psy, qui a été le premier groupe de défense de droits qui était venu lors des débats en commission parlementaire, en 1982, sur le Code civil. C'est une revendication historique et, pour nous, c'est un gain majeur qu'on ait déjudiciarisé.

Ceci dit, les groupes d'usagers ont aussi des critiques. Bon. Mais c'est depuis le 1er janvier 1994 que ça se fait, et les usagers ont souvent l'impression que le juge, c'est la présomption de folie qui s'applique et que, par rapport au Code criminel, une personne qui est dite schizophrène, qui va devant le juge, bien, le juge, en partant, il va associer folie et dangerosité.

Comme chercheur, j'ai obtenu une subvention du CQRS pour étudier l'opérationalisation des gardes obligatoires. Nous, ce qu'on dit, c'est: Qu'on regarde la situation actuelle et qu'on fasse une évaluation dans quelques années. Mais ce n'est pas au bout de trois ans qu'on va scraper un processus extrêmement important et qui, pour nous, est un gain majeur, encore une fois. C'est-à-dire que l'usager, contrairement à avant, peut se faire entendre; il peut faire témoigner un psychiatre en contre-expertise; il peut être représenté par avocat. Pour nous, c'est un gain démocratique majeur et on n'est pas prêts à jeter ce gain démocratique majeur au bout de trois ans, là. Il faut faire une évaluation dans quelques années. Laissons le temps faire son oeuvre.

M. Marsan: Une dernière question. Sur le projet de loi comme tel, vous faites vraiment beaucoup de commentaires. Vous dites: Bien, il faudrait soit l'améliorer. À d'autres endroits: Il faudrait le retirer. Votre position globale, est-ce que ce serait vraiment de reprendre le projet de loi, de l'évaluer de nouveau, ou de le bonifier par rapport à ce qui est déjà sur la table?

M. Bousquet (Mario): Je pense qu'il ne faut pas reprendre le processus. Je pense que, nous autres aussi, on souhaitait un changement dans la loi, puis ça fait quelques années que, déjà, il y a quelques propositions sur la table, qu'il y a des gens qui ont été consultés aussi. Il faut préciser que c'est la première fois – et ça, on en remercie le ministre de la Santé – qu'il ose consulter les personnes concernées. Et ça, pour nous, c'est important.

Alors, évidemment, les modifications que l'on propose ne nécessitent pas un remaniement en profondeur. C'est sûr qu'il y a des choses qui... Comme on l'expliquait un peu ce matin, et la Commission des droits de la personne l'expliquait très bien, on est pris entre deux éléments paradoxaux: entre le traitement et la dangerosité, entre ces deux éléments-là. Alors, nous, on dit: Bien, il faudrait peut-être essayer d'enlever tous les éléments légaux puis essayer de voir ça au niveau des valeurs et qu'est-ce qu'on veut, nous, comme société, comme valeurs politiques, donner au niveau de la société.

(15 h 50)

Alors, c'est à ce niveau-là que nous pensons que le ministre devrait acquiescer à nos demandes, puisque présentement l'application actuelle de la loi n'est pas respectée. Parce qu'on a d'emblée, ce matin, reconnu que la pratique de la garde à distance est une pratique quasi courante présentement, alors que la loi ne le permettait pas. On a vu, dans plusieurs circonstances, des éléments à ce niveau-là dans les régions où on appliquait déjà ça. Alors, comment faire confiance maintenant à ceux qui sont pris pour appliquer la loi, si on élargit les balises? Alors, je pense que c'est une loi qui devrait rester une loi d'exception, une loi qui devrait être bien encadrée, puis une loi qui va respecter les droits des personnes. Et ça, c'est important pour nous, et on a proposé plusieurs mécanismes, plusieurs moyens pour y arriver.

Et, juste en terminant, je pense que c'est important, plus on va procéder à la désinstitutionnalisation, plus les personnes vont être isolées dans la communauté et plus ces personnes vont avoir besoin d'être aidées et accompagnées dans leurs démarches ou dans leurs recours. Donc, c'est très important pour nous de préserver et de protéger les droits des personnes. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée de Vanier.

Mme Barbeau: Merci. Bonjour. Je vous remercie d'être ici parmi nous, puis c'est très intéressant de vous écouter aujourd'hui. Je vais reposer une question. Il y en a qui étaient ici ce matin; je pose toujours la même question pour vraiment me faire une bonne idée de ce que vous voulez. Mais là, cette fois-ci, je posais toujours la question: Qu'est-ce qu'on pense que ce soit écrit formellement, une reconnaissance légale? Comme vous êtes un des groupes qui le demandent, je vais vous poser les questions différentes. Vous dites... Bon, vous avez une certaine forme de reconnaissance déjà, je crois, par les régies. J'aimerais savoir pourquoi – il y a plusieurs volets, là, à ma question – une reconnaissance légale? Puis, si j'ai bien compris, vous faites déjà un travail important. Qu'est-ce que ça changerait dans le concret?

Alors, si j'ai bien compris, c'est que vous voudriez que, dans la loi, ce soit écrit quelque chose comme... que ce soit obligé que vous soyez considérés dans le processus. Alors, si c'est ça, j'aimerais savoir comment concilier... Parce qu'on sait que l'autonomie... Bon, la force des groupes communautaires, ça réside beaucoup dans leur autonomie. Donc, si on vous officialise, on vous reconnaît légalement, la responsabilité du gouvernement, c'est d'encadrer un peu cette obligation-là versus la responsabilité envers les citoyens, ça demande un minimum de description: la mission, etc.

Alors, moi, j'aimerais savoir, si c'est ça, comment vous voyez votre rôle puis comment on peut concilier ces deux aspects-là. Nous, notre responsabilité envers les citoyens, c'est de s'assurer... puis ça ne remet pas en cause les compétences des organismes, au contraire. C'est que je trouve que leur force, elle réside dans leur autonomie. Donc, comment on... Si vous avez une opinion là-dessus, j'aimerais l'entendre, si j'ai bien compris ce que vous vouliez, là.

M. Morin (Paul): Oui. Bon, d'abord, juste un premier... Tantôt, les associations de familles ont dit: Pas besoin de donner une reconnaissance légale, les groupes ont déjà un statut particulier. Bon, je vous dirai que ça m'a fait un peu sourire, comme coordonnateur d'un groupe de défense de droits en Montérégie, qui est quand même de 1 300 000 000 habitants, huit départements de psychiatrie. Bon, je ne suis pas un coordonnateur qui fait uniquement de la gestion, je suis dans les départements de psychiatrie, je rencontre les gens. Pas plus tard que cette semaine, par exemple, j'étais dans le principal département de psychiatrie d'un hôpital de la rive sud où deux usagers me disaient: Bien, écoute, on aimerait parler de ton organisme à d'autres personnes hospitalisées, mais on se fait dire: Tes références, tu les gardes pour toi.

Autrement dit, vous voyez à quel point ça peut faire. Des usagers qui connaissent le collectif et qui aimeraient parler du collectif à d'autres usagers hospitalisés aussi dans un département de psychiatrie se font dire par des membres du personnel: Ne parle pas du collectif aux autres, c'est tes références, il ne faut pas que tu en parles. Moi, je dis qu'il y a un maudit problème là, et ça, à sa face même, ça viole la Charte des droits et libertés qui est le fait que l'information doit circuler librement. Ça fait que, quand les usagers en sont rendus à se faire dire: Ne parle pas du collectif, c'est qu'il y a un maudit problème.

Donc, ce qu'on dit, c'est que, en nous donnant une reconnaissance légale, le personnel va être obligé de suivre la reconnaissance légale et, là, on ne pourra pas nous tasser. Écoutez, madame, il y a des départements de psychiatrie, en Montérégie, qui ont même refusé qu'on puisse mettre notre affiche sur le mur. Je n'ai pas de pouvoir, moi, comme coordonnateur, et la régie ne s'en mêle pas: Débrouille-toi avec ton département de psychiatrie. Il y en a qui disent oui, il y en a qui disent non. On est dans l'arbitraire total et ça varie de région en région. Ça n'a pas de bon sens. On découle de la première mesure d'orientation de la politique de santé mentale qui est la primauté de la personne.

On travaille sur le terrain depuis six ou sept ans et on n'a toujours pas plus de pouvoirs de statut. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on n'a pas tant de demandes que ça au niveau des gens qui sont hospitalisés, parce que les gens ne connaissent pas tant que ça le collectif ou d'autres organismes, comme à Montréal, parce que, effectivement, le dépliant ne circule pas, l'information ne circule pas. À partir du moment où on aurait même un mandat proactif, c'est-à-dire qu'on serait aussitôt informés qu'une personne est en garde obligatoire, là on pourrait aller voir la personne. Ça se peut que la personne dise: Je ne suis pas intéressée. Mais, pour l'avoir déjà fait, il y a des gens qui ne sont pas intéressés à contester leur garde obligatoire, mais ça se peut qu'il y ait d'autres problèmes au niveau de l'aide sociale, ça se peut qu'il y ait d'autres problèmes au niveau du divorce. Donc, on serait plus souvent sur le département et on serait à même, effectivement, d'aider les gens.

Nous, on ne veut pas embarquer dans une spirale de conflits avec la psychiatrie. Ce n'est pas ça qui nous intéresse. Ce qui nous intéresse, c'est d'avoir accès aux gens et de savoir si, effectivement, ils nous connaissent et si on peut les aider. On est des organismes d'aide et d'accompagnement, on n'est pas un recours. On n'a pas de pouvoir, nous. C'est la personne qui décide si elle veut nous utiliser. Si elle veut nous utiliser, tant mieux, on va l'aider, on va l'accompagner, on va lui faire connaître ses droits et recours. Mais, à l'heure actuelle, sans statut légal, notre bilan, c'est qu'on n'ira pas bien loin. À la limite, le législateur gaspille de l'argent. C'en est quasiment rendu là, qu'on pourrait dire.

Mme Barbeau: Si j'ai bien compris, vous voulez qu'on vous reconnaisse comme un recours des groupes...

M. Morin (Paul): Non, pas un recours, madame, pas un recours. On est toujours un groupe d'aide et d'accompagnement. Un recours, c'est la Commission des affaires sociales.

Mme Barbeau: O.K.

M. Morin (Paul): Vous êtes en cure fermée, en garde obligatoire, votre recours, c'est la Commission des affaires sociales. La Commission des affaires sociales a le pouvoir de lever la garde obligatoire. Nous, on n'a aucun pouvoir. La personne a un problème avec l'aide sociale, on lui dit: C'est le bureau de révision, c'est la Commission des affaires sociales; on va t'accompagner là-dedans, on va te trouver un avocat, on va t'aider, on va t'outiller. Donc, on est juste au niveau de l'aide et de l'accompagnement. Ce qu'on dit, c'est que le législateur nous donne le moyen d'être, effectivement, la personne, que la personne connaisse notre service, sache qu'on existe. Après six ou sept ans en Montérégie, la grande majorité des gens qui passent en psychiatrie ne nous connaissent pas. Parce que ce n'est pas le personnel qui va parler de nous. Comme je vous disais tantôt, c'est rendu au point que: Tes références, garde-les pour toi. Ça n'a pas de bon sens.

Mme Barbeau: Je veux juste faire une distinction, là. Vous dites que les gens ne veulent pas que vous soyez connus. Si j'ai bien compris, vous voulez comme apparaître dans l'information sur ce point-là.

L'autre point, moi, ce que j'ai compris, d'après ma lecture, c'est que vous voudriez – je veux que vous me corrigiez, là, si j'ai bien lu – que les gens soient comme obligés de faire appel à votre aide.

M. Bousquet (Mario): Non. On reprend, en fait, la recommandation du bilan de la politique en santé mentale. Le comité qui a préparé le bilan d'implantation a fait une recommandation sur laquelle il traduit très bien notre demande. En fait, ce qu'il demande, ce qui est écrit dans le bilan de la politique, c'est la reconnaissance légale du mécanisme d'aide et d'accompagnement en ce qui a trait aux recours – on n'est pas un recours – qui pourraient être utilisés pour les usagers dans le cadre de la révision de la Loi sur la protection du malade mental.

Donc, c'est dans ce sens-là que, nous, on voudrait voir instaurer une reconnaissance légale et qu'on dise que, le mécanisme, il existe et qu'on l'on doit informer la personne que ce mécanisme-là existe et qu'elle peut l'utiliser. On ne veut pas l'obliger à passer par nous, elle a toujours le droit d'appeler un avocat, elle a toujours le droit de se présenter seule, elle a toujours le droit d'appeler ses parents, d'appeler la personne qu'elle désire. Donc, tout ce qu'on veut, c'est une reconnaissance légale pour qu'on puisse, en fait... En plus que c'est une loi d'exception, si on veut vraiment, réellement, protéger les droits des personnes, comme on a pu le démontrer tantôt, il faut absolument s'assurer que ce mécanisme-là soit accessible aux personnes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Messieurs et madame, on est confronté pas mal à une contradiction, quant à moi, c'est celle de la dangerosité – à laquelle vous faites référence – et celle d'une obligation de traitement. Je pense que tout le monde s'entend que ce n'est pas nécessairement la même chose, que... Un groupe qui vous a précédés, ils ont fait le plaidoyer que la dangerosité ou le danger imminent, il faut que ce soit interprété de façon très large pour permettre soit à des proches ou à des parents, et à la société même, d'entreprendre des mesures thérapeutiques même contre le gré de la personne, de façon très large.

(16 heures)

Si j'ai bien compris, vous, vous nous dites pas mal que ça devrait être circonscrit beaucoup plus à la notion de danger imminent, de dangerosité, et là on a cette... pas nécessairement contradiction, mais cette discussion fondamentale à faire. Si j'ai bien compris votre mémoire, malgré le fait que le titre du projet de loi soit sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale, vous, vous ne trouvez pas trop, trop de protection là-dedans, si j'ai bien compris, à porter jugement, comme vous le faites, que le maintien d'une loi d'exception va de pair avec le maintien du contrôle social des usagers, usagères et favorise leur institutionnalisation. Vous le voyez plus, si j'ai bien compris – je veux juste m'assurer que je vous ai bien capté, là – comme une mesure qui permette même dorénavant plus, peut-être, d'institutionnalisation et quasiment moins de protection qu'il existe présentement. Est-ce que j'ai bien saisi votre position?

M. Bousquet (Mario): Oui.

M. Vigneault (Luc): Je pense que – Mario – oui, vous avez bien saisi. Ce qu'il est important de rappeler, ce qu'il y a de changé dans le titre de la loi, c'est qu'on a rajouté le mot «personne». Déjà là, c'est un gain extraordinaire, et, à titre de personne, bien, on fait toujours partie de la Charte des droits et libertés, on a toujours des droits, d'une part. Deuxièmement, le titre de la loi, quant à moi, devrait être la loi sur la garde en établissement. Effectivement, ce n'est pas une loi pour protéger des personnes de ce bord-là, et il faut faire bien attention entre «danger grave imminent» et «traitement». Donc, c'est deux choses qui sont complètement distinctes. Donc, il faut absolument qu'on respecte ces deux pôles-là parce que, si on mêle «dangerosité» et «traitement», bien, là, ça ne marche plus.

M. Copeman: O.K.

M. Bousquet (Mario): Ce n'est pas la même philosophie, si vous voulez, que l'Office de la protection du consommateur. Là, ce n'est pas du tout... Donc, c'est un peu paradoxal, effectivement, qu'on appelle ça une loi de la protection de la personne atteinte de maladie mentale. On aurait tendance à faire le lien avec l'Office de la protection du consommateur.

M. Copeman: Mais, effectivement, qu'est-ce qu'on fait avec une situation de quelqu'un qui est atteint de maladie mentale et qui, de toute évidence, a besoin d'aide, soit un traitement, parce que, je suis bien d'accord avec vous, il faut faire la distinction entre le danger, quant à moi, et la notion du traitement thérapeutique. Selon vous, si on ne doit pas se fier sur la notion de danger imminent pour obliger un traitement, comment est-ce que, comme société, ou comme parent, ou comme proche, on s'assure qu'une personne qui est atteinte d'une maladie mentale reçoit le traitement nécessaire? Est-ce que c'est toujours et uniquement volontaire ou est-ce qu'il y a des situations, même selon vous, où le traitement peut être involontaire sans qu'il soit relié à la notion de danger imminent?

M. Vigneault (Luc): Je pense qu'il faut être à l'écoute de la personne qui ne veut pas être traitée, d'une part. Il faut lui demander pourquoi. Et, souvent, ce qu'elles nous disent, c'est: J'ai peur. J'ai peur de mon psychiatre. Nous ne trouvons pas ça normal que la majorité des usagers aient peur d'une personne qui est là supposément pour les aider, d'une part. D'autre part, la seule solution qu'ils offrent, c'est la pharmacothérapie avec des effets iatrogéniques qui sont insupportables. La dyskinésie, l'acathisie la dystonie, je n'étais plus capable d'endurer ça. Non merci, je n'en veux plus de ça. Quelle alternative as-tu pour moi? Bien, je n'en ai pas d'autres. À ce moment-là, ce n'est pas un refus de traitement, c'est le refus du traitement traditionnel qui est offert dans l'institution, souvent, que l'usager ne veut pas avoir.

Alors, il faudrait voir à cette distinction-là aussi. Il faudrait faire un débat. Il faudrait vraiment, comme société, qu'on se pose des questions: Qu'est-ce qu'on veut faire avec nous, les gens qui sont plus vulnérables dans notre société, qui sont en détresse psychologique? Est-ce qu'on veut les traiter ou on veut les geler puis les attacher dans une chambre? Il va falloir répondre à la question.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. M. le député de Lévis.

M. Garon: Alors, je repose un peu la même question que je posais à l'autre groupe avant parce que vous dites: Définir si on parle de danger imminent, tentative de s'infliger ou d'infliger à autrui des lésions. Vous avez quelqu'un qui est dans l'hôpital, qui est sous traitement, qui accepte les traitements parce que, sans doute, il veut sortir puis il sait bien que, s'il a le traitement, il va sortir puis il se comporte normalement. Le psychiatre dit: Vous pouvez sortir, mais à condition de prendre vos médicaments. Et c'est une personne qui va rentrer plusieurs fois parce que, à chaque fois qu'elle ne prend pas ses médicaments, elle attaque quelqu'un. Elle devient violente puis, s'il y a quelque chose qui ne fait pas son affaire, bien, elle saute sur quelqu'un.

Qu'est-ce que vous feriez dans un cas comme ça? Je comprends qu'un psychiatre s'aperçoit que, quand elle prend ses médicaments à l'hôpital, la personne est correcte, mais, quand elle est en dehors de l'hôpital, bien, à un moment donné, pour une raison ou pour une autre, peu importe la raison, elle cesse de prendre ses médicaments puis elle devient dangereuse pour les autres. Qu'est-ce que vous feriez dans un cas de même?

M. Bousquet (Mario): Écoutez, déjà le législateur a prévu au Code civil et au Code de procédure civile, aux articles 10 et 11 concernant le consentement aux soins, qu'on peut traiter quelqu'un contre son gré. Les dispositions du Code de procédure civile sont très claires: quelqu'un qui a un refus catégorique de prendre sa médication, on peut aller à la cour.

M. Garon: Ce n'est pas ça que j'ai dit, là. La personne, à l'hôpital, elle prend le médicament. Elle est autorisée à sortir, mais il dit: Il va falloir que tu prennes une médication. Puis, à plusieurs reprises, il est arrivé que la personne ne l'a pas prise et qu'elle a été arrêtée parce qu'elle a attaqué quelqu'un. Elle a été réinternée, elle a repris sa médication. Puis, en dedans, bien, il dit: Quand elle prend sa médication, elle est correcte, puis elle sort puis elle ne la prend pas encore sa médication. Peu importe les raisons. Je ne les connais pas les raisons.

M. Bousquet (Mario): Oui, mais, M. le député de Lévis, encore une fois, ça nous renvoie à la réponse et à la pauvreté des services de santé mentale. Beauce-Appalaches, si je me rappelle bien, M. Rochon, c'est la dernière ou l'avant-dernière région du Québec en termes de services de santé mentale par rapport à la disponibilité des ressources de santé mentale, ce qui veut dire que l'hôpital accueille la personne, l'hospitalise, le médecin prescrit des traitements et merci, bonjour, débrouille-toi dans la communauté. C'est ça, fort probablement, que vous avez comme services dans votre région.

M. Garon: Non, non, non.

M. Bousquet (Mario): Bien, écoutez...

M. Garon: Là, je vous dis que, à l'Hôtel-Dieu de Lévis, là, la personne, si elle ne veut pas prendre les médicaments, elle ne sera pas autorisée à sortir parce qu'elle va être dangereuse. Elle l'a démontré à plusieurs reprises.

M. Bousquet (Mario): Oui, mais ça, c'est l'évaluation. L'évaluation que les psychiatres font, c'est qu'on ne peut pas garder cette personne-là indéfiniment ou encore que les psychiatres ne sont pas prêts, que l'hôpital n'est pas prêt à aller chercher un ordre de cour pour traiter cette personne-là. Donc, on est confronté à une opinion professionnelle des psychiatres qui estiment que cette personne-là peut vivre dans la communauté avec une prescription de médicaments, de neuroleptiques par exemple, puis, bon, la personne, c'est sa responsabilité de les prendre. Vous me dites: Elle ne les prend pas puis elle devient violente. Mais là peut-être que, justement, il n'y a pas de suivi dans la communauté, qu'il n'y a pas d'organisme pour l'aider, cette personne-là. Ou peut-être que ça parle de la qualité de la relation thérapeutique qui existe entre cette personne-là et son psychiatre. C'est ce genre de question là qu'il faut poser avant de pointer sur la dangerosité, le potentiel de dangerosité de la personne et le fait qu'elle ne prend pas sa médication. On ne réglera rien si on lui met un élastique dans la communauté puis qu'on lui dit, comme dans certains États américains: Tu prends ta médication dans la communauté, puis merci, bonjour. Ça ne règle pas... Ça ne change rien, ça. Ce n'est pas...

M. Garon: Non, mais je vous donne le cas révélé à plusieurs reprises, là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin, pour la conclusion.

M. Marsan: Merci, M. le Président, et merci aussi à vous qui représentez les personnes atteintes de maladie mentale. Moi j'apprécie beaucoup, sûrement, votre mémoire, mais aussi la qualité de l'échange que nous avons eu. Vous nous avez donné des informations additionnelles que nous ne possédions pas. Je pense qu'il y a une base qui est la pauvreté des ressources en santé mentale, sur laquelle on doit travailler dans les prochaines années, et je voudrais souligner qu'on va, nous, suivre de très près l'évolution du dossier du projet de loi n° 39, surtout au moment où on va l'étudier article par article, pour s'assurer que les droits des personnes atteintes de maladie mentale soient vraiment bien protégés. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le ministre, pour votre conclusion.

M. Rochon (Jean): Oui. Alors, merci aussi pour votre message. Je pense qu'il est bien clair, le message central, le fait de ne pas mêler dangerosité et traitement et de s'assurer que cette loi-là soit une loi d'exception qui assure de la protection en rapport avec les aspects de dangerosité et, comme vous le soulignez vous-même, qu'on en est rendu à parler de garde, pour bien signifier cet aspect de détention par rapport au traitement et que ça se fasse dans les limites qui sont nécessaires pour ce type d'intervention. J'apprécie aussi ce que vous nous dites, qu'on a quand même un consensus pour faire un pas, qu'on le fasse le mieux possible, le plus correctement possible, mais que, après plusieurs années de consultations et de discussions, on marque une autre étape de sorte qu'on puisse continuer à avancer aussi dans ce domaine-là.

Et, finalement, bien, je retiens bien votre message, que vous avez rappelé à quelques reprises, mais surtout avec le dernier échange avec mon collègue de Lévis, que cette loi-là peut aider, mais que c'est juste un maillon de la chaîne et qu'on a beaucoup encore à faire au niveau des ressources disponibles dans la communauté en appui aux familles. Et, comme vous le savez, d'ici quelques semaines, on aura une autre période de consultation sur des orientations ministérielles qui visent justement à vouloir faire un pas important de ce côté-là. Merci beaucoup.

(16 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Un autre travail à préparer. Madame, messieurs, merci beaucoup au nom de la commission. J'invite maintenant les représentants de l'Association des médecins psychiatres du Québec à se présenter.

(Consultation)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, j'invite maintenant le Dr Lamontagne à présenter les gens qui l'accompagnent au nom de l'Association des médecins psychiatres du Québec.


Association des médecins psychiatres du Québec

M. Lamontagne (Yves): Oui. Alors, M. le Président, mesdames et messieurs, je voudrais vous présenter, à ma droite, le Dr Jacques Bouchard, qui est membre de notre comité de direction, qui était également et qui est encore, d'ailleurs, le président de notre comité des affaires juridiques, de même qu'à sa droite, Me Patrick Molinari, qui est également membre de notre comité des affaires juridiques, et, à ma gauche, le Dr Jean-Marie Albert, qui est secrétaire de l'Association et qui, lui aussi, fait partie du comité des affaires juridiques. Je vais donc laisser le Dr Bouchard présenter le mémoire pour notre Association.

M. Bouchard (Jacques): Merci, Dr Lamontagne. Alors, je vous présente notre Association. L'Association des médecins psychiatres du Québec représente l'ensemble des médecins québécois détenteurs d'un certificat de spécialité en psychiatrie. C'est un certificat professionnel affilié à la Fédération des médecins spécialistes du Québec. Elle contribue activement depuis plusieurs décennies à l'évolution de la pratique des soins en santé mentale. Elle contribue également de façon soutenue à l'organisation de ces soins en participant à l'évolution des institutions dans lesquelles ils sont dispensés. L'expertise unique des membres de l'Association place ceux-ci au coeur même des enjeux sociosanitaires concernant la maladie mentale et les conditions optimales de recouvrement des personnes qui en sont atteintes.

L'Association considère que le projet de loi n° 39 est bienvenu et est très contente qu'il soit déposé, d'autant plus qu'on avait assisté en 1994 à un vieillissement accéléré de ces dispositions avec la venue du Code civil qui avait compliqué beaucoup les procédures, et on se souvient du remue-ménage que ça avait causé à cette époque-là. On estime, au niveau de l'Association, que le projet de loi n° 39 propose un sain équilibre entre la protection de l'intégrité des personnes atteintes de maladie mentale et la nécessité de recourir à des méthodes adaptées pour que ces personnes reçoivent l'aide requise. Alors, en d'autres termes, l'Association appuie le projet de loi n° 39 et est d'avis que le choix du ministre de baliser les vecteurs principaux de la protection de la personne est tout à fait opportun.

Nous avons un certain nombre de recommandations à faire. Notre première recommandation porte sur l'article 1 et sur le deuxième alinéa de cet article qui dit que toutes les dispositions de la présente loi doivent s'appliquer en tenant compte des règles prévues par la loi relativement à l'intégrité de la personne. On met l'emphase sur le chapitre IV. Il nous semble superflu de mettre cette emphase, puisque, dans le fond, tout ce qui relève de l'intégrité de la personne, en fait, ne devrait pas être soumis à une certaine hiérarchie et que ça singularise inutilement. Alors, notre première recommandation est que ce deuxième alinéa soit retiré.

(16 h 20)

La prochaine recommandation porte sur le consentement substitué. Le projet de loi complète les dispositions du Code civil. Il y a eu des critiques qui ont été formulées sur la lourdeur, sur les coûts économiques et les coûts émotionnels, et on a déploré l'exclusion des membres de l'entourage d'un malade lorsqu'il s'agit de consentir aux soins. Le Code civil du Québec, dans son article 15, prévoit que le rôle du consentement substitué soit donné aux proches, à l'entourage du malade, et le projet de loi actuel restreint, dans son article 26, ce consentement substitué.

Alors, notre recommandation est d'harmoniser l'article 26 du Code civil avec l'article 15 du Code civil. Alors, notre recommandation 2, se lit donc comme suit: «Que soit incluse au projet de loi n° 39 une disposition modifiant l'article 26 du Code civil du Québec de manière à permettre aux personnes désignées à l'article 15 de ce Code d'exercer leur faculté de consentir au nom d'un majeur inapte à un examen psychiatrique ou à la garde en établissement à moins d'opposition de la personne inapte», ceci d'autant plus que l'examen psychiatrique est en fait le moins envahissant des examens, que les gens peuvent consentir pour un proche à des interventions chirurgicales et à des choses beaucoup plus envahissantes. N'oublions pas non plus que, parce que c'est psychiatrique ou même présumé psychiatrique, la situation peut être vitale et qu'un consentement peut être nécessaire de façon urgente. Ceci pour notre deuxième recommandation.

Notre troisième recommandation porte sur la déjudiciarisation. On sait que les procédures actuelles pour obtenir une ordonnance judiciaire sont dispendieuses, lourdes et entraînent des coûts émotifs importants. On sait que la Commission des affaires sociales, depuis une vingtaine d'années, est un forum indépendant, habilité à déterminer les droits des citoyens. La Commission des affaires sociales offre un cadre adapté aux circonstances dans lesquelles des gardes en établissement sont demandées. C'est un cadre moins intimidant, moins traumatisant pour les gens. L'audition peut se faire sur place, ça évite d'amener les gens au palais de justice, ça évite le système contradictoire, et on sait que la Commission des affaires sociales, avec son expérience, possède déjà les compétences pour prendre ce genre de décisions. Tous les droits fondamentaux seraient ainsi respectés par une intervention d'un tribunal de type administratif. Notre recommandation est donc que soit reconnue la compétence de la Commission des affaires sociales pour émettre les ordonnances prévues aux articles 27 et 30 du Code civil du Québec ainsi qu'au projet de loi n° 39.

Notre prochaine recommandation porte sur la question des examens psychiatriques. On reconnaît que c'est le rôle du psychiatre de déterminer le degré de dangerosité, et nos membres sont bien conscients de la grande responsabilité que ceci représente. La loi actuelle prévoit deux examens. Le projet de loi prévoit un seul examen. Notre recommandation serait à l'effet qu'on retienne la formule de deux examens, tout en prévoyant que le premier puisse être fait par un médecin qui ne soit pas un psychiatre, ceci pour tenir compte des effectifs qui ne sont pas répartis équitablement. Dans certains endroits, il n'y aura pas de psychiatre disponible à court terme pour faire un premier examen. Alors, la formule à deux examens permettrait que celui-ci soit fait par un médecin omnipraticien et que le deuxième soit fait par un psychiatre. Alors, notre quatrième recommandation est donc que soit maintenue l'exigence de deux examens psychiatrique et que, lorsque le premier examen a été conduit par un médecin qui n'est pas psychiatre, le second soit conduit pas un médecin psychiatre.

La recommandation suivante porte sur le sixième point de l'article 3, où on dit: «les motifs et les faits sur lesquels il fonde son opinion et son diagnostic et, parmi les faits mentionnés, ceux qu'il a lui-même observés et ceux qui lui ont été communiqués par d'autres personnes.» En fait, cette obligation de distinguer les faits qui viennent d'une source par rapport à l'autre ne correspond pas vraiment à une logique médicale. C'est quelque chose qui convient au monde juridique, mais, dans un contexte de diagnostic, puisque le rôle du psychiatre, même dans cette situation-là, reste celui de poser un diagnostic et d'évaluer une situation médicale, il peut difficilement partager ainsi les sources d'information qu'il utilise. Alors, notre cinquième recommandation est donc que le paragraphe 6° de l'article 3 se lise ainsi, en ce sens: «les motifs et les faits sur lesquels il fonde son opinion et son diagnostic» et qu'on enlève la distinction à faire parmi les faits qu'il a observés lui-même et ceux qui lui ont été communiqués par d'autres personnes.

Notre sixième recommandation réfère au début de la garde provisoire. On s'entend sur la pertinence de la garde provisoire et sur les critères d'imminence qui la dirigent. Par contre, la façon dont c'est formulé actuellement impliquerait que l'on réfère à l'admission pour noter le début de la garde provisoire. Or, fréquemment, une personne va arriver à l'hôpital, va être inscrite ou admise, et ce n'est pas nécessairement à ce moment qu'elle va décider de refuser les traitements ou de vouloir s'en aller et qu'on va estimer qu'il y a une situation de dangerosité. Alors, c'est fréquent que quelqu'un soit déjà à l'hôpital à partir du moment où il veut s'en aller et que nous devions utiliser les mesures légales pour le retenir. Je pense aussi à un autre cas peut-être encore plus éloquent où une personne est admise à la suite d'une tentative de suicide. Elle est intoxiquée, elle se réveille deux jours plus tard et elle veut s'en aller. C'est à ce moment-là que le danger est constaté et qu'on doit intervenir, et ce ne serait pas logique de faire commencer ça rétroactivement au moment où elle est arrivée, quelques jours plus tôt, d'agir rétroactivement et, en plus, par surcroît, sur une période où ce n'était pas requis. Alors, notre recommandation est que la durée de la garde provisoire soit calculée à partir du constat par le médecin du refus d'une personne de recevoir les soins requis par son état ou de demeurer dans l'établissement et de l'imminence du danger pour cette personne et pour autrui.

Dans le même ordre d'idées, la recommandation 7 veut faire l'assimilation entre l'admission et l'inscription parce qu'un patient peut, par exemple, être à l'urgence, où il va avoir un statut d'inscrit et, au moment où il est admis, il a un statut d'admis. L'un et l'autre se confondent à ce stade et ils devraient, dans ce projet de loi, être en quelque sorte confondus.

En ce qui concerne la requête de garde, le problème se pose de la même façon que pour la garde provisoire. Supposons le cas où quelqu'un arrive le lundi après-midi à l'urgence: il est gardé avec la formule de la garde provisoire parce qu'on estime qu'il y a une dangerosité aiguë; les 48 heures s'écoulent; on est au mercredi; on estime qu'il est encore dangereux; il faut procéder. La formulation actuelle, c'est que, à l'expiration de la période de 48 heures, la personne doit être libérée à moins qu'un tribunal n'ait ordonné que la garde soit prolongée afin de lui faire subir un examen psychiatrique. Or, c'est impossible d'obtenir un ordre du tribunal dans l'après-midi même. Les procédures du Code civil, en fait, demandent une première signification, une comparution en cour. Alors, ça prend au moins trois jours. Alors, ça ne correspond pas à la réalité que de demander que, au bout de 48 heures, on obtienne un ordre de cour. Ça ne s'obtient pas de façon instantanée.

Alors, notre recommandation à cet effet est que, à l'intérieur de la période de 48 heures, le psychiatre initie la démarche juridique pour obtenir un ordre de cour et que, par la suite, bien, les délais encourus soient causés par les tribunaux eux-mêmes, mais que le droit de garder la personne persiste. On ne pourra pas, de toute façon, demander à quelqu'un de laisser aller quelqu'un juste parce que des procédures suivent leur cours. Au bout de deux jours, si on estime que la personne est en danger, on initie les procédures judiciaires, mais, quand même, la personne demeure en besoin d'être gardée. Alors, notre recommandation 8 est donc que l'article 7 du projet de loi n° 39 soit modifié de manière à ajouter, à la fin de la première phrase du troisième alinéa de l'article 7, les mots suivants: «ou qu'un tribunal n'ait été saisi d'une requête en application de l'article 30 du Code civil du Québec.» Autrement dit, on initie les démarches judiciaires à ce moment-là.

(16 h 30)

La prochaine recommandation porte sur la question de l'intervention de l'agent de la paix. Nous approuvons et, en fait, nous n'avons pas de changements à proposer parce que c'est très bien venu qu'une procédure beaucoup plus expéditive et efficace puisse être utilisée pour amener les gens qui en ont besoin. Les parents le saluent aussi. On a vu tellement de gens avec de grosses difficultés devant des procédures judiciaires très lourdes auxquelles ils n'étaient pas prêts. Alors, on trouve que c'est une bonne chose que ça soit ainsi facilité. Ça va être moins coûteux, plus rapide.

Aussi, les policiers sont déjà impliqués d'une certaine façon, parce qu'ils amènent les gens qu'ils voient dans des situations très urgentes. Quelqu'un est sur le pont Jacques-Cartier, et on pense qu'il est suicidaire. Déjà, ils l'amènent. Aussi, ils sont déjà à l'autre extrémité du processus parce que ce sont eux qui mettent à exécution les ordonnances judiciaires. Alors, ils sont quand même déjà impliqués là-dedans. On conçoit qu'il y ait de la formation à faire, de l'information à donner pour qu'ils puissent exercer ce rôle-là avec toutes les compétences requises, mais on pense que les quelques inconvénients que ça peut apporter sont vraiment compensés par le fait que leur action va être beaucoup plus rapide, beaucoup plus efficace, et puis que, étant sur place, ils vont pouvoir mieux juger de l'opportunité d'amener la personne pour être gardée ou évaluée.

La dixième recommandation porte sur la période de garde. La formulation actuelle, à l'article 10, dit que le juge qui ordonne la garde, la durée va être fixée de 21 jours à compter de son admission. Le point, ici, c'est que, si on réfère à l'admission fréquemment, comme je l'ai dit tout à l'heure pour ce qui était de la garde provisoire, l'admission et le moment où la personne refuse de rester ne sont pas nécessairement la même période. Quelqu'un peut être à l'hôpital en cure libre, de son propre gré depuis une semaine, deux semaines, trois semaines, et, à un moment donné, la situation évolue, il y a dangerosité, on doit intervenir, on demande un jugement. Si c'est fait rétroactivement à l'admission, ça peut même aller jusqu'à ce que le jugement soit caduc au moment même où il sort et qu'il porte en plus sur une période où, en plus d'être rétroactif, il n'était pas requis. Alors, notre recommandation, c'est que l'article 10 soit modifié de manière à ce que le début de la garde corresponde à la date d'exécution du jugement qui l'ordonne.

Notre prochaine recommandation porte sur la question du transfert. Les règles actuelles prévoient qu'on peut être tenu de transférer quelqu'un dans un autre établissement si on n'est pas en mesure de lui offrir les services requis. L'article 11 exige que le transfert se fasse seulement avec le consentement de la personne. Alors, il y a comme une contradiction. Si on se retrouve dans un hôpital qui n'est pas capable d'offrir les services requis, qui doit transférer ailleurs et que la personne ne consent pas à ce transfert, on est dans l'impasse. Il faudrait quand même que, si la Loi sur les services de santé et les services sociaux exige des hôpitaux qu'ils transfèrent les gens dans un endroit où ils peuvent recevoir les services requis, la loi permette également de le faire indépendamment du consentement de la personne. Et c'est notre recommandation 11 que les modalités de transfert d'une personne placée sous garde soient celles prévues à la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

En ce qui concerne la garde à distance, c'est une formule que nous approuvons aussi, en ce sens que ça va nous permette d'utiliser beaucoup plus de souplesse dans la façon de rendre à une personne son autonomie. Quand la personne arrive à l'hôpital dans une situation de crise, de dangerosité, elle doit être gardée. Ultimement, quelques semaines plus tard, cette personne-là retournera et reprendra toute son autonomie, mais c'est un processus qui se fait de façon continue et non pas de façon instantanée. Quand les gens sont traités de façon libre, ce qui est la très grande majorité des cas, on procède de façon progressive: on donne un congé d'une heure, d'un après-midi, d'une fin de semaine et, finalement, un congé définitif. Ça se fait de façon progressive. Avec les patients qui sont dans un cas de garde en établissement, c'est plus difficile parce que, au moment où on lève la garde, on perd toute possibilité d'intervenir, et, comme la procédure est assez lourde, souvent on peut être porté à la prolonger pour ne pas avoir, si on se rend compte qu'on l'a fait trop tôt, à recommencer tout le processus.

Alors, on trouve que c'est une excellente amélioration que de pouvoir bénéficier de la garde à distance. Ça va généralement, dans la très grande majorité des cas, raccourcir les durées de garde, puisqu'on va pouvoir tester, donner de courtes périodes de congé et permettre de libérer les gens plus rapidement. Par contre, nous ne voyons pas l'utilité que ça soit limité aux gens qui sont sous garde depuis plus de 21 jours. Ça pourrait très bien se faire après une semaine, deux semaines de traitement. Alors, nous recommandons que soit retenue la possibilité pour un médecin d'autoriser une personne sous garde à s'absenter du lieu où elle a été admise sans égard au nombre de jours écoulés depuis son admission sous garde. C'est notre recommandation.

Nous avons observé aussi que dans les articles 11, 12 et 13, on réfère au terme «certificat» pour désigner des documents que les psychiatres auraient à produire pour, tantôt, attester le nom d'origine de transfert, tantôt la garde à distance et la fin de la garde. Le terme nous apparaît un peu grandiose. «Rapport» suffirait très bien pour décrire le document qui servirait à consigner ces observations. C'est notre treizième recommandation.

Finalement, j'en arrive à l'article 24 sur les mesures de protection. On est tout à fait d'accord avec le fait que l'utilisation des mesures de protection, de contention, d'intervention pharmacologique soit encadrée. Déjà, d'ailleurs, la Loi sur les services de santé et les services sociaux prévoit des balises, et les règlements hospitaliers en prévoient. Un point important aussi, c'est que l'utilisation de ce genre de contention n'est pas limitée à la psychiatrie. Dans les hôpitaux, fréquemment, on doit utiliser des moyens pour restreindre la mobilité des gens pour les protéger parce qu'ils sont confus, pour les empêcher de tomber en bas du lit, pour les empêcher d'arracher leurs intraveineuses pour des gens après une opération, pour toutes sortes de raisons. Alors, ceci n'est pas limité à la psychiatrie et, de plus, ça amène à une situation un peu excessive où on se trouve à légiférer sur des doses de médicaments. On conçoit qu'il y a des balises qui soient importantes, mais, quand même, on arrive ici dans le privilège thérapeutique, et je pense qu'on peut laisser au médecin la décision des quantités et la façon d'utiliser les médicaments, considérations entièrement médicales.

Finalement, en conclusion, l'Association se réjouit de ce que les auteurs du projet reconnaissent notre compétence spécifique dans l'évaluation de la dangerosité, et nous avons le souci aussi d'exercer ce pouvoir avec toute notre connaissance et tout notre savoir scientifique. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant M. le ministre à commencer l'échange.

M. Rochon (Jean): Merci beaucoup d'avoir pris le temps d'examiner à fond le projet de loi et, compte tenu de votre expérience dans ce domaine, de venir nous faire vos recommandations.

J'aurais deux questions pour bien préciser ce que vous nous recommandez. La recommandation 6, d'abord. Ma question fait le lien avec, en partie, certains aspects de la présentation qu'on a eue juste avant, mais à d'autres aussi depuis le début des travaux de cette commission-ci où on dit qu'on nous recommande beaucoup de maintenir cette loi comme une loi d'exception qui est bien ciblée sur l'évaluation de la dangerosité, comme on dit, de l'imminence du risque pour une personne, pour elle-même ou pour son entourage quant à la décision de la garde. Maintenant, est-ce que c'est de la rhétorique ou l'intention? Quand on lit bien votre recommandation 6, on dit que «la durée de la garde sera calculée à compter du constat, par le médecin, du refus d'une personne de recevoir les soins requis par son état ou de demeurer dans l'établissement et de l'imminence du danger...» Est-ce que, consciemment, vous liez les deux, qu'on devrait tenir compte aussi du refus de traitement? Et, si c'est le cas, comment vous réconciliez ça avec le droit à l'information et le consentement libre et éclairé au traitement, sachant très bien que, dans le cas d'une maladie mentale, ça ne se pose pas de la même façon qu'un problème de maladie physique? Mais il y a deux valeurs, là, à réconcilier: ou la loi n'est ciblée que sur la dangerosité en fonction de l'imminence du danger, indépendamment de la question de traitement, ou vous semblez suggérer que le refus de traitement soit aussi une raison. Et là je vous demanderais quasiment: Est-ce que le «et» est conjonctif ou disjonctif?

M. Bouchard (Jacques): Si j'ai utilisé le mot «traitement» à ce moment-là, ce n'était pas ça que ça voulait signifier.

M. Rochon (Jean): Vous dites: «de recevoir les soins requis».

(16 h 40)

M. Bouchard (Jacques): Non, ce ne sont pas les soins. Effectivement, c'est une loi d'exception. Effectivement, la garde provisoire et la garde en établissement portent sur le fait de garder quelqu'un et non pas sur les soins, sauf en cas d'urgence, comme le précise l'article 13 du Code civil du Québec. Alors, la garde provisoire s'applique quand quelqu'un est malade, quand quelqu'un est dangereux et quand quelqu'un ne veut pas rester. C'est quand ces facteurs-là se retrouvent conjugués qu'on doit y recourir. Notre précision était que, évidemment, si la personne est déjà sous nos soins ou si elle est déjà à l'hôpital pour une raison ou pour une autre, c'est qu'elle est déjà malade et dangereuse – déjà malade, en tout cas – et puis, quand le reste des facteurs se conjuguent, sont en place, à ce moment-là, la garde provisoire commence. Mais je n'ai pas amené de notion de traitement là-dedans.

M. Rochon (Jean): Du refus de traitement. Ce n'est pas ça?

M. Bouchard (Jacques): Du refus de rester.

M. Rochon (Jean): De rester, ah bon!

M. Molinari (Patrick A.): Si vous permettez, M. le ministre, je pense, pour répondre à votre question directement, que le «et» est conjonctif. Par ailleurs, c'est probablement l'expérience clinique qui a fait faire référence à cette question du traitement. Au fond, l'hypothèse qui est envisagée, c'est que, pour une personne qui se trouve déjà, de son propre gré en principe, en milieu hospitalier et qui, à un moment donné, est dans un état d'imminence de danger tel, refuse traitement puis, pour employer un mot que je vous ai déjà, peut-être, entendu utiliser, capote complètement, là, il peut y avoir pertinence d'imposer la garde provisoire. Alors, ce n'est pas lié comme tel au refus de traitement, mais au constat de l'imminence de danger. C'est plus ça, je pense.

M. Bouchard (Jacques): Il peut arriver en clinique, aussi, qu'on utilise couramment le terme «refus de traitement» même quand le traitement n'est pas en cause, mais quand le traitement est l'hospitalisation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin. Excusez. M. le ministre.

M. Rochon (Jean): Toute courte, la deuxième. Excusez. La dernière recommandation au sujet de l'article 24, là, je voulais être sûr d'avoir bien saisi. Vous souhaiteriez que l'article 24 soit retiré de la loi, non seulement que l'article 1 ne fasse pas référence à la deuxième section, mais que l'article 24 soit retiré et qu'on applique la Loi sur les services de santé et les services sociaux tout simplement. Vous ne trouvez pas que ça donne une protection légale supplémentaire de définir un peu certains aspects de l'encadrement? Certains ont fait valoir ça. C'est ce qui a amené l'article dans le projet de loi.

M. Lamontagne (Yves): Bon, là-dessus, moi, je vous répondrai, M. le ministre, que le 5 % des gens – parce que c'est une loi d'exclusion, ça – est déjà assez encadré avec ça. Et, quand on a déjà une autre loi et que, d'autre part, on dit que les malades mentaux aussi, il est temps qu'on les mette au même niveau que les autres malades, bien, pour une fois qu'on en a une ailleurs, je ne vois pas pourquoi elle ne correspondrait pas à ce que ça correspond pour l'ensemble de la population.

M. Rochon (Jean): Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: À mon tour de vous remercier de nous faire partager votre vaste expérience dans le domaine de la psychiatrie. J'apprécie aussi l'éclaircissement que vous nous donnez. On fait disparaître l'article 24, mais c'est parce que, dans la loi 120, il y a des prévisions qui sont déjà prévues et que, à votre avis, ces prévisions-là sont suffisantes actuellement, un.

M. Lamontagne (Yves): Tout à fait.

M. Marsan: C'est bien cela. Deuxièmement, j'aurais besoin de votre éclaircissement, sûrement. Tantôt, nous avions des groupes qui représentent les patients et qui nous disaient qu'il ne fallait pas déjudiciariser, et vous souhaitez que le tribunal fasse place à la Commission des affaires sociales. J'aimerais ça que vous développiez davantage votre point de vue concernant la Commission des affaires sociales qui remplacerait un tribunal et aussi, par le fait même, connaître comment vous réagissez lorsqu'on vous dit que les représentants des patients, eux, ne veulent pas ça.

M. Lamontagne (Yves): Je vais laisser aller Jacques, mais je ne suis pas sûr que vous ayez bien... En tout cas, on n'a peut-être pas entendu la même chose qu'ils ont dit tantôt à ce niveau-là.

M. Molinari (Patrick A.): Si je peux préciser, ce qui est proposé, c'est que, à la liste des tribunaux auxquels on peut déjà faire appel pour obtenir des ordonnances de garde, soit ajoutée la Commission des affaires sociales. C'est un processus, je dirais, d'allégement de la judiciarisation pour prendre en considération le fait que le mode de fonctionnement de la Commission des affaires sociales s'est avéré, en matière de santé mentale, tout à fait adapté: la Commission se rend sur place; la Commission exige une procédure moins lourde. Mais ce n'est pas tant pour exclure la Cour supérieure ou la Cour du Québec, mais comme pour ajouter une autre voie de recours, comme on le voit souvent dans des situations juridiques de ce type.

M. Bouchard (Jacques): Ma compréhension de la chose, aussi, était que les représentants des patients, même si tout le monde s'entend sur le caractère exceptionnel de cette loi-là, la perçoivent comme encore plus exceptionnelle que les autres et s'opposent généralement à tout allégement des procédures. C'est pour ça que la déjudiciarisation est aperçue comme une formule plus souple, une façon plus expéditive de procéder et qu'elle ne leur était pas acceptable. C'est comme ça que je l'ai perçu.

M. Albert (Jean-Marie): C'est une loi dans des situations exceptionnelles. Il ne faut pas jouer sur les mots, là. Mais, s'il y a possibilité, à cause de la situation exceptionnelle, qu'il y ait un autre tribunal ou, enfin, comme dit Me Molinari, qu'il puisse intervenir, bien, ce serait un de plus puis peut-être un peu moins lourd.

M. Lamontagne (Yves): J'ajouterais juste que je pense que c'est heureux qu'on essaie aussi d'amoindrir comme ça, parce qu'il y a un danger, c'est qu'on se mette à judiciariser tout un coup parti, et, à un moment donné, logiquement, on pourrait supposer que, finalement, c'est le juge qui ferait le diagnostic, que c'est le juge qui déciderait du traitement, puis je pense qu'ils ont bien d'autre chose à faire, les juges, que de se mettre à faire de la médecine. Et ça, il y a un danger qui peut guetter facilement que des choses comme ça arrivent. Et là ça reste plus souple avec la Commission des affaires sociales.

M. Marsan: Vous savez qu'on donne un rôle accru aux agents de la paix, et j'imagine que vous seriez sûrement d'accord avec le corollaire qu'on donne une formation accrue aussi aux agents de la paix qui pourraient intervenir dans des situations pour lesquelles ils ne sont pas formés actuellement. Ça aussi, ça fait partie de ce que vous souhaitez.

M. Lamontagne (Yves): Oui, tout à fait. Je dois vous dire, d'ailleurs, qu'on a déjà rencontré la Fraternité des policiers de Montréal, en tout cas, et que bien souvent ces gens-là, je vais vous avouer que, bien sûr, ils ont besoin d'une formation accrue, mais ils en voient assez que bien souvent il y en a aussi qui pourraient en montrer à bien du monde. Et, pour vous donner un exemple qu'il y a un peu de mauvaise compréhension quelque part, quelqu'un qui va voir quelqu'un marcher pieds nus sur la rue Sainte-Catherine, on disait tantôt que les policiers vont le ramasser. Ils n'ont pas le mandat pour le ramasser. Si la personne n'a pas dérangé, n'a rien cassé, n'a pas contrevenu à la loi, ils peuvent bien essayer de lui dire: Va donc à l'Accueil Bonneau, mais ils n'ont pas le droit de le ramasser, même s'il délire à plein tube.

Alors, il y a toutes des nuances à faire à un moment donné qui sont importantes, et même si, c'est bien beau, les gens ont droit à la liberté, il y a des devoirs aussi qui sont rattachés à ça, et la société comme telle devrait avoir des devoirs aussi. Quand il y a quelqu'un qui marche nu-pieds sur la rue Sainte-Catherine à 22° en bas de zéro, il faudrait peut-être qu'il y ait quelqu'un qui s'occupe de ce monde-là.

M. Marsan: Une dernière... Oups! un commentaire.

M. Molinari (Patrick A.): J'ajouterai, M. le député, que l'article 8, quand on le lit dans son entier, comporte une double mesure, et c'est peut-être ça qui est intéressant. D'une part, il permet aux agents de la paix d'intervenir dans certains cas extrêmement limités, mais il s'assure que le malade sera amené dans un centre hospitalier et que le centre hospitalier va lui fournir le service. C'est vrai que les agents de police peuvent, dans certains cas, prendre des gens... Bon. Mais là ils sont un peu déboussolés quand vient le temps de savoir quoi faire avec, et là on dit: Bien, amenez-le dans un hôpital, et on dit à l'hôpital: Fournissez-leur le service auquel ils ont droit. Et, dans ce sens-là, je pense que c'est un tout qui est cohérent, et c'est intéressant comme approche.

M. Bouchard (Jacques): Puis il faut rappeler aussi ce que c'est actuellement que la procédure actuelle de demande d'examen qui oblige les gens à aller en cour, à remplir une formule. C'est traumatisant pour les gens, c'est très complexe. Aussi, la loi, tel que le Code civil l'a faite en 1994, obligerait théoriquement les juges à entendre les personnes concernées. Évidemment, l'exception est devenue la règle et inversement, parce qu'on s'est rendu compte que ça n'avait pas de sens que d'essayer d'amener des gens ou de leur signifier que le lendemain ou le surlendemain on viendrait les chercher avec la police. C'est comme provoquer un passage à l'acte dangereux. Alors, c'est la procédure actuelle. Malgré les inconvénients que ça pourrait présenter, le passage a une formule plus expéditive et plus souple et certainement bienvenue.

M. Albert (Jean-Marie): Comme le dit Me Molinari, le policier ne prend pas le malade, la personne, pour l'amener en cellule, là, il l'amène à l'hôpital.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député.

M. Marsan: Oui. Dans nos remarques préliminaires, on a mentionné ce matin que c'était vraiment depuis de nombreuses années qu'on attend un projet de loi comme celui que nous avons, et je voudrais vous entendre sur l'urgence d'adopter un projet de loi, pas n'importe quel. On pense qu'on devrait être en mesure de le bonifier. Vous nous faites des recommandations extrêmement intéressantes et importantes. Je pense qu'il y a une urgence, mais je voudrais que vous, qui représentez les psychiatres qui oeuvrent sur le terrain, vous puissiez vraiment nous dire c'est quoi, l'urgence d'avoir ce projet de loi là. Et, en terminant aussi, vous savez qu'en fond de scène on a une diminution de lits en psychiatrie qui est annoncée, diminution de 6 000 à 3 000 lits. On a beaucoup de craintes, nous, quant aux services alternatifs qui n'ont pas été encore mis en place, et j'aimerais peut-être avoir quelques commentaires de votre association à ce sujet-là. Et je vous remercie.

(16 h 50)

M. Lamontagne (Yves): Bien, d'abord, je vous dirais que, pour l'urgence, je pense que, effectivement, oui, c'est urgent d'avoir une loi. On ne fait pas des lois pour rien non plus, mais il était temps qu'on dépoussière ça un peu. Et surtout que ça a causé beaucoup de difficultés avec le Code civil, et, moi, je me souviens d'être venu au ministère de la Justice, où on m'avait dit: Vous savez, docteur, ça a pris 99 ans pour le changer, je vous souhaite bonne chance pour la prochaine fois. Et là on nous a dit: Bien, c'est avec la modification de la Loi sur la protection du malade mental qu'il y a des arrangements qui vont pouvoir être faits. Donc, je n'ai pas besoin de vous dire que, oui, c'est bien reçu. Le Dr Bouchard l'a dit dès le début du mémoire que non seulement on l'attendait, mais qu'on a hâte qu'il soit accepté aussi. Alors, ça, ça répond à votre premier point. Votre deuxième point, c'était quoi déjà?

M. Marsan: Diminution de lits de 6 000 à 3 000 versus les ressources alternatives qui ne sont pas en place.

M. Lamontagne (Yves): Bien, écoutez, je n'élaborerai pas longtemps là-dessus parce que ce n'est peut-être pas le propos d'ici, mais je vous dirais que, effectivement, je pense qu'il va falloir revoir les structures dans la communauté, et, avant d'en inventer, il va falloir qu'on regarde ce qui est efficace, ce qui n'est pas efficace, ce qui devrait être efficace et peut-être, d'abord, faire un ménage dans notre cour et, après ça, établir un système qui soit relativement homogène à travers le Québec pour pouvoir répondre davantage aux demandes des gens dans la communauté et aux transferts qui vont être faits dans la communauté.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Lévis.

M. Albert (Jean-Marie): Concernant...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, excusez.

M. Albert (Jean-Marie): Concernant l'urgence, M. le député, je pense que c'est urgent dans le sens suivant aussi: ça permettra de passer à autre chose, parce que j'ai entendu tout à l'heure – on écoute, évidemment – des questions qui tournent autour de l'obligation de traitement qui est toute une autre histoire. Mais je pense que c'est des étapes, ça, à évoluer et à évaluer.

M. Marsan: O.K., merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

M. Bouchard (Jacques): Est-ce que je pourrais vous donner ma réponse aussi à la question sur les fermetures de lits? Parce que je pense qu'il y a un problème important actuellement. Et je vous ai entendu utiliser le mot «alternatives» et je comprends dans ce que vous me dites que vous référez à toute autre forme que l'hospitalisation de traiter. Le terme, aussi, sert beaucoup actuellement pour utiliser des formes idéologiquement différentes, et c'est une autre question, et il y a un problème à ce niveau-là. Ce que je peux dire, c'est qu'actuellement le réseau de ressources communautaires n'est pas organisé pour absorber des fermetures de lits et que la structure du réseau communautaire, non plus, n'est pas capable d'absorber même les transferts de fonds actuellement à cause de la façon dont c'est structuré actuellement. C'est anarchique, les gens développent des ressources un peu chacun à leur façon, ça n'a aucun ensemble, les gens s'adressent tous à la même population et les plus malades restent toujours oubliés. Alors, il y a un grave problème de ce côté-là, et, même si les transferts de fonds se faisaient selon la structure actuelle, je pense que ça irait très mal.

M. Albert (Jean-Marie): Peu importent les ressources, là, tout ça, la loi actuelle, la révision de la loi, je pense qu'elle s'imposait. On aurait toutes les ressources, il faudrait réviser la loi quand même.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Lévis.

M. Garon: Moi, ce qui m'a frappé parmi vos recommandations, c'est la recommandation 5, parce qu'on disait dans le projet de loi, qui m'apparaissait bon sous ce... c'est un article qui me paraissait bien, ça: «Tout rapport d'examen psychiatrique doit être signé par le médecin qui a fait l'examen. Celui-ci doit y préciser notamment – paragraphe 6° – les motifs et les faits sur lesquels il fonde son opinion et son diagnostic», et vous voulez rayer le reste de l'article, qui dit «et, parmi les faits mentionnés, ceux qu'il a lui-même observés et ceux qui lui ont été communiqués par d'autres personnes».

Je suis persuadé que Me Molinari peut vous parler facilement des dangers du ouï-dire, parce qu'il y a bien des gens qui peuvent communiquer des renseignements qui peuvent être très dangereux pour une personne, et, si le médecin ne l'a pas constaté lui-même, que ça fasse partie du diagnostic, bien, c'est risqué. Je vais vous dire que, comme député, il a été un bout de temps, dans mon bureau, 50 % des cas, pour moi, que j'avais dans mon bureau, c'était la Société de l'assurance automobile quand le gouvernement avait décidé d'économiser, la Société de l'assurance automobile et la CSST. Et, dans 80 % des cas, c'étaient les contributions contradictoires des médecins, et, souvent, contrairement à... Dans le domaine de l'assurance, habituellement, on interprète en faveur de l'assuré, et là on interprétait rarement en faveur de l'assuré. Puis ça, aujourd'hui, dire que les témoignages qui viennent des constatations du médecin par faits observés lui-même, mais qu'on mélange ceux qui lui ont été communiqués par d'autres personnes comme s'il les avait observés lui-même, alors que ça peut seulement être des témoignages de personnes qui ont intérêt à faire interner quelqu'un ou, peu importe...

Une voix: C'est pour ça qu'on l'enlève.

M. Garon: ...on a assez d'histoires qu'on a entendues à ce sujet-là qu'il me semble que c'est un article très important, et vous écartez cette partie-là à peu près dans deux lignes. Ça m'apparaît court.

M. Lamontagne (Yves): Non, mais vous dites... Oui, allez, maître.

M. Molinari (Patrick A.): Excusez-moi. Parfois, M. le député de Lévis, les choses simples se règlent simplement. Je vous dirai, sur la question du ouï-dire, que, après 100 ans de pratique, notre Code civil, maintenant, autorise la preuve de ouï-dire dans certaines circonstances. Mais ce n'était pas le but de ma réponse. Je pense que la question qu'on se posait beaucoup – et, du reste, c'est une question qui vaut pour l'ensemble de l'article 3 jusqu'à un certain point – c'est: Pourquoi ce souci de détail sur l'ensemble des éléments qui se trouvent là? Et je comprends fort bien que le rapport d'examen psychiatrique puisse servir dans l'économie de droit, là, à toutes sortes de choses. Convenons qu'il est comme ça et qu'il peut rester comme ça.

Quand on en arrive à l'article 6, surtout en matière de diagnostic psychiatrique, de faire la pondération entre «je l'ai observé, ça m'a été dit, je l'ai appris, c'est un tiers, c'est la quatrième personne» puis que tout ça soit consigné, je ne suis pas sûr que ce soit absolument pertinent de consigner ça dans le rapport et je ne suis pas sûr, jusqu'à un certain point, que ça n'emporte pas, qu'on se mette à pondérer: Oui, mais est-ce que ce qu'il a entendu d'autrui, c'est plus important que ce qu'il a perçu lui-même? Je pense que, en matière de diagnostic psychiatrique, dans certains cas, ce qui est entendu d'autrui est parfois tout aussi pertinent que ce qui a été observé chez le patient lui-même qui, dans certains cas, se réfugie dans le mutisme et ne veut pas parler. Mais se mettre à pondérer le poids des faits pour un diagnostic médical, c'est peut-être un peu différent que de pondérer le poids des témoignages devant un tribunal, enfin, d'après moi, mais c'est une opinion personnelle que partage l'Association aussi.

M. Lamontagne (Yves): L'autre chose, M. Garon, c'est que, vous voyez, au fond, dans un dossier médical... Et je pense que tantôt le collectif de la défense des droits l'a bien soulevé – pour une fois qu'on est d'accord ensemble – que le patient qui a le droit de voir son dossier à un moment donné et que c'est raconté que le beau-frère, la «ma tante», la mère ont dit quelque chose puis que, à un moment donné, il redevient délirant et qu'il voit que c'est écrit dans son dossier, puis qu'il prend ça mal, bien, il peut y avoir des accidents qui peuvent survenir parce qu'il va avoir été mal interprété par le patient. Alors, dans ce sens-là, c'est pour ça qu'on disait qu'on était mieux d'arrêter ça là, puis, au lieu de commencer à dire: La mère a rapporté ci, le père a dit ça... Le patient, lui, il a le droit de voir son dossier. Alors, à un moment donné, bien, il s'agit que ça ne soit pas une bonne journée qu'il voit son dossier, puis ça peut être dangereux. Alors, c'est pour ça qu'on avait tout simplement dit: Les observations qui ont été faites par le médecin, point. C'était juste pour ça.

La Présidente (Mme Barbeau): Monsieur...

M. Lamontagne (Yves): C'est correct, madame. Ça va.

La Présidente (Mme Barbeau): Oui, allez-y.

M. Garon: Mais ça reste quand même que c'est une loi pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale...

M. Lamontagne (Yves): Bien, on est aussi bien...

M. Garon: ...et Me Molinari peut bien dire qu'on accepte le ouï-dire, mais il est très circonscrit. Le ouï-dire, c'est très dangereux. C'est très dangereux, le ouï-dire.

M. Molinari (Patrick A.): Je suis d'accord avec vous, M. le député, mais...

M. Garon: Puis c'est même dangereux d'un autre médecin. Moi, j'en vois des cas à la journée longue dans mon bureau de comté. Pas des cas de psychiatrie, où c'est encore plus complexe, mais des cas d'accidents d'automobile, d'accidents du travail. Puis vous voyez deux grands spécialistes, comprenez-vous, s'ils avaient autant de compétence que leur modestie, ça serait parfait, mais comprenez-vous qu'ils s'obstinent et qu'ils disent exactement le contraire. Puis j'ai vu des cas où le médecin disait quasiment: La personne aurait eu le même problème si elle n'avait pas eu d'accident, qu'il fallait qu'elle prouve ça. C'était quelque chose, ça. Alors, je me dis qu'on protège des citoyens, là, qui ont une maladie mentale, donc, au point de départ, qui sont déjà désavantagés et qu'on pourrait au moins faire la distinction entre les faits observés puis les faits communiqués qui sont vrais ou pas vrais. On ne le sait pas.

La Présidente (Mme Barbeau): Est-ce qu'il y a des commentaires là-dessus?

M. Molinari (Patrick A.): Non, non. Je respecte, bien sûr, l'opinion du député de Lévis.

La Présidente (Mme Barbeau): Non. O.K. Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente. Messieurs, j'aimerais tenter d'aborder avec vous la question du danger imminent qui, selon plusieurs en tout cas, est au noeud de la question. L'article 7, en parlant de la garde, que ce soit provisoire, ou en établissement, ou à distance, parle évidemment d'un diagnostic qui fait en sorte que son état présente un danger imminent pour elle-même ou pour autrui. Est-ce que, au fur et à mesure, au fil des années, vous êtes au courant s'il y a des balises ou une conception de pratique qui s'est développée quant au diagnostic de ce danger imminent? Qu'est-ce que ça veut dire? Là, c'est un danger. Je vous pose la question. Vous êtes trois psychiatres, là. Je peux bien avoir trois versions différentes, c'est fort possible, mais est-ce qu'il y a une pratique courante dans l'évaluation de ce que c'est, un danger imminent ou c'est vraiment laissé à la discrétion du médecin traitant de tenter de le voir?

(17 heures)

M. Albert (Jean-Marie): Oui, trois opinions différentes de trois psychiatres. Évidemment, je pense que vous êtes habitués, vous autres aussi, à avoir des opinions différentes des fois autour des tables; ce n'est rien de nouveau.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Albert (Jean-Marie): Apparemment, on s'améliore, selon les études modernes américaines, concernant la possibilité de prédire – je mesure mes mots – la dangerosité. On aime mieux parler de facteurs de dangerosité ou de risque. Il y en a de connus, très bien. Quand quelqu'un... Si vous avez quelqu'un qui a déjà une maladie psychiatrique, qui a fait l'ingestion de substances désinhibantes ou qui inhibent des structures contrôlantes, etc., l'alcool, la maladie, des formes de délire qui ordonnent de tuer dans certains cas, enfin une série de facteurs, là, qu'on pourrait mettre à votre disposition – je ne veux pas faire un cours ici, ce n'est pas ça le but, je n'ai pas la prétention ni la capacité non plus – mais je peux vous dire que les études démontrent qu'on est mieux que c'était.

Maintenant, l'expérience aussi démontre qu'on a des gens qui nous arrivent avec une histoire antérieure. Ce n'est pas un diagnostic... Tu sais, tu as l'histoire du patient, tu as la famille, tu as le milieu, tu as l'entourage, tu as le geste posé. Il y a un certain nombre de facteurs qui peuvent être utilisés pour donner une opinion au moins. Maintenant, disons qu'on est meilleurs qu'une boule de cristal, là, mais à aller, là, dire qu'on a une sécurité à 100 %, là... Je ne sais pas si mes confrères opinent dans le même sens...

Une voix: Tout à fait.

M. Bouchard (Jacques): Bien, on a quelque chose qui est difficile à mesurer. D'abord, la dangerosité, ce n'est jamais ni à zéro ni à 100 %. C'est toujours quelque chose qui est une probabilité, c'est une estimation d'une probabilité; alors, il y a une marge d'erreur. Il y a quand même un certain nombre de critères scientifiques, comme le Dr Albert en a énuméré quelques-uns, la présence de maladie... Il y a des choses faciles. C'est sûr que quelqu'un qui entend des voix qui lui disent de tuer, ça, c'est simple. Il y a des cas plus complexes tenant compte de la maladie, du contexte, du support social qu'il y a autour de la personne, des antécédents de la personne et d'une foule de facteurs, mais quand même, on fait mieux que la boule de cristal.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors...

M. Albert (Jean-Marie): Le danger autour... la personne dangereuse... N'oublions pas le suicide, on parlait en termes homicidaires... Le suicide, je pense que c'est plus établi. Je vais vous donner un exemple très clair. Vous avez un monsieur de 52 ans qui a une histoire, qui est déprimé, qui parle de suicide, qui a un plan, à qui on vient d'annoncer qu'il a un cancer de la prostate et qui vous arrive à l'urgence et qu'il vous parle encore de ses idées suicidaires. Celui-là, vous le gardez parce que les statistiques démontrent que le risque de passer à l'acte est très élevé.

Par contre, vous avez le raptus suicidaire qui survient comme ça, personne n'en a entendu parler... Justement, en s'en venant aujourd'hui on parlait de cas – on parle toujours des cas, vous savez, en médecine – de gens qui, la veille, étaient très de bonne humeur, très, très bien et qui, pow! se font sauter. Mais il y a aussi le risque de dangerosité pour la personne, ça, oui, c'est mieux établi et souvent le diagnostic de dépression, les dépressions majeures... Et il ne faut pas oublier qu'il y a 10 % à 12 % des schizophrènes qui se tuent aussi. Des fois, ils ne l'annoncent pas toujours, ceux-là. On n'a pas une prédiction à 100 %, mais il y a des facteurs bien établis pour le danger suicidaire. Et l'isolement social qui est connu depuis Durkheim, au XIXe siècle, il ne faut jamais l'oublier dans les risques qui jouent dans un cas de dépression et suicide.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci.

M. Lamontagne (Yves): Juste vous dire très rapidement, aussi, il faut faire bien attention, parce que, quand on regarde les journaux, je pense qu'on s'est fait avoir là-dessus. Quand on parle de dangerosité quand on voit un malade en clinique, à l'urgence, ça c'est une affaire. Quand on parle de dangerosité où on se fait pogner en cour pour aller prédire si le patient va être dangereux dans cinq ans, là, je pense qu'on ne se mêle pas de nos affaires, et ça, c'est une nuance qui est à faire, parce que souvent ce qui sort dans les journaux, c'est le type d'affaires comme ça, et ça, on ne devrait pas se mêler de ça.

La Présidente (Mme Barbeau): C'est le mot de la fin, est-ce que... M. le député à moins qu'il y ait un petit... O.K., je vais vous laisser aller.

M. Copeman: Merci. Je me doutais que les trois psychiatres avaient tous une opinion à émettre, mais un groupe, la Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale – groupe qui a présenté cet après-midi – a suggéré que le danger pour autrui peut être élargi – la suggestion qui a été faite – non seulement limité à la notion de violence comme telle ou de danger, mais que ça pourrait être également le fait que la personne manifeste des symptômes, là, je cite, «manifeste des symptômes reliés à la maladie mentale et va continuer de se désorganiser si elle n'est pas traitée promptement; est gravement désorganisée, ce qui signifie qu'elle est en substance incapable de voir à ses besoins de base à l'exception des situations causées par l'indigence». Ça, il me semble que c'est beaucoup plus... c'est une définition beaucoup plus, si vous me permettez l'expression, libérale que celle dont vous avez fait référence. Avez-vous une opinion là-dessus, vous autres, sur cette notion-là introduite par un groupe de cet après-midi?

M. Molinari (Patrick A.): Comme je suis le seul juriste, je ne risque pas d'être contredit, mais il y en a un certain nombre qui me surveillent de toute façon. Ce que je dirai, c'est que, quelles que soient les précautions qu'on utilise quand on essaie d'introduire dans un projet de loi, me semble-t-il – je ne suis pas législateur – des concepts comme «danger», «négligence», etc., etc., il faut accepter d'entrée de jeu qu'il y ait une certaine zone d'imprécision.

Il y a un certain nombre d'auteurs qui ont écrit beaucoup sur les notions floues en droit, puis il y en a un certain nombre. On a vécu pendant 125 ans avec le bon père de famille. On l'a changé par la personne raisonnable et prudente. Puis on est capables de construire tout un système de responsabilité sur un concept aussi flou que ça.

La dangerosité, je pense que... Ce qu'on observe quand on examine, entre autres, l'évolution du droit américain relatif à la santé mentale, c'est que la pratique scientifique des médecins, des professionnels de la santé, permet de développer au fur et à mesure qu'on avance puis au fur et à mesure que le savoir se précise, de développer un concept qui est adapté aux besoins du moment.

Et moi, pour un, là, qui fait du droit depuis 25 ans ou quelque chose comme ça, je pense qu'il est infiniment plus dangereux dans une loi de vouloir boulonner de façon très précise des concepts flous que de les définir de façon générale en s'assurant que ceux qui sont chargés de leur application sont compétents pour le faire. Alors, on dit: Voici qu'on demande à des médecins qui sont soumis à un certain nombre d'obligations – puis pas des plus légères – d'exercer un jugement sur un concept difficile mais dont on sait que l'ensemble de la communauté scientifique et professionnelle en fait l'examen puis rajuste le tir, s'il y a un peu de dérive.

Et je pense qu'on est beaucoup mieux dans un concept comme celui-là que d'essayer de définir, dans un règlement d'application de 42 articles, le concept de «danger», d'«imminence», de «pour soi», «pour autrui». On n'en sortira jamais.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci. Alors, en conclusion, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui. Je veux remercier nos experts, remercier l'Association des médecins psychiatres, le docteur Lamontagne et toute son équipe. Vous nous faites des recommandations extrêmement intéressantes, particulièrement celle de l'abolition de l'article 24. On va sûrement ajuster notre questionnement pour voir si, dans la loi 120, les précautions sont bien prises.

Mais je retiens aussi ce que vous avez dit: l'urgence d'agir, là, et d'avoir une loi 39 bonifiée par rapport à ce que nous avons. Et on va le souhaiter, là, pour que ça puisse arriver à la fin de cette session. Alors, merci encore une fois.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci. M. le ministre, en conclusion.

M. Rochon (Jean): Oui, alors, merci beaucoup. Et comme je l'ai dit à d'autres groupes, là, je prends note aussi des commentaires que vous nous faites ou des réponses à des questions qui ne sont pas nécessairement en lien avec la loi quant à la solution des situations qu'on rencontre. Et étant très conscient que tout ça est un éventail, là, de moyens qu'il faut utiliser – et surtout en ce qui regarde, je pense, ce qui était dans votre domaine, dans votre champ d'action: ceux qui souffrent de maladie mentale, surtout ceux qui souffrent de maladie sévère et persistante – on est très conscients qu'il y a une priorité là, à accorder, là, là-dessus, et que tout va dépendre du bon équilibre de nos ressources, autant ce qu'on maintient comme ressources hospitalières que ce qui se développe dans la communauté. Et on nous dit de partout que ce qui est important, c'est d'y aller avec intensité, autant en quantité qu'en qualité, par exemple. Alors, dans les prochaines semaines et les prochains mois, on aura à se reparler de ça aussi.

(17 h 10)

La Présidente (Mme Barbeau): Merci beaucoup. Alors, merci de votre contribution à cette commission.

Je demanderais au Comité des usagers de l'hôpital Louis-H. Lafontaine de prendre place rapidement, s'il vous plaît. Alors, je vous demanderais de prendre place, s'il vous plaît. À l'ordre, s'il vous plaît! Je demanderais au porte-parole de s'identifier ainsi que d'identifier les personnes qui l'accompagnent et de commencer sa présentation, s'il vous plaît.


Comité des usagers de l'hôpital Louis-H. Lafontaine

M. Primeau (André): Alors, merci, Mme la Présidente, maintenant. Mon nom est André Primeau. Je suis coordonnateur au Comité des usagers. À ma droite, Geneviève Lecours, qui est consultante au Comité et étudiante en droit à l'Université de Montréal; à ma gauche, Mylène Demers, qui est, elle aussi, consultante et étudiante en droit à l'Université de Montréal.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci.

M. Primeau (André): Alors, je voudrais premièrement remercier la commission de nous recevoir aujourd'hui et d'écouter nos commentaires sur le projet de loi n° 39. Je vais le faire tout de suite, au risque de manquer... parce que j'ai peur de manquer de temps avant la fin, remercier les gens qui ont contribué par leurs discussions et par leurs commentaires à l'élaboration de ce mémoire et en particulier M. Dany Ramsy qui nous accompagne aujourd'hui.

Alors, en préambule, le Comité des usagers représente à peu près 6 000 patients, 6 000 usagers de services à l'hôpital L.-H. Lafontaine. Ce sont des usagers qui reçoivent soit les services en clinique externe soit directement à l'hôpital ou dans les différentes ressources d'hébergement que l'hôpital offre. Nous avons, par le mandat qui nous est conféré dans la Loi sur la santé et les services sociaux, un mandat clair d'accompagnement, d'assistance, de promotion des droits et d'information aux usagers sur leurs droits et leurs obligations. Et c'est à travers tous ces volets qui font partie de notre mandat que nous avons, à mon avis et l'avis de plusieurs, acquis une certaine expertise en matière pratico-pratique de la Loi sur la protection du malade mental, c'est-à-dire qu'on intervient souvent avec les patients qui sont dans le processus de mise en place de... bon, une cure fermée ou pour la garde en établissement. Et c'est à partir de ces expériences et de nos discussions que nous vous présentons ce mémoire.

Nous avons divisé le mémoire en sept sections. Je vous les nomme tout de suite et après on va alterner – pour garder tout le monde alerte et briser la glace. Chacun notre tour, nous allons présenter une section différente. Alors, nous allons commencer par le titre même de la loi, ensuite l'examen clinique psychiatrique, la notion de dangerosité, le rôle accru des policiers, la garde à distance, les mesures de protection et le devoir d'information. Alors, je cède immédiatement la parole à Mylène pour nous parler du titre de la loi.

Mme Demers (Mylène): Alors, évidemment je ne vous apprends rien en disant que le projet de loi vient modifier le titre de la loi. Bon, on part de la terminologie de la Loi sur la protection du malade mental pour en arriver à la Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale. Pour avoir lu les commentaires de plusieurs personnes, on sait que cette terminologie-là a été changée dans le but de dissocier la personne de la maladie.

La première modification qu'on voudrait apporter – c'est simplement une question de terminologie – peut-être pour dissocier encore davantage cette chose-là de la personne, de la maladie, on a pensé que ce serait peut-être préférable de baptiser la loi comme étant la loi sur la protection des personnes présentant des problèmes de nature psychiatrique. Juste parce qu'on pense que malade mental et maladie mentale, ça se ressemble beaucoup; ça s'entrecoupe dans l'esprit d'à peu près tout le monde. Alors, sans vouloir faire un changement de fond mais juste de forme, peut-être que ça serait approprié à ce niveau-là.

Dans un deuxième temps, on croit que la Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale ne vise pas toutes les personnes qui sont atteintes de maladie mentale mais bien seulement celles qui présentent un danger. Et c'est à ce niveau-là qu'on croit que le titre vient confondre deux concepts distincts, soit la maladie mentale et la dangerosité. C'est pour ça qu'on croirait absolument essentiel d'ajouter, à tout le moins à la fin du titre de la loi, que la loi vise les personnes présentant un danger pour elles-mêmes ou pour autrui.

Donc, en résumé, on voudrait que le titre de la loi soit changé pour le suivant: loi sur la protection des personnes présentant des problèmes de nature psychiatrique et présentant un danger pour elles-mêmes ou pour autrui. Alors, je vais maintenant céder la parole à Geneviève Lecours, qui va vous entretenir de l'examen clinique.

Mme Lecours (Geneviève): Bon, en ce qui me concerne, je vais aborder la procédure et quant au contenu, ça sera Mylène qui va en discuter par la suite. Comme vous le savez, la loi actuelle prévoit deux examens effectués par deux psychiatres différents. Le projet de loi propose un seul examen par un seul psychiatre. Nous, en fait, on n'est pas vraiment en accord avec ce changement-là parce que le fait de couper de moitié le nombre d'examens cliniques psychiatriques risque d'augmenter de façon significative le nombre d'erreurs ainsi que les internements arbitraires. Donc, nous aimerions que les deux examens soient maintenus.

Ensuite, en ce qui concerne les délais, la loi actuelle prévoit un délai maximal de 96 heures. Ce délai-là a été implicitement abrogé par le projet de loi. Nous croyons que c'est un bon délai parce que ça permet d'éviter... Le 96 heures, c'est entre le premier et le deuxième examen clinique psychiatrique. Un délai maximal de 96 heures permet d'éviter que des abus se produisent en prolongeant indéfiniment l'admission temporaire d'une personne avant de lui faire subir son deuxième examen clinique psychiatrique.

Par ailleurs, nous, ce que nous proposons, c'est de réduire ce délai maximal de 96 heures à un délai de 24 heures; c'est-à-dire que les deux examens cliniques psychiatriques devraient se faire à l'intérieur d'un délai de 24 heures dans le but de corriger le plus rapidement possible des erreurs potentielles commises lors de l'évaluation initiale. S'il y a un deuxième examen clinique psychiatrique, c'est nécessairement pour réviser la première décision, voir si la garde serait justifiée.

Alors, nous, ce qu'on propose, c'est les deux examens dans un délai maximal de 24 heures et, par la suite, il faudrait qu'il y ait des révisions subséquentes de façon régulière. C'est-à-dire, dans un premier temps, dans le premier 96 heures, il faudrait qu'il y ait des révisions subséquentes à toutes les 24 heures et, par la suite, à toutes les 48 heures pour vraiment s'assurer du suivi du patient, du suivi de sa situation, de son évolution.

Dans un autre ordre d'idées, nous croyons que le rapport du premier psychiatre ne devrait pas être porté à la connaissance du deuxième psychiatre, dans un souci de préserver l'impartialité de cette évaluation subséquente. Par la suite, ce que nous suggérons, c'est que l'examen clinique psychiatrique devrait se limiter à l'évaluation de la dangerosité de la personne au moment précis où elle est examinée, étant donné que la garde en établissement met en cause le droit à la liberté. Donc, c'est très, très important de s'en tenir au critère de la dangerosité. C'est le seul critère à considérer et la loi actuelle, à l'article 11, prévoit bien la notion de dangerosité. Ce qui est malheureux, c'est que, dans le projet de loi, on réfère au critère de la dangerosité de façon, disons, indirecte en faisant référence dans la disposition préliminaire au Code civil. Alors, la notion de dangerosité est plutôt... on lui fait référence via la disposition préliminaire; on dit: Référez-vous au Code civil du Québec.

Maintenant, je cède la parole à Mylène qui va nous parler du contenu de l'examen clinique psychiatrique.

M. Demers (Mylène): Alors, c'est l'article 3 du projet de loi qui vient mentionner qu'est-ce qui doit être contenu dans le rapport du psychiatre sur l'examen clinique psychiatrique. Juste en préambule peut-être, mentionner qu'il y a un article dans la Loi d'interprétation du Québec, que j'ai cité à la page 8 de notre mémoire, peu importe, qui se retrouve également dans la Loi d'interprétation canadienne, qui veut que, lorsqu'on emploie la terminologie... Le verbe «devoir» dans une loi, c'est une obligation de faire quelque chose, alors que, si on emploie le verbe «peut faire telle chose», alors, il y a la possibilité de le faire, de ne pas le faire.

Ce que l'article 3 mentionne, c'est que tout psychiatre doit inclure dans son rapport le diagnostic; il doit absolument le faire. Or, on croit qu'il ne devrait pas avoir cette obligation-là, de le faire. Il pourrait le faire, mais pas de façon obligatoire. Parce qu'il faut en revenir au but de cet examen-là: le but est de savoir s'il y a nécessité ou pas d'avoir une garde en établissement. Le seul critère à considérer dans cette situation-là, c'est de savoir si la personne est effectivement dangereuse ou pas. Alors, on ne croit pas que c'est nécessaire, lors du premier examen clinique psychiatrique, de déterminer si la personne est schizophrène ou peu importe. Tout ce qu'on veut savoir, c'est si elle est dangereuse ou pas. On ne croit pas que c'est pertinent que le juge devant lequel va être présentée la requête pour garde sache de quoi exactement souffre la personne.

(17 h 20)

Ce n'est pas qu'on ne croit pas que les psychiatres ne peuvent pas nécessairement poser un diagnostic, c'est juste qu'on croit qu'il est trop tôt pour le faire et que, si jamais il y avait nécessité de faire des examens plus approfondis pour pouvoir trouver le diagnostic, le fait que la loi oblige le médecin à le faire pourrait entraîner des diagnostics prématurés avec toutes les conséquences néfastes que ça peut entraîner. On sait que le dossier d'un patient le suit à peu près partout où il va aller par la suite, que tous les professionnels de la santé, à l'intérieur de l'établissement et parfois même à l'extérieur, vont se référer à ce dossier-là pour élaborer leur plan de soins. Alors, si un diagnostic prématuré, voire erroné, a été posé dès le départ, parce que la loi l'oblige à le faire, tout le plan de soins qui va s'ensuivre pourrait aussi être erroné. Alors, c'est là-dessus qu'on a certaines craintes.

Pour les mêmes raisons, on croit aussi que... Bon, l'article 3 toujours, à son alinéa 4°, mentionne que le médecin doit toujours inclure son opinion sur la gravité et les conséquences probables de la maladie. Bien, pour les mêmes raisons on ne croit pas que c'est pertinent de se trouver, à ce stade-là... de savoir comment ça va évoluer, et tout ça. Pour continuer, André Primeau va vous parler de la notion de dangerosité à l'intérieur du projet de loi.

M. Primeau (André): Bien, on a inclus une section sur la notion de dangerosité. Après avoir entendu les présentations de ce matin et les questions, je pense qu'on a eu une bonne idée, là, d'en faire un chapitre distinct. Bon, il y a une partie du projet de loi qui présente une harmonisation avec le Code civil, en termes de terminologie. Je pense que cette section-là est bien comprise. Ce matin, dans son allocution d'ouverture, le ministre parlait que la notion de dangerosité est apparue en 1856, sauf qu'en 1997 on n'en a pas encore une définition précise. C'est encore un peu mal compris, je pense, par l'ensemble des gens, mal compris ou interprété de façon... largement par l'ensemble des gens qui doivent l'appliquer.

Bon, on l'a dit souvent, et on va probablement le répéter souvent, effectivement la dangerosité est le seul critère pour justifier une garde en établissement. Sauf que ce qui est souvent mélangé et par expérience je peux vous dire que, pour avoir accompagné des usagers dans le processus, on semble plutôt vouloir vérifier ou valider la nécessité d'avoir besoin de soins. C'est plutôt ça qu'on semble vérifier au lieu de la dangerosité; on dit: Oui, oui, bien, cette personne-là a besoins de soins. À ce moment-ci, je crois en tout cas qu'on ne doit pas vérifier si la personne a besoin de soins, on doit vérifier pour la notion de dangerosité. Et, parce que le concept est flou, bien, on l'adapte à différentes situations pour faciliter à mon avis la garde en établissement.

Le projet de loi semble vouloir, de façon réaliste si on veut, simplifier la garde au détriment de certains droits et libertés, alors que peut-être, par des services plus adaptés ou avec un suivi intensif, on pourrait peut-être ne pas avoir recours à la garde en établissement dans certains cas. Et, dans la mesure où on voudrait que les gens soient bien au fait du contenu du projet de loi et de la notion de dangerosité, on demanderait que dans le projet de loi apparaisse l'obligation pour l'établissement de mettre sur pied un cadre de référence pour l'application du projet de loi et un programme de formation à l'endroit du personnel. Maintenant, Geneviève va vous entretenir sur le rôle accru des policiers.

Mme Lecours (Geneviève): Alors, relativement au rôle que donne le projet de loi à l'agent de la paix, je traiterai dans un premier temps de l'article 8 et ensuite je traiterai de l'article 15.

Bon, en ce qui a trait à l'article 8, nous sommes en désaccord avec le pouvoir d'évaluation discrétionnaire qui serait accordé aux policiers pour évaluer si la personne présente un danger imminent. Nous y voyons des risques d'abus et nous considérons qu'à l'heure actuelle, à l'heure où on se parle, les policiers n'ont pas nécessairement la formation appropriée pour juger de l'état mental d'une personne. Vous pouvez vous référer en annexe à une lettre qui nous a été adressée par le directeur de l'Association des directeurs de police et pompiers du Québec. C'est une lettre très intéressante qui donne une idée, en fait, de la position des policiers à ce niveau-là.

Certains ont prétendu que les délais et les coûts pour aller chercher une ordonnance du tribunal, là, que c'était quelque chose qui pouvait justifier qu'on confère aux policiers ce rôle accru. En ce qui nous concerne, nous trouvons que c'est un argument plus ou moins convaincant étant donné qu'il y a, à l'heure actuelle, des démarches simplifiées qui sont disponibles. Par exemple, les CLSC offrent une démarche simplifiée, démarche que vous pouvez également trouver en annexe. Bon, c'est certain qu'il va falloir s'assurer dans l'avenir de l'efficacité de cette démarche simplifiée là, mais il faut savoir que cette démarche-là existe et que les gens peuvent s'en servir.

Ensuite, nous croyons que l'article 8 ne doit pas être maintenu parce que le Code civil du Québec et le Code de procédure civile prévoient déjà une procédure adéquate, et ça devrait rester la seule façon d'obtenir qu'une personne soit amenée contre son gré pour subir un examen psychiatrique.

Nous aimerions également mentionner que l'article 8 porte atteinte à l'article 1 de la Charte québécoise, article qui protège le droit à la liberté. L'article 8 porte également atteinte à la dignité, l'honneur et la réputation que protège l'article 4 de la Charte québécoise. Par ailleurs, si l'article 8 devait obtenir force de loi, nous recommandons que les personnes visées qui auront recours aux agents de la paix soient contraintes de rapporter les faits dans une déposition, c'est-à-dire que les gens qui ont recours au service des policiers doivent rapporter de façon exacte les faits, que le policier va prendre en note, déposition qui sera signée par la personne qui aura rapporté les faits.

Maintenant, mes commentaires porteront sur l'article 15 concernant le devoir d'information du policier. Dans un premier temps, il est important de spécifier que le devoir d'information de l'article 15 est incomplet. Il faudrait absolument que le policier informe la personne de son droit de consulter un avocat dans les plus brefs délais; ce qui est tout à fait absent de l'article 15. Et concernant la notion de prise en charge, que vous trouverez à l'alinéa 2 de l'article 15, la prise en charge devrait se faire au moment où la personne a été vue par un médecin et non pas à partir du moment où elle met les pieds à l'hôpital. Alors, je cède la parole...

M. Primeau (André): Rapidement parce qu'il ne reste pas beaucoup de temps, concernant la garde en distance. Bon, notre opinion est d'éliminer cette section de la loi et je vous dis pourquoi et je répète: la dangerosité est le seul critère. Si la personne n'est pas dangereuse et qu'on peut la laisser sortir pour des absences temporaires, là, je crois que la garde n'est plus justifiée et donc on ne peut pas parler de garde provisoire. C'est sûr qu'on en parle dans un objectif thérapeutique et si on parle de thérapie, de traitement, on parle de consentement. Alors, c'est un peu contradictoire de demander à quelqu'un de consentir à quelque chose qu'il ne veut pas. C'est à peu près ça qu'on lui demande. Je caricature, sauf qu'on demande à la personne: Est-ce que tu acceptes de sortir, de prendre ta médication, de suivre le traitement, mais, si ça ne fonctionne pas, il va falloir que tu reviennes à l'hôpital? Je pense qu'on a à ce moment-là un consentement qui n'est pas libre, en tout cas qui est sous menace de rester à l'hôpital, si on veut, et naturellement les gens veulent sortir.

Je pense qu'une alternative... on demandait ce matin s'il y avait une alternative. Effectivement, si la personne a encore besoin d'être suivie, je pense qu'un suivi intensif dans la communauté est beaucoup plus de mise qu'une garde provisoire à ce moment-là. Donc, on ne voudrait pas que la garde provisoire vienne comme pallier un manque qui pourrait être organisé autrement. Alors, je cède la parole à Mylène.

Mme Demers (Mylène): Je vais traiter des mesures de protection dans la loi. D'abord, nous croyons que c'est un ajout positif qui a été fait dans le projet de loi. Comme on l'a déjà mentionné, c'était inclus dans le Règlement sur l'organisation à l'administration des établissements que chaque établissement doit faire un protocole sur les mesures de contention. Maintenant, c'est écrit nulle part, dans aucune loi, quelles sont les mesures en question qui doivent être utilisées. Alors, on croit qu'inclure des balises à l'intérieur du projet de loi va permettre une certaine uniformisation à l'intérieur de tous les établissements au Québec, là, de ce qui va être utilisé.

Par contre, on aurait quelques ajouts qu'on croirait important de mentionner à l'intérieur du projet de loi. Premier ajout, on voudrait qu'il soit inscrit que l'utilisation doit être minimale, tant au niveau de la durée que de l'intensité des mesures de contention; deuxième ajout, on voudrait qu'il soit mentionné que les mesures ne peuvent être utilisées qu'en cas d'urgence, à moins que la personne y ait consenti, puis, dans un troisième point, on voudrait émettre une certaine réserve sur les mesures de contention dites chimiques. On est conscient que, dans certains cas, c'est la seule façon de réussir à contenir une personne. Par contre, on croit que ça devrait être mentionné que ces mesures-là devraient pouvoir être utilisées seulement en dernier recours lorsque les autres types de contention, physique, mécanique, tout ça, n'ont pas réussi à résorber l'état de crise.

(17 h 30)

De plus, notre réserve sur les contentions chimiques est basée sur le fait que, lorsqu'on injecte des médicaments, une substance chimique à une personne, ça peut avoir des effets sur plusieurs jours suivant cette injection-là en question, puis c'est durant ces jours qui vont suivre qu'on a une certaine crainte, une réticence à ce que des consentements aux soins soient donnés sans être libres de la part de ces personnes-là. Parce qu'une personne qui se fait injecter une substance qui la rend, bon, plus calme, plus endormie, si on peut dire, pourrait être portée à ne pas vraiment comprendre ce qu'on lui dit: Est-ce que tu veux consentir à tel traitement, à telle médication? et dire: Oui, oui. Et c'est là-dessus qu'on éprouve beaucoup de réticence. Alors, c'est pourquoi on voudrait que ça soit utilisé seulement en dernier recours lorsque les autres moyens de contention n'ont pas réussi à résorber la crise.

Finalement, Geneviève Lecours va nous entretenir sur le devoir d'information.

Mme Lecours (Geneviève): Alors, concernant la section VII, brièvement, je vais vous faire part de nos trois recommandations. Dans un premier temps, nous considérons que l'article 18 du projet de loi est trop limitatif, car il n'inclut pas les comités des usagers et les organismes régionaux d'aide et de défense des droits; donc, ces deux entités là ne figurent aucunement dans l'énumération. Si on prend en particulier le cas des comités des usagers, je tiens seulement à vous faire remarquer que ceux-ci sont expressément prévus dans la Loi sur la santé et les services sociaux. Alors, l'inclusion des comités d'usagers et des organismes. Ce n'est pas une obligation pour l'usager de venir nous consulter. Ce n'est pas une obligation. Il faut le voir comme une faculté, une option pour l'usager de venir nous voir.

Dans un deuxième temps, toujours en ce qui concerne l'article 18, nous suggérons de reformuler autrement le libellé de cette disposition, de la façon suivante, et je cite: «La personne sous garde doit pouvoir communiquer en toute confidentialité avec la personne de son choix, y compris la Commission des affaires sociales», et ainsi de suite. Donc, c'est important, c'est primordial même, que la personne puisse communiquer avec la personne de son choix. C'est très important.

Et finalement, nous recommandons l'ajout au projet de loi d'une disposition qui imposerait l'obligation pour chaque établissement de santé de joindre, lors de la signification d'une requête, un feuillet d'information, du même type que celui que vous trouverez en annexe D du présent mémoire, feuillet d'information qui est vraiment sur la première page et qui dit: Vous pouvez consulter telle personne pour avoir des informations sur la présente requête que vous recevez. C'est très utile pour les gens qui souvent se retrouvent dépourvus devant une telle requête. Merci.

M. Primeau (André): On a terminé. Je m'excuse d'avoir un peu empiété sur le temps de vos questions.

La Présidente (Mme Barbeau): Non. Mais je veux juste vous rassurer, ça n'a rien à voir avec la qualité, là, c'est juste une question de fonctionnement et de laisser aussi le temps aux parlementaires de vous poser des questions.

M. Primeau (André): Oui.

La Présidente (Mme Barbeau): Vous pourrez toujours, si vous avez des petites choses que vous avez oubliées, en répondant, compléter. Alors, M. le ministre.

M. Rochon (Jean): Merci. Merci beaucoup pour votre présentation et, comme vous le disiez dans votre introduction, vous venez sûrement d'un établissement qui a une longue expérience avec les différents problèmes qui peuvent être associés à la maladie mentale et d'un établissement qui a connu, je pense, toute l'histoire au Québec, une bonne partie à laquelle on a référé en commençant nos travaux ce matin.

Et à ce titre-là justement, au sujet de la garde à distance, où on peut très bien comprendre dans la discussion, à savoir: Est-ce que ça favorise vraiment une intégration dans la communauté, plus rapide, ou est-ce que ça peut risquer de déraper et de plutôt étirer des hospitalisations? Jusqu'à quel point la personne est plus ou moins prise en otage quant au consentement à son traitement? Je comprends tout ça.

Ma question serait: Quelle est votre expérience dans votre établissement? C'est probablement quelque chose que vous avez expérimenté. Sur la base de cette expérience-là, est-ce qu'il n'y a pas une étude clinique qui a été faite, une observation de cas, qui vous amène à conclure que, sur la base d'une expérience, on n'a pas vraiment les effets que d'autres nous disent qu'on a avec la garde à distance, qui sont de favoriser un meilleur lien avec les groupes dans la communauté et d'ajuster le transfert?

M. Primeau (André): Bon. Moi, ça fait cinq ans que j'interviens avec les usagers. Je peux vous dire que la garde à distance, je ne l'ai jamais vue. On vous...

M. Rochon (Jean): Vous ne la pratiquez pas à...

M. Primeau (André): Non.

M. Rochon (Jean): ...votre établissement?

M. Primeau (André): On n'a pas de... La personne est sous garde ou elle ne l'est pas. Je n'ai jamais vu quelqu'un qui était sorti de l'établissement, mais qui était sous le coup d'une garde en établissement. Ce qu'on fait, c'est qu'on a des maisons de transition et des mesures d'hébergement temporaire qui font en sorte que cette personne-là peut être placée temporairement dans cet hébergement-là, toujours sous garde, toujours sous la supervision de l'hôpital Louis-H. Lafontaine, sauf que la personne n'est pas dans l'établissement. Sauf que c'est des choses qui sont négociées, hein; c'est de la thérapie. On veut faire de la thérapie, on négocie avec les gens le plan de traitement à ce niveau-là. Ce n'est pas le même fonctionnement.

M. Rochon (Jean): Je voudrais bien vous comprendre, là. Est-ce que vous utilisez des ressources intermédiaires où la personne peut aller en quittant l'hôpital avant de retourner vraiment dans sa famille, dans la communauté et qu'étant dans une ressource intermédiaire la personne demeure inscrite? Ce n'est pas une garde à distance? C'est toujours une garde dans une ressource intermédiaire?

M. Primeau (André): Non. Quand elle s'en va dans l'hébergement temporaire, elle n'est plus sous garde. Quand elle sort de l'établissement, elle n'est plus sous garde. On utilise...

M. Rochon (Jean): La personne n'est plus admise à l'hôpital?

M. Primeau (André): L'utilisation de la ressource d'hébergement fait en sorte qu'on peut enlever la garde, sauf que la personne y consent et accepte d'y être...

M. Rochon (Jean): O.K. La personne a quitté l'hôpital.

M. Primeau (André): C'est ça.

M. Rochon (Jean): Il n'y plus de procédure. O.K.

M. Primeau (André): C'est ça.

M. Rochon (Jean): Merci.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui. À mon tour de vous remercier bien sincèrement pour la qualité de votre présentation puis je pense aussi la concision, la simplicité dans lesquelles vous nous amenez à vos recommandations.

Je voudrais d'emblée vous demander votre opinion sur la déjudiciarisation. On a eu un peu un imbroglio plus tôt, avec un autre groupe, où on pouvait penser que la Commission des affaires sociales pourrait faire, en partie du moins, le travail de ce qu'un tribunal peut faire et j'aimerais dans un premier temps vous demander votre opinion et dans un deuxième temps faire référence à votre recommandation de maintenir les deux examens où une crainte – et on connaît le contexte économique ou le contexte de coupures – c'était qu'on veuille couper ce deuxième examen tout simplement par mesure économique. Alors, j'aimerais ça vous entendre sur l'utilité de ce deuxième examen.

M. Primeau (André): Je vais demander à Geneviève de répondre à la question.

Mme Lecours (Geneviève): Bon. En ce qui concerne la déjudiciarisation, nous sommes bien conscients que nous n'en avons pas traité dans notre mémoire. Par contre, ce que nous croyons, c'est que c'est bien comme ça, la façon dont ça se déroule devant la Cour supérieure; ça devrait être maintenu. Je crois qu'il faut se questionner sur le fait de laisser la compétence à un tribunal administratif, qui se trouve à être la Commission des affaires sociales, de laisser à un tribunal administratif les décisions concernant les droits et libertés. Alors, actuellement ça se passe en Cour supérieure et ça devrait, selon nous, rester comme ça.

En ce qui concerne les examens, les deux examens, clinique et psychiatrique, nous ne sommes pas d'avis que derrière la réduction de deux à un qu'il y a un souci d'économies, là. On ose espérer que ce n'est pas ça la raison, là. Non. Il ne doit pas être question d'économies là-dedans du tout du tout, parce qu'à long terme on y perd, on y perd. Si quelqu'un est maintenu injustement, cette personne-là peut intenter des poursuites en responsabilités, bon, avec tous les coûts que ça occasionne. Alors, je ne sais pas si ça répond à votre question. Je ne sais pas si...

M. Primeau (André): Il y a Mylène qui veut rajouter.

Mme Demers (Mylène): Oui. Il y a quelqu'un tout à l'heure qui a mentionné justement, sur le fait de transférer à la Commission des affaires sociales le pouvoir de juger justement d'une garde en établissement ou pas, le fait peut-être... un doute sur son impartialité dans le sens que siègent à la Commission des affaires sociales trois personnes dont, si je ne m'abuse, un à tout le moins, sinon deux psychiatres. Je ne sais pas... On essaie de rendre ça le plus impartial possible. Comment un psychiatre pourrait dire: Non, son collègue me donne un rapport, mais il s'est trompé. Je ne vois pas en quoi est-ce qu'on rend le tout vraiment impartial.

J'ai déjà aussi entendu dire à l'extérieur des murs d'ici qu'on avait voulu ça peut-être dans un souci de rendre ça plus facile, entre autres pour les usagers, dans le sens de l'impact psychologique et émotif, de se rendre devant la cour. Plus simple. On fait juste changer de local dans l'hôpital plutôt que sortir puis se rendre au palais de justice. Bien, je crois qu'un tribunal c'est un tribunal, peu importe où il est, c'est-à-dire qu'il soit dans un palais de justice ou dans un local différent de l'hôpital ou dans un autre établissement, ça reste un tribunal. Alors, je ne crois pas qu'on devrait se baser là-dessus pour savoir si c'est quelque chose de positif ou pas pour les usagers.

M. Marsan: Si vous me permettez.

La Présidente (Mme Barbeau): Oui.

M. Marsan: Vous parlez des mesures de contention, là, des mesures de protection et vous souhaitez qu'on puisse maintenir l'article 24. Plus tôt, l'Association des psychiatres est venue nous dire que la loi 120 donnait les balises, les paramètres nécessaires. Est-ce que vous voyez une meilleure utilisation de ces mesures-là, si elles sont inscrites dans le projet de loi n° 39 par rapport à ce qui est déjà inscrit dans la loi 120?

(17 h 40)

M. Primeau (André): Si je ne m'abuse, la loi fait référence à l'obligation pour les établissements de mettre en place un protocole de contention, mais ne donne pas vraiment de critères qui doivent être respectés dans l'élaboration des protocoles dans l'établissement où... Bon, à Louis-H. Lafontaine, il existe un protocole d'isolement en contention où l'ensemble des mesures qui sont utilisées sont expliquées amplement et dans quelles circonstances ces mesures de contention doivent être utilisées. À notre avis, l'avantage, c'est surtout pour les établissements où soit que le protocole n'est pas encore fait ou les établissements... De dire, bon, on l'utilise de façon minimale. Je pense que, en durée et en intensité qu'on mentionne... Je pense que c'est un critère qui devrait être utilisé pour ceux qui auront à le faire dans le futur ou à le modifier dans le futur, ça.

M. Marsan: Alors, vous insistez pour qu'on poursuivre, là, à l'intérieur de la loi n° 39, et qu'on donne les paramètres davantage.

M. Primeau (André): Exactement. Geneviève, je pense, voudrait ajouter quelque chose.

Mme Lecours (Geneviève): Oui, pour répondre à votre question et aussi pour ajouter à ce que mon collègue disait, je pense que c'est... Nous pensons en fait que c'est important d'ajouter ça dans une loi de protection, dite de protection. Si on parle de protection d'une personne atteinte de troubles psychiatriques, il me semble que c'est tout à fait essentiel de venir parler de mesures de contention et, comme mon collègue le disait, de venir spécifier des balises, balises qui ne sont pas prévues pour l'instant, là. Ce n'est pas prévu. Je veux dire, c'est laissé à la discrétion de chacun des établissements, pour ceux qui veulent bien faire un protocole, là.

M. Marsan: Juste en terminant, rapidement, j'apprécie beaucoup votre recommandation à l'article 18 d'inclure le comité des usagers. Je pense que ça va de soi, là, si on veut harmoniser non seulement avec le Code civil, mais avec la loi 120 et je voulais aussi vous dire... Vous dites: Si l'article 8 doit passer. Vous nous faites un certain nombre de recommandations, mais je suis certain que vous allez sûrement être d'accord aussi à ce qu'on puisse donner aux agents de la paix une formation adéquate et nécessaire, là, lorsqu'il auront à intervenir en vertu de 8, s'il y a lieu.

M. Primeau (André): Oui, effectivement. D'ailleurs, dans nos discussions avec l'Association des directeurs de police et de pompiers du Québec, c'était... Le gros, là, de nos rencontres, c'était de dire: Bon, la formation, est-ce qu'elle est adéquate? Non, elle ne l'est pas. Est-ce qu'il va être possible de modifier la formation? Mais là, on est à un autre niveau. On n'est plus dans santé et services sociaux, on est rendus dans un autre ministère, si on veut. Donc, c'est... L'harmonisation peut être assez longue; à notre avis, là, il va y avoir un problème le temps où l'ensemble des policiers vont être formés à appliquer cette loi-là. Je pense qu'il pourrait y avoir des problèmes, à ce moment-là. Geneviève?

Mme Lecours (Geneviève): On ne met pas en doute, là, que les policiers font souvent face à des cas de personnes ayant des troubles psychiatriques. On essaie juste de vous mettre en garde contre les abus possibles. Une personne peut souffrir de troubles de santé mentale mais sans nécessairement représenter un danger. La personne peut avoir des comportements bizarres, là, inhabituels, mais ça ne veut pas dire qu'elle représente un danger. Est-ce que les policiers vont être capables de nuancer? C'est toute là, la question.

Ça, c'est sans compter les gens qui ont des antécédents en psychiatrie. Il y a des gens qui ont des antécédents en psychiatrie, et c'est connu de leur entourage, là; du moment que cette personne-là présente des signes ou des comportements inhabituels, est-ce qu'on va s'empresser d'appeler la police pour dire: Elle a des problèmes ou ça ne tourne pas rond, là? Et puis les policiers ne risquent-ils pas d'être influencés par le fait que cette personne-là a déjà eu des antécédents en psychiatrie? Il faut vraiment, je pense, se questionner là-dessus et réfléchir sur la question.

M. Marsan: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, Mme la Présidente. Mesdames, messieurs, j'aimerais enchaîner un peu, poursuivre la question du ministre, sa première question, la différence entre évidemment la garde en établissement et un patient qui est admis ou inscrit dans votre établissement, parce que je crois que la différence est fondamentale.

On peut bien avoir un grand nombre de personnes qui sont des patients d'un hôpital psychiatrique, peu importe son lieu, qui est là soit volontairement – et j'imagine que c'est largement le cas, que c'est volontairement – tandis que la garde en établissement est une mesure sur ordonnance, assez extrême, pour protéger la personne contre un danger imminent ou pour autrui. Avez-vous des chiffres concernant les patients, dans une année donnée, à l'hôpital Louis-H. Lafontaine, le nombre de patients qui peuvent être là vraiment en garde en établissement?

M. Primeau (André): À Louis-H.?

M. Copeman: Oui.

M. Primeau (André): J'ai les chiffres du palais de justice de Montréal, qui peuvent peut-être donner une indication. Corrigez-moi si je me trompe, là, mais les chiffres qu'on a eus, c'est environ une quarantaine de requêtes par mois.

M. Rochon (Jean): Par mois, vous dites?

M. Primeau (André): Par mois, qui sont présentées...

M. Copeman: Pour la région administrative de Montréal?

M. Primeau (André): De Montréal, c'est ça.

M. Copeman: O.K.

M. Primeau (André): Puis, là-dessus, là, le nombre qui sont... C'est ça, à peu près une quarantaine par mois.

M. Copeman: O.K. Alors, ça va de soi que les personnes qui sont en garde en établissement sont une infime minorité des gens qui sont en traitement psychiatrique quelque part?

M. Primeau (André): Oui, effectivement, c'est l'extrême minorité.

M. Copeman: O.K. Alors, il faut, je pense, vraiment faire la différence entre quelqu'un qui est admis ou inscrit, et c'est là, j'imagine... c'est de là que découlent vos observations quant à la garde à distance?

M. Primeau (André): Hum, hum.

M. Copeman: À ne pas être confondue avec des mesures d'insertion sociale, avec des patients en psychiatrie qui sont là de façon volontaire?

M. Primeau (André): Effectivement. C'est que, bon, la garde, comme on dit, c'est une mesure exceptionnelle, et nous avons de la difficulté à concevoir comment on peut établir un contrat thérapeutique, une relation thérapeutique qui va être efficace avec quelqu'un à qui on dit: Écoute, si tu ne suis pas exactement ce qu'on va te dire, on peut te ramener à l'hôpital.

Je pense que le climat n'est pas à un bon contrat thérapeutique. Et je répète: le seul critère, c'est la dangerosité. Si la personne n'est pas dangereuse, qu'elle puisse quitter et s'en aller où elle veut bien s'en aller. Je pense que dans le Code civil et la loi qui était existante, il y a toute une gamme de procédures qui existent pour faire en sorte que les gens qui vont tomber entre deux chaises, à mon avis, il n'y en a pas beaucoup.

C'est-à-dire que, si les gens sont de façon répétitive réhospitalisés ou remis en garde en établissement, on est justifiés à ce moment-là de demander une autorisation de traiter cette personne-là ou on va devant un juge expliquer que: Voici les bienfaits de ce traitement; voici les effets néfastes. Et démontrer que les bienfaits dépassent largement les effets secondaires et que la personne va en bénéficier à long terme.

Je pense qu'on ne doit pas utiliser la garde en établissement pour amener quelqu'un à consentir aux soins, mais on doit préparer notre dossier et le présenter à un tribunal et dire: Voici, pour cette personne-là, on doit procéder à une autorisation de soins, on doit la traiter contre son gré et voici les raisons pour lesquelles nous justifions cette demande. Je pense que tout est mis en place. C'est juste de l'utiliser au bon moment et de ne pas avoir peur de les utiliser, aussi, les procédures qui existent.

M. Copeman: Mme la Présidente, si vous me permettez d'ouvrir une parenthèse, je pense que rendus à l'étape soit d'adoption du projet de loi ou d'étude article par article, ça serait très pertinent d'avoir, comme commission, toutes les données sur le nombre d'ordonnances de garde en établissement pour savoir vraiment, être capables de saisir vraiment l'ampleur du problème versus le nombre de personnes qui peuvent être traitées pour des troubles psychiatriques ou de maladie mentale. J'ai cru comprendre ce matin en posant la question à l'AHQ combien d'ordonnances ont été émises pour, soit traitement ou pour garde en établissement, et ils ont dit 12 000. Là, vous dites 40 par mois pour la région de Montréal qui... sous réserve, là, mais il me semble...

M. Primeau (André): Oui, c'est ça.

M. Copeman: ...qu'il y a un écart assez important, là. S'il s'agit vraiment de 40 par mois, c'est 480 de la région de Montréal, qui est un tiers de la province, tandis que la réponse ce matin était plutôt d'un ordre de grandeur beaucoup plus important que ça. Je pense que c'est des clarifications qui méritent d'avoir... qu'on devra avoir en main au moment propice.

M. Rochon (Jean): On va essayer sûrement, Mme la Présidente, d'avoir toutes les données qui peuvent être disponibles pour la commission.

M. Copeman: Merci.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors...

M. Rochon (Jean): Est-ce que je peux faire une parenthèse?

La Présidente (Mme Barbeau): Oui, M. le ministre.

M. Rochon (Jean): Une petite précision, en revenant à l'article 8, pour bien comprendre ce que vous nous proposez. Cette modification, je crois, veut, dans un sens, venir baliser une pratique qui, semble-t-il, se serait établie dans certains cas où, quand des gens dans des situations peut-être un peu extrêmes, mais des gens qui sont dans un moment de trouble important et qui peut être accompagné soit de violence ou soit de comportement où on pourrait croire que la personne peut mettre sa vie en danger sans que ça soit jusqu'à l'extrême de quelqu'un qui est sur le parapet du pont, prêt à sauter, mais qu'il y a une situation clairement qui risque d'évoluer rapidement, où la loi actuelle n'a pas vraiment de mesures, où les gens peuvent agir rapidement en passant par le tribunal en ayant une ordonnance même si la procédure est plus expéditive présentement et où souvent on a dû recourir à de l'aide pour amener quelqu'un à l'hôpital et qu'on puisse là voir qu'est-ce qui peut être fait pour aider cette personne-là. Et dans bien des cas, nous dit-on, c'est souvent les policiers qui se sont avérés être les gens les mieux préparés – peut-être qu'il y a besoin de formation de plus – de par leur métier à devoir composer avec quelqu'un qui peut être violent ou à devoir appliquer certaines mesures de contention physique en essayant de s'en tenir à juste ce qu'il faut.

Ma question est: Est-ce que c'est contre le fait qu'on ait recours à quelqu'un pour pouvoir amener quelqu'un en établissement comme tel que vous en êtes ou si c'est le choix de l'agent qu'on a choisi pour faire ça ou si c'est d'être bien prudent que, si on procède de ce côté-là, on aille baliser jusqu'au bout pour s'assurer que les gens sont vraiment bien préparés pour faire ça?

(17 h 50)

M. Primeau (André): Je dirais: Il y a deux éléments là-dedans. Premièrement, je pense qu'il y a l'élément intervention et il y a l'élément transport qui sont deux choses différentes où on doit intervenir sur place et ensuite on doit transporter la personne. Bon, pour le transport, je pense que c'est clair que l'auto de police, là, ce n'est pas le moyen le plus efficace pour transporter une personne qui est désorganisée. Ça, je pense qu'on s'entend là-dessus...

M. Rochon (Jean): Excusez. Par rapport à quoi?

M. Primeau (André): Pour la transporter, la personne.

M. Rochon (Jean): Mais par rapport à quoi? À l'ambulance?

M. Primeau (André): Par rapport à l'ambulance, effectivement. Je pense aussi que c'est beaucoup plus traumatisant de se faire mettre derrière un auto de police que de se faire mettre dans une ambulance. En tout cas, certains pourront en juger, là...

M. Rochon (Jean): O.K., oui.

M. Primeau (André): ...mais je pense que c'est mieux avec l'ambulance. Je pense qu'il faut qu'il y ait quelqu'un qui puisse intervenir. Bon, je ne veux pas... C'est sûr que je vais un peu dans le futur, puis je me dis: Bon, on va avoir des équipes en santé mentale qui vont être beaucoup plus... qui vont pouvoir se déplacer, qui vont pouvoir aller sur place rencontrer les gens. Bon, je pense que ces gens-là vont être les plus aptes à intervenir dans des situations de crise. Donc, je me dis: Là, si on met l'agent de police, on ne développera peut-être pas cet aspect-là qui, à mon avis, va être beaucoup plus productif, qui va éviter peut-être des hospitalisations. Si on permet maintenant l'agent de la paix, on va dire: Bon. Le problème qu'on avait pour intervenir rapidement est réglé. On n'ira peut-être pas dans un avenir où on dira: On va avoir des équipes de santé mentale, par secteur, qui, en situations de crise, vont travailler avec la police, mais elles vont elles-mêmes aller intervenir. C'est un peu...

M. Rochon (Jean): O.K.

M. Primeau (André): ...la nuance que je voulais apporter, ici. Oui, Geneviève.

Mme Lecours (Geneviève): Oui. Moi, j'aimerais préciser, parce que vous avez parlé qu'effectivement les policiers, à l'heure où on se parle, sont appelés à intervenir. Il faut préciser... Bon. Je vais faire une distinction entre un endroit public et chez un particulier, dans sa maison. Moi, en tout cas, pour avoir parlé à des policiers, quand il y a un problème... Une personne qui a des troubles de nature psychiatrique dans un endroit public, les policiers appellent les ambulanciers et ce sont les ambulanciers, dans la mesure où les ambulanciers sont disponibles à ce moment-là, qui amènent la personne vers la ressource, vers l'hôpital.

Quand on va chez un particulier... Vous avez parlé de violence, là on rentre dans une compétence qui relève effectivement des policiers. Quand on parle de voies de fait, de menaces de mort, oui, le policier est tout à fait justifié de venir se pointer et d'arrêter la personne, si je peux dire. Mais, quand il s'agit de problèmes psychiatriques et qu'on ne touche pas à une compétence qui relève du Code criminel, bien, à ce moment-là, le policier n'a pas nécessairement... n'a pas la compétence. C'est là qu'on a des réticences. C'est pour ça qu'on ne veut pas que l'article 8, en fait... Parce qu'on n'a pas la certitude non plus de la formation qu'ont les policiers avec les gens ayant des problèmes de santé mentale. C'était ce que je voulais dire.

M. Rochon (Jean): Merci.

M. Demers (Mylène): Je voudrais juste préciser un petite chose. Geneviève a mentionné que les policiers étaient justifiés d'intervenir dans les endroits publics, non seulement ils sont justifiés, mais ils en ont le devoir en vertu – je ne voudrais m'abuser – mais en vertu de la Loi sur la police. Alors, justement je pense que ça appuie le fait qu'on demande à ce que l'article 8 ne soit pas retenu dans le projet de loi, en ce sens qu'ils ont déjà le pouvoir d'intervention dans ces cas-là.

M. Rochon (Jean): Oui, une dernière question... Vous êtes libres de répondre, ce n'est pas directement en lien avec les recommandations précises que vous avez faites, mais vous représentez des groupes d'usagers. Si on vous demandait ce qui est le plus important dans tout ça, s'il y avait une mesure à retenir pour améliorer la situation actuelle en termes de protection des personnes qui ont un problème de santé mentale, est-ce qu'il y a quelque chose qui vous vient à l'esprit? Je ne parle pas de Louis-Hippolyte comme tel, là, ce que vous connaissez de la situation qu'il ne faudrait vraiment pas manquer, tant qu'à faire des amendements à la loi?

M. Primeau (André): Oui, c'est le choix, le consentement, la participation, la négociation. Je pense qu'un plan thérapeutique ça se négocie, ça doit permettre à la personne d'y inclure les éléments de son choix. Je vous dirais que souvent notre rôle, c'est de jouer comme un peu l'intermédiaire, puis, bon, on peut dire un arbitre si on veut, sauf que c'est quelque chose qui fonctionne et l'hôpital le reconnaît aujourd'hui et s'en sert, et ils nous appellent eux-mêmes pour qu'on aille intervenir. Et on négocie avec la personne un plan de traitement, et c'est un moyen qui est beaucoup plus efficace et qui permet d'aller chercher la collaboration.

M. Rochon (Jean): Merci.

M. Primeau (André): Merci.

La Présidente (Mme Barbeau): Alors, M. le député de Robert-Baldwin, êtes-vous prêt pour la conclusion?

M. Marsan: Oui.

La Présidente (Mme Barbeau): O.K., conclusion.

M. Marsan: Alors, en terminant, je vous remercie bien sincèrement pour la qualité de votre présentation, mais aussi pour la sincérité des témoignages que vous nous apportez. Vous nous donnez un éclairage extrêmement important, que ce soit sur les deux examens, vous souhaitez que ça puisse être conservé; sur les agents de la paix, si on garde l'article 8, vous nous donnez quand même des paramètres importants; l'article 24, l'insistance que vous nous apportez, vous dites: Oui, on en a besoin parce que ça vient clarifier ce qui existe dans 120; et aussi la référence aux comités des usagers; à l'article 18, et plusieurs autres. Alors, encore une fois, merci beaucoup. Nous, nous allons nous assurer que plusieurs, et sinon l'ensemble de vos recommandations, puissent être vraiment retenues au moment de la phase finale de l'étude article par article du projet de loi. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Barbeau): M. le ministre, en conclusion.

M. Rochon (Jean): Merci beaucoup. Je vous dirais juste: S'il y en a qui doutaient encore ou si on devait démontrer l'importance des comités d'usagers, vous avez fait la démonstration. Merci beaucoup.

Une voix: Merci.

La Présidente (Mme Barbeau): Merci beaucoup de votre participation, c'était très intéressant. Alors, je suspens les travaux à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 58))

(Reprise à 20 h 7)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, nous reprenons nos travaux et nous recevons les représentants du Curateur public. Mme Bailly, vous nous présentez les gens qui vous accompagnent et vous faites votre présentation de 20 minutes.


Le Curateur public

Mme Bailly (Juliette P.): Oui, absolument, M. le Président. Alors, je vous présente Mme Andrée Dupont, à ma gauche, qui est à la Direction des communications; Me André Rochon, à la Direction des services juridiques; et, à ma droite, le Dr Robert Legault, à la Direction de la protection et aux unités de consentement.

Alors, M. le ministre Rochon, Mmes et MM. les députés, en tant que curatrice publique, il me fait plaisir de vous présenter la position de mon organisation sur le projet de loi n° 39, Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives.

Rappelons tout d'abord que le Curateur public est une personne nommée par le gouvernement du Québec pour protéger les droits et les biens des personnes inaptes, ainsi que les biens délaissés. Cette institution existe depuis 1945. Le Curateur public est actuellement régi par la Loi sur le curateur public, les dispositions du Code civil du Québec et quelques autres dispositions législatives. Il remplit une double mission. En tant qu'officier public, le Curateur public assure une fonction d'assistance, d'information et de surveillance pour les tuteurs et les curateurs privés. En tant que représentant, il voit à la protection et à la défense des droits des personnes qu'il représente ainsi qu'à l'administration de leurs biens, puisque ces personnes ont été jugées inaptes à le faire.

Le Curateur public est particulièrement intéressé par la réforme de la Loi sur la protection du malade mental, puisque environ le tiers des 13 000 personnes qu'il représente ont des troubles de santé mentale. Dès 1990, le Curateur public réagissait à un avant-projet de loi et, en 1993, il a transmis au ministre de la Santé et des Services sociaux ses commentaires sur le contenu d'un document de consultation concernant certains aspects de cette réforme.

Le contenu du projet de loi n° 39 a été soigneusement analysé, et nous vous remercions de nous offrir l'occasion de transmettre nos commentaires. Dans un premier temps, nos remarques seront générales. Dans un second temps, des commentaires plus spécifiques permettront de recommander des précisions et des modifications à certaines dispositions.

(20 h 10)

Tout comme la Loi sur le curateur public, la Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives comprend des mesures astreignant certains droits des individus. Le Curateur public note cependant certaines améliorations. Le législateur a notamment respecté l'esprit de la réforme déjà amorcée en 1989 lors de la révision du Code civil qui visait, entre autres, à mieux protéger les droits des personnes vulnérables, dont celles atteintes de maladie mentale. Il a modifié l'appellation de la loi. L'emploi des termes «maladie mentale» plutôt que ceux de «malade mental» est révélateur d'une approche plus respectueuse.

Il a concilié deux valeurs reconnues par la Charte des droits et libertés de la personne, soit la liberté et la sécurité. Il a harmonisé avec le Code civil du Québec certains termes qui portaient à confusion, tels «imminent» et «immédiat». Il a allégé la prestation de la loi en retirant la section des définitions et en y incluant les dispositions préliminaires. Il a accru les dispositions relatives à l'information et la confidentialité. Il a élaboré de nouvelles règles: l'obligation pour le psychiatre de motiver son diagnostic, et la garde à l'extérieur de l'établissement en sont des exemples marquants.

Globalement, le projet soumis a permis de constater le souci de respecter le mieux possible les droits des personnes atteintes de maladie mentale, volet qui préoccupe le Curateur public. Malgré ces remarques positives, l'analyse de la loi a suscité quelques réserves, en particulier sur certaines procédures prévues par la loi qui mériteraient d'être précisées et mieux encadrées.

Commençons par le titre même de la loi. L'utilisation de l'expression «maladie mentale» fait référence à des désordres de caractère psychiatrique. D'autres maladies d'origine organique peuvent également entraîner des troubles mentaux. Compte tenu du fait que la loi s'appliquera à toutes les personnes dont la maladie se traduit par des troubles mentaux, n'aurait-il pas été judicieux de privilégier l'expression «trouble mental»? C'est d'ailleurs l'expression employée par l'Association américaine de psychiatrie dans son manuel Manuel diagnostic et statistiques des troubles mentaux .

À l'article 2 du premier chapitre, qui porte sur l'examen psychiatrique, la dernière phrase du premier paragraphe de cet article stipule que l'examen psychiatrique peut être fait par tout autre médecin s'il est impossible d'obtenir les services d'un psychiatre en temps utile. Le terme «en temps utile» est également utilisé à l'article 13 du Code civil pour passer outre le consentement aux soins en cas d'urgence. Cependant, dans le cas présent, cette expression réunirait non seulement les situations d'urgence, mais aussi celles reliées à la distance, à la non-disponibilité d'un psychiatre ou à l'absence de psychiatre dans la région où réside la personne concernée.

Le contexte actuel de restriction de tout ordre, la pénurie de psychiatres et le nombre limité de médecins avec privilège en psychiatrie sont des réalités incontournables. Il est donc prévisible que l'examen psychiatrique soit fréquemment fait par tout autre médecin, y inclus l'omnipraticien n'ayant pas de privilège en psychiatrie. L'application de cette disposition préoccupe le Curateur public, car, de notre point de vue, seul un spécialiste est réellement à même de déterminer si une personne souffre de troubles mentaux et l'incidence de ces troubles sur sa dangerosité pour elle-même et pour autrui.

Rappelons que la Charte des droits et libertés de la personne ainsi que le Code civil du Québec, la Loi sur les services de santé et les services sociaux et la Loi sur le curateur public attribuent aux personnes inaptes ou vulnérables la jouissance des mêmes droits civils qu'aux autres citoyens. Dans certains cas, l'exercice de ces droits civils peut-être limité, mais ces limites doivent être justifiées et raisonnables.

En raison de l'imminence du danger, une personne peut être gardée et traitée sans consentement, sans autorisation judiciaire et sans examen psychiatrique pour une période maximale de 48 heures. Il s'agit là d'une mesure très coercitive et exceptionnelle qui doit être bien encadrée.

Le Curateur public croit que l'examen psychiatrique devrait toujours être fait par un psychiatre et que l'article 7 devrait spécifier que cet examen doit être fait à l'intérieur du délai de 48 heures, si la personne y consent, ou au plus 48 heures suivant l'ordonnance du juge. Cette question sera développée plus amplement lors de nos commentaires sur l'article 7.

Pendant cette période de 48 heures ou au plus 96 heures, l'intervention des médecins ayant des privilèges en psychiatrie, l'utilisation d'équipes itinérantes en psychiatrie ou le transfert de la personne concernée vers une ressource appropriée sont, selon le Curateur public, des mesures à privilégier s'il est impossible de faire appel à un psychiatre à l'intérieur de l'établissement.

De cette manière l'atteinte aux libertés individuelles est mieux préservée et circonscrite. Le Curateur public recommande en conséquence que la première évaluation sommaire soit faite par un médecin conformément à l'article 7 et que, par ailleurs, l'article 2 prévoie que l'évaluation psychiatrique doit être faite dans tous les cas par un psychiatre.

Le Curateur public estime que le paragraphe 4° de l'article 3 devrait être modifié de façon à ce que le psychiatre donne également son opinion sur la gravité du danger en lien avec la maladie mentale et sa prévisibilité à court terme. L'opinion du psychiatre concernant la gravité de la maladie et ses conséquences en général est pertinente afin de déterminer si un régime de protection doit être ouvert comme le prévoit l'article 29 du Code civil. Par ailleurs, en matière de garde, c'est l'évaluation du danger qui est déterminante. Il y aurait donc lieu d'en faire un élément constitutif de l'article 3.

Le Curateur public souligne également l'importance de spécifier dans le rapport psychiatrique les faits et les motifs sur lesquels l'opinion du psychiatre est fondée, ainsi que le prévoit le paragraphe 6° de l'article 3. Il est tout à fait approprié également que le rapport précise les faits que le psychiatre a lui-même observés et ceux qui lui ont été communiqués par des tiers.

Ce rapport permettra au juge d'apprécier les faits et les motifs qui fondent l'opinion du psychiatre. La dangerosité est une question de fait, l'opinion du spécialiste est nécessaire, mais le juge doit pouvoir apprécier les motifs qui fondent l'opinion du psychiatre.

À l'article 6 de la section I, «Garde provisoire», du second chapitre, il est stipulé que les CLSC disposant des aménagements nécessaires pourraient être requis de recevoir une personne sous garde afin de lui faire subir un examen psychiatrique. Cette responsabilité qui serait octroyée à certains CLSC est théoriquement intéressante. La réalité est toute autre. Le Curateur public prétend que cette obligation ne serait que graduellement actualisée. Présentement, les heures d'ouverture restreintes de ces établissements et le petit nombre de psychiatres ne semblent pas compatibles avec les exigences reliées aux situations d'urgence. Le Curateur public souhaite que, dans un avenir rapproché, les CLSC aient non seulement les aménagements nécessaires, mais aussi le personnel compétent pour assumer cette responsabilité.

Dans l'intervalle, le Curateur public recommande que le ministre dresse une liste des établissements exploitant un centre hospitalier et de ceux exploitant un CLSC qui devront dispenser les services de base en santé mentale, y compris l'examen psychiatrique. Cette liste devrait être publiée dans la Gazette officielle du Québec . Cette liste permettrait en outre de déterminer le nombre d'établissements minimum nécessaires par région géographique. Tous les établissements ainsi que les corps policiers devraient avoir une copie à jour de cette liste afin d'acheminer le plus rapidement possible la personne vers une ressource apte à la recevoir.

L'article 7 de la même section donne au médecin la possibilité de garder une personne dans un établissement sans son consentement pour une période d'au moins 48 heures si le médecin est d'avis que cette personne est atteinte de maladie mentale et que son état présente un danger imminent pour elle-même ou pour autrui.

Par ailleurs, cet article ne précise pas quels soins le médecin est autorisé à prodiguer à la personne si elle n'y consent pas. Est-ce que l'établissement peut soumettre la personne concernée à un examen psychiatrique sans son consentement? Est-ce que l'état de danger imminent justifie à lui seul un examen psychiatrique ou des soins qui ne sont pas justifiés par l'urgence? Un problème d'interprétation semble donc se poser d'emblée à la lecture de cet article.

En matière de consentement aux soins, les articles 15 et 16 du Code civil prévoient que, si la personne est inapte à consentir et qu'elle est représentée par un tuteur, un curateur ou un mandataire, celui-ci peut consentir aux soins et donc à l'examen psychiatrique. Si la personne est inapte, mais qu'elle n'est pas représentée par un curateur, un tuteur ou un mandataire, son conjoint, un proche parent ou une personne ayant un intérêt particulier peut consentir à sa place. Par contre, si la personne, même inapte, refuse de façon catégorique, l'autorisation du tribunal est nécessaire.

Le Curateur public croit, pour sa part, que, lorsqu'une personne, qu'elle soit apte ou inapte, refuse de se soumettre à un examen psychiatrique ou à des soins autres que les soins d'hygiène ou d'urgence, l'autorisation du juge doit être requise. En conséquence, le Curateur public, recommande que l'article 7 précise que la personne concernée ne soit soumise à des soins ou à un examen psychiatrique dans les 48 heures que si elle y consent ou suivant les règles du consentement substitué prévu aux articles 15 et 16 du Code civil.

Le Curateur public recommande également que l'article 7 précise le délai à l'intérieur duquel doit être fait le premier examen psychiatrique suite à l'ordonnance du juge. Le Curateur public croit que l'examen psychiatrique doit se faire le plus rapidement possible. Le Curateur public recommande en conséquence que l'article 7 précise que l'examen psychiatrique doit être fait dans les 48 heures suivant l'admission de la personne si elle y consent ou dans les 48 heures suivant l'ordonnance du tribunal.

(20 h 20)

L'article 8, qui suit, accorde à un agent de la paix, s'il a des motifs sérieux de croire que l'état de santé mentale d'une personne présente un danger imminent pour elle-même ou pour autrui, le pouvoir de la conduire contre son gré et sans l'autorisation du tribunal auprès d'un établissement. L'agent de la paix possède donc un double pouvoir: celui d'évaluer la dangerosité et celui d'amener.

Le Curateur public admet le bien-fondé de cette mesure et recommande que la loi prévoie de plus que les policiers puissent intervenir d'office lorsqu'ils ont des motifs sérieux de croire que l'état de santé mentale d'une personne présente un danger imminent pour elle-même ou pour autrui. Finalement, le Curateur public recommande que les policiers remettent à l'établissement où la personne est conduite une copie du rapport d'événement. Ce rapport consignera par écrit les motifs sérieux pour lesquels ils ont évalué que l'état mental de cette personne présentait un danger imminent pour elle-même ou pour autrui.

En ce qui concerne la garde autorisée par un tribunal en application de l'article 30 du Code civil du Québec, l'article 10 détermine que des examens périodiques doivent être effectués lorsque le tribunal a fixé la durée d'une garde à plus de 21 jours. Compte tenu des enjeux en cause et compte tenu que le contexte n'en est pas un d'urgence, le Curateur public recommande que la loi indique que ces examens périodiques soient exclusivement effectués par un psychiatre.

L'article 11 traite de la demande de transfert auprès d'un établissement susceptible de mieux répondre aux besoins de la personne. C'est la personne qui prend l'initiative de cette demande, et son consentement est requis tant pour son transfert que pour la remise de son dossier à l'établissement qui la recevrait. Dans certaines circonstances, la personne n'est pas apte à faire cette demande qui, par ailleurs, serait bénéfique. Le consentement du représentant légal ou celui des personnes autorisées à consentir aux soins, codifié dans l'article 15 du Code civil, devrait être exigé. Il est étonnant que le législateur n'ait pas appliqué ici les règles du consentement substitué du Code civil du Québec.

L'article 12 traite de la garde à distance. Malgré les avantages de cette mesure, le Curateur public recommande que des balises soient explicitement prévues pour justifier la garde à distance. Ainsi: le traitement du contrôle du danger imminent pour la personne ou pour autrui aurait fait la preuve de son efficacité; la personne comprendrait son plan de traitement et accepterait également de s'y conformer; les conditions, devant être respectées par la personne – prises de médication, visites en clinique, lieu de la résidence – seraient transmises par écrit aux ressources, y compris au représentant légal ou au Curateur public le cas échéant, à la famille et aux proches qui collaboreraient à l'intégration dans la communauté. En cas de non-conformité au plan de traitement, la réadmission se ferait sans recours au tribunal.

L'article 21 du troisième chapitre traite du recours à la Commission des affaires sociales. Toute personne qui est sous ordonnance de garde dans un établissement peut contester le bien-fondé de cette mesure auprès de cette Commission. Certains recommandent qu'une juridiction exclusive soit confiée à la Commission des affaires sociales afin que celle-ci statue également sur les ordonnances de garde, ce qui déjudiciariserait le processus. Le Curateur public estime que cette question est extrêmement sérieuse et que d'autres consultations seraient nécessaires afin d'évaluer l'opportunité d'un tel transfert de juridiction. Cela demanderait une modification au Code civil du Québec, lequel attribue aux tribunaux civils la compétence en matière de consentement aux soins. En conséquence, cette question devrait faire l'objet d'un débat spécifique. Le Curateur public réserve donc ses commentaires sur cette question.

L'article 24 du chapitre IV traite des mesures de protection appliquées aux personnes dangereuses pour elles-mêmes ou pour autrui. Lors d'une consultation antérieure, le Curateur public avait proposé de fixer des balises au règlement de la Loi sur les services de santé et les services sociaux plutôt que d'introduire dans la loi un article spécifique sur les mesures de contention. Depuis, le Curateur public a visité plusieurs établissements psychiatriques, et la délicate question des mesures de contention fut maintes fois abordée. Le manque de balises pour élaborer ces mesures a été observé.

Considérant qu'il s'agit de mesures coercitives ayant des effets sur l'autonomie et l'intégrité de la personne et dont l'application est très répandue dans les établissements de santé et des services sociaux, tant à l'égard de la clientèle psychiatrique que gériatrique, le Curateur public recommande la formation immédiate par le ministre de la Santé d'un groupe de travail ayant pour mandat d'analyser la situation des mesures de protection et leurs modalités d'application dans les établissements afin d'indiquer le moyen approprié à adopter pour en assurer une utilisation minimale et adaptée aux besoins de la personne et d'en baliser l'usage. Alors, le Curateur public recommande que l'article 24 du projet de loi n° 39 soit retiré.

L'annexe est constituée d'un document informant la personne sous garde de ses droits et recours reconnus par la loi. Cette mesure apparaît essentielle, et le Curateur public en reconnaît la nécessité. Les droits et le recours prévus aux articles 26 à 31 du Code civil du Québec auraient avantage à faire partie intégrante de cette annexe. En effet, les personnes concernées connaissent rarement ces dispositions qui les concernent.

En conclusion, élaborer une législation pour protéger les personnes atteintes de maladie mentale constitue une lourde tâche. Parfois, les droits à la liberté et à la sécurité peuvent s'opposer. Le Curateur public prétend que le législateur a réussi à concilier ces droits. Dans son ensemble, la loi proposée constitue une réforme de la Loi sur la protection du malade mental qui respecte l'esprit du Code civil du Québec en matière de droit de la personne, bien que certains aspects doivent être précisés.

Contrairement au projet antérieur, dont les structures de service aux conseillers étaient lourdes, cette loi est allégée même si de nouveaux concepts y sont inclus.

De plus, le souci d'efficacité et de rigueur est manifeste: l'ordonnance de garde dans les 48 heures, article 7; l'opinion motivée du psychiatre, article 3; et la consignation au dossier des mesures de contention, article 24, en sont des exemples significatifs.

Enfin, de nouvelles mesures sur la garde à distance ont été intégrées. Ces initiatives sont des indicateurs de l'évolution de la société québécoise, et ce, même si des difficultés d'application sont prévisibles.

Bref, une loi bonifiée qui est centrée sur les droits, les obligations et les besoins des personnes atteintes de troubles mentaux.

Vous trouverez l'ensemble de nos recommandations aux pages 19 et 20 du mémoire qui vous a été remis. Je voudrais apporter une correction à la page 11 du mémoire: les deux derniers paragraphes de cette page doivent être retirés, ils ont été insérés par inadvertance. À la page 11 du mémoire. Alors, je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon (Jean): Merci, M. le Président. Alors, madame, je voudrais d'abord vous... si on peut me permettre de vous féliciter. C'est parmi vos premières fonctions officielles, ou sorties officielles en tant que...

Mme Bailly (Juliette P.) C'est une de mes premières grandes sorties.

M. Rochon (Jean): ...Curateur public, c'est ça.

Mme Bailly (Juliette P.) Merci.

M. Rochon (Jean): Alors, je vous félicite. On veut vous souhaiter bonne chance dans ce nouveau mandat. Et c'est une bonne sortie pour une de vos premières parce que je pense que, dans votre vie antérieure, vous avez connu sur le terrain la situation de gens qui vivaient des problèmes très près...

Mme Bailly (Juliette P.) Absolument...

M. Rochon (Jean): ...de la situation dont on parle. Alors, ça fait de vous une interlocutrice encore plus autorisée.

(20 h 30)

Je vous remercie aussi pour le rapport; vous faites un tour assez exhaustif du projet de loi. J'aurais deux éléments sur lesquels je souhaiterais vous voir peut-être développer un petit peu plus. Le premier est en regard de l'article 12 où vos recommandations, vos commentaires font beaucoup référence à l'aspect de traitement, et la loi veut être une loi qui vise purement la protection pour les situations qu'on dit de dangerosité en ne faisant pas de la maladie mentale ou des troubles mentaux une condition à traitement obligatoire. Le traitement reste soumis à l'obtention du consentement et de la collaboration du patient, tout en reconnaissant, là...

Mme Bailly (Juliette P.) Seulement, oui...

M. Rochon (Jean): ...que ce n'est pas particulièrement facile comme situation. Alors, j'aimerais peut-être clarifier là pour être bien sûr qu'il n'y a pas d'ambiguïté, qu'on se comprend bien. Est-ce que vous souhaiteriez vraiment que le projet de loi aille jusque au-delà des conditions de dangerosité, considère le traitement obligatoire par rapport à la garde obligatoire pour des fins de protection? Ça, c'est ma première question.

La deuxième, c'est l'article 24. Vous êtes le deuxième groupe qui nous suggérez de peut-être retirer pour le moment cet article, d'avoir un groupe de travail pour regarder plus les conditions de son application. On peut faire ça, mais la situation existe déjà dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux, de façon tout à fait différente, c'est moins balisé dans la loi, mais la loi prévoit la préparation d'un règlement – qui existe, d'ailleurs – pour obliger tous les établissements à prévoir, par règlement interne, des mesures de contention et leurs conditions d'application.

Bon, ça mériterait peut-être une évaluation de savoir comment c'est appliqué dans le réseau, où on en est. L'expérience est sûrement diverse d'une établissement à l'autre, selon les clientèles. Les conditions et les situations qui peuvent amener un besoin de contention sont sûrement très différentes. Mais j'avais le sentiment, d'après les informations qu'on me donnait, qu'on avait une expérience assez bonne maintenant pour être capable de baliser dans la loi – au moins de la façon dont l'article 24 le fait là, qui reste dans des termes assez généraux quand même – et qu'on puisse, à partir de là, développer l'expérience et la pousser plus loin. Mais est-ce qu'on ne risquerait pas d'être dans une situation sans encadrement du tout pour le malade mental, alors qu'on a un encadrement déjà prévu pour l'ensemble du réseau?

Mme Bailly (Juliette P.): Oui. Justement, pour l'article 24, bon, on sait d'ores et déjà, parce qu'on a fait des états de situation dans les hôpitaux psychiatriques... on a réalisé que, bon, la loi n'est pas suivie et que ce n'est pas encadré. Il y a aussi toutes les personnes qui ont des troubles organiques, qui ont des comportements qui font en sorte... les personnes en gériatrie, dans les centres d'accueil, où on se rend compte que vraiment il n'y a aucun paramètre; les gens font n'importe quoi, n'importe comment. Et on l'a vu aussi, dans les états de situation, dans les hôpitaux psychiatriques.

On trouve important de vraiment encadrer ces contentions tant chimiques que physiques et que ça soit vraiment contrôlé, parce que, même dans la Loi des services... Si on faisait un portrait aujourd'hui dans le réseau, comment c'est appliqué, comment sont choisies les contentions, etc., vous seriez étonné de voir ce qui se passe. C'est inconcevable! Alors, c'est pour ça qu'on disait: Juste mettre ça ici, ce n'est pas assez. Il faut vraiment encadrer tout ça. Et on pourrait dire que, dans des endroits, les contentions physiques, ce ne serait pas acceptable non plus.

Alors, il y a toute la partie gériatrique, des personnes âgées qui sont dans les centres de soins de longue durée, qui est touchée par le fait même. Même si ce n'est pas de niveau psychiatrique, c'est le même comportement. Alors, bon, à un moment donné, tout se rejoint. Alors, c'était là l'importance. Et, vraiment, après avoir fait des vérifications, et encore très récentes, ce n'est pas appliqué et c'est fait d'une façon inacceptable pour les personnes qui ont à subir ça. Alors, c'est vraiment sérieux dans ce sens-là.

M. Rochon (Jean): Bien, sur ce point-là, je ne conteste pas. C'est fort possible que ce soit la situation et qu'il faille intervenir rapidement. Mais, justement, j'aurais pensé que c'était une argumentation qui était peut-être plus à l'effet d'avoir un article comme ça, pour être sûr que l'obligation de bouger et de s'assurer que les conditions pour appliquer la loi soient réalisées dans les meilleurs délais, plutôt que de revenir à une espèce...

Mme Bailly (Juliette P.): Oui, mais il y a toutes les autres clientèles qui ne seront pas couvertes par cette loi-là.

M. Rochon (Jean): Mais la Loi sur la santé et les services sociaux...

Mme Bailly (Juliette P.): Ce n'est pas assez.

M. Rochon (Jean): ...les couvre déjà.

Mme Bailly (Juliette P.): Il faudrait modifier celle-là aussi et en admettre un peu plus.

M. Rochon (Jean): Non, mais j'essaie de faire la distinction – là, je ne veux pas argumenter là-dessus pour le moment avec vous – avec une loi qui existe déjà. La Loi sur la santé et les services sociaux a déjà une mesure là-dessus; elle n'est pas appliquée, me dites-vous, ou très peu, ou pas assez.

Mme Bailly (Juliette P.): C'est ça, pas assez.

M. Rochon (Jean): Alors donc, il faut qu'elle soit appliquée. Est-ce qu'on a besoin de changer la loi pour s'assurer qu'elle est appliquée telle qu'elle est, ou est-ce qu'on n'a pas à commencer à l'appliquer au moins telle qu'elle est pour se rendre au bout de ces mesures-là, quitte à améliorer par la suite? Et, pour le malade mental, est-ce que ça, ça n'argumente pas autant dans le sens d'avoir un contexte juridique ou légal encore un peu plus serré pour qu'on soit obligé de bouger plus rapidement dans ce sens-là?

Mme Bailly (Juliette P.): Je pense que Me Rochon voulait...

M. Rochon (André): Il y a effectivement le règlement sur l'organisation et l'administration des établissements qui prévoit l'obligation pour un établissement d'établir un règlement concernant les mécanismes de contrôle, l'utilisation de contentions et d'isolement à l'égard des bénéficiaires. Ça existe, c'est vrai. Sauf que ce type de règlement là dépend de chacun des établissements. Donc, le souci du Curateur public, du moins celui qui est révélé dans le mémoire, c'est un souci qu'il y ait uniformité à l'égard de ces règles-là dans tous les établissements.

Votre question, si je la comprends bien, réfère à l'article 24, et vous dites: Bien, n'est-ce pas là un des moyens par lesquels on peut arriver à cette uniformisation-là? Et là la difficulté qui vient de ça, c'est que la contention en tant que telle n'est pas uniquement d'usage pour une personne psychiatrisée ou une personne qui est, bon...

La contention, c'est un problème qui couvre tout le monde, en fait, et la question qu'on se pose, c'est: Est-ce que ce n'est pas, en quelque sorte, marginaliser la maladie mentale que de prévoir spécifiquement, dans le cadre de cette loi-là, si vous voulez, un début, une ébauche de réglementation législative au niveau de la contention? Alors que la recommandation qui est faite ici est de faire une réflexion qui serait beaucoup plus étendue au niveau de cette problématique-là, qui est traitée de façon non-uniforme, selon l'opinion qui est donnée dans le mémoire, à travers la province. Donc, qu'il y ait une réflexion véritable pour ce problème-là en particulier et non pas par la solution bien spécifique qui est apportée à l'article 24, en ce qui concerne les personnes qui sont atteintes de maladie mentale.

M. Rochon (Jean): Je vais faire juste un commentaire là-dessus. On va y réfléchir, mais vous réalisez que c'est un peu paradoxal, parce qu'on nous dit aussi, par ailleurs, pour l'ensemble des situations, qu'il faut beaucoup déréglementer, responsabiliser les milieux professionnels, faire une obligation légale et réglementaire d'agir dans un certain sens, mais de responsabiliser, comme ça se fait dans beaucoup de situations dans le réseau de la santé et des services sociaux, les milieux pour que, s'agissant de personnes âgées, de personnes qui ont un problème de trouble mental, de personnes qui ont d'autres genres de difficultés, les milieux professionnels, les établissements puissent assumer une responsabilité et adapter de façon beaucoup plus fine les différentes mesures plutôt que de risquer de se retrouver dans des systèmes qu'on a appelé mur à mur.

Alors, je vois un peu, pas nécessairement une contradiction, mais vraiment deux approches différentes, où on balise de façon très large, où on responsabilise les milieux, quitte à avoir un suivi qu'on a peut-être pas, par exemple, actuellement pour s'assurer que les gens agissent. Mais, vous voyez, en tout cas, c'est le dilemme qu'il va falloir considérer à cet égard.

Pour la question du traitement, l'aspect du traitement obligatoire par rapport à la garde uniquement, est-ce qu'on a mal lu vos propositions...

M. Rochon (André): ...vous l'avez posée, la question, M. Rochon... J'ai compris de votre question... En fait, en vertu de l'article 12, tout simplement les balises qui sont apportées ne sont pas destinées, si vous voulez, à enlever l'élément de dangerosité, au contraire. C'est ça que j'ai compris dans votre question. La question que vous posez, est-ce que vous disiez: Est-ce qu'on va étendre...

M. Rochon (Jean): Par exemple, en revenant à votre mémoire à la page 14, l'article 12, vous dites: «Malgré les avantages... le Curateur public recommande que les balises soient explicitement prévues pour justifier la garde à distance. Ainsi: le traitement dont celui du contrôle du danger imminent [...]; la personne comprendrait son plan de traitement et accepterait également de s'y conformer.» C'est des balises qui vont un peu dans le sens du traitement obligatoire plutôt que de parler de la garde obligatoire.

M. Rochon (André): Bien, c'est parce que... Oui, oui. Mais n'oubliez pas qu'on parle de garde à distance. La personne n'est plus en présence du personnel de l'établissement. Donc, c'est par souci de protection de la personne et d'autrui – qui est le souci à la base même de toutes les autres dispositions que vous présentez – qu'on apporte ces balises-là, M. Rochon.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

(20 h 40)

M. Marsan: Merci, M. le Président. À mon tour de vous féliciter pour votre nomination comme curatrice publique et de remercier aussi tout le groupe de la curatelle de nous présenter un document extrêmement bien fait et qui va sûrement nous aider à bonifier le projet de loi n° 39.

Je voudrais, si vous me permettez, demander des questions d'éclaircissement sur certains articles. Tout d'abord, au début de vos recommandations, si j'ai bien compris, lorsque vous parlez des examens psychiatriques, vous êtes d'accord avec le fait qu'il y ait deux examens. Je pense que c'est l'interprétation que je faisais. Quand je regarde les recommandations, vous dites plutôt: «Les recommandations du Curateur [...] sont les suivantes: indiquer que les examens psychiatriques doivent être faits par un psychiatre tant pour le premier examen psychiatrique que pour les examens périodiques» après. Mais je comprends que c'est pour deux examens. Ça, c'est clair?

Mme Bailly (Juliette P.): Oui.

M. Marsan: O.K. L'article 8. Vous demandez de donner aux policiers le pouvoir d'intervenir d'office, alors que l'article, actuellement, je pense, donne l'autorisation à un agent de la paix d'intervenir à la demande du titulaire de l'autorité parentale, du tuteur au mineur, etc. Ça, j'aimerais ça vous entendre aussi sur cet article-là. Vous souhaitez, comme curatelle publique, qu'on donne plus de pouvoirs aux agents de la paix?

M. Rochon (André): Plus de pouvoirs... C'est que l'intervention qui se ferait à l'heure actuelle... Dans un cas, par exemple, de violence erratique qui n'a pas de justification, où il est manifeste que la personne ne peut même pas manifester une intention coupable dans les gestes qu'elle pose, que l'agent de la paix puisse l'immobiliser – évidemment, en présumant que l'agent de la paix a reçu la formation et ait l'expérience – et l'amener à un établissement plutôt que l'amener en prison, par exemple, ou à Parthenais, si vous voulez, pour un exemple plus concret. Ce n'est pas l'endroit où on doit amener cette personne-là, mais peut-être plus dans un établissement hospitalier, où elle va pouvoir être traitée de façon adéquate.

M. Marsan: Vous souhaitez que l'agent de la paix ait l'autorité, comme c'est écrit dans le projet de loi, sans que ce soit à la demande du titulaire de l'autorité parentale. L'agent pourrait, de lui-même, décider...

M. Rochon (André): Évaluer.

M. Marsan: ...sans cette autorisation-là. C'est votre recommandation, c'est bien ça?

M. Rochon (André): Oui, et cette recommandation-là s'inscrit dans le sens suivant, c'est qu'elle s'inscrit dans le cadre de cette loi-là, en ceci que l'agent de la paix, s'il prend cette décision-là... Parce qu'il peut le faire en vertu du Code criminel aussi, hein, immobiliser la personne, la mettre en état d'arrestation, dans un cas, par exemple, de violence, si vous voulez, qui est criminelle. Mais la personne n'a pas d'intention coupable dans ce cas-là. Alors, si le policier est en mesure d'évaluer que cette personne-là n'a pas d'intention coupable, mais souffre de troubles mentaux, il peut amener cette personne-là dans un établissement et, donc, poser le geste, dans le sens total du mémoire qu'on vous présente, dans le sens de nos recommandations dans leur ensemble.

M. Marsan: O.K. Je vous remercie des précisions. Sur l'article 24 – et je ne veux pas reprendre la discussion que vous avez eue – ce que j'entends, là, dans ma compréhension, c'est que l'article 24 ne va pas assez loin dans les mesures de protection des personnes atteintes de maladie mentale, et vous souhaitez qu'il y ait un autre projet de loi qui pourrait vraiment contenir davantage sur toutes les mesures qu'on doit prendre lorsqu'on est rendu à utiliser ce genre de moyen là.

Mme Bailly (Juliette P.): Oui, mais on ne vise pas seulement la clientèle en santé mentale, on vise aussi les personnes qui ont des troubles organiques et qui ont des comportements qui font en sorte... C'est dans ce sens-là, et non pas limité à ce groupe. Docteur, vous pouvez compléter?

M. Legault (Robert): Oui, on a aussi, nous, au Curateur public, l'autre tiers de notre clientèle, qui est composé de personnes ayant des déficiences intellectuelles, mais lourdes, très lourdes, qui demandent des contentions vraiment de protection; il n'est pas question de punition, ou quoi que ce soit. Reste que... Bon, j'ai visité les différents centres justement pour voir où on en était dans les institutions. Il y en a qui ont des beaux protocoles, tu sais, mais, entre avoir un protocole puis le mettre en application... Laisser plus ou moins à certains intervenants, des chefs d'unité, de le faire, plutôt que le médecin... Enfin, c'est très variable d'un endroit à l'autre.

En gériatrie, il y avait tous les petits centres d'accueil où il y avait un médecin une fois par semaine, ou à peu près. Ça s'est corrigé un petit peu depuis la fusion avec des centres plus gros; souvent, ils sont réglementés par ces gros centres là. Mais il reste qu'il y a encore beaucoup de lacunes. Moi, j'ai vu, dans des centres d'accueil à Montréal, des gens immobilisés, en ligne dans des fauteuils gériatriques, avec une médication qui les laissait très calmes. Ils étaient très calmes. Mais, à un moment donné, ces gens-là, il y en a qui commençaient – je parle de gens de 80 ans, là – à avoir des contractures, parce qu'ils étaient toujours dans la même position, dans leur lit, etc.

Bon, ça change petit à petit, là, mais je pense que... C'est pour ça que, si un article couvrait tout cet ensemble de personnes là, pour nous, ça serait un meilleur garant.

M. Rochon (André): En fait, ce qu'on demande, c'est le retrait de l'article 24, de façon à ce que le problème de contention soit réglé de façon uniforme pour toute forme de contention, que ce soit pour des personnes souffrant de troubles mentaux ou des personnes où il est nécessaire de faire des contentions indépendamment de leur état mental, mais en raison de leur état physique, et que la discussion soit élargie, en d'autres termes.

M. Marsan: Je sais que c'est un dossier que vous connaissez bien aussi, Mme la curatrice. On s'apprête à diminuer le nombre de lits de façon extrêmement importante, du côté de la santé mentale, comme vous le savez. Est-ce que... Là, je me fie aussi à votre grande expérience du réseau de la santé. Ne pensez-vous pas qu'on risque d'avoir des difficultés compte tenu que les ressources, si vous me permettez de les baptiser alternatives, toutes les ressources qui sont liées à la désinstitutionnalisation, ne sont pas vraiment en place actuellement?

M. Bailly (Juliette P.): Moi, je pense que cette réforme-là qui est proposé, ayant été à Louis-H. Lafontaine dans le démantèlement, et tout ça, elle est très nécessaire. C'est sûr que le risque... Et, nous, notre inquiétude – et on veut la mettre de l'avant – c'est effectivement que les mesures soient en place avant que ça se passe. On représente plus de 3 000 personnes dans les institutions psychiatriques du Québec. Alors, là, l'inquiétude... Bon, le virage ambulatoire, c'était autre chose, il y avait des familles, et tout. Mais les gens que nous représentons dans les grands centres psychiatriques, plus de 3 000, ils n'ont pas de famille, ils sont seuls, on ne peut pas, nous, les accompagner directement.

Alors, il y a un passage où il faut faire attention, qui n'enlèvera sûrement pas d'argent, qui va peut-être coûter un peu plus cher pour la période non récurrente pour faire la transition; je pense qu'elle est nécessaire. Mais, nous, on suit le dossier. D'ailleurs, on a parlé au ministre pour que vraiment il n'y ait pas de faille pour ces gens qui sont très vulnérables. Nous, on parle de tout le Québec, là, quand on parle en leur nom. Alors, ces mesures-là... Si on peut, on veut faire partie de ces changements.

M. Marsan: En terminant, M. le Président, pour le projet de loi n° 39, je voudrais vous entendre sur l'urgence d'agir, dans ce projet-là, de doter le réseau, les patients particulièrement, les familles, de véritables balises. Considérez-vous que le projet de loi n° 39, c'est important qu'il soit adopté rapidement, avec les bonifications qui s'imposent cependant?

Mme Bailly (Juliette P.): Oui, avec des bonifications parce que, évidemment, comme notre conclusion le dit bien, je pense que cette loi réussit à préserver les droits des personnes, elle est très bonifiée, elle est à jour à comparer à ce qu'on avait antérieurement. C'est vraiment un plus, et l'intérêt, bien sûr, c'est que ce soit fait rapidement. Même qu'on s'attache beaucoup à l'article 24. Si on pouvait l'encadrer, une fois pour toutes, pour tout le réseau et les personnes... Au moins les gens sauraient et les familles le sauraient, les usagers aussi, ça serait clair. En tout cas, ça, on apprécierait beaucoup.

M. Marsan: Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Robert-Baldwin, pour votre conclusion.

M. Marsan: Oui, bien, peut-être de nouveau vous remercier bien sincèrement et remercier notre collègue avec qui on a pu partager pendant de nombreuses années différents objectifs, particulièrement...

Mme Bailly (Juliette P.): ...

M. Marsan: ...dans le domaine de la santé, et vous remercier aussi pour la qualité surtout du témoignage que vous nous rendez aujourd'hui. Vous représentez 3 000 patients, c'est extrêmement important; et ce sont parmi les patients qui sont les plus démunis. C'est donc très important pour nous, les législateurs, d'être à l'écoute de vos recommandations. Nous allons donc nous assurer qu'au moment de l'étude article par article l'ensemble des recommandations que vous souhaitez puissent être bien intégrées au projet de loi. Nous vous remercions bien sincèrement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Conclusion, M. le ministre.

M. Rochon (Jean): Oui, alors, merci beaucoup aussi d'avoir accepté de nous rencontrer, de préparer votre mémoire. Et soyez assurés que vos propositions de collaboration ne tomberont pas dans l'oreille de sourds, madame.

Mme Bailly (Juliette P.): On apprécie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, mesdames, messieurs, au nom de la commission.

(20 h 50)

J'invite maintenant les représentants de l'Office des personnes handicapées du Québec à se présenter.

À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. Lazure, est-ce qu'on doit vous expliquer comment ça procède? Ha, ha, ha! Bienvenue à vous et à votre groupe et j'aimerais que vous présentiez les gens qui vous accompagnent.


Office des personnes handicapées du Québec (OPHQ)

M. Lazure (Denis): Merci, M. le Président. À ma droite, René Hébert, qui est responsable du soutien au programme et aux interventions; et, à ma gauche, M. Jean-François Ruel, de notre service de recherche.

Alors, je vous remercie de bien vouloir nous recevoir. Je suis très heureux de retrouver plusieurs de mes ex-collègues des deux côtés. Cette loi, étant donné que nous avons une définition assez large... et j'y réfère tout de suite. La définition, dans la Loi pour l'exercice des droits des personnes handicapées, de «personne handicapée» est la suivante: «Toute personne limitée dans l'accomplissement d'activités normales et qui, de façon significative et persistante – ce sont les deux mots importants, «significative» et «persistante» – est atteinte d'une déficience physique ou mentale ou qui utilise régulièrement une orthèse, prothèse ou tout autre moyen pour pallier son handicap.»

Donc, cette loi peut toucher toutes les personnes ayant des troubles mentaux sévères et persistants ainsi que les personnes ayant une déficience intellectuelle, physique ou sensorielle et qui, du fait de ces déficiences ou de façon concomitante, présentent des troubles du psychisme. Alors, cette loi est une loi d'exception qui restreint certains droits individuels et, de ce fait, elle provoque certains malaises. L'Office accepte le principe d'une loi d'exception pour les personnes ayant des troubles mentaux sévères et persistants et dont l'état présente un danger imminent pour elles-mêmes ou pour autrui. Cependant, nous considérons qu'une telle loi doit être très balisée pour que l'exception demeure l'exception et qu'il soit clair que cette loi ne concerne pas toutes les personnes ayant des troubles mentaux.

Je passe le paragraphe suivant. Globalement, l'Office considère que la loi proposée précise bien les circonstances touchées par les articles du Code civil du Québec traitant de la garde en établissement et de l'examen psychiatrique, en démontrant une volonté de limiter le plus possible l'atteinte aux droits individuels des personnes ayant des troubles mentaux graves vivant une situation d'urgence. Cependant, l'Office émet certaines réserves et considère que des précisions supplémentaires pourraient encore mieux limiter l'atteinte aux droits individuels de ces personnes tout en les protégeant et en protégeant leurs proches.

Remarques générales. Lorsque nous comparons l'organisation des services de santé mentale au Québec avec les voisins, nous constatons qu'au Québec cette organisation est encore trop axée sur les services psychiatriques lors de séjours en milieu hospitalier, alors que les services dans la communauté sont moins développés. Le virage proposé par la politique de santé mentale de 1989 n'a pas encore eu lieu. Concrètement, dans le sens indiqué par la Fédération des centres locaux de services communautaires, dans un document d'appui sur le virage ambulatoire et la santé mentale, chaque CLSC devrait disposer d'une équipe de base en santé mentale. Il y aurait lieu de développer davantage des services d'intervention de crise qui pourraient être, dans certaines situations, une alternative à la garde provisoire. De même, il faudrait augmenter les ressources de soutien pour les personnes ayant des troubles mentaux et les ressources de soutien pour les familles et les proches, dont le répit-dépannage.

Ce constat sur l'organisation actuelle des services et la préoccupation de l'Office pour que cette loi demeure une loi d'exception nous amène à émettre cette mise en garde: la loi ne doit pas être utilisée pour pallier le manque de ressources dans le système, notamment les ressources de soutien tant pour les personnes ayant des troubles mentaux que pour leurs proches.

Alors, nous avons deux recommandations qui suivent: la loi ne doit pas être utilisée pour pallier le manque de ressources dans le système; deuxièmement, que des ressources de soutien tant pour les personnes ayant des troubles mentaux que pour leurs proches soient développées dans la communauté le plus tôt possible.

Le titre de la loi. Nous pensons que... Pour des besoins de concordance, justement, avec le texte de la politique de santé mentale, nous recommandons qu'il y ait un léger changement: que la loi fasse référence à la protection des personnes ayant des troubles mentaux. Ça rejoint un peu ce que la curatrice disait tout à l'heure. Une question de concordance.

L'examen psychiatrique. Le premier chapitre de la loi traite de l'examen psychiatrique. L'article 2 identifie qui peut effectuer un examen psychiatrique. S'il précise que cet examen doit être effectué par un psychiatre, il précise également que, «s'il est impossible d'obtenir les services d'un psychiatre en temps utile, l'examen peut être fait par tout autre médecin».

Alors, ici aussi, je vous épargne la lecture. Nous, un peu comme la curatrice publique le disait tout à l'heure, nous insistons pour que l'examen psychiatrique soit fait par un psychiatre. Et je note en passant pour Mmes et MM. de la commission et pour M. le ministre que les psychiatres sont au nombre de 1 200 actuellement, au Québec. C'est la deuxième spécialité la plus nombreuse, la première étant les internistes, 1 300. Alors, il y a évidemment un problème de répartition géographique, mais, en nombre absolu, il y a quand même beaucoup de psychiatres, et c'est une des raisons – ce n'est pas la seule raison – pour lesquelles nous aussi nous croyons que tout examen psychiatrique effectué dans le cadre de la loi, dont celui pour la garde autorisée et ceux pour les examens périodiques qui suivent, devrait être effectué par un psychiatre. L'utilisation du ouï-dire, cependant, devrait être réduite au minimum lorsqu'il s'agit d'établir un diagnostic.

L'absence de consentement. La loi précise qu'une personne peut être mise sous garde pendant au plus 48 heures, et ce, malgré l'absence de consentement, si le médecin est d'avis que cette personne est atteinte de maladie mentale et que son état présente un danger imminent pour elle-même ou pour autrui. L'article 8 permet à un agent de la paix d'amener une personne contre son gré auprès d'un établissement.

Je vous épargne la lecture. Tous ces articles qui permettent des interventions auprès de la personne atteinte de maladie mentale sans son consentement sont les articles qui préoccupent au plus haut point l'Office et pour lesquels nous voulons suggérer des balises.

La garde provisoire sans le consentement de la personne et sans que l'examen psychiatrique ait été effectué est une mesure extrême ne se justifiant que dans les situations d'urgence. Nous avons déjà mentionné pourquoi l'Office considère que la personne devrait être rencontrée par un psychiatre avant de demander au tribunal une garde de 21 jours pour examen psychiatrique et nous avons déjà mentionné que la loi ne doit pas pallier un manque de ressources. L'Office recommande donc que la garde provisoire ne soit pas utilisée pour pallier le manque de ressources en santé mentale dans la communauté.

L'agent de la paix. Ça, c'est probablement le passage ou le chapitre qui, pour l'Office, constitue peut-être la contribution la plus importante que nous vous offrons. L'article 8 nous apparaît un article très controversé. Nous pensons que la situation actuelle issue du Code civil du Québec ne satisfait ni les personnes ayant des troubles mentaux – car souvent l'exception devient la règle, et la personne est mise sous garde par décision juridique sans son consentement – ni le proches qui doivent entreprendre une démarche juridique.

Cependant, l'implication de l'agent de la paix comme intervenant pouvant évaluer si la personne présente un danger imminent pour elle-même ou pour autrui et pour amener une personne contre son gré ne nous apparaît pas appropriée. Contrairement à nos prédécesseurs ici, ce soir, vous comprendrez que nous nous opposons à cet article. L'Office comprend que, dans la situation actuelle, les agents de la paix sont ceux pouvant intervenir rapidement dans toutes les zones du Québec, mais l'Office croit qu'il faut éviter de lier la dangerosité d'une personne ayant des troubles mentaux à la dangerosité d'un criminel. Faire intervenir les agents de la paix dans toutes les situations et leur donner le pouvoir de décider que la personne ayant des troubles mentaux sera amenée à un établissement nous apparaît faciliter ce lien entre dangerosité criminelle et dangerosité découlant de troubles mentaux.

De plus, non seulement la loi telle que rédigée donne beaucoup de pouvoir aux agents de la paix, mais elle leur demande de prendre des décisions pour lesquelles ils ne sont pas formés. Sur quoi se basera un agent de la paix pour amener une personne contre son gré auprès d'un établissement? Il répond à la demande du titulaire de l'autorité parentale, du tuteur au mineur ou de l'une ou l'autre des personnes visées par l'article 15 du Code civil et il agit s'il a des motifs sérieux de croire que l'état de santé mentale de cette personne présente un danger imminent pour elle-même ou pour autrui. Les agents de la paix ne sont pas ou très peu formés pour évaluer l'état de santé mentale.

(21 heures)

L'article 8 fait référence à une situation fort complexe où l'on peut priver de sa liberté une personne ayant des troubles mentaux. Si la personne est consentante à aller en établissement la situation est claire. Mais l'article 8 dit: «amener une personne contre son gré». Ainsi, une personne non consentante peut se faire amener contre son gré et, rendue là, se faire admettre sous garde provisoire malgré l'absence de consentement, sans l'autorisation du tribunal et sans qu'un examen psychiatrique ait été effectué.

L'Office est fort conscient que cette situation est vécue différemment par la personne ayant des troubles mentaux, d'une part, et ses proches, d'autre part. Il faut vraiment s'assurer que l'intérêt et les droits de chacun soient le mieux préservés. Si l'agent de la paix est la ressource devant intervenir pour assurer la sécurité civile, l'Office croit que l'évaluation de l'état de santé mentale d'une personne pour savoir si cette personne présente un danger imminent pour elle-même ou pour autrui et pour décider d'amener cette personne relève d'une ressource du domaine de la santé. Si, lors de l'examen psychiatrique, l'Office accepte que le psychiatre puisse fonder son diagnostic sur les faits qu'il observe et ceux qui lui sont communiqués, c'est que nous croyons que, par sa formation, il pourra faire la part des choses, bien évaluer ce qui lui est rapporté – et encore, nous avons émis des réserves concernant l'utilisation du ouï-dire.

L'Office ne croit pas que les agents de la paix ont cette expertise et pense qu'il serait plus équitable pour les personnes que la décision relève d'une ressource du domaine de la santé. Ici, un problème de disponibilité de ressources médicales se pose. Nous avons déjà mentionné dans notre remarque générale qu'il y a un manque de services en santé mentale dans la communauté. Les CLSC couvrent l'ensemble du territoire, mais ils ont des heures d'ouverture restreintes. Par ailleurs, même lorsqu'ils disposent de ressources médicales, celles-ci ne sont pas toujours impliquées dans les services de santé mentale. Comme services de première ligne, les CLSC devraient prévoir l'accès, par leurs propres services ou par une entente avec des cabinets privés, à un omnipraticien de garde, y compris garde pour les urgences en santé mentale. Ainsi, les personnes identifiées à l'article 8 pourraient le contacter ou, si elles ont demandé un agent de la paix, celui-ci pourrait contacter le médecin de garde soit dans un CLSC ou dans un cabinet privé.

S'il croit qu'il faut viser cette façon d'intervenir, l'Office est bien conscient que présentement cela pourrait être difficile dans certaines régions. Si la loi prévoyait cette intervention, ça pourrait accélérer le développement de ces services en CLSC. Mais il faudrait prévoir une mesure transitoire. Cette mesure transitoire pourrait impliquer une autre ressource du domaine de la santé, c'est-à-dire les ambulanciers. Cependant, il faudrait s'assurer que ceux-ci reçoivent une formation en santé mentale. Dans les situations où les proches ou les voisins appelleraient les agents de la paix, ceux-ci, lorsqu'ils auraient une présomption sur l'état de santé mentale de la personne, devraient faire affaires avec des ambulanciers qui pourraient évaluer la situation et, au besoin, amener la personne à un établissement, mais seulement – et j'insiste – dans les situations où un médecin de cabinet privé ou de CLSC n'est pas disponible.

Alors, l'Office recommande donc que, comme services de première ligne, les CLSC devraient prévoir l'accès, par leurs propres services ou par une entente avec les cabinets privés, à un omnipraticien de garde qui assure la garde, y compris pour les cas de santé mentale. Comme mesure transitoire entre la situation actuelle et le développement de ce service, les ambulanciers pourraient être la ressource responsable d'intervenir, à la condition qu'ils reçoivent une formation.

Les mesures de protection – je passe rapidement. Nous aussi, comme la curatrice, nous pensons que – et c'est l'objet de notre recommandation à la page 18... Nous disons: «L'Office recommande que, en plus des éléments précisés dans le deuxième alinéa de l'article 24, le nom du professionnel responsable de la mesure de protection et l'évaluation du maintien de cette mesure soient consignés au dossier de la personne ayant des troubles mentaux.» Autrement dit, je pense qu'il faudra être encore plus précis dans les observations à être consignées au dossier, être plus rigoureux. Parce que, effectivement, il y a beaucoup de laisser-aller dans les établissements là-dessus.

La responsabilité légale de la personne amenée dans un établissement. Nous pensons que c'est l'agent de la paix qui doit assumer la charge – et je lis l'article... L'Office comprend cet article avec le deuxième alinéa de l'article 8 ainsi que l'article 25; ça, ça va ensemble. Ces articles qui précisent qui a la responsabilité légale de la personne amenée en établissement apparaissent pertinents. Ils devraient éviter, par exemple, qu'une personne amenée à une salle d'urgence y soit laissée là sans que quelqu'un de l'établissement la prenne en charge. Avec le virage ambulatoire et les problèmes vécus dans certaines urgences, ces dispositions nous semblent essentielles. Si ce sont des ambulanciers qui amènent une personne ayant de troubles mentaux, cette disposition devrait également s'appliquer.

Pour l'absence temporaire, nous sommes d'accord avec cette disposition, sauf que, là aussi, nous recommandons que l'article 12 précise que le plan d'intervention soit établi lorsqu'un médecin permet une absence temporaire à une personne qui est sous garde. Et ce plan d'intervention devrait préciser, entre autres, le traitement, les ressources impliquées, les attentes face à la personne, que ce soit face à ses médicaments ou à ses rendez-vous.

Groupes de défense des droits, c'est un ajout, nous proposons que... L'Office recommande que les groupes de défense du droit des personnes ayant des problèmes de santé mentale soient mentionnés dans tous les articles où l'on indique les personnes ou les instances avec qui l'établissement ou la personne sous garde peut communiquer. Autrement dit, s'assurer qu'il puisse y avoir communication avec les groupes de défense.

Finalement, la date d'admission, c'est une technicalité, mais il faut préciser à quel moment l'admission formelle se fait. Nous proposons que cette date-là soit celle où le médecin a admis la personne, contre son gré et sans examen psychiatrique, en garde provisoire – donc, à l'urgence généralement – et, donc, que ce soit cette date qui figure sur le document d'information remis à la personne sous garde et non pas la date de l'examen psychiatrique qui viendrait 24 heures ou 48 heures plus tard.

Alors, voilà, M. le Président, en gros, mais je résume en disant que nous pensons que c'est une loi qui bonifie la situation actuelle dans l'ensemble. Nous avons des réserves surtout sur les rôles que le projet de loi donnerait à l'agent de la paix. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant M. le ministre à débuter l'échange.

M. Rochon (Jean): Oui. Alors, merci beaucoup. Je suis très heureux que l'Office des professions ait pris le temps, la peine de...

M. Lazure (Denis): Pardon? Pardon? Pardon? Ha, ha, ha!

M. Rochon (Jean): L'Office des personnes handicapées, excusez.

M. Lazure (Denis): Rien contre les professions, mais beaucoup pour les personnes handicapées.

M. Rochon (Jean): Ça, c'est un autre dossier. Excusez, je vais changer de canal, là. Je suis très heureux que vous ayez vraiment pris la peine de regarder le projet de loi parce que vous vous occupez, évidemment, des intérêts, des droits de tout un groupe de personnes et, comme vous le dites là, certains peuvent être touchés par l'application de cette loi.

J'aurais deux points que j'aimerais pousser un peu plus loin avec vous. Un qui est assez pointu, mais c'est juste pour bien vérifier: vous dites que vous proposez que tout examen soit fait, en vertu de cette loi, par un psychiatre. Je veux bien vérifier ma lecture de la loi, là, parce que j'ai l'impression que c'est ce que la loi prévoit déjà. À l'article 2, on dit: «Tout examen psychiatrique auquel une personne est tenue de se soumettre en vertu de la loi ou d'une décision du tribunal doit être effectué par un psychiatre. Toutefois s'il est impossible d'obtenir les services d'un psychiatre...

M. Lazure (Denis): C'est ça...

M. Rochon (Jean): ...en temps utile, l'examen peut-être fait par tout autre médecin.» C'est prévu que, tant qu'à ne rien avoir – l'idéal ou rien – ce serait l'idéal ou un autre médecin.

M. Lazure (Denis): C'est-à-dire que, pour une fois, nous tenons à l'idéal, si vous appelez ça l'idéal, là, mais... Ha, ha, ha! Je comprends que, souvent, le mieux peut être l'ennemi du bien, mais, encore une fois, je ne veux pas répéter les arguments de Mme la Curatrice tantôt, nous pensons que c'est réaliste, en 1997, avec 1200 psychiatres au Québec.

On ne parle pas, là, de l'attestation médicale, qui peut-être faite par un omnipraticien pour amener, contre son consentement... On ne parle pas de ça, là. On parle de l'examen psychiatrique qui va être fait dans les 48 heures. On parle de ça, là. Puis, nous, on pense qu'au Québec, en 1997, il n'y a pas lieu de faire exception pour des situations où ce serait un omnipraticien.

M. Rochon (Jean): Donc, est-ce que je dois comprendre que vous avez en subliminal le message que le ministre devra prendre des moyens pour qu'il y ait des psychiatres partout sur le territoire du Québec?

M. Lazure (Denis): Oui, M. le Président, c'est ce que je passe comme message au ministre. Oui.

M. Rochon (Jean): Alors, merci...

M. Lazure (Denis): Bonne chance! Ha, ha, ha!

M. Rochon (Jean): On pourra peut-être demander aux psychiatres de se rappeler les recommandations de la commission Bédard, Lazure et Roberts, qui avait lancé toute cette réforme de la psychiatrie dans les années soixante.

M. Lazure (Denis): D'accord.

(21 h 10)

M. Rochon (Jean): Bon. Deuxième commentaire, j'aimerais revenir à cette question, qui est votre principale recommandation, au sujet de l'agent de la paix et je voudrais avoir... Si je comprends bien vous acceptez qu'il peut y avoir des situations où quelqu'un puisse être obligé d'intervenir – dans le cas de danger imminent, comme dit la loi – pour amener quelqu'un dans un endroit où on peut s'occuper de lui, quitte à utiliser un minimum de contention pour le transport. Ça, c'est mon premier point que je veux vérifier.

M. Lazure (Denis): Non, pas tout à fait ça. Nous disons que, dans l'état actuel des choses, si le policier est appelé par la famille, mettons, le policier, s'il pense, s'il a des raisons de croire qu'il s'agit d'un épisode psychiatrique ou de troubles mentaux, doit, à ce moment-là, s'adresser au CLSC du coin. Et le CLSC, par son médecin de garde ou par le médecin de garde de la clinique communautaire qui existe – publique ou privée, peu importe... Parce qu'il existe, à peu près dans tous les coins du Québec, une clinique – si ce n'est pas au CLSC, c'est dans une clinique privée – où il y a un médecin de garde 24 heures par jour, sept jours par semaine. Nous pensons qu'à ce moment-là le médecin doit être appelé par le policier pour venir constater, venir attester que, oui, il s'agit d'un danger, d'une situation dangereuse due à un état mental.

M. Rochon (Jean): Bon, O.K., bien, je vais revérifier, parce que c'est peut-être la façon dont on lit la loi ou la façon dont elle est écrite. J'ai l'impression qu'on a un peu le problème de l'oeuf et de la poule, là. Il y le problème de la condition mentale qui peut exister et la situation du danger imminent.

Une lecture qu'on peut faire de l'article 8, c'est que l'agent de la paix est amené à porter un jugement sur la situation de danger imminent et que, si la situation de danger imminent indique que la personne devrait être amenée à une salle d'urgence, par exemple, le cercle va commencer avec cette décision de danger imminent, d'amener le patient à l'urgence, et là l'article 7 prévoit que le médecin qui exerce là aura une décision à prendre, à savoir si cette personne-là a un problème de santé mentale.

M. Lazure (Denis): La nuance que nous faisons... Disons que, oui, le policier est en mesure d'évaluer s'il y a une situation vraiment dangereuse. Si son évaluation est positive, à ce moment-là il n'a pas les connaissances voulues pour évaluer si ça découle de troubles mentaux ou pas. Par conséquent, il doit appeler un médecin omnipraticien de la région, qui est de garde peu importe le jour ou l'heure, qui, lui, vient à domicile examiner la personne dangereuse. Il dit: Oui, c'est une personne dangereuse qui semble, selon moi, avoir des troubles mentaux graves, donc il faut l'amener à l'hôpital. À ce moment-là, le policier l'amène à l'hôpital.

M. Rochon (Jean): O.K., mais il y a quelque chose que je ne saisis vraiment pas, là. Ça peut être pas mal plus compliqué, ça, si on est obligés de garder, de contenir sur place quelqu'un en attendant qu'on trouve un médecin qui puisse venir à la ...

M. Lazure (Denis): Ah, c'est peut-être un peu plus compliqué, d'accord, mais c'est compliqué aussi si, le policier, on lui donne le soin de prendre des décisions pour lesquelles il n'a pas la compétence. Ça peut amener des situations compliquées, ça aussi.

M. Rochon (Jean): Non, mais, comprenons-nous bien. S'il prend une décision qu'il y a danger imminent, là on a le choix entre deux choses: ou il appelle un médecin ou il amène le patient chez un médecin.

M. Lazure (Denis): Mais c'est parce qu'on dit dans notre texte: Il ne faut pas lier danger imminent avec geste policier. Parce que le policier, il est formé pour évaluer si c'est dangereux ou pas, mais il n'est pas formé pour évaluer si cet état dangereux découle d'une maladie mentale, d'un trouble mental.

M. Rochon (Jean): Non, ça, c'est sûr.

M. Lazure (Denis): Et on dit: En attendant – et on le dit dans le texte – on conçoit qu'il y a certaines régions du Québec où ça pourrait être difficile d'implanter ça du jour au lendemain. La phase de transition: il y a des ambulanciers partout au Québec, jour et nuit. Il y a des ambulanciers partout. Et nous préférons que ça soit des ambulanciers qui, après avoir été formés un peu plus, fassent le diagnostic, entre guillemets, là: Oui, son état dangereux est dû à une maladie mentale; amenez-le à l'hôpital. Nous l'amenons à l'hôpital.

M. Rochon (Jean): O.K. Alors, vous, vous dites vraiment, dans votre recommandation, qu'on ne doit pas bouger, déplacer la personne de chez elle ou de l'endroit où elle se trouve tant qu'on n'a pas établi un diagnostic provisoire que, oui, c'est un problème de santé mentale. Je voudrais bien être sûr, là, même si on n'a pas à décider de ça ce soir, qu'on ne risque pas un effet pervers: que, si le policier, pour une raison ou une autre, trouve qu'il ne peut pas attendre qu'un médecin vienne – pour une raison ou pour une autre, ça prend un peu trop de temps – le seul choix qu'on lui laisse, c'est d'amener la personne en cellule. Parce que, lui, quand il amène quelqu'un, c'est en cellule qu'il l'amène, ne préjugeant pas que c'est un problème de santé mentale. Et là le médecin ira voir le patient dans la cellule pour décider si on le laisse là ou si on l'amène à l'hôpital.

M. Lazure (Denis): Non, mais je pense que, dans la réalité des choses, même si notre proposition était adoptée et que le policier est appelé d'abord par la famille et qu'il constate que c'est vraiment une situation d'extrême urgence, qu'il n'a pas le temps d'attendre le médecin généraliste qui est de garde, il n'y a personne qui va le lui reprocher. Mais il ne faut pas que ça soit consacré par une loi et que ça soit la règle générale, et ça serait le cas si c'était consacré dans la loi tel que vous le présentez.

M. Rochon (Jean): O.K. Mais, par contre – et je finis là-dessus, là, je ne veux pas prendre tout le temps, mais j'aimerais bien saisir exactement ce que vous nous proposez – l'ambulancier, lui, bien formé, pourrait...

M. Lazure (Denis): Nous pensons que oui.

M. Rochon (Jean): ...prévu par la loi...

M. Lazure (Denis): Oui, oui.

M. Rochon (Jean): ...faire ce transport d'une personne...

M. Lazure (Denis): Oui.

M. Rochon (Jean): ...quitte à le faire sous contention.

M. Lazure (Denis): Oui, oui, oui.

M. Rochon (Jean): O.K. Alors, là, on a à peser les avis qu'on a. Certains nous disent que ceux qui sont le mieux formés ou qui ont une formation de base qui les amène à être le mieux préparés à être capables de faire affaire avec quelqu'un en utilisant un peu de force physique, par exemple, pour une contention, c'est encore...

M. Lazure (Denis): Le contrôler?

M. Rochon (Jean): ...les policiers plus que les ambulanciers. Mais...

M. Lazure (Denis): Bon. Remarquez, si c'est l'ambulancier dans la phase transitoire et qu'il craint de ne pas pouvoir, physiquement, le transporter, le policier pourra le faire à la demande de l'ambulancier.

M. Rochon (Jean): Bon. O.K., merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Bienvenue, M. le président-directeur général de l'Office et les messieurs qui vous accompagnent. C'est toujours un plaisir d'accueillir l'Office des personnes handicapées du Québec devant cette commission. Je sais qu'on aura l'occasion également, dans le cadre d'un autre mandat de cette commission, de vous entendre sur la réforme de la Sécurité du revenu, et j'ai hâte également d'échanger avec vous sur ce sujet important pour les personnes handicapées au Québec.

Juste pour enchaîner sur le questionnement du ministre là-dessus, et sans vouloir être trop pointilleux, je vous ferai remarquer que vous avez déjà glissé sur votre terrain idéal d'avoir un psychiatre qui ferait l'analyse ou l'examen dans les cas avec les agents de la paix. On recule déjà de votre idéal. Ça, je le comprends. Vous avez dit, oui, qu'un omni peut faire dans...

M. Lazure (Denis): Non, je m'excuse, ce n'est pas... Il s'agit de deux examens différents, M. le Président.

M. Copeman: Non, je comprends. J'ai bien saisi qu'il s'agit de deux examens. Mais, dans le cas où un agent de la paix est impliqué, vous acceptez que ça soit un omnipraticien ou même un technicien ambulancier qui puisse dépister un certain diagnostic, à savoir si le danger imminent découle de la santé mentale.

M. Lazure (Denis): C'est ça. Bien, ça, c'est l'attestation que le danger semble découler d'une maladie mentale.

M. Copeman: C'est ça.

M. Lazure (Denis): Mais ça n'est pas un examen psychiatrique.

M. Copeman: Non, non, O.K. En ce qui concerne un commentaire qui est très pertinent, je pense, vous le faites à deux reprises: un au sujet de la garde provisoire et un, dans un commentaire général sur la loi, que la loi ne soit pas utilisée pour pallier des manques de ressources dans le système. Moi, je suis entièrement d'accord avec vous; c'est une belle constatation. Mais qu'est-ce qu'on fait dans le concret pour s'assurer – parce que, comme je l'ai dit, c'est répété un peu plus tard avec la notion de garde provisoire – que ni la garde provisoire ni la loi dans son économie générale ne soient utilisées pour pallier un manque de ressources dans le système? Qu'est-ce que vous pouvez nous suggérer pour nous assurer que ça ne se passe pas comme ça?

(21 h 20)

M. Lazure (Denis): Bien, la meilleure façon – je pense que c'est dans les intentions du ministre aussi – c'est d'accélérer la mise sur pied de services communautaires, que ce soit... On fait allusion un peu aux services de répit-dépannage. Parce qu'il arrive parfois que ces situations d'urgence où le policier est appelé, c'est le fait d'un malade qui a des troubles mentaux qui vit avec sa famille, qui vit constamment avec sa famille.

Il y a des personnes gravement atteintes de troubles mentaux qui vivent constamment avec leur famille, et, si on ne donne jamais de répit à la famille ou presque jamais de répit à la famille, il y a un climat de tension extrême qui se développe à l'intérieur de la famille, et souvent, c'est ça qui amène des confrontations et de la violence d'un membre de la famille; disons, un enfant qui est devenu adulte qui devient violent avec ses parents. Et ça, souvent, c'est dû au fait qu'il y a des personnes trop gravement malades qui demeurent constamment dans leur famille parce qu'il n'y a pas de services de jour, que ça soit des services de jour pour l'apprentissage aux habitudes de travail, par exemple, que ça soit un service de jour pour du support psycho-thérapeutique ou pour des loisirs thérapeutiques, peu importe.

Alors, la meilleur façon de s'assurer que la loi ne va pas juste pallier l'absence de service, c'est d'accélérer la mise sur pied de services. Oui, dans chaque région, comme vous le savez – le député le sait très bien – il existe un programme de services, sous l'égide de la régie régionale, et les différents groupes communautaires participent à la confection de ces programmes-là, mais il faut en faire plus. Et, moi, j'insisterais ce soir, notamment, sur l'importance de créer plus de services de jour pour l'apprentissage aux habitudes de travail. C'est extrêmement important.

Au mois d'avril qui vient, nous allons commencer deux programmes, l'Office va administrer deux programmes en collaboration avec le ministère de la Sécurité du revenu et le ministère de la Santé et des Services sociaux pour créer plusieurs centaines d'emplois par année pour des personnes handicapées qui sont au soutien financier, à l'aide sociale. Mais souvent ces personnes-là n'ont pas eu de formation suffisante et, dans le réseau des établissements sociaux, on doit constater que malheureusement, non seulement il n'y a pas d'augmentation de ces services d'apprentissage aux habitudes de travail, mais qu'il y a une certaine diminution dans certaines régions.

M. Copeman: Autrement dit, un peu de prévention, comme l'expression en anglais: «an ounce of prevention is worth a pound of cure».

M. Lazure (Denis): Oui, tout à fait.

M. Copeman: À la page 5, on revient à la question de l'examen psychiatrique, l'insistance que ça soit un psychiatre qui le fasse. Mais votre mémoire est muet sur la question du nombre d'examens. Je ne sais pas si l'Office a une opinion là-dessus?

M. Lazure (Denis): Oui. Nous ne l'avons pas mentionné dans notre mémoire, mais actuellement, c'est deux examens. Nous pensons que ça serait sage de garder deux examens. Nous pensons que ça serait sage par mesure de précaution.

M. Copeman: Est-ce que c'est le psychiatre qui parle? Ou le... Ha, ha, ha!

M. Lazure (Denis): Non, ce n'est pas du tout par solidarité – ha, ha, ha! – ...

M. Copeman: Professionnelle.

M. Lazure (Denis): ...avec la fraternité, pas du tout.

M. Copeman: Très bien. Dans le même esprit de collégialité qui existait tantôt, au sujet de l'absence temporaire, vous dites en fin de compte que le processus proposé dans le projet de loi n° 39 vient légitimer une situation existante, que vous n'écartez pas, mais vous y avez émis une certaine réserve. Et la réserve, si j'ai bien compris, est basée sur la même question de logique qui a été soulevée par le président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Si la personne est en garde, même si c'est à distance, en garde à cause d'un danger imminent soit pour sa personne ou pour autrui, comment est-ce qu'on réconcilie la notion de l'absence temporaire? La personne est soit un danger ou elle ne l'est pas. Je pense que vous soulevez cette question de logique.

Je dois d'ailleurs souligner, M. le Président, que c'est deux ex-députés ministériels qui ont perçu cette absence de logique. C'est peut-être quelque chose qui vient avec votre fonction, votre poste? Les ex-ministériels sont peut-être plus perspicaces dans ces choses que les ministériels actuels, mais...

M. Lazure (Denis): Mais, M. le Président, je pense qu'il faut distinguer. Nous ne disons pas que ce qui est proposé par le projet de loi manque de logique. Nous disons que ça touche à une logique qui n'est pas la logique raisonnée habituelle, cartésienne, mais ça touche plutôt à la logique du traitement, dans un contexte de traitement. C'est sûr que, à prime abord, ça paraît illogique de dire: Voici une personne qui est en garde fermée – ou en cure fermée, comme on dit communément – parce qu'elle est dangereuse pour elle-même ou pour autrui, mais on va quand même lui donner la permission de s'absenter pour trois jours pour aller dans sa famille. Ça paraît illogique, et ça l'est dans un sens. Mais, dans certains cas exceptionnels – et je pense que c'est sage que la loi le permette – ça peut aider à accélérer le traitement de l'individu et ça peut aider à sa réinsertion dans la famille ou dans son entourage. Mais il faut, comme on le dit, que le plan d'intervention soit établi de façon bien claire et que, là aussi, l'article que le ministre présente dans le projet de loi soit plus précis, plus balisé.

M. Copeman: Il n'en demeure pas moins que la question est compliquée, parce que, à un moment donné, il faut faire la distinction entre, je pense, les gens qui sont admis ou inscrits dans un établissement de soins psychiatriques, qui obtiennent des services et suivent un cours de traitement thérapeutique quasiment de façon volontaire, et des gens qui sont dans des situations très pointues qui sont reliées à la notion de danger imminent. Et c'est ça, à un moment donné, où – en tout cas, moi, comme personne laïque dans tout ça – j'ai un peu de misère à voir où on trace la ligne, où est la différence entre vraiment une valeur thérapeutique pour continuer un traitement qui est démarquée de la notion d'un danger imminent associé avec une garde à distance. C'est là, je pense, que, comme législateur, il faut qu'on...

M. Lazure (Denis): Oui.

M. Copeman: ...tente de reconcilier ces deux notions-là.

M. Lazure (Denis): C'est un peu la quadrature du cercle. C'est difficile à réconcilier, mais je pense que c'est utile d'avoir une telle disposition. Mais ça demeure exceptionnel. Dans une vie antérieure, il n'y a pas si longtemps, où j'étais retourné à la pratique pendant quelques années, je l'ai utilisée moi-même. C'est utilisé de temps en temps, mais peut-être pour 5 % des patients qui sont sous garde, vous savez. Ce n'est pas utilisé souvent, mais ça peut être utile.

M. Copeman: Je vous remercie pour ces...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Lévis.

M. Garon: Oui, j'ai remarqué, à la page 5, que l'Office recommande que l'utilisation du ouï-dire soit réduite au minimum dans l'établissement des diagnostics. Alors, êtes-vous d'accord, comme ça, avec la proposition qui est faite à l'article 3, paragraphe 6°, qui dit que «tout rapport d'examen psychiatrique doit être signé par le médecin qui a fait l'examen. Celui-ci doit y préciser notamment les motifs et les faits sur lesquels il fonde son opinion et son diagnostic et, parmi les faits mentionnés, ceux qu'il a lui-même observés et ceux qui lui ont été communiqués par d'autres personnes»?

M. Lazure (Denis): On est tout à fait d'accord avec ça. Il faut que le médecin le précise...

M. Garon: Mais tout ça...

M. Lazure (Denis): ...ce qui découle de son observation directe et ce qui découle des renseignements qu'il a eus.

M. Garon: Comme personne qui a pratiqué la psychiatrie pendant plusieurs années, vous croyez à ça fermement.

M. Lazure (Denis): Oui, oui.

M. Garon: Pourquoi?

M. Lazure (Denis): Encore là – de façon exceptionnelle, c'est pour la minorité des cas – à cause, souvent, de l'état du patient. Son état d'agitation, de dangerosité, de non-collaboration est tel qu'il n'y a presque rien à retirer d'un examen direct, alors que le ouï-dire, ce que la famille, l'entourage rapportent de ce qui s'est passé dans les heures qui ont précédé, si le médecin le fait avec discernement puis s'il a le moindrement d'expérience, il peut utiliser ces renseignements-là pour compléter son examen direct.

Parce qu'il y a de ces cas, en clinique, en urgence, où vous avez beau passer une heure, deux heures avec le patient, mais vous n'en sortirez pas grand-chose. Le patient est agité de telle façon qu'il n'y a aucun degré de collaboration, ou de lucidité même. Alors, à ce moment-là, vous pouvez constater certaines choses de visu, là, directement, mais vous étoffez, vous solidifiez, si je peux dire, votre diagnostic par les renseignements que la famille, l'entourage vous rapportent.

(21 h 30)

M. Garon: Mais vous ne pourriez pas baser ça uniquement sur...

M. Lazure (Denis): Non. Mais c'est pour ça qu'on dit qu'il faut que ça soit utilisé le moins possible, le ouï-dire, puis, quand il l'utilise, il faut qu'il le mette dans son examen, dans son histoire de cas: Je n'ai pas constaté ces choses-là, mais la famille me rapporte ceci.

M. Garon: Il faut qu'il le dise, c'est ça?

M. Lazure (Denis): Oui, oui.

M. Garon: Il faut que ce soit mentionné au rapport?

M. Lazure (Denis): Oui, oui, oui.

M. Garon: Qu'est-ce que vous diriez de ceux qui disent que le patient pourrait éventuellement voir ces notes-là, parce qu'il a le droit de voir son dossier, puis qu'il pourrait se venger sur ceux qui l'ont un peu, pas dénoncé, mais...

M. Lazure (Denis): Ça fait partie des risques du métier. C'est sûr qu'il y a du personnel, pas seulement des psychiatres, il y a des individus à chaque semaine qui peuvent être attaqués par des personnes qui ont des troubles mentaux de nature paranoïde, par exemple, qui se sentent persécutées et qui veulent se venger soi-disant d'une détention, d'une mise sous garde, que, eux – parce que c'est dans la nature de leur maladie, parce qu'ils ont des délires paranoïdes – jurent qu'ils ne sont pas malades et, par conséquent, on commet une injustice en les gardant de force à l'hôpital. Ça peut arriver, ça, ce que vous dites là.

M. Garon: Il est arrivé, des fois, dans le passé... On a vu des gens qui ont été internés pendant un certain temps puis ils ont accusé leur entourage d'avoir comploté pour faire des témoignages pour établir une condition qui n'existait pas ou qui était, en tout cas, exagérée, puis ils disaient: J'ai été interné puis je n'aurais jamais dû être interné. En fait, c'est ma famille qui voulait se débarrasser de moi, ou mon conjoint qui voulait se débarrasser de moi, ou mes enfants qui avaient hâte que je disparaisse pour mettre la main sur l'héritage, etc.

M. Lazure (Denis): Oui, mais ça, c'est des choses qui pouvaient arriver autrefois, mais je pense que de moins en moins on voit ça. De moins en moins on voit ça. C'est pour ça que c'est sage d'exiger deux examens psychiatriques, des examens par deux psychiatres différents d'une part, là, et, d'autre part, il y a la période de 21 jours. Bon. À supposer que la famille ait donné des renseignements tendancieux, qui n'étaient pas véridiques, le personnel – que ce soient les infirmières, les médecins, tout le personnel autour de ce malade-là – durant les 21 jours, va se rendre compte du véritable état du patient puis pourra corriger le diagnostic initial.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui, M. le Président. Merci à vous, Dr Lazure, d'être avec nous de même que les gens qui vous accompagnent. On vous connaît non seulement comme président de l'Office des personnes handicapées, mais je pense que tous les gens qui sont ici connaissent bien vos faits d'armes: psychiatre éminent, vous avez été aussi ministre des Affaires sociales – je pense que c'était le titre à l'époque pendant un certain nombre d'années.

Et je trouve, dans votre première recommandation, un élément de sagesse – je n'oserais pas dire politique, mais vous allez sûrement nous expliquer s'il n'y a pas un message aux politiciens – c'est la recommandation de l'Office que la loi ne soit pas utilisée pour pallier le manque de ressources dans le système et que des ressources de soutien tant pour les personnes ayant des troubles mentaux que pour leurs proches, soient développées dans leur communauté. Alors, j'aimerais ça que vous nous disiez d'où viennent vos craintes par rapport au projet de loi?

Et ma deuxième question, c'est... Je ne vous demanderai pas si vous être d'accord avec la désinstitutionnalisation, je pense que c'est bien connu, mais je vais vous demander, au moment où nous sommes actuellement, dans toute l'évolution de la psychiatrie au Québec, où on parle, je pense, de fermeture de près de la moitié des lits en psychiatrie, si le réseau alternatif – les centres de crise, les centres de réinsertion sociale, les centres de réadaptation, les centres de longue durée – si tout ça, c'est prêt, est-ce qu'on pourrait procéder à des fermetures massives de lits dans le domaine de la psychiatrie?

M. Lazure (Denis): Bon. Je répète ce que je disais tantôt. Moi, je pense que ça serait sage, le plus tôt possible, d'accélérer la mise sur pied de services qui n'existent pas actuellement, avant de fermer des lits. Ce serait bien sage.

Parce qu'on peut l'aborder d'un autre angle aussi. Je ne sais pas si certains groupes vous ont parlé des personnes ayant des troubles mentaux sévères qui sont actuellement à Bordeaux, à la prison de Bordeaux. On me dit que, dans l'ensemble du Québec actuellement, autour de 20 % des places en prison seraient occupées par des malades mentaux; je suis porté à le croire, en tout cas pour la région de Montréal. Et, moi, je trouve que ça serait intéressant que le ministre et son équipe puissent vérifier ces affirmations-là qu'on entend, dans la région de Montréal en particulier, pour la prison de Bordeaux.

Dans la mesure où plusieurs patients qui ont été longtemps hospitalisés en psychiatrie sont désinstitutionnalisés, retournent dans la communauté sans qu'il y ait d'encadrement et sans qu'il y ait de services suffisants, ces personnes-là souvent sont amenées à être des itinérants. Ça, c'est un autre pourcentage qui a été assez bien établi: on dit qu'environ 20 % à 25 % des itinérants sont des personnes qui ont des troubles psychiatriques graves, souvent des schizophrènes. Ces personnes-là commettent des petits délits – un vol au dépanneur, troubler la paix – et très souvent, parce qu'il n'y a pas de ressources pour les recevoir – ce sont des malades chroniques qui ne sont pas intéressants, entre guillemets – la police essaie de les amener à l'hôpital, et l'hôpital dit: Il n'est pas en phase aiguë psychiatrique, ce n'est pas un cas pour moi, c'est un cas de justice, de police, c'est vous qui vous en occupez, et l'individu se retrouve à Bordeaux.

Moi, je pense qu'il faut bien peser les inconvénients d'une désinstitutionnalisation qui n'est pas axée, qui n'est pas intimement rattachée à des services existants qui vont recevoir l'ex-patient. J'ai parlé de services de jour tantôt, on peut parler d'appartements surveillés, encadrés. Le monde de la déficience intellectuelle a fait un bon travail de ce côté-là. Beaucoup de déficients intellectuels qui étaient en institution sont sortis et habitent maintenant dans des foyers de groupe, des appartements surveillés, et plusieurs de ces personnes-là vont, le jour, justement dans des centres de travail adapté, des CTA, ou ailleurs. Mais il faut qu'on prévoie suffisamment d'emplois adaptés, de loisirs adaptés et de logements adaptés aussi.

Parce qu'il n'y a pas de vertu à sortir le patient. Le geste de donner congé à une personne qui est à l'hôpital psychiatrique depuis 15 ans, en lui-même, ce geste-là, il n'est pas thérapeutique. Ce n'est pas vrai. Il peut l'être, thérapeutique, si la personne bénéficie de services une fois qu'elle sort de l'hôpital, sinon ce n'est thérapeutique.

M. Marsan: Merci bien.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Robert-Baldwin, pour votre conclusion.

M. Marsan: Mon collègue?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je m'excuse.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Encore une fois, juste pour remercier le président-directeur général, le Dr Lazure, et son équipe pour leur présentation ce soir. La réflexion de l'Office est toujours bienvenue et toujours considérée avec toute l'attention qu'on devrait avoir, je pense. Je suis convaincu que vous avez contribué à notre réflexion et à celle du ministre – je l'espère bien – et qu'on va voir le fruit de vos suggestions incorporé dans un éventuel projet de loi adapté et étudié article par article. Je vous en remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le député. M. le ministre, pour votre conclusion.

M. Rochon (Jean): Alors, je veux vous remercier, M. le président, de même que vos collègues. Je reviendrais sur une des suggestions que vous avez faites dans vos derniers commentaires, à l'effet que, dans tout le développement des différentes ressources alternatives, un type de ces ressources qui visent à former des gens au travail et qui leur donne non seulement des habitudes de travail mais même un apprentissage de certains métiers... Pour avoir eu la chance d'avoir vu quelques-unes de ces expériences-là dans certaines régions du Québec, je peux sûrement concourir avec ce que vous dites que c'est probablement un des meilleurs moyens à la fois de prévenir, mais aussi d'aider à intégrer ou à réintégrer les gens dans la communauté. Et, comme une des premières choses que vous avez faites dans ces fonctions, ça été de compléter la régionalisation de l'Office en ayant sur place vos coordonnateurs, j'ai bien compris qu'on va avoir du boulot à faire ensemble pour développer, entre autres, ce genre de service. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Messieurs, au nom de la commission, merci beaucoup. La commission ayant rempli son mandat, j'ajourne les travaux au mercredi 19 février, à 15 heures.

(Fin de la séance à 21 h 40)


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