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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le vendredi 6 juin 1997 - Vol. 35 N° 88

Consultations particulières sur le projet de loi n° 144 - Loi sur les prestations familiales


Consultations particulières sur le projet de loi n° 145 - Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance et modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance


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Table des matières

Auditions

Mémoires déposés

Remarques finales


Autres intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
Mme Solange Charest, présidente suppléante
M. Rémy Désilets
M. Benoît Laprise
M. Russell Williams
Mme Marie Malavoy
M. Russell Copeman
M. Jean-Claude St-André
*Mme Francine Lessard, Fédération de la garde en milieu familial du Québec
*Mme Guylaine Sanschagrin, idem
*M. Paul-André Comeau, CAI
*Mme Lucie Tétreault, FAFMRQ
*Mme Claudette Mainguy, idem
*Mme Sylvie Lévesque, idem
*Mme Ginette Drouin, RGPQ
*M. Pierre Lalancette, idem
*Mme Madeleine Lapointe, idem
*Mme Anne-Marie Desmarais, Alliance pour les garderies privées du Québec
*M. Sylvain Lévesque, idem
*M. Samir Alamad, idem
*M. Bernard Fortin, CF
*M. Jean-Pierre Lacasse, idem
*Mme Claudette Pitre-Robin, CIRGQ
*Mme Johanne Comtois, La Coalition pour une vraie politique familiale
*M. Normand Vaillancourt, idem
*M. Yves Ménard, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Onze heures trente minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît. Alors, nous recommençons nos travaux, peut-être en vous informant au tout début qu'il est possible que les gens des caméras travaillent. C'est pour faire l'expérience des caméras parce que éventuellement les travaux en commission seront télévisés. Alors, il est possible que des techniciens viennent et prennent quelques images. Alors, je souhaite la bienvenue à tout le monde.

Mme la secrétaire, est-ce que le quorum est constaté?

La Secrétaire: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci beaucoup. Je rappelle le mandat. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 144, Loi sur les prestations familiales, et sur le projet de loi n° 145, Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance et modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Paradis (Brome-Missisquoi) sera remplacé par M. Kelley (Jacques-Cartier). C'est tout.


Auditions

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Nous recommençons nos travaux en recevant la Fédération de la garde en milieu familial du Québec, et, Mme Lessard, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent et commencer votre présentation.


Fédération de la garde en milieu familial du Québec

Mme Lessard (Francine): Merci. Alors, je vais vous présenter Mme Guylaine Sanschagrin, de l'Association des agences de garde de la région de Montréal, et Mme Noëlla Bergeron, qui représente l'Association des régions Estrie et Montérégie.

Alors, lors de l'annonce des nouvelles dispositions de la politique familiale par le gouvernement du Québec...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Lessard...

Mme Lessard (Francine): Oui?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...excusez-moi une seconde. Pour l'information des membres, on est en train de photocopier le mémoire et on va vous le remettre le plus tôt possible.

Mme Lessard (Francine): Alors, lors de l'annonce des nouvelles dispositions de la politique familiale par le gouvernement du Québec, en novembre dernier, celui-ci a indiqué à la population et aux services de garde l'occasion d'une réflexion en faveur du soutien de la famille québécoise. La création d'un ministère de la Famille et de l'Enfance représente maintenant un geste concret de cette volonté et de ce que nous pouvons qualifier comme notre projet de société.

La Fédération de la garde en milieu familial du Québec, qui regroupe près de 90 % des agences de services de garde en milieu familial reconnues, a procédé à l'analyse du projet de loi n° 145, et la présente démarche se veut une façon constructive de faire part au gouvernement des nos observations et questionnements dans l'esprit qui anime ce projet de loi. Parmi les différents éléments de notre analyse, nous soulevons un premier questionnement sur le chemin parcouru entre les nouvelles dispositions de la politique familiale déposées il y a de cela quelques mois et la traduction législative de ces intentions.

Plusieurs éléments n'apparaissent maintenant plus de la même manière qu'ils avaient été compris ou présentés à l'époque. Entre autres, la volonté de prioriser et de développer des centres de la petite enfance sans but lucratif n'apparaît plus comme une priorité. Les messages livrés et les volontés gouvernementales correspondaient, à l'époque, dans les grandes lignes, aux attentes, et notre milieu était prêt à relever le défi. Au cours des derniers mois, plusieurs partenaires ont été interpellés à l'élaboration, à la validation et à la préparation de certains éléments concernant, entre autres, les modifications à la Loi sur les services de garde à l'enfance. Les efforts consacrés par la Fédération de la garde en milieu familial du Québec et les cinq associations membres l'ont été dans un objectif de réussite du projet et pour faire en sorte que l'ensemble des services de garde du Québec, voire, bientôt, les centres de la petite enfance, obtiennent les conditions de succès nécessaires à la une réalisation optimale, et ce, dans un contexte d'effort budgétaire.

Autre signe des temps, l'avènement d'une nouvelle terminologie utilisée dorénavant dans notre réseau apporte quelques éléments qui peuvent présenter certaines incohérences dans la compréhension et le sens donné à ce projet de loi. La définition même d'un centre à la petite enfance semble échapper certains éléments cruciaux à la matérialisation du concept.

La réussite de ce projet, qui est la concrétisation et le développement des centres de la petite enfance, dépend bien sûr des services de garde sans but lucratif déjà en place, mais aussi sur un contexte favorable au développement et à la pérennité de ces services à la population. Les conditions de succès dépendent d'abord et avant tout de la conjoncture et de la volonté que le gouvernement aura su mettre en place. Nous déposons donc ci-joint les réflexions et les commentaires issus de la Fédération de la garde en milieu familial du Québec dont vous aurez copie sous peu.

Je me permets aussi de prendre peut-être quelques minutes pour remercier, d'une part, Mme Marois des efforts, Mme Bédard aussi, qui est à ses côtés, et tous les gens qui ont travaillé et qui travaillent encore de près à la volonté de mettre sur pied un réseau de services de garde accessibles à la population, reconnus, régis et de bonne qualité.

Ce que nous, les agences de garde du Québec, voulons donner comme message, c'est que, d'une part, on est fières d'être présentes à l'intérieur de ce développement-là, de reconnaître la garde en milieu familial comme étant de la garde de qualité égale aux autres modes de garde régie du Québec, et soyez sûrs que notre intention est de travailler de façon favorable et de façon dévouée à ce projet.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que vous avez terminé ou si vous...

Mme Lessard (Francine): Bien, le seul... Je suis à ma première expérience.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Soyez très à l'aise, il n'y a pas de problème avec ça.

Mme Lessard (Francine): Bon. Par contre, ce que je voudrais apporter comme élément qui est quand même nouveau pour nous depuis quelques heures, c'est l'entente de principe avec les garderies à but lucratif. Et, finalement, ce qu'on trouve déplorable dans ce développement-là, c'est que, nous, on travaille de bonne foi pour développer des services de garde de qualité en se faisant rappeler, souvent, que nos budgets sont fermés, que les argents ne sont pas très disponibles, etc. Alors, on se questionne à savoir comment le gouvernement fait le choix de subventionner des organismes privés, et on ne voudrait surtout pas que ce soit fait au détriment de nos services de garde et espérer que le financement et la reconnaissance de nos services seront faits.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Mme la ministre, si vous voulez débuter l'échange.

Mme Marois: Oui. Alors, je remercie les représentantes des agences de garde en milieu familial de leur présentation et aussi de leur appui. Je pense que ce n'est pas négligeable parce que vous savez combien ces dossiers ne sont pas faciles à traiter. On est aux prises, évidemment, avec toutes sortes de difficultés en cours de route et on essaie de faire au mieux, de tenir compte de ces difficultés qui se présentent, de les résoudre, et je suis heureuse de vous entendre dire combien vous appréciez le fait qu'on travaille ensemble dans la même direction même si, parfois, on peut avoir des désaccords. Et ça, je pense que c'est normal aussi. Je l'ai dit à quelques-uns des groupes qui sont venus hier, l'important, c'est qu'on puisse se les dire franchement puis ensuite travailler à les résoudre.

Alors, moi, je voudrais vous poser quelques questions. Et, aussi, sentez-vous très à l'aise. Vous savez, ça arrive souvent que les groupes viennent pour la première fois devant une commission parlementaire, et les parlementaires essaient, chacun à leur façon, je pense, de ne mettre personne dans des situations inconfortables. Au contraire, on essaie d'obtenir, dans le fond, de votre participation des éclairages qui vont nous permettre d'améliorer ce qu'on fait.

D'abord, évidemment, on vient de recevoir le mémoire, et, comme je l'ai mentionné déjà à quelques reprises, ce que je demande à mes collaborateurs et à mes collaboratrices lorsqu'on a des mémoires assez précis sur des recommandations pour des articles à modifier, c'est de les analyser d'une façon fine, de sorte que, lorsqu'on viendra en commission parlementaire à l'étude de la loi article par article, là, je voie si on a tenu compte de ça ou pas, si on est capable de répondre à cette question-là. Alors, c'est à ce moment-là, évidemment, qu'on reprend vos commentaires. Alors, soyez sûre qu'ils vont être étudiés et regardés de façon attentive.

Un commentaire sur la question des garderies à but lucratif et, après ça, des questions sur le statut de travailleuses et de travailleurs. Mais je pense que ce sont surtout des travailleuses autonomes, parce que, hier, il y a eu beaucoup de représentations sur cette question-là par des organismes syndicaux et aussi par des organismes communautaires.

Il est évident, et je le répète, que nous privilégions les garderies dirigées par des parents et sans but lucratif. Nous l'avons dit, nous le répétons, et, d'ailleurs, en ce sens, on se différencie sûrement, à cet égard, d'une stratégie, peut-être, que l'opposition aurait préféré que nous adoptions, mais ce n'est pas le cas. Et ça se reflète bien par le projet d'entente que nous avons, l'entente de principe avec les garderies à but lucratif. Elles ne deviendront pas des centres à la petite enfance. À moins, effectivement, d'accepter de se transformer, elles resteront des garderies, et nous pourrons donc offrir la gamme des services comme un centre à la petite enfance pourra le faire. Et, par ailleurs, les sommes qui leur seront versées seront en deçà, évidemment, des sommes qui seront versées aux centres de la petite enfance. Et, comme nous souhaitons et espérons effectivement qu'un grand nombre d'entre elles se transformeront en centres de la petite enfance, nous avons prévu dans l'entente une mesure qui est plus avantageuse lorsque les garderies à but lucratif veulent aller vers la constitution de centres à la petite enfance, donc qui fait en sorte qu'elles perdent leur statut de garderies à but lucratif pour vraiment être dirigées par un conseil d'administration formé de parents.

(11 h 40)

Cependant, il nous apparaissait important de préserver les places pour les parents qui les fréquentent, et, en ce sens-là, on a trouvé une forme d'aménagement qui le permet, croyons-nous, avec, cependant, certaines exigences qui vont concerner, entre autres, les travailleurs et travailleuses dans ces garderies. Certaines exigences si elles acceptent qu'on loue des places et qu'on verse donc une certaine somme pour ces places, mais qui sera toujours moindre que ce que l'on reconnaîtra aux centres de la petite enfance.

Bon, maintenant, j'aimerais ça vous poser la question sur le statut de travailleur et de travailleuse autonome qu'ont les personnes avec lesquelles vous travaillez, n'est-ce pas, qui gardent des enfants. Peut-être certaines d'entre vous le font-elles même directement. Hier, la prétention de certains organismes était de dire que ces personnes sont insatisfaites de leur statut de travailleuse autonome, qu'elles souhaiteraient pouvoir devenir, dans le fond, un peu comme des salariées de l'agence ou éventuellement du centre de la petite enfance. Évidemment, un changement de statut... Travailleur ou travailleuse autonome, ça comporte, je dirais, certains avantages. Ça comporte certains inconvénients, mais ça comporte aussi certains avantages. Alors, moi, j'aimerais vous entendre sur ça. Est-ce qu'il y a eu une réflexion chez vous sur cet aspect-là? Est-ce qu'il y a eu des discussions avec vos familles de garde qui ont ce statut, évidemment, en assumant la responsabilité qui leur est confiée? Ça, c'est la première question que j'aimerais vous poser.

La seconde. Nous sommes intéressés à ce qu'il y ait de la formation des personnes qui assument ces fonctions-là. Est-ce que vous avez déjà aussi une réflexion sur cette question et des attentes à nous exprimer à cet égard, sur la question de la formation des personnes qui assument actuellement cette responsabilité?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Lessard.

Mme Lessard (Francine): Alors, pour répondre à votre première question, Mme Marois, au sujet du statut de travailleur autonome, non, je ne peux pas, aujourd'hui, vous dire qu'il y a eu des travaux ou des enquêtes de faits à l'intérieur de notre réseau à savoir s'il y a des dames qui préféreraient ou qui aimeraient maintenir leur statut de travailleuse autonome. Par contre, on voit quand même, dans la nouvelle politique familiale, au volet du congé parental, l'amélioration de leurs conditions face au congé parental de 18 semaines qui pourra leur être attribué aussi. Alors, c'est sûr que la venue de ce nouveau volet apporte une condition minime, mais quand même une condition positive au travailleur autonome. Ça pourrait éventuellement être un recensement qu'on peut faire à l'intérieur de notre réseau et revenir là-dessus en discussion. Ça, il n'y a comme pas de problème à ce niveau-là.

Mme Marois: D'accord. Mais vous n'avez pas eu d'attentes exprimées dans ce sens-là de la part des familles qui assument la responsabilité comme travailleuses autonomes, évidemment, de la garde d'enfants?

Mme Lessard (Francine): Ce que je peux vous répondre, c'est que, au meilleur de ma connaissance, non, je n'ai pas eu de revendications proprement dites sur ce statut.

Mme Marois: Parfait. La question de la formation.

Mme Lessard (Francine): Au niveau de la formation, évidemment, on reconnaît... D'ailleurs, sur ce point, on a fait un recensement dernièrement, qui date de quelques semaines, où on a demandé à savoir le nombre de responsables de services de garde qui oeuvrent présentement à l'intérieur de notre réseau et qui détiennent des formations académiques au niveau collégial ou universitaire. On a quand même entre 20 % et 25 % de nos dames qui offrent le service qui détiennent ce genre de diplôme.

Il faut aussi comprendre que les agences ont quand même 18 ans d'existence. Les agences, de par la réglementation, avaient un minimum de 24 heures de formation à offrir aux responsables des services de garde, ce qui est en majorité, même en totalité, de beaucoup supplémentaire à ce nombre minimal d'heures de formation reliées à des thèmes très précis que vous connaissez sûrement. On a une précision à l'effet que les agences offrent énormément de formation à leurs RSG, et, de plus, quand on met en considération le nombre d'années d'expérience de ces dames-là... Donc, on retrouve dans notre réseau des dames qui ont sept ans, huit ans d'expérience et qui suivent 40, 50 heures de formation par année. Alors, si on cumulait ce nombre d'heures là, c'est évident qu'on arrive avec des gens qui ont une formation quand même assez solide. Je pense que personne, à l'intérieur de notre réseau, est contre la formation. Bien au contraire, les gens sont très ouverts à de la formation, et ça, autant au niveau des directeurs, directrices des agences de garde que des responsables des services de garde, à mettre sur pied des formations sur mesure qui répondent à des besoins vraiment spécifiques de formation au niveau des responsables des services de garde. On a, de toute façon, exploré, avec l'Office des services de garde, une possibilité d'augmentation des heures de formation, et les réactions dans le milieu sont positives aussi.

Où on a une ouverture un petit peu négative, c'est à dire: Il faut prévoir que ces formations-là puissent être données partout au Québec. Il ne faut pas isoler les gens des Îles-de-la-Madeleine ou de l'Abitibi par rapport à une formation qui ne serait donnée qu'au cégep. Il faut permettre que cette formation-là soit facile, et, pour ce, il y a peut-être la possibilité qu'on avait imaginée, entre autres, avec un programme avec Télé-université, de formation à distance pour adultes ou des choses du genre. Alors, nous, ça nous donnerait les outils nécessaires pour pouvoir vraiment offrir la formation adéquate en nombre d'heures suffisant à l'intérieur de toute la province.

Mme Marois: D'accord. Ça va, merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci.

Mme Lessard (Francine): Il faut...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, allez-y.

Mme Lessard (Francine): Juste une dernière intervention. Une autre chose qui nous semble très importante au niveau, toujours, de la formation, c'est que cette formation-là soit reconnue par le ministère de l'Éducation, parce que, depuis des années, les dames, comme je vous dis, en suivent de la formation et en nombre d'heures très large, sauf qu'on n'a jamais une reconnaissance proprement dite. Donc, il faudrait prévoir, dans le mécanisme de formation qu'on pourrait mettre sur pied, une formation qui est transférable, qui est standardisée et qui, de plus, est reconnue.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme Bergeron et Mme Sanschagrin, si vous avez un commentaire, vous me faites signe, hein? M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Oui, merci. Mme Lessard, hier, il y a des intervenants qui nous ont parlé des frais afférents.

Mme Lessard (Francine): Des frais afférents?

M. Désilets: Les frais afférents. Le danger... Comme, dans les écoles, les jeunes paient des crayons, paient des voyages, paient des films. Il y a plein de frais qui ne sont pas prévus, mais qui augmentent le coût de l'usager. Vous autres, au niveau de la garde en milieu familial, est-ce que vous avez des frais semblables? Est-ce que vous prévoyez qu'il va y en avoir? Dans le sens que, ce qui se dégageait hier... C'était, je pense, un mémoire de la CSN qui nous disait: Évitez tout de suite les possibilités qu'il y ait des frais afférents qui s'appliquent un peu partout sans qu'on s'en rende compte et, indirectement, faire augmenter les coûts des garderies, que ce soit dans un milieu scolaire, ou un milieu familial, ou ailleurs. Après-midi, exemple, on s'en va voir une pièce de théâtre ou on va au film, ça te coûte ton 5 $ par jour plus, là, un 3 $ ou 4 $ pour telle activité ou ainsi de suite. Chez vous, est-ce que c'est des choses qui peuvent se faire, ou c'est des choses qui sont déjà structurées, de dire: On ne peut pas faire ces choses-là?

Mme Lessard (Francine): Je peux vous répondre?

M. Désilets: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Lessard.

Mme Lessard (Francine): je pense que, quand vous parlez de coûts reliés à une activité sociale à laquelle les enfants pourraient être invités à participer, si on se rappelle bien, un centre à la petite enfance ou, présentement, parlons de garderie ou d'agence de garde, ce sont des organismes à but non lucratif ayant un conseil d'administration majoritairement formé de parents. Donc, le gestionnaire de cette installation doit référer à son conseil d'administration avant de prendre la décision de sorties éducatives ou de cours de piano, ou imaginons n'importe quoi, O.K.? Alors, si la décision du conseil d'administration qui, comme je vous dis, est quand même majoritairement formé de parents... Et, souvent, on retrouve même des comités de parents consultatifs pour des dossiers d'ordre pédagogique. Alors, à ce moment-là, je pense que c'est l'ensemble des parents qui prennent la décision d'organiser une sortie aux pommes au mois de septembre et que les coûts seront de 2 $ par enfant. Oui, pour répondre à votre question directement, en agence de garde en milieu familial, ça peut arriver à l'intérieur d'une année, mais c'est relié à l'autorisation du conseil d'administration, à savoir si on peut procéder de cette façon-là, et je n'ai jamais vu, nulle part, d'obligation à participer.

(11 h 50)

Ça peut être une proposition, comme... En tout cas, en tant que parents, l'enfant qui fréquente l'école, on nous fait toujours une proposition, à dire: On organiserait une classe verte ou une classe neige, et ça coûterait tant. Est-ce que l'ensemble des parents sont d'accord pour qu'on l'organise ou si on laisse tomber? Dans les milieux de garde régis, c'est le même phénomène, c'est la même procédure qui tient. Alors, au niveau des coûts qui pourraient être chargés à un parent en supplément du 5 $ du tarif minime, ce n'est vraiment pas dans l'idée ou dans l'imagination d'aller chercher des coûts supplémentaires et d'arriver finalement avec une facture de 10 $ aux parents. Ce n'est pas l'objectif visé, mais pas du tout.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition, M. le député de Jacques-Cartier, à prendre la parole.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, bienvenue aux représentants de la Fédération de la garde en milieu familial du Québec pour votre présentation. J'ai retenu, dans la suggestion que vous avez faite sur la formation, surtout la notion de mettre une certaine cohérence. Si j'ai bien compris, on prend de la formation quelques heures ici et là, mais ce qui serait souhaitable, c'est d'avoir soit un programme de diplôme ou de certificat ou quelque chose comme ça qui permettrait aux personnes qui opèrent un service de garde en milieu familial d'avoir une certaine cohérence dans leur formation et, au bout de quelques heures ou le montant fixe, d'arriver avec quelque chose d'un petit peu plus structuré. Et j'ai retenu aussi l'idée de la formation à distance avec les nouvelles technologies. Il y a des choses qui deviennent de plus en plus possibles à ce niveau-là. Alors, merci pour ces suggestions qui sont fort intéressantes.

Pour l'implantation des places à 5 $ pour le mois de septembre, il y aura combien de places dans les services de garde en milieu familial qui seront subventionnées à partir de l'automne de cette année?

Mme Lessard (Francine): Combien de places?

M. Kelley: Oui.

Mme Lessard (Francine): Vous me posez une question qui est difficile à répondre. Je n'ai pas les chiffres devant moi. Ce que je peux vous donner comme portrait des agences de garde, c'est qu'au Québec on est présentement 143 agences de garde qui reconnaissent en moyenne 30 à 35 responsables de services de garde. Si on fait le calcul à dire que chacune d'entre elles a une possibilité de recevoir six enfants, neuf s'il est accompagné d'un autre adulte et on ferait... Là, c'est parce que je trouve dommage de ne pas avoir les chiffres devant moi. J'essaie juste de vous amener à un calcul qui pourrait vous donner une vision globale des enfants qui sont reçus dans nos services de garde. Le nombre exact d'enfants de quatre ans... C'est d'ailleurs un questionnaire qu'on a reçu cette semaine de l'Office des services de garde auquel on va avoir un montant, mais c'est probablement autour de 5 000, 5 300 enfants qui fréquentent nos services de garde présentement et qui auront quatre ans au 30 septembre.

M. Kelley: Alors, c'est l'ordre de grandeur, et les discussions... Parce que, de ce côté de la table, on n'est pas invité au groupe de travail et les autres choses comme ça, alors ça nous donne une occasion de voir le niveau de préparation pour la transformation au mois de septembre et pour vos enfants qui auront quatre ans au mois de septembre 1997. Selon la Fédération, il n'y aura pas de problème majeur pour les accepter à 5 $, et c'est quelque chose que, pour la plupart ou tous les enfants de quatre ans, selon vous, il y a aura la possibilité d'aller avec une place subventionnée à 5 $ par jour?

Mme Lessard (Francine): Mais on l'espère.

M. Kelley: Oui, O.K.

Mme Marois: L'évaluation qu'on a à l'Office – parce que, évidemment, c'est des chiffres à partir de vos données – c'est que, en milieu familial, des places quatre ans et cinq ans qui seraient toutes transformées, évidemment, en quatre ans, on parlerait de 5 488 places. Évidemment, il peut y avoir, là, des écarts, mais c'est un ordre de grandeur, je pense, qui correspond pas mal à la réalité.

La Présidente (Mme Charest): Merci, Mme la ministre. Maintenant, c'est M. Kelley, de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Et, deuxièmement, parce que, ça, c'est le réseau existant, mais on a vu dans la planification de la ministre une augmentation très importante dans le nombre de responsables de... On a parlé, dans le livre blanc, de mémoire, de 53 000 enfants additionnels admis dans le système. C'est quoi, les enjeux pour vous autres quant au niveau de la sélection? J'imagine que ce n'est pas juste une personne qui arrive dans une agence, qui dit: Je veux faire ça. Alors, c'est quoi, vos besoins au niveau de faire une vérification pour savoir que, quand Mme Y arrive dans l'agence, elle a les choses qu'il faut faire, elle a les équipements, elle a respecté tous les aménagements nécessaires dans son foyer pour être prête? Ça prend combien de temps, environ, pour faire l'analyse d'un dossier pour bien certifier que, ça, c'est quelqu'un qui est prêt à fonctionner à l'intérieur du réseau?

Mme Lessard (Francine): Je vais laisser Mme Sanschagrin vous répondre, si vous permettez.

Mme Sanschagrin (Guylaine): Les agences ont toujours eu la qualité des services comme préoccupation première. Dans le cadre du développement des 53 000 places, c'est cette préoccupation-là qui va demeurer. Pour nous, c'est unanime. C'est ce qu'on va mettre sur la sellette puis c'est ce sur quoi on va essayer de concentrer nos efforts: c'est la qualité des services. On est content des 53 000 places parce que ça reconnaît la garde en milieu familial, et puis c'est la qualité qui va primer là-dessus, c'est sûr et certain.

M. Kelley: Mais, au niveau juste pratique, pour vos agences, ça doit être des heures, beaucoup de travail par dossier. Ce n'est pas quelque chose à quoi on peut donner le feu vert en 15 minutes. J'imagine que c'est très rigoureux, l'examen qu'il faut faire. Alors, juste au niveau de l'analyse et du nombre de demandes, pour en arriver d'ici cinq ans à avoir 53 000 places de plus, ça représente quoi comme fardeau de travail pour vous autres pour arriver à livrer la marchandise?

Mme Lessard (Francine): Afin de répondre à votre question, ce que je peux vous dire, c'est que, oui, l'accréditation, la reconnaissance d'une responsable d'un service de garde, ce n'est pas quelque chose qui se fait en une heure. On s'entend là-dessus. C'est un processus qui prend quand même plusieurs semaines. Il y a des rencontres. Il y a les rencontres avec le conjoint, avec les adolescents de plus de 14 ans. Il y a le milieu physique. Il y a les motivations qui amènent cette dame à postuler sur ce genre de reconnaissance. Puis, par la suite, il y a un soutien. Il ne faut pas non plus imaginer que les agences de garde, on reconnaît la dame, et, à partir de ce matin-là, bingo, tout est beau, allez-y. Non, non. Alors, il y a un soutien, un contrôle, il y a une surveillance de ce milieu aussi qu'on doit assumer en tant que service de garde en milieu familial.

Quand vous nous parlez du développement qui va se faire dans les cinq prochaines années en milieu familial, il faut aussi voir que, dans l'idée même du centre de la petite enfance, la garde en milieu familial va être développée par tout ce qu'on connaît présentement comme régie. Donc, les garderies et les agences de garde qui sont présentement sans but lucratif vont pouvoir développer, dans une période de transition, l'autre mode de garde. C'est parce que je comprenais un peu dans votre question: Est-ce que vous êtes déjà prête à prendre le 423 % d'augmentation de places puis l'assumer, vous, votre réseau? Je pense que ce 423 % d'augmentation n'est pas réservé qu'à notre propre réseau qui est comme il est présentement. Par contre, quand on a déposé, au Sommet de l'économie et de l'emploi, au niveau des coopératives de solidarité, un projet qui émergeait des agences de garde, on avait, là-dedans, fait l'exercice de dire qu'une agence qui est existante présentement et qui a une capacité maximale de 150 places au permis pourrait très bien se voir octroyer un 250 places et pourrait, de par son organisation qui est déjà là et de par les expertises qu'elle possède, le maintenir et offrir la qualité qui est égale à ce qu'elle offre aujourd'hui.

M. Kelley: Moi, c'est juste pour mieux comprendre un petit peu. Comme vous autres, vous avez soulevé des questions sur la définition du centre de la petite enfance. C'est quelque chose que je n'ai jamais vu encore. Alors, pour le moment, j'essaie de voir ça va être quoi, la charge qu'on va donner à ces centres et si, en partie, une des choses qu'on va leur demander de faire, c'est effectivement de vous aider ou, d'une certaine façon, de coordonner et remplacer les agences dans la sélection de ces places. J'aimerais savoir c'est quoi, la charge de travail qu'on est en train de donner aux centres de la petite enfance. Vous m'avez parlé de quelques semaines par dossier, plus ou moins, pour faire les entrevues nécessaires, pour s'assurer que les aménagements domiciliaires sont faits comme il faut. Alors, c'est juste dans cette optique parce que, moi aussi, dans la définition, mais dans la conception de c'est quoi, un centre de la petite enfance, j'aimerais savoir c'est quoi, les fardeaux et les charges administratives additionnelles qu'on est en train de donner. C'est tout.

Mme Lessard (Francine): Bien, c'est évident, monsieur, qu'il y a sûrement une surcharge de travail, hein? On ne peut pas penser qu'on va développer tout ça sans vraiment travailler fort, fort à ce qu'on y arrive. La volonté du milieu est vraiment de mettre les énergies parce qu'on croit que, de cette façon-là, on va vraiment offrir aux enfants du Québec, et là, vraiment, au niveau de tout notre réseau... Et je ne parle pas exclusivement des agences de garde, mais aussi des garderies. On va vraiment mettre, au Québec, un réseau où on reconnaît aux enfants d'âge préscolaire le droit à ce réseau-là. C'est un dossier qui me tient à coeur depuis des années. C'est pourquoi je remercie la ministre Marois.

Pour moi, au Québec, présentement, on en était encore à dire qu'un enfant devient important aux yeux de notre société au moment où il entre à l'école. Avant ça, on met sur pied des installations où il y a plus ou moins d'argent et on s'occupe vraiment de l'enfant, en lui donnant des services vraiment de très bonne qualité, avec les spécialistes, et tout ça, à partir du moment où il rentre dans une commission scolaire.

(12 heures)

La politique familiale de Mme Marois m'amène à penser – et j'y crois fortement – que, présentement, on fait le choix de nos enfants et on fait le choix de nos jeunes enfants. Et, pour ces jeunes enfants là, on va investir du temps, et ça, les gens de notre réseau des agences de garde sont bien prêts à mettre la main à la pâte et à pétrir fort, fort pour arriver justement à ce que, en l'an 2001, on ait au Québec des services de garde de très grande qualité, structurés, éducatifs pour tous les enfants.

M. Kelley: Et, sur ça, je partage l'objectif, tout en rappelant par contre que ce n'est pas tous les parents qui optent pour ce genre de services. Il y a également l'équité qui est toujours préservée entre les parents qui ont fait d'autres choix. Alors, c'est juste le bémol que je veux mettre. Mais l'autre, je partage ça.

Je voudrais revenir sur votre recommandation sur la fiscalité municipale. Je ne suis pas un fiscaliste, alors je ne comprends pas pourquoi – parce que vous avez plus ou moins déjà un statut de travailleuse autonome, si j'ai bien compris – pour les fins d'impôt, et tout ça, la partie de votre maison qui est dédiée à une entreprise ou à un commerce, il n'y a pas des avantages dans les déductions d'impôt existantes. Parce que vous avez demandé une exemption de la fiscalité municipale, j'imagine pour la partie de la maison qui est dédiée aux fins d'un service de garde en milieu familial. Parce qu'il y a d'autres parties de la maison qui sont quand même le domicile de vos responsables. Alors, comment est-ce que ça peut fonctionner? Et est-ce qu'il n'y a pas déjà, le fait qu'on travaille à la maison... Moi, je pense aux travailleurs autonomes qui ont un petit bureau dans leur maison et ça leur donne certains avantages au niveau de la fiscalité. N'est-ce pas quelque chose que, déjà, vous pouvez utiliser? Comment est-ce que cette recommandation pourrait se concrétiser?

Mme Lessard (Francine): Vous savez que, présentement, au Québec, au niveau de la garde en milieu familial, on a deux modes de garde: on a le mode de garde régie et on a le mode de garde de travail au noir. Présentement, ce que les responsables de services de garde ont vécu et vivent toujours, c'est que certaines municipalités vont taxer, pour un surplus d'eau et un surplus de déchets, des responsables de services de garde qui sont reconnues parce que, d'une part, quand une responsable, quand une dame a fait le processus et est reconnue par une agence, souvent elle est identifiée comme telle. Dans sa fenêtre, à l'avant de la maison, on va retrouver l'identification. Pour la municipalité, c'est comme très facile à ce moment-là de faire le tour des rues, de noter et d'envoyer un compte de taxes à ces dames-là.

Ce qu'on débat finalement, c'est de dire: Ce n'est pas correct. Parce que la dame qui le fait avec des ratios non vérifiés, souvent avec un très grand nombre d'enfants dans son sous-sol de maison, elle n'a pas cette taxe-là, elle ne la paie pas. Parce que la dame a fait le choix d'être reconnue par une agence de garde, d'avoir des ratios limités et d'être en même temps identifiée, elle reçoit, par certaines municipalités du Québec, une surtaxe d'eau et de déchets.

Moi, j'ai personnellement rencontré une municipalité pas loin d'ici qui taxait les responsables de services de garde. On m'a dit: Bien oui, elle utilise plus d'eau et elle jette plus de déchets. J'ai un peu de difficulté à comprendre ça parce que, quelque part, les enfants qu'elle reçoit, ce sont des enfants de contribuables de la même municipalité qui paient des taxes d'eau et qui paient des taxes pour les déchets. Donc, si leur propre enfant qui est reçu deux maisons plus loin, la couche, en bon français, est jetée dans la poubelle chez la responsable des services de garde, elle n'est pas jetée chez le parent. Il n'y a pas plus de déchets à la fin de la semaine, il n'y a pas plus d'eau non plus. Alors, le parent qui paie ses taxes municipales et qui fait le choix d'envoyer son enfant chez une responsable des services de garde reconnus, donc supervisés, à deux maisons de chez lui, la responsable va se voir attribuer une surtaxe pour le nombre de couches supplémentaires et le nombre de verres d'eau supplémentaires offerts à l'enfant.

Alors, si on était capables d'assurer que toute la garde qui se fait en milieu familial au Québec reçoit les mêmes taxes, on pourrait dire à ce moment-là: C'est correct, c'est comme ça pour tout le monde. Mais, présentement, ce n'est que le milieu régi qui est identifié, qui reçoit ses taxes.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. Malheureusement, je dois vous dire que les derniers propos ont fait réagir tout le monde alentour de la table. Malheureusement, ça termine notre rencontre avec vous. Je tiens, au nom des membres de la commission, à vous remercier beaucoup.

J'invite maintenant les représentants de la Commission d'accès à l'information à se présenter.

À l'ordre, s'il vous plaît! Nous recevons maintenant les représentants de la Commission d'accès à l'information. M. Comeau, si vous voulez nous présenter la personne qui vous accompagne et débuter votre présentation.


Commission d'accès à l'information (CAI)

M. Comeau (Paul-André): Je vous remercie, M. le Président. Je suis accompagné de Me André Ouimet, qui est secrétaire et directeur du Service juridique de la Commission. Mes remerciements, M. le Président, pour cette invitation qui nous permet de faire connaître notre opinion sur deux projets de loi.

La Commission s'est penchée sur les deux projets de loi, à l'invitation du Comité de législation et aussi des ministères et des organismes directement concernés par ces projets de loi et ces programmes. Évidemment, tout cela a donné lieu à des échanges et à des discussions avec les responsables des ministères concernés, notamment la Régie des rentes et le ministère du Revenu, et nous avons pu arriver à un certain nombre d'ententes que je vous expliquerai plus loin.

C'est donc dire que, de cette façon-là, encore une fois, aussi bien le gouvernement que l'Assemblée nationale ont traduit dans les faits le rôle prépondérant, puisque c'est le cas, de la loi d'accès qui, comme vous le savez, a préséance sur toutes les autres lois dans l'appareil législatif québécois. Alors, grâce à ces échanges, nous avons pu y voir clair.

Je vous dirai un seul mot au sujet du projet de loi n° 145, celui qui crée un ministère de la Famille et de l'Enfance. C'est évident que la mise en place de ce ministère découle des orientations politiques qui ont déjà été énoncées par Mme la ministre et qui ont fait l'objet d'un débat. C'est une politique qui s'inscrit dans une démarche d'accompagnement et d'appui à l'unité familiale, et là je vais vous parler personnellement. J'ai déjà écrit ailleurs et dans une vie antérieure mes appréhensions quant à la situation et à l'évolution de la famille, en me situant dans le sillage des propos et des réflexions d'un certain nombre de personnalités dont, par exemple, Maurice Champagne. Dois-je vous dire que je me réjouis, en tant que citoyen, de la résolution du gouvernement et des décisions de Mme la ministre dans le domaine familial.

Aussi, avons-nous regardé attentivement le projet de loi qui crée ce ministère pour constater que nous n'avions que peu de choses à dire. Nos travaux ont été rapides et la conclusion est évidente; le ministère en question souscrit à l'économie générale de la loi sur l'accès et le projet ne contient aucune clause dérogatoire, de sorte que, outre mes commentaires personnels, la Commission en tant que telle n'a vraiment rien à dire.

En ce qui concerne le projet de loi n° 144, celui qui établit un nouveau régime de prestations familiales, encore ici, la Commission ne peut que souscrire à l'objectif poursuivi par ce nouveau régime. D'ailleurs, la Commission serait plutôt malvenue de soulever des questions quant au bien-fondé de ces nouvelles prestations. Il s'agit là plus que d'un coup de pouce. C'est une aide nécessaire et importante pour les enfants et aussi pour les parents de l'unité familiale. Alors, le projet de loi nous semble, d'un point de vue de citoyen, répondre à un véritable besoin au sein de notre société où bon nombre de familles rencontrent des problèmes sérieux dont très souvent l'origine est d'ordre financier. Et, là-dessus, on n'a pas besoin de microscope ni d'études de sociologie très poussées pour s'en rendre compte tellement l'évidence crève les yeux. Il y a donc des besoins sérieux; une loi qui tombe à point. C'est ce qui explique un petit peu le malaise devant lequel la Commission s'est trouvée lorsqu'elle a examiné deux dispositions du projet de loi.

(12 h 10)

Alors, je voudrais bien que l'on comprenne. Il ne s'agit pas du tout de remettre en cause le bien-fondé de cette loi et de ce régime, mais, bien au contraire, de profiter de l'occasion, puisque c'est le mandat qui a été confié à la Commission, pour soulever des questions. Alors, je voudrais en soulever deux, en fait, qui ont toutes trait à des questions de modalité, donc qui n'ont rien à voir avec les principes du régime lui-même.

En ce qui concerne les modalités d'admission aux prestations, donc l'éligibilité, si vous voulez, la Commission souligne un problème qui, en fonction de la loi dans son volet protection des renseignements personnels, semble s'inscrire dans une tendance. C'est ainsi que, pour avoir accès à ces prestations, un parent ou les parents devront soumettre une déclaration de revenus, déclaration d'impôts en langage courant. C'est ce que prévoit l'article 10 du projet de loi. Il s'agit là d'une condition pour vérifier l'admissibilité, qui est exécutée – cette obligation – par le ministère du Revenu. Du moins, c'est ce que nous avons compris. Cette modalité s'inscrit dans ce que nous croyons être une tendance qui se dessine dans l'administration des programmes au Québec. Plutôt que de demander l'information aux personnes concernées, aux personnes qui seront bénéficiaires du service ou de la prestation, on a tendance, pour des raisons sur lesquelles je reviendrai dans un instant, à aller chercher l'information ailleurs. Et là je vous répète mon embarras devant cette affirmation. Je suis conscient que beaucoup de chefs de famille éprouveront beaucoup de difficultés à réclamer eux-mêmes les prestations et à les obtenir, pour toutes sortes de raisons que vous connaissez beaucoup mieux que moi. Il s'agit là beaucoup plus que d'une cause sympathique, c'est l'avenir des enfants, mais rien n'empêche que la tendance se manifeste aussi: plutôt que de voir la personne concernée, on va au système.

L'autre sujet de préoccupation de la Commission se situe, lui aussi, au niveau des modalités et des principes et elle s'inscrit dans le rôle qui est confié, dans ce programme, au ministère du Revenu. Pour que la Régie des rentes, qui a le mandat, donc, de faire fonctionner ce programme... C'est le ministère du Revenu qui, de façon périodique, va transmettre à la Régie des rentes des renseignements sur les déclarations de revenus des prestataires éventuels. Alors, notre inquiétude à cet égard vise – ce qui n'a rien à voir avec les prestations familiales – le secret fiscal. C'est-à-dire que nous allons encore une fois creuser une brèche dans le secret fiscal qui est garanti par la loi et par le ministre du Revenu. Et notre crainte s'est concrétisée au cours des derniers mois, lorsqu'on a ajouté de plus en plus de dérogations au secret fiscal. En fait, un calcul rapide nous démontre que, depuis 1993, c'est la 14e fois que l'on déroge au secret fiscal, que l'on mine, en tout cas, ce concept qui, à mes yeux, est un concept fondamental dans notre système démocratique. Et il faut en dégager une conclusion précise, c'est que le fichier du ministère du Revenu est devenu, après celui de la Régie de l'assurance-maladie qui a connu ses heures de gloire, le fichier le plus convoité de l'administration publique du Québec. Tout le monde veut s'y alimenter, pour toutes sortes de raisons valables et honorables comme dans ce cas-ci, mais il y a quand même là une tendance qui nous semble découler d'une logique administrative ou bureaucratique dont il faut prendre conscience à ce moment-ci. Je répète que cette modalité...

Mes remarques n'ont rien à voir avec l'objectif majeur et essentiel des prestations familiales. Je comprends fort bien que, dans ce cas-ci aussi, il serait difficile et sans doute très coûteux d'aller chercher l'information auprès de 1 500 000 personnes, me dit-on, qui pourraient bénéficier de ces prestations.

Alors, il nous faut rappeler ces principes de base. Et c'est à la suite de nos discussions – qui se sont très bien terminées, je tiens à le signaler – avec la Régie des rentes, avec le ministère du Revenu, que la Commission a demandé et obtenu le respect de trois conditions. La première, c'est que les contribuables qui seront visés, dans certains cas affectés, par ces échanges de renseignements personnels, donc par la transmission de renseignements de type déclaration d'impôts, du ministère du Revenu à la Régie des rentes, il faudra que ces personnes sachent d'où provient l'information qui a permis de prendre une décision à leur égard. C'est quelque chose d'élémentaire, mais il faut le rappeler tellement on a tendance à se fier à la logique et à la virginité de l'informatique. Les individus ont le droit de savoir ce qui se passe et d'où vient l'information.

Alors, cette transmission d'information aux individus peut se faire d'une foule de façons, parce que les communications – ne serait-ce que par la transmission des chèques – sont nombreuses entre la Régie et les prestataires. Donc, il y a moyen de préparer un document d'information qui permettra, bien sûr, aussi d'éviter des erreurs, d'éviter des dérapages par suite de traitement informatique ou par suite d'homonymie, etc. Je pense que c'est une clause normale et les ministères et organismes concernés y ont souscrit sans aucun problème.

La deuxième condition qui a été également acceptée après discussion et après des échanges importants, c'est la nécessité de limiter la transmission des renseignements personnels, par le ministère du Revenu à la Régie des rentes, aux seuls renseignements qui concernent les personnes admissibles. En d'autres termes, il nous semblerait un peu contraire au principe de la loi et contraire également au bon sens que tous les renseignements de déclaration de revenus, sur toutes les personnes qui ont des enfants au Québec, soient transmis à la Régie des rentes. Ce n'est pas nécessaire et on ne voit pas pourquoi la Régie des rentes deviendrait dépositaire de déclarations de revenus ou de l'essentiel des déclarations de revenus de toutes les familles du Québec.

Alors, là aussi, c'est une entente qui a été conclue en vue de limiter également l'érosion du secret fiscal pour que les renseignements qui ont trait au secret fiscal ne soient transmis que dans des cas nécessaires.

Enfin, troisièmement, la Commission a exigé et obtenu promesse que l'entente d'échange de renseignements personnels, qui sera nécessaire entre le ministère du Revenu et la Régie des rentes, soit soumise à la Commission pour examen. La Commission va, comme elle le fait pour toutes les ententes, procéder à un examen à l'oeil du critère de la nécessité, qui est le critère fondamental dans la Loi sur l'accès, en ce qui concerne les échanges de renseignements personnels sans le consentement des personnes concernées. Alors, cette exigence découle de la transparence démocratique et elle répond aussi à l'une des exhortations du Vérificateur général, dans son rapport qui vous a été présenté en décembre dernier, lorsqu'il enjoignait la Commission de faire tout en sa possibilité pour établir le tableau complet de tous les échanges de renseignements personnels qui se font entre ministères et organismes.

Alors, voilà les trois conditions qui ont été remplies à notre satisfaction et qui nous permettent, je pense, de lever nos inquiétudes et d'apaiser notre malaise devant des modalités. Quant au principe, à l'objectif de la création d'un ministère de la Famille et de l'octroi d'un nouveau régime de prestations familiales, la Commission évidemment s'en réjouit.

Alors, je vous remercie, M. le Président. C'est ce que j'avais à vous soumettre comme remarques, de la part de la Commission.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup, M. Comeau. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vais d'abord remercier le citoyen, M. Comeau, de son commentaire sur la politique familiale. Je pense que ce n'est quand même pas négligeable, pour un homme de son expérience, de venir nous dire qu'il trouve intéressantes les avenues que nous privilégions. C'est un témoignage que j'apprécie très sincèrement et je vous le dis ce matin.

Par ailleurs, quant aux remarques de la Commission, je suis heureuse d'entendre le président de la Commission nous dire qu'il est satisfait quant aux conditions posées par la Commission sur les questions qui touchent l'accès à l'information et qui seront gérées par la Régie des rentes, en collaboration avec le ministère du Revenu. Je suis heureuse de l'entendre parce que je peux vous dire que la Régie était très consciente des risques inhérents à un programme comme celui-là, quant au respect des règles de confidentialité. On a pris beaucoup de soin – le personnel de la Régie me le confirme – à travailler très finement ce programme, de telle sorte qu'on puisse répondre aux attentes exprimées par la Commission. Ce que je comprends ce matin des commentaires, c'est que la Régie satisfait à ces attentes. Je peux vous dire que déjà, quant à la recommandation que vous aviez faite et que vous refaites aujourd'hui, à savoir qu'on puisse informer tous les contribuables de ce que nous allons faire et qui pourrait les interpeller, nous l'avons fait d'une façon systématique, je vous dirai. À chaque fois qu'on a communiqué, depuis quelque temps, avec les familles, on les a informées de la façon...

(12 h 20)

Regardez, on dit: Le ministère du Revenu a avisé tous les clients bénéficiaires de l'allocation familiale et leur conjoint, de même que tous les contribuables ayant déclaré des enfants à charge, que des informations pourraient être transmises à la Régie des rentes pour les fins de l'application du nouveau programme d'allocation familiale. De même, toute la publicité afférente au nouveau programme et toutes les communications de la Régie signalent, lorsque le contexte s'y prête, que l'information sur les revenus parvient au ministère du Revenu. Par ailleurs, la Régie, aussi, s'est engagée auprès de la Commission à ce que tout protocole soit enchâssé dans une entente et, à cet égard, que cette entente soit soumise à la Commission pour commentaires lorsque ce sera utile, s'il y avait changement ou quoi que ce soit.

Alors, moi, tout ce que je peux vous dire à ce moment-ci, c'est que je suis heureuse de vous avoir entendu. Je pense que c'est un bel exemple de ce que l'on peut faire lorsqu'on travaille conjointement pour éviter les risques et pour encadrer, si on veut, les gestes que nous posons en tout respect pour les citoyens et les citoyennes concernés.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, Mme la ministre. Est-ce que ça amène un commentaire additionnel, M. Comeau?

M. Comeau (Paul-André): Non. Je vous en prie, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'aurais besoin du consentement de l'opposition pour permettre à M. le député de Roberval de poser une question. Consentement. M. le député.

M. Laprise: Oui. Votre mémoire me fait percevoir les deux objectifs du gouvernement qui d'abord... Dans la politique familiale, c'est bien sûr que la priorité, c'est l'enfant, c'est l'aide à l'enfant, c'est l'aide à la famille. Maintenant, l'objectif, comme vous le laissez entendre, fiscal du gouvernement, j'espère, ne viendra pas prendre la priorité sur l'objectif de l'enfant et de la famille. Je crois que la politique familiale devra prévoir, justement, que cette priorité-là soit bien identifiée. Au risque de perdre certains avantages fiscaux, la priorité de l'enfant et de la famille devra être supérieure à la priorité fiscale du gouvernement. Votre mémoire m'a fait percevoir les deux objectifs qui peuvent peut-être venir à l'encontre un de l'autre. Mais je suis persuadé que les priorités et les objectifs de la politique familiale, c'est d'abord l'aide à l'enfance et à la famille.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Commentaires, M. Comeau? Pas de commentaires. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue aux représentants de la Commission, M. Comeau, M. Ouimet.

Je comprends fort bien, parce que la Commission est étroitement liée à la formulation des projets de loi, alors vous avez un accès, d'une certaine façon, privilégié à la confection de ces projets. Mais pour le parlementaire, ce n'est pas toujours évident; c'est après que le projet de loi est déposé. L'administration, la gestion des articles du projet de loi est à distance des parlementaires, et tout ça.

Moi, je regarde dans le projet de loi n° 144 le texte de l'article 28: «La personne qui reçoit des prestations familiales doit faire connaître à la Régie tout changement de situation qui est de nature à modifier son droit. Le gouvernement peut, par règlement, déterminer les cas où la Régie peut estimer qu'un changement de situation lui est communiqué.» Comme parlementaire, ça me frustre un petit peu parce que «tout changement de situation», on donne un pouvoir très large. Ça va être un pouvoir réglementaire pour la Régie et le gouvernement de décider tous ces genres de situations.

Moi, juste rapidement, j'ai regardé le genre de situation qui peut être en jeu. C'est évidemment un changement d'emploi. À chaque fois que je trouve un nouvel emploi, ça risque d'avoir un impact sur mes revenus. Si j'ai reçu dans mon emploi existant une augmentation ou, dans notre cas, une baisse de revenus, je dois aller assez rapidement informer la Régie aussi; tout changement du statut civil, parce que, s'il y a une rupture de couple ou quelque chose comme ça, c'est évident que ça va avoir un impact. Et, dans un des groupes qui sont venus hier, il y a également le rôle du conjoint non parent, parce que, dans ce projet de loi ci, c'est évident que, dans un ménage, peut-être que le conjoint non parent, ses revenus vont être inclus aussi. On ajoute à tout ça la pension alimentaire. Alors, je me demande: Est-ce que le pouvoir qu'on est en train de donner ici, ça va quand même donner un portrait très exhaustif de ce qui se passe, et le fardeau que ça va donner au citoyen d'informer assez rapidement le gouvernement de tous ces genres de changements dans sa vie privée, ça ne cause aucune préoccupation chez vous?

M. Comeau (Paul-André): Alors, M. le député, c'est évidemment un problème réel. C'est pourquoi nous avons exigé, comme première condition, que les personnes qui pourraient être affectées par un transfert d'information, et pas seulement au moment de la mise en place du programme, soient informées des décisions prises à leur égard et de l'origine de l'information qui peut avoir été communiquée. Ça, c'est la première chose. La deuxième chose, vous avez évoqué le règlement qui viendra sans doute. Mais, là-dessus, je tiens à vous rassurer. À la Commission, nous avons un collaborateur qui, systématiquement, dépouille tous les règlements lorsqu'ils sont déposés et publiés dans la Gazette et qui prend note des dispositions semblables et, à ce moment-là, nous allons entrer à nouveau en contact avec les responsables s'il y a des choses qui nous semblent curieuses et inquiétantes. Alors, évidemment, pas plus que vous, nous ne savons ce qu'il y aura dans le règlement, mais soyez assuré que ça fait partie de la routine, à la Commission, que de dépouiller systématiquement tous les règlements.

M. Kelley: En tout cas, moi, j'ai d'autres collègues qui veulent poser des questions. Je regarde surtout l'article 28 et il y a, pour moi, des expressions qui sont assez grandes: Tout changement de situation et le fait que la Régie peut estimer, à ce moment, ce communiqué et prendre... Parce que le problème qui va découler de ça, c'est plutôt à l'égard de la protection du citoyen, peut-être. Il y aura les trop-payés; alors, il y aura tout le processus de reprendre l'argent des trop-payés, et tout ça, qui peut découler de ce texte. Alors, c'est fort important. Et, comme je l'ai dit aussi, au niveau de ce que l'État doit savoir maintenant en comparaison avec l'allocation existante qui est universelle – alors, c'est envoyé et c'est uniquement le changement d'adresse qui est en jeu, parce que tout le reste est déjà dans l'ordinateur – dans l'application de tout ça, on a quand même la nécessité d'avoir un portrait beaucoup plus clair de la situation de la famille avec les risques que ça comporte. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le député. Oui, M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Je pourrais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre.

Mme Marois: Oui, si vous permettez, M. le Président, sur ça. On aura l'occasion, évidemment, dans l'article par article, d'aborder cette question-là, mais on ne rétroagira pas. On se comprend, là. C'est-à-dire que si... Il y a trois situations où on peut intervenir, quatre: si une personne décède ou un enfant décède, on doit informer la Régie; s'il y a séparation, s'il y a divorce, et souvent c'est à l'avantage de la famille de le déclarer, parce que, évidemment, la situation se modifie et on se retrouve dans une situation difficile; ou si on va à la sécurité du revenu, et là il y a un changement de statut, évidemment, ça doit apparaître et ce sera généralement à l'avantage de la personne, bien sûr.

Par contre, si la personne voit son revenu amélioré pendant l'année, on ne rétroagira pas, dans le sens d'aller rechercher des sommes qui auraient été versées en trop. Par contre, aussi, si la personne voit son revenu diminué, on n'interviendra pas non plus pour le corriger en cours d'année, à moins, comme je l'ai dit, que ce ne soient des situations de dénuement et les situations que je viens de décrire, où il y a vraiment un statut qui change. Et ça, ça vient éviter que le citoyen soit obligé, sans arrêt, d'avoir à se référer ou à identifier son changement de situation. Alors, on verra ça, évidemment, dans l'étude article par article, mais ça m'apparaissait important qu'on précise à ce moment-ci les circonstances où on devra signifier les choses à la Régie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Je voulais simplement ajouter à la question et au commentaire de M. Kelley qu'il a mis exactement le doigt sur le sens de l'intervention de la Commission. Les renseignements en question doivent être nécessaires. C'est pourquoi la Commission demande donc qu'aussi bien le règlement que les projets d'entente lui soient soumis, pour qu'on puisse voir ce qui est vraiment nécessaire et qu'on ne transmette pas des renseignements qui n'ont rien à voir avec le projet à la Régie.

(12 h 30)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je vais continuer dans le même sens que le député de Jacques-Cartier et le député de Roberval qui, je pense, ont touché à un point assez important, M. le Président. Nous sommes en train de discuter avec la Commission d'accès à l'information d'un sujet tellement sérieux, qui peut aller beaucoup plus loin que juste les projets de loi n° 144 et n° 145. On peut voir et on peut toucher à plusieurs articles, 10, 28, 38, 47, juste pour en nommer quatre, qui peuvent avoir un impact assez important sur la vie privée, la confidentialité de l'information, du secret fiscal des familles québécoises. L'article 10 donne une obligation de rendre les déclarations de revenus. L'article 28, le député de Jacques-Cartier en a déjà parlé. L'article 38 donne le pouvoir de faire des ententes avec tous les organismes, s'il le veut. Et l'article 47, on arrive avec un ajout, sur une longue liste de changements dans la Loi sur le ministère du Revenu, l'article 69.1 qui donne le pouvoir à Big Brother, l'État, avec son appétit insatiable d'avoir l'information sur la vie privée des Québécois, un autre élément.

Je vais juste lire – et je voudrais avoir vos commentaires, M. le président de la Commission – l'alinéa 3° de 47: toutes les informations «sont nécessaires pour vérifier l'admissibilité d'une personne à une allocation familiale en vertu de la Loi...» Si j'ai bien compris ça, M. Comeau, avec ce projet de loi, on veut donner le pouvoir à l'État que... si une famille veut avoir l'allocation familiale, elle doit soumettre sa vie privée à la vérification, aux banques de données, aux fichiers de tout couplage, parce que vous savez fort bien, nous avons eu une chance de discuter de ça, M. Comeau, assez souvent, il y a une longue liste, la RAMQ, les municipalités, Hydro-Québec, la Régie des rentes, et tout. J'ai peur qu'avec ce petit geste nous soyons en train, encore une fois, de mettre en péril la vie privée, la confidentialité de l'information des familles québécoises. Je trouve ça assez bizarre, M. le Président, parce que ce premier ajout arrive avant même votre premier rapport sur l'impact du projet de loi n° 32. Déjà, ce gouvernement arrive avec un autre pouvoir. Avant qu'une famille puisse avoir une allocation familiale, elle doit soumettre toute sa vie à l'État.

Je vais terminer sur ça. Si quelqu'un ne veut pas soumettre une déclaration de revenus, s'il est enquêté, avec cette envahissement sur sa vie privée, il va perdre le droit, selon ma compréhension, d'avoir cette allocation familiale. Vous savez que nous avons déjà eu une discussion sur la possibilité d'information à vendre. Avec ça, où est la protection, M. le Président? Comment allons-nous protéger, selon vous, avec cet ajout d'envahissement sur la vie privée, la famille québécoise?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): M. le député, vous avez cerné évidemment l'article 47 qui est au coeur des hésitations de la Commission et qui a été aussi au coeur des discussions avec la Régie des rentes et le ministre du Revenu. Alors, notre compréhension – et notre compréhension sera confortée lorsque nous étudierons le projet d'entente de transmission – est que seuls pourront être transmis à la Régie par le ministère du Revenu les renseignements de caractère financier qui pourront dire si, oui ou non, une famille est admissible au nouveau régime. Je vois mal comment, à ce moment-là, on pourrait transmettre d'autres renseignements que le ministère du Revenu possède lui-même de tradition ou encore en vertu de la loi qui a été adoptée à cette époque-ci l'an passé, qui permet au ministère du Revenu d'aller dans un certain nombre d'autres fichiers.

Dans mon esprit – j'espère que ce n'est pas cela – les discussions que nous avons eues avec la Régie et le ministère du Revenu nous permettent de croire que c'est limité à la déclaration financière, donc à l'aspect financier. C'est pourquoi nous attendons l'entente pour voir exactement ce qui sera transmis. Mais, je vous dis, nos discussions, pour le moment, nous donnent satisfaction et nous rassurent. Nous avons exigé qu'il y ait une entente et que l'entente, bien sûr, soit publique.

M. Williams: Mais, comme nous en avons discuté, je pense que, petit pas par petit pas, nous sommes en train de perdre notre vie privée. Voilà un exemple, parce que, vous-même, vous dites que vous êtes d'accord avec les grands principes de la loi. Avec ça, on ne met pas ça en doute. Mais, petit pas par petit pas, la vie privée de la population québécoise, à mon opinion, n'est pas protégée. Et je voudrais savoir vos commentaires, comme défenseur de la confidentialité et de la vie privée de la population québécoise. Est-ce que vous allez recommander dans tous les projets de loi, incluant 144, qu'on doit ajouter une obligation d'avoir votre avis avant que cet article de la loi soit en vigueur?

M. Comeau (Paul-André): Deux dimensions à votre question, je commence par la dernière. Là-dessus, M. le ministre, je tiens à vous rassurer. Depuis que je suis en fonction, il y a maintenant plus de six ans, les gouvernements qui se sont succédé ont toujours soumis les projets de loi, dans une proportion, je dirais, de 98,9 %, à la Commission, lorsqu'ils contenaient des dispositions ou des dispositifs qui pouvaient porter atteinte soit à l'accès aux documents ou à la protection des renseignements personnels.

Alors, l'autre. Je pense que ma réponse vient de ce que j'ai dit en présentation au début, la Commission, malgré le caractère éminemment important et social du projet de loi, ne pouvait pas ne pas signaler qu'il s'agit ici aussi d'un nouvel accroc au secret fiscal, pour que les gens soient bien conscients de ce qui nous semble une tendance. Il y a toutes sortes de raisons, évidemment, qui peuvent être invoquées pour justifier cela, mais le fait est là, le secret fiscal est de moins en moins secret. Et je pense que la Commission trahirait le mandat qui est le sien et ne serait pas fidèle à la loi si elle ne le signalait pas, tout en admettant du même coup, et sans vouloir jouer au jésuite, que l'objectif de la loi lui semble fondamental et que l'on doit vivre avec cette modalité, étant donné les caractéristiques socioéconomiques et autres d'un nombre important des familles qui seront les bénéficiaires de ce régime.

M. Williams: Selon l'article 47 qui fait un amendement à 69.1, selon ma compréhension, le ministère du Revenu va envoyer l'information aux régies, l'information sur toutes les familles québécoises. Selon ma compréhension, par la loi...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ce sera la dernière, M. le député.

M. Williams: ...et avec la loi n° 32 et les autres lois passées par ce gouvernement péquiste, il va avoir le droit, s'il le veut, après le couplage et la vérification de tous les dossiers, de garder l'argent avant de l'envoyer à un contribuable, s'il doit payer dans un autre ministère. Il me semble, M. le Président, que cet ajout 47, ça peut causer de graves problèmes aux familles québécoises. Et j'espère que pendant l'article par article nous allons trouver la balise législative.

J'accepte la bonne foi de la ministre, mais, quand on parle de protéger la vie privée de la population québécoise, je pense, comme législateur, avec vous, qu'on doit s'assurer de trouver les mots pour mettre ça dans la loi avant qu'on adopte ce projet de loi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Un dernier commentaire, M. Comeau.

M. Comeau (Paul-André): Oui, rapidement. Ma compréhension, M. le député, c'est que ces pensions sont insaisissables. Donc, à ce moment-là, l'effet de la compensation gouvernementale ne devrait pas jouer. Mais là je ne suis pas un fiscaliste, moi non plus, tout comme M. Kelley, et je m'y perds un peu. Mais c'est ma compréhension.

Deuxièmement, vous avez soulevé le problème de la transmission, au premier temps, des...

M. Williams: Il y a un «toutefois», là.

Mme Marois: On y reviendra.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On aura le temps à l'étude article par article de faire ces discussions-là. M. Comeau, si vous voulez terminer.

M. Comeau (Paul-André): Vous avez soulevé le problème réel de la transmission, dans un premier temps, possiblement, de l'ensemble des renseignements qui concernent toutes les familles du Québec. Là, il y a un problème et ce problème est en discussion actuellement. Nous espérons le résoudre avec la présentation du projet d'entente. Il y a un problème, effectivement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup, au nom de la commission, messieurs.

J'invite maintenant les représentantes de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec à se présenter.

(12 h 40)

À l'ordre, s'il vous plaît! Mme Tétreault, si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent et débuter votre présentation, en vous souhaitant la bienvenue.


Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ)

Mme Tétreault (Lucie): Merci. À ma droite, c'est la directrice générale, Mme Sylvie Lévesque, et, à ma gauche, notre agente politique, Mme Claudette Mainguy.

Nous, de la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec, sommes heureux d'avoir la possibilité de faire valoir le point de vue des familles monoparentales sur les projets de loi n° 144 et n° 145, même si les trois jours qui se sont écoulés depuis notre invitation ne nous ont pas permis de mener une consultation auprès de nos membres. Qu'on le veuille ou non, les familles monoparentales représentent 25 % de l'ensemble des familles québécoises. Plus de 100 000 d'entre elles, dont plus de 150 000 enfants, dépendent de la sécurité du revenu pour survivre. Pour celles qui sont sur le marché du travail, la moyenne de leur revenu se situe à 64 % du seuil de la pauvreté. Les conditions de vie ne sont pas réjouissantes pour la majorité de ces familles qui doivent se débrouiller avec de faibles moyens. Il faut se soulever contre cet état de fait. Comme société, nous devons non seulement accepter cette forme de famille, mais nous devons tout mettre en oeuvre pour améliorer leurs conditions de vie. Nous présentons donc des commentaires sommaires sur les deux projets de loi, commentaires qui tendent, vous vous en doutez, vers l'amélioration des conditions de vie des familles monoparentales.

Tout d'abord, sachez que nous sommes tout à fait d'accord avec la mission du ministère de la Famille et de l'Enfance qui est de valoriser la famille et l'enfance et de favoriser leur plein épanouissement. Nous espérons toutefois que les actions que vous poserez iront dans le même sens.

M. Mainguy (Claudette): Ce sont des commentaires plus qu'une analyse exhaustive, parce qu'on a eu les projets de loi encore à la dernière minute. Donc, ce sont des commentaires plutôt généraux sur l'ensemble de chacune des lois. On commence par la loi n° 144. Permettez-nous de redire ce qu'on a déjà dit, c'est-à-dire que l'allocation unifiée, de notre point de vue, est une excellente idée en soi, sauf qu'il ne faudrait pas qu'elle appauvrisse la majorité des mères. Les principales personnes qui y gagnent actuellement sont les parents qui gagnent un revenu insuffisant pour faire vivre une famille ou les personnes assistées sociales qui ne se verront plus couper la portion enfants dès qu'elles vont retourner sur le marché du travail. De notre point de vue, on trouve que c'est quelque part un petit peu dangereux. Est-ce que ça ne signifie pas qu'on reconnaît ces seuils de revenus comme étant des revenus décents? Pour nous, ça n'en est pas et on aimerait ça que la barre soit un petit peu plus haute.

Dans le même ordre d'idées, nous remarquons, dans les tableaux qui sont en annexe à la loi, que les seuils de réduction n'ont pas non plus été haussés et qu'ils sont toujours sous le seuil des faibles revenus de Statistique Canada. En fait, on aurait aimé que le montant diminue d'une façon un petit peu moins rapide. Nous avons par contre apprécié les changements que vous avez apportés en ce qui concerne les familles nombreuses en élevant les montant accordés pour les enfants de troisième rang et plus et, enfin, en prolongeant l'âge jusqu'à la majorité. Nous sommes heureuses aussi que vous ayez comblé les pertes pour les personnes qui sont inscrites à l'aide sociale en septembre 1997, mais on ne peut pas accepter que les personnes qui vont y avoir recours après cette date soient appauvries par cette mesure. De notre point de vue, c'est tout à fait inacceptable.

Suite aux recommandation de Mme Ruth Rose, les personnes qui sont sur le programme APPORT vont pouvoir se voir accorder une réduction de 3 $ des frais de garde. En fait, avec les frais de garderie à 5 $, il y avait comme un écart entre le coût réel de ces personnes par le biais des réductions d'impôts accordées qui faisaient en sorte que ces personnes-là payaient 1,98 $ par jour plutôt que 5 $. Alors, ça faisait une perte considérable. Donc, on trouve que c'est une excellente nouvelle que vous ayez fait ça, sauf que ce qu'on aimerait cependant, c'est que le programme soit simplifié, qu'il soit largement publicisé, parce que les personnes ne sont pas au courant. Et même, à la rigueur, qu'il apparaisse distinctement sur le rapport d'impôts de façon à ce que toutes les personnes qui sont éligibles puissent vraiment obtenir ce qui leur est dû, d'une certaine manière. Que ce ne soit pas par ignorance que ces personnes-là perdent ce montant d'argent là.

À l'instar de la Fédération des femmes du Québec et du Conseil du statut de la femme, nous souhaitons qu'une étude sur les besoins essentiels des adultes et des enfants soit menée afin de s'assurer que les politiques de l'État qui s'appuient sur la reconnaissance de ces besoins soient équitables et que le transfert fiscal reconnaisse adéquatement les besoins des familles monoparentales.

Mme Lévesque (Sylvie): Concernant le projet de loi n° 145 – encore là, c'est des commentaires sommaires – on a quand même l'impression que l'État s'ingère de plus en plus dans le choix des parents en ce qui a trait aux différents services de garde malgré M. Bouchard qui disait que l'État n'entend pas se substituer aux parents. Pourtant, avec ce projet de loi là, on sent quand même qu'on étatise les garderies. Seuls les parents qui ont les moyens peuvent éduquer leurs enfants et instituer la maternelle à plein temps. Donc, l'État a quand même décidé le choix malgré les parents.

D'un autre côté, on demandera une implication, aussi très importante, des parents au niveau de ces mêmes garderies alors qu'on sait que les familles monoparentales sont déjà débordées par la double tâche. N'est-ce pas leur en demander un peu trop? S'impliquer à la garderie, s'impliquer à l'école, s'impliquer sur des comités. Et, quand on est monoparentale, une double tâche, avec tout ça, c'est peut-être demander un peu trop à ces parents-là.

Nous craignons aussi fortement le développement fulgurant des places de garde en milieu familial pour les enfants de deux ans et plus. Or, nous ne sommes pas certaines que tous les parents aient fait ce choix-là. Il serait peut-être intéressant et pertinent de mener une vaste consultation auprès des usagers afin de connaître leurs besoins avant de développer un mode de garde plutôt qu'un autre. Avec l'objectif de déficit zéro visé par le gouvernement, la tentation de développer des services de garde à bon marché est présente. Il faudra donc vous assurer et nous assurer que les travailleuses en milieu familial bénéficieront des mêmes protections et salaires que celles qui oeuvrent dans les centres de la petite enfance.

Nous espérons qu'une politique de garde en milieu scolaire voie le jour, car ce secteur pourrait être considérablement perturbé par la mise en place des services de garde gouvernementaux. Nous tenons également à souligner que des groupes de personnes, soit ceux qui malgré leurs faibles moyens ont choisi de rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants, sont exclus de ces services. Nous trouvons que cette décision vient en quelque sorte contredire la mission du ministère puisqu'elle renie, de notre point de vue, le rôle du parent et son apport à la société. Nous trouvons d'ailleurs curieux que le coût des enfants ne soit pas assumé par l'ensemble de la population mais exclusivement par les familles.

En terminant, nous aimerions dénoncer la vitesse à laquelle les changements se font et les inconvénients que cela peut causer à la population. Même chose pour les consultations, d'ailleurs. En ce qui nous concerne, nous n'avons pas le sentiment d'avoir vraiment été consultées sur les nouvelles dispositions familiales, pas plus que nous avons l'impression de les avoir développées avec vous en partenariat, doit-on dire. Malgré ce fait et en tenant compte des inquiétudes que nous avons mentionnées, nous ne pouvons que nous réjouir de l'élargissement des places en garderie. Cet élargissement ne peut que favoriser l'autonomie des mères monoparentales, et Dieu sait qu'elles le veulent.

Un dernier commentaire aussi, ce qu'on s'est posé comme question et qu'on n'a pas mis dans le document, c'est concernant les pensions alimentaires. Ce n'est pas nécessairement directement relié à la Régie des rentes du Québec, on le sait, mais il reste qu'on aimerait savoir: Est-ce qu'il va y avoir un arrimage entre l'allocation unifiée et la pension alimentaire? On sait que, lors de la réforme de la sécurité du revenu, on l'avait mentionné. En tout cas, de quelle façon vous pensez arrimer tout ça avec l'allocation unifiée? On sait que maintenant tout va être transféré dans l'allocation pour enfant et, comme une pension alimentaire, c'est pour les enfants. Donc, on se demande comment ça va s'articuler.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à intervenir.

Mme Marois: Alors, merci de votre mémoire. J'aimerais partager avec vous quelques commentaires. Je sais que les collègues veulent poser des questions. On va partager ensemble le temps qui nous est imparti pour échanger avec vous.

(12 h 50)

Je veux juste revenir sur une des dernières remarques que vous faites quant au temps que nous prenons et quant à la vitesse que nous mettons. Je vous dirai que ce que nous avons fait et ce que nous faisons maintenant est le résultat de pressions qui ont été faites sur le gouvernement depuis tellement longtemps pour qu'on ouvre des places dans les services de garde, pour qu'on ait des services à la petite enfance qui soient des services éducatifs de qualité, pour qu'on améliore la situation des familles. Alors, dans un sens, la politique familiale ou des éléments de la politique familiale... Parce que je suis consciente qu'il ne s'agit pas d'une politique familiale au sens d'un ensemble qui concernerait toutes les familles. Nous mettons davantage le focus sur la petite enfance et sur les familles avec enfants. Parce qu'il reste que l'allocation unifiée, qui s'appellera à nouveau allocation familiale, ne concerne pas seulement les enfants de zéro à six ans, hein, c'est de zéro à 18 ans. Et ça, c'est très important, parce qu'on a tendance à l'oublier compte tenu qu'on parle beaucoup de la petite enfance. C'était tellement souhaité depuis longtemps que, dans un sens, pour nous, ça apparaissait comme à l'évidence qu'il fallait procéder le plus rapidement possible. Alors, c'est ce qui explique qu'on ait souhaité le faire d'une façon, je dirais, efficace et prompte.

Par contre, nous avons essayé de nous mettre à l'écoute des gens et de réajuster rapidement le tir lorsqu'on pouvait le faire, compte tenu, évidemment, des budgets que nous avons. Je vous remercie d'ailleurs de le souligner, parce que, entre le moment où nous avons rendue publique la politique, il y a eu effectivement des consultations. Elles n'ont pas été formelles comme celle que nous tenons maintenant en tant que commission parlementaire, mais nous avons rencontré des groupes, nous avons entendu les points de vue qui ont été présentés. Ma collègue, Mme Harel, a eu la commission sur le livre vert dans lequel il y avait des éléments concernant, entre autres, cette politique sur laquelle il y a eu des commentaires. Et tous ces commentaires ont été analysés. C'est ce qui a permis de corriger. Par exemple, la hauteur de l'allocation pour certaines familles et même la perte qu'avaient certaines, maintenant c'est vraiment réajusté, cette histoire du 3 $ qui était chargé pour les familles particulièrement démunies.

Alors donc, on a apporté quand même des corrections assez significatives. Mais il reste qu'il y a une chose, les montants qui sont là sont considérables et ne peuvent être augmentés davantage à ce moment-ci. Donc, évidemment, on intervient avec les sommes disponibles, et c'est peut-être sur cela que j'aimerais revenir aussi très sommairement. Quand vous nous dites, à la page 3: «Nous aimerions que la barre soit un peu plus haute, entre autres sur les seuils de revenus», nous sommes d'accord avec vous. S'il y a une chose que nous aimerions retoucher éventuellement, ce sont les seuils de revenus. Mais là on dit: On commence là, c'est mieux que ce que nous avions avant. Demain, pourrait-on faire plus, davantage? Je l'espère, dans une perspective où on connaîtra certaines améliorations. Alors donc, dans ce sens, c'est vrai que la barre est un peu basse et on l'a toujours dit. Moi, je le répète, je ne veux pas qu'on se raconte d'histoire là-dessus, mais, en même temps, c'est mieux que ce que l'on connaissait avant en termes de couverture de besoins.

Une autre remarque que vous faites et sur laquelle j'aimerais revenir, c'est sur les familles et le fait qu'on en demande beaucoup aux parents. Là, dans le fond, vous me mettez dans un dilemme. Parce que dans un sens, vous dites: On aimerait ça être vos partenaires, puis je suis d'accord et on essaie de le reconnaître. Dans les centres de la petite enfance, les parents seront les premiers responsables. Dans l'implantation des services éducatifs, on consulte les parents, on va les associer à l'implantation des programmes. Ça n'a rien à voir avec ce qu'on discute aujourd'hui, mais, en septembre, on va étudier ici un avant-projet de loi sur le nouveau rôle à l'école et on va inviter les parents à être particulièrement impliqués dans leur école. Et je comprends qu'en même temps vous nous dites: Dans le fond, vous nous en demandez beaucoup; surtout quand on est un chef de famille monoparentale, c'est très exigeant pour nous. Et vous avez raison. Mais on est pris dans un dilemme, dans le fond, c'est de vouloir vous associer et de souhaiter que vous soyez là, puis, en même temps, être conscient qu'il y a des limites, parce qu'à un moment donné il y a des choses qu'on ne peut pas faire et que vous ne pouvez pas faire à cause du temps qui manque.

Mais, par ailleurs, je dirais qu'avec l'ensemble des modèles qu'on a développés, soit à l'école, dans les garderies, dans les centres de la petite enfance, je pense quand même que ceux et celles qui ont un peu de temps et qui peuvent le faire le font, mais il n'y a pas une obligation en même temps. C'est peut-être là que la latitude apparaît pour des gens qui n'auraient pas la possibilité, en termes de temps, de le faire, de faire confiance dans un sens à ses pairs, à d'autres parents qui croient aussi autant à l'importance de s'impliquer que vous y croyez vous-mêmes. Mais c'est toujours le dilemme devant lequel on est, je le répète, de souhaiter que vous soyez là, puis, en même temps, de vous en demander beaucoup avec, des fois, des ressources, au plan du temps, qui ne sont pas toujours disponibles. Alors, moi, c'étaient quelques commentaires que je voulais faire sur cela.

Sur la question des pensions alimentaires, on me dit que, pour le calcul de l'allocation unifiée qui sera versée de 1997 à 1998, les pensions alimentaires sont prises en considération, dans le calcul du revenu net, puisqu'il s'agira du... Non. C'est-à-dire qu'on calcule, dans le fond, sur le revenu de 1996. Donc, évidemment, ça commencera à s'appliquer seulement l'année suivante, et là on aura le temps de débattre de cette question que vous soulevez.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Est-ce que ça vous amène des commentaires?

Mme Lévesque (Sylvie): Bien, il y en aurait quelques-uns.

Mme Marois: Parce qu'on veut tenir à l'équité et donc, évidemment, il y aura une harmonisation, de telle sorte qu'on ne pénalise pas et que les familles soient traitées de la même façon. La perspective qu'on a, là, peu importe que le revenu pour couvrir les besoins essentiels vienne d'une source ou de l'autre, il y aura une harmonisation. Mais, pour l'année qui vient, évidemment, le calcul du revenu, c'est celui de 1996. Or, la nouvelle grille de fixation n'était pas en vigueur. Donc, ça ne s'appliquera pas. Il y aura donc une discussion à avoir sur cette question, éventuellement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Sylvie): Sur l'harmonisation, est-ce que ça va vouloir dire harmonisation, rationalisation, dans le sens qu'on va... comme la personne qui va recevoir une pension alimentaire, on va couper une partie de son allocation unifiée? Est-ce que ça va être ça, quand on parle d'harmonisation, ou bien ça va être tout simplement... la personne va quand même conserver la pension alimentaire? Ce n'est pas clair.

Mme Marois: Non. La personne conservera quand même sa pension alimentaire, mais, en même temps, on va, comme je vous le mentionnais, traiter toutes les familles de la même façon, dans le sens où, si le revenu est à telle hauteur qu'il permet de couvrir les besoins essentiels, bien, l'allocation sera versée conséquemment. Mais, à ce moment-ci, cependant, je vais être prudente, parce qu'il y a une discussion à avoir sur cette question avec la ministre responsable. Nous avons simplement abordé la question, lorsqu'on a pris les décisions sur le programme actuel. Pour la suite des choses, je dirais, c'est une autre décision que nous aurons à prendre. Mais c'est évident qu'il y aura nécessité, quand même, d'une forme d'harmonisation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Mainguy.

Mme Mainguy (Claudette): Parce que si, étant donné que maintenant, à partir de mai 1997, les pensions alimentaires n'ont plus à être ajoutées au revenu et que, avant 1997, les pensions alimentaires apparaissent, quand même, sur le revenu mais ne sont toujours pas en revenu, puisqu'elles n'en sont plus, enfin on s'entend là-dessus, il y a moyen, peut-être, d'ajuster sinon les personnes qui sont en vertu de l'ancienne loi – puis ça touche quand même beaucoup de monde, là, puis des gens qui ont peu de moyens, parce que, dans le fond, l'allocation, il n'en reste plus, ce n'est pas long, là – je pense qu'il y aurait peut-être moyen de tenir ça en compte puis d'enlever la pension alimentaire du revenu de la personne avant le calcul de l'allocation unifiée, par exception pour 1996 étant donné que, de toute manière, en 1997, ça n'existera plus. Sinon, les gens vont être pénalisés pour cette année, puis ils ne récupéreront jamais leurs sous, c'est évident.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie.

Mme Marois: On va étudier... Dans cette question, on me dit, à la Régie des rentes du Québec, qu'il y a différentes alternatives, effectivement. On va essayer de tenir en compte ce que vous nous soulignez.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Merci. Bonjour, mesdames. Je vais reprendre une question que ma collègue a formulée en commentaire. Moi, je vais vous la formuler en question. J'aimerais avoir une réaction de votre part, là-dessus. Je fais référence à la page 5 de votre mémoire. Je comprends que vous aviez des délais courts et donc, que vous n'avez peut-être pas pu dire tout ce que vous auriez voulu dire si vous aviez eu plus de temps. Mais, honnêtement, je trouve vos deux premiers points contradictoires et j'aimerais que vous m'éclairiez là-dessus. Dans le premier point de la page 5, vous nous accusez, entre guillemets, d'avoir une approche étatique et vous mettez ça en contradiction avec le fait que seuls les parents qui ont les moyens peuvent éduquer leurs enfants.

Vous avez l'air de nous reprocher, dans le fond, d'avoir une approche qui se mêle trop des affaires des parents, puis, dans le point suivant, vous nous dites que vous nous reprochez de demander une implication plus grande des parents. Il me semble que c'est un peu contradictoire. Puis je vous le reformule en question, parce que, moi, je ne crois pas qu'on ait une approche étatique au sens où on se mêle de tout. On fait, au contraire, une large place aux parents, dans cette politique familiale. Mais j'aimerais que vous m'expliquiez un petit peu mieux comment vous conciliez les idées qui sont dans ces deux premiers points de la page 5.

(13 heures)

Mme Mainguy (Claudette): À mon sens, il n'y a pas de contradiction dans ces deux points-là. C'est que dans le premier point, en fait, on constate qu'il y a quand même des décisions qui sont prises par l'État au nom de l'ensemble de la population visée, si on veut, au niveau des personnes, entre autres, qui sont sur la sécurité du revenu. Maintenant, l'âge pour devoir suivre une mesure, et ainsi de suite, est passé de deux à six ans – en tout cas, ce n'est pas officiel encore puisque la réforme n'est pas... Mais, en tout cas, c'est ce qu'on propose. Donc, c'est une autre décision qui est prise par le gouvernement. Ces gens-là vont devoir faire un parcours, veux veux pas.

Dans l'autre point, c'est vraiment autre chose. Ce n'est pas en contradiction avec ça. Ce n'est pas de dire que les gens vont devoir s'impliquer. Ça ne veut pas dire que les gens ont nécessairement la décision comme telle non plus, là. C'est là, là, puis ils doivent s'impliquer. C'est autre chose. C'est à un autre niveau, comme.

Mme Malavoy: Mais c'est une liberté que de s'impliquer, ce n'est pas une obligation. C'est comme une porte ouverte pour les parents qui le souhaiteront et qui le voudront. Il n'y a pas de coercition là-dedans.

Mme Mainguy (Claudette): Si ça reste libre, c'est correct. On est tout à fait pour la liberté de choix.

Mme Malavoy: On se comprend bien là-dessus, je pense.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Lévesque, vous avez un commentaire additionnel?

Mme Lévesque (Sylvie): J'aimerais ajouter quelque chose là-dessus. C'est que ça a l'air de dire qu'on n'est pas, effectivement, d'accord que les parents s'impliquent dans tout le processus des services de garde. Ce n'est pas ça du tout. C'est plus en termes de lourdeur de tâches, comme on l'expliquait tantôt, et s'il va y avoir des modalités qui vont être prévues. Par exemple, une femme monoparentale qui veut s'impliquer dans la garderie, qui s'implique déjà, d'ailleurs – ce n'est pas nouveau d'aujourd'hui – dans tous les processus, dans les programmes d'employabilité, dans les garderies, dans les écoles, et tout ça, est-ce que ça va être prévu, justement, des modalités pour qu'elle puisse la faire, cette implication-là? On a beau dire que c'est libre, mais, en même temps, si la conciliation travail-famille, avec tout ce que ça implique comme tâches...

Est-ce qu'on va prévoir des modalités pour qu'elle puisse vraiment jouer son rôle de parent, d'implication, davantage? Parce que c'est quand même bénévole, c'est quand même des tâches supplémentaires qu'on lui demande de faire. C'est sûr qu'elles vont le faire, c'est sûr que c'est bénévole. On sait que ce n'est pas obligatoire de le faire, mais celles qui vont se retrouver là, c'est celles qui vont avoir la possibilité d'avoir, mettons, un conjoint à la maison qui, pendant ce temps-là, va s'occuper des enfants, alors qu'une femme monoparentale qui est seule avec ses enfants n'aura pas la possibilité de le faire parce que les modalités ne seront pas nécessairement prévues.

Donc, ce que ça veut dire, c'est qu'il faudra être sensibles à ça dans les comités d'école, dans les comités de garderie ou des centres de la petite enfance, qu'elles puissent avoir les modalités pour s'impliquer ou participer aux différentes instances. Je pense qu'elles ne demandent pas mieux que d'avoir une place. Mais ce n'est pas juste de dire: Oui, elles ont la place. Je pense qu'il faut leur donner aussi les moyens pour y participer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'aurais besoin d'un consentement pour continuer, dépasser midi. Consentement? M. le député de Jacques-Cartier.

Mme Malavoy: C'est dépasser 13 heures.

M. Kelley: ...13 heures, vous pouvez dépasser. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est 13 heures. On en perd notre temps. Ça passe trop vite.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue et merci beaucoup pour vos commentaires. Je veux revenir sur la page 5, le deuxième point, parce que, moi, comme parent membre d'une famille biparentale, je comprends très bien le nombre de demandes qui sont... Le nombre de tablettes de chocolat que nous avons vendues chez nous pour appuyer les équipes sportives, le nombre d'activités pour acheter un nouvel ordinateur pour l'école primaire, etc. Il y a toujours ces genres de demandes qui, même à deux, sont difficiles à supporter. Alors, je ne peux qu'imaginer que, dans une famille monoparentale, avec la charge de faire les devoirs à la fin de la journée, surtout pour une femme qui travaille, j'imagine, de revenir, préparer le souper, faire les devoirs, le bain, et tout ça, ce n'est pas évident. Et, si on peut ajouter à ça tous les changements dans un autre domaine, dont on parle de plus en plus avec le virage ambulatoire, les femmes monoparentales qui ont elles-mêmes un parent qui peut être âgé maintenant, qui a des besoins à combler aussi...

Alors, je pense plutôt, si on voit ça dans l'optique de... Il y a un transfert de plus en plus important des responsabilités vers les familles, vers les parents. Comme je dis, moi, comme membre d'une famille biparentale, je trouve ça déjà un fardeau alourdi avec le temps et j'imagine, dans votre cas à vous, c'est juste... Oui, c'est une liberté de participer aux discussions sur le programme de surveillance le midi et d'autres activités, le comité d'école, la gestion de la garderie. Oui, il y a une liberté de le faire, mais trop souvent... J'imagine que c'est la même chose à l'intérieur de vos communautés, c'est les mêmes quatre ou cinq qui sont toujours là, qui prennent la relève. On peut les nommer. Dans notre quartier, c'est toujours la famille Tremblay qui est là, qui va vendre les tablettes de chocolat, qui va faire le bénévolat comme ça.

Alors, je pense que j'ai bien compris le message que ce n'est pas qu'on résiste d'avoir cette capacité de participer, mais c'est quelque chose qu'on fait tout le temps de toute façon. Mais il faut comprendre qu'on est en train d'alourdir, d'une certaine façon, ou d'augmenter le temps de bénévolat de toutes les familles et, pour les familles que vous représentez ici cet après-midi, c'est une charge additionnelle compte tenu des autres charges à l'intérieur de la gestion d'une famille monoparentale. Alors, je veux juste le souligner et je comprends fort bien.

Sur le premier point, pouvez-vous élaborer sur la phrase: «Pourtant, l'État étatise les garderies. Seuls les parents qui ont les moyens peuvent éduquer leurs enfants. La maternelle à temps plein...», etc. C'est quoi, les doléances? C'est quoi, l'ingérence que vous voulez souligner avec les exemples qui sont cités?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Sylvie): Un peu comme on a tenté d'expliquer tantôt, en fait, le choix a été comme ciblé, dans le sens que, quand on disait qu'au niveau de la consultation il n'y a pas nécessairement... Oui, effectivement, ça fait plusieurs années que les femmes revendiquent ça. Oui, ça, on est d'accord avec ça, avec ces principes-là, évidemment. On ne trouvait pas nécessairement pertinent de le répéter ici aujourd'hui parce qu'on l'a dit en plusieurs temps et on n'a pas effectivement eu beaucoup de temps non plus pour éplucher l'ensemble des briques, des projets de loi; trois jours, c'est quand même assez rapide. Donc, dans ce contexte-là, ce qu'on veut dire là-dedans, c'est qu'il y a quand même des choix qui ont été identifiés effectivement, c'est le service de garde, c'est l'enfance. C'est vrai qu'il faut travailler effectivement au niveau de l'enfance, puis c'est là qu'éventuellement il y a des choses qui vont s'améliorer.

Ce qu'on dit, c'est qu'il faut peut-être élargir davantage les services, dans le sens de répondre davantage à un plus grand nombre de familles et non pas juste ce qui est ciblé actuellement. C'est sûr que le ministère de la Famille et de l'Enfance va éventuellement toucher les enfants au-dessus de six ans, sauf que ce qu'on dit, c'est qu'il faut toujours en tenir compte, de ça, puis, dans les projets de loi qui sont présentement sur la table, on ne sent pas qu'il y a d'autre chose, c'est-à-dire que les enfants au-dessus de six ans sont quand même vivants aujourd'hui puis on en tient plus ou moins compte pour l'instant.

Alors, c'est dans ce sens-là qu'on disait ça, qu'il faudrait comme éviter de juste cibler un type de population puis penser aux autres aussi. C'est dans ce sens-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? Pas d'autres... Oui, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Mesdames, j'ai une préoccupation particulière pour les bénéficiaires de l'aide sociale, en tant que critique en matière de sécurité du revenu pour ma formation politique. Et on a vu certains changements depuis l'annonce originale de la ministre en ce qui concerne le niveau des prestations pour les bénéficiaires d'aide sociale, surtout les chefs de famille monoparentale avec jeunes enfants.

Ce n'est pas souvent que je viens à la rescousse du gouvernement pour clarifier des choses en leur faveur, mais je vais le faire. La ministre va l'apprécier, j'imagine.

Une voix: Elle va sûrement le noter, oui.

M. Copeman: À la page 3 de votre mémoire, vous indiquez, à juste titre, qu'il y a des difficultés après la date de septembre 1997. Semble-t-il que nous avons l'assurance du gouvernement que, pour les nouvelles demandes d'aide sociale, les mesures transitoires vont exister jusqu'au 31 août 1998. Alors, il y a non seulement une certaine protection, je l'avoue, pour les bénéficiaires actuels, qui a été étendue pendant un an.

(13 h 10)

Néanmoins, votre point reste exact qu'après le 31 août 1998 il y a une perte importante, évaluée par nul autre que les autorités du ministère, la Régie, Mme Rose, etc., d'à peu près 726 $. Et vous faites le point, à savoir pourquoi, après, il faudrait changer la date d'un an, pourquoi, après le 31 août 1998, est-ce qu'on va pénaliser les bénéficiaires d'aide sociale monoparentaux avec de jeunes enfants, de l'ordre de 726 $. Peut-être que vous pouvez nous décrire brièvement, selon vous, c'est quoi, les impacts, mettons, d'une compression de 726 $ dans le budget des chefs de famille monoparentale avec deux jeunes enfants sur l'aide sociale. Est-ce qu'ils vont être capables d'absorber 726 $ par année?

Mme Mainguy (Claudette): Non, je ne pense pas. C'est vraiment de les acculer au désespoir parce que, déjà, avec les coupures qui ont été faites, si on prend seulement la portion adulte, mettons, pour fins de calcul, il reste 490 $ à un adulte. Ce n'est pas beaucoup plus avec un enfant; ça n'augmente pas terriblement. C'est de l'ordre de 200 $ et quelques dollars par mois, ou à peu près. Faites le calcul. Essayez de penser que vous devez vivre avec 490 $ par mois en payant le loyer, l'électricité, les frais de médicaments, s'il y a lieu à un moment donné – il faut quand même quelque part que ça se paie – le téléphone, parce que, quelque part, il y a un minimum qu'on ne peut pas dépasser, il ne reste pratiquement rien pour manger. Si vous ajoutez 200 $ par mois pour les enfants avec ça, ça ne fait pas un gros montant par semaine pour manger, ça. Il n'y a même pas moyen de penser à se déplacer ou à faire quoi que ce soit. C'est vraiment survivre, de la survie. À un moment donné, trop pauvres, vous acculez les gens au désespoir. Il est prouvé, d'ailleurs, par des études que les gens, à un moment donné, si on dépasse un certain seuil de pauvreté, on ne peut plus s'en sortir.

M. Copeman: M. le Président, encore une fois, hier, la ministre a indiqué qu'un des buts de ce programme-là, c'est de sortir les enfants de la pauvreté. Là, on a une certaine indication qu'après le 31 août 1999 la situation s'empire pour certaines familles. Mais, même à partir de septembre 1997, encore une fois, pour la famille typique dont le cas a été soumis à la Régie des rentes, c'est-à-dire une femme chef de famille monoparentale, enfants 2 et 4 ans, le revenu disponible avec les mesures gouvernementales augmente de – êtes-vous prêt, là? Ça, c'est l'effort pour sortir les enfants de la pauvreté – 28 $ par année. Ça augmente légèrement en juillet 1998 parce qu'il y a une augmentation. Vous êtes assis, là? Le revenu disponible augmente de 128 $ par année en date de juillet 1998. Est-ce que, selon vous, c'est sortir des enfants de la pauvreté, ça?

Moi, j'ai une certaine misère à dire qu'on va sortir les enfants de la pauvreté avec des gains de 28 $ par année en date de septembre 1997 et de 128 $ par année en date de juillet 1998, surtout avec des compressions assez importantes, depuis un certain nombre d'années, dans les barèmes d'aide sociale, l'élimination du barème de disponibilité, le crédit d'impôt foncier remboursable de 10 $ par mois qui est enlevé. Moi, me vanter beaucoup d'une mesure dont les revenus disponibles avancent de 28 $ ou de 128 $ pour deux enfants, je ne suis pas convaincu.

Mme Mainguy (Claudette): J'imagine que ce n'est pas à nous que vous adressez la question, parce que ce n'est pas nous qui avons voté ça.

M. Copeman: Je vous ouvre la porte pour des commentaires.

Mme Mainguy (Claudette): Ce que je veux dire, c'est qu'effectivement nous... C'est pour ça qu'on l'avait mentionné aussi à la réforme de l'aide sociale. Puis avec l'objectif du déficit zéro, je pense qu'effectivement tout le monde y passe. Donc, dans ce contexte-là, il y a eu quand même des efforts. Ça, on l'a reconnu, je pense, à ce niveau-là.

Avec les travaux qui ont été faits à l'intérieur du ministère, je pense qu'il y a quand même des avancées qui se font, mais c'est évident que ce n'est quand même pas substantiel. Il faut, je pense, continuer tout le temps à revenir là-dessus pour dire qu'il faudra dorénavant que ce soit plus acceptable pour les familles.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Roberval, il vous resterait une minute si vous êtes capable de faire ça dans le temps.

M. Laprise: C'est à la page 5. J'ai trouvé un peu une contradiction, à savoir que vous dites, d'un côté, que l'État semble vouloir étatiser les garderies, mais, par contre, vous dites, au troisième paragraphe également, que vous n'êtes pas trop d'accord avec les garderies en milieu familial alors que les garderies en milieu familial, justement, ont une dimension beaucoup plus familiale.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Commentaires?

Mme Lévesque (Sylvie): On ne dit pas qu'on n'est pas d'accord. Ce qu'on dit, c'est qu'on a des inquiétudes là-dessus, dans le sens que le fait que ça aille en milieu... On ne dit pas que ce n'est pas un choix des parents. Ce n'est pas ça qu'on dit. Ce qu'on dit, c'est que le fait d'ouvrir beaucoup de places en milieu familial, l'inquiétude qu'on a, c'est qu'il faudra que ces personnes-là, dans le milieu familial, soient formées en conséquence et que ça ne soit pas d'une façon rapide à cause, justement, de la vitesse à laquelle ça s'en va. Donc, il faudra être vigilant dans la formation et dans les services qui seront transmis aux parents. Mais on ne dit pas qu'on n'est pas d'accord avec ce type de garde là. C'est peut-être dans la formulation. Comme je vous dis, il a fallu faire ça rapidement. Mais ce n'est pas qu'on n'est pas d'accord avec ce type de service là. Je pense qu'il faut que ça réponde le plus largement possible. Il y a le service de garde, actuellement, il y a les garderies, mais il y a peut-être d'autres types de services aussi à développer éventuellement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On est conscient que vous avez dû faire ça très rapidement. On vous remercie beaucoup, au nom des membres de la commission, et les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 16)

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît. Avant de reprendre nos travaux, je voudrais juste souligner pour l'information, d'abord, des membres et ensuite des invités que, actuellement, ce sont des tests qui sont faits pour la télédiffusion éventuelle des commissions. Alors, aujourd'hui, c'est seulement expérimental, et, à partir de la semaine prochaine, dans cette salle-ci, les commissions qui siégeront, pour la première fois dans l'histoire du Parlement, seront télévisées.

Mme Marois: Ils ont choisi la meilleure commission.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je suis d'accord avec vous, Mme la ministre, qu'ils ont choisi la meilleure commission.

Mme Marois: Remarquez que l'éducation, c'est pas mal non plus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'allais continuer dans mes commentaires, mais je ne suis pas persuadé que, étant donné que les commentaires sont enregistrés, ça serait de bon aloi.

M. Copeman: ...meilleure commission, non pas le meilleur ministre.

Mme Marois: Ça, c'est autre chose. Ça, c'est à vous d'en juger, ce n'est pas à moi. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, pour l'information des membres, il y a un petit changement dans l'ordre du jour. Nous commençons par le Regroupement des garderies privées, au lieu de l'Alliance. Alors, j'inviterais Mme Drouin à présenter les gens qui l'accompagnent et à commencer sa présentation.


Regroupement des garderies privées du Québec inc. (RGPQ)

Mme Drouin (Ginette): Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes, MM. les députés du parti au pouvoir ainsi que Mmes, MM. de l'opposition officielle, à ma gauche, nous retrouvons Mme Madeleine Lapointe et, à ma droite, M. Pierre Lalancette. Et moi-même.

Je vous remercie sincèrement au nom du Regroupement des garderies privées du Québec pour l'occasion que nous avons de vous faire part de nos commentaires concernant le projet de loi n° 145. Ce projet de loi a une incidence majeure sur l'avenir des garderies privées à but lucratif au Québec. Une ère nouvelle s'annonce pour la petite enfance. Le mémoire que nous vous présentons se veut direct et concis. Il ne représente qu'une infime partie des réflexions, discussions et documents qui ont dû être produits par notre équipe.

Introduction. Tel que nous l'a précisé le gouvernement lors de son annonce, ce projet de loi vise, entre autres, à développer un réseau de services de garde à frais minimes s'appuyant sur des centres à la petite enfance. Ces derniers seront mis sur pied à partir des garderies et agences de garde en milieu familial existantes. Il est très clair que le gouvernement veut créer des corporations privées à but non lucratif dont le conseil d'administration sera composé majoritairement de parents utilisateurs. Pour donner suite à cet engagement, le gouvernement a proposé aux garderies à but lucratif une entente de location de places sous diverses conditions de base, dont l'engagement de s'inscrire dans un processus de conversion ou par le biais d'un partenariat avec le ministère.

Pour en arriver à cette ouverture, le gouvernement a d'abord dû reconnaître tant la qualité des services offerts que l'importance du nombre de places – 40 % dans les garderies à but lucratif au Québec. Les garderies privées à but lucratif ont toujours eu à coeur la qualité des services et le bien-être des enfants. Leurs propriétaires sont avant tout des passionnés de la petite enfance. Le déficit en places de garde régies démontre à lui seul la nécessité d'inclure les garderies privées à but lucratif dans le réseau en leur offrant la location de places à coût minime à l'intérieur d'une entente de partenariat. De plus, le désir du ministère d'uniformiser le réseau vers le modèle de CPE, centre de la petite enfance, trace la voie au programme de conversion des garderies à but lucratif vers le sans but lucratif via la vente des actifs de garderies à but lucratif. Le Regroupement des garderies privées du Québec constate par ailleurs que cette nouvelle loi engendre une demande importante de places en services de garde pour l'ensemble des familles québécoises, de là l'importance de répondre à cette demande.

Concernant le projet de loi n° 145, à la section 1, nous voyons, dans les responsabilités du ministre, un mandat très large qui voudrait répondre à une majorité des besoins des familles québécoises. Nous croyons cependant que cette tâche sera lourde étant donné le kaléidoscope représentatif de ces familles. Également, différents aspects de la loi doivent être modifiés afin de laisser place au projet d'entente entre le ministère et les garderies privées à but lucratif. Le ministre entend favoriser la participation effective de chacun des parents au projet éducatif de son enfant. Dans le projet d'entente, un lien direct en ce sens est établi, et nous y souscrivons de bonne foi.

Mous nous permettrons également de suggérer au ministre différentes options et avis pour la réalisation positive et harmonieuse de la loi. Toutes les mesures visant à responsabiliser les parents et à soutenir la qualité des services dans les différents milieux de garde vont dans le sens de la philosophie du Regroupement des garderies privées du Québec. Les comités consultatifs de parents se doivent d'être impliqués à fond, et le fait d'accroître l'étendue de leurs pouvoirs peut contribuer à intéresser lesdits parents.

Dans la section 3, les articles de loi touchant les différentes taxes municipales devraient être amendés de telle sorte que les garderies à but lucratif engagées dans la voie de la conversion, devenant ainsi des centres à la petite enfance en puissance, puissent bénéficier des mêmes avantages prévus à ce chapitre pour les CPE.

Loi sur le Conseil de la famille. À l'article 27.3, il est prévu que le Conseil se compose de 15 membres choisis pour leur intérêt et leur expertise dans toute question relative à la famille et à l'enfance. Le Regroupement des garderies privées considère qu'une représentation des garderies privées à but lucratif y est essentielle. Cela confirmerait le rôle des garderies à but lucratif dans l'édification progressive des CPE.

M. Lalancette (Pierre): M. le Président, les incidences législatives du projet d'entente de principe. Des aménagements à la loi n° 145 doivent être prévus pour permettre aux garderies à but lucratif de prendre part au développement du réseau de garde du Québec. La loi n° 145 doit autoriser l'achat des actifs des garderies à but lucratif par un groupe de parents. Ce groupe promoteur serait soutenu financièrement par le biais des subventions d'implantation du ministère de la Famille et par une implication de la SDI. De plus, le législateur doit permettre la location de places à coût minime dans les garderies à but lucratif qui devront s'engager dans la vente de leurs actifs ou dans une avenue de partenariat avec le ministère. Ajoutons que les garderies à but lucratif qui ne sont pas éligibles présentement aux subventions du ministère devraient, pour autant qu'elles sont conformes aux normes en la matière, avoir accès à la subvention pour l'intégration des enfants handicapés, la subvention pour la formation et le perfectionnement du personnel de même que la subvention pour l'achat et le renouvellement du matériel éducatif. Cette dernière subvention pourrait être gérée par le comité de parents de la garderie à l'intérieur des paramètres prévus par la loi.

Plan de développement. Le Regroupement des garderies privées du Québec convient qu'il faudra concevoir un plan de développement pouvant inclure un moratoire sur la délivrance de permis à une garderie à but lucratif pour une période déterminée en vue de l'implantation harmonieuse des nouvelles dispositions de la politique familiale. Il consent donc à contribuer en ce sens en ayant pour principal objectif que cesse le développement anarchique dans le réseau de garde à travers le Québec. Le Regroupement des garderies privées du Québec croit que ce plan de développement est à l'avantage de tous les acteurs dans ce dossier, notamment le ministère, les centres de la petite enfance, les garderies à but lucratif actuelles et surtout les familles québécoises.

Implication des garderies à but lucratif sur les comités régionaux. Le Regroupement des garderies privées du Québec croit sincèrement qu'une collaboration active des garderies privées au sein des tables sectorielles des CRD, comités régionaux de développement, sera des plus profitables et invite le gouvernement à insister pour que des représentantes des garderies privées à but lucratif, majoritairement des femmes, puissent siéger comme membres à part entière. Nous espérons aussi que les CRD seront clairement instruits par le ministère sur les paramètres qui vont régir la transformation ou le partenariat avec les garderies privées à but lucratif. Nous voulons nous assurer qu'elles auront leur place à part entière dans le développement du réseau de services de garde au Québec.

Mme Lapointe (Madeleine): La place des garderies privées à but lucratif à l'intérieur de la réforme. Le RGPQ, le Regroupement des garderies privées du Québec, se retrouve au terme d'une négociation avec le ministère de la Famille de laquelle découle un projet d'entente de principe concernant la location par le ministère de places à des garderies à but lucratif et la vente des actifs de garderies à but lucratif à un conseil d'administration composé de parents. Bien avant la création d'une loi sur les services de garde au Québec, de nombreux services de garde privés à but lucratif étaient déjà organisés. Certains parmi ceux-ci ont même servi de modèle pour créer une base adéquate et uniforme pour les besoins de cette loi. Depuis toujours, les garderies privées à but lucratif du Québec ont opéré avec l'aval gouvernemental, en respect et conformité des nombreuses règles et ont contribué au fil des ans pour plus de 40 % des places disponibles au réseau.

L'ensemble des propriétaires des garderies privées à but lucratif avaient une promesse d'avenir leur permettant de croire en toute bonne foi qu'elles pourraient exercer leur métier encore de nombreuses années, faire croître leur capital, amasser des fonds pour planifier une retraite, permettre à leur famille immédiate de travailler dans l'entreprise familiale, se créer un patrimoine familial, se construire une base financière solide leur permettant d'obtenir et de conserver leur autonomie financière. Ces propriétaires pouvaient croire qu'elles dirigeaient leur entreprise, qu'elles exerçaient et développaient leurs nombreux talents dans la gestion financière, direction de personnel, et autres. Elles pouvaient prétendre être et demeurer maîtres de leur vie et de leur temps, et ce, pour de nombreuses années.

(15 h 20)

Pour répondre à tous ces espoirs actuels et futurs, ces propriétaires ont investi des heures en nombre incalculable, des sommes encore plus importantes pour le maintien de la qualité des immobilisations et des services. Elles ont souvent fait fi de leurs besoins personnels monétaires ainsi que de leur santé pour que leur garderie, leur projet soit représentatif de leur vision pour les familles qu'elles recevaient. La réalisation était immédiate, cependant que la récupération s'opérait dans les années futures. Cependant, la nouvelle législation pour la création de centres intégrés à la petite enfance et de nouveaux barèmes pour le financement des garderies, en fait toute la nouvelle politique familiale que ce gouvernement veut instaurer, viennent transformer radicalement les projets de ces propriétaires.

Considérant cette orientation gouvernementale, notre négociation fut basée sur la nécessité d'obtenir pour nos membres les meilleures conditions possible – monétaires et/ou autres – dans le plan de transformation de leur garderie. Loin d'avoir atteint leur objectif fixé au départ, les résultats de la négociation constituent une base minimale sur laquelle peut s'articuler une collaboration du milieu des garderies à but lucratif avec le ministère. Plusieurs compromis douloureux ont été concédés, notamment au chapitre des aménagements fiscaux, ce qui illustre l'effort d'en arriver à une entente. L'État québécois opère une transformation importante dans le milieu de la petite enfance, et, comme il l'a clairement indiqué, c'est un choix de société. Donc, pour les raisons énoncées plus avant et par respect pour ceux qui ont permis d'atteindre les objectifs de base en services de garde au Québec, nous affirmons que ce choix de société ne doit, d'aucune manière, s'opérer par des négociations à rabais avec les propriétaires de ces entreprises. Nonobstant ce qui vient d'être énoncé, nous nous sommes engagés dans ce processus avec l'ouverture d'esprit requise. Nous avons participé activement et dans le respect des personnes présentes. Il est entendu que nous attendons le même respect envers les membres du Regroupement des garderies privées, et nous continuons à offrir notre collaboration pleine et entière.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui, allez-y.

M. Lalancette (Pierre): Le Regroupement des garderies privées du Québec considère que l'on doit anticiper un manque déplorable de places qui ne saura être comblé par les quelque 73 000 places annoncées dans le plan de développement, surtout lorsque l'on considère que la politique familiale à coût minime entraîne une augmentation du nombre d'inscriptions dans les services de garde régis en drainant la garde au noir. Deuxièmement, il y a près de 100 000 enfants par tranche d'âge au Québec. Comment la population réagira-t-elle en comprenant que le programme de garde universelle à coût minime n'est pas disponible à tous faute de places? Nous croyons que le Québec, amoureux de ses enfants, doit l'être pour tous ses enfants, sans exception. Le milieu des garderies privées à but lucratif pourrait se mobiliser pour offrir des places supplémentaires s'il y était autorisé. Ainsi, on participerait à l'atteinte des objectifs louables de la nouvelle politique familiale, et ce, à un coût inférieur aux CPE.

Mme Drouin (Ginette): Conclusion. La loi n° 145 a des implications énormes et provoquera des bouleversements directement proportionnels. Le monde des garderies privées à but lucratif est particulièrement éprouvé. Depuis l'ébauche de cette loi, le Regroupement des garderies privées a voulu démontrer la meilleure des collaborations, tout en manifestant son indéfectible détermination à protéger ses membres. Il a dû s'assurer qu'ils seraient respectés et que, en outre, aucune négociation à rabais ne planerait au-dessus de leur tête. Nous ne pourrons accepter de recul du gouvernement sur le projet d'entente de principe qui, rappelons-le, est minimal et ne permettra à personne de s'enrichir. Bien au contraire, plusieurs propriétaires de garderies à but lucratif seront perdants au compte une fois les impôts payés. En somme, les propriétaires de garderies privées à but lucratif se montrent très raisonnables et conciliants en acceptant de telles offres. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup. J'invite maintenant Mme la ministre à débuter l'échange.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie de cette présentation. Je vais faire quelques commentaires et je sais qu'il y a des collègues qui voudraient pouvoir poser quelques questions, alors on va se répartir le plus équitablement le temps. Alors, je vous remercie de cette présentation. J'ai le goût de vous dire que je suis heureuse qu'on en arrive à une entente de principe, et le gouvernement n'a pas l'intention de la remettre en question, là. Je pense que c'était la fin de votre présentation.

Mme Drouin (Ginette): Exactement, madame.

Mme Marois: Je suis heureuse qu'on y soit arrivé. Ça a été un peu tendu. Je dois dire que je n'ai pas trouvé ça très agréable au départ. Vous le savez, je vous l'ai dit.

Mme Drouin (Ginette): Oui.

Mme Marois: Mais, cela étant, je pense qu'on a bien cheminé, en tout respect, dans ce dossier pendant les dernières semaines. Je dirais les derniers jours, en particulier. Mais, les deux dernières semaines, je vous dirais, je pense qu'on a pu bien cheminer dans ce dossier, comme je le dis, malgré un départ qui était peut-être un petit peu houleux.

Je voudrais vous dire que, dans le projet de loi, par rapport à certaines propositions que vous faites, compte tenu de l'entente qu'il y a eu, c'est évident que ça va amener ce qu'on appelle dans notre jargon des papillons, c'est-à-dire qu'on va déposer des amendements pour tenir compte de cette entente, de telle sorte que vous n'avez pas à vous en inquiéter. C'est bien de le soulever, cependant, et c'est normal que vous le fassiez, et, en ce sens, l'avant-projet... Pas l'avant-projet, le projet de loi – j'en ai un autre qui est un avant-projet, mais qui est à l'automne – donc, sera amendé conséquemment. Et on a demandé, déjà, à l'Office des services de garde de préparer le travail à cet égard, et, au fur et à mesure qu'on va passer à travers la loi, on devrait déposer les différents amendements utiles pour nous permettre de formaliser légalement l'entente, bien sûr, de par la loi elle-même.

Je vais me permettre une question à ce moment-ci. À la page 7 du document, vous suggérez de concevoir un plan de développement qui pourrait inclure un moratoire sur la délivrance de permis à une garderie à but lucratif pour une période déterminée en vue de l'implantation harmonieuse des nouvelles dispositions de la politique familiale. Je pense que c'est intéressant. Je sais que ça a été débattu à la Table. Une des hypothèses, c'était que ce moratoire puisse s'étaler sur une période qui serait concordante avec le cinq ans de plan de transformation pour celles qui désirent se transformer. Est-ce que c'est aussi votre point de vue et est-ce que vous êtes d'accord avec cela?

Mme Drouin (Ginette): Notre idée était dans le même sens.

Mme Marois: D'accord, parfait. Alors, merci beaucoup pour votre contribution. Je sais qu'il y a d'autres collègues, M. le Président, qui veulent poser des questions.

Mme Drouin (Ginette): Bienvenue, Mme la ministre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, Mme la ministre. M. le député de L'Assomption.

M. St-André: M. le Président, je pense que nous nous retrouvons devant un bel exemple où il est parfois extrêmement difficile de faire des choix. Les intentions initiales du gouvernement, c'était de transformer les garderies privées. Il en a découlé une négociation où, finalement, il y a eu une entente entre les garderies privées et le gouvernement qui, si je comprends bien votre intervention, vous satisfait relativement. Et, d'un autre côté, cette entente-là a soulevé l'ire du milieu des garderies sans but lucratif. Je pense au groupe Concertaction interrégionale qui a sorti un communiqué, là, le 4 juin dernier. Je vous en lis quelques extraits. Concertaction...

Une voix: ...

M. St-André: Pour le bénéfice de la commission, je pense que c'est important. «Concertaction interrégionale des garderies du Québec apprenait hier avec désolation et révolte que le gouvernement s'apprêtait à céder au lobby de la finance.» Un peu plus loin, on dit: «Aucune place n'est laissée aux parents dans quelque domaine que ce soit dans vos garderies.» On conclut en disant: «Les garderies commerciales, celles qui se nomment elles-mêmes garderies privées n'ont qu'un but, faire de l'argent.» J'aimerais savoir ce que vous inspire ce communiqué-là.

Mme Drouin (Ginette): Nous l'avons lu et nous avons décidé de ne pas réagir étant donné ces propos plutôt diffamatoires. Je considère même que c'est antiféministe parce qu'il faut comprendre que la majorité des propriétaires des garderies privées du Québec sont des femmes. Et, je regrette, je ne considère pas ça correct de vouloir assener à ces femmes-là l'odieux de tels propos. Je regrette, ce sont des personnes qui gagnent honnêtement leur vie, je l'ai déjà dit dans cette commission, et elles ont droit à un respect légitime de personnes qui travaillent et elles le font de bonne foi. Et personne ne peut garantir la qualité des services dans quelque domaine que ce soit. Alors, de tels propos nous laissent vraiment froids.

(15 h 30)

M. St-André: Une question supplémentaire, M. le Président. Un des principaux arguments qui a été avancé par le regroupement en question pour favoriser le transformation de vos garderies en garderies sans but lucratif, c'est de dire que l'État ne peut pas subventionner le profit. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ça.

Mme Drouin (Ginette): L'État, actuellement, avec le projet d'entente, ne subventionne pas les profits, il part des coûts de fonctionnement, comme Mme la ministre, d'ailleurs, a dû le préciser aux médias. Alors, il n'y a pas de paiement de profits à ce moment-là. C'est le fonctionnement habituel d'une corporation, et il y a une base technique pour le calculer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Bienvenue à Mme Drouin et aux représentants de son regroupement.

Mme Drouin (Ginette): Merci.

M. Kelley: Une couple de questions qui ont été soulevées sur l'entente de principe. Et, surtout, si on veut bâtir un partenariat, il y avait une certaine crainte que les contrats de location ne soient que d'un an et, vraiment, pour une entreprise, pour faire une planification, pour sentir vraiment qu'on est partenaire à part entière avec le gouvernement, avec le centre à la petite enfance, ils ont dit que les contrats d'une plus longue durée allaient les rassurer plus. Parmi vos membres, est-ce qu'il y avait une réflexion de cette nature? Est-ce que le monde dit que, pour une meilleure planification, pour une façon plus ordonnée de procéder, d'avoir les ententes de location avec les CPE d'une durée de plus d'un an serait souhaitable?

Mme Drouin (Ginette): M. le Président, pour répondre à la question de M. Kelley, à la table de négociation, ces propos ont été fréquemment apportés, et il est certain que des membres ont apporté des remarques concernant les délais mentionnés sur les documents. Je crois cependant qu'il y a certains aménagements qui ont été faits sur les documents et qu'il y a quand même un renouvellement acquis, tel quel, sur la poursuite des travaux. Alors, pour les places en garderie privée, il est certain que celles qui auront signé des contrats de location de places devront quand même être considérées dans le plan de développement pour ne pas mettre en péril, quand même, je dirais, des institutions qui étaient là et auxquelles on a accordé de garder une place. Alors, dans ce sens-là, si ça se fait vraiment, il ne devrait pas y avoir de problème semblable.

M. Kelley: Non, c'est juste un premier son de cloche. J'ai parlé à quelques propriétaires qui m'ont dit qu'ils trouvent le volet deux intéressant, qu'ils trouvent la possibilité d'arriver à un certain partenariat avec les CPE, quelque chose, un pas en avant, mais ils disent que un an, ce n'est pas beaucoup si on pense à la possibilité de réinvestir, de faire les ajouts, de faire les réaménagements, de réparer le toit, etc. D'avoir une assurance de juste 12 mois, ils hésitent, et, s'il y avait une assurance à plus long terme que l'entente ou le partenariat avec les CPE, ce n'est pas juste pour quelques mois, pour dépanner le CPE, mais que c'est vraiment quelque chose avec un avenir à moyen ou à long terme, ça serait plus rassurant pour eux autres. Alors, comme j'ai dit, c'est juste un premier son de cloche que j'ai du réseau et je ne sais pas si vous avez discuté de ça au moment des négociations.

Mme Drouin (Ginette): On en a discuté souvent. Il y a un point précis à ajouter, c'est que la location de places se fait directement avec le ministère. Alors, le CPE ne pourra pas dire: Bien, là, cette année, je vous enlève 10 places, je vous en loue juste 40 sur 50, ou je vous en loue juste 25, ou, l'année prochaine, on coupe le contrat, c'est terminé. Dans ce sens-là, nous, on est contre ça aussi, là. Il faut qu'il y ait un maintien de ces places de garde d'une façon ponctuelle et régulière, et je crois qu'il y aura possibilité d'aménagement dans les contrats à ce moment-là. Il y a encore du travail à faire à ce niveau-là probablement, mais ce sera nécessaire de le spécifier pour la sécurité des gens en place, des parents qui seront impliqués dans ces garderies.

M. Kelley: Sur la question du moratoire, parce que, à la page 12 de votre mémoire, on parle de se mobiliser pour offrir des places supplémentaires parce qu'il y a une lacune importante, il y a 95 000 enfants de quatre ans à partir du 30 septembre de cette année, et on aura des places pour seulement 32 000 ou 33 000. Alors, il y a manque à gagner, et ça va être difficile à prédire, le comportement des parents dans le nouveau système parce que, c'est évident, avec l'offre des services à 5 $, d'autres choix qui ont été faits antérieurement, peut-être que les parents vont arranger leurs affaires autrement. Alors, j'ai de la difficulté à arrimer ça avec ce besoin d'un moratoire sur l'octroi des permis, surtout si ça va être quelqu'un complètement à l'extérieur du système. Moi, je doute personnellement qu'il y ait beaucoup de monde qui veuille, dans un système qui est en train de se transformer, et tout ça, ouvrir une nouvelle garderie. Moi, je pense que, avec les changements, avec le nouveau système, les seules personnes qui s'intéressent à le faire vont être les personnes à l'intérieur du système. Mais c'est quoi, pour vous, l'importance de ce moratoire? Et c'est quoi, les chances qu'il y ait vraiment une centaine de personnes qui, demain matin, aimeraient ouvrir une autre garderie?

Mme Drouin (Ginette): M. le Président, pour cette question de M. Kelley, je laisse la parole à M. Lalancette.

M. Lalancette (Pierre): Le moratoire est demandé par les gens du milieu, les propriétaires de garderies actuels. On parle de 420 et quelques garderies qui connaissent très bien comment s'est développé, surtout dans les dernières années, le monde des garderies à but lucratif. Vous dites: Dans le contexte, pourquoi y a-t-il besoin d'un moratoire, puisque, avec la réforme, qui oserait se partir une garderie, si je comprends bien, à but lucratif? Eh bien, vous seriez surpris de voir qu'il y a plus de 320 et quelques projets de garderies qui attendent au bureau de l'Office des services de garde à l'enfance, et ça nous a surpris, nous aussi, de voir qu'à tous les jours continuent d'être déposés des projets de garderies à but lucratif. Alors, dans un premier temps, je pense bien qu'il faut tracer une ligne à savoir à qui va s'adresser l'offre de conversion et de projet d'entente, mais aussi, pour faire en sorte que le Québec ne connaisse pas un développement anarchique des garderies, on souscrit entièrement à l'idée d'un moratoire articulé sur un nombre d'années déterminé qui correspondrait à la mise en place des places à 5 $ dans les garderies. Là est le besoin.

M. Kelley: Oui, mais qui va nécessiter quand même l'ouverture d'autres garderies à but non lucratif parce que, c'est évident, vous l'avez souligné vous-même qu'il y a un manque de places. Il y a un déficit à combler, alors il faut continuer d'ouvrir des garderies si on veut arriver à 73 000 nouvelles places, y compris une vingtaine de mille... Je ne me rappelle pas mes chiffres maintenant, des nouvelles places en garderie dans l'offre de 73 000. Alors, il y aura un développement, mais, selon vous autres, pas des garderies à but lucratif. Uniquement des garderies à but non lucratif seront ouvertes dans les prochaines années.

M. Lalancette (Pierre): Le moratoire, en fait, il n'est pas constitué. C'est un comité technique...

M. Kelley: Une idée.

M. Lalancette (Pierre): ...qui devra travailler dessus. C'est ce qu'il souhaite faire, effectivement. Il y a deux avenues qu'on suggère si vous lisez bien. Il y a une première avenue dans laquelle on offre, nous, les garderies à but lucratif existantes de pouvoir non pas ouvrir de nouvelles garderies, donc ne pas souscrire à l'émission de nouveaux permis, mais bien de pouvoir augmenter le nombre de places aux permis des garderies existantes, si tant est que les propriétaires de chacune de ces garderies-là le souhaitent. D'une part, ça pourrait, de façon assez rapide, se faire. Alors, nous, on offre cette possibilité-là.

D'autre part, on connaît le souhait de la politique. Cette politique est d'aller dans le sens d'un modèle centre de la petite enfance. Alors, on en convient, c'est vers ça qu'on s'en va. Ce serait plutôt paradoxal de permettre, comme ça s'est fait dans les dernières années, l'ouverture des garderies à tous azimuts. Ce n'est pas comme ça qu'on va construire un réseau de garde articulé. Alors, nous, on a été très souples sur cette question-là, mais on pense qu'il est intéressant et même essentiel d'orienter le tir vers le développement des centres à la petite enfance, et c'est par là que devront se développer les nouvelles places. Personnellement et au Regroupement, on ne conseillerait pas à des gens, dans le contexte actuel, d'ouvrir des garderies, mais un moratoire va aider à encadrer le tout. Je ne sais pas si ça répond à votre question, M. Kelley.

M. Kelley: Je trouve ça toujours mystérieux parce que, quand même les 62 000 parents des enfants de quatre ans à l'extérieur du système au mois de septembre, ils ont des besoins à combler quelque part, et on a souvent dénoncé les gardes informelles et les autres choses comme ça. Alors, si le choix est entre de continuer de développer les places régies ou non... Comme je l'ai dit, je n'ai pas une tête faite sur l'idée. C'est la première fois que j'ai vu ça dans les textes de l'entente, et je veux juste mieux comprendre la nécessité d'un moratoire, si c'est vraiment quelque chose qui répond aux besoins des parents.

(15 h 40)

Une dernière question. À la page 11 de votre mémoire, vous parlez de compromis douloureux. Pouvez-vous me donner des exemples de compromis douloureux que vous avez faits pour en arriver à l'entente?

M. Lalancette (Pierre): Écoutez, on parle notamment d'un compromis au niveau des aménagements fiscaux. Les garderies à but lucratif sont des corporations privées incorporées au même titre qu'une épicerie, un dépanneur, et on nous qualifie souvent de garderies commerciales. On ne souscrit pas à cette appellation-là qui nous enlève, je dirais, l'essence même de notre existence, soit l'amour des enfants, je le rappelle.

D'autre part, en termes corporatifs, en termes de droit, dans le passé... Et on a toujours le droit – Mme la ministre va certainement me le rappeler – de vendre nos garderies sous forme d'actions à une autre entreprise, j'en conviens bien. Maintenant, vous conviendrez aussi que la nouvelle politique vient un peu bouleverser le marché et qu'une garderie ne se vend pas, comme ça se vendait les années dernières, comme ça à n'importe qui. Le programme de conversion, c'est un programme de conversion qui fait qu'un propriétaire privé à but lucratif va vendre à un groupe de parents qui va être subventionné par le ministère, lequel ministère, avec le support de la SDI ne souhaite pas et ne peut pas, de la façon dont la loi est faite, financer l'achat de capital-actions. Vous comprendrez que, en vendant tout simplement des actifs, plusieurs garderies... Et les garderies à but lucratif, vous savez, il y en a qui ont quelque part comme proche 25 ans d'existence. Et, d'ailleurs, on n'a pas besoin d'avoir 25 ans d'existence pour, au moment de la vente, avoir un gain en capital important. Le gain en capital, à ce moment-là, l'avantage de la vente d'actions, on ne peut pas y toucher dans la mesure où on vend des actifs.

On a tenté, en contrepartie, d'essayer de négocier des aménagements fiscaux qui auraient pu nous aider. Le délai pour la mise en place des places à 5 $, c'est septembre de cette année, là. On n'a pas le temps pour négocier ces choses-là, alors on a dû concéder à ce niveau-là et on essaie, à l'intérieur même de la loi, au niveau fiscal, de voir comment on peut à la fois permettre à un groupe de parents d'acheter une garderie et que le projet ne soit pas trop coûteux, et qu'il demeure viable, et que, d'autre part, le propriétaire de garderie ne perde pas trop de plumes. Par contre, on sait déjà qu'une proportion assez importante de propriétaires de garderies vont nécessairement, en comparaison avec ce qu'ils auraient pu obtenir dans les années passées, perdre des plumes. Ça, c'est très, très clair. Alors, à ce moment-là, pour eux, le scénario n° 3 est peut-être moins facile à assumer.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. Kelley: C'est surtout au niveau du volet 3 que vous trouvez qu'il y avait des compromis douloureux à faire ou...

M. Lalancette (Pierre): Écoutez, on sort de trois mois de négociations et de pourparlers avec les fonctionnaires et les gens du ministère. Il y a énormément de compromis qu'on a faits, je ne pourrai pas tous les nommer. Si vous prenez le scénario n° 1, le statu quo, le simple fait de souhaiter demeurer dans le statu quo exige que vous ayez une clientèle bien nantie, en nombre suffisant et/ou qui a des besoins à ce point particuliers qu'elle doive recourir à vos services spécialisés, par exemple. C'est une minorité de garderies, selon nous, qui va pouvoir demeurer dans le statu quo.

Vous prenez le scénario n° 2, qui est un lien de partenariat, le lien de partenariat est un compromis assez important au niveau du tarif compensatoire sur le 5 $ offert par le gouvernement. Si vous comparez le tarif offert au scénario n° 2 en comparaison avec le scénario n° 3, il y a une différence de plus ou moins 12 %. C'est évident que les propriétaires de garderies qui vont souscrire au scénario n° 2 ont le privilège de demeurer, je dirais, un peu plus en possession de leurs moyens de propriétaires de garderies à but lucratif, puisque non engagés dans la voie de la conversion avec le gouvernement. Par contre, ils ont un tarif, je dirais, qui est vraiment de base, et ceux qui pensent qu'on peut faire des profits avec des tarifs comme ceux-là n'ont qu'à bien comprendre que le calcul s'est fait sur la base des coûts déclarés à l'Office des services de garde. Alors, notre excellente qualité de gestionnaires, à ce moment-là, nous a nui.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lalancette (Pierre): Vous comprenez qu'un organisme sans but lucratif, sa fonction, c'est de dépenser tous ses sous, alors qu'un organisme à but lucratif, c'est de faire le mieux avec le moins possible. Et on a démontré au gouvernement qu'on pouvait faire beaucoup avec le moins possible, puisque les calculs qui nous ont été soumis par le gouvernement démontrent que les garderies sans but lucratif ont un coût de 65 % supérieur au coût moyen de fonctionnement dans les garderies à but lucratif.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le député. Mme la ministre, dernière intervention.

Mme Marois: Oui, M. le Président. Merci. Je veux revenir sur deux ou trois petites choses assez brièvement. D'abord, le député de Jacques-Cartier revient souvent sur la prévision des places et sur le fait qu'il y ait peut-être une demande plus importante que celle que l'on a prévu combler. Je conviens avec lui qu'il peut y avoir des changements de comportement des parents et qu'on puisse voir une demande plus significative. Alors, j'expliquerai comment on compte traiter ça, mais la façon dont on a prévu le nombre de places, c'est par des sondages qui sont faits par l'Office, où on demande aux parents quels sont les modes de garde qu'ils privilégient selon que c'est la garde en milieu familial, la garde en garderie, etc., s'ils souhaitent la garde ou pas. Et, comme nous avons conservé, dans le fond, toutes les possibilités, par le crédit d'impôt remboursable, pour avoir une gardienne à la maison ou pour utiliser une gardienne et la déclarer, bien sûr, puisqu'on pourra avoir un crédit d'impôt à ce moment-là, la possibilité d'utiliser sa garderie de quartier, une garderie qui charge un plein tarif sans avoir d'aide, une garderie inscrite dans le plan que nous avons discuté avec les garderies à but lucratif, alors, à partir de ce moment-là, évidemment, je pense qu'on peut, à ce moment-ci, croire qu'on peut répondre aux besoins exprimés par les parents.

S'il y a un changement de comportement – et je l'ai dit, déjà, à d'autres groupes qui sont venus – vous savez qu'on a un plan qui prévoit qu'on développe maintenant les quatre ans, deuxième année, les trois ans, bon, et on va, comme ça, jusqu'aux poupons. Alors, il est possible, à ce moment-là, qu'on prenne un petit peu plus de temps pour couvrir les poupons ou pour couvrir les trois ans, quitte à ce qu'on couvre mieux les quatre ans, parce que l'idée, c'est vraiment de répondre aux besoins qui vont être exprimés et de ne pas créer de faux espoirs. Et, en ce sens, je trouve très sage, actuellement, l'échange que nous avons et les propos que le Regroupement tient quant à l'importance qu'on s'occupe des places qui sont déjà là et qu'on travaille bien avec celles-là parce qu'il y a un travail important. Vous-même, je pense...

On disait qu'on allait un peu vite dans nos projets, alors ça mérite, je pense, qu'on prenne le temps qu'il faut pour, justement, faire en sorte qu'il y ait ce développement harmonieux parce qu'on va se retrouver encore, dans un an ou deux, si on ne procède pas avec, par exemple, l'idée d'un moratoire avec des demandes partout qu'on ne peut pas refuser, puis là il va y avoir trois garderies dans un même quartier, alors qu'il y a des besoins beaucoup plus importants dans le quartier d'à côté. On va venir concurrencer inutilement et incorrectement certaines garderies. Alors, moi, je pense qu'il faut essayer de faire une planification globale à laquelle les regroupements vont être associés, les garderies. Les centres de la petite enfance vont aussi s'installer, ils vont, je dirais, se déployer, si on veut, avec les garderies qui resteront avec un statut de garderie, et je pense qu'il faut qu'on prenne le temps que cela se fasse correctement et de façon ordonnée. Et, dans ce sens-là, je pense que c'est sage que l'on s'engage dans cette perspective.

Alors, je veux remercier les gens pour la qualité de leur mémoire et les rassurer sur le fait qu'on va tenir compte, dans les amendements, de l'entente de principe et que, quant à nous, l'entente de principe reste une entente correcte. Vous la trouvez parfois douloureuse, nous, on pense qu'elle est raisonnable et qu'elle nous permet d'atteindre les objectifs qu'on s'était fixés. Alors, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom de tous les membres de la commission, mesdames, monsieur, merci beaucoup. J'invite maintenant les représentants de l'Alliance pour les garderies privées du Québec à se présenter.

(15 h 50)

À l'ordre, s'il vous plaît. Alors, bonjour aux représentants et Mme la représentante de l'Alliance pour les garderies privées du Québec. Mme Desmarais, je vous invite à présenter les gens qui vous accompagnent et à présenter votre mémoire.


Alliance pour les garderies privées du Québec

Mme Desmarais (Anne-Marie): M. Samir Alamad, vice-président; M. Sylvain Lévesque, vice-président; Me Stéphane Gendron, avocat consultant.

M. le Président, membres de la commission, Mme la ministre, nous tenons à vous remercier pour l'opportunité qui nous est offerte de nous exprimer sur les grandes orientations législatives de la politique familiale du gouvernement. Les représentants de l'Alliance à cette commission sont Sylvain Lévesque et Samir Alamad, vice-présidents, Me Stéphane Gendron, conseiller juridique, et moi-même, Anne-Marie Desmarais, présidente.

Depuis la parution du livre blanc sur la politique familiale en janvier 1997, nous avons parcouru un grand bout de chemin ensemble et nous sommes conscients de l'importance d'en faire part à tous les membres de cette commission. L'Alliance pour les garderies privées du Québec a vu le jour le 8 février 1997. Elle représente actuellement près de 300 garderies privées à but lucratif réparties sur l'ensemble du territoire québécois. Il est évident que l'Alliance fut fondée suite à l'annonce de la réforme familiale qui suscitait beaucoup d'inquiétude et d'appréhension auprès de tous les propriétaires de garderies privées à but lucratif du Québec. Dès lors, le milieu privé, par le biais de plusieurs représentations, décida de se concerter afin d'être justement reconnu comme partenaire à part entière du gouvernement au sein de cette réforme sociale d'envergure.

La politique familiale et le projet de loi n° 145. Depuis le dépôt du livre blanc en janvier 1997, il a coulé beaucoup d'eau sous le pont de la nouvelle politique familiale du Québec. Dès son annonce par la ministre de l'Éducation et de la Famille, nous avions eu le sentiment que cette politique entraînerait la mort certaine des 457 garderies privées à but lucratif. Prises de peur par l'instauration d'un réseau universel de centres à la petite enfance, les garderies privées se sont organisées et ont manifesté leur intérêt légitime auprès des diverses instances politiques présentes à l'Assemblée nationale.

Dès le début du printemps, Mme la ministre nous invitait à prendre part à la table de travail consultative sur la mise en oeuvre de la politique familiale qui s'est transformée au cours du mois de mai en véritable comité de négociation. Le 14 mai dernier, le projet de loi n° 145 a été déposé à l'Assemblée nationale. Dès lors, nous constations la volonté du gouvernement du Québec de privilégier un réseau de garderies privées à but non lucratif devant être géré par un conseil d'administration composé majoritairement de parents. Il s'agissait d'une nouvelle structure appelée désormais «centre à la petite enfance». Quant à nous, les garderies privées à but lucratif, nous n'avions plus qu'une place symbolique auprès de la petite enfance. Sur le plan de l'entreprise, nous étions vouées à une mort certaine.

Malgré le dépôt de ce projet de loi, le comité de négociation a poursuivi activement ses travaux, et ce, jusqu'au 4 juin dernier. Ce que nous comprenons des conclusions de ces négociations, c'est qu'il devra y avoir des modifications majeures à l'actuel projet de loi n° 145. En effet, l'entente de principe que l'Alliance pour les garderies privées a conclue avec la ministre de l'Éducation et de la Famille est à la fois historique, puisqu'elle entraînera un virage majeur en matière de services à la petite enfance... Notre intervention, aujourd'hui, se limite donc au projet de loi n° 145 et vise à s'assurer que chacun des membres de la commission puisse être au fait de cette entente historique du 4 juin 1997.

L'entente du 4 juin 1997. Actuellement, le projet de loi n° 145 favorise l'instauration d'un réseau universel de centres à la petite enfance où chaque parent pourrait inscrire ses enfants moyennant des frais de garde à coût minime. Depuis le printemps dernier, l'Alliance pour les garderies privées a manifesté son vif désir d'être un partenaire à part entière de la nouvelle politique familiale. C'est pourquoi elle réclamait pour ses parents la tarification à un coût minime proposée par la ministre. Cette demande avait pour but de garantir à tous les parents du Québec le libre choix institutionnel.

Certains ont pu voir, au travers des nombreuses manifestations de l'Alliance pour les garderies privées, un rejet de la politique familiale dans son entièreté. Cette interprétation est erronée. Bien au contraire, c'est notre exclusion au dépôt du livre blanc et au dépôt de la loi n° 145 qui a ravivé notre détermination à être partie prenante à cette politique fondamentale pour l'avenir collectif du Québec. Au départ, nous avons eu une grande difficulté à accepter cette exclusion, puisque le travail quotidien de nos 5 000 éducatrices et éducateurs de même que la confiance des 40 000 parents et des quelque 21 000 enfants qui fréquentent nos garderies sont le témoignage du travail exemplaire de notre dévouement à la petite enfance.

Bien sûr, nous avons vite compris que le gouvernement voulait accorder une priorité à un réseau à but non lucratif contrôlé par les parents utilisateurs, puis nous nous sommes interrogés sur ce qui pourrait être un irritant pour le gouvernement. Était-ce le fait que nous soyons à but lucratif? À cette interrogation, nous avons vite fait le constat que la notion de profit, bien maigre soit-elle, ne pouvait être la raison ultime de notre exclusion. C'est d'ailleurs en comparant la moyenne des salaires des directions de garderies à but non lucratif avec les bénéfices annuels des garderies à but lucratif que nous avons eu la surprise de notre vie, puisque l'on y constate dans plusieurs cas un avantage monétaire en faveur du réseau sans but lucratif. L'argument monétaire ne pouvait donc tenir.

Enfin, nous nous sommes interrogés sur la place occupée par les parents au sein de nos garderies et nous en sommes venus à la conclusion qu'il était légitime de s'arrimer avec l'orientation gouvernementale privilégiant une plus grande implication. Par ailleurs, ce constat doit être tempéré, puisque l'actuelle Loi sur les services de garde à l'enfance oblige chacune des garderies, incluant toutes les garderies privées à but lucratif, à instaurer un comité consultatif de parents portant sur tous les aspects du service de garde offert à la petite enfance.

Faisant suite aux dernières négociations avec le gouvernement, nous sommes heureux de pouvoir élaborer publiquement sur certains éléments de cette entente de principe qui seront intégrés au projet de loi n° 145. Premièrement, la mise en place de trois modèles, à savoir un réseau de garderies privées non subventionnées bénéficiant du reçu d'impôt, un réseau de garderies partenaires de l'État et un réseau de garderies privées en voie de transformation en centres à la petite enfance, constitue à notre avis la meilleure avenue pour, à la fois, respecter le réseau privé, la liberté de choix de tous les parents et la consécration de notre rôle actif auprès de la petite enfance. Pour les membres que nous représentons, l'enchâssement de ces trois principes dans la loi constitue une assurance et une reconnaissance tangibles de la part de l'Assemblée nationale et du gouvernement du Québec. Enfin, l'ambiguïté quant à notre existence et à notre survie est bel et bien levée d'une manière définitive. Après avoir consulté la grande majorité de nos membres en assemblée générale extraordinaire mercredi le 4 juin, nous pouvons vous assurer de l'appui de ceux-ci quant aux grands principes portant sur les trois réseaux proposés.

Bien sûr, nous nous attendons à ce que certains détails de cette entente soient étudiés plus en profondeur par le biais de la réglementation à venir au cours des mois de juillet et d'août. À cet effet, nous demandons que l'Alliance pour les garderies privées puisse poursuivre son rôle actif d'intervenant auprès des nouvelles instances de l'éventuel ministère de la Famille et de l'Enfance dans le cadre de l'élaboration des nouveaux règlements. Deuxièmement, nous désirons saluer la compréhension et l'ouverture d'esprit de la ministre de l'Éducation et de la Famille en ce qui concerne le concept de partenariat véhiculé par l'Alliance pour les garderies privées depuis le début de 1997. En effet, nous étions tous convaincus que, au fond, la ministre n'avait pas l'intention de nous éliminer.

(16 heures)

Le travail de nos garderies, dont certaines sont actives depuis les années cinquante, en est un de vocation auprès de la petite enfance. L'opportunité d'interagir en partenariat avec le gouvernement dans l'instauration de la présente politique familiale nous permettra de poursuivre cette mission d'excellence tout en venant dissiper tous les doutes quant à l'existence d'un réseau témoin pouvant faire une saine concurrence au réseau des garderies à but non lucratif. Enfin, et il ne faut pas se le cacher, en cette période d'austérité budgétaire, notre réseau constituera pour le gouvernement et tous les contribuables des économies substantielles de l'ordre de plusieurs millions de dollars annuellement.

Troisièmement, bien que nous soyons conscients que l'actuel projet de loi sera revu en profondeur par les services juridiques du gouvernement pour que celui-ci reflète l'entente de principe conclue le 4 juin dernier, nous portons à l'attention des membres de la commission certains éléments importants qui méritent une attention particulière. Par exemple, nous suggérons que l'article 160, entre autres, soit modifié en profondeur pour tenir compte de la reconnaissance des trois réseaux de garderies privées à but lucratif, et ce, de façon permanente.

Dans la même veine, nous comptons sur certains amendements au projet de législation pour qu'une présence effective des représentants du réseau des garderies privées à but lucratif soit assurée à tous les niveaux décisionnels et consultatifs du futur ministère de la Famille et de l'Enfance. Il en est de même pour les diverses instances régionales qui seront appelées à intervenir en matière de politique familiale, notamment les conseils régionaux de développement. Lors du dépôt du projet de loi le 15 mai dernier, nous avions envisagé contester devant les tribunaux les bases mêmes de cette politique que nous considérions à l'époque une étatisation déguisée. Aujourd'hui, grâce aux efforts de la ministre de l'Éducation et de la Famille, nous nous présentons comme les alliés fidèles de cette politique.

Quatrièmement, nous désirons suggérer aux législateurs de la commission des moyens utiles, de façon à ce que les mesures disciplinaires et pénales soient substantiellement renforcées lorsque nous avons à faire face à des cas d'abus physiques et/ou sexuels d'enfants. Plus particulièrement, nous espérons retrouver dans la loi ou les règlements qui en découleront des dispositions donnant aux dirigeants des garderies les pouvoirs nécessaires pour retracer le passé criminel d'un employé futur. Bien que nous soyons conscients de la nature délicate de ce sujet, nous ne pouvons tolérer les abus physiques et/ou sexuels d'enfants dans notre société. La présente législation est l'occasion rêvée pour contrer encore plus ces situations inqualifiables. Un incident est suffisant pour détruire la vie d'un enfant. Un seul cas sera toujours un cas de trop.

Cinquièmement, nous sommes d'avis qu'il serait souhaitable de convenir, en concertation avec le gouvernement, d'un plan global de développement étalé sur une certaine période de temps, période qui pourrait s'articuler autour de l'implantation de la politique familiale, afin de gérer efficacement et de contrôler la délivrance d'un permis à une garderie au sein d'un territoire donné. Ce plan de développement aurait pour unique but de mettre un certain ordre au sein d'un réseau de garderies qui s'est développé d'une façon plutôt incongrue et anarchique au cours des dernières années.

Enfin, nous désirons porter à l'attention de tous les membres de cette commission l'excellent travail de la partie gouvernementale, des officiers de l'Office des services de garde à l'enfance, de Mme Marie-Claude Martel, attachée politique, et de Mme Nicole Stafford, chef de cabinet de la ministre et responsable du comité de négociation. Malgré un début quelque peu controversé, nous avons toujours eu la conviction qu'une certaine sagesse de la part du gouvernement viendrait couronner de succès les efforts de consultation et de négociation. Nous sommes aujourd'hui tous reconnaissants et nous pouvons vous assurer que nous en garderons un souvenir rempli de gratitude.

Avant de conclure, nous désirons porter à l'attention de tous les membres de la commission notre profonde déception à l'égard de certains regroupements de garderies à but non lucratif qui, mercredi dernier, ont dénoncé vivement l'entente du 4 juin en nous taxant, nous, les garderies privées, de garderies commerciales. Nous parlons ici de la Concertaction interrégionale des garderies du Québec, le CIRGQ, qui lançait, le 4 juin, un communiqué de presse intitulé Pour le gouvernement québécois, l'argent a plus de valeur qu'un enfant . Outre le dégoût et l'amertume qu'a provoqués ce communiqué chez nos membres et nos parents, nous nous interrogeons à savoir comment il serait possible pour ces garderies à but non lucratif de travailler en partenariat avec nous tous. À tout le moins, nous invitons le CIRGQ à réviser leur position, de façon à ce que tous les enfants du Québec soient véritablement au coeur de nos choix.

Du côté strictement juridique, nous avons déjà fait parvenir une mise en demeure formelle au CIRGQ les sommant de se rétracter publiquement dans tous les médias du Québec, et ce, d'ici les cinq prochains jours. De plus, nous nous réservons le droit d'entamer, à l'encontre du CIRGQ, des poursuites en diffamation au nom de toutes les garderies privées à but lucratif du Québec, suite aux allégations portant sur la sécurité de celles-ci et le bien-être des enfants placés sous leur responsabilité. Ainsi, nous n'acceptons pas les affirmations cavalières comme celle-ci – j'ouvre les guillemets – «Enfin, une ministre avait eu le courage de dénoncer publiquement le manque flagrant de respect et la carence révoltante qui existe dans les garderies privées à but lucratif quand il s'agit de suivre les lois minimales de sécurité et de bien-être des tout-petits.» Fermez les guillemets.

M. le Président, l'Alliance est outrée que l'on ait pu prêter à la ministre des propos qu'elle n'a jamais tenus. Bien au contraire, cette dernière s'est toujours empressée de reconnaître, et ce, même dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, la qualité et l'excellence de nos garderies privées.

Et que dire de cette affirmation à l'effet que – j'ouvre les guillemets – «Pauline Marois s'apprête à plier l'échine devant la pression d'une petite poignée de manipulateurs qui, grâce à l'argent récolté au détriment de la sécurité fondamentale des enfants, prennent d'assaut tous les médias et, pire, achètent tous les ministres et députés siégeant actuellement à l'Assemblée nationale»? Est-ce à dire, M. le Président, que les 125 élus de l'Assemblée nationale ont été corrompus par l'Alliance pour les garderies privées du Québec? Soyez assuré que nous sommes fiers de nos services de garde et que l'entière satisfaction de nos 40 000 parents en est l'ultime témoignage.

Par ailleurs, malgré tout ce qui a été dit, nous tendons la main à tous les intervenants de la politique familiale de façon à ce que nous puissions travailler en harmonie pour le seul bien-être de nos enfants.

En conclusion, et au nom de tous nos membres, nous désirons remercier une fois de plus, M. le Président, tous les membres de cette commission pour l'opportunité qui nous a été offerte dans le cadre des audiences portant sur la politique familiale du gouvernement du Québec. Nous pouvons vous assurer que le partenariat maintenant établi d'une façon définitive avec tous les intervenants de la politique familiale sera un gage de succès dans la mise en oeuvre du nouveau ministère de la Famille et de l'Enfance.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup, madame. Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je vous remercie de votre mémoire. J'ai pas mal de réactions sur le mémoire, mais je vais y revenir. Je vais commencer par quelques questions et peut-être un premier commentaire. Ce que j'ai dit au regroupement qui vous a précédés, j'imagine que vous allez trouver normal que je le reprenne un peu, dans le sens où nos premiers échanges furent houleux, n'est-ce pas? J'ai essayé de ne pas trop m'en formaliser, même si c'était un petit peu difficile au départ, surtout que j'avais justement dit à plusieurs reprises – vous le reconnaissez dans votre mémoire, mais à l'époque, c'était plus difficile, je pense, pour vous de le reconnaître. Je le dis en toute simplicité. Dès le départ, j'avais mentionné que nous étions intéressés à ce qu'il y ait des discussions et des échanges, lorsque nous avons annoncé la politique familiale, avec vos garderies, ce que nous avons fait d'ailleurs.

Évidemment, ça a peut-être été un peu plus long que prévu. C'est un peu normal aussi, dans un processus comme celui-là. Mais ce qu'il faut tirer maintenant comme conclusion, et je pense que c'est heureux qu'on puisse le faire maintenant, c'est que nous en sommes venus à une entente qui, je pense, satisfait convenablement les conditions que nous nous étions fixées au départ, qui n'est pas, probablement ni dans un cas ni dans l'autre, l'idéal que l'on souhaitait peut-être, mais qui est, je pense, raisonnable, qui reconnaît l'apport des uns et des autres et qui va permettre aux parents surtout d'être mieux servis, d'être bien servis. Je pense que c'était notre objectif. Et, au sortir de tout cet échange, c'est ça qu'on a atteint et c'est ça, la perspective. Et, en ce sens-là, je pense qu'on peut s'en féliciter.

Je reviendrai sur d'autres aspects. Mais une question que j'ai abordée avec le regroupement qui vous a précédés, et ça n'apparaît pas très clairement dans le mémoire, c'est cette question du moratoire. Est-ce que vous adhérez aussi à cette proposition qui a été présentée tout à l'heure et qui nous permettrait évidemment de prévoir une période d'ajustement, d'harmonisation, de meilleure planification, aussi d'implantation des centres de la petite enfance? Parce qu'il y aura des échanges à avoir avec des garderies qui resteront avec un statut de garderies privées à but lucratif – elles sont toutes privées, de toute façon – et les garderies qui se transformeront. Alors, est-ce que vous adhérez aussi à ce projet ou à ce souhait qui a été exprimé tout à l'heure?

(16 h 10)

Mme Desmarais (Anne-Marie): Effectivement, nous sommes en accord avec un plan de développement qui ferait en sorte de rendre moins anarchique le développement du réseau de la petite enfance, et ce, évidemment, avec une durée déterminée, qui serait probablement l'implantation de la réforme de la politique familiale.

Mme Marois: Qui actuellement, évidemment, est prévue sur cinq ans. Alors, ça pourrait être un ordre de grandeur qui soit acceptable et satisfaisant. J'aimerais ça vous entendre, peut-être, sur comment vous percevez la question de la formation du personnel en garderie. Parce qu'on a eu déjà des discussions sur cela. Vous ne l'abordez pas nécessairement dans votre mémoire, mais je pense que ce serait intéressant, justement, qu'on puisse soulever la question, la façon dont vous fonctionnez dans vos garderies à cet égard, la façon dont vous assurez la formation du personnel aussi en formation continue, dans le sens où on embauche, bien sûr, mais j'imagine qu'on assume aussi, régulièrement, une mise à jour des connaissances ou un échange sur les stratégies d'intervention auprès des enfants, etc. J'aimerais ça vous entendre un peu sur ces questions.

Mme Desmarais (Anne-Marie): Eh bien, justement dans le cadre d'implantation de la réforme de la politique familiale, du changement du réseau, ce que l'on comprend, c'est que les subventions de fonctionnement sont appelées à disparaître. En ce sens, il nous paraît évident que l'Office devrait être en mesure de reprendre la formation et de la dispenser aux gens qui travaillent à l'intérieur des garderies, de façon à ce que tout le monde puisse y avoir accès.

Mme Marois: Oui. Vous savez qu'il y a des exigences, actuellement, au point de vue réglementaire quant au fait qu'on ait ou non un diplôme, dans une certaine proportion, à l'intérieur des services de garde. Est-ce que ça, ça vous apparaît suffisant ou vous pensez que ça devrait être un petit peu différent? C'est une personne sur trois, actuellement, qui doit avoir une formation ou une expérience reconnue formellement dans les services éducatifs ou les services de garde.

Mme Desmarais (Anne-Marie): Ça nous semble acceptable, présentement, le nombre... Vous me parlez du ratio éducateur diplômé...

Mme Marois: C'est ça.

Mme Desmarais (Anne-Marie): D'accord. Alors, le ratio de un pour trois, présentement, nous semble très acceptable.

Mme Marois: Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Desmarais, les gens qui vous accompagnent, si vous voulez qu'ils ajoutent des commentaires, ils peuvent le faire facilement. Soyez à l'aise. Je sens qu'il y en a qui aimeraient ça.

Une voix: Oui, effectivement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est plus facile pour moi de voir...

M. Lévesque (Sylvain): Moi, ce que j'aimerais ajouter, Mme la ministre, c'est qu'on ne veut pas pénaliser, actuellement, les gens qui travaillent déjà en garderie, qui seraient appelées à se transformer ou qui seraient appelées à choisir le modèle de partenariat. Donc, ce qu'on suggère, c'est que l'Office, à ce moment-là, s'il coupe les subventions pour formation, qu'il offre les cours adaptés à ces gens-là; je pense que c'est l'instance concernée la plus apte à offrir des cours qui correspondent aux besoins exprimés par les garderies et les gens qui y travaillent. Donc, nous, ce qu'on propose, c'est ça, mais on ne voudrait surtout pas pénaliser les éducatrices, actuellement, qui travaillent dans nos garderies et qui n'ont pas nécessairement de formation. Ce qu'on vous inviterait à faire, à ce moment-là, c'est de leur offrir des cours, offerts par l'Office, qui leur permettraient justement de se perfectionner dans ce domaine-là.

Mme Marois: D'accord.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je pense que vous vouliez parler?

Une voix: Oui. Excusez-moi. Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va.

Mme Marois: Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre.

Mme Marois: Non. Je pense que c'est effectivement un aspect qui est très important pour nous depuis un moment, de toute façon. Les gens des garderies, autant dans les garderies que vous représentez que dans les autres garderies, respectent les règlements. D'ailleurs, c'est une des conditions pour l'obtention du permis et la conservation du permis. Je pense que ça va de soi et nous poursuivons ensemble un même objectif de qualité à cet égard-là.

Je veux venir, peut-être, sur un aspect qui n'a pas été abordé non plus, mais qui est intéressant, bien sûr. Dans la nouvelle politique familiale, nous allons souhaiter qu'il y ait des services éducatifs qui soient offerts aux enfants de quatre ans. Nous prévoyons le faire dans les centres de la petite enfance. Maintenant, est-ce que vous considérez que, dans les services que vous offrez aux enfants, vous offrez des services aussi de type éducatif?

Mme Desmarais (Anne-Marie): Effectivement. Oui, nous offrons présentement des services éducatifs à l'intérieur de nos garderies. Nous sommes aussi en faveur, je vous dirais, de l'universalité du même programme pour que tous les enfants puissent partir sur une même base et rentrer à l'école, en maternelle, avec déjà des acquis. Donc, d'harmoniser les programmes des garderies à but lucratif avec les garderies sans but lucratif, qui sont appelées à devenir les centres de la petite enfance.

Mme Marois: On a cette préoccupation-là. Je peux vous dire que je l'ai aussi comme ministre de l'Éducation, bien sûr. On y travaille, d'ailleurs, très intensément à cet égard.

Je vais terminer, M. le Président. Je pense que le temps de notre formation politique est terminé, sauf peut-être pour les petits remerciements de la fin. Juste pour partager avec vous un souhait, pour vous faire un souhait. On sort de négociations qui ont peut-être été un petit peu difficiles. De part et d'autre, on retrouve deux réseaux qui vont être amenés à travailler ensemble: le vôtre et celui des centres de la petite enfance, qui sont pour l'instant les garderies sans but lucratif.

Il y a peut-être des propos qui ont été tenus, qui n'étaient pas nécessairement toujours élégants, je dis bien de part et d'autre, sauf que, demain matin, il faut travailler ensemble. Moi, ce que j'aimerais vous dire, et je fais appel autant à vous qu'à l'ensemble des personnes qui sont impliquées dans les garderies, dans les services à la petite enfance, je pense qu'il faut essayer de trouver ensemble des façons harmonieuses de travailler, parce que nous sommes là, d'abord et avant tout, au service des enfants.

Ce que je souhaite par la politique familiale, c'est qu'on ouvre plus largement, justement, l'accès à des services de qualité. Pour ce faire, on aura besoin les uns des autres. Et je pense qu'il faudrait peut-être être capable, tranquillement, dans les semaines qui viennent – le temps nous aide toujours à faire ça, là; je ne veux pas faire de prêchi-prêcha – de passer l'éponge, de telle sorte qu'on puisse recommencer sur des bases positives, parce qu'on en a besoin, parce que ça joue aussi dans l'attitude ensuite que l'on a dans les liens qu'on établit avec nos enfants et avec les parents avec lesquels on travaille.

Alors, évidemment, je fais référence au dernier commentaire de votre mémoire. Je vous invite, à cet égard-là, à toute la tolérance dont je vous sais capables et dont je nous sais capables. Alors, je vous remercie pour votre présentation.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci, Mme la ministre. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue aux représentants de l'Alliance. Je pense que votre dernière visite à Québec, c'était avec les sacs de couchage, et c'était sur la colline parlementaire. Alors, je pense qu'on a fait un certain progrès de vous recevoir ici, à l'intérieur.

Cette fois-ci, et ce que l'opposition officielle avait réclamé dès le départ, était d'avoir des relations harmonieuses avec le gouvernement. On a présenté une motion, au mois de mars, pour prôner un partenariat avec le secteur privé des garderies. Alors, je pense qu'on a tout intérêt à ce que l'entente de principe, qui a été entérinée, si j'ai bien compris, le 4 juin dernier, forme la base pour une entente plus solide à venir entre vos 300 membres et le gouvernement.

Alors, je pense qu'on a tout intérêt à féliciter les développements. Et, comme j'ai dit, pas obligés, cette fois-ci, d'amener vos sacs de couchage à Québec.

Cependant, quand je regarde l'entente, dans le volet 2, et c'est déjà quelques échos que j'ai eus sur la notion d'engagement non renouvelable, il y a des personnes qui craignent que ce ne soit pas... elles cherchent quelque chose d'un petit peu plus solide, que, si ces ententes peuvent être d'une durée plus longue, deux ou trois ans, quelque chose comme ça, ce sera plus stable, plus facile pour eux autres de prendre certaines décisions quant à leur plan d'affaires, et tout ça, pour l'avenir.

À la page 8 de votre mémoire, on parle de certains détails qui doivent être étudiés plus en profondeur dans les mois qui viennent. Est-ce que ça, c'est parmi les questions à régler? Parce que je veux qu'on bâtisse quelque chose de solide, je veux bâtir quelque chose qui ait une durée de quelques année, et pas juste quelque chose qu'il faut remettre en question à tous les mois de septembre, parce que je ne sais pas si vos membres veulent revenir à toutes les années coucher sur la colline parlementaire.

Mme Desmarais (Anne-Marie): M. Alamad va vous répondre.

M. Alamad (Samir): Je peux répondre à votre question. C'est sûr que, nous, quand on a eu l'entente de principe avec le gouvernement, on avait dans la tête, pour le volet 2, le plan 2: C'est un plan de partenariat à long terme, c'est sûr et certain. Ce n'est pas un plan qu'on va renouveler à chaque année, puis à chaque année on va recommencer le processus de a à z. Je pense que c'est un processus à ne pas refaire, selon moi, pour personne.

(16 h 20)

On a compris la position un peu du gouvernement, que les crédits sont votés à chaque année, puis un gouvernement ne peut pas s'engager pour 20 ans ou pour 30 ans. Le principe de ça, on l'a compris. On comprend aussi que la philosophie de l'entente, c'était clair: tant et aussi longtemps qu'il y a des enfants, tant et aussi longtemps qu'il y a des crédits qui sont alloués pour garder ces enfants, notre place est assurée. Et notre place comme une garderie privée qui s'engage dans le partenariat est assurée à long terme, et même, dans le plan de développement des centres de la petite enfance, avant qu'un centre de la petite enfance se développe dans un quartier, il faut qu'on tienne compte de notre existence. Pour nous, ça a été clair. Il y a certains membres, lors de notre assemblée générale... Ça, c'est un point qui a accroché tout le monde. Toutes des ententes renouvelées à chaque année, qu'est-ce que ça veut dire? L'année prochaine, est-ce que je vais avoir la place ou je ne vais pas avoir la place?

Le monde qui s'engage dans les garderies, il y a, des fois, des engagements financiers, il y a des décisions à prendre à plus qu'un an, à long terme. Nous, on a essayé de sécuriser les gens, on a essayé de refléter ce qui a été dit à la table de négociation, que vraiment l'idée du gouvernement est de nous inclure une fois pour toutes puis de ne pas mettre notre existence en doute dans l'avenir. Puis je pense que c'est ça, notre objectif, qu'on soit un partenaire à long terme et partenaire pour toujours.

M. Kelley: Dans le même ordre d'idées – et, comme je vous dis, à la page 8, on parle de certains détails qui doivent être étudiés plus en profondeur – avez-vous d'autres exemples des points que peut-être aussi nous devrons regarder attentivement au moment de l'étude détaillée du projet de loi? C'est quoi, ces genres de détails qu'il reste à peaufiner?

M. Lévesque (Sylvain): Bon, il y a certains autres détails au niveau du modèle 3 de la transformation. Il y a eu une réticence majeure de nos membres de ce côté-là, c'est au niveau des achats d'actifs. Donc, ça, ça revient tout le temps et tous les membres se disent être pénalisés avec les achats d'actifs et non les achats d'actions. Parce que nos membres nous disent: Si demain j'avais mis ma garderie en vente sur le marché, j'aurais pu vendre les actions de ma garderie et j'aurais bénéficié du 500 000 $ non imposable sur le gain. Alors, à ce moment-là, c'est un problème majeur du côté de la transformation.

Au niveau des détails, nous, on parle aussi de la mise sur pied des CEP et du partenariat entre nos garderies et les CEP. On veut que ça se fasse dans l'harmonie, mais, pour une fois, on demande que notre présence à ces tables-là soit au point de vue décisionnel. On aimerait ça être consultés, on aimerait ça avoir une prise de décision. On trouve malheureusement que, dans les dernières années, ça ne s'est pas fait assez ou suffisamment. Ce qu'on aimerait, c'est ne plus seulement avoir un rôle consultatif, mais que le gouvernement tienne compte que, nous, on est là et qu'on veut prendre les décisions avec tout le réseau. On veut participer activement et on tend la main aux garderies sans but lucratif en ce sens-là. On veut agir ensemble. Nous aussi, Mme la ministre, les enfants sont au coeur de nos choix et de nos vies.

M. Kelley: Dans un autre ordre d'idées, j'ai trouvé ça surprenant un petit peu de voir, dans le volet 3, la possibilité que les parents puissent avoir les garanties de prêts de la SDI pour faire la transformation. Alors, si j'ai bien compris, pour certains de vos membres, ils ont été créés grâce à une garantie de prêt du plan Paillé. Est-ce que je dois comprendre que les parents vont aller à la SDI pour une garantie de prêt pour acheter ou transformer une garderie qui a été formée sur une garantie de prêt de la SDI? Est-ce que ce n'est pas compliqué un petit peu?

M. Alamad (Samir): De la façon dont, nous, on a compris ça, c'est sûr que ce n'est pas toutes les garderies qui ont bénéficié du plan Paillé.

M. Kelley: Non, loin de là.

M. Alamad (Samir): De la façon dont, personnellement, on a compris ça, c'est que, en fin de compte, c'est nous qui avons demandé que les prêts soient garantis pour que, peu importe l'ampleur de la garderie, c'est-à-dire la grandeur de la garderie et l'âge de la garderie, toutes ces personnes-là puissent... que la vente soit réalisée. C'est sûr et certain, les banques, de nos jours, elles financent seulement les choses tangibles; et, encore là, de nos jours, les choses tangibles ne sont plus financées comme elles étaient financées dans le temps. De plus en plus, on est exigeant au point de vue des institutions bancaires. Encore plus, laissez-moi vous dire une chose, de nos jours, quand tu vas à une banque et que tu dis: J'ai une garderie, ils vont dire: Écoute, va voir ailleurs.

Nous, on a demandé... Premièrement, nos garderies, ce n'est pas seulement des équipements, ce n'est pas seulement des tables et des chaises, il y a une valeur marchande, il y a de l'achalandage; ç'a été créé année après année à cause de l'excellent service que ces propriétaires ont donné et ont dispensé. Quand tu vas à une banque, que tu prends une subvention... Le comité de parents, il veut avoir une subvention de l'Office puis il va aller avec ça à la banque: c'est sûr et certain que la transaction ne passera pas. Puis c'est là qu'on a demandé l'intervention de la SDI pour que, eux, ils puissent aller garantir ce que la banque ne peut pas garantir puis ce que la banque ne peut pas financer. Et, à ce moment-là, la transaction peut passer. La seule exigence, c'est que les transactions soient des transactions d'affaires et de bonne foi et selon la capacité de la garderie à rembourser ses prêts. Puis on trouve, avec ce genre de garantie de prêt, à condition que ce soit vraiment... On garantit vraiment réellement ces prêts. Je trouve que c'est une bonne solution pour pouvoir passer ces transactions.

M. Kelley: Juste sur cette réponse. Ce n'est pas que je suis contre; j'ai vu ça pour la première fois dans l'entente de principe. Mais avec toutes ces difficultés que vous venez d'énumérer, je me demande toujours le pourquoi d'un moratoire, parce que, avec tous les changements, avec l'implantation d'un nouveau système, j'imagine qu'il n'y a pas énormément d'institutions financières qui sont prêtes à accorder des hypothèques pour les nouveaux services de garderie, de ce temps-ci. Alors, c'est une question de tout un message. J'aimerais savoir c'est quoi, l'urgence de décréter un moratoire, compte tenu de tous les changements. Comme je l'ai dit, j'imagine que ce n'est pas tous les gérants des caisses populaires qui sont prêts, demain matin, à donner un autre 200 000 $, 300 000 $ à quelqu'un pour ouvrir une garderie.

Mme Desmarais (Anne-Marie): M. Alamad.

M. Alamad (Samir): C'est sûr que ça va être très difficile de financer une garderie dans le futur. Ça dépend, encore là, c'est quoi, le projet de loi. J'espère que ça, ça va être adopté. Mais ça va être très difficile d'implanter une nouvelle garderie.

On nous a dit qu'à l'heure actuelle il y a à peu près 400 demandes de permis qui sont présentes. Puis nous, notre façon, c'est bien simple: on ne veut pas que le réseau de garderies privées soit éliminé car on ne pourra plus demander de permis pour une garderie privée. La seule chose, c'est qu'on trouve sincèrement qu'il y a, de la façon dont ces garderies poussent... Est-ce que vraiment c'est le fait que les banques ne vont pas financer? Est-ce qu'il y a d'autres façons de se faire financer? Je ne sais pas. Il faut mettre un certain ordre là-dedans puis, une fois que cet ordre est établi, c'est sûr et certain que, avec ou sans moratoire, ça va être très difficile de développer des garderies privées. Ça ne va pas être aussi facile qu'avant. Mais, avec un moratoire, c'est juste pour rassurer. Et ça, c'est une chose aussi qui touche tout le monde, même que ça touche le développement des... Nous, on veut aussi que les centres de la petite enfance, avant qu'ils se développent dans un quartier où il y a des garderies privées, ils tiennent compte aussi de ces garderies privées. Puis, le temps qu'on mette de l'ordre là-dedans, c'est nécessaire peut-être de contrôler l'émission de ces permis.

M. Lévesque (Sylvain): J'aurais un point à ajouter. Nous, ce qu'on veut en réalité, c'est un plan de développement qui respecte certains secteurs. On ne voudrait pas que des garderies se développent sauvagement. Parce que, ici, on ne parle pas seulement d'affaires mais on parle aussi de services qui sont offerts aux enfants, et on veut que ça se fasse de la bonne façon. Donc, ce qu'on veut, ce qu'on demande, ce n'est pas d'éliminer ou d'empêcher le secteur, mais c'est de le faire de façon harmonieuse pour que ça prenne place de façon harmonieuse et qu'il y ait une certaine structure dans tout ça. Ce qu'on propose à ce moment-là – et ça, c'est bénéfique pour tout le monde et c'est aussi bénéfique pour les services qui sont offerts aux enfants – c'est qu'on contrôle de façon harmonieuse, de façon à ce qu'il n'y ait pas cinq garderies dans le même quadrilatère ou sur la même rue et que, à ce moment-là, les services soient dilatés ou que l'émission facile ne soit pas contrôlée, dans le sens où ça se développe rapidement mais on perd le contrôle. Donc, nous, on opte plus pour un plan de développement. C'est de ce côté-là qu'on veut intervenir: ce serait au niveau d'un plan de développement.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Mme la ministre, pour terminer, une courte intervention.

Mme Marois: Oui, très, très brièvement. Je voudrais dire à mes collègues de l'opposition que nous avions fait des démarches auprès de la SDI déjà avant qu'on ait des échanges, parce qu'on voyait venir justement cette difficulté s'il y avait des gens qui voulaient se convertir et, donc, vendre les actifs. Parce que, évidemment, il s'agit de ça, bien sûr, et il y avait un pont nécessaire. Et j'en profite pour dire, d'ailleurs, qu'on a eu une excellente collaboration de la SDI sur ces questions, et ça a facilité beaucoup nos échanges par la suite. Alors, je pense qu'on doit, au contraire, être très satisfait de ce qui s'est passé sur ces questions. Alors, merci pour votre intervention. N'oubliez pas ma dernière intervention de tantôt. Merci.

(16 h 30)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mesdames, messieurs, au nom de la commission, merci beaucoup. J'invite maintenant les représentants du Conseil de la famille à se présenter.

À l'ordre, s'il vous plaît. Alors, je vous invite maintenant, M. Fortin, à présenter les gens qui vous accompagnent et à débuter votre mémoire.


Conseil de la famille (CF)

M. Fortin (Bernard): Merci, M. le Président. Mme la ministre, MM. et Mmes les députés, il me fait plaisir de vous présenter les personnes qui m'accompagnent dans la personne de M. Jean-Pierre Lacasse – je veux juste vous mentionner que, à nous deux, on représente 30 % du quorum du Conseil. C'est ça, la vie – et M. Jean-Pierre Lamoureux, qui est secrétaire du Conseil. Je souligne aussi la présence dans la salle du personnel du Conseil, pour qui cette expérience démocratique est fort importante.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Nous les saluons.

M. Fortin (Bernard): Merci beaucoup, M. le Président. Et je voudrais aussi remercier les membres de la commission de leur flexibilité, d'avoir accepté qu'on se déplace dans le temps pendant que, nous, on se déplaçait dans l'espace pour aller tenir une réunion du Conseil à Montréal hier, nous permettant d'être présents ici avec un document accepté par l'ensemble des membres du Conseil. Nous l'avons terminé hier.

Une note de préparation pour vous dire que les propos que vous allez entendre aujourd'hui ont comme première et deuxième et troisième et importante intention de confirmer et de renforcer la décision gouvernementale de mettre en place un ministère de la Famille et de l'Enfance, de lui donner l'ampleur – tant le ministère que le Conseil, vous le verrez bien – que les parents et les enfants du Québec méritent. Quatre portions constituent ce mémoire, deux sur lesquelles nous allons glisser très rapidement, puisqu'on a déjà émis des propos sur ces questions-là, et je parle des allocations familiales et des services de garde. Nous allons centrer notre réflexion sur deux aspects particuliers. D'abord, vous le comprendrez bien, c'est tout le sujet qui porte sur les pouvoirs du ministre dans ce ministère – c'est important et c'est le coeur même de la vigueur de ce ministère – et, évidemment, vous l'aurez prévu, les modifications apportées à la loi du Conseil. Les membres du Conseil sont donc heureux d'accompagner les développements importants qu'apporte le gouvernement du Québec à l'ensemble de sa politique familiale.

Une nouvelle allocation familiale intégrée était sans doute souhaitée, des services de garde accrus aussi et également un programme de remplacement du revenu des parents en cas de naissance, mais l'ampleur des mesures annoncées lors du sommet socioéconomique dépassait toutes les attentes en ces moments de frugalité budgétaire et d'appel à la modération. Depuis, le gouvernement a tenu le cap, tentant d'expliquer ses projets, trouvant les ressources nécessaires et cherchant à rassurer les parents qui en contestaient certains aspects. Le temps a permis de corriger certaines anomalies aux barèmes de l'allocation familiale et de rassurer certains parents quant à la maternelle à temps plein, mais il y a encore des contestations importantes de groupes dont on ne peut minimiser ni la croyance, ni la conviction, ni la compétence. La voix des parents, aux termes du Conseil, doit être prise au sérieux, et le gouvernement devrait en tenir compte, surtout lorsqu'il affirme vouloir agir en partenaire.

Ceci étant dit, le Conseil reçoit avec grand intérêt le projet de créer un ministère de la Famille et de l'Enfance. Ce ministère fait porter la politique familiale au sein même de la décision politique et administrative du gouvernement et consacre enfin l'importance des familles, des parents et des enfants dans le développement de l'avenir de notre société. Les familles et les enfants le méritent amplement 10 ans après l'adoption de l'énoncé des orientations et de la dynamique administrative de la politique familiale, le 3 décembre 1987.

Nous allons maintenant passer dans les deux premières sections du projet de loi sur la famille et l'enfance en les regardant brièvement article par article, si vous le voulez bien. L'article 2, pour sa part, détermine la mission du nouveau ministère qui prolonge avantageusement l'objectif général de la politique familiale qui consiste à reconnaître l'importance de la famille en tant qu'institution et milieu de vie. Par ce fait, le gouvernement enchâsse donc dans une loi cet objectif général et lui assure une solide continuité. Le Conseil de la famille ne peut que s'en réjouir.

Par ailleurs, la juxtaposition dans cet article ou dans le titre même de la loi de «famille» et «enfance» peut apparaître réductrice, mais le Conseil comprend plutôt que le gouvernement veut mettre l'accent sur l'enfance à cause du rattrapage qu'il est nécessaire de faire dans ce domaine. Le Conseil est d'accord avec ce choix politique du gouvernement, qui prend sa source dans le rapport Un Québec fou de ses enfants , par exemple, et les nombreuses études et recherches qui nous ont tous sensibilisés collectivement à leur situation. Aussi, le Conseil reconnaît l'importance de consentir les efforts importants du côté des enfants, mais invite le gouvernement, ce faisant, à ne pas négliger l'objectif général de la politique familiale.

L'article 3, lui, nous présente essentiellement les responsabilités du ministre à l'égard de la famille. Le Conseil de la famille est satisfait du caractère horizontal de la vocation du nouveau ministère de la Famille et de l'Enfance. Il salue également de façon positive le regroupement de certains services à la famille sous une même entité administrative. Il s'agit là, en effet, d'un pas intéressant vers un guichet unique et une plus grande cohérence pour répondre aux besoins de l'ensemble des parents. La nomenclature des besoins familiaux du premier paragraphe de l'article 3 lui semble cependant restrictive. S'il convient que l'utilisation de l'adverbe «notamment» ne fait qu'attirer l'attention sur certains sujets sans restreindre la portée d'une loi, il s'étonne cependant de ne pas retrouver dans cette liste des domaines aussi importants que les domaines juridiques, que les services sociaux, par exemple, ou encore la fiscalité et le revenu familial. Voilà pour l'article 3.

L'article 4 décrit, lui, les responsabilités du ministre à l'égard de l'enfance. Le Conseil souligne ici l'apparente incompatibilité des deux premiers alinéas de l'article. Il ne faudrait pas que le gouvernement reconnaisse la compétence parentale dans un premier temps pour la dénier par la suite. Cependant, le ministre de la Famille et de l'Enfance, comment peut-il favoriser une participation effective des parents pour déterminer de son propre chef par la suite ce qui est favorable à l'épanouissement des enfants? Par ailleurs, le Conseil constate pratiquement que les services de garde représentent l'occupation première et majeure du ministre au regard de l'enfance. Cet article 4 ne restreint-il pas la portée horizontale de la Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance, telle que mise de l'avant par l'article 3, en n'attribuant pas au volet enfance la même amplitude que nous retrouvons à l'égard du volet famille.

(16 h 40)

L'article 5, de son côté, stipule que le ministre agit en concertation avec les intervenants du milieu familial en vue de favoriser la complémentarité et l'efficacité de leurs interventions. Le Conseil de la famille considère que cet article est d'une grande importance pour le mouvement familial et sa continuité. Le Conseil comprend ici que le ministère va se rendre responsable de l'accompagnement et du soutien financier des organismes familiaux. Le Conseil applaudit à cette heureuse décision et invite le ministère à s'inspirer des recommandations d'un avis que le Conseil a rendu public déjà et qui s'intitule Le financement des organismes familiaux: une approche partenariale . Le Conseil observe par ailleurs un risque d'interprétation. Il ne faudrait pas adopter une politique de reconnaissance des organismes qui aurait pour effet de les assujettir à des normes ne respectant pas leur autonomie.

L'article 6, pour sa part, accorde au ministre le pouvoir d'élaborer et de proposer au gouvernement des orientations et des politiques favorables à l'épanouissement de la famille et de l'enfance et d'en superviser la réalisation. Le Conseil de la famille remarque cependant que, si le ministre élabore et propose au gouvernement des orientations et des politiques, il peut, tout en n'y étant pas contraint, impliquer les ministères et les organismes d'État. Le Conseil trouve ce pouvoir du ministre exprimé de façon trop timide pour agir en véritable maître d'oeuvre. Le Conseil est donc d'avis que ce ministère doit être doté d'une ascendance et d'une autorité plus importante pour que la préoccupation familiale se retrouve à tous les paliers de l'administration provinciale et se concrétise par l'élaboration plus contraignante de plans d'action en matière familiale, par exemple.

L'article 7 définit les relations que le ministre de la Famille et de l'Enfance doit entretenir avec ses pairs au regard de l'action familiale de son gouvernement. Le rôle de coordonnateur du ministre de la Famille et de l'Enfance est mis en évidence par cet article, mais il pourrait être renforcé par des obligations simples, telle celle d'une analyse dans les mémoires ministériels des implications sur les familles et les enfants, comme ce l'est devenu pour la condition féminine, pour la métropole et les relations intergouvernementales ou encore celle d'une rubrique au rapport annuel des ministères et organismes.

Voilà, de façon succincte, les commentaires que le Conseil a apportés sur les deux grands premiers articles, donc les objectifs du ministère de la Famille et de l'Enfance, et, si vous me permettez, je vais passer la parole à M. Lacasse, qui représente aussi le Conseil, pour vous donner les propos et les réflexions du Conseil par rapport aux modifications apportées à sa propre loi.

La Présidente (Mme Charest): Merci, M. Fortin. Alors, M. Lacasse, je vous prie.

M. Lacasse (Jean-Pierre): Abordons maintenant la section qui traite du Conseil de la famille et de l'enfance. On y observe rapidement, par rapport à l'actuel Conseil de la famille, que son mandat est élargi et qu'il comprend tout le domaine de l'enfance. Ce sont de très bonnes nouvelles pour les familles du Québec. En fait, il devra penser et agir au nom et selon l'intérêt de 960 000 familles et de 1 600 000 enfants regroupés ou non en associations.

Il faut rappeler la nécessité de maintenir au Conseil un large mandat de vigilance et d'étude qui doit recouvrir tous les secteurs publics et privés concernés par la situation des familles. Le Conseil voit alors dans l'augmentation du nombre de membres, dans l'ajout explicite dans son mandat du volet enfance et dans la production annuelle d'un rapport sur la situation et les besoins des familles et des enfants comme la volonté du gouvernement de couvrir tous les champs de la politique familiale prévus dans les objectifs du projet de loi.

Un mot ici pour souligner par ailleurs que les ressources actuelles du Conseil ne permettraient pas de remplir adéquatement ses nouveaux mandats. Jusqu'à maintenant, le Conseil a toujours fait preuve d'une productivité remarquable compte tenu des modestes ressources dont il est doté, mais ces nouvelles données militent en faveur d'un accroissement significatif de ses ressources humaines et financières pour qu'il puisse accomplir adéquatement l'ensemble de ses fonctions et responsabilités. Dans cet ordre d'idées, les membres s'étonnent de la suppression, à l'article 30 du projet de loi, des mots «qui exerce ses fonctions à temps plein» concernant la présidence du Conseil. De l'avis des membres, cette fonction de présidence requiert que la personne qui l'occupera y consacre toute son énergie et son dynamisme si l'on veut qu'elle assume les responsabilités qui lui sont dévolues avec flexibilité, disponibilité et efficacité, sinon on fragilise cette fonction et on mine sa crédibilité. Pourquoi faudrait-il que ce soit ce Conseil qui en fasse, le premier, l'expérience, alors que tous les conseils sont visés par le mandat donné au groupe de travail des députés sur l'examen des organismes gouvernementaux présidé par M. Joseph Facal? En ce qui concerne les membres, leur nombre passera de 11 à 15, ce qui est très souhaitable et conforme aux recommandations déjà exprimées par le Conseil.

Il y a lieu de rappeler, bien que cela ne soit pas précisé dans la loi, que le gouvernement a toujours veillé à ce que la composition du Conseil de la famille respecte un modèle implicite. Ainsi, les membres nommés sont des parents ou des grands-parents choisis selon une représentation équitable entre les hommes et les femmes. Ils assurent une présence des régions, en plus des grands centres, et proviennent autant des milieux communautaires que professionnels d'intervention ou de représentation. Le nouveau Conseil devrait conserver ce modèle, car il représente encore le meilleur équilibre pour examiner les questions reliées à la famille et à l'enfance.

L'article 34 ajoute au Conseil la fonction de soumettre annuellement au ministre un rapport sur la situation et les besoins des familles et des enfants du Québec. Il est déjà prévu à l'article 37 que le Conseil pourra former au plus deux comités pour l'assister dans ses fonctions. Cette possibilité de former deux comités part d'une bonne intention, mais comporte une ambiguïté. Tel que formulé, l'article n'empêche-t-il pas le Conseil de former, au besoin, d'autres comités de travail? Faut-il croire alors que le gouvernement désire que le Conseil consacre toute son énergie à la production exclusive de ce rapport annuel?

Cette question doit être mise en relation avec l'article 35 qui revoit les autres fonctions du Conseil. Le Conseil s'explique mal la disparition des mots «sous forme d'avis» dans cet alinéa 2, alors que les productions d'un conseil se font habituellement sous cette forme. Veut-on laisser la porte ouverte à des recommandations au ministre qui n'auraient pas à être rendues publiques?

Cette interrogation se trouve renforcée par le projet de supprimer le quatrième alinéa de l'article 15 de la Loi sur le Conseil de la famille qui prévoyait que le Conseil pouvait fournir de l'information au public sur toute question d'intérêt familial. Les membres du Conseil sont en total désaccord avec la disparition de ce pouvoir. Celui-ci devrait être rétabli, car le genre d'information livré par un conseil est différent de celui que peut transmettre un ministère. À ce pouvoir de rassembler des opinions et des points de vue devrait correspondre le pouvoir de diffuser des renseignements et des connaissances auprès des publics intéressés qui ont souvent participé à cette cueillette d'informations. De plus, comme le projet de loi ne touche pas l'ancien article 17 de la Loi sur le Conseil de la famille, les membres sont d'avis que le nouveau Conseil, comme les autres conseils, doit pouvoir rendre publiques et diffuser ses productions, tout en respectant le délai prévu, sans que cette fonction soit entachée de confusion quant aux rôles respectifs et quant à son pouvoir de communiquer avec le public.

Il y a également les articles 28 et 29 de l'actuel Loi sur le Conseil de la famille qui ne sont pas modifiés. Ces articles prévoient que le Conseil fait, aux cinq ans, un rapport sur la mise en oeuvre de sa loi, sur l'opportunité de la maintenir en vigueur et, le cas échéant, de la modifier. Un premier rapport a été déposé le 1er novembre 1992 et étudié en commission parlementaire le 31 mai 1994. L'incongruité actuelle provient du fait que le Conseil devra produire de nouveau ce rapport en novembre prochain à partir d'activités qui sont, en quelque sorte, réévaluées actuellement. Les membres sont alors d'avis, si le gouvernement veut conserver cette clause crépusculaire, que le Conseil soit exempté de cet exercice le 1er novembre 1997 au profit du 1er novembre 2002.

M. Fortin (Bernard): Quelques mots sur les services de garde, tout simplement pour rappeler que, dans son avis sur la petite enfance, le Conseil avait soulevé cette importance des nombreux besoins des parents, signifiant que ces besoins étaient variés et qu'il souhaitait que le gouvernement fasse preuve de souplesse dans l'établissement de ces nouveaux services. Par rapport aux allocations familiales, je pense que le Conseil a dit ses propos, déjà, en commission parlementaire sur la réforme de l'aide sociale. Je ne veux rappeler ici tout simplement que l'intention de ces remarques et de celles d'aujourd'hui encore sont au profit des familles, de faire en sorte que le pacte financier d'allocations familiales avec les enfants soit clair, limpide, que les parents comprennent, et la seule intention de ces interventions encore aujourd'hui, c'est de faire en sorte de rappeler cette importance de la clarté, de la cohérence, de la limpidité et d'une accessibilité de l'information.

(16 h 50)

Permettez-moi de conclure, Mme la Présidente, si j'en ai encore le temps.

La Présidente (Mme Charest): Vous avez déjà écoulé tout votre temps, M. Fortin.

M. Fortin (Bernard): Alors, je termine. Vous me permettez de conclure ou...

La Présidente (Mme Charest): Mais vous pouvez terminer, là.

M. Fortin (Bernard): J'en ai pour à peu près deux minutes, maximum.

La Présidente (Mme Charest): Ça va. Allez-y, on vous écoute. Allez-y.

M. Fortin (Bernard): Dans ce trop bref mémoire au regard de l'importance des changements positifs qu'introduit le gouvernement dans sa politique familiale, le Conseil de la famille n'a abordé que les aspects les plus essentiels et les plus immédiatement envisageables. Il aurait désiré être associé plus étroitement aux modifications concernant le Conseil, par exemple, ce qui n'a pas été le cas. Il est en mesure, par ailleurs, de montrer une certaine satisfaction, pour ne pas dire une satisfaction certaine, devant les développements apportés à la politique familiale, mais il souhaite que le gouvernement tienne davantage compte des parents, qu'il traduise en actions son intention de partenariat, particulièrement avec le mouvement familial, qu'il renforce le rôle de maître d'oeuvre et de coordonnateur du ministère sur l'ensemble des secteurs concernés par la famille et l'enfance et qu'il corrige certains aspects de la loi sur le Conseil de la famille et de l'enfance selon les recommandations de ce mémoire.

Et suivent, dans le document que vous avez entre les mains, 16 recommandations qui viennent appuyer l'ensemble des propos que nous venons de tenir devant vous. Merci beaucoup pour votre attention.

La Présidente (Mme Charest): Alors, merci, messieurs du Conseil de la famille. Maintenant, nous allons entendre Mme la ministre. S'il vous plaît.

Mme Marois: Alors, merci, Mme la Présidente. Je veux remercier le Conseil pour l'excellence de sa présentation et peut-être que je vais me permettre, auprès des membres de la commission et pour le Conseil et pour les gens qui nous écoutent, de refaire le point sur la façon dont s'est dessinée la politique familiale que nous avons adoptée et que nous nous proposons d'opérationaliser par l'adoption des lois que nous étudierons la semaine prochaine et sur lesquelles nous entendons aujourd'hui des avis. C'est important, peut-être, juste pour se remettre un petit peu dans le contexte parce que le Conseil dit: On aurait aimé être associé, bon, etc. En fait, je dois dire que, si on en est là aujourd'hui, c'est de par, d'abord et avant tout, la volonté du premier ministre qui était préoccupé de la situation faite aux enfants et aux familles.

On a souvent souhaité que les gouvernements mettent cette préoccupation des familles à un très haut niveau, et probablement qu'il n'y a pas de niveau plus haut et plus important en ce sens au gouvernement de Québec que la fonction qu'occupe le premier ministre. Et, dans cette foulée-là, le premier ministre a souhaité qu'un travail soit fait au secrétariat du Comité des priorités. Je pense que le Conseil sait cela, mais ce n'est peut-être pas mauvais qu'on se le rappelle ensemble. Il a souhaité, donc, que le secrétariat du Comité des priorités se penche sur une façon neuve et peut-être un peu différente d'aborder toute cette question en faisant la synthèse de tout ce qui nous avait été proposé depuis un certain nombre d'années autant par les organismes familiaux que par les regroupements de services de garde, que par les personnes qui ont réfléchi à la question de la place des enfants dans la famille, et, en ce sens, et je le rappelais à un organisme – je ne sais pas si c'est ce matin ou hier – qui est venu, la politique et le livre blanc qui ont été déposés viennent répondre, effectivement, à des demandes longtemps exprimées et depuis longtemps exprimées autant, d'ailleurs, par le Conseil de la famille, le Conseil du statut de la femme, des organismes communautaires, des organismes de femmes, des syndicats et des parents, bien sûr.

Et c'est sûr que le fait qu'on ait, je dirais, procédé d'une façon peut-être un peu plus accélérée que ce qu'on connaît généralement pour un gouvernement a pu heurter et choquer, et je sens que, actuellement, beaucoup des réactions, une fois qu'on les a débattues, discutées, qu'on a expliqué les fondements des choix qui avaient été faits, atténuent leur objection. On voit les résistances se réduire et, finalement, disparaître, d'ailleurs. Et, en ce sens, je reconnais aussi dans la présentation du Conseil cette attitude très positive à l'endroit de la politique et je le reçois très favorablement, ce qui nous a amenés, d'ailleurs, dans les faits aussi, à corriger rapidement cette question de l'allocation familiale, ce qu'on a appelé l'allocation unifiée, mais qui va redevenir l'allocation familiale, pour en éliminer les aspérités et les aspects qui n'atteignaient pas les objectifs qu'on poursuivait. Alors, évidemment, en faisant les analyses plus fines, le Conseil a aidé dans ce sens-là même si, bon, il y a eu un débat de chiffres. Bon, passons sur ça.

Alors donc, dans ce sens, on arrive quand même avec un projet qui est assez solide, qui est assez bien attaché, qui mérite encore sûrement quelques améliorations, ce à quoi on procède maintenant, mais je pense que c'est ce qui a surpris, c'est la rapidité avec laquelle on a procédé et le fait que le premier ministre s'est investi, dans le fond, dans cette politique-là. Et je pense qu'on doit s'en réjouir comme commission parce que ça manifeste la volonté très ferme et très claire du gouvernement et du premier ministre, qui est le premier responsable du gouvernement, qu'on s'intéresse à la question des familles. Et à quoi? La question de la pauvreté des enfants, de la reconnaissance des enfants, du rôle des parents, l'assurance parentale, l'aide aux services de garde, les services éducatifs.

Mais je prends quand même les remarques qui sont faites par le Conseil et j'ai souhaité hier, à la suite d'une proposition faite par un des organismes qui a fait une représentation, qu'on instaure un comité de suivi de la politique familiale. Évidemment, le Conseil pourrait être associé à cela, ça va de soi, les organismes familiaux, les organismes regroupant des services de garde, etc. Je pense que ce serait intéressant. Je dois vous dire que c'est une formule que j'utilise actuellement à l'Éducation pour suivre la réforme, et c'est très riche d'enseignements pour corriger au fur et à mesure des choses qui mériteraient de l'être. Alors, peut-être que, si vous avez le goût de réagir à cela, ça me fera plaisir de vous entendre. Donc, c'était important pour moi de refaire le point parce que, sans ça, on peut dire: Bien, comment ça se fait que vous nous avez mis de côté ici? Comment ça se fait que vous n'avez pas tenu compte de nous là? Il n'y avait pas, dans ça, de la mauvaise foi. Il y avait, au contraire, une volonté très ferme de pouvoir le faire d'une façon, je dirais, en osant remettre en question des façons de faire, puis je pense qu'on le fait.

Alors donc, reprenons maintenant certains éléments dans ce que vous proposez, d'abord la question des comparaisons ou des situations de cas types de familles que vous faites à la fin de votre mémoire. Vous dites que ce serait peut-être intéressant. On a vu quelques tableaux. Je discutais avec les gens de la Régie des rentes, on pourra déposer d'autres tableaux, faire connaître d'autres situations pour montrer justement le résultat auquel arrive d'ailleurs Ruth Rose-Lizée, qui a été probablement l'une de celles qui a été la plus critique à l'égard de cette allocation-là, qui confirmait elle-même dans ses propos ici, à la commission parlementaire que, maintenant, toutes les familles sont soit gagnantes ou ont le même niveau de ressources ou quelques légères pertes ici et là, mais pas suffisamment significatives pour qu'on puisse dire qu'il faut corriger l'une ou l'autre des mesures, alors, parce que les corrections ont été apportées. Mais on est prêt à le faire et on le fera sûrement.

Il y a beaucoup de commentaires que vous faites sur la question de la réorganisation des fonctions du Conseil. Je suis sensible à ce que vous suggérez. On va le revoir dans l'article par article. Il n'y avait pas d'intention, là, pour nous, de mettre le Conseil sous domination ministérielle ou quoi que ce soit. C'est plutôt des formules conventionnelles quand, par exemple, on dit que le mémoire doit être soumis à la ministre ou l'avis, et puis qu'il le rend public. Vous savez, pour m'avoir fréquentée comme Conseil depuis un certain temps, que jamais on n'a mis de restrictions à cela d'aucune espèce de façon, mais c'est peut-être une formule qu'on retrouve dans différentes lois. Il faudra que je vérifie avec nos légistes, mais il n'y avait pas d'intention derrière ça. Il n'y a pas non plus d'intention de limiter la possibilité du Conseil de mettre en place des comités autres que ceux qui sont là, d'émettre des avis non plus. Il n'y a pas de velléité dans ce sens-là. Alors, on pourra, si c'est nécessaire de recorriger... On verra au moment de l'étude article par article. Bon.

(17 heures)

Alors, je ne veux pas commenter plus avant d'autres aspects. J'aurais besoin de votre aide, par exemple, sur une chose précise. L'opposition ne m'a pas donné son appui à la création d'un ministère de la Famille et de l'Enfance, et j'aimerais qu'elle entende votre propos sur cela pour qu'on puisse obtenir son appui parce que je pense que ce serait un geste significatif à l'égard des familles. J'aimerais peut-être vous entendre à nouveau sur cette question, M. le président. Je ne veux pas, cependant, vous mettre en porte-à-faux avec l'opposition, là, on se comprend bien. Alors voilà.

M. Fortin (Bernard): M. le Président, si vous...

Mme Marois: Mais je veux vous entendre, s'il y a d'autre chose que vous voulez soulever.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous êtes anxieux de répondre.

M. Fortin (Bernard): Oui, parce que ça nous permettrait de rire un peu.

Mme Marois: Oui.

M. Fortin (Bernard): Parce que lorsque...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça n'arrive pas souvent.

M. Fortin (Bernard): Je voudrais rappeler à Mme Marois que, lorsque le Conseil de la famille a été créé, l'opposition non plus n'avait pas donné son accord.

Mme Marois: Quel dommage!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: Mais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il y en a qui ont une bonne mémoire.

Mme Marois: ...on se reprend, on se reprend.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: Je ne voudrais pas qu'ils regrettent.

M. Fortin (Bernard): Ah! Bien, c'est parfait. Vous donnez l'occasion...

Mme Marois: Alors voilà!

M. Fortin (Bernard): ...c'est bien.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: Je ne voudrais pas qu'ils regrettent.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il y en a qui ont une bonne mémoire. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires?

M. Fortin (Bernard): Si vous me permettez, juste aux quelques mots de Mme Marois. Lorsque vous parlez de ce comité de suivi, quant à nous, même si on n'en a pas discuté au Conseil, je pense que ce serait sûrement un élément important de ces deux comités, un sur la famille et un sur l'enfance, qui doivent traduire, en termes écrits et en orientations, peut-être, l'état et la situation des familles et des enfants. C'est de regarder ce qui se passe. On sait que d'autres conseils ont ce mandat-là aussi, d'assurer une sorte de suivi au développement, à l'évolution de la politique.

Pour ce qui est des allocations familiales, vous me permettrez, dès que, nous, on aura les chiffres en main ou les tableaux en main, on va faire notre exercice, Mme Marois, et on va vous transmettre aussi nos commentaires, toujours pour le bénéfice des familles. Voilà!

Mme Marois: Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'aurais une minute à M. le député de L'Assomption, à la condition de partager une autre... c'est-à-dire d'ajouter une autre minute...

M. St-André: Ça va être très bref, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...au député de Roberval si...

M. St-André: C'est très bref.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

M. St-André: Une question en introduction. Vous mentionnez qu'il y a encore plusieurs parents qui expriment des contestations importantes à l'endroit de la maternelle. Vous suggérez au gouvernement de prendre en compte ces contestations-là. Quelles sont les suggestions concrètes que vous pourriez faire au gouvernement pour que celui-ci puisse prendre ces contestations-là en compte?

M. Fortin (Bernard): Aimeriez-vous répondre à cette question?

M. St-André: Je vous pose la question.

M. Fortin (Bernard): Je sais que vous me la posez. Oui, oui. Je pense que ce que je pourrais dire, dans ce domaine-là – et c'est de répéter ce que le Conseil a toujours dit – c'est qu'il faut écouter, essayer de comprendre et de développer l'imagination qu'il faut pour répondre à ces besoins des parents. Je n'ai pas d'autre solution que ça. Il faut écouter, tenter de comprendre et développer l'imagination administrative qu'il faut pour que tous ces parents soient heureux, en comprenant qu'il y a des choses qui sont possibles et d'autres qui ne le sont pas.

Mais ce qu'on a toujours dit, dans ce domaine-là comme dans plusieurs autres, si on veut se faire des partenaires, des parents dans le mouvement que nous tentons de faire comme société, c'est qu'il faut qu'ils comprennent, qu'ils sachent et qu'ils le veuillent. Je ne peux pas aller plus loin là-dedans, mais de dire: Si on veut en faire des partenaires, il faut qu'ils comprennent. Ils ont avantage à, donc qu'on leur donne toute l'information dont ils ont besoin pour comprendre. Je n'en ai pas d'autre; j'aimerais ça en avoir.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Trente secondes, M. le député de Roberval.

M. Laprise: Je tenais – merci, M. le Président – à souligner quand même la présence, la qualité du mémoire du Conseil de la famille. Je reconnais bien, je crois, le sérieux avec lequel le Conseil de la famille a toujours traité les dossiers familiaux. J'invite Mme la ministre, comme elle l'a si bien dit tout à l'heure, à tenir compte des recommandations du Conseil de la famille, parce que le Conseil de la famille, dès le départ, s'est inspiré des opinions des familles, parce qu'il a fait une consultation sur le plan provincial, région par région, dans les premières années; j'ai moi-même siégé trois ans au Conseil de la famille, je peux vous dire que c'est un des comités, au cours de ma vie politique, de 25 ans de vie politique, auxquels j'ai participé avec autant d'à-propos et avec autant de satisfaction, connaissant l'écoute que ces gens-là avaient, sur l'expression que les familles voulaient donner à leurs préoccupations.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Dans le même ordre d'idées, c'est dommage que le gouvernement ait négligé de nommer les membres au Conseil depuis trois ans, parce que je pense que, effectivement, pour...

Mme Marois: ...rapidement, M. le député.

M. Kelley: Rapidement, trois ans après. Comme je dis, c'est une de mes questions traditionnelles quand on fait l'étude des crédits pour...

Mme Marois: Les mandats sont déjà donnés.

M. Kelley: ...le mandat de la famille. Je pose la même question et c'est toujours rapidement, d'une façon urgente, etc.

Bienvenue, M. Fortin et les autres membres du Conseil. Juste ouvrir une parenthèse sur la question du ministère. Moi, dans mon comté, il y a des personnes qui attendent dans les couloirs de l'hôpital pour être soignées. À chaque année, on a été obligé de quêter pour les besoins de certains enfants handicapés dans nos écoles. Alors, dans les priorités pour un gouvernement, dans une rareté de ressources, d'investir dans des structures, j'ai mes doutes.

Nous avons vécu la même expérience avec le ministère de la Métropole, à Montréal, qui a maintenant 80, une centaine de fonctionnaires, et tout ça, et je suis loin d'être convaincu qu'au niveau de faire progresser les dossiers de Montréal c'est une réussite. Alors, c'est pour cette raison que l'opposition officielle hésite et hésite toujours de voir, parmi les choix à faire de ce temps-ci, avec la rareté des ressources dans notre système de santé, qu'il y a énormément de problèmes, d'investir davantage, de transformer un office existant dans un ministère, qu'on va faire progresser. Et, dans la façon dont la ministre a présenté ça, elle a dit: Ça ne fait pas un grand changement, on va juste prendre l'Office, ajouter le secrétaire avec ce budget de 2 000 000 $ et, magique, c'est un ministère.

Moi, je pense qu'il faut regarder. Et on regarde l'expérience en Colombie-Britannique. En Colombie-Britannique, ils ont décidé de créer un ministère parce qu'il y avait une crise dans la protection de la jeunesse et les jeunes contrevenants, et tout ça. On a la même situation ici. Alors, si on veut vraiment et si on a de l'argent d'extra... Dans le rapport qui a été déposé par la Commission de protection des droits de la personne du Québec, c'est évident, on a un problème, au Québec, parce qu'on mélange les jeunes qu'il faut protéger, découlant de la loi de la protection de la jeunesse, avec les jeunes contrevenants. Alors, c'est complètement indécent qu'on soit obligé de mettre les deux clientèles ensemble. C'est contre toutes les indications, et tout ça, mais on n'a pas les ressources pour résoudre ce problème. Alors, moi, j'aime beaucoup mieux résoudre ces genres de problèmes avant de créer un ministère avec un sous-ministre, des bureaux et d'autres «structurites» comme ça.

Alors, c'est ça. C'est mon opinion. Comme je l'ai dit, encore une fois cette année, avec mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce, on a dû quêter pour protéger quelques subventions qui sont accordées pour les personnes qui ont des déficiences auditives dans nos écoles. Ça, c'est des vrais problèmes des familles québécoises et, moi, je veux travailler avec les ministres sectoriels, traiter ces problèmes-là au lieu de créer quelque chose qui... À mon avis, je ne suis pas encore convaincu de la pertinence et de l'urgence de créer ça. Je vois, souriant, le député de Fabre qui est en train de trouver d'autres conseils, organismes, et tout ça, à éliminer pour alléger le secteur gouvernemental. Alors, comme je l'ai dit, avant de procéder, je pense qu'il y a des questions comme ça.

Dans votre mémoire, M. Fortin, à la page 11, le grand mystère, vous avez répété que 95 % des familles québécoises verraient leurs revenus augmenter ou demeurer les mêmes et que 5 % seraient gagnantes à long terme. Mais, dans l'avis du Conseil du statut de la femme, on dit que 32 % des familles québécoises ont un revenu familial de 60 000 $ et plus et, dans le tableau déposé par la ministre hier, une famille de quatre enfants avec 60 000 $ de revenus et plus perd 2 000 $ par année. Alors, j'aimerais savoir pourquoi le Conseil est de l'avis que cette famille sort gagnante.

M. Fortin (Bernard): M. le Président, si vous me permettez de répondre – je voudrais tout simplement mentionner que je l'ai glissé tout à l'heure – les propos qui sont rapportés à la page 11 justement sont des propos de Mme la ministre, lors d'une conférence de presse le 15 mai dernier. Et ce que j'ai glissé dans la conversation tout à l'heure, c'est que, lorsque nous aurons ces chiffres, nous ferons, avec les moyens que nous avons, l'exercice d'aller voir la réalité derrière ces chiffres-là. Je sais que vous avez eu une bonne session d'information mutuelle en chiffres, hier. On n'y était pas, on travaillait ailleurs, vous travailliez ici. Ces chiffres-là, il faut que je les fouille, là. Il ne faut pas que je, mais que nous les regardions ensemble. Et ce que j'ai mentionné tout à l'heure, c'est que nous allons faire l'exercice et nous allons transmettre à la ministre les remarques et les réactions que nous avons par rapport à tout ça. Mais les propos qui sont là sont des propos tirés de la conférence de presse de Mme Marois le 15 mai dernier.

M. Kelley: Je voulais juste attirer votre attention; comme je vous dis, c'est un tableau déposé hier. Comme je l'ai dit, 32 % des familles ont des revenus supérieurs à 60 000 $. Même une famille à 60 000 $ avec quatre enfants va perdre 2 000 $ par année. Alors, je pense que c'est très important. Je sais que vous avez fait référence à la conférence de presse de la ministre, mais, quand même, vous avez mis ça à l'intérieur de votre mémoire et je ne vois pas... C'est évident que le gouvernement a pris une décision de prendre les allocations des familles à revenus supérieurs et de les envoyer à des familles plus modestes. Mais de dire que toutes les familles sortent gagnantes, ça m'étonne un petit peu de voir ça répété parce que, de toute évidence, ça ne se peut pas.

(17 h 10)

Je ne conteste pas la décision qui est prise, mais je pense que c'est important de ne pas donner cette impression que toutes les familles sortent gagnantes. Je pense, c'est évident, qu'il y a des choix à faire, de prendre l'argent de certaines familles et de transférer ça dans les poches d'autres familles, et ça, c'est l'économie de ce qu'on est en train de faire avec les allocations. Alors, je pense que c'est important de ne pas donner cette impression, par contre, que tout le monde sort heureux et gagnant dans les réformes qui sont proposées aux allocations familiales.

Dans un autre ordre d'idées, moi, je suis membre de la commission de la culture et j'ai vu l'idée géniale de préparer un genre de rapport annuel sur l'état de la famille, «the state of the family», ou quelque chose comme ça, de peut-être mettre dans la loi une exigence que la commission des affaires sociales puisse avoir un débat, de se restreindre deux ou trois heures, après le dépôt de ce rapport, à avoir un débat entre parlementaires, parce que c'est important d'avoir un avis pour le pouvoir exécutif du gouvernement. Mais, moi, je pense que, comme parlementaires, on aura l'occasion à tous les ans. Moi, je fais référence à la commission de la culture parce que c'est la même chose qu'on fait avec le rapport annuel de la Commission d'accès à l'information. Ça provoque automatiquement un débat sur la protection de l'information et de la vie privée de notre société; c'est toujours un échange très intéressant. Aimeriez-vous inclure dans le projet de loi le même genre d'obligation, qu'après le dépôt de votre rapport annuel sur l'état de la famille ça puisse provoquer un débat à la commission des affaires sociales?

M. Fortin (Bernard): Je vais vous avouer que, sur ce sujet-là, après la surprise – «surprise» dans le bon sens du mot – de la lecture de l'article qui nous demandait de faire un rapport sur la situation et les besoins, nous en sommes actuellement à comprendre, puisqu'il faut regarder ce qui se fait ailleurs dans ce domaine-là. On sait qu'au Conseil supérieur de l'éducation il y a des choses comme celle-là; c'est un rapport sur l'état et les besoins. Je ne sais pas s'il y a une discussion à l'intérieur de l'Assemblée nationale ou des parlementaires sur cette question-là. Je ne le sais pas. On est en train actuellement d'essayer de voir comment vont se structurer ou se structureraient, si vous voulez, ces deux rapports sur les familles et sur l'enfance. Qu'il y ait une discussion entre les parlementaires ou à l'Assemblée nationale, ou vous le souhaiteriez, sur la question de la famille et des enfants, bien, tout ce que je peux vous dire, c'est: Bravo si ça se fait! Parce que ça donnerait, annuellement, une occasion à tous les parlementaires d'avoir cette préoccupation, d'en discuter, de la soupeser, de l'évaluer puis de la faire avancer. Mais on n'était pas rendus à cette demande-là.

Déjà, dans nos recommandations, vous voyez qu'on demande qu'il y ait une sorte d'obligation, dans le mémoire au Conseil des ministres, de demander qu'il y ait une évaluation de l'impact sur les familles et les enfants de toute décision gouvernementale. C'est une vieille recommandation – M. Laprise pourrait s'en souvenir – du Conseil. Pour nous, ce serait un pas. D'obliger les différents ministères à inclure un chapitre sur leur contribution à l'évolution des familles à chaque année, ce serait déjà un autre bon pas. Si vous voulez, vous, suggérer au gouvernement de faire un débat général sur la question de la famille et de l'enfance, bien, je pense que vous ne verrez pas d'objection de notre part, parce qu'on serait heureux que les familles soient mises en évidence. Merci.

M. Kelley: Merci, M. Fortin.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est sûr qu'il y a des articles de loi qui sont très précis, où on peut faire des choses, mais, à ma connaissance, il n'y a rien qui nous empêche, en commission, d'inviter, justement, et de faire une discussion entre nous autres. À ma connaissance. Si c'est le désir, en tout cas, on l'examinera en commission. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour, après le vibrant témoignage du député de Roberval, je voulais simplement remercier le Conseil de la famille pour avoir sonné les cloches, je pense, à la commission des affaires sociales, lors de l'étude sur le livre vert, sur des impacts potentiellement néfastes, surtout chez les familles avec des enfants en bas âge. Si ma mémoire est exacte, M. le Président, c'est le Conseil de la famille qui avait sonné cette cloche en premier lieu. Ça a été très important, cette observation faite par le Conseil de la famille, parce que, au moment où on a étudié le livre vert, toutes les comparaisons étaient faites avec des enfants de sept ans et plus. Et c'est en analysant les impacts sur les enfants en bas âge qu'on a pu constater qu'il y avait des impacts négatifs qui ont été largement, et je le répète, largement solutionnés par les mesures transitoires, pas complètement, la ministre a dit à peu près neuf dixième de la situation, 9,5 dixième de la situation, parce que – et c'est déjà pas pire pour un ministre de ce gouvernement. Alors, il y a toujours la situation avec les nouveaux prestataires, à partir de septembre 1998; la ministre en est consciente. On va voir, à l'étude détaillée, si on peut arracher une autre solution de la part du gouvernement à cet égard.

J'ai une question un peu plus précise pour le Conseil, en ce qui concerne les articles qui touchent les dispositions particulières à l'allocation pour enfant handicapé. Ce n'est pas un sujet qu'on a discuté ici, devant des gens qui témoignent, mais je pense que ça mérite de poser la question: Si le Conseil de la famille procédait à l'analyse des nouveaux articles qui touchent l'allocation pour enfant handicapé, versus la procédure qui est en vigueur présentement, qui est gouvernée par la Loi sur les allocations d'aide aux familles et plus par des règlements... Là, on transforme deux règlements de pouvoir réglementaire un peu plus en pouvoir législatif.

Une simple question: Est-ce que le Conseil de la famille a eu l'occasion d'étudier un peu les articles qui touchent l'allocation aux enfants handicapés pour savoir si ça rime bien avec la situation actuelle? Est-ce qu'on progresse ou est-ce qu'on perd du terrain?

M. Fortin (Bernard): Je vous remercie de votre... Si vous me permettez – je vous remercie – je ne suis pas habitué à cette sorte de formalité. Excusez-moi. Je vous remercie de votre question. Je vais vous répondre en deux temps.

La première chose, le Conseil n'a pas considéré cet aspect-là dans sa rencontre formelle d'hier où il a consolidé ce document-là. Par ailleurs, on avait demandé – mais on n'a pas eu le temps, hier – à M. Lacasse, qui est employé et directeur général de Carrefour adaptation Québec, donc qui s'occupe des personnes handicapées, de regarder le projet de loi sous cet angle-là. Alors, si vous l'acceptez, de façon informelle mais non pas au nom du Conseil, il pourrait peut-être vous donner les premières réflexions qu'il avait faites sur ce sujet-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lacasse.

M. Lacasse (Jean-Pierre): Je dirais peut-être, brièvement, qu'effectivement j'ai eu l'occasion d'examiner ces questions-là avec un groupe de parents qui ont des enfants handicapés et il semblerait que, par rapport à ce qui se fait de façon bien concrète, il n'y ait pas d'élément négatif important dans la façon de procéder, sauf deux inquiétudes qui ont été soulevées, et je pense qu'elles sont importantes à examiner.

C'est le phénomène de la gravité du handicap, dans lequel on ne retrouve pas de balises très claires. Et je comprends que les balises viendront probablement par réglementation par la suite, mais c'est un peu inquiétant parce que c'est la base de l'ensemble des articles sur la question d'un handicap grave ou pas grave, et dépendamment de la situation ou des adaptations. Donc, ça, ça posait, je pense, une inquiétude.

Le deuxième élément qui était soulevé et qui mériterait peut-être une attention, c'était le fait d'avoir recours éventuellement à des spécialistes de la Régie. Dans ce sens-là, au niveau des allocations pour enfant handicapé, les parents ne voulaient pas tomber dans les expertises et les contre-expertises dans lesquelles souvent on se retrouve, que ce soit à la SAAQ ou dans d'autres questions, là, à la CSST, où on y va expertise sur contre-expertise, et très souvent on dépense plus en honoraires professionnels et en expertises médicales que le fait de reconnaître, dans le fond, le besoin de cet enfant-là et de ce parent-là, qui vivent une situation définitivement problématique en fonction d'un handicap, sur lequel on peut peut-être tirer des lignes mais...

Alors, c'est les deux préoccupations, mais je pense que les parents se montraient généralement satisfaits des mesures qui étaient là, en amenant ces deux inquiétudes majeures.

M. Copeman: Merci, M. Lacasse. On va suivre ça de près.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre, une très courte intervention.

(17 h 20)

Mme Marois: Oui, très brièvement. Justement, sur ce dernier point, je n'interviendrai pas sur le fond mais tout simplement pour dire que, lorsque nous procéderons à l'étude article par article, on éliminera sûrement les inquiétudes, enfin on les – je cherche le terme; je pense qu'on est fatigués, c'est la fin de la journée – on s'assurera de répondre à ces inquiétudes.

Juste une dernière chose avant de remercier le Conseil. Il faut être très prudent quand on utilise les chiffres, comme nos collègues d'en face le font, sur l'allocation unifiée. Là, ce n'est pas mes propos à moi – ils n'ont jamais le droit de les mettre en doute non plus – mais ce sont les propos de Mme Ruth Rose-Lizée, hier, qui a très clairement dit que les familles étaient généralement gagnantes ou avaient le même niveau de revenu parce que, justement, il faut tenir en compte les résultats sur une période plus longue que un an. Les enfants, on les met au monde mais on ne les garde pas seulement pendant trois ans; on les garde et on les mène jusqu'à l'âge adulte, à 18 ans, et les allocations vont couvrir l'ensemble de l'aide des enfants. Alors, en ce sens-là, je peux rassurer nos collègues et aussi informer le Conseil que les gens de la Régie se rendent disponibles pour discuter avec vous, vous présenter les tableaux, vous présenter les simulations. Puis je peux vous dire que celles que j'ai maintenant, qui méritent d'être consolidées encore, vont répondre à toutes vos inquiétudes.

Une voix: Merci, Mme la ministre.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Messieurs, merci beaucoup, merci de votre présentation.

J'invite maintenant les représentants de Concertaction interrégionale des garderies du Québec.

À l'ordre, s'il vous plaît! Mme Robin, si vous voulez présenter madame qui vous accompagne et débuter votre présentation, en vous souhaitant la bienvenue.


Concertaction interrégionale des garderies du Québec (CIRGQ)

Mme Pitre-Robin (Claudette): Merci. C'est Mme Hélène Potvin, vice-présidente au niveau de Concertaction, qui m'accompagne.

D'abord, M. le Président, Mme la ministre, mesdames, messieurs, un petit mot pour vous remercier de bien avoir accepté de nous entendre aujourd'hui, à la veille de l'adoption d'un projet de loi si important. La création d'un ministère de la Famille et de l'Enfance représente un acquis fort important au Québec. À cet égard, nous félicitons le gouvernement qui reconnaît la place qui doit être accordée aux familles et aux enfants dans une société en constante évolution. La famille demeure la pierre angulaire de cette société et les enfants sa plus grande richesse. La reconnaissance légale de la nécessité d'apporter du soutien à la famille et de répondre adéquatement aux besoins des enfants renforce les valeurs d'une société qui a souvent tendance à mal évaluer ses priorités.

Nous avons analysé le projet de loi n° 145 pour en dégager les points positifs et aussi pour en faire ressortir ceux qui méritent d'être clarifiés pour assurer une bonne compréhension de certains articles de ce projet de loi. Nous avons fait un travail pointu mais que nous ne reprendrons pas ici maintenant. Nous espérons que vous pourrez tenir compte de nos propositions au cours de vos analyses.

Quant au ministère de la Famille et de l'Enfance, l'article 2 définit la mission du ministre, soit celle de valoriser la famille et l'enfant et de favoriser leur plein épanouissement en apportant aux parents un soutien propre à leur permettre d'assumer pleinement leur rôle et en accordant une attention prioritaire aux besoins des enfants. Dans le cadre des nouvelles réalités sociales et familiales, ces deux aspects ne peuvent être ignorés. À juste titre, plusieurs articles mettent l'accent sur la nécessité que les ministères, les organismes concernés et les intervenants du milieu familial travaillent en étroite collaboration afin de soutenir le ministre dans la réalisation de sa mission. De plus, nous croyons que tous les Québécois et Québécoises ont un rôle à jouer à cet égard. Ainsi, ils doivent être sensibilisés à cette mission et doivent se sentir impliqués et solidaires face à l'atteinte des objectifs qui la sous-tendent.

Quant aux services de garde à l'enfance, outre la création du ministère de la Famille et de l'Enfance, le présent projet de loi a pour objet de modifier la Loi sur les services de garde à l'enfance. Cette nouvelle loi vise principalement la création de centres de la petite enfance et la redéfinition des services de garde à l'enfance.

À la lecture du projet de loi, nous constatons, et plusieurs vous l'ont mentionné, qu'il semble y avoir confusion en ce qui concerne la définition même de «centre de la petite enfance». C'est pourquoi nous vous proposons que la définition de «centre de la petite enfance» soit: un établissement sans but lucratif qui regroupe, coordonne – c'est à la page 5, excusez, si vous voulez suivre – surveille et contrôle, sur un territoire donné, un ensemble de services de garde éducatifs, s'adressant principalement aux enfants de la naissance jusqu'à la fréquentation du niveau maternelle. Il fournit ces services dans une ou plusieurs installations où l'on reçoit au moins sept enfants, de façon régulière ou occasionnelle, pour des périodes qui ne peuvent excéder 48 heures consécutives; en milieu familial, par une personne physique qui reçoit, contre rémunération, dans une résidence privée et pour des périodes n'excédant pas 48 heures consécutives, premièrement, en incluant ses enfants de moins de neuf ans, au plus six enfants parmi lesquels au plus deux enfants peuvent être âgés de moins de 18 mois, ou, deuxièmement, si elle est assistée d'une autre personne adulte et incluant leurs enfants de moins de neuf ans, au plus neuf enfants parmi lesquels au plus quatre enfants peuvent être âgés de moins de 18 mois.

Cet établissement peut également fournir tout autre service répondant aux besoins des enfants et des familles, parce qu'on ne retrouvait pas cet élément-là dans la définition, et je pense que c'est important. Puis on continue avec ce qu'il y a déjà dans le projet de loi: «Subsidiairement, ces services...» Je pense que ça nous permettait... On a ramassé souvent plusieurs articles qui étaient déjà présents, mais répartis dans le texte qui ne donnait pas une image clair de ce que devaient être les centres de la petite enfance.

En ce qui concerne les articles 51 et 52 – je me retrouve à la page 6 – notre préoccupation est cependant axée sur la qualité des services éducatifs fournis dans tous les services de garde. Le premier alinéa stipule: Un enfant a droit de recevoir, jusqu'à la fin du primaire, des services de garde de qualité, avec continuité et de façon personnalisée. Le parent a le droit de choisir le service de garde qui lui convient le mieux.

Le premier alinéa tire toute son importance dans le fait qu'il vise à garantir la qualité de services à laquelle l'enfant a droit, avec continuité et de façon personnalisée. Compte tenu de la très grande importance des premières années de la vie, le gouvernement doit s'assurer que, dans tous les centres de la petite enfance, cette qualité soit exemplaire. Cette qualité repose, entre autres, sur le rapport, ratio éducatrice-enfants, la taille du groupe, la formation du personnel, l'environnement et l'espace physique, l'équipement et le matériel, le programme d'orientations éducatives et la participation active des parents.

Un service de garde de qualité garantit les soins, la santé, la sécurité et une saine alimentation. Mais il y a plus; c'est un milieu d'apprentissage dans lequel les interactions et les relations reflètent la confiance, la coopération et le respect et où les relations entre le parent et le personnel sont basées sur le partenariat. À cet égard, les recherches confirment clairement que les répercussions positives sur l'enfant sont renforcées à tous les points de vue de son développement lorsque les parents sont directement impliqués et lorsqu'il y a cohérence entre le milieu familial et le milieu de garde quant aux valeurs privilégiées, aux modes d'intervention et à la philosophie éducative.

Si la participation des parents est jugée essentielle en milieu scolaire pour assurer la réussite éducative de l'enfant, il va de soi de considérer que la famille joue un rôle crucial dans l'accompagnement du jeune enfant en milieu de garde. Les recherches ont montré que les programmes d'intervention précoce desquels les parents étaient les partenaires indissociables donnaient de meilleurs résultats. La participation active des parents au sein d'un centre de la petite enfance représente donc une garantie de qualité recherchée et cela ne peut se faire que par des comités décisionnels et non pas des comités consultatifs de parents.

Cette participation se traduit d'abord par des échanges quotidiens avec l'éducatrice de leur enfant. Au-delà de ces échanges, elle se concrétise dans les prises de décisions au plan de la gestion, comme membres du conseil d'administration, membres de certains comités reliés à la gestion administrative, à la définition d'objectifs à court, moyen et long terme, à la planification des moyens pour y parvenir, ainsi qu'au plan de la pédagogie, en participant à la définition de la philosophie du service, à l'élaboration du programme d'activités, à la détermination d'interventions éducatives, etc.

(17 h 30)

L'intérêt porté au bien-être de leur enfant motive les parents à s'impliquer activement et compense largement le temps de présence requis au service de garde. Les parents s'y engagent par choix, selon leur disponibilité, pour une période déterminée, sachant qu'ils peuvent compter sur les autres parents alors que leur mandat est terminé et que tous, parents, enfants et personnel du service de garde, en tirent d'énormes avantages. Certes, certains parents ont moins de disponibilité que d'autres et sont moins susceptibles de s'engager activement à un moment donné. Toutefois, la présence des autres parents au conseil d'administration et au sein des différents comités représente pour eux un gage de contrôle de la qualité.

En ce qui concerne les garderies à but lucratif, les articles 160 et 161, inclus dans le projet qu'on connaît à ce moment-ci, dans les dispositions transitoires et finales, réfèrent à la mise en oeuvre et l'application, aux conditions déterminées par le ministre, d'un programme permettant l'acquisition d'un permis de centre de la petite enfance, tel que prévu aux nouvelles dispositions de l'article 7 de la loi, par un demandeur titulaire de permis de garderie. Pour nous, nous avions compris qu'il s'agissait, évidemment, du programme de conversion, programme avec lequel nous étions et nous sommes encore tout à fait d'accord à ce qu'on offre des conditions favorables pour permettre, finalement, les changements que la société veut offrir aux familles et aux enfants. Et ça nous apparaît tout à fait juste et raisonnable d'avoir un plan de conversion honnête à offrir aux gens des garderies commerciales. L'ensemble du projet de loi indiquait clairement que seuls les centres de la petite enfance seraient subventionnés et qu'un plan de conversion important permettrait la transformation des garderies à but lucratif en garderies sans but lucratif puis en CPE. Ces orientations gouvernementales s'appuyaient certainement sur une réflexion et une écoute des différents avis, études et recherches à ce sujet.

Par exemple, en 1987, le rapport du Comité consultatif sur les services de garde à l'enfance recommandait que les organismes à but lucratif poursuivent un objectif de profit, objectif qui peut s'avérer à certains égards en opposition avec l'objectif de qualité recherché par les services de garde. La qualité constituant la prémisse de base pour le bien-être de l'enfant, le Comité souhaite que le développement des garderies à but lucratif soit interrompu, et ce, au moins jusqu'à ce que le réseau soit consolidé.

En 1988, l' Énoncé de politique sur les services de garde à l'enfance: pour un meilleur équilibre mettait l'accent sur l'importance d'accorder une priorité au développement des services de garde régis par les parents. Le gouvernement s'engageait à continuer à privilégier le développement des services de garde dont le contrôle était assumé par les parents.

En 1991, suite à une poursuite intentée contre l'Office des services de garde à l'enfance par Chouinard-Perry, le jugement de la Cour d'appel faisait en sorte que ledit Office ne pouvait plus refuser un permis à une garderie à but lucratif qui ne demande aucune subvention. Ainsi, un très grand nombre de garderies commerciales ouvraient leurs portes par la suite puisqu'elles se conformaient à cette réserve. On sait qu'il y en a au-delà d'une centaine qui ont ouvert, depuis 1991, à partir de ce jugement-là.

En 1996, le Conseil supérieur de l'éducation, dans un document intitulé Pour un développement intégré des services éducatifs à la petite enfance: de la vision à l'action , reconnaissait la très grande importance de la participation des parents au projet éducatif de leur enfant puisque c'est en grande partie cette participation qui garantit la qualité des services offerts à la famille et aux enfants. À cet égard, il citait en exemple les garderies privées sans but lucratif: «Au Québec, on doit citer en exemple les garderies sans but lucratif pour ce qui concerne la participation des parents [...]. Ils collaborent à la définition et à la révision du programme d'activités reflétant les valeurs éducatives qu'ils désirent véhiculer auprès des enfants. Ils participent aussi à la gestion de la garderie, dans le contexte d'une représentation fortement majoritaire au sein du conseil d'administration.

«Pour ce qui concerne les garderies à but lucratif [...] leurs responsabilités sont plus restreintes que celles des parents dans les garderies sans but lucratif. La participation des parents se situe essentiellement au plan de la consultation.»

Au chapitre de la qualité des services, le Conseil supérieur de l'éducation note: «Pour ce qui concerne les services de garde régis, les services de garde en milieu scolaire et les garderies à but lucratif sont plus fréquemment cités dans la littérature pour leurs lacunes relativement à la qualité [...]. Pour leur part, les garderies à but lucratif offrent une plus faible rémunération de leur personnel, ce qui est susceptible d'affecter la stabilité du personnel. Comparativement aux garderies sans but lucratif, elles commettent plus fréquemment des infractions aux règlements édictés par l'Office des services de garde à l'enfance. Au cours de l'année 1993-1994, l'Office a effectué 176 inspections partielles pour vérifier un aspect précis du règlement à la suite de plaintes. Sur ce nombre, 69,3 % visent les garderies à but lucratif alors qu'elles ne représentent que le tiers des garderies. Il s'agit là de faits qui rendent la qualité plus suspecte dans ces garderies.

«Des exigences et des normes inadéquates, un statut juridique inapproprié au regard de la mission éducative ainsi que l'insuffisance du financement sont à la source des ratés identifiés sur le plan de l'application de critères de qualité [...]. Il y a une attention à porter socialement à la qualité des services éducatifs offerts aux jeunes enfants [...] ce sont des services éducatifs de qualité qui sont nécessaires au développement des jeunes enfants.»

S'appuyant sur ces données, le Conseil supérieur note et recommande: «Par ailleurs, tel qu'évoqué précédemment, la proportion importante d'infractions commises par les garderies à but lucratif sème le doute sur la qualité de leurs services. De plus, la planification du développement des services de garde en garderie est devenue non praticable depuis que l'Office des services de garde à l'enfance doit se soumettre aux lois du marché de la libre entreprise. Historiquement, jusqu'au moment où le projet de loi des services de garde à l'enfance a été adopté, on avait cru acquis que la garde éducative des jeunes enfants ne pouvait être soumise aux règles de l'entreprise privée. Un fort lobbying de la part des garderies à but lucratif avait alors eu gain de cause – ce n'est pas nous, c'est le Conseil supérieur de l'éducation que je cite – À la lumière des données récentes, le Conseil juge qu'il est pertinent que cette situation soit de nouveau examinée sous l'angle du statut juridique des garderies relativement à leur mission.

«Le Conseil souhaite que, dans la poursuite du développement des services éducatifs à la petite enfance, une réévaluation du statut juridique des garderies à but lucratif soit menée, à la lumière des exigences de qualité, afin de déterminer les mesures à prendre relativement à ce mode de garde dans le futur.»

En 1996, le rapport final de la Commission des états généraux sur l'éducation Rénover notre système d'éducation: dix chantiers prioritaires reprenait les arguments du Conseil supérieur et recommandait d'offrir des services en garderie sans but lucratif. En 1997, le projet de loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance, qui modifie la loi, stipule que le ministère peut livrer un permis de centre de la petite enfance à une personne morale sans but lucratif ou une coopérative, dont le conseil d'administration d'au moins sept membres est composé dans une proportion d'au moins les deux tiers de parents futurs usagers des services éducatifs coordonnés et fournis par le centre... On voit que, dans le projet de loi, on augmente, finalement, l'importance de l'argumentation des parents à deux tiers et non plus à une majorité simple. Cette décision révèle une volonté d'assurer la qualité des services de garde éducatifs offerts dans les centres de la petite enfance.

De nombreuses études, tant pancanadiennes qu'américaines, ont démontré l'importance de la qualité des services de garde éducatifs sur le développement. À titre d'exemple, l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance et la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance ont identifié bon nombre d'éléments faisant en sorte que, dans les garderies privées à but lucratif, trop souvent la qualité est moindre. Les études ont en effet montré que les garderies privées à but lucratif étaient moins susceptibles de répondre aux exigences de la réglementation, qu'elles ne respectaient pas toujours le ratio éducatrice-enfants, que les éducatrices y étaient moins formées, moins expérimentées et avaient des salaires moins élevés et que le taux de roulement des éducatrices était plus élevé, créant ainsi une instabilité chez les enfants. Bref, la qualité y laissait souvent à désirer.

Dans le cadre de la stratégie fédérale mise de l'avant en 1988, le projet de loi C-144, mais abandonnée par la suite, l'ACPSGE s'opposait au financement des services de garde à but lucratif: «De façon générale, la réputation d'offrir des services de qualité moindre et des salaires moins élevés à leur personnel, et compte tenu de l'absence d'une participation importante des parents, les services de garde à but lucratif ne devraient pas bénéficier de fonds publics.» L'Association a proposé qu'on accorde toutefois aux services à but lucratif des subventions de fonctionnement pour une période transitoire de trois ans, pour permettre à ceux qui le désirent de se transformer en services sans but lucratif. «Le financement en permanence des services à but lucratif grâce à la nouvelle loi consacrerait les exploitations commerciales et accroîtrait leur nombre; de plus, il aurait un impact négatif considérable sur l'établissement de services de garde à l'enfance au Canada.»

En 1988, le Conseil national du bien-être social avait également exprimé des réticences face au financement des garderies privées à but lucratif.

Une voix: Votre temps est terminé.

(17 h 40)

Mme Pitre-Robin (Claudette): J'en ai pour deux minutes encore.

«Nous nous soucions des garderies à but lucratif, qui seraient admissibles aux contributions fédérales en vertu de la Loi sur les services de garde à l'enfance. Les services de garde au Canada ne devraient pas, à notre avis, avoir comme caractéristique dominante ou à longue échéance de réaliser des profits. C'est en minimisant les coûts qu'on réalise des profits, en versant de faibles salaires aux employés, en haussant le ratio enfants-moniteurs ou en mettant la santé, la sécurité ou les normes de nutrition en péril, activités qui nuisent toutes aux enfants. Nous sommes d'avis que les services de garde sans but lucratif dirigés par un conseil d'administration formé de membres de la collectivité représentent la meilleure façon pour les parents de décider du type de soins qu'on donnera à leurs enfants.

«Nous recommandons que [...] le gouvernement fédéral devrait exiger que toutes les garderies à but lucratif se convertissent en garderies sans but lucratif dans une période de temps raisonnable si elles désirent continuer à bénéficier de contributions fédérales.»

À juste titre, l'Association notait, en 1995: «L'objectif d'une entreprise privée, c'est de faire de l'argent parr la vente de biens et de services [...]. Si les services de garde constituent un bien public, au même titre que l'éducation et la santé, il va de soi que les fonds gouvernementaux devront être dirigés au seul secteur sans but lucratif.» De nombreuses autres études universitaires, tant au Canada qu'aux États-Unis, vont dans le même sens. De plus, dans le rapport annuel de l'Office des services de garde de 1995-1996, nous pouvons lire: «On constate, à la lecture du tableau, que la fréquence des infractions mentionnées est habituellement plus élevée dans les garderies titulaires d'un permis 4.5.» C'est à but lucratif. On dit également: «En 1995-1996, on constatait 59 % plus d'infractions dans les garderies titulaires du permis 4.5 que dans les garderies titulaires du permis 4.2.» Et également, pour terminer: «Au cours de l'année 1995-1996, 83,8 % des plaintes reçues émanaient de la grande région métropolitaine. Les trois quarts des plaintes concernaient les garderies titulaires d'un permis 4.5, lesquelles représentent uniquement 38,6 % des garderies.»

Alors, c'est pour toutes ces raisons qu'il faut bien avouer qu'on ne se lance pas en affaires pour opérer à perte. Si on opère une garderie à but lucratif, c'est qu'on veut faire des profits; c'est précisément pourquoi on choisit ce type d'incorporation. Pour faire des profits dans les services de garde, en garderie, il faut tirer plusieurs ficelles qui parfois peuvent entraver la qualité des services. Or, dans le cas qui nous préoccupe, soit les soins et l'éducation des jeunes enfants, on ne saurait en aucun cas et pour aucune raison minimiser la qualité; profits et éducation ne doivent pas aller de pair dans une société qui se préoccupe du bien et du sain développement des tout-petits. Or, c'est précisément ce qui est visé par la mise sur pied du ministère de la Famille et de l'Enfance et celle des centres de la petite enfance. À cet égard, pour être cohérent, le gouvernement aurait dû viser le développement d'un réseau de services de garde éducatifs privés exclusivement sans but lucratif.

Nous avons dû changer, puisque nous avons appris après l'écriture de notre mémoire la modification. On sait aussi que les changements qui ont été apportés n'ont pas été prévus au projet de loi qu'on avait devant nous. Alors, on aimerait bien qu'on puisse obtenir les textes, finalement, qui modifieront le projet de loi avant son adoption par l'Assemblée nationale.

Et en finissant, je peux continuer à vous dire qu'il est évident que Concertaction est tout à fait d'accord avec un plan de conversion, et ça, là-dessus, on l'a défendu nous-mêmes depuis très longtemps. Pour nous, il ne s'agit pas vraiment de faire fermer des boîtes, mais de permettre que la participation des parents soit prédominante et que la qualité des services soit assurée par la suite. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre à prendre la parole.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je vous remercie pour votre mémoire. Je vais évidemment demander à ce que mes collaboratrices et collaborateurs regardent bien chacune des recommandations que vous faites sur des amendements plus fins et plus pointus sur certains articles.

Avant de vous poser quelques questions, j'aimerais peut-être revenir sur une décision que j'ai prise suite à la Commission des états généraux et qui nous amène aujourd'hui à étudier les projets de loi qui sont devant nous. On se souviendra qu'il y avait eu des débats assez difficiles entre les commissions scolaires et les services de garde, chacune, évidemment, des entités voulant – en toute bonne foi, je pense que c'est très clair – offrir des services. Ça ne facilitait pas toujours le travail concret sur le terrain et ça amenait des conflits qui n'étaient pas toujours utiles, et même jamais utiles. Un conflit, quand il se termine bien, tant mieux, mais parfois il envenime les situations plutôt qu'autrement.

Alors, ce qu'on a fait – et ce n'est pas inutile, je pense, de le rappeler aux membres de la commission – c'est vraiment de clarifier les rôles des uns et des autres et de s'assurer que, pour les zéro-quatre ans, les services allaient être rendus disponibles dans des centres de la petite enfance qui allaient offrir des services diversifiés et que, par ailleurs, à partir de cinq ans, soit l'âge de fréquentation de la maternelle, cela allait se passer dans les écoles. Et je tiens à le réitérer ici – parce que je sais qu'il y a parfois sur le terrain des interprétations qui se font – la seule exception que j'ai permise à cela, c'est là où il y avait déjà des services de prématernelle quatre ans qui s'offraient par les commissions scolaires, qu'elles puissent continuer à les offrir là où ils s'offraient, ces services, dans les mêmes écoles, si on veut, sans qu'on puisse ajouter, par ailleurs, de services, puisque ceux-ci, en ce qui a trait aux services éducatifs en prématernelle, vont être dorénavant offerts dans les centres de la petite enfance. Et je pense que c'est un choix qui m'apparaissait et qui m'apparaît toujours judicieux parce qu'il permet justement de clarifier les responsabilités et les rôles des uns et des autres.

Je vais vous demander un question quant à l'implantation, justement, de ces centres de la petite enfance. Je sais que ça va vous demander un travail assez considérable; par contre, je sais que Concertaction a réfléchi depuis un long moment à cette question, puisque c'est à partir de discussions qu'on a eues ensemble qu'on a développé ce concept et qu'il a été retenu dans la politique familiale qui concerne, en tout cas, cette aide particulière ou cette reconnaissance particulière de la famille et de la petite enfance.

Alors, moi, j'aimerais que vous m'identifiiez un peu ou que vous me parliez de cette transformation de vos garderies en centres de la petite enfance, comment vous les envisagez, comment vous envisagez la possibilité aussi d'offrir une gamme de services plus large. Parce que là on se comprend qu'on va parler de haltes-garderies, de jardins d'enfants et qu'on va parler aussi – et ça, c'est une de mes préoccupations majeures – d'offrir des services à des parents qui ont des besoins de garde en dehors des heures normales et habituelles de travail que l'on connaît, mais qui est la réalité et le lot de beaucoup de familles maintenant au Québec. On pense aux fins de semaine, on pense aux nuits, etc. Puis, après, je reviendrai sur d'autres commentaires pour l'autre partie de votre mémoire.

Mme Pitre-Robin (Claudette): Alors, je vous soulignerais un mot par rapport aux cinq ans. Vous savez que nous avons accepté votre décision. Il y a quand même 5 000 enfants de cinq ans qui sont dans les garderies sans but lucratif au Québec et, malgré ça, nous avons expliqué largement aux garderies qu'on vous avait demandé de trancher, vous l'aviez fait, et qu'il fallait respecter ce choix-là. Et les garderies n'envisagent pas, elles n'ont pas fait de pression pour garder les enfants de cinq ans à l'intérieur des garderies. Je pense qu'on a bien respecté les règles. On s'attend évidemment que, de l'autre côté, les règles soient respectées également.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Un petit message en passant.

Mme Pitre-Robin (Claudette): Pardon?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Un petit message en passant.

Mme Pitre-Robin (Claudette): Un petit message. On le répète souvent, là, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Pitre-Robin (Claudette): Quant à la transformation des garderies et des agences, puisque depuis le début on parle aussi des agences de garde en milieu familial...

Mme Marois: Les agences, évidemment, sont concernées aussi.

Mme Pitre-Robin (Claudette): ...pour nous, il était important, et vous l'avez accepté, que toutes les garderies et les agences changent de nom à la même date. Et ça, pour nous, c'était vraiment dans un esprit que les gens ne se mettent pas en compétition, le premier arrivé pourra avoir le nouveau «sticker» Centre de la petite enfance, mais qu'on puisse vraiment développer, sur le terrain, du partenariat avec l'ensemble des services qui existent déjà et qu'on puisse faire à la fois une meilleure identification des besoins, qu'est-ce qu'on a dans un territoire donné, qu'est-ce qui manque comme services et comment on pourrait le mieux y répondre. C'est d'ailleurs ce qu'on a fait déjà avec les garderies, puisque c'est avec elles, nous, qu'on travaille particulièrement, mais en collaboration avec les agences. Dans toutes les régions actuellement, il y a des comités de travail où, ensemble, garderies et agences – et vous savez très bien qu'il y a quelques années ce n'était pas si simple – travaillent à arriver à arrimer leurs services, regarder finalement où elles sont situées, quels types de parents elles desservent, pour voir ensemble un petit peu l'évaluation des ressources qu'il y a et également des besoins à avoir à donner des réponses.

Dans certains autres milieux – bon, je pense que c'est le cas, par exemple, de l'île de Montréal – où il y a aussi énormément de groupes communautaires qui offrent des services à la petite enfance, que ce soit du jardin d'enfants, que ce soit de la halte-garderie, on a beaucoup travaillé à ce que dès maintenant, même si la loi n'était pas encore adoptée, même si ce n'était pas encore tout à fait sûr, etc., il y ait, dans chacun des milieux, des groupes de travail. Et les gens s'apprivoisent, se parlent, voient quels seraient les avantages... connaître mieux les services, mieux définis les uns et les autres.

Alors, je pense que là-dessus notre milieu est tout à fait... Bon, ils ont des craintes, ils ont peur, l'inconnu, ils manquaient de réponses, etc., mais ils sont tout à fait disposés et ont hâte. La preuve, c'est que, cette année, la Semaine des services de garde, ils voulaient l'appeler tout de suite la Semaine des centres de la petite enfance, parce qu'ils sont engagés dans ce mouvement-là. Vous avez vu, des regroupements régionaux ont déjà changé leur nom pour des «regroupements de centres de la petite enfance». Ils sont, pour eux, engagés dans ce mouvement-là et ils veulent vraiment développer le plus largement possible le partenariat.

(17 h 50)

Nous avons travaillé aussi sur les différents comités avec l'Office, ou ailleurs, pour être capables de s'assurer que ce soient toujours les intérêts des familles qui portent dans les décisions que nous allons prendre dans la réglementation, par exemple, et pas: Est-ce que, moi, ça me dérange, ça change mes affaires, etc.? mais: Qu'est-ce qui sera le mieux pour les familles?

C'est comme ça qu'on s'est entendus, et avec les agences aussi, à savoir que, dorénavant, si le règlement est adopté, l'offre de service, par exemple dans le milieu familial, se fera beaucoup plus par appels d'offres pour être certains, justement, de développer des services de garde sur des horaires différents. Sinon, actuellement, les agences doivent prendre les femmes, qui veulent faire de la garde des enfants, au fur et à mesure qu'elles se présentent, et on se retrouve actuellement avec presque toute de la garde en milieu familial qui ne fait que de l'horaire de jour, et il n'y a plus de place, là, pour avoir des horaires de soir, de fin de semaine ou variables. Donc, c'est un élément que nous vous avons demandé d'introduire dans la réglementation pour nous assurer qu'on puisse offrir cette diversité de plages, finalement, de services.

Tout ça, c'est bien sûr qu'il faudra avoir des moyens, parce que les gens, je pense, travaillent fort et sont très impliqués, et auront sans doute besoin, par contre, de soutien à certains moments pour aller plus loin dans l'élaboration, finalement, de ce développement-là de nouveaux services. Puis il faudra évidemment que le gouvernement consente les budgets pour les développer, les nouveaux services. Mais, là-dessus, on est tout à fait d'accord avec tout ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière question.

Mme Marois: Oui. Bien, en fait, peut-être plus un commentaire. Je vous remercie. Je pense que ça illustre bien tout le défi qui attend les centres de la petite enfance. Peut-être juste un dernier commentaire. Une grande partie de votre mémoire porte sur les garderies à but lucratif. Vous savez la décision du gouvernement, vous la connaissez. Vous connaissez l'entente de principe qui est intervenue. Je vous inviterai, comme je l'ai fait pour les regroupements qui sont venus avant vous, à ce que vous établissiez des ponts avec ces garderies.

Je crois – et vous en avez fait une belle démonstration – qu'en me faisant la démonstration de cette entente que vous avez réussi à établir avec les agences de garde en milieu familial – et je sais que ce n'était pas facile au départ; je suis ce dossier depuis au moins 15 ans, donc je sais un petit peu de quoi je parle. Ce n'était pas facile au départ et vous nous avez démontré, ici, que maintenant il y a vraiment des collaborations intéressantes, et puis il y a des solidarités qui se sont établies, et puis on s'échange, dans le fond, des façons de faire et on peut travailler ensemble, comme je souhaite qu'on puisse aussi travailler ensemble, et les centres de la petite enfance et les garderies à but lucratif qui conserveront leur statut et celles qui se transformeront. Parce que je pense qu'on est, d'abord et avant tout, je le dis, au service des enfants, des familles auxquelles on veut répondre.

Je vous inviterai, de la même façon que j'ai invité l'autre groupe, à la même tolérance. Je sais que vous êtes capables de cela, pour vous connaître et vous fréquenter depuis longtemps. Je pense qu'en s'apprivoisant on finira par trouver des façons de faire qui vont nous permettre de sortir gagnants, tout le monde. Je suis persuadée de ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie.

Mme Pitre-Robin (Claudette): Mme la ministre, je peux vous assurer que, comme on l'a fait les autres fois, on peut au moins émettre nos distances d'opinions, mais, par la suite, finalement, nous nous sommes toujours conformés aux nouvelles règles qui étaient édictées. Dans d'autres milieux, à d'autres moments, Concertaction a toujours été l'initiateur de projets rassembleurs. C'est toujours Concertaction qui a initié des mouvements dans le milieu familial ou autres.

Mme Marois: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Jacques-Cartier. Je m'excuse, on a dépassé le temps. J'avais encore deux députés. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue à Mme Pitre-Robin et à Mme Potvin. Pour revenir sur la question de bien établir c'est quoi, un centre de la petite enfance, moi, je regarde comment ça va changer, entre autres, les tâches des directrices des garderies existantes ou des dirigeantes des agences en milieu familial.

Pour éviter d'avoir une augmentation très importante des coûts de gestion, et tout ça, dans les centres de la petite enfance, comment est-ce qu'on va transformer les tâches et les responsabilités, dans le quotidien, des directrices pour s'assurer que... Parce que c'est une prise en charge d'une... Moi, je suis aujourd'hui directrice d'une garderie de 60 places et, demain matin, je deviens directrice d'un centre de la petite enfance avec plusieurs offres de service à gérer. C'est quoi, les exigences? C'est quoi, les besoins additionnels pour combler ces besoins de gestion?

Mme Pitre-Robin (Claudette): Il est évident que ça prendra sans doute des ressources pour soutenir davantage, mais l'important, c'est que, dès qu'on a fait du développement... On va vous donner l'exemple d'augmenter le nombre de places en services de garde, ou ce qu'on appelle maintenant les garderies, qui font de la garde régulière, mettons. Déjà, si on avait développé un autre 60 places, là ça aurait coûté une autre directrice, puis un autre conseil d'administration, puis un autre tout le reste. L'économie qu'on fait, c'est justement d'être capable de rassembler différents services. On ne veut pas, par contre, arriver dans des tailles de centre d'achats, là. On pense qu'il faut rester dans des tailles qui sont raisonnables, qui sont près de la population et qui pourront être différentes quand on est en milieu urbain d'un milieu rural. C'est important que ça reste dans des tailles tout à fait humaines.

Mais, une fois ça dit, par exemple que ce soient 120 ou 150 places, au permis à la place, il y aura l'économie d'un seul conseil d'administration, d'une seule directrice. À la place, les postes seront peut-être des adjointes ou des coordonnatrices, ce qui serait une économie, de toute façon, par rapport à d'autres postes de directrice. Alors, je ne pense pas que ce soit ça qui amène des coûts supplémentaires.

On peut penser, par contre, que, le temps que tout ça s'organise, il faudrait quand même prévoir quelques mesures de soutien parce que la diversité... mais qui ne devraient pas être plus chères que ce que ça coûte pour soutenir un projet autonome actuellement. Quand, demain matin, j'ouvre une garderie, j'ai droit à des budgets d'implantation puis j'ai droit à du soutien, etc. Ça ne devrait pas être plus cher que cela. Mais il faudrait s'assurer qu'ils soient présents pour soutenir finalement le développement.

Mais les gens le voient d'un bon oeil et je pense qu'ils ont l'expérience maintenant, et ils sont capables d'assumer un peu plus largement des tâches.

M. Kelley: Je parle parce que j'ai rencontré plusieurs directrices de garderies sans but lucratif dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal et c'était un de leurs questionnements. Ce n'était pas une crainte, mais, quand même, elles aimeraient connaître un petit peu plus clairement leurs tâches de travail et d'assumer des responsabilités beaucoup plus importantes. Elles sont un petit peu... Quand je dis «crainte», c'est exagéré, mais, quand même, il y a un questionnement très important.

Dans un autre ordre d'idées, pour élargir l'offre, il y a toujours la question de la qualité que vous avez soulevée. Les premières décisions du gouvernement, depuis le mois d'avril, ont été, sur la question des ratios, d'aller de une à huit à une à deux éducatrices par 10 enfants, pour les quatre ans. Également, dans la Gazette officielle , ils ont publié un règlement qui va permettre des dépassements. Vous avez parlé de garderies de taille modeste, ou quelque chose comme ça; maintenant, on prévoit qu'on peut aller jusqu'à 80. Alors, c'est quoi, l'effet de ces deux décisions quant à la qualité des services offerts aux enfants?

Mme Pitre-Robin (Claudette): Bon, je commence par la norme de 80. C'est une mesure, dans le fond, parce qu'en premier ça voulait permettre justement le développement d'une diversité de services sans être obligé de créer plein d'autres nouvelles structures. Par exemple, 20 places de plus dans une structure pourraient permettre, dès demain matin, d'offrir un peu de halte-garderie, par exemple. On sait que toutes les familles ont besoin de garderie occasionnellement et il y a trop peu de services de halte-garderie. Ça pourrait permettre d'offrir un certain nombre de services rapidement et qui ne sont pas une surcharge importante. Ça pourrait aussi permettre de développer plus de places quatre ans vite en attendant qu'on développe entièrement le réseau. Donc, il y a ça qui est à ce moment-ci.

Évidemment, à la question du ratio 1-10, nous avons aussi réagi. Nous trouvons difficile pas tant la notion uniquement de dire 1-10, mais ce que ça peut présupposer. Est-ce qu'on va dire: C'est 1-10 aux quatre ans puis à quel âge les quatre ans? Puis, quand on a des enfants, par exemple, qui présentent des problèmes de comportement dans ce groupe-là, est-ce qu'on n'a pas avantage à diminuer les ratios? Notre crainte, c'est aussi qu'on installe des ratios 10 à quatre ans, 9 à trois ans, puis qu'on se mette à mettre les ratios, comme ça, sur des tranches d'âge scolaire, alors que les milieux de garde, ce n'est pas comme ça qu'ils fonctionnent. Il n'y a pas de groupes de trois ans, de deux ans, de quatre ans; il y a les sauterelles, les coccinelles, etc., qui peuvent avoir de deux ans et quart à trois ans et demi. Donc, ça ne correspond pas à la réalité du milieu. Et notre crainte est très grande là-dessus. Il faut absolument qu'on conserve la moyenne de 1-8 de ratio, donc qu'ils puissent être répartis dans l'ensemble de la garderie. Il faut tenir compte des locaux, évidemment, qu'on a.

M. Kelley: Une autre question. Moi, je mets un autre chapeau comme parent. L'offre de 5 $, c'est très séduisant, c'est très intéressant, mais, moi, j'ai mes enfants à l'école publique gratuite et, à chaque mois, mon épouse et moi, on sort le carnet de chèques pour payer pour notre école publique gratuite. Alors, est-ce que ça risque, à moyen terme, qu'il y ait des frais d'activités, des frais pour les repas, des frais pour certains événements, d'autres frais? On a l'impression que notre garderie à 5 $ par jour pour nos parents... Est-ce qu'il y aura des coûts additionnels? Et avez-vous calculé peut-être de quelle grandeur ces coûts additionnels pourraient devenir? Parce que, comme je l'ai dit, comme parents, chez nous, le mois de décembre n'est plus le mois de l'année le plus dispendieux, c'est maintenant le mois de septembre, et c'est à ce moment que nos activités... qu'il faut payer pour acheter des choses dans nos écoles gratuites.

(18 heures)

Mme Pitre-Robin (Claudette): On le sait, on est parents, nous aussi. Ha, ha, ha! Et je pense que, là-dessus, même depuis 20 ans que les services de garde existent, dans les garderies, jamais il n'y a eu l'habitude de faire payer différents services supplémentaires, sauf s'il s'agissait d'activités particulières, un peu comme vous expliquait Mme Lessard au début de l'après-midi, où, là, c'est les parents qui avaient décidé que cette activité-là était intéressante pour les enfants puis acceptaient, pour une activité, que ce soient des frais supplémentaires. Puis, dans d'autres cas, c'était assumé à l'intérieur du programme d'activités de la garderie. Et, pour nous, je pense que tout ce qui touche le programme d'activités doit continuer de cette façon-là et qu'on doit s'assurer que les centres de la petite enfance ne deviennent pas des gestionnaires à «meter» qui disent finalement: Tant de minutes de plus, ça coûte quelque chose, etc., auquel cas, si on applaudit au 5 $ en disant que ça rend accessible, si on se met à augmenter, il va falloir se remettre comme en 1974, à réclamer un plan Bacon pour aider les parents qui ne peuvent pas payer le 7 $, 8 $. Bon, je pense que ce n'est pas le but de personne, et on devra s'organiser pour que, finalement, le coût aux parents reste stable à 5 $ et non pas l'augmenter indûment sous toutes sortes de prétextes.

M. Kelley: Mais, comme je dis, je comprends tout ça, mais c'est quand même une crainte que je veux soulever parce qu'on voit ça à nos écoles primaires que, malgré un effort... Mais c'est souvent, même, pour donner suite aux décisions des parents mêmes qu'on décide ensemble de faire des choses. Je ne le conteste pas, mais j'ai une réserve parce que c'est évident, si la moyenne provinciale est de 22 $ et que les parents paient 5 $, il y aura 17 $ ou quelque chose comme ça qui vont venir de l'État. Mais si, collectivement, on commence à décider de faire d'autres choses, les parents risquent de voir les prix augmenter. C'est juste un questionnement que je soulève.

Mme Pitre-Robin (Claudette): Vous savez que nos conseils d'administration seront formés aux deux tiers de parents, O.K.? Alors, s'il s'avérait que... Il faudrait que ce soient les parents qui décident parce que c'est largement majoritaire, hein, les deux tiers. Ce seraient donc les parents qui décideraient que, pour une raison ou un motif particulier, ils veulent s'imposer à eux-mêmes, finalement, cette augmentation de frais là. Alors, c'est que tu rentres dans les écoles où on reçoit juste la facture puis on n'a pas beaucoup de choses à dire là-dessus. Je pense que garantir la participation des parents à la gestion, c'est ça que ça veut dire. Ça veut dire que c'est eux qui décident finalement des coûts, que c'est eux qui décident des services offerts, que c'est eux qui ont leur mot à dire là-dessus. Et on était tout à fait d'accord avec l'augmentation de cette majorité à deux tiers plutôt que la majorité simple à laquelle on était habitué à venir jusqu'à maintenant.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Au nom des membres de la commission, je vous remercie beaucoup. J'ai besoin du consentement pour continuer après 18 heures, d'une part. Je n'ai plus de temps, malheureusement, pour...

M. St-André: Je voudrais solliciter le consentement de la commission pour faire une intervention.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce qu'il y a consentement? Allez-y. Très bref, s'il vous plaît.

M. St-André: Ça va être bref. Merci beaucoup, M. le Président. Un petit peu dans le sens de la ministre tantôt. Je pense qu'il est effectivement indiscutable que vous constituez un partenaire majeur dans la nouvelle politique familiale qui va être articulée dans les prochains mois, dans les prochaines semaines, et vous allez travailler avec d'autres partenaires qui vont occuper une place un peu plus importante que prévu suite à la signature d'une entente, et je pense qu'il est important de développer un climat de coopération positif à l'intérieur de ce cadre-là. Et je dois vous avouer que, lorsque j'ai vu votre communiqué cette semaine, j'ai été un petit peu perplexe. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il y a, dans les termes que vous avez employés, des propos blessants, voire diffamatoires – je vais employer le mot – et que je ne peux que déplorer comme parlementaire.

Mes deux enfants fréquentent une garderie privée, ce que vous appelez dédaigneusement une garderie commerciale, et je dois vous avouer que j'y ai trouvé une propriétaire qui aime son travail, qui est une passionnée des enfants et qui développe, avec l'ensemble des parents dont les enfants fréquentent cette garderie-là, d'excellents rapports. Et je dois vous avouer que, si le centième de ce que vous mentionnez là-dedans était vrai, jamais, jamais mes enfants n'iraient dans une garderie comme ça. Et je peux vous dire que, non, je ne considère pas que les 125 députés de l'Assemblée nationale ont été achetés par le lobby de la finance. Je pense que nous avons pris nos responsabilités dans les circonstances.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Ici, contrairement à la période de questions, on n'applaudit pas en commission.

Mme Pitre-Robin (Claudette): Il y a des gens qui me connaissent depuis longtemps, et j'ai toujours dit, dans toutes les entrevues, n'importe quoi, que jamais je n'ai dit que toutes les garderies à but lucratif n'étaient pas d'excellente qualité. Ce que j'ai dit, c'est qu'il y en avait qui étaient non correctes...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît.

Mme Pitre-Robin (Claudette): ...et on en a fait la preuve tantôt, et c'est là notre crainte. Il faut s'assurer que la qualité soit partout.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous...

M. Pitre-Robin (Claudette): La preuve, c'est que le plan de conversion, un grand nombre de garderies à but lucratif y adhèrent volontairement, et ça fait partie du voeu que nous avons.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie et j'ai l'impression qu'on va assister à des poignées de main.

Est-ce que je peux avoir le consentement pour continuer après 18 heures? Étant donné que nous n'arrêterons pas pour souper, je vous suggère que nous suspendions pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 18 h 6)

(Reprise à 18 h 13)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît. Nous allons modifier un petit peu notre ordre du jour. Alors, je m'excuse tout de suite vis-à-vis de M. Lareau. Je vais procéder différemment, mais on terminera avec M. Lareau. Alors, bienvenue aux représentantes et représentants de La Coalition pour une vraie politique familiale. Mme Comtois, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent et débuter votre présentation.

Mme Comtois (Johanne): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): S'il vous plaît, si vous voulez quitter de façon très subtile. Allez-y, Mme Comtois.


La Coalition pour une vraie politique familiale

Mme Comtois (Johanne): Alors, bonsoir. Johanne Comtois, Normand Vaillancourt, Sylviane Aucoin, Dominique Boucher, Yves Ménard et André La Boissière. Vas-y.

M. Vaillancourt (Normand): Nous faisons partie de l'Association des jeunes parents de Fabreville à Laval, un organisme formé de parents qui, par le biais de rencontres mensuelles, discutent de l'éducation des enfants, de relations de couple et de tout ce qui touche à la réalité familiale d'aujourd'hui. Il est donc normal que les nouvelles dispositions de la politique familiale québécoise nous intéressent.

En effet, dès l'annonce des grandes lignes de la politique familiale, en octobre dernier, nous avons organisé une rencontre avec notre député, M. Joseph Facal, et le critique libéral en matière familiale, M. Geoffrey Kelley. M. Facal a pris note de nos principales revendications et les a transmises à Mme Louise Harel, alors responsable du dossier. À partir de ce moment, nous nous sommes posé une question: Au fait, s'agit-il d'une politique familiale? Hélas, non, selon nous et selon des milliers de parents, d'où la création de la Coalition pour une vraie politique familiale qui lit dans la proposition gouvernementale une incitation au travail sertie d'une politique de la petite enfance, le tout au détriment de la famille.

Les enfants: le choix des parents, l'aide de la collectivité. D'entrée de jeu, tous s'entendent pour dire que le choix de mettre des enfants au monde appartient d'abord et avant tout au couple. Les enfants issus d'une union sont la responsabilité première du père et de la mère qui, au meilleur de leur connaissance et avec tout l'amour que ça implique, amènent à l'âge adulte leurs enfants. N'en sont-ils pas les premiers éducateurs?

D'autre part, il est convenu d'aider par diverses mesures, dont celle d'une vraie politique familiale, les couples qui choisissent de fonder une famille. L'aide doit avoir pour effet de laisser la future famille choisir, puisque le choix peut représenter diverses réalités familiales. Le premier choix, celui qui nous concerne le plus, peut être celui d'assumer à temps plein l'encadrement et le développement des enfants par le biais de la présence d'un des deux conjoints à la maison. C'est pour la reconnaissance et l'équité sociale à l'égard de ce choix que la Coalition existe. Elle a pour but de dénoncer cette nouvelle politique familiale qui n'a de familial que le nom.

Des chiffres et des statistiques, un peu, pour bien comprendre. Plus de 30 % des familles québécoises ont fait le choix d'assurer une présence permanente à leurs enfants, présence assurée par la mère la plupart du temps, c'est vrai. Mais faudrait-il considérer ces femmes comme des drop-out du féminisme contemporain? Par contre, avec la précarité du travail, actuellement, il se trouve de plus en plus de pères qui font ce choix. Nous savons, d'après les données du gouvernement, que 47 % des enfants de moins de six ans, au Québec, vivent dans ce type de famille.

Nous questionnons le gouvernement, ici, qui discrédite et pénalise les familles en diminuant le soutien financier actuel pour injecter les sommes ainsi économisées dans le financement de la garde à 5 $ par jour. Bien que la légère bonification de la nouvelle allocation familiale semble redonner une certaine équité, les familles ayant trois enfants et plus seront davantage pénalisées par le remaniement provincial de la prestation fiscale fédérale.

En ne favorisant que le choix de la garderie à 5 $ par jour, le gouvernement présente la réduction apparente des frais de garde comme étant le seul moyen pour favoriser le développement des enfants et l'égalité des chances. Donc, celui-ci dit aux familles qu'elles ne sont pas compétentes pour assurer le développement de leurs propres enfants et que d'autres s'en occuperont et seront subventionnés pour le faire, alors que les parents qui font le choix de sacrifier un train de vie, une sécurité financière reliés à deux salaires pour se payer, disons-le, le luxe d'une meilleure qualité de vie familiale n'auront pas droit à une subvention.

Nous questionnons le gouvernement qui fait cadeau d'une subvention pour frais de garde aux familles plus aisées. On parle de garderies à 5 $ par jour, peu importe le revenu familial, donc ce que nous considérons comme une farce pour les mieux nantis et un fardeau pour les plus démunis. Nous questionnons le gouvernement sur les coûts reliés à l'instauration d'une politique de la petite enfance si tous les enfants étaient inscrits, du jour au lendemain, dans la garderie d'État proposée. Nous questionnons le gouvernement concernant les coûts sociaux reliés à une telle politique. On pense aux soins de santé, à l'absentéisme au travail, au stress, à la fatigue. Sous prétexte de rendre disponibles les garderies à 5 $ pour tous, le gouvernement fait bonne figure en nous offrant un service que nous ne voulons pas et que nous n'avons jamais demandé.

Nous ne comprenons pas qu'une politique familiale puisse en être une d'incitation au travail dans un contexte social comme le nôtre où le taux de chômage oscille autour de 12 %. Nous ne comprenons pas qu'une politique familiale puisse en être une qui ne tient compte que d'une seule réalité familiale, celle des deux parents travailleurs ou en voie de le devenir. Bref, nous ne comprenons pas qu'une politique familiale puisse en être une d'incitation au travail, tout court.

Entendons-nous bien, il ne s'agit pas de demander un salaire pour le conjoint à la maison, mais une reconnaissance par le biais d'une aide équitable. Si le gouvernement envisage de subventionner des services de garde à domicile le soir et la nuit, ce même gouvernement se doit, selon nous, de reconnaître dans sa nouvelle politique familiale le conjoint qui assure la garde de ses propres enfants, et ce, 24 heures sur 24.

Mme Comtois (Johanne): Une politique à la petite enfance, oui, mais une politique familiale aussi. Toute la documentation disponible par le gouvernement parle du consensus d'établir une politique de la petite enfance, ce que la Coalition ne conteste pas, puisque cela répond aux besoins d'une partie, et d'une partie seulement des familles québécoises. Nous questionnons ici le choix du gouvernement d'opter pour la garderie d'État, la seule capable, sous la tutelle de professionnels du centre à la petite enfance, d'assurer le développement social et affectif des jeunes enfants du Québec.

Ce que comprennent des milliers de parents qui ont choisi d'assumer complètement la garde de leurs enfants, c'est qu'il n'y a pas de vraie politique familiale dans cette démarche, qu'ils sont les laissés pour compte et, pire encore, que le gouvernement discrédite et pénalise leur choix. Ces parents concluent que la politique de la petite enfance passe avant la politique familiale qui, elle, reste à faire. Ils n'osent pas envisager que leur capacité d'assurer le développement social et affectif de leurs enfants soit mise en cause. Ce que des milliers de parents voient surtout, c'est une politique dite familiale dont les visées s'apparentent plutôt au démantèlement du noyau familial traditionnel. Le gouvernement démantèle ce que nous avons de plus précieux, notre famille.

(18 h 20)

Le cri du coeur de milliers de parents et de 1 000 000 d'enfants. Avant de conclure, nous citons ici les commentaires qui revenaient... Oups! Excusez-moi.

Une allocation, oui, mais pourrait-on offrir plus? Il est vrai que l'intention de faciliter la conciliation travail-famille était et est encore applaudie, mais le bât blesse lorsque nous comprenons que seules les familles avec des parents travailleurs auront droit à une aide autre que celle de la nouvelle allocation familiale et du crédit d'impôt pour enfants. Pourrait-on envisager d'autres mesures d'aide? Une allocation supplémentaire à ceux qui n'utilisent pas les services de garde ou une diminution de l'allocation aux familles qui utilisent le service de garde? Des crédits d'impôt au nom du parent qui demeure à la maison avec les enfants; crédit d'impôt pour enfant réservé aux familles dont un des conjoints est à la maison; ou, tout simplement, de verser directement à toutes les familles du Québec l'aide financière disponible en tenant compte de la structure familiale, du revenu et du nombre d'enfants.

À l'heure où tout se désinstitutionnalise pour permettre la prise en charge par le milieu, la Coalition comprend mal l'institutionnalisation de la garderie. Si le gouvernement se donnait encore un peu de temps et un peu d'écoute de la part de toutes les familles, il serait possible de bâtir une vraie politique familiale qui pourrait faire école ailleurs dans le monde. Cessons donc d'emprunter à différents modèles étrangers et faisons preuve ici de l'ingéniosité dont nous sommes capables.

M. Ménard (Yves): Le cri du coeur de milliers de parents et de 1 000 000 d'enfants. Avant de conclure, nous citons ici les commentaires qui revenaient le plus souvent lors des diverses interventions publiques de la Coalition, et ils sont très représentatifs de ce que pensent les Québécoises et les Québécois de la famille et du consensus qui se fait autour des valeurs et de la reconnaissance du choix que nous demandons.

Pourquoi donner une allocation unifiée minimale et tout verser le reste des argents disponibles dans une garderie institutionnalisée? 30 % des familles, c'est-à-dire 47 % des enfants, n'utilisent pas ce service de garde. N'allez pas croire que les couples qui désirent avoir trois enfants et plus pourront concilier travail et garderie. Préparer trois, quatre ou plus pour l'école et la garderie le matin s'avère être une gymnastique inimaginable et non souhaitable pour la stabilité et l'équilibre de la famille. Que penser du retour à la maison et du temps de loisirs parents-enfants?

Arrêtons-nous ici quelques instants pour faire une réflexion. Est-ce à dire que le gouvernement ne veut plus des familles dites nombreuses? Car, il faut l'admettre, la plupart des familles qui ont trois enfants et plus ont un des deux conjoints à la maison et elles ont besoin d'un soutien financier, pas de garderies à 5 $ par jour. En n'offrant rien d'autre que les garderies, le gouvernement nie l'existence même d'une autre réalité familiale et la discrédite en ne lui offrant rien d'autre que ce choix.

Poursuivons. N'allez pas croire que le parent à la maison n'a pas sa place dans la société à titre d'éducateur de ses propres enfants, qu'il n'est pas tout aussi qualifié que le sera le travailleur en garderie institutionnalisée pour l'aimer, l'éduquer et le stimuler. Pourquoi les couples qui font le choix de vivre avec un seul revenu, avec l'insécurité qui en découle, doivent-ils être pénalisés sous prétexte qu'ils privent l'État d'un travailleur? N'allez pas croire que l'enfant à la maison ne sera pas capable de socialisation. N'allez pas croire que vous allez maintenir le taux de natalité à son niveau actuel ni l'augmenter avec une telle politique. Comme le dit si bien M. Pierre Bourgault, on est en train de se suicider collectivement de la plus belle façon. N'allez pas croire que le marché pourra accueillir, avec cette mesure d'incitation au travail, tous ces nouveaux travailleurs et travailleuses, mais sachez que vous coupez dans la mince marge de manoeuvre de milliers de familles. C'est un déni total de la place fondamentale de la famille dans la société québécoise. Nous avons un sentiment de reniement.

Cette politique encourage les parents à inscrire leurs enfants en garderie. Pourquoi? Nous vous citons ici un extrait d'une lettre qui a fait suite à une rencontre avec la députée péquiste de Terrebonne, Mme Jocelyne Caron, et qui résume bien nos revendications. «La revendication de base en est une d'équité à l'endroit de l'ensemble des parents, autant ceux qui travaillent que ceux qui font le choix d'assurer eux-mêmes leurs responsabilités parentales pendant le jour. Ce que ces parents demandent, c'est de ne pas être punis parce qu'ils n'ont pas fait le choix de la majorité, surtout que leur engagement parental est un atout pour la société.»

En conclusion, en tant que parents responsables, nous n'avions jamais pensé qu'un jour nous serions obligés de lutter pour avoir la liberté de choisir ce qui est bon pour nos enfants selon nos valeurs familiales. Nous demandons au gouvernement de mieux respecter les diverses réalités familiales en versant directement aux enfants et non à une structure telle que le centre de la petite enfance la totalité de l'aide financière disponible selon la structure familiale, le revenu et le nombre d'enfants. Ce faisant, nous croyons que le gouvernement reconnaîtra aux parents la responsabilité première de subvenir aux besoins de leurs enfants et à l'État son rôle de soutien.

Et, comme nous le disons depuis le début: L'aide aux enfants, le choix aux parents. Nous ajoutons donc aujourd'hui: L'aide à la famille, s'il vous plaît, l'aide à la famille. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup.

M. Ménard (Yves): Veuillez prendre note, s'il vous plaît, que nous avons une pétition, ici, que nous tenons à déposer et qui compte les noms de 5 000 familles.


Document déposé

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est enregistré.

M. Ménard (Yves): J'aimerais aussi passer en revue les appuis que nous avons eus. Dans l'annexe du mémoire, vous avez les différents appuis que nous avons eus à la page 15. Ou peut-être que la pagination n'est pas la même parce que...

Une voix: ...

M. Ménard (Yves): Oui? C'est beau.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est parce que ça nous enlève... Vous avez déjà seulement... J'avais oublié de le dire pour tout le monde, mais c'est 30 minutes au lieu de 45, donc 10, 10, 10...

M. Ménard (Yves): C'est beau. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...alors ça paraît beaucoup sur les questions. Alors, étant donné que vous avez dépassé, sept à huit minutes chacun. Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vous remercie pour votre mémoire. Il y a peut-être des choses qui, à cause des changements que nous avons apportés, devraient venir modifier votre mémoire, je pense, dans un certain nombre d'aspects. Je pense, entre autres, à l'amélioration de tout ce qui a trait à l'allocation qui, maintenant, va permettre de mieux couvrir les familles nombreuses et d'une façon significative et jusqu'à hauteur de 60 000 $ de revenu, entre autres, quand on a quatre enfants. Donc, il y a vraiment des améliorations sensibles que nous avons apportées à l'allocation que nous versons. Et j'ai le goût de vous dire – je l'ai dit à d'autres groupes, je le dis à vous aussi – que, quand on regarde ce qui se passe autour de nous... Vous pouvez, je pense, demander davantage. Tout le monde a le droit de demander davantage. Il y a eu des groupes, ici, qui sont venus nous en demander plus, mais, quand on regarde ce que nous versons aux familles au Québec par rapport à ce qui se verse dans la province juste à côté de nous, l'Ontario, en Colombie-Britannique, qui est une province très riche, on constate que nous versons le double de ce qui se verse à côté de nous.

Quand on dit qu'on ne reconnaît pas le travail ou la participation au rôle social qui est d'élever un enfant en restant à la maison, je suis en désaccord avec ça, puis je vais vous dire pourquoi, et je ne veux pas le faire en fanfaronnant, là, ou quoi que ce soit. J'ai fait faire une comparaison avec ce qui se passe dans la province voisine. Je me suis dit, c'est intéressant, particulièrement avec la nouvelle modification qu'a apportée le ministre des Finances au dernier discours du budget, où la déduction pour conjoint a été très sérieusement bonifiée. Alors, en Ontario, l'aide fiscale pour le conjoint au foyer est de l'ordre de 460 $. Êtes-vous conscients que, au Québec, en 1997, le crédit d'impôt pour le conjoint sera de l'ordre de 1 180 $ et, en 1998, de 1 898 $? Ce n'est pas négligeable et ça répond à votre attente d'une reconnaissance du rôle social que joue un conjoint au foyer par l'intermédiaire d'une mesure fiscale, et la mesure, elle, d'allocation vient aussi le reconnaître par la présence d'un seul revenu. Et, quand on regarde tous les transferts qui se font par l'allocation unifiée, qui s'appellera à nouveau «allocation familiale», avec les correctifs qu'on a apportés... Je ne disconviens pas – puis on s'en était déjà parlé, certains d'entre vous – que, à l'origine, il y avait des lacunes, il y avait des trous dans cette allocation, que nous avons corrigés. Donc, les familles ne sont plus et ne sont pas perdantes, et c'est important pour nous de se le redire ensemble. Bon.

(18 h 30)

Je veux revenir sur une ou deux choses que vous soulignez. Quand vous dites: Laissez choisir les familles quant aux moyens de garde, on le laisse dans un sens, hein? D'abord, par les différents modèles de garde qu'on reconnaît maintenant, la garde en milieu de garderie à but lucratif, sans but lucratif, dans les centres à la petite enfance, la garde en milieu familial. Et, par le fait que le ministre des Finances a préservé le crédit d'impôt remboursable, une garde à laquelle vous pourriez avoir accès comme parents – évidemment, c'est dans le cas où il y a deux revenus, mais il y a parfois du revenu à temps partiel qui constitue un deux revenus – et que vous utilisez une gardienne ou que vous avez quelqu'un à la maison, vous pouvez utiliser le crédit d'impôt remboursable. Donc, on reconnaît le choix des parents, et, par le crédit d'impôt pour le conjoint au foyer, ce conjoint soit-il masculin ou féminin...

Moi, je suis une de celles qui croient particulièrement, justement, à la responsabilité parentale au sens où autant ça concerne l'homme que la femme. Quand on fait des enfants, j'imagine qu'on les assume aussi ensemble pour la suite des choses. Et, d'ailleurs, je trouve très courageuses les personnes qui élèvent des enfants seules, et elles ont toute mon admiration, ces personnes, parce que ce n'est pas facile et, moi-même, je me demande si je serais capable de faire ça. Je le dis bien humblement, comme je le vis. Donc, il y en a une reconnaissance. Le crédit d'impôt est très significatif et très majeur. Alors donc, moi, c'étaient quelques commentaires dans ce sens-là.

La question d'étatiser la garde – bien, là, je reviens – je ne crois pas. Je crois qu'on permet des modèles différents, l'utilisation de services différents, et on respecte en ce sens-là le choix que des parents pourraient faire ou pourraient avoir. On me dit qu'il me reste peu de temps. Je suis sensible au fait qu'il ne s'agit pas, effectivement, d'une politique familiale au sens où elle englobe toute la réalité familiale québécoise. C'est une partie d'une politique familiale. C'est une partie importante, cependant, mais c'est une partie. Et on peut trouver que l'allocation unifiée, que l'on nommera à nouveau «allocation familiale», ne soit pas suffisamment généreuse, mais elle est nettement plus généreuse que ce qu'on faisait avant. On peut encore ne pas être content, on peut trouver qu'elle n'est pas suffisante, mais c'est mieux que ce qu'il y avait avant. Il faut quand même, ensemble, le reconnaître.

Pour ce qui est de l'incitation au travail, je vais terminer avec ça. Écoutez, il ne s'agit pas nécessairement et comme approche de fond d'une volonté d'inciter au travail. C'est que les personnes sont sur le marché du travail à une hauteur importante en termes de statistiques, et, nous, comme État, on a la responsabilité de nous assurer que ces familles vont avoir accès à des services de qualité pour leurs enfants. Une chef de famille monoparentale, elle n'a pas cette possibilité de choix qu'a un couple dans une famille. Il faut pouvoir permettre à ces gens-là d'avoir accès à des services soit de garde, ou à des allocations, ou à une possibilité d'autonomie pour ces personnes, et là, effectivement, il y a une reconnaissance du besoin qu'a un chef de famille monoparental d'avoir accès à des services, toujours au nom de l'enfant qui vit dans cette famille-là. Alors, je suis sensible au fait qu'il y a des améliorations à apporter, qu'il y a peut-être une façon de dire qui doit être plus sensible à ce que vous défendez et je retiens ça, mais, en même temps, je vous dis: Il y a quand même des choses là qui, comparé à ce qui se fait ailleurs... Ça n'existe pas, hein? Absolument.

D'ailleurs, il y avait une journaliste, la semaine dernière, du Globe and Mail qui m'interviewait, puis elle me disait: J'ai fait le tour des autres provinces, il n'y a rien de comparable. Pourquoi vous faites ça? Parce que c'est vrai qu'on fait le choix de nos enfants puis parce qu'on y croit. Je ne dénie pas ce que vous dites, que ce n'est pas assez, qu'on en voudrait plus, que ce soit un peu autrement, mais il reste qu'il y a là des mesures très importantes et très significatives pour soutenir les familles, même les familles dont vous faites état.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la ministre, je suis obligé de vous interrompre, malheureusement. Vous aurez sûrement l'occasion d'y revenir. Quant à la pétition, on n'a pas le droit de recevoir des pétitions en commission. Si j'ai bien compris, vous avez déjà demandé à M. le député de Jacques-Cartier de la déposer en Chambre, alors ça sera remis à M. le député de Jacques-Cartier.

Une voix: ...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Court commentaire, parce que...

M. Vaillancourt (Normand): Très bref, parce que je comprends. Mme la ministre, je vais vous parler d'un confrère de travail – il s'appelle Robert – qui me disait aujourd'hui: J'ai 50 000 $ par année, ma conjointe en a 45 000 $. Moi, je suis mort de rire. Je comprends ce que tu dis, c'est que, moi, en ce qui me concerne – on parle de Robert – j'ai, de la part du gouvernement, une subvention très large pour que mon enfant puisse aller en garderie. Elle a quatre ans, elle a sa place. Ça va leur coûter 5 $ par jour. Il comprenait aussi très bien que, nous, on puisse faire des revendications. Ce qu'on déplore – c'est sûr que tout est à faire dans ce domaine-là – c'est qu'on a convenu d'une allocation unifiée qui tient compte des revenus des familles pour bonifier l'aide aux familles les plus démunies et diminué en augmentant le revenu des familles plus à l'aise.

Mais ce qu'il faut comprendre aussi, c'est que, parallèlement à ça, on fait une aide universelle pour la subvention des places en garderie, et plusieurs fiscalistes, plusieurs économistes ont cité le fait que ça s'avérait finalement être avantageux pour eux. Donc, il y a des familles qui sont démunies, qui veulent rester à la maison, dont un des conjoints veut rester à la maison, et, par rapport aux familles les mieux nanties, elles sont défavorisées. C'est ce qu'on dit, finalement. En résumé, c'est ça. C'est qu'il y a sûrement des avenues possibles parce que, finalement, c'est vrai que 1 800 $, c'est beaucoup pour la déduction d'un conjoint, mais c'est nettement moins que ce qu'on pourrait avoir comme subvention si nos trois enfants étaient en garderie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Et je veux commencer, juste pour saluer les membres de la Coalition, avec une petite anecdote. J'ai reçu un appel de la Coalition, je pense, au mois de novembre, pour m'inviter à une rencontre le vendredi soir où il y aura 50 parents dans la salle qui aimeraient discuter la politique familiale. Je dois avouer que j'avais mes doutes. J'ai dit: Cinquante parents qui aimeraient se déplacer un vendredi soir pour discuter une politique gouvernementale? Mais je suis allé dans le beau comté de Fabre et j'ai été étonné de voir les parents prêts, avec beaucoup de questions, des questions fort pertinentes, des parents qui tiennent à coeur leur famille, les politiques familiales. Alors, je veux, en commençant, juste vous saluer. Ils ont répété l'expérience à Saint-Bruno: Il y aura 50 parents qui vont être là pour vous écouter, M. Kelley. J'ai dit: Ah! J'ai mes doutes, mais j'irai quand même. Un autre vendredi soir, je pense, nous avons passé quatre heures, quatre heures et demie pour faire le tour de toutes les questions que les parents ont soulevées. J'étais là avec le professeur Ruth Rose.

Alors, je veux juste saluer votre engagement, et, si j'ai bien compris, et c'est le message que j'essaie aussi de véhiculer, c'est qu'il faut toujours tenir en compte une certaine équité ou un équilibre entre les choix des parents et qu'on ne conteste pas le fait, pour les familles et pour les parents qui veulent envoyer leurs enfants dans une garderie, qu'il y ait une aide, qu'il y ait un soutien. Et c'est encore plus important dans la situation d'une famille monoparentale où, souvent, ça, c'est un outil très important pour réintégrer le marché du travail et sortir la famille de la pauvreté, ce qui est trop souvent le cas pour les familles monoparentales. Mais, en faisant ça, il faut toujours respecter le choix des parents qui arrangent leur vie autrement et qui décident de rester à la maison. Il y avait, pour le jeune enfant, des allocations très importantes, à la fois l'allocation familiale et l'allocation à la naissance, qui étaient très intéressantes pour une famille avec trois enfants. On vient de couper ça. On va continuer de regarder avec ce gouvernement, essayer de comprendre les nombreux tableaux qui sont donnés à nous autres, comment toutes ces familles sont affectées par ces changements parce qu'il faut conserver un certain équilibre entre une certaine offre de services et également une allocation ou un soutien financier pour les familles qui ont fait les choix autres.

Alors, j'aimerais vous remercier. Je ne sais pas si vous avez des commentaires à ajouter à ça, mais, si j'ai bien compris, la revendication de la Coalition, c'est de toujours me rappeler de faire cet équilibre, cette équité entre les choix qui sont faits par les parents québécois.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Allez-y.

M. Ménard (Yves): Un bref commentaire. Effectivement, vous avez raison, M. Kelley, en disant ça. Puis, pour un petit peu répondre à Mme la ministre, tantôt, quand vous parliez de l'allocation qui a été bonifiée, c'est un fait, on est bien, bien conscient de ça, sauf qu'elle a été bonifiée également pour les gens qui vont avoir le 5 $ par jour pour la garderie. On a haussé les allocations familiales, sauf qu'on reste encore avec le même déséquilibre par rapport à ceux qui font le choix de rester à la maison. Et on ne demande pas plus, Mme Marois, on veut juste que ça soit mieux réparti. Alors, c'est un petit peu le message qu'on aimerait passer aussi, à moins qu'il y en ait d'autres qui aient des...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député.

(18 h 40)

Mme Comtois (Johanne): Qu'on soit mentionné dans le livre blanc. On n'est pas mentionné dans le livre blanc. Il n'est pas mention de nous du tout. Ce n'est pas une reconnaissance, ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député?

Mme Marois: ...toutes les familles sont reconnues, peu importe leur statut.

M. Vaillancourt (Normand): C'est parce qu'on ne spécifie pas qu'il y a des familles dont un des deux conjoints est à la maison qui ont une problématique ou une situation différente. On va parler des familles qui choisissent différents services de garde. On parle des familles monoparentales, ce qui est très bien. On applaudit à ça, nous aussi, mais il y a des familles qui... Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'on fait déjà – et ce n'est pas par charité d'âme qu'on le fait, c'est par choix et, bon, c'est comme ça. On l'assume parfaitement. On est très à l'aise avec ça – un choix qui est assez difficile. D'abord, pour le parent à la maison, moi, j'ai été à la maison, et on me disait que je prenais un congé de maternité. Donc, il faut vivre avec des commentaires comme ceux-là. Les femmes qui décident de rester à la maison se font aussi traiter de pas mal de commentaires. Alors, c'est déjà difficile. C'est déjà difficile financièrement parce qu'on coupe un revenu. C'est vrai qu'on enlève un payeur de taxes, mais souvent ça donne un bénévole de plus dans la société et une présence permanente à des enfants. Je pense que c'est ce qu'on appelle, nous, la Cadillac auprès des enfants. Alors, cette mention-là n'est pas faite dans le livre blanc. Ça ne veut pas dire qu'il faut la faire tout de suite, mais le plus tôt possible selon nous.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député. Ça va?

Une voix: Ça va.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Alors, au nom de... Un dernier commentaire?

M. Ménard (Yves): Dernier commentaire. J'aimerais saluer aussi la présence... parce que, tantôt, on ne l'a pas présenté. On a M. Louis Brunet, de Lachine, qui a organisé et qui a joint la Coalition avec nous, mais dans le secteur de Lachine. Alors, on n'est pas uniquement un mouvement de Laval même si...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Le message est passé.

M. Ménard (Yves): ...aimerait bien ça.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Le message est passé. Au nom de la commission, merci beaucoup. J'invite maintenant... Oui, madame...

Mme Marois: Je sais que mon collègue de Fabre aussi a eu l'occasion de vous rencontrer. Vous avez eu des échanges avec lui. Je pense qu'il a bien fait les messages aussi, je peux vous le dire. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): J'invite maintenant M. André Lareau à se présenter, et ce sera la dernière intervention.

À l'ordre, s'il vous plaît. Alors, M. Lareau, je vous rappelle que vous avez 10 minutes et un échange de 10 minutes de chaque côté. Vous pouvez commencer votre présentation. En vous souhaitant la bienvenue.


M. André Lareau

M. Lareau (André): Je vous remercie, mesdames, messieurs. Avoir des enfants, c'est un choix personnel, mais ça implique une responsabilité qui est collective. Plusieurs considérations tenant notamment à la survie de la société de même qu'à des facteurs économiques justifient un maintien des programmes universels de soutien économique des enfants. Dans son document intitulé Familles en tête: 2e plan d'action en matière de politique familiale 1992-1994 , le Secrétariat à la famille réaffirmait la volonté exprimée des organismes familiaux quant à l'attachement au principe de l'universalité des programmes de soutien financier.

Le projet n° 144 prévoit, dans ses notes explicatives, le principe suivant: «Chaque enfant a droit au bénéfice des prestations familiales jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de 18 ans». Mais on continue en disant «sauf les cas prévus par règlement». Or, ce principe semble universel – tous les enfants y ont droit – mais on dit «sauf les cas prévus par règlement», puis il semble que les cas prévus par règlement, je ne sais pas, mais les exceptions sont assez nombreuses. Il faut, bien entendu, comprendre que toutes les familles du Québec ne seront pas éligibles à cette prestation, de sorte que ce projet marque la fin de l'universalité des allocations familiales, marque aussi la fin de la solidarité sociale.

Le projet diffère, bien sûr, du projet tel que présenté initialement. Une des critiques que nous avions formulées à l'époque était que plusieurs iniquités ressortaient du nouveau régime, même à l'égard des familles pauvres et celles à revenus moyens, notamment. Le nouveau projet a effectué une meilleure redistribution de l'enveloppe budgétaire au bénéfice, notamment, de la famille ayant plus de deux enfants, mais au détriment de la famille très pauvre, si on compare les chiffres de l'ancien projet. Mais il y a eu quand même une meilleure redistribution, et, là-dessus, moi, je peux simplement vous dire bravo pour, justement, les changements qui ont été apportés. C'est plus cohérent, les tables sont mieux réparties. Il y a moins de distorsion, il y a moins d'erreurs dans la finalité des résultats de telle sorte que c'est un pas dans la bonne direction, je pense.

Il y a encore des gens et des familles, par contre, qui seront pénalisés. Les gens qui recevaient les allocations familiales de base et qui ont des revenus au-delà des limites indiquées n'en recevront plus. Pourquoi mettre fin à l'universalité? Pourquoi mettre fin à cette solidarité sociale qui était si importante? Bien sûr, on conserve le crédit d'impôt pour enfant. Bien sûr, mais tous y ont droit. Les adultes y ont droit, les enfants y ont droit. Celui des enfants est quand même moindre que celui des adultes actuellement. Qu'est-ce qui justifie de ne conserver que ce crédit sous prétexte que ceci représenterait la solidarité sociale? Ce sont nos enfants qui paieront nos fonds de pension éventuellement. Ce sont les enfants qui paieront les routes, les hôpitaux dans lesquels on sera quand on sera plus âgé, possiblement, de telle sorte que, si on ne reconnaît pas aujourd'hui le coût de ces enfants, on demande donc aux familles un effort financier accru par rapport aux gens qui choisissent de ne pas avoir d'enfants, et c'est crucial que de revenir à cette solidarité sociale le plus tôt possible.

Dans le projet, ce que j'ai remarqué, c'est que, pour les familles avec un enfant, à partir de 60 000 $, on sera perdant par rapport à l'ancien système, mais, à deux enfants – puis mes calculs, écoutez, je les ai faits rapidement – ma limite est à 54 000 $. J'aimerais que la commission, peut-être, vérifie dans quelle mesure c'est exact. Mais, à un enfant, donc, à 60 000 $, on est perdant; en haut de 60 000 $ de revenu familial. À deux enfants, c'est 54 000 $, et à trois enfants... Ça, ça va aller.

Bien sûr, la fin de la solidarité sociale peut être expliquée et non justifiée par les compressions budgétaires, sauf qu'il faut quand même faire attention. On a eu une défiscalisation des pensions alimentaires le 1er mai 1997. Le gain annuel du Québec devrait être d'environ 50 000 000 $ par année. Ce 50 000 000 $, on dit qu'on l'injecte dans le nouveau programme, mais il y a d'autres façons d'aller chercher de l'argent. Il existe présentement, notamment, une exemption de gains en capital de 500 000 $ dont peuvent profiter notamment des agriculteurs et des gens qui détiennent des actions dans des petites entreprises. 500 000 $ libres d'impôt. Le coût annuel pour le Québec est d'environ 180 000 000 $ par année pour une poignée de gens. Est-ce que nos enfants ne sont pas plus importants que cette exemption de gains en capital de 500 000 $ qui coûte, et je le répète, 180 000 000 $ par année? Les déductions de frais financiers coûtent 145 000 000 $ par année au Québec. Est-ce qu'on devrait conserver, donc, ces mesures-là? Peut-être qu'on devrait y penser sérieusement.

Le gain que le fédéral, maintenant... Le fédéral gagne plusieurs dizaines de millions de dollars avec le nouveau système de garderies à 5 $. Pourquoi? Parce que les gens paieront moins en garderie, parce que les gens, donc, déduiront moins. Bien sûr, ils auront payé moins, et, au niveau fédéral, les déductions demandées étant moins élevées, le fédéral gagnera quelque part. J'avais estimé au départ 60 000 000 $. C'est peut-être entre 30 000 000 $ et 60 000 000 $, dépendant, bien sûr, du nombre de places qu'il y aura en garderie à 5 $. Est-ce que, justement, on va négocier avec le fédéral pour avoir quelque chose à ce niveau-là? Est-ce que ça ne serait pas important de faire un pas dans cette direction?

Par ailleurs, dans la Loi sur les prestations familiales, on prévoit que les sommes seront fixées par règlement. Mais c'est dangereux de fixer des sommes par règlement, il faut les inscrire dans la loi. Il faut indiquer, dans la loi, le mode de calcul de cette prestation et non pas par règlement. Il faut donner de la visibilité au calcul. Il faut que le mode de calcul, s'il est changé, ne le soit pas par simplement le Conseil des ministres, mais bien qu'il soit débattu à l'Assemblée, bien sûr.

Sur les garderies à 5 $, c'est un pas dans la bonne direction, mais je suis content qu'on soit allé beaucoup plus loin dans les derniers jours en conservant les garderies à but lucratif, en donnant le choix aussi aux parents, en conservant le crédit d'impôt à la garde d'enfants et tout en faisant attention, bien sûr... Et là c'est une mise en garde de faire en sorte que le 5 $, la somme soit gelée pour un bon bout de temps pour ne pas que ça devienne une taxe déguisée à brève échéance.

(18 h 50)

Et, finalement, ce que j'ai à vous dire sur le ministère de la Famille, il est important. Si on regarde attentivement l'article trois, paragraphe 4°, «soutenir financièrement les familles», ça, c'est l'objectif du ministère, mais, attention, le 27 septembre passé, le ministère du Revenu du Québec a envoyé à 7 000 mères qui avaient reçu des pensions alimentaires des avis de ratification. Ces gens-là s'étaient opposés, dans le cadre du dossier Suzanne Thibodeau, à l'impôt payable sur la pension alimentaire. Ces gens ont reçu des avis de ratification disant qu'ils devaient des sous. Ça, ça monte à plusieurs millions de dollars, et nous avons institué un recours collectif pour tenter de contrer cette démarche du ministère du Revenu, et le gouvernement du Québec, via son ministère de la Justice, nous attaque dans un recours collectif. On nous dit que les femmes n'ont pas raison. On nous dit que ces femmes doivent payer l'impôt sur une pension alimentaire, alors que ces sommes sont des sommes qui appartiennent aux enfants. Et on en voit la preuve, dans la Loi sur les prestations familiales, à l'article 10... Pardon, à l'article... Il y a un article spécifique qui prévoit que c'est une somme, de toute façon, qui appartient à l'enfant et que le parent doit l'utiliser pour le bénéfice de l'enfant, de telle sorte que la pension alimentaire, c'est la même chose, c'est une somme qui appartient à l'enfant.

Alors, le gouvernement du Québec, via le ministère de la Famille, s'il veut reconnaître financièrement que, pour les enfants, cet argent est important, devrait s'assurer que le ministère de la Justice cesse immédiatement son opposition au recours collectif et négocie avec chacun des parents qui a reçu cette pension alimentaire, négocie les impôts qui pourraient être payables ou, au mieux peut-être, annule complètement cet impôt qui afflige 7 000 parents, je le répète, donc environ une quinzaine de mille enfants du Québec à l'heure actuelle. Je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. J'invite maintenant Mme la ministre à faire l'échange.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je suis heureuse de constater que vous dites que c'est un pas dans la bonne direction. En tout cas, c'est un pas qui est beaucoup plus géant comme pas que ce que beaucoup d'autres sociétés ont franchi, hein? Je pense que vous êtes d'accord avec nous sur ça. Je l'ai dit à d'autres groupes qui sont venus devant nous. C'est parce que, quand on se regarde parfois, on se dit: Ah! ce serait mieux si on en avait plus. Ce serait mieux si on corrigeait ça. Mais, quand on se compare, on se console souvent parce qu'on se rend compte que, dans le fond, il y a ici une reconnaissance de la place des enfants et des familles qui est assez significative au plan financier. Elle n'est pas tout ce qu'on veut, elle mérite des corrections encore, bien sûr, mais je pense que c'est intéressant.

Là, juste quelques remarques sur les calculs. J'ai bien vérifié, ici, avec les gens de la Régie des rentes, il y a des choses, probablement, qui ne sont pas tenues en compte parce que, dans les faits, là, ça ne se vérifie pas. Alors, on pourra, de toute façon, vous fournir l'information avec la Régie, et il sera possible de le faire. Bon.

Ah oui, puis la question des enfants exclus par règlement, en fait, ce qu'on veut couvrir par ça, ce sont vraiment des situations assez exceptionnelles. D'abord, les enfants placés en famille d'accueil s'il n'y a pas paiement de la contribution parentale; et, d'autre part, lorsque l'enfant est marié. C'est rare, mais cela arrive. Alors, c'est donc infime, là, comme nombre, mais il faut le prévoir dans les voies réglementaires. La méthode de calcul, elle sera dans le règlement, donc elle sera connue.

Une voix: Dans la loi ou dans le règlement?

Mme Marois: Dans le règlement. C'est bien ça, dans le règlement. Mais, dans le règlement, ça veut dire qu'il est publié, ce règlement. Il y a des commentaires qui sont apportés.

Quant aux montants, ça, on n'a pas l'intention de le faire parce qu'on peut vouloir l'indexer. On peut vouloir, bien sûr, aussi le modifier, et c'est plus simple. Mais ça ne se trouverait pas dans le règlement. C'est bien ça? J'ai bien saisi. Voilà.

Enfin, pour répondre à ce que vous souhaitiez, vous dire où on en est et ce qu'on fait, ce que vous proposez, par ailleurs, de différentes façons, on pourra quand même le regarder d'un peu plus près pour voir ce qu'on peut faire avec ça. C'est un choix qu'on fait, effectivement, comme gouvernement, d'aller vers une mesure sélective, c'est vrai. Vous avez raison, c'est une mesure sélective, c'est une approche qui garde une portion d'universalité. Le crédit d'impôt de base est universel. Il y a une volonté, aussi, de reconnaître ce que représente le coût d'un enfant, qu'il soit dans une famille à la sécurité du revenu, ou qu'il soit dans une famille à très bas revenus – ça, c'est important – ou qu'il soit dans une famille à très hauts revenus. C'est important, parce que ça a ensuite des conséquences et au plan fiscal et au plan de la sécurité du revenu. Je pense qu'on est tous conscients qu'on a dégagé, dans le fond, l'allocation qui est versée à l'enfant qui est dans une famille à la sécurité du revenu, on l'a dégagée d'une mesure de sécurité du revenu, de telle sorte que la famille qui sort de l'aide sociale, là, disons le bien, et qui se retrouve avec un petit revenu conserve la même allocation. Et, en ce sens-là, il y a une équité entre les familles qui était pour nous très importante à considérer et à consacrer, si on veut.

Alors, c'est ce que nous faisons, et aussi une harmonie. Les gens disent parfois: C'est secondaire. Mais il y a une harmonie entre le fiscal et le social en termes de mesures sociales, et, donc, la reconnaissance du niveau de couverture des besoins, c'est la même au plan fiscal par le crédit d'impôt de base que par, ensuite, l'allocation qui sera versée une fois que tout est intégré, évidemment, comme allocation unifiée. C'est important parce que ça crée une cohérence et ça évite les distorsions et les iniquités entre les familles, et ça, pour nous, il y avait aussi une volonté de ce côté-là. Mais, comme je le mentionne, garder le crédit d'impôt universel est, par contre, une mesure sélective. C'est assez étonnant, encore là, Ottawa a fait pas mal pire que nous, et personne ne l'a dénoncé à cet égard-là. Non seulement, eux, ils ont enlevé l'universalité, ils ont enlevé le crédit d'impôt de base – il n'existe plus – et, en plus, on impose les allocations à Ottawa, ce qu'on ne fait pas, finalement.

M. Lareau (André): Pas à Ottawa.

Mme Marois: Pardon?

M. Lareau (André): On ne le fait pas à Ottawa.

Mme Marois: La prestation fiscale.

M. Lareau (André): Elle n'est pas imposée.

Mme Marois: Bien, la prestation fiscale est déduite. Regardez tous les calculs qu'on a faits à cet égard, là, vous allez le constater quant à la question... Attendez un petit peu, je pense qu'on vous l'a déposé, ce tableau-là.

Une voix: En fait, c'est fonction du revenu.

Mme Marois: Oui, oui, c'est ça que je voulais dire. Effectivement, c'est fonction du revenu, mais, si vous regardez le niveau d'imposition des familles par rapport à Ottawa versus le Québec, vous allez constater que nous épargnons beaucoup les familles en bas d'une certaine hauteur de revenu, ce qu'Ottawa ne fait pas. Alors, je trouve que, à cet égard, on en demande beaucoup au Québec, qui en fait déjà beaucoup. Je comprends que, peut-être, on peut nous en demander encore davantage, et ça ne nous enlève pas l'obligation de corriger certains aspects et certaines aspérités, comme je le mentionnais, mais, par contre, il reste que, dans les faits, ce que nous faisons est beaucoup plus significatif que ce que beaucoup d'autres sociétés font. D'accord? Bon, on me dit qu'il me reste une minute.

Je vais vous réitérer le fait... D'abord, je vous remercie pour votre contribution – elle nous a été utile, elle continuera de nous l'être – et je vous invite aussi à communiquer avec la Régie des rentes pour obtenir les derniers tableaux qui vont vous permettre d'être plus à même de constater les correctifs que nous avons apportés et qui, effectivement, viennent corriger, je crois, ce que vous avez soulevé au début quand on tient compte de l'ensemble des éléments. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Merci beaucoup. Et, à mon tour, merci beaucoup, professeur Lareau pour essayer d'éclairer. Moi, j'ai encore des tableaux. On me donne des tableaux tout le temps et je vais continuer de les partager avec des personnes qui s'intéressent à ce dossier parce que, comme je l'ai dit, je vois que le but de tout ça était de faire un réaménagement de l'argent, mais j'ai le tableau A qui a été déposé devant cette commission, et, pour la famille, une mère monoparentale d'un enfant âgé de deux à quatre ans, sur l'aide sociale, la différence, c'est 28 $ par année. Alors, ce n'est pas une révolution, ça. Si le but était vraiment, effectivement, d'enlever de l'argent aux familles à revenus plus élevés pour les donner aux familles à faibles revenus, je ne le vois pas. Il y a certains autres tableaux qui sont plus intéressants, mais c'est difficile. Et j'essaie toujours... Je regarde le tableau pour la famille avec un revenu confortable, j'en conviens, de 60 000 $, avec quatre enfants, qui perd 2 000 $ à partir de juin 1997. C'est un chiffre important. Alors, j'essaie de me retrouver dans tout ça et, je comprends très bien, vous avez parlé des gens pénalisés par ces barèmes, et tout ça. Selon vous, est-ce que c'est le quart, le tiers, 10 % des familles québécoises qui vont voir leur revenu baisser suite à ces mesures? Est-ce que c'est possible d'estimer le pourcentage des familles qui auront moins d'argent?

M. Lareau (André): Je n'ai pas de réponse, puisque je n'ai eu les tableaux de la Régie des rentes qu'hier. Alors, je n'ai pas eu le temps d'estimer le pourcentage, sauf qu'on s'aperçoit que, à partir, donc, d'environ 60 000 $ comme revenu familial, il y a des pertes, et on sait que le revenu moyen est environ de 47 000 $ ou 46 000 $ comme revenu moyen familial. Donc, est-ce que c'est 20 %, 25 % de la population qui perdra? Peut-être, environ. Mais c'est le principe des enfants qui est important et qui n'est pas reconnu.

(19 heures)

On reconnaît pourtant, dans la société, bien d'autres principes, et l'affaire Symes de la Cour suprême en est un bon exemple où les juges ont dit ici: Il est reconnu qu'on puisse déduire ses frais de représentation quand on va manger avec un client et déduire sa bouteille de vin. C'est reconnu. Mais les enfants, maintenant, ne sont plus reconnus, on les enlève. Ils ne sont plus reconnus, sauf pour le crédit d'impôt qui existe, et le crédit d'impôt, il est de 500 $ par enfant, ce qui veut dire que la famille A qui a deux enfants et qui gagne un revenu familial de, peut-être, 60 000 $ sera plus pauvre que la famille B qui gagne aussi 60 000 $ et qui n'a pas d'enfant. Bon. Pourquoi? Parce que la famille A a dans ses poches, une fois les dépenses de consommation effectuées, beaucoup moins d'argent, notamment pour investir dans ce qu'on appelle le Régime enregistré d'épargne-retraite, que la famille B peut faire. Puisqu'elle n'a pas d'enfant, elle a davantage les moyens de s'offrir le REER. Or, avec tout ça mis ensemble, la famille sans enfant, au Québec et au Canada, paie moins d'impôts. On paie moins d'impôts quand on n'a pas d'enfant, puisqu'on a les moyens de s'acheter des abris fiscaux.

Puis le dernier élément auquel je tiens beaucoup, c'est la question des pensions alimentaires avec notre fameux recours collectif. Il est important, Mme la ministre, que vous vous penchiez là-dessus. Il est important que vous voyiez avec vos collègues de la Justice ce que vous voulez faire. Il y a 7 000 femmes qui sont prises avec des milliers de dollars d'impôt, et ce n'est pas justifié. Puis ce n'est pas de l'argent pour elles, ça, c'est de l'argent pour leurs enfants, et il est important de revenir sur le principe.

M. Kelley: Dans un autre ordre d'idées, j'ai vu une argumentation qu'une des autres raisons importantes de préserver l'universalité... C'est tard le soir, alors mon français commence à être faible. Sinon, ça devient, à moyen terme, plus facile d'attaquer et de faire des compressions budgétaires dans un programme qui n'est plus universel que quand il y a un programme universel. La ministre a dit que le fédéral l'a fait, mais je dois rappeler à la ministre que le gouvernement qui a décidé de faire ça n'a gagné que deux sièges dans la prochaine élection. Alors, peut-être que ce n'était pas la meilleure de ses décisions. Mais ce qu'il y a de vrai dans cette argumentation, c'est qu'un des éléments importants pour préserver l'universalité de ces programmes, c'est qu'il y a beaucoup d'alliés qui vont la préserver dans l'avenir, mais, au moment où ça devient ciblé sur certaines couches de la société, il y a des tendances à faire des compressions en conséquence.

M. Lareau (André): À partir du moment où on fait une brèche dans l'universalité, tout est permis, et c'est ce qu'on a vu, bien sûr, au fédéral où, bien sûr, là, on a fait une brèche. Il n'y en a plus de crédit d'impôt remboursable pour enfant. Il n'y en a plus de crédit d'impôt pour enfant, point. Il y a une prestation fiscale qui vient s'éteindre avec le revenu.

Et, soit dit en passant, des tables de revenu sont plus généreuses au fédéral qu'au provincial. On a davantage de sommes au fédéral avec des revenus un peu plus élevés qu'au provincial. C'est important de le mentionner. Au provincial, maintenant, on a fait une brèche dans l'universalité. On pourra gruger d'autant plus que ce sera un calcul par règlement. Ça ne sera pas débattu, ça, ici par règlement, et c'est trop facile de le changer à l'insu de la population. Bien sûr que c'est publié, bien sûr que ce sera dans la Gazette , mais, écoutez, on préférerait qu'il y ait des débats là-dessus, notamment sur les changements aux modes de calcul, les changements sur les montants eux-mêmes et sur les conditions d'éligibilité.

M. Kelley: Surtout que, comme parlementaire, j'ai tout intérêt à appuyer cette notion de... C'est beaucoup plus important quand on peut provoquer des débats en Chambre. C'est beaucoup plus important qu'en commission parlementaire. On a parlé souvent de valoriser le rôle des députés, et ça, c'est est un exemple. Si on peut provoquer des débats, si les parlementaires peuvent regarder les modes de calcul, c'est beaucoup plus intéressant pour nous autres que ce qui se passe dans la Gazette officielle . Ce n'est pas en cachette, mais, quand même, ça ne provoque pas automatiquement le même genre de débat au Parlement, dans notre société qu'un projet de loi ou quelque chose qu'il faut déposer en Chambre. Et il y a tout un processus parlementaire qui en découle, et il est très important, à mon avis, de regarder ça comme il faut. Et c'est une remarque non partisane, dans le sens qu'un gouvernement...

À l'avenir, je pense que nous allons faciliter la tâche pour faire encore une fois des compressions dans ce poste budgétaire parce que, effectivement, la façon de couper va être dans la Gazette officielle et non devant la Chambre de l'Assemblée nationale, et ça va être un pouvoir réglementaire qui peut nous amener dans ça dans un avenir, une autre récession, une autre période très difficile dans les finances publiques. Alors, en conclusion, merci beaucoup pour les points que vous avez soulevés.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lareau, au nom des membres de la commission, merci beaucoup. J'imagine, Mme la ministre, que vous voulez conclure. Une petite, petite conclusion?

Mme Marois: Oui. M. Lareau, je vous remercie. Je veux vous rappeler que le crédit d'impôt pour 1998, il sera plutôt de 598 $ pour le premier enfant plutôt que de 500 $ à cause des améliorations apportées au taux...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Ça termine nos travaux.

Mme Marois: Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Lareau, vous pouvez rester là. Je demande aux membres de rester parce que nous avons la conclusion à faire. Alors... Ah, peut-être... Oui, et nous allons continuer tout de suite après.


Mémoires déposés

À l'ordre, s'il vous plaît. Alors, nous procédons à la conclusion. Je dépose les mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus par la commission, soit le mémoire de l'Association de développement professionnel préscolaire du Québec et le mémoire de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec.


Remarques finales

Je suis maintenant prêt à ce qu'on procède aux remarques finales. Les remarques sont de 15 minutes maximum pour chacun. M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Alors, merci beaucoup, M. le Président. Je vais être assez bref, juste pour... Je pense toujours, comme parlementaire, que le premier devoir, c'est de faire des remerciements à tous les groupes qui sont venus témoigner ici. Moi, j'adore le travail de nos commissions parlementaires. Je pense que, comme parlementaires, on a tout intérêt à faire cet exercice le plus souvent possible parce que, malgré tous nos efforts, on ne possède pas toute la vérité et tout le vécu des familles québécoises à l'intérieur des murs de notre parlement et de notre appareil administratif. Alors, je pense qu'on a toujours intérêt à ouvrir nos portes et à entendre les groupes.

Aussi, j'en conviens avec la ministre, nous avons provoqué les débats en commission et dans d'autres lieux à maintes reprises depuis le dépôt du livre blanc. Je suis heureux qu'on ait fait au moins ce tour de l'ensemble du projet pour, au moins, être capable – et on va continuer dans l'étude détaillée – d'essayer d'arrimer les volets différents de la réforme, parce qu'on a eu des débats sur certains volets, mais ça nous a donné, avec les deux projets de loi qu'il y a devant nous... Je sais qu'on laisse de côté, pour le moment, la question d'un régime d'assurance parental qui est peut-être pour la prochaine session parlementaire, mais ça nous a permis quand même d'essayer de faire cet arrimage et de revenir sur la question, que j'ai soulevée à maintes reprises, d'un équilibre, d'une équité entre les choix des parents, et c'est juste en regardant l'ensemble des mesures qu'on peut essayer de voir les revendications de certains groupes de représentants familiaux qui ont dit que, peut-être, on est allé trop loin côté services, peut-être qu'on est allé trop loin du côté de l'offre de services de garde. Il faut toujours rappeler qu'il y a d'autres parents avec d'autres besoins.

J'ai relu le communiqué de presse que j'ai écrit au moment du dépôt du livre blanc et mes questions à la Chambre, et les revendications ont porté certains fruits parce qu'il y a certains des éléments sur lesquels j'ai insisté au mois de janvier, et il y a eu des réponses satisfaisantes. Entre autres, la question du crédit d'impôt remboursable, c'est quelque chose que j'ai vu qu'on va limiter, et j'ai reçu des appels, entre autres, des infirmières qui travaillent la nuit ou la fin de semaine et d'autres personnes comme ça pour qui l'abolition des frais de garde remboursables pour crédit d'impôt a causé énormément de problèmes. Alors, je suis heureux que nous ayons réussi à faire un changement, à avoir quelque chose qui va conserver les choix des parents parce que, pour le moment, ça devient aussi la façon indirecte de financer des jardins d'enfants, ça devient toujours la façon de donner un coup de main aux parents qui ont des enfants dans les services de garde en milieu scolaire. Alors, c'est quand même un outil très important, et, en l'absence d'une politique sur les services de garde en milieu scolaire, pour les parents qui font garder leurs enfants après les heures d'école, ce crédit d'impôt demeure très important. Alors, je pense qu'il y a eu un progrès.

(19 h 10)

On a vu, peut-être, la paix qui commence à être rétablie entre les différents réseaux de garderies au Québec. Il y a peut-être du chemin à faire, mais j'ai vu, à la fin, Mme Desmarais, Mme Pitre-Robin étaient capables d'échanger. M. Lévesque était là. Alors, peut-être que c'est un tout petit premier pas vers une meilleure concertation, parce que ce que nous avons plaidé dès le départ, c'est qu'il y a de la place pour les deux réseaux et qu'il y a une certaine complémentarité. Et on a tout intérêt, dans les deux réseaux, à assurer la qualité, et c'est un de nos devoirs, comme parlementaires, comme législateurs, d'assurer que, quand les parents vont voir le mot «garderie», ou «centre à la petite enfance», ou «halte-garderie» que ces expressions aient un sens, aient un certain sceau de qualité. Ça, c'est notre devoir, comme législateurs.

Alors, on va regarder, la semaine prochaine, au moment de l'étude détaillée de la loi n° 145, comment on peut s'assurer que ce sceau de qualité va protéger les parents. Alors, je me réjouis que, comme je l'ai dit, les représentants des garderies à but lucratif aient des portes d'entrée, maintenant, dans le système. Il y a du travail à faire pour peaufiner l'entente de principe, mais je pense que c'est un net progrès, et c'est une autre des revendications que, de ce côté, nous avons faites au moment du dépôt de la politique familiale.

Il demeure toujours des questions. On aura l'occasion, dans l'étude détaillée, de poser les questions sur les modalités, l'application, des questions très techniques, très précises quant à comment la Régie des rentes va procéder, les questions du saisissable, de l'insaisissable. Il en a été question en Chambre au moment du débat de principe, mais je pense que nous devrons regarder ça de près pour s'assurer qu'il y ait une protection des intérêts des deux côtés. Mais, règle générale, en conclusion, je pense que tout parlementaire profite des occasions de recevoir les groupes. On va lire attentivement les mémoires pour regarder comme il faut les suggestions précises article par article. Quand on a une consultation comme ça, c'est difficile de tout retenir: les personnes ont proposé, à l'article 135, on va changer la virgule. Mais on va essayer d'étudier ça en fin de semaine et d'être prêts pour regarder ces projets de loi attentivement au moment de l'étude détaillée devant cette commission. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie, M. le député. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Oui. Merci, M. le Président. Je vais aussi être assez brève dans mes conclusions. D'abord, je suis très heureuse de la consultation, bien sûr, parce que je crois que ça va nous permettre d'enrichir et d'éclaircir, évidemment, les projets de loi. Et, en ce sens, je vais m'assurer qu'on regarde tout ce que l'on peut retenir qui nous aidera à modifier le projet lui-même lorsqu'on procédera à l'étude article par article.

Je pense qu'il est important de constater aussi qu'une très grande majorité de groupes, en fait presque tous les groupes, hein, se sont dits d'accord avec les fondements de la politique. Certains de ses aspects, moins, mais, pour la grande majorité, c'est vraiment un pas dans la très bonne direction, et je pense qu'il a été souligné, aussi – ce n'est pas négligeable de se le redire – que, déjà, des corrections ont été apportées par rapport à ce qui avait été proposé initialement, et les groupes ont su le reconnaître, et je pense que c'est important qu'on puisse se le dire ensemble.

C'est sûrement la preuve aussi que nous sommes capables d'écoute et d'attention à l'égard des propositions qui nous sont faites. C'est sûr que notre première réaction, je dirais, c'est un petit peu comme les parents ou les institutions quand on leur propose des changements, on n'a pas le goût de les regarder tout de suite, parce que, évidemment, si on a proposé quelque chose, c'est parce qu'on y croit puis parce qu'on trouve que ça a du bon sens, ce qu'on a fait comme choix. On ne le fait pas par mauvaise foi. Si on le faisait par mauvaise foi, on ne mériterait pas d'être assis ici. Alors, quand, évidemment, on questionne nos politiques et nos projets, ça nous choque un peu, puis, moi, je vous avoue que j'ai souvent cette première réaction là. Puis, après ça, bon, je me dis: Écoute, il faut quand même qu'on regarde ce qui nous est proposé, quelles sont les lacunes qu'on soulève, et je pense que l'attitude qu'on a eue jusqu'à maintenant témoigne de cette capacité qu'on a non seulement d'écouter, mais de modifier s'il y a lieu. Et je pense que ça vaut la peine, peut-être, qu'on se dise ensemble que c'était intéressant d'entendre Mme Ruth Rose-Lizée quand elle est venue, hier après-midi, nous dire, et je la cite: «D'après les calculs que j'ai pu faire, quand on tient compte des changements de la fiscalité l'année prochaine, il y a des familles qui ont quelques centaines de dollars de perte ici et là, mais, avec les nouveaux aménagements, les familles nombreuses à revenus moyens, jusqu'à 65 000 $, vont être gagnantes à long terme.» C'est quand même intéressant de pouvoir constater cela.

Maintenant, ce que je retiens de certains commentaires qui ont été faits et critiques et sur lesquels, je pense, soit les projets de loi vont répondre ou soit, évidemment, on va confirmer des orientations qu'on a. D'abord, il y a eu des critiques qui avaient été apportées sur la liberté de choix. Je pense que, maintenant, on peut dire, avec toute la diversité des services de garde, les crédits d'impôt et l'ensemble des mesures qui sont là, que la liberté de choix est plus grande, finalement, beaucoup plus grande maintenant, avec le projet de politique familiale, qu'elle ne l'a jamais été, quand on pense, entre autres, à l'accès aux services de garde à coûts réduits, évidemment, c'est un exemple, aux crédits d'impôt et remboursables et ceux qui reconnaissent le conjoint, aussi, à la maison.

Les services de garde en milieu scolaire. Il y a eu beaucoup de remarques sur ça. Je suis consciente des attentes à cet égard. Bien sûr, on est en année de transition dans la circonstance, et, dans la réforme de l'éducation, j'ai annoncé une politique à cet égard pour septembre 1998 qui formalisera ce que nous voulons faire à l'égard des services de garde en milieu scolaire. Et il y a déjà un groupe de travail qui est à pied d'oeuvre sur cette question.

Le financement des services de garde par les parents qui ne les utilisent pas, est-ce que ça rend la politique inéquitable? C'est un choix de société, et je ne crois pas que ça rend la politique inéquitable. Nous avons choisi d'offrir universellement certains services, et même les parents qui ne sont pas au travail ou aux études pourront avoir accès aux services, pas prioritairement, mais pourront y avoir accès. Ça, on ne l'a pas dit souvent, mais c'est prévu.

Les ententes avec les garderies à but lucratif, je pense, qui avaient été souhaitées, sont maintenant faites, et il s'agit, comme mon collègue le mentionnait, d'une harmonie, maintenant, à développer, à souhaiter, mais je pense que c'est bien engagé à cet égard-là. Je retiens cette idée d'un moratoire sur le développement de nouvelles garderies. On verra comment le traiter dans le projet de loi. Je pense que c'est souhaité et souhaitable à ce moment-ci. Bon, j'essaie de voir à ce que je n'oublie rien des remarques qui nous ont été faites.

Bon, la dernière chose sur laquelle je veux revenir, c'est qu'on nous a demandé qu'il y ait un comité de suivi, je souscris à cela. On nous a soulevé quelques questions, le traitement des pensions alimentaires entre autres. C'est venu par quelques groupes. Je suggère que le comité de suivi puisse aborder cette question et qu'on puisse revenir éventuellement en proposant des choses au gouvernement à cet égard. Alors, le comité de suivi pourrait avoir deux mandats, s'assurer d'une implantation harmonieuse des nouvelles dispositions et, dans ce sens, évaluer, je dirais, graduellement les pas qu'on va franchir, de telle sorte qu'on puisse corriger, s'il y a lieu, en cours de route, un certain nombre de ces aspects dans l'implantation qui pourrait être insatisfaisants. Évidemment, ce comité de suivi, aussi, pourrait aborder d'autres questions qui sont liées à la politique familiale ou à une partie de la politique familiale qui est celle qui concerne davantage les enfants et les familles.

Je veux remercier, M. le Président, tous les membres de la commission pour le travail que nous avons accompli ensemble pendant ces deux jours. Il y en a un autre très important qui vient, qui est celui du travail plus fastidieux, peut-être, de l'étude article par article, mais qui, en même temps, est nécessaire et souhaitable. Et je sais, après avoir entendu l'opposition, que je pourrai compter sur son apport à cet égard. Je veux vous remercier, vous, les collègues de l'opposition et mes collègues qui ont patiemment, jusqu'à vendredi soir, 19 h 20, été présents et à l'écoute des gens qui sont venus nous rencontrer. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Vous allez me permettre de remercier, peut-être de façon particulière, les gens – M. le député de Jacques-Cartier l'a dit – qui sont venus présenter des mémoires, mais qui ont eu, quand même, il faut l'admettre, il faut l'avouer, très peu de temps pour se préparer. Et on a eu d'excellents mémoires avec aussi peu de temps pour les préparer. Je veux, moi aussi, vous remercier, chers collègues, de votre collaboration, nos collaborateurs et collaboratrices qui sont toujours là et qui nous suivent assidûment. Alors, la commission ayant accompli son mandat, ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 19 h 20)


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