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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 30 septembre 1998 - Vol. 35 N° 144

Consultations particulières sur le phénomène du suicide au Québec


Consultations particulières concernant les nouvelles orientations gouvernementales relativement à l'approvisionnement, la gestion et la distribution du sang au Québec


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Table des matières

Consultations particulières sur le phénomène du suicide au Québec

Consultations particulières concernant les nouvelles orientations gouvernementales relativement à l'approvisionnement, la gestion et la distribution du sang au Québec


Intervenants
M. Rosaire Bertrand, président
M. Russell Williams
M. Rémy Désilets
M. Jean-Claude St-André
M. Léandre Dion
M. Yvan Bordeleau
Mme Marie Malavoy
Mme Michèle Lamquin-Éthier
*M. Richard Massé, MSSS
*Mme Danielle Saint-Laurent, idem
*M. Guy Mercier, idem
*Mme Liliane Allard, idem
*M. Léonard Gilbert, idem
*M. Pierre Charky, Janssen-Ortho inc.
*M. Alan G. Brox, idem
*Mme Krista McKerracher, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Dix heures quarante-deux minutes)

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Est-ce que le quorum est constaté?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, nous avons quorum.


Consultations particulières sur le phénomène du suicide au Québec

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Je vous rappelle le mandat de la commission: la commission des affaires sociales s'est réunie afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques dans le cadre du mandat sur le suicide au Québec.

Je vous rappelle, simplement pour nous rafraîchir la mémoire, qu'on avait émis un communiqué et on disait ceci: «Le Conseil permanent de la jeunesse produisait un avis sur le phénomène du suicide chez les jeunes en février 1997. À la même période, le ministère de la Santé et des Services sociaux menait une consultation, terminée depuis, en vue de proposer une stratégie québécoise d'action pour stabiliser et diminuer le taux de suicide au Québec. Des intervenants des organismes, des associations et des établissements ont activement participé à cette consultation.

«Compte tenu de l'ampleur du phénomène et de l'intérêt manifesté lors de cette consultation, la commission des affaires sociales tient à poursuivre le débat sur cette question. À cet égard, tant pour le président que pour le vice-président de la commission, il ne s'agit pas de dédoubler le travail fait présentement par les différents comités mis sur pied afin de concevoir un plan d'action en matière de prévention du suicide. À la lumière de ce que nous entendrons, la commission sera à même de pousser plus à fond les travaux effectués et par conséquent d'enrichir la réflexion gouvernementale. Pour les membres de la commission, il importe d'en connaître davantage sur ce phénomène complexe qu'est le suicide afin d'en arriver à d'éventuelles pistes de solutions. Dans cette perspective, redonner espoir particulièrement aux jeunes est l'objectif visé.»

Alors, depuis ce temps-là, évidemment, il y a eu beaucoup de travail de fait, et c'est ce que nous allons voir avec nos invités, et la commission décidera par la suite des conclusions à apporter à son mandat.

Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président, Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne) va être remplacée par M. Bordeleau (Acadie).

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Alors, nous allons procéder de la façon suivante: 30 minutes pour nous donner le maximum d'informations possible et un échange de 90 minutes réparties entre les deux groupes. J'irai évidemment par alternance. Encore une fois, tel que je suis allé vous le demander tout à l'heure, j'aimerais qu'on se donne le maximum d'informations possible pour aider et éclairer les membres de la commission. Oui, M. le député de Nelligan.

M. Williams: Oui, juste un bref commentaire, M. le Président. Effectivement, les deux côtés veulent vraiment discuter de cette question assez importante, et la raison pour laquelle nous avons choisi deux heures aujourd'hui, ça va nous donner une chance de s'expliquer, avec ça. Comme d'habitude, on offre notre collaboration et nous allons être le plus souple possible afin de s'assurer que toute l'information sorte, parce que c'est exactement le but de notre mandat d'initiative, qu'on essaie de terminer dans le plus bref délai.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie.

M. Massé, c'est vous qui débutez la présentation. Si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent, pour fins d'enregistrement, et débuter votre présentation.


Auditions


Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS)

M. Massé (Richard): D'accord, merci. Donc, Richard Massé. Je suis sous-ministre adjoint à la Direction générale de la santé publique au ministère de la Santé. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Léonard Gilbert, qui est directeur de la prévention et de l'éducation sociosanitaire, toujours au ministère; Guy Mercier, qui a été responsable de l'élaboration du dossier dont on va discuter maintenant, et puis qui a travaillé beaucoup à faire de la concertation avec le réseau à ce sujet-là; Mme Liliane Allard, qui est directrice du Centre de prévention du suicide pour la région de Québec, qui est le plus ancien centre de prévention dans la province, puis on va pouvoir bénéficier de son expertise de façon notable.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Allard est immédiatement à votre droite, c'est ça?

M. Massé (Richard): À ma droite, ici. Et puis Mme Danielle Saint-Laurent, qui est épidémiologiste, travaille au ministère de la Santé, et est aussi responsable de ce dossier qu'on va vous présenter, qui travaille sur ce sujet-là depuis près de 10 ans et puis qui a poussé beaucoup pour qu'on augmente les activités dans ce domaine important.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Et madame qui est derrière vous, est-ce que c'est de votre groupe?

M. Massé (Richard): Mme Marie-Josée St-Germain, qui ne va pas intervenir actuellement dans la présentation, qui est coordonnatrice dans le secteur prévention au ministère de la Santé et des Services sociaux, et puis qui travaille avec les intervenants ici pour monter la stratégie, mais qui commence dans son rôle à ce sujet-là, au ministère.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): O.K. Alors, soyez toutes et tous à l'aise d'intervenir. Vous me faites signe quand vous voulez, puis il n'y a pas de problème. Allez-y, M. Massé.

M. Massé (Richard): Merci. D'abord, pour vous dire que le sujet qui vous préoccupe nous préoccupe tout autant. On pense que c'est une question très, très importante de santé publique et puis une question qui intéresse au plus haut point les communautés du Québec. Je pense que depuis plus de 20 ans maintenant on est sensibilisé au fait que le suicide, c'est un problème qui est en émergence. On a parlé beaucoup de maladies en émergence, le problème du suicide, c'en est un qui a augmenté. On a eu plusieurs alertes, ce qui a amené les réactions qui vont vous être présentées.

D'abord, pour vous dire qu'il y a des documents qui vous ont été déposés. Peut-être qu'il y en a que vous avez déjà eu la chance de consulter antérieurement. Le premier, qui est le document de référence, c'est la Stratégie québécoise d'action face au suicide . C'est le document avec la couverture violette, qui est intitulé S'entraider pour la vie .

Je dois dire que ce document-là, c'est le résultat de plus d'une année d'efforts auprès d'un très grand nombre d'intervenants. La consultation que vous vouliez faire, cette consultation-là, elle a été faite au cours de l'année 1996-1997. Vous avez, à la fin du document, à la page 85, la liste des associations, établissements, organismes et autres personnes qui ont été contactées. Donc, on peut dire vraiment que c'est un résultat d'un consensus très large, et je pense que c'est ça qui fait la force essentiellement de ce qu'on a dans ce document-là, d'une part.

D'autre part, le document est basé sur la littérature scientifique sur ce sujet-là. Ce qui est écrit dedans, c'est des choses qui sont publiées, qui sont connues et qui sont reconnues. Il faut faire attention que, dans le domaine du suicide, il y a eu beaucoup de choses qui sont, soit du domaine des anecdotes, des pensées ou des conceptions que les gens peuvent avoir. Donc, il y a eu un effort très important pour être sûr que ce qui est écrit là-dedans, c'est des choses qui sont basées sur les connaissances actuelles dans le domaine du suicide.

Vous avez un petit document synthèse, tout petit, préparé à notre intention, qui est utilisé dans le réseau. C'est seulement recto, par exemple. Vous avez la carte du Québec avec les objectifs principaux qui sont sur la partie de droite, et puis la partie épidémiologie, qui est sur la partie centrale et de gauche. Donc, ça va vous aider aussi quand on va présenter les objectifs spécifiques peut-être de suivre simplement à partir de ça, si vous le voulez. C'est une façon de le suivre ou, en tout cas, de l'utiliser a posteriori, quand vous voudrez vous y référer.

Vous avez enfin les communiqués qui ont été utilisés lors du lancement, au mois de février 1998, de la stratégie, dans lesquels il y a eu à la fois le communiqué du ministre, M. Rochon, de même que les fiches techniques qui avaient été utilisées et distribuées à ce moment-là non seulement aux membres de l'Assemblée mais aussi aux médias qui ont suivi cette question-là avec beaucoup d'intérêt.

Enfin, le dernier document, qui est celui avec lequel on va travailler pour la présentation, c'est un document qui est bleu, ici, qui est relié, boudiné, qui essentiellement résume l'information qui va vous être véhiculée. C'est parce que le document S'entraider pour la vie , si on voulait travailler à partir de ça, ça serait peut-être un petit peu trop lourd.

(10 h 50)

Donc, si vous voulez, je vais vous inviter à prendre le document bleu puis on va commencer à expliquer qu'est-ce que c'est, c'est quoi les grandes problématiques, c'est quoi les déterminants ou les facteurs de risques et puis c'est quoi les stratégies, puis après ça on va rentrer dans ce que vous m'avez demandé aussi, d'intervenir plus sur qu'est-ce qu'on a fait avec cette stratégie-là, comment ça s'implante, les difficultés qui ont pu être vécues, les bénéfices qu'on peut voir et puis où on s'en va dans le futur. Je pense que c'est un peu ça, le plan de notre présentation.

J'ai prévu, pour simplifier les choses, que je ferais la présentation, mais je vais vous avouer que je suis entouré d'experts qui connaissent mieux le sujet que moi. Donc, ça va être évident qu'au niveau des questions, les personnes qui sont les experts, qui ont monté le dossier, vont pouvoir répondre de façon beaucoup plus précise, et puis à la fin de ma présentation, c'est possible que les gens veuillent rajouter des compléments d'information, des fois, s'il y a des choses qu'ils pensent qu'il est nécessaire d'être clarifiées avant même la période de questions.

Donc, sur le document bleu, vous avez des acétates qui sont numérotés – donc, on va pouvoir les suivre – avec le titre, pour commencer. On va commencer avec l'historique – je suis à l'acétate 3 actuellement – pour dire que quand les gens ont noté l'émergence de ce problème-là, c'était à la fin des années soixante-dix ou au milieu des années soixante-dix. À ce moment-là, il n'y avait pas vraiment d'interventions très coordonnées face au suicide. Moi, j'étais praticien de première ligne à ce moment-là, puis je peux vous dire que déjà on avait noté un important nombre de suicides avec très peu de ressources sur le terrain. Il y en avait, je dois dire que le Centre de prévention du suicide de Québec – je suis content de l'associer à notre présentation – était déjà présent à ce moment-là, mais c'était vraiment rare, les organismes qui travaillaient dans le domaine du suicide, et les interventions n'étaient pas du tout coordonnées.

À ce moment-là, les gens ont constaté que bien qu'il y avait une augmentation importante du nombre de suicides, le réseau de santé était peu mobilisé et la majorité des interventions étaient faites via le réseau communautaire. En fait, le réseau de santé s'assoyait sur les organismes communautaires pour que ceux-ci fassent les interventions auprès des personnes qui étaient à risque de suicide ou, des fois, les familles ou les proches de victimes. Vous avez eu le lancement de la stratégie en 1998, comme je vous en ai parlé.

D'abord, peut-être faire une différence entre les suicides puis les tentatives de suicide. Souvent, on confond l'un et l'autre puis ça peut nous mélanger au niveau des statistiques. Les gens savent qu'il y a beaucoup de tentatives de suicide qui sont faites par des femmes et puis qu'il y a beaucoup d'hommes qui décèdent de suicide. C'est parce que le nombre de femmes qui font des tentatives de suicide est plus important, et surtout les méthodes que les femmes utilisent pour leur tentative de suicide sont moins létales que celles des hommes. Elles sont moins violentes, moins drastiques. Donc, à ce moment-là, on a beaucoup plus de décès chez les hommes bien qu'il y ait plus de tentatives chez les femmes.

Le tableau que vous avez à l'acétate 5 prend les tendances de mortalité. On définit un suicide quand quelqu'un, dans le fond, a complété son acte et est décédé. Vous avez quatre fois plus de suicides chez les hommes que chez les femmes. Puis vous voyez que des années 1975 aux années 1995, vous avez des taux qui restent relativement stables chez les femmes bien que les taux ont augmenté de façon significative chez les hommes pendant cette période-là. Vous l'avez noté à la fin des années soixante-dix, comme je l'ai mentionné, avec un pic autour des années 1982-1983. Au début des années quatre-vingt-dix, il y a eu une augmentation de la mortalité par suicide chez les hommes. Je pense que là tout le monde a compris qu'il était temps qu'on agisse et qu'on augmente les efforts qu'on faisait dans ce domaine-là.

À l'acétate 6, vous avez la répartition des suicides par groupe d'âge. Quand on regarde la façon dont les suicides se répartissent, en général, dans les autres pays, les taux de suicide augmentent avec l'âge. Une caractéristique spécifique du Québec, qui n'est pas unique cependant au Québec mais qui est quand même particulière, c'est qu'on a une augmentation importante chez les jeunes, des taux de suicide, plus jeunes que ce qu'on retrouve en général dans les autres provinces canadiennes ou même dans les pays d'Amérique du Nord. Il y a des pays en Europe, par contre, où est-ce qu'on retrouve beaucoup de suicides chez les jeunes.

Par contre, quand on dit chez les jeunes, souvent les gens disent: Bien, les jeunes, c'est des jeunes de 15 ans, 20 ans. Si on regarde la courbe ici, on se rend compte que les jeunes entre 15 et 30 ans ont des taux qui sont très élevés, surtout chez les hommes. Vous voyez vraiment la différence entre les hommes puis les femmes, les hommes étant en beige, les femmes étant plus foncées. Mais ce n'est pas là que les taux les plus élevés sont. Donc, c'est très significatif, c'est très élevé, mais ce n'est pas là que les taux les plus importants sont. C'est plus tard, c'est entre la période de 30 à 60 ans qu'on retrouve les taux les plus élevés. En fait, on peut même dire que, dans les dernières années, les taux de suicide chez les hommes de moins de 30 ans ont diminué un peu. Excusez-moi. C'est des nombres dont on parle, là. Les taux vont se retrouver comparables, mais c'est les nombres dont on parle.

Mais revenons aux nombres. Donc, on retrouve une diminution du nombre de suicides chez les gens de moins de 30 ans, on retrouve une diminution chez les gens qui ont au-dessus de 60 ans, mais une augmentation dans la cohorte des personnes de 30 à 60 ans. En fait, on pourrait même dire que l'épidémie se déplace un peu avec la cohorte des baby-boomers. Donc, au fur et à mesure que cette cohorte-là vieillit, bien, on retrouve un déplacement de la courbe qui la suit. On ne peut pas dire que ça va être comme ça tout le temps, mais c'est ce qu'on constate actuellement.

Vous avez la répartition des suicides par région à l'acétate 7 et puis il y a une distinction importante qu'on peut constater ici entre les gens qui demeurent dans les régions centrales, les grandes villes, les gens qui demeurent dans les plus petites villes puis les gens qui demeurent en milieu rural. Puis on voit tout de suite la distinction ici, où est-ce que les gens qui demeurent dans des zones périphériques ont des taux de suicide plus élevés, notablement plus élevés, sauf les gens qui proviennent de la région Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine. On va en parler un peu plus tantôt, de la région Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, où il y a eu des efforts très particuliers qui ont débuté dès 1992 pour limiter l'importance des suicides dans cette région-là.

Ça fait qu'on entend souvent parler du nombre de suicides dans les grandes villes, comme à Montréal, mais, en fait, quand on regarde les taux, donc la proportion des décès par suicide en fonction du nombre de personnes qui y résident, les taux sont plus faibles dans la région de Montréal qu'ils ne le sont dans les régions périphériques.

Ça, c'est pour la partie épidémiologie. On a une personne qui est experte en épidémiologie avec nous, qui va pouvoir peut-être aller dans plus de détails tantôt si vous avez des questions par rapport à ça. À moins que, Danielle, tu aies des choses à rajouter maintenant sur l'épidémiologie?

Mme Saint-Laurent (Danielle): À la période de questions.

M. Massé (Richard): Tantôt? O.K.

Quand les gens ont commencé la démarche de consultation dont on a parlé tantôt, ils ont fait différents constats à travers cette démarche de consultation là. Les premiers constats qui vous sont résumés à l'acétate 9, c'est que les services disponibles étaient inégalement répartis. Donc, sur l'ensemble du territoire québécois, vous aviez des régions qui étaient déjà desservies, certaines, comme je l'ai mentionné, depuis plus de 20 ans, puis d'autres pour lesquelles les services étaient peu accessibles, peu organisés. Donc, il y avait vraiment un problème, là, de répartition et même de quantité de services dans chacune des régions.

Ces services-là n'étaient pas nécessairement articulés les uns avec les autres. On va parler tantôt de la notion de soins intégrés, de l'importance des références, de la collaboration entre les professionnels, les organismes communautaires qui travaillent dans la prévention du suicide et les personnes des autres milieux, que ce soit le milieu de l'éducation, que ce soit le milieu de la sécurité publique, pour que les interventions puissent être efficaces et au bon moment, quand les gens ont besoin d'aide. Donc, ce problème d'articulation puis de coordination était noté puis il fallait vraiment corriger cette situation-là.

Enfin, une insuffisance d'intégration des connaissances pour l'évaluation, la prise en charge et le suivi. Les professionnels et les personnes qui intervenaient dans le domaine du suicide manifestaient le fait qu'il y avait eu peu de formation pour être capable de dépister les personnes qui étaient à risque de suicide et puis pouvoir intervenir efficacement quand les situations se présentaient devant eux. Donc, il y avait aussi un effort important de formation pour la prise en charge, qui était manifesté.

Certainement que vous vous êtes posé la question. M. le Président, tantôt, m'a demandé la question: Est-ce qu'on est capable de comprendre pourquoi est-ce que ce phénomène-là est arrivé? Qu'est-ce qui peut expliquer cette chose-là? Donc, à l'acétate 11, vous avez un résumé des grands facteurs. Ceux-ci ont été très bien résumés dans le document que vous avez ici et puis ils ont été regroupés sous trois grandes bannières.

Il faut comprendre que les facteurs de risque associés au suicide, ce n'est pas des facteurs qui sont unidimensionnels, ce n'est pas un problème qui est unifactoriel. Comme beaucoup de problèmes de santé, c'est des problèmes multifactoriels qui s'intègrent les uns avec les autres, qui se multiplient les uns aux autres. Donc, généralement, les gens peuvent avoir un facteur qui va être déclenchant, mais souvent il va y avoir beaucoup de causes en-dessous de celle-là qui vont faire que la personne va arriver à un point où est-ce qu'elle va penser, considérer, organiser et enfin passer à l'acte face au suicide. Il faut être prêt à faire face à toutes ces démarches-là et reconnaître où la personne est.

(11 heures)

On a regroupé donc en trois grandes catégories: celle des prédispositions individuelles – on va y faire référence tantôt; les facteurs qui sont plus reliés au milieu social; puis les facteurs qui sont plus des événements circonstanciels. Aux acétates 12, 13, 14 et 15, vous avez donc les facteurs qui sont reconnus pour les enfants. Ils sont différents, évidemment, quand on parle des tout jeunes enfants, donc on parle de moins de 12 ans. On parle des jeunes, à ce moment-là, ça va être de 12 ans jusqu'à 25 ans. De 25 ans jusqu'à 65 ans, je crois, c'est les adultes. Puis, après ça, vous avez les personnes âgées.

Je veux introduire deux notions, ici, importantes. Les problèmes d'ordre psychiatrique. Vous le voyez, comme le troisième, dans la colonne chez les enfants. En fait, les problèmes de désordre psychologique ou psychiatrique, c'est des choses qui sont notées à travers tous les âges et c'est un facteur de risque principal. On dit que plus de 80 % des gens qui se suicident – pas nécessairement des gens qui font des tentatives suicidaires, mais des gens qui se suicident – ont eu ou ont des problèmes psychologiques ou psychiatriques. Donc, c'est un facteur de risque majeur, qui se retrouve dans tous les documents.

D'autre part, les problèmes du milieu social qui peuvent être reliés à la famille. Ici, on retrouve déjà les problèmes d'alcool et de drogue. C'est le deuxième facteur important qui se retrouve partout. La consommation d'alcool, de drogue, que ce soit dans la famille – ici, on parle des parents de ces jeunes enfants-là – ou que ce soit par les personnes elles-mêmes, sont des facteurs qui sont très importants pour prédisposer au suicide. Et c'est des facteurs qui vont s'additionner aux problèmes psychologiques ou psychiatriques.

Le troisième, sur lequel je veux attirer votre attention, c'est les problèmes d'abus et de violence. Vous allez les retrouver chez les enfants, vous allez les retrouver aussi chez les jeunes et chez les adultes. Puis, dans certaines communautés, c'est des facteurs qui sont relativement importants. Je dois dire que les problèmes d'abus et de violence sont difficiles à quantifier. On sait que c'est prévalant de façon importante dans notre société et on sait que c'est un facteur prédisposant, mais on a de la misère à quantifier exactement c'est quoi, la fréquence de ces problèmes-là.

Enfin, pour parler d'événements circonstanciels, c'est sûr que, si on a un jeune enfant dont les parents se séparent, divorcent, à ce moment-là, ça peut le mettre plus à risque de passer à l'acte, ça peut devenir des événements déclencheurs, comme je vous mentionnais tantôt.

Chez les jeunes, vous retrouvez des facteurs qui sont beaucoup plus diversifiés, mais toujours des problèmes psychologiques, dans les prédispositions individuelles. Vous avez les tentatives antérieures de suicide, qui deviennent un événement important. Et puis vous avez tous les problèmes de difficulté d'orientation sexuelle. Il y a des gens qui ont déjà posé des questions, en disant: Est-ce qu'on ne devrait pas avoir des mesures spécifiques adaptées aux personnes qui sont homosexuelles? On les voit attachées ici, où les gens, surtout les jeunes personnes qui ont des difficultés à se reconnaître ou à s'exprimer face à leurs orientations, peuvent être à risque. Je ne veux pas le mettre comme un facteur de risque majeur, ça n'a pas été identifié comme un facteur de risque qui était plus important que les autres, mais je veux le mentionner parce qu'il y a des questions qui ont déjà été soulevées à cet effet-là.

La consommation, encore, de drogue est un facteur très, très important. Et puis vous avez des événements comme celui sur lequel les gens ont attiré l'attention, à Montréal, où on a montré que les jeunes de la rue étaient 12 fois plus à risque de décéder que les personnes dans les mêmes strates d'âge. Il y a 10 jeunes, en fait, qui sont décédés, dans une cohorte, sur une période d'à peu près une année. Et, quand on regarde les facteurs, il y en a au moins un tiers qui sont directement reliés à des suicides identifiés, il y en a un autre tiers qui sont reliés à l'utilisation de drogues, mais plusieurs de ces personnes-là avaient utilisé de façon abusive des drogues, dans le passé, dans le but de se suicider. Donc, en fait, on pourrait dire que, facilement, pour plus de 50 % de ces jeunes-là, ce sont des actes suicidaires auxquels on a assisté au cours de l'année. Donc, c'est un événement qui est très important.

Peut-être que vous aurez des questions par rapport aux suicides qui peuvent arriver en milieu scolaire ou, des fois, sur le phénomène d'entraînement d'une personne vis-à-vis d'une autre. Peut-être qu'on pourra traiter ça comme une des questions, si vous êtes intéressés.

Les problèmes de suicide chez les adultes. Comme j'ai dit, on regarde les taux chez les jeunes puis on parle beaucoup des suicides chez les jeunes, mais la majorité des décès par suicide surviennent dans la population adulte, puis là je vais dire entre 25 et 65 ans. Donc, c'est là qu'on retrouve la majorité des personnes qui se suicident. Et, souvent, il y a moins d'interventions parce que ça attire un peu moins l'attention, ces suicides-là. Mais c'est quand même très, très important du point de vue de la santé publique.

On parle aussi d'événements circonstanciels. Je veux attirer votre attention sur la colonne de droite, où on parle d'accessibilité aux armes à feu. Vous êtes bien au courant de toutes les démarches qui ont été faites pour le contrôle des armes à feu. Le Québec a été très actif pour avoir une législation serrée à ce sujet-là. Puis on avait plusieurs exemples de personnes qui ont utilisé des armes à feu de façon circonstancielle, c'est-à-dire que ça a été un déclencheur. La disponibilité d'un moyen efficace et accessible, au moment où la personne est en période de vulnérabilité, est un facteur très, très important. Et, si on est capable de limiter l'accessibilité pendant cette période-là, période qui peut être très courte, des minutes ou des heures, ça peut être assez pour empêcher la personne de passer à l'acte, puis aller chercher de l'aide et ne pas commettre son suicide. Et, à ce moment-là, elle passe par-dessus.

Parce que, des fois, les gens disent: Ah! bien, s'ils ne prennent pas ce moyen-là, ils vont en utiliser un autre et puis, de toute façon, ils vont passer à l'acte. Les études ne montrent pas cette chose-là. Si on est capable d'arrêter, pendant la période la plus vulnérable de la personne, que ce soit par de l'écoute, que ce soit par de l'entraide, que ce soit par des armes à feu qui sont non accessibles, des médicaments qui sont limités, on peut avoir un impact significatif sur le suicide.

Les personnes âgées. C'est sûr que ça reste un problème important chez les personnes âgées. Puis le taux de personnes qui font des tentatives suicidaires est plus faible chez les personnes âgées, et le taux de suicide reste quand même élevé chez ces gens-là. Donc, ils font moins de tentatives et ils passent plus à l'acte, si vous voulez, ces gens-là. Il y a moins de 10 % des suicides qu'on retrouve chez les personnes âgées. Mais il faut comprendre que les personnes âgées ne sont pas la majorité de la population non plus. Donc, c'est quand même un phénomène qui est significatif, qui est un peu, je dirais, dans l'ombre actuellement parce que les priorités ont été plus mises sur l'intervention auprès des jeunes.

Donc, face à ce constat-là, il y a eu une stratégie qui a été développée en sept points, et puis on va passer à travers les objectifs les uns après les autres. Ces objectifs-là voulaient répondre aux problèmes qui ont été soulevés et qu'on a mentionnés tantôt. Il y a des constats qui ont été faits avec les 40 groupes et associations qui ont été consultés, et les gens s'entendaient pour dire que c'était ça, la façon d'aborder le problème le mieux. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y aura pas une évolution de ces stratégies-là dans le futur. La stratégie, c'est une stratégie sur cinq ans. Elle va évoluer, elle va être évaluée, et puis c'est normal. Mais je pense que, déjà, ces interventions-là, sont un effort très très positif par rapport à ce qui existait avant.

Donc, les objectifs généraux, c'est de stabiliser et éventuellement de réduire le taux de suicide au Québec. Pour les gens qui avaient déjà eu accès à la politique de santé et bien-être du Québec, qui a été diffusée il y a quelques années par le réseau de santé, on mentionnait à ce moment-là que l'objectif, c'était de réduire les taux de suicide. Devant la croissance constante de ce phénomène-là, la difficulté de l'endiguer, les gens ont retenu un objectif plus modeste et ils ont dit: On veut d'abord stabiliser les taux de suicide qui sont en augmentation pour éventuellement être capable de les réduire. Et on sait qu'il y a des régions du Québec – puis je pense à la Gaspésie– Îles-de-la-Madeleine – qui, elles, par leurs interventions, leur mobilisation, les énergies qu'elles ont mis autour de ce phénomène-là, ont réussi à stabiliser les taux de suicide dans leur région, puis on pense qu'elles vont même pouvoir les réduire, si la tendance se maintient.

Deuxième objectif, donc, dispenser des services – je suis à l'acétate 17 – de qualité aux personnes aux prises avec des problèmes suicidaires, à leur entourage et aux individus qui ont perdu un proche par suicide. Je pense que c'est important de voir que toute la notion d'accessibilité, d'intégration, de qualité des services est au coeur de la démarche. Mais la démarche ne se limite pas aux personnes qui sont à risque de suicide, elle doit aussi s'orienter vers les personnes de la famille, l'entourage, les amis, l'école, le milieu de travail et puis, des fois, même plus largement, une communauté qui est affectée étroitement par ce phénomène-là, quelqu'un qui peut avoir une influence. Il y a des gens qui ont des influences de groupe qui sont notables. Chez les jeunes, c'est présent, mais ce n'est pas juste présent chez les jeunes. Donc, ce qui est écrit comme postvention – moi, j'ai appris ce vocabulaire-là récemment – toute l'intervention auprès de l'entourage des gens qui s'étaient suicidés, est aussi un élément important de la stratégie.

L'objectif 1 de la stratégie, c'est d'assurer et de consolider une gamme essentielle de services et de briser l'isolement des intervenants. On vous a dit qu'il y avait déjà des services qui étaient disponibles, donnés en bonne partie par les groupes communautaires – puis là je me réfère à il y a plusieurs années. Et, de plus en plus, le réseau de santé a commencé à s'impliquer, à faire du maillage avec les groupes communautaires. Mais il y avait des services de base qui étaient nécessaires.

Un de ceux-là, c'était l'accessibilité téléphonique. On a mentionné tantôt que le fait de pouvoir prendre contact avec une personne quand on se sent vulnérable, de pouvoir en parler, l'exprimer, aller chercher de l'aider, avoir un suivi, c'était un facteur majeur. Il faut une porte d'entrée pour ça. L'accessibilité téléphonique 24 heures sur 24, sept jours par semaine, c'est un maillon essentiel. Puis les centres de prévention du suicide, c'est une des interventions majeures qu'ils ont commencé à faire dès le début, déjà, de leurs interventions dans ce domaine-là.

(11 h 10)

Les interventions sont des interventions auprès des personnes qui sont à risque. J'ai mentionné un peu les différentes étapes qui pouvaient être faites. Je vais laisser Mme Allard aller plus dans le détail tantôt, quand on va dire comment ça se vit sur le terrain, ce qui se passe quand on a un téléphone puis que quelqu'un a besoin d'aide. Je vais laisser les spécialistes parler du vécu, plus que moi.

La partie postvention, j'ai mentionné son importance tantôt. Puis je pense que maintenant les gens le reconnaissent puis, de plus en plus, on a des services qui sont accessibles, quand il y a un phénomène qui se produit en milieu de travail ou en milieu scolaire, où on peut avoir un effet de contagion ou un effet d'amplification, si vous voulez.

Associé à ça, pour que la gamme des services essentiels puisse être efficace, on a développé des protocoles d'intervention, des ententes de services pour que les gens puissent se référer en toute confiance, que les gens partagent les mêmes outils, que les gens soient sûrs que, quand ils envoient une personne à risque, cette personne-là va être bien reçue et va avoir le suivi adéquat.

Même chose pour les guides de référence, qui servent le même objectif, et la qualité du soutien clinique. Ça, on va en parler tantôt. Mais c'est très important que les gens ne se sentent pas isolés, comme intervenants. S'ils sentent qu'ils sont tout seuls et qu'ils vont être démunis face à quelqu'un qui est à risque de suicide, ils vont limiter leurs interventions. Ça fait que le fait de pouvoir avoir du support, comme réseau, tant du point de vue communautaire que de la première ligne, c'est une chose qui est fort importante.

On m'indique de vous signaler, et c'est tout à fait vrai, que, pour chacun des objectifs – ce n'est pas marqué ici, dans le résumé que vous avez, mais dans le document plus global – vous avez les actions qui sont liées à ces objectifs-là, les personnes qui sont responsables d'émettre ces actions-là et un peu du suivi dedans. Donc, vous avez beaucoup plus de détails au point de vue de l'opérationalisation de la stratégie dans le document comme tel. On ne pouvait tout mettre dans la présentation, mais, si vous avez des questions tantôt pour savoir ce qui s'est passé, comme je vous le dis, on va y revenir.

Le deuxième objectif. Améliorer les compétences professionnelles. On a mentionné que les gens se sentaient démunis. C'est une problématique qui n'était pas nécessairement abordée. Quand j'ai fait mon cours de médecine, je dois dire qu'on n'a pas eu de cours sur le suicide – ça fait un certain temps, mais pas si longtemps que ça – et puis ce n'était pas une problématique qui était touchée. Je pense que c'est bien important que tous les intervenants... Là, j'insiste là-dessus parce que, moi, je suis médecin, mais on est bien conscient que la stratégie, ce qu'elle veut, c'est que ce ne soit pas les médecins qui portent le fardeau de ça, c'est que ce soit quelque chose qui soit diffusé à tous les intervenants, à la famille, aux gens du milieu de la sécurité publique, aux gens des écoles. C'est ça, l'objectif de la stratégie. Parce qu'on sait que, quand les gens ont besoin d'aide, ils vont s'adresser à leurs proches, et leurs proches, ce n'est pas nécessairement des professionnels de la santé. Donc, on voulait que les compétences professionnelles puissent être là pour les médecins, mais on voulait qu'il y ait un grand nombre de personnes impliquées dans cette stratégie.

Les professionnels de la santé, ça inclut les professionnels des milieux communautaires, qui sont devenus professionnels, je dirais, par usage, dans ce domaine-là, qui ont développé leur expertise au fil des années. On voulait que les gens connaissent les facilités de dépistage, comment assurer la bonne connaissance d'une personne qui est à risque de se suicider et les traitements des personnes qui ont des problèmes mentaux. J'ai dit tantôt qu'il y avait deux facteurs qu'on pouvait retenir de façon très, très importante, les troubles mentaux et l'utilisation d'alcool et de drogues. Donc, c'est bien important que les gens puissent reconnaître ces signes-là d'emblée, en sachant que ces gens-là sont à risque de se suicider et qu'ils peuvent intervenir d'avance. Et contrôler les problèmes de santé psychologique ou de santé mentale, c'est déjà réduire les taux de suicide qu'on a dans notre communauté.

Le deuxième, c'est d'assurer une formation adéquate aux intervenants de première ligne sur les interventions auprès des personnes suicidaires, leur entourage, les gens endeuillés par le suicide. J'ai déjà détaillé cet élément-là.

Le troisième objectif, c'est d'intervenir auprès des groupes qui sont à risque. Les groupes qui sont à risque, il faut comprendre que c'est beaucoup de gens. Au niveau de l'épidémiologie, tantôt, j'ai passé vite. Mais on estime qu'il y a à peu près 5 % des femmes qui, dans leur vie, peuvent faire des tentatives suicidaires, donc ne pas se suicider, naturellement, mais penser au suicide. On pense qu'il y a 3 % des hommes. Donc, c'est un très, très grand nombre de personnes qui sont à risque de se suicider, bien qu'on identifie seulement à peu près 1 400 personnes qui se suicident par année, au Québec, la majorité de ceux-là étant des hommes. On me dit que c'est 1 500 pour la dernière année; avant c'était 1 420 et quelque chose. De toute façon, c'est de cet ordre de grandeur là.

Donc, pour intervenir auprès des groupes à risque – on vous les a cités, ici – ce qu'on veut, c'est favoriser et soutenir des projets-pilotes qui visent à développer et à évaluer des programmes de prévention, des activités d'intervention efficaces auprès des groupes qui sont les plus à risque. Donc, ces groupes-là, je les mentionne ici, pour ce qui est des hommes. Les hommes qui ont des problèmes d'abus et de dépendance à la drogue et l'alcool, les hommes et les jeunes et qui présentent des troubles mentaux, les hommes qui sont en détention. On dit que les taux de suicide, pour les gens qui sont en détention, sont sept fois plus élevés que les gens adultes qui sont en milieu ouvert, qui ne sont pas incarcérés. Donc, c'est évident que le milieu carcéral, c'est un milieu qui est particulièrement à risque, bien que le nombre de suicides en milieu carcéral, au Québec, ait été de moins de 10, je pense, en 1996. Donc, ce n'est pas un nombre qui est très important mais, proportionnellement, c'est un problème qui est significatif.

Ensuite de ça, les hommes qui présentent plusieurs facteurs de risque, on inclut dans cette catégorie-là les gens qui avaient de la difficulté à exprimer ou à vivre leur orientation sexuelle.

Enfin, pour ce qui est des tentatives de suicide, on parle des jeunes filles de 14 à 19 ans, qui présentent plusieurs facteurs de risque. On a parlé de l'importance de la combinaison de ces facteurs de risque dans la notion de passer à l'acte.

Enfin, les personnes qui ont fait déjà plusieurs tentatives suicidaires. C'est bien connu que les gens qui font des tentatives suicidaires à répétition, c'est comme des appels à l'aide. Mais, si ces tentatives-là ne sont pas écoutées, si ces appels à l'aide là ne sont pas écoutés, à un moment donné, les gens vont utiliser un moyen qui va être sans retour.

Quatrième objectif. Favoriser les interventions en promotion et prévention auprès des jeunes. Donc, vous voyez qu'on cible déjà une clientèle qui est particulièrement vulnérable, au Québec. On nous a dit que le Québec se différencierait des autres provinces et même de plusieurs autres pays, à cet égard. Donc, on a voulu faire un objectif particulièrement sur ce groupe-là.

Améliorer les compétences personnelles et sociales chez les jeunes et les enfants, développer une expertise sur la prévention du suicide auprès des jeunes. Puis on a déjà plusieurs acteurs dans le réseau de santé qui travaillent dans ce domaine-là. Et on m'a dit qu'il y avait déjà des liens avec des experts d'autres pays qui travaillaient dans ce domaine-là pour nous supporter en cas de besoin.

Enfin, assurer la postvention auprès des jeunes pour éviter qu'il y ait des phénomènes de contamination ou de contagion qu'on a déjà vus ici, au Québec, dans le passé.

Cinquième objectif. Réduire l'accès, minimiser les risques associés aux moyens. J'ai déjà parlé un peu tantôt de l'importance que ces moyens-là pouvaient avoir, qu'on parle d'armes à feu, de ponts. On peut penser ici au tracel, dans la région de Québec, où il y a eu des interventions spécifiques qui ont été faites, compte tenu qu'il y a eu quelques suicides et qu'il y a moyen, dans le fond, d'éviter ces suicides-là, quand on est capable d'identifier les endroits qui sont à haut risque. Les gens de la région de Montréal connaissent bien le pont Jacques-Cartier. En fait, toute la communauté est au courant de ça. Donc, il y a des endroits où il y a des interventions spécifiques qui peuvent être faites.

L'accès aux médicaments. Depuis plusieurs années les médecins sont sensibilisés au fait que les gens accumulent des médicaments chez eux et que ce cumul de médicaments là peut, à un moment donné où les gens sont vulnérables, amener des intoxications qui peuvent être mortelles. Donc, la pratique maintenant, c'est de limiter les prescriptions, et de limiter à 30 jours les prescriptions, pour éviter ce cumul de médicaments là. L'autre façon, qui n'est pas encore complètement prête, mais qui est une façon qui va pourvoir être faite, c'est que, quand l'informatisation va être complétée puis que les liaisons entre pharmacies vont être faites, on va pouvoir savoir. Quand les gens vont chercher des prescriptions de plusieurs personnes différentes, à ce moment-là, ils peuvent devenir à haut risque aussi.

L'intoxication par monoxyde de carbone, c'est aussi une chose qui n'est pas nécessairement la plus fréquente, qui est quand même assez présente. Il y a des mécanismes qui peuvent être mis sur les véhicules moteurs de telle sorte que, quand les taux de monoxyde de carbone augmentent, le moteur s'éteint. Des choses qui sont simples, qui ne sont pas nécessairement trop dispendieuses et qui pourraient limiter le nombre de suicides aussi.

Objectif 6. Contrer la banalisation et la dramatisation du suicide en développant le sens de la solidarité et des responsabilités. Entre autres, développer un plan de communications pour appuyer l'ensemble de la stratégie, ce qui est fait et faire des représentations auprès du Conseil de presse. Les liaisons sont bien entamées actuellement avec les médias, les représentants des auteurs, des gens qui travaillent dans le milieu des médias électroniques, et autres, pour que les gens se rendent compte de l'effet d'entraînement que peuvent avoir les communications, particulièrement auprès des jeunes.

Un phénomène qui inquiétait beaucoup les gens, quand ils ont été consultés, c'est tout le phénomène de banalisation autour du suicide. Les gens disent que c'est fort important que les gens reconnaissent l'importance de ce problème-là et que les gens aient accès à des ressources, quand on parle du suicide, quand on veut expliquer le phénomène du suicide. Puis il y a des actions qui sont faites actuellement avec le Conseil de presse pour avoir un guide sur le traitement de l'information face au suicide, justement pour éviter qu'on ait une surdramatisation du problème, avec les effets d'entraînement dont j'ai parlé.

Le septième objectif, c'est d'intensifier et de diversifier la recherche, notamment la recherche évaluative et la recherche qui vise à développer des méthodes d'intervention adaptées aux différentes populations cibles. Actuellement, la prévention, c'est une chose qui n'est pas nécessairement facile. On a parlé de la prévention, de dépister les gens qui ont des problèmes de santé mentale, les gens qui ont des problèmes de toxicomanie ou d'alcoolisme, les gens qui se sentent à risque, vulnérables et qui vont consulter. Mais est-ce qu'on est capable de faire vraiment des interventions efficaces plus largement dans le milieu, auprès des jeunes dans les écoles, ou autres? Donc, ça, c'est des choses qui ne sont pas nécessairement faciles.

(11 h 20)

Il y a des gens qui veulent proposer des interventions. Ce que les gens qui ont été consultés disent, c'est: Soyons très vigilants pour évaluer toute intervention qu'on va mettre de l'avant pour éviter de faire des erreurs, pour éviter, dans le fond, que les interventions qu'on pourrait faire aient des effets négatifs ou des contrecoups négatifs. Donc, soyons très vigilants et évaluons ce qu'on va mettre de l'avant comme interventions préventives, et aussi la recherche fondamentale. On va parler tantôt de ce qui a été fait pour mettre ces stratégies-là en oeuvre.

On est rendu au niveau de l'acétate n° 26, les conditions qui ont été identifiées pour être capable de réussir la stratégie. On parle d'un leadership régional bien identifié. Les régies régionales, qui sont, somme toute, une organisation en évolution – puis de plus en plus, avec la décentralisation, on voit la place que les régies régionales prennent dans l'organisation des services dans le réseau – n'avaient pas pris leur place dans cette problématique-là. Puis je pense que, dans la stratégie, il y a une place très, très importante pour qu'elles soient responsables d'implanter les mesures, de les adapter à leur région, de les adapter aux besoins de leur communauté. Donc, ça, c'est un des points centraux.

La formation, on en a parlé tantôt, l'importance de la formation des professionnels, de toutes les natures de professionnels qui touchent ce domaine-là.

La disponibilité de protocoles d'intervention, avoir une très bonne coordination des interventions, des outils de référence puis du soutien aux intervenants, donc, ça, c'est des choses qui ont été travaillées pour être sûr qu'on réussirait dans l'implantation de la stratégie.

L'acétate n° 28. On parle du financement. Le premier financement dont on parle, c'est un financement non récurrent sur trois ans pour des projets d'intervention et d'évaluation. Ce ne sont pas des interventions qui se passent directement nécessairement sur le terrain. On parle vraiment d'évaluation, ici. Ce montant-là est disponible actuellement. Il y a une communication qui doit être envoyée dans les prochains jours à chacune des régies régionales pour que les projets soient soumis à un groupe de travail qui va évaluer ces interventions-là. Comme je vous ai dit tantôt, on pense qu'il y a beaucoup de connaissances qu'on doit acquérir actuellement au niveau de la prévention du suicide, et ce montant-là est en partie pour ça.

Les régies régionales ont comme responsabilité de dégager les montants à l'intérieur de leur enveloppe budgétaire. Il y a actuellement 2 500 000 $ qui sont donnés pour des interventions directes dans l'ensemble des régions du Québec pour la prévention du suicide, mais on voit des initiatives de plusieurs régions, actuellement, pour implanter cette stratégie-là. On peut penser à Chaudière-Appalaches, ils ont dégagé 300 000 $ récemment, justement pour intensifier leurs activités dans ce domaine-là. On peut penser à l'Outaouais, qui a dégagé 125 000 $ aussi pour intervenir. Là, il y a quand même eu un input des régions. Quand on disait de responsabiliser les régions, c'est ça que ça voulait dire.

Après ça, on parle des montants qui pourront varier d'une région à l'autre selon l'état actuel des ressources consacrées aux services directs à la population. C'est ça que je viens de vous mentionner dans d'autres mots.

Les réalisations à ce jour. L'acétate n° 30. On parle de l'importance de la coordination et de la mise en oeuvre de la stratégie par un groupe de travail MSSS–régies. En fait, on peut vous dire que, depuis le lancement de la stratégie, il y a un groupe de travail MSSS-régies, il y a un groupe de coordination provinciale qui a été mis en place, il y a des répondants dans chacune des régions qui ont été identifiés et, donc, il y a un travail de coordination et de transfert d'informations, de telle sorte que les protocoles d'intervention qui sont faits ne soient pas des protocoles qui soient multipliés par 18 à l'intérieur du Québec – je dis par 18, puis je pourrais dire par 30 ou par 50, dépendant si c'est des organismes isolés – mais bien qu'on ait des protocoles qui soient beaucoup plus standardisés, puis de meilleure qualité pour tout le monde. Donc, ça, c'est opérationnel actuellement, et, déjà, c'est un ancrage majeur.

On pourra parler tantôt du maillage entre le travail avec les groupes communautaires, les services de première ligne, les CLSC, les médecins, les références en milieu hospitalier, et autres. Ça, c'est des choses qui sont en train de se produire actuellement. Je ne peux pas dire que c'est des choses qui sont parfaites, je me ferais corriger. Mais je peux dire que c'est des choses qui sont en train de se faire et qui s'améliorent. Donc, je pense que la stratégie est en train de s'implanter. C'est une stratégie sur cinq ans. Il ne faut pas penser qu'après huit mois on va avoir changé l'état du monde, mais c'est quelque chose qui est en processus actif d'évoluer puis de s'améliorer.

L'identification des paramètres de financement des projets, ça, c'est quelque chose qui est fait actuellement. Comme je l'ai dit, c'est une lettre qui s'en va à toutes les régies régionales, qui est prête sur mon bureau.

La Coalition pour le contrôle des armes a mené et mène des actions pour réduire l'accessibilité des armes à feu. Je pense que vous êtes bien au courant de cette chose-là. Ce qu'il faut faire, c'est s'assurer qu'il y ait une continuité d'action. Parce que, souvent, même si la loi est là pour le contrôle des armes à feu, son implantation est inégale. Et les gens, des fois, se sentent mal à l'aise. Ils peuvent arriver dans un foyer où il peut y avoir des gens qui sont à risque et puis être mal à l'aise de dire: Il y a une arme à feu là, on la retire, on la confisque. Ils ont le droit de faire une chose comme ça. Mais il faut sensibiliser les gens que ces mesures-là, ce sont des mesures qui doivent être prises et qu'ils sont autorisés à les prendre.

On continue. L'élaboration d'un portrait et la mise sur pied dans la plupart des régions d'un comité d'implantation de stratégie. Je l'ai mentionné, c'est déjà quelque chose qui est fonctionnel.

Soutien financier à des organismes communautaires dans la plupart des régions. C'est quelque chose qui existait déjà, c'est quelque chose qui continue, c'est quelque chose qui, on le souhaite, va être amplifié dans le futur, au fur et à mesure que les régies vont prioriser ce problème-là.

L'élaboration d'un projet-pilote de formation des omnipraticiens dans la région de l'Outaouais. Ce qui est intéressant, dans un projet comme ça, c'est qu'on peut tirer des leçons d'un projet comme celui-là et l'étendre à l'ensemble de la province. Ça fait que, voir qu'une région peut faire ça, il ne faut pas le voir limité à la région, mais il faut vraiment voir ça comme quelque chose qui va être étendu à l'extérieur.

On a d'autres initiatives comme l'hôpital Sainte-Justine, qui va faire deux jours de réunion-concertation avec les intervenants de sa région mais des autres régions environnantes sur la thématique du suicide très prochainement.

On a les journées annuelles de santé publique, où on va avoir des présentations spécifiques sur le suicide, justement pour que les gens maintiennent leurs connaissances à jour et accroissent leurs interventions dans la prévention du suicide.

On a parlé de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine puis on a montré tantôt que les taux de suicide sont les plus bas, en fait, dans la province, bien que la province ait le taux le plus élevé au Canada. Une des raisons possibles – je ne veux pas dire que c'est la seule raison – c'est le fait que, déjà en 1992, il y a eu des efforts de concertation très importants dans l'ensemble de la région Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine. Il y a eu un coordonnateur qui a été nommé, qui a travaillé avec les gens de son réseau qui ont développé des protocoles d'intervention, qui ont développé des cadres de référence où il y a un investissement d'énergie mais de travail en commun. Et je pense que c'est le point central que je voudrais laisser là-dessus. Cette concertation, ce travail entre les intervenants, cette capacité de référence-là, cette sensibilité aux problèmes a fait qu'en Gaspésie on n'a pas eu d'augmentation des taux de suicide comme on en a connu ailleurs au Québec. Donc, ça, c'est un élément de la stratégie, et on pense que ça a déjà porté fruit dans cette région-là.

Les activités à venir. On parle des modèles plus communs de protocoles d'intervention et d'ententes de services; l'adoption de normes d'éthique par les médias – on a parlé tantôt que ça s'en venait; la formation des omnipraticiens; la représentation auprès des organismes subventionnaires pour le financement des recherches sur le suicide – on peut dire qu'il y a actuellement plus de 1 000 000 $ de recherches par année qui sont subventionnées par le CQRS, donc, ça, c'est la recherche sociale, et le FRSQ, c'est la recherche en santé; puis enfin, la formation adéquate des intervenants sur le travail auprès des personnes suicidaires de l'entourage et des personnes endeuillées.

Ça, ça termine la présentation. Je vais demander aux membres experts avec moi s'ils ont des choses à rajouter, puis, après ça, on pourrait répondre aux questions, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est beau. Est-ce qu'il y a d'autres commentaires à ajouter? Le sous-ministre a tellement bien fait ça que... M. le député de Maskinongé, vous avez le très grand honneur de commencer.

M. Désilets: Merci beaucoup. J'ai plusieurs questions et je ne sais pas par laquelle commencer. La première qui me viendrait à l'esprit, par exemple, c'est: Vous êtes rendus où dans le plan? Parce que, tout le long, vous avez dit votre plan d'action, les échéances. Est-ce que, ça, c'est respecté? Vos échéances, est-ce que ça va bien partout?

M. Massé (Richard): Oui. Actuellement, c'est respecté et ça va bien. Comme je l'ai dit déjà, le comité de travail provincial continue. Les réunions se font sur une base régulière. Il y en a eu tout récemment. Donc, la stratégie s'implante bien. Les argents ont été mis disponibles. Les normes pour la recherche, c'est des choses qui ont été établies, ça s'en va dans le réseau tout prochainement. C'est récent, quand même, huit mois, mais on voit déjà qu'il y a des efforts importants. Je vais laisser M. Mercier compléter peut-être au niveau des détails plus fins de ce qui pourrait être réalisé.

(11 h 30)

M. Mercier (Guy): En fait, c'est ça, on a eu quelques réunions, à date, du comité MSSS-régies, puis, comme dit M. Massé, pour ce qui est du calendrier d'opération qu'on a là-dedans, il est respecté. Dans toutes les régions du Québec, il y a un comité qui existe, de concertation, qui est en train de faire le portrait sur les interventions, autant au niveau hospitalier. Les principaux hôpitaux participent, les CLSC, les policiers, les écoles, les intervenants communautaires. Quand on a fait le tour du Québec en consultation sur la stratégie, tous ces gens-là ou à peu près étaient présents, puis je dois dire que le degré de mobilisation était très intéressant, puis ça continue.

La première étape que tout le monde a réalisée, c'est de voir qu'est-ce qu'ils investissent dans leur région, qui fait quoi par rapport au suicide, puis comment ils peuvent mettre en oeuvre ce qui est le premier objectif qu'on poursuit, c'est-à-dire la gamme essentielle de services. C'est important d'avoir un minimum de services pour les personnes suicidaires et pour leurs proches, puis c'est en train de se faire, c'est en train de se compléter actuellement, au moment où on se parle. Il y en a même qui ont mis, comme disait M. Massé, des montants supplémentaires à ce qui était demandé. Il a donné quelques exemples tout à l'heure, l'Outaouais et d'autres. Alors, ça va très bien au niveau de l'implantation de la stratégie, mais il reste que c'est une problématique qui est quand même complexe, et il faut toujours, pour s'assurer de sa mise en oeuvre, s'assurer qu'effectivement le leadership est bien assumé autant au niveau régional, national que local. Mais, pour le moment, ça va bien.

M. Désilets: Encore juste sur ce point-là. Au niveau national et régional, est-ce qu'il y a un arrimage ou est-ce qu'il y a des régions qui sont encore plus à risque que d'autres? Ou encore, souvent, on se réfère... Je suis un député de région. C'est à Montréal... nous autres, on est référé souvent à Montréal ou à Québec, les grands centres, pour des services plus pointus. Est-ce que ça va encore demeurer pareil parce que le bassin n'est pas justifié, ou quoi?

M. Massé (Richard): Vous avez raison, c'était quelque chose qui était comme ça avant, dans le sens qu'il n'y avait pas des centres de référence partout, il n'y avait pas nécessairement, même, des centres où on pouvait recevoir les appels 24 heures sur 24 partout, puis à ce moment-là on devait référer à l'extérieur. Dans la stratégie, il y a vraiment un mouvement pour que chacune des régions se dote des services appropriés, qu'elles ne soient pas obligées d'envoyer les gens à l'extérieur. Mais c'est sûr que, quand il y a certaines problématiques très, très spécifiques – on peut penser à la désintoxication, on peut penser à certains troubles mentaux – à ce moment-là, il faut qu'il y ait des références spécialisées ou, des fois, ultraspécialisées. Mais, pour les services de première ligne auxquels vous faites référence, non, vraiment, l'objectif, c'est que chacune des régions soit dotée, que les CLSC soient impliqués, que les centres de prévention du suicide soient impliqués de façon active, et qu'ils travaillent ensemble, donc, pour éviter que justement les gens doivent se déplacer ou aller à l'extérieur, ou, carrément, n'aient pas accès.

M. Désilets: Peut-être, encore, au niveau de la première ligne. Les groupes cibles, les groupes à risque, je voudrais juste vérifier si les interprètes... Les enfants qui ont un handicap particulier, soit qu'ils sont sourds, soit qu'ils sont aveugles, ou qu'ils se déplacent tout le temps avec un interprète, est-ce que les interprètes ont une formation pour dépister le risque des...

M. Massé (Richard): Je vous référerai aux deux personnes qui peuvent peut-être connaître ça, Mme Allard ou M. Mercier. Honnêtement, moi, je ne suis pas capable de répondre à votre question.

Mme Allard (Liliane): Oui. Bien, enfin, est-ce qu'ils ont une formation? Ils ont un encadrement, un support et une supervision professionnels. C'est quand même marginal, ce genre d'intervention là, je vais vous le dire, pour ce qui est de la région de Québec à tout le moins – évidemment que je vais parler de ce que je connais le mieux, la région de Québec. Mais, quand il faut faire ce type d'intervention là, on double... c'est-à-dire qu'il y a l'interprète qui est là, puis il y a l'intervenant du Centre de prévention du suicide qui va orienter l'intervention. On ne laisserait pas un interprète tout seul à faire une intervention de cet ordre-là s'il ne se sent pas la capacité de le faire ou s'il n'a pas eu la formation pour le faire. Alors, on prend toujours des mesures de protection pour l'intervenant et pour la personne suicidaire.

M. Désilets: O.K. Je vous dis ça parce que, par expérience, ça m'est arrivé au bureau, une personne a appelé, puis l'interprète qui avait à charge le jeune, il n'était pas formé pour ça. Puis ça ne fait pas des années, c'est tout récemment. C'est dans ce sens-là, moi, que je pense que, dans ma tête, c'est un groupe à risque, ceux qui ont un handicap majeur, puis c'est un peu dans ce sens-là que je vous disais: Vérifiez pour que ces gens-là aient une formation pour dépister puis être capable de référer, parce que, quand ça nous rebondit, qu'est-ce qu'on fait avec ça?

Au niveau des enfants en milieu scolaire, avez-vous une approche particulière?

M. Massé (Richard): Mais il y a, effectivement, des initiatives qui sont proposées actuellement pour les interventions en milieu scolaire. Là, je vais parler de prévention puis de postvention. Je pense qu'on doit distinguer l'un et l'autre.

En approche de prévention, la chose qui nous apparaît actuellement la plus importante, c'est de sensibiliser les intervenants en milieu scolaire pour qu'ils puissent dépister les personnes qui sont à risque, les référer puis les supporter. Le réseau d'amis, les proches, on l'a mentionné, c'est des choses qui sont très, très importantes. Donc, que les gens puissent dépister ces problèmes-là, ça nous apparaît tout à fait majeur et ça fait partie de la stratégie.

Est-ce qu'on peut avoir des interventions préventives directement auprès des jeunes? Bien que c'est des choses qui sont discutées, on ne connaît pas vraiment d'intervention actuellement qui serait assez évaluée puis qu'on connaîtrait assez bien pour qu'on puisse dire qu'on l'implanterait dans l'ensemble des milieux scolaires, mais c'est certainement quelque chose qu'il serait intéressant qui soit évalué à travers la stratégie. On propose des stratégies d'évaluation, donc, ce serait important.

Du côté de la postvention, donc, l'intervention dans les milieux scolaires... Lorsqu'il y a eu le suicide d'un jeune ou d'une personne qui fréquente l'école, là aussi, c'est très, très important de sensibiliser les gens qui peuvent avoir accès à du support, à des ressources, à de l'écoute. Cette chose-là doit être faite immédiatement, dans les heures qui suivent. On a des protocoles qui disent: Dans combien de temps est-ce qu'on devrait réagir pour ne pas qu'il y ait des délais indus qui soient faits? Parce qu'on sait que, quand il y a un phénomène de transmission, ça se fait rapidement. Donc, le niveau de la postvention en milieu scolaire, c'est quelque chose qui, actuellement, est discuté et qui est clairement beaucoup plus de l'avant que ce ne l'était avant.

Je ne sais pas s'il y a d'autres interventions en milieu scolaire. M. Mercier?

M. Mercier (Guy): Les jeunes, en général, cherchent beaucoup de l'aide auprès de leurs amis, d'abord, et on encourage... Dans notre stratégie, on a pris position là-dessus, puis le Conseil permanent de la jeunesse avait la même position concernant le développement, l'importance de développer des programmes de pairs aidants, et de sensibiliser les jeunes qui sont prêts à aider leurs collègues, leurs amis aux manifestations des idées suicidaires, puis ces choses-là, parmi bien d'autres. On trouve que c'est une initiative qui est importante à prendre.

M. Désilets: J'ai eu une expérience personnelle, chez nous, dans le milieu où j'enseignais, à Pointe-du-Lac, tout près de Trois-Rivières. On avait eu, une année, des cas de suicides, trois ou quatre, je pense, dans le même six mois, et on avait instauré à l'école primaire, parce qu'il y avait des cas là aussi – c'était de nos anciens élèves – une boîte à lettres. Les enfants s'envoyaient des lettres, entre eux autres, dans l'école, et on avait réussi, pas à dépister, mais à voir les enfants plus à risque, parce qu'on supervisait le transport du courrier, et qui envoyait à qui, et même des lettres de couleurs différentes pour le directeur de l'école ou un prof. On avait des lettres, et il y avait un suivi. Je ne sais pas si c'est une chose qui peut aider, des fois, à désamorcer.

M. Massé (Richard): Je trouve que votre intervention est intéressante dans le sens que... on ne peut pas dire que cette intervention-là, on va pouvoir la mettre dans l'ensemble des écoles du Québec. Mais ce que, vous, vous attachez comme phénomène, c'est de dire que, quand il y a un suicide, les gens doivent être sensibilisés qu'il y a des interventions qui peuvent être faites et que les gens doivent sentir qu'il y a une réceptivité, que, si eux autres se sentent vulnérables, eux autres vivent des difficultés, ils peuvent en parler à quelqu'un – c'est ça, l'histoire de votre lettre, essentiellement – et qu'il y a la possibilité d'avoir une écoute puis d'avoir de l'aide. Que ça se fasse par lettre, que ça se fasse d'autres façons, que ça se fasse dans une rencontre entre les jeunes, que ça se fasse en petits groupes, il y a plusieurs façons de le faire, puis là je pense qu'il faut s'adapter au milieu. Donc, on ne pourrait pas dire que cette intervention-là, c'est la seule qui puisse être faite, mais c'est certainement la bonne façon d'aborder les choses.

M. Désilets: Mais je fais plus référence...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député, une dernière intervention...

M. Désilets: Oui, une dernière.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...pour donner la chance à tout le monde.

M. Désilets: Oui. C'était plus pour faire référence dans le sens que, nous autres, quand on a vécu ça, on n'avait pas de référence, on n'avait pas de banque, on n'avait rien. Donc, on a été obligé de se réunir, de se forger, de dire: Quoi, qu'est-ce qu'on fait, puis quels moyens? Sauf que d'avoir une banque d'interventions – ça, ça fait tel, tel, tel effet – ça serait plus facile. On aurait pu intervenir plus rapidement et choisir, parmi la banque, laquelle activité on prend et qui réponde aux besoins, mais ce qu'on n'avait pas.

Mme Allard (Liliane): Alors, je vais vous rassurer, monsieur. Ça existe maintenant, parce que l'Association québécoise de suicidologie, en partenariat avec beaucoup d'experts, a créé la banque d'outils d'intervention auprès des jeunes. Chaque région du Québec est dépositaire de cette boîte à outils où, là, il y a l'ensemble des projets d'intervention, de prévention qui se sont développés au Québec en particulier, et on a aussi puisé un peu à l'extérieur. Tous ces projets-là ont été quand même évalués par ce comité d'experts. On peut utiliser une multitude d'éléments dans ça, on peut adapter. Mais, dans le fond, ce que je veux vous dire, c'est que chaque région du Québec maintenant... règle générale, c'est les centres de prévention du suicide de chacune des régions du Québec, parce qu'il y a quand même un centre dans toutes les régions, qui sont dépositaires de la boîte à outils, qu'on a appelée, et cette boîte-là comprend tous les projets, les programmes, les interventions qui peuvent être réalisés auprès des jeunes. Ils ont été évalués par un comité d'experts qui est un comité très élargi. Alors, on a essayé de développer dans ce sens-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Un commentaire additionnel? Oui.

M. Gilbert (Léonard): Oui, ce que je voulais ajouter et que vous illustrez, c'est que, dans la stratégie, on insiste sur l'importance du rôle de sentinelle, de l'identification des situations à risque. Vous illustrez, vous, comment, chez vous, vous vous êtes organisés pour jouer ce rôle-là, peut-être pas, comme vous dites, avec tous les outils adéquats, et on peut se référer à des spécialistes pour s'aider, mais l'importance de ce rôle de sentinelle de première ligne pour vraiment identifier les situations avant qu'elles se détériorent et qu'on puisse agir et aider les gens. Le titre de la stratégie s'appelle S'entraider pour la vie , et ça ne donne pas juste des responsabilités aux spécialistes, ça donne des responsabilités à chacun de ce qu'il peut faire. Et vous illustrez très bien comment vous l'avez fait chez vous, de façon intuitive peut-être, mais que ça peut s'organiser.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de Nelligan.

(11 h 40)

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président, et merci beaucoup, M. Massé, et tous vos autres partenaires pour votre présentation. Vous touchez un sujet qui est tellement important et qui intéresse les deux côtés de la Chambre. C'est pourquoi nous avons ce mandat d'initiative. Je suis content d'avoir une discussion publique sur cette importante question. C'est une chose qu'on essaie de faire ici, à la commission parlementaire, d'assurer que l'information n'est pas toujours dans l'arrière-Chambre, que ça sorte en public. Effectivement, je vois que nous sommes probablement partie de votre stratégie aussi, avec la sensibilisation de la population, et ça ne me dérange pas d'être utilisé comme ça.

J'ai beaucoup de questions. Comme j'ai vu le député de Maskinongé... je vais essayer d'être bref. J'ai beaucoup de questions, je pense, plus du côté humain et social, et je pense que c'est la clé de toute la question, mais il faut que je commence avec une question d'argent. Je viens d'un milieu communautaire aussi et j'ai travaillé dans les régions, j'ai travaillé avec les jeunes aussi. Vous avez ciblé beaucoup de choses très importantes sur les indicateurs de suicide. Vous avez monté une stratégie tellement intéressante dont je voudrais discuter, mais, aussi, je sais que ça prend de l'argent.

Vous avez mentionné qu'il y a 700 000 $... Je m'excuse de commencer sur de l'argent, mais il faut qu'on discute de ce qui est disponible pour la population. C'est bien beau de dire qu'on veut faire les choses, mais, si nous n'avons pas les moyens, on ne peut pas les faire. Il y a 700 000 $ non récurrents – vous avez répété ça, non récurrents; je pense que c'est un message aussi clair au ministre que c'est non récurrent – pour faire la stratégie. Le budget a parlé de 5 000 000 $. Ils ont parlé d'un budget de 20 000 000 $ pour la toxicomanie et le suicide. Je vois dans les notes que le budget est de 5 000 000 $. Je voudrais savoir de quoi on parle.

Est-ce que nous avons le moyen de faire ce que vous voulez faire dans votre stratégie? C'est quoi, les lacunes budgétaires? Est-ce que le gouvernement a respecté sa parole de rendre 10 000 000 $ disponibles? Et c'est votre chance aussi maintenant, devant une commission parlementaire, de dire c'est quoi, vos besoins financiers... pas «vos», je m'excuse, ce n'est pas un département, je présume, qui a besoin de plus – peut-être que oui – de rechercheurs ou recherchistes. Qu'est-ce que le milieu a besoin actuellement pour mettre en place votre stratégie? Parce que je peux être pour votre stratégie, mais, s'il n'y a pas de programmes de prévention, de sensibilisation des médias, de postvention, d'appuis communautaires, particulièrement avec toutes les coupures que nous avons vues pendant les derniers trois ans par ce gouvernement, j'ai de la misère à croire qu'effectivement il y a les moyens de mettre ce plan en vigueur. Avec ça, ma question, au début: Combien d'argents sont disponibles pour mettre ça en place pour tout le monde? C'est quoi, vos lacunes, selon votre analyse? C'est quoi, le montant que nous allons manquer?

M. Massé (Richard): O.K. Bien, d'abord, il faut faire la distinction entre les argents ministériels, puis les argents régionaux, puis les argents de recherche.

M. Williams: Effectivement, oui.

M. Massé (Richard): Donc, peut-être qu'il faut partager ces choses-là. Il faut faire le départage, comme vous l'avez mentionné avec justesse, entre les argents qui sont non récurrents puis les argents qui sont récurrents, et puis faire la distinction entre les budgets qui sont sur cinq ans versus ce qui est dépensé annuellement. Ce que, moi, j'ai comme information, c'est qu'il y a actuellement 2 500 000 $ qui sont mis dans chacune des régions du Québec pour les...

Une voix: Dans l'ensemble du Québec.

M. Williams: Dans chaque région?

M. Massé (Richard): Non, non, non, dans l'ensemble du Québec.

M. Williams: Oh! Parce que je pensais: Vous avez 16 régies régionales qui ont juste sauté trois étages, mais...

M. Massé (Richard): Non, non. La langue m'a fourché.

M. Williams: Partout, dans les 16 régies régionales, il y a 2 500 000 $.

M. Massé (Richard): Pour les 18 régies régionales.

M. Williams: Excusez-moi, 18.

M. Massé (Richard): Il y a deux régies qui sont de la région nord, crie et inuit. Mais, pour l'ensemble des régies régionales, actuellement, il y a 2 500 000 $ qui sont mis et qui sont sur la prévention du suicide. On a des argents... puis, ça, c'est des montants qui sont récurrents et ça ne compte pas les argents qui...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): C'est la première année?

M. Massé (Richard): Oui, c'est la première année. En fait, c'est les premiers huit mois.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça n'existait pas avant.

M. Massé (Richard): Ça n'existait pas avant, c'est la première année. Mais, par contre, il y avait déjà de l'argent avant, là. Il faut faire attention là-dessus. Ces argents-là, c'est des argents qui étaient déjà investis auprès des groupes communautaires, très souvent, qui étaient financés par le réseau de santé, ou supportés – je devrais le mettre comme ça – supportés par le réseau de santé. Donc, ces argents-là étaient déjà là avant. Ce qui a été rajouté depuis, c'est le 700 000 $ dont on parle pour la recherche, qui est non récurrent, pour effectivement lancer la stratégie puis faire l'évaluation des projets. Ceci, par contre, se rajoute au 500 000 $ dont j'ai parlé antérieurement qui est donné par le CQRS puis le FRSQ. Donc, ça, c'est de l'argent qui est aussi récurrent. Il faut comprendre que le processus d'attribution des projets pour la recherche – puis là je vais me limiter à la recherche juste... pour un petit peu, là – ces argents-là sont fonction des demandes. Plus les demandes sont de qualité, plus les chercheurs ont développé une expertise, plus ils ont accès, dans le fond, à une banque large. Le 700 000 $ va avoir un effet catalyseur pour pouvoir permettre d'aller chercher plus d'argent récurrent auprès de ces sources de financement là.

M. Williams: Au moment où on parle...

M. Massé (Richard): Au moment où on parle, c'est pour la recherche...

M. Williams: Si je peux juste clarifier qu'est-ce que j'ai entendu. Dans les 18 régies régionales, il y a un nouveau total d'argent pour mettre cette stratégie en place, 2 500 000 $.

M. Massé (Richard): Non, ce n'est pas tout à fait...

M. Williams: Ce n'est pas correct, ça?

M. Massé (Richard): Ça, c'est de l'argent qui était déjà présent qui continue d'être investi. Mais les régies régionales vont investir du nouvel argent au fur et à mesure qu'elles vont prioriser. Je vous disais qu'il y avait de l'argent ministériel, donc l'argent qui était donné par le ministère directement, puis il y a de l'argent qui est donné par les régions. Actuellement, il y a 2 500 000 $ qui sont donnés dans l'ensemble des régions. Mais, en plus, on voit des régions qui commencent à prioriser le suicide, les interventions auprès des personnes à risque, la prévention, et qui commencent à investir plus. J'ai donné l'exemple de Chaudière-Appalaches qui avait mis 300 000 $ tout récemment pour des interventions de première ligne et de coordination et de formation. Et puis on a 125 000 $ dans la région de l'Outaouais qui va être investi; on a parlé tantôt de la formation dans ce milieu-là. Donc, il y a des argents qui sont investis par chacune des régions. Mais le 2 500 000 $, ce n'est pas de l'argent qui est nouveau, ça; c'est de l'argent qui était là avant.

M. Williams: ...de réponse puisque j'ai pensé... Parce que, au début, j'ai pensé, au moins il y a un nouveau 2 500 000 $. Le budget du 31 mars, l'année passée, belle annonce: 20 000 000 $, toxicomanie, suicide. Dans une page, section III d'une des annexes, on prédit 5 000 000 $ cette année, d'argent nouveau qu'on parle, d'argent nouveau. Si je fais un calcul, quand même là, diviser par 18 le 2 500 000 $ – que vous venez juste de dire que ce n'est pas nouveau – c'est une moyenne de 140 000 $. Ce n'est pas beaucoup d'argent.

Selon vous, au moment où on parle – n'oubliez pas le budget administratif disponible pour les personnes qui essaient d'être impliquées, de mettre votre stratégie en place – est-ce que le gouvernement a respecté l'engagement d'avoir cette année fiscale 5 000 000 $ de plus qu'avant? Est-ce que cet argent est disponible au moment où on parle?

M. Massé (Richard): Je vais demander à M. Gilbert de préciser les budgets puis je vais revenir après pour compléter la réponse.

M. Williams: Oui, oui. Je cherche juste une réponse là.

M. Gilbert (Léonard): Je ne sais pas si je vais pouvoir vous répondre en chiffres précis, mais je voudrais situer le contexte et les éléments. Le budget spécifique au suicide dans chacune des régions, le totaliser de façon spécifique, le total des interventions de suicide... il y a une difficulté à distinguer les sous qui sont spécifiques au suicide, à des interventions comme telles par rapport à des interventions qui sont, je veux dire, incluses dans d'autres actions institutionnelles, notamment le milieu de la santé mentale, etc., pour lequel il y a des interventions auprès des personnes suicidaires comme telles, mais dont le budget, si vous me passez l'expression, n'est pas distingué. Ce qu'a mentionné M. Massé particulièrement, c'est que les centres de prévention du suicide pour lequel il y a vraiment une identification spécifique des budgets, parce que c'est une activité, comment je dirais? c'est un groupe d'organisations qui sont bien et c'est à ce budget-là qu'est rattaché le 2 500 000 $ d'interventions.

(11 h 50)

M. Williams: M. Gilbert, je vous respecte beaucoup, mais «bottom line», quand on demande aux groupes communautaires, le groupe de support à la famille, quand on cherche d'autre argent, cette année, est-ce qu'ils vont avoir accès à 5 000 000 $ de plus, oui ou non? La réponse, je présume, est non.

M. Massé (Richard): Bien, écoutez, je ne veux pas vous répondre comme ça parce que ce n'est pas tout à fait comme ça que ça a fonctionné, puis là on m'a expliqué...

M. Williams: Mais c'est dans le budget, comme ça.

M. Massé (Richard): Non, mais je vais vous expliquer, M. le député. Moi, je suis là depuis un mois. Donc, il y a des choses que je suis encore obligé d'apprendre au niveau du fonctionnement. Les budgets, effectivement, ont été dégagés et ont été mis auprès des régies régionales dans la prévention jeunesse, qu'on appelle. Donc, c'est une enveloppe plus globale pour les jeunes. Il y en a une partie qui est allée en toxicomanie, puis l'autre partie qui était dédiée pour les suicides. Mais c'est chacune des régions qui décide d'investir des montants pour la prévention du suicide.

Donc, quand j'ai parlé des montants, tantôt, de 300 000 $ dans Chaudière-Appalaches, bien, eux autres ont utilisé la redistribution des 5 000 000 $ aux régions pour intervenir dans ce domaine-là. La même chose pour ce qui est de l'Outaouais. Puis chacune des régions a l'opportunité de le faire. Mais il n'y a pas eu un téléguidage direct du ministre – que je connaisse – de dire: On prend le 5 000 000 $ puis on le divise par 18. Ce n'est pas la notion de la décentralisation avec laquelle on fonctionne dans le réseau de la santé et des services sociaux. On identifie les grands problèmes, les régions s'adaptent aux priorités régionales et décident d'intervenir dans ces domaines-là à mesure que les besoins sont bien identifiés, bien clairs.

De vous dire qu'il n'y a pas de besoins, M. le député, je ne vous dirais pas la vérité, puis vous ne me croiriez pas. Il y a des besoins, c'est sûr. C'est des besoins qui sont importants; la problématique, elle est criante. Mais de là à dire qu'il n'y a pas eu des sous qui ont été versés, les sous ont été versés. Mais la dynamique de notre organisation réseau fait que les régies vont prioriser, adapter, implanter ces mesures-là comme elles jugent qui est la chose qui est la meilleure pour eux. Ce n'est pas une stratégie mur à mur, c'est une stratégie qui va s'adapter à chacune des régions. Donc, l'argent, il est là, mais il est dans les régions. Quand je disais tantôt: le financement ministériel versus le financement en région, l'argent, il a été donné aux régions.

M. Williams: Je ne mets pas vos efforts en doute. J'ai commencé comme ça, je pense à la stratégie. Je voudrais tomber bientôt sur la stratégie. Je pense qu'on doit corriger beaucoup les sections de votre stratégie. Mais je vis dans le vrai monde aussi, comme vous et comme tous les intervenants, et ça prend des sous. Le budget était de 20 000 000 $. Dans le discours, page 24...

M. Massé (Richard): Sur cinq ans?

Des voix: Sur deux ans.

M. Williams: ...20 000 000 $ pendant deux ans pour la toxicomanie... parce que maintenant vous avez mélangé les deux... c'était 20 000 000 $, deux ans: 5 000 000 $-5 000 000 $, 5 000 000 $-5 000 000 $, O.K.?

Maintenant, la question que je vais continuer d'adresser est: Pour ces deux programmes, programmes et services en toxicomanie et prévention du suicide, est-ce que, dans nos régions, il y a 10 000 000 $ de plus? Et, selon l'information que j'ai reçue aujourd'hui, vous ne pouvez pas répondre à ma question et, selon l'information que j'ai reçue par les intervenants, il n'y a pas beaucoup d'argent qui est nouveau qui est disponible. Et ça m'inquiète parce que la société ne peut pas mettre votre stratégie en place sans avoir d'argent. On peut avoir la meilleure stratégie du monde, mais, si nous n'avons pas les moyens de faire ça, tel qu'annoncé dans le budget, on ne peut pas la mettre en place. Et j'ai cherché juste une simple réponse: Est-ce que vous avez le 10 000 000 $ cette année et c'est quoi, vos lacunes? Selon vous, dans les régions, qu'est-ce qu'ils ont besoin? Est-ce que c'est d'un autre 10 000 000? Ça va être quoi? Je sais, c'est impossible de sortir un chiffre comme ça. Je vous donne une opportunité, au nom de tous les intervenants et les familles impliqués dans ça, de passer le message au gouvernement, de dire c'est quoi, les besoins réels. Maintenant, nous avons une bonne stratégie. Quels moyens est-ce que vous avez? Est-ce que vous voyez que nous avons besoin de mettre ça en place? C'était le but de ma question.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Avant que vous répondiez. M. le député de L'Assomption, est-ce que c'était directement relié à ça, la précision?

M. St-André: Une précision juste sur la question que le député de Nelligan a soulevée.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Elle apporte de l'éclaircissement ou on attend après la réponse?

M. Williams: J'ai une certaine réponse ici et, s'il a encore besoin de clarification. Il peut demander.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): O.K. Alors, M. Massé.

M. Massé (Richard): Écoutez, vous avez une très bonne question parce que vous savez vous-même qu'il n'y a pas de réponse claire à votre question. Donc, ça va être une question pour laquelle on va être obligé de trouver des réponses qui vont être un peu à côté.

L'argent, effectivement, il a été réservé pour ça: 5 000 000 $ pour la toxicomanie par année puis 5 000 000 $ pour la prévention du suicide. Puis les régions, on le voit, ont commencé déjà à attribuer des sous. Est-ce qu'on a assez de sous pour réaliser? Je pense qu'on a besoin de plus de sous pour réaliser. Je n'ai pas besoin de me cacher pour dire ça. Mais est-ce que ça, c'est en train d'être fait? La réponse, c'est: Oui, c'est en train d'être fait, par exemple. Quand je vois les efforts que les régions que j'ai mentionnées tantôt ont faits, bien, je vois que les régions, au fur et à mesure qu'elles priorisent, peuvent dégager des montants d'argent. Il y en a qui l'ont fait. Elles l'ont fait avec succès. Donc, est-ce que ça va être ça dans toutes les régions du Québec? Il est trop tôt. La stratégie va être évaluée, puis on va avoir des indicateurs, justement, d'implantation de mesures qui vont nous permettre de dire: Est-ce que les gens ont eu des déficiences au niveau des ressources? Est-ce qu'il y a eu des lacunes qui doivent être comblées? Il est trop tôt pour pouvoir répondre à ces questions-là maintenant. Est-ce que c'est en train d'être fait? Je crois que c'est en train d'être fait. Est-ce que c'est parfait? Ce n'est pas encore parfait, mais c'est en processus.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mais l'argent a été réservé.

M. Massé (Richard): L'argent a été réservé.

M. Williams: Et si les groupes arrivent avec des demandes d'un autre 10 000 000 $ cette année, l'argent est disponible.

M. Massé (Richard): C'est parce que notre réseau fonctionne de façon décentralisée. Pour avoir travaillé dans le réseau depuis 20 ans, je sais que, si j'ai une demande à adresser, je vais l'adresser à la régie, puis il va falloir que je débatte mon dossier à la régie comme d'autres pour prouver que c'est un bon dossier, que je n'investis pas de l'argent pour rien. Donc, il y a une priorisation régionale qui est nécessaire. Puis là on peut toujours discuter entre intervenants: Est-ce que ça, c'est plus que ça? Là, vous voyez, on rentre dans des choses qui sont discutables.

M. Williams: Non, non, non, je n'ai pas mentionné un projet. J'en ai certainement quelques-uns que je connais et je peux, en privé, plaider pour ces projets. Je viens d'un comté de la Régie régionale du Montréal métropolitain. Je sais qu'il y a dans toutes les régions des bonnes initiatives. Une fois que la régie a fait une évaluation, j'espère qu'ils vont avoir l'accès et pas... et je sais que vous êtes nouveau dans ça... mais pas dans la vitesse habituelle du gouvernement, de les gouvernements. On doit assurer que – j'ai dit «les» – tout le monde doit avoir accès à cet argent parce qu'on doit avoir les ressources vite pour mettre ces mesures en place. C'était le but de mon intervention. Merci pour votre réponse.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que, M. le député de L'Assomption, c'est un complément de réponse que vous vouliez faire?

M. St-André: J'aimerais avoir des précisions.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Parce que la parole sera au député de Saint-Hyacinthe après.

M. St-André: En ce qui concerne le 5 000 000 $ sur le suicide et le 5 000 000 $ sur la toxicomanie, si j'ai bien compris votre réponse, vous nous dites: Cet argent-là, il est disponible, il a été distribué en région, et les régies régionales sont en train de le distribuer en fonction de leurs priorités sur leur territoire. C'est bien ça que vous nous avez dit.

M. Massé (Richard): Exactement.

M. St-André: Mais vous ne savez pas concrètement ce qu'ils sont en train de faire avec cet argent-là.

M. Massé (Richard): Sauf pour quelques régions que j'ai déjà mentionnées.

M. St-André: O.K. Mais y «a-tu» moyen, à votre niveau, d'obtenir rapidement de quelle façon les régies régionales sont en train de distribuer cet argent-là?

M. Massé (Richard): À la fin de l'année fiscale, on va savoir dans quel programme ces gens-là ont intervenu. Donc, on va être...

M. St-André: Au printemps seulement, donc.

M. Massé (Richard): C'est ça. Donc, en fait, ça nous amène au mois de juin prochain, parce que la fin de l'année fiscale, c'est le 31 mars évidemment. Donc, l'année prochaine, au mois de juin, on va avoir une idée de ce qui a été dépensé exactement puis on pourra vous rendre des comptes là-dessus.

Je vais juste donner un autre complément d'information. Pour venir de la région de Montréal puis avoir travaillé là pendant plus de 10 ans en santé publique, je peux vous dire que la région a la capacité de mobiliser. Le phénomène qu'il y a eu la semaine passée – vous l'avez vu dans les médias – par rapport aux jeunes de la rue qui sont décédés, la Régie a immédiatement décidé de créer un groupe de travail, d'intervenir avec des gens des milieux concernés, des milieux communautaires, des réseaux de santé, des gens de la recherche, et le groupe de travail a deux mois pour répondre, donner les moyens efficaces, puis, à ce moment-là, le financement va suivre par la régie régionale. C'est le processus habituel d'allocation des ressources. La régie avait un problème, elle a réagi rapidement et est en train... elle va proposer des mesures d'intervention.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va?

M. St-André: Oui. O.K. Correct.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt tout ce que vous avez présenté et les questions très concrètes et très immédiates qui viennent d'être posées et qui sont du plus grand intérêt. Moi, je me posais des questions à un autre niveau. Je ne sais pas jusqu'à quel point il y a des réponses aux questions que je pose, mais c'est des questions qui, quand même, partent de ce que je constate dans le document, surtout au début quand vous rapportez les faits et que vous exposez dans quelles régions il y a plus de suicides ou moins de suicides, à quel âge il y a plus de suicides ou moins de suicides, si c'est les hommes qui se suicident plus que les femmes, si les femmes tentent plus mais réussissent moins. Bon, il y a toutes sortes de questions qu'on peut se poser.

(12 heures)

Moi, la première question que je me pose, c'est la suivante. Pourquoi je me pose ces questions d'abord? Pour ceci: Ce n'est pas juste pour le plaisir de la chose, c'est que, si je prends un 747 pour traverser à Paris, il a été inspecté, le moteur; avant, tout a été inspecté pour s'assurer qu'il était correct, qu'il était en bonne condition, hein. Je pars, mais on a oublié juste une chose, c'est de mettre suffisamment de diesel. Mais il ne se rendra pas à Paris. Donc, on a une machine... Alors, là, on a détaillé beaucoup de choses, mais la question que je me pose, c'est de savoir s'il n'y a pas des éléments très fondamentaux qui jouent sur le suicide. Et je ne sais pas dans quelle mesure on a suffisamment inventorié ça.

Par exemple, évidemment, il y a la question des facteurs économiques. On a l'impression que, dans les régions où il y a le plus de chômage, il y a plus de suicides. On a l'impression. Bon. C'est sûr que le chômage, c'est un phénomène économique. C'est un phénomène culturel aussi. Avoir 10 % de chômage, dans un contexte où le chômage est en général, dans la population, à 25 %, ce n'est peut-être pas un gros problème, mais, ici, c'est peut-être plus un problème. Donc, la question économique semblerait un facteur important.

La question culturelle semblerait un facteur important. On me disait cette semaine que les Esquimaux se suicident 10 fois plus que les Québécois, qui sont ceux qui se suicident le plus au Québec. Donc, dans quelle mesure le phénomène d'identité intervient? Évidemment, les Esquimaux sont dans un contexte complètement différent, au point de vue géographique. Est-ce que c'est le facteur culturel ou c'est le facteur du chômage ou de la violence familiale qui intervient le plus chez eux? Je ne le sais pas. Mais, dans un contexte où on a des groupes d'identités différentes, mais dans un secteur géographique relativement semblable, par exemple à Montréal, les francophones, les anglophones, les néo-Québécois, est-ce qu'on a réussi à déterminer que le facteur culturel jouait ou ne jouait pas de façon significative?

Une autre question que je me pose. Je vois que de 20 à 40 ans, c'est là qu'il y a le plus de suicides, en gros. Je pourrais dire jusqu'à 50 ans et, après ça, ça descend. Donc, la perception que j'ai, c'est que plus les gens sont tournés vers l'avenir – parce que c'est un phénomène biologique, et plus on avance en âge plus on regarde en arrière plutôt qu'en avant, c'est normal – plus ils se suicident, plus les gens regardent moins vers l'avenir, donc, moins ils se suicident. Est-ce que c'est la perception que les gens ont que l'avenir leur est bouché, est-ce que c'est le manque d'espoir qui joue à la périphérie et qui fait que les plus fragiles vont tomber plus facilement?

Alors, c'est le genre de questions que je me pose concernant les causes profondes du suicide. Je suis convaincu que vous avez étudié toutes ces choses-là. Il y a des éléments de réponse, mais j'aimerais ça avoir certains commentaires. Ça, c'est sur cette première partie.

La deuxième partie. J'aimerais avoir certains commentaires sur le phénomène suivant. Il y a un an, il y a un grand nombre de personnes dans la fonction publique et parapublique qui ont été, par un contexte relativement favorable, amenées à prendre leur retraite. Sur le coup, les gens étaient relativement satisfaits. Un an après, on trouve de plus en plus de personnes à la retraite qui se posent des questions sur leur raison de vivre, maintenant, pourquoi elles vont vivre, maintenant, et qui font des déprimes. Je sais bien qu'entre la déprime et la dépression le chemin peut être très long, et je l'espère qu'il sera très long. Mais ne craignez-vous pas qu'il y ait une nouvelle clientèle pour le suicide qui soit résultante de ce choix qui a été fait? Est-ce que c'est une question qui vous préoccupe?

M. Massé (Richard): Bien, c'est certainement des questions qui nous préoccupent, puis qu'on a regardées. Dans le document, vous avez déjà passablement d'informations. Mais je pense qu'on va les adresser séparément: la question culturelle, la question du chômage, la question des personnes qui sont à la retraite. Je vais demander aux experts avec moi d'adresser ces questions-là. Mais je vais peut-être faire une précision sur la stratégie.

La stratégie, actuellement, n'est pas une stratégie qui s'applique aux populations autochtones, bien qu'il y ait eu une liaison très étroite qui a été faite avec les communautés autochtones. Et la raison, avec ça, c'était que les gens puissent l'adapter, l'utiliser comme bon, eux autres, leur semble. Donc, les liens sont là, le maillage est fait, mais on pensait qu'il fallait faire très attention dans l'implantation d'une stratégie qui ne serait pas nécessairement adaptée à leur réalité et à leurs besoins.

Vous avez touché à la spécificité culturelle. Je pense qu'on a été très, très sensible au fait de respecter cette spécificité-là. Et puis, eux, ils verront avec les experts-conseils comment ils pourront l'implanter. Donc, déjà dire qu'on a fait des nuances à ce sujet-là. Je vais demander à Mme Saint-Laurent d'adresser la question culturelle. Et puis, si elle a des questions sur le chômage et la retraite, M. Mercier va avoir des commentaires sur la partie chômage et retraite pour essayer de répondre à votre question plus précisément.

Mme Saint-Laurent (Danielle): Premièrement, contrairement à d'autres facteurs qui ont été étudiés, les phénomènes sociétaux, c'est-à-dire chômage, question culturelle, dans la littérature scientifique, ce sont des choses qui ont été moins étudiées. Par contre, le chômage a quand même été regardé, et les recherches ne vont pas toutes dans le même sens, parce qu'il est très difficile... Souvent, les personnes qui vont décéder par suicide, on s'aperçoit qu'elles ont une histoire de vie qui est très lourde, il y a des histoires de santé mentale, et tout ça. On s'aperçoit que c'est des gens qui ont été en retrait social. Alors, on ne sait pas. Est-ce que les gens étaient... Souvent une forte proportion des gens qui vont décéder par suicide ne sont pas fonctionnels au niveau du travail. Alors, on a de la difficulté à identifier si le problème, c'est le chômage ou si le problème est un problème plus de fonctionnalité au quotidien. Donc, là-dessus, on est assez partagé.

Par contre, quand on regarde les statistiques, on constate quand même qu'il y a certains pics durant les périodes difficiles, les périodes économiques qui sont difficiles. Mais, en même temps, parallèlement à ça, il faut faire attention, parce que les taux de suicide les plus élevés sont dans les pays les plus industrialisés où la qualité de vie est considérée comme étant la meilleure. La Suisse est un très bon exemple. La Suisse a, depuis 10 ans, un des taux les plus élevés de décès par suicide, et pourtant on sait que les taux de chômage sont très peu élevés. Ils ont commencé à augmenter, mais le taux de suicide était bien élevé avant que le chômage apparaisse en Suisse. Alors, quand on parle de phénomènes sociétaux, il faut être prudent.

Quand on aborde la question culturelle, on constate que ce qui frappe, quand on regarde les taux élevés de suicide dans les différents pays, Québec compris, c'est que c'est des pays qu'on dit plus individualistes, que c'est là où la montée de l'individualisme a été la plus élevée. Par contre, on n'est pas capable de tirer de conclusion non plus à ce niveau-là, mais c'est un constat qui est fait, alors on sait que ça peut jouer.

Pour la question culturelle, c'est vrai que les Québécois ont des taux très élevés de suicide. Et on sait que, chez les communautés culturelles de Montréal, une des hypothèses qui est amenée... On sait qu'il y a toute la question de l'accessibilité aux moyens qui est moindre. Les armes à feu sont moins présentes à Montréal, et ça peut expliquer une partie des taux moins élevés qu'on observe en milieu urbain parce que les moyens dits plus létaux sont moins existants. Par contre, on pense qu'une des hypothèses est associée aux communautés culturelles. On sait que les gens qui viennent d'autres communautés, quand ils arrivent au Québec, ils arrivent avec leur culture, leurs habitudes de vie. Et, de façon générale, on va observer chez ces communautés culturelles là les taux qu'on observait dans leur pays pendant... Ça va prendre trois générations avant qu'ils adoptent, en réalité, nos comportements à nous, avant qu'on observe des taux qui soient proches de ceux des Québécois.

Donc, sûrement que la question culturelle joue, on pense. Mais, encore là, il y a eu très peu d'études là-dessus. Et, probablement, c'est ce qui explique aussi qu'à Toronto on n'a des taux moins élevés de décès par suicide, parce qu'il y a la présence de nombreuses communautés culturelles. Et on sait que les communautés culturelles qui sont à Montréal et à Toronto, ces personnes-là, on observe des taux très bas par suicide dans leur pays d'origine.

Pour revenir à la question de la retraite, quand la question avait été soulevée au ministre Rochon, l'an dernier – parce qu'il y a eu un article, à un moment donné, dans le journal – on a vérifié ça: Est-ce que les gens à la retraite décèdent plus par suicide? On a regardé dans le groupe qui était plus visé à ce moment-là, les gens qui avaient pris leur retraite et qui étaient dans le réseau de la santé et des services sociaux, et on n'a pas observé plus de décès que dans la population en général. Pour ce qui est du reste de l'ensemble des autres retraités, on n'a pas été capable de faire la démonstration. Mais je peux vous dire que, dans littérature, la retraite n'est pas considérée comme étant un facteur de risque.

(12 h 10)

Pour revenir aussi à la question de l'avenir, dernièrement, j'ai fait une étude pour regarder un peu le suicide à partir des différentes cohortes. Puis on s'aperçoit que les taux ont nettement augmenté, les taux de suicide au Québec, avec la cohorte des baby-boomers. Cette cohorte-là, en vieillissant, maintient des taux élevés de décès par suicide. Alors, quand ces gens-là vont arriver à un certain âge, l'hypothèse est qu'ils devraient maintenir des taux élevés, donc, aux âges avancés. Alors, je ne suis pas sûre que c'est une question d'avenir. Je pense qu'il y a des phénomènes aussi de cohorte. Le suicide, c'est complexe, c'est multifactoriel, il n'y a pas une réponse, il n'y a pas une explication, il faut prendre ça... c'est un ensemble.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député, me permettez-vous une question, juste dans le même ordre?

M. Dion: Tout à fait.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): L'éclatement de la famille, est-ce que, quelque part...

Mme Saint-Laurent (Danielle): Je n'ai pas compris.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): L'éclatement de la famille.

Mme Saint-Laurent (Danielle): L'éclatement de la famille. O.K.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui. Est-ce que, quelque part, c'est... Vous avez parlé des...

Mme Saint-Laurent (Danielle): L'éclatement de la famille, on croit que c'est un facteur... Je ne crois pas que ça soit l'éclatement de la famille, c'est... En fin de compte, quand on regarde qui décède par suicide, vous savez, c'est les hommes. Et, quand on regarde les hommes qui décèdent par suicide, souvent, ça va être justement... La France l'a observé, le mesure d'année en année, les hommes qui vivent seuls, qui sont séparés sont plus à risque de décès par suicide. Est-ce que c'est l'éclatement de la famille? C'est l'isolement? Oui, il y a un lien. Alors, les hommes qui vivent seuls, séparés, sont plus à risque de décès par suicide. Mais est-ce que c'est l'éclatement de la famille? Bon, ça dépend comment on regarde le problème.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce qu'on peut faire un lien – c'est loin, cette question-là... Vous avez parlé des baby-boomers, puis de l'éclatement de la famille. En fait, je pense qu'il y a à peu près une similitude dans le temps. Est-ce qu'il y a un lien quelque part qu'on peut faire? Non?

Mme Saint-Laurent (Danielle): Je ferais attention, parce que, comme l'a présenté M. Massé, on voit qu'il y a des prédispositions individuelles, il y a tout le contexte social puis il y a les événements circonstanciels. Alors, quand on parle d'événements circonstanciels, on va parler de divorce, on va parler de perte d'emploi, tout ça. Souvent, ces événements-là vont être là comme déclencheurs. Mais souvent la personne qui fait le passage à l'acte a une histoire, vit de la souffrance, a souvent des problèmes de toxicomanie, de consommation abusive d'alcool, des problèmes psychiatriques. Il faut faire attention. Je veux dire, on sait que ce ne sont pas toutes les personnes qui souffrent de troubles mentaux qui pensent au suicide ou qui vont décéder par suicide; c'est d'autres facteurs qui interviennent. Notamment, l'isolement social est considéré comme un facteur important, qui revient souvent. Et l'isolement social s'applique chez les adultes, chez les personnes âgées.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, j'avais...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Excusez. Est-ce qu'il y avait une réponse additionnelle? Je veux essayer de donner le temps à tout le monde, parce que j'ai d'autres interventions. M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: O.K. Oui, merci. Alors, j'avais plusieurs questions, mais je vais les limiter parce que le temps passe quand même assez rapidement. D'abord, je veux vous féliciter pour le travail. Je pense qu'effectivement c'est un problème important. Et ça a été signalé tout à l'heure, que, quand on regarde les données que vous avez au tableau 7, à la page 20 de votre document de stratégie, on constate quand même qu'au Québec, dans l'ensemble canadien... Et là quand même, on a un milieu socioéconomique relativement comparable. Il reste qu'au Québec c'est là où on retrouve la plus forte moyenne de taux de suicide chez les hommes, les femmes également. Alors, c'est un problème qui est important, et je pense que ça mérite certainement qu'on s'y penche et qu'on essaie de trouver des solutions.

Tout à l'heure, mon collègue de Nelligan a parlé de la question d'argent. Je ne veux pas revenir sur la question d'argent, mais ça va être lié aussi indirectement. Toute la stratégie, je pense, est intéressante, c'est plein d'orientations valables, excepté qu'au bout de la ligne il faut que les services puissent être rendus, ça prend du monde. Ça prend du monde, au fond, qui a des qualifications, qui est formé sur le terrain. Et, quand on regarde le tableau des régions que vous avez à l'acétate 7, je pense que c'est très clair. On voit très loin en périphérie, ensuite, en périphérie plus près de la région de Montréal, ensuite, la région de Montréal, et là on voit le taux de suicide qui diminue régulièrement, à l'exception de Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine.

On sait aussi que, dans les régions plus éloignées, il y a des problèmes de disponibilité de personnes, soit du personnel médical, soit du personnel au niveau des services psychologiques, au niveau communautaire, des travailleurs sociaux, etc. Est-ce que vous avez d'abord regardé puis établi une corrélation plus précise entre la disponibilité des types de services qui pourraient être utiles dans le cadre de la prévention et les taux très différents qui existent d'une région à l'autre, et surtout dans les trois grand secteurs: les régions très éloignées, la périphérie plus près et la région de Montréal?

Moi, le problème que je me pose, au fond, c'est que c'est beau avoir un plan, c'est beau avoir de l'argent aussi... Je pense au système de santé. Il y a des problèmes de répartition, tout simplement, des médecins. Et pourtant il y a quand même une masse d'argent qui est importante qui est mise dans le réseau de la santé. C'est inégal d'une région à l'autre. Mais il faut, en bout de ligne, avoir des personnes compétentes qui vont être sur place, qui vont pouvoir donner ces services-là.

Et je viens d'une région, je viens de l'Abitibi-Témiscamingue, je suis originaire de cette région-là et je connais bien la problématique là-bas et je fais un lien entre le fait qu'il y a très peu de ressources... il y avait, en tout cas – parce que ça fait plusieurs années que je suis parti – très peu de ressources sur le terrain, spécialisées, pour pouvoir faire face à une problématique comme celle de la prévention. Et c'est ça qui m'inquiète un peu, dans toute cette question-là.

On a beau avoir le plan, on a beau y mettre de l'argent, mais, si, dans les régions où le taux de suicide est actuellement le plus élevé, on n'a pas plus de ressources demain matin et puis que les ressources qu'on a sont débordées... Parce que c'est ça qui se passe, souvent, en région, que ce soit le personnel médical ou autres, les gens sont débordés. Quand bien même on se fierait à ces gens-là pour faire de la prévention, pour essayer de... ils en ont déjà par-dessus les oreilles, ils ne sont plus capables de fournir. Alors, c'est un peu là que j'ai une inquiétude.

L'autre question aussi, je vais la poser tout de suite. Vous parlez de la formation et, dans les conditions de réussite, vous dites: La formation... Je suis tout à fait d'accord que la formation, c'est important. Maintenant, concrètement, la formation, vous la faites comment? En fait, vous n'avez pas eu le temps de l'expliquer, peut-être, dans les acétates, parce que c'était quand même assez succinct. Dans la stratégie, c'est probablement expliqué. Mais, concrètement, la formation à la prévention du suicide, elle va se faire comment sur le terrain? Vis-à-vis quelle cible de personnel et quels sont les moyens que vous voulez mettre en place de façon très concrète pour que cette formation-là soit donnée et qu'on ait du personnel le plus compétent possible pour faire face à des problématiques comme celle-là?

M. Massé (Richard): Merci de votre question. Donc, je vais répondre séparément, d'abord, pour dire qu'au niveau des régions il faut être très prudent pour ne pas faire un lien direct, comme on pourrait être tenté de le faire, entre l'accessibilité aux ressources et les taux de suicide. On l'a mentionné, le suicide, c'est un phénomène qui est multifactoriel. Il y a un très grand nombre de facteurs qui doivent être considérés. Puis, avant de dire que les régions périphériques sont moins bien desservies que les régions centrales, puis de dire que, ça, c'est un lien direct entre les taux de suicide, il va falloir considérer l'accessibilité des armes à feu, la notion culturelle qu'on a mentionnée, qui est très différente en milieu périphérique ou en milieu rural versus les milieux urbains. Donc, il y a beaucoup, beaucoup d'autres facteurs qui vont jouer que l'accessibilité des services comme telle.

Est-ce que l'accessibilité des services peut avoir un impact? C'est évident qu'on croit que l'accessibilité des services peut avoir un impact, puisqu'on recommande dans la stratégie le fait qu'il y ait une accessibilité 24 heures sur 24 pour l'écoute, on propose qu'il y ait un maillage entre les organismes communautaires, les organismes de première ligne, les centres hospitaliers, puis qu'il y ait des ressources de référence qui soient disponibles. Mais ce n'est pas quelque chose qui a été mis en évidence, disant: Bon, bien, il manque de ressources en Abitibi, puis c'est ça qui explique que l'Abitibi a malheureusement les taux les plus élevés.

Pour donner un exemple avec la région de la Gaspésie, qui a les taux les plus faibles, ce qu'on me dit, c'est qu'elle n'a pas investi significativement plus que les autres régions. Donc, je ne dis pas qu'il n'y a pas eu d'investissements. Il y a eu des investissements. Mais ce n'est pas la quantité des investissements qui a fait la différence. Ce qui a fait la différence, c'est la priorisation, la mobilisation, le fait que les gens ont travaillé ensemble pour développer des protocoles d'intervention, des protocoles de référence, la capacité de pouvoir intervenir rapidement, efficacement, quand ça arrive, le suivi des personnes qui sont à risque.

Donc, ce n'est pas une chose qui se quantifie en termes de: On a mis tant de centaines de milliers de dollars de plus. Mais on a travaillé sur cette problématique-là, puis, socialement, on en a fait une priorité pas seulement du réseau de la santé, du réseau de l'éducation, de la sécurité publique, mais de la population en général, pour être capable d'intervenir efficacement. Donc, là, de faire une relation de cause à effet entre les services puis les taux, je pense qu'il faudrait nuancer beaucoup.

(12 h 20)

Ceci dit, est-ce qu'il y a eu des problèmes d'accessibilité? Oui, le constat, c'est qu'il y avait des problèmes d'accessibilité dans les régions, et c'était, je dirais, très variable d'une région à l'autre. Ce n'est pas variable en fonction des taux, mais c'est variable en fonction d'où les gens sont partis. Il y en a qui sont partis il y a très longtemps, qui ont commencé... Puis on pourra donner l'exemple – je vais vous passer la parole – de la région de Québec, qui a eu des activités depuis plus de 20 ans, puis d'autres régions qui sont juste à débuter actuellement dans cette prévention-là. On pense que l'accessibilité aux services, c'est certainement quelque chose qui va aider. Mais c'est loin d'être une question de dire: On a mis tant de millions de plus et on peut voir l'impact immédiat. Il y a beaucoup plus que ça. Ce serait beaucoup trop simple puis peut-être beaucoup trop facile aussi de le voir comme ça.

Je vais laisser la parole à M. Mercier, concernant les régions, pour voir c'est quoi, les efforts qui ont été faits en région. J'aimerais peut-être passer la parole, après ça, à...

M. Bordeleau: Juste un commentaire, disons, pour bien me faire comprendre. Quand je parlais de la disponibilité des services, ce n'était pas nécessairement que le ministère investisse de l'argent en région pour mettre en place des services, c'est tout simplement le fait que dans les régions, il y a possiblement... Par exemple, je connais des endroits, des villages où il n'y a pas de psychologues; ça n'existe pas, il n'y en a pas. Des médecins, il y en a, bon, relativement peu. On sait qu'il y a des pénuries dans certains secteurs.

Et ce genre de personnels là, dans les régions où il y en a quand même un certain nombre, peut servir sur une première ligne, disons, à encadrer un peu les... Mais quand, dans une place – je ne sais pas, moi – où 15 000, 20 000 personnes habitent, il n'y a pas un psychologue donné, bien, quand les gens sont pris avec une situation de tentative de suicide, ils ne savent pas quoi faire parce qu'il n'y en a pas. Et là je ne mets pas le blâme sur la question que le ministère n'a pas investi d'argent. C'est tout simplement que, pour toutes sortes de considérations, il y a des professionnels qui sont plus ou moins bien répartis sur l'ensemble du territoire et peut-être qu'à ce moment-là... Ça fait déjà, au départ, des disponibilités qui sont moins grandes pour aider les gens qui ont à faire face à ces problèmes-là. C'est dans ce sens-là que...

M. Massé (Richard): D'accord. Écoutez, je peux vous dire que les professionnels de la santé, certainement, ont un rôle important à jouer. Mais, dans la prévention du suicide, on a indiqué à quel point les organismes communautaires avaient joué un rôle important, à quel point la mobilisation dans les écoles, des parents même, avait un impact important pour prévenir le suicide. Je ne voudrais pas faire d'adéquation entre l'accessibilité aux ressources professionnelles. Je dirais que l'accessibilité aux ressources, en général, est certainement un facteur important. Et là il y a des efforts partout qui doivent être faits pour que les services de première ligne... Puis, quand je dis «de première ligne», je pense vraiment aux centres de prévention du suicide puis je pense aux familles, aux écoles. Ces gens-là doivent être mobilisés puis doivent participer, si on veut que ce soit efficace.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. Mercier.

M. Mercier (Guy): Rapidement. On était en réunion justement la semaine dernière avec l'ensemble des régies régionales. Un peu pour répondre à votre question, il y a un consensus qui est bien établi chez les intervenants puis les responsables du dossier. Le problème fondamental qu'on a, c'est un problème de suivi. On a un trou entre les personnes qui donnent les services aux personnes suicidaires puis le suivi qui est accordé à ces mêmes personnes-là. On est convaincu, puis c'est prouvé, que les programmes d'intervention puis de prévention qui se font en concertation entre les différents milieux impliqués, c'est ceux qui donnent des résultats. Tout le monde est convaincu de ça. Puis, ce que les gens constatent, finalement, c'est que le problème, ce n'est pas l'intervention du milieu communautaire X ou de l'école Y, c'est qu'il n'y a pas de suivi entre le moment où le problème se passe, l'effort qui est consenti au niveau local puis ce qui peut se faire par la suite, les références et les protocoles qui peuvent se négocier.

En Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, c'est là-dessus qu'ils ont travaillé essentiellement pendant cinq ans. C'est que l'hôpital avait un protocole très clair: si une personne faisait une tentative de suicide, le CLSC la référait à l'hôpital, puis la personne était gardée minimalement trois jours, ne sortait pas de l'hôpital si elle n'avait pas un suivi assuré ou une place où elle pouvait être référée. Et à Montréal aussi, on a d'autres exemples de ces choses-là. Nous autres, on est convaincu de ça. On pense que, s'il y a une meilleure concertation et collaboration, on va réussir effectivement à stabiliser, peut-être même éventuellement à diminuer le taux de suicide. Mais le problème peut-être le plus important, c'est le problème de la concertation puis de l'accessibilité aux services.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Allard.

Mme Allard (Liliane): Bien, je vais répondre au niveau de votre préoccupation sur la formation. Moi, je vous dirais que, dans l'ensemble des régions du Québec, la formation, encore actuellement, porte... Vous savez, dans chaque région du Québec, ce dont on est sûrs, nous, c'est qu'il doit... Il y a comme une question de masse critique pour développer son expertise, développer sa meilleure connaissance des stratégies d'intervention à développer. Alors, dans chacune des régions du Québec, on dit que d'abord il devrait y avoir...

Je reviens, juste une parenthèse, sur l'accessibilité des milieux puis je vais vous répondre sur la formation. L'accessibilité des milieux, on pense que, dans chacune des régions du Québec, il doit y avoir un endroit où les gens peuvent avoir accès 24 heures par jour et sept jours-semaine à des intervenants qui sont habilités à gérer des crises suicidaires. Et ça, plus on en fait, meilleur on est, évidemment. Alors, c'est pour ça qu'à notre avis c'est important. Ce n'est pas d'en avoir tellement, des intervenants, mais d'avoir des intervenants qui sont capables d'articuler l'intervention, de faire les références, de procéder au suivi et de donner un corps à tout ça. Parce qu'on a travaillé longtemps isolé.

Au niveau des formations, je pense qu'on est devenu de plus en plus actif à ce niveau-là, au niveau du Québec, dans l'ensemble des régions du Québec. Moi, je suis convaincue que, dans l'ensemble des régions du Québec, il y a toujours une possibilité d'avoir une formation. Les régies régionales ont déjà, pour certaines, identifié un financement attribué aux formations. Et actuellement, les intervenants, le type de formation qu'ils vont demander, évidemment, c'est une formation à l'égard de la problématique du suicide: comment détecter, comment dépister, comment se référer des clientèles, comment comprendre les manifestations suicidaires auprès des personnes qui s'adressent à nous.

Alors, je pense qu'il y a des efforts importants qui se font au niveau de la formation. Et je vous dirais que, parmi plusieurs intervenants, le monde qui était peut-être plus difficile à rejoindre au niveau de la formation, dans les dernières années, c'était le monde médical. Et on sent, ces temps-ci – puis on l'attribue fort probablement à l'arrivée de la stratégie, qui encourage les intervenants à s'investir au niveau de la prévention du suicide – qu'il y a beaucoup plus de demandes de formation qui se font au niveau de différents intervenants, de différents partenaires de plusieurs ressources.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Il me reste trois interventions: Sherbrooke, Bourassa et Nelligan. Et j'aimerais qu'on ne termine pas plus tard que 12 h 40. Alors, je demanderais des questions courtes et des réponses courtes. Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Les règles changent en cours de route.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Les règles changent, effectivement.

M. Williams: M. le Président, si la députée de Sherbrooke veut avoir plus de temps, je donne le consentement de l'opposition officielle d'aller un autre 10 ou 15 minutes, si c'est utile pour elle.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée.

M. Williams: Et on peut diviser ça également. Je suis complètement ouvert.

Mme Malavoy: Bien, là, si vous dites: Jusqu'à 12 h 40, ça fait à peu près 15 minutes. C'est ça?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On a trois interventions. On a quand même une certaine...

M. Williams: Je suis ouvert si nous avons besoin de plus de temps.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): ...liberté d'action. Allez-y.

Mme Malavoy: Je vous remercie pour cette présentation, qui était un peu rapide, mais c'était les règles, et donc il y a beaucoup, beaucoup de matière. Moi, je m'intéresse particulièrement aux questions de fond. Et il y a un aspect sur lequel vous êtes revenus de temps en temps, mais qui m'a beaucoup frappé, c'est, dans les causes elles-mêmes de suicide, tout ce qui tourne autour de ce que vous appelez la difficulté de résolution de problème ou le peu d'habileté à développer des mécanismes d'adaptation, qui sont des facteurs importants pour les jeunes et pour les adultes et finalement pour les tranches d'âge qui sont les plus susceptibles d'être candidats ou candidates au suicide.

Je vous dis ça parce que, quand j'essaie de trouver les vraies, vraies sources, il y en a plusieurs, il y a plusieurs facteurs. Mais il me semble que, s'il y a une raison qui, je ne sais pas si on peut dire prédomine, en tout cas, qui est une source majeure ou une cause majeure, c'est le fait que des personnes ne soient pas capables de trouver les mécanismes de résolution de problème. Parce qu'on connaît des gens qui ont les mêmes situations d'abus, de négligence, de dépression, qui ont accès aussi, qui auraient accès à des moyens pour se suicider, etc., et qui ne le font pas. Et il y a des personnes qui ne trouvent pas en elles-mêmes – bien sûr, dans leur entourage aussi, mais en elles-mêmes – ce qu'il faut pour avoir un mécanisme de régulation qui fait que la plupart des gens ne vont pas jusqu'à se suicider, même si beaucoup de gens peuvent y penser, et il y en a qui passent à l'acte. Donc, ça me trouble parce que c'est un élément, moi, que je trouve central.

Or, dans les objectifs, vous abordez un peu cette question-là, si j'ai bien compris, quand vous parlez par exemple de l'objectif 4, d'améliorer les compétences personnelles. Je me suis demandée si c'était en lien avec cette question-là et ce que vous englobez dans ça. Parce qu'il me semble que, si on arrive à toucher à ça, on touche vraiment à quelque chose qui est fondamental et qui fait que tous les autres facteurs, qui peuvent être des facteurs précipitants, auront beaucoup moins d'incidence sur le suicide lui-même. J'aimerais vous entendre donc un peu autour de cet objectif et de cette problématique.

(12 h 30)

M. Massé (Richard): Merci. Vous touchez à un problème qui est très important. Je vais laisser la personne qui a travaillé plus sur cette stratégie-là développer la réponse et vous dire à quel point l'objectif qui est proposé veut effectivement être la réponse aux difficultés de résolution de problème et autres problèmes personnels. Juste peut-être faire une nuance pour dire que, dans l'ensemble des problèmes qui sont identifiés ou des facteurs de risque qui sont identifiés pour le suicide, c'est un parmi beaucoup d'autres, mais ce n'est pas le facteur qu'on retrouve le plus fréquemment associé dans la littérature. Donc, il y a d'autres facteurs qui jouent une contribution beaucoup plus importante que celui-là, sans vouloir négliger ce facteur-là cependant.

M. Mercier (Guy): On a beaucoup abordé l'angle de la prévention du suicide en parlant des facteurs de risque. On s'est dit aussi: Peut-être qu'il faudrait regarder ça un peu avec le facteur de protection. C'est comme ça qu'on a voulu développer... quand vous mentionnez l'objectif 4, pour ce qui est des jeunes plus particulièrement. On s'est inscrit, en fait, dans un courant, qui a cours actuellement au ministère de la Santé puis au ministère de l'Éducation, sur la nécessaire convergence de nos actions pour augmenter les compétences personnelles et sociales, de façon générale, chez les enfants et chez les jeunes et non pas par rapport à une problématique en particulier ou une autre, que ce soit la toxicomanie, le suicide, etc. On pense que, si on intervient – on a une appellation, on appelle ça «tronc commun» – par rapport aux besoins généraux des jeunes de s'affirmer, d'être capables de faire face aux différentes difficultés, on va probablement aider à prévenir le suicide.

Il y a un autre facteur qui ne ressort pas, peut-être, tellement de la stratégie, mais sur lequel des chercheurs nous ont entretenus, c'est concernant le fait qu'il y a eu des recherches sur les personnes qui se sont suicidées qui présentaient par exemple une maladie mentale. Alors, pourquoi un nombre x de personnes se suicident qui présentent une maladie mentale, puis d'autres personnes qui présentent la même maladie ne se sont pas suicidées? Puis ce qu'on a découvert, entre autres, deux des facteurs les plus explicatifs, les plus intéressants, c'est: ou la solitude réelle de ces personnes-là, ou le fait que les personnes ont la perception d'être seules. Elles ne sont pas nécessairement seules, elles peuvent être entourées, mais elles sont convaincues d'être seules avec leur idée, leurs souffrances, la compréhension qu'elles ont de ce qui leur arrive, puis que personne d'autre peut comprendre. Alors, c'est deux des éléments aussi qui peuvent s'ajouter pour expliquer des fois les comportements suicidaires chez certains groupes plus à risque.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Merci. Mme la députée, est-ce qu'il y a d'autres questions? Ça va?

Mme Malavoy: Je vais retenir les autres, le temps filant.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Je vais essayer de faire ça rapidement. En ce qui a trait à l'action ou à l'intervention face au suicide, est-ce qu'on peut actuellement parler d'une gamme essentielle de services pour chacune des régions au Québec?

M. Massé (Richard): C'est ce qui est en train de se développer actuellement. Je pense que la gamme des services, elle n'est pas là partout actuellement. De vous dire qu'elle existe partout, non. Le filet est en train de se faire partout et chacune des régions est en train de travailler à le mettre sur pied. Ce qui a été fait par contre, ça a été de définir qu'est-ce qui doit être fait, qui doit le faire, les moyens qu'on devrait utiliser, puis comment est-ce qu'on devrait articuler les différentes ressources ensemble. Donc, c'est quelque chose qui est en processus actif d'être fait.

Peut-être que je vais passer la parole à Mme Allard qui va vous dire qu'est-ce qui est fait actuellement sur le terrain pour répondre aux besoins des gens qui sont à risque de suicide.

Mme Lamquin-Éthier: Justement, ça conduit à la deuxième question que j'avais: Quand on parle de ressources du milieu, l'ensemble, c'est quoi? De quoi parle-t-on actuellement?

Mme Allard (Liliane): Bien, c'est très inégal, très, très inégal d'une région à l'autre. Je vous dirais qu'il y a des régions qui sont très peu pourvues, l'intervention téléphonique n'est même pas encore assurée 24 heures par jour, sept jours/semaine. C'est, par contre, le dossier prioritaire, je pense, dans chacune des régions. À notre avis, puis je vous dirais qu'au niveau de l'Association québécoise, c'est une des premières demandes qu'on souhaite ou, enfin, des premières réalisations qu'on souhaite voir arriver au niveau de la stratégie. Ça nous apparaît fondamental parce que ça passe souvent par là pour donner des suites à l'intervention. Ce n'est pas une fin en soi, l'intervention téléphonique, c'est un premier contact avec une personne, c'est la première façon qu'on peut intervenir auprès d'un environnement. Alors, c'est très inégal. Mais ce qui serait souhaitable dans l'ensemble des régions, je vous dirais bien, c'est ce qui se réalise actuellement dans la région de Québec, parce qu'on est les plus vieux, parce qu'on a eu la possibilité de développer au moment où c'était possible.

Alors, règle générale, comment ça se présente. Il y a un appel qui se produit dans un centre d'intervention téléphonique, on tente de désamorcer un peu la crise suicidaire, on tente de comprendre ce qui se passe, on tente de mieux comprendre les intentions de la personne, l'accessibilité aux moyens qu'elle envisage utiliser. Notre première préoccupation est d'évaluer l'état de risque et d'urgence suicidaire dans une situation donnée. Et, après ça, dépendamment des moyens de chacune des régions, s'il est possible de faire une intervention en face à face par le centre, tant mieux, sinon il y a une référence qui doit se faire par les services d'urgence, j'entends policiers et ambulances, quand, malheureusement, le délai d'intervention est très rapide. Il y a toujours une référence qui doit se faire auprès du milieu significatif pour la personne, que ce soit son CLSC, que ce soit la ressource avec laquelle elle est plus en contact actuellement. Et il est souhaitable aussi qu'on fasse le bilan de notre intervention ensemble: de la référence qu'on a faite, comment cette demande-là a été reçue dans le milieu et quelle suite il y aura à cette intervention-là. C'est l'idéal, comme je vous dis. Mais je vous rappelle que c'est très inégal actuellement.

Mme Lamquin-Éthier: Bien, c'est ça, les constats qui sont faits à la page... et on a observé la même chose dans le cadre du virage ambulatoire, et c'est des faits qui ont été bien souvent dénoncés, tous les constats qui sont liés aux trous au niveau de l'intervention. On développe des beaux concepts, on a une notion de soins intégrés; c'est beau. Sauf que, dans les faits, en pratique, on s'aperçoit qu'il y a effectivement des trous au niveau de l'intervention ou entre l'intervention et le suivi. Et tous les constats que vous énoncez aux pages 25 et 26, c'est extrêmement vrai. C'est difficile, hein: tout est beau sur papier, mais, dans les faits, ça peut être différent.

Il y a une question qui me préoccupe. Les ROC, les regroupements d'organismes communautaires, autant pour la région de Montréal que pour la région de Québec, ont fait des documents. Ces documents-là s'appuient sur des enquêtes qui ont été menées sur le terrain auprès d'organismes communautaires qui reçoivent des clientèles. Il est ressorti très clairement pour les organismes... avant, les organismes communautaires se référaient aux établissements du réseau public pour avoir des services et les organismes déplorent actuellement un mouvement inverse, qui a été observé, mais qui ne fait que s'amplifier compte tenu du contexte du virage, des transformations et des coupures. C'est le public maintenant, le réseau public qui réfère aux organismes communautaires pour leur demander de prendre en charge et d'assumer des clientèles pour lesquelles ils ne sont pas formés. Ils ont une bonne foi, une générosité extraordinaire, mais ils ne sont pas formés et ils n'ont pas les ressources.

À l'acétate 31, vous savez, on peut parler de soutien financier à des organismes communautaires ou on peut parler de financement adéquat ou de juste financement. Étant donné la charge, les organismes communautaires – puis là on parle de 200 organismes et plus – ils en ont ras le bol. Ils ont dénoncé leur souffrance face aux clientèles qu'ils reçoivent puis à leur incapacité de travailler, selon leur jugement, de la bonne façon. Où est-ce qu'on en est au niveau du financement adéquat pour les organismes communautaires à qui on demande tellement de choses à l'heure actuelle?

M. Massé (Richard): Bien, le financement des organismes communautaires, c'est un financement qui est régional. Donc, on revient à la question tantôt: D'où est-ce que les fonds proviennent? Les fonds proviennent de chacune des régions qui s'entendent pour la répartition de ces ressources-là. Il y a une partie des fonds qui vient du ministère de la Santé, évidemment, le ministère met les fonds pour le support des groupes communautaires, mais, après ça, quelle problématique va être priorisée? Quel organisme va avoir les fonds? Pour combien de temps? C'est des choses qui sont tellement nécessaires d'adapter aux réalités locales qu'on ne peut pas décider centralement l'allocation des fonds pour ça. Est-ce que les fonds sont suffisants ou pas suffisants? Je pense que ça déborde largement la question du suicide. Évidemment, là, on rentre dans l'ensemble...

Une voix: C'est un autre débat.

M. Massé (Richard): C'est ça, c'est un autre débat comme tel.

Mme Lamquin-Éthier: Mais ils en reçoivent.

M. Massé (Richard): Pardon? Oui, certainement qu'ils en reçoivent puis ils jouent un rôle essentiel. J'ai mentionné que même depuis longtemps, c'est les organismes communautaires qui ont développé les interventions auprès des personnes à risque de suicide et c'est eux qui ont joué un rôle catalyseur. S'ils n'étaient pas là, je pense, probablement qu'on serait encore dans une situation plus problématique. Donc, c'est sûr que le financement des organismes communautaires est une chose qui est maintenue, qui doit être accrue, mais là ce n'est pas des règles fixes qu'on peut donner à chacune des régies. Donc, là, il y a un jeu régional qui doit s'exercer sur les priorités.

Mme Lamquin-Éthier: Est-ce que, dans votre document, il est question de reconnaissance quant à l'action des organismes communautaires? Est-ce qu'il y a des constats qui ont été faits? Et est-ce que vous recommandez qu'ils soient dotés d'un financement adéquat...

M. Massé (Richard): Mais bien sûr.

Mme Lamquin-Éthier: ...qui leur permette de faire face?

M. Massé (Richard): Pour le suicide, c'est sûr qu'on reconnaît cette chose-là puis on dit que c'est nécessaire. Dans le fond, on passe un message aux régies en leur disant: Écoutez, l'intervention des groupes communautaires dans la prévention du suicide, c'est majeur. Il doit y avoir une accessibilité 24 heures sur 24, sept jours par semaine, et puis ça passe par l'organisation des services généraux, mais ça passe par le support des groupes communautaires, le support financier aux groupes communautaires qui font cette tâche-là. Donc, vous avez raison. Il y a un message qui est passé, très, très direct.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Une dernière intervention, M. le député de Nelligan, très courte.

M. Williams: Merci. Effectivement, on doit assurer que tout ça bouge, parce que, sur le terrain, depuis le 2 février, l'annonce du ministre, le 31 mars, le budget de Landry, du ministre des Finances... je ne sais pas, sur le terrain, si beaucoup de choses ont changé. Je ne veux pas voir que, dans ce dossier, tout le monde pointe le doigt ailleurs que de trouver la personne responsable, et je sais que vous êtes en train d'essayer que tout le monde prenne ses responsabilités. Mon impatience vient de mes contacts avec les personnes qui cherchent de l'aide et, jusqu'à date, elles n'en ont pas reçu. J'espère que votre stratégie va se mettre en place bientôt.

(12 h 40)

Deux commentaires, vite, sur ça. Merci d'avoir une documentation en anglais, je pense que c'est assez important pour la clientèle, et j'espère que les services vont être aussi en anglais, ou bilingues, pour ceux et celles qui en ont besoin.

Vous avez mentionné deux choses, il me semble, sur lesquelles je voudrais juste vous laisser finir vos interventions. L'une, c'est sur la banalisation du suicide dans le milieu. Je trouve ça extrêmement important, et on doit corriger... Je vois que. de plus en plus dans le milieu, l'option est traitée comme une option légitime, et on doit arrêter ça, et je vous donne une chance d'expliquer comment on peut arrêter ça. Je vois qu'il y a au moins un journaliste ici; peut-être qu'on peut impliquer le milieu avec nous dans cette démarche.

Deuxième chose. Vous avez parlé de tentative de suicide, et ma question est: C'est quoi, la stratégie pour le soutien à la famille après une tentative de suicide, et aussi après un suicide? Parce qu'il me semble qu'on peut faire tout pour prévenir, mais nous n'aurons jamais... Je présume que l'objectif est zéro, mais on doit vivre dans la réalité, ça ne va jamais être zéro. Je présume que les familles ont besoin de beaucoup d'aide. C'est quoi, en deux minutes, votre stratégie pour ça? Merci pour l'échange. J'ai fini, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Très courte réponse, s'il vous plaît.

M. Massé (Richard): Pour être très court, je vais passer la question de la banalisation à M. Mercier, et peut-être les tentatives de suicide à Mme Allard qui travaille avec ça au quotidien.

M. Mercier (Guy): Rapidement. L'AQS a déjà organisé des activités de sensibilisation avec des dramaturges, des auteurs, lors du colloque. On a eu une rencontre avec le Conseil de presse. On va tenir une journée de travail sur un document qui a déjà été publié concernant violence, suicide et médias. On va continuer notre sensibilisation. On va essayer de développer une position commune et on va rendre aussi disponible dans toutes les régions du Québec une espèce de kit – passez-moi l'expression – pour traiter avec les médias des questions du suicide.

De façon générale, la collaboration des médias n'est pas si pire, mais il arrive encore des exemples malheureux. Puis vous avez parfaitement raison, ce qui nous inquiète beaucoup, entre autres, c'est toute la question des téléromans, par exemple, où il y a des suicides dans à peu près toutes les émissions. C'est devenu, comme vous dites, une option parmi d'autres. Ça, c'est vraiment inquiétant. En tout cas, on va essayer de faire les pressions morales qu'on peut dans ce dossier-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme Allard, pour la conclusion.

Mme Allard (Liliane): Rapidement sur l'intervention auprès des endeuillés par suicide. Depuis déjà un an, un an et demi, plusieurs centres de prévention du suicide ont développé des protocoles de collaboration avec le bureau du coroner pour, justement, au moment où il arrive un événement suicidaire, que le coroner nous fasse la référence pour qu'on soit en contact dans les prochaines heures auprès de cette famille-là. Si la famille refusait, le coroner laisserait quand même l'invitation à la famille de contacter.

On parle de centres de prévention du suicide, mais, quand l'événement est arrivé, il faut quand même faire des interventions, et on sait aussi que les endeuillés n'ont pas nécessairement le réflexe d'aller demander de l'aide. Ils s'isolent beaucoup dans cette douleur-là. Alors, il faut être proactif pour aller intervenir, pour aller comprendre cet événement-là et les aider à traverser cet événement-là le mieux possible.

En ce qui concerne les tentatives de suicide, il y a plusieurs intervenants quand même qui sont là, qui agissent au niveau des tentatives de suicide. Si on a connaissance d'une tentative de suicide, parce que la personne se rend à l'hôpital ou dans une clinique médicale, je pense qu'il y a là des intervenants qui ne laissent pas partir les gens sans au moins avoir évalué s'ils avaient de l'aide, s'ils étaient capables de retourner chez eux, si le milieu était capable de les accueillir aussi, parce que c'est très important que le milieu se sente en sécurité en réaccueillant une personne qui a tenté de se suicider, il y a comme quelque chose de difficile à vivre. Et ce qu'on tente de développer quand même comme intervention assez large au niveau du Québec, c'est, quand il n'y a pas d'environnement auprès d'une personne qui a fait une tentative de suicide, qu'on ait au moins le réflexe de contacter un centre de prévention du suicide pour s'assurer que cette personne-là, et cet environnement-là, ne sera pas seule avec un événement comme ça.

C'est assez embryonnaire, par contre, comme nouvelle percée. C'est une préoccupation qu'on avait au niveau des tentatives de suicide, mais, encore là, ce n'est pas si facile que ça de les rejoindre. Il y a des gens qui ont le réflexe très naturel et spontané de se refermer devant un événement comme ça, de ne pas demander de l'aide et de banaliser eux-mêmes leur geste suicidaire. Et aussi, il y a souvent des messages de l'environnement qui banalise l'affaire.

Enfin, je vous dirai qu'il y a une préoccupation manifeste là-dedans parce que c'est une clientèle à risque, tant les endeuillés que les gens qui ont commis un geste suicidaire, et on est en train d'articuler une intervention avec le réseau médical, le réseau légal aussi, avec le coroner et les corps policiers, pour être le plus tôt possible en lien avec ces gens-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie beaucoup au nom de tous les membres de la commission. Je vous dis tout de suite que la commission se garde toujours le privilège – parce que je n'ai pas l'impression qu'on est allés au fond de tout – on se garde le privilège, évidemment, de vous réinviter. Alors, merci beaucoup.

M. Williams: M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Oui.

M. Williams: Juste avant, est-ce que les membres de la commission veulent décider, compte tenu de notre discussion de ce matin, que ce mandat...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Que le comité directeur...

M. Williams: Non. Est-ce qu'on dit que le mandat est fini et on dépose un rapport, soit tous les documents déposés ce matin, plus le procès-verbal, à l'Assemblée nationale, ou, M. le Président, est-ce que vous préférez attendre le comité directeur?

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je préfère attendre le comité directeur. Alors, les travaux sont suspendus jusqu'à 14 heures cet après-midi pour un autre mandat.

(Suspension de la séance à 12 h 45)

(Reprise à 14 h 5)


Consultations particulières concernant les nouvelles orientations gouvernementales relativement à l'approvisionnement, la gestion et la distribution du sang au Québec

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous recommençons nos travaux. Je vous rappelle le mandat: la commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques dans le cadre de l'étude des nouvelles orientations gouvernementales relatives à l'approvisionnement, la gestion et la distribution du sang au Québec.

On est toujours sur le même...

La Secrétaire: Non.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Il faut que je recommence? Bon. Alors, est-ce que le quorum est constaté?

La Secrétaire: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous avez votre ordre du jour. À défaut d'avis contraire, nous allons opérer selon cet ordre du jour. Nous recevons Janssen-Ortho inc. – j'espère que je dis le nom correctement. M. Brox, c'est vous qui allez faire la présentation du début. J'apprécierais que vous présentiez les personnes qui vous accompagnent, pour fins d'enregistrement, et vous pouvez débuter votre 20 minutes.


Auditions


Janssen-Ortho inc.

M. Charky (Pierre): Parfait. Merci bien. Merci bien également aux membres de la commission des affaires sociales. J'ai, à ma gauche, ici, le Dr Alan Brox. Le Dr Alan Brox est hématologue au centre hospitalier Royal Victoria rattaché au centre hospitalier de l'Université McGill. À ma droite, c'est Mme Krista McKerracher. Elle est directrice de produits au niveau international. Elle est aux États-Unis. Donc, vous lui pardonnerez finalement sa faible connaissance du français.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Si je comprends bien, vous voulez qu'on parle lentement.

M. Charky (Pierre): Oui.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Et votre nom n'est pas M. Brox. C'est Charky.

M. Charky (Pierre): C'est ça, exactement, et j'allais venir à mon nom...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'excuse.

M. Charky (Pierre): Non, pas du tout. Alors, mon nom, c'est Pierre Charky, je suis directeur des affaires gouvernementales et économiques de la santé pour la compagnie Janssen-Ortho.

Je vais donc débuter ma présentation. La présentation se veut un peu plus animée. Donc, je vais aller au rétroprojecteur. Nous vous avons fourni également des copies de cette présentation-là afin que vous puissiez suivre, mais également prendre des notes.

Donc, ça se veut une présentation un peu plus animée puisqu'on va essayer de la faire de manière à ce qu'on puisse la suivre sur vos textes mais également sur les diapositives que nous avons ici, devant nous.

Vous avez reçu, le 18 mai dernier, un mémoire qui a été déposé auprès de la commission des affaires sociales. Ce mémoire-là est repris avec certaines modifications qui tiennent compte finalement d'une réalité beaucoup plus récente. D'accord?

Alors, notre rôle aujourd'hui, c'est de présenter des solutions de rechange à la transfusion de globules rouges dans le nouveau système de gestion du sang du Québec. Je vous précise d'entrée de jeu que la compagnie Janssen-Ortho est membre et le bras pharmaceutique, si vous voulez, de la compagnie Johnson & Johnson. Je vais avoir l'occasion d'y revenir un peu plus loin pour vous dresser un tableau un peu plus complet, non seulement de Johnson & Johnson, mais également de Janssen-Ortho.

Donc, l'objectif de la présentation, ce serait de vous montrer pourquoi les solutions de rechange à la transfusion sont importantes pour le nouveau système de gestion du sang du Québec et de faire connaître également les avantages d'Eprex comme solution de rechange éprouvée. On va prendre un peu l'exemple d'Eprex en tenant compte finalement des nouvelles biotechnologies qui s'en viennent sur le marché, puisque c'est quand même un médicament qui est sur le marché depuis plus de huit ans et qu'il peut représenter un bon cas d'étude dans ce contexte-là pour étudier les solutions de rechange dans le contexte du nouveau système sanguin. Ensuite, on fera des recommandations pour assurer l'accès juste et équitable à ces solutions de rechange.

La première question qu'on peut se poser, c'est: Pourquoi les solutions de rechange sont si importantes? Eh bien, on sait très bien que le sang est une ressource de plus en plus limitée et coûteuse. Les patients, selon des sondages qui ont été effectués – et que je vais avoir l'occasion de vous présenter un peu plus loin – désirent avoir accès à des solutions de rechange à la transfusion de sang allogénique. Également, les cliniciens ont besoin d'avoir d'autres possibilités de traitements pour pratiquer une bonne médecine et parer à des éventualités plutôt majeures: des chirurgies, des traumas majeurs. Et, conséquemment, les solutions de rechange à la transfusion de sang allogénique se proposent à nous comme étant une solution pour atteindre l'autosuffisance du point de vue système sanguin.

Laissez-moi vous dresser un tableau du produit en question qui s'appelle Eprex. C'est un produit issu de la biotechnologie. Il est mieux connu sous le nom générique de «époétine alfa». Il stimule la production de globules rouges chez les patients qui ont besoin, finalement, de redresser leur niveau d'anémie. C'est une solution qui a été déjà approuvée par la DGPS et dont le remboursement a lieu au Québec pour les trois premières indications que nous voyons sur ce tableau, soit pour les patients atteints d'une maladie rénale, pour les patients VIH/sidatiques prenant de l'AZT, les patients atteints de cancer, et la dernière indication qui n'est pas encore reconnue pour fins de paiement par la Régie de l'assurance-maladie du Québec, soit celle pour les patients ayant à subir une opération élective avec perte de sang et transfusion. Ce produit, l'Eprex, procure des avantages médicaux additionnels, donc, par rapport au sang, et j'aurai l'occasion de détailler un peu plus le point que j'aurai à vous présenter.

(14 h 10)

Maintenant, je signalais tantôt que le sang est une ressource de plus en plus limitée et coûteuse. Le sang de donneurs est en décroissance au Canada; on l'a constaté depuis les dernières années. Le nombre d'unités de sang à transfuser est en régression. Et, si on regarde les études qui ont été publiées en 1993 et en 1997, on voit une brochette assez large de coûts à l'unité du sang transfusé, et c'est simplement pour vous indiquer, et je sais très bien que bientôt, avec le nouveau système, sachant très bien que les centres hospitaliers auront à défalquer le coût des unités de sang qu'ils auront à acheter, bien, c'est un tableau qui vous dresse approximativement le coût d'une unité de sang. Donc, on peut constater que le sang n'est pas gratuit comme plusieurs peuvent le penser.

Maintenant, selon un sondage Gallup – je vous signalais tantôt l'impression de la population – un sondage Gallup qui a été effectué en 1996 indiquait que 43 % des recensés sont au courant des solutions de rechange, 7 % seulement des répondants accepteraient de recevoir du sang allogénique et, enfin, 82 % estiment avoir le droit de prendre la décision finale en ce qui concerne le choix du sang ou de ses alternatives.

Diverses lignes directrices: celles tout d'abord de l'Association médicale canadienne aussi bien que les directives du rapport Gélineau, la proposition n° 9, ainsi que la commission Krever, dans sa recommandation n° 9, qui précise l'importance d'une utilisation adéquate des constituants sanguins et des produits et qui préconise, dans ses recommandations, des solutions de rechange à l'utilisation de ces derniers.

D'autre part, la mission d'Héma-Québec. Tel que stipulé dans son document, Héma-Québec a pour mission de fournir à la population québécoise des produits sanguins sécuritaires, de qualité optimale et en quantité suffisante pour répondre aux besoins des hôpitaux. Là où l'Eprex s'inscrit, c'est comme une alternative, finalement, en complémentarité avec la mission d'Héma-Québec pour permettre au système d'atteindre son niveau d'autosuffisance. Laissez-moi vous étayer trois cas, trois patients.

Dans le premier cas, des patients souffrant d'insuffisance rénale. On a 2 000 patients recensés au Québec souffrant d'insuffisance rénale en hémodialyse au Québec. En 1990, 55 % avaient besoin de huit unités de sang par année. Aujourd'hui, l'Eprex économise 9 000 unités de sang par année. Je tiens à vous préciser que cette indication-là est reconnue pour fins de paiement, non seulement chez les dialysés, mais également en prédialyse, et, dans ce sens-là, le Québec fait partie du groupe de leaders dans cette façon de rembourser la modalité.

Aussi bien que les patients atteints de cancer, les études concluent que 12 % à 29 % des patients en chimiothérapie reçoivent des transfusions. Eprex pourrait sauver 4 800 unités de sang au Québec.

Enfin, pour les patients en chirurgie élective, les études ont rapporté que 25 % du sang utilisé – on devrait ajouter «est» utilisé – durant des opérations électives. Pour vous donner simplement un exemple, si on prend les cas d'arthroplastie de la hanche, où c'est fortement hémorragique, les économies potentielles de sang peuvent représenter 2 500 unités de sang épargné avec cette modalité-là. Ça, c'est dans le contexte, finalement, des chirurgies électives. Là où on peut considérer que, présentement, il y a 25 % des unités de sang qui sont utilisées pour les opérations électives, on peut certainement les réduire avec une bonne planification et en proposant les alternatives aux bons endroits.

Alors, je vais céder maintenant la parole au Dr Alan Brox, qui est hématologue à l'hôpital Royal Victoria du centre hospitalier McGill, et je reviendrai par la suite.

Une voix: ...

M. Charky (Pierre): Les interventions électives? C'est-à-dire les interventions qui ne sont pas urgentes, qui sont des opérations qui sont cédulées d'avance.

M. Williams: Mais ça peut être quelque chose d'important. Électif, ce n'est pas juste quelque chose de cosmétique, c'est quand même...

M. Charky (Pierre): Oui, oui. Non, non, non. Effectivement, oui.

M. Williams: Oui, oui.

M. Charky (Pierre): Oui, tout à fait.

M. Williams: C'est juste non urgentes.

M. Charky (Pierre): Non urgentes, effectivement, c'est ça, par opposition aux interventions urgentes, les traumatismes, par exemple, où on n'a pas d'autres solutions que de prendre le sang et transfuser les patients, dans ce sens-là. Dr Brox.

M. Brox (Alan G.): Merci pour l'invitation à vous parler aujourd'hui. Je vais essayer de vous donner l'aperçu d'un clinicien qui pratique dans le milieu hospitalier et vous donner un survol, en fait, des opinions qui sont maintenant disponibles. En fait, il y a toujours un biais subjectif là-dedans, mais je vais essayer de vous rendre ça le plus facile possible.

Vous savez que les globules rouges sont la composante majeure du sang et elles sont là pour transporter de l'oxygène. Si vous n'avez pas de sang, évidemment, vous n'avez pas une bonne santé. On calcule qu'on transfuse à peu près 190 000 à 200 000 unités par les hôpitaux du Québec. Évidemment, la transfusion est nécessaire pour plusieurs raisons. On parle souvent d'anémie, qui est une faible représentation ou numération des globules rouges, ce qui peut être dû à une perte sanguine, admettons, comme un accident de voiture, où vous perdez du sang, des maladies chroniques ou des traitements comme, par exemple, la chimiothérapie donnée aux patients cancéreux.

Quelles sont les mesures, maintenant, disponibles pour réduire l'utilisation des transfusions à l'aube du XXIe siècle? Évidemment, il y a l'Eprex dont on vous parle aujourd'hui, il y a des substituts sanguins qui s'en viennent sur le marché et, évidemment, avec le perfectionnement des techniques chirurgicales comme la laparoscopie, les pertes sanguines sont évidemment moins fortes.

Du point de vue des patients, on peut vous montrer plusieurs exemples, surtout l'exemple du patient souffrant d'une insuffisance rénale ou d'une défaillance rénale, où l'anémie est souvent très profonde. Il peut y avoir plusieurs manifestations au niveau de la santé du patient à tel point que les activités quotidiennes, comme monter des escaliers, deviennent très, très compliquées. Évidemment, il y a d'autres complications dues à l'anémie, qui sont des complications cardiaques qui vont engendrer, évidemment, plus de temps à l'hôpital. Et on sait que, depuis l'arrivée d'Eprex pour le traitement de ces gens-là, on a diminué l'apport sanguin chez ces gens-là de huit unités de sang par année, parce que, auparavant, avant l'introduction d'Eprex, évidemment, quand ces patients-là étaient anémiques, il fallait qu'ils soient transfusés.

On sait que, en 1990, Québec a accepté de rembourser l'Eprex, et les bénéfices sont évidemment ce qu'on a ici sur le tableau. C'est qu'on a éliminé complètement la transfusion sanguine avec toutes ses complications, la durée des séjours à l'hôpital a diminué de façon importante et une des causes de morbidité ou de complications importantes... les complications cardiaques sont presque éliminées maintenant.

Du point de vue des patients atteints de cancer, on sait qu'un patient sur cinq qui reçoit de la chimiothérapie va avoir besoin d'une transfusion. Je peux vous dire que, dans ma pratique courante, il y en a beaucoup d'autres qui sont anémiques mais qui ne sont pas traités. Évidemment, il y a un impact important sur l'aptitude au travail et sur la jouissance de la vie et, évidemment, ces gens-là étant plus malades, ils ont plus souvent recours aux services de santé.

(14 h 20)

Je vais vous donner un exemple d'une patiente, Mme LN, qui a 49 ans, qui a un cancer du sein, vue par le chirurgien, une chirurgie est complétée, et elle reçoit de la chimiothérapie. Je vais vous montrer sur le graphique que cette madame-là, à l'heure actuelle, serait traitée de cette façon-là, c'est-à-dire qu'au moment de la chimiothérapie, où c'est marqué ici «début de la chimiothérapie», elle commence à avoir ses cycles de chimiothérapie, donc les médicaments sont donnés à répétition. Vous voyez, par les deux flèches qui sont ici, qu'elle reçoit deux transfusions, après le deuxième et pendant le troisième cycle. Et vous voyez qu'après la transfusion il y a une montée de son hémoglobine, une augmentation qui survient, mais, comme vous remarquez, cette augmentation est suivie d'une décroissance, c'est-à-dire que l'hémoglobine monte, mais, malheureusement, baisse. Ici, après le quatrième cycle, on décide de donner de l'Eprex à la même patiente et, comme vous voyez, l'hémoglobine commence à monter de façon graduelle pour atteindre un niveau très acceptable où la patiente n'a plus besoin d'être transfusée, et elle va maintenir l'hémoglobine à un niveau stable, sans les hauts et les bas qu'on voit avec la transfusion. Donc, ceci se traduit par un état de santé et une qualité de vie évidemment beaucoup plus satisfaisants.

Du point de vue des cancéreux, les patients atteints de cancer, malheureusement, il y a encore quelques problèmes, c'est-à-dire que le traitement est disponible seulement après que le patient ait reçu deux transfusions par mois. Si on pouvait commencer, chez les cancéreux, plus tôt, ça permettrait aux patients d'éviter, évidemment, d'être exposés au sang et les complications importantes connues. Et les niveaux énergétiques et aptitudes à faire face à la vie quotidienne seraient évidemment supérieurs.

Quoi faire avec la chirurgie élective? Vous avez une hanche ou un genou qui a besoin d'être remplacé, ce n'est pas une chirurgie urgente, mais vous allez voir votre médecin, et on va vous donner un exemple d'un problème qui peut facilement survenir. La chose qui est bien, si vous voulez, avec la chirurgie élective, c'est qu'il y a des facteurs de prévision qu'on peut regarder et comprendre facilement, c'est-à-dire que, dépendant du type de chirurgie, comme une chirurgie de la hanche, on peut prévoir qu'on a une perte sanguine de deux à six poches de sang et, si le patient arrive à la chirurgie anémique, c'est presque certain que ce patient-là va être transfusé pendant la chirurgie ou dans la période préopératoire. Donc, pour ces raisons-là, il est maintenant possible pour le chirurgien et les médecins qui sont impliqués de planifier les besoins sanguins lors d'une chirurgie.

Je vous donne un exemple. Mon petit bonhomme, il a l'air un peu maigre, là, mais c'est un petit bonhomme quand même, il a une fracture de la hanche, il a besoin d'une chirurgie. Il a maigri beaucoup en attendant sa chirurgie, mais il arrive au chirurgien avec une hémoglobine très basse, c'est-à-dire qu'à la place d'être à 140 g par litre, il est très anémique, à 100 g par litre, donc une baisse importante. Qu'est-ce que le chirurgien peut faire? Il peut décider de donner des transfusions de sang comportant tous les risques qu'on connaît déjà ou il peut opter pour donner de l'érythropoïétine alfa, ou l'Eprex.

Donc, on sait, par des sondages qui ont été faits, que les patients ne désirent pas recevoir du sang allogénique et, de plus en plus, les patients, en arrivant à la clinique, nous demandent les alternatives possibles. Les patients qui sont anémiques reçoivent au minimum trois fois plus de transfusions que les patients non anémiques et, souvent, malheureusement, les patients qui s'en vont en chirurgie, comme une chirurgie orthopédique, un tiers à peu près de ces patients-là vont avoir de l'anémie et ont besoin de transfusion. On sait aussi que la convalescence, c'est-à-dire la période postopératoire, est beaucoup plus longue et compliquée chez des gens qui sont anémiques et reçoivent du sang.

C'est quoi, les avantages du traitement avec Eprex? Évidemment, on essaie de vous faire comprendre que ça va réduire énormément le besoin de transfusion pour les patients anémiques. Par exemple, des patients qui subissent une chirurgie pour la hanche, en utilisant Eprex, le pourcentage de patients transfusés baisse de 45 % à 16 %. Donc, un taux quand même très raisonnable. Mais, évidemment, Eprex va aussi assurer un approvisionnement suffisant de sang pour les cas d'urgence. C'est-à-dire que le sang que vous allez sauver en utilisant l'Eprex est gardé à votre banque de sang pour les patients qui en ont besoin.

Du point de vue des patients, quel est le rôle de la transfusion sanguine? C'est évidemment le patient qui arrive, qui a eu un accident d'automobile, qui fait une grosse hémorragie. Ce patient-là a besoin d'un apport d'oxygène et de sang immédiat. Pour lui, la transfusion sanguine, c'est le seul traitement qu'on peut offrir. Évidemment, l'Eprex ne convient pas à ces situations-là, d'urgence, parce que ça prend quand même un certain temps avant d'augmenter le nombre de globules qu'on peut voir.

Du point de vue des cliniciens comme moi, ce qu'on voit, c'est que les lignes directrices maintenant indiquent que les utilisations appropriées du sang et des solutions de rechange existent. On veut absolument avoir recours aux outils adaptés pour offrir les meilleurs soins qu'on puisse offrir aux patients. Malheureusement, le remboursement n'est pas conforme aux lignes directrices cliniques. Et probablement cette semaine ou la semaine prochaine, des nouvelles lignes directrices vont apparaître qui vont tenir compte en effet des critères économiques et des pénuries de sang à travers le Canada.

D'autres points de vue, c'est évidemment que les médecins ont le devoir et la responsabilité légale d'informer pleinement les patients sur tous les traitements et les solutions de rechange. Et, de plus en plus, les patients sont informés et vous posent cette question-là, et vous avez l'obligation, même si la question n'est pas posée, de leur proposer toutes les solutions possibles. On veut limiter aussi les prescriptions de sang afin de conserver le sang pour les situations d'urgence où le sang est indiqué.

On a su, par une enquête faite dernièrement, que les médecins au Québec sont quand même satisfaits du leadership du Québec dans le cadre de la loi n° 33 qui concerne l'accès à l'Eprex. L'accès est rendu beaucoup plus équitable avec cette loi en donnant l'accès universel avec une distribution par les pharmacies de détail. Néanmoins, l'accès reste un problème pour les patients de chirurgie élective et les patients qui sont atteints de cancer.

Donc, comme clinicien, moi, je vous donnerais le message qu'on doit absolument considérer les deux possibilités, la chirurgie élective et les cancéreux, comme des patients qui pourraient facilement bénéficier de l'Eprex. Et ça serait dans le mandat, pour nous, de le faire accepter et qu'il soit disponible pour ce genre de patients là. Merci.

M. Charky (Pierre): Merci bien, Dr Brox. Maintenant, je vais avoir l'occasion de présenter... À l'instar du Dr Brox qui présentait la perspective du patient et du clinicien, je vais présenter maintenant, dans les prochaines minutes qui me restent, la perspective d'un point de vue du système. On sait très bien que le sang des donneurs est une ressource limitée et de plus en plus coûteuse, que le système doit veiller à ce qu'il y ait assez de sang pour les utilisations essentielles et, également, le système doit veiller à assurer un accès égal aux solutions de rechange.

Un autre point que le rapport Gélineau a retouché est celui du consentement éclairé. Le point de vue de la compagnie concernant le consentement éclairé est qu'il est requis, et qu'il est requis d'avance, afin que l'on puisse planifier justement les solutions de rechange qui s'imposent, non pas simplement d'un point de vue d'une obligation éthique, mais également du point de vue de l'obligation légale. Également, les solutions de rechange aideront à créer un système de gestion du sang autosuffisant au Québec. En procurant une marge de sécurité plus grande, l'Eprex pourra assurer l'approvisionnement adéquat en sang.

Laissez-moi vous présenter le tableau qui vous donne non seulement la perspective des avantages et des économies à réaliser par le système, mais également la perspective du coût. Et on a voulu vous présenter les coûts par indication. Donc, par exemple, pour une maladie rénale, ça peut représenter des coûts de 5 500 $ par patient par année. Maintenant, quand on regarde les patients cancéreux, atteints de cancer, c'est 4 500 $ par traitement. Également, par traitement, pour les patients en attente d'une chirurgie, la brochette de coût oscille entre 1 100 $ et 2 200 $ par patient par traitement.

Maintenant, ce qu'on peut constater d'un point de vue de l'économie pour le système, c'est qu'il y aura beaucoup moins de gaspillage au niveau des unités de sang transfusé, une réduction également des hospitalisations – et on a pu le voir, à travers les différentes études, que ça va réduire simplement les hospitalisations et permettre à ce moment-là, à ces patients, de s'auto-administrer le médicament puisqu'il est disponible en seringue préremplie – et également ça réduirait les complications médicales associées aux transfusions sanguines.

(14 h 30)

Évidemment, toute cette utilisation-là suppose que ça soit encadré dans des guides d'utilisation qui maximiseront l'efficience des alternatives aux transfusions. Et j'aurai l'occasion d'y revenir très brièvement un peu plus loin dans mon exposé.

Maintenant, je vous disais un peu plus tôt que je voulais vous dresser un tableau de la compagnie Janssen-Ortho, mais laissez-moi vous préciser que Janssen-Ortho fait partie du groupe pharmaceutique Johnson & Johnson, qu'elle emploie également au Québec 780 personnes qui représentent 35 % de l'effectif canadien total. Nous avons totalisé des dépenses en recherche, développement, exploitation et immobilisations de 90 000 000 $, en 1997. Et finalement, la valeur des biens fabriqués au Québec est supérieure à 200 000 000 $. Donc, ça vous dresse un peu le tableau de Johnson & Johnson.

Maintenant, du point de vue de l'engagement de la compagnie Janssen-Ortho, nous avons des responsabilités et nous voulons bien les assumer. Ainsi, on supporte un programme de conservation du sang à Québec, à l'Hôtel-Dieu de Lévis, pour permettre finalement de mieux encadrer l'utilisation du sang. Également, nous supportons une initiative du Canadian Working Group on Transfusion Practices, dont quatre des huit hôpitaux se retrouvent au Québec. Et également, nous voudrions développer, en conjonction avec un centre hospitalier, ce qu'on veut appeler un centre d'excellence pour le traitement de l'anémie. Et vous pourriez plus tard poser la question au Dr Brox, qui pourra élaborer un peu plus sur ce concept de centre d'excellence pour le traitement de l'anémie au Québec.

D'un point de vue de la vision du système de gestion du Québec, nous nous voyons en complémentarité avec la mission d'Héma-Québec, qui voit à l'approvisionnement, à la distribution du sang au Québec. Donc, notre mission, si vous voulez, c'est de proposer des solutions de rechange disponibles pour assurer l'autosuffisance du système et, ainsi, maintenir les niveaux de qualité et de sûreté les plus hauts.

Je voudrais réitérer simplement le point que l'Eprex est un produit qui n'est pas dérivé du sang allogénique. Il évite l'exposition à long terme du sang allogénique, il réduit les complications médicales et les coûts associés à l'anémie chronique, et enfin, il améliore la qualité de vie des patients.

Et ce que nous souhaitons, en guise de conclusion, basé sur les points que je viens d'énoncer un peu plus tôt, c'est d'élargir les critères applicables au remboursement de l'Eprex, de maintenir également le médicament sur la liste de remboursement des médicaments de la Régie de l'assurance-maladie du Québec et d'assurer finalement sa distribution par l'entremise des pharmacies communautaires, tel qu'à l'heure actuelle. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, M. le Président. Et merci beaucoup, Dr Brox et M. Charky, pour votre excellente présentation. Je pense que vous avez fait quelque chose d'extraordinaire: rendre un dossier aussi complexe que ça assez simple, pour nous, à comprendre. Félicitations pour ça. Je pense, aussi, que compte tenu de nos discussions d'hier, c'est une excellente démonstration de c'est quoi, l'efficacité de la recherche dans ce secteur quand on peut avoir des interventions aussi intéressantes que ça. De plus en plus, on vit dans une situation où on cherche les meilleures technologies pour répondre aux nouvelles maladies devant nous. Avec ça, félicitations pour votre présentation. Je pense que votre présentation répond à 100 % aux paramètres de notre étude. Merci beaucoup et félicitations à Janssen-Ortho pour ça.

Mais j'ai plein de questions. J'ai commencé ce matin sur les chiffres et peut-être que je vais commencer là aussi. Après ça, on va entrer dans des choses un peu plus intéressantes que juste l'argent. Vous avez parlé des coûts des traitements Eprex. En comparaison avec les coûts pour utiliser le sang, c'est quoi? Vous avez parlé des maladies rénales, de patients cancéreux, etc. Vous avez parlé de 5 500 $. Si on utilise Eprex, ça coûte 5 500 $. Si on utilise le sang, ça va coûter combien? Et pour les trois...

Une voix: D'accord.

M. Williams: Est-ce que c'est moins ou est-ce que...

Mme McKerracher (Krista): Oui. Alors, si je peux répondre en anglais.

M. Williams: Sure.

Mme McKerracher (Krista): The cost of treating with blood is very difficult to calculate, in the system in Canada. We tried to do a trial where we looked at all the costs, starting with the Red Cross back in 1993. And the costs that we calculated for giving a unit of blood on an outpatient basis, like a cancer patient, was $280 per unit in 1993 dollars. Subsequent studies that were done, for example, at the Princess Margaret Cancer Hospital, in Ontario, estimated that the cost was double that. So, for a patient with cancer who is getting between two and five units of blood, it's between $280 and $600 for each of those units of blood.

M. Williams: On va continuer en français et en anglais un peu. La question de qui paie pour le sang, maintenant, ou les produits sanguins, ça m'intéresse beaucoup parce que, à partir de lundi passé, mais l'année prochaine, le fait qu'Héma-Québec est en charge de notre système sanguin ici, au Québec, il y a tout un nouveau système, où c'est les hôpitaux qui vont avoir les budgets, qui doivent payer pour les produits sanguins ou le sang. Mais, avec ou sans les coupures, mais certainement avec toutes les coupures que nous avons vues, il va y avoir une décision fiscale. Et ça m'inquiète beaucoup qu'un directeur général, avec toute la pression de couper de l'argent, ne choisisse pas nécessairement la meilleure intervention; il ou elle peut choisir l'intervention la moins chère. Parce que j'ai peur que – maintenant, avec les budgets fermés, l'hôpital va avoir x montant – s'il dépense de l'argent, ça soit plus cher avec votre produit, malgré que ça soit peut-être plus efficace et d'une plus haute qualité de vie, etc. Mais ça va être plus cher pour son budget. Avez-vous quelques commentaires sur ça?

M. Charky (Pierre): Bien, présentement, on sait que l'Eprex est payé par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Donc, ce n'est pas un budget qui émane des centres hospitaliers.

M. Williams: Est-ce que ça va être dans le nouveau budget du sang, dans Héma-Québec ou non?

M. Charky (Pierre): S'il est dans le nouveau budget du sang...

M. Williams: Parce que, avec les 20 hôpitaux désignés qui s'en viennent...

M. Charky (Pierre): Oui.

M. Williams: Ils vont avoir des budgets fermés, garantis pour trois ans. On ne sait pas, après. Est-ce que l'hôpital doit prendre le coût de ce médicament de son budget ou d'un autre budget? C'est assez important comme question. Parce que, dans la vraie vie, ils vont prendre une décision sur les coûts. Quel budget est-ce que vous voyez...

M. Charky (Pierre): Bien. À l'heure actuelle, dans la charte d'Héma-Québec, il est précisé simplement le sang, et les alternatives ne sont pas évoquées.

M. Williams: Mais, selon vous, le budget pour l'Eprex n'est pas attaché avec le budget du sang dans les hôpitaux, si j'ai bien compris.

M. Charky (Pierre): Nous, ce qu'on dit c'est que l'Eprex devrait être offert en complémentarité. D'un point de vue budget, où ça se situe exactement? Je ne peux pas répondre à cette question-là. Mais ce que je peux dire, c'est que nous privilégions l'approche où, finalement, c'est offert en complémentarité.

M. Williams: O.K. Peut-être qu'au moment où on parle, on ne peut pas aller plus loin, mais le son de cloche que j'ai avec Héma-Québec – et nous sommes dans un mandat pour étudier le système sanguin ici, au Québec – avec les budgets contrôlés dans les hôpitaux, ce qui est différent de maintenant où c'est payé par les provinces, il peut y avoir une décision sur le terrain qui est basée sur le budget de l'hôpital et pas nécessairement sur l'efficacité d'une intervention, à cause de toute la pression financière, si j'ai bien compris.

M. Charky (Pierre): Oui. Et un sondage que nous avions fait et auquel s'est référé un peu plus tôt le Dr Brox dans sa présentation nous indique que les médecins privilégient l'approche actuelle qui existe en ce moment sur le terrain, en d'autres termes, que l'on maintienne l'accès aux médicaments à travers les pharmacies communautaires pour éviter finalement toute question de contrainte budgétaire que ça peut entraîner par suite d'une telle décision.

M. Williams: Merci. Je pense que c'est un point qui est assez important.

M. Charky (Pierre): Oui.

M. Williams: Parce que j'ai peur que juste l'utilisation du sang tombe – est-ce qu'on fait une intervention chirurgicale ou non – sur le budget. Mais merci pour cette intervention.

(14 h 40)

La dernière question que vous avez présentée, élargir l'utilisation, être sur la liste des médicaments. Hier, nous avons pensé à la problématique d'entrer sur la liste des médicaments du Conseil consultatif de pharmacologie. C'est quoi, le problème, au CCP, avec l'entrée de ce produit sur nos listes? C'est quoi, leurs questions? C'est quoi leurs...

M. Charky (Pierre): Je voudrais préciser que présentement le médicament est octroyé et remboursé pour les patients qui ont besoin de ce médicament-là, pour l'insuffisance rénale chronique, également pour les patients sous chimiothérapie et également les patients sous AZT.

M. Williams: Oui.

M. Charky (Pierre): La seule indication qui n'est pas reconnue pour fins de paiement et qui est reconnue par la DGPS, la Direction générale de la protection de la santé – je m'excuse – c'est la chirurgie élective. Et, dans ce contexte-là, quand on s'est adressé au Conseil consultatif, il nous a référés au ministère pour que le ministère lui donne des directives.

M. Williams: Avec ça, c'est sur la liste, mais c'est juste pour...

M. Charky (Pierre): Pour cette indication-là qui n'est pas reconnue pour fins de paiement.

M. Williams: Avec ça, vous voulez enlever cette discrimination administrative.

M. Charky (Pierre): Ce que nous souhaitons, c'est qu'il y ait un accès égal...

M. Williams: Universel.

M. Charky (Pierre): ...pour tous les Québécoises et les Québécois. C'est ça.

M. Williams: On dit la même chose.

M. Charky (Pierre): Pour toutes les indications.

M. Williams: On dit la même chose. Je passe la parole. J'ai encore d'autres questions, mais je ne veux pas monopoliser le temps et je laisse les autres...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Mme la députée de Sherbrooke.

Mme Malavoy: Bonjour et merci pour cette présentation qui est très intéressante et très vivante, comme vous l'aviez annoncé. J'ai quelques questions, mais la première, ce serait d'abord pour bien comprendre de quoi il s'agit. Parce que là vous parlez de ça, vous, comme quelqu'un qui est un expert en la matière, mais, moi, j'ai encore du mal à démêler différentes choses. Entre autres, comment ça fonctionne, comment ça marche concrètement, par opposition, par exemple, à l'utilisation de substituts? Parce que dans vos acétates, vous indiquez bien, à un endroit, qu'il y a différentes façons de réduire l'utilisation des transfusions. Vous dites: Il y a l'Eprex, il y a des substituts sanguins et il y a le perfectionnement des chirurgies. Alors, j'aimerais d'abord, dans un premier temps, mieux comprendre comment ça fonctionne, de quoi il s'agit.

M. Brox (Alain G.): Malheureusement, le micro... Ah, il fonctionne, par magie! Ce qu'on a essayé de vous faire comprendre, je pense, c'est que, probablement, le traitement du patient va impliquer plusieurs de ces choses-là. Il n'y a pas une chose qui est faite en enlevant une autre composante. C'est-à-dire que ce qu'on essaie de vous faire comprendre, peut-être, pour l'Eprex par exemple, pour la chirurgie élective, c'est que vous avez le choix de donner des transfusions, si vous voulez, ça, ça existe toujours, mais, comme pratique, c'est quelque chose qu'on ne souhaite pas pour les patients, maintenant.

Quand on vous dit qu'il y a des substituts sanguins qui sont disponibles, moi, ce que je verrais, par exemple, c'est la possibilité d'un patient qui va avoir une chirurgie quand même assez majeure mais élective, où il va y avoir un traitement par l'Eprex pour monter son sang à un certain niveau. Et, pour le moment, étant donné que les substituts sanguins n'existent pas sur le marché et ne sont pas applicables au moment où on se parle, prochainement, moi, je verrais, dans deux à cinq ans, que peut-être il y aura d'autres choses à donner que des transfusions allogéniques, c'est-à-dire que le sang complet qu'on voit maintenant, ne serait peut-être pas disponible pour les indications où on l'utilise dans le moment.

Mme Malavoy: Donc, il pourrait y avoir, par exemple, une combinaison, d'ici quelques années, substituts sanguins et Eprex. C'est une combinaison possible.

M. Brox (Alan G.): Un peu comme on voit avec les cancéreux qui sont traités maintenant par la chimiothérapie. Il y a cinq ans, c'étaient des médicaments qu'on donnait, il n'y avait pas tous les produits de la biotechnologie, comme Eprex, pour faire monter le sang. Pour monter les globules blancs, qui luttent contre les infections, on a maintenant des médicaments. Donc, vous voyez que le traitement devient de plus en plus raffiné pour que le patient s'en sorte, si vous le voulez, avec le meilleur pronostic possible.

Mme Malavoy: Autre question que je me posais: Est-ce qu'il y a des contre-indications à l'utilisation d'Eprex? Est-ce qu'il y a des types soit de maladies ou de chirurgies pour lesquelles ça n'est pas indiqué de l'utiliser?

M. Brox (Alan G.): Il faut dire que c'est un médicament exceptionnel, Eprex, dans le sens que le profil de toxicité est presque inexistant. Il faut comprendre que c'est une hormone que nous fabriquons à tous les jours, c'est que nos reins – j'espère que les miens fonctionnent bien – ils en font à tous les jours. Quand on le donne au patient qui a de l'anémie, c'est parce que souvent il a une défaillance rénale ou un problème ou la production n'est pas adéquate pour répondre aux besoins. Vous regardez un médicament un peu comme l'insuline qui est produite par notre corps, donc le profit de toxicité est excellent. Et on peut vous dire que, dans les études qui ont été faites, la toxicité de l'érythropoïétine ou d'Eprex est vraiment semblable au placebo. Alors, ça vous montre que, vraiment, c'est très bien, comme médicament.

Mme Malavoy: Une autre question, si vous permettez, c'est vraiment pour bien comprendre. À moins que vous ayez un complément là-dessus...

M. Charky (Pierre): Bon, en fait, en quelque sorte, c'est une hormone synthétique mais naturelle qu'on donne, c'est la même hormone que l'on retrouve dans notre système au niveau du rein et qui, elle, lorsqu'elle est secrétée, à ce moment-là, va augmenter le niveau de globules rouges. Alors, c'est pour mimer, finalement, quelque chose qui se passe dans le système.

Mme Malavoy: Et ça agit à quelle vitesse?

M. Brox (Alan G.): C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on vous dit que ce n'est pas un médicament d'urgence. C'est-à-dire que, si vous avez un accident de voiture demain puis que le patient arrive avec une hémoglobine très basse, vous allez donner des transfusions sanguines. Donc, Héma-Québec est toujours dans le portrait. Ce qu'on vous dit, c'est que vous regardez entre deux et quatre peut-être six semaines, des fois, pour que le patient ait une bonne réponse qu'on peut mesurer. Donc, c'est pour ça que ça prend une chirurgie élective où vous avez trois à quatre semaines, vous dites au patient: Vous allez vous injecter, vous prenez ce médicament-là et vous allez éviter des transfusions. Et, en fait, tous les patients, maintenant, veulent éviter des transfusions.

Mme Malavoy: Donc, on peut vraiment, avec ça, éviter complètement une transfusion, si on a porté notre taux de globules rouges à un niveau suffisamment élevé?

M. Brox (Alan G.): On peut diminuer de façon très importante le besoin de transfusion. Moi, je dirais, de plus en plus, on voit de la chirurgie faite avec presque plus de transfusions. Après l'utilisation d'Eprex, là. N'allez pas dire ça à vos chirurgiens, là. Mais, je veux dire, après l'utilisation d'Eprex, avec une augmentation importante, c'est fort possible que les gens puissent éviter des transfusions allogéniques, c'est-à-dire provenant d'autres donneurs.

Mme Malavoy: Une dernière petite question plus technique: La numérotation des globules rouges dont vous parlez, c'est un test qui se fait très rapidement, ça, pour détecter...

M. Brox (Alan G.): Oui, oui. Au moment où vous arrivez à l'hôpital, quand ils prennent un tube de sang...

Mme Malavoy: C'est la première...

M. Brox (Alan G.): C'est l'hémoglobine, on vous parle de votre hémoglobine ou de votre anémie, en fait, c'est un taux qui est fait sur un appareil qui prend un milliseconde. C'est très rapidement fait.

Mme Malavoy: Donc, on peut vraiment faire un diagnostic rapide...

M. Brox (Alan G.): Ah oui!

Mme Malavoy: ...et puis prévoir, avec Eprex, sur un certain nombre de semaines, qui dépendent probablement de différents facteurs personnels, de l'état de santé de la personne...

M. Brox (Alan G.): Il y a quand même un barème déjà établi. Tout est là pour le clinicien. Celui qui veut pratiquer avec l'Eprex, il est capable. Je pense que tout est disponible maintenant pour qu'on puisse vous dire, à vous, madame, demain: Votre hanche, elle a besoin d'être remplacée, prenez tant d'Eprex trois fois par semaine puis votre hémoglobine va monter et vous éviterez des transfusions sanguines.

Mme Malavoy: Et l'effet, vous dites, est ensuite assez constant? C'est-à-dire, une fois qu'on aura remonté le niveau, il n'y a plus de baisse, comme on a vu dans le cas de cette patiente. Ça évite la baisse?

M. Brox (Alan G.): Oui, c'est pour ça que les transfusés, ils sont bien pour deux, trois jours. Comme clinicien, je les vois, ils sont là le lundi, quand vous les revoyez le lundi suivant: Doc, j'étais bien jusqu'à mercredi, jeudi, mais ça ne va pas tellement bien. Mais, quand vous les mettez sur Eprex, évidemment, étant donné qu'ils sont injectés un peu comme un diabétique peut prendre de l'insuline, ils sont injectés trois fois par semaine avec ce produit-là, ils vont monter puis ils vont rester stables. En autant qu'ils prennent le médicament, ils sont complètement bien. Et tous les effets néfastes de la chimiothérapie, la fatigue et tout ce qu'on voit, les complications, en fait, qu'on voit comme médecin sont presque éliminées en utilisant le médicament. C'est un excellent médicament.

Mme Malavoy: Je comprends que vous... C'est votre conclusion. C'est très bien. Merci.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci. J'ai suivi le questionnement avec beaucoup d'intérêt aussi et je suis convaincu que vous êtes convaincus que c'est un excellent médicament. Et, je pense, c'est une bonne chose que vous soyez ici comme professionnels pour effectivement parler de ça. Ce n'est pas juste un secteur privé qui vend le produit, c'est...

M. Brox (Alan G.): Merci de m'avoir invité.

(14 h 50)

M. Williams: Mais j'essaie de... Je retourne un peu... On discute quoi, exactement? And feel free to answer this in any language, because I want to get to the bottom of it. Héma-Québec a un mandat sur le sang et les produits sanguins; ça s'arrête là. Le Service canadien du sang parle de sang, des produits sanguins et des alternatives. Il y a trois choses. Déjà, Québec – je ne sais pas si c'est un oubli ou si c'est stratégique – les alternatives ne sont pas incluses. Eprex, c'est quoi? Est-ce que c'est purement chimique? Est-ce que c'est humain ou s'il y a une certaine partie humaine? On parle de qualité et de protection, et tout ça. Je voudrais savoir exactement c'est quoi, ce dont on discute. Est-ce que c'est un produit sanguin ou est-ce que vous traitez vraiment ça comme une alternative au sang?

M. Charky (Pierre): C'est traité comme une alternative, et ce n'est pas un produit qui est issu du sang, c'est un produit qui est issu de la biotechnologie, c'est un recombinant.

M. Williams: Mais ça vient de l'être humain?

Une voix: C'est une hormone...

M. Williams: Pas du tout?

M. Charky (Pierre): C'est une hormone qui va mimer, mais on ne va pas l'extraire de l'humain.

M. Williams: Il n'y a aucun aspect humain dans ça?

M. Brox (Alan G.): It's a genetically engineered product.

M. Charky (Pierre): Et c'est un produit issu...

M. Brox (Alan G.): Genetically engineered.

M. Charky (Pierre): Oui.

M. Brox (Alan G.): Genetically engineered.

M. Williams: Nothing from a human beeing? O.K.

M. Brox (Alan G.): No. You know the sequence of the protein.

M. Williams: I misunderstood that. Perfect! I misunderstood that.

M. Brox (Alan G.): Oui, tu as la séquence de la protéine, puis là, vous faites la synthèse d'une protéine qui mime exactement ce que vous avez.

M. Williams: Je n'avais pas compris ça. Merci beaucoup pour cette clarification. Alors, effectivement, c'est une alternative.

M. Charky (Pierre): Oui, tout à fait. Et on n'aurait pas pu se présenter devant vous si c'était quelque chose qui est issu du sang, finalement, parce que, autrement, on ne pourrait pas vous présenter les caractéristiques que l'on vous a présentées dans l'exposé.

M. Williams: Bon. J'apprends des choses aujourd'hui. C'est bon. Merci. Vous avez mentionné que ça peut nous aider d'être autosuffisants dans le système sanguin. Dans quels secteurs est-ce que nous avons des pénuries de sang et de produits sanguins?

M. Charky (Pierre): Vous voulez dire la part des groupes, les groupes sanguins?

M. Williams: Oui, oui, là où sont les problèmes exactement. Nous ne sommes pas autosuffisants dans tous les secteurs, je présume. Dans quelques-uns, nous sommes bons; les autres, c'est plus difficile. Où sont les problèmes sur l'autosuffisance, dans quels secteurs?

M. Charky (Pierre): Du point de vue de l'autosuffisance, on a pu remarquer et constater dans les médias, à des moments précis dans l'année, des périodes de pénurie de sang qui ont été soulignées dans les différents médias. Nous, ce qu'on propose, par cette alternative, c'est: Oui, vous avez une alternative qui vous est proposée ici, mais elle pourrait sauver justement les unités de sang pour les garder, les retenir pour les interventions beaucoup plus urgentes. Et c'est là où on se dit: Bien, si on est capable d'offrir ces alternatives-là, on va permettre finalement au système d'être beaucoup plus efficient et de garder ses réserves pour parer aux éventualités les plus urgentes. Est-ce que ma réponse est claire?

M. Williams: Oui, oui, je pense.

M. Brox (Alan G.): Je vais vous donner juste un exemple de quelque chose qui... C'est un effet bénéfique auquel on ne pense pas des fois, mais admettons que vous avez un patient... Quand on parle de pénurie de sang, tout le monde pense: Ah, mon Dieu! c'est parce qu'il n'y a pas de donneurs, puis tout le monde est parti en vacances, puis il n'y a plus personne à la Croix... en fait, à Héma-Québec, maintenant.

Je vais vous donner un bon exemple. Admettons que vous allez pour une chirurgie élective et que vous n'avez pas un groupe sanguin qui est fréquent, c'est-à-dire que vous êtes parmi les gens qui ont un groupe sanguin très rare. On ne peut pas trouver de sang pour vous. Vous, on va vous dire: Bien, monsieur, c'est bien dommage, mais on n'a pas de sang, il y a une pénurie de sang à la banque de sang pour vous parce que votre groupe sanguin, pour une raison ou une autre, n'existe pas. Ce médicament-là, étant là et faisant partie de la complémentarité qu'on vous propose, va être utile, parce que, là, on va vous dire: Monsieur, vous allez vous injecter ce médicament-là tant de fois par semaine, vous allez augmenter votre sang et là vous allez être capable de subir cette chirurgie sans complication. Alors, c'est ça, dans un contexte global de pénurie, moi, je vois toujours ça comme une autre possibilité. En fait, je peux vous en donner plusieurs dans la définition de «pénurie».

M. Williams: Merci pour cette clarification. Juste en réponse au commentaire de mon collègue, quand tout le monde donne du sang, les cliniques de sang, on le voit, c'est toujours rouge.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Williams: Excusez-moi.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): On n'a pas compris.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Williams: Je peux répéter. And I can say it in English, if you like. Mais nous sommes...

M. Dion: M. le Président, je pense que le rouge, c'est très bon, mais il ne faut pas l'avoir dans les yeux.

M. Williams: On commence avec un nouveau système de sang cette semaine. Vous arrivez devant la commission parlementaire avec une présentation très claire, avec une solution qui me semble extraordinaire, très intéressante. Mais déjà, et c'est juste mercredi, la première semaine d'Héma-Québec, il me semble que nous avons un problème potentiel. Où on prend des décisions telles que vous avez recommandées dans votre dernière page, les trois grandes recommandations? Qui prend les décisions? Comment on peut mettre cette... Si on veut aller dans la direction que vous voulez, qui va prendre cette décision et comment ça va marcher? Parce que, effectivement, si nous avons une meilleure utilisation de l'Eprex, peut-être qu'on peut sauver de l'argent ailleurs, on peut réduire les coûts du sang. Mais qui prend cette décision, qui mène cette décision maintenant? Est-ce que c'est la RAMQ, le CCP, Héma-Québec, les trois, le ministre ou le ministre des Finances? Qui? C'est assez important, comme question, je pense.

M. Charky (Pierre): Oui, tout à fait. En fait, c'est une décision qui revient au ministre de la Santé et des Services sociaux. À l'intérieur de ce ministère-là, pour être plus précis, c'est au Conseil consultatif de décider des critères de remboursement. Mais, pour ce critère-là, le critère sur lequel on se penche plus précisément, soit dans les cas de chirurgie, le Conseil consultatif a préféré se référer au ministère, qui avait déjà convoqué un comité, le Comité d'hémovigilance. Et, à l'intérieur de ce triangle-là, j'ai l'impression que la décision se prend à ce niveau-là entre le ministère, le Conseil consultatif et le Comité d'hémovigilance, qui fait des recommandations sur le système sanguin et la sécurité du système.

M. Williams: Et pas Héma-Québec? On ne le sait pas, au moment où on se parle.

M. Charky (Pierre): Je ne pense pas que ça soit leur mandat. Mais vous me permettrez de ne pas répondre à cette question, parce que je ne voudrais pas vous induire en erreur. Je pense que c'est quelque chose qui relève du ministère de la Santé.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je vous remercie. Oui?

Mme McKerracher (Krista): Je pense que je comprends ce que vous avez...

M. Williams: Make sure we both can understand you.

Mme McKerracher (Krista): This is a problem, I think, we see in a lot of different regions where we have Eprex on the market. And it's a pharmaceutical product, and it's normally treated in the same way that pharmaceutical products are treated. But it also has an impact on the blood system in that country, because it has benefits in saving units of blood in systems now. Most of the countries of the world are having problems with blood supply. And it also has some advantages for patients over transfusing blood. So it's a pharmaceutical product, and it's traditionally dealt with as normal pharmaceutical products are, by a formulary committee or whomever. But it does have this impact on this other system that's dealt with separately.

M. Williams: I was just trying to highlight that, in fact, in the Canadian blood system that was launched at the same time as Héma-Québec, they incorporated that in their thinking and talk of blood, blood products and alternatives. So then, the debate in the rest of the country about Eprex will be included at that table, not exclusively at that table. My understanding, and I think you're right in terms of your analysis about Héma-Québec, is that that is excluded. I find that unfortunate. I find that shortsighted – on your behalf. But it seems to me that, if we want to come up with a solution, we should have all these factors. Because more and more we're saying that high technologies, bloodless surgery, alternatives will be the future. Yet some of these exciting Québec-based initiatives aren't necessarily there at the table. And that was the point I was trying to understand, and I think you cleared it up, that we'll have to go through being a pretzel a little bit to make sure everybody is included in that discussion, unfortunately. But one of the things we have been trying to do – if I can – is really understand the blood system.

Et nous avons eu juste quelques audiences, jusqu'à maintenant. Mais, franchement, je suis vraiment encouragé par la présentation, aujourd'hui, pas juste au point de vue de l'Eprex, mais voilà un exemple, M. le Président – si je peux – parce que nous avons discuté de toute la question des mandats d'initiative, voilà une compagnie privée qui a utilisé cette opportunité de vraiment parler d'une question plus fondamentale que ça. Et, de plus en plus, on rend des services de communication et d'information à la population. Parce que, moi-même, qui ai suivi le dossier, j'ai appris des choses aujourd'hui et j'espère que la population va mieux comprendre ce dont on discute aujourd'hui. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): M. le député de Maskinongé.

(15 heures)

M. Désilets: Je vais essayer d'être assez vite parce que je sais que le temps file. Dans votre présentation, vous parliez tantôt que, lorsqu'une personne est anémique, elle ne doit pas avoir de transfusion, des traitements... Attendez une minute.

«Il ne faut traiter une anémie au moyen de transfusions de globules rouges si d'autres traitements qui présentent moins de risques éventuels sont disponibles et appropriés.» Ça veut dire quoi, ça, au juste?

M. Charky (Pierre): En d'autres termes, ce que nous recommandons, c'est, s'il y a d'autres thérapies alternatives qui sont disponibles qui peuvent présenter ou qui peuvent, à ce moment-là, pallier au problème d'anémie que le patient présente, de privilégier ces approches-là parce que ce sont des approches plus sécuritaires et également ce sont des approches qui ont fait leurs preuves de ce point de vue là.

De ce point de vue, on présentait l'Eprex comme une alternative dans ce sens, parce que c'est quand même devenu un standard en matière de traitement. Et, quand on regarde, par exemple, les patients qui sont en insuffisance rénale, c'est une catégorie de patients à qui la modalité s'adresse, et ça a fait ses preuves depuis 1990.

M. Désilets: O.K. Vous avez parlé également d'économie pour le système, dans votre... Vous avez parlé tantôt de 5 500 $, 4 500 $, entre 1 100 $ et 2 200 $. Mais, dans l'autre petit bout, dans l'autre paragraphe, vous n'avez pas mis de chiffres sur les économies pour le système au niveau du sang non transfusé, la réduction des hospitalisations puis la réduction des complications médicales. C'est parce que c'est trop difficile ou parce que vous n'avez pas eu le temps, ou... Arbitrairement, ça pourrait représenter quel montant?

M. Charky (Pierre): Non. C'est évident, on a fait des études pour regarder des cas, des patients isolés, mais on n'a pas regardé sur toute la population parce que, évidemment, ça suppose de déterminer déjà au préalable le niveau d'adoption de la modalité. Donc, ça devient, à ce moment-là, des estimations tout à fait hypothétiques.

M. Désilets: O.K. Les trois dernières de vos recommandations, quand vous parlez de l'élargir, est-ce que c'est juste pour le point qui n'est pas reconnu ou encore plus large que ça?

M. Charky (Pierre): Non. En fait, ça comprend également le critère concernant les patients soumis à la chimiothérapie. Présentement, ce qu'on requiert, c'est que les patients soient transfuso-dépendants pour recevoir cette modalité-là.

M. Désilets: Donc, avant.

M. Charky (Pierre): Exactement. Donc, prouver qu'ils ont eu droit à deux transfusions. Et ça vient en quelque sorte neutraliser les bénéfices et les avantages qu'on pourrait retirer de ce traitement en adoptant un tel critère, tel qu'il est présentement.

M. Désilets: O.K. Oui. Est-ce que, présentement – parce que vous parlez de maintenir – vous avez des présomptions sur le fait qu'ils veulent enlever Eprex de la RAMQ?

M. Charky (Pierre): Bien, ça revient un peu à ce que M. le député de Nelligan disait tantôt, à l'effet que: Est-ce que c'est une modalité qui pourrait revenir dans les centres hospitaliers, au même titre que les unités de sang qui sont ou qui vont devenir, à ce moment-là, un coût à assumer par les centres hospitaliers?

Nous, ce qu'on recommande, c'est que le médicament demeure au niveau des pharmacies communautaires parce que ça va dans le même sens que le virage ambulatoire. C'est une modalité qui se prend bien dans le milieu communautaire également. Donc, on souhaite que ça reste à ce niveau-là et on ne souhaite pas que ça revienne en arrière, avec les questions qu'on avait déjà soulevées en regard de la circulaire Malades sur pied qu'on avait éliminée avec l'adoption de la loi n° 33. Alors, c'est pour cette raison-là qu'on recommande que ça demeure au point où c'est en ce moment.

M. Désilets: O.K. Deux questions pour terminer. Une première: Est-ce que les athlètes utilisent Eprex?

M. Charky (Pierre): Je peux vous dire que la compagnie n'encourage pas une utilisation inappropriée du médicament.

M. Désilets: O.K. Non, parce que c'est une amélioration du transport du sang. Pour les athlètes, c'est une...

M. Charky (Pierre): Oui.

M. Désilets: O.K. Une autre question. Vous avez parlé tantôt des centres d'excellence.

M. Charky (Pierre): Oui.

M. Désilets: Pouvez-vous en discuter un petit peu plus?

M. Charky (Pierre): Bien sûr. Je vais diriger la question plutôt au Dr Brox, parce qu'il a été exposé, il a eu déjà des discussions avec la compagnie en ce sens-là.

M. Brox (Alan G.): Ce qu'on envisageait, en effet, pour le centre d'excellence, c'est de voir un sang qui pourrait répondre justement à tous les patients qui font de l'anémie, c'est-à-dire que maintenant, dans le système actuel, les gens qui s'en vont, par exemple, pour une chirurgie élective, comme une hanche, comme ce que j'ai présenté aujourd'hui, peuvent bénéficier d'Eprex si c'est disponible, mais, malheureusement, il n'y a pas un centre ou une place où le patient peut aller pour avoir les conseils, l'éducation et tout ce qui est nécessaire pour se sortir de cette chirurgie sans avoir recours aux transfusions.

Or, nous, ce qu'on proposerait, avec la compagnie, c'est d'avoir un centre où le patient va être envoyé et va être vu par – ça peut être moi ou ça peut être un autre que moi – un hématologue et où la décision sur la conduite à suivre face à l'anémie va être donnée au patient avec les meilleures directives possibles, avec les meilleures données qu'on a présentement. Et c'est ça qu'on regarde, grosso modo. On est au début des pourparlers avec la compagnie.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça va? J'aurais deux petites questions avant de terminer. La date du brevet, vous l'avez peut-être dite, mais ça a été breveté quand, ça?

M. Charky (Pierre): Le médicament a été breveté en 1990, fin 1989 début 1990, il a été, donc, homologué à la DGPS. Mais le brevet, on l'a obtenu plus récemment.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Est-ce que vous avez demandé, depuis les nouvelles directives d'Héma-Québec, à rencontrer le comité consultatif ou le ministère de la Santé? Est-ce que vous avez fait des démarches dans ce sens-là ou si, aujourd'hui, dans votre sens à vous autres, c'est la période des démarches, ça, vous venez nous rencontrer puis...

M. Charky (Pierre): Non, nous avons entamé des démarches déjà, préalablement avec le ministère. Nous avons eu déjà des discussions avec Héma-Québec. À l'heure actuelle, nous n'avons pas eu d'autres discussions avec le ministère, sachant très bien que nous avions cette tribune-là pour...

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Vous êtes toujours en discussions. Vous n'avez pas eu de réponse négative ou positive de l'un ou de l'autre?

M. Charky (Pierre): Le médicament a été accepté d'un point de vue médical, mais c'est surtout du point de vue des directives d'utilisation qu'on attend finalement le mot d'ordre, en quelque sorte, du ministère, en ce sens-là.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Ça termine malheureusement tout le temps qu'on avait. Je vous remercie beaucoup au nom de tous les membres de la commission. Et j'ajourne les travaux.

M. Charky (Pierre): Merci à vous.

Le Président (M. Bertrand, Charlevoix): Je m'excuse. Je ne peux pas ajourner les travaux tout de suite, je dois procéder au dépôt de... Pour le rendre public et pour qu'il vaille comme s'il avait été présenté devant le commission, je dépose le mémoire de Bayer, qui n'a pas été entendu par la commission.

Alors, encore une fois, merci beaucoup. Et j'ajourne sine die.

M. Charky (Pierre): C'est nous qui vous remercions. Mille mercis.

(Fin de la séance à 15 h 8)


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