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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 22 février 2000 - Vol. 36 N° 25

Consultation générale sur le document intitulé Évaluation du régime général d'assurance médicaments


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Table des matières

Journal des débats


(Neuf heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Beaumier): Alors, je constate le quorum. Je rappelle le mandat de la commission: la commission des affaires sociales est réunie afin de procéder à une consultation générale et de tenir des audiences publiques sur le rapport Évaluation du régime général d'assurance médicaments .

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y aurait des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François) sera remplacée par M. Williams (Nelligan); Mme Lamquin-Éthier (Bourassa) par M. Marcoux (Vaudreuil).

Le Président (M. Beaumier): Merci, madame. Alors, l'ordre du jour serait le suivant: des remarques préliminaires d'une demi-heure, quinze minutes de chaque côté parlementaire; ensuite, nous entendrions la Fondation Lina Cyr, Maison des greffés du Québec, à 10 heures; et, à 10 h 45, ce serait le Regroupement des assureurs de personnes à charte du Québec. Alors, c'est notre ordre du jour.

Alors, je rappelle, les remarques préliminaires, j'en ai parlé. Nous pourrions procéder aux remarques préliminaires. Mme la ministre.

Mme Marois: Certainement.

M. Copeman: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Oui, M. le député.


Question de règlement sur l'ajout par la ministre d'un document pour la consultation générale


M. Russell Copeman

M. Copeman: M. le Président, vous avez très correctement rappelé ce matin l'ordre de la Chambre, qui nous a été confié le 16 décembre 1999, de tenir des consultations générales concernant le rapport Évaluation du régime d'assurance médicaments à compter d'aujourd'hui. Vous n'êtes pas sans savoir que, depuis, pour être exact, le 2 février, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux a rendu public un deuxième document qui s'appelle Les pistes de révision du régime général d'assurance médicaments , qui a été rendu public le 2 février. Lors de sa conférence de presse, à ce moment-là, elle avait très clairement indiqué ou laissé entendre, c'est le moins qu'on puisse dire, que la consultation qu'on débute ce matin devrait également porter sur le document qui s'intitule Les pistes de révision du régime général d'assurance médicaments . Vous n'êtes pas sans savoir non plus que, le lendemain, c'est-à-dire le 3 février, notre leader parlementaire a communiqué avec le président de l'Assemblée nationale pour signaler une violation des droits et privilèges de l'Assemblée et de ses membres commise par Mme la ministre de la Santé.

(9 h 40)

Nous prétendons, M. le Président – et l'ordre de la Chambre est très explicite – que la consultation devrait se tenir sur le premier document déposé en Chambre, c'est-à-dire Évaluation du régime général d'assurance médicaments . Nous prétendons également que la Loi de l'Assemblée nationale est explicite à cet égard, que nos règlements sont explicites également. Et, à cet égard, je vous réfère à une décision rendue le 10 avril 1990 par un de vos prédécesseurs, le président de la commission des affaires sociales, et je cite cette décision: «Le sujet de la discussion doit porter sur le mandat confié par l'Assemblée nationale à la commission parlementaire. En conséquence, ni les invités ni les députés ne peuvent aborder un autre sujet.»

Compte tenu de cette situation, M. le Président, nous prétendons que, ce matin, à cause des gestes antérieurs posés par la ministre de la Santé et des Services sociaux, on ne peut pas, en vertu de nos règlements, procéder à une consultation générale, examiner le rapport avec des invités, discuter de toute question qui est traitée dans le document Les pistes de révision du régime général d'assurance médicaments . Si le gouvernement avait voulu consulter sur ce document-là, il aurait fallu que ce document-là soit déposé en Chambre et que l'ordre de la Chambre reflète les intentions du gouvernement. Mais les intentions du gouvernement en date du 16 décembre étaient très, très claires, que la consultation se tiendrait sur le rapport Évaluation du régime général d'assurance médicaments . En conséquence, je soumets que nous sommes devant un imbroglio assez important qui touche directement aux droits et privilèges des parlementaires, qui touche à la Loi sur l'Assemblée nationale.

Ce n'est pas de la procédurite pour faire de la procédurite, M. le Président, loin de là. Le respect de nos lois, incluant la Loi sur l'Assemblée nationale, est le premier devoir de tout parlementaire. Alors, on vous soumet que nous sommes devant une situation excessivement embêtante à cause des gestes posés par le leader du gouvernement le 16 décembre et par la ministre avec le dépôt de son document du 2 février.

Et j'ai une question à vous demander: Compte tenu de la décision ou de la jurisprudence qui existe avec la décision de M. Jean Joly, un de vos prédécesseurs, est-ce que les députés peuvent questionner, peuvent parler, peuvent faire référence aux éléments contenus dans le document Les pistes de révision du régime général d'assurance médicaments ?

Le Président (M. Beaumier): Alors, M. le député, d'abord, j'aimerais disposer du premier point, puis, pour l'autre point, j'aimerais avoir des éclairages de l'ensemble des membres.

Quant à la question de droits et de privilèges, cette question ne peut être soulevée en commission, comme vous le savez, de par nos règlements. D'ailleurs, le président, M. Charbonneau, a dit qu'il prenait la chose en délibéré et qu'il rendrait sa décision au début de la session au mois de mars. Donc, j'aimerais disposer déjà de cette chose-là, c'est nos règlements.

Quant à l'autre aspect, le mandat, comme vous l'avez signalé et que je resignale, qui est très clair, qui est de demander à la commission des affaires sociales, suite à un ordre de la Chambre le 16 décembre, de procéder à une consultation générale et de tenir des audiences publiques sur le rapport Évaluation du régime général d'assurance médicaments , c'est ce qu'on s'apprête à faire. Alors là j'aimerais d'autres éclairages, sinon je pense qu'on devrait, en respect pour nos invités, pouvoir les recevoir. Oui, M. le député de Masson.


M. Gilles Labbé

M. Labbé: Merci, M. le Président. D'ailleurs, dans le même esprit que mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce, quand il fait le lien comme tel à l'effet qu'un document a été rajouté par la suite – on parle ici en date du 2 février 2000 comme tel – il faut d'abord penser que ce document-là a été amené justement pour bonifier ce qui était déjà existant. On se rappelle que, déjà dans les journaux, il y avait plusieurs éléments qui avaient été apportés, et ce document a été présenté d'une façon telle justement pour ne pas nuire au mandat qui avait été confié le 16 décembre comme tel par l'Assemblée nationale. On peut lire, entre autres, dans le communiqué: «Ce document alimentera le débat sur la révision du régime comme tel.»

On peut parler aussi, quand il y a plusieurs éléments dans ce document-là – on pourra y revenir si c'est nécessaire, mais je pense que ce ne sera peut-être pas nécessaire – ce sont des suggestions et ça vient bonifier simplement la discussion à ce stade-ci. On connaît la ministre qui a toujours, avec raison, la tâche de dire: Écoutez, je vais essayer d'alimenter le plus possible le débat pour que les gens puissent justement amener le plus d'éléments au niveau de la discussion. Et c'est un élément supplémentaire positif qui a été apporté par la ministre. Et, s'il fallait s'en tenir strictement au document, et j'ai lu plusieurs mémoires à ce stade-ci, je peux vous confirmer, M. le Président, que beaucoup de ces mémoires-là parlent plus de révision, justement de solutions – on peut l'interpréter comme ça – que du document proprement dit. Alors, indépendamment de ce qu'on a amené comme élément, déjà plusieurs... Donc, si j'écoutais la position de mon ami de Notre-Dame-de-Grâce, ça veut dire qu'il y a plusieurs mémoires ici qui ne pourraient pas être entendus comme tels, puisque des gens parlent déjà de solutions et de révision plutôt que du document proprement dit, et s'en tenir à celui-ci. Et je peux citer à titre d'exemple un document que j'ai lu, qui est celui en fait de l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques, qui a déposé son mémoire sous le numéro 6, où on parle simplement de la règle du 15 ans à l'intérieur du mémoire. Donc, on peut présumer qu'à ce moment-ci...

Est-ce qu'ils sont hors d'ordre ou pas hors d'ordre? Moi, je pense qu'à ce stade-ci, M. le Président... Il y a des gens qui ont préparé des mémoires, on en a reçu au-dessus de 80, et ce qui est important, on est ici pour consulter, pour entendre, pour écouter, pour regarder ce que les gens ont à nous dire, et je pense qu'on devrait procéder dans ce cas-ci, d'autant plus que le président de l'Assemblée nationale nous a dit que le président de la commission, à partir de son jugement, pourrait à ce moment-là procéder justement. Et, pour la question de la violation, là on pourrait voir à ce moment-ci qu'est-ce qu'il en est. D'ailleurs, il a décidé de rendre sa décision au mois de mars seulement. C'est ce que je vous fais comme proposition, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Oui. Vous faites référence à mon jugement, je vais y faire bien attention et je vais encore écouter des gens. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. En ce qui concerne la question de l'atteinte des droits et privilèges des membres de l'Assemblée, je suis d'accord avec vous que le président de la Chambre a essentiellement évacué cette question en ce qui concerne la commission des affaires sociales en indiquant très clairement qu'il avait l'intention de trancher et de rendre une décision dès notre rentrée parlementaire.

En ce qui concerne le deuxième point, j'aimerais déposer, si vous me permettez, M. le Président, les lettres, la lettre du leader de l'opposition officielle ainsi que la réponse du président, pour que ce soit clair pour tout le monde. Parce que le président, oui, indique que ça revient au président de l'Assemblée d'exercer son jugement, mais le président indique également, et je cite la lettre du président de l'Assemblée nationale, M. Jean-Pierre Charbonneau, le 17 février: «La CAS est donc toujours liée par le mandat que lui a confié l'Assemblée le 16 décembre 1999 et ne peut d'aucune façon s'y soustraire. Pour ce qui est maintenant de la manière d'exercer ce mandat, il appartiendra à la présidence de la commission de l'établir. En somme, c'est à la présidence de la commission de voir à ce que cette dernière exerce son mandat en conformité avec l'ordre reçu de l'Assemblée.» Il nous semble, M. le Président, que votre marge de manoeuvre est bien mince. Il est vrai que vous devez prendre en considération les questions soulevées, mais vous êtes également lié, selon le président de l'Assemblée nationale du Québec, vous êtes lié et nous sommes liés avec le mandat reçu de l'Assemblée nationale, le 16 décembre, qui portait uniquement sur le rapport d'évaluation.

(9 h 50)

Si le gouvernement avait voulu à ce moment-là que cette consultation générale porte sur des pistes de solution, le gouvernement avait simplement à déposer le document Les pistes de révision puis faire un ordre de la Chambre qui est conforme à son propre désir. Mais, selon nous, M. le Président, il est fort difficile pour un membre du Conseil des ministres, un membre de l'Exécutif, de substituer un document qui devrait faire l'objet d'une consultation à un deuxième document qui comporte des propositions de solution.

Oui, nous sommes ici pour entendre des groupes, M. le Président, et nous sommes également très respectueux de ce désir de vouloir entendre toute l'expertise que la soixantaine de groupes va nous amener, mais nous sommes devant une impasse assez importante qui va directement à la question du respect de nos lois. Et je vous rappelle simplement que le document Les pistes de révision a été déposé neuf jours avant la date limite, ou 11 jours avant la date limite pour le dépôt des mémoires. Si le gouvernement avait été sérieux au sujet de tenir une consultation sur les pistes de révision, il aurait fallu un délai minimal beaucoup plus important pour s'assurer que les groupes aient le temps de se préparer comme il faut sur le document Les pistes de révision .

Alors, je vous repose ma question, M. le Président: Est-ce que, comme parlementaires, nous pouvons questionner les invités, discuter des pistes de révision, des éléments qui sont contenus dans le document Les pistes de révision , qui comprend des scénarios concernant la hausse des primes, et ainsi de suite? Est-ce que nous le pouvons en vertu de nos règlements, de nos lois et de la décision du 10 avril 1990 par votre prédécesseur, Jean Joly, qui indique très clairement que nous ne pouvons pas discuter d'autres questions que celle indiquée dans notre mandat? Et je vous rappelle cette décision, M. le Président: «Le sujet de la discussion doit porter sur le mandat confié par l'Assemblée à la commission parlementaire. En conséquence, ni les invités ni les députés ne peuvent aborder un autre sujet.» C'est la question que je vous repose, M. le Président, pour des précisions peut-être plus étoffées.

Le Président (M. Beaumier): Oui. Alors, Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vais intervenir très brièvement. D'abord, je pense que les membres de cette commission savent très bien que je n'avais aucune intention de violer quelque règle que ce soit. Au contraire, c'était de rendre disponibles le plus d'informations possible pour qu'on ait le débat le plus large possible. Je suis un peu étonnée de l'attitude de l'opposition parce que généralement, justement, on se plaint de ne pas avoir assez d'informations. Là, je pense qu'on en a, et ça permet aux gens de donner leur point de vue. Je ne voulais pas que personne soit pris par surprise quant aux différentes pistes que nous étudiions pour la suite des choses, et, en ce sens-là, si des organismes se présentent ici, ne souhaitent pas aborder d'autres questions que l'évaluation du régime général, qui est le rapport que nous avons déposé à l'Assemblée nationale en décembre, moi, je n'ai aucun problème et je vais respecter cela strictement. Cependant, beaucoup de personnes déjà dans leur mémoire, déjà dans leur projet d'intervention souhaitent aborder d'autres aspects. D'ailleurs, c'est assez rare que, dans une commission parlementaire, on se limite strictement aux trois éléments soulevés dans un rapport; on déborde souvent largement des questions soumises, et c'est normal et c'est sain que ça se fasse comme ça, parce que ça permet d'éclairer autrement le débat.

Puis je voudrais rassurer aussi les membres de la commission. Vous savez, quand j'ai déposé l'évaluation du régime, immédiatement... D'ailleurs, en conclusion, on pouvait lire ceci: «La prochaine étape consistera à prendre en considération les problèmes que nous devons solutionner et à soumettre des pistes de révision justement pour les solutionner.» Donc, on disait: «La prochaine étape consistera – je relis la phrase strictement – à les prendre en considération et à soumettre des pistes de révision pour les solutionner.»

Alors, ce qu'on a souhaité, c'est tout simplement nous assurer que toute l'information allait être disponible, celle que nous possédions, qu'il n'y ait aucune surprise nulle part. Si les gens veulent strictement s'en tenir au rapport d'évaluation, moi, je vais très bien vivre avec cela. Par ailleurs, si des gens, dans leur présentation, nous proposent de discuter des différents scénarios, c'est, au contraire, à mon point de vue, très intéressant qu'on puisse justement l'aborder. Et je pense que les droits et privilèges des membres de la commission vont être, au contraire, plus que respectés s'il en est ainsi, parce qu'on permet un débat plus large, et il me semble que c'est l'esprit qui anime généralement nos travaux en commission.

Le Président (M. Beaumier): En alternance, parce que j'avais déjà d'autres... Alors, en alternance, M. le député de Nelligan.


M. Russell Williams

M. Williams: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. La réponse de la ministre et l'intervention du député de Masson sont, je trouve, basées sur une logique très dangereuse. Le député de Notre-Dame-de-Grâce a demandé une question très importante. Et ce n'est pas juste la question des droits et privilèges des députés, c'est les droits et privilèges de la population québécoise. Effectivement, ils ont eu, les groupes qui en ont eu la capacité, à la toute dernière minute, à répondre à quelques commentaires sur les pistes de révision. Mais le mandat déposé, c'est sur l'évaluation du régime général d'assurance médicaments. Et il y a plusieurs groupes qui n'ont pas été capables d'agir aussi vite sur ce document. Il me semble que c'est complètement inacceptable comme approche.

Vous souvenez-vous des faits, M. le Président? C'est le 16 décembre que la ministre a déposé le premier document, avec le mandat. Presque deux mois plus tard, elle arrive avec un autre document. Est-ce que c'est acceptable? Est-ce que c'est démocratique? Est-ce que c'est légal que le gouvernement puisse arriver avec un autre document deux mois plus tard, et recommencer les consultations, et donner aux groupes neuf jours pour agir? Je trouve que c'est inacceptable. Je trouve que ce n'est pas démocratique. Et, dans mon opinion, ce n'est pas légal.

M. le Président, je pense que, si on veut vraiment avoir un bon débat sur cette question, une question tellement importante, on doit corriger l'horaire de la ministre et du leader parlementaire. C'est inacceptable qu'on arrive... et c'est dangereux comme précédent. Et la question que le député de Notre-Dame-de-Grâce vous a demandée à vous, c'est assez important, pas juste pour le débat aujourd'hui mais pour les autres débats, parce que, si le gouvernement peut commencer une consultation publique et changer les règles à mi-chemin, changer la documentation à mi-chemin, je trouve que c'est un précédent très dangereux. D'arriver avec les pistes de révision, maintenant qu'on doit faire un débat, quand les groupes ont eu juste neuf jours pour répondre, je trouve que c'est inacceptable.

J'offre une solution, M. le Président, mais j'attends votre réponse à la question. La ministre peut parler avec le premier ministre. On peut corriger l'horaire du leader parlementaire et de la ministre. On peut appeler la Chambre. On peut être correct, on peut être démocratique, on peut être légal et on peut réviser le mandat et donner la chance aux groupes de se préparer comme il faut. C'est trop important pour arriver à la toute dernière minute avec les pistes de solution, et les groupes sont tout coincés à cause du temps. Il me semble, M. le Président, qu'on peut corriger l'horaire du gouvernement, qu'on peut respecter les règles démocratiques, qu'on peut donner les chances à la population de bel et bien se préparer, et la façon de faire ça, c'est de retourner en Chambre, de corriger l'horaire du gouvernement et de faire ça dans les plus brefs délais. Je pense que nous n'avons pas besoin d'attendre le mois de mars, on peut faire ça demain, et j'espère qu'après votre décision nous allons prendre les moyens de corriger cet horaire.

Le Président (M. Beaumier): Écoutez, sans brimer le droit de parole à personne, je n'ai pas une marge de manoeuvre très mince, j'ai une position assez claire que je pourrais vous énoncer. Si vous voulez continuer à vous exprimer, peut-être que ça peut m'éclairer davantage, mais je vous dis que je m'en vais vers une décision qui sera une proposition. Oui, alors Mme la députée de Mille-Îles.


Mme Lyse Leduc

Mme Leduc: Bon, je vous remercie, M. le Président. Je respecte la position de l'opposition qui souhaite donner aux gens le plus de chance de s'exprimer. Mais ça m'apparaît que la proposition qu'ils font ne va pas dans ce sens-là, parce que, si, évidemment, il y avait un rapport d'évaluation qui devait faire partie des consultations, c'est évident... Et même, de leur dire, ils souhaitaient qu'on ne s'en tienne pas qu'à des constats de situation, mais à trouver des pistes de solution. Je pense que c'était aussi dans l'esprit de l'opposition quand on a abordé ce sujet-là.

Alors, quant à moi, je pense que les pistes de révision, on ne peut pas s'en tenir qu'à des constats lors des audiences que nous tenons ici, mais aussi à trouver des pistes de solution. Et je m'explique mal comment ils peuvent dire que, de se prononcer sur des pistes de solution, de les présenter, c'est de la transparence, ça indique aux gens qui viennent ici les réflexions qui ont été faites précédemment et ça leur permet de se positionner.

Quant au délai, ce que je voudrais dire...

Une voix: ...

(10 heures)

Mme Leduc: Oui, c'est mon droit de parole, M. le député. Quant au délai vis-à-vis les groupes qui sont ici, c'est une consultation générale, et il y a quelques groupes qui ont demandé des extensions; s'il y en avait d'autres qui souhaitaient des extensions pour présenter leur mémoire ou ajouter, faire des ajouts au mémoire qu'ils ont présenté, je pense que, après consultation avec l'opposition, d'une façon générale, ces délais seraient accordés. Alors, pour les groupes qui souffriraient de la situation que vous soulignez ce matin, je pense qu'il y a d'autres solutions qui pourraient répondre à leurs besoins.

Je soulignerais finalement que l'ensemble des intervenants abordent déjà, dans leur mémoire, les pistes de solution, donc ils considèrent eux-mêmes avoir eu suffisamment de temps. Et pour les autres qui ne considéreraient pas en avoir eu suffisamment, il y a toujours les délais qui peuvent être accordés ou les ajouts aux mémoires qui avaient été présentés.

À ce moment-ci, il me semble difficile de comprendre la position de l'opposition, parce que, à toutes fins pratiques, c'est comme vouloir bâillonner ou remettre à plus tard les positions qui ont été préparées par les groupes qui s'attendent à pouvoir venir exprimer leur position à partir de maintenant. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Merci, Mme la députée. Oui, M. le député de Vaudreuil.


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Je voudrais simplement rappeler les dispositions de la Loi sur l'Assemblée nationale, nous y avons brièvement fait état tout à l'heure, et particulièrement l'article 166, justement, qui indique la volonté de l'Assemblée nationale de donner des avis et des délais qui permettent aux groupes de se préparer pour discuter d'un sujet en commission parlementaire. D'ailleurs, on dit: «Une commission peut, par avis publié à la Gazette officielle – donc, ce n'est pas un avis qu'on envoie aux journaux, là, c'est un avis publié dans la Gazette officielle – et dans les journaux par le Secrétariat des commissions, inviter toute personne ou organisme à lui transmettre, dans un délai de 30 jours, un mémoire exprimant son opinion.» Donc, l'intention, si nous voulons être transparents, c'est de donner un avis qui est suffisamment long pour permettre aux groupes de venir présenter leur mémoire.

Et là l'avis qui a été donné dans la Gazette officielle porte sur le rapport d'évaluation. Le 2 février, la ministre dépose, rend public un autre document qui s'intitule Les pistes de révision – on demande que les mémoires soient rendus pour le 11 février – et un document, vous savez, où on propose des taxes additionnelles de l'ordre de 200 000 000 $ au moins, un document, donc, des propositions qui auront des conséquences énormes sur une clientèle en particulier de gens qui sont démunis, de personnes âgées. Et, si, il me semble, on voulait être transparent, réellement obtenir les opinions des groupes concernés, on devrait procéder avec un délai qui respecte de façon minimale la Loi de l'Assemblée nationale.

Vous savez, les groupes qui viennent devant nous, pour plusieurs, sont des groupes de bénévoles, des organismes communautaires. Ce sont des groupes qui n'ont pas des armées d'experts avec eux pour préparer une position, pour analyser des dispositions, et souvent ces groupes-là veulent également consulter leurs membres. Et c'est pour ça sans doute que la Loi de l'Assemblée nationale prévoit un avis public et un délai d'au moins 30 jours.

Donc, M. le Président, si la ministre avait voulu vraiment consulter sur ce qu'elle juge elle-même comme étant important, dit-elle, de façon minimale, dans le cadre du respect de la Loi de l'Assemblée nationale, c'est un avis de 30 jours, c'est un ordre de la Chambre qui précise justement le mandat. Et c'est de cette façon-là, je pense, qu'on peut demeurer, comme parlementaires, crédibles vis-à-vis la population et vis-à-vis les groupes et les individus qui prennent le temps de venir présenter leur opinion et faire leurs recommandations à la commission parlementaire. Parce que c'est susceptible d'avoir des impacts majeurs sur 3 000 000 de personnes au Québec. On ne peut donc pas bâcler une consultation et dire à des gens: Écoutez, en l'espace d'une semaine, là, regardez ça puis venez nous présenter votre point de vue. À moins que évidemment l'idée de la ministre soit déjà faite d'avance. Alors, M. le Président, je soumets respectueusement que je supporte les arguments qui ont été présentés par mes deux collègues, et je demande votre point de vue.

Le Président (M. Beaumier): Bon, écoutez, je prendrais une dernière intervention, puisqu'elle a déjà été demandée, puis, après ça, je pense qu'on devrait... Je donnerai ma position, ma décision, puis, après ça, on pourra aller de l'avant. Oui, M. le député de Masson.


M. Gilles Labbé

M. Labbé: Alors, merci, M. le Président. Dans le même esprit, c'est sûr que, si on s'enfarge dans la procédurite, comme on dit, on peut facilement occuper toutes les journées de la session comme telle, de la commission pendant plusieurs semaines, parler procédurite et comment on pourrait le faire, quelle serait la meilleure façon. L'important, c'est de regarder qu'est-ce qu'il y a derrière toute cette consultation-là. Oui, on est sincère; oui, on veut avoir le maximum de mémoires. On vient d'ailleurs de proposer des extensions comme telles pour les gens qui malheureusement n'avaient pas le temps de préparer leur mémoire.

Mais ce qu'il faut dire aussi... Mon collègue de Nelligan, tout à l'heure, mentionnait que les gens avaient simplement du 2 février au 11 pour préparer leur mémoire. Mais il faut faire confiance aux personnes qui sont intervenues pour préparer leur mémoire. Elles ont commencé déjà dès le 16 décembre à préparer leur mémoire. Ces gens-là ont déjà des positions, puis on le voit d'ailleurs à la lecture des différents mémoires, ils ont des positions, ils ont des choses à défendre et ils ont des choses qu'ils veulent nous faire connaître. Et, à partir du moment où on dit qu'ils n'ont pas eu le temps... Ils ont eu du temps. C'est sûr qu'on pourrait en donner plus. Il y a des ouvertures qui ont été faites à ce stade-ci.

Moi, ce que je vous dis, M. le Président, quand je regarde la qualité des mémoires qui nous ont été présentés à ce stade-ci, quand je regarde l'ouverture qu'on démontre au niveau du groupe ministériel comme tel face à une extension possible pour les gens qui n'auraient pas eu le temps, quand je regarde la façon dont les gens sont prêts à nous donner leur... Et c'est quand même une commission qui va siéger pendant plusieurs semaines. Donc, il va y avoir des temps pour le faire, il va y avoir des façons de le faire. Moi, je vous propose, à ce moment-ci, qu'on puisse entendre des groupes. Je pense que c'est dans le meilleur respect de l'ensemble des intervenants qui vont nous présenter leur position par rapport à l'évaluation justement des médicaments au Québec.


Décision du président

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député. Alors, je dirai tout simplement ceci pour démêler toutes les choses. D'abord, nous avons un ordre ferme de la Chambre de siéger, d'étudier et d'entendre en auditions publiques et en consultation générale le rapport Évaluation du régime général d'assurance médicaments . Ça, c'est très clair. C'est un ordre de la Chambre. On doit y donner suite et, comme commission, nous devons effectivement le faire. Ça portera sur le rapport Évaluation du régime général d'assurance médicaments , bien sûr, c'est l'ordre de la Chambre.

À présent, je suggérerais qu'on aborde de façon ouverte les documents publics, les documents privés. Tout ça a cours, tout ça peut être souligné, peut être référé, il n'y a aucun problème, en abordant de façon ouverte les discussions. Et je m'engage à ce que ça ne déborde pas du mandat et de son contenu. D'accord? Et, à ce moment-là, on appliquerait à nos invités la même ouverture d'esprit, la même liberté que nous nous appliquons à nous-mêmes comme parlementaires.

Alors, je crois que, comme ceci, nous allons à la fois faire notre mandat et permettre à tout le monde, y compris à nous-mêmes, d'avoir une liberté d'expression et une liberté aussi d'argumentation, toujours dans le cadre du sujet – ça ne débordera pas, j'appliquerai d'une façon intensive l'article 211, que «Tout discours doit porter sur le sujet en discussion» – qui concerne le régime général d'assurance médicaments. Bon, je pense qu'on a bien assis les choses. Oui, M. le député de Nelligan.

M. Copeman: Notre-Dame-de-Grâce, M. le Président. J'ai demandé le dépôt des deux lettres. Alors, j'aimerais les déposer, dans un premier temps.


Documents déposés

Le Président (M. Beaumier): Bien sûr, bien sûr.

M. Copeman: Dans un deuxième temps, vous dites que vous allez appliquer le règlement quant au sujet de la consultation, et vous avez indiqué que le sujet de la consultation, c'est le régime général d'assurance médicaments. Nous, on vous soumet que le...

Le Président (M. Beaumier): J'ai dit: À partir du rapport Évaluation du régime général d'assurance médicaments .

M. Copeman: Parce qu'il faut...

Le Président (M. Beaumier): On s'entend, là?

M. Copeman: Oui.

Le Président (M. Beaumier): C'est un ordre de la Chambre. On n'a pas beaucoup de marge de manoeuvre sur ça, ici.

M. Copeman: Tout à fait.

Le Président (M. Beaumier): C'est beau. On y va.

M. Copeman: Alors, on consulte sur le rapport d'évaluation, et j'estime par la suite que, selon la décision prise, antérieure, de votre prédécesseur Jean Joly, on aura beaucoup de difficultés à questionner des groupes, à parler des éléments qui sont contenus dans le document Les pistes de révision .

(10 h 10)

Le Président (M. Beaumier): Je vous signale que, dans le fait de dire que j'abordais d'une façon ouverte, ça inclut qu'il n'y aura pas de difficultés à aborder, pour qui que ce soit, tout ce qui concerne le régime général d'assurance médicaments. C'est une ouverture que je fais, là, ce n'est pas une fermeture, hein? C'est une ouverture que je fais. Je pense que, dans ceci, tout le monde peut être à l'aise. J'aimerais, à moins qu'on revienne sur ma décision, qu'on termine et puis qu'on procède à ce que nous avons à faire comme travail même si j'ai bien respecté puis bien apprécié les interventions préalables. M. le député de Nelligan.

M. Williams: Oui, une question de clarification, M. le Président: Est-ce que je dois comprendre que maintenant nous sommes en train de prendre la décision que la ministre peut donner à la population québécoise neuf jours pour préparer une intervention pour... de fouiller dans les poches de la population pour 200 000 000 $?

Le Président (M. Beaumier): Non, ce n'est pas ça que j'ai dit.

M. Williams: Est-ce que je dois comprendre ça?

Le Président (M. Beaumier): Non, vous ne devez pas...

M. Williams: Et je redemande, M. le Président, des clarifications sur ça: Est-ce que partie de votre suggestion – parce que vous avez bel et bien expliqué dans votre suggestion que le mandat n'inclut pas Les pistes de révision ... Je redemande: Est-ce que vous êtes prêt à demander au président, au premier ministre de rappeler la Chambre, de corriger ça, de respecter les règles démocratiques et légales de l'Assemblée nationale, de donner une chance à la population d'avoir au moins 30 jours pour faire une réflexion sur un document qui va coûter au moins 200 000 000 $ aux contribuables? Je pense qu'on doit au moins donner à la population 30 jours pour ça. Question de respect.

Je vous demande: Est-ce que vous êtes prêt aussi à suggérer au premier ministre de corriger l'erreur du leader parlementaire et de la ministre et à donner la chance à la population québécoise de bel et bien préparer leur réponse à ce document qui va coûter au moins 200 000 000 $ à la population québécoise?

Le Président (M. Beaumier): Dans la décision que j'ai rendue tantôt...

M. Williams: C'était une décision ou une suggestion?

Le Président (M. Beaumier): Bien là elle s'en va vers une décision. Elle s'en va vers une décision. Prenez ça comme une décision à l'effet que je ne brime la parole de personne, ce qui est mon rôle ici, et que le document auquel vous faites allusion, c'est un document public sur lequel on n'a pas de prise nous-mêmes ici, sauf qu'on peut s'en inspirer, tout le monde peut s'en inspirer pour améliorer, si besoin est, notre régime général d'assurance médicaments. Je crois que nous avons l'ordre de procéder à des consultations, à des audiences publiques, et, moi, je suis prêt, je considère que nous sommes prêts, nous n'avons pas à passer par d'autre chemin que le chemin direct qui vient de l'Assemblée nationale à nous et de nous à la population. Alors, moi, je serais prêt à procéder. C'est beau?


Remarques préliminaires

Alors, on procéderait aux remarques préliminaires. c'est quinze minutes de part et d'autre. M. le député de Vaudreuil.


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Oui. Si vous permettez, M. le Président, comme évidemment il est bien sûr que quelqu'un en commission parlementaire peut faire référence à toutes sortes de documents publics, et ça, je suis bien d'accord avec vous, la différence, cependant – et je le soumets respectueusement, c'est pour ça que je voudrais demander une clarification – dans ce cas-ci, c'est que c'est un document qui a été déposé par la ministre en disant: Nous allons faire des consultations en commission parlementaire sur ce document. C'est ça, la différence, ce n'est pas n'importe quel document public qui est soumis ou rendu public par des ministères ou le gouvernement. La ministre dit: On va consulter les groupes sur ce document que je rends public le 2 février et je demande que les mémoires soient rendus pour le 11 février. Ce n'est pas n'importe quel document public, M. le Président. Et si vous dites: On peut poser des questions, discuter de n'importe quel document, celui-là, ce n'est pas n'importe quel document.

Le Président (M. Beaumier): Je n'ai pas dit «n'importe quel document».

M. Marcoux: Public. Et la ministre a indiqué qu'elle voulait avoir les opinions des groupes. J'aimerais simplement, M. le Président, si vous m'accordez la parole, pouvoir continuer sans être interrompu.

Le Président (M. Beaumier): Je vous écoute attentivement.

M. Marcoux: Merci. Donc, de donner un délai qui est au moins celui qui est prévu dans la Loi de l'Assemblée nationale. Et si vraiment c'est l'intention de la ministre et du gouvernement de vouloir respecter ce délai qui est inclus, est-ce que la ministre est prête, si elle ne veut pas convoquer l'Assemblée nationale, à dire: On va donner un avis de 30 jours dans la Gazette officielle pour permettre à tous les groupes de venir, de préparer, d'avoir le temps de préparer leur mémoire? Je pense que ça, ça s'inscrit dans un souci de transparence, de respect des règles de l'Assemblée nationale et surtout de respect des groupes et des individus qui sont impliqués, qui sont concernés et qui viennent, sont intéressés à venir présenter leur point de vue devant la commission des affaires sociales. Parce que, au bout de la ligne, ce qu'on retrouve là-dedans, c'est, au minimum, des taxes déguisées de 200 000 000 $. Donc, c'est majeur pour les personnes qui sont concernées, pour les 3 000 000 de personnes qui seront affectées.

Le Président (M. Beaumier): Alors, il n'y a pas de groupes, je crois, qui soient brimés. Mon attitude, ma décision que j'ai prise est une position d'ouverture du débat et non pas d'une fermeture du débat. Alors, moi, je suggérerais que l'on procède à nos travaux avec les remarques préliminaires. Mme la ministre, vous avez 15 minutes.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Oui. Alors, je vous remercie, M. le Président. Chers collègues de la députation, membres de la commission, mesdames et messieurs, effectivement nous sommes réunis afin de procéder à l'examen du rapport sur l'évaluation du régime général d'assurance médicaments qui a été mis en place le 1er janvier 1997. Puis-je vous dire que j'éprouve une grande fierté à être associée, à titre de ministre responsable de l'application de la Loi sur l'assurance-médicaments, à cet examen que mènera la commission au cours des prochains jours?

Trois ans seulement après son adoption, le régime d'assurance médicaments, avec ceux de l'assurance maladie et de l'assurance hospitalisation, apparaît comme un acquis social majeur. Des experts qui ont participé à l'examen de ce régime n'ont d'ailleurs pas hésité à le considérer comme le meilleur au Canada. Le régime général d'assurance médicaments adopté par le Québec offre une couverture universelle qui garantit une protection de base à tous les citoyens sans égard à leurs revenus. Au moment de l'évaluation, le nombre total de Québécoises et Québécois assurés par le régime public dépassait 3 000 000 de personnes: 850 000 personnes âgées, 700 000 prestataires de l'assurance emploi et plus de 1 500 000 personnes dont 300 000 enfants qui ne bénéficiaient d'aucune couverture avant l'avènement du régime général.

La population québécoise, M. le Président, dispose maintenant d'une mesure de protection sociale permettant à toutes et à tous un accès au traitement essentiel, peu importe leur âge, leurs revenus et leur état de santé. Sa mise en place a permis de faire des gains importants sur le plan de l'accessibilité et de l'équité. La cohérence et l'efficacité des politiques sociales ont été améliorées par l'universalité du régime qui vient compléter et rendre plus efficace le fonctionnement de l'assurance maladie et de l'assurance hospitalisation.

Il faut reconnaître, M. le Président, que le gouvernement et le législateur ont agi en 1996 avec un grand souci de justice sociale et de solidarité en s'assurant que tous les citoyens aient accès aux médicaments essentiels au meilleur coût possible, compte tenu de la capacité de payer de la société et des individus.

Malgré l'étroitesse du couloir budgétaire d'alors, pendant que nos voisins à l'Ouest comme au Sud choisissaient d'élargir l'écart entre les plus nantis et les plus démunis, nous avons plutôt fait le pari de la solidarité sociale qui nous caractérise comme Québécoises et Québécois.

L'examen qu'entreprend la commission des affaires sociales fournira l'occasion de porter un jugement d'ensemble sur l'atteinte des objectifs d'universalité, d'accessibilité et d'équité inscrits dans la loi. À la suite de cette révision, le gouvernement et le législateur pourront, le cas échéant, procéder aux changements nécessaires.

Il faut sans doute saluer la prudence et la sagesse du législateur qui a inscrit dans la Loi sur l'assurance-médicaments cette disposition à l'effet d'évaluer formellement l'évolution du régime au terme de ses trois premières années et de saisir cette commission des conclusions de ce rapport d'évaluation. Cette précaution législative, qui nous permet aujourd'hui d'apprécier le chemin parcouru et de baliser l'avenir, a été saluée par un certain nombre d'experts comme une innovation extrêmement intéressante.

Malgré le très grand intérêt que nous aurons sans aucun doute à nous conformer à cette prescription d'évaluation inscrite à la loi, il faut noter, M. le Président, que le gouvernement n'a pas attendu l'échéance inscrite dans la loi pour procéder aux ajustements et aux modifications qui, depuis la mise en vigueur du régime, lui sont apparus nécessaires. En effet, depuis son entrée en vigueur, le régime d'assurance médicaments a fait l'objet de plusieurs travaux d'analyse et d'évaluation. Ces activités de suivi ont permis à l'occasion de déceler les effets non souhaités pouvant porter préjudice aux personnes. Nous avons alors chaque fois effectué les changements au régime.

(10 h 20)

Parmi les améliorations les plus notables apportées depuis l'instauration du régime, on peut mentionner, M. le Président, la mensualisation des contributions en juillet 1997, et ce, pour l'ensemble des clientèles assurées auprès de la Régie de l'assurance maladie du Québec, ce qui a aidé à résoudre les problèmes de manque de liquidités, particulièrement dans les cas des personnes démunies ou à faibles revenus. Bien entendu, le fait qu'environ 115 000 prestataires de l'assurance emploi présentant des contraintes sévères à l'emploi – donc des personnes qui ont souvent des problèmes majeurs de santé, des problèmes de santé mentale chroniques en particulier – bénéficient depuis octobre dernier de la gratuité des médicaments prescrits, cette modification permet d'enlever complètement le problème d'accessibilité financière de la grande majorité des bénéficiaires qui étaient le plus fortement touchés par la hausse des contributions.

Au moment d'engager l'examen statutaire du régime prévu par la loi, nous devrons garder en mémoire les avantages et les effets positifs qu'il a eus jusqu'à maintenant. J'en nomme quelques-uns: l'accès à ce jour de plus de 1 500 000 personnes à une protection qui ne leur était pas accessible auparavant; la gratuité des médicaments pour les enfants et les étudiants à temps plein de 18 à 25 ans; l'exonération des primes pour les prestataires de l'assistance emploi et pour les personnes âgées recevant le supplément de revenu maximum garanti; la fin de la discrimination selon l'âge, le sexe ou l'état de santé qui prévalait avant 1997 dans l'accès au régime privé d'assurance médicaments; et surtout, bien évidemment, la meilleure protection de citoyens contre le risque financier associé à la maladie et à la prise de médicaments coûteux, plus spécifiquement l'établissement d'une limite maximale de dépenses pour l'achat de médicaments en fonction de la capacité de payer des individus.

Le rapport Évaluation du régime d'assurance médicaments fait ressortir que des besoins importants existaient chez les nouvelles clientèles et suggère que le régime général a eu des effets positifs sur leur santé. L'utilisation des services médicaux, de l'urgence et de l'hospitalisation a diminué chez les adhérents qui prennent une quantité importante de médicaments.

Une étude d'ailleurs que vient de réaliser l'Institut de la statistique du Québec sur la perception des adhérents à l'égard du régime permet de constater que, parmi les adhérents, un moins grand nombre se sont privés d'acheter des médicaments au cours des 12 derniers mois en comparaison de ceux qui avaient été contraints de le faire avant la mise en place du régime.

La même étude nous apprend, M. le Président, que près de neuf adhérents sur 10 se disent rassurés par la protection que le régime leur apporte et autant sont d'avis qu'il permet l'accès aux médicaments essentiels à des personnes qui ne pourraient pas se les payer autrement. De façon générale, ceux qui ont des personnes à charge – enfants, étudiants, personnes handicapées – et ceux qui consomment des médicaments de façon régulière trouvent le régime particulièrement avantageux.

Enfin, plus des trois quarts des adhérents sont d'avis que le régime administré par la Régie de l'assurance maladie du Québec est un régime avantageux qui protège l'ensemble des citoyens. L'État sera toujours bien placé en effet pour corriger les inégalités et s'assurer que le régime dessert toute la population. Les professionnels de la santé, de leur côté, dont les avis ont été recueillis dans le cadre des études sur l'impact du régime et au moyen d'une consultation spécifique auprès d'organismes représentant les médecins et les pharmaciens, estiment de façon quasi unanime que l'instauration du régime a été bénéfique pour les nouveaux assurés. Plus spécifiquement, ces professionnels ont indiqué que le régime donnait aux adhérents un accès à des médicaments essentiels qu'ils ne pouvaient pas se permettre auparavant, compte tenu de leur coût. Pour ces professionnels, le régime responsabilise aussi les bénéficiaires en les sensibilisant à l'importance de leur traitement.

Le rapport d'évaluation soumis à l'examen de la commission, M. le Président, fait par ailleurs ressortir d'autres enjeux qui sont plus préoccupants, relatifs, ceux-là, à l'augmentation des coûts et à la pression qu'elle exerce sur le financement du régime. «Une meilleure maîtrise des coûts est essentielle à la survie même du régime», conclut le rapport d'évaluation. Le coût du régime a en effet augmenté de plus de 15 % par année pour l'ensemble des clientèles. Si nous n'intervenons pas pour corriger la situation, les dépenses nettes du régime doubleront d'ici 2004-2005. Différents facteurs expliquent cette situation: la plus grande utilisation de nouveaux médicaments parfois meilleurs mais toujours plus coûteux apparaît comme un élément prédominant, l'augmentation du nombre d'utilisateurs du régime, le nombre d'ordonnances par utilisateur, le virage ambulatoire, le vieillissement de la population, la concurrence dans l'industrie du médicament sont aussi en cause.

Ce rythme de croissance de nos coûts, il faut le dire, M. le Président, est tout à fait comparable cependant à celui des régimes privés d'ici et à celui des régimes privés et publics d'ailleurs. Ce qui est en cause ici, ce n'est pas la gestion du régime – le régime d'ailleurs est très bien géré sur le plan administratif – c'est la croissance rapide des coûts avec laquelle tous les gestionnaires de régimes d'assurance médicaments à travers le monde doivent composer. Mais cela, vous pensez bien, ne nous dispense pas d'agir. C'est pour cela que le ministère a rendu public au début du mois un certain nombre de propositions de nature à résoudre le problème de financement du régime, d'une part, et, d'autre part, à maîtriser la croissance de ces coûts. Ces scénarios et ces propositions, j'en suis bien consciente, ne sont pas exhaustifs. Ils sont soumis à la discussion pour l'alimenter et surtout pas pour limiter le débat. Le processus qui s'engage aujourd'hui doit être à cet égard le plus ouvert possible. En proposant des pistes de solution à court et à plus long terme, j'ai par ailleurs voulu indiquer le souci du gouvernement d'assurer la viabilité du régime et d'asseoir son financement sur des bases solides.

Certaines mesures, comme la possibilité de limiter éventuellement le montant remboursé au prix de la marque commerciale la moins dispendieuse, nous permettraient de réaliser à court terme des économies significatives. À elles seules, cependant, ces économies seraient insuffisantes pour infléchir la dynamique de croissance des coûts. C'est pourquoi il faudra adopter des mesures dont les économies et les impacts ne seront pas immédiats, mais qui seront par ailleurs plus structurants.

La révision des critères de décision pour l'inscription des médicaments sur la liste des produits couverts serait de cette nature. Le renforcement des revues d'utilisation des médicaments pour vérifier s'ils sont bien utilisés et pour documenter leur efficacité pratique serait également de ce type de mesures susceptibles d'améliorer fondamentalement le fonctionnement du régime. Mais ce qu'il faut comprendre par-dessus tout, c'est que l'issue du débat n'est pas prédéterminée. Il est au contraire important d'entendre les points de vue de tous les intéressés, celui des experts, des fabricants, des professionnels associés au régime et, bien entendu, celui des participants et des adhérents. Les uns et les autres doivent influencer les décisions. Les premiers peuvent nous aider à améliorer le système, à maîtriser ses coûts et à accroître son efficacité, les seconds, à faire en sorte que nous préservions ces valeurs fondamentales.

Par la force des choses, M. le Président, il sera souvent question d'économique durant nos échanges. Si essentielle qu'elle soit, la perspective économique est insuffisante. La réponse aux questions que nous devons résoudre dépend également de notre conception des rapports sociaux et de nos valeurs fondamentales. Notre tâche et notre défi consistent à trouver le point d'équilibre entre la préservation des acquis du régime et les pressions sur la hausse des coûts. Il faudra tout à la fois bonifier le régime, protéger son intégrité et y introduire des pratiques novatrices, concilier ce qu'il permet de faire le mieux et de différent par rapport à la situation antérieure et assurer une meilleure maîtrise des coûts pour assurer sa viabilité.

Nous avons ensemble à trouver des solutions qui, sans dénaturer le régime, tiendront mieux compte de la capacité de payer individuelle et collective. Nous avons en particulier à préserver son caractère équitable, c'est-à-dire à faire en sorte que tout le monde contribue au régime à la hauteur de ses moyens, une tâche et un défi difficiles, certainement pas impossibles s'ils deviennent l'affaire de tous: des adhérents et des bénéficiaires, c'est inévitable, mais également des professionnels de la santé, des médecins, des pharmaciens, des compagnies pharmaceutiques et des compagnies d'assurances, des individus aussi bien que des organisations. C'est collectivement que nous trouverons les voies de l'avenir, soucieux de préserver et de protéger un acquis précieux, qui répond à nos besoins, exprime nos valeurs et correspond à la façon dont nous avons choisi de vivre ensemble. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Merci, Mme la ministre. M. le député de Vaudreuil, porte-parole de l'opposition officielle.


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je voudrais simplement revenir sur la question, le sujet qui a été discuté tout à l'heure et indiquer que la consultation sur le rapport d'évaluation, qui était le mandat de l'Assemblée nationale... mais que les pistes de révision qui ont été rendues publiques par la ministre, sur lesquelles elle a demandé aux groupes de venir faire leurs commentaires et leurs suggestions... La façon dont le délai a été imparti semble manquer de respect envers les groupes et les personnes que la ministre a dit vouloir consulter et entendre parce que, vous savez, c'est un dossier qui est extrêmement complexe. La loi est compliquée, son application également.

(10 h 30)

Les groupes concernés sont, pour plusieurs, des groupes communautaires, des bénévoles, des gens qui doivent consulter leurs membres pour faire valoir leur position. Il est extrêmement dommage que la consultation soit menée à l'épouvante. D'autant plus que les décisions qui seront prises par le gouvernement éventuellement, si c'est le cas, auront des impacts énormes sur les gens concernés. Il ne faut pas être naïf, M. le Président, les pistes de révision constituent une autre augmentation de taxes de l'ordre de 200 000 000 $ minimum pour les citoyens qui sont couverts par ce régime.

Et je voudrais simplement faire un bref rappel historique. Vous vous rappellerez que jusqu'en 1996 les médicaments étaient gratuits pour les prestataires de l'assurance emploi et pour les personnes âgées recevant le maximum du supplément du revenu garanti. Les autres personnes âgées de 65 ans et plus payaient 2 $ par prescription, pour un montant maximal de 100 $ par année. Et on se souviendra, au moment de l'introduction de cette prime de 2 $ par prescription, le gouvernement, l'opposition péquiste à ce moment-là, avait déchiré sa chemise sur la place publique en disant que c'était épouvantable que d'exiger 2 $ jusqu'à 100 $ par année aux personnes âgées pour des frais de médicaments.

En 1996, le gouvernement péquiste a mis en place un régime public d'assurance médicaments. Le premier objectif – nous devons nous le rappeler – était de réduire les dépenses du gouvernement. Le gouvernement en quelque sorte a opéré un transfert fiscal sur le dos des prestataires de l'assurance emploi et des personnes âgées. Si on regarde depuis trois ans, c'est 700 000 000 $ que le gouvernement est allé cherché dans les poches des personnes âgées et près de 100 000 000 $ chez les prestataires de l'assistance emploi, et ça, sans tenir compte de toutes les autres coupures qui ont été effectuées par ce gouvernement auprès des personnes âgées et auprès des prestataires de l'assurance emploi, que ce soit l'abolition des barèmes de disponibilité – on pourrait en faire toute une liste – l'abolition du crédit d'impôt pour les personnes vivant seules et les personnes âgées, etc., en plus de toutes les autres hausses de taxes déguisées qui ont été imposées par le gouvernement et qui sont venues fortement frapper les clientèles qui sont visées par ce programme d'assurance médicaments.

Par exemple, une personne âgée vivant seule, qui a un revenu net de l'ordre de 15 000 $, va payer maintenant une prime de 175 $ plus une contribution pour ses médicaments qui peut aller jusqu'à 750 $, donc un total de 925 $. Au moment de l'adoption de la Loi sur l'assurance médicaments, l'opposition d'alors, nous avions, comme parti, dénoncé l'improvisation, la mauvaise évaluation qui semblait être le cas et également les effets pervers de la Loi sur les prestataires de l'assistance emploi et des personnes âgées. Et, plus précisément, mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce, en juin 1996, à l'Assemblée nationale, disait ceci, et je cite: «Quant à moi, je ne peux que déplorer une mesure gouvernementale largement fiscale dont l'effet serait d'obliger les membres les plus démunis de notre société à faire un choix entre manger et prendre des médicaments, sous guise d'instaurer un système universel d'assurance médicaments ou à faire le choix entre payer le loyer un mois et prendre des médicaments.» Fin de la citation.

Deux ans plus tard, M. le Président, le rapport Tamblyn devait confirmer ces effets pervers. Des personnes se privaient de médicaments pour se loger et se nourrir. Et ce n'est qu'à compter d'octobre 1999 que le gouvernement a finalement consenti à modifier la loi et à redonner la gratuité aux prestataires de l'assistance emploi qui ont des contraintes à l'emploi. Cependant, les effets pervers de la baisse de consommation de médicaments essentiels pour les personnes âgées, ils existent encore selon le rapport Tamblyn et ils ont pour effet d'augmenter les visites médicales de ces personnes de 111 % et les visites à l'urgence de 47 %. Improvisation d'ailleurs qui s'est révélée dans tous les problèmes d'application qui ont suivi l'adoption de la loi. Bon, on se rappellera de la franchise trimestrielle. On a parlé des prestataires et des contraintes à l'emploi et de toute une série d'autres problèmes d'application qui sont relevés d'ailleurs dans le rapport d'évaluation, et plus précisément du remboursement par le gouvernement du coût des médicaments pour les personnes âgées et les prestataires de l'assistance emploi.

Vous savez, dans le rapport 1999-2000, l'année courante, la ministre dit: Ça va coûter, le remboursement des médicaments à ces clientèles, 923 000 000 $, soit 122 000 000 $ de plus que les crédits votés au début de l'année. Or, les crédits qui ont été votés au début de l'année sont légèrement inférieurs aux dépenses réelles du coût des médicaments en 1998-1999, donc 800 000 000 $ de crédits, dans le livre des crédits, 797 000 000 $ à cette rubrique-là. Est-ce que la ministre savait au début de l'année que le coût des médicaments augmenterait? Est-ce une révélation ou est-ce son collègue du Conseil du trésor qui lui a donné non pas une enveloppe fermée mais même une enveloppe réduite pour qu'elle puisse dire à la fin de l'année: Mais, écoutez, l'enveloppe est dépassée?

Et je comprends que, si on adopte des crédits qui sont même inférieurs aux dépenses réelles de l'année précédente, évidemment, c'est le meilleur moyen de dire: Écoutez, il y a des excédents et on doit demander aux clientèles concernées évidemment de combler cet excédent, alors qu'on n'a même pas augmenté les crédits. Et on espère que nous aurons des commentaires là-dessus.

L'autre élément, M. le Président, que nous ne retrouvons pas dans le rapport d'évaluation, touche l'arrimage entre l'assurance hospitalisation et l'assurance médicaments. Y a-t-il des économies de coût engendrées dans le réseau avec le virage ambulatoire qui font que des gens maintenant qui sortent de l'hôpital paient leurs médicaments et le coût est assumé évidemment dans le coût brut du régime d'assurance médicaments? Comment se fait-il qu'on semble être incapable d'évaluer cet arrimage, d'évaluer également les économies qui peuvent se faire dans le réseau et le transfert de coûts qui s'effectue dans le régime de l'assurance médicaments? D'ailleurs, est-ce que le virage ambulatoire, que l'on veut favoriser avec raison, ne peut pas, d'une certaine façon, pour ces clientèles-là, aller à l'encontre du virage ambulatoire? Parce que, s'ils vont à l'hôpital, les médicaments sont payés; s'ils sont à la maison, ils doivent payer les médicaments, ils doivent payer les contributions et des primes.

Pour ce qui est du fonds d'assurance médicaments, M. le Président, le déficit accumulé, dit-on, est de 79 000 000 $. C'est non seulement inquiétant, mais ça démontre encore une fois, si cette prévision est correcte, que le régime a été, il y a quelques années, mal conçu, improvisé, bâclé, mal planifié, comme beaucoup d'autres programmes du gouvernement un peu partout, et notamment dans la santé. C'est l'exemple d'un autre dérapage.

Vous savez, on arrive après quelques années, on dit: Il y a un déficit important, la prime est de 175 $. Évidemment, il va falloir combler. Et, dans ce groupe d'adhérents, il y a des personnes, notamment des préretraités, qui ont laissé tomber des régimes d'employeurs ou encore l'employeur a mis fin au régime parce que ces personnes-là jugeaient que c'était moins coûteux que d'adhérer au volet de régime public d'assurance médicaments, ces personnes-là ont souvent laissé tomber également d'autres services qui étaient inclus dans ces assurances collectives, comme l'assurance voyage, etc., et là maintenant on dit, après deux ans: Vous vous êtes trompés, ce n'était pas moins dispendieux, il va falloir que vous payiez. Comment ne pas être surpris donc que les citoyens, dans des cas comme ceux-là, attachent peu de crédibilité aux programmes gouvernementaux?

Le rapport d'évaluation également est très peu loquace concernant la politique industrielle qui découle du prix le plus bas sur une période de 15 ans au Québec. Est-ce que le ministre des Finances, le ministre du Développement économique puis le ministre de l'Industrie et du Commerce ont fait des analyses sur l'impact que pourraient avoir les modifications à la règle du 15 ans?

(10 h 40)

M. le Président, je pense que nous sommes ici pour entendre les groupes. D'ailleurs, je voudrais leur souhaiter la bienvenue, les personnes, les groupes qui ont préparé des mémoires, qui ont pris le temps d'analyser le rapport d'évaluation. Et je voudrais leur dire que nous sommes, du côté de l'opposition, très ouverts à leurs commentaires et suggestions. Nous espérons que vous nous permettrez d'enrichir le débat sur un dossier fort complexe et un dossier qui aura des conséquences importantes pour les personnes concernées, dépendant des décisions qui seront prises par le gouvernement, et surtout qui va affecter une clientèle parmi les plus démunies dans notre société, les prestataires de l'assurance emploi et les personnes âgées. Alors, merci, M. le Président.


Auditions

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député. Est-ce qu'on serait prêt pour recevoir nos invités? Alors, je convie la Fondation Lina Cyr, Maison des greffés du Québec, à venir à la table.

Alors, bonjour, Mme Cyr. Bienvenue.

Mme Cyr (Lina): Bonjour, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Bonjour. Nous aurions 45 minutes à disposer avec vous-même: 15 minutes pour la présentation du mémoire, ensuite 30 minutes réparties également entre les deux formations politiques pour les échanges. Alors, Mme Cyr.


Fondation Lina Cyr, Maison des greffés du Québec

Mme Cyr (Lina): Mme la ministre, M. le Président, MM. et Mmes les députés, bonjour. Il me fait plaisir d'être ici ce matin. Je me présente, je suis Lina Cyr, je suis la fondatrice, directrice générale de la Maison des greffés du Québec.

Je vais vous donner un petit aperçu de la Maison des greffés. Pour ceux qui ne connaissent pas la Maison des greffés, c'est une maison qui est là pour offrir l'hébergement aux personnes des régions éloignées qui sont en attente d'une greffe d'organes ou qui reviennent pour visiter le poste opératoire; favoriser les échanges entre les patients qui partagent la même expérience; assurer une période de transition en toute sécurité entre l'hôpital et le milieu familial après l'opération; et permettre à une personne de la famille d'être auprès du patient en lui offrant un hébergement temporaire à prix abordable. Nous sommes un partenaire du gouvernement. On désengorge les lits d'hôpitaux universitaires pour une petite durée. Nous avons hébergé, durant 1998-1999, 425 patients pour des nuitées de 8 715.

Maintenant, je vais présenter à l'auditoire la lettre que j'ai fait parvenir à la commission: «Nous avons pris connaissance des pistes de révision sur l'assurance médicaments annoncées le 2 février dernier par le ministère de la Santé et des Services sociaux et nous aimerions vous faire part de nos commentaires et appréhensions.

«Tout d'abord, nous sommes en total désaccord avec le troisième scénario sur le financement avec une prime maximale de 550 $. Ceci aurait un effet pervers extrêmement dangereux, car les personnes transplantées, qui seront forcées de ménager la consommation de leurs médicaments, seront en danger de rejet d'organe greffé. Résultats: un, pour un greffé du rein, ceci pourrait obliger un retour à la dialyse à un coût de 70 000 $ par année aux frais de l'État; deux, pour un greffé du coeur, des poumons ou du foie, un rejet aigu pourrait obliger une réhospitalisation très onéreuse ou encore le décès de la personne. Donc, nous suggérons une prime légèrement indexée, qui passerait de 175 $ par année à 225 $, tout en conservant la coassurance et franchise de 750 $ annuellement.

«En ce qui concerne le contrôle des coûts, la première suggestion est d'éviter de parler de déficit quand on oeuvre dans les budgets au ministère de la Santé et des Services sociaux. Les personnes transplantées du rein coûtent beaucoup moins au système de la santé que les traitements de dialyse au milieu hospitalier. Nous sommes très inquiets de voir le ministère qui envisage de nous obliger d'accepter un médicament similaire dans sa classe thérapeutique que vous pourrez appeler le "prix de référence" ou encore un "médicament générique".

«Les greffés d'organes sont des personnes extrêmement délicates et fragiles auxquelles les médecins spécialistes ont prescrit des médicaments dits immunosuppresseurs qui sont très particuliers à ajuster à la posologie individuelle, ce que les médecins et les pharmaciens appellent bioéquivalence, biodisponibilité ou encore index thérapeutique étroit. Comme le début d'action et le taux d'absorption sont fort importants pour notre condition clinique, nous voulons obtenir le médicament original qui nous a sauvé la vie et qui nous garde en vie.

«En conclusion, nous supportons un régime universel d'assurance médicaments abordable financièrement pour tous les Québécois et Québécoises, mais aussi rendre accessible aux malades les médicaments issus de la recherche qui nous permettent d'améliorer notre qualité de vie et aussi de vivre pratiquement normalement.»

Maintenant, je vais vous faire ma présentation, que j'ai faite. Nous comprenons que le ministère de la Santé soit à la recherche de financement, mais nous vous mettons en garde sur les effets pervers, sur l'inaccessibilité des médicaments si notre participation financière devient trop élevée. Nous réaffirmons que la prime ne devrait pas excéder 225 $ par année au lieu de 175 $, actuellement. Ensuite, elle pourrait être indexée à 1 % par année. Nous demandons que la coassurance et franchise demeurent au maximum, 750 $ par année et payables mensuellement. Si cette coassurance augmente à 1 000 $ ou à 1 500 $ ou bien le pourcentage passe de 30 % au lieu de 25 %, de nombreuses personnes n'auront plus les moyens de se payer les médicaments ici, nous aurons des effets pervers potentiellement très sérieux.

Exemple, un greffé ne renouvelle pas sa prescription à cause d'un manque d'argent ou bien il ménage ses pilules – une au lieu de deux par jour – on se retrouve devant une catastrophe hospitalisation à cause du rejet d'organe greffé, et peut-être le décès, dans le cas de greffés de foie, de coeur ou de poumons. Si un patient en dialyse attend la greffe d'un rein, il pourrait refuser la greffe s'il n'a pas les moyens de payer ses médicaments. Comme d'ailleurs quelques cas au Nouveau-Brunswick qui paient 2 000 $ par année: ils veulent rester sur la dialyse. Coût de la dialyse au gouvernement: 70 000 $ par année.

Concernant le contrôle des coûts du régime, nous voyons les propositions de nous obliger à accepter des génériques ou bien le médicament le moins cher dans sa classe thérapeutique comme très négatives et hasardeuses à notre égard. Nous prenons des médicaments immunosuppresseurs très puissants et plus difficiles à adapter à la posologie adéquate à chaque malade. Cela prend plusieurs semaines à stabiliser le traitement individuel. Nous avons, toujours par le médecin, une petite carte qu'il nous donne. C'est un petit agenda que nous avons quand nous sortons de l'hôpital, avec tous nos barèmes de psychologie que nous pouvons ajuster deux ou trois fois par mois. Alors, pour nous, le générique, ça serait très difficile.

Le médecin spécialiste doit assurer d'une façon minutieuse le dosage basé sur ses paramètres de laboratoire. Comme la créatinine, si on a un dosage trop élevé, c'est toxique et avec des effets secondaires. Savez-vous qu'on n'a pas le droit de boire du jus de pamplemousse? C'est dangereux. Si on a un dosage insuffisant, c'est le rejet de l'organe transplanté. Alors, vous comprendrez que l'on ne peut pas accepter aucune alternative au médicament qui nous a sauvé la vie, et aussi grâce aux donneurs, que je remercie de tout mon coeur ici, à même l'enceinte de l'Assemblée nationale, au nom de tous les greffés du Québec.

Vous, Mmes, MM. les députés, quand vous avez attendu de longs mois, de très longs mois que le téléphone sonne pour vous annoncer qu'il y a un donneur compatible, que vous êtes l'heureux candidat, de pouvoir vivre, survivre, de pouvoir espérer une vie normale avec une qualité de vie comme vous, c'est merveilleux. Alors, n'allez pas nous offrir des complications potentielles avec des médicaments génériques pour des classes thérapeutiques équivalentes. Nous voulons obtenir ce que le médecin spécialiste nous a prescrit; rien de plus, mais rien de moins.

En conclusion, prenez mon cas. Personnellement, il y a 12 ans, je devais mourir, il me restait deux mois à vivre. Grâce aux techniques chirurgicales et au Dr Pierre Daloze, au CHUM, je pus bénéficier d'un don d'organe, un foie, et je peux vous parler aujourd'hui. Grâce à la recherche pharmaceutique, j'ai pu bénéficier des découvertes et des nouveaux médicaments. Aujourd'hui, je vis normalement et personne ne doit avoir le droit de changer ma médication, sauf mon médecin. Merci.

(10 h 50)

Le Président (M. Beaumier): Merci beaucoup, Mme Cyr. Alors, Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Alors, je vous remercie, Mme Cyr, de votre présentation. Je voudrais partager avec les membres de la commission l'expérience que j'ai vécue dans votre Maison. Je suis allée rencontrer les responsables de la Maison, dont Mme Cyr, il y a quelques semaines à peine, et je peux vous dire que j'y ai vu là des témoignages et que j'ai entendu des témoignages émouvants de gens qui aiment la vie et qui sont bien contents, bien contentes de pouvoir continuer à partager avec les leurs le plaisir d'être en santé.

Et je voudrais en profiter – je pense que mes collègues vont être tous d'accord – pour remercier ceux et celles qui se sont engagés dans cette Maison, parce que ça prend beaucoup de détermination. Il y a beaucoup de bénévolat, il y a beaucoup de personnes qui ne ménagent ni leur temps ni leurs efforts pour venir soutenir des gens qui sont en attente ou qui viennent de recevoir une greffe, qui viennent d'avoir une opération pour recevoir une greffe, et qui donc doivent être suivis, et qui, parce qu'ils sont loin de leur foyer, qu'elles sont loin de leur foyer, doivent avoir un lieu d'accueil, et la Maison assume cette tâche et cette responsabilité. Merci à vous-même et à ceux et à celles qui sont engagés dans la Maison. Il y a des médecins, il y a aussi des sociétés pharmaceutiques qui ont donné généreusement, je pense, des sommes assez importantes pour soutenir le travail de la Maison.

Peut-être un ou deux commentaires pour rassurer mes collègues de l'opposition. Je pense qu'il faut être de bons comptes, là. On ne parle pas ici d'un impôt nouveau, on parle de service rendu et pour lequel on paie ce que cela coûte, étant entendu que, pour ceux et celles qui sont dans des situations plus difficiles au plan du revenu, ils n'ont pas à assumer de tels coûts. On pense aux gens à l'assistance emploi, qui sont au programme de dernier recours. Bon. Parce qu'il y a quelque chose d'un petit peu inacceptable, à mon point de vue, dans les propos de l'opposition, quand on associe le tout à une taxe. Un régime d'assurance, c'est justement un régime où on demande aux gens de contribuer pour ensuite avoir accès à des services. Et là, ce qu'on constate, c'est aussi simple que ça. C'est difficile, on n'aime pas ça, mais c'est ça: on constate que les primes demandées ne sont pas suffisantes pour couvrir les services rendus. Je pense que tout le monde va comprendre ça bien simplement, hein? C'est ça, le problème qu'on a.

Alors, on se dit: Qu'est-ce qu'on fait? Est-ce qu'on joue seulement sur les primes ou on essaie de voir, sur le coût des médicaments, si on ne peut pas faire un effort pour réduire leur coût? C'est la discussion qu'on doit avoir avec tous les effets positifs que peut avoir un régime d'assurance médicaments comme celui que nous avons. Et le cas des greffés est l'exemple probablement parmi les meilleurs parce que, dans le fond, l'accès à un médicament, médicament qui a été découvert depuis peu, d'ailleurs, qui est très coûteux, permet que la greffe soit acceptée – on se comprend bien – et qu'il n'y ait pas de rejet. Je ne sais pas si ce sont les termes médicaux justes. Et donc, à ce moment-là, la personne qui sera soumise à un régime où elle devra prendre toute sa vie des médicaments va cependant pouvoir vivre et avoir une bonne qualité de vie avec cette greffe.

Alors, dans un sens, on a là un bel exemple. Parce que tout à l'heure, la question était posée: Est-ce qu'il y a des économies par rapport à l'utilisation des médicaments? Bien sûr, il y en a. Mais en même temps on augmente des coûts parce qu'on continue à offrir des services. Et c'est correct. C'est l'objectif qu'on a d'ailleurs en ce sens.

Mais juste un exemple. On parlait des greffés, mais parlons des gens qui ont le diabète. On a constaté, par exemple, que le nombre d'hospitalisations reliées au diabète a diminué de 30 % entre 1988-1989 et 1998-1999. C'est énorme. Les coûts hospitaliers à ce moment-là évidemment ont baissé de 9 000 000 $. Mais les coûts des médicaments, eux, de 10 000 000 $. Alors, l'un dans l'autre, ça s'équivaut. Sauf qu'on a un gain très important sur la santé des personnes, ça va de soi. Les personnes sont en meilleure santé, n'ont pas besoin d'être hospitalisées pour avoir leur traitement. Et, en termes de qualité de vie, ça va de soi que c'est un gain. Puis on pourrait, comme ça, donner un certain nombre d'exemples.

Et je crois que c'est une des tâches à laquelle on devrait s'attaquer dans les années qui viennent: vraiment faire ces évaluations et ces comparaisons que peu d'États dans le monde ont réussi à faire, si ce n'est sur des aspects spécifiques de certains médicaments. Et nous les avons au même titre que les autres. On pourrait regarder le sida, on pourrait regarder la question de l'utilisation des lits en psychiatrie, juste pour faire un petit tour de piste général suite aux interrogations de nos collègues d'en face.

Je voudrais rassurer Mme Cyr sur une chose. Et ça, c'est très important et vous avez tout à fait raison de le soulever, ça nous permettra peut-être de clarifier un certain nombre d'orientations. Bon, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que les médicaments spécialisés, comme ceux, par exemple, utilisés pour les greffés ou que les greffés utilisent, ne devraient pas et ne seront pas soumis au prix de référence de leur spécificité parce qu'on sait qu'ils sont tous différents, il y a des dosages, etc. Et on sait aussi que des changements de médicaments ont des conséquences absolument, enfin, inadmissibles, évidemment qui sont énormes sur la santé des greffés.

Et il faut savoir que, même si on retenait la politique du prix le plus bas – qui est une des hypothèses qui est envisagée – il faudrait comprendre cependant que le régime devra payer le médicament prescrit même si son coût est supérieur, si ce médicament est le seul, dans les circonstances, qui peut soutenir la personne. Alors donc, dans ce sens-là, je pense qu'il faut rassurer les gens que vous côtoyez, que vous rencontrez. Notre intention est de préserver absolument et strictement cet aspect-là du régime, cela va de soi. Et on peut comprendre que des personnes puissent avoir des craintes parce qu'on sait que dans les cas spécifiques des médicaments que vous devez prendre, on ne peut pas passer facilement à un autre à un coût plus bas ou à un générique qui ne répondrait pas évidemment à l'attente.

Mme Cyr (Lina): Oui. Nous, on ne peut même pas prendre une vitamine sans demander l'autorisation à notre médecin, pour ne pas défaire tous nos médicaments qu'on prend.

Mme Marois: Ma question sera peut-être plus générale, donc, en ce sens-là. Je comprends qu'on ne veuille pas devoir payer des sommes plus importantes. Je pense qu'on est tous dans la même situation, comme citoyen et comme citoyenne, mais est-ce que vous pouvez témoigner, Mme Cyr, du fait que le régime a eu un effet positif pour certaines personnes qui autrement n'auraient pas pu avoir accès à une greffe parce que le médicament était trop onéreux?

Mme Cyr (Lina): Était trop dispendieux. Sûrement. J'ai une madame qui est avec moi, qui est Mme Giroux. Son mari vient d'avoir une greffe. S'il n'y avait pas eu l'assurance médicaments, il n'aurait pas eu sa greffe. Ça lui coûte 2 000 $ par mois. Ça fait que, avec l'assurance, il paie beaucoup moins. Oui, c'est très bien comme ça.

Mme Marois: Ça a pu, donc, se vérifier.

Mme Cyr (Lina): Ah oui, ça peut très bien se vérifier.

Mme Marois: Mais est-ce que, dans ce contexte-là, sur le fait que, par exemple, bon, c'est un régime d'assurance au sens où on met ensemble tous nos risques puis on paie des primes, une coassurance, on a une franchise quand on va à la pharmacie, est-ce que vous jugez raisonnable quand même qu'on paie plus le juste prix que nous coûte le régime plutôt que le régime soit subventionné par les autres citoyens? Parce qu'il faut bien dire qu'à ce moment-là, là, c'est par le régime des taxes qu'on le subventionne, si les gens qui sont assurés ne paient pas ce que ça coûte réellement dans le régime d'assurance.

Mme Cyr (Lina): Il faut que je vous dise: On paie maintenant 175 $, on peut se rendre à 225 $. Mais plafonner le 750 $, ça, c'est bien. C'est sûr que ce n'est pas toujours facile pour tout le monde. Comme moi, je travaille, j'ai un petit salaire. Je n'ai pas un salaire de... pas beaucoup mais...

Une voix: De ministre.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: De ministre... Non, on va prendre d'autres exemples. On n'a pas de salaire, personne, de joueur de hockey ou...

Mme Cyr (Lina): Non, Mme la ministre, je ne voulais pas dire «de Mme la ministre», mais on va dire «de député», tiens.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Marois: O.K. Ça, c'est bon.

Mme Cyr (Lina): Donc, moi, je suis très bien comme je suis là. Je suis plafonnée à 750 $, je paie 175 $ par mois. Je suis très bien puis je prends les médicaments antirejet. Donc, ceux qui ne prennent pas de médicaments antirejet, c'est encore mieux parce qu'ils restent au même prix tout le temps. C'est pour ça que je trouve ça bien.

Mme Marois: Voilà. Bien, ça va. Je pense que ça nous donne un bon témoignage et ça nous explique un petit peu votre point de vue sous cet angle-là aussi.

Mme Cyr (Lina): Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Beaumier): Merci, Mme la ministre. M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Bienvenue, Mme Cyr. Vous êtes un exemple extraordinaire d'une personne qui s'est accrochée à la vie. Je pense que, pour bien des personnes, vous êtes une inspiration. Également, je sais le travail que vous avez fait pour mettre sur pied la Maison des greffés du Québec. On avait eu l'occasion de se parler dans une vie antérieure. Je voudrais vous en féliciter et vous remercier au nom de toutes les personnes qui maintenant bénéficient de votre institution, ainsi que toute votre équipe.

(11 heures)

Vous parlez, dans votre présentation, de l'importance d'éviter de considérer en silos les médicaments et l'hospitalisation. Est-ce que vous pourriez peut-être élaborer un peu plus là-dessus? Qu'est-ce que vous entendez par cette suggestion-là?

Mme Cyr (Lina): Bien, la suggestion que je vous ai faite, c'est que c'est toujours de penser aux gens qui sont démunis ou à faibles revenus. Je ne peux pas vous donner des chiffres parce que je ne suis pas une actuaire, mais c'est sûr que le gouvernement s'implique énormément dans toutes les choses qu'on sait comme tout le monde, qu'il y a toujours de l'argent à aller chercher, puis c'est des budgets qu'on a à respecter, donc, d'année en année...

Vous, vous me parlez, vous êtes en très bonne santé, mais demain matin vous serez peut-être en attente d'un coeur. Donc, c'est un surplus d'argent. C'est ça que je veux dire. C'est toujours les budgets silos, on ne peut jamais arriver à déterminer combien de médicaments on va avoir à prendre par année.

M. Marcoux: Donc, notamment, pour les clientèles plus démunies dont vous avez fait état, est-ce qu'il est important de maintenir un soutien financier important de la part de l'État pour vous? Tantôt, je regardais, je pense que, pour ce qui est des personnes âgées et les prestataires de l'assurance emploi, le budget gouvernemental pour ce qui est des médicaments n'a pas augmenté. Donc, pour cette année, il semble qu'on veut faire supporter par les prestataires de l'assurance emploi et les personnes âgées le coût d'augmentation des médicaments pour ces personnes-là, alors que le budget gouvernemental est resté le même.

D'autre part, ce que vous mentionnez, c'est qu'il y a certaines économies dans le réseau de la santé ou dans les institutions hospitalières qui sont faites compte tenu des nouveaux médicaments qui évitent la dialyse et qui permettent un taux de succès plus important pour les greffes. Et ça, quand vous en avez parlé tantôt, vous parliez de l'angoisse. Je le partage. Lorsqu'on a des gens près de nous qui vivent ça, je pense qu'on le comprend bien. Donc, est-ce que, en quelque sorte, vous dites: Certaines économies qui sont dans le réseau pourraient être transférées aussi, c'est-à-dire aux personnes les plus démunies, au lieu de demander à ces gens-là, de dire: Bon, on va augmenter vos contributions, puis on reporte sur l'assurance médicaments finalement... on ne reporte pas, on fait porter à l'assurance médicaments des coûts qu'on économise dans le réseau? Alors, est-ce que, pour vous, il serait normal que le soutien financier pour le remboursement, de la part du gouvernement, continue d'avoir une augmentation, notamment compte tenu du fait qu'il y a des économies dans le réseau?

Mme Cyr (Lina): Moi, je vous suggère d'aller dans le bon sens, de toujours supporter les gens qui sont à faibles revenus, et les démunis, et les personnes âgées. C'est très important.

Le Président (M. Beaumier): Oui, M. le député de Nelligan.

M. Williams: Merci, M. le Président. Mme Cyr, merci beaucoup pour votre présentation. J'ai deux questions après votre excellente présentation, une sur la recherche. Vous avez mentionné que vous êtes ici grâce à la recherche, parce qu'ils ont trouvé les médicaments pour vous. Il y a tout un débat ici depuis plusieurs gouvernements: Qui doit payer pour la recherche? Nous avons ici, au Québec, établi certaines politiques pour encourager la recherche pharmaceutique. Mais, au moment où on se parle, je voudrais savoir, selon vous, qui doit payer pour cette recherche pharmaceutique qui vous a vraiment aidée.

Mme Cyr (Lina): La recherche?

M. Williams: La recherche, oui.

Mme Cyr (Lina): O.K. Bien, moi, je trouve que les gouvernements, ils aident beaucoup la recherche, et puis, il y a aussi les compagnies pharmaceutiques qui existent, qui sont là-dedans et qui travaillent énormément fort là-dedans. Moi, ça fait 12 ans que j'ai eu ma greffe, donc la cyclosporine commençait. Ils étaient là. La recherche, elle était là. C'est sûr qu'il faut supporter beaucoup la recherche. Moi-même, je suis une personne qui... on fait des soupers-bénéfice, on fait des choses pour la recherche, tout le monde travaille pour la recherche. On supporte chacun notre tour, chacun à notre façon, la recherche. C'est difficile de tout le temps dire... Moi, je parle pour moi, je parle pour mes greffés, là. On travaille fort. Mme Marois est venue visiter notre Maison. Moi, j'ai parti la Maison des greffés – puis vous resteriez surpris, monsieur – quand j'ai ouvert les portes de la Maison, je devais 1 200 000 $ puis j'avais un patient à 15 $ par jour dans la maison. Mais j'ai travaillé, je n'ai pas regardé mes heures, puis je me suis dit: Il faut absolument faire fonctionner ça. Ça fait que c'est avec ton coeur, puis avec beaucoup de travail, puis avec beaucoup de choses qu'on réussit quelque chose. On ne peut pas toujours dire: Il faut se fier sur un, il faut se fier sur l'autre. Quand tu partages quelque chose, il faut que tu le partages à grand puis que tu travailles fort. Il faut revenir aux sources. Ça fait que là on travaille beaucoup fort avec le gouvernement pour essayer d'avoir quelque chose. Puis je suis persuadée que c'est avec le travail que je vais finir par l'avoir. Mais la recherche est très importante. Il faut continuer de supporter la recherche.

M. Williams: Oui. Et continuez votre excellent travail. Je viens du secteur communautaire, je comprends votre engagement. Continuez de faire ça.

Une brève autre question. Vous avez parlé que, si quelqu'un a besoin de dialyse, ça coûte plus ou moins 70 000 $...

Mme Cyr (Lina): Par année.

M. Williams: ...par année, à peu près. C'est payé par l'État. Si vous êtes hospitalisé, c'est dans notre système universel, payé par nos taxes. Mais, de plus en plus, on demande une intervention médicale par les médicaments et on prend ça comme acquis maintenant qu'il y a des frais d'usager, un 175 $ plus un maximum de 750 $, totalisant 925 $. Pensez-vous que ces frais d'usager sont acceptables comme ça? Parce que, dans un système de santé publique comme nous avons maintenant, ce sont des services payés par nos impôts – la ministre a parlé de partager les risques – sauf qu'on parle des médicaments qui sont de plus en plus utilisés comme une intervention médicale, on doit payer. Est-ce que vous trouvez ça acceptable et est-ce que vous trouvez que le 750 $ est acceptable aussi?

Mme Cyr (Lina): Oui. Pour les médicaments qu'on a, il faut que tout le monde se donne la main puis qu'il partage, hein. Puis, quand on dit que ça coûte 70 000 $, la dialyse, on est obligé d'être là-dessus. Les gens n'ont pas de don d'organe. La minute qu'ils ont un don d'organe, là ils débarquent. Mais, si les médicaments augmentent puis qu'ils tombent à plus cher que ça, c'est sûr que les gens vont être portés à rester sur la dialyse. Mais il n'y a pas la meilleure qualité de vie non plus. Comprenez-vous?

M. Williams: Oui, oui, oui.

Mme Cyr (Lina): Ça fait que c'est d'essayer de trouver une solution, que ça reste comme c'est là. Comme c'est là, tout le monde est heureux, puis qu'on reste heureux, tout le monde. C'est de ne pas augmenter... Si Mme la ministre augmente les médicaments, Mme la ministre, est-ce que c'est pour avoir de l'argent là pour mettre ailleurs ou bien c'est vraiment pour mettre dans les médicaments?

Mme Marois: Oui. En fait, c'est le problème, hein, qu'on a, c'est pour remettre dans les médicaments.

Le Président (M. Beaumier): C'est beau. M. le député.

Mme Cyr (Lina): Bien, c'est améliorer la qualité de vie des gens, que ce soient les personnes âgées, que ce soient les greffés, que ce soient les diabétiques. C'est que tout le monde, c'est comme ça. Les sidéens, tout le monde. Est-ce que ça répond à votre question?

M. Williams: Oui, merci beaucoup.

Le Président (M. Beaumier): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Cyr.

Mme Cyr (Lina): Bonjour.

(11 h 10)

Mme Loiselle: Bienvenue. Je vais peut-être faire quelques précisions sur les déclarations de la ministre tantôt qui, souvent, quand elle parle de la gratuité qui a été remise aux personnes qui sont à l'assistance emploi... on change souvent les mots, mais on n'améliore pas une situation, parce que les personnes maintenant qu'on appelle à l'assistance emploi, ce sont les personnes qui sont à l'aide de dernier recours, à l'aide sociale. On laisse souvent sous-entendre, par le biais de la bouche de la ministre, qu'on a donné à tout le monde, mais on n'a pas donné à tout le monde la gratuité. On l'a donnée à très peu de gens qui sont bénéficiaires de l'aide sociale, la gratuité dans les médicaments. Il faut savoir que, quand on parle des personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi, c'est environ 100 000 personnes à l'aide sociale. Mais tous les autres qui sont présentement à l'aide sociale, si on ne compte pas les enfants, il y en a au moins 400 000 qui, aujourd'hui encore, ont de la difficulté à se procurer leurs médicaments parce qu'ils n'ont pas l'argent pour aller se chercher des médicaments. Il y a même, à Montréal, des fonds qui ont été créés par des organismes communautaires, dont Jeunesse au soleil, et où les personnes sont obligées d'aller quémander auprès des organismes communautaires pour pouvoir aller chercher de l'argent pour payer leurs médicaments. Ça, ça existe au Québec actuellement. Puis il faut savoir aussi que depuis quatre, cinq ans le gouvernement du Parti québécois a beaucoup coupé dans les prestations d'aide sociale. Alors, il y a des personnes seules au Québec actuellement qui ont comme prestation d'aide sociale, une personne seule, 490 $ par mois pour vivre, se loger, se nourrir, payer les médicaments, s'habiller de temps en temps, 490 $. Alors, vous comprenez que ces gens-là ne sont pas capables de payer leurs médicaments.

Une autre rectification. Dans le rapport Tamblyn, on nous a démontré que, avec l'implantation du nouveau régime d'assurance médicaments du Parti québécois, les personnes âgées à faibles revenus ont aggravé leur état de santé. Les personnes âgées à faibles revenus au Québec ne sont pas capables de se procurer leurs médicaments. Elles font le choix entre se nourrir convenablement, comme le disait le député tantôt, de Vaudreuil, payer un mois leur loyer ou aller chercher leurs médicaments. On oblige actuellement des personnes âgées au Québec à faibles revenus d'aller quémander, de piler sur leur fierté, d'aller voir des organismes communautaires, d'aller voir leur pharmacien... Il y a des pharmaciens actuellement au Québec, dans mon comté, qui donnent gratuitement les médicaments à des personnes qu'ils connaissent depuis des années, parce qu'ils savent que cette personne-là, si elle ne prend pas sa médication, elle va se retrouver en centre hospitalier. Alors, je comprends que la ministre peut dire qu'elle a peut-être rendu service aux nouveaux adhérents, mais, aux personnes vulnérables de notre société, la ministre, l'ex-ministre et le gouvernement de Lucien Bouchard n'ont pas, aucunement, aidé ces personnes-là; ils ont aggravé l'état de santé des personnes les plus démunies du Québec.

Moi, j'aimerais savoir... Je comprends que, vous, les greffés, pour vous, c'est très important que ce soit le médicament que le médecin, le spécialiste vous recommande. Mais, au Québec, est-ce qu'il n'y a pas une petite place pour les médicaments génériques? Ne croyez-vous pas qu'il y a une place actuellement au Québec pour les médicaments génériques? Puis, de l'autre côté, je suis très consciente de tout l'impact économique et du bienfait de la recherche des compagnies pharmaceutiques. Elles ont leur place au Québec, et ça, je suis la première à l'admettre. Mais est-ce qu'il n'y a pas une place dans notre système de santé actuellement, dans notre régime d'assurance médicaments, pour les génériques?

Mme Cyr (Lina): Moi, je parle au nom des greffés, on ne peut pas prendre des génériques. Mais, si tu prends une valium à 10 %, puis on t'en donne une à 9 %, je ne verrai pas la différence. Mais, pour les greffés, du générique, on ne peut pas le prendre. Mais peut-être que d'autres médicaments pour d'autres personnes, ça pourrait aller, mais à condition que ça ne brime pas leur santé. Mais, comme je disais à monsieur, d'y aller avec le bon sens pour aider les démunis puis les personnes à faibles revenus, comme vous dites, je pense que ça serait bien, là, ça serait très bien.

Le Président (M. Beaumier): Mme la députée de Mille-Îles.

Mme Leduc: Je vous remercie, M. le Président. Ça me fait plaisir, Mme Cyr, de vous entendre parler, ce matin. Avant, moi, je voudrais quand même vous parler un peu de votre Maison parce que je n'ai pas eu l'occasion de la visiter comme Mme Marois, et ça m'a fortement impressionnée, les services que vous rendiez. Ce que je comprends de votre présentation d'une façon générale, c'est que vous êtes quand même en accord avec le fait que tous participent au financement, que c'est une assurance, à ce moment-là l'assurance médicaments. Vous êtes prête à faire des efforts et vous considérez que ces efforts-là, il pourrait y avoir une augmentation de primes. Mais le plafonnement est important parce que les gens que vous représentez – vous avez donné un exemple de 2 000 $ tantôt par mois – ont besoin de beaucoup de médicaments. Mais votre association et vous-même êtes d'accord qu'il doit y avoir une certaine contribution des individus à l'assurance médicaments. C'est ce que j'ai compris de votre présentation. Je voudrais quand même le rappeler, et Mme la ministre l'a rappelé, c'est une assurance, donc ça implique ce principe-là, et vous êtes d'accord avec ce principe de contribution là.

Je voudrais aussi souligner que, si on parle souvent des personnes âgées ou des personnes à faibles revenus qui ont certaines difficultés, oui, il y a eu des ajustements qui ont été faits de la part du gouvernement, c'était la mensualisation, pour tenter de répondre aux problèmes qui nous avaient été soulignés. Ça veut dire qu'à ce moment-là, c'est plus facile pour les gens à faibles revenus de pouvoir contribuer au régime. C'est évident que, s'il y a eu des ajustements faits dans leur cas... il y a eu des ajustements faits pour les personnes à l'assurance emploi, et, si jamais d'autres... je pense à l'ouverture d'esprit que la ministre a montrée, s'il y avait d'autres ajustements possibles, on serait prêt à les faire.

Mais ce sur quoi j'aimerais revenir... Vous avez parlé de votre Maison. J'ai noté que vous aviez reçu 425 patients, c'est ce que vous avez dit dans votre présentation. Vous avez aussi dit dans votre présentation que vous receviez la famille aussi. Est-ce qu'ils sont comptés dans ce nombre-là ou 425 patients, ça veut dire un plus grand nombre de personnes que vous soutenez? Et vous avez mentionné un budget de départ, je pense que vous avez dit de 1 200 000 $, je crois, quand vous avez commencé votre Maison. J'aimerais ça que vous me disiez si vous êtes encore à ce niveau de financement là ou si votre financement a augmenté et ça vous permet finalement de bien répondre aux besoins des greffés, soit ceux qui sont en attente ou etc. Et d'où vient finalement ce financement-là qui vous permet de rendre des services à la population?

Mme Cyr (Lina): D'accord. Quand j'ai ouvert la Maison, c'était M. Marc-Yvan Côté qui était là. On avait ouvert avec un tiers, un tiers, un tiers: un tiers, le ministère; un tiers, moi; puis un tiers, le résident. Donc, avec les années, ça a changé, parce que, moi, je suis ouverte 24 heures par jour, sept jours par semaine. Donc, les personnes, elles ne sortent pas, comme les maisons du cancer; elles partent le vendredi, elles reviennent le dimanche. Mais, moi, je suis là sept jours par semaine. Ça fait qu'on a monté un cabinet de campagne pour commencer à partir ça. Il fallait que je me fasse une crédibilité et que je démontre au gouvernement que c'était un besoin dans le système. Et puis on a ramassé des fonds par les fondations, puis chez les gens d'affaires, et puis le 15 $ que le patient donnait. Ça fait qu'on réussit à fonctionner. Là, ma fondation est rendue à 250 000 $ par année, le ministère était rendu à 118 000 $, puis le malade, à 110 000 $. Ça fait qu'un bon matin j'ai commencé à faire des démarches puis j'ai fait affaire avec Mme Marois pour avoir de l'aide pour la Maison. Mais, aujourd'hui, ma dette est descendue à 800 000 $, puis ça s'en va sur six ans que ma Maison existe.

Mme Leduc: O.K. Alors donc, le financement gouvernemental a été augmenté. C'est-u ça que je comprends? En tout cas, maintenu.

Mme Cyr (Lina): Il a été maintenu.

Mme Leduc: O.K. Maintenu dans ce sens-là. Et, pour les personnes que vous recevez – vous m'avez dit 425 patients – est-ce que vous recevez aussi la famille? Est-ce que vous avez des chiffres là-dessus? Combien de personnes de l'entourage que vous desservez?

Mme Cyr (Lina): De l'entourage, je peux recevoir... J'ai reçu 425 résidents puis j'ai reçu 175 personnes qui accompagnaient.

Mme Leduc: Accompagnaient.

Mme Cyr (Lina): Oui.

Mme Leduc: Je vous remercie beaucoup. En tout cas, je vous félicite aussi.

Le Président (M. Beaumier): Merci beaucoup, Mme Cyr, de votre témoignage et implication également. Alors, j'inviterais le Regroupement des assureurs de personnes à charte du Québec.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaumier): Alors, bonjour. Je présume que M. Bouchard est présent? Oui? Alors, bonjour. Auriez-vous l'amabilité de présenter ceux qui vous accompagnent?


Regroupement des assureurs de personnes à charte du Québec (RACQ)

M. Bouchard (Jean): Merci, M. le Président, de nous accueillir. Mon nom est Jean Bouchard, je suis président du Regroupement des assureurs de personnes à charte du Québec et président de La Survivance. Je suis accompagné de M. Pierre Genest, qui est président de la SSQ, de M. François Joly, d'Assurance vie Desjardins-Laurentienne, ainsi que de M. Richard Bell, qui est de la SSQ également.

Je demanderai, M. le Président, à M. Pierre Genest, qui est notre responsable du comité qui a examiné l'ensemble du régime d'assurance médicaments, de faire un peu un résumé du mémoire que nous avons soumis. Et, par après, nous serons disponibles pour répondre à vos questions.

(11 h 20)

Le Président (M. Beaumier): Alors, M. Genest.

M. Genest (Pierre): M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, d'abord, nous voulons vous remercier de nous donner l'occasion d'exposer notre position sur la révision du régime général d'assurance médicaments. Treize sociétés d'assurances à charte québécoise sont membres du Regroupement des assureurs de personnes à charte du Québec. Ces 13 assureurs écrivent 75 % des primes souscrites auprès des assureurs québécois.

D'entrée de jeu, on veut vous dire que le régime général d'assurance médicaments est un succès. Toutes les Québécoises et tous les Québécois sont couverts. C'est une situation unique en Amérique du Nord dont nous pouvons être fiers. Les personnes âgées qui en ont les moyens paient maintenant une partie du coût de leurs médicaments. Certains travailleurs à faibles revenus sont subventionnés. Le virage ambulatoire et les soins à domicile sont favorisés. Le régime repose sur une collaboration étroite entre le privé et le public, selon une formule considérée comme un modèle.

Le système de mutualisation mis en place par les assureurs privés permet une meilleure sécurité d'emploi aux personnes qui consomment des médicaments dispendieux. L'universalité a été rendue possible dans le cadre d'une collaboration du privé et du public. Les régimes collectifs et les conventions collectives surtout n'ont pas été bouleversés. Un comité administratif du ministère de la Santé et des Services sociaux, de la Régie de l'assurance maladie du Québec et des assureurs apporte rapidement – et je dis bien très rapidement – des solutions aux problèmes d'application. Le nombre de plaintes au Protecteur du citoyen est minime et en diminution constante. Le libre choix des employeurs, des syndicats et des associations professionnelles a été respecté. Une saine compétition force la Régie de l'assurance maladie du Québec et les assureurs privés à être efficaces.

Le RACQ privilégie donc le maintien du partenariat public-privé. Dans son rapport d'évaluation du régime général, la ministre mentionne, à la page 92: «Sur le plan du partage public-privé, le régime fonctionne bien. Les assureurs privés respectent les obligations créées par la loi, collaborent au bon fonctionnement du régime et sont globalement satisfaits de l'arrangement mis en place.» Comme nous l'avons déjà dit, le régime général d'assurance médicaments est un succès et les assureurs privés ont contribué largement à l'obtention de ce succès par l'apport de l'expertise qu'ils avaient développée dans le domaine de l'assurance médicaments, par le maintien en vigueur de plus de 25 000 régimes collectifs bien rodés et bien financés qui couvrent près de 4 200 000 à 4 300 000 Québécoises et Québécois, par un mode de financement qui a permis aux régimes privés de bien fonctionner dans un contexte de forte progression des dépenses de médicaments, par la modification des milliers de régimes en place et de leur système informatique pour se conformer à la nouvelle loi, par leur collaboration avec la Commission d'accès à l'information pour éviter les bris de confidentialité.

Cependant, comme dans tout régime, certaines améliorations sont nécessaires. Nous croyons qu'il faut assurer la santé financière du Fonds de l'assurance médicaments, mettre en place un mécanisme d'autofinancement, être plus proactif face à la croissance rapide des coûts, et ceci touche les systèmes d'information, les mécanismes de formation et la Revue d'utilisation, énoncer une politique du médicament visant une utilisation optimale et régler le problème d'inéquité pour les travailleurs à faibles revenus qui participent à des régimes privés et qui n'ont pas accès à la même subvention de leur prime que ceux couverts par la Régie de l'assurance maladie du Québec.

Pour nous, quatre conditions nous apparaissent essentielles au bon fonctionnement du régime: un mode de financement stable, des mesures d'assistance équitables, le respect des choix des groupes assurés et la flexibilité nécessaire pour régler les cas marginaux.

Première condition: un mode de financement stable. Les contributions au Fonds de l'assurance médicaments devraient être versées par les personnes assurées et seulement par les personnes assurées, la tarification devrait être révisée annuellement selon les coûts et selon les méthodes connues en ce domaine. Le Fonds de l'assurance médicaments devrait percevoir la pleine prime de tous les adhérents – il est important de faire la distinction entre l'assurance et l'assistance. Et le Fonds de l'assurance médicaments devrait être à l'abri de la conjoncture économique.

Deuxième condition: des mesures d'assistance équitables. À l'heure actuelle, les mesures d'assistance actuelles sont discriminatoires envers les travailleurs à faibles revenus qui sont assurés auprès du privé. Les mesures d'assistance actuelles sont également équitables pour les cotisants au Fonds de l'assurance médicaments, parce qu'on fait jouer un rôle d'assistance au Fonds de l'assurance médicaments. L'État devrait subventionner toutes les personnes à faibles revenus, qu'elles soient assurées privé ou public, par le biais d'un crédit d'impôt.

Troisième condition: le respect de la liberté des choix des groupes assurés. En assurance collective, c'est l'employeur, c'est le syndicat, c'est l'association qui fixe les protections obligatoires selon les voeux de la majorité. Très peu de groupes ont choisi de modifier leur régime collectif pour ne couvrir que les médicaments pour les personnes à charge. Ils ont jugé collectivement qu'une plus large protection était plus valable. D'ailleurs, 70 % de la prime d'assurance maladie sert à payer des médicaments.

Une quatrième condition, c'est la flexibilité pour régler les cas marginaux à la pièce. Pour maintenir des frais d'administration les plus faibles possible, il vaut beaucoup mieux prendre des mesures ponctuelles pour venir en aide à certains assurés que d'employer des mesures qui s'appliqueraient à l'ensemble des groupes.

Le rapport d'évaluation du régime général, au tableau 10 à la page 52, soulève des problèmes d'application. Nos pistes de solution sont les suivantes.

La situation des personnes à faibles revenus. L'universalité a réglé le problème de la perte de couverture pour les médicaments d'un prestataire de l'assurance emploi qui accepte un emploi. Le régime général d'assurance médicaments demeure inéquitable pour le travailleur à faibles revenus qui participe à un régime collectif. C'est pourquoi nous suggérons un crédit d'impôt pour tous les travailleurs.

Il y a des problèmes qui sont liés à la liste des médicaments. Certains médicaments prescrits par des médecins sont tout à fait nécessaires mais ne sont pas inclus dans la liste, et les assureurs privés sont disposés à couvrir ces cas exceptionnels à certaines conditions strictes.

L'obligation de souscrire à l'ensemble des protections pour le conjoint et les personnes à charge. Quelques assurés – je vous mentionne bien «quelques assurés» – qui détenaient une protection individuelle ont dû couvrir leurs personnes à charge avec l'arrivée du régime général d'assurance médicaments. Ces assurés estiment qu'ils n'ont pas à couvrir leurs dépendants pour d'autres couvertures comme la chambre d'hôpital, les frais d'ambulance, l'assurance voyage. Ce ne sont pas les assureurs qui décident du contenu des régimes, mais ce sont leurs clients, ce sont leurs conseillers, ce sont les syndicats, ce sont les employeurs souvent en négociation. Or, la presque totalité des groupes ont choisi de maintenir une protection plus complète parce que le médicament représente 70 % des coûts déjà; une hausse significative des frais pourrait avoir lieu si deux options devaient être offertes; il y aurait des frais très importants de développement informatique non seulement pour les assureurs, mais pour tous les employeurs qui administrent ces régimes; il y a des problèmes d'antisélection – par exemple, en rendant l'assurance voyage facultative, les primes deviendraient beaucoup plus dispendieuses.

Quatrième problème d'application, l'obligation d'adhésion à un régime privé par les personnes sur une liste de rappel. Les preneurs de régime collectif peuvent exclure des membres ou des employés selon le statut d'emploi. C'est permis par la loi. Si les employeurs et/ou les syndicats n'ont pas jugé à propos d'exclure ces groupes d'assurés, ils ont certainement de bonnes raisons et ils ont décidé collectivement d'assurer leurs travailleurs en liste de rappel.

La continuité de couverture entre les régimes privés ou entre le régime public et les régimes privés. Lorsqu'une personne à charge change de statut, d'emploi ou d'assureur au cours d'une année, il est possible qu'elle débourse plus que le maximum de 750 $. Comme il s'agit là d'un problème important mais qui touche très peu de cas, nous recommandons d'appliquer une solution simple qui n'entraînera pas une hausse indue des frais tant pour le régime public que pour les régimes privés. Il s'agirait simplement d'émettre des relevés sur demande à l'assuré lorsque celui-ci dépassera effectivement le plafond annuel plutôt que d'émettre automatiquement des relevés à tout le monde lorsqu'il y a un changement d'assurance qui pourrait être extrêmement dispendieux. On sait qu'il y a 25 000 changements de statut par mois à la Régie de l'assurance maladie.

Quelques mots sur l'évaluation des coûts des médicaments. Premièrement, sur la liste des médicaments, plusieurs nouveaux médicaments ne sont qu'une nouvelle forme ou une nouvelle concentration qui procure peu de bienfaits thérapeutiques additionnels. Ils ne devraient pas apparaître sur la liste.

La marge de manoeuvre des assureurs. Le régime général d'assurance médicaments devrait être modifié pour permettre aux assureurs d'exercer des contrôles tels que l'utilisation d'un aviseur thérapeutique, la Revue d'utilisation et les substitutions pour un générique, contrôles qu'on ne peut plus faire depuis l'instauration du régime général d'assurance médicaments.

(11 h 30)

La formation continue des médecins – et on viendra réinsister sur ça plus tard. Pendant leurs cours universitaires, pendant le cours de leur pratique, il faut trouver absolument un moyen, un organisme neutre... il faut remplacer les activités de promotion des compagnies pharmaceutiques par de la formation provenant d'un organisme neutre et crédible.

Je vais vous glisser quelques mots sur l'étatisation. Je ne sais pas si on doit parler de scénarios ce matin, le scénario 7. Donc, l'étatisation aurait des impacts négatifs importants pour l'industrie québécoise de l'assurance, pour les finances de l'État, pour le milieu du travail, pour l'industrie québécoise des services financiers.

Pour l'industrie québécoise de l'assurance, les assureurs québécois, la plupart sont nés du mouvement coopératif et mutualiste. Ce sont des entreprises jeunes, beaucoup plus jeunes que leurs compétiteurs. Ce sont des compagnies qui viennent de l'économie sociale. Elles sont bien implantées dans le marché plus récent de l'assurance collective, soit à environ 50 % du marché. Par comparaison, les assureurs étrangers au Québec ont 75 % du marché de l'assurance de personne individuelle et 80 % du marché de l'assurance automobile résidentielle ou du marché de l'assurance générale. En perdant la gestion des médicaments, les assureurs québécois deviendraient moins concurrentiels face aux assureurs étrangers qui, eux, continueraient de bénéficier de cette protection dans le reste du Canada et aux États-Unis. À moyen terme, on verrait l'assurance collective glisser vers les assureurs canadiens. Ce serait la perte de quelque milliers d'emplois au Québec.

Pour les finances de l'État québécois, l'étatisation implique une hausse de taxes ou d'impôts. Ça va donc à l'encontre des objectifs actuels de réduction des taxes et des impôts et ce serait certainement mal perçu par les firmes qui établissent les cotes de crédit. Par ailleurs, Revenu Québec perdrait quelque 480 000 000 $, soit la taxe de vente de 9 % sur l'assurance collective, soit la taxe sur les primes de 2,35 %, soit l'impôt sur les cotisations lorsqu'elles sont payées par les employeurs, soit les cotisations à la RAMQ et le crédit d'impôt.

Pour le milieu du travail, bon nombre d'employeurs et de syndicats devraient rouvrir les conventions collectives pour tenir compte de la baisse des contributions de l'employeur au régime d'assurance collective. Le passage à une protection publique pourrait entraîner une diminution de protection pour un bon nombre de travailleurs. Si le régime public devait être financé par une nouvelle taxe sur la masse salariale, cette taxe affecterait la compétitivité des entreprises québécoises, cette taxe créerait une incitation additionnelle au travail au noir, et l'État-employeur devrait lui-même verser cette taxe, ce qui représente une dépense substantielle.

Pour l'industrie québécoise des services financiers, nous l'avons déjà dit, la perte de gestion des médicaments mettrait en péril la capacité des assureurs québécois de faire face à la compétition étrangère. Plus précisément, nos taux fixes de dépenses seraient alors beaucoup trop élevés par rapport à nos chiffres d'affaires. Or, les assureurs québécois contribuent largement à l'essor économique du Québec.

D'importantes réserves financières sont accumulées à chaque année pour capitaliser les engagements futurs. Ces sommes sont investies dans des obligations du Québec, d'Hydro-Québec, des municipalités, des commissions scolaires, dans des hypothèques, dans des immeubles et dans des actions de compagnies. La gestion de ces actifs au Québec est importante pour les intermédiaires financiers du Québec et est importante aussi pour les émetteurs québécois. Il y a beaucoup plus de chances que les milliards gérés par les assureurs québécois soient investis au Québec que si ces mêmes milliards sont gérés à Toronto ou à New York.

Un affaiblissement des assureurs québécois entraînerait inévitablement une baisse de l'activité économique au Québec, et en particulier dans la région de Québec – vous savez que les sièges sociaux des grands assureurs québécois sont dans la région de Québec – moins d'emplois directs, moins d'emplois indirects, moins d'investissements locaux, moins de construction, moins de capitaux disponibles, moins de transactions pour les institutions financières québécoises.

En conclusion, M. le Président, je dois dire: Nous avons bâti, le privé et le public collectivement, un bon régime pour les Québécoises et les Québécois. Pour le conserver et pour le léguer en bonne santé aux générations futures, pour nous, quatre conditions nous apparaissent essentielles – et je les répète: un mode de financement stable, des mesures d'assistance équitables, un respect des choix des groupes assurés, une flexibilité nécessaire pour régler les cas marginaux – auxquelles s'ajoute un élément essentiel de formation des médecins. Les assureurs réitèrent leur ouverture et leur collaboration, incluant la possibilité de couvrir les assurés actuels de la RAMQ. L'étatisation serait, pour nous et pour le Québec, très négatif économiquement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. Genest. Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je vous remercie de votre présentation et, je dois dire, de l'excellent mémoire, qui est bien fouillé, qui est bien étayé. On peut être d'accord ou pas, là, mais il y a vraiment des choses fort intéressantes qui sont soulevées par le mémoire que vous nous présentez aujourd'hui. Et je pense aussi qu'il est intéressant de souligner qu'on constate tous ensemble, dans le fond, qu'on a devant nous une réussite. Il s'agit maintenant de l'améliorer, de le bonifier pour s'assurer qu'on en conserve tous les aspects positifs et qu'on corrige les risques de dérive. On se comprend bien.

Évidemment, il y a toutes sortes de pistes et de scénarios possibles, vous les avez vus, on a voulu les faire les plus larges possible pour justement permettre la discussion et ne pas se faire dire ensuite qu'on a voulu en exclure un ou l'autre. Mais, pour moi, ça apparaissait important qu'on les fasse apparaître. Je comprends que vous privilégiez le régime tel qu'il est bâti dans ses principes, dans son organisation, avec des améliorations à la marge. Est-ce que c'est ce que je comprends?

M. Genest (Pierre): Oui, Mme la ministre. M. le Président, on pense vraiment que c'est un succès. Il y a des améliorations à apporter. Et on pense aussi que la population a finalement, je dis «finalement», la population a compris. Il faut se rappeler, là, qu'à la fin 1996, début 1997, que ce soit à la Régie de l'assurance maladie ou chez les assureurs privés, on ne répondait pas, là, au téléphone... On a des normes, on dit: Il faut répondre à 80 % des appels en 20 secondes. Mais je vous dis que pendant plusieurs mois on n'a pas fait ça. On a réussi à expliquer un système qui fonctionne bien et dans lequel les gens se reconnaissent, savent comment il fonctionne.

Il y a des améliorations à apporter, il y a des bonnes améliorations à apporter et c'est normal, ça ne fait pas longtemps, c'est un nouveau régime, ça fait seulement trois ans. Tout chacun doit avoir le temps de constater ce qui se passe pour apporter des améliorations. Donc, on dit: Il est un bon régime, la population le comprend, l'accepte. On ne voudrait pas changer immédiatement, tout en apportant les améliorations nécessaires.

Mme Marois: O.K. Vous insistez à quelques reprises dans votre mémoire sur le rôle du Conseil consultatif de pharmacologie, bon, en disant: Est-ce que finalement il n'inscrit pas des médicaments qui n'apportent pas beaucoup plus en termes de valeur... Donc, vous faites référence à la notion de valeur ajoutée. Je pense que vous utilisez même cette expression-là dans votre mémoire. Et donc vous pensez, vous nous dites ici, à cet effet: Les assureurs demandent un contrôle serré de la part du Conseil consultatif de pharmacologie.

Remarquez que, moi, quand j'ai des pressions, par ailleurs, des citoyens – évidemment souvent appuyées par les compagnies pharmaceutiques elles-mêmes, là, je suis consciente de ça aussi, je ne suis pas complètement naïve – où on nous dit qu'il y a telle, telle, telle amélioration qu'apporterait tel médicament... Et le Conseil consultatif de pharmacologie vit les mêmes pressions. On n'a pas besoin de les lui faire, puis on ne veut pas les lui faire non plus, mais il vit les mêmes pressions. Et mon sentiment, à ce moment-ci, c'est qu'il était quand même, dans son approche, très scientifique et très rigoureux à cet égard-là, mais n'étant pas non plus complètement, je dirais, incapable d'entendre aussi ce qui se dit par ailleurs. Mais j'aimerais ça que vous m'en parliez un petit peu plus.

Puis l'autre volet, c'est la question des médecins et des prescripteurs donc, et surtout pas tellement de leurs responsabilités, que vous ne niez pas, au contraire, mais du fait qu'eux aussi subissent des pressions et qu'on devrait peut-être mieux contrôler cela. Mais comment le faire?

Le Président (M. Beaumier): M. Genest.

M. Genest (Pierre): M. le Président, je voudrais d'abord être bien compris parce que, des fois, on écrit des choses et puis... On n'a jamais voulu dire que le Conseil consultatif de pharmacologie ne fait pas bien son travail, on pense qu'il fait un excellent travail.

Mme Marois: D'accord.

M. Genest (Pierre): À partir de ça, c'est qu'il y a le mandat qui doit être donné, que ce soit au Conseil consultatif de pharmacologie ou à quelqu'un d'autre, là – et ça ne serait pas à nous autres à se prononcer sur ça – mais il y a un aspect économique qui, peut-être, n'est pas assez tenu en compte dans l'évaluation des médicaments. Et ce n'est pas un domaine très facile, c'est extrêmement... On a des discussions entre nous, là, puis ce n'est jamais très facile d'arriver à la solution qui serait la meilleure. Mais effectivement, dans un cas, c'est un médicament... Et, moi, j'ai toujours le Tide dans la tête, c'est le nouveau et amélioré. Ça fait 25 ans qu'on utilise Tide chez nous mais, à chaque trois mois, il est nouveau et a été amélioré, et je n'ai pas l'impression qu'il lave beaucoup mieux qu'il lavait il y a 25 ans.

Mais, par contre, beaucoup de nouveaux médicaments sont de très bons médicaments, puis on l'a constaté ce matin en écoutant les personnes qui les utilisent, que ça peut être très important. Mais, encore là, ce nouveau médicament-là, qui va peut-être faire exactement la même chose que l'ancien médicament mais n'aura pas d'effets secondaires, tout à coup, il remplace l'ancien médicament à 100 %, alors qu'on sait bien que 80 % des gens n'avaient pas d'effets secondaires.

(11 h 40)

Mme Marois: D'effets secondaires avec le précédent.

M. Genest (Pierre): Avec le précédent. Donc, on augmente nos coûts très rapidement.

Mme Marois: Il y a un glissement.

M. Genest (Pierre): Ce n'est pas mauvais pour la santé des Québécoises et des Québécois, mais ce n'est pas nécessaire. Et ce que l'on dit, c'est: Non plus, on ne veut pas être des HMO puis aller au point où on va dire au médecin: Bien, tu es obligé de prescrire tel médicament. Mais on dit qu'il y a un manque quelque part. La compagnie pharmaceutique qui investit beaucoup d'argent, qui produit un médicament puis qui veut le vendre, elle engage des vendeurs. Elle les entraîne très bien à montrer les avantages du médicament, mais les entraîne très bien à être des bons vendeurs également, c'est leur rôle. Et le médecin, c'est ça, l'information qu'il reçoit, malheureusement. Il y a d'autres informations qu'on essaie de faire, mais il va falloir mettre beaucoup plus d'emphase.

Et on dit donc: Ça nous prend un organisme – il ne faut pas aller dire au médecin ce que tu vas faire – indépendant du payeur, qui peut être l'assureur ou la Régie de l'assurance maladie ou même le ministère de la Santé et des Services sociaux, indépendant des pharmaciens, indépendant, mais qui consulterait tout ce monde-là puis qui ferait des études des nouveaux médicaments et du médicament lui-même, de son utilité et des façons de remplacer l'ancien médicament. Est-ce qu'on le fait tout de suite? Est-ce qu'on ne le fait pas? Etc. Ça fait qu'on dit: On devrait avoir quelque chose de très indépendant, très neutre et très crédible. Donc, il faut que les médecins siègent dessus, que ce soit les grands spécialistes qui soient dessus pour avoir une meilleure formation continue des médecins.

Mme Marois: Oui, je comprends très bien. Je pense que cet aspect-là de votre mémoire est particulièrement intéressant parce que, évidemment, ça interpelle plusieurs des partenaires du régime, soit le médecin, soit ceux qui font l'évaluation, soit l'agent payeur. Alors, c'est évident que si, ensemble, on est capables de mieux cerner cette réalité-là que vous décrivez bien, en conservant l'aspect d'amélioration dans le médicament qui peut améliorer la santé... Mais, comme vous le mentionniez, si c'est pour 20 %, prescrivons-le pour 20 % et pas pour 100 %; à ce moment-là, gardons l'autre portion. Et ça, je pense qu'il y a une avenue, là, qui est intéressante sur la question du contrôle des coûts sans avoir d'impact à la négative sur la santé. Au contraire. Souvent, d'ailleurs, c'est tout à fait intéressant en ce sens-là. J'ai encore?

Le Président (M. Beaumier): Six minutes.

Mme Marois: J'ai encore six minutes. Alors, une question puis je reviendrai à la fin, M. le Président. Il y a toute la question de la confidentialité. Vous l'abordez, là, et je sais que c'est l'objet d'une grande préoccupation de la part des assurés évidemment. Est-ce que vous avez des recommandations? Vous en parlez, évidemment. Vous dites que ça va bien, mais est-ce que vous avez des recommandations un petit peu plus précises à nous faire sur cette question-là?

M. Genest (Pierre): M. Bell siège au comité du ministère. Donc, je vais lui laisser la parole sur ce dossier-là.

Le Président (M. Beaumier): M. Bell.

M. Bell (Richard): Merci, M. le Président. En fait, dans les discussions qu'on a eues au cours des dernières années avec les membres du comité RAMQ, MSSS et assureurs privés, c'est un point qui a été soulevé. Il y a eu aussi une collaboration de la part de la Commission d'accès à l'information. Tout le problème était relativement minime au Québec. Je dis «au Québec» parce qu'il y a une tradition qui est différente dans la façon de gérer nos régimes d'assurance collective de ce qu'on peut observer dans le reste du Canada puis aux États-Unis où l'employeur joue un rôle beaucoup plus important dans la gestion même et où on demandait aux employés de transmettre leur réclamation de médicaments à l'employeur, que celui-ci fasse une validation et ensuite les transmette à l'assureur qui devient le tiers payeur.

Au Québec, on a très, très peu de ce genre de phénomènes-là, sauf pour des groupes d'entreprises nationales. Et donc, dans la très, très, très grande majorité des cas, lorsqu'une personne est assurée au Québec, sa réclamation de médicaments, elle la transfère directement à l'assureur et, de plus en plus d'ailleurs, par des liens électroniques directement entre la pharmacie et l'assureur. Donc, il n'existe à peu près pas au Québec de situation où l'employé doit transmettre sa réclamation à l'employeur. Et on comprend à ce moment-là que des gens puissent être inquiets que l'employeur puisse voir de quelle maladie ils souffrent et puisse tenter éventuellement de réduire ses coûts d'assurance médicaments. Alors, c'est un phénomène qui est rare au Québec et, avec la collaboration de la Commission d'accès à l'information, on a préparé ce qu'ils appellent une fiche contrôle qui a été transmise aux quelques employeurs qui utilisaient encore ce mécanisme-là de transmission des réclamations, mais je pense que les membres du comité MSSS-RAMQ en sont venus à la conclusion que le problème était réglé au Québec.

Mme Marois: D'accord.

Le Président (M. Beaumier): Merci, Mme la ministre. M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Merci, M. le Président. M. Genest, M. Bouchard, bienvenue à cette commission parlementaire, et on vous remercie pour votre présentation et également la qualité de votre mémoire.

Évidemment, vous adressez vos commentaires sur la partie du régime public qui touche les adhérents. Vous excluez de vos commentaires, si je comprends, la partie qui touche les personnes âgées et les prestataires de l'assurance emploi. Vous êtes d'accord avec mon interprétation ou si elle n'est pas tout à fait exacte?

M. Genest (Pierre): Bien, je dirais qu'il y a peut-être un endroit où on touche les assurés qui sont des personnes âgées, lorsqu'on parle que les cotisations au Fonds d'assurance devraient être versées par les gens qui profitent du Fonds d'assurance. À l'heure actuelle, c'est que les personnes âgées qui payent des primes, ça s'en va dans le Fonds d'assurance. Leurs réclamations sont payées par le Fonds général, ça fait qu'il y a un éclaircissement à faire de ce côté-là. À part de ça, on ne se prononce pas vraiment sur les couvertures des personnes âgées et des assistés sociaux parce qu'on n'est pas impliqués à ce niveau-là.

M. Marcoux: Quand vous parlez de mode de financement stable et transparent, vous indiquez qu'on devrait mettre à l'abri de la conjoncture économique et politique la santé financière du régime public et qu'il devrait y avoir des formules d'ajustement basées sur des méthodes semblables à celles qui sont utilisées dans des régimes collectifs. Pourriez-vous nous donner des indications de la formule – grosso modo, là, pas dans les détails – que vous voudriez voir appliquée?

M. Genest (Pierre): Je n'irai certainement pas dans les détails, mais c'est assez facile. Lorsque vous avez un groupe d'assurés – parce que 1 500 000, c'est un autre groupe d'assurés comme le groupe d'assurés... bon, des députés et des ministres du gouvernement, c'est un groupe d'assurés – on est capable d'étudier, avec les statistiques au cours des années, on est capable de voir la consommation de ces assurés-là, de calculer la consommation moyenne de ces assurés-là. Et à partir des connaissances actuarielles qui sont utilisées généralement beaucoup dans ce domaine-là, on est capable de projeter l'augmentation de l'utilisation des médicaments, l'inflation des médicaments, comme nous, on l'appelle, et de projeter ça. Si vous avez l'expérience... Il faut que vous faisiez ça quelques mois avant, donc c'est une projection de 12 à 15 mois à faire, et vous êtes capable de calculer assez précisément, normalement, ce que sera le coût dans la période future. Et, à partir de là, dans un système avec une formule d'indexation connue, bien on applique la formule et puis on établit un nouveau coût pour la nouvelle période.

M. Marcoux: Est-ce que je crois comprendre que, dans le secteur privé, les régimes collectifs que vous administrez, les primes sont revues normalement à peu près à tous les ans, basées sur l'expérience antérieure et non pas fixées pour trois, quatre ans d'avance à un rythme d'augmentation prédéterminé? Est-ce que c'est exact?

M. Genest (Pierre): Dans la très, très, très grande majorité, les primes sont revues à chaque année. Il y a quelques exceptions, quand le groupe va aller aux soumissions, et puis, s'il y a un nouvel assureur, des fois le nouvel assureur va garantir sa prime pour 18 mois, 24 mois. Mais dans la grande majorité, les révisions de prime se font à chaque année. Et c'est très important parce qu'on est dans un domaine où les fluctuations sont importantes. Dans le domaine des médicaments malheureusement, la fluctuation est toujours importante vers le haut, mais dans le domaine de l'assurance invalidité court terme et long terme, les fluctuations peuvent être vers le haut et vers le bas. Plus vers le haut, mais, des fois, également vers le bas.

M. Marcoux: Sur l'administration même, le Fonds de l'assurance médicaments, pour la perception des primes, je pense qu'un élément équitable, c'est que les primes soient perçues auprès des personnes qui normalement devraient payer la prime, et je ne discute pas du montant de la prime. Est-ce que, selon vous, présentement, votre expérience, le ministère du Revenu a un système qui permet de percevoir correctement les primes de toutes les personnes qui devraient normalement payer la prime? Parce qu'il y a des informations à demander, il y a des recoupements à faire. Est-ce que le ministère du Revenu, selon vous, là, perçoit toutes les primes qui devraient l'être dans le régime actuel?

Le Président (M. Beaumier): M. Genest.

(11 h 50)

M. Genest (Pierre): M. le Président, je serais bien mal venu de venir essayer d'évaluer si le ministère des Finances a toute l'information pour faire son travail ou fait bien son travail, là, surtout que je paie des impôts, moi aussi. Je pense que je ne peux pas répondre à votre question. C'est impossible pour le secteur privé de savoir quelles sont les méthodes utilisées puis on n'est pas des experts de ce côté-là.

Le Président (M. Beaumier): Bien. Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Messieurs, dans votre mémoire et lors de votre présentation, vous avez qualifié le régime généralement comme un succès, un bilan très positif et ainsi de suite. Je faisais partie de la commission parlementaire en 1996, par contre, et, à ce moment-là, vu les contraintes que le gouvernement imposait en ce qui concerne l'assurance des 1 500 000 Québécois qui n'avaient pas d'assurance collective, vous étiez obligés de dire «non merci» à la possibilité que vos compagnies assument l'assurance pour les 1 500 000 Québécois qui n'en avaient pas. Et là vous venez nous dire aujourd'hui que c'est un succès. C'est intéressant comme approche, en tout cas.

Mais j'ai une question très précise pour vous. À l'article 16 de la loi, le législateur a créé l'obligation pour un individu de demeurer avec son régime d'assurance collective en vertu d'un lien actuel ou ancien d'emploi, c'est-à-dire qu'une fois à la retraite ou parti d'une compagnie, l'individu n'a pas le choix comme individu de dire: Moi, je quitte mon régime d'assurance collective et je me transfère au régime public. Mais, par contre, il semble que la même obligation n'existe pas ni pour les employeurs ni pour les compagnies d'assurances, c'est-à-dire que les employeurs et les compagnies d'assurances peuvent décider, eux, de se délester d'une partie de leur clientèle et de la transférer sur le régime public. C'est d'ailleurs le cas avec beaucoup d'employeurs.

De façon anecdotique, ça m'a été confirmé par des employés à leur retraite, d'une certaine institution à Montréal, qui, du jour au lendemain, ont reçu une lettre de leur employeur et de la compagnie d'assurance en disant: Vous êtes à la retraite, vous ne faites plus partie du régime d'assurance collective en ce qui concerne les assurances médicaments, et on vous suggère, si vous voulez la couverture – puis en vertu de la loi, c'est une obligation – de transférer sur le plan public, le régime public. Et, d'ailleurs, le plus grand des témoignages que j'ai reçus indique que ces gens-là n'ont pas vu leurs primes – s'ils payaient une prime toujours pour l'assurance collective – baisser, mais ils étaient assujettis aux primes, à la coassurance et à la franchise du régime public.

La question que je vous demande: Est-ce que c'est normal, selon vous, qu'on crée une obligation dans la loi qui indique que l'individu ne peut pas se retirer, mais qu'une compagnie d'assurances en négociation avec l'employeur peut décider, , elle, de se délester de cette partie de la clientèle – généralement les anciens employés, généralement des personnes âgées – et transfère le fardeau – parce que généralement ce sont d'importants consommateurs de médicaments – sur le dos du régime public?

Le Président (M. Beaumier): M. Genest.

M. Genest (Pierre): Oui, M. le Président, je vais d'abord répondre à la première question qui est sur 1996 et notre volonté d'assurer, pour les médicaments, les gens privés, les individus. Ma mémoire à moi et notre mémoire collective d'assureurs, ce n'est pas qu'on a dit: Non, on n'en veut pas. On a dit très clairement que, pour le prendre et pour que ce soit viable, il fallait qu'il y ait certaines conditions. Et puis il y avait une certaine prime. Il y a eu une longue discussion en commission parlementaire sur la prime qui serait la prime de marché qui serait établie. Et je me rappelle très, très bien que M. Castonguay nous avait dit: C'est trop, la prime que vous dites, et ça peut être moins que ça. Et, après ça, ce n'est pas nous qui avons dit: Non, merci, on n'en veut pas, c'est qu'on a appris... Le gouvernement avait décidé que ce serait la Régie de l'assurance maladie qui prenait... c'est 1 000 000, on parlait dans ce temps-là de 1 200 000 Québécoises et Québécois. Ça fait qu'on n'a pas dit: Non, merci. Puis on ne leur dit pas encore: Non, merci. On serait toujours intéressés à les assurer. Pour nous, perdre des assurés, ce n'est jamais plaisant. Notre métier, c'est d'en avoir de plus en plus, d'assurés. On se les vole entre nous à coeur d'année.

Sur la décision de beaucoup de groupes – et ça, je pense que c'est une question importante, on voit là, on dit: C'est 1 200 000, 1 500 000 – il y en a peut-être un 300 000 qui étaient assurés dans le secteur privé puis qui sont assurés maintenant dans le secteur public. On pourrait le décortiquer. Moi, je me dis: Il y en a à peu près peut-être la moitié... Il y a un grand Sommet qui commence aujourd'hui et puis j'ai eu l'honneur de participer à un chantier et on découvre qu'il y a à peu près 150 000 travailleurs atypiques de plus en l'an 2000 qu'il y en avait en l'an 1996. Ça fait que ceux-là, ils n'ont pas glissé du collectif au privé, c'est la nouvelle sorte d'emploi qui se crée.

Mais il y a eu quand même un très grand nombre de groupes qui ont effectivement annulé leur assurance, et ça, c'étaient des groupes d'assurances dans lesquels normalement il y avait... C'étaient des groupes d'assurances de retraités. Il y a peut-être quelques groupes de quelques compagnies, mais la grande majorité, c'est des groupes de retraités où il y avait des... On les appelle des préretraités, mais c'est des retraités de moins de 65 ans et des retraités de plus de 65 ans.

Et il y a eu une pression très importante des retraités de moins de 65 ans pour terminer ces groupes-là, et ça, c'est très malheureux parce que ces retraités-là et ceux qui ont 65 ans et plus avaient d'autres avantages comme l'assurance voyage, la chambre d'hôpital semi-privée, le chiro, etc. Et tout ça a été annulé parce qu'un certain nombre disait: Bien oui, mais là ça nous coûte 325 $ puis, si on annule, bien ça va coûter 175 $ au public. Et il y a des groupes qui effectivement ont terminé leur groupe. Est-ce que... Légalement, ils avaient le droit de le faire et ils l'ont fait. Pour nous, ce n'est jamais nous qui avons poussé ça parce que, nous, c'est de la perte de clientèle, bien sûr.

Et là je me dirais: Le gros du problème, c'est que – et on est dans une période de rodage, c'est un nouveau régime – la prime à 175 $ en 1999, c'est sûr qu'elle n'est pas suffisante puis, en l'an 2000, elle est encore moins suffisante. Parce que, nous-mêmes, on a eu 15 % d'augmentation dans les médicaments au cours de ces trois, quatre dernières années là puis on a augmenté nos primes. Une prime d'un individu maintenant, 350 $, 375 $, ce n'est pas rare dans nos groupes. Donc, il y avait une sous-tarification, il faut l'avouer, dans le régime public. Puis ça, dans une société, n'importe qui s'ajuste, dit: Bien, pour moi, c'est plus profitable puis je vais essayer de l'utiliser.

Le Président (M. Beaumier): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, il reste deux, trois minutes à peu près.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour, bienvenue. M. Bouchard, d'entrée de jeu, vous avez parlé du succès du régime d'assurance médicaments. La ministre a renchéri en disant que c'était une grande réussite. Moi, je vous dirais que malheureusement, pour un certain nombre de concitoyens et concitoyennes au Québec – les personnes pauvres, les personnes démunies, les personnes âgées à faibles revenus – c'est plutôt l'enfer que le nouveau régime a provoqué dans leur vie. C'est plutôt du désarroi, du découragement.

Vous n'êtes pas sans savoir... Je suis certaine que vous êtes au courant du rapport qui a été fait par les chercheurs de l'Université McGill, le rapport Tamblyn, qui a démontré les effets dévastateurs de ce nouveau régime sur la vie et l'aggravation de l'état de santé des personnes pauvres au Québec, particulièrement les personnes assistées sociales – le gouvernement a réglé pour les personnes soutien financier – mais les personnes âgées aussi à faibles revenus qui... Au moment où on échange dans cette commission, il y a des gens au Québec qui se privent de leurs médicaments essentiels – je ne parle pas d'aspirine ou de choses comme ça là – pour améliorer leur état de santé et qui aggravent leur état de santé parce qu'ils ne sont pas capables de se payer leurs médicaments.

Puis à la fin, j'ai même noté, vous avez dit qu'il faut léguer en bonne santé le nouveau régime d'assurance médicaments aux générations futures, mais vous avez aussi dit qu'il y avait des améliorations à apporter au régime de médicaments. Moi, je vous demande: Dans votre rôle social, comme Regroupement ou comme simples citoyens, en sachant que, dans la vie de tous les jours, il y a des gens au Québec qui ne prennent pas leurs médicaments parce qu'ils ne sont pas capables de se les procurer financièrement, quelle proposition d'amélioration pouvez-vous faire au gouvernement pour que ces gens-là ne voient pas leur prime augmenter, mais plutôt qu'on améliore leur état de santé et qu'on n'aggrave pas encore plus leur situation?

Le Président (M. Beaumier): M. Genest, il resterait une minute.

(12 heures)

M. Genest (Pierre): M. le Président, dans nos quatre conditions qui nous apparaissent essentielles, la deuxième, c'est des mesures d'assistance équitables. Il faut absolument – et j'espère qu'on aura l'occasion d'en reparler – essayer de distinguer, dans tout le travail que vous avez à faire – et je pense que vous avez un gros travail à faire – entre l'assurance puis l'assistance. On a bâti un régime d'assurance que, nous, on qualifie d'extraordinaire. On n'a plus, au Québec, le problème que vous avez dans les autres provinces, et surtout aux États-Unis où vous avez 15 % de la population qui n'a rien pour les médicaments. Ce n'est pas qu'ils en paient une partie ou pas de partie, ils n'ont rien; puis, s'ils sont malades, ils ne sont pas capables de payer leurs médicaments.

Ça fait qu'on a un bon régime d'assurance. Il faut se poser la question: Est-ce qu'on a un bon régime d'assistance raccroché à ce régime d'assurance pour assister les plus démunis, que ce soit les plus démunis personnes âgées ou assistés sociaux? Également, il y a beaucoup de démunis qu'on est porté à oublier, c'est le jeune travailleur, c'est le travailleur bas salarié, qu'il soit assuré auprès de la Régie ou auprès des secteurs privés. Ça fait que les mesures d'assistance sont aussi importantes dans nos conditions essentielles.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. Genest. Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. D'ailleurs, effectivement, dans le mémoire, on ne dit pas que c'est absolument parfait, le régime, mais on dit cependant qu'il a atteint la majorité des objectifs qu'il visait.

Et, en termes d'assistance, c'est un objet évidemment de nos préoccupations, ça va de soi. D'ailleurs, on a déjà modifié le régime pour y inclure 115 000 personnes qui sont à l'assistance emploi, au programme de dernier recours – on n'a jamais prétendu que c'étaient tous les gens à l'assistance emploi. Et, à la remarque fort judicieuse que vous faisiez par rapport au jeune travailleur ou au travailleur à très bas revenus – il peut être jeune et moins jeune aussi mais à bas revenus – il y a aussi une question d'équité entre les groupes, évidemment. Un des gains absolument remarquables d'ailleurs, ça a été la couverture des enfants, de tous les enfants, les étudiants y compris. Pensons à tous les problèmes que vivaient des familles qui n'avaient pas la possibilité d'avoir accès à des médicaments pour leurs enfants; ça, je pense que c'est un gain remarquable.

Moi, je veux revenir sur une chose que vous abordez dans votre mémoire, qui est un mécanisme que vous appliquez dans vos régimes, et c'est la question de la mutualisation des risques. Vous savez qu'évidemment nous avons reçu des personnes qui présentent des risques plus grands peut-être – en tout cas, on peut le constater, je pense – que les personnes qui sont assurées dans les régimes privés par rapport aux régimes publics. Est-ce que vous auriez des objections à ce qu'on regarde un mécanisme aussi de mutualisation de certains risques, qui sont des risques très grands et qui font en sorte que, si on continue de les porter de façon plus importante dans le régime public et qu'à ce moment-là, à l'inverse, on n'est plus capable d'assumer les couvertures, ça dessert l'intérêt que nous avons mutuellement à ce qu'il y ait un régime de partenariat tel que nous le connaissons?

Le Président (M. Beaumier): M. Genest.

M. Genest (Pierre): M. le Président, je dirais que j'ai trois volets à la réponse à cette question-là. Premièrement, nous, on n'est pas convaincus. Si on regarde le coût d'utilisation, ce que ça coûte pour nos assurés, c'est-à-dire tous les assurés du privé, on parle de 301 $, grosso modo, les assurés du privé, si on les remettait sous la forme de ce qui est couvert par le public; et, dans le cas des assurés du public, auprès de la Régie, c'est 314 $.

Par contre, on sait très bien que la Régie, c'est un paiement direct très généreux. On en a, des régimes à paiement direct très généreux, mais ce n'est pas courant, le paiement direct. Et le paiement direct, on sait que c'est 10 % à 15 % d'augmentation du coût. Ça fait que, si on avait des paiements directs dans nos régimes, on serait probablement plus chers en consommation que ceux de la Régie. Ça fait qu'on n'est pas sûr... Et puis ça, on pourrait en discuter puis faire bien des calculs. Parce que, les assurés publics, il y a le groupe de préretraités qui sont là, mais il y a beaucoup, beaucoup de jeunes aussi. Puis on sait que, les jeunes, ça ne prend pas beaucoup de médicaments. Puis les jeunes, ça n'a pas d'enfants. Puis les enfants jeunes, jeunes, jeunes, ça prend beaucoup de médicaments. Ce qui fait que les deux semblent se ressembler.

L'autre chose, c'est: Je ne dirai pas d'emblée non à toute mutualisation parce que je sais qu'on pourrait imaginer une mutualisation mais il faudrait que ce soit une mutualisation vraiment d'assurance, c'est une mutualisation de paiement de grands risques. Lorsqu'on a vu l'approche de mutualisation qui était suggérée dans votre document récent, je dirais qu'au début on a souri un petit peu, puis après ça on a été très perplexe, puis après ça on a eu peur.

Le Président (M. Beaumier): En terminant, M. Genest.

M. Genest (Pierre): En terminant. Ce qui est prévu, on comprend que ça serait une charge, mettons, de 10 $, 15 $, 20 $ qui serait demandée à tous les assurés du privé et transportée pour supporter les assurés du public.

Mme Marois: Dans un fonds de mutualisation.

M. Genest (Pierre): Dans un fonds. En fait, si on le transfère, c'est pour supporter quelqu'un d'autre.

Mme Marois: De stabilisation et mutualisation.

Le Président (M. Beaumier): Bon. Alors, en conclusion, parce qu'on se doit...

M. Genest (Pierre): Les assurés du privé paient déjà une taxe de 9 %, paient une taxe de prime de 2,35 %. Ils paient de l'impôt quand c'est leur employeur qui paie leur prime. Donc, le petit travailleur, le travailleur avec un petit revenu dans le privé, il en paie déjà pas mal plus que celui... Comment on va lui expliquer que son confrère qui, lui, est au public, il paie moins puis en plus il va être subventionné?

Le Président (M. Beaumier): Alors, merci...

M. Genest (Pierre): De ce côté-là, on est un petit peu inquiet.

Le Président (M. Beaumier): J'ai été ouvert sur le débat, mais il faut que je sois ferme un petit peu plus sur la durée. Alors, merci beaucoup, M. Genest, M. Bouchard, M. Bell et M. Labrecque, je crois? M. Joly. Alors, merci beaucoup, et puis nous ajournons nos travaux au mercredi 23 février, à 14 heures.

(Fin de la séance à 12 h 6)


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