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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 11 mai 2000 - Vol. 36 N° 50

Consultations particulières sur le projet de loi n° 102 - Loi modifiant la loi sur les régimes complémentaires de retraite et d'autres dispositions législatives (titre modifié)


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Table des matières

Journal des débats

heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Beaumier): La commission des affaires sociales est réunie afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des audiences publiques sur le projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François) sera remplacée par M. Laporte (Outremont) et Mme Leduc (Mille-Îles) par M. Rioux (Matane).

M. Gautrin: Et moi?

Le Président (M. Beaumier): Vous êtes irremplaçable, M. le député de Verdun.

La Secrétaire: Vous êtes membre pour la durée de l'affaire.

M. Gautrin: Je suis irremplaçable. Ha, ha, ha!

Auditions

Le Président (M. Beaumier): Bonjour aux représentants et représentante de Force Jeunesse. Alors, je demanderais à la personne qui présentera le mémoire de se présenter et de présenter également les personnes qui l'accompagnent.

Force Jeunesse et Le Pont entre les générations

M. Koskinen (Martin): Parfait. Merci, M. le Président. Je me nomme Martin Koskinen, je suis président de Force Jeunesse. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Marcel Robidas, qui est membre du Pont entre les générations, de Mme Solange Chalvin, également membre du Pont entre les générations, et de M. Frédéric Lapointe, qui est rédacteur du mémoire et membre de Force Jeunesse.

Le Président (M. Beaumier): Vous avez 20 minutes.

M. Koskinen (Martin): Parfait. Nous avons décidé, à Force Jeunesse, suite à l'invitation que nous a faite le ministre, de participer à cette commission parlementaire et de présenter un mémoire conjoint avec Le Pont entre les générations. Le projet de loi n° 102 interpelle aussi bien les travailleurs de tout âge que les retraités, donc il était tout à fait cohérent pour nous de franchir les barrières intergénérationnelles et de réfléchir avec nos aînés et amis du Pont entre les générations sur le projet de loi qui est à l'étude devant cette commission.

Pour commencer, je vais vous présenter des réflexions d'ordre général, et ensuite mes coéquipiers vous présenteront les éléments essentiels et spécifiques de notre mémoire.

Premièrement, les régimes publics de retraite sont clairement insuffisants pour assurer une retraite décente. Par exemple, le Régime de rentes du Québec et le programme des pensions fédérales assurent un minimum de revenus, mais nous savons tous que ce n'est pas le Klondike et que c'est loin d'être assez pour maintenir son niveau de vie lorsqu'on prend sa retraite. Donc, les régimes privés de retraite sont des gages de sécurité financière dont on ne peut se passer lorsqu'on prend sa retraite.

Deuxièmement, il est très important de mentionner que nous nous attardons, dans cette commission, aux régimes complémentaires de retraite et plus précisément et en grande partie aux régimes à prestations déterminées. Les informations communiquées par la Régie des rentes du Québec nous démontrent que l'accès à un régime complémentaire de retraite est très inégal. D'une part, ces régimes sont fortement présents dans le secteur public et dans les grandes entreprises syndiquées. D'autre part, ils sont pratiquement absents des entreprises non syndiquées et des PME.

Troisièmement, les nouvelles générations de travailleurs sont beaucoup moins susceptibles de participer à de tels régimes; c'est une conséquence de la transformation du marché du travail. Il y a une mobilité accrue des travailleurs, moins d'importance du secteur public, perte d'emplois dans les secteurs traditionnellement syndiqués, développement du secteur des services, etc. De plus, la Régie des rentes du Québec constate elle-même qu'il ne se crée plus de régime dit à prestations déterminées depuis près de 20 ans.

Seulement attribuer ce constat au coût des régimes et à l'incertitude quant à l'attribution des surplus actuariels, c'est nier les transformations majeures du marché du travail. La mobilité imposée ou choisie de nombreux travailleurs sur le marché du travail explique, d'après nous, davantage la stagnation des régimes à prestations déterminées. Un régime à prestations déterminées pénalise les travailleurs mobiles; on vous en fait une démonstration dans notre mémoire.

Cela dit, nous partageons la préoccupation du gouvernement pour le sort des régimes complémentaires de retraite. Non seulement est-ce important pour le niveau de vie futur des travailleurs actuels et les retraités, c'est également important pour l'équilibre des finances publiques. En l'absence de tels régimes, un plus grand nombre de retraités seraient aujourd'hui dans une situation économique précaire.

Je donne maintenant la parole à M. Lapointe qui vous expliquera les mesures proposées dans notre mémoire.

Le Président (M. Beaumier): M. Lapointe.

M. Lapointe (Frédéric): Donc, dans un premier temps, avant de discuter de la question des surplus actuariels et de la place des retraités, nous souhaitons d'abord lever notre chapeau au ministre qui amende la Loi sur les régimes complémentaires de retraite d'une manière qui favorise, à notre avis, l'accès des jeunes travailleurs aux droits qu'ils obtiennent en cotisant à des régimes de retraite. Il est assez rare, ces dernières années, que des lois, à l'initiative même d'un ministre, favorisent les jeunes travailleurs. Donc, des mesures comme l'acquisition immédiate aux droits à une rente, l'accès à la part de la cotisation patronale lorsque la personne quitte, vous savez, autrefois, il fallait travailler deux ans; maintenant, c'est une acquisition immédiate. Donc, c'est très intéressant.

Également, le fait que, pour le travailleur qui quitte en cours de carrière son employeur, son salaire soit indexé pour fins de détermination de sa rente, nous pensons qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction, un pas, toutefois, il faut le dire, qui, suite à nos calculs, apparaît assez modeste. On peut rentrer dans les calculs complexes, mais on pourra peut-être y revenir à la période de questions. Mais ce qu'il faut retenir, c'est que les personnes qui quittent en cours de carrière un employeur peuvent perdre jusqu'à entre 35 % et 40 % du droit de leur rente, et la mesure proposée par le ministre corrige peut-être 10 % à 15 % de cette perte à travers le calcul que vous pourrez étudier vous-mêmes à l'intérieur du mémoire.

n(9 h 40)n

Nous, ce que nous proposons, c'est de bonifier cette indexation de façon à ce que, au strict minimum, l'ensemble de la marge actuarielle dégagée par la prudence requise par une telle mesure puisse être exploitée dans le cadre des régimes. On parle d'indexer à 66 % de l'IPC, entre 0 % et 2 %, plutôt qu'à 50 %. Ça, à notre avis, c'est le strict minimum, puisque, de toute manière, ce sera prévu à l'intérieur des caisses de retraite par la marge de prudence. Toutefois, pour que nous puissions vraiment indemniser les travailleurs mobiles, ce qu'il faudrait, c'est indexer à 100 % de l'IPC dans une frange qui se situerait entre 1 % et 3 % de l'indice des prix à la consommation. Il faut comprendre qu'on compense non seulement l'augmentation du coût de la vie, non seulement l'augmentation naturelle des salaires, mais également la progression dans l'échelle salariale, et ce, sur un nombre, somme toute, assez restreint d'années. Donc, à notre avis, ça ne vaut pas la peine d'être réservé ou timoré à l'endroit de cette indexation-là pour que ça vaille la peine; autrement, dans 20 ans, on risque de revenir en arrière puis de dire: Bon, bien, tant qu'à faire, on aurait peut-être dû aller plus loin.

Par ailleurs, lorsqu'on examine la question de l'admissibilité des jeunes aux régimes de retraite, on se pose deux questions. Premièrement, la règle des 700 heures pour être admissible à un régime de retraite, la règle minimale, peut-être est-elle d'une autre époque, une époque où les gens travaillaient davantage à temps plein et davantage des semaines de 34 heures plutôt que de 35. Donc, peut-être y a-t-il lieu de faire une réflexion sur cette question-là. Et, par ailleurs, nous ne sommes pas certains ? parce qu'on nous a soumis un cas, à Force Jeunesse ? qu'il n'y ait pas de discrimination dans certaines entreprises entre différentes catégories de travailleurs. On vous soumet le cas de Vidéotron qui nous avait été soumis à l'époque des clauses orphelin. Il faudrait voir si ça relève de la loi sur la discrimination basée sur le salaire. En tout cas, il y a des vérifications à faire de ce côté-là, mais on s'interroge encore à savoir: Même si la loi nous apparaît claire, est-ce qu'elle est appliquée partout?

Enfin, lorsqu'on dit que les travailleurs mobiles seront peut-être valorisés dans leur rente à partir du moment où ce projet de loi là sera adopté, on espère vraiment que ce sera augmenté, cette indexation-là. On croit qu'à même les surplus actuariels il faudra, lorsque c'est possible, compenser les travailleurs mobiles qui sont aujourd'hui retraités. Ce qui est juste pour les futurs travailleurs, pour les jeunes travailleurs, l'est également pour les travailleurs actuels ou les anciens travailleurs qui sont aujourd'hui retraités, dans la mesure où les surplus permettent de redresser ces injustices. Ceci nous amène évidemment à la question de l'administration des surplus actuariels.

Le Président (M. Beaumier): M. Robidas.

M. Robidas (Marcel): Voici. M. le ministre, vous avez allumé la bougie d'allumage et vous avez réveillé à peu près tout le monde, des plus jeunes aux plus âgés, qui dormait profondément, la plupart. Évidemment, vous en subissez les conséquences, mais je sais que vous êtes capable de réagir favorablement aux demandes qu'ils vous ont faites.

La mesure la plus discutée de la loi n° 102, c'est l'utilisation des surplus actuariels. On savait qu'il y avait des surplus actuariels parce qu'il y a des rendements supérieurs. D'ailleurs, la Caisse de dépôt a annoncé récemment ses rendements: 15 % à travers toute la barre de ses placements, 40 % dans les placements à l'étranger. Alors, il est évident que tous les fonds de retraite ont été ainsi augmentés d'au moins ça, s'ils sont aussi bien administrés que ceux de la Caisse de dépôt. Je ne suis pas tout à fait certain qu'ils sont toujours bien administrés comme ça, parce que j'ai été quand même témoin dans ma vie de l'administration de certains fonds. Mais il reste que les surplus actuariels sont présents dans les régimes à prestations déterminées.

Les prestations déterminées, tous les fonctionnaires du gouvernement, des villes, des grandes entreprises sont ou seront bénéficiaires de la moyenne des cinq meilleures années pour leur retraite, et ça m'apparaît quelque chose qui doit continuer. Malheureusement, on constate que ce n'est pas ça qui se passe. Il n'y a pas de nouveau régime, on l'a mentionné tout à l'heure. Et pourquoi? Vous croyez, vous, que c'est parce que les patrons ont crainte de payer plus cher. Je pense que, dans les ententes syndicales qui sont intervenues, les syndicats ont un peu pactisé avec les patrons pour partager les caisses actuarielles, dans le gouvernement pour commencer, ensuite à Hydro-Québec.

Nous, les retraités ? parce que je suis un retraité également, et je vois bien que l'indexation de ma retraite, ce n'est pas pour demain, de la façon dont ça se déroule... J'ai un cas à vous citer dans une ville. Il y a eu, à l'intérieur de la caisse de retraite qui avait été fondée, une scission. On a séparé les pompiers des autres, puis on les a mis avec les cadres, puis on a créé évidemment pour les cadres un surplus actuariel qu'ils se sont partagé en bénéfices. Mais les pompiers qui sont là n'ont aucune indexation. Il y en a qui sont à la retraite depuis 15 ans, et ils ont la même retraite qu'ils avaient il y a 15 ans. Vous allez me dire: Il n'y a pas eu d'inflation fulgurante comme on avait connue dans les années soixante-dix, mais, quand même, même si le régime du Québec prévoit qu'il y a une indexation après 3 %, il y a une diminution des revenus des retraités. Ça, je pense bien qu'il y a peu de monde ici qui va admettre le contraire.

Nous, nous allons mettre de l'avant maintenant la règle de l'équité. On croit que ça doit être équitable pour tout le monde, des jeunes aux moins jeunes aux plus vieux, aux retraités en particulier. Alors donc, les surplus actuariels sont de véritables surplus, dans le sens que les hypothèses actuarielles utilisées pour déterminer la solvabilité des régimes sont suffisamment conservatrices, et j'en ai ici pour les études actuarielles. Il y a beaucoup d'actuaires au Québec, mais ils ne sont pas tous pareils, leurs études se comparent plus ou moins. Dans le cas que je vous ai cité tout à l'heure, l'actuaire engagé par la municipalité a dit qu'il n'y avait pas de surplus actuariel. Celui qui a été engagé par les retraités a dit qu'il y avait 8 millions de dollars de surplus actuariel. Alors, on est pris dans un dilemme.

Puis, quand j'étais maire, j'ai eu la même expérience. On avait engagé, nous, un actuaire, les syndicats avaient engagé un autre actuaire, puis il y avait une bonne différence entre les deux parce que ça dépend de l'évaluation qui est faite. L'évaluation, d'abord, des rendements, c'est très conservateur chez les actuaires, alors qu'on connaît, nous, le marché, puis il y a aussi l'âge des retraités. Je ne sais pas si vous avez écouté hier soir Le Point, l'âge des retraités s'en va vers le haut. Au lieu de 95 ans, on dépasse 100 ans. Il faut prévoir ça. Ce n'est pas prévu, ça, dans les tables actuarielles actuelles. C'est pour ça que, les surplus dont vous disposez actuellement avec la loi en disant aux patrons: Reprenez-les, ils ne seront plus là lorsque nous aurons 96 ans, puis 99 ans, puis 101 ans, on en aura besoin quand même. Alors, c'est un peu ça, les exemples que je voulais vous donner.

Dans les régimes à prestations déterminées, l'employeur garantit, mais il garantit parce que ça fait partie de son deal. Il pourrait bien ne pas garantir s'il contribuait davantage et puis si l'entente intervenue était suffisante pour... si l'étude actuarielle, en d'autres mots, était faite, disons, la plus juste possible, la plus équitable possible. Dans les autres régimes où ce n'est pas les prestations mais les cotisations qui sont déterminées, ça aide les participants, dans le sens qu'ils partent avec leur montant, le montant d'argent qui est à leur nom. C'est un peu comme un REER collectif, ils s'en vont avec l'argent. Puis on nous a dit que la plupart ne s'achetaient pas de rente avec ça, ils le dépensaient pour toutes sortes de fins. Alors, ce n'est pas ça qui est le but des fonds de retraite. Le but des fonds de retraite, c'est d'assurer ceux qui vont prendre leur retraite d'avoir des revenus plus que l'assistance publique. Alors, c'est ça, là, il faut voir les choses telles qu'elles sont, et puis, pour y arriver, nous, on dit qu'il faut qu'il y ait de l'équité. On va vous mentionner le mot «équité» tout le temps puis on va vous en parler un peu plus précisément ici.

n(9 h 50)n

L'utilisation des surplus devrait être utilisée en utilisant un test d'équité parce que, dans le fond, la propriété du fonds... Il appartient, nous le croyons, à tous les participants, ceux qui ont cotisé. Si l'employeur a cotisé, lui appartient aussi une partie de ça. Les retraités qui ont cotisé, il y a une partie de ça qui appartient aux retraités, puis c'est pour ça que l'indexation dans un mouvement qu'on ne connaît pas... On ne sait pas quelle inflation on va avoir d'ici quelques années, puis on espère vivre ces années-là mais les vivre convenablement aussi. C'est pour ça que l'indexation doit être faite d'une façon équitable et que, les surplus, avant de les laisser aller à d'autres, on devrait les conserver, les protéger. Notre position, c'est de protéger les surplus, de ne pas les donner à qui que ce soit.

C'est évident que les syndicats puis les patrons peuvent s'entendre, comme ils ont fait, comme j'ai mentionné, pour se partager les surplus, pour essayer de régler certains problèmes qui n'ont, à mon avis en tout cas, aucun rapport avec les fonds de retraite. Si un syndicat négocie avec un patron, c'est pour avoir des conditions de travail puis des salaires raisonnables. Le fonds de retraite, c'est une autre affaire. C'est quand l'employé va cesser d'être un employé, puis il a besoin au moins d'un minimum de revenus pour vivre. C'est ça, le fonds de retraite. Alors, il faut donc avoir un souci d'équité. Et puis il faut qu'il y ait des tests d'équité.

Vous allez me dire: Qu'est-ce que c'est, un test d'équité? Bien, je pense que la Régie des rentes du Québec, qui reçoit les demandes, devrait avoir un système qui est pas mal plus clair que celui qu'elle a actuellement et qui détermine qu'est-ce que c'est qui est équitable avant de laisser aller un surplus. On a vu, à la fin de certains fonds de retraite, comme celui de Singer, que les gens étaient partis avec les surplus, puis ça a pris des jugements de cour pour essayer de récupérer ça puis donner ça, des années après, aux retraités, dont plusieurs étaient décédés. Ils n'ont même pas pu en profiter. Donc, la Régie des rentes a un rôle à jouer là-dedans, puis son rôle, là, il devrait être précisé, parce que c'est trop facile d'être accommodant avec ceux qui dirigent actuellement les caisses de retraite, parce que ceux qui dirigent les caisses de retraite, ce ne sont pas nécessairement... Comment dirais-je? Ce sont des cotisants, mais ce ne sont pas nécessairement ceux qui devraient être tenus en ligne de compte. Par exemple, les employés, ils sont représentés par leurs syndicats pour les salaires, mais, quand il est question qu'ils prennent leur retraite, ils sont un peu comme nous, les retraités: nous sommes en dehors complètement. Alors, il faut qu'à un moment donné on ait notre mot à dire, s'il y a un surplus, pour savoir de quelle façon on va en disposer. Il faudrait que la Régie des rentes ait un pouvoir de déterminer ça, à notre avis, en tout cas.

Et puis, la relance des régimes. On affirme que la propriété des surplus appartient aux patrons, puis il n'y a pas grand monde au Québec qui croit que, les patrons, ça leur appartient, parce que c'est fait dans un sens. Le sens, il ne faut pas l'oublier, c'est le sens de la retraite qui est donnée à quelqu'un qui cesse de travailler. Le patron, lui, il fait ses affaires, il n'a pas besoin de cet argent-là du tout parce que ces fonds sont recueillis par les émissions d'obligations ou d'actions. Il a les banques qui lui fournissent l'argent, puis les salaires qui sont payés à tout le monde sont payés en fonction de la concurrence. C'est pour ça que je ne pense pas que vous gagniez grand-chose à aider l'employeur à s'accaparer les surplus des fonds de retraite, puis d'autant plus...

Le Président (M. Beaumier): Seulement pour vous dire qu'il vous resterait une minute pour la présentation.

M. Robidas (Marcel): Excusez-moi.

Le Président (M. Beaumier): Il reste encore une minute.

M. Robidas (Marcel): Excusez-moi.

Le Président (M. Beaumier): Non, ça va bien.

M. Boisclair: C'est parce que vous étiez parti sur une belle lancée.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaumier): Non, non, n'interprétez pas ça comme si ça allait mal, là. Alors, qui prend la minute?

Une voix: Solange.

Le Président (M. Beaumier): Mme Solange.

Mme Chalvin (Solange): Bon, écoutez, je vais faire ça très rapidement s'il reste une minute. Je voudrais que mes collègues fassent la conclusion. Ce que nous avons trouvé aussi de particulièrement odieux dans le projet de loi, c'est la façon cavalière dont les retraités sont traités, c'est le cas de le dire. On dit dans le projet qu'ils seront informés, qu'ils pourront aussi participer à une assemblée annuelle, à la condition bien sûr que 10 % des bénéficiaires manifestent leur volonté d'en avoir une. Je ne sais pas si vous savez ce que ça représente, dans des très grosses entreprises, 10 %. Ça peut être une cabale extrêmement difficile à faire auprès des gens pour réclamer une assemblée générale, alors qu'à notre avis elle devrait être obligatoire. C'est pourtant ces retraités-là qui, au cours des années, ont ramassé les fonds, et ils n'ont rien à dire. Le rôle qu'on leur donne, c'est un rôle vraiment de participants et absolument pas de personnes actives.

Alors, ce que nous réclamons, c'est que les retraités devraient être constitués en association et que ces dernières disposent de rôles reconnus dans la loi. Nous croyons que toute négociation impliquant le régime de retraite devrait se faire en présence d'une personne représentant les intérêts des retraités, qui soit désignée par l'Association des retraités, et nous croyons que les retraités devraient être représentés dans les comités de retraite par une personne qu'ils désignent eux-mêmes. Je pense que c'est, si vous voulez, le droit de parole, le droit non pas uniquement de participation mais le droit aussi de décision en accord avec les autres membres, bien sûr, de ces comités de retraite. Ce n'est pas un droit de veto, mais c'est un droit de parole et un droit aussi de participation directe aux décisions qui sont prises pour eux. Merci.

Le Président (M. Beaumier): Merci, Mme Chalvin. En conclusion.

M. Koskinen (Martin): On peut passer aux questions.

Le Président (M. Beaumier): Oui, je croirais. Vous pourrez toujours passer...

M. Koskinen (Martin): Oui, surtout sur le test d'équité. Peut-être expliquer en long et en large le test d'équité.

Le Président (M. Beaumier): C'est une très bonne collaboration. Merci. Alors, M. le ministre.

M. Boisclair: Je voudrais vous remercier. Force Jeunesse et Le Pont s'illustrent à nouveau par la qualité de leur présentation, puis je voudrais, d'entrée de jeu, vous dire combien il est difficile pour le gouvernement de trouver les mots justes alors que nous constatons un vrai problème au Québec.

Au-delà de toutes les questions pertinentes qui sont soulevées, le revenu de retraite privé des Québécois stagne, alors qu'il augmente en Ontario, et ça, ça a des conséquences sur le niveau de vie des gens, mais ça a des conséquences importantes aussi sur la tenue de l'économie: un pouvoir d'achat moins grand, moins de dépenses de consommation, tout le cycle et un effet de cascade. C'est d'abord cette préoccupation-là qui nous anime, puis, nous, on dit qu'il y a un outil, qui est un bon outil, qui est meilleur qu'un REER, à la limite, parce qu'il offre davantage de sécurité, la contribution de l'employeur, qui s'appelle le RCR, puis il y a, à notre avis, une crise de confiance tant des employés que des employeurs.

Étonnamment, vous savez que parfois un employeur va offrir de mettre sur pied un RCR puis que les gens vont préférer un REER collectif. Grave erreur! C'est ce qui nous a amenés... Puis je vous remercie pour les propos que vous avez tenus sur les initiatives que le gouvernement prend sur l'acquisition de la rente après le 700 heures, sur la prestation de départ. C'est pour ça qu'on fait ça, parce qu'on veut que les gens qui sont mobiles, les jeunes particulièrement, mobiles sur le marché du travail, ne se sentent pas pénalisés par un cadre réglementaire et législatif lourd. On essaie de faire un bout de chemin puis on essaie de faire un bout de chemin aussi eu égard aux employeurs parce que le contrat RCR est toujours un contrat de libre d'adhésion. Le gouvernement ne forcera personne.

Alors, quels sont les principes qu'on retient? D'abord, celui de la transparence. On va dorénavant, à chaque fois qu'il se prend un congé de cotisation, informer tout le monde. Dans la loi actuelle, les gens peuvent décider de la façon dont ils désignent leurs représentants. Rien n'interdit dans la loi de constituer une assemblée de retraités qui élit un retraité, et vous savez que la loi permet ça en ce moment, qu'il y ait un retraité sur chacun des comités de retraite. On voit de plus en plus dans notre société des retraités s'organiser, et il est possible de croire que, dans les années à venir, ce mouvement sera encore plus fort et qu'ils seront encore mieux organisés et mieux représentés à l'intérieur de ces comités de retraite.

n(10 heures)n

Je voudrais donc mettre un peu les choses dans leur contexte mais vous poser la question suivante sur les surplus. M. Robidas, vous avez ouvert la porte. Ces surplus, vous dites, c'est des vrais surplus. Mais, d'un autre côté, vous me dites: Faisons attention parce que les actuaires, ils ne sont pas tous d'accord puis ils n'ont pas tous les mêmes opinions, puis, finalement, vous dites: Les surplus devraient rester là. Qu'est-ce que vous pensez de la proposition suivante, ou de l'affirmation suivante, que, des vrais surplus, finalement, il y en a en terminaison de régime, quand un régime se termine ? ça, c'est les cas de Singer, d'Air Products; Singer, c'est une terminaison de régime; ça, c'est réglé, les terminaisons de régime ? mais qu'en cours de régime il n'y a pas véritablement de surplus et que, ces argents excédentaires, au-delà des prévisions, ce qu'on se dit, nous autres, c'est que ça peut être une source de financement plus qu'un vrai surplus et qu'à la limite on peut négocier l'utilisation de cette source de financement, sachant qu'en tout temps, s'il y a un déficit dans le régime, c'est l'employeur qui a la responsabilité de le combler? Est-ce que ce serait une façon d'intégrer les préoccupations que vous soulevez alors que vous questionnez, pas l'existence ou la pertinence mais la solidité des affirmations qu'on fait alentour des surplus?

Le Président (M. Beaumier): M. Robidas.

M. Robidas (Marcel): Il est évident qu'il faut trouver un mécanisme équitable pour disposer des surplus actuariels réels, parce qu'il y a la loi de l'impôt qui oblige, évidemment, au-delà d'une certaine limite, la cessation du bénéfice, du privilège de diminuer les impôts, mais il reste que ? comment dirais-je? ? le surplus actuariel doit être protégé parce qu'on ne connaît pas l'avenir. En terminaison, c'est évident qu'on sait combien est-ce qu'il y a de personnes qui sont touchées, puis on sait le montant parce qu'il est là, il est inscrit, et on ne discutera pas ça, mais c'est en cours de route qu'il ne faut pas laisser partir, à notre avis, les surplus.

M. Boisclair: Mais, si, en tout temps, l'employeur a l'obligation de combler un déficit, une obligation qui est claire, donc un régime ne peut pas se retrouver en situation déficitaire sans que ça ait des conséquences lourdes pour l'employeur. Est-ce qu'on ne peut pas voir les surplus actuariels comme étant avant toute chose des sources de financement du régime que les parties peuvent négocier?

M. Lapointe (Frédéric): C'est effectivement la raison pour laquelle nous croyons que l'utilisation des surplus actuariels doit absolument faire l'objet d'une négociation entre les parties, et c'est la raison pour laquelle nous révoquons la clause qui permet la prise de congés de cotisation de façon unilatérale. Nous craignons en effet que les entreprises... En fait, nous ne considérons pas sous un oeil favorable le fait que les entreprises utilisent leur caisse de retraite à des fins de planification financière comme un outil financier dans lequel, dans certaines périodes où elles réalisent des profits, elles engrangent des argents à l'abri de l'impôt et que, lorsqu'elles connaissent un coup dur, elles sortent l'argent de la caisse de retraite sous la forme de congés de cotisation. On ne croit pas que c'est l'usage qui doit être fait des caisses de retraite.

Donc, effectivement, on favorise la négociation entre les parties et, plus que ça, parce qu'on a l'expérience de certaines négociations, entre les parties, plutôt malheureuses, on considère que, étant donné que l'utilisation de cette richesse doit servir, selon nous, à la justice sociale, même le résultat de ces ententes doit être soumis à l'avis de la Régie des rentes du Québec qui, examinant à la fois les hypothèses actuarielles et à la fois les termes de l'entente, juge si ladite entente est équitable ou pas, parce qu'il faut comprendre que pour le gouvernement il y a un intérêt aussi. Si on dispose des surplus actuariels en aidant les plus riches dans le régime continuellement ? et souvent les plus forts sont les plus riches dans le régime ? bien, ce que ça fait, c'est que les autres qui ne voient pas leurs rentes indexées ou qui n'ont pas accès tout simplement à une rente décente, pour différentes raisons ? ils ne se qualifient pas selon les critères du régime ? bien, c'est autant de gens qui n'auront pas des revenus suffisants à la retraite et qui ont plus de chances de se retrouver dans les bras de l'État.

Et, pour venir à la question de l'épargne collective, c'est un problème qui, au Québec, ne relève pas simplement des régimes complémentaires de retraite. Lorsqu'on encourage, au Québec, pour des raisons de stimulation de la croissance économique, les gens à consommer, on ne les encourage pas pour autant à épargner. De ce côté-là, on n'a pas une histoire, au Québec, qui est très reluisante. Pendant de nombreuses années, on a nous-mêmes collectivement sous-cotisé au Régime de rentes du Québec, ce qui fait qu'aujourd'hui on paie un surcroît de cotisation au Régime de rentes du Québec. Et, comme on l'a dit dans notre mémoire, il nous semble à nous, à Force Jeunesse comme au Pont entre les générations, qu'une bonne façon d'améliorer la condition de tous les travailleurs au Québec, ç'aurait été de compter sur le Régime de rentes du Québec, mais, parce qu'on a fait des erreurs dans le passé, on n'a plus les moyens de bonifier ce régime. Donc, si les seuls moyens dont on dispose, c'est ce qui repose dans les surplus actuariels des caisses de retraite, ma foi, assurons-nous, en tant qu'État, en tant que puissance publique, que l'utilisation de ces importantes sommes servira à la justice sociale.

M. Boisclair: Oui. La réalité est un peu plus complexe que celle-là aussi parce que Lesage, lorsqu'il crée la Caisse de dépôt en 1966, il décide, 10 ans après, de faire en sorte qu'une personne qui a contribué juste pendant 10 ans va avoir accès à sa pleine rente en reportant sur les générations futures le poids de ce fardeau financier, et c'était un choix très conscient, et c'était, à la limite, une bonne décision. C'est sûr qu'on peut questionner l'équité interne du régime, mais mon père, qui va avoir un rendement peut-être de, quoi, 17 % sur ce qu'il a mis à la Régie des rentes... Moi, je vais recevoir un rendement de 4 %, puis ça, c'est en comptant la part de l'employeur. Mon père n'a pas eu accès aux services de santé puis aux services d'éducation auxquels, moi, j'ai eu accès. Donc, vous comprenez qu'il faut...

M. Koskinen (Martin): M. Boisclair, il y a eu la mise en place, il y a aussi eu les années quatre-vingt, et ça, je pense qu'il faut faire une distinction entre les années soixante-dix et les années quatre-vingt.

M. Boisclair: Oui, mais on traînait un gros déficit. C'est clair que, si on avait donné suite au livre orange que Mme Marois avait proposé en 1985 et puis aux revendications que je faisais comme président du Comité des jeunes en 1989 ? ha, ha, ha! ? en 1984, 1986 ou 1987... Mais, blague à part, on connaît bien ce débat-là, puis je pense que le législateur s'est amendé, puis on a pris de bonnes décisions.

Je veux vous indiquer, avant de vous poser une dernière question, qu'on regarde d'autres outils pour aider les travailleurs. Les RCR, c'en est un. On est en train de regarder les régimes simplifiés qui sont un bel outil dans la loi. On va modifier la réglementation pour qu'ils soient encore plus efficaces et le régime simplifié géré par des institutions financières, un peu comme un REER collectif, sauf qu'il y a un plus grand intérêt de l'employeur d'y participer parce qu'il ne paie pas de taxe sur la masse salariale, parce que, avec un REER collectif, ce qui arrive, c'est que l'employeur verse du salaire, paie des taxes sur la masse salariale à un employé pour qu'ensuite il le mette dans le régime, dans son REER. L'intérêt d'un régime simplifié, c'est qu'il va directement dans le fonds puis que l'employeur ne paie pas de taxe sur la masse salariale. Il faut se creuser les méninges pour trouver d'autres outils et il est clair que, dans la palette des options gouvernementales, le RCR, c'en est un, mais il y en a aussi d'autres, et on pourra en discuter ensemble. Je veux vous dire aussi que, une règle d'équité, il en existe une, mais dans le financement du régime. Depuis 1990, les employeurs doivent financer au moins 50 % des prestations, et cette disposition, elle est dans la loi depuis 1990.

La question que je veux vous poser, une fois ces informations données... Le congé de cotisation à l'initiative de l'employeur, 5 % des régimes, va pouvoir se prendre à condition de bonifier les régimes. Est-ce que, par rapport à la situation actuelle, ce n'est pas une amélioration? Et, deuxièmement, qu'est-ce qu'on va offrir aux travailleurs qui ne sont pas syndiqués, sachant qu'il se prend des congés de cotisation? La prétention du gouvernement, c'est: Les travailleurs non syndiqués qui ne pourront pas, dans les faits, bâtir un vrai rapport de force sur un comité de retraite, compte tenu du lien d'emploi qui est fragile, est-ce que ce monde-là, il n'a pas droit à la protection de la loi? Quand vous me dites que vous vous opposez au congé unilatéral, à la limite, ce que la loi dit, c'est qu'on vient le restreindre puis qu'on vient protéger des travailleurs ? beaucoup du secteur privé ? qui ne sont pas syndiqués. Moi, il me semble que le législateur est justifié. C'est sûr que, pour le restreindre, il faut reconnaître qu'il existe, mais la finalité du gouvernement, le choix du gouvernement, c'est de restreindre, pas de donner un libre accès aux employeurs.

Le Président (M. Beaumier): M. Lapointe.

M. Lapointe (Frédéric): Il faut bien comprendre qu'on n'est pas, en principe, opposés à l'utilisation du congé de cotisation, mais on restreint nos critères, l'utilisation du congé de cotisation dans des situations où cela peut servir l'équité. Notamment, on peut penser à certaines universités qui ont utilisé les congés de cotisation dans leur période historiquement la plus difficile afin de maintenir l'organisation à flot et de remplacer certains professeurs. Donc, à des usages tels, on ne peut pas plaider que c'est inéquitable. Toutefois, lorsqu'il s'agit, de façon unilatérale ou par entente entre les parties, d'augmenter des salaires qui sont, en termes historiques, déjà très élevés plutôt que de bonifier les rentes de personnes qui ont connu des salaires historiquement très faibles, là c'est une autre paire de manches.

n(10 h 10)n

Pour revenir à la question de l'unilatéralisme, s'il y a seulement 5 % des régimes qui sont concernés par votre mesure, si je comprends bien, on pourrait très bien ne pas donner ce droit à un congé de cotisation unilatéral, et ça toucherait fort peu de régimes. Donc, nous, ce qu'on croit, c'est qu'on peut traiter les congés de cotisation, les surplus en cours de régime un peu de la façon dont on les traite lorsqu'on termine un régime, c'est-à-dire qu'on exige d'abord une entente entre les parties; faute de parties, une proposition doit être adressée à l'arbitrage de la Régie des rentes. Et là, nous, ce qu'on ajoute à ça, c'est: qu'il y ait entente ou qu'il y ait seulement proposition unilatérale, on impose aux parties, ou à la partie, qu'elles passent le test de l'équité.

Et nous pensons que les employeurs comme les syndiqués, puisqu'ils ne souhaitent pas justement voir leur entente rejetée ou leur procédure retardée, bien, ils vont se creuser les méninges, ils vont dire: Bon, bien, est-ce qu'on a vraiment pensé aux retraités qui ont des petites rentes, est-ce qu'on a vraiment pensé à l'admissibilité des gens qui ont travaillé un petit nombre d'années parce que c'est des femmes qui sont arrivées plus tard sur le marché du travail, parce que c'est des minorités visibles qui ont un accès plus difficile, on le sait, par la discrimination, parce que c'est des personnes handicapées? Donc, il y a toutes sortes de critères comme ça qui peuvent, à notre avis, être aisément évalués par la Régie des rentes. Et, quand on constate les contrôles par ailleurs très complexes qui sont réalisés, quand on constate qu'il y a du personnel là, quand on constate que c'est des millions de dollars qui sont en cause, on se dit: Bien, finalement, c'est une procédure assez simple, peu coûteuse et qui...

M. Boisclair: Mais, M. le Président...

Le Président (M. Beaumier): Un instant.

M. Boisclair: ...mettre la Régie des rentes, un organisme réglementaire, dans une situation où elle aurait à arbitrer ce qui est à l'évidence des débats... M. Robidas nous le disait, des actuaires vont nous présenter des chiffres. Puis, mettre un organisme réglementaire et de contrôle dans une situation comme celle-là, je pense que c'est d'abord très délicat puis que c'est donner un rôle à la Régie que je ne serais pas sûr de vouloir lui voir jouer.

Puis je vous repose la question: Les travailleurs non syndiqués, pensez-vous sérieusement qu'on va se mettre un nouveau mécanisme d'accréditation sur pied, de représentation des employeurs, pour négocier les régimes de retraite? Le pouvoir que les travailleurs non syndiqués ont de négocier les clauses du régime, il est quasiment inexistant: une majorité des employeurs, dans les faits, un lien d'emploi qui est ténu, puis on voit comment parfois des employeurs vont se comporter à l'endroit des travailleurs qui s'apprêtent à avoir leur permanence ou des travailleurs à temps partiel. Imaginez si l'employé pas syndiqué commence à faire du trouble sur le comité de retraite. S'il fait trop de trouble, c'est: Merci, au revoir, va-t'en, puis ça finit là.

Moi, je pense que ces travailleurs-là, ils ont droit à la protection de la loi, puis, par rapport au statu quo d'aujourd'hui, on vient restreindre le droit au congé de cotisation puis on vient faire en sorte qu'on doit informer puis bonifier le régime. Il me semble que ce n'est pas déraisonnable. Mais c'est sûr que, pour le restreindre, il faut reconnaître qu'il existe.

M. Lapointe (Frédéric): Je comprends que vous plaidez davantage pour votre projet de loi que vous tentez de démontrer que notre proposition n'est pas faisable.

M. Boisclair: Je plaide pour les travailleurs!

M. Lapointe (Frédéric): Mais, nous, si nous étions personnellement au gouvernement, peut-être aurions-nous une attitude moins indulgente à l'endroit de la liberté de négocier des parties. C'est un choix. Nous, on croit que, plutôt que de confier à l'arbitraire de l'employeur le soin de juger, plutôt que de confier, à la limite même, à d'éventuels juges, comme c'est arrivé dans des cas de terminaison de régime, le soin de juger, on croit que les gens qui travaillent tous les jours là-dedans, qui connaissent les régimes pratiquement sur le bout de leurs doigts, qui sont des actuaires patentés, qui sont payés à même les fonds publics, qui sont sous la supervision d'un ministre sont en mesure de juger, surtout que, ces ententes, lorsqu'il y aura quelques cas problèmes, on peut penser qu'elles deviendront des enjeux publics. À ce moment-là, oui, ça deviendra en partie le problème du gouvernement. Je peux comprendre que le gouvernement cherche à dire: Bon, bien, c'est le problème des parties, c'est le problème des employeurs. Nous, on croit que, dans les problèmes d'équité, c'est le plus fort qui décide, et le plus fort dans la société québécoise, ça reste l'État. Il faut recourir à l'État dans la plupart des situations où c'est les faibles qui ont besoin d'être protégés.

Les gens font l'éloge de la propriété, de la liberté de négocier, de la paix syndicale ? dans le cas des clauses orphelin, on l'a entendu, ce discours-là ? mais, à chaque fois que c'est la justice sociale qui est en cause, à mon avis, ce n'est pas sur les employeurs qu'il faut se reposer, ce n'est même pas toujours sur les syndicats qu'il faut se reposer. À notre avis, il faut se reposer sur un bon juge et, à notre avis, oui, l'État, la Régie des rentes du Québec peut être un bon juge à la fois des ententes lorsqu'il y a partie négociante et à la fois des propositions de l'employeur lorsque c'est des entreprises non syndiquées, comme vous l'avez indiqué.

M. Boisclair: Mais vous reconnaissez que, par rapport au statu quo, c'est une amélioration, au moins?

M. Lapointe (Frédéric): Je ne suis pas en mesure d'en juger.

M. Boisclair: Ha, ha, ha! Il s'en prend, des congés de cotisation, en ce moment, sans que le monde soit informé, sans qu'on bonifie les régimes.

M. Koskinen (Martin): Et vous voulez le rendre légal.

M. Boisclair: Bien, c'est un des objectifs. Si on veut qu'il s'en crée puis si on veut lever l'incertitude du côté des employeurs puis celle qui existe auprès des employés, il faut poser un certain nombre de gestes.

M. Lapointe (Frédéric): Écoutez, je ne suis pas en mesure d'en juger...

M. Boisclair: Puis régler un débat au Québec qui est réglé partout en Amérique du Nord et être, bien sûr, dans notre distinction, dont je suis le premier à discourir sur cette question, bien, à un moment donné, là, tu sais, l'originalité dans l'Amérique du Nord, il y a un bout à tout à ce qu'on peut faire puis à la qualité de notre innovation. Il y a des gens qui administrent des régimes avec des employés qui sont en Ontario, qui sont aux États-Unis, qui sont chez nous aussi, puis il me semble que, à venir restreindre l'action unilatérale par rapport au statu quo, on améliore les choses. On va devoir informer les gens, et je ne pense pas que l'État puisse faire autre chose que ça.

M. Lapointe (Frédéric): Oui, mais, écoutez, il n'y a pas de limite aux bonnes idées, là, le conformisme est un argument plutôt ordinaire pour dire qu'il y a des limites aux bonnes idées.

M. Boisclair: Ce n'est pas le conformisme.

M. Lapointe (Frédéric): Mais, quand on dit qu'on ne peut pas se prononcer à savoir si c'est une amélioration par rapport à la situation actuelle, c'est que, vous-même, dans votre présentation du projet de loi, vous indiquez qu'il y a une espèce de vide juridique, qu'il y a des incertitudes juridiques à ce sujet-là. Je suis convaincu que les employeurs accueillent cette loi-là notamment parce qu'ils se mettent à l'abri de poursuites judiciaires de la part des éventuels retraités.

M. Boisclair: Et les syndicats aussi.

M. Lapointe (Frédéric): Je suis convaincu également que les syndicats peuvent voir ça d'un bon oeil pour la même raison, parce qu'ils signent des ententes qui affectent les surplus. Donc, il faudrait vivre les deux situations pour pouvoir en juger, il faudrait qu'on puisse, en situation A, soumettre aux tribunaux toutes les ententes qui seraient conclues entre les parties en l'absence de votre projet de loi et soumettre, en B, 30 ans d'expérience de votre projet de loi. Donc, non, ce n'est pas évident de dire que c'est un progrès...

Le Président (M. Beaumier): Merci beaucoup.

M. Boisclair: Ah! c'est fini?

Le Président (M. Beaumier): Non. Selon nos règlements, c'est le tour du député de Verdun, à moins qu'il y ait consentement, M. le député?

Une voix: Non, non.

Le Président (M. Beaumier): Ça va.

M. Gautrin: Je vous remercie de venir témoigner devant nous. Je me permets de saluer M. Robidas avec qui j'ai fait une campagne électorale que nous avons perdue tous les deux en 1974, à l'époque où il était conservateur et où j'étais dans le NPD. Ça nous fait 26 ans en arrière.

Essentiellement, vous avez deux arguments, donc j'ai deux types de questions à vous poser. Vous soulevez le problème qui est, dans les régimes à prestations déterminées, important pour les gens qui quittent et qui sont... Vous dites: Bon, il y a une certaine amélioration. Vous êtes restés dans la même idée, parce que vous dites: Bon, il y a une indexation, l'indexation n'est pas suffisante pour réellement couvrir plus que 10 %. N'importe qui qui fait un petit peu de calcul, paraît-il, a la même idée que vous. Est-ce qu'il y avait d'autres moyens, d'autres véhicules ? parce que vous représentez les jeunes, ici; je m'adresserai, après, sur les surplus dans un instant ? qui donnent les mêmes avantages, en quelque sorte, que les régimes à prestations déterminées et qui permettraient de tenir compte des problèmes des travailleurs mobiles? Vous y avez réfléchi? Parce que vous êtes aussi un organisme de réflexion à ce niveau-là.

M. Koskinen (Martin): Oui. Nous, on peut être d'accord avec les mesures que le ministre propose et on veut les bonifier, mais on n'est pas certains qu'on va sauver les régimes à prestations déterminées avec ces mesures-là parce que les règles du marché du travail ont changé et que, moi, je pense qu'on se tourne de plus en plus vers des régimes à cotisation déterminée, des REER collectifs. Et, quand on a soulevé aussi la question de la rente du Régime de rentes, ça, ç'aurait été une voie intéressante pour assurer une protection à l'ensemble des travailleurs québécois, parce qu'on connaît des situations de précarité, nous, les jeunes, sur le marché du travail. Je veux dire, moi, je suis loin d'être certain que, les régimes à prestations déterminées, on va être capable de les sauver avec le marché du travail tel qu'on le connaît aujourd'hui. On devrait analyser la situation...

M. Gautrin: À l'exception des cas des grosses entreprises et du secteur public.

M. Koskinen (Martin): Oui, le secteur public, même des grandes entreprises dans le domaine privé. Mais, même là, il y a des entreprises qui mettent des... Par exemple, Nortel, qui a mis un régime parallèle, elle a un régime à prestations déterminées, mais les nouveaux travailleurs exigeaient un régime à cotisation déterminée parce que eux n'envisageaient pas de faire leur carrière chez Nortel; ils pensaient quitter l'entreprise après 10 ans, cinq ans, et ils étaient pénalisés s'ils adhéraient au régime à prestations déterminées, et ça, c'est inquiétant, puis ça ramène la question des surplus, parce que, nous, comme jeunes, on dit: La bataille, c'est quoi aujourd'hui? C'est une bataille pour les surplus. Ce n'est pas nécessairement pour sauver le régime à prestations déterminées, parce qu'on n'est loin d'être certains, malgré les efforts du ministre, qu'on va être capable de sauver ces types de régimes là dans le secteur privé, dans les petites et moyennes entreprises. On va sûrement les retrouver dans le secteur public, où les travailleurs sont très captifs, mais, dans les endroits où les travailleurs ne sont pas captifs, on peut se poser de sérieuses questions.

M. Gautrin: Les régimes mixtes, qui sont en partie à cotisation déterminée et en partie à prestations déterminées ? je pense, par exemple, à celui de Bombardier, etc. ? avez-vous réfléchi sur ces...

n(10 h 20)n

M. Lapointe (Frédéric): Bien, écoutez, quand on constate les causes qui sont portées devant les tribunaux lorsqu'il y a des régimes à prestations déterminées, ce qui est plaidé, dans le fond, c'est que, même dans le cas des régimes à prestations déterminées, ce qu'on voudrait, c'est que les cotisations soient déterminées également, parce que, les surplus, on peut plaider qu'ils sont une conséquence d'un niveau de cotisation trop élevé par rapport aux besoins. Donc, lorsque c'est déterminé dans le régime, on se retrouve juste avec un plus gros problème ou une plus belle opportunité en matière de surplus, tout simplement.

M. Gautrin: Je vais rentrer maintenant sur la question des surplus avec vous. Si je comprends bien votre position, vous dites: Les retraités devraient être partie aussi aux négociations. À l'heure actuelle, dans le projet de loi et dans ce qu'il est, c'est qu'on dit: Voici, il faut une entente, et les ententes, bien souvent, se sont faites entre les actifs ou les représentants des actifs et les employeurs, en laissant de côté souvent les retraités. Vous, vous nous dites, comme sont venus nous dire hier beaucoup de gens qui sont venus témoigner: Il est important qu'on ait notre voix au chapitre. Est-ce que vous avez réfléchi sur quel type de forum on pourrait mettre sur pied pour permettre cette négociation, si tant est qu'il puisse y avoir un concept de négociation entre ces trois parties qui sont maintenant les participants actifs, les retraités et les employeurs?

M. Lapointe (Frédéric): Ce qui est très important, c'est de retenir que, lorsqu'une négociation a cours entre deux parties, un syndicat qui s'appuie sur une majorité dans son accréditation syndicale et un employeur qui a ses objectifs, c'est un processus qui est très long. Les gens sont face à face pendant des nuits et des nuits, et, à un moment donné, la nécessité d'un deal se fait sentir. Et, lorsque, dans l'ensemble des négociations, il y a le régime de retraite, nous, ce qu'on craint, c'est que ceux qui sont absents de cette dynamique syndicale-patronale, bien, ils soient un peu oubliés. On sait que, dans certains cas, jusqu'à ce qu'on ait une bonne loi de la part du gouvernement, c'étaient les futurs travailleurs qui étaient oubliés. Là, on a le sentiment que, si les retraités ne sont pas à la table lorsqu'on discute du régime de retraite, ils vont aussi être oubliés. Mais leur simple présence, leur possibilité d'intervention, leur possibilité d'alerter leurs semblables, à notre avis, c'est déjà un très grand pas, c'est déjà très important. C'est très difficile de dire à quelqu'un: Ta situation va stagner, ou ne s'améliorera pas, ou va diminuer; moi, je vais en profiter. C'est très dur de faire ça en face de la personne. Lorsqu'elle n'est pas là, c'est plus aisé.

Donc, on ne parle pas d'un veto sur les négociations de conventions collectives, on ne bouleverse pas le régime de relations de travail du Québec, mais on parle simplement d'une présence et d'une présence active lorsque la question des régimes de retraite est traitée.

M. Gautrin: Est-ce que vous avez réfléchi à la position qui a été présentée hier par l'Alliance des retraités des régimes complémentaires de retraite, qui disait: Il faudrait que, lorsque se dégage un surplus actuariel dans un régime de retraite, on identifie la part du surplus actuariel qui est attribuable aux actifs, la part du surplus actuariel qui est attribuable aux personnes retraitées, et que, en quelque sorte, chacun des groupes soit amené à négocier avec l'employeur soit des congés de cotisation éventuels soit des bonifications au régime? Parce qu'il faut bien être conscient aussi que, souvent, lorsqu'on dit: Il y a eu de la part des employeurs des bonifications au régime, on utilise le fonds de pension pour une gestion des employés, c'est-à-dire départs à la retraite, mises à la retraite anticipées ou des choses comme ça, qui ne bonifie pas du tout les rentes des personnes qui sont déjà à la retraite. Est-ce que vous avez réfléchi sur cette question?

M. Lapointe (Frédéric): Bien, lorsqu'on parle de répartir équitablement les surplus, certainement, dans l'évaluation de ce que constitue l'équité, la source du surplus doit être considérée. Toutefois, les régimes complémentaires à prestations déterminées, ce n'est pas des régimes collectifs à cotisation déterminée. Je ne sais pas si vous me suivez, on n'a pas les comptes.

M. Gautrin: Non, non, je suis très au courant. Je comprends ça.

M. Lapointe (Frédéric): Donc, on ne considère pas l'approche sous cet angle-là. On croit que l'usage qu'on doit faire des surplus actuariels peut être imaginatif pour que l'équité soit respectée. Évidemment, la valorisation des rentes modestes est une priorité, l'indexation pour protéger le pouvoir d'achat est une priorité, mais des formules de retraite anticipée, dans certains cas, c'est la chose la plus intéressante à faire. Et ce qui n'est pas suffisamment utilisé, à notre avis, et qui, selon nous, devrait l'être ? au Pont entre les générations, ça a été longuement discuté; il y a même eu un forum là-dessus, des recherches ? c'est la retraite progressive. La frontière entre actif et inactif, ça peut devenir un peu flou, mais ça demande beaucoup d'imagination. Ça demande aussi parfois de l'argent. Dans certains cas, ça permet à la fois d'intégrer un jeune et de le faire superviser par un mentor en place, mais souvent c'est des procédures complexes, coûteuses, et, à notre avis, les surplus actuels peuvent être mis à contribution. Tout le monde en retirerait quelque chose, peut-être pas au plan financier mais certainement la santé de l'organisation puis les rapports aussi sociaux entre les générations.

M. Gautrin: Et alors, votre position, c'est de dire: S'il y a entente... Il faut d'abord qu'il y ait une entente avant qu'on puisse utiliser les surplus actuariels. Donc, vous vous prononcez violemment contre les décisions unilatérales. C'est ce que je comprends.

Deuxième élément, vous dites: S'il y a entente, il faudrait la soumettre à un test d'équité, et la personne qui se ferait passer le test d'équité, ce serait la Régie des rentes. Le test d'équité, vous venez un peu de le décrire, c'est facile de donner des exemples d'un test d'équité. Mais comment on établirait les normes d'un test d'équité? À un moment, vous n'aviez plus de temps et vous avez dit: Je reviendrai éventuellement pour expliquer ce que c'est, d'après nous, un test d'équité. Ça consisterait en quoi?

M. Lapointe (Frédéric): On récuse les formules mathématiques d'avance. Il y a eu des tentatives de faire du calibrage, etc. On récuse ça. Ce qui est important dans le test d'équité, c'est de conscientiser les parties à l'importance d'une certaine justice sociale entre les travailleurs qui ont vécu des conditions différentes et entre les générations également.

De la même façon qu'on interprète une loi, une fois que certains critères seront établis, il y aura effectivement une large part d'arbitraire laissée à la personne qui devra juger, et ce n'est pas dans notre culture politique ou syndicale de laisser un tel espace au jugement d'une personne ou d'un nombre restreint de personnes. Mais, nous, on croit particulièrement, au Pont entre les générations, que le jugement doit être réintroduit dans le politique, dans la gestion des affaires publiques, et nous sommes certains que, si une entreprise dépose un projet d'affectation des surplus actuariels qui augmente les salaires de gens qui sont parmi les mieux payés dans la société québécoise alors que les retraités qui ont pris leur retraite en 1975 ont des rentes très modestes, ont de la difficulté à rejoindre les deux bouts, la personne rejettera cette entente, sinon nous sommes par ailleurs certains qu'elle sera dénoncée publiquement et qu'à ce moment-là c'est un jugement de société qui sera posé sur ladite entente.

Donc, évidemment, il va y avoir des zones grises. Évidemment, avec un tel test, on risque de malmener un peu les responsables politiques, la RRQ, etc., mais c'est le genre de débat qu'il est nécessaire de faire lorsqu'on cherche à décider quelle est la plus juste affectation de notre richesse collective. Donc, il ne s'agit pas d'embarquer dans des textes très, très lourds, il ne s'agit pas d'embarquer dans des formules mathématiques, mais bien de réintroduire le jugement dans la gestion des affaires publiques.

M. Gautrin: Autrement dit, vous nous dites: Petit à petit s'établira une forme de jurisprudence qui établira, grosso modo, ce qu'on peut qualifier d'équitable. Mettons au départ le principe d'équité sur la table, essayons de commencer à tourner la roue, et, au bout d'un certain temps, les lignes se seront dégagées d'elles-mêmes. Est-ce que je comprends?

M. Lapointe (Frédéric): On peut même penser que, dans les critères d'équité, l'équité entre les entreprises d'un même secteur, ça peut jouer, parce que l'objectif du test d'équité, ce n'est pas de mettre une entreprise en faillite non plus, c'est d'amener une plus grande justice, et, moi, de ce côté-là, je ne suis pas inquiet. Si on introduit le test d'équité, effectivement, la Régie des rentes tiendra compte de l'équité entre les entreprises d'un même secteur. Ça, je n'ai pas de doute. Mais, pour ce qui est l'équité entre générations de travailleurs, on pense que les gens seront forcés de se comporter en bons pères de famille et qu'à la limite ce sera au public d'en juger par la suite, lorsque des décisions seront rendues.

M. Gautrin: O.K. C'est intéressant comme piste. Est-ce que vous avez écrit des textes, à part votre mémoire? Je comprends, mais votre mémoire est quand même relativement succinct. Vous êtes un groupe, avec Le Pont intergénérationnel, qui produit quand même un certain nombre de textes. Est-ce que vous avez écrit ce concept, cette recherche sur le concept d'équité?

M. Lapointe (Frédéric): Il y a plusieurs publications qui émanent du groupe Le Pont entre les générations.

Mme Chalvin (Solange): Peut-être que je peux ajouter que nous n'avons pas terminé encore cette analyse-là; on a été pris un peu par la commission parlementaire. On a presque précipité nos idées, malgré que ça faisait déjà plusieurs semaines qu'on travaillait sur le dossier. Mais on poursuit actuellement notre travail sur les surplus actuariels des régimes de retraite et aussi sur les investissements qui sont faits par ces régimes de retraite là, et nous allons certainement aller vers une publication, d'ici quelques mois, beaucoup plus complète.

M. Gautrin: Et, lorsque vous arrivez à développer ce concept d'équité que M. Lapointe...

n(10 h 30)n

M. Koskinen (Martin): Et la logique derrière ça aussi, c'est qu'il faut se rappeler que les surplus actuariels sont créés par des très grands rendements à la Bourse.

M. Gautrin: Bien, c'est créé soit par des rendements, c'est créé aussi par un lissage, en quelque sorte, des salaires, des actifs. Faites attention si vous générez souvent les surplus. Les surplus actuariels qu'on voit apparaître ces dernières années sont dus à deux éléments: d'un côté, une faible augmentation des salaires, quasiment un gel virtuel des salaires, et, de l'autre côté, des rendements sur les investissements qui sont absolument importants.

M. Koskinen (Martin): C'est que, nous, on s'intéresse à la question des rendements, et c'est pour ça que ça sous-tend la question de l'équité. C'est que, ces rendements-là, il y a des gens qui ont payé pour.

M. Gautrin: Absolument.

M. Koskinen (Martin): Je veux dire, les actionnaires, c'est les fonds de pension, puis il y a des gens qui ont perdu leur emploi, il y a eu des mises à pied dans certaines entreprises pour augmenter les profits et ça a augmenté la valeur des actions, ce qui veut dire que c'est d'autant plus légitime que l'État se penche sur la question des surplus actuariels.

M. Gautrin: Je comprends.

M. Koskinen (Martin): Mais, nous, on amorce notre réflexion, là. On n'en est pas...

M. Boisclair: Est-ce que je peux? Juste un petit commentaire.

M. Gautrin: Oui, bien sûr.

M. Boisclair: Et pour les membres de la commission et pour les gens de Force Jeunesse et du Pont, on a, à la Régie des rentes, des études qui ont été faites sur l'équité, mais au sens, pas de l'équité d'un régime, mais, lorsqu'on regarde l'ensemble des interventions, qu'elles soient publiques ou privées, donc pension de la sécurité de la vieillesse, Régie des rentes du Québec et des régimes privés. Quand on regarde l'équité, par exemple, hommes-femmes, quand on regarde l'équité entre les retraités, l'équité des retraités par rapport aux travailleurs, les études qu'on a conduites ? puis ça a été fait, je pense, à la demande de l'OCDE ? nous démontrent qu'à cet égard le Québec fait figure tout à fait exemplaire sur ces questions, puis ça me fera plaisir de rediscuter de cette question.

M. Gautrin: M. le Président, ce serait intéressant que vous acceptiez le dépôt, la transmission...

M. Boisclair: On n'a pas ça avec nous aujourd'hui.

M. Gautrin: Non, non, pas aujourd'hui, mais j'imagine que, pour le travail de la commission, si vous pouviez...

M. Boisclair: Mais certainement qu'on peut rediscuter de cette question, parce que vous comprenez que l'équité, ce n'est pas juste sur le régime, c'est l'ensemble des interventions et comment on se compare avec d'autres gouvernements et d'autres États concernant ce type de responsabilité.

M. Gautrin: Bien, je vous remercie. Et, si vous avez des documents, de la réflexion sur ce que vous faites, si vous pouviez me les envoyer, ce serait avec plaisir.

Le Président (M. Beaumier): Alors, merci beaucoup, madame, messieurs de Force Jeunesse et du Pont. Ce fut très intéressant. Alors, j'inviterais la Chambre de commerce du Québec à se joindre à nous.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaumier): À l'ordre, s'il vous plaît! On va continuer nos travaux. Messieurs. Messieurs, s'il vous plaît. Alors, j'inviterais la Chambre de commerce du Québec, s'il vous plaît, à se présenter à la table.

Alors, j'aimerais que, parmi les représentants de la Chambre de commerce du Québec, peut-être la personne qui serait la première porte-parole s'identifie et nous présente aussi les personnes qui l'accompagnent. Alors, je comprends que vous êtes M. Michel Audet. Bonjour, M. Audet et les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 20 minutes.

Chambre de commerce du Québec (CCQ)

M. Audet (Michel): Merci beaucoup, M. le Président. Michel Audet. Je suis président de la Chambre de commerce du Québec. À ma droite, Me André Dionne, qui est un avocat chez la Société Mercer, qui sera avec nous et qui, bien sûr, répondra davantage aux questions un peu plus juridiques et techniques. Je signale d'ailleurs que la Société Mercer a également transmis un mémoire; donc, peut-être qu'il aura l'occasion de faire état de certains aspects, qu'on partage, d'ailleurs, qui ne sont pas dans notre propre mémoire. Et Maurice Turgeon, qui est conseiller économique à la Chambre de commerce du Québec.

Le Président (M. Beaumier): Alors, allons-y.

M. Audet (Michel): Alors, écoutez, notre mémoire n'est pas très long. Le plus simple, je pense, c'est de le lire pour ceux qui ne l'auraient pas lu et, par la suite, d'être capable de situer les questions un peu mieux.

Alors, comme vous le savez, la Chambre de commerce du Québec ? ce n'est pas la première fois qu'on vient ici; on est des habitués à ce genre de commission, mais on tient à le répéter ? est une fédération regroupant directement 3 500 entreprises et également une fédération qui regroupe 200 chambres de commerce locales qui, elles-mêmes, ont un membership de 50 000 membres. Ça signifie donc que nous représentons des gens d'affaires de tous les secteurs d'activité économique et de toutes les régions du Québec. La Chambre a pris connaissance des modifications que le gouvernement entend apporter à la Loi des régimes complémentaires de retraite, et nous sommes heureux de répondre à votre invitation de témoigner aujourd'hui devant cette commission.

Il faut rappeler ici que la question du droit de l'employeur à un congé de cotisation a été réglée en grande partie dans le reste du Canada par un jugement de la Cour suprême en 1994. Donc, au Québec, compte tenu du jugement Singer, la question n'a pas encore reçu de réponse claire, et ça, je pense que c'est important. On l'oublie souvent, c'est que le Québec, là-dedans, ne fait que confirmer quelque chose qui existe ailleurs au Canada. Il n'y a pas de situation discriminatoire, au contraire. C'est pourquoi, avant toute chose, la Chambre tient à souligner sa satisfaction vis-à-vis de la proposition du ministre. Nous estimons, en effet, qu'en ce qui concerne les enjeux majeurs de la question le projet de loi ne peut que recevoir l'accueil favorable des parties qui souhaitent vraiment un cadre équitable pour régler leurs différends dans ce domaine. C'est pourquoi, en dépit des coûts quand même significatifs mais assez importants que les modifications proposées vont entraîner pour les employeurs, nous donnons notre appui à ce projet de loi.

Nous ne commenterons pas ici tous les amendements qui sont proposés, on sera en mesure de répondre peut-être à vos questions plus techniques. On va s'en tenir, donc, aux questions un peu plus générales. Donc, plusieurs des amendements portent sur les modalités de gestion des régimes et affectent assez peu l'économie de la loi. Les gestionnaires de régime, les planificateurs financiers, les actuaires et autres spécialistes sont plus en mesure de commenter ces modifications. D'ailleurs, on a eu l'occasion de les rencontrer, et je pense que leurs commentaires sont largement partagés par nos membres. Après quelques remarques générales, nous nous attarderons donc au changement qui est au coeur de cette réforme, c'est-à-dire l'affectation de l'excédent d'actif à l'acquittement des cotisations patronales.

La Chambre de commerce du Québec prend acte, tout comme le ministre, de l'importance croissante que les régimes privés vont avoir à l'avenir sur les conditions de vie des personnes à la retraite. Il est clair, en effet, que les gouvernements auront dans l'avenir beaucoup de difficultés à maintenir des régimes publics aussi généreux, en termes relatifs, que ceux qui existent actuellement, et que les régimes privés devront occuper une place plus importante. Le vieillissement de la population est sans doute la principale cause de ce phénomène, mais il va de soi que la retraite précoce et notre mode de vie en général y sont pour quelque chose.

Heureusement, les régimes privés traditionnels dont il est question ici ont été complétés il y a quelques années par les REER. Ceux-ci ont donné un élan remarquable à la prise en main de leur retraite par les contribuables. Il faut convenir cependant que les REER s'adaptent souvent moins bien aux conditions des salariés en général que les régimes traditionnels. En effet, les régimes traditionnels, en intégrant étroitement l'épargne des participants à la politique salariale des entreprises, ont créé une forme d'épargne forcée qui semble bien adaptée aux conditions de vie des salariés. Les résultats sont d'autant plus intéressants que les cotisants peuvent participer, s'ils le désirent, à la gestion des sommes ainsi épargnées. Les régimes complémentaires de retraite constituent donc une formule d'épargne fort intéressante que nous nous devons de promouvoir.

Notons à cet égard que, même si le document explicatif du ministre porte en exergue Pour favoriser le développement des régimes de retraite, il ne constitue pas, à proprement parler, un document de promotion du développement de ces régimes. La promotion de ces régimes privés de retraite reste donc à faire ? et je crois que le ministre l'a souligné la semaine dernière dans son discours ? même si le projet de loi n° 102 propose des mesures susceptibles de rendre ces régimes plus attrayants à la fois pour les participants et pour les entreprises.

Outre le congé de cotisation pour les entreprises, sur lequel nous reviendrons plus loin, il convient de souligner plusieurs améliorations aux régimes qui sont susceptibles de favoriser l'adhésion des employés, notamment des mesures se rapportant à l'amélioration des prestations. Selon les données de la Régie des rentes, l'amélioration des prestations de départ coûtera annuellement 25 millions aux employeurs. Le coût pour les employeurs de l'acquisition immédiate est évalué à 5 millions lors de son entrée en vigueur et à 3 millions par année par la suite. Ce que le document explicatif du ministre appelle l'«acquisition immédiate» est en fait le droit que le participant aura à une rente différée dès son adhésion au régime et non pas après un délai de deux ans comme c'est le cas maintenant. C'est dire que le travailleur qui quitte son emploi avant deux ans de participation au régime touchera, en plus de la valeur de sa participation au régime, comme c'est le cas actuellement, la valeur de la participation de l'employeur à laquelle il n'a pas droit présentement. Cette mesure est très favorable aux travailleurs, car elle les laisse tout à fait libres de changer d'emploi tout en leur permettant de poursuivre la construction continue de leur régime de retraite sans qu'il leur en coûte de cotisation additionnelle.

n(10 h 40)n

Il en va de même pour le nouveau mode de détermination des prestations de départ des participants qui cessent leur participation active au régime. Selon le projet de loi, la prestation serait calculée selon la valeur de la rente différée ou selon un ajustement à raison de 50 % de l'IPC, maximum 2 %, depuis la participation au régime jusqu'à la retraite, moins 10 ans. Comme nous l'avons mentionné plus tôt, c'est 25 millions que les employeurs devront dépenser annuellement à ce chapitre.

Il y a plusieurs autres mesures qui, tout en étant moins spectaculaires, sont néanmoins favorables à une participation accrue des travailleurs. Ainsi, toutes les mesures visant à améliorer l'information sur l'état de la caisse, les contraintes imposées à l'affectation unilatérale de l'excédent d'actif aux cotisations de l'employeur, le remboursement des droits inférieurs à 10 % du maximum des gains admissibles et l'amélioration de la représentation des participants actifs au comité de retraite sont autant de mesures qui peuvent sécuriser les participants et favoriser leur adhésion. Ces mesures ne se feront sans doute pas sans coûts additionnels pour les régimes, et en particulier pour les employeurs qui, bien évidemment, ne retireront rien de ces bonifications des prestations et des autres avantages consentis aux participants.

L'affectation de l'excédent d'actif à l'acquittement des cotisations patronales, c'est un point majeur évidemment du projet de loi. La Chambre de commerce du Québec a accueilli avec satisfaction les propositions du ministre qui se rapportent à l'affectation de l'excédent d'actif à l'acquittement des cotisations patronales. On a laissé entendre que les employeurs n'attendaient que le projet de loi pour faire main basse sur les surplus des caisses de retraite et spolier en quelque sorte les travailleurs. Pourtant, l'historique en cette matière est loin de confirmer ces insinuations. Selon la Régie des rentes, justement, 60 % des excédents d'actif utilisés depuis 1984 l'ont été sous forme d'amélioration des prestations.

Pour la Chambre de commerce du Québec, il serait impensable, en principe, que les employeurs ne puissent pas affecter un excédent d'actif de la caisse de retraite à leurs cotisations, puisque, en général, ils contribuent pour 50 % et ne retirent rien des bénéfices, alors que les employés y contribuent également pour 50 % et en retirent 100 % des bénéfices. De plus, à notre connaissance, il s'agit d'une procédure courante dans le reste de l'Amérique du Nord. Le défi du gouvernement consistait donc, nous semble-t-il, à trouver une solution qui préserve la liberté contractuelle des parties tout en permettant de résoudre les impasses de la façon la plus équitable possible.

Nos remarques sur ce sujet sont de trois ordres. En premier lieu, nous ferons quelques commentaires sur la nature des régimes privés. Par la suite, nous nous pencherons sur l'intégrité du processus proposé pour dénouer les impasses. Et, enfin, nous discuterons de l'équité des propositions contenues dans le projet de loi.

Rappelons, d'abord, que nous parlons ici de régimes à prestations déterminées, c'est-à-dire de régimes qui garantissent une rente dont le montant est fixé d'avance en fonction notamment des années de service, de l'âge et des cotisations payées. Fondamentalement, ces régimes sont analogues aux régimes individuels de rente offerts traditionnellement surtout par les compagnies d'assurances.

Dans la version collective de ces régimes, c'est l'employeur qui assume les risques si jamais les fonds sont insuffisants pour couvrir les engagements pris. À cet égard, je mentionne d'ailleurs qu'il y a des chiffres qui ont été cités à l'effet qu'il y a beaucoup de caisses qui sont en déficit. Il n'y a pas que des caisses qui sont en surplus. C'est dire que les participants à un régime à prestations déterminées ont la garantie de l'employeur à l'effet que les prestations leur seront versées à leur retraite conformément aux conditions prévues au contrat. La loi était déjà très claire à cet égard, et le projet de loi vient renforcer cette obligation faite à l'employeur notamment en établissant les critères nécessaires pour qu'un régime soit considéré comme totalement garanti: capitalisation, solvabilité, rapports d'experts, etc.

Toutes ces conditions étant remplies, qu'arrive-t-il si un régime devient excédentaire, c'est-à-dire si la valeur dépasse la valeur des engagements pris à l'égard des besoins actuels et éventuels? La logique propre au contrat d'assurance dont s'inspire ce type de régime serait à l'effet que la partie qui assume la garantie puisse suspendre ses contributions tant et aussi longtemps que le régime est en excédent, et cela, sans égard à l'opinion de l'autre partie, en l'occurrence l'assuré. Évidemment, cela est encore plus vrai si le surplus excède le maximum permis par les lois fiscales. Cependant, dans notre régime de relations de travail, les prestations de retraite et les autres bénéfices et obligations liés aux régimes de retraite sont le plus souvent associés aux conventions collectives et, en conséquence, sont soumis à la négociation et n'ont donc pas la pérennité ni la rigidité d'un contrat d'assurance traditionnel, d'où les débats sans fin qui entourent parfois les régimes privés de retraite parce qu'un régime est excédentaire, qu'une entreprise participante ferme ses portes ou que le gouvernement veut amender la loi pour clarifier les règles du jeu et limiter le recours aux tribunaux. C'est dans cette perspective qu'il faut analyser les articles du projet de loi n° 102 qui portent sur l'excédent d'actif et sur l'affectation qui peut en être faite pour acquitter les cotisations de l'employeur.

Vu sous cet angle, le processus de règlement des différends est tout à fait intègre, puisqu'il ne limite en rien le processus de négociation existant et qu'il donne toujours préséance à l'entente convenue entre les parties. En effet, seules les dispositions des lois fiscales fédérales peuvent limiter l'entente convenue entre les parties à cet égard. Il est vrai que l'employeur bénéficie d'un droit unilatéral pour intervenir dans le cas d'une impasse, mais ce droit est limité par des dispositions qui donnent priorité à la bonification du régime et assure ainsi l'équité du processus. Il ne faut pas oublier, en effet, que, si l'employeur veut décider seul d'un congé de cotisation, il devra au préalable soit appliquer la cotisation minimale de 50 % au titre des services reconnus par le régime avant 1990, ou consentir à utiliser le taux de rendement de la caisse comme taux d'intérêt sur les cotisations salariales de façon rétroactive à la date de participation au régime. Selon la Régie des rentes, il en coûtera environ 25 millions annuellement aux employeurs pour se conformer à ces conditions et confirmer leur droit à des congés de cotisation de façon unilatérale.

Il faut également souligner que ce projet de loi prévoit que, dans le cas de la terminaison d'un régime en excédent, les parties doivent, à défaut d'entente, avoir recours à l'arbitrage pour régler leurs différends. La Chambre de commerce du Québec est heureuse que le ministre ait évité d'endosser la thèse qui voudrait que les cotisations tant des employeurs que des employés font partie de la masse salariale des entreprises et que, en conséquence, les employés sont les propriétaires des caisses de retraite et sont donc les seuls à pouvoir en disposer. Cette thèse conduit directement à l'abandon des régimes à prestations déterminées pour les régimes à cotisation déterminée dont les risques sont assumés par les participants et qui n'offrent aucune garantie pour la stabilité du revenu des retraités.

Donc, en conclusion, la Chambre de commerce du Québec veut redire haut et fort que les modifications proposées par le gouvernement coûteront quand même autour de 60 millions par année aux employeurs québécois pour leurs opérations au Québec. Ça ne tient pas compte des effets d'entraînement certains que ces modifications auront sur les coûts des employeurs québécois pour leurs opérations dans les autres provinces. La Chambre estime cependant bien représenter ses membres en appuyant, malgré cela, le projet du ministre, mais elle insiste pour qu'il ne soit pas modifié dans ses éléments majeurs, notamment sur tout ce qui peut générer des coûts additionnels pour les employeurs québécois qui acceptent une fois de plus de financer des régimes d'avantages sociaux plus généreux que ceux de nos proches concurrents. Il faut reconnaître, je le répète, que certaines améliorations qui sont faites ne se donnent pas dans les autres provinces. Donc, il va falloir que les autres s'harmonisent. Et il y a beaucoup d'entreprises qui nous ont fait part d'ailleurs de préoccupations à cet égard.

En ce qui concerne l'utilisation d'actif excédentaire, ce projet s'harmonise avec ce qui se fait ailleurs en Amérique du Nord et dans les autres provinces, mais il est clair, cependant, comme je viens de le mentionner, que certaines modifications rendent les régimes québécois plus généreux que les autres. Il ne faut donc pas s'attendre à une harmonisation rapide chez nos voisins. Sans attribuer à ce projet de loi toutes les vertus et consciente des coûts qui en découlent pour les employeurs, la Chambre estime cependant qu'il préserve, pour l'essentiel, l'équité du système et l'équilibre délicat entre les intérêts divergents qu'il peut y avoir dans cette matière. En conséquence, nous demandons instamment qu'il ne soit pas amendé sans un large consensus des employeurs québécois. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. Audet. Alors, M. le ministre.

M. Boisclair: Très rapidement, M. Audet, je voudrais vous remercier pour votre mémoire. Nous en avions bien sûr pris connaissance. Je prends note de l'appui que vous signifiez aux parlementaires, aux membres de la commission. Mais je voudrais profiter de cette discussion pour vous lancer une invitation, celle d'aller vous asseoir avec des groupes d'aînés pour leur expliquer cette phrase-clé que vous avez dans votre mémoire où vous dites: «Introduire des dispositions nouvelles sur l'administration des régimes, introduire des dispositions quant à l'utilisation des surplus, c'est conduire les régimes complémentaires de retraite, c'est les amener direct à l'oubliette, puisque les gens vont fermer les régimes.» Là, c'est rendu que c'est moi, le ministre, qui suis obligé de dire ça. J'aimerais ça que vous alliez parler aux associations d'aînés puis que vous fassiez aussi le débat entre vous.

Je comprends qu'il est intéressant que vous veniez ici, en commission parlementaire, échanger avec nous, mais là les gens du milieu des affaires ne peuvent pas négliger le fait qu'il y a en ce moment un vrai débat public sur ces questions, où il y a, dans les faits, des perceptions parfois erronées. C'est un sujet qui est éminemment complexe, puis, à chaque fois, dans les journaux, qu'il s'écrit des trucs, les spécialistes comprennent bien que, entre ce qui se dit dans les journaux puis ce qui est dans les faits, il y a deux choses, puis que même c'est difficile pour un journaliste qui n'est pas un expert de ces questions-là d'écrire sur ça. On a vu qu'il se commet parfois des erreurs dans des articles.

Est-ce que vous discutez avec des associations d'aînés ou si vous misez tout simplement sur le ministre pour qu'il puisse convaincre tout le monde? Moi, je vous invite à faire ce débat-là avec elles, puis il y a des forums pour le faire. Le Pont entre les générations est un lieu, il y a des gens qui discutent, il y a l'Alliance des retraités, vous devez voir ces gens-là pour porter ce message-là, parce qu'il y a quelque chose d'un peu paradoxal de voir que ce soit un porte-parole du gouvernement qui soit obligé de rappeler ces vérités.

n(10 h 50)n

En somme, j'apprécie votre présence en commission parlementaire et je comprends que c'est un test nécessaire en démocratie que des organisations comme la vôtre viennent témoigner en commission parlementaire. Mais ce n'est très certainement pas un test suffisant, et je vous invite à aller discuter avec les retraités et leur dire des choses que vous me répétez et que je sais vraies. Mais, à un moment donné, dans un débat public où les gens d'affaires... Je le sais, qu'ils sont un peu réticents, puis ils n'ont pas nécessairement une culture du débat public, et ce n'est pas nécessairement dans la pratique des gens d'affaires de se mesurer parfois à l'opinion, surtout pour des compagnies privées qui n'ont pas à se démêler avec des actionnaires en Bourse. Mais je vous lance cette invitation parce que nous poursuivons des objectifs, tous les gens qui viennent ici, en commission parlementaire: les retraités, des jeunes, des représentants d'employeur, des représentants de syndicat.

On est tous conscients d'un problème qui est celui du revenu de retraite privé des Québécois qui stagne, des conséquences que ça peut avoir sur l'économie, des conséquences de l'incertitude, à l'heure actuelle, sur le statut juridique des ententes, des conséquences aussi sur le fait que le régime n'est pas adapté aux réalités modernes du marché du travail. Donc, on est tous d'accord, d'une certaine façon, sur des grands objectifs poursuivis, mais là il y a un vrai débat public, et, moi, je pense que vous devez, sur ces questions, bien sûr vous exprimer en commission parlementaire. Je pense que tout le monde se réjouit que vous le fassiez, mais, moi, je vous lance l'invitation. Allez discuter avec les aînés, faites le débat aussi avec eux, et je pense qu'on se rapprochera d'un pas de plus d'un... «Consensus» est peut-être un bien grand mot, mais, disons, nous serons capables, si vous relevez ce défi-là, de développer une zone de confort plus grande que celle qu'on connaît aujourd'hui.

M. Audet (Michel): M. le ministre, je pense que j'accueille avec beaucoup d'ouverture votre proposition, et certainement qu'on va se prêter à cet exercice. Moi, je pense cependant qu'il est très important que non seulement des organismes comme le nôtre, mais, bien sûr, la Régie des rentes et les parlementaires aussi ne se prêtent pas là-dedans et n'encouragent pas la démagogie. Il faut se rendre compte qu'il s'agit de régimes, je pense, qui sont établis, qui sont privés, mais qui constituent le gagne-pain des gens à venir.

J'ai vu les chiffres d'ailleurs de la baisse, au Québec, de ce type de revenus, de ce type de régime en proportion de revenus privés par rapport, par exemple, à ce qui se passe en Ontario, et c'est fort inquiétant, et on le voit, nous, particulièrement pour les entreprises qui naissent, parce qu'il faut se rendre compte qu'on parle des retraités qui sont dans des entreprises, dans des régimes qui sont à maturité et que ces entreprises-là existent, mais qu'il s'en crée tous les jours, de nouvelles entreprises, et on voit ce qui se passe actuellement. La tendance très générale, je dois dire, c'est de recourir strictement à une contribution de l'employeur pour que l'employé s'achète des REER. Donc, on ne veut plus, en quelque sorte, s'embarquer dans ces régimes-là.

Déjà, beaucoup d'entreprises, de petites entreprises, ne veulent plus le faire à cause des risques que ça comporte. Alors, si, effectivement, on donne en quelque sorte un signal qu'on va les taxer davantage si jamais elles prennent ce biais-là, bien, il n'y a personne qui oblige une entreprise qui démarre à établir ce type de régimes, parce qu'il s'agit de régimes complémentaires, justement, et qu'on peut choisir diverses façons de complémenter ces régimes-là.

Alors, je laisserais peut-être mon collègue, Me Dionne, qui a une expérience assez large de ces régimes-là, compléter cette question-là parce que je sais qu'ils ont eu à discuter de ça à la fois au sein du Barreau et également avec les actuaires.

M. Dionne (André): Je pense qu'il y a trois conditions, disons, pour que les régimes de retraite demeurent attrayants pour surtout les nouvelles entreprises. Alors, je pense que ça prend des règles du jeu qui sont claires, et le projet de loi va dans ce sens-là pour ce qui est de la question des congés de cotisation; autrement, les employeurs vont hésiter à s'embarquer dans un environnement aussi tortueux.

Administration simplifiée, deuxième considération. Il y a également des pas qui sont faits dans cette direction-là. La complexité administrative des régimes, en particulier les régimes à prestations déterminées, est sans doute une des raisons qui dirigent plusieurs employeurs vers d'autres types d'arrangements. Et le troisième élément, c'est la reconnaissance du fait qu'il y a une mobilité accrue au niveau des employés, et, dans ce contexte-là, on s'attaque également aux prestations de départ, qui sont, aux yeux de plusieurs, le point faible des régimes à prestations déterminées. Alors, je pense que, sur ces trois thèmes-là, le projet de loi n° 102 est un pas dans la bonne direction.

Le Président (M. Beaumier): Merci. Alors, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je me permets de vous saluer et de vous souhaiter la bienvenue aussi à nos échanges. Je pose d'abord une petite question technique; après, j'entrerai sur le fond du débat avec vous. Quand j'ai lu votre mémoire, il y avait des points que je ne comprenais pas tout à fait. Vous dites en page 5: Il en coûterait 25 millions aux employeurs, les mesures qui sont proposées quant aux prestations de départ et à l'acquisition immédiate de la prestation. Est-ce que c'est réellement aux employeurs que ça va ou si ça va être un coût supplémentaire à la caisse? C'est ça que je ne comprends pas.

M. Dionne (André): En fait, le 25 millions, je pense qu'au départ c'est un chiffre qui est sorti de la Régie des rentes et qui peut-être...

M. Boisclair: Bien, le 25 millions, c'est le coût... Parce qu'il y a une confusion sur le 25 millions. Le 25 millions, selon les chiffres de la Régie, c'est le coût que devront débourser des employeurs lorsqu'ils se prévaudront de l'option 2, donc dans 5 % des régimes.

M. Dionne (André): C'est ça. C'est exactement ce que j'allais dire.

M. Boisclair: Alors, ce n'est pas vrai qu'on troque 2,6 milliards de congés contre 25 millions. Ça, c'est de la pure démagogie. Dans 5 % des régimes, option...

M. Gautrin: Mais attendez un instant, là. De quoi on parle, là? Vous, vous dites: C'est 25 millions pour pouvoir bénéficier des congés de cotisation, devant l'hypothèse 1 sur l'article 146.5.

M. Dionne (André): C'est ça, mais sous ce qu'on appelle l'«option 2», là, dans le cas où l'employeur procède unilatéralement. Et je vous dirais que, chez Mercer, quand on a vu le chiffre, ça nous semblait bien bas, et c'est lorsqu'on a ajouté l'élément: Oui, oui, mais on s'attend à ce que l'utilisation de l'option 2 ne se fasse que dans 5 % des cas que, là, le 25 millions, à ce moment-là, pouvait s'expliquer.

M. Gautrin: Je comprends. Mais votre option 2 se fait seulement si vous n'avez pas eu une entente avec les parties, et l'entente avec les parties peut même dépasser...

M. Dionne (André): Absolument.

M. Gautrin: En général, on souhaite que les parties s'entendent pendant toute... et ça peut avoir un coût beaucoup plus faible si vous êtes arrivé avec une entente différente entre les parties.

M. Dionne (André): C'est exact.

M. Gautrin: Je voulais clarifier ce point-là au départ.

Deuxièmement, moi, ma lecture du projet de loi n° 102 semble compliquer encore un peu plus l'administration des caisses de retraite. Je pourrais vous l'expliquer. Il y a des gens qui sont venus nous le dire. L'Association des administrateurs des caisses de retraite nous signalait que ça oblige à un certain nombre de calculs en cas de départ, etc. Est-ce que vous partagez ce point de vue là?

M. Dionne (André): Il est certain que, si on parle de la mesure d'acquisition immédiate, c'est une bonification des prestations, mais il y a un risque. Le coût de calculer ces prestations de départ là peut être assez important. Pour les entreprises où il y a un taux de roulement élevé, on s'entend dans les...

M. Gautrin: Vous allez avoir un coût d'administration du régime qui va aller en augmentant?

M. Dionne (André): C'est ça, dans les deux premières années. Mais les mesures proposées, notamment au niveau de l'assemblée annuelle, de l'abandon du concept de terminaison partielle, c'est quand même des éléments qui ajoutent à la complexité lorsqu'elles sont présentes, et le fait de proposer de les éliminer est un pas dans la bonne direction.

M. Gautrin: Je comprends. Moi, je vous lance une question d'ordre général. Actuellement, ces régimes à prestations déterminées ont été conçus lorsqu'on avait des grandes entreprises, lorsqu'on voulait fidéliser... On avait un avantage à fidéliser nos employés parce qu'on commençait à les former. On voulait les maintenir à l'intérieur de l'entreprise, ce qui ne correspond plus nécessairement à la réalité économique actuelle. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de réfléchir collectivement beaucoup plus qu'essayer d'adapter un mécanisme qui a été conçu pour une autre situation, réfléchir à avoir d'autres types de véhicules pour, disons, assurer l'épargne, une planification de l'épargne quand les gens vont commencer à vieillir?

n(11 heures)n

M. Dionne (André): Vous soulevez un très bon point. Maintenant, ça se passe dans le marché, là. Si je regarde le secteur privé, tout le secteur privé n'est pas dans le domaine des régimes à prestations déterminées. Et on pourrait faire un lien assez étroit entre le genre d'employés qu'ont certaines entreprises. C'est sûr que, dans tout le secteur de la haute technologie, ce sont des jeunes personnes, très mobiles, pour qui les régimes de retraite, ça ne veut pas dire grand-chose, et surtout pas un régime à prestations déterminées. Donc, ces genres d'entreprises là n'ont pas ce type de régime là et possiblement ne l'auront jamais, à moins évidemment que ces entreprises-là deviennent les Nortel de demain. À ce moment-là, on parle d'un autre type d'entreprises, et peut-être qu'à ce moment-là, en cours de route, ils vont changer la nature des régimes.

Mais il y a une démarcation assez nette, je pense, qui se fait entre le type d'entreprises qui ont ces régimes à prestations déterminées, d'une part, et, d'autre part, celles qui ont des régimes à cotisation définie, et la taille est un facteur ? oui, j'en conviens ? parce que l'administration d'un régime à prestations déterminées, ça peut être coûteux et complexe par employé s'il y a 25 employés et peu coûteux et d'une complexité bien acceptable si on a 1 000 employés. Mais il y a des grandes entreprises qui, pour d'autres raisons, à cause de leur contexte, à cause de la très, très grande mobilité, ont décidé d'y aller avec des REER collectifs ou des régimes à cotisation définie.

Mais le marché s'adapte, chaque type de régime a sa place, et ce qui est important, par contre, c'est de reconnaître qu'il y a des lacunes à certains de ces régimes-là. Notamment, au niveau des régimes à prestations déterminées, je pense qu'il y a un consensus à dire que les grands perdants, ce sont les employés qui quittent avant la retraite, et le projet de loi fait un pas dans ce sens-là.

M. Gautrin: Un pas dans la direction pour ce type d'employés là. Mais, personnellement, moi, ma réflexion, c'est qu'il va falloir probablement penser à d'autres types de véhicules pour le futur à ce niveau-là.

M. Dionne (André): Exact.

M. Gautrin: J'ai un autre type d'interrogations en ce qui touche l'utilisation des surplus. Je pense que, du moins ici, au sein de la commission, on a clarifié un certain nombre de choses. Une caisse de retraite, ça n'appartient ni à l'un ni à l'autre, ça existe en soi. Je pense que vous ne contestez pas ça non plus. C'est un patrimoine fiduciaire qui doit être géré. De fait, les surplus n'apparaissent réellement que quand on met un terme à la caisse ? là, on peut réellement parler de surplus ? autrement on parle de surplus actuariels. Et ce qui arrive, c'est que, lorsque apparaissent, dans une caisse de retraite, des surplus dits surplus actuariels, on peut modifier le contrat en prenant soit des congés de cotisation, soit en bonifiant a posteriori ce qui était le contrat initial pour les bénéficiaires et pour les employés. Je pense que, ce cadre juridique, on le partage assez bien.

Le problème qui nous est soulevé depuis que nous siégeons, c'est dans la partie au contrat. Pour vous, c'est facile, la partie des employeurs, ils sont clairement identifiés. Mais, du côté des employés, qui sont l'autre partie au contrat, il y a deux groupes, il y a ceux qui sont encore actifs, qui ont évidemment un intérêt dans la caisse, et ceux qui sont les retraités, et on n'a pas encore établi réellement de forum ou de lieu pour voir où le point de vue de chacun pourrait se faire entendre dans le cadre d'une modification au contrat soit sous forme de congé de cotisation, soit sous forme de bonification des rentes, soit sous forme de modification du régime pour faciliter le départ à la retraite, ou des choses comme ça. Est-ce que vous avez réfléchi à cette dimension non plus d'une négociation à deux mais presque d'une négociation à trois? Vous voyez?

M. Audet (Michel): C'est évidemment une question complexe qui effectivement déborde, à mon avis, le cadre du présent projet de loi. C'est évident que, si vous voulez aborder ce sujet-là de façon générale, il faut repenser complètement, à mon avis, l'économie même de tout ce qu'on est en train de faire. On est en train d'ajuster la loi pour tenir compte, pour corriger une insécurité juridique importante au Québec.

M. Gautrin: Pour éviter le jugement Singer qui a créé ici une situation juridique différente qui existe dans les autres provinces ou aux États-Unis où le jugement d'Air Products pouvait permettre une jurisprudence différente. Ça, je comprends ça.

M. Audet (Michel): Voilà. Alors donc, c'est pour ça, je pense, qu'il faut... Mais c'est évident qu'on profite de l'occasion pour soulever des questions plus larges. Et peut-être un commentaire sur les deux aspects de votre question, celle de tout à l'heure et celle-ci. Qu'il y ait une réflexion là-dessus, moi, je pense qu'éventuellement il va falloir se la poser. Hier soir, j'écoutais, au Point ? je ne sais pas si vous l'avez fait ? un démographe français qui nous disait finalement qu'un enfant sur deux aujourd'hui deviendra centenaire. Quand on voit ça, évidemment, et qu'on voit l'âge où les gens prennent leur retraite, il y a de quoi faire frémir, je pense, les actuaires. Alors, il va y avoir certainement éventuellement des ajustements à faire. Chaque année, on gagne trois mois d'espérance de vie, actuellement. Alors donc, c'est quelque chose qui est à revoir, et je pense qu'en même temps ? c'est dans le même ordre d'idées mais sur un autre aspect ? il faut éviter d'exagérer aussi la notion des surplus actuariels.

Pour, moi-même, avoir une caisse de retraite à la Chambre de commerce du Québec ? je suis là depuis sept ans ? quand je suis arrivé, notre caisse satisfaisait à peine aux critères. Il s'est produit cependant qu'avec, effectivement, l'explosion de la Bourse, une partie des actifs, notre caisse est devenue en surplus tout à coup. Mais il n'est pas évident que, dans trois ans, à la prochaine évaluation ? deux ou trois ans ? ça va continuer comme ça. Alors donc, il faut se rendre compte qu'on a une période conjoncturelle qui fait actuellement que c'est... et je pense qu'il ne faut pas profiter non plus de ça pour exagérer un problème. Je pense qu'il faut regarder le problème, comme vous le mentionnez, sur une période beaucoup plus longue et se poser la question, effectivement: Qu'est-ce qui va se passer avec le vieillissement de la population, avec l'amélioration de la médecine, avec le fait qu'il y a de moins en moins de régimes à prestations déterminées? Puis il va y en avoir de moins en moins, comme vient de le signaler mon collègue de Mercer, parce que les gens se tournent vers d'autres types de régimes. Les PME, il faut le reconnaître, n'ont pas l'assurance d'avoir justement cette pérennité à long terme pour pouvoir assurer ça. Donc, elles préfèrent recourir à d'autres types de régimes avec leurs employés.

Alors, c'est évident qu'il va y avoir une réflexion certainement d'un autre ordre d'affaire, mais je ne pense pas que c'est dans le cadre de cette loi-là que ça doit se faire. Moi, je pense qu'il faut se rendre compte qu'il y a ici une correction à apporter. Et, éventuellement, qu'il y ait une réflexion sur l'ensemble de la façon dont on gère, n'est-ce pas, l'épargne et comment on assumera notre retraite dans 30 ans, ou dans 10 ans, ou davantage, je pense que c'est un autre cadre de réflexion.

Il y aurait peut-être un commentaire que mon collègue Turgeon voulait ajouter.

Le Président (M. Beaumier): M. Turgeon.

M. Turgeon (Maurice): Oui. Bien, je voulais faire deux petites remarques au sujet des questions de M. le député. Premièrement, actuellement, c'est sûr que la prestation déterminée par rapport à la situation économique et au rendement des régimes autres, si vous voulez, qui, eux, sont à cotisation plutôt qu'à prestations, fait en sorte que, si ça continuait toujours... Supposons que les rendements seraient toujours aussi extraordinaires; c'est évident que les régimes à prestations déterminées n'ont pas beaucoup d'avenir. Mais, malheureusement, je dirais, on ne connaît pas l'avenir. En conséquence, il n'y a rien qui nous dit que dans deux ans, ou même dans six mois, ou même demain les gens n'auront pas tendance à revenir à la prestation déterminée, parce que je pense que la situation des rendements des régimes joue beaucoup sur le choix qui est fait; évidemment, l'âge aussi des employés et ce qu'on disait tout à l'heure.

La deuxième remarque, au sujet des aînés, c'est que, quand on les regarde dans la situation actuelle ? si on veut projeter, évidemment, c'est assez différent ? notre tendance, nous, en tout cas, à la Chambre, c'est à l'effet de considérer que la distinction aux fins de bonification ou de modification du régime, la distinction entre les participants actifs et les participants retraités est une distinction un petit peu spéciale, c'est-à-dire que les gens, tout à coup, ne sont plus représentés parce qu'ils ont décidé de prendre leur retraite. Alors, du jour au lendemain, on a l'impression qu'ils sont... alors que, à mon avis, c'est un continuum. En réalité, il me semble que tous ces gens-là, qu'ils soient actifs ou pas, devraient faire partie de la même négociation. Maintenant, c'est à eux, aux participants actifs et aux autres, de faire de la place ou pas aux retraités, parce que je vois très mal, dans la forme actuelle des régimes, comment on peut faire autrement. Je veux dire, c'est un régime que je dirais consensuel du côté d'une négociation. Alors, pour le moment, il n'y a qu'une seule possibilité, c'est qu'on fasse de la place, du côté des participants actifs, ce qu'on appelle les «participants actifs», aux autres, ce qui est déjà en partie fait et est peut-être insuffisant, je ne le sais pas, mais à eux d'en juger. C'est la tendance qu'on a, en tout cas, nous.

M. Gautrin: Je comprends, moi, je suis dans la même situation. Je cherche actuellement où je peux... Il y a une demande pour avoir une place...

M. Boisclair: Sans compliquer, sans compliquer.

n(11 h 10)n

M. Gautrin: Non, non, mais ça, écoutez... On va trouver des solutions, ne t'inquiète pas, avant la fin. Mais je comprends votre point de vue.

Je me permets de faire l'avocat du diable par rapport à cela. Les retraités nous disent: Oui, c'est vrai qu'il y a un continuum, mais il y a aussi parfois des intérêts qui sont un peu divergents, parce que, en termes de congé de cotisation, parfois les actifs ont peut-être les mêmes intérêts que les employeurs de pouvoir prendre des congés de cotisation. Les retraités ont peut-être plus un intérêt à bonifier ou à indexer la rente.

Si vous me permettez, indépendamment même de l'employeur, il peut y avoir des intérêts divergents entre les groupes des employés actifs et le groupe des retraités, et c'est ça, cette dimension-là, qu'on n'a pas encore, enfin que, moi, personnellement, je n'ai pas encore compris où je pourrais mettre un forum pour permettre cet échange, cette négociation entre les gens.

M. Turgeon (Maurice): C'est pour ça que je parle de tendance et non pas de position ferme, parce que...

M. Gautrin: Je dois dire que je partage aussi votre point de vue, M. Audet. Il faut faire bien attention. Actuellement, on est en train de se jeter sur les excédents d'actif en se disant: Bon, ce sera toujours comme ça dans les régimes de rentes. Il y a une situation conjoncturelle due à trois éléments: un taux d'inflation qui a été relativement bas, une augmentation des salaires qui, pour toutes sortes de raisons, a été virtuellement nulle et un rendement des investissements qui a été particulièrement bénéfique. La conjoncture de ces trois facteurs-là crée actuellement des surplus, mais il ne faut pas nécessairement qu'on pense qu'il y aura toujours automatiquement cette même conjoncture qui va se manifester. Il faudrait faire bien attention. Et je partage votre message de prudence ici avant de commencer à dire: Toute caisse de retraite générera un surplus.

M. Dionne (André): Votre question soulève un nombre de commentaires additionnels, ici, parce que vous parlez d'un forum. Je pense qu'il n'y a pas de forum formel, si je peux dire, qui permet cet échange-là. Si on prend un régime qui ne couvre que des employés syndiqués, c'est un fait que le débat pourrait se faire uniquement entre l'employeur et le syndicat. Mais, quand on regarde les autres régimes, il y a les statistiques de la Régie qui nous disent que les surplus, dans 60 % des cas, ont été utilisés. Bien, 60 % des montants de surplus ont été utilisés pour des bonifications de prestations. Nous, on a une base de données, chez Mercer, qui regroupe près de 200 régimes du Québec, des régimes enregistrés au Québec, et, si on prend les régimes qui ne prévoient pas une indexation automatique des rentes, dans à peu près 60 % de ces régimes-là il y a une pratique de bonifier les rentes sur base ad hoc par les employeurs.

Je regardais une autre étude, qui n'est pas de Mercer, qui regarde des régimes à travers le Canada, qui vient du Financial Executive Institute et qui couvre des régimes plus grands mais qui arrive à la même conclusion, avec des pourcentages qui sont beaucoup plus forts, et une statistique intéressante, c'est qu'on demandait à ces employeurs-là: Oui, mais sur quelle base vous faites des bonifications aux prestations des retraités? Et, dans le tiers des cas, on disait: Bien, selon qu'il y a des surplus ou pas, on en fait. Mais, dans deux tiers des cas, c'était plutôt une pratique de bon employeur que de le faire. Donc, ce n'était pas quelque chose qui dépendait de l'existence des surplus. Alors, j'ai dit à plusieurs reprises que...

M. Gautrin: M. le Président, je vous remercie de l'information. On a eu hier une discussion sur le montant des surplus excédentaires. Les surplus excédentaires, on se comprend entre nous, c'est les surplus qui ne satisfont plus à l'article 140 ? je ne sais plus ? de la loi de l'impôt. Selon votre estimé à vous, vous qui avez quand même une base de données sur 280 régimes, il y a combien de montant de surplus excédentaires? Parce que hier on voyait des chiffres qu'on n'était plus capables de comprendre. On n'était même plus au niveau du même ordre de grandeur: d'aucuns parlaient de 280 millions, d'autres, de l'ordre de 3 milliards de surplus excédentaires. Donc, votre point de vue là-dessus.

M. Dionne (André): Malheureusement, je ne pourrais pas répondre à votre question. Mercer est le plus gros employeur d'actuaires au Canada, mais vous avez devant vous un avocat de Mercer.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Ah bon!

Le Président (M. Beaumier): M. le député de Masson.

M. Labbé: Merci, M. le Président. Alors, je vais vous aider, maître, en posant d'autres questions. M. Audet, merci à toute votre équipe pour la présentation de votre mémoire. Je pense qu'on va avoir un consensus sur le fait que l'employeur est le premier promoteur de la création des RCR comme telle, je pense que c'est lui qui est souvent l'initiateur.

Un des grands objectifs du projet de loi du ministre, actuellement, c'est justement de favoriser la création de régimes complémentaires de retraite ? on s'entend là-dessus ? parce que, à ce moment-ci, on trouve qu'effectivement il n'y en a pas suffisamment. En Ontario, ça augmente, ça progresse, et, chez nous, on va plus vers les REER, actuellement. En tout cas, c'est complètement différent. Par contre, quand je regarde votre conclusion à la page 9, vous nous dites: Bien, écoutez, ce que le ministre propose, on est d'accord en grande partie, sinon à tout ce qui est dit là, mais ça va nous créer des coûts supplémentaires de l'ordre de 60 millions, et sans compter les effets d'entraînement, etc. Et, quand j'écoute M. Turgeon qui me dit: Bien, écoutez, avec les règles qui font que, à un moment donné, les employeurs sont intéressés à créer des RCR ? entre autres, il y a une question de taux de rendement qui va avoir un impact important là-dessus, ça peut jouer selon que le rendement est intéressant ou pas pour le choix; il y a toute la question aussi de la pérennité ? l'employeur a peur, à un moment donné, sur une longue période... On parlait de 100 ans, une personne sur deux, ces choses-là.

La question que je veux vous poser ? je pense que vous me voyez venir ? c'est de dire, à un moment donné: Bien, écoutez, est-ce que, avec ce qu'on vient de proposer ou ce qu'on va proposer, les employeurs vont être capables, indépendamment des taux de rendement, indépendamment de la durée de ces RCR là, en fait, en termes de la durée de vie des gens, ça va créer vraiment un engouement ou un envoûtement pour les gens, là, pour les employeurs de dire: Oui, on va se faire les promoteurs de ça aussi, ou s'il y a des éléments qu'on ne peut pas contrôler, qui vont malheureusement ralentir cet effet-là?

M. Audet (Michel): Votre question est très pertinente parce que, précisément, on a des entreprises qui, par exemple... Si on l'a soulevé, c'est qu'il y a des bonifications qui sont faites, puis je pense qu'elles sont nécessaires. Je comprends, on connaît les préoccupations, là-dedans, d'un équilibre. Donc, on dit: Bon, bien, écoute, on va donner la sécurité juridique qu'on a ailleurs au Canada et qu'on n'a pas au Québec, mais, en contrepartie, on va faire des améliorations. Je pense qu'on accepte ça. Il y a un prix à payer pour ça.

L'effet cependant net que ça a, c'est que, par exemple, il y a deux effets. Premièrement, il y a des entreprises qui ont des employés à travers le Canada actuellement et qui se demandent comment elles vont pouvoir effectivement gérer cette situation-là. Donc, je pense que le ministre a certainement eu des échos à cet égard. Donc, c'est un premier effet. Le deuxième effet, c'est que, évidemment, chaque fois qu'on fait ça ? et votre question est pertinente ? on dit: Il faut faire la promotion de ces régimes-là, mais ils coûtent encore plus cher, et je pense que là-dessus il va falloir certainement travailler à la fois avec la partie syndicale et les parties patronales pour mieux expliquer l'importance de ces régimes-là pour la sécurité des participants à long terme.

Je pense que beaucoup de gens actuellement sont tentés par les régimes individuels, les REER. Là aussi, c'est un peu le même phénomène dont on parlait tantôt à propos des surplus. Actuellement, on a été gagnant sur une période courte, souvent, mais on va avoir des surprises. Quand la Bourse commence, comme elle le fait actuellement, à amorcer la chute, il y a des gens qui vont se rendre compte que leur actif va diminuer comme une peau de chagrin. Ils vont peut-être être chagrinés de ça bientôt. Alors, il y a, je pense, là-dedans à donner de l'information.

Moi, je pense fondamentalement qu'il y a beaucoup de gens qui font ces choix-là sans être correctement informés, et c'est dans ce sens-là qu'on disait qu'il faut faire la promotion, donner beaucoup plus d'information sur les avantages de ces régimes-là. Nous, comme association d'employeurs, on serait prêts à partager et à diffuser cette information-là. C'est un des éléments peut-être à la réponse. Vous le disiez tantôt, je pense qu'il y a les aînés, mais il y a, au-delà de ça, le fait des nouveaux régimes qu'il faut constituer pour ça, et je pense que là-dessus il faut davantage publiciser les avantages de ces régimes-là, en faire la promotion, en définir l'importance pour les entreprises pour s'assurer d'une main-d'oeuvre stable qui va avoir un intérêt d'ailleurs à rester dans l'entreprise sans nuire à sa mobilité. Les régimes sont prévus d'ailleurs pour éviter...

Il ne faut pas attacher les employés non plus par des pénalités. Je pense que le fait qu'actuellement on permette de partir en moins de deux ans en allant chercher la part de l'employeur, c'est une amélioration importante sur le plan de la mobilité, et ça, c'est peut-être un irritant aussi qu'on va enlever pour la création de ces régimes-là, parce que parfois il y a des gens qui sont mobiles puis qui se disent: Bien, moi, si je quitte, je vais perdre la contribution. Alors donc, je pense que ça, c'est tous des facteurs...

Mais votre réponse, je pense que c'est information importante et, à mon avis, collaboration davantage entre les parties. Je pense qu'il y a vraiment un travail à faire là-dessus ? c'est ce qu'on dit, d'ailleurs ? de pédagogie un peu pour mieux expliquer l'importance de ces régimes-là à long terme.

M. Dionne veut ajouter quelque chose.

n(11 h 20)n

M. Dionne (André): En fait, deux points. C'est sûr qu'on commence à s'attaquer au maintien des régimes existants avant de parler de nouveaux régimes. Il est certain ? on a eu la discussion tantôt ? que les nouveaux régimes, entreprises petites où il y a surtout des jeunes employeurs, les régimes à cotisation définie ou les REER ont leur intérêt, mais, très récemment ? puis on le vit tout le temps ? j'ai été impliqué dans une transaction et puis c'était très clair pour l'acheteur ? et c'était dans le domaine technologique ? qu'une des considérations dans la transaction ? puis ça affectait l'économie même de la transaction dans l'acte d'achat-vente ? c'était de quelle façon l'employeur devrait prendre soin des employés transférés avec la transaction, qui sont, disons, âgés de 48, 50 ans et plus, parce que le régime à cotisation définie de l'acheteur était moins avantageux pour ces gens-là. Dans un contexte où on dit que la population du Québec vieillit, bien, si des régimes à prestations déterminées favorisent les gens plus âgés, ça, ça va créer un équilibre, à un moment donné, dans le temps. Mais l'idée, ce n'est pas de dire qu'un régime est bon puis que les autres ne sont pas bons, c'est qu'il y a différentes formules pour différentes situations, et ils auront toujours leur place, ces régimes à prestations déterminées.

M. Labbé: Excellent. Je vous remercie pour les réponses.

Le Président (M. Beaumier): Mme la députée de Vanier.

Mme Barbeau: D'abord, je vous remercie de participer à cette commission. Dans nos autres vies, on n'était pas tous des experts de ce genre de choses, alors on trouve ça intéressant de recevoir tout genre de groupes avec toutes sortes d'idées.

Ma question a été posée en partie par le député de Verdun, et je ne suis pas sûre que j'ai bien compris les réponses; alors, je vais la reposer. Par rapport à la participation des retraités, j'ai écouté l'argumentaire, on a eu quelques associations depuis quelques jours, et je vous dirais que c'est assez sympathique, leur argumentaire, par rapport à leur participation. Malgré mon jeune âge, avec sagesse, avant de me faire une tête, j'aime bien avoir l'opinion de tous les gens qui se sentent concernés par cela. Alors, si j'ai bien compris, M. Audet, vous avez dit que vous pensiez qu'il fallait faire le débat là-dessus, et, M. Turgeon, j'ai senti que vous étiez plutôt favorable. Je ne sais pas si j'ai bien compris les réponses, mais je veux vous poser deux questions bien précises: Est-ce que vous êtes d'accord pour que les retraités fassent partie de la négociation sur les surplus, sur l'excédent, et qu'il y ait une représentation plutôt proportionnelle sur le comité de retraite? Je vous pose les questions directement. Répondez comme vous voulez, là, mais j'aimerais bien savoir.

M. Turgeon (Maurice): Quant à moi, je vous dis ma position personnelle, c'est que les retraités sont toujours, à mon avis, des gens qui doivent s'entendre avec les participants actifs et faire valoir d'une même voix leurs revendications. Je veux dire, le problème, c'est que les retraités et les actifs doivent s'entendre. Qu'est-ce que vous voulez, on ne peut pas, dans une situation de liberté contractuelle comme c'est le cas dans ces régimes-là... Il y a une seule façon, en tout cas, pour le moment. C'est évident que le gouvernement peut toujours légiférer, mais, dans ce cas-ci, il s'agit bien de régimes privés, et, à mon avis, c'est là que le bât blesse. Et, s'ils peuvent s'entendre entre eux, bon... Ça se fait déjà, soit dit en passant.

M. Audet (Michel): C'est ça.

M. Turgeon (Maurice): Il ne faut pas penser que ça ne se fait nulle part.

M. Audet (Michel): C'est ce que j'allais dire, c'est que déjà les comités de retraite... En tout cas, moi, j'en ai un chez nous, et il y a un représentant des retraités. Quand on a eu un surplus, on a eu notre réunion et on a bonifié, effectivement, certaines bonifications qui ont touché également le retraité. C'est une décision qui a été prise en comité. Je pense qu'il faut justement que ce soit laissé à chacun des régimes, selon les surplus, selon les situations, de juger cette situation-là. On ne peut pas trancher, mettre le même habit à tout le monde dans ce domaine-là, parce que vous allez avoir des gens, des entreprises qui sont peut-être en surplus maintenant, qui vont se retrouver d'un coup sec avec des énormes déficits. Alors, on ne peut pas changer de façon unilatérale des situations comme celles-là, qui ont été convenues.

Des gens qui ont pris leur retraite l'ont prise en connaissance de cause, avec des situations particulières. Il peut arriver des changements effectivement conjoncturels dans la situation des surplus, et, à ce moment-là, il leur appartient de le faire. Il y a des entreprises d'ailleurs qui le font, et de très grandes, qui, de façon ad hoc, décident d'indexer une année. Elles le font parce que les régimes le permettent. L'année suivante, oups! il n'y a plus de surplus. Alors, finalement, à ce moment-là, ils ne font pas nécessairement... C'est des décisions qui sont prises par les comités mais auxquelles, en général, participent des représentants des retraités, à moins que je me trompe. Est-ce que ce n'est pas...

M. Dionne (André): Il y a toujours un représentant des retraités.

M. Audet (Michel): Il y a toujours un représentant des retraités. Alors, je ne comprends pas pourquoi on dit: Il faut faire la place aux retraités dans les comités, je pense qu'ils sont systématiquement représentés.

M. Dionne (André): Présentement, la loi prévoit qu'il y ait un représentant des participants actifs et un représentant des retraités. C'est sûr que le projet de loi propose d'ajouter un représentant des actifs, et là ça va faire deux représentants des actifs pour un des retraités. Il y a peut-être un déséquilibre à ce niveau-là. Mais, en dehors de ça, les retraités sont représentés.

Et l'autre chose que j'ajouterais, c'est: vous avez utilisé le mot «négociation», là, mais autre que dans le cas d'un régime syndiqué. C'est plus une table de discussion. Et, de façon générale, je ne sais pas, sur les 3,6 milliards de surplus qui ont été utilisés pour bonifier les prestations, dans les faits, les retraités ont sans doute ramassé le plus gros morceau, et ça se passe. Encore une fois, je crois au fait que les gens qui sont autour de cette table de discussion là, ce sont des employeurs représentés par des employés qui sont d'éventuels retraités, puis ça semble créer un équilibre dans le système. Parce que, si on tire toute la couverture du côté des actifs, bien, ça va être moins confortable quand c'est nous, demain, qui allons être les retraités. Les entreprises fonctionnement comme ça dans la pratique.

Mme Barbeau: Merci beaucoup.

Le Président (M. Beaumier): Merci. Alors, M. le député d'Outremont.

M. Laporte: Merci, M. le Président. Écoutez, je pense qu'on s'entend, tout le monde, que la conjoncture, c'est la conjoncture puis que les rendements qu'on a eus depuis cinq, six ans ou depuis plus longtemps, si on tient compte du grand «boom market», ce n'est pas nécessairement des rendements garantis.

Mais il y a un argument dans votre texte ? et ça a été repris par le ministre, d'ailleurs, qui l'a évoqué tantôt ? c'est l'argument de la compétitivité. Vous dites, à la page 6: «De plus, à notre connaissance, il s'agit d'une procédure courante dans tout le reste de l'Amérique du Nord.» Ensuite, vous revenez puis vous dites: «En ce qui concerne l'utilisation d'actif excédentaire, ce projet s'harmonise avec ce qui se fait ailleurs en Amérique du Nord et dans les autres provinces.» Alors, vous dites qu'il faut le faire parce que... Bon.

Mais tantôt vous l'avez dit un peu, M. Dionne, vous êtes revenu un peu là-dessus quand vous avez parlé de l'entreprise de technologie qui s'interrogeait, de l'acheteur qui se demandait: Coudon, c'est-u une bonne affaire pour moi d'acheter, compte tenu de la divergence qu'il y a entre mon régime puis le régime de l'entreprise que j'achète? Mais j'aimerais avoir une preuve de ça, là, qu'il y a vraiment un problème de compétitivité, parce que, là, on est en train de justifier un changement au nom d'une normalisation. On dit: Il faut se conformer à la norme, la norme canadienne. D'ailleurs, je ne suis pas sûr que dans toutes les autres provinces ce soit aussi clair que ça. Aux États-Unis, peut-être, oui. Mais là, moi, je n'ai pas de connaissances là-dessus. Mais j'aimerais que vous commentiez cette phrase-là. C'est une affirmation qui m'apparaît vraisemblable, mais je voudrais savoir si c'est vrai.

M. Audet (Michel): Écoutez, effectivement, ailleurs au Canada, il est connu et reconnu maintenant par la Cour suprême que les surplus appartiennent aux employeurs. Maintenant, ce qu'on veut sécuriser ici ? et c'est sûr qu'on parle de compétitivité ? c'est cet aspect-là au Québec qui a été mis en cause par le jugement Singer, et c'est ça, c'est dans ces termes-là. Si on regarde des régimes, actuellement, avec l'insécurité qui pèse sur les employeurs, il n'y en aura plus, de nouveau régime semblable, parce que les employeurs ne prendront pas la chance, n'est-ce pas, de se retrouver dans des situations qui risquent de mettre la survie de l'entreprise en cause. Alors, c'est à l'avantage, je pense, à la fois des participants et des retraités que ces amendements-là se fassent, ce n'est pas juste pour les entreprises. On veut que ces régimes-là se développent, donc il faut s'assurer qu'il y ait une sécurité juridique, qu'on sache exactement à quoi s'en tenir à l'intérieur de balises qui sont bien décrites là-dedans, qui fassent en sorte que personne ne parte avec la caisse. C'est justement ce qu'on veut éviter, ce qu'on veut maintenant, je pense, bien sécuriser.

Pour ce qui a trait aux autres aspects, je laisserais à Me Dionne peut-être le soin de répondre sur l'aspect compétitivité des régimes; je connais moins bien cet aspect-là.

M. Dionne (André): O.K. Plusieurs, quand on lit les journaux, ont parlé d'un recul avec ce projet de loi là, si on prend la position des retraités, notamment, mais il faut bien comprendre qu'on légifère quasiment le statu quo, dans le sens que le droit de l'employeur de prendre des congés de cotisation, il est partout au Canada, il est là, aux États-Unis, c'est clair, il était là, dans l'ancienne Loi sur les régimes supplémentaires de retraite, il était là avec la nouvelle loi n° 95 qui prévoyait le moratoire sur les surplus.

n(11 h 30)n

Est arrivée la décision Singer, et, le lendemain de la décision Singer, les employeurs ont continué à prendre des congés de cotisation, dans les faits. À ma connaissance, je ne pense pas que les employeurs se sont dit: Bien, parce que la situation n'est pas claire au Québec, quand on va prendre 1 $ de congé de cotisation, on va donner 1,50 $ en prestations additionnelles. Les employeurs le font parce qu'ils ont décidé que c'était la chose à faire. Alors, dans ce contexte-là, le projet de loi, je ne pense pas qu'il va avoir comme impact que les employeurs vont prendre plus de congés de cotisation, qu'ils vont donner moins de bonifications pour les participants des régimes, qu'ils soient actifs ou retraités. Donc, de ce point de vue là, ça ne change rien. Mais ce qui change l'aspect de la compétitivité, c'est si, de tous les employeurs en Amérique du Nord, il y a seulement ceux du Québec qui ne pourraient pas prendre des congés de cotisation. Ça, c'est un impact sur la compétitivité.

Et, juste pour terminer, des fois on s'imagine que, parce que c'est un surplus, ça ne coûte rien à l'employeur si l'argent vient de là. Mais ce n'est pas comme ça que fonctionnent les régimes de retraite et la comptabilisation des entreprises. Si un employeur prend 20 millions dans le surplus pour bonifier des prestations, ça affecte directement les résultats financiers de l'employeur du même montant. Alors donc, oui, il y en a un, impact, cet argent-là affecte les résultats financiers de l'employeur directement.

Le Président (M. Beaumier): Alors, nous remercions les représentants de la Chambre de commerce du Québec, et j'inviterais la représentante et les représentants de la Communauté urbaine de Montréal.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Beaumier): Alors, merci. Merci beaucoup. Bienvenue à la Communauté urbaine de Montréal, notamment à la présidente du Comité exécutif, Mme Danyluk, qui aura sûrement le bonheur de nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Alors, Mme Danyluk.

Communauté urbaine de Montréal (CUM)

Mme Danyluk (Vera): M. le Président, M. le ministre, membres de la commission, premièrement, je tiens à vous remercier d'avoir accepté de nous recevoir aujourd'hui. Je vous présente les gens qui sont avec moi: j'ai avec moi M. Jacques Robillard, qui le directeur des ressources humaines de la Communauté urbaine de Montréal, et j'ai aussi avec moi M. René Beaudry, actuaire chez la firme Normandin Beaudry, qui m'accompagne pour effectivement m'aider à répondre aux questions.

Le Président (M. Beaumier): Alors, vous avez 20 minutes de présentation, puis 40 minutes d'échanges de part et d'autre.

Mme Danyluk (Vera): D'accord, M. le Président, puis on va essayer de respecter effectivement ces consignes.

Le Président (M. Beaumier): Merci.

Mme Danyluk (Vera): Comme vous avez déjà reçu notre mémoire, au lieu de lire le mémoire ? je dois vous dire que je vais prendre pour acquis que vous l'avez lu ? je vais essayer de faire juste des commentaires très brefs, puis après ça on serait là pour répondre à vos questions, surtout les experts qui m'accompagnent. Moi, je vais faire les commentaires simples, et, les réponses difficiles, c'est eux autres qui y répondent.

M. Boisclair: Je fais la même chose, madame. Je vous comprends.

Mme Danyluk (Vera): Bon, tout d'abord, je tiens à dire que la Communauté urbaine de Montréal accueille très favorablement le projet de loi n° 102 parce qu'elle est entièrement d'accord avec les mesures permettant de réduire le fardeau administratif des régimes de retraite, de les adapter aux réalités du marché et de fournir une information plus complète aux participants actifs et retraités de ces régimes.

La Communauté est heureuse que la loi dissipe les incertitudes sur les congés de cotisation. Toutefois, il y a deux points majeurs qui nous préoccupent. Premier point, la protection et la reconnaissance des ententes que nous avons déjà conclues avec nos employés sur le partage des excédents d'actif; deuxième point ou deuxième préoccupation, le droit légitime aux congés de cotisation à ceux qui supportent les risques de financement. La Communauté urbaine de Montréal souhaite en effet que les ententes qu'elle a conclues avec ses employés sur l'utilisation des excédents d'actif soient reconnues aux fins de la loi dans leur intégrité, ce qui pourrait ne pas être le cas actuellement pour trois raisons: nos ententes ont été conclues avant la date prévue d'entrée en vigueur de la loi qui est proposée, nos ententes sont d'une durée temporaire et elles ont été conclues dans le cadre de la loi portant sur la réduction de la masse salariale dans le secteur municipal, qui était demandée de la part du gouvernement il y a quelques années.

Permettez-moi de souligner d'abord que ces ententes ont reçu le consentement de toutes les parties visées par le projet de loi n° 102. Elles ont aussi été à la base du règlement négocié des recours collectifs intentés contre la Communauté urbaine de Montréal à la suite des congés de cotisation que celle-ci avait pris depuis 1986. Les personnes qui avaient des droits ou des obligations reliés à ces congés de cotisation ont pu se faire entendre par les tribunaux lors du règlement des recours collectifs et sont liées par ces ententes. Il nous apparaît donc légitime que ces ententes soient reconnues par la loi au même titre que celles qui le seront après l'entrée en vigueur du projet de loi. C'est pourquoi la Communauté urbaine de Montréal recommande que la protection qu'apporte la loi contre les recours éventuels soit étendue à toute entente qui aurait été conclue dans les trois années précédant la date d'effet de la loi, en autant que le processus ayant mené à sa conclusion en respecte le cadre.

En ce qui a trait au caractère temporaire des ententes, nous croyons que ce serait le cas pour la majorité des ententes portant sur l'utilisation d'excédents d'actif. Les excédents d'actif ne sont pas éternels, et il sera toujours difficile pour toute partie à une entente de confirmer sur une base de permanence un droit difficilement quantifiable à long terme. Nous croyons que l'incertitude reliée au caractère permanent du droit au congé de cotisation sera une source de conflits entre les parties et ne créera pas un climat favorable à la conclusion d'ententes. Une solution moins contraignante serait de reconnaître des ententes d'une durée minimale. C'est pourquoi nous recommandons la reconnaissance, aux fins de la loi, de toute entente d'une durée de six ans et plus, y compris les ententes existantes.

Le projet de loi, par le biais de l'article 306.8, vise à exclure explicitement les ententes conclues dans le cadre spécifique de la loi de 1998 sur la réduction des coûts de la main-d'oeuvre dans le secteur municipal. Les ententes qui ont été conclues dans l'esprit de la réforme municipale en 1998, comme c'est le cas pour les ententes de la Communauté urbaine de Montréal, ne l'ont pas été de la façon spécifiquement prévue par la loi en question. Elles ne semblent donc pas visées par l'article 306.8 proposé dans le projet de loi n° 102. Néanmoins, la Communauté urbaine de Montréal voudrait clarifier ce point, car cela implique la protection ou non des ententes actuelles jusqu'à leurs dates respectives d'expiration. Je rappelle que ces ententes sont le fruit d'une réflexion collective qui a été forcée par une autre loi provinciale particulière au secteur municipal. Dans ce contexte, la Communauté urbaine de Montréal recommande la reconnaissance, aux fins de la loi, de toute entente portant sur l'utilisation des excédents d'actif, incluant celles survenues dans le cadre de la loi visant la réduction de la masse salariale dans le secteur municipal.

n(11 h 40)n

En ce qui a trait au congé de cotisation, la Communauté urbaine de Montréal croit en sa légitimité, qui peut également être justifiée par la structure même du financement du régime de retraite. Aussi, la CUM aurait souhaité que le projet de loi reconnaisse le droit au congé de cotisation à ceux qui supportent les risques reliés au financement des régimes. Voici pourquoi. Les participants au régime de la Communauté urbaine de Montréal sont tenus de verser annuellement une cotisation prédéterminée et fixe. Pour sa part, la CUM a l'obligation de verser la cotisation requise pour assurer le financement des engagements du régime, à laquelle s'ajoute celle des participants. Ainsi, lorsqu'une évaluation actuarielle révèle un déficit dans le financement des régimes, la cotisation de la CUM est augmentée pour éliminer graduellement ce déficit. Ce fut le cas entre les années 1972 et 1986: la CUM a dû payer 400 % de ce que les participants payaient à cette époque-là.

Si une évaluation actuarielle révèle, au contraire, qu'il y a un excédent d'actif, il n'y a pas de mécanisme similaire qui permette aux promoteurs du régime de réduire leurs cotisations de façon à compenser leur apport au financement des déficits passés. La Communauté urbaine de Montréal souhaite donc que le projet de loi reconnaisse le droit pour les promoteurs de régime de recevoir un remboursement des sommes dévolues au financement des déficits passés. Une telle mesure permettrait de restaurer l'équité du financement pour ceux qui supportent les risques, elle favoriserait aussi la conclusion d'ententes en limitant les risques de recours éventuels. Nous convenons évidemment qu'une telle mesure ne doit pas se faire au détriment des participants des régimes et que, pour être acceptable, elle devrait être accompagnée de dispositions évitant que ces derniers ne reçoivent des prestations de retraite inadéquates. Pour l'instant, compte tenu que le projet de loi ne reconnaît pas le droit à l'employeur de récupérer les sommes utilisées pour rembourser les déficits passés, il est impératif, à notre avis, que la loi accorde au minimum une protection contre d'éventuels recours concernant l'utilisation des excédents d'actif prévue par les ententes existantes.

Toujours relativement au congé de cotisation, je dirai maintenant un mot sur le rôle des participants retraités. Une des options offertes par le projet de loi afin de confirmer le droit de l'employeur au congé de cotisation est de modifier le régime par une entente négociée prévoyant l'assentiment, s'il y en a, de chaque association de travailleurs qui représente des participants. L'utilisation du terme «participant» laisse croire que l'intention du législateur est de permettre la participation des retraités au consentement requis pour le congé de cotisation. En effet, dans le texte de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, l'utilisation du terme «participant» fait référence à l'ensemble des participants d'un régime, incluant les participants retraités.

Nous sommes d'accord pour que les participants retraités reçoivent toute l'information voulue. Nous ne croyons pas toutefois que le projet de loi devrait leur donner un droit de consentement au congé de cotisation. En effet, le projet de loi comporte des dispositions pour empêcher une réduction des rentes de retraite en cours de paiement. Il s'agit là d'une protection importante qui immunise les retraités contre les risques reliés au financement du régime. On doit donc considérer cette protection comme un droit additionnel important des retraités. Compte tenu qu'ils ne supportent aucun risque en regard du financement du régime, il n'y a pas lieu, à notre avis, de les inclure dans le droit de consentement que prévoit le projet de loi à l'égard des congés de cotisation.

À ce moment-ci, je tiens à vous remercier de votre attention, et nous sommes là, à votre disposition, pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Beaumier): Oui. Merci, Mme la présidente. Alors, M. le ministre.

M. Boisclair: Mme Danyluk, messieurs, merci pour cette présentation. Nous avions bien sûr pris connaissance de votre mémoire. J'aurais peut-être deux messages pour vous, à ce moment-ci, le premier concernant la possibilité que des retraités soient partie aux négociations puis aux discussions. Après la journée que j'ai passée hier, je dois avouer que je pense que vous êtes les seuls à avoir cette perception et que les choses sont un peu plus complexes.

Je comprends que vous exprimez quelques réflexions sur les dispositions de 146.5, sur ce qu'on signifie par «les participants» ou par les mots «association de travailleurs». Ce genre de choses vont être clarifiées dans la loi.

La volonté du législateur, à nouveau je la reprends. C'est celle d'ailleurs que va venir défendre le Barreau ? c'est un appui de taille que le Barreau nous donne aujourd'hui ? le Barreau qui rappelle qu'en 1991 il avait alors soumis au gouvernement ? et je cite son mémoire ? que «les régimes de retraite sont des contrats et que l'intention des parties exprimée dans des ententes contractuelles relativement à la propriété et à la distribution des excédents d'actif devrait être respectée par le législateur. Les mêmes principes doivent être défendus aujourd'hui. Nous remarquons que le projet de loi n° 102 traduit bien la préoccupation de respecter les arrangements propres à chaque entreprise.»

Sur cette question, je plaide comme le Barreau et je comprends que nous allons prendre les dispositions nécessaires pour faire en sorte que l'intention claire soit correctement traduite dans les textes de loi, et j'en profite pour dire que l'appui du Barreau vient sans doute jeter un éclairage nouveau sur le débat que nous avons depuis le début de la commission. Je comprends que la Communauté et certains membres de la Communauté sont aux prises avec des ententes qui auraient été conclues après les délais qui étaient prescrits dans la loi n° 414. C'est bien ça?

M. Robillard (Jacques): Elles ont été conclues avant.

M. Boisclair: Avant. Ah! elles ont été conclues avant. Donc, vous n'avez pas pu vous inscrire dans le cadre de 414, et là vous demandez d'embarquer dans le véhicule qui est 102 puis vous souhaitez que 102 ait un effet rétroactif.

M. Robillard (Jacques): Exact.

Mme Danyluk (Vera): Effectivement. C'est pour ça que j'ai dit...

M. Boisclair: Mais, si vous ne l'avez pas... Parce que, écoutez, je ne suis pas avocat de profession mais j'ai suffisamment d'expérience parlementaire pour savoir que le Parlement, sauf exception... Des lois rétroactives, il y a un caractère quelque peu odieux.

M. Gautrin: ...

M. Boisclair: Oui, il y a des impôts rétroactifs qui ont déjà été suggérés aussi, à l'époque. Ça, c'est votre gouvernement. Il faut le faire, hein, des impôts rétroactifs! Nous, on a fait des baisses d'impôt rétroactives qui étaient...

Mme Danyluk (Vera): Mais, M. le ministre, ce qui...

M. Boisclair: Mais, sérieusement, au-delà de tout ça, si jamais on ne vous offre pas le véhicule de la loi, est-ce que vous ne pouvez pas resigner avec vos syndicats?

Mme Danyluk (Vera): Écoutez, nous, les ententes sont signées avec nos syndicats. Effectivement, on a des ententes, dans certains cas, qui vont jusqu'en 2003. C'est des ententes qu'on a signées lorsqu'il y a eu la réforme Trudel, avec une exigence du gouvernement du Québec qui nous demandait effectivement de négocier avec nos gens. Le gouvernement mettait une loi en place si on voulait utiliser ce véhicule-là. À cette époque-là, nous avons négocié avec tous nos syndicats et puis nous avons réussi effectivement à régler et à avoir des ententes avec tout le monde. Là, je verrais mal que, à ce moment-ci, on n'aurait pas la protection ou la reconnaissance de ce qu'on a fait de bonne foi et que tout le monde avait fait à l'intérieur, dans un contexte, à la demande du gouvernement de réduire la masse salariale dans nos institutions telles que la Communauté urbaine et nos municipalités.

C'est sûr que, légalement, comme vous dites, c'est rare que le gouvernement adopte une loi qui est rétroactive, mais, dans cas-ci, je pense que ce serait tout à fait pertinent de s'assurer que ce que nous avons... Et nous avons été pas mal les précurseurs dans ce domaine-là, à la Communauté urbaine, parce que, déjà depuis 1986, on a pris des congés de cotisation et on a réussi, même avec nos négociations en 1997-1998, par entente à régler tout le problème du recours collectif qu'il y avait de la part d'une certaine catégorie de nos employés. C'est pour ça, je pense, que, pour nous, c'est très important qu'on ait cette protection-là.

M. Boisclair: Si jamais vous ne l'avez pas, vous pourriez resigner en utilisant les dispositions de 102. Est-ce que j'ai raison d'affirmer ça?

Mme Danyluk (Vera): Bonne question. Écoutez, je pense qu'on pourrait resigner avec les mêmes groupes d'employés avec qui on a signé, mais, avant de signer de nouveau, je ne sais pas si, de la part de ces groupes-là, il y aurait d'autres problèmes qui pourraient se présenter dans les négociations de nouveau, parce que ce n'est pas évident que les groupes vont juste accepter comme ça de signer de nouveau.

M. Boisclair: C'est pour ça que je veux bien comprendre, au-delà de la loi, de la dynamique puis de la mécanique.

n(11 h 50)n

M. Robillard (Jacques): En fait, il est sûr que les négociations peuvent être perpétuelles et qu'il peut y en avoir des nouvelles également qui se fassent dans le cadre de 102 ou pas. Toute négociation, surtout lorsqu'on parle de beaucoup de montants d'argent, se fait également de façon intégrée; pas juste discuter des surplus, mais discuter des surplus, des conventions collectives, des salaires, et ainsi de suite.

On comprenait qu'un des objectifs de la loi, je pense, est aussi de clarifier les situations et d'éviter des litiges, et on a donc déjà convenu d'ententes qui ont même réglé des litiges qui étaient quand même assez importants à ce moment-là. Et, de ce fait-là, bien, plutôt que de recommencer les mêmes démarches qu'on a malheureusement ou heureusement ? non, je pense que c'était très heureux ? faites il y a déjà maintenant, quoi, deux ans, c'est tout simplement une reconnaissance, effectivement, que ces ententes-là qui respectent ? du moins, nous le croyons ? l'ensemble des paramètres qui sont prévus actuellement dans 102 pourraient et devraient être reconnues tout simplement pour maintenir, oui, une bonne stabilité pour toutes les parties également. Ça n'a jamais été des négociations simples.

M. Boisclair: Mais 102, là, ma compréhension, c'est l'application permanente. On parle de long terme. Là, on viendrait dénaturer quelque peu la nature des ententes qui ont été prises dans un contexte particulier de réduction des coûts de main-d'oeuvre. Il me semble que la nature de l'entente qui a été conclue, que vous souhaitez voir embarquer dans 102, est de nature différente de ce qu'on propose comme type d'ententes avec 102 qui sont des ententes long terme, sur une base permanente, avec un droit clairement pris.

M. Robillard (Jacques): Avec certains groupes de salariés, effectivement, les ententes qui ont été convenues sont des ententes à très long terme, c'est-à-dire qui ne prévoient pas, à date, d'échéance quant à l'utilisation et au partage des surplus entre les parties. Donc, ça, on a déjà défini ça. Avec d'autres groupes, les ententes vont jusqu'en 2003-2004. C'est un autre élément, effectivement, aussi du mémoire. La partie éternelle des ententes, et surtout, là, de s'entendre sur le partage des surplus, est un élément, on pense, qui va devenir complexe au niveau des négociations, puisqu'il est difficile de savoir à très long terme qu'est-ce que signifie cette forme d'engagement-là.

On le sait tous, les négociations se font toujours dans des périodes de temps déterminées, et, lorsqu'on parle même de six, huit, 10 ans, c'est des très longues périodes. On ne parle plus d'ailleurs de contrats de convention collective mais beaucoup plus de contrats sociaux ou de contrat social, à ce moment-là. Alors, c'est pour ça qu'on trouve que des ententes qui n'ont obligatoirement aucune échéance, c'est fort probablement, dans plusieurs cas, difficile. Des ententes qui sont à très, très court terme, c'est exclusivement ad hoc et circonstanciel. On pense qu'il devrait y avoir, effectivement, une reconnaissance des ententes qui ont une signification long terme sans nécessairement avoir une signification de permanence.

Mme Danyluk (Vera): Je pense que M. Beaudry aimerait ajouter quelques mots. M. Beaudry.

M. Beaudry (René): La nature des ententes, en 1998, était, oui, teintée du contexte dans le milieu municipal mais surtout causée par des surplus excédentaires dont vous avez parlé abondamment dans la présentation auparavant. Donc, il y avait un élément contraignant de négocier une utilisation des surplus...

M. Boisclair: Le résultat, disons. Ha, ha, ha!

M. Beaudry (René): Oui. Donc, il y a un élément important en termes de vouloir faire reconnaître ces ententes-là, puis je vous donne juste un exemple. Une des ententes prévoit le partage, à partir de 1998, de 470 millions de dollars de surplus pour un régime. Le budget de la CUM, annuel, avoisine le milliard, si on arrondit les choses. Se commettre sur la permanence d'une entente puis l'utilisation, ça demande un estomac assez solide puis de léguer des choses à des gens qui n'auront peut-être pas la chance de pouvoir changer ces ententes-là. Alors, c'est pour ça que et l'employeur et, en passant, les syndicats...

Le syndicat, dans ce cas-là, a choisi d'avoir une entente qui durerait six ans. Pourquoi six ans? Deux périodes d'évaluation actuarielle. Donc, il y a un élément aussi à considérer dans notre demande, c'est le poids du régime de retraite et des sommes qui y sont intégrées par rapport au budget d'opération de l'organisation qui le commandite.

M. Boisclair: C'est une question qui est très technique. On a été interpellés aussi par la ville de Montréal. Peut-être que M. Morneau, si c'est possible, de la Régie des rentes, pourrait déjà apporter un élément de réponse. Mais ce qu'on me dit, c'est que ce serait, à première vue, des plus difficiles et que le législateur ne serait pas nécessairement avisé de procéder ainsi. Peut-être M. Morneau?

Le Président (M. Beaumier): Alors, M. Morneau.

M. Morneau (Guy): Merci. Effectivement, on a eu des échanges avec les représentants de la ville de Montréal, le vice-président aux ressources humaines, le directeur, M. Brousseau, pour parler de cette question-là. On lui a fait valoir, à l'époque, que, normalement, le cadre qui a présidé à l'établissement de l'entente était, comme on l'a souligné, dans le cadre de la loi sur la réduction de la masse salariale de 6 %. Donc, vous ne pouvez pas prétendre que les ententes... d'autant plus que les éléments de cette entente-là prévoyaient qu'il y avait un terme à une éventualité, comme le milliard atteint, je crois, là. Passé ça, nécessairement, les parties avaient convenu d'une modalité d'utilisation des surplus.

Il nous semble, en tout cas, que, dans l'esprit de la loi, du moins telle qu'elle est déposée, comme on vise la transparence, on vise l'accord librement consenti. Mais vous soulevez un point intéressant, celui de limiter, parce que c'est le caractère permanent qui va être difficile à obtenir. Nous, on l'avait regardée, cette possibilité-là, mais on a un problème aussi parce que, au-delà du terme convenu en termes d'ententes, est-ce qu'on tombe dans un vide juridique ou si on repart un autre processus tout aussi insécurisant quant à la liberté et au droit du congé versus les recours possibles, les clarifications antérieures? Alors, pour toutes ces raisons-là, il nous semble qu'il y a des choses à regarder. Mais je pense que, difficilement...

Comme on l'a dit ? c'est un peu l'avis qu'on avait formulé à ce moment-là au ministre et, j'allais dire, aux représentants de la ville de Montréal ? il ne nous semblerait pas sage d'aller invoquer et de prolonger, j'allais dire, ces ententes-là convenues dans un autre cadre sous l'égide de la loi n° 102. Je pense qu'il devrait s'inscrire dans le processus de la loi n° 102, parce que sinon on risquerait d'avoir de sérieux problèmes de continuité.

M. Beaudry (René): Si je peux me permettre, à la CUM, il y a un certain vécu en termes de négociation puis d'utilisation de ces partages-là. Les ententes qui ont été établies par la CUM ont été utilisées par d'autres municipalités par après comme étant des patterns, si je peux me permettre l'expression, utilisés par les parties syndicale et patronale comme étant au moins un grand débroussaillage de la discussion pour le départ. Puis il y a une chose fondamentale que les gens reconnaissent là-dedans, c'est que, s'il y a utilisation de surplus par des améliorations de prestations pour des participants, qu'ils soient actifs ou retraités, et que, l'employeur, son seul bénéfice, entre guillemets, n'est qu'un congé de cotisation, l'élément vital à comprendre ici, c'est que la loi est ainsi faite que, présentement, lorsqu'il y a amélioration, c'est imbriqué automatiquement dans les prestations que les gens ont. Il n'y a aucune possibilité de réduction de ça.

Alors, si je peux me permettre, le partage de risques n'est pas évident si on le fait à long terme parce que, d'un côté ? je prends l'exemple que je connais le mieux ? un demi-milliard de surplus, c'est 250 millions en améliorations automatiquement avalées par le régime amélioré, l'autre 250 millions sert à des congés de cotisation, et apparenter ça à un bain puis à un trou dans le fond du bain, c'est avec le trou d'une certaine grosseur que les congés de cotisations sont de 30 millions de dollars par année puis qu'il y a 250 millions.

Si on se dit: Les choses sont permanentes et l'entente doit être à très, très, très long terme, l'employeur supporte un risque, à savoir que, dans six ans, neuf ans, ce surplus-là peut avoir disparu, et assez facilement, parce que l'amélioration vient d'en diminuer la majeure partie, et, le reste, on attend chaque année patiemment de pouvoir prendre un congé de cotisation. Mais ça, je ne pense pas qu'il y a beaucoup de monde qui le réalise, mais, lorsque la pendule revient, l'amélioration, elle, demeure. Les congés de cotisation, ils disparaissent complètement.

M. Boisclair: C'est récurrent.

M. Beaudry (René): Pardon?

M. Boisclair: Il y a un effet récurrent aux bonifications.

n(12 heures)n

M. Beaudry (René): Même plus que ça. Si elles sont pour les années passées, on ne parle même pas de récurrence, on parle d'installation, de début des paiements, même. Donc, la CUM n'est pas contre une utilisation, un partage, et tout ça, mais on ne voit pas comment on peut commettre le payeur de taxes sur 25 ans à prendre le risque qu'on va donner une partie du surplus en améliorations puis, après ça, assumer le risque que le surplus soit là peut-être pour prendre des congés qui font que le partage est équitable selon les données au début de l'entente, et ça, je me permets de dire: Les syndicats sont très d'accord avec ça, là. Il n'y a personne qui a de problème avec ça. Je ne suis pas avocat, moi non plus. J'ai de la misère à voir où on ne pourrait pas avoir une protection pour six ans pour les congés qu'on prend pendant six ans ou neuf ans, ou quelle que soit la période. Pourquoi il faut que ce soit éternel?

M. Boisclair: On va regarder ça attentivement et prévoir un lieu où on pourra aller au fond des choses. Je vous offre ça volontiers.

M. Beaudry (René): Merci beaucoup.

Le Président (M. Beaumier): Merci. Alors, M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Je vous souhaite d'abord la bienvenue ici, à l'Assemblée nationale. Je vais aborder une question qui n'a pas été abordée dans les échanges précédents, qui est dans votre mémoire et que je trouve intéressante parce qu'elle a été proposée par un autre groupe qui était les retraités. Vous dites: Il serait bon que le projet de loi ? vous avez dit «aurait souhaité», mais vous souhaitez, quand vous l'avez présenté ? permette que le promoteur du régime, lorsqu'il a eu à assumer des cotisations supplémentaires pour un déficit d'expérience... Et, volontairement, donc, vous faites référence au concept de déficit d'expérience par rapport à déficit initial et déficit d'amélioration, donc on parle vraiment de déficit d'expérience. La loi parle de déficit technique, mais on comprend que c'est un peu le même concept.

Vous dites: Si l'évaluation actuarielle subséquente génère des surplus, que la première affectation des surplus soit pour combler, en quelque sorte ? ce que vous avez dû amener d'une manière supplémentaire ? le déficit d'expérience. Ça, c'est une chose que vous demandez et qui diminue en quelque sorte le risque que l'employeur assume par rapport au financement

M. Beaudry (René): On se comprend du régime. On se comprend sur ça? Très bien.

M. Gautrin: Et, c'est très drôle, de l'autre côté, les retraités qui plaident pour avoir une part en quelque sorte aux surplus générés éventuels disent: Qu'on commence par régler cette question, et ils sont d'accord avec vous. Hier, ils étaient d'accord avec vous en disant: On va essayer de régler cette première question; on met ça de côté, qu'on règle d'abord cette question. Je pense qu'on pourrait déjà le mettre à l'intérieur de la loi, et ça rendrait probablement les régimes complémentaires de retraite plus attrayants pour les employeurs, ça diminuerait le risque qu'ils ont à assumer et ça leur permettrait de pouvoir vraiment livrer une promotion, de pouvoir le mettre sur pied plus facilement, et je pense qu'il y a là un point qu'on devrait regarder éventuellement.

Mme Danyluk (Vera): Et c'est plus équitable pour tout le monde, ça devient plus équitable et pour les retraités et pour l'employeur. Et, pour le citoyen, dans le cas du secteur public, c'est...

M. Gautrin: Dans le cas du secteur public, pour le citoyen; pour les actionnaires, dans le cas des régimes privés. Mais j'ai un peu de difficultés, après, à vous suivre là-dessus. C'est que vous dites: Les retraités, on va leur bonifier la rente, mais ils n'ont pas à discuter de cette question-là. Vous avez eu, vous, des ententes avec vos syndicats qui ont porté aussi sur des bonifications en partie des rentes que vous versiez. Les retraités n'étaient pas partie, mais ils étaient représentés par leur syndicat. Ce qu'on est venu nous dire hier, du moins un certain nombre de mouvements de retraités, c'est: Attention, nous ne nous sentons pas nécessairement représentés par les syndicats lorsqu'ils parlent avec l'employeur et nous voudrions avoir une possibilité d'un forum où on puisse faire valoir notre point de vue. Alors là, après, ils ont mis sur pied des hypothèses. Par exemple, on pourrait fractionner, établir la part du surplus qui reviendrait aux actifs, la part du surplus qui reviendrait aux retraités, avec les difficultés théoriques que je vois dans le modèle, et, si vous voulez, je peux vous l'expliquer aussi.

Mais est-ce qu'il y aurait une possibilité, dans votre esprit, où on pourrait avoir un forum où la voix des retraités pourrait se faire valoir dans ce qui touche l'utilisation des surplus actuariels qui sont parfois conjoncturels? Il faut bien en être conscient, il ne faut pas nécessairement toujours les utiliser, il faut faire attention dans tout ça. Ce que vous venez de dire, M. Beaudry, j'en suis parfaitement conscient, mais on projette quand même... Quand on donne un avantage, en tout cas, on essaie de l'estimer et de projeter quand même sur 20 ans ou 30 ans, au fond. Est-ce que vous avez pensé à ça? Parce que vous rejetez complètement cette position.

Mme Danyluk (Vera): Écoutez, je pense que ce qu'il est important de souligner puis d'insister ? et je vais insister ? c'est que, dans tout le processus et tout ce qu'on a fait dans le passé pour en arriver à des ententes, on a inclus nos retraités. Les comités de gestion de nos caisses de retraite, il y a des retraités qui y siègent. Toute l'information est envoyée à nos retraités. On fait nos assemblées annuelles où les retraités viennent, tout le monde vient.

Ce que, nous, on vous demande, au gouvernement, c'est de ne pas rendre obligatoires et conditionnels les congés de cotisation sur le consentement des retraités parce que vous savez très bien que les retraités, pendant qu'ils ont travaillé, surtout dans une institution comme la Communauté urbaine, ils ont payé un certain montant pour des prestations prédéterminées et fixes, ils ont payé le montant qui était proportionnel à ce qu'ils voulaient avoir comme prestations une fois qu'ils étaient retraités, et puis ces gens-là, une fois retraités, ont les prestations pour lesquelles ils ont payé.

Et tantôt le ministre a parlé du fait que c'est un contrat qu'on a. L'employeur a un contrat et avec les retraités, et avec les actifs, et avec les employés futurs de la Communauté urbaine. Ça veut dire que les retraités ont les prestations pour lesquelles ils ont payé et c'est sûr qu'ils n'ont aucun risque à assumer, ces gens-là, pour les années à venir de l'existence de la Communauté urbaine et pour le futur, les employés futurs de la Communauté urbaine. Ça fait qu'on dit: Oui, nous, en tant qu'employeurs, on a toujours eu beaucoup de respect pour ces gens-là ? comme je vous dis, ils siègent à nos comités de gestion des caisses de retraite ? et on veut les informer pleinement, leur envoyer, comme on fait d'ailleurs déjà à chaque année, toute l'information sur la caisse de retraite, sur le régime, sur leurs prestations, sur tous les changements.

Effectivement, lors de ces ententes dont on vous parle, les ententes de 1998, on a pris la décision de bonifier pour les retraités certains montants, surtout pour nos premiers retraités où on a jugé que les montants n'étaient pas suffisants. Ça fait qu'on a pensé à eux, on a bonifié leurs prestations. Mais ce qu'on demande au gouvernement, c'est de dire: Oui, mettez des protections pour les retraités dans la loi, c'est nécessaire, en disant: On ne peut pas réduire leurs prestations, mais, vu qu'on accepte le risque de continuer à payer leurs prestations... Et, lorsqu'il y aura, peut-être un jour, des déficits, ces gens-là sont protégés, ils n'auront pas à payer pour les déficits. Mais, effectivement, lorsque vient le temps de négocier des congés de cotisation, on ne voudrait pas qu'on soit bloqués à cause du fait qu'on n'a pas eu le consentement de ces gens-là. M. Beaudry, peut-être, ajouter...

M. Gautrin: Je comprends votre point de vue. L'argument du contrat, de leur part, c'est de dire qu'ils étaient partie aussi au contrat, que, dans cette partie du contrat, les parties s'engageaient à verser un certain montant d'argent. Nulle part dans le contrat, à moins que le contrat l'ait prévu, il n'était question de surplus actuariel. C'est quelque chose de presque conjoncturel qui se produit, bénéficiant... et, parce que quelque chose de nouveau se produit, on modifie les conditions du contrat. On modifie soit en prenant des congés de cotisation de la part de l'employeur, soit en modifiant les rentes. Vous l'avez fait dans le passé. Remarquez, à chaque fois qu'il y a une modification de prise de congés de cotisation, c'est-à-dire modification implicite du contrat pour une période temporaire, en général, si je regarde les caisses de retraite, il y a aussi bonification du régime et parfois indexation des rentes a posteriori ou des choses comme ça. Alors, leur volonté, ce serait de dire: Puisqu'il y a modification du contrat, il faudrait qu'il y ait un lieu où ils puissent faire valoir leur point de vue dans un cadre de modification du contrat. Mais c'est leur position, voyez-vous, à ce niveau-là.

n(12 h 10)n

Mme Danyluk (Vera): Sauf que, M. Gautrin, on respecte le contrat avec eux. Eux, pendant qu'ils étaient dans leurs années de travail, il y avait un contrat. Eux avaient des montants spécifiques à payer pour des prestations prédéterminées et fixes. Notre contrat est toujours respecté. Même quand on choisit, comme employeur, comme on a fait en 1998, de bonifier les prestations de nos retraités, il me semble qu'il n'y a rien, dans le contrat qu'on a eu, comme employeur... de le faire.

M. Gautrin: Si vous me permettez, sans vouloir se mêler, il me semble que l'employeur et les employés, ce sont des gens qui passent un contrat et qui constituent une caisse de retraite qui n'appartient pas à l'employeur, pas plus qu'elle n'appartient aux employés, mais qui est un patrimoine fiduciaire, à ce moment-là. Mais c'est dans la gestion, en somme, de la caisse de retraite que les parties décident, et l'employeur, s'il est le promoteur ? en général, dans la majeure partie des caisses de retraite, l'employeur est le promoteur ? décide, si un surplus semble être généré à l'intérieur de la caisse, qui n'appartient pas plus à lui qu'aux autres, de donner des améliorations, des congés de cotisation, enfin une voie d'utilisation des surplus. Mais il y a un tiers, il y a une fiducie entre les deux qui est la caisse de retraite, et c'est un élément qu'il ne faut pas oublier non plus à l'intérieur.

M. Beaudry (René): Vous avez raison. Conceptuellement, il y a un contrat, mais, comme le dit Mme Danyluk, c'est de la rémunération que les gens reçoivent en échange d'un travail, c'est un contrat de travail. Pendant que les gens sont à l'emploi, les parties respectent leur entente. Mais, moi, je n'en ai pas vu dans le milieu, en tout cas dans les régimes de la CUM, des contrats de ce type-là qui disent: Nous nous engageons à verser tant de dollars par personne, et ça donnera la rente que ça donnera. On a plutôt dit: On s'engage à vous payer une rente.

J'ai des gens de 62 ans qui sont à la retraite depuis 10 ans, qui viennent «challenger» ça, mais je pense qu'ils n'aimeraient pas qu'on leur dise que, pendant les 23 prochaines années, jusqu'à leur décès, si on n'est pas sûr que l'argent soit dans la caisse, peut-être que ce contrat-là changerait. Le contrat, c'est qu'on va leur payer une rente, advienne que pourra, puis on va trouver les sous pour le faire.

Il y a des gens tout à l'heure qui parlaient...

M. Gautrin: Je m'excuse, monsieur. Ce n'est pas qu'on va leur payer une rente, c'est que la caisse, le régime de retraite, va leur payer une rente. Ce n'est pas la CUM qui paie. Je m'excuse, c'est important de comprendre.

M. Beaudry (René): Non, mais attendez, là. Il y a des lois au Québec qui font que, s'il y a un manque d'actif dans la caisse, il y a juste une place d'où ça va venir, là, puis ce n'est pas des employés.

M. Gautrin: Absolument. Ça, je comprends. Mais c'était dans le contrat initial. Je ne voudrais pas qu'on laisse penser que c'est strictement l'employeur... Ça a été, dans certaines municipalités, avant, comme ça, avant qu'il y ait des régimes de retraite, mais un régime de retraite crée une entité séparée.

M. Beaudry (René): Oui, mais il y a des grandes possibilités.

M. Gautrin: Bon Dieu! c'est fondamental!

M. Beaudry (René): Écoutez, il y a des grandes possibilités. Là, on parle de surplus. Il y a des grandes possibilités qu'à un moment donné on ait à financer des déficits temporels techniques, comme vous l'avez dit, et il n'y a rien de permanent, là. La fiducie n'est pas permanente, l'employeur n'est pas permanent, les gens qui sont au travail ne travailleront pas pour toujours. Il va y avoir des périodes où il va y avoir des financements supplémentaires au régime.

Ceci étant dit, sans égard à tout ça, juste pour faire la démonstration par l'absurde, les gens présentement disent, comme retraités: Il y a un surplus, on voudrait en avoir une part. Pourquoi y a-t-il un surplus? Oui, il y a eu des augmentations de salaire inférieures, oui, il y a un petit peu moins d'inflation, mais la vraie raison, c'est que, depuis trois ou quatre ans, on a 12 %, 13 % de rendement.

M. Gautrin: Je sais parfaitement ça.

M. Beaudry (René): Non, mais, écoutez, il y a des choix qui ont été faits par des promoteurs de régime et avec des comités de retraite d'investir d'une certaine façon, de prendre un certain élément de volatilité et de risque, d'investir plus agressivement. Le risque, présentement, contrairement à ce qu'on a dit tout à l'heure, ce n'est pas que les gens se mettent à terminer des régimes à prestations déterminées demain matin, ce n'est pas ça qui va arriver. Il y a des conventions collectives très solides, les régimes vont rester en place. Ce qui va arriver, par exemple, c'est que des employeurs vont dire: On est peut-être moins intéressés d'acheter du Northern Telecom puis d'acheter des choses de ce type-là. Alors, quand 50 %, 60 % du passif d'une caisse de retraite est pour payer des rentes, peut-être qu'il y a des employeurs qui vont juger qu'il n'y a pas vraiment de nécessité d'être si agressif dans le placement de la caisse, peut-être que des obligations à des rendements prévus vont être plus intéressants.

M. Gautrin: Un instant, là. Un instant. Un instant. À moins que je ne comprenne plus, mais ce n'est pas l'employeur, c'est le comité de retraite, et le comité de placement, et c'est le gestionnaire de la caisse qui prennent les décisions de placement suivant des termes généraux. Mais ce n'est pas l'employeur qui décide des placements de la caisse.

M. Beaudry (René): Ce que je veux dire, c'est que le comité de retraite sur lequel siège l'employeur, sur lequel siègent les employés, à partir du moment où les gens qui sont au comité de retraite... Lorsque des rendements supplémentaires sont générés, que ça se traduit par des améliorations de rentes à la retraite puis qu'il n'y a pas de bénéfices nécessairement directs pour les gens qui investissent dans la caisse, pourquoi, que ce soient les participants ou l'employeur, ils viseraient à avoir le plus haut rendement possible? Pourquoi, s'il n'y a pas de bénéfices directs, prendre ce risque de volatilité là?

M. Gautrin: Écoutez ? ha, ha, ha! ? est-ce que les gestionnaires de la caisse... Pourquoi, dans ces conditions-là, dans une caisse, lorsqu'il y a des surplus, on a tendance aussi à bonifier une rente après? C'est parce qu'il y a un certain consensus qui veut qu'on essaie d'obtenir les meilleurs rendements possible dans une caisse de retraite et que les gestionnaires de caisse de retraite vont essayer d'avoir les meilleurs rendements d'une caisse de retraite. Je ne connais pas un gestionnaire de caisse de retraite qui va se dire: Moi, j'étais en dessous de l'indice, etc., et se glorifier de ça.

M. Beaudry (René): Je m'excuse. Vous pouvez rire un petit peu de ça, mais, présentement, au moment où on se parle, il y a de très importantes caisses au Canada, très importantes ? je parle de centaines de millions de dollars ? qui font des pratiques qu'on appelle d'immunisation de risque, d'appariement, ce qui veut dire que, si vous avez une caisse de retraite de 3 milliards de dollars puis que vous payez 250 millions de dollars de rentes par année, que le passif de votre régime, tout ce que c'est, c'est de payer des rentes, les gestionnaires de placement, oui, gèrent agressivement, mais une petite partie de la caisse. Une bonne partie est strictement bâtie en obligations. O.K.?

M. Gautrin: Oui, suivant les âges, suivant les obligations.

M. Beaudry (René): Ce que je veux dire, c'est que cette tendance-là... À partir du moment où il y a des fluctuations temporaires et des augmentations de surplus qui sont causées simplement par des fluctuations boursières à court terme qui ne sont pas respectées, puis à partir du moment où, si cet argent-là est révélé dans une année ou deux, à court terme, on l'utilise pour les améliorations, je ne vois pas beaucoup les intérêts et de l'employeur et, je me permettrais même de dire, des participants, parce qu'on semble oublier que les participants, eux aussi, prennent des risques. Parce que, le jour où un employeur a à payer des amortissements de déficit, de l'aveu de beaucoup de syndicats, la pression est moins évidente sur une augmentation salariale quand il y a des dépenses budgétaires dévolues à d'autres choses. Donc, dans ce contexte-là, je pense que c'est important de comprendre que les retraités, dans leur démarche, n'ont absolument aucun risque là-dedans, absolument aucun risque. Mais, s'ils étaient prêts, dans un forum, un débat, à dire: Nous mettons nos rentes sur la table, si les rendements sont supérieurs, on veut qu'elles soient augmentées avec l'inflation, mais, le jour où les rendements ? puis ça va peut-être s'en venir ? seront de 3 % ou 4 %, on est prêts à réduire nos rentes de 2 %, 3 % en proportion, le jour où j'entendrai des retraités dire ça...

Des voix: ...

M. Beaudry (René): Les gens demandent beaucoup de visibilité sur les comités de retraite. Dans la vraie vie, c'est que, dans le milieu municipal, des commissions de retraite existent depuis beaucoup plus longtemps que la loi 116, beaucoup plus longtemps que depuis 1990. Moi, je suis actuaire d'une certaine ville importante au Québec, et c'est un combat pour trouver un retraité, à l'assemblée annuelle, qui veut se faire nommer pour venir au comité de retraite, puis on essaie de jouer alentour des vacances d'hiver pour avoir des comités de retraite qui siègent pendant que le représentant des retraités est là. Je ne dis pas que c'est généralisé, mais j'en ai vu assez pour me dire que, quand j'entends des gens dire: On veut être représentés, oui, mais... En tout cas, vous savez, il y a des choses qui se disent, et il faut faire attention aussi. Les gens veulent être représentés, mais ils ont des forums depuis 15, 20 ans puis ils semblent y avoir été pas mal absents. Ils deviennent très présents le jour où on a trois années de rendement à 15 %, et les revendications sont juste temporelles.

M. Gautrin: Je vais changer de sujet. Dans votre présentation, vous avez parlé que, à la CUM, les surplus excédentaires avaient été de combien de millions? J'ai noté vaguement. Attendez, 480 millions de surplus excédentaires?

Mme Danyluk (Vera): Ça, c'est juste dans une catégorie d'employés. C'était presque 500 millions de dollars de...

M. Gautrin: De surplus excédentaires?

Mme Danyluk (Vera): ...surplus excédentaires.

M. Beaudry (René): Pas excédentaires, de surplus.

Mme Danyluk (Vera): De surplus.

Une voix: De surplus total.

M. Gautrin: Bon Dieu! Alors, à ce moment-là, je m'excuse, on a réellement un problème avec la Régie, parce que hier la Régie a témoigné qu'il n'y avait pas plus, dans tous les régimes de retraite au Québec, de 280 millions de surplus excédentaires.

M. Beaudry (René): On ne parle pas de surplus excédentaires, on parle de surplus.

Des voix: ...

Le Président (M. Beaumier): Un instant! Un instant! Un instant! Qui parle?

M. Gautrin: Non, c'est important parce que vous avez utilisé le terme «de surplus excédentaires».

n(12 h 20)n

Mme Danyluk (Vera): Juste dans une catégorie, on a presque 500 millions de surplus. Mais, dans les surplus excédentaires, dans toutes les catégories d'employés, je pense que M. Beaudry a à peu près le chiffre.

M. Beaudry (René): Bien, avant de regarder ça, il faut comprendre une chose. Quand on dit qu'on avait un surplus, à la CUM, ce qu'on vous a dit aussi, d'entrée de jeu, c'est qu'on a utilisé ces surplus-là.

M. Gautrin: Oui, ça, je comprends.

M. Beaudry (René): Si la Régie fait des calculs, au moment où on se parle, aujourd'hui, ces surplus-là ont été utilisés en améliorations.

M. Gautrin: M. Beaudry, je comprends bien, mais on a eu un échange sur le concept... Je connais le concept de surplus, vous connaissez aussi le concept de surplus excédentaires. Le concept de surplus excédentaires, c'est ceux, à ce moment-là, qui dépassent les surplus actuariels qui sont permis dans le cadre de la loi de l'impôt et qui sont traités d'une manière tout à fait particulière dans la loi, ici, par l'article 146.11. On a eu des échanges hier pour tâcher d'évaluer ce montant des surplus excédentaires. Est-ce que vous avez eu des surplus excédentaires, à la CUM? Et ça se chiffrait à peu près à combien? Je comprends que vous en avez réduit par l'entente que vous avez eue avec vos participants, mais c'était à combien à peu près?

M. Beaudry (René): L'entente visait à les réduire.

M. Gautrin: Je comprends.

M. Beaudry (René): Au moment où on se parle, il n'y a plus de surplus excédentaires.

M. Gautrin: Non, non, mais à combien ils étaient? Quel était le montant à peu près des surplus excédentaires?

M. Beaudry (René): Là, ils sont à zéro, présentement.

M. Gautrin: Non, non, mais attendez, monsieur. J'ai bien compris que l'entente visait à réduire les surplus excédentaires. Mais, avant votre entente, ils étaient à combien?

M. Beaudry (René): Peut-être une centaine de millions, en 1998.

M. Gautrin: Une centaine de millions pour la CUM simplement?

Mme Danyluk (Vera): Qui existent à l'heure actuelle? Je dois vous dire que je n'ai pas le chiffre.

M. Gautrin: Non, non, je comprends. Non, non, mais c'est parce que, moi, c'est en termes... Parce que, si c'est seulement une centaine de millions pour la CUM, vous comprenez que, moi, je commence à contester le chiffre de 280 millions pour l'ensemble de tous les régimes du Québec. Vous comprenez?

M. Beaudry (René): Oui, mais là vous parlez de chiffre à quelle date? Le 280, je ne sais pas d'où il vient, moi.

M. Gautrin: Non, non, mais, écoutez, c'est celui qui nous a été donné hier devant la commission.

M. Beaudry (René): Oui, mais à quelle date était-il calculé? Je veux dire, s'il est calculé aujourd'hui, vous comptez zéro pour la CUM, là.

M. Gautrin: Je sais qu'il est à zéro pour vous parce que vous avez eu une entente, je comprends.

Mme Danyluk (Vera): Peut-être un fait que je devrais juste souligner, c'est que, à la Communauté urbaine, la partie Service de police, nos cols blancs et cols bleus... mais, du côté de la STCUM, à ce moment-ci, au moment où on se parle, de ce côté-là, il y a encore des surplus excédentaires vraiment, d'après la définition...

M. Gautrin: C'est-à-dire couverts par 146.11 ? c'est ça? ? c'est-à-dire qui dépassent...

Mme Danyluk (Vera): Effectivement. Et c'est pour ça que le problème, à l'heure actuelle, à la STCUM... C'est sûr que je ne suis pas ici pour parler de la ST, ils ont leur conseil d'administration. Mais, effectivement, de là le problème actuel, le litige avec la STCUM, avec les employés d'entretien, parce qu'il existe effectivement des surplus excédentaires importants à la STCUM, au moment où on se parle.

Le Président (M. Beaumier): Alors, merci bien. À moins qu'il n'y ait une intervention du côté de l'aile parlementaire ministérielle... Alors, M. le ministre.

M. Boisclair: Bon, là, moi, je veux tout de suite dégonfler une balloune. Les chiffres qu'on a sont les chiffres au moment où on prend la photo. Les gens ont trois ans pour envoyer le rapport actuariel de leur régime. À la date x, on regarde ce qu'on a en fonction de ce qu'on nous a envoyé puis on additionne, puis ça donne 280 millions. C'est sûr que demain la situation peut être différente, puis, s'il y a un autre rapport qui rentre trois jours après ou une semaine plus tard, il peut y avoir un portrait différent. Alors, on travaille avec les chiffres qu'on a. Puis là, si le député, qui veut simplifier le régime, propose en même temps qu'il y ait un rapport actuariel à tous les ans qui soit envoyé à la Régie, on peut bien en discuter, ça va me faire plaisir puis on aura des chiffres qui sans doute seront différents de ce qu'on a là. Donc, il n'y a pas de débat sur les chiffres, puis je comprends qu'il y a des gens, hier, qui ont discuté de façon assez virile de ces questions. Je pense qu'on va prendre le temps de correctement s'expliquer puis qu'on va tous très bien se comprendre.

Une question pour vous sur les surplus excédentaires. Le Barreau va venir nous dire cet après-midi qu'on devrait respecter les ententes en cas de surplus excédentaires, parce que, en ce moment, dans le projet de loi, pour les surplus excédentaires, il y a une grande initiative qui est laissée à l'employeur. Est-ce que vous auriez objection à ce que, lorsqu'il y a des ententes, elles soient maintenues puis qu'on applique le principe général du respect des ententes signées tant pour les surplus que pour les surplus excédentaires? On se comprend?

Mme Danyluk (Vera): De prime abord, moi, je dirais oui, mais c'est vraiment très spontanément que je vous dis oui. C'est un «gut feeling» que j'ai que, oui, on devrait le faire. Mais peut-être que mes experts vont me dire que ce n'est pas du tout ça que je devrais dire. Mais je vous dis spontanément: Comme représentante des élus de la Communauté urbaine, je dis oui. Mais là je vais demander à M. Robillard et à M. Beaudry de donner un avis.

M. Boisclair: Combien ce oui vient de vous coûter?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: On veut un chiffre.

Le Président (M. Beaumier): Rapidement, M. Robillard.

M. Robillard (Jacques): Comme je ne veux pas que ça me coûte trop cher non plus, je vais dire oui aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Robillard (Jacques): Non, effectivement, je pense que, s'il y a des ententes qui traitent du partage des surplus, quand je regarde le type d'entente également qu'on a faite à la Communauté urbaine, le même type d'entente, lorsqu'il y en a, peut facilement et très simplement s'appliquer si on est en situation excédentaire. Indistinctement du qualificatif qu'on donne au surplus, ça traite du surplus.

M. Boisclair: ...cette question-là qu'on va faire un bon bout de chemin dans l'établissement d'une zone de confort plus grand, particulièrement avec les centrales syndicales.

M. Beaudry (René): C'est ça, le point majeur, je pense, qui est un os important. De toute façon, dans le milieu d'où nous venons, la raison pour laquelle il y a des ententes, c'est qu'il y avait des surplus excédentaires.

M. Boisclair: L'autre os qu'on ne connaît toujours pas, c'est la position de l'opposition. Mais ça, je présume que ça va venir à un moment donné.

Le Président (M. Beaumier): Alors, merci beaucoup, Mme la présidente et messieurs de la Communauté urbaine de Montréal.

Mme Danyluk (Vera): Merci, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Merci. Alors, je suspends nos travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 27)

 

(Reprise à 15 h 59)

Le Président (M. Beaumier): La commission des affaires sociales reprend ses travaux, toujours dans le cadre d'auditions publiques concernant la loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite.

Alors, nous avons l'honneur d'avoir des représentants du Barreau du Québec, M. le bâtonnier, M. Denis Jacques. Bonjour, M. Jacques.

M. Jacques (Denis): Bonjour.

Le Président (M. Beaumier): Est-ce qu'il y a des personnes qui vous accompagneront éventuellement?

M. Jacques (Denis): Oui, tout à fait. Si vous me permettez de prendre encore quelques minutes, parce que, tout à l'heure, à la Chambre, on a rendu un hommage tout à fait mérité à l'honorable Jules Deschenes, et sa fille est avec nous, et je pense qu'il était de mise qu'elle entende l'hommage qui était rendu à son père tout à l'heure.

n(16 heures)n

Le Président (M. Beaumier): Nous sommes tout à fait d'accord.

M. Jacques (Denis): Et on s'excuse pour le retard.

Le Président (M. Beaumier): Non, il n'y a pas de problème.

M. Boisclair: À cause des dépôts de projets de loi, tout a décalé de trois quarts d'heure.

Le Président (M. Beaumier): M. le bâtonnier, peut-être présenter les personnes qui vous accompagnent, et vous disposez de 20 minutes pour votre présentation. Ensuite, il y aura des échanges de 40 minutes de part et d'autre.

Barreau du Québec

M. Jacques (Denis): Alors, merci, M. le Président. M. le ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, mon nom est Denis Jacques, je suis bâtonnier du Québec, et je suis accompagné, pour la représentation du Barreau, par Me Mireille Deschenes, qui est avocate à Montréal et qui est spécialisée dans le domaine des régimes de retraite; elle est aussi membre de notre Comité sur les régimes de retraite, elle est aussi membre de notre Comité sur le droit de la famille. Ce sont les deux comités du Barreau qui ont été mis à contribution pour élaborer la position qui a été transmise au ministre récemment. Je suis aussi accompagné par Me François Cossette, qui est avocat à Montréal et qui est aussi membre de notre Comité sur les régimes de retraite, ainsi que par Me Marc Sauvé, qui est avocat au Service de recherche et de législation au Barreau du Québec ? il est à mon extrême droite ? et qui est secrétaire de ce Comité sur les régimes de retraite.

Comme je le disais, je suis heureux d'être accompagné ainsi et je suis plutôt reconnaissant, dans les circonstances, de la présence de Me Deschenes, qui est une compétence en matière de régimes de retraite. Comme on l'a dit tout à l'heure, elle est la fille du juge Jules Deschenes qui était un de nos plus grands juristes au Québec. Je tiens aussi encore une fois à remercier les membres de l'Assemblée nationale, tant de l'opposition que du gouvernement, pour l'hommage qui a été rendu, qui est un hommage tout à fait mérité, à l'honorable Deschenes, et je suis d'autant plus reconnaissant de la présence aujourd'hui ? puisque le juge Deschenes nous a quittés hier ? de sa fille. Je dois vous dire que je suis d'autant plus reconnaissant que ses compétences nous sont nécessaires pour la présentation qu'on a à faire aujourd'hui. Celles-ci vont certainement bénéficier non seulement pour la position du Barreau, mais sans doute pour la commission aussi qui aura le loisir de pouvoir bénéficier de ses grandes connaissances en la matière.

Alors, je vous remercie encore une fois de nous donner l'opportunité de faire valoir devant cette commission notre point de vue et nos préoccupations concernant le projet de loi n° 102. Les avocats qui ont participé à l'élaboration de notre prise de position, je tiens à le souligner, l'ont fait à titre de membres du Barreau et non pas à titre de représentants de groupes d'intérêts. Évidemment, au sein du Barreau, on a des représentants de multiples domaines, des gens qui viennent d'un peu partout du côté syndical, du côté patronal, de différentes institutions, et ils participent comme membres du Barreau au sein de notre Comité et ne sont pas là comme représentants, donc, de groupes d'intérêts. Ces avocats, qui sont spécialisés dans les domaines des régimes de retraite et du droit de la famille, proviennent donc d'horizons différents qui sont représentatifs des divers secteurs de la société.

J'aimerais aussi apporter une précision. On a un peu de difficultés à comprendre une affirmation qui aurait été faite par M. le ministre de la Solidarité sociale, M. Boisclair, à l'Institut canadien le 4 mai dernier lorsqu'il a souligné que, selon son point de vue, la présence des avocats dans les débats sur l'avenir des régimes de retraite privés est une preuve que la loi actuelle ne fait pas l'affaire. Je tiens à vous dire, M. le ministre, que c'est un constat qui nous a surpris.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jacques (Denis): Je vous dirai, M. le ministre, que le Barreau du Québec a un rôle, c'est celui de protéger le public, et on le joue à 100 %. Je dois vous dire que, lorsqu'on se présente, on se présente devant la commission parlementaire des fois pour appuyer, des fois pour commenter, des fois pour critiquer, tout dépend. Alors, il ne faut pas tirer de présomption du fait de la présence d'avocats dans un débat de société; je pense qu'on doit y être et je pense que notre présence a été reconnue, d'ailleurs, comme le disait le premier ministre, l'année dernière, en Chambre, lors des célébrations du 150e anniversaire du Barreau. Évidemment, notre rôle avant tout, c'est de voir à la défense de la règle de la primauté du droit, de voir justement à la défense des principes d'une saine justice.

Je vous dirai, M. le ministre et membres de cette commission, que nous sommes en accord justement avec les objectifs fondamentaux du projet de loi, mais que nous avons quand même ? et nous vous les avons adressés ? certains commentaires et observations à faire au sujet de ce projet de loi, notamment relativement à l'affectation par l'employeur de tout ou partie de l'excédent d'actif d'un régime de retraite, et des dispositions aussi qui touchent les conjoints.

En 1991, le Barreau du Québec s'est prononcé, lors d'une consultation publique, sur une proposition gouvernementale relative à l'utilisation des excédents d'actif des régimes de retraite dans son mémoire sur le document de consultation soumis à notre attention en février 1991. Nous avions alors soumis au gouvernement que les régimes de retraite sont des contrats et que l'intention des parties exprimée dans des ententes contractuelles relativement à la propriété et à la distribution des excédents d'actif doit être respectée par le législateur. Ce sont évidemment les mêmes principes qui doivent être défendus et qui sont défendus aujourd'hui par le Barreau. Nous remarquons aussi que le projet de loi n° 102 traduit bien les préoccupations de respecter les arrangements propres à chaque entreprise. Nous avons toutefois des réserves à l'égard de certaines dispositions.

Me Mireille Deschenes va maintenant vous exposer dans les détails les préoccupations du Barreau en ce qui a trait à l'affectation d'excédents d'actif et aux dispositions touchant les conjoints. Ensuite, Me Cossette vous fera part des commentaires du Barreau en ce qui concerne la notion de «médiateur-arbitre» prévue à l'article 146.5 proposé dans le projet de loi. Alors, je passe tout de suite la parole à Me Mireille Deschenes. Merci.

Le Président (M. Beaumier): Mme Deschenes.

Mme Deschenes (Mireille): Oui. M. le ministre, mesdames et messieurs, comme l'a souligné M. le bâtonnier Denis Jacques, le Barreau s'était déjà prononcé en 1991 et avait mis de l'avant l'importance de respecter les conventions. Alors, nous avons examiné le projet de loi n° 102 à la lumière des principes que nous défendions en 1991, et, comme le Barreau a de la suite dans les idées, nous revenons pour une deuxième fois rappeler au gouvernement l'importance de ces principes.

Nous constatons que, dans l'ensemble, le projet de loi témoigne d'un grand respect pour les ententes conclues entre les parties. Nous avons toutefois noté une exception, celle prévue à l'article 146.11. J'ai pu lire les transcriptions de certains débats qui ont eu lieu ici, devant cette commission, lors de la journée de mardi. J'ai constaté que la question de l'article 146.11 était revenue à plusieurs reprises. Alors, les personnes qui se plaignent de cet article reçoivent aujourd'hui un appui de taille: le Barreau souhaiterait que le gouvernement recule au niveau de cette disposition-là.

En ce qui concerne aussi l'article 146.11, on a souligné à notre Comité qu'on réfère aux conventions et que cette expression-là pourrait être trop limitative, dans les circonstances, qu'on pourrait l'interpréter dans le sens d'une convention collective, alors qu'un accord entre les parties pourrait revêtir une autre forme qu'une convention collective. À ce moment-là, nous suggérons une terminologie comme, par exemple, «entente» qui pourrait englober à la fois des conventions collectives et des accords qui ne sont pas strictement des conventions collectives, au nom du principe qui veut que les ententes soient respectées dans le cadre de la loi.

Au niveau de l'article 146.5, dans le contexte où nous avons bien compris l'intention du gouvernement de lever les incertitudes entourant la légalité des congés de cotisation par l'adoption d'une loi qui offrirait des outils permettant clairement à l'employeur, dans certaines conditions, de clarifier son droit, la rédaction de l'article 146.5 pourrait soulever de nombreuses controverses. Des difficultés d'interprétation amènent beaucoup d'imprécisions qui font en sorte qu'il y aurait des litiges potentiels et que l'objectif poursuivi par le gouvernement pourrait être anéanti si certaines interprétations dont certains avocats nous ont fait part devaient prévaloir. Je réfère en particulier, ici, à l'exigence que l'employeur qui présente une proposition doive obtenir tous les consentements nécessaires. Ajouté aux autres exigences de l'article, «tous les consentements nécessaires» pourrait être interprété comme une exigence qui incorpore dans la loi certains principes élaborés par la Cour d'appel dans l'affaire Singer. Donc, les consentements de toutes les parties au régime pourraient être requis, c'est-à-dire tous les participants et tous les retraités, ce qui rendrait l'option 1 pratiquement inutile dans les circonstances. Alors, nous ne nous prononçons pas sur la direction que le gouvernement doit privilégier pour clarifier la disposition, nous vous invitons cependant à la clarifier.

n(16 h 10)n

Nous avons fait des commentaires également au sujet de l'article 230.3 qui porte sur le partage des excédents d'actif lors de la liquidation totale d'un régime de retraite. La règle actuelle prévoit que, si l'employeur fait défaut de soumettre un projet d'entente dans le délai prescrit après la date de terminaison du régime, le dossier doit être référé à l'arbitrage. Ici, la loi prévoit que l'employeur sera réputé avoir renoncé au surplus, qui sera en conséquence alloué aux participants. On introduit ici une forme de prescription extinctive d'un droit qui déroge de façon marquée des principes sur lesquels repose le Code civil du Québec. Le Barreau estime que cette démarche-là du gouvernement ne s'impose pas, dans les circonstances, puisqu'il n'y a pas risque d'impasse, étant donné que toute partie peut demander l'arbitrage si l'employeur est négligent et fait défaut de soumettre un projet d'entente. Alors, à cet égard, nous recommandons que le gouvernement maintienne le statu quo.

Nous avons aussi des commentaires. Le Comité sur le droit de la famille s'est penché sur les dispositions qui touchent les conjoints, et nous avons trouvé un article, qui est situé dans la section de la loi qui porte sur les dispositions diverses et transitoires, qui a un effet important. Actuellement, les conjoints qui sont séparés de corps depuis une date qui est antérieure au 1er septembre 1990 conservent le droit de recevoir une prestation de décès à titre de conjoints survivants. Les conjoints dont la date de séparation est postérieure à cette date perdent ce droit.

La raison pour laquelle cette date-là avait été introduite en 1990, c'est que ces dispositions-là devaient s'harmoniser avec les règles sur le patrimoine familial qui avaient été adoptées en 1989, et les règles concernant le partage des régimes étaient entrées en vigueur en septembre 1990. Comme on accordait aux conjoints séparés de corps le droit de demander le partage du patrimoine familial, on éteignait le droit à une prestation de survie plus tard. Ici, on éteint le droit à la prestation de survie pour des conjoints qui par ailleurs n'ont pas, en contrepartie, la possibilité de demander le partage du patrimoine familial, compte tenu de la date de leur séparation.

Selon les informations que nous avons, le gouvernement aurait introduit cette mesure pour faciliter l'administration du régime de retraite en ayant une règle uniforme quelle que soit la date d'une séparation de corps, et aussi parce que plusieurs participants se plaignaient de cette règle qui les empêchait de désigner une autre personne à titre de bénéficiaire d'une prestation en cas de décès. Nous estimons que des considérations liées à l'administration d'un régime de retraite ne sont pas suffisantes pour que l'on porte atteinte à un droit substantif qui a été reconnu aux conjoints et que la loi a pris soin de préserver en 1990.

Le fait qu'on nous dise que plusieurs participants se plaignent de cette règle-là nous amène à croire qu'il y aurait plusieurs conjoints dont les droits pourraient être anéantis si cette disposition-là devait entrer en vigueur, d'autant plus que le participant qui souhaite avoir la flexibilité de désigner la personne de son choix peut toujours demander le divorce ou l'annulation du mariage, parce que la dissolution du mariage entraîne la fin de la qualité de conjoint et permet au participant de désigner la personne de son choix. Lors d'une procédure en dissolution du mariage, le tribunal pourra décider, à ce moment-là, s'il y a une perte de droit pour ce conjoint-là, s'il y a lieu de compenser, mais il y aura un arbitrage fait sur une base de cas par cas.

Nous notons aussi une disposition qui permettra aux parties qui sont impliquées dans une procédure de médiation familiale d'obtenir un relevé qui fait état de la valeur des droits accumulés durant le mariage. Il y a de nombreuses demandes qui ont été faites à cet effet-là. Actuellement, la loi accorde le droit à des conjoints d'obtenir un tel relevé seulement lors de l'introduction de l'instance. Or, les conjoints sont de plus en plus nombreux à consulter un médiateur avant l'étape de l'introduction de l'instance, de sorte que nous appuyons cette mesure-là.

Nous voulons cependant souligner que la date à laquelle le relevé est établi a une importance capitale sur la valeur des droits et qu'actuellement le Code civil prévoit que la valeur s'établit à la date d'introduction de l'instance. Il n'y a aucune règle du Code civil qui permette d'utiliser la date de la procédure en médiation familiale. En matière de régime de retraite, un écart de quelques mois peut être significatif s'il y a une variation dans les taux d'intérêt ou un changement dans la condition du participant. Par exemple, il peut devenir, dans cette période-là, admissible à une rente anticipée subventionnée à laquelle il n'était pas admissible. Alors, des facteurs comme ceux-là peuvent avoir un effet significatif sur la valeur, et nous signalons au gouvernement que la réglementation devra en tenir compte.

Nous notons que le partage entre conjoints de fait s'étendra maintenant au véhicule de transfert. Ça devait être un oubli, en 1990, que le droit au partage n'ait pas été demandé, et nous sommes satisfaits que le gouvernement corrige cette lacune. Des membres du Comité sur le droit de la famille ont noté que les conjoints de fait, en général, ne se prévalent pas de la possibilité que la loi leur accorde de demander le partage de la valeur des droits accumulés durant la vie maritale dans un délai de six mois qui suit la séparation. Une hypothèse serait que le délai est peut-être trop court ou que la mesure n'est pas suffisamment publicisée. Alors, nous suggérons peut-être d'étendre le délai à l'intérieur duquel les conjoints de fait peuvent se prévaloir du droit de demander le partage.

Nous avons un autre commentaire très technique qui se rapporte à la nouvelle disposition de la loi qui prévoit maintenant que, lorsqu'il y a une liquidation totale du régime de retraite et distribution du surplus, les participants qui seront appelés à faire partie du groupe qui se partagera le surplus sont tous les participants qui auront participé au régime durant les cinq dernières années, y compris les personnes qui auront mis fin à leur emploi volontairement et transféré la valeur de leurs droits à l'extérieur du régime. Actuellement, les participants qui ont transféré leurs droits à l'extérieur du régime et qui ont droit de participer à un partage de surplus à la terminaison totale sont ceux qui auraient été impliqués dans une terminaison partielle. Je peux vous dire par expérience que, lorsque ce participant décède, la question de la transmissibilité de son droit de recevoir une part du surplus, elle est peu claire.

Vous pourriez mettre plusieurs juristes autour d'une table, et il y aurait des débats très animés sur la nature juridique exacte du droit en cause, de sorte que, pour éviter que l'administrateur du régime de retraite soit mis dans la position d'avoir à prendre une décision et pour éviter aussi que cette question importante là soit traitée de façon disparate d'un régime de retraite à l'autre en fonction de l'opinion qu'aura pu obtenir l'administrateur du régime, nous suggérons au gouvernement d'apporter une précision et de prévoir explicitement une règle concernant le droit en cause. En l'espèce, compte tenu que l'économie générale du Code civil prévoit que, normalement, l'ensemble des droits et des biens d'un individu sont transmissibles à son décès, nous croyons qu'il n'y a pas lieu de déroger à cette règle-là et de prévoir explicitement que les droits en cause seraient transmissibles lors du décès du participant. Nous sommes conscients toutefois que c'est un droit d'une nature particulière dont l'évaluation et la détermination pourraient présenter certaines difficultés, et nous suggérons au gouvernement de prévoir peut-être un pouvoir de réglementation de manière à ce que certaines balises puissent être posées, qui feraient en sorte que, d'un administrateur de régime à l'autre, encore là, la technique utilisée soit la même. Mon Dieu qu'on en avait, des commentaires!

Le Président (M. Beaumier): Il resterait effectivement deux minutes.

Mme Deschenes (Mireille): Oui. Bon, bien, je pense que je vais passer la parole à mon collègue ici, et, si vous voulez revenir sur les autres points durant la période de questions, vous serez les bienvenus.

M. Cossette (François): Merci, Me Deschenes. Alors, je vais y aller brièvement. M. le ministre, membres de la commission, je vais maintenant vous entretenir du concept de «médiateur-arbitre» qui est contenu au projet de loi, à l'article 146.5. Essentiellement, cette mécanique se justifie lorsque les parties ne sont pas arrivées à une entente sur la façon d'utiliser, en fait, l'excédent d'actif au niveau des congés de cotisation. Il y a donc, d'un commun accord, un mécanisme où on désigne un médiateur-arbitre pour régler le conflit. C'est un nouveau modèle de résolution des conflits, puisqu'il n'existe aucunement ailleurs dans la loi.

La loi contient évidemment tout un processus d'arbitrage, mais celui-ci semble différent. D'une part, il y a quelque chose d'un peu troublant avec l'usage du terme «médiateur-arbitre», d'abord parce que ça semble deux concepts différents, la médiation étant une chose, l'arbitrage étant autre chose. Alors, d'une part, nous pensons que, normalement, on requiert une médiation, en fait, et, lorsque la médiation échoue, on passe à l'arbitrage. Alors, le fait que la loi utilise le terme «médiateur-arbitre», ça nous semble confus parce que c'est deux choses qui sont tout à fait distinctes. Alors, ça, d'une part, je pense qu'il y a des clarifications qui devraient être apportées.

n(16 h 20)n

Par ailleurs, je pense qu'il est important de souligner que le Barreau favorise les modes alternatifs de règlement des conflits, et nous sommes tout à fait contents, en fait, de l'introduction d'un mécanisme de ce type-là dans la loi. Maintenant, on remarque également que le concept de «médiateur» n'est pas du tout balisé dans la loi, c'est-à-dire qu'il n'y a pas, par exemple, de disposition qui voit à la façon de nommer le médiateur-arbitre, qui assumera les frais, bon, etc., toute la mécanique qui normalement est associée à un arbitrage ou à une médiation. En soi, le Barreau n'est pas opposé au fait que la loi soit silencieuse là-dessus et qu'elle laisse finalement aux parties le soin de s'entendre sur la façon de nommer un arbitre, sur la désignation de l'arbitre, l'identité de l'arbitre, etc. Alors, nous pensons que, effectivement, de laisser le soin aux parties de régler ces détails est une bonne chose.

Alors donc, je pense que ça complète essentiellement notre présentation. Je voudrais vous remercier de votre attention, et nous sommes à votre disposition pour toute question.

Le Président (M. Beaumier): Nous passons aux échanges. Alors, M. le ministre.

M. Boisclair: M. le bâtonnier, Me Deschenes, Me Cossette et Me Sauvé, je pense qu'il convient, d'abord, que j'offre, au nom de nos collègues, toutes nos sympathies à Me Deschenes en reconnaissant, bien sûr, comme les membres de l'Assemblée nationale viennent de le faire, la qualité de la contribution de son père à la vie démocratique et à la vie de la justice au Québec. Et je tiens à souligner, dans ces circonstances difficiles, votre présence parmi nous, nous l'apprécions grandement. Nous essaierons de faire les choses vite pour que rapidement vous puissiez aussi aller retrouver les vôtres.

Mme Deschenes (Mireille): Je vous remercie, M. le ministre. Et j'ai été très touchée de l'hommage qui a été rendu à mon père par l'Assemblée nationale. Je suis touchée aussi que vous fassiez hommage à mon père encore aujourd'hui. Je vous remercie.

M. Boisclair: En pareille circonstance, perdre un parent est toujours une épreuve difficile, une étape dans nos vies, et je comprends très certainement votre douleur.

M. le bâtonnier, je tiens à vous saluer. Je pense que c'est la première fois que nous avons l'occasion de nous retrouver en commission parlementaire et je tiens, d'entrée de jeu, à vous rassurer, effectivement, la présence d'avocats dans certains litiges confirme le fait qu'il y a des difficultés dans l'interprétation des lois. Il s'agit d'avoir entendu votre collègue, un des membres du Barreau, Me Rivest, hier, en commission parlementaire pour bien comprendre qu'il y a des vraies discussions en cours. Mais je tiens à vous rassurer, et les gens de mon entourage pourront en témoigner, j'ai beaucoup insisté sur la qualité de la relation à entretenir entre la Régie des rentes et les gens du Barreau. J'ai personnellement souhaité que vous soyez rencontrés et qu'on vous donne accès à l'ensemble de l'information, puisque je sais combien votre point de vue est éclairant et que je sais combien votre point de vue aussi est utile pour les parlementaires qui ont à trancher des questions difficiles.

En somme, vous nous apportez une expérience et une science que le législateur ne peut, à l'évidence, pas négliger, surtout en pareille circonstance où nous traitons de sujets sérieux et d'envergure pour le Québec. Les régimes de retraite, c'est des actifs de plus de 100 milliards, c'est l'avenir de retraite de milliers de Québécois et de Québécoises qui est en cause, et, à cet égard, je tiens à dire que vous apportez un point de vue qui est pour nous ? en tout cas, pour moi; mes collègues auront l'occasion de s'exprimer tout à l'heure ? très certainement déterminant. Vous venez trancher une question qui soulève des passions et vous le faites avec un regard neutre, puisque de vos membres sont davantage appelés à travailler avec des syndicats, d'autres avec des entreprises.

Dans le point de vue que vous défendez, d'entrée de jeu, dans le mémoire, lorsque vous nous indiquez avec conviction, que vous faites valoir que les régimes de retraite sont des contrats et que l'intention des parties exprimée dans les ententes contractuelles relativement à la propriété et à la distribution des excédents d'actif devait être respectée par le législateur, vous m'indiquez dans votre mémoire que les mêmes principes doivent être défendus aujourd'hui et vous remarquez que le projet de loi n° 102 traduit bien la préoccupation de respecter les arrangements propres à chaque entreprise. Vous vous interrogez aussi sur un certain nombre de questions quant à la pertinence de certaines dispositions, mais, sur le fond, l'appui du Barreau à ce principe que nous défendons dans la loi est un appui de taille, est un appui déterminant qui viendra sans doute colorer la suite des choses, particulièrement en commission parlementaire, et qui, je l'espère aussi, viendra colorer le débat public. Donc, je vous remercie d'autant de franchise, d'autant de clarté, c'est certainement très éclairant pour le gouvernement.

Je veux aussi vous dire et vous assurer que, sur la question des surplus excédentaires, on va faire comme le Barreau. Vous avez été conséquents par rapport à votre position défendue en 1991; sur cette question, le gouvernement sera cohérent avec le principe général qu'il introduit dans le projet de loi, et nous regardons très attentivement la possibilité d'étendre la portée de la loi, la portée des ententes, qu'elles puissent être maintenues au sujet des surplus excédentaires.

Je comprends que dans la loi il est maintenant possible que l'employeur, sans nécessairement consentement, malgré les ententes, puisse utiliser les surplus excédentaires à ses fins, alors que, dans les autres cas, nous avons privilégié le respect des ententes. Nous allons étendre ces principes pour les surplus excédentaires. Les gens de la FTQ, hier, sont venus nous le demander, et je dois vous dire que nous allons étudier très attentivement cette question. Je vous remercie de le rappeler. Donc, nous allons bien sûr nous inspirer de vos commentaires.

Vous proposez un certain nombre d'autres modifications. Très rapidement, il importe peut-être qu'on fasse le tour. Vous questionnez l'utilisation du mot «convention». Les juristes chez nous nous indiquent que, compte tenu du vocabulaire utilisé dans l'ensemble de la loi, l'interprétation restrictive du mot «convention» nous semble improbable. Les dispositions de la loi qui se rapportent à une convention collective utilisent expressément l'expression complète «convention collective». Donc, là, je présume que nos experts... On pourra continuer cette discussion, mais je pense qu'on s'entend sur le sens des choses.

Sur la question de l'article 146.5, premier alinéa au sujet de la confirmation consensuelle du droit de l'employeur au congé de cotisation, vous comprenez bien l'intention du législateur. Je pense qu'elle est claire, en tout cas, dans le discours public. Si elle ne l'est pas dans la loi, on verra à la clarifier, mais nous examinerons à nouveau s'il y a lieu d'apporter des ajustements aux dispositions législatives qui sont introduites.

Je laisserai notre collègue de la Régie des rentes, juriste, préciser nos intentions sur deux éléments. Au sujet de l'article 140, l'extinction du droit, vous soulevez que, par rapport aux dispositions qui seraient contenues au Code civil, on pourrait remettre en question la qualité de l'intervention législative. L'objectif du gouvernement, c'est de faire en sorte que l'employeur fasse diligence, mais des gens plus ferrés que moi en ces matières pourront vous indiquer ce qu'il en est, de la même façon que, sur la question du médiateur-arbitre, peut-être que le mot est mal choisi. On comprend bien qu'il y a une différence entre de la médiation puis de l'arbitrage, ce sont deux concepts différents, mais on voulait... Là, je pense que la présence du trait d'union fait tout simplement référence au fait que ça puisse être soit un médiateur ou un arbitre. Alors, il faudra peut-être écrire «médiateur ou arbitre», mais on n'a pas l'intention, ici, de créer un nouveau concept de règlement de conflits avec quelqu'un qui serait un médiateur-arbitre.

Je comprends, Me Sauvé. Là, je me rends immédiatement à vos arguments, et puis on va regarder de quelle façon, s'il y a lieu de préciser les choses... Mais notre volonté, c'est bien de faire en sorte, si les parties décident la médiation, que ce soit la médiation, puis, s'il y a un arbitrage, elles décideront l'arbitrage. Mais en tout temps les parties seront libres de faire ce qu'elles veulent, puis elles les nommeront de la façon dont elles le voudront, puis elles se sépareront les frais de la façon dont elles conviendront de le faire. Ce serait, à mon avis, alourdir le mécanisme de la loi que de venir introduire des dispositions.

Sur la question du partage entre les conjoints de fait, bien sûr, c'est une question qui doit être examinée. Vous êtes les premiers à soulever cette question-là. On va la regarder. Et, sur le relevé des droits, vous avez entièrement raison, entre le moment où la médiation est introduite et les dispositions actuelles qui sont prévues à la loi, au moment de l'introduction des procédures de divorce, effectivement, il peut y avoir un délai qui va avoir des conséquences. Nous sommes d'accord avec cette observation et allons agir en conséquence. Il restait une question, qui est celle de la séparation de corps qui serait antérieure au 1er septembre 1990. On va l'examiner.

Donc, j'ai essayé de faire le tour très rapidement de l'ensemble des questions que vous soulevez en vous disant à nouveau que votre point de vue jette un regard, en tout cas, très utile pour les membres de la commission. Il importait pour moi de répondre sur chacune de vos recommandations. C'est une façon pour moi à nouveau de témoigner du respect que j'ai à l'endroit de l'institution que vous représentez.

n(16 h 30)n

Et, si vous permettez, pour la question plus technique de l'article 140, je laisserais notre collègue du contentieux préciser les choses, et, s'il y a lieu, on apportera des ajustements. Alors, je vous remercie à nouveau pour cette présentation.

Le Président (M. Beaumier): Alors, M. De Montigny.

M. De Montigny (Jean): Oui, bonjour. Donc, en ce qui concerne la modification qui est proposée à l'article 230.3, je voulais souligner que cette modification-là ne s'applique pas dans le cas d'un régime où il y a une convention collective, puisque, dans ces cas-là, l'employeur n'est pas tenu de présenter un projet d'entente en vertu de 230.2, il va plutôt faire une proposition ou une entente avec le syndicat qui est également partie à la convention collective.

Pour ce qui est du défaut que l'on pourrait considérer, le défaut de l'employeur de faire une demande d'arbitrage à la suite du rejet du projet d'entente, bien, je crois que ça, c'est lié au rôle central que l'employeur va toujours jouer en matière de régime de retraite à toutes les étapes de la vie du régime, que ce soit au niveau de l'établissement du régime, au niveau de son évolution ou à celui de sa terminaison. C'est en tenant compte de ce rôle central que le législateur a donné à l'employeur la tâche de préparer le projet d'entente dans le but d'arriver à une convention, et il nous semble tout à fait normal qu'en cas d'échec du projet d'entente l'employeur continue de faire diligence et continue de faire cheminer le dossier en acheminant une demande à un tribunal arbitraire. C'est ça, le fondement de la disposition.

M. Boisclair: Avez-vous peut-être des commentaires?

Mme Deschenes (Mireille): Les circonstances dans lesquelles un employeur pourrait ne pas avoir déposé un projet d'entente dans le délai imparti, je pense que ça pourrait se présenter assez exceptionnellement. On pourrait imaginer la situation d'un employeur qui a fait faillite et dont les biens sont entre les mains du syndic de faillite qui n'est pas nécessairement au courant des obligations imposées par la loi. On a vu des cas de régimes de retraite qui étaient sous la surveillance d'une autorité extérieure à la province de Québec en raison du fait que la pluralité des participants se situait à l'extérieur du Québec, et le régime couvrait des participants du Québec. Alors, l'autorité de surveillance n'était pas nécessairement... Dans ce cas-là, je pense que vous savez à quelle situation je fais allusion. L'autorité de surveillance présumait que la loi de l'Ontario s'appliquait en ce qui concerne la question du règlement du dossier de liquidation de la partie du régime de retraite qui s'appliquait aux participants québécois. Alors, il peut y avoir certaines circonstances qui expliquent le défaut de l'employeur sans qu'on puisse arriver à vouloir le pénaliser d'une manière aussi radicale, en présumant une mauvaise foi et qu'il veut éviter d'avoir à régler la question du surplus. Donc, c'est réellement assimilable à une prescription extinctive, et nous trouvons ça excessif dans les circonstances.

M. Boisclair: Bien, votre point de vue, en tout cas, je le comprends bien. On pourra poursuivre cette discussion avec vous peut-être dans un autre contexte, mais je vous remercie de l'avoir apporté à mon attention. Et, à nouveau, merci pour ces explications.

Le Président (M. Beaumier): Alors, merci. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je commencerais, moi aussi, Me Deschenes, en vous présentant mes condoléances quant au décès de votre père. Je vous rappellerai quelque chose qui est moins connu peut-être d'un certain nombre de collègues ici. J'ai connu votre père, au début des années soixante-dix, à l'Université de Montréal où j'étais jeune président du syndicat des professeurs et où il a travaillé à la réforme complète de la charte. J'avais eu l'occasion de pouvoir travailler avec lui à la réforme de la charte et j'en avais conservé un souvenir important, et je tiendrais aujourd'hui à vous présenter, plus à titre d'ancien professeur que de député, mes condoléances quant au décès de votre père.

Mme Deschenes (Mireille): Je vous remercie.

M. Gautrin: M. le Président, je prends note du témoignage du Barreau ici qui tient à réaffirmer et à rappeler à la commission parlementaire qu'un régime de retraite est d'abord un contrat entre des parties et qu'on ne peut pas modifier un contrat comme on le souhaiterait. Je prends note aussi que les opposants au projet de loi, particulièrement sur la base du pouvoir unilatéral qui était concédé aux parties patronales dans le cadre de l'article 146.11, ont obtenu votre appui, enfin un appui modulé dans ce sens-là.

J'ai une question à vous poser parce qu'elle me préoccupe depuis un certain temps. La position des associations de retraités, représentées hier particulièrement d'une manière assez structurée par Me Rivest, argumentait que les parties au contrat, du moins dans ce qui touchait les bénéficiaires des régimes de retraite, étaient de deux types, les participants actifs représentés généralement par leurs syndicats mais aussi les participants pensionnés, et que, si elles avaient à modifier le contrat, elles devaient pouvoir se faire entendre, être parties éventuellement dans une modification du contrat. Quelle est votre position? Avez-vous réfléchi à cette question?

Mme Deschenes (Mireille): Vous avez raison, les retraités sont des parties au contrat. Le régime de retraite couvre des participants actifs, donc des employés qui sont en phase d'accumulation de la rente de retraite et des retraités qui sont dans la phase de liquidation de leurs droits en vertu du régime de retraite.

Je vais vous faire des commentaires sous un aspect juridique et, ensuite, pratique. Alors, au plan juridique, le droit de regard des retraités sur l'utilisation de l'excédent d'actif du régime en cours d'existence n'a jamais été consacré par la loi ou par la jurisprudence. Il y a un dossier, il y a une cause pendante devant la Cour supérieure, actuellement; je réfère ici au dossier d'Hydro-Québec. Là où les tribunaux ont été saisis de revendications similaires ? et je pense à un dossier qui s'est présenté en Ontario, aux États-Unis jusqu'à la Cour suprême et en Grande-Bretagne ? les tribunaux, systématiquement, ont décidé que les retraités n'ont aucun droit de regard sur l'utilisation de l'excédent d'actif en cours d'existence du régime de retraite. Donc, ici, le projet de loi ne fait pas reculer les retraités, on ne leur enlève pas un droit, parce que ce droit-là n'était pas consacré par la loi.

Maintenant, dans la mesure où le gouvernement souhaiterait, à la suite de la consultation, accorder aux retraités un droit de regard sur l'utilisation de l'excédent, je vous inviterais, à ce moment-là, à prendre en compte la situation particulière des retraités, dans le sens que l'employeur est face à un groupe assez disparate, diversifié, et qu'il n'y a pas nécessairement de représentants. Si on arrive avec une proposition en hiver, il peut y avoir la moitié des retraités qui sont en Floride. Il y en a qui sont à l'extérieur du pays, il y en a qui sont très âgés, qui sont sous curatelle, sous tutelle, sous mandat d'inaptitude. Vous pouvez avoir une partie de la clientèle qui est très fragilisée. Si on réfère au consentement des retraités, ça va être impossible d'obtenir un consentement unanime de la part des retraités, dans les circonstances. Alors, il faudrait prévoir des modalités.

J'ai envie de faire un peu d'ironie, ici. Étant donné qu'on est dans un contexte de loi sur la clarté, on pourrait peut-être penser à faire un référendum auprès des retraités avec un taux de consentement de 50 % plus un. Ce serait suffisant, au lieu peut-être du consentement unanime.

M. Gautrin: Vous entrez, chère madame, dans un débat qui nous divise.

Mme Deschenes (Mireille): Mais il faudrait prévoir soit un pourcentage de consentement à aller chercher soit plutôt une formule d'«opting out», comme on a actuellement pour la distribution de surplus à la terminaison totale, où on prévoit que, si moins de 30 % des participants s'opposent à une proposition, la proposition est réputée acceptée. Mais ces commentaires sur l'aspect pratique visent seulement la situation où vous pourriez prendre en considération de prévoir dans la loi un droit des retraités d'être consultés, et on introduirait ici une règle unique qui n'aurait pas de précédent en Amérique du Nord, actuellement.

M. Gautrin: Je vous remercie, ça clarifie la question. Moi, je n'ai pas d'autres questions, peut-être mes collègues.

Le Président (M. Beaumier): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Non, ça me paraît bien éclairant. Alors, merci beaucoup, messieurs, madame également. Nous ajournons nos travaux au mardi 16 mai, à 9 h 30.

(Fin de la séance à 16 h 40)



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