L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des affaires sociales

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des affaires sociales

Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 25 mai 2000 - Vol. 36 N° 55

Étude détaillée du projet de loi n° 107 -Loi sur l'équilibre budgétaire du réseau public de la santé et des services sociaux


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

t heures onze minutes)

Le Président (M. Beaumier): Alors, constatant le quorum et aussi le silence, je déclare la séance ouverte et je rappelle que la commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 107, Loi sur l'équilibre budgétaire du réseau public de la santé et des services sociaux.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François) sera remplacée par M. Sirros (Laurier-Dorion) et Mme Lamquin-Éthier (Bourassa) par M. Marcoux (Vaudreuil) pour la durée de l'examen de l'affaire.

Remarques préliminaires

Le Président (M. Beaumier): Merci beaucoup. Alors, nous procéderions à des remarques préliminaires, qui sont de l'ordre de 20 minutes pour chaque intervenant. Alors, Mme la ministre.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. En fait, c'est avec plaisir que j'entame l'étude article par article, en vue de l'adoption du projet de loi n° 107, avec nos collègues de la partie ministérielle de même qu'avec nos collègues de l'opposition.

Vous savez, il n'y a rien de mieux comme de pratiquer une médecine pour ensuite être capable de l'appliquer adéquatement. Le gouvernement du Québec s'est retrouvé, lorsque nous sommes arrivés... Lorsque le Parti québécois a formé le gouvernement, comme gouvernement nous nous sommes retrouvés avec une situation assez pénible et assez difficile. Nous étions effectivement en situation de déficit annuel de l'ordre de presque 6 milliards de dollars, en fait 5,7 milliards, si mon souvenir est bon. C'était absolument catastrophique. Et je m'en souviens très bien parce que j'occupais à ce moment-là la fonction de présidente du Conseil du trésor et que nous avions, avec notre premier ministre, établi un plan de résorption de ce problème de déficit, qui ne faisait pas que des heureux ? je pense que vous vous en souviendrez ? puisque ça obligeait chacun des ministères à faire un exercice très serré.

Dans un premier temps, nous avions proposé de geler les dépenses budgétaires et, dans un second temps, de les réduire pendant une période de trois ans, si mon souvenir est bon, à l'époque, puisque, par la suite, nous avons changé un tant soit peu la stratégie budgétaire, mais pour arriver essentiellement au même résultat escompté, c'est-à-dire que nous n'empruntions plus pour payer les dépenses d'épicerie. Et, dans les faits, nous sommes allés plus loin que cela. Nous avons décidé non seulement de ne plus emprunter pour payer les dépenses d'épicerie, mais nous avons décidé de ne plus emprunter non plus pour... enfin de ne plus augmenter le déficit annuel pour payer les dépenses d'immobilisation, de telle sorte que et le compte d'immobilisation et le compte courant allaient être couverts. C'était difficile à tenir comme perspective, ça prenait beaucoup de courage.

Pour ce faire, on a d'ailleurs tenu à solidariser la société québécoise autour de cet objectif-là. Et c'est à l'occasion du premier sommet économique, présidé par l'actuel premier ministre, que nous avons convenu d'un objectif qui serait d'éliminer complètement le déficit annuel, de telle sorte que nous cessions d'augmenter le niveau d'emprunt, la somme, la dette accumulée du gouvernement du Québec, nous permettant ainsi une chose fondamentale, c'est-à-dire préserver l'essentiel de ce que nous croyions devoir rendre à la population québécoise ou assumer à l'égard de la population québécoise, puisque, dans les faits, nous croyons toujours qu'il y a des besoins essentiels qui doivent être comblés pour tous les citoyens et toutes les citoyennes et que seul un gouvernement garant de l'intérêt public peut assumer.

Et, en ce sens, on a convenu comme société ? puis, je pense, le vérifier aujourd'hui par consultation ou autrement nous amènerait sûrement à la même conclusion, j'en suis persuadée, M. le Président ? nous avons convenu que l'éducation, la formation de nos enfants, de nos jeunes, de nos jeunes adultes était absolument essentielle pour une société qui voulait pouvoir participer au progrès et surtout à l'amélioration des conditions de vie de ses concitoyens et de ses concitoyennes, sachant que la première liberté est sûrement celle de la connaissance et celle de la formation. Nous avons convenu aussi qu'il y avait un autre bien essentiel, c'était celui de la santé des citoyennes et des citoyens du Québec, donc des besoins essentiels auxquels nous avons convenu de consacrer l'essentiel de nos ressources, la majorité de nos ressources comme gouvernement. Nous avons aussi entendu qu'il était important d'avoir des politiques en matière de solidarité sociale à l'égard des familles pauvres, à l'égard des enfants pauvres, à l'égard des personnes âgées pauvres et que nous allions préserver l'équité à cet égard.

Un certain nombre d'institutions étaient nécessaires aussi pour préserver ce que nous sommes comme peuple, ce que nous représentons comme réalité en Amérique du Nord, comme réalité francophone en Amérique du Nord. Donc, nous avons accepté aussi de consacrer certaines de nos ressources à assumer cette réalité et ce qui nous définit, ce qui nous caractérise, en tout respect bien sûr toujours, puisque nous l'avons fait, je crois, peu importent les partis politiques qui ont été au pouvoir, en tout respect pour les minorités qui participent à cette grande aventure qu'est l'aventure du Québec et de son peuple, donc en tout respect pour ces minorités, et le respect de leurs droits surtout, de même que pour ces peuples fondateurs que sont entre autres les autochtones du Québec.

Pour préserver cela, M. le Président, il nous fallait surtout préserver et assainir les finances publiques du Québec, sinon nous allions à vau-l'eau, et tout le monde en avait convenu, hein, essentiellement tout le monde en avait convenu, puisque, si nous devions continuer à augmenter le rythme des dépenses que nous avions connues pendant les dernières années, amplifiant d'une année à l'autre la hauteur des déficits avec de très mauvaises prévisions ? on s'en souviendra ? de la part de nos amis d'en face à l'époque, qui, bon an, mal an, s'étaient trompés en moyenne de l'ordre de 1 milliard de dollars par année en termes de prévisions budgétaires... Il nous fallait donc rétablir et assainir nos finances publiques. Ça a pris beaucoup de courage, ça a pris beaucoup de solidarité de la part des Québécois et des Québécoises. À l'occasion donc de la tenue d'un sommet économique, autant les représentants des travailleurs et des travailleuses, par la voie de leurs syndicats, autant les représentants des milieux socioéconomiques, des milieux d'affaires, par là encore leurs représentants, ont convenu d'un tel objectif.

Pour ce faire, nous nous sommes dit qu'il était peut-être important d'être très exigeants à l'égard de nous-mêmes et donc d'adopter une loi qui allait nous obliger à respecter cet objectif. Donc, nous avons adopté une loi prévoyant qu'il n'était pas possible pour le gouvernement de faire un déficit en cours d'année, avec des règles assez strictes qui permettaient et qui prévoyaient bien sûr certaines soupapes, et c'était normal, parce que, imaginons n'importe quelle catastrophe dans la société québécoise, il fallait être capable de faire front. Nous nous sommes donc appliqué une médecine assez exigeante, pour ne pas dire assez indigeste, hein, et qui nous a fait mal, elle nous a fait très mal. Et on l'a vu au cours des années parce qu'on a dû demander partout à travers le Québec des efforts considérables de la part de nos partenaires, de la part des citoyens et des citoyennes. Ça a été vrai à l'éducation, ça a été vrai à la santé, ça a été vrai dans le secteur de l'environnement, ça a été vrai à la justice, ça a été vrai partout, ça a été vrai du côté aussi des payeurs de taxes qui n'ont pas pu voir leur impôt réduit autant qu'on l'aurait souhaité pendant cette même période.

n(20 h 20)n

Et maintenant, je pense que, tous ensemble, on est très fier des résultats qu'on a obtenus. Ça a été difficile, ça a été exigeant, mais nous nous retrouvons dans une situation très saine au plan de nos finances publiques. À ce point saines et compte tenu de la conjoncture économique très positive dans laquelle nous nous retrouvons maintenant que nous pouvons maintenant dégager... non seulement nous n'avons plus de déficit, mais nous pouvons dégager des surplus, ce qui nous a permis, sur les trois exercices financiers, les deux passés et celui que nous vivons maintenant, de recommencer à investir dans nos services publics. Nous l'avons fait à l'éducation, nous l'avons fait à la solidarité sociale, nous l'avons fait à l'égard des familles et nous l'avons fait à l'égard des problèmes de santé que vivent nos concitoyens et nos concitoyennes, en réinvestissant donc dans nos services sociaux et dans nos services de santé. C'est le résultat d'un effort considérable, pour ne pas dire gigantesque, de la part, pas du gouvernement seulement, mais de la part des citoyens et des citoyennes du Québec.

Un instrument nous a permis de nous encadrer dans cette démarche-là et ça a été une loi nous empêchant de faire des déficits. Dans le fond, ce que nous proposons actuellement, c'est essentiellement ce que nous avons eu le courage de nous appliquer à nous-mêmes. Et le projet de loi n° 107, il prévoit que les établissements du réseau de la santé et des services sociaux devront respecter les enveloppes budgétaires qui leur ont été imparties. Évidemment, il aurait été absolument inadmissible de procéder de cette façon-là si nous n'avions pas reconnu que ces mêmes établissements avaient, eux aussi, participé à l'effort du déficit zéro et de l'assainissement de nos finances publiques. Alors, oui, nous l'avons fait, et ils l'ont fait. Et, ce faisant, ils ont été aux prises avec des demandes très importantes de services, avec des efforts considérables de réduction des budgets et, dans les faits, pour un certain nombre d'entre eux, il a été difficile de maintenir le cap de l'équilibre, ils ont donc dû encourir des déficits. Il aurait été injuste, M. le Président, de ne pas corriger cette situation avant par ailleurs de leur demander d'être respectueux de leur enveloppe budgétaire. C'est donc ce que nous avons fait pendant les deux derniers exercices financiers et l'exercice financier actuel. Et j'aimerais rappeler aux membres de notre commission que, en trois ans, c'est 4,4 milliards que le gouvernement du Québec aura réinvestis dans l'ensemble des services sociaux et des services de santé du Québec.

Dans un premier temps et compte tenu des ressources que nous avions, nous avons effacé le déficit passé sans par ailleurs corriger les problèmes structurels des établissements. Et ça, j'en conviens, c'est la réalité avec laquelle nous avons dû composer pendant la première année de redressement. Nous avons par ailleurs consenti des budgets assez importants pour corriger certains problèmes particuliers et particulièrement urgents; qu'on pense à la réduction de certaines listes d'attente, entre autres, qui a été l'une de nos grandes préoccupations, soit du côté des problèmes de cancer, soit du côté des problèmes cardiovasculaires ou soit du côté de l'aide à domicile auprès des personnes âgées ou en perte d'autonomie. Mais c'est évident que ce n'était pas suffisant. Nous espérions être capables de corriger la situation avec de tels montants. Malheureusement, nous n'avons pu le faire la première année, ce qui nous a amenés à l'an 2 et l'an 3 des redressements budgétaires où là, avec le fait que notre économie a été saine, que nous avons, je crois, bien travaillé comme gouvernement, nous avons pu dégager des surplus. Et ces surplus ont été en grande partie réutilisés, réintroduits et réinvestis dans les services sociaux et les services de santé du Québec.

Qu'avons-nous fait? Essentiellement deux choses, et ce n'est pas mineur, M. le Président, étant entendu, et je reviendrai sur un autre aspect qui a été une embûche constante et qui le demeure malheureusement pour les années actuelles due à l'attitude absolument inadmissible du gouvernement fédéral... J'y reviendrai. Nous avons donc fait une première chose, nous avons couvert le déficit accumulé de nos établissements, premièrement. Deuxièmement, si nous avons convenu que ce déficit consistait en des services réellement rendus, on pouvait s'attendre que la demande n'allait pas baisser, parce que les problèmes continuent de s'accentuer. On le sait, on est conscient de ça. On n'est pas imbécile, M. le Président, on les voit bien, l'ensemble des facteurs qui apparaissent. Alors donc, nous avons couvert le déficit passé accumulé et nous avons rehaussé les bases budgétaires à la hauteur, à toutes fins pratiques, des déficits accumulés pour nous assurer que les établissements allaient redémarrer avec des bases saines.

En plus de cela, M. le Président, voyant que, pour certains établissements, cela allait demeurer assez difficile comme passage, nous avons pris à notre charge, au niveau central, certaines dépenses ou certains engagements pour lesquels il n'y avait pas de sommes prévues dans les budgets passés. Ça s'est traduit, là encore, par la prise en charge des coûts de sécurité et de stabilité d'emploi. Les gens sont au travail, mais ils ne sont pas prévus dans les budgets, parce que, normalement, ce sont des postes de cadres qui auraient dû être résorbés, ce sont des postes de professionnels qui ne devraient pas être encore dans l'établissement. Ces gens-là travaillent, bien sûr, mais, normalement, ils ne devraient pas être impartis au budget. Alors, on a prévu cela, on a dit: Parfait, c'est au niveau central qu'on va assumer cela, environ 60 millions de dollars si je ne m'abuse. Certaines régies, à cause de passages difficiles des dernières années, ont dû procéder à des emprunts, ont dû assumer des dépenses pour lesquelles elles n'avaient pas prévu de crédits. Parfait, on a assumé cela aussi.

Alors, couvrir le passé, rehausser les bases budgétaires, couvrir des dépenses qu'autrement les établissements auraient dû assumer, de telle sorte qu'on puisse assainir la situation financière de nos établissements. Ajoutez à cela ? il nous reste cinq minutes ? M. le Président, du développement à hauteur de 200 millions pour ce qui est des programmes et du fonctionnement dans les services. Ajoutez à cela, M. le Président, la reconnaissance des coûts de système, c'est-à-dire la progression de certains coûts dans nos établissements due à l'inflation, que ce soit d'abord nos salaires évidemment, ça va de soi, les salaires des employés qui avaient été négociés, le coût de certaines fournitures, 765 millions, si mon souvenir est bon, sur ça. Alors, on n'a pas traité de façon incorrecte nos établissements, au contraire: les déficits passés, le redressement à la hauteur de ces déficits, les coûts de système, du développement. Et ajoutez en sus un 200 millions d'investissements dans nos équipements, pendant qu'en même temps le fédéral accumule sur notre dos des surplus qui sont de plus en plus importants, parce que, évidemment, le ministre des Finances d'Ottawa étant plutôt conservateur, même s'il est chez les libéraux, il a prévu des surplus qui s'avèrent être trois fois plus élevés que ce qu'il nous avait dit ? c'est exactement ça, on est à 15 milliards de dollars de surplus. Mais, cependant, il n'accepte pas de respecter l'engagement que ce même gouvernement a pris à l'égard de sa contribution aux services sociaux et aux services de santé. Lorsqu'il a adopté ses lois, qu'il continue de nous imposer comme règles, comme principes et comme organisation de services, son engagement, c'était de payer à hauteur de la moitié des coûts encourus par les provinces. Actuellement, on est à 15 %, 17 % des coûts assumés par Ottawa. Alors, c'est ça, la réalité avec laquelle on est confronté.

n(20 h 30)n

Le gouvernement du Québec a été responsable, a agi en tout respect pour ses établissements en les supportant. Si nous assumons les déficits accumulés, si nous rehaussons les bases budgétaires et que nos établissements n'ont plus de déficits ? évidemment, ils vont épargner ainsi, sûrement, les coûts d'intérêts; c'est déjà, en plus, de l'argent qui leur revient et qui avait dû être assumé dans les années passées ? nous pensons que les sommes maintenant disponibles permettront à nos établissements d'assumer leurs responsabilités. Nous savons que certains établissements auront peut-être plus de difficultés que d'autres. À cet égard, on a eu des échanges, des débats, des discussions, et nous verrons, selon les situations très particulières, plus exceptionnelles dans certains cas, qui pourront être revues avec nos professionnels, nos administrateurs, nos sous-ministres. D'ailleurs, M. le Président, nous avons nommé formellement un sous-ministre associé au sein du ministère, qui est d'ailleurs avec nous ce soir, M. Turenne, dont la responsabilité sera de superviser toute l'opération et de s'associer les personnels nécessaires pour assurer soit de l'aide aux établissements ou soit du redressement.

Avec ce que nous avons fait, nous croyons que nos établissements seront capables d'assumer leurs responsabilités. Je suis consciente qu'il faudra éventuellement réaugmenter les budgets dans les années futures, c'est le début d'un redressement, mais nous devons en même temps être responsables à l'égard des citoyens et des citoyennes du Québec qui, eux, nous fournissent les moyens d'assumer ces responsabilités que nous avons à assumer. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Merci, Mme la ministre. Alors, M. le député de Vaudreuil.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Nous avons devant nous un projet de loi dont je suis assez surpris de voir que la ministre se dit fière de présenter parce que c'est un projet de loi d'abord, premièrement, qui a été annoncé en catastrophe, un peu en panique, qui a été commandé par le ministre des Finances qui a dit qu'il y avait des problèmes de gérance, et donc il fallait agir pour démontrer à la galerie qu'il y avait une action du gouvernement. Et d'autant plus inutile, M. le Président, que la Loi actuelle sur les services de santé et les services sociaux prévoit déjà, vous savez, l'obligation d'équilibre budgétaire pour les établissements. Ce n'est pas nouveau. L'article 284, qui parle justement des prévisions budgétaires des établissements, termine en disant: «Les prévisions budgétaires de fonctionnement établissent le montant requis par un établissement pour assurer les opérations relatives à la prestation des services [...]. Les prévisions budgétaires des dépenses et des revenus doivent être en équilibre.» Je pense qu'il n'y a rien de plus clair que ça. Je pense bien qu'il peut nous démontrer que cette obligation existe déjà et que, le cas échéant, des plans d'équilibre budgétaire doivent être établis selon les paramètres qui sont déterminés par les régies régionales et par le ministre.

Donc, c'est un projet de loi qui est finalement une astuce, qui veut cacher des déficits structurels et qui est éminemment politique. D'ailleurs, ce n'est pas nous qui l'avons dit. Si je prends une opinion juridique qui a été émise par l'Association des hôpitaux du Québec en date du mois de mars 2000, on dit à la page 3, et je cite: «Dès lors, il faut peut-être conclure que le dépôt du projet répond davantage à des impératifs de nature politique qu'à une véritable nécessité juridique. Si la Loi sur les services de santé n'a pas, quels que soient les motifs, été appliquée, rien ne démontre qu'il faille une nouvelle loi qui énonce les mêmes principes pour que son application soit assurée.» Fin de la citation. Et c'est un projet de loi, vous savez, qui vient mettre en cause et en doute la qualité des gestionnaires du réseau: les personnes et membres des conseils d'administration, les bénévoles, les dirigeants des hôpitaux, des établissements de santé, les employés qui, depuis quatre ans, ont porté à bout de bras le réseau de la santé pour assurer les services minimaux à la population, aux patients, aux malades et aux personnes âgées.

Et pourquoi ça? Vous savez, c'est parce que le gouvernement a coupé dans le réseau de la santé plus de 2 milliards, de façon très rapide, et la raison était simple, on voulait atteindre le déficit zéro rapidement parce que c'était une des conditions gagnantes qui avaient été énoncées par le premier ministre en 1996. Il avait dit: Il faut faire le déficit zéro et puis, après ça, on aura une des conditions gagnantes et qui nous permettra de faire un autre référendum. Donc, on a sacrifié les patients et les malades sur l'autel du déficit zéro et à l'autel de la première condition gagnante qui avait été énoncée par le premier ministre dans le temps. On a coupé, M. le Président, plus que partout ailleurs dans les autres provinces du Canada ? on ne vit pas en Asie ici, on vit au Canada là ? plus que partout ailleurs, à ce point où on a même, vous savez, avec l'autorisation et la bénédiction du ministre dans le temps, autorisé des régies régionales à emprunter. Des régies régionales, et notamment dans les Laurentides, avaient dit aux établissements: Déterminez lesquels services vous devez couper, on n'a plus d'argent. Et devant la résistance, évidemment, et devant le fait qu'il y a des patients qui pourraient ne pas avoir accès aux services, les régies ont emprunté, avec la bénédiction du ministre puis avec la bénédiction du ministère dans le temps. Et c'est ce qu'on a appelé des engagements régionaux non provisionnés. On fournit le vocabulaire, on le fait évoluer au fur et à mesure, vous savez, de l'évolution de la nécessité des besoins. On parlera d'un nouveau vocabulaire aujourd'hui. Et tout ça parce qu'on vient camoufler la réalité. On vient, vous savez, cacher la vérité.

Des dépenses à ce point où on a coupé les dépenses totales de santé par habitant au Québec, qui sont les moindres au Canada. Les dépenses totales de santé par habitant, nous sommes les moindres, selon les statistiques de l'Institut canadien d'information sur la santé. Et là on est surpris de voir que ça ne marche pas et puis qu'il n'y a pas assez de ressources dans le réseau.

En plus de ces coupures, M. le Président, le gouvernement a pris, sur le plan de la gestion, des décisions improvisées, toujours motivées par l'atteinte rapide de ce déficit zéro, pour la souveraineté, décisions inprovisées qui ont coûté cher et qui continuent de coûter cher au réseau. Exemple, ces fameux plans de mise à la retraite qui ont été mis en place à l'encontre des avis des dirigeants des établissements de santé à ce moment-là, à l'automne 1996, qui avaient été... et au début de 1997. Le ministre et le président du Conseil du trésor se sont complètement foutés justement de l'avis des gens du réseau et ont dit: Non, vous n'avez pas raison; on met en place un programme de mise à la retraite improvisé. Dix-sept mille employés du réseau de la santé ont quitté, 4 000 infirmières ? 4 000 infirmières. Aujourd'hui, on est surpris d'avoir une pénurie d'infirmières, vous savez, on est surpris, on ne comprend pas. Là, il y a une pénurie d'infirmières. Un an avant, on avait restreint les entrées dans les études de sciences infirmières dans les cégeps. Et là, vous savez, ce plan de mise à la retraite, le Vérificateur général, qui a examiné tout ça, a dit dans son dernier rapport: Le plan de mise à la retraite au niveau gouvernemental, puis la santé représente plus de la moitié de ça, 2,3 milliards dépensés en pure perte parce qu'on a improvisé, on l'a mis, sans planification, en place. Si une entreprise privée avait mené une opération comme celle-là, elle serait en faillite aujourd'hui. On le fait sur des périodes qui permettent de planifier et de ne pas bousculer les opérations. C'est ça.

Une voix: Il faut soigner les gens.

M. Marcoux: Et je pense qu'une des...

Une voix: Bien, voyons donc!

Le Président (M. Beaumier): Excusez. Non, on ne commencera...

Des voix: ...

Le Président (M. Beaumier): Pardon, excusez-moi...

Une voix: Question de règlement, là.

M. Marcoux: Question de règlement, M. le Président, s'il vous plaît! On n'a pas interrompu la ministre tout à l'heure, j'aimerais qu'on puisse parler sans...

Le Président (M. Beaumier): Oui, mais écoutez, si on commence bien, on va bien finir, et j'ai entendu des interventions, des deux côtés de la table, de gens, de membres qui n'avaient pas...

Une voix: ...

Le Président (M. Beaumier): ...et j'entends encore, des membres qui n'avaient pas la parole. Alors, je m'excuse auprès du député de Vaudreuil, mais je demanderais... Ce n'est pas de votre faute puis ce n'est pas de la mienne non plus, mais je vais être plus attentif.

M. Marcoux: Donc, vous permettez? On a dépensé, selon le Vérificateur général, en pure perte 2,3 milliards. Imaginez qu'est-ce que nous aurions pu faire en termes d'investissement si nous avions utilisé judicieusement ces argents qui ont été dépensés en pure perte, M. le Président. On peut parler des médecins. On a mis en place, on a improvisé un autre programme de mise à la retraite pour dire: On paie des médecins individuellement, jusqu'à 300 000 $ chacun, pour prendre leur retraite. Au mois d'octobre 1999, il y en a 1 300 qui ont pris leur retraite, dont 700 spécialistes, puis on est surpris qu'il y ait des pénuries encore de médecins dans les régions. Et on paie des médecins en arrêt pour revenir dans le réseau pour soigner le monde. Des choses, je pense...

Une voix: ...

n(20 h 40)n

M. Marcoux: Bien, c'est ça, c'est exactement ça. Et là, après avoir massacré le réseau, avoir coupé plus que partout ailleurs, l'avoir fait de façon rapide et improvisée, on dit: Là, maintenant, on va réinvestir un peu. Si on regarde exactement ce qui a été réinvesti cette année, M. le Président, on dit: Les nouveaux investissements, c'est 200 millions pour augmenter et développer des nouveaux services, 200 millions: 1,3 % du budget total de la santé et des services sociaux. C'est ça que ça représente comme augmentation. Ce n'est pas 2,7 milliards, 1,3 % du budget total de la santé.

Et la ministre nous dit: On rehausse les bases budgétaires des établissements. C'est complètement faux et c'est en contradiction avec une directive que son sous-ministre a envoyée dans le réseau, d'abord le 15 mars 2000 et, après ça, la même directive un peu révisée quelques jours plus tard. Et ce que l'on dit là-dedans, vous savez, comment on va affecter les argents nouveaux excluant le 200 millions, on dit: La démarche de répartition de 400 millions, puis je pense que c'est monté à 410 après, là...

Une voix: ...

M. Marcoux: Ah! bien là, si ça monte à tous les jours. Quatre cent dix millions, il faut voir qu'est-ce que ça cache, si on se fie au passé. Donc, globalement, du montant de 410 millions au titre du rehaussement du financement, 380 millions pour les centres hospitaliers en déficit, 30 millions pour les autres types d'établissement en déficit. Donc, ça, ça ne couvre même pas le montant total de déficit qui a été encouru pour l'année qui s'est terminé le 31 mars 2000. Quand la ministre nous dit: On rehausse les bases budgétaires, on comble entièrement les déficits, puis, en plus, bien, hausser les bases budgétaires, ça veut dire qu'on donne des argents additionnels pour couvrir l'évolution du coût des médicaments, l'augmentation du volume de cas ? si vous parlez aux gens qui sont dans les hôpitaux, ils vont vous le dire ? l'alourdissement des cas, ça, c'est un autre facteur également, la technologie, et tout ça. C'est ça que l'on appelle le rehaussement des bases budgétaires, et il n'y a rien là-dedans pour ces facteurs-là.

M. le Président, 400 millions, vous savez, ou 410, donc pour combler les déficits et dans des régions... on dit clairement: Québec, par exemple, on comble 88 % du déficit, donc on ne comble même pas l'ensemble du déficit de l'année passée. La ministre a reconnu que ça avait été encouru justement pour payer des services à la population. Alors, d'un côté, la ministre, ce qu'elle nous dit, ça vient en contradiction avec des directives écrites qui ont été circulées dans le réseau par son sous-ministre.

Vous savez, un document qui a été rendu public, d'ailleurs avant la réunion secrète de la ministre et du premier ministre avec les dirigeants d'hôpitaux, de l'Association des hôpitaux, et qui propose justement un projet de résolution à ses membres, et on dit: «Attendu que le rehaussement cumulatif de la base budgétaire a connu, en 2000-2001 [...] compense en partie les compressions budgétaires imposées au cours des dernières années, mais ignore l'impact causé par l'augmentation des volumes d'activité, les nouvelles technologies, les nouveaux besoins, etc.» Donc, M. le Président, ce n'est pas l'opposition officielle qui dit ça, ce sont des gens qui sont dans le réseau.

Et, quand la ministre nous dit avec magnanimité: Je reconnais les coûts de système... Mais écoutez, c'est le gouvernement qui négocie les conventions collectives, qui donne les augmentations de salaire, qui augmente le normatif, qui coûte 50 millions de plus cette année et probablement davantage, ce ne sont pas les établissements, ça. Et là le gouvernement dit: Bien, on est bon, on vient, vous savez, payer pour des coûts qu'on a négociés puis que vous devez assumer, vous autres. C'est à peu près comme si le président du Conseil du trésor disait: Bien, mon nombre de fonctionnaires au Conseil puis les augmentations de salaire, je considère que c'est du nouvel argent, c'est de l'investissement, ou encore au ministère de la Santé pour les employés qui sont là. Donc, je pense qu'il faut quand même ramener les choses à un discours qui correspond avec la réalité. Et les investissements annoncés ne couvrent pas les nouveaux besoins, c'est évident.

Et, vous savez, la ministre nous tient à peu près le même discours que l'an dernier à la même date. Elle nous parlait des objectifs de résultat. Elle disait que c'était important qu'on puisse s'entendre avec les établissements sur des objectifs de résultat. Et ce qu'elle avait trouvé, c'étaient des ententes de gestion, des ententes de gestion où elle allait déterminer avec les partenaires les objectifs à atteindre et les conditions pour les atteindre.

Parlant d'ailleurs de ces ententes de gestion ? puis il y en a plusieurs qui ont été signées, M. le Président, on pourrait les apporter ici, ça a créé pas mal de papier, il y en a qui ont été signées même en février dernier, imaginez-vous; on en parlait au printemps dernier, c'était la solution miracle ? lors de sa conférence de presse du jeudi 11 mars 1999 ? pas cette année ? la ministre disait: «Outre les conditions prévues dans les ententes de gestion, le gouvernement entend lier l'allocation de crédits additionnels qu'il accordera au réseau de la santé et des services sociaux à la démonstration de l'atteinte des objectifs de résultat convenus dans les ententes de gestion.» Puis, en novembre dernier, en réponse à une question en Chambre, elle nous parlait des critères de performance, ce avec quoi tout le monde dans le réseau est d'accord, et des critères d'allocation des ressources, avec, évidemment, probablement en créant un comité. À moins qu'il y ait eu des développements récents, il semble qu'il n'y ait eu rien de fait, parce que la ministre avait le même langage après sa rencontre avec les établissements hospitaliers puis le premier ministre, le 11 mai dernier.

Et, vous savez, c'est curieux de voir que la ministre propose un projet de loi où elle a même déclaré qu'elle craignait pour sa propre loi parce que des patients pourraient être refusés. La ministre avoue ressentir certaines craintes, vous savez, reconnaître des effets pervers de la loi. Donc, ça me surprend de voir que la ministre est fière de présenter un projet de loi où, d'avance, elle reconnaît déjà qu'il y aura des effets pervers, M. le Président, des effets pervers qui vont toucher des patients, des malades, des personnes âgées.

Et vous avez un exemple, ici. On dit: «À l'hôpital Sainte-Justine, à propos de l'équilibre budgétaire exigé par la nouvelle loi antidéficit, plusieurs médecins soutiennent que la commande du gouvernement est impossible pour un centre comme Sainte-Justine qui traite des enfants très malades de tout le Québec.» Vous avez Sainte-Croix de Drummondville, où on dit: «Impossible de se conformer à l'équilibre budgétaire sans fermer des départements, alors qu'on a inclus 12 millions de dollars dans le centre hospitalier puis on va peut-être fermer les soins palliatifs.» Bien, je comprends qu'il y ait des effets pervers, je comprends que la ministre dise: Écoutez, il va y avoir des effets pervers, mais on va aller de l'avant quand même puis ça va affecter les malades et les patients.

Québec, au CHUQ, on dit: «Le CHUQ refuse d'adopter le budget, il manque 12 millions.» Douze millions qu'il manque! La ministre dit: On a rehaussé les bases budgétaires, puis tout est correct, les établissements auront suffisamment de ressources, nous a-t-elle répété en Chambre encore cette semaine. J'ai parlé cet après-midi du CHUM, où elle dit: On fait l'équilibre budgétaire, mais il nous manque 24 millions. On dit: Les dépenses arrivent avec les revenus, mais il nous manque 24 millions de revenus. Est-ce que ce n'est pas d'imposer aux établissements l'odieux d'appliquer de façon artificielle une loi qui n'a pas de bon sens?

D'ailleurs, c'est le Dr Carignan, qui est le président des directeurs généraux des établissements de santé, qui disait, dans la revue Actualité médicale, et je cite: «La ministre a déposé un projet de loi qui ne traite que de nos obligations en matière budgétaire. Or, il y a une autre loi, la loi n° 120, qui nous oblige à donner des services à la population, et ça, il ne faut pas que le gouvernement l'oublie.» Fin de la citation. Donc, un projet de loi où on énonce des obligations pour les gens du réseau, mais il n'y a pas d'obligation pour le gouvernement cependant d'accorder les ressources nécessaires pour fournir des services adéquats à la population. Et d'ailleurs, c'est confirmé dans une autre directive du sous-ministre, qui a été envoyée en date du 9 mai 2000, où on dit: «...demande aux établissements de signer des déclarations attestant qu'ils ont mis en place des mesures qui leur permettent d'assurer l'équilibre budgétaire.» Et ça, c'est leur principale priorité. On ne dit pas: Les patients, les malades, fournir des services. Non, ce n'est pas important. Mais: Atteignez l'équilibre budgétaire, par exemple, quoiqu'il arrive.

Quand la ministre nous parle de la loi antidéficit du gouvernement, les municipalités également doivent atteindre l'équilibre budgétaire. Il y a une grande différence entre les deux, entre le gouvernement, les municipalités, puis les hôpitaux. Le gouvernement a le pouvoir de taxation, les municipalités ont le pouvoir de taxation. Le gouvernement peut décider à un moment donné de réduire dans un ministère puis d'augmenter dans l'autre. Les revenus des hôpitaux et des autres établissements de santé, ils ne viennent que du gouvernement, donc ils ne peuvent pas aller chercher des revenus ailleurs, ils ne peuvent pas imposer des taxes. Et c'est ça, la grande différence, quand la ministre nous dit: Écoutez, c'est à peu près pareil.

n(20 h 50)n

Alors, M. le Président, c'est une loi ? et on va avoir l'occasion d'en débattre davantage ? qui va rationner les services. C'est une loi insidieuse avec laquelle le gouvernement a l'intention d'appliquer des coupures, et on peut le voir déjà par ce qui se passe dans le réseau. Merci.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député de Vaudreuil. Alors, toujours en remarques préliminaires, M. le député de Shefford.

M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Naturellement, d'entrée de jeu, habituellement, la coutume en commission parlementaire est d'y aller d'un intervenant de chaque côté. J'ignore s'il y a un des députés ministériels qui veut intervenir avant moi.

Le Président (M. Beaumier): Non, j'ai bien...

Une voix: Nous saurons bien manifester nos besoins.

Le Président (M. Beaumier): C'est-à-dire que je suis bien l'affaire. C'est vous qui avez demandé la parole, alors allez-y.

M. Brodeur: Donc, on peut constater, M. le Président, que la ministre sait se défendre. Elle se défendra seule tout au cours de l'étude du projet de loi. Peut-être manque-t-elle d'appui de ses collègues. On verra.

M. le Président, je n'ai pas eu souvent l'occasion de siéger à la commission des affaires sociales, seulement à quelques reprises. Je me souviens, la première fois que je suis venu à la commission des affaires sociales, en 1996, c'était le député de Charlesbourg qui était à ce moment-là titulaire du ministère de la Santé, et je me souviendrai que je l'avais interrogé sur le cas des infirmières. Je me souviens à l'époque qu'une infirmière de mon comté, une infirmière qui enseignait au cégep de Granby, alors que la ministre actuelle de la Santé était ministre de l'Éducation, disait qu'il était pour manquer d'infirmières au Québec. Et je demandais à cette époque-là, en 1996, au ministre de la Santé de l'époque si c'était vrai qu'on était pour manquer d'infirmières dans les prochaines années, et je me souviens bien de sa réponse, M. le Président, il m'a dit: Il n'y a pas de problème, on a 10 000 infirmières de trop. Je ne sais pas s'il y en a ici, de l'autre côté de la table, qui se sont souvenu de cette déclaration du ministre de la Santé. Donc, ça, c'est la première fois que je suis venu siéger à la commission des affaires sociales.

Nous sommes ici aujourd'hui pour étudier un projet de loi qui, en définitive, me paraît inutile. M. le Président, déjà la loi prévoit que les centres hospitaliers ne peuvent faire de déficits. D'ailleurs, le député de Vaudreuil nous a cité, en début d'intervention, une opinion juridique qui démontre clairement que la loi actuelle est plutôt une loi qui est pour gérer une perception, qui est pour blâmer quelqu'un d'autre que le responsable des problèmes que l'on vit présentement dans le système de santé. Donc, je ne pense pas que la loi qui est déposée présentement soit digne d'être débattue à l'Assemblée nationale.

C'est à la suite de déclarations du collègue ministériel, le député de Verchères et ministre des Finances... M. le Président, tout simplement, d'entrée de jeu, j'aimerais vous faire une lecture des passages d'une déclaration du ministre des Finances. C'est à partir de cette déclaration-là que nous sommes arrivés face à un projet de loi qui, en fin de compte, a pour objet de faire suite aux propos du ministre des Finances et qui a pour but officiel de blâmer les directeurs d'hôpitaux. Donc, on pellette le blâme chez les directeurs d'hôpitaux.

On pouvait lire, dans Le Devoir du 17 mars 2000 ? et, tenez-vous bien, je vais vous citer quelques passages qui sont, je dirais, très durs et difficiles à admettre de la part d'un politicien aguerri comme le ministre des Finances; je vous cite quelques paragraphes, malgré qu'il est souvent de son habitude d'y aller de propos que je qualifierais d'exagérés et souvent dans un style tout à fait théâtral ? on disait: «Le ministre a répété que le problème du système de santé québécois n'est pas uniquement un problème d'argent, mais aussi de gestion.» Et, M. le Président, là il y a sa citation: «Il y a dans le secteur de la santé des gestionnaires formidables qui font des déficits à cause du sous-financement, un, mais il y a aussi des gestionnaires minables ? il a bien dit "minables" ? qui font des déficits par manque de gestion, a-t-il dit. Le gouvernement aura maintenant à l'oeil ces gestionnaires minables, s'est réjoui M. Landry, qui s'est défendu d'avoir tardé à agir sur la gestion du réseau de la santé. Le gouvernement a agi dès son premier mandat avec la réforme Rochon et le virage ambulatoire.» Et ça, on s'en souvient très bien, il a agi, c'est ça qui est le problème justement, aujourd'hui. «Selon lui, cette réforme a été un succès parce que, sans elle, le système de santé aurait déjà explosé.»

M. le Président, je pense que ce qui a fait exploser justement le système de santé, c'est la politique qu'on connaît depuis 1996, c'est-à-dire qu'on comprend ? la ministre de la Santé tantôt nous le disait ? qu'on devait arriver à un déficit zéro. On est tous convaincus alentour de cette table que, oui, il fallait arriver à un déficit zéro, mais aussi il fallait être très conscient des principales missions du gouvernement.

M. le Président, les principales missions du gouvernement, je crois, c'était, en premier lieu, la santé, et l'éducation. On sait que la ministre actuelle de la Santé a été ministre de l'Éducation et c'est pour ça que nous trouvons douteuse la méthode qu'a prise le gouvernement pour éliminer son déficit. Premièrement, on a imposé, taxé les citoyens et, deuxièmement, on s'y est pris de façon très agressive et on a fait des coupures drastiques dans le système de santé. On a démoli le système de santé qui avait été construit par les Québécois depuis la Révolution tranquille.

Donc, M. le Président, en 1996, on s'en souviendra, on y est allé d'une façon tout à fait irréfléchie, on a procédé à la fermeture d'hôpitaux. Plusieurs ici s'en souviendront, qu'en 1996 on a fermé, je crois que c'est sept hôpitaux à Montréal. On a fermé des lits partout au Québec. On a, à la suite de ça, mis des gens qui étaient presque indispensables au système de santé... on les a mis à la retraite. On n'a qu'à penser aux infirmières. On a mis les infirmières à la retraite, les gens qui étaient le plus qualifiés dans le système de santé, ce qui n'est pas sans entraîner des problèmes. On se souviendra aussi de la mise à la retraite de médecins, de spécialistes ? le député de Vaudreuil nous en parlait tantôt. Moi-même, dans le Centre hospitalier de Granby, qui est le centre hospitalier de mon comté, on a eu des problèmes énormes à cause de ces mises à la retraite. On a eu des problèmes aussi dans les salles d'urgence, comme partout au Québec.

Donc, M. le Président, ce que l'on fait aujourd'hui, ce que le gouvernement tente de faire, c'est de faire porter le blâme à nos directeurs d'hôpitaux, à nos gestionnaires d'hôpitaux, aux conseils d'administration des hôpitaux, M. le Président, et je pense que c'est inconcevable qu'on puisse attribuer un tel blâme à ces gens-là. Aller jusqu'à dire, M. le Président, comme l'a dit le ministre des Finances, qu'ils sont des minables, je me mets dans la peau de ces gens-là, je pense à ceux de ma région, M. le Président, je pense au Centre hospitalier de Granby ? je ne sais pas s'il va changer de nom prochainement, c'est la ministre qui décidera...

Mme Marois: ...

M. Brodeur: De toute façon, là n'est pas le but de mes propos.

Mme Marois: Vous avez des propositions pour le nom?

M. Brodeur: Oui, regardez la revue de presse.

Mme Marois: ...

M. Brodeur: Oui.

Le Président (M. Beaumier): M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Oui, merci, M. le Président. Donc, ces gens-là ont fait un travail extraordinaire pour maintenir en place un système qui permet de donner des soins essentiels à la population, sauf, M. le Président, qu'à l'impossible nul n'est tenu, et souvent, en tout cas dans plusieurs des hôpitaux, et c'est le cas du Centre hospitalier de Granby, le manque de ressources ne permet pas de répondre à tous les besoins de la population.

n(21 heures)n

M. le Président, j'intervenais, au salon bleu, en deuxième lecture, sur ce projet de loi et je citais en exemple le Centre hospitalier de Granby. D'ailleurs, à la période de questions, il y a quelques semaines, j'ai soulevé le problème au Centre hospitalier de Granby, qui va avoir un déficit important. M. le Président, j'ai amené le journal La Voix de l'Est d'il y a quelques semaines. Je l'avais d'ailleurs montré à la ministre la semaine dernière. Pour être parlementaire, je dirais: «L'hôpital défie la ministre de la Santé», parce qu'on ne peut pas nommer la ministre par son nom, mais: «Le Centre hospitalier vote un déficit de 7,8 millions.» Le titre: L'hôpital hors-la-loi, Piedmont-Yamaska ? si le nom est bon ? prévoit un déficit de 7,8 millions. Donc, quand on arrive à des déficits de ce genre-là, M. le Président, on peut se poser la question, si une loi comme celle qui est déposée présentement fera en sorte de mettre les services à la population en danger, et on constate que oui, M. le Président. Parce que, si on prend l'exemple du Centre hospitalier de Granby, et j'espère que la ministre est consciente des problèmes de ce centre hospitalier là... Puis, pour faire une courte histoire, l'historique du Centre, parce que je le connais bien, vous savez, M. le Président, que c'était un petit hôpital à l'époque, qui s'appelait l'hôpital Saint-Joseph, qui était dans un petit village qui s'appelait Granby. Heureusement ou malheureusement pour les gens qui reçoivent les services du Centre hospitalier, la région a grandi, la ville a grandi. Le village de Granby est devenu la ville de Granby. Granby est devenue par la suite une capitale régionale, dessert environ 100 000 personnes, 100 000 ou 125 000 personnes.

Malheureusement, on a toujours financé ce Centre hospitalier sur une base historique, donc sur la base sur laquelle on voyait cet hôpital-là, comme un hôpital de village, et les gens allaient chercher des services plus spécialisés soit à Montréal soit à Sherbrooke, ce qui a fait en sorte que d'année en année on a financé ce Centre hospitalier là sur la base d'un hôpital de petit village, sauf que ce Centre hospitalier dessert aujourd'hui beaucoup de personnes. C'est une capitale régionale qui a été historiquement sous-financée. Maintenant, depuis quelques années, le Centre hospitalier accueille plus de gens, mais ne peut, à cause de ce sous-financement historique là, remplir les demandes que les citoyens... en fin de compte, ce que demandent les citoyens au système de santé régional.

M. le Président, la ministre se souviendra, et son prédécesseur aussi, de toutes les questions que j'ai posées à l'Assemblée nationale concernant le manque de spécialistes dans cette région-là. Heureusement, le travail inlassable du nouveau directeur général et du conseil d'administration a fait en sorte qu'on a réussi à attirer une cinquantaine de médecins à l'hôpital depuis quelques années. Les derniers vont faire leur entrée au mois de juillet. On a attiré au Centre hospitalier 30 nouveaux spécialistes, 20 nouveaux omnipraticiens. Dans ce cas-là, M. le Président, il est de toute évidence que le déficit de 7,8 millions que prévoit le Centre hospitalier est, en définitive, pour financer la venue de ces médecins-là, de ces spécialistes-là, qui sont nécessaires pour soigner la population régionale, si on prend maintenant pour acquis que ce Centre hospitalier là dessert une population de plus en plus importante qui a besoin de plus en plus de services. Comme ailleurs au Québec, la population vieillit, et on sait que dans les capitales régionales... Vous savez, M. le Président, parce que vous êtes près de Trois-Rivières, et j'imagine que c'est peut-être la même chose, que les gens plus âgés viennent prendre leur retraite en ville. Donc, les besoins sont de plus en plus criants et pressants dans les centres hospitaliers.

Donc, M. le Président, l'histoire est très claire. Si le Centre hospitalier n'a pas ce financement, qui serait décent à 7,8 millions de dollars, ces spécialistes-là, que l'on réclamait du gouvernement depuis des années... La ministre de la Santé s'en souviendra sûrement qu'on demandait des anesthésistes. Nous pouvons les obtenir. Et, si cette loi-là ne permet pas à un hôpital comme celui de Granby d'avoir les ressources nécessaires pour fournir ces services-là, le problème sera encore le même, M. le Président. C'est un signal que l'on ne veut pas régler le problème dans les régions, on va perdre les spécialistes. On a besoin d'anesthésistes, on a besoin de gynécologues, on a besoin d'un tas d'autres spécialistes, et ces sommes-là sont impératives au bon fonctionnement du Centre hospitalier de Granby.

M. le Président, j'ai eu la chance, il y a quelques semaines, de visiter le Centre hospitalier. Le directeur général... la présidente de l'hôpital, étant un peu en état, je dirais, au moins d'inquiétude devant le dépôt du projet de loi, en a profité pour me faire visiter le Centre et m'indiquer que les sommes dont ils avaient besoin étaient non pas utiles, mais nécessaires au fonctionnement du Centre hospitalier pour faire en sorte qu'on reçoive les services de base seulement ? et je parle de services de base. Donc, M. le Président, j'ai eu la chance de visiter le Centre et j'ai été surpris de plusieurs choses.

On a parlé souvent de santé mentale. La ministre se souviendra que j'ai posé à quelques reprises des questions sur des problèmes de manque de places, de manque de lits en psychiatrie. Depuis le temps, rien n'est réglé. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il y a encore des comités qui sont formés, que les décisions seront prises à l'automne. Par exemple, dans ma région, on a besoin vraiment de ressources additionnelles, et une loi comme on a présentement, en fin de compte, c'est le refus de donner les ressources qui sont nécessaires au fonctionnement utile d'un centre hospitalier. On a 18 lits, par exemple, dans ma région, 18 lits en psychiatrie, pour 125 000 personnes. M. le Président, je pense que les gens qui seraient un peu réalistes s'apercevraient que ça ne peut pas fonctionner de cette façon-là. Donc, 18 lits pour 125 000 personnes, alors qu'on ne donne pas les ressources utiles et nécessaires dans le domaine communautaire. La ministre sait très bien...

J'ai un article ici: Les groupes communautaires ne peuvent plus tenir: Transition pour elles est au coton. On dit: «La maison ? c'est une maison pour femmes atteintes de maladie mentale ? a donc décidé de ne plus accepter de nouveaux cas référés par le centre hospitalier Piedmont-Yamaska à compter du 30 mai.» Donc, imaginez-vous, M. le Président, ils ont 18 lits dans l'hôpital, ils sont obligés de les référer à des groupes communautaires, puis les groupes communautaires leur disent: Écoutez, nous autres, on n'est plus capables, on n'acceptera plus les cas qui nous sont référés. Donc, elle continue: «...une décision sans précédent prise cette semaine par l'assemblée générale. Ce n'est pas une stratégie. On est tannés, prévient la présidente du conseil d'administration, Céline Dupuis.»

Et ce n'est pas le seul cas, M. le Président, il y a toutes sortes d'autres ressources qui n'en peuvent plus. Je pense à la maison l'Autre Versant, ils viennent me rencontrer semaine après semaine pour la même situation. La Maison Arc-en-ciel, je ne sais pas si la ministre en a entendu parler. Donc, la situation est très grave. On le sait, et la ministre le sait, la région de la Montérégie est la région la moins financée du côté santé mentale, et Granby est la pire dans la région de la Montérégie. Donc, on est à peu près sous-financé, on a à peu près 20 % de ce que les autres, au Québec, ont.

Donc, M. le Président, je sais que les minutes s'envolent, j'aimerais aussi parler des CLSC. Par exemple, à Granby, le CLSC a adopté son budget et a respecté ou se met en position pour respecter cette fameuse loi qu'on qualifie d'antiservices. La preuve en est qu'au CLSC, à Granby... la loi qui est déposée est une loi vraiment antiservices, puisque, pour être légal ? il faut le dire entre guillemets, être légal ? le CLSC a accepté de présenter un budget équilibré, mais en signifiant à la régie régionale qu'il était pour couper tout près de 300 000 $ de services. Vous pouvez vous imaginer, M. le Président, déjà que le CLSC est sous-financé, il a accepté de faire des coupures additionnelles dans les services. M. le Président, je posais la question, la semaine dernière, à la ministre de la Santé, et la ministre de la Santé a semblé trouver ça normal que, pour arriver à un déficit zéro dans un CLSC, on coupe tout simplement les services. Donc, j'ai été énormément surpris de la réponse, surpris et pas surpris parce que, vraiment, l'objet du projet de loi, c'est une vision tout simplement pécuniaire, une vision tout simplement fiscale et non une vision qui a pour but de donner un service auquel la population a droit.

Ce n'est pas seulement ça. Dans ma région ? j'aurais aimé voir le député d'Iberville ici, mais le député... ? c'est-à-dire, le CLSC, à Farnham, on s'en souviendra... ils ont décidé de manifester un peu partout dans la région. D'ailleurs, ils pourront s'informer à leur collègue d'Iberville ? il y a des pancartes à peu près sur tous les poteaux de téléphone, ça ressemble aux élections, dans le comté d'Iberville...  ils veulent conserver leur CLSC. Donc, M. le Président, ils disaient, eux: S'il faut aller à Québec, on va y aller. J'espère que la ministre va les recevoir. Mais ce à quoi nous sommes confrontés, M. le Président, tout simplement, c'est à une loi qui n'a pas de sens, qui n'a pas d'âme, qui a strictement une vision tout simplement pécuniaire de l'affaire.

n(21 h 10)n

M. le Président, je dois rappeler à la ministre et au gouvernement quelles sont les principales missions d'un gouvernement. Je pense que sa principale mission aujourd'hui, surtout dans la situation où on est rendu présentement avec le système de santé, ce serait de donner des services adéquats et, pour donner des services adéquats, je pense qu'une loi qui fait en sorte de réduire les services ou d'empêcher les services de s'améliorer est tout à fait inacceptable. De toute évidence, la ministre devra peut-être faire un examen de conscience sur le projet de loi. Elle m'a invité, il y a deux semaines, à son bureau de comté; ça me tente presque d'y aller pour essayer de la convaincre de changer d'idée. Mais... M. le Président, vous me dites que mon temps est écoulé.

Mme Loiselle: Une chance, tu ne seras pas obligé de répondre à l'invitation.

Le Président (M. Beaumier): Oui, vous pourrez régler ce problème-là en dehors de nos commissions. Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Ah oui! On en reparlera à l'extérieur.

Le Président (M. Beaumier): D'accord. Alors, en conclusion.

M. Brodeur: Donc, M. le Président, ça me fera plaisir d'intervenir plus tard, durant la soirée, sur peut-être le même sujet mais d'une autre nature. Merci.

Le Président (M. Beaumier): Merci beaucoup, M. le député de Shefford. Est-ce qu'il y a d'autres interventions en ce qui concerne les remarques préliminaires?

M. Sirros: Probablement. Je pense que oui.

Mme Marois: Moi, j'ai déjà fait mes remarques préliminaires. Je pourrai revenir plus tard.

Le Président (M. Beaumier): Oui, c'est ça, c'est bien.

Mme Marois: D'accord.

Le Président (M. Beaumier): Alors, Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.

Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Il faut s'interroger sur les vraies raisons qui guident et qui motivent ce gouvernement à vouloir imposer une loi antidéficit, une loi antiservices au réseau public de la santé et des services sociaux, quand on sait, M. le Président, que c'est ce même gouvernement qui, au cours des dernières années, a appauvri le réseau de la santé et des services sociaux, qui a démantelé le réseau de la santé et des services sociaux au Québec.

On se souvient très bien, l'ancien ministre de la Santé, lui, répondait aux commandes du premier ministre. Dès que le premier ministre lui demandait des commandes de compressions budgétaires, l'ancien ministre de la Santé y répondait avec beaucoup de rapidité. Maintenant, ce qui est encore plus déconcertant et décevant, c'est de se rendre compte que la nouvelle ministre de la Santé et des Services sociaux, elle, elle répond aux commandes de compressions et de coupures du ministre des Finances, ce même ministre des Finances qui a même eu l'audace de la remettre à l'ordre publiquement, qui a même critiqué publiquement la façon de gérer de la ministre, de son ministère, et la ministre, aujourd'hui, répond à sa commande, du ministre des Finances.

J'avoue sincèrement que, quand on a annoncé la venue d'une femme au ministère de la Santé, je me suis dit: On va voir un changement, parce que l'ancien ministre de la Santé, tout le temps qu'il a été à ce poste, a eu une vision froide, une vision comptable, une vision financière. Je me suis dit, quand la ministre est arrivée: Enfin, un vent de changement; il va sûrement y avoir une vision sociale qui va s'implanter de la part de la nouvelle ministre. Malheureusement, plus le temps file, plus les mois passent, ce qu'on se rend compte, c'est que la ministre de la Santé, peut-être guidée justement par son premier ministre et le ministre des Finances, a la même hantise et l'obsession des coupures, est obsédée également par les colonnes de chiffres et perd de vue la qualité des services auxquels les malades du Québec ont droit, M. le Président.

Rappelez-vous que son prédécesseur, au nom de son gouvernement, au nom de son parti, s'est servi du réseau de la santé pour arriver à des fins politiques, pour arriver à des fins partisanes, pour arriver au fameux déficit zéro. Son prédécesseur ministre de la Santé a mis en place une réforme, une réforme qui était tellement bâclée, tellement mal faite, M. le Président, que ça s'est révélé un démantèlement de notre système de santé au Québec, ça s'est révélé, avec le temps, presque le massacre de notre système de santé au Québec.

C'est ce même ministre de la Santé, M. le Président, qui, toujours répondant à des objectifs, à des impératifs financiers à l'époque, a mis en place le régime de l'assurance médicaments. Je me souviens très bien ? on était présents, mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce et moi-même, à toutes les consultations qu'il y a eu en commission parlementaire ? combien de groupes sont venus en commission parlementaire dire au ministre à l'époque et dire au gouvernement: Si vous allez de l'avant avec un tel régime de l'assurance médicaments, vous allez faire en sorte que des personnes démunies, des personnes âgées à faibles revenus ne pourront pas se procurer leurs médicaments faute d'argent, ne pourront pas se loger ou se nourrir convenablement parce qu'ils devront faire des choix, des choix drastiques, pour obtenir leurs médicaments.

Le ministre à l'époque, pendant toute la consultation, est resté de glace, il faisait semblant qu'il écoutait les gens, mais il n'a rien entendu parce que le choix était déjà fait. Il avait eu la commande à l'époque d'aller chercher 200 millions pour la première année, 200 millions dans les poches des plus démunis, pour mettre en place son régime d'assurance médicaments qui était guidé non pas par des valeurs sociales mais qui était guidé par des impératifs financiers. Trois ans plus tard, le gouvernement est allé chercher dans les poches des personnes âgées tout près de 1 milliard, depuis trois ans, M. le Président, et des millions aussi dans les poches des plus démunis.

M. le Président, j'ai entendu tantôt la ministre dire: Ah! maintenant, nous injectons des nouvelles sommes dans le système, dans le réseau de la santé. Ce que la ministre ne dit jamais ou ne rappelle pas aux citoyens du Québec, c'est que c'est ce même gouvernement qui a coupé 2 milliards dans le système de santé. C'est ce même gouvernement qui a vidé le réseau de la santé d'un grand nombre de professionnels et de son expertise. Mon collègue le rappelait, c'est ce même gouvernement qui, tout en coupant des milliards dans le système de santé, en même temps mettait à la retraite 4 000 infirmières, mettait à la retraite 700 spécialistes, tout près de 600 médecins, des radio-oncologues. Ce gouvernement-là a fait de notre réseau de la santé un réseau où, maintenant, le personnel est en épuisement, et les gens ne reçoivent pas des services auxquels ils ont droit. Et c'est ça qui est le plus inquiétant actuellement, c'est le choix qu'a fait ce gouvernement pour arriver à ses fins partisanes.

M. le Président, la ministre, pour répondre à la commande du ministre des Finances, a choisi de continuer à fermer les yeux et de mettre en place une loi antiservices. La ministre ferme les yeux sur les besoins criants du réseau de la santé au Québec. Le réseau craque de partout, et la ministre ferme les yeux. La ministre n'est même plus capable de reconnaître l'augmentation des besoins, n'est même plus capable de reconnaître et d'avouer l'alourdissement des soins dû au vieillissement de la population, les coupures qui sont faites dans les centres de soins de longue durée pour les personnes âgées. Elle ne tient même pas compte de l'augmentation des dépenses en raison du développement technologique. La ministre ne veut même plus répondre aux questions, des questions troublantes qui restent sans réponse avec sa loi antidéficit, avec sa loi antiservices: L'établissement qui anticipe un déficit ? il faut répondre à ces questions-là ? devra-t-il refuser les patients à l'urgence? Qu'est-ce qu'on va faire avec les patients qui vont se présenter à l'urgence? Est-ce qu'on va couper davantage dans les services pour maintenir son équilibre budgétaire? Couper davantage, c'est presque impossible parce que déjà on est à l'os dans le système de la santé et des services sociaux.

La ministre, cette semaine, a dit en Chambre qu'elle n'avait pas de leçons à recevoir de personne au niveau de sa compassion. Alors, avant de terminer ces remarques et avant qu'elle n'impose cette loi antidéficit, avant qu'elle n'impose cette loi antiservices, j'aimerais lui lire l'article qui a paru aujourd'hui. Parce que peut-être que dans l'entourage, un jour, des gens qui sont alentour de cette table il y aura une certaine Lise, comme on retrouve aujourd'hui dans l'article de La Presse. Parce que c'est ça, le démantèlement du réseau de la santé qui a été fait par le gouvernement du Parti québécois. J'attire votre attention pour écouter cette situation, M. le Président, triste et dramatique.

«Voici l'histoire, pas encore terminée, du pénible voyage de Lise, 36 ans, au sein de notre système de soins de santé.

«Ce qu'elle y a vécu illustre d'autant mieux la détérioration des services qu'elle n'a pas du tout le profil de la victime qui passe entre les mailles du filet. Lise est une femme instruite, capable de s'affirmer, et elle est en outre entourée d'une famille aimante. Au début de cette histoire, c'était une femme en forme, qui ne fumait pas et s'occupait de sa santé.» Le drame de Lise commence maintenant.

«Fin décembre, un peu plus d'un an après sa dernière cytologie, elle commence à saigner abondamment, sans arrêt. Elle appelle l'hôpital Sainte-Justine où pratique son gynécologue. On lui donne rendez-vous pour le 3 février.» Ça, c'est fin décembre, rendez-vous 3 février.

«Arrivée à l'hôpital plus d'un mois après le début des symptômes, elle a la désagréable surprise de constater que l'examen sera fait par un stagiaire. C'était pourtant pour voir son gynécologue qu'elle avait patienté pendant un mois.

«"C'est comme dans un magasin de chaussures", réplique ce dernier en guise d'explication, "on ne choisit pas son vendeur". Sans l'examiner, le gynécologue consulte les notes du stagiaire et diagnostique une endométriose (le sang aurait traversé la paroi de l'utérus).

n(21 h 20)n

«Elle demande une laparoscopie. Il refuse et lui prescrit des anovulants. Le 5 février, les saignements sont devenus si abondants, et la douleur si atroce, que son ami l'emmène à l'urgence de l'Hôtel-Dieu.» Ce serait intéressant que la ministre écoute. C'est une situation très dramatique, M. le Président.

Mme Marois: Mais j'écoute justement, M. le Président.

Mme Loiselle: Ah oui!

Mme Marois: Si la député veut que je réplique, je vais répliquer.

Le Président (M. Beaumier): Écoutez, on ne peut pas présumer...

Mme Marois: Je l'ai écoutée du début à la fin, M. le Président.

Mme Loiselle: Je veux que vous écoutiez, Mme la ministre, pas répliquiez.

Le Président (M. Beaumier): On ne peut pas présumer de choses, s'il vous plaît.

Mme Marois: Ah! vous ne voulez pas m'entendre.

Le Président (M. Beaumier): S'il vous plaît!

Mme Loiselle: Oui, je veux vous entendre. Bien oui, avec plaisir.

M. Sirros: On vous entend tellement souvent.

Mme Loiselle: Je veux que vous écoutiez l'histoire dramatique de Lise.

Mme Marois: J'écoute.

M. Sirros: Pas vraiment.

Mme Marois: Pourquoi vous êtes là?

Mme Loiselle:«Un généraliste la palpe...»

M. Sirros: ...

Le Président (M. Beaumier): M. le député de...

M. Sirros: Je réplique, M. le Président. Rappelez la ministre à l'ordre.

Le Président (M. Beaumier): Vous n'avez pas la parole, vous non plus.

M. Sirros: La ministre non plus.

Le Président (M. Beaumier): La parole est à la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.

M. Sirros: Je suis tout à fait d'accord, mais je trouve que la ministre l'interrompt.

Le Président (M. Beaumier): Elle est toujours, la parole, à la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.

M. Sirros: Si la ministre se conforme, je vais me conformer.

Le Président (M. Beaumier): Continuez, continuez, ça fait très noble.

Mme Marois: Je me suis conformée, mais la députée ne s'est pas conformée en m'interpellant, en croyant que je ne l'écoutais pas, ce qui est faux, M. le Président.

M. Sirros: M. le Président, est-ce qu'elle avait la parole?

Le Président (M. Beaumier): Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.

M. Sirros: Non, est-ce qu'elle avait la parole, la ministre, M. le Président?

Le Président (M. Beaumier): Vous ne l'aviez pas non plus.

M. Sirros: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Oui, allez-y.

M. Sirros: Est-ce que la ministre avait la parole? Est-ce que ce n'est pas le rôle du président de la rappeler à l'ordre?

Le Président (M. Beaumier): Je l'ai fait à tous les deux.

M. Sirros: Pas tantôt.

Le Président (M. Beaumier): À tous les deux.

M. Sirros: Pas tantôt.

Le Président (M. Beaumier): Quand je signale que c'est une députée...

M. Sirros: Pas seulement d'un côté, M. le Président. C'est tout.

Le Président (M. Beaumier): Écoutez-moi, je vous ai écouté là. Quand je signale que la parole est à un député, ça présume que ce n'est pas aux autres et ça vise tout le monde, d'un côté comme de l'autre.

M. Sirros: Et, à moi, M. le Président, vous avez adressé la remarque particulière, personnellement.

Le Président (M. Beaumier): Non, non, je ne vous ai pas...

M. Sirros: Je veux que vous le fassiez de l'autre côté, de façon égale et équitable, M. le Président. C'est tout.

Le Président (M. Beaumier): Je ne vous ai pas identifié par votre comté.

M. Sirros: C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Mais là ça devient plus clair. Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.

Mme Loiselle:«Un généraliste la palpe, elle passe une échographie. On ne voit rien d'anormal. Elle passe 10 heures en tout à l'urgence de l'Hôtel-Dieu, sans qu'aucun gynécologue ne soit appelé en consultation.

«L'Hôtel-Dieu finit par l'envoyer à Saint-Luc ? troisième hôpital ? où est concentrée la gynécologie du CHUM. Là, une résidente en gynécologie, se fiant au premier diagnostic, lui prescrit des calmants en lui disant de prendre ses anovulants. Personne ne fait l'examen du col de l'utérus.

«Douze jours plus tard, elle fait une phlébite. Le 23 février, retour à l'urgence de Saint-Luc, où un généraliste, après un examen sommaire, lui dit de continuer le traitement prescrit à Sainte-Justine.

«Entre-temps, elle a reçu un message laconique d'une secrétaire de Sainte-Justine, qui lui dit, sans autre explication, de prendre rendez-vous pour une colposcopie[...]. Lise, traumatisée par la désinvolture de son gynécologue, ne veut plus retourner à Sainte-Justine, d'autant plus qu'elle a maintenant un dossier à Saint-Luc. À quoi servirait-il d'avoir deux dossiers dans deux hôpitaux?

«Si quelqu'un l'avait mise au courant de ce que contenait le rapport de cytologie, elle aurait pris tout de suite rendez-vous pour une colposcopie. Mais c'est beaucoup plus tard qu'elle apprendra que ce rapport, daté du 9 février, indiquait la présence de "cellules suggérant une lésion précancéreuse de bas grade". Sous la mention "nom du médecin", était écrit le mot "inconnu".

«Le 1er mars, rendez-vous avec un spécialiste de la médecine vasculaire. Il lui dit que les anovulants sont contre-indiqués dans sa condition, mais ne la réfère pas à un gynécologue.

«Elle décide de s'en trouver un. Pas facile. À Montréal, la plupart des gynécologues, comme nombre d'autres spécialistes, ne prennent plus de nouvelles patientes. De peine et de misère, en implorant la secrétaire de transmettre sa demande au médecin, elle réussit à obtenir un rendez-vous pour le 27 mars avec la gynécologue d'une clinique affiliée à Saint-Luc. Ce jour-là, impossible de faire l'examen parce qu'elle est menstruée.

«Le 12 avril ? elle a commencé à être malade au mois de décembre ? elle est enfin examinée par une gynécologue... qui lui prend rendez-vous pour une colposcopie à Saint-Luc. L'examen aura lieu le 19 avril. On détecte un polype, mais on ne peut pas l'enlever car les saignements sont trop abondants.

«Le pathologiste de Saint-Luc a en main le rapport de cytologie de Sainte-Justine. Inquiet, il envoie Lise en oncologie, à Notre-Dame. Là, on réussira à enlever le polype. Lise est inscrite sur la liste d'attente en résonance magnétique et l'hôpital la renvoie chez elle.

«Le lendemain, elle revient à l'urgence, percluse de douleurs. Sa condition s'est tellement aggravée qu'on décide de l'hospitaliser... Heureusement, car cela lui permet de passer cinq jours plus tard en résonance magnétique. Autrement, elle aurait dû attendre au moins un mois.

«Le diagnostic tombe enfin, plus de quatre mois après le début des hémorragies et trois mois après la consultation à Sainte-Justine. Lise n'a jamais eu d'endométriose. Elle est atteinte d'un cancer de l'utérus [...] un cancer glandulaire susceptible de se propager rapidement. Il faut une hystérectomie radicale.

«Deux semaines après son admission à Notre-Dame, elle attend toujours. On manque d'anesthésistes, les chirurgiens se battent entre eux pour faire passer leurs patients. Les infirmières sont débordées et/ou inexpérimentées. On oublie sa dose de morphine, on lui donne tel autre médicament d'un coup plutôt qu'en plusieurs doses... La famille apporte des draps parce qu'on ne refait pas les lits tous les jours. Il n'y a même pas une boîte de kleenex dans l'hôpital. C'est sans compter l'angoisse et le stress, intolérables.

«Au bout de deux semaines d'attente, son ami, désespéré, en appelle à l'ombudsman de l'hôpital en l'avertissant qu'il a contacté un journal. Finalement, l'opération aura lieu le 5 mai.

«Le cancer a effectivement débordé de l'utérus mais semble limité aux ganglions du bassin. On enlève les ovaires et les ganglions et l'on "nettoie" la zone, mais on lui laisse l'utérus, histoire de ne pas trop l'affaiblir avant les traitements intensifs qui l'attendent. Il lui faudra six cycles d'une semaine chacun de chimiothérapie et un traitement de radiothérapie quotidien pendant 25 jours.

«L'hôpital lui donne son congé cinq jours après l'opération, mais le lendemain, son ami la ramène à l'urgence, en pleine hémorragie. On l'hospitalise de nouveau. Malgré son extrême faiblesse, on commence tout de suite le puissant cocktail de traitements.

«Manque d'infirmières, infirmières débordées, jeunes recrues insuffisamment dirigées... L'information, d'un soignant à l'autre, se transmet mal. À plusieurs reprises, Lise, qui vomit à chaque mouvement, ne reçoit pas les doses prescrites. Samedi dernier, elle est à jeun depuis trois jours, mais le médecin de garde lui suggère de rentrer chez elle: "Vous serez mieux traitée à la maison." Elle accepte avec joie. Pendant que sa mère la veille, son ami court à la pharmacie, soudain transformé en infirmier responsable de l'administration quotidienne de huit médicaments. Il a réussi, cependant, à lui garder son lit pendant 48 heures: "Je ne veux plus qu'elle revive l'indignité de l'attente à l'urgence."

«Aux dernières nouvelles, Lise avait commencé à récupérer, à dormir et à manger un peu. "Elle a 45-50 % de chances de s'en tirer", dit son ami. "Son corps est un champ de bataille."

«Au téléphone, la voix de l'homme se brise. "Elle est jeune, elle est belle, elle est aimée", proteste-t-il. Il est révolté contre le système. Elle aussi. C'est pourquoi tous deux voulaient que cette histoire soit connue.»

M. le Président, je suis convaincue que Lise n'est pas la seule au Québec. Il y a d'autres cas aussi tristes. Et la ministre, cette semaine, quand elle disait qu'elle n'a pas de leçons à recevoir de personne au niveau de la compassion, j'espère qu'elle saura écouter le message que Lise, et son conjoint, voulait dire à la ministre en demandant à ce que son histoire soit publiée dans le journal aujourd'hui. Et j'espère que la ministre ne répondra pas à la commande de son collègue ministre des Finances et retirera ce projet de loi antiservices, un projet de loi qui n'aura qu'un but: continuer à faire des compressions, continuer à couper dans les services dans le réseau, dans le système de santé au Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Labbé): Merci, Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, M. le Président.

Mme Leduc: ...

Le Président (M. Labbé): Ah! madame, je m'excuse, je n'avais pas ça sur ma liste. Alors, vous seriez sûrement d'accord qu'on procède par alternance. Alors, sans plus tarder, je cède...

Mme Leduc: ...

n(21 h 30)n

Le Président (M. Labbé): Merci, madame. Comme j'étais remplaçant, je n'avais pas vu. Alors, sans plus tarder, on y va avec la règle de l'alternance. Alors, sans plus tarder, je cède la parole à la députée de Mille-Îles. Mme la députée.

Mme Lyse Leduc

Mme Leduc: Je vous remercie, M. le Président. Et en toute amitié, j'aimerais rappeler à la députée de Sainte-Anne qu'elle devrait faire quand même attention aux cas qu'elle cite d'une façon assez fréquente et, ce soir, d'une façon extensive. C'est évident qu'il faut quand même qu'elle remplisse, elle aussi, une certaine commande, alors de temps à remplir. Elle a cité un cas. Et, tout en étant très sympathique à la cause qui est là, je voudrais lui rappeler qu'elle doit être prudente, parce que, très récemment, elle a fait une sortie concernant le dépistage du cancer du sein et, le lendemain, la députée se faisait rabrouer par le directeur général de l'hôpital de Beauce-Etchemin qui...

Mme Loiselle: Il manque un bout de l'histoire.

Mme Marois: Dommage! M. le Président, elle nous interrompt.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Labbé): Alors, si vous permettez, nous allons écouter l'histoire, la deuxième histoire.

Mme Leduc: Et, finalement, le directeur général demandait...

Une voix: ...

Le Président (M. Labbé): Mme la députée de Mille-Îles, s'il vous plaît.

Mme Leduc: Oui, c'est à moi. O.K. Il demandait à la députée de Beauce-Sud de remettre la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne à sa place et de lui demander de cesser de faire de la démagogie. Je pense que c'était quand même un conseil... qu'il serait peut-être intéressant qu'elle y réfléchisse de temps en temps. Parce que c'est évident que le député de Vaudreuil lui-même associe le projet de loi n° 107 avec le fait que le gouvernement met en doute la qualité des administrateurs des hôpitaux. La députée de Saint-Henri?Sainte-Anne, par l'intervention qu'elle vient de faire, semble remettre en doute les gestes médicaux qui sont posés dans une suite d'interventions de soins. Alors, je pense que, si on analyse bien tout ce qui se fait, c'est plutôt l'opposition qui, chaque jour, à l'Assemblée nationale, n'arrête pas de critiquer le système de santé et de finalement mettre en doute la qualité à la fois des gestionnaires et à la fois des gens qui travaillent dans le système de santé. Alors, c'est dans ce sens-là que j'aurais voulu...

Des voix: ...

Le Président (M. Labbé): S'il vous plaît, on écoute.

Mme Leduc: Bon, alors, voilà, ça réveille le monde. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Labbé): On en a encore pour 15 minutes. Alors, Mme la députée de Mille-Îles, vous pouvez y aller.

Mme Leduc: Oui, oui. Non, je n'ai pas l'intention nécessairement d'étirer 15 minutes. Je voulais quand même faire certaines remarques, parce qu'il y a des choses qu'on entend et qu'on ne peut pas laisser passer sans faire certaines mises au point. Je n'ai pas de commande, moi, de tenir 20 minutes de temps, alors ça va être plus court que ça, M. le Président.

Le projet de loi n° 107, si nous y revenons comme tel...

Une voix: On ne vous dérange pas, j'espère?

Mme Leduc: On ne vous dérange pas, non? Le projet de loi n° 107 a pour objectif de rendre le réseau plus efficient avec une gestion financière plus saine. C'est évident que, quand on lit l'objectif du projet de loi n° 107, on ne peut pas se surprendre finalement que l'opposition ne semble pas comprendre les objectifs ultimes, parce que la gestion financière saine, ce n'est pas ça qui les a caractérisés dans le temps où ils étaient au pouvoir. Je pense qu'il faut leur rappeler, parce qu'il semble que la mémoire semble courte, que, s'il y a eu une réforme du système de santé, qui était d'ailleurs prônée par le Parti libéral et par le ministre de la Santé libéral à ce moment-là, qui n'a pas pu la faire, parce que, comme le disait le député de Shefford... il disait: Nous avons tous la conviction qu'il fallait atteindre le déficit zéro partout autour de la table. Mais je voudrais lui rappeler que des convictions, ce n'est pas ça qui change des choses, c'est des actions. Et les actions, c'est ça qu'ils n'ont pas prises. Ce qu'ils faisaient, c'était laisser l'inaction, laisser grossir le déficit et, finalement, ils nous ont laissé avec cette chose à régler en désavouant eux-mêmes leur propre ministre de la Santé qui voulait faire une réforme et qui a applaudi celle du ministre de la Santé du Parti québécois.

Alors, je peux comprendre que... mais on espère, on sait que les discussions vont être longues, on espère qu'on va pouvoir les convaincre, les faire cheminer et qu'ils adhéreront finalement à l'objectif d'une gestion financière saine pour l'ensemble du réseau de la santé, comme on a voulu, comme gouvernement du Parti québécois, faire en sorte que l'ensemble, le budget du Parti québécois... on atteigne le déficit zéro; ça veut dire que c'est une gestion financière saine. Et je voudrais rappeler aux gens de l'opposition que, quand nous avons dû prendre ces mesures-là, qui étaient difficiles à prendre, il a fallu faire montre de volonté. On avait une décote en Bourse qui faisait qu'on devait payer des intérêts très élevés et, si on avait dû continuer à les payer, nous n'aurions pas d'argent actuellement pour réinvestir dans le système de santé comme nous le faisons. Alors, je pense qu'il faut quand même replacer les choses dans le contexte de temps en temps.

L'opposition évidemment brandit la menace que l'adoption du projet de loi n° 107 met en péril les services à la population. Ce n'est pas l'objectif. L'objectif, c'est une saine gestion. C'est quand il n'y a pas de saine gestion qu'on met en péril les services, et c'est pour ça qu'on a dû faire une réforme, parce qu'il n'y avait pas de saine gestion de votre bord. Alors, à ce moment-ci, notre objectif, c'est: On est sorti du trou, on ne veut pas y retourner. Alors, il faut à ce moment-là que l'ensemble, et pas juste le gouvernement qui a atteint le déficit zéro, mais l'ensemble des gestionnaires qui finalement dépensent les budgets, qu'ils soient dans le système de santé ? la loi s'applique à ceux-ci ? aient aussi cette responsabilité-là de ne pas avoir de déficit dans leur gestion, parce que, sans ça, ça découle et il y aura un déficit. On ne peut pas éternellement gérer de cette façon-là.

Alors, je pense que le spectre des coupures de services brandi par l'opposition est un épouvantail. Je pense que la vérité, c'est que le projet de loi n° 107 propose au réseau un encadrement solide et stable qui va lui donner les moyens de se consacrer à sa tâche, qui est de soigner les gens qui sont malades au Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Labbé): Merci beaucoup, Mme la députée de Mille-Îles. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion, s'il vous plaît.

M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. C'est assez ? je cherche le mot parce que vraiment ça me dépasse ? bouleversant, moi, je dirais, d'entendre les députés ministériels parler de réforme de la santé, du courage politique, quand on sait qu'il n'y a pas eu de réforme, il y a eu un démantèlement du réseau de la santé. Il aurait dû y avoir une réforme, ce sur quoi tout le monde était d'accord. C'est depuis 1984, si ma mémoire est bonne, où la commission Rochon avait été instituée dans le temps, que le gouvernement libéral, qui vous a précédés à ce moment-là, a reçu ce rapport-là, a entamé un premier jet de la réforme avec l'adoption du projet de loi n° 120, suite à des multiples consultations, à des tournées en région, etc. Et il y a eu un premier jet de réforme qui a rechangé un certain nombre de choses.

Avec l'évolution du temps, il est devenu absolument évident pour tout le monde qu'il fallait effectivement procéder à une réforme, parce qu'il y avait toutes sortes de nouvelles technologies qui s'étaient développées entre-temps, qui permettaient de réduire de façon radicale le temps d'hospitalisation des malades, et qu'on pourrait traiter les personnes par la suite en posthospitalisation, à la maison, etc., ce qui pourrait nous permettre de réduire un certain nombre de coûts dans les hôpitaux pour les transférer toujours dans le système de la santé. Parce que, du même coup, il y avait à ce moment-là des médicaments qui arrivaient sur le marché, qui étaient plus cher, mais qui permettaient de traiter de façon efficace un certain nombre de maladies, mais qui prenaient un certain nombre de sous pour que ça soit efficacement administré.

Mais, depuis que la maladie a imprégné les banquettes ministérielles du déficit zéro sur le dos des malades... Parce qu'il y avait une autre façon aussi d'atteindre le déficit zéro, ce avec quoi tout le monde était d'accord. Parce qu'à partir du moment où on n'a plus identifié le réseau de santé comme le coeur des services qu'on devrait protéger avant de toucher à toutes les autres choses et augmenter du même coup la possibilité de la croissance économique afin d'avoir des rentrées de fonds pour réduire le déficit sans toucher aux dépenses de la santé, en y affectant peut-être aussi, à la réduction du déficit, le montant qu'on aurait pu épargner suite à une réforme véritable qui aurait permis d'avoir des services équivalents à l'extérieur des hôpitaux, en réinvestissant un certain nombre d'argent... Mais, quand on a retiré 2,3 milliards de dollars du réseau de la santé sans le réinvestir dans la réaffectation qui aurait dû être nécessaire, que ce soit au maintien à domicile, que ce soit au niveau des autres façons de faire, et, quand on se retrouve aujourd'hui, au Québec, à être la province qui est celle qui dépense le moins dans tout le Canada per capita ? moins que Terre-Neuve, moins que l'Île-du-Prince-Édouard, moins que le Nouveau-Brunswick, moins que la Nouvelle-Écosse, l'Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan, etc. ? ne venez pas me dire que vous avez eu du courage. Vous avez rempli une commande...

Mme Marois: M. le Président.

Le Président (M. Labbé): Oui, est-ce que c'est une question de règlement, madame?

Mme Marois: Oui, s'il vous plaît, c'est une information erronée. Ce n'est pas 2,4 milliards qui ont été retirés. C'est 2,4 milliards qui ont été retirés aux hôpitaux...

M. Marcoux: Question de règlement, M. le Président.

Mme Marois: ...mais nous avons réinvesti dans le réseau des CLSC, ce qui fait qu'au net c'est 1,7 milliard.

Le Président (M. Labbé): Mme la ministre, si vous permettez.

M. Sirros: J'étais pour y arriver, Mme la ministre.

Le Président (M. Labbé): Vous permettez. Alors, je sais qu'on veut s'aider. Alors, M. le député de Vaudreuil, vous avez une question de règlement.

M. Marcoux: M. le Président, je pense que vous avez mentionné tantôt qu'il y a un article 36, hein. Quelqu'un doit vous demander la permission de prendre la parole. J'aimerais peut-être que vous appliquiez la même règle aussi pour la ministre.

Le Président (M. Labbé): Ça va s'appliquer pour tout le monde, comme ça s'est toujours fait, mon cher monsieur.

M. Sirros: De toute façon, M. le Président, j'étais pour y arriver, à cette information que j'avais.

Le Président (M. Labbé): Ah!

Mme Marois: Ah! D'accord.

M. Sirros: Mais si la ministre peut se retenir, parce que, de toute façon...

Le Président (M. Labbé): D'accord.

Mme Marois: Bien, j'écoute tellement et je veux m'assurer que personne...

Le Président (M. Labbé): Alors, on poursuit. M. le député de Laurier-Dorion, s'il vous plaît.

M. Sirros: Que personne ne dise autre chose?

Mme Marois: ...ne fasse erreur.

Le Président (M. Labbé): S'il vous plaît, madame!

M. Sirros: Que personne ne vous contredise, Mme la ministre? Parce que, quand la ministre...

n(21 h 40)n

Mme Marois: ...

M. Sirros: M. le Président, moi, je vous parle.

Le Président (M. Labbé): Si vous permettez, il y a seulement un moment donné où on peut intervenir, c'est s'il y a une question de règlement. On s'entend là-dessus? Comme la soirée peut être longue, on va s'entendre tout le monde. Tout le monde est fatigué, je pense que c'est compréhensible. Alors, on s'entend, j'applique des deux côtés, à ce moment-ci, la même règle. Pour l'instant, le seul qui a la parole, c'est le député de Laurier-Dorion. M. le député.

M. Sirros: Merci, M. le Président. J'étais pour dire: La ministre a aussi cette tendance à se rober de ce mantel de courage politique qu'ils ont eu à entreprendre cette réduction du déficit sans jamais regarder de près ce que je viens de dire et ce qu'ils ont fait en fait. Ce n'est pas un courage que ça prend pour réduire le niveau de services aux malades. Le vrai courage, c'est de le maintenir. Le vrai courage, ça aurait été de le maintenir, M. le Président. Et, si la ministre nous accuse, le gouvernement antérieur, d'avoir eu un déficit en période de crise économique, en période de récession, c'est parce que probablement une grande partie de ce déficit à l'époque était due au fait qu'on n'a pas réduit les services en santé. Et c'était ça, le courage. Ce n'est pas très courageux de dire: Je coupe les services.

Je commence à voir la multiplication de ce genre de situations qui sont rapportées ici. Et la réponse à ça, de la part des banquettes ministérielles, c'est quoi? Parlez-nous pas des cas pénibles! Parlez-nous pas des cas pénibles, c'est de la démagogie! Bien, je m'excuse, mais on est ici effectivement pour représenter la population. Et on n'est pas ici aseptisés, dans l'Assemblée nationale, dans une bulle, quelque part où on n'est pas touché par le fait que nos proches sont touchés, que, de plus en plus, on voit des gens qui sont dans un système où ils se sentent insécures, ils cherchent désespérément... Et je parle en connaissance de cause, parce qu'il y a plusieurs personnes qui viennent me voir pour me dire: M. le député, vous ne connaissez pas quelqu'un dans un hôpital, ou quelque chose, parce que j'ai besoin de ci, j'ai besoin de ça? Vous ne connaissez pas un médecin? Vous ne connaissez pas une façon de me faire entrer dans l'hôpital, etc.? Ça, ce n'est pas de la démagogie. Ça, c'est de vous rapporter les faits que les actions que vous avez prises, de façon non courageuse, de façon aveugle et aberrante, par rapport à l'objectif de maintenir une qualité de services qui nous permettait avant de dire fièrement qu'on avait le meilleur système de santé... Est-ce que le monsieur a quelque chose à dire?

Une voix: Bien, on écoute.

Une voix: Il a l'air de trouver ça drôle, en tout cas.

M. Sirros: S'il a quelque chose à dire, qu'il se nomme, qu'il le dise.

Le Président (M. Labbé): Alors, M. le député, je vous invite à vous adresser à moi. Pour l'instant, vous avez la parole.

M. Sirros: Ou qu'il se présente en élection. D'accord?

Le Président (M. Labbé): Vous avez la parole, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Labbé): C'est à vous, monsieur.

M. Sirros: Alors, M. le Président, c'est ça, le fait: de façon aveugle, ils ont procédé à des coupures et ils essaient aujourd'hui, par les paroles de la ministre et le théâtre qu'elle nous fait à l'Assemblée nationale, de nous dire que ça a été courageux. Elle détourne les faits, M. le Président. Parce que le courage, ça aurait été effectivement de prendre acte du fait que le rôle premier de l'État et le rôle premier de la personne qui occupe ce siège, c'est effectivement de protéger au maximum les services.

Alors, quand on retire 2,4 milliards du réseau de la santé sous prétexte de faire une réforme et, quand, de surcroît, on décide qu'on va jouer de façon non courageuse sur le déficit en pigeant dans les caisses de retraite des fonctionnaires et des personnes pour payer des primes à la retraite afin d'inciter à la retraite...

Mme Marois: Une entente négociée.

M. Sirros: Une entente négociée!

M. Marcoux: Question de règlement. Je pense que vous avez entendu tantôt, si quelqu'un veut intervenir, il demande la parole. Il faudrait qu'on fasse appliquer ça.

Le Président (M. Labbé): Alors, on s'entend, tout le monde: quand vous voulez vous adresser à quelqu'un, vous vous adressez d'abord au président, et je vous donnerai ensuite la parole.

M. Sirros: Ponce Pilate disait, M. le Président: Je m'en lave les mains.

Le Président (M. Labbé): M. le député de Laurier-Dorion, on continue.

M. Sirros: Ponce Pilate disait: Je m'en lave les mains. Ce n'est pas ma faute; ça a été proposé par les syndicats; nous, on a juste négocié avec les syndicats, en oubliant le fait que les syndicats ne représentent en fait que ceux qui sont...

Mme Marois: ...déficit.

Le Président (M. Labbé): Mme la ministre, s'il vous plaît!

M. Sirros: Je l'ai-tu interrompue, M. le Président?

Le Président (M. Labbé): Mme la ministre, s'il vous plaît!

M. Sirros: Ça semble la déranger beaucoup, ce que je dis.

Le Président (M. Labbé): Alors, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Peut-être ça touche un point sensible, peut-être ça touche les réalités, M. le Président. Et c'est peut-être pour ça que la ministre n'est pas capable d'écouter attentivement et se sente obligée de se défendre. Mais, M. le Président, les syndicats ne représentaient que les gens qui sont sur place, les employés. Ils ont pigé ensemble, le syndicat et le gouvernement, dans la caisse de retraite de tous ceux qui avaient contribué auparavant aussi afin de trouver les sommes nécessaires pour dire aux gens qui étaient à l'emploi du système de santé et qui offraient des services ? que ça soit des médecins et des infirmières ? essentiels au bon fonctionnement du système, pour leur dire de partir, les inciter, à l'âge de 52 ans, 55 ans, en pleine possession de toute l'expérience et l'expertise, après ces années d'investissements qu'on a faits auprès du système de santé, à prendre une retraite, où on a payé 300 000 $ à certains pour partir, M. le Président, pour qu'ils puissent aller travailler à côté, en Ontario, en attendant qu'ils puissent revenir trois ou quatre ans plus tard pour être réembauchés ici parce qu'on a constaté qu'en les enlevant du système, eh, mon Dieu! il y avait tout d'un coup un manque de personnel et que ça ne suffisait plus, et on est en train effectivement de les réengager. S'il y avait aberration, c'était celle-là, entre autres.

Et ça, on veut nous faire passer ça pour du courage, M. le Président. Ce n'est pas du courage. Ça a été un manque de planification. Ça a été assujettir la nécessaire réforme à l'autel des coupures budgétaires pour le déficit zéro fait sur le dos des malades. Pourquoi? Parce que le gouvernement a été incapable, dans le temps, de travailler sur la croissance économique. Si, aujourd'hui, on nous dit qu'il y a des surplus puis qu'on va réinvestir l'argent, moi, ce je comprends de ça, c'est qu'on a trop coupé à l'époque. Parce que, si on est capable d'avoir aujourd'hui des surplus, ça veut dire qu'on aurait pu peut-être prendre un peu plus de temps au niveau de la santé, M. le Président. Mais les argents qu'on saupoudre aujourd'hui, à 126 millions de dollars pour connecter les gens sur Internet, peut-être qu'on aurait pu les maintenir dans le réseau de la santé. Et je n'ai pas tous les chiffres, devant moi, de tous les argents qu'on a investis ici et là après avoir massacré le système de santé. Alors, qu'on vienne nous dire que ça a été du courage, qu'on a entrepris une réforme quand ça n'a été ni courageux ni une réforme... Ce n'était pas une réforme, M. le Président, de procéder de cette façon-là.

Le comble de tout a été tout récemment, au mois de mars, je pense, quand on a appris que le ministre des Finances disposait de 840 millions de dollars depuis déjà quelques mois, sinon un an, qui dormaient dans un compte quelque part, en investissements, en ayant un taux de rendement de je ne sais pas trop combien de pour cent, pendant que, ici, on avait des régies régionales, par exemple, qui nous disaient qu'un des éléments qui auraient été absolument nécessaires, «essentiels», je pense, est le mot ? je n'ai pas le document devant moi ? pour désengorger les urgences, entre autres, ça aurait été des dépenses non récurrentes d'investissement, en termes d'amélioration et de modernisation des équipements, de l'ordre de 250 millions, je pense. Et on l'a fait un an plus tard, tandis que l'argent était là.

Alors, moi, je ne comprends pas. Si on croit que c'est urgent, que c'est absolument essentiel que la santé passe avant tout, comment il se fait qu'on laisse dormir 840 millions de dollars dans un compte, à l'extérieur des fonds du ministère, quand on sait qu'il y a des besoins criants? On ne vous demandait pas d'utiliser cet argent-là pour engager du personnel, on savait fort bien que c'était non récurrent, c'était là pour une période de trois ans. Mais, pour des dépenses non récurrentes, essentielles pour le bon fonctionnement du réseau, ça aurait dû être la première chose qu'on aurait dû faire tout de suite. Aussitôt qu'on l'a reçu, on aurait dû l'investir immédiatement, non pas aller l'investir quelque part. Aberration! Mais la réponse à tout ça de la part du gouvernement, c'est de dire: Vous êtes des démagogues, vous parlez de cas particuliers. Nous, on a été courageux, on a fait une réforme. Il n'y a pas eu de réforme et il n'y a pas eu de courage, M. le Président.

n(21 h 50)n

Et la réponse finale de tout ça, le premier geste qu'on pose du côté gouvernemental après l'atteinte du déficit zéro, c'est quoi? Quel est le premier projet de loi qu'on amène, ou presque, au niveau de la santé après l'atteinte du déficit zéro? Une loi antidéficit. Mon Dieu! ça va répondre aux besoins de la population, ça. C'est vraiment donner le ton de sympathie et vraiment de sensibilité que nous avons de l'autre côté quant aux services et quant aux situations que les gens vivent. Une loi antidéficit, après toutes les situations qu'eux autres connaissent aussi. Ce n'est pas juste l'opposition qui vit ce genre de chose. Je suis sûr que les gens de l'autre côté ont de la parenté, des amis, des commettants qui leur parlent de ce qui se passe dans le système de santé. Alors, le premier geste qu'ils posent, c'est de dire aux établissements: Vous savez, dorénavant, plus de déficit. Et, pour ça, on a réinvesti quelques centaines de millions, après avoir retiré tout ça, sans toucher l'essentiel de rehaussement des bases budgétaires, de vraiment combler tous les besoins des établissements, sans combler tout ça, sans mettre tout le monde à un niveau où vraiment personne n'aurait de quoi se plaindre. On leur dit: Plus de déficit.

Mais comment il se fait qu'aujourd'hui ? je pense que c'était aujourd'hui qu'était la nouvelle ? les CLSC, par exemple, de la couronne nord, de la couronne sud, etc., ils en ont eu ras-le-bol, mais ras-le-bol, au point où les gens des établissements, des administrateurs, les conseils d'administration, ils disent: On ne dépose pas de plan équilibré, on refuse de déposer ça? Alors, pour que les administrateurs puis les gens des conseils d'administration arrivent à ce point-là, il y a quelque chose qui cuve derrière. La ministre, tout ce qu'elle peut dire comme geste premier, c'est de dire: Pas de déficit. Quand on sait qu'il y a des besoins criants et des besoins réels au niveau du personnel, au niveau des montants nécessaires pour le bon fonctionnement des établissements, elle suscite ce genre de réaction. Pourquoi? Parce que, dans le cas qui nous préoccupe, M. le Président, celui des CLSC, il s'avère qu'il y en a certains qui ont la moitié de budget de fonctionnement, de la moyenne au Québec.

Et, en plus, au Québec, encore une fois, on dépense la moitié de la moyenne canadienne en maintien à domicile. Et le maintien à domicile aurait dû être le pivot de toute la réforme. Alors, où est la réforme? Comment il se peut que nous dépensions ici 40 $ per capita, à peu près, quand la moyenne canadienne pour le maintien à domicile est de 80 $? Est-ce qu'on est fier de ça? Moi, je ne suis pas fier de ça. Est-ce qu'on doit le critiquer? Oui, on doit le critiquer. Et, si vous n'êtes pas capable d'assumer cette critique-là, bien, vous allez fermer les oreilles, vous allez lire les choses qu'on vous a préparées, vous allez répéter les phrases puis les cassettes qu'on a déjà entendues, vous allez fermer vos yeux à la réalité, continuer d'agir ainsi, vous allez vous éloigner de la réalité de la population.

Et comble de tout, M. le Président, la ministre nous parlait même, je pense, de la distinction du peuple québécois, au départ de cette commission parlementaire, comme si le fait que nous sommes un peuple distinct a quelque chose à faire avec la façon dont nous administrons notre réseau de santé. Pour moi, ce n'est pas une distinction que nous dépensions la moitié de ce que dépense la moyenne canadienne en maintien à domicile. Ce n'est pas une distinction que nous dépensions moins que toutes les autres provinces en dépenses de santé. Ça, c'est le genre de distinction que j'aimerais éliminer, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Président (M. Labbé): Merci, M. le député de Laurier-Dorion. Est-ce qu'il y a d'autres remarques préliminaires? Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole au député de Nelligan. Non, excusez...

M. Copeman: Notre-Dame-de-Grâce.

Le Président (M. Labbé): ...Notre-Dame-de-Grâce. C'est juste à côté.

M. Russell Copeman

M. Copeman: Pas tout à fait, M. le Président, mais ce n'est pas grave.

Merci, M. le Président. Tout de suite, je veux poliment ramener la députée de Mille-Îles à l'ordre. J'ai pris des notes pendant ses remarques fort intéressantes. Je ne peux pas la citer au texte, on n'a pas de texte, mais je peux juste recréer ses commentaires. Elle a dit: Je n'ai pas reçu une commande de venir parler 20 minutes. C'est ça qu'elle a dit. Moi, je trouve pas mal insultant, ce genre de remarques. Il n'y a personne de ce côté de la table qui a reçu une commande de venir parler 20 minutes, personne de ce côté de la table.

Si nous sommes ici pour parler, c'est parce qu'on est en profond désaccord avec le projet de loi n° 107. Nous allons exprimer notre point de vue. C'est notre devoir de le faire, M. le Président, n'est-ce pas? J'espère que la députée de Mille-Îles ne veut pas nous dire qu'on n'a pas le droit de venir parler sur un projet de loi. Alors, non, M. le Président, personne n'a reçu une commande. Je peux la rassurer, la députée de Mille-Îles, qu'on n'est pas ici à la commande de qui que ce soit, sauf peut-être, peut-être, nos commettants. Personne n'est ici à la commande de qui que ce soit. Personne. Le député de Shefford, pas plus. Je peux vous l'assurer. Mais c'est ça que vous avez insinué. Je l'ai entendu. M. Brodeur, non, il n'a pas reçu de commande. S'il est venu s'exprimer sur le projet de loi, c'est parce qu'il veut s'exprimer sur le projet de loi. Il aime ça. Il a des choses à dire. Il a des choses à dire à la ministre. Il a des choses à dire aux députés ministériels. Alors, que Mme la députée de Mille-Îles se contente de cette explication.

Mme Leduc: Je ne suis pas obligée de l'accepter.

M. Copeman: Bien non. Ça commence déjà, M. le Président. M. le Président, vous avez constaté avec moi que j'étais excessivement tranquille.

Le Président (M. Labbé): Ça allait bien. Continuez, M. le député.

M. Copeman: Je n'ai pas dit un mot pendant le discours de la ministre, le discours de la députée de Mille-Îles. Je n'ai pas dit un mot, moi, puis ça commence encore... déjà. Alors, je vais vous demander d'exiger à mon égard le même respect que j'ai démontré pour les députés ministériels, n'est-ce pas?

Le Président (M. Labbé): Alors, poursuivez, mon cher monsieur. Évitez d'aller trop à la pêche pour inciter le poisson à mordre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je veux parler, pour commencer, de la question des dépenses per capita, parce que la ministre et la députée de Mille-Îles essentiellement ont jeté le blâme sur tout le monde pour le déficit du gouvernement, pour peut-être les déficits dans les hôpitaux. Elles ont toutes les deux jeté le blâme sur le gouvernement précédent. Elles ont jeté le blâme sur le gouvernement fédéral, parce que, oui, le fédéral a coupé dans le transfert social canadien, c'est vrai, c'est des faits, on peut le constater. Mais il est intéressant de savoir comment les autres provinces canadiennes ont agi face à ces compressions.

M. le Président, dans l'Institut canadien d'information sur la santé, tiré d'ailleurs du site Web du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, on peut trouver les dépenses publiques provinciales de santé per capita ? publiques. Le Québec, dans les dépenses publiques provinciales de santé per capita, est l'avant-dernier par 5 $. On n'est pas les derniers, c'est l'Île-du-Prince-Édouard qui l'est par 5 $. L'Île-du-Prince-Édouard a dépensé 1 667 $ par personne en 1999. Nous, on a dépensé la grosse somme de 5 $ de plus, 1 672 $. Alors, on est juste l'avant-dernier. Une chance, hein! On n'est pas douzième, on est juste onzième. Bien, bravo! J'imagine que le parti ministériel est fier de ça, que nous sommes juste l'avant-dernier. Puis toutes les autres provinces ont été assujetties à la même diminution du transfert social canadien et elles ont agi autrement.

Et même, ce qui est intéressant évidemment, c'est de voir un peu l'évolution de ces dépenses. En 1995, imaginez-vous, on dépensait 1 625 $ per capita. Mais, trois ans après l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, au Québec, qu'est-ce que ça a fait, ce chiffre-là? Ça a baissé. Alors, de 1995 à 1997, ça baisse de 1 625 $ à 1 572 $. Presque sans exception, sur la même période, toutes les autres provinces ont augmenté leurs dépenses en santé, même avec la diminution du transfert social canadien, sauf ici, chez nous, société distincte, où on fait à part, on baisse nos dépenses. Ça doit être à cause de l'autel du déficit zéro, puis on va en parler.

n(22 heures)n

Évidemment, ça a donné toutes sortes de choses, cette dite réforme. Et là, M. le Président, vous n'étiez pas ici à ce moment-là, mais j'ai assisté à des commissions parlementaires sur ladite réforme du virage ambulatoire où le ministre de la Santé d'alors nous a assurés qu'il a fallu fermer les hôpitaux pour diriger des ressources ailleurs. Et il y avait des tableaux, il y avait des données comme quoi nous allions doubler nos dépenses en soins à domicile, que nous allions dépasser l'Ontario. Mais il a fallu fermer les hôpitaux pour le faire, c'était l'argumentation du député de Charlesbourg, ministre de la Santé d'alors. Alors, il a fermé sept hôpitaux. Il a fermé des hôpitaux dans la région de Montréal, il a fermé l'hôpital Reine Elizabeth, ce qui a été excessivement pénible pour les gens de mon comté, M. le Président. Et qu'est-ce qu'on a vu? Quelle a été l'évolution des dépenses en maintien à domicile? Une petite augmentation, M. le Président, mais très loin des cibles données par le ministre de la Santé d'alors.

Il a dit: On va mettre l'argent dans les ressources alternatives, on va changer nos façons de faire. On a commencé avec la désinstitutionnalisation; là, on a les virages ambulatoires. Mais je vous dis une chose, M. le Président, chez nous, dans mon comté, les ressources alternatives, entre autres, pour les gens en santé mentale ? je vous le dis, puis ce n'est pas une farce ? c'est essentiellement le restaurant Dunkin' Donuts, sur le coin de Sherbrooke et Hampton. C'est là où les gens qui souffrent de difficultés en santé mentale se dirigent, Dunkin' Donuts, M. le Président, parce qu'il n'y a pas de ressources alternatives. Puis il ne se dispense pas beaucoup de services de santé chez Dunkin' Donuts, M. le Président. Il se dispense du café puis des beignes, mais pas beaucoup de services de santé. Mais c'est parce qu'on n'en a pas d'autres, ressources alternatives, dans le comté. Et c'est ça, le virage ambulatoire tellement prôné par le gouvernement, les députés ministériels.

M. le Président, on jette le blâme sur tout le monde. On blâme le fédéral, on blâme le gouvernement précédent. M. le Président, j'ai regardé, comme beaucoup d'entre nous, j'imagine, la soirée des Oscar. À la soirée des Oscar, il y avait cinq chansons nominées pour la meilleure chanson de l'année. Il y en a une qui était issue du film South Park...

Une voix: ...

M. Copeman: ...oui, Bigger, Longer & Uncut, c'est ça, Mme la ministre... pardon, pas encore, la députée de Mille-Îles. C'est une erreur, Mme la ministre, ne me regardez pas de même, j'ai fait une erreur de bonne foi. Il y avait une chanson dont le titre était Blame Canada, M. le Président. Et j'ai déjà suggéré en Chambre que ça devrait être «the anthem» du gouvernement actuel: Blame Canada, parce que c'est ça qu'ils font, hein, «they blame Canada». Puis il y a même une petite phrase là-dedans, M. le Président, qui est très... D'ailleurs, je dois vous dire que je n'aime pas la chanson, hein, ce n'est pas très élégant comme chanson. Je l'ai écoutée, puis ça n'a pas beaucoup à être recommandé, M. le Président, honnêtement, là, mais...

Le Président (M. Labbé): On ne vous demandera pas de nous la chanter, si vous permettez.

M. Copeman: Non, non.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: Non, non, non, j'ai autre chose à faire avec mes 20 minutes que de chanter, M. le Président.

Des voix: Ah!

M. Copeman: Ça réconforte la députée de Mille-Îles, je suis convaincu. Mais, M. le Président, il y a une phrase, et j'ai déjà fait l'analogie: It's a little bit like a pearl in an oyster. You know, an oyster is not a very attractive creature, but sometimes, when you open up an oyster, you find a pearl inside. Well, in that song, which I don't find particularly attractive, Mr. Chairman, there is a pearl, and the pearl is, and I quote from the song: «We must blame them ? referring to Canada ? and cause a fuss before someone thinks of blaming us.» And I think that's a little bit the attitude of this party: they've got to blame someone else before the population wakes up and realizes that the people they really should be blaming is the Government of the Parti québécois. «We must blame them and cause a fuss before someone thinks of blaming us.» C'est ça qui arrive, M. le Président, à mon avis, c'est très clair.

M. le Président, la question des déficits. Comme vous, j'ai assisté à des audiences de cette même commission, où on a examiné les rapports annuels des régies régionales, n'est-ce pas? C'était pendant le mois de février, si ma mémoire est bonne.

Une voix: Mars.

M. Copeman: Mars. Et régie après régie, elles sont venues témoigner devant la commission pour dire, si ma mémoire est bonne, qu'elles n'avaient pas les moyens de fournir les services dont la population a besoin, qu'elles avaient des hôpitaux qui avaient des déficits, des établissements de santé qui avaient des déficits. Régie après régie après régie, elles sont venues nous dire qu'elles ne peuvent pas fournir les services à la hauteur des besoins de la population, il manquait de l'argent. Alors, la réponse du gouvernement: Bien, on va proposer une loi antidéficit. Les établissements, les régies viennent nous dire: On n'a pas assez d'argent pour combler les besoins. Quelle est la réponse du gouvernement? Pas de déficit. La baguette magique, «wave it three times in the air: No more deficits». Bien, c'est bravo. Mais quel est l'impact de ça? C'est ça qui est intéressant.

La députée de Mille-Îles a dit que l'opposition officielle brandit le spectre des coupures de services et que c'est un épouvantail. Bien, M. le Président, on va examiner qu'est-ce que ça veut dire, un déficit pour un établissement. Et, M. le Président, je vais même citer la sommité des experts dans le domaine. Je vais citer un membre de l'Assemblée nationale ? une membre ? qui, à deux reprises, en Chambre, a dit ceci. La première fois, c'était le 2 novembre 1999, je cite au texte: «Le député conviendra avec moi qu'on ne peut conclure qu'il y a eu des coupures dans les services. Si ça s'est traduit en déficit, c'est que les services ont été rendus et qu'on a augmenté le déficit. Donc, il ne peut pas parler de coupures de services.» Première chose.

Deuxième citation...

Une voix: C'est bon.

M. Copeman: C'est bon, hein, ça. Moi, je partage entièrement cette citation. Je vais en donner une deuxième de cette sommité.

Une voix:«Sommité», je trouve fort là.

M. Copeman: Oui, oui...

Le Président (M. Labbé): Si vous permettez...

M. Copeman: ...c'est vrai, M. le Président.

Le Président (M. Labbé): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce...

M. Copeman: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Labbé): ...vous êtes allé à la pêche encore.

M. Copeman: Oui, oui. Non, mais c'est vrai, M. le Président, que, de temps en temps, l'ironie se lit très mal lors d'une commission parlementaire, et je remercie la ministre, parce que, quand je dis «sommité», évidemment je le dis avec un peu d'ironie, M. le Président.

Mme Marois: ...

M. Copeman: Non, non, le ton n'était pas peut-être... Les subtilités de la langue française, de temps en temps, ça m'échappe. Mais tout le monde peut comprendre ça.

Le Président (M. Labbé): D'accord. Mme la ministre, s'il vous plaît! Allez-y.

M. Copeman: M. le Président, cette personne, le 17 novembre 1999, je la cite au texte: «S'il y a eu des déficits dans le cas des hôpitaux de même qu'au régime d'assurance médicaments, c'est parce qu'il y a eu des services rendus.» Fin de la citation.

La logique m'apparaît absolument impeccable. La logique de cette personne m'apparaît absolument impeccable. Puis cette personne, évidemment, M. le Président, c'est la ministre de la Santé. Sa logique m'apparaît impeccable: S'il y a des déficits, c'est parce qu'on a donné des services; si on veut éliminer des déficits, on va être obligé de couper dans des services, parce que...

Mme Marois: Non, parce que...

Le Président (M. Beaumier): S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président (M. Beaumier): Regardez, je vais peut-être donner l'exemple. Je suis allé un petit peu me reposer, hein, un 10 minutes, puis regardez comme je suis calme.

Une voix: Est-ce ce que vous suggérez à la ministre?

M. Copeman: Oui, une suspension pour que la ministre se repose, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Regardez comme je suis calme.

M. Copeman: Je propose une suspension pour que la ministre se repose. Ça va l'aider.

Le Président (M. Beaumier): Moi, je propose que celui qui a la parole, et c'est le député de Notre-Dame-de-Grâce, parle, et lui seul, et s'il vous plaît!

Une voix: À qui vous le dites?

Le Président (M. Beaumier): Et s'il vous plaît!

Une voix: ...

Le Président (M. Beaumier): Pardon?

Une voix: Vous vous adressez, j'imagine, au côté ministériel.

Le Président (M. Beaumier): Pourquoi? Vous êtes bien sensible! Moi, j'ai dit tout simplement que la parole est au député de Notre-Dame-de-Grâce, et à lui seul.

Une voix: Quand vous parlez, vous regardez toujours de ce côté-ci, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Ce qui vise tout le monde, y compris moi-même au moment où je parle. Merci. M. le député.

M. Copeman: M. le Président, je vous remercie beaucoup. Je vous ferai remarquer simplement que je n'étais pas interrompu par mes collègues de ce côté de la Chambre, mais bien par les députés de l'autre côté de la Chambre... de la table, pardon.

n(22 h 10)n

Alors, M. le Président, il me semblait une logique absolument impeccable de la part de la ministre de la Santé: S'il y avait des déficits, c'était parce qu'il y avait des services rendus; et là on va, avec un projet de loi, éliminer des déficits. La ministre réplique: Nous avons haussé les niveaux de financement des établissements. Mais, ça, on verra, M. le Président. Mais, évidemment, de ce côté de la table, on a des gros doutes là-dessus. On a des gros doutes. Parce que, dans tout l'argent qu'elle annonce, et elle se gargarise de 1,9 milliard de dollars d'argent, nous, quand on soustrait toutes les sommes qui sont dévouées à des choses autres que de nouveaux services, on arrive à 200 millions de dollars pour les nouveaux services, M. le Président. Il faut soustraire les déficits, il faut soustraire les coûts de système, il faut soustraire les augmentations dans le coût de la main-d'oeuvre, il faut soustraire toutes sortes de choses, puis on arrive au bout du compte avec 200 millions de dollars pour fournir tous les besoins de la population. M. le Président, si je comprends bien... les mathématiques, ce n'était pas nécessairement mon meilleur sujet, mais ce chiffre-là ne tient pas la route, M. le Président. Il ne tient pas la route.

Alors, M. le Président, la ministre est condamnée avec ses propres mots en Chambre et la ministre remet en question son propre projet de loi avec ses propres paroles. C'est assez exceptionnel. J'endosse ses paroles, que des déficits ont été accumulés dans les établissements parce que ces établissements ont fourni des services et que, si on veut éliminer des déficits, on va, quant à nous, M. le Président, être obligés de couper dans des services. Puis ce n'est pas juste nous qui le disons, M. le Président, on va amener beaucoup d'exemples, je crois, de directeurs généraux d'hôpitaux, d'établissements qui disent: On ne peut pas fonctionner avec les budgets accordés cette année. Il y a cas après cas après cas. C'est vrai, M. le Président, ce n'est que des cas cas, c'est des petits cas cas, n'est-ce pas? Mais c'est des cas isolés. Puis la ministre nous répond: Oui, oui, mais on va travailler ça puis on va ajuster ça. À chaque fois qu'on lui pose la question: Oui, oui, oui, mais c'est un cas isolé. Oui, mais, M. le Président, à un moment donné, le nombre de cas isolés s'accumule.

Ça a été la même chose avec l'assurance médicaments. Nous avons questionné en Chambre des cas ici, des cas, là, puis ce n'étaient que des cas, des cas isolés, cas par cas par cas. À la fin de l'année, M. le Président, on ajoute tous ces cas-là puis ça devient un nombre important, jusqu'au moment où le gouvernement a été obligé d'agir pour une certaine partie de la clientèle.

Alors, oui, pour l'instant, on n'a pas fait le tour de tous les établissements, mais notre collègue le député de Vaudreuil signale presque quotidiennement des directeurs généraux d'établissements, des conseils d'administration qui nous disent: Nous, nous ne pouvons pas fournir les services avec le budget accordé par le ministère. Est-ce que c'est de la démagogie, M. le Président? Mais peut-être! Peut-être! Peut-être que les députés ministériels pensent que c'est de la démagogie. La ministre nous dit tout le temps: Il faut que vous fassiez confiance aux dirigeants, il faut que vous fassiez confiance aux professionnels dans le domaine de la santé. Oui, M. le Président, on va faire confiance à ces gens-là, on va prendre leurs déclarations à leur valeur juste. Alors, quand il y a des directeurs généraux qui nous disent: Nous ne pouvons pas fonctionner avec le montant qui nous a été accordé soit par la régie ou par le ministère, on va accepter ces déclarations-là à leur juste valeur. Et on ne demande pas plus de la part de la ministre, qu'elle accepte également qu'il y a des déclarations de gens responsables qui nous disent que, avec des niveaux budgétaires accordés par le ministère et les régies, ils ne peuvent pas répondre aux besoins de leur clientèle. Et c'est ça qui est criant, M. le Président, c'est ça qui est important, c'est d'être capable de fournir des services à des gens qui sont dans le besoin.

Un projet de loi symbolique, pour être capable de se péter les bretelles puis de dire: On a une loi antidéficit dans le système de santé, bien, M. le Président, quant à moi, ça ne vaut pas grand-chose quand on connaît les résultats. Puis les résultats vont être des coupures de services. Ce n'est pas ça qui compte dans la vie, M. le Président, d'équilibrer des finances. Ce qui compte dans la vie, c'est d'être capable de fournir des services, oui, oui, de fournir des services, à une population. C'est ça qui compte dans la vraie vie, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Beaumier): Merci beaucoup, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Alors, nous sommes toujours, si je comprends bien, aux remarques préliminaires. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Ça va?

Une voix: ...

Le Président (M. Beaumier): Oui. En remarques préliminaires?

M. Marcoux: Non, j'ai terminé, M. le Président. Avant que vous procédiez...

Le Président (M. Beaumier): Allez-y, M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Oui, simplement pour vous dire, s'il n'y a pas d'autres interventions, que j'aurais une motion préliminaire à présenter.

Le Président (M. Beaumier): Ah! j'y allais. Mais il fallait terminer, avant, les remarques préliminaires.

M. Marcoux: Ah! Parfait.

Le Président (M. Beaumier): Alors, j'y allais. Vous êtes prémonitoire, c'est bien. Alors, est-ce qu'il y a une présentation de motion préliminaire?

M. Marcoux: Oui.

Le Président (M. Beaumier): M. le député de Vaudreuil.

Motion proposant d'entendre
l'Association des hôpitaux du Québec

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Alors, j'ai une motion préliminaire qui se lirait comme suit:

«Que la commission des affaires sociales, conformément à l'article 244 du règlement de l'Assemblée nationale, procède, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 107, Loi sur l'équilibre budgétaire du réseau public de la santé et des services sociaux, à des consultations particulières et tienne des auditions publiques sur l'ensemble du projet de loi et qu'à cette fin elle entende l'Association des hôpitaux du Québec.»

Le Président (M. Beaumier): Est-ce qu'il serait possible d'avoir le texte de la motion? Peut-être en faire aussi des photocopies pour l'éclairement de tous nos collègues de la commission.

(Consultation)

Le Président (M. Beaumier): Alors, je comprends que la motion est en train d'être distribuée. Je considère qu'elle est tout à fait recevable, selon notre article 244. Alors, on pourrait procéder dès maintenant à ce moment-là? Alors, M. le député de Vaudreuil, vous avez 30 minutes pour présenter votre motion.

M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Cette motion, je la présente afin de permettre aux gens qui sont directement impliqués dans la gestion du réseau et qui également ont à tous les jours à fournir des soins aux patients de venir témoigner et d'indiquer, de fournir leurs commentaires sur ce projet de loi antidéficit qui est en train de se transformer en un projet de loi antiservices.

Vous me permettrez de faire quelques commentaires sur les remarques que la députée de Mille-Îles, que je respecte beaucoup, a faites tantôt en disant: Écoutez, on fait de la démagogie lorsqu'on soulève des cas particuliers. Je suis assez surpris d'entendre cette remarque, parce que des cas particuliers, j'en ai beaucoup dans mon bureau de comté aussi, et des cas pénibles, et je pense que ce n'est pas de la démagogie que d'en parler et de faire changer les choses. Je voudrais simplement signaler cet aspect-là. Lorsqu'on en parle, c'est parce qu'on se préoccupe de la population, on se préoccupe des gens. Alors, c'est simplement pour ça qu'on le fait. Ce n'est pas pour le plaisir de nommer le nom de personnes soit à l'Assemblée nationale ou encore, vous savez, que les gens soient obligés de parler à des hebdos dans les comtés pour que leur cas se règle. Je veux simplement dire ça.

Je voudrais rappeler les décisions qui ont été prises, vous savez, non pas seulement les coupures budgétaires qui ont été les plus élevées dans toutes les provinces au Canada. Nous parlions tantôt des mises à la retraite, des mesures qui ont été prises sous le coup de l'improvisation et de l'incohérence. Au moment où elles ont été prises, les gens en place disaient: On le fait parce que c'est bien planifié, on y a bien pensé.

On a parlé tantôt des infirmières, on pourra y revenir. On a parlé du programme de départ à la retraite pour les médecins, en 1997, et je prends ici la réponse du ministre de l'époque, en Chambre, à une question sur le programme de départ à la retraite pour les médecins, où on soulignait justement qu'on payait jusqu'à 300 000 $ par médecin pour les inciter à prendre leur retraite. Et le ministre de l'époque mentionnait: «Donc, on était carrément dans une situation d'un surnombre de médecins plutôt qu'un manque de médecins. Il est apparu clairement, en discutant avec les médecins, qu'un programme de départ donnerait aux médecins le même type de programme que pour l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec ? 300 000 $ par année, 300 000 $ ? et, en plus ? écoutez bien ça ? permettrait de faire plus de place aux jeunes médecins pour qui c'était parfois difficile de trouver une place sur les différents territoires du Québec, ayant maintenant obtenu pour l'ensemble du Québec, pour la médecine familiale, un équilibre entre les régions. Ah oui! ce programme a été fait en tenant compte de la démographie médicale, et son évolution correspond aux prévisions qui avaient été faites.»

n(22 h 20)n

Est-ce qu'on avait planifié la pénurie? C'est ça qu'on a planifié, M. le Président? dans les moindres détails, et on vient nous dire aujourd'hui: Écoutez, on est surpris qu'il y ait une pénurie de médecins en région, on est surpris qu'il en manque, des spécialistes, des omnipraticiens. Des régies régionales qui sont venues témoigner, les unes après les autres, ici, ont dit: On manque de médecins; il y en a qui ont été mis à la retraite, plusieurs dans notre région. Et aujourd'hui, vous savez, on est obligé de payer des médecins dépanneurs, de rappeler des médecins qui sont à la retraite: Bas-Saint-Laurent... l'Abitibi-Témiscamingue, 15 ? c'est rendu à 19; Mauricie?Bois-Francs, 85 médecins à la retraite; Montérégie, 105 médecins. Des anesthésistes, dont on manque présentement, 97, M. le Président. C'est ça qu'on a planifié dans les moindres détails, la pénurie que l'on connaît aujourd'hui, parce que, une année auparavant, on avait contingenté les inscriptions en médecine. C'est conséquent, ça, très conséquent, comme geste gouvernemental. On contingente les entrées en médecine puis, l'année suivante, on dit: On va vous payer, médecins, jusqu'à 300 000 $, pour vous inciter à prendre votre retraite, parce qu'on veut donner de la place aux jeunes, hein, à peu près la même chose que les infirmières.

On a rappelé ça, puis je pense que c'est important, on a fermé des hôpitaux. On a pris une grande décision, on a dit: Écoutez là, trop d'hôpitaux, on ferme des hôpitaux. Dans la région de Montréal, on en a fermé sept. Par ailleurs, on dit: On les ferme, mais nous allons ouvrir des centres ambulatoires, en 1996. Hein, on les ferme, puis on va ouvrir des centres ambulatoires. Il n'y en a pas encore un d'ouvert. Ça va faire cinq ans, puis il n'y en aura pas encore un d'ouvert, M. le Président. Et après ça, on est surpris de voir qu'il y a un engorgement des urgences à Maisonneuve-Rosemont, dans l'est de Montréal. On ferme les hôpitaux, on promet d'ouvrir des centres ambulatoires, on ne le fait pas, et là on dit: Écoutez, vous gérez mal, vous, les dirigeants d'hôpitaux, il y a des engorgements d'urgence, alors que la population vieillit, le volume augmente et les cas s'alourdissent. Et le réseau hospitalier en particulier a été le réseau des établissements où les coupures ont été les plus importantes. D'ailleurs, vous savez, les déficits, ils ont commencé quand le gouvernement a commencé à couper. C'est ça qui est arrivé: on commence à couper, puis évidemment on voit la progression des déficits.

Dans un document de l'Association des hôpitaux, de 1998, on mentionne, dans une annexe d'ailleurs qui avait été publiée à ce moment-là ? et la source, c'était la fiche n° 9, les efforts budgétaires demandés au secteur de la santé et des services sociaux; ça, c'est un document qui avait été préparé en 1997 par le ministère ? donc l'effort total cumulatif, l'évolution des compressions budgétaires dans l'ensemble du réseau, évidemment le cumulatif, 4,4 milliards. Voici, c'est ça qui a été calculé. Donc, le volume augmentait, les cas s'alourdissaient, la nouvelle technologie, les médicaments: compression cumulative de 4,4 milliards.

Et là, évidemment, la réponse qu'on donne, après avoir, l'an dernier, parlé d'entente de gestion, après avoir dit, répété qu'on allait établir une évaluation, on allait établir des évaluations, des analyses de performance, établir des guides pour pouvoir évaluer la performance des hôpitaux, les allocations budgétaires ? ça fait un an et demi, ça, qu'on en parle ? bien, il semble aux dernières nouvelles, d'après ce que la ministre nous a annoncé il y a deux semaines, que c'est encore à faire, M. le Président. On en parle, on discute, mais il semble que l'action est bien loin de suivre la parole.

Et, si nous référons à l'opinion juridique de l'Association des hôpitaux du Québec, et c'est pour ça, je pense, que c'est important d'entendre ces gens qui ont eu à gérer ces compressions, qui, à chaque semaine, vous savez, ont les gens aux urgences, aux soins intensifs, qui doivent gérer les listes d'attente en radio-oncologie et en cardiologie, M. le Président... Et quand, tantôt, la députée de Mille-Îles disait: Vous soulevez des cas particuliers, je pense que, quand les médecins impliqués dans un secteur disent: Il y a des gens qui décèdent parce que les listes d'attente sont trop longues... ce n'est pas l'opposition qui dit ça. Ce n'est pas l'opposition, ce sont les médecins, ce sont les professionnels de la santé qui reçoivent le monde à leurs bureaux.

Donc, je reviens à l'opinion juridique dont j'ai parlé et, à mon avis, c'est important de pouvoir vous citer certains extraits. On dit: «Il est tout d'abord...» Pardon?

Une voix: ...

Le Président (M. Beaumier): Ah! je suis bien tolérant, mais... Oui.

M. Marcoux: Ce que nous avions, en tout cas, daté du 29 mars.

«Il est tout d'abord un peu curieux qu'on ait choisi de procéder par la rédaction d'un texte législatif spécifique alors que les mesures qu'il contient sont, pour la plupart, déjà prévues dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Quant aux mesures qui seraient nouvelles, elles viennent également préciser ou ajouter au cadre juridique établi par la loi actuelle. Comme on pourra le lire plus loin, le projet comporte des dispositions qui sont bien souvent répétitives, puisqu'elles se trouvent déjà dans le texte de l'actuelle Loi sur les services. D'autres se superposent sans souci apparent de cohérence. De plus, parfois le vocabulaire utilisé est le même et parfois il est différent. Dès lors, il eut été préférable de traduire les énoncés politiques qui sous-tendent le projet en modifiant simplement le texte de la Loi sur les services. L'approche aurait sans doute été moins percutante au plan politique, mais elle aurait ajouté en sécurité juridique.»

Et lorsqu'on dit: Un projet répétitif... «Depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur les services, en 1992, il est clairement établi que les budgets de fonctionnement des établissements publics doivent être en équilibre. Le texte de l'article 284 est on ne peut plus clair à cet égard. Il est également fort clair que les conseils d'administration de ces établissements doivent mettre en oeuvre un plan d'équilibre budgétaire lorsqu'il existe un écart négatif entre la dotation budgétaire transmise par la régie et les dépenses prévues par l'établissement.» Donc, c'est ce que nous avons mentionné tout à l'heure. «Les articles 483 et 467 de la Loi sur les services sont explicites et ils contiennent déjà des mesures innovatrices qui autorisent le ministre à adopter des règles applicables non seulement à tous les établissements, mais aussi à l'un ou l'autre de certains d'entre eux.

«En bref, la Loi sur les services ? donc, la Loi sur les services de santé ? ne manque pas de mesures qui, tant au plan du principe de l'équilibre budgétaire que celui des pouvoirs du ministre de déterminer les priorités et les orientations budgétaires qu'il souhaite, sont analogues à celles envisagées par le projet de loi n° 107. S'il est vrai qu'au chapitre des mesures de contrôle ce projet innove, il en va tout autrement des principes qu'il entend promouvoir.

«Dès lors, il faut peut-être conclure que le dépôt du projet répond davantage à des impératifs de nature politique qu'à une véritable nécessité juridique. Si la Loi sur les services n'a pas, quels que soient les motifs, été appliquée, rien ne démontre qu'il faille une nouvelle loi qui énonce les mêmes principes pour que son application soit assurée.»

n(22 h 30)n

Je pense qu'il serait important, M. le Président, que nous puissions avoir devant nous, pour faire des commentaires sur le projet de loi, de vive voix, les personnes, vous savez, l'Association qui a émis dans son réseau cette opinion juridique. Et, lorsque la ministre dit: Écoutez, c'est important, ah! c'est nécessaire d'avoir ce projet de loi là... Par exemple, on dit: On n'autorisera pas d'équipements ou d'immobilisation si des gens sont en déficit, en équilibre.

Écoutez, l'an dernier, le 11 mars, elle avait fait une conférence pour annoncer, avec grand fracas, des investissements ? donc c'est le jeudi 11 mars ? et évidemment elle nous parlait des ententes de gestion qui étaient la trouvaille du siècle et sur lesquelles on a fait travailler beaucoup de monde à la fois dans les établissements, dans les régies et au ministère, durant toute l'année. Et on disait là-dedans,  la ministre, à ce moment-là, elle disait: Vous savez, les autorisations de renouvellement, d'acquisition d'équipements ainsi que celles relatives à la réalisation de projets d'immobilisation seront conditionnelles à l'atteinte des objectifs de résultat. Donc, elle avait déjà le pouvoir, M. le Président. Elle dit: Bien non, maintenant il faut le faire par loi. Elle a dit, l'an dernier, une chose... elle a le pouvoir de le faire. Et c'est bien sûr qu'administrativement, vous le savez, dans votre région, vous, avec vos établissements de santé, les projets d'immobilisation doivent être autorisés par la régie et par le ministère. Et la ministre d'ailleurs le confirmait de façon très claire l'an dernier.

Les gens de l'Association pourraient venir commenter, vous savez, sur la déclaration qu'ils ont faite le 15 novembre 1999, et je cite: «Nous n'acceptons plus que nos gouvernements fassent porter le poids concernant les choix entre les services et les coupures de services aux seules administrations hospitalières et aux gestionnaires du réseau de la santé et des services sociaux», déclare la présidente de l'Association, Mme Marie-Claire Daigneault-Bourdeau. Et elle ajoute: «Dans le cadre de la transformation du réseau et du virage ambulatoire, nos hôpitaux ont fait de l'excellent travail.» Je poursuis: «Nous avons contribué aux rationalisations budgétaires, mais le prix à payer a été très élevé et rend la situation alarmante. Aujourd'hui, nous sommes très inquiets. Nous constatons des brèches de plus en plus nombreuses dans l'accessibilité aux services. Les listes d'attente s'allongent.» On l'a vu, il a fallu que la crise prenne au mois de mars sur les listes d'attente. Dès le mois d'octobre, la ministre avait dit: Je vais agir pour la chirurgie cardiaque. Il y a un rapport de comité qui a recommandé de transférer de l'argent à la fin du mois de janvier et ça a été à il y a une couple de semaines avant que finalement la ministre autorise le transfert d'argent. Et pourtant, déjà au mois de janvier, on le sait très bien, il y avait un 840 millions qui dormait secrètement à Toronto. Je comprends que le ministre des Finances n'avait pas averti sa collègue sans aucun doute parce que, autrement, elle aurait certainement transféré de l'argent bien avant il y a deux semaines et évité d'avoir la déclaration des médecins chirurgiens cardiaques disant que des patients décédaient sur la liste d'attente parce qu'ils ne recevaient pas les soins à temps.

Et la présidente poursuivait, dans ce communiqué de novembre 1999: «Nos établissements, malgré l'imputabilité de leur conseil d'administration et conscients de l'obligation de poursuivre dans l'amélioration continue des façons de faire et de la performance, sont de moins en moins en mesure de concilier l'atteinte de l'équilibre budgétaire en même temps que leurs obligations envers les personnes qu'ils desservent.» Et c'est à ce moment-là qu'on prévoyait...

Vous savez, l'an dernier, la ministre, lors de l'étude des crédits en 1999, nous indiquait qu'elle prévoyait un déficit maximum de 250 millions dans le réseau. À ce moment-là, nous lui avions indiqué que ce serait plus élevé parce que les ressources qu'elle disait considérables ne suffiraient pas à combler les déficits et ne suffiraient pas à pouvoir continuer de fournir des services aux patients et aux malades. Or, c'est exactement ce qui est arrivé. Le déficit de l'année se terminant en mars 2000 va être aux alentours de l'ordre de 450 millions.

L'année précédente, vous savez, ça avait été la même chose. Le ministre du temps prévoyait un déficit de 150 millions. Ça a été de 375 millions. Donc, ce qu'on peut constater, c'est que les prévisions depuis trois ans, les prévisions qui ont été faites par les ministres successifs, se sont avérées totalement fausses. Ou bien parce qu'on savait que ça ne fonctionnerait pas, mais on voulait donner une bonne image au début de l'année, même si nous anticipions que ça ne fonctionnerait pas, ou bien on le croyait réellement et ça veut dire que ça a été des erreurs de gérance majeures.

Donc, M. le Président, je pense qu'il serait important de pouvoir entendre les représentants des dirigeants d'établissements hospitaliers qui ont eu à appliquer les compressions, qui l'ont fait à bout de bras, avec leurs employés, et qui, aujourd'hui, évidemment subissent l'odieux des décisions gouvernementales.

La ministre nous a dit ? vous savez, c'est assez surprenant d'ailleurs ? au début du mois de mai, et ça, ça a paru dans La Presse et ça a été public: L'Association des hôpitaux a demandé à ses membres, et je cite, «de donner l'heure juste à la régie régionale et au ministère en ce qui concerne votre situation budgétaire en soulignant votre volonté de maintenir l'équilibre et les impacts inhérents à l'équilibre budgétaire sur l'accès aux services». Et, lorsque, semble-t-il, on a vu dans les journaux que certains établissements déjà indiquaient qu'ils ne pourraient pas réaliser l'équilibre budgétaire et mettaient en doute justement l'opportunité de la loi antidéficit, évidemment, là, on a eu droit à une réaction d'impérateur de la part du gouvernement. On a dit: Oups! un instant, vous êtes des irresponsables. Les dirigeants d'hôpitaux, qui ont géré les déficits, qui ont géré des compressions budgétaires cumulatives ? et je le mentionnais tantôt, ce qui était paru dans des documents de l'Association ? de 4,5 milliards, ce sont, comme disait le ministre Landry, des gestionnaires minables. La ministre de la Santé a parlé d'irresponsabilité.

Mme Marois: Il n'y a personne qui a dit «minable».

Mme Loiselle: Oui, oui, oui. Bien, voyons!

Le Président (M. Beaumier): S'il vous plaît!

Mme Loiselle: Votre ministre des Finances, votre ami.

M. Marcoux: Votre ministre des Finances, votre collègue. Je comprends qu'il ne vous tient pas au courant de tout ce qui se passe.

Le Président (M. Beaumier): Bon. Alors, excusez...

Mme Marois: ...mais il n'y a pas que les administrateurs. Faux.

M. Marcoux: Non...

Mme Loiselle: Mais déjà qu'il ait dit «minable», c'est assez insultant.

Le Président (M. Beaumier): Bon. Là, c'est 1-1.

M. Brodeur: 1-1? On continue la game.

Le Président (M. Beaumier): Oui, 1-1. Alors, M. le député de Vaudreuil.

M. Marcoux: Merci, M. le Président.

Une voix: On est à quelle période, M. le Président?

Une voix: Fin de la deuxième.

M. Brodeur: Fin de la deuxième? On ne va pas en supplémentaire ce soir?

Mme Loiselle: Ça dépend. De la façon que c'est parti là, oui.

Le Président (M. Beaumier): Écoutez, si vous voulez agir comme ça, moi, ça ne me fait rien. M. le député de Vaudreuil, seriez-vous d'accord pour reprendre la parole, alors que vous l'avez toujours eue en plus?

M. Marcoux: Oui, M. le Président, si vous me donnez la parole...

Le Président (M. Beaumier): On est deux disciplinés, nous, ici. Ça va bien, ça. Alors, allez-y.

M. Marcoux: Donc, quand, dans certaines régions, des établissements ont indiqué justement qu'ils ne pourraient pas rencontrer l'équilibre, évidemment on s'est empressé de sortir l'artillerie lourde, et la ministre et le premier ministre ont rencontré les dirigeants d'établissement en disant: Écoutez, autrement vous êtes des irresponsables si vous parlez des déficits en public... faire peur au monde, hein. Les cardiologues, ils faisaient peur au monde. Donc, là, faire peur au monde. Et, non seulement ça, on pourra vous accuser de désobéissance civile. Imaginez les menaces.

D'un côté, le gouvernement et la ministre donnent des budgets qui ne compensent pas pour à la fois les compressions qui ont été faites dans le passé et également qui ne compensent pas pour combler même les déficits qui ont été encourus l'an dernier. Et ça, quand la ministre dit: On compense totalement les déficits, c'est faux. La région de Québec, ici, dit: Québec comblera 88 % des déficits des hôpitaux. Ce n'est pas 100 % là, 88 % D'ailleurs, dans les directives du gouvernement, on parlait de 90 %. Donc, c'est ça, ce qui se passe, la vérité, M. le Président. Par ailleurs, on essaie de faire accroire, vous savez, que c'est 100 %. Ce serait intéressant d'entendre les commentaires justement des dirigeants des établissements à cet égard-là.

Le ministère, la ministre oblige, vous savez, les dirigeants d'établissement maintenant à trouver un autre nouveau vocabulaire. Elle dit: Ne parlez plus de déficit parce que là on passe une loi antidéficit, donc ça ne marchera pas; écoutez, vous ne pouvez plus parler de déficit; il ne faut pas non plus dire au monde qu'il n'y a pas assez d'argent dans le réseau. Fondamentalement, c'est ça. Donc, on voit un établissement, hier, le Centre hospitalier de l'Université de Montréal, qui adopte un budget de 462 millions ? 462 millions de dépenses ? avec ce qu'il appelle maintenant des «zones d'instabilité et de turbulence». Le centre hospitalier régional à Trois-Rivières appelle ça une «zone de fragilité». Ils n'ont pas encore harmonisé. Le ministère, dans ses directives, n'a pas encore harmonisé le vocabulaire comptable.

n(22 h 40)n

D'après La Presse d'hier, le président du conseil d'administration du CHUM dit, je cite: «Nous ne connaissons pas encore la source des revenus pour les 24 millions.» Un peu plus loin, l'article de La Presse dit: «Le CHUM ? donc le Centre hospitalier de l'Université de Montréal ? dit avoir besoin d'un minimum de 462 millions pour rouler adéquatement.» Et je cite: «Avec ce montant, il n'y aura, en plus, aucun développement. Il s'agit du même niveau de services que l'an dernier, et ce niveau de services n'était pas des plus exhaustifs», dit le président du conseil. Un peu plus loin, le journaliste dit: «La zone de fragilité identifiée par les administrateurs du CHUM se situe entre 23,2 millions et 26,2 millions.» Et je cite le directeur général, dans l'article, M. Gérard Douville, qui dit: «Je suis conscient que ce n'est pas suffisant, mais c'est la proposition à laquelle nous en sommes arrivés après beaucoup d'efforts.» Et M. Jacques Girard, membre du conseil d'administration, ex-président du Centre, dit: «Ça nous permet seulement de faire face à la situation», déplore-t-il, et ça, c'est en comptant justement le 24 millions. Donc, on dit que c'est un budget équilibré, mais il manque 24 millions. Ce n'est pas un déficit.

Et on sait très bien que les hôpitaux et les autres établissements du réseau, contrairement au gouvernement et aux municipalités, n'ont pas de pouvoir de taxation puis n'ont pas le pouvoir d'aller chercher des revenus autonomes ailleurs. Il n'y en a pas. Les municipalités peuvent taxer, peuvent mettre des taxes spéciales; le gouvernement peut lever les taxes. Puis, dans la loi antidéficit du gouvernement, il y a également des exceptions qui sont prévues. S'il arrive, par exemple, une catastrophe à quelque part, on peut en dépenser, de l'argent. Si la situation économique se détériore à un certain grade, c'est prévu aussi dans la loi sur les déficits gouvernementaux. Bon. Alors donc, la situation est tout à fait différente de celle qui existe dans le gouvernement, M. le Président.

Alors, ce que nous demandons à la ministre, c'est que les dirigeants d'établissement, ceux qui sont sur le terrain, ceux qui doivent recevoir les gens aux urgences ? on voit que les urgences, même la semaine dernière, dans l'est de Montréal... il y avait déjà des problèmes à Maisonneuve-Rosemont ? puissent venir nous entretenir de ce qu'ils pensent vraiment de ce projet de loi antidéficit qui les oblige, vous savez, à faire toutes sortes de pirouettes administratives, toutes sortes de pirouettes sur leur plan comptable. Ça ne nous surprend pas, c'est sans doute l'objectif du gouvernement de vouloir camoufler tout ça.

Ils pourraient également commenter sur l'opinion juridique qui a été émise et qui conclut à la non-utilité et à la non-pertinence de ce projet de loi. On dit que c'est incohérent, qu'il fait preuve de duplication. Et simplement, par exemple, de dire: «Outre à la superposition des mesures mises à la disposition du ministre avec celles déjà confiées aux régies régionales en plus, il faut remarquer que le projet de loi n° 107 introduit des mesures de contrôle de la gestion des établissements qui offrent peu de sécurité juridique.» Donc, dès le point de départ, même sur le plan juridique, ce n'est pas clair. C'est assez difficile de comprendre que la ministre se dise fière de présenter un tel projet de loi. Et on dit: «Ainsi en est-il de l'article 10 du projet qui permet au ministre d'intervenir dès que le maintien de l'équilibre budgétaire d'un établissement public est menacé. Outre le fait que ce concept soit particulièrement flou et que de telles situations puissent survenir pour des motifs purement conjoncturels et temporaires, la nature des interventions est laissée à la seule discrétion du ministre.» C'est sûr, je comprends que la ministre aime ça, la discrétion. Ça, c'est évident.

On dit également: «Dans l'économie des mesures de tutelle administrative, l'autorité de tutelle doit assumer la responsabilité de ses décisions ainsi que celle de leur application. Il est tout à fait étonnant qu'on ait imaginé un régime qui soustrait l'autorité de tutelle à des règles plus strictes.» Ça, la ministre dit: Je me donne un pouvoir de tutelle, je vais vous gérer à distance; je ne serai pas responsable; vous autres, vous allez être responsables des directives que je vais vous donner; puis, si on coupe les services, bien, c'est vous autres qui allez être responsables, membres de conseils d'administration et les directeurs généraux des établissements.

Finalement, on conclut: «Un projet qui doit être revu en profondeur. Somme toute, le projet de loi n° 107 ne saurait être adopté par l'Assemblée nationale sans qu'il ne soit revu en profondeur.» Ce n'est pas l'opposition officielle qui dit ça, ce n'est pas des critiques négatives, comme on pourrait vouloir le laisser croire. «Il s'agit d'une exigence minimale, sans aucun doute rendue nécessaire par le fait qu'il est manifeste qu'il n'a pas été conçu en tenant compte de l'ensemble de l'environnement juridique actuel.» Est-ce que ça peut être plus clair, vous savez, comme opinion, M. le Président, sur un projet de loi? Et qu'on puisse dire: On présente ça, ce projet de loi là, avec grande fierté, bien, c'est assez surprenant. D'ailleurs, on ajoute, et je terminerai: «Une lecture attentive de la loi sur les services, de ses règlements d'application et des nombreuses normes contenues dans les règles budgétaires émises par le ministre, ainsi que les normes d'orientation qui ont été acceptées, démontre que la nécessité de recourir à une loi nouvelle n'est pas du tout établie.»

M. le Président, je pense que, compte tenu de tous ces éléments, compte tenu de ce qui se passe actuellement dans le réseau, et mes collègues ont donné des exemples dans d'autres régions où des établissements hospitaliers devaient dire: Oui, on encourt des déficits, ou encore: On coupe des services ? et la ministre nous parle souvent de partenariat, de désir de consultation... bien, qu'on puisse entendre ces gens-là ici, en commission parlementaire, pour éclairer les membres de la commission sur l'impact sur le plan budgétaire, l'impact sur l'accès aux services et donner également leurs explications sur le plan juridique, en disant: Déjà, c'est un projet qui est mal conçu, c'est un projet incohérent, un projet inutile qui vient dédoubler des dispositions juridiques, et un projet où on réduit la sécurité juridique qui existe vis-à-vis les règles du réseau. Donc, lorsqu'on réduit la sécurité juridique, savez-vous qu'est-ce qu'on fait? On ouvre la porte à la discrimination et à l'arbitraire. Et je pense que ce n'est pas ça qui doit exister, qui doit primer dans l'administration publique, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député de Vaudreuil. M. le député de Shefford.

Mme Marois: S'il vous plaît, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Ah oui!

Mme Marois: En vertu de la règle de l'alternance, j'imagine que...

Le Président (M. Beaumier): Je ne crois... Oui?

M. Brodeur: Pas de problème, on peut alterner toute la soirée.

Le Président (M. Beaumier): Oui, c'est parce que je ne vous avais pas vue demander la parole.

Mme Marois: Je vous comprends, M. le Président, à cette heure-ci, c'est un peu normal, c'est un petit peu plus... On est un peu fatigué.

Le Président (M. Beaumier): Oui, c'est vrai. Alors, allez-y, Mme la ministre.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, je vous remercie, M. le Président. En fait, c'est intéressant d'entendre le député de Vaudreuil. Je suis toujours un peu étonné cependant d'entendre le député de Vaudreuil qui a l'air de dire que c'est une pas très bonne idée qu'il y ait une loi antidéficit. Alors, a contrario, j'imagine que ça veut dire qu'il doit être d'accord avec les déficits. Remarquez que ça, ça ne m'étonne pas, par exemple, ça ne m'étonne pas du tout, compte tenu de la formation politique à laquelle il appartient et de l'expérience que nous connaissons en termes de gestion de la part de cette formation politique.

Il nous dit que nous avons fait certaines erreurs dans nos prévisions budgétaires pour ce qui est du déficit des hôpitaux. Nous espérions très honnêtement et très franchement, lorsque nous avons corrigé les budgets, l'année dernière, être capables de revenir à l'équilibre budgétaire en cours d'année, sur une base... c'est-à-dire, pas en cours d'année, mais en cours de mandat, sur une base de trois ans, c'est-à-dire à l'intérieur d'un mandat de trois ans. Et justement parce que nous sommes capables d'être à l'écoute des gens ? et je vois régulièrement l'Association des hôpitaux du Québec; mes collaborateurs de même, encore il y a quelques jours à peine, les ont rencontrés; alors, qu'ils ne s'inquiètent pas, nous les consultons ? nous avons cru très franchement et très honnêtement être capables de revenir à l'équilibre budgétaire sur une période de trois ans.

n(22 h 50)n

C'était la première expérience que nous faisions que de proposer la signature de contrats de gestion. Et certains établissements ont eu au départ quelques réticences, ce qui a fait que nous n'avons pu signer ces contrats de gestion que tard dans l'année budgétaire. Et, oui, bien sûr, lorsqu'on signe des ententes après six mois d'opération, huit mois d'opération, c'est un peu difficile de corriger a posteriori des dépenses qui ont déjà été encourues. Et c'est suite à cette analyse, suite à cette évaluation, M. le Président, que nous avons convenu qu'il était nécessaire de rehausser les sommes investies dans l'ensemble du réseau de la santé et des services sociaux. Nous n'avons pas bêtement conclu qu'il n'y avait rien à faire et qu'on allait imposer à nos établissements une loi antidéficit en se fermant les yeux, en se mettant un bandeau sur les yeux et en agissant de façon complètement irrespectueuse à l'égard de nos établissements. Absolument pas, M. le Président. C'est plutôt l'inverse que nous avons fait. Et le député devrait se réjouir de l'attitude que nous avons eue.

Nous avons évalué la situation, constaté qu'il serait difficile, sans réinjection majeure de fonds, d'arriver à cet équilibre que nous recherchions. C'est donc ce que nous avons fait. Et nous l'avons fait en tout respect pour ce qu'on a constaté comme besoins, comme progression de la demande. Et nous convenons de plus avec les établissements qu'il faut sans doute se donner d'autres outils d'évaluation pour être capables de reconnaître, dans la hausse des budgets à consentir aux établissements, la notion de «coûts-santé». Nous avons convenu, M. le Président, de cela. Ce que nous allons faire pendant l'année en cours, revoir la façon dont nous allouons les budgets...

Une voix: ...

Mme Marois: Oui, justement, et nous avons corrigé. C'est ça qui est extraordinaire. Nous sommes très cohérents. L'année dernière, nous avons dit: Nous allons revoir la façon de faire et de procéder. Nous avons signé des ententes de gestion.

À l'intérieur de ces ententes de gestion, après discussion avec nos établissements, nous avons constaté qu'il serait nécessaire de réinvestir. Nous l'avons fait, M. le Président. Nous l'avons fait à une hauteur considérable. Et, sachant cela, nous avons, je le répète, convenu que nous réévaluerions la façon d'allouer les budgets et surtout que nous essaierions d'identifier, à l'intérieur des budgets consentis, quels étaient les facteurs concernant la hausse de la demande et dont nous devrions éventuellement tenir compte dans l'allocation des budgets. Alors, en ce sens-là, M. le Président, je crois qu'au contraire nous sommes d'une grande cohérence. Oui, nous sommes à l'écoute de nos partenaires, bien sûr, parce qu'il m'apparaît que c'est la seule façon d'arriver à des solutions correctes. En même temps, je peux comprendre les établissements de faire une certaine pression, parce qu'ils souhaiteraient en avoir davantage que ce qu'ils ont eu. N'importe qui, j'imagine, voudrait en obtenir un peu plus. Mais je crois cependant qu'avec ce que nous avons investi nous sommes en mesure d'offrir les services, de respecter les budgets et donc d'assumer cette loi antidéficit, de la respecter et de l'appliquer.

J'imagine que le député de Vaudreuil ne va pas commencer sa carrière politique en recommandant aux établissements de désobéir aux lois que l'Assemblée nationale adoptera. Ce serait complètement irresponsable et indigne de sa fonction de législateur. On peut être contre une loi, on peut s'y opposer pendant des heures, pendant des nuits, avoir les meilleurs arguments du monde pour le faire, mais, une fois qu'elle est adoptée, comme législateurs, comme citoyens responsables, il m'apparaît que ça va de soi qu'on doive respecter les lois et recommander aux personnes auxquelles ça s'applique, que ces personnes soient des personnes physiques ou des personnes morales, de la respecter. Et j'imagine très bien qu'à cet égard le député de Vaudreuil est très conscient de ce que cela signifie et que, comme je le connais d'ailleurs, il sera respectueux bien sûr, et proposera que les établissements le soient, des lois que nous adoptons à l'Assemblée nationale, M. le Président.

Je voudrais revenir sur la logique sur laquelle s'appuie cette loi et sur certaines exigences que nous faisons à nos établissements. C'est vrai que nous reprenons certains aspects de la loi actuelle, de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, qui prévoit qu'il n'y ait pas de déficit dans les établissements ou que, s'il y en a, il doit être autorisé. Alors donc, ce n'est pas incohérent. Au pire, on répète. C'est redondant, mais pas incohérent, hein. On va s'entendre. Bon. Alors donc, c'est cohérent. Mais, par ailleurs, nous nous posons des obligations nouvelles, plus resserrées, je dirais, en même temps que nous nous donnons aussi des moyens nouveaux, soit sous forme d'exigence de rapports périodiques ou soit sous forme de possibilité d'intervention, soit par voie de directive ou par voie de tutelle. Je le répète, on ne souhaite pas arriver là, bien sûr, puis on pense que ça devrait être, si tant est que ça devait se passer, l'exception, M. le Président.

Alors, la loi, elle dit simplement ça. Elle prévoit des soupapes aussi, puisque, dans les faits, à l'article 14, on constatera que, si, malgré les mesures prises pour se conformer aux articles précédents, un établissement devait anticiper un déficit, il doit intégrer ce déficit, comme dépense, à son budget de l'année financière subséquente. Nous aurions eu l'occasion, s'il en est que les établissements devaient en arriver là, d'en discuter avec les responsables bien sûr et, si ce dépassement ou ce déficit devait être dû soit à une catastrophe, soit à un problème tout à fait exceptionnel, on le reconnaîtra. Et c'est justement la raison pour laquelle on retrouve dans la loi cette soupape. Et c'est la raison aussi pour laquelle on retrouve dans la loi une obligation de rapports systématiques et suffisamment rapprochés pour que l'on puisse rapidement intervenir si un problème devait se présenter, M. le Président.

Je voudrais rassurer par ailleurs nos collègues de l'opposition. Eux semblent tous les jours vouloir mettre en lumière des problèmes vécus dans nos établissements, dévalorisant ainsi le travail qui s'y accomplit. Lorsque eux-mêmes n'ont pas d'exemple, ils se contentent de lire ce que l'on retrouve dans les journaux et dans les médias. Mais j'aimerais quand même rappeler aux membres de cette commission que, lorsque nous interrogeons les Québécois et les Québécoises qui ont utilisé les services de santé dans nos institutions, le taux de satisfaction frôle les 90 %, M. le Président. Et cela concorde partout, avec toutes les évaluations qui sont faites. C'est vrai, et je l'admets et je l'ai dit à plusieurs reprises, que nous sommes aux prises avec un problème d'accessibilité que nous tentons d'améliorer, de corriger systématiquement, je dirais... par des interventions systématiques, entre autres sur la question des listes d'attente. C'est faux quand le député de Vaudreuil dit que la situation s'empire du côté des listes d'attente. Le nombre de personnes en attente augmente, mais les temps d'attente sont réduits dans un grand nombre de cas. Et, dans certaines circonstances précises, il y a eu des hausses sur certaines périodes, que nous rattrapons le plus rapidement possible pour nous ramener à l'intérieur d'un délai médicalement acceptable, M. le Président. Alors, qu'on soit plus nombreux à attendre, ce n'est pas inquiétant si, malgré que nous soyons plus nombreux, on attend moins longtemps. Est-ce que l'objectif, c'est d'attendre moins longtemps? Oui. Bon. Alors, si c'est ça qu'on atteint, tant mieux. Et c'est ce que nous recherchons. Et c'est ce que nous poursuivons.

n(23 heures)n

J'ai écouté attentivement, malgré qu'on ait cru que ce n'était pas le cas, j'ai écouté attentivement tout ce qui s'est dit de l'autre côté de notre table, M. le Président, dans les premières interventions, et où on a voulu ridiculiser la réforme. On a même affirmé qu'il n'y aurait pas eu de réforme. Quand je suis arrivée au ministère de la Santé et des Services sociaux, quand le premier ministre m'a confié cette responsabilité, la première chose que j'ai faite a été de rencontrer systématiquement tous les représentants des associations: d'hôpitaux, de CLSC, de médecins, d'infirmières, autant les ordres professionnels que les syndicats, autant les associations professionnelles que les organismes de défense de droits. J'ai posé en toutes circonstances la même question au départ: Est-ce que vous croyez que l'on doit remettre en question la réforme dans laquelle nous sommes engagés? Jamais, jamais personne ne m'a dit que nous devions faire marche arrière. Unanimement, M. le Président, on m'a dit: Non; c'est ce qu'il fallait faire et il faut continuer dans le sens où cela a été engagé. Oui, on nous a dit: Nous aimerions avoir plus de ressources. Oui, on nous a dit: Ça a été difficile dans le contexte budgétaire dans lequel nous avons fait cette réforme. Et ça, j'en conviens, je n'ai jamais nié ça. À chaque fois que je me lève sur une question qui porte sur cette réforme, où on nous reproche d'avoir fait des compressions en même temps qu'on l'a faite, j'ai admis que c'est ce qui a rendu difficile la réforme. Et je suis prête à l'admettre sur toutes les tribunes, M. le Président. Mais ça n'empêche pas qu'elle était absolument nécessaire.

Le gouvernement précédent s'était traîné les pieds. Lui, il n'en avait pas fait, de réforme. Il avait beaucoup, beaucoup d'argent. Les listes d'attente étaient plus longues qu'elles ne le sont maintenant, M. le Président, puis on était dans le déficit jusqu'aux oreilles. Alors, quand leur ministre a voulu faire une réforme, ils l'ont laissé tomber comme une vieille pantoufle. C'est simple. C'est ce qui est arrivé. D'ailleurs, c'est tellement vrai que, lorsque notre collègue le député de Charlesbourg, ministre de la Santé et des Services sociaux, a procédé à la réforme, et je cite, entre guillemets, l'ancien ministre de la Santé et des Services sociaux, lui aussi député de Charlesbourg, M. Marc-Yvan Côté a dit: «Chapeau! Rochon.» Ça ne devait pas être trop mal quand même. Ça venait de l'opposition. Alors, c'est ce qu'il a dit, le député de Charlesbourg et ancien ministre de la Santé et des Services sociaux, alors qu'il a cru que c'était utile et nécessaire.

Alors, maintenant, je vais revenir sur ce qu'elle a signifié, cette réforme. Parce que je pense qu'il faut remettre les pendules à l'heure. C'est important qu'on puisse un peu comprendre ce qui s'est passé. Il y en a qui ont un peu plus de difficultés que d'autres à le faire, mais à force de répéter, hein... c'est une forme de pédagogie. En pédagogie, on nous dit que la répétition est très importante, les exemples nouveaux, une façon autre de représenter les choses, mais en restant sur le fond des choses. On dit que la répétition est la mère de l'apprentissage.

Alors, M. le Président, ce qu'on a pu constater, c'est que, dans les faits, on a amélioré nos services dans le sens où on les a rendus disponibles dans des milieux plus adéquats, mieux adaptés aux personnes qui avaient des besoins spécifiques soit de soins de courte durée soit de soins de longue durée. Et ce qu'on constate, c'est que, de 1994-1995 à 1997-1998, on a amélioré, par exemple, la proportion de chirurgies d'un jour, réalisées sur l'ensemble des chirurgies. On est passé de 72 % à 88 %. Et depuis, je peux vous dire qu'il y a eu encore des progrès. C'est-à-dire qu'on a évité qu'une personne ne soit hospitalisée alors que ce n'était pas nécessaire de le faire. Ça a d'abord eu quoi, comme impact? On a mieux servi la personne qui n'a pas à demeurer à l'hôpital si elle peut avoir un service sur une courte période de temps et se retrouver dans son milieu de vie naturel, avec l'accessibilité à des soins, à un suivi par du personnel professionnel de nos CLSC. Le premier avantage, c'est pour le malade, et pour le patient.

Le second, c'est pour une meilleure utilisation de nos ressources. C'est évident que ça coûte très cher, hospitaliser les gens. Si on peut éviter de le faire, d'abord parce que c'est préférable pour leur propre confort et qu'en plus on peut dégager des ressources pour nous permettre de soigner plus de gens, je pense qu'on sort gagnant de ça. Ça, c'est une partie de la réforme. On a diminué le taux d'hospitalisation en chirurgie, de 32,8 hospitalisations pour 1 000 personnes à 23,9. On a baissé de 11,5 % le nombre d'hospitalisations. On a diminué la durée moyenne de séjours en milieu hospitalier. C'était une réforme nécessaire, souhaitable, essentielle. Tous les États occidentaux du monde s'y étaient engagés, à quelques exceptions près. Toutes les autres provinces du Canada avaient commencé à le faire ou l'avaient fait. Nous traînions derrière tout le monde, M. le Président.

Et, oui, qu'est-ce que vous voulez, vous n'aimez pas ça, penser que ça prend du courage pour faire ça? Bien, ça en a pris. Ça en a pris puis ça a été difficile. Ça a été très difficile. Peut-être qu'un certain nombre d'entre vous ne se souviennent pas lorsque nous sommes allés rencontrer nos concitoyens et nos concitoyennes. Moi, je me souviens, entre autres, de la députée de Vanier qui devait expliquer à ses gens pourquoi on allait transformer son hôpital, dans son coin, pourquoi c'était nécessaire de le faire, et que, malgré tout, les citoyens et citoyennes de son comté allaient continuer à avoir des services de qualité. Je m'en souviens pas mal, moi. Alors, c'est simple, maintenant que c'est fait, de dire que c'était facile. Merci beaucoup. Vous ne l'avez pas fait, de l'autre côté; nous, on l'a fait. Ça a été difficile, ça a été compliqué, ça a été exigeant. Puis ça a été compliqué pour les gens qui étaient aussi dans le réseau. Mais on l'a fait, on est passé à travers.

Puis maintenant, on a recommencé à investir dans nos services, puis on investit d'une façon massive, d'une façon importante et d'une façon significative. Puis, à partir de là, parce qu'on rétablit les bases budgétaires d'une façon plus saine, on pense que chacun doit aller au bout et assumer ses responsabilités. Puis on demande à chacun, à l'intérieur des budgets qui vont leur être impartis, d'organiser les services de telle sorte qu'ils puissent préserver l'accessibilité, qu'ils puissent préserver la qualité, mais aussi respecter les obligations qui leur sont faites comme gestionnaires et comme administrateurs. Puis c'est la meilleure façon, la meilleure façon que l'on a de préserver la pérennité de nos services. Parce que, sans ça, c'est ceux-là qu'on doit remettre en question.

Puis on s'amuse un peu en disant: Ah! ce n'était pas grave, nous autres, on donnait des services puis on faisait des déficits, hein. Puis, nous autres, quand on est arrivés, on a été obligés d'aller, pas se mettre à genoux parce que ce n'est pas notre habitude, mais on a été obligés d'aller défendre nos budgets, d'aller défendre notre gestion, la gestion qu'on nous avait laissée, auprès de nos fournisseurs de fonds à New York. Ça, ce n'est pas très agréable pour personne. Puis on s'est dit que jamais plus on ne referait cela.

Mais, pour ce faire, bien, ca prend un certain nombre d'outils, un certain nombre de moyens. On a commencé par nous-mêmes; nous avons adopté une loi antidéficit au gouvernement. Et maintenant, nous pensons qu'avec les gestes que nous avons posés il est possible de convenir ensemble qu'une même loi s'applique dans nos services sociaux et nos services de santé, étant entendu encore une fois que nous avons ajouté des sommes considérables, que nous accompagnerons nos établissements aussi pour être capables de constater s'il y a des problèmes particuliers, spécifiques qui exigent ou qui font en sorte que l'on doive convenir soit de ressources supplémentaires ou soit d'un emprunt particulier... qu'on puisse le faire. On se garde la possibilité de choisir une telle avenue, M. le Président. Ça va de soi. On va faire ça intelligemment. Puis on pense qu'on va être capables d'y arriver, jusqu'à maintenant et jusqu'à preuve du contraire, après avoir discuté avec nos partenaires et après avoir discuté avec chacun des établissements où se présentent un certain nombre de difficultés. Et je peux vous dire que cette opération, elle est en marche, elle est bien engagée. Encore une fois, ce n'est pas nécessairement toujours facile, mais je pense que nous pourrons convenir de respecter ensemble cette loi, sachant, oui, qu'il y a des risques et, oui, qu'il y en a, des fragilités. Je n'ai jamais nié ça, j'aurais l'air complètement ridicule, voyons donc! Je le sais bien. Mais je pense qu'avec ce qu'on a engagé comme démarche, les ressources qu'on a rendues disponibles, on devrait être capables d'arriver aux objectifs que l'on s'est fixés. Et chacun va mettre l'épaule à la roue. On l'a déjà fait dans le passé, et je ne vois pas pourquoi on n'y arriverait pas, M. le Président, avec des gens responsables, avec des gens consciencieux et avec des professionnels qui sont, et dans nos établissements, et à la tête de ceux-ci, et parmi les meilleurs gestionnaires du Québec.

Moi, je pense que, effectivement, l'opposition ne rend pas service ni ne rend pas justice à ceux et à celles qui travaillent dans nos établissements quand, jour après jour, on fait un peu de spectacle avec un cas ou l'autre. Oui, il y en a, des cas où il peut y avoir eu des erreurs. Oui, il y en a, des cas où des gens n'ont pas été servis adéquatement. Mais j'espère et je crois très profondément et très sincèrement que cela demeure l'exception. Vous allez me dire: Une exception n'est jamais acceptable. Bien non, c'est sûr. On aimerait mieux qu'il n'y en ait pas, des cas comme ça. Puis on pense ? et c'est même indiqué dans la loi, inscrit dans la loi ? que toute personne a le droit d'être traitée, soignée avec respect. C'est parmi les premiers articles de la loi de la santé et des services sociaux: «Le respect de l'usager et la reconnaissance de ses droits et libertés doivent inspirer les gestes posés à son endroit», et un certain nombre d'autres éléments que l'on retrouve à l'article 3, M. le Président.

n(23 h 10)n

Mais oui, on vit dans un monde imparfait. Ce serait donc extraordinaire si on était dans un monde parfait. Ce n'est pas le cas. On vit dans un monde imparfait. Il y a des gens qui font parfois des erreurs, il y a des gens qui n'ont parfois pas la bonne attitude, mais ce n'est pas la règle générale, ça demeure l'exception, M. le Président. Et la preuve en est, encore une fois, que, lorsqu'on s'adresse à la population québécoise pour lui poser la question, celle qui a utilisé les services, elle se dit très satisfaite de ceux-ci. Et il faut voir, M. le Président, les nombreux témoignages que je reçois du fait qu'on a eu de bons services, qu'on a été bien soigné par tel médecin, par telle équipe d'infirmières, dans tel établissement. Et ça ne reflète pas ce qui semble être l'horreur quotidienne et, si on écoutait l'opposition, l'horreur quotidienne dans tous les établissements du Québec. C'est faux, complètement faux. Et je pense qu'en leur âme et conscience, eux qui le connaissent aussi, ce système-là, le savent et l'admettent.

Alors, M. le Président, cela étant dit, je crois que, en tout respect pour mes amis de l'opposition, nous avons déjà eu des échanges constants, systématiques avec nos partenaires, par l'intermédiaire de l'Association des hôpitaux, directement avec les hôpitaux eux-mêmes, et donc je ne crois pas pertinent à ce moment-ci que nous acceptions la proposition de notre collègue le député de Vaudreuil.

Le Président (M. Beaumier): Merci, Mme la ministre. Alors, M. le député de Shefford.

M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. J'ai bien écouté l'intervention de la ministre jusqu'à la fin. Je me demandais à un certain moment donné si vous étiez pour rappeler la ministre à la pertinence. On a entendu, dans sa dernière phrase qu'elle nous a mentionnée, qu'elle ne voulait pas entendre l'Association des hôpitaux du Québec. M. le Président, de notre côté, on ne pense pas ça. L'Association des hôpitaux du Québec, la direction des établissements hospitaliers, ce sont les gens les plus près de la gestion des fonds de ces établissements-là.

J'écoutais la ministre ? est-ce que c'est hier ou avant-hier? ? à l'Assemblée nationale, lorsqu'il y a une question qui a été posée sur les consultants. Elle a bien dit, et elle pourrait sûrement le répéter, qu'on se doit de s'informer à des gens qui sont compétents, qui ont l'expertise pour donner des conseils. Et, M. le Président, ce qu'on fait ici ce soir, tout simplement en demandant d'entendre l'Association des hôpitaux du Québec, on ne va pas à l'encontre de la réponse de la ministre; au contraire, on s'inspire de la réponse de la ministre à l'Assemblée nationale, hier ou avant-hier, qui disait qu'il était important de consulter des gens avec de l'expertise. C'est ce qu'on fait, M. le Président, et c'est d'autant plus surprenant qu'on ait un non catégorique lorsqu'on demande à la ministre d'entendre l'Association des hôpitaux.

Pourquoi, M. le Président, nous devons dire oui, nous, et que nous demandons bien humblement à la ministre d'entendre ces gens-là? C'est que justement ils sont compétents, ils ont vraiment le pouls de l'administration des établissements hospitaliers sur le terrain. Et on se demande pourquoi la ministre vient de nous dire non. Je pense que, si le gouvernement n'a rien à cacher, si le gouvernement veut être transparent, il serait tout à fait opportun que l'on entende les gens de l'Association des hôpitaux du Québec, qui sont des gens compétents. Moi, je connais, par exemple, un ancien président de l'Association des hôpitaux qui est très, très compétent. Et je suis convaincu que les gens qui sont là sont d'une compétence égale à celui que je connais.

Donc, M. le Président, je vous avoue que je suis surpris de l'attitude de la ministre de la Santé, d'autant plus que, dans ses propos, j'ai pu déceler certaines inexactitudes, particulièrement lorsqu'on dit que, ici, on incite les gens à ne pas respecter la loi. Au contraire, M. le Président. Oh! bien au contraire. Bien au contraire, M. le Président. Et, moi, ce que je vous dis, c'est que le gouvernement est en train de nous dire qu'il ne respectera pas les lois actuelles. La ministre de la Santé feuilletait la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Elle nous a parlé de l'article 3. Moi, je vais lui parler de l'article 5, M. le Président. Puis j'invite la ministre à le relire, je vois qu'elle feuillette. L'article 5 nous dit: «Toute personne a le droit de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain et social, avec continuité et de façon personnalisée.» M. le Président...

Le Président (M. Beaumier): J'écoute.

M. Brodeur: Vous écoutez?

Le Président (M. Beaumier): Oui, absolument.

Mme Marois: Moi aussi, j'écoute.

Le Président (M. Beaumier): Ah oui! tout le monde écoute.

M. Brodeur: Donc, M. le Président, ce que dit la loi, justement l'article 5 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, c'est que la loi qu'on va adopter ou que la ministre ou le gouvernement va imposer à l'Assemblée nationale et va surtout imposer aux citoyens du Québec, c'est une loi qui va à l'encontre de l'article 5.

M. le Président, tantôt, je citais en exemple le CLSC à Granby qui dit: Oui, O.K., on va, nous autres, aller à ce que la loi n° 107 nous impose, mais on va être obligé de couper les services. S'ils sont obligés de couper les services, c'est que le gouvernement ne respecte pas la loi, ne respecte pas la Loi sur les services de santé et les services sociaux à l'article 5, qui est clair, qu'on doit donner des services à la population, des services adéquats, avec continuité et de façon personnalisée. Donc, M. le Président, je mets en garde le gouvernement que... lorsqu'on parle de respect des lois, je pense que la première... pas la première personne, mais la première organisation qui doit respecter les lois, c'est le gouvernement, puis en particulier... On parlait de cohérence tantôt, la ministre parlait de cohérence. C'est totalement incohérent, M. le Président.

On n'est pas tout seul à dire ça, M. le Président. Je lisais, dans Le Devoir du 7 avril 2000, un article ou une opinion émise par Jennie Skene, que tout le monde connaît bien, M. le Président. Le titre: Le projet de loi n° 107, inopportun et potentiellement dangereux. Dangereux pourquoi? Justement parce qu'on ne respectera pas l'article 5 de la loi et que Mme Skene, qui est sûrement très au fait, très, très au fait des problèmes que vivent les hôpitaux... Et je peux vous citer quelques passages: «Si certains établissements n'avaient pas fait de déficit, nul doute que les listes d'attente seraient encore plus longues, que les urgences auraient été en crise permanente et que les soins aux personnes âgées se seraient encore plus dégradés.» Donc, M. le Président, ce que Mme Skene nous dit, c'est que les établissements de santé ont bien fait de suivre la loi, l'article 5 de la Loi des services de santé. Et ces gens-là, c'est tout en leur honneur d'avoir suivi cette loi-là qui fait en sorte qu'on a donné vraiment les services à la population.

J'invite aussi la ministre à aller un peu plus loin que l'article 5 et à aller à l'article 101 qui y dit ce que doivent faire les établissements. Je vous cite: «L'établissement doit notamment:

«1° recevoir toute personne qui requiert ses services et évaluer ses besoins.»

Donc, M. le Président, pour évaluer les services puis répondre aux besoins de la clientèle, il faut avoir les ressources nécessaires. Ce que fait présentement le gouvernement, c'est d'enlever les ressources qui sont nécessaires aux soins à donner à la population.

On dit également, à l'article 101:

«2° dispenser lui-même les services de santé ou les services sociaux requis ou les faire dispenser par un établissement, un organisme ou une personne avec lequel il a conclu une entente de services visée à l'article 108;

«3° veiller à ce que les services qu'il dispense le soient en continuité et en complémentarité avec ceux dispensés par les autres établissements et les autres ressources de la région et que l'organisation de ces services tienne compte des besoins de la population à desservir.»

Je le disais il y a quelques instants, M. le Président, je prenais l'exemple de Granby où on ne peut pas dispenser les soins psychiatriques adéquats dans l'hôpital: 18 lits pour 125 000 personnes. Même les autres services qui sont complémentaires à ce service-là sont sous-financés par le ministère de la Santé. Donc, encore là, le gouvernement lui-même présentement est hors la loi. On n'a aucune leçon à prendre de ce gouvernement-là. Et, lorsqu'on lit des choses comme ça... Parce qu'on laisse sous-entendre que les centres hospitaliers qui ne respecteront pas la loi ou qui ne respectent pas un projet de loi, présentement ils sont hors la loi. Le titre est clair: L'hôpital hors-la-loi ? je l'ai ici, M. le Président ? puis ces gens-là sont du même avis que Mme Skene. Je peux vous citer certains passages.

n(23 h 20)n

«Nouveaux médecins.» Puis là, c'est le nouveau directeur du centre hospitalier qui parle, M. René Giard. «M. Giard a expliqué la situation précaire du centre hospitalier Piedmont-Yamaska par l'augmentation du volume de services de base offerts à la population.» On parle de services de base, M. le Président. «Aux prises avec un manque de médecins, l'hôpital a réussi à recruter 20 omnipraticiens et 30 spécialistes. Cela représente des dépenses supplémentaires en équipement et en personnel infirmier.» Et on continue: «La population réclamait ces médecins depuis longtemps ? la ministre le sait très bien; j'ai posé peut-être une dizaine de questions, ici, à son prédécesseur et à elle, sur le manque de médecins et de spécialistes à Granby ? et, soutient Mme Lambert ? qui est la présidente du centre hospitalier ? si l'on baissait les bras, ce sont les efforts de toute la communauté qui seraient abandonnés.» Ce que veut faire faire le gouvernement à ces gens-là, c'est d'abandonner le service qu'on donne à cette communauté-là.

Vous me dites qu'il me reste une minute, M. le Président. J'aurais aimé vous citer d'autres passages pour étayer cette thèse-là. Mais ce qu'on vous dit de ce côté-ci, et puis je me réfère à la réponse de la ministre, au salon bleu, il y a quelques jours, c'est que, oui, il faut entendre des experts, que, oui, il faut consulter des gens qui connaissent bien le domaine. Donc, moi, je tends la main à la ministre et je l'invite à voter en faveur de la motion du député de Vaudreuil. Je le répète, le député de Vaudreuil est peut-être la personne la plus compétente ici, dans cette salle, puis dans cette bâtisse, dans ce parlement, et connaît les problèmes des centres hospitaliers, du financement dans la santé. Donc, M. le Président, j'espère qu'à la suite de mon intervention la ministre de la Santé va prendre quelques minutes... Je l'invite peut-être à suspendre pendant cinq minutes.

Le Président (M. Beaumier): C'est moi qui suspends.

M. Brodeur: Quand même, ça fait un bout de temps qu'on jase ici, alentour de la table, peut-être qu'on pourrait prendre cinq minutes pour permettre à la ministre de la Santé de se délier les jambes, aux députés ministériels aussi, ainsi qu'aux députés de l'opposition. Puis, à la suite de ça, on pourrait peut-être prendre une décision qui pourrait être plus éclairée, dans l'intérêt des membres de la commission, mais surtout, M. le Président, dans l'intérêt de la population du Québec, des gens qui requièrent des services de santé adéquats. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député de Shefford. M. le député de L'Assomption? Oui, M. le député.

M. Jean-Claude St-André

M. St-André: M. le Président, j'ai écouté attentivement le député de Shefford. Il nous a cité...

Des voix: ...

M. St-André: Effectivement, j'ai écouté avec beaucoup d'attention le député de Shefford. Il nous a cité des articles.

Des voix: ...

M. St-André: Alors, M. le Président, je vais reprendre.

Le Président (M. Beaumier): Oui.

M. St-André: Je disais donc que j'ai écouté attentivement le député de Shefford, et j'insiste, j'ai écouté avec beaucoup d'attention le député de Shefford.

M. Brodeur: Et d'admiration.

M. St-André: On n'en mettra pas trop quand même. Il nous a cité, entre autres, l'article 5 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Quand on nous cite des articles de loi, aussi, je pense... J'espère que le député de Shefford a lu l'ensemble de la loi. J'aimerais lui faire la lecture, entre autres...

Des voix: ...

M. St-André: M. le Président, qui a la parole?

Le Président (M. Beaumier): C'est vous.

M. St-André: Merci. M. le Président, je pense que c'est la première fois que j'interviens ce soir à la commission parlementaire. À chaque fois que mes collègues de l'opposition ont pris la parole, j'ai été respectueux, je n'ai jamais interrompu qui que ce soit, et j'aimerais que le député de Shefford et les députés d'en face m'accordent le même privilège.

Le Président (M. Beaumier): D'accord. Disons que votre problème...

M. St-André: Alors, je vais recommencer mon intervention, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Votre problème est un peu le mien. Alors, M. le député de L'Assomption, c'est à vous et ce n'est qu'à vous.

M. St-André: Merci, M. le Président. Je disais donc que j'ai écouté avec beaucoup d'attention le député de Shefford nous citer certains articles de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, mais je pense qu'il aurait dû aussi nous citer, entre autres, l'article 13 de la loi. Je vais lui en faire la lecture puis je pense... Donc, je cite l'article 13 et, également, je pense que c'est important que cet article-là soit porté à l'attention de la commission, et notamment du député de Shefford.

Alors, l'article 13 se libelle ainsi:

«Le droit aux services de santé et aux services sociaux et le droit de choisir le professionnel et l'établissement prévus aux articles 5 et 6, s'exercent en tenant compte des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'organisation et au fonctionnement de l'établissement ainsi que des ressources humaines, matérielles et financières dont il dispose.»

Et finalement, M. le Président, j'aimerais également citer l'article 105 de la même loi, l'article 105 qui se lit comme suit:

«L'établissement détermine les services de santé et les services sociaux qu'il dispense de même que les diverses activités qu'il organise, en tenant compte de la mission de tout centre qu'il exploite et des ressources disponibles ? les ressources financières aussi, j'imagine ? et conformément aux plans régionaux d'organisation de services élaborés par la régie régionale.»

Donc, ce sont ces éléments-là dont un établissement doit tenir compte également quand il dispense des services de santé à la population. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Merci beaucoup, M. le député de L'Assomption. Alors, est-ce qu'il y a d'autres interventions sur la motion préliminaire?

M. Sirros: Sûrement, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Le «sûrement», c'est une demande de parole, bien sûr. Alors, M. le député de ? je suis un peu fatigué ? Laurier-Dorion. Parce qu'il faut à la fois que je préside et que je surveille. Ha, ha, ha!

M. Brodeur: On pourrait prendre un break.

M. Sirros: On va vous rendre la tâche facile.

Le Président (M. Beaumier): Oui, je le sais bien.

M. Brodeur: On pourrait prendre un break de cinq minutes.

Le Président (M. Beaumier): Excusez-moi. Alors, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. Je n'ai pas trop saisi la dernière intervention. Si j'ai bien compris, les services devraient être dispensés en fonction des ressources disponibles et, du même coup, on dit dans la loi que les gens ont droit à des services. Et il y a aussi l'aspect qui dit déjà que les établissements doivent fournir leurs services en fonction des... exactement.

D'ailleurs, c'est pour ça qu'on présente la motion, pour qu'on puisse passer à des audiences. Parce que, justement, on le relève depuis le début, ce projet de loi vient ajouter un élément politique, symbolique, si vous voulez, mais avec des moyens de contrôle beaucoup plus mordants que la loi actuelle. Et la loi actuelle donne l'obligation aux établissements déjà de fournir des services à l'intérieur des ressources disponibles, dans la mesure du possible évidemment, en mettant, par contre, dans la même loi l'obligation ou le droit qu'ont les citoyens de recevoir des services, ce qui faisait en sorte que, comme la ministre elle-même disait, les établissements faisaient des déficits pour pouvoir donner des services.

Donc, si, aujourd'hui, on coupe les déficits, dans le sens de la possibilité de faire des déficits, ça veut dire qu'on coupe des services dans la mesure où on n'a pas augmenté les bases budgétaires de telle façon et accordé les ressources nécessaires aux établissements pour pouvoir effectivement, à l'intérieur de ressources disponibles, offrir des services. De deux choses l'une. C'est impossible. Mais, si on n'a pas rempli les besoins des établissements en argent, en possibilité d'offrir des services, et on leur dit du même coup: Vous ne pouvez plus faire de déficit, à tel point maintenant qu'avec la loi que nous avons ici, de Québec, on va pouvoir mensuellement envoyer des directives aux établissements leur indiquant quoi couper, parce que le ministre des Finances croit qu'il y a des gestionnaires, non pas un ou deux, des gestionnaires minables...

Une voix: Minables.

M. Sirros: ...minables qui font des déficits par manque de gestion.

Une voix: ...

M. Sirros: Ah bon! Alors, c'est dans son style, on le reconnaît, ça va.

Mais, M. le Président, la motion qui est présentée est donc présentée pour qu'on puisse entendre l'Association des hôpitaux en particulier, qui soulève toute la question de la contradiction des deux lois ou de la confusion juridique qui pourrait être créée par la l'adoption de la loi telle que nous l'avons à l'heure actuelle. Et ce serait effectivement pour le bénéfice de tous les députés, ici, d'avoir la possibilité de questionner des gens qui ont à administrer les hôpitaux de façon constante et quotidienne.

Je suis certain qu'il y aurait d'autres établissements également qu'il faudrait absolument qu'on entende, M. le Président. Je pense aux CLSC. La ministre et moi-même avons tous deux été responsables de la direction d'un CLSC dans une vie antérieure. Et je relevais que, ce matin, des CLSC, et plusieurs CLSC, faisaient un genre de défiance, si vous voulez, à la ministre en déclarant qu'ils n'avaient aucunement l'intention de déposer des budgets équilibrés, parce que, pour eux, c'est impossible de le faire et de maintenir des services parce que, justement, leurs besoins financiers ne sont pas comblés. Alors, ce n'est pas vrai quand la ministre nous dit qu'il n'y a pas de problème avec une loi antidéficit parce que les besoins sont comblés. Manifestement, si c'était le cas, la ministre n'aurait pas d'objection à entendre les responsables des différents établissements venir ici puis dire à nous, l'opposition: Vous avez tort, nous sommes comblés dans tous nos besoins; puis la ministre nous rend la vie tellement facile à pouvoir dispenser les services que la population vient requérir chez nous que ce n'est pas un problème d'appliquer une loi antidéficit; puis, si jamais il y avait des gestionnaires qui n'étaient pas capables de le faire, bien, ce serait des cas d'exception et ils seraient effectivement des gestionnaires minables, comme dit le ministre des Finances. Alors, ils viendraient ici puis nous diraient ça, puis ça nous forcerait à arrêter ce discours, M. le Président.

n(23 h 30)n

Mais, si la ministre refuse, c'est probablement parce qu'elle sait qu'ils vont venir ici puis ils vont dire exactement le contraire. Ils vont dire: C'est impossible de ne pas couper des services en adoptant une loi antidéficit parce que vous n'avez pas fait la réforme telle qu'elle aurait dû être faite, parce que vous avez enlevé beaucoup plus d'argent que ce que vous auriez dû enlever du système.

La ministre nous disait tantôt... Elle m'avait corrigé en me disant: Ce n'était pas 2,3 milliards, c'était 1,7 milliard seulement qu'on avait enlevé du système de santé. Je pense que c'est les chiffres qu'elle avait donnés. J'ai comme l'impression, moi, que c'est l'inverse qui aurait dû être fait dans une réforme. Certes, une réforme aurait permis un certain montant d'épargne, si vous voulez, en pouvant rendre les services plus efficacement et moins coûteux, parce que c'est moins coûteux, le virage ambulatoire, que l'hospitalisation, M. le Président. Mais ce n'est certainement pas dans une enveloppe totale de 2,3 milliards qu'on aurait pu enlever... ce n'est certainement pas 400 millions qui auraient dû rester. C'est probablement l'inverse: 400 millions auraient dû aller peut-être vers la réduction du déficit, puis qu'on réinvestisse le 1,7 milliard qui restait.

Donc, il n'y a rien pour se vanter, je pense. Mais c'est le genre de question qu'on pourrait avoir, et l'échange qu'on pourrait avoir avec les gestionnaires des établissements si jamais le gouvernement acceptait de soumettre cette loi, devant les membres de la commission parlementaire, à des audiences particulières où les gens des hôpitaux pourraient venir nous expliquer pourquoi, d'une part, ils nous disent, dans cette lettre datée du 29 mars, que c'est un projet qui doit être revu en profondeur. Vous me permettrez de citer, ou peut-être de lire, parce que c'est le titre de ce quatrième paragraphe qui a accroché mon attention, M. le Président. «Somme toute, ils disent, le projet de loi n° 107 ne saurait être adopté par l'Assemblée nationale sans qu'il ne soit revu en profondeur. Il s'agit d'une exigence minimale sans aucun doute rendue nécessaire par le fait qu'il est manifeste qu'il n'a pas été conçu en tenant compte de l'ensemble de l'environnement juridique actuel.» Donc, il y a aussi un problème juridique, tel que le soulevait le député tantôt. Il y a déjà une loi qui parle de la question des ressources. Là, on arrive avec une autre loi. Alors, il y a toute cette question de l'environnement juridique actuel qu'il faudrait au moins revoir avec eux autres, et, pour nous, il y a aussi toute la question du financement des établissements.

Parce que ce n'est qu'une fois qu'on pourra véritablement dire que tous les besoins sont comblés, qu'on aura aussi mis en place un système qui va permettre l'accroissement automatique de l'ensemble des besoins, qui accroissent de façon automatique en tenant compte du vieillissement de la population, en tenant compte des nouvelles technologies, en tenant compte des augmentations salariales, qu'une fois qu'on aura un système qui finance le système de santé de cette façon-là qu'on pourra dire aux établissements: Là, vous êtes corrects, vous avez tout ce qu'il vous faut pour gérer comme il faut; s'il vous plaît, pas de déficit.

Et c'est ce qu'on avait fait en 1985, si ma mémoire est bonne, parce que j'avais participé à un genre de tournée, à l'époque, où on avait dit exactement ça aux hôpitaux après qu'on ait épongé 300 millions de déficit dans les établissements, qu'on a trouvés suite à la gestion magnifique du gouvernement précédent. On a effectivement mis sur pied un genre de formule ? à l'époque, c'était innovateur et nouveau ? de coût de système qui permettrait aux établissements de faire face à leurs besoins et on disait: S'il y a des décisions à prendre quant au déficit à faire, ça va être une décision politique basée sur l'ensemble des taxes qu'on collecte, et voilà. Mais on pourrait à ce moment-là voir ça avec les gens qui seraient venus ici, si, par chance, les députés ministériels acceptaient de soumettre leur projet de loi à la critique publique devant la commission parlementaire, ici, M. le Président.

Alors, je ne sais pas si, dans les minutes qu'il me reste, parce qu'il me semble que j'ai à peu près quelques secondes qu'il me reste...

Le Président (M. Beaumier): Ah! 30 secondes à peu près, oui.

M. Sirros: C'est 30 secondes qu'il me reste. Je peux faire un plaidoyer...

M. Brodeur: Consentement pour cinq minutes de plus.

M. Sirros: ...un plaidoyer vibrant pour demander, surtout au député qui parlait tantôt des lois, maintenant qu'il sait qu'il y a un chevauchement juridique et un problème... lui, au moins, je suis sûr, M. le Président, va voter avec nous pour qu'on puisse entendre l'Association des hôpitaux.

Une voix: Il a dit oui.

M. Sirros: Il a dit oui?

Une voix: Il a dit oui.

M. Sirros: C'est fantastique! Je suis comblé, M. le Président, je suis comblé, totalement comblé.

Le Président (M. Beaumier): Mais il n'avait pas la parole, donc ça ne compte pas.

M. Sirros: Bien, pas tout à fait totalement, mais quand même.

Le Président (M. Beaumier): Il n'avait pas la parole, donc ça ne compte pas. Alors, merci.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Il n'avait pas la parole? Voulez-vous la lui donner pour qu'il nous le dise?

Le Président (M. Beaumier): Merci.

Une voix: Est-ce que vous souhaitez appeler le vote?

Le Président (M. Beaumier): Merci beaucoup, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Pas tout de suite, je n'ai pas convaincu les autres encore.

Le Président (M. Beaumier): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Oui, Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.

Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Je tiens à prendre la parole pour essayer de convaincre la ministre d'appuyer la motion de mon collègue de Vaudreuil afin d'entendre l'Association des hôpitaux du Québec avant de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 107, la loi antidéficit, la loi antiservices.

M. le Président, lors de son intervention, la ministre de la Santé, tantôt, a répété à plusieurs reprises qu'elle consultait régulièrement, qu'elle rencontrait régulièrement les dirigeants de l'Association des hôpitaux du Québec. Mais, malheureusement, on doit dire et constater qu'elle ne les écoute pas toujours. Et la preuve en est que récemment, lors de la dernière consultation que nous avons eue pour la révision du régime de l'assurance médicaments, l'Association des hôpitaux du Québec avait fait un vibrant appel à la ministre afin d'alléger le fardeau financier des personnes âgées à faibles revenus qui, actuellement, ne peuvent pas se procurer leurs médicaments.

M. le Président, l'Association des hôpitaux du Québec avait, dans son mémoire, démontré exactement ce qui avait été dit en 1996 à cet égard-là pour les impacts dévastateurs et pernicieux du régime d'assurance médicaments sur les personnes âgées à faibles revenus et les conséquences aussi sur leur équilibre budgétaire et le fait qu'elles étaient forcées à faire des choix. L'Association des hôpitaux du Québec précisait dans son mémoire que les solutions les plus fréquentes choisies par les personnes âgées étaient un arrêt de la médication, une prise sporadique ou partielle de la médication et qu'il y avait un effet sur leur bien-être, et elles cessaient leurs médicaments dont les effets sont imperceptibles dans l'immédiat, mais qui entraînent des conséquences beaucoup plus graves.

L'Association des hôpitaux du Québec avait demandé à la ministre de regarder de près cette situation dramatique et, dans son projet de loi, d'apporter des modifications à cet égard-là. Malheureusement, pour cette fois-là, la ministre n'a pas écouté les recommandations, n'a pas entendu les recommandations de l'Association des hôpitaux du Québec et, lors de son projet de loi, on s'est bien rendu compte qu'elle avait eu malheureusement la même attitude que son prédécesseur et n'avait pas démontré beaucoup de courage ? c'est un mot qu'elle aime beaucoup utiliser ? et surtout pas de compassion envers les personnes âgées à faibles revenus qui, depuis l'instauration du régime d'assurance médicaments, sont les victimes, les premières victimes de ce régime d'assurance médicaments.

M. le Président, la ministre, lors de ses propos tantôt, nous a parlé, nous a dit que, oui, elle était consciente qu'avec sa loi antiservices il y avait des risques, il y avait aussi certaines fragilités. J'ai eu presque l'impression qu'elle était tentée de dire qu'elle était consciente qu'il y aurait surtout des coupures de services avec sa loi antidéficit.

Elle a parlé, à la fin, des témoignages, des nombreux témoignages qu'elle reçoit pour le travail magnifique qui a été fait par son gouvernement. M. le Président, je me demande comment elle perçoit le témoignage des comités de patients, les différents comités de patients des hôpitaux de la région de Montréal qui ont écrit, le 17 mai, à la présidente du conseil d'administration de la Régie régionale de Montréal-Centre pour lui dire que, suite aux compressions budgétaires dans les hôpitaux, il y a une pratique qui s'installe au Québec où les docteurs sont obligés, sont forcés, à cause du manque de fonds dans les hôpitaux, de prescrire des vieilles thérapies quand ils savent très bien qu'il y a des nouveaux médicaments beaucoup plus efficaces pour les traitements de première ligne, particulièrement dans les maladies de cancer du sein et des ovaires. M. le Président, le comité des patients, ce n'est pas seulement un hôpital, ça regroupe plusieurs hôpitaux de Montréal: l'hôpital Royal Victoria, l'Hôpital général de Montréal, l'Hôpital de Montréal pour enfants, l'Hôpital neurologique de Montréal et l'Institut thoracique de Montréal. Ces comités, M. le Président, ont été mandatés par la Loi sur la santé et les services sociaux, et ces gens-là doivent regarder la qualité des soins que les personnes malades au Québec reçoivent dans les hôpitaux.

n(23 h 40)n

On sait très bien, M. le Président, ce qui s'installe au Québec, ce n'est pas la première fois qu'on le dit, c'est un système de santé à deux vitesses, un pour les plus fortunés et un pour les plus pauvres. Et ce que dit le Comité des patients dans sa lettre à Mme Weil, la présidente du conseil d'administration de la Régie régionale, c'est qu'il y a des personnes plus fortunées au Québec qui, actuellement, vont elles-mêmes se procurer les médicaments à l'extérieur de l'hôpital, les nouveaux médicaments...

Une voix: ...

Mme Loiselle: Bien, M. Barakat, si vous dites que c'est faux, c'est que vous dites que ces gens sont des menteurs.

Le Président (M. Beaumier): Vous vous adressez à la présidence, s'il vous plaît.

Mme Loiselle: Bien non! Un, il n'a pas le droit de parole et, deux, il ne peut pas dire que c'est faux.

Mme Marois: Il a le droit de se tromper...

Mme Loiselle: Bien oui!

Mme Marois: ...mais ça peut être faux pareil.

Mme Loiselle: Bien oui! Bien oui!

Mme Marois: Voilà.

Mme Loiselle: C'est ça. Vous, vous ne vous trompez jamais, mais les gens...

Le Président (M. Beaumier): ...

Mme Marois: Non. Non, non...

Mme Loiselle: Non. Les gens des comités des patients, M. le Président, eux se trompent.

Mme Marois: ...au contraire, j'admets que je me trompe parfois.

Mme Loiselle: La ministre devrait fouiller plus ses dossiers.

Mme Marois: Je ne suis pas parfaite, je ne suis pas comme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Oui, c'est ça, oui.

Le Président (M. Beaumier): Bon, vous comprenez... Non, non, mais... Pardon. Là, la parole est à la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.

Des voix: ...

Le Président (M. Beaumier): Adressez-vous à la présidence.

Mme Loiselle: ...M. le Président, parce que la ministre croit que c'est elle, la perfection. Je m'excuse, ce n'est pas seulement un comité de patients, là, c'est cinq hôpitaux, M. le Président, des comités de patients qui ont des faits vécus et véridiques. Ça a été fait de façon exemplaire, cette démarche-là, et ça a été même, Mme la ministre, M. le Président, entériné par certains docteurs. Alors, pour «c'est faux», on y reviendra, M. Barakat.

Alors, je disais donc, M. le Président...

Mme Marois: C'est un nouveau membre à notre commission, M. le Président. Ha, ha, ha!

Mme Loiselle: Oui, mais votre attaché politique n'est pas encore député, Mme la ministre.

Le Président (M. Beaumier): Moi, j'ai vu beaucoup de choses nouvelles ce soir, moi.

Mme Marois: ...

Mme Loiselle: C'est ça.

Mme Marois: C'est la députée qui s'adresse à...

Le Président (M. Beaumier): J'apprends des points de règlement à mesure.

Mme Loiselle: Oui, parce que vous n'entendez peut-être pas les sons qui viennent de ce côté-là.

Le Président (M. Beaumier): Ah! j'entends... Moi, mon problème, c'est que j'entends tous les sons.

Mme Loiselle: C'est ça.

Une voix: Il n'a pas droit de vote, par exemple.

Le Président (M. Beaumier): Alors, on termine en beauté. Alors, Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Alors, M. le Président, je disais donc que les comités de patients de ces hôpitaux de Montréal dénoncent le fait que, à cause des compressions budgétaires dans les hôpitaux, on installe au Québec un système de santé à deux vitesses, un pour les riches et un pour les pauvres. Actuellement, certaines femmes qui ont le cancer du sein ou des ovaires mais qui sont plus fortunées peuvent se procurer à l'extérieur de l'hôpital les nouveaux médicaments scientifiquement reconnus pour leur efficacité, M. le Président, et retournent à l'hôpital pour leur traitement. Et, M. le Président, on nous dit que les personnes moins fortunées, malheureusement, doivent se contenter de vieilles thérapies, de médicaments qui sont moins coûteux, mais, malheureusement, moins efficaces pour leur maladie.

Mme Marois: Faux.

Mme Loiselle: M. le Président...

Le Président (M. Beaumier): J'écoute, là, j'écoute.

Mme Loiselle: Non, c'est parce que vous n'entendez pas...

Le Président (M. Beaumier): Je vous entends très bien.

Mme Loiselle: Oui, mais la ministre vient de dire encore une fois que les gens des comités des patients sont des menteurs.

Le Président (M. Beaumier): Ne vous préoccupez pas...

Mme Marois: Non, j'ai dit que c'était faux. Ils ne sont pas menteurs nécessairement.

Mme Loiselle: Mais avez-vous lu la lettre, Mme la ministre?

M. Marcoux: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Beaumier): Aïe! ça n'a pas de bon sens, là.

Mme Loiselle: Avez-vous lu la lettre?

Mme Marois: Oui, je l'ai lue.

M. Marcoux: Question de règlement.

Le Président (M. Beaumier): Oui, mais...

M. Marcoux: Voici ce que je pense, M. le Président...

Le Président (M. Beaumier): Oui, une question de règlement? Ça va m'aider, ça, oui.

M. Marcoux: ...il me semble qu'on... Question de règlement. On doit demander la parole pour intervenir...

Le Président (M. Beaumier): Oui.

M. Marcoux: ...et là on voit que, fréquemment, on intervient de l'autre côté sans vous demander la parole, et je pense que ça, c'est inacceptable.

Le Président (M. Beaumier): J'ai vécu ça à peu près toute la soirée...

M. Marcoux: Alors, je vous demanderais de faire respecter le règlement.

Le Président (M. Beaumier): ...puis j'ai tenté d'être un peu tolérant puis un peu compréhensif. Mais j'ai vu ça toute la soirée. Et je ne crois pas que ce soit extraordinaire, puis d'autant plus... C'est bien important, ça. Ce n'est pas parce que j'ai un besoin de valorisation personnelle, mais il est bien important qu'on ne s'adresse qu'à la présidence. Ça évite bien, bien de l'interactif inutile. Merci.

Alors, Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Alors, M. le Président, je disais donc que des femmes plus fortunées pouvaient, elles, se procurer, à l'extérieur de l'hôpital, le médicament reconnu scientifiquement pour son efficacité et que, malheureusement, les personnes pauvres, les personnes plus démunies qui ont la même maladie doivent malheureusement, à cause des compressions budgétaires dans les hôpitaux, se contenter des médicaments moins coûteux et des médicaments moins efficaces pour leur maladie. On dit même dans la lettre, M. le Président, que les hôpitaux sont tellement coincés faute de fonds, faute budgétaire, que les personnes qui ont les vieilles thérapies reçoivent le nouveau médicament seulement au stade avancé de leur maladie.

Alors, vous comprendrez, M. le Président, qu'il est important d'entendre l'Association des hôpitaux du Québec, parce que, si la ministre va de l'avant et impose sa loi antiservices, antidéficit, cette situation-là, que dénoncent et décrivent les comités de patients des hôpitaux de Montréal, ne va que s'empirer. La situation va être encore plus grave si la ministre va de l'avant avec son projet de loi. Alors, il est impératif d'entendre les dirigeants de l'Association des hôpitaux du Québec afin que la ministre comprenne que la direction qu'elle prend actuellement n'est pas la bonne et va surtout à l'encontre de la qualité de vie des gens, va surtout à l'encontre des gens qui sont malades au Québec, va surtout à l'encontre de la qualité des services qu'on reçoit ou qu'on donne dans les hôpitaux au Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Merci, Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne. Est-ce qu'il y a une autre intervention? Ça va?

M. Copeman: Non, non, j'aimerais intervenir, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Oui. Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir pour appuyer la motion de notre collègue le député de Vaudreuil, qu'on procède à des audiences particulières avant l'étude détaillée du projet de loi n° 107 et, particulièrement, qu'on entende l'Association des hôpitaux du Québec.

M. le Président, beaucoup de choses ont été dites ce soir. On a eu droit à la lecture de certains articles de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. On a eu, semble-t-il, une définition de «courage politique» de part et d'autre, une définition qui varie selon, semble-t-il, le côté de la table où on est assis. Bien, c'est ça. Nous, on a donné une version de qu'est-ce que c'est, le courage politique, la ministre a répliqué avec une autre version de «courage politique», puis elle a dit, je pense, assez franchement, que ça a pris du courage pour la députée de Vanier de défendre une décision gouvernementale dans son comté qui était probablement impopulaire, je le présume, de transformer son hôpital. Oui, M. le Président, j'imagine que ça a été le cas. Ça a été surtout le cas sur l'île de Montréal où cinq hôpitaux ont été fermés suite aux compressions budgétaires imposées par le gouvernement du Parti québécois. Mais, dans les cinq cas, M. le Président, aussi bizarre que ça paraisse, il n'y avait pas un député ministériel pour défendre la décision, parce que les cinq hôpitaux étaient situés dans des comtés libéraux.

Une voix: Coïncidence.

M. Copeman: Il y a des mauvais esprits qui ont vu là plus qu'une coïncidence. En tout cas, c'est...

Mme Marois: Vous regarderez où sont faits maintenant les investissements, dans quels comtés.

M. Copeman: M. le Président, je vous demanderais... M. le Président...

Des voix: ...

Mme Marois: ...

Le Président (M. Beaumier): Oui, je sais bien, mais...

M. Brodeur: Elle maintient les propos du député de Notre-Dame-de-Grâce.

Le Président (M. Beaumier): Oui. Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Évidemment, les cinq hôpitaux en question sont l'hôpital Reine Elizabeth, situé dans mon comté à moi, l'hôpital Reddy Memorial, situé dans le comté de Westmount?Saint-Louis, l'Hôpital général de Lachine, situé dans le comté de Marquette, l'hôpital de Saint-Laurent ? c'était peut-être Saint-Joseph de la Providence, le nom de l'hôpital, ça m'échappe pour l'instant, M. le Président, mais il était à Saint-Laurent ? et l'hôpital Saint-Michel, dans le comté de Viger, si ma mémoire est fidèle, Viger. Et, de ces cinq hôpitaux-là, quatre ont été fermés complètement et il y en a un qui a été transformé en soins de longue durée. Eh oui! il n'y avait pas de députés ministériels pour défendre cette décision. J'avais invité le ministre de la Santé d'alors à venir défendre la décision chez nous. Il, j'imagine, vaquait à d'autres fonctions, il n'était pas capable de venir défendre cette décision. J'avais invité des députés ministériels à venir lors d'une commission parlementaire. J'avais invité le premier ministre à venir visiter l'hôpital avant la fermeture, et lui aussi, à cause de son horaire très chargé, malheureusement, ne pouvait pas venir défendre cette décision.

n(23 h 50)n

Alors, oui, ça aurait pu prendre du courage politique, sur l'île de Montréal, pour fermer cinq hôpitaux dans des comtés libéraux, mais peu importe, M. le Président. Évidemment, je prétends que, depuis ce moment-là, la population n'est pas mieux servie ? ça, c'est certain, et, moi, je suis prêt à plaider ça longuement ? mais a surtout vu une détérioration dans la qualité des services. Vous le savez peut-être, M. le Président, dans mon comté, on a la deuxième proportion la plus élevée de personnes âgées au Québec. C'est D'Arcy-McGee qui a la proportion la plus âgée. Nous avons la deuxième proportion la plus âgée au Québec. Et, pour nous, pour notre population, l'hôpital Reine Elizabeth, qui est un hôpital communautaire, avait une fonction absolument essentielle pour la communauté et pour les personnes âgées et pour les personnes qui souffraient de problèmes, de difficultés en santé mentale.

Mais, M. le Président, l'objet de la motion devant nous, c'est d'écouter du monde, écouter l'Association des hôpitaux du Québec. Moi, je pense, très personnellement, que, comme législateurs, on gagne toujours quand on écoute le monde. Moi, je pense qu'un principe de base, c'est que tous les législateurs, des deux côtés de la table, gagnent quand on peut écouter des experts devant une commission parlementaire. La ministre nous dit oui, mais, elle, avec ses rencontres de façon régulière avec l'Association des hôpitaux du Québec, elle a glané tout ce qu'elle avait à glaner des positions de l'Association des hôpitaux du Québec.

Je ne sais pas, par contre, si la députée de Mille-Îles a assisté à de telles rencontres, si la députée de Crémazie a assisté à de telles rencontres, si le député de Masson était là, si la députée de Vanier était là, si le député de L'Assomption était là, mais, moi, je peux vous dire une chose, M. le Président, je n'étais pas là, le député de Shefford n'était pas là, la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne n'était pas là. On peut le comprendre, peut-être le député de Vaudreuil, qui échange une certaine information avec l'Association des hôpitaux du Québec. Mais je pense que, comme principe de base, on est toujours gagnants comme législateurs quand on invite le monde à venir nous parler d'un projet de loi majeur.

Entre autres, l'Association des hôpitaux du Québec a déjà exprimé une opinion là-dessus. J'aimerais qu'ils viennent nous dire... Ils vont peut-être valider la thèse de la ministre, ils vont peut-être venir dire: On peut vivre avec ça, il n'y a pas de problème, ça ne causerait de problèmes nulle part, ça ne toucherait pas aux services, puis les libéraux sont dans les patates. Ils vont peut-être venir dire ça. Alors, j'aimerais leur donner l'occasion de venir. Mais ils vont peut-être dire autre chose. Ils vont peut-être dire que, non, ils appréhendent une coupure de services, non, ils ne peuvent pas vivre avec les budgets que le ministère leur accorde. Ils vont peut-être dire: Oui, certains députés de ce côté de la table ont raison quant à cet épouvantail, ce spectre de coupure de services. Mais qu'on les invite, M. le Président. Moi, je n'ai pas peur d'une telle présentation, d'une telle présence. Ils vont amener leur expertise que je pense être essentielle si on veut prendre une décision éclairée. C'est ça, notre but, M. le Président, comme législateurs. Ça devrait être de prendre des décisions éclairées.

Mais qui peut nous éclairer? La ministre nous présente une version des faits, hein. C'est un peu comme dans un cours, un cours de droit. La ministre présente sa version des faits. Le député de Vaudreuil a une autre version. Bien, pourquoi ne pas aller aux sources, M. le Président?

We say in English, you know, Mr. Chairman: «We should go to the horse's mouth, not the horse's ass.»

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: No, well...

Une voix: Ce n'est pas parce que c'est en anglais, là.

M. Copeman: The horse's mouth is much more interesting to hear from than any other portion of a horse's anatomy. I think we should hear... You know, the MNA for Shefford agrees with me completely. His long experience in animal husbandry, you know, very clearly demonstrated... his expertise in animal husbandry, I think, validates that point of view, Mr. Chairman, that we should hear... let's hear from the horse's mouth because, when you want that kind of information, you should go to the source. And what better source for some information than the Québec Hospital Association? I don't understand why the Government members are opposed to something as basic as inviting a group that could help us make a wise and intelligent decision about a piece of legislation as major as this one is, that's before this committee, Mr. Chairman.

Le Président (M. Beaumier): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Alors, il n'y a pas d'autres interventions? Alors, est-ce que...

M. Brodeur: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Beaumier): Oui.

M. Brodeur: Conformément à l'article 165, je fais motion pour qu'on ajourne le débat.

Le Président (M. Beaumier): Oui. Regardez, ce ne sera pas long, je vais le faire moi-même.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Donc, je peux comprendre qu'on...

Le Président (M. Beaumier): Est-ce que la motion du député...

M. Brodeur: M. le Président, article 165, je fais motion qu'on ajourne le débat. C'est débattable durant 10 minutes. Donc, la motion est déposée. Le règlement est clair. Donc, M. le Président, est-ce qu'on ajourne immédiatement ou on nous donne le droit de parole?

(Consultation)

Le Président (M. Beaumier): Nous allons procéder, là... On va procéder, là, à terminer notre travail.

M. Brodeur: Le règlement est clair, M. le Président, là.

Le Président (M. Beaumier): À quel...

M. Brodeur: L'article 165 du règlement, lisez-le au complet.

Le Président (M. Beaumier): Oui. «Un membre peut proposer que la commission ajourne ses travaux.»

M. Brodeur: Oui, continuez.

Le Président (M. Beaumier):«Cette motion est mise ? tiens, pour une fois, je vais parler un peu plus ? aux voix sans amendement et elle ne peut être faite qu'une fois au cours d'une séance, sauf par le président ou un ministre membre de la commission. Elle ne peut être débattue, sauf qu'un représentant de chaque groupe parlementaire peut prononcer un discours de 10 minutes chacun.»

M. Brodeur: Je vous remercie, M. le Président. Vous me laissez 10 minutes?

Le Président (M. Beaumier): Je vais vous laisser trois minutes, à moins qu'il y ait consentement pour dépasser minuit.

M. Brodeur: J'ai droit à 10, à moins qu'il y ait consentement pour ajourner immédiatement.

Une voix: Tu continueras demain.

Une voix: Non, non, demain.

Une voix: Tu continueras demain.

Une voix: Demain soir.

M. Brodeur: On peut débattre seulement une fois par jour. Donc, M. le Président, je vous remercie. Ça va donner l'occasion, dans les minutes qu'il nous reste, et surtout dans la journée de demain, peut-être à la ministre de reconsidérer sa réponse qu'elle nous a donnée suite au dépôt de la motion du député de Vaudreuil pour qu'on puisse entendre les gens de l'Association des hôpitaux du Québec. J'aurais aimé entendre plus de députés du côté ministériel. On a entendu le conseiller juridique de l'autre côté, le député de L'Assomption.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brodeur: Oui, vous pouvez faire la question de règlement.

Le Président (M. Beaumier): Moi, je vois tout, là, oui.

Une voix: On vous laisse faire.

Le Président (M. Beaumier): C'est ce que je pensais aussi. Alors, terminez, monsieur.

M. Brodeur: Oui, merci, M. le Président. Donc, je disais que le conseiller juridique du côté ministériel, le député de L'Assomption, nous a fait lecture de quelques articles de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, sauf que, malgré sûrement son expertise, puisqu'il a utilisé la loi pour nous citer certains passages, il a oublié d'ajouter, à l'article 5, l'explication que les juristes donnent à cet article-là, ce qui est très clair, M. le Président. Et je vous en lis un passage qui va permettre, durant la suspension de nos travaux et probablement durant la journée de demain, ça va permettre à la ministre de réfléchir à mes propos qu'elle écoute attentivement. Et c'est écrit, M. le Président, aux explications relatives à l'article 5, et je relis l'article 5 qui dit: «Toute personne a le droit de recevoir des services de santé et des services sociaux adéquats sur les plans à la fois scientifique, humain et social avec continuité et de façon personnalisée.» Et l'explication, M. le Président, est la suivante: «Cet article confère sans équivoque ? et je répète, M. le Président, sans équivoque ? un droit strict de recevoir les services de santé et les services sociaux requis par l'État d'une personne.»

Une voix: Donc, il a erré, le conseiller juridique.

M. Brodeur: Donc, comme me suggère la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne, le conseiller juridique de la partie ministérielle a erré, M. le Président. Donc, je l'invite, et on va profiter des heures qui nous séparent de la reprise de la séance, pour que le conseiller juridique de la partie ministérielle puisse à nouveau rencontrer la ministre de la Santé et l'informer que le projet de loi qui est sous étude présentement est entaché d'illégalités, M. le Président. Donc, M. le Président, je pense qu'il vaut mieux prévenir que guérir, surtout dans le domaine de la santé, et avertir immédiatement la ministre de la Santé que sa loi pourrait peut-être être attaquée devant les tribunaux puisque illégale et...

Le Président (M. Beaumier): Merci.

M. Brodeur: ...non conforme à la loi actuelle.

n(minuit)n

Le Président (M. Beaumier): Excusez. Malgré toutes les apparences, j'ai beaucoup adoré présider la séance de ce soir, et j'aimerais remercier tous les membres de la commission, mon collègue aussi, ainsi que M. Barakat, tiens, puisqu'il a été identifié...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Beaumier): Et vous comprenez que nous ajournons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 0 h 1)



Document(s) associé(s) à la séance