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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 1 juin 1999 - Vol. 36 N° 15

Étude du rapport d'activité du Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail


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Table des matières

Remarques préliminaires

Exposé du ministre de la Solidarité sociale

Discussion générale


Autres intervenants
Mme Monique Gagnon-Tremblay, présidente
Mme Nathalie Normandeau
Mme Fatima Houda-Pepin
M. Gilles Labbé
M. Yves Beaumier
* M. Yvon Boudreau, ministère de la Solidarité sociale
* M. Paul Gagnon, idem
*Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats


(Quinze heures quatre minutes)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Nous allons débuter nos travaux. Nous avons maintenant le quorum. La commission des affaires sociales est réunie pour examiner le rapport d'activité du Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail pour la période de juin 1997 à mars 1999, en application de l'article 11 de la Loi instituant le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Alors, pour notre commission, au cours de cette législation, cette Législature, c'est le premier rapport que nous étudions.

Alors, Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce) sera remplacé par Mme Normandeau (Bonaventure); Mme Lamquin-Éthier (Bourassa) par Mme Houda-Pepin (La Pinière).

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, quant à la répartition du temps, je vous indique que la séance durera trois heures, de 15 heures à 18 heures. Il y a de prévues des remarques préliminaires de 30 minutes, c'est-à-dire 15 minutes sont réservées pour les députés du groupe formant le gouvernement et 15 minutes pour les députés formant l'opposition. Et, par la suite, il y a une durée de prévue pour la présentation du ministre de la Solidarité sociale de 20 minutes. Et, par la suite, bien sûr qu'on se partage le temps avec alternance, 10 minutes, 10 minutes.


Remarques préliminaires

Alors, sans plus tarder, est-ce qu'il y a des députés, des membres de la commission du gouvernement qui veulent intervenir au niveau des remarques préliminaires? Non? Alors donc, je cède la parole à la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne pour vos remarques préliminaires. Vous avez 15 minutes.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, Mme la Présidente. Ce sera assez bref, je préfère garder plus de temps pour échanger au niveau du rapport. Mais j'aimerais rappeler, pour les gens qui nous liront ou les gens qui sont dans la salle qui nous écoutent, que le Fonds de lutte à la pauvreté a été créé suite au Sommet de l'économie et de l'emploi et suite aussi à un consensus qui incluait le patronat, les syndicats, les organismes communautaires et l'opposition officielle.

Pour alimenter le Fonds, Mme la Présidente, vous vous souviendrez qu'il a été entendu qu'une contribution par le biais de l'impôt venait de la part des entreprises, des institutions financières, des particuliers, et on alimentait le Fonds pour un montant de 250 000 000 $ sur trois ans. Dans le rapport d'activité, qui est basé sur une période de juin 1997 à mars 1999, on nous apprend qu'il y a eu 2 100 projets qui ont été soutenus à date par le Fonds et on a créé 17 000 postes et/ou places. Il faut bien comprendre ici, Mme la Présidente, qu'il ne s'agit pas d'emplois créés quand on parle des 17 000, parce que ça inclut les emplois créés, mais ça inclut également les mesures d'insertion en emploi, les stages et les gens aussi qui ont fait de la formation.

Je rappelle qu'il y a quelque temps le ministre de la Solidarité sociale a annoncé la prolongation du Fonds qui devait se terminer en mars 2000, qu'il l'a prolongé d'une année additionnelle pour se terminer à la fin de mars 2001. Alors, j'aimerais, tantôt peut-être, poser la question au ministre, à savoir comment il va financer cette année additionnelle, s'il a obtenu un autre consensus. Parce qu'il faut se rappeler que le consensus qui avait été établi lors du Sommet, c'était pour une période de trois ans. Alors, si on ajoute une année, il faudrait savoir combien d'argent va être ajouté au Fonds pour cette année-là et savoir comment cette année additionnelle là va être financée.

Je rappelle aussi, Mme la Présidente, que le Fonds existe sur une base temporaire et que, étant donné qu'il reste encore seulement deux années de survie à ce Fonds, les organismes communautaires sont très, très inquiets, appréhendent beaucoup la fermeture du robinet, si je peux m'exprimer ainsi, parce qu'ils seront les premiers touchés dès que le Fonds sera fermé, le Fonds va disparaître. Et je rappelle la déclaration du ministre, il y a quelque temps, dans un journal, dans Le Soleil . Il disait qu'il souhaitait que le Fonds continue et, disait-il, je le cite «quitte à trouver une autre source de financement».

Alors, j'ose espérer que ce n'est pas, encore une fois, une déclaration qui crée de faux espoirs, comme on le voit de temps en temps, mais qu'il y aura vraiment une action qui sera prise par le gouvernement pour remplacer le Fonds, le remplacer par une démarche qui aura le même but, d'aider les plus démunis à sortir, Mme la Présidente, de l'aide sociale pour intégrer des emplois de qualité, des emplois durables.

Dans le rapport qui nous a été soumis, dans le rapport d'activité, comme je le disais, on démontre qu'il y a eu 17 000 postes/places qui ont été créés. Mais il faut bien comprendre que, sur les 17 000 postes/places, Mme la Présidente, seulement 8 827 sont en création d'emplois. Les autres: 4 000 environ en formation, sur les 17 000, et 4 200 ont participé à des mesures d'insertion ou de stages.

Je rappelle – et on le retrouve dans le rapport – que l'orientation et l'objectif premier du Fonds étaient de l'insertion en emplois durables avec des emplois de qualité. C'est écrit noir sur blanc, Mme la Présidente, dans le rapport d'activité. Alors, il faut poser la question, et j'espère qu'on aura une réponse tantôt: Quel est le pourcentage, dans les 8 827 emplois qui ont été créés avec le Fonds, qui sont vraiment des emplois durables, des emplois de qualité et qui feront que les gens qui ont participé à cette création d'emplois, à la fin de leur période, vont vraiment avoir un emploi durable, réintégré le marché du travail en bonne et due forme?

(15 h 10)

Il faut aussi rappeler une des orientations qu'on retrouve dans le rapport d'activité. On disait, et c'est écrit aussi noir sur blanc, à la page 17, dans les orientations du Fonds, que les femmes devaient bénéficier de la majorité des emplois créés par le Fonds. Quand on retourne à la page 27 du Fonds, Mme la Présidente, c'est très décevant parce qu'on se rend compte que les femmes n'ont obtenu, dans les emplois créés, les 8 827, que 38 % des emplois créés et les hommes, 62 % des emplois créés. Alors, l'orientation du Fonds pour les femmes, c'est un objectif qui n'a pas été atteint avec le Fonds de lutte à la pauvreté. On retrouve ça à la page 27.

Et, en terminant, Mme la Présidente, vous me permettrez de saluer les organismes communautaires et tous les membres qui ont fait partie et qui font partie des comités, soit sur une base régionale ou locale, les saluer pour leur intérêt, pour leur implication. Ils ont contribué par leur détermination à améliorer le sort des plus démunis et aussi, par leur leadership et leur initiative dans leur communauté, ils ont contribué à développer des projets, des projets qui répondent bien à la clientèle démunie et des projets aussi, Mme la Présidente, qui ont permis aux plus démunis d'acquérir une expérience de travail, ou bien de parfaire leur formation, ou bien aussi d'acquérir de l'expérience par des stages en entreprise ou par des mesures d'insertion en emploi. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Est-ce que il y a d'autres membres de l'opposition qui désireraient se prévaloir de leurs remarques préliminaires? Non. Alors, à ce moment-ci, je vais céder la parole au ministre de la Solidarité sociale. Vous avez une période de 20 minutes pour faire votre présentation. M. le ministre.


Exposé du ministre de la Solidarité sociale


M. André Boisclair

M. Boisclair: Mme la Présidente, Mmes et MM. les membres de la commission, je voudrais d'abord peut-être présenter les gens qui m'accompagnent: à ma gauche, M. Yvon Boudreau, qui est sous-ministre associé au ministère de la Solidarité sociale, de qui relève ultimement le Fonds de lutte au niveau de l'administration; je suis accompagné aussi de M. Paul Gagnon, qui est derrière moi, qui est le directeur du Fonds de lutte; ainsi que de M. Serge Hamel, qui est un spécialiste du service d'évaluation; je suis aussi accompagné de Martine Hébert, de mon nouveau cabinet. Les gens qui m'accompagnent sont aussi disponibles pour répondre à vos questions.

L'objectif aujourd'hui est d'essayer le plus possible de faire le point sur l'expérience du Fonds de lutte. Donc, Mme la Présidente, le 26 mai 1999, le gouvernement déposait à l'Assemblée nationale le rapport d'activité du Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail couvrant la période de juin 1997 à mars 1999.

En effet, la loi instituant le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail, qui a été sanctionnée le 12 juin 1997, prévoit que ce rapport d'activité est ainsi déposé et qu'il est examiné par la commission parlementaire compétente. C'est pour cela que nous sommes ici aujourd'hui. C'est à titre de ministre de la Solidarité sociale à qui le gouvernement a confié la responsabilité de l'administration de ce Fonds que je participe à cette commission.

Avant de débuter son examen, rappelons-nous comment est né le Fonds de lutte contre la pauvreté. À l'occasion du Sommet sur l'économie et l'emploi de l'automne 1996, un important consensus s'est dégagé à l'effet de constituer un fonds spécial d'une durée de trois ans dédié à la lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail des personnes économiquement démunies.

Ce Fonds est donc né en réponse à un besoin exprimé par les différents partenaires du Sommet afin de protéger les personnes démunies contre l'appauvrissement, dans un contexte où le gouvernement mobilisait l'ensemble des acteurs sociaux et économiques afin de s'attaquer au déficit budgétaire du gouvernement du Québec.

Dans un geste de solidarité sans précédent, les participants de ce Sommet ont accepté, je dirais même qu'ils ont proposé eux-mêmes de contribuer au financement de ce Fonds de 250 000 000 $. Les entreprises, et j'inclus les institutions financières, l'alimentent pour la moitié de cette somme et les particuliers pour l'autre moitié. Pour les particuliers qui paient de l'impôt, la contribution annuelle correspond à environ une heure de travail rémunéré par année.

Dès la naissance du Fonds, en juin 1997, les membres de comités d'approbation de projets ont été désignés et ils se sont mis à la tâche pour faire la promotion du Fonds, établir leurs priorités régionales, analyser des centaines de projets qui leur ont été soumis et finalement retenir ceux qui étaient les plus porteurs d'avenir pour les personnes qui devaient y participer.

C'est ainsi que, en mars 1999, seulement 22 mois plus tard, plus de 2 000 projets étaient approuvés dans l'ensemble des régions du Québec. Ces projets représentent des engagement de plus de 169 000 000 $, permettant le financement d'au-delà de 17 000 postes en emploi et aussi places en formation, en insertion ou en stages, accessibles à des milliers de personnes désireuses d'avoir enfin leur chance d'intégrer le marché du travail. Les projets financés par le Fonds sont issus de l'initiative d'organismes ou d'entreprises qui – et c'est là la beauté de la chose – décident de donner une chance à des personnes qui ont plus de difficultés à entrer sur le marché du travail, de les appuyer et aussi, faut-il le dire, de leur redonner confiance.

Les personnes les plus démunies, celles qui normalement ne passent pas la grille de sélection pour les emplois traditionnels ont enfin la possibilité de faire leurs preuves. Elles ont enfin cette première ou cette nouvelle chance qui n'est pas toujours évidente à capter dans les milieux de travail conventionnels. Je me permets d'extraire quelques données du rapport d'activité pour illustrer la réalité de ces milliers de personnes qui ont pu bénéficier des projets financés par le Fonds de lutte contre la pauvreté.

D'abord, les jeunes de moins de 30 ans représentent plus du tiers des participants. La moitié des participants aux projets, que ce soient des emplois ou des stages ou des mesures de formation, sont des femmes. Près des trois quarts des personnes participantes, 72 %, déclarent une scolarité des niveaux primaire ou secondaire. Quelque 85 % des participants ont déjà été prestataires de la sécurité du revenu, 43 % de ceux qui ont été prestataires l'ont été pour une période cumulative de quatre ans ou plus avant leur participation. On peut donc voir que la participation aux projets du Fonds constitue une étape importante dans la vie de ces personnes.

Au chapitre de la satisfaction et des acquis, cette affirmation se confirme davantage à l'examen des données préliminaires dont nous disposons. 86 % des personnes pour lesquelles nous disposons d'informations sont satisfaites de leur participation. Quatre personnes sur cinq estiment de façon générale que la formation reçue les préparait suffisamment à occuper un emploi. Et finalement une majorité des personnes qui poursuivent leur participation estiment que leur situation de vie s'est améliorée depuis qu'elles participent à un projet soutenu par le Fonds. Concrètement, 65 % d'entre elles disent qu'elles ont amélioré leur confiance en elles, 62 %, leur estime de soi et, dans une même proportion, leur situation économique.

Partout d'ailleurs où je vais en région, les gens me parlent de projets que le Fonds de lutte a permis de mettre de l'avant. Ce qui est fascinant, c'est que chaque projet est une histoire de coeur, une histoire de solidarité et d'entraide, mais aussi une histoire qui n'a pas de fin en soi, puisqu'elle contribue au développement social du peuple québécois. De mes visites des projets du Fonds de lutte dans différentes régions du Québec, je retiens des images fortes et un sens inné de l'action. Je retiens également un respect incroyable pour ces initiatives locales et régionales qui donnent tout son sens à la solidarité qui émane des activités que le Fonds a permis de soutenir.

Permettez-moi d'illustrer mes propos de quelques exemples bien concrets. Hier, dans l'Outaouais, j'ai eu l'occasion d'assister au lancement du projet de Centre de formation en entreprise et récupération pour lequel le Fonds de lutte a investi 283 000 $. Ce projet permettra à une quinzaine de jeunes en situation de décrochage scolaire d'acquérir une expérience de travail enrichissante en occupant des emplois d'opérateurs de machinerie lourde et de camionneurs.

Autre exemple, le projet Peluche, dans la région de Québec. Il répond aux besoins des centres de la petite enfance et permet de développer des postes de préposés à la désinfection et à l'entretien des jouets. Ce projet s'adresse à des personnes qui ont une déficience intellectuelle ou des difficultés d'apprentissage. Il crée donc des débouchés pour ces personnes qui éprouvent des difficultés à intégrer le marché du travail, tout en donnant aussi un bel exemple de leur potentiel. Les administrateurs et les parents des centres de la petite enfance ont décidé de faire confiance, de donner une chance à ces personnes exclues socialement. J'y vois là la preuve de compassion et de dignité, et cela ne se décrète pas en mesures pas plus qu'en chiffres. En fait, c'est ça, le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail: des gens, des personnes, des entreprises qui croient au potentiel des personnes exclues socialement et qui décident d'investir en elles.

Pour assurer le prolongement de la volonté des participants du Sommet désirant qu'il ne soit pas confondu avec les autres revenus et les autres activités de l'État, le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail a été créé par une loi spéciale. Il a été placé sous la responsabilité du premier ministre lui-même, ce qui est un précédent. Pour un fonds gouvernemental qui devrait se distinguer des programmes gouvernementaux que nous connaissons, un mode de gestion particulier a été retenu.

D'abord, un comité aviseur composé de 14 personnes issues de milieux diversifiés tels que les milieux communautaires, universitaires, syndicaux, gouvernementaux et des affaires a été institué afin de conseiller le premier ministre sur l'utilisation de la gestion du Fonds. Il suit les activités du Fonds avec beaucoup de vigilance. Ce comité est d'ailleurs présidé par M. Louis Bernard, ex-secrétaire général du gouvernement du Québec.

Des comités d'approbation de projets ont été constitués dans chacune des 17 régions administratives du Québec afin de se rapprocher des vrais besoins des personnes économiquement démunies. Ces comités sont formés de trois représentants du gouvernement et de deux représentants du milieu communautaire. Leur mandat est de retenir des projets qui leur sont soumis et qui sont les plus susceptibles d'aider à la réintégration au marché du travail des personnes qui autrement auraient été difficilement rejointes. Des comités locaux ont aussi été constitués au besoin.

Ce ne sont là que quelques explications sur le modèle de partenariat qui caractérise la gestion du Fonds de lutte contre la pauvreté. Il s'agit en fait d'une gestion ouverte, près des besoins, mais surtout près des acteurs du terrain. À cet effet, je peux vous l'assurer sans aucune hésitation, les 143 personnes, dont 62 représentants du milieu communautaire, qui se trouvent au sein des 31 comités d'approbation de projets de même que les membres du comité aviseur savent fort bien faire valoir leurs préoccupations par rapport à l'utilisation et à la gestion du Fonds en regard des besoins des populations desservies. Comme vous le voyez, le Fonds de lutte contre la pauvreté est administré de façon toute particulière. Mais un de ses traits de caractère les plus significatifs, c'est le partenariat qu'il a permis de développer avec un ensemble d'acteurs socioéconomiques.

(15 h 20)

À la base de ce partenariat, il y a d'abord eu la proposition du Sommet sur l'économie et l'emploi qui a donné jour au Fonds. C'est notamment par de telles initiatives, illustrations du modèle québécois de partenariat, que nous avons mis de l'avant cette solution innovatrice pour répondre en partie à la problématique de la pauvreté. Ainsi, tous ont reconnu que la mise en place du Fonds de lutte contre la pauvreté constitue un geste tangible d'appui aux efforts que déploient les personnes démunies pour sortir de leur situation et contribuer ainsi pleinement au développement de la société québécoise.

Les représentants de différents milieux ont participé, au sein du comité aviseur, à définir les orientations qui guident l'utilisation de la gestion du Fonds. Ces orientations ont été approuvées par le gouvernement et elles assurent un suivi régulier des activités du Fonds. Les membres des comités d'approbation de projets nationaux, régionaux et locaux, dont des représentants du milieu communautaire, participent à l'établissement des priorités régionales et locales d'intervention du Fonds, à l'utilisation du budget qui est attribué pour leur région ou leur localité. Ils analysent les projets qui leur sont soumis et retiennent ceux qui correspondent à leurs priorités et aux orientations du Fonds.

Ce partenariat est présent à chaque étape de la vie du Fonds et implique aussi une relation de réciprocité entre le gouvernement et les différentes collectivités. La gestion des programmes réguliers à laquelle nous sommes habitués est encadrée par des règlements, des normes, des directives nombreuses qui, à certains égards, uniformisent les décisions rendues par les ministères et permettent le contrôle de la conformité par rapport aux normes.

Avec le Fonds de lutte, nous avons voulu expérimenter une autre voie que celle des programmes normés dont les limites pouvaient faire en sorte que certaines clientèles n'auraient pu être rejointes. Le Fonds constitue ainsi une expérience d'une durée limitée dans le temps. Nous étions invités en quelque sorte à sortir des sentiers battus, à travailler différemment en faveur des personnes plus démunies que les programmes réguliers des ministères et organismes rejoignent plus difficilement.

En fait, le défi consiste, dans un laps de temps restreint, à rejoindre les bonnes personnes et à trouver les milieux d'accueil les plus appropriés. Ce sont là des éléments de la toile de fond que nous devons avoir à l'esprit lorsque nous examinons les résultats obtenus jusqu'ici dans chacun des projets pour chacune des régions.

En conclusion, l'examen du rapport d'activité du Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail nous permettra de constater que les contributions, tant celles des entreprises que celles des particuliers, ont été utilisées judicieusement, qu'elles ont servi pour venir en aide aux plus démunis dans leur cheminement vers l'intégration au marché du travail. Ce sera aussi l'occasion d'interroger les représentants de l'administration, comme je vous le disais tout à l'heure, du ministère de la Solidarité sociale qui ont coordonné la gestion de ce Fonds et des règles que j'ai décrites précédemment. M. Boudreau et M. Gagnon sont, comme je vous l'indiquais, disponibles pour répondre à vos questions.

Vous pourrez aussi constater également qu'un mode de gestion peu normé qui fait appel au partenariat à l'échelle nationale, régionale et locale est porteur d'avenir lorsqu'il s'agit de lutter contre la pauvreté et l'exclusion. C'est ainsi que nous avons pu, par exemple, mener des opérations toutes particulières: je pense au territoire de la Gaspésie, je pense aux interventions nationales particulières qui ont été menées aussi pour soutenir les travailleurs forestiers.

Je veux dire, en terminant, que nous pouvons être fiers d'appartenir à un peuple où, dans un geste spontané de solidarité et de compassion, les contribuables, les entreprises et un ensemble d'acteurs socioéconomiques se sont mis à l'oeuvre pour lutter contre l'exclusion. Voilà un bel exemple de ce que signifie la solidarité sociale au Québec. Je crois que les résultats que nous vous présentons en témoignent et je suis disponible pour répondre à vos questions. Je vous remercie.


Discussion générale

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. le ministre de la Solidarité sociale. Je vais maintenant permettre aux membres de la commission d'échanger avec le ministre. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Budget du Fonds

Mme Loiselle: Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente, le ministre a annoncé... Parce que là on regarde dans les tableaux que l'on retrouve dans le rapport d'activité, il y a 212 000 000 $ à date, en date du 31 mars. Je pense que c'est ça, 31 mars 1999, 212 000 000 $ qui ont été versés au Fonds. À la fin de mars 2000, j'imagine que le 250 000 000 $ aura été donné au Fonds. Vous avez annoncé une année additionnelle de survie pour le Fonds, jusqu'au 31 mars 2001.

Moi, je veux savoir, quand vous avez fait votre annonce par décret, combien vous avez l'intention d'ajouter pour cette année-là et comment vous allez financer. Parce que je rappelais, dans les remarques préliminaires, que le 250 000 000 $ sur trois ans, ça a été une entente qu'il y avait eu lors du Sommet économique. Il y avait eu consensus entre les partenaires, les institutions financières, et c'est par le biais de notre impôt, par une taxe, qu'on va chercher ces argents-là. Alors, je voudrais savoir: Étant donné que le consensus était pour trois ans, l'année additionnelle que le ministre ajoute, elle va se financer comment? Et combien avez-vous l'intention d'ajouter pour cette année-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Mme la Présidente, je voudrais d'abord renvoyer immédiatement la députée au communiqué de presse que j'ai rendu public et au contenu du décret. Le décret annoncé dans le communiqué de presse vient préciser la portée de l'article 15 de la Loi sur le Fonds de lutte. L'article 15 prévoit que la présente loi a effet depuis le 26 novembre 1996. Elle cessera d'avoir effet le 1er avril 2000 ou à toute autre date ultérieure que peut déterminer le gouvernement. Essentiellement, ce que j'ai annoncé dans le communiqué de presse et ce qui est sans aucune équivoque, c'est que nous allons engager de l'argent jusqu'au 31 mars 2000. Mais il y a des projets d'une durée d'un an qui auront été acceptés... par exemple, qui pourraient être acceptés en décembre ou en janvier 2000. Alors, le Fonds va continuer à porter ses fruits jusqu'au 31 mars 2001, mais il n'y aura pas d'argents qui seront engagés après le 31 mars 2000.

Puisqu'on indiquait que le Fonds cessait de prendre effet le 1er avril 2000, il fallait que je poursuive d'un an pour conserver les dispositions de la loi qui habilite le Fonds. Si un projet, par exemple, est accepté pour une période d'un an en janvier 2000, bien, il va se poursuivre jusqu'en janvier 2001; puis, si le Fonds terminait en avril 2000, j'avais un problème. Alors, ce que nous avons décidé d'édicter, c'est le fait que nous pourrons engager des fonds jusqu'au 1er avril 2000. Je vous indique que cette année il nous reste quelque chose comme 62 000 000 $ à engager dans les différentes régions du Québec. Certaines régions ont pratiquement terminé leur programmation, d'autres sont à la compléter. Alors, les projets continueront à porter leurs fruits jusqu'au 31 mars 2001, mais nous n'engagerons pas de nouveaux argents après le 31 mars 2001, et c'est clairement ce qui a été expliqué dans le communiqué de presse que j'ai rendu public.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Alors, le 250 000 000 $ va couvrir jusqu'à l'an 2001.

M. Boisclair: C'est ça.

Mme Loiselle: Alors, quand vous parlez d'année additionnelle, c'est quand même dans le même budget du 250 000 000 $.

M. Boisclair: C'est ce que j'ai annoncé dans le communiqué de presse que j'ai rendu public.

Mme Loiselle: Oui, oui, vous pouvez l'exprimer sans avoir ce petit air, M. le ministre.

M. Boisclair: Non, non, mais c'est parce que c'est bien clair, là.

Mme Loiselle: Là, ça va faire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, vous avez d'autres questions?


Poursuite de l'expérience du Fonds après mars 2001

Mme Loiselle: Oui. J'aimerais revenir, Mme la présidente, sur quand le ministre a déclaré, et je le cite: «C'est pour cette raison que je souhaite que le Fonds de lutte connaisse une suite, quitte à ce que son financement provienne d'une autre source.» Alors, après mars 2001, vous désirez continuer le Fonds de lutte à la pauvreté. Alors, vous aimeriez que le Fonds de lutte continue. Alors, quelles sont les démarches que vous avez entreprises à date pour que votre souhait soit réalisé par votre gouvernement?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Alors, le premier ministre, dans le discours inaugural qui a débuté la présente session parlementaire, a indiqué qu'il m'a confié le mandat de lui soumettre des recommandations quant à la poursuite de l'expérience du Fonds de lutte. Pour ce faire, nous avons produit ce bilan. Des évaluations très importantes sont à être complétées au ministère.

Je vous indique d'ailleurs – et on ne l'a pas souligné – que le ministère n'impute aucun fonds, il n'y a pas un dollar d'administration qui est imputé au Fonds. L'administration, que nous évaluons à environ 12 000 000 $, est entièrement assumée par le ministère; il n'y a, dans les 250 000 000 $, pas un sou qui va à l'administration. Et nous sommes donc à compléter certaines études d'évaluation.

J'ai aussi, sur le plan du bilan, confié un mandat à mon adjointe parlementaire, la députée de Vanier, qui a institué un groupe de travail formé de députés de la majorité ministérielle qui rencontreront un certain nombre de partenaires, dont des gens des milieux communautaires, des membres du comité aviseur, qui ont déjà pris contact avec les gens de l'administration pour me faire un certain nombre de recommandations.

On a vu que d'autres personnes se prononcent contre la poursuite de l'expérience du Fonds de lutte. C'est le cas du Conseil du patronat qui, dans un communiqué vitriolique, nous a dit que ça devait, là, être un type d'intervention qui devait être revu et que ce n'est pas en poursuivant des expériences comme celle-là qu'on devrait poursuivre.

Donc, dans ce contexte-là, je souhaite être capable de faire des recommandations au premier ministre. Il est clair que, si l'opposition officielle avait une recommandation à nous faire, on serait tout à fait disposé à l'entendre. J'ai bien hâte de voir, sur ces questions, quel sera le point de vue que va défendre l'opposition libérale.

(15 h 30)

Moi, d'où je pars, c'est de la chose suivante: le premier ministre a annoncé un impôt qui était temporaire, et je pense que, sur une moyenne ou longue période, il est clair que la parole du premier ministre, il faudra qu'elle soit entendue et respectée. Je ne pense pas que les contribuables québécois, à qui on annonce un impôt temporaire qui serait permanent, seraient très satisfaits de cette situation. Donc, il est clair qu'il y a une première réflexion à faire sur les sources de financement.

La deuxième réflexion qui est à faire, c'est sur le type de façon de travailler avec les promoteurs de projets dans chacune des régions. C'est surtout ça que j'ai l'intention de maintenir. Quand je dis que je veux poursuivre l'expérience du Fonds, je ne dis pas, Mme la députée, que je souhaite poursuivre le Fonds comme on le connaît à l'heure actuelle. Ce que je tiens à préserver, c'est deux choses: d'abord, la qualité de l'expertise qui s'est développée dans notre administration sur la façon de travailler avec des partenaires; et, deuxièmement, la façon très dénormée que nous avons eue de travailler en partenariat avec des gens des milieux communautaires, qui ont identifié des priorités, qui ont fait des recommandations au gouvernement. Je pense qu'il y a là une façon originale d'appuyer le développement régional et le développement local, qu'il y a là une façon nouvelle de travailler avec ses partenaires, et je pense que c'est ça qu'il faut d'abord maintenir.

Je vous indique aussi qu'au début de la prochaine année aura lieu le sommet sur les jeunes et qu'à cet égard ça pourrait être un temps fort où nous pourrons, avec d'autres, convenir peut-être d'un certain nombre de possibilités.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Participation des femmes aux projets de création d'emplois

Mme Loiselle: Oui, sur un autre sujet, Mme la Présidente. À la page 17, quand on parle des orientations guidant l'utilisation et la gestion du Fonds, on précise, et permettez-moi de citer, Mme la Présidente, au sujet des femmes, on dit ceci: «Les femmes devraient bénéficier de la majorité des emplois soutenus par le Fonds puisqu'elles sont particulièrement touchées par le phénomène de la pauvreté.»

Quand on va à la page 27, où on donne, le tableau 5, les caractéristiques des personnes participantes, quand on regarde, sous la colonne Création d'emplois, les gens qui ont participé à des projets de création d'emplois, on se rend compte malheureusement que l'objectif du gouvernement n'a pas été atteint parce qu'on retrouve: nombre de femmes qui ont participé à une création d'emplois, 2 600, pour un pourcentage de 38 %, comparativement aux hommes, 4 161, pour un objectif en pourcentage de 62 %.

Est-ce que le ministre peut me dire qu'est-ce qui a fait que finalement, étant donné qu'on avait objectif de prioriser les femmes dans surtout les projets qui sont de création d'emplois, aujourd'hui on se retrouve que ce sont les hommes à 62 % qui ont bénéficié des emplois créés et les femmes seulement à 38 %?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Je voudrais vous référer à la page 26, Mme la députée, du document. D'abord, il est vrai qu'au total c'est 38 %. Ce chiffre-là vient de nos propres documents. Alors, je le reconnais, comme la députée. Mais je voudrais attirer votre attention sur la nuance suivante: si on exclut les projets d'aménagement sylvicole, donc toute la question des travailleurs forestiers pour laquelle le gouvernement a décidé de maintenir une attention toute particulière...

Et je pense que la députée de Bonaventure pourra parler avec intérêt de ces projets, puisque de nombreux, dans sa région, ont été réalisés. D'ailleurs, très bientôt on va annoncer quelque... Elle nous interrogeait, à l'Assemblée nationale, sur la suite des projets pour les travailleurs forestiers, le financement des grandes compagnies puis aussi des coopératives forestières: le gouvernement a décidé de donner un précieux coup de pouce. Et c'est, dans les projets nationaux, une contribution de 10 000 000 $, je pense, de mémoire, du Fonds de lutte.

Une voix: L'année passée, 12 000 000 $.

M. Boisclair: L'année passée, 12 000 000 $ du Fonds de lutte qui a servi à financer ces projets.

Donc, à la page 26, vous voyez que, si on exclut les projets d'aménagement sylvicole, qui sont essentiellement des emplois qui sont occupés par des hommes, dans le cas de la création d'emplois le pourcentage passe à 52 %. Mais je comprends qu'il peut y avoir là quelque chose qui, à première vue, peut apparaître contradictoire parce que, effectivement, au total, c'est 38 %. Si on exclut les projets d'aménagement sylvicole, où le gouvernement a décidé, je pense, à la satisfaction de la députée de Bonaventure, de donner un coup de pouce, ça donne le résultat de 52 %.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Oui, je comprends. Mais, quand il y a un objectif à atteindre... C'est marqué, là, dans les orientations. Les objectifs à atteindre, c'est de sortir les femmes de la pauvreté et que ce soient les femmes qui soient priorisées par le Fonds en ce qui touche spécialement... Je ne parle pas des mesures d'intégration en emploi ou les stages en entreprise, mais, c'est bien précisé, pour les emplois créés.

Moi, je me demande: Comment se fait-il, au niveau, je ne sais pas, du plan d'évaluation des demandes ou des projets qui ont été soumis au niveau de la création d'emplois, qu'on n'a pas priorisé des projets qui bénéficiaient finalement à la création d'emplois pour des femmes, quand c'était l'orientation du Fonds?

M. Boisclair: Le choix du gouvernement a été d'injecter 22 500 000 $ dans des projets de création d'emplois qui visaient le domaines des travaux sylvicoles durant les années financières 1997-1998 et 1998-1999. La Société de récupération, d'exploitation et de développement forestiers agit comme maître d'oeuvre du projet – c'est REXFOR – en appui aux organismes locaux, principalement les coopératives forestières, qui embauchent et exécutent les travaux. Cela a permis l'embauche de 1 770 travailleurs, qui recevaient des prestations de la sécurité du revenu avant leur participation, pour une durée moyenne d'emploi de 24 semaines.

De plus, le Fonds a investi près de 7 000 000 $ dans un autre projet de perfectionnement en aménagement sylvicole. La Conférence des coopératives forestières du Québec a ainsi engagé quelque 300 personnes pour leur offrir un perfectionnement en travail sylvicole dans le but de les intégrer au sein des équipes permanentes de coopératives forestières. Vous retrouvez ça à la page 25 du rapport annuel du Fonds de lutte.

Et, au même moment où cet objectif était affirmé de soutenir de façon particulière et prioritaire des emplois pour les femmes et non seulement les emplois, mais aussi les autres mesures, on s'aperçoit que dans les projets de formation et les projets d'insertion – vous l'avez reconnu vous-même – les femmes sont majoritaires. Pour la création d'emplois, il y a l'autre choix du gouvernement que je viens de vous expliquer qui donne un total de 38 %, mais, si on exclut les emplois dont je viens de parler et pour lesquels d'ailleurs l'opposition libérale réclame que nous poursuivions une expérience et qu'on poursuive le financement, cette proportion serait de 52 %.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Insertion en emploi durable

Mme Loiselle: Toujours dans les orientations du Fonds, on lit très bien, toujours à la page 17, Mme la Présidente, qu'on parle beaucoup d'insertion durable. On parle des interventions du Fonds, une concertation, les organismes communautaires, maximiser l'effet du levier des investissements, «mais aussi pour soutenir des projets qui répondent aux besoins des collectivités et qui permettent l'insertion durable des personnes dans des emplois de qualité». Un peu plus bas, toujours dans les orientations, on dit, pour la région de Montréal particulièrement: «Une préoccupation particulière et des efforts importants doivent être consentis à l'insertion et à l'intégration à des emplois durables des personnes démunies.»

J'aimerais savoir... Quand on retourne à la page 23, dans le tableau, là, Postes/places acceptés par le Fonds, on se rend compte que, sur les 17 000 qui ont été couverts, qui ont été retenus depuis tout près de deux ans, il y en a seulement 8 827 qui sont pour les emplois, 4 037 pour de la formation, 4 203 pour de l'insertion à l'emploi et stages. Dans les 8 827, quel est le pourcentage des emplois vraiment durables que l'on retrouve, dans ce 8 827 là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Il serait prématuré d'apporter une réponse définitive à la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Je voudrais d'abord un peu m'élever contre sa prétention à l'effet qu'elle semble accorder une importance de second ordre aux projets de formation puis aux projets d'insertion à l'emploi et aux stages qui, dans bien des cas, conduisent...

Mme Loiselle: Question de règlement, Mme la Présidente. J'ai nommé des chiffres qu'on retrouve à la page 23. C'est écrit noir sur blanc. Je n'ai pas dénigré la formation ou l'insertion à l'emploi...

M. Boisclair: Mais ça mène vers l'emploi.

Mme Loiselle: ...j'ai donné des chiffres qu'on retrouve là et j'ai nommé les orientations qui sont écrites noir sur blanc à la page 17.

M. Boisclair: Je vois que vous ne reconnaissez pas, Mme la Présidente, la question de règlement. Je voudrais tout simplement dire que la formation conduit aussi en emploi, et l'insertion puis les stages peuvent aussi conduire à l'emploi. Il y a différentes façons, pour des personnes, de cheminer sur le marché du travail, et je ne voudrais pas, d'aucune façon, que les parlementaires donnent l'impression de dénigrer les efforts qui sont faits au niveau de la formation et de l'insertion. Qu'elle dise: Seulement 8 000 à la création d'emplois, c'est, quant à moi, dénigrer des efforts que le gouvernement a faits au niveau de la formation et au niveau de l'insertion en emploi et dans les stages.

(15 h 40)

Donc, pour revenir à l'essentiel de la question, il est trop tôt, à ce moment-ci, pour donner une réponse définitive à la question. Je laisserai le soin à M. Boudreau d'expliquer comment se fait l'évaluation, parce que la question que la députée pose, Mme la Présidente, est pertinente. Je vous indique cependant, avant de céder la parole à M. Boudreau, que, lorsque le premier ministre m'a confié la responsabilité de l'administration du Fonds, se posait toute la question de la reconduction des projets et que les comités locaux et régionaux m'interpellaient sur la façon dont ils devaient gérer la reconduction de projets, sachant qu'il y avait 60 000 000 $ et quelques qui étaient disponibles cette année, qu'il y en avait quelque 120 000 000 $ qui avaient été dépensés l'an dernier, qu'à l'évidence on ne pouvait pas tous les reconduire puis que plus on en reconduisait, moins on laissait de l'espace pour les nouveaux projets. Alors, le critère que j'ai introduit puis que j'ai demandé aux comités régionaux d'adopter pour évaluer la pertinence de la reconduction des projets qui avaient pu être financés l'année précédente est essentiellement l'intégration en emploi.

Et je voudrais vous lire un extrait de cette note qui a été envoyée à l'ensemble des membres de comités d'approbation où l'on indiquait: Il faut placer au coeur de nos préoccupations l'objectif d'intégration durable à l'emploi pour des milliers de personnes qui ont besoin de notre action concertée pour demeurer des personnes actives sur le marché du travail. Nous pouvons mettre en application concrète l'esprit du parcours individualisé, c'est-à-dire ce cheminement sans hiatus entre l'expérience de travail et l'intégration à l'emploi, dans des conditions les plus appropriées.

Concrètement, nous pouvons traduire cette initiative par des gestes comme: l'aide offerte par l'organisme pour identifier des employeurs potentiels dans la région; l'acceptation par des organismes communautaires employeurs de libérer quelque peu les personnes durant les dernières semaines du projet afin qu'elles puissent communiquer avec des employeurs potentiels; la mise en relation de la personne avec un agent d'Emploi-Québec qui l'orientera vers des libres-services de placement et d'information sur le marché du travail, une ressource spécialisée dans le placement ou dans l'orientation scolaire et professionnelle; l'encouragement donné aux personnes à persévérer dans la recherche d'emploi et de surmonter le premier refus; le prolongement, au besoin, de quelques semaines du projet afin de parfaire la formation et de préparer la personne à une transition vers un emploi durable.

Le complément de la formation pourrait être donné dans le cadre d'un stage en entreprise de courte durée auprès d'un employeur présentant une perspective d'emploi durable. L'intégration durable à l'emploi étant vécue de façon particulièrement difficile pour les personnes immigrantes, les projets s'adressant à cette clientèle, spécialement dans la région métropolitaine, devraient faire l'objet de préoccupations des comités d'approbation de projets.

Et, quant aux mesures d'évaluation qui sont en cours, M. Boudreau pourrait poursuivre, si vous le permettez, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. M. Boudreau.

M. Boudreau (Yvon): Yvon Boudreau, bonjour. Effectivement, étant donné le caractère expérimental du Fonds de lutte contre la pauvreté, sa durée limitée dans le temps, on a voulu mettre en place un dispositif d'évaluation le plus complet possible et le plus scientifique possible pour qu'on puisse tirer le maximum de leçons de cette expérience-là.

Alors, il y a toute une procédure d'évaluation – qu'on pourrait d'ailleurs rendre publique sans difficulté – qui consiste à essayer de répondre aux questions fondamentales qu'on est en droit de se poser. Par exemple, est-ce qu'on a rejoint les personnes pauvres? O.K. C'est une question fondamentale à laquelle on veut répondre. Est-ce que le processus de fonctionnement dénormé, dont on a parlé le ministre, le partenariat communautaire, est-ce que ça porte fruit, est-ce que ça permet d'atteindre les résultats qu'on espérait? Qu'est-ce que les personnes ont retiré véritablement de leur participation à un projet du Fonds de lutte en termes d'intégration durable à l'emploi, en termes de cheminement, en termes de rupture de leur isolement antérieur, etc.?

Donc, il y a tout un processus d'évaluation qui est en cours et pour lequel on produit, à différentes étapes, des rapports d'étape. Il y en a un qui a été produit en mars 1999, qui a servi à alimenter les données qui sont dans le rapport, et il y en a un autre, une autre étape d'évaluation, une étude complémentaire qu'on va entreprendre au début de l'automne, qui, là, va permettre de mesurer, avec un peu plus de précision, les données sur l'intégration durable en emploi.

Il faut se rappeler que le Fonds a commencé à accepter des projets vers le mois de juin 1997. Avant que ça atteigne son rythme de croisière, si on veut rejoindre une population qui est relativement importante en nombre pour que ce soit scientifiquement correct au plan de l'évaluation, il faut se donner le temps que les gens aient terminé la participation – puis la plupart des projets ont une durée de 12 mois. Donc, à l'automne, on va avoir un nombre de personnes suffisamment important qui vont avoir terminé leur participation à un projet. Et là on va les interroger pour savoir qu'est-ce qu'il advient de ces personnes-là, est-ce qu'ils sont en emploi durable, etc.

En attendant, on s'est donné, comme l'a dit le ministre, le maximum de précautions pour que ce message des emplois durables soit transmis partout, soit compris par le maximum, mais, en termes d'évaluation, c'est vraiment à l'automne qu'on va avoir les données les plus fiables sur le taux véritable d'intégration en emploi durable.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée.

Mme Loiselle: Est-ce que vous dites que la moyenne, pour les emplois, c'est environ 12 mois?

M. Boudreau (Yvon): Je dirais que la plupart des projets ont une durée de 12 mois, sauf bien sûr les emplois qui, de par leur nature ou par les endroits où ils s'exercent, sont des emplois saisonniers, comme dans la forêt, bien sûr – on ne bûche pas l'hiver. Mais donc la plupart des projets, et surtout des projets de création d'emplois, sont d'une durée de 12 mois. Quelques projets se prolongent au-delà, notamment deux ans, trois ans dans certains cas, mais la grande majorité des projets sont d'une durée de 12 mois. Donc, à partir de maintenant, et puis à compter de l'automne, on va avoir, comme je l'ai dit tantôt, une masse assez importante de personnes qui vont avoir terminé leur participation à un projet et là on va pouvoir mesurer véritablement si les objectifs d'intégration durable en emploi ont été atteints et dans quelle proportion.

M. Boisclair: Pour vérifier la durabilité de l'emploi, ça va prendre un certain nombre de mois, aussi, pour voir s'ils sont là. Vous comprenez, je pense, la difficulté.

Mme Loiselle: Oui. Ceux qui ont terminé leurs 12 mois, disons, – vous avez certainement quelques personnes qui ont terminé leurs 12 mois – puis qui n'ont pas conservé leur emploi, est-ce qu'ils ont été malheureusement retournés à l'aide de dernier recours ou à l'assurance-emploi?

M. Boisclair: Bien, ils retournent à l'assurance-emploi s'ils se qualifient selon les règles de l'assurance-emploi, puisque ce sont des emplois où l'employeur et l'employé payaient leur contribution à la caisse d'assurance-chômage. Et, si, pour une raison ou une autre, ils ne se qualifient pas et sont admissibles à la sécurité du revenu, ils peuvent s'être retrouvés à la sécurité du revenu. Mais une chose est claire, c'est que la présence du Fonds de lutte s'est traduite par des économies, pour nous, à la sécurité du revenu. Je n'ai pas les chiffres en tête, mais on estime qu'au net il y a une diminution significative de la clientèle de la sécurité du revenu qui est liée à la participation au Fonds de lutte, puis une diminution qui ne sera pas juste sur un an mais qui aura un effet aussi récurrent pour une plus longue période.

Mme Loiselle: Avez-vous des chiffres à nous fournir, M. Boudreau, sur le nombre de personnes qui auraient participé à une mesure de création d'emplois et qui, à la suite de cette participation-là, se sont retrouvés à l'assurance-emploi? Avez-vous des chiffres que vous pourriez nous transmettre?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Boudreau.

M. Boudreau (Yvon): On va avoir une réponse plus claire, plus globale, à la suite des travaux d'évaluation dont j'ai parlé. On a des données par certains types de projets. Par exemple, les personnes qui ont travaillé l'an dernier dans le projet avec les coops forestières dont parlait le ministre dans ses remarques préliminaires, on sait que 70 % d'entre eux sont devenus des travailleurs réguliers des coops forestières. C'est un taux d'intégration qui est assez extraordinaire. On sait que les immigrants qui ont participé au projet sur les stages en entreprise, parrainé par le CAMO des personnes immigrantes, ont un taux d'intégration en emploi, après leur stage, de l'ordre de 80 %. Donc, on a des données sur un certain nombre de projets, mais, pour avoir une vision d'ensemble, moins parcellaire que ce que je viens de dire, on va devoir patienter quelques mois.

Mme Loiselle: Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Après vérification, dans ma région, on m'a mentionné que la période de 12 mois ne garantit pas la pérennité des projets, qu'il faut vraiment 18 et parfois 24 mois pour assurer la pérennité. Est-ce qu'on vous a déjà fait cette mention?

M. Boisclair: Ça dépend toujours de la clientèle qui est en cause. Je voudrais attirer votre attention sur le fait que notre objectif, c'est qu'il n'y avait pas de substitution avec les programmes réguliers avec le Fonds de lutte. Ça, c'est la première chose.

(15 h 50)

La deuxième, c'est aller chercher les gens qu'on ne rejoignait pas par les programmes réguliers. Et, quand on regarde les données préliminaires dont on dispose, la statistique, de mémoire, c'est que 46 % des gens étaient à l'aide sociale depuis plus de quatre ans. On aurait pu s'attendre à ce que cette proportion soit plus élevée. Et, par ce chiffre, on s'aperçoit que, même les gens des milieux communautaires qui ont et qui affirment dans le quotidien un préjugé favorable pour les personnes qui sont davantage loin du marché du travail, même pour ces organismes qui ont beaucoup profité du Fonds de lutte, il est difficile, dans les efforts de sélection, d'aller rejoindre ces personnes-là. Et effectivement les organismes qui l'ont fait nous ont dit dans certains cas que la période de 12 mois était une période trop courte pour des gens qui sont aux prises avec de véritables problèmes d'insertion sociale.

C'est pour ça qu'on a permis la reconduction de projets, la reconduction de projets qui permettait à une personne qui était sur un projet de le poursuivre. Lorsqu'on a fait la reconduction de projets, on n'a pas nécessairement exigé qu'on fasse participer une nouvelle personne. On a donc permis, dans le cadre que j'expliquais tout à l'heure, dans une perspective d'intégration durable à l'emploi, dans un contexte toutefois où cette année il y a moins d'argent disponible qu'il y en avait l'année précédente du fait de la décélération des investissements, on a priorisé des projets dans la reconduction qui permettaient l'intégration durable à l'emploi.

Donc, la réponse est oui, mais pas peut-être suffisamment comme l'auraient aimé certaines personnes. On gère un Fonds de trois ans, et le choix qui a été fait, c'est: l'an dernier, c'est 120 000 000 $ qui ont été dépensés et, cette année, 60 000 000 $ et quelques. Je voudrais aussi vous indiquer, Mme la députée, que, par-dessus le 120 000 000 $ qui a été dépensé, nous avons utilisé le Fonds de lutte comme effet de levier sur d'autres programmes gouvernementaux. Aux 120 000 000 $ qui ont été dépensés par le Fonds de lutte, il faut rajouter, dans le cas de montages financiers, près de 45 000 000 $ qui viennent... c'est bien 45 000 000 $?

Une voix: Un instant. Juste...

M. Boisclair: Une contribution au moins d'une trentaine de millions. Le chiffre, je pense, est dans le document. Je ne suis pas sûr que c'est 45 000 000 $, c'est peut-être moins que ça, mais une contribution de plusieurs dizaines de millions. Attendez, j'ai le chiffre ici, à la page 30. Vous l'avez dans le document...

Une voix: 26 000 000 $

M. Boisclair: 26 000 000 $ pour le financement d'entreprises d'insertion durant l'année financière 1998-1999, plus 11 000 000 $...

Une voix: Plus 19 000 000 $.

M. Boisclair: ...plus 19 000 000 $ d'autres ministères. Donc, vous voyez qu'on a essayé aussi d'aller chercher des ressources ailleurs pour permettre, entre autres, la reconduction de projets. Vous avez à la page 30... C'est très intéressant, je pense, d'attirer la contribution de par des projets qui sont venus des milieux, qui ont aussi été appuyés par d'autres ministères, ce qui donne un effet levier aux 250 000 000 $ du Fonds de lutte.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la députée de Bonaventure.


Dénomination du Fonds

Mme Normandeau: Merci, Mme le Présidente. Alors, avant d'aborder peut-être plus en détail la région de la Gaspésie, je souhaiterais formuler une remarque et deux questions.

Première remarque, c'est au niveau de la dénomination comme telle du Fonds qu'on appelle le Fonds de lutte contre la pauvreté. Pour avoir travaillé trois ans dans un organisme communautaire, dans un comptoir d'aide alimentaire, il y a plusieurs personnes qui ont bénéficié de la mesure et qui me disaient: C'est très, très humiliant; c'est très humiliant comme participante qu'on me dise: Tu participes à un fonds de lutte contre la pauvreté. Parce que ces gens-là se sentaient visés, on était en train de leur dire qu'ils étaient pauvres.

Alors, je crois qu'il y a plusieurs organismes qui vous ont fait part de cette réalité-là. Peut-être que vous prétexterez que c'est de la sémantique, mais je pense que, par respect des personnes qui participent à des mesures comme celle-là, il y aurait peut-être lieu dans le futur, effectivement, de donner une connotation beaucoup moins péjorative ou négative, là, pour les participants et les participantes. Alors, ça, c'était mon premier commentaire.


Répartition budgétaire du Fonds

Mes deux questions d'ordre général, elles portent sur le rapport. Tout d'abord, à la page 15, au niveau de la répartition budgétaire du Fonds, ce qu'on nous dit, c'est que les budgets sont répartis en fonction du nombre de prestataires dans chacune des régions. Je regarde le tableau et ce que je constate, c'est que les budgets de 1997-1998, pour une période de trois ans, tous les budgets sont en régression. Donc, si je suis la logique, ma logique, je comprends à ce moment-là que les budgets ont diminué parce que le nombre de prestataires de la sécurité du revenu a diminué. Peut-être que vous me corrigerez là-dessus. Si je suis cette logique-là, je me dis à ce moment-là... Puis vous l'avez dit aujourd'hui en Chambre: Vous êtes très heureux de voir que le nombre de prestataires au Québec est en baisse. Cependant, après la mesure, si on suit toujours cette logique-là, on est en droit de s'attendre à une augmentation importante du nombre de prestataires de la sécurité du revenu, et dans ce sens-là ça peut être inquiétant. Voilà pour la première question.


Âge des participants

Je vais poser tout de suite ma deuxième question, page 27 du rapport. Au niveau de la caractéristique des personnes participantes, il y a une chose qui m'a frappée, au niveau de l'âge. Donc, on a différentes clientèles en fonction des tranches d'âges. On a 6 761 participants dans l'ensemble de ces tranches d'âges là. Ce que je constate pour les clientèles d'à partir de moins de 25 ans jusqu'à 39 ans... Là, ici, on a les forces vives de nos travailleurs qui sont là, hein. Ça, c'est la force vive de notre main-d'oeuvre au Québec, ce qui représente, là, sur le total de 6 761, 3 010 personnes. Donc, environ 44 % du 6 761 sont des gens qui sont en principe en pleine santé, qui sont physiquement, là, aptes à assumer une charge de travail. Et je dois vous dire que tout de suite ma réaction, c'est de dire: On a peut-être un problème au Québec avec... On a nos forces vives qui se ramassent, comme ça, sur une mesure comme celle-là. Alors, j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus, vos commentaires là-dessus, votre vision par rapport à ça, mais, dans un premier temps, peut-être, au niveau de la répartition du budget.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Bon. Écoutez, là-dedans, je souhaiterais que M. Boudreau aussi puisse s'exprimer, parce qu'on n'est pas en religion puis il peut y avoir toutes sortes de points de vue qui peuvent se valoir les uns et les autres. Je vous livre ce qui est davantage une réflexion personnelle que ce qui pourrait être une grande réflexion scientifique. Je laisse le soin à M. Boudreau, peut-être tout à l'heure, de compléter ma réponse.


Dénomination du Fonds (suite)

D'abord, sur le Fonds de lutte à la pauvreté, ce que vous me dites, je l'ai souvent entendu moi aussi. Et je n'étais pas au Sommet au moment où cette décision s'est prise, mais je voudrais simplement faire remarquer à la députée que nous appliquons là une loi qui a été votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale et que les commentaires que la députée nous fait, qui sont sans doute fort pertinents, je pense, n'avaient pas été... la question n'avait pas été posée ou réfléchie au moment de la création de la loi. Mais certainement il y a quelque chose là de bien vrai parce que, moi-même, quand je rencontre des gens qui ont des emplois financés par le Fonds, j'ai toujours un certain malaise parce que souvent les gens s'identifient, puis un peu plus puis on... Il y a peut-être un effet de stigmatisation qui peut effectivement contribuer à certaines difficultés, comme la députée l'exprimait. Je pense que son commentaire est pertinent.


Répartition budgétaire du Fonds (suite)

Là, vous me parlez ensuite de ça, de la répartition régionale. La répartition régionale, c'est sur le total qui sera dépensé, Mme la députée, sur les trois ans. Je vous indique qu'on est dans une perspective de fonds et que nous ne sommes pas dans une perspective de crédits budgétaires qui sont votés année par année, où il y aurait des périmés. Ce qu'il faut regarder, c'est le total qui aurait été dépensé sur le 250 000 000 $ dans chacune des régions.

En d'autres mots, ce qu'on a décidé tout simplement de faire, c'est qu'on a, la première année, dépensé moins, plus la deuxième, puis moins la troisième, mais au total, dans chacune des régions, ce qui aura été accordé au début du Fonds sera ce qui sera dépensé à la fin, et ce qui aura été dépensé, tout comme ce qui avait été budgété au début du Fonds, bien c'est le montant qui... le pourcentage du Fonds qui correspond au nombre de personnes aptes à la sécurité du revenu. Parce que, d'année en année, comment je pourrais dire, les crédits se poursuivent, là. On est dans un fonds, on n'est pas dans une perspective de crédits budgétaires où il y a des budgets périmés ou des dépassements de crédits, comme c'est le cas pour les programmes qui sont votés dans le cahier de crédits.

On est dans un fonds. Au total, il y aura 250 000 000 $ qui seront dépensés. Et, si on prend le total de chacune des régions, bien il sera fonction du pourcentage de personnes qui sont aptes à travailler, donc. Il faut se méfier de la répartition sur une base annuelle et plutôt additionner, par exemple pour les trois ans, dans le Bas-Saint-Laurent, le 1 600 000 $, le 2 280 000 $ puis le 1 150 000 $, la somme de ces trois montants, si on fait le pourcentage sur le budget total de 250 000 000 $, le pourcentage devrait être équivalent au nombre de personnes aptes à travailler à la sécurité du revenu. Peut-être, M. Boudreau pourra nuancer...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Boudreau.


Âge des participants (suite)

M. Boisclair: Dernière chose, vous m'avez interpellé sur les âges. À ce que je sache, il n'y a pas eu de directives particulières qui ont été données aux comités locaux d'approbation de projets sur les groupes d'âge. On a plutôt laissé le soin aux comités régionaux d'appliquer eux-mêmes les balises de leurs choix. Donc, il n'y avait pas d'attentes particulières qui étaient fixées par le comité aviseur sur la question de l'âge, c'est plutôt l'effet de la sélection des organismes et des entreprises que vous voyez là dans le tableau.

Peut-être que certains comités régionaux se sont dotés de différentes problématiques, mais je ne m'étonne pas de voir qu'il y a là une majorité de jeunes, sachant qu'il y a eu, dans certains cas, des montages financiers avec Emploi-Québec, et que Emploi-Québec, dans la gestion des mesures actives, continue à accorder une priorité aux gens qui sont à risque de chômage prolongé. Parmi ces personnes, on retrouve les jeunes et les femmes qui sont chefs de famille monoparentale.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Boudreau.


Répartition budgétaire du Fonds (suite)

M. Boudreau (Yvon): Oui, en complément. Dans le fond, la discussion a eu lieu au comité aviseur qui était, comme l'a dit le ministre précédemment, constitué de gens qui étaient de l'extérieur du gouvernement et constitué majoritairement de représentants du secteur communautaire. Quant à la répartition de l'enveloppe, dans le fond on a dépensé un peu au rythme de l'entrée des fonds, sauf la première année. La première année, on a dépensé 83 000 000 $. On a bénéficié d'un emprunt du ministère des Finances et c'est pour ça que, la deuxième année, on a dépensé 106 000 000 $ plutôt que 80 000 000 $. Bon.

(16 heures)

Mais s'est posée la question: Comment on répartit entre les régions cette enveloppe-là? Alors, il y a deux critères qui... Dans le fond, ce qu'on a fait, c'est qu'on a cherché un indice de pauvreté, étant donné la finalité du Fonds. Et puis, bon, il en existe différents, indices de pauvreté, puis on s'est rabattu sur un qu'on applique au ministère de la Solidarité sociale depuis plusieurs années, qui n'est pas un indice parfait mais qui est très révélateur quand même du degré de pauvreté des régions, degré relatif: c'était le nombre de personnes aptes à la sécurité du revenu. C'est une formule qu'on connaissait déjà, qu'on appliquait et puis qui, ma foi, donnait une assez bonne idée de la pauvreté relative des régions. Donc, on a réparti l'enveloppe simplement à partir de ce critère principal là.

Puis, dans la deuxième année, on a fait des ajustements à la marge et puis, au bout du compte, comme l'a dit le ministre, on devrait avoir une répartition qui reflète assez fidèlement ce critère-là mais qui n'est pas une religion, qui est un indice assez correct, assez parlant de la pauvreté relative.

L'autre recommandation du comité aviseur et que le gouvernement a acceptée, c'est de réserver une partie de l'enveloppe pour des projets qu'on dit nationaux, c'est-à-dire des projets qui ont une incidence dans plusieurs régions. Les projets en forêt en sont un bel exemple. Donc, on s'est gardé une enveloppe centrale, non répartie entre les régions, pour pouvoir soutenir ces projets-là.

Évidemment, lorsque, dans une année, on manquait ou du moins on ne recevait pas de projets suffisants de qualité pour dépenser tout l'argent, on a recyclé en quelque sorte, on a retourné des budgets dans les régions qui en manquaient. Ça a été le cas de la Gaspésie l'an dernier.

M. Boisclair: Je voudrais d'ailleurs préciser que, pour la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine, au-delà de ce qui s'est dépensé sur chacun des territoires de la MRC, il y a au total 87 projets pour 2 600 000 $ qui ont été financés, mais auxquels il faut rajouter, pour ces régions de Gaspésie et Îles-de-la-Madeleine, REXFOR et coopératives forestières pour 4 000 000 $, plus des projets particuliers. Au total, c'est 95 projets pour 9 300 000 $ qui ont permis 1 593 postes dans la Gaspésie. S'il y a une région qui a grandement bénéficié du Fonds de lutte, au-delà de la répartition régionale, puisqu'il y a aussi des projets régionaux financés par l'enveloppe nationale en plus des projets nationaux financés par l'enveloppe nationale... C'est 95 projets pour 9 300 000 $ pour la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine.

Vraiment, il y a eu un effort plus particulier pour cette région, et mon collègue le député de Gaspé m'a encore récemment interpellé sur une façon de poursuivre les choses. Et, en tout cas, dans le cas des coopératives forestières, je pense bien, en fonction bien sûr cependant du fait qu'il y a une diminution du pourcentage du budget disponible au Fonds de lutte, qu'on pourra continuer à maintenir une contribution qui sera significative particulièrement pour les coopératives forestières.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Bonaventure.


Dénomination du Fonds (suite)

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Donc, en réaction aux réponses qu'on vient de nous fournir, la première, au niveau de la dénomination du Fonds de lutte contre la pauvreté, on se souviendra que c'est le ministre des Finances à l'époque qui avait déposé le projet de loi. Donc, compte tenu de la nature des responsabilités du ministre des Finances, on comprend bien que ça n'a pas nécessairement attiré son attention à ce moment-là, de sa part.

Cependant, comme ministre de la Solidarité sociale, vous ne pouvez pas rester indifférent, je suppose, aux nombreuses remarques que vous ont formulées les organismes communautaires partout au Québec et que vous ont formulées également les prestataires du programme. Dans ce sens-là, il serait très louable de votre part que vous puissiez apporter une modification à ce Fonds-là pour qu'on puisse effectivement le définir de façon plus positive, contrairement à sa définition qui est plus péjorative en ce moment.


Répartition budgétaire du Fonds (suite)

Je souhaiterais revenir à la page 15 du rapport pour bien comprendre. Parce que, vous savez, la présentation du tableau effectivement me laisse croire – puis, écoutez, ce n'est pas moi qui le dis, là, je me réfère bien sûr à ce qui est écrit – que c'est, comme M. Boudreau nous le soulignait tout à l'heure, un indice de pauvreté qui est établi en fonction du nombre de prestataires de la sécurité du revenu qui vous a permis donc de répartir l'enveloppe partout au Québec.

Cependant, ce que, moi, je lis – et je souhaiterais bien, bien comprendre – c'est que les budgets – puis le ministre insistait pour qu'on prenne ça dans sa globalité – chaque colonne fait référence à une année bien distincte. Et, si on regarde tout ça, c'est que, en bout de ligne, on a une diminution du budget qui fait référence, si on se base sur le critère d'allocation du Fonds, à une diminution de la clientèle prestataire de la sécurité du revenu.

Moi, j'aimerais bien comprendre. Parce que j'ai une crainte en ce moment, sur la base des informations qui sont contenues dans le tableau, qu'on se ramasse avec une montée en flèche du nombre de prestataires de la sécurité du revenu si le Fonds n'était pas reconduit et que, là, on se ramasse avec des méchants problèmes, excusez l'expression.


Projets dans la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine

Puis peut-être aussi – le ministre soulignait tout à l'heure, faisait référence à la Gaspésie qui était grandement favorisée – dans les projets qui concernent plusieurs régions – on parle de 60 000 000 $ sur le 250 000 000 $ – je souhaiterais peut-être connaître, avoir plus d'informations sur ce qui a été accordé à la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Alors, je le lis par MRC. D'abord, sur les 87 projets: Avignon, neuf projets, 188 000 $ – là, j'arrondis au millier près; Bonaventure, 13 projets, 281 000 $; Côte-de-Gaspé, 21 projets, 520 000 $; Denis-Riverin, 11 projets, 435 000 $; Îles-de-la-Madeleine, 13 projets, 323 000 $; Pabok, 20 projets, 925 000 $. Au total, 87 projets, 2 675 000 $ et 490 postes.

À ça, il faut ajouter les projets nationaux financés par l'enveloppe nationale du Fonds: REXFOR, 1997-1998, 1 900 000 $; REXFOR, 1998-1999, 1 600 000 $; coopératives forestières, 855 000 $. Donc, ça fait 4 491 000 $ pour 372 auxquels il faut ajouter des projets régionaux financés par l'enveloppe nationale parce qu'il y a à travers ça une enveloppe régionale. J'ai les projets suivants: Newport, crabe, Unîle puis FCEM. FCEM, c'est Fonds de création d'emplois municipaux, M. Boudreau pourra peut-être préciser. Cinq projets, 2 133 000 $, 731 postes. Ce qui fait un total de 9 000 000 $.


Diminution du nombre de prestataires de la sécurité du revenu

Maintenant, quant à une éventuelle remontée significative de la sécurité du revenu – en tout cas, j'ai peine à saisir la difficulté de la députée – je cherche le nombre de prestataires, parce que les mesures du Fonds de lutte sont incluses dans les mesures de participation, les gens qui participent à la sécurité du revenu. On l'a, il me semble, le Fonds de lutte. Vous me permettez, juste un instant, je voudrais retrouver quelque chose.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Peut-être pour vous éclairer davantage, là, je me réfère vraiment à ce qui est contenu dans le rapport. On se donne un indice pour répartir l'enveloppe qui est basé sur le nombre de prestataires de la sécurité du revenu. Donc, en principe, si on se base sur ce critère-là, ça devrait, en bout de ligne, là, quand tout ça est sorti du collimateur, nous donner une réponse, ça devrait nous parler. Donc, en principe, ce que le tableau nous démontre, parce qu'on a une démonstration très, très claire, si je suis la logique du critère de base qui a servi à l'allocation du Fonds, on devrait comprendre qu'on a une diminution des prestataires de la sécurité du revenu, ce qui expliquerait la baisse de budget, là, si on prend une année à la fois.

M. Boisclair: Non. Bien non.

Mme Normandeau: Et, dans ce sens-là, on pourrait peut-être conclure que le Fond de lutte contre la pauvreté a effectivement servi la clientèle dans la mesure où celle-ci a connu une diminution. Là, je comprendrais davantage votre position quand vous nous dites que vous êtes très heureux de nous apprendre que les prestataires de la sécurité du revenu au Québec ont diminué. Moi, je dois vous dire que je suis très sceptique, là. Si je prends une région comme la Gaspésie, pour avoir travaillé dans un comptoir d'aide alimentaire, partout les comptoirs d'aide alimentaire au Québec reçoivent de plus en plus de clientèles. Ça peut être un indice effectivement que la pauvreté est en progression. Et, dans ce sens-là, j'essaie de comprendre, là. Alors, voilà mon commentaire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

(16 h 10)

M. Boisclair: Ah bien! là, là, il y a des faits très durs, incontestables par tous ceux qui regardent ces questions. Il y a une diminution significative: 131 000 personnes sur les quatre dernières années, et ça, il n'y a personne qui conteste ça. Là, je vois des gens qui s'animent alentour de la table, qui disent que c'est à cause des mesures d'Emploi-Québec. Écoutez, il y a, à la marge, des effets de système qui jouent là-dessus, là. Mais les rapports sont très transparents puis il s'agit tout simplement d'additionner deux colonnes plutôt que d'en mettre une, que les gens qui sont participants à des mesures d'Emploi-Québec ne sont pas plus dans les données d'aide sociale que les chômeurs le sont, puis pas plus que les gens qui sont sur les prêts et bourses sont comptés dans les mesures des personnes qui sont à l'aide sociale.

Alors, ça, je pense qu'il y a cependant effectivement d'autres phénomènes qu'on observe lorsqu'on parle de pauvreté, indistinctement du nombre de personnes qui sont sur la sécurité du revenu ou des gens qui ne sont pas admissibles à la sécurité du revenu. Il y a un alourdissement, dans certains cas, des clientèles, des gens qui travaillent au salaire minimum ou qui ont certains actifs ou des gens qui sont sans chèque qui se retrouvent avec des difficultés financières. Puis effectivement ces personnes parfois vont être peut-être plus nombreuses à se présenter dans des comptoirs alimentaires.

On remarque aussi, dans certains cas, des alourdissements de clientèles liés à toutes sortes de problématiques, par exemple sociales ou de santé, qui font en sorte que peut-être, dans certains cas, davantage de gens ont recours aux banques alimentaires. Et je voudrais clairement indiquer à la députée qu'il y a une différence, si on veut évaluer les phénomènes de pauvreté, entre le nombre de prestataires à la sécurité du revenu, entre cet indicateur et d'autres indicateurs comme, par exemple, le budget disponible, le revenu disponible qui est un autre indicateur aussi qu'on pourrait utiliser. Donc, le nombre de personnes à la sécurité du revenu est un indicateur du niveau de pauvreté, mais pas le seul niveau.

Quant au pourcentage, moi, je voudrais peut-être laisser la parole à M. Boudreau, mais je...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Boudreau.


Répartition budgétaire du Fonds (suite)

M. Boudreau (Yvon): Je vais essayer de mieux cerner votre question. Dans le fond, au départ, on s'était dit tout simplement que 250 000 000 $ divisés par trois ans, ça faisait des investissements de 83 000 000 $ par année. Donc, la première année, on a réparti 83 000 000 $ à dépenser puis on s'est gardé 20 000 000 $ dans une réserve centrale. Le reste, on l'a distribué presque intégralement aux régions. Puis l'indice de pauvreté qu'on a retenu pour attribuer un montant à chacune des régions, ça a été le nombre, le pourcentage de personnes aptes à la sécurité du revenu factuellement à ce moment-là, puis on a réparti le budget de cette façon-là. C'est comme ça, par exemple, que la Gaspésie a eu 1,49 % du budget qui était alloué.

Alors, l'année d'après, les entrées de fonds n'ont pas été de 83 000 000 $. Elles ont été plus importantes que ça. Le gouvernement a décidé de ne pas laisser dormir cet argent-là mais de le mettre à la disposition des comités qui recevaient des projets, d'autant que là on avait atteint en quelque sorte un rythme de croisière. Donc, on n'a pas dépensé 83 000 000 $ l'an dernier, mais 106 000 000 $. Alors, encore là, on a réparti ce 106 000 000 $ avec un critère qui était largement inspiré par le pourcentage de prestataires aptes à la sécurité du revenu dans la région puis on a fait quelques ajustements à la marge pour tenir compte du fait que des régions avaient dépensé un peu plus ou avaient eu et ressenti des besoins un peu plus grand.

C'est le cas, par exemple, pour la Gaspésie. Quand vous voyez dans le tableau le pourcentage relatif, il est passé de 1,49 % à 1,84 %. Et 1,84 %, c'était présumément un peu plus que le ratio du pourcentage apte, mais on a voulu faire un ajustement compte tenu des besoins. La région suivante, Chaudière-Appalaches, qui n'avait pas dépensé tout son budget cette année-là, on a rajusté un peu à la baisse, mais on joue vraiment à la marge.

Et puis cette année il reste 61 000 000 $ qu'on a distribués encore entre les régions, selon à peu près les mêmes paramètres. Donc, j'espère que c'est... Ça répond à votre question, j'espère.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Bonaventure.


Âge des participants (suite)

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Oui, merci pour vos précisions, M. Boudreau.

Simplement un autre commentaire sur la réponse que le ministre nous a formulée suite à ma question. À la page 27, sur les caractéristiques des personnes participantes, le ministre nous a répondu donc que chaque centre local d'emploi ou chaque direction régionale avait peut-être sa propre politique pour répartir les sommes en fonction des groupes d'âge. Donc, on semble avoir une vision très, comment dire, par programmes. Ça semble être à très, très court terme.

Ce que je souhaiterais entendre de la part du ministre, c'est ça: Est-ce que c'est une situation qui vous préoccupe de voir nos forces vives, dans le fond, au Québec, faire appel à des mesures comme celles-là? C'est des gens qui sont en pleine capacité et qui ont les capacités pour être sur le marché du travail. Parce qu'il me semble qu'on fait appel à une vision à très, très court terme. À plus long terme, on doit se préoccuper, je pense, comme société, lorsqu'on voit des statistiques comme celles-là au niveau des catégories d'âge qui bénéficient d'une mesure comme le Fonds de lutte, là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Vous me permettrez de rejeter l'analyse de la députée. Il n'y avait pas de balise, il n'y avait pas de norme. On a laissé le soin aux gens des milieux...

Mme Normandeau: C'est ce que je dis, Mme la Présidente, je faisais juste reprendre vos paroles.

M. Boisclair: Ce n'est pas normé, il n'y a pas de programme. Tout à l'heure, la députée disait qu'on a géré par programmes puis c'était comme normé. Il n'y en avait pas sur ces questions. Puis le comité aviseur, avec qui nous travaillons puis qui a défini les orientations – pas le gouvernement, là, le comité aviseur – formé de représentants des milieux communautaires, formé de gens du milieu des affaires, de représentants de milieux syndicaux, n'a pas jugé bon, dans les orientations que vous retrouvez au début du document, d'identifier un groupe d'âge plutôt qu'un autre et d'en favoriser un. Donc, ça, c'est la première réponse.

Est-ce que des gens des comités régionaux se sont donnés eux-mêmes, à leurs décisions, avec des gens des milieux communautaires, ont priorisé des choses? Je ne le sais pas; en tout cas, à ma connaissance, non.

Le seul biais qu'il a pu y avoir dans cette réflexion large, c'est le fait que, l'an dernier, il s'est fait des montages financiers avec Emploi-Québec, où des projets Fonds de lutte ont été pairés avec des subventions salariales, les bons d'emploi d'Emploi-Québec, et on sait qu'Emploi-Québec, à juste titre à mon avis, priorise des gens qui sont à risque de chômage prolongé. Et qui sont ces gens à risque de chômage prolongé, selon les indicateurs dont nous disposons? Essentiellement, des jeunes et des femmes chefs de familles monoparentales.

Et là certains groupes communautaires nous ont dit: Vous renormez là où vous aviez dénormé. Ça a suscité d'ailleurs toute une discussion, la question des montages financiers. Parce qu'il y avait de l'argent du Fonds qui n'était pas normé. Ils ont dit: Vous faites des montages avec Emploi-Québec. Puis là des gens nous ont dit à un moment donné: Vous renormez où vous aviez dénormé parce que l'outil d'intervention d'Emploi-Québec, c'était le bon d'emploi, qu'on appelle, sur une période de 12 mois, puis le bon d'emploi n'est pas offert à n'importe qui.

Donc, dans certains cas, il y a eu des zones de tension entre l'administration puis les organismes communautaires quand venait le temps d'identifier la personne qui pourrait participer aux projets. Ça a été un des premiers enjeux qui ont été portés à mon attention lorsque j'ai été nommé ministre. Et j'ai décidé de régler cette question le 9 février, lorsque j'ai rencontré tous les membres de comités d'approbation de projets. On avait mis bien en évidence cette problématique. Je croyais d'ailleurs qu'au moment où la députée de Bonaventure m'avait posé une question à l'Assemblée nationale c'est à cette problématique qu'elle faisait référence lorsqu'elle parlait de la situation des femmes dans son milieu qui n'étaient pas nécessairement admissibles au financement du projet de Fonds de lutte.

Et la directive qu'on a donnée sur les montages financiers, j'ai clairement indiqué qu'il ne fallait pas, et je cite le texte: «...conditionner l'acceptation du projet au respect des normes d'un programme régulier d'un ministère. Si le projet correspond aux objectifs du Fonds, il faut l'accepter, quitte à le financer entièrement par le Fonds. Toutefois, il est nécessaire d'assurer une application flexible des mesures actives dans la mesure de subventions salariales pour faciliter l'accès des personnes aux projets et d'en simplifier la gestion.»

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Je vais reposer ma question pour une troisième fois, au risque de bien me faire comprendre. Bien, effectivement je dois vous dire que le fait que les programmes ne sont plus normés, j'ai rencontré le directeur régional d'Emploi-Québec pour la Gaspésie–Les Îles et je l'ai félicité de cette initiative-là. Lorsqu'on parle de dénormer des programmes, je dois vous dire qu'en Gaspésie c'est accueilli très favorablement.

Cependant, ce que je souhaiterais entendre de vous, comme ministre responsable d'un dossier comme la solidarité sociale: Quelle est votre vision des choses lorsqu'on voit effectivement que nos forces vives au Québec, sur l'ensemble des clientèles qui sont visées par le programme, se retrouvent presque en majorité? Vous, comme ministre de la Solidarité sociale – et là je ne veux pas qu'on me serve des statistiques ou des programmes où on a dénormé, on a modulé – vous, comme ministre, quelle est votre vision des choses par rapport à une situation qui, moi, personnellement, comme députée, m'inquiète? Et je crois que, là, comme société, on a un problème effectivement, et ça nous interpelle et ça nous pose, je vous dirais, un véritable défi pour permettre à ces gens-là, à ces clientèles-là d'avoir des emplois structurants et à long terme. Alors, je souhaiterais vous entendre là-dessus: votre vision à vous comme ministre.

(16 h 20)

M. Boisclair: La question est la suivante: Est-ce qu'on doit se réjouir de voir que des mesures de participation servent davantage à des gens qui sont à risque de chômage prolongé? Moi, je m'en réjouis. Est-ce qu'il faut voir le fait que davantage de jeunes ont participé à ces mesures, est-ce qu'il faut voir cette situation-là comme témoignant du fait que la situation des jeunes est pire ou moins pire que d'autres? Non. Il faut tout simplement voir que les organismes qui ont fait de l'embauche... les gens qui ont voulu participer à des projets de formation et des projets d'insertion, essentiellement ce sont des jeunes qui l'ont fait.

Dans les projets de formation et les projets d'insertion, on comprend que ces mesures ne conviennent pas toujours à des personnes qui sont plus âgées. Il faut convenir que des mesures de formation puis d'insertion ne conviennent pas à des personnes plus âgées. Donc, de voir que ce sont des jeunes qui, à majorité, participent à des projets de formation puis à des projets d'insertion, ce n'est pas surprenant.

Quant aux projets de création d'emplois, on s'aperçoit que, là, les données sont plus nuancées. On ne voit pas les mêmes résultats qu'au niveau de la formation puis des projets d'insertion. On remarque, par exemple, qu'il y a 15 % chez les 35-39 ans et 14 % pour les 30-34 ans. Encore là, la même question se pose. Quand les gens font le choix d'embaucher des gens, qu'ils aient eu, eux-mêmes, le réflexe, dans leur processus d'embauche, pourrait-on croire, de prioriser des jeunes, bien, moi, je ne suis pas nécessairement mal à l'aise avec ça.

Donc, je pense que le point de départ de la réflexion de la députée où elle me dit: Est-ce que ça vous inquiète de voir que ce sont davantage des jeunes qui sont là? bien, moi, je pense qu'il faut voir les choses à l'envers et plutôt dire qu'il faut se réjouir que ces mesures aient servi à donner un coup de pouce à des jeunes. Et ce n'est pas parce qu'ils sont plus nombreux que d'autres catégories d'âges à participer aux mesures que leur situation est plus ou moins pire. Si on a des mesures qui servent à des gens, puis qu'on sait pertinemment qu'on n'a pas suffisamment de mesures pour tout le monde, puis qu'en bout de course on s'aperçoit que c'est ceux qui sont à risque de chômage prolongé qui en bénéficient, bien je pense qu'il faut s'en réjouir.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée La Pinière. Est-ce que vous avez terminé, madame?

Mme Normandeau: Non.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je m'excuse. Mme la députée de Bonaventure.


Projets dans la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine (suite)

Mme Normandeau: Merci. Alors, simplement une précision, m'assurer que vous avez bien répondu à la question au niveau du 60 000 000 $ qui est accordé pour des projets pour plusieurs régions: Est-ce qu'on a donné une indication pour la Gaspésie sur le 60 000 000 $? Combien de projets sont allés pour la Gaspésie sur le 60 000 000 $?

M. Boisclair: Oui, c'est ce que je vous indiquais tout à l'heure, Mme la députée. Pour les projets régionaux financés par l'enveloppe nationale, il y a cinq projets pour 2 100 000 $ à ce jour; et il y a aussi des interventions en forêts: 3 projets pour 3 400 000 $. Donc, à ce jour, en plus des budgets régionaux alloués par le processus de répartition dont on discutait tout à l'heure, il faut rajouter quelque 4 500 000 $, 2 100 000 $, ça fait 6 600 000 $ pour huit projets de plus. À peu près. J'ai le tableau. Tout à l'heure, je pourrai...

Mme Normandeau: Oui, peut-être déposer.

M. Boisclair: ...partager avec la députée.

Mme Normandeau: D'accord.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Tout à l'heure, ma collègue, dans ses remarques préliminaires, faisait référence à la participation des organismes communautaires à cette mesure-là. Je dois vous dire qu'elle saluait le travail des organismes communautaires. Je partage totalement son avis et je pense que sans les organismes communautaires le succès de cette mesure-là aurait été grandement hypothéqué. Cependant, les organismes communautaires ont contribué, mais également les municipalités au Québec ont pu bénéficier de la mesure et ont permis donc d'assurer un succès à ce qu'on appelle le Fonds de lutte contre la pauvreté.

Cependant, les organismes communautaires et les municipalités en Gaspésie ont été unanimes pour dénoncer la lenteur avec laquelle les projets étaient analysés. Pour la région de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, vous savez que c'est une immense région sur le plan du territoire, on avait seulement une personne qui avait ses bureaux à Emploi-Québec pour analyser l'ensemble des dossiers. Alors, en moyenne, on avait un traitement qui durait à peu près trois mois. Souvent, le traitement dans l'analyse du dossier se prolongeait. Et, à l'heure où on se parle, cette pauvre dame, qui est prise avec des piles et des piles de dossiers, analyse les dossiers qui datent du mois de décembre. Alors, vous comprendrez le désarroi de certaines municipalités, de certains organismes communautaires devant une lenteur comme celle-là. Là, la mesure a été transférée au centre local d'emploi, et on nous assure que le délai d'analyse devrait être d'environ quatre semaines. Compte tenu du cours historique qu'on a vécu, je souhaite qu'on puisse effectivement arriver dans les délais.


Contribution des municipalités pour l'achat de matériaux

Dans ma tournée de municipalités que j'ai faite il y a quelques semaines, plusieurs municipalités se sont montrées, comment dire, très déçues de voir que la portion qui était allouée dans le passé à l'achat de matériaux versus la main-d'oeuvre avait diminué de façon importante. Il y a une règle qui a été établie qui n'est pas nécessairement évidente, pour l'ensemble des municipalités, à comprendre. Et je dois vous dire que, pour plusieurs municipalités – j'ai deux cas ici, je prends Saint-Godefroi notamment et Paspébiac – qui ont des projets majeurs, des projets structurants sur le plan de leur économie locale, ils sont grandement hypothéqués justement parce que ce ratio-là a été modifié dans le temps, et cette modification-là date de septembre 1998.

Dans le passé, le pourcentage qui était alloué aux matériaux – je vais tenter d'être simple parce que ce n'est pas évident à expliquer – était établi sur le total du projet. Donc, c'était le Fonds de lutte, en fait, contre la pauvreté, cette mesure-là qui assumait, je dois dire, à 100 % les coûts de matériaux. On peut voir ça comme ça. Cependant, depuis septembre 1998, le Fonds est financé en partenariat avec Emploi-Québec par ses mesures actives, ce qui fait en sorte que le pourcentage qui est alloué aux matériaux, bon, je pense à 15 % ou 20 %, n'est pas fait en fonction du financement total mais en fonction de la participation du Fonds de lutte. Donc, ça a pour effet de diminuer grandement le pourcentage qui est alloué aux matériaux et ça hypothèque donc du même coup les projets structurants pour des économies, je dois vous dire, qui en ont grandement besoin en Gaspésie.

Alors, j'aimerais ça peut-être entendre le ministre parce qu'on se plaît à dire que le Fonds de lutte effectivement connaît beaucoup de succès. Cependant, comme il y a toujours deux côtés de médaille, on a le côté moins resplendissant du succès de cette mesure-là, et je souhaiterais qu'on puisse rassurer l'ensemble des municipalités et moi, comme députée, les rassurer suite à la réponse qu'on va me fournir, soit le ministre ou le sous-ministre.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Je comprends qu'il s'agit d'une vraie problématique que soulève la députée. Je laisserais peut-être le soin au niveau plus technique à M. Boudreau de regarder cette question. Je ne suis pas, moi-même, familier avec la problématique que soulève la députée. On l'a déjà portée à mon attention lorsque j'ai rencontré des membres de comité aviseur, mais je ne pourrais vous en parler de façon intelligente. Alors, M. Boudreau pourrait compléter.

Mais ce que j'aimerais savoir aussi, c'est que j'attends une contribution de la députée de Bonaventure quant à ses recommandations pour la suite du Fonds de lutte. On voit qu'il y a un débat en ce moment dans notre société. On voit que le Conseil du patronat a dit que ce n'est pas une bonne chose. On voit une opposition libérale qui nous répète que le fardeau fiscal est trop élevé, qu'il faut procéder à des diminutions d'impôts, que ce n'est pas la bonne façon de créer de l'emploi. J'apprécierais simplement que, dans un contexte où on a une réflexion collective à faire, où il y a un Sommet auquel, à l'époque, l'opposition avait contribué en partie, je pense, de mémoire, par sa présence, j'aimerais bien que l'opposition, sans qu'elle ait à me donner une réponse immédiate, entreprenne elle aussi un processus de réflexion au sortir de cette analyse du rapport annuel, sur les suites du Fonds de lutte et puisse arriver dans un avenir de temps plus ou moins rapproché avec des recommandations pour la suite des choses.

Quant à la question technique des frais en matériaux...

M. Boudreau (Yvon): Bon. C'est une question qui s'est posée un peu partout au Québec. Dans le fond, les orientations étaient assez claires. Étant donné la clientèle visée par le Fonds, il fallait que le maximum d'argent disponible aille aux personnes économiquement démunies et qu'on limite au strict minimum l'argent qu'on pouvait investir dans l'administration, dans l'équipement et dans l'achat de matériaux. Alors, c'est une consigne qui a été suivie un peu partout au Québec et qui n'est pas spécifique à la Gaspésie.

(16 h 30)

Dans le cas de la Gaspésie, il y a un contexte un peu particulier qui était la remise à flot, en quelque sorte, l'an dernier, du fameux programme de création d'emplois municipaux, un programme qui durait depuis quelques années et puis pour lequel, l'an dernier, il n'y avait pas d'argent de disponible.

Alors, ce qui a été fait, c'est un montage de différentes sources de financement, trois principalement: les mesures actives d'Emploi-Québec, de l'argent qui venait du ministère des Régions et du Fonds de lutte contre la pauvreté, et il y avait un quatrième joueur qui était les municipalités elles-mêmes. Alors, ce qu'on a dit, étant donné l'orientation générale de dire qu'il fallait que les argents tant des mesures actives d'Emploi-Québec que du Fonds de lutte servent à la main-d'oeuvre, aux travailleurs et travailleuses, on a demandé aux municipalités que leurs contributions soient drainées principalement, lorsque c'était requis, à l'achat de matériaux, de sorte que les argents de nos fonds et de ceux d'Emploi-Québec servent principalement à la main-d'oeuvre.

Alors, je sais que des efforts sont faits actuellement par la Direction régionale de la Gaspésie pour reconstituer de nouveau ce fonds-là et la même question se pose. Mais on aura de la difficulté, compte tenu de notre mission, à faire en sorte qu'une partie un peu significative de l'intervention soit drainée vers de l'achat de matériaux. Tout en sachant que, évidemment, quand on travaille à faire une piste cyclable, par exemple, comme c'est le cas dans certaine municipalité de chez vous, bien évidemment ça prend un peu d'équipement et de matériaux. On en est conscient. Mais on pense que c'est plus la contribution de la municipalité, même si effectivement ça peut leur poser des difficultés.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Ce qu'on entend souvent de la part du gouvernement péquiste, c'est un gouvernement qui se dit très, très près des régions, on a à coeur le développement local et régional. Cependant, je pense qu'on a ici un exemple très patent de ce manque d'intérêt là. Écoutez, je vous interpelle sur une question très terre-à-terre. M. le sous-ministre, vous nous souligniez tout à l'heure qu'on est conscient des problèmes que ça peut engendrer pour les municipalités, effectivement, de participer financièrement pour l'achat de matériaux.

Sauf que le problème, c'est que... Je vous soulignais tout à l'heure que plusieurs municipalités voient leurs projets compromis. Et ce n'est pas compliqué, si ce pourcentage-là des matériaux, si cette règle-là n'est pas modifiée, les municipalités concernées qui ne peuvent pas effectivement investir pour les matériaux ne voient carrément pas un programme ou un projet se concrétiser. Donc, on n'en créé pas d'emplois, en bout de ligne.

Alors, j'aimerais peut-être entendre le ministre, qui a vraiment esquivé, dans le fond, ma question. Je vais partir d'ici aujourd'hui en tentant de rassurer les municipalités qui sont concernées. Il y en a plusieurs dans le comté de Bonaventure, mais je suis heureuse d'entendre le sous-ministre affirmer effectivement qu'elles sont nombreuses partout au Québec.

Qu'est-ce que le ministre, à court terme, peut... Comment peut-il rassurer les municipalités? Qu'est-ce qu'on peut leur annoncer par rapport à cette mesure-là? Parce que les municipalités sont confrontées à cette problématique-là, s'adressent à Emploi-Québec, et Emploi-Québec a les deux mains liées. On n'est pas en mesure de répondre parce que cette décision, qui en une ministérielle, les empêche justement d'avoir toute la souplesse nécessaire pour répondre positivement et favorablement aux problèmes auxquels sont confrontées les municipalités. Alors, qu'est-ce qu'on peut leur répondre à très court terme? L'été s'en vient. Les projets de création d'emplois vont être présentés. Alors, qu'est-ce qu'on peut leur dire à ces municipalités-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Bon. Regardez. C'est une question que je vais regarder attentivement, puis je m'engage à répondre par écrit à la députée...

Mme Normandeau: Bien.

M. Boisclair: ...je l'espère, peut-être d'ici la fin de la semaine. Mais ça, disons que c'est un objectif que je me donne. Mais je ne voudrais pas avoir l'air caricatural, mais le Fonds de lutte ne sert pas à acheter du gravier, là.

Mme Normandeau: Oui, mais...

M. Boisclair: Je comprends que c'est une caricature, ce que je dis là, mais il y a une espèce d'équilibre aussi à rechercher. Et ce que je vous dis, c'est que la compréhension des choses – et c'est ce que je comprends aussi des propos de M. Boudreau – c'est que le fait qu'il y ait des montages financiers avec les subventions salariales est venu, dans les faits, dans certains cas, ajouter des contraintes. Ce que je dis, c'est qu'aujourd'hui, en tout temps, s'il y a un bon projet, il peut être financé à 100 % par le Fonds de lutte, qui n'a pas nécessairement les mêmes contraintes au niveau des frais d'administration puis des frais afférents au projet. Donc, je vais regarder attentivement cette question-là. J'entends très bien ce que la députée m'explique et je pense que, s'il y a lieu de faire preuve de davantage de souplesse dans l'administration de ces mesures et si c'est justifié, le gouvernement est tout à fait disposé à regarder cette question attentivement.

Maintenant, je ne suis pas en mesure aujourd'hui de me prononcer sur la justification de la demande. Mais j'entends bien les arguments de la députée et, s'il y a un vrai problème, on va apporter une vraie solution.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Est-ce que vous avez d'autres questions, Mme la députée? Oui.

Mme Normandeau: Oui. Merci, Mme la Présidente. Effectivement, il y a un vrai problème, mais ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'ensemble des municipalités qui sont concernées qui ont des problèmes depuis qu'on a apporté la modification au niveau de cette mesure.


Projets dans la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine (suite)

Je souhaiterais poser une question au ministre, à la page 24 du document, sur les projets qui ont été acceptés par le Fonds de lutte contre la pauvreté. Donc, il y a une répartition par région qui est faite ici, et je dois vous dire que j'ai fait quelques petits calculs à la lumière des informations qui sont apportées. Pour la Gaspésie et les Îles, si on prend le montant qui est accordé par rapport à la création d'emplois...

Donc, on nous dit: Un peu plus de 2 800 000 $ qui a été investi en Gaspésie qui a permis de créer 404 emplois. Si on fait le ratio, on se rend compte donc que chaque emploi a coûté, si on peut dire comme ça, 6 945 $, alors que, pour la région de l'île de Montréal, si on établit le même ratio, on parle de 26 642 $. Si on parle du Bas-Saint-Laurent, on parle de 20 670 $.

Donc, on se rend compte que la Gaspésie, par rapport au montant qui a été accordé versus la création d'emplois... Là, je me pose une question: On est en déficit par rapport aux autres régions. Et je me dis: On a créé un nombre d'emplois quand même assez important versus ce qu'on a accordé par rapport aux autres régions du Québec. Si je fais le même calcul en fonction des projets versus le montant qui est accordé, on se rend compte qu'on est effectivement en déficit. Alors, j'aimerais peut-être avoir un peu plus d'explications de la part du ministre. On a créé 404 emplois pour 2 800 000 $, alors que, dans d'autres régions, le montant investi a été beaucoup plus important par rapport au ratio de création d'emplois.

M. Boisclair: Je voudrais juste corriger une interprétation de la députée. Vous dites: On a créé 404 emplois pour 2 800 000 $. Ce n'est pas ça. On a accordé 2 800 000 $ pour 514 projets dont 404 projets de création d'emplois.

Mme Normandeau: Je vous parle de la création d'emplois, M. le ministre, et je me réfère aux chiffres qui sont dans le tableau. Là, je vous parle de la création d'emplois puis tantôt je vous parlerai de la formation et de l'insertion, stages et autres.

M. Boisclair: Mais le...

Mme Normandeau: Mais je vous parle de la création d'emplois. Donc, à ce moment-là, faites-nous la démonstration. Si, sur 2 806 000 $, c'est pour 514 projets, donc, en termes de ratio pour 404 emplois, on en a créé combien, on a investi combien? Mais la règle, de toute façon, peu importe que le budget soit diminué, je pense que la Gaspésie est en déficit par rapport à toutes les autres régions du Québec et j'aimerais simplement qu'on m'éclaire un peu plus là-dessus.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Écoutez, je pense que la députée de Bonaventure est la seule à penser que la région de la Gaspésie est en déficit. Tout le monde, de notre point de vue, est à penser que la Gaspésie est la région qui a le plus profité du Fonds de lutte.

Mme Normandeau: M. le ministre, faites-moi la démonstration qu'effectivement...

M. Boisclair: J'ai le droit de parole, Mme la Présidente? Vous m'avez accordé le droit de parole?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, vous avez la parole, M. le ministre.

M. Boisclair: Merci. Alors, la Gaspésie, les Îles-de-la-Madeleine est la région qui a le plus bénéficié du Fonds de lutte au Québec, pour un total de 9 300 000 $, 95 projets, 1 500 places. Alors, je pense qu'il faut tout de suite nuancer les propos de la députée de Bonaventure. Et je comprends que, dans son commentaire, la députée vient de s'amender, mais elle avait bien dit tout à l'heure qu'il y avait 404 projets de création d'emplois pour un montant total de 2 800 000 $. Je l'ai reprise et j'ai dit: Non, c'est 514 postes qui sont tant de la création d'emplois, de la formation et des insertions pour 2 800 000 $.

Maintenant, il est clair que, quant aux emplois qui ont pu être soutenus par les projets du Fonds de lutte, il y a, dans bien des cas, des projets qui sont pour des emplois saisonniers. Donc, on peut voir qu'il y a sans doute un coût de l'emploi qui est moindre que peut-être ailleurs au Québec parce que, effectivement, l'emploi saisonnier créé coûte moins cher que l'emploi qui peut être créé ailleurs sur une autre période de temps.

(16 h 40)

Je voudrais cependant vous indiquer que ce n'est pas le gouvernement qui a décidé de retenir un projet plutôt qu'un autre. On a fait appel aux gens du milieu, et c'est sur la base des projets qui ont été présentés par les gens des milieux que l'argent a été accordé. Et je vous rappelle que c'est en fonction de ces projets et non pas en fonction d'une volonté gouvernementale, si ce n'est une volonté clairement affirmée pour les emplois forestiers. Le reste, c'est tributaire de la volonté des développeurs de la région.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. Écoutez, je comprends que le ministre veuille justifier son rapport d'activité concernant le Fonds de lutte, puis on est ici pour comprendre, on est ici pour comprendre les données qui sont contenues dans le rapport. Si demain matin je pars avec mon rapport en dessous du bras puis je donne ça aux municipalités, chez nous, aux organismes communautaires, on regarde tout ça, effectivement, il me semble y avoir un problème. Je regarde seulement la région de Québec. Écoutez, sur un total de 435 projets, on a 9 447 000 $ d'investis; si on regarde la Gaspésie, pour 514 projets, écoutez, c'est 2 806 000 $ investis. Alors, je veux simplement comprendre, et loin de moi l'idée de m'amender. Écoutez, ce que je cherche à comprendre, c'est la situation. Alors, qu'on m'éclaire. Ce n'est pas plus compliqué que ça, ma question.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Bien, la réponse est très simple, c'est fonction des projets qui ont été déposés dans la région. D'abord, il y a un budget global qui a été établi sur la base des indicateurs dont on a discuté tout à l'heure et, à ce jour, il y a 2 600 000 $ qui ont été dépensés et je présume qu'il y a aussi un potentiel dans la région. Le budget de la région, c'est combien, dans la région, qui n'a pas été dépensé? Qu'est-ce qui reste à dépenser dans la région? Je vais vous donner ce qui reste à dépenser. Donc, d'abord, il faut regarder l'enveloppe. Maintenant, ce que les gens du milieu ont décidé d'en faire, ça leur appartient puis c'est en fonction de leurs priorités.

On m'indique... Là, les chiffres que je vais vous donner sont sans doute ceux qui sont les plus à jour. Mais, au 12 mai, c'est la date qui... Ah! le solde pour cette année – regardez bien ça, Mme la députée – il est négatif? En Gaspésie et les Îles, ma compréhension, c'est qu'en plus de ça on a permis qu'il y ait un dépassement des budgets qui avaient été autorisés parce que les budgets, depuis le début du Fonds de lutte, écoutez bien ça, étaient de 4 900 000 $ – ça, ça ne tient pas compte des projets régionaux et nationaux – puis il y a 6 170 000 $. La région, on a permis un dépassement de 2 000 000 $ par rapport au budget qui avait été initialement prévu.

Alors, que la députée reparte tout à fait rassurée. Non seulement on a tenu compte des indicateurs de pauvreté, en plus de ça, par-dessus le budget initial de 4 000 000 $ pour la région, on en a dépensé 6 170 000 $ à date dans les engagements systèmes. Ce qui fait qu'il y a un dépassement de 2 000 000 $ plus les enveloppes qui ont été dépassées par les projets nationaux. La députée peut être très fière de la qualité de son travail et de celui des gens qui sont dans son milieu. Il n'y a pas du tout aucune inquiétude à y avoir.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, Mme la Présidente. En terminant sur cette question-là, on nous souligne, à la note 1 après le tableau, que 122 projets ont été reconduits pour un montant de 4 690 000 $. Donc, est-ce qu'on doit comprendre que ce 4 600 000 $ là s'ajoute au 2 000 000 $ qui apparaît dans le tableau? Est-ce qu'on doit également ajouter le 6 000 000 $ auquel a fait référence le ministre tout à l'heure par rapport à l'enveloppe pour les projets nationaux destinés pour les régions? Alors, j'aimerais simplement comprendre. Là, on est rendu à combien de millions, avec tout ça? C'est le tableau, là. Écoutez, c'est parce que c'est le tableau qui ne me semble pas très clair. Tout ce que le ministre nous dit, je comprends, mais ce n'est pas inscrit dans le rapport.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Bon. Alors, écoutez, la situation est la suivante. Il y a d'abord eu un budget initial. Si on regarde au-delà de ce que vous voyez au tableau 4, les budgets qui étaient prévus pour la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine jusqu'au 31 mars 2000 étaient de 4 900 000 $. Nous avons, en date du 12 mai, des engagements pour plus de 6 000 000 $, exactement 6 170 000 $. Et, lorsqu'on regarde le solde qui est à dépenser, bien on s'aperçoit qu'on est déficitaires de 2 080 000 $ parce qu'on a dépensé davantage que le budget. Puis ce n'est pas un déficit qui va nous amener à faire des ponctions ou quoi que ce soit. On a dépensé plus que ce qui était prévu et on l'a financé en partie par l'enveloppe nationale. Alors, c'est le portrait bien clair, le plus à jour que j'ai. Parce que le tableau que vous avez, Mme la députée, est en date du 19 mars...

Mme Normandeau: Bien. Oui.

M. Boisclair: ...et je vous en apporte un, qui est le dernier qui a été fait par l'administration, qui est en date du 12 mai, qui est le plus récent.

Mme Normandeau: Bien.

M. Boisclair: Et je pense que, si vous voulez véritablement voir le portrait le plus à jour, c'est celui que je viens de vous présenter.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Est-ce que vous pouvez le produire, M. le ministre? Est-ce qu'on peut remettre ce document...

M. Boisclair: Oui, oui, tout à fait.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...à l'ensemble des membres?

Mme Normandeau: Effectivement, c'est ce que je trouve désolant. C'est qu'on se questionne sur des chiffres qui ne sont pas actualisés, alors...

M. Boisclair: Bien, le rapport va en mars 1999, Mme la députée.

Mme Normandeau: Oui, mais écoutez. Là, vous nous apportez d'autres données et vous dites que mon jugement est biaisé. Bien, je regrette, mais, moi, je me questionne sur des données qui sont ici. Alors, en terminant, une simple remarque...

M. Boisclair: C'est parce que vous avez rencontré le directeur, qui a sans doute dû vous expliquer tout ça dans la tournée que vous avez faite dans vos milieux.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la parole est à la députée de Bonaventure.

M. Boisclair: Et toutes les annonces de projets Fonds de lutte, vous recevez une copie aussi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre, vous...


Aménagement sylvicole

Mme Normandeau: Oui, tout à fait, et je vous en remercie. Alors, Mme la Présidente, vive l'arrogance! Je suis en terminant sur l'aménagement sylvicole. L'aménagement sylvicole, le ministre tout à l'heure a souligné que la Gaspésie recevait des montants importants, et effectivement l'ensemble des coopératives des travailleurs forestiers en sont bien heureux.

J'aimerais simplement apporter un commentaire sur le retard cette année auquel sont confrontées l'ensemble des coopératives, en Gaspésie, des travailleurs forestiers; je l'ai dénoncé à plusieurs reprises, mais il semblerait qu'on tarde encore à annoncer la mesure pour les travailleurs forestiers.

Simplement, M. le ministre, pour vous illustrer qu'un retard comme celui-là en ce moment a des retombées très concrètes dans la réalité. Les travailleurs sont en retard d'un mois sur le terrain, les techniciens forestiers ont déjà du retard pour cinq semaines. Écoutez, nos travailleurs risquent de se ramasser les deux pieds dans la neige, excusez l'expression, avec leur débroussailleuse parce que le gouvernement n'a pas réussi à se brancher à temps. C'est les travailleurs, en bout de ligne, qui devront assumer, d'une façon ou d'une autre, les conséquences d'un retard comme celui-là.

Et j'espère que le projet qui est destiné aux travailleurs sylvicoles, à REXFOR, sera reconduit dans sa totalité par rapport aux enveloppes qui étaient disponibles l'an dernier. Mais simplement pour vous illustrer qu'on peut bien... On va sûrement être heureux d'annoncer la mesure, mais, écoutez, arrêtez de tergiverser puis annoncez-la le plus rapidement possible parce que ça crie partout chez nous, en Gaspésie, dans le Bas-Saint-Laurent. Et ce que je vous dis, c'est réel. Alors, là-dessus, j'espère qu'on va obtenir votre collaboration dans ce sens-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Écoutez, je lis les mêmes journaux que la députée, et le député de Gaspé, à plusieurs reprises, ainsi que la députée de Rimouski m'ont interpellé sur cette question. Je dois cependant vous dire qu'il est impossible de croire que, dans un contexte où nous sommes en désinvestissement, au Fonds de lutte, la contribution du Fonds de lutte, qui était l'an dernier de 12 000 000 $, pourra être maintenue. Ça, c'est limpide, c'est clair comme de l'eau de roche. Et, du côté du Fonds de lutte, on va certainement diminuer notre contribution – elle ne sera pas,, pour l'année qui vient, de 12 000 000 $ – et il y aura cependant d'autres mécanismes pour compenser cette situation du Fonds de lutte, puisqu'on ne peut pas, à chaque année, compter sur le Fonds de lutte, qui est temporaire, pour faire progresser le dossier des travailleurs sylvicoles, que la ministre défend avec passion.

Donc, j'entends très bien ce qu'elle me dit et vous avez entendu aussi la réponse de mon collègue de Lac-Saint-Jean. Et j'espère moi-même, ainsi que mon collègue, me rendre très bientôt dans votre région pour faire une annonce. Et je regrette si les délais dont parle la députée causent des inconforts, j'en ai moi-même entendu parler. C'est une situation que je regrette, mais parfois il y a... ça peut être aussi... Il n'y a personne qui fait ça volontairement, il n'y a personne qui aime ce genre de situation, comme celle que décrit la députée. Mais, si parfois il y a des délais, c'est parce qu'il y a des approbations aussi à aller chercher.

Et peut-être qu'en bout de course, même s'il y a des délais, ça vaut la peine parce que, en bout de course, le résultat pourra être un meilleur appui aux travailleurs de la région de la députée. Et je laisserai le soin à la députée d'évaluer l'annonce gouvernementale qui sera faite, mais je pense qu'elle en sera bien contente et que le temps que nous aurons pris à discuter avec nos autres collègues du Conseil des ministres aura, lui, porté fruit.


Financement des organismes communautaires

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, avant de céder la parole à la députée de La Pinière, vous me permettrez une intervention. Toujours suite à des vérifications dans mon milieu, on me dit que 80 % des groupes qui font des demandes auprès du Fonds de lutte à la pauvreté proviennent... ces demandes proviennent entre autres des groupes communautaires qui, en bonne majorité, sont sous-financés et se servent justement du Fonds ou veulent se servir du Fonds dans le but de se financer.

(16 h 50)

Et, bien sûr, étant donné que ce n'est pas normé, le programme n'est pas normé, et que chacune des régions peut décider de façon différente, puisqu'il y a autant de projets différents et autant de réponses différentes dans les régions, à ce moment-là bien sûr que, si demain matin il n'y a pas de reconduction du Fonds de lutte à la pauvreté, il va sûrement y avoir beaucoup de groupes communautaires qui vont avoir un problème de financement. Parce que, pour moi, le Fonds de lutte à la pauvreté...

Puis je l'ai vécu, même, lorsque je suis allée à un moment donné au CRD parce qu'on voulait avoir l'appui, justement, des groupes communautaires voulaient avoir l'appui du CRD pour aider au financement parce qu'ils devaient fermer leurs portes. Alors que, pour moi, dans mon esprit, le Fonds de lutte à la pauvreté, c'était toujours pour des projets structurants dans le but de créer de l'emploi et non pas de suppléer à un manque de financement avec des emplois temporaires ou encore, par exemple, pour apposer des diachylons.

Alors donc, je pense que c'est très important à ce niveau-là. Je pense qu'on devra à la toute fin vérifier si ça a été vraiment structurant au niveau de l'emploi. Et, à la question que posait tout à l'heure le ministre, à savoir: Quelle sera la position de l'opposition officielle? Moi, je serais portée à lui dire que, bien sûr, ça dépendra s'il s'agit de projets structurants ou encore de financement de groupes communautaires parce que c'est deux choses tout à fait différentes. Je pense que, si le gouvernement subventionne suffisamment les groupes communautaires pour qu'ils n'aient pas à suppléer à même ce Fonds pour la création d'emplois structurants... Je pense que c'est deux choses tout à fait différentes et je pense que la position sera aussi dépendante de cette position du gouvernement.

M. Boisclair: Mme la Présidente, je vous ai bien entendue dire que vous pensez que le gouvernement finance suffisamment les groupes communautaires?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): C'est ce qu'on me dit que... Ce que je dis, c'est que les groupes communautaires se servent de ce Fonds pour se financer parce qu'ils ont quand même de la difficulté à survivre actuellement.

M. Boisclair: En tout cas, je pense qu'il y aura des bonnes discussions à avoir entre vous parce que je suis convaincu qu'il y a des gens qui, dans votre équipe, prétendent le contraire, qu'on ne finance pas suffisamment les groupes communautaires.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je dis qu'ils sont sous-financés, là.

M. Boisclair: Je voudrais rappeler essentiellement quelles sont les balises qui avaient été fixées par le comité aviseur, et on indique, à la page 3... Ce document et les orientations sont disponibles. Je pense même qu'on y fait référence dans le document. Et je voudrais vous indiquer dans quelle perspective le comité aviseur a vu les choses.

D'abord, il disait bien: «Que les crédits soient destinés aux personnes pauvres aux fins d'insertion et de création d'emplois. Le Fonds de lutte contre la pauvreté peut avoir comme incidence de consolider les réseaux, les organismes qui travaillent auprès des clientèles défavorisées.» «Il peut avoir – c'est ce qui avait été retenu à l'époque – comme incidence de consolider les réseaux et les organismes qui travaillent auprès des clientèles défavorisées.» Donc, c'est sciemment que la situation que décrit la députée a pu se traduire dans la réalité.

Et je continue: «Toutefois, les interventions soutenues par le Fonds ont pour finalité d'intégrer les personnes au travail par la création d'emplois ou l'insertion en emploi à brève échéance, étant entendu que le Fonds ne sert pas à consolider les emplois existants ni à financer des frais réguliers de fonctionnement des organismes.» C'est sur cette base que nous avons pu tisser des liens tout à fait privilégiés avec les gens des milieux communautaires.

Maintenant, comment cette grande orientation s'est traduite dans la réalité? M. Boudreau a parlé des efforts d'évaluation qui seront faits pour voir comment ces balises ont été respectées et aussi comment le choix du gouvernement de travailler de façon la plus dénormée possible, où on avait un comité aviseur qui a fixé les grandes balises et où on a confié le soin à des partenaires régionaux et, dans certains cas, locaux d'identifier des projets et de les approuver, on va voir quel genre de résultats tout ça a donné.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée La Pinière.


Budget alloué à la région de la Montérégie

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Alors, moi aussi, je voudrais ramener le ministre à la page 15 pour lui parler de la région de la Montérégie. Je constate que le budget qui a été alloué à la Montérégie dans le cadre du Fonds de lutte contre la pauvreté par l'insertion au travail est de 7 000 000 $ en 1997-1998, 10 000 000 $ en 1998-1999 et 5 000 000 $ en 1999-2000, pour un total d'environ 22 000 000 $.

On sait que la Montérégie, c'est la deuxième région en importance au Québec au plan démographique, d'ailleurs une région en croissance démographique et qui malheureusement également voit la pauvreté croître dans des couches aussi bien rurales qu'urbaines. Et je regarde Montréal. Comparativement à la Montérégie, on passe, en 1997-1998, de 19 000 000 $ à 26 000 000 $ en 1998-1999, à 14 000 000 $ en 1999-2000. Alors, on sait que la population de Montréal est comparable bien que la pauvreté soit quand même plus élevée. Comment expliquer le fait que le budget de la Montérégie soit quand même assez pauvre comparativement à celui de Montréal?

M. Boisclair: Alors, d'abord, je vous...

Mme Houda-Pepin: Je suis à la page 15.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Oui. Dans les orientations et les balises retenues par le comité aviseur, il est clairement indiqué qu'il est essentiel de tenir compte du phénomène de la concentration de la pauvreté sur le territoire de Montréal. Et, à cette fin, une préoccupation particulière et des efforts importants doivent être consentis à l'insertion et à l'intégration à des emplois durables des personnes démunies de la région de Montréal. Cela étant dit, on doit aussi se préoccuper de l'équité entre les régions défavorisées.

Le résultat de tout ça, c'est qu'en Montérégie il y a 22 300 000 $ qui ont été budgétés, et, sur le territoire de l'île de Montréal, un budget de 59 086 000 $. Et je vais vous dire mon étonnement, Mme la députée, sachant la situation que vous décrivez. J'ai eu l'occasion de rencontrer de nombreux organismes communautaires de votre région tout récemment qui me faisaient part de certaines problématiques, entre autres au niveau de la sécurité alimentaire, et qui, à cette occasion, m'ont présenté quelques projets.

Mme Houda-Pepin: Tout à fait.

M. Boisclair: Et j'ai pu leur indiquer qu'en date du 12 mai, qui nous amène un peu plus près d'aujourd'hui par rapport au rapport que vous avez sous les yeux, il reste toujours une somme de 5 720 000 $ qui n'a pas été engagée. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des projets dans la machine qui ne s'en viennent pas, mais environ le quart des budgets de la Montérégie n'était pas engagé en date du 12 mai. Or, il peut peut-être y avoir un effet de délai de traitement, mais cet effet joue à la marge. Et j'ai invité les partenaires à faire en sorte de s'assurer que l'ensemble des budgets de la Montérégie qui étaient prévus soient utilisés parce que je conviens très bien avec vous que ça ne ferait pas de sens si une région comme la Montérégie ne dépensait pas les budgets qui sont mis à sa disposition, sachant les quelques problématiques assez criantes auxquelles fait référence la députée.

Mme Houda-Pepin: Mais le ministre comprendra qu'il y a eu des ratés justement dans l'implantation de toutes ces mesures. Moi-même, dans mon comté, pour avoir parlé à plusieurs groupes communautaires, j'ai dû leur expliquer l'existence de ce Fonds de lutte contre la pauvreté, rédiger des lettres d'appui pour qu'ils puissent s'en prévaloir. Donc, il y a un manque d'information qui est fait, mais il n'en demeure pas moins...

Là n'est pas la question. Moi, je reviens à la question de l'équité interrégionale. Si on reconnaît que la Montérégie est une région en croissance démographique... Je réfère le ministre au profil de la Montérégie qui a été fait par Emploi-Québec tout récemment sur la base des données du recensement de 1996. Il va constater, à la lecture des chiffres, que la pauvreté est en croissance, que la monoparentalité est en croissance, que les personnes âgées en situation de pauvreté également sont en croissance, et c'est valable aussi bien dans les régions urbaines de la Montérégie que dans les régions rurales.

Donc, le fait que l'information et la sensibilisation des organismes communautaires à l'existence de ce programme-là ne soient pas faites correctement ne justifie pas le fait que, au chapitre de l'équité interrégionale, il y a là un déficit énorme à combler.


Financement des organismes communautaires (suite)

Ceci étant dit, je compléterai en rappelant au ministre, comme il l'a dit lui-même, puisqu'il me dit qu'il a rencontré les groupes communautaires, que je les ai rencontrés également. Ils m'ont informée que les groupes communautaires crèvent de faim littéralement, que, dans bien des domaines, aussi bien dans le domaine de la santé, des services sociaux, de l'aide alimentaire, des soins à domicile, les groupes n'arrivent pas à joindre les deux bouts.

Et d'ailleurs, pas plus tard qu'hier, il y a eu une manifestation des groupes communautaires dans le comté de Verchères, à Varennes, face à une activité qui était organisée par le ministre des Finances et député de Verchères, pour lui rappeler justement cette réalité troublante.

(17 heures)

Alors, je voudrais inviter le ministre à regarder ces chiffres à la lumière de l'équité interrégionale et voir à ce que les correctifs soient apportés en temps et lieu sur ce point-là. Alors, si le ministre peut commenter, je suis prête à l'entendre.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.


Budget alloué à la région de la Montérégie (suite)

M. Boisclair: Regardez, Mme la députée, d'abord, quant à l'équité, le critère qui a été retenu, c'est le nombre de personnes à la sécurité du revenu qui sont aptes au travail. Donc, je comprends que, peut-être, la députée juge que cet indicateur n'est pas le plus performant et celui qui aurait dû être utilisé. C'est celui qui a été convenu par les membres du comité aviseur, et je pense que la région de la Montérégie, pas plus qu'aucune autre, n'a été ni avantagée ni défavorisée. Au total, ce sera environ un peu plus de 8 % du budget qui aura été accordé sur le territoire de la Montérégie.


Financement des organismes communautaires (suite)

Maintenant, quant à la situation du financement des organismes communautaires, je pense que nous aurons, dans d'autres forums, l'occasion d'en débattre. Très bientôt, je pense que le gouvernement va pouvoir convenir de sa politique de reconnaissance de l'action communautaire autonome, et la démonstration qui sera faite, c'est qu'au cours des cinq dernières années les budgets du milieu communautaire ont crû comme jamais ils n'ont augmenté dans les dernières années.

Je ne nie pas qu'il y ait des difficultés, je ne nie pas qu'il y ait des problèmes, mais je mets la députée en garde. Les données qu'elle utilise sont des données de 1996. Nous sommes aujourd'hui en 1999. Les données de recensement de 1996 sont celles que la députée utilise. Elles nous indiquent un certain nombre de choses, mais elle conviendra que les données de recensement, c'est une photo qui est prise à un moment donné.

Nous sommes aujourd'hui en 1999 et des grands indicateurs macroéconomiques, tant de la croissance du taux de chômage que de l'investissement privé et, par exemple, du nombre de personnes à l'aide sociale, nous indiquent une nette amélioration.

On ne peut pas, d'un côté, se réjouir de la diminution du taux de chômage, de la diminution de l'aide sociale, puis ne pas avoir, lorsqu'on parle des questions de pauvreté, l'obligation de parler d'autres... de nommer des vrais problèmes.

Puis ces vrais problèmes, c'est une question... il y a une question économique, bien sûr, mais il y a d'autres facteurs que des questions économiques, et je pense qu'il faudrait convenir de nuancer un peu le portrait, lorsque la députée nous dit que les organismes meurent de faim, a-t-elle dit.

Une voix: Crèvent de faim.

M. Boisclair: Crèvent de faim.

Mme Houda-Pepin: C'est eux qui l'utilisent, oui.

M. Boisclair: Il y a quand même 14 000 000 $ qui est arrivé du SACA; il y a 250 000 000 $ du Fonds de lutte; il y a des budgets de régies régionales qui ont sans doute... en tout cas, sur mon territoire, les budgets ont plus que doublé à cause de la réorganisation sur une période de trois ans. Je sais que ce n'est pas loin de la même chose aussi à Québec. Je ne sais pas exactement les tendances en Montérégie, mais elles doivent être à peu près les mêmes. Alors, à un moment donné, il faut regarder le chemin qui est fait pour bien identifier celui qui nous reste à parcourir.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Bien. Merci, Mme la Présidente. Alors, n'en déplaise au ministre, c'est le constat qui est fait par les groupes communautaires eux-mêmes. Donc, quand je dis que les organismes disent qu'ils crèvent de faim, ce n'est pas la députée de La Pinière qui parle. Ce sont les organismes communautaires eux-mêmes qui parlent.

Et, quand le ministre dit que les budgets des organismes communautaires ont crû globalement, il oublie de dire que la responsabilité de ces organismes communautaires aussi a crû énormément, parce que le gouvernement s'est désengagé d'un certain nombre de missions sociales qui font que les organismes communautaires se trouvent dans l'obligation de pallier les besoins de la communauté.

Et ça, il faut le mettre dans la balance pour voir pourquoi les groupes communautaires – encore une fois, c'est eux qui parlent – sont rendus à manifester devant les bureaux des ministres. Ils l'ont fait devant le bureau de la ministre responsable de la Montérégie, la députée de Taillon; ils l'ont fait dans Varennes, dans le comté du vice-premier ministre et ministre des Finances. Ce n'est pas pour rien.

Ces gens-là, ils ne sont pas fous, là. Ils ne manifestent pas pour rien. Ils ne sortent pas dans la rue parce qu'ils ont le plaisir de sortir. Ils sortent parce qu'ils sont aux prises avec des réalités. Ils sont sur la première ligne, la ligne de front. Ils connaissent les besoins. Ils sont en mesure de les traduire, et donc leurs réclamations sont fondées.

Chez nous, en Montérégie, les groupes communautaires oeuvrant seulement dans le domaine de la santé et des services sociaux, ils ont estimé à 2 000 000 $ les besoins qu'ils ont au niveau du financement. Alors, ça, c'est pour l'information du ministre.

Quant aux données, le ministre me dit: Elle utilise les données de 1996. C'est le dernier recensement que nous avons. J'ai cité les données du ministère d'Emploi-Québec. Mais, dans ce document d'Emploi-Québec, si le ministre en prend connaissance, ils nous disent que non seulement cette réalité est là, en Montérégie, mais que les tendances sont à la croissance. Donc, les chiffres qui sont là, c'est une indication, c'est vrai, mais c'est une indication d'une situation qui est loin de s'améliorer.


Évaluation du Fonds

Ceci étant dit, pour revenir à l'évaluation des programmes et des projets qui sont financés dans le cadre du Fonds de lutte contre la pauvreté, est-ce qu'il existe des outils pour évaluer les programmes en termes de gestion, en termes de résultats qui sont atteints? Est-ce que ces outils sont les mêmes pour toutes les régions du Québec ou est-ce que c'est chaque région qui développe ses propres outils? Comment s'évalue la performance, puisqu'on parle de création d'emplois, parce qu'on parle de résultats au niveau de la formation, insertion sur le marché du travail? Quels sont les outils dont disposent les gestionnaires pour évaluer l'efficacité et la performance de ces projets-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.


Financement des organismes communautaires (suite)

M. Boisclair: En tout cas, je pense que nous sommes, d'abord, nombreux à croire que les propos que nous entendons de la députée de La Pinière, nous, quelques-uns des députés du Parti québécois qui sommes à l'Assemblée nationale depuis un certain temps, aurions bien aimé entendre la députée de La Pinière parler, en 1989, en 1990, en 1991, alors que les initiatives qu'a prises l'administration précédente en faveur de l'action communautaire n'ont pas été très, très nombreuses.

Moi, je pense qu'on a fait en quatre ans ce que jamais aucun autre gouvernement n'a fait en termes de soutien à l'action communautaire, je pense, en milieu de l'éducation, de l'alphabétisation, avec les augmentations des budgets aux organismes volontaires d'éducation populaire, puis ce n'est pas en termes de financement triennal. J'ai moi-même réglé des choses au MRCI que jamais mes prédécesseurs n'avaient réglées au ministère de l'Immigration, en termes de reconnaissance de l'action communautaire, à la grande satisfaction des groupes, même chose dans le domaine de la santé.

Je ne nie pas qu'il y a des problèmes, je ne nie pas qu'il y a encore des choses à déblayer, je ne nie pas le fait qu'il nous faut déposer une politique de reconnaissance de l'action communautaire autonome, mais je pense que les gens qui nous font la leçon devraient un peu regarder eux-mêmes qu'est-ce qu'ils ont fait en termes de gestes et d'actions alors qu'ils avaient l'occasion de le faire.


Évaluation du Fonds (suite)

Quant à l'évaluation, je répondrais à la députée que, oui, c'est une évaluation nationale qui se fait. L'évaluation est confiée à une équipe du ministère de la Solidarité sociale qui le fait à ses frais, sans impliquer aucune somme au Fonds de lutte et qui a un mécanisme très rigoureux d'évaluation, qui est décrit d'ailleurs dans le rapport annuel qui est en cours. Et je ne pense pas me tromper en disant que la qualité de l'évaluation, le mécanisme d'évaluation, la volonté d'aller chercher le plus d'indicateurs de résultats possible, jamais un programme comme le Fonds de lutte n'aura été soumis à une analyse aussi rigoureuse. C'est ce que m'expliquaient les gens de l'équipe de M. Boudreau et peut-être que lui aussi pourrait confirmer qu'effectivement, en termes d'évaluation, rarement avons-nous vu un gouvernement prendre autant de temps et d'énergie pour développer des indicateurs et trouver des données pertinentes.

M. Boudreau (Yvon): Bon. Effectivement, j'ai expliqué plus tôt cet après-midi que c'est un processus d'évaluation qui porte sur une assez longue période et qui est fait en plusieurs étapes, de manière à ce qu'on obtienne le plus rapidement possible des informations qui permettent d'améliorer le Fonds ou les projets qui sont accueillis dans le Fonds, au fur et à mesure qu'on obtient des informations sur l'incidence de ces projets-là et sur les participants.

Alors, effectivement, ce qu'on essaie de mesurer, les questions auxquelles on essaie de répondre avec le plus de précision possible, c'est: Est-ce qu'on a rejoint les bonnes clientèles? Est-ce que le processus qu'on a suivi d'un programme qui est dénormé, d'une implication très, très étroite avec le communautaire, est-ce que ce sont des facteurs qui contribuent au succès des programmes? Est-ce que le taux d'intégration à l'emploi est valable? Est-ce que les gens sont satisfaits? etc. Donc, il y a un processus d'évaluation qui est, comme a dit le ministre, le produit à l'échelle nationale et qui s'échelonne sur plusieurs périodes et qui donne lieu à différents produits.

Certains des produits d'évaluation, certains des rapports d'évaluation ont d'ailleurs alimenté le rapport d'activité qui a été déposé à l'Assemblée nationale, et puis on continue, notamment sur l'intégration durable, à poursuivre nos études d'évaluation qui vont se faire en cours d'année.

(17 h 10)

Bien sûr, au jour le jour, il y a un suivi plus administratif. Et on sait quelle personne est référée... Donc, dans les systèmes du ministère, on est capable d'obtenir certaines informations. Mais, si on veut avoir l'impact net, notamment sur l'insertion durable en emploi, etc., là il faut aller au-delà des informations de gestion et prendre du recul, en quelque sorte, et faire un véritable travail d'évaluation.

On a la chance, au ministère de la Solidarité sociale, d'avoir une équipe d'évaluation de très haut calibre. Parce qu'elle était là avant que j'arrive, donc je le dis en toute modestie. J'estime que c'est l'une des meilleures et des plus professionnelles équipes d'évaluation qu'il y a au gouvernement du Québec. Et les évaluations que cette équipe-là conduit sont faites avec énormément de transparence et beaucoup de crédibilité.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de La Pinière.


Compressions budgétaires affectant les familles à faibles revenus

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Alors, je voudrais juste situer le ministre dans le contexte dans lequel il évolue dans ce gouvernement, puisque tantôt il a commencé à faire des attaques que je qualifierais de gratuites. Mais juste lui rappeler que son gouvernement, dans son premier mandat, a coupé 300 000 000 $ dans l'aide sociale, et nous sommes ici en train de parler des plus démunis.

Et, si la parole de la députée de La Pinière n'est pas assez objective à ses yeux, Mme la Présidente, permettez-moi de citer des textes qui ont été publiés dans des journaux. On lit, dans un éditorial de La Presse , en date du 28 novembre 1995 – et nous parlons ici de l'administration péquiste, Mme la Présidente – je cite au texte: «L'improvisation avec laquelle les membres du gouvernement péquiste ont annoncé les compressions à l'aide sociale semble indiquer que les assistés sociaux servent à nouveau de chair à canon sur le champ de bataille politique.»

Un autre éditorial, celui-là publié dans Le Devoir du 4 juin 1996, parlant de l'action du gouvernement péquiste à laquelle l'actuel ministre était directement associé, je cite au texte: «Malgré ses grands airs de social-démocrate – et ça s'applique très bien à notre ministre, qui est devant nous – et ses discours à l'avenant, le gouvernement Bouchard est désormais dangereusement proche de ceux qui font la lutte aux assistés sociaux plutôt qu'à la pauvreté elle-même.» Fin de citation.

Un dernier éditorial, Mme la Présidente, paru dans Le Devoir du 16 septembre 1996, en rapport avec l'administration du gouvernement péquiste, et je cite: «C'est plutôt l'addition de toutes ces compressions et son effet désastreux sur la vie quotidienne de familles bien réelles en chair, en os et en misère qui devient totalement intolérable.» Intolérable, Mme la Présidente. Alors, ça, c'est pour clore sur le débat concernant les constats qu'on peut faire sur la pauvreté et la responsabilité gouvernementale.


Évaluation du Fonds (suite)

Et je voudrais revenir à la question de l'évaluation. Le ministre nous a dit que les mécanismes d'évaluation sont, selon ses propres termes, très rigoureux, n'ont jamais été aussi rigoureux. On nous dit qu'il y a des mécanismes à tous les niveaux. Je veux bien le croire, mais est-ce qu'il existe une grille d'évaluation? Et sur quoi est-ce qu'on se base pour évaluer un projet pour savoir s'il a atteint les résultats et l'ensemble du Fonds lui-même? Et, s'il y a un document, est-ce qu'on peut le déposer? Ça pourrait nous être utile.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Il y a des études qui sont en cours à l'heure actuelle au ministère. M. Boudreau a expliqué quels sont les paramètres sur lesquels ces études se font. Et nous aviserons en temps et lieu.

Je pense que nous avons bien fait valoir qu'il s'agit là d'une... Le Fonds de lutte est une expérience qui est tout à fait novatrice et on fait de l'expérimentation. Et je pense que les critères d'évaluation sont des critères scientifiques et que je peux compter sur le professionnalisme des gens qui travaillent au ministère pour s'assurer de la rigueur à laquelle les parlementaires ont droit de s'attendre.

Maintenant, il y a aussi un processus d'acceptation de projets. Je ne sais pas, j'ai cru comprendre que la députée faisait aussi référence à cette question. Quant au processus d'acceptation de projets, il est essentiellement confié à un comité régional d'approbation auquel, d'une certaine façon, on a aussi permis le droit à l'erreur, hein. Comment est-ce que je pourrais vous dire?

Le fait de vouloir fonctionner sans norme ni balise, puis d'y aller dans cette grande expérience de gérer un programme décloisonné, on sait, parfois, on a vu quelques problèmes apparaître dans certaines régions, et on devra aussi tirer des conclusions. M. Boudreau posait des questions pertinentes: Est-ce que la proximité avec les gens des milieux communautaires a donné les résultats escomptés? Est-ce qu'au niveau du taux de placement sur une période moyen terme il est satisfaisant?

On a expérimenté quelque chose. On l'a fait avec l'appui de tous. Les premiers résultats que j'ai portés à l'attention des membres de la commission nous permettent, en tout cas, de façon générale, d'indiquer plus que notre satisfaction à l'endroit des résultats mesurés à ce jour, et, au fur et à mesure que les données nous seront communiquées, on verra à enrichir notre jugement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Est-ce que le ministre est en train de nous dire que, depuis que le Fonds de lutte existe, il n'y a pas eu d'évaluation, l'évaluation scientifique dont il nous parle? Il n'y a pas de document finalisé qui peut être déposé et dont on peut prendre connaissance?

M. Boisclair: Il y a un rapport annuel qui fait état des principales études qui ont été conduites, dont, entre autres, les taux de satisfaction, le profil de la clientèle, mais M. Boudreau, au début de la séance, a expliqué les raisons pour lesquelles il est difficile, à l'heure actuelle, d'avoir des données qui sont scientifiquement valables.

Je donne tout simplement comme preuve que les projets sont, en moyenne, sur une période d'un an. On a commencé à accepter des projets en juin 1997, ça nous mène à juin 1998, et, pour voir ce qu'il advient des personnes après juin 1998, ça prend un certain temps, plus le processus normal d'évaluation de cueillette de données, lui aussi, qui est en cours. Nous ne sommes pas, d'aucune façon, en retard sur un échéancier correct d'évaluation, mais toutes les données dont nous disposons sur l'évaluation de la pertinence du Fonds de lutte, vous les avez dans le document qui a été déposé à l'Assemblée nationale, entre autres sur le profil des clientèles, sur la satisfaction des personnes participantes, sur le type d'emplois dans lesquels les gens ont oeuvré. Déjà, les grandes conclusions de ce qu'on peut tirer comme informations utiles et scientifiquement valables sont communiquées dans le rapport déposé à l'Assemblée nationale.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Alors, sur la base de quoi est-ce qu'on a colligé ces données-là s'il n'y a pas de mécanisme d'évaluation et si on n'a pas un document d'évaluation en tant que tel?

M. Boisclair: Des données statistiques qui sont au système informatique, qui sont à ce jour, qui nous renseignent sur une grande partie des projets. Toutes ne sont pas encore inscrites dans notre système informatique. Mais essentiellement tout ce que vous avez vient des données de gestion du ministère de la Solidarité sociale, comme en fait foi, d'ailleurs, si ma mémoire est juste, la page 27 du document, où on nous indique, quant aux caractéristiques des personnes, que les données proviennent du fichier informatique du ministère de la Solidarité sociale.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Oui. Mais est-ce que le ministre nous confirme ou nous infirme qu'il existe un document d'évaluation du Fonds de lutte contre la pauvreté dans son ministère?

M. Boisclair: Il n'y a pas de document d'évaluation comme tel. Il y a des devis sur lesquels on fait de l'évaluation; il y a des critères sur lesquels on en fait. Il y a un processus d'évaluation qui est en cours pour répondre aux questions qui ont été soulevées, entre autres, ici, aujourd'hui, par la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, par la députée de Bonaventure et par l'ensemble de ceux qui ont contribué aussi au Fonds de lutte. Et je comprends aussi que, sur le mécanisme d'évaluation, les gens du comité aviseur sont informés des démarches, mais il n'y a pas de résultats comme tels qui pourraient nous permettre de statuer, entre autres, aujourd'hui, sur une donnée que nous avons bien hâte de voir, qui est le taux de rétention en emploi, parce que c'est des projets d'un an. M. Boudreau.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Boudreau.

(17 h 20)

M. Boudreau (Yvon): En bref, c'est une opération qui, sur cet aspect-là, est menée en deux étapes. Une première étape a été faite et un premier rapport, en quelque sorte, a été déposé en mars 1999. L'essentiel des données se trouve dans le rapport. Par exemple, le profil des personnes, leur âge, leur sexe, le type d'emploi qu'ils ont occupé, le salaire qu'ils ont eu, etc. Donc, ça, ce sont des premières données très concrètes, scientifiquement recueillies et que vous retrouvez, pour l'essentiel, dans le rapport.

Cet automne, on va poursuivre cette analyse-là et on va essayer de mesurer avec la plus grande clarté possible puis la plus grande transparence possible qu'est-ce qu'il advient notamment de ces gens-là après quelques mois qui suivent la fin de leur participation à un projet financé par le Fonds de lutte. Le grand défi qu'on a, c'est de faire en sorte que le maximum de personnes intègrent l'emploi durablement. Parce que la plupart des emplois qui sont subventionnés ici sont ce qu'on appelle des emplois tremplins, des emplois qui servent à acquérir une expérience qu'on va pouvoir faire valoir, de façon plus durable, sur le marché du travail.

Alors, là, ce qu'il faut mesurer, c'est l'effet net de l'intervention, en quelque sorte, de dire, après l'intervention, qu'est-ce que les personnes deviennent sur le marché du travail. Et ça, c'est donc une deuxième étape d'un processus d'évaluation qui se poursuit et qui, celui-là, va être entrepris à l'automne.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Donc, si je comprends bien, excepté les données qui sont colligées statistiquement à partir de votre base de données, le ministère, et le ministre, n'est pas en mesure de nous dire quel est l'impact réel de ce Fonds sur la création d'emplois durables.

Une voix: C'est ça.

Mme Houda-Pepin: Je parle d'emplois durables. Nous sommes dans la deuxième année d'opération du Fonds et on n'est pas en mesure de savoir à quoi ça a servi concrètement, ce Fonds-là, à part d'être, par exemple, un incitatif à l'entrée dans des projets, des projets de formation, des projets d'insertion, des projets d'emploi. Il y en a qui débouchent sur le marché du travail, mais on n'est pas en mesure d'avoir un pourcentage pour dire: Selon les données dont on dispose, on pense que 50 % des gens qui sont sur le marché du travail ont des chances de rester sur le marché du travail. On n'est pas capable de nous donner cette information au moment où on se parle.

M. Boisclair: Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Je veux être plus respectueux pour les parlementaires, mais la commission avait un mandat d'étudier le rapport, et cette question-là a été largement discutée avant que la députée se joigne à nous. Je peux recommencer, là, mais toute cette question... C'est la première question que la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne a posée tout à l'heure. Je vais recommencer, j'ai la parole.

Mme Houda-Pepin: Bien, je m'excuse, Mme la Présidente. Je voudrais rappeler au ministre que je suis ici depuis le début. Peut-être qu'il n'a pas les yeux partout...

M. Boisclair: Non...

Mme Houda-Pepin: ...mais j'étais assise ici au moment où ma collègue a commencé son intervention. J'ai entendu tout ce qui a été dit, et donc cela ne justifie pas la réponse que le ministre me donne. J'ai tout entendu.

M. Boisclair: Même réponse, Mme la Présidente, que celle que nous avons donnée.

Mme Houda-Pepin: À savoir?

M. Boisclair: La même réponse que j'ai donnée tout à l'heure, Mme la Présidente.

Mme Houda-Pepin: Est-ce que je comprends, Mme la Présidente, qu'il refuse de répondre?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Est-ce que vous voulez reformuler votre question, Mme la députée de La Pinière?

Mme Houda-Pepin: Mme la Présidente, j'ai commencé par questionner sur les mécanismes d'évaluation et je veux avoir une information la plus complète possible sur les résultats de ce Fonds de lutte en termes de création d'emplois durables. C'est légitime, c'est correct, comme question; le ministre ne peut pas se dérober.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Alors, pour la quatrième fois, Mme la Présidente – je prends à témoin mes collègues – je reprends la réponse. Le Fonds de lutte a commencé à porter ses fruits en juin 1997. C'est là où nous avons commencé à accepter des projets. Juin 1997, plus de 80 % – je ne pense pas me tromper en disant ça – des projets sont sur une période de plus d'un an. Ça nous amène en juin 1998 pour évaluer la présence d'un emploi, une présence durable sur un emploi – la durabilité, ce n'est pas sur un mois ou sur deux mois, ça va être sur une certaine période de temps. Et, sachant qu'il y a un processus d'évaluation qui est en cours, ces données seront bientôt disponibles et je ne veux pas commencer à donner des chiffres aux membres de la commission qui ne seraient pas des chiffres qui auraient été validés scientifiquement par les gens du ministère.

Les données qui sont des données validées scientifiquement sont celles qui se retrouvent dans le rapport que nous avons déposé à l'Assemblée nationale. Et, au fur et à mesure que nous avons les données, que nous procédons à un processus d'évaluation, nous pourrons le faire.

Je comprends aussi que, par ses questions, la députée trouverait tout à fait justifié que nous procédions à des échanges d'informations avec DRHC Canada pour avoir accès aux banques de données du fédéral sur la présence à l'assurance-chômage ou dans d'autres... Il y a aussi ça, qui est en cause, hein. Alors, il va falloir regarder cette question-là. Et...

Mme Loiselle: ...ce n'est pas nous autres.

M. Boisclair: Oui, bien, c'est tout le gouvernement, là, qu'il faut regarder. Parce que, pour pouvoir procéder à de l'évaluation...

Je tiens à dire ça aux parlementaires: Tout le débat qu'on a eu nous a amenés à regarder toutes nos pratiques dans chacun de nos ministères. Puis là, à chaque fois qu'un ministre voit le mot «sondage», vous voyez, là, on est tous pris dans une espèce de sentiment de panique. Je ne sais pas si c'est l'instinct de survie ou quoi, mais... Ha, ha, ha!

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Boisclair: Alors, là, on s'assure d'avoir, en tout cas, le plus d'avis possible des directions compétentes, des gens qui ont une expertise. Et ça vient, je dois vous dire, un peu compliquer les choses.

J'indique cependant que nous avons des données préliminaires sur un certain nombre de projets. Entre autres, le projet que la députée connaît bien – le CAMO immigrant – où des analyses nous indiquent des taux de rétention de plus de 80 %; le programme, aussi, de travailleurs sylvicoles, où on me parle de taux de placement de 70 %. Donc, ce ne sont que des indicateurs. Mais je ne peux pas, à l'heure actuelle, dire aux membres de la commission: Voici, le taux de placement sur une base durable, après une période d'un certain nombre de mois, est de x. Ces données, je ne les ai pas et je ne peux pas les avoir. Ce n'est pas faute de manquer à mon devoir, mais tout simplement parce qu'un processus rigoureux comme celui auquel nous soumettons le Fonds de lutte prend un certain temps et il faut avoir des données scientifiquement utilisables pour pouvoir en tirer les conclusions sur lesquelles vous souhaitez être informés.

Je dois à nouveau rappeler aux membres de la commission que jamais, d'expérience de mes collaborateurs, le ministère de la Solidarité sociale n'aura conclu ou, en tout cas, développé un processus d'évaluation aussi rigoureux que celui qu'il est en train de développer pour le Fonds de lutte. Je rappelle à nouveau qu'il s'agit là d'une expérimentation. On a travaillé en tentant d'innover quant à nos façons de faire avec des partenaires locaux dans certains cas, des partenaires régionaux, des gens de tous les milieux. On a travaillé de façon dénormée où on a d'abord fait appel à l'expertise du milieu.

On va voir collectivement ce qu'on doit tirer de cette expérience, et, au fur et à mesure que les données vont apparaître, elles seront très certainement, comme celles que vous avez dans le rapport, communiquées.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Une dernière question, Mme la députée de La Pinière, avant que je cède la parole au député de Masson.


Projet arrêté après deux ans en Montérégie

Mme Houda-Pepin: Merci, Mme la Présidente. Je sollicite votre disponibilité pour poser encore une ou deux questions. Ha, ha, ha! Puisque ça va très bien et que le ministre refuse de nous déposer les informations les plus complètes possible – il nous dit que l'évaluation se fait de façon très rigoureuse – je voudrais lui demander comment ça se fait que, dans un cas – moi, j'ai un cas, je peux citer d'autres qui ont été portés à ma connaissance – en particulier, celui du Plateau du travail, qui est un groupe d'aide aux travailleurs de la vallée du Richelieu dans la Montérégie, un organisme qui a bénéficié de plusieurs subventions, notamment de 500 000 $ dans le cadre de Fonds de lutte contre la pauvreté; 200 000 $ sous forme de subventions salariales; près de 200 000 $ dans le cadre du projet de préparation à l'emploi; 18 000 $ pour le support à la gestion.

(17 h 30)

Autrement dit, c'est près de 1 000 000 $ qui ont été accordés depuis juin 1997, justement – donc on est au terme de la deuxième année – et ça a pris presque deux ans – parce que la lettre sur laquelle je me base est datée du 10 mai 1999 et ça vient du ministère de la Solidarité sociale – pour dire à cet organisme-là qu'il va fermer ses portes. On lui ferme ses portes parce qu'on a réalisé après deux ans que les objectifs n'ont pas été atteints. On a réalisé après deux ans. Si le ministre dit que son analyse et ses évaluations n'ont jamais été aussi rigoureuses, comment ça se fait qu'on verse 1 000 000 $ dans un projet, dans un organisme dont on se rend compte presque deux ans après qu'il fallait le fermer? Lorsque je regarde le constat qui est fait deux ans après, on est vraiment stupéfait de voir que ça a pris autant de temps pour faire le constat qui est fait là.

Alors, je vais informer le ministre, s'il ne le sait pas déjà, de ce que dit la lettre du ministère de la Solidarité sociale. On lui dit: «Nous considérons donc la participation de 43 jeunes, dont 14 seraient à l'emploi, pour un taux d'insertion de 33 %.» On le sait, à Solidarité Québec, que le taux d'insertion n'est pas très élevé dans certains projets. Vous le savez, ils sont dans vos documents que vous ne voulez pas nous donner. «Le coût pour ce résultat d'insertion revient à 64 288 $ par client.» Ça a coûté 64 000 $ par client dans ce projet-là.

De quoi s'agit-il? Il s'agit d'un projet de joujouthèque au départ qui n'a jamais fonctionné, une joujouthèque où on était censé reconditionner les jouets, les vendre, etc., et finalement il n'y a rien qui a marché. Ensuite de cela, on nous dit dans la lettre qu'«à ce coût de 64 000 $ on aurait pu aider 10 autres prestataires de la sécurité du revenu pour s'insérer au niveau de leurs études professionnelles et obtenir un emploi rémunérateur».

Alors, que répond le ministre à son mécanisme d'évaluation dont il nous dit qu'il est à toutes épreuves, qu'il est très rigoureux? Comment ça se fait qu'aujourd'hui, là, on ferme la porte d'un organisme, alors qu'au point de départ on n'a pas vu à ce que tout fonctionne correctement, compte tenu que l'organisme est nouveau dans le domaine? Et, plus que ça, non seulement le projet de la joujouthèque n'a pas fonctionné, mais l'organisme a décidé de changer d'orientation et de s'en aller dans le rembourrage. Ça n'a pas pris de temps que la compagnie qui existe et qui est dans le rembourrage à deux pas de l'organisme a porté plainte pour concurrence déloyale. Le gouvernement finance un organisme communautaire pour concurrencer une entreprise privée. On nous dit que le taux d'abandon depuis mars 1998 se maintient à 30 % dans ce projet dans lequel on a englouti depuis le départ 1 000 000 $.

Où est la rigueur dans la gestion du Fonds de lutte contre la pauvreté? Comment se fait-il que le gouvernement qui donne des fonds n'aide pas les organismes communautaires à s'outiller et à développer des mécanismes de gestion? Parce qu'il s'agit de fonds publics, il s'agit d'imputabilité, et non seulement ça, dans L'Oeil régional , un hebdo local, dans la semaine du 29 mai au 4 juin, je lis ceci: «Il y avait un trou de 109 000 $ qu'on ne trouvait plus. Il y avait un problème évident de gestion financière», soutient la directrice du CLE. Comment ça se fait que ça a pris deux ans pour réaliser que ça ne fonctionne pas, dans cet organisme-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Est-ce que c'est un projet financé par le Fonds de lutte?

Mme Houda-Pepin: Oui, je l'ai dit au début, si le ministre m'écoutait.

M. Boisclair: Quel est le nom de l'organisme, je veux juste savoir ce qu'il en est?

Mme Houda-Pepin: Je l'ai dit aussi. Même réponse.

M. Boisclair: Alors, moi, je vais tout simplement dire à la députée deux choses. D'abord, il y a une balise très clairement qui existe qui est la suivante: Les emplois créés par recours au Fonds ne doivent pas induire de substitution d'emplois ou de concurrence déloyale et n'ont pas pour effet de remplacer les responsabilités déjà assumées par l'État. Il y a, dans certains cas, eu des ratés dans des projets de Fonds de lutte.

Une voix: Ah!

M. Boisclair: Bien, je l'ai dit d'entrée de jeu. Je le dis très, très, très ouvertement, puis ça sera inscrit dans les galées. Il y a eu, dans certains cas, du fait qu'on procède à une administration qui est tout à fait dénormée, décentralisée, où on fait appel à des partenaires locaux et régionaux... Moi, qu'on reconnaisse le droit à l'erreur à ces personnes, je suis prêt à reconnaître qu'il y a une marge d'erreur. Est-ce que la marge d'erreur, on aurait pu faire en sorte de l'éviter en normant puis en recloisonnant comme tous les programmes existent? Je pense que le coût aurait été plus élevé si on avait procédé de cette façon puis on se l'est tous dit entre nous lorsqu'on discute du Fonds de lutte.

Maintenant, la députée ne doit pas confondre le suivi de projets et l'évaluation d'un programme. Dans le cas que la députée me décrit et sur lequel on va très certainement s'enquérir, ce qui, à première vue, semble faire problème, c'est le suivi du projet par la Direction régionale. Et là il semble, à l'évidence, y avoir eu un certain délai. On va regarder ces questions-là. Mais d'aucune façon les questions de suivi de projet ne doivent être confondues avec un processus d'évaluation de l'intervention au Fonds de lutte, qui se fait au niveau national et qui nous permettra de répondre à certaines questions qui ont été posées par, entre autres, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Maintenant, collectivement quand on regarde le premier portrait qui est brossé, est-ce qu'on doit se réjouir du portrait? Sans aucune hésitation, je réponds oui. Et tous ceux qui ont regardé ces questions disent oui aussi. La députée de Bonaventure nous disait jusqu'à quel point ces interventions ont porté fruit dans son milieu tout à l'heure. Je pense que plusieurs députés peuvent faire le même portrait. Quant aux problèmes particuliers, je verrai à informer la députée de mes observations.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je cède la parole...

Mme Houda-Pepin: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Sur le même sujet, Mme la députée?

Mme Houda-Pepin: Oui, sur le même sujet, s'il vous plaît. Moi, je pense que le ministre veut s'en tirer en faisant de la sémantique: suivi du projet versus évaluation. Le suivi du projet, il se fait en fonction d'une évaluation des résultats par rapport aux objectifs pour lesquels on a donné des fonds publics. Cela s'appelle l'imputabilité, et son ministère est imputable et lui est imputable. Alors, parlant des choses sérieuses, le ministre ne peut pas...

M. Boisclair: Ce n'est pas parce que vous pointez du doigt que vous ajoutez de la crédibilité à vos propos.

Mme Houda-Pepin: Non, non. Il s'agit de fonds publics et le ministre dit: Il y a eu des erreurs, les personnes ont commis des erreurs. Ce n'est pas les personnes qui ont commis des erreurs, c'est son ministère, qui a donné des fonds à un projet sans aucune étude de faisabilité qui démontre qu'il y a des besoins, que les clientèles qu'on veut desservir entrent dans les normes du programme.

Je vais juste dire au ministre, lui citer deux conditions: la première, on apprend que le service des incendies de la municipalité... Ça, c'est une lettre qui est écrite par le directeur de l'atelier en question; il dit: «Le service des incendies de la municipalité limite notre capacité de production à un niveau minimum en fonction des dangers inhérents à ce type d'activités.» On finance une activité, un projet où il y a des dangers. C'est reconnu officiellement dans une lettre.

(17 h 40)

En même temps, on apprend que la mise en place légale de l'atelier, l'atelier de travail en question, et ses composantes étant complétés depuis seulement un mois et demi, donc, on n'a même pas pris la précaution de savoir si l'organisme a tous les outils qu'il faut, qu'il va travailler dans un environnement qui est acceptable, qui ne fait pas de concurrence à l'entreprise privée qui l'entoure, où la formation qu'il va donner est qualifiante, que les jeunes qui vont travailler dans cet atelier-là vont pouvoir se trouver un travail au bout de la ligne.

Alors, on investit sommes après sommes d'argent des fonds des contribuables sans même se soucier où va cet argent-là. Et on ne parle pas ici de pinottes, on parle quand même de 1 000 000 $. Pourquoi le ministre veut se dégager de sa responsabilité, de la responsabilité de son ministère qui n'a pas veillé à ce que les fonds publics soient attribués à un organisme qui a tous les outils au moment et avant même qu'on lui ait attribué les subventions? C'est ça, la question. Ce projet-là, c'est une illustration de ce qui ne va pas dans le Fonds de lutte contre la pauvreté.

J'ai eu d'autres cas qui m'ont été soumis que je n'ai pas eu le temps de documenter mais que je pourrai également documenter et soumettre au ministre, s'il veut s'instruire lui-même. Mais, chose certaine, l'évaluation, que ce soit à partir du suivi ou à partir d'autres mécanismes, j'ai parlé avec des gens qui travaillent dans le ministère, et ils m'ont dit: On n'a pas d'outil d'évaluation des projets pour savoir exactement qu'est-ce qui fonctionne et qu'est-ce qui ne fonctionne pas. Ça, c'est la réalité.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Je répète à nouveau que nous avons expérimenté, avec le Fonds. Nous avons choisi des façons de faire qui sont nouvelles. Nous n'avons pas voulu travailler de façon normée. Bien sûr que j'ai une responsabilité, puisque, en bout de course, je suis imputable des fonds publics dont j'ai la responsabilité de l'administration.

Cependant, la responsabilité de l'administration de ces sommes, nous avons convenu de travailler avec des partenaires locaux et régionaux, et ceux qui ont la première responsabilité, telle que définie...

Une voix: Ministère de la Solidarité.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre, vous pouvez poursuivre.

M. Boisclair: Je vais m'arrêter là, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je cède la parole au député de Masson.


Retombées du Fonds

M. Labbé: Merci, Mme la Présidente. Moi, j'aime ça quand on peut parler des vraies choses. Alors, les vraies choses, pour moi, c'est quand on regarde que, seulement après deux ans – parce que c'est bien ça, ce n'est pas après 20 ans – le Fonds de lutte à la pauvreté a créé plus de 2 000 projets, c'est-à-dire qu'il y a eu 2 000 projets qui ont été analysés, évalués, répertoriés, qu'il y a eu un suivi qui a été fait à l'intérieur de ça et qu'on a investi. Ça a pu permettre de créer plus de, en fait, 17 000 postes en termes d'emplois, de formation puis d'insertion ou en stages et on a investit pour ça 170 000 000 $ qu'on a contrôlés, qu'on a bien gérés. C'est ce que j'ai lu dans le rapport.

Ce qui me rassure aussi, c'est de dire que, à partir du moment où on a réussi toutes ces choses-là à l'intérieur de deux ans, où il a fallu monter une structure, une organisation, des gens compétents, des gens qui étaient motivés... Et on a été capable d'aller les chercher dans chacune des régions parce que, comme député, même si je suis un nouveau député, toutes ces personnes-là, nous autres, on les connaît dans nos régions. On sait ce qu'ils font comme travail. Ce sont des organismes qu'on voit cheminer, et on est capable de faire un suivi à l'intérieur de ça. Et ces gens-là viennent nous rencontrer et ça nous permet de voir qu'il y a des choses qui se brassent dans nos MRC, dans nos villes, dans nos municipalités, dans nos campagnes. Ça, c'est intéressant et ça a un impact, à mon point de vue, qui est excessivement important.

Ce que j'aimerais demander au ministre comme tel – c'est ma préoccupation, à ce stade-ci, c'est l'inquiétude, comme beaucoup d'organismes, on en entend parler – c'est la notion du trois ans. Et j'aimerais voir, parce que je lui fais confiance en ce sens-là: Est-ce qu'il y a des stratégies actuellement? Je sais qu'il y en a. J'ai entendu tout à l'heure, au niveau des emplois permanents qu'il y a chiffres qui s'en viennent – on ne les a pas actuellement – je trouve ça intéressant, on dit: On va prendre notre temps. On va voir la récurrence. On va voir la permanence de ces emplois-là qui ont été créés et on va être à même d'évaluer, de voir les effets positifs.

Ce que j'aimerais voir avec le ministre, c'est: C'est quoi, la stratégie actuellement pour valider justement toute la notion de concertation, les effets que ça a eus dans chacun des milieux de ces gens-là? Quand on crée des projets et que ça peut toucher, un exemple, un projet peut toucher 200, 300, 400 personnes, les organismes, on sait que ça a des répercussions importantes dans une région. Y a-tu actuellement des façons de faire ou vous êtes en train d'élaborer des façons d'évaluer l'impact que le Fonds de lutte a eu dans chacune des régions tant au niveau des municipalités qu'au niveau des organismes qu'au niveau des individus qui en ont bénéficié, pour être capable ensuite de justifier auprès du gouvernement, dont je fais partie, la reconduction de ce Fonds-là, à ce moment-ci?

J'aimerais vous entendre sur la stratégie – parce que là on arrive à presque un an, même si on parle qu'il y a une année supplémentaire – pas en termes de sous mais en termes de projets pour les finaliser, de voir un petit peu comment vous entrevoyez ça justement pour nous rassurer à ce niveau-là, c'est un petit peu le but de ma question, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Boisclair: Je suis à regarder le cadre d'évaluation qui est retenu. Il y a des questions... Dans notre volonté d'aller chercher le plus d'informations possible, pour répondre à des questions comme celles que vous posez, il y a une préoccupation particulière sur les retombées sur la pauvreté et sur le milieu. Les questions qui sont posées sont les suivantes: Y a-t-il des retombées particulières pour le milieu? Comment les projets ont-ils pu contribuer à faire reculer la pauvreté? Les retombées se limitent-elles à la période du projet ou sont-elles à long terme? Et aussi des réflexions plus immédiates sur le partenariat. C'est sur cette base de questionnement que nous pourrons, je l'espère, répondre convenablement à la question que vous posez.

M. Labbé: M. le ministre, si vous permettez...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Masson.

M. Labbé: ...est-ce que, par exemple, que ce soient les conseils régionaux de développement ou d'autres milieux, les régies régionales, vont être capables de vous dire un petit peu les effets bénéfiques que le Fonds de... pas de solidarité parce qu'on a tendance à vouloir dire ça, lutte à la pauvreté, finalement, a eus comme impact positif au niveau des différentes régions, en fait, comme telles? Parce qu'on le sent, nous autres, on est dans le milieu.

Et est-ce qu'il y a une façon dont vous allez être capable de quantifier ça par le partenariat? Parce qu'il y a eu beaucoup de partenariat qui a été fait – vous en avez parlé au niveau des CLE tout à l'heure – mais il y a toute cette jonction-là qui s'est faite au niveau de différents ministères. Est-ce que vous allez être capables de quantifier ça en disant: Après trois ans, voici les impacts que ça a eus, le Fonds de lutte, dans les différents milieux? Je ne sais pas s'il y a une façon dont vous avez évalué ça.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Oui. Mme la Présidente, je vais faire parvenir à l'ensemble des députés le document d'appel d'offres du Conseil québécois de la recherche sociale qui pourrait davantage vous renseigner sur les critères sur lesquels on va évaluer l'effet du Fonds de lutte, et une de ces questions traite essentiellement du partenariat.

Maintenant, comment l'expertise détenue par les CRD sera mise à contribution? Là, je ne suis pas vraiment certain qu'on va... Peut-être seront-ils consultés ou rencontrés, mais je pense que la première question, ça va être l'impact sur les personnes et comment cette présence et cette collaboration avec les milieux communautaires aura donné des résultats. On consultera, je pense, aussi au premier chef les membres des comités d'approbation de projets. Je ne sache pas que les CRD ont souvent été appelés à donner des avis sur des projets financés par le Fonds de lutte et je ne pense pas non plus qu'il y ait, au-delà peut-être d'une réflexion sur le plan local, sur l'emploi, où les CRD se sont véritablement mobilisés... «mobilisés» n'est pas le mot juste, mais ont un effet de levier dans l'objectif, dans l'atteinte des résultats identifiés par le Fonds de lutte.

M. Labbé: Peut-être en complémentaire, si vous permettez. C'est que peut-être le CRD effectivement est moins impliqué. Mais les municipalités, par exemple, je sais qu'il y a beaucoup de municipalités qui ont passé des locaux, qui ont aidé, qui vont supporter par en arrière, par l'aspect technique, ces organisations-là, pour leur permettre de rendre des services. Alors, ça pourrait être une hypothèse d'aller voir un petit peu les effets bénéfiques que le Fonds peut avoir aussi dans le milieu communautaire de la municipalité concernée. C'est un petit peu ça. C'est des suggestions. Dans le fond, je pense que c'est entre bonnes mains. Il n'y a pas de problème.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Oui, c'est des choses qui sont entendues, M. le député.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Est-ce qu'il y a d'autres membres qui veulent s'exprimer sur le sujet? Oui. M. le député de Champlain.


Évaluation du Fonds (suite)

M. Beaumier: Dans le cadre de l'évaluation qui sera faite du programme – pour illustration puis ça sera pour fins de réflexion pour tout le monde – moi, j'ai connu très bien le cas d'un organisme, chez nous, qui s'est prévalu du Fonds de lutte à la pauvreté et qui n'a pas nécessairement eu de rétention en ce qui concerne les gens qui sont allés dans cette formation-là, qui n'a pas eu de rétention spectaculaire, disons, d'emplois dans cet organisme-là, mais qui, dans d'autres organismes, on me dit, si ma mémoire est bonne, que c'est au-delà de 60 % ou 65 % de gens qui n'ont pas été retenus, comme emplois récurrents, plus permanents, plus réguliers, par cet organisme-là mais qui se sont placés dans d'autres secteurs.

Donc, concrètement, simplement, ils sont partis d'une situation de la sécurité du revenu, ils se sont donné par cette expérience-là – c'était un an – non seulement une expertise, non seulement une habitude aussi, mais ils se sont réellement qualifiés, ou découverts eux-mêmes ou elles-mêmes, pour des emplois dans lesquels, jusqu'à nouvel ordre, ils étaient dûment intégrés.

(17 h 50)

Je voulais être sûr qu'il n'y ait pas – je suis sûr que vous alliez y penser – de déperdition quand il sera fait un véritable constat de l'effet réel de l'insertion au travail par le biais d'organismes où ces gens-là ne sont plus présents, ont été de passage – je crois, tantôt, qu'on parlait que c'était un tremplin, là – alors, j'espère que cet effet tremplin sera très bien analysé pour être sûr qu'on ne perd pas des choses qui sont des effets réels pour nos citoyens et nos citoyennes. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le ministre.

M. Boisclair: Oui. Nous savons pertinemment qu'il y a des projets où il n'y a eu aucune rétention d'emplois. Bon. Maintenant, la question est de savoir... Ce problème-là se pose dans bien des programmes gouvernementaux, hein, aussi, alors la question est de savoir: Est-ce que l'expérimentation qu'on a faite collectivement, par le biais du Fonds de lutte, donne des meilleurs résultats? Puis est-ce qu'il y a, de là, des leçons à tirer pour la suite des choses? Et est-ce qu'on a eu un meilleur rendement en procédant de façon dénormée avec des partenaires? Puis est-ce que ça a eu un impact sur la qualité du service public et sur l'efficacité du programme?

C'est à partir des résultats qu'on pourra évaluer, après la participation, qu'on aura une réponse à ce genre de questions. Parce que, comme je vous l'ai dit, on a instauré un certain nombre de balises. Je n'ai pas entendu personne ici, aujourd'hui, remettre en cause les balises et les orientations qui ont été retenues par le comité aviseur. Je comprends qu'il y a ici une entente tacite et une acceptation tacite de ces balises et de ces orientations parce que la discussion sur l'évaluation du Fonds de lutte, à mon avis, doit d'abord se faire par là.

Je comprends qu'on pourra toujours identifier des cas particuliers où il a pu y avoir certaines lacunes, et je ne nie pas que des lacunes ont pu être identifiées dans des cas particuliers, mais la question qui se pose au ministre et la question que je me pose, c'est: Est-ce que les balises que nous avons là, dans un contexte où on procède de façon dénormée, sont des bonnes balises? Une fois que collectivement on dit: Écoutez, on fonctionne avec des comités régionaux d'approbation de projets, est-ce que c'est une façon correcte de faire?

Je ne nie pas qu'en bout de course je sois imputable, mais on conviendra qu'entre ce qui se passe au niveau local ou régional puis ce qui vient chez nous il y a tout un espace et que nous avons convenu d'abord de confier la responsabilité de l'approbation des projets aux comités régionaux et que ma responsabilité se limite beaucoup et davantage, je dirais, à m'assurer de la définition correcte de ces balises et de ces orientations – c'est le comité aviseur qui les a définies – s'assurer du respect de ces orientations. C'est pour ça d'ailleurs qu'il y a une unité qui est là au ministère, dont M. Gagnon a la responsabilité. Il y a une équipe de combien de personnes, M. Gagnon, chez vous?

M. Gagnon (Paul): Cinq.

M. Boisclair: Il y a cinq personnes qui ont cette principale responsabilité de voir au respect des balises, et, dans ce contexte, on comprend que les balises visent le plus possible la rétention. Elles visent aussi, par les lettres et les avis qu'on a envoyés aux comités locaux d'approbation de projets... On envoie tous les signaux les plus forts possible sur la rétention d'emplois. Maintenant, on sait que, dans certains cas, il n'y en a pas, malgré tous les efforts qui sont faits, mais, sachant qu'il n'y en a pas, est-ce que l'intervention publique est de meilleure qualité que celle qu'on connaît dans les programmes réguliers? Ça, c'est une question que j'ai hâte de voir, et comment, si on peut améliorer les choses pour la suite aussi.

M. Beaumier: Bien, il y a une chose qui est certaine, je parlais d'un projet, je pourrais parler d'un autre projet où c'est très évident, pour connaître en plus les personnes, que ces personnes-là, s'il n'y avait pas eu de Fonds de lutte contre la pauvreté, seraient encore, selon toutes réserves, à la sécurité du revenu. Donc, il y a des réponses, là; moi, j'en ai, elles sont peut-être partielles, mais c'est ça que je voulais signaler, qu'il y a beaucoup d'effets positifs qu'on pourrait ne pas voir puis je laisse de côté bien sûr toute la formation que ces gens-là prennent par le biais de ces expériences-là. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, M. le député de Champlain. Il y a d'autres personnes qui veulent intervenir? Alors donc, ça met fin à l'examen du rapport d'activité, juin 1997 à mars 1999, du Fonds de lutte contre la pauvreté.

M. le ministre, je vous remercie. Je remercie vos principaux collaborateurs. Je remercie tous les membres de cette commission, et j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 55)


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