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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mardi 1 octobre 2002 - Vol. 37 N° 74

Consultation générale sur le projet de loi n° 112 - Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-neuf minutes)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous souhaite la bienvenue. Je souhaite la bienvenue à tous les membres, au personnel de la commission, de même qu'à tous et celles qui ont de l'intérêt pour le sujet.

Je vous rappelle que ce matin la commission des affaires sociales est réunie afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Mme Boulet (Laviolette) sera remplacée par M. Sirros (Laurier-Dorion); M. Labbé (Masson) par Mme Barbeau (Vanier); Mme Rochefort (Mercier) par Mme Houda-Pepin (La Pinière).

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie. Je vous fais lecture de l'ordre du jour. Alors, nous allons débuter par les remarques préliminaires; par la suite, à 10 h 30, l'Assemblée des évêques du Québec, suivie, à 11 h 15, du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté; 12 heures, nous allons rencontrer M. Simon Langlois; nous suspendrons nos travaux à 12 h 30 pour les reprendre à 14 heures avec le Conseil du patronat du Québec; 14 h 45, la Centrale des syndicats du Québec; 15 h 30, Centraide Québec; 16 h 15, le Conseil de la santé et du bien-être; 17 heures, Association des régions du Québec, et on ajournera à 17 h 45 jusqu'à demain.

Alors, nous avons reçu plusieurs mémoires, et nous allons sûrement passer plusieurs jours ensemble à entendre tous les intervenants.

n (9 h 40) n

Alors, sans plus tarder, je cède la parole à la ministre d'État à la Solidarité sociale, à la Famille et à l'Enfance et ministre responsable de la Condition féminine et des Aînés. Vous avez une demi-heure, mais on m'a dit, je pense, que vous voulez partager avec votre collègue. Alors, 15 minutes, et, par la suite, je céderai la parole au porte-parole de l'opposition pour une demi-heure, également. Alors, Mme la ministre, je vous cède la parole.

Remarques préliminaires

Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Alors, je vous remercie beaucoup, Mme la Présidente. Je voudrais saluer tous les membres de cette commission. C'est un privilège que nous avons aujourd'hui d'avoir la chance, pour une autre fois... mais, cette fois, je dirais, un moment extrêmement important.

Vous l'avez mentionné, Mme la Présidente, il y a plus de 150 mémoires qui ont été déposés, jusqu'à maintenant. Lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, quand on parle de cela aux hommes et aux femmes du Québec, tout le monde est d'accord. Tout le monde est d'accord. Cependant, il faut en convenir que la façon ou les moyens, ils ne sont pas tous connus et ils ne sont pas non plus tous, je dirais, du même ordre.

Il n'en demeure pas moins, Mme la Présidente, que le chemin qui a été parcouru jusqu'à maintenant nous invite tous à faire en sorte que ce débat soit un débat qui invite l'ensemble de la population du Québec à prendre connaissance de qui parle-t-on au Québec lorsque l'on parle de la pauvreté? Quels sont ces gens qui la vivent dans leur quotidien? Quels sont les gestes qui ont pu être posés jusqu'à maintenant? Et comment se fait-il que, dans une société où nous ayons également autant de réussite, nous ayons également des paradoxes faisant en sorte qu'on se retrouve avec des personnes vivant des situations de pauvreté extrêmement grandes et d'exclusion sociale?

Nous avons reçu 150 mémoires, et nous allons, dans le cadre de cette commission, entendre ce que les femmes et les hommes ont à nous dire. Nous allons également, il faut en convenir, parler aussi de débat de fond, parce qu'il existe des préjugés à l'égard de la pauvreté, et je suis convaincue que nous allons, au sein de cette commission, réussir non pas à les effacer complètement, mais nous allons peut-être réussir à les diminuer, Mme la Présidente. Et, si ensemble, chacun et chacune, parlementaires, qui, à tous les jours dans nos circonscriptions, nous rencontrons des gens qui ont besoin de nous parce qu'ils vivent des situations extrêmement difficiles, si nous sommes capables, dans le cadre de cette commission, de partager ce que nous voulons faire comme société et comme gouvernement, comme partenaires pour faire reculer la pauvreté, je pense, Mme la Présidente, que nous aurons atteint un objectif, l'objectif ultime qui est celui de faire en sorte que, lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, c'est l'affaire de tous, ce n'est pas l'affaire uniquement de l'État.

J'aimerais prendre quelques instants pour vous témoigner, Mme la Présidente, tout le travail qui a été fait depuis de nombreux mois, pour ne pas dire de nombreuses années. Ce projet de loi qui est aujourd'hui ici n'est pas une spontanéité d'un élu. C'est un travail de longue haleine de femmes et d'hommes qui, depuis de nombreuses années dans leur quotidien, travaillent à faire en sorte d'aider les personnes les plus vulnérables de notre société.

Il y a eu un travail de longue haleine qui a été fait, bien sûr, par les gens qui ont travaillé au niveau du ministère pour être capables d'élaborer cette stratégie et ce projet de loi. Il y a eu un travail qui a été fait, de longue haleine, par une équipe de députés ministériels qui ont travaillé sur toute la réalité de la pauvreté pour être capables justement d'apporter des commentaires nous permettant de toujours bonifier à la fois le projet de loi qui est devant vous, mais aussi la stratégie et le plan d'action que nous déposerons ultérieurement.

Je voudrais témoigner qu'il y a eu un travail de longue haleine au sein de la société civile. Il y a eu un collectif, le collectif qui a reçu la signature de plus de 200 000 personnes, des gens venant de tous horizons, venant de différents secteurs qui ont apposé leurs signatures disant qu'il fallait qu'on se dote d'outils pour lutter mieux contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Il y a eu un long travail qui a été fait par ma collègue Mme Léger qui a fait le tour de toutes les régions du Québec pour justement aller constater sur le terrain le travail qui est fait au quotidien par des communautés locales et régionales pour lutter contre la pauvreté. Il y a un travail de longue haleine qui a été fait également par ma collègue Jocelyne Caron, secrétaire d'État à la Condition féminine, où, avec la Fédération des femmes, souvenons-nous, dans le cadre de la Marche, on avait exprimé qu'il nous fallait à la fois lutter contre la violence et à la fois contre la pauvreté. Elle a fait le tour de toutes les régions. Elle a rencontré les tables régionales, où, encore une fois, on a confirmé que la pauvreté était une priorité et que nous devions, comme gouvernement, y travailler et faire en sorte de se donner des outils qui soient encore mieux coordonnés, des outils qui correspondent à la réalité des années 2002.

Je voudrais aussi témoigner, Mme la Présidente, du travail inlassable d'une équipe ? d'une petite équipe ? au ministère de la Solidarité sociale en la personne de Mme Francine Gauvin qui est la juriste qui a rédigé le projet de loi. Je voudrais témoigner ma reconnaissance aussi à l'égard de Mme Geneviève Bouchard, la sous-ministre, et toute son équipe ainsi que M. Paul Dechêne, Mme Moffet, M. Fréchette ainsi que toutes les équipes derrière ces gens-là qui ont réussi à faire en sorte de nous livrer une stratégie dans laquelle les femmes et les hommes qui prennent le temps de la lire se retrouvent.

Alors, quand on regarde le travail, Mme la Présidente, qui a été parcouru jusqu'à maintenant, exige de nous, au sein de cette commission, que nous prenions le temps vraiment d'écouter ce que les personnes viendront nous dire pour que nous puissions compléter le travail qui a été amorcé jusqu'à maintenant, pour que nous soyons tous plus fiers les uns que les autres de ce projet de loi que nous espérons pouvoir adopter avant la fin de cette session.

Mme la Présidente, je voudrais également témoigner que ce projet de loi a fait, je pense, l'objet de lectures et de discussions comme peu de projets de loi ont pu le faire avant son adoption. Quand on regarde toutes les personnes qui en ont pris connaissance, que ce soit sur les sites Internet, que ce soit dans les milieux communautaires, que ce soit dans les municipalités, que ce soit au niveau des villes, que ce soit au niveau des syndicats, au niveau du Conseil du patronat, des chambres de commerce, que ce soit au niveau de nos aînés...

Et j'en profite aujourd'hui, Mme la Présidente, pour saluer tous nos aînés. C'est la Journée internationale des aînés, des personnes retraitées, déclarée par les Nations unies, 1er octobre, nos aînés qui, eux aussi et elles aussi, ont contribué à ce projet de société qui est celui de se donner une stratégie d'intervention et un projet de loi pour lutter contre la pauvreté.

Qu'est-ce que ce projet de loi propose? Il s'articule en cinq points: des principes fondamentaux qui sont inscrits dans le préambule de la loi comme la Charte des droits et libertés, comme la loi 101, la Charte de la langue française; ce sont ces deux seules lois où nous y retrouvons les principes fondamentaux que nous retrouvons également dans le projet de loi de la lutte à la pauvreté et de l'exclusion sociale.

Dans ce projet de loi, nous y retrouvons également des obligations de résultat, un plan d'action pour le gouvernement par les orientations des axes d'intervention et des échéances. On y retrouve également un point extrêmement important qui est celui d'un engagement dynamique de l'ensemble de la société civile et des partenaires associés par un comité consultatif. Ça engage aussi tout l'engagement des communautés locales et régionales soutenues par un fonds spécial que nous définirons ensemble. Et, finalement, ce projet de loi est un outil de mesure de progrès et la recherche de nouvelles connaissances sur la pauvreté.

Quand nous parlerons de la pauvreté au Québec, est-ce que nous pourrons nous donner des indices, des mesures de comparaison qui soient compatibles avec la réalité du Québec et non pas importés d'ailleurs? Je pense qu'il est important de vérifier tout ce qui se fait ailleurs, d'utiliser les mesures qui se font ailleurs, mais il nous faut aussi être capables d'avoir nos propres outils pour mesurer la pauvreté qui existe au Québec.

Il faut surtout retenir que ce projet de société s'appuie sur l'engagement de toute la collectivité québécoise. Désormais, les situations de pauvreté et d'exclusion feront l'objet d'une préoccupation constante et interpelleront l'ensemble de la société. L'État et ses partenaires devront régulièrement rendre compte de leurs actions. Il s'agit d'un geste fondamental qui est engageant et qui a été mûrement réfléchi.

Je terminerais en vous disant, Mme la Présidente, que c'est un privilège pour les élus de cette commission de pouvoir prendre le temps ensemble d'écouter ce que des gens viendront nous dire, venant de différents horizons. Une chose est certaine, c'est que tout le monde est pour la vertu, tout le monde est pour que nous luttions contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Alors, il faudra nous donner les moyens également d'atteindre cet objectif, et l'adoption de ce projet de loi, que je souhaite puisse se faire avant Noël, se fera démocratiquement, avec des femmes et des hommes qui ont à coeur la pauvreté.

n (9 h 50) n

Et je sais que c'est partagé par l'opposition. Je sais que c'est partagé par tous nos collègues qui sont présents ici, ainsi que ceux et celles qui viendront ici aujourd'hui pour nous parler de leurs commentaires et de leurs réactions par rapport au projet de loi, à la stratégie. Et j'ose espérer que nous pourrons faire ces débats de fond que la société nous dit qu'elle est prête à entendre, des débats de fond qui interpelleront... que ce soit au niveau de la fiscalité, au niveau du soutien aux familles, au niveau d'un meilleur soutien pour la prise de décision au niveau des régions, plus de souplesse dans les programmes, meilleure coordination au niveau de notre action gouvernementale.

Ce sont des sujets que nous entendons partout, actuellement. Nous avons une belle occasion de mettre, de façon concrète, tout ce débat de société avec un projet qui est celui de faire en sorte de réduire de moitié la pauvreté au cours des 10 prochaines années et de faire en sorte que nous pourrons, dès l'adoption de ce projet de loi, poser des gestes concrets qui nous permettra d'être plus fiers individuellement et collectivement. Je vous remercie, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole à la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

Mme Nicole Léger

Mme Léger: Merci, Mme la Présidente. Mme la Présidente de la commission, alors, ma chère collègue Linda Goupil, mes collègues ministériels membres de la commission, M. le critique de l'opposition, les organisations et les citoyennes et citoyens qui ont déposé des mémoires, l'équipe gouvernementale, mesdames, messieurs, je suis très heureuse et particulièrement fière d'être ici aujourd'hui, en commission parlementaire, pour entreprendre l'étude du projet de loi visant la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale au Québec.

J'éprouve ce sentiment profond de fierté parce que le projet de loi n° 112 et les moyens qu'il institue favorisent la mobilisation de toutes les forces vives qui désirent ? qui désirent ? voir le Québec poursuivre sa marche vers une société plus équitable où toutes les citoyennes et tous les citoyens pourront vivre dignement et participer à la prospérité du Québec de demain.

Tout d'abord, je voudrais rappeler les grandes étapes qui ont conduit le gouvernement du Québec vers le dépôt de ce projet de loi unique et de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté qui en découle. Au printemps 2001, le premier ministre du Québec, M. Bernard Landry, nous confiait la responsabilité de mener une importante démarche de mobilisation et de validation auprès des entreprises, des syndicats, des régions et des organismes communautaires qui côtoient les personnes démunies au quotidien. Ainsi, à l'automne 2001, avec le soutien des conseils régionaux de développement, nous sommes allés dans les 17 régions du Québec afin d'échanger avec les représentants de tous ces groupes. Ceux-ci étaient appelés à réagir et à valider le document d'orientation intitulé Ne laisser personne de côté! et à s'en inspirer pour identifier leurs priorités régionales en matière de lutte contre la pauvreté.

Ces rencontres locales et régionales ont permis de rejoindre et de recueillir les propos des représentantes et des représentants de plus de 1 000 organismes de toutes les régions du Québec. De plus, sept forums de discussion, regroupant près de 50 organismes nationaux, ont eu lieu. Ces rencontres de travail ont permis aux participantes et aux participants de s'exprimer ouvertement sur plusieurs questions spécifiques dans les domaines de la famille et de l'enfance, de l'éducation, de la reconnaissance des acquis et des compétences de nouveaux arrivants, de l'intégration en emploi des jeunes de communautés culturelles, du logement social et des préoccupations du milieu rural en ce qui a trait à la pauvreté, particulièrement en matière de transport collectif et d'accès aux services.

L'énoncé de politique qui accompagne le dépôt du projet de loi n° 112 a été également alimenté par l'apport d'un groupe-conseil regroupant des femmes et des hommes provenant de tous les horizons de la société et des travaux de recherche-action qui sont venus soutenir les efforts en documentant les pistes d'action les plus prometteuses. Finalement, plusieurs rencontres avec divers groupes représentant la société civile ont permis de guider le gouvernement dans l'élaboration du projet de loi.

Avec le dépôt de ce projet de loi, le Québec se montre plus solidaire que jamais à l'endroit des personnes qui ont eu moins de chance dans la vie. Concentrer nos efforts pour améliorer la situation des plus démunis constitue un choix, un choix d'avenir pour le Québec. C'est un investissement, pas une dépense inutile. Notre préoccupation première est d'améliorer les conditions de vie des plus pauvres, favoriser leur autonomie et bâtir un Québec meilleur où chaque personne a sa place, peut mener une vie digne, peut participer, selon ses capacités, à la vie sociale et au progrès collectif, et cela, tout au long de sa vie.

Ce projet de loi vise à guider le gouvernement, les partenaires socioéconomiques, les collectivités régionales et locales, de même que les organismes du milieu, vers la planification et la réalisation d'actions pour combattre la pauvreté, en atténuer les effets sur les individus et les familles et contrer l'exclusion sociale.

Le projet de loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale institue quatre grands éléments: la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, le Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, l'Observatoire de la pauvreté et de l'exclusion sociale et un fonds pour appuyer les initiatives d'inclusion sociale.

La stratégie nationale va s'appliquer dans toutes les sphères de la société et va s'articuler autour de buts et d'orientations qui constituent une base solide pour l'élaboration d'un plan d'action d'envergure qui contiendra une foule de mesures qui toucheront tous les secteurs de la société et qui sera dévoilée à la fin de l'été.

Le comité de consultation de la pauvreté et de l'exclusion sociale aura pour mandat de conseiller le gouvernement dans l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation des actions prises dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

L'Observatoire, quant à lui, de la pauvreté et de l'exclusion sociale, sera un lieu de suivi, de recherche et d'échanges visant à fournir des informations qui soient fiables et objectives en matière de pauvreté et d'exclusion sociale. L'Observatoire vise à mesurer les progrès afin de maintenir le cap sur les objectifs et la mobilisation collective. Le Comité consultatif collaborera avec l'Observatoire de la pauvreté et l'exclusion sociale pour la mise en place d'indicateurs permettant d'évaluer les progrès réalisés dans l'atteinte des buts fixés dans le projet de loi.

Le projet de loi prévoit aussi la création d'un fonds spécial qui constituera le premier outil pour soutenir les initiatives locales et régionales en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Ce fonds favorisera une prise en charge des milieux eux-mêmes afin qu'émergent des stratégies locales et régionales de lutte contre la pauvreté. Le leadership sera assumé par les villes et les MRC, et le fonds viendra les appuyer dans l'exercice de ce rôle de leader du développement social de leur collectivité.

En plus de soutenir les initiatives des communautés locales et régionales, le fonds prévoit, tant dans des zones urbaines que rurales, favoriser les projets d'insertion à l'emploi, de même que des initiatives d'envergure nationale. Ce projet de loi oblige par ailleurs les ministères et les organismes publics à identifier les ressources qu'ils consacreront aux territoires à concentration de pauvreté, en soutien à ses initiatives nationales.

Ainsi, tant dans l'énoncé de politique que dans le projet de loi, une approche globale intersectorielle et qui place la personne au centre de l'intervention est privilégiée. Dans leur prise en charge des problématiques de lutte contre la pauvreté et de développement social, les milieux pourront compter sur des services publics qui travailleront d'une manière plus intégrée et en appui aux besoins des collectivités locales.

Enfin, le projet de loi prévoit des mécanismes de reddition de comptes permettant de mesurer le chemin parcouru, et, s'il y a lieu, d'ajuster le tir.

Malgré notre volonté d'agir avec force et conviction, nous savons qu'un seul plan d'action ne suffira pas à contrer la pauvreté et l'exclusion sociale. Après le premier plan d'action, il sera temps, par exemple, de revoir notre cible d'amélioration du revenu, en s'appuyant sur de meilleures connaissances et sur un consensus social solide; temps également d'évaluer la pertinence du fonds spécial ou son mode de financement et de convenir de nouvelles actions pour atteindre la cible que nous visons, soit celle d'amener progressivement le Québec d'ici 10 ans au nombre des nations industrialisées comptant le moins de personnes en situation de pauvreté.

Permettez-moi, en terminant ces remarques préliminaires, de souhaiter que ce débat amène toutes celles et tous ceux qui croient que contrer la pauvreté et l'exclusion sociale est non seulement un devoir pour les personnes préoccupées par la dignité humaine, mais aussi une nécessité pour poursuivre notre développement collectif, à s'unir afin de rallier l'ensemble de nos concitoyennes et de nos concitoyens afin de bâtir un Québec juste et équitable.

Je nous invite donc, toutes et tous, à participer intensément à ce projet de société parmi les plus emballants du Québec moderne, une nation où la qualité de vie de ses citoyennes et de ses citoyens sera citée en exemple partout dans le monde. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole au député de Vachon.

M. Payne: Après le porte-parole de l'opposition, Mme la Présidente, non?

n (10 heures) n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Normalement, ça...

M. David Payne

M. Payne: Je pense que, Mme la Présidente, il y a des moments dans la vie de chaque parlementaire et de chaque parti politique, de chaque gouvernement ? et là trop rares ? où on doit poser un geste concret pour faire suite à nos paroles. C'est sûr que la pauvreté est une réalité dont on entend parler chaque jour, que ce soit chez nous, à Toronto ou à Bombay, et qui nous appelle à adopter une loi historique qui engagerait tout gouvernement québécois à assumer pleinement ses responsabilités et d'assurer non seulement la santé économique de l'ensemble de ses citoyens, mais également de ceux dont le sort est, bien sûr, moins fortuné. Et, au cours de la commission, il faut dire qu'on aura à combattre les préjugés. Par exemple, tout le monde est d'accord que l'emploi est une des clés de solution pour la pauvreté, mais il y a de graves préjugés qui existent, que les moins fortunés ne veulent pas travailler même devant les opportunités.

Donc, je pense que, si on veut entendre les invités, on veut certainement les entendre avec une grande ouverture d'esprit. Et personnellement, comme parlementaire, je souhaite... et on se réjouit de la pleine participation, bien sûr, du parti ministériel, mais également du parti de l'opposition officielle, et on applaudirait également la présence du troisième parti présent dans cette Chambre, qui n'était pas en mesure d'être présent lors de l'adoption du principe du projet de loi; c'était aux alentours de la mi-juin, je pense, un moment historique important où tous les parlementaires étaient appelés à adopter le principe du projet de loi n° 112. L'ADQ n'était pas en mesure d'être présente. Mais peut-être qu'ils vont trouver, dans les prochains jours, l'occasion de venir exprimer clairement leur position à l'égard du projet de loi et des solutions qu'on propose.

Parce que ce Parlement, il faut le dire, n'est jamais plus crédible que lorsqu'on parle d'une seule voix, solidairement, et qu'on s'impose non seulement les moyens de résultats, mais aussi qu'on donne une suite concrète aux bonnes intentions qui sont régulièrement exprimées, regardant davantage les générations futures plutôt que les prochaines élections et proposant les solutions qui auront une vie bien plus longue qu'un seul mandat et qui feraient bénéficier toutes générations, que ce soit la présente ou la future. Et je pense que, si c'est vrai que l'élimination de la pauvreté ne verra jamais le jour au complet, l'élimination de la pauvreté ne voit pas de résultat clair dans les chiffres du ministre des Finances dans le sens qu'on élimine quelque chose, donc c'est moins visible lorsque cela disparaît. N'empêche que toute personne intelligente peut voir qu'il y a certaines sociétés qui réussissent bien mieux que d'autres à éliminer la pauvreté.

Donc, il s'agit, pour moi, d'un geste d'une grande solidarité et d'importance majeure aujourd'hui et dans les prochains jours, et il me fait plaisir de participer à la commission à plein titre, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. le député de Vachon. Alors, comme il reste encore un peu de temps du côté ministériel, est-ce qu'il y a d'autres membres ministériels qui souhaiteraient prendre la parole à ce moment-ci? Non. Oui, Mme la ministre.

Mme Goupil: Peut-être juste...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Par contre, Mme la ministre, malheureusement, vous ne pouvez pas intervenir une deuxième fois.

Mme Goupil: S'il n'y a pas de consentement. Parfait. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): C'est ça, exactement. Est-ce qu'il y a consentement? Alors, dans ce cas, je cède la parole au député de Laurier-Dorion qui est porte-parole en matière de pauvreté.

M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. En mon nom et au nom de mes collègues et de l'ensemble de l'opposition officielle, il nous fait plaisir de nous retrouver ici, pour une de ces rares fois que je puisse être d'accord avec mon collègue de Vachon, sur la participation pleine et entière de tous les parlementaires et de tous les partis. Je souhaiterais également qu'on soit tous ici et qu'on participe tous à ce débat fondamental pour la société et pour le Québec, parce qu'il s'agit des choix que les gens auront à faire et ce serait important qu'on sache tous où on se loge, tous et chacun, sur un dossier aussi fondamental.

Une petite correction par rapport à ce que mon collègue a dit. Le principe du projet de loi n'a pas été adopté. La loi n'a été que déposée à la dernière session parlementaire; donc, nous aurons certainement l'opportunité de discuter du principe.

Mais avant d'y arriver, au principe, il faut qu'on passe par l'étape d'écoute, l'étape d'être sensible à la façon que les gens voient les choses. Et j'aimerais peut-être commencer en disant, d'abord, mes remerciements à tous ceux qui ont pris la peine, et ils sont nombreux ? je pense que ça a été remarqué tantôt ? au-delà de 150 personnes et groupes qui ont pris la peine de nous signifier leur intention de venir nous parler ici de leur vision des choses sur un dossier qui est au coeur de ce qui nous préoccupe quand on regarde le mieux-être de nos concitoyens ici.

Parce que parler de pauvreté et des perspectives que l'on envisage pour y faire face et des actions qu'on veut prendre pour la combattre, Mme la Présidente, nous interpelle à plus d'un titre effectivement. Ça nous interpelle à la fois dans notre rôle d'élu et en tant qu'individu également, en tant qu'élu, parce que, indéniablement, les conditions de vie de nos concitoyens sont l'objet principal de tout ce qu'on fait ici pour gouverner la société, finalement, et en tant qu'individu parce qu'il s'agit d'une question qui touche les personnes et les êtres humains dans leur réalité vécue et qui nous force à nous interroger par rapport à nos propres valeurs qui sous-tendent notre décision d'agir en tant qu'élus et gouvernants. Et cela nous demande de tourner d'abord le regard vers l'intérieur, de nous questionner sur notre propre conception de la nature humaine, d'identifier ce sur quoi on base notre vision de l'organisation de la vie en société et de la traduire par la suite en gestes concrets.

Alors, permettez-moi donc de commencer mon intervention en partageant avec vous le résultat de cette réflexion pour ceux d'entre nous qui ont choisi le Parti libéral du Québec comme véhicule d'action politique, parce que c'est de ça qu'il s'agit ici. On est dans les partis politiques parce que chacun trouve que le véhicule qu'on a choisi représente un avenir meilleur pour la société, puis on met nos choix et nos décisions et nos valeurs devant les citoyens pour qu'ils exercent leur choix.

Nous nous trouvons, au Québec, devant une situation politique pour le moins nouvelle. Il y a effectivement, il faut se le dire, une crise de confiance à l'égard de la politique et des politiciens en général. Il y a une lassitude également de la population par rapport aux divisions qui ont caractérisé nos débats politiques des 30 dernières années. Et il y a aussi un sentiment d'étouffement que beaucoup de nos concitoyens ressentent: étouffement par l'étau de la pauvreté, pour un grand nombre de nos citoyens qui vivent avec les moyens du bord; étouffement par une ponction fiscale, la plus lourde au Canada et en Amérique du Nord, de la grande majorité de la classe moyenne; étouffement et frustrations de la part de tous, j'ajouterais, par l'incapacité que les gens voient et sentent et vivent de l'État d'être au service de ses concitoyens.

Et c'est ainsi que, pour notre part, nous avons choisi de nous interroger profondément sur le sens de notre engagement politique et l'action qu'on doit porter par rapport à cette situation. Notre réflexion nous a conduits à faire, si vous voulez, notre mea culpa, à nous reprendre et à mettre devant les Québécois de façon claire et concrète les choix que nous préconisons et de les asseoir aussi sur l'exposé clair de nos valeurs. On en a d'ailleurs largement parlé en fin de semaine dernière.

De plus, avant de venir ici, nous avons eu de multiples occasions de traiter de cette question avec divers intervenants et auprès de diverses instances, des discussions multiples avec le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté, des échanges en commission parlementaire avec la ministre ou les ministres. Lors des débats que nous avons initiés au salon bleu, en passant par nos instances de parti et en faisant même une tentative de rejoindre les militants du Parti québécois, nous avons toujours fait la promotion de notre volonté de voir le dossier de la pauvreté devenir effectivement une priorité pour la société québécoise.

Même si nous estimons que le gouvernement a sauté une étape importante en écartant la tenue d'une commission parlementaire préalable à celle-ci, sur une base non partisane, tel que nous l'avions proposé il y a plus d'un an, il n'en demeure pas moins que nous avons tous ici, à partir d'aujourd'hui, élus et participants, une opportunité d'exercer notre raison et notre intelligence face à un enjeu crucial, un enjeu qui est au coeur de cette valeur libérale d'engagement envers la justice sociale. Et sur ce thème de la justice sociale, permettez-moi une citation tirée du livre rendu public effectivement la semaine dernière par M. Claude Ryan, intitulé Les valeurs libérales et le Québec moderne, et je cite: «Afin que toutes les personnes aient une chance raisonnable de se développer dans la mesure de leurs talents et de leurs aspirations, il faut que soit procuré à chacun l'accès à un minimum de biens indispensables. Le contenu de ce minimum de biens varie selon le degré de développement et de conscientisation politique de chaque société. Au Québec, grâce principalement à l'influence exercée par le Parti libéral, ce minimum a été élargi au cours des dernières décennies. Il inclut le droit de toute personne, à l'abri de toute discrimination, à des services de santé gratuits, à l'enseignement primaire, secondaire et collégial gratuit, à l'aide financière de l'État en cas de dénuement, à l'aide financière de l'État pour la poursuite d'études postsecondaires, à diverses mesures de soutien au logement, à un revenu de retraite assuré, et ce, en sus de la protection disponible au titre de programmes fédéraux, telles l'assurance emploi, les prestations fiscales pour enfants...» Permettez-moi une parenthèse. On vient de voir une promesse du gouvernement fédéral d'augmenter les prestations fiscales pour enfants. J'espère qu'on pourra faire en sorte que cet argent va bénéficier effectivement à la lutte à la pauvreté pour les enfants et les familles ultimement. Je reviens à la citation: «...les pensions de vieillesse et le supplément du revenu pour personnes âgées.» Fin de la citation.

n (10 h 10) n

J'ajouterai à cette liste, parce qu'il faut bien donner à César ce qui appartient à César, l'assurance médicaments, qui offre une protection supplémentaire pour la santé des personnes. Je profite pourtant, Mme la Présidente, de cette reconnaissance pour rappeler à César, pour ainsi dire, qu'en ajoutant cette protection aux uns il a enlevé à d'autres et que, face aux plus démunis de la société, il leur a fait subir un recul important et inacceptable sur cette question ? inacceptable pour nous ? que nous nous sommes engagés à corriger.

Le projet de loi n° 112 vient donc s'insérer sur la scène que je viens de décrire. Il vient aussi s'insérer dans une réalité de pauvreté et d'exclusion qui, en dépit de nos efforts collectifs, ne nous permet pas de nous reposer sur nos lauriers. Diverses études récentes sur la pauvreté au Canada et au Québec nous donnent un signal d'alarme qui nous force à nous interroger sur nos façons de faire. D'abord, une donnée-choc ? en tout cas, c'est choquant pour moi et je suis certain que c'est choquant pour l'ensemble des parlementaires et ceux qui nous écoutent: l'espérance de vie, en santé, des groupes sociaux pauvres et vivant l'isolement social est, tenez-vous bien, de 14 ans inférieure à celle des groupes mieux nantis. C'est l'Institut national de santé publique du Québec qui nous l'apprend en juin de cette année.

En excluant l'impact de l'isolement social, le rapport Clair, lui, nous apprend, à la page 23 de son rapport, que «la population ? et je cite ? des quartiers défavorisés vit en moyenne 10 ans de moins que celle des quartiers favorisés». Ça, ça nous ramène quelque part dans les années quarante, pour ce qui est de l'espérance de vie de ces personnes. Alors, juste ça, c'est quelque chose qui doit nous faire réfléchir.

Voici d'autres données à nous faire réfléchir également. Elles sont toutes tirées d'une étude sérieuse et exhaustive faite par le ministère de la Santé et des Services sociaux intitulée Pour réduire les inégalités de santé et de bien-être liées à la pauvreté. Ça a été publié en l'an 2000 à partir des données couvrant la période 1980 à 1997, 17 ans, et je cite: «Une fois l'inflation prise en compte, le revenu moyen avant transfert, le revenu moyen avant impôts et le revenu moyen après impôts de l'ensemble des unités familiales québécoises diminuent entre 1980 et 1997. Entre 1980 et 1997, les familles de tous les quintiles enregistraient une diminution de leur revenu après impôts ? après impôts. Les familles du quintile inférieur étant moins touchées que les autres, moins 2,9 %. Les familles des deuxième et troisième quintiles subissaient, pour leur part, les baisses relatives les plus fortes, moins 11,4 % et moins 11,9 % respectivement.» Là, on est rendu à parler de 60 % de la population, les trois quintiles, qui ont subi depuis 17 ans un recul important de leur revenu réel.

Et je continue la citation: «L'emploi, bien qu'il ne protège qu'imparfaitement du faible revenu, diminue les risques de souffrir d'un revenu insuffisant. Le travail salarié constitue la meilleure protection contre le faible revenu. En 1997, le Québec et Terre-Neuve étaient affligés des taux de faible revenu des familles les plus élevés parmi les 10 provinces canadiennes, soit 12,4 % et 12,2 % respectivement. En 1997, le Québec domine les neuf provinces au chapitre de la proportion des familles et des personnes seules frappées par le faible revenu. La position du Québec, en tête de peloton des moins favorisés, est encore plus frappante dans le cas des personnes seules. Il occupe systématiquement, et de loin, le premier rang des régions quant au taux élevé de faible revenu.» Fin de citation.

Tournons maintenant notre regard, Mme la Présidente, sur ce que nous faisons de ce tableau, comment est-ce que nous nous positionnons, chacun, par rapport à l'interpellation qui nous est ainsi lancée ? parce qu'il s'agit bel et bien d'une interpellation réelle ? et plus précisément par rapport au projet de loi n° 112 lui-même. Notre vision des choses d'abord. C'est toujours mieux de commencer à parler de ce que, nous, on voudrait faire et de se regarder soi-même.

La fin de semaine dernière, nous avons adopté, quant à nous, nos priorités d'action. Nous avons ouvertement et sans détour identifié les gestes que nous entendons poser en tant que gouvernement. En premier lieu, nous avons effectivement décidé de recréer un système de santé qui soigne le monde pour que personne ne se sente incapable de recevoir à temps les soins requis pour ce qu'il y a de plus précieux dans la vie: la santé. Et dans le contexte de nos discussions sur la pauvreté, ce volet majeur de nos engagements n'est pas sans intérêt. Je vous rappelle simplement les données que j'ai données tantôt sur l'espérance de vie et le fait que les gens des quartiers défavorisés meurent 10 ans plus tôt que les populations des quartiers favorisés.

L'engagement solennel de traiter tout le monde sur un pied d'égalité, sans discrimination aucune, est au coeur de notre vision de la justice sociale. L'appliquer dans un domaine comme la santé signifie garantir à tous, indépendamment de leurs revenus, un système de qualité supérieur, un accès sans entrave et sans frustration d'attente de même qu'un suivi humain du début à la fin de la maladie.

La solution n'est pas de privilégier les riches par rapport aux autres, c'est de se donner les moyens et les ressources pour réparer et repartir le système public pour que tous aient le même accès et les mêmes soins. C'est fondamental pour nous. On veut effectivement bloquer la porte à ceux qui préconisent une médecine à deux vitesses, la rapide pour les bien nantis et la lente pour les autres. Ceux qui disent... et il y en a, des partis politiques, dans cette Assemblée, qui disent ne rien vouloir investir de plus en santé et qui permettront ainsi à certains de se procurer à leurs frais des soins de santé; ils vivent selon des valeurs qui ne sont pas les nôtres. Cette façon de faire s'apparente plus à la loi du plus fort qu'à la justice sociale.

Proposer, dans un contexte de pénurie d'effectifs, qu'il y ait un système de santé pour les gens ordinaires et un autre sans doute plus raffiné, comme le fait l'ADQ ? et ce qu'on peut appeler effectivement le «dumontisme» ? pour ceux qui peuvent se le payer, mène tout droit au drainage des compétences et à la dégradation du système pour la grande majorité de nos concitoyens. Même l'Alberta de l'Ouest, comme l'indiquait le National Post, n'est pas allée aussi loin que l'Alberta de l'Est que l'ADQ propose pour le Québec. Se prétendre une conscience sociale et proposer un tel système, c'est dire une chose et son contraire à la fois.

L'éducation est notre deuxième champ de bataille. Le Québec vit avec un taux de décrochage scolaire de 30 %. Trois enfants sur 10 ne terminent pas leur secondaire. Je me rappelle d'une époque ? et j'étais ici quand on est arrivé au pouvoir en 1985 ? où c'était 40 %. À cette époque aussi, le gouvernement de l'époque avait fait du décrochage scolaire une cible. Nous avons fait des investissements ciblés, du support, surtout dans les quartiers défavorisés, des actions alimentaires préventives, et on a affiché surtout une volonté de faire reculer ce chiffre qui a conduit notre gouvernement à l'époque à donner l'impulsion nécessaire pour que ce chiffre effarant recule. Aujourd'hui, il faut donner un autre coup de barre, il faut qu'on abaisse encore plus ce chiffre. 30 % aussi, c'est trop. Ceux qui, encore une fois, sont les plus vulnérables, ce sont les gens moins favorisés économiquement. Il faut assurer l'égalité des chances dès le début.

Pour ce qui est du gouvernement actuel, il ne s'est réveillé à cette réalité que tardivement et partiellement, mais, au moins, il semble y avoir une prise de conscience. Tant mieux! Quant à M. Dumont et son parti, ils nous proposent un autre remède, style médecine de cheval, qui, encore une fois, nous mène à une désorganisation où ceux qui ont les moyens s'en tireront. Voici ce qu'un ex-ministre de l'Éducation, respecté et qui continue à suivre le domaine de l'éducation avec beaucoup d'intérêt, a à dire sur le sujet des bons d'éducation de M. Dumont, et je cite: «Cette proposition témoigne d'une sérieuse méconnaissance de la réalité.» Un peu plus loin: «L'implantation généralisée d'une telle mesure au Québec entraînerait pour l'organisation du réseau scolaire publique des perturbations pédagogiques et administratives dont l'ADQ ne semble avoir aucune idée.» C'était M. Claude Ryan. «Encore une fois, ce ne sont que les plus riches qui pourront se payer le luxe de s'organiser à leurs frais pour que leurs enfants puissent fréquenter une école taillée à leur mesure. De plus en plus, on voit la vision du Québec qui se dessine pour l'ADQ: un Québec pour les riches et un Québec pour les autres.»

Notre troisième cheval de bataille touche le sujet qui nous concerne plus directement ici: la sécurité du revenu des 43 % de la population qui ne paient pas d'impôt. Cette tranche de la population est composée essentiellement, exception faite des enfants, des chômeurs et des personnes vivant de la sécurité de vieillesse ou de leur régime de retraite, soit des prestataires de l'assistance sociale, soit des travailleurs à faibles revenus. C'est vers ces personnes, plus particulièrement, qu'en plus de la santé et de l'éducation nous voulons concentrer nos efforts et pour lesquels on a choisi d'investir de nouvelles sommes d'argent considérables dans les choix que nous avons faits.

n(10 h 20)n

Les programmes de sécurité du revenu, d'insertion à l'emploi et de supplément de revenu vont bénéficier, avec la santé et l'éducation, d'ajouts importants de ressources financières. Il s'agit pour nous d'être conséquents avec nos valeurs et de faire suivre la parole donnée par le geste posé. Voici ce que nous envisageons. Il s'agit d'une vision basée sur une lecture lucide de la réalité à partir de la primauté qu'on accorde à l'individu et à l'égalité des chances en visant à protéger, aider et soutenir ceux qui, tout en ayant l'attitude physique ou mentale pour un travail rémunéré, sont, pour une raison ou pour une autre, incapables d'y arriver ou d'y rester.

Un gouvernement du Parti libéral du Québec procédera à une révision des programmes de soutien aux personnes à faibles revenus en s'appuyant sur les principes suivants et les engagements suivants: protection d'un minimum vital pour les personnes démunies; indexer au coût de la vie en restaurant la gratuité des médicaments; assistance sociale et financière à l'insertion vers le marché du travail; soutien financier à la participation au marché du travail. Il intégrera toutes les mesures d'assistance et d'incitation au travail au sein d'un seul programme fondé sur la participation au marché du travail et les besoins individuels des personnes et augmentera les gains associés au passage vers le travail et au soutien au travail. À cette fin, il investira 875 millions de dollars supplémentaires dans ces mesures à l'intérieur d'un mandat. Je crois que c'est clair. Le travail rémunéré est le véhicule par excellence qui mène à l'autonomie et à la liberté personnelle. C'est l'instrument le plus efficace pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Contrairement à d'autres, nous ne ferons pas miroiter le mirage d'un revenu de citoyenneté en promettant un régime universel de revenu minimum garanti pour tous, comme le fait l'Action démocratique du Québec qui lance cette idée sans en avoir étudié ni les implications administratives, ni constitutionnelles, ni financières, parce que la preuve de la viabilité d'un tel programme et, encore moins, de la capacité financière de l'État de l'assumer à un niveau significatif est loin, très loin d'avoir été faite, parce qu'on gouverne dans le concret, normalement, à partir de la réalité, en se donnant des moyens d'agir aujourd'hui.

Nous n'adopterons pas non plus, Mme la ministre, une approche culpabilisante du style ? et je pense que ça aurait été peut-être un dérapage ? du style «pas d'aide pour ceux qui sont assis sur leur steak». Au lieu de menacer et de culpabiliser par de telles déclarations, offrons de l'aide à tous ceux qui en ont besoin. Et, chaque fois, chaque fois que quelqu'un se prévaudra de cette offre d'aide, faisons encore plus pour lui. Faisons en sorte que les gens cheminent de la dépendance à l'indépendance financière et, une fois qu'ils y arrivent en accédant à un emploi réel, soutenons leurs efforts pour y rester.

Un dernier élément avant de conclure, Mme la Présidente. Nous choisissons également de viser un Québec plus prospère pour tout le monde. Si nous retenons l'idée de viser des cibles de réduction tant de la pauvreté que des écarts trop grands, nous voulons un Québec plus prospère pour tous les citoyens. Il n'est pas sain de dresser les gens les uns contre les autres en envisageant la lutte à la pauvreté comme un «zero-sum game» où il y a des gagnants et des perdants, où il faut prendre aux uns pour donner aux autres. Il faut que cette lutte soit basée sur un projet de société bâti avec la libre adhésion de tous et particulièrement de ceux qui peuvent contribuer plus. L'état actuel du niveau d'imposition ne laisse aucune marge de manoeuvre de ce côté. Il faut donc de l'oxygène et il faut le donner maintenant. Il faut que les impôts baissent pour que tous soient des gagnants et que personne n'en veuille à l'autre.

Il reste évidemment beaucoup à dire sur ce fameux taux d'imposition unique de l'ADQ, par exemple, qui vient compléter sa vision du Québec comme étant véritablement un Québec pour les riches et un Québec pour les autres. Parce que les seuls qui vont bénéficier de ce «flat tax», proposé par les Ross Perot, Stockwell Day et Mario Dumont de ce monde, sont les riches et les très riches. Ce sont les moins bien nantis et surtout la classe moyenne qui vont en écoper.

Comme on est ici surtout pour entendre, à partir d'aujourd'hui et pendant plusieurs jours, les 150 groupes et les personnes qui viendront nous parler du contenu du projet de loi, je ne m'attarderai pas longtemps, à ce moment-ci, sur notre propre analyse. Je veux quand même, avant de conclure, vous donner brièvement notre appréciation générale du projet de loi lui-même.

Pour ce qui est de l'idée d'une loi, je vous rappelle qu'on avait, les premiers, réclamé l'adoption d'une loi sur la pauvreté, que le gouvernement avait d'abord rejeté cette demande et qu'à la dernière minute, à la dernière session parlementaire, il s'est ravisé. Comme on avait réclamé une telle loi, nous sommes favorables à cette idée. Tant mieux si le gouvernement a décidé de suivre.

Pour ce qui est du contenu, nous n'avons a priori rien trouvé de fondamental qui aille à l'encontre ni de nos valeurs ni de nos propositions d'action, si ce n'est notre réserve quant à la création de nouvelles structures. Nous n'avons pas besoin, par exemple, d'un observatoire de la pauvreté, d'un autre appareil administratif au nom quelque peu prétentieux pour observer la pauvreté. Le Conseil de la santé et du bien-être, qui a fait l'étude que je citais au début, pourrait très bien, par exemple, s'acquitter de cette tâche ou encore le ministère lui-même. Nous y reviendrons durant nos audiences et surtout lors de l'adoption du projet de loi lui-même.

Pour l'essentiel, donc, la ministre ? dérapage verbal quant au «steak» des plus démunis en moins ? semble bien s'accommoder de nos valeurs. Je l'encourage à continuer. La souveraineté en moins, elle ferait une bonne libérale. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, M. le député de Laurier-Dorion. Mme la députée de La Pinière, il vous reste cinq minutes environ.

Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Quelques remarques, Mme la Présidente, je vais essayer de m'en tenir peut-être même à moins que cinq minutes. Mme la ministre, mes collègues des deux côtés de la Chambre, je suis très, très préoccupée, Mme la Présidente, par cette question de la lutte à la pauvreté, et c'est ce qui explique ma participation ici aujourd'hui. Je suis ici évidemment avec une attitude d'ouverture, parce que c'est une consultation, puis on va être à l'écoute de ce que les groupes vont nous proposer comme solutions. Nous savons ce que le gouvernement a proposé dans le projet de loi, et on peut évidemment avoir des visions différentes, mais je pense que l'objectif qu'on vise ensemble, c'est vraiment de lutter contre la pauvreté, de trouver des solutions, des mécanismes, des moyens concrets.

Je suis également très préoccupée non seulement par la pauvreté, mais par l'appauvrissement de la société québécoise. Depuis quelques années, à cause d'un certain nombre de facteurs, notamment le fait qu'on soit les contribuables qui paient le plus d'impôts en Amérique du Nord, le fait qu'il y ait eu une multitude de taxes qui s'est ajoutée, un certain nombre de familles, de ménages ? je le constate particulièrement dans le dossier de l'habitation dont je suis porte-parole ? qui arrivaient en fin de compte à tenir le bout, depuis un certain temps ces familles-là se sont appauvries. Et c'est très important, lorsqu'on parle de la pauvreté, qu'on garde à l'esprit aussi toute la question de l'appauvrissement.

Mon collègue vient de mettre la table et de signaler les valeurs et la vision que nous proposons du côté du Parti libéral du Québec. La lutte à la pauvreté est au coeur de ce que devrait faire l'État. Nous parlons ici également du rôle de l'État, et on sait que l'État a deux missions essentielles qui sont l'éducation et la santé notamment, mais également il a un rôle de régulateur, un rôle de répartiteur d'une certaine façon de la richesse. Et cette répartition de la richesse passe par la création de conditions favorables pour le développement économique. On peut répartir la richesse mais, encore une fois, il faut la créer. Et j'espère, Mme la Présidente, qu'à la faveur de cette consultation on va pouvoir dégager des consensus. Parce que la lutte à la pauvreté, c'est un objectif de société, ce n'est pas un objectif de partis. Et, de notre côté, on va y contribuer avec beaucoup, beaucoup de dynamisme.

Je signale en passant que, à partir du 15 octobre, nous aurons également une autre commission parlementaire, la commission de l'aménagement du territoire, qui va aborder une consultation sur le logement social, et on aura également à discuter de façon plus spécifique d'une dimension de la pauvreté qui affecte les ménages québécois dans le domaine de l'habitation, et j'y participerai également à titre de porte-parole avec grand intérêt.

Alors, Mme la Présidente, je nous souhaite des travaux très fructueux sous votre présidence.

Auditions

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Alors, avant d'accueillir notre premier groupe, je vous rappelle que la commission va consacrer 45 minutes pour l'audition de chaque organisme, soit 15 minutes pour la présentation du mémoire et 30 minutes pour les échanges. Et, en ce qui concerne l'audition d'un individu, à ce moment-là, nous consacrerons 10 minutes pour la présentation et 20 minutes, c'est-à-dire, pour un total de 30 minutes.

Alors, sans plus tarder, j'accueille avec beaucoup de plaisir les représentants de l'Assemblée des évêques du Québec dont Mgr St-Gelais qui est président et évêque de Nicolet. Alors, bienvenue et bienvenue aux gens qui vous accompagnent.

n(10 h 30)n

J'apprécierais, monseigneur, que vous nous présentiez les personnes qui vous accompagnent. Et vous avez 15 minutes justement, pour la présentation de votre mémoire. Je vous cède la parole.

Assemblée des évêques du Québec (AEQ)

M. St-Gelais (Raymond): Merci beaucoup, madame. Les membres présents qui m'accompagnent: il y a Mgr Martin Veillette, qui est évoque de Trois-Rivières et président du Comité des affaires sociales de l'Assemblée des évêques et M. Jean Picher, de Québec, qui a été longtemps et est encore très proche des personnes appauvries. Nous devions avoir Mgr Lussier, Gilles Lussier, de Joliette, qui, malheureusement aujourd'hui, est retenu dans son diocèse et ne peut être des nôtres.

Mme la ministre, mesdames, messieurs, nous vous remercions de cette opportunité de présenter un mémoire sur un sujet qui nous tient particulièrement à coeur, vous le devinez bien, la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, et nous sommes honorés d'ouvrir cette commission parlementaire.

L'Assemblée des évêques du Québec reconnaît que le projet de loi marque une étape importante dans l'histoire de notre société et constitue une décision très courageuse de la part du gouvernement car il exprime de façon officielle l'orientation de notre société québécoise vers plus de justice et de solidarité. Notre société est passée de l'État providence à l'État gestionnaire et semble vouloir aller vers un État garant des droits des personnes et promoteur de la solidarité sociale. C'est un choix auquel l'Assemblée des évêques souscrit pleinement, puisqu'il vise le bien commun de l'ensemble des citoyens et des citoyennes.

Les membres de l'Assemblée des évêques souhaitent d'abord que le gouvernement approfondisse la vision qu'il développe dans son projet de loi. En situant la lutte à la pauvreté dans la perspective des droits de la personne, le projet de loi confirme que chaque être humain, quelles que soient ses forces et ses faiblesses, a le droit d'avoir ce qui est nécessaire pour vivre dignement dans notre société et pour y être un membre actif et reconnu.

Ce que le projet de loi ne dit pas, c'est que l'exercice effectif des droits de la personne n'est pas toujours facilité par le contexte social et économique. Il serait important de pouvoir nommer les causes individuelles et collectives de la pauvreté ainsi que les limites et les faiblesses de l'économie de marché, face à la redistribution de la richesse.

Au Québec, des secteurs vulnérables de la société et des régions entières sont aux prises avec un recul, sur le plan économique. Le projet de loi devrait aborder ce problème. La réduction des écarts entre riches et pauvres est primordiale. Si le projet de loi et le plan d'action à venir ne cherchent pas à agir sur les causes sociales et sur la réduction de ces écarts, les résultats risquent d'être minces.

Dans votre énoncé de politique, La volonté d'agir, la force de réussir, le gouvernement souhaite que l'individualisme et les valeurs de marché soient tempérés par une éthique sociale. Est-ce que tempérer est suffisant? Ne faut-il pas essayer d'imaginer une façon autre de faire fonctionner l'économie sans faire abstraction du monde qui nous entoure?

Le projet de loi reconnaît les capacités des personnes appauvries à se prendre en main et à résoudre leurs difficultés. Pour atteindre cette reconnaissance effective, nous devons examiner le regard que nous portons sur les personnes appauvries dans nos rencontres de tous les jours. Les attitudes de condescendance, de jugement hâtif, voire de condamnation dans nos façons d'en parler, elles existent toujours. Si nous voulons vivre une véritable solidarité avec les personnes en situation de pauvreté, il nous faudra les reconnaître comme des personnes égales et avec qui nous voulons vivre en communauté de destin. Un changement profond de mentalité apparaît nécessaire pour y arriver. Dans la construction de cette solidarité, les entreprises pourraient être invitées à voir au-delà d'un rendement économique et penser en entreprises socialement responsables.

Le projet de loi mentionne l'importance de la cellule familiale et reconnaît la nécessité d'adopter des mesures qui répondent aux besoins et assurent sa solidité. Nous souhaitons voir se développer davantage le soutien aux familles, particulièrement par une valorisation du travail non salarié accompli à son service, afin que chaque famille puisse avoir les moyens de vivre dignement.

Quant au revenu couvrant les besoins essentiels, je me réfère d'abord au principe mis de l'avant par le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté. C'est un principe qui gagnerait à être explicité davantage dans le projet de loi n° 112. Ce principe vise à assurer le non-appauvrissement du cinquième le plus pauvre de la population en intervenant dans toute décision gouvernementale pouvant toucher les personnes en situation de pauvreté.

Ce n'est toutefois qu'une première étape vers l'atteinte d'un but plus important encore: que chaque individu et chaque famille dispose d'un revenu qui couvre ses besoins essentiels, notion qui se retrouve sous l'appellation de revenus de solidarité. Nous percevons immédiatement l'impact que l'instauration d'un tel revenu pourrait avoir dans la lutte à la pauvreté. Cependant, il faut au préalable préciser, avec ouverture de coeur et d'esprit, quels sont les besoins essentiels de tout être humain dans notre société. Il devrait être clair pour tous que le niveau actuel de revenu des personnes sans emploi les oblige à vivre dans la privation.

En nous fondant sur le tableau de la page 36 de l'énoncé de politique qui énumère les revenus constituant le seuil de pauvreté, nous constatons que les prestataires de l'assistance-emploi ? aide sociale ? ont des revenus inférieurs à ce seuil, quelle que soit leur situation. Nous tenons ici compte de tous les revenus possibles, soit la prestation du programme d'assistance-emploi pour les adultes, le maximum de revenu de travail permis, l'allocation familiale au Québec, la prestation fédérale pour enfants et son supplément. Il y a donc urgence à hausser les barèmes de l'assistance-emploi. Sérieusement, qui d'entre nous peut prétendre être capable de vivre convenablement avec les montants actuels? On est ici au stade de la survie au jour le jour. Pour atteindre cet objectif majeur, le gouvernement est invité à faire des choix cohérents avec le revenu minimal. Il doit abandonner clairement l'approche punitive dans le versement des prestations d'assistance-emploi. La vision derrière le projet de loi devrait logiquement mener à être incitatif plutôt que punitif. L'occupation de l'emploi devrait être attrayante. Les coupures, qu'elles soient plus ou moins sévères, demeurent une punition et impliquent une culpabilité de la part de la personne qui est punie.

Ensuite, il faut préciser clairement dans le projet de loi les liens entre lutte à la pauvreté, maintien du déficit zéro et politiques fiscales. Toutes les études démontrent qu'au cours des dernières décennies le cinquième le plus riche de la population a continué de s'enrichir. Si la lutte à la pauvreté devient une priorité claire pour le gouvernement, elle devra entraîner un examen approfondi des règles fiscales actuelles et futures. Seul l'État possède les leviers nécessaires pour assurer le partage des richesses de façon généralisée.

Concrètement, l'Assemblée des évêques propose cinq éléments de stratégie à développer. Premièrement, agir au niveau des mentalités dans la reconnaissance de la dignité et des droits de chaque personne humaine. Les personnes appauvries ne sont pas pauvres par leur faute et elles possèdent des ressources pour améliorer leur sort. Nous proposons une campagne décidée de sensibilisation à la pauvreté et d'inviter à la solidarité en même temps que l'application des autres volets de la stratégie. Il importe de sortir de la pauvreté et de l'exclusion sociale des personnes qui y sont depuis trop longtemps.

Deuxièmement, le projet de loi annonce une relance du logement social, et l'Assemblée des évêques souscrit pleinement à l'urgence de cette relance. Elle invite toutefois le gouvernement à accorder un soutien accru aux coopératives de logement qui ne sont pas nommées dans le projet de loi. Ces coopératives sont des lieux de développement des capacités de gestion et de diverses habilités au travail de groupe.

Troisièmement, les pouvoirs du comité consultatif et de l'Observatoire gagneraient à être accrus, et les fonctions précisées. Le Comité consultatif pourrait jouer un rôle de chien de garde afin d'assurer que toutes les décisions gouvernementales rencontrent l'objectif de faire reculer la pauvreté. Et, dans notre mémoire, on souhaite que la composition de ce Comité soit formée majoritairement de gens qui sont vraiment en lien avec le phénomène de l'appauvrissement. Bien que les deux organismes en place... Bien que, dans les deux organismes, des places aient été prévues pour des personnes appauvries et pour des représentants des groupes communautaires, nous souhaitons que le gouvernement ose leur donner la majorité au sein du Comité consultatif.

n(10 h 40)n

Quatrièmement, l'importance des initiatives locales et de l'action communautaire est explicitement reconnue, tant dans le projet de loi que dans l'énoncé de politique. Une partie importante de ces groupes communautaires est toujours à la limite de la survie par manque de financement. Sans prétendre que toutes les initiatives locales doivent être financées par les deniers de l'État, un soutien financier accru aux groupes communautaires est souhaitable. Dans une approche gouvernementale tournée vers l'aide aux personnes et aux familles appauvries, il importe que les groupes communautaires qui tournent leurs actions vers la lutte à la pauvreté, qui est l'aide aux jeunes familles, obtiennent un soutien accru.

Et, cinquièmement, l'énoncé de politique reconnaît les difficultés d'insertion des personnes immigrantes sur le marché du travail. L'Assemblée demande quels moyens concrets entend prendre le gouvernement pour réduire ces difficultés et reconnaître davantage les acquis de formation et d'expérience des personnes immigrantes?

En dernier lieu, les membres de l'Assemblée des évêques du Québec souscrivent à un projet à long terme mais demandent un agir immédiat en invitant le gouvernement à prendre trois décisions dès cet automne et cet hiver afin d'amener au plus tôt les effets bénéfiques sur la situation des personnes en situation de pauvreté.

D'abord, éliminer les délais de l'assistance-emploi. Dans une perspective de solidarité sociale et de confiance dans le potentiel des personnes, nous souhaitons que le gouvernement prévoie dans son projet de loi les mesures qu'il entend prendre pour éliminer sans plus tarder les délais dans les décisions concernant les droits de recours. Ces délais, parfois très longs, entraînent une détérioration de la situation des personnes déjà fortement marquée par la pauvreté.

Ensuite, assurer un niveau de salaire minimum qui permette de sortir de la pauvreté. Dans le contexte actuel d'une économie de marché au niveau continental, nous comprenons les risques que craignent les entreprises si une hausse trop rapide du salaire minimum survient. Par contre, nous trouvons inquiétante l'augmentation du nombre de travailleuses et de travailleurs qui se retrouvent à ce niveau de revenu car elle implique une hausse du nombre de salariés qui vivent sous le seuil de la pauvreté.

Un projet de loi pour lutter contre la pauvreté doit tenir compte des conséquences de cette situation, à court terme et à long terme. Il importe d'assurer un niveau de salaire minimum qui permette aux travailleuses et aux travailleurs jeunes et moins jeunes de sortir de la pauvreté. C'est pourquoi nous insistons particulièrement sur le maintien de l'effort québécois en matière de salaire minimum, peu importent les décisions prises par le reste de l'Amérique du Nord. Le Québec est en tête de ligne, à ce niveau-là.

Et, enfin, revenir à la gratuité totale des médicaments pour les prestataires de l'assistance-emploi. La contribution demandée à l'usager de l'assurance médicaments représente souvent une dépense lourde pour les personnes qui ont les plus bas revenus. Nous croyons qu'il est possible de revenir à la gratuité pour les prestataires de l'assistance-emploi, et ce, sans mettre le système en péril.

Enfin, nous reconnaissons la nécessité d'une mobilisation de toutes les forces vives de la population dans la lutte à la pauvreté, au Québec. Nous continuerons de soutenir des organismes ecclésiaux d'aide aux démunis et de sensibiliser les chrétiens et chrétiennes à la réalité sociale de la pauvreté. Nous poursuivrons notre solidarité avec les organismes sociaux et communautaires qui travaillent à faire reculer la pauvreté.

Mme la ministre, mesdames, messieurs, nous vous remercions.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, Mgr St-Gelais, pour la présentation de votre mémoire. Alors, je cède maintenant la parole à la ministre d'État à la Solidarité sociale, à la Famille et à l'Enfance.

Mme Goupil: Bien. Merci, Mme la Présidente. Je voudrais vous remercier, Monseigneur, pour avoir accepté d'être les représentants officiels pour démarrer cette commission parlementaire.

Vous avez indiqué tout à l'heure toute la mobilisation que vous vous apprêtiez à soutenir et à maintenir. Il est extrêmement important ? parce qu'il y a un adage qui dit que ce qui n'est pas connu n'existe pas ? il est important de rappeler cette réalité au plus grand nombre possible de gens pour qu'ils puissent se sentir non seulement interpellés individuellement, mais collectivement aussi.

Vous avez mentionné tout à l'heure de façon particulière toute l'importance du rôle du salaire minimum dans la lutte contre la pauvreté, particulièrement dans votre mémoire à la page 14, et vous l'avez mentionné, là, tout à l'heure que vous souhaitez qu'il soit important qu'on puisse maintenir un salaire minimum assez élevé, «et peu importent les décisions qui peuvent être prises dans le reste de l'Amérique du Nord».

Tout à l'heure, vous avez fait référence au fait que le gouvernement du Québec a toujours procédé de façon, je dirais, assez historique à des hausses annuelles, et vous le savez que ce n'est pas sans créer toujours beaucoup de vague. Il y a eu une hausse jusqu'en 1998 où il se situait à peu près à 6,90; on l'a rehaussé. Par la suite, il a été porté à 7 $, en février 2001. Aujourd'hui, le 1er octobre, le salaire minimum connaît une hausse de 0,20 $, et, en février 2003, il sera porté à 7,30 $ l'heure.

Également, vous savez que, avec notre collègue M. Jean Rochon, nous avons convenu d'un mécanisme nous permettant justement d'éviter ce qui pouvait être véhiculé, disant: On va perdre tant d'emplois ou: Il y a tant d'entreprises qui vont déménager. Nous avons mis en place ce mécanisme ? et M. Rochon, avec les différents partenaires ? un mécanisme qui viendra tenir compte de l'ensemble des facteurs et va justement éviter que l'on nuise au développement économique.

Vous avez indiqué qu'il nous fallait continuer dans cette voie. J'aimerais que vous nous indiquiez pourquoi vous tenez à ce que nous continuions dans cette voie-là.

M. St-Gelais (Raymond): Il semble bien, d'après les chiffres, et on en souligne quelques-uns à la note 7, à la page 7 de notre mémoire, que, même avec les prestations, parfois les gens demeurent quand même sous le seuil de la pauvreté. C'est surtout cette question entre autres, c'est-à-dire, ce n'est pas tellement la question mais c'en est une, que, même malgré les majorations, les gens demeurent toujours, assez souvent encore, sous le seuil de la pauvreté. Or, c'est cette raison qui nous invite à aller encore de l'avant, de façon à ce que les personnes et les familles puissent répondre aux besoins essentiels. C'est un peu ce que vous donnez comme description dans le salaire de solidarité, du revenu...

Mme Goupil: De solidarité.

M. St-Gelais (Raymond): ...de solidarité: faire en sorte que les personnes puissent, dans... C'est sûr qu'il faut tenir compte du contexte social dans lequel nous sommes au Québec, nous ne sommes pas en Afrique. Et le revenu est conditionné aussi par ce contexte social et répond aux besoins essentiels dans notre société, alors suppose évidemment qu'on assure un revenu qui contribue.

Mme Goupil: Alors, c'est pour cela que, dans notre stratégie dans le projet de loi, elle s'adresse également aux salariés à faible revenu, que ce soit au salaire minimum, parce que, malgré toute la bonne volonté, ces gens, avec un des salaires minimums les plus élevés en Amérique du Nord, qui se retrouve au Québec, se retrouvent, malgré tout, dans une situation en deçà de ce que l'on peut considérer comme essentiel. La stratégie et le projet de loi permettraient justement de bonifier l'aide, soit par de l'aide à la famille, au logement, d'aide directe au soutien des services de garde, permettant à ces personnes qui, même si elles travaillent au salaire minimum, bien, ça leur permettrait d'atteindre ce revenu de solidarité. Alors, vous êtes en accord avec cela?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mgr St-Gelais.

M. St-Gelais (Raymond): Bien sûr que d'aller dans cette ligne-là est certainement à encourager. Bien sûr.

Mme Goupil: D'accord.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Picher?

M. Picher (Jean): Bien, je voulais simplement ajouter qu'actuellement au taux que Mme la ministre vient de dire de 7,30 $ de l'heure il y a seulement une personne qui travaillerait 40 heures par semaine à ce taux-là et qui serait seule qui aurait un revenu supérieur au seuil de pauvreté. Si cette personne-là ne travaille pas 40 heures-semaine ou si elle a charge d'enfant, elle est encore en dessous du niveau du seuil de pauvreté.

Mme Goupil: Tout à fait.

M. Picher (Jean): Donc, c'est pour ça que, même si cet effort-là est louable, on pense qu'il faut continuer de le poursuivre.

Par ailleurs, on sait que les personnes actuellement qui travaillent au salaire minimum sont en grande majorité des femmes et aussi des jeunes.

Mme Goupil: Tout à fait.

M. Picher (Jean): Et donc, ça va aussi dans la ligne où le gouvernement dit: Il faut spécialement intervenir auprès des clientèles les plus vulnérables. C'est celles-là justement qui sont touchées favorablement si le niveau de salaire minimum continue d'augmenter.

Mme Goupil: Tout à fait.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Goupil: Je suis d'accord avec vous. Il n'en demeure pas moins que nous avons, malgré beaucoup de résistance... Hein? Vous le savez, qu'à chaque fois qu'on veut augmenter le salaire minimum puis qu'on l'a fait on s'est même fait accuser que ce n'était pas nécessaire, que l'on allait faire tomber les entreprises, etc. Ce qui n'est pas vrai, parce que, souvent, les personnes qui se retrouvent au salaire minimum sont des personnes qui travaillent auprès des services publics et faisant en sorte que ça n'a pas d'impact direct auprès des grandes entreprises.

n(10 h 50)n

Cependant, par mesure de sécurité et d'assurance, il y a un mécanisme qui est mis de l'avant justement pour qu'à chaque fois on puisse aller au maximum de cette augmentation du salaire minimum, on soit capable de considérer les facteurs entourant tout ça pour éviter justement des pertes d'emplois qui sont dramatiques pour une économie. Mais, jusqu'à maintenant, nous l'avons maintenu avec, bien sûr, une volonté de vouloir le faire. Mais vous n'êtes pas sans savoir que nous ne sommes pas soutenus par beaucoup d'autre monde pour tenir à augmenter le salaire minimum, et qu'à chaque fois qu'on a eu à le rehausser on s'est fait dire que ce n'était pas une bonne façon de... que ce n'était pas bien puis que ça mettait en péril les entreprises.

Alors, je vous remercie de témoigner de ce que ça signifie. Même les gens qui travaillent au salaire minimum se retrouvent, pour certains, dans une situation de pauvreté. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci, Mme la Présidente. Bonjour. Moi aussi, je voudrais vous féliciter, vous remercier de commencer la commission parlementaire.

Vous dites même, dans votre introduction, dans votre mémoire, que vous êtes la fondation du pays, fondation du Québec. C'était la place qu'a occupée les communautés religieuses, votre place, et toute l'influence et nos... le lien en commun ou le travail avec les démunis qui s'est fait durant tout le début de la colonisation. Le rôle que vous avez joué, c'est fondamental dans le tissu social que vous avez créé. Et, que vous partiez cette commission, en tout cas, moi, je vous remercie beaucoup.

Je vous remercie beaucoup, d'autant plus que vous parlez aussi dans votre rapport que le projet de loi dans lequel on s'est inspiré... dans le sens que je voudrais aussi en profiter pendant qu'on a quelques minutes: la marche des femmes, Du pain et des roses, a été un coup de départ important. Vous mentionnez que la Marche mondiale de la femme en l'an 2000, c'était un départ, également. Ça a amené aussi le Collectif pour la loi sur l'élimination de la pauvreté, à nous proposer quelque chose. D'ailleurs, l'Assemblée des évêques, vous le mentionnez dans votre document, a contribué au Collectif.

Mais ce que je veux mentionner, c'est que la population civile, les organismes communautaires qui ont oeuvré depuis quelques années déjà à la démarche de démocratisation sur les fondements de ce qui nous préoccupe ce matin, bien sûr, a amené les ministres à faire une tournée des régions... depuis une grosse année qu'on fait le tour puis qu'on... Mais ça a été un point important sur la démocratisation puis l'appropriation du dossier de la pauvreté et de l'exclusion sociale.

Mais je voudrais vous entendre plus spécifiquement sur la loi, l'importance d'avoir une loi. Vous la voyez à quel niveau? Parce qu'on a beau dire, là: On travaille tout le monde ensemble. Mais comment spécifier davantage une loi?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Monseigneur... Oui, alors, Mgr Veillette.

M. Veillette (Martin): Les efforts que nous avons consentis ici, au Québec, pour tenter d'éliminer la pauvreté depuis longtemps ? ce n'est pas d'aujourd'hui ? ont été considérables, des efforts faits par l'Église, par les communautés religieuses, par des groupements, des associations. Dans notre histoire, on a vu qu'il y a énormément d'énergie qui a été déployée pour arriver à éliminer la pauvreté.

Mais l'histoire nous apprend quand même quelque chose, si on veut se mettre à son école. Et l'histoire nous apprend que, aujourd'hui, si, au plan de la société, nous n'avons pas le levier que constitue une loi, nos efforts continueront d'être nobles, d'être vigoureux, dynamiques, mais il manquera encore quelque chose pour que la lutte soit encore plus effective.

C'est pourquoi l'Assemblée des évêques du Québec était heureuse de voir qu'un mouvement citoyen il y a déjà quelques années a mis de l'avant cette perspective d'entreprendre et de continuer la lutte à la pauvreté, mais là, pas rien qu'avec les moyens du bords, si on peut dire, chacun de son bord, mais avec une loi et avec la force que donne la loi. Si le Parlement du Québec et l'Assemblée nationale décident d'adopter la loi n° 112 par exemple, même améliorée, modifiée, bonifiée, telle que sans doute les 150 mémoires vont vous le proposer, il me semble que, là, il y aura un pas, comme vous avez dit d'ailleurs, historique qui sera franchi. Et, à ce moment-là, il me semble que la loi devient comme un soutien à tous les organismes communautaires et populaires qui, depuis des années, consentent des efforts pour éliminer... et faire des efforts pour éliminer la pauvreté.

Mais sans le support d'une loi... Et là, quand on a une loi avec laquelle on va pouvoir dire: Bien, voilà, c'est dans la loi, vous n'avez plus le choix, dans le sens que c'est avec la vigueur et la force de la loi qu'on pourra aller de l'avant, et c'est dans ce sens-là que nous souscrivons entièrement et supportons la présentation... Nous nous réjouissons, évidemment grandement, qu'on ait décidé de présenter un projet de loi qui pourra toujours être amélioré.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, Monseigneur. Oui, en complémentaire, M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci, madame. Vous parlez aussi, à la page 5 de votre mémoire, au premier paragraphe, en haut: «Un changement profond de mentalité apparaît nécessaire pour vivre cette solidarité.» Quand on parle de solidarité, pour travailler, ça prend un changement profond. Et, Mgr. Veillette, d'abord aussi, parce qu'on se voit souvent dans les lignes de piquetage, quand il y a des regroupements. En tout cas, depuis quelques années, je vous rencontre souvent, on s'en parle régulièrement: les mautadits préjugés ? on ne peut pas toujours prendre des mots... des beaux mots ? les fameux préjugés qu'on entend régulièrement, puis vous en faites mention encore dans votre mémoire, on peut les enlever de quelle manière? Comment? Y a-t-il des façons spécifiques qu'il faut vraiment travailler à enlever ces préjugés-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mgr Veillette.

M. Veillette (Martin): L'exemple que nous donnons dans le mémoire: quand le gouvernement a décidé de lutter contre le préjugé au sujet de la conduite automobile, l'alcool au volant, le gouvernement a décidé d'avoir une campagne intensive de sensibilisation, de conscientisation, pour dire: C'est possible de réduire les accidents qui résultent d'une consommation trop grande d'alcool. Et on a observé, avec une campagne intense, décidée, soutenue... d'arriver, et on a des résultats. De sorte que, aujourd'hui, on ne peut plus dire aisément dans un salon ou en conservation: Je bois. Mais ça n'a pas d'importance, je vais aller conduire mon auto pareil, après. Ça ne se dit plus, ça.

Mais ce serait la même chose. On dit: Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'imaginer une campagne de sensibilisation soutenue, vigoureuse, évidemment intelligente aussi ? on est capables d'en créer ? qui aiderait en tout cas à éliminer des préjugés tenaces quand il s'agit de lutte à la pauvreté? Et un des préjugés tenaces, c'est que les personnes qui vivent des situations de pauvreté, c'est parce qu'elles le veulent qu'elles sont pauvres; c'est de leur faute, si elles sont pauvres.

C'est un préjugé qu'on rencontre encore largement. On sait très bien que ce n'est pas vrai, et, pourtant, le préjugé continue. Y a-t-il moyen de lutter contre ça, avec une campagne de sensibilisation vigoureuse? Bien, je pense que c'est ça qu'on veut dire, là, dans le mémoire: Il faut mettre les efforts et les argents pour arriver à quelque chose, à des résultats. Vous l'avez mentionné tout à l'heure, madame: On veut avoir des résultats. Bien, il faudra prendre les moyens pour y arriver.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, Mgr Veillette. Alors, le temps mis à la disposition des membres du côté ministériel est malheureusement écoulé. Alors, nous allons passer maintenant au député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, également. Peut-être qu'on peut juste continuer là où on était en parlant de cette perception que les gens ont que, effectivement, ceux qui sont pauvres, c'est parce qu'ils veulent être pauvres, comme s'ils aimaient ça, la pauvreté; puis, la misère, c'est bien beau, vivre ça, ce qui est complètement un non-sens, à sa face même.

n(11 heures)n

Et je pense qu'on peut tous être d'accord qu'il faut faire des actions pour changer les mentalités puis sensibiliser la population à la réalité. Mais, souvent, pour que la réalité bouge et que les perceptions changent, les gens veulent aussi s'appuyer sur une réalité. Et, moi, ma compréhension du fait qu'il y en a, des gens qui vivent la pauvreté, ce n'est pas parce qu'ils le veulent, c'est parce que, soit ils sont mis de côté en n'ayant pas eu la possibilité de participer pleinement à l'acquisition des... à la maximisation de leur potentiel, si vous voulez, parce qu'ils n'ont pas eu les chances d'avoir des compétences pour ou ils ont eu des incidents malheureux dans leur vie qui ont fait en sorte que... et ils n'ont pas pu s'adapter à une réalité qui a changé, et ils sont comme laissés derrière. Ils sont tombés du train en quelque sorte. Donc, c'est dans cet esprit-là qu'on veut amener une approche plus centrée, plus ciblée, plus identifiée vis-à-vis les individus et leurs besoins individuels qui va leur permettre de rembarquer en leur offrant l'aide nécessaire pour l'acquisition de ce qui manque, de combler les carences. Et on associe ça aussi à un supplément, si vous voulez, qui donne un genre d'incitation dans une continuité, le passage de la dépendance à l'indépendance en quelque sorte.

J'aimerais d'abord avoir votre réaction face à cette approche. Et un des problèmes qu'on identifie à l'heure actuelle, nous, c'est que tous les programmes... Parce que, je pense, au niveau de l'approche, ce n'est pas très différent, ce qui est apporté par rapport à ce qu'on essaie de faire depuis 20 ans, mais une des lacunes réelles ? et vous en avez touché aussi ? c'est que la complexité du système est telle, la lourdeur administrative est telle que les gens, les individus se perdent. Et c'est souvent l'individu qui doit s'adapter aux besoins du système plutôt que le système, s'adapter aux besoins de l'individu. On le voit dans l'administration, par exemple, de toutes les mesures pour la formation, parce qu'il y a aussi une catégorie de personnes, ce n'est pas de la formation professionnelle dont ils ont besoin, c'est de l'aide, ce qu'on appelait avant l'aide d'intervention sociale, la prise en charge individuelle, l'apprentissage de leur valeur individuelle comme personne et de l'acquisition d'une certaine confiance dans leurs capacités comme individu. Et ça, ça prend une approche un peu plus personnalisée, ce qui n'est pas fait à l'heure actuelle par rapport à cette clientèle-là. J'aimerais avoir votre réaction par rapport à cette façon de voir. Et, après ça, vous me parlez un peu plus de votre perception de la valorisation du travail, où est-ce que vous le situez dans l'échelle ou l'analyse que vous faites de la question de la pauvreté.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Monseigneur... C'est-à-dire, je m'excuse, M. Picher.

M. Picher (Jean): Ce serait surtout sur la première partie de votre intervention que j'aimerais répondre. Sur la deuxième, je me sens moins capable, et certainement qu'un des deux évêques le fera. C'est certain que ce que vous dites, là, sur l'aide à l'individu pour qu'il se réintègre dans la vie de la société est très important. Cependant, il ne faut pas oublier qu'on dit bien dans notre mémoire aussi: Il ne faudra pas passer sous silence les causes collectives de la pauvreté, il va falloir aussi se demander qu'est-ce qui pourrait être changé dans notre façon de fonctionner comme société qui ferait que moins de personnes seraient exclues. C'est-à-dire non seulement j'aide la personne qui est tombée en bas du train à remonter sur le train, mais est-ce que le train pourrait rouler un peu différemment? Évidemment, la réponse à ça n'est pas simple et ne se donne pas en un paragraphe, mais je pense qu'il doit toujours être là, parce que, sinon, on revient encore à l'idée: il y a un individu mal pris, il faut qu'on l'aide. Oui, mais est-ce que la société pourrait faire qu'il y aurait moins d'individus mal pris?

Ceci dit, évidemment, c'est sûr que les mesures individuelles et individualisées dont vous parlez, je pense, sont très, très importantes à condition que ces mesures individuelles et individualisées aient aussi les moyens d'être mises en application. Je pense à un programme que le gouvernement a mis en pratique il y a quelques années, qui s'appelle Naître égaux ? Grandir en santé, qui doit aider surtout les familles avec des jeunes enfants qui ont une multitude de problèmes. Or, quand on en parle autour des tables de concertation avec des gens des CLSC et de la santé publique, ils nous disent: C'est parfait, ce programme-là, sauf qu'on n'a pas les ressources humaines et financières pour le mettre en pratique, de sorte que, dans un CLSC de la région de Québec où il y a beaucoup de jeunes familles, on a pu aider l'année passée avec ce programme-là quatre familles. C'est merveilleux, mais il y en a plusieurs centaines ou milliers d'autres qui n'ont pas été aidées. Donc, que le programme soit généreux dans son intention est très intéressant. Est-ce qu'on donne aux intervenants les ressources humaines et financières pour pouvoir le réaliser? Si oui, évidemment, c'est un de ces programmes, je pense, qui essaie de s'adapter vraiment à la situation des jeunes familles et d'avancer avec eux autres pour qu'ils prennent en main leur vie. Mais comment faire pour qu'il fonctionne vraiment?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion. Oui, en complément... Vous voulez ajouter quelque chose Mgr Veillette?

M. Veillette (Martin): Oui, sur le deuxième aspect de la question, au sujet de la valorisation du travail, il semble bien que notre façon de voir les choses de la vie des personnes qui vivent en société doit être large dans le sens suivant. Une personne qui vit à la maison et qui passe son temps, le plus clair de son temps, de ses énergies, de ses ressources à l'éducation de ses enfants, est-ce qu'elle travaille? Bien, elle ne travaille pas dans le sens d'une occupation rémunérée avec un salaire au bout, mais, dans la société dans laquelle nous vivons actuellement, cette contribution de la personne à la société n'est pas reconnue, elle n'est pas valorisée tellement de sorte que... Il me semble que, oui, il faut valoriser le travail, mais, quand on dit travail, la plupart du temps on pense d'occupation rémunérée. Mais il faudrait aussi trouver le moyen... Si on garde ce critère-là, travail, valoriser le travail, toute personne qui est capable devrait travailler, c'est-à-dire être rémunérée pour ce qu'elle fait, alors pourquoi ne pas rémunérer les personnes qui ont une contribution significative à la société et reconnaître, à ce moment-là, leur occupation?

Si on veut aller dans la valorisation du travail, il faudra qu'on élargisse la notion de travail ou qu'on la complète. Mais il me semble qu'il y a une grande part de la réalité, de la contribution à la vie sociale qui n'est pas reconnue, qui n'est pas valorisée. Et, à ce moment-là, il me semble qu'il faut aussi éclairer ce volet-là qui est resté dans l'ombre bien souvent et qui fait que bien souvent, aussi, une personne sera considérée, réputée active dans la société si elle a un travail rémunéré, ce qui n'est pas vrai. Alors, il me semble que c'est l'autre aspect dont il faudra tenir compte.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Pour suivre, moi, je pense que je suis d'accord avec vous, M. Picher, quand vous dites qu'il y a aussi lieu de se questionner sur ce qui fait en sorte que les actions collectives ou de la société font en sorte qu'il y a peut-être des gens qu'on pousse du train. Est-ce que vous pouvez donner quelques exemples de ce genre de situation que vous avez peut-être pu identifier quand vous parlez aussi dans votre mémoire de chercher à mieux identifier les raisons, les causes de la pauvreté tant sur le plan individuel que collectif? Par exemple, quels sont les secteurs dans lesquels on fait ce genre de chose pour qu'on puisse... Oui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, Mgr St-Gelais.

M. St-Gelais (Raymond): Bon, il me semble qu'un facteur qui contribue à l'appauvrissement, c'est au niveau de l'éducation. Il me semble ? et des études le démontrent aussi ? qu'il y a un lien entre appauvrissement et, souvent, sous-scolarisation. Alors, vous avez parlé vous-même, M. Sirros, tantôt du décrochage scolaire, il me semble qu'il y a un effort à faire de ce côté-là de façon à faire en sorte qu'un nombre plus... Et, quand on regarde même, là... Tantôt, on parlait de la situation des femmes, on voit actuellement le problème des garçons dans la société, actuellement, par rapport à l'école, l'intérêt diminuant. Alors, il me semble qu'il y a un effort à faire, en tout cas, du côté de la formation de façon à équiper le mieux possible les personnes, les jeunes en particulier, à faire face aux exigences du marché du travail. Ça m'apparaît, en tout cas, un créneau à explorer assez fortement.

M. Sirros: On se rejoint pas mal. Et, d'ailleurs, je lisais dans mes remarques préliminaires le rapport Clair qui, aussi, établit assez clairement le lien entre pauvreté et sous-scolarisation et les conséquences aussi qui sont la mauvaise santé, qui amènent aux résultats qu'on parlait tantôt, et je pense qu'effectivement l'éducation est un cheval de bataille principal au niveau de la préparation. Et c'est pour ça aussi qu'on l'a retenue comme une priorité d'action. Le but ultime, c'est de préparer les gens pour qu'ils puissent vivre dans le genre de société qu'on a ? si on veut la changer, on la changera ? et souvent empreinte des décisions qui orientent le style de société qu'on veut avoir.

Vous parliez tantôt de la mère qui travaille effectivement en élevant ses enfants à la maison, mais ce n'est pas un travail rémunéré. Mais on a aussi donné un message en disant: Les ressources, par exemple, financières que ces mères avaient par le biais des allocations pour enfants, on les a remises dans un système de garde à l'extérieur de la maison. C'est un choix qu'on a fait ou que ce gouvernement a fait par rapport à ce genre de façon de le faire. Donc, je pense que vous avez soulevé quelques points qui devraient rester dans nos esprits durant tout le long de ces interventions. Moi, pour ma part, j'apprécie. Il y avait... Je ne sais pas combien on a, parce que j'avais un autre point...

n(11 h 10)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il reste trois minutes et demie actuellement...

M. Sirros: Trois minutes. Je vais laisser ma collègue terminer, et on aura d'autres...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): ...et je pense que M. Picher souhaite répondre à votre question.

M. Picher (Jean): Bon. O.K. Souligner qu'on parle, à la page 5 du mémoire, de la responsabilité sociale des entreprises. Et, de fait, un certain nombre de chefs d'entreprises commencent à s'apercevoir que c'est payant, même pour l'entreprise, d'organiser des conditions de travail dans leur milieu qui soient respectueuses des gens puis qui permettent aussi continuellement à des gens de s'intégrer au milieu de travail. Alors, il y a certainement une part importante des décisions prises par les entreprises qui vont soit dans le sens d'un appauvrissement, soit dans le sens d'une lutte à la pauvreté.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, Mme la députée de La Pinière, il vous reste quatre minutes.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Alors, je vais essayer de faire vite. Mgr St-Gelais, Mgr Veillette et M. Picher, merci pour votre mémoire. Je vais aller sur le point que vous avez soulevé, M. Picher, celui de la responsabilité sociale des entreprises. À la mi-septembre, la commission des finances publiques a entrepris un mandat d'initiative sur l'investissement responsable et la responsabilité sociale des entreprises. Et, donc, nous avons écouté les différents groupes, y compris le secteur privé, et ces gens-là sont venus nous dire qu'ils contribuent déjà assez au niveau de la responsabilité sociale sur une base volontaire. Mais, vous, dans votre mémoire, vous dites qu'il faut aller au-delà du simple volontariat, de la simple bienfaisance et puis instaurer, d'une certaine manière, des mécanismes où l'entreprise privée joue un rôle dans la lutte à la pauvreté.

Lorsqu'on parle de la responsabilité sociale de l'entreprise, on parle de choses bien précises, par exemple un comportement favorable à l'environnement qui respecte un certain nombre de conditions de travail, mais ça ne va pas jusqu'à dire que l'entreprise a une responsabilité sociale, c'est-à-dire une part dans le fait de soulager la misère des gens, considérant la finalité de l'entreprise qui est celle de faire des profits. Mais, je suis d'accord avec vous, il y a une certaine évolution dans le sens de la responsabilité sociale de l'entreprise, mais pas dans le sens que vous l'avez exprimé. Donc, je vais vous donner la chance d'élaborer là-dessus.

Et, comme on a très peu de temps, je voudrais aller à la page 11 de votre mémoire, sur le logement social. Nettement, vous êtes en faveur de solutions... Même, vous dites un programme de soutien aux coopératives d'habitation, et je vois là-dedans l'avantage... Vous dites: La personne se prend en main, etc., sauf que le modèle coopératif, auquel j'adhère, il va sans dire, ne convient pas à toutes les clientèles qui sont, évidemment, en besoin de logements. Alors, je vous donne la chance de répondre sur ces deux points-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Picher.

M. Picher (Jean): Bien, c'est-à-dire c'est certain, il faut commencer par le plus facile, qui est les coopératives, pour vous dire que, bien sûr, ce n'est pas la seule forme de logement social qui doit être développée. Mais il nous semblait que ça manquait dans l'énoncé du projet de loi de bien dire que cette forme-là non seulement aide les gens à payer moins cher pour leur loyer, mais les aide à prendre en main leur sort et à être les gestionnaires, eux-mêmes, de leur façon d'habiter. Et, donc, ça n'a pas seulement un effet sur leur porte-monnaie, mais sur leur personne même. Donc, c'était d'insister là-dessus sans dire que c'est la seule forme que le gouvernement doit développer.

Sur la question de la responsabilité sociale des entreprises, je ne suis pas capable de procéder autrement que par exemple. C'est parce que la pensée globale autour de ça me semble pas simple, en tout cas, mais il y a actuellement eu des efforts pour instituer, par exemple, dans la région de Québec, un prix pour les entreprises qui s'impliqueraient socialement dans leur milieu, une reconnaissance publique qu'une entreprise est un bon citoyen dans son milieu. Pas seulement parce qu'elle donne de l'argent à des oeuvres de bienfaisance, mais parce que, par sa façon d'organiser le travail et d'employer les gens de son milieu, elle contribue à l'avancement de son milieu. Donc, il y a moyen, probablement, de développer des moyens de convaincre les gens d'agir dans ce domaine-là. Est-ce qu'il faut les forcer à le faire? Ça, je ne vois pas trop comment ce serait possible, là, mais d'agir par la persuasion que c'est bon pour l'entreprise d'être une bonne citoyenne, parce que finalement c'est l'ensemble du milieu qui en profite.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie. Malheureusement, c'est tout le temps qui nous est alloué. Alors, je tiens à vous remercier, Mgr St-Gelais, Mgr Veillette de même que M. Picher.

Alors, je demanderais immédiatement aux représentants du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté de bien vouloir prendre place et je suspends les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 11 h 15)

 

(Reprise à 11 h 17)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, la commission reprend ses travaux et accueille maintenant les représentants et représentantes du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté. Alors, j'accueille Mme Vivian Labrie, qui est la coordonnatrice et porte-parole. Alors, je vous demanderais, Mme Labrie, de nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, et je vous cède la parole immédiatement.

Collectif pour une loi
sur l'élimination de la pauvreté

Mme Labrie (Vivian): Merci. D'entrée de jeu, avant de faire les présentations, qui seront faites par Yolande, on veut vous demander si on peut parler 19 minutes.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Écoutez, la commission est souveraine, c'est aux membres à décider. Est-ce que les membres consentent à ce qu'on ajoute un quatre minutes, ce qui veut dire que je devrai vous réduire d'autant votre temps de parole? Ça va? Oui?

M. Sirros: Mme la Présidente, moi, j'aimerais leur donner une minute de plus pour que ça aille au 20 minutes complet. Alors, vous pouvez réduire le mien d'une minute.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, d'accord. Alors, ce qui signifie que vous aurez très peu de temps ? je vous le fais remarquer, là ? par la suite, parce que c'est 30 minutes en tout. Alors, je vous laisse, vous avez votre 20 minutes, Mme Labrie.

Mme Lépine (Yolande): Bonjour, mesdames, messieurs. Mon nom est Yolande Lépine. Je suis du Regroupement québécois des intervenants et intervenantes en action communautaire de CLSC et centres de santé et je suis membre de l'exécutif du Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté.

Je vous présente les autres membres de notre délégation. Alors, à ma gauche, Denise Boileau, du Syndicat de la fonction publique du Québec; Madeleine Caron, juriste active sur la question des droits de la personne et membre du Mouvement ATD Quart Monde; Rachel Lacasse, à droite de Vivian, du Front commun des personnes assistées sociales et membre de l'exécutif du Collectif; Vic Talbot, à droite complètement, membre du Regroupement contre l'appauvrissement de Rimouski-Neigette et qui est le groupe relayeur du Collectif dans le Bas-Saint-Laurent. Et je vous présente évidemment Vivian Labrie, qui est coordonnatrice du Collectif, qui agira comme porte-parole principale de notre groupe.

Le Collectif est un regroupement large d'organismes québécois et de groupes relayeurs agissant dans pratiquement toutes les régions du Québec. On retrouve parmi nos membres des regroupements de tous ordres: populaires, communautaires, féministes, étudiants, religieux, coopératifs ainsi que les organisations syndicales majeures du Québec.

n(11 h 20)n

Nous avons pris la peine, comme vous l'avez sans doute constaté, de vous faire un mémoire plutôt substantiel. Notre présentation va vous y introduire et, nous l'espérons, vous convaincre de le lire au complet, d'autant plus que d'autres y référeront pendant la durée de vos travaux. Nous allons nous partager la lecture de cette présentation et, ensuite, nous répondrons à vos questions.

Il nous fait plaisir d'intervenir au tout début des travaux de cette commission. Tout d'abord, le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, qui va être étudié au cours des prochaines semaines, c'est la réponse que le gouvernement du Québec choisit de donner au mouvement citoyen que nous représentons. Ensuite, il y a là la possibilité d'une avancée majeure pour le Québec dans notre façon d'aborder le problème de la pauvreté comme un problème engageant toute la société.

La ministre disait, dans un colloque sur ce projet de loi à Montréal, vendredi dernier, qu'il faudra, à l'occasion de cette commission, prendre le temps de se dire les vraies choses. C'est à cela que nous voulons contribuer aujourd'hui pour que cette commission en vienne ? et l'Assemblée nationale ensuite ? à une loi la meilleure possible, une loi que nous souhaitons voir adoptée avant les prochaines élections. Il y a là une occasion historique. C'est ce que nous proposons, nous organiser à travers cette loi pour jeter les bases permanentes d'un Québec sans pauvreté. Il faut saisir cette chance qui passe pour faire le débat de société nécessaire et nous donner une loi qui tienne la route et qu'on citera encore dans 20 ans ici, au Québec, comme ailleurs dans le monde.

Mme Boileau (Denise): Une évolution majeure dans le fait d'en venir à une loi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, alors, vous voulez vous... C'est parce que je... Si à tour de rôle, dépendamment, là, j'aimerais peut-être que vous vous identifiiez pour les fins de l'enregistrement, sinon je vais devoir... C'est parce que vous êtes plusieurs, et, avant que je regarde sur ma note, là, qui prend la parole, ce serait peut-être important.

Mme Boileau (Denise): D'accord. Denise Boileau, du Syndicat de la fonction publique du Québec.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci.

Mme Boileau (Denise): Une évolution majeure dans le fait d'en venir à une loi. Il y a dans les travaux que vous ouvrez le résultat d'une évolution à remarquer. C'est ce que nous décrivons dans le chapitre I de notre mémoire. Rappelons les faits. À l'automne 1997, l'idée d'une loi sur l'élimination de la pauvreté a provoqué des sourires amusés et un intérêt réel parmi une mouvance citoyenne qui est devenue, en 1998, le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté. De 1998 à 2000, le Collectif a démontré son sérieux en rédigeant une proposition de loi en bonne et due forme suite à une importante consultation citoyenne qui a impliqué des milliers de personnes partout au Québec, dont de nombreuses personnes en situation de pauvreté. Le 22 novembre 2000, l'Assemblée nationale a été saisie de la demande du Collectif et de son réseau de faire de cette proposition une vraie loi à travers une pétition de 215 307 signatures. Celle-ci a été déposée dans un geste non partisan, rare, par trois députés provenant, chacun, chacune, d'une des formations politiques siégeant à l'Assemblée nationale.

La décision du gouvernement d'y aller d'une loi au printemps 2002 a surpris agréablement et nous a posé la question: Sommes-nous, avec le projet de loi n° 112, devant le saut qualitatif que nous avons réclamé? Après avoir comparé attentivement les deux projets, notre réponse vient donner de l'ouvrage à la commission. La loi n° 112, telle qu'elle se présente, c'est un peu comme si la décision avait bel et bien été prise de prendre l'ascenseur et que celui-ci était arrêté entre deux étages. Il faut rendre maintenant l'ascenseur au prochain étage. Nous pensons que cela devrait être votre tâche fondamentale pendant la commission et que vous recevrez toutes les contributions utiles pour y procéder, parce qu'il y a là le résultat d'un travail citoyen de plusieurs années. Soyons clairs, il faut souligner l'évolution majeure que constitue le fait même de choisir d'agir par une loi au lieu de s'en tenir à une stratégie ou à une politique.

Pourquoi une loi? Parce que le problème de la pauvreté ne peut se régler à la pièce et qu'il va falloir des années d'action continue pour en venir à des résultats. Les chercheurs le confirment, un horizon de 10 ans au moins est nécessaire pour jeter les bases solides. Cela dépasse la durée d'un mandat d'un gouvernement, encore plus celui d'un ou d'une ministre. Ensuite, une loi est utile pour marquer un changement dans les façons de faire et pour opérer un saut qualitatif. Ce que nous avons rédigé et proposé depuis 1998 relève de cette logique.

M. Talbot (Vic): C'est Vic Talbot, maintenant, qui va prendre la parole. À cet égard, le projet de loi n° 112...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, comme il s'agit du seul homme, j'imagine, c'est M. Talbot.

M. Talbot (Vic): Pardon?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): J'ai dit: Comme il s'agit du seul homme, c'est M. Talbot.

M. Talbot (Vic): Effectivement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous avez la parole.

M. Talbot (Vic): Merci. En regard de ce qui vient d'être dit, le projet de loi n° 112 fait le pas mais marque une différence par rapport à ce que propose le Collectif. Pour nous expliquer, prenons une comparaison. Supposons qu'on vous confie comme mission d'entrer dans une pièce fermée et d'y réduire la pauvreté et l'exclusion sans changer les règles du jeu. Alors, vous entrez dans cette pièce et vous réalisez qu'on y joue à la chaise musicale. À chaque tournée du jeu, on enlève une chaise, et il y a nécessairement un perdant, une perdante, et ainsi de suite jusqu'au gagnant ou à la gagnante ultime.

Quelles sont vos possibilités d'agir? Vous pouvez bien tenter d'identifier les perdants, les perdantes et leur proposer toutes sortes de méthodes pour augmenter leurs chances de se saisir d'une chaise et de rester dans le jeu le plus longtemps possible. Mais, votre travail sera peine perdue, il y a toujours les perdants et les perdantes. En plus, hormis les quelques-uns et quelques-unes que vous aurez réussi à rendre plus compétitifs et plus efficaces, vous perdrez leur confiance. Agir sur les gagnants et les gagnantes ne sera pas mieux. Vous n'allez tout de même pas me demander de perdre par exprès, vous dira-t-on. Par contre, vos chances d'agir efficacement seront grandement améliorées si vous pouvez agir sur les règles du jeu, voire même changer de jeu. Mais, pour cela, vous allez devoir persuader votre monde de le faire. C'est exactement le saut qu'il reste à faire pour donner au projet de loi n° 112 les moyens de son audace. Une partie importante du système dans lequel fonctionne la société québécoise est de type chaise musicale avec des règles explicites et implicites gagnant-perdant. C'est ce que nous décrivons dans le chapitre II de notre mémoire.

La question de fond qui est posée à toutes et à tous par le problème de la pauvreté et de l'accroissement des écarts de revenu, de richesse et de qualité de vie est celle de la transformation, pour le bien de toutes et tous, des composantes gagnant-perdant de la vie en société en composantes gagnant-gagnant. C'est là que le projet de loi n° 112 est pris entre deux étages et c'est ici que nous pouvons contribuer. Dans notre mémoire, en somme, nous vous proposons quatre moyens pour faire évoluer le projet de loi n° 112 vers l'étage suivant.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Caron.

Mme Caron (Madeleine): Mon nom est Madeleine Caron. Premièrement, nous nous proposons de bien dégager la cage de l'ascenseur en mettant carrément la loi dans une logique gagnant-gagnant qui lui donnera toute l'ampleur nécessaire pour permettre à la société québécoise d'aller au bout d'un tel projet et même d'envisager les étages suivants. Viser à jeter les bases permanents d'un Québec sans pauvreté, c'est ce que vous retrouverez au chapitre III de notre mémoire. Il est devenu nécessaire de nous donner, au Québec, un cadre nouveau pour aborder le problème de la pauvreté et pour dépasser les préjugés qui bloquent la compréhension collective du problème et de sa solution.

Vendredi dernier, lors du colloque mentionné plus haut, des chercheurs ont rapporté l'importance de situer le cadre éthique dans lequel on veut faire fonctionner la loi. Le cadre éthique qui motive notre travail et qui devrait motiver la loi, selon nous, c'est l'article 1 de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui dit: «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.» Il y a très peu de déclarations fondatrices à peu près universelles. Cette Déclaration, adoptée par les Nations unies en 1948 au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, en est une. Elle restera comme un point tournant de l'histoire de l'humanité, dans le sens que c'est probablement la première fois qu'une majorité d'États s'est donné une déclaration commune sur les fondements de la vie humaine sur terre. Avec l'adoption de la Charte des droits et libertés de la personne, en 1975, le Québec a fait sien le sens de cette Déclaration.

La pauvreté est une atteinte à la dignité des personnes, et il faut savoir que, quand un droit est touché ou violé, tous les droits le sont. La pauvreté viole l'égalité en droits et empêche la réalisation des droits fondamentaux. Des centaines de milliers de personnes au Québec vivent toujours cette négation, et c'est un problème pour tout le monde. Elle arrive à soi ou à quelqu'un de son entourage.

n(11 h 30)n

Comme le disait une chercheure, Jane Jenson, au colloque de vendredi dernier, il n'y a pas de démocratie et de citoyenneté sans égalité et sans approche gagnant-gagnant. Dans la loi n° 112, le lien entre la pauvreté et l'atteinte aux droits est affirmé dans le préambule, et on s'en réjouit, mais ça ne se rend pas dans le texte de la loi. Pourtant, comme le disait Sally Robb, une participante: «C'est dans le meilleur intérêt de la société que tout le monde gagne!»

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Labrie.

Mme Labrie (Vivian): Vivian Labrie. Alors, je poursuis: Une fois la cage d'ascenseur dégagée, il faut équiper correctement la cabine ? dans ce cas-ci, la loi ? pour qu'elle puisse bouger et fonctionner durablement dans cette cage d'ascenseur là.

Alors, venons-en maintenant aux améliorations que nous proposons au projet de loi n° 112. On va les énoncer ici brièvement. Vous trouvez leur justification et leur détail dans notre mémoire, au chapitre IV. Vous trouvez aussi en annexe un travail exhaustif, espérons-le constructif, de comparaison avec le projet de loi n° 112 et notre proposition de loi.

Un premier groupe de recommandations découle de ce qu'on vient de dire et touche à la visée même de la loi. On vous propose d'aller jusqu'à viser carrément à jeter les bases d'un Québec sans pauvreté, sans limiter le problème de la pauvreté à une définition qui ne saurait être imposée sans un travail, qui n'est pas fait encore, avec les personnes en situation de pauvreté. On vous propose aussi de vous concentrer sur cette visée au lieu de penser contrer les effets à rebours de la pauvreté et de l'exclusion sociale.

Dans la même logique, on vous recommande de tirer les conséquences de ce qui est dit dans le préambule et de l'introduire dans le corps de la loi, d'où l'importance d'indiquer dans la loi que vous voulez fonder la stratégie proposée sur la réalisation effective pour toutes et tous, dans la dignité, des droits reconnus à tous et toutes.

Ensuite, on vous propose de déduire de l'énoncé de politique, qui est déjà en place, deux cibles, qui sont là mais qui sont manquantes dans le texte même de la loi et qui sont nécessaires pour donner de l'efficacité à la loi, c'est-à-dire, donc, de rejoindre les rangs des nations industrialisées en 10 ans... de rejoindre le rang des nations industrialisées comptant le moins de personnes en situation de pauvreté. C'est explicite dans l'énoncé de politique. Et implicitement, mais on voudrait le voir apparaître, donc, le rang des nations industrialisées comptant le moins d'écarts entre le cinquième plus pauvre et le cinquième plus riche. Ça nous permettrait de travailler avec une approche par cinquième et puis vraiment d'inscrire la réduction des écarts.

Les buts de la loi sont des bons buts, soit l'amélioration de la situation des personnes qui vivent la pauvreté et l'exclusion, la réduction des inégalités qui les touchent et le développement de la cohésion sociale. Il reste toutefois des voeux pieux. Nous proposons d'y associer les trois principes de notre proposition de loi qui ont reçu une forte adhésion dans notre travail citoyen et qui viendraient augmenter la dimension encadrante de la loi. Alors, ces principes sont que l'élimination de la pauvreté est une priorité de l'action gouvernementale tant qu'on n'est pas dans un Québec sans pauvreté; que l'amélioration du revenu du cinquième le plus pauvre de la population prime sur l'amélioration du revenu du cinquième le plus riche; et que les personnes en situation de pauvreté et les associations qui les représentent sont associées à la conception, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des mesures qui concrétisent les buts annoncés.

Maintenant, les cinq orientations qui sont prévues dans la loi font du sens. C'est approprié, de donner de l'importance à la prévention, à la mobilisation, tout ça. On vous dirait que la cinquième orientation sur la constance et la cohérence dans l'action, ça devrait relever carrément des énoncés décrivant le caractère cadre de la loi, mais c'est bien que ça y soit.

Ceci dit, il y a des trous essentiels à combler, ce qui conduit aux recommandations suivantes: introduire une orientation sur la réalisation des droits, dans le respect de la dignité des personnes, qui sera associée de mesures qui en feront la promotion positive. Parmi ces mesures, valoriser l'expertise des personnes en situation de pauvreté et agir pour contrer les préjugés et les discriminations ? c'est étonnant que ce ne soit pas dans la loi. Ensuite, dans l'orientation sur le filet de sécurité sociale, affirmer le caractère incontournable de la couverture des besoins essentiels pour toute personne et viser cette couverture à travers les différents dispositifs de sécurité du revenu. Ensuite, dans l'orientation sur l'emploi et le travail, prévoir l'amélioration des normes du travail, du mode de fixation du salaire minimum, incluant que le salaire minimum doit rendre à la sortie de la pauvreté, et ensuite aussi le faire en affirmant la responsabilité des entreprises à cet égard et en respectant les différentes façons de contribuer à la société. Enfin, introduire une orientation sur la fiscalité qui prévoira, entre autres, un débat public sur la garantie de revenu.

En passant, ce débat-là qu'on vous propose sur la garantie de revenu fournit une alternative à considérer compte tenu des problèmes importants soulevés par l'évocation d'un éventuel revenu de solidarité dans l'énoncé de politique.

Pour renforcer le caractère cadre et programme de la loi, vous allez trouver dans notre mémoire un ensemble complet de recommandations. Je vous en donne quelques-unes très importantes: introduire dans la loi une clause d'impact qui assurera que toute décision gouvernementale sera examinée à la lumière de son effet sur la pauvreté et les écarts et faire en sorte que les décisions du gouvernement ne puissent aller à l'encontre des fins poursuivies par la loi; ensuite, associer davantage les citoyens, les citoyennes et les parlementaires à la programmation comme au suivi annuel et triennal de la loi; ensuite, pairer le comité consultatif et l'Observatoire et leur donner un caractère plus indépendant; ensuite, introduire dans la programmation du plan d'action une section de mesures initiales et urgentes ainsi qu'une section d'instructions permanentes. Tout ça aide à suivre la loi, tout ça aide à ce que ce soit une loi qu'on s'approprie et qu'on voit aller.

Notre troisième correctif, si on reprend l'image de l'ascenseur pris entre deux étages, consiste à le munir de l'énergie nécessaire pour le rendre au moins au prochain étage. Le succès de la loi à moyen et à long terme va dépendre de son succès à court terme. Il y a ici un problème de confiance à rétablir. On veut vous dire et insister sur le fait que les personnes en situation de pauvreté n'en peuvent plus d'entendre des beaux discours ou des voeux pieux à leur sujet. Elles ne croiront à cette loi que si des mesures concrètes viennent rapidement confirmer qu'on a l'intention que ça conduise à des changements pour le mieux dans leur vie.

Or, le projet de loi n° 112 est très faible sur le court terme. Tout est renvoyé au plan d'action qui sera publié ensuite. Celui-ci devra, selon nous, comporter les mesures urgentes qu'on préconise depuis plusieurs mois ? c'est là que l'argent doit aller en premier ? ce qui conduit aux recommandations que vous trouvez dans le chapitre V de notre mémoire.

Alors, quelles sont-elles, ces mesures urgentes? Un engagement à ne pas appauvrir l'ensemble du cinquième le plus pauvre de la population; un amendement à la Loi de l'aide sociale instaurant un barème plancher qui assure la couverture des besoins essentiels et en deçà duquel aucune coupure, saisie, ponction ou pénalité ne peut être faite; le retour à la gratuité des médicaments pour les personnes à l'aide sociale et les personnes âgées recevant le supplément de revenu garanti; la transformation du Régime d'allocations familiales en régime universel avec une meilleure couverture pour les familles à faibles revenus; il va falloir rapidement revenir ? et on l'a vu avec la crise du logement ? à un niveau de construction de 8 000 logements sociaux par année; il faut voir à l'instauration et à l'application du droit, pour les personnes qui le demandent, à des mesures d'orientation, de formation et d'intégration à l'emploi dans un cheminement continu et adapté à leur situation; une meilleure protection dans les normes du travail des travailleurs et travailleuses précaires ? alors ça, ça va être très important aussi; la hausse du salaire minimum à un niveau de sortie de la pauvreté pour une personne seule; ensuite, l'argent doit aller d'abord et en quantité suffisante à des mesures qui améliorent directement les conditions de vie des personnes.

Donc, on vous dit: les ressources budgétaires qui seront appliquées dans le cadre de cette loi-là doivent aller, d'après nous, en priorité à la réduction des inégalités et des discriminations par des mesures urgentes et directes comme celles-là.

Vous savez, ici, le problème n'est ni au niveau de l'information ni à celui de la disponibilité budgétaire. C'est un problème de passage à la décision. On se demande beaucoup comment il se fait que des décisions relatives au minimum vital soient si difficiles à prendre, alors que bien d'autres décisions à impact budgétaire important mais dont l'effet se situe plus haut dans l'échelle sociale se prennent beaucoup plus facilement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, en conclusion, Mme Labrie, s'il vous plaît.

Mme Labrie (Vivian): Alors, à ce moment-là, je vais passer la parole à ma collègue Rachel en vous disant qu'investir des dollars vitaux au bas de l'échelle ça profite à tout le monde parce que l'argent ensuite circule dans toute la communauté. Un dollar vital, c'est un dollar local. Rachel Lacasse.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Le temps est écoulé. Alors, est-ce que j'ai le consentement pour qu'on puisse poursuivre? Oui, consentement. Alors, très brièvement, Mme Lacasse, s'il vous plaît.

Mme Lacasse (Rachel): Rachel Lacasse, Front commun des personnes assistées sociales et une personne en situation de pauvreté. Changer le regard. Ce qui nous conduit à notre quatrième et dernier point. Pour que l'ascenseur se rende au prochain étage, il faut en venir à ôter les freins qui le retiennent de bouger. C'est ce que nous vous disons au chapitre VI. Quels sont-ils, ces freins? Tout ce qui s'acharne à faire la morale et à vouloir conditionner les perdants et perdantes au jeu de la chaise musicale est un frein.

n(11 h 40)n

Il n'y a pas d'espace non plus pour passer sur un terrain miné par les préjugés: ou bien on vous dit que vous vous alimentez mal ou bien on vous dit que vous ne devriez pas dépenser autant quand vous achetez du steak haché maigre. À chaque fois qu'on dit publiquement qu'on n'aidera pas ceux et celles qui ne veulent pas s'en sortir, on blesse tous ceux et celles qui n'en finissent plus de chercher comment s'en sortir et qui pensent que le message s'adresse à eux et à elles. «On reconnaît un préjugé au fait que ça fait mal en dedans quand on le subit», nous a dit très justement l'une d'elles.

Et, de grâce, évitons comme la peste toute mesure qui viendra créer des écarts plus grands parmi les plus pauvres en se donnant le droit de juger de leur qualité d'implication dans la société. C'est tout le contraire de ce que souhaitent les personnes en situation de pauvreté elles-mêmes, qui priorisent plutôt de réduire les écarts entre elles à travers un barème plancher. Le vrai revenu de solidarité, il n'est pas dans l'énoncé de politique, il est dans le barème plancher.

Il faut se libérer des regards réducteurs et destructeurs qui nous retiennent dans une vision du passé où il faut être riche ou passer un examen de vertu pour accéder aux services essentiels. Nous l'avons fait pour la Loi sur l'assurance maladie, dans les années soixante-dix, qui est devenue une loi gagnante pour tout le monde. Il est temps de le faire pour la sécurité du revenu et pour la pauvreté, et ceci, pour le bien de tout le monde.

La meilleure expertise pour aider à changer le regard de la société sur la pauvreté se trouve du côté des personnes en situation de pauvreté. «Moi, je crois que c'est avec moi que le Québec va changer», nous a écrit l'une d'elles. C'est à cette condition seulement de faire avec, c'est-à-dire ensemble, qu'on pourra en venir au Québec à des modes de vie en société qui ne généreront pas, par leurs propres règles, le fléau qu'on entend ensuite combattre. Le Collectif souhaite que la commission parlementaire et les débats qu'elle va occasionner donnent un coup de pouce au changement de regard nécessaire et que la loi qui s'ensuivra le supporte ensuite activement en y mettant les moyens.

Nous vous rappelons, ici, la phrase de Lucien Paulhus, un citoyen de Drummondville décédé depuis dans la plus grande pauvreté: «Je suis une feuille à côté de l'arbre. Après la loi, je serai dans l'arbre.» La loi dont il parlait, c'était la proposition de loi sur l'élimination de la pauvreté du Collectif, à laquelle il avait collaboré. Le Collectif vous propose de vous donner comme défi de rendre à terme une loi dont Lucien Paulhus aurait pu se réclamer. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. Alors, Mme la ministre, je vous cède la parole, Mme la ministre déléguée.

Mme Léger: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, Mme Labrie, bonjour, mesdames et messieurs. Alors, évidemment, on ne peut que vouloir saluer tout le travail que vous avez fait depuis les dernières années et de se retrouver, ici, en commission parlementaire, au parlement, qui est l'édifice, dans le fond, de la population, de l'exercice de toute la démocratie au Québec, et qu'on se retrouve ici avec toutes les argumentations et toutes les convictions que vous avez eues, profondes, de vouloir lutter et, en tout cas, doter le Québec d'une loi, d'une part, et doter le Québec de son avancée face à la lutte contre la pauvreté, d'une part. Vous avez permis évidemment d'amener le débat. Vous avez permis, je pourrais dire, aussi tout ce mouvement d'action citoyenne. Vous avez permis aussi que le gouvernement soit à l'écoute de ce que vous aviez sur la table, qui regroupait plusieurs éléments pour faire avancer le Québec dans sa lutte contre la pauvreté et l'exclusion, d'une part.

J'ai aimé que vous reveniez sur la feuille à côté de l'arbre parce que, tout le long des rencontres qu'on a eues, c'était toujours d'une façon imagée que vous apportiez votre pédagogie de comment mieux comprendre ce que vous apportiez sur la table. Et aujourd'hui, c'était l'ascenseur, mais vous aviez toujours, je pourrais dire, une image pour mieux nous faire saisir, je pourrais dire, l'importance de tout ce que vous nous apportiez.

On s'est retrouvé, je pourrais dire, dans tout le processus, pendant particulièrement la dernière année de discussions assez intenses, d'échanges parfois rigoureux, d'échanges parfois plus faciles.

Si on regarde l'ensemble du projet de loi, d'une part, vous aviez demandé d'avoir une stratégie qui soit globale, donc qu'on ait une approche qui soit englobante, pas nécessairement sectorisée; même s'il y a des secteurs qui sont importants, de faire des avancées au Québec dans d'autres domaines; que les objectifs, dans le fond, qu'on retrouve un peu... bon, d'améliorer la situation économique et sociale des personnes pauvres ou exclues, de réduire les inégalités, les iniquités, de développer et renforcer la solidarité.

Vous avez demandé une loi, particulièrement, ça a été ça, le gros... je pourrais dire, l'effort que vous avez soutenu pendant ces dernières années, d'avoir, dans la loi, d'une part, bon, d'affirmer des principes reconnus, fondés sur des droits; de s'obliger, comme gouvernement, de faire des actions et d'assumer ce leadership-là; d'avoir un comité consultatif, l'Observatoire. Il faudrait peut-être revérifier auprès de vous, c'est peut-être une question que vous puissiez... être capables de me répondre par après.

Vous faisiez une différenciation entre le comité consultatif et l'Observatoire. Il y a plusieurs personnes qui nous disent que l'Observatoire n'a pas lieu d'être, qu'on ne devrait peut-être pas avoir un observatoire. Vous, vous y avez tenu d'une façon assez importante. Vous parlez d'être à l'écart, en tout cas, qu'il soit un peu plus éloigné du gouvernement. L'opposition nous parle, particulièrement, plutôt, pourquoi que l'Observatoire ne serait pas nécessairement le ministère en lui-même. Bon. Il y a peut-être des éclaircissements que vous pouvez nous apporter à ce niveau-là. D'autres personnes, je pourrais dire, dans l'ensemble du Québec, nous ont dit que, bon, un observatoire, c'est juste une autre affaire de plus, qui est une structure pour une structure. Alors, vous, vous avez insisté sur l'Observatoire et le comité consultatif, d'une part.

D'instaurer une loi qui campe vraiment une volonté de lutter contre la pauvreté, ça, ça a été plus qu'entendu. Vous avez demandé des mesures plus urgentes. Bon. On a eu des discussions à ce niveau-là, et il y a eu certaines mesures urgentes dont, je vois, entre autres, tout ce qui est l'apport aux logements sociaux, tout le soutien qu'on a mis à ce niveau-là, bon, le partage du logement, la réduction. Bon. Il y a différents éléments. Vous me parlez aujourd'hui de clause d'impact. Bon. Vous amenez... Vous allez encore plus loin, ce qui est intéressant, d'une part.

J'aimerais voir auprès de vous... D'abord, vous dites, dans votre mémoire, que le projet de loi n° 112 est une première au plan international et va plus loin, de la manière d'action globale. Alors, comment vous pouvez... Si on regarde tout l'apport en amont des politiques sociales et de l'action gouvernementale, si on se compare à la loi française qui a été rendue publique en 1998, bon, la loi française... Si on se compare à travers le monde, il n'y a pas personne dans le monde qui a une loi sur la pauvreté. Bien des gens nous ont dit: Qu'est-ce que vous allez faire avec une loi sur la pauvreté? Bon. On a plusieurs fois répondu, maintes fois répondu. J'aimerais voir auprès de vous quel est votre apport à ce niveau-là et quels sont les aspects où vous considérez qu'il y a des avancées au Québec, encore plus que la loi française.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Labrie.

Mme Labrie (Vivian): Merci. Il n'y a, effectivement, pas beaucoup de lois au monde où on s'attaque de façon globale et concertée sur la question de la pauvreté. La loi française contre les exclusions, nous, on ne l'a pas retenue comme modèle quand on a fait notre travail, parce que c'est une loi qui a moins de pédagogie, si vous voulez, dans la mesure où elle dit: On ouvre telle loi, on fait tel changement; on ouvre telle loi, on fait tel changement. Ceci dit, il faut saluer qu'il en existe une.

Nous, on remarque tout à fait, et ça, c'est très clair, qu'il y a une similarité de structure très évidente entre la loi n° 112 et le travail citoyen qu'on a fait. On est très conscients que, dans le fond, le principal modèle que le gouvernement a eu pour écrire sa loi, c'est ce que le Collectif a proposé. Dans ce sens-là, il y a des choses qui sont reconduites dans la loi n° 112. On retrouve des choses qu'on a proposées. Le fait qu'il y ait un préambule significatif, c'est super important. Le fait, par exemple, qu'on se soit attaché à une action globale, tout ça, vous avez énuméré des qualités qu'il y a dans la loi.

Maintenant, l'enjeu en ce moment, c'est que les gens y croient, voyez-vous. Puis, pour que les gens y croient, il faut qu'on arrive à saisir que cette culotte-là... Qu'est-ce que je viens de dire là? C'est parce que je m'en viens... Ça, c'est mon cerveau qui est allé plus vite que ma bouche. Ça fait que je suis aussi bien d'y aller jusqu'au bout. Ha, ha, ha! Dans notre réseau, les gens ont dit: Le gouvernement a mis ses culottes; maintenant, il faut qu'il mette une ceinture puis des bretelles. Alors, ce que je veux dire, c'est que, pour qu'on y croit, à la loi, il faut qu'on soit assurés qu'elle va faire ce qu'elle dit qu'elle va faire. Il ne faut pas que ce soit juste une loi vitrine. Il faut que ce soit une loi efficace. Et c'est dans ce sens-là qu'on vient vous dire: On y croit qu'il faut en faire une, loi; profitez de la commission parlementaire pour aller au bout de ça.

n(11 h 50)n

Et, dans ce sens-là, il y a des points; on vous les a soulignés. Vous avez une chance unique, avec une loi avec un préambule, d'accrocher ce préambule-là et de faire les liens nécessaires dans le texte de la loi. Ça, c'est à faire. On va y croire beaucoup si ça nous fait faire un pas d'égalité au Québec. Alors, qu'on note ça dans l'énoncé de la loi.

Et on veut du concret aussi. Les gens veulent du concret. J'étais très heureuse d'entendre M. Payne tout à l'heure dire: Il y a l'occasion ici de penser plus à la prochaine génération qu'aux prochaines élections. Vous avez les moyens, comme parlementaires, de faire un grand bout de chemin. Et on vient vous dire: On est à une étape en ce moment où il faut que les parlementaires prennent leur place dans la réflexion sur le politique. Il faut que la population débatte. Et c'est possible de mettre dans cette loi-là le concret nécessaire, l'impact nécessaire, l'efficacité nécessaire pour que les gens y croient. Alors, c'est ce qu'on est venu vous dire aujourd'hui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. le député de L'Assomption, il vous reste une minute et demie.

M. St-André: Mme la Présidente, je ne vois pas comment je vais pouvoir ramasser toutes mes idées en aussi peu de temps. Je trouve ça bien malheureux.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Comprenant la réponse, M. le député de L'Assomption.

M. St-André: D'accord. Oui, j'avais compris, Mme la Présidente. Alors, ma question va porter sur un énoncé que vous faites à la page 27 de votre mémoire ? je voulais le citer, mais je n'aurai pas le temps. Je comprends essentiellement deux choses de cet énoncé-là. La première, vous affirmez que la fiscalité joue un rôle important qui permet la redistribution de la richesse et, en somme, c'est la fiscalité qui permet à l'État d'agir, particulièrement en maintenant, en préservant et en développant nos filets de sécurité sociale. Je comprends également de cet énoncé-là que vous êtes opposés, opposés férocement à toute réduction d'impôts pour les particuliers.

On va dire les vraies affaires, les vraies choses. Nous, comme gouvernement, nous avons réduit les impôts au cours des dernières années. Tous les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale, les autres partis politiques représentés à l'Assemblée nationale, ont plaidé que ces réductions d'impôts là n'étaient pas suffisantes. De plus en plus, dans la société, on réclame en même temps du gouvernement et des réductions d'impôts et des réinvestissements massifs dans les programmes sociaux. J'aimerais savoir ce que vous nous suggérez à cet égard-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il vous reste deux secondes pour lui répondre, Mme Labrie.

Mme Labrie (Vivian): Deux secondes. Ha, ha, ha!

M. St-André: Il y a consentement pour qu'elle réponde plus longuement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Bien, c'est-à-dire que... Je pense bien que ça va prendre sur le temps de l'opposition. Allez, madame.

Mme Labrie (Vivian): Vous me dites de faire une réponse courte, autrement dit, hein. Alors, ce débat-là qu'on commence ici est lié à d'autres débats importants dans la société québécoise, dont celui sur le rôle des finances publiques. En gros, ce qu'on vient dire, nous autres, c'est qu'on ne peut pas faire les choses de façon séparée, sinon on obtient le résultat suivant: Il faut baisser 3,5 milliards d'impôts... Il faut agir... Bon, ça y est, je ne serai pas courte.

Alors, ce qu'on a enfin remarqué, c'est que, quand on baisse les impôts sans avoir de mesures pour la partie de la population qui ne paie pas d'impôts, on augmente automatiquement les écarts. Et, en ce moment, par exemple, le résultat net, c'est que, dans la prochaine année, on va arriver à une étape où il y a 3,5 milliards de revenus récurrents de plus pour le 60 % qui paie des impôts, mais il n'y a pratiquement pas de mesures comparables pour le 40 % qui n'en paie pas.

Alors, la loi prévoit à peu près des dépenses de 1,5 milliard sur cinq ans, mais ça reste que ce n'est que 300 millions par année. Je ne dis pas la loi, je veux dire l'énoncé de politique. Ce qu'on vient dire ici, c'est que, si on veut faire le débat comme il faut, on ne peut plus jouer à «deux à toi, un à moi, deux à toi, un à moi». À chaque fois qu'on fait ça, on augmente les écarts. Il faut se dire où est-ce que c'est que c'est le plus utile de faire les investissements publics et faisons-les en tenant compte de toute la population, des cinq cinquièmes de la population.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, vous pourrez peut-être, Mme Labrie, poursuivre tout à l'heure dans votre réponse. Alors, je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Ce n'est que la preuve, Mme la Présidente, que c'est un débat passionnant et qu'on pourrait y passer des heures. Et d'ailleurs, on a passé, effectivement, durant les deux dernières années, avec le Collectif, des multiples discussions puis échanges, de telle sorte que je pense qu'on connaît assez bien, de part et d'autre, notre façon d'analyser la chose puis l'assise idéologique, si vous voulez, sur laquelle on demande puis on fonde des demandes.

Ce que j'aimerais peut-être profiter dans le temps limité que nous avons ici avec vous aujourd'hui, c'est de revenir sur l'essentiel de votre intervention. Vous dites: Il y a un projet de loi qui est présenté, c'est un pas dans la bonne direction, nous y souscrivons dans ce sens-là. C'est un pas dans la bonne direction, ça oriente les approches de la société vis-à-vis la pauvreté et ça fait la démonstration que c'est un enjeu crucial pour la société. Ça prend des mesures législatives pour traduire une volonté de la part des intervenants à l'Assemblée pour faire en sorte que ce dossier devienne un dossier qui préoccupe le législateur comme tel.

Et là vous abordez un certain nombre d'amendements proposés. J'aimerais juste saisir, s'il s'agit d'un genre de sine qua non, lesquels sont essentiels pour vous. Comment est-ce que vous abordez ça? Est-ce à dire, si... Parce que vous abordez des amendements qui sont quand même ? comment je peux dire? ? lourds de conséquences au niveau de l'engagement vis-à-vis les actions du gouvernement. Si ce n'est, par exemple, de la demande que vous faites de faire en sorte que les décisions du gouvernement ne puissent aller à l'encontre des fins poursuivies par la loi en demandant une clause d'impact. Donc, ça, ça voudrait dire que quelqu'un devrait interpréter qu'est-ce qui va à l'encontre des fins de la loi et empêcher qu'il y ait des décisions qui soient prises, qui soient à l'encontre de cette interprétation-là. Déjà, là, vous voyez comment c'est lourd de conséquences au niveau du fonctionnement d'un gouvernement peu importe qui il sera.

Alors, j'aimerais saisir mieux le poids que vous accordez aux propositions que vous faites par rapport à la loi. Est-ce qu'il s'agit de suggestions qui sont des sine qua non? Est-ce qu'il y en a qui sont plus importantes que d'autres? Est-ce que ça fait un tout? Est-ce que ce sont des éléments qu'on peut examiner un à la fois? Est-ce que ce sont des éléments vers lesquels on peut marcher de façon progressive? Comment vous l'envisagez? Parce que je suis convaincu qu'une fois qu'on a adopté une loi sur la pauvreté, ici, après tout le travail qui a été fait, il n'y aura pas, à court terme, une deuxième loi de cette nature-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Labrie.

Mme Labrie (Vivian): Merci. C'est justement à cause de ce que vous venez de dire qu'il faut y penser maintenant. Nous, dans le fond, l'image de l'ascenseur est assez bonne pour situer les choses. On vous dit: Tant qu'on sera dans un demi-étage, ça va être inconfortable. On a toujours dit aussi: Tous les pas par en avant, on les souligne, que ce soit une petite mesure... Aujourd'hui, on augmente de 0,20 $ le salaire minimum, c'est un pas, et on le dira à chaque fois. Maintenant, on vous dit: Vous avez une occasion unique de faire un choix d'améliorations qui vont faire que la population, que la société québécoise va y croire, à la loi, et que la loi va devenir applicable. Dans notre mémoire, ce qu'on vous dit là-dessus, c'est qu'on vous présente un ensemble d'améliorations. On sait très bien qu'il y a d'autres gens qui vont venir en parler pendant la commission parlementaire. Vous allez avoir des choix à faire, mais ce qu'on souhaite, nous, c'est que vous fassiez les choix judicieux nécessaires pour qu'on sente qu'on a fait le pas majeur qu'il faut.

Par exemple, une clause d'impact. Alors, je réponds en vous disant: C'est le total de votre décision qui nous donnera le sentiment qu'on bouge ou qu'on ne bouge pas, hein. Par exemple, une clause d'impact, c'est super important. Il y en a une au Québec pour la question des jeunes, pour la déréglementation des entreprises, pour l'environnement, Si on veut agir globalement sur une loi, au point que ça devient une loi avec un préambule et tout ce qui va avec, ça vaut la peine de se donner un moyen de vérifier où vont les décisions et si elles sont cohérentes.

Un autre exemple: se donner des cibles dans la loi. C'est super important, parce qu'une fois qu'on aura des cibles, nous, ce qu'on veut, c'est que le prochain gouvernement, quel qu'il soit, il ait à appliquer cette loi-là. On trouve important que, sur 10 ans, on ait ce qu'il faut pour avancer. Ces cibles-là, on est mûr pour les choisir. Elle sont déjà dans l'énoncé de politique. Alors, c'est un autre exemple: couvrir les besoins essentiels. Si on ne dit pas ça dans la loi maintenant, quand est-ce qu'on le dira?

Alors, vous allez entendre plein de personnes pendant le prochain mois, pendant les prochaines semaines. Nous, on vient déposer sur la table un ensemble d'améliorations dont on est persuadé qu'elles sont utiles à la loi et, après ça, on sait très bien que vous aurez à faire un choix et on redira... Je viens de vous donner des exemples de choses qui, pour nous, sont importantes. Attacher le préambule sur les droits avec la stratégie, c'est, pour nous, très important aussi. C'est ce qui va donner à la loi l'ampleur nécessaire pour qu'elle soit citée internationalement. On a la possibilité ici d'agir comme chef de file. On sera à votre disposition tout le temps pour rediscuter de tout ça avec vous. Ce matin, le but qu'on avait, c'était de déposer sur la table un ensemble de choses.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. M. le député de Laurier-Dorion.

n(12 heures)n

M. Sirros: Oui. Mme Labrie, là, je vous écoute plaider pour des ajouts dans la loi. Vous faites référence également au préambule. Ce que je veux saisir, là... parce que vous avez fait une démarche, vous et le Collectif, qui voulait voir l'adoption de moyens dans la loi. On a toujours eu des divergences de points de vue sur ça, parce que, moi, je vous disais ? puis je pense que c'est le choix que le gouvernement fait aussi ? que c'est très difficile, sinon impossible, de lier les mains de peu importe le gouvernement en mettant dans les articles de loi les moyens qu'il doit prendre pour telle chose. On a notre désaccord sur ça. Là, vous plaidez pour l'ajout de choses dans le préambule...

Une voix: Non.

M. Sirros: Non, dans la loi. C'est ça que je voulais clarifier. Au niveau des besoins essentiels par exemple, vous voulez la couverture des besoins essentiels dans la loi, pour tout le monde, à partir de maintenant ou est-ce que c'est un genre d'objectif qu'on devrait viser, donc, dans un préambule qui dirait, style: La société devrait viser à combler les besoins essentiels selon sa capacité d'assumer les prêts...

En tout cas, c'est quoi, au juste? Est-ce que vous plaidez pour des ajustements qui vont faire en sorte qu'on pourra créer un genre de consensus tout en laissant la marge de manoeuvre nécessaire à chaque gouvernement pour gouverner puis choisir ses méthodes? Donc, si c'est ça, ce n'est pas dans la loi qu'il faut envisager des choses, c'est dans une déclaration de l'Assemblée ou... En tout cas, je veux mieux vous saisir sur ça.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Labrie.

Mme Labrie (Vivian): Oui. Alors, je vous réponds techniquement. Le préambule, c'est la manière d'interpréter la loi. Nous voulons voir dans la loi, dans l'orientation sur le filet de sécurité sociale, l'intention, à travers la loi, d'en venir à couvrir les besoins essentiels de tous et toutes, au Québec.

Maintenant, vous avez raison, il y a un plan d'action qui est prévu par la loi et qui, lui, doit venir annoncer, 60 jours après la publication de la loi, un certain nombre de mesures. Nous voulons voir dans le plan d'action qui sera publié 60 jours après l'adoption de la loi les mesures urgentes qu'on met de l'avant, et on vous dit pourquoi: Pour que les gens y croient, à la loi, pour que, pour eux, ça fasse sens, pour que les personnes qui vivent la pauvreté, les autres disent: C'est vrai que l'Assemblée nationale et que le gouvernement ont décidé d'agir.

Alors, il faut mettre les choses chacune à leur place. On comprend très bien qu'une loi comme ça, ça doit être une loi qui encadre et qui programme largement l'action du gouvernement, pas qui l'empêche de fonctionner. Et donc, c'est une loi qui doit être évolutive, ce qui fait aussi que l'Assemblée nationale et le public doivent participer périodiquement à l'évaluation et à l'élaboration des étapes suivantes.

C'est ce qui nous amène aussi... Et je vais me permettre de répondre à la question sur le Comité et l'Observatoire. Il faut qu'il y ait une institution qui suive l'évolution de cette loi-là, qui soit indépendante du gouvernement et qui puisse rendre des comptes aussi à l'Assemblée nationale et au public.

Nous, dans notre travail, on avait considéré au début un conseil et un observatoire, et on est arrivés à la conclusion qu'il fallait lier les deux parce que les gens ne veulent pas trop de structures. Alors, on se dit: Un comité consultatif plus indépendant qui rend des comptes aussi à l'Assemblée nationale, au gouvernement et au public ? il faudrait trouver la formule ensemble ? et qui permet le suivi de la loi, c'est la meilleure manière de programmer une série de débats.

On ne fera pas tous les débats, cet automne. Vous voyez, on n'a que quelques minutes pour aborder des questions de fond. Il faut se donner les moyens, à travers cette loi-là, de programmer un ensemble de débats qui nous feront avancer. Je ne sais pas si j'ai bien répondu, là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Vous avez bien répondu, et, Mme Labrie, tout le temps maintenant à notre disposition, malheureusement, est écoulé. Alors, il me reste, au nom de tous les membres, de vous remercier sincèrement pour avoir enrichi notre réflexion.

Alors, j'inviterais rapidement M. Simon Langlois à bien vouloir prendre place, et je suspends les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 12 h 3)

 

(Reprise à 12 h 4)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous demanderais de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

Alors, s'il vous plaît, à l'ordre! Veuillez prendre place.

Alors, M. Simon Langlois, qui est professeur au département de sociologie de l'Université Laval, nous vous souhaitons la bienvenue. Alors, sans plus tarder, je vous cède la parole. Vous avez 10 minutes pour la présentation de votre mémoire.

M. Simon Langlois

M. Langlois (Simon): Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme la Présidente, Mme la ministre Goupil, Mme la ministre Léger, Mmes et MM. les députés, chers concitoyens, voici un projet de loi n° 112 fort important, important à la fois par les mesures et par les orientations politiques qu'il entend mettre en oeuvre, mais aussi important parce qu'il met sur la place publique un discours qui rappelle que la solidarité sociale est, encore aujourd'hui, aussi primordiale qu'hier.

Il y a un consensus pour aider les entreprises en difficulté et les travailleurs salariés, au nom de la création de l'emploi. Le projet de loi doit aussi être la source d'un nouveau consensus, celui de la solidarité. Je présenterai d'abord deux ou trois remarques sur les inégalités et la pauvreté, sur les problèmes de conception et de mesure avant de présenter dans un deuxième temps un certain nombre de remarques sur le projet de loi.

Alors, disons tout de suite que le discours dominant en ce moment sur les inégalités économiques est généralement assez pessimiste. Pourtant, les données disponibles montrent que l'action de l'État en matière de redistribution des revenus continue d'être efficace. Il est vrai que les inégalités de revenus d'un marché ? celles qui sont mesurées à partir des revenus sur le marché du travail ? ont augmenté, mais les deux grands mécanismes de redistribution que sont les paiements de transfert, d'un côté, de l'État aux individus, et l'impôt sur le revenu ont corrigé à la baisse, de manière considérable, les inégalités observées sur le marché.

Donc, le message que je veux donner en premier lieu, c'est que l'État providence continue à fonctionner, l'État providence fonctionne. Vous trouverez un certain nombre de chiffres ? et je n'ai pas le temps de les commenter ? en annexe à mon rapport.

Qu'en est-il de la pauvreté, au Québec? Eh bien, il y a un vieux philosophe français, Fontenelle, qui disait au XVIe siècle: Avant de s'interroger sur les causes d'un phénomène, il faudrait savoir si le phénomène existe. Moi, je pense que, dans le cas de la pauvreté, cette remarque s'applique de manière très pertinente, c'est-à-dire que, dans le cas de la pauvreté, on lance toutes sortes de chiffres qui sont souvent des chiffres qui caractérisent autant les inégalités que la pauvreté. Il y a donc une certaine confusion dans les discours, et j'aimerais éclairer un peu ce dont il s'agit.

Il n'y a pas en ce moment de mesure officielle de la pauvreté. Il y a la mesure la plus souvent utilisée, c'est le seuil à faible revenu de Statistique Canada; on l'a évoqué abondamment, depuis ce matin. Mais ce seuil ? et on le sait maintenant à la suite d'un grand nombre de travaux ? est entaché d'un certain nombre de faiblesses qui amènent des confusions. Il est faux par exemple de prétendre qu'il y a plus de pauvres au Québec qu'en Ontario, comme on l'a évoqué ce matin. Pas moins de trois approches différentes arrivent à cette conclusion: la nouvelle mesure qui est en train d'être mise au point par Ressources humaines du Canada; les indices révisés du SFR à Statistique Canada et même un indice ? je me permets de citer mon propre travail ? que j'ai construit il y a quelque temps avec un économiste français, François Garde.

Si on prend le SFR après impôt par exemple, construit en prenant le Québec et l'Ontario comme références séparées pour les années 1996 à 1998, nous allons constater que la différence entre Québec et Ontario n'est pas tellement grande, et vous avez des chiffres dans l'annexe de mon rapport, c'est-à-dire qu'on estime qu'il y a à peu près 8,6 % des ménages sous le seuil de faible revenu en 1998 au Québec, contre 8,9 en Ontario. Donc, la différence n'est quand même pas très importante. Deuxièmement, cette mesure montre aussi que la proportion a légèrement régressé entre 1996 et 1998, au Québec. Alors, il faut donc distinguer ici les revenus avant impôt et les revenus après impôt pour faire ces analyses, et, cette fois encore, lorsqu'on étudie la pauvreté dans cette perspective, on voit que l'État, l'État providence, a un certain succès.

L'exemple québécois doit être comparé aussi aux exemples allemand, français, anglais, etc., et, si on compare ces pays d'un côté aux États-Unis de l'autre, nous voyons que, effectivement, l'État providence ne marche pas de manière idéale, j'en conviens, mais a quand même un certain succès dans la réduction des inégalités et la lutte à la pauvreté. Et ce message est important, et il faut le dire sur la place publique. Parce que les gens paient beaucoup d'impôts, tout le monde l'a rappelé, mais il faut aussi dire aux gens que ces impôts ont une certaine efficacité. Parce que, sinon, pourquoi accepterions-nous, vous et moi, de continuer à payer autant d'impôts si le discours dominant vient nous dire: Tout ça est inefficace, et, finalement, la situation est catastrophique?

n(12 h 10)n

La situation n'est pas catastrophique, elle est par contre inquiétante, j'en conviens, et elle est inquiétante en particulier pour les plus démunis, et c'est pourquoi ce projet de loi existe. Entre-temps, il ne s'agit pas de noircir la situation de manière exagérée, comme on le fait en certains milieux pour justifier la nécessité d'un tel projet de loi qui se justifie pour les bonnes raisons que tout le monde, je pense, admet et partage.

La deuxième partie de mon mémoire porte sur un certain nombre de remarques sur le projet de loi. Je voudrais d'abord distinguer pauvreté et inégalité. Les deux phénomènes vont de plus en plus être distincts, dans les prochaines années. Lorsqu'on parle d'inégalité, on parle de différences entre les revenus de Céline Dion, Jean Coutu, Paul Desmarais, les revenus des ministres, des députés, des professeurs d'université d'un côté et les revenus de personnes qui gagnent moins. Ça, c'est l'inégalité.

Lorsqu'on parle de pauvreté, on parle de non-satisfaction de besoins de base; monseigneur l'a évoqué ce matin. Le Collectif qui vient de me précéder l'a évoqué aussi, abondamment. Alors, il ne faut pas confondre, en d'autres termes, pauvreté et inégalité. Or, dans les mesures actuelles de la pauvreté, il y a une confusion parce qu'une partie que j'appellerais «inégalité» vient en quelque sorte contaminer les mesures de pauvreté actuellement existantes. Donc, ce point est important: il faut bien mesurer la pauvreté, bien caractériser le phénomène et distinguer ce qui doit être distingué.

Deuxième remarque: les pauvres visés par le projet de loi. La population des pauvres est mouvante. Il y a un noyau dur de la pauvreté, que tout le monde connaît bien, mais il y a aussi une certaine pauvreté temporaire ou transitoire qui touche une proportion importante de ménages, pour toutes sortes de raisons qui sont évoquées dans le mémoire.

Or, la définition de la pauvreté proposée dans le projet de loi à l'article 2 met l'accent sur la privation de manière durable, et je cite, «des ressources et des moyens», etc. Le mot «durable» dans cette définition me semble poser problème, car une partie de la pauvreté n'est précisément pas durable mais bien plutôt transitoire, temporaire, et l'État doit aider précisément ces personnes en situation de pauvreté transitoire à s'en sortir.

Donc, si ce qui précède est juste, ne parler que de la pauvreté durable risque de laisser de côté une partie de la population qui, de fait, doit être visée par le projet de loi. J'ajouterais une deuxième remarque à ce qui précède: Il me semble nécessaire d'étendre la portée des mesures aux travailleurs salariés, ce qu'on appelle en anglais les «working poor» qui, eux aussi, ont besoin de mesures pour les favoriser.

Troisièmement, l'État providence prend en charge les individus et les ménages en situation difficile de dépendance sociale. Il assume aussi les risques entre les citoyens ? l'aspect assuranciel de l'État providence ? et il offre aussi les moyens de développer leur potentiel en mettant sur pied des institutions publiques. Ce sont là trois idées fortes qui ont toujours orienté l'action de l'État providence. Or, le troisième volet implique que les individus sont aussi des acteurs responsables à qui il faut donner des moyens de développer leur potentiel.

En d'autres termes ? en résumé, je dois sauter un peu ? il faut éviter de transformer les citoyens actifs autonomes en consommateurs clients de programmes. Il faut donc, bien sûr, distinguer ici ce que j'appelle dans le mémoire «responsabilité» de ce qu'on a appelé précédemment dans les interventions, la «culpabilité» qu'il faut évidemment contrer de manière radicale.

La question du logement. Le coût du logement ? quatrième commentaire ? a connu une hausse importante au fil des ans, et ce poste budgétaire vient maintenant au premier rang dans la structure des dépenses des ménages et des familles. Il faut souligner l'importance de l'action visant à favoriser l'accès au logement décent à prix abordable qui est prévu à l'alinéa 4 de l'article 8 du projet.

Et je me permets de donner à votre attention un tableau qui illustre justement ? c'est le dernier tableau de mon mémoire ? précisément l'importance de cette mesure ou l'importance à accorder au logement.

Alors...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Langlois, il vous reste une minute.

M. Langlois (Simon): ...je conclus en une phrase, si vous me le permettez, et je répondrai aux questions peut-être sur l'observatoire de pauvreté qui était mon dernier point.

Alors, pour conclure, je reprendrai un énoncé qui apparaît à l'article 6.4 du projet: Favoriser l'engagement de l'ensemble de la société. Cet engagement doit être plus qu'un voeu pieux. La richesse collective, maintenant plus grande, que la nôtre, le développement social, culturel et économique qui est aussi le nôtre, ne doivent pas nous faire oublier qu'il y a encore des exclus et que nous avons un devoir de solidarité envers eux, aujourd'hui comme hier. Alors, merci de votre attention.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie. Merci beaucoup, M. Langlois, d'avoir participé à cette commission. Mme la ministre d'État.

Mme Goupil: Merci. Alors, M. Langlois, je vais vous rassurer comme tous les membres de cette... tous les gens qui vont déposer des mémoires: nous allons prendre tout le temps nécessaire de les lire. Et, malheureusement, c'est souvent frustrant parce qu'on doit rapidement passer nos messages.

Je voudrais vous questionner sur différents points que vous avez soulevés mais je me limiterais pour le moment à ce que vous avez utilisé comme langage «acteurs responsables», «consommateurs clients de programmes», il faudrait éviter cette réalité.

Et vous dites aussi, à la page 16 de votre mémoire, que l'État québécois a mis en place, au fil des ans, un très grand nombre de programmes afin d'aider les citoyens à réaliser leur potentiel. Vous avez indiqué par exemple les bas frais de scolarité qui sont maintenus, les garderies à 5 $, les lois du travail, les programmes de santé préventive ainsi que bien d'autres programmes.

Vous dites aussi qu'au fil des temps tous ces programmes ont été peu à peu définis ou considérés à travers le langage des droits alors qu'ils ne sont que des moyens mis collectivement à la disposition de tous en vue d'un développement personnel responsable. Et vous concluez en disant que dans cette perspective il vous paraît souhaitable d'ajouter, à l'article 6.1 du projet de loi, une référence au sens de responsabilité qui doit aussi accompagner l'élaboration de la politique d'aide au développement des personnes. J'aimerais savoir comment, concrètement, on pourrait y voir ajoutée davantage cette notion de responsabilité extrêmement importante.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Langlois.

M. Langlois (Simon): En fait, cette remarque n'est pas très originale dans le sens qu'elle inspire maintenant l'orientation de l'État providence en Europe, dans les pays européens, que ce soit en France, en Angleterre ou en Allemagne ou ici, et ces États s'entendent pour donner aux populations démunies tous les moyens nécessaires pour bien vivre dans la société qui est la nôtre. Mais, en même temps, on s'assure aussi des programmes qui visent à aider les personnes qui le peuvent à se sortir de cette situation de pauvreté en profitant de toutes sortes de mesures, comme le travail salarié ou encore l'étude, etc. Il faut donc aussi tenir un discours qui ne considère pas ces personnes comme dépendants, comme des clients consommateurs, mais bien comme des personnes responsables à qui on donne des moyens.

Et c'est simplement... J'ai voulu simplement mettre sur la table l'importance de tenir ce discours pour, disons, définir les orientations d'un certain nombre de mesures qui visent le développement des individus, et, bien sûr, je ne parle pas des mesures d'aide et de support données aux plus démunis, qui, précisément, ne peuvent pas par elles-mêmes se sortir de mauvaises situations.

Tout à l'heure, je pense, au tout début des travaux, on a fait référence à l'importance du travail dans nos sociétés. Le travail est devenu central, y compris le travail des femmes qui maintenant sont actives pour la majorité parce qu'elles sont davantage salariées, etc. Et, effectivement, le travail est devenu central dans le système d'aide, et c'est en ce sens-là qu'on peut parler ici d'acteurs responsables, d'acteurs qui sont en mesure d'assumer leur propre vie, si on veut, avec l'aide de l'État, ici. Par exemple, les lois du salaire minimum, les lois qui encadrent le travail, le droit de grève, etc., sont autant de mesures qui s'orientent précisément dans cette perspective d'une action responsable. Et je pense que dans le cas du projet de loi ici on doit aussi tenir ce discours, Mais là, évidemment, je vous donne mon opinion de citoyen, si on veut.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Goupil: Merci, M. Langlois. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Vachon.

M. Payne: Vous avez... Je vous remercie beaucoup, M. Langlois, pour un mémoire fort lucide et clair. Vous avez souligné un certain nombre d'anomalies, d'aberrations dans l'application de la notion de seuil de faibles revenus, le fameux SFR, utilisée par la gouvernement fédéral à l'égard, premièrement, du coût de logement; deuxièmement, la différence dans le coût de la vie entre les provinces, et, finalement, la prise en considération de revenus nets après impôts, parce que c'est, bien sûr, important de considérer, dans un régime comme les Québécois, la notion progressive de notre régime.

n(12 h 20)n

Je pense que la question que vous soulevez mérite d'être soulevée encore parce que ça engendre, vous serez d'accord avec moi beaucoup de préjugés dans le public. Pouvez-vous nous expliquer, justement devant le public qui nous suit à la télévision, la pertinence de ces indicateurs économiques tels le seuil de faibles revenus? Et j'ai une autre question après, très brièvement, concernant l'imposition.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Langlois.

M. Langlois (Simon): Oui, évidemment, lorsque... C'est Fontenelle, que je citais tantôt, qui nous invite, là. Lorsqu'on fait un tel projet de loi, lorsqu'on veut intervenir sur la pauvreté, il faut savoir aussi la mesurer, à ce moment-là. Et je pense que l'Observatoire de la pauvreté sera un excellent lieu pour développer de telles mesures, et, en particulier, il faut le loger à l'Institut de la statistique du Québec, pour plusieurs raisons.

D'abord, on devra travailler avec des données publiques, des données de Statistique Canada. Or, Statistique Canada ne donne pas ses données à n'importe qui. Elle ne les donne pas aux ministères non plus ? l'accès aux microdonnées, j'entends ? l'accès aux données qu'on peut travailler. Seul l'Institut de la statistique du Québec a un statut juridique qui lui permet d'avoir accès aux bases de données de Statistique Canada, de sorte que cet Observatoire, en étant logé à l'ISQ, pourrait lui-même développer un certain nombre de travaux, par exemple développer aussi des mesures régionales.

On parle beaucoup des régions aussi au Québec ? je pense que les trois grands partis en parlent abondamment ? et on pourrait avoir le même modèle que l'enquête Santé Québec qui donne des données régionales sur des questions de santé. Eh bien, sur la question de pauvreté, d'exclusion, il faudra aussi avoir des données régionales, et l'ISQ est bien équipée pour ce faire, tandis que Statistique Canada ne l'est pas parce qu'elle ne le fait pas pour toutes sortes de raisons qui ne sont pas expliquées ici.

Il me semble aussi qu'il faut clarifier les choses dans le cas de la mesure de la pauvreté. Ce n'est pas vrai qu'il n'est pas possible de mesurer la pauvreté. Il est possible de la mesurer en explicitant les postulats sur lesquels seront basées les mesures. Et une telle mesure sera essentielle aussi pour suivre dans le temps l'évolution de l'efficacité, l'évolution des interventions. Et une telle mesure aussi devra faire l'objet de débats, par exemple devra préciser la différence qu'il y a entre pauvreté et inégalité.

Tout à l'heure, j'entendais mes prédécesseurs, là, parler de l'écart entre le quintile 1 le plus bas et le quintile supérieur. Moi, je pense que ce n'est pas une bonne façon de caractériser les écarts sociaux, pour la raison suivante: dans le quintile supérieur, je l'ai dit, on trouve des Jean Coutu, Céline Dion, la famille Desmarais, etc.

Alors, je pense qu'il faudrait plutôt, par exemple, comparer la situation des démunis à la moyenne, et, à ce moment-là, on aurait une... à la moyenne, disons, du centre de la distribution, et, à ce moment-là, on aura une mesure beaucoup plus, je pense, intéressante pour suivre le phénomène, une mesure qui ne sera pas biaisée par ce qui se passe en haut et par, disons, les grands revenus d'un certain nombre de membres de nos sociétés.

J'ajouterai que dans les années à venir, effectivement, il y aura une croissance sans doute des inégalités, pour une raison très simple: notre population est davantage scolarisée. On a investi énormément dans la production de diplômés. Plus de 20 % des gens maintenant fréquentent l'université. Très bien. Mais on sait aussi que l'éducation rapporte plus, l'éducation contribue à hausser les salaires pour toutes sortes de raisons aussi, parce que les gens sont plus productifs, les gens vont créer de nouvelles entreprises, vont... etc. Et, à ce moment-là, on peut penser que l'inégalité risque d'augmenter d'un côté alors qu'on pourrait très bien aussi choisir de lutter contre la pauvreté et même l'éliminer, l'éliminer aussi. On pourrait, en d'autres termes, avoir une société qui sera davantage inégale jusqu'à un certain point et aussi une société qui va réussir à combattre la pauvreté de manière beaucoup efficace, à ce moment-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Une minute, M. le député de Vachon.

M. Payne: Bien. Je vous remercie beaucoup. Regardons la question de l'impôt que vous soulevez, il y a quelques instants. Quelles seront les conséquences d'un «flat tax», un impôt universel unique sur la pauvreté, à votre avis, tel que proposé par l'ADQ?

M. Langlois (Simon): Bon. Alors, je vous laisserai peut-être débattre de ces questions politiques entre vous, bien sûr, mais je pense que, si vous regardez dans les tableaux, à la suite de mon rapport, vous allez voir que le quintile supérieur paie beaucoup d'impôt, beaucoup plus que les deux premiers quintiles, si on veut. Et beaucoup de gens ? et là, j'exprimerai un jugement de valeur ? vont nous dire qu'au fond, c'est peut-être comme ça que les choses doivent marcher, en quelque sorte.

C'est-à-dire que... C'est le philosophe John Rawls qui disait: On peut accepter dans la société une certaine croissance des inégalités, pourvu qu'on s'occupe des gens qui sont en bas, qu'on ne laisse pas de côté une partie de la société et qu'ils en trouvent aussi un certain profit, notamment via la taxation. Donc, taxer les revenus les plus élevés, oui, afin d'assurer une redistribution des revenus, oui.

Maintenant, est-ce que la «flat tax» viendrait changer ça? Moi, je serais un peu inquiet effectivement que ce modèle, que j'ai qualifié tantôt de succès, si on veut, c'est-à-dire ce modèle de répartition des revenus qui est le nôtre et qui, il me semble, fonctionne quand même de manière... va très bien ? on ne fonctionne jamais parfaitement ? mais, disons, ça fonctionne quand même de manière satisfaisante en ce moment, ici comme en Europe...

Et, là-dessus, on pourrait, pour répondre à votre question, peut-être faire une comparaison avec les États-Unis. En ce moment, les inégalités augmentent de manière assez importante aux États-Unis, en particulier parce que la fraction supérieure se détache du reste de la société. ce qui est beaucoup moins le cas en Europe.

Lorsque vous regardez, par exemple, l'Allemagne, la France, l'Angleterre ? et je pense que, nous, au Québec et au Canada, on se compare davantage à ces pays-là que je viens de citer ? eh bien, voilà des pays dans lesquels les écarts de revenus sont moins marqués, en particulier à cause de la taxation progressive, si on veut. Et...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En conclusion, M. Labrie.

M. Langlois (Simon): Oui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Peut-être que vous aurez l'occasion tout à l'heure de compléter votre réflexion. Alors, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Langlois, merci de votre mémoire et des éclairages que vous nous avez donnés. Vous avez soulevé des questions fort pertinentes concernant la définition de la pauvreté ou la difficulté de définir la pauvreté. Et vous avez dit qu'il n'existe pas de mesures officielles de pauvreté, notamment parce que les mesures ne sont pas tout à fait sûres. Vous essayez de définir ça en fonction du coût du panier de consommation. Mais, également, vous dites que le seuil de faible revenu qui est utilisé par Statistique Canada n'est pas très fiable.

Le groupe qui s'est présenté devant vous nous ont dit qu'il ne faut pas définir le concept de pauvreté dans la loi. Alors, qu'est-ce que vous nous suggérez? Est-ce que vous êtes en train de nous dire qu'on ne peut pas définir le concept de pauvreté parce qu'il n'y a pas de mesures fiables pour la quantifier et la qualifier? Ou est-ce que vous êtes en train de nous dire que c'est un phénomène qui est en mouvement? Parce que les pauvres ne seront pas toujours... ils ne resteront pas pauvres toute leur vie. Donc, vous avez fait la différence entre la pauvreté durable et la pauvreté transitoire. Qu'est-ce que vous suggérez? Qu'est-ce qu'on doit décoder finalement de votre mémoire?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Langlois.

M. Langlois (Simon): Oui. Alors, je suggère qu'on mesure effectivement la pauvreté. Je ne suis pas partisan de laisser ce phénomène dans le flou des commentaires partisans. On peut mesurer la pauvreté de manière objective, comme on peut mesurer n'importe quel autre phénomène aussi, à condition d'expliciter les bases sur lesquelles vont se prendre les décisions.

Par exemple, dans la pauvreté, il y a deux grandes dimensions: la pauvreté absolue qui caractérise la satisfaction des besoins, et la pauvreté relative, la dimension relative qui consiste à nous comparer à d'autres. Or, l'aspect comparaison... c'est ça qui pose problème, l'aspect comparaison. Et, si on ne fait pas attention, si on se compare par exemple aux plus riches, eh bien, la pauvreté va augmenter. Si on prend comme point de comparaison les gens du quintile supérieur ? tantôt je parlais des Jean Coutu, Céline Dion et compagnie, etc. ? c'est sûr qu'il y a bien du monde qui vont être pauvres par rapport à eux; probablement que, nous tous, on le serait ici parce qu'on ne peut pas suivre le train de vie des gens très riches, voyez-vous?

Donc, c'est pour ça que dans la mesure de la pauvreté relative il existe des moyens simples pour régler ce problème-là, par exemple se comparer à la médiane, se comparer au point milieu d'une société. Et on sait que dans ce point milieu se trouve en gros la classe moyenne qui travaille, c'est-à-dire tous ces couples à deux revenus qui travaillent dans les entreprises, qui sont plus ou moins syndiqués, dans la plupart des cas: fonctionnaires, employés de l'Alcan, etc., professeurs de cégep, etc., vous, les députés, et ainsi de suite. Et donc, il y a moyen très simplement de mesurer la pauvreté à partir aussi de l'identification d'un certain nombre de paniers de base.

C'est l'approche de Ressources humaines Canada en ce moment qui a consulté énormément de groupes de toutes sortes. Et on peut, par exemple, regarder la consommation moyenne, la consommation, disons, de ce groupe de la médiane: quelles sont ses dépenses en logement, nourriture, transport, éducation, etc., et on peut prendre ça comme référence et se dire collectivement que, disons, si on ne peut pas satisfaire une partie de ces besoins, on sera considérés comme pauvres.

En d'autres termes, nous avons maintenant des instruments, tous les instruments théoriques, méthodologiques, empiriques aussi ? les enquêtes sont là ? pour bien caractériser le phénomène. Et, une fois qu'on l'aura bien caractérisé ? et je pense que l'Observatoire aura un rôle important à jouer là-dessus ? eh bien, on pourra aussi agir.

n(12 h 30)n

Et, regardez, vous allez entendre plein de mémoires dans les prochains jours, les prochaines semaines. Il y en a déjà eu deux ce matin, je suis le troisième, tout le monde se réfère à des chiffres qu'on prend à gauche, à droite, le SFR, le MFR, la moitié de la médiane du revenu disponible, est-ce qu'on prend le revenu avant impôts, après impôts, etc. Eh bien, nous sommes perdus dans cette mer de chiffres, et je pense, à ce moment-là, qu'un observatoire de la pauvreté, avec un appareil léger, au sein de l'ISQ, va permettre de débroussailler la question et d'apporter sur la table un certain nombre de réponses simples à cette question. Et, par la suite, bien on fera les choix politiques qui s'imposent en fonction de la connaissance que nous aurons de la réalité.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Langlois. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Oui. Peut-être un peu sur la même lignée, j'aimerais, moi, qu'on puisse s'entendre autour de la table, là, quand on parle de pauvreté que, dans mon esprit, tout au moins, ça ne concerne pas seulement les gens sur l'assistance sociale. Je suis convaincu qu'il y a une bonne partie de la classe moyenne qui se sent pauvre et qui est pauvre, et vous l'abordez d'ailleurs quand vous parlez des «working poor» dans votre document. Je ne sais pas s'il faut changer le vocabulaire pour parler, je ne sais pas, moi, des misérables et des pauvres, mais tout ce que je veux, je veux qu'on s'assure qu'on comprenne, ceux qui nous écoutent et ceux qui sont ici, autour de la table aussi... C'est que la question de la pauvreté n'est pas quelque chose qui doit être vu, dans mon esprit ? et vous l'avez bien dit, je pense ? au niveau du dernier quintile vis-à-vis les autres, parce qu'il y a aussi dans bien d'autres quintiles des gens qui sont pauvres dans leur réalité, et dans leur réalité dans le sens qu'ils arrivent à peine à survivre dans le sens de s'acquitter convenablement de leurs besoins familiaux, etc., tout en travaillant.

Alors, il y a cette réalité qu'il faut aussi tenir compte, et, pour ça, d'ailleurs, je pense que la notion de valorisation du travail, la reconnaissance du travail par des programmes de soutien du revenu élargis, plus renforcés, qui font en sorte que le travail est récompensé, tout en s'assurant qu'il y a une protection minimale, qu'on se donne tous et des moyens qu'on met à la disposition de ceux qui veulent cheminer et qui veulent... et en faisant tous les autres examens de conscience que les évêques nous ont amenés à faire également.

J'aimerais juste que vous élaboriez un petit peu sur la notion de «working poor» que vous abordez dans votre mémoire.

M. Langlois (Simon): Oui. Elle est importante, parce que vous avez raison de dire que la pauvreté ne caractérise pas seulement le dénuement, si on veut, là. La pauvreté a un caractère relatif. Donc, on se compare toujours à un point de référence, et je pense que tout le monde s'entend pour dire que ce point de référence là en ce moment, c'est plutôt la classe moyenne, si on veut. Or, on observe que, au cours des dernières années, la fraction de la population qui est en bas de la moyenne sait moins bien se tirer d'affaire que celle qui est en haut de la moyenne ou de la médiane, plutôt. Et, en particulier, on observe que les jeunes familles, les jeunes couples avec enfants en particulier, disons de moins de 40 ans, sont aussi des ménages qui ont tiré moins d'avantages, moins de profits, moins de ressources, si on veut, au cours des dernières années, parce que le haut de la distribution des plus de 40 ans, en termes de génération, ont connu des croissances de revenus plus importantes que les plus jeunes. Il y a un important effet de génération qui est bien documenté dans la littérature à ce moment-là.

Alors, ça veut dire que, effectivement, c'est dans ce groupe de travailleurs peut-être moins avantagés, qui ont plus de difficultés, qu'on va retrouver la croissance de ce sentiment que vous évoquez avec raison, celui de ne pas avoir sa juste part dans la croissance actuelle de la société, si on veut. D'où l'importance d'un régime de taxation, par exemple, qui va pas pénaliser, mais, disons, qui va toucher moins les personnes ou ces ménages qui, disons, ont de faibles revenus, des revenus plus faibles. D'où l'importance aussi de tenir compte, dans les choix politiques, des effets de génération. Il y a un certain nombre de choix politiques qui n'ont pas toujours été très heureux dans le passé. J'en donnerai un seul, le financement du régime de retraite de la Régie des rentes du Québec à ce moment-là. Eh bien, on a haussé, depuis 10 ans, de manière importante la cotisation au régime à ce moment-là. Donc, ça veut dire qu'on pénalise dans les prochaines années les nouvelles générations de travailleurs qui doivent payer, en proportion de leurs revenus, un taux de cotisation plus élevé que ce que, moi, j'ai payé à l'âge de 30, 35 ans, 40 ans, que ce que, vous, vous avez payé aussi quand vous aviez le même âge. Donc, les gens d'aujourd'hui qui ont 30, 35, 40 ans doivent ? je me limite à cet exemple-là ? doivent payer maintenant une fraction plus importante de leurs revenus, et ces mêmes revenus sont eux-mêmes en croissance moins marquée que les revenus des générations plus âgées, si on veut.

Alors, voilà un bel exemple, ici, qui montre que des choix politiques doivent tenir compte de ces effets de génération et tenir compte aussi d'effets peut-être non voulus, là. Et la préoccupation que nous avons, que nous devons avoir envers les pauvres, elle est très justifiée, elle est très réelle, mais je pense qu'il faut aussi avoir ? et c'était un des points de mes recommandations ? avoir une définition plus élargie de la population cible, déborder ce qu'on appelle dans le projet de loi la pauvreté durable, si on veut, déborder pour considérer justement ce groupe de travailleurs qui n'ont peut-être pas reçu toute la part juste de leur travail ces dernières années, en particulier les jeunes générations.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il vous reste 30 secondes, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Bien, c'est tout à fait juste assez pour remercier le professeur pour son mémoire qui, je trouve, effectivement, apporte beaucoup de détails dans l'étude précise soit des seuils de revenus soit des définitions de pauvreté et qui, je pense, va nous inspirer dans la poursuite de nos travaux. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci beaucoup, M. Langlois, d'avoir participé à cette rencontre. Avant de suspendre les travaux, je veux mentionner aux membres de la commission qu'il y a une rencontre de travail à la salle RC-171 immédiatement et que, de plus, étant donné que le groupe qu'on devait entendre à 14 heures, bon, est obligé de remettre sa venue à la commission, alors, à ce moment-là, la commission suspend les travaux jusqu'à 14 h 30. Alors, je suspens les travaux.

(Suspension de la séance à 12 h 37)

 

(Reprise à 14 h 36)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous souhaite la bienvenue. La commission des affaires sociales reprend ses travaux afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Alors, nous entendrons maintenant... Nous accueillons les représentantes de la Centrale des syndicats du Québec, c'est-à-dire Mme Jocelyne Wheelhouse, qui est vice-présidente, de même que Mme Nicole de Sève, conseillère. Alors, je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, et, par la suite, nous partagerons le temps pour les questions. Alors, je vous cède immédiatement la parole.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Alors, merci beaucoup de nous recevoir. Vous avez déjà notre mémoire, alors on va vraiment procéder à un résumé, vous dire que toute la question de la pauvreté est une question, pour la Centrale des syndicats du Québec, qui nous préoccupe au plus haut point. D'abord, vous allez comprendre que, quand beaucoup de nos gens travaillent dans le milieu de l'éducation et dans les services publics, on est au coeur des conséquences de la pauvreté et, depuis 1990, on a vraiment inscrit cette priorité-là dans notre congrès. On est préoccupé sur l'impact que la pauvreté a sur la réussite des enfants, l'impact aussi sur les jeunes familles, alors nous accueillons avec beaucoup de satisfaction l'initiative de Mme Goupil de vraiment prendre le virage, de se donner des moyens pour sortir le Québec de la pauvreté et pour bâtir un Québec de solidarité.

Maintenant, on est convaincus, comme acteurs qui oeuvrent dans le milieu de l'éducation, que l'éducation constitue un outil systémique qui doit être privilégié pour s'en sortir et on trouve que le projet de loi actuel ne fait pas assez référence à cet outil privilégié que constitue l'éducation comme façon de s'en sortir. Alors, vous allez retrouver dans notre mémoire des commentaires à ce sujet-là.

Maintenant, on a choisi de placer notre mémoire dans la perspective d'une démarche collective qui sera fondée sur les droits et les libertés de la personne. C'est important de le mentionner parce que toute l'étude du projet de loi a été vue sur cet angle-là. On s'est appuyé sur les instruments internationaux adoptés par les Nations unies, mais aussi sur la Charte québécoise des droits et libertés, et, en ce sens-là, le gouvernement devrait faire état de comment cette démarche-là qui nous est proposée aujourd'hui s'inscrit dans un continuum historique, parce que le gouvernement du Québec, sans avoir pu signer, a quand même accepté les engagements et s'est dit favorable aux engagements de Rio et de Johannesburg, et, en ce sens-là, je pense que l'initiative qu'on a aujourd'hui doit s'inscrire dans cette perspective historique là de réflexion à laquelle le gouvernement a déjà adhéré.

Alors, nous allons demander l'adoption d'une loi qui est proactive, qui inscrit clairement l'objectif qui est recherché, mais pour jeter les bases d'un Québec sans pauvreté, mais dans un délai de 10 ans. Il y a vraiment une urgence à agir, et, sur ce point-là, on espérera qu'on prenne vraiment des mesures pour concrétiser les choses.

Alors, la pauvreté, ce n'est pas un phénomène inéluctable, ce n'est pas une fatalité, c'est une construction sociale. Alors, d'un point de vue juridique, les personnes pauvres, c'est des personnes qui vivent l'expression de droits qui ne sont pas reconnus. D'un point de vue économique, on peut être assis devant la télévision, se faire dire que l'économie va bien en constatant qu'il y a un pan de la collectivité qui est exclu de cette prospérité économique. Et, quand on regarde aussi du point de vue politique, bien on regarde que, même par des interventions de l'État, il y a toujours une part importante de citoyennes et de citoyens qui ne jouissent pas d'un niveau de vie minimum qui est socialement accepté. Alors, vraiment pour lutter contre la pauvreté, pour être efficace, il faut s'attaquer aux agents systémiques qui contribuent à produire la pauvreté.

n(14 h 40)n

Alors, les causes et les conséquences de la pauvreté, elles sont liées directement au type de développement économique et social qu'on encourage actuellement dans notre société. Alors, nous croyons que les entreprises québécoises, les institutions publiques doivent s'engager à promouvoir des valeurs qui sont associées à des modes de consommation et de production qui sont viables, qui vont permettre la satisfaction des besoins fondamentaux puis une répartition équitable de la richesse.

Vous savez comment la Centrale des syndicats a à coeur un projet qu'on appelle toute la question d'un monde viable. On sait aussi qu'à Johannesburg toute la question du développement durable a été au coeur des préoccupations et que, maintenant, quand on parle de développement durable, on ne parle pas juste d'une vision économique, on intègre aussi la question de l'environnement, les questions de société et même les questions de culture, alors d'où notre engagement à travailler concrètement au jour le jour à fournir des outils et à être capables de proposer une autre façon de vivre une solidarité dans un avenir qui va être beaucoup plus solidaire, beaucoup plus écologique, démocratique et pacifique.

Dans le mémoire, la CSQ demande à la ministre de reconnaître le caractère systémique de la pauvreté des femmes. Je pense qu'il y a eu... On a vécu ici, au Québec, la grande Marche des femmes, il y a eu aussi toutes les conférences mondiales des femmes de Beijing, et c'est une constatation qui est hautement documentée. Malgré, aujourd'hui, le fait qu'on constate que, dans nos grandes institutions scolaires, la participation des femmes est très, très présente, il existe encore un écart incroyable, et les femmes continuent toujours d'être en situation de pauvreté, et ça doit être reconnu dans une stratégie nationale, il faut être capable de reconnaître cette pauvreté des femmes.

Maintenant, le mémoire va inviter la ministre à ne pas retenir les notions qui renvoient à la responsabilité des personnes. Il faut plutôt s'attaquer aux conditions de cette responsabilité. Alors, on sait que, quand on s'attaque à la responsabilité des personnes, que ça nourrit un terreau de préjugés en ramenant les choses directement aux personnes, en disant: Les personnes ont un pouvoir de s'en sortir. Effectivement, les personnes ont un pouvoir de s'en sortir, mais pas sans moyens, pas sans soutien, pas sans l'ensemble des droits qui doivent leur être reconnus, sans qu'ils puissent s'en prévaloir. Alors, l'idéal, pour nous, de l'être humain libre ne peut être réalisé que si les conditions permettant à chacun de jouir de ses droits économiques, sociaux et culturels aussi bien que nos droits civils et politiques sont créées.

Alors, nous recommandons... On invite la ministre à reconnaître l'importance de lutter contre la pauvreté, quelle qu'en soit la durée, parce que, dans le projet de loi, on voit qu'il y a des notions de durabilité. Alors, être pauvre... Il peut y avoir des situations qui durent dans le temps de façon plus longue, d'autres situations qui sont plus temporaires, mais c'est toujours épouvantable de se retrouver dans une situation de pauvreté, et donc il faut tenir compte de ça, parce qu'il y a vraiment un contexte économique qui favorise occasionnellement que des individus se retrouvent... On sait qu'on a connu des périodes où il y avait un taux de chômage excessivement élevé, où que c'était très, très difficile. Écoute, on a tous dans nos mémoires des histoires d'horreur, dans nos entourages, de jeunes bardés de diplômes qui déposaient jusqu'à 60 curriculums par semaine pour essayer de s'en sortir. Alors, vraiment, il y a des situations temporaires qui doivent aussi être prises en considération.

Alors, nous allons émettre comme centrale de nombreuses réserves sur les moyens qui sont envisagés pour réduire la pauvreté économique des personnes et des familles. Alors, vous annoncez dans votre projet de loi l'intention gouvernementale d'instaurer un filet de sécurité sociale et économique, mais maintenant, quand on regarde certaines mesures, c'est-à-dire permettre aux personnes qui peuvent intégrer le marché du travail qui recourent au programme d'assistance-emploi de pouvoir, elles aussi, améliorer leurs revenus disponibles dans la mesure où elles travaillent ou développent des compétences requises, alors c'est une mesure qui existe déjà, il n'y a rien de nouveau dans cet énoncé-là. Et vous avez introduit aussi un énoncé qui dit que le revenu de solidarité, c'est un moyen pour atteindre l'objectif de rehausser le revenu de base des individus et des familles, revenu assorti d'un contrat de réciprocité. Alors, écoutez, quand on vous présente un mémoire qui est basé sur les droits, on comprendra que là-dedans ce n'est pas comme ? je vais utiliser une expression anglais ? un «give and take», là. On est vraiment sur les droits qu'on reconnaît aux individus, et donc ce sont des mesures qui améliorent l'accès à ces droits-là qui doivent être l'avenue qui est retenue. Maintenant, nous prenons comme assise que le projet de loi et la stratégie doivent reposer sur le plein exercice, donc, des droits économiques et sociaux. Et on introduit dans le projet de loi la question des situations particulières qui font référence aux aptes et inaptes, alors, là-dessus, on vous invite à ne pas retenir cette façon d'aborder les choses.

Maintenant, il n'y a pas de délai non plus qui est précisé dans le projet de loi, si ce n'est le dépôt d'un rapport qui vise à formuler des propositions quant à l'amélioration du revenu, et nous estimons qu'il y a urgence. Et puis le fait qu'on prévoie dans un échéancier de cinq ans après la date d'entrée en vigueur de l'article qui institue les rapports, bien c'est un délai qui est réellement trop long. Et nous pensons qu'il y a une avenue qui permettrait d'instaurer un niveau de prestation d'assistance-emploi qui couvrirait les besoins essentiels, qui répondrait aux besoins des gens qui sont en situation de pauvreté de façon immédiate, et ça permettrait au gouvernement de réaliser toutes les études nécessaires en vue de fixer un revenu décent au Québec. Mais, au moins, ça répondrait à un besoin qui est actuel.

Alors, le projet de loi ne fait pas référence à la nécessité de l'instauration d'un mécanisme de fixation du salaire minimum, et on sait qu'on a fait des représentations. D'ailleurs, on attend des conclusions de toutes ces représentations-là. C'est un point crucial, pourtant, qui est à l'étude par le gouvernement. On ne peut pas présumer des conclusions, mais un projet de loi qui vise à éliminer la pauvreté qui ne traite pas de la question du salaire minimum, je pense qu'il y a une lacune là et qu'il faut être capable de se pencher sur la question du salaire minimum.

Et puis bien sûr qu'on va nous dire... Et puis, on a milité dans d'autres lieux, devant des commissions aussi que le gouvernement a instaurées où on demandait une augmentation substantielle du salaire minimum, bien sûr qu'il y a des compagnies qui vont dire: Bien, c'est une charge qui est trop lourde. Mais je pense que le gouvernement a quand même une avenue, en termes de soutien social, qui pourrait permettre aussi de compenser. C'est-à-dire que toute la question des transferts sociaux, le soutien financier à la conciliation travail-famille, le logement social, les transports, c'est une responsabilité que le gouvernement pourrait avancer comme piste de soutien, mais vous avez inscrit ce projet de loi là dans une entreprise collective, vous avez invité tous les acteurs sociaux à se mouiller pour être capable de se donner un Québec sans pauvreté. Alors donc, il y a une responsabilité de la part des entreprises aussi qui doit être considérée, et, dans ce sens-là, on demandera une augmentation du salaire minimum de façon substantielle.

Vous appelez l'engagement de la société québécoise et puis vous appelez aussi celui de l'action communautaire. Dans l'étude de la politique sur l'action communautaire, nous avons réitéré que ces groupes ont besoin de plus qu'une distance critique envers les ministères et les organismes gouvernementaux. Alors, la CSQ souhaite le respect intégral de la mission et de l'autonomie de ces groupes. C'est un lieu d'expression aussi, les lieux communautaires, d'expression de la citoyenneté. Bien sûr que c'est des lieux de prestation de services, mais c'est aussi un lieu de défense des droits, et on pense qu'ils ne doivent pas perdre leur mission et garder une distance pour avoir toute leur autonomie.

n(14 h 50)n

La CSQ soutient la volonté gouvernementale de complémentarité et de cohérence qui, seule, peut permettre d'avoir une action systémique sur les causes et les conséquences de la pauvreté. Nous apprécions l'instauration de mécanismes de reddition de comptes et de concertation qui assurent la constance de l'intervention. Nous nous questionnons toutefois sur la très grande concentration des pouvoirs au sein d'un même ministère. Alors, dans votre plan d'action, c'est sous la responsabilité de la ministre, qui est le conseiller du gouvernement sur toute question qui est relative à la lutte contre la pauvreté. Pour leur part, les conditions, les modalités, les échéanciers de réalisation des activités au plan d'action de même que ceux reliés à l'atteinte des cibles d'amélioration du revenu sont déterminés par le gouvernement ou, le cas échéant, prévus par la loi en tenant compte des autres priorités nationales, de l'enrichissement collectif, des situations particulières des familles. Alors, quand on évoque tout ça, il risque d'y avoir un glissement pour trouver des raisons à ne pas véritablement se donner une stratégie pour prendre les questions bien en main et puis vraiment être capable d'avancer.

En s'éloignant des préoccupations strictement économiques et politiques, mais vraiment en se tenant sur une vision sociale et en sachant que dans la lutte à l'élimination de la pauvreté... On y verra qu'à court ou à moyen terme il y a vraiment des économies qui se font dans plusieurs autres ministères, et on est convaincu de ça. Alors, on va proposer...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En conclusion, madame. En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Oui? Ah, mon Dieu! C'est vite comme ça.

Une voix: ...

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Oui, il me reste un petit peu... Vous avez parlé d'un observatoire. Simplement pour vous dire qu'il y a déjà un observatoire que le gouvernement a proposé sur la mondialisation, puis on a souhaité dans les représentations qui ont été faites par rapport à l'Observatoire sur la mondialisation qu'on ait toute l'indépendance aussi pour mener une réflexion. Et, encore là, je pense que toutes les considérations qui ont été retenues par le gouvernement pour nous donner un véritable outil qui soit indépendant et efficace peuvent le faire. J'ajouterais, parce que je vois que le temps coule, qu'on souhaitera que, quand on analysera les pistes qu'on aura mises de l'avant pour être capable de soutenir l'idée d'un Québec sans pauvreté, que tout le milieu concerné par la pauvreté soit associé à ça et réfléchisse. Et je pense que ça démarginalise les groupes qui représentent les gens qui vivent des situations de pauvreté, et ça ne fera qu'enrichir le débat. On souhaiterait que ce plan d'action là soit l'objet de débats à l'Assemblée nationale qui permettent aux députés d'échanger là-dessus, de voir l'état de réalisation.

Alors, je terminerai en vous disant que nous sommes prêts, comme centrale, à contribuer à l'amélioration de la proposition gouvernementale. On s'engage à supporter toute démarche qui va être fondée sur les droits visant à bâtir un Québec de la solidarité sociale, et soyez assurés qu'au quotidien, dans nos écoles, on travaille constamment à élaborer des outils qui permettent d'être beaucoup à l'écoute des problèmes qu'entraîne la pauvreté puis à lutter contre toute la discrimination qui en découle. Et puis, je pense que vous êtes très au fait de tous les outils qu'on peut faire au jour le jour pour être capable de travailler dans ce sens-là, alors soyez assurés de notre collaboration pour vraiment être capable d'aller de l'avant avec ce projet qui doit répondre vraiment à un objectif qu'on a de solidarité sociale dans l'époque où on vit.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, Mme Wheelhouse, pour votre présentation. Je cède maintenant la parole à la ministre d'État à la Solidarité sociale, Famille, Enfance, Condition féminine et Aînés.

Mme Goupil: Alors, merci, Mme la Présidente, Mme Wheelhouse ainsi que Mme de Sève qui êtes présentes. J'essaie de résumer un peu les points sur lesquels nous sommes parfaitement en accord. Quand vous avez indiqué toute l'importance qu'on devait accorder à l'éducation au niveau d'une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, pensons au programme qui a été mis de l'avant, Agir tôt pour réussir, tant au niveau primaire, maternelle, les ressources qui ont été ajoutées. Pensons à tout ce qui a été... Quand on regarde au niveau de l'angle avec lequel nous l'abordons, soutenir d'abord la famille, faire de la prévention, alors vous reconnaissez d'emblée que la stratégie, elle est basée sur ces éléments extrêmement importants.

Vous avez aussi indiqué qu'il était important qu'on puisse, au niveau du salaire minimum, se donner des outils, des balises pour progresser constamment. Vous n'êtes pas sans savoir qu'on a proposé un mécanisme d'ajustement du salaire minimum justement pour nous permettre de ne pas avoir à toujours faire face à des affirmations disant qu'à chaque fois qu'on augmente le salaire minimum ce sont des emplois qui se perdent au Québec. Ce mécanisme, justement, va nous permettre, dans l'avenir, de prendre des décisions qui vont tenir compte à la fois de ce qui se fait au niveau du marché extérieur, mais aussi ce qui se fait au Québec.

Vous avez parlé de tout le rapport en ce qui concerne le dossier de la condition féminine, vous avez raison de dire que la pauvreté touche de façon extrêmement importante nos femmes aînées, âgées, nos chefs de familles monoparentales, qui sont majoritairement des femmes avec des revenus moindres. Alors, la stratégie, elle se veut englobante, mais sans jamais perdre la réalité de ceux et celles qui sont peut-être confrontés davantage. Et ça, je pense qu'il faut le faire tout en évitant, par exemple, de créer des fossés et de faire en sorte de travailler en silo, mais bien de prendre l'individu où il se retrouve.

Où je suis un peu surprise, c'est que vous prenez l'approche en disant: Il faut insister d'abord sur le droit des personnes à un revenu minimum. Vous parlez beaucoup de droits et vous indiquez que, quand on utilise la responsabilité de l'individu, que forcément ça nous interpelle à des préjugés plus forts. On a entendu, ce matin, M. Langlois, un chercheur d'université qui, lui, est venu parler, bien sûr, qu'il était important de faire référence au sens des responsabilités des gens. Alors, comment pourrions-nous atteindre cette recherche de revenu de solidarité quand on sait toute l'importance de la réciprocité, de la personne qui non seulement fait les efforts pour s'en sortir, mais... Elle doit être soutenue aussi pour le faire, mais comment pouvons-nous parler uniquement de droits sans parler aussi de responsabilités?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Wheelhouse.

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Oui. Alors, effectivement, il y a un bout de responsabilité que les gens auront quand l'ensemble de leurs droits sera respecté. Parce que la pauvreté, c'est de vivre un cumul de précarités. Et, à partir du moment où on n'est pas capable de faire respecter des droits qu'on a, comment on peut s'engager à changer une situation? Alors, si on se place dans une avenue qui contribue à aider les personnes à cheminer dans l'atteinte de ces droits-là, bien, moi, je pense qu'au bout de la ligne on placera les gens dans la possibilité d'agir sur ce qui va être déterminant pour eux autres, se sortir de la pauvreté. Mais il y a... Regardez ça sous l'angle des droits qu'il faut qu'ils soient reconnus à ces personnes-là. C'est fondamental, parce que, quand on parle de préjugés, comment on a charrié dans l'opinion publique que les gens pauvres, c'est des gens qui sont... pff, mon Dieu! qui ne font rien puis qui attendent leur chèque, et puis tout ça. Alors, pour se sortir de ça, là, il y a des conditions qui sont créées. Comment qu'on a vu dans les dernières années les gens d'un certain âge perdre leur emploi, se présenter à toutes sortes de jobs pour être capables de vraiment s'inscrire sur le marché du travail et qui se faisaient dire: «Bien, vous avez plus de 50 ans, sortez de la file, là, il y a des jeunes qui attendent, là»? Alors, tout ça, donc c'est des gens qui sont vis-à-vis de droits qui ne sont pas reconnus.

Alors, qu'on travaille à améliorer l'accessibilité à ces droits-là, qu'on prenne des mesures qui ne feront pas porter sur le dos des individus la responsabilité de se retrouver dans la pauvreté. C'est une situation sociale, la pauvreté. Il y a un contexte économique qui favorise ça, il y a des façons de voir l'économie qui ont favorisé ça. Alors, ne faisons pas porter sur le dos des individus cette responsabilité-là, contribuons plutôt à être capables de les mettre en action, de les soutenir davantage. Le soutien peut être amélioré. Et, quand on aura fait ça, je pense que les individus vont être en mesure de faire des choix qui sont éclairés. Puis on calcule qu'actuellement le soutien n'est pas suffisant pour être capable d'inciter les gens à se prendre en main. Ce n'est pas tout de le dire, il y a des conditions qui doivent permettre ça.

Peut-être que ma collègue aura...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, vous voulez ajouter quelque chose, Mme de Sève?

Mme Wheelhouse (Jocelyne): En complément...

Mme de Sève (Nicole): C'est que toute cette notion de réciprocité, de toute façon, est très liée au fait de l'amélioration du revenu disponible. C'est-à-dire on va améliorer le revenu disponible à la condition qu'une personne s'inscrive sur le marché du travail ou développe des compétences requises. Ce qu'on observe, par contre, c'est que la responsabilité peut peut-être aussi être celle de militer, elle est peut-être autre chose. Toute la notion de l'insertion sociale n'est pas reprise. Quand vous nous mettez tout le temps dans le cadre des mesures actives d'emploi ? et c'est ça qui est lié ? ça nous fait voir que le seul créneau qui est retenu pour avoir une augmentation de revenu, sinon, comme on l'a entendu, bien ils n'auront que le minimum, minimum, minimum, et ce sera tous ceux qui refusent de travailler ou de s'engager... Donc, quand on s'inscrit uniquement dans une logique que tout doit être concentré sur les mesures actives d'emploi, sur cette notion du travail, on occulte aussi tout un ensemble de démarches qui peuvent être faites par des personnes d'autres formes d'insertion sociale. Donc, c'est cette notion de contrat: Je te donne un peu plus, mais tu vas aller travailler ou tu vas être... Et les expériences ? comme l'a très bien dit Mme Wheelhouse ? les expériences que l'on suit très attentivement comme organisation syndicale nous font que même, des fois, ces mesures actives ne sont pas disponibles et que ça provoque tout un ensemble de distorsions.

n(15 heures)n

Donc, c'est cette fixation économiste qui traverse toute la philosophie du projet de loi et cette notion de réciprocité. C'est la question d'un contrat. C'est celle-là sur laquelle on vous dit: Elle est incompatible avec la notion du droit et des droits de la personne. On ne dit pas que les personnes ne peuvent pas prendre leurs responsabilités, qu'ils ne peuvent pas être appuyés, mais, si on dit qu'une stratégie est fondée sur les droits, droits socioéconomiques, droit à un revenu décent, on ne peut pas, après ça, introduire toute la notion du contrat marchand qui fonde notre idéologie, notre économie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la ministre.

Mme Goupil: Si je vous comprends bien, on parle peut-être de la même chose en utilisant un langage différent. Nous avons, par exemple, dans le cadre de Solidarité jeunesse... On a décidé, à compter du mois de novembre de l'année 2000... Suite au Sommet de la jeunesse, on a dit: On va offrir autre chose à un jeune de 18 ans qu'un chèque d'aide sociale. On a dit: On va prendre le jeune où il se situe et on va lui proposer, dans un engagement de réciprocité, des mesures pour l'aider à s'en sortir. Il y avait ce prérequis nécessaire qu'il ait cette volonté de vouloir s'en sortir, et ça a fonctionné. Sur près de 8 000 jeunes qui étaient admissibles à l'aide sociale, on en a 5 300 ou 400 qui sont en mouvement, qui, aujourd'hui, sont retournés aux études, sont soit sur le marché du travail et qui ont été... Et, là je vous rejoins totalement, ils ont eu la possibilité qu'on leur offre autre chose qu'un chèque et qu'on les accompagne dans des mesures leur permettant de les accompagner où ils se situaient.

Et ces jeunes-là, partout au Québec, dans toutes les régions ? il y en a dans chacune des circonscriptions ? sont venus dire au terme de leur expérience d'engagement dans un processus volontaire, mais accompagnés par des mesures de soutien... Ils sont venus dire, dans des mots qui leur appartiennent et qui sont extraordinaires: Vous m'avez permis de retrouver ma dignité. Vous m'avez permis de retrouver des compétences et des qualités que j'avais au fond de moi-même. Vous m'avez permis de prendre ma place au sein de cette société, et je suis aujourd'hui en mouvement et je ne retournerai pas en arrière. Mais il y avait ce soutien nécessaire avec des gens, le communautaire était interpellé aussi, le milieu, l'entreprise. Ça a été un partenariat de différentes personnes qui ont signé, qui ont pris l'engagement d'accompagner ce jeune pour l'aider à se sortir de la réalité... Mais il n'en demeure pas moins qu'il a, lui-même ou elle-même, fait un minimum d'efforts pour répondre aux mesures qui lui étaient proposées. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Wheelhouse.

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Alors, je pense que, Mme la ministre, vous donnez un exemple où vraiment il y a eu une stratégie, une solidarité à l'égard des jeunes et il y a eu des mesures pour les aider. Mais, moi, pour avoir entendu les groupes de jeunes qui... Effectivement, il y en a que ça a été une façon de s'en sortir, de retrouver la dignité. Vous le dites, c'est vrai, mais il y a toujours eu une opposition fondamentale de la part de tous les groupes de jeunes sur la mesure qui disait: Alors, si vous ne faites pas ça, il y a une pénalité. Et ce bout-là, tous les groupes de jeunes se sont opposés à cette façon de faire là, reconnaissaient que... Qu'on leur donne des mesures, qu'on leur donne du soutien, je pense qu'on a un peuple de gens vaillants et puis on a un peuple de gens qui souhaitent s'inscrire dans un élan de retrouver sa dignité puis de participer à la société. Mais qu'on vienne imposer une pénalité, c'est comme de dire: Bien, écoute, là, il y a quelque chose, en quelque part, qui laisse présager que, sans qu'il y ait cette espèce de punition au bout, les gens se ne détermineraient pas à vouloir s'en sortir d'eux-mêmes.

Je pense que ça, vous dites d'ailleurs... Quand vous nous montrez combien qu'il y a de personnes qui se sont inscrites là-dedans et comment que ça a été un succès, c'est donc que les mesures de pénalité qu'il y avait de rattachées au bout de ça n'ont pas été celles qui ont été les plus déterminantes, c'est plutôt l'ensemble des mesures qu'on a mises alentour de ces personnes-là pour s'en sortir qui ont été garantes du succès qu'un programme comme ça a pu avoir.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Goupil: Alors, j'ajouterais aussi un élément pour revenir là-dessus, parce que je pense que droits, et obligations, et responsabilités ne sont pas des contraires. Il y a, au sein de notre société, puis on s'est donné, au sein de notre société, des droits. Puis, on peut en être fier, on est une des sociétés où on reconnaît les droits des individus à tous égards. Le projet de loi qui est devant nous s'inspire, lui aussi, des grands principes qu'on retrouve dans la Charte des droits et libertés et que l'on retrouve également dans la Charte de la langue française.

Ce que vous avez, tout à l'heure, exprimé aussi par rapport à cette qualification qu'on a utilisée, «de façon durable», là, entre autres, qu'on retrouve dans le texte de loi, vous dites: Nous sommes mal à l'aise avec le terme. Je prends, par exemple, l'article 2, là, quand on dit que, «pour l'application de la présente loi, on entend par "pauvreté" la condition dans laquelle se trouve un être humain qui est privé de manière durable des ressources, des moyens...», vous avez raison que le terme, ponctué de cette façon-là, peut-être qu'il peut porter à confusion et peut-être qu'il pourrait être bonifié ou modifié, à tout le moins, parce qu'il y a des situations de pauvreté de court terme puis il y a des situations de pauvreté qui sont plus de longue durée. Alors, l'objectif, c'est que quelle que soit la réalité de la personne pauvre, on soit capable de l'accompagner et qu'on soit capable de faire en sorte qu'elle puisse s'en sortir. Alors, je pense que c'est cet objectif-là, de par vos commentaires, que vous visiez. D'accord. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il nous reste une minute, le temps de..

Mme Goupil: Ah, juste une minute.

M. Désilets: ...ma question.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Le temps de poser votre question, mais, cependant, je demanderais au porte-parole de répondre, tout à l'heure, à l'intérieur, là, de...

M. Désilets: O.K. Bien, je vais faire un petit peu de pouce sur la même question dans le sens que, pour moi, là, lorsqu'on parle de droits, on parle de devoirs. Ça va ensemble. Vous avez mentionné tantôt, Mme Wheelhouse, qu'il y a des programmes, mais, par contre, on n'a pas à poser des droits... des droits tout seuls. Mais, moi, ma référence vient quand on parle d'équilibre... Parce qu'on vit en société, ceux qui paient des impôts s'attendent aussi... Disons, il faut faire la part des choses. Donc, sans pénaliser, mais on dit: Au moins, là, il y a quelque chose d'additionnel si tu embarques dans le processus. Puis ce n'est pas dans but de te pénaliser, mais dans le but de cheminer avec toi, parce que...

Puis, vous le savez, dans le domaine de l'éducation, vous avez les deux pieds dedans, c'est un continuum dans la vie. La vie est un continuum. Mais, dans le domaine de l'éducation, que ce soit à la prématernelle, quand ils arrivent dans nos écoles, jusqu'au bout du secondaire V, puis au cégep c'est pareil, l'enfant qui est en cheminement, graduellement, il n'a pas les mêmes droits et les mêmes devoirs à quatre ans que rendu à 16 ans. Mais, je pense, quand on prend un individu, peu importe où s'il se trouve, en situation de pauvreté, ça va ensemble et on chemine ensemble. Et on n'agit pas de la même manière avec l'individu, peu importe l'endroit où il va se trouver dans son cheminement. Ça, c'est important, puis je voudrais juste rajouter...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, en conclusion, M. le député.

M. Désilets: En conclusion. Au niveau du salaire minimum, bien j'aimerais vous entendre sur le mécanisme à établir, parce que c'est intéressant d'avoir un mécanisme, parce que, quand on vient pour trouver ou s'entendre... Quand on n'a pas de consensus social, bien ce n'est pas facile. Si on a un consensus, c'est plus facile.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, malheureusement, je dois être assez sévère étant donné qu'on n'a pas beaucoup de temps pour pouvoir... Alors, je vous inviterais à garder en mémoire cette question, et peut-être y répondre à l'intérieur d'une autre question. Alors, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais poursuivre un peu sur la lancée qui a été entamée avec la ministre au niveau de la question des droits, parce que, à mon point de vue, s'il y a une idée qui est au coeur du débat que nous avons ici, c'est comment est-ce qu'on aborde la question. Vous abordez ça, et d'autres, le Collectif entre autres, l'abordent en disant: Il faut asseoir la lutte à la pauvreté sur les droits. Et, vous parlez des droits socioéconomiques, donc je présume que ça veut dire le droit à une vie décente, un revenu décent, etc. Et vous dites que ce n'est qu'une fois que les droits sont comblés qu'on peut commencer à regarder du côté des responsabilités pour les personnes. À moins que j'aie mal interprété votre réplique, tantôt, à la ministre, c'était ça que j'ai compris. Moi, je dois vous dire que je crois que, entre une approche complètement de droits, sans responsabilité aucune de l'individu et toutes les responsabilités sur l'individu, il y a probablement un bon juste milieu qu'il faut qu'on trouve quelque part.

n(15 h 10)n

Il me semble, deuxièmement, qu'on parle de deux choses. Vous avez dit tantôt: La personne n'est pas responsable du fait qu'elle se retrouve dans la pauvreté. Disons que, oui, vous avez raison en grande partie. Peut-être pas toujours, mais bon. Mais ma question, c'est: Est-ce que la personne n'a pas une responsabilité, par contre, d'entreprendre une démarche qui lui permet de se sortir de la pauvreté? Parce que, entre être assis sur le droit qui dit: J'ai droit à un revenu décent, j'ai droit à mes droits socioéconomiques, point à la ligne, donnez-moi ça... Je pense qu'il y a quand même une démarche qu'il faut qu'on regarde non pas quant à la responsabilité de se retrouver en situation de pauvreté, parce que là je peux en convenir qu'il y a des raisons systémiques, il y a des résultantes de décisions collectives qui font en sorte qu'il y a des gens qui ne sont pas capables ou qui se retrouvent dans cette situation-là, mais, une fois là, je pense que ce qu'on vise, c'est de dire: Il y a aussi une part de responsabilité de la personne pour entreprendre une démarche qui lui permet de sortir.

Et l'approche que, nous, on préconise, c'est de dire: Oui, elle ne doit pas être une approche pénalisante, il doit quand même avoir un minimum vital, si vous voulez. Ce n'est pas la même chose, je pense, dans le jargon qu'on développe ici, entre besoins essentiels et... Et je prends l'exemple que la ministre donnait au niveau des jeunes, par exemple, une approche qui a du positif, qu'on aimerait peut-être, nous, de notre côté, la voir étendue à l'ensemble des personnes en situation d'extrême pauvreté, où on peut dire aux gens: Oui, il y a un minimum que la société consent à donner selon les moyens qu'elle a, selon la solidarité sociale, le niveau de solidarité sociale qu'on se donne, et, en bas de cette moyenne, qui doit rencontrer les besoins vitaux que j'appelle, disons la possibilité de se loger, de se nourrir et, minimalement, quelques besoins personnels, pour ce qui est du reste, on veut t'offrir une aide pour que tu entreprennes une démarche à sortir de ça. Or, ce faisant, on va t'accompagner financièrement, on va aussi mettre à ta disposition des instruments d'amélioration de ta condition personnelle soit au niveau personnel, soit au niveau professionnel et, chaque fois que tu accepteras de faire une démarche, on va combler... on va te cheminer vers un revenu plus décent. Et, une fois que tu arrives sur le marché du travail, on va te soutenir.

Vous, vous préconisez une augmentation du salaire minimum, il y a d'autres mesures aussi qui peuvent être entreprises pour soutenir le revenu des travailleurs, par exemple, à faibles revenus, parce que, comme je le disais ce matin, il y a plein de gens qui travaillent, mais qui sont pauvres. Ils ne sont pas sur l'aide sociale, ils font des efforts, ils donnent leur labeur, si vous voulez, mais ils n'arrivent pas ou à peine. Un peu comme si l'eau est jusqu'au nez, hein? Et ces gens-là méritent aussi une reconnaissance de cet effort qu'ils font, et c'est ça qu'on entend, nous, par valorisation du travail.

Alors, dans cette façon de voir les choses, entre la responsabilité de cheminer vers quelque chose... Est-ce qu'il n'y a pas là aussi pour vous une responsabilité individuelle pour sortir? Je ne parle pas de la responsabilité où on dit à la personne: Tu es pauvre parce que tu es bon à rien. Donc, si c'est ça et si on enlève les pénalités sans combler par droit à un revenu qui pourrait faire en sorte que les gens disent effectivement: Moi, ça me suffit... Si ça leur suffit de vivre à ce niveau-là, bien, O.K., il y a quand même un minimum que la société... Que voulez-vous? Si la personne accepte de vivre avec le barème actuel de l'aide sociale, point à la ligne, est-ce que je vais le pénaliser davantage en lui faisant, par exemple, payer pour ses médicaments en plus ou en le coupant plus s'il n'accepte pas quelque chose? Nous, on pense que non. Par contre, il ne faut pas que ce niveau soit un niveau tel où la personne dit: Ça va. Et c'est dans ce sens-là qu'on veut introduire un genre de cheminement vers la réinsertion et c'est là où on trouve qu'il y a effectivement une responsabilité personnelle. Êtes-vous en désaccord avec cette façon de voir?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Wheelhouse.

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Oui. Peut-être vous dire qu'il y a des situations où les gens souhaiteraient bien pouvoir s'en sortir puis que ça devient presque mission impossible. Je vais vous donner l'exemple des gens, par exemple, qui perdent leur job dans le secteur du textile ou, bon, mettons, de la chaussure. L'usine ferme, ces gens-là ont travaillé toute leur vie sans instruction, sans fonds de pension, à des salaires dérisoires. Ils se ramassent à l'âge de 54, 55, 56 ans et ils se retrouvent que l'effort est tellement incroyable pour être capable de... Leur proposer une démarche pour aller se scolariser, c'est presque mission impossible. Et puis, avec le soutien, parce qu'on marche toujours avec du soutien qui va... avec des mesures qui sont et provinciales et fédérales, avec les programmes qui ont disparu, ces personnes-là, tu remets la responsabilité sur la personne de dire: Bien, écoute, là, prends-toi en main. Bien, je vais vous dire, en quelque part, qu'il y a des individus pour qui c'est mission impossible.

Alors, on pense que, si on reconnaît que, dans une société, les gens doivent bénéficier de l'accès à un logement qui est décent, d'être capables de se nourrir, de se loger, de s'occuper convenablement de leurs enfants, bien, ça, c'est une responsabilité qui est solidaire et sociale. Et, après ça, quand on a répondu à ça, bien, moi, je pense que le moteur pour être capable d'améliorer notre sort, la grande et très grande majorité des gens l'ont, ce moteur-là, et ça va de soi. Mais il restera toujours des individus pour qui le défi sera absolument impossible. Puis l'exemple que je vous donnais, je pense que je peux donner ces exemples-là sur les personnes âgées, mais il y a d'autres conditions qui font que la situation fait qu'ils n'ont pas accès à tout ce qu'il faut pour être capables de prendre une décision positive, et c'est que ces gens-là ont besoin d'être soutenus.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: J'en conviens qu'il y a des situations qui sont effectivement difficiles, comme celles que vous évoquez, mais le secteur du textile est quand même un secteur fragile à l'heure actuelle, et peut-être que la question de l'âge, à un moment donné, entre en ligne de compte. Et je pense que, même dans la façon de l'appliquer actuellement, elle entre en ligne de compte, dans le sens que le facteur âge est une des contraintes sévères à l'emploi qui fait en sorte que les gens ont accès et droit à des prestations plus élevées que ceux qui n'ont pas de contraintes sévères à l'emploi.

Je constate aussi que, dans votre mémoire, vous voulez l'abolition de cette notion de contrainte sévère et sans contrainte. Donc, vous dites: Traitez tout le monde sur le même pied. Ça pose des problèmes énormes au niveau de cette façon d'envisager la lutte à la pauvreté qu'on évoquait tantôt, l'aspect droits versus responsabilités, et c'est pour ça que j'essayais de dire: Est-ce qu'il n'y a pas un juste milieu quelque part? L'âge est certainement un facteur, donc une approche plus individuelle. L'âge, actuellement, est établi à 55 ans, je pense, pour ce qui est des contraintes sévères à l'emploi, pour faire en sorte qu'on donne quelque chose de plus à la personne parce qu'on estime qu'effectivement elle ne peut pas assumer ce que normalement on demanderait à des gens d'assumer comme responsabilité personnelle pour cette démarche de sortir. Mais, au lieu de dire: L'âge est trop élevé ou des secteurs... vous dites: Non, on veut une approche globale, des droits pour tout le monde et une élévation des prestations à un niveau qui donne droit à un niveau de vie décent.

Vous ne trouvez pas que ça déresponsabilise, en fin de compte, la personne de ses responsabilités pour entreprendre ses démarches, sans la culpabiliser, comme je le disais tantôt, pour sa situation de pauvreté?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme de Sève.

Mme de Sève (Nicole): Pour être capable d'entreprendre cette démarche dont vous parlez et à laquelle nous souscrivons, sinon nous ne serions pas dans le secteur de l'éducation et de la santé et des services sociaux ou en psychopédagogie, avec des enfants pour lesquels même, des fois, d'autres ont abdiqué... Donc, nous y croyons. Mais, pour être capable d'entreprendre cette démarche-là, quel que soit l'âge, quel que soit le sexe, nous considérons qu'il y a des droits fondamentaux qui doivent être respectés. Pour être capable de prendre mes responsabilités, il faut que j'aie des conditions minimalement décentes. Ces conditions-là ne sont pas qu'économiques, il y a la prestation, et c'est la raison pour laquelle on vous disait: Elle est nettement insuffisante, donc elle doit aussi couvrir des besoins essentiels. Mais il y a aussi, comme vous l'avez vous-même mentionné, une responsabilité sociale de ne pas toujours augmenter le fardeau sur ces personnes-là. Vos frais de médicaments en étaient un exemple.

n(15 h 20)n

À partir du moment où des individus, des personnes sont capables... à la limite, où il y a l'essentiel de besoins qui sont assumés, cette capacité de pouvoir s'engager dans une démarche soutenue ? pas encadrée, soutenue, appuyée, en considérant que l'emploi n'est pas toujours et ne sera pas pour tout le monde l'alternative, parce qu'il y a d'autres éléments ? oui, nous en sommes. Ce sur quoi nous nous opposons, c'est cette notion de contrat, c'est cette introduction du contrat de réciprocité. Nous ne disons pas que les gens doivent être déresponsabilisés, vous n'avez pas lu ça. Ce qu'on dit, c'est de les engager en disant: «Tu signes ton petit papier, ton petit contrat et, si tu as plus, tu auras peut-être un peu plus», donc, c'est de créer tout un ensemble de catégories. Si vous considérez qu'une personne a un ensemble, je dirais... Bon, je peux prendre les mères de famille, l'accès avec des services de garde ou le support à l'école et etc., fortes chances qu'elle se sentira beaucoup mieux pour être capable de s'engager dans des démarches, ce que... Au-delà des statistiques que Mme la ministre nous a sorties, ce que nous sommes en train de découvrir aussi sur les jeunes qui sont encore collés là, c'est que pour plusieurs ils se présentent dans les CLE ou se présentent à ces mesures actives, mais on n'a rien pour leur permettre de pouvoir combler ce déficit qui leur permettrait de rentrer dans ces mesures-là. Et ce sont ces catégories-là qui sont au nom de peut-être être assis sur son steak ou n'importe quoi, mais ce sont ces gens-là que l'on appauvrit.

Donc, c'est ça, la logique, et je ne pense pas que jamais nous allons dire: Il n'est pas possible pour des individus de prendre leur vie en main et de continuer à cheminer et d'améliorer... Si vous dites... Et peut-être qu'à des moments donnés... Sauf que, même là, il faut les regarder, vos mesures. Si vous nous dites: Le salaire minimum, on ne peut pas l'augmenter, mais on va donner des suppléments de revenu au travail, bien là on a un problème, là, si vous considérez que le salaire minimum est trop bas pour être capable de vivre décemment avec une famille et deux enfants, un couple et deux enfants, et qu'on va donner des revenus de supplément, puis que vous considérez que ce salaire-là nous entraîne dans des situations... Donc, c'est toujours cette question: Oui, mais on va lui donner un petit peu plus pour qu'elle puisse...

À un moment donné, il y a une responsabilité sociale. On veut que les gens soient capables d'acquérir, sur une base autonome, pour reprendre votre expression, des revenus décents ou bien donc on dit: Bien non, alors, nous autres, on va permettre qu'il y ait un salaire de cette nature-là et on va combler de toutes sortes de manières. Il y a d'autres, peut-être, logiques. Mais, ne nous faites pas dire ce qu'on n'a pas dit, nous ne disons pas que les personnes ne peuvent pas prendre leur vie en main à un moment donné, mais il y a des conditions pour pouvoir le faire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci.

M. Sirros: Juste sur la question du... Et je sais que ma collègue a une question aussi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il vous reste trois minutes, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Un commentaire peut-être. C'est parce que, aussi, il y a beaucoup d'autres facteurs que simplement le niveau du salaire minimum pour garantir un revenu décent qu'il faut considérer en choisissant les mesures qu'on va mettre de l'avant. Donc, ce n'est pas tous les éléments qui sont analysés strictement en fonction de ce que le salaire minimum rapporte, et c'est peut-être pour ça qu'il y a aussi lieu d'envisager des programmes de soutien au revenu des travailleurs à faibles revenus, d'autres facteurs telle la compétitivité, etc. Mais je pense qu'ici on ne pourra pas le faire dans le cadre des deux minutes qui nous restent. Et je sais que ma collègue a une question, alors je vais lui laisser la parole.

Mais, juste une dernière chose, vous semblez quand même... Un point sur lequel je pense qu'on une différence d'opinions qu'on va mettre sur la table, vous semblez dire qu'il peut y avoir des situations où il y a des droits sans responsabilité. Moi, j'ai toujours vu qu'il y a des droits qu'on peut accorder, mais qu'il y a toujours des responsabilités qui vont avec.

Une voix: ...

M. Sirros: En tout cas.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il vous reste une minute et demie, Mme la députée de La Pinière.

Mme Houda-Pepin: Je vais les laisser à mon collègue pour qu'il termine son point de vue, je pense avoir une réponse...

M. Sirros: C'était le commentaire que j'avais, c'était au niveau des droits et des responsabilités. Je ne sais pas si vous voulez réagir, on vous laissera le dernier mot.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, une réaction, Mme Wheelhouse?

Mme Wheelhouse (Jocelyne): Écoutez, toute la question des responsabilités, c'est que la responsabilité est toujours très, très axée sur comment on fait pour s'intégrer au marché du travail, alors qu'il y a des individus qui vont rendre service à la société d'une autre façon. Alors, c'est là-dessus qu'on a de la difficulté à s'entendre, parce que l'individu qui a les possibilités de s'engager pour s'intégrer sur le marché du travail, quand on a répondu à un certain nombre de ses besoins, il va le faire. Mais il y en a d'autres que ça va se traduire autrement, et, comme société, on doit assurer à tout le monde un minimum de revenu décent qui permette de vivre puis de se loger, de se nourrir, et puis convenablement.

M. Sirros: ...différence d'idéologie ou de valeurs, parce que finalement ce que vous dites, vous le dites parce que, nécessairement, ça remet en cause l'organisation actuelle de la société qui, elle, est basée, à l'heure actuelle, au niveau d'une économie de marché. Donc, vous remettez en cause ce fondement de la société, et ce qui vous amène à réclamer... Et je pense que vous êtes d'accord avec l'analyse et, je pense, c'est pour ça que je dis qu'il y a quand même une différence qui n'est pas partagée, quoique je pense qu'on vise tous une situation où on peut effectivement vivre avec un consensus social au niveau des responsabilités qu'on a comme société et des responsabilités que les individus doivent aussi assumer.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En terminant.

Mme de Sève (Nicole): D'ailleurs, dans notre mémoire, nous faisons une intervention particulière sur la nature du développement économique. Quand nous vous disons que le projet de loi veut rendre les entreprises socialement responsables, nous invitons à réfléchir sur ce «socialement responsable» qui appelle un développement durable pour un avenir viable. Et cela, c'est fondé... Si vous relisez le rapport Brundtland, n'est pas fondé sur les valeurs de cette économie dans laquelle on construit l'exclusion ? mais on le relira ? qui fonde l'exclusion, mais qui fonde plutôt l'intégration de la démocratie et de la solidarité dans une société.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mmes Wheelhouse et de Sève, au nom des membres de la commission, je vous remercie d'avoir participé à cette commission. Alors, je demande maintenant aux représentants de Centraide Québec de bien vouloir prendre place, et je suspends les travaux quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 26)

 

(Reprise à 15 h 28)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je souhaite la bienvenue aux représentants de Centraide Québec, dont M. Robert Caron, qui est président du conseil d'administration. M. Caron, vous voulez bien nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Et, vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, je vous cède la parole.

Centraide Québec

M. Caron (Robert): Merci, Mme la Présidente. Je veux vous présenter les personnes qui m'accompagnent. À ma droite, M. Pierre Métivier, qui est directeur général de Centraide, qui va présenter le coeur du mémoire et qui se fera un plaisir de répondre à vos questions; à ma gauche, M. André Mignault, qui est administrateur de Centraide Québec, qui est président du Comité d'action contre la pauvreté. M. Mignault est bien connu, surtout dans la région de Québec, parce qu'il a été le président fondateur de Moisson Québec. À l'extrême droite, mais qui n'est pas d'extrême droite, M. Hector Ouellet, qui est administrateur de Centraide Québec, et qui est professeur à l'Université Laval à l'École de service social, et qui est aussi membre du Comité d'action contre la pauvreté de Centraide Québec.

Je m'en voudrais de ne pas souligner la présence, parce qu'on est toute une équipe à Centraide Québec, de personnes qui font partie de délégations, qui sont tout juste derrière moi: Mme Francine Labrecque, qui est directrice des relations avec les organismes, nos organismes associés; Mme Céline Trudel, qui est coordonnatrice dans le même secteur d'activité; Mme Annie Vervondelaussi, qui est aussi la rédactrice, finalement, du mémoire.

Je voudrais, au nom du conseil d'administration de Centraide Québec, remercier la commission d'avoir accepté d'entendre le mémoire de Centraide Québec sur le projet de loi n° 112 visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Je sais que, toutes et tous, vous connaissez le mouvement Centraide, mais je veux vous présenter plus spécifiquement Centraide Québec, après quoi le directeur général, Pierre Métivier, vous entretiendra du coeur de notre mémoire.

n(15 h 30)n

Fondé en 1945, Centraide Québec est un organisme de développement social à caractère bénévole qui organise une campagne annuelle de financement pour les organismes communautaires et bénévoles de son milieu. Centraide Québec redistribue, c'est important de le préciser, en dons et services plus de 85 % des fonds recueillis. Alors, on peut parler concrètement de 5 millions de dollars qui est retourné aux organismes du milieu.

Centraide Québec depuis longtemps est connu comme un organisme de bienfaisance. Son action cependant n'a pas que des perspectives d'aide immédiate et de dernier recours. Centraide Québec constitue, de concert avec ses organismes associés, un levier de développement social tourné vers l'implantation de nouvelles pratiques sociales respectueuses de la dignité et de l'intégrité des personnes. Il contribue donc de façon significative, par l'intermédiaire des organismes qui lui sont associés, à l'animation et au développement de la dynamique sociale des communautés de même qu'à répondre à de nombreux besoins sociaux. Son autonomie, son caractère rassembleur ainsi que le leadership qu'il exerce dans la communauté font de Centraide Québec un acteur important de la société civile par lequel s'expriment des milliers de citoyennes et citoyens désireux de participer à l'édification d'une société plus juste, plus conviviale et plus humaine.

D'ailleurs, Centraide Québec a commis, puis on vous a mis ça avec nos mémoires, des publications qui, je pense, sont de grande qualité: Une société qui se tire dans le pied et puis Une société en déficit humain. Je pense que vous avez eu l'occasion certainement d'en prendre connaissance.

À l'heure actuelle, Centraide Québec soutient plus de 140 organismes, plus précisément 147 organismes en 2002, répartis sur l'ensemble du territoire qu'il dessert, soient les régions de Québec et de Chaudière-Appalaches. Centraide Québec, c'est l'action de quelque 24 000 bénévoles qui gravitent autour de... c'est-à-dire qui permettent de venir en aide à 200 000 personnes annuellement sur une population de 1 million d'habitants. Quant aux organismes associés à Centraide Québec, ils contribuent à la lutte contre la pauvreté à travers une diversité de champs d'action: consultations budgétaires, action communautaire, aide à la famille et à la jeunesse, intervention en santé mentale, soutien matériel et dépannage, etc. On pourrait nommer presque toutes les problématiques qui ont un lien avec la pauvreté.

Je vous laisse aux bons soins de Pierre Métivier qui va vous entretenir de la lutte contre la pauvreté à Centraide Québec.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Métivier.

M. Métivier (Pierre): Oui, merci, madame. Bonjour à tous et à toutes. Merci de nous entendre. Ça fait longtemps qu'on réfléchit sur le phénomène et, comme l'a dit Robert, ça fait depuis 1945 qu'on intervient avec l'aide des organismes. Alors, on en a long à dire.

Par rapport au sujet comme tel, c'est-à-dire la loi n° 112, écoutez, quelques points qu'on veut souligner, à caractère... qui méritent d'être soulignés de façon très positive. Premièrement... Et là ça va être répétitif un peu sur certains qui nous ont précédés, mais la répétition a une qualité pédagogique apparemment, alors on va l'utiliser. Bien sûr, c'est audacieux d'avoir un tel projet. On le salue. On est enthousiastes des possibilités potentielles de cette démarche sociale du Québec, dans laquelle on va amener le Québec, d'autant plus qu'une telle démarche amène, selon nous, un raffinement certain de la compréhension du phénomène, d'abord ici, de votre part, de la part de vos collègues, de la part des gens qui travaillent au gouvernement du Québec, c'est quand même important. Et certainement vous souhaitez une concertation ou une cohérence interministérielle accrue et, pour le voir avec les années sur le terrain avec de nombreux organismes, c'est certainement souhaitable et de nature à améliorer grandement les services.

Un autre point qu'on veut souligner. C'est la première fois, en tout cas, à notre connaissance, que le gouvernement reconnaît publiquement le fait que l'accès à l'emploi ne constitue plus une garantie de protection contre la pauvreté. C'est vraiment à souligner. Donc, indirectement, on dit que des personnes qui travaillent, en situation de travail, peuvent aussi vivre une pauvreté. Et ça a été dit depuis longtemps ce matin, mais c'est quand même un énoncé très, très important.

Et on veut aussi souligner le volet du préambule de cette loi, qui... sans être juriste, loin de là, ou avocat ou autre, on sait que ce n'est pas habituel, et ça veut donc dire... On en déduit, pour nous, que c'est une manière de situer l'importance de cette démarche.

Maintenant, dans les points qu'on questionne, sur lesquels on a certaines suggestions, on en a sept, dans un premier temps, et par la suite trois recommandations complètes.

Le premier. On aurait aimé voir dans ce dossier, dans ce projet de loi une assurance plus ferme de la part du gouvernement de considérer des stratégies propres à améliorer nos structures sociales, c'est-à-dire, exemple, avoir une politique, une stratégie d'intervention sur le salaire minimum et certainement un discours, un débat de fond sur le revenu minimum garanti inconditionnel. J'y reviendrai un peu plus tard.

Le deuxième point qu'on veut souligner, c'est le volet de la cohésion sociale. Vous appelez les acteurs à être dans une synergie commune pour arriver à un résultat maximal dans ce dossier et vous ne spécifiez pas de quel acteur vous attendez des actions et encore moins quelles sont les actions que vous attendez d'eux. Il serait important qu'on entende parler un peu plus là-dessus. Exemple, qu'est-ce qu'on attend... Depuis tantôt, on parle d'entreprises ou de... d'entreprises privées, mais qu'est-ce qu'on attend d'eux là-dedans? Les médias, par exemple. Les médias ont un rôle important ? je vais y revenir un peu plus loin ? en fonction des préjugés, et le système de l'éducation et bien d'autres. Le projet est quand même muet là-dessus.

Un autre volet. Lorsque le gouvernement ou une société désire atteindre des objectifs élevés stratégiques, on utilise la fiscalité pour les atteindre. Les REER, par exemple, sont un exemple éloquent de ça. Il y a quelques années, socialement, on s'est dit qu'il fallait bâtir l'avenir, il fallait donc mettre de l'argent de côté. Le gouvernement a utilisé la fiscalité pour provoquer ça. Pourquoi est-ce qu'on ne l'utilise pas dans le dossier qui nous concerne? Il est utilisable, et je peux... tantôt, si ça vous intéresse, je peux vous donner plusieurs exemples là-dessus.

L'autre volet, le quatrième, c'est la mesure de la pauvreté. Bien sûr, on est d'accord qu'il faut peut-être mieux mesurer la pauvreté, mais, à trop s'attarder à ça... On est inquiet sur deux aspects. Premièrement, à force de se poser la question sur la façon de mesurer, ça va peut-être retarder la mise en place de stratégies importantes qui s'imposent d'elles-mêmes, et de un. Et de deux, de diminuer statistiquement le taux de pauvreté strictement à partir de bases de calcul, on peut détourner autant, je dirais, la population en général du sentiment d'urgence avec lequel on doit s'attaquer à ce phénomène-là. On est préoccupé du fait qu'on n'a pas trouvé l'exemple, je dirais, de gouvernements ou de sociétés qui vont spontanément investir beaucoup de temps, d'énergie et d'argent dans une problématique sociale dont les statistiques s'améliorent. Ce n'est pas évident à passer dans une population. Donc, oui, mieux mesurer, certes, pour mieux voir où on va, mais attention aux conséquences indirectes de ça. Et d'ailleurs, on dit que... et on n'est pas spécialistes là-dedans, mais qu'une combinaison de mesures serait certainement appropriée et non pas seulement une, parce qu'elle peut avoir des effets pervers ou elle peut être incomplète.

Le cinquième point que je veux donner, c'est la structure. Comité consultatif, Observatoire, les deux ont de belles vertus. Sur papier, ça semble fort intéressant, mais, dans une situation d'économie difficile et de rationalisation, pourquoi ne pas en faire juste une? Moi, en tout cas, on n'a pas du tout... ? puis on l'a scruté, le projet de loi ? on n'a pas vu là matière à créer deux entités. C'est deux bons objectifs, mais matière à créer deux entités, je ne sais pas.

Le fonds spécial. Le fonds spécial, on sent qu'il y a là un élément-clé sur lequel on n'a aucune information ? donc, on aimerait en savoir plus ? mais sur lequel il y a une phrase dans votre projet de loi qui nous préoccupe énormément, c'est qu'il est dit là-dedans qu'on ouvre la porte aux dons, legs et autres contributions. De quoi parle-t-on? Le gouvernement va-t-il se mettre à faire de la philanthropie pour l'atteinte de ses objectifs? Et vous voyez venir certainement qu'à Centraide on est dans ce marché-là. Pourquoi le gouvernement a-t-il besoin de dons, de legs et d'autres contributions pour atteindre ses objectifs? Ça nécessite des précisions certainement, ça nous inquiète.

Le septième et dernier point dans ce premier bloc là, c'est ? et ça a été dit par le Collectif ce matin: Si c'est si important ? et c'est certainement important à un point tel qu'on tient cette commission ? de lutter contre la pauvreté, il s'agirait aussi de témoigner sans tarder de la fermeté des intentions. Il y a des actions qui peuvent être posées à court terme, posons-les. Par exemple, pourquoi avoir retardé ou avoir étalé, par exemple, l'abolition de la pénalité pour le partage au logement? On n'a pas compris cette stratégie-là. Pourquoi ne pas le faire si ça s'impose, pourquoi l'étaler? On sait que le régime d'assurance maladie, par exemple, est déficitaire. Quelque chose qui est déficitaire doit être corrigé, certes, mais il n'y a pas là non plus de stratégie par rapport aux personnes pauvres. En tout cas, il y a certainement des moyens, à court terme, qui auraient pu être privilégiés.

n(15 h 40)n

Nos trois grandes recommandations maintenant, au-delà de ça, sont les suivantes et, si vous permettez, Mme la Présidente, je vais les lire. La première dit ceci: Centraide recommande au gouvernement du Québec d'élaborer des campagnes de sensibilisation et d'éducation populaire portant sur les causes de l'existence de la pauvreté de même que les coûts socioéconomiques qu'elle entraîne. C'est extrêmement important, le gouvernement ne peut pas être le maître d'oeuvre de toute cette stratégie-là. Il doit avoir l'appui populaire et l'appui populaire se bute à des préjugés sociaux majeurs. Vous avez eu du succès comme gouvernement avec l'alcool au volant. Vous avez eu du succès, il y a quelque temps, avec le VIH/sida dans certaines campagnes ? je pourrai y revenir tantôt ? et probablement bien d'autres que je ne connais pas. Soyons audacieux, les deux vont de pair. C'est extrêmement important, peut-être difficile, dangereux même un peu, mais très important.

La deuxième recommandation, c'est qu'on dit ceci: On recommande au gouvernement que, dans le cadre du projet de loi, il considère l'adoption de mesures plus structurantes (comme un revenu minimum garanti inconditionnel) afin de renforcer l'impact de certaines mesures existantes ou de les remplacer. On sait très bien que le revenu minimum garanti questionne beaucoup, est questionné et questionnant, mais le débat n'est pas terminé là-dessus, au contraire. Il est extrêmement prometteur, le revenu minimum garanti, sur deux aspects ? puis je pourrai élaborer plus tard selon votre souhait ? à savoir: on va enlever l'étiquette, on va enlever l'étiquette des gens. C'est extrêmement important ? j'ai parlé de préjugés tout à l'heure ? c'est majeur. Et, deux, on peut responsabiliser positivement les gens avec un revenu minimum garanti inconditionnel. Où le situer pour que ce soit économiquement viable? Je ne suis pas économiste. Je ne le sais pas, mais je sais que ces deux éléments-là, que je viens de vous dire, sont majeurs dans un projet de cette nature.

La troisième recommandation se lit comme suit: On recommande l'établissement d'une loi antipauvreté, la loi n° 112, qui décréterait en substance qu'aucune loi, politique ou mesure ne peut avoir pour effet d'appauvrir les personnes comprises dans le cinquième le plus pauvre. Oui, le projet qui est là est intéressant. Oui, le projet de loi est prometteur. Mais on peut-u inscrire ça là-dedans aussi que le gouvernement s'engage, par cette loi-là, malgré toutes les turbulences qu'il y aura là-dedans, à ne jamais aggraver, par ses activités, ses choix, ses décisions, la qualité de vie du cinquième le plus pauvre?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En conclusion, M. Métivier.

M. Métivier (Pierre): En conclusion, je suis rendu là, madame. Un projet comme ça, selon nous, ne pourra pas faire de perdants. Tout le monde va être gagnant, que ce soit le milieu des affaires, que ce soient les personnes défavorisées, que ce soit M. et Mme Tout-le-monde, peu importe. Il va exiger des compromis, il va exiger des efforts de la part de tous les acteurs sociaux. Nous, on est prêts à les faire. On espère qu'il y en aura beaucoup d'autres qui vont les faire avec nous. Voilà l'essentiel de ma présentation, madame.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, MM. Métivier et Caron, pour la présentation de ce mémoire. Alors, je cède la parole immédiatement à la ministre d'État.

Mme Goupil: Merci. Alors, messieurs, bonjour et merci beaucoup de votre participation non pas seulement ou uniquement au niveau de la commission parlementaire, mais pour tout ce que Centraide peut faire. Nous avons tous, comme élus... Nous savons tous, comme membres actifs de cette société, l'implication de Centraide et combien de personnes y souscrivent et heureusement qu'il en est ainsi. Nous allons manquer de temps, parce que je veux laisser la parole à mes collègues également.

Vous avec dit que c'est un projet de loi audacieux, qu'au niveau de la cohérence entre les ministères ça aurait pour effet de l'accroître et que c'est bienvenu. Vous avez mentionné que, dans le préambule, on y retrouve des éléments extrêmement importants. Je vous citerais une déclaration qui a été faite par Platon qui disait des préambules des lois ? et c'est le sous-ministre qui me l'a apportée encore tout à l'heure ? Platon suggérait que les préambules devaient persuader les citoyens d'obéir aux lois importantes en s'adressant à leur coeur et à leur esprit par la poésie et la raison.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Goupil: C'est bien dit. Quand on regarde un préambule, ce que l'on y retrouve... vous avez mentionné qu'au niveau du salaire minimum il y avait des débats de fond qu'il fallait faire, de la cohésion entre les partenaires. Vous nous indiquiez... Je ne sais pas ce que vous exigez de ces partenaires. Je vous invite à relire la stratégie dans son ensemble où on indique clairement qu'il faut un partenariat entre le local, le communautaire, les entreprises, les syndicats, que ce soit au niveau du domaine privé, du domaine public. Il y a beaucoup de choses qui sont demandées à plusieurs personnes. Tout le monde est pour la vertu. Tout le monde est pour ce projet de loi. Comment, cependant, concrètement, chacun de ces partenaires va vouloir y apporter les assouplissements nécessaires, exigés par cette stratégie? Toute la question, elle demeure entière, et il nous faudra y répondre, à cela.

Vous avez indiqué que la stratégie ne devrait pas être retardée du fait qu'on veuille se donner des instruments pour bien mesurer la pauvreté. Bien, j'ai le goût de vous dire que, la loi, si elle est adoptée par ce Parlement, nous avons l'obligation dans les 60 jours d'adopter un plan d'action et nous avons une enveloppe budgétaire de 1,5 milliard qui a été réservée pour le plan d'action. On a une obligation.

En même temps, vous dites: Il nous faut absolument... Pour réussir collectivement à faire accepter ce projet de loi, il doit avoir l'appui populaire. Il faut qu'on puisse avoir l'appui de la population. Il faut que la société soit d'accord avec cela. Alors, comment faire en même temps... poser des mesures immédiates? Les deux derniers budgets de Mme Marois ont porté particulièrement pour soutenir à la fois, par différentes mesures, les personnes les plus vulnérables de notre société.

Il y a aussi, quand je regarde, juste au niveau des AGIR... Parce que vous avez dit: Il faut absolument ne pas retarder le processus, car la pauvreté est maintenant. Vous avez raison, elle existe maintenant. Mais ce que nous voulons nous doter, c'est d'une intervention globale pour être capables justement... que les différents partenaires puissent arrimer leurs actions plus que jamais pour lutter efficacement et faire reculer la pauvreté.

Vous avez dit: Soyons audacieux, il faut faire une campagne; il y a des préjugés. Vous avez raison qu'il y en a, des préjugés, puis on n'en parle pas beaucoup. Ils sont présents. Et vous avez dit en même temps: Il nous faut, à un moment où il y a une tempête, être capables d'aller au bout de nos convictions puis être capables d'aller au bout de ce qu'on veut mettre sur la table. Je vais vous dire, on a l'occasion, actuellement, de bonifier par des propos de personnes qui viennent ici et qui nous disent des choses extrêmement importantes et qui parfois sont tout à fait contradictoires.

Vous nous avez indiqué trois grandes recommandations ? je ne veux pas les reprendre, parce que vous... ? mais, entre autres, celle de décréter, avec le projet de loi, qu'aucune loi, politique ou mesure ne devrait avoir pour effet d'appauvrir les personnes comprises dans le cinquième le plus pauvre. Ce matin, on a eu un sociologue qui est venu nous indiquer que ça pourrait être une grave erreur si on faisait cela, parce qu'il y avait des personnes qui gagnaient tellement de grands revenus que ça vient changer toute la règle pour les autres classes.

Alors, vous nous avez dit aussi qu'on devait s'appuyer sur ce qui était déjà fait puis qu'on ne devait pas redemander de créer de nouvelles formules ou de nouveaux fonds, de nouveaux dons, parce que Centraide, c'est ce qu'il fait. Je peux vous rassurer, l'objectif du gouvernement n'est pas de refaire ce que Centraide fait. Cependant, le fonds qui a été mis de l'avant a permis à des communautés locales d'avoir des outils nécessaires pour leur permettre de réaliser des emplois dans les régions du Québec et près de leur communauté. S'il n'y avait pas eu ce fonds, on n'aurait pas été capable de les créer. C'est plus de 25 000 emplois.

Alors, j'aurais le goût de vous demander: Pour continuer à être dans l'action puis continuer à progresser, que devrions-nous retrouver dans une campagne de publicité? Parce que ça fait deux, trois intervenants qui viennent nous dire qu'on devrait faire une grande campagne qui aurait pour effet de faire tomber les préjugés, de faire adhérer la société à ce projet collectif qui est celui de lutter contre la pauvreté et de faire en sorte que l'ensemble de notre société soit aussi convaincu que vous qui l'êtes, que ceux et celles qui sont présents aujourd'hui?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Métivier.

M. Métivier (Pierre): Écoutez, avant de répondre à la dernière question, juste réagir à quelques-uns de vos propos. Oui, j'ai tout dit ça et j'en ai dit beaucoup. En quelques minutes, résumer tout un mémoire, c'est assez rapide. Mais, je voudrais vous dire, quand on parle, par exemple, de partenariat des acteurs ? oui, je l'ai lue, la stratégie, aussi, oui ? on appelle, dans cette stratégie-là, bien sûr, à une espèce de mise en commun: on va travailler ensemble. Mais on aimerait que ce soit beaucoup plus précis que ça. Si chaque acteur, pour être efficace... Pour que chaque acteur soit efficace éventuellement... Mais ce n'est peut-être pas la bonne... C'est peut-être normal que ce ne soit pas fait à cette étape-ci. Mais il va devenir très important qu'on dise à tous ces acteurs-là, au-delà de l'intention de mieux travailler ensemble, de mieux se comprendre, régionalement, nationalement, etc.: Mais qu'est-ce qu'on attend de vous? Soyons clairs, soyons précis et, après ça, on verra s'ils acceptent de relever le défi. Et ça, pour nous, c'est fondamental.

Un autre point aussi: la mesure.

n(15 h 50)n

Mme Goupil: Mais j'aimerais vous entendre sur la campagne, sur la campagne. Savez-vous pourquoi? Parce que plusieurs personnes en ont parlé. Qu'est-ce qu'on devrait retrouver dans cette campagne de publicité, qui réussirait à diminuer les préjugés, qui réussirait à avoir cette adhésion de l'ensemble de la population? Parce que vous avez dit: Ce projet doit avoir l'appui populaire. Alors, comment on fait ça? Parce que je vous dis que c'est dur en tabarouette!

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Métivier.

M. Métivier (Pierre): C'est justement, je n'ai pas la prétention de vous donner la réponse, justement parce que je ne suis pas un spécialiste là-dedans, même si on fait beaucoup de campagnes à Centraide; on en fait tous les ans. Ça en fait 15 que je fais, des campagnes de promotion reliées à des activités de levée de fonds.

Mme Goupil: Mais j'aimerais quand même vous entendre, parce que vous avez dit que ce serait important.

M. Métivier (Pierre): Maintenant, je vais vous dire... Je vais tenter certains éléments. Écoutez, moi, je pense que, premièrement, il faudrait peut-être aller voir ce qui a fait le succès de vos campagnes précédentes. Qu'est-ce qui a fait le succès, par exemple, de la campagne de l'alcool au volant? Il y avait des préjugés, là. Le préjugé du jeune assis sur la caisse de bières dans l'auto puis qui part, puis, bon, etc. Des gros préjugés. On les a brisés. Mon garçon, c'est un garçon adolescent, puis, comme beaucoup d'autres adolescents, il a changé son comportement. Ils ont maintenant une façon de sortir, de s'organiser en fonction de ne pas mettre à risque quoi que ce soit. Donc, il faudrait aller voir comment. Et là, des firmes spécialisées pourraient voir, pourraient être plus explicites que moi là-dessus.

Un autre exemple que je peux vous donner, et ça, ça me préoccupe beaucoup, c'est ce qu'on entend récemment sur le VIH/sida. On a fait une campagne efficace. Et là il y avait des préjugés énormes reliés au VIH/sida il y a plusieurs années. On a changé le comportement des gens, il y a eu vraiment un changement de comportement. On a cessé de faire des campagnes de promotion parce que le changement de comportement s'annonçait bien, ça s'améliorait. On n'en a pas fait et, récemment, on nous dit: Attention, on est en train encore de se protéger moins, etc. C'est-à-dire que c'est du travail à long terme; ce n'est jamais fini sur certains aspects parce que les préjugés sont coriaces. Certainement.

Du côté de la pauvreté, bien, écoutez, vous les connaissez comme moi, les préjugés: les personnes pauvres ne sont pas organisées, sont paresseuses, etc. Moi, je pense que la campagne de promotion devrait mettre en valeur des gens... toute la force, le dynamisme, la persévérance des personnes pauvres. C'est ça qu'on devrait mettre en valeur. Et des exemples, si vous voulez, Mme la ministre, on va vous en donner; dans nos organismes, il y en a plein de gens qui se battent à tous les jours, de très beaux exemples de gens qui sont capables de démontrer qu'ils travaillent fort et qu'ils y arrivent, mais que c'est fragile, qu'ils ont besoin de support.

Des «success stories» finalement. C'est ça qu'il faut mettre, autant les organisations que les gens eux-mêmes. Et, si c'est bien encadré, si c'est bien fait avec une firme de communication ? non, moi, je n'ai pas ces compétences-là ? où on sait encadrer le message et aller toucher la fibre sensible des gens, les gens vont peut-être commencer à dire: Bien, ce n'est pas tous des fraudeurs; ce n'est pas tous des paresseux; ce n'est pas tous... Mais ce n'est pas facile. C'est difficile. C'est peut-être ce qu'il y a de plus difficile dans le plan de match que vous avez sur la table actuellement. Faire une législation, faire des programmes, faire des programmes de subventions, etc., ce n'est pas simple, mais ça se fait. Faire une campagne de publicité qui atteint l'objectif dans une population variée comme celle du Québec, vieillissante et tout ça, ce n'est pas évident. Mais, si on peut vous aider, on le fera avec plaisir.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Il vous reste quatre minutes, Mme la ministre. Oui, alors, Mme la députée de Crémazie, il vous reste quatre minutes.

Mme Blanchet: Merci. Messieurs, bonjour. Vous aviez justement... On parle, entre autres, dans votre mémoire, au niveau du fonds spécial, au niveau de son financement... Il y a des petits points dans la façon dont c'est présenté qui vous chicotent, je dirais, si vous me permettez l'expression, quant à son fonctionnement, le champ d'action, et tout, et tout. Bon. Vous savez, depuis 1996, suite au Sommet, entre autres, on a eu le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. C'était financé de trois façons. Il y avait les entreprises, l'État, mais aussi la société prenait part au financement par une petite ligne quelque part dans le rapport d'impôts.

Dans la deuxième version, je dirais, que l'on s'apprête à terminer, l'État a dit: Je vais assumer totalement le financement, mais on est à la recherche... évidemment, nous avions été, entre autres, un comité de députés, nous aussi, à suggérer notre collègue à l'époque à savoir où, quand, comment on pourrait reconduire le Fonds de lutte. Alors, un peu dans la suite de ce que ma collègue, la ministre d'État, disait au niveau de la campagne de pédagogie, de promotion et tout ça, qu'est-ce qui vraiment vous chicote dans ce fonds spécial qu'il y aurait et, évidemment, quelles seraient vos suggestions pour nous aider à finalement mettre en pratique autant le projet de loi qui serait adopté d'ici là mais aussi notre plan d'action qui viendra suite à cette adoption-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Métivier.

M. Métivier (Pierre): Il y a deux aspects, dans le fond, que j'ai mentionnés. Premièrement, la création d'un fonds comme tel pour intervenir, c'est très bien, et on en déduit qu'il y aura là des crédits d'ailleurs supplémentaires qui vont être débloqués en fonction des objectifs à atteindre. Parce que la pauvreté va nécessiter des budgets nouveaux supplémentaires; on ne peut pas rebrasser tout ça juste avec les même budgets. On peut faire mieux, mais ça va en prendre plus, selon moi.

Ce qui nous inquiète, c'est que vous ayez mis textuellement, dans cette page-là, que vous ouvrez la porte à des dons, legs et autres contributions de toute sorte. C'est un domaine qui est bien différent, tout à fait différent. Moi, ce que je vous... Et ça, on veut des précisions là-dessus, parce que c'est notre champ d'intervention. On vous suggérerait plutôt: Aidez-nous à faire mieux. Aidez-nous à faire mieux. On est déjà dans le marché, et il est plus payant de donner, par exemple... une contribution est nettement plus payante de donner une contribution à un parti politique qu'à une oeuvre de charité qui lutte contre la pauvreté. Et toutes les oeuvres de charité sont toutes sur le même niveau, au niveau de la déduction fiscale et autre. La déduction... Vous voyez, il y a là des aspects, puis je pourrais vous en sortir bien d'autres; je ne suis pas spécialiste là-dedans, mais j'ai consulté certaines personnes qui connaissent ça.

Écoutez, vous pouvez utiliser la fiscalité pour donner une espèce de guide à la population, de dire: Écoutez, vous pouvez donner ce que vous voulez en fiscalité, avoir les crédits d'impôt que vous voulez, mais on s'est lancé ensemble dans un grand projet de lutte contre la pauvreté. C'est une priorité. C'est extrêmement important pour l'équilibre de notre société. Soyez généreux dans ce domaine-là et, fiscalement, on vous incite à le faire.

Vous l'avez fait avec les REER. Vous l'utilisez, cette formule-là, par exemple, dans l'entreprise privée, pour ce qui est de la recherche et développement ou d'autres domaines. Pourquoi est-ce que ce n'est pas à propos de l'utiliser dans le domaine de la charité pour appuyer un partenaire ? un partenaire, je ne parle pas de Centraide Québec ? les organismes de philanthropie, les organismes communautaires en général, sans but lucratif, qui sont au front? Pourquoi est-ce que vous n'utilisez pas la fiscalité pour nous aider au lieu de mettre dans votre projet de loi l'ouverture à ce que le gouvernement reçoive des legs testamentaires pour supporter vos orientations? Voilà pourquoi je vous dis: Un, on a besoin de précisions sur l'intention de cette phrase-là et, deux, donnez-nous des moyens puis vous allez voir qu'on va vous appuyer, et le gouvernement est capable de le faire par la fiscalité.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie. Votre temps est écoulé, Mme la députée de Crémazie. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, également, je pense que votre mémoire apporte beaucoup d'eau au moulin de la réflexion. Le temps est limité, quand même, et j'aimerais juste reprendre quelques éléments que vous avez effleurés lors de votre présentation en commençant peut-être par un sujet qui, jusqu'à maintenant, n'a pas fait beaucoup l'objet de nos questions, la question de l'Observatoire puis du comité consultatif. On a l'impression, nous autres aussi, qu'on a trop de structures de toute façon. Ce n'est peut-être pas nécessaire d'en créer vraiment d'autres. On voit la possibilité d'avoir un observatoire sur la question de la pauvreté peut-être à l'intérieur de structures existantes. On peut choisir la bonne à un moment donné. Vous, vous suggérez de jumeler les deux, de faire en sorte que le comité consultatif ait aussi à sa disposition l'instrument que peut être l'Observatoire.

n(16 heures)n

On a entendu tantôt, juste avant vous, un autre groupe qui avait une approche strictement de droite parce que, effectivement, ils trouvaient que la société est organisée à partir d'un mauvais principe; ils veulent voir un autre genre d'organisation sociale. Ce qui amène la réflexion suivante chez moi: Souvent, on sait qu'on peut manier les statistiques d'une façon ou d'une autre pour prouver une thèse ou pour la défaire, pour orienter des gestes à poser en amenant un portrait qui convient à la thèse choisie. Et je me dis, dans ce sens-là: Est-ce que ça ne serait pas plus sage de s'assurer que l'Observatoire qui, à mon point de vue, doit avoir le mandat le plus objectivement possible... puis on sait que l'objectivité est aussi très relative des fois, mais, dans la mesure du possible, que ce soit une entreprise qui est faite de façon objective, basée sur les valeurs qui sont largement partagées dans la société, et de suivre le phénomène de la pauvreté à partir de ces valeurs-là, et de mettre à la disposition finalement de ceux qui ont des décisions à prendre ces données, plutôt que de prendre le risque d'orienter les consultations ou les conseils qui seront donnés en fonction des agendas de chacun en jumelant les deux? Je ne sais pas si je suis clair.

M. Métivier (Pierre): Pour moi, c'est clair.

M. Sirros: C'est clair.

M. Métivier (Pierre): Oui. Ha, ha, ha!

M. Sirros: Alors, je me demande la chose suivante: Est-ce que ça ne serait pas plus sage à ce moment-là d'avoir un observatoire neutre et indépendant, dans le sens d'un lieu qui n'a pas d'agenda comme tel, et un comité consultatif qui peut conseiller selon les points de vue de chacun qui peut se retrouver dans ce comité consultatif et que, ultimement, les élus, le gouvernement en place au moment de recevoir ces conseils, décideront, trancheront en fonction du mandat qu'ils ont de la population à partir de leur vision de comment les choses doivent se dérouler en société? Et est-ce que vous auriez une objection fondamentale à ce que les deux ne soient pas jumelés mais que plutôt l'Observatoire soit confié par exemple... j'évoquais la possibilité du Conseil de la santé et du bien-être social comme mandat spécifique pour étudier la question et garder le Comité consultatif comme un instrument de conseil à partir de données qui viendraient d'une autre entité?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Métivier.

M. Métivier (Pierre): Oui. Écoutez, je vais faire une première partie de réponse et je vais demander à mon collègue, M. Ouellet, de compléter.

Notre propos là-dessus, il est fort simple. C'est strictement... Notre recommandation, elle est basée sur un seul point. C'est: La lutte à la pauvreté est tellement importante qu'on doit mettre tous les efforts pour que ça fonctionne dans les meilleurs délais possible et qu'on y mette le maximum de ressources.

Donc, on demande à ce qu'on nous démontre pourquoi deux entités différentes seraient plus performantes qu'une seule entité, une seule organisation avec deux entités. Parce que deux conseils d'administration, deux bureaux, deux structures, en théorie, c'est plus coûteux et ça nécessite une coordination qui peut nécessiter du temps, etc. Bon. Tout ça est relatif. Ça dépend des gens, ça dépend de beaucoup de choses. Donc, nous, on se dit: Pourquoi en faire deux? C'est la même logique que quand on travaille avec nos groupes communautaires. Pourquoi créer une nouvelle ressource si une organisation est capable de donner un service complémentaire? Une mesure d'efficacité tout simplement, dans un premier temps.

Par contre, au niveau de... Et pour nous, c'est la base. De l'autre côté, pour ce qui est de la qualité de la recherche, l'indépendance au niveau des travaux, etc., là, on est un peu moins familiers. Moi, personnellement moins, peut-être que M. Ouellet pourrait émettre une opinion là-dessus.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Ouellet.

M. Ouellet (Hector): Merci. Essentiellement, comme l'a dit M. Métivier, la dimension qui nous intéresse et qu'on valorise, c'est l'efficacité, la qualité du travail, etc. La structure en soi, c'est objet de discussion.

Par exemple, j'entendais M. Langlois ce matin dire que, lui, il privilégierait que ce soit rattaché à l'Institut de la statistique du Québec à cause de l'accès privilégié aux statistiques de recensement Canada, ce qui fait du sens. On pourrait aussi penser au Conseil de la santé et du bien-être à cause des rapports entre pauvreté et santé; ça fait aussi du sens. Bon.

Quel est le meilleur choix? J'avoue que je n'en sais rien mais... puis c'est uniquement une raison d'efficacité. Ce pour quoi, nous, on a pensé une structure, simplement d'intégrer l'Observatoire à l'instance consultative, c'est qu'essentiellement on se dit: L'instance consultative a besoin d'informations, a besoin de matériel de recherche, a besoin de... Bon. On se dit: Pourquoi l'Observatoire ne serait-il pas l'instance de recherche de l'instance consultative? Bon.

Mais la dimension, pour nous, on ne s'en tient pas au principe ou encore telle structure par rapport à telle autre. C'est: Quel est le meilleur choix en termes d'efficacité? C'est tout.

M. Sirros: ...pour que l'Observatoire soit nécessairement avec le Comité consultatif, c'est plus une question d'efficacité. Ça pourrait être le Bureau de la statistique, ça pourrait être le Conseil de la santé et du bien-être. Et, moi, je soulève tout simplement un... danger, c'est trop gros comme mot, là, mais un élément qu'on devrait, je pense... en tout cas, sur lequel on devrait réfléchir, que, souvent, le Comité consultatif, à mon point de vue, va être composé de gens qui ont un intérêt au dossier et une façon de voir les choses et vont prodiguer des conseils finalement en fonction de leurs valeurs, en fonction de leur agenda, entre guillemets, chacun. Personnellement, je préférerais que l'Observatoire soit détaché de cet organisme, sans créer d'autres structures particulières pour l'Observatoire, afin d'être plus efficace, et je voulais juste voir si c'était une question de principe pour vous. Vous me dites que ça ne l'est pas. Donc, ça pourrait fonctionner de cette façon-là.

L'autre élément que j'aimerais peut-être aborder avec vous, c'est la question de l'arrimage des actions des groupes comme le vôtre, Centraide, et l'État, le gouvernement. Vous avez soulevé la question par le biais des legs et des dons, que vous voyez comme un danger finalement pour l'implication des groupes et des individus à l'extérieur de l'État. C'est une préoccupation tangible que vous avez?

Actuellement, est-ce qu'il y a des choses qu'on pourrait améliorer par rapport à la relation qui existe entre les actions de l'État et les groupes comme le vôtre? Je pense par exemple au fait que l'État investit quand même beaucoup d'argent dans le soutien et le financement des groupes populaires pour des objectifs précis. Vous en faites de même, souvent dans le même créneau: autour de toute la question de la lutte à la pauvreté, l'amélioration des conditions de vie des individus, l'assistance sociale envers les gens. Avez-vous une réflexion sur ça? Est-ce qu'il pourrait y avoir une meilleure jonction entre les deux, entre les efforts financiers qui sont faits par les deux entités, État et Centraide, en l'occurrence?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Métivier.

M. Métivier (Pierre): Écoutez, je vois la portée de cet élément-là. J'ai parlé de dons, legs et autres tantôt en citant le projet de loi. Ce n'est pas une grande préoccupation, là; il ne faut pas... On a d'autres éléments dans notre mémoire qui sont, à notre avis, peut-être, en tout cas, d'un autre niveau.

Mais, pour connaître bien la philanthropie, c'est fragile, parce que c'est une relation de confiance avec des donateurs, au quotidien. À Centraide Québec uniquement, juste pour notre région, c'est 100 000 donateurs annuels, c'est 24 000 bénévoles. La moindre erreur là-dedans peut provoquer un détournement de milliers de personnes. Et, si vous multipliez le tout à l'échelle du Québec, c'est énorme. Les Centraide du Québec ensemble, l'année passée, ont ramassé près de 60 millions. Prenez 85 % de retour de tout ça, c'est une somme importante. On est certainement le deuxième plus important financeur de services sociaux et communautaires après le gouvernement du Québec. Si on en a un autre qui fait plus de 50 millions par année d'investissements au Québec, je ne le connais pas; il est bien caché, en tout cas. À part certaines fondations privées, puis il y en a qui ne sont pas rendues à ce niveau-là. Mais ça, ce n'est pas du tout le même créneau.

Donc, attention à être très prudents. Associez-vous, regardez ça comme il faut comment on peut être partenaire avec vous autres. J'ai parlé de fiscalité tantôt, c'est un point. Puis la fiscalité, je vous ai parlé de dons au quotidien mais je peux vous parler de dons planifiés, de legs testamentaires et autres. C'est les mêmes préoccupations qu'on a, là-dessus. C'est de la philanthropie d'un autre niveau, ça, mais on est là-dedans aussi. Mais aidez-nous, supportez-nous dans nos opérations avec nos bénévoles, et, surtout, c'est fragile.

Et l'exemple que je peux vous donner là-dedans, je le cherchais, c'est par exemple le Fonds de lutte à la pauvreté. Parce que ça a été institué... L'idée... On l'a saluée, l'idée qu'il y ait des sommes versées, que ça donne 25 000 emplois, je pense, que vous avez dit, Mme la ministre, etc. C'est excellent. Sauf que la façon de faire, ça a été une ligne de plus sur le rapport d'impôts. Dès le moment... Je ne sais pas à quel mois ça a été voté tout ça, mais, au moment où les gens ont fait leur premier rapport d'impôts suivant, moi, je peux vous dire que le téléphone a sonné, chez nous. Il y a peut-être 5 000 de nos 100 000 donateurs qui ont téléphoné, qui ont dit: Moi, je ne donnerai plus à Centraide, je le fais maintenant sur mon rapport d'impôts.

n(16 h 10)n

On leur a expliqué. On leur a expliqué puis tout ça, puis ils ne nous ont pas laissé tomber, là, mais c'est une relation avec des clients. Prenez ça comme ça: Centraide est en relation avec des milliers de clients, puis il est perçu comme étant efficace et faisant du bon travail, et tout ça, et ça demeure fragile. Voilà. C'est ça que je veux vous dire.

L'intention était excellente, du Fonds de lutte à la pauvreté. Le moyen, c'était peut-être le seul pour arriver rapidement à des résultats; je ne me suis pas arrêté à ça. Mais la conséquence... Il y a toujours un revers à une médaille. Elle a beau être mince, elle a son revers quand même. Et le revers, ça a été pour Centraide d'avoir des milliers de téléphones de gens disant: Je ne suis pas sûr que je vais continuer à te donner parce que je le fais maintenant sur mon rapport d'impôts. Bon. Vous voyez? C'est fragile. Donc, travaillez avec des organisations de philanthropie, mettez-nous à contribution. Ensemble, on pourra peut-être trouver les meilleurs moyens pour atteindre les objectifs qui sont essentiels à ce projet de loi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Il vous reste une minute et demie, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Peut-être une question, finalement pour conclure, un peu plus philosophique, si vous voulez. Vous parlez de philanthropie. Quelle est la place de cette philanthropie selon vous dans la société aujourd'hui et dans le contexte d'une loi sur la lutte à la pauvreté? Est-ce qu'il y a toujours lieu de miser sur cette valeur?

M. Métivier (Pierre): Plus que jamais.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Métivier.

M. Métivier (Pierre): Merci, madame. Plus que jamais. Parce qu'on n'est pas là pour prendre la place du gouvernement; on n'est pas là pour remplacer le gouvernement. Pas du tout. Ça prend une cohésion, une cohérence, une complémentarité. Le gouvernement a des responsabilités. Il doit prendre les moyens pour les acquitter convenablement. De notre côté, on s'inscrit dans un mouvement populaire complémentaire.

Écoutez. Je vous ai parlé tantôt de 100 000 donateurs sur une population cible de 1 million, c'est-à-dire qu'une personne sur 10 dans la région de Québec donne à Centraide. Ce n'est pas rien. 200 000 personnes par année passent dans notre réseau sur une population cible de 1 million; c'est 20 %. Et je vous dirais, puis je suis convaincu que je ne me trompe pas, que probablement que 50 % ? et c'est un plancher pour nous autres ? les organismes qu'on finance, si on s'en retire demain matin, ils tombent, malgré votre financement. Donc, si on ne s'inscrit pas dans une complémentarité au bénéfice de notre communauté, de notre société qu'on sert, nous, on est convaincus, et cette philanthropie-là, elle va grandir. Les statistiques...

Actuellement, les gens, les Québécois sont de plus en plus généreux, de plus en plus sensibles, que ce soit dans des entreprises ou personnellement, peu importe, ils sont de plus en plus sensibles à la philanthropie. La philanthropie est mieux organisée pour livrer son message, se faire comprendre, on a des moyens plus efficaces. On bâtit une philanthropie. Ce qu'on appelle dans notre jargon à nous, on bâtit des communautés d'entraide. On met une gang en mouvement. 24 000 bénévoles, M. le député, dans notre territoire 03 et 12. 24 000, c'est deux fois le Colisée. La semaine passée, il était plein avec les Nordiques puis le Canadien; nous autres, on va l'emplir deux fois avec nos bénévoles.

M. Sirros: ...Expos, en tout cas.

M. Métivier (Pierre): Plus que les Expos, certainement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Métivier (Pierre): Alors, vous voyez l'impact que ça a? Donc, c'est très important, la philanthropie, de demain, et, dans le projet qui nous occupe, je crois qu'on est un partenaire important qui ne demande pas mieux que de travailler avec vous autres dans ce dossier-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors...

M. Sirros: Oui, je conclurais tout simplement, Mme la Présidente, en disant: Et j'ai comme l'impression que l'implication personnelle et individuelle que vous suscitez chez les personnes fait beaucoup plus que toute campagne de sensibilisation pour faire tomber les préjugés qu'on pourrait faire au niveau du gouvernement sans dire qu'il ne faudrait pas en avoir une. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, messieurs, au nom de tous les membres, merci pour vos recommandations, d'avoir participé à cette commission, également.

Alors, j'invite maintenant les représentants du Conseil de la santé et du bien-être de bien vouloir prendre place, et je suspends les travaux pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 16 h 15)

(Reprise à 16 h 16)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous accueillons maintenant les représentants du Conseil de la santé et du bien-être, Mme Hélène Morais, qui est présidente. Mme Morais, je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et je vous avise que vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Je vous cède la parole.

Conseil de la santé et du bien-être (CSBE)

Mme Morais (Hélène): Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, bonjour. Permettez-moi dans un premier temps de vous présenter les personnes qui m'accompagnent. À ma gauche, Mme Vicky Trépanier et M. André Archambault, qui sont tous deux membres du Conseil de la santé et du bien-être.

Dans un premier temps également, au nom du Conseil, je vous remercie. Je remercie la commission parlementaire de nous permettre de participer à cet important débat public et d'exprimer nos commentaires au sujet du projet de loi n° 112 visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Dans ma présentation de cet après-midi, j'insisterai sur quatre messages. En premier lieu, nous soulignons l'à-propos de la démarche gouvernementale. Mon deuxième message porte sur la nécessité d'une coordination interministérielle forte pour lutter efficacement contre la pauvreté. Troisième message, il faut que l'aide financière fournie par l'État assure une sécurité économique réelle. Enfin, le dernier message invite le gouvernement à profiter du débat actuel sur la décentralisation pour aller plus loin dans la manière d'aider les collectivités à être à leur tour des acteurs efficaces dans la lutte à la pauvreté.

Alors, dans un troisième temps, je vais en quelques mots vous rappeler qui est le Conseil de la santé et du bien-être. Le Conseil a 10 ans, cette année. Il est créé par une loi, en mai 1992, avec comme mandat d'aviser le ministre de la Santé et des Services sociaux sur les objectifs de santé et de bien-être ainsi que sur les meilleurs moyens de les atteindre.

Le Conseil informe le public, crée des partenariats et participe aux débats sur ces questions. Le Conseil se compose de 23 membres représentatifs des usagers des services de santé et des services sociaux, des organismes communautaires, des personnes engagées dans l'intervention, la recherche et l'administration du domaine de la santé et du domaine social et de secteurs d'activité dont les stratégies d'intervention ont des conséquences sur la santé et le bien-être de la population.

Je reviens donc à notre premier message sur le projet de loi. Il vise à exprimer l'accueil très favorable du Conseil à l'égard de l'initiative gouvernementale. Dans un contexte socioéconomique que l'on connaît, il fallait du courage et une bonne capacité d'innovation pour annoncer un projet de loi et une stratégie de lutte contre la pauvreté et l'exclusion. En plus de l'à-propos de la démarche, il faut aussi souligner en introduction l'à-propos de la conception sociale de la pauvreté que l'on retrouve dans les documents gouvernementaux, soit la stratégie et le projet de loi.

Ce qui est fascinant de constater, c'est que la nécessité d'une telle démarche est établie depuis longtemps et à répétition. J'en aurai pour preuve un avis récent du Conseil et des engagements de la Politique de la santé et du bien-être qui datent de 1992.

n(16 h 20)n

Dans un avis publié le 28 août dernier sur l'évolution de la Politique de la santé et du bien-être, le Conseil a mis en lumière l'existence d'écarts importants entre des groupes et entre des régions. Ainsi, les régions de la Côte-Nord, du Bas-Saint-Laurent et de Montréal-Centre sont particulièrement aux prises avec des problèmes de négligence et d'abus à l'égard des enfants, de troubles de comportement des enfants et des adolescents, de violence conjugale et de délinquance. Pour leur part, les régions de l'Abitibi-Témiscamingue et du Nunavik ont, comparativement à la moyenne des autres régions, un taux plus élevé de mortalité liée aux maladies cardiovasculaires et au cancer du poumon.

Bien sûr, ce sont des difficultés qui conduisent les personnes à avoir recours davantage à des services de santé et à des services sociaux. Or, des rencontres que nous venons tout récemment de tenir avec des intervenants de quatre de ces régions nous confirment à nouveau que des conditions socioéconomiques difficiles fragilisent la santé physique et la santé mentale des personnes et effritent le réseau social de protection. Ces régions, à leur manière, lancent un cri d'alarme sur les limites des services de santé et des services sociaux et surtout sur l'urgence d'agir pour améliorer les conditions de vie de leur population.

Dans son avis, le Conseil recommande donc au ministre de la Santé et des Services sociaux d'accorder une priorité aux régions identifiées précédemment, de fixer des objectifs pour réduire les écarts de santé et de bien-être, et, considérant les limites de son ministère, de s'associer encore plus intensément à ses collègues d'autres ministères pour lutter contre la pauvreté et ses effets dévastateurs sur la santé et le bien-être.

Considérant l'effet des conditions de vie sur la santé, la Politique de la santé et du bien-être de 1992 contenait un engagement gouvernemental pour réaliser un plan de lutte à la pauvreté, lequel n'a pas vu le jour mais verra le jour très prochainement, d'après ce qu'on peut percevoir. La réduction de la pauvreté, à cette période de début des années quatre-vingt-dix, avait aussi été identifiée comme une priorité par les instances régionales du domaine des services de santé et des services sociaux lorsqu'ils ont eu à mettre en oeuvre cette Politique.

On peut donc avoir, au sujet de la pauvreté, toute une série d'explications, quant à ses causes. Certaines de ces explications insistent sur les choix des individus ou sur certaines de leurs caractéristiques, plus souvent qu'autrement vues comme des carences. D'autres encore font valoir que le destin ou un ensemble de caractéristiques de la société dans son ensemble sont responsables du fait que des individus connaissent pauvreté et exclusion. D'autres insisteront sur les caractéristiques du système mis en place pour gérer la pauvreté. Les réponses qu'on apporte à ces différentes façons d'expliquer la pauvreté vont déterminer le choix des moyens d'action.

Pour sa part, Mme la Présidente, le Conseil estime que l'on doit se concentrer en priorité sur les conditions de vie des individus. Cette façon d'envisager la pauvreté est conséquente de la définition de la santé à laquelle adhère le Conseil et qui consiste à affirmer que la santé est la capacité physique, psychique et sociale d'une personne d'agir dans son milieu et d'accomplir, de façon acceptable pour elle et sa communauté, les rôles qu'elle entend assumer.

Comme le projet de loi, à sa première orientation sur la prévention, le souligne, on doit prendre en compte comment certaines caractéristiques des milieux de vie se combinent souvent pour exercer une pression importante et nocive. Qu'on pense, entre autres, au stress supplémentaire subi par les individus pour qui une incapacité relative de trouver autour d'eux des personnes et des services pour les aider s'ajoute souvent au poids de leurs difficultés. C'est pourquoi, je le rappelle, le Conseil estimait dans son avis récent qu'il y a lieu de fixer des objectifs relatifs à la valorisation et au soutien des milieux de vie. Et les milieux de vie alors reconnus, ils sont similaires, ils sont sensiblement les mêmes que ceux qui sont dans la stratégie et le projet de loi. Ce sont la famille, l'école, le milieu de travail et la communauté de proximité, la communauté locale.

Le deuxième message du Conseil s'attarde à un moyen qui est très présent dans notre stratégie et qui, selon nous, devrait marquer davantage la loi. Mme la Présidente, nous croyons fermement que la participation active et concertée des différents secteurs tels que l'Éducation, la Santé et les Services sociaux, l'Habitation, le Travail et d'autres est essentielle pour articuler efficacement la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, donc pour réaliser efficacement le projet que nous étudions aujourd'hui.

Nous avons examiné la loi. Nous avons examiné les responsabilités qui sont confiées au ministre qui serait responsable de la loi. Nous estimons que la responsabilité doit être confiée à un ministre, bien identifié, oui, mais que cette responsabilité doit être davantage partagée avec les autres, les principaux ministres concernés. Outre, la ministre de la Sécurité du revenu et de la Solidarité sociale, le ministre de la Santé et des Services sociaux, les ministres des Affaires municipales, de l'Éducation, de l'Habitation, des Finances, de l'Économie et de la Recherche, du Travail, des Transports devraient faire partie de cette coresponsabilité de mise en oeuvre de la stratégie de la loi. À ce chapitre, le Conseil est d'avis que la stratégie de lutte à la pauvreté et à l'exclusion doit aussi établir une cohérence avec d'autres politiques gouvernementales, comme par exemple la politique de développement régional, la politique de la ruralité ou la Politique de la santé et du bien-être renouvelée.

Le projet de loi que nous étudions aujourd'hui contient les éléments nécessaires pour démontrer à quel point la pauvreté et l'exclusion concerne plusieurs secteurs de l'intervention publique et comment ces interventions sont déterminantes pour l'ensemble de ceux-ci. Les liens souhaités et souhaitables entre les ministres concernés par la pauvreté et l'exclusion sociale doivent être établis, selon nous, de façon continue et faire l'objet d'un mécanisme formel.

Deux types de coordination ministérielle sont pensables. Un premier, qui repose sur un secteur d'activité, un ministère qui cherche à susciter cette coordination à partir de son pouvoir d'influence et de la bonne volonté des autres secteurs; un deuxième modèle est possible à partir d'un mécanisme comportant un pouvoir d'autorité ou de commande sur les unités à coordonner.

On pense par exemple au Conseil du trésor, au Comité des priorités, au Comité de développement social. Le Conseil penche évidemment vers ce deuxième type de mécanismes sans qu'il ait toutefois précisé lequel de ces mécanismes devrait assumer cette responsabilité. Pour que ce soit efficace, il faut, selon nous, que la coordination des secteurs pour la lutte à la pauvreté dépasse la bonne volonté et repose sur une volonté politique explicite avec des moyens d'action.

Notre troisième message, Mme la Présidente, porte sur l'un des principaux moyens à mettre en oeuvre dans la loi pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Nous référons ici à certains énoncés dans les articles 8 et 14 concernant la sécurité économique.

La présente commission parlementaire sera sans doute témoin d'un débat important qui, nous en sommes convaincus, doit se faire autour de concepts qui sont encore définis différemment, selon ceux qui les utilisent ou selon les différents débats, d'un revenu de solidarité ou d'un revenu de citoyenneté. Au coeur de ce débat doit résider la nécessité d'assurer à tous ? à tous les Québécois, à toutes les Québécoises ? une sécurité économique minimale.

Je rappelle aux membres de cette commission que cette question de la sécurité économique se pose pour de nombreux segments de la population québécoise, et je crois que la stratégie a bien illustré les différentes formes de pauvreté ou les différents groupes qui vivent dans des situations difficiles de pauvreté. Elle touche aussi, tel que c'est mentionné dans la stratégie, des individus qui sont actifs dans le marché du travail. Elle se pose aussi évidemment pour tous ceux qui se retrouvent à la sécurité du revenu. Les différentes mesures économiques de la pauvreté, bien présentées dans la stratégie, en arrivent toutes à une appréciation relativement semblable de ce qu'il faut pour vivre dignement, au Québec.

Dans ce cas, l'avis du Conseil est que nos programmes de sécurité du revenu devraient fournir, de façon inconditionnelle et inaliénable à chaque Québécois et chaque Québécoise, au moins assez de ressources pour vivre dignement et assumer leurs responsabilités. C'est d'ailleurs un sujet que le Conseil avait abordé dans l'avis intitulé Quel temps pour les jeunes et sur lequel nous pourrions élaborer dans la période de questions.

n(16 h 30)n

En guise de quatrième et dernier message, nous recommandons aux membres de la commission de faire en sorte que la loi mise sur l'appropriation par les collectivités locales des leviers de leur développement et sur la participation sociale pour favoriser l'engagement de l'ensemble de la société. Effectivement, notamment l'article 9 et 10 de la loi présentent cette préoccupation.

Nous aimerions souligner que le projet de loi que nous étudions actuellement provient en partie d'un mouvement issu de la participation sociale. Le Collectif pour une loi sur l'élimination de la pauvreté a fait la démonstration de l'efficacité de l'action citoyenne, et vous avez perçu vous-mêmes dans les localités... comme nous, vous avez perçu, dans les localités, auprès des personnes pauvres et exclues, y joue un rôle indéniablement très important. Le Conseil estime que, sans une implication des collectivités locales, il sera difficile d'articuler une lutte efficace contre la pauvreté. Or, on observe dans l'actualité politique une résurgence du débat sur la décentralisation. Il faudrait profiter des travaux de la présente commission pour penser plus concrètement la manière dont la décentralisation pourrait contribuer à renforcer la capacité d'action des collectivités en matière de lutte à la pauvreté. Deux questions minimalement sont à travailler: Quels pouvoirs pourraient être dévolus aux collectivités? Et comment pourraient-elles être davantage habilitées à agir, à oeuvrer de manière plus harmonieuse? En somme, notre souhait, c'est qu'à la faveur du débat sur la lutte à la pauvreté on cherche aussi à influencer celui qui s'amorce sur la décentralisation, puisque c'est vraiment le palier local qui permet de faire émerger des interventions intégrées et concertées, tel que vous l'avez illustré d'ailleurs dans la stratégie.

En terminant, Mme la Présidente, permettez-moi de dire à nouveau comment ce projet de loi a le sérieux mérite de mettre le doigt sur un problème social majeur et il traduit, en même temps qu'il veut l'encadrer, la volonté gouvernementale d'agir à court et à moyen terme de manière à améliorer les conditions de vie des plus démunis parmi les Québécois et les Québécoises. Une telle volonté doit être encouragée. La raison pour laquelle le Conseil appuie ce projet de lutte contre la pauvreté, c'est qu'il en reconnaît la nécessité pour la santé et le bien-être de la population québécoise. Les pauvres et les exclus présentent davantage de problèmes de santé et de problèmes sociaux, c'est un fait. C'est un fait aussi que le système des services de santé et des services sociaux connaît des pressions importantes. Dans une perspective de lutte à la pauvreté, il faut donc renforcer ce système, et non l'inverse. Par ailleurs, si le maintien d'un système de services de santé et de services sociaux publics de qualité et accessible à tous représente un élément essentiel pour réduire la pauvreté, la mise en place d'une stratégie de lutte contre la pauvreté s'impose de façon encore plus marquée pour prévenir à la source les problèmes de détresse sociale et de santé et pour soutenir le développement du potentiel humain.

Mme la Présidente, Mme la ministre, mesdames, messieurs, je vous remercie de votre attention. Mes collègues et moi-même sommes donc prêts à répondre à vos questions.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, Mme Morais, pour la présentation de votre mémoire. Je cède maintenant la parole à la ministre d'État.

Mme Goupil: Merci, Mme la Présidente. Alors, Mme Morais, Mme Trépanier et M. Archambault, je vous remercie d'avoir pris le temps de déposer un mémoire qui a le mérite d'être à la fois clair et précis, comme vous le faites toujours. Vous avez parlé de quatre éléments, il y en a deux sur lesquels j'aimerais attirer votre attention.

D'abord, au niveau de toute la conception sociale, l'écart au niveau des groupes et des régions, parce que vous avez exprimé vraiment que la pauvreté ne se vivait pas de la même façon partout au Québec. Il faut reconnaître que cette pauvreté, elle est sous différentes formes, et vous le reconfirmez de par, bien sûr, vos responsabilités, qui vous amènent à être partout en région. Mais, quand vous indiquez que l'écart entre les groupes et les régions s'agrandit sans cesse, quels sont les éléments que vous constatez ou qui reviennent le plus souvent? Vous avez nommé quand même plusieurs régions, mais, sans aller dans les moindres détails, mais, quand même, qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui, malgré toutes les réussites que nous avons au point de vue économique, etc. Quels sont ces écarts plus grandissants que vous êtes à même de constater?

Et la deuxième, c'est concernant la coordination. Vous avez insisté beaucoup sur toute l'importance d'avoir une coordination non seulement au niveau de la ministre responsable de ce dossier, mais avec l'ensemble du gouvernement, parce que c'est vraiment un dossier gouvernemental. On est une équipe ministérielle où, avec ma collègue Mme Léger, Mme Caron, on a travaillé, on a fait en sorte d'avoir dans le projet de loi un article spécifique qui indique, à l'article 18, que «le ministre est d'office le conseiller du gouvernement sur toute question relative à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. À ce titre, il donne aux autres ministres tout avis qu'il estime opportun pour améliorer la situation économique», et tout ça.

Je pourrais continuer, mais il n'en demeure pas moins que je voudrais que vous puissiez nous indiquer comment ce mécanisme formel... Vous avez proposé deux choses, soit par secteur d'activité ou par autorité commandée... Ce n'est pas «commandée», mais vous avez dit deux mécanismes formels, là. Mais j'aimerais savoir, de façon spécifique, selon vous, avec l'expérience que vous avez, tout le travail que vous avez effectué au niveau du développement social global, quel est, selon vous, le meilleur mécanisme qui pourrait nous assurer les meilleurs résultats sur le terrain.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Morais.

Mme Morais (Hélène): Alors, à la première question, Mme la Présidente, je répondrais à Mme la ministre que les écarts que nous avons observés... Quand je référais au suivi de la politique de la santé et du bien-être, nous avons observé des écarts sur l'importance, sur la prévalence de certains problèmes de santé, certains problèmes sociaux. Depuis la politique de la santé et du bien-être de 1992, donc depuis une dizaine d'années, nous avons observé comment la situation de la santé et comment les problèmes sociaux qui étaient identifiés dans la politique avaient évolué. On se rappelle qu'il y avait des objectifs qui étaient fixés à ce moment-là qui concernaient la réduction de la mortalité pour les différentes causes qui sont connues. Il y avait des objectifs qui concernaient certains problèmes sociaux, certains problèmes de santé mentale, les problèmes qui touchent les personnes qui ont des incapacités, les personnes âgées, et ce qu'on constate, c'est qu'alors que... Au niveau des moyennes, il y a eu une amélioration au Québec de plusieurs problèmes qui concernent principalement la réduction de la mortalité et il y a eu une croissance ou une stabilisation de problèmes qui concernent, je dirais, des caractéristiques de la qualité de vie: des problèmes sociaux, des problèmes dans la famille, problèmes des enfants, problèmes d'adaptation sociale. Et ça, c'est pour l'ensemble du Québec.

On a constaté aussi qu'entre les régions il y a des régions qui se retrouvent dans des situations extrêmement différentes, inférieures quant à leur capacité d'avoir un effet dans les interventions qu'elles mènent pour réduire la mortalité: cancer du poumon, maladies cardiovasculaires. Il y a des taux de mortalité qui sont plus élevés dans certaines régions. Et, dans d'autres, tel que je le mentionnais, ce sont les problèmes sociaux qui se présentent de façon plus aiguë, plus importante que l'ensemble des régions.

Nous avons constaté aussi qu'il existe des écarts entre des groupes de la population, et je pense que, dans la stratégie, ces écarts-là ressortent aussi sur certaines caractéristiques de santé, certaines caractéristiques sociales, soit entre les hommes et les femmes, soit entre des communautés, différentes communautés culturelles, ou même à l'intérieur de certaines régions. Et il est clair qu'un des facteurs qui expliquent les différences, ce sont les conditions socioéconomiques. Je pense qu'on n'apporte rien de neuf, mais on l'apporte pour confirmer l'urgence d'une intervention concertée et déterminée du gouvernement pour la réduction de la pauvreté en associant plusieurs acteurs.

Et, j'enchaînerais sur votre autre question, justement parce qu'il existe des liens au quotidien entre l'ensemble de ces dimensions, que ce soit au niveau des conditions de vie, le revenu, bien sûr, le travail, la qualité des milieux de travail, l'école, la qualité des milieux scolaires, la scolarisation, le logement ? bon, vous connaissez bien ces questions-là ? et ces liens entre ces dimensions, pour les personnes, ne devraient pas être des contraintes pour elles quand elles ont besoin de services, mais ces contraintes devraient tomber pour faire en sorte qu'elles puissent trouver les réponses adéquates. Alors, il nous semble que, sur le terrain, au niveau local, tout l'appui devrait être assuré pour que ces liens puissent s'établir au bénéfice des personnes qui ont besoin d'aide, qui ont besoin de soutien.

n(16 h 40)n

Au niveau provincial, quand on parle d'un mécanisme formel, nous avons bien vu dans la loi que le ministre responsable de l'application de la loi avait beaucoup de responsabilités, avait une responsabilité d'implanter le plan, de l'élaborer, je crois, de faire rapport, de conseiller, de recevoir... de conseiller le gouvernement qui, lui... Nous avons bien lu aussi qu'il adopte ce plan d'action. Nous pensons que c'est une façon qui est risquée. Nous pensons, d'après l'expérience que nous avons, que ce n'est pas suffisant, la responsabilité interministérielle, de l'appuyer sur ? la compétence, sûrement ? la bonne volonté d'un ministre. Nous pensons qu'une instance, et nous avons donné des exemples d'instances existantes... Nous ne pensons pas qu'il s'agit de créer des nouvelles structures. Nous avons donné l'exemple du Comité de développement social qui est déjà un comité ministériel qui regroupe différents secteurs ? et il pourrait être élargi pour répondre à cette préoccupation ? qui pourrait jouer ce rôle.

Alors, le Conseil n'a pas voulu se prononcer sur le mécanisme et il s'est prononcé sur le principe qu'une action interministérielle concertée, efficace, formelle et continue devait être réalisée à partir d'un mécanisme existant ou, sinon, d'en créer un nouveau si c'était le choix, un peu comme il a été fait pour la mise en oeuvre de la politique jeunesse. Un comité ministériel a été mis en place, et il semble que c'est un modèle qui peut répondre aux préoccupations. Je demanderais, si vous le permettez, à mon collègue d'illustrer qu'est-ce que ça veut dire sur le terrain, l'importance des liens entre...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Remarquez, je n'ai pas d'objection. Il nous reste trois minutes cependant. Alors, ça signifie qu'il n'y aura pas d'autres questions. Alors, si vous voulez...

Mme Morais (Hélène): Nous allons écouter une autre question, madame.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, parfait. Alors, oui...

Mme Goupil: Je vous remercie. Comme il ne reste que trois minutes, je vais laisser la parole à un de mes collègues qui voulait poser une question. Merci, Mme Morais.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, M. le député de Vachon, vous avez trois minutes. À vous la parole, M. le député de Vachon.

M. Payne: Oui. Mme la présidente, Mme Morais, je vous remercie pour le mémoire. Vous avez souligné un important préjudice qui existe aujourd'hui, à savoir que la pauvreté et l'exclusion sociale dans laquelle se trouve l'individu ne dépend pas uniquement de sa propre volonté, mais plutôt de nombre de facteurs sociaux complexes, et je pense que c'est important que la commission et nous tous collectivement, aujourd'hui, puissions nous rendre compte de nouveau de cette réalité, parce que, effectivement, dans la population, souvent, cette réalité n'est pas toujours reconnue, le préjudice étant, bien sûr, que la personne est responsable de son propre sort.

Mais, dans votre argumentaire qui est fort bien fait, vous suggérez que, dans le monde idéal à quoi il faut viser, on pourrait faire disparaître les notions d'apte et inapte au travail pour les fins d'analyse des besoins d'un individu pour l'aide sociale. Je voudrais bien être clair pour les gens qui nous écoutent, je dois comprendre que vous parlez d'une situation idéale et vous n'envisagez pas de faire en sorte que ça puisse disparaître. Parce que je pense que, si on fait une objective analyse de la situation depuis les dernières quelques années, la baisse dramatique des prestataires de l'aide sociale est peut-être en partie à cause du fait... certainement à cause, en partie, du fait que ceux qui sont aptes au travail puissent avoir les conditions plus favorables à la réintégration au travail.

Pouvez-vous donc convenir avec moi qu'il y a toujours et qu'il y aura toujours, pour un avenir prévisible, une nécessaire distinction et, donc, des programmes variables pour différentes catégories de personnes soit aptes au travail ou peu aptes au travail?

Mme Morais (Hélène): Je vais débuter la réponse à la question et je vais demander...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dans une minute et demie, Mme Morais, s'il vous plaît.

Mme Morais (Hélène): Alors, nous convenons avec vous que, de façon absolue, apte et inapte, ce sont toujours les concepts qui sont présents, mais nous référons aux règles qui sont établies dans les programmes. Et je demanderais à André Archambault, donc, de répondre à la question sur notre point de vue.

M. Archambault (André): Alors, très rapidement, vu qu'il nous reste peu de temps, je vous dirai que...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Archambault.

M. Archambault (André): ...apte et inapte nous apparaissent des notions qui peuvent être très caduques. Je donnerai deux exemples, parce qu'on a très peu de temps. Je ne travaille pas au Conseil de la santé et du bien-être à l'année longue, je fais d'autres choses dans la vie, je travaille dans une Auberge du coeur, et on y reçoit des jeunes sans-abri. Alors, ces jeunes-là, il y en a qu'on pourrait considérer inaptes, hein, qui ont eu une étiquette comme étant inaptes au travail. Et, vous seriez étonnés de rencontrer ces jeunes-là, je pourrais vous donner des noms de jeunes qui, inaptes... aussi inaptes qu'on a pu les étiqueter, sont des gens qui amènent des contributions sociales majeures, beaucoup plus haut que ce qu'on les paie à l'aide sociale. Alors, c'est des gens qui sont toujours sur la sécurité du revenu, mais qui vont être trésoriers d'une corporation OSBL d'habitation sans but lucratif où ils sont des membres actifs, anciens résidents qui viennent contribuer à soutenir d'autres jeunes dans des situations aussi extrêmes, accompagner des jeunes dans des situations difficiles, des gens qui continuent de contribuer. Est-ce que ces personnes-là sont inaptes? Je n'en suis pas convaincu, c'est des jeunes qui continuent de se former, de faire des cours en comptabilité, etc.

On parle de jeunes aptes. On accueille des jeunes à l'Auberge qu'on pourrait qualifier d'aptes selon certains critères, mais qui nous arrivent de situations tellement extrêmes, tellement multiples, tellement complexes que le simple fait de rebâtir un climat de confiance pour bâtir quelque chose peut prendre des mois. Ils ont subi des situations extrêmes et ils ne sont pas prêts, non, demain matin, à partir puis aller chercher un emploi. Techniquement, sur la fiche, oui, ça apparaît comme ça. Dans les faits, cette barrière-là devient excessivement caduque, et c'est sur cette base-là, souvent, et sur la peur qu'ils s'enracinent à l'aide sociale qu'on bâtit des barèmes qui sont surtout des barèmes de revenu, dirons-nous, hein? Parce que l'accès aux mesures, à certains égards, je pense qu'il devrait être favorisé pour tout le monde, parce qu'il y a plein d'inaptes qui deviendraient peut-être des personnes aptes si on leur donnait le temps et les ressources nécessaires pour se rebâtir une participation sociale. C'est des concepts qui peuvent devenir très caducs et qui peuvent devenir discriminants sur la base, dirons-nous, de transmission intergénérationnelle de la pauvreté, etc. Il y a une série de discours qui tiennent là-dessus et dont on n'est pas certain, au Conseil, qu'ils aient vraiment toute certitude pour être utilisés pour discriminer entre les gens qui devraient recevoir un peu plus ou un peu moins. Alors, il y a effectivement matière à questionner ces concepts-là d'après nous.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, M. Archambault. C'est tout le temps à notre disposition. Je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. Pour ne pas briser le momentum des choses, continuons un peu sur cette lancée. Mais, ça m'amène à parler d'un des messages que vous lancez, c'est l'établissement du barème plancher, parce que c'est lié. Et est-ce qu'on peut convenir qu'il y a un principe avant de parler du montant du barème plancher? Moi, je préfère appeler ça un minimum vital, si vous voulez, si ce n'est que pour des raisons de vocabulaire politique et pour éviter justement que ça renforce les préjugés que les gens puissent avoir, etc. Je pense qu'on peut convenir, et on est peut-être à la veille de le convenir même s'il y a encore des ponctions qui sont faites sur le minimum vital au niveau des prestations... Le niveau des barèmes actuels des personnes sans contrainte à l'emploi, il y a actuellement... Je vois ça un peu comme la société qui se dit: Écoutez, il y a un minimum vital qu'on convienne comme un filet de sécurité minimal. Ça couvre des besoins vitaux, nourriture, logement et quelques besoins personnels, mais ça ne couvre pas l'ensemble des besoins que, dans le jargon, on appelle les besoins essentiels. Parce que souvent les gens associent la notion de besoins essentiels. Bien, si c'est essentiel, j'ai l'essentiel, donc c'est tout comblé. Et, après ça, je pourrais faire plus pour moi, mais au moins mes besoins essentiels sont comblés.

Alors, je me dis: Est-ce qu'on ne peut pas établir un minimum vital au niveau des barèmes actuels, réparer les trous qui existent à l'heure actuelle même dans ce minimum vital? Parce qu'on pénalise même à partir du niveau actuel les barèmes d'aide sociale pour les personnes sans contrainte. On les pénalise, par exemple, en faisant une ponction supplémentaire, quand ils sont malades, en leur demandant une contribution pour leur assurance médicaments. C'est un non-sens. On les pénalise davantage s'ils refusent ou n'embarquent pas dans une mesure d'insertion. On coupe même le barème de minimum vital. Et, je me dis, avant qu'on parle de l'établissement du niveau du barème qui, lui, doit dépendre et va dépendre nécessairement de la volonté de l'ensemble de la société de mettre plus de ressources dépendant de sa richesse, de sa générosité, de son niveau de solidarité, si vous voulez, si on peut au moins établir ce minimum vital comme principe, après ça on peut cheminer vers autre chose. Est-ce que c'est une conception que vous trouvez... Comment vous réagissez face à cette façon de voir? Et n'est-il pas exact aussi qu'à l'heure actuelle il y a des choses urgentes qu'il faut faire par rapport justement à ce minimum vital, entre autres l'assurance médicaments?

n(16 h 50)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Archambault... Je m'excuse, Mme Morais.

Mme Morais (Hélène): M. Archambault va répondre, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, M. Archambault.

M. Archambault (André): Il y a toujours le risque de parler de prestations minimales. Si c'est dans... En fait, ce qu'on propose, c'est de sortir d'une approche punitive, c'est-à-dire, effectivement, de sortir des approches où on dit: On va ratatiner un montant jusqu'à son seuil minimal. Dans cette perspective-là, effectivement, ça serait présumer que les gens veulent rester à l'aide sociale, sont bien, sont confortables là-dedans. À 500 $ par mois, je ne suis pas très, très convaincu de ça. Et je reprendrais des propos qui ont été tenus par de nombreux intervenants sur le terrain en matière d'insertion sociale et qui disent: Les approches volontaires, dans un contexte où on n'est pas constamment en train de survivre, hein... Alors, quand on a 300 ou 400 $, puis le seul objectif, c'est de survivre, on ne fait pas d'autres choses. Alors, ce que nous, on recommande, c'est de sortir d'une approche punitive, de donner un seuil décent, suffisant, qui permette aux gens de bâtir non pas un seuil jusqu'où on peut ratatiner en pénalisant, donc d'avoir un seuil suffisant à partir duquel on peut bâtir, partant du principe que la très grande majorité des gens n'ont pas le goût d'être à l'aide sociale.

Il y a des jeunes ? je reprendrai les exemples que je connais parce que je baigne dedans tous les jours ? des jeunes qui arrivent à l'aide sociale et qui ne veulent pas aller chercher un montant à l'aide sociale, ne veulent pas être contrôlés par des agents, veulent se débrouiller tout seuls. Ce que ça implique, par contre ? et on l'a vu au début des années quatre-vingt, à l'époque où les jeunes n'avaient pas la parité à l'aide sociale ? c'est qu'il y en a plein qui se sont ramassés dans la rue à vivre puis à se débrouiller tout seuls, mais dans les contextes qu'on connaît puis avec les impacts sociaux qu'on a connus. Je ne pense pas que personne a le goût de revenir là-dessus et de revenir à ces contextes-là où les jeunes se sont débrouillés, mais ils se sont débrouillés dans les réseaux de prostitution, dans les réseaux de dope, puis un peu partout, puis ils ont essayé de survivre. C'est ça qu'ils ont fait. On leur a dit: Tu as un peu d'argent, survis. Ils l'ont fait. Il y a des coûts sociaux qui sont importants.

Ce qu'on dit, c'est: Il y a un seuil qu'il faut évaluer. On ne l'a pas fixé, mais on est au clair qu'il y a des besoins impérieux, hein, en matière de logement, en matière de nourriture, en matière de tout ce que sont les services de base pour être capable de partir, le matin, aller faire des démarches. Donc, établir un seuil et créer les conditions. Et, parmi les conditions pour qu'entre autres les jeunes s'en sortent, les mesures volontaires, hein? Et pas volontaires alternatives à des parcours obligatoires, mais des mesures volontaires. Nancy Neamtan et d'autres l'ont dit, on sait que les gens veulent s'en sortir, et, si on leur en donne le temps, la chance, ils vont le faire. La notion de temps est importante. Particulièrement, je dirais, au niveau des jeunes, il faut donner du temps, du temps d'essai et d'erreurs, du temps de recommencer des choses, du temps de se lancer dans une démarche, d'arrêter, de s'interrompre, de repartir. Il faut du temps. Sortir d'une situation qui est critique, ça ne prend pas six semaines, 12 semaines à travers un programme normé. Ça prend du temps et ça prend des conditions de vie qui permettent de passer à travers cette période-là. Donc, effectivement, il faut un revenu, il faut des conditions qui permettent de ne pas le voir menacé à chaque instant où on ne répond pas à une demande. Il faut un contexte et il faut du temps. C'est une des conditions qui a fait que, dans beaucoup de cas, on a pu réussir des choses, on a donné du temps à ça. Alors, c'est les deux conditions qui m'apparaissent importantes.

M. Sirros: Si je disais au début que c'était lié avec les questions du député tantôt au niveau des contraintes sévères et sans contrainte, c'est parce qu'il y a déjà une différenciation qui est faite au niveau des prestations et des barèmes qui, à mon point de vue, ne doit pas disparaître, parce qu'on ne peut pas demander de la personne qu'on reconnaît ayant des contraintes sévères à l'emploi de faire des efforts d'insertion vers son autonomie financière par le travail si on reconnaît d'emblée au départ qu'il y a des contraintes qui l'empêchent de le faire. Donc, il y a déjà un genre de reconnaissance.

Tout ce que j'essaie d'établir, c'est: s'il y a donc un principe qu'on peut convenir qu'il y a quelque part un minimum vital qui est celui, par exemple, qui s'adresse actuellement au niveau des personnes sans contrainte à l'emploi, que déjà on reconnaît qu'il y a un supplément qui est donné par la société à ceux qui ont des contraintes sévères à l'emploi, et que, si on peut bonifier les deux, si vous voulez, tant mieux, et que, entre les deux, aux personnes dont vous mentionnez, on doit donc viser une approche plus individualisée, dans le temps, par rapport aux besoins de la personne, de façon volontaire, mais incitative, sans pénalité supplémentaire à partir de ce minimum vital auquel on aurait convenu... Et je reviens sur, par exemple, des éléments comme l'assurance médicaments, qui est actuellement une pénalité supplémentaire, et les coupures pour non-participation à des mesures obligatoires. Je préfère une approche qui dit: Écoutez, si tu acceptes de faire les choses volontairement, on va t'accompagner financièrement également. Si tu n'acceptes pas, bien je continue à te donner ton minimum vital tout en étant conscient que ce n'est pas suffisant. Mais tu as le choix de faire une démarche sans que je te culpabilise pour être en situation de pauvreté.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Archambault.

M. Archambault (André): On est tout à fait d'accord. Là où on... Il faudra regarder c'est quoi, le seuil minimum, hein, c'est quoi, le revenu décent. Et, d'autre part, je réitérerais le fait que peinturer des gens dans le coin en les targuant d'être inaptes ou d'avoir des contraintes sévères, c'est ne pas reconnaître des contributions non marchandes qui sont très souvent le lot de nombre de personnes qui vivent des difficultés, mais qui sont aussi des aidants, qui sont aussi des personnes capables d'amener des contributions importantes autrement. Alors, je pense qu'effectivement il faudrait aussi regarder... Et, dans cette dichotomie apte et inapte, je pense qu'il y a là des éléments très caducs, là, qu'il faut considérer.

M. Sirros: On me signale que j'ai à peu près trois minutes qui me restent, juste une question un peu plus technique, si vous voulez. J'ai évoqué ce matin, sur la question de l'Observatoire, le nom du Conseil comme possible lieu de gestion de l'Observatoire. J'aimerais avoir un peu votre réaction, c'est-u quelque chose que le Conseil pourrait faire de par son mandat? Est-ce qu'il y a de l'intérêt pour ça? Est-ce que c'est quelque chose qui serait incompatible avec... Comment vous réagissez?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Morais.

Mme Morais (Hélène): On attendait la question.

Une voix: ...on veut la job.

M. Sirros: Je présumais que vous l'attendiez.

Mme Morais (Hélène): Le Conseil lui-même ne s'est pas prononcé là-dessus. La position du Conseil, c'est une réserve quant à la création d'un nouveau conseil consultatif. Non pas qu'il n'est pas pertinent, pour l'expérience sur laquelle on se base, d'un organisme qui réussit, je le souhaite, à faire l'interface entre différents acteurs de la communauté et le gouvernement. Cette dynamique-là nous apparaît être un mécanisme démocratique utile, mais on pense qu'il existe déjà plusieurs conseils qui sont concernés par les problèmes de pauvreté et qui doivent continuer de se préoccuper de la question de la pauvreté et des problèmes d'exclusion sociale. Je pourrais mentionner le Conseil permanent de la jeunesse, qui a fait, tout récemment, des travaux sur la conciliation famille-travail, les difficultés, la précarité d'emploi des jeunes et, bon, d'autres que vous connaissez, le Conseil supérieur de l'éducation, qui se préoccupe de ces questions-là, le Conseil du statut de la femme, le Conseil de la famille, et il nous semble que de créer un autre, c'est un peu comme dire à ceux-là: Bien, vous vous en êtes assez bien occupés, il y en a un qui va s'en occuper.

Ce que nous, on partageait comme réflexion en préparant la réponse à votre question, c'est de dire: Il faut maintenir cette responsabilité-là des conseils et il faut interpeller les conseils sur une dynamique qu'ils pourraient créer entre eux. On a déjà commencé, les conseils, à certains moments, à échanger. On a déjà pris ensemble position publiquement, certains conseils, en incluant l'Office de protection des personnes handicapées, qui s'ajoute à ceux que j'ai mentionnés, le Conseil des communautés culturelles qui pourraient être interpellés eux-mêmes davantage par le gouvernement pour créer des ponts entre eux, des ponts de façon formelle, avec des responsabilités qui pourraient être associées à une responsabilité autour de l'Observatoire. Parce que je pense que l'idée de l'Observatoire, elle est bonne dans la mesure où on veut mettre en commun des expertises qui vont permettre d'aller plus loin sur la compréhension du problème de la pauvreté, sa mesure et son évaluation sur le plan qualitatif aussi ou le lier, bon, possiblement à l'Institut pour les raisons qui ont été mentionnées. Mais on sait très bien aussi que ces éléments de connaissance là ne sont pas suffisants pour soutenir les débats et qu'un conseil a aussi cette responsabilité-là de rendre les connaissances, les informations disponibles pour le débat, pour qu'elles puissent être communiquées aussi. Donc, il ne faut pas que l'Observatoire soit trop loin de ceux qui ont à introduire des dimensions de valeurs dans les choix à faire, tel que vous le mentionniez tout à l'heure. Alors, à ce moment-ci, là, c'est l'état de notre réflexion.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci.

M. Sirros: Merci beaucoup.

n(17 heures)n

Mme Morais (Hélène): Et, si le gouvernement mandatait le Conseil santé et bien-être pour assumer la responsabilité, bien, le Conseil devra le faire, évidemment.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Sirros: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, Mmes Morais, Trépanier, M. Archambault. Merci de nous avoir fait partager votre expérience.

Alors, j'inviterais maintenant les représentants de l'Association des régions du Québec de bien vouloir prendre place, et je suspends pour quelques secondes.

(Suspension de la séance à 17 h 1)

 

(Reprise à 17 h 4)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous accueillons maintenant les représentants de l'Association des régions du Québec. Bienvenue à M. Robin P. Bélanger qui est deuxième vice-président de l'ARQ et président du CRD Côte-Nord et maire de Fermont. Alors, M. Bélanger, je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, et vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Association des régions du Québec (ARQ)

M. Bélanger (Robin P.): Alors, à ma droite, Mme Monique Dubuc, directrice générale de l'ARQ, et, après ça, on a Mme Lorraine Carrier qui est professionnelle de l'ARQ, qui est attitrée effectivement au dossier de l'économie sociale.

Alors, Mme la Présidente de la commission des affaires sociales, Mme la vice-présidente, Mme la ministre d'État à l'Emploi et à la Solidarité sociale, Mme la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion, le porte-parole de l'opposition officielle en matière de solidarité sociale, membres de la commission des affaires sociales, bonjour.

C'est avec un grand intérêt et enthousiasme que je participe aujourd'hui aux audiences publiques de la commission des affaires sociales sur le projet de loi n° 112, alors un enthousiasme qui reflète celui de mes collègues des conseils régionaux de développement qui ont accueilli très favorablement le projet de loi n° 112. C'est en leur nom que je présente aux membres de la commission le mémoire de notre porte-parole officiel, l'Association des régions. En ma qualité de deuxième vice-président de l'ARQ, je réitère notre appui au gouvernement de lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale et de vouloir en faire une priorité pour tout le Québec. Nous saluons particulièrement l'initiative de la ministre d'État à la Solidarité sociale, Mme Linda Goupil, qui, dans la foulée des travaux du ministre Jean Rochon, a mené à terme la stratégie de lutte à la pauvreté, soutenue dans cette démarche par vos collègues, Mme Nicole Léger, ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion, et par Mme Jocelyne Caron, secrétaire d'État à la Condition féminine.

Se mobiliser en vue d'améliorer la situation économique et sociale des personnes et des familles qui vivent dans la pauvreté et qui sont exclues socialement, de réduire les inégalités, de développer et de renforcer le sentiment de solidarité et de cohésion sociale dans l'ensemble de la société québécoise est un objectif auquel nous adhérons et pour lequel chaque région veut apporter sa contribution.

Le présent projet de loi constitue un geste innovateur et audacieux pour tout le Québec et une avancée significative sur la scène mondiale. De manière concrète, l'ARQ y voit une volonté réelle de la part du gouvernement de donner suite aux consultations menées et orchestrées par les CRD, dans toutes les régions du Québec. Ce fut pour chacune d'elles une occasion privilégiée de faire le point sur les travaux réalisés en matière de lutte à la pauvreté depuis notamment la tenue du Forum national sur le développement social, en 1998.

Nous vous présentons aujourd'hui les préoccupations issues des consultations régionales et qui portent essentiellement sur la reconnaissance et le soutien de chacune des régions d'agir efficacement pour le mieux-être économique, social et culturel de leur collectivité. Les recommandations qui suivent se veulent constructives et facilitantes en regard de la mise en oeuvre de la stratégie de lutte à la pauvreté.

Tout d'abord, un premier constat. Tous, au Québec, société civile et gouvernement, reconnaissent la complexité de la pauvreté. C'est un phénomène qui soulève des défis d'ordres démographique, économique et social et qui porte atteinte aux conditions de vie des individus et des collectivités. Malgré tous les efforts consentis au Québec pour atteindre un niveau de vie satisfaisant, les écarts sociaux persistent entre les individus, entre les régions et au sein d'une même région.

Un deuxième constat: Tous, au Québec, société civile et gouvernement, reconnaissent la nécessité et l'urgence de mener une action solidaire, globale et durable, d'une part, parce que nous voulons s'attaquer aux causes et aux conséquences de la pauvreté; briser la reproduction sociale de ce problème; permettre le développement global des individus dans ses dimensions sociale, économique et culturelle; répondre efficacement aux besoins des populations, et, d'autre part, parce que nous voulons une action gouvernementale cohérente aux paliers local, régional et national et qui associe la société civile aux prises de décisions la concernant.

L'ensemble des CRD accueillent donc favorablement le projet de loi n° 112 qui crée l'obligation pour le gouvernement de déposer un plan d'action et qui institue un fonds affecté au financement d'initiatives visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Les CRD y voient une opportunité d'aller plus loin et d'innover.

Une question demeure entière: Comment agir sur les causes et les impacts de la pauvreté et de l'exclusion sociale d'une manière efficace et à long terme?

Voilà le coeur de nos préoccupations et ce sur quoi, à travers l'expertise et les connaissances qu'ont les CRD de leur région respective, nous avons orienté notre réflexion, au sein de l'Association des régions. L'expertise développée par les CRD au cours des 40 dernières années en matière de concertation locale et régionale peut largement contribuer à la mise en oeuvre de la stratégie de la lutte à la pauvreté.

Rappelons ici que les conseils régionaux de développement sont reconnus à titre d'interlocuteurs privilégiés du gouvernement, en matière de développement économique, social et culturel des régions. Leur mandat consiste à susciter et à soutenir le développement de leur région, dans toutes ses dimensions. Le palier régional est le lieu de concertation, d'harmonisation et d'élaboration des stratégies de développement, et ce, à ce titre, le CRD est l'interface entre l'État et les milieux locaux et régionaux. Par ailleurs, les CRD émanent de la société civile, sont représentatifs des forces vives de chacune des régions, c'est-à-dire de l'ensemble des décideurs locaux et régionaux des différents secteurs d'activité de leur territoire.

Les CRD ne sont pas à leur première arme en matière de lutte à la pauvreté et à l'exclusion. En effet, en 1997 et 1998, dans le cadre du Forum national sur le développement social, les CRD, en collaboration avec les régies régionales de la santé et des services sociaux, ont organisé des forums locaux et régionaux sur le développement social. Ces forums ont permis aux régions de poser un diagnostic sur les pratiques et les outils en développement social.

n(17 h 10)n

Suite à cette mobilisation qui a permis d'identifier des enjeux régionaux, plusieurs des CRD ont inscrit la problématique du développement social à leur plan stratégique de développement. Pour une majorité des régions, la préoccupation du développement social s'est traduite par des objectifs de lutte à la pauvreté, de lutte contre l'exode et l'exclusion des jeunes, de questions relatives à l'emploi et au marché du travail et d'isolement des individus, en raison des moyens de transport déficients.

Pour coordonner les travaux, une table et une commission sectorielle a été mise en place au sein des CRD. Actuellement, les CRD ont terminé ou sont sur le point de terminer leur exercice de renouvellement de planification stratégique identifiant pour les cinq prochaines années les axes et les priorités de développement de leurs régions. L'exercice de planification stratégique mobilise plusieurs centaines de personnes, dans chacune des régions. Cette planification se traduit par une stratégie cohérente visant à développer, de façon harmonieuse, toutes les facettes de la région. Le développement social ainsi que la lutte à la pauvreté et à l'exclusion demeurent au coeur des préoccupations des régions et de leurs priorités d'action.

Plus récemment, à l'automne 2001, dans le cadre de cette démarche d'élaboration d'une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale du Québec s'est tourné vers les conseils régionaux de développement et leur a confié le mandat d'organiser les consultations auprès des acteurs locaux et régionaux. Ces consultations devaient permettre, dans un premier temps, de dégager des consensus sur les orientations à privilégier et les grands axes d'actions prioritaires dans le cadre des efforts de lutte contre la pauvreté, en tenant compte des propositions du document Ne laisser personne de côté. En second lieu, les consultations devaient aussi permettre d'identifier les enjeux régionaux et les priorités d'action qui en découlent ainsi que préconiser comment le gouvernement peut mieux soutenir les actions des régions, afin de lutter contre la pauvreté et favoriser la mobilisation de l'ensemble des intervenants autours de cette lutte.

En regard des priorités d'action, plusieurs régions ont identifié le transport collectif, l'alphabétisation, le logement social et la formation sous toutes ses formes comme cible d'intervention en matière de lutte contre la pauvreté. Pour y travailler efficacement, les CRD préconisent trois avenues suivantes.

Premièrement, reconnaître et soutenir, par des mesures appropriées, le potentiel de chacune des régions d'agir efficacement pour le mieux-être de leur collectivité. Pour les communautés, cela implique un renforcement de la mobilisation et de l'appropriation de leur développement, et, pour l'État, une volonté de plus en plus affirmée de gérer la différence de vivre avec l'asymétrie des territoires et de leurs besoins et des solutions qu'il propose.

Deuxièmement, développer une stratégie intégrée d'intervention à des fins de cohérence et d'harmonisation à tous les niveaux et dans tous les champs d'activité, une stratégie qui fera évoluer l'ensemble des acteurs par le biais du partenariat gouvernement-région, tel que le préconise la politique de soutien au développement local-régional, d'une approche territoriale qui prend en compte les spécificités régionales, d'une approche intersectorielle qui optimise les actions d'un ensemble d'acteurs socioéconomiques et culturels en vue d'une action durable et d'une approche interrégionale qui mise sur la compétence et la coopération des régions.

Troisièmement, renforcer ce qui fonctionne.

Quatre recommandations des CRD: premièrement, identifier et reconnaître la région administrative comme étant l'unité territoriale de planification, de concertation et de développement approprié pour que les enjeux d'équité interrégionale et intrarégionale soient traités, que les arbitrages entre les objets et les enjeux de développement local puissent se faire, mener à terme des projets d'envergure en fonction de masses critiques significatives, que l'émergence d'un partenariat interrégional soit renforcé et facilité, avoir un nombre optimal d'interlocuteurs pour assurer, naturellement, l'efficience et l'efficacité.

Deuxièmement, régionaliser le fonds affecté au financement d'initiatives visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale en regard du choix des priorités et d'une enveloppe régionalisée.

Troisièmement, mettre en place, dans chacune des régions du Québec, un mécanisme suivi et/ou de coordination sous l'égide des CRD et en partenariat avec le gouvernement. À cet effet, le gouvernement et chaque CRD concluent une entente de collaboration qui précise la nature du mandat et qui met en place les ressources nécessaires à cette fin.

Quatrièmement, confier au Conseil de la santé et du bien-être la mise en oeuvre et le fonctionnement de l'Observatoire de la pauvreté et de l'exclusion sociale en lien avec les instances régionales de suivi et de coordination.

Enfin, au nom des conseils régionaux de développement, l'Association des régions du Québec remercie la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale de nous avoir prêté audience. Soyez assurés de notre engagement et de notre collaboration à l'atteinte de vos objectifs pour un Québec solidaire, dynamique et prospère, sans pauvreté. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie, M. Bélanger, pour la présentation de ce mémoire. Je cède maintenant la parole à la ministre d'État.

Mme Goupil: Merci, Mme la Présidente. Alors, merci beaucoup de votre présentation. Je vais être brève parce que j'ai plusieurs de mes collègues qui souhaitent vous poser quelques questions.

Hier, j'étais en rencontre de travail avec tous les directeurs régionaux des CLE qui relèvent du ministère de la Solidarité, et, presque unanimement, ils émettaient un commentaire extrêmement positif en disant toute l'importance que l'on devait accorder à la mise en place dans chacune des régions d'un mécanisme de coordination pour décentraliser puis permettre à chacune des régions d'avoir les outils les plus accessibles possible.

Vous avez parlé beaucoup du leadership des régions, du CRD, dans sa mise en oeuvre de la stratégie. Comment voyez-vous le rôle et des villes et des MRC?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bélanger.

M. Bélanger (Robin P.): Je prends l'exemple de la Côte-Nord, celle que je connais le plus; naturellement, je sais que toutes les régions ont un peu une dynamique ou un portrait un peu différent. Mais, au niveau de Côte-Nord, il y a une étroite collaboration entre les villes, les MRC et naturellement le conseil régional de développement.

D'ailleurs, si on regarde un peu toute la politique de développement local régional, autant les CLD que le CRD travaillent étroitement ensemble sur toute l'harmonie ou le développement du territoire. Le meilleur exemple, on parle... on sait que, dans un avenir rapproché, il y aura le Rendez-vous national des régions, et, chez nous, on l'a fait, on a commencé l'activité de cette démarche-là par naturellement chacun des CLD présents sur le territoire. Alors, par un mandat de leur MRC, les CLD ont agi un peu de première ligne. Ils sont allés chercher naturellement l'information au niveau de la clientèle.

On a travaillé ensuite ensemble avec le CRD pour essayer de trouver la façon d'arrimer tous ces différents scénarios-là qui se développaient sur, exemple, le territoire de la Côte-Nord, et je sais que chaque CRD naturellement a une démarche à peu près similaire avec les partenaires, c'est-à-dire qu'on travaille dans le fond en étroite collaboration, que ce soit au niveau de chaque domaine auquel on touche.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci.

Mme Goupil: Merci beaucoup. Je vais céder la parole à mes collègues.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme la députée de Crémazie. Ah! Je m'excuse, Mme la ministre déléguée. Je m'excuse.

Mme Léger: Merci. Bonjour, M. Bélanger.

M. Bélanger (Robin P.): Bonjour.

Mme Léger: Bonjour, mesdames. Alors, je vois que vous appuyez la volonté du gouvernement d'en faire une priorité pour tout le Québec avec ce projet de loi là, que vous considérez que ça constitue un geste innovateur et audacieux, d'une part.

Vous dites aussi que vous reconnaissez dans le projet de loi que le gouvernement vient supporter les initiatives locales et régionales, que ça constitue un pas majeur. Nous en sommes fiers, et nous voulons évidemment donner encore plus suite à ce geste-là.

Vous dites en même temps que le gouvernement a donné suite aux consultations menées par les CRD, notamment par les forums de développement social et aussi la validation du document Ne laisser personne de côté, dont nous avons fait la tournée à travers le Québec. Dans cette tournée-là... d'ailleurs, je salue et remercie toute l'Association et chacun de vos membres de chacune des régions, parce que la tournée, ce n'était pas simple nécessairement de constituer tout l'apport de toute votre communauté dans chacune des régions du Québec. Ça a été absolument extraordinaire; ça a été même essentiel. Si on a aujourd'hui aussi un projet de loi, ça a été, à travers tout ça, l'apport évidemment du Collectif mais l'apport de toutes les régions, de tout ce qui a été apporté, tout ce qui a été dit, tout ce qui a été amené, de ce que vous avez convaincu, dans le fond, convaincu toutes les initiatives qui pouvaient se faire autour d'un projet loi, d'une part.

J'étais toujours un petit peu désolée quand je fais le tour de ne pas rencontrer beaucoup d'entreprises ou les gens du milieu économique. Ce sont de vos partenaires parce que dans toutes les régions du Québec, pour faire cette synergie-là puis arriver à faire des planifications stratégiques, et dans la lutte à la pauvreté, pour en arriver avec des actions très locales, vous soutenir aux niveaux régional et local, c'est sûr qu'il faut l'apport de tout le monde, de tous les partenaires.

Comment vous pouvez aller chercher davantage leur collaboration? Ce sera ma première question. Comment on pourrait davantage pousser nos partenaires à ce que tout ce développement social mais particulièrement la lutte à la pauvreté pour qu'elle devienne émergente et absolument essentielle dans votre région, particulièrement sur la Côte-Nord ou ailleurs, comment on peut aller chercher davantage leur appui?

n(17 h 20)n

Et vous parlez d'un mécanisme de suivi ou de coordination sous l'égide des CRD, là. J'aimerais ça que vous m'identifiez ce que vous voulez dire particulièrement sur ce mécanisme de suivi là. Vous parlez d'un partenariat interrégional, en tout cas, vous me dites quelques éléments, là.

Alors, j'aimerais davantage comprendre, parce que vous savez qu'il y a un fonds spécial, et je suis en train de rencontrer... en tout cas, le gouvernement, on est en train de rencontrer quelques régions pour savoir un peu la suite du Fonds de lutte à la pauvreté, comment il deviendra un fonds spécial mais comment on peut davantage l'articuler pour soutenir vos actions locales et régionales, mais, en même temps, d'être capables de répondre aux MRC pour qu'il puisse se faire de l'action locale, et vous, particulièrement la planification régionale. Alors, on s'enligne à ce niveau-là. C'est des scénarios qui sont sur la table. Alors, j'ai besoin d'avoir un petit peu votre éclaircissement aujourd'hui du partenariat et du mécanisme de suivi.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bélanger.

M. Bélanger (Robin P.): La première question, on parlait naturellement des gens des affaires, hein? Bon, c'est sûr que, lorsqu'on a fait la tournée au niveau de la Côte-Nord et lorsque vous êtes venue en Côte-Nord, on avait effectivement les gens de la grande entreprise qui étaient présents, on avait les gens d'Alouette, on avait les gens de... Alors, chez nous, on était un peu privilégié parce qu'effectivement ils étaient très présents...

Mme Léger: ...le vice-président, là, de l'ARQ que je veux...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger (Robin P.): Alors, effectivement, au niveau de mes collègues, je ne suis peut-être pas en mesure de vous dire nécessairement est-ce que les efforts sont faits pour s'assurer que tous les gens, dans leur milieu respectif, au niveau des affaires sont effectivement présents ou sont sollicités.

Effectivement, quand on fait une démarche de consultation, on envoie les invitations, on demande à tout le monde effectivement de participer d'une façon très directe, mais il y a souvent aussi des absents. On sait, même au niveau des députés, des fois ils sont absents au niveau de nos tables parce que, effectivement, ils ont d'autres engagements. Mais au niveau du partenariat, on ne peut pas être sur... sur le terrain sans avoir naturellement les gens de l'industrie ou du commerce qui sont aussi présents. Ils sont un élément-clé, au niveau de la démarche. Et on ne peut pas, je pense, arriver avec des solutions sans que, eux, en soient partie prenante. Et, effectivement, à ce niveau-là, je ne sais pas si Mme Dubuc voudrait compléter.

Mme Dubuc (Monique): C'est effectivement, en fait, nécessairement à l'intérieur des régions un défi qu'on a régulièrement d'inviter ou de convier les gens des milieux des affaires à participer à des consultations, à des concertations. C'est un défi qu'on a sans cesse à relever, et les moyens pour les atteindre sont variés, d'une région à l'autre. Bon. Certains qu'on...

On disait: Bon, pour la Côte-Nord, ça a bien été, pour d'autres régions, ça a été... bon, il a fallu vraiment user d'imagination et de créativité pour atteindre cet objectif-là, compte tenu de la préoccupation. Nécessairement, la préoccupation première des entreprises est la gestion de leur entreprise et nécessairement de créer la richesse, de partager la richesse, oui. Mais ce n'est pas toujours évident, là, de dire: Bon, est-ce que vous seriez disponibles pour une journée de travail sur un sujet qui les touche, oui, nécessairement, mais qui ne les touche peut-être pas nécessairement directement. Et c'est ça qui est un défi constant qu'on a à relever.

Mme Léger: C'est un immense défi qui va vous appartenir aussi à travers tout ça.

Mme Dubuc (Monique): Oui.

Mme Léger: Parce qu'à chaque fois qu'on discute ou qu'il y a des échanges particulièrement sur la lutte à la pauvreté, on parle particulièrement des groupes sociaux, des groupes communautaires et le gouvernement. Et comment peut-on donc faire une lutte contre la pauvreté et l'exclusion au Québec si les autres partenaires ou les gens, même de la société civile, ne sont pas partie prenante de ce gros défi là? Et l'un d'entre eux, et, évidemment, vous, dans les CRD particulièrement ou l'Association, de faire ce défi-là dans vos régions respectives mais probablement peut-être par l'Association, je pense qu'il y a un défi de taille à les faire... pour aller vraiment chercher toute, je pourrais dire, cette concertation-là et surtout cette collaboration-là des entreprises, et un gouvernement ne peut pas faire ça tout seul.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Dubuc.

Mme Dubuc (Monique): Les régions non plus ne peuvent pas le faire toutes seules. Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ça va? C'est terminé, oui.

Mme Léger: Oui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Crémazie.

Mme Blanchet: Merci. Mesdames, monsieur, bonjour. Merci de votre mémoire. Je vous dirais, M. Bélanger, pour faire suite à la présence de certains individus ou pas, il n'y a pas juste seulement dans les régions qu'il y a certains députés qui ne sont pas présents. Je voulais juste vous dire ça.

Pour revenir à votre mémoire, lorsque vous parlez de la régionalisation du Fonds, disant: Nous sommes déjà bien branchés, nous, sur le terrain comme association, chacun des CRD. Bon. On a commencé à en parler tantôt avec l'intervention de ma collègue, vous lui avez répondu dans ce sens-là aussi: Les CLD sont là aussi sur le terrain, c'est la politique de développement local, régional. On a les CLE aussi qui sont aussi très, très branchés.

Donc, pourquoi vous pensez que, vous, les CRD, vous seriez plus en mesure qu'une autre instance comme par exemple les CLD pour assurer le suivi, la coordination de ce fonds-là? Et, en même temps, on en revient toujours à la fameuse répartition d'une belle grosse enveloppe. On sait que ce n'est pas toujours évident de trouver le meilleur mécanisme au monde qui fait que toutes les régions seront toutes contentes du montant qu'elles recevront; nous avons chacune nos particularités.

Moi, je suis de Montréal, le débat se fait, même nous, entre secteurs de la ville de Montréal. Donc, je peux imaginer ce que ça peut demander ou... en tout cas, ce que ça peut représenter pour des grandes régions avec des grands territoires comme le vôtre avec votre chapeau de maire.

Donc, quel mécanisme... sinon on pourrait essayer de trouver la meilleure recette, est-ce que vous auriez des suggestions à faire et qui devrait travailler à établir les critères de ces mécanismes-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bélanger.

M. Bélanger (Robin P.): Peut-être le premier aspect de la réponse ou de la question: Pourquoi le CRD serait peut-être un intervenant intéressant au niveau, je dirais, de l'enveloppe? Moi, j'irais peut-être plutôt par, par exemple, approche au niveau de la logique. Au niveau municipal, souvent on a une tendance à se regarder le nombril puis on ne voit pas dans la cour du voisin parce qu'on regarde qu'est-ce qui se passe chez nous.

Au niveau de la MRC, souvent on entend, là, un peu des cohésions entre les villes, puis la grosse ville-centre veut avoir le contrôle de la MRC avec la double majorité, puis on perd la vision de l'ensemble, je dirais, de la région, la région administrative en soi. Et, au niveau du CRD, je crois qu'on a l'avantage d'avoir la vue d'ensemble. Je ne dis pas qu'on est les seuls, mais on a au moins l'avantage d'avoir la vue d'ensemble et d'être capables d'éliminer, je ne dirais pas, cet esprit de clocher, mais s'assurer que tout le monde puisse prendre en conscience les difficultés de un par rapport aux difficultés de l'autre ou les avantages importants de un par rapport aux désavantages de l'autre.

Alors, dans notre approche, je dirais, de cohésion et d'échange avec nos différents milieux, on est capables effectivement de s'assurer que tout le monde puisse apporter un peu d'eau dans son vin. C'est sûr qu'on essaie toujours de tirer la couverte de son bord, tout le monde essaie d'avoir le maximum, puis, je veux dire, c'est un peu la nature humaine de chaque organisme.

Vous avez dit tantôt, effectivement, vous venez de Montréal, et je sais que, lorsqu'on se rencontre, nous, avec les gens de Montréal, naturellement on a un grand débat soit sur le grand territoire ou la quantité de population. Donc, ce seront toujours des approches divergentes, mais je crois, quand on arrivera à regarder une formule de distribution...

On a réussi dans le passé à faire la répartition de l'enveloppe au niveau des CRD, au travers du Québec. On a réussi à s'entendre sur la distribution des enveloppes au niveau des CRD en trouvant des formules, des mécanismes d'approche, que ce soit la population, la richesse foncière ou ainsi de suite. Je crois qu'il sera tout à fait, je pense, je ne dirais pas, facile, mais, à toutes fins pratiques, je dirais, en termes d'échanges, on pourra sûrement trouver une formule à laquelle tout le monde y trouvera son compte. C'est sûr que, en bout de piste, on dira toujours que l'enveloppe ne sera jamais assez suffisante; ça, on en convient très bien. Je veux dire, les CRD pourraient en faire plus si on avait plus d'argent, mais, je veux dire, il y a toujours une question naturellement: l'État a tant d'argent, il faut balancer les budgets. Mais l'enveloppe qui sera disponible sera utilisée à bon escient et elle sera distribuée d'une façon, je pense, cohérente dans la façon qu'on voudra attaquer le problème et que le gouvernement voudra prioriser les pistes d'action.

Alors, à ce niveau-là, moi, je n'ai pas de crainte. On va avoir, oui, des bons débats; on va se parler entre quatre yeux. Mais, en bout de piste, il faut penser naturellement qui on veut desservir, et c'est les gens qui sont sur le terrain, qui ont un manque flagrant soit d'argent ou d'encadrement, et c'est à ça qu'il faut répondre.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je regrette, Mme la députée de Crémazie, le temps maintenant mis à votre disposition est complété. Alors, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente. M. Bélanger, Mme Dubuc, Mme Carrier, bienvenue. Moi, j'ai deux questions sur lesquelles j'aimerais échanger avec vous. En premier, c'est: Vous n'étiez pas pour savoir que je suggérais que peut-être le Conseil de bien-être et de la santé assume l'Observatoire. Je ne savais pas que vous étiez pour le suggérer aussi. Je veux juste savoir: Qu'est-ce qui vous a amené, vous, à faire cette recommandation? Et, deuxièmement, comment est-ce que vous... parce que vous ajoutez aussi un élément en lien avec les instances régionales de suivi et/ou de coordination, si vous pouviez expliciter un peu plus sur ce que vous entendez par ça.

n(17 h 30)n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bélanger.

M. Bélanger (Robin P.): Bon. Tantôt, on a entendu les gens qui nous ont précédés effectivement dire: Bien, oui, ils pourraient l'être si le gouvernement décide que c'est eux qui devraient être l'Observatoire. Mais il y a un élément important qui a été soulevé, c'est l'effet naturellement d'une concertation entre les différents acteurs du milieu. Or donc, peu importe qui aura la responsabilité de l'Observatoire. Naturellement, tout le monde reconnaît son importance et sa nécessité, telles quelles, d'avoir une lunette et de regarder effectivement qu'est-ce qu'il se passe sur le terrain. Et nous, on est tout à fait d'accord à ce que naturellement ce soit, exemple, les gens de bien-être et santé. Mais ça peut être une combinaison naturellement de tous ces acteurs régionaux là qui partagent effectivement leurs connaissances pour s'assurer effectivement qu'on rencontre les objectifs visés par la politique mais aussi qu'on puisse apporter des diagnostics en cours de route et faire des corrections de tir, s'il y a lieu. Donc, on est d'accord effectivement qu'il y ait une concertation. Il faut qu'il y ait une concertation entre les acteurs. Ça, c'est clair.

M. Sirros: Donc, la création de nouvelles structures, pour vous non plus, ce n'est pas nécessaire?

M. Bélanger (Robin P.): Non.

Mme Dubuc (Monique): Non, non, au contraire. Je pense qu'il faut utiliser ce qu'on a puis, comme on disait tout à l'heure, il faut utiliser ce qui fonctionne bien. Alors, dans ce sens-là, les travaux que fait le Conseil de la santé et du bien-être sont excellents à cet égard. On reconnaît ce travail-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Carrier, vous avez un complément de réponse?

Mme Carrier (Lorraine): Oui, ça fait déjà cinq ans qu'on travaille avec le Conseil de la santé et du bien-être. En 1998, on avait élaboré toute une stratégie de forums locaux et régionaux. Et, pour avoir travaillé avec le Conseil de la santé et du bien-être, je pense qu'ils ont une expertise en termes de banques de données, de perspective et de planification qui pourrait être mise à profit et, compte tenu qu'ils sont déjà en lien, dans les milieux locaux et régionaux, je pense que c'est une valeur ajoutée, en tout cas, à l'atteinte de vos objectifs, d'atteindre le terrain.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: L'autre point que j'avais, c'est la question de la régionalisation des fonds affectés au financement d'initiatives visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Vous parlez d'une enveloppe régionalisée. D'abord, si vous pouviez préciser un peu plus de quel genre de... Vous parlez de quel fonds? Est-ce que vous parlez du Fonds de lutte à la pauvreté? Est-ce que tous les autres argents qui sont destinés à ça devraient être régionalisés dans une enveloppe régionale?

Et après ça, j'aimerais vous entendre un peu sur comment gérer ce fonds: administré par qui? comment établir les montants affectés aux différentes régions? selon quels critères? Est-ce que c'est le niveau de pauvreté? Est-ce que la population... En tout cas, je ne sais pas si vous avez réfléchi plus à fond sur cette proposition, mais j'aimerais vous entendre sur le quoi, le comment, sur quelle base et pour qui, par qui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bélanger.

M. Bélanger (Robin P.): Il y a eu une réflexion effectivement de faite. On est encore d'ailleurs, à ce moment-ci, en réflexion sur, je dirais, l'avenir des régions, parce que, effectivement, il y a un rendez-vous national qui va se faire bientôt. Il est bien évident, on demande aux régions un peu: Qu'est-ce que vous pourriez faire ou qu'est-ce que vous pourriez nous apporter de nouveau en termes d'actions gouvernementales en région?

Alors, un fonds... Si on regarde le Fonds de développement régional présentement qui nous est alloué par le gouvernement, on a d'ailleurs démontré qu'on était capable de faire beaucoup avec peu d'argent, et naturellement qu'il y avait un levier important au niveau de la collectivité régionale. C'est bien évident qu'un nouveau fonds qui vienne effectivement par le biais de la loi n° 112 ou les argents qui existent déjà, je crois que chaque conseil régional de développement est en mesure et prêt à l'assumer en fonction des responsabilités qui vont venir avec. Alors, effectivement, il y a toute une démarche parallèle qui est en train de se faire mais, par rapport à la lutte à la pauvreté, c'est qu'effectivement il y a un fonds qui est identifié, qui sera redistribué en région si c'est la volonté gouvernementale. Les conseils régionaux sont prêts effectivement à l'assumer et, dans le fond, on est imputable au niveau gouvernemental, comme on est un partenaire, je dirais, très associé en termes de développement et en termes d'actions. Je peux vous assurer effectivement notre collaboration à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Au niveau des montants à être affectés, avez-vous des critères pour l'établissement du Fonds? J'imagine que ce n'est pas juste en termes de... per capita. Il doit y avoir, j'imagine, d'autres éléments que vous suggérez que le gouvernement tienne compte dans l'établissement des enveloppes régionales?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Bélanger... Mme Dubuc.

Mme Dubuc (Monique): Il y aura une réflexion plus approfondie à faire à cet égard. Bon. Si on regarde le FDR, lorsqu'on parle du Fonds de développement régional, actuellement, l'enveloppe est partagée au nombre de régions. Mais je pense qu'il faudrait peut-être réfléchir un petit peu plus loin en regard de la situation de la région, au niveau de la pauvreté, quelle est sa situation actuelle, et à ce moment-là, à partir de l'enveloppe globale, voir à partager en fonction des besoins identifiés par les régions.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Ça va, Mme la Présidente. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, écoutez, il me reste, au nom de tous les membres, à vous remercier, messieurs dames, pour avoir accepté de participer à cette commission parlementaire. Alors, j'ajourne les travaux à demain, 9 h 30, dans cette même salle.

(Fin de la séance à 17 h 36)


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