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Version finale

36e législature, 2e session
(22 mars 2001 au 12 mars 2003)

Le mercredi 23 octobre 2002 - Vol. 37 N° 80

Consultation générale sur le projet de loi n° 112 - Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale


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Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

 
Mme Monique Gagnon-Tremblay, présidente
Mme Denise Carrier-Perreault vice-présidente
M. Gilles Labbé, président suppléant
Mme Linda Goupil
Mme Nicole Léger
Mme Manon Blanchet
M. Rémy Désilets
M. Christos Sirros
Mme Sylvie Lespérance
* Mme Ginette Rousseau, RRASMQ
* Mme Lise Caron, idem
* Mme Yolaine Simoneau, AQIS
* Mme Lise Cloutier, idem
* Mme Diane Milliard, idem
* M. Claude Vanasse, FQCRDI
* M. Michel Plourde, idem
* Mme Alice Landry, idem
* M. Pierre Cloutier, idem
* M. Yves Jean, ACJQ
* Mme Margot Gauthier, idem
* M. Pierre Lamarche, idem
* M. Bernard Normand, ICEA
* M. Daniel Baril, idem
* M. René Lachapelle, RQIIAC
* Mme Yolande Lépine, idem
* M. Marc De Koninck, idem
* Mme Nicole Lahaie, hôpital Douglas
* M. Claude Thérrien, idem
* Mme Sylvie Prévost, idem
* Mme Marie-Sylvie Saint-Pierre, idem
* Mme Noëlla Groleau, idem
* M. Marcel Faulkner, RPPADIM
* M. Michel Champagne, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-trois minutes)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous souhaite la bienvenue. La commission des affaires sociales, comme vous le savez, est réunie encore aujourd'hui afin de procéder à une consultation générale et de tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Alors, Mme Boulet (Laviolette) sera remplacée par Mme Gauthier (Jonquière); M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce) par M. Sirros (Laurier-Dorion); Mme Rochefort (Mercier) par Mme Mancuso (Viger).

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Alors, je vous fais lecture de l'ordre du jour. À 9 h 30, nous rencontrerons les représentants du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec; 10 h 15, l'Association du Québec pour l'intégration sociale; 11 heures, la Fédération québécoise des centres de réadaptation en déficience intellectuelle; 11 h 45, l'Association des centres jeunesse du Québec. Nous suspendrons nos travaux à 12 h 30 pour les reprendre après les affaires courantes, c'est-à-dire vers 15 heures, avec l'Institut canadien d'éducation des adultes; 15 h 45, le Regroupement québécois des intervenants et intervenantes en action communautaire, en CLSC et en centre de santé; 16 h 30, les représentants de l'hôpital Douglas; de même qu'à 17 h 15, le Regroupement des parents de personne ayant une déficience intellectuelle de Montréal, pour ajourner nos travaux à 18 heures. Alors, une journée bien remplie.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, j'accueille avec beaucoup de plaisir Mme Lise Caron, qui est membre du conseil d'administration, et Mme Ginette Rousseau, agente de liaison du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec. Je vous cède la parole, Mme Caron. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, et par la suite nous procéderons avec des discussions.

Regroupement des ressources alternatives
en santé mentale du Québec inc. (RRASMQ)

Mme Rousseau (Ginette): Bonjour. Tout le monde m'entend? Ça va? Mon nom, c'est Ginette Rousseau. Je vais juste vous présenter un petit peu comment on voulait procéder ce matin. D'abord, on aurait un thème d'une chanson qu'on voudrait... Juste vous mettre un peu dans l'ambiance de ce qu'on souhaitait faire aujourd'hui. La deuxième chose, on va vous présenter juste sommairement qui est le Regroupement des ressources alternatives. Et puis il va y avoir Lise qui va pouvoir vous faire un témoignage de ce que c'est que de vivre dans la pauvreté. Et, suite à ça, je vais y aller avec un bref résumé, là, du mémoire qu'on considérait aujourd'hui important de venir présenter de par la lunette, là, qu'on porte avec les organismes avec lesquels on travaille en santé mentale. Puis, suite à ça, bien il y aura la période de questions ou, en tout cas, l'échange qu'on pourra...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Donc, vous avez 15 minutes, Mme Rousseau.

Mme Rousseau (Ginette): Oui. D'abord, je pense que vous aviez en main... C'est une chanson de Sophie Anctil qui a pour titre Déficit, et elle nous a autorisées à vous parler de cette chanson-là. On aurait bien aimé ça, vous la chanter, mais on n'est pas très bon dans le chant. Je ne sais pas, est-ce que vous en avez une copie?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, nous avons...

Mme Rousseau (Ginette): Ce qui fait que, si on emploie les statistiques de notre monde économique, je coûte trop cher.

C'est ma seule et unique caractéristique, je coûte cher à ce monde qui, sans moi, serait prospère.

J'essaie de ne pas être malade et de ne pas étudier pour éviter au pays de s'endetter.

J'essaierai aussi de mourir jeune, mais pas du cancer.

Ça coûte cher à ce monde qui, sans moi, serait prospère.

Bien sûr, vu la conjoncture, tout le monde doit faire sa part, et l'euthanasie sauve des dollars.

Mourir dans la dignité, c'est pouvoir se vanter.

Mais moi, au moins, je ne vais plus coûter cher à ce monde qui, sans moi, serait prospère.

On hait notre voisin. C'est moi qui paie son pain avec mes impôts, puis il se plaint qu'il a encore faim. Bon à rien qui sait rien faire, il sait rien faire à part coûter cher.

On se vend à rabais à tous les employeurs. On essaie d'avoir l'air d'un «winner» dynamique, plein d'entregent, agressif qui serre les dents.

Ensuite, on se demande pourquoi c'est crevant d'être à l'image d'un monde qui se veut prospère.

Pourtant, des fois, je me dis que c'est le monde à l'envers. Les pauvres ont honte, puis les riches sont fiers.

Fiers de quoi? On se demande. De faire rouler l'économie comme un gros char de l'année qui écrase tous ceux qui vont à pied.

Fait que l'ampleur du déficit, c'est comme la grosseur de ta bitte, je m'en fous.

Fait que arrête de le sortir puis de le brandir à tous vents pour justifier tout ce qui n'a pas de bon sens.

Dans ce monde qui, sans moi, serait prospère, j'annonce à la baisse le cours de l'être humain. Les pertes dépassent les gains.

Être ou ne pas être qu'une dépense superflue ou un profit qui gonfle les surplus.

Mais, si on en croit les statistiques de notre monde économique, on coûte trop cher.

Voilà à quoi se résume notre gloire présente et posthume, on coûte trop cher à ce monde qui, sans moi, serait prospère, à ce monde qui, sans toi, serait prospère, à ce monde qui, sans nous, serait prospère.

C'est Sophie Anctil qui a écrit cette chanson-là. C'est une fille de Québec qui, maintenant, vit à Montréal. Elle vient d'avoir un bébé, ce qui fait qu'elle ne pouvait pas être avec nous aujourd'hui, mais elle aurait souhaité être là pour nous parler de...

Ce qui fait que c'est un petit peu ce ton-là sur lequel, souvent, les gens avec qui on travaille vivent dans la pauvreté. Puis, là-dessus, je vous amènerais à... Bien, c'est ça, le Regroupement des ressources alternatives, c'est un organisme qui existe depuis 1983, ce qui fait en sorte qu'on va fêter le 20e anniversaire bientôt. C'est 110, 115 ressources, en ce moment, qui sont un peu éparpillées partout au Québec qui travaillent finalement avec des gens qui sortent de psychiatrie, qui ont eu des moments difficiles dans leur vie. Et puis, suite à ça, c'est des groupes... des centres d'écoute téléphonique, c'est des maisons de transition, c'est des groupes d'entraide qui sont, c'est ça, un peu éparpillés partout au Québec, là, en ce moment.

Puis nos caractéristiques, bien c'est des petites ressources imbriquées dans la communauté, parce qu'on est avant tout des ressources communautaires. On est engagé socialement. On se distingue par la qualité de notre accueil, la polyvalence de nos structures et puis qu'on essaie de favoriser un rapport égalitaire entre les gens qui viennent nous voir et nous, bon, qui intervenons dans ces milieux-là. C'est des pratiques très différentes puis qui prônent finalement une vision globale de la personne, puis on essaie d'accueillir la souffrance et la détresse d'une autre façon pour un peu démystifier toute la folie. Puis, c'est ça, il y a aussi des ressources en intégration au travail qui sont parmi nous. C'est un petit peu ça, là.

n (9 h 40) n

Puis, par rapport à ça, bien je vais céder la parole à Lise qui, elle, est sur notre conseil d'administration depuis trois ans, qui a eu des périodes difficiles ? elle va vous en parler, en tout cas, tout ça ? puis qui vit dans la pauvreté. Puis, après ça, je reviendrai sur les éléments plus... sur lesquels on voudrait faire ressortir dans notre mémoire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Caron.

Mme Caron (Lise): Merci. Bonjour à tout le monde. Je m'appelle Lise Caron. J'ai 41 ans. Je vis au Bas-Saint-Laurent. Je suis diplômée en sciences pures et en horticulture ornementale, donc j'ai des études un peu. Je vais essayer de vous présenter un résumé de mon vécu par rapport aux problèmes de santé mentale puis à la pauvreté.

Moi, jusqu'à l'âge de 23 ans, j'avais eu une vie qu'on pourrait dire normale. Tout allait bien, j'avais fait des études, tout ça, puis, à un moment donné, c'est ça, je suis tombée malade. Ça fait que là il y a un cycle qui a commencé: hospitalisation, convalescence d'un an à dormir 18 heures par jour puis retour au goût de vivre. J'ai fait ça durant 14 ans, ce cycle-là. À un moment donné, c'est ça, à l'âge de 37 ans, j'ai rencontré quelqu'un d'une ressource alternative en santé mentale où j'ai été accueillie avec mon potentiel, toute la qualité d'un individu, d'un être humain. En partant, on m'a dit que je valais la peine de continuer, d'avancer, puis tout ça, puis j'y ai cru. Ça fait que, depuis ce temps-là, je travaille fort pour essayer d'évoluer.

Ça fait que, c'est ça, à l'âge de 37 ans, j'ai eu mon premier emploi. J'ai travaillé, depuis ce temps-là, dans cinq emplois différents où... J'étais toujours sur les emplois subventionnés par le gouvernement, dans le fond. Je n'ai pas réussi à compléter tous ces contrats-là à cause de ma situation de santé ? moi, j'ai de la difficulté à résister au stress ? sauf que j'ai quand même acquis des compétences utiles pour aller sur le marché du travail. Sauf que maintenant il y a un problème, vu que je n'ai pas été capable de compléter, on ne veut plus me donner de programme d'employabilité, parce qu'on dit que ma situation de santé est trop fragile, le facteur de stress, pour moi, c'est risqué que je tombe malade. Je n'ai pas réussi à compléter tous les projets, j'en ai complété seulement un. C'est ça. Ça fait que, moi, je me trouve à être bloquée presque à la case de départ à 37 ans, alors que j'ai de l'énergie pour... je veux travailler, je veux mériter ce qu'il y a dans mon assiette quand je mange un repas et je veux avoir mon droit de citoyenne comme tout le monde, parce que si je travaille... Moi, j'ai toujours eu dans l'idée que quelqu'un qui travaille acquiert son droit de citoyen un peu de cette façon-là. C'est ça, mes droits sont difficiles à être comblés à cause de ma situation de santé. Puis là, c'est ça, les agents à l'aide sociale, ils ne veulent plus me donner de projet à cause de mes difficultés de santé mentale puis le fait que j'ai eu des échecs. Alors, c'est ça.

En conclusion, ce que je pourrais dire, c'est que ça nous prend une philosophie de vie avec des qualités majeures de philosophie, parce que, pour accepter de vivre avec le minimum alors que tout le monde court après le maximum, je pense qu'il faut être capable d'être simple dans la vie. Ça fait que, là-dessus, je vous remercie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Je vous remercie beaucoup, Mme Caron, pour votre témoignage. Je cède la parole à nouveau à Mme Rousseau.

Mme Rousseau (Ginette): Oui. Bien, c'est ça, en ce qui concerne la loi, le Regroupement tient d'abord à soutenir le projet de loi n° 112 dans le sens de son amélioration. Je pense qu'on veut s'assurer de l'adoption de cette loi-là avant les prochaines élections, puis on favoriserait un changement de regard et de mentalité dans la société québécoise. Je reprends finalement un peu ce que le Collectif... Parce qu'on travaille avec le Collectif pour l'élimination de la pauvreté depuis déjà plusieurs années en termes de collaboration avec eux, ce qui fait en sorte que je pense qu'on voudrait réitérer les huit points du Collectif, à viser... à jeter un Québec sans pauvreté. C'est une des premières visées. Ensuite de ça, bien je pense qu'on veut fonder une stratégie proposée sur la réalisation effective, dans la dignité, des personnes puis aussi en lien avec les droits. Le troisième élément qu'on voudrait faire ressortir, c'est, bien, qu'on veut donner deux cibles à la loi sur 10 ans pour finalement, là, qu'il y ait le moins de personnes en situation de pauvreté puis aussi essayer de travailler sur l'élimination de l'écart entre le cinquième plus pauvre et le cinquième plus riche de la population.

Je vais y aller avec les grands traits de ces huit éléments-là. Associer aux buts de cette loi les trois principes proposés par le Collectif, je ne l'aborderai pas en détail.

L'autre dimension qu'on souhaite importante, introduire dans les orientations de la loi des dimensions essentielles qui en sont absentes en ce moment. On pense, entre autres, au droit à la dignité et à l'expertise des personnes en situation de pauvreté pour travailler beaucoup sur les préjugés, parce qu'on vit dans une société où il y a encore énormément de préjugés par rapport aux gens qui n'ont pas de travail, ce qui fait en sorte que c'est pour nous autres quelque chose de très important, et aussi à la nécessité de couvrir les besoins essentiels pour toute personne et toute famille, parce que, en ce moment, ce n'est pas ce qui se passe, et ça, on trouve ça très déplorable; une autre dimension, par rapport à l'amélioration des normes du travail et à la fixation du salaire minimum, qui nous apparaît très difficile en ce moment de par la conjoncture actuelle; puis aussi un autre aspect sur lequel je vais revenir un peu plus tard, mais sur le respect des différentes façons de contribuer à la société. Est-ce que ce n'est que par le travail rémunéré à 35 heures-semaine que les gens peuvent contribuer à notre société? Ce qui fait que, dans ce sens-là, je vais revenir là-dessus un petit peu plus tard. Puis une autre dimension, je pense, c'est toute la question de la fiscalité qu'on considère qu'il y aurait un débat de fond à faire là-dessus pour en venir à une garantie de revenu pour toute personne.

Aussi, on voudrait renforcer le caractère cadre et le programme de la loi par une clause d'impact. On trouve ça important que cette dimension-là soit aussi à l'intérieur du projet de loi.

Et les deux derniers éléments, bien ce serait de faire figurer dans l'énoncé initial du plan d'action la dimension de l'amendement à la Loi de l'aide sociale instaurant un barème plancher qui assure la couverture des besoins essentiels, parce que, en ce moment, vous êtes sûrement au courant, les gens qui ont 500 $, un petit peu plus, par mois puis qui refusent des programmes d'employabilité, ils se voient couper de 100 $ par mois, et, pour nous autres, c'est inacceptable. Ensuite de ça, le retour à la gratuité des médicaments pour les personnes à l'aide sociale et pour toute personne âgée recevant le supplément du revenu garanti. La dimension des médicaments, je vais revenir là-dessus, mais c'est une dimension très, très importante, entre autres en santé mentale. Et les gens se retrouvent réhospitalisés finalement pour toutes sortes de raisons, parce que, le 23, aujourd'hui, où on est, il n'y a plus d'argent, puis ils ont besoin de médicaments, puis ils n'ont pas le 16 $ pour payer à la pharmacie, ce qui fait que ça cause des problèmes assez importants chez plusieurs de nos membres.

Puis je pense que la dernière dimension, qui est plus quelque chose d'un peu plus large... Je pense qu'en ce moment il y a des travaux là-dessus aussi, mais on croit qu'on a besoin de logements sociaux, d'une augmentation considérable des logements sociaux en ce moment, qui pose énormément problème, parce que c'est un besoin essentiel que d'avoir un toit. Et, en ce moment, la crise du logement qui sévit, entre autres, à Montréal et dans plusieurs autres régions pose pour nous d'énormes difficultés quant à la pauvreté.

Et, ensuite de ça, appliquer d'abord les ressources budgétaires à la réduction des inégalités et des discriminations par des mesures urgentes. Pendant qu'on se parle, il y a encore des gens qui n'ont rien à manger dans le frigidaire à la fin des mois, et, pour nous autres, c'est inadmissible qu'au Québec que les gens vivent encore ce genre de situation là, ce qui fait qu'on considère que... dès que possible, il y ait des mesures urgentes à ce niveau-là pour combler ce manque à gagner là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En terminant, Mme Rousseau.

Mme Rousseau (Ginette): Oui. Bien, je voudrais peut-être attirer votre attention sur la honte et l'estime de soi diminuée qui sont pour nous, par rapport à la santé mentale, des éléments qui reviennent constamment puis qui affectent la santé mentale des gens. Autre chose qui nous... bien, toute la dimension des dures conditions de vie. Vous savez que le stress, augmenté à des problèmes de santé mentale, crée davantage de problèmes, et, souvent, ces problèmes-là sont reliés à un logement insalubre, à des fins de mois difficiles, à des problèmes qui sont en lien direct avec la pauvreté.

Autre chose, par rapport aux pistes alternatives à explorer, parce qu'on a essayé de voir comment est-ce que ça pourrait se faire dans la réalité, on croit qu'il existe en ce moment des organismes communautaires qui permettent aux gens d'avoir un lien d'appartenance, d'avoir un lieu de soutien social. Et, pour nous autres, c'est quelque chose d'important, quand on regarde la situation de la santé mentale et de la pauvreté. Il y a des liens qu'on fait à ce niveau-là.

n (9 h 50) n

Je voudrais attirer votre attention sur quelques petites affaires, certificats médicaux. En ce moment, les gens doivent payer pour des certificats médicaux, et on trouve ça inadmissible que les gens aient à payer pour des... Quand on a 500 $ par mois, d'avoir à payer des certificats médicaux, entre autres de passer d'un statut à un autre par rapport à leur état de santé.

Ensuite de ça, dans les dernières dimensions que je voudrais peut-être amener, pour nous autres, la question des femmes et la pauvreté, c'est quelque chose qui est problématique, cette dimension-là. Et on pense que les chèques uniques pour les couples, c'est quelque chose qu'on voudrait voir aboli, où chacun a son chèque, où chacun a plus d'autonomie. Pour nous autres, c'est quelque chose qu'on considérerait que ce serait déjà une avancée en termes de petits points à améliorer par rapport à ça.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Rousseau, malheureusement... Remarquez, je vous rassure cependant, les membres sont censés avoir lu le mémoire, en avoir pris connaissance. Alors, vous pourrez peut-être avoir une plus longue discussion pour échanger. Est-ce qu'en conclusion vous voulez...

Mme Rousseau (Ginette): Bien, peut-être en conclusion, on pense que le rôle de l'État demeure essentiel dans tous les programmes à ce niveau-là puis qu'on considère que sa responsabilité, c'est de redistribuer la richesse collective, et puis on peut probablement faire ça par un meilleur régime de fiscalité. Je vous laisserais là-dessus.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, Mme Rousseau. Sans plus tarder, je cède la parole à la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

Mme Léger: Alors, bonjour, Mme Rousseau, Mme Caron. Merci d'avoir déposé un mémoire et d'être venues le présenter ici, aujourd'hui, devant les membres de la commission.

Je voudrais d'abord souligner la contribution importante, dans le fond, de votre organisme qui regroupe plus de 110, 115 organismes à la fois communautaires pour... et alternatives en santé mentale.

Je lisais, Mme Caron, votre témoignage que vous nous avez fait, merci beaucoup. Vous avez le droit, comme tout le monde, à cette dignité et vous avez droit, tout le monde... Je regardais votre chanson, vous me l'avez lue tout à l'heure: «Les pauvres ont honte.» Les pauvres ne doivent pas avoir honte. Et on a institué une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. C'est pour ça qu'on est ici aujourd'hui, pour vraiment se donner des éléments et, je pourrais dire, de se doter de conditions favorables pour bâtir ce Québec-là plus juste et plus équitable. C'est le fondement de toute la stratégie nationale. Et, par cette loi-là, on institue cette stratégie-là.

J'avais une... C'est tombé dans mes mains la semaine dernière, une phrase, et je vais vous la lire: «L'infiniment petit geste de chacun a la toute-puissance de transformer l'infiniment grande misère humaine s'il est posé à l'unanimité.» Alors, cette phrase, pour moi, elle inspire aussi toute la stratégie nationale, qu'elle ne peut pas se faire seulement avec des groupes sociaux, des groupes communautaires, le gouvernement, je pense qu'il y a tout cet appel à la mobilisation là derrière cette stratégie nationale à la lutte contre la pauvreté pour aussi avoir plus de cohésion, plus de cohérence, particulièrement dans nos programmes.

Effectivement, vous avez nommé plusieurs éléments qu'on n'aura peut-être pas le temps de tous les voir, mais il y en a un particulier, celui des préjugés. Vous dites dans le préambule de votre mémoire, à la page 1, qu'il faut «favoriser un changement de regard et de mentalités dans la société québécoise». C'est un beau défi. Que croyez-vous qu'il serait souhaitable de faire pour combattre ces préjugés? Puis quelle tactique vous avez en tête, quelle stratégie vous avez en tête? Comment vous pouvez nous inspirer pour qu'on puisse abolir ces préjugés?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Rousseau ou Mme Caron. Mme Caron.

Mme Caron (Lise): Une possibilité, ce serait de donner la parole aux personnes qui vivent dans cette exclusion-là. Moi, quand on a commencé à me donner la parole, les gens autour de moi ont commencé à comprendre ce que je vivais. Donc, ils ont été plus ouverts à me reconnaître en tant que personne qui a de la valeur.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la ministre.

Mme Léger: À moins que Mme Rousseau veut compléter.

Mme Rousseau (Ginette): Ce serait dans le même sens aussi. Par rapport à cette diminution de préjugés là, je pense que le Collectif, depuis cinq ans, a fait beaucoup de travail là-dessus, continue à faire du travail là-dessus. On travaille en collaboration avec cet organisme-là. C'est sûr que de laisser la place aux personnes qui vivent dans ces situations-là, parler de leur histoire va faire toute la différence. Ça, c'est un élément, je pense, qui est essentiel, qu'on oublie assez souvent, ce qui fait que, oui, effectivement, c'est quelque chose sur lequel je pense qu'il serait bien important de tabler.

Autre chose, une autre petite dimension, je pense qu'il y a une chasse aux sorcières en ce moment à ce ministère-là, le ministère du Revenu, en termes de tout ce qui est fraude. Et je suis tout à fait d'accord que ça n'a pas sa place, la fraude, mais on essaie d'imaginer des gens qui vivent à l'aide sociale avec 500 $ par mois puis qui doivent payer un logement de 400. C'est sûr que ces gens-là doivent survivre avec toutes sortes de moyens. Et, ils sont en survie, ce qui fait en sorte que c'est clair qu'il y a toutes sortes de méthodes qui sont prises. Mais il y a un acharnement de la fonction publique autour de ça où on cherche à dénoncer, à trouver toutes sortes de façons de dire que A a fait une petite job en quelque part. Le travail au noir, c'est sûr que c'est quelque chose qui existe dans ce milieu-là. On met beaucoup d'emphase là-dessus, puis je pense qu'il y aurait beaucoup d'autres énergies à mettre ailleurs que là-dessus pour pouvoir diminuer les préjugés, parce que je pense qu'on les entretient avec toute cette chasse aux sorcières là, là, que vraiment on cherche...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Léger: Vous dites, effectivement: Il faut les diminuer, les préjugés, mais je pense que c'est dans la cour de tout le monde. Et, il y a le gouvernement, d'une part, que vous nous dites, par rapport à la chasse aux sorcières, je pense que ce n'est pas du tout l'unanimité à ce niveau-là. Je pense qu'il y a beaucoup d'effort qui se fait. D'ailleurs, le fait de déposer une stratégie, ça implique toute une politique transversale du gouvernement. Donc, il y a beaucoup d'effort qui se fait à ce niveau-là. Mais, moi, je parle de l'ensemble des préjugés sociaux aussi. À travers le Québec, dans la société civile et partout, je pense qu'il y a beaucoup de travail qu'on a à faire, et il serait très intéressant que, vous aussi, vous puissiez nous aider à mieux nous inspirer pour, je pourrais dire, diminuer ces préjugés sociaux là.

Avant de laisser la parole à mes collègues, je vois que vous avez reçu des fonds de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, et un dernièrement pour un coordonnateur d'événements, et tout. Comment vous voyez l'apport du Fonds de lutte? Parce que le Fonds de lutte termine en 2003, et, dans le projet de loi, nous instituons un fonds spécial qui va être la transition entre le Fonds de lutte, qui va terminer en mars 2003... et avoir maintenant ce nouveau fonds spécial là qui va venir soutenir particulièrement les actions locales, régionales. Donc, on y donne suite. Comment vous voyez la suite du Fonds de lutte? Comment vous voyez... Est-ce qu'il y a des choses, des correctifs que vous aimeriez qui soient apportés?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Rousseau.

Mme Rousseau (Ginette): Bien, je pense qu'une des revendications qui existent depuis fort longtemps dans les organismes communautaires, c'est la continuité. Je pense que je suis tout à fait en accord avec vous, que, si vous nous dites que ça va se poursuivre, pour nous, c'est un élément essentiel qu'il y ait de la continuité dans les programmes. Puis il y a aussi toute la dimension de beaucoup de flexibilité, de souplesse. On travaille en santé mentale avec des gens qui, habituellement, ont de la difficulté au niveau du stress, et toute la souplesse des programmes pourrait permettre que ce soient des programmes d'intégration graduelle, en tout cas toutes sortes de façons qui pourraient permettre, là, une meilleure intégration des personnes, parce que... Puis aussi, c'est ça, là, toute la complexité des programmes, pour nous, c'est toujours problématique à ce niveau-là. Ce qui fait que, s'il y a de la continuité dans les programmes, ça pourrait... En tout cas, ce serait peut-être une chose, là, qu'on revendique depuis fort longtemps, puis je suis heureuse d'entendre que ça va probablement se poursuivre, là, parce que c'est souvent une difficulté pour les personnes, c'est que ça change continuellement. Les critères changent continuellement, leur admissibilité aussi, ce qui fait que ça complexifie énormément... Tous ces programmes-là complexifient beaucoup la vie des gens.

Mme Léger: Alors, on s'en va vers la continuité. Et assouplir, beaucoup de gens nous en parlent, et on est en train d'avoir différents scénarios, là, pour voir la suite des choses. Alors, je vais laisser la parole à mes collègues.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme la députée de Crémazie.

Mme Blanchet: Merci, Mme la Présidente. Mmes Caron, Rousseau, bonjour, bienvenue. Vous parlez... D'ailleurs, vous avez un petit peu abordé le sujet avec ma collègue, la participation... bon, vraiment enlever les préjugés que les gens peuvent avoir, mais aussi vous nous faites part du fait qu'il faut absolument tenir compte de la nécessité d'impliquer les personnes en situation de pauvreté dans différents aspects du travail ou de la vie de tous les jours, que ce soit par les différents programmes, donc à la vie québécoise, travailler, avoir un emploi, et tout ça.

n (10 heures) n

Mais je voulais voir avec vous si vous aviez d'autres suggestions à savoir comment on pouvait les faire participer justement aux processus qu'on veut instaurer avec la stratégie et le projet de loi. Mais plus particulièrement, dans le projet de loi, il y a des articles dans le projet de loi, l'article 21, l'article 34 qui proposent la participation justement de personnes qui sont en situation de pauvreté ou des gens qui les représentent dans différents organismes aux travaux de l'Observatoire et du Comité consultatif.

Est-ce que pour vous c'est déjà un bon départ dans la participation des personnes vivant des situations de pauvreté dans la vie de tous les jours et aussi aux travaux que la stratégie veut instaurer?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Rousseau.

Mme Rousseau (Ginette): Oui, je pense qu'effectivement on a vu que vous aviez inscrit ça à l'intérieur. C'est clair que, pour nous, il faut qu'il y ait un bon nombre de personnes dans ces situations-là qui soient autour de la table, parce qu'on constate souvent qu'il y a, dans un groupe de 12 à 15 personnes dans des comités, une ou deux personnes, et c'est souvent difficile pour elles de vraiment faire ressortir ce qu'elles vivent autour de ça, ce qui fait en sorte qu'on ne veut pas avoir des gens qui soient là, ne seraient-ce que des fantômes ou, en tout cas, des gens que ça donne bonne conscience à tout le monde, mais que finalement... Ce qui fait en sorte qu'il y a beaucoup de préparation à faire autour de ça, supporter ces gens-là, et on pense qu'il faut qu'il y ait plus qu'une ou deux personnes, là. Idéalement, moitié-moitié. En tout cas, ça, ce n'est pas mentionné dans... le nombre, là, mais pour nous c'est important qu'il y ait un nombre suffisant pour qu'ils puissent sentir un apport réel pour contribuer à ces comités-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée.

Mme Blanchet: Bien, c'est mentionné en quelque part, oui. À l'article 21, pour le Comité consultatif, il y aurait cinq personnes sur 10 qui... Bien, en fait, le tiers des membres seraient des personnes en provenance d'organismes ou de groupes représentatifs en matière de lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

Et, à l'article 34, vous avez d'indiqué deux membres sur les sept. L'Observatoire est dirigé par un comité de direction de sept personnes, mais deux membres proviendraient des groupes qui oeuvrent... En tout cas, peut-être qu'effectivement vous en voudriez plus, mais c'est quand même le tiers des membres, là, en ce qui concerne le Comité consultatif, qui seraient issus des groupes ou des personnes en situation de pauvreté. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Rousseau.

Mme Rousseau (Ginette): Non...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ça va?

Mme Rousseau (Ginette): C'est ça.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Oui. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste une minute et demie.

M. Désilets: Le temps de poser ma question.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): C'est ça, avec une brève réponse.

M. Désilets: Avec une brève réponse. Mme Rousseau, Mme Caron, d'abord merci d'être présentes. Merci, Mme Caron, pour votre témoignage. La pauvreté est tellement vaste, et votre vision, ce que vous avez vécu nous fait voir une des nombreuses facettes, puis merci de l'avoir exprimé.

À la page 7 de votre mémoire, vous nous dites: «Nous réclamons [...] un régime qui garantirait à toutes les personnes un revenu minimum garanti sans égard à la notion d'aptitude au travail et sans obliger quiconque à participer à un programme d'insertion.» Ma question: Comment voyez-vous les droits et les responsabilités des personnes par cette façon-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Rousseau.

Mme Rousseau (Ginette): C'est juste une question de motivation. On se rend compte dans nos groupes que, lorsque les gens travaillent dans des choses qui les intéressent, qu'ils ont des intérêts, qu'ils ont des talents pour, il y a une motivation accrue et ça va relativement bien habituellement. Quand on force des gens à être sur des programmes où il n'y a pas d'intérêt, où ils ne sentent pas une contribution, les gens se rendent malades, ce qui fait en sorte que, pour nous autres, c'est très important qu'on parte avec des gens qui ont le goût de ça, et ne serait-ce que par découvrir eux-mêmes c'est qu'est-ce qu'ils ont le goût. Mais ce n'est pas par la coercition qu'on croit qu'on va réussir à améliorer la situation au Québec concernant les gens qui vivent dans la pauvreté.

Je sais que les gens qui travaillent fort, 35, 40, 50 heures, voudraient bien que tout le monde travaille, mais ce n'est pas toute personne qui a la capacité, et le stress autour de la production et la compétition dans le monde du travail actuel ne nous permet pas de croire que c'est possible de s'en aller dans cette direction-là. Merci, Mme Rousseau. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, Mme Caron et Mme Rousseau, bienvenue. J'écoutais ce que vous nous avez lu au départ puis je sentais ressortir un sentiment d'impuissance, un cynisme, une victimisation, un désespoir finalement. Et vous travaillez surtout, j'imagine... Pas j'imagine, vous travaillez beaucoup avec des personnes qui vivent des situations difficiles tant sur le plan personnel, mais qui a des conséquences aussi au niveau de la pauvreté par leur capacité de vivre décemment, si vous voulez, en termes de société. Et vous êtes probablement le groupe, en ce qui concerne les prestataires de l'assistance-emploi, qui travaille beaucoup avec des individus, hein, c'est-à-dire... Parce que vous avez fait référence aux prestations de base de 530 $, puis, j'imagine, la plupart des gens qui sont vos membres ou membres dans les organismes que vous représentez sont des individus seuls qui vivent des prestations de l'aide sociale ou de...

Et vous avez parlé de deux choses dans votre mémoire. Vous l'avez abordé tantôt, et peut-être c'est dans le même sens que le député tantôt, vous avez décrié les coupures qui se font quand quelqu'un refuse un parcours à partir du montant de 530. Moi, ce que j'aimerais comprendre, c'est à quoi que vous en avez contre? Est-ce que c'est la coupure ? parce que le montant de base est tellement bas, de toute façon, et vous avez donné l'exemple de 530 $ quand quelqu'un paie 400 $ pour le loyer puis qu'on lui coupe 100 $ ? ou est-ce que c'est le principe de la coupure? Je ne sais pas si je m'explique correctement, là, mais ce que j'aimerais comprendre, vous en avez contre quoi quand vous dites que vous êtes contre ces coupures qui se font? Est-ce que c'est parce que le montant déjà octroyé est déjà en bas de ce qui est nécessaire pour assurer les besoins essentiels, disons, ou est-ce que, peu importe le montant, il ne faudrait pas avoir de coupure, c'est un droit d'avoir ça, point à la ligne?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Rousseau.

Mme Rousseau (Ginette): Je pense que je répondrais les deux dans le sens où, effectivement, c'est un droit. Puis, même si, je ne sais pas, moi, les gens vivaient avec 1 500 $, comme je l'ai dit à monsieur, les programmes d'employabilité, tant et aussi longtemps qu'ils vont être non volontaires, je pense que, en termes de motivation, on se retrouve toujours, au bout de la ligne, avec des gens pas motivés et qui se rendent malades, ce qui fait en sorte que, pour nous, ça n'a pas... Je pense que, si on travaille avec les gens qui ont le goût de s'impliquer à différents niveaux de par leur talent et de par leur potentiel, on va être gagnant sur toute la ligne.

M. Sirros: Mais à quel niveau est-ce que vous... Si quelqu'un n'a pas le goût, quelqu'un dit: Moi, je n'ai pas le goût, mais j'ai le droit, à quel niveau vous mettez ce droit-là? C'est le droit à quoi que la personne a quand elle n'a pas le goût de rien faire?

Mme Rousseau (Ginette): Mais je pense que ce n'est même pas, en ce moment, une chose sur laquelle on peut discuter, parce que le montant est tellement ridicule que, le jour où ce sera une question de droit et privilège, eh bien, là, on pourra voir. Mais, je veux dire, vivre avec 500 $ au Québec en ce moment...

M. Sirros: C'est impossible. Et, d'ailleurs, sur ça, nous, de notre côté, tout au moins, on vous rejoint en disant: Le montant actuel est tellement en bas des besoins essentiels que ça couvre à peine ce qu'on peut qualifier des besoins vitaux, même pas, que couper davantage, c'est aussi bien de dire qu'on ne donne rien. Tu sais, ça n'a pas de sens. Et, à un moment donné, soit qu'on a un filet minimum, minimum des minimums si vous voulez... Si c'est déjà en bas de ce qui est le minimum nécessaire, couper davantage ne devient que punitif et cruel. C'est la position.

Sauf qu'il y a quand même, à partir d'un certain seuil, une responsabilité qu'on voit pour la personne également. Moi, je ne pourrai pas vous suivre quand vous dites: Si la personne n'a pas le goût, bien, tant pis, elle n'a pas le goût, mais elle a le droit. Donc, c'est pour ça que je vous demandais: Où est-ce que vous vous placez... Vous réclamez, par exemple... Soyons concrets, vous réclamez l'octroi des besoins essentiels, donc de monter ce 530 $ à 780 ou, en tout cas, disons le montant que, actuellement, les personnes avec contraintes sévères reçoivent. Est-ce que, à partir de ce montant-là ou ce moment où la société ferait ce geste, vous acceptez d'introduire une notion d'incitatif? Je ne sais si vous saisissez, là.

n (10 h 10) n

Mme Rousseau (Ginette): Oui, oui, je comprends très bien. Je pense que je vais laisser la parole... En tout cas, Lise vit avec le 760 quelque chose, et les fins de mois sont aussi pénibles, ce qui fait que, même si on s'en va dans la contrainte à 800, je ne crois pas que ce soit... Pourquoi les gens en sont à ne plus vouloir travailler ou plus avoir le goût? Vous avez parlé plus tôt d'impuissance et de désespoir, c'est là que les gens sont. Et, même, il y en a plusieurs qui ont participé à des programmes, et ils n'y croient plus parce que ça ne mène nulle part, dans le sens où ils font deux, trois, quatre programmes, et il n'y a pas un emploi au bout du compte. Ce qui fait en sorte qu'on se retrouve dans une situation où les gens sont en désespoir. Et, quand on dit: Je n'ai plus le goût, je ne veux plus, c'est ça qui se passe. Et comment on fait pour redonner l'espoir? Bien là il y aurait beaucoup à... On pourrait passer l'avant-midi là-dessus.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il vous reste deux minutes et demie, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Bien, c'est peut-être... Écoutez, ce que je décèle un peu dans ce que vous dites, c'est que finalement ce que vous réclamez, c'est une aide personnelle à la personne qui vit des situations personnelles qui rendent sa capacité très difficile au niveau de l'intégration, entre guillemets, dans le marché économique, qui le rendent très difficile, et que c'est une aide sociale que vous réclamez finalement, une aide psychologique, une aide d'accompagnement personnalisé dans une démarche personnalisée de retrouver une puissance, une capacité de faire face à une rehausse de l'estime de soi, etc. Et ce que je comprends, c'est que le système actuel de l'aide sociale, ou d'Emploi-Québec, ou... en tout cas, toute cette administration ne peut pas répondre aux besoins particuliers de la catégorie, tout au moins, des personnes que vous représentez.

Mme Rousseau (Ginette): Mais je pense qu'il y a deux choses dans ce que... Tu sais, il y a de répondre aux besoins essentiels qui, en ce moment, ne le sont pas. Ça, c'est une dimension. Mais, je ne pense pas que ce soit une aide individuelle, je pense que c'est un problème collectif aussi qu'on a en tant que société. Les plus démunis de tous ceux qu'on exclut de la société parce qu'ils ne travaillent pas 35 heures-semaine, je pense qu'il y a deux dimensions où effectivement il y a répondre aux besoins essentiels de base et, suite à ça, de l'aide de toutes sortes de formes. Je veux dire, la pauvreté, ça se vit à différents niveaux. Il y a la pauvreté culturelle, il y a de la pauvreté matérielle, il y a toutes sortes de pauvretés qui existent. Ce qui fait en sorte que, pour nous, c'est un problème très complexe et ce n'est pas que de l'aide individuelle, soit sociale ou soit matérielle, c'est un ensemble d'éléments, finalement, qui...

Mais, on est tout à fait en désaccord avec les contraintes, ça, c'est sûr. Pour nous, à travailler dans le quotidien... J'ai travaillé pendant 10 ans dans une ressource à la base, et c'est clair que les contraintes ne font que donner du désespoir et de l'impuissance, ce qui fait qu'il faut travailler avec les gens qui ont le goût. Et ceux qui n'ont plus le goût puis qui sont dans le désespoir, bien c'est de travailler à ce qu'ils retrouvent cet espoir-là. Mais ce n'est pas avec des contraintes diminuant leur chèque de 100 $ par mois qu'on va y arriver. Ça, pour nous, c'est clair.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci. Mme la députée de Joliette.

Mme Lespérance: Alors, Mme Rousseau, Mme Caron, je trouve très intéressant votre mémoire, et permettez-moi de partager effectivement un ensemble de points qui sont contenus dans votre mémoire, puisque j'ai travaillé quand même 15 ans en santé mentale. Donc, il y a des choses qui m'apparaissent importantes, mais il y a aussi des interrogations qui me semblent difficiles à comprendre de votre part où vous parlez, en page 7, effectivement d'une réclamation de revenu minimum garanti. J'y crois, mais je crois aussi à une responsabilité de chaque individu de redonner à la société du temps, du travail selon sa capacité et ses incapacités. Parce que ce que je me dis: D'une part, vous parlez des préjugés qu'on a, comme société, par rapport aux gens qui sont marginaux, qui ont des problèmes de santé mentale et, d'un autre côté, vous dites que ces gens-là, ils n'ont pas d'obligations, ils ont tous les droits. J'ai de la misère avec ça, parce que, que ce soit n'importe quel individu, dans la vie, le travail est quelque chose d'extrêmement important pour la valorisation, l'estime de soi, diminuer le syndrome de la porte tournante, O.K., des réhospitalisations, et je ne pense pas que c'est à donner sans obligation à l'individu qu'on va pouvoir effectivement réintégrer cet individu-là dans le giron. Moi, je ne vous parle pas d'obligation de travail. Je pense que, lorsqu'une société donne un revenu garanti à un individu, à ce moment-là, cet individu-là, selon ses capacités et ses incapacités, a le devoir de redonner à sa communauté. Je ne le sais pas comment vous réagissez. C'est parce que je trouve qu'il y a un paradoxe à l'intérieur de votre document.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Rousseau.

Mme Rousseau (Ginette): Bien, je veux d'abord vous mentionner que, si j'ai laissé croire qu'il n'y avait pas de responsabilités, ce n'est pas du tout le message que je veux passer. Je pense qu'effectivement il y a des droits puis il y a des responsabilités, c'est dans la façon dont on va s'y prendre pour arriver à ça. Et aussi le désespoir qui est chez les gens... Ce n'est pas par la coercition de programmes où on dit aux gens: Vous avez aussi une responsabilité, pendant qu'on a créé un système où on a créé aussi de la dépendance par rapport à un système... Il y a M. Félix Leclerc qui a souvent dit que la meilleure façon de tuer un homme, c'était de le payer à ne rien faire. Je pense que les gens avec qui on travaille veulent faire des choses, veulent travailler autant que faire se peut, mais souvent c'est un rêve qu'ils ont oublié, qu'ils ont mis de côté, parce qu'ils ne se sentent pas capables de faire face au marché actuel du travail. Ça, c'est une dimension, mais ce n'est pas vrai que les gens ne veulent rien faire. Ils veulent contribuer, mais il n'y a pas de place pour contribuer, parce que, quand ils contribuent, ne serait-ce que faire du bénévolat, ils risquent de se faire couper. Bon, bien, en tout cas, il y a toutes sortes d'histoires qu'on pourrait vous raconter sur ces dimensions-là par rapport à l'aide sociale qui découragent les gens, et les gens disent: Moi, je n'essaie même plus parce que je risque d'être coupé, ce qui fait en sorte que...

Puis ça, je voudrais revenir là-dessus, sur les catégories apte et inapte au travail, pour nous autres, c'est inconcevable qu'on catégorise puis qu'on sépare les gens comme ça, parce que, croyez-le ou non, il y a des jeunes de 30 ans qui aspirent à devenir inaptes au travail, parce que, quand ils sont dans une même ressource ensemble puis il y en a un qui a 500 $ par mois puis l'autre a 800, bien, parce qu'ils vivent dans la misère, ils veulent tous s'en aller à 800, puis c'est comprenable, on penserait probablement la même affaire. Ce qui fait en sorte que, pour nous autres, de séparer les aptes et les inaptes au travail, c'est une dimension, c'est ça, qui ne mène nulle part, parce que c'est vraiment désespérant de voir des jeunes de 30 ans aspirer à devenir inaptes au travail.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est tout le temps, malheureusement, qui est mis à notre disposition. Alors, il me reste, au nom de tous les membres, Mme Caron et Mme Rousseau, à vous remercier d'avoir participé à cette commission.

Alors, j'invite immédiatement les représentants de l'Association du Québec pour l'intégration sociale à bien vouloir prendre place et je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 10 h 19)

 

(Reprise à 10 h 20)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, nous accueillons maintenant les représentantes de l'Association du Québec pour l'intégration sociale par sa présidente, Mme Yolaine Simoneau. Je vous cède la parole, Mme Simoneau. Vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire, et j'apprécierais que vous nous présentiez les personnes qui vous accompagnent.

Association du Québec
pour l'intégration sociale (AQIS)

Mme Simoneau (Yolaine): Oui. À ma gauche, Mme Lise Cloutier et, à ma droite, Mme Diane Milliard.

Mme la Présidente, Mme la ministre, Mmes, MM. les parlementaires, je vous remercie de nous accorder un temps de parole.

Alors, l'Association du Québec pour l'intégration sociale est un organisme provincial voué à la défense des droits et des intérêts des personnes ayant une déficience intellectuelle et de leur famille. L'AQIS regroupe 75 associations oeuvrant dans le domaine de la déficience intellectuelle à travers le Québec. Ses membres sont surtout des associations de parents mais comptent aussi des membres affiliés, dont des comités d'usagers des centres de réadaptation ou divers regroupements de personnes handicapées. Depuis sa fondation, en 1951, l'AQIS a été au coeur de grands changements sociaux survenus aux personnes ayant une déficience intellectuelle, notamment le grand courant centré sur leur intégration dans la communauté.

L'AQIS trouve essentiel de faire connaître ses positions sur le projet de loi n° 112, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, parce qu'il affirme clairement les préoccupations de l'État d'améliorer les conditions de vie des personnes les plus vulnérables de la société. Ce projet de loi nous semble porteur d'espoir. Nous le voyons aussi comme un tremplin pour améliorer la situation des personnes handicapées, situation qui conjugue très souvent faibles revenus, coûts supplémentaires reliés à la déficience et exclusion sociale.

Quant aux personnes ayant une déficience intellectuelle, leur réalité est décrite avec précision dans la politique élaborée par le ministère de la Santé et des Services sociaux, intitulée De l'intégration à la participation sociale. La plupart ont des revenus inférieurs au seuil de la pauvreté, le marché du travail leur demeure en bonne partie inaccessible, et un bon nombre sont confrontés à l'isolement social, principalement lorsqu'elles quittent l'école.

Dans son préambule, le projet de loi n° 112 établit la lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale comme un impératif national fondé sur le respect de la dignité humaine. L'AQIS ne peut être qu'en accord avec ce point de vue.

Par ailleurs, tel que défini à l'article 1, l'objet du projet de loi paraît cerner de manière adéquate l'intention des gouvernants. La loi prévue entend combattre les causes et les effets de la pauvreté. Elle entend aussi contrer l'exclusion sociale.

La réalité des personnes que nous soutenons de même que les obstacles qu'elles vivent au quotidien nous amènent d'emblée à insister sur la nécessité de ne diluer ou perdre en cours de route ce dernier volet du projet de loi. C'est pourquoi l'AQIS recommande que le projet de loi conserve son titre initial de Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale et que, dans le texte du projet de loi, le terme «exclusion sociale» apparaisse de façon systématique auprès du terme «pauvreté».

Avant d'aborder le chapitre sur la stratégie nationale, l'AQIS tient à exprimer certaines réserves par rapport au document d'accompagnement La volonté d'agir et la force de réussir. En maintenant le clivage entre les personnes aptes ou inaptes au travail, ce document nous apparaît traduire une volonté de perpétuer les préjugés à l'endroit des personnes aux prises avec la pauvreté et l'exclusion sociale. Il renforce ainsi une approche culpabilisante dont ces personnes n'ont nullement besoin.

En ce qui concerne le projet de loi lui-même, l'AQIS ne peut que se rallier aux objectifs de la stratégie nationale tels qu'ils sont écrits à l'article 5. Selon nous, en effet, l'amélioration des conditions de vie des personnes vulnérables de même que la réduction des inégalités sociales et économiques représentent les buts qu'il nous faut poursuivre. Et, à notre avis, agir pour éliminer les inégalités ne saurait se faire sans la mise en place de mesures ajustées aux réalités des groupes qui font face à des obstacles durables et importants, comme c'est le cas pour les personnes handicapées.

Les données de l'enquête québécoise sur les limitations d'activités de 1998 sont éloquentes. Elles révèlent que plus de la moitié des adultes ayant des incapacités ne sont pas sur le marché du travail et que le fait d'avoir une incapacité les rend plus susceptibles de vivre sous le seuil de la pauvreté. Elle indique aussi que 40 % de ces personnes ont dû débourser des coûts supplémentaires liés aux biens et aux services dont elles avaient besoin. Cette réalité touche la question de la compensation équitable des incapacités. Cet enjeu de société a déjà fait couler beaucoup d'encre, et nous croyons qu'une stratégie nationale qui vise à donner des chances égales aux citoyens doit tenir compte de cette question majeure et refléter une volonté d'y apporter des réponses.

L'article 7 du projet de loi apporte, quant à lui, des précisions sur les actions liées à la prévention de la pauvreté et de l'exclusion sociale. On mentionne, entre autres, que ces actions doivent viser à soutenir les familles et à leur rendre accessibles une diversité de services et programmes adaptés à leurs besoins.

Nous croyons, pour notre part, qu'il reste beaucoup de chemin à faire pour que les familles où vit une personne handicapée puissent compter sur un tel support. Pour ces familles, la surcharge financière représente un important facteur de vulnérabilité, d'épuisement et d'isolement social. Pensons d'abord à la perte de revenus encourue en raison de nombreuses exigences liées aux soins de l'enfant. La plupart des mères ayant des enfants présentant une déficience se voient contraintes de renoncer ou mettre un frein à leurs activités professionnelles. Et, en plus de subir une baisse de revenus, ces familles ont également à assumer des frais considérables que les autres familles n'ont pas à supporter. Il leur faut défrayer des coûts de gardiennage plus importants, et cela, même quand l'enfant avance en âge. Elles doivent aussi prévoir d'autres dépenses additionnelles reliées à la déficience: frais d'accompagnement et de transport, aide technique ou équipements divers, produits d'incontinence. On le sait, la gestion du programme de soutien aux familles est actuellement confiée aux CLSC. Dans les faits, le manque récurrent de budgets fait en sorte que les familles doivent surtout compter sur leur propre réseau social et sur leurs propres moyens financiers.

Dans cet esprit d'équité dont se réclame le présent projet de loi, le premier pas à accomplir serait de reconnaître l'ampleur des défis que toutes ces familles ont à relever et de leur apporter un soutien correspondant à leurs besoins réels.

Parmi les actions liées à la prévention, le projet de loi fait mention de celles qui doivent favoriser la réussite scolaire et l'amélioration de la formation de base. Nous tenons à le souligner, pour les gens présentant une déficience intellectuelle, il y a loin de la coupe aux lèvres. Encore aujourd'hui, la majorité d'entre eux sont exclus de la classe régulière. Au secondaire, les voies offertes aboutissent le plus souvent à des culs-de-sac. Peu de jeunes ont accès à la formation professionnelle compte tenu des critères d'admission aux différents programmes. Pour améliorer cette situation, l'AQIS recommande que le projet de loi fasse mention des besoins spécifiques des jeunes présentant une déficience et de la nécessité de mettre en place des programmes pouvant favoriser leur réussite scolaire et leur apprentissage professionnel.

Toujours dans un but de prévention, l'article 8 prévoit des actions liées au renforcement du filet de sécurité sociale et économique. Cette question implique, bien sûr, une amélioration de revenu des prestataires du programme d'assistance-emploi. À cet égard, un certain nombre de propositions sont aussi formulées au projet de loi dans le chapitre portant sur le plan d'action. À ce sujet, l'AQIS recommande, entre autres, que la coupure pour le partage du logement soit abolie dès maintenant et sans attendre l'adoption du plan d'action, qu'une proposition sur le barème plancher soit formulée au projet de loi.

À l'article 14.3, le projet de loi mentionne aussi la possibilité d'augmenter la limite permise quant à la possession des biens et d'avoirs liquides pour les prestataires de l'assurance emploi. L'AQIS se réjouit d'une telle ouverture. Depuis plusieurs années, nos actions auprès des familles nous confrontent à une réalité des plus préoccupantes, soit la qualité de vie des personnes suite à la disparition de leurs proches. Les règles actuelles font en sorte qu'il est pratiquement impossible pour les parents d'offrir un support concret à leur enfant par le biais d'un legs testamentaire. Cette situation crée chez les parents de profondes inquiétudes face à leur propre vieillissement et face à l'avenir de leur enfant et elle les force à faire des choix souvent déchirants. Aussi l'AQIS recommande que le présent projet de loi vise une percée significative en ce qui a trait à cette question.

Le projet de loi propose aussi certaines pistes d'action qui sont liées tant au renforcement du filet de sécurité sociale qu'à l'accès à un emploi. Ainsi, l'article 9.5 spécifie que le gouvernement doit se concerter avec ses différents partenaires afin de favoriser l'insertion sociale et professionnelle des personnes, notamment celles qui présentent un handicap physique ou mental. L'AQIS s'étonne qu'il ne soit aucunement question des personnes ayant une déficience intellectuelle. Cette omission provient-elle du fait que la déficience intellectuelle est souvent confondue avec les problématiques de santé mentale? Quoi qu'il en soit, l'AQIS trouve capital que les personnes présentant une déficience intellectuelle soient identifiées parmi celles qui rencontrent des obstacles particuliers au plan de l'intégration en emploi et elle formule une recommandation en ce sens.

Dans quelle mesure la démarche en cours pourra-t-elle améliorer les conditions de vie des personnes que nous soutenons? Les obstacles qu'elles rencontrent sont nombreux. Pourtant, une chose est claire, toutes ces personnes voudraient sortir du cercle de la pauvreté et de l'exclusion. Nos recommandations à cet égard portent sur certains éléments-clés qui peuvent, selon nous, soutenir le parcours des personnes handicapées.

n (10 h 30) n

L'AQIS recommande, entre autres, que les personnes handicapées soient identifiées comme une clientèle cible du programme assistance-emploi, notamment en ce qui concerne le parcours individualisé vers l'emploi, que ce parcours soit adapté aux besoins et aux capacités des personnes ayant une déficience intellectuelle. L'AQIS insiste aussi fortement sur l'importance à accorder au programme Contrat d'intégration au travail. Ce programme est un outil qui a fait ses preuves. Il a permis à de nombreuses personnes ayant une déficience de s'intégrer en milieu régulier de travail. Selon nous, les décideurs, qui doivent protéger et bonifier ce programme, ils doivent, d'une part, s'assurer qu'il soit appliqué dans le respect de la réalité des personnes handicapées et ils doivent, d'autre part, assurer son développement budgétaire.

Quant au chapitre du projet de loi qui porte sur le plan d'action, nous croyons qu'il devrait être beaucoup plus élaboré. La stratégie nationale prévue demande une approche globale. Elle doit se pencher sur l'ensemble des mesures et politiques qui ont des retombées sur les conditions de vie des citoyens. Selon l'AQIS, le projet de loi devrait inclure des instructions pour élaborer un plan d'action pouvant baliser et préciser les différents chantiers à mettre en branle dans le cadre de la politique. Ces instructions devraient commander des actions visées et, entre autres, la reconnaissance tangible des besoins des familles où vit une personne handicapée; la reconnaissance tangible des besoins des personnes ayant une déficience au plan de la formation et de l'accès au travail et de leur pleine inclusion sociale; la révision des différentes politiques sociales et fiscales ayant un impact sur la pauvreté et l'exclusion sociale.

Par rapport aux structures qui sont prévues par le projet de loi, nos commentaires seront brefs. Afin d'éviter la confusion tant au plan des fonctions et des pouvoirs qu'au plan de la reddition de comptes, nos privilégions la création d'un comité unique, comité qui devrait être représentatif des différents milieux concernés.

Enfin, concernant le fonds qui est prévu, l'AQIS exprime une certaine réticence face à la création d'un fonds qualifié de spécial. Les mesures visant à contrer la pauvreté et l'exclusion sociale concernent de nombreux programmes répartis dans de multiples ministères et organisations. Ces mesures doivent être installées pour une durée suffisante et s'inscrire dans un contexte global de développement social et économique.

En conclusion, l'Association du Québec pour l'intégration sociale tient à rappeler que la création d'une société plus juste restera un concept vide de sens aussi longtemps que les personnes handicapées n'y auront pas leur place pleine et entière. En ce sens, il est capital que la loi prévue s'accorde avec les grands principes mis de l'avant par la politique d'ensemble À part... égale. Elle doit également tenir compte de la nouvelle politique de soutien aux personnes présentant une déficience intellectuelle, à leurs familles et aux proches. Cette lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale représente un défi de société qui devrait être au coeur des plans d'action de toutes organisations. Et, pour qu'elle se traduise par des avancées concrètes, elle doit pouvoir prendre appui sur une réelle volonté des décideurs à implanter les solutions requises. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, Mme Simoneau, pour la présentation de votre mémoire. Alors, je cède maintenant la parole à la ministre.

Mme Léger: Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Bienvenue ici. Je vous remercie d'avoir présenté un mémoire et de venir ici... de nous en parler.

Je vois que vous appuyez notre démarche au projet de loi. Vous apportez des bonifications, des ajustements que vous aimeriez y voir. Ça ne doit pas être facile évidemment, lorsque vous êtes mère de famille ou père de famille, d'avoir un enfant qui a certaines difficultés. Je le vois comme députée, j'imagine que les collègues aussi doivent aussi avoir des gens qui viennent à nos bureaux de circonscription et venir nous partager cette détresse-là, parfois, des parents qui manquent de répit, sont essoufflés. Alors, j'aimerais que vous m'en parliez un petit plus. Parce que vous dites particulièrement que, bon, notre démarche va améliorer la qualité de vie des personnes présentant une déficience intellectuelle, j'aimerais en savoir un petit plus comment...

Dans votre mémoire, à la page 7, vous exposez les difficultés financières des familles qui ont un enfant qui présente une déficience intellectuelle. Pouvez-nous expliquer comment ce projet de loi là pourrait prendre davantage en considération ce que représentent pour une famille ces coûts additionnels occasionnés, dans le fond, par la présence d'un enfant handicapé?

Puis, en fonction du plan d'action ? vous venez juste de nous en parler ? vous souhaitez qu'il y ait des chantiers qui puissent se réaliser. Pouvez-vous nous identifier clairement des mesures qui permettraient aux parents, particulièrement aux mères, dans le fond, de ne pas renoncer à leurs activités professionnelles tout en s'occupant d'un enfant handicapé? Est-ce que c'est possible?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Cloutier.

Mme Cloutier (Lise): Pour ce qui est de la réalité des familles, leur réalité financière, je pense qu'il faut d'abord considérer la perte de revenus chez ces familles-là. La plupart des mères qui ont un enfant qui présente une déficience sont forcées, contraintes de mettre un frein à leur carrière ou d'abandonner carrément leur métier pour de nombreuses années. Elles vont souvent opter pour du travail à temps partiel qui va leur permettre d'avoir un horaire plus flexible. C'est évident que les nombreuses responsabilités liées au soin de l'enfant sont à l'origine, là, de cette situation-là.

Et, non seulement elles ont à assumer une perte de revenus, elles doivent aussi défrayer des coûts que la plupart des autres familles n'ont pas à assumer. Qu'on pense, par exemple, aux frais de gardiennage qui sont plus élevés parce que les gardiennes demandent des taux horaires plus élevés. Et c'est des frais de gardiennage qui s'étirent. Même quand l'enfant avance en âge, ces frais de gardiennage là continuent. Les familles ont souvent moins accès aux services de garde. On sait, par exemple, les difficultés que les familles ont à avoir des places à contribution réduite dans les services de garde. C'est déjà difficile pour les familles... Il y a des longues listes d'attente pour les familles qui n'ont pas d'enfant handicapé, alors imaginons pour les familles qui ont un enfant handicapé; elles sont comme pas priorisées, là, souvent, dans les services de garde. Alors, il y a les frais liés au gardiennage, les frais liés à l'accompagnement, les frais liés aussi aux équipements médicaux, aux appareillages techniques, parfois aux frais d'incontinence.

Je pense aussi... Il y a beaucoup, beaucoup d'angoisse qui est vécue par les parents. Quand on a un enfant, on veut développer son potentiel au maximum, et les parents se disent: Tout se joue avant cinq ans, six ans, et les premières années de stimulation sont très, très importantes. Alors, quand les parents sont obligés d'attendre des mois, quand ce n'est pas des années, pour avoir des services d'un centre de réadaptation, c'est vraiment une souffrance énorme pour les parents de dire: Je n'investis pas de ce côté-là. Alors, même si les parents ne sont pas fortunés, souvent ils vont débourser de leur poche, ils vont gruger leurs économies pour payer de la stimulation précoce, de l'orthophonie, de l'ergothérapie, les meilleurs services à leur enfant.

Ce qu'on voit aussi souvent malheureusement, c'est des parents qui se mettent carrément, là, sur la paille quand leur enfant vit des longues périodes d'hospitalisation, parce qu'on peut avoir des déficiences intellectuelles et des problèmes de santé associés. Alors, ce n'est pas rare qu'on voit ça, des parents qui passent, là, des semaines, quand ce n'est pas des mois, à l'hôpital, et plusieurs fois de suite. Là, ça veut dire que la mère manque son travail de plus en plus souvent ? souvent, elle le perd ? et elle reste toute la journée avec son enfant. Ça veut dire qu'il faut qu'elle mange à la cafétéria de l'hôpital. Ça veut dire qu'il faut qu'elle paie le stationnement de l'hôpital, il faut qu'elle paie le transport. Et, souvent, il y a d'autres enfants à la maison, donc elle paie une gardienne pour ces enfants-là. Et on a vu, là, des cas vraiment dramatiques de parents qui se retrouvent avec plus aucune économie et une perte d'emploi.

Alors, la situation financière des familles qui ont un enfant handicapé, je pense qu'elle n'est pas assez mise en relief, et c'est ce qu'on souhaite de ce projet de loi là, qu'il en tienne compte.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Cloutier. Mme la ministre.

Mme Léger: J'aimerais ça, aller plus loin, d'en tenir compte, parce que, évidemment, il y a... Vous avez parlé, tout à l'heure, des services de garde, d'une part. Bon, je sais qu'il y a des grandes réflexions qui se sont faites au cours des dernières années, particulièrement pour l'intégration des enfants handicapés, et il y a des services de garde qui sont actuellement en train de travailler pour... puis qu'il y a des places pour les enfants qui sont handicapés et, parfois, demandent une ressource presque individuelle, là, pour être avec l'enfant tout le long de son séjour dans un service de garde. Il y a des ressources. C'est sûr qu'il y a de l'aide à domicile, le CLSC. Là, vous parliez, tout à l'heure, des services de centres en réadaptation, que vous êtes sur les listes d'attente à ce niveau-là.

n (10 h 40) n

Là, vous m'expliquez le quotidien qui, dépendant des communautés ou des quartiers... l'effort qui est mis puis les ressources qui sont mises pour l'enfant handicapé, mais, dans une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, comment bonifier ce plan d'action là? Quelles sont les mesures, là? Vous m'apportez des difficultés de perte de revenus. Bon, je sais qu'il existe une allocation pour enfant handicapé. Bon, j'imagine que vous me dites que ça ne doit pas être suffisant. Alors, qu'est-ce qui serait intéressant pour un parent qui a un enfant handicapé et qui vit des difficultés de perte de revenus, comme vous le disiez, des difficulté financières? Comment on peut ajuster? Quelles sont les mesures concrètes que vous pouvez nous apporter aujourd'hui?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Milliard.

Mme Milliard (Diane): Je vais peut-être commencer, et Lise pourra bonifier. En fait, on le mentionne un peu dans notre mémoire vers la fin, quand on dit: La stratégie nationale, on devrait être en mesure d'augmenter... Plutôt que de créer un fonds spécial pour lutter contre la pauvreté, des gens présentent des projets ponctuels, c'est l'ensemble des mesures qui sont actuelles qui devraient être bonifiées, et bonifiées et de façon récurrente. Le problème qu'on rencontre avec des projets ponctuels, c'est que d'abord il y a le fait de développer ces projets-là, de les mettre en place. Ça demande énormément d'énergie, et on ne sait jamais, au bout de 18 mois, dépendamment de la durée du programme, s'il va demeurer ou pas. On crée des besoins par lesquels... par la suite on ne sera plus capable de répondre. Et les besoins des parents, les besoins des familles, ce sont des besoins récurrents. Ce n'est pas le fait que l'enfant vieillit que les besoins vont diminuer. Lise parlait tout à l'heure de gardiennage, mais concrètement il y a beaucoup de parents dont les enfants ont 25 et 30 ans qui doivent faire garder leur enfant. Donc, on ne trouve pas une petite gardienne à 8 $ de l'heure quand ton garçon ou ta fille a 25, 30 ans. Donc, c'est de s'assurer que les mesures au soutien aux familles soient adéquates et que les parents n'aient plus non plus à prouver le besoin.

Ça, c'est un autre aspect, la charge administrative qui est demandée aux parents, c'est de les... Il faut qu'à chaque fois ils se mettent à nu, et souvent devant des intervenants différents, pour demander du soutien aux familles. Donc, c'est de bonifier aussi, comme nos prédécesseurs l'ont dit tout à l'heure, tout ce qui est des mesures fiscales, l'allocation aux enfants handicapés. Il ne faut pas penser que les familles font des abus des argents qui leur sont donnés. Et, là encore, il y a... Puis, là je renchéris avec ce que nos prédécesseurs ont dit, il y a comme une espèce de surveillance qui s'installe à partir du moment où une famille reçoit un 500 $ par année donné par un CLSC. Puis, là vous allez dire que je vais caricaturer, mais ça s'est passé dans les faits, c'est qu'il y a certains CLSC qui vont demander des reçus pour prouver que, effectivement, ils sont allés au cinéma et ça a constitué leur mesure de répit. Donc, il n'y a pas d'uniformité dans l'allocation des mesures de répit. Ça aussi, ce serait une bonification, essayer de rendre plus légères ou de ne plus alourdir les mesures qui sont allouées aux personnes pour ne plus qu'elles aient à prouver leurs besoins.

Il y a aussi... On parle du legs. Donc, les parents âgés ou même les parents de jeunes enfants ne savent pas qu'est-ce qui va arriver quand ils vont partir. Puis, vous connaissez l'expression mourir en paix, souvent les parents, ils n'ont même pas ce loisir-là de penser qu'ils vont mourir en paix, parce que penser que, à 80 ans, tu vas laisser ton enfant de 40 ans... Mais là, dans l'état des services actuels, tu ne sais pas vraiment quel genre de services il va recevoir, pour quelle durée il va les recevoir, et qu'en plus, tu ne peux même pas lui donner un legs parce qu'il va être pénalisé. Je crois que c'est 2 500 $ que les personnes ont le droit d'avoir. C'est la pauvreté. C'est la pauvreté totale, là. Puis, comme Lise disait tout à l'heure, c'est que les personnes qui ont une déficience intellectuelle, autant que les familles, ont des besoins supplémentaires que les autres personnes n'ont pas.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Milliard. Il reste deux minutes.

Mme Léger: C'est court. Alors, bon, je vais laisser un de mes collègues...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. le député de Maskinongé.

M. Désilets: Oui. Merci, Mme la Présidente. Je vais essayer de faire du pouce un peu dans le même volet. J'avais d'autres questions. Si j'ai le temps de parler plus vite, j'irai sur l'autre. Mais, d'abord, la lutte à la pauvreté, le projet de loi à la lutte à la pauvreté, en vous écoutant puis en écoutant les autres qui passent avant vous aussi, c'est important de bien le camper puis d'aller le plus loin possible où on peut dans ce dossier-là.

Une des mesures, en vous écoutant, qui m'est revenue à l'esprit, peut-être, qui pourrait résoudre, puis une partie, là... Mais Leucan fait déjà des débats, nous rencontre, fait des pressions pour qu'on essaie d'augmenter le droit aux parents de s'absenter de leur emploi quand leur enfant est pris... a une période de cancer, et puis ils sont obligés d'aller à l'hôpital plusieurs jours consécutifs avec... Des fois, c'est trois mois de suite. Mais ils font des pressions pour que l'employeur... qu'ils s'absentent sans salaire, puissent s'absenter sans salaire de leur emploi, mais, en contrepartie, ils ne veulent pas perdre leur emploi, parce que, après les six mois ou un an de bataille, bien, qu'ils puissent reprendre la vie. Est-ce que des mesures semblables, même si ce n'est pas six mois ou un an, mais une permission de s'absenter de son travail au parent pourrait combler une partie de vos problèmes?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, brève réponse, Mme Milliard.

Mme Milliard (Diane): Sûrement que ça pourrait combler une partie, ce qu'on appelle, nous, les congés parentaux finalement, à ce que les parents aient une banque, par exemple, annuelle de congés qu'ils pourraient utiliser pour les besoins de leur enfant, là, soit en termes d'hospitalisation ou en termes d'urgence, là. Mais, à ce moment-là, il y a aussi tout un travail à faire avec les syndicats, parce que c'est beau, avoir la possibilité de bénéficier de congés parentaux, mais on sait que les syndicats ont leur gros bout à faire aussi. Ça fait que du côté... Nous, on travaille à sensibiliser les syndicats au niveau de l'embauche des personnes qui ont une déficience intellectuelle et de leur capacité de ne pas toujours être disponibles pour travailler 45 heures-semaine, mais tout l'aspect dont vous mentionnez est tout à fait nécessaire.

M. Désilets: ...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Je regrette, c'est tout le temps, malheureusement...

M. Désilets: O.K. C'est beau.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Votre préambule a été trop long pour vous permettre de poser une deuxième question, malheureusement. C'est votre choix.

Est-ce qu'on peut passer... Vous pourriez ajouter? Tout à l'heure, madame, j'ai senti que vous aviez un...

Mme Cloutier (Lise): ...j'aurais voulu compléter la question famille-travail. Est-ce que c'est possible?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, sur le temps...

M. Sirros: Oui, oui. Prenez-le sur mon temps, parce que, de toute façon, c'est une discussion, je pense, générale qu'on veut avoir avec vous sur ces aspects-là. Allez-y.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Sur le temps du député de Laurier-Dorion. Allez-y, Mme Cloutier.

Mme Cloutier (Lise): Oui. À propos des congés parentaux, je pense que tout ce qui peut faciliter la conciliation famille-travail pourrait aider nos familles, ça, c'est évident, mais il faudrait que ce soient des mesures qui aient autant de dents que les congés de maternité, par exemple. Parce que, si on regarde dans les normes du travail, les parents peuvent s'absenter cinq jours pour répondre aux besoins de leur enfant mineur, mais moi, je connais beaucoup de parents qui ne le feront pas parce que leur employeur, dans les faits, ne l'acceptera pas. Alors, ce qui est dans les normes du travail puis ce qui est vécu au quotidien, c'est deux choses.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, Mme Cloutier. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue également, et permettez-moi d'abord de vous féliciter sur la qualité du mémoire. C'est évident que vous avez fait un travail recherché, fouillé et concret par rapport à la situation que vous vivez, puis vous apportez ici des témoignages devant lesquels, je pense, personne ne peut rester insensible. C'est évident que les familles des personnes prises avec des problèmes de déficience intellectuelle sont prises, elles aussi, avec des problèmes réels, et il y a comme un cri de... pas de désespoir, un cri qui nous est lancé en disant: Appuyez-nous pour qu'on puisse continuer à faire ce qu'on fait, parce que, sans nous, de toute façon, vous, la société en général, seriez pris avec un problème beaucoup plus grand, et, de toute façon, ces personnes-là n'auront pas la même qualité de soins.

Moi, j'aimerais, dans le peu de temps que nous avons, centrer un peu les échanges autour de la relation entre le ministère de la Solidarité sociale et les CIT, vos recommandations 13 à 17, je pense, où vous parlez de façon plus spécifique des contrats d'intégration au travail. Il y a des gens qui peuvent travailler. On ne fait pas assez au niveau de nos grandes entreprises par rapport à l'intégration de ces personnes-là, et vous semblez dire qu'il n'y a pas suffisamment d'appui non plus qui est donné de la part de l'État pour que les entreprises puissent mieux accueillir ces personnes-là. Il y a un lien à faire avec le fonctionnement des CIT et Emploi-Québec. Donc, quels sont les liens là-dedans? Dans une famille qui est prise avec ces problèmes-là, quels sont les liens qu'elle a avec le ministère de la Solidarité sociale? Et quelle est la situation actuelle des CIT? Vous avez parlé d'une série de recommandations qui ont été faites il y a plus d'un an, à peu près, dans un groupe d'étude, où sont-ils? Allez-y.

n (10 h 50) n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Cloutier.

Mme Cloutier (Lise): Oui. Si on parle de l'inclusion des personnes dans la communauté, je dirai qu'un grave handicap pour ces personnes-là, c'est l'exigence du secondaire V. En partant, nos gens sont disqualifiés, ils ne se rendent pas au secondaire V. Et même les emplois semi-spécialisés vont demander un secondaire V. Alors, c'est une difficulté que les personnes ont à surmonter, et je pense qu'il y aurait des accommodements possibles à demander aux employeurs et à demander aux gens de la fonction publique aussi.

La formation professionnelle n'est pas adaptée aux jeunes qui ont une déficience intellectuelle. Si on regarde même les nouveaux programmes qui sont mis en place ? on parle du régime de qualification, qui est un programme qui est emballant, c'est l'apprentissage par compagnonnage ? nos jeunes seraient tout à fait habilités à apprendre de cette façon-là, ça leur conviendrait tout à fait, mais on demande... le critère d'admissibilité, c'est un secondaire III. Donc, la plupart sont disqualifiés encore une fois.

Pour faire le lien avec le Contrat d'intégration de travail, je dirai que c'est une mesure qui est très, très importante pour nous parce qu'elle a aidé de nombreuses personnes qui ont une déficience intellectuelle à intégrer le marché régulier de l'emploi. Alors, c'est une mesure à laquelle on tient beaucoup. On a suivi de très près le transfert de l'OPHQ à Emploi-Québec, et on trouve que ça se passe relativement bien et on en est heureux. Ce qui important pour nous, c'est que ce programme-là soit bonifié et qu'il soit protégé. On y tient comme à la prunelle de nos yeux. Qu'il soit bonifié, parce que, l'an passé, il y a eu des difficultés, et certaines régions ont manqué de fonds pour répondre aux nouvelles demandes. Alors, ça s'est rétabli, mais l'important, c'est que ça ne se reproduise plus. C'est important que l'enveloppe budgétaire soit protégée afin qu'on puisse répondre aux demandes dans ce programme-là.

Ce qui est important pour nous dans ce programme-là, c'est que ce soit vu comme une mesure d'accommodement et non pas comme une subvention temporaire à l'emploi. La réalité de nos personnes, c'est qu'elles ont, oui, des capacités d'apprentissage importantes, mais elles ont besoin de temps, elles ont besoin d'apprendre à leur rythme, et elles ne peuvent pas se contenter, souvent, d'une subvention d'un an et dire après: Vous volez de vos propres ailes, puis vous avez tous les outils. Alors, c'est important que la subvention au Contrat d'intégration de travail puisse être renouvelée le temps nécessaire. Et elle a fait ses preuves.

M. Sirros: Permettez-moi de vous interrompre, parce que je veux saisir. Actuellement, est-ce que le Contrat d'intégration de travail est limité dans le temps? Ça ne suit pas l'individu...

Mme Cloutier (Lise): C'est renouvelable après un an. Et, dans la réalité, oui, c'est renouvelé, et on veut que ça continue comme ça. C'est la protection de ce programme-là qu'on demande.

M. Sirros: ...suit la personne finalement.

Mme Cloutier (Lise): Oui.

M. Sirros: Tant et aussi longtemps que la personne est à l'emploi.

Mme Cloutier (Lise): C'est ça. Et ce qui est important pour nous aussi, c'est qu'on reconnaisse le rôle des services spécialisés de main-d'oeuvre dans la gestion de ce programme-là. Emploi-Québec leur en demande déjà beaucoup, sauf que, dans la réalité, c'est souvent une relation de confrontation qui est vécue entre les services spécialisés de main-d'oeuvre et Emploi-Québec. Alors, on souhaiterait que ce soit plus une relation de coopération, puisque ces services-là connaissent très, très bien nos clientèles.

M. Sirros: Les SEMO, les services experts de main-d'oeuvre?

Mme Cloutier (Lise): Services spécialisés de main-d'oeuvre. C'est le nouveau nom des SEMO, Services externes de main-d'oeuvre.

M. Sirros: O.K. Et c'est des groupes qui sont à l'extérieur du réseau comme tel, qui travaillent auprès des clientèles particulières.

Mme Cloutier (Lise): Oui, qui accompagnent les personnes dans leur intégration.

M. Sirros: Qui accompagnent les personnes. Et expliquez-moi un peu plus...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il nous reste une minute.

M. Sirros: ...dans cette minute-là quel est le conflit, là, et pourquoi cette attitude adversariale en quelque sorte.

Mme Cloutier (Lise): C'est surtout au niveau de l'admissibilité des demandes. Les services spécialisés de main-d'oeuvre doivent souvent fournir de multiples preuves de l'admissibilité des personnes, même quand elles sont suivies en centre de réadaptation depuis des années, qu'elles ont des échecs répétés au plan scolaire ou de l'emploi. Souvent, on va leur demander des preuves et que cette personne-là a bien une déficience intellectuelle, il faut qu'elle repasse des tests. Il y a beaucoup, beaucoup de bureaucratie. Il y aurait peut-être moyen d'en éliminer un petit peu, là, pour faciliter la vie de tout le monde tout en assurant, là, en conservant la rigueur de la gestion de ce programme-là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, Mme Cloutier. Mme la députée de Joliette.

Mme Lespérance: Alors, merci...

Mme Milliard (Diane): ...juste rajouter un petit mot. Est-ce que ça se fait, oui?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Pardon?

Mme Milliard (Diane): Je voulais juste rajouter un petit mot concernant les CIT.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Bien, c'est parce que naturellement on va devoir le prendre sur le temps de la députée de Joliette, alors peut-être que vous pourrez compléter tout à l'heure, lors d'une réponse.

Mme Milliard (Diane): Parfait.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Joliette.

Mme Lespérance: En fait, j'ai une question par rapport à l'article 15, mais j'ai aussi besoin de comprendre si j'ai fait un bon résumé. En fait, ce que vous décrivez, c'est qu'il y a une réalité qui est l'appauvrissement des familles qui subissent ou qui vivent au quotidien avec la réalité d'une personne aux prises avec un handicap, et vous avez l'après. Donc, de zéro à 18 ans, ça veut dire que ce que vous souhaitez, dans le fond, c'est que cet appauvrissement-là soit reconnu et ait une forme de rémunération quelconque lorsque les personnes sont dans l'obligation de laisser le travail pour occuper un emploi à temps plein, pour rester avec l'enfant qui est aux prises avec un handicap plus moyen et lourd. Parce que, quand la personne a un handicap léger, souvent la mère est capable de combiner travail et... sans perte de revenus. Mais, pour les gens aux prises avec un handicap moyen, un handicap lourd, avec des handicapés lourds, c'est une autre paire de manches où, effectivement, c'est presque impossible de combiner travail et s'occuper de l'enfant à la maison.

Puis vous avez l'autre réalité par après qui est lorsque la personne est apte à aller sur le marché du travail. Puis on parle d'une classe mince de gens qui, encore là, handicap léger à moyen... Vous demandez une aide pour que, lorsqu'il y a intégration au travail, qu'on reconnaisse que cette personne-là ne peut pas produire au même rythme qu'une autre et qu'on puisse reconnaître pour que la personne qui est handicapée puisse conserver son emploi. Donc, est-ce que c'est dans ce sens-là que vont vos recommandations si je fais un résumé rapide: donc, reconnaître que, oui, il y a un appauvrissement, puis qu'on intègre un système qui va reconnaître ça puis, dans le pendant, lorsque l'enfant est sur le marché du travail ou l'adulte est sur le marché du travail, qu'on reconnaisse que l'employeur qui va embaucher ces jeunes-là ou ces adultes-là a une perte de productivité puis il doit avoir un support?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, il nous reste une minute et demie pour répondre. Mme Milliard.

Mme Milliard (Diane): De votre interrogation concernant l'emploi des personnes, là, l'aide qui est apportée aux employeurs, ça va me permettre de dire ce que je voulais dire tout à l'heure, c'est que les CIT, nous, la force qu'on trouve dans les CIT, c'est que c'est dans les milieux réguliers de travail. Donc, ce ne sont pas dans les milieux ségrégués, ce sont dans les endroits où il n'y a pas juste des personnes qui sont handicapées qui travaillent.

Mais il y a aussi le fait que les personnes qui bénéficient du CIT ? et c'est là la force pour nous ? ce ne sont pas nécessairement des personnes qui ont une déficience intellectuelle légère. Bien au contraire, ce sont des personnes qui ont une déficience, une limitation plus importante. Donc, par ce fait-là, c'est sûr qu'il y a souvent... Peut-être, il peut y avoir un 25 % de productivité qu'une personne dite normale aurait, mais que la personne qui a une déficience plus importante n'atteindra jamais. Elle est quand même fonctionnelle, mais de supporter l'employeur par ce 25 % là permet à la personne de garder son emploi. Et, si l'employeur n'avait pas ce montant-là, c'est sûr qu'il ne pourrait pas accepter une personne avec 25 % de moins de productivité. C'est l'importance aussi de la limitation par rapport aux CIT.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je regrette, c'est tout le temps qui est mis à notre disposition. Mmes Simoneau, Milliard et Cloutier, merci d'avoir accepté de participer à cette commission.

Alors, je suspends les travaux pour quelques minutes, en demandant aux représentants de la Fédération québécoise des centres de réadaptation de bien vouloir prendre place.

(Suspension de la séance à 11 heures)

(Reprise à 11 h 2)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Nous poursuivons nos travaux en accueillant maintenant les représentants de la Fédération québécoise des centres de réadaptation en déficience intellectuelle. Alors, bienvenue à cette commission parlementaire, M. Claude Vanasse, qui est président. Alors, M. Vanasse, je vous demanderais, en premier lieu, de nous présenter les personnes qui vous accompagnent et je vous indique que vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire. Je vous cède la parole.

Fédération québécoise des centres
de réadaptation en déficience
intellectuelle (FQCRDI)

M. Vanasse (Claude): Merci beaucoup, madame, vous me permettez. Mme Alice Landry, qui est conseillère à la Fédération québécoise des centres de réadaptation, dans le domaine professionnel; M. Michel Plourde, qui est agent de relations humaines au CRDI de Québec; et M. Pierre Cloutier, qui est directeur général de la Fédération québécoise des centres de réadaptation en déficience intellectuelle.

Mme la ministre, merci de nous permettre de nous exprimer dans cette commission parlementaire. Vous me permettrez d'entrée de jeu d'y aller promptement compte tenu du temps limité et de la rigueur de la présidente aussi.

1° Sensibiliser, mobiliser, inviter les citoyens à la participation sociale de tous.

Le handicap est le résultat situationnel d'un processus interactif entre les caractéristiques des déficiences et des incapacités de la personne et les caractéristiques de l'environnement.

La personne handicapée est une citoyenne à part entière; la société québécoise souhaite la participation sociale de tous ses citoyens.

La participation sociale est conditionnelle à la place qui est faite à l'individu.

La loi doit traduire clairement le rôle attendu de tous les acteurs sociaux et doit les inviter à adopter une vision commune de la participation sociale.

Nous recommandons:

Que la terminologie «exclusion sociale» soit retirée du texte du projet de loi et qu'elle soit remplacée par la notion de «participation sociale»;

Que la participation sociale soit définie dans le texte du projet de loi en s'inspirant des travaux du Conseil de la santé et du bien-être qui dit:

«La participation sociale découle de la rencontre, d'une part, de la volonté et de la capacité d'un individu de faire partie d'une collectivité et, d'autre part, d'une offre concrète de ce collectif pour faire une place à ce dernier, et elle est fortement déterminée par le niveau de sécurité socioéconomique, par le niveau de cohérence sociale et par l'occasion d'«empowerment que la société offre aux individus»;

Que l'une des responsabilités de l'Observatoire consiste à développer des indicateurs de résultat qui tiennent compte de chacun des axes de la définition de la participation sociale; et

Que le texte du projet de loi statue sur le poids relatif de la loi à venir en en faisant une loi-cadre.

2° Considérer l'inégalité des chances pour la personne handicapée et pour sa famille.

La personne handicapée est confrontée à une inégalité de chances. Cette dernière est particulièrement importante chez les personnes présentant une déficience intellectuelle ou un trouble envahissant du développement.

La présence d'une déficience ou d'une incapacité génère des coûts supplémentaires, crée un appauvrissement et accroît le risque d'être confronté à une situation de pauvreté. Cette dynamique vaut pour la personne et pour sa famille.

La famille joue un rôle essentiel dans le développement personnel et la participation sociale de la personne handicapée.

Nous recommandons:

Que le projet de loi mentionne explicitement la population des personnes ayant un handicap, notamment les personnes présentant une déficience intellectuelle et les personnes ayant un trouble envahissant du développement, parmi les groupes à haut risque d'appauvrissement, de pauvreté et de marginalisation;

Que le projet de loi prévoie une compensation équitable des coûts supplémentaires reliés à la déficience ou à l'incapacité; cette compensation doit être versée à la famille ou à l'adulte, le cas échéant;

Que les travaux de l'Observatoire portent notamment sur la mesure de la contribution de la famille de la personne handicapée.

3° Regrouper les diverses mesures de protection sociale.

La diversité des mesures de protection sociale, leur quantité et la complexité pour y avoir accès s'avèrent un obstacle pour les personnes handicapées et leur famille.

Les différents régimes créent des iniquités, notamment parce qu'ils sont conçus en fonction de la cause du handicap.

Nous recommandons:

Que le projet de loi prévoie un regroupement des différentes mesures de protection sociale pour en faciliter l'accès et pour éviter qu'elles soient discriminatoires.

4° Répondre aux besoins fondamentaux, prendre en compte les besoins individuels et soutenir l'enrichissement de la participation sociale.

Pour sa sécurité personnelle et dans une perspective de participation sociale, tout citoyen doit pouvoir compter sur les ressources qui lui sont essentielles.

Chaque personne est unique et a des besoins qui lui sont propres.

Bénéficier d'une mesure de protection sociale ne doit en aucun cas diminuer la personne mais bien plutôt soutenir la participation sociale pleine et entière.

Nous recommandons:

Que le gouvernement examine tous les moyens permettant d'octroyer des ressources essentielles à tout citoyen du Québec afin que chacun soit en mesure de répondre à ses besoins fondamentaux;

Que le projet de loi prévoie que chaque citoyen dispose des ressources qui lui permettent d'avoir accès à de la formation qualifiante, à un logement décent, au transport et à des activités valorisantes;

Que le projet de loi prévoie que l'évaluation de la compensation des coûts reliés à la déficience ou à l'incapacité soit faite à partir d'une analyse des besoins de chacune des personnes et qu'elle soit revue le cas échéant.

5° Prévoir la représentation légitime des personnes handicapées.

Une loi visant à lutter contre la pauvreté et à promouvoir la participation sociale de tous les citoyens interpelle au plus haut point les personnes présentant une déficience intellectuelle, celles qui présentent un trouble envahissant du développement ou, plus généralement, les personnes handicapées.

La problématique de l'accès à l'emploi est majeure pour la population des personnes ayant une déficience intellectuelle ou encore un trouble envahissant du développement. Ces personnes présentent des difficultés particulières sur le plan de l'employabilité.

Nous recommandons:

Que le projet de loi prévoie que les personnes handicapées soient légitimement représentées au sein d'un comité consultatif ? l'article 21 ? et que l'on assure la présentation de leurs besoins dans les différentes structures prévues;

Que le projet de loi prévoie que, dans les responsabilités du comité consultatif, de l'Observatoire et du fonds, soit clairement identifiée la problématique de l'accès à l'emploi pour les personnes ayant une déficience intellectuelle ou encore un trouble envahissant du développement et que, selon son mandat, chacune des instances prévoie des mesures pour répondre à cette problématique précise.

6° Soutenir un réel parcours vers l'emploi.

Les entreprises ont une responsabilité sociale envers l'accès à l'emploi pour les personnes handicapées.

Les entreprises ont besoin d'être soutenues en regard de l'embauche de personnes handicapées, notamment celles qui présentent une déficience intellectuelle ou encore un trouble envahissant du développement.

n (11 h 10) n

La contribution des entreprises doit être reconnue et encouragée.

Le personnel des services publics d'emploi a besoin d'une sensibilité... et formé pour soutenir et orienter adéquatement les personnes handicapées, notamment celles qui présentent une déficience importante.

Nous recommandons:

Que le projet de loi prévoie que le Programme CIT (contrat d'intégration au travail) de l'Office des personnes handicapées, mais maintenant des CLE, hausse la compensation versée aux employeurs afin de les encourager à embaucher une personne handicapée, notamment une personne ayant une déficience intellectuelle ou encore un trouble envahissant du développement;

Que le personnel du réseau public d'emploi (centres locaux d'emploi) soit formé pour accueillir adéquatement les personnes handicapées, notamment les personnes ayant une déficience intellectuelle ou encore un trouble envahissant du développement, les orienter, le cas échéant, vers une formation qualifiante ou assurer un suivi approprié à leurs besoins;

Que le programme Plan d'embauche de l'Office des personnes handicapées du Québec soit révisé afin d'assurer, en collaboration étroite avec les partenaires du marché du travail, l'accès à l'emploi pour les personnes handicapées dont celles qui ont une déficience intellectuelle ou encore un trouble envahissant du développement; et finalement

Que les programmes d'assistance-emploi ou d'assurance emploi soient revus afin que les personnes puissent aller vers un emploi sans être pénalisées.

Merci beaucoup pour votre écoute.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie, M. Vanasse. Vous nous avez fait une bonne synthèse de votre mémoire, et je dois vous avouer que vous avez également de la rigueur.

Alors, sans plus tarder, je cède la parole à Mme la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

Mme Léger: Bonjour, madame, bonjour, messieurs. Merci de présenter un mémoire et d'être ici avec nous pour l'expliquer. D'abord, vous me permettrez de souligner toute la contribution des centres de réadaptation en déficience intellectuelle que vous représentez pour le mieux-être, en fin de compte, des personnes, que leur déficience ou incapacité, en fin de compte, risque de conduire, sans l'aide, dans le fond, de la collectivité, à la pauvreté et à l'exclusion sociale.

Vous me permettrez de faire des correctifs pour... Tout à l'heure, on a rencontré l'Association du Québec pour l'intégration sociale et, comme c'était l'opposition qui posait ses questions, alors, je voulais faire quelques correctifs suite à ça. Je n'ai pas eu l'occasion de faire ces correctifs, mais vous en avez glissé un mot tout à l'heure, par rapport aux contrats d'intégration au travail, les CIT, pour personnes handicapées.

D'abord, le gouvernement a injecté, en 2001-2002, 18,2 millions de dollars. Donc, une partie est allée à l'OPHQ que vous avez mentionné tout à l'heure et, en 2002-2003, près de 19 millions. Et il y a eu un engagement gouvernemental d'y ajouter 12 millions sur cinq ans.

Et l'Association a parlé tout à l'heure qu'il fallait un secondaire V, d'une part, pour avoir droit... être éligible pour les contrats d'intégration au travail. Ce qu'on me dit ici, c'est que plus de la moitié des participants actuels, c'est-à-dire 53 % des participants, n'ont pas leur secondaire V actuellement et qu'ils sont éligibles tels quels. Donc, c'est peut-être appliqué avec une certaine souplesse à ce niveau-là. Et la difficulté qu'on est en train de revoir, par contre, pour mieux préciser, c'est que souvent les employeurs, eux, exigent, dans certains choix professionnels qui se font, le secondaire V. Alors, nous, on est en discussion à ce niveau-là pour alléger cette situation-là.

Vous savez qu'il y a aussi tout... Nous attendons, et je pense que tout le monde attend aussi les ajustements qui vont être apportés aux normes du travail. Peut-être que l'Association du Québec pour l'intégration sociale... Alors, il y a des éléments qui vont peut-être être intéressants même pour le Regroupement actuellement pour les ressources alternatives.

Pour revenir à nous, avant de développer dans le fond... Vous mentionnez que les CRD, donc, vos centres de réadaptation, dispensent leurs services dans la communauté là où vit la personne, c'est-à-dire dans sa famille, dans la ressource de type familial, en services de garde, à l'école, en milieu de stage, en milieu de travail, mais que les centres sont donc des acteurs importants pour ces personnes et des témoins privilégiés de leurs situations et de leurs problèmes.

Avant de développer le concept de participation sociale, vous faites la constatation qu'il y a un besoin d'harmonisation intersectoriel. On l'a entendu quelquefois durant la commission. Donc, harmoniser les programmes, les mesures destinées aux personnes ayant des incapacités. Vous constatez également, tant en éducation qu'en emploi, que de nombreux efforts restent à faire pour que la personne dispose de toutes ses chances pour accéder à une qualification, à un emploi ou à un suivi nécessaire pour qu'elle conserve son emploi.

Alors, à votre avis, quels efforts spécifiques les plus porteurs sont prioritaires pour atteindre ces objectifs-là, pour vous?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Vanasse.

M. Vanasse (Claude): Oui. Pour répondre à ça, je vais demander à M. Plourde de s'exprimer là-dessus. M. Plourde est un agent de relations humaines sur le terrain. Donc, lui, il accompagne des personnes présentant une déficience intellectuelle dans leur milieu de travail, dans certains cas, ou dans la collectivité, dans d'autres cas.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Plourde.

M. Plourde (Michel): Donc, effectivement, il existe des mesures et il y a eu des efforts considérables. Actuellement, l'ensemble des mesures de soutien d'employabilité ou de programmes pour favoriser l'embauche ont besoin d'être beaucoup moins complexes en regard du monde réel du travail. Parce qu'une difficulté qu'on rencontre... Il faut bien comprendre que souvent les emplois traditionnels qu'on retrouve, pour notre clientèle, sont dans des secteurs économiques précaires: le textile, un exemple, la récupération, l'entretien, notamment la garderie. Et souvent, ce que les employeurs nous demandent, c'est d'avoir des choses beaucoup plus simples, parce que, dans le monde réel du travail, ce que les gens veulent, c'est des choses simples, utiles et efficaces.

Donc, nos programmes gouvernementaux sont parfois très lourds, très complexes pour les employeurs. Donc, il est important de pouvoir alléger. Et c'est un commentaire qu'on entendait tout à l'heure, puis je pense qu'il est fort important: les personnes ayant une déficience intellectuelle ou un trouble envahissant du développement vont avoir des difficultés durables dans l'ensemble de leur cheminement professionnel. Ça, on parle de 40 ans: de 21 ans, supposons, l'âge scolaire, jusqu'à la pension. Et il est important que les mesures, par rapport à des difficultés particulières qui sont irréversibles, soient adaptées à la situation de la personne.

Donc, parfois, les employeurs peuvent contribuer, sauf que les subventions, les fameux contrats d'intégration, au niveau du pourcentage de tâche et de non-rentable, sont pour un an avec une prolongation pour deux ans. Donc, après deux ans, la personne demeure avec ses incapacités ou ses difficultés par rapport au monde du travail. Donc, à ce moment-là, souvent, l'employeur ne poursuit pas avec la personne.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci. Mme la ministre.

Mme Léger: Quand vous dites «alléger», vous parlez particulièrement de la durée ou vous parlez particulièrement de la lourdeur?

M. Plourde (Michel): De la complexité de la procédure, des procédures.

Mme Léger: O.K. Qu'est-ce qu'on pourrait davantage améliorer? Quand vous dites «la complexité», avez-vous des choses plus particulièrement que... J'entendais la durée, là, vous disiez particulièrement la durée.

M. Plourde (Michel): Oui. Il y a la durée. Au niveau de la complexité, souvent, par exemple, les employeurs sont souvent intéressés à des 40 % de tâche par rapport à 60 % subventionnés. Donc, ça, c'est un élément fort important parce qu'il y a des gens qui ne peuvent que remplir la tâche à 20 %.

Mme Léger: Est-ce qu'il faut différencier particulièrement la lourdeur des incapacités ou des déficiences?

M. Plourde (Michel): Oui, effectivement. Puis il faut bien comprendre que ? c'est pour ça que je me plais à dire «le monde réel du travail» ? le monde du travail, avec la dimension compétitive et l'aspect revenu, ce qui est tout à fait normal, va nécessairement influencer beaucoup l'embauche des personnes. Puis ça, c'est quand même fort important, là, à ce niveau-là. Donc, ce qui est important par rapport à ce milieu-là, c'est que le milieu du travail n'est pas un milieu de réadaptation. Donc, il est important que, si, même nous, on travaille en réadaptation, on ne demande pas à des gens dans des épiceries, dans le textile, dans des entreprises de récupération de devenir des professionnels de réadaptation et des professionnels au niveau des procédures administratives que le gouvernement leur propose.

Mme Léger: Je comprends. Est-ce que, à la place de mesures générales, on devrait davantage avoir des mesures plus ciblées? Est-ce que ça va jusque-là?

M. Plourde (Michel): Oui, oui.

Mme Léger: Donc, plutôt en fonction de la capacité de la personne de s'ajuster; et d'ajuster, d'alléger les programmes, d'alléger la façon d'aider, de les normer peut-être, là, pour davantage l'accompagner. C'est ce que je comprends.

M. Plourde (Michel): Oui.

Mme Léger: Mais, de l'autre côté aussi, l'entreprise, quel effort que l'entreprise peut faire aussi, de son côté? Parce qu'on peut essayer de donner un climat puis aider la personne en allégeant vraiment les programmes ou les mesures, mais comment aussi, du côté des entreprises, ils peuvent, de leur côté, faire leur part?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Plourde.

M. Plourde (Michel): Je pense que les entreprises peuvent le faire en ayant une certaine ouverture, en ayant des garanties d'avoir des modalités de suivi, en s'assurant d'avoir des CRDI, puis je crois qu'ils l'ont beaucoup, et que les CRDI vont suivre les personnes afin de pouvoir aider les personnes à pouvoir maintenir leur emploi.

n (11 h 20) n

Mme Léger: Vous le faites, le suivi?

M. Plourde (Michel): Ça, c'est des choses que l'on fait. Oui, effectivement.

Mme Léger: O.K. Bien, merci. Je vais laisser ma collègue...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Crémazie.

Mme Blanchet: Merci, Mme la Présidente. Madame, messieurs, bienvenue. Un peu dans la même veine de faciliter les choses dans la vie de tous les jours, j'avais une petite question.

À votre recommandation 7, à la page 16, vous nous dites... Et vous l'avez mentionné, M. Vanasse, dans votre présentation, la diversité des mesures de protection sociale. Il y en a en grand nombre, c'est complexe. C'est souvent un obstacle pour les personnes handicapées ou peut-être pour des entreprises. Et vous dites: «Le fait que les diverses mesures de protection sociale soient conçues en fonction de la cause de la déficience ou de l'incapacité, de l'âge, du statut de la personne et du régime d'indemnisation ? CSST, SAAQ, etc. ? et que cela crée des iniquités entre les différents groupes...» Vous recommandez que le projet de loi prévoie le regroupement des différentes mesures de protection sociale pour en faciliter l'accès et pour éviter qu'elles soient discriminatoires.

J'ai vraiment un questionnement parce que, pour ce qui est des différents régimes comme la CSST, ce sont des employeurs qui contribuent. La SAAQ, on y contribue tous par une assurance à même nos frais de permis de conduire et d'immatriculation. J'avoue que j'ai un petit peu de problèmes. Peut-être que c'est moi qui comprend mal, là, versus les différents programmes, que le gouvernement aide aussi directement la personne. En tout cas, quel genre de regroupement? Qu'est-ce que ça voudrait dire comme regroupement, si vous pouviez m'éclairer?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, Mme Landry?

Mme Landry (Alice): On n'a pas de réponse. On va avoir une réponse, peut-être pas celle précise que vous désirez. Mais, en fait, on s'est questionné et on s'est demandé... Puis ça fait longtemps qu'on a ce questionnement-là, et les associations de parents ont le même questionnement aussi. Toutes les personnes qui sont confrontées avec la problématique qu'une personne présente une déficience intellectuelle ou un trouble envahissant du développement, c'est toute la notion de compensation du handicap.

Alors, ce qu'on porte à votre attention, c'est le fait que l'on doit tenir compte que cette compensation du handicap ne devrait pas être rattachée à la cause. Alors, pourquoi on devrait tout à coup relever d'un régime? Donc, ce serait beaucoup plus rémunérateur ou payant parce qu'on provient de ce régime.

Bien sûr, il y a une logique de ce côté-là qui veut que, bien, l'employeur a contribué, j'ai contribué. Alors, la CSST, c'est correct. Alors, il y a une logique comme ça. Nous, ce qu'on apporte, c'est une autre logique. On dit: Regardons les individus tels qu'ils sont, chaque individu. Prenons une approche personnalisée, étudions chaque situation et regardons de quoi cette personne a besoin et compensons, que ce soit la perte de revenus, l'incapacité d'avoir accès au marché du travail ou... En tout cas, compensons, parce qu'on est tous des citoyens et on doit avoir accès, tout le monde, que l'on présente une incapacité ou une autre, pour une raison ou une autre, on doit pouvoir avoir accès aux ressources de la communauté.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée... Oui, M. Vanasse, en complément de réponse.

M. Vanasse (Claude): Juste pour préciser. Le régime de compensation, il existe déjà au niveau du physique. La SAAQ, la CSST, et ainsi de suite, ça existe déjà. Mais ça n'existe pas au niveau de l'intellectuel.

Donc, le régime de compensation, il existe pour venir compenser ? on est tous d'accord ? pour un manque qui s'est produit. Quand c'est un manque physique, vous vous faites amputer un bras, on donne une compensation pour cette amputation-là. Mais les personnes qui présentent une déficience intellectuelle, elles n'ont pas de régime de compensation. Et, lorsqu'on parlait tout à l'heure de l'intégration en emploi, elles ne sont pas capables de remplir à 100 % une tâche qu'un individu, entre guillemets, normal remplit. Donc, on va dire: On va lui accorder une compensation; les CIT, ils sont là pour ça.

Mais ce qu'on dit, c'est que cette compensation-là, au lieu d'avoir un caractère de permanence, elle a un caractère ponctuel. Mais la déficience intellectuelle, vous l'avez toute votre vie, madame. Nous, on les accompagne la vie durant, ces personnes-là. On les accompagne de la naissance à aller jusqu'à leur mort. C'est simplement ça qu'on dit. C'est que, dans le régime, les personnes qui présentent une déficience intellectuelle, lorsqu'on les aide pour accomplir quelque chose, lorsqu'on leur donne un support, bien, il ne faut pas les laisser en plein milieu parce que, sans ça, là, c'est comme un équilibriste sur un fil de fer, puis il n'y a pas de filet en dessous. C'est comme ça que les personnes déficientes intellectuelles ou avec des troubles envahissants sont, elles sont comme sur un fil de fer. Si les parents, la famille, la collectivité ne les accompagnent pas, ne les supportent pas, si le gouvernement ne les aide pas, écoutez, elles vont marcher sur le fil de fer, mais sans filet en dessous. Alors, qu'est-ce qui peut se passer? On ne sait pas.

Alors, c'est dans ce sens-là qu'on intervient. On dit: Écoutez, la compensation physique, elle existe déjà, il y a déjà des programmes qui sont en place pour ça. Pourquoi ne pas penser aussi à une compensation au niveau du handicap intellectuel? C'est ça que ça ramasse, la recommandation qu'on fait là.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Une minute pour un commentaire.

Mme Blanchet: Donc, si je comprends bien... Moi, j'ai toujours pensé que, si quelqu'un présente un handicap et il ne peut vraiment pas travailler, par exemple, donc c'est une personne qui, on dit dans notre jargon, est considérée comme inapte, elle aurait déjà une certaine compensation par la sécurité du revenu. Mais là, vous, vous voyez une compensation si cette personne-là peut quand même travailler, comme M. Cloutier le disait tantôt, pouvait travailler, mais peut-être pas remplir dans les normes que l'on a, 40 %, 20 %.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Vanasse.

M. Vanasse (Claude): Écoutez, ça peut tout à fait être ça. Ce qu'on dit, c'est que le travail, ce n'est pas de la réadaptation, c'est de la revalorisation. Les individus qui sont déficients intellectuels et qui ont des troubles graves, lorsqu'on les intègre au travail, ce qu'on fait, c'est qu'on les revalorise. On ne fait pas de réadaptation, là. Il n'y a pas d'employeur qui fait de la réadaptation en employant quelqu'un. Lui, ce qu'il cherche, c'est quelqu'un qui lui donne un service. Il va le payer en fonction du service qu'il reçoit et, s'il a un manque à gagner, il veut que l'État compense, que le gouvernement compense ce manque à gagner là pour le service qu'il a besoin. Alors, comme le disait si bien M. Plourde tout à l'heure, c'est exactement ça.

Ce qu'on veut, dans le fond, à travers les programmes gouvernementaux, c'est supporter... Les CIT, c'est excellent, c'est parfait. Le seul petit défaut qu'ils ont, c'est qu'ils ne durent que deux ans. Mais, je vous l'ai dit tantôt, la déficience intellectuelle, vous l'avez pour la vie. Donc, après deux ans, l'individu, il va peut-être être un peu meilleur, mais il n'aura jamais perdu son incapacité. Donc, il ne sera jamais productif dans le sens de «productif» tel que l'employeur s'attend, lui. Après deux années, ce qu'il va dire, c'est: Écoute, je vais en prendre un autre. C'est ce qui se produit à l'heure actuelle. Ça, c'est la réalité du quotidien. Il y a des employeurs qui vont accepter de prendre des personnes présentant une déficience intellectuelle pour une période limitée, le temps que le contrat d'intégration au travail dure.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, M. Vanasse. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup. Bienvenue également et merci pour le mémoire. Mais, sans perdre de temps, on va poursuivre sur la même voie.

Ça rejoint la question que je posais au groupe juste avant vous au niveau des CIT. Donc, vous êtes assez clair, là, vous dites que c'est limité dans le temps, c'est deux ans maximum, donc une année renouvelable un an, point à la ligne, c'est fini après.

M. Vanasse (Claude): C'est ça.

M. Sirros: C'est ce que je comprends.

M. Vanasse (Claude): Exact.

M. Sirros: Donc, ce n'est pas quelque chose qui suit la personne sa vie durant comme une mesure d'accompagnement ou de compensation qui va permettre à l'employeur de l'intégrer de façon permanente?

M. Vanasse (Claude): Absolument pas.

M. Sirros: Après ça, après les deux ans, on mise sur quoi? On mise sur la conscience de l'employeur ou on mise sur sa volonté de voir réduire sa...

M. Vanasse (Claude): Exact. On espère, après deux ans, que l'individu, la personne va avoir amélioré sa situation. Donc, peut-être, elle va être devenue productive au sens productif, donc intéressante pour l'employeur, parce que l'employeur... Écoutez, ce n'est pas une entreprise de charité, c'est un organisme privé qui veut rentabiliser ses activités, donc il n'a pas à faire la charité à personne. Alors, lui, l'employeur, ce qu'il veut, c'est obtenir une certaine rentabilité. Généralement, les personnes s'intègrent très bien dans le milieu où elles sont, elles sont très bien, aussi, accueillies dans le milieu qui les reçoit. Mais, comme je vous disais tantôt, le handicap, tu l'as pour la vie. Donc, tu peux t'améliorer un peu, mais tu ne perds jamais la déficience intellectuelle; lorsque tu es déficient, tu es déficient pour la durée de ta vie.

n (11 h 30) n

M. Sirros: Dans les faits, qu'est-ce qui arrive, les gens après deux ans qui sont...

M. Vanasse (Claude): Un homme de terrain va vous répondre.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, M. Plourde.

M. Plourde (Michel): Certains ? ils sont malheureusement très minimes, le nombre ? vont demeurer dans l'entreprise parce qu'il s'est développé une notion d'attachement et de collaboration entre l'employé et l'entreprise. Certains. Sauf que, nous, on est très attentifs à leurs demandes parce que ce qu'on se rend compte ? c'est un phénomène qui est également associé au profit ? c'est qu'on va garder les personnes deux ans et, après deux ans, compte tenu qu'il n'y a plus de subvention, l'employeur va nous demander si le CRDI peut subventionner à la place du contrat d'intégration, ce que nous ne pouvons pas faire, et, à ce moment-là, la personne perd son emploi.

Mme Léger: Mme la Présidente...

M. Sirros: Oui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, Mme la ministre.

Mme Léger: ...il y a un réajustement, là. Je m'excuse, si vous me permettez?

M. Sirros: Allez-y, allez-y.

Mme Léger: On m'informe que le contrat dans les CIT est renouvelable à chaque année, donc ça n'arrête pas après deux ans. C'est que ça peut se faire année après année. C'est à chaque année que c'est renouvelable, année après année. Et ça peut aller jusqu'à la mortalité de la personne. C'est ce qu'on m'informe ici. Alors, quand vous dites que c'est juste deux ans, c'est pour ça que je vois le député en train de poser des questions sur le deux ans, on m'informe que ce n'est pas exact.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, est-ce que... M. Plourde, oui?

M. Plourde (Michel): Oui. Peut-être ? je ne sais pas si on est sur la même planète, puis c'est ça qu'on va vérifier ? mais, dans la pratique réelle d'aujourd'hui, d'hier et, j'imagine, de demain, normalement, après une évaluation d'un an, on peut avoir une prolongation d'une année, d'une deuxième année et, ensuite, c'est terminé.

M. Sirros: Mais permettez-moi peut-être sur... permettez-moi de vous demander ceci: La décision de la terminaison, elle est prise où?

M. Plourde (Michel): Je ne comprends pas la question.

M. Sirros: La décision de terminer le renouvellement.

M. Plourde (Michel): Oui.

M. Sirros: Là, on dit qu'en théorie... ce que je comprends là, le programme est fait pour que, effectivement, et c'est logique, le contrat puisse accompagner la personne sa vie durant en quelque sorte, peut-être avec un renouvellement d'un an, il faudrait voir pourquoi c'est à toutes les années. Peut-être que c'est pour suivre l'évolution de la situation particulière de la personne qui peut changer... en tout cas. On dit d'une part que c'est renouvelable. Vous, vous dites que, dans la réalité des choses, après deux ans, notre expérience, c'est que c'est terminé. La terminaison, elle est décidée par qui?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Plourde.

M. Vanasse (Claude): C'est un contrat, c'est un contrat d'intégration.

M. Plourde (Michel): Par un contrat.

M. Sirros: Mais je veux dire...

M. Vanasse (Claude): Un contrat. Un contrat, ça stipule une date de début puis une date de fin. Alors, lorsque le contrat prend fin, c'est avec le CLE.

M. Sirros: Non, mais quelqu'un approuve l'octroi du contrat.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Bien oui.

M. Vanasse (Claude): Oui.

M. Sirros: C'est-u au ministère de... à Emploi-Québec? C'est qui qui prend la décision?

M. Vanasse (Claude): Ce sont les CLE, c'est les centres locaux d'emploi.

M. Sirros: Les centres locaux d'emploi. Donc, la décision de l'annuler après deux ans, c'est aussi pris au centre local d'emploi. Et, vous, ce que vous dites, c'est que, dans la pratique, en dépit du fait que c'est renouvelable, nous, ce qu'on vit sur le terrain, c'est que, dans la majorité de nos cas, ils sont arrêtés après deux ans. Et cet argent-là est pris par la suite pour quelqu'un d'autre. Non?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Dépendamment...

M. Sirros: Les budgets sont toujours là.

M. Vanasse (Claude): Oui.

M. Plourde (Michel): Oui.

M. Sirros: Mais le nombre de personnes qui sont financées demeure le même et les personnes changent.

M. Plourde (Michel): Oui, exact.

M. Sirros: C'est ce que vous dites.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Plourde, oui.

M. Plourde (Michel): ...

M. Sirros: Ça, j'en... Bien, il faudrait que la ministre nous...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Plourde, je pense que...

M. Plourde (Michel): Pour vous illustrer quelque chose de très concret que j'ai vécu dernièrement, la semaine dernière, il y a certaines mesures qu'on appelle des mesures INSO. Les mesures INSO, c'est quelqu'un qui peut recevoir 60 $ aux 15 jours, et on paie aussi... Travail-Québec paie aussi la passe d'autobus par mois. Et ce programme-là qu'on a encore reparlé la semaine dernière parce que j'ai inscrit quelqu'un, c'est un projet maximum de deux ans. Je dois vous dire que, dans la pratique, et ça, on l'a vécu dans la région de Québec l'année dernière, on s'est rendu compte... Travail-Québec s'est rendu compte qu'ils avaient prolongé certains programmes de façon indue sur plusieurs années, ce qu'ils ne font plus maintenant. Donc, je ne sais pas si la confusion est là.

Mme Léger: ...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui.

M. Sirros: Je vois que la ministre, semble-t-il... alors c'est avec plaisir que je permettrais à la ministre de...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, peut-être un éclaircissement, on est ici pour ça.

Mme Léger: ...la confusion, parce que les contrats d'intégration sociale, les CIT, qui est géré par Emploi-Québec, l'OPHQ puis Emploi-Québec qui, eux, font le renouvellement à chaque année... bien, c'est à chaque année et il n'y a pas de fin. Ça peut être renouvelable année après année. Alors, dans le fond, ce n'est pas de votre gestion à vous là, ça. Là, vous, ce que vous parlez, c'est probablement d'insertion sociale, qui est une autre chose.

M. Sirros: Bien, est-ce que c'est effectivement ça? Parce que ce serait important à...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, est-ce qu'on peut... est-ce que ça peut être bien clair? Au moins, on aura gagné ça.

M. Sirros: Si on a gagné ça... Est-ce qu'il s'agit des contrats d'insertion sociale dont vous parlez plutôt que des contrats d'intégration au travail?

M. Plourde (Michel): C'est deux choses différentes. Tout à l'heure, je parlais des contrats d'insertion au travail, mais la connaissance un peu... je ne peux que dire, puis je sens qu'on s'en va comme dans une impasse, que les programmes existants en tout cas dans l'application, du moins dans la région de Québec, et je crois qu'au Saguenay?Lac-Saint-Jean c'est la même chose, et je ne nommerai pas toutes les régions du Québec, c'est normalement terminé après deux ans.

M. Sirros: Donc, vous maintenez que les CIT, contrats d'intégration au travail, sont, selon votre expérience, terminés après deux ans. Donc, la question qu'il faudrait poser, c'est peut-être à la ministre de voir parce que, entre la théorie puis l'application, ce qu'on a comme rapport, c'est qu'il y a un écart, alors ce serait... C'est très vrai ce que vous dites, c'est ce que j'ai toujours compris, moi aussi, que c'est renouvelable année après année. Mais la question, c'est de savoir: Est-ce que, dans les faits, ils sont renouvelés année après année? Parce que je fais le lien avec une autre recommandation que vous avez dans votre mémoire où vous dites, et je vais vous la lire: «Que le personnel du réseau public d'emploi (centres locaux d'emploi) soit formé pour accueillir adéquatement les personnes handicapées, notamment les personnes ayant une déficience intellectuelle ou encore un trouble envahissant du développement, les orienter, le cas échéant, vers une formation qualifiante et assurer un suivi approprié à leurs besoins.» Si vous sentez le besoin de mettre ce genre de recommandation, c'est parce que, j'imagine, vous constatez que, sur le terrain, la clientèle que vous représentez, qui n'est pas la grande majorité de la clientèle, souvent est comme pas prise en compte de façon adéquate par le processus administratif. Je ne sais pas s'il y a un lien ou non entre ce qu'on discutait tantôt et cette recommandation, mais ça soulève la question de la capacité du système de répondre à des besoins spécifiques des clientèles spécifiques. Parce que vous avez axé aussi beaucoup de vos interventions sur le besoin de mieux cibler ? vous et les personnes avant vous aussi ? de mieux cibler les clientèles en fonction de leurs besoins individualisés. Alors, je ne sais pas s'il y a un lien entre les deux, mais parlez-nous un peu de l'expérience que vos gens vivent quand ils arrivent au centre d'Emploi-Québec ou quand leurs familles y font référence.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Vanasse.

M. Vanasse (Claude): Particulièrement, cette mesure-là est là parce que... Anciennement, des contrats, des CIT étaient administrés par l'OPHQ. Donc, on savait, l'OPHQ avait développé une certaine, entre guillemets, compétence en regard de ce type de contrat là, si on veut, avait acquis une certaine compétence. Lorsque le gouvernement a décidé, l'OPHQ, et ainsi de suite, de verser vers les CLE, les centres locaux d'emploi, les contrats d'intégration au travail, tout ce que la Fédération, ce que les membres de la Fédération veulent s'assurer, et c'est pour ça que le texte est là, c'est qu'il y ait une bonne jonction. Parce qu'on fait face à une clientèle particulière, on vous l'a dit tantôt, une clientèle qui est démunie souvent, O.K.? et qui s'enregistre ou qui discute par... et qui s'exprime à travers d'autres personnes très souvent, parce qu'ils ne peuvent pas nécessairement parler ou discuter normalement ou soutenir une conversation normale.

Donc, ce qu'on veut et ce qu'on voulait via ça, c'est s'assurer, O.K.? que, par ce nouveau canal là, qui est les centres locaux d'emploi, qu'ils aient un accueil aussi... bien, je ne voudrais pas dire aussi compétent que ce que l'OPHQ donnait là, mais s'assurer qu'ils aient un accueil auprès du personnel qui va les recevoir. Parce que, pour les centres locaux d'emploi, c'est nouveau aussi, le fait d'accueillir des personnes déficientes intellectuelles pour occuper des emplois dans des entreprises. C'est une nouvelle clientèle pour eux autres. C'est une clientèle qui n'existait pas, qui était prise en charge par un autre organisme.

M. Sirros: Quand est-ce que ça s'est passé, ça?

M. Vanasse (Claude): Pardon?

M. Sirros: Quand est-ce que ça s'est opéré, le transfert?

M. Vanasse (Claude): L'an dernier... Bien, ça fait peut-être un an et demi, deux ans, là, que le transfert se fait de l'OPHQ vers les... Au moment de la formation des centres locaux d'emploi, au moment de l'intégration vraiment, ça a été quelque chose, une décision gouvernementale avec l'Office des personnes handicapées qui s'est faite. C'est un...

M. Sirros: Donc, c'est à ses débuts puis c'est un genre de sensibilisation que vous lancez.

M. Vanasse (Claude): Sauf erreur, je ne voudrais pas commettre d'impair, peut-être un an et demi, deux ans. Je ne voudrais pas me faire agacer avec ça, là, mais peut-être dans ces ordres de grandeur là, un an et demi, deux ans. Mme la ministre pourrait peut-être répondre plus précisément que moi là-dessus, là, mais on peut dire: un an et demi, deux ans.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En complément de réponse, M. Cloutier.

n (11 h 40) n

M. Cloutier (Pierre): Pour ce qui est de la pérennité, du renouvellement des CIT, on peut vous assurer; on va, de notre côté aussi, refaire nos devoirs tant qu'à la perception de ce que nos gens ont sur le terrain. Alors, ou bien vous avez totalement raison, Mme la ministre, et tant mieux ? au fond, c'est exactement l'objet dont on parle ? et, si ça ne s'est pas rendu à nos gens de terrain, bien, on a, de notre côté aussi, un petit devoir à faire. Puis on va vous communiquer les résultats de notre petite recherche pour vérifier notre donnée de façon très pointue là-dessus. Une petite missive vous sera adressée dans les prochains jours à cet effet-là pour être bien certain qu'on se comprend sur les mêmes données. Si c'est à court terme, ça ne répond pas aux besoins. Si c'est à long terme, il y a peut-être le formulaire administratif qui est à alléger, ce genre de chose là. Mais, sur l'esprit général, je pense qu'on s'entend sur la perspective qui est souhaitée par la majorité des gens ici.

M. Sirros: Mais, si je peux me permettre un commentaire peut-être à la ministre, à mon point de vue, c'est le genre de chose qui devrait être renouvelable automatiquement, à moins d'indication contraire, et ne pas avoir une obligation de revoir ça à toutes les années, comme s'il faudrait justifier à toutes les années le maintien de la déficience et le... À moins d'indication contraire, le contrat devrait être automatiquement renouvelé, il me semble.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Renouvellement tacite.

M. Sirros: Parce que, si c'est un instrument qui permet l'intégration de la personne au niveau de l'emploi, bien, tant et aussi longtemps que la personne a sa déficience, elle devrait l'avoir, à moins qu'il y ait quelque chose qui change qui permettrait l'annulation du contrat, si on l'octroie. Parce que, sinon, c'est un illogisme total, parce que ça va permettre peut-être d'avoir des statistiques qui vont dire que, tu sais, on a aidé beaucoup de personnes, mais on a joué à la chaise musicale finalement. On a pris à l'un pour donner à l'autre, et on n'a pas avancé beaucoup, beaucoup.

Ça étant dit... Il reste encore quelques minutes?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Il reste une minute et demie.

M. Sirros: Une minute et demie.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mais peut-être, aussi, que ça pourrait être intéressant que... Une fois qu'on aura fait cette tournée de l'ensemble des régions, et vos résultats... ce serait intéressant que vos résultats soient connus et transmis au secrétariat de la commission afin que l'on puisse aviser tous les membres de cette commission.

M. Sirros: Et, dans la dernière minute peut-être qu'il me reste, peut-être que je pourrais solliciter un commentaire de votre part sur la discussion qu'on avait tantôt, sur la question des différents régimes de compensation qui existent. Il y a la CSST, la SAAQ; ça, c'est du point de vue surtout handicap physique qui résulte suite à une cause précise. Il n'y a rien non plus pour les personnes handicapées physiques qui ne sont pas handicapées suite à une telle cause. Par exemple, un enfant qui naît handicapé physique, il n'y a rien, là. Il n'y a rien non plus au niveau de la déficience intellectuelle. On avait, à un moment donné, pensé, et peut-être que c'est toujours quelque part, à l'idée d'un programme plus universel de compensation de handicaps. Avez-vous des commentaires?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Vanasse.

M. Sirros: C'est un peu dans ce sens-là que, j'imagine, vous y allez quand vous dites: Remettre tout ça dans un programme.

M. Vanasse (Claude): Exact. Mais, en fait, nous, on a ciblé ? et je pense que vous ramassez très bien, M. le député ? on a ciblé particulièrement en parlant de la SAAQ, en parlant de la CSST, parce que c'étaient des compensations physiques connues, O.K.? on le disait, et c'est la même chose pour ceux qui ont, de naissance, des problèmes physiques aussi, ils ne reçoivent pas plus de compensation que les personnes qui présentent des déficiences intellectuelles. Alors, on les ramasse dans le même bateau là, on comprend bien qu'on parle de personnes handicapées en général, O.K.? Nous, on traite particulièrement intellectuelles, mais, souvent, les personnes qui sont handicapées intellectuelles ont le double handicap, elles sont aussi handicapées physiques. Alors, ce qu'on couvre, je pense, ce qu'on voulait couvrir, c'est la panoplie des personnes qui sont handicapées mais de naissance, entre guillemets, O.K.? Généralement, ceux qui sont handicapés de façon accidentelle, bien, on sait que... surtout physique, bien, il y a déjà des régimes de compensation. Nous, ce qu'on voudrait, c'est que le gouvernement se penche sur un régime de compensation pour les personnes handicapées, O.K.? de... en tout cas, on va dire «de naissance» pour les besoins de la cause là, mais c'est ça.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, MM. Vanasse, Cloutier et Plourde de même que Mme Landry, merci d'avoir participé à cette commission, mais surtout de nous avoir éclairés sur certains sujets. Alors, je suspends les travaux pour quelques minutes pour permettre aux représentants de l'Association des centres jeunesse du Québec de bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 11 h 45)

 

(Reprise à 11 h 46)

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Veuillez prendre place, s'il vous plaît. Alors, nous accueillons maintenant les représentants et représentantes de l'Association des centres jeunesse du Québec. Alors, je salue M. Yves Jean, qui est président. M. Jean, je vous cède la parole pour 15 minutes. Je vous demanderais de nous présenter les personnes qui vous accompagnent.

Association des centres
jeunesse du Québec (ACJQ)

M. Jean (Yves): Bonjour, Mme la Présidente. Mme la ministre, messieurs dames députés. Je suis Yves Jean, président de l'Association des centres jeunesse et ex-directeur d'école. Je vous présente, à ma droite, Mme Margot Gauthier, qui est intervenante sociale, travailleuse sociale au Centre jeunesse de Québec, dans le secteur Québec-Centre, et, à ma gauche, M. Pierre Lamarche, qui est le directeur général des centres jeunesse... de l'Association des centres jeunesse du Québec.

Alors, mesdames, messieurs, comme je n'ai pas l'habitude d'être devant autant de monde et d'être aussi loin, je vais me contenter de faire un peu de lecture. Mais je ne lirai pas tout le mémoire, ce serait trop long, vous l'avez lu. Un résumé avec quelques présentations.

Alors, l'Association des centres jeunesse du Québec n'est pas un acteur habituel des débats portant sur la pauvreté. Nous sommes plutôt des cliniciens et nous essayons de concentrer nos énergies sur le bien-être des enfants. Mais, lorsque le gouvernement québécois a décidé de prendre le virage d'une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et de déposer un projet de loi, nous nous sommes dit que nous ne pouvions plus nous taire et que nous ne pouvions plus passer sous silence ce que nous constatons à tous les jours en travaillant auprès des quelque 100 000 enfants et jeunes qui nous sont confiés en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse, de la Loi sur les jeunes contrevenants ou par d'autres voies. Quand on parle de 100 000 jeunes, ça peut entraîner un effet pervers. On se dit que 100 000, c'est comme zéro. À 100 000, on ne peut pas mettre de nom ni de visage sur les cas. Alors, c'est pourquoi je veux d'abord sortir de notre mémoire et vous parler de Mathieu, selon les expériences que j'ai eues dans mon travail.

Mathieu a 12 ans, il est en cinquième année scolaire. Il a déjà une année de retard scolaire. Il est évidemment le plus vieux de sa classe. Vous vous doutez qu'il a toujours vécu des échecs depuis son entrée à l'école. Pourtant, tout petit, Mathieu disait qu'il deviendrait pilote d'avion, car son passe-temps préféré était de regarder les avions voler au-dessus de sa maison. Les professeurs ont fini par se lasser de ses insuccès scolaires et ils le font passer, à chaque année, à un niveau supérieur, en désespoir de cause. Mais il n'a pas fait les acquis, et on peut déjà prévoir qu'il va se casser les dents au secondaire. Évidemment, l'échec scolaire le pousse à se faire remarquer dans un autre domaine. Il défie l'autorité, il démontre des troubles de comportement. Il n'y a pas une des étiquettes nouvelles qu'on ne lui a pas attribuées: déficit de l'attention, hyperactivité, trouble envahissant du comportement.

n (11 h 50) n

Mathieu est intelligent, ses professeurs et les éducateurs le reconnaissent. Toutefois, sa mère Mylène, qui a 31 ans, et sa petite soeur Sara vivent seules dans des conditions épouvantables. Son père ne vit plus avec eux. Mylène travaille occasionnellement dans des manufactures de vêtements à Montréal et, lorsqu'elle travaille, elle effectue le plus d'heures possible. La mère essaie d'arrondir ses revenus en ayant recours aux programmes gouvernementaux d'assurance emploi mais plus souvent de la sécurité du revenu. Je n'ai pas besoin de vous dire que la maman de Mathieu n'a pas beaucoup de temps à lui consacrer. Elle arrive à peine, en courant sans cesse, à rencontrer toutes ses obligations. Il n'y a pas de laveuse-sécheuse, elle doit se rendre au lavoir, ce qui ampute son budget serré. Heureusement, il y a les banques alimentaires et les comptoirs. Il n'y a pas beaucoup de vêtements, presque pas de jouets, peu à manger et, évidemment, pas beaucoup de cadeaux, pas de vacances, pas de livres, pas de dictionnaires, pas d'Internet.

Depuis la rentrée scolaire, la situation de Mathieu s'est détériorée. Au cours de l'été, il s'est joint à un petit groupe de fauteurs de troubles et il s'y est investi avec beaucoup d'ardeur. Il a été arrêté pour avoir fracassé des vitres de voiture et avoir volé des objets et de la menue monnaie, vols à l'étalage, vagabondage dans les parcs. Il est ramené à la maison par les policiers fréquemment. Sa mère est morte d'inquiétude, mais, lui, il démontre de l'agressivité et ridiculise les préoccupations de sa mère et de son père qui a été appelé à la rescousse.

Bref, les autorités de l'école l'ont finalement suspendu le 4 octobre dernier. Il ne se présentait pas à l'école et, quand il se présente, il se fait remarquer essentiellement par les problèmes qu'il cause en classe et autour de l'école. La tension monte. Cela fait plusieurs fois que Mathieu en vient aux coups avec sa mère qui s'inquiète, car les coups sont de plus en plus fréquents, de plus en plus violents, et elle a peur pour elle et pour sa petite fille. Un signalement a été fait par Mylène au centre jeunesse. Il a été retenu. Mylène a accepté des mesures volontaires et, même si Mathieu reste pour l'instant dans son milieu naturel, il sera encadré, selon les possibilités, par des travailleurs sociaux et des éducateurs. Il devra assister à ses cours. Lui et sa famille auront un parcours à réaliser.

Voilà, mesdames, messieurs, un portrait bien typique que nous rencontrons trop fréquemment. Nous aurions pu aussi vous raconter l'histoire de vie du petit Kevin que j'ai racontée, le 6 juin dernier, à votre ministre, M. Roger Bertrand, l'histoire d'un enfant de piquerie qui est, à toutes fins pratiques, abandonné à lui-même. Mais, au fond, la leçon à tirer de l'histoire aurait été la même. Et on peut vous parler encore de bien d'autres enfants, mais je vous en fais grâce.

Je vais demander à Mme Margot Gauthier de vous entretenir un peu sur son quotidien.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme Gauthier.

Mme Gauthier (Margot): Alors, ce que je voudrais vous dire, c'est que les familles et les enfants que nous desservons, et bien souvent contre leur gré, à la DPJ vivent des contraintes et des obstacles parfois insurmontables. La société a tendance à chercher à les oublier, soit parce qu'il s'agit d'une frange un peu négligeable statistiquement ? les centres jeunesse de Québec, c'est 5 % des familles du Québec que nous représentons ? ou encore soit parce qu'on aura tendance à démontrer envers ces familles négligentes ou abusives une certaine indifférence, peut-être du mépris, comme si elles étaient seules responsables des difficultés qu'elles vivent, comme si ces difficultés étaient, somme toute, auto-infligées.

Ce faisant, on culpabilise les victimes et on les pousse vers un système soignant pour aller chercher de l'aide. Effectivement, les centres jeunesse de Québec sont là pour leur offrir cette aide. Mais nous sommes là aussi pour témoigner qu'au-delà des limites personnelles des familles concernées il existe dans nos systèmes certaines des causes les plus persistantes à cette misère. Or, si nous sommes en mesure d'aider les familles ? par exemple, comme celle de Mathieu ? à recouvrer les ressources personnelles dont elles ont besoin pour assurer le développement de leurs enfants, nous sommes démunis devant les obstacles systémiques qui se posent à ces familles. Leur effort pour s'en sortir se trouve souvent bloqué par des reculs substantiels au plan du revenu, du logement, des conditions de vie en général qui ne cessent de se détériorer.

Pour assurer le développement du plein potentiel des jeunes, comme le souhaite la stratégie gouvernementale, il faut être conscient que, pour certains d'entre eux, les jeunes des centres jeunesse notamment, la trajectoire d'insertion sociale passe par des mesures spéciales de soutien psychosocial. Nous souhaitons que ces enfants, ces jeunes et ces familles soient considérés dans la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Les 17 centres jeunesse du Québec desservent environ 100 000 enfants, jeunes et familles en difficulté à chaque année. Il s'agit d'enfants et de jeunes sévèrement négligés, ça représente 51 % des cas de protection; les mauvais traitements physiques représentent 9 % des cas de protection; les abus sexuels représentent 6 %; et les enfants abandonnés, 2 %. Il y a aussi les jeunes qui manifestent des troubles de comportement, c'est 32 % de notre clientèle, ou d'autres qui ont commis des délits criminels, les jeunes contrevenants, donc 22 % de l'ensemble des usagers des centres jeunesse.

La moitié des parents dont les enfants sont signalés à la protection de la jeunesse tirent leur subsistance des programmes de la sécurité du revenu ou ne disposent d'aucune source de revenus. Les parents sont peu scolarisés, et le tiers, 36 %, des parents d'enfants dont le signalement a été jugé fondé par le directeur de la protection de la jeunesse ont eux-mêmes été l'objet de mauvais traitements durant leur enfance.

L'issue traditionnelle d'une période de prise en charge pour un adolescent ou une adolescente d'un centre jeunesse est plus souvent qu'autrement l'inscription à la sécurité du revenu. Une étude a révélé que, sur 919 jeunes vivant en famille d'accueil ou en centre d'accueil, 71 % sont encore à l'aide sociale 10 ans plus tard. On voit donc que ces jeunes rencontrent des obstacles additionnels et que, sans une aide spécialisée qui leur fait actuellement défaut, leur chance de vivre une insertion sociale satisfaisante est faible. En les comparant à l'ensemble des élèves du secondaire, on a trouvé que les jeunes des centres jeunesse ont cinq fois plus souvent que les autres des problèmes avec la police, ils ont cinq fois plus souvent des problèmes avec l'alcool et les drogues, les deux tiers ont des problèmes à l'école comparativement à un quart des jeunes du secondaire, un sur trois a déjà tenté de se suicider contre 11 % chez les élèves du secondaire, et plus du quart a été l'objet d'abus sexuels.

Alors, c'est un peu la clientèle du centre jeunesse de Québec que j'ai tenté de vous dépeindre.

M. Jean (Yves): Alors, pour nous... Ça va?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, c'est complet... Vous avez autre chose?

M. Jean (Yves): Oui.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Non? C'est complété?

M. Jean (Yves): Oui...

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, je vous remercie...

M. Jean (Yves): ...je vais compléter.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. Alors, je vous remercie, M. Jean et Mme Gauthier, pour la présentation...

M. Jean (Yves): ...madame, je voudrais compléter.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Ah! je m'excuse, je croyais que vous aviez terminé.

M. Jean (Yves): Alors, pour nous, à l'Association des centres jeunesse du Québec, c'est évidemment l'amélioration de l'état de l'enfant qui nous intéresse et la résolution complète de la situation familiale qui a entraîné la compromission ou l'acte délinquant.

Mais, derrière ce bref portrait, nous voyons se profiler l'éprouvante réalité de la persistance intergénérationnelle de la pauvreté, preuve que, si des mesures vigoureuses ne sont pas instaurées, le capital social de ces familles ne cessera pas magiquement de stagner. Au contraire, la misère s'accentuera au fur et à mesure que le contraste entre l'opulence de la société et ses groupes laissés-pour-compte se fera plus notoire. Non seulement Mathieu ne sera pas pilote d'avion, mais il risque de se retrouver rapidement en très grande difficulté. Voilà comment le capital social stagne. Cette misère est dommageable pour l'ensemble de la société à cause de la pauvreté des chances, de la privation de possibilités, à laquelle elle confine les citoyens qui en sont affectés et à cause aussi de l'importance des ressources publiques qui doivent être consenties pour en traiter les conséquences. Comme l'indique l'énoncé de politique, la pauvreté et l'exclusion d'une partie de ces citoyennes et citoyens affecteront le potentiel collectif du Québec.

Et, pour boucler la boucle de la misère et de la détresse, ajoutons que plusieurs études ont démontré comment la pauvreté et la misère accentuent les risques de négligence et de mauvais traitements et, en conséquence, compromettent le développement des enfants. Il est inquiétant de noter, par exemple, que la probabilité de signalement à la Direction de la protection de la jeunesse varie de 2,19 enfants pour 1 000 à 40,8 enfants pour 1 000 selon le niveau de défavorisation. Pour toutes ces raisons, les centres jeunesse se sentent particulièrement interpellés par la Stratégie de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et par le projet de loi n° 112.

Nous sommes inquiets aussi parce que la croissance de la richesse n'arrive plus à infléchir la tendance vers l'appauvrissement des plus pauvres. Les plus récentes données démontrent que, dans de nombreux sous-groupes de la population, la richesse médiane a en effet augmenté beaucoup plus lentement que la richesse moyenne, ce qui indique une augmentation de l'inégalité au sein des sous-groupes.

Au bout du compte, ce ne sont pas que les jeunes qui y perdent au change. En fait, la misère coûte une fortune à l'État et à l'ensemble des citoyennes et citoyens. En mesurant les revenus versés à l'État selon qu'un citoyen a complété une huitième année, une douzième année ou a obtenu un diplôme qualifiant, une étude citée dans notre mémoire conclut qu'un homme diplômé verse au cours de sa vie 3,74 fois plus de revenus à l'État qu'un compatriote qui n'a pas terminé son cours secondaire.

n (12 heures) n

Pour les femmes, l'écart est encore plus grand, puisqu'une femme disposant d'un diplôme verse, entre l'âge de 25 à 65 ans, autour de 415 000 $ à l'État, alors que sa concitoyenne qui n'a pas complété son secondaire ne versera que 25 000, soit 16,4 fois moins.

Si l'État perd environ 500 000 $ de revenus à vie pour chacun des 20 % de jeunes sous-qualifiés, la richesse nationale s'appauvrit de 3,75 milliards de revenus par année. Le terme «capital», dans l'expression «capital social», n'est donc pas utilisé à la légère.

En conclusion, mesdames, messieurs, sans être des experts de l'économie ni de la lutte à la pauvreté, il nous a semblé nécessaire de vous sensibiliser au fait qu'il existe une frange de la population qui n'y arrivera jamais seule, car sa détresse psychosociale ajoute à la charge qu'elle porte déjà par sa condition économique précaire. Malheureusement, les services sont rares et difficilement accessibles. Par exemple, il devient de plus en plus difficile de maintenir un minimum de suivi auprès des enfants reconnus victimes de négligence, de mauvais traitements, d'abus sexuels ou d'abandon.

En conséquence, nous recommandons que le projet de loi comprenne des engagements de résultat qui indiqueraient la direction à suivre dans l'ensemble de la stratégie. Il aurait été intéressant que le projet de loi confirme, par exemple, l'intention du gouvernement d'adopter une politique formelle garantissant l'amélioration des conditions économiques des familles et des personnes qui constituent le cinquième des plus pauvres de la société. Il est de notre avis qu'une stratégie nationale de lutte à la pauvreté doit s'assurer d'instaurer des mesures destinées aux jeunes et aux familles qui présentent un haut indice de détresse sociale et psychologique. Ces mesures impliquent un investissement d'énergie supérieur à ce qu'il faut généralement pour créer les conditions favorisant l'insertion sociale des personnes frappées par la pauvreté.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): En terminant, M. Jean.

M. Jean (Yves): Oui. Je fais encore d'autres recommandations. Compte tenu de l'évolution très rapide des connaissances en matière de développement de l'enfant et du rapport entre ce développement et l'environnement des enfants, nous recommandons que l'Observatoire proposé dans le projet de loi assume le suivi de la recherche dans ces domaines. Il pourra le faire avec la collaboration des centres universitaires, des centres jeunesse.

Nous recommandons d'élargir la portée du projet Qualification. Et nous recommandons également d'examiner la possibilité d'étendre, dans certains cas seulement, les programmes de la sécurité du revenu aux jeunes âgés de 16 et 17 ans afin de permettre aux plus émancipés d'entre eux de laisser les institutions publiques pour voler de leurs propres ailes sans attente.

Nous souhaitons que l'on passe rapidement des stratégies et des projets de loi à l'action, car le temps nous presse, puisque 5 100 jeunes des centres jeunesse passeront à la vie autonome en 2003. Merci.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, c'est moi qui vous remercie, M. Jean et Mme Gauthier, pour la présentation de votre mémoire. Mme la ministre.

Mme Léger: Bonjour, madame. Bonjour, messieurs. Merci pour votre mémoire. Je vois que l'Association des centres jeunesse du Québec se réjouit du projet de loi proposé et vous appuyez les engagements compris dans la stratégie de lutte.

Vous me voyez un peu... Vous avez touché une corde sensible qui est la partie des enfants. Je pense qu'il n'y a pas une société qui accepte que les enfants subissent d'abus: vous avez parlé de mauvais traitements, d'agressions, abandonnés. Le portrait que, madame, vous avez fait des jeunes avec qui vous oeuvrez, on n'aime jamais les entendre, mais ils sont là.

Et je vois aussi que ce sont souvent des jeunes qui ne sont pas capables nécessairement d'être dans le réseau traditionnel ou qui ne peuvent être dans le réseau traditionnel, d'une part. Les parents, souvent, vous avez parlé d'habiletés parentales parfois déficientes. On voit... qui participent à des gangs de rue. Anciennement, on les appelait les mésadaptés. C'est un terme que je n'ai jamais bien, bien aimé. Ils font partie de ce qu'on appelle l'exclusion sociale au Québec. Et on ne peut pas être exclu quand on a 14 puis 15 ans; c'est absolument abominable de penser ça. Si on veut que le Québec soit sans pauvreté, il faut le regarder encore de plus près.

Alors, je vous remercie pour tout ce que vous avez apporté et ce que vous avez énuméré. Je vois que vous avez encore un peu de la direction d'école, la direction d'école qui est là. Je pense que vous en... C'était peut-être une mission que vous aviez quand vous étiez à la direction d'école, parce que de vous voir dans les centres jeunesse présider les centres jeunesse du Québec, l'Association, je pense que c'est tout à votre honneur, M. Jean.

Je suis une ancienne enseignante, puis ça me touche beaucoup, la situation des enfants. Quand on voit ce qui se passe dans les nouvelles actuellement, avec notre tireur fou de Washington puis qui veut s'attaquer, depuis hier, aux enfants, on ne peut pas comprendre qu'une société se rende jusque-là. Et c'est aux États-Unis, mais on ne voudrait pas que ce soit ici, au Québec. Alors, la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté est absolument importante à ce niveau-là, de réduire la pauvreté de 50 % dans les 10 prochaines années, et ça vient toucher énormément les enfants.

Je vois toute l'implication de nos services de garde pour nos tout jeunes. D'avoir des services éducatifs, d'avoir des éducatrices, des éducateurs formés pour aider à l'égalité des chances de tous les enfants, qui est un des objectifs les plus importants de nos services de garde, qui a aussi des liens avec les habiletés parentales qu'on peut développer avec les organismes communautaires en relation avec les CLSC et tous les intervenants autour de la petite enfance, cela peut nous donner un bon coup de main pour, je pourrais dire, les prochaines années.

Mais là on parle de nos jeunes de 14, 15, 16, 17 ans. Vous dites particulièrement que... Vous nous recommandez, à la page 17, vous mentionnez d'élargir le projet Qualification à l'ensemble des centres jeunesse du Québec. Vous dites d'inscrire les jeunes de 16 ans et plus dans une démarche qualifiante en tenant compte des obstacles psychosociaux qui les affligent. C'est ça, le projet qui a été fait, un projet-pilote, par quatre centres jeunesse actuellement. Au lieu d'arriver à l'âge adulte en s'appuyant sur la sécurité du revenu, ces jeunes se donnent un projet qualifiant qui les garde en mouvement entre les études, le travail et les mesures d'appoint plutôt que de les enfermer dès le départ, dans leur vie d'adulte, dans une formule de dépendance.

Mais, par après, vous dites: «Nous recommandons également d'examiner la possibilité d'étendre, dans certains cas seulement, les programmes de la sécurité du revenu aux jeunes âgés de 16 ans et 17 ans.» Et je fais le lien, tout à l'heure, avec la persistance intergénérationnelle de parent à enfant et que ça continue, cette forme de dépendance là. Vous ne me voyez pas vraiment en accord avec cette partie-là. Nos jeunes de 16 et 17 ans qui se retrouvent prestataires de la sécurité du revenu, on a une obligation, et, moi, je l'ai, comme ministre, puis le gouvernement, on l'a, de vraiment sortir ces jeunes-là de la sécurité du revenu. C'est un objectif absolument primordial.

Alors, j'aimerais que vous me l'expliquiez, d'une part, qu'est-ce que vous entendez par là, et faire le lien avec Solidarité jeunesse qui est un programme qui est mis en place exprès pour ces jeunes-là qui se retrouvent dans une situation, là, où on va avec eux, dans leur cheminement de vie, pour les amener à s'en sortir puis personnaliser, dans le fond, cette forme d'aide et de mesures.

M. Jean (Yves): Juste un commentaire concernant le tireur fou. Vous savez qu'avec les enfants que nous avons dans nos centres jeunesse, les tireurs fous n'ont pas tous d'arme à feu.

Et je voudrais vous dire aussi que M. Pierre Lamarche, qui est le directeur général de l'Association, je ne voudrais pas qu'il se soit déplacé pour rien à Québec. Alors, je vais lui demander de vous répondre, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, M. Lamarche, je vous cède la parole.

M. Lamarche (Pierre): Merci. Alors, la solution est peut-être dans le cadre de Solidarité jeunesse, mais on a beaucoup travaillé avec le programme Solidarité jeunesse, qui est extrêmement intéressant, des résultats très convaincants. Ce qu'on constate, par exemple... Auprès des intervenants précédents, la déficience intellectuelle, vous avez parlé de mesures ciblées ou de mesures adaptées. Ce qu'on constate, nous, c'est que, quand on essaie de faire le lien entre les mesures de sécurité du revenu, les mesures d'aide, par exemple, du ministère de l'Éducation et les ressources dont, nous autres, on dispose pour aider les jeunes à passer à la vie autonome, il y a beaucoup de trous qui font que, finalement, par exemple, on se retrouve avec des jeunes de 17 ans qui sont dans des parcours qualifiants puis qui commencent vraiment à se sortir de leur misère, mais on est obligés de les garder dans le giron des centres jeunesse jusqu'à l'âge de 18 ans parce qu'il n'y a pas d'autres ressources, et la sécurité du revenu embarque, si vous voulez, à l'âge de 18 ans. Du côté du ministère de l'Éducation, les programmes de bourses ne sont versés que pour certains programmes et ne sont pas versés pour d'autres. Alors, il y a vraiment...

Nous, ce qu'on constate, en fait, c'est que, pour les jeunes qui veulent s'émanciper tôt, il y a une complexité de mesures qui font qu'on n'est pas capables d'avoir recours à quelque support financier qui viendrait les aider à commencer à s'intégrer dans la vie autonome rapidement.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la ministre.

Mme Léger: Oui. Nous sommes en train de regarder, d'une part, tout le projet qualification dans le plan d'action, de voir, d'évaluer le scénario possible, de le poursuivre, parce que c'est une de vos recommandations. Donc, je pense que ça peut être une belle avenue de le poursuivre.

Mais, effectivement, la stratégie nationale vient comme confirmer puis donner, si on peut dire, cette cohésion-là puis cette cohérence-là des programmes, parce que plusieurs nous disent qu'il y a des trous entre deux programmes, puis on ne correspond pas nécessairement, et on travaille en silo. Et le fait de ne pas avoir cette mission-là, transversale, donne certains irritants comme ce que vous apportez. Et l'objectif est évidemment d'avoir cette mission transversale là et que tout le monde travaille ensemble pour ne pas avoir ce genre de trou. Et la jeunesse du Québec, je pense que c'est plus qu'une priorité. Je vais laisser la suite à ma collègue qui a aussi une question.

n (12 h 10) n

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée de Crémazie.

Mme Blanchet: Merci, Mme la Présidente. Madame, messieurs, bienvenue. Dans votre mémoire, précisément à la page 13, vous faites allusion... vous saluez le fait que le projet de loi reconnaisse le rôle déterminant de la famille dans le développement des personnes et de la société et vous dites que ça rejoint votre vision que vous avez aussi du potentiel des familles.

Vous faites, aussi, également allusion à trois programmes qui existent présentement et qui visent à aider les familles en difficulté ou qui, malheureusement, seraient à risque de le devenir, soit le Programme de soutien aux jeunes parents, le programme Naître égaux ? Grandir en santé et le programme Familles en détresse.

Dans vos recommandations, à la page 16, vous mentionnez que la stratégie de lutte à la pauvreté devrait ou doit accorder de l'importance aux services spécialisés destinés aux enfants, aux jeunes et aux familles. Alors, moi, je voudrais vous demander: Selon vous, quelles devraient être justement les mesures que le gouvernement devrait privilégier pour ces jeunes et ces familles qui malheureusement vivent des situations de détresse ou qui seraient malheureusement à haut risque d'en vivre, de ces situations-là?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Vanasse. Excusez, M. Jean.

M. Jean (Yves): Oui. Je vais demander à M. Lamarche de vous répondre, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui. M. Lamarche.

M. Lamarche (Pierre): Bien, en fait, quand on parle des familles qu'on réfère, en fait on parle d'une frange de la population, disons, où je dirais que la misère est incrustée de façon très robuste. Alors, ça prend des mesures supplémentaires, dans le fond, pour aider ces familles-là à donner un environnement correct, disons, à leurs enfants.

Il y a quelques mesures qu'on préconise. Je pense que la plus importante, c'est le développement, l'identification précoce des situations de négligence. Et c'est la direction qui est donnée par le Programme de soutien aux jeunes parents qui va démarrer dans les prochains mois. C'est une direction extrêmement encourageante, mais il faut voir qu'il y a plusieurs dizaines de milliers de familles.

Ce qu'on vise avec le Programme de soutien aux jeunes parents, c'est les jeunes mères de 19 et 20 ans qui vivent dans des situations à risque. Et le programme consiste à les accompagner pendant les six premières années de l'évolution de l'enfant, à les aider à développer les habiletés parentales, la stimulation de l'enfant par le développement du milieu, et tout ça.

Alors, c'est clair que les... c'est connu et c'est même prouvé que les mesures d'identification précoce, d'intervention précoce intensives ? je dis bien «intensives» ? qui s'adressent à des populations larges peuvent avoir des effets extrêmement probants sur l'amélioration des conditions de vie des familles. C'est une mesure certainement, disons, pivot sur laquelle il faut tabler.

L'autre mesure importante, c'est l'intégration, l'intégration des jeunes. On en a parlé avec le projet Qualifications. C'est à l'autre bout un peu de la vie du jeune, si vous voulez. Quand on parle du Programme de soutien aux jeunes parents, on parle des tout-petits, ça a un effet sur les tout-petits. Quand on parle de la qualification, on parle des plus vieux, ceux qui arrivent à l'âge adulte.

Alors, des deux côtés, je dirais, en amont et en aval, il faut disposer de programmes intensifs pour permettre le développement des habiletés parentales et l'intégration dans des projets de qualification. Je dirais que c'est les deux stratégies majeures.

Il y a d'autres problèmes, qui sont peut-être plus particuliers à notre réseau, qu'on voit puis qui nous inquiètent beaucoup, par exemple: la difficulté d'avoir accès à des services spécialisés en santé mentale pour les enfants au Québec. On a vraiment un problème d'accès, on a un problème de pénurie, ce qui fait que, évidemment, si on n'est pas capable de traiter les problèmes au moment où c'est pertinent, bien, la situation se détériore, et on se retrouve encore avec les mêmes groupes de jeunes qui, finalement, se placent dans une trajectoire de désinsertion sociale.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Mme la députée.

Mme Blanchet: Une dernière petite question. Vous parliez de mesures intensives qui devraient avoir lieu. Est-ce que, par exemple, les programmes de stimulation précoce dans les services de garde pourraient en partie justement prévenir des situations de détresse pour ces jeunes-là?

M. Lamarche (Pierre): Oui, tout à fait. D'ailleurs, il faut savoir que la plupart des centres jeunesse... tous les centres jeunesse sont en contact avec les centres de la petite enfance parce qu'il y a une interface directe. Une fois que le centre de la petite enfance fait un travail de stimulation, fait un travail aussi même, dans certaines occasions, de développement des habiletés parentales... mais là, quand on détecte des situations de négligence ou d'abus, il faut que finalement le directeur de la protection de la jeunesse entre en travail. Mais, idéalement, l'objectif, c'est que le directeur de la protection de la jeunesse n'ait pas à se mêler du développement de l'enfant.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, le temps d'un commentaire. Oui, Mme la ministre.

Mme Léger: Oui. On parle des centres de la petite enfance, donc de la jeunesse, M. Lamarche. On a parlé des 16-17 ans et des 18, la partie Solidarité jeunesse. Solidarité jeunesse, c'est surtout 18 ans et plus, mais 16 et 17 ans, on veut peut-être l'améliorer à 16-17 ans. On est en train d'évaluer ça. Mais la partie que vous me disiez, la deuxième partie qui est celle des 8 ans, 8, 9 ans, 10 ans, que vous avez là, il manque certaines mesures. Donc, les liens avec le milieu scolaire se font-ils?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Pour une réponse...

M. Lamarche (Pierre): Bien, le lien, peut-être que Mme Gauthier pourra en parler aussi tout à l'heure. Le lien avec le milieu scolaire se fait, mais quand il se fait chez nous, il se fait déjà un peu trop tard. Vous voyez ce que je veux dire? C'est que les écoles sont les plus importants signalants à la Direction de la protection de la jeunesse, mais généralement, pour qu'une école en ait soupé d'un jeune, il faut que vraiment ce soit hors de contrôle, un peu, la situation. Et, même quand il arrive chez nous après, on n'a pas toujours la capacité de faire toute l'intervention, toute l'intensité d'intervention qu'on devrait faire.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Merci, monsieur. Oui, Mme Gauthier.

Mme Gauthier (Margot): ...le lien avec le milieu scolaire, moi, j'ai le goût et l'intérêt de vous parler d'une petite de cinq ans qui bien sûr devait commencer l'école, parce que c'est l'âge. Alors, cette petite-là ne parle pas. Et comment se fait-il qu'elle n'ait pas encore été signalée à la Direction de la protection de la jeunesse? Bon, c'est un mystère, et on va le découvrir. Moi, je suis au suivi psychosocial de cette jeune-là et de sa mère. Donc, elle a été évaluée en pédopsychiatrie. Elle ne peut pas intégrer un milieu scolaire parce qu'elle ne connaît pas ce qu'est un autre enfant. Elle a vécu isolée pendant les cinq premières années de sa vie, en compagnie seulement de sa mère. Elle n'a pas bénéficié, parce que la mère n'en a pas vu le besoin, de services de garde. Alors, il faut socialiser cette enfant-là en tout premier lieu et lui donner un programme éducatif. Alors, elle a cinq ans. Une dérogation scolaire n'est pas un problème, mais on va faire quoi? L'école ne peut pas prendre en charge, dans un groupe de 20, cette enfant-là. Alors, on ira en pédopsychiatrie. Et elle a un retard envahissant du développement. Elle n'est pas déficiente moyenne. Elle pourrait être déficiente légère. On ne le sait pas encore, mais elle est capable d'apprentissage.

Alors, mon travail va consister à accompagner cette mère-là et sa fille pour leur faire voir... Même, est-ce qu'elle pourra un jour entrer dans le système scolaire? Alors, c'est sûr que nos partenaires sont les centres de la petite enfance et nos partenaires sont tout le milieu scolaire. C'est évident qu'on travaille avec eux à tous les âges, l'âge scolaire, primaire autant que secondaire aussi. On est toujours dans les écoles à faire des plans d'intervention et à intervenir en collaboration avec l'interne de l'école.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, merci, Mme Gauthier. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue également. Une petite question, par curiosité, pour commencer. Il y a 26 ans à peu près, on faisait au Québec ce qu'on avait appelé «l'Opération 30 000». Je ne sais pas si ça vous dit quelque chose, mais, dans le temps, j'étais agent de relations humaines au Centre de services sociaux du Montréal métropolitain, puis on faisait l'inventaire, pour la première fois au Québec, de tous les enfants placés dans les familles d'accueil, etc, puis on l'avait nommée «Opération 30 000» parce qu'il y avait 30 000 enfants à inventorier. Je constate que vous parlez toujours de 30 000 enfants. Peut-être une petite consolation, et je ne sais pas si c'est une consolation, c'est que peut-être la population a augmenté depuis sauf que, du même coup, le taux de fécondité a baissé. Où est-ce qu'on est? Vingt-cinq ans plus tard, est-ce qu'on a toujours le même nombre d'enfants placés au Québec, donc pas de véritable progrès, là, si on tient compte de tous les facteurs?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Lamarche.

M. Lamarche (Pierre): J'étais là, moi aussi, dans le temps de l'Opération 30 000, comme intervenant au Centre de services sociaux Richelieu, même au service social du diocèse de Saint-Jean, avant les services sociaux modernes.

On a 24 000 enfants placés actuellement, dont à peu près 15 000 dans des familles d'accueil et 9 000 dans différentes formules: foyers de groupe ou différentes unités de vie. 24 000 par année, pas 24 000 à tout moment, là, mais 24 000 enfants dans une année, qui passent à travers les places, soit de familles d'accueil ou des placements en internat.

M. Sirros: En termes de roulement annuel?

M. Lamarche (Pierre): Oui.

M. Sirros: Au niveau des enfants placés?

M. Lamarche (Pierre): On doit avoir, à tout moment, à peu près 15 000 enfants placés. Donc, 15 000 places, disons. Il y a 24 000 enfants qui occupent 15 000 places sur une année, si vous voulez.

n (12 h 20) n

M. Sirros: O.K. Cela étant dit, pas juste par curiosité, ce qui m'a frappé beaucoup dans le mémoire, c'est... Bon, on est en discussion avec un projet de loi sur la pauvreté, puis vous avez commencé votre intervention en disant: Normalement, ce n'est pas un domaine dans lequel vraiment on a un oeil attentif, mais on a senti le besoin de venir parce qu'on voit le lien entre les enfants qui sont dans notre giron puis la suite des choses. Vous le faites ressortir très, très bien et très, très fort, à la page 11 du mémoire, quand vous dites que les jeunes commencent leur vie, souvent, à l'aide sociale. Et vous citez un rapport du ministère de la Sécurité du revenu elle-même qui conclut que le fait de transiter par une famille d'accueil ou un centre d'accueil hypothèque sérieusement l'insertion socioprofessionnelle des jeunes assistés sociaux. Et l'étude a constaté que, sur 919 jeunes vivant en famille d'accueil ou en centre d'accueil, 71 % sont encore à l'aide sociale 10 ans plus tard. Là, c'est comme un aveu... C'est un problème.

Bon, il y a un manque criant quelque part. Et ce qui me frappe, c'est que vous avez affaire avec des jeunes qui passent une bonne partie de leur vie dans des ressources de style familles d'accueil, centres de jeunesse, etc. Ils sont encadrés jusqu'à l'âge de 18 ans. Après ça, «you're on your own, baby». Et souvent, ils n'ont personne vers qui ils peuvent se retourner, soit pour de l'accompagnement, de l'aide, de l'orientation, en tout cas, un sentiment de recherche de sécurité. Puis tout ce qu'on peut faire au niveau de 0-18... Et là, aujourd'hui, vous faites ressortir aussi des chiffres très criants et alarmants au niveau du manque de personnel dans les centres jeunesse. Bon, il va y avoir des échos, j'espère. Donc, même là, il y a des manques. Mais, quand ils arrivent à 18 ans, on leur dit finalement: Il n'y a rien d'autre pour vous. Il y a une incongruité dans le système, quelque part. Ils commencent à l'aide sociale pour avoir un revenu de subsistance quelconque, mais il n'y a pas d'autre suivi, à ma connaissance, une fois qu'ils passent l'étape des 18 ans.

Est-ce que ce n'est pas plus vers ce côté-là qu'il faudrait qu'on regarde? Et justement, on fait la promotion de l'approche plus ciblée, plus individualisée au niveau des prestataires d'aide sociale, au niveau d'une approche de réduction de la pauvreté par le biais de la problématique individuelle que les gens vivent. Mais il me semble que vous avez là toute une clientèle ? il y en a eu d'autres tantôt. Ce matin, on a eu la clientèle de la déficience intellectuelle, etc., mais, bon, il y a toute une clientèle qui, souvent, 10 ans plus tard, est encore là.

Alors, est-ce que vous avez réfléchi? Quel genre de lien est-ce qu'il pourrait y avoir? Parce que ce qui manque, c'est l'appui psychosocial finalement, par la suite. Ce n'est pas vrai que, parce qu'ils arrivent à l'âge magique de 18 ans, ils sont des adultes. Ils sont des adultes également, mais ça ne veut pas dire, non plus, qu'ils sont des adultes capables de faire face à toutes les exigences que leur passé ne leur a pas données peut-être.

Alors, qu'est-ce qu'on peut imaginer, comme suite des choses, qui permettrait de faire un lien meilleur entre cette transition vers une vie plus autonome?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Jean.

M. Jean (Yves): Je pense que le plus important, ce sera d'élargir notre plan qualification, notre programme qualification qui est actuellement dans quatre centres jeunesse du Québec. Il faudra l'étendre à tous les centres jeunesse et à tous nos jeunes avant qu'ils quittent, dès l'âge de 16 ans. Et c'est pour ça qu'on dit que, dans les recommandations, on demande que ces jeunes-là soient aidés aussi, qu'on puisse recevoir un peu plus pour les diriger vers un travail. M. Lamarche va compléter.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Oui, M. Lamarche, en complément de réponse.

M. Lamarche (Pierre): Tout à fait, comme M. Jean vient de l'expliquer. Le projet qu'on a mis sur pied, grâce notamment à la collaboration de Solidarité jeunesse, ça nous amène à cibler dans quatre régions du Québec ? on le teste là pour l'instant. Dès qu'un jeune arrive à 16 ans puis qu'on sait qu'il va être avec nous jusqu'à 18 ans, on ne fait pas juste qu'appliquer l'ordonnance de cour qui nous l'a imposé, on commence à travailler avec eux individuellement, en «case management», si vous voulez, un projet de qualification pour le jeune. Et notre objectif, c'est de faire en sorte que 75 % des jeunes, au moment où ils quittent le centre jeunesse et qu'ils s'en vont vivre de façon autonome, n'aient pas recours au programme de sécurité du revenu ou, s'ils y ont recours, c'est dans un parcours qualifiant, donc le scolaire, ou la préparation à un emploi, ou occuper un emploi, mais enfin, dès l'âge de 16 ans, on commence à faire avec eux un plan de qualification. Il faudrait qu'on le fasse.

D'abord, on va mesurer, on va évaluer pour voir si ce qu'on fait actuellement fonctionne, si ça permet effectivement d'écarter les trois quarts de la dépendance envers l'État. Si ça fonctionne, on se doit de l'étendre en fait à l'ensemble des jeunes. On dit: Il y a 5 031, je pense, 5 000 jeunes qui vont atteindre l'âge de 18 ans en 2003 et il y en a 5 000 par année qui graduent à l'âge adulte chez nous et qui graduent... Finalement, on s'est occupé d'appliquer les mesures qui ont été ordonnées par le tribunal. Souvent, dans le cadre du placement, s'ils ont des problèmes de toxicomanie, ils sont dans des programmes spéciaux et tout ça. Mais le volet de qualification, il faut qu'on s'en occupe aussi ? c'est ce qu'on commence à faire ? pour que ces 5 000 jeunes là ne rentrent pas à l'aide sociale autant que possible à 18 ans, qu'ils aient quelque chose devant eux un peu.

M. Sirros: Tantôt, le groupe précédent faisait une recommandation à l'effet qu'on devrait former les agents dans les centres locaux d'emploi par rapport à la clientèle de la déficience intellectuelle. Je le mets comme parallèle strictement au niveau du besoin, peut-être, d'une formation plus psychosociale ou d'une approche plus ouverte vers ces problèmes-là au niveau de la suite des choses.

Est-ce qu'on ne peut pas imaginer qu'après 18 ans il y aurait aussi un genre de suite qui serait assurée pour ces 5 000 par année qui, entre guillemets, graduent? Par exemple, un agent ou quelqu'un qui est là pour les accompagner dans leur démarche d'insertion de façon plus individualisée et ciblée? Parce que, si le lien est coupé avec l'encadrement qu'ils ont eu pendant toutes ces années-là, avec des éducateurs, avec des travailleurs sociaux, etc., il me semble que c'est un peu abrupt. Est-ce qu'il ne peut pas y avoir un genre de période de transition après 18 ans, tout en commençant peut-être certains programmes comme ceux que vous décrivez avant 18 ans, en dehors du circuit des places en famille d'accueil, etc.? Et quelle serait l'instance appropriée pour faire ça?

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. Lamarche.

M. Lamarche (Pierre): C'est ce qu'on veut faire avec... Le programme Solidarité jeunesse nous permet de passer avec un suivi plus intensif de 18 à 20 ans. Alors, si, nous, on le fait de 16 à 18 puis que, avec Solidarité jeunesse, on peut le faire jusqu'à 20... On a, dans toutes les régions du Québec, signé des ententes de collaboration entre les centres jeunesse et les directions de l'emploi ? enfin, je ne sais pas comment ça s'appelle chez vous, mais ceux qui s'occupent... ? les centres locaux d'emploi, les carrefours jeunesse emploi, et tout ça, pour que justement les dossiers soient traités d'une façon un peu individualisée, parce que nos jeunes ne fittent pas dans les groupes puis dans les programmes des centres locaux d'emploi. En fait, ils foutent un peu la pagaille quand ils se présentent là-dedans et ils sont très, très, très compétents dans ce domaine-là. Alors, c'est sûr qu'on construit avec eux des programmes spécifiques. Nous, on va les suivre, on est prêts à faire l'effort de les suivre jusqu'à 19 ans puis de les accompagner dans le processus de Solidarité jeunesse, mais là, si on parle de 16 à 20 ans à peu près, on parle quand même d'un suivi assez long, il s'agit que l'intensité soit assez grande. Et puis, moi, je pense que, si on se fie à des programmes semblables qui ont été appliqués ailleurs, par exemple aux États-Unis, jusqu'à maintenant, ces programmes-là ont été très efficaces.

M. Sirros: ...quelque part dans votre mémoire, qui parlait d'un taux d'abandon ou de... le nombre de personnes qui n'ont pas leur secondaire V, parmi votre clientèle, est assez élevé. Donc, il y a aussi un lien à faire avec ces cibles.

M. Lamarche (Pierre): Oui. Alors, les jeunes, en moyenne, arrivent chez nous à 14 ans. Si on parle des internats, par exemple, ils arrivent à 14 ans avec une moyenne de deux ans et demi de retard scolaire à 14 ans.

M. Sirros: Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): Alors, au nom de tous les membres, M. Jean, M. Lamarche et Mme Gauthier, merci d'avoir participé à cette commission. Je suspends les travaux vers 15 heures, c'est-à-dire après les affaires courantes, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

 

(Reprise à 15 h 29)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, la commission des affaires sociales va donc poursuivre, en fait reprendre ses travaux. Je vous rappelle que nous sommes réunis afin de procéder à la consultation générale et tenir des audiences publiques sur le projet de loi n° 212, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Alors, puisque nous avons quorum, nous allons donc procéder. Je vois que le groupe est déjà rendu. Je suis désolée, on a pris un petit peu de retard, mais je pense qu'on va pouvoir s'organiser pour entrer dans le temps qui nous est imparti.

n (15 h 30) n

Alors, il me fait plaisir de vous souhaiter la bienvenue, M. Normand, M. Baril, de l'Institut canadien de l'éducation des adultes. Alors, je vous rappelle que vous avez 15 minutes pour la présentation de votre mémoire et que, par la suite, il y aura période d'échange avec les deux groupes parlementaires. Alors, avant, j'aimerais que la personne responsable, celui qui va présenter le mémoire se présente et nous présente la personne qui l'accompagne.

Institut canadien
d'éducation des adultes (ICEA)

M. Normand (Bernard): Merci, Mme la Présidente. Mon nom est Bernard Normand, je suis directeur général de l'Institut canadien d'éducation des adultes. Et nous allons présenter conjointement: je vais faire les premières cinq minutes et je vais passer la parole, si vous n'avez pas d'objection, à M. Daniel Baril, pour notre 15 minutes. Est-ce que ça vous convient?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Aucun problème. Ça va.

M. Normand (Bernard): Je vous remercie. D'abord, je tiens, au nom des membres de l'ICEA et de notre président qui, malheureusement, ne pouvait pas être ici aujourd'hui, M. Émile Olivier, à remercier les membres de la commission des affaires sociales de nous recevoir.

Deuxièmement, d'entrée de jeu, nous tenons à saluer le gouvernement du Québec qui, à notre avis, a écouté la mobilisation citoyenne des dernières années avec en particulier la Marche mondiale des femmes contre la pauvreté et la violence et le Collectif pour l'élimination de la pauvreté qui nous apparaissent des initiatives extrêmement importantes. Donc, il y a une écoute positive. Et nous saluons le fait qu'il y ait sur la table un projet de loi qui nous apparaît perfectible, mais qui nous apparaît une avancée intéressante. Ça nous semble essentiel de poser ce diagnostic au point de départ.

Vous dire ensuite brièvement qui on est parce que je pense que, même si plusieurs le savent, c'est essentiel de rappeler qu'est-ce qu'est l'ICEA. L'ICEA est une organisation non gouvernementale, avant tout québécoise, qui existe depuis 1946 et qui, comme carrefour rassembleur, a comme membres une centaine d'organisations qui sont à la fois des institutions publiques d'éducation, des syndicats, des organisations communautaires, des étudiants adultes, des universitaires et une soixantaine de membres individuels. Tous ces gens-là sont regroupés à l'Institut autour d'un seul objectif, je dirais central, d'un objectif qui anime l'ensemble des membres, c'est de promouvoir l'exercice du droit à l'éducation des adultes tout au long de la vie. Pour nous, c'est une composante essentielle, ce sur quoi on travaille. Et c'est à la lumière de cette mission-là, de notre objectif que nous avons fait le mémoire que vous avez entre les mains.

Je dirais deux constats au point de départ, deux constats qui sont au coeur de nos convictions. C'est que, premièrement, nous considérons que les personnes en situation de pauvreté ont un potentiel, ont une expertise, représentent une richesse dans le Québec d'aujourd'hui, contrairement à ce qui est présenté souvent par des grands médias ou ce qui est présenté sous forme de préjugé. Donc, notre conviction, c'est qu'il faut tabler sur cet actif-là de la société qui touche plus de 20 % de la population du Québec. Donc, pour nous, notre regard par rapport aux personnes en situation de pauvreté, c'est un regard positif. Il y a là un potentiel qu'il faut activer. Et le droit à l'éducation, deuxième constat, deuxième conviction, c'est que le droit à l'éducation, c'est une composante, un élément très important pour contribuer à activer le potentiel des personnes, de tous les citoyens et citoyennes du Québec.

Pour nous, la pauvreté a de multiples facettes et, de façon très modeste aujourd'hui, on veut toucher surtout une facette comme telle, qui est en lien avec le droit à l'éducation, et de quelle façon que des situations de pauvreté résultent en bonne partie du fait que, comme l'a dit la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, la pauvreté, c'est une atteinte aux droits de la personne, pour nous. Et c'est sur ce registre-là que nous avons présenté le mémoire comme tel. Et pour nous, encore une fois, comme l'ont mentionné les représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, il y a une nécessité de renforcer au Québec les droits économiques et sociaux et, à l'intérieur de ça, le droit à l'éducation.

Et sur ça, je passe la parole à M. Daniel Baril qui va aller de façon plus pointue sur le sens de notre mémoire.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Baril.

M. Baril (Daniel): Donc, pour ma part, je vais présenter le sens spécifique de notre intervention tel qu'il est exprimé dans le mémoire.

Tout d'abord, on veut souligner le fait que l'éducation et la formation des adultes se retrouvent dans le projet de loi n° 112. Cette question-là aurait pu ne pas s'y retrouver, et nous aurions eu à faire valoir l'importance d'ajouter cette dimension-là. Mais, en partant, le projet de loi n° 112 parle d'éducation et de formation des adultes, et c'est une chose qui est extrêmement positive pour nous. Mais, étant donné qu'on ne vit jamais dans un monde parfait, on a jugé important de proposer des bonifications à l'article 7.3°, qui est l'article du projet de loi qui parle et qui traite de la question d'éducation, pour établir plus solidement la place de l'éducation et de la formation des adultes et du droit à l'éducation pour la population adulte dans le plan de lutte à la pauvreté que le gouvernement adoptera suite à l'adoption de la loi.

Notre souhait le plus profond, c'est que la future loi marque un pas important, un pas progressiste et un pas historique dans la reconnaissance légale du droit à l'éducation comme droit éducatif mais aussi comme droit social, économique et culturel. Les politiques en lien avec le ministère de l'Éducation forment la base légale du droit à l'éducation en tant que droit éducatif. Le projet de loi n° 112 va ouvrir une nouvelle dimension à cette reconnaissance-là... Ça va? Oui? Excusez. Le projet de loi n° 112 va ouvrir une nouvelle dimension et il va fonder la dimension sociale, économique et culturelle du droit à l'éducation. Et c'est précisément le point ou l'ajout que nous voulons faire à ce projet de loi, c'est de bien camper, de bien préciser le sens de cette nouvelle dimension là et de bonifier les propositions du projet de loi n° 112.

D'une manière générale, nous invitons le gouvernement à compléter la logique qui est à la base de l'article 7.3°. Cette logique-là, actuellement, fait référence à la politique d'éducation des adultes et de formation continue. C'est une chose positive. Cette politique-là n'avait pas d'expression légale en elle-même; maintenant, le projet de loi n° 112 lui donne une base légale. Et on tient à le souligner encore, c'est positif, ce bout-là. Toutefois, l'article 7.3° tel que libellé présentement ne fait référence qu'à une certaine partie de cette politique-là, soit ses orientations, et ne touche pas à ce qui est peut-être le bout le plus important de la politique, ses principes et ses fondements. Je vais expliciter tout à l'heure ce qu'on entend par ce point-là. Donc, essentiellement, ce que nous proposons, c'est de rajouter à l'article 7.3°, en plus des orientations de la politique, ses principes qui sont à ses fondements pour s'assurer que, désormais, la politique d'éducation des adultes ait définitivement une base sociale, un objectif social et ait une mission de lutte à la pauvreté et pas simplement les actions qui sont proposées dans cette politique-là, mais ses principes qui sont beaucoup plus larges et qui font directement référence au droit à l'éducation, à l'éducation tout au long de la vie, à l'accès aux savoirs, l'importance de l'accès aux savoirs pour les gens, et au rôle central de l'État à cet effet-là.

Nos amendements se regroupent en trois types d'amendements. Premièrement, il y a certains termes qu'on trouve important de clarifier dans le libellé actuel de l'article 7.3° pour éviter les confusions. Deuxièmement, on propose d'élargir les services éducatifs auxquels fait référence l'article 7.3°. Et, troisièmement, on souhaite que cet article-là soit mieux harmonisé avec la politique en intégrant les principes de la politique d'éducation des adultes dans l'article.

Grosso modo, notre crainte, si le libellé était maintenu tel quel, c'est que la loi n° 112 d'une certaine façon vienne limiter la portée très large des principes de la politique d'éducation des adultes en orientant trop dans un sens très précis les actions que le gouvernement souhaite faire, la mobilisation de l'éducation des adultes à la lutte à la pauvreté. Et ce qu'on veut éviter, c'est que le projet de loi ait cet effet-là. Et c'est pourquoi on croit que la meilleure garantie, c'est d'intégrer les principes de la politique d'éducation des adultes dans l'article. Comme ça, au-delà la conjoncture et les propositions ponctuelles que le gouvernement a mises dans cette politique-là comme orientations, on soit assuré que les principes qui sont très larges et qui visent à encadrer l'ensemble de l'action gouvernementale en éducation et en formation des adultes soient insérés et soient reconnus comme étant légitimes, comme des instruments légitimes de lutte à la pauvreté.

Donc, vous avez les propositions d'amendements. Je vais les rappeler pour les remettre sur la table. Les termes à clarifier. Tout d'abord, l'expression «formation de base», elle est dans la politique, mais elle n'a pas encore de statut administratif et de statut légal. Ce qu'on a proposé pour éviter la confusion... on comprend de la politique d'éducation des adultes qu'on fait référence aux «services éducatifs de la formation générale aux adultes et aux services éducatifs de la formation professionnelle». Ces expressions-là sont celles utilisées dans la Loi sur l'instruction publique. Tout simplement, on propose de mettre ces expressions-là au lieu de «formation de base» pour qu'il y ait un référent clair. Peut-être qu'un jour l'idée, le mot «formation de base» aura une assise légale dans la Loi sur l'instruction publique. À l'heure actuelle, ce n'est pas le cas. Donc, on souhaite que le projet de loi n° 112, pour éviter le flou de la référence, mentionne expressément ces services-là avec les mots qui sont utilisés aujourd'hui dans la Loi sur l'instruction publique.

n (15 h 40) n

Dans le même esprit, et c'est encore pire avec le mot «formation continue», c'est un mot qui a plusieurs types de compréhension. Il peut à la fois être synonyme de la vision la plus large de l'éducation des adultes, de l'éducation permanente, de l'éducation tout le long de la vie, et là, pour en comprendre le sens dans le projet de loi n° 112, il faut se référer à la politique d'éducation des adultes et de formation continue, et cette politique-là le définit comme la formation en milieu de travail. Donc, ce qu'on propose pour que la référence soit claire, c'est d'utiliser l'expression «formation continue de la main-d'oeuvre» si c'est la chose dont on vise. Puis on comprend que c'est ça, la référence. Donc, clarifier, toute clarification simple.

«Reconnaissance des acquis», une expression circule dans le milieu de l'éducation des adultes, c'est d'utiliser l'expression «reconnaissance des acquis et des compétences». Là, il y a moins un fondement plus profond, mais d'utiliser cette expression-là qui fait à la fois référence aux acquis expérientiels, à tous les acquis que les gens peuvent retirer du fait de vivre, du fait d'interagir dans leur collectivité, et le terme plus technique de «compétences» qui fait référence à des choses qu'on acquiert en milieu de travail ou des connaissances plus de l'ordre du savoir-faire.

Ça, c'est pour les trois petites clarifications au niveau des termes. Où on entre plus sur des ajouts à l'article 7.3°, c'est d'élargir les services éducatifs qui sont mentionnés. Ce qu'on comprend de l'article 7.3°, c'est qu'en matière d'éducation des adultes on fait référence à la formation de base, ce que, nous, on comprend comme le premier et le deuxième cycle du secondaire, la formation générale des adultes, et la formation continue, ce que, nous, on comprend comme la formation en milieu de travail. Ce qu'on souhaiterait, c'est d'ajouter «les services éducatifs de niveau collégial, de niveau universitaire, et les organismes communautaires oeuvrant en éducation», oeuvrant en éducation des adultes. De cette façon-là, le projet de loi mobiliserait, la future loi mobiliserait, au nom de la lutte à la pauvreté et sur le terrain de l'éducation, l'ensemble des principaux acteurs en éducation des adultes: les commissions scolaires, les cégeps, les universités, les organismes communautaires. Donc, on propose de rajouter «les services éducatifs».

Et, en troisième lieu, au niveau de l'harmonisation avec la politique, je disais tout à l'heure que notre choix, c'est que les principes qui sont dans la première section de la politique d'éducation des adultes et qui ont statut, selon le gouvernement, de fondements soient rajoutés. Ces principes-là, c'est le droit à l'éducation, l'éducation tout au long de la vie, la responsabilité de l'État à cet effet et le rôle important de l'accès aux savoirs pour le développement des personnes. Vous avez dans le mémoire... c'est un peu plus expliqué.

Essentiellement, pour nous, c'est sûr que la lutte à la pauvreté et à l'exclusion, c'est une lutte essentielle puis c'est une lutte éminemment exigeante. Elle est, d'une façon plus philosophique, constituée de convictions puis d'indignations qu'on peut avoir, mais le coeur de l'action, c'est de passer aux actions. Et le projet de loi lui-même, le projet de loi n° 112, est une action concrète qui traduit des convictions, qui répond à des indignations, et, sur cette base-là, on le reçoit très favorablement.

Mais notre crainte la plus fondamentale, et je reviens sur ce que je disais au début, c'est: tel qu'il est libellé là, l'article 7.3° de facto va limiter tout le sens que la politique d'éducation des adultes donne à l'éducation des adultes. Et notre choix, c'est de féliciter le fait que le gouvernement fait référence à cette politique-là et lui donne plus de corps en lui donnant une base légale. Mais c'est de s'assurer qu'en faisant ça on n'en limite pas trop la portée.

À l'heure actuelle, si je résume ce qu'on peut comprendre de l'article 7.7, puis là je me permets un peu une licence de lecteur de cet article-là et de son analyse, c'est: si on fait de la reconnaissance des acquis pour que les gens suivent des cours à distance en formation professionnelle, on aura défini c'est quoi le rôle de l'éducation des adultes en termes de lutte à la pauvreté. L'article fait référence à la reconnaissance des acquis, fait référence aux nouvelles technologies, à la formation à distance et précise et dit que c'est pour mettre à jour les compétences professionnelles des gens qu'on veut l'invoquer au titre de... Vous me troublez à force de...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Baril (Daniel): Je vais faire ma conclusion.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): En conclusion, monsieur, rapidement parce que le temps est pratiquement expiré.

M. Baril (Daniel): Essentiellement, on veut sauver l'esprit de l'article 7.3° en introduisant les principes de la politique de l'éducation des adultes dedans pour s'assurer que la référence qu'on vise se fasse, se fasse correctement, se fasse dans le bon sens. De cette façon-là, le droit à l'éducation pour les adultes aura un sens digne de l'esprit de la Charte des droits et libertés de la personne.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci, messieurs. Je vais donc céder immédiatement la parole à Mme la ministre d'État à la Solidarité sociale, à la Famille et à l'Enfance, ministre responsable de la Condition féminine et des Aînés. Mme la ministre.

Mme Goupil: Merci, Mme la Présidente. Alors, bonjour, messieurs. Je m'excuse d'être arrivée un peu en retard. On ne contrôle pas toujours nos agendas totalement. Mais soyez-en assurés que ce n'est pas par manque d'intérêt, bien au contraire.

Je tiens à vous féliciter particulièrement pour avoir fait ressortir toute l'importance de la politique de la formation continue. Depuis de nombreuses années au Québec, plusieurs personnes ont travaillé à mettre en place cette politique. Vous y avez contribué également par vos commentaires, par les discussions, qui ont été longues, il faut en convenir, mais, parfois, il vaut mieux attendre plutôt que de déposer quelque chose qui est incomplet.

Et ce que vous avez apporté aussi comme commentaires et comme précisions est extrêmement important parce que le fait de retrouver, dans le cadre de la stratégie nationale de lutte à la pauvreté et du projet de loi, toute l'importance et la place à la formation continue... notre but n'est pas de la limiter, bien au contraire, et les éléments de précision que vous avez apportés, il y a des éléments là-dedans qu'il est facile de faire pour justement s'assurer de rassurer les gens qu'on ne met pas de côté les fondements mêmes de la politique de la formation continue, mais de faire en sorte qu'elle puisse justement se retrouver totalement dans la stratégie, dans la loi et le plan d'action qui viendra par la suite.

Lorsque vous indiquez à juste titre que... vous avez fait référence à l'article 7.3° de façon particulière. Vous dites, vous précisez que les droits doivent «permettre aux adultes d'avoir accès aux savoirs, de bénéficier de conditions d'exercice du droit à l'éducation favorisant la demande de formation permettant l'apprentissage tout au long de la vie et la réussite des projets de formation, de compléter et de mettre à jour leurs connaissances générales et leurs compétences professionnelles dans l'objectif de développer leur autonomie et leur sens des responsabilités, de les habiliter à faire face aux transformations qui affectent l'économie, la culture et la société et de promouvoir la coexistence, la tolérance ainsi qu'une participation éclairée et créative des citoyens et des citoyennes à la vie de la collectivité». Vous avez indiqué aussi qu'il fallait «faciliter la reconnaissance de leurs acquis et de leurs compétences, favoriser l'accès aux technologies de l'information et de la communication, favoriser la reconnaissance des organismes d'action communautaire autonome oeuvrant en éducation». Ce sont des principes et des droits que l'on retrouve dans la politique de la formation, dans la stratégie, et tout ça.

Il y a plusieurs personnes qui sont venues jusqu'à maintenant déposer leur mémoire et nous indiquer clairement qu'ils sont pour la formation, qu'il est important d'accompagner les gens pour qu'ils puissent avoir des emplois. Cependant, il y a eu aussi des gens qui sont venus nous dire: Vous savez, il y a l'exclusion sociale, il y a des personnes qui, malgré toute formation, ne réussiront jamais finalement à pouvoir avoir leur pleine autonomie, et tout cela. Et on nous a aussi parlé de projets, comme celui de COMSEP à Trois-Rivières où il y a des personnes qui, malgré toute la bonne volonté, ne réussiront jamais à atteindre le degré de productivité qu'une entreprise normalement peut s'attendre. Ce que des gens sont venus nous dire aussi, c'est que les entreprises sont parties prenantes de cette formation, mais qu'il y en a d'autres, par exemple, qui ne sont pas au fait de cet arrimage nécessaire de la politique de la formation continue.

Selon vous, selon votre expérience, qu'est-ce qui devrait être fait de plus pour inciter les entreprises davantage à s'impliquer et à s'investir justement auprès des citoyens et citoyennes qui, malgré tous les efforts, ne réussissent pas toujours à être aussi autonomes parfaitement, et comment on peut inciter les entreprises à s'investir justement dans un projet de politique de formation continue?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Normand.

M. Normand (Bernard): Je crois d'abord qu'il faut partir des éléments positifs qui existent, qui sont faits par un certain nombre d'entreprises. J'ai eu l'occasion dans ma vie d'avoir une autre fonction avant, comme directeur général d'une corporation de développement économique communautaire. J'ai travaillé étroitement avec des entreprises dans la région de Montréal dans un milieu défavorisé où, finalement, il s'agit de faire en sorte que des entreprises qui coopèrent avec des organismes communautaires, avec des institutions d'éducation qui font des choses positives soient davantage mises en valeur.

n (15 h 50) n

Pour donner un exemple concret, dans le sud-ouest de Montréal, particulièrement avec le RESO, une corporation de développement économique et communautaire, il y a eu quelque chose de fait où, d'un côté, il y avait... c'était à l'époque la Consumers Glass, c'était un syndicat de la FTQ et c'était un groupe communautaire qui ont travaillé, qui ont fait même un film qui était Jamais trop tard pour apprendre. Et là ça a été finalement de montrer que l'entreprise s'est impliquée de façon extrêmement positive dans un programme de mise à niveau de lecture, d'écriture, de montrer et de souligner que, pour son propre intérêt économique finalement, il est très valable de faire en sorte que son personnel puisse hausser son niveau, puisse être davantage à l'aise, et ça, je pense que la stratégie, c'est une stratégie avant tout de mise en valeur de ce qui peut se réaliser d'extrêmement positif, et je crois que c'est une base très, très importante. À ce niveau-là, je dirais que la coopération patronale-syndicale, elle est essentielle dans ce cadre-là, il faut que les gens travaillent ensemble et mettent ensemble finalement ces éléments-là.

Ce que j'ajouterais aussi, puis c'est en lien avec ce qui est proposé dans le plan d'action gouvernemental en éducation des adultes, c'est tout le travail à l'échelle du Québec maintenant pour faire en sorte que les entreprises qui vont avoir besoin de main-d'oeuvre demain, et tout le monde... les chiffres sortent, 600 000 emplois à combler au cours des trois prochaines années... c'est un volet, qui n'est pas le seul, qui n'est pas nécessairement le plus important, mais qui est extrêmement important, faire en sorte de montrer aux entreprises... Et il y a un travail d'éducation à faire majeur et qui, à mon avis, repose beaucoup sur, je dirais, ce qui se fait au niveau local. Ce n'est pas quelque chose qui va se faire d'en haut, «top-down», c'est quelque chose qui est au niveau local, au niveau des organismes communautaires, des institutions publiques locales, et c'est la stratégie dans laquelle on est.

Je dirais qu'au Québec on a de bonnes avancées, il y a des choses intéressantes, mais il faut davantage, à mon sens, avoir une approche partenariale que bureaucratique, parce que ce qu'on vit, nous, des fois, à la base, c'est qu'il y a les mots «de partenariat», mais, dans la pratique, ce n'est pas toujours ce qui se passe. Je ne voudrais pas donner d'exemples, je veux être positif, mais, en même temps, je pense que c'est comme ça qu'on va gagner des entreprises à avancer. Mais on se dit qu'on est en Amérique du Nord, qu'on a d'énormes pas à faire et que, dans le milieu de l'entreprise, il y a des gens qui ont des visions un peu rétrogrades, sur lesquelles il faut travailler de façon patiente et à long terme, puis il y en a d'autres qui font des choses intéressantes. Moi, c'est un peu les éléments de vision générale que je peux présenter.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Baril, vous vouliez ajouter?

M. Baril (Daniel): Tout simplement, pour les cas problèmes, si on avait un article qui reconnaît pleinement le droit à l'éducation dans le sens où on le souhaite, les gens qui vivent ces problèmes-là auraient un instrument légal pour peut-être faire comprendre aux récalcitrants que le droit à l'éducation, à l'ensemble de l'éducation pour la population adulte, c'est quelque chose que le Québec reconnaît. Ce serait déjà un pas important pour ceux des entreprises qui feraient problème.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, Mme la ministre.

Mme Goupil: C'est intéressant ce que vous soulevez, parce que nous avons des gens qui vont prôner des mesures davantage volontaires, d'autres plus coercitives. Ce qui est important puis que je retiens de ce que vous avez dit, monsieur, c'est le fait que: Inspirons-nous des modèles qui fonctionnent bien et partageons cette réalité à un plus grand nombre possible d'entreprises pour démontrer comment il est important, il est payant financièrement de soutenir des employés au niveau de la formation continue. Alors, je vous remercie beaucoup puis je vais céder la parole à mes collègues. Merci, messieurs.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Maskinongé, tout en vous rappelant qu'il reste deux minutes pour le parti ministériel.

M. Désilets: Ce n'est pas vraiment une question. Moi, c'est bien plus en référence avec ce que j'ai vu dans votre mémoire, le lien que vous faites de l'éducation des adultes avec la formation continue. Et, moi, je trouve ça très intéressant, ce que vous proposez. S'assurer qu'il n'y ait pas de duplication, que les gens ne se trompent pas avec les termes, je trouve ça intéressant, drôlement plus que la formation continue devienne effectivement le point de référence en matière de droit à l'éducation pour les adultes québécois, le fait que vous l'ameniez de cette façon-là, moi, je trouve ça, là... Parce qu'on a vu beaucoup de personnes qui sont venues, puis beaucoup de mémoires qu'on a lus jusqu'à présent, mais vous êtes, je crois, le premier à nous aborder la formation continue de cet angle-là, et ça aurait été dommage de ne pas l'avoir vu avant, d'avoir fait toutes nos consultations et d'avoir oublié ce point-là. Je pense, je veux dire... En tout cas, je trouve ça très intéressant.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, si vous avez une question, M. le député, il reste 30 secondes.

M. Désilets: Non, il n'y a pas de question, c'était juste un commentaire. Merci.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): D'accord. Alors, je vais donc céder la parole au député de Laurier-Dorion. M. le député.

M. Sirros: Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue. J'aimerais qu'on poursuive un peu la discussion sur cette notion de droit à l'éducation aux adultes, parce que vous l'avez apporté à plusieurs reprises, parler du droit à l'éducation aux adultes. J'aimerais comprendre un peu l'étendue que vous voyez de ce droit. Comment est-ce qu'on l'exercerait? C'est un droit à quoi par rapport à la demande qu'on fait à l'État, que vous voyez? Et où est-ce qu'on l'insère dans une lutte à la pauvreté?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Normand.

M. Normand (Bernard): Oui. Finalement, le terme «droit» est un terme très général qui peut être compris dans deux sens: un sens souvent qui est un sens qu'on peut dire au niveau du droit subjectif, philosophique d'ensemble comme une exigence importante, et dans un sens beaucoup plus objectif, dans le sens d'un droit juridique. Je vais commencer par l'aspect juridique, en me référant au droit international aussi qui me semble... qui est très, très important.

D'abord, je dirais que ce qui est posé, c'est l'importance pour tout citoyen et citoyenne du Québec d'avoir accès à ce qu'on appelle souvent une formation de base. C'est ce qu'on peut appeler un minimum incompressible. Comme, au niveau matériel, on a besoin d'un barème plancher, pour faire allusion à ce que d'autres ont pu apporter, quelque chose qui est fondamental sur le plan économique, nous disons que, sur le plan culturel, dans une société développée comme le Québec d'aujourd'hui, nous avons besoin de mettre une barre sur le plan juridique, un paramètre qui serait de mentionner que, s'il est essentiel d'avoir l'équivalent d'un secondaire V ou une équivalence, selon les chemins qui y arrivent, pour tout citoyen et citoyenne, non pas sous un mode obligatoire, mais sous un mode volontaire. Parce que, là, lorsqu'on parle d'éducation des jeunes, évidemment, c'est sous un mode obligatoire et c'est tout à fait un progrès de la société d'avoir une loi qui oblige les jeunes. Mais, au niveau des adultes, il faut que ce soit sur une base volontaire. Et là je fais référence à ce qui a été développé en 1982 par la commission Jean, qui a été un des écrits les plus majeurs au Québec concernant toute la problématique de l'éducation des adultes et qui a posé, il y a 20 ans aujourd'hui ou à peu près, qui a posé qu'on devait atteindre ce niveau-là comme société.

Ça revient dans la politique gouvernementale qui a été déposée, mais ça prend un ensemble de mesures en termes d'approche. Parce que, si on parle de la pauvreté, il y a beaucoup de milieux défavorisés sur lesquels, quand on parle d'éducation, c'est répulsif, parce qu'on se dit: On a vécu l'échec scolaire, ça a été difficile. Donc, si on met en avant uniquement le modèle scolaire, on passe complètement à côté. Donc, il faut qu'il y ait des voies diversifiées parce que ce n'est pas juste l'atteinte d'un droit. La possibilité... il faut que les approches, que les moyens permettent d'aller via les milieux de travail ? on a parlé d'un exemple tantôt ? via les milieux communautaires qui, à mon avis, ont un rôle essentiel à jouer, via aussi les institutions publiques d'éducation, que ce soit diversifié, mais qu'on atteigne au niveau du droit...

Au fond, je vous dirais, l'idéal ? et je lance ça un peu en boutade ? c'est que notre Charte québécoise des droits et libertés qui est, à mon avis, la Charte, à l'intérieur du Canada, qui est une des plus avancées, plus que ? les juristes vont reconnaître ? que la Charte canadienne parce qu'elle assoit les droits économiques et sociaux. Mais, rejoignant ce que la Commission, ce que M. Marois a présenté, c'est de donner des éléments de force au niveau des droits économiques et sociaux qui seraient du même ordre ou allant vers le même ordre que les droits civils et politiques, où, finalement, les citoyens puis les citoyennes du Québec savent que ça ouvre à des recours possibles si on ne permet pas, selon l'article 2 de la Loi de l'instruction publique, aux jeunes et aux adultes d'atteindre sur une base gratuite la possibilité d'avoir l'équivalent d'un secondaire V, parce que, aujourd'hui, c'est indispensable. Regardons les...

Je passais avant-hier dans un grand magasin à rayons. On demande ? c'était chez Yellow ? diplôme secondaire V. Écoutez, c'est très, très difficile de ne pas y accéder, mais, en même temps, il ne faut pas que ce soit uniquement une démarche scolarisante, il faut qu'il y ait des équivalences pensées, reconnaître les acquis pour que tous les citoyens se sentent fiers de se développer dans une démarche éducative mais qui n'est pas scolarisante uniquement. Je pense que c'est le sens de... À un moment donné, il faut atteindre un niveau, mais il faut que l'approche soit vraiment souple.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Donc, le droit que vous voyez, c'est un droit à cette scolarisation de base. Ce que l'État fait au niveau des jeunes en disant... Bon. En tout cas, ça les pousse à aller chercher au moins l'équivalent d'un secondaire V, en disant: C'est obligatoire, même jusqu'à l'âge d'un tel. Et donc, par la suite, quand on arrive à l'éducation des adultes, ce que vous dites, ce serait un droit pour les gens d'avoir accès à des mesures diverses afin de permettre de compléter pour ceux qui n'ont pas réussi à l'atteindre durant leur adolescence. Bon. Ça, c'est l'aspect des droits que vous mettez de l'avant par rapport à l'éducation aux adultes.

n (16 heures) n

Le projet de loi parle de formation continue, on parle des notions de formation professionnelle et on parle aussi d'éducation aux adultes au-delà de ces affaires-là, et vous réclamez qu'on retrouve dans la loi n° 112 les principes qui sont dans la politique sur l'éducation aux adultes afin de donner une assise légale à ces orientations-là.

Est-ce que... J'ai de la difficulté à voir... Comment je peux dire? Je comprends le droit par rapport à l'équivalence, il y a une cohérence, et de là découlent aussi des actions que le gouvernement doit mettre de l'avant et qui ont un lien ? on peut le faire ? assez direct avec la recherche de l'autonomie économique en lien avec ce que vous dites. L'autre volet que vous réclamez semble être orienté plus... Le volet d'inclure dans la loi les principes de la politique d'éducation aux adultes semble être plus orienté vers un épanouissement plus large de la personne, qui parle plus de notion d'inclusion active dans la société. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a crainte là à trop essayer d'embrasser dans un projet de loi sur la lutte à la pauvreté?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Baril.

M. Baril (Daniel): Je crois que le texte qu'on propose répond à votre question. On a pris... Puis, nécessairement quand on fait cet exercice-là, on essaie d'être précis, on a mentionné d'assurer le droit en reprenant la Loi sur l'instruction publique aux services éducatifs de la formation générale et le diplôme de secondaire V. Et, par après, on a repris l'expression qui était d'améliorer les services d'éducation de niveau collégial et universitaire. Dans quel but? Et là il y a tous les objectifs qui sont visés. Donc, l'offre de services, entre guillemets, qui serait obligatoire et invoquée par l'idée de droit et on... Nécessairement, cet article-là est dans un projet de loi qui vise à lutter à la pauvreté. Ce qu'on dit, c'est l'ensemble des trois niveaux du réseau public d'éducation, entre autres, doivent être mobilisés, doivent répondre à un objectif de lutte à la pauvreté. Et le droit pour les personnes, à ce niveau-là, serait ? et on reprend le principe, là ? de bénéficier de conditions d'exercice de droit à l'éducation et d'avoir ces services-là. C'est l'accès à l'éducation qui est la réalisation concrète du droit. Donc, ce qu'on demande à l'État, c'est d'assurer les services éducatifs, assurer la réponse aux besoins d'éducation que les gens expriment.

Et, d'une certaine façon, on travaille avec l'idée que l'éducation en elle-même... Et je pense que c'est presque une vérité de La Paloise ou un consensus unanime que l'éducation, peu importe sur quel objet, là, a un effet positif d'inclusion sociale par la plus grande compréhension qu'on a du monde. Et il ne faut pas... Oui, il y a un droit incompressible de secondaire V, mais c'est encore un cliché, là, dans le monde complexe dans lequel on vit, le cégep, le postsecondaire, dans son ensemble, n'est pas un luxe, et pas juste en termes de compétences professionnelles, en termes aussi de compétences citoyennes, de participation aux enjeux. Et, l'énoncé de politique qui accompagne le projet de loi n° 112 dit que la lutte à l'exclusion, ce n'est pas simplement d'exclusion économique dont on parle, il y a l'exclusion, sociale culturelle, et tout ça, et ce droit... Nous, on veut que le droit à l'éducation soit une porte d'accès à l'ensemble des savoirs offerts par l'ensemble des ressources pour tous les besoins d'éducation des gens. Un besoin d'éducation répondu, c'est un facteur d'inclusion si je généralise, là, et j'en fais une formule.

M. Sirros: ...la question à l'envers à ce moment-là.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): À peu près une minute, M. le député de Laurier-Dorion. Très rapidement.

M. Sirros: O.K. À l'envers, quels sont les manquements à l'heure actuelle au niveau de l'accès à ces services d'éducation ou à ce droit?

M. Baril (Daniel): Le renforcement légal. Si je reste dans la logique, là, du mémoire que nous, on propose, c'est le renforcement légal de ces obligations-là. On reconnaît le droit à l'éducation au niveau philosophique. Comme société, on a... Depuis les années soixante, on a mis des ressources incroyables aux quatre coins du Québec et, de plus en plus, on chemine à traduire cet engagement, cette conviction-là dans des instruments légaux. C'est le sens des démarches des grands pactes internationaux, des grandes chartes, des cinq conférences sur l'éducation des adultes qui ont eu lieu, dont la deuxième à Montréal, en 1960. Ce qui est intéressant, là, on n'est pas... On est avancé en termes de prise de conscience, mais l'expression légale de ça et l'instrument concret et solide qu'on donne aux gens pour exercer leurs droits tardent tout le temps à se réaliser.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, écoutez, malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposions. M. Normand, M. Baril, merci pour votre participation aux travaux de cette commission.

Je demanderais au Regroupement québécois des intervenants et intervenantes en action communautaire, en CLSC et en centre de santé de bien vouloir prendre place et je vais suspendre quelques instants les travaux.

(Suspension de la séance à 16 h 5)

 

(Reprise à 16 h 6)

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, nous allons donc reprendre immédiatement les travaux. Alors, je voudrais vous rappeler que vous avez 15 minutes pour nous présenter votre mémoire et que, par la suite, il y aura échange avec chacun des partis ici, à la table. Alors, je demanderais au responsable de bien vouloir s'identifier et de nous présenter les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Regroupement québécois des intervenants
et intervenantes en action communautaire
en CLSC et en centre de santé (RQIIAC)

M. Lachapelle (René): Merci, Mme la Présidente. René Lachapelle. Je suis organisateur communautaire au CLSC du Havre, à Sorel, et je suis président du Regroupement québécois des intervenants et intervenantes en action communautaire, en CLSC et en centre de santé. Alors, je suis accompagné de Mme Yolande Lépine, qui est organisatrice communautaire au Centre de santé de Bellechasse, et de Marc De Koninck, qui est organisateur communautaire au CLSC-CHSLD Basse-ville?Limoilou?Vanier, à Québec.

Alors, d'abord remercier la commission de bien vouloir nous entendre. On trouve ça important comme événement. Comme organisme qui est membre du Collectif pour un projet de loi sur la pauvreté, d'entrée de jeu, on peut vous dire qu'on partage les objectifs que le Collectif vous a déjà exprimés. Et on veut souligner aussi qu'on arrive tout droit de la manifestation qui a eu lieu tantôt devant le Parlement et qui comprenait beaucoup de personnes qui sont visées par ce projet de loi pour l'élimination de la pauvreté. Ça montre que, quand ils ont l'occasion de prendre la parole et de s'exprimer, ils sont capables de le faire.

Alors, c'est un petit peu là-dessus qu'on va travailler, parce que, comme regroupement d'intervenants communautaires en CLSC depuis une quinzaine d'années, on regroupe des gens de tous les coins du Québec autour d'une profession qu'on partage, d'une intervention professionnelle qui s'adresse d'abord, en priorité, aux communautés affectées par des inégalités sociales pour essayer qu'elles puissent faire elles-mêmes le diagnostic de leurs problèmes, élaborer des solutions et les mettre en oeuvre elles-mêmes. On vise, en fait, à renforcer l'autonomie et des personnes et des communautés en favorisant la participation sociale, et c'est un petit peu dans ce sens-là qu'on va intervenir aujourd'hui.

Alors, on fera une présentation en trois temps. D'abord, Yolande Lépine va vous présenter un peu comment les personnes qui sont aux prises au quotidien avec la situation de pauvreté vivent ces enjeux-là. Marc De Koninck va traiter davantage des déterminants de la santé et des milieux qui sont marqués par la pauvreté. Et, en conclusion, je vous signalerai quelques amendements qu'on souhaiterait pour améliorer, à notre point de vue, le projet de loi. Alors, Yolande.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Mme Lépine.

Mme Lépine (Yolande): Oui, bonjour. Alors, sur le terrain, ce qu'on voit, c'est l'enjeu vécu par les personnes en situation de pauvreté, et cet enjeu-là, c'est l'appropriation de leur pouvoir d'agir, ce qu'on appelle communément en anglais l'«empowerment».

Alors, les personnes vivent en tension constante entre deux pôles. Le premier pôle, c'est qu'elles se débattent quotidiennement pour survivre, faire du mieux pour aider leurs enfants à grandir comme les autres, pour conserver ou améliorer leur santé et celle de leur famille. Elles se débattent à tous les jours pour défendre leurs droits, être reconnues comme tout autre citoyen, pour ne pas s'écraser ou se mettre dans l'ombre quand les préjugés pèsent lourd. Également, elles se débattent pour ne pas s'isoler outre mesure et garder des relations sociales stimulantes et aidantes. Elles se débattent également contre les injustices et les discriminations diverses.

Au premier chef, les première injustices, c'est celles qui sont portées par les préjugés qui sont absolument envahissants dans la société. Au deuxième chef, celles qui sont portées dans des législations ou des programmes qui font des discriminations, qu'on pense à celui des pensions alimentaires, à celui de l'IVAC, à celui de la Régie des rentes pour les personnes assistées sociales. Et, au troisième chef, les discriminations portées par des pratiques dans nos communautés, qu'on pense aux exigences des caisses populaires, aux exigences des propriétaires de logements locatifs pour les personnes en situation de pauvreté.

n (16 h 10) n

Et de l'autre... Malgré ces conditions de vie quotidiennes extrêmement exigeantes, ces personnes-là, de l'autre côté, essaient de voir toujours en avant et se donner, à moyen ou à long terme, tout dépendant des obstacles et des conditions de vie qui sont dans leur propre vie... Elles essaient donc de se donner toujours un projet de vie. Elles sont au coeur de la mise sur pied de nombreuses organisations que, nous-mêmes, nous accompagnons dans la défense des droits, dans la sécurité alimentaire, dans l'entraide, etc. Elles sont plusieurs également à prendre soin d'un de leurs proches, et ça, souvent durant plusieurs années. D'autre part, elles s'inscrivent, quand les normes le permettent, dans un cheminement de formation continue ou encore dans un parcours d'insertion, et ce, malgré souvent toutes sortes de contraintes quotidiennes à ce cheminement-là.

Alors, nous, ce que l'on voit du point de vue de l'enjeu des personnes, c'est donner des moyens dans la loi aux personnes de se réapproprier leur pouvoir d'agir. Et ça, c'est indissociable de la reconnaissance de leurs droits économiques et sociaux, indissociable d'un niveau de revenu suffisant pour bouger, indissociable d'une reconnaissance d'autres activités que le travail dans la société comme contribution, et également c'est indissociable de mesures d'accompagnement et de formation qui sont adaptées à ces personnes-là. Alors, Marc.

La Présidente (Mme Gagnon-Tremblay): M. De Koninck.

M. De Koninck (Marc): Merci. Des enjeux, il y en a également pour les communautés, puis, dans notre pratique au quotidien, on est amenés à être assez inquiets par rapport au sort des communautés locales au Québec. En plus des personnes qui sont aux prises avec des situations de survie, comme Mme Lépine nous a décrit, les communautés elles-mêmes sont bousculées dans leur cohésion. Le premier lieu d'épanouissement après la famille, pour les personnes, c'est la communauté locale. Que ce soit le quartier, la paroisse, le village, la municipalité, la communauté, c'est le point de convergence des dynamiques sociales, culturelles, économiques, etc., et force nous est de reconnaître qu'en ce moment il y a des symptômes qui sont inquiétants.

Qu'on regarde, par exemple ? et c'est des phénomènes très concrets ? l'enjeu des fermetures d'écoles dans les villages, dans les quartiers ? c'est le cas, par exemple, dans le quartier où je travaille, au centre de Québec; l'enjeu des fermetures d'usines; la crise du logement qui, on oublie trop souvent de le rappeler, est encore plus aiguë dans les quartiers moins nantis où, des fois, on a jusqu'à 80 % de la population qui est locataire; la prolifération des prêteurs sur gages dans certains quartiers ? promenez-vous dans les quartiers centraux de Montréal et de Québec, c'est frappant; la montée de l'itinérance; la ghettoïsation de certains problèmes sociaux, notamment en santé mentale suite à la désinstitutionnalisation; l'exode des jeunes. C'est des symptômes qui sont inquiétants par rapport à la santé des communautés.

Ça pose, bien sûr, l'enjeu de la cohésion sociale, de la relation que les membres d'une communauté ont entre eux. Est-ce qu'on veut une société où tout le monde a sa place et où on peut cohabiter? Certains, malheureusement, envisagent trop souvent le développement en se concentrant sur les populations ayant le potentiel de développement le plus prometteur à court terme, délaissant ainsi les groupes appelés à se marginaliser de plus en plus faute de support et d'accompagnement. C'est peu prometteur en termes de cohésion sociale.

On devrait plutôt valoriser, en termes de développement, les efforts de prise en charge collective et reconnaître la capacité de la communauté d'améliorer ses conditions de vie, de définir ses propres objectifs de mieux-être et ses propres solutions et d'influencer son environnement social. Puis cette prise en charge, elle n'est possible que si tous ont leur place. Et il faut principalement renforcer prioritairement les groupes sociaux les plus vulnérables dans cet exercice de prise en charge, dans cette volonté d'apporter des solutions solidaires aux problèmes qui les touchent.

Dans nos interventions comme organisateurs communautaires, on parle de projets, que ce soient des cuisines collectives, que ce soit du développement d'entreprises d'économie sociale, que ce soit la participation à la vie démocratique dans les lieux communautaires ? et on souligne en passant nos amis qui étaient dehors tout à l'heure ? que ce soient les groupes en alphabétisation, des interventions qui visent encore une fois à permettre à des gens de se mobiliser et de faire valoir leur potentiel.

Beaucoup d'espaces, par les temps qui courent, sont accordés aux types de services qu'on devrait se payer comme société en matière de santé, en matière d'éducation. On entend beaucoup parler du droit à s'acheter les services de son choix. Est-ce qu'il ne serait pas plus prometteur de se demander dans quel type de communauté et, par conséquent, de société, est-ce qu'on veut vivre? Au lieu de se poser la question: «Quel est le prix que je dois payer pour un service?», plutôt: «Quel est le prix que je dois payer pour être dans une communauté saine?»

Le prix, pour parler en ces termes, passe par l'augmentation de la force de ses membres les plus fragiles et non par une plus grande marginalisation. Puis, parce qu'on parle en termes de santé puis parce que nous sommes effectivement des intervenants du réseau de la santé, un lien bien connu, c'est le lien entre pauvreté et santé. Malheureusement, on réduit trop souvent ce lien-là, on associe trop souvent le problème de santé des personnes pauvres aux mauvaises habitudes de vie. Et, même s'il y a une corrélation entre habitudes de vie et santé et même si les personnes pauvres ont de moins bonnes habitudes de vie, il ne faut pas oublier l'impact que la pauvreté comme telle a sur la santé.

Il y a des travaux extrêmement intéressants du ministère de la Santé et des Services sociaux qui démontrent que, même si tous ces facteurs étaient également répartis dans la population ? je parle des mauvaises habitudes de vie ? on observerait malgré tout des écarts de santé en fonction des revenus. Concrètement, la moins bonne santé physique et psychologique des Québécoises et Québécois pauvres et très pauvres ne peut être attribuée que très partiellement au fait qu'ils fument plus, qu'ils sont plus touchés par l'obésité, qu'ils sont moins scolarisés. La situation financière des familles québécoises s'avère un déterminant fondamental de leur état de santé physique et psychologique, et ça, c'est associé directement au sentiment de contrôle que les gens ont sur leur existence et au stress généré par le fait que, quand on est pauvre, on a beaucoup moins de pouvoir sur l'ensemble des décisions qu'on a à prendre au quotidien et sur les obligations constantes auxquelles on a à faire face.

On apprend même dans ces travaux du ministère que les sociétés qui favorisent le partage de la richesse ? il en est question dans le projet de loi ? et qui encouragent et soutiennent la participation sociale dans tous les domaines de la vie collective présentent des indicateurs de santé et bien-être très avantageux. Et, plus fort encore, il est également constaté que, même s'il y a une corrélation entre produit national brut par habitant et espérance de vie, il y a une corrélation encore plus forte entre répartition équitable de la richesse et de la prospérité et espérance de vie. La cohésion sociale, c'est bon pour la santé, c'est bon pour toute la santé de la société québécoise.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. Lachapelle, en conclusion.

M. Lachapelle (René): Merci. En conclusion, d'abord on veut souligner que le projet de loi, à notre sens, c'est un projet de loi qui va dans la bonne direction, qui indique des bonnes visées pour l'action du gouvernement, mais on souhaiterait qu'il puisse être amélioré. Entre autres, on pense que le caractère de loi-cadre, le caractère... ? le Collectif parle d'une clause d'impact ? devrait être amélioré de façon à peut-être contrer un certain scepticisme ambiant qui dit: Bon, le projet de loi pour l'élimination de la pauvreté, c'est de la bonne volonté. Tout le monde est pour la vertu. On va d'adopter, puis, après ça, ça va demeurer seulement une bonne intention. On pense que, si le gouvernement indique son intention de s'obliger à poursuivre les visées qui sont dans la loi, ça va donner de la force à ce geste-là.

Deuxième recommandation, on a parlé de l'importance des communautés locales. Dans notre travail au quotidien, on vit ça. Il y a des choses qui devraient être faites dès maintenant pour que, si on établit des stratégies puis des visées nationales, qu'on laisse aux communautés locales le choix des moyens pour que ça corresponde vraiment à leur réalité. On est pris actuellement un peu trop souvent avec des programmes qui nous arrivent un peu comme des corsets, avec la méthode d'utilisation détaillée, et ce n'est pas certain que ça aide vraiment des gens à prendre du pouvoir sur leur vie.

Troisième proposition qu'on fait ou recommandation qu'on fait, on voudrait que la fiscalité puisse vraiment servir à des fins sociales. La fiscalité, c'est le moyen dont l'État dispose pour favoriser le partage de la richesse. On pense qu'il y a des moyens qui devraient être pris par l'État dans ce sens-là pour mettre en oeuvre le projet de loi, en particulier en garantissant un seuil minimum de revenu et en faisant en sorte, dans la ligne de ce que Marc traitait tantôt, que l'écart entre la portion la plus riche et la portion la plus pauvre de la population soit réduit. Et ça, on pense que ça irait dans le bon sens.

Finalement, il nous semble important que le gouvernement donne un signal clair quant à la portée de la loi. On est dans un contexte d'individualisme, dans un contexte où les préjugés sont extrêmement forts. Souvent, les gens ne voient pas ce que ça veut dire, être pauvre. On pense qu'il y a des mesures urgentes que l'État est en mesure de prendre maintenant pour montrer que ce projet de loi là n'est pas seulement des intentions.

Alors, on a parlé tantôt de la manifestation, la mise en oeuvre de la politique de reconnaissance du communautaire, une mise en oeuvre en espèces sonnantes et trébuchantes, ce serait un geste qui irait dans le bon sens. La gratuité des médicaments pour les personnes qui vivent en état de pauvreté, ce serait important, l'établissement d'un barème plancher et, finalement, la remarque que Yolande faisait tantôt, le fait que percevoir des pensions alimentaires ou des compensations de l'IVAC ou d'autres sources puisse s'ajouter aux revenus de l'assurance emploi plutôt que d'être déduit quasi automatiquement de ces revenus-là.

Alors, c'est nos recommandations.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, merci. Nous allons donc passer aux périodes d'échange. Mme la ministre d'État.

n(16 h 20)n

Mme Goupil: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Lachapelle, Mme Lépine et M. De Koninck, je tiens à vous remercier pour le mémoire que vous avez déposé et votre implication aussi à plusieurs niveaux. Donc, ce que vous indiquez, c'est en toute connaissance de cause.

Rapidement, je vous indiquerai que ce que Mme Lépine a dit tout à l'heure quant à l'appropriation du pouvoir par les gens sur leur agir, quand on regarde le cinquième considérant qu'on retrouve dans le projet de loi, particulièrement aux articles 9, 10 et 16, ce sont directement l'appropriation par les citoyens et citoyennes.

J'aurais beaucoup de choses à vous indiquer, mais je vais céder la parole à mes collègues, parce qu'on n'a que quelques minutes. Et, particulièrement sur le soutien de nos organismes communautaires et la manifestation qui a été faite, elle me disait à quel point ça avait été fait pacifiquement et que ça interpellait l'ensemble des partis politiques pour la suite des choses. Alors, je vous remercie, Mme la Présidente. Merci, madame. Merci, messieurs.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, je vais donc céder la parole à Mme la ministre déléguée.

Mme Léger: Oui. Merci, Mme la Présidente. Bonjour, madame. Bonjour, messieurs. Oui, pacifiquement dans le sens, pacifiquement, que ça s'est bien fait, mais ils ont fait beaucoup de bruit, ils ont beaucoup chanté dehors. Ha, ha, ha! Alors, c'est pour ça que je suis arrivée un petit peu plus tard en commission. Alors, je regrette de ce retard.

Voulez-vous m'expliquer, avant qu'on aille plus loin dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion et laisser la parole aussi à mon collègue... Vous vous appelez organisateurs communautaires, vous êtes le Regroupement des intervenants et intervenantes en action communautaire en CLSC et en centre de santé. Comment vous définissez-vous, là? J'ai besoin de savoir un peu votre rôle tel quel même si je connais celui dans mon secteur comme députée, le rôle d'intervenant communautaire qui fait un très beau travail, très bon travail, parfois, qui travaille avec le CLSC, avec les organismes communautaires. Bon, il est souvent pris entre les deux chaises. C'est ce qu'on me dit. Et les groupes communautaires, qui font du travail extraordinaire, particulièrement dans la lutte à la pauvreté, ce qui nous concerne aujourd'hui, apprécient votre rôle. J'entendais dehors, qu'on me demandait... Les médias me demandaient: Est-ce que les organismes communautaires, c'est les «cheap labor» des CLSC puis du gouvernement? Alors, vous savez, ça m'a un peu... ça m'a interpellée beaucoup. Alors, vous êtes là devant moi. Comment vous définissez-vous?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lachapelle.

M. Lachapelle (René): Bien, je pense que, d'abord, on se définit comme en support aux gens qui s'organisent. Les gens qui étaient dehors, qui manifestent, les gens qui revendiquent dans le mouvement communautaire autonome, ce sont des gens qui sont soit en situation de pauvreté ou en situation de difficulté, soit qui décident d'agir sur des questions qui intéressent leur communauté ou leur collectivité locale. Marc en a invoqué certaines tantôt. Ces gens-là, pour s'organiser, ils ont besoin d'avoir un coup de main. Nous autres, comme intervenants du secteur public travaillant dans des établissements de santé, on est en support à leur action très souvent, on travaille beaucoup en lien avec eux.

On fait aussi tout un travail avec les intervenants et intervenantes de CLSC, dans différents programmes, qui ont à dispenser des services à ces populations-là pour les aider à développer, je dirais, la dimension communautaire des services de santé et des services sociaux.

Alors, c'est les deux volets du travail que nous faisons, et, dans ce sens-là, on se sent très en articulation entre le mouvement communautaire autonome, où les gens se prennent en charge par eux-mêmes, et le secteur public qui donne un support à ce mouvement citoyen et qui permet à des gens, en fait, de vivre l'«empowerment».

Mme Léger: Ça ne doit pas toujours...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Un instant! Mme Lépine, je pense que vous vouliez ajouter.

Mme Lépine (Yolande): Oui, juste ajouter peut-être la troisième dimension. C'est que, dans le fond, on peut conférer la responsabilité de la santé à chaque individu, on peut conférer la responsabilité de la santé à des individus qui vivent une même problématique, mais il est évident que la santé, c'est une responsabilité également des gens qui entourent ceux qui ont des difficultés de santé et c'est la responsabilité d'une communauté de prévenir les difficultés de santé en améliorant d'abord les conditions de vie de ses concitoyens. Alors, on est là aussi, nous autres.

Mme Léger: Combien il me reste de temps pour que...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, Mme la ministre, oui, il reste encore six minutes.

Mme Léger: Lorsqu'on...

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Incluant les réponses, bien sûr.

Mme Léger: Oui. L'action communautaire autonome se définit particulièrement comme... En tout cas, ils nous demandent qu'on puisse respecter leur autonomie, leur mission elle-même. Donc, cette distance-là entre le gouvernement et l'action communautaire telle quelle, l'organisme communautaire, vous, comme intervenants, comment vous vous situez? Est-ce que vous vous sentez parfois coincés dans cette dynamique-là ou vous vous sentez très, très à l'aise? Parce que, si vous me dites que vous faites aussi les orientations... vous respectez les orientations du gouvernement par rapport aux CLSC, donc les missions, les programmes ? j'en ai plusieurs en tête, là ? où vous devez aussi, j'imagine, documenter, informer les groupes communautaires, alors, comment vous le voyez, là?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lachapelle.

M. Lachapelle (René): Dans le sens... La préoccupation qu'on a au quotidien, c'est que les gens puissent avoir de la maîtrise sur leur vie et sur leur environnement. Les groupes communautaires, c'est un lieu privilégié pour cette prise en main là, pour cet «empowerment» là des gens. On se définit, nous autres, comme ayant une pratique professionnelle qui supporte ce processus ou cette démarche-là. Et il y a des fois qu'il peut arriver des collisions entre le développement de certains services publics ou de certains programmes publics et les revendications de certains groupes, mais je vous dirais que c'est des collisions qui sont de nature tout à fait légitime dans un système démocratique puis qu'en général, quand on est capable de travailler à l'intérieur de cette dynamique-là, qui peut être une dynamique avec des tensions, c'est aussi porteur de développement.

Donc, il n'y a pas... Oui, de temps en temps, on peut se retrouver coincé entre des groupes et des orientations d'établissements, oui, il y a des situations où des organisateurs communautaires vont se faire interpeller par leur direction, mais je dirais que, dans l'ensemble, c'est peut-être ça, la caractéristique de notre intervention professionnelle, c'est une intervention qui vise à gérer ce genre de tensions ou de conflits. Ça fait partie de la définition de l'organisation communautaire comme on la pratique.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, M. le député de Masson.

M. Labbé: Merci, Mme la Présidente. Alors, madame, messieurs, merci pour la qualité de votre présentation et, surtout, de votre mémoire. Puis, félicitations aussi pour votre rôle que vous avez joué dans la manifestation aujourd'hui, c'était très bien structuré, très bien organisé. Et, c'était important de le faire aussi, ça fait partie de votre rôle.

Moi, ce que je voulais peut-être... c'est peut-être un élément que M. De Koninck a parlé à un moment donné. Ça m'a touché assez directement, là, c'est toute la notion de ce que les gens qui sont en situation de pauvreté ou en difficulté peuvent avoir maintenant comme appui. Il y a le gouvernement, c'est sûr, mais c'est d'abord et avant tout la famille. On sait ce que ça veut dire maintenant, la famille, ce n'est plus la même chose que ce qu'on a déjà connu comme tel. Et, quand on regarde les statistiques qui sont sorties dernièrement, on voit tout le nombre de monoparentales, je pense que tout le monde a été surpris de voir, au Québec, comment est-ce qu'il y a de personnes monoparentales, comment est-ce qu'il y a de familles reconstituées, etc. Et on en prend connaissance au niveau de ces statistiques-là aujourd'hui, et on est assez impressionné de voir le chiffre. On est quand même le deuxième à travers le monde, je pense, dans cette situation-là.

L'autre élément, vous avez fait mention de toute la force de la communauté locale, et là vous avez dit: Je suis inquiet. Mme la ministre, MM. les députés, tout ça, Mmes les ministres, je suis vraiment inquiet, toute la question de la force de la communauté locale, on sent qu'actuellement qu'elle est en péril comme telle. Et, moi, j'ai le goût de vous poser une question, je me dis: Oui, peut-être qu'on peut le sentir, mais comment? Ce serait quoi, la solution? Qui pourrait jouer le rôle... Parce que je sais qu'hier l'Association des CLSC, là, comme telle et des CHSLD ont dit: Nous autres, on est capables de jouer un rôle de bougie d'allumage au niveau des différentes communautés locales. Vous autres, vous êtes des intervenants, des intervenantes, des gens de la base, des gens qui sont près du monde, qui pourrait renforcir ces fameuses communautés locales là? Qui aurait la crédibilité autant au niveau des différentes organisations qui existent, là ? je pense, vous en connaissez plusieurs ? que ce soient les CLE, les CLE, en fait, comme tels, les CLD, les CJE, etc., régies... Qui serait la mieux... Oui, je vous fais sourire un petit peu, je m'attendais à ça, mais qui serait la mieux placée? C'est-u les CLSC? Sentez-vous que c'est la bonne façon, la bonne approche? C'est-u les intervenants? Qui pourrait remettre ça en force, ces communautés locales là, pour aider justement les personnes en difficulté?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, en une minute et demie, on voudrait avoir une réponse à cette question existentielle.

M. De Koninck (Marc): Ha, ha, ha! Ça tombe bien, je ne pourrai pas y répondre au complet. Je ne vous répondrai pas nécessairement à qui, j'ai plus le goût de répondre sur le comment. Je pense qu'effectivement le CLSC, parce qu'on en est, mais d'autres institutions aussi, on est un point de convergence en termes de lecture globale des problématiques que vit une communauté puis peut-être que, comme type d'institution, on a plus de facilité à concilier développement social et impératifs de développement économique.

Mais, au-delà de ça, essentiellement, la réponse, c'est les acteurs de la communauté. Dans ce que René vous a dit tout à l'heure dans les recommandations qu'on a, l'inquiétude qu'on a comme agents de développement sur le terrain très souvent, c'est que, en même temps qu'on donne des moyens à une communauté de se prendre en charge, on a l'impression en même temps qu'on ne lui fait pas pleinement confiance dans la définition des moyens qu'elle va mettre de l'avant. On la soumet à des programmes, des normes qui sont tellement lourdes que finalement on dit aux gens... Et, très souvent, c'est ça qui est démobilisant aussi pour les gens qui décident de se mobiliser, c'est qu'on met de l'avant des projets, très souvent ces projets-là sont ensuite encadrés d'une façon qu'on ne peut pas réaliser pleinement les objectifs qu'on s'était donnés.

n(16 h 30)n

Donc, à la fois, si on décide de remettre, entre guillemets, le pouvoir aux communautés ? et ça s'inscrit, entre autres, dans une façon alternative de répondre au contexte de mondialisation actuel ? si on décide de donner le moyen aux communautés locales de se prendre en charge, il faut se donner comme principe moteur de les respecter dans la façon dont elles vont gérer leurs décisions, dans la façon dont elles vont gérer les choix. C'est tout le vieux débat entre uniformisation et, en même temps, qu'est-ce qui colle à la réalité. Alors, la réponse n'est pas tellement dans le qui pour moi, c'est beaucoup plus dans le comment et apprendre à se faire confiance. Reconnaître le pouvoir des gens, c'est fondamentalement leur faire confiance. C'est leur sort qui est en jeu. S'ils veulent le prendre en charge, faisons-leur confiance, faisons-nous confiance.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, écoutez, nous allons poursuivre les échanges maintenant avec le député de Laurier-Dorion. M. le député.

M. Sirros: Merci, Mme la Présidente, qui reste perplexe face à l'étendue de nos débats, parce que... C'est peut-être le fait qu'on est dans notre quatrième semaine d'audiences, et c'est fort intéressant à chaque fois, avec tous les intervenants qui nous apportent leur perspective à partir de leur expérience puis de leur réalité, puis j'essaie chaque fois, en écoutant, d'essayer de rattacher ça quelque part dans le projet de loi sur la lutte à la pauvreté puis des actions concrètes, mais je ne peux pas m'en passer non plus de discuter des expériences que les gens apportent. Et, comme des intervenants communautaires à l'emploi de l'État, ce que vous êtes, c'est un peu spécial, en quelque sorte, que l'État crée ou finance des intervenants qui vont organiser et faciliter l'organisation de groupes qui, eux, vont être financés en bonne partie par l'État également, qui vont réclamer à l'État une plus grande participation dans la vie sociale par l'octroi de droits plus grands.

Je ne sais pas si... Donc, si on regarde comme ça, ça devient évident qu'on se nourrit nous-mêmes ? et le «nous» étant le collectif, la société ? d'une implication communautaire et que les gens nous réclament par la suite, comme vous venez de le faire, de faire plus confiance à ces groupes-là, etc., à partir, au bout de la ligne, des fonds publics. Donc, il faut chercher quelque part un équilibre, parce qu'il y a effectivement un rôle important que l'implication communautaire fait ressortir, et ça permet également d'entamer des démarches qui font la lutte à la pauvreté ou d'autres vices sociaux et, bon, une recherche de l'équilibre.

Dans la recherche de l'équilibre, on a ici un projet de loi qui vise à orienter les mesures que la société veut entreprendre ou peut entreprendre vis-à-vis une lutte à la pauvreté, et vous reprenez, pour l'essentiel, les réclamations du Collectif quant à des amendements précis à la loi. Et une de ces propositions, c'est de faire inscrire dans la loi ? et c'est pour ça que je parlais tantôt de cet autre aspect ? de faire inscrire dans la loi cette notion d'une comparaison entre les revenus ou les conditions de vie du dernier quintile et du premier quintile et de mesurer l'efficacité de la loi par rapport à ces deux extrêmes. Moi, j'ai déjà exprimé des réserves ou un certain inconfort par rapport à la notion d'opposer les uns aux autres et je me demande si ce n'est pas plus sain, dans la recherche d'un équilibre et dans la cohésion sociale dont vous avez parlé tantôt, de viser plutôt une amélioration des conditions de vie puis des revenus du dernier quintile et les mesurer par rapport, je ne sais pas, moi, au revenu industriel moyen, de se donner une mesure qui n'oppose pas les uns aux autres, parce que, au bout de la ligne, si on... Et je ne comprends pas d'où vient ce genre de lutte de quintiles. J'ai dit à la blague à un moment donné: Je ne sais pas si ça fait référence à un autre genre de lutte, mais ça peut être vu comme ça, et que, finalement, quand on constate qu'il y a 43 % des personnes qui ne paient pas d'impôts puis 57 qui les paient, les 57 se retrouvant dans les autres quintiles, n'y a-t-il pas un risque d'avoir un ressac à un moment donné et de perdre l'équilibre qu'on cherche?

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. Lachapelle.

M. Sirros: ...que les groupes qui sont organisés par tout le tralala que j'ai fait au début réclament à l'heure actuelle ce genre de...

M. Lachapelle (René): Moi, je pense qu'il ne faut pas le voir... Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'on ne doit pas prendre une attitude qui polarise les situations sociales. Quand on parlait de la cohésion sociale, notre objectif, ce n'est pas de la renforcer en comparant riches et pauvres puis en reprenant la lutte de classes sous un modèle plus technocratique. Ce n'est pas ça, l'idée, mais c'est simplement qu'on va devoir se donner... Si on veut mesurer les impacts de l'intervention sur la pauvreté, il va falloir qu'on se donne des indicateurs qui nous permettent de vérifier dans quel sens nos actions s'en vont. Et ce qu'on regarde, c'est que quand on compare l'ensemble des sociétés développées, qu'est-ce qui fait en sorte que dans certaines sociétés on améliore la condition de santé puis on améliore la cohésion sociale, c'est qu'en quelque part, dans ces sociétés-là, on a réussi à rétrécir les écarts de société. Et, à l'inverse, on pourrait regarder ce qui s'est passé au cours des 20 dernières années avec un certain nombre de mesures qui ont fait porter aux personnes appauvries le poids de leur condition en disant: Vous allez vous en sortir ou on ne vous supportera pas. Ça a provoqué un accroissement de cet écart-là.

En fait, ce que j'essaie de dire, c'est que la question de l'écart entre les quintiles, c'est une unité de mesure. Si on est capable d'en trouver de meilleures, si on est capable de trouver des éléments qui permettent de mesurer les mêmes réalités sociales, de cohésion sociale, qu'on en prenne d'autres. Puis ça, peut-être qu'on pourra le développer dans les outils que le projet de loi prévoit.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: Si je le percevais strictement comme unité de mesure, je n'aurais peut-être pas le même inconfort. Mais ce n'est pas uniquement une unité de mesure qui est proposée. Dans les approches et dans les demandes qui nous sont faites par vous, par le Collectif, par tous ceux qui ont repris ces demandes-là, on nous demande de faire des actions, de s'assurer que le dernier quintile prime. Les actions que le gouvernement va prendre doivent primer l'une par rapport aux autres.

M. Lachapelle (René): ...ne va pas les appauvrir.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Un instant, s'il vous plaît. Oui, M. le député.

M. Sirros: Donc, c'est pour ça que je dis: Est-ce que c'est une lutte des classes technocratique, là, qu'on fait? C'est quoi au juste? D'où ça vient, cette notion? Et pourquoi? Si c'est juste une question de mesure objective, on peut mesurer, par exemple... On peut se comparer avec d'autres pays industrialisés puis se dire que, d'ici 10 ans, il faut qu'on ait réduit l'écart entre nous et eux, on peut mesurer le revenu ou la condition de vie des personnes dans le dernier quintile par rapport, comme je disais, au salaire industriel moyen puis voir est-ce qu'on a réduit cet écart-là. Mais là on nous demande de prendre des actions qui vont faire en sorte qu'on analyse... Et vous réclamez une loi-cadre pour qu'il y ait un objectif qui va faire primer, en tout cas, les uns par rapport aux autres. Les actions du gouvernement doivent faire en sorte que le mieux-être du dernier quintile prime sur le mieux-être du premier. C'est comme ça que c'est formulé.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Oui. Alors, M. Lachapelle.

M. Lachapelle (René): Je reviens avec la perception que, moi, j'ai de cette question-là, c'est que quand on essaie de mesurer la cohésion dans les sociétés, un des éléments très importants de cette mesure-là, c'est l'accroissement ou le rétrécissement de l'écart entre les plus riches et les plus pauvres. La question de dire qu'on va s'obliger à faire en sorte que les mesures qu'on va prendre vont d'abord éviter l'appauvrissement du quintile le plus pauvre puis même améliorer sa condition, moi, je le vois comme étant une façon de mettre en oeuvre des actions qui vont faire en sorte que l'unité de mesure va pouvoir se vérifier. Je pense que c'est une question de... Il faut le regarder dans une optique collective. L'idée, ce n'est pas d'opposer Mme Unetelle sur la sécurité du revenu à M. Untel qui est président d'une compagnie. Ce n'est pas ça, la perspective. La perspective, c'est dire que, quand, dans une société, hein, les gens qui, effectivement, sont les payeurs d'impôts, là, qui sont dans les plus riches de la société puis les gens qui sont les plus pauvres... Quand l'écart est trop grand, en quelque part, on a... Et c'est une mesure qui est universelle. Quand on arrive dans les pays du Sud, c'est même très visible physiquement simplement par la séparation des rues et des quartiers. Ça l'est déjà dans nos collectivités locales, mais c'est encore beaucoup plus apparent quand on va dans le Sud, on le voit, on le visualise.

Je pense que c'est ça qui est en jeu. L'idée, ce n'est pas de polariser les pauvres contre les riches ou de dire aux riches... Tu sais, on ne va pas ressortir les vieux slogans, là, Faisons payer les riches. Ce n'est pas ça, la perspective. La perspective, c'est de dire: Si on veut faire des gestes et si on veut être capable de mesurer la portée de ces gestes-là, il va falloir qu'on soit capable de s'assurer qu'ils ne vont pas ni appauvrir les plus pauvres... Parce qu'il y a certaines mesures qui ont cet effet-là des fois. Quand des personnes, par exemple... On a parlé des médicaments, quand des personnes doivent payer leurs médicaments maintenant, ces gens-là sont affectés par des mesures. Alors, c'est ce type de mesure là qu'on devrait prendre.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, il reste 30 secondes, M. le député.

n(16 h 40)n

M. Sirros: ...30 secondes, j'allais dire: Ici, ce n'est pas les riches qui paient, c'est la classe moyenne qui paie. Et, au bout de la ligne, c'est ça, le problème, parce qu'il y a toutes sortes de choses qu'on a faites qui ont fait bénéficier, entre autres, les riches. Je pense à certains crédits d'impôt, etc., qu'on a choisi de mettre en application, et, en contrepartie, les gens n'ont plus accès à des médicaments gratuits. C'étaient mes 30 secondes.

La Présidente (Mme Carrier-Perreault): Alors, écoutez, ça met fin, malheureusement, à nos échanges. C'est tout le temps dont on disposait. Alors, M. Lachapelle, Mme Lépine, M. De Koninck, merci pour votre participation aux travaux de cette commission.

J'inviterais les représentants de l'hôpital Douglas à bien vouloir s'approcher, s'il vous plaît. Je vais suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 41)

 

(Reprise à 16 h 42)

Le Président (M. Labbé): Alors, bienvenue à cette commission. Alors, nous allons, sans plus tarder, débuter la présentation. Nous avons le plaisir de recevoir les gens de l'hôpital Douglas. Alors, je pense que c'est Mme Nicole Lahaie, qui est la coordonnatrice, qui va avoir le plaisir de nous présenter les gens qui l'accompagnent. Alors, vous avez 15 minutes pour faire la présentation comme telle de votre mémoire, et par la suite nous aurons un 20 minutes équilibré pour pouvoir échanger avec vous. Alors, Mme Lahaie, sans plus tarder, je vous cède la parole.

Hôpital Douglas

Mme Lahaie (Nicole): Oui, bonjour. Je vais vous présenter les membres de l'équipe IPS: Mireille Valois, conseillère en adaptation au travail; Claude Thérrien, conseiller en adaptation au travail; Noëlla Groleau, ergothérapeute; moi-même, Nicole Lahaie, agente de planification et développement; Sylvie Prévost, conseillère en adaptation au travail; de même que Marie-Sylvie Saint-Pierre, conseillère en adaptation au travail.

Alors, juste pour vous dire, nous allons nous exprimer sur l'intégration au marché du travail des personnes ayant une contrainte sévère à l'emploi et, du même fait, aux prises avec un problème de santé mentale.

Alors, comme vous avez dit au tout début, là, nous représentons l'hôpital Douglas, qui est spécialisé en psychiatrie et affilié à l'Université McGill. Notre hôpital assume une triple mission de soins, d'enseignement et de recherche. Il dispense des services en français et en anglais à un bassin de population de 280 000 habitants. L'hôpital Douglas détient le statut de centre collaborateur de l'Organisation mondiale de la santé pour la recherche et la formation en santé mentale. Les services de réadaptation de l'hôpital Douglas offrent plusieurs programmes, dont le programme IPS où nous travaillons.

Alors, il s'agit d'un programme clinique de placement et de support à l'emploi visant le marché régulier du travail pour les personnes aux prises avec un problème de santé mentale grave. On sait que cette clientèle compte parmi les groupes les plus démunis et les plus défavorisés économiquement, sans aucun doute la population concernée par le projet de loi n° 112.

Alors, pourquoi, nous, on parle de la priorité de développer l'emploi pour les personnes avec une contrainte sévère à l'emploi? Parce que les recherches actuelles démontrent que les individus en situation de travail utilisent moins les services de santé; parce que, lorsque les personnes bénéficient d'un support clinique nécessaire, nous constatons qu'une majorité désire jouer un rôle actif dans la société, donc travailler.

Quand on parle désinstitutionnalisation, l'enjeu le plus important est l'inclusion des personnes dans la société. Une des façons les plus efficaces est sûrement le travail. Le service IPS a permis des progrès considérables d'intégration sociale et d'accès à des ressources significatives pour une intégration réelle, notamment grâce à l'approche valorisant l'appropriation du pouvoir et l'accès au travail pour les personnes les plus lourdement atteintes.

Nous avons développé une expertise probante, et voici ce que nous voulons exposer compte tenu des embûches majeures vécues par notre clientèle lors d'une démarche d'intégration au travail. Saviez-vous qu'une personne seule ayant une contrainte sévère à l'emploi reçoit une allocation de 776 $ par mois, elle a droit de conserver 100 $ de revenus de travail par mois, ce qui représente trois heures et demie de travail par semaine au salaire minimum? Tel que le système est conçu, il n'y a pas d'incitatif financier pour cette personne à travailler davantage, car, au-delà du 100 $ gagné, tous les argents sont déduits du 776. O.K.? Alors, de plus, en plus de ça, il est peu réaliste de penser qu'un employeur va accepter d'embaucher une personne pour trois heures et demie de travail par semaine. C'est une situation que l'on voudrait voir changer, et nous vous proposons notre vision, qui repose sur la transformation des services de santé mentale du ministère de la Santé et des Services sociaux, notre expérience clinique et du vécu de la clientèle.

Notre vision valorise le statut du citoyen s'actualisant par le travail indépendamment des handicaps tant physiques que mentaux. Alors, ce que nous proposons en premier lieu, que les modalités d'application du projet de loi permettent aux personnes avec une contrainte sévère à l'emploi désirant s'intégrer au marché du travail de garder un dollar sur deux de leurs revenus de travail qui excèdent le seuil du revenu de travail permis, le 100 $. On n'invente rien, là, parce que cela se passe déjà en Ontario d'une certaine façon. En comparaison, les personnes ayant un statut équivalent à une contrainte sévère à l'emploi sont encouragées à travailler et gardent un quart de leurs revenus de travail excédant leur barème établi, donc 0,25 $ sur 1 $.

De plus, il est important de souligner qu'une fois que les personnes ont leur statut suite à une longue évaluation, un processus d'évaluation assez ardu, il n'est pas remis en question. Alors, nous proposons également, en deuxième lieu, qu'au Québec les handicaps menant au statut de contrainte sévère à l'emploi ne soient pas perçus comme une contradiction au désir de travailler, tel qu'en Ontario, et que ce statut ne soit pas remis en question.

Il est clair que le travail contribue à l'amélioration des conditions de santé et qu'une personne aux prises avec un handicap physique ou mental bénéficie du travail. N'allez pas penser que ces personnes ne veulent pas travailler. Elles le veulent, mais, comme nous disions, tel que le système est présentement conçu, il y a peu d'incitatifs, ce qui décourage les tentatives d'intégration au travail. Ceux parmi vous qui connaissez ou qui avez un membre de votre famille aux prises avec un problème de santé mentale savez exactement l'impact de la maladie mentale dans la vie d'un individu et saurez reconnaître également l'espoir que redonne le travail à ces individus.

Alors, en conclusion, les avantages et impacts des modalités que nous proposons visant la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Dans un premier temps, on pense que l'État bénéficierait certainement de retombées économiques découlant de cette nouvelle mesure: dans un premier temps, par la diminution du montant des prestations de la sécurité du revenu versées aux personnes; dans un deuxième temps, par la diminution de l'utilisation des ressources en santé mentale dans le réseau.

La mise en mouvement vers l'emploi avec une rémunération significative contribuerait à l'amélioration des conditions et de la qualité de vie des personnes aux prises avec un problème de santé mentale. C'est une approche qui vise la responsabilisation de la personne, qui lui reconnaît son statut de citoyen à parts égales et qui contribue à déstigmatiser la notion de handicap.

Pour terminer, nous tenons à citer les paroles des gens que nous représentons: «Recevoir un chèque de paie qui reconnaît la valeur de notre travail est beaucoup plus valorisant qu'une augmentation sur notre chèque d'aide sociale. Nous n'avons pas choisi la maladie mentale.» Voilà.

n(16 h 50)n

Le Président (M. Labbé): Alors, merci beaucoup, Mme Lahaie, pour la qualité de votre présentation et, surtout, pour le temps que vous y avez pris. Ça va nous permettre de prendre plus de temps pour les échanges comme tels. Alors, sans plus tarder, je vais maintenant céder la parole à la ministre d'État à la Solidarité sociale, à la Famille et à l'Enfance et aussi ministre responsable de la Condition féminine et des Aînés. Mme la ministre.

Mme Goupil: Merci, M. le Président. Alors, Mme Lahaie ainsi que les personnes qui ont rédigé le document ? il y a un monsieur qui vous accompagne; bon, on avait indiqué qu'il y a six personnes qui ont contribué au mémoire ? je tiens à vous remercier sincèrement, parce que, jusqu'à maintenant, vous êtes les premiers à témoigner des femmes et des hommes que vous soutenez qui vivent ces situations extrêmement difficiles, les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou avec des contraintes sévères, comme vous l'avez dit, et le mémoire permet d'éclairer davantage encore les membres de la commission, mais aussi pour bonifier encore le projet de loi.

Vous avez, à juste titre, indiqué, et ce que vous avez dit d'emblée, qu'il y a des gestes qui, actuellement, ont pour effet de ne pas inciter nécessairement les personnes à améliorer leur situation, et, dans la stratégie et dans le projet de loi, les groupes de personnes que l'on veut aussi soutenir, ce sont justement ces personnes, que, à chaque effort qu'elles font pour améliorer leur situation, qu'elles soient non pas pénalisées, mais soutenues dans cette démarche justement pour atteindre ce revenu de solidarité.

Et aussi, à juste titre, on pourrait ajouter que tous les préjugés qui existent encore malheureusement, parce qu'il y a encore beaucoup de gens qui ne sont pas au fait de la connaissance des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale, puis ce n'est pas tout le monde non plus qui peuvent les détecter... Ce n'est pas aussi évident, sauf pour des personnes, bien sûr, qui avez l'expérience et l'expertise pour le faire. Vous avez...

En tout cas, je tiens à vous remercier pour ça, parce que vous avez soulevé des points qui, au sein du ministère de la Solidarité sociale, mais avec nos différents partenaires... C'est une situation qui existe, et on souhaite y apporter les meilleurs correctifs possible et dans les meilleurs délais possible.

Vous avez aussi indiqué à juste titre que l'emploi... Vous insistez beaucoup sur le fait que d'accompagner et de soutenir les gens au niveau de l'emploi... J'aimerais ça si vous pourriez témoigner dans le concret, lorsqu'on permet à des gens justement d'occuper un emploi puis d'exercer pleinement leur situation... concrètement, ce que ça donne aux gens lorsque justement ils ont ces outils-là pour les soutenir. J'aimerais ça que vous pourriez nous témoigner non pas seulement des résultats, mais qu'est-ce que ça permet aux gens dans leur quotidien lorsque justement on peut les soutenir davantage, puis quels sont les effets justement pour les personnes qui sont pénalisées actuellement.

Le Président (M. Labbé): Alors, Mme Lahaie.

Mme Lahaie (Nicole): Oui, d'accord. Puis, après ça, je vais passer la parole aussi aux personnes qui travaillent directement sur le terrain avec ces personnes-là.

De un, ce n'est pas compliqué, le programme aide non seulement à obtenir l'emploi, mais on travaille aussi à ce que les gens puissent maintenir leur emploi. On voit des choses très concrètes comme la satisfaction, une satisfaction personnelle. Pas toujours l'augmentation justement du revenu qui suit, mais, par contre, une énorme satisfaction, dans le sens qu'on a vu des gens qui, bon, avaient connu l'institutionnalisation, la désinstitutionnalisation et qui, après des années qu'ils n'ont pas justement travaillé, vécu un peu aux dépens de la société, et tout ça, maintenant, travaillent. Et puis, même s'ils n'ont pas plus d'argent, juste le fait de pouvoir travailler... Bon, les personnes travaillent. Ça fait que ça, c'est une chose majeure. On a vu l'agrandissement du réseau social des individus. On dénombre plein de phrases, de commentaires à l'effet comment les personnes sont plus contentes et heureuses. J'imagine que mes collègues de travail aussi peuvent témoigner. Je ne sais pas s'il vous vient des idées...

Le Président (M. Labbé): Alors, M. Thérrien, peut-être, je ne sais pas.

Mme Lahaie (Nicole): Oui.

Le Président (M. Labbé): M. Therrien, peut-être.

M. Thérrien (Claude): Oui. Souvent, notre clientèle a... La clientèle qu'on cible, c'est une clientèle qui a eu ou qui vit beaucoup de situations de crise. O.K.? Et l'emploi, surtout avec un bon support, peut servir à réduire cette situation-là. Je vais vous donner un exemple d'un de mes clients. C'est un monsieur qui, avant qu'il commence le processus d'emploi, était toujours à l'urgence, je dirais, deux, trois fois par mois. Il était à la maison, très anxieux. Et, depuis que ce monsieur-là travaille, c'est une situation qui a arrêté. Monsieur se sent moins isolé, il fait partie d'une équipe. Et c'est un monsieur qui n'a presque pas travaillé dans sa vie et qui a un problème sévère en santé mentale, mais là c'est un monsieur qui est devenu un travailleur et un citoyen. Et c'est souvent le cas, parce que nous, notre clientèle, c'est vraiment une clientèle assez ciblée, avec des problèmes en santé mentale, mais à long terme. Avec ça, tout l'élément de pauvreté et d'isolement. L'emploi peut vraiment réduire l'isolement.

Mme Goupil: Je vous remercie beaucoup, parce que je suis convaincue aussi que le fait que les personnes qui reçoivent ces gens pour occuper un emploi, qui sont sensibilisées à la problématique de santé mentale, en termes d'intervention auprès de ces personnes-là, n'agissent pas nécessairement de la même façon et ont une compréhension qui est différente à partir du moment où tu sais la maladie dont la personne, elle est atteinte.

À partir de quel pourcentage d'exemption vous pensez qu'une telle mesure devient significativement importante ou significative pour la personne? Quel devait être... Vous avez parlé tout à l'heure d'exemption comparable avec ce qui se faisait à d'autres endroits, mais, selon vous, quel pourrait être ce pourcentage d'exemption qui est suffisamment significatif pour des personnes?

Le Président (M. Labbé): Mme Lahaie.

Mme Lahaie (Nicole): Oui. Si je comprends bien la question, ce qu'on dit, c'est que l'exemption actuelle est correcte, hein? Bon, les gens, pour la plupart, conservent un montant, là, qui leur vient de la sécurité du revenu, parce que, bon, souvent la clientèle travaille à temps partiel. O.K.? Les gens ont droit à travailler pour 100 $, et puis, passé ça, c'est que l'argent du chèque de paie est entièrement déduit. Ce que, nous, on dit: Il ne faut pas hausser nécessairement ce barème-là de 100 $ à un autre montant. Ce qu'on dit: Laissons-le comme ça parce que c'est correct. Par contre, passé 100 $, passé trois heures et demie de travail par semaine, ceux et celles qui vont vouloir travailler davantage vont avoir les argents de leur chèque de paie dans leur poche au lieu d'avoir une protection.

Une voix: ...

Mme Lahaie (Nicole): Oui, un dollar sur deux. Présentement... Bien, c'est ce qu'on dit. Si c'était deux sur deux, ce serait correct, mais...

Mme Prévost (Sylvie): Et, si je peux me permettre, pour la population en général...

Le Président (M. Labbé): ...s'il vous plaît.

Mme Prévost (Sylvie): ...l'aide sociale, c'est souvent une mesure transitoire, c'est passager dans la vie de quelqu'un. Pour notre clientèle, souvent ça va être présent toute la vie. Donc, il faut qu'il y ait un moyen d'améliorer significativement leur qualité de vie. J'ai quelqu'un qui travaille en ce moment 20 heures semaine. Au bout du mois, il a 100 $ de plus par semaine, mais le travail lui impose aussi des dépenses. On lui a demandé d'avoir des bottes, différentes choses, et ça devient même difficile pour lui d'être capable de continuer à travailler parce qu'il n'a pas de revenus additionnels qui s'ajoutent. Alors, ce qu'on dit, c'est que pour notre clientèle, qui va peut-être toujours avoir à travailler à temps partiel, qui ne pourra pas atteindre un temps plein, ce serait important que ça ait quand même une signification financière pour améliorer la qualité de leur vie: un meilleur logement, une meilleure alimentation, des vêtements appropriés.

Le Président (M. Labbé): Mme la ministre.

Mme Goupil: Si je comprends bien, vous indiquez que, à partir du moment où ils ont un revenu supplémentaire, vous souhaiteriez qu'ils puissent conserver un dollar sur deux et, à la limite, aussi il y a certaines situations qui... Par exemple, vous justifiez des bottes de travail ou autre chose, c'est que la personne puisse elle-même pouvoir faire l'achat de ces choses-là à même les revenus supplémentaires qu'elle aura. D'accord.

Mme Prévost (Sylvie): Pour la personne, c'est une question de respect aussi. C'est elle qui gagne son argent, ce n'est pas le gouvernement qui lui donne, et c'est très important.

Le Président (M. Labbé): Parfait. Mme la ministre.

Mme Goupil: Alors, je vais laisser la parole à mes collègues, mais je tiens à vous remercier beaucoup pour nous avoir sensibilisés encore de façon plus importante à la particularité des gens qui sont atteints de santé mentale et de contraintes sévères à l'emploi. Ce sont des personnes qui sont touchées directement par la stratégie, le projet de loi et le plan d'action qui suivra par la suite.

Le Président (M. Labbé): Merci, Mme la ministre. Alors, sans plus tarder, je cède maintenant la parole à votre collègue la ministre déléguée à la Lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Mme la ministre.

Mme Léger: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Bonjour, monsieur. Je vais aussi laisser la parole à mon collègue. Alors, avec le temps qu'il nous reste, j'aimerais quand même m'assurer, d'une part, que vous avez fait... Votre mémoire porte vraiment sur la recommandation de modifier le programme d'assistance-emploi, vous n'avez pas fait nécessairement l'analyse du projet de loi tel quel.

n(17 heures)n

Vous êtes affiliés, je vois, à l'Université McGill, spécialisés en psychiatrie, et vous avez dit tout à l'heure être en relation avec l'Organisation mondiale de la santé. Donc, vous avez affaire à plusieurs documentations internationales. Donc, c'est tout un réseau. Est-ce que vous trouvez... Est-ce que vous sentez qu'il y avait nécessité ici, au Québec, de faire une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, d'avoir un projet de loi? Est-ce que vous appuyez cette initiative-là, d'une part? Et, si on se compare un peu à travers le monde, on est un petit peu chef de file à ce niveau-là, il n'y a pas beaucoup de lois à travers le monde qui se fait pour lutter contre la pauvreté. Alors, j'aimerais vous entendre à cet effet-là.

Le Président (M. Labbé): Mme Lahaie.

Mme Lahaie (Nicole): Définitivement et puis certainement qu'on appuie ce projet-là, je pense que c'était souhaitable, et puis le fait que c'est maintenant un projet à la veille de devenir une loi. Je pense que, comme vous dites, il n'y a peut-être pas beaucoup de pays justement qui se dotent d'une loi comme ça. Alors, oui, on est très favorables pour ça. Non seulement on travaille pour l'emploi, mais on a, chacune et chacun, eu des expériences sur le terrain avec du suivi, par exemple, dans la communauté, des personnes qui vivent dans la communauté, qui ont des problèmes de santé mentale, du suivi intensif. Et on le sait très bien parce qu'on a l'expérience, on a vu les conditions dans lesquelles ces personnes-là travaillent. Définitivement qu'on est également sensibles aux autres groupes marginalisés, là, dans notre société. Vous parliez de familles monoparentales et d'autres groupes qui, eux aussi, subissent les retombées de la pauvreté pour toutes sortes de raisons. Et, oui, définitivement, je pense que le fait d'avoir éventuellement cette loi-là, c'est ce qui est souhaitable et c'est bien.

Mme Léger: Merci beaucoup.

Le Président (M. Labbé): Madame.

Mme Lahaie (Nicole): Non. Je voulais juste souligner que, justement, quand on témoigne des conditions de vie dans lesquelles les gens vivent, on ne peut pas faire autrement que de se poser des questions. Puis on travaille et, après ça, on s'en retourne à la maison, puis on ne le fait pas de façon... Tu sais, c'est difficile de retourner à la maison, un peu à ton luxe que, toi, tu as, quand tu vois que toute la journée tu as un peu aidé les gens, tu sais, qui étaient dans des conditions défavorables.

Le Président (M. Labbé): Merci, madame. Mme la ministre déléguée... Ah! d'accord. Alors, sans plus tarder, nous allons maintenant passer au député de Maskinongé.

M. Désilets: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, mesdames, monsieur. Deux petites questions bien courtes. Comment se font les contacts avec vos employeurs ? et de un ? comment ça se fait, puis est-ce facile? Ça, c'est la première question.

La deuxième, je vais la poser tout de suite en cas que je manque de temps. Plus on rencontre des groupes, plus on se rend compte que la problématique de la pauvreté est large, est très large. Puis je vous demanderais: Avez-vous des idées pour être capable de vendre ? parce qu'il faut vendre notre projet à la population aussi, là... Et, moi, j'ai encore quelques téléphones de gens qui m'arrivent, qui m'appellent au comté puis ils me disent: Rémy, là, arrêtez ça parce que ça n'a pas de bon sens, là; on est 43 % de population qui ne paie pas d'impôts, on est 57 à en payer; allez-vous encore augmenter nos taxes? Puis, tu sais, il y a une appropriation du dossier. On vous écoute, puis je trouve ça bien le fun, puis on voudrait en donner plus. Mais comment est-ce qu'on peut réussir aussi à amener la population à être encore plus à l'écoute des problématiques? Parce que ce n'est pas tout le monde qui écoute la TV puis qui écoute, comme nous, là, ce qui se passe. Avez-vous des idées?

Le Président (M. Labbé): Oui. Alors, je présume que c'est Mme Saint-Pierre, vous avez un deux gros minutes, madame, deux grosses minutes pour répondre à cette grande question.

Mme Saint-Pierre (Marie-Sylvie): Deux grosses minutes. Bien, en ce qui concerne les employeurs, c'est sûr que... Je pense que, de façon générale, on a une bonne réponse des employeurs. Cependant, ce n'est pas indépendant des stigmas et des préjugés envers la santé mentale. On mêle aussi les problèmes de santé mentale avec les problèmes de déficience mentale parfois. La compréhension n'est pas toujours là à cause de l'ignorance de ce que ça peut représenter. Par exemple, nous autres, la clientèle sévère et persistante dont nous parlons, on parle de schizophrènes, on parle de bipolaires. Bon. C'est une clientèle intelligente, entre parenthèses. Ça n'a pas d'affaires avec la déficience mentale. Et parfois, ça, on a à débattre ça, là, avec les employeurs. Ensuite, pour...

Mme Prévost (Sylvie): ...il y a la deuxième question, où vous disiez: Comment vendre ça? C'est que, quand les gens vont garder un dollar sur deux de leur revenu, ce n'est pas l'État qui les paye, c'est l'employeur, donc ce n'est pas un surplus de taxes. Si on dit que simplement la personne fait 500 $ par semaine à travailler chez Subway, bien, il y a une portion de cet argent-là qui lui reste et qui est payée par le privé et une autre portion qui retourne au gouvernement parce qu'elle donne un dollar sur deux. Donc, dans notre proposition, il n'y a pas d'ajout de taxes.

Une voix: Dans ce sens-là, ça ne coûte rien.

Mme Prévost (Sylvie): Ça ne coûte rien au gouvernement.

Le Président (M. Labbé): Oui. Mme Lahaie, je pense, en complément.

Mme Goupil: Est-ce que vous me permettez juste, avec madame...

Le Président (M. Labbé): Mme la ministre, oui.

Mme Goupil: Vous avez raison de dire que chaque somme qui sera payée par l'employeur, et un sur deux, il faudra que l'État en paie une moitié aussi. Parce que, je vais vous dire, la contribution des... Lorsqu'on dit qu'il y a une exemption avec les... l'IPS, quand on demande l'exemption de 50 % des revenus de travail comptabilisés, il est évident qu'il faut être capable de soutenir une partie comme gouvernement. Le surplus dont vous parlez, c'est le surplus de... en plus de ce qui est déjà payé. Et là-dessus, ce que mon collègue disait, à juste titre, c'est que, pour être capable de soutenir les personnes dans l'atteinte de leur revenu de solidarité, il faudra que la société contribue pour atteindre ce revenu de solidarité sans que la personne soit pénalisée. Parce que, actuellement, elle l'est à certains égards, elle l'est, pénalisée. Alors, c'est pour ça que ce que mon collègue disait, oui, il y a une partie que l'employeur va payer directement, mais la société, de par les impôts que les contribuables paient... c'est ce qui nous permet de soutenir financièrement à hauteur de plusieurs millions et même milliards aussi.

Le Président (M. Labbé): Alors, Mme Prévost, en complémentaire, rapidement, si vous permettez, 30 secondes.

Mme Prévost (Sylvie): C'est important. Oui, bien sûr, on continue de soutenir, mais ce que je veux dire, c'est qu'il y a quand même une portion des argents qui provient du travail de l'individu plutôt que de provenir entièrement de l'État.

Mme Goupil: Tout à fait. Oui.

Le Président (M. Labbé): Mme Lahaie, 10 secondes.

Mme Lahaie (Nicole): Dix secondes. Juste pour dire: De toute façon, les gens maintenant ne vont pas aller travailler parce qu'ils n'ont pas plus d'argent. Alors, l'État paie 100 %. Tandis que, là, à ce moment-là, ils pourraient aller travailler et, au moins, l'État paierait 50 %. Si on regarde ça comme ça.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, Mme Lahaie. Je pense que le député de Laurier-Dorion aurait peut-être des complémentaires et des questions à vous poser sur cet élément-là. M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: J'étais parti pour dire... Bonjour, bienvenue, ça me fait plaisir. J'étais parti pour dire que je serais très court, parce que, fondamentalement, je dois vous dire que je trouve que vous avez tout à fait raison, qu'on est d'accord avec cette façon de faire, de ce côté-ci, et c'est précisément ce qu'on veut opérer dans le plan d'action qu'on a proposé au mois de septembre. Parce que l'objectif, c'est de valoriser le travail, récompenser l'effort et faire en sorte que le travail devienne plus payant que de ne rien faire. Et... en tout cas, j'avais le goût d'arrêter là, mais je pense que... en fait, la discussion, il faut qu'on poursuivre parce qu'il n'y a pas de... Il y a un débat entre: Est-ce qu'il y a un coût pour l'État ou non? Il y a un coût d'opportunité pour l'État, dans le sens que l'État perd l'opportunité de réduire ses dépenses. Hein, il n'y a pas de supplément qui est versé par l'État, n'est-ce pas? Donc, l'État doit, à un moment donné, se poser la question suivante: Est-ce que je suis mieux de décourager des gens d'aller travailler et de les garder dans la dépendance, parce que, au bout de la ligne, c'est... et je vais continuer à les payer, ou est-ce que je peux partager, réduire le taux de ma récupération en permettant aux gens de travailler et leur laissant... vous proposez un dollar sur deux ? bon, prenons ça ? après le 100 $ qu'on permet déjà... Alors donc, ça veut dire que, oui, l'État va épargner 1 $ par la suite, au lieu d'épargner 2 $ tout de suite, après le 100 $. Alors, il y a certainement des modalités à regarder parce que ça va poser l'autre question à l'autre bout: Ceux qui travaillent, qui ne reçoivent aucune allocation de l'État en termes de paiement de dernier recours, il faut aussi s'assurer que, ça aussi, c'est toujours ? comment je vais dire? ? plus payant pour eux autres de continuer à travailler. Il ne faudrait pas non plus qu'on fasse basculer des gens dans la requête de l'aide sociale, finalement.

Mais, fondamentalement, quand on parle de valoriser le travail, si ça veut dire quelque chose, c'est ça que ça veut dire, et de mettre sur pied des programmes qui vont recentrer le programme qui est actuellement un programme de dernier recours, et c'est de là que vient le problème fondamental, c'est un programme de dernier recours... Donc, philosophiquement, c'est: Une fois que vous n'avez plus rien, on vous dépanne; dès que vous commencez à avoir quelque chose, vous vous assumez. Actuellement, c'est: Vous vous assumez presque totalement. Et est-ce que l'approche qu'on ne devrait pas viser ? c'est ce qu'on veut faire, nous, et c'est ce que vous proposez ? c'est de dire: On va comme graduer le bout qu'on vous demande d'assumer, on va vous permettre de garder plus? Et ça s'applique non seulement... j'ajouterais que ça s'applique non seulement aux personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi, mais ça s'applique peut-être davantage à ceux qui n'ont pas de contraintes à l'emploi, qui actuellement essaient de vivre ? ce n'est pas possible, on l'a dit souvent ? avec le 500 $. Et il y en a qui ont dit assez carrément que, oui, il y a du travail au noir qui se fait. Alors, ce travail au noir peut venir en lumière à un moment donné également parce que... Si la personne l'avoue, mais en sachant qu'elle va pouvoir garder une bonne partie de ça jusqu'à un seuil à un moment donné... Évidemment, à un moment donné, l'État va arrêter de payer parce que la personne aurait atteint son autonomie économique et financière. Et je crois qu'au bout de la ligne l'État peut être gagnant dans cette façon d'envisager les choses. Parce qu'il ne faut pas le voir comme un manque d'opportunité de faire une épargne en coupant la subvention, mais il faut le voir comme une possibilité d'avoir une épargne à long terme en éliminant la prestation de base parce qu'on va permettre à la personne de s'insérer sur le marché du travail.

En tout cas, c'est sûr qu'il y a beaucoup plus, comme on peut dire, et il n'y a pas vraiment de questions là-dessus. Mais, si vous voulez profiter des quelques minutes qui restent pour réagir, sentez-vous libres.

n(17 h 10)n

Le Président (M. Labbé): Alors, Mme Lahaie, peut-être en complémentaire.

Mme Lahaie (Nicole): C'est sûr que, comme vous dites, l'application sur un plan plus large demanderait quand même de regarder plus spécifiquement. Mais, si on regarde pour l'individu, la clientèle qu'on dessert, on peut penser que, justement, un incitatif comme ça permettrait... Parce qu'il y en a déjà qui le font même sans incitatif; juste le fait de sortir de la maison, et tout. Alors, qu'il y aurait des gens qui pourraient graviter vers un travail à temps partiel et puis, s'ils ne le font pas présentement, l'État paie déjà, disons, le 776. Alors, si ces gens-là gravitent vers le temps partiel, le 776 descend. Hein, il y a ça. On sait que notre clientèle vit quand même des difficultés et puis... Bon, pour certains, le travail à temps partiel va correspondre à leurs besoins, et tout ça. De cette tranche-là, il y en a peut-être aussi et il y en a certainement qui vont graviter au-delà d'un travail à temps partiel et peut-être aller vers un travail à temps plein. Alors, on peut penser que ça, ce n'est pas la majorité, mais, par contre, il y en a peut-être aussi qui pourraient le faire. Alors, on peut voir aussi qu'à ce moment-là il y a des gens qui pourraient sortir du système de sécurité du revenu. Oui, vas-y.

Le Président (M. Labbé): Vous permettez? Il y a Mme Saint-Pierre qui avait peut-être une intervention. Puis, ensuite, je pourrais passer à madame. Vous avez réagi, Mme Saint-Pierre?

Mme Saint-Pierre (Marie-Sylvie): Je secondais Mme Lahaie, dans le sens que ce n'est pas la majorité, c'est certain, parce que c'est des problèmes quand même sévères de santé puis ce n'est pas des problèmes qui vont disparaître. C'est persistant, comme on dit dans notre langage. Mais c'est sûr que l'important dans tout ça, je pense que ce qu'il faut retenir, c'est que le travail donne la dignité, apporte la dignité à l'individu, et c'est dans ce sens-là qu'on soutient cette idée-là.

Le Président (M. Labbé): Parfait. Il y avait Mme Groleau, si vous permettez, qui avait aussi un commentaire. Mme Groleau.

Mme Groleau (Noëlla): Oui. Ce que je voulais rajouter, c'est que ce n'est pas juste un dollar sur deux et ce que ça va coûter à l'État, c'est aussi... la personne fréquente moins une urgence ? on sait que ça coûte très cher d'aller à l'urgence, c'est, je ne sais pas, 5, 600 $ une journée ? une diminution de la médication qui est aussi très cher, et aussi le pouvoir d'achat qui va être augmenté. Donc, je pense qu'il faut considérer l'ensemble des répercussions que ça peut avoir, le travail pour la personne.

Le Président (M. Labbé): Oui, Mme Prévost.

Mme Prévost (Sylvie): On parle beaucoup de réduction dans les services de santé en ce moment. C'est un sujet très, très chaud. C'est une façon qu'on apporte d'aider ces gens-là à moindre coût. C'est-à-dire que les professionnels qu'ils rencontrent très, très, très souvent quand ils n'ont pas d'activités à l'extérieur, ça coûte très cher aussi. Le travail est aussi une thérapie pour la personne, qui aide à sa santé mentale sans ajouter des coûts et alourdir le système en ce moment. Je pense qu'il faut aussi le considérer.

Le Président (M. Labbé): Ça va? Alors, peut-être un petit commentaire. J'ai le plaisir de connaître des gens de santé mentale qui travaillent actuellement et je peux vous dire... j'ai le goût de passer le message aux employeurs: l'essayer, c'est l'adopter. Parce que ces gens-là sont tellement fiers de travailler que c'est des gens qui sont ponctuels, ils sont efficaces, puis, effectivement, comme vous l'avez dit, c'est des gens qui sont très intelligents.

Alors, merci de votre présentation, Mme Lahaie, Mme Groleau, Mme Prévost, M. Thérrien, Mme Saint-Pierre, Mme Valois et Mme Garcia. Alors, merci de votre présentation pour l'hôpital Douglas.

Et, sans plus tarder, j'invite les gens du Regroupement de parents de personne ayant une déficience intellectuelle de Montréal à bien vouloir prendre place, s'il vous plaît.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Labbé): Alors, sans plus tarder, si vous permettez, nous allons reprendre maintenant nos travaux. Alors, nous avons le plaisir de recevoir le Regroupement de parents de personne ayant une déficience intellectuelle de Montréal. Alors, les représentants, M. Faulkner et M. Champagne, je pense. Sans plus tarder, je vais céder, comme il se doit, la parole à M. Faulkner. Vous avez 15 minutes pour faire votre présentation, cher monsieur. Alors, je vous cède la parole.

Regroupement de parents de personne
ayant une déficience intellectuelle
de Montréal (RPPADIM)

M. Faulkner (Marcel): Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, MM. les députés. Compte tenu de l'heure un peu tardive, je ne vous ferai pas un long discours, je vais essayer d'être très bref et de faire ça de la façon la plus légère possible.

Alors, je suis le président du Regroupement. Je suis en compagnie de M. Champagne, qui est le directeur de l'organisme. Notre intervention sur le projet de loi porte sur le point 8 précisément du chapitre II et, en particulier, l'article 14 du chapitre III où on se propose de hausser les avoirs et les actifs auxquels auraient droit les personnes sur l'assistance en emploi, sur la sécurité du revenu.

Je vais probablement procéder en deux temps. Le problème qui nous confronte et qui nous a interpellés par rapport à ça est le suivant. Nous représentons des parents qui ont des enfants qui ont une déficience intellectuelle, ordinairement une déficience intellectuelle moyenne. Donc, ce sont des personnes qui ne seront jamais autonomes, qui ne pourront jamais gagner leur vie et qui, par conséquent, sont un peu condamnées à vivre de la sécurité du revenu. Le problème plus précisément qu'on a, c'est que les parents de ces gens-là, donc qui sont à peu près arrivés à mon âge... on pense au jour où on ne sera plus là et on s'est demandé quels étaient les moyens de leur assurer une vie décente. Et, lorsqu'on vient pour régler nos testaments, on est confrontés à une situation déchirante. Alors, je vais procéder par un cas concret et puis je vais extrapoler parce que ça remet en cause tous nos régimes d'indemnisation au Québec, nous semble-t-il. Alors, le cas concret, c'est le suivant, puis je vais me prendre en exemple, ça va être plus simple.

J'ai refait mon testament il y a deux ans. J'arrive à près de la soixantaine, je vais prendre ma retraite bientôt, la mère de mes enfants est plus âgée que moi, et on était dans la situation où on avait trois choix. Le premier choix, c'était de léguer effectivement à notre jeune handicapé une somme qui pourrait l'aider à vivre et, comme tout le monde l'a dit, s'il y a des revenus réguliers qui rentrent dans son compte, il se voit diminuer d'autant sa prestation de la sécurité du revenu. Alors, c'est comme si, finalement, on faisait un legs à l'État. Comme parents, c'est comme ça qu'on le voit. Sur le plan philosophique, on peut peut-être le voir autrement. Sur le plan ? de l'autre côté ? du gouvernement, on peut peut-être le voir autrement aussi. Ça, j'en conviens. Mais on le voit un peu comme ça.

Le deuxième choix, c'est de créer une fiducie, donc de passer par des institutions financières, c'est extrêmement dispendieux, et on a affaire évidemment à des gens qui n'ont aucune connaissance de la problématique et qui sont fort éloignés de la situation de nos enfants. C'est un peu difficile de leur faire confiance. De toute façon, ils exigent ordinairement une somme tellement colossale qu'il y a peu de gens qui seraient en mesure de créer de telles fiducies, en tout cas d'y injecter des montants suffisamment importants pour sortir la personne de la sécurité du revenu et que cette personne-là ait des revenus significatifs pendant le restant de sa vie.

n(17 h 20)n

Le troisième choix, c'est de déshériter notre enfant qui en aurait le plus besoin au profit des autres, quand on en a. Ce n'est pas toujours le cas. Dans le mien, j'en avais. Alors donc, de déshériter celui qui en aurait le plus besoin au profit des autres qui sont autonomes déjà, qui s'assument déjà, et en misant sur leur bonne volonté pour les 50 prochaines années à venir en disant: Bien, on vous donne tout, mais pensez à votre petit frère qui, lui, sera dans la pauvreté jusqu'à sa mort. C'est ça, les choix qu'on avait, qu'on a présentement.

À ce problème-là, on pense apporter une solution. Il faut réaliser dans un premier temps que les enfants, qui sont des adultes maintenant... très souvent, nous, on fait partie de la génération de parents qui n'ont pas institutionnalisé leurs enfants. On est vraiment la première cohorte. Moi, je me souviens, en 1976, quand le ministère de la Santé a pris cette décision-là, mon enfant arrivait au monde, et on me disait: Bien, tu ne peux pas l'envoyer en institution, occupe-toi-z-en. Alors, on s'en est occupé. Et ça a permis... Ça a été une décision très sage, très bonne, et on est tout à fait d'accord avec ça. On s'est assez battu pour l'intégration, la normalisation des personnes, on ne remet pas ça en cause. Et ça nous a permis de faire des gains, en tout cas ces enfants-là ont fait des gains. Ils ne sont plus aujourd'hui ce qu'ils étaient il y a 30 ans, de la génération précédente. Donc, c'est des gens qui sont habitués à un certain niveau de vie, un certain mode de vie qu'on leur a garanti. Le problème, c'est: Maintenant, peut-on leur garantir ça plus longtemps?

Là, je généralise un petit peu le problème en quelque sorte. Et ce que notre réflexion nous a amenés à conclure, c'est que, quand on regarde l'ensemble des régimes d'indemnisation et de protection sociale au Québec, il y a comme des contradictions. Si mon garçon serait devenu handicapé en traversant la rue parce qu'il s'est fait frapper par une voiture, il ne serait pas dans la même situation financière qu'il l'est maintenant. Ou si, moi, demain matin, je me fais frapper devant chez nous, mon salaire est assuré, ou à peu près, par un régime d'indemnisation. Si j'ai un accident de travail à mon travail, donc je suis un ouvrier de la construction, je me blesse et je deviens handicapé pour le restant de mes jours, je suis indemnisé. Mon salaire est couvert, mes frais de santé aussi, etc. Je suis une personne handicapée au même titre que toutes les autres personnes handicapées, mais je bénéficie d'un régime d'indemnisation très différent, ou bien parce que j'y ai contribué parce que c'est une assurance, une assurance d'accident de travail, ou bien parce que l'État a décidé que, dans certains cas, on assumait. L'accident de la route, si je n'ai pas moi-même mon assurance, je suis couvert par l'État. Je deviens handicapé, j'ai un régime d'indemnisation. Les personnes qui sont nées handicapées, elles ont un régime de protection sociale, elles sont sur la sécurité du revenu. Pourquoi? On peut au moins se poser la question: Pourquoi? Pourquoi deux systèmes très différents pour finalement répondre aux besoins de personnes qui peuvent présenter des handicaps de même nature.

Alors, on est en train de dire que l'origine de l'handicap est une base discriminatoire. Si je le suis de naissance, je suis condamné à la protection sociale. Si je le deviens sur un accident de travail, sur un accident sur la route, même si je ne suis pas personnellement assuré, j'ai un régime d'indemnisation. Donc, il y a comme deux poids, deux mesures.

Par ailleurs, à partir du moment où je suis sur la sécurité du revenu, je suis prisonnier de la sécurité du revenu. Je parle pour la catégorie de personnes qui nous intéressent, je ne parle pas pour des gens qui sont aptes au travail, je parle pour des gens qui sont assez lourdement handicapés et qui sont malheureusement condamnés à demeurer sur la sécurité du revenu. Même s'ils peuvent quelquefois avoir des petits emplois à côté, ils ne seront jamais productifs. Au maximum, ils vont aller chercher le fameux 100 $ dont on parlait tantôt, et tout revenu supplémentaire sera déduit. Bien, c'est le cas de nos enfants. Et on a là le problème, comment leur léguer quelque chose qui pourrait augmenter leur niveau de vie, peut-être les sortir de la pauvreté, tout en respectant la réglementation de la sécurité du revenu qui nous dit: Bien, si vous leur donnez quelque chose, on va vous le couper d'autant. Là, on est comme coincé. Alors, on est parti donc avec un régime de protection intéressant, qui avait des objectifs très louables, mais là on en arrive à une nouvelle situation sociale, je pense, où le régime de protection devient un obstacle pour certaines personnes et peut les empêcher de sortir de la pauvreté parce que, en mettant les... en tout cas, la réglementation telle qu'on la connaît.

En plus, parce que les gens sont sur la sécurité du revenu ? à juste titre à l'époque, j'imagine; aujourd'hui, ça devient peut-être un peu plus fatigant de voir ça ? l'État, comme gestionnaire des fonds publics, a une espèce de regard omniprésent sur toutes les dépenses et tous les revenus que ces gens-là peuvent avoir. Il se crée donc une situation de dépendance, et le filet de secours qu'on a instauré devient comme un filet au sens strict du terme, un filet qui rend les gens captifs. Pour les gens qu'on représente, ils ne pourront pas s'en sortir. Actuellement, il n'y a pas de solution qu'on peut entrevoir qui leur permettrait des gains supplémentaires à ce qu'ils ont sur le régime de la sécurité du revenu et le filet de secours qu'on a créé par charité à l'époque ? aujourd'hui, on dit par solidarité sociale ? devient un filet qui retient en même temps les gens parce que, à moins d'être millionnaire, on ne peut pas laisser suffisamment d'argent à une personne dont les seuls intérêts couvriraient son entretien pendant une longue période de temps.

Notre solution, entre guillemets, à cette situation-là: au lieu de proposer, ce qui est une bonne chose, là, on n'est pas contre, une hausse... par rapport au test d'actifs, une hausse des avoirs, une hausse des actifs des personnes, à un seuil qui n'a pas été fixé, en tout cas on ne l'a pas vu, là, par rapport à la réglementation actuelle ? je dis que c'est une bonne chose, oui... Il me semble peut-être plus important d'essayer plutôt de leur donner un statut différent. Pourquoi ces personnes-là, si elles le souhaitent, parce que ça ne veut pas dire que tout le monde va le souhaiter, tout le monde n'est pas dans la même situation, tout le monde ne peut pas peut-être bénéficier d'une rente éventuelle de leur famille, mais, pour celles qui seraient en mesure de, pourquoi ne pas leur permettre d'avoir un statut différent, avec les garanties de la sécurité du revenu actuelles ? c'est comme la base, on ne peut pas perdre ça ? mais les sortir de là en leur donnant un statut différent qui leur donnerait le droit d'avoir d'autres sources de revenus, et, si ces sources de revenus là s'élèvent à des niveaux où ça devient imposable, bien, ils seront imposables comme tout autre citoyen? Alors, c'est un peu dans l'esprit des gens qui nous ont précédés. On pense que ça ne devrait rien coûter de plus à l'État. Ça permettrait à des dizaines de milliers de personnes de recevoir des sommes via leur famille probablement, d'avoir des revenus de d'autres sources et, éventuellement, si ça dépasse les seuils d'imposition, ils paieraient des impôts.

Le parallèle qu'on fait, c'est les personnes âgées. À partir de 65 ans, le gouvernement fédéral nous verse une pension. Qu'on soit riche, qu'on soit pauvre, tout le monde l'a. Elle devient imposable si on a d'autres revenus. Alors, notre point de comparaison, c'est un peu celui-là. On dit: Pourquoi ils n'auraient pas un statut semblable à celui des personnes âgées? Ayant un statut différent, ils seraient peut-être perçus différemment par la population. On aurait peut-être moins l'impression de leur faire la charité ou, dans un langage plus moderne, de faire preuve de solidarité sociale, et peut-être que ça pourrait favoriser aussi la cohésion sociale qu'on recherche.

Alors, notre problème a l'air au départ très, très ciblé sur une affaire assez pointue, mais, quand on le regarde avec le recul, on peut penser à toutes sortes de situations, et, en bout de ligne, ça peut peut-être toucher plusieurs dizaines de milliers de personnes, nous semble-t-il. En tout cas, ça peut au moins toucher les gens qui nous intéressent dans un premier temps et qui sont condamnés, entre guillemets, à dépendre de l'État.

n(17 h 30)n

Alors, ce qu'on est en train de dire: Ce que l'État a fait à date, c'est magnifique, on en est les premiers conscients puis on en est les premiers à en avoir profité, parce que, en plus de la protection sociale et les soins de santé auxquels on bénéficie, on a bénéficié des programmes de réadaptation. Nos enfants ont vécu et, encore adultes, ils vivent encore là-dedans. Mais c'est comme si, là, on était en train de penser: Bien, il y aurait peut-être un complément que les familles pourraient assumer, que les familles veulent assumer, mais il faudrait leur donner la chance. C'est comme si, là, on a des portes qui nous sont fermées, et on est dans des situations un petit peu aberrantes où, pour faire une phrase courte, on est amené, dans plusieurs des cas, à déshériter nos enfants qui en auraient le plus besoin puis dire: Bien, l'État donnera ce qu'il donne, puis vogue la galère. Nous autres, on ne sera plus là. Alors, il y a quelque chose qui n'est pas clean dans toute cette situation-là, et c'est la problématique qu'on amène. Mais, en même temps, je pense qu'on apporte quelque chose qui pourra ressembler à une solution.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci beaucoup, M. Faulkner, pour votre présentation et surtout votre témoignage. M. Champagne, est-ce que vous aviez un petit commentaire?

M. Champagne (Michel): Peut-être un petit complément, là, c'est...

Le Président (M. Labbé): Très court, si vous permettez.

M. Champagne (Michel): Oui. Alors, ces parents-là qui ont été la première cohorte, comme le disait M. Faulkner, qui ont été les premiers à garder leur enfant chez eux, ils ont eu à faire refaire les lois souvent. Que ce soit quand il y a un divorce ou une séparation dans la famille, le droit familial a évolué avec ces besoins-là d'enfants bien exceptionnels, et ça a fait en sorte qu'on a parlé de qualité de vie des enfants dans la famille. Et, là je pense que cette qualité de vie d'un jeune, d'une personne qui a une déficience intellectuelle, il n'y a pas de limite à 18 ans, là, il faut vraiment qu'on puisse la maintenir tout au long de la vie, mais les lois actuelles ne sont pas faites en fonction de ça. C'est dans ce sens-là qu'on dit: Profitons de cette loi-là pour regarder cette situation familiale très particulière.

Le Président (M. Labbé): Merci, M. Champagne. Alors, on aura sûrement l'occasion d'en jaser un petit peu avec vous, de tout ça, dans les minutes qui suivent. Alors, sans plus tarder, maintenant je cède la parole à Mme la ministre d'État à la Solidarité sociale, à la Famille, etc.

Mme Goupil: Merci beaucoup. Ha, ha, ha! Le visage humain du Québec, M. le Président. Merci beaucoup, M. Faulkner et M. Champagne. D'abord, dans un premier temps, permettez-moi de vous féliciter, parce que vous avez, tout en apportant une attention particulière à une situation bien réelle pour des parents qui la vivent... Vous nous avez un peu donné un cours d'histoire. Vous avez commencé à parler, depuis 1976, de ce que, comme société québécoise, on a eu le privilège, pour certains, de se donner, pour d'autres, de pouvoir en profiter. Il y a eu à cette époque, dans les années 1975, 1976, 1977, des gens qui ont été visionnaires, qui ont proposé un projet de société dans lequel il y a des services qu'on considérait suffisamment importants pour que l'ensemble des gens sur un territoire, peu importe l'endroit où ils sont situés, qu'ils puissent pouvoir bénéficier. Pensons au régime de santé universel, le système d'éducation, la réalité particulière que vous avez rappelée concernant la désinstitutionnalisation et ce que ça a amené.

D'abord, je voudrais aussi rendre témoignage ? vous nous donnez l'occasion ? à toutes ces familles qui, dans leur quotidien, vivent cette réalité de vivre avec un enfant qui a une situation particulière. On est parent avec des enfants qui sont en pleine santé, puis il y a des jours qu'on se dit que ce n'est pas évident. Alors, je veux en profiter pour rendre hommage aux familles qui, effectivement, vivent ce quotidien avec leurs enfants.

Vous avez soulevé quelque chose à juste titre, comme parents, cette préoccupation qu'on a par rapport à nos enfants le jour où nous ne serons plus là, puis il est évident, lorsqu'on vit avec un enfant qui a une dépendance aussi grande à l'égard de ses parents, que non seulement c'est légitime... Mais, en même temps, il est évident que comme société on ne peut pas tout faire en même temps. Et ce que je tiens à dire, c'est à vous remercier, parce que vous appuyez le projet de loi, la stratégie de lutte à la pauvreté. Vous y reconnaissez que ce que l'on souhaite faire, ce n'est pas de tout régler en même temps, mais que, comme société, on soit capable de mieux soutenir les femmes et les hommes qui vivent des situations soit de pauvreté et d'exclusion sociale. Alors, il y a dans notre stratégie toute cette considération qu'on veut faire concernant le développement des actifs, qu'est-ce qu'il devrait être permis, pour des gens, de conserver sans qu'ils se voient perdre des droits ou des acquis qu'ils avaient, quelle serait la formule idéale pour mieux soutenir les parents qui ont des enfants qui vivent des situations particulières, surtout au niveau de la déficience intellectuelle. Alors, on est en train de regarder certains éléments, au niveau du ministère, avec les différents partenaires. Il y a des choix qui devront être faits, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a sûrement des nouvelles façons.

Vous avez fait référence, M. Champagne, à l'évolution de la famille, il y a des réalités de la famille... Aujourd'hui, une famille sur deux connaît la rupture. On sait que plusieurs femmes sont chefs de familles monoparentales avec des revenus moindres. Il y a des personnes qui se retrouvent avec des responsabilités... seules pour assumer au niveau des responsabilités de leurs enfants. Alors, ce que vous avez amené comme réflexion est une réflexion importante.

On est en train de regarder qu'est-ce qui peut être fait. Et ce que vous proposez, entre autres, c'est peut-être la création d'un legs qui pourrait être fait. Vous parlez d'un statut particulier. Quels sont les critères sur lesquels on devrait se baser pour déterminer le statut particulier de cette personne? Quel serait le nombre de revenu que cette personne pourrait avoir sans être... Pas pénalisée, il ne faut pas... Le système de l'aide de dernier recours n'est pas pour pénaliser les gens lorsqu'ils ont des revenus, c'était par mesure d'équité puis de solidarité qu'on a dit, au Québec: Lorsque ta situation s'améliore ou lorsque tu as des sources de revenu autres, bien il est évident que le soutien de l'État, par solidarité, est réduit d'autant pour nous permettre justement de mieux soutenir ceux et celles qui en ont encore plus besoin.

Alors, c'est devant tout ça qu'on est confronté aujourd'hui. L'aide que l'on voudrait apporter comme soutien de l'État, la stratégie et le projet de loi confirment que l'État, à lui seul, ne peut pas réussir. L'État, à lui seul, ne peut pas réussir à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, et toutes les personnes qui sont venues sont venues nous parler de situations particulières, comme vous l'avez fait, mais on se rend bien compte qu'il faut que ce soit tout le monde qui se donne la main pour être en soutien aux personnes vivant l'exclusion sociale et la pauvreté.

Il y a des gens qui auront besoin d'une aide directe de l'État, d'autres auront besoin d'avoir du soutien au niveau de la famille, de l'aide au logement ou de l'aide qui peut être au niveau de la formation, et vous nous soulevez aujourd'hui une situation où vous indiquez à juste titre: Comme parents, on est inquiets, le jour où nous ne serons plus là... Et on est devant des situations qui nous amènent à faire des choix, et vous nous demandez, comme gouvernement, de prendre considération de la situation particulière et peut-être d'y apporter des éléments de solution. C'est ce que vous nous avez indiqué dans votre mémoire et par votre témoignage, et c'est ce qu'on est en train de regarder.

Je ne dis pas que ce sera parfait, tout cela, mais une chose est certaine, c'est que ce que vous nous avez apporté comme éléments nous amènera une prise de position par rapport à cette situation-là, puis il faudra mesurer jusqu'où on pourrait considérer les revenus qu'un enfant pourrait détenir sans voir son aide de l'État réduite. Alors, c'est à ça que vous nous confrontez. La question demeure entière, mais il y a du cheminement qui se fait au niveau de notre société. Et, vous n'êtes pas seuls, comme parents, à vivre cette situation, on a des parents d'enfants handicapés qui, à juste titre, nous demandent une intervention plus directe, il y a des parents qui ont des enfants qui sont atteints de la leucémie aussi qui nous disent: Actuellement, on aurait besoin d'avoir plus de temps puis avoir des congés. Les parents nous demandent à juste titre, pour mieux concilier famille et travail, que l'on considère des congés fériés qui soient payés. Vous avez des entreprises qui nous disent: Nous, on veut bien soutenir la conciliation famille-travail, mais, en même temps, on a des obligations contractuelles et financières à faire.

Alors, je partage cette réflexion sans vous poser de questions précises pour vous indiquer dans quelle situation on se retrouve, où en est le cheminement au niveau du gouvernement. Et, dans le cadre de la stratégie, c'est une chose qui est considérée et prise en compte, et j'ose espérer que le bout de chemin qu'on pourra faire, bien, tiendra compte de ce que vous nous avez exprimé par votre mémoire et je tiens à vous en remercier.

Le Président (M. Labbé): Alors, je présume... Est-ce que M. Faulkner et M. Champagne, vous aviez un commentaire à ajouter ou si... M. Faulkner.

n(17 h 40)n

M. Faulkner (Marcel): Moi, j'aimerais dire quelque chose au sujet de l'intervention de Mme la ministre. Vous avez fait état de plusieurs situations problématiques qui constituent, à toutes fins pratiques, autant de demandes de service accru, de support accru de l'État, j'ose croire que notre démarche est différente. Pour le dire carrément, on ne demande rien sur le plan financier dans notre proposition. On demande une autorisation qui soit accordée aux familles pour qu'ils trouvent les moyens de continuer à supporter leurs enfants après leur décès, comme tout parent souhaite le faire, comme tout parent d'enfant non handicapé peut le faire sans avoir le sentiment que l'État va aller prendre une mince... qu'eux donnent. C'est comme ça que ça se présente, là, la situation. Dans un cas comme dans l'autre, ils vont rester dépendants de l'État.

Le Président (M. Labbé): Merci, M. Faulkner. Alors, sans plus tarder, je vais maintenant céder la parole au député de Maskinongé.

M. Désilets: Ça va être très court, M. le Président. M. Faulkner, M. Champagne, c'est tout simplement un commentaire pour vous dire merci de votre présence, merci de la façon dont vous avez présenté votre mémoire et vos recommandations. La première impression, je vous dirais, là, la vie est facile puis elle est simple quand on n'est pas conscient de ce qui se passe autour de nous. Quand on connaît les difficultés de nos voisins, de notre famille, quand on vit en société, puis qu'on partage, puis qu'on essaie d'aider les autres, la vie, elle devient moins simple parce qu'il faut aussi travailler à améliorer la qualité de vie de nos semblables puis de nos voisins. Ça fait que c'est dans ce sens-là que je vous dis merci, parce que la façon dont vous avez présenté votre mémoire nous fait comprendre encore une fois qu'on a un petit bout à faire encore. Un petit bout qui peut paraître simple pour le gouvernement, mais qui peut être drôlement aidant pour la population. Dans vos mots, là, vous avez été... En tout cas, moi, vous m'avez rejoint, puis je pense que vous avez rejoint beaucoup de personnes dans votre présentation. Ça fait que merci beaucoup.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, M. le député de Maskinongé. M. Faulkner, un commentaire.

M. Faulkner (Marcel): Pour rejoindre peut-être davantage monsieur... J'ai oublié votre nom, là. Ce qu'on demande, pour ceux qui ont un petit peu de mémoire, puis une mémoire à relativement court terme... Il y a deux ou trois campagnes électorales, la campagne électorale où M. Parizeau s'est présenté ? il se présentait pour devenir premier ministre ? M. Parizeau avait offert au milieu associatif des personnes handicapées de sortir tous les gens qui étaient sous le soutien financier ? ordinairement, très souvent, c'est nos personnes ? et que ces gens-là soient transférés à la Régie des rentes. Or, le milieu associatif avait refusé à l'époque, parce que, ce faisant, on perdait tous les autres programmes qui sont rattachés à la sécurité du revenu. On a dit: Le geste est peut-être louable, mais on serait trop perdant. Ce que nous demandons, c'est quelque chose de semblable encore, hein? L'idée n'est pas tellement nouvelle. Peut-être nouvelle dans sa formulation, mais M. Parizeau y avait déjà pensé à l'époque.

Et, pour répondre à Mme la ministre au sujet de quels critères on utiliserait, la réponse est simple en ce qui nous concerne, ce sont les mêmes critères qui font qu'un individu qui a une déficience est reconnu ayant une déficience par un diagnostic médical et il est soutien financier. C'est un acte médical. En tout cas, nous, on parle pour ces gens-là. On ne parle pas pour toutes les autres catégories de personnes qui sont soutien financier, on parle pour les personnes qui ont une déficience. Puis une déficience, bien, à un moment donné, ça a une étiquette. C'est malheureux, mais c'est ça, et c'est établi par des professionnels de la santé. Alors, ce serait ça, le critère.

Le Président (M. Labbé): Alors, M. Faulkner, si vous permettez, Mme la ministre d'État aurait trois minutes pour réagir.

Mme Goupil: Quand je parlais des critères, quels sont les critères sur lesquels nous pourrions nous baser pour considérer jusqu'à quel degré d'actif ou de... où il n'y aurait pas d'intervention, où il n'y aura pas de pénalité ou... C'est dans ce sens-là, je voulais dire, parce qu'il est évident que, lorsque la personne est reconnue atteinte d'une déficience ou d'une problématique, c'est facile, c'est juste de dire jusqu'où on pourrait aller.

Moi, je voudrais peut-être ajouter aussi un autre élément que vous soulevez, c'est quand vous parlez d'un statut particulier, hein? C'est ce que vous soulevez. Le statut particulier, bien il faudrait qu'il puisse être reconnu comme étant une situation où, comme société, on convient qu'il nous faut faire un pas de plus. Et c'est dans ce contexte-là que je veux vous laisser en vous disant que l'ouverture elle est là, voir qu'elle serait la meilleure solution, toujours en ayant à l'esprit cette équité que les femmes et les hommes du Québec demandent et à juste titre, parce que la situation à laquelle vous faites référence, elle existe, elle est particulièrement importante pour les parents, mais il y a aussi, comme je vous disait tout à l'heure, des parents qui vivent aussi des situations qui, pour elles, et pour eux, sont extrêmement légitimes, et aussi ils demandent à ce qu'on soit capable de leur donner un statut particulier aussi. Et là, bien, il faut être capable de mesurer quels sont les impacts sur les autres régimes.

Il n'en demeure pas moins que ce que vous avez... Tout à l'heure, ce dont vous avez fait référence, ça pourrait être un élément de solution. Il faudrait regarder ensemble qu'est-ce qui peut être fait, puis on va le regarder dans le cadre de la stratégie, parce qu'on est dans ce dossier-là extrêmement important pour notre société, puis, s'il est possible de profiter de cette loi, qui se veut une loi progressiste, une loi dont l'ensemble de la société pourrait être fière, bien il est évident que, si c'est possible de travailler pour reconnaître cette situation particulière, on va le regarder. On va le regarder puis on aura l'occasion de s'en reparler. Je vous remercie.

Le Président (M. Labbé): Alors, merci, Mme la ministre. Sans plus tarder, maintenant je passe la parole au député de Laurier-Dorion. M. le député.

M. Sirros: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue également. À l'instar de la ministre, j'aimerais, au nom de l'opposition officielle, également vous dire combien il est évident que vous avez une problématique qui est très préoccupante, pour vous surtout, pour vos enfants sûrement, mais qui nous interpelle également.

Et c'est très clair ce que vous dites finalement. Vous dites: Bon, pendant qu'on est en vie, on est là puis on aide nos enfants. En même temps, l'État aide, donne quelque chose à l'enfant après l'âge de 18 ans. Et ce qu'on veut assurer, c'est qu'une fois qu'on ne sera pas là qu'on puisse continuer à aider l'enfant en transformant, en quelque sorte, ce qu'on fait actuellement dans un legs en ayant la certitude que l'État ne viendra pas le reprendre.

Et vous avez évoqué l'hypothèse, qui a déjà été discutée, du transfert à la Régie des rentes pour que ça devienne une rente, donc pas liée au niveau des biens. Et c'est peut-être un de ces cas où on a jeté le bébé avec l'eau du bain, parce que c'est vrai qu'il y avait plusieurs personnes qui ont réagi en disant que, si on est transféré à la Régie des rentes, on perd l'accès à mesures actives d'emploi. Et on a eu juste avant vous un groupe qui, justement, travaille avec des personnes lourdement handicapées à un autre niveau, mais qui recherche une intégration au marché du travail, etc., via des mesures actives, via des programmes, etc.

Mais je pense, tout au moins, ce avec quoi on doit vous laisser ici aujourd'hui, c'est un engagement d'examiner de façon beaucoup plus attentive cette question-là en ciblant davantage la clientèle, parce que je suis d'accord avec vous que c'est une clientèle particulière, et vous êtes mieux placés que quiconque de connaître tout l'impact que ça peut avoir au niveau de la vie de ces familles. Et je trouve qu'au préalable, de part et d'autre, il y a une sympathie à regarder cette question-là d'une façon la plus généreuse possible. Il y a une ouverture qui est faite par le gouvernement actuel en disant: Bien, peut-être, on peut regarder ça dans le cadre de la réévaluation des actifs. Il y a même dans le projet de loi un article, 14 point quelque chose, je pense, qui parle aussi d'utiliser les actifs pour le maintien de l'autonomie. Il y a peut-être là une piste à explorer, mais je pense qu'il ne faudrait pas rejeter la possibilité de revenir à l'idée de créer une catégorie spéciale ou un statut spécial pour des cas aussi précis et circonscrits. Dans la mesure qu'on peut les circonscrire, parce qu'il y aura probablement aussi des questions sur qu'est-ce qui constitue un handicap intellectuel et... En tout cas, ça, c'est un autre débat. Mais je veux juste vous laisser avec la certitude qu'on reçoit le message que vous envoyez avec beaucoup de sensibilité et d'ouverture.

Le Président (M. Labbé): Oui. Alors, M. Champagne.

n(17 h 50)n

M. Champagne (Michel): Peut-être en commentaire, c'est de dire: Effectivement, quand on regarde une loi aussi large que la lutte à la pauvreté et à l'exclusion et qu'il y a des groupes particuliers qui viennent s'affirmer, c'est sûr qu'il y a une étude à faire à savoir est-ce qu'ils sont si particuliers. Cependant, dans notre cas, on dit: Nous, on est prêts à subir ce test de crédibilité là et à dire: Oui, les gens qu'on représente, autant leur famille, mais surtout les personnes qui ont une déficience intellectuelle, ils ont des caractéristiques très particulières et ils ne se comparent pas aux autres types de handicaps, pas au niveau de leur situation face à la famille. Être en chaise roulante, être aveugle, ce sont tous des handicaps sévères et qui attirent la sympathie. La déficience intellectuelle est d'un autre type et puis elle amène une dépendance très typique. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on dit: Bien, ce serait plus facile, probablement, pour le gouvernement, comme pour tous les gouvernants, qu'il n'y ait pas d'exception, mais, veux veux pas, les personnes avec des déficiences intellectuelles, elles sont toujours exceptionnelles, elles ont un style de vie qui est complètement différent. Et ça, c'est dérangeant, mais, en même temps, c'est là.

M. Sirros: Merci beaucoup.

Le Président (M. Labbé): Merci, M. Champagne. Alors, M. le député, ça va? Alors, s'il n'y a pas d'autres commentaires, je vous remercie, M. Faulkner, M. Champagne, pour votre témoignage. Je pense que c'est un excellent mémoire et ça a porté fruit. Alors, merci de votre présentation au nom du Regroupement des parents de personne ayant une déficience intellectuelle de Montréal.

Sans plus tarder, compte tenu que nous avons complété notre travail pour la journée, j'ajourne donc les travaux à jeudi, le 24 octobre, à 9 h 30, ici même, à la salle du Conseil législatif. Merci et bonne fin de soirée.

(Fin de la séance à 17 h 52)


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