L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission des affaires sociales

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission des affaires sociales

Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 28 octobre 2003 - Vol. 38 N° 12

Étude détaillée du projet de loi n° 8 - Loi modifiant la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde à l'enfance


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures quarante minutes)

Le Président (M. Copeman): Si vous êtes prêts, chers collègues, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte la séance de la commission des affaires sociales. Je vous rappelle le mandat de la commission. La commission des affaires sociales se réunit afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 8, Loi modifiant la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde à l'enfance.

Pour la bonne marche de nos travaux, je vous rappelle de... en principe, l'usage des téléphones cellulaires est interdit, mais, à tout le moins, s'il vous plaît, je vous demanderais de fermer les sonneries de tels téléphones pour tous ceux qui sont dans la salle, pour qu'on ne soit pas interrompus par des sonneries diverses, hein? Aujourd'hui, là, on a toute une gamme de sons, de sonneries qui sont très intéressantes parfois. Elles sont jolies, mais pas pertinentes pendant l'étude détaillée ou n'importe quelle séance de la commission des affaires sociales.

Mme la secrétaire, bonjour.

La Secrétaire: Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Ça me fait plaisir de vous voir ici avec nous. Est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, M. Charbonneau (Borduas) va être remplacé par M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine).

Remarques préliminaires

Le Président (M. Copeman): Bon. Très bien. On est rendu au stade des remarques préliminaires. Je n'ai pas vérifié, mais je présume que, Mme la ministre, vous avez des remarques préliminaires à faire. Alors, je vous cède la parole, Mme la ministre déléguée à la Famille, pour un maximum de 20 minutes.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: Parfait. Merci, M. le Président. Chers collègues, bonjour, membres de l'opposition, bonjour. Alors, je voudrais d'abord évidemment saluer tous les membres de la commission des affaires sociales. C'est un grand plaisir pour moi aujourd'hui de me retrouver parmi vous.

Nous sommes aujourd'hui réunis pour procéder à l'étude détaillée d'un projet de loi qui est extrêmement important pour les personnes responsables de services de garde en milieu familial, puisqu'il s'agit d'un premier pas vers l'amélioration de leurs conditions d'exercice. Les consultations particulières que nous avons tenues en septembre nous ont permis de prendre connaissance de plusieurs points de vue au sujet de ce projet de loi, mais, je vous le rappelle, elles nous ont surtout permis de constater de visu que plusieurs personnes concernées par ce projet de loi y étaient très favorables, tout comme certaines associations qui représentent les services de garde. D'autres personnes sont venues nous exprimer leur désaccord. J'ai entendu tous les intervenants et je crois comprendre leurs différentes préoccupations lorsqu'ils portent à ma connaissance les difficultés que les personnes responsables de services de garde en milieu familial vivent au quotidien, et ce que j'ai vu et entendu est très clair.

J'invite donc également les membres de cette commission à porter, eux aussi, une attention particulière aux demandes et aux besoins que nous ont exprimés les associations qui représentent les personnes responsables des services de garde en milieu familial. C'est donc avec un esprit d'ouverture et en gardant toujours en mémoire l'intérêt des enfants que nous devons entreprendre l'étude de ce projet de loi.

Je ne veux pas revenir en détail sur les propos que j'ai tenus devant cette commission à l'occasion des consultations particulières, mais je tiens à mettre en perspective deux choses. Premièrement, c'est que les personnes qui sont responsables d'un service de garde en milieu familial ont fait le choix de ce statut en toute connaissance de cause et qu'il ne faut surtout pas mésestimer la portée de leur choix. Il répond à des aspirations, à des valeurs d'autonomie et d'indépendance, et il leur permet d'être à la tête de leur propre entreprise. Les services de garde en milieu familial sont donc de petites entreprises mises sur pied par des personnes qui ont choisi d'exercer leur travail chez elles, dans leur résidence, selon les orientations qu'elles ont choisi de donner à leurs services de garde.

L'attrait pour ce statut a beaucoup évolué depuis 1997. Le nombre de responsables de services de garde en milieu familial est passé de 4 000 à 15 000 et le nombre de places en milieu familial est passé de 20 000 à 75 000. Depuis le 31 mars 2002 seulement, plus de 16 000 places en milieu familial ont été créées, ce qui correspond à plus de 3 000 nouvelles responsables de services de garde en milieu familial. C'est donc dire que le statut actuel des responsables de services de garde en milieu familial convient à bon nombre de personnes et continue d'attirer de nombreuses personnes. Toutefois, nous sommes conscients qu'il y a des améliorations à apporter afin d'offrir aux RSG de meilleures conditions d'exercice.

Alors, quoi qu'en disent les opposants à ce projet de loi, le statut actuel des responsables de services de garde en milieu familial a ses attraits. Il correspond au choix de milliers de personnes, et, à mon sens, il faut respecter ce choix. Cela ne signifie pas pour autant que la situation des responsables de services de garde en milieu familial ne peut pas être améliorée, mais il importe de donner à ces personnes la reconnaissance qu'elles méritent à l'intérieur du cadre qu'elles ont choisi.

La seconde chose sur laquelle j'aimerais revenir, c'est que le projet de loi comporte deux sections et non pas une seule. S'il confirme, d'une part, le statut que ces personnes ont toujours eu et qu'elles ont elles-mêmes choisi en acceptant de devenir des responsables de services de garde en milieu familial, il prévoit aussi la reconnaissance d'associations qui représenteraient ces personnes et qui feraient valoir leurs requêtes et leurs demandes auprès du ministre. Cette partie du projet de loi a été singulièrement occultée lors des débats de la semaine dernière à l'adoption du principe. Pourtant, elle représente un élément central de notre démarche et, selon moi, elle témoigne clairement de notre volonté de travailler avec ces personnes pour examiner avec elles comment améliorer leurs conditions.

Les ententes pourraient porter sur le financement de la garde en milieu familial et elles porteraient également sur l'instauration de programmes et de services qui répondent aux besoins de l'ensemble des personnes responsables de services de garde en milieu familial, des programmes et des services adaptés à leurs besoins, à leur réalité et aux diverses problématiques qu'elles peuvent vivre. Par exemple, comment régler la question des remplacements, des congés, des maladies, comment dégager des journées pour la formation, comment soutenir plus adéquatement ces personnes dans leur rôle éducatif. Parce que la garde en milieu familial présente des besoins particuliers, il importe d'y répondre par des solutions adaptées, et, selon moi, ce projet de loi traduit très clairement cette intention.

Les personnes responsables des services de garde en milieu familial désirent depuis longtemps cette ouverture du gouvernement. Elles désirent depuis longtemps qu'on tente de trouver des solutions à certaines des difficultés qu'elles rencontrent. Elles désirent depuis longtemps qu'on reconnaisse à sa juste valeur le travail qu'elles font. Jamais par le passé une ouverture si importante que celle que nous proposons ne leur a été faite. On peut alors comprendre qu'elles aient pu avoir l'impression que la politique familiale s'était construite sur leur dos. On peut aussi concevoir que certaines de ces personnes aient eu recours à d'autres moyens pour faire valoir leurs représentations auprès du gouvernement.

Or, ce projet de loi, il est bon de le rappeler, représente une étape significative vers une amélioration globale des conditions d'exercice des personnes responsables de services de garde en milieu familial; il représente aussi une première intervention gouvernementale en la matière, et c'est dans ce sens que je dis que c'est un projet de loi qui est extrêmement important. Car, en concluant des ententes avec le ministre, des ententes qui les concernent, qui respectent leurs choix, leurs priorités, leurs besoins, ces personnes verront, j'en suis certaine, leurs conditions s'améliorer, et, j'en suis convaincue, cette amélioration donnera à la garde en milieu familial un attrait nouveau qui nous permettra de poursuivre le développement d'un réseau de services de garde de qualité, d'un réseau qui répondra aux besoins des parents et aux particularités de chaque milieu, d'un réseau qui respecte également tous ses partenaires et qui accorde à chacun toute l'attention et tout l'intérêt qu'il mérite, un réseau dans lequel chacune des composantes a sa juste place et où tous sont de vrais partenaires.

Ceci étant dit, j'aimerais attirer votre attention sur un autre point très important, la qualité des services. Et, puisque nous apprêtons à faire l'étude détaillée d'un projet de loi qui modifie la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde à l'enfance, il m'apparaît pertinent de me référer à cette loi dont le but est, je cite, «de promouvoir la qualité des services de garde éducatifs fournis par les centres de la petite enfance, les garderies, les jardins d'enfants et les personnes responsables d'un service de garde en milieu familial». Il convient de ne jamais perdre de vue que toute démarche entreprise doit viser d'abord à assurer à nos enfants des services de garde de qualité, des services assurant leur bien-être, leur sécurité et leur développement.

Tant les services de garde offerts en installation, que ce soit par des titulaires de permis de centres de la petite enfance ou de garderies, que ceux offerts en milieu familial par les personnes responsables de services de garde doivent répondre à des normes de qualité et de sécurité. Nous croyons que cela est nécessaire compte tenu de la vulnérabilité de leur clientèle. Nous croyons aussi que la grande majorité des personnes responsables de services de garde en milieu familial le comprennent. Bien qu'elles soient des entrepreneurs indépendants, elles peuvent et doivent être soumises à des normes, comme cela se fait pour d'autres types d'entreprises, que ce soit le titulaire de permis de centre, de garderie, que ce soit le transporteur, le producteur agricole ou l'entrepreneur en construction. Ainsi, quand les personnes responsables de services de garde en milieu familial se conforment à des normes de santé, de sécurité et de qualité, elles font comme bien d'autres entrepreneurs, et les services à l'enfance doivent faire l'objet d'un contrôle et d'une surveillance précisément parce que ce sont des services à l'enfance.

n (9 h 50) n

En terminant, je tiens à répéter que ces personnes veulent, pour la très grande majorité, être leur propre employeur, et il importe par-dessus tout de respecter ce choix. J'invite donc les membres de la commission à bien considérer ces aspects durant l'étude détaillée du projet de loi n° 8 et je vous remercie de votre attention. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la ministre. Je présume que M. le député de Joliette a quelques mots à prononcer. Alors, M. le député de Joliette et porte-parole de l'opposition officielle en matière de famille et enfance, la parole est à vous, pour un maximum de 20 minutes.

M. Jonathan Valois

M. Valois: Merci, M. le Président. Nous en sommes donc à cette étape du projet de loi n° 8, un projet de loi qui, il faut le dire, là, a suivi bon nombre d'étapes pour se rendre jusqu'ici, notamment la consultation de certains groupes et de certains penseurs de la société, ils sont venus nous parler, et je ne ferai pas cette distinction entre des groupes qui se disent des porte-parole du milieu des services de garde et d'autres qui en sont moins. Je pense que l'ensemble des gens qui sont venus ici pouvaient avoir la prétention de parler au nom d'un groupe et d'un milieu qui leur est propre, même les groupes des centrales syndicales qui, il faut bien le dire, là, représentent à ce moment-ci 12 % des personnes qui tentent la syndicalisation dans ce réseau-là. Alors, ils ne sont pas venus ici parce qu'ils étaient déconnectés et voulaient avoir droit au chapitre dans ce réseau, mais bien parce qu'ils y font partie, bien parce qu'ils en sont, de ce réseau. Et, en ce sens-là, il faut aussi comprendre que c'est donc l'ensemble des intervenants ou une bonne partie des intervenants qui sont venus nous voir, et les idées étaient partagées de ce côté-là, il faut bien comprendre ça.

Mais, d'entrée de jeu, pour bien comprendre là où on en est aujourd'hui, je crois que, d'abord et avant tout, ils vont comprendre que, dès le mois de juin, le gouvernement déposait un projet de loi, ce projet de loi n° 8, et, quoi qu'en dise la ministre déléguée aujourd'hui, il semble clair, si je lis Le Soleil du 18 juin, c'est-à-dire le lendemain du dépôt du projet de loi... On peut y lire: Garderies en milieu familial: une loi pour fermer la porte à la syndicalisation, et, à l'intérieur de ça, on a les commentaires du ministre responsable. Même chose ici dans Le Devoir du 18 juin: Québec refuse à des travailleurs le droit de se syndiquer.

Alors, les titres qui sont quand même sortis, ce n'est pas: Québec va de l'avant et reconnaît le souhait des travailleurs, des travailleuses en garderie, en milieu familial. Les titres ne sont pas du fait non plus d'aller dire: Québec confirme un statut à des gens qui le désirent. Ce n'est pas ça du tout qu'on voit dans les journaux mais bien l'inverse, parce que ce projet de loi là a pour but non pas de confirmer un statut, ce projet de loi n'a pas non plus la prétention de répondre à une demande émanant du milieu, eh bien, essentiellement ? et je pense que, là-dessus, les observateurs l'ont pas mal remarqué ? c'est d'abord et avant tout de fermer la porte à la syndicalisation par une méthode qui est assez simple, c'est-à-dire, à la base, de ne pas reconnaître le statut de salarié. À partir du moment où est-ce qu'on ne reconnaît pas le statut de salarié, on voit que, par la suite, il est beaucoup plus simple d'y aller avec... je veux dire, d'empêcher la syndicalisation, parce que c'est ce statut-là qui nous permet par la suite de faire des démarches d'accréditation. En ce sens-là, on voit très bien que la démarche du gouvernement est très claire.

On nous parle aussi d'entrée de jeu, à ces moments-là, lors du dépôt de ces projets de loi là, que le monde du travail a changé. On nous parle beaucoup du monde du travail, on nous parle du travail atypique. On nous dit qu'une réflexion devrait y avoir pour associer ce projet de loi là. Une réflexion devrait avoir lieu aussi sur le travail autonome, sur le travail atypique. Nous cherchons encore le début de la pointe du commencement de cette réflexion de la part du gouvernement sur ce monde du travail qui a changé et sur le travail atypique. Tout ce qu'on a du ministre du Travail jusqu'à maintenant, c'est son intention ferme de faciliter la sous-traitance par l'allégement de l'article 45. Alors, un ministre du Travail somme toute très silencieux sur le projet de loi n° 7, mais aussi sur celui qui nous concerne aujourd'hui, sur le projet de loi n° 8, alors que les premières répliques, d'entrée de jeu, comme je dis, sont à l'effet qu'on parle de relations de travail ici, là, on parle de droit à la syndicalisation, on parle du monde du travail qui a changé, on nous parle aussi d'une réflexion nécessaire sur le travail atypique, sur les travailleurs autonomes.

Alors, ce qu'on doit comprendre, c'est que ce projet de loi là est essentiellement une réponse à un jugement du Tribunal du travail qui reconnaissait par les faits, qui reconnaissait, après avoir observé les faits, que, à l'intérieur des services où des... des responsables des services de garde n'étaient pas des travailleurs autonomes selon les faits, mais bien des salariés. Alors, en ce sens-là, la réponse est très claire, c'est le projet de loi n° 8, le projet de loi que nous discutons aujourd'hui. Alors, c'est essentiellement là-dessus que l'ensemble de la commission des affaires sociales aura à se pencher, sur un projet de loi duquel on a entendu parler quelques intervenants, duquel on a peu entendu parler des spécialistes du monde du travail, mais un projet de loi qui, essentiellement... et je pense que là-dessus les observateurs, là, en conviennent, malgré tous les discours qu'on peut entendre du parti gouvernemental, c'est vraiment un projet de loi qui a pour but principal de fermer la porte à la syndicalisation.

Et ce projet de loi là est d'autant... est pire du sens où est-ce qu'il vient aussi, avec toute cette idée, là... où il y a un aspect rétroactif sur déjà le 12 % de travailleuses qui ont décidé d'améliorer leurs conditions de travail par la syndicalisation de plein droit. Alors, ce projet de loi va rendre caduques l'ensemble des accréditations syndicales reconnues jusqu'à ce moment-ci, va rendre caduques aussi les démarches d'accréditation qui ne sont pas arrivées à leurs fins mais qui, de toute façon, d'ores et déjà savent que ce projet de loi là ne les reconnaîtra plus. Alors, il y a cet effet-là, mais il y a aussi, et je pense que la ministre déléguée l'a bien dit tantôt, c'est qu'il y a tout un autre aspect à ce projet de loi, sur lequel on doit vraiment se pencher, qui est celui de dire: Mais il y a aura une association, une association de travailleurs qui sera là, et le ministre se garde le droit de la reconnaissance d'associations qu'on appelle «représentatives».

Alors, sur la base de quoi sommes-nous représentatifs? Est-ce que c'est sur la base de notre démocratie interne? Est-ce que c'est sur la base du nombre de personnes qu'on a? Ça reste encore assez flou à ce niveau-là, sur quelle base le ministre responsable décidera des associations avec lesquelles il fera affaire. Ça demeure encore assez flou. Mais ça demeure d'autant plus complexe que ce qu'on entend présentement du gouvernement par rapport à ces associations-là, c'est que le gouvernement ne laissera pas dicter ses décisions par les associations de travailleurs. Ce qu'on entend de ce gouvernement-là, c'est que c'est fini le temps où les associations de travailleurs pouvaient avoir un poids politique et étaient associées aux décisions gouvernementales par le biais de sommets, par le biais de grandes rencontres. Ce n'est plus ça. On se dit les porte-parole de la classe moyenne et non des syndicats et, en ce sens-là, tout ce qui s'appelle associations de travailleurs, bien, écoutez... On comprend bien leurs représentations, mais on comprend surtout, d'abord et avant tout, qu'ils ne sont pas un mouvement social dans le regard du gouvernement actuel, mais bien simplement des groupes de pression ou des groupes d'intérêts, là, pour défendre essentiellement leurs membres, et c'est comme ça qu'on considère les syndicats aujourd'hui.

Et, à ce niveau-là, on dit: Bien, créez-vous des associations de travailleurs. Mais la journée que ces associations-là de travailleurs vont venir cogner à la porte puis dire: Bon, maintenant que vous nous avez reconnus, quelles sont les reconnaissances que vous nous donnez par rapport à nos conditions de travail, par rapport à notre salaire et aux revenus que vous pouvez... le financement de nos ressources en milieu familial? Et là sûrement qu'on aura la même réplique qu'on a présentement pour les autres associations de travailleurs, qui est: Bien, écoutez, là, présentement, je ne suis pas sûr qu'on a les fonds nécessaires pour ça, je ne suis pas... on comprend très bien que vous représentez vos membres, et c'est très bien ainsi, mais un gouvernement doit prendre des décisions pas simplement à la vision de certaines associations. Alors, on vous a reconnus comme associations, mais, écoutez, d'un autre côté, il faut bien comprendre que, nous, on ne se fait pas mener par les associations non plus.

n (10 heures) n

Alors, c'est un peu le double message qui est envoyé à ces travailleuses-là: d'un côté, faites-nous confiance, on va vous reconnaître en termes d'associations, mais, de l'autre côté, on veut et on sort dans le journal... et on fait vraiment, là, des sorties très formelles et des allégations très formelles sur le fait que ce gouvernement-là ne sera pas dirigé par ces associations-là de travailleurs.

Alors, on peut en ce moment être très inquiets par rapport à l'avenir de ces gens-là, à qui on enlève la possibilité de passer par des syndicats ? et donc un Code du travail reconnu ? avec une capacité de négocier qui est reconnue et à faire des moyens de pression pour les envoyer dans le vide actuel de tout un monde du travail du travailleur atypique sur lequel on ne se penche pas sous ce gouvernement-là et par le biais d'une association qui... d'associations de travailleurs qu'on reconnaît de moins en moins l'importance. Alors, de ce côté-là, il y a certainement des réflexions à y avoir par rapport à toute la démarche qui est entreprise présentement.

Dès le départ, ce qu'on dit, dans les articles de journaux qui sont sortis, c'est que, essentiellement, la syndicalisation... ce n'est pas qu'on se dit contre la syndicalisation de ces gens-là, mais, essentiellement, la syndicalisation, c'est quelque chose qui coûte cher et c'est quelque chose qui amène une lourdeur et que, pour ces deux bonnes raisons là, on n'ira pas... et on va empêcher la syndicalisation.

Alors, c'est certain que, pour toute entreprise privée, avoir un syndicat, c'est quelque chose qui coûte cher. Répartir la richesse, c'est quelque chose qui finit par faire en sorte que tu aimerais bien leur en donner moins, mais, à un moment donné, pour des conditions de travail puis pour entretenir un capital humain, il y a des coûts reliés à ça, et, lorsque les gens commencent à s'organiser, bien, c'est certain qu'il y a des coûts qui sont en lien avec ça.

Pour ce qui est de la lourdeur, bien, c'est clair que des associations de travailleurs, notamment les syndicats parce qu'ils sont reconnus par toutes sortes de principes du Code du travail, sont constituées pour contrer l'aléatoire patronal. Et, à partir du moment où est-ce qu'on essaie de contrer l'aléatoire patronal, c'est sûr que ça amène une lourdeur, mais c'est une lourdeur qui est essentiellement liée à l'incapacité pour un patron de décider de façon aléatoire de comment les choses vont se mener puis de comment les conditions de travail vont s'exercer.

Alors, oui, jusqu'à un certain point, l'organisation de personnes en associations de travailleurs ou en syndicats achale bon nombre d'entrepreneurs privés, et, en ce sens-là, on peut comprendre, là, leur réaction du sens où est-ce que, justement, si on ne les avait pas, ce serait donc plus facile pour nous, toute l'organisation du travail, ce serait donc plus facile.

Alors, les arguments qui sont cités dans les journaux et qui viennent des ministres responsables des deux projets de loi qui nous sont donnés, notamment du projet de loi n° 8, laissent un peu perplexe du sens où est-ce qu'on voit dès le départ que c'est vraiment une réplique à un jugement de Tribunal du travail qui est donnée par le dépôt de ce projet de loi là et que, cette réplique-là, c'est pour ne pas reconnaître comme salariés ? malgré jugement du Tribunal du travail ? et pour ne pas reconnaître comme salariés du fait que le simple statut de salarié est peut-être une porte d'entrée vers la syndicalisation.

Alors, on présume dès le départ que ces salariés-là, en étant reconnus comme salariés, vont tous se lancer vers une syndicalisation, et on présume dès le départ qu'on n'aura pas d'autre choix que de donner les mêmes conditions de travail que l'ensemble du réseau pour ces gens-là, et c'est ces prix-là et c'est ces montants-là qu'on nous donne. Alors, c'est en présumant dès le départ qu'en ne reconnaissant comme salariés... ces salariés-là vont vouloir la syndicalisation et que cette syndicalisation-là va mener... et c'est en présumant que cette syndicalisation-là va mener à des négociations qui vont faire en sorte que ces gens-là vont avoir les mêmes conditions de travail. Alors, il y a beaucoup de présomptions qui sont envoyées de l'avant pour envoyer ce projet de loi là, essentiellement là ? et je pense qu'on revient à la même chose ? qui a pour but d'empêcher la syndicalisation.

Alors, essentiellement, on peut se poser énormément de questions par rapport à ces gestes-là. On nous parle de services de garde de qualité. Lorsque je vois les actions de ce gouvernement-là par rapport aux dossiers de la famille qui sont la mainmise sur les surplus des CPE, les coupures de 4,5 % de leurs budgets, la loi pour empêcher la syndicalisation que nous discutons aujourd'hui, lorsque je vois la fin de l'universalité de tout ce régime-là, lorsque je vois le passage par le privé de 3 000 places, qu'on était supposé développer dans les 24 heures mais que ça va peut-être prendre un an avant qu'on les ait, et, pendant ce temps-là, tous les autres dossiers CPE sont sur la glace, lorsque je vois ces différentes choses là mises de l'avant, autant le développement, le financement que les diverses coupures, et là, même là une loi pour empêcher le monde de se syndiquer, je me dis: Est-ce que c'est vraiment les services de garde de qualité qui est la première ligne de fond de l'intervention gouvernementale ou est-ce que ce n'est pas carrément une opération budgétaire à laquelle on assiste présentement par la ministre déléguée qui lui vient certainement, de bon conseil, du ministre responsable qui, lui, tire sûrement ça du ministre des Finances ou de la présidente du Conseil du trésor?

Alors, à notre époque, le ministère de la Famille était quelque chose d'horizontal sur lequel on intervenait sur plein d'autres niveaux pour savoir est-ce que les autres ministres, avec leurs décisions, est-ce que c'est des décisions qui affectent la famille et la capacité des jeunes générations d'avoir ce qui est le plus précieux, c'est-à-dire une famille. Alors, c'était cette réflexion-là qui était par la ministre d'État, et, aujourd'hui, c'est essentiellement un ministère qui est à vocation verticale où les décisions se prennent au Conseil du trésor, descendent par le ministre responsable jusqu'à la ministre déléguée.

Et, essentiellement, lorsqu'on essaie de faire une logique entre les coupures du 4,5 %, les surplus qui sont repris des CPE, alors qu'on ne touche pas aux profits faits par le privé, lorsqu'on regarde la révision de l'universalité, lorsqu'on regarde le passage obligé du développement de 3 000 places par le privé et lorsqu'on regarde aussi cette loi-là qui est le projet de loi n° 8, qui est la loi pour empêcher le monde de se syndiquer, on doit bel et bien comprendre qu'on discute présentement avec une ministre déléguée à la Famille mais qu'essentiellement les décisions semblent se prendre ailleurs qu'à l'intérieur de ce ministère-là et que, ce qu'on avait entendu parler depuis le dépôt du budget, qui était une récupération de 300 millions à 500 millions, bien, je pense que c'est beaucoup plus ça qu'est la logique, là, sur laquelle on s'en va aujourd'hui, et qu'essentiellement c'est peut-être 193 millions qu'on essaie de récupérer en empêchant le monde de se syndiquer.

Alors, lorsqu'on doit donner ? pour se donner des marges de manoeuvre pour baisser les impôts ? quelque chose comme entre 300 et 500 millions, bien, une facture potentielle de 193 millions, il faut éviter ça à tout prix, et, si on peut, nous, comme État-législateur, se permettre de faire une loi pour nous aider comme État-employeur pour empêcher le monde de se syndiquer, bien, c'est ce qu'on va faire.

Alors, c'est sur l'ensemble de ce principe-là, c'est sur l'ensemble de cette réflexion-là que nos interventions vont mener aujourd'hui. C'est qu'essentiellement on va à l'encontre... ce projet de loi là va à l'encontre de jugement d'un tribunal, va à l'encontre d'une reconnaissance de faits faite par le Tribunal du travail, et des faits qu'on ne reconnaît pas. Et, si on avait voulu vraiment préserver cette idée d'autonomie et de travailleur autonome, on serait intervenus beaucoup plus sur la structuration du réseau, le lien qu'ils ont entre... et leur réelle autonomie entre les RSG et les CPE, on serait beaucoup plus intervenus là-dessus que sur un projet de loi.

Là, on n'intervient pas sur les faits, on n'intervient pas sur la réalité qui est celui qu'ils sont des salariés, ils ne sont pas des travailleuses autonomes, et, en ce sens-là, on intervient là où c'est beaucoup plus facile d'intervenir, c'est-à-dire avec un projet de loi qui, malgré les faits, ces femmes-là seront réputées être des travailleuses autonomes, alors que tous les faits vont contre ça et que le Tribunal du travail a confirmé ça.

Ce n'est ni aux travailleuses ni aux employeurs de décider du statut, mais bien... ce sont les faits qui doivent mettre en application cette réalité-là, et, essentiellement ici, on va contre les faits avec notre capacité de légiférer. Alors, ici, l'exemple est maintenant donné à l'ensemble des employeurs par ce gouvernement-là, et on a juste à souhaiter que jamais aucun employeur au Québec ne pourra avoir une capacité de légiférer, parce que, demain matin, c'est l'ensemble de la classe ouvrière qui va y goûter.

Maintenant, il faudrait peut-être qu'on me fasse aussi la distinction entre cette classe ouvrière là et la classe moyenne. Ça ne semble pas... ça semble, en tout cas... Au parti gouvernemental, on semble faire cette distinction-là: une classe ouvrière syndiquée et une classe moyenne. La seule différence que je vois, c'est que la classe ouvrière syndiquée est beaucoup moins docile que l'autre. Alors, peut-être que c'est ça finalement qu'on préfère: c'est une classe moyenne qui est docile et qui ne se donne pas de moyens d'action. Et, essentiellement, avec ce projet de loi là, on invite les moyens d'action par la syndicalisation et on donne une association avec laquelle on ne sait toujours pas ? et parce qu'il n'y a rien non plus qui arrive du ministre du Travail ? quelle sera la teneur de cette reconnaissance-là.

Alors, c'est vraiment la poursuite et la persistance de la ministre déléguée à vouloir aller de l'avant avec ce projet de loi là qui n'annoncent rien de bon pour les travailleuses en milieu familial.

n (10 h 10) n

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le député, porte-parole de l'opposition officielle. Est-ce qu'il y a d'autres députés qui désirent s'exprimer lors des remarques préliminaires? M. le député de Vachon. Allez-y, vous avez un maximum de 20 minutes.

M. Camil Bouchard

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, je vais me permettre, si vous m'en donnez l'occasion, de réagir aux propos de la ministre déléguée, avec tout le respect que je lui dois.

M. le Président, j'ai pris l'habitude d'écouter attentivement les propos de mes collègues, et, quelquefois, j'ai comme l'impression que les propos qu'on tient au sujet d'un projet de loi qu'on a à examiner n'ont pas ou très peu de lien avec ce que le projet de loi présente comme matériel et comme objectif.

Et, si vous me permettez, je vais faire... je vais réagir à cinq affirmations qu'a faites la ministre déléguée ce matin dans ses remarques préliminaires. Elle a affirmé à deux reprises, dans ses remarques, que ce projet de loi était un premier pas vers l'amélioration des conditions d'exercice des responsables de services de garde en milieu familial. Ça, c'était sa première expression.

La deuxième, elle disait: Ces personnes verront leurs conditions s'améliorer.

En tant que député et parlementaire et analyste de ce projet de loi et connaissant par ailleurs le travail que font ces personnes, on ne peut pas être en désaccord avec un tel objectif. Ces personnes sont disponibles de très nombreuses heures dans une journée, ont à faire face à des situations qui ne sont jamais prescrites; les scénarios ne sont jamais écrits; les enfants peuvent être, une journée, turbulents et, l'autre journée, amorphes, alors qu'on les voudrait en développement. Bon.

C'est une responsabilité énorme, parce que, quelque part, les parents, lorsqu'ils viennent confier leurs enfants, jour après jour, à un service de garde familial, ont confiance que cet environnement pourra donner aux enfants un milieu de vie qui leur permette de se développer en toute sécurité, mais, en même temps, d'une façon optimale, et donc les parents souhaitent que les personnes qui sont responsables de ces services soient traitées avec égard et qu'on reconnaisse l'importance de leur rôle et l'importance de leur fonction, et qu'à ce titre-là on se préoccupe bien sûr ? pour reprendre l'expression de Mme la ministre déléguée ? de leurs conditions d'exercice, que d'autres qualifieront de conditions de travail.

C'est bien, mais le projet de loi n'en dit rien. Le projet de loi n'engage pas la ministre déléguée, n'engage pas le gouvernement dans une avenue d'amélioration des conditions d'exercice. J'ai beau lire les quelque quatre articles de ce projet de loi, je n'y vois rien qui, explicitement, engage le gouvernement, dans un avenir plus ou moins rapproché, à améliorer les conditions d'exercice. Je ne vois rien dans ce projet de loi qui engage le gouvernement à identifier des dimensions, des sphères, des conditions d'exercice que le gouvernement entend améliorer. Je ne vois rien, dans ce projet de loi, d'explicite en ce qui concerne un échéancier ou un agenda qui viendrait mobiliser ? dans des modes de partenariat qu'invoque la ministre déléguée ? qui viendrait mobiliser à la fois le gouvernement et à la fois les intervenants vers des objectifs qui sont explicites.

M. le Président, je ne mets pas en cause ici la bonne foi du gouvernement et encore moins celle de la ministre déléguée lorsqu'elle affirme que c'est un premier pas vers l'amélioration des conditions d'exercice des responsables de services de garde en milieu familial. Ce que je mets en cause cependant, c'est le fait que, ni dans un préambule qui n'existe pas et ni dans les articles qui nous sont présentés, le gouvernement ne s'engage dans cette direction. Alors, voilà pour ma première remarque, M. le Président.

Je pense que, en tant que ministre déléguée, la personne qui occupe ce poste doit s'assurer que son projet de loi correspond à ses voeux ? et je ne doute pas que ce soient des voeux sincères ? mais je ne pense pas que le projet de loi est porteur à ce niveau, M. le Président. Je pense que le projet de loi est un bel exemple d'absence quasi totale ou totale d'une intention exprimée explicitement en fonction de ces voeux.

Deuxièmement, la ministre déléguée a de nouveau invoqué devant nous ce matin l'argument à l'effet que ce projet de loi est bénéfique pour les personnes concernées, puisque ces personnes auraient fait le choix, en majorité, d'un statut d'autonome plutôt que d'employé. Cet argument, la ministre déléguée et les membres de l'opposition nous l'ont servi autant comme autant, mais, premièrement, je ferai remarquer que, si on veut parler d'une majorité, il faudrait peut-être la quantifier correctement... et ce que je n'ai pas encore vu.

Le Président (M. Copeman): Vous voulez sûrement dire les membres du gouvernement.

M. Bouchard (Vachon): Qu'est-ce que j'ai dit?

Le Président (M. Copeman): Les membres de l'opposition.

M. Bouchard (Vachon): Je voulais dire les membres du gouvernement. Merci, M. le Président, de me...

Le Président (M. Copeman): Je comprends. Je vous écoute, voyez-vous, M. le député, bien sûr, attentivement.

M. Bouchard (Vachon): Merci de m'écouter et de me corriger gentiment.

Le Président (M. Copeman): Ça me fait plaisir, M. le député.

M. Bouchard (Vachon): J'imagine que, quelque part, à force d'erreurs qui arrivent à l'Assemblée nationale, où le chef de l'opposition est interpellé comme premier ministre, j'en viens à m'identifier à l'autre côté, mais je n'ai pas encore ma carte de membre.

Des voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Vachon): Je sais que ça se vend cher, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Vous êtes toujours bienvenu, M. le député.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: ...pour tout le monde.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Vachon): O.K. Alors, l'argument qu'invoquent la ministre et les députés du gouvernement qui ont été élus le 14 avril 2003, on s'en souvient, voudrait que ce projet de loi soit bénéfique, puisque les personnes le souhaitent, et on invoque une majorité de personnes. Alors là, depuis le début, on ne connaît pas très bien ce qu'est le dénominateur et ce qu'est le numérateur pour affirmer qu'on a affaire à une majorité de personnes.

Bien sûr qu'il y a des gens qui sont venus faire des commentaires en commission et qui représentaient un certain nombre de personnes, mais chacune des associations, à mon souvenir, ne représentait pas la totalité des personnes plausibles, là, comme membres. Et, bien au contraire, notamment une des associations ne représentait pas 15 000 personnes mais 2 000.

Alors, lorsqu'on dit qu'on a affaire à une majorité, M. le Président, j'ai comme l'impression que, ou bien on abuse de cette expression ou alors on connaît une réalité pour laquelle on n'a pas l'information suffisante pour juger de l'exactitude de l'affirmation.

Deuxièmement, quant à cet argument, on connaît bien sûr l'opinion d'un certain nombre de personnes qui se disent favorables à un statut d'autonome, mais il y a plusieurs personnes qui... au moins 12 % des personnes concernées qui ont fait état de leur intention de se syndiquer ou qui le sont déjà, et il y a d'autres personnes qui s'expriment par la voie des journaux. Le 12 juillet 2003, dans Le Devoir, Mme Pasquet, Chrystelle Pasquet, disait: «Je suis une responsable de services de garde en milieu familial en colère, en colère contre un gouvernement qui a décidé de monter un projet de loi afin de m'enlever à jamais le droit de devenir une salariée du centre à la petite enfance.»

n(10 h 20)n

Et, plus tard, elle disait... elle dit: «J'aimerais que la population comprenne que ce n'est pas une question d'argent ce pour quoi les responsables en services de garde réclament le droit à la syndicalisation mais bien pour une question de justice.» Alors, il y a un argument de moralité qui est invoqué par cette personne. Pourquoi? Parce que cette personne sait, elle connaît les décisions qui ont été rendues par les tribunaux et elle sent, quelque part, que le gouvernement, de par son projet de loi n° 8, vient changer les règles du jeu. Et pas simplement pour ceux ou celles qui voudraient éventuellement exercer leur droit de liberté syndicale qui est un droit fondamental reconnu dans notre démocratie, pas simplement pour celles qui voudraient mais pour celles qui l'ont déjà exercé, vu la nature déclaratoire du projet de loi.

Donc, ma remarque vise à réitérer encore une fois que ce que dit le professeur Bernier et son Collectif, dans Le Devoir du 22 octobre 2003, est de toute première importance. M. Bernier ? le Pr Bernier et ses acolytes ? dit, et j'ouvre les guillemets: «En effet, on a souvent fait état du fait qu'une majorité des personnes concernées n'auraient pas manifesté le désir d'adhérer à une organisation dite syndicale...» Alors, le Pr Bernier, lui, dit que cette majorité-là n'aurait pas exprimé le souhait d'être autonome, mais il le dit à la négative: «...mais préféreraient [...] être considérées comme des "autonomes". Or, il ne revient pas aux parties à la relation de travail ? et c'est ce que mon collègue disait tout à l'heure ? de qualifier la nature du lien d'emploi; il s'agit là d'une question ? alors là, les mots sont importants, ils sont forts ? d'ordre public. Et ce n'est pas parce que certains préféreraient être considérés comme des autonomes qu'ils cessent pour autant d'être des salariés.»

Alors, j'imagine que ça ne changera rien à l'opinion et aux options gouvernementales que de répéter cela, mais il me semble que, en toute conscience, nous devrions, en tant que membres d'une institution parlementaire, se poser au moins la question: Est-ce que nous sommes en train de bafouer des droits fondamentaux reconnus par nos institutions et testés, vérifiés, spécifiquement dans ce cas, devant les tribunaux? Alors, voilà la question que je pose, M. le Président.

Troisième affirmation de Mme la ministre déléguée. La ministre nous dit: Ces personnes le font... ont pris cette décision ou ont privilégié ce choix ou le privilégieraient ? parce qu'il faut le mettre au conditionnel, hein, ce n'est pas évident, là, on n'a pas entendu tout le monde et les enquêtes là-dessus ne sont pas toutes évidentes non plus ? ces personnes privilégieraient l'option de statut autonome parce qu'elles valorisent, parce qu'elles s'appuient, elles choisissent des valeurs d'autonomie et d'indépendance ? si je fais défaut à votre texte, Mme la ministre, vous me corrigerez, mais je pense que c'est les mots que vous avez employés ? alors, des valeurs d'autonomie et d'indépendance.

Est-ce à dire, M. le Président, que, lorsque vous êtes syndiqué, vous reniez vos valeurs d'autonomie et d'indépendance? Est-ce à dire que, lorsque vous animez un service de garde pour les enfants et que vous êtes syndiqué, vous reniez votre capacité de créativité, d'initiative, d'autonomie et d'indépendance ? dans le cadre et le contrôle que doivent exercer les institutions sur la qualité des services, bien sûr? Est-ce à dire que la syndicalisation viendrait subitement renier ces valeurs-là? Ce qui voudrait dire, M. le Président, que, dans les centres de la petite enfance que nous avons où les gens sont syndiqués, ces personnes-là n'auraient pas accès à l'autonomie et à l'indépendance dans l'exercice de leur métier. Ça me semble un peu court, un peu court.

Il me semble qu'on pourrait invoquer toutes sortes de valeurs mais les invoquer spécifiquement par rapport aux groupes qui voudraient ? et je le mets au conditionnel ? ne pas se syndiquer, il me semble que c'est renier même les moteurs pédagogiques qui animent les gens dans les centres à la petite enfance; ils ne font que ça, tous les jours, exercer leur autonomie et leur indépendance.

Et ça commence comment, M. le Président? Ça commence en demandant à l'enfant qu'est-ce qu'on peut faire ensemble aujourd'hui. Ça ne dit pas: Qu'est-ce que notre convention collective nous permettrait de faire ensemble aujourd'hui, mon ti-pit. Ce n'est pas ça que ça dit. Alors, moi, je pense que c'est à la fois un peu court et un peu gros que de penser que quelqu'un choisirait le statut d'autonome parce qu'il est particulièrement attaché à ses valeurs d'autonomie et d'indépendance et que ce serait spécifique à ce groupe-là.

Dernière remarque, M. le Président, la question de la reconnaissance d'association. Vous me permettrez, M. le Président, de faire remarquer à la ministre déléguée que ce projet n'est pas et ne porte en aucune façon sur la reconnaissance d'association, alors qu'elle l'affirme. Ce projet porte sur la capacité du ministre à faire des ententes avec des associations de son choix, mais pas sur la reconnaissance d'association. Il en existe plein déjà, des associations, qui n'ont pas attendu ce projet de loi pour se former un groupe soit d'intérêts, soit de défense, soit de développement de leurs activités.

Alors, M. le Président, c'est une affirmation qui me semble abusive, et je ne mets pas, encore une fois, la bonne foi de la ministre en question, mais il me semble que c'est une affirmation abusive. Le projet de loi ne concerne pas une reconnaissance d'association. Il vient tout simplement avaliser un souhait que la ministre puisse conclure des ententes avec des associations qui existent ou qui pourraient exister. Bon. Mais ce projet de loi là ne donne pas plus qu'un autre projet de loi, là, qui lui ressemblerait la permission aux gens de s'associer.

Dernière... Est-ce que j'ai le temps encore un peu ou c'est...

Une voix: ...

M. Bouchard (Vachon): Quatre minutes. Alors... Mais c'est un... Non, mais alors, si je peux continuer un peu là-dessus, c'est parce que Mme la ministre, pendant qu'elle dit ça ou juste après qu'elle ait affirmé cela, dit: Les responsables de services de garde seront donc désormais dans une position de vrai partenariat, seront de vrais partenaires. N'est-ce pas? Est-ce que les CPE ne sont pas des vrais partenaires? Est-ce que les employés syndiqués dans le réseau des CPE ne sont pas des vrais partenaires de ce ministère dans l'exercice, dans la mise en application des programmes dont ils sont responsables? Ça n'a aucun rapport, M. le Président. Ça n'a aucun rapport.

Le vrai partenariat, c'est celui qui s'exerce entre des parties qui peuvent négocier d'égal à égal. Un partenaire, c'est quelqu'un qui peut négocier d'égal à égal, qui peut établir avec vous des ententes et des objets, des objectifs, sur des objectifs, et qui a le pouvoir de les définir avec vous avec le même tonus, avec la même capacité d'influence.

Alors, ce qu'on voit là, ce n'est pas ça du tout. On retire aux personnes un accès à des leviers qui lui permettent d'affirmer en toute légitimité une égalité de statut en tant que partenaires. Ces gens-là ne seront pas des vrais partenaires. Ce seront peut-être des vrais collaborateurs mais ce ne seront pas des vrais partenaires, et le choix des mots est important, Mme la ministre... M. le Président, le choix des mots est très important lorsqu'on veut décrire les intentions qui sont sous-jacentes à un projet de loi.

Enfin, M. le Président, je suis tout à fait d'accord avec l'idée que, oui, on doit toujours, en tant que société, exercer un contrôle sur la qualité des environnements auxquels on confie nos enfants, et la ministre l'a souligné à bon escient dans ses remarques préliminaires, mais je ne vois rien dans ce projet... malgré les beaux discours, je ne vois rien dans ce projet qui vienne assurer davantage à nos enfants des services de qualité. En quoi, spécifiquement, ce projet de loi vient-il assurer à nos enfants, pour reprendre les paroles exactes de la ministre, des services de garde de qualité? Je ne vois pas le rapport. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y en a d'autres, députés, qui désirent faire des remarques préliminaires? Alors, est-ce qu'on est... Merci. Est-ce qu'on est prêts à passer à l'étude détaillée?

M. Valois: M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Oui, M. le député de Vachon, pardon, Joliette, excusez-moi.

M. Valois: J'aimerais d'abord qu'on regarde... sur l'organisation de nos débats.

n(10 h 30)n

Le Président (M. Copeman): Oui.

Motion proposant d'entendre M. Jean Bernier,
professeur au Département des relations
industrielles de l'Université Laval

M. Valois: Et, là-dessus ? sur l'organisation de nos débats ? j'aimerais proposer, en vertu de l'article 244 de notre règlement:

«Que la commission des affaires sociales tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 8, Loi modifiant la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde à l'enfance, des consultations particulières quant à tous les articles du projet de loi, et qu'à cette fin elle demande M. Jean Bernier, professeur du Département des relations industrielles de l'Université Laval...»

Une voix: ...d'entendre?

M. Valois: Oui, «d'entendre monsieur...» Alors, c'est une motion que je propose.

Le Président (M. Copeman): Bon. La motion est recevable. Alors, elle est reçue.

Alors, en tant que proposeur de la motion, vous avez un maximum de 30 minutes pour plaider votre cause; par la suite, Mme la ministre aura la possibilité de poursuivre la discussion pour un autre 30 minutes; et, par la suite, chacun des députés a une possibilité d'intervenir pour un maximum de 10 minutes.

Alors, M. le député de Joliette, pour vos remarques sur votre motion. M. le député, la parole est à vous.

M. Jonathan Valois

M. Valois: Oui. M. le Président, la motion que je dépose est très... Il me semble qu'elle va de soi du sens où, et j'aimerais bien que les gens de la commission des affaires sociales en prennent connaissance, là... je pense qu'elle va de soi du sens où est-ce que le désir, avant d'y aller article par article, d'entendre M. Jean Bernier est à mon sens quelque chose de très important, parce que, s'il y a eu pendant les consultations, bon, les consultations particulières qu'on a eues sur le projet de loi n° 8, s'il y a eu des intervenants du milieu, force est d'admettre qu'une personne n'est pas venue, mais duquel sa pertinence était... tant qu'à moi, là, allait de soi. M. Bernier a, par la voie des journaux, publié deux articles sur le projet de loi n° 7 et projet de loi n° 8. M. Bernier est un professeur au Département des relations industrielles de l'Université Laval et c'est lui qui est l'auteur de ce qu'on appelle le fameux rapport Bernier sur Les besoins de protection sociale des personnes en situation de travail non traditionnelle. C'est de ce document-là qu'il serait très pertinent que M. Bernier vienne nous entretenir.

Parce que ce qu'on est en train de faire ici, Mme la Présidente, c'est de prendre des décisions à l'intérieur de la commission des affaires sociales, avec la ministre déléguée à la Famille, certes sur un projet de loi qui vient modifier une loi sur les CPE, mais qui a des incidences sur le milieu du travail, qui a des incidences par rapport aux orientations de ce même gouvernement là à l'égard de comment seront traités les travailleurs autonomes et quel type de relations de travail nous voulons établir ici, au Québec, comme État-employeur. Et, comme État-législateur, évidemment, on se sert de notre capacité de faire des lois pour envoyer des messages à tous les travailleurs du Québec, notamment les travailleuses, ici, les travailleuses en milieu familial, et on se sert de notre capacité de faire des lois pour envoyer une espèce d'idée, d'idée maîtresse de comment, nous, on voit les relations de travail au Québec, de, nous, comment on voit le traitement non seulement des travailleurs autonomes, mais de nos relations de travail même par rapport aux travailleurs qui sont syndiqués.

Parce que le projet de loi, il faut bien le comprendre, là, il y a une clause déclaratoire. Et une clause déclaratoire, ce que ça fait, bien, essentiellement, c'est que ça vient renier ou rendre caducs l'ensemble des processus et même des accréditations syndicales qui ont été reconnues par le ministère du Travail, selon les règles du ministère du Travail. Alors, avec notre projet de loi, on rentre directement sur le terrain du ministre du Travail et du ministère du Travail. Avec notre projet de loi, on va décider qu'il y a des conventions collectives, des accréditations reconnues qui vont tomber caduques. Des personnes qui, envers et contre tous, ont fait un processus de syndicalisation... Il n'est pas facile, le processus de syndicalisation au Québec, il pourrait être simplifié. Il y a un processus qui est long et, bien souvent, des gens abandonnent pendant ce processus-là. Il y a des pressions sociales qui sont faites sur les gens qui veulent se donner, justement, des moyens d'être un peu moins dociles, d'être un peu plus reconnus, que leur dignité soit un peu plus reconnue.

Et, malgré le fait que ces gens-là savaient qu'il y avait dans l'intention gouvernementale de déposer le projet de loi n° 8, ces gens-là sont allés de l'avant, ils sont allés de l'avant avec ce qu'ils avaient de plus cher, c'est-à-dire faire reconnaître leurs droits, et ont passé au travers de tout le processus d'accréditation. C'est clair que ce processus-là est long et difficile, mais là, arrivés au bout, on les reconnaît, l'accréditation arrive, ils sont reconnus. Et ces personnes-là sont donc reconnues non seulement par un Tribunal du travail qui les reconnaît comme salariées, mais aussi il y a une accréditation, elles se retrouvent en possession d'une accréditation. Et on parle ici d'environ 12 % de ces travailleuses-là. Et on arrive... la réponse qu'on donne à ça, malgré un jugement du Tribunal du travail, malgré le fait qu'il y a 12 % de ces gens-là qui ont décidé... et qu'il y en a encore, là, malgré le fait que, à ce moment-ci et lorsqu'on faisait l'étude... lorsqu'on faisait nos consultations particulières, il y avait aussi des gens qui continuaient leur processus d'accréditation envers et contre tous, parce qu'ils trouvent que c'était important de se donner des mécanismes de représentation et de reconnaissance de leurs droits, ils sont allés devant ça.

Et là, nous, on arrive avec un projet de loi, quatre petits articles écrits sur le coin d'une table, qu'on va donner et qu'on va envoyer... Et le message qu'on envoie à tous ces gens-là, c'est: Bon, félicitations pour votre démarche, là; nous, ce qu'on vous dit, c'est que, bien, vous aurez des associations; ce n'est pas dans le Code du travail, la reconnaissance des associations, ce n'est pas... on ne donne pas non plus nos intentions par rapport à tout ce qui s'appelle la protection sociale des personnes en situation de travail non traditionnelle, il n'y a aucun enlignement du gouvernement et du ministre du Travail de ce côté-là, mais, nous, ici, en commission des affaires sociales, on va rencontrer les gens qui sont du milieu, qui sont du milieu des services de garde, et, parce que notre loi est en rapport avec les CPE, bien, on va discuter juste entre nous ici.

Il manque quelques acteurs, il y a quelques acteurs qui auraient pu nous amener un éclairage très pertinent, qui ne sont ni de la partie des travailleurs, des ouvriers, qui ne sont ni de la partie des employeurs, qui ne sont pas là parce qu'ils veulent que les 12 000 places passent par leur réseau. Il y a des gens comme ça au Québec et, bien souvent, bien, ça, on appelle ça des professeurs, on appelle ça des spécialistes, des gens qui se sont penchés sur la question. Et qu'au-delà d'où vont aller les 12 000 places, ça va-tu être dans le public, ça va-tu être dans le privé, ça va-tu être en milieu familial, où, là, on fait défiler les gens... Et on entend aussi que, à l'intérieur de leurs débats sur les conditions de travail, il y a aussi toute une réflexion, lors des consultations particulières qu'on a tenues, il y avait aussi toute une réflexion sur la réorganisation du milieu.

C'était bien de réfléchir là-dessus, sauf que le projet de loi n'est pas sur la réorganisation qui est en train de se faire présentement dans le milieu des services de garde, les réflexions ont beaucoup plus lieu et ont un lien direct avec les conditions de travail de ces femmes-là qui travaillent en milieu familial. Et, à l'intérieur de ça, il y a quelques personnes quand même qui sont venues discuter. On parle du professeur Barré, mais il y a d'autres professeurs, notamment M. Bernier, qui, lui, par le biais des journaux, nous a interpellés au moins à deux reprises par rapport à ça. Et je pense que ce serait important, avant qu'on prenne une décision aussi importante par rapport aux conditions de travail et aux réalités qui englobent les protections sociales de ces personnes-là, avant qu'on prenne une décision ici, bien, ce serait de consulter ce même M. Bernier, étant donné qu'il a pondu un rapport qui, somme toute, est très important.

Maintenant, le monsieur Bernier en question, son rapport est d'autant plus important qu'il pourrait sûrement nous sensibiliser par rapport à un paquet de choses. M. Bernier écrit dans son rapport notamment que tout ce qu'on est en train de faire ici aujourd'hui, là, la réponse de ce gouvernement-là est une réponse typique sur laquelle, bien souvent... les pressions viennent de partout pour qu'un gouvernement réplique comme il réplique présentement. Les nouvelles réalités du travail, les nouvelles réalités... aussi dans quel contexte économique se déroule le travail, on pense à la mondialisation, où les entreprises, malgré le fait qu'elles sont performantes, qu'elles font des profits, doivent, année après année, justifier le fait qu'elles sont capables de faire encore plus de profits... et on voit dans ces réalités-là, ces nouvelles réalités là du monde du travail, des compagnies qui, malgré le fait qu'elles font des profits faramineux, bien, trouvent n'importe quel mécanisme pour réduire le nombre d'employés, pour réduire les salaires et les conditions de travail, malgré le fait que, d'un côté, il y a des profits, mais, de l'autre côté, ces profits-là ne se matérialisent pas directement par de meilleures conditions de travail des gens qui sont les premiers artisans des succès de ces entreprises-là, c'est-à-dire les travailleurs.

n(10 h 40)n

Et ce qu'on a vu apparaître aussi, une des façons de détourner et de se donner plus de flexibilité pour ces entreprises-là, c'était d'y aller avec ce qu'on appelle des faux occasionnels ou des faux travailleurs autonomes. Alors, malgré que ces personnes-là ne sont pas autonomes par rapport à un marché, malgré que ces personnes-là ne décident pas de leurs conditions de travail et de la façon dont ça va être exercé, n'ont aucun mot à dire sur leur organisation du travail parce que c'est décidé ailleurs, on les considère comme des travailleurs autonomes parce que, évidemment, ça empêche toute syndicalisation et ça donne beaucoup plus de flexibilité lorsque l'entreprise veut faire du délestage d'employés ou ces choses-là. Alors, c'est des méthodes qui ont été développées pour essentiellement répondre à un marché de l'emploi puis à une économie de plus en plus mondialisée qui met beaucoup de pression sur les nouveaux entrés, et même sur ceux qui étaient là depuis un petit bout, là, mais qui met beaucoup de pression sur les travailleurs.

Alors, essentiellement, ce qu'on a vu au Québec par rapport à ces travailleurs atypiques là, c'est qu'en 1976 ils étaient 16,7 % de travailleurs atypiques au Québec; en 1995, O.K., on parle quand même de 20 ans plus tard, 29,3 %, pour arriver en 2001 autour de 37 %. Alors, c'est plus qu'une personne sur trois qui est travailleur atypique au Québec, qui travaille de façon atypique. Et qu'est-ce que ça veut dire, ça? C'est sûr que, d'un autre côté, ça amène beaucoup plus de flexibilité, pas seulement à l'employeur, à l'employé aussi, et ça, il faut le reconnaître, ça. C'est bien souvent une façon pour l'employé de pouvoir travailler à la maison, de pouvoir concilier sa famille avec le milieu du travail. Le travail atypique, et par contrat des fois, à gauche ou à droite, amène aussi une espèce de flexibilité pour la personne, sauf que cette impression de flexibilité là, dans un premier temps, ce qui peut être alléchant, qui peut dire: Aïe! je vas travailler à la maison; aïe! je vas travailler par contrat; aïe! je vas pouvoir décider de mes heures; aïe! je vas pouvoir plus facilement concilier ma vie de famille avec ma vie ouvrière... ce qui peut être alléchant au début, qui va faire en sorte que le monde vont se lancer en courant dans ce type d'emploi là, bien, c'est à long terme qu'il faut voir les répercussions de ces décisions-là, et c'est ça que le rapport Bernier nous dit aussi: il y a des répercussions importantes sur ce choix-là.

Alors, il ne faut pas penser que, parce qu'on imagine aujourd'hui qu'il y a des femmes qui ont choisi d'être des travailleuses autonomes, que c'est nécessairement quelque chose qui, à terme, va être gagnant. Le député de Vachon nous l'a dit: Ceux qui, aujourd'hui, applaudissent ce projet de loi là, peut-être que d'ici 10 ans, d'ici 15 ans, d'ici 20 ans s'en mordront les doigts parce que, avec cette apparence de flexibilité pour une personne, arrive aussi, bien, le désert de la protection sociale. Et c'est ça, la réalité aussi. Alors, cette idée, la flexibilité, bien, c'est un beau mot, c'est le petit côté givré du Mini-Wheats qui cache l'autre côté qui, lui, est la précarité, l'incapacité pour ces gens-là de réellement pouvoir avoir des mécanismes de protection sociale et même, à la limite, tout ce qui vient avec en termes de se mettre de l'argent de côté, de pouvoir, oui, lorsqu'on a de la maladie, lorsque... sur un paquet d'autres terrains, en termes de congés, en termes de vacances, en termes de... comme je vous ai dit tantôt, en termes de santé et sécurité au travail. Alors, c'est tous ces éléments-là qui sont mis de côté.

Nous, à l'époque où on était au gouvernement, voyant ces choses-là arriver et étant un gouvernement responsable, on a dit: M. Bernier, vous allez faire le tour de l'ensemble de ce phénomène-là qui atteint autour de 37 % en 2001. Alors, ce n'est pas peu de personnes, ça. Et là, présentement, le milieu du travail, il faut s'assurer que de plus en plus... s'il y a de plus en plus d'employeurs qui passent à côté du Code du travail pour créer des faux occasionnels, bien, ce n'est pas vrai que ces faux occasionnels là... et même l'attrait de la flexibilité va faire en sorte que ces gens-là, à terme, vont payer la note et, à terme, vont se retrouver à être des gens qui diront une phrase bien connue au Québec: Si j'arais su, j'serais pas venu ? c'est pour paraphraser bien sûr, jamais je n'emploierai ça de façon délibérée. Mais tout ça étant que... il y a vraiment ces choses-là qui sont faites.

Et le rapport Bernier, ce qu'il dit, c'est d'aller mettre de l'avant un paquet de choses pour dire que, si vous avez... de plus en plus, les employeurs vont vous mettre dans la case des occasionnels, de plus en plus... des faux occasionnels, je veux dire, de plus en plus, il y aura du travail atypique. Bien, la réponse qu'on a à donner à ça, c'est tout ce qui s'appelle les protections sociales de ces gens-là. Et les protections sociales de ces gens-là, le rapport Bernier... M. Bernier doit venir nous en parler parce qu'il y a 53 recommandations qui sont issues de ce rapport-là, 53 recommandations pour dire... et qu'on n'a pas parlé du tout ici, là. Tout ce qu'on a parlé ici, c'est qu'on va vous empêcher de vous syndiquer. Donc, le petit livre rouge, là, qui s'appelle le Code du travail, vous n'y aurez pas droit; on va vous reconnaître des associations de travailleurs autonomes. Quelle sera la protection sociale de ces travailleurs autonomes là? On a 53 recommandations de M. Bernier ici. Peut-être qu'il faudrait en choisir ensemble, peut-être que, ensemble, on pourrait, avec M. Bernier qui vient, faire le tour de ces 53 là, recommandations, puis avoir de la ministre déléguée, bien... Qu'est-ce qu'on pourrait suggérer à ces travailleurs autonomes là qui, malgré les faits... qui ne sont pas des travailleurs autonomes, qui sont de faux travailleurs autonomes, mais quel type de protections sociales on pourra leur donner? 53 recommandations du rapport Bernier par rapport à cette reconnaissance-là pour faire en sorte que, même si cette réalité du travail atypique est une réalité grandissante au Québec, bien, on se donne quand même des mécanismes qui vont faire en sorte que ces gens-là puissent recevoir toute la protection voulue.

Alors, en ce sens-là, il y en a énormément qui sont très pertinentes sur les 53, notamment toute la révision du Code du travail pour amener des éléments, O.K., et pour que ce soit très, très, très clairement établi, O.K., et qu'on redéfinisse... que la définition du salarié en vertu du Code du travail soit révisée et ne comprenne que les éléments suivants... Donc, de s'assurer que, lorsqu'on parle du petit livre rouge, on parle d'une chose qui est très, très précise et qu'on n'étire pas la notion de salarié pour créer des faux occasionnels et que non plus... ou qu'on ne fasse pas le contraire, qu'on limite tant que ça la reconnaissance des salariés, que tout le monde soit finalement des travailleurs autonomes qu'on pourra engager à gauche puis à droite.

Et les éléments qui sont apportés par M. Bernier pour la définition du salarié, c'est qu'une personne qui travaille pour une autre personne moyennant rémunération... ça, c'est un salarié. Lorsque c'est une personne qui travaille pour une autre, O.K., moyennant rémunération, c'est une personne qui est considérée comme salariée. Que cette personne soit salariée ou non en vertu d'un contrat de travail et qu'elle s'oblige à fournir personnellement une prestation de travail pour cette autre personne dans un cadre ou selon des modalités telles que les placer sous la dépendance économique de cette dernière... Et ça, ici, ce sont des définitions pour vraiment reconnaître le statut de salarié. Et, lorsqu'on regarde les personnes qui travaillent en milieu familial, bien, c'est un peu avec une vision semblable que la juge Handman a vraiment dit: Bien, voyons donc, est-ce que ce sont des personnes qui sont autonomes par rapport à leur économie, par rapport à un marché? Non, il y a une dépendance économique. Est-ce que ce sont des personnes qui peuvent organiser leur travail en toute autonomie? Non, ce ne sont pas ce type de personnes là. Alors, on en est venu, par un jugement, à dire que ces personnes-là étaient des salariées.

n(10 h 50)n

Ce que Bernier pourrait venir nous dire ici, c'est peut-être remettre en question un paquet de faux préjugés qu'on pourrait avoir par rapport à, notamment, le statut de salarié et la syndicalisation, préjugés qui ne sont pas nécessairement dits haut et fort mais qui semblent être quand même sous-jacents à une série de réflexions qu'il y a ici. Comme si le fait de reconnaître une personne... un statut de salarié et que cette personne-là décide de se syndiquer va faire en sorte qu'on va aboutir à une institutionnalisation de notre milieu, parce que c'est supposément ça que la syndicalisation amènerait. Aïe! la personne, comme le disait le député de Vachon tantôt, la personne va dire: Non, non, attends dehors; moi, je commence à 8 heures; les enfants vont attendre dehors jusqu'à 8 heures. C'est comme si les syndiqués, là, à partir du moment où est-ce qu'on est syndiqués, bien, on n'est plus des professionnels, on n'est plus des gens qui font leur travail de façon professionnelle. On n'est plus ce type de personnes là. On est des personnes qui s'assoient beaucoup plus sur la convention collective pour se protéger que des gens qui, justement par le fait qu'on est reconnus et protégés, fort de cette reconnaissance-là, donnons un travail exceptionnel. Bien non, ce n'est pas comme ça qu'on voit ça. On ne voit pas la syndicalisation comme étant une espèce de garantie pour un travailleur, pour une travailleuse d'exercer pleinement son travail. Non, non. Il est comme sous-jacent à tout ça, cette idée que la syndicalisation institutionnalise nos rapports et déshumanise nos liens les uns avec les autres, comme si une personne qui est en milieu familial, la journée que cette ressource-là ou ce responsable ou cette responsable-là de milieu familial deviendra syndiquée, elle ne donnera plus le même service, un service aussi chaleureux, aussi humain. Bien non.

Bien, c'est quoi, cette réflexion-là? Et, si on extrapole cette réflexion-là, bien, pourquoi est-ce qu'on a laissé les CPE se syndiquer? Pourquoi est-ce qu'on a laissé les infirmiers, les infirmières se syndiquer? Pourquoi est-ce qu'on a laissé, à la limite, les professeurs se syndiquer? Pourquoi est-ce qu'on a laissé du monde... pourquoi est-ce qu'on laisse du monde se syndiquer? Et, essentiellement, cette réflexion-là ne peut pas tenir. On ne peut pas penser que... d'y aller de l'avant avec un projet de loi reconnaissant de faux occasionnels pour éviter la syndicalisation peut être, à ce moment-ci, sur des bases aussi fragiles que celles qui sont apportées.

Maintenant, à partir du moment où est-ce qu'on se sert de notre capacité de faire des lois pour aller contre des jugements de tribunaux, bien, on envoie un message, un message qui est, somme toute, pour les employeurs très négatif par rapport à la capacité des employés de se regrouper en syndicat, très négatif par rapport aussi à cette vision-là d'une association de travailleurs, et on envoie une espèce de façon de voir les choses qui marginalise et qui donne et qui ouvre la voie à des méthodes déjà, selon Bernier, déjà fortement appliquées, des méthodes où est-ce que les employeurs vont regarder le premier employeur du Québec, c'est-à-dire le gouvernement du Québec, et dire: Bon, bien, lui, il donne l'exemple, et quel type d'exemple qu'il donne? c'est que tous les moyens sont bons pour éviter que des personnes, malgré le fait qu'elles sont des salariées, soient reconnues comme des salariées. Il se donne le moyen le plus ultime, c'est-à-dire sa capacité de faire des lois, pour renier ça et, envers et contre tous les jugements, aller avec, comme je disais, une loi qui va faire en sorte qu'on va vraiment les embarricader dans un statut, le statut par lequel les faits n'ont pas reconnu. Alors, on va les embarricader dans un statut de travailleur autonome, alors que les faits ont bien, comme je vous l'ai dit tantôt, reconnu qu'ils étaient des salariés.

Alors, ça, ce message-là, les employeurs le reçoivent et disent: Ah! bien là, moi, bon, toutes les méthodes sont possibles maintenant à prendre. Moi-même, là, qui avais déjà quelques cordes à mon arc sur comment éviter la syndicalisation, moi-même qui avais développé quelques expertises sur comment éviter et comment détourner les quelques règles du travail, bien là il me semble que le message est clair de la part du gouvernement: la syndicalisation, ce n'est pas une bonne chose, puis tous les moyens mis à notre disponibilité doivent être utilisés pour empêcher ça.

Alors, le message, les employeurs vont le comprendre. Et, si les employeurs le comprennent de la même force qu'il est envoyé présentement par le gouvernement, bien, je pense qu'on va devoir donner rapidement, mais très rapidement suite à Bernier. Parce que, si les employeurs commencent, à cause de la compétitivité, à cause... ils nous donnent plein de bonnes raisons bien souvent, là: il faut rester compétitifs, puis il faut... c'est les forces du marché, puis tout ? on les entend, là ? mondialisation oblige, il faut rationaliser, et tout ci, et tout ça, là... Alors, par rapport à toutes ces réflexions-là, il risque d'y avoir encore, demain matin... encore plus de personnes qui vivront un travail atypique, un travail non traditionnel. Et, à ce moment-ci, nous avons entre les mains un rapport qui tend à vouloir protéger ces gens-là qui sont de plus en plus nombreux au Québec, qui sont exclus du Code du travail pour leurs protections sociales. Et le message qui est envoyé par le gouvernement, c'est qu'on devra et c'est qu'on est prêts à faire tout ce qui est en notre possible pour retirer des gens de la capacité de se faire défendre par le Code du travail et les envoyer sur le grand terrain vague présentement qui s'appelle le travail atypique, le travail non traditionnel. Alors, on doit réglementer le plus rapidement possible ce terrain-là.

Maintenant, un gouvernement qui se dit d'accord et qui dépose ce projet de loi n° 8, notamment pour s'éviter de la lourdeur, je ne crois pas que ça peut être aussi un gouvernement qui, d'un autre côté, va mettre de l'avant plusieurs recommandations des 53 recommandations du rapport Bernier parce que, lorsque Bernier nous dit... Lorsqu'on parle de la fête nationale, il faut étirer aussi aux travailleurs autonomes, là, aux travailleurs atypiques; lorsqu'on parle de la CSST, il faut étirer ça aussi aux travailleurs atypiques; lorsqu'on parle de certaines dispositions des lois des normes du travail, il faut étirer ça à des travailleurs atypiques; même chose pour les maladies professionnelles, la capacité d'avoir des reconnaissances de ce côté-là; lorsqu'on nous parle d'équité salariale en termes de traitement; lorsqu'on nous parle d'un paquet d'autres choses par rapport aux normes du travail, bien sûr le type de tâches, les prorata de services, et ces choses-là, lorsqu'on va dans tous ces détails-là, comment un gouvernement, qui ne veut pas la syndicalisation parce que ça amène de la lourdeur, va se donner des règles pour la reconnaissance de ces travailleurs autonomes là?

On peut plus penser que, la journée qu'il les aura mis sur le terrain vague, au nom de la flexibilité, au nom de l'efficacité et au nom de la compétitivité, bien là on ne mettra pas de règles de défense sur lesquelles vous allez pouvoir vous accoter ou appuyer vos conditions de travail, parce que, la journée qu'on va faire ça, ça va amener une lourdeur, ça va nous empêcher d'être compétitifs, ça va nous empêcher d'être flexibles, ça va institutionnaliser notre réseau, et ce n'est pas bon, l'institutionnalisation, ça va déshumaniser nos liens entre le travailleur et l'enfant, et ce n'est pas bon, ça.

Alors, on va les envoyer sur un terrain vague, on va les mettre là, on va s'assurer que jamais ces gens-là se syndiquent, au nom que ça coûte trop cher puis qu'il ne faudrait pas que ça amène trop de lourdeur, et, la journée qu'ils seront sur ce terrain-là, bien, les mêmes arguments au niveau de la lourdeur puis les mêmes arguments au niveau que ça coûte trop cher, ils vont les avoir pareil, ça va être le même gouvernement qui va dire: Maintenant que je vous ai reconnus comme associations, bien, ma logique reste la même, puis c'est une logique à l'intérieur de laquelle je ne veux pas que vous coûtiez cher, puis une logique à l'intérieur de laquelle je veux que vous restiez flexibles. Alors, c'est une logique à l'intérieur de laquelle on met en opposition, oui, oui, la classe moyenne et les syndicats, une logique à l'intérieur de laquelle on peut facilement voir que la seule différence, comme je l'ai dit tantôt, entre la classe moyenne et les syndicats, c'est que la classe moyenne, elle, elle n'est pas organisée en syndicat puis que la classe moyenne, elle, elle est docile, puis que cette classe moyenne là, on peut faire bien plus facilement ce qu'on peut avec parce qu'un syndicat, c'est cette espèce de ? comme disait Daniel Johnson père ? cette espèce de grain de framboise en dessous d'un dentier qui empêche le gouvernement de mordre à pleines dents dans tout ce qu'il veut faire, et ça, c'est achalant, ça, d'avoir ça, cette espèce... une organisation qui nous évite de faire tout le tabula rasa qu'on veut faire. Et voilà! Alors, ça, la journée...

On ne se donnera certainement pas des associations suffisamment fortes pour nous contester et, de ce côté-là, on peut juste avoir des craintes par rapport à la protection sociale des personnes en situation de travail non traditionnelle et les pseudo-associations, lesquelles on va reconnaître. Et il faut que M. Bernier vienne avec ses 53 recommandations, vienne ici pour qu'on puisse en disposer, pour qu'on puisse savoir, sur les 53 propositions, lesquelles la ministre déléguée est prête à mettre de l'avant pour cette reconnaissance-là d'associations et à l'intérieur de quoi il va en retourner. Il me reste du temps, je vous le laisse.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. le député de Joliette. Est-ce qu'il y aurait d'autres membres de la commission qui souhaiteraient intervenir sur cette motion? M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Merci, Mme la Présidente. J'ai 10 minutes, je pense, à ma disposition?

n(11 heures)n

La Présidente (Mme Charlebois): Il y a 30 minutes, un autre 30 minutes. Par la suite, nous aurons des blocs de 10 minutes, exception faite...

M. Bouchard (Vachon): C'est 30 minutes? Merci. Mme la Présidente. Ça va pour les règles du jeu? C'est correct?

La Présidente (Mme Charlebois): Oui, oui.

M. Camil Bouchard

M. Bouchard (Vachon): Mme la Présidente, une des raisons qui m'apparaît la plus fondamentale pour entendre le Pr Bernier devant cette commission, c'est le fait que nous n'avons pas eu le loisir, durant les débats que nous avons tenus en commission parlementaire antérieurement, nous n'avons pas eu le loisir d'entendre les experts du ministère du Travail.

Il me semble que... Il me semble que l'opinion de ces experts, qui ont comme mission principale d'étudier l'environnement législatif, l'environnement légal dans lequel s'inscrivent les relations de travail, il me semble que les opinions de ces experts du ministère du Travail auraient été, ainsi que l'opinion du ministre éventuellement, auraient été des opinions extrêmement pertinentes pour les travaux de cette commission.

Écoutez, c'est quand même assez extraordinaire, d'entrée de jeu, une des premières lois que l'on étudie dans ce Parlement et qui concerne les enfants, une des premières lois qui concerne les enfants. Et j'avais l'impression, moi, que, en faisant le saut en politique, à partir de mon terrain de chercheur en développement de l'enfant et en environnement... les environnements optimaux qui permettent aux enfants de se développer, j'avais l'impression que, en faisant le saut en politique, je pourrais aborder la question du développement des enfants d'abord par l'examen de la qualité des environnements qu'on leur offre, par l'examen des dispositions et des conditions concrètes, réelles qu'on offre à ces enfants tous les jours et qui sont et qui pourraient être à la mesure des groupes spécifiques d'enfants qui sont concernés par les services de garde. Mais non, mais non, le premier projet de loi dont je suis saisi en tant que parlementaire concernant les conditions de développement des enfants, c'est un projet qui concerne... c'est un projet qui concerne les intentions très nettes du gouvernement de fermer la porte à la syndicalisation pour les éducatrices et les éducateurs de ces environnements.

C'est quand même assez paradoxal que ce projet de loi n'ait pas été soutenu et présenté, à tout le moins soutenu par une expertise directe, puisque c'est l'objet du projet de loi, par une expertise directe des gens qui sont concernés par les relations de travail, et notamment par les professionnels et le ministre du ministère du Travail. À défaut de cela, Mme la Présidente, je pense qu'il est tout à fait opportun, donc, de recevoir le Pr Bernier et d'écouter ce qu'il a à nous dire sur l'exercice qu'entreprend le gouvernement actuel en matière de l'exercice des droits et de la liberté syndicale, et ce n'est pas rien, ce n'est pas rien.

Nous sommes dans une société de droit, et ce que dit d'ailleurs le Pr Bernier dans une de ses publications, il nous dit: «Cette démarche va à l'encontre des principes qui régissent l'exercice de la liberté syndicale dans notre société, au mépris de la jurisprudence québécoise et canadienne ainsi que du droit international en la matière.»

Moi, j'aurais quelques questions, j'aurais quelques questions à poser à M. Bernier concernant cette affirmation: En quoi, en quoi la législation qui nous est proposée par le présent gouvernement vient-elle à l'encontre de ces principes qui régissent l'exercice de la liberté? Quels sont les éléments ou les ingrédients qui, précisément, font obstacle à l'exercice de cette liberté? Quels sont les exemples au niveau international et au niveau continental, au niveau national, quels sont les exemples sur lesquels on peut s'appuyer et qui valident un tel choix par un État dans ses décisions de légiférer le travail?

J'aimerais bien ça, moi, savoir quand, quand, d'un point de vue éthique, un gouvernement est-il bienvenu de restreindre le droit à la syndicalisation? En quelles circonstances peut-on mettre en cause les droits fondamentaux de la liberté d'association syndicale? Existe-t-il, dans le monde ou au niveau national, des jurisprudences qui nous informeraient qu'en certaines circonstances, d'un point de vue moral et d'un point de vue éthique, le gouvernement est bienvenu de le faire mais que, hormis de ces circonstances, en dehors de ces circonstances, le gouvernement se place en mauvaise posture du point de vue de l'éthique?

J'aurais des questions très précises à poser au Pr Bernier sur toute cette dimension de l'éthique dans la gouvernance et dans les décisions que peuvent prendre les gouvernements, en fonction des soi-disant souhaits ou des soi-disant desirata d'un groupe ou l'autre de la communauté. Voilà, Mme la Présidente, une première dimension sur laquelle j'aimerais beaucoup interroger le Pr Bernier.

Une deuxième dimension concerne l'affirmation suivante que le Pr Bernier fait dans son article du Devoir, le 22 octobre 2003. Le Pr Bernier dit ceci: «De peur que le résultat de la négociation collective ne conduise à un accroissement des coûts de service, on préfère rendre l'exercice impossible pour le remplacer par un mode de détermination ? alors là c'est important de le souligner à grands traits ? unilatérale des conditions de travail.» Ah! un mode... un mode de détermination unilatérale des conditions de travail.

Le Pr Bernier, là, il contredit, dans cette affirmation, selon toute apparence ? mais j'aimerais bien lui poser la question ? il semble contredire les prétentions du gouvernement et plus spécifiquement de la ministre déléguée. Il semble contredire les prétentions de la ministre déléguée à l'effet que l'exercice auquel elle se prête favoriserait un vrai partenariat. Non, non, le Pr Bernier dit: Il remplace l'exercice de la liberté syndicale par un mode de détermination unilatérale des conditions de travail. Et, pour le citer avec plus de détails, il dit ceci: «En effet ? alors, j'ai ouvert les guillemets ? en effet, ce qui est proposé comme substitut est plutôt ? et là je vous demanderais d'être très attentive, Mme la Présidente ? un régime de réglementation unilatérale des conditions de travail par l'État ? avec un grand "e" ? dans un cadre prévoyant une forme de consultation avec des associations qu'il ? le "il", ici, renvoie au gouvernement ou "elle", à la ministre ? qu'il choisit, dont elle apprécie elle-même ? ou lui-même ? la représentativité et dont le statut n'est nullement défini, pas plus d'ailleurs que sont protégés les droits des éventuels adhérents.» C'est sévère. C'est très sévère.

Et j'aimerais ça, moi, entendre discuter M. Bernier, M. le Pr Bernier avec la ministre déléguée sur cette dimension très importante de: Est-ce que le projet de loi ouvre sur un vrai partenariat ou est-ce qu'au contraire on a affaire à une mascarade de partenariat et davantage à... davantage à une stratégie d'imposer par le gouvernement une détermination unilatérale des conditions de travail?

n(11 h 10)n

Il me semble que, si ? et je ne mets pas ça en doute, là, mais ? dans le contexte où ce gouvernement est de bonne foi ? et non pas «si» ? il accepterait bien volontiers de rencontrer le Pr Bernier pour discuter ouvertement de cette question.

Alors, la première raison avait trait à la question d'éthique: Quand et dans quelles circonstances et dans quels motifs sérieux le gouvernement peut-il restreindre la liberté d'association syndicale? Et la deuxième question que j'aimerais explorer avec le Pr Bernier et que j'aimerais entendre débattre entre le Pr Bernier et le parti gouvernemental, c'est la question du mode de détermination unilatérale des conditions de travail, en comparaison avec l'opinion qui est répandue par la ministre déléguée et ses collègues, à l'effet que le projet de loi viendrait plutôt instituer un vrai partenariat entre le gouvernement et les responsables de services de garde en milieu familial.

Une troisième dimension, Mme la Présidente, une troisième dimension, Mme la Présidente, qu'il m'apparaît important de discuter avec le Pr Bernier concerne les conséquences, les conséquences que peut engendrer l'adoption de ce projet de loi en ce qui concerne la qualité de vie des personnes qui sont concernées et en ce qui concerne leurs conditions de travail.

Alors, si la première question porte sur l'éthique, la deuxième, sur la question du partenariat ou la détermination unilatérale, la troisième, c'est: en cas d'adoption, qu'aurait à dire le Pr Bernier sur les conséquences possibles d'un empêchement pour les personnes concernées ? et on pourrait étendre à toute personne concernée par une situation semblable?

Mme la Présidente, j'entends plusieurs conversations, je m'excuse, en même temps que je parle.

La Présidente (Mme Charlebois): Je m'excuse, M. le député de Vachon. Je demanderais la collaboration de tous les membres de la commission, s'il vous plaît. Vous pouvez reprendre vos propos, M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Je ne vous entends pas, Mme la Présidente. Je m'excuse.

La Présidente (Mme Charlebois): Vous ne m'entendez pas. Je ne parle pas assez fort.

M. Bouchard (Vachon): Non.

La Présidente (Mme Charlebois): Pourtant, j'ai une très bonne voix.

M. Bouchard (Vachon): Mais je pense qu'il y a des gens qui ne vous entendent pas.

La Présidente (Mme Charlebois): Oui, mais...

Une voix: ...

La Présidente (Mme Charlebois): S'il vous plaît. Je demande la collaboration des membres de la commission à l'effet que...

M. Bouchard (Vachon): Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charlebois): ...nous puissions entendre M. le député de Vachon. Allez-y.

M. Bouchard (Vachon): Merci d'exercer votre autorité.

Alors, la troisième... la troisième question concerne donc les effets qui ont été observés dans d'autres contextes semblables, et qu'on peut anticiper dans le contexte spécifique à l'application de la loi n° 8, si jamais elle est adoptée ? et il semble y avoir une féroce envie de l'adopter de l'autre côté ? sur la qualité de vie des personnes concernées ou des personnes qui seraient placées dans des situations semblables et sur leurs conditions de travail.

Alors, dans son article ou dans les articles qu'il a publiés et dans son rapport, le Pr Bernier évoque un certain nombre d'hypothèses, mais... Alors, je vous en cite une. Alors, voici ce qu'il dit, j'ouvre les guillemets, Mme la Présidente: «Cette situation... Cette situation...»

La Présidente (Mme Charlebois): ...une bonne oreille.

M. Bouchard (Vachon): Oui, oui. Non, je n'ai pas de doute sur votre écoute.

La Présidente (Mme Charlebois): D'accord.

M. Bouchard (Vachon):«Cette situation de faux travailleurs indépendants ? c'est le Pr Bernier qui parle des personnes concernées qui seraient éventuellement reconnues comme des autonomes mais qui seraient finalement des fausses autonomes ou des faux travailleurs indépendants ? a pour effet d'exclure ces personnes du champ d'application de la relation de travail et de les priver de tous les droits qui en découlent normalement.» Et là, c'est sûr, on a évoqué plusieurs fois la question du Code du travail, puis on sait que, une fois ce statut de personne autonome reconnu, les conditions du Code du travail ne sont plus applicables.

Alors, il poursuit: «Elle prive ces personnes aussi des contributions des employeurs aux caisses de retraite publiques et privées et aux autres régimes d'avantages sociaux qui peuvent exister dans les entreprises.» Ah bon!

Alors, ça, c'est tout simplement une illustration, mais je ne doute pas que, dans les études que le Pr Bernier peut, à notre demande, réviser, je ne doute pas que, dans ses propres études, il y ait nombre d'illustrations des impacts d'une telle décision sur la qualité de vie des personnes et sur leurs conditions de travail. Ce que je viens de citer n'est qu'un tout petit exemple. Mais il me semble que, si on avait en face de nous un expert, tel le Pr Bernier, on pourrait... on pourrait établir une liste d'hypothèses possibles des conséquences qu'on peut anticiper, et peut-être que nos collègues et néanmoins amis du parti gouvernemental pourraient, à la lumière de ces considérations, de ces observations, réviser le projet de loi ou le retirer en constatant des effets indésirables du projet qu'ils n'auraient pas ou qu'elles n'auraient pas souhaités.

Le premier souci du législateur, à part la question... à part la question de la moralité et de l'éthique, c'est de se soucier des effets non souhaités d'un projet de loi, c'est d'essayer de voir quel est l'effet sur l'écologie du travail de ces personnes qui sont concernées et aussi sur l'écologie des enfants que ces personnes reçoivent dans leurs services. Les responsables de services de garde en milieu familial, les responsables de services de garde en milieu familial, Mme la Présidente, ont des obligations envers les familles, envers les enfants, et désormais on devra dire envers la ministre déléguée, puisqu'elle veut dialoguer face à face avec ces associations.

Mais quelles seront les conséquences de cette nouvelle disposition, de ce nouvel environnement sur les conditions... Quelles sont les vraies conséquences sur les conditions de travail? C'est comme si, quelque part, les témoignages qu'on avait entendus de la part des personnes qui étaient favorables à un statut autonome disaient: Pour une fois, on va avoir la chance de s'adresser directement à la ministre déléguée pour établir nos conditions de travail, on n'aura pas besoin de passer par l'intermédiaire des centres à la petite enfance. Ah bon! Mais est-ce que, est-ce que, si on compare ? et on pourra poser la question au Pr Bernier ? si on compare les gains qui ont été faits par les personnes qui sont syndiquées, et qui font partie des centres à la petite enfance, avec les gains qu'auront pu faire les personnes qui ne sont pas syndiquées et qui sont dans les services de garde familiale, si on ne fait que comparer cela, quelle est la conclusion à laquelle le Pr Bernier peut en venir en examinant les impacts réels, que dans notre propre contexte on peut observer, entre les syndiqués et les non-syndiqués? Dans d'autres domaines d'intervention similaires, quelles sont les conséquences non pas simplement sur les personnes qui travaillent, mais sur les personnes pour lesquelles ces personnes travaillent, lorsqu'on nie à ces personnes qui travaillent la liberté d'association syndicale et lorsqu'on nie aux personnes qui sont déjà syndiquées le statut qu'elles avaient revendiqué et gagné?

Voilà, Mme la Présidente, trois dimensions qu'il m'apparaît extrêmement important d'examiner: la dimension éthique et morale... Et ? je répète, je pense que vous étiez absente, Mme la ministre, à ce moment-là ? mais cette dimension-là m'apparaît très importante, parce qu'elle pose la question: Dans quel contexte, un gouvernement... Non, mais vous allez peut-être pouvoir relire mes notes mais, étant donné vos occupations, je ne suis pas sûr, là. Mais dans quelles, mais dans quelles circonstances un gouvernement serait-il bienvenu ? et on pourrait, on pourrait acquiescer de ce côté-ci ? serait-il bienvenu d'empêcher le droit à la syndicalisation? Quelles sont les circonstances sociales qui font qu'on pourrait choisir, dans un conflit ou dans un conflit éthique ou un dilemme éthique, davantage du côté de la négation d'un droit fondamental par rapport à l'exercice de ce droit? Quels sont les motifs les plus sérieux qui feraient en sorte que quelque part nous n'aurions pas, nous n'aurions pas cette culpabilité, j'allais dire, ou cette inquiétude ou cette préoccupation que devrait avoir le gouvernement, qu'il n'est pas en train de déguiser, comme le Bureau international du travail pourrait le prétendre, qu'il n'est pas en train de déguiser une relation de travail en lui donnant une apparence différente de ce qu'elle est en réalité? Quel est le motif sérieux qui nous permettrait de procéder à ce déguisement et à cette option et qui viendrait dire: Il y a une légitimité morale à le faire? Moi, je pense que c'est important, il faut poser la question de la légitimité morale. Et je le répète au profit de la ministre déléguée parce que je sais que ça la préoccupe, si on ne peut pas débattre, si on ne peut pas débattre de cette dimension fondamentale du travail du législateur, il me semble qu'on évacue quelque part de notre responsabilité de parlementaire un morceau très important.

n(11 h 20)n

Alors, Mme la Présidente, j'espère que les motifs que j'ai invoqués à l'effet d'entendre le Pr Bernier devant cette commission sont assez sérieux et rejoignent les préoccupations les plus fondamentales de mes collègues du parti gouvernemental pour qu'ils les convainquent de s'associer à notre motion. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. le député de Vachon.

Est-ce qu'il y aurait d'autres membres de la commission qui souhaiteraient intervenir sur la motion? Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, allez-y.

Mme Léger: Merci, Mme la Présidente. Alors, évidemment...

La Présidente (Mme Charlebois): Vous avez 10 minutes. Je m'excuse. Allez-y.

Mme Nicole Léger

Mme Léger: Merci. Évidemment, j'aimerais me joindre à mes collègues, le député de Joliette et le député de Vachon, face à ce qu'ils proposent aujourd'hui afin d'entendre M. Bernier, Jean Bernier, qui est professeur, on le rappelle, au Département des relations industrielles de l'Université Laval. Je pense qu'il y a des points importants... qu'il serait intéressant de pouvoir entendre M. Bernier. D'une part, bon, c'est un expert en relations de travail. Alors, ce... Il est question aujourd'hui du projet de loi n° 8; c'est vraiment tout l'ensemble des relations de travail que nous mettons en quatre articles de loi, si peu, un petit projet de loi mais qui a, je pourrais dire, beaucoup d'incidences.

Il a été, M. Bernier, aussi... on sait bien qu'il a été l'auteur du rapport qui porte son nom, le rapport Bernier, sur la protection sociale des personnes vivant en situation de travail non traditionnelle et, évidemment, il s'est prononcé sur le projet de loi n° 8. On a pu voir, au fil des dernières semaines, plusieurs articles que M. Bernier a écrits, et qu'on a vus dans notre presse nationale, et je pense qu'il apporte des points absolument importants, autant en soulevant l'ambiguïté du projet de loi, mais autant en soulevant l'ambiguïté aussi de la relation d'emploi, telle quelle, qu'on s'apprête aujourd'hui, qu'on s'apprête au fil des prochains jours à statuer.

Je vais relever ici dans le journal, dans Le Soleil du 12 juillet dernier... où M. Bernier nous apporte un peu cet éclaircissement-là par rapport à ce que la relation d'emploi telle quelle, mais aussi à l'accès au droit à la représentation et à l'accès au droit à la négociation, qui est en cause dans ce projet de loi là. Il dit qu'une relation d'emploi soit objectivement ambiguë... soit à cause de l'autonomie dont jouit le travailleur dans l'exécution de ses fonctions, mais soit aussi à cause de la situation de dépendance économique dans laquelle il est placé face à ses clients, voire face à un seul. Ce sont les travailleurs économiquement dépendants ou dont le statut exact est parfois difficile à définir.

Alors, c'est pour ça qu'il y a une certaine incohérence, si on regarde les propos de M. Bernier, mais en même temps le projet de loi n° 8, qu'on a ici sur la table, qui parle... Dans le fond, si on regarde les notes explicatives du projet de loi qui précisent que ce sera, de façon déclaratoire, de reconnaître, de préciser le statut de personne reconnue, telle quelle, comme personne responsable d'un service de garde en milieu familial... Évidemment, on sait qu'il y a eu un jugement du Tribunal du travail qui a confirmé le statut de salarié. Alors, en plaçant ce projet de loi là sur la table présentement, il nous amène à ce genre de débat là par rapport aux relations de travail mais particulièrement aussi, je pourrais dire, les luttes et les débats que nous avons eus depuis les 30 dernières années au Québec.

Et je le vois dans les centres à la petite enfance d'une part, mais les trois types que nous avons présentement dans le réseau des services de garde au Québec: soit celui en installation, soit celui en milieu familial et soit celui à but lucratif, les services de garde à but lucratif... Évidemment, il n'est pas facile non plus de trouver, je pourrais dire, que les relations soient harmonieuses au niveau de ces trois types de services de garde au Québec. Et il a fallu, je pourrais dire, beaucoup de discussions et beaucoup d'éléments, je pourrais dire, préparatoires à vouloir faire asseoir ces gens-là ensemble, d'une part, mais à aussi s'assurer que l'objectif principal est d'avoir un service de qualité. Et j'entends souvent la ministre parler de services de qualité et je vais dans son sens, dans le sens que c'est important d'avoir des services de qualité au Québec, mais c'est important aussi de s'assurer autant de la santé et de la sécurité des enfants dans ce milieu-là mais aussi au niveau des conditions de travail de nos éducateurs, de nos éducatrices et des travailleuses, travailleuses dans le milieu des services de garde au Québec.

Alors, évidemment, quand on se retrouve en installation en milieu familial et à but lucratif... nous sommes partis au Québec avec trois types de services de garde qui n'étaient pas nécessairement tous au même diapason, je pourrais dire, pour entreprendre toute cette politique de services de garde au Québec, et la politique familiale qui... sous-jacente aussi toute cette politique des services de garde au Québec. Alors, si on se retrouve avec trois types, évidemment, on a des conditions de travail parfois différentes dans ces trois types qui sont là. J'ai souvent entendu les travailleuses en milieu familial particulièrement qui disaient qu'elles avaient des conditions de travail qui avaient à être améliorées. Et puis évidemment, quand je les ai entendues ici en commission nous dire que, bon, elles sont en accord avec le projet de loi... ce n'est pas nécessairement toutes les travailleuses, c'est souvent des associations, il faut faire la différence aussi. Et les associations représentent combien de travailleurs et travailleuses? Il faut aussi se la poser cette question-là avant d'assujettir un projet de loi puis de statuer que ce seront des travailleuses autonomes. Je pense qu'il y a encore beaucoup d'écoute...

Souvenons-nous aussi comment s'est fait... quand le projet de loi a été déposé, souvenons-nous aussi que par chance que mon collègue le député de Joliette a demandé aussi dans le processus de tous les centres à la petite enfance ? qui n'est pas sur ce projet de loi là nécessairement ? mais qu'il y ait des consultations, qu'on puisse entendre les gens du milieu parce qu'on est en train de faire un grand bouleversement dans tout le milieu des services de garde au Québec. Et ce projet de loi là vient, à travers tout ça, vient nous dire aujourd'hui, vient statuer aujourd'hui qu'ils seront, qu'ils sont des travailleurs, des travailleuses autonomes particulièrement ? parce qu'il y a beaucoup de femmes. Rappelons-nous qu'il y a beaucoup de femmes, beaucoup de femmes dans ce milieu-là. Mais comment le projet de loi va être capable de répondre s'ils ne sont pas... elles n'ont pas le droit à la syndicalisation, qu'on décrète aujourd'hui qu'ils ne pourront pas se syndiquer tel quel? Qu'ils le décident ou ne le décident pas qu'ils aient le goût de syndiquer, c'est une autre chose, mais que, par ce projet de loi, on leur enlève le droit à la syndicalisation, là, il y a tout un pan qui est pour moi assez large au niveau de la compréhension puis au niveau de la suite des choses, dans l'ensemble des luttes que nous avons au Québec.

Les éducatrices en milieu familial, d'une part, bon, ils nous disent qu'ils travaillent plus de 60 heures par semaine; elles ne peuvent ni s'absenter ni se faire remplacer, à moins d'un cas d'extrême urgence; il n'y a aucun revenu pour les jours fériés, pour leurs vacances annuelles, pour leur absence en cas de maternité. Bon, ce sont tous des éléments... un régime de retraite; elles n'ont pas accès aux lois sociales, telles l'assurance emploi, l'équité salariale. Alors, qu'on vienne me dire aujourd'hui que le projet de loi n° 8 va statuer... que, bon, avec la ministre, qu'ils vont s'entendre, qu'il va y avoir des ententes entre les deux puis que les conditions de travail vont être améliorées comme ça... Moi, j'ai quand même eu la responsabilité de ce ministère-là, et pendant plusieurs années. Ce n'est pas évident nécessairement de faire améliorer tous... les trois types nécessairement de services de garde et s'assurer qu'on puisse évoluer dans les conditions de travail.

Alors, évidemment, moi, il y a plusieurs éléments qui sont en pan. Je rappelais l'assurance parentale, ça fait partie de la politique familiale où on a essayé de parler de travailleurs autonomes, de retrait préventif, de droit parental, droit du père, droit de la mère, le nombre de semaines, les prestations, alors des éléments absolument qui sont... Que chacun de ces éléments-là, il y a eu des discussions en commission, il y a des discussions sur les mesures à prendre ou comment on doit adopter les choses, sur quoi qu'on va décréter les solutions. Alors, évidemment, quand je vois un projet de loi avec quatre articles comme ça, vous me voyez... puis qui introduit un précédent ? de retirer le droit à la syndicalisation ? il est pour moi inconcevable et d'autant plus très inconfortable de pouvoir ne pas entendre M. Bernier qui pourrait nous éclaircir davantage sur l'ensemble de la relation d'emploi telle quelle.

n(11 h 30)n

La Présidente (Mme Charlebois): Merci, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Est-ce qu'il y aurait d'autres membres de la commission qui souhaiteraient intervenir? M. le député des Îles-de-la-Madeleine, allez-y.

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme la Présidente. À mon tour, je veux intervenir justement sur la proposition du député de Joliette. Je trouve que c'est une proposition qui est tout à fait pertinente et j'espère même que les gens d'en face vont nous appuyer dans cette proposition, puisque, malgré des consultations préliminaires qui ont été menées, malgré toutes sortes de consultations et d'opinions et malgré tous les avertissements, Mme la Présidente, qui ont été servis en regard du geste, du précédent que va créer ce projet de loi, malgré sa... comme le disait ma collègue, malgré le fait qu'il n'ait que quatre articles, malgré cela, le gouvernement veut aller de l'avant, semble vouloir aller de l'avant avec ce projet de loi. Et je pense qu'il serait tout à fait souhaitable, tout à fait pertinent que nous ayons ici avec nous, avant d'aller plus loin dans l'étude article par article, le professeur Bernier, qui est un spécialiste éminent, qui est un grand chercheur et qui s'est penché longuement, à la demande justement d'un de nos anciens collègues qui n'est plus avec nous ? on peut le nommer ? M. Rochon, alors qu'il était ministre responsable du Travail, et qui s'est penché justement sur la réalité que vivent ces travailleurs atypiques, ces travailleurs non conventionnels, si on veut, et leur réalité.

Alors, je pense que les éclairages ou le fait que nous puissions interroger et questionner M. Bernier pourraient peut-être permettre justement non seulement d'en savoir plus sur cette réalité, mais aussi de voir comment on pourrait peut-être éviter de, par ce projet de loi, créer des précédents, poser des gestes qui pourraient avoir pour effet justement de nier des droits, de donner des exemples, de bouleverser complètement finalement le secteur du travail avec tous les moyens, tous les outils qu'on a et qu'on s'est donnés au Québec pour faire en sorte de policer un peu ce secteur-là et de faire en sorte que le Québec, et ses entreprises, et ses travailleurs est plus productif. Et je pense qu'il y a là, là, des dangers très réels par le fait qu'on aille de l'avant avec le projet de loi n° 8.

Le professeur Bernier s'est penché très longuement sur le besoin justement... les besoins de protection sociale de ces personnes qui ont un statut particulier, qu'on appelle les travailleurs atypiques. Alors, c'est sûr que c'est une réalité qui est de plus en plus, je dirais, présente au Québec. Il y a de plus en plus de travailleurs, on parle un tiers, un travailleur sur trois, au Québec, qui est considéré comme un travailleur atypique, autonome. Et il est, et je ne veux pas... Mais, je l'ai dit déjà précédemment, Mme la Présidente, mais toutes les formations politiques au Québec se sont engagées à regarder, à améliorer la situation et la protection sociale de ces travailleurs, c'est extrêmement important. Alors, avec ces propositions qui sont tout à fait nombreuses, qu'on retrouve dans son rapport, le professeur Bernier nous donne des pistes, suggère des façons de protéger, d'améliorer la protection de ces travailleurs.

Or, ce qui se passe avec le projet de loi n° 8, Mme la Présidente, ce pourquoi on aurait besoin des éclairages et peut-être de revenir, d'insister pour amener la ministre et le gouvernement justement à modifier cette approche, cette volonté en regard de leur position qui concerne essentiellement des droits qui sont déjà reconnus par les tribunaux... Alors, si au moins, dans ce projet de loi, on était en mesure, de par cette position très nette ? un carré, là, où, par quatre articles, on dit que, de façon déclaratoire, ces travailleurs-là, malgré des jugements, malgré tout, ne sont pas reconnus comme des salariés au Code du travail ? si, au moins, on était en mesure de voir dans les intentions de ce gouvernement ce qu'il propose comme amélioration, ce qu'il suggère comme piste pour faire en sorte que ces travailleurs, dont on a décrit abondamment, dans cette commission, la réalité... la situation serait améliorée. Alors, il n'y a pas de contrepartie, il n'y a pas d'indication, il n'y a pas de lumière sur l'amélioration des conditions de travail, mais, par contre, là, on leur enlève des droits qui sont reconnus par les tribunaux.

Alors, Mme la Présidente, j'espère que les gens ne s'étonnent pas d'entendre le député des Îles-de-la-Madeleine intervenir, à matin, dans cette commission comme responsable, comme critique de l'opposition en matière de travail. Il était tout à fait impérieux, et j'ai jugé pour moi un devoir sacré que de venir devant cette commission ce matin, et c'est pour ça que je viens en soutien à cette proposition de mon collègue le député de Joliette. Écoutez, on s'est donné au Québec un Code de travail, des outils, et il est tout à fait normal que ce secteur, ce monde du travail soit préoccupé par ces projets de loi. D'ailleurs, on n'est pas les seuls à en parler, dans les tribunaux... dans les journaux, actuellement, il y a toute une série d'articles qui paraissent et qui se portent, je dirais, à la défense de ces travailleurs.

Alors, je plaide, oui, pour qu'on reçoive M. Bernier avant d'aller plus loin. C'est notre responsabilité comme parlementaires parce que ce projet de loi, si on va plus loin, la façon dont il est libellé actuellement va avoir des conséquences très graves, va amener des bouleversements majeurs dans le secteur du travail québécois. Il y a des inquiétudes tout à fait légitimes chez ces travailleurs, mais aussi chez des travailleurs qui se disent: Bon, bien, si le gouvernement lui-même donne cet exemple, cette façon de procéder pour éviter, pour contourner, ça veut dire qu'on peut... certains groupes patronaux pourraient éventuellement demander au gouvernement d'adopter des lois pour faire en sorte de changer le statut de travailleurs. Ça peut aller loin, Mme la Présidente.

Le gouvernement, donc, donne le mauvais exemple, et je pense que tout projet de loi, tout projet de loi présenté devant l'Assemblée nationale doit obligatoirement avoir, d'un côté, des assurances en ce qu'on fait avancer la société québécoise, on ne peut pas... Avec ce projet de loi, tout ce qu'on fait, là, on vient nier des droits à des travailleurs reconnus par des tribunaux. À moins que nos tribunaux ne soient pas bons, à moins qu'il faille changer tout ce que c'est qu'on a comme Code du travail, puis comme tribunal, puis comme outils, il faut absolument respecter ces jugements-là. C'est un très mauvais exemple. Et je pense que tout projet de loi doit amener de l'amélioration, et ce n'est pas le cas avec le projet de loi n° 8. Tout ce qu'il vient faire, c'est nier des droits reconnus par des tribunaux. Alors, Mme la Présidente, j'espère que les gens qui sont avec nous ce matin dans cette commission vont se joindre à nous, et appuyer, et supporter cette proposition amenée par le député de Joliette qui est une proposition, d'ailleurs, qu'il a expliquée, explicitée et qu'il a, je pense, de par son intervention, très bien amené la légitimité et la pertinence comme proposition, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur.... Si vous voulez, allez-y, Mme la ministre.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: Merci, Mme la Présidente. J'aimerais revenir un peu sur certains points soulevés par nos collègues d'en face sur le projet de loi et différentes affirmations, en fait, qu'ils ont faites au cours de leur présentation.

Dans un premier temps, j'aimerais rappeler au député des Îles-de-la-Madeleine, au sujet du jugement Handman, nous sommes en révision judiciaire présentement. Alors, c'est évidemment délicat de le commenter, sauf que cette révision judiciaire est la suite d'un processus initié par votre gouvernement...

Une voix: ...

Mme Théberge: Oui, oui, oui. Alors, je trouve un peu tordu que vous nous reprochiez aujourd'hui de suivre votre chemin.

Ensuite, le projet de loi dont on parle ce matin est là pour confirmer un statut de travailleur autonome à des prestataires de services, et je vous rappellerai deux choses. Dans un premier temps, vous parliez tout à l'heure de la représentativité de certains groupes, je vous rappellerai qu'il y a une pétition de plus de 9 000 signatures qui avait été déposée à l'Assemblée nationale demandant au gouvernement de s'engager dans un véritable, et je cite, «processus de négociation afin d'améliorer le sort des responsables des services de garde en milieu familial». Et ça, Mme la Présidente, ça n'a pas été déposé la semaine dernière, ça a été déposé en octobre 2002. Même la CSQ, à ce moment-là, déplorait le fait qu'aucune véritable structure de négociation n'avait été mise en place pour régler le dossier...

Des voix: ...

n(11 h 40)n

La Présidente (Mme Charlebois): Excusez-moi juste un moment, Mme la ministre, je rappellerais aux membres de cette commission qu'on a demandé un petit peu de discipline il y a quelques minutes, et je m'attends à ce qu'il y ait une certaine...

Des voix: ...

La Présidente (Mme Charlebois): S'il vous plaît! Je m'attends à ce qu'il y ait une certaine collaboration et qu'on puisse entendre les intervenants, s'il vous plaît. Continuez, Mme la ministre.

M. Williams: ...Mme la Présidente, j'entends encore rien, là. S'il vous plaît. Merci.

Mme Théberge: Alors, merci. Alors, je répète, je disais qu'à ce moment-là, en octobre 2002, même la CSQ déplorait le fait qu'aucune véritable structure de négociation n'avait été mise en place pour régler le dossier malgré les demandes pressantes.

Je peux comprendre l'interrogation du député de Joliette pour la suite des choses quand on voit et qu'on constate de quelle façon eux-mêmes ont traité ces responsables dans les dernières années. On nous a dit, lors des consultations de septembre... À plusieurs reprises, l'Association, entre autres, qui représente une partie, une bonne partie des responsables de services de garde, l'Association des éducateurs, éducatrices en milieu familial du Québec, nous disait combien, enfin, elles étaient heureuses de pouvoir nous parler, combien, enfin, elles étaient heureuses de pouvoir nous rencontrer. Et je vous rappellerai que cette consultation-là était la quatrième ou la cinquième fois, en fait, qu'on rencontrait ce regroupement, et combien elles étaient heureuses de le faire parce que, enfin, le gouvernement allait les écouter, les entendre. Et alors, je peux comprendre lorsque le député de Joliette dit comment, nous, on va faire la suite des choses, c'est quelque chose qu'ils n'ont pas fait. Et, lorsque nous, on s'engage à écouter, on ne fera pas que reporter, et reporter, et pelleter en avant, selon l'expression populaire, des ententes, des changements qui pourraient faire en sorte que les conditions de travail de ces responsables-là soient grandement améliorées.

Lorsqu'on parle également au niveau du droit de syndicalisation ou non, je veux juste vous rappeler, en fait, qu'on n'empêche absolument pas le droit de syndicalisation. Ça me surprend parce qu'on vous l'a dit en consultation, en septembre, lors des rencontres, on reconnaît le droit d'association, le droit d'association est protégé. Et, on l'a même dit devant les représentants, si je me souviens bien, de la CSN, à ce moment-là, ou de la CSQ ? j'avoue que j'ai un blanc ? nous l'avons confirmé, que ce pourrait être un syndicat, il y en a déjà. Alors, c'est pour ça que je pense que vous déviez un peu le débat, ce matin, en l'amenant uniquement sur oui ou non, les syndicats. C'est tout à fait autre chose, c'est le statut de prestataires de services et les conditions d'amélioration de travail de ces gens-là, en étroite collaboration avec, en fait, nous, le gouvernement et le ministère.

Vous avez parlé également de révision des services de garde. Je vous dirai que l'exercice qu'on est en train de faire en parallèle de ce projet de loi... qu'on a fait, en fait, est très instructif. Et je le dis souvent parce que, après six ans, presque sept ans de mise en place d'un service de garde, nous avons encore une fois écouté, entendu, reçu plusieurs commentaires, plusieurs groupes et pour voir, dans un premier temps, combien ce service est devenu, en fait, nécessaire dans plusieurs régions... dans toutes les régions du Québec où il peut être implanté et, en même temps, comment il est peu accessible et pas assez accessible dans d'autres régions; également, combien ce service-là peut aussi avoir plusieurs irritants. Alors, tout ce processus-là de révision va nous servir évidemment à les évaluer comme il faut et à trouver des solutions pour en diminuer l'impact.

Et, je vous dirais, vous parliez de qualité par rapport aux responsables des services de garde en milieu familial et vous l'avez même dit, dans une autre des consultations en rapport avec ce projet-là, que la qualité dépendait beaucoup du bien-être des gens qui le donnent, qui le prodiguent. Et, dans le cas des responsables de services de garde en milieu familial, c'est un élément qui est revenu dans les discussions que, pour eux, c'était important, et c'est pour ça que l'attitude du député de Joliette, lorsqu'il parle de leur volonté, de leur représentation à faire en sorte qu'on reconnaisse ce statut-là, son attitude à peut-être pousser ça de côté en le diminuant ? honnêtement, je pense que c'est ça que j'entends, moi, en tout cas ? je trouve ça un petit peu... Pas un petit peu, je trouve ça très déplorable.

Et, en conclusion, j'aimerais vous dire que le fait de reconnaître ou non le statut de travailleur autonome, en fait, ce fait-là a été mis en évidence par votre gouvernement, par la ministre qui m'a précédée à ce poste en disant, et je cite... En fait, c'était dans le contexte des régimes de retraite des travailleuses en services de garde. Alors, le 28 novembre 2002, elle avait elle-même exclu les travailleuses en milieu familial de sa loi affirmant qu'elles avaient un statut particulier de travailleur autonome, et je cite: «L'exclusion spécifique de la RSG, responsable de services de garde, c'est-à-dire la dame qui garde en milieu familial, et de la personne à son emploi vise à respecter le statut de travailleur autonome.» Alors, voyez-vous? Il y a comme deux poids, deux mesures dans vos... En tout cas, des oublis, volontaires ou non, de certaines déclarations, de certaines positions que vous aviez prises.

Et également, dans le cas de M. Bernier, dont vous avez parlé abondamment dans les dernières minutes, je voudrais aussi vous dire que, lors des consultations, de nombreux intervenants ont été entendus, de nombreuses personnes dont vous avez... la liste ont été entendues, et vous n'aviez, en fait, qu'à déposer le nom de M. Bernier à ce moment-là, puis on l'aurait entendu. Alors, vous n'en avez pas fait mention à ce moment-là. Alors, vous avez eu l'occasion de le faire, et ça n'a pas été fait. Alors, ce sont mes commentaires pour l'instant, Mme la Présidente.

Mise aux voix

La Présidente (Mme Charlebois): Merci, Mme la ministre. Est-ce qu'il y aurait d'autres interventions sur cette motion? Alors, ça va aller. Est-ce que la motion est adoptée?

Une voix: ...vote par appel nominal.

La Présidente (Mme Charlebois): D'accord. Alors, Mme la secrétaire.

La Secrétaire: Alors, M. Valois (Joliette)? Est-ce que vous êtes pour ou contre?

M. Valois: Pour.

La Secrétaire: M. Bouchard (Vachon)?

M. Bouchard (Vachon): Pour.

La Secrétaire: Mme Léger (Pointe-aux-Trembles)?

Mme Léger: Pour.

La Secrétaire: M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine)?

M. Arseneau: Pour

La Secrétaire: Mme la ministre, Mme Théberge (Lévis)?

Mme Théberge: Contre.

La Secrétaire: M. Bertrand (Rouyn-Noranda? Témiscamingue)?

M. Bernard: M. Bernard, contre.

La Secrétaire: Pardon, oui.

M. Bernard: Ce n'est pas grave, je...

Une voix: Ça fait deux votes, deux contre.

La Secrétaire: M. Auclair (Vimont)?

M. Auclair: Contre.

La Secrétaire: Après ça, Mme L'Écuyer (Pontiac)?

Mme L'Écuyer: Contre.

La Secrétaire: M. Williams (Nelligan)?

M. Williams: Contre.

La Secrétaire: M. Bachand (Arthabaska)?

M. Bachand: Contre.

La Secrétaire: Mme Charlebois (Soulanges)?

La Présidente (Mme Charlebois): Contre. Alors, la motion est rejetée: 7 voix contre 4.

Maintenant, est-ce qu'il y aurait d'autres motions préliminaires?

M. Bouchard (Vachon): Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charlebois): Oui, M. le député de Vachon.

Motion proposant d'entendre le Collectif
pour un Québec sans pauvreté

M. Bouchard (Vachon): Je propose:

«Qu'en vertu de l'article 244 de notre règlement la commission des affaires sociales tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 8, Loi modifiant la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde à l'enfance, des consultations particulières et entende le Collectif pour un Québec sans pauvreté.»

La Présidente (Mme Charlebois): La motion est donc... Je déclare la motion recevable. Est-ce que, M. le député de Vachon, vous voulez intervenir pour nous expliquer davantage...

M. Bouchard (Vachon): Oui, avec plaisir, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charlebois): Et vous avez 30 minutes.

M. Bouchard (Vachon): Je comprends que je dispose donc de 11 minutes avant la pause ou... À quelle heure finissons-nous?

Une voix: ...

M. Bouchard (Vachon): Midi et demi, parfait. Très bien. Alors, voilà.

Une voix: ...

M. Bouchard (Vachon): Pardon?

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Charlebois): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Vachon.

M. Camil Bouchard

M. Bouchard (Vachon): Alors, Mme la Présidente, les estomacs parlent. Je suis intéressé, Mme la Présidente, et nous sommes intéressés à recevoir le Collectif pour un Québec sans pauvreté. Peut-être serait-il bon de rappeler aux membres de cette commission que, depuis décembre 2002, il y a au Québec une loi, la loi n° 112, loi pour... C'est une loi-cadre pour l'élimination de la pauvreté et de l'exclusion sociale. Cette loi, M. le Président, prévoit, à son article 20, que tout projet de loi gouvernemental qui pourrait avoir un impact négatif sur les conditions de vie, sur la qualité de vie et sur le revenu des personnes à faibles revenus... cette loi prévoit qu'on devrait en étudier les impacts. Alors, je rappelle que c'est en fonction, donc, de l'article 20 de la loi n° 112 que je trouverais un premier intérêt à ce que cette commission entende le Collectif pour un Québec sans pauvreté, l'article 20 faisant obligation au ministre qui dépose de nouvelles lois ou de nouveaux règlements... faisant obligation qu'il produise des études d'impact sur ces lois ou nouveaux règlements qui seraient mis en vigueur.

n(11 h 50)n

Or, M. le Président, depuis le début de cette Trente-septième Législature, nous avons bien vu que ce gouvernement n'avait pas encore acquis le réflexe d'invoquer la loi n° 112 et son article 20 et de procéder à des études d'impact sur les nouvelles lois et nouveaux règlements qu'il entend adopter. J'en ai, par exemple, pour preuve le budget qui a été adopté lors de la première session de cette Trente-septième Législature, nous avons demandé en vain que le gouvernement produise des études d'impact de ce nouveau budget adopté sous la forme d'une loi, bien sûr, et la réponse a toujours été négative. Dans d'autres circonstances, nous avons aussi demandé au gouvernement qu'il produise des études d'impact, et, à chaque fois, le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille n'avait rien à dire sur les impacts possibles des lois ou des règlements en question à partir de la loi n° 112 et de l'article 20.

Or, le Collectif pour un Québec sans pauvreté... De fait, M. le Président, cette organisation a changé son nom récemment, il s'agit du Collectif pour l'adoption d'une loi sur l'élimination de la pauvreté, au point de départ, et de l'exclusion sociale. Donc, ce Collectif est très au fait de la vie, des conditions de vie, des conditions de travail des personnes à bas revenus. Et ce Collectif se préoccupe de suivre à la trace les applications que peut faire le gouvernement de la loi n° 112, et notamment de l'article 20 concernant les impacts.

Pourquoi inviter le Collectif dans ces circonstances? Bien, c'est tout simplement parce que les femmes dont nous parlons et qui sont responsables des services de garde en très grande majorité déclarent un revenu moyen annuel de 13 700 $ ou à peu près selon les chiffres dont nous disposons. Selon la Centrale des syndicats nationaux, le salaire horaire d'un responsable de service de garde en milieu familial oscillerait entre 4 $ à 5 $. Une recherche qui a été menée, de fait, par la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance et qui s'intitule Gagner sa vie comme responsable d'un service de garde aboutissait à ce résultat à l'effet que le revenu moyen brut était autour de 13 700 $.

Alors, nous avons donc affaire à une population de travailleurs ou de travailleuses en très grande majorité vulnérables, de travailleurs et de travailleuses à bas revenus, et jamais nous n'avons, M. le Président, entrepris des discussions autour de cet objet. Est-ce que les dispositions de la loi n° 8 vont à l'encontre ou non des dispositions de la loi n° 112? Quelle sorte de cohérence peut-on trouver entre le projet de loi qui nous est soumis et le projet de loi qui a été adopté ? je vous le rappelle, M. le Président, et vous y étiez, alors que je n'y étais pas ? qui a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale au mois de décembre 2002?

Il se pourrait... J'aimerais beaucoup, M. le Président, que cette commission puisse interroger les représentants du Collectif pour un Québec sans pauvreté sur l'analyse qu'ils font des impacts possibles du projet de loi n° 8 sur les conditions d'exercice, mais aussi sur le revenu des personnes qui sont responsables des services de garde en milieu familial. En quoi la fermeture à la syndicalisation...

Et, M. le Président, j'aimerais profiter de l'occasion, ici, pour faire un aparté. Mme la ministre disait tout à l'heure que, en aucune façon, le projet de loi n° 8 n'empêchait la syndicalisation. Bien, elle est en porte-à-faux avec son collègue et patron, le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, qui déclarait, le 18 juin 2003, et je cite: «Oui, nous fermons la porte à la syndicalisation.» Alors, si, M. le Président, les membres de cette commission veulent une copie de cette déclaration du ministre, ce serait peut-être intéressant qu'elle circule.

Alors, pour revenir à l'objet...

Le Président (M. Copeman): Est-ce que vous souhaitez que ce document soit déposé? Est-ce que c'est ça...

M. Bouchard (Vachon): Si les gens le souhaitent, oui, très certainement. Oui, pas de problème.

Le Président (M. Copeman): Je vais le regarder. Comme vous le savez, par nos règlements, c'est le président qui décide.

M. Bouchard (Vachon): Oui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Mais je vais le prendre en délibéré.

M. Bouchard (Vachon): Bonne délibération, M. le Président.

M. le Président, pour en revenir à l'objet de mon intervention plus précisément... Mais je tenais à commenter cette affirmation de la ministre parce que franchement, là, il y a quelque chose, on ne s'entend pas sur la prémisse, hein? Et, si la ministre continue à prétendre que son projet de loi ne ferme pas la porte à la syndicalisation, si la ministre déléguée continue à prétendre ça, alors que le ministre responsable dit qu'on ferme la porte à la syndicalisation, il y a une erreur d'interprétation quelque part dans le système, et on pourrait peut-être, du côté gouvernemental, avoir des petites conversations qui aboutissent à plus de cohérence dans les déclarations.

Ceci étant dit, ceci étant dit, comment ce projet de loi peut-il contribuer à prévenir la pauvreté? Comment la fermeture ou la négation du droit à la syndicalisation, comment cette négation peut-elle favoriser la lutte à la pauvreté? Par quelle, par quelle logique peut-on aboutir à la conclusion... Et c'est la question que j'aimerais poser au Collectif: comment pourrait-on arriver à la conclusion que ce projet de loi est en accord avec le projet de loi n° 112 voté par l'unanimité à l'Assemblée nationale, est en accord avec la lutte à la pauvreté? Quelles sont les données dont nous disposons, M. le Président, et qui nous permettent de prétendre que, pour un même emploi, pour l'exercice des mêmes activités, la syndicalisation... ou la fermeture à la syndicalisation plutôt, M. le Président, la négation du droit à la syndicalisation viendrait favoriser la lutte à la pauvreté? Comment peut-on, en toute logique, invoquer... Comment pourrait-on invoquer un tel argument devant le Collectif pour un Québec sans pauvreté?

M. le Président, il n'y a pas seulement des considérations de revenu sur lesquelles on pourrait débattre avec les représentants du Collectif, il y a aussi des considérations qui concernent directement l'esprit même de la loi. La loi est inspirée d'un certain nombre de principes ? la loi n° 112 ? et d'un certain nombre de... elle envisage un certain nombre de buts. Mais, lorsqu'on examine l'article 6 de la loi n° 112, on voit bien que, quelque part, le législateur a voulu signifier par la loi n° 112 qu'il comptait sur tous les partenaires, tous les partenaires du développement économique et social du Québec, pour arriver à faire une lutte efficace à la pauvreté.

Alors, je cite l'article 6, paragraphe 4°: Afin d'atteindre les buts poursuivis par la stratégie nationale, les actions menées par l'ensemble de la collectivité et par le gouvernement, dans la mesure prévue par la loi qu'il détermine... Le législateur détermine cinq orientations, dont celle de «favoriser l'engagement de l'ensemble de la société».

n(12 heures)n

La question que j'aimerais poser au Collectif, c'est: Comment ce projet de loi qui refuse ou qui nie le droit à la syndicalisation vient-elle... Comment ce projet de loi vient-il favoriser l'engagement de l'ensemble de la société dans une lutte commune contre la pauvreté? Est-ce que c'est en niant le droit à la syndicalisation, donc en affrontant directement les syndicats, qu'on arrive à créer une solidarité, une consolidation de nos solidarités autour de la lutte à la pauvreté? Est-ce que le Collectif, en tant qu'observateur attentif de l'application de la loi, pourrait venir exprimer son opinion quant à l'article... quant à la loi n° 9 et concernant la cohérence de ce projet de loi n° 9 en vertu de... de la loi n° 8 ? on pourrait dire la loi n° 9 aussi ? mais en vertu de l'article 6 et du paragraphe 4° de la loi n° 112?

En quoi le projet de loi respecte-t-il la première orientation du projet de loi n° 112, c'est-à-dire prévenir la pauvreté en favorisant le développement du potentiel des personnes? Comment le projet de loi vient-il, d'une part, prévenir la pauvreté en matière de revenu... Et là je faisais remarquer tout à l'heure, M. le Président, à la ministre déléguée qu'il n'y avait pas de disposition particulière qui nous indiquait qu'il y aurait... qui nous indiquait, à l'intérieur même du libellé du projet de loi, des conditions qui feraient que, éventuellement, la qualité de vie des travailleurs en serait améliorée ainsi que leurs revenus. Alors, comment ce projet de loi rencontre-t-il les exigences de la loi n° 112 au niveau de la prévention de la pauvreté? Mais aussi comment favorise-t-il le développement du potentiel des personnes?

Par exemple, nous avons souvent entendu, durant cette commission parlementaire, l'expression d'une idée fondamentale en ce qui concerne l'amélioration de la qualité des services, c'est-à-dire la nécessité d'une meilleure formation, et je cite de mémoire la position, à cet effet, du Regroupement des services de garde en milieu privé qui revendiquait, à grands cris, la possibilité de meilleurs programmes de formation de telle sorte que les environnements offerts aux enfants soient de meilleure qualité.

Mais il y a plus que ça dans la loi n° 112. Dans la loi n° 112, on parle du développement des personnes parce qu'on pense que, lorsqu'on adopte une loi au gouvernement, on devrait constamment se préoccuper du développement du potentiel des personnes qui sont concernées par la loi. En quoi le projet vient-il renforcer cette disposition première de l'article 6 de la loi n° 112? J'aimerais beaucoup entendre le Collectif sur la pauvreté se prononcer là-dessus. Et le Collectif dit ceci, dans son avant-projet qu'il avait étudié avec plus de 2 000 organismes et qui avait été de fait, à l'époque, vous en souviendrez, un exercice de pédagogie populaire absolument fantastique, le Collectif disait: «Ce qu'on doit exiger d'une lutte à la pauvreté, c'est que le gouvernement soit cohérent dans toutes ses actions.» Et ce souhait du Collectif a été rencontré grâce à vos soins.

Grâce aux soins de tous les parlementaires de l'époque, ce souhait a été rencontré à l'article 5... au paragraphe 5° de l'article 6 de la loi n° 112, où on dit qu'une des orientations de la lutte, c'est qu'elle doit s'appuyer sur le fait d'«assurer, à tous les niveaux, la constance et la cohérence des actions». En quoi le projet de loi n° 8 vient-il rencontrer le paragraphe 5° de l'article 6 de la loi n° 112, M. le Président? Il faut bien... Par exemple, est-ce qu'on n'établira pas, à partir de ce projet de loi ? et j'aimerais entendre le Collectif là-dessus ? est-ce qu'on ne viendra pas établir deux catégories de travailleuses en services de garde, une catégorie qui a droit à la syndicalisation et une catégorie qui n'a pas droit à la syndicalisation, une catégorie qui a droit à un relèvement de salaire qui est négocié avec des outils empruntés au Code du travail et une catégorie qui n'a pas droit à ce type d'outils pour représenter et pour défendre ses intérêts?

On va avoir, avec ce projet de loi, un groupe de personnes... on va créer de facto avec le projet de loi, j'en ai bien peur ? mais testons ça avec les gens du Collectif ? j'en fais une hypothèse sérieuse, on va peut-être créer, sans qu'on l'eût voulu, là, on va peut-être créer un groupe qui est discriminé en rapport avec l'autre, et un groupe à qui on refusera l'utilisation d'outils démocratiquement reconnus par le législateur et qui leur permettent d'améliorer leurs conditions de travail.

M. le Président, les ressources en services de garde en milieu familial travaillent un minimum de 10 heures par jour, cinq jour par semaine, et c'est le lot de plusieurs travailleurs à très bas revenus qui n'arrivent pas à boucler leur budget familial. Beaucoup de ces travailleuses et de ces travailleurs ? mais en majorité des travailleuses ? en milieu familial ont des familles. Ils doivent subvenir aux besoins des membres de leur famille; ils doivent rencontrer, comme toutes et tous ici dans cette salle, des demandes de la part de leurs enfants, de la part de leurs membres de leur famille et en même temps ils doivent faire une vie de chauffeurs de taxi, de personnes qui n'ont pas pu négocier leurs conditions de travail et qui ne pourront pas plus après l'adoption de cette loi.

J'aimerais entendre le Collectif concernant cet aspect de la loi n° 8. Est-ce qu'on n'est pas en train de parler ici de dignité des personnes, de capacité de participer de plain-pied à l'exercice d'un droit fondamental qui est celui de syndicalisation? Est-ce qu'on n'est pas en train de parler de ça, M. le Président? Et, à travers vous, évidemment, j'interpelle la ministre déléguée.

En quoi le projet de loi, tel qu'il est formulé et tel qu'on en connaît les orientations, vient-il modifier substantiellement la capacité des travailleuses et des travailleurs dans les services de garde familiaux d'avoir accès à des congés, par exemple, de maladie, d'avoir accès à des congés parentaux? En quoi ce projet de loi vient-il substantiellement et explicitement, M. le Président, pas dans les paroles invoquées en dehors du projet de loi lui-même par la ministre, mais en quoi le projet vient-il s'accorder avec un plan d'action éventuel pour lutter contre la pauvreté? Est-ce que le projet de loi n° 8 est un premier morceau du plan d'action de lutte à la pauvreté, M. le Président? Est-ce que c'est le premier morceau qui tombe sur la table? Et, si ce l'était, est-ce que c'est un premier morceau qui viendrait ajouter à notre capacité de diminuer la pauvreté dans notre communauté? Est-ce que c'est ça? On ne peut pas y répondre, évidemment, parce qu'on n'a pas le plan d'action encore, mais on peut s'en inquiéter.

Alors, je réitère, M. le Président, je réitère devant vous, M. le Président, le souhait d'entendre le Collectif pour un Québec sans pauvreté parce que c'est, dans notre communauté, le regroupement dont l'expertise est la plus reconnue en matière de lutte contre la pauvreté. Vous le savez très bien, les parlementaires de l'époque s'en souviendront, les gouvernements ont tendance à oublier en cours de route la question de l'équité, la question de la redistribution des richesses et la question de la pauvreté pour d'autres priorités de circonstance.

Il aura fallu, M. le Président, qu'un groupe communautaire forme une coalition nationale à partir de 1995 et construise à partir de 1997, à partir d'un premier campement qui était installé en face du parlement, vous en souviendrez, à partir d'un premier campement en 1997, construise de toutes pièces, écrive de toutes pièces une loi pour l'élimination de la pauvreté et amorce, M. le Président, une mobilisation générale du Québec autour de cette loi-là pour que le gouvernement puisse éventuellement envisager l'écriture d'une telle loi et finalement l'adopter.

Il me semble que le minimum qu'on puisse, dans les circonstances, adopter comme attitude, c'est de rencontrer ces experts, qui ont fait l'analyse sur le terrain de comment les gens se débrouillent ou ne se débrouillent pas avec un salaire de 13 700 $ par année quand on leur enlève la possibilité de négocier leurs conditions de travail en reposant leur argumentation et leur action sur le Code du travail qui a été légitimement adopté par ce gouvernement il y a de ça plusieurs années.

n(12 h 10)n

Alors, M. le Président, pour ces raisons, j'invite les membres de cette commission à appuyer la motion à l'effet d'entendre le Collectif pour un Québec sans pauvreté avant que l'on étudie le projet de loi n° 8 dans le détail de ses articles. Merci, M. le Président.

Document déposé

Le Président (M. Copeman): Je vous remercie, M. le député. Le document est déposé, l'article de journal de La Presse, 18 juin. Alors, il est déposé. Est-ce qu'il y a...

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): On va faire des photocopies, oui. Oui, M. le député de Nelligan, oui.

M. Williams: Le député de Vachon a juste déposé un article de journal comme document?

Le Président (M. Copeman): C'est exact, M. le député. Vous allez recevoir copie dès que nos services de reprographie sont capables de vous l'envoyer.

M. Bouchard (Vachon): Ça va vous permettre de le lire.

M. Williams: Je l'ai déjà lu, là, mais...

Le Président (M. Copeman): Est-ce qu'il y a...

M. Williams: ...c'est une drôle de recherche, là, mais...

Le Président (M. Copeman): Oui. Le président n'a pas à apprécier la qualité du document, mais seulement sa recevabilité. Il est recevable.

Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre qui veut prendre la parole au niveau de la motion préliminaire du député de Vachon? Mme la ministre, oui. Alors, Mme la ministre déléguée.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: En fait, ça va être une intervention qui... en deux temps. Premièrement, au niveau du Collectif pour un Québec sans pauvreté, encore une fois, je rappelle aux collègues de l'opposition qu'ils auraient pu inclure le Collectif dans la liste des invités, et vous ne l'avez pas fait, alors... Et vous rappeler également que les syndicats sont membres du Collectif pour un Québec sans pauvreté, que les syndicats ont été entendus. Alors, certains des groupes aussi dans ces consultations-là, comme dans d'autres qu'on a eues, ont préféré se faire entendre par certains représentants de leur regroupement.

Ceci dit, également, je vous rappelle que dans le projet de loi n° 8 concernant le statut des responsables de services de garde en milieu familial, nous ne créons rien, nous n'enlevons rien, nous ne faisons que confirmer un statut qui était là bien avant. Alors, ça ? le statut de travailleur autonome ? il faut être conscient de ça et conscient également, par rapport aux clientèles vulnérables dont vous parlez, conscient que, dans nos actions, que ce soit dans les services de garde... Vous savez, si vous connaissez bien les services de garde, combien cette clientèle est protégée en fait de différentes façons par l'accessibilité, par des coûts et tout ça, également dans d'autres actions que notre gouvernement va faire dans les prochaines semaines, entre autres, sur son plan de lutte à la pauvreté.

Alors, nous sommes très conscients qu'il y a des clientèles, qui sont parfois beaucoup trop nombreuses, en fait, qui sont vulnérables par rapport à leurs revenus et à d'autres difficultés. Et des actions sont entreprises et seront entreprises pour aider ces gens-là. Et je veux vous rassurer là-dessus, nous en sommes bien conscients.

Également, je m'en voudrais... pas je m'en voudrais, mais je veux aussi peut-être vous dire que, dans la façon de présenter le projet de loi, vous occultez souvent la deuxième partie du discours quand on dit qu'on va travailler avec les gens pour améliorer leurs conditions de travail. Et on va le faire, on va le faire avec elles parce qu'on va les écouter et elles vont être devant nous. Alors, ça, c'est important.

Et peut-être aussi faire un petit résumé de la fiscalité sur le revenu disponible pour les responsables de services de garde en milieu familial. Vous n'êtes pas sans savoir que la rétribution de ces responsables est directement en fonction du nombre d'enfants gardés. D'une part, la rétribution d'une responsable se compose d'un montant quotidien par jour d'occupation, selon l'âge des enfants, et, selon les données 2002-2003, la subvention totale pour les frais de garde et d'éducation en milieu familial s'établissait à 355 millions pour 14,4 jours d'occupation. Vous aviez raison quand on dit que la responsable doit fournir un service de garde de 10 heures par jour, cinq jours semaine. Et le nombre de jours d'opération est de 238 jours; la moyenne, en fait, de travail. Par conséquent, lorsqu'on exclut les allocations supplémentaires qui sont données soit en rapport à des milieux défavorisés, enfants handicapés, etc., la rétribution quotidienne par enfant va se situer à 24,64 $. Et le revenu annuel d'une responsable qui garderait six enfants se situe à 35 186 $. Si on évalue... Par la suite, si on fait une autre équation selon les méthodes de dépenses d'opération, une partie du revenu de la responsable évidemment sert à assumer des dépenses d'opération. C'est donc dire... Et ces dépenses d'opération là sont évaluées en moyenne à 17 000 $ pour la garde de six enfants. J'arrondis les chiffres, là, c'est évident. Alors, c'est donc dire que le revenu net s'élèverait également à 17 000 $, quelque 17 700 $, avant impact fiscal.

Toutefois, l'ensemble des dépenses d'opération pourrait être aussi déduit au niveau fiscal. Alors, cette déduction représente un retour d'impôts qui est de 5 655 $. Elle fait en sorte que la responsable doit assumer l'impôt fédéral et provincial pour une somme de 2 216 $. Je ne veux pas, en fait, vous assommer avec tous les chiffres, mais je veux juste arriver au revenu de base: c'est que, par conséquent, le revenu disponible d'une responsable pour l'achat des biens et services non reliés à son travail est de 21 000 $ et que la rétribution d'une responsable, qui garde six enfants par jour durant 238 jours, est l'équivalent d'une éducatrice en installation qui gagnerait 11,62 $ de l'heure.

Si on fait le calcul selon la méthode des déboursés, c'est-à-dire selon l'hypothèse que la majorité des dépenses qui sont reliées à l'utilisation du domicile seraient assumées par la responsable et sa famille, peu importe l'existence ou non de services de garde ? parce que, évidemment, le service se donne à la maison ? le revenu disponible de la responsable serait de 27 142 $, donc une moyenne de 15,12 $ de l'heure et l'équivalent d'un salaire d'une éducatrice en installation également.

Alors, je ne vous dis pas que ces revenus ne mériteraient pas d'être augmentés, on sait exactement le but du projet de loi et de la suite des choses, comme j'appelle, pour créer et faire en sorte que les responsables des services de garde en milieu familial aient de meilleures conditions en tout pour accomplir le travail qui leur est demandé et auquel... en fait, un travail de qualité auquel elles aspirent également. Et que c'est le début, justement, les premiers pas de ce projet de loi là pour s'assurer que tous nos responsables en milieu de garde familial se sentent soutenus, appréciés, bien rémunérés, et dans des conditions souvent qui n'ont pas nécessairement affaire avec le volet financier de la chose, mais avec la diminution d'irritants, l'amélioration de l'écoute, l'amélioration de toutes sortes de conditions reliées aux conditions de travail. Et c'est le but, en fait, et la suite des choses qui seront faites par rapport à ce projet de loi n° 8 sur les responsables de services de garde en milieu familial, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la ministre déléguée. Avant de voir s'il y a d'autres interventions sur la motion préliminaire, je veux signaler la présence d'une importante délégation parlementaire de la Belgique, incluant quatre députés de la Communauté française de Belgique qui sont intéressés particulièrement dans les questions de la petite enfance. Alors, messieurs, vous êtes les bienvenus à une séance de la commission des affaires sociales. Bienvenue.

Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur la motion préliminaire du député de Vachon? M. le député de Joliette et porte-parole de l'opposition officielle en matière de famille et enfance, vous disposez, en tant que porte-parole, d'un maximum de 30 minutes d'intervention sur la motion.

M. Jonathan Valois

M. Valois: M. le Président, avant de débuter mon intervention, j'aimerais m'assurer, étant donné qu'on va sûrement lever la séance à midi trente, que j'aurai la vingtaine de minutes restantes lors de notre retour.

Le Président (M. Copeman): M. le député, oui, vous remarquez très correctement que je suis dans l'obligation d'ajourner les travaux de la commission à midi trente, sine die. Et on verra, selon l'ordre de la Chambre, dès la reprise de nos travaux, que vous allez être capable de poursuivre votre intervention si vous le désirez.

M. Valois: D'accord. En ce sens-là, merci, M. le Président, de me donner la parole. Mon intervention sur la motion apportée par le député de Vachon ira essentiellement dans le même sens que le député de Vachon est allé lui-même, hein, du sens où est-ce qu'il me semble que la présence ou la pertinence d'entendre le Collectif pour un Québec sans pauvreté avant de débuter l'ensemble, là, des considérations article par article va de soi.

n(12 h 20)n

Il arrive quelquefois, lorsqu'on rencontre des groupes, lorsqu'on parle à des intervenants, que différentes notions et différentes problématiques et réalités par rapport à un projet de loi émergent au fur et à mesure qu'on rencontre les groupes. Et, en ce sens-là, il est bien d'avoir l'article 244 de notre règlement qui nous donne la possibilité de pouvoir interpeller la commission des affaires sociales pour entendre des groupes qui n'ont pas été entendus dans un premier temps et de se reprendre dans un deuxième temps. Sinon pourquoi est-ce que cet article-là existerait? Alors, s'il existe, c'est parce que quelquefois, au fur et à mesure que les débats avancent, au fur et à mesure que les réflexions vont, on se rend compte qu'il y a peut-être d'autres éclairages qu'on n'a pas reçus, qu'on préférerait avoir avant d'aller de l'avant avec les travaux par rapport à un projet de loi, le projet de loi n° 8, qui est celui qu'on discute. Et il me semble que le Collectif pour un Québec sans pauvreté entre dans ces organismes qu'il serait très important de rencontrer avant qu'on fasse l'étude du projet de loi article par article.

Alors, pour une série de raisons, notamment parce que ce Collectif-là nous rappelle jour après jour qu'il y a une valeur fondamentale qui anime la société québécoise, et cette valeur-là, c'est essentiellement notre valeur de solidarité, une valeur de solidarité qui n'est pas une valeur qui... Il faut bien faire attention, là: la solidarité, ce n'est pas de la charité, O.K.; la solidarité, c'est bien de comprendre qu'il y a une richesse collective qui est générée au Québec et qu'elle doit être répartie, cette richesse-là, de façon à faire en sorte que chaque individu puisse, avec son potentiel qui lui est propre, participer au développement de la collectivité. Et c'est ça, essentiellement, les notions de développement et les notions de répartition de la richesse, qui n'ont rien à voir avec des notions de charité où, là, les personnes... et les oeuvres caritatives en sont pleines: J'ai beaucoup d'argent, je vais décider de façon charitable d'en donner une partie pour aider des gens les plus appauvris.

Il y a une relation très, très paternaliste entre les personnes qui ont de l'argent et les personnes qui n'en ont pas dans une relation de charité, alors que, dans une relation de solidarité, c'est de dire: Non, non, c'est que la richesse, elle est collective d'abord et avant tout. Le développement de la société québécoise doit se faire avec l'ensemble de ses membres et l'ensemble du potentiel de ses membres, donc des citoyennes, des citoyens qui y font partie. Et ça, c'est une valeur... ce n'est pas une valeur de charité, mais une valeur de solidarité qui s'est développée au Québec, et qui existe, et qui aura abouti sur ce projet de loi, le projet de loi n° 112, voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale lors des sessions précédentes.

On se retrouve aujourd'hui avec beaucoup de réflexions que nous devons faire sur la solidarité, sur cette valeur de solidarité, à savoir: Est-ce que ce projet de loi là entre dans cette réflexion, jour après jour, que nous avons sur la solidarité, sur cette idée de développement de l'ensemble de la société par l'addition des potentialités de chaque individu et cette grande réflexion que nous devons avoir aussi sur la répartition de la richesse?

Et la répartition de la richesse, Mme la Présidente, il y a plusieurs façons de voir les choses de ce côté-là. O.K. Le Collectif possède une réflexion que j'aimerais bien questionner sur cette idée de répartition de la richesse. Une des façons les plus simples qu'on a trouvée comme société, ça a été de s'organiser, sous forme d'associations de travailleurs appelées syndicats, pour faire en sorte que des gens qui exerçaient un métier puissent avoir une partie de cette richesse-là par le travail qui était exercé. Alors, c'est une répartition de la richesse par le travail exercé. Et c'est comme ça. Et lorsqu'on voit... Et les meilleurs... la meilleure façon de distribuer la richesse, bien souvent, c'est, oui ? j'y reviendrai plus tard, là ? par une intervention gouvernementale par rapport à des services publics collectifs universels qu'on se donne mais aussi par l'arrivée... et la syndicalisation des gens. C'est une des belles façons qu'on a de répartir la richesse, notamment pour les travailleurs, lorsqu'on se syndique.

Et, en ce sens-là, c'est ces réflexions-là qu'on doit avoir: Est-ce que ce projet de loi là contribue alors qu'il ferme la porte à la syndicalisation? On a un article là-dessus qui nous dit que c'est vraiment l'intention ministérielle. Est-ce que c'est ça, notre vision, nous, de répartition de la richesse alors qu'on se bloque ensemble d'un des outils, un des meilleurs outils de répartition de la richesse que nous avons, c'est-à-dire la possibilité et le droit à la syndicalisation?

Alors, en ce sens-là, il y a beaucoup de questionnements de ce côté-là, et sûrement que ça pourrait faire de bons débats avec le Collectif pour un Québec sans pauvreté, sûrement qu'il pourrait nous démontrer à quel point, oui, cette unité-là qui s'appelle le droit à la syndicalisation, cet élément-là est important, mais peut-être nous faire poindre aussi d'autres éléments qui sont tout aussi importants lorsqu'on pense à la répartition de la richesse.

Certaines personnes vont même d'ailleurs croire qu'il faut d'abord la créer, la richesse, si on veut la répartir, comme si ça se faisait en deux temps, ça, Mme la Présidente, comme si, d'un bord, on crée de la richesse puis, de l'autre bord, on la répartit. Ce n'est pas si simple que ça, hein. Il y a, à l'intérieur, chaque fois qu'il se crée de la richesse, le germe de sa répartition. Lorsque la richesse, elle est créée par une coopérative, elle est automatiquement redistribuée. Même chose pour l'économie sociale: on n'a pas à le faire en deux temps. Ça peut se faire à l'intérieur d'un même... un seul et unique souffle où la création et la répartition de la richesse vont de soi.

Mais il y a d'autres fois où c'est plus complexe, ça se fait vraiment en deux temps: il y a un entrepreneur privé qui arrive qui, lui, bon, génère une activité économique et il y a des travailleurs, de l'autre côté, qui passent bien souvent par la syndicalisation pour aller chercher une partie de cette richesse-là. Et ça, là, on sent vraiment que ça se fait beaucoup plus en deux temps.

Et là ce qui va se passer, c'est qu'il y a un droit qui est reconnu à tout le monde et qui a fait en sorte qu'on vit aujourd'hui dans les sociétés, à l'intérieur de... les sociétés solidaires à l'intérieur desquelles on vit, il y a un droit qui est celui du droit à la syndicalisation, qui est mis de côté pour des raisons essentiellement, et on le voit très bien à la lecture des interventions du ministre responsable, essentiellement pour des raisons monétaires, essentiellement pour des raisons monétaires et administratives.

Alors, on est en train de mettre de côté une valeur fondamentale qui est la valeur de solidarité, de mettre cette valeur-là, qui nous appartient, qui est très chère, la mettre de côté pour des raisons administratives et financières. Et ça, bien, il semble que ça mérite un bon débat, ça mérite une belle intervention du Collectif pour un Québec sans pauvreté.

Ce qu'il faut comprendre aussi par rapport à cette espèce de classe moyenne de laquelle on nous parle, la classe moyenne, là, comment pensez-vous que c'est arrivé au Québec, ça, comment pensez-vous que c'est arrivé en Occident, ces histoires-là de classe moyenne? C'est qu'un matin un propriétaire, là, s'est dit: Moi, là, je vais répartir ma richesse. Moi, je vais donner plus qu'il en faut à mes travailleurs sans qu'ils le demandent, là. Non, non, je vais en donner plus qu'il en faut, je trouve ça important. Moi, il me semble que j'en ai trop, il me semble que je veux répartir la richesse. Mais je me lève un matin puis je trouve que c'est important. Voyons! ça ne s'est pas fait comme ça, là. Ça s'est fait d'abord par des interventions de gens qui n'avaient rien à voir avec la classe moyenne, qui étaient des petits salariés qui ont décidé de se regrouper et, par la force de leur nombre, se sont, oui, à l'intérieur de lieux de travail, se sont donné une reconnaissance qui a fait en sorte qu'ils en ont pris une partie, de cette richesse-là de l'employeur.

Mais aussi ce qu'ils ont fait, ils n'ont pas arrêté là, ces regroupements-là ont décidé... avec la complicité de certains gouvernements progressistes, ils se sont donné ce qu'on appelle des services sociaux, ils se sont donné un système d'éducation gratuit ou universel ? il n'est pas gratuit, il est payé collectivement, là ? mais un système d'éducation universel, un système de santé et de services sociaux universel. Et, dernièrement, on s'est donné aussi un système d'intervention précoce à la petite enfance qui était universel aussi. Une gamme de services qui vont faire en sorte que ces gens-là, par un gouvernement qui est progressiste et qui intervient et qui met des structures sociales importantes, mais aussi par tout ce qui s'appelle des regroupements de travailleurs qu'on appelle communément les syndicats, ils se sont donné des mécanismes de répartition de la richesse, et ce qui fait en sorte qu'aujourd'hui, bien, il n'y a pas juste des riches puis il n'y a pas juste des pauvres, il n'y a pas juste ceux qui font de l'argent puis ceux qui aimeraient bien en avoir, mais il y a une espèce de classe moyenne qui bénéficie de tout ça.

Alors, il ne faut pas penser que les premiers amis de la classe moyenne actuelle, ce sont les gens de la droite, il ne faut pas penser que les premiers amis de la classe moyenne actuelle, ce sont les employeurs et propriétaires d'entreprises privées; au contraire, ceux qui ont collaboré à ce qu'on ait une classe sociale, une classe moyenne aujourd'hui et ceux qui, aujourd'hui, défendent ces gens-là, jour après jour, ce sont essentiellement les progressistes, ceux qu'on appelle des corporatistes dans la bouche des gens du gouvernement.

Alors, en ce sens-là...

La Présidente (Mme Charlebois): Permettez-moi, M. le député de Joliette, compte tenu de l'heure, permettez-moi d'ajourner les travaux sine die. Et vous pourrez continuer votre intervention à la reprise des travaux. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

 

(Reprise à 15 h 54)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission des affaires sociales poursuit ses travaux, après les avis donnés par la Chambre.

Je vous rappelle qu'on est toujours à l'étude détaillée du projet de loi n° 8. Nous étions à l'étape des motions préliminaires. Nous sommes sur la motion préliminaire du député de Vachon, et M. le député de Joliette avait la parole à l'ajournement des travaux. Et je vous avise, M. le député, qu'il vous reste 18 minutes dans votre temps de parole de 30 minutes. Alors, à vous la parole.

M. Valois: Merci, M. le Président. Je reprendrai la parole, tout en m'assurant, là, de bien comprendre là où j'en étais rendu.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Copeman): De façon générale, M. le député, c'est toujours une bonne idée.

M. Valois: Mais je pense que... je pense que, pour que tout le monde soit vraiment au même diapason, je...

Le Président (M. Copeman): Ah!

M. Valois: ...reprendrais une partie de l'essentiel, une espèce de résumé. Non, mais loin... mon but, là, n'est pas de reprendre mot à mot, là, mais juste pour comprendre que, sur la motion du député de Vachon, l'intervention que je faisais était à l'état de parler des valeurs qui étaient transmises par les actions gouvernementales.

Au-delà d'un paquet de considérations techniques, un projet de loi renvoie à une série de valeurs. Un projet de loi renvoie à une vision qu'on a d'un vivre- ensemble collectif, et elle se matérialise dans ces projets-là. Et c'est là-dessus que j'interpellais la ministre déléguée, c'est là-dessus que j'interpellais l'ensemble des membres, finalement, de cette commission, à bien vouloir recevoir le Collectif pour un Québec sans pauvreté, avant d'y aller de l'étude du projet de loi article par article.

Essentiellement, ce que je rappelais, c'est que, avec l'opportunité qu'on pourrait se donner ? les membres de la commission ? de recevoir le Collectif pour un Québec sans pauvreté, on pourrait avoir des débats justement sur cette espèce de... sur les valeurs de solidarité et de l'importance de la répartition de la richesse qui sont à l'intérieur, là, de chacun de nous comme Québécoises et comme Québécois. Et, essentiellement, on pourrait discuter, à savoir si ce projet de loi là contribue à bâtir nos solidarités, si ce projet de loi là contribue à faire d'une action qui doit être une action mais vraiment, là, sans réserve d'un gouvernement, c'est-à-dire une action de répartition de la richesse, et de s'assurer, lorsque je parle de solidarité, mais de s'assurer que l'ensemble des membres de la collectivité participent au développement de cette collectivité-là, avec son potentiel qui lui est propre.

Et, en ce sens-là, on pourrait se questionner par rapport au dépôt du projet de loi n° 8, savoir si cette loi-là va dans le sens d'un Québec plus solidaire, va dans un Québec où on répartit mieux la richesse. Et, pour revenir sur cette idée de répartition de la richesse, je parlais notamment d'un des outils que les sociétés occidentales se sont donnés à part le gouvernement, et c'était des unités syndicales, des unions de travailleurs qu'on voulait vraiment très intervenantes dans l'ensemble des sphères de la société.

Alors, bien souvent, nos solidarités, notre répartition de la richesse ont largement été construites par des unités syndicales, par des associations syndicales, mais aussi par des gouvernements progressifs qui mettaient de l'avant une série de programmes sociaux importants.

Or, en ce sens-là, lorsqu'on envoie des messages de comment voulons-nous vivre ensemble, pour donner une réponse à cette question-là, qui est le comment voulons-nous vivre ensemble, l'accès et faciliter l'accès à la syndicalisation est une réponse à ça. Et, d'un autre côté, d'autres réponses peuvent venir aussi par rapport à une intervention d'un État, d'un gouvernement, par rapport à un système de santé collectif, un système d'éducation collectif, et, peut-être même aussi, un système d'intervention précoce auprès de la petite enfance, auprès des enfants, encore là, mis en place par l'effort collectif de l'ensemble des membres qui composent la société québécoise.

Alors, d'un côté, on a un gouvernement qui donne une série de... qui se donne des structures où la mobilité sociale, où le plein potentiel de chacun des individus qui composent la société peut être au service du développement de la collectivité du Québec, et, de l'autre côté ? parce que le gouvernement ne peut pas tout faire tout seul ? on a des unités syndicales, des accréditations syndicales qui, au nom des travailleurs, s'efforcent, dans leur sphère d'activité, de travailler aussi à cette répartition de la richesse.

n(16 heures)n

Et c'est ces deux choses-là combinées qui font en sorte qu'on a un vivre-ensemble qui est différent, on a un vivre-ensemble qui nous ressemble et qui nous rassemble. Et, lorsque je parle de ces deux éléments-là, on a d'un côté un élément qui peut ressembler à celui d'une Loi sur le salaire minimum ? qui le reconnaît autour de 7 $ l'heure ? et on a aussi ? et ça, c'est un gouvernement... c'est un État-législateur qui reconnaît ce type de salaire minimum, la hauteur du salaire minimum ? mais on a aussi un État qui est employeur, qui pourrait dire: Moi, je reconnais que c'est 7 $ de l'heure, et c'est le montant que je vais donner à ceux qui travaillent pour l'État.

Eh bien, non, l'État, comme employeur, va un peu plus loin que le salaire minimum et fixe autour de 15 $, 16 $, 17 $, des fois, 21 $ l'heure pour ce qu'on appelle les employés en général... de l'État, là. Je ne parle pas, là, des cols blancs ou de tout autre professionnel, mais je parle bien de ceux qui sont dans le public, parapublic. Et, en ce sens-là, on a vraiment cette vision-là où l'État-employeur, par le biais de négociations avec les accréditations syndicales, a une vision de la répartition de la richesse qui se situe autour de 15 $ de l'heure, et on a aussi un État-législateur qui, pour l'ensemble de la société, met une espèce de plancher qui est autour de 7 $ de l'heure pour dire: Écoutez, là, à un moment donné, il y a des règles à suivre. Et c'est cet ensemble de règles là qui fait que la richesse collective qui est produite au Québec, bien, le plus de personnes peuvent y avoir droit.

Chaque projet de loi déposé par un gouvernement renvoie à ces séries de valeurs là et aux interventions qu'il entend faire pour continuer à bâtir les solidarités et pour continuer à bâtir et à faire en sorte qu'il y ait non seulement création, mais une répartition équitable de la richesse.

Alors, nous devons nous questionner sur le projet de loi n° 8. Nous aimerions le faire avec le Collectif pour un Québec sans pauvreté et regarder en quoi ce projet de loi répond à cet objectif de pauvreté zéro, à quel point ce projet de loi là aide à l'enrichissement et ne contribue pas à l'appauvrissement des gens, à quel point ce projet de loi, qui vise essentiellement à empêcher la syndicalisation, renvoie à des valeurs qui nous sont collectives et à des valeurs qui sont les nôtres, nos valeurs de solidarité.

Alors, en ce sens-là, il est clair qu'on aimerait bien, nous, débattre, notamment avec le Collectif pour un Québec sans pauvreté, de l'impact de cette vision gouvernementale transmise par un projet de loi ? le projet de loi n° 8 ? visant essentiellement à empêcher la syndicalisation. C'est quoi, le message qu'on envoie dans notre société, si ce n'est que, comme je le disais tantôt, la syndicalisation peut être néfaste et la syndicalisation est une mauvaise chose? On laisse des fois sous-entendre par... Lorsqu'on lit entre les lignes et qu'on parle de lourdeur, essentiellement ce qu'on laisse entendre avec ce projet de loi là, c'est qu'il évite la syndicalisation, et donc une lourdeur.

Une lourdeur, c'est quoi? Bien, c'est essentiellement, comme je le disais un peu plus tôt, là, c'est comme si absolument toute forme de syndicalisation était... s'ensuivait d'une institutionnalisation où on allait déshumaniser nos services. Et je pense que c'est un lien qui est un peu néfaste de voir qu'on va tout faire en sorte et on va se servir de notre capacité de faire des lois pour empêcher les gens d'aller vers la syndicalisation parce qu'on présume que la syndicalisation institutionnalise, parce qu'on présume que la syndicalisation déshumanise, parce qu'on présume que la syndicalisation va faire en sorte qu'à terme ça va coûter 193 millions. Alors, il y a toutes ces visions-là qui sont sous-jacentes au dépôt du projet de loi qu'on aimerait débattre, notamment avec le Collectif pour un Québec sans pauvreté, au moins entendre leur avis là-dessus.

Il y a aussi évidemment... et là, on se fie sur cette idée où le gouvernement va négocier de bonne foi, va aller de l'avant avec les associations. On le dit et on le répète: À partir du moment où les associations de travailleurs sont vraiment... sont vues par ce gouvernement comme des regroupements corporatistes qui ne feront plus la loi au Québec et duquel on n'écoutera plus, alors, c'est un peu difficile de dire à ces travailleuses autonomes là: Regroupez-vous en associations. Et, d'un autre côté, ces travailleuses autonomes là, lorsqu'elles ouvrent le journal et qu'elles lisent, de la bouche même du premier ministre, que les associations de travailleurs sont ni plus ni moins que des regroupements corporatistes et que le gouvernement du Québec ne pliera pas à leurs pressions, on envoie aussi ce message-là, qui peut être inquiétant pour ces travailleuses-là.

Lorsqu'on nous dit d'un côté... Et je pense que j'aimerais discuter beaucoup, avec le Collectif pour un Québec sans pauvreté, de ça: lorsqu'on nous dit, d'un côté, qu'on va empêcher la syndicalisation mais qu'on aura des réponses modernes à un marché du travail qui, vraiment, change de visage, mais que, d'un autre côté, elles sont où, les nouvelles protections de ces travailleurs atypiques, qui sont de plus en plus nombreux ? on parlait de 37 % tout à l'heure ? elles sont où, les nouvelles protections sociales de ces travailleurs atypiques là? Oui, le marché du travail change; oui, on doit se donner collectivement des façons de répondre à un marché du travail qui, vraiment, base l'ensemble de son développement sur des concepts de mobilité et de flexibilité qui sont ni plus ni moins que d'autres mots pour parler de précarité et d'insécurité.

Alors, à l'intérieur de ça, ce qu'on fait, ce n'est pas de renforcer les lois du travail, ce n'est pas de reconnaître des gens comme salariés et de les protéger par le Code du travail, loin de là. Ce qu'on fait, c'est: on dépose une loi avec l'intention ferme d'empêcher la syndicalisation de ces gens-là.

On nous parle qu'on va diminuer la portée de l'article 45, et c'est un message qui... Pour ce qui est de diminuer la portée de l'article 45, c'est un message qui n'a rien pour vraiment rassurer les gens qui vont se retrouver en position de négociation sans Code du travail. Déjà, ceux qui ont un Code du travail voient les articles du Code se faire diminuer et leur capacité d'établir des pressions économiques diminuer. Déjà, on enlève aussi, à ceux qui sont reconnus par le Code du travail, certaines forces d'articles, on veut diminuer la portée.

Essentiellement, ce qu'il faut comprendre, c'est que l'article 45 du Code, par rapport à, justement, les effets... pour essayer de contrôler... pas d'empêcher la sous-traitance, mais de la baliser, la sous-traitance, pour que les gens ne perdent pas leurs unités d'accréditation syndicale lorsque certains services sont donnés en sous-traitance, bien, ce n'est pas des employés, là, qui font des 50 000 $ de l'heure, là... de... par année, excusez.

Des voix: ...

M. Valois: Fiou! Non, parce que ceux-là auraient sûrement le droit de se faire une corporation sans but lucratif, là, pour fins d'impôt. Mais, je veux dire, on ne parle pas de gens qui font des 50 000 $ par année, on parle des gens qui, essentiellement, lorsqu'on travaille dans des buanderies, lorsqu'on travaille dans des services, mettons, auxiliaires au niveau des hôpitaux, c'est des gens qui font justement ça, là, du 16 $, 18 $ de l'heure, et que, en diminuant les portées de l'article 45, bien, ils vont tomber à quoi? 7 $ de l'heure.

C'est comme si on envoyait... C'est pas... C'est comme de dire que des gens qui, à l'aide de certaines dispositions du Code, à l'aide d'une accréditation syndicale, ont réussi à se bâtir des vies dans lesquelles ils pouvaient se fonder... ils pouvaient vraiment, là, fonder une famille, malgré le peu de scolarité qu'ils ? quelquefois ? possèdent, bien, ce qu'on leur dit, c'est que, bien, peut-être que du 16 $, 18 $ de l'heure, pour certains, bien, c'est trop payé. Les gens peu scolarisés, là, 7 $ de l'heure suffira, et on mettra l'ensemble des dispositions du Code du travail pour s'assurer que les employeurs n'aient pas à payer trop cher ces gens-là.

Mais, vraiment, là, ce qu'il faut comprendre, là, c'est qu'on ne s'attaque pas au bon monde, mais vraiment pas. Et les messages qui sont envoyés par la vision... pour ce qui est de diminuer l'article 45, vient rajouter de cette crainte légitime que nous devons avoir par rapport aux présomptions de ce gouvernement-là, par rapport à: Je ferme la porte à la syndicalisation. Mais, de l'autre côté, «just trust me»; je vais bien vous aménager la place de l'autre côté par rapport à vos associations.

Les orientations prises au niveau... par la ministre du Travail, les quelques orientations prises, il n'y en a pas des tonnes, d'ailleurs, et un peu trop muets à mon goût, les discours tenus par le premier ministre n'ont rien à rassurer les gens qui se voient aujourd'hui, par le projet de loi n° 8, fermer la porte à la syndicalisation. Et, en ce sens-là, comment ce projet de loi là peut contribuer à enrichir les gens, comment ce projet de loi là va contribuer dans les faits à améliorer leurs conditions? On peut essentiellement se questionner, et c'est pour ça qu'avoir un bon débat avec le Collectif pour un Québec sans pauvreté serait certainement quelque chose de très bien.

Maintenant, on nous parle ? et, tout à l'heure, la ministre déléguée nous faisait, nous donnait les calculs des RSG qui possèdent six enfants, et, essentiellement, ce qu'on pouvait voir de la ministre déléguée, c'est que déjà son argumentaire par rapport à ces nouvelles associations là qui daigneront demander plus cher, bien, déjà, l'argumentaire est bien bâti. On sait déjà qu'ils sont déjà autour de 11 $ de l'heure et que, pour d'autres, c'est déjà autour de 15 $ de l'heure, et que c'est ni plus ni moins que les mêmes... lorsqu'on regarde ça, que c'est ni plus ni moins que les mêmes conditions, les mêmes traitements que ceux qui sont aujourd'hui en institution.

n(16 h 10)n

D'une première part, j'aimerais que cette analyse-là soit déposée pour qu'on puisse l'analyser nous-mêmes, qu'on puisse la regarder, on lui donne des chiffres. J'aimerais bien recevoir ces documents-là, et, d'autre part, ce que je comprends du discours de la ministre déléguée par rapport aux chiffres qu'on nous a donnés, c'est qu'on a déjà, à l'intérieur des cartons du gouvernement, un argumentaire pour la première négociation avec ces associations-là, et, déjà, on sent que la porte est fermée, on sent déjà qu'on a un argumentaire assez solide pour dire: Le niveau salarial, oubliez ça, vous êtes pas mal comme les institutions. Alors, j'espère que ne c'était pas une question d'argent, votre question de vouloir vous syndiquer, parce que, là-dessus, là, l'argumentaire qu'on a eu tantôt de la ministre déléguée était, somme toute, assez clair.

Pour ce qui est d'autres choses, bien, on peut peut-être aménager des choses à droite et à gauche. Alors, j'espère, et fort de ce qu'on a entendu tantôt... c'est certain que ce message-là va être envoyé à celle qui croit encore que, de se donner des associations de travailleurs autonomes, travailleuses autonomes, va pouvoir améliorer leurs conditions, ils vont trouver là le Klondike, à cause qu'on a supposément un gouvernement qui veut bien les entendre. Avec ce qu'on a entendu, on peut avoir des craintes de ce côté-là.

Alors, il y a carrément une demande de notre part, qui est du moins assez formelle, par rapport au dépôt d'un document dont la ministre faisait lecture tantôt, qui est au sujet des salaires ou des revenus des RSG, et ça, j'aimerais bien qu'on puisse l'avoir. Qu'on puisse l'avoir; de toute façon, on aura, nous, si on nous refuse ce document-là, qui a été faite lecture tantôt, on aura dans les galées la possibilité d'aller rechercher quelques chiffres, mais on aimerait bien avoir l'ensemble de l'analyse qui est faite, parce que essentiellement on risque de la réentendre, cette analyse-là, dans un autre temps. Alors, déjà, on nous dit que c'est supposé... ce projet de loi là est supposé amener le début d'une meilleure négociation ou de conditions. Mais, d'un autre côté, ce qu'on comprend très bien, c'est que les portes commencent déjà à se fermer, qu'on a même pas encore adopté ce projet de loi là, et on comprend très bien où s'en va le gouvernement dans ce dossier-là, et peut-être qu'avoir reçu, et peut-être...

C'est pour ça qu'on veut avoir le Collectif pour un Québec sans pauvreté. C'est vraiment pour aller au fond de ça et dire: Regardez ce qui est en train de se passer présentement par rapport à l'ensemble, là, de la démarche gouvernementale. Ce n'est pas une démarche qui... Du moins, avec ce qu'on a présentement, ce n'est pas une démarche qui contribue à trouver des nouvelles façons d'enrichir ces gens-là mais bien une démarche qui va dans le sens inverse.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le député. Alors, si j'ai bien compris, vous avez hâte de commencer l'étude détaillée pour qu'on puisse avoir des réponses à toutes ces questions, n'est-ce pas?

M. Valois: J'aimerais avoir avec moi, pour faire les débats... Ce que j'ai parlé, moi, c'est du Collectif...

Le Président (M. Copeman): Ah! O.K.

M. Valois: ...pour aller plus au fond des choses...

Le Président (M. Copeman): Je comprends.

M. Valois: ...et faire encore plus la lumière sur les réelles intentions qui se cachent derrière ce projet de loi là.

Le Président (M. Copeman): Très bien. Merci, M. le député. Est-ce qu'il y en a d'autres, députés, qui désirent intervenir sur la motion du député de Vachon? Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, vous avez un maximum de 10 minutes.

Mme Nicole Léger

Mme Léger: Merci, M. le Président. Évidemment, je vais poursuivre sur la motion qu'a présentée mon collègue député de Vachon, motion qui nous invite à entendre le Collectif pour un Québec sans pauvreté, et je crois que c'est tout à fait pertinent.

J'entendais la ministre ce matin nous dire qu'il aurait été facile de demander que le Collectif soit là lors des consultations particulières que nous avons eues. Il est évident que, pendant tout le processus, il y a des éléments qui nous suscitent à avoir d'autres expertises, et celui du Collectif pour un Québec sans pauvreté, je pense qu'il serait assez utile qu'on puisse les entendre incessamment.

Le Collectif pour un Québec sans pauvreté, il faut se rappeler que ce Collectif-là, c'est des milliers de personnes qui ont franchi, je pourrais dire, les portes de chacun des députés, qu'ils ont marché à travers le Québec, qui se sont... ou que la Fédération des femmes, le milieu syndical, se sont joints au Collectif, d'une part, pour demander deux, je pourrais dire, demander deux mesures importantes: celles, évidemment, de la pauvreté, telle quelle, et celle aussi de la violence, particulièrement. Ce sont deux éléments qui ont été faits lors de la marche Du pain et des roses, si on se rappelle, dans les années précédentes, et, le Collectif, quant à lui, a poursuivi cette démarche-là particulièrement pour celle de la pauvreté, d'une part.

Il faut se rappeler que le Collectif pour un Québec sans pauvreté, il serait intéressant de les entendre. D'abord, c'est pour... Moi, j'ai deux points particulièrement: celui de la cohérence gouvernementale et celui du projet de loi n° 112 et le lien avec les travailleuses en milieu familial.

D'abord, pour la cohérence gouvernementale, le fait de nier la syndicalisation... Il est absolument important de le rappeler ici: même si la ministre nous en a parlé tout à l'heure, que, non, ce n'est pas une négation à la syndicalisation ? on aura l'occasion d'en reparler plus tard ? mais, effectivement, c'est de nier la syndicalisation qu'on a devant nous comme projet de loi n° 8.

Mais c'est aussi, évidemment, quand on voit tout le processus de la syndicalisation au Québec, c'est là que le débat est important parce que c'est de sortir les travailleurs, depuis plus de 30 ans au Québec, d'une dépendance dans le fond à l'employeur et d'améliorer évidemment leurs conditions de travail.

Alors, c'est sûr que, quand j'entends... de ce temps-ci, nous entendons, je ne sais pas si on est tous alertes à ce qui se passe à la télévision présentement, on a... j'entends encore Michel Chartrand dans les débuts de la syndicalisation au Québec, et, de ce temps-ci, il y a une émission qui est à la télévision présentement, la vie de Michel Chartrand et de...

Le Président (M. Copeman): Simone et Chartrand, je pense. Est-ce que c'est ça?

Mme Léger: ...Simone Monet, effectivement, oui, merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Ça fait plaisir, Mme la députée.

Mme Léger: Est-ce que vous l'écoutez, M. le Président?

Le Président (M. Copeman): N'importe... Oui, souvent, Mme la députée, oui.

Mme Léger: C'est bien.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Léger: Ça vient de commencer, alors... Ça arrive quelques fois. On est rendus à une deuxième fois qu'on voit le visionnement.

Mais il reste que, en écoutant les discours de Michel Chartrand, ça nous rappelle quand même tout le débat et toutes les luttes syndicales au Québec. Et je pense qu'il est important de se rappeler certaines, je pourrais dire, certains éléments de, je pourrais dire, toute la croisade de Michel Chartrand, mais particulièrement la situation du travailleur et de l'employeur et de l'amélioration des conditions de travail.

Là, on nous dit que... Bon, c'est évident que, si les travailleuses en milieu familial elles-mêmes ne demandent pas nécessairement d'être syndiquées, c'est une chose. Mais, pour moi, il est important que la cohérence gouvernementale se fasse, autant au niveau de la négation de la syndicalisation, mais aussi, je ne vois pas cette cohérence-là avec le plan d'action de lutte contre la pauvreté que nous attendons incessamment.

Mon collègue de Vachon, le député de Vachon en a parlé et nous en parle régulièrement aussi dans les caucus. On se souvient que ce plan d'action là devait être déposé au mois de mai, et nous avions l'intention à l'époque de le déposer, et nous l'attendons. La ministre nous a dit que c'était pour se faire incessamment.

C'est important de voir que, s'il y a un plan d'action... parce que, si on se rappelle les étapes du plan d'action de lutte contre la pauvreté, c'est avant tout un départ qui a eu des énoncés d'orientation de l'ensemble du gouvernement. Ces énoncés d'orientation là nous amenaient à faire une réflexion à travers tout le gouvernement et à travers tous les, je pourrais dire, les ministères du gouvernement, autant à la Santé, autant à la Famille, bon, plusieurs ministères à porter une attention particulière à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, et de voir ensemble comment on pourrait mieux travailler ensemble pour lutter contre la pauvreté. Ça, d'une part, il y avait une réflexion du côté gouvernemental, mais il y avait une réflexion aussi de la société civile. Parce que la lutte contre la pauvreté ne se fait pas nécessairement juste par un gouvernement, ça se fait aussi avec les gens, ça se fait aussi avec les milieux, ça se fait aussi avec les citoyens et les citoyennes du Québec, d'une part, par l'action citoyenne puis par les organismes communautaires et les gens qui voient, par la solidarité sociale du Québec, un avancement du Québec dans le monde.

Je peux vous dire qu'à travers le plan d'action de lutte à la pauvreté c'était l'étape de la troisième étape... suite à un énoncé d'orientation, il y avait toute la loi qui a été mise sur pied, et cette loi-là nous rappelle et rappelle au gouvernement qu'il se doit d'adopter un plan d'action de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, et, même si on me dit qu'on l'attend, je vois une incohérence tout de suite avec le projet de loi n° 8, parce que, de nier la syndicalisation... et les propos que mon collègue député de Vachon nous a apportés par rapport aux travailleuses en milieu familial qui ont des conditions de travail qui ne demandent qu'à être améliorées...

Je peux dire que, au niveau du plan d'action, au niveau de la lutte contre la pauvreté particulièrement, il est peut-être intéressant de se dire que nous avions établi ce qu'on appelle un «revenu de solidarité». Et j'ai hâte de voir le plan d'action de lutte contre la pauvreté, parce que le revenu de solidarité permettait de faire un arrimage entre les prestataires de la sécurité du revenu qui vivaient, là... qui sont dans des situations de contraintes sévères, ceux qui sont sans contrainte, ceux qui sont en contraintes temporaires et aussi tous les travailleurs à faibles revenus. Et là on doit faire le lien avec le travailleur à faibles revenus, avec ceux particulièrement qui sont nos travailleuses dans le milieu familial, d'une part.

n(16 h 20)n

Il y avait un équilibre à conserver avec tous ces niveaux-là et, si on se souvient de la... quand on a fait la révision de la loi de la sécurité du revenu, un des objectifs principal de la loi de la sécurité du revenu est de s'assurer que le prestataire de la sécurité du revenu a moins que, nécessairement, un travailleur à faibles revenus. Il fallait conserver cet écart-là pour que ce soit intéressant et que ce soit plus avantageux d'être sur le marché du travail que d'être un prestataire de la sécurité du revenu.

Le revenu de solidarité qu'on avait émis dans les énoncés d'orientation et la loi particulièrement, où on émettait l'idée de revenu de solidarité, c'était de nous permettre d'étudier ce revenu de solidarité là qu'on doit se donner au Québec pour assurer cet équilibre-là entre tous les prestataires et entre tout ce que l'État peut soutenir comme individus ou comme citoyens qui ont des besoins plus grands que d'autres.

Évidemment, il y avait l'Observatoire de la pauvreté, il y avait un comité consultatif. De ce que j'ai pu entendre du gouvernement, on a déjà aboli l'Observatoire de la mondialisation. Donc, évidemment, j'imagine qu'on va abolir l'Observatoire de la pauvreté qui s'en viendra sûrement. L'Observatoire de la pauvreté nous permettait de voir l'ensemble, je pourrais dire, des notions à travers le monde et des notions... les débats que mon collègue député de Vachon, qui est chercheur et un sociologue reconnu, est habitué dans cette forme de débat là où on parlait de revenu minimum garanti, revenu de citoyenneté, allocation universelle, tout ça...

Alors, c'est important de faire ce lien-là avec le projet de loi n° 8 ici présentement, parce que ce projet de loi là nous permet de requestionner les conditions de travail des travailleuses en milieu familial, et, outre les années d'amélioration des travailleuses en milieu familial, il reste malgré tout qu'il y a des conditions de travail qui sont à améliorer. Et la seule, je pourrais dire, la seule garantie qu'on peut avoir dans le projet de loi qui est devant nous présentement, c'est celle d'avoir des ententes avec la ministre, et la ministre négociera avec les associations...

Les groupes qui seront représentés, quels seront-ils? Ça, ça serait intéressant de savoir quels seront-ils, les groupes qui seront représentés, et comment on établira une entente. Si l'entente n'est pas nécessairement négociée, est-ce que ça va de la volonté et du bon vouloir de la ministre tout simplement pour arriver à améliorer les conditions de travail quand on a déjà un Code du travail, qu'on a déjà des processus dans les relations de travail qui existent présentement et qui donnent le droit aux travailleuses en milieu familial de se syndiquer ou de ne pas se syndiquer? Mais cette loi-là... le Code du travail est là, à la portée de toutes travailleuses et de tous travailleurs du Québec qui veulent améliorer leurs conditions de travail avec des droits de négociation et tous les droits qui vont autour du Code du travail.

C'est un... J'aurais encore beaucoup de choses à dire, mais on arrête là.

Le Président (M. Copeman): Exact. Est-ce qu'il y a d'autres députés qui désirent intervenir sur la motion du député de Vachon? Bon. Le député des Îles-de-la-Madeleine, la parole est à vous pour un maximum de 10 minutes.

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: Merci beaucoup, M. le Président, et je m'étonne que les collègues d'en face n'interviennent pas; ils semblent avoir eux aussi beaucoup de choses à dire sur cette proposition excellente du député de Vachon et qui a très bien expliqué les raisons de cette proposition, de même que le député de Joliette.

Je pense qu'il est important qu'on entende, justement, le Collectif pour un Québec sans pauvreté parce que, au-delà, M. le Président, de ce que nous... de ce qu'on a soulevé déjà plus tôt dans la journée et à laquelle la ministre semblait nous répondre que, finalement, ce n'était pas le cas... effectivement, comme on l'a souligné, ce projet de loi cause des problèmes sur le fond, sur le principe même, où on va nier des droits qui ont été reconnus et nier des droits à des travailleurs et des travailleuses en grande partie d'avoir recours à ce que leur accordent le Code du travail et les tribunaux. Et la ministre déléguée nous a répondu en nous disant: Mais, écoutez, c'est faux, on ne dénie pas de droits à la syndicalisation.

Et je pense que ça été soulevé précédemment, mais j'ai l'article devant moi, M. le Président, du 18 de juin, où il est très clair - je vais le citer parce que c'est en réponse un peu aux propos que j'avais tenus, où on me disait, les gens, dans un tollé, là... heureusement, M. le Président, que l'ordre a été maintenu...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Arseneau: ...mais je veux absolument citer ces articles, M. le Président.

C'est la journaliste qui parle ici: «Avec ces deux projets de loi...»

Des voix: ...

M. Arseneau:«Avec ces deux projets de loi ? il est question du projet de loi n° 8, bien sûr ? le gouvernement met donc fin à toute ambiguïté, puisqu'il indique noir sur blanc que les travailleurs autonomes ne sont pas des salariés.» Et, un peu plus loin: «Oui, nous fermons la porte à la syndicalisation.» Et là, à ce moment-là, c'est le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, Claude Béchard, le ministre qui parlait. Alors, je pense que c'est très clair.

Mais, plus loin, encore plus, la pertinence de s'entretenir avec le Collectif pour un Québec sans pauvreté vient du fait que ces gens-là, qui constituent une coalition très vaste des intervenants, visent à améliorer la situation des Québécois et des Québécoises en général. Et ce Collectif est très au fait que, dans ces travailleuses ? puisqu'il est question en très, très grande majorité de travailleuses ? ces travailleuses ont des conditions de travail tout à fait particulières, des conditions qui ne sont pas parmi les meilleures conditions de travail qu'on retrouve au Québec, que ce soit en termes d'horaires... Écoutez, on parle de 50 heures minimum par semaine, en plus d'autres heures qui vont pour d'autres travaux et d'autres choses. Il y a toujours des choses à faire quand il y a des enfants; quand on doit garder les enfants; quand, en plus, on doit prévoir toutes les choses pour nourrir ces enfants-là, occuper ces enfants-là, et tout. Alors, on parle d'horaires considérables, de revenus qui ne sont pas en fonction des heures qui sont travaillées.

Je sais qu'il y a des discussions, on ne s'entend pas toujours sur le niveau... par exemple, les gens ? je pense que c'est de la CSQ ? lorsqu'ils ont déposé des mémoires plus tôt sur ce projet de loi là qui faisaient état d'un salaire horaire vraiment, là, en bas du salaire minimum qu'on s'est donné au Québec... et, M. le Président, il y a toutes, aussi, les questions de conditions de travail en regard des autres conditions de travail que se donnent les travailleurs québécois en termes de congés, en termes d'absence pour maladie et de la responsabilité parentale et de tous les autres aspects.

Alors, je pense qu'il serait extrêmement intéressant qu'on puisse justement entendre les gens du Collectif, les interroger, leur poser des questions sur le sens ou l'orientation ou les progrès qu'on donne à ces travailleuses et ces travailleurs du Québec avec le projet de loi n° 8.

Comme ça a été dit précédemment, quand on aborde des pièces législatives, en principe, on devrait toujours, avec des législations, faire avancer la situation, faire avancer les droits, faire avancer le Québec en général. Et je pense qu'avec le projet de loi n° 8, effectivement, on n'est pas axés sur l'avenir, sur l'amélioration, mais on est plutôt avec justement un projet de loi qui vient nier, qui vient limiter, qui vient faire abstraction de certains droits, et je pense que, là, on ouvre une porte extrêmement dangereuse, et c'est de ça dont on veut parler, et c'est de ça dont on veut discuter. Et je pense que, avec justement les gens du Collectif, on serait en mesure d'aller plus à fond pour connaître ces réalités-là, parce que...

Bon. On l'a déjà abordé. Mais, si, au moins, on avait dans ce projet de loi... En plus de ces réalités et des choses qu'il faut comprendre, je pense qu'il y a des obligations, et, quand on est au gouvernement, bien sûr on doit gouverner, on doit assumer ses responsabilités; c'est probablement ce que les gens d'en face veulent faire. Mais, d'un autre côté, nous avons, comme parlementaires, aussi des responsabilités en regard de ce qui existe au Québec en termes de droit du travail, en termes de lois du travail, en termes de Tribunal du travail, et, lorsqu'on s'apprête à opérer un virage ou à adopter une législation, je pense qu'il est impérieux, M. le Président, qu'on aille du côté d'une écoute, d'une attention plus grande et d'une meilleure compréhension des impacts de ce qu'on s'apprête à faire lorsqu'on regarde des législations.

n(16 h 30)n

La loi n° 112, M. le Président, a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale du Québec. Le Parti libéral a voté pour l'adoption de cette loi. C'était unanime chez les parlementaires dans l'enceinte de l'Assemblée nationale. Effectivement, on est... Bon, la semaine dernière, on avait une rencontre, on avait un déjeuner avec des représentants de ces milieux et du Collectif, et on s'est rendu compte que... Et tous les parlementaires, même, de tous les côtés qui se sont levés au Parlementaire justement ont dit la même chose: Il est impérieux que nous ayons un plan d'action en ce qui concerne cette loi n° 112 pour faire en sorte que nous puissions aller plus loin. Mais là on revient toujours à cette question de cohérence, on revient... On pourrait demander justement à ce Collectif: Est-ce que le projet de loi n° 8 est dans l'esprit ou contraire à l'esprit de la loi n° 112?

Il y a toute la question, M. le Président, aussi de l'exemple, et j'aurai l'occasion très certainement de revenir parce que, je le répète, moi, je suis membre de cette commission de façon ponctuelle parce qu'il y a là des aspects de ce projet de loi qui touchent de très près toutes les questions du travail, et ce sont mes responsabilités. Alors, M. le Président, tout est lié, là, toute la question des impacts du projet de loi n° 8 sur non seulement toute la question de l'avancement des conditions de travail de ces travailleuses qui travaillent justement avec les jeunes, la relève, l'avenir du Québec, mais aussi avec les impacts que ça aura sur d'autres aspects de la société, de la collectivité québécoise. On est face aussi à la bonne foi d'un gouvernement qui dit: Voilà, je vais, par ce projet de loi, intervenir, ou nier, ou empêcher, ou enlever des droits éventuels à des travailleurs, des travailleuses qui en auraient besoin. Mais, en même temps, on doit lui faire confiance sur l'amélioration qu'il pourra apporter à ces conditions de travail de ces travailleuses et de ces travailleurs, et c'est pour ça, M. le Président, que je tenais absolument à intervenir sur cette proposition excellente du député de Vachon qui a été expliquée très bien par le député de Vachon, par aussi mes collègues, la députée de Pointe-aux-Trembles et en particulier par le député de Joliette, et je voulais joindre ma voix, M. le Président, à ces interventions.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. Est-ce qu'il y en a d'autres députés qui désirent intervenir sur la motion? Je n'en vois pas, alors je mets aux voix la motion du député de Vachon.

Mise aux voix

Est-ce que la motion est adoptée?

Mme Léger: ...par vote nominal.

Le Président (M. Copeman): Il y a une demande de vote nominal. Alors, Mme la secrétaire.

La Secrétaire: M. Bouchard (Vachon)?

M. Bouchard (Vachon): Pour.

La Secrétaire: Mme Léger (Pointe-aux-Trembles)?

Mme Léger: Pour.

La Secrétaire: M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine)?

M. Arseneau: Pour, madame.

La Secrétaire: Mme Théberge (Lévis)?

Mme Théberge: Contre.

La Secrétaire: Mme Charlebois (Soulanges)?

Mme Charlebois: Contre.

La Secrétaire: Mme L'Écuyer (Pontiac)?

Mme L'Écuyer: Contre.

La Secrétaire: M. Williams (Nelligan)?

M. Williams: Contre.

La Secrétaire: M. Auclair (Vimont)?

M. Auclair: Contre.

La Secrétaire: M. Bernard (Rouyn-Noranda? Témiscamingue)?

M. Bernard: Contre.

La Secrétaire: M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Abstention.

Alors, la motion est rejetée. J'imagine qu'on est prêt à entamer l'étude détaillée. Non? Oui, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger: Non, M. le Président, j'aurais une proposition en vertu de l'article 244...

Le Président (M. Copeman): Oui.

Motion proposant d'entendre
la Fédération des femmes du Québec

Mme Léger: ...de notre règlement:

«La commission des affaires sociales, qu'elle tienne, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 8, Loi modifiant la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde à l'enfance, des consultations particulières quant à tous les articles du projet de loi et qu'à cette fin on entende la Fédération des femmes du Québec.»

Le Président (M. Copeman): Je déclare la motion recevable. En tant que proposeur, Mme la députée, vous avez droit à un maximum ? évidemment, si vous voulez le prendre ? de 30 minutes pour exposer votre point de vue sur la motion.

Mme Nicole Léger

Mme Léger: Merci, M. le Président. On apprend notre travail dans l'opposition officielle. Alors, effectivement, il est très important d'entendre la Fédération des femmes du Québec dans le projet de loi qui nous intéresse ici présentement, le projet de loi n° 8. Évidemment, je vais rappeler le mandat ou la mission de la Fédération des femmes du Québec et faire le lien avec le projet de loi n° 8 que vous avez tous convenu qu'il y a un lien éminent.

La Fédération des femmes du Québec travaille solidairement et dans une perspective féministe à l'accès des femmes à l'égalité, à l'équité, à la dignité et à la justice sociale dans tous les domaines. La mission principale de la Fédération des femmes du Québec, ses objectifs généraux consistent à promouvoir et à défendre les intérêts et les droits des femmes en assumant un rôle de critique, de concertation et de pression. Alors, vous convenez avec moi, M. le président, qu'il aurait été très intéressant de rencontrer et d'entendre la Fédération des femmes du Québec sur le projet de loi n° 8 qui touche particulièrement, et surtout, des femmes travailleuses du Québec dans les milieux qu'on dit de services de garde en milieu familial.

La Fédération, aussi, participe à des actions collectives qui s'inscrivent dans une perspective de changements sociaux. On se rappelle évidemment la marche des femmes du Québec, la marche pour le Pain et des roses et, évidemment, leur lien et la relation qu'ils ont entretenue assez étroitement avec le Collectif pour une loi sans pauvreté, particulièrement pour toute la pauvreté des femmes du Québec et, évidemment, aussi toute la partie de la violence. Mais ce qui nous touche particulièrement, c'est celui... l'aspect plus spécifique de la pauvreté au Québec.

Vous savez que le projet de loi n° 8, qu'il peut être discriminatoire envers les femmes si les personnes responsables des services de garde en milieu familial sont en très grande majorité des femmes. Je lisais un des mémoires, si on se rappelle qu'il existe actuellement près de 10 000 responsables de services de garde en milieu familial, c'est du monde qui offre 77 318 places dans les statistiques qu'on a sur l'un des mémoires que nous avons lu.

Évidemment, elles gagnent des salaires souvent plus bas que la moyenne, et, jusqu'à tout récemment, ces femmes n'avaient pas accès aux protections sociales prévues par plusieurs lois québécoises et canadiennes. Ce sont des femmes à statut précaire, soumises à l'arbitraire de la conjoncture et qui, dans bien des cas, vivent des conditions un peu plus difficiles. Je rappelle un peu le mémoire de la CSN, je dirais, le mémoire de la CSN qui va encore plus loin en disant que «les éducatrices en milieu familial oeuvrent dans des conditions très difficiles. Elles travaillent plus de 60 heures par semaine. Elles ne peuvent ni s'absenter ni se faire remplacer, à moins d'un cas d'extrême urgence. Leur rémunération est dérisoire, elles ne reçoivent aucun revenu pour les jours fériés, pour leurs vacances annuelles ni pendant leur absence pour maternité et elles ne peuvent pas recourir au retrait préventif. Elle n'ont évidemment aucun régime de retraite. De plus, elles n'ont pas accès aux lois sociales telles l'assurance emploi ou l'équité salariale.»

Bon, évidemment, on peut se rappeler un peu, je pourrais dire... un peu l'histoire des travailleuses en milieu familial. C'est sûr qu'on peut toujours... Je m'inscris dans l'idée d'améliorer les conditions de travail de nos travailleuses en milieu familial, mais, évidemment, aussi de voir aussi le rattrapage qui s'est fait au fil des années. Je pense qu'on peut faire plus et je vois que c'est la volonté de la ministre de vouloir améliorer les conditions de travail. Je pense que c'est ce qui nous anime tous ici, dans la commission des affaires sociales, de vouloir améliorer les conditions de travail. Bon, évidemment, il y a des montants importants à ce niveau-là qui demandent du gouvernement des budgets additionnels.

On sait, on connaît aussi la conjoncture du gouvernement et on sait aussi la conjoncture du Québec à travers tout ce qui se discute avec nos échanges au niveau du fédéral, au gouvernement central particulièrement, et les difficultés qu'on a nécessairement à aller retrouver les impôts qu'on donne au Canada et à Ottawa, et c'est le pourquoi que, de ce côté-ci de la Chambre, vous savez, notre option souverainiste qui est absolument importante dans l'ensemble des dossiers du Québec quand on touche particulièrement la partie budgétaire.

Je veux rappeler quand même que les éducatrices, et particulièrement les travailleuses en milieu familial, ont amélioré substantiellement quand même leurs revenus. Je me rappelle, au printemps 1999, je pense qu'il faut s'en rappeler, moi, ça été à ce moment-là, comme ministre, ma première... Je vois les gens du ministère qui sont là derrière vous, Mme la ministre, et on se rappelle les moments assez laborieux que nous avons eus. Moi, c'était dans ma... je pense, mon troisième, quatrième mois ministre où il y avait beaucoup de manifestants dehors et qui disaient: À bas le régime Léger. Je ne sais pas si on s'en souvient, où les éducatrices et les travailleuses... C'était un beau jeu de mots, hein, qu'elles faisaient pour avoir un rattrapage salarial. Souvenons-nous qu'ils dénonçaient leurs conditions de travail, dénonçaient les revenus qu'elles avaient, et nous avons réussi, au printemps 1999, à améliorer leurs revenus, d'une part, mais plusieurs éléments de leurs conditions de travail.

n(16 h 40)n

Si je me souviens bien, c'était pour une période de quatre ans, 400 millions pour quatre ans ou 400 millions pour cinq ans. C'étaient des gros montants d'argent qui ont été alloués pour les travailleuses et les travailleurs en milieu familial, mais pas juste le monde, le milieu nécessairement des travailleuses, mais aussi les cadres et aussi, je pourrais dire, tous les types de fonctions qu'il y a dans les services de garde au Québec. Autant il y a une échelle de rattrapage salarial qui a été faite, donc, à différents échelons, autant les types de fonctions, qu'on peut parler d'une directrice de centre de la petite enfance, qu'on peut parler de la travailleuse en milieu familial, qu'on peut travailler... du travailleur ou le directeur dans les services de garde à but lucratif... Aussi le taux à atteindre parce qu'on devait faire ça sur une échelle quand même assez échelonnée, on ne pouvait pas tout faire nécessairement la première année. Tout l'aspect de la formation des éducateurs, éducatrices parce que tous ne sont pas tous au même niveau. Si je vous rappelais tout à l'heure les trois types, je ne vous apprends rien, Mme la ministre, par rapport aux trois types de milieux auxquels les services de garde, vous avez la responsabilité. Alors, il y a des écarts entre les trois types, et il fallait aussi aller faire ce rattrapage-là pour améliorer aussi substantiellement l'équité entre les travailleuses et les travailleurs dans le réseau tel quel.

Il y avait donc l'équité entre elles, mais aussi il y avait des réflexions particulièrement sur les régimes de retraite et sur l'équité salariale. J'ai hâte de voir le gouvernement, aussi la partie de finition de l'équité salariale, on n'en a pas encore eu vent du gouvernement en place. Mais, effectivement, il y avait des comités de travail pour les régimes de retraite et il y a eu, au fil des années, après moi, une partie particulièrement de réglée par rapport aux régimes de retraite.

Donc, tout ça s'est fait, je pourrais dire, les dernières années pour améliorer les conditions de travail des éducatrices et aussi dans le milieu familial. Est-ce qu'on peut faire plus? Évidemment, on peut faire plus. C'est le pourquoi je vois... C'est pourquoi qu'il y a un projet de loi qui est ici, devant nous, pour améliorer encore davantage les conditions de travail. Donc, quand je vois les mémoires du milieu syndical, particulièrement, qui parlent de conditions très difficiles, des heures, pas de possibilité de s'absenter, tout ça, effectivement il y a des revendications dans ça qui sont là depuis très longtemps, mais on ne peut pas tout faire nécessairement en même temps.

Alors, j'imagine que la ministre aura des bons... des choix à faire et aura des... je pourrais dire, pas nécessairement de la facilité pour aboutir, au fil des prochains mois, des prochaines années, pour améliorer les conditions de travail de nos travailleuses, là, dans le milieu des centres à la petite enfance et des services de garde au Québec particulièrement. Mais tout ça, il faut quand même se dire que ça s'est fait aussi avec le rapport Bernier. Parce que c'est important d'avoir le mandat du rapport Bernier pour s'assurer aussi en même temps qu'il y a d'autres travaux qui se font simultanément, pour s'assurer que les conditions de travail autant dans les milieux des services de garde où vous avez la responsabilité comme ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance... Mais il y a aussi toute la partie, je pourrais dire, du travail non traditionnel et toutes les... ce qu'on a fait dernièrement par rapport aux lois sur les normes du travail qui devait se faire, tout ça, conjointement, pour améliorer le sort et qu'il y ait une cohérence de l'ensemble des travailleurs du Québec, peu importe le niveau ou peu importe le type d'activités qu'elles font.

Alors, c'est important de voir que nous avons un intérêt pour améliorer les conditions de travail des travailleuses, mais c'est important aussi... Puis ça, je pourrais dire que c'est sur la table aujourd'hui, puis c'est pourquoi qu'on interpelle le gouvernement présentement, c'est aussi les autres... de l'harmonisation par rapport aux autres lois, que ce soient les lois sur les normes du travail, que ce soient les lois sur le Code... le Code du travail tel quel, mais les lois sur la santé et la sécurité du travail, lois sur l'assurance emploi. Le milieu syndical nous dit même que ça irait à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés, la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Ça fait plusieurs éléments, là, puis plusieurs lois et plusieurs, je pourrais dire, grands pans de nos lois du Québec qui sont en cause présentement et qui peuvent avoir des effets peut-être désastreux si on ne se donne pas, je pourrais dire, cette opportunité-là de faire en sorte que tout soit harmonisé avec les lois qui sont déjà sur place.

Alors, évidemment, en prenant la décision du projet de loi n° 8 que nous avons ici et en disant qu'on ferme la porte à la syndicalisation... La ministre nous rappelait que ce n'est pas tout à fait ça. Je regarde quand même le projet de loi tel quel, et il est quand même assez clair de dire par rapport à l'article... le premier article, parce que nous avons quatre articles dans ce projet de loi là. Le premier article est: La Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde à l'enfance doit être modifiée par l'insertion, après l'article 8, de l'article suivant ? et c'est celui-là, là, qui nous rend effectivement très inconfortables, qui rend le milieu syndical du Québec aussi inconfortable:

«8.1. Une personne reconnue comme personne responsable d'un service de garde en milieu familial est, quant aux services qu'elle fournit aux parents à ce titre, une prestataire de services au sens du Code civil.

«De même...»

Je ne sais pas, M. le Président, qu'est-ce que le député...

Une voix: De Vimont.

Mme Léger: Le député de Vimont veut me parler en même temps, là. Ou il réalise peut-être que... Est-ce que c'est l'article 8.1?

Le Président (M. Copeman): ...chers collègues, je vous invite simplement d'écouter Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Je suis certain que ses commentaires s'approchent à la pertinence. Alors, allez-y.

Une voix: Approchent...

Le Président (M. Copeman): Allez-y, Mme la députée, oui.

Mme Léger: Alors, je ne peux être que plus pertinente que de lire actuellement l'article 1, hein, du projet de loi. Alors: «De même, malgré toute disposition inconciliable, elle est réputée ne pas être à l'emploi ni être salariée du titulaire», et etc. Alors, je pense que c'est important, et d'autant plus que le ministre lui-même nous rappelle dans l'article... Il faudrait peut-être nous dire si c'est vraiment... s'il a été mal cité, là, mais il nous dit que, oui, nous fermons la porte à la syndicalisation. C'est sûr qu'il y a des éléments... d'autres éléments connexes qui nous amènent à avoir des inquiétudes par rapport à ces affirmations d'un dernier conseil national du Parti libéral où votre président, et maintenant premier ministre du Québec, qui nous est revenu avec le... Il n'est pas le président, non?

Des voix: Non...

Mme Léger: Non. Bon, en tout cas, nous, il est président, effectivement, c'est notre structure, et puis... On se pense toujours en république, hein?

Alors, évidemment, qui disait particulièrement de revoir l'article 45. Je le vois dans le projet de loi n° 7, aussi, qui est à l'étude avec le ministre de la Santé et des Services sociaux. Donc, plusieurs éléments qui nous amènent à pouvoir se dire: Où s'en va le gouvernement avec la syndicalisation, d'une part? On nous parle qu'il n'y aura pas nécessairement confrontation. Pourtant, tout le milieu syndical est actuellement aux alertes, tout le milieu syndical est actuellement mécontent. Alors, j'imagine qu'avec le projet de loi n° 8 que nous avons devant nous présentement... j'imagine que ça ne viendra pas éteindre l'alerte que le milieu syndical nous amène ce temps-ci par ces projets de loi qui sont là...

Une voix: ...

Mme Léger: ...nos 7 et 8, oui, effectivement, avec la loi n° 7 que nous verrons ultérieurement. Alors, tout...

M. Bouchard (Vachon): ...45.

Mme Léger: Effectivement, M. le député de Vachon, il manque d'autres... Alors, je pourrais vous entretenir encore dans un autre temps sur d'autre éléments qui nous... Par contre, je voudrais dire que ce qui...

Des voix: ...

Le Président (M. Copeman): Allez-y, s'il vous plaît, oui. On vous écoute.

Mme Léger: Merci, M. le Président. Alors, c'est... Évidemment, ici, si je rappelle par rapport à la Fédération des femmes du Québec, c'est tout ce questionnement-là. Comme il y a énormément de femmes dans les services de garde, cela nous amène à se poser cette question-là du statut de salarié. Et, quand on fabrique une loi... Je pense, c'est un des mémoires qui nous rappelait ça, quand on fabrique une loi pour statuer que ce qui est défini par une autre loi de portée générale et d'ordre public, le Code du travail ne s'applique pas. Donc, cette contradiction-là qu'il peut y avoir nécessairement entre les deux lois. Est-ce qu'on s'appuie sur le Code du travail tel quel ou on vient statuer aujourd'hui qu'avec la loi, le projet de loi n° 8... Je vois les grands yeux du président...

M. Bouchard (Vachon): Les yeux du grand président.

Mme Léger: Mais, c'est de ça, c'est de ça... Les yeux du grand président ou les... Le député de Vachon est taquin.

Le Président (M. Copeman): ...vous rappeler à la pertinence, Mme la députée.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Léger: Le député de Vachon est taquin, aujourd'hui, à côté de moi.

Le Président (M. Copeman): Oui. Je rappelle au député de Vachon que c'est la députée de Pointe-aux-Trembles qui a la parole.

Mme Léger: Merci, M. le Président. Alors, tout ça pour vous ramener... On se ramène un petit peu à l'ordre. Je remets aussi en question... Je regarde le milieu des centres à la petite enfance qui, pendant plusieurs années, a réussi tant bien que mal, c'est-à-dire tant bien que mal à avoir une relation plus ou moins harmonieuse avec les travailleuses en milieu familial, d'une part.

n(16 h 50)n

Excusez-moi, j'ai un petit problème. Bon. Et les travailleuses en milieu familial qui avaient au préalable, si on se souvient... Au début des services de garde, particulièrement lorsqu'on a établi la politique familiale du Québec, M. le Président, vous rappellerez nos premières discussions et nos premiers échanges en Chambre, en commission parlementaire et à la période de questions. Il faut se rappeler le lien et la relation que les travailleuses en milieu familial... le lien qu'ils avaient et qu'ils ont toujours avec le centre à la petite enfance. Ça, pour moi, c'est primordial dans le projet de loi. On n'a pas eu l'occasion d'en parler beaucoup, mais il est primordial dans le sens qu'il a établi au fil des années une relation entre ces centres-là et leur milieu familial, leurs travailleuses en milieu familial qui a été souvent... Et plusieurs rencontres que j'ai eues avec l'Association et avec les travailleuses qui nous disaient: Ce n'est pas facile, nécessairement, de... je pourrais dire, de faire avancer notre situation, nos conditions de travail, nos demandes, tout ce que le milieu demandait par rapport aux centres à la petite enfance.

Et là, en statuant aujourd'hui que ce sont des travailleurs autonomes et en statuant cette reconnaissance-là... Parce que la question est aussi la reconnaissance des travailleuses en milieu familial, et aujourd'hui la ministre nous dit, avec le projet de loi, que ce projet de loi là donne cette reconnaissance-là. Effectivement, il n'y a rien de mieux que de penser qu'on veut que nos travailleuses en milieu familial soient reconnues, mais, de là, il faut prendre la bonne voie, par contre. Et la voie de leur enlever le droit à la syndicalisation est pour moi importante parce que ce lien-là qu'ils ont pu obtenir, avec le temps, avec les centres à la petite enfance est un lien qui s'est fait avec, je pourrais dire, certaines difficultés, au fil des années, mais on a réussi à avoir une certaine... je pourrais dire, un certain calme et une certaine relation harmonieuse, malgré tout, avec les travailleuses en milieu familial. Tant qu'ils n'auront pas nécessairement leurs congés fériés, leurs vacances, des éléments qui sont importants, qui sont essentiels, qui sont évidemment des coûts importants, il reste malgré tout qu'il y a eu beaucoup d'avancées à ce niveau-là.

Alors là de statuer qu'ils sont des travailleuses autonomes, on peut reconnaître ce niveau-là, mais, en même temps, quel est le lien ? et c'est la question que la ministre aura à répondre au fil des mois et des semaines ? quel est le lien, quelles sont les prochaines relations qu'elles auront avec les centres à la petite enfance dans les mois à venir? Ce n'est pas évident nécessairement qu'en statuant le rôle qu'elles ont maintenant, qu'elles auront avec le projet de loi... S'il est adopté, le projet de loi, quel est le rôle qu'elles auront et quelle sera la relation avec les centres à la petite enfance? Les fonctionnaires du ministère de la Famille et de l'Enfance ont souvent eu à intervenir dans des discussions et parfois même des médiations qu'on a eu à faire avec le milieu familial et les centres à la petite enfance. Donc, j'espère pertinemment qu'on pourra faire ce lien-là malgré le projet de loi qui est sur la table.

Je dois dire aussi qu'il y a toute... dans la dernière partie du projet de loi, la partie de rétroactivité, ça, ça m'inquiète. On n'a pas eu le temps d'en parler beaucoup, de la rétroactivité, mais, en disant que la présente loi est déclaratoire, alors que ferons-nous de l'ensemble des accréditations qui sont déjà là? Je regardais un article qui nous disait que, présentement, on compte une trentaine de demandes d'accréditation représentant quelque 700 personnes, tandis que, par la CSQ, c'est 53 demandes à ce jour au moins au nom de 800 travailleuses. Donc, c'est à peu près 1 500 travailleuses, présentement, qui sont en demande d'accréditation et toutes celles qui le sont déjà, accréditées. Alors, c'est sûr que ça va nous amener une situation difficilement, probablement, tolérable. Alors, je ne sais pas comment la ministre va jouer avec ça, avec ceux qui sont déjà syndiqués, ceux qui le sont en devenir et ceux qui ne le sont pas.

Alors, imaginons ça, là, dans le décor, juste avec un projet de loi comme celui-là, de statuer qu'ils sont des travailleuses autonomes. On dit: Ceux qui sont syndiqués, bien, vous ne le serez plus, puis ceux qui avaient le goût de... qui vont l'être, là, parce qu'ils devaient être accrédités, bien, vous ne le serez plus. Alors, j'imagine que ce ne sera pas nécessairement agréable dans le milieu comme relations de travail pour les prochains mois, prochaines semaines. Alors, ça demande des doigts... en tout cas, un doigté magique de la ministre pour réussir à aplanir toutes les distorsions de ce projet de loi là dans l'ensemble du réseau des centres à la petite enfance quand on sait déjà qu'il y a déjà une distorsion qui se fait entre le milieu des services de garde à but lucratif et celles à but non lucratif. Alors, il n'est pas simple, le réseau. Et, en plus, on a la pression des parents d'avoir de plus en plus de places en services de garde.

Alors, c'est pour moi le fléau qui s'en vient. Bon, ne soyons pas alarmistes. Parce qu'on s'imagine que c'est rien qu'un projet de loi avec quatre articles, mais il a une portée si grande que, moi, j'ai des grandes inquiétudes de la suite des choses pour le projet de loi n° 8. Et, même s'il y a des associations, des regroupements qui sont venus nous dire qu'ils sont d'accord, je m'inquiète si on prévoit tout l'impact de ce qu'il aura ici comme projet de loi n° 8 et la suite des choses.

Alors, M. le Président, c'est évident qu'il aurait été intéressant d'entendre la Fédération des femmes du Québec qui aurait pu venir nous dire... Il n'est peut-être pas trop tard, peut-être qu'on pourra les entendre. On ne sait pas, peut-être que la ministre aura le goût d'entendre la Fédération des femmes du Québec et la Commission des affaires sociales, mais je pense que c'est... on a lieu de se poser la question par rapport au nombre de femmes dans le réseau des centres de la petite enfance, l'impact chez les femmes. Puis, parfois, les femmes, on ne parle pas assez fort, et la syndicalisation était une façon qui n'est pas la seule évidemment, mais qui était une façon de pouvoir être capable de négocier d'égal à égal et de s'assurer d'avoir une équité dans les relations de travail par des moyens qu'on s'est donnés qui sont le Code du travail. Ces moyens-là nous permettent d'avoir un certain pouvoir de négociation. Et, maintenant, bien, le pouvoir de négociation appartient à la ministre qui, j'imagine, va vouloir agir de bonne foi, mais ce n'est pas évident par rapport à toute la... je pourrais dire, la distorsion dans le réseau, comment elle pourra vraiment faire des décisions, des choix éclairés et pouvoir garder cette harmonie-là dans tout le réseau des services de garde du Québec.

Alors, je termine, M. le Président, avec... en espérant qu'on puisse entendre la Fédération des femmes du Québec qui est une fédération qui aurait pu nous éclairer dans le débat qui nous mène dans le projet de loi n° 8.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Est-ce que... À ma droite, est-ce que quelqu'un aimerait intervenir sur la motion? Non? Est-ce qu'il y en a d'autres députés qui désirent intervenir sur la motion de la députée de Pointe-aux-Trembles?

Alors, M. le député de Joliette. Encore une fois, en tant que représentant du chef de l'opposition, vous avez droit à un maximum, évidemment, de 30 minutes.

M. Jonathan Valois

M. Valois: Alors, merci, M. le Président. Je me joins à ma collègue de Pointe-aux-Trembles, là, pour supporter la proposition faite en vertu de l'article 244 par rapport à... qui est en lien avec le fait d'entendre la Fédération des femmes du Québec avant de procéder à... le projet de loi n° 8, là, article par article.

Je pense que c'est tout à fait pertinent d'entendre la Fédération des femmes, notamment par le fait que plusieurs intervenants sont venus nous voir, notamment la CSQ, et il y a eu des interventions aussi dans les médias par rapport, justement, au fait qu'on s'attaquait par le projet de loi n° 8, on s'attaquait, bien, de façon... évidemment, de façon indirecte, là, mais aux droits des femmes par ce projet de loi là. Alors, je vais vous lire un extrait du mémoire de la CSQ qui justifie le fait que je m'associe à cette motion de la ministre de Pointe-aux... de la ministre... de la députée de Pointe-aux-Trembles.

La CSQ possède une section dans son mémoire qui traite justement sur le fait que le projet de loi n° 8 est discriminatoire envers les femmes, et on peut lire un extrait où c'est écrit: «C'est un retour en arrière de plus de 50 ans qu'amène ce projet de loi. En quelques lignes, la ministre annihile les droits aussi fondamentaux que la semaine normale de 40 heures, le congé de maternité, le retrait préventif, le salaire minimum, les vacances payées, pour n'en nommer que quelques-uns. En quelques lignes, la ministre tire un trait sur la reconnaissance de droits obtenus récemment par ces travailleuses.»

Essentiellement, ce que la CSQ nous dit par ce passage-là, c'est qu'il y a déjà des accréditations syndicales, c'est qu'il y a déjà des femmes qui ont décidé de passer par les voies syndicales fortes d'un jugement du Tribunal du travail reconnaissant le fait qu'elles étaient des salariées. Alors, du fait même qu'elles avaient le statut reconnu par le Tribunal du travail, un statut de salarié, ces femmes-là ont entrepris une démarche d'accréditation, de syndicalisation, et certaines d'entre elles se sont fait reconnaître leur accréditation. Et alors, ce que la CSQ nous dit, c'est que d'un trait, alors en quatre petits articles, quelques lignes, on tire un trait sur ces reconnaissances-là. Et, à ce jour, on ne nous dit toujours pas ce qu'il y aura pour remplacer ça.

n(17 heures)n

Tout à l'heure, j'ai parlé des 53 propositions du rapport Bernier. À ce jour, le ministre du Travail ne nous a toujours pas donné quelles sont ses orientations pour les suites du rapport Bernier, donc quel sera l'aménagement possible des conditions de travail, quel sera l'aménagement possible des droits de ces femmes-là à l'intérieur d'un cadre qui est non régi par le Code du travail. Alors, la CSQ ici nous fait ça, elle nous fait cette intervention-là, et ce qu'il nous dit... et ce, qui nous laisse croire que, bien, il y a peut-être quelque chose qui touche directement les femmes dans ce projet de loi là et peut-être que... un coup... maintenant que nous avons reçu la CSQ, maintenant que nous avons lu et pris connaissance de ça, peut-être qu'il serait bon d'écouter la Fédération des femmes du Québec pour qu'on puisse en débattre pour dire: Regardez, la CSQ dit ça, bon, ça tient sur quoi, là, ces appréhensions-là, vers où on va?

Autre chose: dans un autre document qui n'est ni plus ni moins qu'un communiqué de presse émis par la CSQ, après l'introduction où est-ce qu'on nous dit quelle position sera prise par la CSQ, le point, le premier point, c'est vraiment le point où est-ce qu'on dit: discriminatoire envers les femmes. C'est un point, là, qui est écrit en gras, là, où on peut... où on essaie de mettre vraiment l'emphase sur quelles seront les premières victimes du projet de loi n° 8, et les premières victimes, bien, ce seront des femmes. Je me permets encore de lire deux courts extraits, là, du communiqué de presse: Les personnes responsables de services de garde en milieu familial sont en très grande majorité des femmes qui gagnent un salaire nettement en dessous du salaire minimum prévu par la loi des normes minimales du travail. Tantôt, et j'espère bien qu'on pourra avoir les chiffres, là, mais on nous a dit le contraire, là. Déjà là, on aurait pu avoir un bon débat, là, hein. Si la Fédération des femmes vient ici, on pourra avoir un bon débat sur... bon, on dit que ça touche en très grande majorité des femmes et que ça les touche du sens qu'on les garde dans une situation où elles sont en deçà du salaire minimum. On nous dit le contraire tantôt, la ministre déléguée nous a dit le contraire tout à l'heure. Alors, je pense que, déjà là, il y aurait de la matière très, très... On comprend, là, on ne peut plus qu'être plus pertinents que ça, par rapport au projet de loi, que de recevoir la Fédération des femmes.

En ce sens, le communiqué de presse de la CSQ continue en disant: «C'est le statut de salarié qui est la clé de l'accès aux principaux régimes québécois et canadiens de protection sociale pour les responsables des services de garde.» Alors, pour le moment, elles doivent assurer seules les risques liés au travail, comme les périodes de chômage, les accidents du travail, les maladies professionnelles; elles ne peuvent pas avoir accès au salaire minimum, aux congés de maternité, de maladie, des congés fériés payés ou des vacances. Alors, c'est pour ça que ces femmes-là, n'étant pas autonomes devant un marché qui est coordonné et qui est vraiment régi par un ensemble de structures, ces personnes-là n'étant pas autonomes de ce côté-là et ces personnes-là n'ayant donc aucune autonomie par rapport au marché à l'intérieur duquel elles font leur travail, ces personnes-là se sont donc vu attribuer le statut de salarié par les différents tribunaux, comme je vous disais tout à l'heure. Et, en les conservant à l'intérieur d'un statut de faux indépendants ou de fausses travailleuses autonomes, ce qu'on fait essentiellement, c'est qu'on ne règle pas plus le fait qu'ils sont exclus de l'accès des principaux régimes québécois et canadien de protection sociale. On ne fait rien de ce côté-là, mais on ferme la seule clé pour ces femmes-là, qui était le statut de salarié, et donc par la suite aussi la syndicalisation.

Alors, ici, on a un autre élément quand même assez important, là, qui, à mon sens, là, doit être pris en considération pour dire que la Fédération des femmes serait plus pertinente pour venir donner un éclairage par rapport aux décisions que nous prendrons avec le projet de loi n° 8. Autant, tout à l'heure, il était important et pertinent de rencontrer des gens du Collectif pour un Québec sans pauvreté pour voir les impacts que ça aurait sur l'enrichissement ou l'appauvrissement des gens, autant, là, il serait pertinent de rencontrer la Fédération des femmes pour voir quel impact réel aura ce projet de loi là sur les conditions de vie des femmes dans l'exercice de leur travail.

Je me permets ici, là, de lire un autre extrait: «Le malheureux précédent créé par le projet de loi n° 8 va provoquer des situations absurdes et dangereuses pour les femmes RSGMF. Par exemple, une RSG enceinte n'ayant pas droit au retrait préventif devra travailler jusqu'à son accouchement, avec tous les risques que cela comporte pour la femme enceinte ou pour le foetus. La RSG enceinte qui voudra arrêter de travailler pourra le faire mais à ses frais et pour un maximum de six mois en vertu du règlement sur les centres de la petite enfance.»

Ces situations seront d'autant plus dramatiques qu'un pourcentage très élevé de responsables de services de garde en milieu familial ont des enfants. Force est de constater que ce projet de loi consacre l'utilisation du législatif pour corriger lesdits égarements du judiciaire. Il envoie un message clair aux RSGMF et à la population: Votre travail n'est pas un vrai travail; en conséquence, vous n'avez pas accès aux mêmes protections juridiques et à l'ensemble des lois sociales qui s'appliquent aux autres travailleuses du Québec.

Essentiellement, présentement, en tirant un trait sur la reconnaissance du statut de salarié, en tirant un trait sur ? et donc, par ricochet ? sur la possibilité de ces gens-là de se syndiquer, on garde les gens dans un statut qui est un statut d'occasionnel et, dans ce cas-là, de faux occasionnel parce que les tribunaux sont allés à l'encontre des appréhensions de la ministre déléguée pour ce qui est du statut réel, dans les faits, de ces travailleuses-là. Et ce qu'on voit essentiellement, c'est qu'à l'heure où les premiers projets de loi d'un nouveau gouvernement devraient beaucoup plus être à l'effet de dire: il y a 37 % des emplois qui sont rendus des emplois atypiques; il y a 37 % de ces gens-là qui vivent à l'extérieur du Code du travail, ces gens-là ont besoin de protection; ces gens-là ont besoin d'outils pour s'assurer que toutes les reconnaissances, qui sont reconnues dans le Code du travail actuellement, nous pourrons les avoir demain.

Avant même de préparer ce terrain-là, le gouvernement dépose deux projets de loi: nous en discutons un aujourd'hui, c'est le projet de loi n° 8; nous discuterons en cette commission du projet de loi n° 7. Les intentions sont les mêmes: c'est de soustraire des travailleuses malgré... malgré un jugement d'un Tribunal du travail, c'est de les soustraire au statut de salarié pour les envoyer dans un statut de faux occasionnel, sachant très bien que le travail n'est pas fait de ce côté-là, et que, de plus en plus, tout ce qui s'appelle... tous les mécanismes de protection sociale sont nuls et non existants. Alors, si au moins on avait préparé le terrain d'abord, si au moins on avait établi quelles étaient les règles, quelles étaient les suites du ministre du Travail, du rapport Bernier, peut-être qu'aujourd'hui... alors qu'on discute ici à l'intérieur de la commission des affaires sociales, alors que nous discutons avec la ministre déléguée à la Famille de ce qu'il adviendra de ces pauvres femmes, alors que nous discutons de cela, essentiellement, le ministre du Travail demeure muet par rapport à qu'est-ce qu'il a l'intention de faire.

Et ça ne sera pas à la ministre déléguée de donner... à moins que ce soit une nouvelle stratégie gouvernementale où chacun des ministres se prévaudra de sa capacité de faire des lois pour retirer des gens du Code du travail, les traiter comme des faux occasionnels pour, par la suite, faire non pas de façon générale sur quelles seront les règles pour l'ensemble du Québec de tout ce qui s'appelle le travail atypique, mais bien, à l'intérieur de chacun des ministères, il y a aura, pour chacune des situations, un accommodement qui tiendra au fait de la volonté d'un seul ministre ou d'une seule ministre déléguée.

On ne peut pas penser qu'on va traiter le travail atypique, les occasionnels, de cette façon. On devrait beaucoup plus s'attarder à regarder ce qui se passe de ce côté-là. Ceci n'enlèvera jamais que, dans les faits, Bernier était d'abord et avant tout très clair aussi sur le fait que la tentation d'y aller avec de faux occasionnels, donc de retirer du Code du travail plusieurs personnes, était dans la volonté actuelle de différents employeurs, et l'État-employeur, de ce côté-là ? il faut bien l'avouer ici ? ne fait pas exception.

Alors, pour continuer avec la réflexion sur la... sur notre demande d'écouter la Fédération des femmes avant de procéder article par article, je vous lirai aussi un éditorial du Soleil du 19 juin 2003, qui s'appelle Injustice au foyer.

n(17 h 10)n

Une voix: C'est bon, ça.

M. Valois: Ici, ce qu'on dit, c'est... On parle de l'intervention du ministre de la Famille, O.K.? Et ce qu'on dit essentiellement, c'est: «Le projet de loi n° 8, déposé par le ministre de la Famille, est inacceptable à bien des égards: d'abord, parce qu'il bafoue le droit à la syndicalisation pourtant reconnu par le Code québécois du travail ? on pourrait aller beaucoup plus loin que ça, M. le Président, on en convient; je crois que le droit à la syndicalisation est même aussi à l'intérieur de grandes chartes et de grandes [...] de l'Organisation internationale du travail. Mais, bon, on va rester dans le texte, là ? d'abord, parce qu'il bafoue le droit à la syndicalisation pourtant reconnu par le Code québécois du travail, mais aussi à cause de son approche paternaliste qui vient déterminer, à la place des femmes qui gardent des enfants à la maison, ce qui est bon pour elles. On pouvait s'attendre à mieux d'un [...] jeune ministre libéral.»

Essentiellement... essentiellement, ce que Mme Breton, en éditorial dans Le Soleil, nous dit, c'est que cette intervention-là est une intervention qui dit... qui vraiment se base sur une conception qu'on a du travail... du travail des femmes ou des femmes au travail et, essentiellement, va dans le sens de ce que je vous lisais tantôt par rapport à dire que: Est-ce que ces femmes-là peuvent se faire considérer d'abord et avant tout comme de vraies travailleuses possédant de vrais droits plutôt que comme des personnes qui, parce qu'elles ont décidé d'exercer leur travail dans d'autres conditions que celles habituelles d'un édifice à bureaux ou d'une usine, n'auront pas droit à cette reconnaissance-là?

L'éditorial va plus loin, je me permets d'en lire un autre petit bout. On dit: «Le ministre de la Famille vient de décider pour les éducatrices en milieu familial qu'une association vaut mieux pour elles qu'un syndicat.» Pourquoi? Eh bien, ce qui est dit ici, c'est: «Il aurait pu laisser le choix aux travailleuses.» Un choix qui, soit dit en passant, est fait par 40 % des travailleurs et travailleuses au Québec. Il y a un taux de syndicalisation de 40 % au Québec. Alors, c'est un choix qui n'est pas anodin. C'est un choix que les gens ont le droit de faire et de façon... si je cite Mme Breton, ce qu'on comprend, c'est que, de façon un peu... avec une approche paternaliste, on vient intervenir et dire: On sait, nous, ce qui est bon pour elles.

Et ça, ça renvoie encore une fois à une série de visions qu'on a par rapport à la catégorie d'emploi avec laquelle on fait affaire, une vision aussi par rapport à comment on considère ces travailleuses-là. Je vous dirai que tout le dossier du service de garde ? et il serait bon d'entendre la Fédération des femmes du Québec là-dessus, là ? mais, à mon avis, tout le dossier du service de garde est un dossier où il y a eu... le gouvernement a dû faire des arbitrages par rapport aux mythes qui étaient véhiculés, notamment sur les femmes, et aux visions qu'ils étaient sur les femmes.

Les premières qui ont décidé d'aller sur le marché du travail et de faire garder leur enfant devaient aller et affronter ce qu'on appelle le mythe de la capacité biologique. On a longtemps cru au Québec que, essentiellement, les cinq premières années étaient tellement déterminantes pour un enfant que seule la mère... Parce que le mythe de la capacité biologique n'appartenait pas au père, vous en conviendrez; c'était pas ça, là, hein? Nous, les pères, à cette époque-là, on était une aide extérieure, à la limite un pauvre géniteur et quelqu'un qui amène de l'argent. Vous voyez, là, dans quel genre de Québec que je vous ramène, là. Mais, essentiellement, mais, essentiellement, les premières femmes qui ont décidé d'accéder au marché du travail et d'aller faire garder leurs enfants devaient affronter ça.

Alors, tout le réseau des services de garde a été difficile à mettre en place au Québec parce qu'il y avait le mythe de la capacité biologique, qu'on appelle. Alors, on a dû faire... Et la Fédération des femmes est une des organisations qui a travaillé très fort pour faire tomber le mythe de la capacité biologique, que d'autres personnes que simplement la mère pouvaient s'occuper des enfants. Alors, les gains ont été faits jusqu'à un an. Là, on s'est dit: O.K., mais les 12 premiers mois, ça, touchez-y pas, c'est important; le mythe de la capacité biologique vient en ligne de compte.

Et lorsqu'on a voulu, mais vraiment aller de l'avant ? et là, là, on ne remonte pas, là, à des années si lointaines ? mais vraiment aller de l'avant et que, oui, un enfant de six mois pouvait aller dans un service de garde, qu'il ne fallait pas attendre nécessairement les 12 premiers mois, on ne dit pas que ce n'est pas ça qui est l'idéal, là, comprenez-moi bien. On dit juste qu'il ne faudrait pas que l'obligation pour une femme de retourner au travail soit mis de côté et que la conciliation très difficile des fois entre la famille et le travail fasse en sorte que c'est toujours le travail qui écope parce qu'on a à l'intérieur de notre tête, à l'intérieur de notre vision, un mythe d'une capacité biologique où est-ce que, pour la première année, la femme ne peut rien faire d'autre que s'occuper d'un enfant parce que c'est le lien mère-enfant de la première année qui détermine tout. Des études nous ont démontré que, si un enfant qui est envoyé en service de garde et est envoyé dans des petits groupes, premier facteur, à l'intérieur duquel le service de garde a une stabilité du personnel, deuxième facteur, et, troisième, à l'intérieur duquel le personnel a une formation, bien, que le développement de cet enfant-là n'était pas compromis.

Alors, en ce sens-là, il a fallu travailler très fort pour faire comprendre que la femme avait droit au marché du travail au même titre que l'homme, et que le fait d'avoir un enfant ne faisait pas en sorte qu'elle devait rester à la maison... rester à la maison pour des temps indus.

Alors, en ce sens-là, vous comprenez, là, que, même au départ, là, de toute l'instauration de ce réseau-là, la Fédération des femmes nous a accompagnés par rapport à différentes réflexions, nous a accompagnés par rapport à tout l'avancement justement des droits, du droit des femmes. Dans ce contexte-là, il serait pertinent de l'avoir ici aujourd'hui, parce que ce qu'on voit là, et ces mythes-là et cette vision-là qu'on a de la femme, c'est un peu ce qui est repris, si j'extrapole un peu, dans la critique de Mme Breton dans son éditorial du 19 juin dans Le Soleil, où est-ce qu'on parle d'injustice au foyer. Il y a encore cette vision-là de femme au foyer qui semble être présente dans la critique... dans la critique de Mme Breton.

Mais c'est essentiellement une vision qui nous renvoie sur une autre chose, et que je pense qui est très importante, que nous puissions la regarder, c'est cette idée, lorsque je vous ai dit tantôt des femmes, puis même des hommes, et de l'ensemble des familles, de concilier famille-travail. Je pense que ça nous envoie aussi sur ce côté-là, mais pas simplement parler de conciliation famille-travail de toute la population, mais, à l'intérieur de toute la population, il y a les responsables des services de garde en milieu familial, qui elles aussi ont droit à une conciliation entre leur vie de famille et leur vie de travail. Ces personnes-là ont droit aussi de concilier vie de famille et vie de travail. Et présentement, en refusant l'accès à la syndicalisation, en leur enlevant le statut de salarié, on est en mesure de se poser la question suivante: Concilier le travail de qui, avec les familles de qui? Est-ce qu'essentiellement c'est une société à deux vitesses où on devra concilier le travail des éducatrices en service de garde à domicile avec les familles qui en sont les prestataires? Est-ce que c'est comme ça, la conciliation famille-travail? Le travail des unes avec les familles des autres?

Là, il faut faire bien attention lorsqu'on parle de famille-travail; c'est pour toutes les personnes, toutes les personnes qui sont à l'intérieur d'un champ qui est de plus en plus difficile. Il est de plus en plus difficile de concilier travail-famille, il est de plus en plus difficile à cause de, et on le sait très bien, de toute la redéfinition du marché de l'emploi. On en a parlé tout à l'heure, la flexibilité est ni plus ni moins que la précarité. C'est un peu le même mot, un peu déguisé, nous en avons parlé tantôt. Mais est-ce qu'on va exiger la flexibilité des uns pour répondre aux besoins des autres? Est-ce que, là, on va s'assurer de garder les RSG à l'intérieur d'un champ qui est très... qui est très, très déréglementé au nom d'une flexibilité, au nom d'une mobilité, au nom d'une productivité et d'une réponse à des besoins spécifiques pour faire... pour répondre essentiellement à un besoin de conciliation famille-travail de d'autres personnes, d'autres catégories sociales?

n(17 h 20)n

Alors, je pense que ces femmes-là qui sont aussi... sont aussi des personnes qui ont droit à la famille, sont aussi des personnes qui méritent de pouvoir concilier leur propre vie de famille avec leur vie professionnelle. Et, en ce sens-là, lorsqu'on regarde ce projet de loi ? et je pense que ce serait bien d'en débattre avec la Fédération des femmes du Québec ? lorsque nous regardons ce projet de loi là, force est d'admettre que la précarité et la très grande mobilité qui découlent de ce statut d'emploi, et les clés pour s'en sortir qui étaient essentiellement le statut de salarié et la capacité de se syndiquer, bien, sont des clés qu'on enlève à ces travailleuses-là. Et, essentiellement, on ne peut pas...

Comment concilier, à l'intérieur d'un même ministère ou d'une même ministre déléguée, la capacité de mettre ensemble sa volonté d'aller de l'avant avec une politique ou avec une politique de conciliation famille-travail, d'un côté, et, de l'autre côté, le projet de loi n° 8? Alors qu'on sait très bien que le projet de loi n° 8 va amener précarité, insécurité et instabilité à bon nombre de travailleuses qui ne pourront plus aussi facilement peut-être concilier famille et travail. Alors, en ce sens-là, il faut aussi qu'à l'intérieur de ses propres décisions, à l'égard des femmes qui travaillent à l'intérieur du réseau, que la ministre déléguée, par ses choix, envoie aussi des messages très clairs. Et force est d'admettre qu'avec le dépôt du projet de loi n° 8, on aurait bien aimé en discuter avec la Fédération des femmes, on aimerait bien en discuter avec eux autres. Mais il nous semble que la ministre déléguée va déjà à l'encontre de sa future réflexion sur la conciliation famille-travail parce qu'elle ne donne pas l'exemple avec son premier projet de loi, où elle ne permettra pas à ces femmes de pouvoir bénéficier d'outils pour mieux concilier leur vie de famille avec leur vie de travail. Si ces femmes-là veulent avoir Noël en famille, si ces femmes-là veulent fêter la fête nationale en famille, si ces femmes-là veulent ? parce qu'elle est importante, notre fête nationale...

Une voix: Justement, parlons-en!

M. Valois: Ou la fête... ou si, admettons, là, que ces femmes-là sont fédéralistes et qu'ils veulent fêter la fête de la Confédération, M. le Président.

Une voix: Ah! elles sont ambivalentes, là, si...

M. Valois: Oui, c'est ça.

Une voix: ...

M. Valois: Admettons qu'il y a des personnes de l'Action démocratique.

Le Président (M. Copeman): Je vous rappelle, chers collègues, qu'à ce moment-ci il n'y a que... il n'y a que le député de Joliette...

M. Valois: C'est rendu la fête des patriotes, M. le député de Vimont.

Des voix: ...

Le Président (M. Copeman): Chers amis, chers collègues, je vous rappelle, à ce moment-ci, qu'il n'y a que le député de Joliette qui a la parole. Allez-y, M. le député.

M. Valois: Si un de ses enfants se retrouve à l'hôpital, si elle-même se trouve malade, pourra-t-elle avoir justement ces protections-là qui feront en sorte qu'elle pourra mieux concilier le fait qu'elle ait une vie de famille, avec toute la plénitude que cela demande et qu'on veut atteindre, et, de l'autre côté, une vie de travail qui est enrichissante et qui fait en sorte que, bien, on sent qu'on fait... on fait agir notre potentiel dans le sens du développement de cette société québécoise. Et je pense que ce sont des réflexions qui sont importantes.

Tout à l'heure, évidemment, en nommant quelques exemples, bon, évidemment, certains de mes exemples ont fait sourire, je peux bien en convenir, sauf que, si les députés de l'aile gouvernementale avaient fait la lecture du rapport Bernier, vous auriez pu voir que, lorsque je parlais de la fête nationale, lorsque je parlais de la fête de Noël et lorsque je parlais des congés de maladie et des maladies pour enfants, ce sont essentiellement des points précis qui constituent les 53 propositions du rapport Bernier. C'est le fun d'en rire, c'est le fun de trouver ça drôle, mais, lorsqu'on lit des documents, on voit à quoi je me réfère. La pertinence de ce côté-ci, elle est importante par rapport à faire le tour de ce projet de loi là et d'aller jusqu'au fond de ça. Et, plutôt que de partir à rire, on aurait dit: Oh! il parle de Noël, proposition 22. Ah! fête nationale, proposition 44. Ah! Et là on aurait pu savoir que, essentiellement, j'apportais des propositions qui étaient issues du rapport Bernier.

Mais, au-delà de ça, sur le dossier des femmes, je crois que c'est un autre élément qui s'ajoute à plusieurs éléments, M. le Président, où les femmes du Québec doivent réellement se poser des question à savoir: Coudon, ils ont-u décidé qu'on était la cible préférée de la réingénérie actuellement? Projet de loi n° 7, projet de loi n° 8, l'équité salariale qui traîne encore, et sans parler de ce qui se passera avec... sans penser... sans réfléchir à ce qui se passera avec la Régie des rentes du Québec et les veuves. Tous ces questionnements-là par rapport aux femmes, bien, fait en sorte que je crois que, pour notre projet de loi n° 8, ici, mais pour l'ensemble des réflexions qui sont à la base de la réingénérie de ce gouvernement, je crois que la Fédération des femmes devrait être un acteur pertinent qu'on invite régulièrement dans nos réflexions.

Et c'est pour ça que, essentiellement, moi, j'appuie la proposition de la députée de Pointe-aux-Trembles pour écouter la Fédération des femmes du Québec avant que nous procédions article par article.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le député de Joliette. Est-ce que, par hasard, il y a d'autres députés qui aimeraient prendre la parole à ce stade-ci de nos délibérations? M. le député de Vachon. Oui, vous avez un droit de parole de 10 minutes.

M. Bouchard (Vachon): 10?

Une voix: Toujours... hein, je le sais.

M. Bouchard (Vachon): M. le Président.

Le Président (M. Copeman): La parole est à vous.

M. Camil Bouchard

M. Bouchard (Vachon): Je vous remercie. Vous comprendrez que, malgré l'heure tardive et la fatigue, l'accablement et le fou rire, nous devons quand même, je pense, continuer à traiter de ce problème avec rigueur, avec sérieux. Et je veux exprimer ici mon appui à la motion présentée par ma collègue de Pointe-aux-Trembles concernant la pertinence d'inviter, de recevoir, d'écouter, de discuter avec la Fédération des femmes du Québec.

Je n'en ai sans doute pas pour 10 minutes, M. le Président, mais j'ai un certain nombre de remarques...

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Je vous rappelle, cher collègue, qu'il n'y a qu'un seul député qui a la parole à ce moment-ci, c'est le député de Vachon. Et il est...

Des voix: ...

Le Président (M. Copeman): J'avise les membres de la commission que, de façon générale, chers collègues, les interruptions qui viennent du même côté de la table sont plus ou moins rares, de façon générale, ou devraient, quant à moi, être plus ou moins rares. Les interruptions de tout le monde, quant à moi, devraient être rares, mais d'autant plus venant d'un collègue du même côté de la table.

Alors, on vous écoute, M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, est-ce que, question de procédure, est-ce que je comprends que la remarque que vous venez de faire est soustraite de mon temps ou...

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, non, ça comprend à l'intérieur de vos 10 minutes, M. le député, dans le cadre d'un rappel au règlement dont j'ai les pouvoirs de faire.

M. Bouchard (Vachon): Bon, si vous appuyez là-dessus, sur une jurisprudence.

Le Président (M. Copeman): Bien sûr.

M. Bouchard (Vachon): Bon, très bien, merci. Alors, je vais tenter de resserrer mon propos, M. le Président, pour que, effectivement, il puisse occuper pas plus que le 10 minutes qui m'est alloué.

Cette question de l'invitation de la Fédération des femmes me rappelle qu'en très grande majorité, lorsqu'il s'agit de ce qu'on appelle à Paris le «caring», lorsqu'il s'agit de prendre soin, lorsqu'il s'agit de donner des services de soins aux personnes, la plupart des postes sont occupés par des femmes. Les groupes communautaires qui, par exemple, donnent des services de soins thérapeutiques, de suivis, de soins à domicile, etc., sont souvent le fait de femmes qui ont pris cette responsabilité à l'égard de leurs concitoyens ou de leurs concitoyennes et qui se satisfont très souvent de revenus très modestes et de conditions de travail qui relèvent très souvent de la mission, et ce, qu'on pourrait appeler noblement ou plus noblement du don.

n(17 h 30)n

Les femmes, dans la tradition continentale nord-américaine, M. le Président, sont associées au don social. Elles sont inscrites, elles s'inscrivent en grand nombre dans des activités de soutien à leur communauté, de soutien à ceux et à celles qui expriment ou qui présentent une plus grande vulnérabilité. Elles s'inscrivent, ces femmes, en grand nombre dans des postes ou dans des activités d'éducation, de scolarisation, dans des postes qui demandent beaucoup de patience, beaucoup de suivi, beaucoup d'attention, beaucoup de sensibilité.

Il n'est pas rare, M. le Président, que, lorsqu'on rencontre de ces groupes de femmes dans les milieux communautaires et qu'elles commencent à décrire les conditions de travail avec lesquelles elles doivent composer, la conclusion de leurs interventions très souvent c'est: Mais je le fais par amour, ou: Je le fais par besoin de mes concitoyens, ou: Je le fais par générosité envers mes concitoyennes et mes concitoyens. Autrement dit, il y a, dans la culture féminine, dans la culture des femmes, cette préoccupation du «caring», cette préoccupation d'une attention particulière qu'on doit porter aux plus vulnérables ou aux personnes qui sont, comme on dit dans le jargon de mon métier, dans une trajectoire de développement.

Cela dit, il ne faudrait pas que ça devienne une raison et, au contraire, ça devrait être cette reconnaissance ou cette association que l'on peut faire entre la présence des femmes dans des missions de don et de protection des plus vulnérables... ne devrait pas être un laissez-passer pour que le gouvernement leur refuse un droit de protection, au contraire. Parce que les femmes sont très souvent impliquées dans ces services d'accompagnement, dans ces services d'aide à celles et à ceux qui sont dans des trajectoires de développement et parce qu'elles en font une mission personnelle, il y a là une motivation, une raison de plus pour qu'un gouvernement responsable s'assure qu'on leur accorde une protection maximale dans l'expression de leur mission.

Puisque, éventuellement, M. le Président ? et ça, il y a une jurisprudence formidable au Québec ? les personnes qui sont dans des situations de service et qui font face à des états de détresse très grands et qui ne parviennent pas, à l'intérieur de leurs activités ou de leur mission, à solutionner des problèmes, ces personnes, M. le Président, très souvent font des burnouts, et, lorsqu'ils arrivent devant le tribunal, et c'est souvent des femmes, lorsqu'elles arrivent devant le tribunal, elles se font dire: Mais voyons! prenez votre travail moins à coeur, comme ça vous allez éviter le burnout. On renvoie sur le dos des individus la responsabilité de leur fatigue professionnelle, de leur dépression ou de leur détresse acquise dans leur milieu de travail, alors que, dans le fond, les conditions de travail qu'on leur offre ? et là il faut voir dans quelles conditions on retrouve très souvent les femmes dans les organisations communautaires, dans les services sociaux ? les conditions de travail qui leur sont offertes, comment ces conditions de travail les amènent très souvent au seuil de la fatigue et au seuil du cynisme dans leur travail.

Alors, M. le Président, il me semble que c'est là une motivation supplémentaire pour qu'on puisse invoquer auprès du gouvernement, et j'aimerais beaucoup entendre, moi, la Fédération des femmes du Québec sur cela, et la proposition de la députée de Pointe-aux-Trembles va dans ce sens-là... il me semble que ce serait là une motivation supplémentaire pour le gouvernement d'amener dans la législation des dispositions qui, contrairement à ce qu'on assiste dans le projet de loi n° 8, des dispositions qui offriraient une protection maximale à ces personnes qui font oeuvre de don, qui font oeuvre d'accompagnement auprès des personnes en développement.

M. le Président, on sait tous par ailleurs que, bien que ce ne soit pas là une condition sine qua non à une réussite dans la vie, on sait tous que l'éducation et les soins qu'on apporte aux tout jeunes enfants, entre zéro et cinq ans, représentent, dans la vie de cette personne-là, ce qu'on appelle en américain un «building block», c'est-à-dire une assise sur laquelle la personne pourrait éventuellement s'appuyer pour se développer davantage et pour passer d'une étape de développement à l'autre. Alors, l'étape de zéro à cinq ans, bien qu'elle ne soit pas totalement déterminante, est extrêmement importante.

Or, les personnes qui accompagnent nos enfants, en majorité des femmes, se retrouvent très souvent dans des conditions de travail qui vont à l'encontre de deux principes fondamentaux si on veut améliorer la qualité des environnements des enfants. Le premier principe, c'est celui de recruter les meilleurs candidats et les meilleures candidates possible, et on le fait plus facilement si on offre aux étudiants ou aux étudiantes en formation une possibilité éventuellement d'inscrire leur travail dans un environnement où les conditions de travail, le Code du travail et la capacité d'améliorer soi-même avec un collectif, où ces conditions-là sont présentes. Donc, recruter les meilleurs candidats possible, c'est faisable, mais à la condition qu'on puisse présenter aux futurs candidats une image de trajectoire professionnelle qui leur permette de s'associer à des individus qui vont revendiquer avec elles et avec eux des améliorations à leurs conditions de travail. Le projet de loi que nous avons, me semble-t-il, va dans la direction opposée, c'est-à-dire qu'il refuse à ces personnes, à ces femmes, un droit à la syndicalisation.

Et je reviens, je reviens sur une remarque qu'a faite le député de Joliette tout à l'heure. Je ne veux pas porter, faire de procès d'intention au gouvernement, en tous les cas à ce stade-ci du développement de la législation, mais il y a quand même un certain nombre de convergences qu'il faut observer: la loi n° 7, la loi n° 8 et le Régime de rentes du Québec où le gouvernement conclut que, étant donné qu'il y a eu une telle amélioration dans les conditions de travail des femmes, on n'a plus besoin de se soucier désormais de maintenir une rente à vie pour les veuves, les survivantes, et la proposition est à l'effet de ramener ça à trois ans... C'est comme si, quelque part, on se disait, puis c'est la même chose avec l'équité salariale: On a fait un bon bout de chemin, maintenant, on n'a plus besoin de se préoccuper de l'amélioration de la situation des femmes, et pire que cela, nous allons faire deux catégories désormais, nous allons diviser les femmes en deux camps, en deux groupes: les syndicables et les syndiquées, et les non-syndicables et les non-syndiquées.

Et cela m'apparaît, M. le Président, dangereux et m'apparaît suffisamment dangereux pour qu'on puisse inviter les personnes responsables de la Fédération des femmes du Québec à venir en débattre avec nous et débattre, entre autres, de la question suivante: Y a-t-il une raison d'État, y a-t-il une raison d'État qui motiverait le fait qu'on refuse la syndicalisation à des groupes de femmes? Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le député. Je tiens à ce moment-ci à clarifier quelque chose. L'heure est tardive, la fatigue, ainsi de suite... J'ai pu laisser entendre, en réponse à la question du député de Vachon, que, si jamais il y avait un appel au règlement ou un rappel au règlement de la part de la présidence, que le temps de clarifier cet appel au règlement est comptabilisé à l'intérieur du temps du député, ce qui est faux. En commission parlementaire...

M. Bouchard (Vachon): Donc, je peux continuer, M. le Président?

Le Président (M. Copeman): Bien, je pense qu'on s'est... je suis intervenu pour à peu près 15 secondes. Si vous insistez, vous pouvez parler pendant 15 secondes. Mais je tiens à préciser... Ce qui n'est pas la règle à l'Assemblée nationale, hein, à l'Assemblée nationale, parce que ce sont des discours, un rappel au règlement est comptabilisé à l'intérieur du temps du député. Mais ici, en commission parlementaire, compte tenu que nous ne faisons pas des discours mais plutôt des échanges...

M. Auclair: Ce n'est pas des discours.

Le Président (M. Copeman): Non, nous faisons des échanges entre parlementaires...

Des voix: ...

Le Président (M. Copeman): ...des échanges entre parlementaires, les appels au règlement ne sont pas comptabilisés dans le temps du député qui a la parole. C'est clair?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Copeman): Merci.

M. Bouchard (Vachon): M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Oui, M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Est-ce que je pourrais offrir le 15 secondes qui m'a été... à mon collègue?

Le Président (M. Copeman): Non. Malheureusement, le temps de parole n'est pas transférable, M. le député de...

M. Bouchard (Vachon): Très bien, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Et malheureusement, encore une fois, vous avez terminé votre intervention, alors on est... je suis dans l'obligation de passer, si jamais il y a lieu, à un autre intervenant sur la motion. M. le député des Îles-de-la-Madeleine, pour un maximum évidemment de 10 minutes. La parole est à vous, M. le député, toujours sur la motion présentée par la députée de Pointe-aux-Trembles.

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: Absolument, M. le Président, je tiens à joindre ma voix à celle de mes collègues de ce côté-ci en regard de la pertinence de la proposition qui a été faite par la députée de Pointe-aux-Trembles quant au fait qu'on aurait intérêt à approfondir notre réflexion, en particulier en demandant justement la collaboration de la Fédération des femmes du Québec, et je m'explique.

n(17 h 40)n

Vous savez, M. le Président, le principe qui est à la base même de ce projet de loi n° 8 est boiteux. Les motifs peuvent se comprendre, on peut avoir toutes sortes de raisons, et le gouvernement peut avoir aussi ses raisons, mais il n'en demeure pas moins, M. le Président, qu'on s'apprête à poser un geste extrêmement lourd de conséquences et que, en ce sens-là, il est impérieux de revoir, d'approfondir notre réflexion.

Vous savez, ces gens, ces travailleuses en très grande majorité, parce que ce sont des travailleuses, et, s'il y a quelqu'un qui connaît bien la réalité de ces travailleuses, ce sont aussi bien sûr les gens de la Fédération des femmes du Québec. Mais ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on garde les enfants en milieu familial. Ça s'est toujours fait. Et, au début, lorsqu'il était question de ces gardiennes et qu'on appelait ces travailleuses des gardiennes d'enfants, elles ont été les premières à exiger, à revendiquer, à demander pour qu'on ne les appelle pas des gardiennes d'enfants en disant: Nous ne sommes pas des gardiennes de zoo. Elles réclamaient l'appellation de travailleuses en milieu familial. Alors, je dis: Oui, M. le Président, il faut supporter cette motion de la députée de Pointe-aux-Trembles, puisque ce projet de loi n° 8 est vraiment un projet de loi qui est discriminatoire envers les femmes. On s'apprête de façon importante à leur nier des droits, on l'a, je pense, établi de façon magistrale précédemment.

Alors, pourquoi la Fédération des femmes du Québec? Parce que, justement dans la foulée de ce que le député de Vachon disait sur les reculs pour les femmes depuis l'arrivée justement du PLQ, même le premier ministre avait oublié de nommer une ministre de la Condition féminine, M. le Président... Alors, il serait peut-être intéressant qu'on permette justement à la Fédération des femmes de venir échanger avec nous là-dessus.

Mais je voudrais aller plus loin, M. le Président, je voudrais aller plus loin.

Le Président (M. Copeman): ...la pertinence évidemment, M. le député.

M. Arseneau: Oui, tout à fait. Pourquoi la Fédération des femmes du Québec? C'est certainement pertinent, ça, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Absolument.

M. Arseneau: Parce que la Fédération des femmes du Québec travaille solidairement et, bien sûr, dans une perspective féministe, mais on a, je pense, établi... Je ne sais pas si on a des chiffres; peut-être que ma collègue la députée de Pointe-aux-Trembles, qui a travaillé dans ce dossier avec intensité pendant de nombreux mois, pourrait nous le dire, mais, sur les, quoi? autour de 10 000 travailleurs, la très, très grande majorité dans ce secteur, ce sont des femmes, et dans une perspective féministe bien sûr, mais elles travaillent à quoi? À l'accès des femmes à l'égalité.

Ce n'est pas ce qu'on s'apprête à faire quand on établit des catégories de travailleuses au niveau toujours... lorsqu'il s'agit de travailleuses en milieu de garde, et elles se préoccupent aussi d'équité, de dignité et de justice sociale dans tous les domaines. Je pense qu'il a été abordé de long en large cette question et les principes qui sont en cause, et c'est pour ça, M. le Président, que je plaide, moi aussi, pour que nous recevions en commission la Fédération des femmes du Québec.

Bien, M. le Président, je veux aussi être bien compris et être bien clair, parce qu'il y a peut-être des gens en face... il y a parfois eu des petits écarts, et les gens peuvent se dire: Ah! voilà, ils sont en train de faire perdre le temps de la commission, et ces choses-là. Il est absolument, il est...

Une voix: ...

M. Arseneau: Non, on le sent parfois, M. le Président, dans les regards et dans des remarques qui ne sont pas nécessairement audibles partout. Mais il est extrêmement, M. le Président...

Le Président (M. Copeman): Je vous rappelle, M. le député...

M. Arseneau: Non, non, écoutez, bien, si on me prend mon 10 minutes, M. le Président, il ne pourra pas entendre ce que j'ai à dire, là.

Le Président (M. Copeman): Absolument. Non, non, absolument, mais je vous rappelle simplement que les remarques qui ne sont pas audibles ne sont pas prononcées.

M. Arseneau: Voilà, mais on peut les entendre, nous.

Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. le député.

M. Arseneau: M. le Président, on n'est pas en train de faire perdre le temps de qui que ce soit. Et encore aujourd'hui, M. le Président, dans l'actualité au Québec, et je le donne pour l'information de la commission, aujourd'hui, les gens de la Centrale des syndicats du Québec, la CSQ, le 28 octobre, dans un communiqué d'aujourd'hui, nous disaient ceci, M. le Président: «Nous réitérons aujourd'hui notre demande très claire au gouvernement pour qu'il retire ce projet de loi qui veut enlever définitivement des droits sociaux, économiques et syndicaux à des femmes ? là, j'espère qu'on ne mettra pas en cause la pertinence de la proposition, M. le Président, et je continue à citer le communiqué ? qui vivent déjà des conditions de travail et de vie difficiles. Il s'agit d'une attaque en règle contre les droits fondamentaux de ces travailleuses que nous n'admettons pas et n'admettrons jamais», insiste Louise Chabot.

Un peu plus loin, M. le Président: «Cette volonté des responsables des services de garde...» parce qu'on annonce... c'est ça, le communiqué: «La CSQ dépose sa 60e demande d'accréditation syndicale de responsables d'un service de garde en milieu familial au moment où le projet de loi n° 8 veut priver ces salariées de leurs droits sociaux et économiques.»

Alors: «Cette volonté ? M. le Président, je continue à citer le communiqué ? des responsables des services de garde de 60 CPE de se syndiquer à la CSQ fait contrepoids aux propos martelés par la ministre déléguée à la Famille ? elle la nomme ? [...] à l'effet que seules les centrales syndicales ont des intérêts à syndiquer ces travailleuses. Ces demandes de syndicalisation démontrent aussi que ces éducatrices ne se reconnaissent pas comme des "travailleuses autonomes" heureuses de l'être et désirant le demeurer, selon les mêmes prétentions de la ministre.»

Un peu plus loin, M. le Président: «Mais ce que la ministre déléguée et le gouvernement oublient surtout de dire à la population, c'est ce qui les motive pour faire adopter un tel projet de loi, leurs intérêts strictement économiques, qu'ils sont prêts à défendre coûte que coûte, au détriment de toutes ces travailleuses. Voilà pourquoi le gouvernement doit retirer ce projet de loi...»

M. le Président, voilà ce que j'avais à dire de pertinent sur le fait qu'il serait impérieux pour cette commission d'aller entendre ce que la Fédération des femmes du Québec pourrait nous apprendre sur la nécessité que nous avons d'être extrêmement prudents avant d'aller plus loin avec le projet de loi n° 8.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le député. Est-ce qu'il y a d'autres députés qui désirent intervenir sur la motion de Mme la députée de Pointe-aux-Trembles? Bon.

Mme Théberge: ...

Le Président (M. Copeman): Oui, allez-y, Mme la ministre, oui. Vous avez un maximum de 30 minutes.

Mme Carole Théberge

Mme Théberge: Ça va être très, très court en fait, parce que, concernant la motion sur la présence ou non de la Fédération des femmes du Québec, je voudrais juste rappeler que la Fédération fait partie du collectif Au bas de l'échelle, le collectif qui a été entendu lors de la consultation, et fait également partie du collectif Chantier de l'économie sociale qui, lui, s'est désisté lors de la même consultation. Alors, compte tenu que généralement on reconnaît, lorsqu'on reçoit un collectif via un mémoire ou une rencontre et qu'il parle au nom des groupes qu'il représente, bien, on peut déduire que la Fédération des femmes du Québec a été entendue, sinon à quoi bon avoir un collectif. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a d'autres députés qui désirent intervenir?

Mise aux voix

Alors, je mets aux voix la motion de la députée de Pointe-aux-Trembles. Est-ce que...

Mme Léger: M. le Président, par vote nominal, s'il vous plaît.

Le Président (M. Copeman): Oui. Alors, Mme la secrétaire.

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), pour ou contre?

Mme Léger: Oui, M. le Président.

Une voix: Pour.

Mme Léger: Pour.

Le Président (M. Copeman): Il faut vous exprimer pour ou contre, oui.

Mme Léger: Pour.

Le Président (M. Copeman): Merci. On ne présume de rien.

La Secrétaire: C'est ça. M. Valois (Joliette)?

M. Valois: Pour.

La Secrétaire: M. Bouchard (Vachon)?

M. Bouchard (Vachon): Pour, M. le Président.

La Secrétaire: M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine)?

M. Arseneau: Pour, M. le Président.

La Secrétaire: Mme Théberge (Lévis)?

Mme Théberge: Contre.

La Secrétaire: Mme Charlebois (Soulanges)?

Mme Charlebois: Contre.

La Secrétaire: Mme L'Écuyer (Pontiac)?

Mme L'Écuyer: Contre.

La Secrétaire: M. Williams (Nelligan)?

M. Williams: Contre.

La Secrétaire: M. Auclair (Vimont)?

M. Auclair: Contre.

La Secrétaire: M. Bernard (Rouyn-Noranda? Témiscamingue)?

M. Bernard: Contre.

La Secrétaire: M. Bachand (Arthabaska)?

M. Bachand: Qu'est-ce qu'il y a?

Une voix: Vote contre.

M. Bachand: Ah oui! contre.

Des voix: Pour, pour.

M. Bachand: Contre.

Des voix: Ha, ha, ha!

La Secrétaire: M. le Président?

n(17 h 50)n

Le Président (M. Copeman): Chers amis, je vais simplement vous demander à votre tour, s'il vous plaît, de... soyez bien audibles pour les fins d'enregistrement de notre vote. J'abstiens. Alors, la motion est rejetée.

La Secrétaire: Rejetée.

Le Président (M. Copeman): Est-ce qu'on est prêt à passer à l'article 1 du projet de loi, M. le député des Îles-de-la-Madeleine? Oui.

Motion proposant
d'entendre le ministre du Travail

M. Arseneau: Oui, M. le Président, j'aurais une proposition à apporter:

«Qu'en vertu de l'article 244 de nos règles de procédure la commission des affaires sociales convoque, avant d'entreprendre l'étude détaillée du projet de loi n° 8, cette Loi modifiant la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde... qu'on entende le ministre du Travail et que cette convocation soit faite en vertu de l'article 164 de nos règles.»

(Consultation)

Le Président (M. Copeman): Alors, la motion est recevable, et je pense qu'on comprend qu'est-ce qui se passe. M. le député, comme auteur, vous avez un maximum de 30 minutes pour plaider votre motion. Alors, allez-y.

M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: Je comprends, M. le Président, que, avec l'heure tardive, comme vous l'avez mentionné précédemment... donc, je n'aurai pas le 30 minutes. Qu'est-ce qui se passe à ce moment-là? Est-ce que...

Le Président (M. Copeman): À la prochaine séance de la commission des affaires sociales, l'auteur de la motion, c'est-à-dire vous, aurait droit de compléter votre intervention, si jamais, évidemment, vous n'êtes pas capable de le faire d'ici 18 heures.

M. Arseneau: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Ça me fait plaisir.

M. Arseneau: Écoutez, je veux apporter cette proposition parce que, dans tout ce débat, M. le Président, jusqu'à maintenant, en ce qui concerne le projet de loi n° 8, et on trouve beaucoup de similitudes avec un autre projet de loi... et, lorsqu'il est question, soit en adoption de principe ou autre, à chaque fois j'ai fait valoir que les principes qui sont en jeu dans ce projet de loi n° 8, même si c'est un projet de loi qui est mince, qui n'est pas nécessairement un long projet de loi, qui est court, que les principes qui sont en cause sont extrêmement importants même... du point de vue justement des valeurs et des conséquences que peut avoir le projet de loi n° 8.

Alors, comme le principe en cause est un principe fondamental, comme l'État du Québec s'est donné des institutions... on a un Code du travail que le gouvernement même doit respecter comme institution, on a un Tribunal du travail, on s'est donné toutes sortes de règles de façon, je dirais, à policer les relations de travail et à faire en sorte que nos relations de travail soient harmonieuses de façon à ce qu'on ait un développement économique harmonieux, etc. De la même façon qu'on a ces institutions au Québec, alors que, pendant que ses collègues présentent des projets de loi par lesquels on va finalement forcer la définition de ce qu'est un travailleur autonome, parce que, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, M. le Président, ce qui va arriver là-dedans, c'est que, comme le Tribunal du travail, à moins qu'on décide de ne plus utiliser cet outil collectif dont je parlais précédemment, comme le Tribunal du travail a reconnu qu'ils étaient des salariés au sens du Code du travail et que nous leur nions ce droit, nous les appelons des travailleurs autonomes, on se trouve à créer une catégorie de faux travailleurs autonomes, qu'on le veuille ou non. Alors, pendant que ses collègues s'attaquent, ou charcutent, ou touchent à ces institutions sacrées, on n'a pas entendu le ministre du Travail.

C'est ça, la question que je me pose. Et c'est pour ça que je suis à cette commission, et c'est pour ça que j'interpelle les membres de cette commission pour qu'on entende le ministre du Travail, pour qu'il vienne nous expliquer comment il entend faire en sorte que les outils qu'on s'est donnés... que le monde du travail québécois n'ait pas à s'inquiéter. Qu'est-ce qu'il a fait, le ministre du Travail? Qu'est-ce qu'il a dit? A-t-il pris la défense des droits des travailleurs? Quels principes a-t-il défendus? A-t-il défendu son Tribunal du travail? Alors, je pense qu'on a déjà là beaucoup de questions à poser et je suis certain que les collègues d'en face ne pourront pas s'opposer à ce qu'on questionne leur collègue quand même, parce que, jusqu'à maintenant, ce ministre du Travail a été tellement transparent qu'il a été absent du débat, et, pendant ce temps-là, comme l'affirment tous les observateurs et les spécialistes, il s'agit là d'un très mauvais exemple que le gouvernement est en train de donner au secteur privé.

Il y a des principes en cause qui sont tout à fait inacceptables. Parce que ce qu'on s'apprête à faire, et on a établi que c'était en majorité des femmes, on fait appel à toutes ces expertises et on souhaite que la commission... mais, jusqu'à maintenant, on n'a pas eu de succès, mais rien ne nous dit qu'on ne pourra pas éventuellement faire en sorte d'entendre ces spécialistes pour venir nous éclairer. Parce que, en niant le droit à des milliers de travailleuses et des travailleurs du Québec de se syndiquer, le gouvernement se trouve aussi à nier les droits de ces mêmes personnes aux protections sociales qui sont liées au droit du travail, comme ça a été très bien démontré par mon collègue le député de Joliette.

Alors, de plus, et peut-être que ce serait intéressant, peut-être que le fait d'impliquer le ministre du Travail à la discussion, peut-être que ça pourrait amener justement, avec la réflexion, le gouvernement à modifier le projet de loi n° 7 pour y intégrer des données qui permettraient de rassurer le monde du travail. Parce que, M. le Président, actuellement, le monde du travail est très inquiet. Il n'y a pas seulement que le député de Brome-Missisquoi qui dit qu'«en adoptant la ligne dure face au monde syndical et en mettant la paix sociale dans la balance ? c'est grave, M. le Président. Non, mais c'est un libéral qui parle, là, à n'en pas douter, là. Puis il met en balance, dans la balance, la paix sociale ? le gouvernement de Jean Charest est en rupture avec l'héritage de [...] Bourassa, a estimé, hier, le député libéral Pierre Paradis.»

Mais ce que je veux amener, M. le Président, c'est qu'on ne peut pas, d'un côté, nier des droits à des travailleurs puis, en même temps qu'on fait ça... plutôt que de présenter une alternative ou de présenter les choses qui pourraient véritablement rassurer les travailleurs en disant: Voilà, il y a des études qui ont été faites, il y a le rapport Bernier, il y a des solutions, il y a des propositions à faire pour améliorer la situation des travailleurs atypiques du Québec; au lieu de présenter cette alternative, on ne fait rien. Et, d'un autre côté, on s'attaque de façon magistrale aux droits des travailleurs.

J'ai posé une question au ministre du Travail en Chambre sur l'article 45 du Code du travail. C'est quand même une pièce importante de nos relations de travail au Québec, ça, l'article 45 du Code du travail, c'est un outil, c'est un instrument qui est là depuis 30 ans, qui garantit... et même si on l'améliore, et on l'a amélioré encore récemment. Mais que nous a dit le ministre du Travail? Pas d'études; ceux qui en ont viendront nous voir en commission parlementaire, mais on l'a dit, puis on est prêts, puis on attaque l'article 45 du Code du travail. Ce n'est rien pour rassurer les travailleurs.

Que vont penser les travailleuses, là, à qui on s'apprête à enlever des droits actuellement? Que vont penser ces travailleurs et ces travailleuses du Québec alors que, par exemple, sur la loi n° 90, la loi du 1 %... Alors, pendant que la réingénierie risque justement de faire en sorte qu'il y a plusieurs domaines, plusieurs secteurs qui vont être touchés, pendant ce temps-là, lorsqu'il est question du secteur du travail et du monde du travail, bien, on nous dit: Non, non, tout est prêt; tout est prêt, on s'attaque à l'article 45; la loi n° 90, l'amendement est déjà proposé pour toucher au 1 %. Ce sont des travailleurs, pour la majorité, dans ces petites et moyennes entreprises, des travailleurs qui bénéficiaient à terme, comme toute la société québécoise bénéficie d'avoir des travailleurs qui sont performants, avec des formations transférables...

Alors, ce que je dis, M. le Président, ce que je dis, c'est qu'il est impérieux qu'on entende le ministre du Travail sur les orientations, sur ce qu'on est en train de faire avec ce projet de loi n° 8 et les conséquences très lourdes qui pourraient venir pour la société québécoise, M. le Président. J'espère que les gens d'en face en tout cas... Je ne sais pas, est-ce que j'ai encore du temps? Oui? Je peux continuer? Parce que, vous savez, chez nous, aux îles, on est en avance sur le temps.

Le Président (M. Copeman): Fiez-vous sur moi, M. le député, de vous arrêter au moment opportun.

M. Arseneau: D'accord. Alors, M. le Président, comme les travailleurs du Québec sont inquiets, comme le monde du travail est inquiet, il est extrêmement important qu'on puisse rassurer non seulement les travailleurs du Québec, mais aussi qu'on puisse rassurer ces travailleuses à qui on s'apprête à enlever par le projet de loi n° 8, comme on l'a vu, et comme on l'a dit, et comme on l'a entendu abondamment aujourd'hui... il est certain qu'il faut absolument que ces travailleurs-là soient rassurés parce que les gestes qu'on s'apprête à poser sont d'une extrême gravité et d'une extrême importance.

Le Président (M. Copeman): Oui, merci, M. le député. Compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux de la commission des affaires sociales sine die.

(Fin de la séance à 18 heures)


Document(s) associé(s) à la séance