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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 23 mars 2004 - Vol. 38 N° 45

Consultation générale sur le projet de loi n° 38 - Loi sur le Commissaire à la santé et au bien-être


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

La Présidente (Mme Charlebois): Bonjour, tout le monde. Je constate que nous avons quorum. Tout le monde est prêt pour débuter les travaux.

Alors, je vous rappelle que, pour la bonne marche de nos travaux, l'usage des téléphones cellulaires et des téléavertisseurs sont interdits dans la salle, et je demande aux personnes qui en font usage de bien vouloir les fermer au cours de la séance.

Je rappelle le mandat de la commission: la Commission des affaires sociales est réunie afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 38, Loi sur le Commissaire à la santé et au bien-être.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. Alors, M. Valois (Joliette) va être remplacé par Mme Charest (Rimouski).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Charlebois): Merci. Nous allons aujourd'hui... Permettez-moi de vous rappeler un peu l'ordre du jour. Ce matin, nous allons recevoir les gens de Les Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada, l'Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec, pour terminer ce matin avec l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec... Oui, c'est le même groupe. Auxiliaires. Non, le premier... Le deuxième groupe en fait qu'on reçoit, c'est l'Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec, pour terminer ce matin avec l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec. Cet après-midi, nous recevrons l'Association des centres jeunesse du Québec et le Fonds d'aide aux victimes d'erreurs médicales.

Alors, sans plus tarder, nous allons recevoir, comme je le disais, Les Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada. Et, M. Marcheterre, je vous inviterais, un, à présenter votre mémoire, vous savez que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire, ça va se poursuivre par 40 minutes d'échange entre les parlementaires, et je vous inviterais aussi à nous présenter vos invités.

Les Compagnies de recherche pharmaceutique
du Canada (Rx & D)

M. Marcheterre (André): Très bien, madame. Merci. J'ai en fait délégué cette tâche à mon collègue Sylvain Clermont ce matin.

M. Clermont (Sylvain): Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. membres de la Commission des affaires sociales, permettez-moi tout d'abord de vous présenter les personnes qui représentent notre association. Je suis Sylvain Clermont, vice-président du comité Québec Rx & D et gestionnaire des Affaires extérieures pour Bristol-Myers Squibb. Je suis accompagné par M. André Marcheterre, président de Merck Frosst Canada et président du comité Rx & D Québec, ainsi que de Marquis Nadeau, M. Marquis Nadeau, responsable du groupe de travail Santé-Rx & D et directeur des Politiques de soins de santé chez Novartis.

Les Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada (Rx & D) forment une association d'envergure nationale qui représente plus de 23 000 Canadiennes et Canadiens à l'emploi de 55 sociétés de recherche pharmaceutique. Les membres de notre association ont tous en commun un objectif principal, soit la découverte et la mise en marché de médicaments novateurs qui améliorent la qualité de vie de nos concitoyennes et concitoyens. À l'échelle mondiale, ces sociétés sont à l'origine de plus de 90 % des médicaments aujourd'hui offerts sur le marché.

Les membres de Rx & D remercient la Commission des affaires sociales de leur permettre de présenter leurs commentaires sur le projet de loi faisant actuellement l'objet de ses réflexions et de ses délibérations. Ce projet de loi devant créer le poste de Commissaire à la santé et au bien-être, ou projet de loi n° 38, revêt une grande importance, puisqu'il s'agit de nommer une personne dont les responsabilités couvriront l'ensemble du système de santé au Québec.

Aux fins de notre présentation, nous limiterons nos commentaires aux seuls éléments du projet de loi qui touchent particulièrement le médicament et sa place au sein du système de santé du Québec. Ce faisant, nous sommes convaincus que les membres de la commission nous sauront gré de cette concision qui leur permet de se concentrer sur l'essentiel.

Le projet de loi n° 38 prévoit la nomination d'un commissaire à la santé ayant un mandat très large. En effet, le projet de loi réserve au Commissaire un rôle de premier plan à titre d'interlocuteur privilégié et de responsable du maintien et de l'amélioration des principes qui sous-tendent le système de santé du Québec dans sa perspective globale. En outre, nous trouvons intéressant le fait qu'en rendant publiques les informations permettant un débat au sein de la population le Commissaire puisse ensuite proposer des changements et donner des avis au ministre de la Santé et des Services sociaux.

n (9 h 40) n

Nous croyons que la société québécoise, comme bien d'autres dans le monde, a connu une évolution importante de son environnement dans les dernières décennies, incluant celle des valeurs qu'elle supporte. Cette situation pourrait engendrer dans un avenir rapproché un besoin de réévaluer plusieurs aspects de cet environnement, notamment le système de santé dont elle désire se prévaloir. Le gouvernement du Québec, comme tous les gouvernements, pourrait donc devoir débattre publiquement de cet enjeu, des choix qui s'offrent à la population et des orientations que celle-ci devra prendre. De ce fait, le rôle du Commissaire prend donc une importance capitale.

C'est au chapitre de la responsabilité au Commissaire en regard des aspects éthiques liés à la santé et au bien-être des médicaments et des technologies que notre association Rx & D attire donc plus attentivement l'attention des membres de la Commission des affaires sociales. En effet, nous désirons souligner l'importance du rôle du médicament et des technologies selon deux perspectives: premièrement, la valeur du médicament comme moyen d'intervention clinique et, deuxièmement, l'impact du médicament sur la santé de la population et sur les composantes du système. Selon nous, ces aspects devront faire partie de la préoccupation du Commissaire au moment de fournir au ministre de la Santé et des Services sociaux des avis sur les enjeux du système de santé et des services sociaux. Le médicament représente un élément important de l'évaluation globale du système de santé, à l'opposé d'une évaluation isolée dans le cadre du budget des médicaments.

Premièrement, la valeur du médicament comme moyen d'intervention clinique. L'accessibilité aux soins de santé est un des objectifs fondamentaux du régime québécois d'assurance maladie depuis son origine. Cette considération a été l'une des raisons d'être de la réforme de l'assurance médicaments du Québec dont le but premier, rappelons-le, a été d'étendre à tous les Québécoises et Québécois un accès raisonnable et équitable aux médicaments requis par leur état de santé.

La recherche et le développement pharmaceutiques ont obtenu et continuent d'obtenir d'extraordinaires résultats dans la maîtrise, le traitement et la prévention de la maladie. En développement des médicaments et de vaccins innovateurs, l'industrie pharmaceutique de recherche a permis d'accomplir des progrès décisifs dans le traitement et la prévention de plusieurs maladies. De nombreux exemples illustrent l'apport de la recherche pharmaceutique dans l'avancement de la thérapeutique et le rôle essentiel du médicament dans un système de soins de santé efficace, intégré et accessible. À ce titre, des médicaments tels les antibiotiques ou les antipsychotiques favorisent le virage ambulatoire en permettant un congé plus rapide pour des conditions qui autrefois nécessitaient une hospitalisation plus longue. Des économies dans le système de santé et pour la société en résultent. Le médicament est ainsi reconnu comme un outil essentiel facilitant la continuité des soins.

Le principe d'accessibilité au système de santé est repris dans la Loi sur l'assurance-médicaments. Il se heurte toutefois à la situation économique difficile dans laquelle évolue notre système de santé. Il en résulte les tensions que nous connaissons entre cette volonté gouvernementale d'accessibilité aux médicaments requis et la capacité de l'État de financer ce régime. De cet état de fait résulte la tendance à laquelle nous assistons depuis quelques années à restreindre l'utilisation des nouveaux médicaments, dans le cadre de programmes publics d'assurance médicaments, par des mécanismes comme la section des médicaments d'exception. Même le Québec, dont le programme d'assurance médicaments a traditionnellement fait bonne face aux fruits de l'innovation pharmaceutique, a recours de façon croissante à l'inscription de nouveaux produits à la section médicaments d'exception.

Une telle tendance a pour conséquence de susciter des réactions négatives de la part des usagers du système de santé et des professionnels de la santé quant à la possibilité d'avoir recours aux nouvelles thérapies. Il est en effet difficile de concilier ce phénomène avec l'objectif premier du régime d'assurance médicaments, qui est d'améliorer l'accessibilité des Québécois et des Québécoises aux médicaments requis par leur état de santé. C'est particulièrement le cas lorsque ces restrictions sont appliquées à des médicaments qui offrent des possibilités thérapeutiques là où aucune n'existait précédemment ou encore dans le cas de médicaments offrant une amélioration significative au potentiel de produits déjà existants.

Le fait de lier ainsi la décision de restreindre le médicament à celle d'un comité d'experts sur lequel les gouvernements s'appuient traditionnellement afin de définir la portée de leurs programmes de santé rend les explications de plus en plus difficiles auprès des contribuables confrontés à un problème personnel de santé. L'existence d'un système de santé universel, accessible et de grande qualité est en effet un des principaux facteurs permettant de justifier la fiscalité exigeante à laquelle sont confrontés les contribuables québécois. Lorsque ce système est perçu comme limitant l'accès d'un citoyen malade à des traitements jugés nécessaires ou même simplement avantageux par son médecin, il devient très difficile de donner suite aux attentes légitimes de ce citoyen. Ce malade est même en droit de remettre en question des décisions prises d'autoriser d'autres dépenses gouvernementales dans d'autres secteurs, alors que ses besoins en santé ne sont pas comblés faute de ressources financières.

Soulignons que les Québécois et Québécoises ont enregistré, depuis 30 ans, des gains considérables en matière de longévité et de qualité de vie lorsque confrontés à la maladie. Ces gains sont notamment liés à leur accès à des soins de qualité et à des médicaments performants. Pour être conséquent avec l'esprit de la loi sur la santé et les services sociaux, on doit placer l'intérêt de l'individu au centre de toute décision quant à l'accès aux médicaments requis par l'état de santé des personnes.

En outre, le remboursement des médicaments devrait porter non seulement sur l'opportunité de donner accès aux produits requis par l'état de santé d'un malade, mais également sur l'importance de fournir aux médecins un environnement où leur pratique professionnelle et leur liberté de prescrire soient prises en compte. Cette liberté de choix thérapeutique est d'ailleurs un élément important du code de déontologie du médecin québécois.

Par ailleurs, nous soulignons que le Commissaire devrait être au fait que le Conseil du médicament doit appliquer de nouveaux critères de sélection des médicaments remboursés dans le cadre du régime général d'assurance médicaments. Parmi les nouveaux critères, l'un porte sur la valeur sociétale d'un nouveau médicament. Nous croyons que ce critère ne peut pas être évalué en vase clos. Selon nous, l'évaluation de la valeur sociétale d'un médicament doit en fait être axée sur la santé globale de l'individu. Avant de justifier une décision de ne pas rembourser un médicament sur la base de critère de valeur sociétale, nous croyons que la société québécoise devait avoir l'opportunité d'en débattre. Un tel débat permettrait ensuite de mieux justifier une décision concernant le remboursement de médicaments sur la base de la valeur sociétale. Cette évaluation aura un impact réel en regard de l'objet général du régime d'assurance médicaments, qui est d'assurer un accès raisonnable et équitable aux médicaments requis par l'état de santé des personnes.

Ce rôle de mener une vaste consultation publique visant à mieux analyser où en sont les valeurs et principes de base de la société québécoise pourrait, croyons-nous, être mené de concert par le prochain Commissaire à la santé et au bien-être et le Conseil du médicament. Cette consultation pourrait emmener les professionnels de la santé, les représentants de l'industrie pharmaceutique innovatrice, les individus et groupes concernés à s'exprimer et à faire valoir leur point de vue sur la valeur sociétale d'un médicament dans une perspective globale de santé. Notre conception de ce rôle dévolu au Commissaire se base sur l'article 10 du projet de loi au paragraphe 3° qui prévoit que le Commissaire «rend publiques les informations permettant un débat au sein de la population sur les enjeux et les choix nécessaires à la viabilité du système de santé et [des] services sociaux et une compréhension globale par cette dernière de ceux-ci».

Donc, comme deux premières recommandations, nous mentionnons que le Commissaire devrait s'assurer que l'intérêt de l'individu est placé au centre de toute décision quant à l'accès aux médicaments requis par l'état de santé des personnes, et, deuxièmement, le Commissaire devrait travailler de concert avec le Conseil du médicament afin de s'assurer qu'avant que le non-remboursement des médicaments soit basé sur la base de la valeur sociétale la société québécoise ait eu la chance d'en débattre.

Comme deuxième point maintenant, j'aimerais couvrir l'impact des médicaments sur la santé de la population et sur les autres composantes du système de santé. L'effort de recherche de notre industrie vise à améliorer par des nouveaux médicaments plus efficaces, plus sécuritaires et plus efficients des traitements déjà établis, pharmacologiques ou autres. Il en résulte que l'arrivée sur le marché des nouveaux médicaments permet souvent des économies substantielles au niveau des dépenses liées à des formes plus lourdes de traitement comme l'hospitalisation, la chirurgie, les services médicaux ou l'institutionnalisation. De plus, les nouveaux médicaments jouent un rôle important dans l'amélioration de la qualité de vie des patients tout en faisant économiser, grâce à une réduction de l'hospitalisation et au remplacement de traitements moins efficaces, des ressources jugées précieuses pour le système de santé. En fait, les médicaments constituent l'un des modes d'intervention les plus rentables pour notre système de santé.

Outre les progrès thérapeutiques souvent considérables que permettent les nouveaux médicaments, d'autres facteurs sociaux expliquent la tendance à un recours plus fréquent à la pharmacothérapie observée dans tous les pays occidentaux. Mais, parmi les facteurs sociaux qui expliquent la consommation accrue des médicaments, celui relié au vieillissement de la population est sans doute le plus important, suivi de la tendance croissante aux traitements en milieu ambulatoire qui favorisent la pharmacothérapie plutôt que les approches nécessitant l'institutionnalisation. Parmi les autres facteurs, notons l'évolution de la nature des traitements, qui permet de traiter des affections pour lesquelles aucune option pharmacologique valable n'existait auparavant. Il y a aussi l'utilisation de la pharmacologie préventive, qui permet maintenant de diminuer la morbidité liée à certains facteurs de risque et qui est souvent recommandée par différentes lignes directrices ou consensus.

n (9 h 50) n

L'augmentation constante du volume d'utilisation des médicaments d'ordonnance est donc une tendance structurelle des systèmes de santé et de la démographie des pays industrialisés. Cette tendance est appuyée par la nécessité d'amenuiser le fardeau économique et humanitaire de la maladie. Une étude menée par Crémieux et Ouellette, en 2002, démontre clairement une relation positive élevée entre les dépenses pharmaceutiques et l'amélioration des mesures de santé telle que l'espérance de vie à la naissance et à 65 ans et le taux de survie infantile.

Les médicaments semblent influencer davantage l'espérance de vie à 65 ans que les dépenses totales en soins de santé. Ainsi, l'augmentation des dépenses pharmaceutiques a eu un impact bénéfique substantiel sur la santé de la population, et cet impact devrait être considéré dans l'effort d'allocation des ressources en santé. Une autre étude menée cette fois par Lichtenberg va un peu plus loin et démontre que chaque dollar dépensé en nouveaux médicaments fait économiser 7 $ dans les autres secteurs de la santé.

Les thérapies pharmacologiques peuvent donc être vues comme un investissement dans la réduction des coûts thérapeutiques. D'ailleurs, le dernier rapport de l'OCDE démontre que les hospitalisations ont diminué de 30 % depuis 20 ans. Les médicaments, les tests diagnostiques et les procédures médicales auraient contribué grandement à ce succès.

La perception du problème de la croissance des budgets d'assurance médicaments est par ailleurs exacerbée par le fait que les retombées économiques favorables de l'utilisation des médicaments ne sont pas toujours prises en compte par les analystes gouvernementaux. Les contrôles financiers des programmes gouvernementaux reposent en effet sur l'approche des enveloppes budgétaires fermées: chaque programme a son budget qui est administré de façon distincte de toute autre enveloppe. Cette approche, lorsqu'elle est appliquée à un domaine comme celui du médicament, peut être trompeuse. Il est important de reconnaître que les médicaments peuvent entraîner des économies ou des gains d'efficience considérables au niveau d'autres composantes du système de santé en dépit d'un coût plus important dans le silo médicaments.

Il nous apparaît important de privilégier un décloisonnement des silos et le transfert des ressources financières d'un secteur à l'autre afin de contrer le problème de budgétisation du régime d'assurance médicaments. Par exemple, si une condition clinique peut être traitée par une chirurgie ou un médicament, les décisions prises quant au remboursement de ces diverses modalités thérapeutiques devraient être cohérentes. Nous réitérons donc à la commission que le fait de restreindre l'analyse de l'impact économique des nouveaux médicaments au silo budgétaire de l'assurance médicaments fait en sorte que seules les dépenses imputables à leur acquisition sont comptabilisées et que les économies qui en découlent ne le sont pas.

Ceci constitue un élément clé de toute analyse qui serait faite par le Commissaire à la santé et au bien-être. En période de compressions budgétaires, les médicaments deviennent malheureusement une cible facile. Il suffit d'évoquer leur utilisation encore éloignée du niveau optimal pour donner une crédibilité non méritée à des mesures de contrôle des coûts souvent mal justifiées sur le plan macroéconomique ou clinique. De plus, comme nous le mentionnons au début de cette présentation, les médicaments représentent l'une des technologies médicales les plus faciles à isoler au sein d'un silo budgétaire. La progression de leurs coûts fait l'objet de débats de société auxquels les autres technologies échappent généralement. Du fait de la croissance importante des dépenses reliées à l'assurance médicaments, certains ont eu tendance, de façon erronée, à décrire les nouveaux médicaments comme un fardeau économique pour le système de santé plutôt que comme un outil technologique permettant de prévenir ou de réduire les coûts associés à d'autres types d'interventions en santé.

Compte tenu de la complexité du système de santé, il nous apparaît important que le Commissaire puisse bénéficier de l'apport de professionnels de santé exerçant en pratique. À ce titre, nous désirons souligner qu'en abolissant le Conseil médical le gouvernement se prive d'une tribune privilégiée quant à la pratique médicale et ses divers aspects multidisciplinaires. Il serait donc important de prévoir à cette loi que le Commissaire ait l'obligation de former un comité aviseur dont la représentation multidisciplinaire constituerait un atout dans l'exercice de son mandat.

Donc, comme autre recommandation, nous proposons que le Commissaire devrait favoriser, dans son appréciation globale du système de santé, une harmonisation des méthodes d'évaluation visant à l'amélioration de l'efficacité ou de l'efficience des différentes composantes du système de santé afin notamment de reconnaître l'impact positif du médicament dans l'ensemble du système de santé.

Deuxièmement, advenant l'abolition du Conseil médical, il serait opportun que le Commissaire ait l'obligation de former un conseil aviseur composé de professionnels de la santé ayant une représentation multidisciplinaire.

En conclusion, les gains thérapeutiques majeurs engendrés par le médicament sont évidents. Le Commissaire à la santé et au bien-être devrait s'assurer de replacer le médicament au coeur du système de santé et de l'évaluer en fonction de son impact sur l'ensemble du système. Il devrait aussi s'assurer d'un débat public dont le résultat sera le reflet d'un choix raisonné d'une société développée qui investit de façon efficiente dans le maintien et la prévention en matière de santé en facilitant à sa population l'accès aux nouvelles technologies. Merci.

Maintenant, si... On peut passer à la période de questions. Merci.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Clermont. Alors, nous allons débuter la période d'échange, et... M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. M. Clermont, M. Nadeau, M. Marcheterre, bonjour. Évidemment, c'est un sujet où, par le biais du Commissaire, on discute également la question de l'accessibilité aux médicaments et de la valeur économique des médicaments, et je pense que c'est une discussion intéressante qu'on peut avoir aujourd'hui, en posant d'abord comme prémisse le fait que le Québec, au Canada, est de loin la terre d'accueil la plus favorable aux médicaments, pour plusieurs raisons, et je vais les résumer de façon à ce que ça cadre nos conversations.

D'abord, il y a la règle de protection des brevets spécifique au Québec, que nous connaissons, et un meilleur accès au marché, ce qu'on peut appeler le marché des consommateurs de médicaments, et de loin, en raison du pourcentage d'acceptation des médicaments sur la liste et également du régime général d'assurance médicaments. Et ce dernier point est très important à comprendre, parce que j'ai déjà eu l'occasion de dire qu'il s'agissait d'un acquis important pour le Québec parce qu'on ne peut pas considérer, comme vous le dites à juste titre, les médicaments à l'écart du système de santé. Ça fait partie du système de santé. Donc, un système public de santé doit également comporter une garantie d'accessibilité ou une facilitation d'accès aux médicaments.

Et c'est l'essence même du régime d'assurance médicaments qui actuellement, sur le plan budgétaire, représente 3 milliards de dollars bruts: 2 milliards sont assumés par la Régie de l'assurance maladie, 1 milliard par le public. Et c'est... Pour la première fois cette année, le montant investi dans les médicaments dépasse légèrement ou avoisine celui investi dans la rémunération des professionnels. Alors, on voit l'importance que ce poste budgétaire là implique.

Et c'est très important effectivement de se rendre compte que, par rapport aux autres provinces canadiennes où il existe soit aucun régime d'assurance médicament, soit un régime de type catastrophe, évidemment la situation est complètement différente, puisque les autres gouvernements ne paient pas pour les médicaments, la facture est transférée aux utilisateurs. Alors, ça donne un contexte totalement différent à la pratique dans l'évaluation puis les prix au Québec par rapport au reste du Canada. Par exemple, un système qui n'a... une province qui n'a aucun système de protection ou d'assurance médicaments, c'est plus ou moins pertinent d'en connaître l'évaluation rigoureuse et le mécanisme d'introduction des médicaments, puisque, en bout de ligne, c'est le patient ou la personne qui paie et qu'il y a relativement peu de facteur public qui est associé à ça. Et effectivement, récemment, la liste d'exceptions a été utilisée, mais demeure encore utilisée de façon moins fréquente qu'ailleurs pour certaines clientèles particulières.

Et je pensais important de cerner, là, le débat dans ce contexte-là parce qu'on a souvent tendance à faire des comparaisons entre le Québec et les autres provinces en oubliant cette différence fondamentale, qui est la participation de l'État au financement ou à l'accessibilité des médicaments pour la population.

Lorsque vous parlez des prescripteurs, vous dites que... je vous cite, là: «...l'importance de fournir aux médecins un environnement où leur pratique professionnelle et leur liberté de prescrire soient prises en compte.» Je suppose que vous ne voulez pas dire par là que les médecins prescripteurs deviennent les uniques agents de régulation ou d'évaluation optimale des médicaments. Comment est-ce que vous faites le lien entre cette liberté de prescrire, la pratique professionnelle autonome et les impacts majeurs des médicaments, comme vous l'avez dit vous-même, sur le système, entre autres sur le plan budgétaire? Est-ce qu'il n'y a pas lieu donc de maintenir un mécanisme d'évaluation indépendante qui nous garantisse, disons, une approche rationnelle à la question?

La Présidente (Mme Charlebois): M. Marcheterre.

M. Marcheterre (André): Bien, je peux débuter la réponse. Premièrement, je vous dirais, M. le ministre, qu'au cours des 20 dernières années l'attitude de coopération et de transparence dont a fait preuve le gouvernement du Québec à l'endroit des entreprises de recherche pharmaceutique a été un facteur déterminant dans la création d'un environnement favorable pour le développement de notre industrie.

Par contre, je vous dirais que la situation tend à changer maintenant. Cet environnement-là, qui était favorable, qui a amené en fait peut-être 50 % des nouveaux investissements canadiens ici, au Québec, au cours des 10 dernières années, s'est détérioré de façon appréciable au cours des dernières années. Pour vous donner quelques exemples, il y a eu le maintien d'un gel systématique des prix des médicaments, qui existe depuis 1993, il y a eu une réduction de 80 % à 50 % de la proportion des produits qui sont acceptés dans la liste des médicaments remboursés. En fait, depuis 1998, seulement 30 % des médicaments qui ont été soumis ont été inscrits à la section régulière de la liste des médicaments. Il y a eu une réduction de la fréquence des mises à jour des listes, et aussi il existe une certaine incertitude qui règne autour de l'entente de partenariat. Donc, je voulais simplement vous dire que cet environnement-là, très positif, qui avait prévalu au cours des 10 ou 15 dernières années, semble au cours des trois dernières se détériorer et changer.

n (10 heures) n

On a, nous aussi, extrêmement à coeur évidemment le maintien d'un régime de médicaments qui va s'assurer que les gens doivent recevoir les médicaments dont ils ont besoin. Et on est tout à fait prêts à faire notre part pour s'assurer que le médicament est bien utilisé et atteint son objectif de contribuer, avec les autres éléments du système de santé, à fournir des résultats optimaux et de le faire de façon coût-efficace.

M. Couillard: D'ailleurs, sur le plan de ces essais optimaux, vous connaissez bien sûr la tenue du symposium, là, du forum sur l'utilisation optimale, le 20 et 21 mai prochain. Je suis certain qu'on aura l'occasion d'échanger à cette occasion-là. Évidemment, la question de la valeur ajoutée réelle des médicaments, c'est une question qui est débattue partout dans le monde occidental où il y a des processus d'évaluation en cours. Il y a certaines études qui montrent, par exemple, que, sur un nombre x de nouvelles molécules introduites sur le marché, le nombre de molécules ayant une véritable valeur ajoutée sur le plan thérapeutique est assez réduit. Et là il y a le phénomène de ce qu'on appelle en termes techniques les «me-too's», là, où on prend un médicament breveté, qu'on en change un atome pour en faire un nouveau médicament breveté avec finalement relativement peu d'effets ajoutés ou de bénéfices ajoutés. Est-ce que, dans ces contextes-là, le maintien des mécanismes d'évaluation indépendants, là, n'est pas essentiel ou critique même à l'avenir de cet aspect du système de santé?

M. Marcheterre (André): En fait, je peux vous donner un début de réponse et je vais demander à Marquis peut-être de compléter. Comme vous le savez, le processus de recherche qui amène vers des nouveaux médicaments est un processus extrêmement complexe. Pour chaque nouveau médicament qui va entrer sur le marché ? on parle de recherches qui vont durer sur une période de 10 à 15 ans ? on parle d'un investissement d'environ 1 milliard de dollars, et on sait que c'est souvent 10 000 ou 15 000 composés qui vont être recherchés pour arriver à un seul médicament. Lorsqu'on va mettre ces médicaments-là en marché, seulement environ trois sur 10 vont faire leurs frais. Donc, c'est un processus qui est long, qui demande beaucoup d'investissements, qui est très risqué.

Une autre caractéristique, M. le ministre, c'est que, maintenant qu'on a fait des découvertes dans les domaines où c'était peut-être un peu plus facile, les maladies qui restent à traiter sont très complexes et la recherche qui amène des découvertes se fait par petits pas. Et, si on regarde la contribution de chacun des nouveaux médicaments, elle est peut-être petite par rapport aux médicaments précédents, mais, si on regarde, dans une classe thérapeutique, où on en était en 1990, en 1995, en 2000, on s'aperçoit que là il y a eu des améliorations importantes, et c'est un peu la façon dont la progression se fait dans la recherche de médicaments. Il y a peu de ce qu'on appelle des «breakthrough» ou des produits absolument révolutionnaires. La plupart des produits ajoutent sur ce qui existait, et c'est à travers une période de trois à cinq ans qu'on peut voir vraiment une progression importante dans la contribution des médicaments au traitement d'une maladie. Je vais demander peut-être à...

La Présidente (Mme Charlebois): M. Nadeau.

M. Nadeau (Marquis): Oui, peut-être plus au point de vue technique. Bien souvent, quand il arrive un deuxième et un troisième représentants ou un nouveau médicament au sein d'une classe thérapeutique, bien souvent, ces substances-là se distinguent des autres au niveau du niveau de... en termes d'effets secondaires ou en termes de compliance, et il arrive que certains malades répondent mieux à un médicament ou tolèrent mieux un médicament qu'un autre et ce qui fait en sorte que c'est important que toute la gamme thérapeutique soit accessible. Et, phénomène important aussi, bien souvent, le deuxième ou le troisième représentant d'une classe est moins coûteux que le premier, ce qui fait en sorte que, je pense, c'est important qu'il soit accessible.

M. Couillard: Vous avez évoqué un manque de transparence perçu, là, récent au niveau des phénomènes d'évaluation. Je dois dire qu'on a voulu s'y attacher et, comme vous le savez, en faisant des modifications de type administratif au niveau du Conseil du médicament où l'industrie, par exemple, maintenant est notifiée des sujets d'étude en cours, des dates d'échéance et a une période de réaction maintenant pour répondre à la conclusion d'une étude. Et je pense que c'est important qu'on maintienne donc cette communication de façon plus transparente.

Mais, à l'intérieur de ce sujet, vous avez parlé de la valeur sociétale du médicament, qu'il fallait en tenir compte, et effectivement il faut en tenir compte, de la valeur ajoutée sur l'ensemble de la société puis du système de santé. Par contre, la composition du Conseil du médicament prescrit expressément qu'il doit y avoir des gens qui ne sont ni des médecins, ni des pharmaciens, ni des assureurs, des administrateurs d'avantages sociaux et autres, donc qui sont complètement à l'écart de ce monde-là. Est-ce que cette participation n'est pas là pour répondre à votre souhait d'avoir une vie plus sociétale pour les médicaments?

M. Marcheterre (André): Marquis.

M. Nadeau (Marquis): Non, ce que je... Oui, on est d'accord avec vous à cet effet-là. Ce qu'on tenait à indiquer à la commission était le fait qu'effectivement le Conseil du médicament doit se pencher sur la valeur sociétale et tout comme le Commissaire à la santé. Et on se disait qu'au moment où une décision pourrait être prise quant au remboursement d'un médicament ou voire même d'une classe de médicaments et donc quand une telle décision devrait reposer strictement que sur la valeur sociétale, on pense qu'il devrait y avoir concertation entre le Conseil du médicament et le Commissaire à la santé, pour s'assurer qu'un tel... que, avant qu'une telle décision soit prise, il y ait vraiment eu un débat au sein de la communauté médicale, voire même au sein des décideurs.

M. Couillard: Et on en vient donc à la relation de responsabilité séparée entre le Conseil du médicament et le Commissaire à la santé et au bien-être. Pour ce qui est de l'impact des médicaments sur les autres secteurs du système de santé, la Loi sur l'assurance-médicaments prévoit là, à l'article 57.1, qu'on doit vérifier l'impact de l'inscription de chaque médicament à la liste sur la santé de la population et sur les autres composantes du système de santé. Donc, il faut effectivement, là, que ces aspects soient pris en compte. La difficulté est d'obtenir des études pharmacoéconomiques valables, comme vous le savez très bien. La philosophie ou la façon dans laquelle on veut introduire le Commissaire, ce n'est pas de vérifier l'inscription de chaque médicament, c'est de faire des commentaires annuels, par exemple sur la façon dont la liste est faite et ses impacts sur la santé, sur le système de santé, de façon plus macroscopique et générale. Est-ce que vous partagez cette orientation?

M. Clermont (Sylvain): Oui, absolument. Je pense qu'on est en parfait accord. En fait, comme si on regarde les différents critères qui ont été présentés pour les critères d'évaluation des médicaments, on est d'accord avec ces critères-là. Ce qui est important pour nous, c'est de savoir en fait le genre de données. Vous faisiez allusion justement aux études de pharmacoéconomie; c'est pour ça qu'on supporte en fait la création aussi de centres d'excellence indépendants qui permettraient une analyse plus approfondie et de développer une expertise plus approfondie dans ce domaine-là, pour être en mesure de faire des recommandations au Conseil du médicament. Mais dans la question d'avoir une appréciation globale, je pense qu'on est en parfait accord avec ça. Effectivement, le Commissaire à la santé peut être là pour faire un genre de révision ou, quand il y a des débats qui sont plus précis, de pouvoir suggérer des processus par lesquels un débat public pourrait avoir lieu.

M. Couillard: Donc, vous ne souhaitez pas que le Commissaire, par exemple, tienne un débat public sur chaque médicament pour lequel on demande l'inscription, là.

M. Clermont (Sylvain): Absolument pas. Non, non, non, absolument pas.

M. Couillard: C'est juste clarifier ça, là.

M. Clermont (Sylvain): Oui. Non, non, absolument pas.

M. Couillard: O.K., donc un rôle d'évaluation plus large.

M. Clermont (Sylvain): Oui, absolument.

M. Couillard: Évidemment, là, on parle du Commissaire dans son impact, dans son rôle quant à l'introduction des médicaments. Il y a un rôle beaucoup plus large qui lui est confié. Dans votre mémoire, vous ne vous prononcez pas sur les autres rôles. Je suppose que c'est volontaire, vous avez voulu limiter votre intervention à la question qui vous préoccupe. Est-ce que vous avez des remarques, par ailleurs, sur l'ensemble du mandat du Commissaire, sur son mode de nomination, son rattachement, etc.?

M. Nadeau (Marquis): Non, on n'avait pas de commentaires particuliers.

M. Couillard: O.K. Le concept d'utilisation optimale, bien, il est au coeur de tous les débats et il est clair que c'est la façon dans laquelle on doit se diriger de façon conjointe, le gouvernement et l'industrie pharmaceutique. Comment est-ce que, en pratique, on introduit ça dans la réalité, ce concept d'utilisation optimale? Je vais vous donner un exemple concret, là: on se rend compte qu'il y a un médicament qui devrait être utilisé en deuxième, troisième ligne, qui est utilisé de façon générale en première ligne. Alors, qu'est-ce que doit être la réaction d'un système idéal où il y aurait une cogestion, une collaboration, là, entre l'industrie et le gouvernement, pour gérer l'utilisation optimale?

M. Marcheterre (André): En fait, je vais avec plaisir répondre à votre question, M. le ministre. Dans un premier temps, c'est évident qu'il faut faire un suivi sur l'usage des médicaments, et vous savez que notre association a déjà une entente de partenariat avec le gouvernement au niveau de l'usage optimal des médicaments. Dans un premier temps, on croit que, dans les classes thérapeutiques où on suspecte un usage qui serait inapproprié, des revues d'utilisation des médicaments dans cette classe thérapeutique là devraient être faites, et, comme vous le savez, nous sommes même prêts, nous, les compagnies de recherche pharmaceutiques, à défrayer ces revues d'utilisation de médicaments à être faites.

n (10 h 10) n

Dans un deuxième temps, lorsqu'on s'aperçoit qu'une revue confirme qu'il y a un usage inapproprié, nous sommes aussi déterminées ? les compagnies qui sont impliquées dans la classe thérapeutique où il y aurait un usage inapproprié ? à mettre en place des interventions de concert avec les travailleurs de la santé et le gouvernement pour corriger l'usage inapproprié parce que c'est aussi notre objectif de s'assurer que les médicaments sont utilisés comme ils devraient l'être et amènent des résultats optimum au système de santé. Donc, vous avez notre entière coopération pour s'assurer que les médicaments soient utilisés de façon adéquate.

M. Couillard: Sur la question des prix, vous avez remarqué tantôt que les prix au Québec étaient gelés depuis 1993, je crois, là, donc ça a traversé un, un autre puis le même parti politique au pouvoir, c'est une attitude qui a été constante. Là où je pense qu'il faut remettre les choses en perspective, c'est qu'on a souvent tendance à comparer le Québec aux autres provinces pour les prix. On sait que l'ensemble des autres provinces en général ont permis des augmentations de prix, sauf l'Ontario pour une période plus restreinte. Et ce qui est intéressant, c'est que ce sont les deux provinces où le gouvernement met le plus d'argent lui-même dans les médicaments où ceci s'est produit. Est-ce qu'il n'y a donc pas lieu, lorsqu'on fait ces comparaisons d'une province à l'autre ou d'une juridiction à l'autre, de prendre ça en considération? En d'autres termes, si l'État québécois ne défrayait pas lui-même une grande partie de la facture et que celle-ci était déférée aux utilisateurs, possiblement qu'effectivement l'attitude ne serait pas la même.

M. Marcheterre (André): J'aimerais amener peut-être quelques précisions au niveau des prix des médicaments pharmaceutiques au Canada. Comme vous le savez peut-être, M. le ministre, avec les lois C-22 et C-91, les lois canadiennes qui ont modifié la Loi sur les brevets, est venu aussi un organisme fédéral qui s'appelle le Conseil de revue des prix des médicaments brevetés qui encadre les augmentations des prix des produits pharmaceutiques au Canada. En fait, le Conseil de revue des prix des médicaments brevetés regarde l'évolution des prix et s'attend à ce que les prix des produits pharmaceutiques n'augmentent pas plus que l'indice des prix à la consommation. Je peux vous dire que, depuis 1993, lorsque les prix de remboursement des médicaments ont été gelés par le gouvernement de l'Ontario et le gouvernement du Québec, les prix des produits pharmaceutiques au Canada n'ont jamais augmenté, de façon à pouvoir continuer d'être remboursés par les listes provinciales en Ontario et au Québec. Et je peux vous dire aussi que les compagnies pharmaceutiques, jusqu'à cette année, ont dans la grande majorité, sinon tous les cas, eu une politique de prix uniques à travers le Canada, mandatée en partie par les lois québécoises qui exigent que le Québec reçoive le prix le plus bas au Canada pour un médicament.

Donc, dans cet état de choses, je peux vous confirmer que les prix des médicaments n'ont pas changé au cours des dernières années différemment au Québec que dans les autres provinces, ce qui met ? si vous me permettez de compléter ? le Canada dans une position qui n'est pas très compétitive sur l'échiquier mondial pour recevoir des nouveaux investissements en recherche et développement et en fabrication, entre autres.

M. Couillard: Effectivement, on est conscients qu'il s'agit d'un milieu très compétitif, celui de la recherche pharmaceutique. Mais le dilemme fondamental finalement est le suivant: on a un régime actuellement qui, par sa propre mécanique, et vous y avez fait allusion tantôt, vieillissement de la population, augmentation du nombre de médicaments par ordonnance, augmentation du nombre d'ordonnances, toutes ces mécaniques-là s'ajoutent l'une à l'autre pour faire en sorte que le coût annuel du régime général d'assurance médicaments, l'augmentation est d'environ 12 %, et certaines années ça va jusqu'à 19 %. Comment est-ce qu'on inclut là-dedans une équation supplémentaire d'augmentation du prix unitaire qui va encore plus magnifier le problème? Est-ce que ce n'est pas là justement que l'évidence est qu'il ne peut y avoir de correction sans action véritable sur l'utilisation optimale en même temps?

M. Marcheterre (André): En fait, nous sommes absolument d'accord sur le fait qu'on doit regarder toutes les interventions qui sont faites au niveau de la gestion des maladies pour s'assurer qu'on obtient des résultats optimums. Je vais vous donner un exemple. Comme vous le savez, la santé maintenant au Canada dépasse le 100 milliards de dollars. Les médicaments sont probablement aux alentours de 14 % ou 15 % de ces coûts-là, mais ça inclut les coûts des médicaments brevetés, les coûts des médicaments génériques, les coûts des médicaments sans ordonnance et tous les frais de distribution des pharmaciens, et autres. Les médicaments brevetés, qui sont habituellement l'objet de tous les contrôles, représentent environ 5 % des coûts totaux de la santé. Même si on les éliminait, on se retrouverait quand même avec 95 % du problème.

Et notre recommandation, M. le ministre, c'est qu'on devrait, pour les maladies à haute prévalence, pour les maladies à haut coût pour les provinces, créer des partenariats qui amèneraient à la même table les travailleurs de la santé, le secteur privé, le gouvernement et même les patients pour trouver les façons optimales de gérer ces maladies, pour obtenir des résultats thérapeutiques optimaux et le faire d'une façon coût-efficace. Cette approche a le bénéfice de ne pas cibler aucun des éléments du système mais de les regarder dans leur ensemble pour qu'on puisse vraiment jauger si un investissement en médicaments, qui devient une dépense supplémentaire, peut avoir un impact qui réduirait les coûts dans d'autres secteurs. Et nous pensons à cet effet-là que les médicaments habituellement sont associés à des réductions de coûts ailleurs dans le système ou, à tout le moins, une optimisation de ce que le système peut produire à un certain niveau de dépenses.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci beaucoup. Maintenant, pour continuer la période d'échange, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, merci, Mme la Présidente. Au nom de l'opposition officielle, bienvenue, M. Marcheterre, M. Clermont et M. Marquis Nadeau. Alors, en fait, l'essentiel, je crois comprendre de votre présentation aujourd'hui en commission parlementaire, c'est de souhaiter que le Commissaire à la santé prévu au projet de loi n° 38 adopte, dans son évaluation du système de santé, une approche globale qui tienne compte des différentes composantes du système. Est-ce que je résume bien finalement ce que vous recommandez? Et croyez-vous que, tel que rédigé, le projet de loi n° 38 favorise cela?

M. Nadeau (Marquis): Bien, nous, par notre mémoire, essentiellement, comme on le dit dès le départ, on cible notre intervention au niveau du médicament, compte tenu des compagnies que nous représentons. Et l'objet premier de notre mémoire, c'est de s'assurer que le Commissaire tienne compte du médicament, comme vous l'avez si bien dit dans... l'importance du médicament dans l'ensemble du système de santé, et de là nos recommandations.

Mme Harel: À la page 7 de votre mémoire, vous soulignez également que l'abolition du Conseil médical priverait le gouvernement en fait d'une tribune privilégiée quant à la pratique médicale et ses divers aspects multidisciplinaires. Il y a plusieurs autres porte-parole d'organismes qui ont fortement recommandé le maintien de la fonction conseil tant au Conseil de la santé et bien-être qu'au Conseil médical. Alors, je comprends que vous vous inscrivez dans la foulée de ces recommandations du maintien, notamment, du Conseil médical. C'est bien cela?

M. Clermont (Sylvain): Oui.

La Présidente (Mme Charlebois): M. Clermont.

M. Clermont (Sylvain): Oui. Bien, en fait, pour répondre à votre question, peut-être rerépondre à votre question, là, effectivement, on pense que le Commissaire à la santé peut devenir un bon représentant de la population, mais on considère justement qu'il devrait avoir l'obligation de la création d'un conseil médical qui représenterait différentes professions et que cette consultation-là persiste.

Mme Harel: Alors, vous, dans votre mémoire, vous mentionnez évidemment le rôle du Conseil du médicament, bon, particulièrement en ce qui concerne l'application des nouveaux critères de sélection. Moi, j'aimerais vous entendre sur la consultation qui est en cours. Le ministre a fait référence à un colloque en mai prochain. Alors, je crois que le ministre a formé ce comité depuis plusieurs mois, je crois que c'était l'été dernier.

M. Couillard: ...

La Présidente (Mme Charlebois): Est-ce qu'il y a consentement?

Mme Harel: Oui, oui, il y a consentement, oui, oui, tout à fait.

M. Couillard: Est-ce qu'il s'agit du comité sur les prix dont vous parlez?

Mme Harel: Oui, il y en a deux, c'est vrai.

M. Couillard: Il y a un comité sur les prix et sur l'utilisation optimale.

n (10 h 20) n

Mme Harel: Oui. Alors donc, ce comité qui a été formé par le ministre, c'est un comité tripartite: ministère, Régie de l'assurance maladie du Québec, Conseil du médicament, n'est-ce pas, un comité qui est formé depuis plusieurs mois, je crois, huit, neuf mois. Avez-vous été associés aux travaux de ce comité?

M. Clermont (Sylvain): Oui, en fait, on a été consultés. Il y a une rencontre qui a eu lieu en février, où est-ce qu'on a été consultés. En fait, on a regardé les différentes pistes de solution. Nous, bien entendu, on préconise les pistes de solution justement d'utilisation optimale de médicaments. On pense vraiment qu'une piste de solution qui est durable, qui est à long terme et qui va aussi garantir un meilleur investissement de chaque dollar du gouvernement va être dans l'utilisation optimale des médicaments.

Mais, oui, il y a eu effectivement cette rencontre-là. Il y a eu aussi... En fait, il y a deux travaux parallèles qui se passent actuellement: il y a eu la rencontre avec le comité tripartite et il y a eu aussi une rencontre avec un comité qui a été créé par le Conseil du médicament au niveau de l'évaluation des nouveaux critères. Et en fait on donne notre appui à ces quatre nouveaux critères là qui ont été définis.

Notre recommandation, si on résume de façon large, nos recommandations étaient de... à l'intérieur de ces critères-là, que les modalités d'application soient claires et qu'on soit... autrement dit, quand on parle, admettons, d'études de pharmacoéconomie, d'impacts de pharmacoéconomie, que les critères soient plus développés et qu'on soit en mesure de répondre à ces demandes-là. Mais globalement, effectivement, on supporte, et de part et d'autre, là, soit l'utilisation optimale ou soit les différents critères au niveau... qui seraient appliqués au niveau du Conseil du médicament.

Mme Harel: Alors donc, cette rencontre en février, est-ce qu'elle a précédé ou suivi la décision du ministre de suspendre la mise à jour des prix de tous les médicaments d'ordonnance en vente au Québec?

M. Clermont (Sylvain): Ça a suivi.

Mme Harel: Elle a suivi. Donc, il y a d'abord eu cette décision de surseoir jusqu'au 1er juin prochain, n'est-ce pas, à la prochaine publication de la liste.

M. Clermont (Sylvain): Effectivement.

Mme Harel: Mais est-ce que vous êtes informés que, dès le 1er juin, il pourrait y avoir également report? C'est en fait l'information qui circule dans les milieux gouvernementaux.

M. Clermont (Sylvain): On attend toujours la décision du ministre à cet effet.

Mme Harel: Alors, cela ne vous a pas été confirmé? Non?

M. Clermont (Sylvain): Non. Pour l'instant, non.

Mme Harel: Les mises à jour se sont toujours faites, depuis 10 ans, à tous les quatre mois, je crois, hein?

M. Clermont (Sylvain): Effectivement.

Mme Harel: Et c'était la première fois que la mise à jour était suspendue?

M. Clermont (Sylvain): En fait, jusqu'à 2002, les mises à jour étaient de quatre par année. En 2003, il avait été entendu qu'il était pour y avoir trois mises à jour. Il y en avait trois aussi de prévues pour 2004, et là la liste de février a été suspendue. Je crois que c'est déjà... C'est-u déjà arrivé dans le passé?

M. Nadeau (Marquis): Depuis l'instauration du régime d'assurance médicaments, la mise à jour de la liste se faisait sur une base trimestrielle.

Mme Harel: Le ministre a annoncé la tenue, là, de cette vaste démarche de consultation qui devrait donner, à l'automne prochain, je pense, une nouvelle politique du médicament. Alors, oui, la consultation se tient présentement, mais je crois comprendre que c'est donc à l'automne prochain qu'on doit s'attendre à cette nouvelle politique du médicament. Est-ce que ça va remplacer l'entente-cadre qui avait été signée en juin 2002 et qui prend fin en fait en juin 2004?

M. Clermont (Sylvain): En fait, je ne crois pas que ça va... En fait, la politique du médicament, ça a un aspect plus large. L'entente qui se termine en juin 2004, en fait, nous, le message qu'on envoie est qu'on est prêts à renégocier ou reconsidérer et à faire des amendements à cette entente-là. Donc, pour l'instant, on attend un petit peu des signes du gouvernement à cet effet-là. Mais je pense qu'on peut penser que ça peut être intégré. La politique du médicament est quelque chose de beaucoup plus large que simplement cette entente-là. On pourrait penser que ça pourrait être intégré à la politique du médicament comme telle, mais la politique devrait couvrir beaucoup plus large que simplement cette entente-là.

Mme Harel: Qu'arrivera-t-il, en juin, si l'entente-cadre prend fin et si rien, en juin, là, ne vient la remplacer?

M. Clermont (Sylvain): Bien, en fait, si on regarde l'entente comme telle, l'entente avait deux objectifs majeurs: il y avait l'utilisation optimale des médicaments, des programmes de formation dans un cadre large et il y avait aussi les ententes particulières qui pouvaient toucher soit un médicament ou une classe de médicaments où les compagnies impliquées étaient invitées à participer à ces programmes-là. Je pense que, écoutez, si l'entente en juin... En tout cas, les signes qu'on reçoit du gouvernement actuellement sont qu'on est intéressé à travailler en partenariat au niveau de l'utilisation optimale des médicaments. Je pense que c'est une question de s'asseoir ensemble puis de définir dans quel cadre l'entente pourrait être continuée. Mais je crois que, de part et d'autre, là, on reçoit des signes positifs, autant de notre côté qui est intéressé à continuer ce genre d'entente de partenariat, peut-être pas exactement comme elle a été signée il y a deux ans, mais je crois aussi que c'est les signes qu'on reçoit de la part du gouvernement.

M. Marcheterre (André): Si vous me permettez, Mme Harel, je dirais que l'incertitude qui règne autour de l'entente de partenariat a le potentiel éventuellement d'affecter un autre objectif de cette entente-là qui était le maintien d'un environnement d'affaires favorable au développement des industries du savoir et spécialement des industries et des sciences de la vie. Ce qui se passe maintenant par un changement au niveau du nombre de molécules qui sont approuvées sur la liste de médicaments, ce qui se passe au niveau du nombre de listes à y avoir dans une année va éventuellement modifier la compétitivité du Québec sur l'échiquier canadien et sur l'échiquier mondial si on ne trouve pas une solution bientôt. Vous savez que notre économie est beaucoup basée sur les industries du savoir et sur les sciences de la vie en particulier. Notre croissance de revenus récente et à venir va provenir beaucoup aussi de ces industries-là. Il serait déplorable qu'on choisisse à ce stade-ci de changer cet environnement d'affaires là lorsque l'ensemble du pays semble se fixer des objectifs qui visent les industries du savoir.

Le gouvernement fédéral, vous le savez peut-être, est à regarder une stratégie pour l'innovation qui cible la recherche et le développement et veut créer au niveau national un meilleur environnement d'affaires. L'Ontario cible depuis trois ans maintenant le secteur des biotechnologies et veut devenir en Amérique le troisième environnement d'affaires. Ils sont présentement environ neuvièmes ou dixièmes. Donc, au moment où est-ce qu'il semble y avoir un consensus pour cibler l'innovation et les industries du savoir, le Québec ayant toujours été un chef de file dans ce domaine-là, je pense qu'on devrait rapidement se mettre en position de garder ce leadership qu'on a, Canadiens et même Nord-Américains.

Mme Harel: Je comprends que l'incertitude ne favorise pas cette stabilité dont aurait besoin l'industrie.

M. Marcheterre (André): Vous savez, toute incertitude n'est jamais bonne en affaires, surtout lorsqu'il y a des décisions qui sont prises dans un contexte mondial. L'industrie à laquelle on appartient présentement passe par une période difficile où il y a une restructuration. Il y a beaucoup d'activités de fusions entre compagnies et il y a un déplacement des activités de recherche et développement mondiales vers les États-Unis. En fait, il y a à peu près 40 % de toutes les activités de recherche et développement présentement qui sont en mouvance et tendent à s'en aller vers l'environnement qui est le plus compétitif, c'est-à-dire les États-Unis. C'est une opportunité pour le Canada, et le Québec en particulier, de se positionner comme un environnement très favorable pour pouvoir recevoir ici une partie de ces investissements mondiaux qui se promènent principalement de l'Europe vers l'Amérique.

Mme Harel: Si je comprends bien, le colloque de mai prochain porte sur l'utilisation optimale, mais ça ne porte que sur un des aspects de l'ensemble d'une politique de médicaments. Et les autres dimensions sont traitées à quel moment?

M. Marcheterre (André): En fait, notre intérêt à nous est de traiter les deux au cours des discussions actuelles, et nous croyons qu'on peut justement arriver à établir une balance qui permettrait au Québec de se distinguer en favorisant le développement du secteur biopharmaceutique et aussi en mettant à contribution le secteur privé que sont les industries dans le domaine biopharmaceutique pour assurer un usage non seulement optimal des médicaments, mais aussi nous mettre à contribution pour arriver à une gestion optimale de la santé.

n(10 h 30)n

Mme Harel: Mme la Présidente, il est certain que l'arrivée, là, de nouveaux médicaments presque révolutionnaires, hein... Je pense entre autres à ce médicament, là, qui permet de traiter une maladie mortelle, qui était métabolique, cette maladie des enzymes, là. Je pense, entre autres, à un médicament qui a été assez récemment retenu par Santé Canada. Moi, je reçois des lettres de jeunes personnes très angoissées parce que ce médicament qui leur a été prescrit cessera de l'être dans quelques semaines. Je parle d'un médicament dont on a entendu parler dans les médias, là. Je ne dévoile pas de secret, de confidence, là. C'était même dans le Journal de Montréal du 8 mars dernier. Et j'ai reçu, de malades, de jeunes malades, mais de leurs parents également, des cris de... des lettres d'au secours, hein, parce que c'est un médicament... On voit un peu toute la problématique, hein? C'est un médicament qui permet de survivre à une espérance de vie qui était de maximum 40 ans, mais maintenant c'est un médicament qui, une fois prescrit, permet de survivre. Mais il coûte 200 000 $ par année. Mais, au total, il y a six patients, me dit-on, là, dans les informations que j'ai pu obtenir. Alors, on voit un peu le genre de problématique qui se pose, d'un côté.

Puis par ailleurs c'est certain que les conditions de vie aussi sont très importantes, hein? Je ne sais pas, j'avais peut-être un peu l'impression que, dans votre mémoire, vous attribuiez surtout aux pratiques médicales puis aux médicaments, disons, l'essentiel de l'amélioration de notre espérance de vie. Mais il y a évidemment aussi les conditions... L'espérance de vie est très liée aussi aux conditions générales de vie. Même dans une ville comme Montréal, il y a des quartiers où il y a un écart de 14 ans, l'espérance de vie en bonne santé, puis 11 ans, l'espérance de vie tout court, alors dans la même société, avec les mêmes pratiques médicales puis les mêmes médicaments. Donc, on voit qu'il y a d'autres facteurs aussi. Et je ne sais pas... Vous avez cité des études extrêmement intéressantes, là, celle de Crémieux et Ouellette, de Lichtenberg. Je ne sais pas s'il existe des études aussi sur la pauvreté et l'incidence, là, de l'absorption de médicaments. Je ne parle pas juste que des antidépresseurs, là, mais en général aussi.

La Présidente (Mme Charlebois): M. Marcheterre.

M. Marcheterre (André): Je ne vous répondrai pas spécifiquement sur le produit auquel vous faites référence, mais je vous dirais que notre expérience ici, au Canada, pour avoir établi des programmes de gestion thérapeutique à l'échelle d'une province, entre autres en Nouvelle-Écosse, mais on l'a fait ailleurs, montre que, lorsqu'on veut gérer une maladie, il faut agir sur tous les facteurs pour obtenir des résultats maximums, et le faire d'une façon coût-efficace.

Dans des maladies comme, par exemple, l'hypercholestérolémie ou un haut taux de cholestérol, on sait que déjà, dans la population actuelle, il y a peut-être 80 % des gens qui font cette maladie-là qui ne sont même pas identifiés, donc pas traités. On sait que, du 20 % qui est traité, la moitié ne le sont pas à un niveau qui est suffisant pour diminuer leur facteur de risque et on sait aussi que la compliance à n'importe quel traitement est très basse: après un an, sur une maladie chronique, la moitié des gens ont habituellement laissé leur traitement. Donc, ça veut dire que beaucoup des interventions qui sont faites ne produiront jamais le résultat qui est attendu, bien qu'on ait dépensé beaucoup pour l'atteindre.

Et c'est pour ça que nous sommes, à cet effet-là, tout à fait d'accord avec le ministre que de travailler ensemble à essayer de gérer une utilisation optimale des médicaments mais aussi de gérer des maladies qui ont une haute prévalence et qui coûtent cher à la société va certainement produire, à moyen terme, les effets les plus bénéfiques, en termes de productivité du système et productivité des dollars qu'on choisit, comme société, d'investir en santé. Et on est tout à fait prêts à être des partenaires du gouvernement pour atteindre ces résultats.

La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Bonjour, messieurs. J'aimerais revenir, si vous le permettez, sur votre intervention concernant la recherche et le développement. J'aurais deux questions à cet égard-là puis une première observation. Lors d'un colloque qui était tenu dernièrement, M. Ghislain Dufour, qui était anciennement président, comme vous le savez, du Conseil du patronat, s'est montré très préoccupé des coupures en recherche et développement concernant notre capacité de compétitionner au niveau international. Vous avez évoqué aussi cet important élément. Dans une société où les connaissances sont le fer de lance du développement économique et social, je pense que vous êtes bien au courant.

Mais j'ai donc deux questions. La première, c'est: Est-ce que les appréhensions qu'on peut avoir concernant ces coupures récentes en recherche et développement, est-ce qu'elles sont toujours au niveau des appréhensions chez vous ou vous constatez déjà, par des études ou des observations systématiques, des effets et des impacts sur votre capacité de développer des connaissances? Et, deuxièmement, pensez-vous que le Commissaire à la santé, dans sa mission, et sa mission globale, aurait la capacité et la pertinence d'intervenir sur cette question du maintien des investissements en recherche et développement dans son évaluation du système de santé?

La Présidente (Mme Charlebois): Brièvement, s'il vous plaît, M. Marcheterre.

M. Marcheterre (André): Très bien. Je vous dirais que la décision d'aller vers des coupures d'incitatifs à la recherche et développement va à contre-courant. Présentement, dans les pays industrialisés, c'est le contraire qui se passe. Les pays les plus prospères sont les pays qui ont les plus hauts index d'innovation, et, pour pouvoir se payer un système de santé comme celui qu'on veut avoir ici, il faut être prospère. Donc, il faut non seulement regarder le système de santé lui-même, mais aussi notre capacité de développer cette prospérité-là.

Je vous dirais que les principaux pays industrialisés, présentement, essaient tous de développer des stratégies de développement industriel qui misent sur les industries du savoir et spécialement sur la recherche et le développement, et c'est tout à fait possible d'être parmi les meilleurs. Je vous dirais une simple statistique: au Canada, 70 % à 80 % de toute la recherche et développement est faite par 120 compagnies, et ces 120 compagnies là sont principalement en gestion de l'information et en biopharmaceutique. Pour atteindre l'objectif que le Canada s'est fixé d'être parmi les cinq plus innovants pays au monde ? on est présentement 10e ? il faudrait que ces 120 compagnies là augmentent leurs ventes de 15 % par année et investissent 13 % de leurs ventes en recherche et développement. Donc, c'est concret, ce qui pourrait être fait pour pouvoir atteindre des niveaux de prospérité qui nous permettraient, entre autres, de bien financer notre système de santé. C'est pour ça qu'on préconise, nous, une approche qui vise à établir cette balance entre la gestion de la santé optimum et le développement économique aussi.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Marcheterre, M. Clermont et M. Nadeau pour votre présentation. Et j'inviterais maintenant l'Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec. Je vais suspendre quelques instants jusqu'à ce qu'on soit prêts.

(Suspension de la séance à 10 h 38)

 

(Reprise à 10 h 40)

La Présidente (Mme Charlebois): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, M. Paradis. Vous savez les règles. Vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Ensuite, nous allons procéder à une période d'échange. Alors, vous pouvez débuter et nous présenter vos invités, s'il vous plaît.

Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires
du Québec (OIIAQ)

M. Paradis (Régis): Avec plaisir, Mme la Présidente. Tout d'abord, à ma droite, il s'agit de Mme Jacqueline Deschênes, qui est infirmière auxiliaire au Centre hospitalier de Portneuf; et, à ma gauche, il s'agit de Me Georges Ledoux, avocat de l'Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec; et, moi-même, Régis Paradis, président de l'Ordre.

Alors, Mme la Présidente, nous voulons d'abord remercier les membres de la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale du Québec de nous donner l'occasion de nous faire entendre et de vous exposer notre position concernant la Loi sur le Commissaire à la santé et au bien-être. Il s'agit du projet de loi n° 38. Dans le cadre de ce projet de loi, le ministre de la Santé et des Service sociaux propose un nouveau palier d'intervention au sein de notre système de santé. Voici comment il pourrait s'intégrer dans le processus prévu actuellement par nos lois.

Abordons d'abord brièvement le processus actuel de traitement des plaintes, même si le projet de loi ne comporte pas de dispositions devant le modifier. Comme nous le savons, le processus de plaintes existait déjà dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux depuis son adoption en 1991. Quant au Conseil de la santé et du bien-être, il a été créé pour jouer un rôle conseil auprès du gouvernement. Par la suite, le processus des plaintes a été modifié par le gouvernement, par l'adoption de la Loi sur le protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux et modifiant notamment diverses dispositions législatives.

À première vue, on peut, je pense, se réjouir du fait que le gouvernement ait l'intention, par le biais du projet de loi n° 38, de se doter d'un autre mécanisme ayant ultimement pour mandat d'améliorer le fonctionnement de notre système de santé. Il faut cependant s'assurer que cette nouvelle instance ne fasse pas double emploi ou que son fonctionnement et son efficacité ne soient pas compromis en raison de la limitation des pouvoirs qui lui sont confiés par la loi. Notons que le projet de loi annonce l'abolition du Conseil de la santé et du bien-être et l'abrogation également de sa loi constitutive. Il fait de même avec la Loi sur le Conseil médical.

L'Ordre des infirmières et infirmiers auxiliaires du Québec, à l'instar d'autres intervenants du système de santé, a profité de diverses occasions pour suggérer d'améliorer le processus de plaintes prévu par la Loi sur les services de santé et les services sociaux et, plus récemment, par la Loi sur le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux. Nous l'avons notamment fait, au cours de l'année 2000, devant la Commission des droits de la personne et de la protection de la jeunesse, dans le cadre de notre mémoire. Des améliorations ont effectivement été apportées lors de l'adoption de la Loi sur le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux, qui a réduit d'ailleurs de trois à deux le nombre de paliers d'examen des plaintes.

Pour nous, ce système est encore imparfait sous plusieurs aspects. Le ministre de la Santé et des Services sociaux déclarait d'ailleurs lui-même, en décembre dernier, que le processus de traitement des plaintes devrait être amélioré. Par exemple, pour l'instant, il ne permet qu'à l'usager et à son représentant légal de porter plainte à l'égard de services dont il n'est pas satisfait. De même, le Protecteur des usagers n'est soumis à aucun délai pour donner suite à une plainte. Il ne peut pas non plus intervenir à l'égard des établissements privés. Son pouvoir est aussi très limité, puisqu'au terme de l'étude d'une plainte il ne peut, dans un premier temps, que formuler des recommandations à l'établissement. Si l'établissement ne donne pas suite ou ne fournit pas de réponse suffisante, il peut le dénoncer dans un avis écrit qui est transmis au ministre. Enfin, le Protecteur des usagers peut signaler cette situation dans son rapport annuel ou dans un rapport pouvant être spécialement transmis à l'intention du ministre.

Comme nous l'avons déjà mentionné, nous constatons que le projet de loi n° 38 ne vise pas à bonifier ou à améliorer le processus de plaintes au sein du réseau si l'on se fie aux déclarations faites par le ministre de la Santé et des Services sociaux en décembre 2003. Nous déplorons l'approche préconisée par le ministre, qui ne propose pas, à ce stade-ci du moins, de modifications au processus de plaintes... de traitement des plaintes, dis-je bien. Il semble, selon l'actuel projet de loi, que le ministre de la Santé désire le conserver comme un mécanisme distinct dans le cadre de la Loi sur le Protecteur des usagers en matière de santé et de services sociaux.

Nous vous présentons maintenant, si vous permettez, Mme la Présidente, nos remarques particulières concernant les pouvoirs et responsabilités du Commissaire à la santé et au bien-être.

En regard de l'article 2 du projet de loi n° 38 définissant le mandat et les pouvoirs du Commissaire à la santé et au bien-être, nous constatons rapidement que le pouvoir d'apprécier les résultats atteints par le système de santé doit, dans l'interprétation commune et contextuelle du terme, englober des responsabilités inhérentes, incluant celles d'enquêter et de porter un jugement sur divers aspects de notre système de santé, notamment l'organisation, le financement et le fonctionnement de réseau de notre système de santé et de services sociaux. Dans ces cas, nous estimons qu'il doit être en mesure et avoir le pouvoir de se montrer critique relativement à des situations remettant en cause la gestion du ministre, du ministère ou des établissements si celle-ci est déficiente ou si encore le sous-financement menace la qualité des services. La question qui se pose à notre avis est la suivante: est-ce que le Commissaire aurait toute la latitude de le faire en étant nommé par le ministre? Nous y reviendrons d'ailleurs dans quelques instants.

Par ailleurs, le chapitre II du projet de loi décrit les fonctions devant être assumées par le Commissaire. L'article 10 du projet de loi comporte à notre avis une série de moyens qui nous semblent suffisants pour lui permettre de s'acquitter efficacement, dis-je bien, de ses responsabilités.

Dans le chapitre III, on retrouve l'article 13 définissant certains pouvoirs spécifiquement confiés au Commissaire. Nous tenons d'ailleurs ici, Mme la Présidente, à rectifier les commentaires qui sont contenus dans notre mémoire concernant l'addition de nouveaux pouvoirs à ceux qui sont confiés par le projet de loi. Nous pensons que l'article 16 répond déjà à la suggestion que nous avions faite dans notre mémoire demandant que le Commissaire dispose des mêmes pouvoirs que le Protecteur du citoyen et le Vérificateur général et puisse jouir de l'immunité prévue par la Loi sur les commissions d'enquête. Ainsi, nous vous demandons de ne pas tenir compte de la recommandation contenue à la page 8 de notre mémoire.

Revenons maintenant, si vous voulez bien, à la responsabilité et à l'imputabilité du Commissaire de la santé et au bien-être, car c'est principalement à cet égard que l'Ordre entend recommander au ministre de procéder à l'amendement de son projet de loi. Comme nous l'indiquions précédemment, même si le Protecteur des usagers dispose de pouvoirs additionnels depuis 2002, cela ne nous apparaît pas suffisant. Jusqu'à maintenant, il n'a guère eu recours au pouvoir d'intervenir lorsqu'il juge que le dépôt d'une plainte semble inutile ou illusoire. Nous estimons qu'il devrait intervenir plus fréquemment lorsqu'une personne ou encore un groupe de personnes requiert un urgent besoin de protection, est vulnérable ou encore est exposé à des représailles. Théoriquement, il pourrait agir de sa propre initiative et enquêter lorsqu'il croit que son intervention est requise sans délai pour faire cesser toute atteinte aux droits des patients.

On peut raisonnablement penser que le Protecteur des usagers ne possède pas toute l'indépendance requise pour intervenir dans ce type de cas et également dans d'autres cas. En effet, tout en respectant l'institution et son titulaire, le Protecteur des usagers n'étant pas nommé par l'Assemblée nationale du Québec, il ne dispose pas de l'autorité suffisante pour ce faire. À cet égard, l'article 11 du projet de loi n'apparaît pas suffisant, car la possibilité de pouvoir lui confier un mandat particulier appartient au ministre et au gouvernement, et non à l'Assemblée nationale.

n(10 h 50)n

C'est pourquoi, Mme la Présidente, et à l'instar de plusieurs intervenants, nous demandons de modifier le projet de loi de la façon suivante: premièrement, il faudrait faire en sorte que la Commission à la santé et au bien-être soit nommée par l'Assemblée nationale du Québec et relève de celle-ci au même titre que le Vérificateur général du Québec et le Protecteur du citoyen. Lui confier également, expressément, tous les pouvoirs requis et nécessaires pour enquêter à l'égard de situations semblables à celle qui s'est récemment déroulée au centre de soins de longue durée au centre-ville ? il s'agit de Saint-Charles-Borromée ? l'investissant en quelque sorte de pouvoirs identiques à ceux qui sont confiés au Protecteur des usagers, tout en lui retirant ses pouvoirs extraordinaires.

Même si on ne remet pas en cause la responsabilité et l'imputabilité du ministre de la Santé et des Services sociaux sur le plan politique, nous jugeons que le système de santé a besoin de compter sur une institution présentant davantage de garanties supérieures et d'indépendance, et d'impartialité, dis-je bien. Au moment où le Québec doit plus que jamais sérieusement réfléchir sur la façon de dépenser efficacement les 19 milliards de dollars qu'il consacre au financement de son système de santé, la population doit savoir si son difficile fonctionnement est attribuable à une gestion inefficace de ses responsables, ou encore une organisation de travail déficiente, ou bien un sous-financement, ou peut-être à d'autres causes.

En résumé, le Commissaire à la santé et au bien-être doit contribuer à l'identification des lacunes de notre réseau de santé et au redressement de la situation dans les meilleurs délais. Autant le faire avec une institution des plus crédibles. Nous souhaitons donc voir un commissaire à la santé et au bien-être plus responsable et imputable. Le ministre, nous croyons, de la Santé et des Services sociaux ne devrait pas voir d'obstacle à ce qu'il soit nommé par l'Assemblée nationale du Québec.

En terminant, M. le ministre, je vous demande donc de prendre en considération les propositions d'amendement que nous suggérons et j'en profite pour remercier tous les membres de la commission. Merci beaucoup, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Paradis. Nous débutons la période d'échange. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. M. Paradis et Mme Deschênes, Me Ledoux, merci pour votre présence ce matin, qui témoigne de l'importance, je dirais, renouvelée de la profession d'infirmière auxiliaire au Québec après les années difficiles. Je pense qu'on assiste à la résurgence de cette profession, et c'est une bonne chose.

Une partie de votre présentation tourne autour du mécanisme de traitement des plaintes. Nous avons volontairement indiqué que nous ne voulions pas que le Commissaire s'occupe du traitement individuel des plaintes et qu'il puisse faire des commentaires, par exemple, généraux sur le fonctionnement du système de traitement des plaintes. Parallèlement au dépôt du projet de loi, comme vous le savez, nous avons mis en place une réflexion, là, qui progresse bien sur les réformes à apporter pour le traitement des plaintes. J'espère que vous allez être entendus par ce groupe. Si vous ne l'avez pas été et que vous avez des suggestions à faire, je vous serais reconnaissant de nous l'indiquer, et nous pourrons faire en sorte que vous soyez écoutés. Mais est-ce que vous ne pensez pas donc qu'il faudrait... il est préférable de garder le traitement individuel des plaintes ou l'inspection d'un établissement ? vous parlez de Saint-Charles-Borromée ? à l'écart du rôle du Commissaire, lui garder plutôt un rôle ou une vocation plus générale sur le système de santé?

La Présidente (Mme Charlebois): M. Paradis.

M. Couillard: On a voulu clairement, nous, établir la limite entre les deux.

M. Paradis (Régis): Nous pensons là-dessus que, si le traitement des plaintes soit confié au Commissaire, il aurait une approche, on pense, différente et une possibilité... Si notamment il était nommé par l'Assemblée nationale, ça lui permettrait notamment de procéder avec plus de célérité au traitement des plaintes. On a regardé quelques statistiques, que mon collègue va vous faire part, concernant la longueur parfois du traitement des plaintes avant son aboutissement, dis-je bien. Alors, là-dessus, Me Ledoux, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Charlebois): M. Ledoux.

M. Ledoux (Georges): Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, écoutez, pour tenter une réponse à votre question, M. le ministre, c'est que, nous, on soumet une hypothèse qui est la suivante: on estime que le Commissaire, disposant ? toujours dans l'hypothèse évidemment où il disposerait de garanties d'indépendance supérieures et d'imputabilité en étant nommé par l'Assemblée nationale... aurait, entre guillemets, plus d'autorité sur le plan moral et légal, sur le plan institutionnel pour s'occuper d'enquêtes particulières dans des situations extraordinaires comme celles qu'on a décrites, par exemple, le CHSLD Centre-Ville, Saint-Charles-Borromée. À ce titre-là, il pourrait, par exemple, hériter ? on le mentionne dans notre mémoire ? il pourrait hériter ou on pourrait lui confier les pouvoirs extraordinaires d'intervention qu'a actuellement le Protecteur des usagers d'intervenir de sa propre initiative lorsqu'il constate, par exemple, que les droits des usagers sont compromis ou encore que la situation est jugée suffisamment urgente pour intervenir. Alors, ce pouvoir extraordinaire là, il pourrait l'exercer, et on pourrait éventuellement, à la lumière de la réforme que vous voulez aussi enclencher concernant la révision du processus, là, du traitement des plaintes, on pourrait étendre la responsabilité du Protecteur des usagers.

Dans notre mémoire, on a, par exemple, indiqué qu'il serait, entre guillemets, là, intéressant, opportun de réfléchir, d'étendre le processus des plaintes à des établissements privés. On l'a vu récemment dans des situations à Montréal, avec l'Hôpital Jean-Talon, où, par exemple, il y a des établissements publics qui contractent ou encore qui sont sous ententes avec des établissements privés, et c'est essentiellement des fonds publics qui servent à héberger dans ces résidences-là. Ça peut être des ressources de type intermédiaire ou familial ou des ressources purement privées, dites privées, et c'est des fonds publics, entre guillemets, qui servent à l'hébergement de résidents ou de patients dans ce type de résidences là, et il serait très intéressant de penser à étendre la responsabilité du Protecteur des usagers dans ce secteur-là, mais tout en laissant au Commissaire à la santé la responsabilité plus importante ou plus... majeure, entre guillemets, d'enquêter sur des situations particulières, comme par exemple celle qu'on décrivait à Saint-Charles-Borromée. C'est l'hypothèse qu'on vous soumettait dans notre mémoire, à ce moment-là, dans la mesure évidemment où on accepterait de donner cette double fonction ou ce double mandat là au Commissaire à la santé.

La Présidente (Mme Charlebois): M. le ministre.

M. Couillard: Mme la Présidente, avant de céder la parole à mes collègues parlementaires, juste clarifier quelque chose. Vous nous avez demandé d'omettre une partie de votre mémoire, qui consistait à recommander d'ajouter aux pouvoirs du Commissaire... parce que nous avions également considéré que les pouvoirs d'enquête, les pouvoirs que vous réclamiez étaient déjà prévus au texte de loi. C'est bien ce que vous avez dit?

M. Ledoux (Georges): Oui, effectivement. Ils étaient dans l'article 16. Ils étaient déjà prévus dans l'article 16. On avait investi, entre guillemets... puis le projet de loi propose d'investir le Commissaire à la santé et des services sociaux des mêmes pouvoirs, à ce moment-là. C'est au deuxième alinéa de l'article 16, où on dit que le Commissaire, lorsqu'il tient une enquête évidemment, «est investi des pouvoirs et de l'immunité prévus à la Loi sur les commissions d'enquête». Dans un premier examen, ça nous avait échappé, mais, au deuxième examen, on a vu que ce pouvoir-là a dûment été inclus à la loi.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer: Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Charlebois): Ah! Excusez-moi. Excusez-moi.

Mme L'Écuyer: Excusez. Ah! Vous allez alterner.

La Présidente (Mme Charlebois): Je fais erreur; il y a une règle d'alternance. Ça vous va, madame?

Mme L'Écuyer: Ça va.

Une voix: Oui.

La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée de Pontiac, allez-y.

Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. M. Paradis, Mme Deschênes, M. Ledoux, bonjour. À la page... je pense que c'est 8 ou 9, j'ai un petit peu de misère, le chapitre III, vous demandez que le Commissaire, selon l'article 13, ait accès à tous les documents dont il pourrait avoir besoin pour son mandat, 13. Quand je regarde l'article 15 de la loi: «Un organisme public [...] doit fournir au Commissaire les renseignements et les documents qu'il demande»... Article 15. Il reste donc les établissements privés. Ça fait que, s'ils ont une entente avec un établissement public, ils pourraient difficilement refuser de fournir les documents demandés. Est-ce que cet article-là, qui est l'article 15, qui donne une obligation, «doit fournir», est-ce que cet article-là permet au Commissaire de bien remplir son mandat d'enquête qui peut, selon la loi, soit effectuer des enquêtes, peut requérir la collaboration des ministères, des organismes sous son autorité? Est-ce que vous pensez que l'article 15 définit quand même assez bien l'obligation, et un établissement privé qui est en collaboration avec le public pourrait difficilement se soustraire à l'obligation de collaborer?

M. Paradis (Régis): M. Ledoux, s'il vous plaît.

La Présidente (Mme Charlebois): M. Ledoux.

M. Ledoux (Georges): Bien, écoutez, à la lumière de l'article 15 seul, on aurait pu, entre guillemets, peut-être se questionner sur la portée de l'organisme public, qu'on définit évidemment seulement un organisme public tel que défini à la Loi sur l'accès, mais l'article 16, le commentaire qu'on a fait tantôt dans la présentation, quant à nous, vient compléter, là, l'ensemble des pouvoirs d'enquête ou d'accès dont le Commissaire pourrait avoir besoin pour exercer son mandat, et je pense que, là-dessus, à la lumière des commentaires faits ce matin, si on avait pu juger ou se questionner sur l'insuffisance quant à la portée de l'article 15, l'article 16, quant à nous, lorsque le Commissaire enquête, viendrait amplement compléter les pouvoirs dont il a besoin pour bien s'acquitter de son mandat et de ses responsabilités.

Mme L'Écuyer: Une complémentaire?

La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y, Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer: Actuellement, notre commissaire local ou le Protecteur ont déjà des pouvoirs quand il y a un lien contractuel avec un établissement et les services de santé et services sociaux concernant une plainte. Est-ce que le Protecteur joue actuellement ce rôle-là, puisque c'est déjà dévolu dans ses pouvoirs?

n(11 heures)n

La Présidente (Mme Charlebois): M. Paradis.

M. Paradis (Régis): Excusez. Il le joue déjà relativement bien, mais, comme j'avais commencé à le mentionner préalablement, on s'aperçoit que le traitement des plaintes comporte plusieurs étapes et est parfois relativement long. Et là-dessus on avait quelques statistiques qui disaient que 14 % des plaintes prenaient de 90 à 120 jours avant de recevoir un traitement adéquat, et jusqu'à 30 %, plus de 120 jours. Alors, ça nous apparaissait quand même relativement long avant que le Protecteur puisse vraiment s'occuper adéquatement du dossier et protéger davantage les personnes placées sous sa protection.

La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve...

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Charlebois): ...et porte-parole...

Mme Harel: D'accord...

La Présidente (Mme Charlebois): ...de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Alors, bienvenue, M. Paradis, au nom de l'opposition officielle, Mme Deschênes et Me Ledoux. Alors, le ministre, à raison, tantôt a parlé de la résurgence de la fonction, de la profession en fait d'infirmière auxiliaire. Alors, je crois comprendre que tout cela est la résultante, en partie du moins, de la reconnaissance qui a été possible avec l'adoption de la loi n° 90. Alors, mon Dieu, c'est peut-être l'occasion de voir avec vous l'évolution qu'a connue la profession d'infirmier et infirmière auxiliaire du Québec.

Je comprends que vous recommandez très fermement le rattachement du Commissaire à la santé, rattachement à l'Assemblée nationale, grâce à un mode de nomination qui en assure la pleine impartialité, l'autorité morale. Je pense que ça ne met pas en cause les personnes, mais la perception qu'on peut en avoir, vue du point de vue de l'opinion publique. Alors, c'est là une des recommandations, vous savez, qui est presque unanime, à peut-être une ou deux exceptions près, là. Nous en sommes à notre septième jour d'auditions, et je crois que ça a été vraiment un cri du coeur quasi unanime, là, d'assurer que cette nouvelle nomination soit faite par l'Assemblée nationale.

D'autre part, vous insistez, dans votre mémoire, sur un aspect qui a été abordé aussi mais peut-être avec moins d'importance, c'est celui d'un rôle accru du Protecteur... c'est-à-dire d'un rôle accru du Commissaire à la santé, élargi, si vous voulez, au secteur privé. Tantôt, vous donniez des exemples, hein, de centres hospitaliers qui sous-contractent en quelque sorte, hein, pour l'hébergement, oui, avec des ressources privées, et j'aimerais peut-être vous entendre, là, sur cet argumentaire d'un nécessaire élargissement du mandat du Commissaire au secteur privé.

La Présidente (Mme Charlebois): M. Paradis.

M. Paradis (Régis): Merci, Mme Harel. Il y avait trois éléments, si vous me permettez, dans votre question. La première, effectivement on est très heureux notamment de la loi n° 90 qui a été adoptée en juin 2002, entrée en vigueur en 2003. Là-dessus, d'ailleurs, je profite de l'occasion pour souligner l'excellent travail accompli à l'époque par l'Office des professions et le ministre de l'époque, qui était ministre responsable de l'application des lois professionnelles, Me Paul Bégin. Ils ont accompli tous les deux vraiment un travail gigantesque pour amener 11 ordres professionnels finalement à faire l'unanimité pour revoir leurs champs de pratique et revoir finalement le système professionnel vraiment en profondeur. Et là-dessus... amène notamment l'infirmière auxiliaire à pouvoir s'accomplir davantage comme professionnelle de la santé, avec plus d'autonomie, notamment avec les nouvelles activités qui y sont rattachées, et qui amène une façon nouvelle également de voir les choses qui a amené à partager, à avoir de meilleures relations également avec nos collègues des autres ordres professionnels, compte tenu que c'est davantage clair maintenant, la situation pour chacune. Et, dans ce sens-là, vraiment c'est un pas en avant de façon très importante, la loi n° 90, et encore une fois on est heureux.

De notre côté, on s'est appliqués très rapidement à faire en sorte que les 17 000 infirmières auxiliaires puissent recevoir la formation pour les nouvelles activités qu'elles se verront attribuer. Nous l'avons déjà inclus d'ailleurs dans notre programme de formation de base, et, en ce sens-là, je pense que vraiment il reste un peu à tout le monde, les établissements, à bien s'approprier de la loi pour faire en sorte qu'elle soit bien comprise et implantée dans chacun des établissements.

D'autre part, vous faisiez part, Mme la porte-parole de l'opposition, concernant la nomination du Commissaire par l'Assemblée nationale... On pense, de notre côté, que c'est effectivement pour une plus grande impartialité, une plus grande transparence et indépendance. Et à cela je dirais peut-être juste une analogie, bien qu'elles ne soient pas toutes toujours très bonnes, mais on regarde peut-être le Commissaire à l'éthique à Ottawa, qui est nommé par le premier ministre, on n'a pas vu souvent le Commissaire à l'éthique aller à l'encontre des positions de son patron qui était le premier ministre. Bon, vous allez me dire: C'est différent, puis je peux comprendre, mais sur le fond c'est quand même relativement pareil, et, dans ce sens-là, donc nous pensons que la population serait mieux servie.

Et d'ailleurs je me souviens très bien que c'était un engagement électoral du Parti libéral, de son chef et premier ministre maintenant, M. Charest, à l'effet de nommer un commissaire, puis je crois que ça souriait dans l'ensemble à la population. Maintenant, le projet évidemment... les pouvoirs du Commissaire, dis-je bien, sont très englobants, très vastes. Il ne manquera pas de boulot, ça, c'est certain. Mais on pense qu'il devrait pouvoir rendre compte directement à l'Assemblée nationale, donc à la population, plutôt que relever directement du ministre. C'est notre position.

Concernant maintenant le troisième élément, je vais laisser mon collègue aller.

La Présidente (Mme Charlebois): M. Ledoux.

M. Ledoux (Georges): Oui. Mme la députée... Merci, Mme la Présidente. Alors, effectivement ce qu'on proposait, nous, dans le fond c'est un réaménagement des pouvoirs du Protecteur des usagers. Le Protecteur des usagers conserve le traitement... toute la procédure de traitement individuel des plaintes. On peut, entre guillemets, étendre sa responsabilité si c'était évidemment, là, dans le cadre de l'examen qu'on va faire pour améliorer le processus, là, tel que promis par le ministre de la Santé et des Services sociaux. On peut, à ce moment-là, ajouter à ses responsabilités tout le secteur privé, d'être capable de recevoir des plaintes d'usagers qui sont hébergés dans le secteur privé.

Et, à la faveur de ce réaménagement-là, par contre, on pourrait donner au Commissaire des plaintes... pas au Commissaire des plaintes mais au Commissaire à la santé, à ce moment-là, les pouvoirs extraordinaires qu'a actuellement le Protecteur des usagers, dans les cas particuliers, là, donc qu'on a évoqués tantôt, comme par exemple la situation de Saint-Charles-Borromée. C'est essentiellement les pouvoirs que le Protecteur des usagers a actuellement en vertu de la loi, de l'article 20 de la Loi sur le Protecteur des usagers. Ces pouvoirs-là, dits extraordinaires, d'intervention, lorsqu'il y a des situations majeures, importantes, qui impliquent, là, la... où on observe, là, que les droits des usagers sont compromis, en danger ou qu'ils sont susceptibles, par exemple, de faire l'objet de représailles, ce pouvoir extraordinaire là pourrait être confié au Commissaire à la santé et au bien-être, et, à ce moment-là, on pense que, garanti d'une indépendance, nommé par l'Assemblée nationale, il serait mieux équipé, entre guillemets, il disposerait de meilleurs outils, sur le plan politique et juridique, pour traiter ou encore, là, intervenir dans ces cas-là.

La Présidente (Mme Charlebois): M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Merci, Mme la Présidente. Bonjour, messieurs, bonjour, madame. J'aimerais avoir un certain nombre d'éclaircissements sur comment vous voyez la fonction du Commissaire dans ses capacités d'influencer les grandes orientations du système de santé, notamment en ce qui a trait à l'organisation du travail. Alors, ma première question, c'est: est-ce que vous pensez que le Commissaire peut, avec pertinence, émettre des avis à l'Assemblée nationale, à supposer qu'il est nommé par l'Assemblée nationale, comme vous le recommandez? Est-ce qu'il pourrait émettre des avis sur l'organisation du travail? Et j'en prends pour exemple toute la question des unités d'accréditation à la loi n° 30. Pensez-vous que le Commissaire, s'il avait été nommé optimalement, avant que ces grands bouleversements ne soient introduits dans le système... est-ce que vous pensez qu'il aurait pu intervenir là-dessus de façon légitime? Comment aurait-il... Et quelle sorte de voix aurait-il pu tenir en fonction de vos intérêts particuliers comme infirmières et infirmiers auxiliaires au Québec?

M. Paradis (Régis): Je vous dirais, dans un premier temps, que, concernant le projet de loi n° 30, étant donné que le rôle d'un ordre professionnel, davantage son mandat, c'est d'assurer la protection du public, on ne veut pas intervenir. On s'est d'ailleurs entendus qu'on voulait conserver la plus stricte neutralité là-dessus et laisser les syndicats effectivement débattre de ce projet de loi là, comme ils le font puis l'ont déjà fait d'ailleurs.

n(11 h 10)n

Dans un deuxième temps, il n'est pas très clair, dans ses pouvoirs, dans le moment, s'il serait en mesure effectivement de faire des suggestions ou, après consultations, des propositions à l'effet de modifier l'organisation du travail qui pourrait viser une utilisation plus judicieuse de l'ensemble des intervenants et également aussi faire en sorte que la population ait encore de meilleurs services. Dans le moment, ce qu'on voit, le pouvoir... il peut tenir... le pouvoir du Commissaire, dis-je bien, il peut tenir des consultations, il peut tenir des colloques, il pourrait faire des recommandations concernant le nombre d'anesthésistes, des médecins en région, etc. Mais, sur l'organisation du travail, à tout le moins, ça ne semble pas aussi précis que cela, bien qu'il y aurait une utilité effectivement à ce qu'il puisse faire des recommandations à ce sujet-là pour améliorer notamment la qualité, l'accessibilité des soins à toute la population.

Je ne sais pas si mon collègue aurait un complément ou... non? Ça va.

M. Bouchard (Vachon): Merci.

La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Il n'y a pas d'autres commentaires? Alors, je vais vous remercier pour le dépôt de votre mémoire, et merci à vous, M. Paradis, Mme Deschênes et M. Ledoux.

M. Paradis (Régis): Nous vous remercions, madame.

La Présidente (Mme Charlebois): J'inviterais maintenant l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec à prendre place et je vais suspendre quelques instants jusqu'à ce que vous ayez pris place.

(Suspension de la séance à 11 h 12)

 

(Reprise à 11 h 14)

La Présidente (Mme Charlebois): Alors, bonjour, Mme Desrosiers. Je vous remercie de vous être déplacée pour venir nous présenter votre mémoire. J'aimerais que vous nous présentiez vos invités. Et vous savez que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire. Ensuite c'est poursuivi par une période d'échange avec les parlementaires.

Ordre des infirmières et infirmiers
du Québec (OIIQ)

Mme Desrosiers (Gyslaine): Mme la Présidente, je vous remercie de cette occasion-là qui nous est offerte. Alors, oui, je vais présenter mes collègues. Alors, je suis accompagnée de Mme Marie Valois, qui est directrice-conseil à l'Ordre des infirmières, et de Me Jean Lapointe, également avocat-conseil à l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.

Alors, le projet de loi qui nous est présenté, le projet de loi n° 38, concernant la création d'un Commissaire à la santé et au bien-être nous apparaît un projet des plus importants, compte tenu justement de l'importance que pourrait jouer ce Commissaire pour aider le gouvernement à faire les bons choix et à consolider notre système public de services. Alors, une autre partie importante de son rôle, qui est d'assurer certains débats publics ou de bien diffuser de l'information, nous apparaît également intéressante pour notamment tenir des débats des plus documentés sur les déterminants de la santé.

Donc, d'entrée de jeu je vous dirais que l'article 2 du projet de loi, qui campe bien la vision dans laquelle doit s'inscrire le mandat du Commissaire, nous endossons cet article sans réserve. Par ailleurs, nous avons remarqué que le projet de loi n'a pas prévu que le Commissaire touche les questions de protection des droits des usagers ou encore l'examen des plaintes, et nous estimons que c'est une sage décision, compte tenu qu'il y a d'autres mécanismes qui... que cet aspect-là relève de d'autres mécanismes.

Par ailleurs, tout en endossant non seulement l'intention du projet de loi et le mandat qui campe bien le rôle à créer, nous avons certaines inquiétudes à la lecture de ce projet de loi, et certaines questions nous apparaissent rester un peu sans réponse. Le Commissaire... Est-ce que le projet vise simplement à réorganiser le ministère ou encore à intégrer certains organismes existants? Est-ce que surtout... Le Commissaire sera-t-il positionné au bon niveau et deviendra-t-il vraiment une instance incontournable, indépendante et transparente? Ça, je pense que c'est la question la plus importante. Et enfin le mandat du Commissaire est-il suffisamment précis? Alors, c'est des questions qu'on s'est posées, pour lesquelles on a fait certaines recommandations ou certains amendements, parce qu'il nous est apparu que la fonction était mal positionnée à notre avis et que certaines ambiguïtés pouvaient affaiblir la portée, voire conduire à questionner la faisabilité du mandat du Commissaire.

On voit, dans le projet de loi, quand même que les grandes fonctions du Commissaire seront une fonction de vérification, une fonction conseil d'aide à la décision, une fonction d'analyse des déterminants de la santé et du bien-être et enfin une fonction de diffusion d'informations pertinentes pour alimenter un débat de société sur les enjeux et la viabilité du système de services. Donc, ce n'est pas un mince mandat. Quant à ces quatre éléments, on va vous faire quelques recommandations d'amendement.

Sur la fonction de vérificateur des activités et des services du système de santé, on pense que cette fonction d'évaluation doit couvrir tous les organismes qui reçoivent un financement public, incluant les cliniques et les cabinets privés en médecine. C'est une fonction importante. Par ailleurs, le fait de confier cette fonction au Commissaire nous apparaît venir complexifier son mandat, qui est déjà assez lourd. À la limite même, on s'est demandé si c'était faisable. Étant donné l'ampleur ou l'importance de l'aspect vérification, on a pensé que certains liens ou certains amendements dans le projet de loi devraient annoncer que le Commissaire pourrait... il pourrait y avoir des mécanismes pour que le Commissaire à la santé puisse compter sur la collaboration du Vérificateur général, compte tenu que c'est déjà le rôle du Vérificateur général.

Alors, c'est pour ça qu'on vous a recommandé un amendement à l'effet que le Commissaire à la santé puisse signaler périodiquement au Vérificateur général les éléments du système de services qui seraient à évaluer ou pour lesquels il pense avoir besoin de cette expertise-là.

Quant au rôle d'analyste et de conseiller, c'est clair que, dans un contexte de développement exponentiel des technologies, des processus thérapeutiques, il faut pouvoir poser les bonnes questions sur la valeur sociale et clinique des choix à faire, et des enjeux éthiques importants sont soulevés. Là-dessus, il nous apparaît que le Commissaire doit pouvoir compter sur un forum. Et là-dessus on pense que, autant, dans l'ensemble de notre mémoire, on n'a pas tellement fait état de l'ordre des moyens que le Commissaire doit prendre, puisque vous avez prévu dans le projet de loi qu'il peut se doter de tous les experts, enfin prendre tous les moyens requis pour rencontrer son mandat... Toutefois, on estime que, de façon explicite, un moyen ne devrait... celui-là en tout cas devrait être mentionné de façon explicite, à savoir la création d'un comité national d'éthique afin d'appuyer le Commissaire à la santé et au bien-être dans l'exercice de ses fonctions d'aide à la décision. Ce comité pourrait être composé d'experts provenant de divers horizons pertinents et serait nommé par le Commissaire à la santé.

n(11 h 20)n

Par ailleurs, un aspect important de notre vision du rôle du Commissaire est le fait que la fonction d'analyse et de conseil doit dépasser le système de services. On pense que le Commissaire doit pouvoir conseiller le gouvernement sur d'autres dimensions qui souvent sont gérées par d'autres ministères, notamment les déterminants socioéconomiques, l'environnement, les habitudes de vie, les conditions de travail et l'éducation. Et l'exercice de cette fonction conseil qui touche d'autres aspects que le ministère de la Santé pourrait l'amener à interpeller d'autres ministères: Éducation, Environnement, etc. Alors, à notre avis le fait que le projet de loi situe l'imputabilité du Commissaire essentiellement au niveau du ministre de la Santé rend à notre avis beaucoup plus difficile la fonction conseil du Commissaire à la santé qui voudrait intervenir un peu comme une vigie par rapport à des décisions gouvernementales intersectorielles susceptibles d'affecter la santé de la population, s'il relève du ministre de la Santé. Alors, là-dessus on vous fait une proposition d'amendement.

Quant au rôle de promotion et de diffusion d'une vision de la santé, assurément que le débat... Il y a des débats nécessaires à faire au sein de la population pour la survie de notre système public. On pense que cette fonction-là nécessite une transparence et ne pourra être exercée de façon efficace que si le Commissaire est vraiment vu comme une instance crédible indépendante et on n'est pas certains que le projet de loi rencontre ces éléments-là. On vous formule des recommandations à cet effet, surtout quant à la nomination du Commissaire et quant à l'exercice de ses fonctions. On pense que le projet de loi devrait ajouter que les fonctions du Commissaire s'exercent auprès du gouvernement en plus du ministre de la Santé. Et plus loin on vous souligne le fait qu'il devrait être nommé par l'Assemblée nationale.

Donc, un point qui nous a un peu... sur lequel on attire votre attention, c'est l'article 12 du projet de loi. On a trouvé que... Pourquoi l'article 12? Somme toute, c'est notre question. On s'est demandé: Pourquoi donner un mandat aussi précis avec un échéancier aussi précis, alors qu'il y aura tant à faire pour le Commissaire pour installer sa fonction. Donc, on a considéré que l'article 12 venait hypothéquer le plan de travail du Commissaire et pouvait éventuellement même l'entraîner hors mandat, donc... Et on estime que, l'article 12, c'est un mandat qui relève du ministre de la Santé d'informer la population de ses droits, et on en recommande l'abolition pure et simple.

On a également questionné l'opportunité de confier au Commissaire d'assumer toutes les fonctions du Conseil médical actuel. On pense que certaines fonctions, comme l'analyse des besoins en effectifs médicaux, doivent absolument rester au niveau du ministère de la Santé. Et là je n'irai pas trop dans le détail, mais il faudrait faire attention pour ne pas sortir du ministère des fonctions de gestion qui sont absolument courantes.

Alors, pour clore cette partie sur le mandat et les fonctions du Commissaire, on considère que, pour mener à bien ses fonctions, pour offrir au ministre de la Santé le soutien qu'il requiert dans ses fonctions, je rappelle qu'on estime que le Commissaire doit pouvoir interpeller le gouvernement de façon plus large que ce qui est prévu dans le projet.

Donc, concernant le processus de nomination du Commissaire, on n'est pas les seuls à vous avoir fait cette recommandation-là. C'est quasi unanime. Enfin, comme on était les derniers à passer, je m'excuse de répéter, mais on y avait pensé comme les autres, à savoir que l'envergure des questions et des enjeux qui seront examinés par le Commissaire nous amène à vous recommander... c'est absolument important d'assurer son indépendance et l'exercice objectif de ses responsabilités. Donc, on pense qu'il est incontournable que le Commissaire soit nommé par l'Assemblée nationale pour exercer, en dehors de certaines contraintes partisanes, ou gouvernementales, ou ministérielles, les fonctions et les responsabilités qui lui sont dévolues.

D'autres éléments, peut-être plus de détail, mais... enfin qui n'en sont pas, mais qui complètent notre vision: on pense que, en raison de l'importance des compétences du Commissaire, la diffusion publique de ses conclusions, avis ou rapports qu'il formule doit...s'avère importante pour permettre un débat de société et que l'Assemblée nationale doit avoir accès à tous ces rapports, mais surtout en être saisie au premier plan. Donc, on a proposé des amendements aux articles 17, 18 à l'effet que les rapports produits par le Commissaire doivent pouvoir être transmis au gouvernement. Le Commissaire pourrait vouloir déposer tout rapport directement à l'Assemblée nationale. Et enfin on pense qu'aucune restriction ne doit venir empêcher ou retarder inutilement la diffusion publique des documents ou leur dépôt devant l'Assemblée nationale, et la loi ne devrait pas comporter d'ambiguïtés à cet effet.

Donc, c'est un tour d'horizon assez bref, compte tenu qu'on est un peu en fin de parcours, mais je veux réitérer à la Commission le fait que l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec accueille favorablement ce projet de loi là malgré une certaine déception quant à des éléments de libellé qui viennent un peu restreindre et beaucoup limiter la portée et enfin les attentes qu'on avait quant au rôle du Commissaire dans notre société, à savoir que la population vit beaucoup d'inquiétudes quant à la santé et au bien-être, autant sur le plan de l'administration des services de santé que sur le plan des débats qui vont avoir lieu au cours des prochaines années. Donc, oui, on a beaucoup d'attentes par rapport au rôle du Commissaire et on espère que la commission entendra favorablement les amendements qu'on a suggérés. Je vous remercie de votre attention.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci, Mme Desrosiers. Alors, on débute la période d'échange. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Mme Desrosiers, Mme Valois, Me Lapointe, bonjour. Merci pour votre présence ce matin. Évidemment, j'ai trouvé très intéressantes vos suggestions, et vous avez raison de souligner que vous n'êtes pas les seuls à faire la remarque sur le rattachement et la nomination. Je ne sais pas si vous avez suivi les débats ou les présentations précédentes, mais...

Des voix: Oui.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Il semblerait que c'est presque unanime.

M. Couillard: Il y a plusieurs aspects de votre mémoire qui m'intéressent particulièrement, dont deux que vous êtes les seuls à toucher de façon spécifique, et je trouve ça intéressant. D'abord, la relation entre le Commissaire et le Vérificateur général. Et effectivement je dois vous dire que c'était une crainte qu'on avait, dans le processus de nomination, de créer une confusion entre les deux rôles. Et là ce que vous recommandez, c'est qu'on inscrive de façon spécifique au mandat du Commissaire la possibilité qu'il signale au Vérificateur général des vérifications qui sont finalement de type comptable ou opérationnel, qui donc resteraient dans le domaine du Vérificateur. Je trouve ça intéressant parce que ça permet de clarifier ou d'assurer la limite entre les deux rôles. Pourriez-vous nous donner des exemples, par exemple, de situations que le Commissaire pourrait suggérer, par exemple, au Vérificateur général d'étudier?

Mme Desrosiers (Gyslaine): Bien, souvent en cours d'année ou en cours de... on voit... il y a des questions, par exemple touchant le financement des centres de soins de longue durée. Est-ce que vraiment les... Il y a le niveau de financement, mais il pourrait avoir des questions parce que... Nous autres, notre opinion, c'est que le Vérificateur fait une vérification pas strictement de l'utilisation des fonds, mais on va... il y a des éléments... La vérification générale inclut autant l'efficience que l'efficacité. Donc, il peut... Et ils ont une équipe pour ce faire. Donc, le Vérificateur général, dans le passé, s'est déjà penché sur les soins à domicile, sur les soins de longue durée ou sur différents... Ça pourrait être... Il me semble qu'il n'y en a pas eu récemment sur les cabinets privés, mais enfin.

Donc, il pourrait signaler au Vérificateur une question, et on considère que le Vérificateur général a toute la machine pour opérationnaliser la demande ou les inquiétudes du Commissaire qui, à ce moment-là, obtient un éclairage qu'il pourrait mettre en lien avec d'autres informations que, je dirais... ou d'analyses à caractère plus qualitatif ou prospectif, et ne pas alourdir le mandat indûment du Commissaire dans la machine, comme telle, de vérification. Donc, ça pourrait être soit des questions qui se présentent comme ça, là, je vous dirais, quasiment en cours d'année, ou via des commissions parlementaires où on entend de façon générale une espèce de bourdonnement... Tout le monde est bien inquiet de la situation des personnes âgées en hébergement, bien il pourrait, à ce moment-là...

Mais, d'après nos juristes, il faut que le projet de loi le mentionne spécifiquement parce que, compte tenu de l'indépendance du Vérificateur général, nous, en positionnant le Commissaire à peu près... pas à peu près, au même niveau, mais qu'il puisse interpeller le Vérificateur... Le Vérificateur, il garde toute l'indépendance sur la façon de mener à bien la vérification, mais, compte tenu que le Commissaire se préoccupe d'apprécier de façon générale l'efficience, l'efficacité et qu'il a besoin de certaines informations à la limite, comme je vous dis, pour enrichir la vision ou certains réalignements dans les politiques, bien, si le projet de loi mentionne spécifiquement qu'il peut interpeller le Vérificateur sur des questions, bien ça nous apparaissait comme boucler la boucle, là.

M. Couillard: Ça fait deux fois que vous mentionnez, en passant, les cabinets privés. Je pense que je ne résisterai pas à la tentation de vous demander ce qui, vous pensez, devrait être l'objet d'une vérification dans un cabinet privé.

n(11 h 30)n

Mme Desrosiers (Gyslaine): Non, sincèrement, là, à ce stade-ci, je veux dire, je ne veux pas m'improviser d'aucune manière... Mais disons que tous les services qui sont financés par l'État méritent analyse et à cet égard-là, bien, ils sont visés comme tout le monde, comme les autres.

M. Couillard: Deuxième suggestion qui vous est spécifique, là, c'est la question de ce comité d'éthique parce que, effectivement, là, on a indiqué que les décisions, par exemple, d'utilisation des technologies ou d'introduction des technologies sont fondamentalement des décisions éthiques, hein? Je vous donne toujours le même exemple, là, hein: les défibrillateurs par rapport aux actions de prévention et de promotion des habitudes de vie ou actions sur le cholestérol ou les autres types d'actions sur les maladies cardiovasculaires. C'est le genre de débat qui va être de plus en plus fréquent au cours des prochaines années où il faut nécessairement avoir un éclairage éthique. Alors, vous, vous semblez suggérer la possibilité d'un comité-conseil éthique. Comment est-ce que vous voyez ça?

Mme Desrosiers (Gyslaine): Ce qu'on trouvait, c'est que, dans l'article 2, c'est mentionné que la dimension éthique fait partie du mandat du Commissaire et, comme il a un mandat de conseil, d'analyse, de vision prospective, c'est inclus, mais ça ne nous apparaissait pas assez fort. Et il nous semble qu'un gouvernement doit avoir de façon explicite... En tout cas, on trouve que, dans l'état actuel des choses, sans avoir fait d'analyse très exhaustive de ce qui se passe ailleurs, le fait que le Commissaire... Autrement dit, il pourra avoir tous les comités qu'il voudra bien, les comités ad hoc ou d'autres comités à caractère plus expert sur une base permanente ou semi-permanente, mais qu'obligatoirement il y ait un comité national d'éthique indique bien la direction quant aux enjeux.

Les enjeux, on le sait, dans les prochaines années, c'est: les limites du financement public vont amener à faire certains choix. Vous venez de le dire et vous avez donné un exemple: Est-ce qu'on va payer plus les défibrillateurs versus des mesures de prévention? Quels seront les points d'équilibre? Et la population est inquiète par rapport à ça. Tu sais, on ne sait pas. Est-ce que ça se décide strictement sur des considérations de performances technologiques? Est-ce que ça se discute strictement sous des angles dans une boîte noire, à quelque part?

Donc, qu'il y ait un comité national d'éthique, ça nous apparaîtrait comme conforter le rôle du Commissaire. On sait que ça existe ailleurs dans d'autres pays, mais, des fois, c'est un comité complètement indépendant. Mais, dans ce cas-là, on s'est dit: Tant qu'à créer le Commissaire, lui donner en partie ce mandat-là, pourquoi ne pas y greffer... Peut-être que ça rejoint aussi un peu le point de vue du Conseil de santé et bien-être quand il parle d'un forum citoyen. Mais enfin, là, je ne voulais pas faire une analyse comparative mais vraiment donner plus d'importance. Sinon, on regarde le projet puis on voit le mot «efficience», «efficacité», «déterminant», toujours des trucs assez techniques, tu sais, et le citoyen, lui, c'est... les choix que le gouvernement fera dans le futur doivent quand même avoir un angle éthique et citoyen. Et, dans ce sens-là, je pense que vous renforceriez beaucoup la crédibilité et le rôle du Commissaire d'avoir un comité national d'éthique.

M. Couillard: Et une autre suggestion qui vous est propre, c'est celle de retirer l'article 12 sur la déclaration des droits des patients. Ça, c'est assez unique parce que la plupart des autres intervenants en commission ont plutôt insisté sur la nécessité de donner encore plus de poids à cette déclaration avec la constatation suivante, c'est que les droits des usagers et personnes existent dans différents textes législatifs mais que, de toute évidence, la population n'en est que peu informée. Et vous dites: C'est vrai que le ministre lui-même pourrait ? ou elle-même ? pourrait un jour, de son propre chef, produire cette déclaration. Est-ce que vous pensez que ce n'est pas plus crédible si ça vient du Commissaire?

Mme Desrosiers (Gyslaine): Non. Parce que, nous autres, on a regardé ça, écoutez, regardé l'envergure de cette fonction-là, son positionnement, son mandat et on estime que l'article 12 vient créer une disproportion. C'est carrément disproportionné. Nonobstant tout ça, la crédibilité, il doit pouvoir être visible, le Commissaire, dans les premières années, les premiers mois de son mandat, amorcer des discussions sur certaines questions. Et tout d'un coup on voit l'article 12, et là d'entrée de jeu, par voie législative, il est entendu que la seule question à laquelle il doit réfléchir de façon urgente en commençant, c'est ça et puis ça devient la priorité des priorités. On a pensé que ça va entraîner une dérive et que ça risque de créer un désabusement de la population, à savoir: Bien, coudon, finalement, il est devenu... c'est comme si on rendait le rôle du Commissaire instrumental sur cette question-là. On l'a vu exactement dans le point de vue inverse. Je ne sais pas comment ça se fait qu'on ne l'a pas vu comme les autres, mais là...

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Desrosiers (Gyslaine): Mais là c'était exactement l'inverse. On a trouvé que, au contraire, ça venait comme le freiner. Il ne pourra pas s'installer, il va devoir requérir des experts là-dessus. Et franchement, si le ministre de la Santé, l'envergure de la fonction ministérielle d'informer... parce que regardez bien le mandat. L'article 12 dit: «informer la population des droits»; non pas concevoir ou énoncer: «informer la population des droits qui lui sont reconnus». On pense que le ministre doit asseoir ? comment je dirais ça? ? consolider sa fonction en faisant ça lui-même et ne venant pas ? excusez l'expression mais... un petit peu déranger le Commissaire qui doit commencer un rôle de très grande envergure.

M. Couillard: Bien, c'est ça. Je vous l'ai dit, c'est original, comme suggestion, puis ce n'est pas le fait d'avoir des pensées originales qui devrait vous inquiéter, là, j'en suis certain. C'est plutôt bon signe, en général.

Et là vous avez abordé, au moyen de cet article-là, la discussion de l'article 12, la question des rôles respectifs. Mettons-nous dans l'hypothèse où le Commissaire serait nommé par l'Assemblée nationale, donc aurait un statut d'indépendance, là, à peu près compatible ou comparable au Vérificateur. Comment, à ce moment-là, évitons-nous l'autre écueil? Parce que j'ai souvent parlé au cours de cette commission des deux écueils: d'un côté, ne pas donner assez de crédibilité à la fonction et, de l'autre côté, miner finalement l'imputabilité puis le rôle décisionnel des élus qui, à votre avis, ou à mon avis, puis à notre avis également, doit demeurer central. Comment est-ce qu'on s'assure qu'on ne fait pas de cette personne-là un deuxième ministère de la Santé qui agit de façon indépendante et plus...

Mme Desrosiers (Gyslaine): Non. Nous, on l'a vu plutôt au contraire à savoir que l'imputabilité ministérielle, elle est connue, elle doit être respectée. Mais on sait très bien que le ministre de la Santé ne peut à peu près pas intervenir sur des questions intersectorielles. Ça ne se fait pas, en vertu de la solidarité ministérielle, de commencer à trouver... ou ça se fait peu ou en tout cas c'est plus difficile. Donc, si, par hasard, un ministre met de l'avant un projet susceptible, par exemple ? mais c'est par hasard que je dis ça ? d'augmenter la pollution atmosphérique alors que l'Institut national de santé publique considère que, présentement, l'asthme ou l'accentuation, la prévalence de l'asthme présentement est particulièrement inquiétante, on estime que le Commissaire à la santé, dans son rôle de vigilance sur les éléments susceptibles d'affecter les déterminants de la santé, est bien placé pour parler, et ça n'affectera pas, à ce moment-là, l'imputabilité du ministre qui, lui, doit gérer la politique de santé, doit gérer le système de services, émettre certaines opinions quant au fonctionnement de son ministère, et, à quelque part, finalement une voix va pouvoir se faire entendre qui... Le gouvernement n'est pas obligé de l'écouter, mais le citoyen va avoir l'impression quand même que le gouvernement prend la question de la santé et bien-être bien au-delà du système de services. C'est pour ça qu'on vous recommandait...

Mais c'est clair que, dans son rôle d'analyste et de conseiller, il y a beaucoup de ces éléments de vision prospective qui vont s'adresser au ministre parce qu'on a dit d'adresser ses... Je vais citer l'article où on a demandé l'amendement. Ça s'adresse au ministre et au gouvernement. La nomination, c'était plus pour des fins d'apparence, en tout cas, d'assurer que, à sa face même, la nomination n'était pas entachée par des éléments partisans.

M. Couillard: Bon. Effectivement, vous avez raison. C'est un peu comme le Vérificateur général. Une fois que le rapport sort, le gouvernement est libre d'appliquer ou non les recommandations puis il doit en rendre compte éventuellement l'année suivante ou dans les mois qui suivent le rapport.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Exactement, mais ça situe quand même la santé, si vous voulez, dans une préoccupation globale intersectorielle. Donc, le gouvernement peut être, comme le Conseil des ministres, le gouvernement, l'Exécutif est comme interpellé par rapport à des questions qui touchent la santé mais dans une vision intersectorielle, ce qui est plus difficile à faire par le ministre de la Santé. C'est pour ça que, nous, on ne l'a pas vu incompatible; on l'a vu comme complémentaire.

n(11 h 40)n

M. Couillard: Il y a également la question des ressources. Est-ce qu'on devrait mieux cadrer, à ce moment-là, dans une perspective comme celle que vous mentionnez, la question d'analyse dans le contexte des ressources disponibles? Je vous donne un exemple théorique, là: on consacre actuellement 42 % environ des dépenses publiques à la santé. Disons que le Commissaire, dans son analyse, met de l'avant des recommandations qui font augmenter ça à 47 % en l'espace de deux ans, comment est-ce que, là, on cadre ça dans ce choix fondamental du gouvernement de répartir les investissements dans d'autres secteurs comme l'éducation, la lutte à la pauvreté, qui sont également des déterminants de la santé?

Mme Desrosiers (Gyslaine): Bien, justement, c'est exactement pour répondre à ce point-là qu'on estimait qu'il devait faire des recommandations au gouvernement dans une perspective intersectorielle, justement parce que ? on donnait l'exemple ? toute question... parce que, lui, il va sûrement tenir compte d'analyses qui viennent de l'Institut national de santé publique, la question de la politique de santé qui se donne des cibles. Est-ce que vraiment la population québécoise a, je ne sais pas, ses cibles en matière de prévalence de telle maladie ou de réduire tel facteur de risque, etc., autrement dit le lien entre les investissements qu'on fait et les indicateurs globaux de santé?

Donc, c'est clair que, j'imagine, il ne recommandera pas d'investir davantage si finalement notre performance, nos indicateurs sont en chute libre. Ça veut dire qu'on aurait comme... Ce n'est pas le cas, là, mais on fait un exercice théorique. Donc, par ailleurs, ces indicateurs-là, souvent, c'est des indicateurs de santé qui finalement, souvent, demandent un levier qui est hors système de services. C'est rarement en lien avec le nombre de défibrillateurs qu'on installe, c'est souvent en lien avec l'obésité, la sédentarité, la pollution de l'air, d'autres facteurs. Donc, dans ce sens-là, on pense que le Commissaire à la santé, s'il répond vraiment à son mandat, ne viendra pas faire de la turbulence au niveau du gouvernement quant à la question de, comme vous disiez, là, pourcentage d'investissements à faire dans le ministère de la Santé, mais il va davantage faire des recommandations pour qu'il y ait une synergie entre les ministères quant à des résultats de santé de la population. C'est comme ça qu'on l'a vu.

M. Couillard: Puis il y a des éléments d'analyse qui sont tout à fait passionnants qui mériteraient d'être plus publics. Par exemple, on revient toujours à cette question des technologies.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Oui.

M. Couillard: Si on regarde les technologies sans en cibler une particulière, on peut regarder, par exemple, que, dans les sociétés d'Europe occidentale, qui sont aussi socialement avancées et même parfois plus socialement avancées que nous dans certains cas, le taux d'introduction de ces technologies-là est très différent de celui de l'Amérique du Nord. Or, les résultats sur la population sont exactement les mêmes. Mais là ça nous place dans une politique... dans une vision plus globale, sociétale de la santé, alors que l'individu qui consulte le système de santé, lui, il s'éloigne bien sûr de cette vision-là. Lui, c'est son besoin maintenant qu'il veut qu'il soit satisfait. Comment est-ce que le Commissaire peut éclairer ce genre d'équilibre qui est très délicat?

Mme Desrosiers (Gyslaine): Bien, ça va rester une des difficultés, le point de vue individuel versus les choix collectifs qu'il y a à faire. Quand même, je ne peux pas donner une autre réponse. C'est parce que, moi, je... La manière qu'on l'a regardé, on pensait que le gouvernement... ou on imaginait un Conseil des ministres... c'est sûr qu'il voit toujours d'un mauvais oeil... bien, «il voit toujours d'un mauvais oeil»... en tout cas, ça devient un peu pénalisant pour un gouvernement de voir le niveau d'investissements qu'il faut toujours faire dans la santé, donc dans le service individuel, sans avoir une perspective globale quant à l'efficacité de ces investissements-là. C'est pour ça que, nous autres, on essayait d'amener la perspective que, si le Commissaire est une instance de vigilance et d'avis au gouvernement, il va nécessairement tenir compte des effets intersectoriels, ce qui est près de conforter l'ensemble des ministres et éventuellement amener un bémol ou même rassurer le ministre de la Santé ou aider le ministre de la Santé à dire: Je n'ai pas demandé davantage de budget, ou: Il ne nous apparaît pas opportun maintenant de demander davantage, puisque le Commissaire à la santé considère qu'il est plus urgent que jamais de s'occuper des habitudes de vie à l'école, compte tenu de tous les rapports qui ont été rendus publics quant à la sédentarité qui s'installe chez les jeunes. Voyez-vous comment on l'a vu? On l'a vu plutôt comme ça.

M. Couillard: Donc, une façon de faciliter le débat puis la prise de décision?

Mme Desrosiers (Gyslaine): Oui.

M. Couillard: Mais, en disant ça, on ne règle pas le problème de l'individu, c'est toujours la même chose, mais on...

Mme Desrosiers (Gyslaine): Non, mais... Oui, mais ça, ça va rester omniprésent, mais il y a d'autres mécanismes quand même pour amener des éclairages quant aux services individuels minimums qui sont requis.

La Présidente (Mme Charlebois): Ça va?

M. Couillard: Merci.

La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, bienvenue au nom de l'opposition officielle, Mme la présidente de l'ordre, Mme Desrosiers, Me Lapointe et Mme Valois. Alors, vous avez échangé avec le ministre sur l'article 12, là, du projet de loi n° 38. En fait, c'est un prix de consolation, l'article 12, parce que l'engagement du Parti libéral était à l'effet d'adopter une charte des droits des patients et également de nommer un commissaire à la santé rattaché et nommé par l'Assemblée nationale plutôt que par le ministre. Alors, l'article 12, c'est essentiellement pour être capable de prouver, du côté gouvernemental, que la question de la protection des droits des usagers n'est pas complètement évacuée, n'est-ce pas? Mais, avec raison, vous notez que ce n'est pas comme tel de la protection, ou de la Charte des droits, ou de la protection des droits dont il est question, c'est simplement un mandat d'informer le ministre comment informer la population, si je résume. C'est à peu près ça, là: «...donne un avis sur la façon la plus adéquate pour le ministre [...] d'informer la population des droits qui lui sont reconnus par la loi.»

Donc, elle, la loi, dans cet article-là, n'est pas modifiée. Donc, les contenus actuels... les dispositions, plutôt, de la loi actuelle ne sont pas modifiées. Il s'agit juste d'informer sur la meilleure manière d'informer. Alors, moi, quand j'ai lu ça, je me suis dit: Ça, c'est un prix de consolation par rapport à un engagement extrêmement plus conséquent, et c'est un recul important par rapport à cet engagement d'il y a un an.

Ceci dit, le ministre a annoncé aussi une révision du traitement de toute la mécanique des... une révision de la mécanique du traitement des plaintes, et cette révision est en cours. Évidemment, elle devra aboutir rapidement parce que, parallèlement, il y a un brassage de structures qui fait en sorte que la loi déjà existante en matière de traitement des plaintes se trouve un peu, si vous voulez, heurtée par ce brassage de structures, étant entendu que, là, il y aurait des superétablissements dans les agences. Et au niveau des réseaux locaux qu'advient-il des commissaires locaux, etc? Est-ce que vous avez regardé cet aspect-là également?

La Présidente (Mme Charlebois): Mme Desrosiers.

Mme Desrosiers (Gyslaine): À vrai dire, on a... nous, on a endossé le projet de loi sous l'angle de scinder les préoccupations en termes d'enjeux de société ou d'enjeux de protection, si vous voulez, des droits, à savoir qu'on pense qu'actuellement, avec l'ombudsman, la Charte des droits, les mécanismes d'examen des plaintes, tout autre mécanisme déjà prévu par un... Peut-être, Me Lapointe pourrait m'aider là-dessus. Enfin, il m'en avait listé toute une liste. On estime que ou bien on fait un projet de loi pour essayer de refusionner tous ces mécanismes-là ou les repositionner ou je ne sais trop, mais on pense que ce ne serait peut-être pas ça qui serait le plus opportun, donc que l'annonce du ministre d'aller dans le sens de revoir un peu le mécanisme d'examen des plaintes, à notre avis, nous apparaît suffisant. Et c'est pour ça que, nous, on n'a pas renchéri le projet de loi qui est là sous l'angle de tout ce qui pourrait amener des éléments sur la Charte des droits, l'angle des droits des usagers ou des choses comme ça parce qu'on pense que ça va comme obnubiler toute la question.

Et on pense que l'autre volet, qui est celui d'avoir un Commissaire à la santé susceptible d'éclairer les débats en termes de choix de société quant aux services à rendre mais aussi d'avoir des politiques gouvernementales plus efficaces, qui affectent la santé des citoyens, ça nous apparaît.... Je répète ce que j'ai dit tantôt: je suis désolée de ne pas... Nous autres, on n'a pas creusé la question; on pense que c'est un débat qui va se faire ailleurs, autrement.

Mme Harel: Évidemment, il y a aussi d'autres chevauchements. Vous avez mentionné ceux relatifs au traitement des plaintes des usagers mais qui finalement sont évitées, comme vous le mentionnez, parce que le Commissaire ne reçoit pas ce mandat-là, Mais en matière de santé publique, là, il y a une collision frontale avec soit la Loi sur la santé publique avec les mandats attribués au conseil, et vous avez également la loi sur la santé et les services sociaux avec les dispositions qui obligent le ministre aussi à une approche intersectorielle. Alors, en l'occurrence, le ministre a cette obligation d'approche intersectorielle, et ensuite il y a l'Institut plutôt de santé publique et la loi qui prévoit que l'Institut a un mandat spécifique à ce sujet, et ensuite l'article 10 de l'actuel projet de loi n° 38, à l'alinéa 4°, qui donne aussi un mandat au Commissaire à la santé. Alors donc, il y a un chevauchement qui semble assez évident à première vue, du moins en santé publique. L'ordre participe-t-il au Conseil médical ou a-t-il... pas comme tels des représentantes ou des représentants, mais y a-t-il ? certainement ? des membres de l'ordre qui siègent sur le Conseil médical?

n(11 h 50)n

Mme Desrosiers (Gyslaine): Oui, la composition du Conseil médical prévoit la nomination d'un infirmier ou d'une infirmière, et on est interpellés pour donner des noms, des suggestions, là, en vue de la nomination. Donc, oui, il y a une infirmière ou un infirmier qui, suite à des recommandations de l'Ordre, sont nommés. Enfin, il y a une nomination qui est faite par le ministre.

Mme Harel: Ce qui m'a surprise, c'est que vous avez l'air, en tout cas du moins dans le mémoire, ou peut-être allez-vous corriger cette impression, mais vous semblez acquiescer finalement à la disparition du Conseil médical plus facilement que tous les autres ordres, si vous voulez, ou collèges, là, qui y avaient des représentants. Oui?

Mme Desrosiers (Gyslaine): On a fait un bémol dans le sens que, que le conseil disparaisse, mais que ses fonctions demeurent au sein du ministère ou certaines de ses fonctions, pour nous autres, ça revient au même. Ce n'est pas le fait de maintenir le conseil absolument... il ne pourra pas en tout cas avec la proposition d'un commissaire, qui est sur la table, il ne pourrait pas être maintenu intégralement. Mais, dans notre mémoire, à la page 6, on a quand même dit qu'on questionnait la pertinence que le Commissaire ramasse l'ensemble des fonctions du Conseil médical actuel. C'est clair qu'il y a des éléments de planification des effectifs médicaux, de décisions quant aux entrées en médecine, bon, etc., qui doivent rester dans la gestion courante du ministère.

Par contre, souvent, il y avait des éléments de conclusion du Conseil médical qui touchaient l'efficacité même du système de santé. Alors, rendu là, souvent ça fait des rapports qui, comme d'autres rapports d'autres conseils à l'intérieur du ministère, ça fait... je ne sais pas, moi, le Conseil d'évaluation des technologies, le Conseil médical, le Conseil de santé et bien-être et plein d'autres, ils font des rapports qui finalement sont plus ou moins tablettés parce qu'ils ne sont pas vus dans une vision globale, intégrée. Alors, les aspects du Conseil médical qui touchent plus l'efficacité globale du système à partir de la contribution médicale m'apparaissent mal positionnés, et dans ce sens-là on pense que ce serait opportun que le Commissaire... mais comme tous les autres, sans trop insister, c'est clair que le ministère de la Santé va devoir, dans l'hypothèse où le Commissaire à la Santé sera créé, le ministre de la Santé va devoir conserver à l'intérieur de son ministère probablement, je ne sais pas, moi, à la Direction des affaires médicales universitaires, des éléments de mandat qui relevaient avant du Conseil médical.

Mme Harel: Bon, écoutez, à la page 6 de votre mémoire justement, vous abordez la question du besoin d'effectifs médicaux, et je comprends que vous l'envisagez maintenant exercé par le ministère, sans l'éclairage d'une vision conseil extérieure, parce que le Conseil médical avait cette vision conseil. Plusieurs sont venus là, au siège que vous occupez maintenant, dire: Écoutez, il y a une confusion des genres entre la fonction conseil et la fonction évaluation. Autant il faudrait bien distinguer dans l'avenir, autant la fonction évaluation qui est attribuée au Commissaire, ça va être une fonction qui est assez lourde, la fonction d'évaluation, et elle devrait être distinguée de la fonction conseil. Parce que tout votre mémoire est muet sur la question du déficit démocratique de participation des citoyens avec l'abolition du Conseil santé et bien-être.

Mme Desrosiers (Gyslaine): On avait pensé à aller dans le sens comité de sages, entourer le Commissaire d'un comité de sages, mais, après discussion avec... autant dans le bureau que nos services juridiques, et tout ça, on s'est dit: C'est un peu comme le vérificateur, tu ne l'entoures pas d'un comité de sages. On a plutôt, nous autres, amené le forum citoyen dans le comité national d'éthique, parce que c'est là que les citoyens doivent vraiment énoncer un point de vue quant aux valeurs, quant à l'impact des choix de société concernant nos valeurs sociétales. On l'a mis là, bon. Alors, peut-être qu'on aurait dû creuser davantage la question.

Mais je veux revenir sur l'affaire du Conseil médical, parce que j'ai quand même une certaine difficulté. Nous, la planification des effectifs infirmiers, on n'en a pas de conseil infirmier au ministère de la Santé, tu sais ? peut-être que ce serait bon ? mais on a pareil un forum, une table qui relève du sous-ministre adjoint. Et tous les éléments de planification des effectifs infirmiers, sur une base très opérationnelle ? révision des contingentements, décisions quant à la planification et la gestion des effectifs infirmiers ? se font à l'intérieur du ministère. Donc, ça peut être pareil pour les effectifs médicaux, puis toutes les instances médicales, FMSQ, FMOQ, collèges, etc., peuvent très bien avoir leur forum qui est imbriqué dans la structure même du ministère.

C'est juste quand on arrive... c'est quand on arrive à un moment donné à des recommandations qui touchent l'efficience ou l'efficacité globale du système que souvent... Moi, je regardais, par exemple, le Conseil médical faisait un rapport sur la hiérarchisation des services médicaux. Bien, ça, ça remet tout en cause la première ligne, la deuxième ligne, la troisième ligne, mais c'était vu strictement sous l'angle médical. Alors, ça a abouti là. C'est un bon rapport, mais là, après ça, on fait quoi? Il faut tout recommencer l'exercice: on va aller demander aux infirmières ce qu'elles en pensent, à d'autres, etc. Donc, dans ce sens-là, j'estime qu'il y a des limites au Conseil médical. Je ne suis malheureusement pas en mesure de complètement endosser votre point de vue. Malheureusement.

Mme Harel: La table dont vous nous parlez, qui se questionne sur la répartition des effectifs, cette table est assez récente, je pense, hein? Ça a été mis en place par...

Mme Desrosiers (Gyslaine): Laquelle?

Mme Harel: La table sur les effectifs.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Ah oui, oui, c'est Mme Marois qui l'avais mise en place, oui.

Mme Harel: C'est ça. Mais il y a eu, par exemple, au Conseil médical, il y avait eu des avis assez importants, en tout cas significatifs, notamment ceux qui consistaient à demander de remplacer le ratio basé sur l'exercice comptable population-médecins, parce qu'on a quand même toujours le ratio plus élevé au Canada, là, de médecins, autant spécialistes qu'omnis, en pourcentage de la population, mais de le remplacer par un autre ratio, n'est-ce pas?

Parce que j'ai souvenir, moi, de l'étude SECOR, sans doute vous aussi, hein, parce que je vous ai déjà entendue, il y a 10 ans de cela, vous prononcer sur cette étude, et favorablement aux conclusions de l'étude qui étaient de contingenter la profession infirmière. Alors, ce n'est pas peu, là, quand on pense que des études publiques qui reçoivent l'avis des personnes concernées favorables... Et puis il faut donc suivre... ça ne peut pas se faire à tous les 10 ans maintenant, hein, comme avant, parce que les choses changent vite dans une société, on l'a vu avec les effectifs médicaux en particulier.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Vous touchez un point intéressant, parce que c'est certain que la perspective qu'on a abordée, c'est qu'on essayait de distinguer la gestion des opérations courantes de certains éléments de planification qui doivent avoir un point de vue intégré. Alors, dans ce sens-là ? vous me tendez quand même une perche ? le Conseil médical a déjà fait un très bon rapport disant qu'il y a beaucoup de médecins qui faisaient du travail d'infirmière puis que c'était pas mal cher payé l'acte pour des choses que font les infirmières. Malheureusement, ça n'a jamais été mis en... pourquoi ça n'a pas été mis en pratique, cette recommandation-là du Conseil médical? C'est parce que ça vient toucher de façon globale soit la négociation avec les médecins ou soit carrément le financement même de notre système de santé. Et là j'estime que le Commissaire à la santé et bien-être s'il faisait un rapport disant que 25 % des activités médicales au Québec pourraient être très favorablement faites par des infirmières, peut-être que ça aurait beaucoup plus de poids dans la décision gouvernementale que le rapport du Conseil médical qui finalement... Vous pouvez être certains que les médecins ou les fédérations médicales ont pas mal étouffé ce rapport-là. Il est resté là, tu sais. Alors, dans ce sens-là, après ça, le ministre de la Santé pourrait prendre appui sur le rapport du Commissaire à la santé. D'ailleurs, ça pourrait être une priorité de travail.

Mme Harel: Plus que celle de donner un avis en priorité parce que l'article 12, c'est dans l'année qui suit, c'est le seul mandat express, hein, qui est donné dans le projet de loi?

Mme Desrosiers (Gyslaine): Bon, bien, là, sincèrement, je ne pense pas que ce soit une priorité pour le Commissaire. C'est certain que le... Je blaguais, là, tantôt. Je pense que le Commissaire devra se faire un plan de travail sur les éléments d'efficience et d'efficacité qui demandent d'être revus pour sortir des sentiers battus de toujours être dans les mêmes voies quant à répéter les mêmes prises de décision.

La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée de Pontiac.

n(12 heures)n

Mme L'Écuyer: Merci, Mme la Présidente. Mme Desrosiers, Mme Valois, M. Lapointe, bonjour. Merci pour votre mémoire très intéressant. Vous êtes aussi les premiers qui parlez de l'intersectorialité, éducation, avec tout l'ensemble des déterminants au niveau du bien-être. Cependant, je voudrais revenir à la page 12, dans les recommandations, le quatrième paragraphe. Vous suggérez la constitution d'un comité des sages. Tantôt, vous avez dit: On en a parlé, on n'était pas certaines, on se demandait si on devait. Cependant, c'est une... vous suggérez, mais votre recommandation, c'est la création du comité national sur l'éthique. Et vous décrivez un peu de qui pourrait être composé ce comité-là, Vous parlez des experts sociologues, éthique, santé publique, etc.

J'aimerais vous entendre sur où se trouve la place du citoyen, soit à l'intérieur de votre comité national... Parce qu'on sait que, lors du dépôt de l'ensemble des mémoires, presque la majorité parlait beaucoup d'un forum de la population, donner une place auprès du Commissaire, à la population. C'est une suggestion, mais votre recommandation est beaucoup plus à l'effet qu'il y ait un comité d'éthique.

Mme Desrosiers (Gyslaine): Bien, en fait, ça pourrait être là. Parce qu'on n'a pas voulu... Nous autres, on estimait qu'on n'était pas l'organisme qui devait creuser les modalités en détail. On allait plus sur des recommandations, je vous dirais, plus en termes d'orientation. C'est clair que le projet de loi qui est là, il a un déficit démocratique, c'est comme une évidence. Nous autres, plutôt que de donner un forum citoyen sur toutes les questions qui relèvent du Commissaire ? parce qu'à la limite, c'est quasiment lui donner un conseil d'administration ? on s'est dit: Il devra faire, comment je dirais, son fonctionnement même, il pourra créer les comités ad hoc qu'il a besoin, demander des avis à différents ministères, etc. Autrement dit, on lui a donné la marge de manoeuvre la plus grande, d'ailleurs, qui est prévue par le projet. Mais, de façon incontournable, il doit avoir un comité national d'éthique composé... là, on a mis d'experts, mais je pense qu'effectivement... assurément de citoyens. Et c'est là pour faire les débats éthiques parce que les débats éthiques, c'est clair, le citoyen a autant, comment je dirais ça, peut-être même plus sa place là qu'ailleurs. Donc, on l'a mis là. Mais je répète, c'est que, nous autres, on n'a pas fait une analyse très détaillée des modalités. C'est plus une orientation. Et on pense que vous serez en mesure d'en étayer, d'en décliner la modalité de façon plus précise.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci beaucoup, Mme Desrosiers, M. Lapointe et Mme Valois de votre présentation de mémoire. Alors, je vais suspendre les travaux jusqu'à 15 h 30, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 2)

 

(Reprise à 15 h 46)

La Présidente (Mme Charlebois): Alors, nous reprenons nos travaux. Et, pour la bonne marche des travaux, je rappelle à toutes les personnes dans la salle que l'usage des téléphones cellulaires et téléavertisseurs sont interdits dans la salle, et je demanderais aux personnes qui en font usage de bien vouloir les fermer pendant la séance.

Alors, cet après-midi nous recevons l'Association des centres jeunesse du Québec et le Fonds d'aide aux victimes d'erreurs médicales.

Alors, pour débuter, nous allons recevoir l'Association des centres jeunesse du Québec, et j'invite M. Pierre Morin à nous présenter son mémoire, et ses invités évidemment. Vous savez que vous avez 20 minutes pour la présentation de votre mémoire.

Association des centres jeunesse
du Québec (ACJQ)

M. Morin (Pierre): Alors, Mme la Présidente, d'entrée de jeu je laisse la parole à M. Thériault, qui va faire l'introduction, qui est membre du conseil d'administration de l'association, et nous procéderons à tour de rôle.

M. Thériault (Jean-Nil): Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, chers membres de la commission, l'Association des centres jeunesse du Québec tient d'abord à vous remercier de l'occasion que vous nous offrez de venir présenter son point de vue sur le projet de loi n° 38, loi qui prévoit la création d'un poste de Commissaire à la santé et au bien-être.

Je me présente: Jean-Nil Thériault. Je suis membre du conseil d'administration de l'Association des centres jeunesse du Québec. Je suis accompagné de M. Pierre Morin, qui est directeur général par intérim de l'Association des centres jeunesse du Québec et aussi directeur général des Centres jeunesse Chaudière-Appalaches. Je vous présente aussi Mme Marie-Sylvie Bêche, qui est directrice Centre jeunesse du Bas-Saint-Laurent, qui a accepté de nous accompagner pour répondre à vos questions, puisqu'elle peut témoigner de son expérience vécue dernièrement dans son centre jeunesse, avec une enquête systémique de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse ainsi qu'une enquête du Vérificateur général du Québec.

L'Association des centres jeunesse a pour mission de renforcer la capacité de ses membres dans leur prestation de services auprès des gens et des familles en difficulté, de les soutenir et les représenter auprès des diverses instances et de la communauté comme elle le fait aujourd'hui devant vous.

D'entrée de jeu, l'Association des centres jeunesse du Québec salue le projet de loi n° 38 créant un poste de Commissaire à la santé et au bien-être. Nous avons besoin d'éclaircissements sur les rôles et responsabilités qui lui seront confiées, particulièrement en ce qui concerne l'article 13 du projet de loi. Il nous a semblé remarquer des similitudes avec les responsabilités des autres organismes ayant des pouvoirs d'enquête, notamment la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et le Vérificateur général du Québec. Je cède donc la parole à M. Pierre Morin, qui vous exprimera nos questionnements face à cette nouvelle instance. Merci.

La Présidente (Mme Charlebois): M. Morin.

M. Morin (Pierre): Merci, Mme la Présidente. Tout d'abord, je tiens à vous rappeler brièvement le mandat des centres jeunesse. Les centres jeunesse ont le mandat d'offrir des services sociaux spécialisés aux enfants, aux jeunes et à leurs familles, principalement des services requis en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse et la loi sur la justice pénale pour les adolescents. Ces deux lois ont la caractéristique d'oeuvrer en contexte d'autorité et plus souvent qu'autrement avec des clientèles non volontaires. Leur état critique requiert une intervention de nos services sociaux. Les lois sont les outils qui nous permettent de faire une intervention.

n(15 h 50)n

Comme précisé dans l'introduction du mémoire, les centres jeunesse desservent en moyenne 100 000 jeunes et leurs familles par année, selon les lois qu'on vient d'énumérer. Comme autre élément, le signalement à la protection de la jeunesse est devenu une porte d'entrée pour avoir accès aux services pour la majorité de la clientèle en détresse. Pour vous situer, en 2002, plus de 60 000 enfants ont été signalés à travers le Québec. De ce nombre, plus de 28 000 ont été retenus pour évaluation. Les causes des interventions sont la négligence, les troubles du comportement, les abus physiques, les abus sexuels et l'abandon. Ce qui n'a rien pour nous rassurer, nous constatons, depuis les cinq dernières années, une augmentation de 21 % des signalements au Québec, et tout porte à croire que cette croissance continuera cette année. En lien avec ces données, les ressources n'augmentent pas à la même vitesse que les signalements. Les intervenants sont surchargés, et la pression exercée sur eux ne leur permet jamais de reprendre leur souffle.

Notre position, de l'Association des centres jeunesse, à l'égard du projet de loi n° 38 est d'abord positive. Nous croyons qu'un commissaire à la santé et au bien-être apportera une contribution à la réflexion sur les enjeux du système de santé et des services sociaux qui doit de plus en... faire preuve de créativité et s'adapter pour desservir ses clientèles convenablement. L'Association des centres jeunesse du Québec est tout à fait encline à la transparence qu'aura le Commissaire à la santé et au bien-être en rendant publiques les informations qu'il détiendra à la suite de ses analyses effectuées à l'intérieur de son mandat, et nous sommes prêts à collaborer.

On tient cependant à souligner de plus que, dans le but d'accroître la qualité, l'Association des centres jeunesse a d'ailleurs pris les devants en établissant les standards de pratique en centre jeunesse. Ce fut un travail rigoureux et précis, qui a été mené à nos frais, et nous savons désormais combien d'heures requiert une intervention à tous les niveaux, de la réception du traitement... du signalement jusqu'à l'application des mesures.

En fait, à titre d'exemple, à l'instar du milieu scolaire ou de l'éducation, nous avons, si on veut imager, paramétré le nombre d'élèves qu'on doit desservir en classe selon leur niveau de difficulté. En fait, nous avons paramétré le nombre d'enfants qu'un intervenant doit suivre selon le type de problématique en tenant compte de la durée, de l'intensité et de la continuité. Nous sommes donc arrivés à un ratio d'environ 16 enfants par intervenant, alors que présentement ce ratio oscille entre 20 et 25 enfants dépendamment des régions du Québec. Cet outil, qui fut validé selon les données avec les autres provinces canadiennes, est un exemple parfait de l'efficacité d'une méthode fiable qui fait cesser les approximations et l'improvisation.

Les réserves que nous avons sont au niveau du pouvoir et des fonctions que détiendra le Commissaire à la santé et au bien-être. Nous constatons et déplorons le fait que le rôle du conseil, qui était confié auparavant... excusez-moi, le rôle conseil qui était confié auparavant au Conseil de la santé et du bien-être et au Conseil médical du Québec semble dilué. Ces organismes identifiaient les facteurs de risque déterminants pour les personnes vulnérables, et cela apportait un éclairage non négligeable, notamment lorsque venait le temps de cibler les régions où vit en plus grand nombre notre clientèle à risque. Les indices de pauvreté, de sous-scolarisation, de troubles de santé mentale, pour ne nommer que ceux-là, sont des indicateurs essentiels à la planification des services.

Nous ne cachons pas notre inquiétude quant à la place qu'occuperont les services sociaux au détriment des services de santé. En fait, quels seront les indicateurs utilisés pour l'enquête et les recommandations? Trop souvent, les centres jeunesse ont été exposés à des enquêtes qui reposaient sur des indicateurs de qualité non valables ou incomplets, tels la liste d'attente ou l'équilibre budgétaire. Ces derniers indicateurs ne tiennent pas compte des facteurs régionaux ou de l'environnement de ces derniers. La démographie, les nouvelles lois, les problèmes de rétention ou de recrutement de personnel qualifié sont des facteurs déterminants dans la prestation de services, pour ne nommer que ceux-là. Il y a donc un réel danger à toujours comparer des listes d'attente ou des budgets basés sur des processus historiques d'allocation.

En fait, maintes fois, les centres jeunesse ont vécu des enquêtes effectuées par la Commission de protection des droits de la jeunesse et par le Vérificateur général du Québec. À toutes les fois, ces enquêtes ont été prises très au sérieux, mais notre question est la suivante: ils seront désormais trois à nous surveiller au lieu de deux, quelle est la valeur ajoutée de ce troisième enquêteur? Aura-t-il plus de pouvoirs? Sera-t-il plus contrôlant? Ses recommandations seront-elles prises en considération? Aura-t-il droit à des résultats immédiats? Nous avons énuméré en page 4 de notre mémoire les différents sujets qui ont préoccupé la Commission de protection des droits de la personne et de la jeunesse et le Vérificateur général lors des dernières années. Où se situera le Commissaire à la santé?

J'espère, Mme la Présidente, que vous comprenez bien notre questionnement. En somme, aurons-nous un troisième observateur qui viendra nous enquêter, faire des recommandations avec lesquelles bien souvent nous sommes d'accord? Lorsqu'il s'agit d'organisation de services, le centre jeunesse peut assumer les changements et le suivi, mais, lorsqu'il s'agit d'ajouter des effectifs, qui, par la suite, s'assurera que les ressources additionnelles nécessaires seront fournies? À notre avis, l'heure des diagnostics est finie. Il est grand temps de mettre les moyens en place pour offrir la prestation de services auxquels les jeunes et leurs familles en difficulté ont droit, c'est-à-dire une prestation de services permettant continuité, intensité et durée suffisantes.

Maintenant, on peut dire par expérience que les enquêtes ont un impact sur nos organisations. Savez-vous quelle énergie est déployée en temps et en ressources humaines lorsqu'un enquêteur entre dans un centre jeunesse, sans compter tout le travail de communication à l'interne, auprès des partenaires et des médias afin de rassurer la population et en même temps de continuer à offrir des services efficaces de qualité? On sait souvent par expérience que le doute s'installe rapidement vis-à-vis la clientèle. La méfiance se développe face aux intervenants qui ont besoin d'établir une relation de confiance afin d'offrir une intervention de qualité. Pour vous donner des exemples concrets de ce que représente une commission d'enquête dans un établissement, je cède la parole à ma collègue, Mme Marie-Sylvie Bêche, qui a vécu récemment une enquête du Vérificateur général du Québec.

La Présidente (Mme Charlebois): Mme Bêche.

Mme Bêche (Marie-Sylvie): Mme la Présidente, alors mes propos vont porter sur les préoccupations suivantes: la possibilité de chevauchement des fonctions, particulièrement entre les organismes Vérificateur général, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et le Commissaire à la santé et au bien-être, notamment sur les volets d'apprécier les résultats atteints en termes de qualité, d'accessibilité et d'intégration des services et également le second volet, qui est d'apprécier la performance du système, donc son efficience, son efficacité, parce que les trois semblent porter la même attention.

La deuxième préoccupation, c'est la coordination des activités de ces organismes auprès d'une organisation: qu'ils n'arrivent en même temps... pas en même temps dans l'organisation.

Pour illustrer ces propos, il y a cinq ans, le Vérificateur général du Québec a pris l'option ? et une très bonne option ? de faire l'analyse de la gestion et de la prestation des services à la jeunesse au Québec, donc d'analyser sa performance des systèmes sociaux aux enfants et aux parents et également d'apprécier la qualité, l'accessibilité et l'intégration de services. Il avait choisi pour ce faire trois organisations différentes en termes de taille et de population à desservir. Deux ans plus tard, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse amorçait ? et nous choisissait également... de procéder à des enquêtes systémiques, donc basées et échelonnées sur des années, et regardait particulièrement la prestation des services aux jeunes en protection de la jeunesse dans les unités de réadaptation.

Les deux organisations avaient le même processus pour l'investigation, c'est-à-dire examinaient: quelles sont les orientations et les priorités par rapport aux jeunes et ce qu'on veut comme résultat; la manière de faire, donc de procurer les services au niveau de la qualité, de l'accès et de l'intégration; ce dont on dispose pour allouer les services en termes de ressources humaines, de leurs compétences, de leur accompagnement, de leur encadrement; et, il va sans dire ? non le moindre ? nos systèmes d'information et de reddition de comptes. Ils avaient non seulement le même processus d'analyse et d'investigation, mais également les recommandations portaient sur l'ensemble de ces questions.

Les actions pour un établissement comme le nôtre... Malgré que le Vérificateur avait une dimension encore plus large que notre organisation parce qu'il allait voir également nos collègues des centres locaux de services communautaires, ce que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse n'avait pas investigué à l'époque. Pour un établissement, c'est des projets d'envergure, d'une part, parce qu'il faut mobiliser tout le monde, hein, il faut que ça ait un sens, aussi bien le décisionnel, ses instances représentatives que le personnel, le syndicat. Il faut qu'ils comprennent le sens de la démarche et il faut qu'ils comprennent ce qu'on attend d'eux. Il faut disponibiliser, lors de ces enquêtes-là, les ressources humaines en termes d'entrevue, de documents et de pouvoir faire fonctionner les systèmes d'information. Il faut également recevoir les résultats d'enquêtes et, non le moindre, les plans d'action, pour donner suite aux recommandations, pour que ça ait un sens, et implanter les changements.

Par la suite, bien, vous tombez dans une étape qu'on appelle la reddition de comptes, où vous devez faire valoir les réalisations que vous avez faites et le chemin parcouru. Chaque équipe d'une organisation doit se sentir concernée, ne serait-ce que pour avoir une imputabilité collective et une réussite d'ensemble.

Je vous dirais que, malgré le bien-fondé ? je peux en témoigner ? de ces enquêtes en termes de valeur ajoutée aux services, c'est extrêmement énergivore parce que c'est trois étapes ou trois processus de travail au niveau de l'enquête, l'implantation des changements et de la reddition de comptes. Vous dire également en parallèle: bien, poursuivre nos autres impératifs, et ils sont soit contextuels, là, le passage de l'an 2000, ou réguliers, l'équilibre et surtout le volet services à la clientèle.

n(16 heures)n

En conclusion, ayant vécu ces expériences avec mes collègues, les attentes que nous avons: il importe d'assurer la spécificité de ces organismes pour que nous y voyions une contribution différente et un sens; préciser les fonctions spécifiques du Commissaire à la santé et au bien-être ? qui, à nous, s'apparente de plus en plus au Vérificateur général du Québec ? pour en voir non pas un chevauchement, mais une valeur ajoutée; assurer que ces organismes de contrôle, lorsqu'ils procèdent dans une organisation, puissent laisser un laps de temps pour nous permettre d'introduire les changements, au moins trois ans avant d'en amorcer d'autres; et en dernier lieu, non le moindre ? les gens se mobilisent beaucoup, et c'est normal, c'est des enquêtes importantes, et on veut réussir ? que ces organismes puissent également non seulement nous amener à dire les problèmes et les volets à consolider, mais puissent, lorsqu'on est en reddition de comptes, apprécier les réalisations, les points forts, il en est une question de mobilisation des gens, de poursuite et de reconnaissance.

Bon, bien, j'arrête ici pour laisser M. Thériault conclure.

M. Thériault (Jean-Nil): Alors, Mme la Présidente, en conclusion, nous suggérons que le mandat du Commissaire à la santé et au bien-être devrait se limiter, en matière d'appréciation des résultats, à l'analyse de la performance globale du système ou des sous-systèmes et que les évaluations soient réalisées avec des indicateurs de performance et de qualité qui soient validés.

Nous suggérons que le rôle du Commissaire à la santé et au bien-être en matière d'enquête soit précisé et distingué de ceux des autres instances ayant des pouvoirs d'enquête et de vérification.

Nous insistons pour que le Commissaire à la santé et au bien-être accorde au secteur social, en particulier évidemment au secteur jeunesse, toute l'attention qu'il requiert.

De plus, nous suggérons d'inclure, dans les responsabilités du Commissaire à la santé et au bien-être, l'identification et le suivi des besoins de la population et des conditions de vie des citoyens et citoyennes.

Pour terminer, nous tenons à réitérer notre entière collaboration avec le Commissaire à la santé et au bien-être pour l'intérêt des enfants, des jeunes et des familles en difficulté. Nous voulons vous remercier de votre attention, Mme la Présidente, et nous sommes désormais disposés à échanger avec vous sur l'ensemble de nos préoccupations.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Thériault. Alors, nous allons débuter la période des échanges. Alors, je vous invite, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, à échanger avec nos invités.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. M. Thériault, Mme Bêche, M. Morin, bienvenue à la commission.

Effectivement, dans les établissements que j'ai visités, j'ai eu l'occasion de visiter quelques centres jeunesse un peu partout au Québec et j'ai souvent dit que, parmi les personnes pour lesquelles j'ai particulièrement de l'admiration, ce sont les intervenants des centres jeunesse, qui travaillent dans des conditions très difficiles, avec des situations humaines qui sont parfois, là, incroyables. On ne donnera pas d'exemple, là, mais, lorsqu'on dit que la réalité peut parfois dépasser la fiction, je pense que, dans le milieu qu'ils connaissent, c'est là qu'on en a la preuve régulièrement.

Évidemment, c'est un milieu qu'il faut aider. Vous savez qu'on a réinvesti, l'an dernier, des millions annualisés, qui vont être récurrents, qui vont se poursuivre. Cette année, on va poursuivre l'investissement encore. On parlait de la surcharge des intervenants, là, entre 20 et 25 cas actuellement par intervenant. On était à 26, mais il faut dire que le calcul n'était pas tout à fait fiable, vous y avez fait allusion dans vos remarques. On partage votre objectif de descendre le nombre de dossiers par intervenant à 16. Et là la question ? on y reviendra tantôt: comment y arriver?

Je veux juste clarifier, dans vos interventions, je ne pense pas que vous voulez vous soustraire aux enquêtes ou à la reddition de comptes. Ce que vous notez, c'est qu'il y a une superposition de plusieurs intervenants qui viennent enquêter chez vous et que, chaque fois, c'est une demande importante pour votre personnel. Alors, vous voudriez que ce soit mieux coordonné et qu'il n'y ait pas de superposition. Est-ce que j'interprète comme il faut? Vous ne voulez pas laisser l'impression à quiconque dans le public que vous voulez vous soustraire aux enquêtes des organismes.

M. Thériault (Jean-Nil): Absolument pas. Et, si vous permettez, M. le ministre, c'est ça pour deux raisons. Évidemment, les centres jeunesse sont subventionnés via des deniers publics et donc, à ce titre-là, les centres jeunesse vont toujours répondre présents lorsqu'on nous demandera une reddition des comptes. Ça, c'est le premier aspect.

Évidemment, l'autre aspect, qui est aussi important, c'est que les centres jeunesse ont à administrer ou à gérer ce qu'on appelle des lois d'exception. Et, à ce titre-là, il y a des mécanismes de régulation qui sont prévus, qui sont prévus entre autres par la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Et ça, à ce titre-là, on doit effectivement répondre présents parce qu'on administre cette loi-là.

Donc, sur les deux aspects par rapport à la reddition de comptes, les centres jeunesse vont toujours répondre présents et participer très activement à chaque fois qu'on nous posera des questions sur l'ensemble des opérations et du fonctionnement des centres jeunesse.

M. Couillard: Vous avez également mentionné l'augmentation très importante des signalements, et en fait c'est le phénomène principal. Le pourcentage d'augmentation des rétentions de cas a augmenté, mais de façon moindre, hein? Je pense que c'est surtout les signalements qui augmentent de façon importante.

Et là je dévie brièvement du sujet du Commissaire pour vous demander votre avis là-dessus parce qu'on consulte actuellement, comme vous le savez, dans le cadre de la refonte de la Loi sur la protection de la jeunesse. Certains nous disent, et c'est parallèle avec un raisonnement qu'on peut avoir en santé, que, si on veut diminuer le taux de signalements, il faut accentuer l'utilisation de ressources de première ligne par les familles, alors que, comme vous le dites vous-même, actuellement, la DPJ sert de porte d'entrée, là, et de ressource presque unique pour beaucoup de problèmes familiaux qui ne sont pas nécessairement du mandat de la DPJ. Donc, on dispose également d'un réseau de première ligne, en jeunesse, centré au niveau des CLSC, des commissions scolaires, et un réseau qu'on pourrait qualifier de spécialisé, qui sont les centres jeunesse. Donc, est-ce que l'investissement doit être plus fort en amont pour libérer le centre jeunesse? Comment est-ce que vous envisagez ça?

La Présidente (Mme Charlebois): M. Morin.

M. Morin (Pierre): M. le ministre, toujours, on s'est prononcés en faveur de la prévention, mais notre réflexion récente nous porte à conclure, en fonction des statistiques qu'on vous a livrées, que, dans la construction des futurs réseaux locaux, donc nouveaux partenariats à établir, il faudra cibler l'intervention de la prévention sur des clientèles spécifiques, c'est-à-dire, je vous donne la négligence et les troubles du comportement qui constituent environ, en moyenne, 80 % des signalements dans l'établissement de type centre jeunesse, alors... Et on va demander aussi que soit conclu... naturellement, bon, on parlera d'ententes de partenariat, mais qu'on ait des mécanismes de première ligne de reddition de comptes, qui sont très importants.

Vous savez, chez nous, c'est établi, en centres jeunesse, nos établissements fournissent des statistiques à votre ministère de façon régulière, rendent des comptes, et tout cet aspect-là est maintes fois regardé. Dans le côté du secteur social, on sent que c'est un peu moins fondé, ce n'est pas une pratique qui est courante, et parfois ? «et parfois», je le dis ? dans le questionnement de nos établissements, on se questionne à l'effet: l'intervention en prévention de tel établissement, est-ce qu'elle va apporter des résultats concrets pour nous aider, comme centres jeunesse, à baisser l'entrée de signalements et à prendre l'intervention en amont par le social plutôt que par le judiciaire souvent qu'on est obligés de sortir? Alors, vous comprenez très bien, si c'est ciblé de ce côté-là... Et bien sûr apporter une attention particulière aux clientèles avec des problématiques doubles de santé mentale, développement des réseaux avec la pédopsychiatrie, bon, un élément important au Québec... Ça, c'est aussi une problématique qu'il faudra mettre tous les acteurs ensemble, M. le ministre, si on veut réussir. Alors, quelque chose à construire là.

M. Couillard: Oui, puis c'est exactement le sens des réseaux locaux avec un programme services clairement identifié à la jeunesse et une mission de première ligne de même qu'une mission spécialisée.

Vous avez... Revenons au Commissaire. Vous avez exprimé le souhait que son regard se pose autant bien sûr sur le volet social, jeunesse, que sur le volet santé, et là vous sembliez préoccupé par les indicateurs que le Commissaire utiliserait pour évaluer les résultats puis l'efficacité du système dans votre mission. Si vous aviez à lui suggérer des indicateurs, comment est-ce que... quelles seraient d'après vous les meilleures façons d'évaluer la mission jeunesse si on combine tout ça, si on combine la première ligne et les centres jeunesse spécialisés?

Mme Bêche (Marie-Sylvie): Je sens que je vais hériter de la question. Je reviendrai sur votre question aussi de prévention, parce qu'il y a un volet ? Jean-Marc vient de faire la tournée des huit réseaux locaux... dans le travail de fondation de réseaux locaux puis ce que je constate.

Pour votre gouverne, il faut un sens quand on a un indicateur. Chez nous... En tout cas, à notre avis, il faut avoir un sens d'offrir à un enfant un milieu stable, permanent et sécuritaire. Et de là chacun doit avoir des objectifs de résultat qui découlent du sens de ça. Chez nous, c'est clair qu'un des indicateurs, c'est le taux de retour dans notre système. On se pose des questions si, au bout de deux ans, ce jeune-là qui a reçu les services revient dans notre taux, on doit voir.

Et quel est le taux acceptable, si j'ose dire? Ça, c'est une question qu'on se pose parce qu'on le fait strictement tout seuls. Il y a des éléments... Et vous avez des indicateurs de résultat. Vous avez des indicateurs. Alors ça, c'est ce que vous visez: est-ce que votre jeune revient dans le système? Est-ce qu'il a... S'il y a trois, quatre déplacements, c'est un problème. Si, nous, on héberge... Je vous donne un exemple de ce qu'on vit: un enfant qui est hébergé, qui a moins de cinq ans, aux trois mois, il est révisé. Si, au bout d'un an, les parents n'ont pas pris les moyens malgré tout, on pense à la stabilité de l'enfant. Vous me suivez? Si vous avez un autre taux, le taux de déplacement, vous avez un problème. Je vous parle de chez nous, et il peut y en avoir différents. Vous avez des indicateurs dans la manière de faire les choses.

Si vous n'avez pas de plan d'intervention avec lequel, les parents, vous leur dites où on va puis pourquoi puis comment, bien ils ne vous suivront pas. C'est un indicateur, hein? La durée, on sait très bien que, si vous donnez des services plus de 24 mois à quelqu'un, ce n'est pas quelque chose qui le rend souple, autonome. Vous le rentrez dans le système. C'est ce qu'on nous démontre, ce que nous avons vécu. Parce que nous faisons ces analyses-là. Vous avez d'autres... Alors là c'est ce que vous...

n(16 h 10)n

Je vous donne des exemples maintenant. Vous avez ce dont on a besoin. Si vos ressources n'ont pas la compétence d'être capables de voir, l'enfant, dans quelle étape de développement il est, est-ce qu'il a des séquelles dans ses développements, vous avez un problème. Si vos ressources ont un taux d'absentéisme trop élevé, vous avez un autre problème. C'est un système qui est interrelié. Vous avez le résultat-client relié à la manière de faire, relié aux ressources dont vous disposez et aux moyens que vous les accompagnez. Et ça, c'est très sérieux. Alors, c'est un peu comme ça. Il faut un sens. Les gens ne travaillent pas sur réduire la négligence, ils vont travailler pour offrir à un enfant... ça va avoir le même impact, hein, mais ils vont travailler... Vous avez des indicateurs. Parce que ça se fait relativement bien si on s'en donne la peine. Il y a vos systèmes d'information qui doivent suivre.

Maintenant, M. le ministre ? je vais me permettre, vu que j'y suis ? au niveau de la prévention, ce que j'ai constaté, c'est très bien, c'est... Souvent, au niveau de nos collègues CLSC, le problème qu'ils rencontrent, c'est le volontariat des parents à oeuvrer. Parce que, nous, on a mis un programme de vérification terrain. Vous avez raison, la demande de services, elle est énorme. La rétention, elle est de 50 %, donc... Et ces gens-là, règle générale, la même nature de services, la gravité de besoins, la gravité est moindre. Et ces gens-là, nous, on a mis, pour ces parents-là, des programmes qui les accompagnent pour aller chercher les services et non pas «va chercher», mais on va avec eux leur montrer. Et on se rend compte que souvent... Et je suis en train de commencer à faire des analyses un petit peu plus poussées: que se passe-t-il avec les gens qu'on a accompagnés au bout de deux ans?, etc., et souvent ils laissent au bout de trois, quatre rencontres par absence de motivation ou autre, et souvent nos collègues CLSC disent: Jusqu'où on peut aller à obliger les gens? Alors, il va falloir travailler comment on travaille la motivation et le volontariat, c'est fondamental. Je trouve que c'est là que le bât blesse ? mon expression populaire. Voilà, M. le ministre. De courte durée.

M. Couillard: Et effectivement, l'autre jour, cette chose a été remarquée exactement, c'est que, dans les mesures de protection en centres jeunesse, il y avait la contrainte légale qui fait que tout devient rapidement coercitif et encadré par le tribunal, alors que, lorsqu'on réfère des gens en première ligne, en CLSC, il n'y a aucune contrainte. En fait, les gens peuvent ne pas y aller du tout même, et là l'enfant se retrouve chez vous éventuellement.

La question des indicateurs, le taux de retour, le taux de déplacement puis la durée des services, j'ai retenu... il y en a d'autres...

Mme Bêche (Marie-Sylvie): Mais on pourrait aller plus loin. Je vous donne des exemples.

M. Couillard: Et vous aviez parlé de l'importance de donner une valeur ajoutée au travail du Commissaire par rapport au Vérificateur général. Donc, moi, je verrais, d'une part, la définition claire d'indicateur avec lequel votre milieu serait en accord, puis, d'autre part, un regard transversal sur la société puis le gouvernement. Parce qu'on sait qu'il y a des déterminants à l'extérieur du ministère de la Santé qui ont un gros impact sur le taux de signalements, quand on regarde l'indice de pauvreté, de familles éclatées, etc. Alors, est-ce que vous ne pensez pas que ces deux aspects-là en soi vont donner une valeur ajoutée à ce qu'on observe actuellement chez le Vérificateur, qui était plus quantitatif, là, comme analyse.

M. Morin (Pierre): En fait, si je complète aussi, quand on parle de la Commission de la protection des droits de la personne et de la jeunesse, on sait pertinemment que... on comprend très bien le rôle. Il est essentiel, en passant, de regarder si les gens reçoivent adéquatement les services en fonction des paramètres des lois. Donc, cet organisme-là et les jeunes, on leur remet la Charte des droits lorsqu'ils rentrent chez nous, avec les numéros pour correspondre s'ils pensent que leur droit ou la famille pense que leur droit a été lésé.

Ce qu'on dénonce directement, c'est que, par l'absence de d'autres éléments plus majeurs sur le système, comme vous parliez tantôt, cet organisme-là a fait des relations dans différents dossiers du Québec, a tiré des moyennes et tente d'établir comme certains ratios, et ça, on l'a dit dans notre exposé, ceux-là ne sont pas scientifiques, on ne les adopte pas nécessairement. Donc, si la préoccupation du Commissaire y va en les établissant, je pense que ça va laisser un champ plus clair et ça va, je pense, baliser le travail de la Commission de la protection des droits dans son rôle essentiel.

M. Thériault (Jean-Nil): Il y a un aspect présent, l'aspect que... Ce qu'on a bien compris, là, ce qu'on a compris des responsabilités du Commissaire, dans le fond, à la santé et au bien-être, c'est un rôle de vigie. Et c'est pour ça qu'on veut bien distinguer ce rôle, cette responsabilité de vigie là par rapport aux deux autres organismes, qui sont la Commission des droits de la personne et de la jeunesse et le Vérificateur général. Les questions de vigie, c'est des... donc, ça relève à des questions de planification, à des questions évidemment qui peuvent être liées à des questions de financement et d'allocation de ressources, à des questions d'adaptation de système, tandis que les deux autres... Alors, en ce qui concerne la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, donc j'ai exprimé le point de vue tout à l'heure. Le Vérificateur général, lui, évidemment va s'assurer, dans un sens très large, du respect des décisions de l'Assemblée nationale, et ce, dans chacun des organismes.

Donc, si on s'en tient... si on spécifie bien que le Commissaire à la santé et au bien-être a des responsabilités de vigie, là, à ce moment-là, les questions de juridiction par rapport aux deux autres éléments qu'on a indiqués tout à l'heure, ça va devenir très clair: un qui est un aspect dans le fond de planification, de connaissance, d'information pour la prise de décision et le financement, et les deux autres, c'est plus des agents de contrôle et des agents un peu plus opérationnels, si vous me permettez cette expression-là. Et pour nous, ça, c'est important de bien distinguer ces éléments de juridiction là, pour qu'on puisse évidemment, nous, pour les établissements, répondre adéquatement à chacun des mandats par lesquels on sera effectivement interpellés.

M. Couillard: Et peut-être pour clarifier un élément: nous ne prévoyons pas que le Commissaire aille enquêter dans des établissements particuliers. Ce serait exceptionnel, là. Et ça, c'est un regard systémique plus large. Il y a déjà le Vérificateur qui vient chez vous, vous l'avez dit, la Commission des droits, les enquêteurs que, nous, on envoie à l'occasion. Ça fait quand même... vous passez des années, je suppose, à faire une enquête après l'autre, là, et on veut vraiment scinder les deux: d'une part, le regard spécifique sur les établissements, d'autre part, le regard plus systémique, là, sur l'addition. Je pense que c'est important.

Vous avez également mentionné les budgets alloués sur des bases historiques, hein, qui ont eu des effets assez nocifs partout au Québec, avec des différences interrégionales assez marquées. Et, comme vous le savez, là, on est en démarche actuellement pour introduire un nouveau mode qui va corriger progressivement cette chose-là.

Si vous aviez également des remarques autres sur le type de statut accordé au Commissaire... Il y a eu beaucoup de remarques dans cette commission sur le rattachement ou la façon de nommer le Commissaire, je m'en voudrais de ne pas terminer en vous demandant votre avis là-dessus, si vous en avez un.

M. Thériault (Jean-Nil): Lorsqu'on prend la dénomination qu'on appelle... Évidemment, la dénomination, on dit: Le Commissaire à la santé et au bien-être. On convient que le ministère de la Santé et des Services sociaux est particulièrement interpellé comme ministère sectoriel sur les questions de santé et de bien-être. Mais, en même temps, il est important de souligner aussi que les questions de bien-être sont un peu plus larges. On dirait que... on peut dire un peu plus larges que strictement les questions de santé.

Prenons, par exemple, les questions relatives à la pauvreté, les questions qui sont relatives aux mesures de soutien aux familles, les questions d'intégration sociale des jeunes. Donc, si on prend cette logique-là, si on supporte cette logique-là, là, à ce moment-là, on aurait une tendance à suggérer que le Commissaire à la santé et au bien-être relève de l'Assemblée nationale à ce moment-là, compte tenu que donc le concept de santé et de bien-être est plus large qu'exclusivement les préoccupations sectorielles et importantes du ministère de la Santé et des Services sociaux, mais qui regroupe aussi d'autres questions, comme j'ai souligné tout à l'heure, en ce qui a trait à la pauvreté, le soutien aux familles et aussi des mesures à l'intégration sociale des jeunes tout particulièrement évidemment, dans le champ qui nous intéresse tout particulièrement.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. Alors, M. Thériault, et M. Morin, et Mme Bêche, merci de votre participation à cette commission parlementaire au nom de mes collègues, y compris la députée de Rimouski.

Et, dans votre mémoire, à la page 5, vous mentionniez qu'il y a, depuis cinq ans, augmentation de 21 % des signalements reçus à la DPJ et vous avez mentionnez de vive voix que vous vous attendiez à une situation semblable cette année aussi. Est-ce qu'on peut... Quel âge ont... Quelle est la moyenne d'âge des enfants qui vous sont référés, signalés en fait plutôt? Et peut-on croire que la venue des centres de la petite enfance et de la maternelle cinq ans aurait joué, si vous voulez, un rôle d'influence dans ces signalements?

M. Morin (Pierre): Mme Harel, ce que je peux vous dire en termes de moyenne d'âge, c'est qu'on dessert tous les enfants de 0-18 ans. Je n'ai pas la statistique de la moyenne précise parce qu'on fonctionne avec des statistiques par problématique. Cependant, majoritairement, la pression des adolescents, la crise du trouble du comportement, donc des familles qui ont de la difficulté avec leurs adolescents qui dysfonctionnent en milieu scolaire pour raisons diverses, de drogue etc., les jeunes qui ne se comprennent plus dans notre société, c'est une grosse partie importante de notre clientèle.

Cependant, avec les autres réseaux, on a développé, depuis les dernières années, de multiples ententes. On a d'abord signé, il y a quatre ans, des ententes officielles avec le réseau des CLSC pour clarifier les zones de responsabilité et consolider les zones de complémentarité. Nous avons fait... Dans beaucoup de régions, on a fait aussi des ententes avec les centres de la petite enfance. Ce qu'on remarque de tout ça, c'est qu'à l'heure actuelle, pour différentes raisons, on se retrouve devant du dépistage de cas, et c'est comme si la solution dans ce système-là, c'est le signalement.

n(16 h 20)n

Et je pense qu'il y a un projet de loi pour modifier la Loi de la protection de la jeunesse, qui a été publié sur le site Internet, donc qui va venir en consultation. Il y aura lieu de regarder différents éléments qui permettent, en complémentarité interréseau, qu'on joue, au niveau de la première ligne, un rôle prépondérant. Parce que, là, on a fait état tantôt de différentes difficultés, alors il faudra regarder. Parce qu'à l'heure actuelle, à cause de la complexité, à cause de la complexité des lois, à cause de la complexité de l'intervention ? système non volontaire ? nos partenaires se questionnent jusqu'où est leur limite. Bien sûr, quand on parle d'abus physiques, abus sexuels, écoutez, l'intervention est directe, et notre intervention est conjointe aussi, dans plusieurs cas, avec le secteur de la police, avec qui nous avons signé des ententes très claires d'intervention. Là, il y a urgence. Mais, quand on parle des autres situations, il faut qu'on se raffine, là, dans notre façon d'intervenir. Je ne sais pas si Mme Bêche a des choses complémentaires à dire.

La Présidente (Mme Charlebois): Mme Bêche.

Mme Bêche (Marie-Sylvie): Dans notre région, 60 % sont des situations de négligence; 30 %, des troubles de comportement. Quant aux centres de la petite enfance, on est à nos débuts, si vous voulez, parce qu'on vient d'implanter, depuis deux ans, une entente multisectorielle qui dit quoi faire ? parce que dans le fond les gens, ils veulent aider, mais comment faire un signalement ? et qui établit les protocoles de travail, pour ne pas non plus laisser nos partenaires seuls.

Ce qu'on est en train d'amorcer avec notre nouveau système, c'est exactement ce que vous venez de demander: le profil des signalements, est-ce que les centres de la petite enfance sont présents? On a les données, mais elles sont parcellaires et elles ne rendraient pas justice. Mais à notre avis, en juin, on devrait être en mesure d'avoir un portrait. Mais ils sont de plus en plus impliqués, ils ont participé aux formations et ils sont là.

On a également, au niveau des jeunes adolescents beaucoup plus troubles de comportement, des ententes avec Solidarité sociale et Sécurité ? j'ai de la difficulté à tout me souvenir ? mais particulièrement parce que les jeunes qui atteignent 18 ans se retrouvent souvent en itinérance: comment éviter ça donc et ne pas attendre qu'ils aient 18 ans, et donc amorcer, vers 17 ans, 17 ans et demi, un projet de vie continue. Alors, on a deux angles de prise et on va travailler différemment avec nos partenaires qui ont moins de 12 ans, les enfants de 0-12, et 12-18.

Mais vos données sont vraiment pertinentes, et c'est dans ce sens-là qu'on s'enligne pour vraiment bien orienter et être en mesure de mieux supporter les gens qui nous signalent.

Mme Harel: Vous avez mentionné, dans votre mémoire, à la page 5, qu'il y avait une aggravation de la sévérité des problèmes de santé mentale chez les jeunes. C'est une aggravation que vous êtes en mesure de mesurer?

La Présidente (Mme Charlebois): M. Morin.

M. Morin (Pierre): Bien, ce qu'on peut vous dire, Mme Harel, c'est que les centres jeunesse, comme les autres établissements du Québec, dans les années 1992-1996, ont fait des virages milieu, et nous avons été, pendant quelques années, dans des situations où on n'avait plus de jeunes enfants placés en établissement de type centre d'accueil. Ils étaient desservis soit à domicile ou soit suivis dans leur milieu naturel ou avec un réseau de familles d'accueil.

Ce qu'on observe dans plusieurs régions du Québec: nous avons maintenant, pour différentes raisons, des enfants qui sont placés dans des unités internes parce qu'il n'y a plus personne qui est capable de les garder, pour différentes raisons, parce que leur problématique est majeure. Ce ne sont pas toujours des enfants qui ont reçu un diagnostic médical, parce que nos partenaires médicaux, bon, ont une méthodologie de travail qui leur appartient et ils préfèrent observer longtemps avant de poser un diagnostic. Cependant, ils collaborent dans certaines régions. Mais, si on parle de nos collègues... des pédopsychiatres, ce sont des professionnels assez rares en termes d'intervention. Donc, toutes les régions ne se développent pas de la même façon à l'égard de ces clients-là, et on observe une recrudescence, et donc parfois on s'improvise en programme avec les moyens qu'on a.

De toute façon, nous avons ces jeunes en dedans. C'est simple, lorsqu'ils ne fonctionnent plus, qu'est-ce qui se passe? Il y a souvent abandon de la famille par incapacité de leur... Donc, on signale, par l'article qui permet cette dimension-là, donc l'article 38, ou bien il faut les prendre en charge parce qu'il faut soulager les familles et mettre en place... Donc, il y a augmentation, à notre point de vue, là, dans l'ensemble des établissements du Québec. C'est une dimension particulière qu'il faut s'occuper. Donc, on a recommencé à réouvrir des unités spécialisées, avec des services spécialisés, avec du personnel qu'on tente de former pour desservir ces enfants-là.

Mme Harel: À partir de quel âge?

M. Morin (Pierre): 6-12 ans, même 5-12 ans, Mme Harel.

Mme Harel: Il y a eu des articles d'une tragédie extrême, là, je crois que c'était dans le journal La Presse ou Le Devoir, il y a quelques semaines, quelques mois de cela, d'enfants qui, jusqu'à l'âge de cinq ans, étaient quasi incarcérés, attachés à leurs lits, à peine nourris. Mais c'était extrême. On ne peut pas imaginer quelque chose comme ça, même pour des animaux. Et par la suite il y a un débat qui s'est engagé, auquel vous avez sans doute eu accès, là, dans les médias, hein, un débat à savoir: faut-il maintenir cette orientation milieu à tout prix, y compris au prix de l'équilibre mental des enfants? Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de réfléchir là-dessus.

Mme Bêche (Marie-Sylvie): Oui. C'est que dans le fond ce dont vous parlez, c'est le maintien du lien familial avec les parents, le maintien en lien naturel. Et vous avez tout à fait raison, il y a eu une époque où tout a été travaillé intensément, sauf que souvent c'est des parents aux prises avec des problèmes d'alcoolisme, toxicomanie, de dépendance, de la violence, beaucoup de violence conjugale, mais qui se reporte sur la violence des enfants, des parents médicamentés ? parce que les enfants sont également médicamentés, et c'est ce qui est inquiétant un peu.

Et c'est un peu pour ça que nous travaillons maintenant de façon différente. Oui, le maintien en milieu naturel, bien sûr, mais pas à tout prix. Dans le sens suivant: il faut, pendant la première année, lorsque vous hébergez un enfant ou que vous ne l'hébergez pas, s'il n'y a pas de changement de comportement significatif qui assure la sécurité de l'enfant ? et je vous parle de sécurité, parce que je ne suis pas au développement en ce moment ? eh bien, à ce moment-là, vous allez devoir prendre les options possibles, et c'est l'enfant en premier, sa stabilité, son lien d'attachement avec ses parents. Et ses parents, c'est règle générale les gens qui s'en occupent bien, qui le nourrissent et qui ne le battent pas. Alors, c'est un peu nos réflexions actuelles et nos orientations plus contrôlantes, j'ose dire, ou, à tout le moins, de s'assurer davantage que ces enfants-là ne se promènent pas, retour, revient, repart, parce qu'il y a une crise familiale.

Nous aussi, nous avons ouvert une unité de 6-12 ans très spécialisée, très, très. Et on s'est mis une équipe multi, avec un pédopsychiatre. Nous avons la chance de ça. Et nous avons créé aussi... Nous sommes en train de finaliser une aire de vie familiale pour... On a beaucoup de distance chez nous. Alors, si on a un enfant d'Amqui, travailler avec les parents à Amqui, on va les recevoir les week-end. Ils participent à des fêtes de famille, ils vont séjourner avec leur propre enfant pour qu'on puisse aussi faire le lien avec les autres de la maison. C'est dans l'apprentissage de comportements qu'on voit le changement.

Mme Harel: Tout se joue avant six ans, là.

Mme Bêche (Marie-Sylvie): Vous avez raison.

Mme Harel: Moi qui suis grand-mère de jeunes enfants, j'en ai encore plus conscience.

M. Morin (Pierre): Si vous permettez, à l'Association des centres jeunesse, ça fait quatre ans qu'on est dans le programme national de formation pour... Il y a 4 000 intervenants des centres jeunesse qui ont reçu la formation. Et maintenant on donne les formations avec les partenaires du CLSC. Donc, les intervenants de CLSC se joignent à nous pour la complémentarité. Et on prône les valeurs de retour dans le milieu. Même pour les unités qu'on vous parle tout à l'heure, le but est de donner un traitement qui va favoriser un retour dans la communauté, peut-être pas nécessairement dans la famille si on n'est pas capables, mais dans la communauté. De plus, on vient de se donner un cadre de référence sur le maintien...

Mme Harel: Qu'est-ce que c'est, la communauté?

M. Morin (Pierre): Pour nous, c'est le terme, on utilise ça. On est des centres régionaux. Alors, c'est la communauté, autant que possible, d'où vient l'enfant, donc les MRC ou les milieux spécifiques, parce que vous avez affaire à des établissements régionaux. Alors, c'est la famille d'abord, et une famille substitut ensuite, ou une famille d'accueil, ou un foyer, une résidence qu'on coordonne, qu'on gère, en y allant toujours vers le plus près, le plus naturel possible vers l'institution, là. Mais on prône ces valeurs-là et on s'est donné, comme je disais, un cadre de référence sur avoir les meilleures pratiques, toujours dans l'optique du maintien dans la communauté.

Mme Harel: Je dois vous dire qu'on parle malheureusement très peu, dans les médias, de manière générale, là, dans les conversations, dans les bulletins d'informations, en fait un peu partout, on parle très peu des enfants. On parle beaucoup des problèmes de santé, beaucoup de vieillissement, et on a presque occulté cette problématique enfance, sauf, si vous voulez, dans le cadre des services à la famille. Et c'est, bon... Ça reste inquiétant pour ceux des enfants qui n'ont pas une famille... qui ont une famille dysfonctionnelle. Ça reste extrêmement inquiétant parce qu'il n'y a comme pas de débat public sur cette question-là ? je ne sais pas si c'est votre impression aussi ? à part le fait qu'on attend la crise pour qu'il y ait une enquête qui soit déclenchée, et là on va de crise en crise. Est-ce que vous avez un peu ce sentiment-là?

M. Morin (Pierre): De notre côté, Mme Harel, on a une vision un peu différente. C'est qu'étant donné qu'on est souvent la cible on trouve qu'on parle beaucoup sur le mauvais angle de la situation des enfants et de la détresse. Ceci étant dit, on profite de toutes les occasions qui nous est donnée de parler de la jeunesse, sa difficulté et du rôle qu'on peut jouer. Cependant, on a créé un événement à chaque année, qui est la Semaine des centres jeunesse, où on en profite pour souligner l'excellent travail aussi des gens qui travaillent dans nos milieux et on essaie d'en faire un événement, à chaque année, qui est important, donc une semaine réservée aux enfants qui vivent des difficultés au Québec. C'est toujours à l'automne, en novembre.

n(16 h 30)n

Mme Harel: Évidemment, ce n'est pas, disons, la crise de la jeunesse, c'est la crise beaucoup de la famille, puisque c'est une conséquence, si je comprends bien, là, toute cette recrudescence, là, de jeunes dans les familles en difficulté. Et ça, c'est lié à des problèmes psychosociaux particuliers? C'est lié à la pauvreté? Est-ce qu'il y a une incidence très forte de la pauvreté?

La Présidente (Mme Charlebois): Mme Bêche.

Mme Bêche (Marie-Sylvie): Je vais parler de ce que je connais mieux, notre région, dans le fond. On sait que, nous, les parents qu'on rejoint ont environ, ça a l'air bébête de dire, mais 2,6 problèmes, généralement 60 % de pauvreté, 40 % de monoparentalité donc dans le fond, et ça joue parce que c'est un facteur additionnel d'encadrement, de support. Alors, c'est un peu le profil qu'on rencontre par rapport à nos clients.

Ils ont aussi un précaire emploi ou des... Lorsqu'ils travaillent, c'est des perspectives moins intéressantes ou moins supportantes, parce qu'ils ont bien des choses à faire. L'isolement, beaucoup. L'isolement, parce que les gens, ils vivent en société, mais aussi ils voient clair, ils s'isolent aussi. Et c'est ça, le plus difficile, parce qu'il faut entraîner les gens du coin, la famille à aider ces gens-là. Ce n'est pas seulement les établissements publics, mais comment dans une collectivité, dans un milieu donné, une famille élargie s'y prête. Alors, il faut amener cette incidence de travail différente.

Et vous avez également raison, il y a comme deux clientèles. Souvent, on reçoit des jeunes qui ont plus de 12 ans, et ils ont vécu des problèmes à l'enfance, et ça se répercute.

Mme Harel: C'est des carences affectives graves. J'ai lu le projet de loi, puis ce que je constatais, c'est qu'on en met beaucoup sur les épaules, si vous voulez, de la famille élargie. Mais vraisemblablement j'ai un préjugé favorable pour les grands-parents, mais il faut faire attention, il n'y a pas toutes les vertus dans cette génération de baby-boom. Puis, s'il y a des jeunes parents qui ont les problèmes que l'on sait, avec les carences que l'on constate chez leurs enfants, ce n'est pas en confiant ces enfants aux grands-parents qu'on va résoudre la situation. Je pense qu'on a, comment vous dire, donc... on a une sorte de... On attribue une sorte de vertu aux grands-parents, ce qui n'est pas nécessairement la meilleure des choses à faire, je crois.

Mme Bêche (Marie-Sylvie): Je vais compléter... Quand on parle, pour nous, de famille élargie, c'est non seulement les grands-parents, puis ce n'est pas automatique, mais on regarde... ça, on doit le regarder, c'est les oncles, les tantes. Il y a des fois même des gens très près qui ont une valeur significative pour cet enfant-là et qui représentent quelque chose. Ça, on l'examine. On ne vous dit pas qu'on fait, mais on va le voir. On a le devoir d'examiner ça. Mais, vous avez également raison, comme préoccupation, ce n'est pas toujours les grands-parents ou les tantes, mais on a le devoir d'examiner.

La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer: Mme la Présidente. M. Morin, M. Thériault, Mme Bêche, bonjour. Quand je lisais le mémoire, j'ai eu beaucoup de difficultés, quand je lis des statistiques où qu'on parle d'enfants, de voir souvent avec quelles problématiques les établissements ont à travailler avec. Je connais un peu le domaine et j'ai vu, pendant des années, la complexité et la sévérité des problèmes qui allaient en augmentant. Je suis particulièrement heureuse de voir que les centres jeunesse se sont donné des unités de mesure, si on peut dire, et aussi essaient beaucoup de faire l'analyse de ce que, moi, j'appelle le syndrome de la porte tournante: le jeune qui est placé qui retourne, qui est replacé qui retourne, et on s'aperçoit qu'avec les années ça crée beaucoup de problèmes d'instabilité au niveau de ces jeunes-là, et d'incapacité de s'identifier à une personne significative.

Quand vous parlez de la sévérité des problèmes, vous avez une préoccupation particulière, c'est qu'au niveau du Commissaire vous demandez, à la page 5... vous recommandez d'ailleurs, ce n'est pas demandé, vous recommandez, à la page 5 du mémoire, que le Commissaire s'entoure d'une équipe chevronnée, qui connaît bien le réseau de la santé et la problématique de l'univers social, en particulier des jeunes et des familles vulnérables. Lors de l'audition des mémoires, on a eu des groupes qui nous ont proposé la création de forums citoyens, de participation, de comités de citoyens, citoyennes, comités de sages, comités d'éthique. Est-ce que vous avez réfléchi à une formule qui permettrait que le Commissaire, dans ses avis qu'il doit retransmettre à la population, sur les grands enjeux des services... Est-ce que vous avez réfléchi à quelle pourrait être la représentation de vos milieux qui serait la plus appropriée pour s'assurer que le Commissaire à la santé et au bien-être ait cette approche et en plus cette préoccupation particulière des jeunes et de leur vulnérabilité?

La Présidente (Mme Charlebois): M. Thériault.

M. Thériault (Jean-Nil): Oui. C'est une préoccupation tout à fait opportune et pertinente que vous soulevez. Évidemment, à mon point de vue, on peut y aller sur trois axes qui pourraient être importants. Évidemment, il y a l'axe davantage structurel, via évidemment l'Association des centres jeunesse et les établissements comme tels, qui connaissent bien l'ensemble des situations et des problématiques. Je pense qu'il ne faudra pas oublier aussi les gens qui font partie des comités d'usagers. Et il ne faudra pas oublier aussi les jeunes et les familles. Je pense que, ces gens-là, il serait tout à fait intéressant et pertinent d'entendre ce qu'ils ont à dire par rapport évidemment... pas nécessairement par rapport aux services qu'ils ont, eux, mais par rapport à ce qu'ils anticipent, par rapport aux situations qu'ils vivent.

Et j'ajouterais un quatrième élément: et aussi les partenaires, que ce soient les organismes communautaires, le milieu de l'éducation, le milieu de la justice, les familles d'accueil évidemment, qui sont des partenaires aussi privilégiés dans l'ensemble du continuum de services que nous avons à offrir. Donc, évidemment, toujours les experts du contenu, les gens qui font la livraison, la dispensation de services quotidiennement, à tous les jours, mais aussi les gens, les partenaires, les jeunes, les familles qui ont des choses à dire sur l'avenir des services et comment ils entrevoient aussi les services et les problématiques qu'ils peuvent vivre.

Mme L'Écuyer: J'ai une autre question, c'est en ce qui a trait à la collaboration, le partenariat et les formations qui actuellement sont en cours, avec ce que vous appelez la première ligne ou les CLSC. Quand on regardait... Tantôt vous disiez: Il y a beaucoup, beaucoup de signalements qui nous rentrent, on n'en retient que 28 %, de ces signalements-là. La différence, ceux, là, qui sont non retenus, est-ce qu'il y a une entente avec les partenaires que ces suivis-là soient donnés justement pour tenter de freiner ou de stopper la porte tournante, qui vous reviennent quelques mois après? J'aimerais ça vous entendre parler de ça un peu.

La Présidente (Mme Charlebois): Rapidement, s'il vous plaît, parce que le temps...

Mme Bêche (Marie-Sylvie): Je me dépêche. C'est 50 % de rétention, madame...

Mme L'Écuyer: 50 %? Je m'excuse.

Mme Bêche (Marie-Sylvie): Oui. Peut-être que nous n'avons pas été clairs. Bien sûr, on a une entente de collaboration avec chaque centre local de services communautaires, maintenant réseau local, qui dit quand est-ce et avec... on transmet les situations, on accompagne les parents rencontrés, les gens, et définir ensemble les services, etc. Oui, ça existe au moment où on se parle et ce doit être personnalisé autant que possible se peut, mais on doit avoir l'autorisation des parents, parce qu'ils pourraient refuser des services, et on ne pourrait pas... On peut les motiver, les mobiliser et de voir l'intérêt pour eux, et tout ça, mais il y a toujours, lorsque vous référez dans une autre organisation, l'autorisation préalable des parents et de l'enfant s'il a plus de 14 ans.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci. Alors, merci, M. Thériault, M. Morin, Mme Bêche, pour votre présentation.

Et j'inviterais les gens de Fonds d'aide aux victimes d'erreurs médicales à se présenter. Je vais suspendre les travaux jusqu'à ce que nous soyons prêts.

(Suspension de la séance à 16 h 39)

 

(Reprise à 16 h 40)

La Présidente (Mme Charlebois): Bonjour, M. Busque. Bienvenue à la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle que vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire, qui sera poursuivi d'une période d'échange avec les parlementaires. Alors, si vous voulez nous présenter votre invité et faire la présentation de votre mémoire par la suite.

Fonds d'aide aux victimes
d'erreurs médicales (FAVEM)

M. Busque (Paul-André): Merci, Mme la Présidente. M. le ministre, distingués membres de cette commission, je voudrais d'abord vous remercier de permettre à FAVEM, le Fonds d'aide aux victimes d'erreurs médicales, de présenter un mémoire dans le cadre du projet de loi n° 38. Je suis accompagné de M. Claude Grisé, qui est membre du conseil d'administration et responsable du comité d'appréciation des cas chez FAVEM.

Je voudrais vous signaler de prime abord que nous avons eu également l'occasion de soumettre un mémoire au ministre des Finances, M. Séguin, lors de ses consultations prébudgétaires et qu'il a été effectivement sensibilisé à la cause de FAVEM.

Nous vous soumettons respectueusement un mémoire basé sur des faits vécus, concrets, qui sont d'une importance cruciale dans le contexte actuel. C'est une occasion pour nous de vous sensibiliser à une situation de plus en plus inquiétante pour les usagers de la santé au Québec, de vous inviter à prendre conscience des faits que vivent les usagers et qui sont personnellement affectés autant, comme je l'ai été individuellement, que plusieurs des membres de notre groupe de FAVEM.

Il aura fallu un drame dans ma vie, soit le décès de mon épouse en raison d'une faute médicale, pour que je m'engage activement afin que soit mis sur pied le Fonds d'aide aux victimes d'erreurs médicales, FAVEM. Le 29 juin 2002, mon épouse, Gemma Beaudoin, de Brossard, était admise à l'Hôpital Charles-Lemoyne, pour une fracture à la hanche, après un transfert du Centre hospitalier régional de Lanaudière. J'ai déposé une revue de presse ? je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de la consulter ? avec le mémoire, qui montre le cumul des erreurs ayant conduit au décès de mon épouse.

C'est tout le système de santé qui a flanché au cours de cette fin de semaine: retard ambulancier, problèmes à la centrale téléphonique, problèmes de communication entre l'hôpital et la centrale ambulancière, absence de protocole entre les établissements hospitaliers sur le transfert d'un patient, fautes de différents intervenants de la santé, problème de ressources humaines à l'hôpital, qui entraîna une absence de suivi de la patiente, absence de personnel qualifié pour donner des soins à l'urgence durant la pause syndicale ? c'est assez important ? et finalement l'administration d'une surdose d'analgésique, sans que l'on tienne compte du dossier médical, qui entraîna le décès de mon épouse, avec absence de tentative de réanimation. Je pense que c'est assez complet.

J'ai donc cherché à comprendre ce qui avait bien pu se passer. D'autant plus qu'aucun chirurgien n'a examiné mon épouse pour une intervention chirurgicale dans les 30 heures à l'urgence, qu'elle est décédée alors qu'elle n'était âgée que de 54 ans, que ce décès est survenu alors qu'elle était sous les soins du personnel attitré à l'urgence d'un centre hospitalier et de surcroît que ce décès ait été causé par une surdose de Dilaudid, un analgésique très puissant.

Je me suis informé sur le déroulement des événements. J'ai frappé à plusieurs portes, parfois assez fort, pour connaître toute la vérité sur les faits, et il fallait le faire. Je me suis documenté sur les rôles et responsabilités des intervenants de la santé, sur les organismes qui les représentent, les comités dont ils font partie, les lois et règlements et les mécanismes de plainte. J'ai porté plainte. En fait, j'ai porté plusieurs plaintes, comme l'oblige la lourde réglementation, tout en voulant vérifier l'efficacité du processus administratif du réseau de la santé à amenuiser ou corriger les préjudices que peut subir un usager.

J'ai pu constater que la tâche de porter plainte est si complexe et si lourde qu'il faut se demander si les mécanismes n'ont pas été conçus pour décourager les usagers à s'engager dans cette voie. Il faut savoir qu'un usager doit se débrouiller seul pour obtenir l'information pertinente des archives médicales, tout en sachant que la feuille de route d'un patient, selon le système Cardex, est détruite une fois qu'il a quitté l'urgence de l'établissement, du moins c'est le cas au centre hospitalier de l'Hôpital Charles-Lemoyne.

La formulation des plaintes que j'ai dû faire a exigé du temps et de l'énergie certes, mais aussi de la détermination et une solide volonté de faire valoir les droits d'un usager, tout comme des centaines pour ne pas dire des milliers d'autres personnes qui subissent un préjudice quelconque. J'ai donc porté plainte au Collège des médecins du Québec, à l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, au Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens du centre hospitalier, au directeur des services professionnels, au commissaire local à la qualité des services des hôpitaux de Joliette et de Longueuil, aux médecins examinateurs des hôpitaux concernés, au comité de révision de l'Hôpital Charles-Lemoyne, au Protecteur des usagers, à la corporation ambulancière de Lanaudière, à la Régie régionale de la santé et des services sociaux, au bureau d'accès à l'information et au ministère de la Santé et des Services sociaux. J'ajouterai ici également que j'ai entrepris un recours judiciaire suite au rapport du coroner et du médecin expert d'analyse toxicologique du Centre anti-poison du Québec. Tout ça pour vous montrer jusqu'à quel point le système est lourd lorsque arrive un incident malheureux.

Il faut du courage pour se battre contre un tel système et souvent dans un contexte où l'usager n'est pas au meilleur de ses capacités, tant physiques, mentales, émotionnelles et financières. Je me suis senti parfois bien seul pour connaître les faits et faire valoir mes droits au sujet de la mort de mon épouse. Un an plus tard, indubitablement engagé pour regrouper des citoyens qui vivent de telles épreuves, je me suis dit qu'il fallait faire quelque chose.

Malgré la bonne volonté des hauts dirigeants de la santé, le système actuel fait très peu de place aux victimes d'erreurs, de négligence ou de fautes médicales. Il les place devant un tel fardeau que la plupart d'entre eux se découragent de porter plainte pour faire valoir leurs droits les plus légitimes. L'idée de créer un organisme pour appuyer les victimes non seulement moralement, mais aussi et surtout financièrement naîtra.

J'ai raconté mon histoire, qui fut largement médiatisée. Elle bouleverse, elle ébranle. Je n'ai pas eu de difficulté à convaincre des personnes de mon milieu de travail et à obtenir un coup de main. Des gens de différents milieux m'ont aussi contacté et n'ont pas hésité à se joindre au projet de regroupement de personnes pour venir en aide aux victimes d'erreurs médicales. Plus de 50 personnes provenant de plusieurs régions du Québec créent le fonds d'aide lors d'une assemblée de fondation, le 3 novembre 2003, à l'hippodrome de Montréal. Le 26 janvier 2004, FAVEM adressait sa demande à l'Inspecteur des institutions financières pour une constitution. Et finalement, le 12 février, FAVEM a reçu ses lettres patentes et est doté d'un conseil d'administration de 15 personnes bénévoles et qui m'a nommé à titre de président.

La mission de FAVEM. Deux mots caractérisent la mission que s'est donnée FAVEM: informer et aider. Informer: dans un premier temps, FAVEM entend fournir de l'information et des services de consultation aux victimes d'une erreur, d'une négligence ou d'une faute médicale en créant et en gérant un système d'information. Aider: dans un deuxième temps, FAVEM entend aider financièrement et matériellement les victimes pour qu'elles puissent entreprendre des démarches judiciaires pour obtenir compensation.

Afin d'évaluer la pertinence des cas qui seront soumis à FAVEM et d'écarter toute plainte farfelue, le conseil d'administration procède actuellement à la création d'un comité d'appréciation des cas. Ce comité sera formé d'experts médicaux et juridiques, médecins, infirmières, chirurgiens, avocats, actifs ou à la retraite, qui, sur une base bénévole, évalueront les cas qui seront soumis. Ce comité impartial écoutera les victimes ou leurs ayants droit, les éclairera sur les possibilités de recours et fera une recommandation à FAVEM sur la pertinence de les appuyer financièrement dans leurs démarches judiciaires.

n(16 h 50)n

Une victime n'aura aucune obligation envers FAVEM, le comité d'appréciation des cas ou qui que ce soit d'autre, si ce n'est qu'elle devra s'engager à rembourser à FAVEM les sommes qui lui auront été versées pour assumer ses frais judiciaires lorsque la cour lui donnera raison et que celle-ci ordonnera à la partie adverse le remboursement des frais. Ce n'est que lorsque ces deux dernières conditions seront réunies que FAVEM exigera, sans intérêt, le remboursement des sommes versées.

Bien qu'il ne soit pas possible d'évaluer pour le moment le pourcentage relatif des sommes qui lui seront remboursées, FAVEM estime qu'il sera élevé, puisque le comité d'experts recommandera au conseil d'administration d'appuyer les cas d'erreurs, de négligence ou de fautes les plus probables. Exceptionnellement toutefois, il pourra arriver que FAVEM appuie une victime dans ses démarches afin de faire la lumière ou dénoncer des pratiques inacceptables, qui méritent d'être étalées sur la place publique pour que des correctifs soient apportés.

Comme vous le savez, nous sommes toujours en attente d'une réponse de votre part, M. le ministre, concernant l'aide financière que vous pouvez accorder aux victimes qui subissent un préjudice quelconque d'un intervenant du réseau de la santé au Québec, même si vous vous êtes montré favorable à un fonds d'indemnisation pour les victimes d'erreurs médicales au mois de mai 2003.

Au sujet du Commissaire à la santé et au bien-être, FAVEM accueille favorablement le projet de loi n° 38 portant sur la nomination d'un commissaire à la santé et au bien-être. Nous prenons bonne note de son rôle d'informateur auprès de la population et de conseiller auprès du ministre sur les grands enjeux du système de santé et de services sociaux.

Nous prenons aussi bonne note que le Commissaire devra donner, à chaque année, un avis sur la façon la plus adéquate, pour le ministre et les établissements de santé et des services sociaux, d'informer la population des droits qui lui sont reconnus par la loi en matière de santé et de services sociaux. Ces objectifs sont louables, utiles et nécessaires, mais FAVEM estime que ce mandat confié au Commissaire n'est pas suffisant.

FAVEM craint que ces avis, même retenus par le ministre, ne fassent pas l'objet du suivi approprié par les instances en cause. Pourquoi? Les recommandations, par exemple, du Protecteur des usagers de la santé du Québec ne sont pas exécutoires et bien souvent elles ne font que combler le vide sur une tablette. Les usagers n'ont pas besoin d'une autre instance sans pouvoir d'exécution, elles sont déjà suffisamment nombreuses. FAVEM estime ainsi que l'application des avis donnés au ministre, lorsque retenus par celui-ci, devrait être supervisée par le Commissaire et que ce dernier devrait avoir les pouvoirs inhérents à une mise en oeuvre efficace et un suivi rigoureux.

Le ministre et le ministère de la Santé et des Services sociaux ont peut-être besoin d'être conseillés, mais les directions des établissements de santé et de services sociaux ont surtout besoin d'être mieux encadrés afin de s'assurer qu'elles respectent, dans des délais décents, les règlements auxquels les établissements sont tenus. À titre d'exemple, depuis décembre 2002, soit plus d'un an, la loi n° 113 sur les risques d'erreurs médicales est en vigueur. Les établissements de santé doivent mettre sur pied un comité de gestion des risques et dévoiler tous les incidents et les accidents qui s'y produisent. Il faudrait vérifier jusqu'à quel point la majorité des établissements de santé ont décidé de mettre un tel comité en marche.

Le nombre de décès qui surviennent en raison d'erreurs médicales fait frémir. Selon des rapports détaillés d'erreurs médicales, obtenus à partir d'un document de l'Institute of Medicine des États-Unis, de 44 000 à 98 000 patients meurent, chaque année, aux États-Unis, d'erreurs médicales. «Une extrapolation pour le Québec donnerait entre 1 200 et 2 600 morts», affirme le réputé magasine L'Actualité médicale, dans son édition du 19 février 2003, ceci sans compter toutes les personnes qui demeurent avec des séquelles suite à une faute médicale.

Quelques établissements hospitaliers se sont conformés à la loi, alors que d'autres, qui ont trois ans pour la mise en application de ces directives, ne se sont pas pressés encore d'agir. Trois ans pour mettre en place un tel comité, n'est-ce pas là un délai excessif, compte tenu des conséquences désastreuses des erreurs médicales?

Par ailleurs, le projet de loi prévoit que le Commissaire devra donner un avis sur la façon la plus adéquate pour le ministre et les établissements de santé et de services sociaux d'informer la population de ses droits. FAVEM croit que le mandat du Commissaire devrait aussi couvrir le suivi de la formation adéquate du personnel attitré à la gestion des plaintes au sein des établissements et du réseau de santé et de services sociaux. Les victimes d'erreurs médicales méritent mieux que le mépris, la rebuffade, les insinuations malveillantes et la bureaucratie tatillonne auxquels elles font face plus souvent qu'à leur tour lorsqu'elles cherchent simplement à porter plainte et à faire valoir leurs droits fondamentaux.

On ne devrait pas obliger un usager de la santé à s'adresser à différentes instances, comme je vous l'ai signalé tout à l'heure, pour obtenir des éclaircissements sur un accident ou un incident. Une telle façon de procéder a pour effet de décourager l'usager à faire valoir ses droits. M. le ministre, nous vous demandons d'alléger le processus des plaintes et d'en confier le mandat au Commissaire à la santé. Le système actuel est d'une telle lourdeur et d'une telle complexité qu'il a fallu qu'une organisation bénévole, subventionnée par votre ministère, le Centre d'assistance et d'accompagnement aux plaintes, le CAAP, s'implante dans toutes les régions du Québec pour aider les personnes qui désirent porter plainte à se retrouver dans les dédales administratifs du cheminement de leurs dossiers.

De plus, le Commissaire à la santé devrait avoir les pouvoirs nécessaires pour l'exécution du suivi de ses recommandations. Il y a déjà les coroners et le Protecteur des usagers de la santé qui ne peuvent pas faire respecter intégralement leurs recommandations qu'il ne faudrait pas qu'une autre autorité supérieure s'ajoute avec des pouvoirs limitatifs.

Il est permis de se questionner sur la transparence des nominations au poste de commissaire à la qualité des soins, une fonction dévolue de par la loi, qui permet au directeur général d'un centre hospitalier de choisir la personne qui assumera ce poste, entérinée par le conseil d'administration de l'établissement. N'y a-t-il pas là apparence de conflit d'intérêts dans la façon de procéder à ces nominations?

Nous avons tous été témoins, ces derniers mois, des malheureuses situations abusives qui sont survenues au Centre hospitalier Saint-Charles-Borromée à Montréal et du traitement inapproprié des plaintes qui ont été portées. Le Commissaire à la santé devrait avoir un droit de regard sur ces nominations et d'évaluation du travail effectué par ces gens. Le personnel qui gère les plaintes doit accueillir les usagers avec empathie, les écouter, les informer de tous leurs droits et faire progresser les plaintes avec diligence. Il faut de la transparence et faire en sorte qu'un usager de la santé, lorsqu'il reçoit des soins, ne doit pas s'enquérir de la sécurité à recevoir des soins.

Trop souvent, on ne fait que constater une faute tout en refusant sa reconnaissance ou l'on prend toutes les mesures dilatoires pour décourager un usager de la santé à poursuivre ses procédures. Et, lorsqu'un usager décide d'intenter une action en justice, les médecins, les omnipraticiens et chirurgiens peuvent compter sur l'aide bienveillante de l'État qui défraie plus de 50 % des primes d'assurance responsabilité de ces professionnels, alors que les victimes de la profession n'ont droit strictement à rien.

Depuis que l'État a décidé de contribuer au paiement des primes d'assurance responsabilité des médecins, omnipraticiens et chirurgiens, c'est plus de 250 millions de dollars qui ont été versés. C'est plus de 15 millions de dollars pour l'année 2003, et déjà plus de 14 millions de dollars ont été approuvés dans le cadre des négociations de 2004. Nous estimons que les usagers de la santé au Québec ont droit à une reconnaissance de votre part, M. le ministre, à la même hauteur que les professionnels de la santé, et ce, dès la présente année.

Enfin, si un poste de Commissaire à la santé s'avère nécessaire, il faudrait qu'il rende imputable l'intervenant de la santé ayant commis une faute, une négligence ou une erreur médicale. Il devrait également avoir le pouvoir d'émettre des recommandations pour améliorer la transparence dans le traitement des plaintes portées devant les comités de discipline, des ordres professionnels tels que le Collège des médecins du Québec ainsi que l'Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec.

Mme la Présidente, M. le ministre, membres de cette commission, nous vous remercions de votre intérêt et nous sommes disposés à entreprendre des échanges et répondre à des questions. Merci.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Busque. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Busque, M. Grisé. Évidemment, les événements tragiques à l'origine de votre engagement nous attristent, et vous pouvez être assuré de notre entière sympathie.

Je note que vous avez introduit un recours légal, donc il est difficile de commenter spécifiquement les événements qui ont entouré le décès de votre épouse, mais, à titre d'ancien chef de département hospitalier, ayant moi-même eu à intervenir souvent dans des enquêtes ou des révisions de cas, souvent ce qu'on a constaté, c'est que c'est un mélange de problèmes de communication entre les intervenants ou entre les intervenants et le malade et sa famille, ou également une chaîne ? comme vous l'avez dit vous-même ? une chaîne où l'erreur est répétée et souvent amplifiée d'un intervenant à l'autre. C'est souvent le genre de constatations qu'on fait lorsqu'on étudie ces cas-là.

n(17 heures)n

Si on regarde le problème de la compensation des victimes de fautes professionnelles, on a eu cette discussion avec un membre du Barreau, qui vous a précédé devant cette commission, que vous connaissez peut-être, Me Marc Boulanger, de Québec. Et finalement la question que je vous poserais d'entrée de jeu est la suivante: est-ce que vous ne pensez pas que le système actuel de compensation des fautes médicales, qui est un système judiciaire basé sur la reconnaissance du tort, là ? en anglais, «tort recognition», mais, en français, c'est difficile de le traduire exactement, reconnaissance de la faute ou attribution, plutôt, de la faute ? est-ce que ce n'est pas un système propre à décourager, d'une part, la compensation de tous les gens qui ont été victimes d'un accident puis, d'autre part, une véritable amélioration du système de soins? Il y a de la littérature qui émerge actuellement dans le monde occidental qui montre que le maintien d'un système semblable, par opposition à un autre type de méthode de règlement des fautes, est un élément qui est un désincitatif à l'amélioration de la qualité des soins et à la compensation juste des personnes. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Busque (Paul-André): Il y a sûrement lieu et il y a sûrement place à une amélioration quelconque, il s'agit de trouver la meilleure solution possible. Alors, évidemment il y a différentes formules qui peuvent être trouvées. On peut parler.... Nous, on parle d'un fonds d'aide pour venir en aide à ceux qui sont réellement démunis, dans le contexte actuel, et qui doivent faire face à une situation difficile, d'abord, sur le plan administratif et, par la suite, qui n'ont pas les ressources financières nécessaires pour entreprendre quelque recours que ce soit.

Vous savez très bien comment ça fonctionne, le système, hein? Quand vous décidez d'aviser un hôpital, un établissement hospitalier, ou un médecin, ou un intervenant de la santé, qu'est-ce qu'on fait? On remet le tout entre les mains de l'assureur, et l'assureur, bien, dit: Bien, on va évaluer le dossier. Et on prend énormément de temps avant de se prononcer, et le dossier demeure en suspens. On fait tout pour retarder de fournir une réponse quelconque, qui soit valable, et en espérant que celui qui a entrepris une procédure va se décourager et va abandonner pour faute de moyens financiers. Et, à la limite, s'il va devant le tribunal et qu'il obtient une compensation, qui va payer? C'est l'assureur. Et l'assureur, c'est le seul en quelque sorte qui se trouve à être pénalisé, c'est lui qui devra payer une compensation. Et, compte tenu qu'il y a peu de cas qui réussissent à se rendre devant les tribunaux, parce qu'il y a une armée de médecins experts qui vont tout faire pour protéger la profession, tout comme le Collège des médecins... Et c'est normal qu'ils défendent leur profession, mais, quand il arrive des fautes, des incidents, faute, négligence, erreur, il faut essayer de trouver un moyen quelconque pour compenser les victimes de la profession.

Et, quand je parlais aussi tout à l'heure de manque de transparence avec le Collège des médecins, cette transparence-là se reflète pourquoi? On ne veut pas modifier la loi sur les professions pour avoir beaucoup plus de transparence, qu'on rende les dossiers plus publics? Mais on est là... l'association est d'abord et avant tout pour la protection des membres, et c'est normal. Mais qu'est-ce qu'il reste pour l'usager? Est-ce que c'est un fonds d'indemnisation qui serait efficace, valable? Dans le contexte budgétaire actuel, je ne pense pas que l'État ait les moyens d'établir un fonds d'indemnisation pour les victimes d'erreurs médicales. Il en coûterait peut-être 1 milliard ou 2 avec toutes les victimes qu'on extrapole, à peu près 2 000 par année, une moyenne, à part de tous ceux et celles qui demeurent avec des séquelles.

Alors, quel est le meilleur cheminement? Quel est le meilleur moyen? Quelle route on doit prendre? C'est qu'à l'heure actuelle tout ce que je vous mentionne, c'est qu'il n'y a rien pour les victimes de la profession. On trouve de l'argent pour les professionnels pour payer leurs primes d'assurance responsabilité, on trouve suffisamment d'argent pour leur donner des millions par année, mais on ne trouve pas un sou à verser pour les victimes de la profession.

M. Couillard: Je veux juste corriger au passage, évidemment je suis certain que ça ne correspond pas à votre perception, d'après vos commentaires, mais le mandat du Collège des médecins n'est pas de protéger ses membres, le mandat du Collège des médecins est de protéger la population, comme les autres ordres professionnels. La protection des membres...

M. Busque (Paul-André): D'accord, peut-être un impair, mais ce que je souhaiterais davantage, c'est que le Collège des médecins rende davantage public et ait une plus grande transparence sur tout ce qui se passe.

M. Couillard: Et il serait certainement possible, dans son évaluation systémique, pour le Commissaire d'évaluer justement le processus de traitement des plaintes dans les ordres professionnels concernés et de faire des recommandations. Ça, ça m'apparaît possible et compatible avec son mandat.

Lorsque je m'étais exprimé sur le fonds d'assistance dont vous parliez, c'était dans le cadre d'une réforme radicale du système actuel. Dans le cadre du système actuel, c'est quelque chose, comme vous le dites, qui n'est pas actuellement praticable, mais il faudrait vraiment changer les façons de faire et peut-être s'inspirer éventuellement d'autres expériences dans d'autres pays à ce sujet-là.

Un mot bref sur le remboursement d'une partie des primes d'assurance responsabilité. Est-ce que vous ne pensez pas que, dans le cadre d'un système de santé entièrement public, c'est logique que l'État fasse ça, étant donné qu'il n'y a pas moyen, comme dans d'autres systèmes privés dont on ne voudrait pas hériter ici, de transmettre le coût de ces primes-là aux usagers ou aux patients?

M. Busque (Paul-André): Grande logique, puis on ne demande pas de l'enlever. On vous demande: Si vous trouvez de l'argent pour payer une partie des primes d'assurance responsabilité pour les médecins omnipraticiens, chirurgiens, il faudrait peut-être en trouver aussi pour les usagers de la santé qui sont victimes.

M. Couillard: Pour ce qui est du statut du Commissaire, il me semble qu'il y aurait des choses à clarifier dans la question du suivi puis de l'application des recommandations. Il semble que, là, il y a un empiétement, d'après ce que je perçois de votre proposition, assez net sur le rôle de l'exécutif. Le rôle du Commissaire, c'est de faire des recommandations qui seraient fortes, étant donné la crédibilité puis la nature du rôle qu'on lui confie, mais, je dirais, la discrétion d'appliquer ces recommandations et d'en être imputables d'ailleurs devant le public, ça relève de l'exécutif et de l'élu qui assure l'imputabilité finale. De sorte qu'à mon avis je ne crois pas qu'il soit souhaitable de confier au Commissaire un rôle exécutif qui devrait être maintenu du côté de l'élu.

M. Busque (Paul-André): Vous avez entièrement raison, parce que le pouvoir décisionnel appartient aux élus, appartient aux ministres, et toute l'imputabilité financière est là, et c'est très important. Mais par contre il y a des pouvoirs que le Commissaire pourrait avoir pour renforcir sur le plan administratif sans que ça entraîne des coûts. Alors, il y a des exécutions qu'il pourrait faire, par exemple la nomination, je le signalais, des commissaires à la qualité des soins dans les établissements hospitaliers.

Je donnerais juste un exemple aussi dans tout ça, là, pour que ce soit plus fort, parce que je l'ai vécu personnellement. Dans le dossier de mon épouse, jamais on n'a reconnu, au centre hospitalier, qu'il y avait eu une faute quelconque. Pourtant, rapport du coroner, rapport du médecin expert spécialiste du Centre anti-poison et cinq rapports d'expertises ont reconnu qu'il y avait eu faute aux règles de l'art. Et, plus que ça, j'ai même eu un appel du côté de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec et du Collège des médecins comme de quoi qu'ils vont assigner deux personnes, le médecin et une infirmière, devant le tribunal de la profession. C'est donc assez sérieux.

Alors, quand on voit qu'un médecin examinateur d'un établissement hospitalier et que le commissaire à la qualité des soins se refusent à reconnaître qu'il y a eu une faute quelconque et qu'une foule de professionnels, dont le Collège des médecins et l'Ordre des infirmières et infirmiers... comment vous pensez qu'un simple usager peut réagir à ce refus d'en arriver à dire: On ne reconnaît pas qu'il y a une faute encore?

M. Couillard: Sur la question du traitement des plaintes, il nous a semblé préférable, et c'est également quelque chose qui a été répété par d'autres personnes ou organismes qui se sont présentés dans vos fauteuils plus tôt dans la commission, qu'on dissocie le traitement des plaintes individuelles, qu'on laisse ça au Protecteur des usagers, mais qu'on confie dans l'appréciation systémique du Commissaire le mandat de faire des commentaires ou des suggestions sur le fonctionnement du système de plaintes, autant du point de vue du réseau que du point de vue des ordres professionnels comme on l'indiquait tantôt.

Et vous savez qu'on a actuellement une démarche en cours pour l'amélioration du système de plaintes. D'ailleurs, si vous n'avez pas été contacté pour participer à ces travaux-là, je vous serais reconnaissant de nous contacter afin qu'on vous fasse paraître devant ce comité-là pour donner votre opinion. Je pense que, ayant vous-même vécu de très près le cheminement des plaintes, vous seriez une personne très utile à entendre pour ce groupe de travail là.

Mais les remarques qui touchent actuellement le système de plaintes sont essentiellement centrées autour de deux éléments: d'une part, le statut du commissaire local dans l'établissement en termes d'indépendance et de crédibilité puis, d'autre part, le suivi ? hein, vous y faisiez allusion plus tôt ? le suivi des recommandations. Vous parliez de Saint-Charles-Borromée tantôt. Si on analyse Saint-Charles-Borromée pour le traitement des plaintes, on peut dire que, sur le strict plan administratif, les plaintes ont été traitées, c'est-à-dire qu'elles sont allées du commissaire local au Protecteur des usagers, puis il y a eu des rapports puis des recommandations. Là où la chaîne s'est interrompue, c'est dans le suivi puis la leçon qu'on a retirée de la plainte. Alors, les travaux actuels sont vraiment centrés, d'une part, sur le statut du commissaire local puis, d'autre part, sur la nécessité d'obtenir de façon plus intensive, là, un suivi des recommandations.

Alors, quelles seraient vos recommandations dans ces deux questions-là: d'une part, le statut du commissaire local et, deuxièmement, le suivi à apporter à l'étude d'une plainte?

n(17 h 10)n

M. Busque (Paul-André): Au point de vue du statut de commissaire local, je pense qu'il serait important de réviser le processus de nomination, s'assurer au moins que... Parce que je ne dis pas que, de façon globale et générale, là, le travail est mal effectué au niveau du réseau de la santé, tant au point de vue des tous les intervenants de la santé... Il va en arriver encore, des erreurs, c'est de réduire ces erreurs-là au strict minimum. Alors, le commissaire local a des fonctions bien précises, et il devrait avoir comme tâche principale de regrouper sous sa gouverne toutes les interventions à faire dans le suivi d'un dossier d'un patient.

Pourquoi s'adresser au médecin examinateur? Pourquoi l'usager devra être obligé de porter sa plainte lui-même devant le comité de révision? Pourquoi... Finalement, en dernier ressort, c'est d'aller devant le Protecteur des usagers. Mais l'ensemble de tout ça, de la plainte, à partir du moment où il doit demander son dossier aux archives médicales, où il a des difficultés à obtenir le dossier complet, où on pose des questions pour savoir qu'est-ce que vous voulez faire alors que la loi permet, on met de la pression constamment sur l'usager. Alors, le rôle du commissaire local à la qualité de soins, il pourrait même être renforcé et prendre en main l'ensemble du dossier, et non pas obliger l'usager à frapper à cinq, six, sept, huit portes pour obtenir satisfaction.

M. Couillard: Vous avez raison. Brièvement, sur l'accès aux dossiers, c'est très clair, puis, moi, c'est quelque chose que j'ai souvent rappelé aux gens, que le dossier doit être accessible en tout temps pour l'usager, hein? C'est un droit qui est clairement défini. Il y a quelques exceptions rares pour des problèmes particuliers de santé mentale où on pourrait penser que ça pourrait être au détriment de la santé de l'individu, mais en général le dossier est la propriété de l'usager. Il peut le consulter où et quand il veut.

M. Busque (Paul-André): Et vous savez que c'est encore le cas actuellement, parce que nous, comme association, un des points les plus souvent soulevés, c'est justement l'accès au dossier.

M. Couillard: Moi, par exemple, on m'a souvent demandé, au poste des infirmières: Est-ce que vous permettez que M. ou Mme Untel regarde son dossier médical? Puis, chaque fois, ma réponse était: Bien, vous n'avez pas besoin de me le demander, c'est son droit de regarder son dossier médical. Et on dirait que c'est une information qui n'est pas encore très bien acheminée dans le réseau. Alors, je vous remercie de votre présentation, puis on aura certainement l'occasion de converser ensemble.

M. Busque (Paul-André): Je vous remercie.

La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Merci, Mme la Présidente. M. Busque et M. Grisé, en lisant votre mémoire, je vous indique tout de suite, là, que j'ai beaucoup apprécié le ton très mesuré, l'approche très équilibrée. Et j'ai vraiment beaucoup d'admiration pour vous-même, je vous le dis, là, bien honnêtement, M. Busque. J'imagine que M. Grisé est aussi membre du Fonds d'aide aux victimes d'erreurs médicales parce qu'il a dans son entourage immédiat quelqu'un qui en aurait été victime ou lui-même peut-être?

M. Grisé (Claude): ...

Mme Harel: Même pas? Par altruisme. Par altruisme, voilà. Mais...

M. Grisé (Claude): ...

Mme Harel: Excusez-moi.

M. Grisé (Claude): Soucieux d'améliorer le sort de la population québécoise.

Mme Harel: Bon. Bien, alors ça vous honore. Mais vous avez réussi à canaliser, M. Busque, certainement la tristesse et la colère sans doute, hein, que vous deviez ressentir en... Vous avez réussi à la canaliser de manière très constructive en créant ce Fonds d'aide aux victimes d'erreurs médicales.

Et ce que vous nous dites dans votre mémoire notamment, c'est la difficulté ? à la page 8 ? c'est la difficulté de faire respecter les recommandations des personnes chargées d'une fonction, là, tel le Protecteur des usagers ou le coroner. Mais il me semblait que, dans le cas du coroner, il avait ce pouvoir exécutoire. Est-ce que je me trompe?

M. Busque (Paul-André): Dans le cas du coroner, j'ai eu à vivre justement une situation assez particulière parce que le coroner a fait son rapport, émis des recommandations. Alors, évidemment, ces recommandations-là ne sont pas exécutoires parce que le coroner, lui, dans ses recommandations, il est considéré comme quelqu'un qui n'est pas nécessairement un expert qui émet des opinions.

Et, si je vous en parle, c'est qu'au mois de juillet 2003 il a fallu aller en cour, au palais de justice à Longueuil, puis faire reconnaître le rapport d'expert médical et demander à la juge aussi de reconnaître le rapport du coroner. Dans le cas du rapport du médecin expert, ça allait de soi, ça allait bien. C'était difficile de faire un autre rapport quand la personne est incinérée. Par contre, dans le cas du coroner, à cause de la jurisprudence et de la difficulté de... Souvent, lorsqu'on émet des opinions et qu'on n'est pas directement impliqué dans le dossier comme tel, on ne peut pas accepter en cour, en jurisprudence que le rapport du coroner soit mis en preuve. Mais, compte tenu de la situation, la juge a reconnu par contre que le médecin qui a rédigé le rapport du coroner soit assigné comme témoin en temps et lieu. Et non pas le rapport déposé en preuve.

Alors, tout ça, là, m'amène à dire ceci de particulier en matière de santé. C'est à la demande de l'institution hospitalière, à la demande d'un médecin, quand une personne décède à l'urgence d'un hôpital, qu'on procède à une autopsie et qu'on demande au coroner de faire un rapport, et curieusement on n'accepte pas que le rapport soit mis en preuve. C'est aberrant, parce que c'est quand même un médecin qui l'a demandé, c'est un médecin qui rédige le rapport, et on refuse d'accepter de mettre ce rapport-là en preuve d'abord devant la cour, et en plus les recommandations du coroner ne sont pas exécutoires. Tout comme le rapport du Protecteur des usagers, l'absence de suivi, comme M. le ministre le mentionnait, c'est souvent ce qui arrive, ça crée de la déception de voir qu'il y a eu plusieurs recommandations qui ont été proposées dans plusieurs dossiers mais... On peut le lire, mais on n'exécute pas les recommandations.

Mme Harel: Mais diriez-vous, M. Busque, que même présentement, après ces événements tragiques qui ont été ceux que vous avez vécus avec tout le dispositif médicolégal, là, qui s'en est suivi, direz-vous que les mêmes conditions prévalent dans les mêmes institutions hospitalières?

M. Busque (Paul-André): Disons que, dans mon cas personnel, dans le dossier de mon épouse, c'est allé tellement loin, ça a été tellement médiatisé, il y a tellement eu d'intervenants qu'on m'a garanti que toutes les recommandations seraient suivies et respectées. Alors, je lève mon chapeau, mais je... On m'invite même à vérifier au cours du mois de mars, avril, de m'assurer que les recommandations du Protecteur des usagers ont été respectées dans l'institution en question.

Mme Harel: M. Busque, ce que vous nous recommandez par le mémoire que vous présentez aujourd'hui sur le projet de loi n° 38, c'est rien de particulier concernant le Commissaire, c'est plus spécifiquement concernant l'application du régime de traitement des plaintes en ce qui concerne le remboursement des séquelles ou des sévices ou... une indemnisation, excusez-moi, plutôt.

M. Busque (Paul-André): Oui, il y a ça, évidemment c'est une belle occasion de sensibiliser tout le monde à cet aspect, mais, du côté du Commissaire à la santé, ce qu'on suggère en particulier, c'est de lui donner le pouvoir quand même d'avoir sous son mandat tout le contrôle des commissaires à la qualité des soins des établissements hospitaliers, alors avoir un pouvoir sur eux, un suivi et faire les recommandations et qui soient exécutoires.

Mme Harel: Ce pouvoir, le Protecteur des usagers ne l'aurait plus, ce serait transféré au Commissaire à la santé.

M. Busque (Paul-André): Pourquoi pas? Parce qu'il n'en a pas, de pouvoirs, il ne peut pas faire le suivi de ses recommandations. Pourquoi nommer une autre personne s'il n'a pas les pouvoirs de le faire?

Mme Harel: Mais le Protecteur des usagers est nommé par le ministre dans le, disons, dispositif actuel. Le Commissaire à la santé avec le projet de loi n° 38 l'est aussi. Alors, ce que vous dites, c'est qu'il devrait avoir plus de pouvoirs que le Protecteur des usagers.

n(17 h 20)n

M. Busque (Paul-André): Bien, si le Protecteur des usagers n'a pas les pouvoirs d'exécution dans ses recommandations puis qu'on n'en donne pas au Commissaire de la santé, alors c'est la raison pour laquelle on dit: Bien, aussi bien d'en faire sauter un ou de donner le pouvoir à un autre. Si on veut le donner, le pouvoir, au Protecteur des usagers de la santé, et de dire d'aller plus loin, de faire le suivi de ses recommandations, comme on pourrait faire avec le Bureau du coroner en chef, de donner au coroner en chef le pouvoir de faire le suivi des recommandations des commissaires qui ne sont pas exécutées et voir pourquoi qu'on ne les exécute pas... Il y a peut-être des raisons particulières, mais que quelqu'un ait le pouvoir de faire le suivi et de les faire exécuter.

Mme Harel: Le pouvoir de le faire dans notre système, c'est au ministre. Alors là...

M. Busque (Paul-André): Oui, c'est un pouvoir décisionnel. Mais... Le pouvoir décisionnel qui implique les coûts financiers, c'est très important, mais le pouvoir décisionnel de dire, par exemple, au Commissaire de la santé de s'assurer que les recommandations soient mises en application, qui ne nécessite pas nécessairement des coûts, qui souvent nécessite tout simplement une entente, par exemple, entre établissements hospitaliers où il n'y a pas de protocole qui a été établi sur le transfert d'un patient...

Mme Harel: Parmi les mémoires qui nous ont été présentés, il y a eu des recommandations importantes concernant tout ce régime de traitement des plaintes. C'était à l'occasion, si vous voulez, de l'étude du projet de loi n° 38. Mais une de ces recommandations, c'est que les commissaires soient choisis et... nommés et choisis par les conseils d'administration. Vous croyez que cela pourrait, disons, améliorer?

M. Busque (Paul-André): Les conseils d'administration des établissements de santé? Bon, peut-être que ça pourrait améliorer au lieu d'être choisis directement par le directeur général de l'établissement et entériné par le conseil d'administration, comme c'est fait actuellement, ou encore lors de l'assemblée, parce que c'est... Ce qui m'apparaît bizarre dans tout ça aussi, c'est qu'on prend une personne à l'intérieur de l'établissement qui est à la merci, à cause de son travail, du conseil d'administration ou du directeur général. Alors, quelle est l'indépendance dans tout ça, là, qui existe? Est-ce que ce serait possible qu'il soit choisi en dehors, par les usagers de la santé, lors d'une assemblée, et qu'il ne soit pas directement lié, partie prenante dans l'établissement en question? C'est la question qu'on soulève.

Mme Harel: Évidemment, il n'y a pas de système idéal, hein?

M. Busque (Paul-André): Non.

Mme Harel: Parce que, mon Dieu!, je pense qu'aux États-Unis les shérifs sont choisis par la population. Ça a donné des drôles de résultats parfois. Ce n'est pas toujours évident. Mais, chose certaine, vous... j'espère, je vous le dis honnêtement, j'espère que le ministre et le ministère vont soutenir vos efforts, hein? Je comprends que vous êtes en attente d'une réponse de financement du ministère. Nous aurons l'occasion, lors des crédits en avril prochain, d'examiner, plusieurs heures de suite, toute la question des priorités du ministre. Alors, soyez certain que je vais reprendre la question lors des crédits sur les montants qui vont vous être alloués pour vous permettre de porter haut et fort la voix, si vous voulez, de ceux qui en sont victimes ou de leurs proches.

M. Busque (Paul-André): J'apprécie beaucoup que vous apportiez cet aspect d'amener la question. J'aimerais mieux qu'elle soit soulevée directement par le ministre lors de ses...

Mme Harel: Ah! il peut tout de suite y répondre, hein, s'il le veut. On consent.

M. Busque (Paul-André): Vous savez que l'organisme qu'on... Moi, personnellement, là, ça ne me donne absolument rien, ça. C'est une question de s'assurer que, dans un prochain avenir, tout se passe correctement, qu'on évite le plus possible d'erreurs médicales et qu'on ait un système quand même assez souple qui permette aux gens qui sont victimes, qui sont démunis, de pouvoir faire valoir leurs droits tout à fait légitimement.

La Présidente (Mme Charlebois): Ça va?

Mme Harel: Merci.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. Busque, merci, M. Grisé. Je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 25)

(Reprise à 17 h 26)

Mémoires déposés

La Présidente (Mme Charlebois): S'il vous plaît! Alors, pour les rendre publics et pour valoir comme s'ils avaient été présentés devant la commission, je dépose les mémoires des personnes et des organismes suivants: l'Association des hôpitaux du Québec, l'Association québécoise de la distribution de fruits et légumes, Comité des usagers de l'Hôpital Douglas, Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, l'Ordre des pharmaciens du Québec, Mme Lucienne Rondeau. Ces mémoires ont tous été transmis aux membres de la commission.

Remarques finales

Maintenant, nous sommes à l'étape des remarques finales, et je cède la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé. Vous savez que vous avez une période de 15 minutes.

Mme Harel: C'est un privilège, Mme la Présidente. C'est moi que vous faites parler en premier? Habituellement, ce serait le ministre.

La Présidente (Mme Charlebois): C'est toujours... Non?

Mme Harel: Ah!

La Présidente (Mme Charlebois): C'est le ministre qui commence le premier? Non. C'est toujours... Excusez-moi, lors de remarques finales...

Mme Harel: À moins que le ministre... Mais je préférerais, si le ministre consent, entendre peut-être son point de vue, ce qui m'éviterait, moi, de lui refaire des recommandations qui seront caduques.

La Présidente (Mme Charlebois): Mais la règle se veut habituellement que l'opposition débute les remarques finales.

Mme Harel: Bien, écoutez, Mme la Présidente, on m'indique que ça dépend des commissions parlementaires. Ma collègue de Duplessis m'indique qu'à la Commission parlementaire de l'éducation, c'était la ministre de la Culture qui avait d'abord fait cette intervention, évidemment en indiquant les modifications qu'elle entend ou pas apporter ou recommander au projet de loi, de manière à ce que l'opposition ne parle pas pour rien dire, puisque, n'est-ce pas, nous souhaitons toujours être pertinents.

M. Couillard: ...

Mme Louise Harel

Mme Harel: Très bien. Alors, j'y vais. Alors, Mme la Présidente, j'ai eu l'occasion déjà, à l'ouverture de nos travaux, d'indiquer que le projet de loi n° 38 représentait un important recul par rapport à ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux promettait notamment lors de l'étude des crédits budgétaires, en juillet dernier, mais également lors du Conseil général du Parti libéral du Québec, le 13 septembre. Et je m'interrogeais sur ces changements de cap, là, majeurs qui amenaient le ministre, il y a quelques mois déjà, à envisager la nomination du Commissaire par l'Assemblée nationale, et donc indépendant du gouvernement, et il a indiqué que c'était là un gage essentiel de transparence et une façon de dépolitiser la gestion du système de santé et de services sociaux. En fait, je cite le ministre, le 8 juillet dernier, à 9 h 30 du matin. Alors, on sait également que c'est un recul important en regard des engagements que contient le programme électoral du Parti libéral du Québec.

n(17 h 30)n

Alors, je ne reviens pas sur ces questions-là parce qu'elles ont été abondamment, n'est-ce pas, commentées par la presque totalité de tous les organismes qui ont présenté des mémoires devant cette commission parlementaire. Je n'ai pas à rappeler ? le ministre lui-même l'a fait, d'ailleurs ? que cette question de nomination est au coeur de la perception que la population se fera de l'indépendance, de l'impartialité et des garanties de transparence que, disons, pourra donner le Commissaire à la santé. Alors, sur ces questions-là, bien évidemment, je m'attends à ce qu'il y ait des modifications avant que nous n'entreprenions l'étude à l'Assemblée nationale.

On m'indiquait que, dès jeudi de cette semaine, on pourrait commencer l'adoption de principe d'un projet de loi, alors que le ministre a une démonstration à faire, Mme la Présidente. Il doit, à ce moment-ci, là, de son mandat, où il a déjà fait adopter 50 % des lois qu'il a déposées devant le Parlement, et les a fait adopter sous le bâillon, il a à démontrer que les consultations servent à quelque chose, à défaut de quoi, pour l'étape à franchir d'ici la fin du présent mandat du gouvernement, il n'y a plus personne qui va se présenter en commission parlementaire. Déjà, plusieurs questionnaient l'écoute du ministre, compte tenu des lois adoptées sous bâillon l'automne dernier, et je pense que, cette fois-ci, ce serait impensable que le ministre fasse adopter le principe du projet de loi puis procède ensuite avec célérité à l'étude article par article sans tenir compte des consensus qui se sont dégagés à l'occasion de cette étude en commission parlementaire.

Alors, sur les reculs qui ont été enregistrés, je voudrais, entre autres, citer l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec, qui nous a dit, et je les cite: «Entre ce que disait le programme du Parti libéral et le projet de loi n° 38, le rôle du Commissaire à la santé et au bien-être semble s'être vidé de son contenu. Il devient un autre fonctionnaire de l'État, un genre de super sous-ministre.»

Alors, c'est l'esprit des présentations qui nous ont été faites. Je cite, par exemple, l'Association des hôpitaux du Québec, qui disait: «Le projet de loi n° 38 sur le Commissaire à la santé et au bien-être, tel que déposé, s'éloigne des intentions annoncées par le Parti libéral du Québec. Il n'est plus question de plainte ni de charte. Il n'est plus question non plus que la fonction de Commissaire intègre le Protecteur des usagers, mais plutôt le Conseil de la santé et du bien-être et le Conseil médical du Québec.»

Et toujours l'Association des hôpitaux ajoutait: «Le Commissaire fera rapport d'abord au ministre de la Santé et des Services sociaux plutôt que directement devant l'Assemblée nationale.»

Et, bon, j'ai là des témoignages, Mme la Présidente, fort nombreux, que ce soit de la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer, qui disait, et je cite: «Les intentions, audacieuses exprimées par le Parti libéral dans son programme électoral concernant le Commissaire à la santé et au bien-être n'ont pas tenu la route.»

Ou encore, la Centrale des syndicats du Québec, et je cite: «À la lecture du présent projet de loi, force est de constater que le projet a sensiblement évolué mais pas [...] pour le mieux, particulièrement au chapitre de l'autonomie et de l'indépendance d'action [du Commissaire à la santé].»

Et encore, par exemple, la Fédération des infirmiers et infirmières du Québec, et je les cite: «Ce projet [...] nous apparaît trompeur [...] non seulement il s'inscrit dans l'entreprise de réingénierie entamée par le gouvernement du Parti libéral [...] mais aussi parce qu'il menace [...] les acquis et les valeurs que la société québécoise s'est donnés.»

Et un dernier, là, toujours sur le même sujet, du Conseil pour la protection des malades, qui nous disait ceci: «Contrairement à nos attentes, ce projet de loi [...] ne fait état ni d'une meilleure reddition de comptes à la population [...] ni d'une plus grande imputabilité et transparence du gouvernement[...]. Le projet de loi n° 38 semble être dans un premier temps une réorganisation du Conseil de la santé et du bien-être ainsi que du Conseil médical du Québec et non la création d'un vérificateur de la santé, comme nous l'aurions souhaitée.»

Alors, quels que soient les points de vue invoqués, que ce soient des points de vue émanant du réseau de la santé ou des organismes qui représentent les usagers, tous s'entendaient sur ces reculs importants en regard de l'engagement contenu dans le programme du Parti libéral du Québec. Cela vaut pour l'indépendance du Commissaire.

Mais je voudrais insister beaucoup également sur le déficit démocratique, puisque la participation citoyenne est évacuée du projet de loi n° 38. C'est l'autre aspect sur lequel plusieurs des organismes qui ont présenté des mémoires ont insisté. Je pense, entre autres, au Conseil des aînés qui, je les cite, disait: «Tant le Conseil médical que le Conseil de la santé et du bien-être sont composés de membres [représentant] la population, alors que le Commissaire ne sera pas entouré des personnes de l'extérieur.» Et le Conseil des aînés ajoutait craindre «que cette situation prive la population d'un droit de regard sur les actions du gouvernement en matière de santé et de bien-être». Il en était de même pour la Coalition Solidarité Santé, qui insistait sur le fait que la participation citoyenne ne peut se résumer à recevoir de l'information ? puis c'est uniquement ce qu'on retrouve dans le projet de loi actuellement ? et qui ajoutait: «La population doit avoir l'espace pour exercer [un] rôle d'influence sur l'ensemble des décisions importantes.»

Alors, sur cette question de déficit démocratique dans la participation citoyenne, il y a eu énormément d'insistance, que ce soit de l'Association des groupes d'intervention en défense des droits en santé mentale du Québec ou... en fait qui disait trouver inacceptable que le projet de loi n° 38 retire ce droit de participation à la population ? nulle part il n'est fait mention que le Commissaire s'appuiera sur une structure formée de représentants et représentantes de la société québécoise pour exercer son mandat ? et qui considérait qu'il s'agissait là d'une grande perte pour l'exercice de la démocratie au Québec. Alors, c'était là donc une autre dimension importante de nos travaux et sur laquelle je pense qu'il est nécessaire d'insister, parce que les modifications qui doivent être apportées au projet de loi devront nécessairement s'adresser à ces questions en particulier.

Concernant l'ensemble du régime de traitement des plaintes des usagers, je comprends que la révision en cours devra aboutir très rapidement. J'insiste sur les représentations qui nous ont été faites à l'effet que les changements structurels qui sont en voie de réalisation dans le réseau de la santé et des services sociaux créent, et là je cite, «une sorte de no man's land, un genre de vacuum» ? c'est ce qu'on nous a dit ? alors que le dispositif de traitement des plaintes est mis en place pour des établissements qui, une fois regroupés, n'auront pas nécessairement et les moyens, n'est-ce pas... Parce que le dispositif fait en sorte qu'on alloue des montants par établissements, mais là, avec ces superétablissements qui en résulteront, certainement qu'il faut revoir l'ensemble du régime de traitement des plaintes. On nous a dit qu'il fallait que ce soit concomitant, qu'on ne pouvait pas imaginer que le ministre procède à la création de ces superétablissements, dont on sait maintenant qu'ils ne concerneront que les francophones, puisque allophones et anglophones systématiquement demandent à en être exclus. Alors, on voit bien l'enlignement où seuls les francophones seront amenés, disons, à se regrouper, même au détriment de leur appartenance à leur communauté.

Mais je pense que c'était là un aspect extrêmement important de ce qui nous a été transmis à l'effet que ce régime de traitement des plaintes des usagers, qui est en révision, doit aboutir avant la fin de la présente session, pour que les usagers ne se trouvent pas handicapés, cet été et l'automne prochain, par la rapidité avec laquelle les structures auront été modifiées sans que le régime de traitement des plaintes des usagers ne suive la route, là, conséquemment. Alors, ça, il me semble, c'est un autre aspect important.

n(17 h 40)n

Également, et ça, il faut certainement insister sur les représentations qu'ont faites les fédérations des médecins spécialistes du Québec comme les fédérations des médecins omnipraticiens du Québec à l'effet que l'abolition du Conseil médical mettait fin à un processus de consultation qui permettait de mettre à profit l'expertise de médecins qui oeuvrent sur le terrain auprès de la population, qui nous permettait de mettre à profit l'expertise de leurs organisations de même que celle d'autres professionnels de la santé. Et il s'agissait pour ces fédérations essentiellement d'une perte qui les amenait, si les changements n'étaient pas apportés au projet de loi n° 38, à souhaiter qu'il soit retiré tout simplement... et qui, à choisir entre le projet de loi n° 38 et la fonction conseil telle qu'assumée par le Conseil santé et bien-être et le Conseil médical, choisissaient et de loin le maintien de la fonction Conseil santé et bien-être et la fonction du Conseil médical. Alors, je pense, Mme la Présidente, qu'il s'agissait là d'aspects importants sur lesquels le ministre devra certainement apporter des réponses avant que nous entamions l'étude du projet de loi article par article en commission parlementaire.

Mais je voudrais terminer avec les vives inquiétudes qui nous ont été exprimées, notamment quant à l'introduction de la notion d'assurabilité, à l'article 2 du projet de loi n° 38, ces vives inquiétudes qui auront certainement à être répondues, parce que plusieurs considéraient que cette notion d'assurabilité mettait en échec le principe d'intégralité que l'on retrouve dans la Loi canadienne sur la santé.

Alors, quelles sont les intentions... Le ministre ne s'est pas ouvert, pendant la commission parlementaire, sur les motifs qui l'ont amené à introduire la notion d'assurabilité dans son projet de loi n° 38. Est-ce à dire qu'une partie des services qui devaient être couverts dans la conception d'intégralité du système santé et services sociaux ne le sont plus mais seraient pris en charge dorénavant par une notion d'assurabilité? Il va falloir certainement clarifier cette notion que l'on retrouve à l'article 2 du projet de loi, de même que la notion de viabilité du système, cette notion qui était prise à partie par le rapport Romanow, alors... également, cette autre notion, à l'article 12 du projet de loi, sur les responsabilités corollaires des citoyens. Alors, je pense qu'il y a là certainement des clarifications qui s'imposent, compte tenu des choix finalement sur lesquels le ministre certainement aura à s'expliquer, Mme la Présidente.

Alors, puis en terminant, en conclusion, il nous a été signalé que les responsabilités attribuées au Commissaire à la santé, notamment à l'article 10, alinéa 4°, chevauchent entièrement celles attribuées à l'Institut national de la santé publique et contenues dans la Loi sur la santé publique. Alors, il va falloir également, certainement, que le ministre clarifie cette notion. La fonction de Commissaire correspond à celle qui est dévolue aux autorités de la santé publique en vertu de la Loi sur la santé publique. Alors, il y a déjà l'institut, et les représentations qui ont été faites sont à l'effet que la santé publique devait... que l'institut devait continuer à être le maître d'oeuvre. Et c'est une nécessaire clarification, notamment avec les annonces qui ont été faites dans le discours du budget fédéral et qui annoncent une agence de santé publique. Alors, si, en plus du Commissaire à la santé, en plus de l'Institut national de santé publique, il y a en plus une agence fédérale de santé publique, on constate qu'il y aura passablement de chevauchements.

Alors, voilà l'essentiel de mes remarques à ce moment-ci, Mme la Présidente. Et je pense que, encore une fois, la démonstration est à faire que le ministre et son gouvernement vont donner suite aux représentations qui ont été faites devant nous.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, et merci pour votre collaboration. Et nous allons faire des recherches à propos des questions soulevées, avant... Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Philippe Couillard

M. Couillard: Alors, Mme la Présidente, merci. J'aimerais d'abord remercier le personnel de la commission, mes collègues parlementaires et, parmi ceux-là, la députée d'Hochelaga-Maisonneuve ? je ne doute pas que ses remarques m'aideront à bonifier le projet de loi tel que présenté; et mes collègues du parmi ministériel également, de même que le personnel du ministère et, à ma droite, Mme Jocelyne Dagenais, sous-ministre adjointe, qui m'a très bien soutenu pendant toutes ces longues délibérations.

Nous avons entendu une vingtaine de groupes qui ont tous contribué, par le dépôt d'un mémoire ou par une présentation, à élargir le cadre de la réflexion et certainement à nous fournir des éléments de réflexion pour l'amélioration de ce projet de loi. Et c'est ce qu'on souhaitait. On voulait, comme on l'a fait pour les projets de loi n° 25 et n° 30, suite à la consultation, apporter des améliorations significatives dans le texte qui est soumis initialement. Il faudra maintenant analyser, évaluer ces recommandations de façon à parfaire l'institution de Commissaire à la santé et au bien-être que nous voulons créer.

Malgré les réserves qui ont été résumées par notre consoeur d'Hochelaga-Maisonneuve, il y a néanmoins des consensus parmi les propositions formulées et certains commentaires recueillis. Soulignons d'abord que la presque totalité des groupes se dit favorable à l'idée même de la création du poste de Commissaire à la santé et au bien-être, reconnaît qu'il peut constituer un atout majeur pour l'avenir du système public de santé et de services sociaux, parce que la population a le droit d'obtenir des informations crédibles sur la performance du système et que certainement qu'à ce sujet le Commissaire a le potentiel d'apporter une valeur ajoutée importante dans l'exercice de ce droit à l'information.

Tous s'entendent pour que le Commissaire soit appelé à se prononcer sur la qualité des services, et plusieurs ont insisté sur ce point, l'accessibilité, l'intégration, l'assurabilité ? on aura l'occasion d'y revenir ? le financement des services de même que les questions éthiques concernant la santé et le bien-être, les médicaments et les technologies, qui font aussi partie des champs de compétence du ministère. De plus, la majorité est d'avis qu'une appréciation rigoureuse du système de santé et de services sociaux faite par une instance comme le Commissaire est nécessaire. Pour ce faire, on suggère qu'il se dote d'un cadre d'évaluation et d'indicateurs reconnus ? on en a eu un exemple avec les gens des centres jeunesse ? augmentant ainsi aux yeux de la population et des partenaires la crédibilité de l'information transmise.

Par ailleurs, divers groupes ont mentionné que, même si le Commissaire n'est pas une instance décisionnelle au sein du système de santé et de services sociaux, ses travaux auront certes une influence décisive sur les politiques gouvernementales en matière de santé et de bien-être. Pour cette raison, bon nombre d'entre eux réclament la participation de la population à l'évaluation du système et à la détermination des choix requis pour assurer son évolution. Certains ont même proposé la création d'une instance de délibération rattachée au Commissaire et qui aurait la responsabilité de le conseiller et de prendre position sur les objets et le cadre d'évaluation, les indicateurs utilisés et les résultats de l'appréciation du système.

Quels que soient les moyens retenus, notre volonté, en créant la fonction de Commissaire à la santé et au bien-être, est qu'il favorise la tenue de débats éclairés et que ses interventions permettent à tous les citoyens de faire valoir leurs revendications, y compris ceux qui ne font pas partie de groupes d'intérêt organisés ou de groupes de pression. C'est donc dire que, parmi les recommandations formulées devant cette commission, je suis certes disposé à considérer celles qui permettront une véritable participation des citoyens.

Des questions ont aussi été soulevées quant à l'obligation pour le Commissaire de rendre publics ses rapports, et j'aimerais ici clarifier certaines dispositions prévues dans le projet de loi. L'article 17 du projet de loi prévoit l'obligation pour le Commissaire de produire et de transmettre au ministre, au plus tard le 31 octobre de chaque année, un rapport sur la performance globale du système de santé et de services sociaux. Ce rapport doit aussi contenir les changements qu'il propose de même que les conséquences de ses propositions. Ce rapport annuel est déposé devant l'Assemblée nationale pour être transmis à la commission compétente de l'Assemblée nationale pour étude.

Quant à l'article 18 du projet de loi, il traite des autres avis du Commissaire et prévoit qu'il peut inclure ces avis dans le rapport annuel du mois d'octobre ou en faire état dans un rapport particulier, rapport qui est aussi ? il s'agit d'une obligation également ? déposé devant l'Assemblée nationale. Ainsi, tous les rapports et avis du Commissaire seront rendus publics.

Mais la question qui, et sans nul doute, a semblé préoccuper le plus de groupes est certes celle de l'indépendance du Commissaire. La nomination du Commissaire par l'Assemblée nationale et son rattachement à cette dernière sont pour beaucoup... plusieurs, pardon, les voies privilégiées par les groupes entendus pour garantir la crédibilité et l'indépendance de cette fonction.

J'ai aussi noté que certains groupes insistaient davantage sur la nomination du Commissaire par l'Assemblée nationale, indiquant qu'il serait alors acceptable d'envisager un rattachement au ministre de la Santé et des Services sociaux, comme c'est le cas, par analogie, pour la Commission d'accès à l'information et la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, qui relèvent de ministres sectoriels en étant nommés par l'Assemblée nationale.

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Je comprends aussi que c'est principalement en regard de son mandat d'apprécier les résultats atteints par le système de santé et de services sociaux et d'en rendre compte à la population que la préoccupation de neutralité s'exprime de même que l'aspect transversal de son regard qui l'oblige à évaluer l'ensemble des actions du gouvernement.

Et donc, de l'avis de la grande majorité, sinon de la totalité, il faut assurer au Commissaire un statut et une indépendance à la hauteur des fonctions importantes qu'on lui confie, et je puis vous assurer que nous partageons entièrement cet avis. Dans notre vision des choses, la création du poste de Commissaire doit contribuer à renforcer le lien de confiance entre la population et son système de santé et de services sociaux. Aussi, nous devons donner un signal clair que nous mettons tout en oeuvre pour préserver son impartialité et son indépendance.

Le défi auquel nous faisons face également, je l'ai indiqué, c'est qu'il ne faudrait pas que la responsabilité de secteurs d'activité pour la population qui sont essentiels, comme la santé et les services sociaux, soit retirée ou amoindrie par rapport aux responsabilités des élus, qui doivent demeurer directement imputables auprès de la population.

De fait, il faut souligner également qu'outre le mode de nomination il semble que d'autres facteurs, comme le financement de l'organisme, les règles d'éthique et de déontologie applicables, son pouvoir d'initiative, influencent tout autant la capacité du titulaire à être indépendant des désirs et des demandes d'un ministre et d'un gouvernement. Et d'ailleurs il faut noter que plusieurs mesures de ce type sont d'ailleurs déjà prévues dans le projet de loi.

Ceci étant dit, des propositions concrètes permettant de garantir au Commissaire un maximum d'indépendance et de crédibilité, tout en lui assurant un mode de fonctionnement compatible avec les structures gouvernementales en place, ont émergé de nos travaux, et j'assure que je m'en inspirerai de très près pour évaluer les ajustements à apporter au projet de loi n° 38.

L'abolition du Conseil de la santé et du bien-être et du Conseil médical du Québec a aussi été questionnée à plusieurs reprises pendant nos travaux. On craint, entre autres, que la disparition du Conseil de la santé et de bien-être amène une sous-évaluation des aspects sociaux de la santé et de l'importance de la dimension du bien-être. On se souviendra que ce Conseil avait été mis sur pied afin que l'aspect social de la santé soit présent au même titre et avec la même importance que l'aspect médical. Par ailleurs, la communauté médicale, dont les fédérations médicales et l'Association médicale du Québec, déplore l'abolition du Conseil médical du Québec, lequel donne des avis au ministre sur l'orientation des services médicaux, les besoins en effectifs, l'évolution de la pratique, la rémunération des médecins, la régionalisation et autres sujets.

Or, la logique veut qu'à l'image de la démarche d'intégration des systèmes de santé et de services sociaux, qui vise à assurer un meilleur accès aux soins et aux services, une meilleure continuité de ces services et une prise en charge des personnes vulnérables, il y ait lieu de regrouper sous une même entité ces deux conseils afin de susciter la même intégration dans l'analyse des enjeux macroscopiques systémiques en matière de santé et de services sociaux. En effet, nous croyons qu'un tel regroupement permettra d'élargir la portée et l'intégration des travaux de ces experts au profit de la continuité des soins et services médicaux et sociaux dans le réseau.

Plusieurs commentaires ont aussi été formulés sur le concept d'une charte des droits et responsabilités du patient. Concernant la question des droits et responsabilités des patients en matière de santé et de services sociaux, nous avons examiné ce qui se fait dans les autres provinces et ailleurs dans le monde, entre autres au Nouveau-Brunswick, où le projet de charte des droits et responsabilités en matière de santé est toujours à l'étude. Il en ressort que la plupart des droits mentionnés dans ces chartes ont déjà leur équivalent, et même plus, dans le cadre législatif québécois. En outre, notre législation ne limite pas les recours judiciaires fondés sur les droits qui y sont énoncés, contrairement à d'autres législations, dont le projet du Nouveau-Brunswick.

Et cela ne veut pas dire que la situation en regard des droits et des responsabilités des usagers ne peut être améliorée et qu'elle ne requiert pas des actions pour mieux les faire connaître, pour expliquer ce qu'ils signifient concrètement. Il semble cependant que la voie législative ne soit pas appropriée et que le besoin porte davantage sur la nécessité de bien... connaître ses droits à la population par le biais d'une déclaration.

C'est pourquoi, dans le présent projet de loi, le premier mandat confié au Commissaire est de formuler un avis sur la façon la plus adéquate pour le ministre et les établissements d'informer et de sensibiliser la population à l'égard de ses droits. Nous remarquons que, pour l'Ordre des infirmières cependant, ça ne devrait pas être le mandat principal. Nous analyserons donc attentivement les commentaires formulés durant la consultation afin d'en tirer tous les renseignements qui nous permettraient de bonifier encore davantage le mandat qui sera confié au Commissaire sur cette question des droits et responsabilités des patients.

Plusieurs groupes ont fait des recommandations enfin pour améliorer le système de traitement des plaintes. Bien qu'il n'y ait pas de consensus sur les solutions à apporter au régime, nous constatons que les dysfonctions soulevées lors des présentations dans le cadre de cette commission sont de deux ordres, principalement. En effet, il a été mentionné que bon nombre d'obstacles sont liés à un manque d'information sur les droits et recours existants, à l'insuffisance des recours ou à la difficulté d'y avoir accès, et, pour les personnes vulnérables, la défense et l'exercice des droits seraient particulièrement ardus.

L'autre constat qui se dégage, c'est que ce n'est pas tant le mécanisme de traitement des plaintes qui est en cause, ce sont les suites données à la plainte. Il s'agit pourtant d'un élément extrêmement important pour garantir le respect des droits et la dignité des personnes malades et vulnérables. Ces constats mettent en lumière la préoccupation maintes fois exprimée concernant la nécessité que le processus actuel de traitement des plaintes évolue vers une démarche d'ouverture à l'égard des besoins des usagers et qu'un changement culturel important doit s'opérer dans le réseau pour y parvenir. Et je m'attends d'ailleurs à ce que ces deux éléments constituent la trame de fond des recommandations qui seront formulées par le groupe de travail chargé de l'examen du régime.

L'efficacité des visites inopinées des centres d'hébergement et de soins de longue durée, initiées en janvier dernier, a aussi fait l'objet de commentaires de la part de certains groupes. Nous avons en effet mandaté des équipes d'intervenants pour examiner sur le terrain les conditions de vie des personnes hébergées en centre d'hébergement et de soins de longue durée. Les visites touchent en priorité les établissements où des difficultés ont déjà été constatées. Elles permettent d'apprécier l'environnement humain, physique et administratif qui prévaut dans chaque milieu, de même que la qualité du milieu de vie et l'accessibilité aux services.

Tout sera mis en oeuvre pour assurer aux résidents des services et des soins de qualité. J'aurai le portrait final de la situation en mai prochain, que je présenterai. Mais, chaque fois qu'il y aura une situation anormale, inacceptable ou inquiétante constatée dans un établissement, des gestes seront immédiatement posés. D'autres établissements pourront être ciblés et faire l'objet d'une enquête approfondie si les faits portés à notre attention nous portent à croire que les droits et l'intégrité des personnes hébergées sont compromis.

Nous réfléchissons d'ailleurs à la possibilité que ces visites deviennent un mécanisme permanent d'appréciation de la qualité dont le réseau et le ministère pourraient se doter à profit. Quant à la suggestion faite durant les consultation de mener une réflexion sur le modèle vers lequel nous voulons aller dans l'avenir, je la retiens comme une piste à explorer si les visites ne nous permettent pas d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

La création d'un poste de Commissaire à la santé et au bien-être constitue une étape importante d'une démarche plus vaste visant l'amélioration de la qualité des services de santé et des services sociaux. Les nombreuses propositions et les mesures concrètes qui ont émergées de nos travaux permettront d'offrir à la population du Québec un ou une Commissaire à la santé et au bien-être crédible, qui répondra aux exigences d'une plus grande transparence du système de santé et de services sociaux et qui favorisera une plus grande interaction avec la population en regard des enjeux et des choix cruciaux qui concernent et concerneront sa santé et son bien-être.

Merci, Mme la Présidente, et j'espère donc nous revoir bientôt avec l'étude article par article de cet important projet de loi.

La Présidente (Mme Charlebois): Merci, M. le ministre, pour votre collaboration. J'aimerais aussi remercier tous les parlementaires pour leur collaboration ainsi que le personnel de l'Assemblée. Alors, merci aussi à ceux qui ont déposé des mémoires.

La commission, ayant complété son mandat, ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 57)


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