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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 22 septembre 2004 - Vol. 38 N° 63

Consultation générale sur le projet de loi n° 56 - Loi modifiant la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

M. Russell Copeman, président

Mme Lucie Charlebois, présidente suppléante

M. Philippe Couillard

Mme Charlotte L'Écuyer

M. Claude Bachand

M. Daniel Bernard

Mme Lorraine Richard

M. Camil Bouchard

M. Jonathan Valois

* M. Jean-Noël Ouellet, FQM

* M. Guy Charland, idem

* M. Walter Zelaya, APQ

* Mme Lise Vachon, idem

* M. Éric Lavoie, idem

* Mme Monique Richard, Comité d'adaptation

de la main-d'œuvre pour personnes handicapées

* Mme Carole Foisy, idem

* Mme Nicole René, idem

* Mme Lise Bastien, AQETA

* Mme Jocelyne Gamache, idem

* Mme Denise Destrempes-Marquez, idem

* Mme Monique Lucas, idem

* Mme Lucie Cholette, AQIS

* Mme Céline Vallières, idem

* Mme Susie Navert, idem

* Mme Diane Milliard, idem

* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quatorze heures douze minutes)

Le Président (M. Copeman): Ayant constaté le quorum, chers collègues, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle que l'usage des téléphones cellulaires est strictement interdit. Je suis convaincu que tout le monde ont déjà mis les téléphones cellulaires hors tension.

Je vous rappelle le mandat de la commission. Nous sommes réunis afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 56, Loi modifiant la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Aucun remplacement. Quelques mises au point très rapidement. Compte tenu de la nature du projet de loi et des consultations publiques, la commission a procédé, en collaboration avec d'autres partenaires, afin de mettre en oeuvre quelques aides techniques pour que ce soit plus facile pour tout le monde de suivre les travaux de la commission.

Entre autres, un service d'interprétariat est fourni aux personnes qui présenteront un mémoire devant la Commission des affaires sociales et qui en auront fait la demande. Et, pour les personnes qui assisteront aux travaux de la commission, un service d'interprétariat dans le langage de signes québécois est disponible sur les moniteurs placés dans la salle, à la vue du public.

Et finalement, à la fin de la consultation et des auditions publiques de notre commission sur le projet de loi n° 56, les personnes intéressées pourront obtenir, sans frais, l'intégralité des travaux de la commission, avec superposition d'un interprète gestuel, en format ruban VHS ou en disque laser, en s'adressant à l'Office des personnes handicapées du Québec, afin que le plus grand nombre possible de personnes peuvent avoir accès à nos travaux.

Nous avons un après-midi chargé, chers collègues. Nous allons entendre cinq groupes. Alors, je vais faire appel à votre discipline habituelle. J'irai plus loin, je veux demander une discipline extraordinaire cet après-midi. Nous allons tenter de respecter autant que possible les limites dans le temps, et ça s'applique également, malheureusement, à nos invités, parce que sinon on va déborder de beaucoup l'horaire prévu, qui est déjà assez long, assez tardif.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, nous avons indiqué cinq groupes, nous débutons avec la Fédération québécoise des municipalités. Et, M. Ouellet, porte-parole, vous savez comment ça marche, vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange avec les parlementaires de deux côtés de la table. Sans plus tarder, je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter immédiatement votre présentation, en vous souhaitant la bienvenue, évidemment.

Fédération québécoise des municipalités (FQM)

M. Ouellet (Jean-Noël): Alors, bonjour. À ma gauche, M. Guy Charland, qui est conseiller à la fédération, et M. Patrick Lahaie, qui est conseiller également à la Fédération québécoise des municipalités.

M. le Président, M. le ministre de la Santé, Mmes, MM. membres de la commission, permettez-moi de remercier d'abord la Commission des affaires sociales d'avoir invité la Fédération québécoise des municipalités à présenter ses commentaires sur le projet de loi n° 56, Loi modifiant la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et d'autres dispositions législatives.

Pour moi, personnellement, c'est d'autant plus un plaisir que j'ai été 25 ans dans le domaine de la santé, dont 15 ans au ministère de la Santé. Donc, c'est avec une certaine émotion que je parle des personnes handicapées, que je parle de l'organisation des services à leur intention aussi, puisque je l'ai fait pendant 25 ans dans ma carrière professionnelle, à l'époque. Mais maintenant je fais de la politique mais de la politique municipale, mais tout en se préoccupant de l'organisation des services à l'intention de nos communautés respectives, comme maire et comme préfet, et incluant évidemment, au premier titre, les personnes handicapées.

J'aimerais rappeler d'abord aux membres de la commission ce qu'est la FQM, que nous représentons. La FQM est une association qui regroupe plus de 900 municipalités de toutes tailles et presque la totalité des MRC au Québec. Elle a un très grand rayonnement sur le territoire québécois. Présente surtout en région, elle est aussi très active sur les territoires des communautés métropolitaines. Ce sont près de 7 000 élus municipaux qui la composent. Depuis maintenant 60 ans, la FQM a participé à une multitude de débats et a enrichi la réflexion sur le développement des régions.

Le projet de loi à l'étude vise dans son ensemble, d'abord, à préciser la mission et les fonctions de l'Office des personnes handicapées du Québec, à favoriser l'intégration des personnes handicapées et à préciser les clauses liées au développement et à l'organisation des ressources et des services qui leur sont destinés. Les commentaires de la FQM que je vous présente aujourd'hui s'attarderont surtout, vous le comprendrez, à cette dernière question, c'est-à-dire à l'organisation des services. Je ne commenterai donc pas de manière détaillée et précise chacune des mesures prévues dans ledit projet de loi; je me concentrerai plutôt sur les dispositions ayant des impacts plus ciblés sur le rôle des municipalités pour l'organisation du transport adapté, particulièrement en région. Je passerai également sous silence de nombreuses mesures du projet de loi avec lesquelles la FQM est totalement en accord.

En ce qui a trait au principe général sur l'intégration des personnes handicapées, je précise tout de suite que les élus que je représente aujourd'hui souscrivent entièrement à la volonté du ministre de la Santé et des Services sociaux d'assurer l'accès à des services de qualité à tous les citoyens et de favoriser l'intégration des personnes handicapées. À cet égard cependant, je rappelle aux membres de la commission que plusieurs communautés situées hors des grands centres urbains n'ont pas accès à certains services minimaux en santé et que la fédération appuiera toute mesure pour pallier à cette inéquité qu'un grand nombre de contribuables québécois vivent en région.

Les élus locaux travaillent chaque jour avec les ressources disponibles au développement des services visant l'intégration et l'amélioration de la qualité de vie des personnes handicapées. De plus, ils sont souvent les artisans, en partenariat avec les organismes locaux, à la mise en place de certains de ces services.

En ce qui concerne le cadre général du projet de loi, les articles 1 à 48 visent à modifier la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et essentiellement à préciser la mission et les fonctions de l'Office des personnes handicapées du Québec. Ces articles établissent les obligations des différents intervenants à l'égard de l'intégration des personnes handicapées. Ces intervenants définis à l'article sont les ministères et leurs réseaux, les municipalités et les organismes publics et privés.

n (14 h 20) n

Nous partageons l'objectif du projet de loi visant à reconnaître les municipalités comme intervenants et à définir leur rôle. Toutefois, la FQM émet certaines réserves quant à l'application des articles 11 et 30.

La première réserve a trait aux nouveaux pouvoirs qui sont conférés à l'Office des personnes handicapées du Québec et qui l'autorisent à obtenir, dans les 90 jours de la demande, des renseignements ayant une incidence particulière sur l'intégration des personnes handicapées, qui est nécessaire aux fins de la présente loi, soit l'article 21. En ce sens, bien que nous partageons l'objectif visé, je souligne à cette commission qu'il est très important que soit respectée dans son application la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Nous souhaitons aussi que soit respecté, à l'article 4 du projet de loi, l'objectif du ministre de tenir compte des ressources humaines, matérielles et financières dont les intervenants disposent.

La seconde réserve que nous émettons a trait à la portée de l'article 30, visant à obliger chaque municipalité qui compte au moins 20 000 habitants à adopter un plan d'action identifiant les obstacles à l'intégration des personnes handicapées et aux activités relevant de ses attributions. Cette mesure nous semble trop contraignante lorsqu'elle demande aux municipalités de décrire les mesures prises au cours de l'année qui se termine et les mesures envisagées pour l'année qui débute, dans le but de favoriser leur participation à ces activités. Par ailleurs, cet article fait référence à tout autre élément déterminé par le gouvernement sur recommandation du ministre; ces dits éléments ne sont pas précisés dans le projet de loi et nous semblent un peu vagues pour ce qui est de leur portée.

Les élus municipaux sont donc tout à fait disposés à servir la cause de l'intégration des personnes handicapées et à répondre aux demandes de l'Office mais demandent que la portée des articles 11 et 30 soit précisée davantage dans le projet de loi.

Le projet de loi n° 56 prévoit aussi une modification de la Loi sur les cités et villes et le Code municipal du Québec. La mesure la plus contraignante pour les municipalités apparaît à l'article 54 du projet de loi. Elle concerne une modification à l'article 536 du Code municipal du Québec, qui se présente ainsi: «Toute municipalité locale dont le territoire n'est pas desservi par une société de transport en commun ou par un autre organisme public de transport en commun qui assure un service de transport adapté aux personnes handicapées doit, par résolution dont copie doit être transmise au ministre des Transports, contracter avec une personne afin d'assurer aux personnes handicapées l'accès, sur son territoire, à des moyens de transport adaptés à leurs besoins.» Notons que le texte proposé à l'article 54 reprend l'esprit de l'article 53 du même projet de loi mais qui, lui, vise les cités et villes.

La FQM accueille favorablement l'objectif visé par cet article, soit que le transport adapté puisse être disponible sur l'ensemble du territoire. Nous sommes d'accord avec une amélioration de l'offre de service en matière de transport adapté. À ce sujet, je rappelle à cette commission que plusieurs MRC du Québec ont déjà réalisé, ou sont en voie de le faire, un plan de développement de transport collectif intégrant les dimensions pour le transport adapté.

Cependant, nous émettons de sérieuses réserves quant à l'application de cet article, 53 et 54, pour les municipalités de petite taille et celles qui sont situées en région éloignée. En effet, pour ces municipalités, cette mesure nous semble trop difficile à appliquer compte tenu des grandes distances qui sont à parcourir, tant pour le transport municipal que pour le transport intermunicipal ainsi que le nombre restreint des citoyens en place pour partager les coûts du service. Elles ne pourront pas répondre à l'exigence proposée à l'article 54 du projet de loi.

Comme solution à cette problématique, nous soutenons que les MRC constituent le seuil critique, au plan territorial, qui permette une gestion d'ensemble pour l'organisation du transport, et nous demandons que la responsabilité qui est assujettie aux municipalités dans votre projet de loi soit clairement transférée aux MRC dans ledit projet de loi.

Je regarde par exemple sur mon territoire. Comme expérience personnelle, moi, je suis préfet de la MRC Robert-Cliche, au centre de la Beauce, et à côté il y a la MRC Nouvelle-Beauce, et, nous, non seulement ce ne sont pas les municipalités qui sont responsables de l'organisation du transport adapté, mais ce sont les deux MRC, et on le fait ensemble, les deux MRC. De sorte qu'une personne, par exemple, handicapée qui a besoin d'un service, qui demeure, par exemple, sur le territoire de Robert-Cliche, où je suis préfet, et qui veut aller travailler à Sainte-Marie, il prend l'autobus et on le transporte à Sainte-Marie, puis il n'est pas question, entre nous... Entre MRC, c'est le même comité de gestion. On nomme des maires des deux territoires, qui le vérifient, on organise le transport collectif ensemble aussi pour deux MRC. Alors, vous comprendrez que, nous, on voit difficilement que cette responsabilité, notamment pour les régions rurales puis encore davantage pour les régions éloignées, soit allouée aux municipalités. On estime vraiment que ce doit être aux MRC. Et concrètement ou personnellement, pour le vivre quotidiennement, je pense que c'est de beaucoup préférable.

La FQM avait déjà, en 2001, formulé une série de recommandations sur cette question dans son rapport sur la révision du cadre organisationnel et financier du transport adapté visant une meilleure gestion intégrée des modes de transport sur le territoire. À cet égard, nous recommandons que le transport adapté intégré soit décentralisé et que... je répète, que soit confié aux MRC un rôle de planification en cette matière puisque les MRC disposent de l'expertise nécessaire, contrairement à nos municipalités rurales.

Par ailleurs, une décentralisation vers les MRC pourrait permettre une gestion du transport adapté par les organismes de transport adapté, ce qui aurait pour effet d'uniformiser leur action en respect des limites territoriales actuelles des MRC.

Tel que déjà mentionné, l'offre de service en matière de transport est un facteur clé non seulement pour mieux servir les personnes handicapées, mais aussi pour contrer l'exode, dans un contexte de vieillissement de la population, sur les territoires éloignés. Mais, ce facteur clé, ce service essentiel pour l'occupation du territoire a évidemment un certain coût. Le gouvernement ne peut donc pas fixer de nouvelles obligations aux municipalités sans une aide, et ce, de manière encore plus sérieuse compte tenu de la réalité spécifique des milieux à faible densité de population. Le gouvernement doit aussi s'engager à mettre en place un système de péréquation de façon à appuyer les MRC les moins nanties, de faible population et comprenant de grandes distances sur le territoire.

Beaucoup de MRC au Québec, dont la mienne, ont réussi à organiser de façon très correcte le transport adapté parce qu'on est relativement concentrés dans la Beauce. Mais, quand je pense à certaines MRC, que ce soit en Gaspésie, dans le Nord-Ouest, sur la Côte-Nord, etc., où les distances sont énormes, et si on veut faire en sorte qu'il y ait un minimum d'équité dans les services aux handicapés, je pense que ce qu'on vous demande, en termes de bonification du programme, ce n'est peut-être pas pour ma MRC, mais c'est pour les MRC qui sont les plus dispersées, où la densité de population est encore plus faible que chez nous. Et c'est dans ce sens-là qu'on insiste sur cette demande-là pour la FQM. On doit assurer une certaine équité dans les coûts de transport et réduire les disparités pour répondre aux impératifs nationaux.

Nous croyons donc que le programme existant du ministère des Transports doit être bonifié afin de répondre aux besoins des transports des citoyens et, je le répète, notamment pour les MRC les moins bien nanties et particulièrement celles à faible densité de population.

Permettez-moi de revoir avec vous les balises du mode de financement prévu par le programme actuel sur le transport adapté du ministère des Transports. Ce dernier, qui est proposé sur une base volontaire dans son application, prévoit au plan de financement une part maximale de 75 % assumée par le ministère des Transports et une part de 25 % assumée par le milieu, soit à 20 % par le monde municipal et 5 % par les personnes elles-mêmes. Nous sommes d'avis que la part maximale assumée par le ministère des Transports devrait être augmentée, pour les MRC dont on vient de parler particulièrement.

Je remercie les membres de la Commission des affaires sociales d'avoir entendu les commentaires de la FQM sur ce projet de loi. Je vous rappelle en dernier lieu que les élus municipaux s'engagent à collaborer activement avec l'Office des personnes handicapées du Québec, les instances gouvernementales et les organismes locaux pour l'application éventuelle des mesures proposées dans ce projet de loi, sous réserve des quelques commentaires que je vous ai faits tout à l'heure. Merci de votre écoute, au nom des membres de la Fédération québécoise des municipalités. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Ouellet. Alors, afin de débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Ouellet et vos collègues M. Lahaie et M. Charland, pour votre visite aujourd'hui. Je commencerais par vous rassurer sur le plan de la circulation des documents. C'est un point que vous avez mentionné au début de votre intervention. Les dispositions contenues dans le projet de loi ont été examinées par la Commission d'accès à l'information et sont conformes aux règles en vigueur quant à la circulation des documents en question.

n (14 h 30) n

J'aimerais toucher un ou deux points sur lesquels vous avez insisté plus particulièrement. D'abord, la question de l'obligation qui est faite aux municipalités de plus de 20 000 habitants de produire un plan d'action qui se base sur les constats qui nuisent à l'accessibilité pour les personnes handicapées et qui établit des possibilités de correctifs pour améliorer cette accessibilité. Et je me réjouis au passage que vous adhérez à notre objectif qui est d'augmenter l'accessibilité aux services pour les personnes handicapées.

De l'extérieur évidemment, je suis moins familier avec le monde municipal que, de toute évidence, vous l'êtes, là. Mais une municipalité de 20 000 habitants et plus, me semble-t-il, ça ne semble pas, du moins pour moi, être un fardeau majeur de faire ce constat et d'établir quelles sont les possibilités de correction ou d'amélioration pour les citoyens handicapés qui vivent sur son territoire, là. Pourriez-vous préciser les raisons qui vous amènent à trouver cette disposition trop contraignante pour les municipalités?

M. Ouellet (Jean-Noël): C'est peut-être un réflexe conditionné, parce que, de ce temps-ci, on reçoit beaucoup, beaucoup de demandes de tous bords tous côtés, puis là on dit: Bien là, au niveau du monde municipal, il faudrait peut-être... Je comprends l'objectif qui est visé puis je comprends aussi que les municipalités de 20 000 habitants et plus ne sont pas nécessairement dépourvues et sont capables, dans une certaine mesure, de faire une planification et de faire une rétroaction sur des activités qui se sont déroulées. Si vous remarquez, on n'a pas insisté de façon énorme là-dessus. On l'a souligné en disant: Bien, il faudrait quand même essayer de le baliser puis ne pas exagérer dans les demandes qu'on fait par rapport aux comptes à rendre, si vous voulez, là-dessus. On ne fera pas de bataille de principe là-dessus, là.

On va le faire, mais en même temps on dit: Bien, soyons prudents, compte tenu que, de ce temps-ci, on reçoit beaucoup, beaucoup de demandes, puis les municipalités sont en réorganisation, puis on prétend évidemment qu'on est sous-financé, etc. Alors, vous connaissez le problème des municipalités au Québec. Alors, c'était plus une prudence que... Ce n'était pas du tout une fin de non-recevoir, là, au sens... Parce qu'on comprend que, pour gérer l'organisation des services au niveau des transports adaptés ou autres, ça prend des données puis ça prend des données fiables, puis, ça, on adhère à ça, là. Et puis aussi on n'est pas d'accord non plus, nous, à la fédération, pour que certaines municipalités se laissent tirer la patte pour donner des services, sur leurs territoires, aux personnes handicapées. En ce sens-là, on encourage le mouvement puis on y croit.

M. Couillard: J'ai des collègues qui veulent intervenir, je veux juste poser une question sur le transport adapté, puis par la suite mes collègues parlementaires voudront également échanger avec vous. Sur deux plans, j'ai bien apprécié votre présentation. Il existe déjà, d'après ma perception, une disposition, dans la législation municipale, qui permet à une municipalité de déléguer certaines de ses responsabilités au niveau de la MRC. Donc, en théorie il n'y a rien qui empêcherait une municipalité, même isolée ou rurale, de déléguer sa responsabilité en question à la MRC. Est-ce que vous maintenez quand même votre désir que ce soit clairement indiqué que c'est la responsabilité de la MRC? Premièrement.

Deuxièmement, je suis très intéressé par ce que vous avez mis sur pied avec votre MRC voisine, avec l'aide du programme de financement existant du ministère des Transports. Si vous pouviez juste nous donner une idée, là, comment vous avez procédé. Parce qu'on entend beaucoup d'histoires des personnes handicapées qui se plaignent soit du non-accès aux services soit de la discontinuité des services, avec des histoires d'horreur que vous connaissez, là: la personne qui est laissée en plan à tel coin de rue jusqu'à temps que l'autre territoire vienne la reprendre, etc. Vous semblez avoir réussi à améliorer les services.

Alors, si vous pouviez, d'une part, m'indiquer ce que vous pensez de la délégation de responsabilités à la MRC, d'autre part, nous dire un peu ce que vous avez fait, là, comment vous avez réussi ça avec votre MRC voisine.

M. Ouellet (Jean-Noël): Si je réfère à votre première remarque, nous, du fait qu'on demande, puis on demande, je répète, fortement que ce soit inscrit par rapport aux MRC et non pas aux municipalités, c'est pour éviter des difficultés d'implantation des services. Parce que vous avez raison de dire que, dans le Code municipal, vous avez la délégation de compétences qu'une municipalité locale peut faire par rapport à l'autre, sauf que... Chez nous, par exemple, bien ce n'est pas mon cas parce que, nous, c'est réglé. Mais, si ce n'était pas le cas, si j'étais une... si le transport était organisé par chacune des localités et que, comme préfet, je veux... bon, bien, je suis sensibilisé à ça puis je veux qu'on l'organise au niveau de la MRC, bien il s'agit qu'il y ait un ou deux maires que, pour eux, là, ce n'est pas bien, bien leur préoccupation et qui bloquent le processus autour de la table, parce que c'est des élus puis ils défendent chacun leurs patelins, etc., alors il s'agit qu'ils disent: Bien, moi, sais-tu, le transport, j'ai un petit village puis je n'en ai pas, d'handicapés, puis ils n'ont pas besoin de transport, puis je ne paie pas là-dessus, puis ça va être encore de l'argent, puis ta, ta, ta. Et là tu pars.

Et, dans le quotidien, on fait ça, parce que les MRC sont nées des compétences déléguées, puis arrachées des fois à bout de bras, là, pour le mieux-être de l'organisation. Donc, c'est pour ça qu'on dit: Pour éviter ça, pour aller plus loin que ce que vous proposez effectivement dans votre projet de loi, moi, on vous demande de l'inscrire carrément puis de dire: Pour les municipalités... pardon, pour l'organisation des services, on demande aux MRC de procéder.

Et organiser en région, là, du transport adapté par municipalité, à moins que vous ayez une ville de 25 000, 30 000 habitants, c'est impossible. Puis, même si c'était possible, que votre ville a 35 000 habitants, vous allez avoir des problèmes auxquels vous référiez tantôt, M. le ministre. C'est qu'autour de la ville... ça va bien aller à l'intérieur de la ville, mais, dès que la personne, elle va travailler, par exemple, je ne sais pas, moi, à un centre adapté, à un centre de travail dans le village à côté, elle est faite parce que, là, la chicane va prendre, puis il va dire: Bien, mon autobus n'a pas... etc.

Nous, on a réglé ça en disant, et je reviens à votre deuxième volet: Nos deux MRC, on a pris le même organisme qui gère le transport adapté chez nous puis dans la MRC voisine, et puis on a formé un comité de gestion. C'est des maires des deux MRC qui suivent et qui se réunissent régulièrement avec l'organisme en question. Et la planification... c'est-à-dire l'investissement se fait par chacune des MRC, sur son territoire, puis on respecte ça, sauf que la circulation du transport sur nos deux territoires est sans limite, de sorte que quelqu'un peut partir de Sainte-Marie de Beauce puis aller travailler à Beauceville, dans un centre adapté, puis on va le transporter, puis il n'y a personne qui va dire: Bien là tu me dois tant, puis j'ai ma limite. Ça n'existe pas. On a réglé le problème, on a la continuité de services.

Je sais que, pour vous, c'est une préoccupation importante, la continuité de services, à l'époque ça l'était aussi, mais là on n'a pas réussi à le régler avant ? bien content que ça se règle maintenant, en passant, une petite vite. Alors, je me dis: Nous, on veut assurer cette continuité-là et on a pensé que c'est la meilleure façon, puis je vous dis qu'à date on n'a jamais de difficulté. En tout cas, s'il y en a, on n'en entend pas parler, on n'a jamais de problème de discontinuité, les gens sont satisfaits. Notre organisme fait rapport chez nous, à notre MRC, fait rapport à l'autre MRC, pour leur territoire. On partage nos informations, puis on n'a pas de difficulté. Et on est en train aussi, depuis deux ans d'ailleurs, d'instaurer le transport collectif ensemble aussi, les deux MRC, avec le même comité de gestion puis la même organisation aussi.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Pontiac.

Mme L'Écuyer: Merci, M. le Président. M. Noël, M. Lahaie, M. Charland, vous me touchez beaucoup et vous me rejoignez: je viens d'une MRC rurale, on est en train... et ça commence, le transport collectif et adapté, on fait les deux en même temps. Et je souscris à ce que vous venez de dire: Il faut que ça devienne une obligation de la MRC, parce que, dès qu'une municipalité veut se retirer, ça devient non viable.

La question que je voulais vous poser, c'est: La balise du 20 000 habitants, ce qu'on a réalisé, nous autres, dans notre MRC, c'est que souvent c'est ce montant ou ce nombre de population qui va permettre la survie du transport collectif, parce qu'il y en a un peu plus et ça fait un petit peu plus d'argent qui nous rentre, cette balise-là, est-ce qu'elle devient très contraignante ou si on n'est pas mieux d'arriver puis de dire: Il ne faut pas mettre de nombre, il faut plus y aller par responsabilité de MRC, pour éviter justement qu'il y ait un désengagement d'une des municipalités, qui serait peut-être celle qui permettrait à ce transport adapté collectif de survivre? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Ouellet (Jean-Noël): Mais vous avez tout à fait raison, parce que, nous, on a trois villes dans nos deux MRC, une de 15 000 habitants, l'autre de 6 000, 7 000 habitants, puis les autres, c'est des milieux ruraux, c'est évident que, si ces villes-là, même si elles n'ont pas 20 000, elles se retiraient du programme, notre programme ne serait pas viable du tout, c'est impossible. Donc, là où il coûte moins cher, le programme, c'est bien sûr à l'intérieur de chacune des villes. Et, si votre ville de 20 000 habitants, par exemple, se retire du programme, bien aussi bien ne rien faire sur le territoire parce que vous ne serez pas capable de l'organiser puis de le réaliser.

n (14 h 40) n

Et, nous, c'est un peu la raison pour laquelle on dit: On travaille pour le développement d'un territoire, on travaille pour le développement d'un service collectif sur l'ensemble d'un territoire qui est une MRC qui comprend plusieurs entités, essayons de nous faciliter la tâche en disant: Quand on peut attribuer une responsabilité à la municipalité régionale, bien il ne faut pas manquer le coup de le faire, à notre point de vue, parce que ça nous permet d'abord d'organiser des services mieux et plus structurés, d'une part, puis, d'autre part, ça nous évite de perdre du temps à négocier avec les maires qui ne sont pas d'accord, qui ne partagent pas l'objectif, etc. Donc, pour nous c'est assez important, comme vous le voyez.

Mme L'Écuyer: Merci.

Le Président (M. Copeman): M. le député d'Arthabaska.

M. Bachand: Merci, M. le Président. Pas besoin de vous répéter, M. Ouellet, à quel point je suis heureux de vous voir ici, c'est toujours plaisant de rencontrer ses collègues. Donc, M. Lahaie, M. Charland, ça me fait plaisir de vous voir.

Je vous comprends bien quand vous parlez de délégation de compétences parce que vous savez que c'est toujours la bête noire, hein, dans les MRC, de se retrouver avec cette foutue délégation de compétences qui nous crée des problèmes. Mais, moi, je vous avouerais que... et là je vous pose la question puis je vous demande votre appréciation aussi de cette affirmation-là: C'est sûr que ça réglerait notre problème, aux MRC, mais est-ce qu'on règle le problème des municipalités? Parce que le droit d'«opting-out» des municipalités est toujours présent, vous savez que c'est très cher, ça leur appartient, et ils nous le redisent souvent, aux MRC.

Et je vous mets en contexte. Moi, je suis à votre place, je ferais la meilleure revendication; vous, vous seriez à ma place, peut-être que vous seriez plus prudent parce que vous me diriez peut-être: Bien, écoutez, si des municipalités désirent garder leur «opting-out» et si le gouvernement leur enlève ce droit-là, moi, je vois tout de suite les municipalités arriver puis nous dire: Écoutez, là, nous... les délégations de compétences effectivement existent dans la loi, puis il n'est pas question de nous prononcer. Moi-même, les municipalités viendraient même m'interpeller là-dessus. Comment vous voyez ça ? ça existe depuis longtemps, cette problématique-là ? que le gouvernement prenne la responsabilité à la place des MRC d'enlever ce droit-là? Vous ne pensez pas qu'on va avoir des revendications des municipalités?

M. Ouellet (Jean-Noël): Mais, M. Bachand, actuellement, dans la loi municipale, vous avez des secteurs d'activité des MRC où les municipalités ne peuvent pas exercer leur «opting-out». C'est vrai pour les cours d'eau, c'est vrai pour l'aménagement du territoire, c'est vrai pour l'évaluation foncière. M. Bachand, moi, je suis à l'aise pour dire aux maires chez nous, là: Si c'est vrai, pour les cours d'eau, que vous ne pouvez pas vous retirer, est-ce que vous allez oser vous retirer pour l'organisation des services handicapés? Puis là j'ai des maires qui vont rougir, au fond.

Et je pense que c'est beaucoup une question de croire à l'organisation de ces services. Moi, comme élu municipal, je prétends que je ne suis pas bien, bien représentatif parce que je suis un gars qui a fait ma vie dans l'organisation des services de santé puis des services sociaux. Donc, je suis un vendu d'avance, là. Mais, ceci étant dit, c'est gênant de dire dans sa municipalité, là: Tu sais, moi, les enfants handicapés, on ne les transportera pas chez nous. Pour un maire autour de la table, c'est très gênant de dire ça.

Il n'y a personne qui va oser critiquer ça, à moins que ce ne soit pas prévu. Et, si ça relève juste de lui, bien là tu n'es pas capable d'aller le chercher de force. Mais, si c'est dans la loi, à mon avis ça nous aiderait si on veut organiser les services. Et je pense que c'est un secteur d'activité où les gens n'osent pas puis ne veulent pas, parce que leurs citoyens ne seraient pas d'accord, là, exercer l'«opting-out». Moi, je pense que...

M. Bachand: Deux petites minutes, M. le Président. Chez nous, dans Arthabaska, il y a l'organisation du transport collectif. On a intégré aussi Rouli-bus, Rouli-bus qui est un organisme qui permet... et il y a des maires qui nous disaient carrément: Nous, chez nous, il n'y a pas de personne handicapée, donc on ne veut pas payer pour ça. Et là, si on les avait obligés, là... Ce n'est pas parce qu'ils ne voulaient pas donner de services, mais, eux autres, ils affirment catégoriquement qu'ils n'en ont pas. Et, quand on fait le relevé, relevé qui a été fait par Rouli-bus, ils nous disent qu'eux effectivement ils n'en avaient pas, puis le relevé confirme qu'il n'y en a pas. Qu'est-ce qu'on dit à ces maires-là, nous, comme gouvernement?

M. Ouellet (Jean-Noël): C'est arrivé chez nous aussi, puis effectivement, dans ma municipalité, il n'y en avait pas. Bien, moi, par principe, j'ai embarqué quand même. Mais, six mois après, il y en avait un. Puis ça a duré longtemps, puis il était très handicapé, puis il avait besoin de beaucoup de services. J'étais bien content au fond d'avoir embarqué parce que, si je n'avais pas embarqué tout de suite, peut-être qu'après les autres auraient dit: Bien là tu vas payer, tu sais.

Moi, écoutez, moi, je suis un de ceux qui travaillent tant au niveau de l'organisation des services de santé que l'organisation des services à l'intention des communautés pour améliorer le sort des collectivités sur notre territoire. C'est bien sûr que parfois ça fait l'affaire de l'un puis ça ne fait pas l'affaire de l'autre, c'est bien évident. Mais au total, quand on réussit à sensibiliser les maires autour de la table, on dit: Bon, bien, chacun y trouve son compte. Quand ce n'est pas sur la piste cyclable, c'est sur les eaux, quand ce n'est pas sur les eaux, c'est sur les vidanges, quand ce n'est pas sur les vidanges, c'est sur les autres dossiers.

Mais ce qu'on vous demande, c'est de faciliter dans certains cas. Puis, dans ce cas-ci, ça nous apparaît être un cas défendable, en tout cas. Selon notre point de vue, ça nous apparaît défendable, et on vous demande de nous faciliter en disant: Bien, mettez-le aux MRC. Je comprends qu'il y en a quelques-uns qui vont riposter. Je comprends. Mais en même temps ça va nous permettre d'organiser sur le sens du monde, et particulièrement pour les régions rurales, les services aux personnes handicapées.

M. Bachand: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, M. le Président. Alors, M. Ouellet, M. Lahaie, M. Charland, bonjour. Content de vous rencontrer.

Moi, je vais vous ramener à un petit point rapide de votre mémoire, à la page 5, deuxième paragraphe, quand vous dites: «Nous soulignons l'importance que nous accordons à l'ajout, par l'article 4 du projet de loi, [qui introduit l'article 1.3].» Essentiellement, là, c'est celui qui dit: les municipalités, organismes publics et privés, en tenant compte des ressources humaines, matérielles et financières dont elles disposent.

Vous êtes le premier groupe qui se prononce en accord avec cet article-là. Hier, tous les organismes que nous avons reçus, dont la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, eux, nous demandent de retirer cet article-là. Et vous vous prononcez en faveur naturellement de cet article-là parce que vous êtes visés. Mais j'aimerais savoir un peu plus en détail, parce qu'étant donné qu'il va probablement y avoir une décision à prendre sur cet article-là... Vous soulignez l'importance, mais vous n'êtes pas explicite un peu. J'aimerais savoir pourquoi vous soulignez l'importance de cet article-là, en tant que personne visée.

M. Ouellet (Jean-Noël): C'est-à-dire que selon nous cet article-là ou cette restriction-là du code ne vise pas la distribution des services ou le transport adapté lui-même. Ça vise plutôt les autres paramètres dans le projet de loi. En ce qui nous concerne, on ne se sent pas... ça ne vient pas restreindre le transport adapté. Ça ne pourrait pas s'appliquer dans ce cas-là, selon notre compréhension. Et je demanderais à mes collègues peut-être, si jamais ce n'est pas clair, ce que je vous dis, de préciser davantage, mais... Alors, la restriction dont on parle ne vise pas la distribution des services aux personnes handicapées.

M. Bernard: O.K. Donc, c'est rien que dans ce cadre-là que vous dites ça à ce moment-là.

M. Ouellet (Jean-Noël): C'est juste dans ce cadre-là qu'on dit. Pour le reste, par exemple, bien là ça pourrait toucher, par exemple, les demandes d'information, là, qui nous apparaîtraient exhaustives, à notre point de vue à nous, là, mais très, très intéressantes pour l'office ? puis je comprends, là, pour avoir été fonctionnaire. Mais il reste que, pour nous, parfois on ne veut pas... on a dit d'être prudents pour ne pas alourdir la machine par rapport aux questionnements. Et c'est dans ce contexte-là qu'on prétend, selon notre compréhension, que cet article-là s'applique. Mais cet article-là, je le répète, selon nous ne s'applique pas quand ça concerne la distribution des services aux personnes handicapées.

M. Bernard: O.K. Parfait.

Le Président (M. Copeman): Ça va?

M. Bernard: Oui, merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Duplessis et porte-parole de l'opposition officielle pour les services sociaux.

Mme Richard (Duplessis): Merci, M. le Président. M. Ouellet, M. Lahaie, M. Charland, bienvenue. J'apprécie beaucoup vos propos, mais je veux vous dire tout de suite que, moi, j'ai de fortes inquiétudes face à l'article 1.3, la clause limitative, et je vais vous dire pourquoi. Puis mon collègue aussi a fait mention que vous êtes un des premiers groupes qui êtes en faveur de cette clause-là.

Moi, j'ai des inquiétudes parce que, puis vous y avez fait référence par rapport au transport adapté, des municipalités pourraient se référer à cette clause pour dire: On n'a pas les ressources financières, matérielles, on ne dispose pas de ces ressources-là, donc on ne peut pas aller de l'avant. Et vous comprenez qu'on est ici, dans les jours qui suivent, aujourd'hui aussi, pour essayer, moi en tout cas, pour ma part, de bonifier le plus possible le projet de loi n° 56, qui s'adresse, bon, aux personnes ayant des limitations fonctionnelles, viser leur intégration le plus possible. Mais je tenais à vous dire que j'ai des inquiétudes face à cette clause-là dès le départ.

Je voudrais vous ramener un petit peu à l'article 54, quand on parle du transport adapté. Ça, je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il faut que ce soit transféré aux MRC. Vous avez expliqué au ministre pourquoi, vous avez donné des exemples aussi, puis, moi, je comprends très bien ce que vous avez dit, je viens d'une région où ce serait impossible d'appliquer ça chez nous. Mais je voudrais vous entendre. Vous avez parlé beaucoup de partenariat envers les municipalités. Vous avez chez vous du transport adapté, ça fonctionne très bien. Est-ce que vous le faites avec d'autres organismes?

Parce que, je vais me référer sur mon territoire à moi, je regarde ça, j'ai près de 50 quelques petites municipalités, il y en a toute une partie qui n'est même pas reliée par le réseau routier, je me demande si on n'a pas... ce n'est pas juste des ressources financières, il faudrait des ressources matérielles, humaines pour mettre ça en place. Est-ce qu'on ne pourrait pas, à ce moment-là, se servir... bon, que ce soit du ministère de l'Éducation, du ministère de la Santé? Est-ce que ça se fait chez vous en partenariat pour organiser du transport adapté?

n (14 h 50) n

M. Ouellet (Jean-Noël): Il y a deux ans, on a fait l'exercice, nous, chez nous, avec la commission scolaire, avec l'ensemble des taxis, l'ensemble des intervenants, les deux MRC en question dont je vous parle, les groupes, les organismes qui s'en occupaient, etc. Au début, j'étais un de ceux, moi, qui prétendaient que voir passer les autobus scolaires à moitié vides dans le chemin chez nous, alors qu'il y a des gens que je pensais qui n'avaient pas de service, ce n'était pas correct, puis que c'était mal utiliser les fonds publics, etc. Finalement, ça s'est avéré par la suite difficile en termes d'organisation, notamment, par exemple, avec le transport scolaire parce que ce n'est pas les mêmes heures, ce n'est pas les mêmes retours, ce n'est pas les mêmes problématiques, etc.

Nous, ce qu'on a trouvé de mieux, en tout cas à court terme, pour le transport adapté, c'est vraiment un seul organisme. Parce que, si chez nous on avait deux organismes qui le faisaient pour nos deux MRC, ça nous créerait des problèmes de juridiction, de territoire, de continuité de services. C'est le fait qu'on a un seul organisme qui fait qu'on peut passer non seulement d'une municipalité à l'autre, mais d'une MRC à l'autre sans problème, sans difficulté, sans discontinuité. Et d'ailleurs c'est ce sur quoi on s'appuie pour dire que ça doit être de juridiction de MRC, à tout le moins pour éviter que la même querelle se passe entre municipalités.

Maintenant, ce n'est pas facile le transport collectif, entre autres parce que, nous, on voulait intégrer... on a intégré le transport collectif en milieu rural, pour toutes sortes de motifs d'organisation et des motifs aussi de mentalité. Les gens sont habitués de se débrouiller tout seuls, les parents sont transportés par les enfants, etc. Et embarquer dans l'autobus scolaire, pour une madame de 60 ans, pour aller, je ne sais pas, au CLSC du coin, elle n'est pas capable de faire ça. Moi, je pensais que c'était possible, mais ça s'est avéré impossible pour le moment. Peut-être qu'en vieillissant, quand on sera vieux, on sera plus ouvert. Mais, pour le moment, les gens, ils veulent leur transport, etc.

Donc, nous, la seule chose qu'on a faite, c'est faciliter, là, les taxis puis le covoiturage. Ça, on s'en occupe sur notre territoire, par exemple, puis ça marche. Mais les gens sont autonomes après, etc. Mais...

Mme Richard (Duplessis): Oui, je vous remercie, parce que, bon, je sais que vous avez une expertise dans le transport adapté et je me demandais si ça ne pourrait pas servir ailleurs au Québec. Est-ce que vous avez pu chiffrer, au niveau des MRC, si on transférait cette responsabilité-là aux MRC, puis qu'ils devraient appliquer ça, puis qu'on en ait un petit peu partout au Québec, combien pourrait coûter... Au niveau coûts, au niveau financier, est-ce que vous avez une idée, là?

M. Ouellet (Jean-Noël): C'est le programme existant dont on parle?

Mme Richard (Duplessis): Pardon?

M. Ouellet (Jean-Noël): C'est le même programme existant: 75 % fournis par le ministère des Transports, 25 % dont 20 % par les municipalités puis 5 % par nous. Donc...

Mme Richard (Duplessis): Un chiffre. Vous n'avez pas de...

M. Ouellet (Jean-Noël): On n'a pas besoin d'un montant additionnel. Maintenant, quant aux chiffres comme tels, je ne pourrais pas vous dire. Mais je comprends, par exemple...

Mme Richard (Duplessis): Oui, c'est l'écart aussi, là, qu'est-ce que ça coûterait de plus entre ce qui existe, ce qui pourrait exister si la responsabilité était dévolue aux MRC puis qu'ils devaient avoir du transport adapté dans chaque MRC. Est-ce que vous avez fait cet exercice-là?

M. Ouellet (Jean-Noël): Non, je ne pense pas.

M. Charland (Guy): Si vous me permettez, je suis un ancien directeur général de MRC et, lorsque j'ai quitté ma fonction au printemps dernier, je venais de faire adopter, par le conseil de la MRC ? et c'est la MRC de Coaticook, en passant ? son plan de développement du transport collectif, et on avait évalué à ce moment-là l'ajout de quatre nouvelles municipalités qui sont considérées, sur notre territoire, comme étant des municipalités éloignées en utilisant le volet souple du ministère des Transports, et on avait évalué à 17 000 $ annuellement le coût d'ajout de ces quatre municipalités dans l'organisation globale du transport adapté sur un territoire. Mais évidemment il faut considérer que c'est un territoire très différent évidemment de la Côte-Nord ou de la Gaspésie. Mais on a fait un exercice qui nous permettait de dire que, sur une base de cinq ans, ça nous coûterait environ, plus ou moins, 90 000 $ ou 100 000 $, en considérant aussi certaines adaptations de véhicules.

Mme Richard (Duplessis): Je vous remercie. Je vais céder la parole à mon collègue qui a quelques questions.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): M. le Président. M. Ouellet, M. Lahaie, M. Charland, bonjour. J'aimerais, si vous permettez, revenir, à la page 5 de votre mémoire, très brièvement, là, sur la question de l'article 1.3 ? vous allez voir, ça nous chicote pas mal, là ? parce que ça a été soulevé ici, puis les inquiétudes sont à l'effet que, si on laissait cet article-là tel qu'il était, tel qu'il est présenté, ce serait une porte toute grande ouverte à l'échappement des responsabilités.

La façon dont vous interprétez l'article m'intéresse beaucoup. C'est comme si vous y ajoutiez une espèce de restriction mentale où un amendement suffirait selon vous, peut-être, à... Je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche, là, mais ce que vous avez dit, c'est... ça ressemblerait un peu à ceci, l'article 1.3 pourrait se lire de la façon suivante: Les différentes dispositions de la présente loi, exception faite des dispositions touchant directement les services aux personnes handicapées, s'appliquent dans la mesure qui y est prévue, etc., en tenant compte des ressources humaines, financières.

Donc, ce que vous dites, c'est que, si l'article s'applique tel qu'il est là, ce qu'on appelle la clause limitative dans le fond, s'il s'applique sur l'ensemble des dispositions, sauf celles qui touchent directement les services, vous êtes d'accord avec l'article. Mais, si...

M. Ouellet (Jean-Noël): Oui.

M. Bouchard (Vachon): Mais là ce n'est pas ça que l'article dit maintenant, là.

M. Ouellet (Jean-Noël): A priori, on serait d'accord avec ça. Maintenant, je me garde juste une petite réserve de politicien pour qu'on s'en assure auprès de nos instances de façon ferme, là. Mais notre compréhension, c'est que cette restriction-là ne s'applique pas à l'égard de la distribution des services, elle s'applique sur le reste.

Alors, maintenant, en principe, comme vous dites, là... Il ne faudrait pas que vous parliez à moi, parce que ma réponse, elle viendrait vite, là. Mais, moi, je parle au nom de la fédération québécoise, alors je suis obligé de respecter ça aussi, et je vous dis: On va le valider, mais notre compréhension, c'est à l'effet que ça ne touchait pas la distribution des services.

M. Bouchard (Vachon): Maintenant, il y a d'autres opinions qui ont été exprimées à l'effet d'invoquer davantage le principe d'accommodement raisonnable, qui aurait été devant les tribunaux administratifs et d'autres instances déjà reconnues et déjà balisées juridiquement. Je ne sais pas si vous êtes familier avec ce principe?

M. Ouellet (Jean-Noël): Non. Là-dessus, je ne pourrais pas...

M. Bouchard (Vachon): Bon, très bien. J'aimerais passer, si vous le permettez, à une considération qui m'apparaît intéressante concernant le financement du transport adapté. Vous dites, dans votre rapport: Il y a des inégalités économiques entre les collectivités, toutes ne sont pas pourvues des mêmes moyens budgétaires financiers. Par conséquent, il serait peut-être intéressant de voir apparaître deux choses dans la loi. Une première chose, c'est une disposition concernant un relèvement des subventions ou du budget imparti au programme; et la deuxième, une formule de péréquation qui ferait en sorte que quelque part les disponibilités financières ou budgétaires pourraient être mieux réparties entre les collectivités. Là je dis «collectivités» à dessein, là, parce que je ne veux pas m'embarquer dans les questions de MRC ou de municipalités, on en a déjà suffisamment parlé. J'aimerais vous entendre un petit peu plus longuement là-dessus, si vous permettez.

M. Ouellet (Jean-Noël): Oui. Quand on examine le 20 % qui est assujetti aux responsabilités municipales, si vous êtes dans une ville de 50 000 habitants, ça n'a pas du tout la même signification que dans une ville de 2 000 habitants parce que l'autobus va être rempli, vous allez avoir des clients qui vont payer leurs quotes-parts, et votre coût de revient va être de beaucoup inférieur au coût de revient du même autobus, mais qui se promène dans une ville de 3 000 habitants. Donc ça, c'est une des choses, un des aspects.

Le deuxième aspect, c'est par rapport aux densités de population. Et ça, c'est toujours la difficulté, puis vous le savez plus que moi, comme administrateur de fonds publics, c'est toujours la difficulté du mur-à-mur. Quand on sort un pourcentage national quant à la contribution pour les personnes handicapées, bien on le sort pour tout le monde, au même niveau. Le problème que ça crée, dans ma MRC, moi, je peux vivre avec ça, puis ça va bien ? et une chance que mes maires ne m'entendent pas parce que peut-être qu'ils ne seraient pas tous d'accord, mais je pourrais me défendre. Mais, si j'ai affaire à une autre MRC, en Gaspésie ou à Rouyn-Noranda, bien là je n'aurais pas le même langage. Et à mon avis... puis je n'ai pas de formule toute faite, là, mais c'est ce sur quoi on devrait... Si on vous demande des budgets additionnels par rapport à ça, c'est là-dessus qu'on voudrait que l'attention soit portée et non pas sur les MRC qui sont déjà bien organisées et qui ont un coût raisonnable pour assurer la qualité des services puis l'équité dans les services à tout le monde. Donc, on veut de l'argent additionnel.

n (15 heures) n

On pense que le programme doit être bonifié, mais notamment pour la péréquation, pour les régions les plus éloignées puis pour les régions dont la densité est faible. Alors, il faudrait peut-être... et c'est un peu, là, la gestion à la carte dont on entend parler dans d'autres dossiers un petit peu ou la décentralisation à la carte à laquelle on réfère. Nous, on réfère à l'inverse. C'est la subvention à la carte. On est un peu masos peut-être, mais c'est ça qu'on vous demande d'examiner comme possibilité.

M. Bouchard (Vachon): Alors, ce que je comprends, c'est que vous êtes à la fois pour un système de péréquation dans une espèce de configuration asymétrique.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard (Vachon): On a un ministre qui a de l'expérience un peu dans l'asymétrie, là, il pourrait s'occuper de ça sans doute. Mais dites-moi, si je comprends bien, la péréquation dont vous parlez s'appliquerait simplement en vertu du fait de volumes inégaux de clientèle, donc de la contribution inégale des clients dans le financement de l'opération.

M. Ouellet (Jean-Noël): Je m'excuse, là, j'ai perdu votre question, je ne voudrais pas répondre de travers.

M. Bouchard (Vachon): Non. C'est-à-dire que le problème que vous soulignez dans le fond, c'est qu'il y a un certain volume de clients qui peuvent arriver à amortir les coûts, et ce volume-là est inégal d'une région à l'autre ou d'une collectivité à l'autre. Donc, la péréquation dont vous parlez, c'est davantage une redistribution d'un magot, mais en prenant en considération le volume de clientèle, donc sa capacité de contribuer à hauteur de 5 %. Donc, on peut comprendre qu'il y a des municipalités où on n'arrive pas à atteindre ce 5 % de contribution de la clientèle.

M. Ouellet (Jean-Noël): Effectivement, c'est qu'au fond le ministère des Transports, il subventionne 75 % à la base, mettons, c'est-à-dire entre 65 % et 75 %. Si vous avez des coûts très élevés à cause de la dispersion, bien votre 75 %, il est couvert par le ministère des Transports au départ, supposons. Sauf que le 20 %, là, la partie entre les deux, si elle est assumée par une MRC ou une municipalité où le transport entre, je ne sais pas, moi, le lieu de travail des personnes, par exemple, puis leur résidence est 25, 30 milles ? ou 25, 30 km, plutôt, pour être plus contemporain ? alors... puis avec deux personnes dans le bus, ça fait très différent que de se déplacer... Donc, vous voyez que la part de la municipalité ou de la MRC par rapport à la configuration du transport sur le territoire est importante, et c'est ça qu'on dit qu'il faut examiner. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question.

M. Bouchard (Vachon): Oui, oui, tout à fait, tout à fait. Ce qui apparaît clairement, donc, dans cette équation-là, c'est quelque part d'introduire dans l'équation, d'une part, les distances, d'autre part, le volume pour arriver à mieux répartir les budgets. Mais, si on veut aller plus loin ? et ce sera sans doute ma dernière question là-dessus ? c'est que vous revendiquez en même temps une augmentation du budget. C'est ce que j'ai cru comprendre dans votre mémoire. Et est-ce que vous êtes capables de situer un tout petit peu, de nous chiffrer un tout petit peu le pourcentage d'augmentation que vous souhaitez ou dans quelle proportion, etc.?

M. Ouellet (Jean-Noël): L'augmentation du budget auquel on réfère dans notre mémoire vise notamment pour régler le problème d'équité entre les territoires puis d'équité dans la distribution des services aux personnes. Bien sûr que, si on a de l'argent de plus, on va le prendre puis avec plaisir, là, mais ce n'est pas l'essentiel de notre demande. L'essentiel de notre demande, c'est vraiment par rapport à l'organisation des services sur l'ensemble du territoire du Québec pour les régions éloignées parce qu'on veut qu'elles aient leur quote-part puis que les gens qui y demeurent, ils y restent puis ils y restent parce qu'ils ont des services. Alors, je ne voudrais pas vous faire ma démonstration par rapport à la difficulté de vivre en région. Je viendrai à une autre commission.

M. Bouchard (Vachon): J'avais dit que ça allait être ma dernière question, mais c'est une promesse de politicien. Regardez, M. Ouellet, dans ce que vous avancez, il y a cette inquiétude sur les plans d'action, et vous dites: Il faudrait qu'on puisse mieux baliser ce qu'on attend de nous en ce qui concerne ce rapport annuel concernant les activités qui auraient été organisées et qui auraient été réalisées, etc. Est-ce que vous pouvez nous donner une idée du répertoire ou de l'inventaire des responsabilités d'une municipalité comme les vôtres en regard d'un plan d'action? Est-ce que déjà vous avez en tête une liste d'items, de champs ou de dimensions que vous jugez comme étant de votre ressort, et qui vous apparaît normale, et qui pourrait quelque part guider la grille de critères à partir desquels on attendrait votre rapport?

M. Ouellet (Jean-Noël): Mais ça, on le fait déjà, nous, parce que l'organisme qui s'occupe de notre transport adapté, quand on prévoit notre budget, on fait notre budget en novembre, il vient faire sa revendication puis il passe à la table. Et lui évidemment, comme tout organisme, dit qu'il n'y a pas assez d'argent, que, là, il y a plus de clients, que, là, il y a plus de clients qui fréquentent les activités, il y a plus de ci, il y a plus de ça, puis c'est correct. Et, nous, on regarde, puis on essaie de négocier le budget, puis on s'organise en question. Mais on est des administrateurs de fonds publics, on sait d'une part qu'il y a 75 % du budget qui vient du ministère des Transports ? on pense qu'ils regardent ça, eux autres aussi, mais... ? puis qu'il y a 20 % qui vient de nous puis 5 % d'eux autres.

Quand on a terminé, à la mi-année, on a un rapport d'étape où l'organisme en question, il revient devant l'assemblée des maires et, là, il nous fait état de comment ça va, comment ça fonctionne dans les transports, combien il y en a dans tel village, ça fonctionne comment, y a-tu des besoins en attente, y a-tu ci, y a-tu ça? Puis, à la fin de l'année, il nous fait un rapport statistique sur les services qui ont été rendus, sur les points forts puis les points faibles de son organisation puis de son fonctionnement. Nous, on pense qu'avec ça on est capables de voir venir les choses.

Si vous me demandez une idée de ce qu'on a besoin pour gérer ce programme-là et s'assurer que nos fonds sont bien dépensés, nous, en tout cas des rapports comme ça puis le rapport annuel qu'il est obligé de nous produire ? puis, de toute manière, je ne sais pas s'il est obligé dans la loi, mais il nous le produit allégrement puisqu'on paie ? alors, ça ne fait pas de problème, et puis on a l'information qui nous permet d'apprécier comment on organise nos services puis qu'on les distribue.

Le Président (M. Copeman): Ça va?

M. Bouchard (Vachon): Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Duplessis.

Mme Richard (Duplessis): Peut-être juste pour terminer. Vous savez, moi, c'est sûr que je vais y tenir, que ce soit transféré aux MRC. Je vous dirais en conclusion que, vous en avez fait mention à plusieurs reprises, on n'a pas assez de population, la densité de population est tellement... c'est pour tous les autres services et puis particulièrement pour cette clientèle-là. Si ce n'est pas transféré aux MRC, si on n'a pas un régime équitable au niveau de la péréquation, jamais, quand on va... puis c'est pour toutes les régions du Québec, on ne pourra avoir les mêmes services qu'ailleurs au Québec. Et je trouve qu'en 2004 chaque citoyen doit avoir droit aux services au Québec. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Ouellet, M. Charland, M. Lahaie, merci beaucoup, au nom de la Fédération québécoise des municipalités, d'avoir participé à cette commission parlementaire.

J'invite immédiatement les représentants de l'Association des paraplégiques du Québec à prendre place à la table et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 7)

 

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission poursuit ses travaux. Ça nous fait plaisir de recevoir les représentants de l'Association des paraplégiques du Québec, M. Zelaya, que quelques-uns parmi nous ont connu dans une vie antérieure, Mme Vachon, M. Lavoie. J'imagine, à ce moment-ci, que vous savez comment ça marche. Vous avez droit à une présentation de 20 minutes, qui sera suivie par un échange de 20 minutes de chaque côté de la table. Alors, sans plus tarder, je vous prierais de débuter votre présentation.

Association des paraplégiques du Québec (APQ)

M. Zelaya (Walter): D'accord. D'une part, merci beaucoup de nous avoir invités à participer à cette commission. L'Association des paraplégiques du Québec est très heureuse de participer et donner notre point de vue, au nom des 2 000 membres de l'association qui se trouvent à travers le Québec.

Mme Martine St-Yves, Me Martine St-Yves devait être ici. Elle est une personne paraplégique et, pour des raisons propres justement à sa santé physique, elle ne peut pas être avec nous. Alors, elle est remplacée par l'irremplaçable Lise Vachon. Elle est conseillère principale à l'intégration sociale à l'Est du Québec. Elle travaille ici, à l'IRDPQ. Et il y a avec moi également Éric Lavoie. Il est le responsable du dossier de défense des droits, à l'association. Je vais donner la parole à Lise.

Mme Vachon (Lise): Alors, moi, je vais vous parler de la mission de l'APQ et je vais vous en faire la lecture parce que j'ai su ce midi que je remplaçais Martine St-Yves, alors je ne suis pas préparée. Je vais donc prendre le texte de Martine.

L'Association des paraplégiques du Québec a pour mission de favoriser l'autonomie des personnes blessées médullaires du Québec, de faciliter leur intégration sociale et professionnelle, de promouvoir leurs intérêts et de défendre leurs droits. Elle offre des services et du soutien aux personnes devenues paraplégiques et tétraplégiques à la suite d'une lésion à la moelle épinière, durant tout leur cheminement vers la réintégration dans la société et bien au-delà.

Lorsque Jean a plongé dans la piscine, cet été, il a joint les milliers de Québécois qui vivent les séquelles d'une blessure à la moelle épinière. Une simple erreur, et ses projets d'avenir furent noyés, comme ceux de Guy après sa chute d'une échelle ou ceux d'Anne après un accident d'automobile. Alors, comme vous voyez, tout le monde peut être victime d'une lésion médullaire. On dit qu'ils sont médullolésés ou blessés médullaires. Ils vivent un ensemble de troubles fonctionnels, et la plupart utilisent un fauteuil roulant. Pour les aider, des hommes et des femmes qui ont vécu ce drame dans leur vie leur tendent la main.

Alors, une blessure médullaire. Une blessure à la moelle épinière entraîne la paralysie totale ou partielle des membres et du tronc. L'étendue de la paralysie dépend de la localisation de la lésion dans la moelle épinière et de l'étendue des dommages: une lésion basse entraîne une paraplégie, une lésion supérieure entraîne une tétraplégie, ou une quadriplégie, quand on prend le terme qui vient de l'anglais. Le plus souvent, une personne blessée médullaire doit utiliser un fauteuil roulant.

En plus de réduire la motricité, la lésion affecte, la plupart du temps, la plupart des cas, le fonctionnement des organes, tels que la vessie, qui se trouvent sous le niveau de la lésion. Souvent, elle prive aussi le blessé médullaire de sa sensibilité dans les régions du corps dont les nerfs sont reliés à la moelle sous le site de la lésion. Ce sont là des séquelles permanentes invisibles pour autrui mais qui comportent leur lot d'inconvénients et de souffrances pour les personnes atteintes.

Alors, le service de soutien à l'intégration. Les personnes médullolésées ont besoin d'un appui à toutes les étapes de leur cheminement: à l'hôpital, au centre de réadaptation et au moment du retour dans leur milieu de vie. Le service de soutien à l'intégration de l'APQ leur procure un accompagnement précieux, offert par des pairs qui ont traversé avec succès les mêmes difficultés qu'ils doivent maintenant surmonter. Ces conseillers pairs ont reçu une formation en relation d'aide et sont des modèles de succès pour les nouveaux blessés médullaires. Avec leur soutien, la personne médullolésée apprend à valoriser le potentiel qui lui reste et fait plus rapidement le deuil de son ancienne existence pour entamer une vie nouvelle, active et valorisante dans la société. Elle sait désormais qu'elle pourra encore assumer ses rôles de conjoint et de parent, s'adonner à des sports et à des loisirs et travailler. Le conseiller en intégration est aussi appelé à faire de la prévention auprès des jeunes dans les écoles en les sensibilisant aux risques de comportements imprudents, que ce soit au volant d'un véhicule automobile ou dans les pratiques de sports.

Nos conseillers assurent une présence continue à l'Institut de réadaptation de Montréal, au Centre de réadaptation Lucie-Bruneau et à l'Institut de réadaptation en déficience physique de Québec, l'IRDPQ. De plus, ils reçoivent les clients et les membres au bureau de l'association. Pour les personnes à l'extérieur de Québec et de Montréal, ils assurent le service par téléphone ou par Internet.

Homme ou femme médullolésé, paraplégique ou tétraplégique, le conseiller en intégration de l'APQ connaît intimement les myriades de préoccupations du blessé médullaire. Il reçoit une formation continue en relation d'aide et il offre l'écoute et le soutien aux pairs d'un semblable qui a relevé avec succès l'immense défi qui consiste à refaire sa vie à la suite d'une lésion médullaire.

Durant la période allant d'avril 2003 à 2004, le service de soutien à l'intégration a été au coeur des changements importants entamés durant la période 2002-2003. Ainsi, nous avons travaillé à la consolidation des postes de conseillers principaux en orientation pour l'Est et pour l'Ouest du Québec, le but étant de concentrer les énergies et la présence à l'association dans les régions de Montréal et de Québec, tout en conservant un soutien téléphonique pour les régions. Compte tenu de la diminution des revenus que l'APQ a en effet dû... ? excusez ? l'APQ a en effet dû concentrer ses services directs à Montréal et à Québec, tout en continuant à assurer un service à distance partout au Québec. Que ce soit par téléphone ou par courriel, tous les membres peuvent joindre l'APQ sans frais. Pour la période mentionnée, nous avons comptabilisé plus de 3 060 appels des membres et de non-membres à qui nous avons fourni des services d'information ou de référence. Afin de demeurer accessible à la clientèle, l'APQ est présente dans les trois centres spécialisés et ? c'est ça, je les ai nommés tout à l'heure.

Une voix: ...

Mme Vachon (Lise): D'accord. Est-ce qu'on parle du service d'employabilité?

M. Zelaya (Walter): Rapidement. Rapidement.

Mme Vachon (Lise): Il y a aussi un service d'employabilité qui est offert par l'APQ depuis 1972. Alors, ce service d'employabilité là a pour mission première de développer le plus possible l'autonomie de sa clientèle, en termes d'employabilité, en offrant un service de qualité adapté aux besoins particuliers de chaque personne. Le but ultime est, bien entendu, l'insertion sur le marché du travail et le maintien en emploi. Au fil des ans, la gamme des services offerts a suivi les besoins de la clientèle en relation avec l'évolution du marché du travail, et ainsi, en cours d'année 2003-2004, la clientèle a pu bénéficier des services suivants: du counselling d'emploi et apprentissage aux stratégies de recherche d'emploi, orientation professionnelle, information sur les programmes de formation disponibles, évaluation des capacités de travail et des compétences, accès à des offres d'emploi, accès à des évaluations en neuropsychologie, évaluations et recommandations concernant l'accessibilité et l'adaptation du poste de travail, accès à diverses subventions, sensibilisation auprès d'employeurs, accès à des candidats présélectionnés, services offerts aux employeurs, suivi et maintien en emploi.

Alors, pour la loi-cadre, on va laisser la place à Walter.

M. Zelaya (Walter): Alors, c'est fort de cette expertise-là de l'association... Vous savez, c'est 58 ans. C'est parmi les plus anciens organismes communautaires au Québec. C'est une association qui n'a pas, malgré qu'elle se concentre à la défense des droits mais très ponctuelle, n'a pas, si vous voulez, une culture de revendication, une culture d'aller vraiment se présenter devant une commission, par exemple. Mais, quand nous avons reçu le projet de loi, les membres ont tout de suite réagi et ont considéré important de le faire.

Je tiens à vous dire que nous avions commencé à préparer un projet de loi beaucoup plus volumineux et on avait commencé à souligner quels articles nous dérangeaient. On avait parlé, entre autres, sur la question effectivement, qu'on a abordée tout à l'heure, des municipalités, donc l'article 1.3 finalement, qui effectivement nous dérange parce qu'on pense qu'il vient complètement éliminer... un peu éliminer le peu de teneur qu'avait cette loi-là. Mais, quand on a dit ça, ensuite nos membres nous ont dit: Non, on va aller de manière plus globale parce qu'il y a un malaise profond face à ce projet de loi qui nous est présenté. Pourquoi? Ça dépend de quelle perspective on le regarde.

n (15 h 20) n

Si nous regardons ce projet de loi comme étant un projet de loi qui veut seulement clarifier davantage le rôle de l'Office des personnes handicapées, eh bien, on dit: Bien oui, on pourrait dire que c'est un bon projet de loi. Mais, si on veut dire et on veut se vanter que c'est un projet de loi qui va faire avancer toute la question des droits des personnes handicapées et notamment des personnes blessées médullaires, qui va assurer l'exercice des droits des personnes, nous, on a dit: Ce n'est pas tout à fait un bon projet de loi. Pourquoi? Parce qu'il n'a pas d'assise solide.

Souvent, les groupes communautaires, on se fait critiquer parce qu'on arrive avec des grands principes philosophiques et rien de concret. Moi, je dirais: Ce projet de loi devant lequel on se trouve, on trouve que c'est ça. C'est la philosophie, c'est vraiment des voeux pieux. Tout est beau, tout est intéressant, mais, concrètement, je vous pose la question sincèrement: Croyez-vous que, dans cinq ans, si on s'assoit, la situation de Lise, la situation d'Éric se sera améliorée relativement? Croyez-vous qu'avec ce projet de loi que vous nous déposez les milliers de personnes qui attendent sept ans, neuf ans, dans le cadre du programme PAD pour avoir accès à un logement, se seront améliorées? Poser la question, c'est y répondre. Si les personnes qui reçoivent des cathéters et que, supposément, ce sont des cathéters qu'elles doivent utiliser et qu'elles doivent les réutiliser, même s'ils sont jetables, mais parce qu'elles n'ont pas les moyens parce qu'on ne leur donne pas les moyens, est-ce que cette situation-là se serait améliorée? Poser la question, c'est répondre.

Est-ce que l'accessibilité... Comme, aujourd'hui, on était juste à côté, à l'hôtel Hilton. Je vous raconte une petite histoire. On était en train de dîner, et là, tout à coup, il a besoin d'aller faire ses besoins, Éric. Pas de clé pour aller aux toilettes parce qu'il n'y a pas de préposé! Or, ma vessie, là, peut supporter, mais, lui, il ne peut pas supporter une heure, attendre. On est en 2004. Est-ce que, concrètement, le projet de loi, mesdames et messieurs, que vous nous présentez, sincèrement, au-delà des beaux discours, croyez-vous qu'il va améliorer cette situation-là?

Alors, à partir de là, on a dit: Non, on est désolés et on vous demande de prendre cette chance unique que vous avez. Vous avez une chance et vous avez la responsabilité, vous avez la possibilité et vous avez le devoir de faire en sorte que le cours des choses change. C'est votre responsabilité de le faire, vous avez le pouvoir, et ne venez pas me sortir avec des problèmes et des questions financières. Quand vous êtes cloué, comme je vois quotidiennement les collègues, à un fauteuil roulant et que de plus vous devez faire face à des préjugés, que de plus vous devez faire face à la discrimination, que de plus vous devez vous battre contre le système, que de plus vous devez cogner à l'Office des personnes handicapées qui vous dit: Oui, oui, on va vous répondre, on veut parler, et que finalement ça ne marche jamais et qu'on va dire: Bien, on va faire une étude, et que, cinq ans plus tard, on dépose une étude, que, parce qu'on a changé de gouvernement et parce qu'on a changé de ministre, elle se retrouve dans les tablettes, est-ce qu'on est plus avancés? Alors, voilà le fond de la question et la question fondamentale que nous voulions vous faire part aujourd'hui.

Alors, c'est bien beau que vous me sortiez des grandes théories, que vous me rameniez sur des questions financières et que vous me disiez: C'est l'utopie. Moi, je vais vous parler de l'utopie des 2 000 membres que j'ai, qui sont derrière nous, que nous consultons, et, je veux le dire, pour eux, ce n'est pas utopique, dans la situation dans laquelle ils se trouvent, dans un CHSLD, parce qu'ils ne peuvent pas avoir un logement adapté. Pour eux, ce n'est pas utopique de devoir attendre trois heures, à Montréal, pour avoir l'autobus, alors qu'une personne peut prendre, mettons, une demi-heure, parce que c'est vrai que le service, même pour tout le monde, le service n'est pas tout à fait approprié. Alors, quand on se trouve devant cette situation, je vais vous le dire, non, excusez-moi, mesdames et messieurs, pardonnez-moi si je vous insulte, mais ce n'est pas un bon projet de loi. Et ce n'est pas un projet de loi qui assure l'exercice des droits des personnes handicapées du tout. Alors, faire une commission pour se faire bonne conscience ou simplement pour respecter les normes pour adopter une loi, bien, entre vous et moi, ça ne fera pas avancer les personnes handicapées.

Alors, nous, on a conclu que nous ne sommes pas devant une loi qui va vraiment, véritablement assurer l'exercice des droits des personnes handicapées, mais nous sommes devant une loi qui au plus vise à assurer un organisme de rassurer le ministère de la Santé et des Services sociaux qu'il va s'assurer d'assurer le suivi, pour que le ministère Institutions s'assure de préparer, de rédiger et déposer des nouveaux, des beaux rapports à l'organisme en question, question de rassurer la population et le milieu associatif que les personnes ayant des limites fonctionnelles... afin que celles-ci ne fassent pas trop de critiques parce que rien n'a été fait dans le dossier des personnes handicapées, en attendant les prochaines élections. Et ça, c'est de part et d'autre.

Alors, je suis prêt, on est prêts à répondre à vos questions. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, M. Zelaya, messieurs dames, pour votre présence aujourd'hui et cette présentation, certainement éloquente, au sujet de vos revendications.

Je commencerais en disant que la situation des personnes para ou tétraplégiques m'est familière. Moi, dans ma profession antérieure, c'est une réalité à laquelle j'ai été confronté souvent, et j'ai souvent dit qu'une des choses les plus difficiles pour moi, dans ma carrière neurochirurgicale, plus que d'annoncer des maladies incurables ou des tumeurs, c'était d'entrer dans la chambre d'un jeune homme ou d'une jeune femme qui avait une lésion médullaire, à qui je devais annoncer que probablement la marche, pour lui ou pour elle, ne serait plus possible. Et là, comme vous l'avez bien et de façon très éloquente démontré, c'est des jeunes vies qui sont profondément modifiées en l'espace de quelques fractions de seconde, hein? Vous avez mentionné la question des plongeons en eau peu profonde. J'en profite pour rappeler à la population, dans un esprit de prévention, que c'est encore un des mécanismes les plus fréquents de lésion médullaire chaque été et qu'on a encore chaque année, au Québec, des lésions médullaires qui sont causées par ce mécanisme-là.

Revenons donc à ce projet de loi. Vous avez raison, ça fait longtemps que le milieu des personnes handicapées, et entre autres des para et tétraplégiques, attendent le dépôt d'un projet de loi. On sait que le projet de loi initial date d'environ 25 ans et n'avait pas la portée large qu'on veut lui donner. On sait qu'il y a eu des tentatives multiples, dans les dernières années, d'en arriver au point où on est rendus aujourd'hui. Et là au moins vous me permettrez de vous demander de nous reconnaître ce petit mérite de nous être rendus un peu plus loin que ce qui était possible ou ce qui avait été fait au cours des dernières années et également d'engager la discussion avec vous sur ce qu'il est souhaitable de faire et nécessaire de faire également quant au concept de ce qu'on appelle une loi-cadre.

Ce que je comprends de vous, c'est que vous dites qu'il s'agit, si je résumais vos propos en une phrase, d'un texte qui n'a qu'une portée symbolique, qui ne veut rien dire en pratique et qu'en pratique la vie des gens ne sera pas modifiée dans l'avenir. On a eu hier d'autres groupes, comme la Commission des droits, qui nous a dit une vision opposée, mais, vous-mêmes, vous êtes les personnes elles-mêmes qui sont touchées par la situation, alors j'accorde une grande importance à ce que vous nous dites là.

Cependant, je constate que le projet de loi tel qu'il est, avec les bonifications possibles qu'on veut y apporter, puis on est là pour ça, pour l'améliorer, ce projet de loi là, présente tous les éléments d'une loi-cadre. Ce qu'on appelle un loi-cadre, c'est une loi qui s'applique à l'ensemble des ministères et organismes, dans laquelle il y a des clauses de vérification. La clause d'impact, qui est si importante pour le milieu associatif des personnes handicapées, s'y retrouve, alors que c'était une demande fondamentale qui a suivi, entre autres, le dépôt du projet de loi précédent, la loi n° 155.

Il y a plusieurs éléments qui ont un caractère d'obligation, dans le projet de loi, et non pas de voeu, d'obligation réelle. Vous avez entendu tantôt la question des municipalités, qui s'inquiètent un peu de l'obligation qui leur est faite de présenter un plan d'action précis sur l'accessibilité aux services dans leurs municipalités, si elles ont plus de 20 000 habitants, et même ça, ça leur semble beaucoup. Alors, vous voyez qu'on insiste sur le fait qu'elles doivent le faire. Le transport adapté, c'est la même chose. La stratégie d'adaptation de la main-d'oeuvre ou de l'accès au travail comporte des cibles de résultat qui sont très clairement indiquées pour le ministre du Travail.

Il y a la question des approvisionnements, des moyens pris effectivement pour améliorer les services. Et là il me semble, là, qu'il y a une gamme d'actions, de dispositions, dans le projet de loi, qui, en ce qui me concerne, vont beaucoup plus loin que des voeux pieux ou de la philosophie. Il y a des choses très concrètes et très pratiques qui vont sortir de là, notamment pour ce qui a trait aux immeubles. Et je suis d'accord qu'il faut certainement bonifier, on est là pour bonifier les choses puis améliorer, mais il ne faut pas non plus, à mon avis, faire table rase de ce qui est sur la table qui a une certaine valeur, surtout si on la compare à ce qui existait auparavant, où effectivement on n'avait qu'un ensemble de voeux pieux.

Vous avez mentionné l'OPHQ. Ce n'est pas le projet de loi de l'OPHQ. C'est un projet de loi qui vise à assurer l'exercice des droits des personnes handicapées, et l'OPHQ est le véhicule qui devient l'instance de vigie, là, de surveillance transversale du gouvernement qui vient faciliter l'exercice de ces droits-là et non pas une simple organisation administrative.

Alors, pour ces raisons-là, il me semble qu'effectivement, bien que des améliorations soient possibles, qu'il y a certains points positifs, vous me permettrez humblement de vous le suggérer, dans ce projet de loi là. Et ce que je voudrais savoir de vous, c'est: Est-ce que vous reconnaissez qu'il existe certains points positifs ou que l'ensemble de l'oeuvre finalement est à mettre de côté?

n (15 h 30) n

M. Zelaya (Walter): Il y a des points positifs. Le point le plus important de ce projet de loi, c'est la possibilité de nous faire entendre, parce que sinon vous ne nous écoutez pas.

Je vous donne un exemple. Je vous ai apporté ma revue Paraquad, chacun pour vous autres. Il y a trois mois, je vous ai envoyé, à chacun de vous, à 125 députés, une copie en vous invitant: Ça coûte 25 $ pour s'abonner, pour avoir cette revue-là, et abonnez-vous. Écoutez, 125, les députés, ministres sont extrêmement occupés, ils n'ont pas le temps de ça, de s'en occuper, de lire. Mais, moi, je me dis, je me donne comme objectif: 5 % vont s'abonner. Au moins, le ministre de la Santé, Services sociaux, au moins la critique du Parti québécois sur la question des personnes handicapées. Notre revue, ce n'est pas une revue, ce n'est pas une feuille, là, qu'on échange, c'est du contenu qui est apprécié par les centres de réadaptation, dans laquelle on passe une information et qui est faite par et pour les membres. Combien pensez-vous qui se sont abonnés à notre revue? Une personne, un député, M. Marcoux, alors ministre du Transport, j'imagine parce qu'il est sensible, parce qu'il me connaît et parce qu'il est le ministre responsable de la SAAQ. Alors, les autres...

Alors, c'est ça, si vous voulez, le point le plus positif que je vois dans le projet de loi, c'est le fait qu'on se fait entendre et qu'on vient vous dire ce qu'exactement vivent les personnes concrètement, qu'est-ce qu'elle vivent concrètement. Évidemment, tout le langage qui est là, on est tout à fait d'accord. L'actualisation de la loi, je tiens à vous dire: Oui, on est d'accord. Donc, voilà. Mais elles sont où, les mesures dont on parle? Elles sont où ces mesures-là, concrètement, qui vont m'assurer le droit de ces personnes-là? Je ne les vois pas nulle part. Ce que je vois, c'est des rapports que l'office va demander à des ministères probablement, qu'ils vont remettre, qui auront, je pense, trois mois pour remettre un rapport. Et que tout à l'heure le ministre de la Santé et des Services sociaux va pouvoir demander un rapport pour voir où est-ce qu'on est rendus, et qu'on va avoir obligation de le déposer à l'Assemblée nationale.

Est-ce que rédiger des rapports... est-ce que faire des rapports, est-ce que tous les rapports qu'on fait, ça change le cours des gens, la situation des gens, des personnes handicapées? Je ne pense pas. Je pense que, depuis qu'on a adopté la Charte, au Québec, depuis qu'on a une loi, on a assez de rapports. Demandez au président de l'Office des personnes handicapées combien de rapports il a été produit par l'office, depuis sa création, depuis 25 ans. Ce n'est pas de rapports qu'il nous manque. Ce qu'il nous manque, c'est l'action, et c'est ça qu'on ne trouve pas ici. C'est ça qu'il nous manque.

Ils sont où finalement... Où, toute la question de l'accès universel? Je ne la trouve pas ici, nulle part. Je ne trouve pas où, l'obligation finalement, pour des gens, d'embaucher des personnes handicapées. Vous allez bien me dire: Mais, écoutez, maintenant les personnes handicapées vont pouvoir faire finalement... pour l'accès à l'égalité puis, voilà, une personne va pouvoir juger... Voyons, on a l'expérience des immigrants. J'en suis un. Est-ce que le fait d'avoir eu cette question-là, ça a changé quelque chose qu'on ait plus des immigrants à la fonction publique? La réponse est non, tout simplement.

Alors, on ajoute des voeux pieux, si vous voulez. Alors, c'est juste... Alors, ce que ça nous prenait, c'est que tout de suite ? et c'est ça que, nous, on dit ? on adopte dans la loi... on dise: Voilà, nous, on va prendre la politique À part... égale. On a 15 recommandations, si je me souviens bien, puis on va les actualiser puis on va travailler. Là, on a l'exemple finalement de dire: Le gouvernement est proactif, veut vraiment améliorer notre sort. Voilà. Ça, on pourrait...

Là, le fait de dire: Bien oui, on va donner cette responsabilité au premier ministre... M. Couillard, pas parce que je ne vous apprécie pas et pas parce que je voudrais seulement avoir M. Charest pour qu'il s'occupe de nos dossiers. Ce n'est pas une question personnelle. Dit en passant, je considère que vous êtes le ministre parmi les plus intéressants de ce cabinet-là, alors... Mais ça devrait être une responsabilité du premier ministre. Pourquoi? Parce qu'on veut que ce soit véritablement transversal, parce qu'on veut que véritablement tous les ministères soient redevables. On ne veut pas ce qui se fait actuellement. Qu'est-ce que ça va faire que l'office, qui n'a même pas de moyens... Ils ont tellement fait de coupures, dernièrement, à l'office, finalement... C'est des compressions. Quand on appelle à l'office, finalement, c'est des boîtes parce qu'ils ont fait des coupures, finalement, c'est des boîtes vocales. Alors, vous comprenez que, quand on est quadraplégique puis qu'on réussit à avoir une personne qui va signaler le numéro de téléphone, il ne peut pas être trois heures, là, à attendre une réponse.

Alors, c'est des choses très concrètes, très terre à terre, et on aurait eu besoin... Un peu d'espoir pour les gens, ça aurait été que vous nous arriviez avec ça, avec ça. Je vais aussi donner la parole à Éric, parce que, lui, il peut nous illustrer de manière concrète quelques situations.

Le Président (M. Copeman): Alors, c'est moi qui donne la parole à M. Lavoie.

M. Zelaya (Walter): Excusez, M. le Président.

M. Lavoie (Éric): C'est ça. Moi, en étant sur le terrain aussi, c'est qu'on a des problématiques, là. Un exemple, là, c'est en collaboration avec l'organisme Ex aequo. Vous êtes sûrement au courant. Le ministère de la Santé avait dit: Oui... Ça, c'est au 8 mars dernier. Il avait dit: Oui, on va avoir une hausse pour les chèques emploi pour les personnes qui sont... pas bénévoles, mais qui donnent des soins à un blessé médullaire, à une personne qui a une limitation fonctionnelle. Le ministère avait dit: Oui, au mois de mars, vous allez avoir une hausse qui va être majeure. Puis après ça, un coup qu'on n'est plus à la table, là, le 30 juillet, Ex aequo reçoit une lettre, il a reçu la lettre, signée de Normand Lauzon, qui dit: Non, il n'y en aura pas, de hausse. Puis, une couple de mois avant, il dit: Oui, vous allez en avoir une bonne, hausse. Nous, on... Ex aequo demandait, en collaboration avec l'Association des paraplégiques, que le taux horaire soit monté à 12,67 $ parce que ce n'est plus juste des petites tâches, là, que les personnes donnent aux blessés médullaires. Les blessés médullaires, c'est vraiment complexe, les soins. Ce n'est pas juste aller aider le blessé médullaire à faire du ménage dans la maison, là, ce n'est pas ça. Un blessé médullaire, il a besoin des soins qui sont personnels à lui. Exemple, les curages des cathéters, faire des cathétérismes le matin, lever le patient de son lit. Un préposé, c'est les jambes et les bras de certains blessés médullaires.

Ça fait que c'est important que ces personnes-là soient rémunérées en conséquence parce que là on a un problème, les personnes ne sont pas rémunérées en conséquence, et que là il y a un roulement, les blessés ont de la misère à avoir des préposés adéquats. Aussitôt que le préposé a une autre offre, plus alléchante, parce que le salaire n'est pas assez élevé... Il faut donner le 12,67 $ pour les préposés. Puis ça, c'est depuis 1996, en collaboration avec l'OPHQ, le ministère de la Santé, même Pauline Marois. Quand elle était en poste, en 2000, elle avait eu une cassette vidéo de la problématique. Ça fait que, moi, je pense que, sur ce point-là, c'est assez, là... ça serait bien, là, que, d'ici aux Fêtes... Si on serait capables de régler ce sujet-là, ce serait bien.

Il y a d'autres sujets que justement... L'Office des personnes handicapées a beaucoup... vous donnez beaucoup de pouvoirs à l'Office des personnes handicapées, mais ont-ils le pouvoir et le vouloir de le faire?

Encore, les chiens d'assistance, c'est un nouveau dossier que, moi, j'ai lu, mais en réalité... C'est un nouveau dossier que, moi, j'ai pris connaissance, mais c'est un dossier, depuis 1998, que l'OPHQ, puis en collaboration avec des blessés médullaires, l'Association des paraplégiques, demande que les chiens d'assistance... Chien d'assistance pour chien d'assistance, un chien d'assistance de personne handicapée ou chien d'assistance de personne aveugle, pourquoi que les personnes aveugles ont un 760 $ de l'assurance maladie pour un chien d'assistance pour soins vétérinaires, etc.? Le chien pour les blessés médullaires a le même travail. Moi, je connais un quadraplégique qui a un chien d'assistance puis qui a un fauteuil roulant manuel. S'il n'avait pas de chien d'assistance, ce serait un fauteuil roulant électrique. Ça fait qu'un fauteuil roulant électrique, c'est des déboursés qui sont beaucoup plus énormes.

Pour un autre sujet aussi, il y aurait le système d'indemnisation universel qu'en gros, là, l'Office des personnes handicapées a regardé, étudié, regardé depuis plusieurs années. Regardez, moi, juste pour vous faire une histoire courte, là, quelqu'un sur l'assurance automobile a un accident. Il va avoir son salaire à vie, les adaptations de véhicules, des fauteuils roulants. Moi, j'ai eu un accident à 19 ans, un accident de plongeon de piscine, dans une piscine résidentielle. J'avais 19 ans, j'étais à mon compte, je voulais, puis je travaillais fort, puis, regardez, le système m'a pénalisé. Je n'avais pas le droit à la rente d'invalidité parce que je n'avais pas cotisé deux ans, de l'âge de 18 ans. La seule chose que j'avais droit, c'est... excusez, c'est l'aide sociale. Quand j'ai été au centre de réadaptation, ils ont dit: M. Lavoie, la seule chose que vous avez le droit, c'est l'aide sociale pour le restant de vos jours. Moi, je n'ai pas eu le choix, j'étais à mon compte, je n'avais pas d'assurance. J'ai été à l'aide sociale une couple d'années, le temps de faire le deuil de l'accident, passer à d'autre chose, me réintégrer dans la société. Puis encore là j'étais traité, entre parenthèses, là, comme un voleur, comme un criminel parce que je n'avais pas le droit d'avoir de l'argent dans mon compte de banque. Et, à un moment donné, mon père, il avait voulu m'acheter un VTT. Il l'avait mis à mon nom. Là, l'aide sociale, ils ont dit: Oh boy! Un VTT à son nom! Tu ôtes ça, tu n'as pas le droit d'avoir un VTT à ton nom. Parce qu'ils coupent ton chèque d'aide sociale. Nous, on n'a pas à vivre ça, toutes ces problématiques-là par le système, là, qu'on n'est pas... Moi, je n'étais pas apte au travail parce que, là, j'avais eu tout un traumatisme puis c'était une étape difficile à passer. Ça, c'en est un autre, sujet.

n (15 h 40) n

Et puis là aussi... Il faut aller aussi plus loin que, oui, il y a le droit des handicapés, avoir les programmes adéquats pour ces personnes-là, mais il faut miser aussi dans la prévention. C'est ça que je mise fort, moi, depuis un bon deux ans, à travailler fort. Parce que, moi, justement je me suis blessé dans une piscine résidentielle. Il n'y a aucun règlement ou norme adéquate pour les 72 000 piscines creusées résidentielles puis il y a un règlement ici, au Québec, pour 2 190 bains publics. C'est un non-sens. Tremplin pour tremplin, il ne devrait pas y avoir de différence de profondeur dans l'eau. Tout ça fait que des personnes se blessent, qui sont tétraplégiques, quadraplégiques, paraplégiques pour le restant de leurs jours. C'est quoi, faire une norme, là?

Pour partir l'étude de faisabilité, ça prenait 30 000 $. J'ai été solliciter les organismes, j'ai sollicité le Secrétariat des loisirs et des sports. Récemment, j'ai secrété... excusez, j'ai sollicité justement votre ministère, puis là j'ai su en exclusivité qu'il y aurait une somme pour le Bureau de normalisation. C'est important de miser aussi dans la prévention des blessures médullaires parce que les coûts sont quand même minimes à comparer à ce qu'un blessé va coûter à la société pour le restant de leurs jours. Moi, je suis pris en fauteuil roulant.

Justement, en parlant de fauteuil roulant, l'assurance maladie, depuis plusieurs années... Nous, en tant que blessés médullaires, on sait qu'est-ce qu'on a besoin puis on devrait plus être sur les tables aussi avec l'assurance maladie. Parce que l'assurance maladie, en ce moment, nous offre des fauteuils rigides pour nous, les blessés médullaires, qui sont désuets, qui sont pesants, qui ne sont pas à la fine pointe de la technologie, puis tout ça, ça engendre que les blessés médullaires, là, sont confrontés justement à des douleurs, des douleurs, des médications, etc. Ça fait que... Les fauteuils se font plus légers, plus performants. Il faut donner tous ces outils-là aux blessés pour qu'ils aient une bonne qualité de vie.

Puis en gros c'était... Je passe la parole à...

Mme Vachon (Lise): Juste rajouter... Des fois, on se demande... M. le Président, je demande la parole.

Le Président (M. Copeman): Allez-y.

Mme Vachon (Lise): Juste pour rajouter... son idée... Parce que souvent on se demande qu'est-ce que ça coûte. L'assurance maladie se demande qu'est-ce que ça va coûter de changer sa flotte de fauteuils roulants pour introduire des fauteuils plus légers. Mais la question que je me pose, moi, c'est: Qu'est-ce que ça coûte de ne pas le faire?

Parce que, moi, présentement, je travaille 35 heures semaine, je m'occupe de mon foyer, je suis complètement fonctionnelle, mais j'ai un fauteuil très lourd pour le poids que j'ai, donc j'ai toujours mal dans les épaules, dans le cou. Ça ne paraît pas, ce n'est pas quelque chose qui est visible. Mais, du jour au lendemain, je peux être confinée à arrêter de travailler parce que j'ai des tendinites chroniques, et puis on va devoir me payer un fauteuil électrique qui ne sera pas fonctionnel, qui va m'handicaper lourdement, et puis je ne serai plus capable de travailler.

Alors là qu'est-ce que ça va avoir coûté? Moi, c'est toujours la question que je me pose: Qu'est-ce que ça coûte de ne pas faire les choses? On a des spécialistes qui vont étudier la question pour dire qu'est-ce que ça coûte, faire les choses, mais on n'a jamais le contraire, puis ça, ce serait très intéressant d'avoir le contraire. Moi, j'ai hâte du jour où il va y avoir une commission de nommée qui nous dise qu'est-ce que ça coûte, de ne pas faire les choses.

Le Président (M. Copeman): Il reste une minute, M. le ministre.

M. Couillard: Oui. Merci. Ça a été des points concrets très importants, monsieur et madame, que vous avez apportés là. Évidemment, tout ça fait partie des réflexions qu'on doit tous faire quand on a la responsabilité de gérer les fonds publics, hein? Ce n'est pas simple, mais on assume cette responsabilité-là puis on fait les choix, autant nos prédécesseurs qu'actuellement, on fait les choix en essayant de faire le mieux pour les gens qu'on sert.

Puis je pense que... Il y a eu quelques allusions à l'OPHQ. Moi, il y a une chose dont je veux vous témoigner. C'est que les gens qui travaillent à l'OPHQ sont là, profondément motivés par le désir d'aider les gens pour lesquels ils travaillent. Je pense qu'il ne faut pas peut-être laisser l'impression aux gens qui nous écoutent que c'est des gens qui n'ont pas cet objectif également. On veut également bonifier donc cette organisation en incluant des personnes handicapées elles-mêmes dans son conseil d'administration avec un nombre défini.

Je vais revenir, parce qu'il reste peu de temps pour mon intervention, avec un point que M. Zelaya a mentionné et qui m'apparaît un point qui est fondamental parce qu'il est commun à toutes les actions gouvernementales qu'on veut faire lorsqu'on a des choses à corriger dans notre société. Et puis je comprends le cri que vous nous lancez: C'est qu'assez de rapports, passons à l'action. Après quelques années, moi également, dans plusieurs types d'organisations, en ayant à faire face à plusieurs problèmes, je me suis rendu compte que ce type de solution en général est faussement attrayant. C'est-à-dire que, oui, passons à l'action, puis là on a des gens qui partent à gauche, à droite, au milieu, en arrière, puis finalement on se ramasse avec pas grand-chose qui est amélioré.

Je pense qu'il faut... Et puis évidemment on ne veut pas créer l'impression que tout ce qu'on veut c'est empiler des rapports un par-dessus l'autre, mais tant qu'on n'a pas une évaluation correcte des besoins et surtout des cibles qu'on se fixe, si on parle, dans des entreprises, d'amélioration ou de rehaussement d'accessibilité puis certains services, je sais que ces rapports-là existent déjà, mais, dans certains organismes et ministères, ils n'existent pas du tout, dans certaines municipalités non plus. Il faut que cette municipalité précise, à cet endroit, nous dise qu'est-ce qu'elle peut faire et qu'est-ce qu'elle veut faire d'ici tel délai pour améliorer l'accessibilité aux services. Même chose pour tous les ministères du gouvernement.

Et on parle de la clause d'impact en disant ça. On parle de cette innovation qui est demandée par le milieu associatif depuis des années, qui est la clause d'impact qui est présente dans ce projet de loi là et qui fait en sorte qu'on a là un mécanisme qui est de niveau supérieur, en termes d'action, à ce qui existe pour d'autres groupes de la société. Je vous donne un exemple, par exemple, pour les jeunes et les femmes.

Dans tout mémoire au Conseil des ministres, il y a une ligne quelque part qui dit: Bien, ce projet de loi n'a pas d'impact ou a un impact sur les jeunes ou les femmes, et ça s'arrête là. La clause d'impact va encore beaucoup plus loin que ça. Elle est au niveau de ce qui existe en santé publique, par exemple, qui me demande, comme ministre de la Santé, d'intervenir s'il y a une action d'un autre ministère qui met en jeu la santé publique des gens. Donc, c'est un niveau supérieur d'intervention de toutes les actions gouvernementales qui n'existe pas actuellement et qui, en passant, n'existe nulle part ailleurs au Canada, hein? C'est très rare qu'on a fait ça.

Alors, je pense qu'on a là un point de départ. Mais, vous avez raison, on veut voir en bout de ligne les actions concrètes qui vont en découler. Mais le point de mon intervention, M. Zelaya, messieurs dames, c'est de vous dire que, si on ne fait pas d'abord cet exercice d'examen rapide le plus efficace possible et de fixation de buts concrets, on n'arrivera à rien. On aura l'impression, oui, qu'on a fait des actions et que tout le monde est passé à l'action, comme vous dites, mais où seront les résultats dans un an, deux ans, cinq ans d'ici? Je vous retourne la question.

Moi, je pense qu'on a plus de chances d'avoir des résultats concrets, dans des choses pratiques comme celles que vous avez mentionnées, si on procède de cette façon-là. C'est peut-être un peu démodé de ma part de dire ça, mais je suis passé par un peu toutes les phases, dans ma vie professionnelle, puis j'en suis venu à cette conclusion-là que, si on veut vraiment aider les gens qu'on doit servir, il faut procéder de façon ordonnée et méthodique.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le ministre. Mme la députée de Duplessis et porte-parole de l'opposition officielle en matière des services sociaux.

Mme Richard (Duplessis): Merci, M. le Président. Mme Vachon, M. Lavoie, M. Zelaya, vos propos étaient fort éloquents. Je pense que vous avez, dans un court laps de temps, su nous démontrer quelle pouvait être la vie d'une personne ayant des limitations fonctionnelles. Je dois vous dire que je pense que tout ceci, moi en tout cas, personnellement... Je vais parler pour moi, mais je pense que c'est l'ensemble des collègues qui sont sensibles aux problématiques que vous pouvez vivre à chaque jour. Se le faire rappeler de cette façon-là, je vous dirais que ça nous interpelle tous. Et vous aviez de grandes attentes face à ce projet de loi là, je le comprends très bien. Vous nous l'avez dit, vous êtes tannés. C'est des rapports par-dessus rapports et ce que vous constatez, c'est que ça n'améliore en rien vos conditions de vie.

À l'article 16... Parce que, moi, je voulais vous demander de nous donner une piste de solution où, selon vous... Parce que vous nous avez dit même que vous pourriez nous en parler longuement, puis, je suis sûre, vous avez toute une expertise dans le domaine. À l'article 16, on parle de classification uniforme, et ça, je vous dirais que j'ai rencontré des groupes, on en a fait mention souvent. La plupart du temps, ce n'est pas tous les mêmes critères. Quel serait, d'après vous, le meilleur modèle pour faire en sorte d'arrimer tout ça pour une compensation équitable et acceptable? Comment vous verreriez ça?

Le Président (M. Copeman): M. Zelaya.

M. Zelaya (Walter): La compensation équitable... Vous parlez en termes financiers en général?

Mme Richard (Duplessis): Oui, parce qu'on sait que, bon...

n (15 h 50) n

M. Zelaya (Walter): Oui, c'est ça. Bien, je pense que le rapport que l'Office des personnes handicapées a fait est très intéressant. Évidemment, on aimerait que ce soit universel. Alors, étant travaillant avec le monde associatif... Mais tout de suite je vais vous voir, gestionnaires, me dire: Ce n'est pas possible de faire ça, d'avoir cette compensation universelle. Mais je pense que ça vaut la peine de le discuter. Je pense que ça vaut la peine de discuter cette avenue-là parce que, sinon, il y a une question fondamentale de l'égalité des chances. Deux personnes ont un accident, ils se blessent la moelle épinière. Une personne est assurée par la SAAQ, tout va aller relativement bien. L'autre personne, c'est un plongeon qu'il fait, puis finalement il n'a absolument rien. Alors, c'est complètement injustifié et là... Voilà.

Ceci étant dit, nous croyons que le service donné par la SAAQ doit rester, mais nous pouvons rapatrier différentes mesures, différentes mesures que nous avons déjà, mettons la question d'actes criminelles quand on a des différentes allocations qu'on devrait... qu'on a déjà, et pouvoir mettre tout ça ensemble, et ensuite voir comment on bonifie pour que ces personnes-là puissent avoir finalement beaucoup plus, un peu plus que ce qu'ils reçoivent actuellement, que c'est l'aide sociale. Je pense que là-dessus on a deux mesures, deux voies que ça vaut la peine de s'arrêter et pouvoir les étudier plus en détail.

Mme Richard (Duplessis): Merci. Pourriez-vous me parler un petit peu plus de l'obligation d'accommodement?

M. Zelaya (Walter): Oui. Je pense que c'est important, dans une société, de nous dire que, si on veut véritablement parler de droits égaux entre les autres, qu'on commence à rentrer dans l'esprit de tout le monde, et commençons finalement par le gouvernement, commençons par les institutions gouvernementales, de s'assurer, si on veut que véritablement les personnes soient égales, que tout le monde puisse avoir accès finalement à ces services-là et que ne soit pas nécessairement... que ce soit obligatoire.

Donc, ici, dans le projet de loi, quand on nous parle que ça va être possible, bien on est comme... voyez, si c'est surtout avec ce qu'on dit là-dessus, que c'est selon les ressources humaines, selon les ressources financières, ça n'a pas de bon sens. Tout le monde va dire: On n'a pas d'argent. Vous allez aller au ministère de la Santé, et puis finalement M. Couillard va dire: De notre autre côté, bien on n'a plus les ressources. Alors, non, ça va être important qu'on se dise: Comme société, est-ce qu'on accepte que 15 % de la population n'ait pas le même accès, n'ait pas la même chance, égalité? Alors, je pense que c'est une question de principe, c'est une question fondamentale.

Je pense que, si vous regardez à travers la société québécoise, c'est une société qui a avancé énormément et, quand elle a avancé, c'était pourquoi? Parce qu'on a été capables d'aller au-delà de finalement des obstacles que certaines idéologies, que certaines visions très étroites voulaient nous imposer. Et ça, les différents partis qui ont été au pouvoir ont contribué énormément justement à faire avancer... parce qu'on a été capables de regarder finalement, avant tout, le résultat et l'impact à long terme.

Alors, je pense qu'il va falloir qu'on revienne sur cette question-là et la responsabilité que nous avons, vous, le gouvernement, nous, comme association ? le milieu associatif a aussi des devoirs ? mais aussi la population en général, de rappeler à ses devoirs, finalement, face à ses concitoyens qui vivent des situations et des problématiques. Alors, on ne peut pas faire abstraction, en parlant de ces questions-là, de l'aspect de la solidarité sociale, de la responsabilité collective.

Mme Richard (Duplessis): Une dernière question, M. le Président...

Le Président (M. Copeman): Allez-y, Mme la députée.

Mme Richard (Duplessis): ...puis je vais laisser la chance à mon collègue. Tantôt, vous avez fait mention donc que ? je pense que c'est M. Lavoie ? quand vous appeliez à l'OPHQ, c'était difficile. Souvent, c'était un répondeur. Est-ce que...

Une voix: ...

Mme Richard (Duplessis): Oui, ou c'est M. Zelaya. Est-ce que vos membres vous rapportent des effets négatifs? Parce qu'on le sait qu'il y a eu des coupures à l'OPHQ, au niveau des bureaux régionaux. Maintenant, ce n'est plus une personne qui nous parle, c'est une boîte vocale, on est transférés. Est-ce que ça a créé beaucoup de problématiques chez vos membres, chez vous?

M. Zelaya (Walter): Ah oui, c'est sûr que ça a créé des problèmes. Nous considérons que... Parce que même la loi, c'est ça, elle vient... Nous, on n'est pas pour le statu quo tel qu'il est là. On a l'impression qu'on vient renforcer l'office, mais de plus on en parle mais on ne lui donne même pas les moyens pour s'assurer ça. Alors, c'est complètement ridicule. Puis effectivement je suis persuadé que tout le monde à l'Office des personnes handicapées, s'ils travaillent là, ils ne le font pas juste pour une job mais ils le font par vocation également. Alors, là n'est pas la question des personnes qui travaillent là. La question, c'est finalement que vous êtes en train de créer, avec cette loi-là, un tampon entre le gouvernement puis la société civile, simplement pour se déresponsabiliser et finalement pour passer de rapport en rapport. Et, pendant ce temps-là, on n'avance pas.

Alors, quand on disait: C'est l'inverse qui doit se produire, au contraire, chaque ministère doit avoir la responsabilité de fournir, et là l'office est un vrai chien de garde pour vérifier. Mais là j'ai l'impression qu'il est un chien de poche finalement dans ce qu'on propose. Alors là... est là, le problème.

L'autre élément important, c'est que, pour nous, l'office est un acteur important, mais ce n'est pas l'acteur incontournable non plus. Chaque ministère doit devenir un acteur incontournable, mais vous ne croyez pas que c'est utopique quand vous nous dites: Dans chaque ministère, on va nommer une personne? Aïe, on a parlé juste de coupures jusqu'à maintenant, dans tous les ministères. Quelle personne va s'intéresser avec ça? Soyons réalistes.

Mme Richard (Duplessis): Merci. Je vais céder la parole à mon collègue.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Joliette.

M. Valois: Merci, M. le Président. Alors, bien d'abord bonjour à Mme Vachon, M. Zelaya, M. Lavoie. Merci beaucoup pour votre présentation. Lorsque je dis: Merci beaucoup pour votre présentation, c'est qu'à la lecture du mémoire, si on n'avait pas eu cette présentation-là, il y aurait quelques éléments qui auraient pu nous manquer aussi. Alors, merci bien, là, d'être allés un petit peu plus loin que ce que le mémoire nous donnait, tout en nous l'expliquant, justement, là, les raisons de cela.

Vous dire aussi que, tout comme le ministre, j'ai eu à travailler, moi aussi, avec des personnes ayant, bien, des limitations fonctionnelles, non pas comme neurochirurgien, là, mais bien comme préposé aux bénéficiaires. Ça a été un emploi que j'ai eu, là, pendant six ans pour essentiellement payer mes études, là. Et puis j'ai eu à côtoyer beaucoup de personnes et évidemment discuter avec ces personnes-là. Parce que c'est un travail très humain, hein? Ce n'est pas juste un travail de... on n'est pas juste les bras et les jambes de ces personnes-là, lorsqu'on les déplace, on est beaucoup plus que ça lorsqu'on est préposé, vous en convenez très bien.

Mais quand même, ça faisait quand même un petit bout, là, que je n'avais pas mis les pieds dans un hôpital, du moins pour y travailler, puis je suis bien heureux, là, bien, que votre présentation finalement nous donne une bonne indication de ce que vous vivez, et tout ça. Je pense que, ça, ma collègue de Duplessis l'a dit aussi, là, on l'a bien senti jusqu'ici et ça s'est rendu jusqu'ici. On comprend, de la part de vous trois, jusqu'à un certain point, ce que vous vivez, en termes, là, de désolation mais aussi de frustration, et on le sent très bien.

Au-delà de ça, on a quand même un projet de loi devant nous, avec lequel il faut travailler, avec lequel le ministre ne cesse de nous dire qu'il veut le bonifier, et c'est pour ça qu'on veut discuter avec vous, là. Vous parlez beaucoup, à l'intérieur de votre mémoire, de symbolique et d'aspect symbolique de ce qui est déposé, même que c'est à deux reprises, et vous venez un peu... La conclusion de vos réflexions sur ce qu'il y a de symbolique qui est déposé repose aussi sur l'obligation d'accommodement que vous avez mise en parallèle avec évidemment la clause limitative. Si le projet de loi était modifié, en termes d'obligation d'accommodement, et que la clause limitative était revue pour bien la baliser ou pour carrément l'abroger, est-ce que, là, on pourrait penser qu'on a un projet de loi qui, pour vous, là, déjà... on aurait une base intéressante?

M. Zelaya (Walter): Je pense qu'on ferait un pas en avant effectivement, mais il faudrait absolument aller plus loin que ça. Il faudrait effectivement... Tantôt, je parlais de l'article... C'est ça, on ne voudrait pas tomber dans le piège de rentrer dans les détails des... pour améliorer ce projet de loi, mais, bon, je vais vous faire part tout de suite que le 1.3, par exemple, effectivement on est complètement en désaccord. Puis si vous vous obstinez à garder ce projet de loi tel quel, bien au moins éliminez ça, parce que vous venez complètement d'éliminer finalement le peu de portée que cette partie-là peut avoir, de la loi... alors, en disant qu'en tenant compte des ressources humaines, matérielles, financières dont elle dispose. Je pense que là-dessus il faudrait tenir compte...

n (16 heures) n

Quand vous demandez des plans d'action aux municipalités, c'est quels plans d'action? Sur quoi vous vous basez pour demander des plans d'action? Quoi? N'importe qui, n'importe quel ministère... Je peux vous faire un plan d'action tout de suite. Ils sont où, les critères, les éléments, finalement? Une fois qu'on a déposé... Une fois qu'on est arrivé, cinq ans plus tard, là, puis qu'on s'est rendu compte qu'aucun ministère n'a respecté ce qu'ils devaient respecter, qu'est-ce qui arrive avec ça? Qu'est-ce qu'on fait avec ça? O.K.? Une fois qu'on aura demandé c'est où, alors il faudrait... Quand on parle qu'on se serait retrouvé avec 15 000 $ d'amende, des gens qui ont contrevenu, finalement, vous ne vous trouverez pas avec 15 000 $ au Conseil du trésor, de plus, mais est-ce que ça aurait une amélioration des personnes handicapées?

Alors, vous voyez un peu le ridicule finalement, quand on est en train de parler de cette... quand on est en train de parler finalement des obligations, finalement, des gens qui ne respectent pas la loi. Alors, si vous voulez au moins donner un peu plus de teneur puis dire: Bien, c'est défendable auprès des personnes handicapées, des véritables personnes handicapées qui vivent ça, bien commençons par ces éléments-là, à mon avis, qui doivent complètement être améliorés puis changés. S'assurer finalement que, quand on va le demander, on a des exigences, donc on a des exigences de résultat. Donc, c'est ça qu'on demande à des ministères effectivement: On veut des résultats concrètement. Qu'est-ce qui arrive, finalement, si on ne respecte pas?

Je vous signale seulement que... Et vous allez pouvoir me dire: Bien, la façon coercitive, ça n'aide pas, finalement, ça n'aide pas. Je tiens à vous répéter que, si actuellement on a un soi-disant système de santé publique au Canada, c'est parce qu'on a des exigences, hein? Sinon, vous comprendrez qu'en Alberta on aurait déjà juste un système privé complètement. Alors, des fois, c'est important de mettre, à mon avis, des exigences et des obligations. D'autant plus, et à mon avis, les ministères doivent donner l'exemple, finalement. Alors, il ne suffit pas juste de dire qu'est-ce qu'ils vont faire, mais dire: Voilà le résultat et qu'est-ce qui arrive concrètement.

Et l'autre chose qui nous inquiète, c'est juste de mettre l'office comme seul responsable et comme seul... même quand on parle de la question du travail. Regardez: vous donnez le pouvoir; qui va discuter de ça? C'est les syndicats et les patrons. Elles sont où, les personnes handicapées? Vous savez comment ça se passe. Et je n'ai rien contre le milieu syndical; un peu moins de proximité avec le milieu patronal. Mais, ceci étant dit, les syndicats et les patrons vont se mettre... Voyons! Nous, depuis 58 ans qu'on existe, on a un service d'employabilité. Croyez-vous qu'on n'a pas l'expertise, que ce n'est pas ces personnes-là qui sont le mieux placées pour aller voir? On ne les voit pas nulle part dans le projet de loi.

Alors, je pense que, ça, ce sont des éléments. Il faut absolument mettre au coeur du projet les personnes handicapées. Et j'espère que vous allez tenir compte de ces témoignages-là. Sachez que, même si, oui, on a des grandes frustrations, on a des attentes, puis j'espère que vous allez livrer la marchandise. Et ça, c'est à tous les membres de la commission. Alors, de manière attentive, les membres à travers le Québec vont suivre, et ? ils savent déjà, par Internet on communique avec eux et on va pouvoir transmettre vos... ? on va pouvoir suivre de près finalement qu'est-ce que vous allez déposer.

Le Président (M. Copeman): Alors, M. Zelaya, Mme Vachon, M. Lavoie, merci, au nom de l'Association des paraplégiques du Québec, d'avoir participé à cette commission parlementaire.

J'invite les représentants du Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre pour personnes handicapées de prendre place à la table, et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 4)

 

(Reprise à 16 h 10)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission reprend ses travaux. Ça nous fait plaisir de souhaiter la bienvenue aux représentants du Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre pour personnes handicapées. Mme Richard, ce n'est pas votre première fois devant une commission parlementaire non plus.

Mme Richard (Monique): Non plus.

Le Président (M. Copeman): Vous connaissez nos règles de jeu: une présentation d'une période maximale de 20 minutes, qui sera suivie par un échange. Je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter immédiatement votre présentation.

Comité d'adaptation de la main-d'œuvre
pour personnes handicapées

Mme Richard (Monique): Merci, M. le Président. Alors, merci de nous donner l'opportunité de prendre la parole sur ce dossier qui nous engage, j'espère, tous et toutes. Alors, les personnes qui m'accompagnent: Mme Nicole René, qui est coordonnatrice au CAMO ? on va utiliser le vocable de «CAMO», ça nous fait gagner des secondes ? et Mme Foisy, qui est conseillère et chef d'équipe, Formation et emploi, au CAMO aussi.

Alors, le CAMO, c'est le Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre pour les personnes handicapées, donc un comité d'intégration et de maintien en emploi. C'est un comité provincial qui développe des stratégies et des outils pour que les personnes handicapées aient accès à l'emploi, à la formation nécessaire à leur intégration au marché du travail. Il agit aussi, bien sûr, en fonction des décisions de son conseil d'administration, conseil d'administration qui est composé de représentantes et de représentants de syndicats, du milieu associatif, des entreprises, des organismes et ministères concernés. Donc, un conseil d'administration basé sur le partenariat des différents groupes concernés par l'intégration à la formation et à l'emploi des personnes handicapées. Il joue bien sûr un rôle aviseur auprès d'Emploi-Québec.

Alors, vous avez, dans le mémoire qu'on vous a présenté, cette présentation, donc je n'insisterai pas plus longuement. Vous avez ensuite, à la page 3, le sommaire de la position du CAMO pour les personnes handicapées. Donc, je vous le laisse comme synthèse de ce qu'on aura apporté sur les éléments qu'on juge intéressants, ceux qui affaiblissent le texte et ceux qu'on doit renforcer. Alors, c'est un aide-mémoire. On n'a pas toujours le temps de tout relire, alors ça vous amène à cibler un certain nombre de choses.

Et vous avez aussi, en page 8, le portrait statistique de la population handicapée, qui est là, qui parle de l'estimation de la population, le pourcentage de personnes handicapées, 15,2 %, qui est modifié et modulé bien sûr selon les strates d'âge, mais qui est quand même un pourcentage très important. Et, quand on considère les personnes de 65 ans et plus qui ne sont pas nécessairement actives au niveau du travail, bien c'est quand même 41,6 % de notre population qui sont qualifiés comme étant des personnes handicapées. C'est quand même un problème, une situation, je dirais, sur laquelle on doit absolument trouver des pistes de solution à l'exclusion que ces personnes-là vivent actuellement. Vous avez aussi des statistiques au niveau du revenu, vous en avez en même temps au niveau de la scolarité. Donc, je n'insisterai pas sur ces données, je vais aller à l'essentiel du mémoire; mais je vous invite à les relire comme lecture de chevet, si ça vous semble opportun.

Alors, au tout début de notre mémoire, je tiens à vous dire que, pour nous... Tout à l'heure, j'entendais des interventions qui disaient: Oui, ça nous touche énormément, les témoignages qu'on entend. Moi, j'ai hâte qu'on entende: Les témoignages que nous entendons nous engagent. Oui, c'est vrai que ça nous touche, mais, au-delà de nous toucher, de faire peut-être un peu trop facilement de la théorie autour de tout ça, je pense qu'il faut vraiment passer sur le terrain de l'action, et c'est dans ce cadre-là qu'on a préparé notre mémoire. C'est-à-dire qu'on a pris les articles, on les a regardés un par un et on s'est dit: Comment on peut améliorer les choses à partir de la réalité et de la connaissance que nous avons, nous, comme organismes qui interviennent auprès de ces personnes?

Alors, bien sûr que vous savez qu'on s'en va tout de suite à l'article 1.3, qui, à notre avis, affaiblit énormément, met un frein à ce projet de loi qui a des aspects intéressants, selon nous. Et quand, en tout début de présentation, on met déjà «en tenant compte des ressources humaines, matérielles et financières dont ils...», on sait bien qu'on doit gérer correctement les deniers publics, mais on sait bien aussi que, quand on fait l'exercice de se donner une loi-cadre, il faut avoir un certain pourcentage de coercition, je dirais. Une loi-cadre, ça détermine comment on veut fonctionner, et on sait que, dans tout l'échelonnage des décisions qui sont prises par la suite, il y a déjà de la souplesse qui se prend. Donc, n'en donnons pas quand on met un projet de loi au jeu et faisons en sorte que cet article 1.3 soit retiré. C'est notre première recommandation.

Le deuxième élément de notre mémoire porte sur la définition proposée de «personne handicapée». On avait déjà, dans notre mémoire sur le projet de loi n° 155, intervenu assez longuement sur cette question-là, et je vous dirai qu'on souligne le mérite que la proposition a, c'est d'avoir été simplifiée de façon intéressante. Ce qu'on souhaite cependant ? et ça, c'est peut-être important que ce soit présent dans le projet de loi ? c'est qu'il est nécessaire que les organismes et les ministères reconnaissent cette définition-là comme étant aussi la leur. Elle ne fait pas partie que d'un projet de loi et d'une loi qui sera votée, mais les organismes qui sont des relais sur le terrain, qui sont des relais au niveau du gouvernement doivent aussi recevoir et prendre cette définition-là pour qu'on puisse ensuite agir en cohérence tout au long des différents processus qui pourraient être mis en place. Donc, notre deuxième recommandation, c'est bien sûr cette définition de «personne handicapée» que vous suggérez. On recommande aussi que les organismes publics et les ministères la reconnaissent comme étant la définition qu'ils vont utiliser, et, bien sûr, cela par souci de cohérence.

Le troisième élément qu'on veut soulever: les pouvoirs et les devoirs de l'Office des personnes handicapées du Québec. Il y a plusieurs modifications qui ont été apportées au mandat de l'Office des personnes handicapées du Québec, dans le présent projet de loi, afin de pouvoir renforcer ses pouvoirs; par exemple, d'avoir accès à l'information nécessaire aux études ou analyses; de donner des amendes ou pénalités pour être en mesure donc d'assumer un rôle de suivi d'analyse; avoir aussi un rôle en matière d'assistance dans l'élaboration des plans d'action ? je sais que l'élaboration des plans d'action, ça soulève un certain nombre de questions chez celles et ceux qui devront les faire, donc je pense que ce rôle-là est très important, il est essentiel même. Donc, l'OPHQ a un rôle déterminant dans la mise en place de cette politique-là, et on considère, nous, qu'afin de s'acquitter correctement de ses responsabilités, et après avoir fait le constat bien sûr des récentes coupures qui ont été faites à l'OPHQ, l'incidence sur le personnel, nous, on dit qu'il faut absolument que l'Office bénéficie de ressources nécessaires afin d'initier un réel mouvement dans le changement, et ça, tant au niveau national que régional. Il faut qu'elle prenne toute sa place dans le rôle qu'on veut lui donner par le biais de ce projet de loi, et ça ne se fait pas que par des discours. Quand je dis: Il faut aussi parler d'engagement, ça veut dire qu'il faut parler de ressources humaines, ça veut dire qu'il faut parler de ressources financières, ça veut dire qu'il faut parler de travail de proximité dans les régions et donc avoir les moyens de répondre à cela. Et, dans ce sens, nous vous apportons aussi une recommandation à cet égard.

L'autre élément sur lequel on veut intervenir, c'est l'accès au gouvernement, un droit fondamental. On appuie bien sûr la proposition d'établir une politique gouvernementale concernant l'accès des personnes handicapées aux documents et services offerts au public. Nous accueillons aussi favorablement le fait d'y retrouver la notion d'accommodement.

Je pourrai vous dire qu'ayant participé à l'exercice de consultation qui a mené au Rapport sur le gouvernement en ligne ? Vers un Québec branché pour ses citoyens, que M. Henri-François Gautrin a rédigé puis a présenté, le CAMO se demande vraiment qu'est-ce qu'il va advenir de ce rapport-là? Les orientations proposées, qu'est-ce qu'il va en rester, de ça? Est-ce que ça demeurera lettre morte? Le vaste chantier du gouvernement en ligne doit inclure toute la population, y compris les personnes handicapées, sans discrimination. Et on sait que ce n'est pas un dossier facile à gérer, mais on sait aussi que ça peut être une carte de plus qui peut jouer ou en inclusion des personnes ou en exclusion encore plus importante, si on n'y prête pas attention. Alors, on a un questionnement à cet égard. Et bien sûr la vision du gouvernement doit considérer toutes les dimensions de l'accessibilité pour les personnes handicapées, non pas uniquement une vision de média substitut, mais bien une vision d'accès pour tous aux mêmes informations dans les formats qui conviennent à leurs besoins, donc des mesures d'accessibilité très engageantes. À cet effet, le CAMO est reconnu pour une expertise et compte bien sûr poursuivre ses représentations à cet égard.

n (16 h 20) n

Les technologies de l'information, une clé à la participation sociale. Le projet de loi est malheureusement muet sur la question de l'accès aux nouvelles technologies de l'information et des communications. On avait déjà fait valoir le point de vue, lors du dépôt de notre mémoire dans le cadre du projet de loi n° 155, de l'urgence de la situation. Et je pense, moi, que les technologies peuvent être autant de moyens novateurs d'inclusion, comme je le disais tout à l'heure, peuvent devenir une source d'exclusion, si on n'est pas assez attentifs aux besoins et aux technologies qui peuvent faire en sorte de répondre à l'accessibilité pour les personnes handicapées. Il y avait donc, dans le rapport du gouvernement en ligne de M. Gautrin, un certain nombre de recommandations qu'on reprend à la page 14, parce que nous les jugions intéressantes, et elles pourraient répondre à cette faiblesse, je dirais, à ce manque du projet de loi actuel.

Sur les nouvelles technologies, ça va, je pense qu'il y avait... Cependant, dans l'avis qu'on faisait parvenir à M. Gautrin sur toutes... et qu'on avait aussi inclus dans le mémoire sur le projet de loi n° 155, on disait que «le gouvernement doit s'assurer que l'ensemble de son réseau électronique soit accessible aux personnes handicapées. Tout nouveau contenu électronique et toute mise à jour de contenu produit par et/ou pour le gouvernement du Québec devra se conformer à des normes...» Il y en a de plus en plus, c'est de plus en plus accessible. À un moment donné, c'était du chinois; je vous dirai que, pour moi, c'en est encore. Mais, pour énormément de personnes, les nouvelles technologies sont devenues des moyens de communication, ont ouvert des portes à l'emploi, ont ouvert des portes à la formation. Qu'on soit dans des régions éloignées ou qu'on soit dans les grands centres, je pense qu'on ne doit pas minimiser les effets de ces éléments-là. Donc, il y a une recommandation, la recommandation 5, qui tient compte de ce que je viens de vous apporter.

Les plans d'action des ministères, organismes publics et municipalités. Le CAMO trouve intéressant cet article. La production de ces plans d'action devra cependant s'appuyer sur une vision globale incluant dès le départ l'aspect de l'accueil des travailleuses et travailleurs handicapés dans les organismes publics et parapublics. Il faudra aussi tenir compte de leur progression professionnelle et de leur formation en cours d'emploi. C'est un volet du projet de loi qui est à renforcer.

En ce qui concerne les municipalités, le CAMO questionne le fait que le nombre d'habitants soit limité à 20 000 personnes et plus. Les personnes handicapées sont présentes partout, donc il faut trouver les moyens de faire en sorte que les personnes handicapées de municipalités de moins de 20 000 se regroupent, que ce soit à l'intérieur des MRC ou autres, pour être... soient regroupées pour qu'on puisse... que ces petites municipalités-là qui, on peut comprendre, n'ont pas tous les moyens de donner tous les services, donnent quand même l'accès aux personnes qu'elles doivent servir dans les services, que ce soit au niveau du transport ou autre, qu'il y ait donc un regroupement des petites municipalités. Je vous laisse le modèle à développer. Tout à l'heure, j'entendais des gens parler des MRC; je pense que ce peut être une piste très intéressante. C'est un peu là-dessus aussi qu'on avait planché dans notre travail, en se disant: Bien, les MRC sont là à un moment donné pour mettre des choses en commun, bien ça peut, ça, être une voie intéressante.

Cet article doit prévoir apporter plus de cohérence dans l'organisation des services publics. Au-delà de la production des plans d'action, il est nécessaire d'établir des objectifs vérifiables. Qu'est-ce que c'est, des objectifs vérifiables? C'est des objectifs concrets. Il ne faut pas se donner des objectifs théoriques: on veut le mieux-être, on veut les services, on veut ci, on veut ça. Non. On veut que, d'ici x nombre d'années, on ait atteint tel pourcentage de la population et qu'on ait réussi à les servir de façon qualitative et efficace. Alors, il faut, quand on parle de plans d'action, vraiment être en mesure de les vérifier, de réajuster le tir si nécessaire et de fournir les moyens nécessaires à la mise en oeuvre du plan d'action. Alors, cette proposition doit aller beaucoup plus loin que les intentions. Il doit y avoir et on doit y lire une obligation de résultat dans le temps, avec des échéanciers, pour qu'on soit en mesure d'ajuster les choses si les moyens pris ne sont pas suffisamment expéditifs au niveau de l'efficience.

L'idée de nommer un coordonnateur ou une coordonnatrice des services aux personnes handicapées dans chaque organisme public au ministère est excellente. Il faudrait penser aussi ajouter cette personne, ou ce titre, ou ce poste au niveau des municipalités. Souvent, quand c'est la responsabilité de tout le monde, c'est la responsabilité de personne, dans les faits, et je pense qu'il est important qu'une personne ait la responsabilité du plan d'action, des suivis des plans d'action, des mesures des plans d'action, de relancer les organismes aussi, parce qu'il y en a énormément qui gravitent autour des personnes handicapées. Alors, je pense que ça peut être un lieu de responsabilité fort intéressant et surtout fort pertinent, quand on veut avoir une mise en oeuvre d'une loi qui a des assises aussi à proximité des personnes. Alors, vous avez donc des recommandations à cet égard.

Les obligations de tenir compte des personnes handicapées dans le processus d'appri... d'approvisionnement ? bon, je bute toujours là-dessus, moi ? ça, on a bien sûr ça à l'article 61.3. Cependant, la mention «s'il y a lieu» doit être retirée. L'article se lit comme suit: «Les mystères et...»«Les ministères ? des fois, c'est des mystères, les ministères ? [et] organismes publics et les municipalités tiennent compte, s'il y a lieu, dans leur processus d'approvisionnement lors de l'achat ou de la location de biens et de services, de leur accessibilité aux personnes handicapées.» Écoutez, les brèches dans l'application des normes et des règles en matière d'accessibilité aux personnes handicapées ont tendance à se faire d'elles-mêmes, alors essayons, s'il vous plaît, de ne pas pousser dans ce sens-là et de faire en sorte que le «s'il y a lieu» soit retiré de l'article 61.3.

Au niveau de la stratégie visant l'intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées, on appuie l'article 63 qui prévoit l'établissement d'une stratégie visant l'intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées par le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille. Cette stratégie devra intégrer la stratégie d'intervention à l'égard des personnes handicapées adoptée par la Commission des partenaires du marché du travail. Je pense que c'est important que ces stratégies-là soient mises en place avec une certaine cohérence. Il y en a déjà une au niveau de la Commission des partenaires, et dans ce sens-là je pense que c'est important qu'on tienne compte de ce qui a déjà été fait et dit et que les aspects négatifs, particulièrement la sensibilisation des milieux de travail à l'intégration au travail des personnes handicapées, soient retravaillés avec beaucoup d'engagement. Vous avez une recommandation à cet égard.

Des objectifs de résultat. Dans le cadre de la stratégie ministérielle, le CAMO reconnaît l'importance et la pertinence d'établir des objectifs de résultat en collaboration avec les milieux patronaux et syndicaux, mais cette proposition doit aussi inclure le milieu associatif. Il y a quelqu'un qui a dit tout à l'heure: Vous savez comment ça se passe entre les syndicats et les patrons. Alors, c'est peut-être pour ça que je trouve intéressant et important qu'on puisse inclure le milieu associatif des personnes handicapées afin d'étoffer notre point de vue. J'ai été représentante syndicale assez longtemps pour savoir que, sur des questions très spécifiques, on a besoin de l'expertise des gens sur le terrain pour alimenter nos discussions. Et, au lieu de se voir en rapports d'opposition, bien on se voit en rapports de complémentarité sur le terrain, et je pense que ça aide beaucoup à la mise en place d'un certain nombre de moyens, de même qu'on devrait bien sûr y associer aussi les services spécialisés de main-d'oeuvre; en termes d'avis, je pense qu'ils ont leur mot à dire.

Établir des objectifs d'embauche. Oui, il est essentiel d'inclure ceux-ci à la stratégie des objectifs de résultat, des objectifs d'embauche quantifiés et vérifiables. L'objectif ultime, bien sûr, c'est de réduire progressivement, et cette fois-ci sans relâche, l'écart entre le taux d'activité des personnes ayant des incapacités et celui des personnes n'ayant pas d'incapacité.

Je m'en vais maintenant aux conditions garantissant la mise en oeuvre de la stratégie, en page 19. Quelle que soit la stratégie choisie, elle doit s'appuyer sur la reconnaissance de l'expertise des partenaires déjà actifs dans le domaine. En juin 2004, M. Béchard, Mme Jérôme-Forget annonçaient, dans le cadre de la réorganisation des services publics, la réorganisation des centres locaux d'emploi, qui verraient leurs fonctions élargies à d'autres domaines pour accueillir les centres multiservices. Je pense qu'il faudrait bien évaluer l'impact de ces changements majeurs sur la mise en place d'une nouvelle stratégie visant l'intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées, et s'assurer de son efficacité.

Au niveau du transport, je pense que les nouvelles obligations de la loi concernant le transport en commun vont améliorer la situation. Cependant, il faudrait à tout le moins obliger les municipalités à trouver des solutions aux difficultés rencontrées par les personnes handicapées. L'emploi, les services de santé, les services de formation ne sont pas toujours disponibles à l'intérieur d'un territoire, et il faut donc que les municipalités s'engagent à assurer un transport qui permette aux gens d'accéder à ce type de service.

La Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans les organismes publics. C'est important d'établir des objectifs d'embauche quantifiés. Il est primordial de consentir des efforts soutenus, de fournir les ressources appropriées pour augmenter les taux d'embauche des personnes handicapées. La révision de la loi, c'est une occasion pour le gouvernement du Québec de donner l'exemple en matière d'équité en emploi.

n (16 h 30) n

La révision d'À part... égale; un échéancier trop court. J'ai participé, dans le début de ma vie syndicale, à toute cette discussion autour d'À part... égale, je sais comment ça a demandé d'énergie, d'engagement de travail sur le terrain, d'engagement de tous les organismes. Je trouve qu'il ne faudrait pas se réduire dans le temps. Il faut prendre le temps de faire les choses comme on doit les faire. Je pense qu'on a l'expérience d'À part... égale, ce que ça a généré comme temps de consultation. Non pas qu'il faut laisser le temps filer, mais, si on a besoin d'un peu plus de temps, ne pas s'encarcaner pour sauter des étapes avec l'objectif de finir dans des dates qu'on aura peut-être mal évaluées au point de départ.

Le Président (M. Copeman): En parlant de temps, Mme Richard, je vous inviterais à conclure.

Mme Richard (Monique): Oui. Je conclus. Alors, l'obligation d'accommodement. On considère que la future loi doit refléter le fait que l'obligation d'accommodement est un outil d'intégration des personnes handicapées dans toutes les sphères de leur vie. Et il faut que ce soit présent dans la loi. Quand on parle d'une loi-cadre, on parle de balises, on donne le coup d'envoi de ce qui va se répercuter ensuite sur le terrain. Alors, je pense, moi, qu'on doit absolument... que, dans la loi, on voie cette obligation d'accommodement comme un outil d'intégration et que ce soit présent. On doit aussi en faire la promotion, bien sûr. Alors, c'est notre 16e recommandation.

Vous avez ensuite les commentaires du CAMO sur un certain nombre de questions. Alors, on est disponibles pour vos questions. Mes collègues pourront bien sûr assurer la relève sur les questions.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Richard. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, mesdames, pour votre visite et votre présentation aujourd'hui. Je note une première: c'est rare qu'on nous demande de prendre plus de temps pour atteindre un objectif. Je note ça pour l'actualisation d'À part... égale, puis on fera en sorte de le faire correctement, vous avez raison, pour s'assurer qu'on veut arriver au résultat souhaité. Et là on veut l'actualiser, on ne veut pas faire une nouvelle politique À part... égale, dont beaucoup de thèmes sont inclus dans le projet de loi, mais ce qu'on veut faire, c'est une actualisation.

J'aimerais parler au début avec vous, discuter avec vous de la question de l'accommodement et de la clause limitative parce que c'est un sujet qui revient à de nombreuses reprises depuis qu'on est ici, en commission parlementaire. Prenons d'abord l'accommodement. Ce que nous disent les juristes, et notamment la Commission de protection des droits de la personne et de la jeunesse, c'est qu'il serait contre-productif d'inscrire la notion d'accommodement dans le texte législatif, puisqu'elle évolue, avec la jurisprudence, de façon continue, et qu'on risquerait au contraire de la geler ou de la réduire involontairement en faisant cela. Vous remarquez que, dans le texte de loi, on l'introduit quand même pour une nouvelle obligation qui est créée pour la transmission et l'accessibilité des documents publics, parce qu'il s'agit d'une nouvelle chose qu'on demande, et on rappelle que cette obligation d'accommodement existe également pour cette nouvelle mission. Mais donc on a là deux points de vue qui sont divergents: vous souhaitez qu'elle soit incluse dans le texte de loi, alors que d'autres nous disent: Attention, ça peut être dangereux et vous risquez d'arriver au but contraire du but visé.

Mme Richard (Monique): Bien, oui, peut-être que les deux points de vue peuvent se défendre, mais je vous dirai qu'à l'usage, sur le terrain, on a vraiment besoin que cette notion d'accommodement, l'obligation d'accommodement soit prévue dans la loi. C'est une loi qui est attendue, c'est une loi qui doit prévoir des effets assez rapides puis pour une bonne séquence de travail. Puis c'est vrai que peut-être que de la mettre là, ça va la geler, mais je vous dirai que, si on l'avait gelée il y a une couple d'années, peut-être qu'on serait plus avancés qu'on est maintenant. Et, moi, je pense que le législateur peut... C'est reconnu dans la charte, c'est vrai, mais, si c'est reconnu dans la charte, pourquoi on ne pourrait pas avoir un texte dans la loi qui garde la souplesse nécessaire pour répondre à la réalité du quotidien mais qui conserve ce droit-là? Moi, je pense qu'on ne peut pas passer à côté d'une nouvelle loi qui s'en vient, qui a créé des attentes, qui amène énormément d'intervenants. Je regarde le travail qui a été fait sur le terrain, c'est toujours... à chaque fois qu'on rencontre les gens, cette notion d'accommodement revient de façon continue.

Alors, je vais laisser peut-être... Mme la Présidente, si vous voulez passer la parole à ma collègue, elle pourra aller un petit peu plus loin là-dessus.

La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y.

Mme Foisy (Carole): Merci. M. le ministre, le CAMO n'a pas nécessairement fait le débat de fond autour de cette question-là. Il y a la commission, comme vous dites, qui, dans ses récents travaux, n'a pas proposé l'inclusion dans la charte de l'obligation d'accommodement considérant que le droit à l'égalité faisait en sorte que l'obligation d'accommodement existe et est reconnue par les tribunaux. Alors, on est resté plus de ce côté-là. C'est pour ça qu'on ne l'a pas incluse, comme tel, là, comme... on n'a pas demandé une inclusion dans la charte, même si certains de nos partenaires l'ont demandée. Alors ça, c'est pour la première chose.

La deuxième chose. Quand on dit qu'on doit retrouver l'obligation d'accommodement davantage dans la loi, c'est qu'on considère et on demande au législateur de regarder la loi et d'intégrer la notion d'obligation d'accommodement pour qu'on se rappelle qu'on a cette obligation-là, et aussi qu'on en fasse la promotion, et qu'on fasse connaître comment fonctionne la notion d'accommodement, comment s'appliquent les mesures d'accommodement. Et pourquoi? Parce que, quand on travaille avec la notion d'accommodement, on change la vision qu'on a de la personne qui vit avec des limitations. On arrête de s'attarder à ses limitations puis on pense à ce qu'on doit faire dans l'environnement pour que ça fonctionne. Alors, on arrête de penser peut-être plus à ses incapacités, on pense davantage à comment ça va fonctionner. Alors, c'est pour ça qu'on trouve ça important d'insister sur cet aspect-là.

M. Couillard: Pour ce qui est de la clause limitative, ce qui est l'autre point de discussion depuis le début des travaux, c'est un point intéressant, hein, parce que c'est la balance entre la gestion responsable et attendue des fonds publics et les obligations qu'on a envers les citoyens. Si je prends un parallèle qui est la loi de santé et services sociaux, il existe dans la loi de santé et services sociaux, comme vous le savez, une clause limitative qui a été, je crois, si mes souvenirs sont exacts, mise en place vers 1991, 1992, et que par la suite deux autres gouvernements successifs d'une autre formation politique n'ont pas jugé bon de revisiter ou d'enlever pour des raisons essentiellement de maintien de cet équilibre entre l'obligation de donner les services et l'obligation de gérer les fonds de façon responsable, et de le rappeler qu'il faut s'en tenir à cette obligation.

Donc, quels seraient les arguments selon vous qui militeraient pour que cette clause soit retirée du projet de loi, puisqu'elle est dans le corps de la loi de santé et services sociaux qui fait également appel à des notions assez fondamentales en termes d'accessibilité?

Mme Richard (Monique): Bien, moi, je trouve que, quand on fait appel à des clientèles spécifiques, souvent... c'est toujours les personnes qui sont les moins bien servies ou servies en dernier recours. Et là se pose la question des ressources humaines, matérielles et financières dont les pourvoyeurs de services vont disposer. Moi, je pense que, si on prend la peine, au niveau du gouvernement actuellement, de déposer un projet de loi de cette nature, c'est pour qu'il génère des résultats. Et bien sûr que, quand on en arrive à gérer la portée d'une loi, on doit... on en tient compte, des ressources humaines. Mais pourquoi le dire? Ça fait partie d'une gestion correcte, et, moi, je pense qu'on n'a pas besoin de mettre ça dans un projet de loi.

Ce qu'on a besoin de mettre dans un projet de loi pour une loi-cadre, c'est que les mesures... les ministères, les réseaux, les municipalités doivent donner des services et, à ce moment-là... bien sûr qu'ils vont le donner avec les contraintes qu'ils ont. On n'a pas besoin de leur redire ça, ils le font déjà. Et souvent, souvent on est obligés de dire: Bien, mon Dieu!... On l'entend, on n'a qu'à regarder ici, là, les gens qui sont en mesure de gérer ça viennent nous dire: On n'a pas d'argent, on manque de moyens; on n'a pas d'argent, on manque de moyens. Mais, si on se donne une loi-cadre pour que les ministères, les organismes, les municipalités soient responsables, bien, qu'on donne à chacun de ces paliers-là les moyens financiers et les ressources humaines pour répondre aux besoins. Et bien sûr qu'ils vont le faire avec parcimonie, là. Je n'ai jamais vu, moi... et je pense que, sur le terrain, les personnes qui ont des besoins spécifiques n'ont jamais été trop bien servies, c'est plutôt le contraire. Et, quand on met déjà un frein au point de départ, bien ça devient à un moment donné des arguments.

Écoutez, sur le terrain actuellement... Il y a quelqu'un qui vous disait tout à l'heure: On calcule le prix des décisions, mais on ne calcule pas le prix des décisions qu'on ne prend pas. Mais, si on était en mesure de calculer comment ça génère de bénéfices dans les municipalités, dans les organismes, un peu partout, de voir les personnes handicapées retourner en formation, de voir les personnes handicapées retourner au travail, comment on freine le facteur d'exclusion, comment ces gens-là veulent devenir de plus en plus autonomes financièrement, bien, moi, je pense que, ça aussi, ça a un prix, et il faut donner les moyens pour que ces personnes-là soient en mesure d'avoir des services qui correspondent à leurs besoins.

M. Couillard: Merci. Parlons de l'adaptation de la main-d'oeuvre, parce que c'est beaucoup dans ce secteur que vous travaillez. On a eu hier un petit débat ou un mini-débat ? pour ne pas imiter le nom du restaurant en bas ? où on a parlé justement du rôle des CTA, des centres de travail adapté, où il y avait deux conceptions qui s'opposaient... pas qui s'opposaient, qui se discutaient autour du fameux rôle tremplin des CTA. Alors, certains disent que ? puis c'est un peu le sens du projet de loi et même des représentations que la Commission de protection des droits nous a faites ? qu'effectivement il faut consacrer ce rôle tremplin, que le CTA est un rôle intermédiaire avec un objectif ultime qui est d'accéder au marché du travail, entre guillemets, non protégé. Mais d'autres nous ont dit: Attention, ce n'est pas exact que toutes les personnes handicapées souhaitent ou sont en mesure d'accomplir ce saut du tremplin vers le milieu de travail, entre guillemets, habituel. Alors, quelle est votre position là-dessus, sur ce concept-là?

n (16 h 40) n

Mme Richard (Monique): Je vais laisser la parole à ma collègue.

La Présidente (Mme Charlebois): Mme Foisy.

Mme Foisy (Carole): Une des questions les plus difficiles actuellement dans le domaine. Je pense que... c'est ça, c'est une question d'équilibre, et ce n'est pas du tout facile à régler. La question est que, actuellement, ce qu'on comprend, c'est que la frustration, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de places qui se dégagent, alors on se retrouve avec un parc de centres de travail adapté qui accueillent quand même plusieurs milliers de personnes, et il y a un faible pourcentage de gens qui sont en mesure de prendre la fameuse passerelle et s'en aller vers le marché du travail, ce qui fait qu'on n'a pas beaucoup de nouvelles places. Alors, il y a un problème de nouvelles places. Mais il est vrai qu'il y a des gens qui travaillent dans les centres de travail adapté et qui ont besoin de cette formule-là et ne pourraient pas la prendre, la passerelle. Alors, c'est vraiment une question difficile. Et, au CAMO, on a eu des travaux là-dessus, sur le travail adapté, on devrait reprendre dans les mois qui suivent et regarder ces aspects-là. Mais chose certaine, il y a des gens qui ont besoin de cette formule-là, et on ne doit pas les en priver, mais il faut aussi trouver des solutions pour qu'on puisse dégager de nouvelles places.

M. Couillard: Vous abordez de façon intéressante, parce que, sauf erreur, vous êtes les premiers à le faire jusqu'à maintenant, la question des technologies de l'information dans le cadre du gouvernement en ligne, qui est un objectif... de façon très pratique. On est allé voir ce qui se fait au Nouveau-Brunswick, par exemple, où les gens sont plus avancés que nous au Québec, dans ce domaine-là. Et c'est une orientation qui est certaine de notre part d'aller dans cette direction-là. Et vous nous rappelez l'importance de tenir compte des phénomènes d'accessibilité pour les personnes handicapées. Pourriez-vous nous donner quelques suggestions pratiques ou comment vous voyez cette question-là, des technologies de l'information? Supposons qu'on a un accès, un guichet, un portail Internet unique pour tous les services gouvernementaux, par exemple, où quelqu'un peut faire toutes ses transactions via Internet, comment ça se traduit dans la vie des personnes handicapées et quelles précautions il faut prendre pour s'assurer que l'accessibilité soit maintenue?

La Présidente (Mme Charlebois): Mme René.

Mme René (Nicole): Bonjour, M. Couillard, M. le ministre. Pour répondre à votre question, l'importance pour les personnes handicapées d'avoir accès aux nouvelles technologies passe par l'application de normes qui va garantir leur accessibilité. Je pense que, quand on a fait le dépôt de notre avis sur le gouvernement en ligne à M. Gautrin, on insistait sur l'importance et la nécessité qu'on tienne compte des normes d'accessibilité. On a aussi mis en contexte les normes internationales qui sont établies et desquelles il faut s'inspirer pour se garantir que les personnes handicapées ne seront pas privées de l'utilisation des technologies. Si, au gouvernement, on prévoit rendre l'ensemble des services gouvernementaux accessibles par le biais des nouvelles technologies, il faut s'assurer que les personnes non voyantes vont être capables de pouvoir entendre ce qui est visible à l'écran et donc il faut que les produits ou les logiciels qui vont permettre ces adaptations-là et cette compréhension-là soient intégrés à l'intérieur de tout l'appareil... des technologies.

Donc, ce qu'on disait, c'est qu'il y a des normes qui existent, c'est important d'appliquer ces normes-là et de permettre aux personnes qui vont être, elles, chez elles, dans leur milieu, de ne pas être bloquées. Donc, dans toute la conception des programmes, il y a des normes à respecter, et l'application de ces normes-là garantit qu'on franchit toutes les barrières qui vont permettre aux personnes, autant les personnes qui sont non-voyantes que les personnes qui sont sourdes, etc., il y a des logiciels adaptés qui permettent à ces personnes-là, quand elles les ont, de pouvoir se connecter et se mettre en ligne, être capables de recevoir l'information, et après ça d'agir là-dessus.

Donc, dans ce sens-là, nous avions déposé, bon, à M. Gautrin... Il a été déposé aussi, dans le cadre des travaux sur la loi n° 155, un complément au mémoire que nous avions déposé à cette époque-là exclusivement sur les nouvelles technologies et donc... aussi à une commission parlementaire des affaires sociales, l'information complémentaire aux avis qu'on avait donnés pour permettre aux législateurs, pour permettre aux gens qui vont travailler à l'implantation du gouvernement en ligne, pour permettre au WebNet ? excusez mes difficultés, mais je ne suis pas une spécialiste non plus ? donc de permettre à tous ces gens-là de tenir compte de choses minimales à faire pour permettre qu'on franchisse tous les obstacles d'accessibilité aux appareils et aux équipements.

Mme Richard (Monique): Je pense qu'il y a un lien... Excusez-moi. Je pense qu'il y a un lien à faire aussi quand on... Le projet de loi parle de l'approvisionnement gouvernemental, et, quand on parle des nouvelles technologies, bon, bien, il y a des moyens à mettre en place aussi. C'est quelque chose qui est assez onéreux en termes d'équipements, donc c'est important d'avoir cette préoccupation-là dès maintenant. Et c'est pour ça qu'on souhaitait que ce soit présent dans le projet de loi pour que, quand on arrive à mettre en place les services d'approvisionnement, bien on est en mesure aussi d'évaluer les coûts générés par tout ça et les besoins aussi générés par tout ça, de façon à ne pas commettre d'erreurs, passer à côté et être obligé de reprendre. Je pense qu'on est à l'heure des nouvelles technologies, et, pour les personnes handicapées, pour celles et ceux qui réussissent à les utiliser, qui ont des personnes-ressources, c'est vraiment... On a un collègue, qui est vice-président du CAMO, qui dit: Moi, ça a été une nouvelle naissance que d'avoir accès à Internet. Les documents qu'on lui fait parvenir, et tout ça, mon Dieu! c'est de mettre fin à d'innombrables dépendances quotidiennes, et c'est vraiment important qu'on soit préoccupé de cette question-là.

La Présidente (Mme Charlebois): M. le ministre.

M. Couillard: Merci. Parlons de l'accès à l'emploi. Vous mentionnez la nécessité d'établir des objectifs d'embauche. Qu'est-ce que vous voulez dire par là? Puis là où j'ai... ce que j'essaie de discuter ? c'est une autre question difficile ? c'est: Est-ce que ça marche, les quotas d'embauche? Est-ce que ça marche... On l'a vu, on a eu d'autres expériences pour d'autres catégories de personnes dans la société, communautés...

Mme Richard (Monique): Je vais laisser la parole parce que, moi, je ne suis pas une petite nouvelle mais quasiment, donc...

M. Couillard: ...communautés culturelles, avec les communautés culturelles, on a pensé à faire ça. Vous savez qu'aux États-Unis il y a tout le débat entre l'«affirmative action» ou non pour les gens de couleur noire. Est-ce que vous êtes confiantes que, d'introduire des quotas d'embauche ou des objectifs chiffrés, ça fonctionne en pratique, au-delà des voeux pieux? On est ici pour aller au-delà des voeux pieux.

La Présidente (Mme Charlebois): Mme Foisy.

Mme Foisy (Carole): Il n'est pas ici question de quotas d'embauche, première chose. On parle davantage de... On parle d'objectifs de résultat dans le projet de loi, alors il va y avoir des objectifs de résultat. Ce qu'il n'y a pas dans le projet de loi, c'est des objectifs d'embauche. Les objectifs d'embauche, on peut les déterminer par secteur d'activité, par exemple, hein? On peut se dire: Avec un comité sectoriel... Nous, on est en lien avec des comités sectoriels, on fait partie de la grande famille des comités sectoriels. En supposant qu'on se met à travailler avec le comité...  je ne lui ai pas parlé ce matin, par exemple, ils ne m'aimeront peut-être pas, mais le comité sectoriel alimentation-vente au détail, ou quelque chose comme ça, on s'assoit ensemble puis on se dit: Bon, bien, actuellement, dans le secteur, on fait une étude, il y a tant de pourcentage de représentation des personnes handicapées dans ce milieu-là, et on pense qu'il y a un potentiel pour tel et tel métier pour augmenter le taux d'emploi, puis on pourrait commencer par franchir cette première marche là. Alors, on aura un objectif de résultat qui pourrait être: former tant de personnes pour occuper tels types d'emplois, tels corps d'emplois, puis, dans telle année, disons dans deux ans, trois ans, on vérifie le taux d'embauche et on veut atteindre un 2 %, au lieu d'en avoir 1, 1,5... tu sais, y aller progressivement. Mais le principe, c'est de monter les marches et de se rendre. On ne veut pas nécessairement établir des cibles complètement farfelues qui vont faire en sorte que les gens vont se ramasser sur les genoux puis vont dire: De toute manière, ça ne marche pas. On veut travailler avec les partenaires et faire en sorte que ce soit possible et qu'on puisse continuer pour faire en sorte que le taux d'activité augmente de façon substantielle.

M. Couillard: Il y a encore du temps?

La Présidente (Mme Charlebois): Oui, il reste...

M. Couillard: Dans votre mémoire, vous faites mention d'une difficulté à avoir une répercussion régionale équitable des centres de travail adaptés. On a fait allusion à ça hier, puis on a des collègues qui viennent de régions ou de comtés où il n'y a pas de centres de travail adapté. Mais là on retourne la situation, quand on soulève la question, on dit: Écoutez, un centre de travail adapté, ça part d'un projet d'entreprise qui se fait localement, et, à partir de ce projet d'entreprise là, de ce plan d'affaires là, là on va vers la naissance de ce centre-là. Alors, comment est-ce qu'on résout l'équation de l'oeuf et la poule, là? Par le coq?

Mme Foisy (Carole): Autre question difficile, M. le ministre. Bien, on part du fait que les populations, dans chacune des régions du Québec, ont des besoins qui peuvent être différents, mais en général ont quand même des besoins aussi semblables. Donc, des populations qui peuvent bénéficier des CTA, il y en a certainement autant dans les Laurentides que dans une autre région comme le Bas-Saint-Laurent.

C'est certain que, quand on en parle à nos partenaires, il n'est pas question de déshabiller Pierre pour habiller Paul, ou quelque chose comme ça, là, mais il faut se poser des questions. Et, si des projets d'entreprises ne lèvent pas, il y a certainement des raisons. Le milieu des personnes handicapées n'est pas nécessairement très proche du milieu de l'entrepreneuriat. C'est un autre problème. Hein, il y a des CLD, il y a tout un déploiement au niveau du développement d'entreprises. Mais, bon, les initiatives sont encore assez rares malgré le dynamisme qu'on peut retrouver dans les CTA. Donc, c'est ça, il s'agit de faire un examen à ce moment-là et peut-être pousser un peu plus avec les partenaires, par exemple, toujours des régions.

n (16 h 50) n

La Présidente (Mme Charlebois): M. le député d'Arthabaska, très rapidement, il reste peu de temps.

M. Bachand: Très rapidement. Merci, Mme la Présidente, j'ai terminé. Je ne peux pas être plus rapide que ça. Je pense qu'il ne reste plus de temps, hein, maintenant?

La Présidente (Mme Charlebois): Si vous posez votre question, il va en rester, du temps.

M. Bachand: Merci, Mme la Présidente. Mme Richard, ça me fait plaisir de vous voir, Mme René, Mme Foisy. Mme Richard, je me demandais à quel endroit je vous avais vue, puis j'ai réalisé que c'est bien de la CEQ que vous étiez présidente?

Mme Richard (Monique): ...de la CSQ.

M. Bachand: Ah bon! ...la CSQ. Je vous ai entendue... J'aimerais que vous m'expliquiez un petit peu le 1.3, la clause limitative. Je vous ai entendu répondre au ministre, puis, honnêtement, vous m'avez éclairé...

Une voix: ...

M. Bachand: ...mais pas convaincu, effectivement. Quand vous dites, là, «générer des résultats et doivent donner des services», moi, j'aimerais... faites-moi la distinction entre le devoir et le pouvoir, puis en quoi c'est limitatif, ça? Quand je parle de pouvoir, je parle de capacité de. Où ça vous interpelle comme étant comme une faiblesse dans le projet de loi, ça, de dire carrément que, écoutez, on doit, oui, mais il faut pouvoir aussi? Puis, en même temps, dites-moi donc la limite entre le limitatif et le réalisme?

Mme Richard (Monique): Bien, moi, je pense que, quand on dit «en tenant compte des ressources humaines, matérielles et financières», on a la raison pour les donner, tandis que, quand ce n'est pas écrit, au moins il faut s'en chercher une. Moi, je pense qu'on a le devoir de les donner, ces services-là, et cette loi-là, elle prévoit qu'on devra les donner. Alors, si on doit les donner, pourquoi être obligé de mettre ce bémol-là, ce frein-là à celles et ceux qui vont se répartir, peu importe le palier, la responsabilité de les donner? Alors, s'ils ne peuvent pas les donner, ils seront en mesure de justifier. On sait que le financement au Québec, peu importe le palier où on se trouve, que ce soit municipal, peu importe, il y a des limites. On le sait, ça. Puis il y a des limites en ressources humaines, puis... Bon. On est confronté à ça à tous les jours. Alors, c'est sûr qu'on ne pense pas, là, que c'est le nirvana, là, qui nous arrive puis qu'on va avoir tous les moyens au-dessus... puis que ça va être une cause au-dessus de toutes les causes. Mais on veut qu'elle soit traitée à parts égales. Et, en étant traitée à parts égales, donnons-nous pas les raisons qui nous permettraient de passer à côté, affirmons le principe et, s'il y a des raisons qui font qu'on n'est pas capables de tout donner, on s'expliquera là-dessus, puis on verra qu'il y a la volonté politique à chacun des paliers de répondre aux besoins de la population dans le cadre des limites bien sûr qui sont les nôtres. Mais on n'est pas obligés de mettre ça là tout de suite, là.

M. Bachand: Une autre petite question, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, c'est tout le temps qu'il nous reste...

M. Bachand: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): ...du côté du parti ministériel, évidemment. Alors, Mme la députée de Duplessis.

Mme Richard (Duplessis): Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Tout d'abord, moi, je tiens à vous dire que je suis en accord avec vous: il faut que l'article 1.3 soit retiré. Et, comme vous en faisiez référence, Mme Richard, je crois que, en ayant cette clause limitative, on met tout de suite au départ un frein. Et je ne pense pas que, si on veut faire avancer la cause des personnes ayant des limitations fonctionnelles, ça va nous aider. Et, vous l'avez dit, on peut toujours... Il y a une capacité de payer à un moment donné, on peut l'expliquer. Il faut se doter aussi de moyens financiers, là. Il ne faut pas exagérer, mais on peut se doter de moyens financiers pour faire avancer les choses.

Hier, on a rencontré le Conseil québécois des entreprises des centres adaptés, et ils nous ont parlé des difficultés qu'ils rencontraient avec le régime d'assurance médicaments. Je voudrais vous entendre là-dessus parce qu'à la lumière de leurs propos... et vous savez que souvent, dans les centres adaptés, bon, il y en a, c'est 50 %, d'autres, c'est 60 % qui emploient une clientèle dite des personnes ayant une limitation fonctionnelle, et souvent ces personnes-là, différents handicaps sont, la plupart, sous médication. Est-ce que je pourrais avoir votre idée là-dessus ou en savoir un peu plus?

Mme Foisy (Carole): ...une question sur laquelle le CAMO ne s'est pas penché spécifiquement.

Mme Richard (Duplessis): O.K. Parce que je sais que... en tout cas, c'était problématique pour eux.

Mme Richard (Monique): Bien, écoutez, on peut quand même tenter de s'engager pour vérifier auprès des gens avec lesquels on travaille dans ces milieux-là, puis voir si on est capable de vous alimenter un petit peu plus là-dessus, là, d'ici la fin de la commission.

Mme Richard (Duplessis): Merci. Pour ce qui est des plans d'action que doivent se doter les municipalités, j'ai lu votre mémoire un petit peu, puis il y a un autre bout où vous disiez, bon, que ça pourrait être dévolu aux MRC. Il faudrait que ce soit cohérent d'une MRC aussi à l'autre, là. Est-ce que vous pourriez me parler aussi par rapport aux... Bien, je sais que, vous, c'est plus dans le milieu de travail adapté, mais ça pourrait être aussi du transport adapté pour que cette clientèle-là puisse aller au travail. Est-ce que vous voyez que ça pourrait être dévolu, ça aussi, au niveau des MRC?

Mme Richard (Monique): Moi, je pense que là-dessus, écoutez, il y a une part de responsabilité dans la loi qui est prévue au niveau des municipalités. C'est sûr qu'il y a des municipalités qui ont des plus grands moyens que d'autres. Je regarde... Ou même au niveau de l'environnement, il y a des petites municipalités qui vont se regrouper, qui vont donner mandat à la MRC, et ainsi de suite. Alors, moi, je me dis: L'objectif, là, si cette loi-cadre-là, elle est votée, c'est que les choses se mettent en place pour qu'elle soit appliquée et qu'elle produise des résultats. Alors, je ne vois pas ça comme une chasse gardée à l'un ou à l'autre. Je dis: Les municipalités qui sont assez grosses pour l'assumer, tant mieux, mais ils pourraient toujours faire le choix de remettre ça aux MRC aussi. Mais, moi, je trouve que la proximité, c'est un facteur intéressant.

Alors, tant mieux si les municipalités, d'après nous, sont capables de l'assumer, mais, pour les plus petites municipalités qui n'ont pas ces moyens-là, le regroupement des MRC peut être intéressant, sans négliger le facteur de proximité, parce que je pense que c'est toujours la MRC qui devra répondre des services à sa population, et ça, je pense que c'est important que les personnes que la municipalité, petite ou grosse, doit desservir sachent qui interpeller. Mais qu'on travaille à la mise en commun d'un certain nombre de moyens pour répondre aux impératifs du service, ça, c'est bien. Ça peut être dans le transport adapté comme dans d'autres facettes, là, de la mise en commun des services. L'important, c'est que le service soit donné.

Mme Richard (Duplessis): Une dernière petite question avant de céder la parole à mon collègue. Vous avez parlé beaucoup des nouvelles technologies de l'information, puis on sait que, dans ce monde-là, ça va assez rapidement, et il y avait toute la politique du gouvernement en ligne. Et est-ce qu'on ne pourrait pas rendre un peu, par le projet de loi, une obligation aux ministères de rendre ces sites-là accessibles? Sites Internet, par exemple, où on me dit que... puis on a revérifié, on... Il y a le coût d'un logiciel, mais ce serait faisable.

Mme René (Nicole): C'est sûr que pour nous l'important, c'est, dans l'orientation où va le gouvernement, d'introduire le gouvernement en ligne, il faut s'assurer que les personnes handicapées ne seront pas laissées-pour-compte. Et donc, que ce soit le ministère ou que ce soit l'ensemble de l'appareil gouvernemental, pour nous autres, ce qui est important, c'est qu'on tienne compte des normes d'accessibilité et qu'on s'assure, quand on va établir ce vaste projet de gouvernement en ligne, qu'on va permettre aux personnes d'avoir accès à l'ensemble des dossiers, des documents, etc. Si, dans le gouvernement, on considère que c'est préférable de transférer cette responsabilité-là à chacun des ministères, ils le feront. Je pense que ce n'est pas à nous d'aller dire comment, à l'intérieur de l'appareil gouvernemental, ça va se faire.

Ce qu'on sait, d'après ce qu'on a lu dans le dépôt du projet de M. Gautrin, des intentions de Mme Forget, du Conseil du trésor, c'est qu'on souhaite aller vers... rendre accessible le gouvernement, l'ensemble des services gouvernementaux et l'information gouvernementale à travers l'informatique, l'informatisation, Internet, etc., tous les moyens qu'offrent les nouvelles technologies. Et pour s'assurer qu'on ne va pas exclure des personnes, il est important que, quand ce travail-là va se faire, on tienne compte des besoins des personnes handicapées et qu'on tienne compte aussi des normes d'accessibilité. Et il y a des choses fort simples à faire, et je pense que c'est sur ça, c'est sur cet aspect-là que pour nous c'est important de considérer qu'il existe des choses qui ont été faites avec le W3, le consortium Wide World Web, là, en tout cas... Et donc il y a des normes internationales, ça se fait ailleurs dans le monde, et ce serait important que, quand on va établir ce grand projet là, on ne passe pas à côté de cette réalité-là et que le gouvernement soit un chef de file pour montrer l'exemple là-dedans, que ce soit au niveau de l'approvisionnement des équipements, au niveau des logiciels qui vont être utilisés, de tenir compte que des personnes handicapées vont vouloir accéder à l'information et de mettre en place ce qu'il faut pour que ce soit fait. Alors, c'est sur ça qu'on insiste.

n (17 heures) n

Mme Richard (Duplessis): Merci beaucoup. Parce que vous êtes un des rares groupes, en tout cas, même à la lecture des mémoires, qui y faisaient mention, puis je trouve que c'est très important parce que, bon, tout est informatisé et tout se fait par Internet aujourd'hui. Merci beaucoup, puis je vais céder la parole à mon collègue le député de Vachon, qui a quelques questions.

Mme René (Nicole): J'aurais peut-être juste un complément là-dessus.

Mme Richard (Duplessis): Oui.

Mme René (Nicole): Ce qui nous interpelle comme groupe, dans cette dimension-là des technologies, c'est qu'on a commencé à travailler pour l'intégration au travail de personnes handicapées avec l'accessibilité aux nouvelles technologies. Le travail autonome nous a donné la possibilité de réfléchir là-dessus, et c'est en lien avec l'accession au travail qu'on a commencé à s'intéresser à ça. On a fait un colloque, il y a quelques années, sur ça. Et donc c'est peut-être pour ça qu'on véhicule cette expertise-là et puis que c'est important pour nous autres.

Le Président (M. Copeman): Alors, j'ai cru comprendre que M. le député de Vachon désire intervenir.

M. Bouchard (Vachon): Vous avez bien compris, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): À vous la parole.

M. Bouchard (Vachon): Peut-être revenir sur la question du 1.3. Et je le soulève tout simplement à titre de mise à niveau de l'information, pour que, tous les acteurs autour de la table, on puisse comprendre la même chose.

Ce que j'avais compris de la position de la Commission des droits de la personne, c'était que, et ils le disent en page 7, là, comme la Charte des droits et libertés de la personne a un caractère prépondérant sur les lois québécoises et que la charte reconnaît le droit à l'égalité sans discrimination fondée sur le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap, le concept d'accommodement raisonnable sans contrainte excessive faisant partie de ce droit-là, ils n'ont pas besoin de l'exprimer. Mais ils disent plus loin, en page 8 ? et là j'interpelle plus le ministre, pour le moment, puis je vais vous poser une question par la suite ? et j'ouvre les guillemets: «La commission recommande au législateur de retirer [la] disposition limitative dont la portée risque de saper les fondements mêmes de la loi ? donc, c'est ce que vous convenez. Elle est d'avis que, si le législateur souhaite indiquer dans une disposition générale que les obligations imposées dans la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées ne sont pas absolues, il doit le faire en référence au concept juridique reconnu de l'accommodement raisonnable sans contrainte excessive.»

Donc, il me semble que la commission n'a pas fermé la porte à la référence à cette clause d'accommodement raisonnable et qu'elle pourrait donc, quelque part, apparaître dans le texte de cette loi spécifique, et, dans ce cas-là, votre demande d'obligation à la clause d'accommodement serait rencontrée.

Mais est-ce que vous êtes d'accord avec la clause d'accommodement raisonnable sans contrainte excessive? Parce que, dans le fond, la clause d'accommodement, elle n'est pas une obligation pour l'organisme de s'accommoder, c'est une obligation de s'accommoder dans une limite raisonnable, sans que cette limite-là, sans que cet accommodement ne représente pour l'organisme une contrainte excessive. Est-ce que vous seriez toujours d'accord? C'est ce que je comprends en tous les cas de la situation.

Le Président (M. Copeman): Mme Foisy.

Mme Foisy (Carole): Je vais avoir besoin que vous précisiez votre question, M. Bouchard. Je m'excuse.

M. Bouchard (Vachon): Plus que ça?

Mme Foisy (Carole): Un petit peu plus.

Une voix: Pour les gens à la maison.

Le Président (M. Copeman): Je ne sais pas...

Mme Foisy (Carole): Dans le fond, là.

Le Président (M. Copeman): Je ne sais pas s'il nous reste assez de temps, mais allez-y, M. le député.

M. Bouchard (Vachon): O.K. Alors, vous faites référence, dans votre texte, à l'obligation d'accommodement, mais vous ne faites pas référence au qualificatif de l'accommodement en question, c'est «accommodement raisonnable». C'est-à-dire qu'on revient à cette notion où l'organisme en question, la municipalité, le gouvernement, etc., pourrait invoquer cette clause pour dire: Nous sommes en droit de ne pas offrir ce service ou ce programme, étant donné qu'il représente une contrainte excessive. Est-ce qu'on se comprend tous sur l'interprétation du concept d'accommodement raisonnable? M. le Président, est-ce que vous comprenez la même chose que moi?

Le Président (M. Copeman): Je vous écoute, M. le député.

M. Bouchard (Vachon): Bon. Et dans ce cas-là, est-ce que vous seriez prêts à vous associer à une inclusion ou une référence au concept d'accommodement raisonnable?

Mme Foisy (Carole): En fait, la question, c'est accommodement ou accommodement raisonnable, c'est ça?

M. Bouchard (Vachon): C'est ça.

Mme Foisy (Carole): Parfait, M. Bouchard. Nous, on préfère utiliser, dans nos prestations et nos présentations, «accommodement», parce qu'on trouve que «raisonnable» devrait peut-être être un petit peu mieux expliqué au Québec. C'est pour ça en général qu'on utilise juste «accommodement».

Mais il est vrai que, dans le concept d'accommodement raisonnable, il y a la question de «sans contrainte excessive» et que les tribunaux se sont prononcés à plusieurs reprises sur des questions d'offres de service, des questions dans le domaine de l'emploi. On a encore du chemin à faire, mais il y a des choses qui sont déjà là et qu'on peut utiliser. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il serait intéressant que, dans la loi, on retrouve plus fréquemment une référence au concept d'accommodement.

Une voix: ...

Mme Foisy (Carole): Bien oui, raisonnable, parce que c'est le concept qui est utilisé. On ne dira pas non à ça. Mais ce qu'on vous dit, c'est que, quand on parle, en général, nous, on utilise davantage «accommodement», aussi parce que «raisonnable», dans la tête des gens, ça veut dire: bien, il ne faut pas que ce soit trop forçant, peut-être. Alors, c'est pour ça qu'on aime mieux ne pas trop utiliser le terme «raisonnable» dans «accommodement raisonnable». Voilà.

M. Bouchard (Vachon): J'aurais une autre question, si j'ai le temps. Je vais essayer de la poser clairement.

M. Couillard: ...

M. Bouchard (Vachon): Bon. Alors, M. le ministre me dit de prendre mon temps, mais je comprends qu'il me dise ça, parce qu'on lui a dit ça durant tout l'automne 2003, de prendre son temps. Il a enfin compris ce que ça voulait dire.

Une voix: ...temps pour À part... égale.

Le Président (M. Copeman): ...une pause ou... Non? Ça va? Bon. Vous pouvez poursuivre, M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Oui. J'aimerais vous entendre sur la question de la représentativité des personnes handicapées dans les centres de travail adapté, que vous situez à 60 %. Vous avez, semble-t-il, évolué dans votre analyse de la situation concernant la définition d'un seuil, et vous dites que, bon, à bien y penser, depuis 155, depuis l'étude du projet n° 155, il vous est apparu que ce serait peut-être préférable d'avoir un seuil à 60 %. Moi, j'ai déjà exprimé quelque part ma sympathie envers une plus grande flexibilité, mais j'aimerais vous écouter là-dessus parce que, si vous avez, à partir de votre poste d'observation, changé d'idée, il se pourrait que je change aussi d'idée. Est-ce que ma question est assez claire, M. le Président?

Mme Foisy (Carole): M. Bouchard, ce que l'on pense, c'est qu'il faut que les centres de travail adapté, un outil dont on s'est doté au Québec, ça doit rester un outil d'abord centré sur la personne et où il y a une forte proportion de personnes handicapées. On s'est donné cet outil-là, on veut que la personne reste au centre de cet outil-là. Il y a probablement ? on le sait parce qu'on fréquente les gens de ce réseau-là ? oui, il y a des difficultés à concilier la fonction rentabilité avec la fonction sociale. Attaquons-nous aux problèmes de rentabilité, pas à la fonction sociale. Alors, c'est pour ça qu'on est revenus à un taux supérieur en se disant: Oui, il y a probablement des problèmes, mais attaquons-nous aux bons problèmes. Est-ce que ça vous va? C'est bon?

Le Président (M. Copeman): Je trouve que les réponses sont excessivement claires. Allez-y, M. le député.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. La réponse semble claire; j'aimerais aller un petit peu plus loin. Ce qu'on nous dit par ailleurs, c'est que, un, les nouvelles entreprises auraient peut-être un peu plus de difficultés à l'établir au point de départ, d'arriver à ce seuil au point de départ, étant donné la question de la rentabilité sans doute. Mais ce qu'on nous dit aussi, c'est qu'on n'aurait pas besoin de ce seuil dans le fond, parce que règle générale on arrive à 70 % ? ou en moyenne en tous les cas on arrive autour de 70 % ? et que ce serait peut-être dans le fond un frein à l'entrepreneurship en question que de vouloir tout de suite, comme vous le faites, là, vous le proposez très clairement dans votre mémoire, d'exiger le taux de 60 % dès la première journée, dès le point de départ.

Une voix: ...

M. Bouchard (Vachon): Non, non, c'est assez clair dans votre... C'est très clair même. Alors, je vous demande de commenter un petit peu cette analyse.

Le Président (M. Copeman): Mme Foisy.

Mme Foisy (Carole): On a quand même une petite clause d'exception, là. On comprend qu'il y a des situations qui peuvent demander des exceptions, mais on veut que ces exceptions-là soient bien cadrées. Et c'est inclus dans notre mémoire aussi. Donc, il peut y avoir des exceptions, mais entendons-nous, il faut que ce soit bien cadré.

Une voix: Madame.

Mme René (Nicole): Je ferais peut-être un complément...

Le Président (M. Copeman): Mme René, allez-y, oui.

Mme René (Nicole): Si vous permettez, je ferais un complément. On a parlé tantôt de flexibilité. C'est certain que, pour nous autres, on pense que, dans l'implantation d'un nouveau centre de travail adapté, il va y avoir un processus et que ça va exiger de la flexibilité. Et, si la flexibilité, le point de départ est à la base de 50, on risque de se retrouver avec une flexibilité, avec un taux moins important de personnes handicapées qui vont être à l'intérieur des centres de travail adapté.

Comme le disait Carole tantôt, les centres de travail adapté sont des outils qu'on s'est doté pour permettre aux personnes de faire une expérimentation, de travailler, et d'apprendre à travailler, et, ultimement, d'être capables d'aller vers ailleurs. On sait que, dans les centres de travail adapté, il y a des personnes qui doivent rester plus de périodes plus ou moins longues avant d'être capables de passer à un emploi non en travail adapté. Et, pour nous autres, on se disait: C'est sûr que, dans l'application de la loi, il y en a toujours, de la flexibilité, toute loi n'est pas un carcan rigide. Et donc, si on met le seuil à 50, on craint qu'on aille à des seuils beaucoup inférieurs, et, pour nous autres, c'est un peu ce qui nous a ramenés vers le 60. Je ne sais pas si ça vous satisfait?

n(17 h 10)n

M. Bouchard (Vachon): Est-ce que je dois comprendre que cette crainte a été alimentée par des situations que vous avez pu observer durant la période entre le n° 155 et maintenant ? parce que vous avez comme changé d'idée, là ? ou est-ce que c'est une crainte qui s'est établie à partir d'une philosophie quelconque?

Mme René (Nicole): Je relancerais la parole à Carole parce que je suis au CAMO seulement depuis janvier, donc je ne peux pas me permettre de répondre à ça. Carole, est-ce que tu as réponse à ça?

Mme Foisy (Carole): Non, je n'ai pas vraiment réponse à ça, mais je pense que c'est ça, c'est plutôt s'attaquer aux bons... Essayons de s'attaquer aux bons problèmes, là, et gardons la représentation des personnes handicapées, la place de ces gens-là.

M. Bouchard (Vachon): Alors, M. le Président, ce que je comprends de la réponse que j'entends, c'est que le vrai problème serait plus au niveau de la capacité de ces centres de pouvoir compter sur un appui financier ou un appui budgétaire qui leur permettrait la rentabilité.

Mme Foisy (Carole): Bien, je pense qu'il faut aller voir ces gens-là, et on pourra travailler avec eux là-dessus. Mais c'est de voir les difficultés liées à la rentabilité. Est-ce que c'est par de l'injection d'argent frais ou si c'est par une organisation différente? Il y a un conseil qui travaille là-dessus, qui fait partie de notre conseil d'administration. On pourra regarder avec eux. Mais c'est vraiment plus de placer le problème à la bonne place, là.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme Richard, Mme Foisy, Mme René, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire pour le compte du CAMO pour personnes handicapées.

Et j'inviterais immédiatement les représentants de l'Association québécoise pour les troubles d'apprentissage de prendre place à la table. Et je suspends les travaux de la commission pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 12)

 

(Reprise à 17 h 15)

Le Président (M. Copeman): Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux, et ça nous fait plaisir d'accueillir les représentantes de l'Association québécoise pour les troubles d'apprentissage. Mme Bastien, présidente, vous non plus vous n'êtes pas à votre première expérience, je crois?

Mme Bastien (Lise): Pas vraiment la première fois.

Le Président (M. Copeman): Pas vraiment, exact. Alors, vous connaissez, mesdames, nos règles de fonctionnement: vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange de 20 minutes de chaque côté de la table. Sans plus tarder, je vous inviterais à nous présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.

Association québécoise
pour les troubles d'apprentissage (AQETA)

Mme Bastien (Lise): Alors, Mme Marquez, qui est la directrice générale de l'Association des troubles d'apprentissage; Mme Gamache, qui est chargée de projets et qui vous fera la présentation; ainsi que Mme Lucas, qui est au conseil d'administration des Troubles d'apprentissage. Alors, voilà.

Le Président (M. Copeman): Allez-y.

Mme Gamache (Jocelyne): Alors, M. le Président, M. le ministre, MM., Mmes les commissaires. Je voudrais vous dire d'entrée de jeu que l'association s'est réjouie que le gouvernement remette au feuilleton la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, parce que ça nous permet d'intervenir plus spécifiquement sur les troubles d'apprentissage, et on pense que ça pourrait avoir des impacts pour les mieux faire connaître puis que l'application de la loi pourrait tenir compte des troubles sévères d'apprentissage.

L'Association québécoise des troubles d'apprentissage a été fondée en 1966 par des parents qui voulaient comprendre les troubles d'apprentissage, qui étaient désireux d'intervenir auprès de leurs enfants. La notion de troubles d'apprentissage n'existait pas à cette époque-là, et les parents voulaient faire saisir cette problématique et mieux la faire connaître aux personnes qui côtoyaient leurs enfants: les médecins, les enseignants, la famille, etc.

L'association est un organisme sans but lucratif dont la mission est de faire la promotion et la défense collective des droits des enfants et des adultes qui ont des troubles d'apprentissage. L'association représente les parents et les soutient dans leur démarche.

On compte 18 sections locales et comités à travers le Québec. On regroupe plus de 1 300 personnes, principalement des parents, des personnes qui ont des troubles d'apprentissage, mais aussi des enseignants, des orthopédagogues, des médecins, des pédiatres, etc. On offre différents services: de l'information, de l'écoute active, des programmes d'entraide aux familles, de la sensibilisation du public et des intervenants par des conférences puis la tenue d'un congrès annuel, puis on représente aussi nos membres auprès des instances décisionnelles.

Chaque année, le secrétariat provincial, les bénévoles puis les gens qui travaillent dans les sections locales reçoivent à peu près 12 500 appels de parents, de personnes, d'orthopédagogues, d'enseignants d'un peu partout en province. Puis chaque jour, on a un site Internet qui est visité par environ 125 personnes, puis plusieurs d'entre eux nous contactent quotidiennement par des courriels.

On est membre de la COPHAN. À la lecture du mémoire, vous allez voir qu'on a repris un certain nombre de recommandations qui ont été mises de l'avant par la COPHAN. Et on travaille aussi en partenariat avec d'autres organismes, notamment l'ADOQ, qui est l'Association des orthopédagogues du Québec, l'Association québécoise des centres de la petite enfance, que vous allez rencontrer plus tard, l'Association des psychologues scolaires et l'Ordre des conseillers et conseillères en orientation et des psychoéducateurs, psychoéducatrices du Québec.

On voulait vous faire part de certaines données qui concernaient la condition des personnes qui ont des troubles d'apprentissage, pour vous démontrer que les troubles sévères d'apprentissage entraînent une incapacité persistante et significative.

Alors, un, la première chose qu'on voulait dire, c'est que les troubles d'apprentissage touchent de 10 % à 15 % de la population, mais que l'intensité des symptômes est variable. Les troubles d'apprentissage ne sont pas reliés à l'intelligence mais à une carence dans l'acquisition et le traitement de l'information.

50 % des élèves qui sont en difficulté dans les écoles publiques canadiennes ? puis on peut extrapoler qu'au Québec, c'est la même chose ? ont des troubles d'apprentissage diagnostiqués.

75 % à 80 % des élèves en adaptation scolaire qui ont été identifiés comme ayant un trouble d'apprentissage ont un problème de base au plan du langage, de la lecture ou des mathématiques. De plus, des études démontrent clairement que 74 % des élèves qui ne lisent pas bien en troisième année du primaire ont encore des problèmes de lecture en troisième année du secondaire.

35 % des élèves ayant un trouble d'apprentissage identifié abandonnent leurs études secondaires; ça représente un taux deux fois plus élevé que pour les autres élèves.

n(17 h 20)n

60 % des adultes qui ont un problème grave d'alphabétisation ont un trouble d'apprentissage non diagnostiqué et bien sûr un trouble qui n'est pas traité.

50 % des jeunes délinquants qui ont été testés avaient un trouble d'apprentissage qui n'avait jamais été diagnostiqué.

Jusqu'à 60 % des adolescents qui sont suivis en toxicomanie ont un trouble d'apprentissage.

62 % des élèves ayant un trouble d'apprentissage étaient sans emploi un an après avoir terminé leurs études.

50 % des jeunes filles ayant un trouble d'apprentissage sont mères de trois à cinq ans après avoir quitté les études secondaires.

Et 31 % des adolescents ayant un trouble d'apprentissage seront arrêtés par la police de trois à cinq ans après avoir quitté les études secondaires.

Ces données reflètent les effets des troubles d'apprentissage sur les personnes qui en sont affectées. Ces manifestations peuvent être légères, modérées ou sévères; peuvent avoir une incidence sur la façon dont une personne voit, entend, parle, se déplace, pense ou apprend, se sent ou se comporte, lit ou écrit; peuvent affecter tous ces domaines en même temps. Les troubles d'apprentissage peuvent également se manifester par des difficultés dans les habiletés organisationnelles, la perception sociale, l'interaction sociale et la capacité de se projeter dans l'avenir.

Les personnes qui ont des troubles d'apprentissage apprennent de façon différente ou prennent plus de temps que les autres pour apprendre à faire des choses. Les troubles d'apprentissage peuvent avoir une incidence sur la manière dont une personne organise une information auditive, visuelle ou sensorielle. Certaines personnes arrivent à s'adapter en se concentrant sur leurs forces, en compensant pour leurs difficultés, mais d'autres n'y arrivent pas à cause de l'intensité de leurs troubles. Celles-là ont besoin d'aide et de mesures adaptées.

Comme le trouble d'apprentissage est difficile à déceler à première vue, on parle souvent d'un handicap invisible. Parmi les plus connus, mentionnons la dyslexie, la dyscalculie ou la dysorthographie. Le déficit de l'attention et l'hyperactivité sont souvent associés aux troubles d'apprentissage.

En 2002, après des travaux menés par une équipe de neuropsychologues, l'Association canadienne des troubles d'apprentissage, dont l'AQETA est membre, adoptait une définition nationale des troubles d'apprentissage afin de mieux comprendre la nature de ce handicap invisible.

L'expression «troubles d'apprentissage» fait référence à un certain nombre de dysfonctionnements pouvant affecter l'acquisition, l'organisation, la rétention, la compréhension ou le traitement de l'information verbale ou non verbale. Ces dysfonctionnements affectent l'apprentissage chez les personnes qui par ailleurs font preuve des habiletés intellectuelles essentielles à la pensée ou au raisonnement. Ainsi, les troubles d'apprentissage sont distincts de la déficience intellectuelle.

Les troubles d'apprentissage découlent d'atteintes d'un ou de plusieurs processus touchant la perception, la pensée, la mémorisation ou l'apprentissage. Ces processus incluent entre autres le traitement phonologique du langage, le traitement visuospatial de la vitesse... la vitesse de traitement de l'information, la mémoire ou l'attention ainsi que les fonctions d'exécution telles que la planification et la prise de décision.

Les troubles d'apprentissage varient en degré de sévérité et affectent l'acquisition et l'utilisation du langage oral: les aspects réceptifs et expressifs; affectent le langage écrit: la lecture, l'identification des mots ? le décodage, la reconnaissance instantanée ? et la compréhension; l'écriture: l'orthographe et la production écrite; les mathématiques, c'est-à-dire le calcul, le raisonnement logique et la résolution de problèmes.

Les troubles d'apprentissage peuvent aussi impliquer des déficits sur le plan organisationnel, social, de même qu'une difficulté à envisager le point de vue d'autrui.

Les troubles d'apprentissage durent la vie entière. Toutefois, leurs manifestations varient tout au long de la vie et sont tributaires de l'interaction entre les exigences du milieu, les forces et les besoins de l'individu.

Un rendement scolaire en deçà de celui anticipé, au même titre qu'un rendement obtenu au prix d'efforts et soutien dépassant largement ceux normalement requis, sont des indices de troubles d'apprentissage.

Les troubles d'apprentissage découlent de facteurs génétiques ou neurobiologiques ou d'un dommage cérébral, lesquels affectent le fonctionnement du cerveau, modifiant ainsi un ou plusieurs processus reliés à l'apprentissage. Ils ne sont pas initialement attribuables à des problèmes d'audition ou de vision, à des facteurs socioéconomiques, à des différences culturelles ou linguistiques, à un manque de motivation ou à un enseignement inadéquat, bien que ces facteurs puissent aggraver les défis auxquels font face les personnes ayant des troubles d'apprentissage.

Les troubles d'apprentissage peuvent être associés à des troubles attentionnels, comportementaux et socioaffectifs, à des déficits d'ordre sensoriel ou à d'autres conditions médicales.

Il est essentiel que les personnes ayant des troubles d'apprentissage soient dépistées très tôt et soient soumises à des évaluations régulières faites par des professionnels. Pour les mener à la réussite, les interventions mises en place à la maison, à l'école, au travail et dans le milieu communautaire doivent tenir compte des caractéristiques de l'individu et doivent inclure les mesures suivantes: l'enseignement correctif adapté au déficit spécifique; l'enseignement de stratégies compensatoires; la mise en place de mesures d'appui appropriées; finalement, le développement de la capacité de l'individu à faire valoir ses besoins spécifiques auprès de son entourage.

Dans les notes explicatives du projet de loi n° 56, nous pouvons lire: Il devra notamment évaluer ces mesures, en plus de formuler des recommandations à leur égard, le cas échéant. Plus spécifiquement, l'office devra promouvoir l'identification de solutions visant à réduire les disparités dans les régimes et les services, la planification individuelle de services, l'utilisation d'une classification uniforme des déficiences, incapacités et situations de handicap, l'inclusion, dans les programmes de formation, d'éléments relatifs à l'adaptation des interventions et des services destinés aux personnes handicapées...

Parce que le trouble d'apprentissage est un handicap invisible, l'AQETA a accueilli avec un grand intérêt ce commentaire. Nous y voyons là une ouverture à la reconnaissance du trouble d'apprentissage comme étant un handicap pour les personnes qui en sont sévèrement atteintes.

En effet, il existe une disparité dans le traitement qu'on leur accorde en ce qui a trait aux services ? on parle notamment de plan d'intervention, de services d'orthopédagogie ? des programmes de formation et des mesures d'accommodement. Lorsque le handicap n'est pas reconnu, les services adaptés et les accommodements ne sont pas offerts pour assurer la réussite scolaire et sociale des personnes. Si vous ne parvenez pas à décoder le l'écrit ou le langage, si vous ne pouvez pas comprendre la numération, comment pouvez-vous espérer vous épanouir comme citoyen? Des services et des adaptations sont donc essentiels pour assurer les apprentissages et la participation de ces personnes.

La définition de la personne handicapée, telle qu'elle a été amenée dans le projet de loi, à l'article 3. Actuellement, les personnes qui sont atteintes d'un trouble d'apprentissage sévère ont difficilement accès à des services parce que le trouble d'apprentissage n'est pas reconnu au sens de la définition du handicap qu'on peut lire à l'article 3, où on dit: La «"personne handicapée": toute personne ayant une déficience entraînant une incapacité significative et persistante [...] qui est sujette à rencontrer des obstacles dans l'accomplissement d'activités courantes.» Pourtant, une interprétation plus large de cette définition permettrait de reconnaître le trouble spécifique d'apprentissage comme un handicap.

Le trouble grave d'apprentissage entraîne une incapacité significative parce qu'il entrave l'acquisition et l'utilisation du langage oral et du langage écrit et des mathématiques. Il peut aussi impliquer des déficits sur le plan organisationnel et social. Dans la société moderne, l'acquisition et l'utilisation du langage oral ou écrit et des mathématiques sont un prérequis essentiel à l'exercice de la citoyenneté pleine et entière. Même l'OPHQ, dans une lettre qu'elle nous adressait en mars 2000, énonçait qu'un certain nombre d'enfants qui ont des troubles graves d'apprentissage sont reconnus comme étant des personnes handicapées au sens de la loi. Et, même si le président, M. Rodrigue, considère le trouble grave d'apprentissage comme un handicap, il reste que, dans les faits, peu de services sont offerts à ces personnes. Nous voulons que toutes les personnes qui ont des troubles graves d'apprentissage soient reconnues comme ayant un handicap.

La définition que vous proposez à l'article 5 réfère également à la notion de persistance de l'incapacité. Or, les troubles d'apprentissage durent toute la vie. Si leurs manifestations peuvent varier tout au long de la vie, elles résultent néanmoins d'atteinte d'un ou de plusieurs processus touchant la perception, la pensée, la mémorisation ou l'apprentissage. Comme on le disait tantôt, ils découlent de facteurs génétiques ou neurobiologiques ou d'un dommage cérébral qui affectent un ou des processus reliés à l'apprentissage. Ils sont donc permanents. Beaucoup d'élèves qui ont des troubles d'apprentissage quittent leurs études secondaires avant l'obtention d'un diplôme.

La définition du projet de loi énonce que la personne handicapée rencontre des obstacles dans l'accomplissement d'activités courantes. Les données statistiques qu'on a mentionnées tantôt sont éloquentes lorsqu'elles décrivent les difficultés rencontrées par les personnes qui ont des troubles sévères d'apprentissage. On parle de difficultés à lire, à écrire, à compter, les échecs scolaires répétés, le décrochage et difficultés à obtenir ou conserver un emploi.

Par ailleurs, si le législateur acceptait les arguments énoncés ci-haut pour inclure la personne ayant des troubles sévères d'apprentissage parmi les personnes handicapées, la définition du projet de loi devrait tout de même être modifiée. Comme la COPHAN, on croit que le terme de «personnes handicapées» ne correspond pas au modèle de production du handicap tel qu'il est décrit par le Réseau international sur le processus de production du handicap qui le définit: «une situation qui correspond à la réduction de la réalisation des habitudes de vie, résultant de l'interaction entre les facteurs personnels ? les déficiences, les incapacités et les autres caractéristiques personnelles ? et les facteurs environnementaux ? les facilitateurs et les obstacles».

n(17 h 30)n

En conclusion, les termes de «personne ayant une déficience» tels qu'ils sont utilisés à l'article 5 du projet de loi doivent inclure les personnes qui ont des troubles graves d'apprentissage, car, comme le disait l'Organisation mondiale de la santé, le trouble spécifique d'apprentissage est une déficience fonctionnelle, car il entrave le développement social, éducatif et psychologique de la personne qui en est atteinte. Ainsi, nous entérinons l'utilisation du terme «personne ayant des limitations fonctionnelles». Ce terme est également reconnu dans le processus de production du handicap comme équivalant à celui des «personnes ayant des déficiences ou des incapacités».

Pour toutes ces raisons, on adhère à la proposition de définition de «personne handicapée» telle qu'elle est formulée par la COPHAN et de ses organismes membres ? dont on est membres d'ailleurs. Et la définition se lit comme suit: Personne ayant une limitation fonctionnelle: toute personne ayant une déficience qui entraîne ou risque d'entraîner une incapacité sévère et persistante, incluant cyclique, ou toute personne ayant vécu ou vivant des problèmes de santé mentale, qui vit ou est susceptible de vivre des situations de handicap ayant pour effet de réduire leur pleine participation sociale et citoyenne.

Pour le reste de ce qu'on a écrit dans le mémoire, je n'insisterai pas là-dessus pour la présentation de l'association, parce qu'on voulait davantage insister sur, comme vous vous en doutez, la reconnaissance des troubles sévères d'apprentissage comme étant des limitations fonctionnelles au sens de l'application de la loi. Alors, on ne passera pas du tout sur ces aspects-là.

Mme Bastien (Lise): Je pense que vous êtes capables de... Vous les avez lus d'ailleurs, puisque vous nous avez invités ici.

Mme Gamache (Jocelyne): Alors, considérant que la reconnaissance du handicap ou de la limitation fonctionnelle permet à la personne qui en est atteinte de recevoir des services et des mesures adaptés à ses besoins, l'AQETA recommande que le trouble sévère d'apprentissage soit considéré parmi les handicaps au sens de la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées. Notons, par exemple, que les personnes atteintes de dysphasie, ou d'un trouble envahissant du développement, ou d'une autre condition similaire bénéficient de services et de mesures adaptées parce que leurs limitations sont reconnues, ce qui n'est pas le cas avec le trouble sévère d'apprentissage.

Finalement, disons que ce n'est pas parce que le trouble sévère d'apprentissage est invisible que les services et les mesures adaptées doivent l'être. Au nom de l'association, on vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Gamache. Alors, pour débuter l'échange avec les parlementaires, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, mesdames, pour votre visite à la commission et votre présentation. Évidemment, vous avez passé beaucoup de temps dans votre présentation sur la question de la définition, et on pourrait commencer l'échange là-dessus parce que, je pense, c'est le point le plus pertinent pour vous.

Il faut voir d'où on part. On part avec une définition actuelle qui, comme vous le savez, est assez compliquée, parce qu'on parle d'utilisation d'orthèses, de prothèses, il y a toutes sortes de choses qui se mélangent là-dedans, et ça devient une tâche assez considérable avec une définition aussi étroite que celle-là de se voir reconnaître même avec des limitations ou des handicaps qui sont pourtant fort évidents. C'est la raison pour laquelle on a voulu simplifier la définition et s'abstenir également de procéder à ce que certains voudraient peut-être qu'on fasse, c'est-à-dire une liste de diagnostics qui correspondent ou non. Mais, si on commence sur cette voie-là, on n'a pas fini, parce que les nouveaux diagnostics vont apparaître, les diagnostics vont se modifier, les difficultés d'interprétation des degrés seraient... léger, modéré, sévère, ils vont aussi rentrer là-dedans. Moi, dans une démarche semblable, je nous prévois de longues heures de débat et d'argumentation qui risquent d'être très difficiles.

Je vous écoutais cependant présenter les gens que vous représentez, les parents et les personnes qui ont des déficits d'apprentissage ou troubles d'apprentissage sévères, et je me disais, au fil de vos arguments, que la définition telle que proposée actuellement correspond finalement. Vous-mêmes, vous dites qu'une interprétation large de la définition pourrait inclure le trouble d'apprentissage sévère. Est-ce qu'il n'y a donc pas là une définition satisfaisante?

Mme Gamache (Jocelyne): C'est-à-dire qu'il y a une définition qui est intéressante, mais c'est dans l'application que ça pose problème. La définition, puis on l'a défini dans la présentation du mémoire, inclut des déficiences qui sont celles des personnes qu'on représente. Sauf que, dans les faits, quand il est question d'obtenir des services adaptés, quand il est question d'adapter un poste d'emploi, quand il est question d'avoir des services à l'école, des mesures adaptées, on nous renvoie à la définition en disant: Bien, vos membres ne sont pas des personnes handicapées. Alors, c'est plutôt dans l'application de la loi, dans la compréhension que les différents intervenants en ont qu'on veut intervenir. Parce que la définition, puis on le dit, on parle de déficience entraînant une incapacité significative, c'est vrai, nos membres ont des incapacités significatives, sauf que, dans les faits, ce n'est pas reconnu.

Mme Bastien (Lise): C'est-à-dire, par exemple, si on regarde un enfant, donnons-lui huit, neuf, 10 ans, qui a une problématique importante au niveau des troubles de la communication, au niveau des troubles du langage, mais que ce n'est pas là une dysphasie reconnue, diagnostiquée, mais un trouble important au niveau expressif-réceptif, il sera considéré comme un élève à risque et, à partir du moment où il est considéré comme un élève à risque, il ne pourra pas recevoir les services que recevrait un enfant handicapé. Mais un enfant qui a des troubles de communication importants, c'est-à-dire au niveau expressif-réceptif, par exemple, et qui essaie d'apprendre à lire, qui essaie d'apprendre à écrire, rencontre des obstacles très graves, ce qui fait que, s'il avait le soutien d'orthopédagogie et d'autres professionnels, il pourrait probablement passer à travers, d'une façon différente d'un enfant ordinaire, mais il arriverait à être capable d'apprendre à lire, d'apprendre à écrire et à se débrouiller. Et vous avez la même chose avec des enfants... Quand on parle d'enfants qui ont une dyslexie... bon, c'est un mot plus connu maintenant peut-être que les autres troubles de communication, mais un enfant qui a une dyslexie sévère, s'il n'a pas le soutien en classe, à l'école, par exemple, jusqu'à avoir des enregistrements pour pouvoir entendre la question qui lui est posée pour pouvoir y répondre, il sera incapable de le faire. Puis il va arriver quoi? Il va arriver qu'il ne réussira pas. Mais tout le reste va se mettre en branle.

Mais maintenant, actuellement, la dyslexie est reconnue comme étant un problème qui relève des élèves à risque. Et je pense que c'est un des points où on a un très gros problème parce que ces jeunes-là, tantôt ils vont avoir 15 ans, tantôt ils vont être rendus au secondaire, mais ils ne sauront pas encore lire. Puis ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas intelligents, là, hein, ça, on l'a conclu dès le départ, mais... Et qu'est-ce qu'on fait quand on a 15 ans, qu'on a encore des problèmes importants pour réussir à lire? Je ne parle même pas, là, de lire un livre et avoir une compréhension, mais de lire des choses aussi simples que des indications pour se rendre quelque part. On s'en va où avec la certification, par exemple ? Mme Marquez pourrait vous en parler, de la certification, tantôt ? mais on s'en va où, là? Le jeune est pris, il a de la difficulté à lire, une difficulté sérieuse.

Donc, on arrive en mathématiques avec de merveilleux problèmes: Lis ce joli problème et tu vas avoir la solution. L'enfant, si vous lisez pour lui le problème, va être capable de le faire, va être capable de se débrouiller, de le faire, je ne te dis pas aussi facilement qu'un enfant ordinaire, mais il va réussir. Mais, si on ne lui a pas donné les moyens ou les instruments pour être capable de faire cette partie de la tâche, qui est de lire et de comprendre le problème avant de le faire, il ne le fera pas. Ce n'est pas parce qu'il n'est pas capable de le faire, c'est que son problème langagier ou d'écriture l'empêche de le faire.

Alors, c'est là qu'on rencontre des grands... Pour nous, je pense qu'on considère qu'un enfant qui est dans cette situation-là, ou le jeune qui est dans cette situation-là, est un enfant qui présente un handicap qui va demeurer longtemps. Quand il va arriver à l'âge adulte, s'il veut prendre une chose aussi simple que devenir éboueur à la ville de Québec, puis ça pourrait être à Montréal ou n'importe où, il faut, paraît-il, un secondaire V. Mon petit homme ou ma petite... j'étais pour dire ma petite bonne femme, mais ça peut arriver aujourd'hui aussi... comment il va faire, comment il va faire s'il ne peut pas lire les endroits où il doit aller? Il y a une petite municipalité que j'ai connue où ils ont oublié le secondaire V ? vous allez me dire qu'ils ne sont pas en loi, là, je ne voudrais pas aller loin là-dedans ? et qu'ils leur ont montré les rues comme des étiquettes pour qu'ils puissent les reconnaître et puissent se rendre où ils voulaient. Mais je pense que, s'ils sont capables de faire ça, ces enfants-là, avec de l'aide, auraient réussi à se débrouiller dans la vie, être capables de lire au moins les choses qui sont courantes et dont on a besoin jour après jour.

Et, quand on arrive, quand on vous dit qu'un enfant qui a un trouble sévère d'apprentissage ne réussit pas à avoir un secondaire V, moi, je considère ça comme un handicap sérieux. Il y a tout le problème de la certification, peut-être que Mme Marquez, elle peut vous en parler, si vous voulez, ou je ne sais pas.

n(17 h 40)n

M. Couillard: M. le Président, merci. Alors, c'est la raison pour laquelle on s'est orienté vers cette définition large qui nous permet également de faire face aux nouveaux ou aux nouvelles... Vous savez que c'est important d'être classifié ? vous avez toutes eu affaire à ça, là ? ça prend une étiquette, hein, ça prend un diagnostic, ça prend un nom de maladie pour avoir accès à ci, à ça, et qui sait ce que le futur... nous attend. On peut peut-être arriver avec une définition complètement différente de ce qu'on a actuellement où, par exemple, j'imagine qu'on pourrait éventuellement dire que le trouble d'apprentissage sévère est en fait une entité et que les autres sont un autre type d'entité, ce genre de choses là. Alors, c'est pour ça qu'il m'apparaît très dangereux même, à la limite, de commencer à faire des listes de diagnostics.

Vous nous décrivez le cas du type de trouble d'apprentissage sévère très bien, très éloquemment. J'écoute la description et je trouve que ça correspond à la description qu'on a là.

Mme Bastien (Lise): Puis c'est pour ça que, moi, je ne voudrais pas tellement parler ou de dyslexie, ou de dyscalculie, ou de tous ces termes-là, mais je voudrais qu'on comprenne que l'enfant qui a un trouble sévère d'apprentissage, que son trouble sévère soit vraiment dans l'ensemble des mathématiques, français écrit et parlé, que ce soit dans un des secteurs et devant une situation qui le handicape fortement et handicape son avenir.

Le Président (M. Copeman): Est-ce que tu me permets?

M. Couillard: J'attends de façon disciplinée, M. le Président. Si vous voulez intervenir...

Le Président (M. Copeman): Oui. Bien, c'est parce que j'ai également une petite question, mais allez-y, M. le ministre.

M. Couillard: Non, allez-y, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Non, non, je vous en prie.

M. Couillard: C'est parce que je voulais passer à un autre sujet. Donc, si vous voulez, sur le même sujet, dans le but d'assurer la continuité de la conversation...

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme Bastien, je tenais à intervenir parce que j'ai une connaissance personnelle avec des difficultés d'apprentissage, des troubles d'apprentissage. D'ailleurs, ma belle-mère a été membre de votre association dans le temps de Joan Dougherthy, ex-députée de Jacques-Cartier, et je me rappelle... Je me suis joint à cette famille un peu tardivement, mais, par force de convoiter ma belle-mère, mon beau-père, on apprend l'histoire de la famille, et je sais à quel point ma belle-mère a été obligée de se battre avec un système scolaire qui, dans le temps, ne connaissait rien, ne voulait rien savoir d'un enfant qui avait un trouble sévère d'apprentissage. Même, je pense que le terme était très peu ou à peu près pas utilisé. Que ce soient les enseignants individuels, les directeurs ou directrices de l'école... ce membre de la famille a été transféré d'une école à l'autre à peu près aux deux ans parce que les autorités scolaires n'étaient pas capables de comprendre qu'il y avait un problème et ils cherchaient la voie facile, c'était de dire que cette personne était un peu paresseuse, on ne travaillait pas assez fort, il y avait des problèmes de comportement, alors c'était plus facile dans le temps de simplement suggérer un transfert à une autre école. Alors, je suis très conscient des difficultés qui existaient il y a plus de 30 ans, mais qui existent toujours, hein, il ne faut pas se leurrer. Je ne pense pas... Il est vrai que nous avons fait beaucoup de progrès, mais, comme dans bien des domaines, pas autant qu'on souhaite, je crois.

Mais je vais revenir sur la question des définitions parce que, comme parlementaires, je pense qu'il faut que, nous autres, en tout cas, au minimum on fasse la distinction qui peut vous paraître un peu... ou peut-être pas assez pertinente, mais on a un projet de loi qui est une loi-cadre et, à première vue, comme profane, je constate que la nouvelle définition, je pense, cadre beaucoup mieux avec la réalité de beaucoup de personnes, entre autres les personnes qui souffrent des problèmes d'apprentissage sévères. Si, par la suite, il y a un problème d'application, et là encore une fois je ne dis pas que ce n'est pas à regarder, au contraire il faut regarder les problèmes d'application, mais il faut partir d'un cadre général qui est la loi, et par la suite convaincre des autorités, que ce soit au niveau des ministères, des commissions scolaires, des écoles, qu'il y a des individus qui ont des troubles sévères d'apprentissage qui s'intègrent à l'intérieur de cette définition, et par la suite ce problème devrait être reconnu officiellement par les autorités, que ce soit l'OPHQ, que ce soit le ministère de l'Éducation, que ce soit le ministère de la Santé et des Services sociaux, que ce soient les commissions scolaires, et que les correctifs soient apportés, parce que c'est le but, hein? J'ai vu, avec une expérience personnelle, comment on peut pallier à certains problèmes. On ne peut pas les résoudre, c'est vrai qu'ils sont permanents, mais, avec des interventions ciblées, on peut aider des gens qui ont des problèmes sévères d'apprentissage, des troubles sévères d'apprentissage, de pallier à leur ? est-ce que j'oserais dire? ? leur handicap.

Alors, est-ce que ? et je reviens à la question ? est-ce que cette définition ne cadre pas mieux, tout en reconnaissant qu'il faudrait à l'avenir... immédiatement, je présume ? je ne veux pas présumer que le projet de loi sera adopté tel quel... Mais, si jamais cette définition est adoptée, il faudrait s'y mettre, tout le monde ensemble, pour s'assurer que les troubles d'apprentissage soient reconnus comme un handicap dans le sens que propose le projet de loi n° 56. Êtes-vous d'accord avec ce sommaire? Mme Destrempes-Marquez, oui.

Mme Destrempes-Marquez (Denise): Dans l'ensemble, oui, mais, comme vous l'avez mentionné, il faudrait que ça se traduise par des applications, parce que, si on se réfère à la sanction des études du ministère de l'Éducation, il n'y a aucune politique d'établie pour les accommodements. Toutes les technologies qui peuvent être si utiles... parce que, au fond, un examen doit évaluer les connaissances et non pas les fautes d'orthographe, ce qui se voit souvent. Alors, si la sanction des études, entre autres, avait une politique claire se référant aux droits des personnes handicapées, eh bien, les jeunes qui ont un trouble sévère d'apprentissage pourraient bénéficier de technologies: longueur de temps, logiciel spécial, enfin véritablement pour évaluer les connaissances.

Il y a aussi des discriminations au plan des crédits d'impôt. Évidemment, quand un handicap n'est pas reconnu, bien, il y a des coûts très élevés pour les parents qui sont rattachés pour aider à la réussite. C'est évident que, dans les familles les plus favorisées, la réussite est souvent possible mais avec de l'aide: orthopédagogue, psychoéducateur... enfin, technologie, pardon, achat de logiciels, etc. Mais quand même les coûts sont là, et c'est tellement important aussi la réussite tant sur le plan personnel que sur le plan social. Il faut que ces jeunes-là trouvent leur place dans la vie, et ils sont souvent plus créatifs que les autres. Mais il faudrait justement avoir de l'aide pour l'application parce que... c'est commencer au bas de l'échelle, parce que ce n'est pas évident, hein, que ce soit un handicap, quoique l'OPHQ est reconnu. Mais évidemment il faut convaincre, comme vous l'avez dit, l'ensemble des autres ministères.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le ministre.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Ça va compléter l'exploration de cette définition.

Juste un bref sujet pour, par la suite, céder la parole à mes collègues parlementaires, un sujet technique sur lequel je vous demanderais de m'éclairer. Dans votre mémoire, sur la question des documents, vous mentionnez ou vous proposez que les renseignements qui ont une incidence non seulement sur les personnes handicapées, mais aussi sur l'ensemble des citoyens, soient transmis aux personnes handicapées et à l'ensemble des citoyens. J'ai de la difficulté à comprendre de quoi on parle exactement ici. Peut-être que vous pourrez me répondre plus tard, si vous voulez, si vous êtes un peu loin du sujet actuellement. Je me suis demandé qu'est-ce que vous vouliez dire par là, là. Mais, si ce n'est pas possible immédiatement de préciser ça, je ne vous en tiens pas rigueur, ne vous en faites pas. Et on pourra le faire par la suite.

Mme Bastien (Lise): Mais on vous répondra quand même.

M. Couillard: Merci. Alors, je cède mon droit de parole...

Le Président (M. Copeman): Ça va pour l'instant? Mme la députée de Duplessis et porte-parole de l'opposition officielle pour les services sociaux.

Mme Richard (Duplessis): Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Je voudrais revenir peut-être de façon plus précise aux enfants qui souffrent de dyslexie. Vous avez fait mention que, bon, souvent, au niveau de l'éducation, ces enfants-là sont considérés comme des élèves à risque et qui ne reçoivent pas les services.

Mme Bastien (Lise): Ils reçoivent moins de services.

Mme Richard (Duplessis): Moins de services. C'est parce que je veux qu'on échange là-dessus parce que j'ai été dans le réseau scolaire pendant de nombreuses années et je viens d'un territoire assez particulier, puis je vous dirais que, quand ça venait le temps de faire l'organisation scolaire, on ne faisait peut-être pas la différence au niveau de la commission scolaire que ce soit un enfant handicapé ou que ce soit un élève à risque ou de trouble d'apprentissage quant à lui donner les services. On se devait de lui offrir des services, et peu importe l'endroit où il se trouvait sur notre territoire. Et ce que j'entends ici aujourd'hui, c'est que vous semblez dire ? puis je vous crois, là, je veux qu'on échange un peu plus pour comprendre ? vous semblez dire: Il y a certains cas où, comme ils vont être identifiés élèves à risque, il n'y aura... Je comprends-tu qu'il n'y aura pas de service d'orthopédagogue...

n(17 h 50)n

Mme Bastien (Lise): En fait, je ne dis pas...

Le Président (M. Copeman): Mme Bastien, allez-y.

Mme Bastien (Lise): Correct? Puis je pourrai passer la parole à mes collègues aussi, là, juste un petit... Je ne dis pas qu'ils n'ont pas de services. J'ai dit que les services sont moindres, les services sont ceux qu'on donne à un enfant qui a des troubles d'apprentissage actuellement. Il va avoir de l'orthopédagogie, il va avoir des choses comme ça. Mais, quand on parle d'un enfant qui a, par exemple, une dyslexie, il a besoin de plus qu'une orthopédagogue. Je ne veux pas dire que l'orthopédagogue n'est pas correcte, au contraire. Puis même, actuellement, il y a, avec l'Université de Sherbrooke et ailleurs, il y a des recherches qui sont faites sur la dyslexie avec le projet DEDAL, et on donne beaucoup d'aide. Mais l'enfant dyslexique a un besoin de choses très spécifiques. C'est un trouble spécifique. Je pourrais dire que, oui, il y a des commissions scolaires qui, pour des raisons particulières, réussissent à donner plus à certains élèves, mais ce n'est pas ce qu'on voit dans l'ensemble. Puis un élève à risque, par exemple, comme un dyslexique, est-ce qu'il peut avoir un ordinateur s'il n'est pas déclaré handicapé?

Mme Richard (Duplessis): Mais l'enfant dyslexique, je veux dire, à un moment donné, est identifié par la commission scolaire, ils doivent mettre les mesures en place.

Mme Bastien (Lise): ...on met... excusez, c'est parce que j'étais dans le service... dans le système scolaire, il y a jusqu'à un an et demi. On essaie ? je vais le dire, oui, comme quand j'étais là ? on essaie le plus possible de donner ce qu'on peut, mais vous connaissez la situation actuelle.

Mme Richard (Duplessis): Oui. Bon. O.K., je la connais très bien.

Mme Bastien (Lise): Hein?

Mme Richard (Duplessis): Et je me dis: Mais ? puis c'est là que je veux vous amener ? qu'est-ce que ça changerait que, dans la définition de «personne handicapée», le trouble d'apprentissage ? puis on le disait tantôt par rapport à la classification, là, troubles sévères, pas sévères ? qu'est-ce que ça... Moi, là, moi, mon interrogation première, c'est l'enfant qui est dans la classe.

Mme Bastien (Lise): Moi aussi.

Mme Richard (Duplessis): Moi, peu importe sa condition, je me dis... puis peu importe où il se trouve...

Mme Bastien (Lise): C'est ça.

Mme Richard (Duplessis): ...il faut qu'il ait le meilleur service.

Mme Bastien (Lise): Oui, d'accord.

Mme Richard (Duplessis): Qu'est-ce que ça changerait, là?

Mme Bastien (Lise): Je vais te laisser la parole dans deux secondes, mais juste que je pense que, si un enfant dyslexique est reconnu handicapé et, dès le départ, on peut avoir, que ce soit à l'Éducation ou à la Santé, la possibilité d'avoir, comme disait madame tantôt...

Mme Richard (Duplessis): Plus de services.

Mme Bastien (Lise): ...des rentes...

Une voix: Des accommodements...

Mme Bastien (Lise): ...des accommodements, par exemple au niveau d'ordinateurs, au niveau... un enfant dyslexique sévère. Parce que, là, quand on parle de handicap, on parle toujours de sévère, hein?

Mme Richard (Duplessis): Sévère, oui, oui.

Mme Bastien (Lise): L'accompagnement au niveau de l'enregistrement pour lui permettre de comprendre un accompagnateur ou un éducateur à temps x, y, z pour écrire pour lui, par exemple, ce que lui est incapable d'écrire. Actuellement, bravo! s'il y a quelques commissions scolaires qui peuvent se permettre d'avoir des éducateurs dans la classe où est un enfant dyslexique et l'aider à prendre ses notes, etc., tant mieux. Mais, je veux dire, pour moi, cet enfant-là a des difficultés qui sont un handicap, même quand il va arriver pour passer son permis de conduire.

Une voix: Non, c'était ça que je voulais dire.

Mme Bastien (Lise): C'est ça que tu voulais dire?

Mme Richard (Duplessis): Bien, merci beaucoup, je comprends...

Mme Bastien (Lise): Non, mais je m'excuse, peut-être que je suis un peu émotive dans tout ça, mais ça me touche beaucoup.

Mme Richard (Duplessis): Oui. Non, j'ai bien compris, mais je voulais plus échanger avec vous...

Mme Bastien (Lise): C'est ça.

Mme Richard (Duplessis): ...pour mieux le comprendre aussi, puis pour le bénéfice de mes collègues.

Le Président (M. Copeman): Mme Lucas.

Mme Lucas (Monique): J'aimerais peut-être ajouter quelque chose en rapport avec justement la vie de l'enfant à l'école quand il a un trouble d'apprentissage de différente nature. Ce n'est pas toujours la dyslexie, mais c'est assez quand même souvent la dyslexie. Au départ, ce n'est pas toujours justement décelé, mais l'enfant... Si c'était déjà reconnu socialement qu'il existe, ce handicap qui est le trouble d'apprentissage, il serait peut-être davantage décelé et plus rapidement quand l'enfant commence l'école, et on ne lui attribuerait pas toutes sortes d'autres qualificatifs, comme monsieur mentionnait tout à l'heure aussi, d'être paresseux... Moi, je dirais souvent qu'on va dire qu'ils manquent de volonté, qu'ils ne sont pas motivés ou encore qu'ils se comportent mal même, parce que ça peut aller jusqu'à développer des comportements d'opposition. Quand on est frustré de ne pas comprendre alors que nos amis comprennent, ce n'est pas facile, dans le quotidien de ces enfants-là, à vivre.

Et les services actuellement qui sont donnés pour les enfants à risque, ils vont peut-être être identifiés, oui, à risque, mais les services sont quand même encore minimes. Je suis moi-même dans une école, et on n'a pas suffisamment d'heures pour vraiment donner les services nécessaires pour ces enfants-là déjà à l'école. Alors, avec toutes les conséquences qui s'ensuivent, certains vont des fois, rendus au secondaire, être même suicidaires, quand ils n'auront pas développé tout simplement des troubles de comportement d'opposition. Et souvent, ce qui frappe, rendu dans le milieu scolaire, si on n'a pas décelé le trouble d'apprentissage, c'est qu'on voit ces autres manifestions là qui se sont ajoutées au trouble quand c'est un peu trop tard pour les aider. Alors, on va travailler sur les autres manifestations sans voir qu'à la base il y avait un trouble d'apprentissage. Parce que l'enfant des fois, qui est très brillant, il va faire semblant que c'est parce qu'il ne veut pas. Il ne veut pas dire: Moi, je ne suis pas capable, alors il dit: Je ne veux pas apprendre. Donc, il développe aussi toutes sortes d'autres comportements.

Alors, je pense que, quand on peut les déceler très tôt, si les services étaient davantage répandus, je pense que c'est une reconnaissance sociale qui fait qu'éventuellement... on sait que ce n'est pas du jour au lendemain que ça va se passer non plus, mais que ça demande une reconnaissance sociale de ce handicap-là.

Mme Richard (Duplessis): Encore une fois, je comprends très bien, moi, peut-être parce que je venais d'une petite commission scolaire, puis, dans le temps que j'étais là, je disais toujours que c'était la meilleure au Québec. En tout cas, pour nous, là, on donnait le service. Je vous dirais qu'on avait des petits villages, en tout cas dans le temps, qui n'étaient même pas reliés par le réseau routier, puis on s'organisait pour donner le service aux enfants qui étaient en difficulté. Puis soyez assurées que je comprends très bien ce que peuvent vivre aussi les parents qui vivent avec un enfant qui vit avec un trouble sévère au niveau de l'apprentissage.

Et ça m'amène à une autre question. Comme vous l'avez dit, ces enfants-là souvent, s'ils ne sont pas décelés à temps, s'ils n'ont pas de service d'orthopédagogue, etc., ils ont de la misère quand ils arrivent... beaucoup, beaucoup de difficultés à la diplomation au secondaire V. Et je voudrais savoir: Est-ce que, dans vos membres, chez les parents qui ont un enfant qui n'a pas réussi à obtenir de diplomation, qui n'a pas réussi à obtenir son secondaire V et qui est peut-être rendu à 20, 23 ans, peu importe, qu'il n'est pas capable d'intégrer le marché du travail parce que ses troubles sont devenus de plus en plus grands, il a vécu de l'isolement, et tout ça, comment ces parents vivent ça, là, au quotidien, là? Bon, je vous le demande: Est-ce qu'il y a un crédit d'impôt à la fin de l'année? Parce que c'est des frais, là. Il faut prendre cet enfant-là qui est devenu adulte et qui a eu des troubles d'apprentissage très jeune, qu'on n'a pas réussi à déceler, puis qui n'a pas été identifié nécessairement puis qui n'a pas les mêmes services qu'une personne dite avec limitations fonctionnelles.

Mme Bastien (Lise): Je pense que Mme Marquez peut vous répondre très bien là-dessus.

Mme Destrempes-Marquez (Denise): Moi, je crois que ? on l'a mentionné tantôt ? il y a discrimination à ce niveau-là parce qu'il y a des frais élevés et finalement il n'y a pas... comme ce n'est pas reconnu comme un handicap, il n'y a pas de compensation à ce niveau-là. Alors, oui, ce sont des coûts très élevés non seulement pour le jeune, mais pour la famille, pour la société. Parce que, comme on le sait, ils sont souvent créateurs, ils sont intelligents, mais malheureusement ils n'arrivent pas à se réaliser parce qu'ils n'ont pas les prérequis.

Mme Lucas (Monique): Sur le coût social, on peut dire aussi que, plutôt que de justement mettre à profit leur créativité, certains se retrouvent dans le système carcéral parce qu'ils n'ont pas eu d'autres moyens de se débrouiller dans la vie que de se déprendre autrement, finalement, de se faire valoir autrement.

Mme Destrempes-Marquez (Denise): De se faire valoir, mais pas tout à fait de la bonne façon.

Mme Lucas (Monique): C'est ça. Mais on sait aussi que, quand on peut leur donner l'aide nécessaire et leur faire comprendre leur problème, quand ils savent que ce qu'ils ont ? on n'a peut-être pas nécessairement toujours utilisé l'expression «handicap» ? mais, quand ils savent qu'ils ont, par exemple, une dyslexie, par exemple, un autre trouble et qu'il y a des choses qu'ils peuvent faire et qu'ils peuvent avoir des moyens pour compenser, généralement ces jeunes-là s'en sortent quand même relativement bien. Ils peuvent faire une vie en ayant des moyens techniques pour les aider quand les parents ont les moyens de leur fournir. Mais, quand les parents n'ont pas les moyens, bien, c'est bien dommage.

n(18 heures)n

Mme Gamache (Jocelyne): Juste ajouter là-dessus que le trouble sévère d'apprentissage n'étant pas reconnu, quand on est adulte et on veut se faire évaluer pour comprendre la nature de nos difficultés, c'est les personnes qui doivent débourser pour avoir une évaluation, et les hôpitaux ne fournissent pas ça, les médecins ne le font pas, c'est-à-dire qu'il faut aller au privé. Ça coûte 1 500 $ juste se faire évaluer, juste savoir ce qu'on a, puis là on n'a pas mis en place de mesures, on ne s'est pas acheté un logiciel, un synthétiseur de voix, on n'a pas rien déboursé d'autre. Alors, quand on parle de la nécessité de reconnaître le trouble sévère d'apprentissage comme... Dans l'application de la loi, c'est une autre manifestation où on aimerait bien... Parce que les adultes ont aussi des problèmes.

Le Président (M. Copeman): Ça va?

Mme Richard (Duplessis): Merci. Une petite dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Oui.

Mme Richard (Duplessis): Est-ce que vous savez, d'après l'expertise que vous avez, s'il y a des avancées dans le monde, par rapport à la classification des personnes qui vivent avec des troubles d'apprentissage sévères? Qu'est-ce qui se fait ailleurs?

Mme Lucas (Monique): Il y a beaucoup de recherches en neuropsychologie, puis les professionnels associés aussi, en orthophonie, orthopédagogie, où on développe maintenant des instruments pour vraiment davantage évaluer, et cerner, et pouvoir intervenir aussi dans le bon sens pour aider ces jeunes-là. Mais ce qu'on découvre maintenant, c'est que ça prend quand même beaucoup de temps... pardon, pour diagnostiquer.

Mme Richard (Duplessis): Mais est-ce que ces personnes, ailleurs dans le monde, sont reconnues comme des personnes handicapées?

Mme Destrempes-Marquez (Denise): Je crois qu'aux États-Unis il y a une loi à cet effet et qui est contre la discrimination faite à ces personnes qui ont été diagnostiquées en trouble d'apprentissage. Ils sont avancés de ce côté-là.

Mme Gamache (Jocelyne): On sait aussi qu'en Alberta, par exemple, les jeunes qui sont reconnus comme ayant un trouble sévère d'apprentissage ont accès à des technologies. On leur fournit des portables, on leur fournit des logiciels, on adapte, on leur donne des mesures adaptées ? en Saskatchewan aussi, je crois, c'est la même réalité ? alors qu'au Québec, on les classe dans les élèves à risque.

Mme Richard (Duplessis): Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Pontiac, il reste quatre minutes au groupe ministériel. Alors, allez-y.

Mme L'Écuyer: Merci, M. le Président. Mme Bastien, Mme Marquez, Mme Gamache et Mme Lucas, bonjour. Écoutez, depuis tantôt que j'écoute le débat au niveau des troubles d'apprentissage, et que ça devrait être reconnu comme faisant partie d'un handicap, et que ce serait important, mais en même temps j'entends aussi l'autre discours, en disant: Si on avait les moyens, si on avait des ressources, si on avait les informatiques, les logiciels, et ces choses-là, ces jeunes-là pourraient s'en sortir. Je suis comme entre les deux. Je me dis: C'est quand même de dire qu'un jeune qui a un trouble grave d'apprentissage est un handicapé, mais en même temps d'entendre le discours qui dit: Si on pouvait mettre à leur disposition telle chose, telle chose, dans des écoles... C'est comme si le trouble grave d'apprentissage peut être récupéré ou bien que le jeune peut progresser, qu'il peut apprendre et que les problèmes de lecture, d'écriture et de math s'en iraient en diminuant. Depuis tantôt que j'écoute ça, puis j'aimerais ça que vous puissiez m'éclairer parce que je me disais: Non, on ne peut pas dire que c'est un handicapé si en même temps... parce que les ressources au niveau du scolaire sont absentes et que l'enfant ne peut pas progresser. Ça, c'est ma première.

La deuxième: les parents. Les parents, est-ce que, pour eux, le fait que l'enfant ait une appellation que le trouble grave d'apprentissage est un handicap, est-ce que, pour les parents, ça répond à ce qu'ils veulent, d'une part? Et, deuxièmement, est-ce que c'est un moyen pour avoir les ressources nécessaires pour faire progresser ces enfants-là? Est-ce que c'est le seul moyen, que ce soit reconnu comme étant un handicap, pour avoir les ressources nécessaires?

Mme Bastien (Lise): ...la parole à Mme Gamache, mais je voudrais juste dire un tout petit mot avant. Pour moi, j'ai comme l'impression peut-être qu'on ne s'est pas tout à fait compris. Quand je parle de trouble sévère d'apprentissage ou grave d'apprentissage, c'est des troubles qui, si on regarde la définition canadienne, sont irréversibles. Maintenant, quand c'est irréversible, si on reconnaît certaines choses... Je ne dis pas: Si on prend une personne handicapée d'un autre style et on lui donne les outils nécessaires, il va faire quelque chose, il va aboutir à réussir. Et, pour moi, quand on parle de handicap au niveau du trouble sévère, c'est dans cette situation-là du trouble qui est irréversible, reconnu par la définition canadienne et autres définitions. Je pense que Mme Gamache, si vous acceptez, a quelque chose à ajouter.

Une voix: Tout le monde voudrait ajouter quelque chose.

Le Président (M. Copeman): Mme Lucas? Madame... oui.

Mme Lucas (Monique): D'accord. Maintenant, oui, j'imagine...

Le Président (M. Copeman): Il n'y a aucun problème.

Mme Lucas (Monique): Ce qu'il est important de savoir, c'est que justement le trouble grave d'apprentissage ne disparaît pas. C'est sûr qu'il peut y avoir un développement, que la personne puisse s'améliorer jusqu'à un certain niveau, mais ceux qui n'y arriveront pas ? parce qu'il y en a qui n'arrivent pas à arriver à vraiment lire ? ils vont être capables des fois de commencer à savoir certains sons de lettres, là, d'une façon très technique, puis ils vont lire encore d'une façon très hachurée, mais ils ne vont jamais avoir une automatisation de la lecture, ils ne pourront pas être fonctionnels en lisant. Mais ils peuvent se débrouiller avec des fois certains mots, et tout.

Mais l'intelligence est là, et le développement peut se faire. Ce qui commence à se faire parfois, en milieu scolaire, c'est qu'on permet à ces enfants-là... D'abord, avec la réforme, ces enfants-là vont pouvoir reprendre l'année, ils montent avec les autres. Et on s'aperçoit aussi qu'ils sont capables de développer leurs connaissances d'une façon orale. Mais, si on leur demande, surtout pour la sanction des études encore, d'écrire un examen, bien ils vont échouer. Alors que, si on leur demandait à l'oral, ces enfants-là...

C'est un handicap invisible. C'est invisible, mais c'est un handicap. Je pense que c'est difficile à débattre parce que beaucoup de gens vont dire: Bien oui, mais on les voit... Mais il y en a qui font semblant d'avoir oublié leurs lunettes pour ne pas avoir à lire. Là, on parle des analphabètes. Parce que bien souvent, à la base, ils avaient un trouble, ils n'ont jamais réussi à apprendre à lire, même en allant à l'école. Ils se sont débrouillés autrement dans la société, mais ça demeure un handicap à l'âge adulte.

Mme Gamache (Jocelyne): Juste une analogie peut-être pour vous aider à comprendre: la personne qui est en chaise roulante, qui n'a pas l'usage de ses jambes, même si elle a une chaise roulante, elle reste handicapée. C'est la même chose avec le trouble grave d'apprentissage. Quand même qu'on aurait accès à un logiciel, on reste avec notre trouble grave d'apprentissage. Ça nous aide à progresser, mais on a quand même de la difficulté au niveau de l'apprentissage. C'est un peu la même réalité qui est vécue. L'utilisation, l'accès à des accommodements, à des mesures est très important parce que ça permet de fonctionner, mais ça n'enlève pas le trouble comme tel. Sur la...

Mme Destrempes-Marquez (Denise): C'est parce que vous avez posé la question, Mme la députée, à l'effet que comment les parents vont percevoir, je pense, cette étiquette ou appeler «l'handicapé» pour leurs enfants. Ce que les parents veulent, et pour en recevoir tellement d'appels par année, ils veulent que leur enfant «ré-us-sisse». Ils sont prêts à faire n'importe quoi pour que l'enfant réussisse. La plupart, ils l'ont à coeur, hein, c'est comme le succès de leur vie. Notre enfant, c'est le don de Dieu, on veut en faire ce qu'il y a de mieux. Alors, la plupart des parents veulent, quel que soit le nom... Si on leur apporte les possibilités d'assurer la réussite à leur enfant, ils sont contents. En général, c'est ça.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme Bastien, Mme Destrempes-Marquez, Mme Gamache, Mme Lucas, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire. Et, sur ce, j'invite l'Association québécoise pour l'intégration sociale à prendre place à la table. Et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 18 h 8)

 

(Reprise à 18 h 14)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président (M. Copeman): J'entends des commentaires que je n'apprécie pas. À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux, et ça nous fait plaisir de recevoir encore les représentantes de l'Association du Québec pour l'intégration sociale. Madame... Je ne sais pas qui est la porte-parole. Mme Cholette, la présidente, bonjour.

Mme Cholette (Lucie): Bonjour.

Le Président (M. Copeman): Vous savez nos règles de fonctionnement, vous les connaissez: 20 minutes de présentation, qui sera suivi par un échange avec les parlementaires d'à peu près 20 minutes de chaque côté de la table. Alors, en vous souhaitant la bienvenue et sans plus tarder, je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter immédiatement votre présentation.

Association du Québec
pour l'intégration sociale (AQIS)

Mme Cholette (Lucie): Merci. À ma droite, Mme Susie Navert, conseillère à l'AQIS, Mme Céline Vallières, notre vice-présidente, et Mme Diane Milliard, notre directrice générale.

Alors, M. le Président, M. le ministre, messieurs dames les députés, bonjour. Alors, l'AQIS regroupe environ 80 associations qui oeuvrent dans le domaine de la déficience intellectuelle. Notre particularité, c'est que nous sommes une association de parents. Notre objectif ultime, c'est de permettre l'inclusion totale, dans la communauté, des personnes vivant avec une déficience intellectuelle.

Ce projet de loi est important pour nous parce que c'est une opportunité majeure d'améliorer les conditions de vie des personnes ayant une limitation fonctionnelle et ainsi que celles de leurs familles.

Très brièvement, je vous rappellerai que ce n'est qu'en 1971 qu'on a reconnu que les personnes ayant une limitation fonctionnelle sont des citoyens à part entière.

En 1978, il y a eu la loi que l'on révise aujourd'hui. Cette loi était très avant-gardiste à l'époque. Malheureusement, je pense qu'on a stagné depuis ce temps-là. Il y a même... Quelquefois, on a l'impression de reculer.

En 1984, on a eu les grandes orientations de la politique À part... égale, qui a été assortie de plusieurs engagements ministériels qui sont malheureusement restés lettre morte. Tout ça pour vous dire qu'on ne veut pas d'un autre beau document théorique.

Aujourd'hui, en 2004, bien il reste encore à peu près un millier de personnes en institution. C'est donc dire que la majorité des personnes qui ont une limitation fonctionnelle vivent dans la communauté. Mais elles n'en font pas encore partie intégrante. Dans les faits, elles ont de faibles revenus, une scolarisation moins élevée, elles font face à de l'isolement social, à de l'exclusion du marché du travail, malgré plusieurs programmes gouvernementaux.

Alors, même s'il y a des initiatives qui sont intéressantes, il faut les traduire de façon concrète en mesures et services, les assortir de ressources nécessaires, sinon ça reste des voeux pieux.

Je vous donne l'exemple de la politique de soutien en déficience intellectuelle De l'intégration sociale à la participation sociale. Belle politique, beau plan d'action, tout le monde était d'accord là-dessus, et puis finalement, bien il n'y a pas grand-chose qui a été fait. C'était un beau papier.

Quand je parle de ressource aussi, il faudrait faire attention, hein? Il ne faudrait pas déshabiller Paul pour habiller Pierre. Et on ne veut pas non plus être le spécial de la semaine. On veut faire partie des orientations fondamentales du gouvernement. Les personnes vulnérables et leurs familles sont victimes des décisions prises en matière de finances publiques. Les familles doivent faire face à une surcharge financière, et la pression sur les parents est grandement amplifiée. Le système semble impuissant à nous soutenir dans notre rôle de par l'insuffisance de services, et la subvention du programme de soutien aux familles ne couvre qu'une mince partie de nos besoins.

À l'heure où la reconnaissance des droits des personnes ayant une limitation fonctionnelle est encore aléatoire et largement tributaire du bon vouloir de chacun, dans un contexte où la population vieillit, donc il y a augmentation des personnes qui ont une incapacité, la mise en place non seulement de lois et de politiques, mais aussi d'actions concrètes et de ressources associées s'impose avec vigueur. C'est ce que doit contenir cette loi.

La révision de la loi, c'est une opportunité de rafraîchir la terminologie. Alors, on propose donc de remplacer le terme de «personne handicapée» par «personne ayant une limitation fonctionnelle». Le terme «personne handicapée» ne correspond pas d'ailleurs à la notion de production de handicap. On sait que c'est seulement quand elle est confrontée à un environnement non adapté à sa condition qu'une personne qui a une limitation vit une situation de handicap. On devrait également peut-être profiter de l'occasion pour changer l'appellation Office des personnes handicapées.

On propose également de remplacer le terme «intégration» par «inclusion». L'intégration, ça sous-entend que la personne est initialement exclue du groupe, tandis que l'inclusion sous-entend, elle, que les activités sont organisées en fonction de tout le monde dès le départ.

n(18 h 20)n

Et là ça peut sembler subtil et théorique, la différence, là, entre «intégration»«inclusion». Je peux vous donner un exemple concrétisé. Alors, après cette belle commission parlementaire, vous êtes fatigué, vous décidez d'aller jouer au golf dans le sud pour vous reposer. Vous allez chez votre agent de voyages et vous achetez un forfait vacances, golf inclus. C'est l'inclusion. Vous êtes certain que vous allez jouer au golf tous les jours de la semaine. D'autre part, si vous allez chez votre agent de voyages, que vous prenez un forfait voyage et que vous demandez à l'agent de voyages: Intègre-moi donc du golf là-dedans. Bien là peut-être que vous allez jouer au golf. Ça va dépendre de l'insistance de l'agent de voyages auprès du directeur de l'hôtel. Ça va dépendre de l'énergie que le directeur de l'hôtel va mettre à appeler au terrain de golf. Ça dépend de la bonne volonté du préposé aux heures de départ, s'il vous trouve une heure de départ. Ça dépend si vous trouvez du transport pour vous amener entre l'hôtel puis le terrain de golf. Peut-être que vous allez jouer au golf. Ça, c'est l'intégration. Avec l'inclusion, vous êtes certain de jouer au golf.

À l'AQIS, on se réjouit de plusieurs modifications proposées dans le projet de loi. Notamment, pour la première fois, on prend en compte la contribution des familles lors de la mise en place de diverses mesures. On espère seulement que ce n'est pas pour augmenter notre contribution. On salue également le rôle de vigie qui est accordé à l'office, l'introduction d'éléments d'une loi-cadre qui va permettre d'instaurer une certaine stratégie gouvernementale.

Notre perception, c'est que le projet de loi veut bien inclure les personnes ayant une limitation fonctionnelle, mais il ne va pas assez loin. Les mots d'action ne sont pas assez forts. On parle de veiller, de coordonner, de recommander, favoriser, promouvoir. Il manque des mots. Il manque des mots comme «objectifs de résultat», «reddition de comptes», «sanctionner», «sévir».

Vous savez, dans l'esprit de la loi de l'instruction publique, tous les enfants sont scolarisés en premier dans la classe régulière de l'école du quartier. Mais il n'y a pas de sanction dans cette loi-là. Il n'y a pas de conséquence. Il y en a combien, d'enfants, vous pensez, qui ont une déficience intellectuelle et qui sont scolarisés en classe régulière à l'école du quartier? Il y en a très, très, très peu. C'est quelques points de pourcentage seulement.

On aimerait donc un ajout au projet de loi qui assure un mécanisme pour obliger un ministère ou un organisme public à se conformer à la loi. On veut une obligation de résultat. Si la loi n'est pas coercitive, elle ne sera pas appliquée. Qu'on pense ici aux plans d'embauche, qui n'ont pas fonctionné, au taux de représentativité des personnes ayant une limitation fonctionnelle dans la fonction publique. L'objectif était quelque chose comme 3 %. C'est quoi? Il y en a combien présentement? 1 %, 1,5 %? Il y en a combien qui travaillent à l'OPHQ? Et surtout il y en a combien qui ont une déficience intellectuelle qui travaillent dans la fonction publique? Il faut être plus directif si on veut des résultats.

À l'AQIS, on croit que le temps est venu où il faille, en tant que société, se donner des moyens efficaces, des moyens concrets pour que tous et chacun puissent jouir des mêmes droits, tel que prévu par la Charte des droits et libertés de la personne.

Maintenant, au niveau de la définition de la personne que vous dites encore handicapée, on est heureux que les facteurs environnementaux soient reconnus et intégrés dans la définition. On pourrait aussi inclure les facteurs sociaux. Ça illustrerait probablement davantage la réalité. De notre point de vue, la définition englobe les personnes qui présentent une déficience intellectuelle légère. C'est au-delà de 80 % de nos gens, ça. Selon nous, la déficience intellectuelle légère entraîne une incapacité significative et persistante, au plan du fonctionnement intellectuel et adaptatif, et des difficultés à faire place aux défis de la vie quotidienne. Mais on se rend compte que ça ne fait pas l'unanimité. On demande donc de retirer le terme «significatif» de la définition. C'est un terme qui est subjectif, qui porte à interprétation, et c'est une porte ouverte pour exclure les gens qui vivent avec une déficience intellectuelle légère.

Il faudrait aussi prévoir la promotion de la définition légale, de façon à ce que l'ensemble des acteurs et des intervenants de différents réseaux l'interprètent et l'appliquent d'une manière uniforme. Il faut qu'il soit également clairement établi qu'elle inclut aussi les personnes qui présentent une déficience intellectuelle légère. Une façon de faire pourrait être que les personnes, elles soient reconnues comme ayant une limitation fonctionnelle par l'office et que les autres ministères soient tenus de respecter cette reconnaissance. Présentement, le ministère de l'Éducation a exclu les personnes avec déficience légère de la catégorie handicapée. Ça les prive des subventions qui pourraient les aider à soutenir leurs apprentissages et, dans plusieurs cas, ça les coupe également de trois ans de scolarité.

Alors, je passe la parole à Mme Vallières et je vous reviendrai pour une brève conclusion.

Le Président (M. Copeman): Mme Vallières.

Mme Vallières (Céline): Bonjour. Donc, comme vous avez lu le mémoire, vous avez aussi compris que nous souhaitons que, dans l'intérêt des personnes protégées par cette loi, l'office doive relever du Bureau de l'Assemblée nationale ou du bureau du premier ministre. La déficience intellectuelle est un état permanent, et ces personnes ont des besoins qui sont ceux d'un individu comme tous les autres, des besoins en éducation, socialisation, loisirs, etc. À notre avis, être rattachée à l'Assemblée nationale ou au bureau du premier ministre donnerait à cette loi de véritables pouvoirs.

Pour ce qui est maintenant de l'intégration socioprofessionnelle, eh bien, pour qu'un individu vive une véritable inclusion dans la société qui est aussi sa société, nous souhaitons que l'office puisse avoir un droit de regard sur le maintien des mesures CIT, contrat d'intégration au travail, et CTA, centre de travail adapté. Nous souhaitons que cet individu, comme tout citoyen, puisse devenir un payeur d'impôts et non pas demeurer prisonnier à vie d'un programme d'assistance-emploi. En ce sens, un important travail de recherche sur leur potentiel d'employabilité a été réalisé à Montréal, en 2000-2001, et s'est traduit par 27 recommandations. Nous souhaitons fortement que cette démarche n'ait pas été vaine.

Quant aux mesures d'accompagnement, la loi prévoit des mesures d'accommodement raisonnables. Ces différentes mesures doivent inclure des services d'accompagnement ou d'aide à la compréhension, services souvent essentiels aux personnes présentant une déficience intellectuelle, pour leur assurer l'accès aux services publics et leur permettre d'en tirer le meilleur parti possible.

Quant à la place de la famille, c'est un immense soulagement, pour nous, de constater que la famille occupe une plus grande place dans le projet de loi. Le désengagement financier de l'État a eu pour conséquence l'augmentation des responsabilités des familles et souvent nous a menés à vivre une surcharge financière, ce qui nous place dans des conditions d'épuisement et de vulnérabilité.

Pour conclure, je passerai maintenant la parole à Mme Cholette.

Le Président (M. Copeman): Mme Cholette.

Mme Cholette (Lucie): Alors, on reconnaît que le projet de loi n° 56 a pris en considération plusieurs des propositions qui avaient été faites lors du projet de loi n° 155. Cependant, nous sommes convaincus que le projet de loi ne va pas assez loin. La loi date d'à peu près 15 ans. Ça va prendre encore un autre 15 à 20 ans avant qu'on la révise. Nous, on croit fermement que 15 ans de sensibilisation, c'est assez. Il est temps de passer à l'action.

Dans la vie, là, il y a à peu près 10 % de gens qui sont foncièrement malhonnêtes. Il y a un autre 10 % de gens qui sont foncièrement honnêtes et, entre les deux, le 80 % qui reste, sont plutôt honnêtes, dépendant des conséquences. Si on n'avait pas de policiers sur nos routes pour donner des contraventions, les limites de vitesse seraient là à titre indicatif, parce qu'il n'y a personne qui les respecterait.

Dans le projet de loi, il n'y a pas assez de conséquences. Ça va rester des voeux pieux. Il manque, dans le projet de loi, des sanctions, de l'imputabilité, des redditions de comptes, et pourtant, M. le ministre, vous êtes un ministre qui en demande, de la reddition de comptes.

Présentement, le projet de loi n'a pas donné vraiment des devoirs à l'OPHQ, mais elle lui a donné quand même beaucoup de pouvoirs, mais elle ne lui a donné aucun moyen pour actualiser ces pouvoirs-là. Il est temps de démontrer un volonté ferme du gouvernement d'inclure dans la société des personnes qui vivent avec une limitation fonctionnelle. Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Cholette. Alors, afin de débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

n(18 h 30)n

M. Couillard: Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames. À cette heure, on peut dire bonsoir maintenant. Évidemment, vous représentez des gens qui sont fortement atteints ou légèrement, selon leur situation particulière. Et vous avez mentionné, au début de votre exposé, la nécessité de les inclure dans la communauté, et on sait tous les problèmes qu'on a vécus et qu'on vit encore même pour réussir à sortir des gens de ces institutions de longue durée dans lesquelles elles sont actuellement pour les mettre dans la communauté. On ne rappellera pas ici les épisodes de Rivière-des-Prairies et Giffard, là, mais c'est des choses qui sont, on le voit, difficiles puis qu'on réussit quand même à faire, quand tout le monde se met ensemble dans la même direction, et je pense qu'on pourra procéder et continuer comme ça.

Évidemment, le milieu de la déficience intellectuelle, je suis content que vous soyez ici pour le représenter, parce qu'il a fallu bâtir, entre autres, un programme à partir de presque rien sur les troubles envahissants du développement, qui ont eu l'impact, et j'en suis conscient, de drainer beaucoup de ressources nouvelles vers une partie de la clientèle que vous représentez, et forcément un peu aux dépens de l'autre. Alors, il va falloir rétablir l'équilibre au cours des prochaines années, de façon à ce que ça se fasse de façon correcte et équitable, et on est conscients de ça également.

Je vais commencer par une discussion... Je ne veux pas en faire une discussion sémantique, mais vous expliquer pourquoi on a choisi le mot «intégration». Parce que, quand on nous conseille sur le sens juridique des mots, le sens vrai des mots, c'est le contraire... le conseil opposé, qu'on reçoit, à votre demande. C'est-à-dire que ce qu'on nous dit, c'est que le mot «inclusion» est un préalable à l'intégration, inclusion est un petit sous-ensemble de l'intégration, par opposition à ce que vous semblez soutenir, et que donc il est préférable de parler de l'intégration, plutôt que de se limiter à parler de l'inclusion.

Quant à votre analogie avec le voyage de golf, je l'ai trouvée intéressante. Si vous regardez les contrats d'agences de voyages, en général il est toujours écrit en petites lignes, en dessous, que ça dépendra bien sûr des possibilités locales et de la disponibilité, ainsi, ainsi... Alors, l'analogie est intéressante à plusieurs points de vue. Donc, ce point sur la sémantique «intégration»«inclusion», on pourra échanger là-dessus.

L'autre point sur lequel vous insistez, puis vous avez terminé votre exposé là-dessus, c'est la nécessité, selon vous, d'introduire des mécanismes de type sanction ou coercition. Je ne suis pas tout à fait convaincu, moi, que c'est de cette façon qu'on va arriver au résultat, compte tenu de l'expérience dans d'autres domaines, là, évidemment pas celui de la limite de vitesse, quoiqu'on pourrait dire qu'elle n'est pas uniformément respectée non plus, la limite de vitesse sur nos routes. Mais, quand il est question d'un sujet aussi délicat, qui fait intervenir beaucoup plus la conscience profonde que les gens doivent développer de l'importance de se doter de ces politiques-là puis de ces actions-là, en général, lorsqu'on est trop coercitif ou qu'on porte beaucoup d'attention aux sanctions, en cas de non-respect, etc., on a l'effet opposé dans ce qui est de la perception des gens. Si je caricature: Bien là, il faut faire ça parce que je suis obligé de, parce que sinon il va m'arriver telle chose, mais pas dans le fond vraiment parce que je crois, moi, que c'est important de le faire pour cette personne-là ou ces personnes en général.

Et, bon, c'est une question de perception puis d'impression, mais mon impression actuellement, c'est qu'on ferait probablement une erreur et un geste contre-productif en allant du côté de la coercition et de la sanction, mais peut-être que vous avez d'autres arguments à me présenter qui pourraient me convaincre du contraire. Mais il y a, remarquez bien, dans le projet de loi, des obligations qui sont là. Ce n'est pas uniquement des voeux pieux. Il y a des obligations de présenter ces plans d'action, d'en rendre compte, avec des objectifs de résultat qui sont formellement écrits. Il y a, pour l'office et le ministre qui est responsable de l'application de la loi, une responsabilité d'intervenir s'ils trouvent que les objectifs qu'on s'est fournis ne sont pas rencontrés. Donc, il y a un peu plus de coercition ou d'obligation de résultat qu'uniquement une liste un peu vaine de voeux pieux. C'est l'impression que, moi, j'ai eu en lisant ce projet et en le présentant devant l'Assemblée nationale.

Donc, peut-être que vous pourriez reprendre la question intégration, inclusion. On ne sortira pas des grands dictionnaires, mais c'est ce qu'on me dit ici, de notre côté. D'autre part, cette question de la coercition et de la sanction, par rapport à faire plus, ce n'est pas juste de la sensibilisation qu'il y a là-dedans. Je pense que vous accepterez le fait que ça va un peu plus loin que la sensibilisation. Mais ma crainte, c'est qu'on soit contre-productifs en introduisant des sanctions puis de la coercition.

Le Président (M. Copeman): Mme Navert.

Mme Navert (Susie): Merci. Par rapport à la coercition, c'est sûr qu'on a senti, dans le projet de loi, qu'il y avait plus d'obligations, sauf que c'est comme si, sur un continuum, on part de, bon, c'est le laisser-aller, on propose, ensuite on donne des obligations, mais il y a un petit bout qui manque, en dernier, dans notre lecture du projet de loi. En fait, je pense que c'est l'application qui va être faite qui va déterminer si ça va plus loin, mais c'est sûr qu'on ne prône pas la coercition puis d'arriver avec le fouet, là, pour dire aux gens: Bien, vous devez faire ci... Sauf que vous mentionniez tantôt qu'il y a des gens dans la société qui peuvent avoir plus de facilité, qui ont une conscience sociale et qui, bon, vont avoir une conduite raisonnable justement parce que c'est leur conscience sociale. Il y en a d'autres, leur conscience, c'est la police. Mais on retrouve ça dans toute la société. Il y a des gens qui ont des façons de répondre selon leur conscience, ou d'autres, selon les lois.

Alors, si on ramène un peu, comme... Mme Cholette parlait du plan d'embauche. Ça n'a pas été fort, le plan d'embauche. C'était merveilleux, le plan d'embauche, et il y avait une certaine obligation; les gens faisaient leur plan d'embauche, le remettaient à l'office, l'office l'approuvait, et voilà. Il ne se passait rien après. Alors, c'est ça, notre crainte. Notre grosse crainte, dans ce projet de loi là, c'est ça. Et, quand on parle de coercition, on parle d'un petit quelque chose de plus qui pourrait être amené pour dire: Bon, bien voici, vous l'avez fait, votre... mais c'est quoi, les résultats? C'est un peu ça qu'on ne sent pas suffisamment dans le projet, c'est l'obligation de résultat.

M. Couillard: Mais sur quels points en particulier pensez-vous que c'est particulièrement important de l'introduire, cette notion-là? Vous parlez du plan d'embauche, mais est-ce que c'est, pour vous, l'endroit où c'est le plus important ou le plus emblématique?

Mme Navert (Susie): ...surtout quand on lisait que, bon, le rôle de vigie que l'OPHQ va avoir un peu partout auprès des ministères et des organismes. Il va avoir à demander, bon, par exemple, je ne sais pas, moi, faire des recommandations. Bon, il a le pouvoir de recommander des mesures pour intégrer les personnes ou inclure les personnes. Alors, c'est ce... Il a le pouvoir de recommander. Il y a je ne me souviens pas combien de jours pour lesquels l'organisme ou le ministère peut répondre, donner une réponse ou dire pourquoi il n'appliquera pas cette réponse-là. Mais là il y a quoi après? Où est-ce qu'on va, sur le continuum? Est-ce que ça tombe à l'eau ou... Mais c'est à tous les niveaux, ce n'est pas à un niveau particulier. Je prenais l'exemple des plans d'embauche parce que c'est un exemple très concret qu'on a vécu ces dernières années, mais c'est à tous les niveaux.

M. Couillard: Vous parliez d'une crainte de voir deux périodes de 15 ans se succéder, là. Ça a pris en fait plus longtemps que ça, entre...

Mme Navert (Susie): 25 ans.

M. Couillard: ...la première loi puis celle-ci, et on craint donc qu'on ait un intervalle aussi long entre l'exercice actuel et le prochain exercice de révision de la loi. Mais en fait vous aurez constaté que, dans le texte, il est question de faire, comment dire, une évaluation de la mise en place de cette loi dans cinq ans, par un organisme indépendant, et par la suite faire les modifications qui en découleront. Je prends le parallèle, par exemple, de la Loi du tabac que mon prédécesseur, M. Rochon, avait adoptée vers 1997 ou 1998, dans laquelle il était clairement inclus ou expliqué qu'en 2005 il fallait faire le bilan et les ajustements nécessaires. Et c'est ce qu'on va faire en 2005. Donc, ça a quand même une portée réelle. Je ne pense pas, là, qu'on s'engage dans un autre 25 ans sans possibilité d'adaptation.

Le Président (M. Copeman): Mme Milliard.

Mme Milliard (Diane): Oui. Moi, en fait ce que j'aimerais rajouter, je pense que notre crainte, elle est fondée. Si on prend, par exemple, À part... égale, qui était quand même une politique gouvernementale, qui n'était pas une politique d'un ministère... C'était une politique gouvernementale, et on sait que les orientations qui y étaient prônées... On reverrait aujourd'hui À part... égale ? c'est ce qu'on se propose de faire aussi ? il n'y a à peu près rien d'actualisé parce qu'il n'y a pas eu vraiment de suivi réel d'À part... égale. Il n'y avait pas de date, il n'y avait pas d'échéancier, il n'y avait pas d'obligation de résultat. Donc, vous comprendrez qu'avec cette expérience-là nos doutes persistent.

Je voudrais revenir sur intégration et inclusion. Bon, on a été influencés beaucoup par le mot «inclusion». C'est un mouvement américain, effectivement. Nos voisins du Sud souvent... Nous, on est allés prendre des approches des États-Unis qu'on a implantées au Québec. Et inclusion, c'est probablement une traduction, mais, pour nous, la définition qu'on en a donnée est beaucoup plus significative. Si on prend en sciences, par exemple... Je sais que le mot «inclusion», en sciences, en chimie, ça veut dire: ajouter quelque chose d'impur. Évidemment, ce n'est pas ce qu'on veut faire. Mais, vous, vous dites que la définition que vous en avez, c'est l'inverse. C'est une partie de l'intégration. Mais, vous savez, Le Petit Robert, les définitions, ça s'ajoute et ça se change. Je pense qu'en mettant inclusion... De plus en plus on l'entend, pas seulement dans le milieu scolaire... de plus en plus dans le milieu scolaire, je devrais dire, mais c'est à la force d'usage qu'on arrive à changer les moeurs. Et, nous, on est partis de «débile» et voyez où est-ce qu'on est rendus: déficience intellectuelle. Donc, je pense que c'est un exemple qu'on mérite de suivre.

M. Couillard: Mais, M. le Président, l'argument que je présentais... uniquement pour vous indiquer que, lorsqu'on avait fait ce choix de mot, ce n'était pas dans le but d'en restreindre l'application, au contraire. C'est que, dans notre esprit, le mot a une implication plus large que le mot d'«inclusion». Mais évidemment c'est un débat qui est à la fois juridique et sémantique, donc qu'il est difficile de poursuivre.

Mme Milliard (Diane): ...travail pour des linguistes.

n(18 h 40)n

M. Couillard: Pour ce qui est d'À part... égale, effectivement ça date de plusieurs années, puis il y a plusieurs des orientations d'À part... égale qui, d'après moi, sont apparues, apparaissent dans le texte de loi actuel, autant 155 que ce qu'on a rajouté par rapport à 155, et on voit également qu'il est nécessaire, selon le projet de loi tel que présenté, de faire l'actualisation de ce programme-là dans un espace quand même... dans un espace de temps assez rapproché. Est-ce que ça ne vous paraît pas là également un signe qu'enfin il y a des choses concrètes qui vont apparaître de ce document d'À part... égale de 1982 ? je pense que c'est 1982, la date?

Mme Milliard (Diane): 1984.

M. Couillard: 1984.

Mme Milliard (Diane): C'est un signe, mais un faible signe. Si on n'a pas réussi à actualiser une politique gouvernementale, comment une politique de l'office pourra faire bouger? Parce qu'on sait que la politique de 1984 émanait de l'Office des personnes handicapées. Donc, ils n'ont pas réussi à l'actualiser. Alors... Mais, écoutez, on veut vous croire, là, on peut vous croire. On est très contents, là, si vous êtes aussi persuadé que les effets escomptés vont se réaliser. On reviendra puis on vous en fera part, de notre satisfaction.

M. Couillard: Je compte sur vous là-dessus d'ailleurs.

Mme Milliard (Diane): Vous pouvez en être assuré.

Le Président (M. Copeman): En dedans de cinq ans, si j'ai bien compris.

M. Couillard: En dedans de ça ou dans cinq ans pour la révision de la loi. Mais qui sait qui sera ministre de la Santé et des Services sociaux à ce moment-là, M. le Président? Et, dans un exercice semblable, évidemment on donne la première priorité à la personne, la personne qui est porteuse de la limitation, du handicap, mais, comme dans tout exercice, c'est une navigation entre évidemment ceux qui trouvent que, comme vous l'avez dit, le projet de loi ne va pas assez loin, qu'il faudrait faire plus, et ceux qui nous disent: C'est beaucoup trop nous demander, de faire ça. Vous avez entendu certaines municipalités qui disent ça et d'autres organisations. Alors, ce qu'on appelle cette voie de passage, bien c'est ça... qu'il faut trouver ici, et, moi, j'ai confiance qu'on a là au moins ? puis on est prêts à apporter les bonifications nécessaires ? mais on a là un élément qui réussit l'équilibre entre les deux et qui comporte assez d'éléments concrets pour qu'on puisse se dire, je l'espère ? et je vois que vous vous êtes engagés à venir nous le dire dans cinq ans ? qu'effectivement ça a changé des choses pour les personnes auxquelles il est destiné. Oui.

Mme Milliard (Diane): Je veux juste rajouter à votre commentaire... Vous dites: Mais, nous, on a entendu les municipalités, entre autres, dire: Oui, mais ça va trop loin. Je vous ferais remarquer que tous les organismes de promotion et de défense des droits, donc qui défendent les droits des personnes, vont dans le même sens que nous, si je ne m'abuse. Les municipalités, on comprend qu'il y a des structures, donc ça dérange les structures, mais les droits des personnes... est-ce que ce n'est pas celles-là qui devraient être au coeur du projet de loi?

M. Couillard: Et d'ailleurs, M. le Président, la Commission de protection des droits de la personne et de la jeunesse, dans son mémoire et dans sa participation au débat, nous indique que, selon eux, c'est effectivement la voie à suivre et qu'effectivement, dans le concret, ça va améliorer les choses. Mais effectivement, tant qu'on n'aura pas vérifié, dans quelques années, on ne pourra pas en être certains. Mais, oui, la Commission de protection des droits a eu cette position-là.

Le Président (M. Copeman): Ça va? M. le député d'Arthabaska.

 

M. Bachand: Merci, M. le Président. Il y a un élément, dans votre mémoire, que j'ai trouvé fort intéressant, à la page 13, un élément que vous soulevez et qui n'a pas été soulevé dans le nouveau projet de loi. Excusez-moi. Permettez-moi de vous saluer, mesdames. Bonjour et bienvenue à la commission. Donc, vous dites ? non, mais quand même: «"effectuer des recherches et études sur l'intégration scolaire, professionnelle et sociale des personnes handicapées, la protection de leurs droits et la promotion de leurs intérêts"». Vous dites que: «Nous soutenons qu'il serait préférable que l'office se situe comme un "guichet de la recherche"». J'aimerais ça... Expliquez-moi un petit peu plus le concept et comment vous verriez cette... la mise en place de ce guichet-là par rapport, par exemple, à eux qui seraient responsables de faire la recherche.

Mme Cholette (Lucie): De base, on dit que l'office ne devrait pas faire la recherche. Premièrement, on a déjà plusieurs organismes de recherche, on a déjà plusieurs chercheurs qui travaillent dans le domaine. On pense que l'office devrait plutôt orienter la recherche, devrait peut-être les pister sur qu'est-ce qui devrait être fait, être un guichet de recherche, mais on ne pense pas qu'ils devraient faire eux autres mêmes la recherche. Dans un sens, ils peuvent se retrouver un petit peu en conflit d'intérêts. S'ils font une recherche qui dit que l'intégration ne s'est pas faite ou que le travail a été mal fait, puis c'est eux autres qui sont supposés faire le travail, ils sont un petit peu en conflit d'intérêts, là.

M. Bachand: Oui. M. le Président...

Mme Cholette (Lucie): On pense que ça devrait être quelque chose de plus indépendant.

M. Bachand: O.K. Je vais revenir sur la mise en place, parce que c'était aussi la deuxième partie de ma question, mais juste au niveau... Effectivement, j'avais retrouvé le mot «objectivité», puis vous expliquez un petit peu, là, que vous désiriez au moins qu'il y ait un minimum d'objectivité à partir de leur fonction puis de leur mandat. Mais dites-moi, au niveau de l'expertise, vous ne pensez pas que ce serait aussi souhaitable? Parce qu'on ne peut pas avoir l'expertise en toutes les matières. Donc, le fait d'aller colliger un peu à l'extérieur l'expertise des gens, c'est de nature à faire en sorte que l'ensemble des chercheurs puis de leurs qualités soient mis à profit pour faire en sorte que l'Office soit mieux informé. Ce n'était pas un objectif que vous aviez visé?

Mme Milliard (Diane): Non. L'objectif visé était vraiment de faire en sorte que la recherche soit indépendante dans un objectif d'objectivité, parce qu'on considère que l'Office est en conflit d'intérêts et qu'il ne pourrait pas dénoncer, par exemple, que l'intégration scolaire est en recul depuis les cinq dernières années. Comment va-t-il faire pour dénoncer ça?

M. Bachand: O.K. Comment vous verriez ça, la mise en place de ça?

Mme Milliard (Diane): Pardon?

M. Bachand: Comment vous verriez la mise en place de ce mécanisme-là?

Mme Milliard (Diane): Écoutez, nous avons des idées, il y a des gens qui sont là pour les mettre en action. Donc, là, on parle de mettre en place une structure...

M. Bachand: Non, mais sans mettre en place une structure, là, vous me dites que... M. le Président, si vous permettez. Sans me détailler la structure, vous me dites: Nous, on...

Mme Milliard (Diane): Les appels d'offres, simplement. L'office peut faire des appels d'offres sur des sujets de recherche, sur, par exemple, le taux d'intégration en garderie, sur les sujets concernant l'inclusion des personnes ayant une déficience.

M. Bachand: O.K. Donc, l'appel d'offres, ça vous paraîtrait comme un bon moyen, ça?

Mme Milliard (Diane): Oui, effectivement, un des moyens. Il peut y en avoir d'autres, mais il y a des spécialistes pour ça.

M. Bachand: Pour?

Mme Milliard (Diane): Pour trouver d'autres moyens.

M. Bachand: O.K. Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, bienvenue à cette commission parlementaire qui, je pense, est très importante pour l'intégration et l'inclusion des personnes handicapées au Québec.

Moi, il y a un terme que... tantôt, dans votre présentation puis en lisant votre mémoire... c'était le terme «significatif», que vous prôniez tout simplement l'abolition, pour l'ôter. Ça m'a soulevé quelques questions, mais en même temps ça m'a permis de retourner dans le projet de loi proprement dit, puis je pense que vous n'en parlez pas, mais, à l'article 16, il y avait au point 5, qui disait d'insérer, après le paragraphe d, le point d.1 suivant, que je vais vous lire, peut-être que vous allez le trouver. C'était que l'office aurait, entre autres, comme mandat de «promouvoir l'utilisation d'une classification uniforme des déficiences, incapacités et situations de handicap, auprès des ministères». À ce moment-là, l'Office, ayant un rôle de promotion d'une classification uniforme, devrait peut-être contrebalancer votre crainte par rapport à l'utilisation du terme «significatif», comme vous disiez, qui était très subjectif. Donc, on parle, à ce moment-là, que, si l'office avait une classification uniforme qu'il ferait la promotion, peut-être que la crainte, à ce moment-là, ce n'est pas nécessairement d'avoir une classification uniforme, mais peut-être un processus d'évaluation du handicap qui vient peut-être de la problématique, et, en tant que parent et d'association de parents, peut-être... Moi, je sais qu'en tant que député, souvent, une des problématiques qu'on a eues, dans des cas de comté, c'est une définition différente entre ministères, quand les personnes viennent nous voir, mais également aussi au niveau de l'évaluation de la personne.

Alors, j'aimerais, là, peut-être que vous me dites s'il y a un mécanisme de promotion fait par l'OPHQ. Mais peut-être c'est de revoir des méthodes d'évaluation uniformes pour être certains que tout le monde s'entende sur le niveau de handicap.

Mme Cholette (Lucie): C'est très difficile. Nous, le terme «significatif», c'est vraiment parce qu'il est beaucoup trop subjectif. Chacun en fait son interprétation et, même si l'office essaie d'en faire quelque chose d'uniforme, c'est très difficile. Qu'est-ce qui est significatif pour un ne l'est pas pour l'autre. Et nos gens en déficience intellectuelle, les gens qui vivent avec une déficience intellectuelle légère, des fois, ce n'est pas toujours évident qu'ils ont une déficience intellectuelle. Pour certaines personnes, ce n'est pas significatif et... Je ne sais pas si...

M. Bernard: ...à ce moment-là, est-ce qu'il y aurait... Peut-être que vous pourriez proposer un genre de processus moyen d'évaluation pour qu'il y ait au moins le plus possible une méthode objective. Ce n'est pas l'abolition du mot «significatif» qui va faire qu'on n'aura pas une méthode objective d'évaluation ou de classification.

Mme Milliard (Diane): Sur les évaluations, on va laisser ça aux spécialistes. Simplement pour vous dire que je pense que nos prédécesseurs de l'AQETA vous ont largement fait entendre que la définition devrait, dans leur cas, inclure «troubles graves d'apprentissage». Si c'était connu et reconnu que, dans l'application, «significatif» inclut «déficience intellectuelle légère», on n'aurait plus de crainte. Il peut demeurer là, mais à condition qu'on sache que ça inclut «déficience intellectuelle légère», que ça ne laisse pas place justement, comme Mme Cholette disait, à l'interprétation. «Significatif», ça veut-u dire, ça, que c'est visible? Ce n'est pas nécessairement visible. Laissez-moi vous dire que ça représente... 88 % de nos gens ont une déficience intellectuelle légère et 88 % de nos gens font des efforts pour ne pas que ça paraisse, justement.

M. Bernard: O.K. Merci.

n(18 h 50)n

Le Président (M. Copeman): Bon. Mme la députée de Duplessis.

Mme Richard (Duplessis): Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci pour votre mémoire. C'est fort intéressant. Et je comprends parfaitement que vous vous attendiez à beaucoup plus de ce projet de loi, du projet de loi n° 56, et que vous trouvez que, bon, il n'a pas assez de mordant, comme vous dites, parce qu'il faut avoir comme objectif qu'est-ce que ça va donner aux personnes handicapées au quotidien. Et je pense qu'on a des gens qui nous écoutent, et tous, comme parlementaires, il faut toujours garder ça en arrière-plan. Qu'est-ce que ça va leur donner au quotidien?

Et c'est vrai qu'après, moi, avoir rencontré les groupes, après avoir écouté les gens ici, ils disent: Oui, bon, ce projet de loi là, il y a certaines clauses, il y a de l'amélioration, mais il n'y a pas d'obligation. Puis ça, on nous l'a dit ce matin. C'est des rapports, c'est d'autres rapports, on dit: Bon, là, on va faire une politique.

Mais je m'ai rendu compte, moi, en rencontrant les groupes, j'ai trouvé que, même à travers certains ministères, il n'y a même pas de cohérence entre les différents ministères. Donc, c'est difficile et... Tout particulièrement, je pense aux parents. Parce que j'ai rencontré des parents qui avaient des enfants souffrant de déficience intellectuelle sévère. Et j'aimerais vous entendre là-dessus pour que mes collègues aussi puissent entendre. Bon. Et je crois qu'il y avait une somme d'argent qui pouvait être donnée aux parents pour du gardiennage qui se fait. Mais il fallait que, bon, on accumule les reçus, et on disait souvent, là: Ces parents-là, peut-être qu'aller au cinéma, là, pour la maman, hein, c'est une forme de répit. Puis on dirait... C'est tout un dédale administratif pour les parents, c'est un montant ridicule par année et ce que ça occasionne comme casse-tête aux parents... Et là on est prêts à mettre des politiques, puis ça on est capables de le faire, mais on n'est pas capables d'enlever des contraintes. J'aimerais vous entendre là-dessus puis aussi sur une autre chose.

Quand on a un enfant qui souffre de déficience intellectuelle sévère, il doit fréquenter l'école jusqu'à l'âge de 18 ans...

Mme Cholette (Lucie): 21 ans.

Mme Richard (Duplessis): 21 ans. Bien, souvent c'est 18 ans, là. Il y a un délai, qu'on me disait, entre le temps qu'il fréquente l'école et qu'on le déclare, bon, inapte au travail, et ça aussi c'est tout... Parce qu'il ne faut pas oublier, là, on a toutes sortes de catégories de personnes handicapées mais on a aussi les parents qui vivent avec des enfants des personnes handicapées, et ça, ils disaient, jusqu'à temps, là, qu'ils atteignent un certain ? si on peut dire ? un certain seuil ou qu'ils soient admis comme personnes handicapées ou reconnues. C'est difficile. Est-ce que...

Mme Cholette (Lucie): Pour ce qui est du répit ? je vais commencer avec le répit ? oui, les sommes de répit, je peux vous donner mon exemple personnel. Chez nous, on a droit à 250 $ aux six mois pour le répit. Pour avoir droit au 250 $ à tous les six mois, on doit envoyer une feuille qui dit... donner les montants, faire signer la petite gardienne, si c'est une gardienne. Dans mon cas, mon fils est un petit peu plus vieux, alors, s'il va au cinéma, quelqu'un veut bien l'amener au cinéma, je peux faire rembourser le talon de l'accompagnateur, mais il faut que je le garde, le petit talon, là, pendant six mois parce qu'il faut que je leur envoie. Ça, c'est pour 250 $.

On nous dit que c'est au niveau du CLSC qui doit justifier qu'il a donné des argents. Moi, je leur dis: Je vais vous le signer, le papier, comme quoi vous m'avez donné 250 $. Et même, à la limite, je pense que des parents qui sont dans le besoin, s'ils prennent cet argent-là pour payer leur facture d'électricité, bien, pour eux autres, c'est peut-être une forme de répit parce qu'ils savent qu'ils vont avoir chaud pendant l'hiver.

Dans le cas de Québec, un cas de Québec, c'est une dame qu'on connaît que, elle, c'est au mois. Elle doit envoyer, tous les mois, son formulaire pour avoir droit à son chèque de répit. Arrive un mois où son beau-père décède. Si vous en avez dans votre famille qui ont décédé, vous savez qu'il y a beaucoup de paperasse. Il y a le testament, il y a la succession, les assurances, les arrangements funéraires, autrement dit, là, il y a beaucoup de choses à faire en plus du deuil. La dame s'est rendue compte qu'elle avait oublié d'envoyer son papier, qui est arrivé avec une journée de retard au CLSC. Bien, ils ont dit: Madame, vous n'avez pas envoyé votre justification, il n'y en a pas ce mois-ci. Et on appelle ça du soutien aux familles.

Mme Vallières (Céline): Moi, je peux juste vous témoigner de ce que, moi, j'ai vécu avec ma fille, où j'élevais seule ma fille, et je devais continuellement remettre des reçus, et c'était toute une bataille pour obtenir un petit peu d'argent pour, moi, me permettre un certain répit, et finalement je décidais de laisser tomber.

Et je racontais à mes collègues, en montant, tout à l'heure, à Québec, que j'ai fait un rêve à répétition, pendant plusieurs années, où je me sentais dans un sac de plastique, noyée dans ce sac, avec une fermeture éclair que parfois j'ouvrais et je me permettais d'aller respirer un tout petit peu, et rapidement on me rentrait dans ce sac et je me retrouvais noyée dans ce sac et prisonnière de cette eau dans laquelle j'étais. Et j'ai fait ce rêve très, très, très souvent, pour m'apercevoir un jour que c'était moi qui me sentais comme ça dans ma vie, au quotidien, et c'est donc vous dire que je ne me sentais pas aidée du tout dans ce que je vivais avec ma fille. Ma tâche me semblait très lourde et je ne sentais pas du tout que j'avais l'aide nécessaire, là, autour de moi, le soutien nécessaire, et j'en venais même qu'à me dire que c'était sûrement moi qui n'étais pas correcte parce qu'on mettait en doute ce que j'allais dire que je vivais. Et je suis infirmière, là, je sais de quoi je parle.

Mme Richard (Duplessis): O.K. Merci. Comment peut-on inclure les familles davantage? Dans le projet de loi, bon, elles peuvent être... Soit les personnes handicapées ou des membres de leurs familles peuvent être représentés au sein de l'office. Mais comment on peut inclure ces familles qui ont des enfants qui souffrent de déficience intellectuelle sévère?

Mme Cholette (Lucie): De diminuer les tracasseries administratives, ce serait déjà quelque chose. Entre autres, on parlait de faire reconnaître la définition. Présentement, au ministère du Revenu, il y a un crédit d'impôt pour enfants handicapés. Mais, ce fameux crédit d'impôt, il faut retourner aux quatre ou cinq ans... Moi, je fais partie des chanceux; mon fils a une trisomie 21, et ça, c'est reconnu que c'est à vie, la trisomie 21. Les autres sortes de déficience, là, c'est par petites tranches de quatre, cinq ans. Il faut retourner voir le médecin. Alors là on prend de la place chez un médecin, souvent un médecin spécialiste qui est déjà débordé parce qu'il en manque, de médecins, mais là il faut prendre une place, un rendez-vous. Il va remplir un petit questionnaire. On a déjà fait, nous, un petit questionnaire maison, là, à l'AQIS. On avait demandé aux gens... et il y en a qui nous ont dit qu'ils payaient jusqu'à 150 $ pour faire remplir ce petit questionnaire là. Puis ça, ce n'est pas remboursable nulle part. Ça, tout ça pour avoir droit au crédit d'impôt. Il me semble qu'une fois que le médecin a dit que l'enfant avait une déficience intellectuelle... C'est à vie, la déficience intellectuelle. Si on enlevait juste les tracas administratifs qu'on a à faire, déjà ce serait bien.

Mme Richard (Duplessis): Merci. Savez-vous, à la lumière de ce que j'entends, je me dis ? puis ça va être ma dernière question ? je me dis: On demande tellement de contraintes aux parents puis aux personnes handicapées pour s'intégrer, pour faire partie prenante de notre société... Et je vais vous emmener justement sur ma dernière question. Vous n'en avez pas parlé beaucoup. C'est l'article 1.1, où on a une clause limitative...

Une voix: 1.3.

Mme Richard (Duplessis): 1.3 ? je m'excuse ? où on a une clause qui permet aux municipalités, aux organismes, pour soit un manque de ressources financières, matérielles, humaines, de ne pas aller de l'avant.

Mme Milliard (Diane): Bon. Écoutez, pour nous, ça va de soi que cette clause-là doit être complètement enlevée parce que ça laisse place effectivement à dire: Bien, écoutez, c'est déjà écrit, on n'a pas d'argent, on n'a pas les ressources. Et j'entendais tout à l'heure ? j'étais dans la petite chambre à côté ? M. Couillard qui disait: Écoutez, c'est déjà dans la Loi de la santé et des services sociaux. On peut comme... Pourquoi qu'on ne le laisserait pas là? Mais pourquoi qu'on ne l'enlève pas de la loi de la santé et des services sociaux également, cette... C'est parce que ça vient comme dire... Ça justifie le fait de ne pas faire les choses. Je pense qu'entre intervenir et laisser faire il y a peut-être un entre-deux qu'on pourrait, là, faire en sorte que les familles seraient mieux soutenues.

n(19 heures)n

Je vais vous donner juste un exemple. Nous avons participé à l'élaboration de la politique des services de garde, et, dans cette politique-là, en préambule, on disait: Bon, dans le contexte de réingénierie, vous comprendrez que, si les ressources sont disponibles... Toujours est-il que les groupes de promotion et de défense des droits ? je veux parler de la COPHAN, je veux parler de nous, il y avait... est-ce qu'il y avait... en tout cas il y avait un autre groupe ? on a dit que, si vous gardez ce texte-là, on se dissocie de la politique. Et ils ont enlevé la partie de texte, justifiant: Pourquoi on mettrait une politique qui va durer 10 ans, pourquoi on le garderait dans un contexte de réingénierie en 2010? C'était quoi, la réingénierie de 2003? Je pense que tout peut s'abroger. À partir du moment où ça a des contraintes pour les personnes et les familles, il faudra en tenir compte. C'est mon commentaire.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Mme Cholette, Mme Vallières, Mme Milliard, Mme Navert, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire.

Avant que j'ajourne, je veux remercier mes collègues de votre discipline. Nous avons terminé une séance assez chargée, mais pour vous rappeler que nous avons une séance, demain, encore plus chargée, et j'espère avec beaucoup de ferveur être capable de répéter l'exploit d'aujourd'hui jusqu'à demain. Alors, sans plus tarder... Je remercie également nos participants, nos témoins qui ont été d'une discipline exemplaire en ce qui concerne le respect des temps. Et, sur ce, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à 9 h 30 demain matin, ici, en cette même salle. Merci.

(Fin de la séance à 19 h 2)


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