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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 28 octobre 2004 - Vol. 38 N° 73

Consultation générale sur le projet de loi n° 57 - Loi sur l'aide aux personnes et aux familles


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-trois minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Chers collègues, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle notre mandat: nous sommes réunis ce matin, selon l'ordre de la Chambre, afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, Bill 57, Individual and Family Assistance Act.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Richard (Duplessis) va être remplacée par Mme Caron (Terrebonne).

Le Président (M. Copeman): Merci. Je vous rappelle, chers collègues et les personnes qui assistent à nos travaux, que l'utilisation des téléphones cellulaires est interdite dans la salle, et je vous prierais en conséquence, ceux qui en font usage, de bien vouloir les mettre hors tension.

Nous avons trois groupes à entendre et échanger avec, ce matin. On va débuter dans quelques instants avec la Confédération des syndicats nationaux, qui sera suivie par le Service d'orientation et de recherche d'emploi pour l'intégration des femmes au travail, et nous allons terminer la matinée avec la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre. Il est prévu que nous poursuivions en après-midi avec trois autres groupes, mais on va écouter les ordres de la Chambre évidemment pour s'assurer que c'est le cas.

Alors, sans plus tarder, je vois que nos invités sont déjà assis à la table, avec une efficacité qu'on connaît, exemplaire, chez la CSN. Mme Boucher, M. Roy, Mme Lamarche, bienvenue... mais M. Lamarche, pardon! Bien, oui, ce n'est pas Françoise, hein, de toute évidence. J'ai une cataracte, hein, ça n'aide pas mon affaire.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: Dans les deux yeux?

Le Président (M. Copeman): Non, j'en ai une dans un... C'est déjà assez. Je me suis déjà fait opérer pour l'autre puis ça va bien, mais j'attends qu'elle soit mature dans l'autre.

Une voix: J'espère que ce n'est pas de ce côté-là...

Auditions (suite)

Le Président (M. Copeman): Ça affecte la vision globale, je peux pour assurer. Alors, bienvenue. Vous êtes des habitués, si je peux utiliser le terme, des commissions parlementaires. Ça fait plaisir de vous accueillir encore une fois. Vous connaissez la façon dans laquelle on fonctionne: vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange d'à peu près 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je ne sais pas si c'est M. Roy qui commence. Sans plus tarder je vous laisse aller. On vous écoute, M. Roy.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

M. Roy (Louis): Merci, M. le Président. Alors, je voudrais vous saluer au nom de la Confédération des syndicats nationaux ainsi que M. le ministre, et Mmes et MM. les députés de notre Assemblée nationale.

Alors, M. le Président, depuis 85 ans, la CSN lutte contre la pauvreté au Québec, en se battant évidemment sur un terrain qui lui est particulier, celui des relations de travail, mais un terrain qui permet une répartition plus juste de la richesse par des conditions de travail qui sont meilleures, améliorées, et surtout sécuritaires, et qui permettent aux gens de se développer dans une société qui nous convient. Nous avons aussi travaillé, depuis toutes ces années, à la mise en place d'un filet social équitable, juste. Bref, nous travaillons pour une solidarité à la fois ouvrière mais aussi une solidarité sociale.

Évidemment, la CSN n'est pas experte dans l'application quotidienne de la Loi d'aide sociale, mais nous sommes présents partout sur le territoire québécois et nous sommes ainsi en mesure de voir les effets de ce type de loi là dans nos milieux sociaux, dans nos milieux même prétravailleurs, puisque la Loi d'aide sociale devrait normalement faciliter l'intégration à l'emploi, et nous sommes donc très intéressés par cette question depuis de nombreuses années, d'ailleurs. Mais, plus particulièrement depuis une dizaine d'années, nous sommes associés à des groupes qui travaillent... la coalition qui vise à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, qui a été un des éléments majeurs de l'adoption de la loi en 2002.

Alors, l'entrée en vigueur de cette loi, comme le plan d'action qui allait suivre, supposait évidemment des ajustements ou des amendements à la loi actuelle sur le soutien du revenu favorisant l'emploi et la solidarité sociale, mais, en lieu et place de ces modifications tant attendues, le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille déposait donc à l'Assemblée nationale le projet de loi n° 57, la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, destiné à remplacer l'actuelle Loi sur le soutien du revenu.

Ce nouveau projet de loi n'était ni prévu ni attendu. Il n'a fait l'objet d'aucune consultation préalable auprès des groupes et organismes concernés. Pourtant, la loi votée en décembre 2002 reconnaissait que les personnes en situation de pauvreté et d'exclusion sociale sont les premières à agir ou doivent être les premières à agir pour transformer leur situation. Elle prévoit aussi que les actions prises pour lutter contre la pauvreté, afin de susciter l'engagement de l'ensemble de la société, doivent permettre la mobilisation d'intervenants représentatifs de la collectivité québécoise et favoriser donc ainsi la participation citoyenne, particulièrement celle des personnes en situation de pauvreté et des organismes qui les représentent.

Et, dans cette logique donc, la loi institue un comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, composé notamment de cinq personnes provenant d'organismes ou de groupes représentatifs en matière de lutte contre la pauvreté, dont au moins trois devraient être des personnes en situation de pauvreté. Et malheureusement ce comité n'a pas été mis en place et n'a pas vu le jour encore, alors que la loi, elle, est bel et bien déposée.

n (9 h 40) n

Alors, nous reprochons donc amicalement au ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille d'avoir malheureusement fait fi de ces propositions, de ces dispositions et des objectifs de participation citoyenne qui les sous-tendent, et de présenter, de manière précipitée, une nouvelle loi sur l'aide aux personnes et aux familles sans avoir tenté d'associer dans cette démarche les groupes et les personnes concernées. Et je comprends que nous sommes en commission parlementaire, mais en même temps nous avons une tradition, au Québec, qui est celle de consulter les personnes concernées avant un projet de loi. Évidemment, le législateur peut déposer le projet de loi qui lui convient, mais en même temps nous pensons qu'il aurait mérité, ce projet de loi, d'avoir été discuté auparavant et ensuite d'être déposé pour comparaître devant la société au complet.

Par ailleurs, ce projet de loi qui a été déposé aura des incidences sur l'offre de services d'Emploi-Québec. Dans les dispositions en vigueur actuellement, il est prévu que le ministre doit exercer ses responsabilités en tenant compte des fonctions et attributions dévolues à la commission et aux conseils régionaux des partenaires du marché du travail. Il est prévu en outre que la mise en oeuvre et la gestion des mesures et programmes dans les domaines de la main-d'oeuvre et de l'emploi sont confiées à Emploi-Québec. Or, ces dispositions ne se retrouvent plus dans le projet de loi n° 57. Pourquoi? En aucun cas la Commission des partenaires du marché du travail ou les conseils régionaux n'ont pu discuter ou même n'ont été saisis des intentions du ministre. Est-ce que le gouvernement projette de diminuer le rôle que joue présentement Emploi-Québec? Il faut que le ministre explique clairement les intentions de son gouvernement à ce sujet.

Le projet de loi n° 57 chambarde les dispositions actuelles sans que ces changements soient toujours compréhensibles, du moins pour nous, ou que lesdites dispositions gagnent en clarification et simplification. Il accentue les pouvoirs discrétionnaires du ministre et renvoie plusieurs questions majeures à la réglementation. Certes, ce projet de loi abolit les pénalités pour défaut de participation à des mesures de formation ou d'insertion en emploi, ce que nous saluons et ce qui correspond à une revendication insistante de plusieurs groupes sociaux, mais il entretient en même temps, malheureusement, les préjugés à l'endroit des prestataires aptes au travail, puisque le plan d'action nous annonce que, contrairement à ceux qui connaissent des contraintes sévères à l'emploi, leur niveau de prestation continuera de s'éroder compte tenu de la hausse du coût de la vie.

Le ministre responsable prétend que l'indexation partielle sera compensée par la hausse de la prime à la participation aux mesures actives annoncées dans son plan d'action. Pourtant, dans le projet de loi n° 57, le ministre n'a pas d'obligation de rendre ces mesures accessibles, alors que nous croyons qu'une bonne partie des solutions passe par là, c'est-à-dire rendre accessibles les mesures actives. Ainsi, les prestataires aptes au travail, particulièrement les personnes seules, continueront de s'appauvrir, comme si on les punissait d'être dans cette situation.

En réalité, le projet de loi n° 57 introduit des modifications au régime d'aide sociale qui nous ramèneraient à des régimes particuliers semblables à ceux qui existaient avant la première Loi sur l'aide sociale en 1969. Ainsi, on scinde le Programme d'assistance-emploi en deux programmes distincts: le Programme d'aide sociale, pour les personnes sans contraintes sévères à l'emploi, et le Programme de solidarité sociale, pour les personnes avec contraintes sévères à l'emploi. On ouvre ainsi plus grande la porte à des différences de traitement selon les catégories de prestataires, plutôt que de viser la couverture de besoins essentiels, quelle que soit la condition des personnes, ce que devrait assurer l'aide de dernier recours.

Le projet de loi remplace aussi l'actuel programme Solidarité jeunesse par le programme Alternative jeunesse, s'adressant aux jeunes adultes. Bien que le programme proposé soit accessible sur une base volontaire, il place les jeunes qui y participeront dans une zone de non-droit, incluant l'absence du droit de recours, et les soustrait aux règles de la sécurité du revenu pour les placer sous le pouvoir discrétionnaire du ministre responsable. De plus, le projet de loi ouvre un nouveau chapitre portant sur des programmes spécifiques, sans droit ni recours, et relevant encore une fois du pouvoir discrétionnaire du bureau du ministre.

Outre ce qui vient d'être dit, il vaut la peine de souligner d'autres lacunes importantes du projet de loi n° 57.

Premièrement, la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale stipule, à l'article 15, que des modifications doivent être apportées au Programme d'assistance-emploi afin notamment «d'introduire le principe d'une prestation minimale, soit un seuil en deçà duquel une prestation ne peut être réduite en raison de l'application des sanctions administratives, de la compensation [et] du cumul de celles-ci.» Le projet de loi n° 57 abolit effectivement les pénalités, pénalités qui s'appliquent pour non-participation à des mesures de formation ou d'insertion en emploi, mais il maintient les mesures visant à recouvrer les montants versés suite à une erreur administrative, ce qui ne semble pas conforme à cette disposition de l'article 15. Surtout, le projet de loi réintroduit une disposition permettant la saisie d'une partie de la prestation pour défaut de paiement du loyer à un propriétaire à la suite d'une ordonnance de la Régie du logement. Pourtant, la Commission des droits de la personne avait déjà critiqué une telle disposition qui ouvre une brèche dans le principe d'incessibilité des prestations, principe qui est toujours apparu comme la contrepartie du caractère minimal des allocations versées.

Deuxièmement, à l'article 15 de la loi votée en décembre 2002, il est aussi prévu que des modifications doivent être apportées au Programme d'assistance-emploi afin «de permettre aux adultes et aux familles de posséder des biens et des [liquidités] d'une valeur supérieure à celle permise» actuellement. On sait que les dispositions actuelles obligent dans bien des cas les demandeurs à se départir de leurs biens avant d'avoir droit aux prestations du Programme d'assistance-emploi. Or, il n'y a rien dans le projet de loi qui annonce une révision de ces dispositions pour les prestataires du nouveau Programme d'aide sociale, alors qu'il est prévu que les prestataires du Programme de solidarité sociale pourraient se voir appliquer des règles assouplies concernant notamment la possession de biens, de sommes versées dans un régime de retraite ou d'actifs reçus par succession. Comme dans le cas de l'indexation des prestations, cette différence de traitement laisse supposer que des catégories de prestataires sont plus ou seraient plus méritantes que d'autres.

Troisièmement, le même article 15 prévoit qu'il y a des modifications au Programme d'assistance-emploi afin «d'exclure un montant provenant des revenus de pension alimentaire pour enfants». Il n'y a aucune disposition dans le projet de loi qui donne suite à cette prescription.

Quatrièmement, autre point important à relever, la loi présentement en vigueur prévoit que la prestation de base à l'assistance-emploi est augmentée d'une allocation pour contrainte temporaire à l'emploi lorsque le prestataire est âgé de 55 ans ou plus et en fait la demande. Le projet de loi n° 57 modifie cette disposition en stipulant que cette allocation sera versée lorsque la personne atteint l'âge fixé par le règlement et évidemment en fait la demande. Avec cette modification, on comprend que le gouvernement veut se donner les moyens de faire pression sur les travailleurs et les travailleuses âgés qui ont perdu leur emploi, afin de les obliger à demeurer sur le marché du travail. Ce changement nous apparaît un recul inacceptable. Il laisse supposer que ces personnes abusent du système ou qu'elles opteront pour l'aide de dernier recours à la possibilité d'un nouvel emploi. Nous sommes pourtant bien placés, à la CSN, pour connaître le drame que vivent plusieurs de ces salariés qui, après 25 ou 30 ans de loyaux services chez le même employeur, se retrouvent en mise à pied pour cause de restructuration économique, sans réelle possibilité de se trouver un autre emploi convenable dans leurs localités ou régions.

Cinquièmement, nous avons déjà évoqué que le projet de loi élimine les références à Emploi-Québec comme à la commission et aux conseils régionaux des partenaires du marché du travail qu'on trouve dans les dispositions présentement en vigueur. Le projet de loi biffe également les dispositions spécifiant ce qu'est un emploi non convenable, étant entendu que les mesures d'intégration du marché du travail doivent viser des emplois convenables. Nous sommes surpris que ces dispositions ne se retrouvent plus dans le projet de loi n° 57. Même si ce projet de loi abolit les pénalités pour refus de participer à des mesures d'intégration en emploi, il nous semble que ces mesures et les incitatifs qui s'y rattachent doivent tout de même viser des emplois convenables, c'est un minimum.

Sixièmement, un autre point mérite d'être souligné, lequel illustre bien ce qui nous semble la philosophie sur laquelle repose le projet de loi. Bien que la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale reconnaisse que les personnes en situation de pauvreté et d'exclusion sociale sont les premières à agir pour transformer leur situation, le projet de loi énonce que les mesures, programmes et services mis en oeuvre de cette nouvelle loi sont établis afin d'accompagner les personnes dans leurs démarches vers l'atteinte de leur autonomie, et je cite, «celles-ci devant être les premières à agir pour transformer leur situation et celle des membres de leur famille», à l'article 2. On passe ainsi d'une reconnaissance de faits à l'énoncé d'une obligation, d'une responsabilité personnelle, ce qui est un détournement de sens inacceptable.

Alors, nous avons, pour conclure, une proposition en deux temps. Les constats qui précèdent nous amènent à conclure, à la CSN, que le projet de loi n° 57 n'est pas la loi qu'il nous faut à ce moment-ci. Ce projet de loi est mal ficelé, il est surtout mal articulé avec les prescriptions de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale votée à l'unanimité, je le rappelle, en décembre 2002. Il y a près de 400 000 adultes au Québec qui dépendent de l'aide sociale ou de dernier recours pour leur survie et celle de leur famille. On ne peut se permettre de bâcler la révision de l'ensemble des dispositions législatives définissant les droits et modalités de cette aide.

C'est pourquoi la CSN demande, à l'instar d'autres groupes sociaux, que le ministre responsable retire son projet de loi. Plutôt que d'adopter dans la précipitation une nouvelle loi sur l'aide aux personnes et aux familles, la CSN demande, dans un premier temps, que des modifications soient apportées à l'actuelle Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale afin de donner suite aux principes et aux orientations contenus dans la loi.

Ces modifications devraient comprendre les points suivants: évidemment l'abolition de la pénalité de participation aux mesures actives; l'indexation complète des prestations, quelles que soient les contraintes à l'emploi; l'instauration d'une prestation minimale visant la couverture des besoins essentiels et protégée de toute coupe ou saisie, y compris pour les loyers; le rehaussement de la valeur des biens et des actifs que peuvent posséder les prestataires, et ce, qu'il y ait ou non contraintes à l'emploi; l'exemption du revenu provenant d'une pension alimentaire dans le calcul établissant le niveau de prestation; la reconnaissance du droit et des mesures d'aide à l'emploi.

n (9 h 50) n

De plus, la CSN demande que les indemnités versées par la CSST soient considérées de la même manière qu'un revenu de travail permis, plutôt que d'être déduites intégralement de la prestation d'assistance-emploi, comme c'est le cas actuellement. Et le même traitement pourrait s'appliquer aux revenus provenant de la Régie des rentes ou à l'indemnisation des victimes d'accidents automobiles.

Dans un deuxième temps, la CSN propose que le ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale et de la Famille engage une démarche mettant à profit l'expertise citoyenne, y compris celle des personnes en situation de pauvreté et des organismes qui les représentent, en vue d'en arriver à l'élaboration d'une nouvelle loi sur l'aide sociale permettant réellement de progresser dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. La CSN demande aussi que la Commission des partenaires du marché du travail et les conseils régionaux des partenaires du marché du travail soient associés à cette démarche, particulièrement en ce qui touche les mesures et programmes dans le domaine de la main-d'oeuvre.

Alors, M. le Président, pour répondre éventuellement aux questions qui nous seraient posées, Mme Denise Boucher, vice-présidente de la CSN, est avec moi, et M. François Lamarche, qui est conseiller au service de recherche de la CSN. Alors, je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Roy. M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

M. Béchard: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue, M. Roy, Mme Boucher et M. Lamarche. Dans votre présentation complète, il y a un certain nombre de points sur lesquels vous amenez des remarques qui, je dirais, sont, oui, pertinentes, sont fondées, dans le cas de la CSN. Mais je vous dirais qu'il faut faire attention à deux choses.

La première chose est que je pense sincèrement que nous suivons ce qu'il y a dans le projet de loi n° 112, et je vais vous donner quelques exemples. Entre autres, au niveau du comité consultatif et de l'observatoire, le comité consultatif est en marche, et le comité consultatif, son rôle, c'est de nous fournir des outils...

Une voix: ...

M. Béchard: ...l'observatoire, c'est-à-dire, nous fournir des cibles, nous fournir des cibles à atteindre, des moyens de les atteindre, et ça, avec l'Institut de la statistique du Québec, il y a déjà une entente pour ça. Au niveau des 55 ans et plus, vous laissez sous-entendre qu'on veut les obliger. Ce n'est pas le cas du tout. Le cas est simplement que ces dispositions-là se retrouveront dans les règlements.

Deuxièmement, après ça, vous mentionnez, au niveau de l'indexation, qu'il n'y a rien. Mais il n'y avait rien non plus dans le projet de loi n° 112 en ce qui a trait à l'indexation. Et, au niveau du projet de loi n° 112, on parlait d'un barème plancher en dessous duquel il ne peut pas y avoir de sanction d'appliquée; on ne parlait pas, dans le projet de loi n° 112, d'un barème plancher pour couvrir les besoins essentiels.

Alors, je comprends l'objectif, mais il faut faire attention, parce que, quand on dit que le projet de loi n° 57 va à l'encontre du projet de loi n° 112, il faut voir ce qui était réellement 112 par rapport au 112 idéal que tout le monde souhaitait ou aurait souhaité. Alors, c'est pour ça qu'il faut apporter un certain nombre de clarifications, je pense, à ce niveau-là.

Et, au niveau des deux programmes, de l'aide sociale versus Solidarité sociale, l'objectif est d'apporter de la souplesse au niveau, entre autres, de Solidarité sociale, au niveau des gens qui ont des contraintes sévères, d'apporter beaucoup de souplesse dans la gestion de ce programme-là et dans la vie de ces gens-là aussi.

L'autre élément, vous avez mentionné que notre objectif, c'était de faire disparaître Solidarité jeunesse pour le transformer en Alternative jeunesse. Ce n'est pas le cas. Alternative jeunesse sera, pour les 25 ans et moins, un ensemble de plusieurs programmes dont Solidarité jeunesse, dont conciliation travail-études, dont Ma place au soleil pour les jeunes mères monoparentales. Donc, c'est le parapluie en dessous duquel on va retrouver tous les programmes destinés aux jeunes, et tous les programmes destinés aux jeunes de façon volontaire. Il n'y aura pas d'obligation. On l'a enlevé, le régime des pénalités.

Alors, je comprends plusieurs de vos observations; il y a certains éléments, moi, sur lesquels je veux vous entendre aussi. Parce que, vous savez comme moi, on est dans un processus où on travaille ensemble sur plusieurs dossiers, dont celui d'Emploi-Québec, et effectivement les dispositions reliées à Emploi-Québec disparaissent de ce projet de loi là. Elles sont déjà dans la loi générale du ministère. Alors, il y avait un dédoublement. Mais on va voir, dans les amendements, si on peut être plus clairs là-dessus; moi, je n'ai pas de problème à diminuer ce niveau d'appréhension là. Mais il n'est pas question pour nous de diminuer le rôle d'Emploi-Québec.

Je vous dirais aussi, et vous le savez fort bien, qu'on fait tout ça dans le cadre de nos moyens. Quand on parle de la couverture des besoins essentiels, je suis convaincu que vous allez me parler des diminutions de budget au niveau d'Emploi-Québec, je suis convaincu que vous allez me parler d'un certain nombre de choses qui ont un lien financier. Sauf qu'on a un cadre budgétaire qui est x, au gouvernement du Québec, à l'intérieur duquel on travaille et à l'intérieur duquel, dans le dernier budget... Parce que, quand on parle de couverture des besoins essentiels, je pense que vous allez être d'accord avec moi que, pour une partie de la population la plus démunie, avec Prime au travail, avec Soutien aux enfants, on améliore la couverture des besoins essentiels, entre autres avec Soutien aux enfants.

Alors, moi, je veux vous entendre premièrement, bien sûr, sur ce qui a trait au barème de couverture des besoins essentiels. Vous avez sans doute vu, depuis que la commission est commencée, qu'on nous parle d'un barème qui pourrait se situer au même niveau que le barème pour les personnes qui ont des contraintes sévères. Alors, ça a un coût, c'est environ 500 millions de dollars par année. Alors, est-ce que, pour vous, là, le barème de couverture des besoins essentiels se situerait aussi à ce niveau-là?

M. Roy (Louis): Je vais répondre, si vous permettez, M. le Président, à ce premier volet de la question. Je suis un peu d'accord avec vous de dire que la loi antipauvreté ne garantissait pas la couverture de tous les besoins essentiels. Par ailleurs, nous avions convenu, tout le monde, d'avoir un barème plancher intouchable. Et ça, ça nous apparaît primordial. Évidemment, les deux sont liés, parce que, si le plancher est trop bas, au bout de la ligne, on ne répondra plus à aucun besoin essentiel. Mais disons que le premier gain que nous avons fait dans ces discussions-là collectivement était sur la question du barème plancher.

Mais, nous, notre point de vue plus général sur la question de la loi, c'est de dire que cette loi-là doit améliorer le sort des personnes pauvres au Québec. Et ça, je pense qu'on avait un consensus. En tout cas, il nous semblait, en 2002, à l'Assemblée nationale, que nous avions un consensus sur cette question. Et il ne nous apparaît pas évident que, toutes choses étant égales, là, dans l'ensemble des mesures qui sont proposées, qu'on améliore substantiellement, pour tout le monde, cette question-là de l'amélioration des conditions de vie pour des personnes qui sont sur l'aide sociale. C'est notre premier volet.

Notre deuxième volet, nous, on travaille plus du côté du travail, du côté ouvrier des choses. Nous, on a toujours dit que l'aide sociale, c'est l'aide de dernier recours et ça peut être utilisé de façon passagère pour ramener éventuellement des gens dans le milieu du travail. Et, nous, ces questions-là nous préoccupent au plus haut point. Mais en même temps il ne faudrait pas qu'on joue les uns contre les autres, c'est-à-dire que les gens qui sont inaptes au travail, on leur donne un soutien plus élevé que d'autres qui sont dans un passage vers le milieu du travail. Ça, c'est des réponses plus globales. Je ne sais pas si mes camarades veulent ajouter. François?

M. Lamarche (François): Sur la question du barème plancher, en fait le principe, la philosophie de l'aide de derniers recours est ou était de couvrir les besoins essentiels. Le problème, c'est que les prestations ont été érodées au cours des ans, compte tenu de l'inflation, ce qui fait qu'on imagine mal comment, par exemple, une personne seule peut vivre décemment, au minimum avec 533 $ par mois.

Deuxièmement, la loi, quand elle parle de barème plancher, c'est d'exempter ces prestations minimales là de toute coupure. Alors, on se retrouve avec un projet de loi qui permet des recouvrements suite à des erreurs administratives, permet une saisie suite à une ordonnance de la Régie du loyer. Et vous avez introduit, dans le projet de règlement de la loi actuelle, une coupure pour partage de logement familial, ce qui à notre sens contrevient à une disposition qu'on retrouve dans la loi n° 112. C'est surtout là-dessus qu'on veut insister, parce que ça, c'est contraire à l'esprit puis même aux dispositions de la loi n° 112.

Deuxièmement, concernant les 55 ans, je suis heureux de vous entendre que vous allez maintenir cette question-là dans la réglementation. Mais, si vous l'affirmez de façon telle, on comprend mal pourquoi ça ne se retrouve pas dans la loi actuelle, comme c'est le cas présentement. Parce qu'évidemment le fait que ce niveau d'âge là disparaît, ça donne lieu à toutes sortes d'interprétations et d'inquiétudes qui à mon sens sont relativement fondées.

n (10 heures) n

M. Béchard: Je veux revenir sur un élément, parce que vous mentionnez... vous dites: Cette loi-là n'améliore pas directement ou de façon substantielle le sort des personnes qui vivent des situations de pauvreté. C'est parce qu'il ne faut pas voir la loi non plus de façon isolée. La loi est l'élément, je dirais, législatif qui suit le plan de lutte à la pauvreté et à l'exclusion sociale déposé en avril dernier. Il y a beaucoup de choses qui se retrouvent dans le plan de lutte comme tel qui n'est pas dans la loi. Par exemple, Soutien aux enfants ou la Prime au travail n'est pas décrite là, ce sont des mesures fiscales du ministère du Revenu. C'est pour ça qu'il faut faire attention pour ne pas voir la loi de façon, je dirais, uniquement isolée.

Mais je veux juste vous rassurer sur un élément, c'est au niveau du recouvrement. C'est des recouvrements en cas de fraude, en cas de remboursement de dettes, dans lesquels, dans plusieurs cas, il y a des ententes entre le ministère et les individus. Et, en ce qui a trait au... il n'y a pas de recouvrement en matière d'erreur administrative. Donc, on essaie de le protéger le plus possible, mais je comprends qu'il y a eu des débats là-dessus.

Mais je vous dirais que le barème plancher, après plusieurs discussions, qu'il soit fixé, puis je suis d'accord avec vous, ce n'est peut-être pas assez, mais au moins au niveau de la prime minimale. Et je vous dirais que, quand on regarde dans le passé, il y avait au moins 80 % des chances que ça ne se situe pas à ce niveau-là. Alors, il faut faire... Je veux bien qu'on veuille l'augmenter, qu'on essaie de l'amener plus haut, mais au moins on l'a fixé à 100 % du barème de base, à 533 $. Mais aussi, à 533 $, on parle de qui? On parle des gens qui sont aptes au travail, dont le souhait, j'imagine, de personne autour de la table ici est de voir ces personnes-là aptes au travail demeurer sur la sécurité du revenu pendant cinq ans ou pendant 10 ans. Moi, ce n'est pas mon souhait. Je ne souhaite pas que ces gens-là demeurent là, au même niveau. C'est pour ça qu'on amène un certain nombre d'autres éléments, dont prime à la participation. Et là-dessus, sur prime à la participation, comme je vous disais, le barème plancher, il y a au moins 80 % des chances, avant, qu'il soit plus bas. Alors, prime à la participation est la première marche.

Et je veux vous entendre un petit peu là-dessus, parce que vous mentionnez que je n'ai pas l'obligation de rendre prime à la participation accessible. Je vous dirais que, oui, on va la rendre accessible, et je veux la rendre accessible. On l'a annoncée, on a les budgets pour le faire, il y a différentes formules sur lesquelles on est en train de réfléchir. Et j'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous auriez à nous proposer sur prime à la participation? Parce qu'on est bien conscient qu'au-delà... Même si on avait amplement de mesures d'Emploi-Québec, en termes de formation ou de retour en emploi, pour tout le monde, il y a des gens qui ont d'autres formes de participation dans la société et qu'on veut reconnaître.

Alors, sur prime à la participation, est-ce que vous auriez des suggestions à nous faire pour l'améliorer? Par exemple, en termes de montant, est-ce qu'on est mieux de diminuer le montant pour avoir plus de gens qui vont y avoir accès? Comment vous voyez prime à la participation?

M. Roy (Louis): Bien, écoutez, d'abord et avant tout, il faut qu'on trouve le moyen d'offrir aux gens une accessibilité vers le marché de l'emploi, ce qui ne semble pas toujours le cas dans toutes les régions. Alors, ce n'est pas uniquement une question de montant d'argent. Nous, on pense, tout comme vous d'ailleurs, que c'est un ensemble, il faut le voir dans l'ensemble. Mais on ne peut pas, dans une loi par exemple, prévoir le développement économique du Québec dans la Loi d'aide sociale. Mais évidemment tout ça est lié, alors il faut à la fois que les gens d'Emploi-Québec soient en nombre suffisant, il faut qu'on trouve les emplois suffisants, et il faut que la prime soit suffisamment incitative pour faire en sorte d'amener les gens vers le marché du travail. Denise?

Mme Boucher (Denise): Oui. Alors, si vous me le permettez, M. le Président. Vous savez, M. le ministre, vous avez reçu une communication de la présidente de la Commission des partenaires, qui vous demandait, au nom des partenaires de la commission, d'intégrer l'article 12 ou une variable de l'article 12 dans le projet de loi n° 57.

Vous savez aussi que, nous, à la commission, il y a des fois il y a des choses qui nous arrivent, hein, vous êtes témoin, on a eu souvent l'occasion d'en parler, vous et moi. Quand on parle des fois de vouloir réintégrer sur le marché du travail 27 000 familles, on vous a souvent dit que c'était des folies de les inscrire comme ça. On disait souvent aussi peut-être qu'il faudrait peut-être mettre certaines mesures pour nous permettre effectivement de faire les choses correctement.

Donc, on n'est pas contre le fait, vous le savez. On veut qu'il y ait des gens... On le sait, qu'on va avoir un problème de main-d'oeuvre au Québec, il faut être capable d'intégrer des gens. Mais vous savez aussi qu'il y a eu des baisses énormes, entre autres sur le fonds, hein, le fonds du Québec, pour permettre aux gens de pouvoir réintégrer le marché du travail. De ça aussi, vous savez que les mesures qui sont les plus, je dirais... celles qui sont les plus... qui permettent souvent l'intégration au marché du travail sont celles touchant la formation et les subventions salariales. Du même coup, on sait aussi que, quand il y a des coupures au fonds du Québec, ce qu'on voit c'est que là, généralement, c'est celles-là qui sont facilement compressibles.

Donc, en même temps, vous parlez de liens qu'on doit faire par rapport au financement que peut accorder le Québec dans... et à cause de ses difficultés budgétaires. Je vous lancerais aussi un message, j'en profite: peut-être que ce n'est pas le temps de baisser les impôts, parce que ça, ça peut aussi supporter. Et vous savez aussi qu'on a toujours été et on est toujours disponibles à aller faire la lutte auprès du gouvernement fédéral sur toute la question du déséquilibre fiscal et qu'on puisse s'associer ensemble pour aller chercher les argents dont on a besoin.

On sait aussi qu'il y a du travail à faire aussi auprès de l'assurance-emploi. Mais je veux rappeler particulièrement que, quand on baisse les ressources telles qu'on a connues et qu'on connaît... Et vous savez que ça va être un débat qu'on va avoir avec vous la semaine prochaine, sur cette question-là. Donc, oui, il y a des mesures qui peuvent être faites, mais il ne faut pas qu'on prenne ces mesures-là et qu'on les compresse. De plus, on va se retrouver aussi... et généralement c'est souvent avec une clientèle qui a des besoins plus grands. Il faut qu'on soit capable de les supporter, il faut être capable de leur donner du soutien. Et, si on ne le fait pas, on va se retrouver inévitablement avec des compressions qui vont être faites de l'autre côté.

Je lisais, dans votre discours d'ouverture, vous disiez: L'intention, tu sais, ce n'est pas... Ce qu'on veut... Excusez-moi. Vous disiez: L'incitation plutôt que la coercition. Mais en même temps, des fois, en lisant le projet de loi, on a plutôt l'impression qu'il y a beaucoup d'éléments coercitifs sous-entendus et que l'incitation est peu là.

Et il faut aussi faire en sorte que... et ça, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, à savoir si vous allez... Bon. Votre sous-ministre Turenne avait dit: C'est parce qu'on voulait alléger la loi, on ne voulait pas faire en sorte de prescrire et de faire en sorte qu'Emploi-Québec ait entre autres... je dirais, soit le maître d'oeuvre, et tout ça. On trouvait que c'était trop long, c'était déjà dans la loi n° 150. Mais je pense que de le marquer, c'est sécurisant pour tout le monde, et en même temps ça nous place en situation d'être proactifs.

M. Béchard: Je vous dirais qu'après tous les éclaircissements et la discussion qu'on a ce matin, si le fait d'intégrer cette modification-là me permet d'avoir votre appui pour le projet de loi, c'est certain que je vais le regarder.

Mme Boucher (Denise): Non, mais il ne faut pas comprendre... M. le Président, il ne faut pas comprendre en disant là-dedans qu'on donne l'appui au projet de loi. Mais on vous a dit aussi, à notre conclusion, que vous auriez peut-être intention à reprendre le projet et de remettre certains bons éléments ou amendements qu'on vous soumet.

M. Béchard: Parfait. Je vous agace, là-dessus.

M. Roy (Louis): Si on les négocie un par un, ça va être long, la commission.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Béchard: Je veux vous dire qu'au niveau... Effectivement, on a eu d'excellentes discussions, qu'on a encore à avoir, au niveau de la Commission des partenaires du marché du travail. Et je dirais qu'on a diminué les niveaux de folie en ce qui a trait aux cibles, on est passé de 29 000 à 25 000 au fait de ne pas mettre de cibles comme telles. Alors, ça, je pense qu'on est d'accord là-dessus, on sait que des gens sont de plus en plus loin et qu'il faut y aller.

Mais sauf que, quand vous parlez de l'incitation comme telle et ce que j'ai dit aussi dans mon discours d'ouverture, c'est vraiment par étapes. La première incitation, c'est au niveau de la prime à la participation. Reconnaître, oui, qu'il y a des cheminements au niveau d'Emploi-Québec, qu'il y a des cheminements dans les programmes réguliers; il y a peut-être d'autres cheminements aussi qu'on doit reconnaître. Et c'est là-dessus, c'est ça, prime à la participation, et c'est là que j'aimerais avoir quelques-unes de vos suggestions. Puis vous avez l'expérience, Mme Boucher, au niveau de la Commission des partenaires, puis on va en reparler au niveau de la Commission des partenaires aussi. Comment mettre en place ce type de mesure là qui est plus souple, qui reconnaît une participation déjà dans les milieux, dans les municipalités, dans les milieux communautaires et faire en sorte que ce soit vraiment la première étape?

Vous le savez comme moi, il y a beaucoup de programmes qu'on a déjà, qui servent finalement beaucoup plus à fournir des attitudes et des aptitudes qu'une qualification ou une formation. On est avant tout ça. Et c'est un peu ça aussi, prime à la participation. Mais j'espère que vous serez d'accord avec moi que, quand on parle de prime à la participation, qu'on parle de Prime au travail aussi, c'est une démarche incitative, surtout que tout ça est volontaire.

Puis aussi, au niveau des jeunes, parce qu'il y a aussi prime à la participation, mais au niveau des jeunes, avec Alternative jeunesse, je comprends que vous avez des doutes sur les pouvoirs discrétionnaires reliés au ministre et surtout aux ministres qui vont me suivre. Vous avez surtout beaucoup plus de doutes envers ceux qui vont me suivre qu'envers moi, j'imagine, mais... Vous n'êtes pas obligés de répondre à ça. Mais juste pour vous dire qu'on est d'accord sur la nécessité d'avoir plus de programmes pour les jeunes, plus d'outils.

Comment maintenir cet équilibre-là d'avoir plus d'outils à l'intérieur d'une loi, je dirais, plus générale, qui est la Loi sur l'aide sociale? Est-ce que vous avez d'autres formules pour garder cet équilibre-là? Parce que la façon dont on le voit, on ne peut pas modifier la loi à toutes les fois qu'on veut arriver avec un nouveau programme, et une façon qu'on a trouvée pour nous donner cette marge de manoeuvre là, c'est d'avoir un certain nombre de pouvoirs discrétionnaires au niveau ministériel. Alors, comment on peut encadrer ça mieux selon vous?

Mme Boucher (Denise): Je vous dirais qu'on ne trouvera pas de recette miracle, aujourd'hui, là-dessus. Si on est capables d'être associés, si on peut être associés, je pense qu'on peut faire des travaux qui vont nous permettre de trouver des solutions. Mais en même temps, au-delà des primes, au-delà des choses, il faut qu'on soit capables d'exercer un suivi. On peut bien donner une prime à un jeune pour qu'il aille en emploi, mais, s'il y a des difficultés puis on n'exerce pas du suivi puis si on ne met pas les ressources pour l'accompagner...

Une Roy (Louis): O.K. Si vous permettez, M. le Président, M. Lamarche voudrait...

Le Président (M. Copeman): M. Lamarche.

n (10 h 10) n

M. Lamarche (François): C'est clair qu'on ne peut pas être en désaccord avec l'augmentation proposée concernant les primes à la participation. Mais le paradoxe, c'est qu'en même temps que, d'un côté, on augmente les primes, dans le projet de règlement qui a été déposé, on abolit l'allocation pour les frais d'emploi, là, qui pouvait aller jusqu'à 25 $. Alors, c'est là où, dans les intentions du gouvernement, il y a une perception d'une certaine équivoque dans la manière d'approcher les questions.

Et, quand on parle des mesures d'insertion en emploi ou d'employabilité, nous, ce qu'on demande, c'est qu'il y ait une obligation, qui soit inscrite dans la loi, de rendre ces mesures-là accessibles. Parce qu'on peut inciter les gens à participer à des mesures, mais, si, d'un autre côté, on coupe dans les ressources d'Emploi-Québec de sorte que ces mesures-là ne sont pas accessibles, il y a un problème de gouvernance et il y a un problème aussi de perception dans la manière que le gouvernement traite de ces questions-là.

Donc, on est tout à fait d'accord pour favoriser l'insertion en emploi, développer une mesure active, mais il devrait y avoir une obligation ou un devoir d'inscrit dans la loi que le gouvernement doit rendre ces mesures accessibles, ce qui semble n'être pas le cas maintenant, quand on regarde la gestion qui est faite des ressources à Emploi-Québec.

M. Roy (Louis): Et, si vous permettez, M. le Président, ça nous fera plaisir de discuter de tout ça au comité consultatif, lorsqu'il sera en place, pour préparer la prochaine loi sur l'aide sociale.

M. Béchard: Vous parlez bien de la prochaine. C'est bien.

M. Roy (Louis): Oui, oui, mais qui remplacera celle-là qui va être retirée, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Copeman): M. Roy, je sais que vous avez indiqué dans votre mémoire que ce projet de loi n'a été ni prévu, ni attendu, ne fait l'objet d'aucune consultation préalable auprès des groupes et des organismes concernés. Je vois bien, puis c'est de bonne guerre, qu'on indique «préalable». Ça se peut, je ne suis pas au fait de... à savoir si beaucoup de groupes ont été consultés avant le dépôt du projet de loi. Mais je voulais juste vous rappeler que le projet de loi a été déposé au mois de juin, l'adoption de principe n'est pas faite, que la consultation qu'on fait actuellement, selon l'ordre de la Chambre, est une consultation générale. On a reçu 75 mémoires, nous allons entendre 70 groupes, et ça, jusqu'au 24 novembre.

Alors, je comprends peut-être que vous considérez qu'il n'y a pas eu assez de consultations avant, mais, moi, comme législateur, je trouve ça toujours significatif quand un gouvernement, n'importe lequel, procède à une consultation aussi... une consultation générale avant même l'adoption de principe. Comme vous le savez, j'ai fait certaines années assis à ma gauche et j'ai toujours... pas toujours, mais souvent reproché à des gouvernements de faire des consultations après l'adoption de principe, ce qui est toujours valable, mais, quant à moi, il est toujours plus intéressant de le faire avant l'adoption de principe. Et, avec 75 groupes, on voit à quel point la société civile a répondu, par son intérêt, à cette consultation générale.

M. Roy (Louis): Je suis tout à fait d'accord avec vous, M. le Président. Ce n'est pas un problème, de consulter, ce que vous faites présentement, au contraire, c'est très démocratique. Le problème en fait, c'est que ces consultations-là font en sorte qu'on s'engage dans un dialogue avec le gouvernement, plutôt que dans une discussion plus ouverte avec l'ensemble des partenaires pour éventuellement dégager des pistes de solution qui sont plus difficiles à envisager ici, parce que nous sommes dans une discussion à deux, qui est très intéressante mais en même temps qui est plus limitée qu'une discussion préalable, à plusieurs, qui permettrait éventuellement de dégager des pistes nouvelles que personne ici peut-être ne mettrait sur la table pendant qu'on le fait dans une commission parlementaire. Mais soyez assurés que nous apprécions beaucoup le fait que cette consultation-là se tienne. Mais en même temps, malheureusement, le projet de loi ne nous plaît pas plus, même si la consultation est bonne.

Le Président (M. Copeman): Je vous comprends. M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, de solidarité sociale et de la famille.

M. Bouchard (Vachon): Alors, bonjour, Mme Boucher. Bonjour, M. Roy. Bonjour, M. Lamarche. Peut-être quelques observations au point de départ. Vous avez marqué des points. Le ministre s'est engagé à revoir la question de la mention concernant les liens entre ses capacités ministérielles et Emploi-Québec et la Commission des partenaires du marché du travail, donc en référence à l'article 12 de la loi actuelle. Je pense que c'est une très bonne nouvelle. Et en effet il y a comme là-dedans un signe assez évident, si jamais on rétablissait ce lien-là dans la loi et qu'on lui donnait un statut donc légal, au moins d'une obligation pour le ministre de consulter ses partenaires.

Moi, ce qui m'a frappé ce matin, quand vous êtes arrivés, vous avez dit: Bon... En fait, ce que j'ai cru comprendre, c'est que la Commission des partenaires du marché du travail, d'après la lettre que vous mentionnez, là, n'avait pas été consultée sur cet aspect de la chose qui la concernait au premier plan, à savoir la disparition de cette mention-là dans la loi. À mon avis, c'est du même niveau ou de la même tenue que ce retard à constituer le comité consultatif qui permettrait ou qui aurait permis au ministre de prendre une bonne avance sur toute la question de la définition des besoins essentiels.

On nage dans l'inconnu, dans l'improbable et dans l'équivoque autour de la question des besoins essentiels, dans cette commission, parce que nous n'avons pas d'avis indépendant. Cet avis indépendant pourrait nous venir du comité consultatif, et votre insistance là-dessus me paraît, à moi, tout à fait bienvenue, comme votre insistance sur la question de l'obligation du ministre à fournir des mesures.

Il y a un déséquilibre, dans ce projet de loi, entre le pouvoir discrétionnaire du ministre et les obligations qui sont faites par ailleurs, même si on dit qu'il n'y a pas de pénalité ? je reviendrai là-dessus tout à l'heure ? les obligations qui sont faites aux personnes qui sont inscrites dans les programmes. C'est un aspect d'autant plus important que nous parlons d'un concept fondamental dans le programme, c'est-à-dire du concept de contrepartie. Et il n'y a pas beaucoup d'administrations, dans les pays de l'OCDE, qui ne reconnaissent pas ce concept-là maintenant, à savoir qu'il y a, de part et d'autre, une contribution au développement des actifs des personnes à la fois dans leur capacité de s'insérer dans le monde du travail et de participer à la communauté et à la société.

Cependant, ce que vous soulignez dans votre mémoire et ce que je trouve très important, c'est qu'il y a une confusion entre... et une absence, je veux dire, une absence de clarté, là, une confusion en ce qui concerne comment l'État peut assurer, au point de départ, un certain niveau de vie aux personnes, qui serait une partie de la problématique dont on prend soin, et ensuite l'application du principe de contrepartie, où l'État et le citoyen s'engagent dans une action réciproque pour arriver à améliorer le sort des personnes et des familles. Et ça, je pense que votre mémoire là-dessus est absolument éclairant.

Il est éclairant par ailleurs sur la question de l'indexation partielle, et c'est de la même mouture. Ça veut dire que, si quelque part le projet de loi n'a pas comme objectif premier au moins de tenter d'approcher, pour ces personnes-là, un revenu qui leur permette une vie décente, la question de l'indexation partielle soudainement apparaît comme une question qui ne découle plus de la volonté du législateur de couvrir les besoins essentiels. Alors, pour le législateur, le fait de faire une demi-indexation, ce n'est pas important parce qu'il ne se préoccupe que de l'intégration au travail et ne le prend que comme une mesure de motivation.

Mais ce que vous dites cependant, c'est que la non-indexation, en plus, encourage des préjugés. Et là j'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Copeman): Je présume là, là?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Lamarche (François): Bien, ça encourage le préjugé parce que ça laisse entendre que les gens ne font pas les efforts nécessaires pour... Il y a comme une pénalité, je pense qu'il faut l'admettre. Quand on parle des personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi, on leur reconnaît une pleine indexation, alors que, pour les autres, c'est une indexation partielle qui est en pratique une pénalité parce que le pouvoir d'achat diminue et on laisse entendre qu'ils ne font pas les efforts suffisants pour intégrer le marché du travail.

n (10 h 20) n

Alors, nous, on dit que, dans la loi n° 112, il y avait une reconnaissance formelle qui a été considérée comme un précédent dans la législation, au Québec, qui disait que les personnes en situation de pauvreté étaient les premières à agir pour transformer leur situation. Alors là, on se retrouve dans une confusion certaine, parce qu'il y a une pénalité, parce qu'on juge ou on laisse entendre que les personnes aptes au travail ne font pas les efforts suffisants pour intégrer le marché du travail.

Et deuxièmement, comme je le disais tantôt, on abolit les pénalités, mais en même temps, du côté de l'accessibilité aux mesures actives, il y a aussi des manques, là, en tout cas en termes d'obligation gouvernementale, de rendre ces mesures-là accessibles, ce qui fait qu'on est dans la confusion qui, comme je le disais tantôt, entretient les préjugés parce qu'on pénalise les gens qui sont aptes au travail en refusant leur indexation. Puis en même temps, concernant l'accessibilité à des mesures d'intégration au travail, du côté d'Emploi-Québec, il y a des problèmes évidents qui ont été soulignés par Mme Boucher.

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, concernant cette dernière observation sur les problèmes à Emploi-Québec et les coupures successives, là, durant les deux derniers budgets, qu'est-ce que vous observez sur le terrain? Quelles sont les conséquences, quels sont les impacts de ça?

Mme Boucher (Denise): C'est sûr que les impacts sont faits qu'on coupe dans les ressources, on coupe aussi peut-être sur de la formation qui pourrait être de la formation plus longue pour de la formation plus courte. On fait en sorte aussi qu'on a souvent aussi établi ce qu'on appelait des quotas ? là, je m'excuse du terme, mais des quotas ? pour faire en sorte de vraiment réussir de la réinsertion. Mais en même temps le temps qui était mis là-dedans à faire en sorte que certaines clientèles soient réinsérées, on oubliait qu'il y avait peut-être de la clientèle qui était moins lourde et qui aurait pu l'être. Donc, on se retrouvait... et on se retrouve avec ça.

Et on sait qu'actuellement dans les régions, avec les compressions qu'il y a eu, il y a un essoufflement et les objectifs rattachés au fait d'insérer des clientèles plus à difficulté, bien là c'est clair qu'elles passent au bout du quai.

M. Roy (Louis): Si vous permettez, M. le Président, j'aimerais revenir sur la question surprise du député sur la question des préjugés. La question de l'aide sociale, au Québec, sera toujours un problème de préjugés. Et cette question-là, moi, je ne veux pas sous-entendre que le ministre ou le gouvernement entretient les préjugés de façon volontaire, mais, à toutes les fois qu'on pose des gestes dans cette direction-là, on finit par entretenir les préjugés. Et ce sont des préjugés bien ancrés, là. On a juste à voir qu'est-ce qui se passe dans une certaine série télévisée, on voit que les préjugés sociaux, quels qu'ils soient d'ailleurs, sont très faciles à entretenir et très difficiles à combattre. Et je pense qu'il y a un devoir, qui est celui de l'État, de toujours faire attention aux mesures qu'il adopte pour pas juste ne pas entretenir des préjugés, mais pour les combattre.

Et la question de l'indexation, je pense que c'était la démonstration que vous en faisiez, la question de l'indexation finit par se retrouver malgré elle du côté de l'enrichissement des préjugés et de l'appauvrissement des gens qui sont sur l'aide sociale, et on sort de cet exercice-là perdant-perdant socialement, mais aussi les individus qui la subissent.

Alors, ces questions-là sont importantes. Évidemment, elles ne s'écrivent pas dans un préambule de projet de loi, elles ne s'écrivent pas dans les articles de projet de loi, elles ressortent du projet de loi. Et, nous, nous sommes très soucieux de ces questions-là et on voudrait que le ministère en fasse autant.

Mme Boucher (Denise): Et, si vous me permettez, M. le Président, sur la question des préjugés, de mettre dans le projet de loi la question des saisies par rapport au loyer, ça donne l'impression que les seuls qui ne paient pas leur loyer dans la vie sont les prestataires de sécurité du revenu, quand il y en a sans aucun doute qui ont peut-être les moyens, pour toutes sortes de raisons, puis qui ne les paient pas. Le problème, ce n'est pas le fait d'aller saisir les loyers, le problème qu'on a... ça, c'est un problème en soi, mais le problème, c'est qu'il faudrait peut-être aussi qu'on ait du logement social et qu'on investisse dans la question du logement social, ce qui pourrait être un plus.

Mais en même temps, avec 533 $ par mois, je pense que de payer un loyer qui en vaut 600 $, 700 $, dans certains quartiers de Montréal, ou même dans certains quartiers de la ville de Québec, ou de Sherbrooke, peu importe où on est ? il y a des pauvres à Chibougamau aussi ? ça fait en sorte que des fois on aime peut-être mieux mettre du beurre sur notre pain ou de la margarine ou ne pas en mettre du tout, mais avoir du pain puis peut-être de ne pas payer le loyer pour un mois.

Donc, ça aussi, on n'a pas eu de nouvelles. On sait que le ministre, au moment où la loi avait été déposée, qu'il y a eu un tohu à l'égard de la question des loyers, mais on n'a rien entendu, à l'ouverture de la commission parlementaire, à cet égard-là.

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, je comprends de vos interventions qu'une des façons de combattre les préjugés serait pour le ministre, un, d'inscrire dans la loi une disposition d'indexation automatique des prestations, peu importent les catégories auxquelles on fait référence, peu importent les programmes?

M. Roy (Louis): Tout à fait.

M. Bouchard (Vachon): Est-ce que par ailleurs, si on regarde ça différemment, est-ce que l'indexation à moitié pour les personnes aptes a des vertus? Autrement dit, est-ce qu'on peut escompter des gains en termes d'insertion au travail avec une mesure comme celle-là?

M. Roy (Louis): Écoutez, peut-être que, pour certains individus qui sont à la marge, ça pourrait éventuellement les précipiter vers le travail, mais encore faut-il qu'il y ait du travail. Mais de façon générale nous ne croyons pas à la vertu de ce genre de mesures là. Ce sont des mesures qui sont à la marge sur le résultat mais qui nous apparaissent donc comme des mesures purement budgétaires, purement financières. Et nous croyons beaucoup plus que d'investir dans la capacité des gens de rejoindre le marché du travail, évidemment avec l'investissement parallèle sur le développement de l'emploi, nous apparaît beaucoup plus significatif que des questions comme celle que vous soulevez.

M. Bouchard (Vachon): Merci.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Joliette.

M. Valois: Je vous remercie beaucoup. Merci beaucoup pour votre présence, merci beaucoup pour le dépôt de votre mémoire. Je vais être complémentaire à mon collègue, mais dans un autre ordre d'idée, du sens où je vais vraiment prendre un point à la page 18 de votre mémoire, donc un point très précis. Et, sur ce point précis, vous parlez de nombreuses lacunes au projet de loi n° 57, et quelques-unes de ces lacunes-là sont non seulement liées à certains reculs, imprécisions, absences, mais aussi à des retraits par rapport à ce qu'on voyait sur le projet de loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Et un de ces retraits-là que vous signalez est le retrait... bien c'est l'avant-dernier point, la dernière phrase, c'est le «retrait également d'une disposition précisant les caractéristiques d'un emploi non convenable». Parce qu'on sait très bien que, dans la Loi visant à lutter contre la pauvreté, il y avait l'ensemble de ces caractéristiques-là d'un emploi non convenable. Donc, une personne pouvait avoir à quelque part...

Une voix: ...

M. Valois: Dans la loi actuelle, je veux dire, il y avait une série de caractéristiques qui étaient données, et le retrait de ça. Dans un premier temps, juste discuter puis vous entendre là-dessus pour qu'on puisse par la suite aller certainement plus loin sur qu'est-ce que ça envoie comme message, là. Mais, dans un premier temps, là, lorsque vous nous dites le retrait de ces dispositions-là... sont une lacune et un recul par rapport à la loi actuelle, comment vous l'entendez?

M. Roy (Louis): Bien, d'abord, les gens qui sont sur l'aide sociale et qui retournent en emploi sont des gens souvent fragiles et vulnérables, et il y a toujours un danger d'abus, donc de les confiner à des emplois dangereux, à des emplois qui n'ont pas de conditions de travail acceptables, à des emplois, par exemple, de remplacement, ce qu'on appelle généralement les scabs, des trucs comme ça, de les pousser vers ça. Il y a toujours ce danger-là.

En même temps, il faut faire attention parce que, quand on ramène des gens sur le marché du travail peut-être pour une des premières fois depuis quelques années, ces gens-là, s'ils tombent dans un emploi non convenable, on risque de reprendre le cycle à zéro, c'est-à-dire que ces gens-là retournent sur le marché du travail, ont des emplois qui ne sont pas sécuritaires, par exemple, et vont finir par se retrouver au même point où ils étaient il y a deux, trois, quatre, cinq ans, et on recommence le cycle. Alors que l'idée, si je comprends bien, l'idée, c'est de faire en sorte que les gens sortent de l'aide sociale mais pas juste d'un point de vue statistique, d'un point de vue humain et d'un point de vue aussi qui va s'échelonner dans le temps et qui va idéalement se perpétuer dans la famille.

Alors donc, la question des emplois convenables, elle est importante, parce que, si on vise à régler une bonne partie des problèmes d'aide sociale pour les gens qui sont aptes à l'emploi évidemment en les ramenant au travail et qu'on les ramène en majorité dans des emplois qui ne seraient pas convenables, bien on risque tout simplement de se faire croire qu'on a réglé le problème et de reprendre le cycle de l'aide sociale, là.

n (10 h 30) n

M. Valois: Oui. Merci, M. le Président. Il n'y aurait pas aussi un problème par rapport au fait que certainement on va pouvoir nous dire, et de façon très rapide: Oui, mais il n'y a pas d'obligation maintenant, il n'y a plus ces obligations-là, ce qui fait en sorte que de devoir parler de est-ce que c'est convenable, l'emploi, ou pas convenable, c'est peut-être un peu... À partir du moment où est-ce qu'on n'oblige pas le prestataire, bien c'est peut-être quelque chose qui est devenu un peu de second regard donc et de seconde utilité.

Sauf qu'à partir du moment où est-ce que, même si on ne met pas d'obligation auprès d'un prestataire, il faut comprendre que ces mesures-là, et bien souvent les mesures spécifiques, comme ces gens-là n'auront bien souvent, et vous l'avez noté, peu ou pas de protection ou de recours, dans un premier temps, et, dans un autre temps, si ces personnes-là, étant donné qu'il n'y a pas les dispositions d'un emploi non convenable, devaient quitter, bien là c'est toutes les primes qui viennent par rapport à ces recours-là qui feraient en sorte que ces personnes n'en auraient plus. Donc, dans un premier temps, on peut bien dire: Pas besoin de définir le fait que ce soit convenable ou pas, on ne va pas les pousser, on ne va pas les obliger, sauf que ce n'est pas en les obligeant... la personne va s'obliger elle-même en regardant un emploi non convenable, étant donné qu'elle n'a pas de recours et elle n'a pas ces articles-là, de se retirer elle-même d'un processus d'emploi et donc de perdre les primes qui viennent avec bien souvent, de perdre tout ce qui vient avec.

Comprenez-vous que, dans un premier temps, là, on peut très bien voir que cette loi-là qui nous est proposée, par le fait qu'il n'y a plus d'obligation, peut sembler quelque chose de sympathique, puis on fait tomber plein de recours ou bien de protections des gens parce que maintenant c'est sous la bonne volonté de la personne d'aller vers une démarche d'emploi, mais, de l'autre côté, ce qu'on comprend, c'est que, à partir du moment que cette personne-là n'a peut-être même pas de recours ou peut-être n'a plus d'élément comme celui de spécificité sur les emplois convenables ou non, bien on laisse encore une fois la personne seule devant devoir faire des choix puis qu'elle va être, cette seule personne là, pénalisée par ces choix-là qu'elle devrait faire parce que justement les lois maintenant et la loi telle que présentée ne protègent plus ces personnes-là.

M. Roy (Louis): Bien, premièrement, vous comprendrez que nous travaillons, nous, à rendre tous les emplois idéalement convenables, ce qui n'est pas toujours évident. Mais l'inquiétude que vous soulevez est tout à fait la nôtre dans le sens où les gens, devant l'absence de choix, peuvent éventuellement être pris, dans le milieu du travail, dans des emplois non convenables, et, nous, nous considérons que c'est à la fois inacceptable, mais en plus, pour des gens qui sortent de l'aide sociale, ça devient répétitif. Mais François voulait ajouter là-dessus.

M. Lamarche (François): Bien, juste en complément. On augmente les incitations à intégrer le marché du travail. Évidemment, on admet que l'intégration au marché du travail doit viser des emplois convenables. Dans la loi actuelle, qui a été adoptée en 1998, évidemment ce serait peut-être préférable de définir ce qu'est un emploi convenable, mais ça avait été fait par la négative, et on considérait ça comme un gain. Alors, il y a une ambiguïté ou une incompréhension. Pourquoi? Parce qu'il n'y a plus d'obligation, mais en même temps on augmente les incitatifs. Pourquoi les incitatifs ne visent pas minimalement à permettre l'intégration à des emplois convenables? On ne comprend pas le fait que ça ne se retrouve plus dans le projet de loi n° 57, cette définition-là de ce qui est un emploi non convenable, parce qu'on dit qu'il faut que ça respecte les normes minimales du travail, il faut que ce ne soient pas des conditions de travail abusives, compte tenu des emplois comparables, il faut que ça ne menace pas l'intégrité des personnes. Il me semble que, dans ces définitions-là, il n'y avait pas là une révolution, mais il y avait un principe qui définissait ce que devaient être les politiques de main-d'oeuvre, et là on ne les retrouve plus parce qu'il n'y a plus d'obligation. Il me semble qu'il n'y a pas d'adéquation entre le fait qu'il n'y a plus d'obligation puis cette idée-là de définir ce que sont les emplois convenables ou non convenables.

M. Valois: C'est que, dans les faits, ce qu'on doit conclure de la réflexion que vous avez, c'est qu'une personne, étant donné qu'elle ne pourra plus s'appuyer sur ces définitions-là d'emploi non convenable, va devoir peut-être même quitter, et là on va considérer que ce n'est que de sa faute parce qu'elle ne pourra pas s'appuyer sur un projet de loi qui dit: Non, ce n'est pas de ma faute, c'est que l'emploi n'était pas convenable, et on va lui dire: Où est-ce que tu as pris ça, ces idées-là? C'est de ta faute, tu es responsable de ton sort. Alors, on vient encore sembler envoyer l'impression que le sort d'une personne assistée sociale n'est qu'entre ses mains, alors que bien souvent il y a plein d'autres contextes qui sont extérieurs à cette personne-là, qui font en sorte qu'une personne est sur l'aide sociale. Ça vient alimenter ça aussi. C'est ce que je comprends de votre réflexion.

M. Roy (Louis): Oui, mais j'espère que vous avez tort quand même, j'espère que ce n'est pas ça, l'objectif du ministre.

Une voix: ...pas répondre.

Le Président (M. Copeman): Bien, le ministre peut répondre s'il y a consentement.

M. Valois: C'est sur notre temps de parole très limité.

Le Président (M. Copeman): Alors, malheureusement, le temps est écoulé du côté de l'opposition officielle aussi. Alors...

M. Roy (Louis): ...

Le Président (M. Copeman): Malheureusement pas. M. Roy, Mme Boucher, M. Lamarche, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de la Confédération des syndicats nationaux.

J'invite maintenant les représentantes du Service d'orientation et de recherche d'emploi pour l'intégration des femmes au travail à prendre place à la table. Et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 35)

 

(Reprise à 10 h 36)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission poursuit ses travaux. Nous sommes heureux d'accueillir les représentantes du Service d'orientation et de recherche d'emploi pour l'intégration des femmes au travail. Mme Cloutier, Mme Jeannotte, bienvenue à cette commission parlementaire. Vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange d'une période maximale de 20 minutes avec les parlementaires, chaque côté de la table. Sans plus tarder, nous sommes à l'écoute.

Service d'orientation et
de recherche d'emploi pour l'intégration
des femmes au travail (SORIF)

Mme Cloutier (Nathalie): M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, SORIF, le Service d'orientation et de recherche d'emploi pour l'intégration des femmes au travail, est un organisme à but non lucratif créé en 1977, qui intervient, depuis, auprès des femmes chefs de famille monoparentale de Montréal. Nous sommes financés par Emploi-Québec à titre de mesure PPE, qui est un projet préparatoire à l'emploi. Notre mission consiste à aider les femmes monoparentales à intégrer le marché du travail soit directement par l'intermédiaire d'un emploi ou indirectement en passant par un retour aux études. Le profil socioéconomique de notre clientèle se caractérise par une longue absence du marché du travail, un très faible niveau de scolarité et une forte présence à l'assistance-emploi.

Le Président (M. Copeman): Excusez-moi.

Mme Cloutier (Nathalie): Oui.

Le Président (M. Copeman): Juste pour les fins de transcription de nos travaux, Mme Cloutier?

Mme Cloutier (Nathalie): Oui, c'est bien moi. Pardon.

Le Président (M. Copeman): Excusez-moi. Quand on a deux mesdames devant nous, il faut faire la distinction évidemment qui est qui. Je m'excuse pour l'interruption. Allez-y, Mme Cloutier.

Mme Cloutier (Nathalie): Très bien. Rappelons que 20 % des 465 935 familles montréalaises sont en fait des familles monoparentales qui ont, à 84 %, une femme comme chef. Bien qu'une proportion moins importante de mères monoparentales existe dans le reste du Québec, force est de constater que le phénomène de la monoparentalité prend de l'ampleur. On note une croissance d'environ 2 % pour Montréal entre 1991 et 2001, alors que, pour la même période, la croissance du nombre de familles monoparentales dans le reste du Québec a été de 4 %.

Or, une étude récente faite par le Comité Femmes et développement régional de la CRE de Montréal montre un lien évident entre la concentration de mères monoparentales et les personnes vivant sous le seuil de la pauvreté dans les différents arrondissements de l'île de Montréal. Ce sont dans les arrondissements Côte-des-Neiges?Notre-Dame-de-Grâce, Ville-Marie, Sud-Ouest ainsi que Montréal-Nord et dans les quartiers de Villeray?Saint-Michel?Parc-Extension que l'on retrouve ces ménages qui consacrent 70 % ou plus de leurs revenus au logement, à l'habillement et à la nourriture.

La même étude note également des écarts importants de revenus totaux des familles, qu'elles soient biparentales, monoparentales ayant une femme ou un homme comme chef. Ainsi, en 2000, le revenu annuel moyen pour les familles montréalaises est de 62 438 $. Si les revenus totaux moyens des familles comptant un couple est de 69 454 $, les revenus totaux moyens des familles monoparentales ayant un homme comme chef est de 46 549 $, alors que les revenus totaux moyens des familles monoparentales ayant une femme comme chef est de 33 554 $. En fait, l'écart entre les familles monoparentales ayant une femme ou un homme comme chef s'agrandit. En 1995, l'écart était de 10 591 $, alors que l'écart, en 2002, est de 12 995 $. Les mêmes écarts de revenus dans les familles monoparentales selon le sexe du parent se retrouvent aussi pour le reste du Québec.

n (10 h 40) n

Le projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles, donnera naissance à une toute nouvelle loi qui aura incontestablement des conséquences pour les femmes chefs de famille prestataires de la sécurité du revenu. En tenant compte de cette perspective, nous avons rédigé ce court mémoire qui vous fait part de nos observations et de nos recommandations visant à réduire des impacts négatifs de certaines dispositions du projet et à souligner ses avancées positives. Nous espérons que cette contribution pourra être prise en compte et qu'elle contribuera à bonifier le projet de loi.

Quelques remarques générales. Le projet de loi semble dans la même lignée que la loi précédente qui mettait la table pour le «workfare». La grande différence que nous voyons dans le projet à l'étude est l'augmentation possible de certaines tracasseries administratives et d'un potentiel arbitraire. Nous y reviendrons dans le libellé de certains articles.

Aussi, force nous est de constater que nous sommes placés devant l'inconnu concernant la réglementation attachée au projet de loi. Faut-il rappeler que, pour vraiment juger de la portée des articles de loi et de l'intention du législateur, il nous faut pouvoir prendre connaissance des modalités d'application qui précisent parfois de façon étonnante la signification de certains articles. L'absence de réglementation assortie au projet de loi augmente notre degré d'inquiétude relativement à ses impacts éventuels sur les femmes monoparentales visées par nos services.

Commençons d'abord par les aspects positifs. Aux articles 44.2° et 44.9°, nous sommes heureuses de constater l'apparition des sages-femmes dans le texte de ce projet de loi de même que la reconnaissance des autres types de maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence. À l'article 49, nous considérons comme excellente la disposition de cet article qui a pour effet de ne plus pénaliser une personne qui refuse ou abandonne un emploi pour entreprendre des démarches en vue d'intégrer un emploi. À l'article 53, nous, on avait compris que le ministre avait reconsidéré sa position concernant la saisie d'une partie du chèque d'assistance-emploi pour le paiement du loyer.

Mme Jeannotte (Francine): Et on en était satisfaites.

Mme Cloutier (Nathalie): On était très contentes. Voilà.

Les dispositions qui nous inquiétaient un peu plus. À l'article 8, je cite: «Le ministre peut conclure, notamment dans le cadre de projets-pilotes, des ententes avec toute personne, association, société ou organisme afin de susciter la réalisation de projets spécifiques favorisant l'implication sociale et communautaire des personnes et des familles.»

Il existe actuellement un ensemble d'organismes à but non lucratif spécialisés en employabilité, sous contrat avec les agences régionales d'Emploi-Québec. Ces organismes sont regroupés en réseaux et ces derniers entretiennent des liens étroits avec l'État afin de s'assurer de la qualité des services. Nous espérons que l'article 8 n'est pas une porte ouverte à l'expérimentation d'approches non validées par des entreprises, des personnes ou des organismes qui n'ont aucune expérience reconnue.

À l'article 15.1°: «La prime à la participation peut notamment permettre à la personne de réaliser diverses activités dans le cadre d'une mesure ou d'un programme d'aide à l'emploi, afin notamment de compléter une formation ou d'acquérir une qualification professionnelle.»

La notion de formation générale et spécifique a été retirée de la nouvelle formulation de cet article. Ceci nous laisse supposer que les formations fortement privilégiées, voire même uniquement acceptées, ne seront que de courte durée. Depuis plusieurs années, nous persistons à dire que les formations de courte durée ne sont pas toujours des formations qualifiantes pour notre clientèle, mais au contraire nous insistons fortement sur la nécessité d'un encouragement financier pour les femmes monoparentales ne possédant pas de formation générale de base, c'est-à-dire un secondaire V, ou de formation professionnelle. Pour se sortir du cycle de la pauvreté, ces femmes ont besoin d'une formation souvent à long terme, qualifiante et reconnue sur le marché du travail, débouchant dans des emplois convenables et des salaires décents.

Rappelons que le Québec accuse un retard concernant la formation de base. En 2002, 23 % de la population québécoise âgée de 25 ans et plus ne détenait pas de diplôme d'études secondaires. Au Canada, la moyenne est de 17,4 % et celle des États-Unis est de 13 %. Autre donnée très importante à l'appui de l'importance de la formation de base, le taux de pauvreté des mères monoparentales se situe à 82 % chez celles qui n'ont pas de diplôme et à 44 % chez celles qui en ont un.

Depuis quelques années, notre service a déploré la perte du programme Retour aux études postsecondaires pour les femmes chefs de famille monoparentale. Maintenant, les femmes qui souhaitent faire des études postsecondaires doivent s'endetter avec le régime de prêts et bourses. Il faut souligner que les femmes qui désirent terminer une formation de secondaire V sont incitées à se tourner aussi vers le Programme de prêts et bourses. Or, ce programme offre de plus en plus de prêts et de moins en moins de bourses. Ce sont donc des mères, donc des familles monoparentales, déjà trop souvent pauvres qui s'endettent encore plus. Cette situation nous semble peu propice à rattraper le retard de la population québécoise à atteindre un niveau de formation de base concurrentiel avec les autres nations. Nous sommes d'autant plus préoccupées que l'on nous dit que l'avenir de Montréal passe par une augmentation des emplois de haut niveau de savoir. Comment les femmes chefs de famille monoparentale pourront-elles intégrer un emploi, le garder et faire vivre leur famille?

À l'article 15.3°: «La prime à la participation peut aussi permettre à la personne de réaliser des activités favorisant sa participation sociale et communautaire.»

Les règlements attachés à cet article devraient poser des balises très précises quant aux types d'activités, encadrement et clientèle visée, pour les raisons suivantes: nous ne voulons surtout pas revenir au programme EXTRA; cette prime à la participation sociale et communautaire pourrait se révéler être dans les faits aussi du travail non rémunéré, dans lequel on retrouve une quasi-exclusivité de femmes.

À l'article 17: «Le ministre peut aussi reconnaître à titre de prime à la participation une aide financière versée par une personne, une association, une société ou un organisme auprès de qui de telles activités sont exercées.»

Cet article laisse place à plusieurs interprétations qui nous inquiètent quant à son application possible. Nous nous inquiétons du fait que les frais de participation, de transport et/ou de frais de garde puissent être laissés à l'arbitraire d'une personne, d'une association, d'une société ou d'un organisme. Nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation où une cliente ayant l'autorisation de participer à un programme ou à une mesure puisse recevoir des allocations différentes, voire moindres que ce qui est prévu normalement par la loi, sans compter que cette façon de fonctionner est loin de représenter un filet de sécurité stable pour notre clientèle désirant retourner aux études. Une fois sur les bancs d'école, une femme monoparentale ne devrait pouvoir se soucier que de la réussite de ses études et du bien-être de sa famille, ce qui est déjà assez considérable, estimons-nous.

Quant à notre deuxième inquiétude, elle repose sur l'éventualité que les organismes se retrouvent soudainement à assumer la gestion financière des frais alloués à la participation, ce qui n'est pas dans leur mission et qui viendrait transformer le caractère de l'intervention entre le client et le service.

À l'article 31.2°: «La personne qui bénéficie d'une aide financière doit produire au ministre, aux intervalles fixés par règlement ou sur demande de ce dernier, une déclaration sur le formulaire que celui-ci fournit ou selon d'autres modalités prévues par règlement.»

À moins de baliser clairement les règlements qui sont attachés, nous recommandons de retirer de cet article les termes suivants: «ou sur demande de ce dernier», car nous craignons qu'ils puissent donner lieu dans certains cas à des excès de vérification.

À l'article 33, tel que recommandé par le Protecteur du citoyen, nous croyons que le Bureau des renseignements et plaintes devrait rester en tant qu'instance démocratique au sein de la loi.

«Le Programme d'aide sociale vise à accorder une aide financière de dernier recours aux personnes qui ne présentent pas de contraintes sévères à l'emploi. Il vise aussi à les inciter à exercer des activités favorisant leur intégration en emploi ou leur participation sociale et communautaire.»

La nouvelle formulation de cet article est très ambiguë en regard des personnes qui présentent certaines contraintes à l'emploi telles que les femmes monoparentales ayant un enfant de moins de cinq ans. L'article laisse supposer que notre clientèle pourrait être incitée à exercer des activités favorisant son intégration en emploi et sa participation sociale et communautaire. Or, les places en garderie subventionnées se font toujours aussi rares, une moyenne de deux ans d'attente, et les horaires d'accès manquent sérieusement de souplesse. En effet, la très grande majorité d'entre elles offrent des places sur une base temps plein, de jour, alors que les employeurs sont de plus en plus nombreux à diversifier leurs heures d'ouverture dans le but de rester compétitifs.

Aussi, nous sommes d'avis que l'ancien article témoignait de plus d'ouverture vis-à-vis des prestataires en indiquant plutôt que le Programme d'aide sociale vise à inciter les prestataires à entreprendre ou à poursuivre des activités d'intégration ou de réintégration en emploi et à les soutenir pendant ces démarches. Nous recommandons qu'il soit repris tel quel dans la nouvelle loi.

À l'article 44.3°: «La prestation de base est augmentée d'une allocation pour contraintes temporaires lorsque l'adulte seul ou un membre adulte de la famille garde un enfant à sa charge dans les cas et conditions prévus par règlement ou un enfant à sa charge qui ne fréquente pas l'école en raison de son handicap physique ou mental.»

En raison de l'inaccessibilité des garderies, nous tenons à ce que le règlement attaché à cet article reste le même, à savoir que l'allocation pour contraintes temporaires s'applique, aux fins du paragraphe 3° du premier alinéa de l'article 24 de la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, au membre adulte de la famille qui garde un enfant à sa charge si celui-ci a moins de cinq ans au dernier 30 septembre ou s'il a cinq ans à cette date et qu'aucune place en classe maternelle à temps plein n'est disponible pour ce dernier.

n(10 h 50)n

À l'article 46.2°: «La prestation accordée à l'adulte seul ou à la famille est établie, pour chaque mois, en considérant sa situation au dernier jour du mois précédent. Elle est égale au déficit des ressources sur les besoins calculé en effectuant les opérations suivantes:

«2° soustraire du montant obtenu en application du paragraphe 1°, sauf dans la mesure où ils sont exclus par règlement, les montants suivants:

«e) le montant obtenu en appliquant le pourcentage déterminé par règlement à la valeur des biens que l'adulte seul ou les membres de la famille possèdent au dernier jour du mois précédent, déterminée selon la méthode prévue par règlement, sans tenir compte toutefois des biens qui ne peuvent être aliénés en raison d'un empêchement légal qui échappe à leur contrôle.»

Dans le cas où le bien est une propriété, il faudrait s'assurer que l'évaluation fixée par le règlement respecte le prix du marché immobilier de Montréal, ce qui n'est actuellement pas le cas. Ce montant est fixé par règlement à 80 000 $, et nous recommandons son augmentation afin de suivre le boom immobilier des dernières années et ainsi davantage respecter la réalité actuelle. De plus, soulignons que ce phénomène a entraîné dans son sillage une flambée des prix des loyers. Cette disposition permettrait donc à certaines personnes de pouvoir conserver leur résidence à un prix inférieur du marché locatif.

L'article 48: «Le ministre peut, pour certaines prestations spéciales, fixer d'autres conditions particulières d'admissibilité que celles prévues au règlement.

«Le ministre peut aussi, s'il a conclu une entente avec une personne, une association, une société ou un organisme afin de couvrir autrement le besoin qui nécessite une prestation spéciale, ne pas verser le montant de cette prestation.»

Cet article fait référence à des règlements que nous ne connaissons pas et dont nous redoutons la portée sur les allocations pour frais de garde et de transport auxquels ont droit les femmes monoparentales lorsqu'elles sont inscrites dans un parcours. Fortes de nos nombreuses années d'expérience, nous sommes en mesure d'affirmer que cette forme d'aide est un élément sine qua non dans la détermination et la réussite d'un projet d'intégration professionnelle. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Cloutier. Alors...

Mme Jeannotte (Francine): Est-ce que je pourrais ajouter...

Le Président (M. Copeman): Allez-y, madame.

Mme Jeannotte (Francine): ...une petite notion?

Le Président (M. Copeman): Bien sûr.

Mme Jeannotte (Francine): C'est entendu qu'on a présenté un mémoire qui se contente de s'exprimer sur des questions directement reliées à notre expertise avec les femmes monoparentales dans les processus d'intégration au travail ou en formation, mais on voudrait rappeler quand même que la pauvreté est le pire, le pire obstacle quand on parle d'intégration au travail, parce que la pauvreté entraîne une culture de la débrouille, une culture de recherche de moyens à côté, pour chercher l'alimentaire, pour chercher le vêtement, on passe son temps à survivre. Et, pour pouvoir entreprendre une démarche de recherche d'emploi ou de s'orienter vers la formation, il faut vraiment avoir des dispositions un petit peu plus larges que ça et évidemment pour faire la démarche après.

Donc, toutes les personnes qui sont venues vous dire que, par tous les moyens, de hausser le niveau de base de la prestation, on les appuie à 100 %, et c'est directement relié à l'intégration en emploi. Parce que la pauvreté, elle a son coût aussi. Si on veut calculer le coût que ça coûterait de donner plus dans la formation de base, il faut aussi calculer le coût de la pauvreté. Après 25 ans d'expertise auprès de cette clientèle particulièrement en difficulté par rapport à la pauvreté, je peux vous dire que... c'est avec une conviction viscérale que je vous dis ça.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Jeannotte. Alors, M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

M. Béchard: Merci beaucoup. Bonjour, Mme Cloutier, Mme Jeannotte. Bienvenue. Merci de votre dernier cri du coeur, je dirais. Et, comme d'ailleurs le député de Vachon l'a déjà mentionné, je pense qu'il n'y a pas personne autour de la table, ici, qui ne souhaite pas voir améliorés ou augmentés les montants qui sont donnés. On le fait dans le cadre de nos moyens. On prévoit certaines formules. On peut avoir des discussions sur les façons de faire, des désaccords sur les façons de faire, mais je pense qu'il n'y a pas personne, ici, qui est de mauvaise foi et qui ne veut pas améliorer la situation des gens qui vivent des situations de pauvreté.

Autre point. Je vous dirais aussi que votre présentation est... ce que vous dites, Mme Jeannotte, sur le fait que finalement on doit... la pauvreté entraîne plusieurs conséquences, une culture de la débrouillardise, comme vous le mentionniez, qui parfois représente une entrave à bien des démarches vers un retour à l'emploi. On pense d'abord à nos besoins essentiels, et c'est bien d'entendre ça parce qu'on est justement dans la semaine ou dans les journées qui suivent la Journée mondiale pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. J'espère que, cet après-midi, on pourra présenter notre motion. Les gens de l'Action démocratique nous empêchent de la présenter depuis quelques jours. Alors, j'espère que, cet après-midi, on pourra la présenter en Chambre.

Et tout simplement pour vous dire aussi que, sur les questions de barème plancher ou de prestation minimale garantie, je vous dirais qu'il y a une volonté. Je vous dirais que, dans le dernier plan de lutte, parce qu'il ne faut pas voir uniquement la loi, il faut voir aussi le plan de lutte à la pauvreté, on prévoit, là, d'aider les gens, d'améliorer le sort des gens et de favoriser la participation.

Et je suis content de votre présentation et de votre analyse, parce que vous soulevez certains points qui, oui, méritent peut-être des éclaircissements ou des modifications dans le cadre du processus d'adoption du projet de loi. Et je veux vous dire aussi que l'on est présentement... Parce qu'il y a des gens qui disent: On n'est pas vraiment en consultation, ou: Il n'y a pas eu de consultation préalable. Le projet de loi a été déposé, l'adoption de principe n'a pas été faite encore, mais je dirais qu'on est présentement en consultation. S'il y a des choses à améliorer, on est là pour reprendre les suggestions.

Il y a certains points sur lesquels je voulais avoir peut-être des éclaircissements de votre part. D'abord, quand vous dites, à la page 2 de votre mémoire, que vous considérez que le projet de loi va dans la même lignée que la loi actuelle en mettant la table pour le «workfare» et que vous êtes inquiets de cet élément-là, je dirais, ma définition du «workfare» là-dessus ? le président de la commission étudie la question encore plus que, moi, j'ai pu l'étudier ? le «workfare», c'est qu'on est obligé de travailler, on est obligé de participer pour avoir droit à une prestation. Dans le cas actuel, il n'y a pas d'obligation. On a même enlevé les pénalités. Il y a une prestation de base, on peut dire, qui n'est pas assez haute, ça, je suis parfaitement d'accord, puis on peut dire qui n'est pas assez indexée, et tout ça. Mais il n'y a rien qui remet en question la prestation de base. Les autres mesures sont, je dirais, des suppléments ou des bonus, des aides à la participation.

Alors, c'est pour ça, je voulais voir un petit peu sur cet élément-là du «workfare» que vous amenez, parce qu'il y a... À peu près tout le monde s'est entendu au moins sur une chose dans cette commission, c'est que l'article 49 était une excellente nouvelle, le fait qu'il n'y ait plus de pénalité, qu'on enlève l'approche punitive. Et, même dans les analyses qui ont suivi le dépôt du plan de lutte à la pauvreté, en avril dernier, on a dit justement: Fini, là, le temps des sanctions et de l'obligation de participer sinon on vous coupe votre prestation. Alors, c'est pour ça que j'aimerais avoir plus d'éclaircissements sur ce lien-là que vous faites avec l'ancienne loi et avec toute la question du «workfare».

Mme Jeannotte (Francine): J'appellerais l'image qu'on a, suite à nos expériences antérieures, elle est du type «foodware», je dirais, voyez-vous? Quand la prestation de base est trop basse, l'allocation de participation est vue comme une allocation alimentaire, d'autant que le... Pour nous, dans notre service, on reçoit les personnes à temps plein pendant cinq jours. Alors, pendant qu'elles sont chez nous, elles ne peuvent pas exercer leur débrouille, donc c'est considéré comme un support alimentaire. Donc, on s'est déjà retrouvé dans les années... je ne vous dis pas dernièrement parce que c'est plus «software» ? ha, ha, ha! ? mais on s'est déjà retrouvé avec des groupes de 20 personnes, dont 10 venaient parce qu'elles se sentaient obligées de venir, même si ce n'était pas obligé comme tel par l'agent, mais elles se sentaient obligées de venir chercher le 100 $ de plus ou le 125 $ à un moment donné. Alors, le «workfare», c'est quelque chose qui fait partie de l'ensemble. Si la prestation de base n'est pas assez élevée et qu'on compte sur une allocation de participation pour vivre plus dignement, on est rendu dans le «workfare». Vous comprenez le lien entre les deux?

M. Béchard: Mais justement, dans ce projet de loi là et dans le plan de lutte à la pauvreté, on a parlé de la mise en place d'une prime à la participation. Ma vision de la prime à la participation est encore une fois de ne pas... Ce n'est pas une mesure obligatoire. Je comprends vos arguments. Ce n'est pas une mesure obligatoire. Je comprends que, pour certains, c'est effectivement l'attraction monétaire. Si on regarde l'ancien système, justement pour avoir droit à ce type de prime là, de participation, peu importe comment on les appelait, c'était relié à des programmes d'employabilité ou des programmes bien précis.

Moi, ce que je veux qu'on reconnaisse, c'est la participation que bien des gens, des femmes, des hommes font dans leur milieu, dans leur quartier, dans des organismes communautaires. Je veux qu'on reconnaisse ça, parce que, dans bien des cas, c'est tout aussi valable, ces démarches-là, que des démarches à l'intérieur de programmes bien encadrés ou quoi que ce soit. Et ça, c'est la question que j'ai posée, parce que les gens disent: On est en consultation, puis, bon, tout est décidé à l'avance. Prime à la participation, ce n'est pas décidé à l'avance. Il y a une enveloppe qui est là, il y a une volonté qui est là.

n(11 heures)n

Et, sur le comment, je veux avoir des suggestions. Est-ce qu'on doit à la limite baisser le nombre, le montant pour avoir plus de gens qui vont avoir accès à la prime à la participation? Comment on doit l'organiser pour que ce soit relativement simple à l'intérieur des organismes, des groupes communautaires? Puis je comprends aussi votre proposition que vous nous faites. Et ce n'est pas l'intention d'arriver avec des expérimentations qui sont non validées. Je veux reconnaître la participation des gens. Il y a des gens qui, dans leur quartier, dans leur municipalité, donnent du temps, participent à la vie communautaire et qui sont malheureusement sur la sécurité du revenu, pour toutes sortes de raisons. Mais ils participent. Alors, comment reconnaître ça?

Et j'aimerais ça que vous nous fassiez des suggestions à ce niveau-là. Comment vous voyez ça, la mise en place d'une prime à la participation comme ça? Je comprends vos mises en garde par rapport au programme EXTRA. Ce n'est pas le but. Le but, là, c'est... on regarde nos... je dirais, plusieurs de nos programmes de réinsertion en emploi, ou de retour sur le marché du travail, ou du fait d'être actif, et, dans bien des cas, ce qu'on fait en premier lieu, c'est de donner des attitudes, des aptitudes aux gens, les préparer. Mais ça, ça se fait aussi dans les milieux communautaires puis de façon absolument volontaire. Et c'est ça qu'on veut reconnaître. Alors, si vous étiez à ma place, comment vous élaboreriez ça, ce programme-là?

Mme Jeannotte (Francine): Bien, d'abord, je crois que c'est... Je suis tout à fait d'accord avec votre vision sur cette question. Les gens peuvent faire des apprentissages très, très importants puis avoir des utilités essentielles dans l'implication dans leurs organismes communautaires. Une chose que je verrais, c'est qu'il faut consulter ces organismes communautaires là dans l'élaboration de ce qui pourrait être une reconnaissance de la participation des gens. Ce que je ne voudrais pas, c'est que, par exemple, les agents aient une liste des organismes communautaires et puis que ça se fasse, là: Là, tu peux y aller; là, tu ne peux pas y aller. Il faudrait qu'il y ait quelque chose de plus... plus entendu, je pense, avec le milieu communautaire. Puis il faudrait aussi que le milieu... en tout cas, quand on touche une affaire, on touche à l'autre, parce qu'il faudrait que le milieu communautaire soit reconnu et puisse avoir les ressources nécessaires pour encadrer le travail de ces gens-là, ce qui n'est pas tout à fait, je pense, finalisé actuellement.

M. Béchard: Est-ce que vous aimeriez mieux avoir une prime moins haute qui touche plus de gens ou maintenir... ou, pour vous, à un certain niveau, ce n'est pas...

Mme Jeannotte (Francine): Je ne répondrai pas à la place du communautaire sur cette question-là.

M. Béchard: O.K. Sur un autre point que vous amenez, sur la question des logements, puis je l'ai mentionné à plusieurs reprises, on a mis l'article 53 dans ce projet-là, puis on va avoir une discussion là-dessus, puis je comprends que, pour plusieurs des femmes avec lesquelles vous travaillez, il y a bien sûr une problématique qui est là. Il y a une nécessité au niveau du logement social, des investissements majeurs qui sont faits, qui ont été annoncés, d'autres qui seront annoncés par mon collègue aussi des Affaires municipales. Mais, sur le non-paiement de loyer, est-ce que vous avez plusieurs situations où des gens viennent vous voir en disant: Bien, moi, on a refusé de me louer un logement, on a refusé de me prendre parce que j'étais bénéficiaire de la sécurité du revenu? Est-ce que vous avez déjà vécu ces situations-là où vous sentez qu'il y a un certain nombre de perceptions négatives, des préjugés, qui font en sorte qu'on ne loue pas un logement?

Mme Cloutier (Nathalie): Oui, je vous dirais que ça arrive assez souvent. Il y a ça qui est doublé... Je dirais qu'une femme qui est à l'aide sociale et qui est monoparentale, alors là souvent on va voir les propriétaires qui vont faire une double discrimination chez ces personnes-là.

M. Béchard: O.K. À ce moment-là, comment on peut faire pour enlever ces préjugés-là? Parce que, d'un autre côté, il y a des gens qui disent: Si vous permettez la saisie du chèque, tous les propriétaires vont être heureux et vont être... ils vont vouloir louer sans problème, puisqu'ils auront ce recours-là.

Mme Jeannotte (Francine): Bien, c'est-à-dire que le chèque, je ne pense pas qu'il couvre le loyer moyen à Montréal actuellement. Moi, j'aurais aimé que l'expérience se fasse pour qu'on voie comment le chèque d'aide sociale est bas dans l'ensemble de la population et qu'on comprenne l'effort que les gens font pour payer leur loyer avec un 533 $, alors que le loyer à 600 $ et 700 $ n'est pas rare à Montréal.

M. Béchard: Un autre point sur lequel je veux échanger avec vous, sur la mise en place de programmes particuliers. On a, dans cette loi-là, une volonté de mettre en place beaucoup de programmes plus particuliers, plus... je dirais, qui sont plus directement en lien avec les besoins notamment des jeunes, avec Alternative jeunesse. Dans vos expériences à vous, est-ce que c'est une orientation qui est valable, ça, de se dire: Il y a des situations qui sont très différentes, puis je ne sais pas si vous connaissez Ma place au soleil, là, pour les mineures qui sont mères monoparentales, mais de tenter que ce type d'expérience là puisse se répéter au-delà du 16-18, là, puisse se répéter... Et est-ce que vous croyez que c'est une bonne orientation?

Et là ma sous-question à ça, c'est que le problème... C'est que, pour mettre en place un certain nombre de programmes de ce type-là, on a besoin d'une marge de manoeuvre. On ne peut pas modifier la loi à toutes les fois qu'on arrive avec un programme différent, surtout que c'est un programme qui est volontaire, qui s'ajoute et qui garde la base. Mais ça, est-ce que vous pensez que c'est une bonne orientation, de un? Et, deuxièmement, comment garder un bon équilibre entre le fait que, oui, ça prend certains pouvoirs discrétionnaires, mais en même temps il faut s'assurer que ce soit accessible aux gens et que ce soit relativement gérable pour les gens sur le terrain?

Mme Cloutier (Nathalie): Pour ce qui est des projets pilotes comme tels, évidemment on trouve que c'est une bonne initiative. Entre autres, le projet Ma place au soleil, on pense qu'il devrait d'ailleurs être agrandi, à un âge plus grand. Le problème, c'est que les projets pilotes, ça dépend dans quel cadre on va les mettre et à qui aussi on va les donner, parce qu'on a déjà dans le réseau, comme on le disait dans notre mémoire, un ensemble d'organismes en employabilité d'expérience, qui sont là depuis longtemps. Donc, comment on va après ça attribuer les projets? Comment on va fonctionner? Est-ce qu'on va consulter ou est-ce que tout le monde va faire un petit projet dans sa région, dans son quartier? Ça laisse place à beaucoup d'interprétation, là, de ce côté-là.

M. Béchard: Moi, ça va.

Le Président (M. Copeman): Ça va?

M. Béchard: Oui.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue.

M. Bernard: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci pour votre mémoire. Puis, comme vous disiez tantôt, c'est normal puis je pense que c'est correct de faire aussi... d'axer un mémoire autour de votre champ de compétence, de travailler sur les points. Parce que souvent qu'est-ce qu'on vit, nous autres, en tant que députés dans les cas de comtés, souvent des lois ou des règlements puis des cas qu'on a à intervenir, c'est parce que les personnes qui viennent nous voir sont dans une zone grise de règlement, etc., puis on essaie de trouver les solutions. Puis, quand on a des mémoires adaptés à un besoin particulier, ça permet de souvent fermer ces zones grises là. Alors, c'est très pertinent de les avoir, ça nous aide beaucoup.

Une question qui nous est revenue, un sujet qui nous est revenu souvent depuis le début de la commission parlementaire, que vous avez abordé un peu, puis qui est au coeur, je dirais, de beaucoup de craintes autour du projet de loi, puis également sur l'applicabilité du projet de loi, c'est la notion de préjugés envers les personnes. On voit souvent que, quand on parle, par exemple, des organismes communautaires, plusieurs personnes disent: Bon, la prime à la participation, on va avoir des problèmes, parce qu'il y a la notion de confidentialité, etc., ça entretient les préjugés, puis toute cette notion-là. Plusieurs, par exemple, demandent carrément de changer un peu le nom de l'aide sociale, de lui donner un autre nom en disant que ça va aider peut-être à amoindrir cette notion de préjugés là. Objectivement, de votre côté, qu'est-ce qu'un gouvernement ou qu'est-ce qui devrait être fait, puis peut-être dans la loi ou pas, mais pour changer cette notion de préjugés là? Et est-ce que c'est possible que, peu importe le terme ou peu importe la manière, cette notion de préjugés là peut être évacuée de la société?

Mme Jeannotte (Francine): Grosse question. Je pense que les payeurs de taxes surveillent tout le temps où va leur argent. Ils travaillent fort pour gagner leur pécule. Donc, quand ils voient des gens qui reçoivent un chèque sans travailler, bien ils sont portés à développer des préjugés. Mais je pense qu'il y a déjà eu, je crois, je crois, il y a quelques années, une campagne de valorisation des personnes. Ce serait intéressant de faire des témoignages de gens.

Nous, on voit des femmes qui font des démarches pour s'en sortir, d'un courage inouï. Je ne sais pas comment elles font pour, avec deux enfants, en porter un à la garderie puis... D'abord, chercher la place, c'est déjà toute une aventure, hein, maintenant, et puis aller porter l'autre à l'école, puis s'en aller au travail puis à des heures... puis avec un salaire peu élevé. L'attrait dans ce contexte-là, l'attrait que peut avoir le marché du travail, il n'est qu'au niveau de la valeur que tu te donnes à toi-même, parce que le revenu qu'il y a au travail pour plusieurs petits emplois n'est pas si incitant que ça.

n(11 h 10)n

Alors, moi, j'aimerais une campagne de valorisation sur les personnes qui font des efforts, puis il y en a beaucoup, et puis ça aiderait celles qui sont en difficulté puis qui se demandent... Au lieu d'insister sur, bon, les pénalités, ça lutterait probablement sur les préjugés, d'avoir des contacts. Ça peut être une campagne télévisée. Et je pense qu'il y en a eu une du temps du PQ, peut-être M. Bouchard s'en rappelle.

Le Président (M. Copeman): Rapidement, M. le député, parce qu'il y a un de vos collègues qui souhaite intervenir également. Allez-y.

M. Bernard: Ah! O.K. Parfait. Oui, je pense que c'est un point intéressant. Puis, comme on parlait tantôt, il y a certaines émissions qui n'aident peut-être pas à valoriser le rôle des personnes.

Un dernier point. Votre mémoire... Vous faites état des bons côtés, également de vos questionnements, mais de manière générale plusieurs organismes se prononcent pour le retrait du mémoire, etc. Vous ne vous êtes pas prononcées à cet égard-là. Donc, philosophiquement, la direction du projet de loi est de votre côté. Si une partie, disons, de vos craintes était comblée, est-ce que vous êtes en faveur du projet de loi?

Mme Jeannotte (Francine): On comprend l'attitude de certains groupes qui ont rejeté la loi dans toute son ampleur. Nous ne sommes pas un groupe de pression, nous sommes un groupe de services à l'intention des prestataires. Nous savons qu'il y aura toujours une loi. Nous savons que le gouvernement fait des efforts, nous essayons de souligner ces efforts-là et d'essayer d'améliorer les choses. Mais on ne peut pas tout faire... en rejetant une loi, je ne crois pas... de notre point de vue, ce n'est pas une solution; du leur, ça peut être une solution, une attitude compréhensible.

M. Bernard: Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci pour la présentation de votre mémoire. Je regardais à la page 5 de votre mémoire, vous faites mention, puis vous en avez parlé à quelques reprises, vous êtes inquiètes quant aux frais que les dames devront engager quand elles voudront bien vouloir profiter de la prime à la participation, bref profiter... pas profiter, plutôt participer, excusez-moi. Alors, vous étiez inquiètes des frais relativement à cette participation-là et en ce qui concerne notamment les frais de garde, de transport, etc. Et je vais profiter de l'occasion également pour parler justement des frais de garde. D'ailleurs, le député de Vachon y a fait allusion il y a quelques jours.

Vous savez qu'il y a eu effectivement une augmentation de 2 $ par jour sur les frais de garde, mais c'est pour permettre justement une plus grande accessibilité. Vous savez qu'il y a eu développement de plusieurs places avec cette augmentation parce que, de un, il manquait de places et, de deux, il y a des gens qui paient encore 35 $ par jour pour faire garder leur enfant. Alors, le but visé, c'était ça. Et je pense qu'on réussit quand même bien à développer plusieurs places, quoiqu'il y a encore beaucoup de travail à faire, j'en conviens.

Ce que je voudrais vous entendre, c'est: Est-ce que vous saviez que les frais supplémentaires peuvent être versés par Emploi-Québec et non par la prime à la participation? Et est-ce que ça vous rassure ou si vous avez d'autres commentaires à formuler à cet effet-là?

Mme Cloutier (Nathalie): Bien, nous, de la façon que l'article avait été libellé, c'est ça, on s'interrogeait. En fait, on émettait nos craintes à savoir: Comment va être allouée cette prime-là? Elle couvre quoi? Quand on dit «frais supplémentaires», on parle de quoi précisément? Parce que c'est quelque chose, moi, je pense, qui doit être vraiment écrit, qui doit être là pour rester, parce que «frais supplémentaires», on trouvait que, là, ça pouvait être trop large, là, ou pas assez, dépendamment.

Mme Charlebois: C'est terminé?

Le Président (M. Copeman): Rapidement, Mme la députée, allez-y.

Mme Charlebois: Je présume que les frais seront sûrement détaillés ou en tout cas il y aura sûrement quelque chose au règlement, mais on sera là pour observer.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Mme Jeannotte, bonjour, et Mme Cloutier, bonjour. Franchement, là, je ne veux pas tomber dans les compliments faciles, mais, quand j'ai lu votre mémoire, je me suis dit: C'est rassurant d'avoir des organisations de services qui réfléchissent, qui analysent et qui amènent aux parlementaires un certain nombre de préoccupations aussi importantes et aussi précisément que vous le faites. Alors, merci pour votre contribution, pour commencer.

Vous soulevez des questions importantes, il y en a d'autres que vous ne soulevez pas, et je vais commencer peut-être par celle que vous ne soulevez pas explicitement, mais qui a été évoquée par Mme Jeannotte tout à l'heure, lorsque vous avez parlé d'une façon très imagée, là, du «foodfare».

Alors, ce que vous dites dans le fond, c'est que, plus la prime ou la prestation d'aide sociale est maigre, moins on a des chances de voir des femmes, qui sont à la recherche d'une insertion sur le marché du travail, réussir, parce qu'elles sont préoccupées et occupées à rencontrer les besoins essentiels et par toutes sortes de moyens. Alors, j'aimerais avoir votre opinion sur l'intention du ministre, telle qu'on l'a vue dans son plan d'action et dans le dernier budget, d'indexer à moitié seulement les prestations pour les personnes aptes au travail. Vous savez que ça s'applique aussi pour les personnes qui ont des contraintes temporaires à l'emploi, donc qui touchent directement les familles monoparentales qui sont donc dans ce groupe de personnes. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Jeannotte (Francine): On n'est pas d'accord avec la distinction. Une indexation, c'est une indexation. Pourquoi les gens aptes au travail... Justement, dans le contexte que j'ai décrit, c'est encore plus important d'indexer pleinement. Moi, j'aimerais bien ça que le gouvernement recule sur cette question-là d'indexation partielle. Faites autre chose, mais pas ça. Ça n'a aucun sens. Si on indexe, on indexe. C'est pour suivre le coût de la vie. Si tu indexes partiel, ça veut dire que la personne, elle a une baisse de son pouvoir d'achat, puis Dieu sait s'il est maigre, son pouvoir d'achat. Donc, on est tout à fait en désaccord avec cette distinction. Et, quand monsieur me demandait qu'est-ce qu'on pouvait faire pour éviter les préjugés, bien, ça, ça a l'air de dire: Vous autres, les prestataires qui êtes aptes au travail, là, vous n'êtes pas des bons prestataires; ça fait qu'on va vous indexer juste à moitié parce qu'on n'est pas sûr que vous fassiez ce qu'il faut. C'est ça que ça veut dire.

M. Bouchard (Vachon): Il est peut-être trop tard pour le ministre pour reculer sur la prochaine indexation. Mais dans le fond le message que vous envoyez, c'est: Pensez-y comme il faut parce que peut-être, dans cinq, six ou 10 ans, on arrivera à une prestation de base qui sera une prestation qui finalement contribuera à affamer les familles.

Mme Jeannotte (Francine): Oui, l'écart va s'agrandir.

M. Bouchard (Vachon): Et ça, je pense que le ministre a entendu ça souvent, là. La réaction qu'il a, puis je peux comprendre de son point de vue qu'il puisse avoir cette analyse-là en tête, c'est que finalement les gens vont gagner pas mal plus avec la prime de participation et par conséquent ça va couvrir, si on veut, les pertes éventuelles d'une indexation partielle.

Mme Jeannotte (Francine): C'est une indexation ou bien une allocation alimentaire, là? C'est une prime à la participation ou une prime au dessert?

M. Bouchard (Vachon): Donc, ce que vous dites, c'est qu'on ne devrait pas confondre indexation et prime à la participation, il y en a une qui devrait être totalement indépendante de l'autre.

Mme Jeannotte (Francine): Oui.

M. Bouchard (Vachon): D'accord. Maintenant, vous soulevez à mon avis, aussi, une autre question extrêmement importante, c'est votre référence à l'article 44, troisième alinéa. Et là on va ouvrir une conversation, une conversation extrêmement large là-dessus, et j'aimerais vous entendre là-dessus.

D'abord, vous savez que nous avons eu, à l'automne, une fuite d'un plan gouvernemental, un premier plan d'action du ministre, à l'automne dernier, où on indiquait que les contraintes temporaires à l'emploi pourraient être éventuellement ramenées à zéro-deux ans. Et vous arrivez avec cette proposition de revenir à l'ancien libellé, de telle sorte à ce qu'on puisse être assuré que c'est de zéro à cinq ans qui est couvert et non pas arriver à une restriction, une diminution de l'étendue d'âge couverte par le projet de loi.

Mais par ailleurs on peut aussi considérer que, étant donné les menaces que fait peser sur le développement des enfants une durée prolongée à l'aide sociale chez les mères de famille monoparentale ? on a des données assez accablantes là-dessus, là ? il y a un intérêt certain à ce que ces enfants et ces familles puissent le plus possible être intégrés dans le marché du travail et puissent avoir accès à un revenu convenable qui permette aux enfants de participer à la vie cognitive, sociale et affective dont ils ont besoin pour se développer comme il faut.

n(11 h 20)n

Alors, les législateurs sont toujours pris un peu là-dedans, c'est-à-dire comment arriver à faire en sorte qu'on ne fabrique pas un environnement où finalement l'enfant sera appelé à demeurer très longtemps dans un environnement qui n'est pas favorable à son développement, d'une part, et, d'autre part, comment arriver à protéger la famille et notamment les mères de famille monoparentale qui ont une perte de pouvoir d'achat, une perte de participation. Alors, vous voyez un petit peu le dilemme, là. Comment vous voyez ça?

Mme Jeannotte (Francine): Mais c'est des débats qui ont toujours eu lieu, je pense, l'âge des enfants. Ce que je peux dire, c'est que, dans l'exercice à SORIF, là, dans notre expertise, on a très souvent des femmes qui viennent participer, dont les enfants ont deux ans, un an, c'est 50 % de notre participation qui ont des jeunes enfants. Donc, la disposition de ? comment on appelle ça? ? non-disponibilité temporaire n'empêche pas la personne de faire une démarche, et il ne faudrait pas.

Par contre, on a déjà entendu dire que des agents s'appuient sur cet article de non-disponibilité temporaire pour dire: Bien non, bien non, vas-y donc pas, c'est pas le temps, occupe-toi de ton bébé. Parce qu'ils n'ont pas assez de places, puis ils vont préférer la donner à un jeune qui est... Donc, vous voyez, c'est des deux côtés... Nous, on pense qu'il faut soutenir la démarche de maternité, bien la soutenir, bien l'encadrer, si on veut qu'une autre démarche à côté puisse s'inscrire. Donc, si ça donne plus d'argent... si vous voulez l'appeler autre chose que non-disponibilité, mais, si ça donne plus d'argent pendant x... les premières années, ce n'est qu'un encadrement positif, si c'est bien administré, puis bien pensé, puis bien réglementé.

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, est-ce qu'à ce moment-là vous seriez d'accord avec une disposition de la loi qui prévoirait quelque part une obligation ou quelque disposition qui ferait en sorte qu'on puisse favoriser, faciliter et même garantir un accès privilégié, pour les enfants de familles monoparentales qui sont inscrites à l'aide sociale, en garderie, en service de garde? Est-ce que vous seriez intéressées à avoir un tel article dans la Loi d'aide aux personnes et aux familles?

Mme Jeannotte (Francine): Je n'ai pas le temps d'analyser beaucoup ce que vous dites là, là. Ce serait comme un programme d'action positive, si on parle en langage féministe, là, à l'intérieur du cadre de la loi d'aide sociale pour... oui, pour les femmes, ça pourrait être intéressant, mais...

Mme Cloutier (Nathalie): Il faut voir aussi ensuite le maillage qu'on va faire. Parce que c'est beau d'avoir... Bon. On est disponibles, on a la garderie, mais ensuite qu'est-ce qu'on leur offre, à ces femmes-là, réellement, là, sur le marché?

M. Bouchard (Vachon): C'est ce qu'on appelle les programmes à deux générations, c'est-à-dire que l'enfant a une place qui lui est réservée dans un système de stimulation et d'accompagnement dans son développement, mais en même temps on se préoccupe de ce que la mère a comme cheminement dans sa propre carrière d'insertion et... dans sa propre trajectoire d'insertion.

Mme Jeannotte (Francine): Et qu'il y ait des ressources.

Mme Cloutier (Nathalie): Oui, dans un cadre... rapidement, là, une petite analyse vite, ce serait quelque chose d'intéressant en tout cas à réfléchir, là.

M. Bouchard (Vachon): Mais, quand on aborde ce sujet-là, puis, moi, ça m'intéresse hautement, ce sujet-là... Parce que vous savez que la question de l'accessibilité à des places dans les services de garde, d'abord c'est une question... c'est la résultante d'un grand succès, là, il y a eu une popularité incroyable de ce système-là, d'une part. D'autre part, la population, je pense, a bien accepté d'investir dans les services de garde à la petite enfance pour principalement la question de la conciliation famille-travail. Mais on oublie très souvent aussi qu'il y avait un deuxième objectif tout aussi important, c'était de donner une chance égale à tous les enfants de se développer, et particulièrement les enfants dont les familles sont dans des situations de dénuement ou des situations de détresse économique.

Alors, ce que vous soulevez en réexaminant l'article 44, troisième alinéa, c'est toute cette problématique-là, c'est-à-dire comment arriver à faire en sorte que, dans un projet de loi comme celui-là, on puisse réintroduire l'idée des chances égales de développement à tous les enfants, qu'on puisse faciliter le retour des mères de famille monoparentale sur le marché du travail et dans la formation, mais qu'on puisse en même temps essayer de garantir des places pour les enfants en vertu de leur besoin de développement. Et, moi, je pense qu'on pourrait, là, examiner une possibilité qui viendrait s'ajouter comme un outil extrêmement important dans le plan d'action de lutte à la pauvreté.

Mme Jeannotte (Francine): Là, il faut faire attention pour ne pas discriminer les enfants de personnes assistées sociales des autres.

M. Bouchard (Vachon): Tout à fait, mais...

Mme Jeannotte (Francine): Si jamais vous travaillez là-dessus, on travaillera si vous voulez nous consulter, parce que, là, pour le moment, on n'est pas capable de...

M. Bouchard (Vachon): Non, je suis tout à fait d'accord avec ça, mais ce à quoi on assiste, selon vos propres observations, c'est à une présence de discrimination contre ces enfants et ces familles maintenant, parce que quelque part les gens disent: Oui, mais, puisque les mères ne travaillent pas, qu'est-ce qu'ils ont d'affaire là, etc.? On oublie, là, toute la dimension du développement de l'enfant. Je sais que c'est délicat, mais quelque part c'est une obligation des législateurs que de réfléchir à cette dimension-là que vous soulevez de façon très pertinente dans votre mémoire.

Mme Jeannotte (Francine): Il faut faire attention de dire qu'un enfant qui est avec sa mère et avec ses parents qui sont pauvres a besoin d'aller dans une garderie, mais l'enfant d'une classe moyenne qui est avec sa mère n'a pas besoin, tu sais.

M. Bouchard (Vachon): Oui... Non, ce qu'on sait, Mme Jeannotte, quand même, puis les gens, ici, qui ont lu les études là-dessus ont fait tous le même constat, c'est que, si on a un gain à faire en termes d'égalité des chances, c'est avec les enfants dont les familles font face à une très grande détresse économique, pour les mêmes raisons que vous avez dites, que vous avez mentionnées tout à l'heure: la recherche de la rencontre des besoins essentiels, le stress supplémentaire imposé à ces familles-là. On peut quasiment voir très souvent ces endroits-là auxquels on confie notre enfant comme une capacité de se donner un petit peu de répit et de donner une chance supplémentaire à son enfant. Alors, je sais que la ligne est mince. Je comprends votre préoccupation, puis elle est partagée... je la partage totalement.

D'autre part, vous déplorez la perte du programme Retour aux études postsecondaires pour les chefs de famille monoparentale et vous mentionnez en même temps qu'on a désormais recours plus au régime de prêts et bourses. Bon. Vous n'êtes pas sans savoir que dernièrement on a transformé 103 millions de bourses en prêts, là, donc ça désavantage la population qui fait appel à vos services, c'est très évident. Et le ministre qui est présent, ici, une de ses fonctions, c'est de faire les études d'impact et d'alerter ses collègues éventuellement sur les impacts que pourraient avoir sur le revenu des familles pour lesquelles il a une préoccupation des dispositions comme celle adoptée par le ministre de l'Éducation. Maintenant, est-ce que vous pouvez nous informer des avantages que représentait ce programme-là de Retour aux études postsecondaires pour les chefs de famille monoparentale?

Mme Cloutier (Nathalie): Ce programme-là s'adressait donc aux femmes qui désiraient poursuivre des études de niveau soit cégep et université. Dans la loi, il était prévu un trois ans de soutien... de deux ans de soutien au niveau des allocations. Donc, une personne pouvait à la limite commencer un D.E.C., puis, la dernière année, elle subvenait, là, à ses propres moyens. Mais, sur les trois ans, il y avait au moins deux ans de subventionnés par ce programme-là. Donc, ça permettait vraiment aux femmes monoparentales d'aller se chercher des diplômes qui débouchaient dans des emplois avec des salaires supérieurs, des conditions de travail plus importantes. Maintenant, ce qu'on leur dit, c'est diplôme d'études professionnelles au secondaire ou attestation d'études collégiales un an, puis là, bien évidemment, là, c'est dépendamment... le marché, ce qu'on recherche aussi sur le marché du travail, alors qu'avant il y avait beaucoup d'ouverture, là, vis-à-vis même tous types de programmes.

M. Bouchard (Vachon): O.K. Et est-ce qu'il y a eu des études évaluatives à l'époque? Pourquoi a-t-on abandonné ce programme-là, puisque vous avez une appréciation relativement positive, là, du programme, vous disposez sans doute de données qui font la démonstration que c'était utile et efficace, là?

Mme Jeannotte (Francine): Il y a eu une étude qui a été faite qu'on a, nous, trouvée... qui n'était pas... qui ne correspondait pas à ce qu'on vivait sur le terrain. L'étude a été faite dans le temps pour démontrer qu'il y avait un taux d'échec grand chez les femmes monoparentales dans ce programme-là. Or, chez nous, c'était le contraire, on avait un taux de réussite, je crois, de 82 % pour les personnes qui allaient sur ce programme-là parce qu'elles étaient encadrées, parce qu'elles y étaient orientées avec soin dans notre service avant et encadrées tout le long, suivies tout le long de l'étude, ce qui est très, très important. Ça, c'est un autre service qui est disparu un peu, là, avec les coupures. On demande des résultats tout de suite, tout de suite, puis les services qui font des suivis, comme nous le faisons, malgré que ce soit gratuitement que nous le faisons, nous savons que c'est nécessaire pour une réussite. Notre travail qu'on fait sur le suivi, dépassé l'année de notre subvention, n'est pas considéré, puisque notre réussite doit se passer dans l'année en cours, l'année de la subvention, ce qui est ridicule. Mais le ridicule ne tue pas, nous sommes encore là. Ha, ha, ha!

n(11 h 30)n

M. Bouchard (Vachon): Oui. Donc, vous réclamez à la fois plus de souplesse dans l'accompagnement et plus de moyens pour arriver à une constance dans l'accompagnement. Et on partage ça, là, je veux dire, d'une administration à l'autre, là, cette idée de la continuité, de la pérennité dans l'accompagnement, de l'idée qu'avant d'abandonner quelqu'un on lui permet d'accéder à une marche de plus dans sa trajectoire d'amélioration de son sort, cette idée-là ne semble pas trouver un moyen de se nicher dans nos politiques.

Mme Jeannotte (Francine): Dans nos services, parfois.

M. Bouchard (Vachon): Oui, dans vos services, oui, parfois. Alors donc, je pense que vous faites bien de souligner ça devant les membres de la commission.

Dernier item, le Bureau de renseignements et plaintes. Quelles sont vos craintes par rapport au Bureau de renseignements et plaintes? Parce que vous évoquez ça très rapidement dans votre mémoire, si mon souvenir est bon.

Mme Jeannotte (Francine): Bon. Je pense qu'on avait peur que ce soit, bon, envoyé aux oubliettes un peu, les plaintes. Je pense que c'était ça, hein? Il y a un autre aspect aussi qu'on pourrait souligner, qu'on n'a pas souligné là, mais on n'a aucun recours quand on est à l'aide sociale et que l'agent refuse, mettons, une formation qu'on voudrait aller faire ou une mesure qu'on voudrait aller faire. Il n'y a pas de recours au niveau du programme... Comment il s'appelle celui-là?

Une voix: Les mesures de formation à la main-d'oeuvre.

Mme Jeannotte (Francine): Les mesures de formation à la main-d'oeuvre. Il y en a pour la question financière. Là, ça concernait la question financière. C'est la peur que ce soit banalisé.

M. Bouchard (Vachon): O.K. Mais alors là vous soulevez tout un autre problème. Comme député dans un comté, je vois très souvent des situations où, des gens qui se présentent à Emploi-Québec, qui demandent une formation qui pourrait les aider à améliorer leur sort plus en termes de qualification, on leur dit: Écoutez, là, c'est un programme qui nous coûte trop cher, alors vous allez vous satisfaire de tel autre programme puis vous allez vous trouver un emploi un peu moins à la fois valorisant et avec une rémunération un peu moindre, et voilà, c'est tout, pas de discussions. Et ça, je pense qu'il faut réfléchir, en tant que parlementaires, à cette situation-là aussi, parce qu'on n'est vraiment pas dans une culture du développement des actifs des personnes, là, quand on fait ça, vraiment pas.

J'avais dit le dernier item, mais ce n'était pas tout à fait exact, c'était l'avant-dernier. À propos de l'article 53, vous vous montrez ravies que le ministre ait reconsidéré sa position, sauf que l'article 53 est toujours là, hein?

Mme Jeannotte (Francine): Alors, on n'est pas ravies pantoute!

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Jeannotte (Francine): On le sait, c'est dans le cadre de la lutte contre les préjugés. C'est une chose inconcevable. Dans le cadre de la... En termes de faisabilité de cette chose-là aussi, il y a beaucoup de choses à questionner, franchement.

Le Président (M. Copeman): Très rapidement, Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Très rapidement. Dans le cadre de l'article 49, vous démontrez aussi... vous êtes ravies, comme vous dites. Mais, si je comprends bien la suite de votre argumentation, étant donné que la prestation de base est si peu élevée finalement, les incitatifs sont tellement... c'est une question de survie puis ça fait que c'est...

Mme Jeannotte (Francine): ...pas.

Mme Roy: Oui, c'est ça. Puis, comme, votre expérience démontre par contre que, quand on est... Pouvez-vous nous en reparler de ce que vous dites, les 10 personnes sur 20?

Mme Jeannotte (Francine): Qui étaient, dans le temps, oui dans le temps, des mesures obligatoires où que, si tu ne participais pas, tu risquais d'être coupé ou même tu n'avais pas la participation, comme ça va être le cas, j'imagine. Oui, quand tu as faim, quand tu as faim puis qu'on t'offre... Quand tu reçois 500 $ par mois puis qu'on t'offre 100 $ de plus pour participer, ça peut représenter 25 $ de plus sur ton marché.

Mme Roy: Donc, de votre expérience, cette expérience-là, le fait que la contrainte, la pénalité soit abolie, que ce soit plutôt un incitatif...

Mme Jeannotte (Francine): C'est mieux.

Mme Roy: Mais, comme effet net sur le terrain, pensez-vous qu'il va y avoir une différence au niveau de la participation?

Mme Jeannotte (Francine): Je pense que oui.

Mme Roy: Oui? Moins? Moins de participations?

Mme Jeannotte (Francine): On voit moins de monde, de personnes qui viennent pour d'autres raisons que la démarche qu'ils viennent suivre chez nous, actuellement.

Mme Roy: Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, Mme Jeannotte, Mme Cloutier, d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom du Service d'orientation et de recherche d'emploi pour l'intégration des femmes au travail.

J'invite les représentants de la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre à prendre place à la table. Et je suspends les travaux de la commission quelques petits instants.

(Suspension de la séance à 11 h 35)

 

(Reprise à 11 h 39)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, chers collègues. Alors, la commission reprend ses travaux. Lentement, mais on reprend. Nous sommes heureux d'accueillir les représentants de la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre. Si j'ai bien compris, nous avons M. Poirier-Quesnel à ma droite.

M. Poirier-Quesnel (Nicolas): C'est ça.

n(11 h 40)n

Le Président (M. Copeman): M. Normand à ma gauche. Alors, bienvenue, messieurs. Vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange de plus ou moins 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Nous sommes à l'écoute.

Coalition des organismes
communautaires pour le développement
de la main-d'oeuvre (COCDMO)

M. Poirier-Quesnel (Nicolas): Merci. Alors, M. le Président, M. le ministre, M. le porte-parole, bonjour. Nous sommes heureux d'avoir été convoqués en commission parlementaire pour vous amener le point de vue des membres de la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre sur le projet de loi n° 57. Brièvement, je vais vous présenter peut-être la coalition, son contexte, son évolution récente, et par la suite Bernard Normand, qui est membre du conseil d'administration, ici, pourra vous présenter les faits saillants du mémoire avant de passer donc aux échanges.

C'est intéressant, j'écoutais donc Mme Jeannotte, là, de SORIF, qui présentait son point de vue plus terrain, plus concret. La coalition, elle, amènera peut-être un point de vue plus général, qui provient néanmoins, donc, d'organismes comme celui de madame, de madame... SORIF, qui sont membres de la coalition. En fait, ça fait maintenant plus de 25 ans, vous le savez comme moi, depuis plusieurs années, que les groupes communautaires donc travaillent ensemble à la création et à l'implantation de structures d'intégration qui visent l'intégration socioprofessionnelle des personnes qui sont peu scolarisées ou exclues du marché du travail. À son stade actuel, la coalition est le reflet en fait de cette convergence de philosophies et de moyens d'action, d'intérêts, qui visent la promotion ? et là c'est bien important pour nous ? du droit au travail et du droit à la formation.

D'un point de vue historique, la coalition a vu le jour de façon plus légale ou plus officielle en 1993, au moment de la commission parlementaire visant la création de la SQDM. Elle a évolué en fonction des changements institutionnels et politiques qui ont intervenu dans le secteur de la main-d'oeuvre au Québec jusqu'à aujourd'hui, jusqu'à la création... bien, en fait, jusqu'à il y a quelques années, avec la création d'Emploi-Québec, de la Commission des partenaires du marché du travail. On est, aujourd'hui, un partenaire reconnu du marché du travail. À la commission, il y a trois sièges qui sont réservés au secteur communautaire: un pour les organismes jeunes et donc deux autres pour les organismes communautaires, et Mme Nancy Neamtan donc occupe un de ces trois sièges-là à la commission.

La mission de la coalition, bien c'est la pleine reconnaissance du droit à la formation et du droit au travail pour toutes et tous. La coalition est engagée ou s'engage de façon générale à combattre l'exclusion sociale et professionnelle des citoyens laissés en marge du développement économique et social. Le point de vue qu'on amène, c'est celui des personnes qui sont peu scolarisées et qui sont éloignées, voire même exclues du marché du travail. La coalition rassemble les revendications d'une vingtaine de réseaux d'organismes variés, qui sont enracinés aussi dans les différentes collectivités régionales du Québec et qui oeuvrent auprès, bien évidemment, là, donc, de plusieurs personnes, de milliers de personnes qui sont soit des bénéficiaires, des prestataires, des intervenants, et autres.

On a des objectifs qui cimentent nos revendications: assurer un accès libre et volontaire aux programmes de réinsertion sociale et professionnelle; assurer une place équitable aux populations marginalisées ou exclues du marché du travail; assurer le développement des collectivités et l'accompagnement du cheminement des personnes; et bien évidemment assurer la reconnaissance des organismes communautaires comme partenaires à part entière et autonomes dans le développement de la main-d'oeuvre.

En terminant, je vous rappelle que la mission principale, la vision principale de la coalition, c'est la question du droit à la formation et du droit au travail, Bernard pourra faire le lien ensuite avec la question de l'aide sociale, et notre plateforme en fait se situe au niveau de quatre axes: insertion et intégration, formation et éducation, défense des droits et développement local et communautaire. Voilà.

Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. Normand.

M. Normand (Bernard): M. le Président, M. le ministre, responsables de l'opposition et autres partis. Je vais simplement rappeler, peut-être en moins de 10 minutes, là, quelques faits saillants, comme a dit Nicolas, du mémoire qui est là, en insistant d'abord, d'entrée de jeu, sur deux points qu'on considère positifs, on va partir sous cet angle-là, et qui sont mentionnés dans notre mémoire à la page 5, et je cite: «D'entrée de jeu, mentionnons qu'un point positif de cette réforme proposée de l'aide sociale est la protection explicite de la prestation sociale de toute pénalité pour refus de mesures, bref la décision du gouvernement de procéder à l'abolition de l'obligation de parcours. Il s'agissait, depuis l'adoption de la loi n° 186 en 1998, d'un grave recul sur le plan des droits alors que les prestataires devaient accepter les mesures et les emplois offerts sous peine de fortes pénalités financières.» Je veux le mentionner d'autant plus que la coalition a mené des batailles importantes sur le plan public, sur le plan privé, dans le passé, pour que ce soit changé.

Deuxième point, je veux quand même souligner, même si l'ensemble du mémoire indique de façon très ferme et très forte plusieurs critiques sur les contradictions entre ce projet de loi là et la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, le fait qu'à l'article 1 on mentionne que cette loi-là doit s'inscrire dans cette foulée-là. Une partie de notre mémoire présente finalement les contradictions entre ce qui devrait être une loi sur le plan de l'aide sociale davantage conforme à l'esprit et à la lettre de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale... Néanmoins, nous sommes d'accord avec l'objectif mis de l'avant de façon explicite d'une autonomie économique et sociale des personnes et des familles. Donc, une fois qu'on a dit ça, on a mis la table. On pense qu'il y a une zone, au Québec, qui existe depuis le grand mouvement de citoyenneté qui s'est fait jour relativement à l'adoption d'une loi qui résulte à la fois de toutes les formations politiques à l'Assemblée nationale, mais aussi d'un grand mouvement de citoyens, dont on reconnaît l'importance. Bon.

Maintenant, j'entre sur un des points qui a été mentionné par M. Poirier-Quesnel, qui est: comment on considère la mission que l'on poursuit, qui est celle du droit à la formation, du droit au travail comme étant non seulement compatible avec le droit à un revenu décent, mais comme des conditions qui sont interdépendantes.

Pour nous, à l'intérieur de ce projet de loi là, il y a des dispositions, ou bien en périphérie, qui font en sorte de ne pas respecter ce qu'on considère comme étant un barème plancher, qui nous apparaît un élément absolument essentiel pour favoriser non pas seulement juridiquement, mais dans la motivation des personnes le fait que, s'il n'y a pas un revenu décent ? et c'est quelque chose qui est reconnu souvent au plan du droit international, dans la vie quotidienne des organismes comme SORIF, qui est passé juste avant nous ? si les gens n'ont pas des conditions au niveau monétaire, au niveau de système de garderie, au niveau de soutien au transport ? et, dans ma vie professionnelle passée, j'ai eu l'occasion de travailler à la base dans des organismes d'employabilité ? s'il n'y a pas ces conditions-là de base, c'est qu'on fait d'une certaine façon un accroc à ce qui est l'encouragement, pour des personnes en situation de vulnérabilité, de s'engager dans des processus de formation et dans des mesures d'insertion en emploi.

Pour nous, une pierre angulaire d'une loi de l'aide sociale, aujourd'hui, au XXIe siècle, doit être une façon de conjuguer, de façon dynamique et équilibrée, droit à la formation, droit au travail et droit à un revenu décent. Et on pense que l'esprit de la loi précédente qui a été adoptée, Loi visant à lutter contre la pauvreté, mettait la table là-dessus. Ça, c'est un premier point général, et, s'il y a des questions précises, on pourrait y revenir.

Un deuxième point qui nous apparaît important, de portée générale, et qu'on a mentionné dans notre mémoire comme tel, c'est qu'il nous semble qu'il n'y a pas un appel suffisant à l'ensemble des partenaires de la société civile, au niveau entreprise, syndicat, mouvement communautaire comme tel, pour faire en sorte que, pour que les choses puissent se passer, se réaliser, il y ait finalement une pleine intégration à ce niveau-là. J'ajouterais aussi que ce qu'on a senti, ce qu'on a mentionné à l'intérieur de notre mémoire comme tel, c'est qu'il nous semble qu'il y ait, et je cite à la page 7: «...dans son projet de loi, le gouvernement, pour combattre la dépendance à l'aide sociale, choisit ? davantage ? le désengagement de l'État quant au soutien [aux revenus] et élabore sa stratégie sur l'agir seul des personnes.» On voit un accent où selon nous il doit y avoir un effort collectif et individuel. Bon. C'est deux considérants généraux.

Maintenant, on a des remarques plus particulières au niveau du document comme tel. Je vous dirais qu'un des points, et ça a été mentionné par plusieurs autres intervenants, c'est un désaccord vraiment avec l'article 53, concernant la situation du logement, je vais le redire: On pense que ça ne répond pas à des critères au niveau de nos chartes mêmes des droits et libertés de la personne, et c'est quelque chose sur lequel on encourage fortement le ministre à revenir, sur cette disposition-là comme telle.

n(11 h 50)n

Un autre élément qui nous semble absolument important, c'est le fait... ? et là je vais retrouver mon document ? c'est qu'il nous semble qu'au niveau du barème de base qu'on a mentionné tantôt, droit à un niveau de revenus décents, d'un côté on semble reconnaître qu'il y a quelque chose que l'on veut reconnaître en lien avec la Loi visant à lutter contre la pauvreté mais que néanmoins il y a des coupures, si l'on veut, qui sont mises de l'avant, qui sont rendues possibles, particulièrement au niveau des jeunes. Je pense que, au niveau des prestataires aptes au travail de moins de 25 ans habitant chez leurs parents, de vouloir diminuer de 100 $ ne nous semble pas acceptable, de même que pour les prestataires aptes au travail qui vivent avec un conjoint étudiant. Ces éléments-là, il nous semble, ne sont pas acceptables au niveau du projet que l'on a devant nous, sur la table.

Je vais maintenant ajouter un point qui pour nous est fort important, c'est l'arrimage avec les stratégies nationales au niveau des groupes, comme ceux que l'on représente, qui travaillent à la base, comme SORIF et comme d'autres, au niveau des groupes en employabilité. Il nous semble important qu'on puisse avoir finalement des dispositions, des mécanismes qui permettraient d'avoir un meilleur arrimage entre les groupes d'employabilité ainsi que les stratégies nationales.

À titre d'exemple très concret, je vous dirai que, d'une part, pour les groupes de jeunes qui n'ont pas... Pour les groupes jeunes, dans ce projet de loi là, on pense qu'il devrait y avoir un droit de regard en lien avec en particulier un de nos groupes partenaires, les carrefours jeunesse-emploi, sur l'élaboration des critères du Programme de solidarité jeunesse ainsi que sur l'élaboration de l'ensemble de l'offre de services du ministère. On croirait pertinent, comme mesure concrète, d'avoir un comité aviseur composé des groupes en employabilité, des ministères impliqués ainsi que des personnes choisies par le ministre, à sa discrétion, de manière à créer un espace de négociation, de telle sorte que, l'article 68 du projet de loi, qui parle de mécanismes pour arrimer davantage finalement des mesures concrètes, il y ait vraiment des choses plus spécifiques à ce niveau-là.

À ce sujet-là, je dois vous dire qu'on est extrêmement déçus de voir l'absence de mécanismes de révision sur les décisions concernant Alternative jeunesse ainsi qu'autres programmes qui sont ouverts par le ministre. On a vu qu'il y a possibilité de recours pour ce qui est de programmes d'aide sociale et de solidarité sociale, mais, au niveau de ce qui est Alternative jeunesse et autres programmes mis de l'avant par le ministre, il ne semble pas y avoir de possibilité de droits de recours.

Je terminerai brièvement en rappelant nos trois recommandations. Évidemment, j'ai passé sur plusieurs points qui n'ont pas été évoqués ici, mais vos discussions sûrement vont le mettre. La recommandation 1, et je les relis: «...affirment que le projet de loi n° 57 est en contradiction avec les buts de la Loi visant la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et plus particulièrement avec les objectifs d'amélioration de l'emploi, de prévention, d'amélioration du filet de sécurité sociale et de mobilisation de la société, et demandent donc que ce projet de loi soit modifié en conformité avec les objectifs du plan de lutte à la pauvreté ou alors retiré.»

Recommandation 2: «...remettent en question la structure même de la loi dont l'essentiel repose sur le règlement qui l'accompagne et qui n'est pas dévoilé par le gouvernement. Les membres de la coalition demandent que ce règlement fasse lui aussi l'objet d'une consultation auprès des partenaires, puisqu'il contient les principales modifications à l'aide sociale proposées par le gouvernement et les moyens [qu'ils veulent] mettre de l'avant.»

Enfin, recommandation 3: «[Nous estimons] que le gouvernement doit modifier ce projet de loi de manière à intégrer l'expertise de l'ensemble des partenaires du marché du travail et à détailler plus spécifiquement le rôle des partenaires communautaires [qui sont engagés avec les personnes exclues ou éloignées] du marché du travail.» Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Normand. Afin de débuter l'échange, M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

M. Béchard: Oui, merci, M. le Président. M. Normand, M. Poirier-Quesnel, merci de votre présentation. Bienvenue. Je vous dirais que ma première réaction, c'est que je trouve, quand vous mentionnez que le projet de loi va à l'encontre du projet de loi n° 112, que vous y allez un petit peu fort. Et je vous dirais bien franchement qu'on peut noter un certain écart entre le projet de loi n° 112, dans l'idéal qu'on voudrait qu'il soit, et le projet de loi n° 57, mais je vous dirais qu'en ce qui a trait au projet de loi n° 57 il se situe dans la suite et la continuité du projet de loi et du plan de lutte à la pauvreté, le projet de loi n° 112, le plan de lutte tel que présenté, et ça, on va y revenir, entre autres, au niveau de la prestation minimale et au niveau d'un certain nombre d'autres éléments. Et, quand vous dites qu'il est contraire au projet de loi n° 112 réel, je vous dirais: J'ai un petit peu de difficultés à prendre ces commentaires-là.

L'autre chose que je veux vous mentionner: Il ne faut pas penser non plus que le projet de loi n° 112... Parce que, quelque part dans votre mémoire, vous parlez, entre autres, à la page 8, là, de la Prime au travail qui n'est pas dans le projet de loi et de son impact réel. La Prime au travail se retrouve dans les lois sur le revenu, ce sont des mesures fiscales. Et tout ça pour vous dire qu'on ne peut pas prendre le projet de loi n° 57 et l'isoler de toutes les autres lois qui existent, exemple les lois n° 150, une loi sur les partenaires du marché du travail, les lois au niveau du ministère du Revenu, sur Prime au travail et Soutien aux enfants. Tout ça pour vous dire que je pense qu'il y a certains points sur lesquels il faut s'entendre sur la portée réelle et les limites aussi de la portée du projet de loi n° 57.

L'autre élément que je veux vous mentionner: Quand vous indiquez que le projet de loi ne garantit pas la disponibilité des mesures d'insertion et de formation, à la page 5 de votre mémoire, et qu'on ne définit pas clairement les moyens pour soutenir financièrement les personnes, encore là ça fait partie de l'arrimage, je pense, qui doit être fait avec un certain nombre d'autres lois ou d'autres plans qui sont présentés.

Et juste un point aussi sur lequel je veux faire une remarque avant de commencer avec les questions: sur toute la question des droits et des recours. Alternative jeunesse est mis en place et amènera les mêmes possibilités de droits de recours que les autres mesures qui existent au niveau d'Emploi-Québec présentement. Ce n'est pas un élément différent. Il n'y a pas moins de recours. Il y a des gens qui disent: Oui, mais on n'a pas le droit d'avoir accès automatiquement. Mais c'est la même chose dans le cadre des mesures d'Emploi-Québec. C'est peu dans la disponibilité des ressources financières. On amène le plus de mesures possible. Alors, c'est pour ça que je veux qu'on fasse attention dans certains des commentaires qu'on amène au niveau du projet de loi n° 57.

Et je veux aussi vous indiquer, quand vous amenez, au niveau des programmes particuliers... à la page 6, quand vous dites que la catégorisation des clientèles risque de nuire au respect des droits des personnes, d'accentuer la stigmatisation des personnes inaptes et de renforcer la division entre les bons et les mauvais pauvres, quand vous dites que le régime est plus compliqué et plus arbitraire: Le régime de solidarité sociale qui est proposé, j'ai justement laissé un peu plus de marge de manoeuvre pour avoir, je dirais, plus de possibilités, que ce soit au niveau de la reconnaissance des acquis des personnes qui ont des contraintes sévères... Alors, c'est pour ça que c'est toujours le débat dans lequel on est. On veut assouplir et, quand on va assouplir pour une certaine partie de la clientèle, bien là on se fait dire qu'on va stigmatiser entre les deux. Alors, c'est toujours un paradoxe qui est assez difficile à contourner.

Je vous dirais aussi, et ça, c'est un des premiers points sur lesquels je veux vous interroger, que, quand vous parlez qu'entre autres au niveau d'Alternative jeunesse et les programmes spécifiques on rend le régime plus complexe et plus arbitraire puis que ça risque d'aboutir au non-respect des droits, ça, je vous l'ai mentionné au niveau du non-respect des droits, et on va étendre les mêmes éléments que les autres... C'est parce que c'est toujours un peu... Puis vous êtes dans le secteur du développement de la main-d'oeuvre, là, et, sans doute, vous avez un peu les mêmes préoccupations que moi à ce niveau-là: on a toujours la même difficulté entre la capacité de mettre en place un certain nombre de programmes particuliers pour répondre aux besoins particuliers des personnes et qui sont de plus en plus particuliers parce qu'on va chercher des gens, et les gens sont de plus en plus éloignés, pour une certaine partie, des milieux du travail, et, d'un autre côté, le fait qu'on voudrait avoir un grand programme bien isolé, bien réglementé, bien encadré.

n(12 heures)n

Comment en arriver à avoir une bonne balance entre les deux? Parce que j'imagine que vous êtes d'accord avec moi sur le fait qu'entre autres au niveau d'Alternative jeunesse, de certains programmes spécifiques, il faut avoir une certaine marge de manoeuvre pour les mettre en place. On ne peut pas modifier la loi à toutes les fois qu'on pense qu'un programme pourrait en arriver à aider les gens. Comment avoir un équilibre entre cette volonté-là, d'une part, et, d'autre part, ce que vous mentionnez en fait, tout en ayant encore plus, je dirais, de rigueur, et éviter l'arbitraire dans la mise en place de ces programmes-là?

M. Normand (Bernard): Écoutez, je vais y aller et Nicolas pourra compléter. Vous soulevez des questions pertinentes, là, c'est évident. Et ce n'est pas facile au niveau des politiques publiques de conjuguer une certaine flexibilité, ouverture par rapport à des besoins particuliers et le fait qu'il doit y avoir des paramètres en lien avec, je dirais, des lois d'ordre public. Il nous semble, en tout cas notre lecture de la situation avec l'ensemble de nos membres, qu'il y a, à l'intérieur du projet de loi n° 57, des glissements très significatifs par rapport à un grand nombre d'éléments comme tels.

Écoutez, je dirais que, sur la question, par exemple, des personnes handicapées, moi, j'ai eu l'occasion de travailler cinq ans de ma vie comme directeur général d'un organisme de personnes handicapées, et on parle beaucoup de stigmatisation, de préjugés dans une société, et il nous semble, nous, au niveau de la coalition... Plusieurs de nos organismes travaillent avec des organismes de personnes handicapées, et ils représentent un potentiel dans notre société comme telle.

Et beaucoup de lois, celle-ci comme d'autres antérieures par d'autres gouvernements, ont posé comme base: apte et inapte. Nous avons des problèmes avec ça. Nous travaillons avec différents organismes comme tels, et il nous semble qu'il doit y avoir un niveau de revenus de base et un niveau de protection sociale pour l'ensemble des citoyens, quelle que soit leur situation de handicap ou non-handicap. On est à un niveau évidemment général. On pense qu'il y a des mesures spéciales avec les personnes handicapées. Il existe des centres de travail adapté, il y a des organismes en employabilité qui y travaillent, on trouve ça tout à fait pertinent. Il doit y avoir certaines mesures mais à un certain niveau de flexibilité au plan de la gestion.

On pense que le niveau qu'on peut dire politique et juridique d'ensemble, quand on arrive au niveau du terrain, des flexibilités, je veux dire, il ne faut pas mêler les choses à notre avis, c'est-à-dire qu'il faut permettre qu'il y ait, comme ça se passe avec le gouvernement du Québec, des programmes avec différentes mesures adaptées aux différentes situations. Mais, dans un projet de loi d'ordre public qui se retrouve au niveau de l'État du Québec, nous croyons qu'il doit y avoir un niveau pour l'ensemble des citoyens, quelle que soit leur situation. Et nous avons certains problèmes, nous, au niveau de la coalition, à faire cette catégorie-là. Pour vous dire, c'est à ce niveau-là que ça se situe. Mais on n'a pas de problème à se retrouver avec des mesures spécifiques qui peuvent couvrir des citoyens tels que les personnes handicapées. Et je crois que vous avez posé le fait qu'il faut qu'on ait les deux. Là où on a ce problème-là, c'est, au niveau plus général, que, dans un projet de loi, on fasse cette catégorie-là. Je ne sais pas si monsieur...

Une voix: Ça va, je pense que c'était clair.

M. Béchard: O.K. Autre point, au niveau de ce que vous amenez à la page... à deux endroits, aux pages 3 et 10, au niveau du barème plancher, est-ce que vous considérez qu'au niveau du barème plancher le projet de loi n° 57 va à l'encontre du projet de loi n° 112?

M. Normand (Bernard): Je dirais: Au niveau de son esprit. Pas au niveau de sa lettre, parce que je pense que vous l'avez dit abondamment. Dans le projet de loi n° 112, à ma connaissance, ce n'était pas spécifié, le niveau, comme tel. Sauf que l'esprit dans lequel, si on veut, l'ensemble des élus de l'Assemblée nationale et l'ensemble de la société civile qui s'est impliquée... Et ce qu'on a entendu du discours public, c'est qu'on se trouvait avec, à notre avis, à 533 $, un niveau qui se retrouve encore dans une situation d'extrême pauvreté. Il faut quand même le redire, mais 533 $ pour nous, c'était: on ne peut pas aller en deçà de ça, pour permettre à des personnes de pouvoir survivre simplement, comme tel. Et le fait qu'il y a malheureusement, dans le projet de loi n° 57, certaines dispositions pour les jeunes de moins de 25 ans ou sur quelque chose qui est moins que ça, à notre avis, je dirais, ça égratigne sérieusement ce qui est et ce qu'on considère comme... devrait être considéré comme un minimum pour le barème plancher.

Et je veux juste ajouter que ce n'est pas juste au niveau économique, là, puis juridique, c'est aussi le message qu'on donne à des personnes qui vivent de grandes difficultés en termes de motivation pour s'impliquer. Parce que là où on est d'accord, finalement, avec vous, M. le ministre, ainsi qu'avec, je pense, un grand nombre d'élus de l'Assemblée nationale, c'est qu'il faut qu'il y ait des mesures pour permettre aux gens qui ne sont pas en emploi et qui pourraient l'être... qu'il y ait des mesures très claires en termes de formation pour aller de l'avant, et une de ces mesures-là, c'est un niveau de revenus adéquat pour pouvoir avancer.

M. Poirier-Quesnel (Nicolas): Alors, c'est évident, quand on lit, par exemple, pour compléter, M. le Président, quand on lit ou quand on fait le suivi des commissions parlementaires ou des gens que vous avez reçus, par exemple, hier, et qu'on lit ce que Mme la Protectrice du citoyen donc a dit, entre autres comme quoi, de la prestation qui est prévue, si on fait le cumul des coupes potentielles, ça s'élève à, je pense, 224 $ possible, alors on est loin du barème plancher.

M. Béchard: Oui, mais ça, vous savez qu'il était de 112 $. D'ailleurs, l'ancien gouvernement l'a monté à 224 $. Mais vous savez que c'est dans le cas de remboursement de dette, vous savez que c'est dans le cas de fraude. Donc, vous dites que, même dans ces cas-là, il ne devrait plus y avoir de recours en bas du 500 $. Et j'aimerais juste un petit point: Où, dans le projet de loi n° 57, vous trouvez qu'il y a des coupures pour les jeunes, qui baissent en bas du 533 $?

M. Poirier-Quesnel (Nicolas): Dans le projet de règlement.

M. Béchard: Il n'est pas publié, le projet de règlement pour le projet de loi n° 57.

M. Poirier-Quesnel (Nicolas): Non, mais en fait dans le communiqué de presse que vous avez fait, qui est en date du 21 septembre.

M. Béchard: Ah! C'est l'ancien. O.K. Mais ce n'est pas dans le projet de loi n° 57.

M. Poirier-Quesnel (Nicolas): Non. On s'excuse, là, il y a une erreur de...

M. Béchard: O.K. Non, parce que ça pourrait porter à confusion entre ce projet-là et aussi, je dirais, Alternative jeunesse, parce que, dans Alternative jeunesse, ce sont des mesures supplémentaires. Il n'y a pas de compression ou quoi que ce soit, ce sont des bonifications et des incitations volontaires à la participation à un certain nombre de programmes.

M. Normand (Bernard): Je veux faire la correction formellement, là: ce n'est pas dans le projet. Ce que j'ai dit était erroné. Quand j'ai dit «le projet de loi», ce n'est pas ça, c'est plutôt ce que vient de dire M. Poirier, là, au niveau de ce qui a été un communiqué qui a été émis de votre côté.

Mais disons qu'au-delà des mots, au-delà où ça se retrouve, on ne sent pas peut-être suffisamment, et je pense que, M. le ministre, vous pourrez peut-être nous le démontrer davantage, ce continuum-là entre ce projet de loi là, n° 112, qui avait été adopté à l'unanimité, et, comme tel... et on n'est pas les premiers à le dire, là. Et, s'il y a des corrections à faire, on sera très heureux de les voir.

M. Béchard: Ce n'est pas parce qu'on répète plusieurs fois quelque chose que ça devient vrai non plus, là. Je veux dire, même si vous n'êtes pas les premiers à le dire, moi, je suis convaincu, là, et je vous le dis, là, que le projet de loi n° 57 se situe dans la continuité de la loi antipauvreté, la loi n° 112, et surtout dans la continuité du plan de lutte à la pauvreté qui a été déposé en avril dernier, parce que le plan de lutte à la pauvreté prévoyait, entre autres, Prime au travail et Soutien aux enfants, qui sont deux mesures qui ne sont pas dans le projet de loi n° 57 mais qui aident à s'en aller de plus en plus vers une couverture plus grande des besoins essentiels. Et ça, je pense que, quand on donne, indépendamment de la situation familiale, qu'ils soient très démunis ou des travailleurs à faibles revenus, entre autres au niveau du Soutien aux enfants, 2 000 $ par enfant, par année, on tend de plus en plus à s'en aller vers une amélioration de la situation des gens qui vivent des situations de pauvreté. Alors, c'est pour ça que...

Je comprends la différence entre ce qu'il y a dedans et l'idéal recherché, c'est certain. Mais l'idéal recherché, tel qu'on l'a vu depuis le début de la commission, au niveau de la prestation pour couvrir des besoins essentiels, sur laquelle on ne s'entendrait pas... Je suis convaincu que, demain matin, on annoncerait que la prestation minimale vient de passer au même niveau que les personnes qui sont avec contraintes sévères, et les gens diraient encore, puis probablement et peut-être avec raison, qu'on ne couvre pas encore les besoins essentiels et les besoins de base. Et juste là c'est 500 millions.

C'est parce que je veux juste vous dire: La lutte à la pauvreté est une démarche sur plusieurs années. Il faut faire la différence entre la lutte à la pauvreté, le 2,5 milliards dans le plan de lutte, et le projet de loi n° 57, qui, je vous dirais, est un projet de loi et pas le plan de lutte comme tel. Alors, c'est pour ça que je comprends cette différence-là.

Mais, juste pour ma question sur la couverture des besoins essentiels, ce 500 millions là, à quel endroit je pourrais le prendre, selon vous?

Une voix: Écoutez...

M. Béchard: Non, non, parce qu'il faut faire un certain nombre de choix. Je veux bien qu'on arrive à un monde idéal où on a une prestation plus haute, ça coûte 500 millions de plus, mais quels sont les choix qui s'offrent à nous?

M. Poirier-Quesnel (Nicolas): Je ne pense pas que ce soit à nous à faire le travail. Vous ferez le travail avec vos collègues qui sont ministres, qui sont plus spécialistes que nous. Maintenant, on est prêt à travailler à un comité, si vous en mettez un sur pied, pour faire ce genre de réflexion là. La chose qui est importante en tout cas: il y a sûrement des principes de base qui sont à respecter. On pourrait sûrement en esquisser certains, entre autres de ne pas prendre ce qui est disponible, par exemple Emploi-Québec, pour des mesures puis le transférer à l'aide sociale ou vice et versa.

Mais c'est certain que votre question en elle-même ne peut pas susciter une réponse officielle de notre part. Mais c'est certain qu'il y a sûrement possibilité de faire quelque chose à partir du moment où on se base sur le droit des personnes au travail et à la formation et sur le droit des personnes à avoir un revenu décent, ce qui, semble-t-il, est incontournable si on se fie à d'autres instruments juridiques, comme par exemple la charte et autres.

Le Président (M. Copeman): Ça va?

M. Béchard: Oui.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon.

n(12 h 10)n

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Bonjour, M. Poirier-Quesnel. Bonjour, M. Normand. Ça me fait plaisir de vous rencontrer. De fait, le ministre, c'est un appel à l'aide, là, qu'il vous faisait en vous demandant: Où est-ce qu'il faut que je le prenne, le 500 millions? Lui, il doit négocier avec le ministre des Finances, là, pour avoir le 500 millions en question puis il aurait voulu que vous lui disiez: Renonçons aux baisses d'impôts. C'est ça qu'il aurait voulu entendre. Alors, ça va être inscrit désormais dans les minutes de cette conversation et...

M. Béchard: Non, absolument pas.

M. Bouchard (Vachon): Non, il ne veut pas renoncer aux baisses d'impôts.

Le Président (M. Copeman): Chers collègues, ce qui est inscrit sur nos transcriptions, c'est les paroles qui sont prononcées par les députés.

M. Bouchard (Vachon): Alors, vous voyez que dans le fond il y a des moyens d'aménager les finances publiques. Si on veut et on tient un objectif, là, il y aurait moyen sans doute d'aller dans cette direction-là.

Mais je veux profiter du fait de votre expertise pour relever un tout petit point. Vous avez mentionné, tout à l'heure, la question des centres de travail adapté, et je ne sais pas si vous avez remarqué, mais il y aura un transfert éventuel, là, à partir du ministère de la Santé vers le ministère de la Solidarité sociale, de la responsabilité des centres de travail adapté. Et, dans le projet de loi n° 57, le rôle que l'on dessine pour les centres de travail adapté se trouve décrit à l'article 59, chapitre II, Programme de solidarité sociale. Je vous laisse le temps d'aller à cet article-là, là. Si vous n'êtes pas capables de répondre sur le champ, parce que je sais que vous n'avez pas abordé ça dans votre mémoire, mais j'aimerais bien avoir votre avis éventuellement de façon écrite, faire parvenir ça à la commission, M. le Président, je pense, c'est possible. Mais vous voyez que les CTA sont vus comme un outil d'intégration au travail dans le cadre du programme Solidarité sociale, c'est-à-dire pour les personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi. On pourrait interpréter cet article-là comme étant restrictif, c'est-à-dire que seules les personnes qui feraient partie du programme Solidarité sociale auraient accès aux centres de travail adapté.

Alors, je vous demande de porter attention si possible à cette disposition du projet de loi et d'y réfléchir, d'examiner à partir de votre expertise ce que ça pourrait représenter pour les CTA et pour les autres personnes aussi. Est-ce que vous avez une première réaction vis-à-vis de ça ou...

M. Normand (Bernard): Vous allez nous permettre d'examiner plus à fond, parce que nous ne sommes pas préparés ce matin et je ne voudrais pas dire des choses qui soient hors contexte, là, par rapport à la pertinence, et consulter certaines personnes. J'ai évoqué mon expérience personnelle à ce niveau-là, tout ça, mais, avant de prendre la parole là-dessus, j'aimerais qu'on consulte les gens qui ont de l'expertise dans notre réseau.

M. Bouchard (Vachon): Mais, en tous les cas, je pense que l'idée, c'est de mettre la puce à l'oreille aux personnes qui ont une expertise dans le domaine et dans l'oreille du ministre aussi pour être bien sûr qu'une interprétation de 59 qui serait restrictive et qui contraindrait l'application du programme et des outils que représenteraient les CTA envers une seule clientèle, celle de Solidarité sociale, pourrait avoir un certain nombre d'impacts négatifs, et je profite de l'occasion pour le soulever ici.

Vous mentionniez, tout à l'heure, votre vive opposition et votre préoccupation ? et vous l'avez depuis très longtemps, là ? à la catégorisation des personnes qui sont inscrites à l'aide sociale et vous dites que finalement on pourrait se passer de cette idée de catégoriser les personnes entre aptes et inaptes. Un, pouvez-vous nous faire part succinctement de l'analyse que vous faites de cette catégorisation-là en termes d'impacts? Et, deux, quel serait votre souhait, quelle serait la solution à cette situation?

M. Normand (Bernard): Bon. Je vous dirais qu'au point de départ il faut que l'ensemble des citoyens, qui sont des personnes handicapées ou non handicapées, qu'on peut appeler contraintes sévères à l'emploi ou non, soient sur une base d'égalité. Pour nous, au niveau d'un projet de loi, c'est cette base-là qui doit prévaloir comme telle. Par ailleurs, comme je l'ai mentionné au ministre il y a quelques instants, que ce soient des personnes handicapées, que ce soient des personnes femmes monoparentales, que ce soient des jeunes, que ce soient d'autres situations, il y a des mesures et des programmes, à un certain niveau administratif, à mettre de l'avant. Mais nous ne croyons pas pertinent qu'en termes d'un projet de loi comme tel on se retrouve avec une situation où ça crée, des deux côtés, des problèmes.

Pour avoir oeuvré avec des personnes handicapées, ce que ça crée au niveau d'un certain nombre de personnes handicapées, pour la grande majorité, c'est de leur dire: Écoutez, vous, vous êtes inaptes au travail, vous pouvez rester chez vous parce que vous n'êtes pas capables de travailler. Du point de vue de la problématique des personnes handicapées du XXIe siècle, c'est de plus en plus faux. De plus en plus de personnes handicapées, avec l'informatique, avec l'obligation qui peut être faite au niveau des entreprises de rendre accessible finalement l'ensemble des lieux de travail, des possibilités d'avoir finalement des modalités de travail adapté, que ce soit dans des centres de travail adapté ou, encore mieux, dans la société en général et dans les entreprises, c'est un message à mon avis... Et là je me fais le défenseur de la cause des personnes handicapées très volontairement. Je veux dire, c'est une situation importante de voir qu'on a un actif fort important. D'autant plus, et le ministre le sait bien et il l'indique avec beaucoup de raison, qu'on aura, dans trois ans, un déficit de 655 000 personnes au niveau de l'emploi. Donc, toutes les personnes défavorisées, dont les personnes handicapées, peuvent constituer un actif économique pour nous.

Donc, le message, qui est un peu un message séculaire, dans une loi, qui remonte à quelques siècles, mais qui reprend toujours les aptes et les inaptes, ça remonte à très longtemps, et qu'on a repris encore, et je le dis, tous gouvernements confondus, l'ancien gouvernement l'a fait, et je vous relance la même pierre, les messieurs et mesdames de l'opposition, finalement je pense qu'on pourrait faire un pas comme société au Québec pour aller plus loin à ce niveau-là pour que le message au niveau des personnes handicapées soit davantage positif sur une de nos populations et, d'autre part, pour dire aux personnes qui n'ont pas nécessairement des contraintes qu'on appelle contraintes temporaires ou qui n'ont pas de contraintes à l'emploi, leur dire finalement: Vous avez une base d'égalité avec l'ensemble des autres citoyens.

Parce que là on joue sur la division entre les deux. À notre avis, ce n'est pas à un niveau de civilisation où on est rendu, on pense qu'on pourrait passer à autre chose. Ce qui n'empêcherait pas, au niveau administratif et dans la gestion, d'avoir des mesures particulières pour des continuums, selon les groupes de personnes handicapées. Certains peuvent être dans des centres de travail adapté. Exemple, moi, je suis comme bénévole sur un service d'action main-d'oeuvre qui aide des groupes de personnes handicapées en déficience intellectuelle, je le nomme: Action main-d'oeuvre, qui existe depuis 20 ans et plus maintenant et qui a fait que des milliers d'employeurs, je veux dire, sont contents d'avoir des personnes qui ont une déficience intellectuelle légère pour travailler dans leurs entreprises, sont de bons travailleurs. C'est un message positif à lancer.

Mme Jeannotte l'a dit avant nous: Il faut lancer des messages positifs sur le potentiel des personnes en situation de pauvreté ou de vulnérabilité pour montrer le potentiel. C'est bon pour les droits de la personne et c'est bon pour l'économie du Québec, pour notre développement économique. Combien de régions au Québec n'ont pas finalement la main-d'oeuvre dont ils ont besoin? Il y a des personnes handicapées, est-ce qu'on les voit comme un actif ou on les voit comme un passif? Nous, à la coalition, on les voit comme un actif. Et je pense qu'au niveau de ce projet de loi là une modification à ce niveau-là serait bienvenue de notre part. Est-ce que je réponds à...

M. Bouchard (Vachon): Oui, merci. M. le Président, je peux me permettre une autre question?

Le Président (M. Copeman): Oui.

M. Bouchard (Vachon): Oui, merci bien. Vous avez...

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. le député.

M. Bouchard (Vachon): Oui. Vous avez évoqué, tout à l'heure, et invité le ministre à réfléchir à la création d'un comité aviseur, notamment dans les programmes spécifiques et Alternative jeunesse mais, j'imagine, non exclusivement, sur toute la question de l'accompagnement des personnes dans leurs trajectoires d'insertion à l'emploi et, j'imagine aussi, d'insertion sociale. Est-ce que vous pourriez donner un petit peu plus de détails quant aux objectifs d'un tel comité? Et là j'imagine que le ministre va vous écouter attentivement, parce que je pense que vous lui offrez la possibilité... Je pense que le ministre va vous écouter très attentivement parce que vous lui offrez la possibilité d'utiliser un outil et un appui d'expertise. Alors, quels seraient les objectifs d'un tel comité? Qu'est-ce qu'il poursuivrait? Comment il pourrait fonctionner? Et comment pourriez-vous... À quel niveau pourriez-vous avoir un impact sur les décisions du ministre comme comité aviseur?

Je ne veux pas défaire l'optimisme, là, qui semble vous alimenter, mais vous savez qu'un ministre peut ou non prendre appui sur des comités qu'il crée. Comme la Commission des partenaires du marché du travail n'avait pas été consultée au préalable, là, quant à la disparition de la mention d'un lien entre le ministre et cette commission, lorsque le ministre a élaboré son projet de loi n° 57. Alors, on peut bien créer un comité aviseur, là, mais quelles seraient les dispositions que vous voudriez voir apparaître pour que le ministre puisse l'utiliser éventuellement?

M. Poirier-Quesnel (Nicolas): Bien, en fait, je vais tenter une réponse, dans la mesure où cette recommandation-là émane de discussions et de réflexions que nous avons eues avec d'autres partenaires dont, Bernard le mentionnait, le Réseau des carrefours jeunesse-emploi, qui, j'en suis certain, reviendront avec une présentation beaucoup plus précise sur ce sujet-là.

n(12 h 20)n

D'entrée de jeu, ce que je pourrais vous dire, c'est que, bien, idéalement un tel comité devrait, par exemple, être inscrit dans le projet de règlement de manière à assurer sa pérennité. Il devrait à notre avis permettre au ministre de recueillir, de façon beaucoup plus précise, de façon permanente et structurée, l'opinion, le point de vue et les intérêts et bénéficier de l'expertise des groupes qui s'y seraient associés. Le comité en question pourrait aussi avoir un effet de rétro-information auprès des autres partenaires de la société civile et permettrait... donc, c'est ça, essentiellement de donner... Le comité donnerait essentiellement aux groupes un droit de regard sur l'élaboration... je ne sais pas si «l'élaboration» est le bon mot, mais, en tout cas, sur l'analyse, la réflexion, la recherche du consensus, du compromis, sur l'ensemble de l'offre de services jeunesse du ministère, puisqu'il semble que ce ne soit pas nécessairement évident.

M. Bouchard (Vachon): Une autre question, M. le Président?

Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. le député.

M. Bouchard (Vachon): À la page 7 de votre mémoire, Intégration au marché du travail, vous dites en milieu de paragraphe: «Ainsi, dans le projet de loi, les mécanismes d'incitation au travail prennent le pas sur la protection du revenu, et ce, sans moyens concrets d'intégration au marché du travail.» Il y a trois éléments dans cette affirmation-là, là, et j'aimerais qu'on en discute un peu.

D'autres intervenants avant vous, dont la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, ont souligné le fait qu'il manquait un objectif dans le projet de loi, c'est-à-dire d'assurer quelque part une couverture des besoins essentiels ou, à tout le moins, nécessaires à une vie décente, donc de réaffirmer le droit des citoyens à accéder à de telles ressources. La notion de sécurité du revenu, nous ont dit plusieurs intervenants, a disparu, là, totalement de notre culture légale, notre environnement légal d'aide aux personnes. Ça, c'est le premier objet de votre... j'imagine, de cette phrase-là, c'est de réintroduire ? vous me corrigerez si je fais erreur ? cette préoccupation-là dans le projet de loi.

Mais ce que vous dites en même temps, c'est que le projet de loi n'est pas très solide en ce qui concerne sa capacité d'obliger le gouvernement à offrir des projets d'intégration au marché du travail. Est-ce que c'est ça que vous voulez dire aussi? Est-ce que vous soulignez l'obligation pour le gouvernement d'offrir de telles ressources?

M. Normand (Bernard): Je répondrais deux choses à ça. D'abord, il y a un élément de contexte, et le ministre y a fait référence tantôt en parlant d'Emploi-Québec. Mais la vérité et la réalité de ce qu'on vit, c'est que, depuis quelques années ? et, je dirais, on a même envoyé une lettre au ministre, au mois de mai, l'an dernier, à ce sujet-là ? il y a eu un certain désinvestissement au niveau des mesures concrètes d'aide à l'emploi. Je veux dire, je pense que c'est de l'ordre de quelques millions ? peut-être que M. Quesnel pourra compléter. Mais, par rapport à ce qui est l'importance de...

M. Poirier-Quesnel (Nicolas): Plus de 50.

M. Normand (Bernard): Pardon?

M. Poirier-Quesnel (Nicolas): Plus de 50.

M. Normand (Bernard): Plus de 50 millions en termes de désinvestissement par rapport à ce qui est des mesures d'aide à l'emploi. On peut bien être d'accord ici pour se dire qu'au niveau de cette loi-là il faut tendre vers une autonomie économique au niveau des objectifs, mais, s'il n'y a pas des moyens concrets pour actualiser cette réalité-là, on a un problème. Ça, c'est un élément de contexte. Et je ne voudrais pas chipoter sur les chiffres, mais en tout cas tout ce que j'ai vu, moi, ces derniers mois, va dans le sens de restrictions pour différentes raisons.

Deuxièmement, un élément bien important, qui était l'armature de la loi précédente, c'est ce qu'on a appelé la loi n° 186, votée, je pense, en 1987, c'était le principe de réciprocité. Bon. Là-dedans, la réciprocité, ça veut dire que la personne fait son effort et les pouvoirs publics font leur effort. Bon. Évidemment, on se retrouve au départ avec une situation de très grande inégalité. Il y a des personnes en situation de pauvreté puis il y a un État. De quelle façon faire en sorte qu'on se retrouve avec quelque chose qui soit un peu plus cohérent que juste s'asseoir avec un principe comme celui-là?

Pour nous, quand on dit: Les mécanismes d'incitation au travail, on est d'accord pour qu'il y ait des incitations pour les personnes pour qu'ils aillent vers l'emploi, écoutez, on va loin, on est d'accord pour ça. Mais on serait d'accord pour qu'il y ait une obligation corollaire de la part du ministère pour assurer finalement la réalisation, l'exercice de mesures d'aide à l'emploi. Et le corollaire, puis c'est reconnu à plusieurs niveaux, c'est qu'il y ait finalement des mesures réelles. Parce que, depuis à peu près 20 ans ? j'ai déjà fait des petites études sur la question de l'aide sociale ? c'est qu'il y a peut-être une personne sur cinq qui peut des fois aller vers des mesures, parce qu'elles ne sont pas disponibles. C'est une contradiction. Et ça, ça fait une vingtaine d'années.

On peut bien dire, gros comme le bras: Allons, incitons les mesures, mais, s'il n'y en a pas qui sont mises sur pied... Mais, pour les faire, ça suppose, je pense, sur le plan juridique, de reconnaître une obligation. C'est de reconnaître que les entreprises du Québec doivent être impliquées, les groupes communautaires, le monde syndical. Ce n'est pas juste le gouvernement, là, je le dis bien, là. Ce n'est pas juste de mettre l'obligation dans la loi, il faut que ce soit accompagné d'un travail réel, et c'est l'importance de la Commission des partenaires et d'organisations semblables pour que cette réalité-là, d'aller vers l'emploi, puisse se réaliser. Sinon, ce sont des mots creux.

M. Bouchard (Vachon): Dernière question, M. le Président, si vous permettez. C'est vraiment la dernière. J'aimerais entendre vos réflexions, vos commentaires, vos analyses quant à l'indexation partielle des prestations. Vous savez que le projet de loi n° 57 ne prévoit pas... il n'y a pas de disposition de prestation automatique à valeur pleine et entière de l'indexation. Cependant, les précédents que l'on connaît, durant les derniers mois, ce sont des précédents qui indiquent une option qu'a prise le gouvernement d'indexer à demi les prestations des personnes qui sont aptes au travail dans le régime d'aide sociale. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Normand (Bernard): Écoutez, je vous dirais là-dessus qu'à partir du moment où on pose l'importance, dans notre mémoire et dans ce qu'on vous a dit ce matin, d'avoir le maximum, un niveau de revenu décent pour les personnes, il nous semble que, même, évidemment, s'il y a des coûts rattachés à ça, significatifs, mais, en termes de priorité politique au Québec pour finalement mener une lutte conséquente à la pauvreté, il devrait y avoir une indexation pleine et entière qui devrait se faire. À notre avis, c'est dans ce sens-là qu'on pense que l'ensemble de nos membres et de nos organisations voient les choses. Et, au-delà de l'aspect strictement financier, il y a un aspect de soutien à la motivation des personnes pour pouvoir avancer comme tel. Et, sur le plan de la politique globale au Québec, si on est conséquent avec la conviction que l'on a de mener une lutte à la pauvreté, il y a des priorités politiques, dont celle-là. Pour nous, ça va dans cette veine-là, notre réponse.

M. Poirier-Quesnel (Nicolas): Et il en va aussi de ne pas maintenir les fameuses catégories donc de prestataires et d'être le plus équitable possible.

Le Président (M. Copeman): Justement, M. Normand, M. Poirier-Quesnel, en parlant des catégories, moi, je suis parmi ceux qui croient que les mots ont une valeur, et, je sais, on a tendance d'être plus informels, là. On a parlé, ce matin, des aptes et des inaptes: ni l'un ni l'autre de ces termes-là ne se trouvent dans le projet de loi n° 57, ni dans la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, qui était la loi votée par le gouvernement précédent en 1998. Depuis 1998, j'ai été porte-parole dans le dossier, on a éliminé la notion des gens qui sont aptes et inaptes.

Il est vrai, M. le député, qu'on maintient la notion de catégorie des gens qui ont des contraintes sévères ou temporaires puis les gens qui n'en ont pas. Mais je vous dis simplement que j'ai pris la peine de regarder dans le dictionnaire, là ? peut-être parce que ça m'échappe parfois, la langue française n'est pas ma langue maternelle: une personne inapte, comme on a tendance de le dire, selon le dictionnaire, est une personne qui est incapable ou inhabile. Puis je pense qu'on serait d'accord à dire, tous ensemble, que, quand on dit qu'une personne a une contrainte, ce n'est pas exactement la même chose qu'une personne qui est incapable ou inhabile. On peut faire le débat sur le maintien des catégories, ça, j'en conviens avec vous, mais ce que je suggère, c'est qu'on essaie, entre nous autres au moins, de ne pas répéter des expressions qui ont été éliminées de la loi depuis 1998.

M. Normand (Bernard): Est-ce que je peux répondre, M. le Président?

Le Président (M. Copeman): Bien sûr, M. Normand.

n(12 h 30)n

M. Normand (Bernard): Bon. Écoutez, sur le plan de la sémantique, M. le Président, et sur le plan je dirais même plus que la sémantique, vous avez raison. On est allés à l'essentiel, là, à ce niveau-là. Je vous dirais que la réalité, c'est qu'il y a quand même un continuum qui s'est fait, là, dans la mesure où, contraintes sévères à l'emploi, si vous étiez personne assistée sociale, personne contraintes sévères, comment opérationaliser ça? J'ai parlé avec des médecins, j'ai parlé avec différentes personnes, c'est évidemment extrêmement complexe, et, je vous dirais, il n'y a pas de réponse raisonnable en dehors d'une expertise médicale comme telle.

Sauf que le message, dans une loi, de contraintes sévères à l'emploi, pour une catégorie très large de personnes... Moi, j'ai employé aussi «personne handicapée», vous avez vu, je suis sorti du langage un peu obtus dans lequel on est. En général, pour avoir oeuvré avec les personnes handicapées, il y a une certaine identification qui se fait socialement dans la culture, qui se fait... Je suis d'accord avec vous, l'expression plus correcte était «contraintes sévères à l'emploi», sauf que le problème de fond, il est là comme tel, à mon avis, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Le débat va continuer là-dessus. Malheureusement, il ne reste plus de temps.

M. Bouchard (Vachon): Je donne raison au président.

Le Président (M. Copeman): Très bien.

M. Bouchard (Vachon): Vous ne voulez pas l'entendre?

Le Président (M. Copeman): M. Normand, M. Poirier-Quesnel, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission au nom de la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre, et j'ajourne les travaux de la commission sine die, en sachant qu'il est prévu qu'on siège cet après-midi, et qu'on écoute en conséquence les ordres de la Chambre, les avis donnés aux commissions. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 31)

 

(Reprise à 15 h 15)

Le Président (M. Charbonneau): Alors, mesdames et messieurs, la Commission des affaires sociales va reprendre sa consultation générale et les auditions publiques qu'elle a amorcées sur le projet de loi n° 157, qui est la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles.

Alors, cet après-midi, nous entendrons trois groupes: le Collectif régional de l'Outaouais pour un Québec sans pauvreté, la Fédération des femmes du Québec et la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec.

Alors, déjà, devant nous sont installés les représentants du Collectif régional de l'Outaouais pour un Québec sans pauvreté. Alors, j'ai compris qu'on vous avait expliqué les règles du jeu. Non? Alors, vous avez 20 minutes pour présenter votre mémoire ou vos points de vue, et par la suite le reste du temps va être réparti des deux côtés de la table, pour fouiller la question avec vous. Alors, je ne sais pas qui préside la délégation.

M. Greason (Vincent): Je peux bien.

Le Président (M. Charbonneau): Oui. Alors, vous vous identifiez et identifiez les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Collectif régional de l'Outaouais
pour un Québec sans pauvreté (CRO)

M. Greason (Vincent): Merci bien. Moi, je m'appelle Vincent Greason. Je travaille à la Table ronde des OVEP de l'Outaouais. Un OVEP, c'est un organisme volontaire d'éducation populaire, alors le TROVEPO, c'est un regroupement qui regroupe 22 organismes d'éducation populaire autonome. Avec moi, il y a Lorraine Legault, qui travaille, elle, à la Table de concertation sur la faim et le développement social de l'Outaouais, un autre regroupement d'organismes, 25 organismes qui font partie de la Table de concertation sur la faim; puis également qui m'accompagne, c'est Julie Brodeur, qui est une élue au Conseil central de la CSN de l'Outaouais, conseil central qui a 75 syndicats locaux qui en font partie. Alors, c'est un peu ça, la délégation du CRO.

Je dois dire qu'on m'a bien expliqué les règles du jeu, M. le Président. Ce qu'on ne m'avait pas expliqué, c'est qu'avec le peu de retard que nous avons pris est-ce que ça va être pris sur notre temps ou réparti. Non.

Le Président (M. Charbonneau): Inquiétez-vous pas.

M. Greason (Vincent): Alors, mais le travail a été bien fait. On nous avait expliqué les règles du jeu. Je présume que tout le monde a reçu une copie de notre mémoire et que vous l'avez. C'est un mémoire qui a une couverture rouge, dans votre pile de documents.

Le Président (M. Charbonneau): Ne vous inquiétez point.

M. Greason (Vincent): Voilà. Le mémoire du CRO est un mémoire qui est très accessible, je pense. Ce n'est pas un mémoire qui utilise beaucoup de mots pour dire ce qu'on veut dire. On a choisi l'approche d'économie des mots parce que, nous, au CRO, qui est une petite organisation, une coalition ad hoc en lien avec le collectif national, on n'a pas de permanence. On est des gens qui font ça, là, sur une base de notre implication dans nos différents groupes puis on trouve ça important d'avoir un front dans l'Outaouais qui travaille sur la question de la pauvreté. Mais on a des groupes membres, comme les trois délégués ici, puis ce qu'on a choisi de faire comme approche, c'était de produire un tout petit mémoire qui utilise très peu de mots, qui est donc accessible pour des personnes qui fréquentent nos organismes, pour les militants, militantes qui font partie de nos différentes organisations, pour qu'ils sachent clairement où est-ce que, nous, on se situe par rapport au projet de loi n° 57. Parce que, nous, on a découvert que souvent, quand on utilise beaucoup, beaucoup de mots pour décrire un projet, on utilise beaucoup de mots pour dire tout et n'importe quoi. Et on peut se cacher en arrière des mots, et on peut utiliser des mots, tu sais, pour faire dire plein de choses. Alors, c'est pour ça que, nous, on a choisi l'approche d'une économie des mots, pour qu'on soit très, très clairs dans les propos qu'on veut ramener devant cette commission parlementaire face au projet de loi n° 57.

Peut-être une dernière remarque de présentation, c'est: Qui est le CRO? Bien, on est une coalition d'une quelque vingtaine de groupes qui proviennent du milieu syndical, qui proviennent du milieu populaire, qui proviennent du milieu des femmes, qui proviennent de tout ça. Vous l'avez, je crois, en annexe à notre mémoire, le listing des organismes qui font partie du CRO.

Alors, sans s'attarder plus, j'aimerais, sans lire tout le texte du début, là, mais, puisque je sais qu'il y a des actes de produits de chacune de ces sessions-ci, pour que ce soit enregistré, j'aimerais vous rappeler les trois textes qui sont à la base de notre intervention puis à la base de notre appréciation du projet de loi n° 57.

n(15 h 20)n

J'aimerais vous rappeler que le gouvernement du Québec adhère à la déclaration universelle des droits de la personne, qui à l'époque s'appelait les droits de l'homme, mais, puisqu'on est en 2004, les droits de la personne. L'article 25.1 de la déclaration universelle des droits de la personne dit: «Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille.» C'est une déclaration qui a été signée... ou entérinée par le Québec et le Canada en 1948.

Il y a également le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, que, nous, on appelle le PIDESC, et le gouvernement du Québec a aussi entériné le PIDESC en 1976. Et, dans le PIDESC, on dit: «Chacun des États parties au présent pacte ? puis le gouvernement du Québec est une partie prenante au pacte ? s'engage à agir [...] [pour s'assurer], au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent pacte par tous les moyens appropriés.»

Donc, le gouvernement du Québec s'engage à mettre le maximum des ressources disponibles pour assurer le respect des droits des citoyennes, citoyens du Québec. Et le gouvernement du Québec aussi, dans l'article 11.1, s'engage à reconnaître «le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu'à une amélioration constante de ces conditions d'existence».

Puis, le troisième texte qui a été à la base de notre mémoire, c'est justement la loi n° 112, une loi pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, qui a engagé le Québec à tendre vers un Québec sans pauvreté.

On aurait pu mettre la Charte québécoise des droits de la personne. On aurait pu la mettre, on aurait dû la mettre. On aurait dû la mettre, la Charte québécoise des droits de la personne, plus précisément l'article 45, parce que, dans l'article 45, le gouvernement du Québec reconnaît que «toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d'assistance financière et à des mesures sociales, prévues par la loi, susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent».

Et je vous dis: On aurait dû mettre la déclaration ou la citation de la Charte québécoise des droits de la personne à cause de la petite clause qui dit que le gouvernement du Québec doit assurer un niveau de vie suffisant dans la mesure prévue par la loi, parce que le projet de loi n° 57, c'est une des lois clés qui va permettre au gouvernement du Québec de rencontrer ses engagements dans la Charte québécoise des droits de la personne. Et, s'il y a colère dans l'Outaouais face au projet de loi n° 57, c'est parce qu'on dit que nous avons collectivement et vous avez comme gouvernement raté une très belle occasion de faire un pas en avant vers des engagements pris dans la Charte québécoise des droits de la personne.

Et là j'enchaîne avec la deuxième page. Suite à l'adoption de la loi québécoise visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale, les attentes des personnes en situation de pauvreté dans l'Outaouais étaient grandes. Je prépare un colloque, la semaine prochaine, de mon mouvement national, le MEPACQ, parce que la Table ronde des OVEP de l'Outaouais fait partie d'un regroupement qui s'appelle le MEPACQ, Mouvement d'éducation populaire et d'action communautaire du Québec. On fait un colloque la semaine prochaine, pour l'ensemble des militants d'à travers le Québec, sur le rôle de l'État et le bien commun, et, moi, je fais un atelier sur le projet de loi n° 112, Un pas en avant ou un pas en arrière vers l'élimination de la pauvreté au Québec. Et, dans le cadre de préparation de ce colloque-là, de cet atelier-là, je suis en train de relire des mémoires déposés ici, en commission parlementaire, par rapport à l'étude du projet de loi n° 112.

Donc, ce sont des mémoires produits il y a deux ans. Est-ce que je peux vous dire ce qui me frappe quand je lis ces mémoires-là? Ça a été l'espoir, exprimé dans ces mémoires-là, qu'on était à la veille, au Québec, d'adopter quelque chose d'unique dans ce monde. Il y avait un espoir, exprimé dans les mémoires que, moi, j'ai étudiés, donc des mémoires du réseau d'éducation populaire, qui disaient: Enfin, peut-être, peut-être un petit ralentissement au projet mondial du néolibéralisme. Peut-être, au Québec, avec un projet de loi qui est sérieux, qui lutte contre la pauvreté, peut-être que c'est un moment unique qu'on est en train de vivre. En tout cas, je verrai bien, la semaine prochaine, quel est le bilan fait par les auteurs de ces mémoires-là deux ans après.

En ce qui concerne le CRO, force nous est, nous, de nous rendre à l'évidence: pendant que les législateurs, et autant les législateurs du Parti libéral que les législateurs du Parti québécois, parlaient de vouloir lutter contre la pauvreté, leurs prises de décision font que, sur le terrain, c'est le contraire qui se produit. Malgré une loi antipauvreté, la loi n° 112, la pauvreté augmente. Gatineau, hein, c'est la ville centre de l'Outaouais, mais, nous, on vit, depuis plusieurs années, une crise du logement qui est causée en grande partie par des décisions politiques récentes. Le premier colloque régional sur la faim s'est tenu en 2003, levant le voile pour la première fois, sur notre territoire, sur ce problème, le problème de la faim, qui est, dans l'Outaouais, de plus en plus alarmant.

Bref, les conditions de vie se détériorent à la suite des nombreuses compressions de services et de programmes publics. Les pauvres sont plus nombreux et plus pauvres; entre-temps, les riches sont plus riches et plus visibles. Et ce qu'il faut constater ? et je crois que les collègues et les camarades de l'ADDS qui sont passés ici, il y a deux jours, vous ont parlé de cet aspect-là, du dilemme actuel dans lequel on est: les riches deviennent plus riches et les pauvres deviennent plus pauvres; les riches plus nombreux, les pauvres plus nombreux. Il y a vraiment un Québec cassé en deux.

Allons donc directement à l'essentiel: Pourquoi une nouvelle loi de l'aide sociale? Et, M. le ministre, j'aimerais bien vous entendre là-dessus. Nous, quand on lit le projet de loi n° 57, on dit: Pourquoi une nouvelle loi sur l'aide sociale? Est-ce que c'est parce que chaque ministre qui passe veut laisser sa trace? Est-ce que vous n'auriez pas pu juste apporter des amendements à la loi existante? Pour nous, ça nous interroge, ça. Cette interrogation, avec les raisons suivantes, nous amène, nous, au CRO, à exiger le retrait du projet de loi n° 57. Et ce qui nous amène à vouloir le retrait du projet de loi n° 57, c'est les éléments suivants.

De un, on voit dans le projet de loi n° 57 un manque de volonté politique de redresser le problème de revenus des personnes en situation de pauvreté, des revenus qui sont insuffisants de ces personnes pauvres là. Aucune volonté politique de s'adresser à cette question-là.

Il y a un maintien inacceptable dénoncé depuis toujours, une division entre les aptes et les inaptes au travail, et cette distinction-là fait fi d'une perspective de droit.

Il y a un inacceptable nouveau régime discriminatoire d'aide sociale pour les jeunes, qui fait fi également d'une perspective de droit.

Il y a une inacceptable, et là on a fait un écart de langage, on s'en excuse, on a parlé de la non-indexation des prestations de personnes aptes au travail, c'est une indexation partielle des personnes aptes au travail, qui est une mesure d'appauvrissement structurelle.

Il y a l'intolérable saisie des loyers, qui contredit l'essence même d'un barème plancher inscrit dans la loi n° 112 de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Et finalement on veut le retrait du projet de loi n° 57 parce qu'il y a une décision de ne pas légiférer la gratuité des médicaments aux personnes à faibles revenus, qui est un non-respect honteux d'une promesse électorale.

Je cède la parole à Lorraine Legault.

n(15 h 30)n

Mme Legault (Lorraine): Bonjour, M. le Président, MM., Mmes les membres de la commission. Ça me fait plaisir d'être ici pour vous exprimer le point de vue de nos membres en Outaouais, les membres du CRO, et je partage l'opinion de Vincent et du CRO sur le besoin de retirer la loi n° 57, parce que la pauvreté, un des facteurs criants, déterminants de la pauvreté, c'est le revenu et que le problème de revenu demeure et ne sera pas réglé au niveau de cette loi-là.

La personne pauvre n'a pas suffisamment de revenus pour vivre, pour se loger, pour se nourrir ni même pour travailler ou se chercher un emploi. Les écarts dans l'accès aux aliments, entre les personnes riches et les personnes pauvres, interpellent la société, la santé publique, car ils contribuent aux écarts de santé observés chez les personnes. La santé est un droit inaliénable par lequel vos actions doivent supporter et augmenter la santé. Alors, travailler sur le revenu des personnes, c'est super important. À cet égard, le projet de loi n° 57 a complètement raté sa cible. Loin d'ouvrir les cordons de la bourse, il n'offre rien de plus en termes de soutien direct aux personnes seules aptes au travail, mais sans emploi.

Aux personnes touchées par la crise de logement, il offre la saisie des prestations en défaut de paiement de loyer. Aux personnes âgées de 55 ans et plus, il ouvre la porte à l'abolition de l'allocation pour contraintes temporaires à l'emploi. Bref, aucune des mesures proposées ne permet aux personnes ou aux familles appauvries de sortir de la pauvreté.

Même la catégorie sociale la plus avantagée par le projet de loi n° 57 ou qui le sera en janvier 2005, une fois toutes les mesures mises en place, celle d'une unité familiale composée de deux adultes et de deux enfants, au salaire minimum, dont le revenu annuel augmentera de 5 030 $, ça va leur donner un revenu de 26 790 $, alors que le seuil de faibles revenus leur demande... leur dit qu'ils ont besoin de 31 952 $. Alors, même la catégorie qui est vraiment aidée le plus et qui verra sa situation s'améliorer le plus ne sortira pas de la pauvreté, mesdames messieurs, avec ces données.

Nous voyons très mal comment le projet de loi s'insère dans une stratégie globale exigée par le gouvernement de par sa ratification avec le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels, qui vise à reconnaître le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants ainsi qu'à une amélioration constante de ses conditions d'existence.

La distinction entre les aptes et les inaptes au travail perdure. Au-delà de l'insuffisant transfert de richesses proposé par le projet de loi, il reste le maintien de la fâcheuse distinction entre les aptes et les inaptes au travail. Ancrer la lutte contre la pauvreté dans un régime de droit commence par l'abolition de la distinction qui a été créée par le gouvernement en 1989, et renforcée par le gouvernement suivant en 1997, et poursuivie dans le projet de loi n° 57 entre les aptes et les inaptes au travail. Dénoncée à maintes reprises par les milieux que nous représentons, cette catégorisation sert à introduire au sein du régime de l'aide sociale deux classes de pauvres: les bons et les mauvais; les responsables et les irresponsables; les méritants et les non-méritants.

Notre recommandation n° 2, M. le Président, c'est: «La nouvelle législation doit renoncer à toute catégorisation des personnes selon l'aptitude au travail, notamment pour calculer les montants de prestations d'aide sociale.»

Je fais un bref retour sur l'amélioration constante des conditions d'existence exigées... des actions du gouvernement face aux personnes appauvries, qui est une violation à la Charte des droits et libertés, pour le Pacte... le PIDESC. La non-indexation ou l'indexation partielle des personnes aptes est en contradiction complète avec cette demande, car inévitablement leur revenu va s'éloigner du seuil duquel il part aujourd'hui.

Puisqu'elle s'inscrit dans la foulée des mesures prévues par la loi-cadre contre la pauvreté et l'exclusion sociale, une réforme de l'aide sociale qui en découle et qui se respecte ne doit pas appauvrir les plus pauvres. Mais voilà exactement ce que fait le projet de loi n° 57, et ce, de façon structurante. En légiférant une indexation partielle, on exclut la possibilité d'une pleine indexation. On condamne alors la personnes pauvre apte au travail mais sans emploi, quelle que soit la raison, à un plus grand appauvrissement, car elle ne sera jamais capable de rattraper l'augmentation du coût de la vie.

Où est la logique? Comment le gouvernement justifie-t-il cette mesure appauvrissante, alors qu'elle est sensée être assujettie à une loi antipauvreté? Et pourquoi prétendre lutter contre la pauvreté, alors que l'on ne veut même pas protéger les personnes les plus pauvres d'une baisse de leur pouvoir d'achat qui est déjà trop bas? C'est comme retirer le sac de couchage à l'itinérant.

Notre troisième recommandation: «La nouvelle réforme de l'aide sociale doit légiférer la pleine indexation selon l'augmentation du coût de la vie pour tout prestataire de l'aide sociale.»

Mme Brodeur (Julie): Alors, je vais faire rapidement, je vais vous lire nos autres recommandations...

Le Président (M. Charbonneau): Vous en avez combien encore, madame, à lire?

Mme Brodeur (Julie): Quatre.

Le Président (M. Charbonneau): Quatre?

Mme Brodeur (Julie): Je fais juste lire les recommandations.

Le Président (M. Charbonneau): D'accord. Ça va.

Mme Brodeur (Julie): Alors, la recommandation n° 4 est: «La nouvelle législation doit éliminer toute possibilité de détourner l'aide sociale pour le non-paiement du loyer.» La recommandation n° 5 est que «le Québec doit se doter d'un régime d'aide sociale ouvert à tout citoyen et toute citoyenne qui est dans le besoin, qu'il soit apte, inapte ou jeune. Un programme universel et ouvert ? un régime de droits n'exige rien de moins.» Et la recommandation n° 6, c'est que la gratuité des médicaments pour des personnes à faibles revenus est une forme de redistribution de la richesse, elle doit être inscrite dans la loi de l'aide sociale. Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Très bien. Alors, merci beaucoup, mesdames, monsieur. Alors, la parole d'abord au ministre.

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Brodeur, M. Greason, Mme Legault. Bienvenue. Merci pour votre présentation. Effectivement, il y a peu de mots, mais ils sont clairs et ils sont directs. Mais je vous dirais qu'il y a certaines choses que je veux éclaircir avec vous avant de commencer la période de questions.

D'abord, au niveau de la question aptes et inaptes. Et d'ailleurs je vais reprendre certains des propos que le président de la commission tenait ce matin. «Apte» et «inapte» sont des expressions qui ont été enlevées du régime, il y a quelques années, et qui ne se retrouvent pas dans le projet de loi n° 57. On parle plutôt de «contraintes» ou «sans contraintes», pour une raison, c'est que... Je sais que vous allez dire que c'est dans le vocabulaire, peu importe, dans les faits il y a toujours une division à l'intérieur du régime, mais ne serait-ce que pour démontrer que finalement ce n'est pas toujours une question d'aptitudes, mais beaucoup plus une question parfois de contraintes. Et ça, je veux vous le mentionner, parce que j'entends souvent qu'on perpétue, comme vous le dites dans votre mémoire, à la page 5, la division entre les aptes et les inaptes. Je veux qu'on soit prudent sur le choix de certains mots.

D'autre part, vous me posiez la question: Pourquoi une nouvelle loi? Pourquoi une nouvelle loi? Parce que nous avons déposé un plan de lutte à la pauvreté de 2,5 milliards, qui nécessite des assouplissements, des changements dans la Loi sur la sécurité du revenu, parce qu'on voulait avoir plus de souplesse en ce qui a trait, entre autres, à la gestion du nouveau programme Solidarité sociale, qui s'adresse aux personnes avec contraintes sévères, diminuer un certain nombre de contrôles, augmenter les avoirs liquides et finalement voir... oui, pour ces gens-là qui sont avec contraintes sévères, tout en maintenant la possibilité pour ces personnes-là d'avoir accès à des programmes. Ce matin, on parlait au niveau des personnes handicapées; on va recevoir aussi l'Office des personnes handicapées, qui salue notre projet de loi, qui salue l'approche au niveau des personnes handicapées. D'abord, donc, ça, c'est une raison.

n(15 h 40)n

Autre raison, comme je vous l'ai mentionné: la souplesse du régime. Troisième raison majeure pour nous: la mise en place d'Alternative jeunesse. Vous parliez d'un programme discriminatoire pour les jeunes; j'espère que vous ne parliez pas d'Alternative jeunesse, parce qu'Alternative jeunesse n'est pas discriminatoire, c'est un régime de base, c'est un régime qui prend les prestations de base et qui, pour les 25 ans et moins, nous donne la possibilité de mettre en place d'autres programmes, différentes solutions, différents outils pour les jeunes. Puis on le fait déjà, entre autres avec Solidarité jeunesse, avec conciliation travail-études, avec Ma place au soleil, pour les jeunes mères monoparentales. Donc, c'est ça, Alternative jeunesse. Il y a là des raisons, je trouve, moi, assez importantes.

Et de toute façon vous nous dites: Il faudrait ajuster la loi actuelle. Peu importe le projet de loi que je présenterai, il serait vu comme une réforme et comme un nouveau projet de loi aussi, en ce qui a trait à la Loi sur la sécurité du revenu. Alors, voici pour les raisons.

Je veux revenir sur un point que vous avez soulevé et qui... Vous dites, entre autres, au niveau des gens qui vont bénéficier le plus finalement du projet de loi n° 57, du plan de lutte à la pauvreté, c'est-à-dire les gens qui sont salariés au salaire minimum avec deux enfants et qui vont recevoir au-delà de 4 000 $... 5 000 $, mais 4 000 $ environ, net, de plus... C'est beaucoup, 4 000 $. Je comprends que ce n'est peut-être pas assez pour atteindre un certain seuil idéal. Mais c'est parce que je veux reprendre, là, certains points que vous soulevez.

Je suis conscient qu'on n'a pas franchi toutes les étapes en un seul pas pour se rendre à la couverture des besoins essentiels telle que plusieurs groupes l'ont présentée. Mais nous avons fait au moins quelques pas importants en ce qui a trait à certaines personnes ou certains groupes de personnes qui vivent des situations de pauvreté. Et je veux vous dire que j'en suis conscient, et je vous dirais que je ne pense pas qu'il y ait personne, au moment de l'adoption de la loi n° 112, qui pensait que tout à coup, dans un an, un an et demi, tout serait réglé. C'est une démarche, c'est un processus. Je pense que le projet de loi n° 57, le plan de lutte à la pauvreté en est un exemple.

Mais, juste pour mon information, vous étiez d'accord, vous avez appuyé le projet de loi n° 112, vous êtes sûrement d'accord aussi avec le fait que, dans le projet de loi n° 112 ? vous m'avez peut-être entendu déjà le dire et je le redis ? on parlait d'un barème plancher, on ne parlait pas d'un barème plancher couvrant les besoins essentiels. Alors, je veux qu'on soit clair là-dessus aussi. Et encore une fois je vous le dis: Je suis conscient qu'il reste d'autres pas à franchir. C'est pour ça qu'on a mis en place, même s'il ne s'appelle pas «observatoire»... On a des gens qui travaillent avec l'Institut de la statistique du Québec pour définir un certain nombre d'objectifs à atteindre. Mais je veux vous dire au départ qu'il y a des efforts, à ce niveau-là, qui sont faits.

Mais j'aimerais vous entendre sur les couvertures de besoins essentiels. Parce que c'est sûr qu'il y a des coûts, c'est sûr que c'est beaucoup d'argent; on nous parlait au minimum d'un 500 millions supplémentaire par année pour la couverture des besoins essentiels. J'aimerais vous entendre là-dessus. Vous êtes d'accord avec moi que, dans le projet de loi n° 112, on parlait d'un barème plancher, on ne parlait pas d'un barème plancher couvrant les besoins essentiels?

M. Greason (Vincent): Donc, il y a plusieurs questions. Vous avez parlé du revenu d'une famille avec deux adultes qui travaillent au salaire minimum, qui sont les plus avantagés par le plan d'action ? parce qu'on s'entend bien, là, ce qui est indiqué, ce n'est pas dans le projet de loi n° 57, c'est dans le plan d'action. Je vous fais remarquer que, même pour les personnes qui travaillent au salaire minimum, avec les augmentations que vous avez annoncées, on ne suit pas le coût de la vie. Donc, le 0,15 $ d'augmentation d'annoncé pour le salaire minimum est en bas du coût de la vie. Donc, même des personnes qui gagnent le salaire minimum, ils n'arrivent pas à s'en sortir relativement, du piège de la pauvreté dans lequel ils se trouvent. Alors, ça, c'est un premier commentaire que je ferai.

Un deuxième commentaire que je ferai, c'est qu'en ce qui concerne la TROVEPO, la table ronde, nous n'avons pas appuyé le projet de loi n° 112. Dans notre mémoire, nous avons dit: Nous ne l'appuyons pas, parce que ce n'est pas une loi-cadre et parce que justement ce n'était pas un projet de loi ancré dans une perspective de droits. Et nous avons dénoncé déjà, au moment de la loi n° 112, cette distinction-là entre les aptes et les inaptes. Et effectivement, à mon avis, c'est une distinction de vocabulaire entre ce qui est dans le projet de loi, les contraintes sévères à l'emploi et ceux n'ayant pas des contraintes sévères à l'emploi....

Je pense que le fond de notre critique, ce qui va également pour le nouveau régime d'aide sociale qui s'adresse à des jeunes, c'est justement cette idée qu'on ne semble pas vouloir ancrer nos interventions en aide sociale dans une perspective de droits. On semble vouloir catégoriser des secteurs de la population, que ce soient des personnes handicapées, que ce soient des jeunes.

Ce qui nous fait peur, nous, énormément, c'est le chapitre IV du projet de loi n° 57, parce que le chapitre IV, M. le ministre, il n'y a absolument rien qui nous indique qu'est-ce qui est en arrière de ça. Est-ce que c'est un nouveau régime pour les personnes handicapées? Est-ce que c'est un nouveau régime pour les personnes en haut de 55 ans? Tu sais? On ne le sait pas parce que la réglementation n'est pas là. Donc, tout, tout espoir est permis et toute crainte est permise également.

Et, moi, là, le chapitre IV, tout comme, à la limite, le chapitre III, le nouveau régime d'aide sociale pour des jeunes, peut être un pas vers la privatisation du régime d'aide sociale, peut être un pas vers la privatisation de l'aide sociale. Si l'idée, dans le chapitre IV, qui permet au ministre de signer des ententes avec des individus ou des associations veut dire que le ministre va signer une entente avec un organisme, mettons, qui a des fonds à mettre...

Vous prendrez la Fondation Chagnon... Ah! Vous m'écoutez, j'en suis certain ? d'ailleurs, c'est au président à qui je dois m'adresser, je m'en excuse pour la procédure. M. le Président. On prendra la Fondation Chagnon comme exemple. Mais mettons que la Fondation Chagnon pourrait ouvrir des sous, des argents pour, mettons, des personnes handicapées et avait 2 millions de dollars à mettre au niveau des personnes handicapées, et que M. le ministre ici présent voulait signer une entente avec la Fondation Chagnon dans le cadre du chapitre IV du projet de loi n° 57. Bien là, à mon avis, on s'en va dans la direction d'une certaine privatisation d'une responsabilité publique, tu sais? Le droit de chaque citoyen au Québec... Et là, tu sais, je peux vous relire ce que je viens de vous lire tantôt, les trois déclarations, et je peux rajouter la Charte québécoise, tu sais, où est-ce qu'on dit que chaque citoyen a droit à un niveau de vie décent, suffisant, y compris pour l'alimentation, y compris pour le logement, hein?

En tout cas, je ne sais pas si je réponds à votre question, mais j'ai mis sur la place un certain nombre de questions que, moi, que j'ai. Peut-être que, Lorraine, tu veux rajouter, ou Julie?

Une voix: C'est beau.

Le Président (M. Charbonneau): Ça va. Est-ce que vous voulez continuer? Oui.

M. Béchard: Oui, oui, absolument. Bien, je vous dirais que, dans ce que vous amenez, ce n'est pas l'objectif. D'abord, il y a beaucoup de groupes communautaires qui nous ont demandé d'être en mesure, avec nous, d'avoir, je dirais, un certain lien au niveau, entre autres, de la mise en place d'Alternative jeunesse. Et c'est parce que, quand, dans votre mémoire, vous dites qu'Alternative jeunesse, là ? à la page 7 de votre mémoire ? ouvrirait la porte à la discrimination, selon moi, là, ça ouvrirait la porte à la discrimination s'il s'agissait d'une mesure obligatoire et d'un régime différent pour les jeunes que pour les autres, en moins. Mais ce qu'est Alternative jeunesse, c'est le régime de base plus ? plus ? des programmes spécifiques, plus des programmes qui vont correspondre aux besoins des jeunes, aux besoins des jeunes selon les régions, selon les problématiques, selon les situations de pauvreté qu'ils vivent.

Alors, dans cet esprit-là, je veux être bien clair sur Alternative jeunesse. Puis ce n'est pas... Parce que, et ça, vous ne le soulignez pas, mais le fait qu'on n'aie pas l'approche, là, où on appliquait des pénalités si les gens refusaient un parcours d'emploi ou un parcours de formation, j'imagine qu'au moins, ça, vous trouvez que c'est un bon point.

M. Greason (Vincent): Écoutez, M. le ministre ? je ne veux pas monopoliser la... ? si ce que vous me dites, M. le ministre, c'est que le régime jeunesse, c'est le programme base plus un certain nombre de choses de rajoutées pour les jeunes, moi, je vais prendre la même logique, la logique... et je vais répondre à votre question sur le barème plancher, là: montant nécessaire. Je vais prendre la logique de la DDS de Hull. Parce que chez nous, au CRO, là, on n'en a jamais parlé, du barème plancher, un montant spécifique.

Mais je vais vous donner l'exemple d'un groupe membre chez nous, du CRO, qui dit: Écoutez, le fédéral donne 1 000 $ aux personnes âgées comme pension de vieillesse puis supplément au revenu pour les personnes âgées. Le fédéral a jugé que, pour une personne en haut de 65 ans, ça prendrait 1000 $. Mais quelle est la différence entre une personne de 65 ans puis une personne de 64 ans, ou une personne de 60 ans, ou une personne de 55 ans? Et là vous me parlez du projet jeunesse, Alternative jeunesse, et, moi, je vous dis: Mais pourquoi que, pour les jeunes, ça prendrait un niveau de base et puis un peu plus pour que ce soit acceptable? Si c'est ça, votre logique, mettez-le dans le régime de base, accessible à tout le monde.

n(15 h 50)n

C'est ça qu'on dit, là, c'est qu'à quelque part il y a des besoins qui ne sont pas... À 533 $ comme prestation de base, là, il n'y a pas un chat... bien peut-être un chat, mais il n'y a pas personne qui est capable de vivre avec ça, vous comprenez? Alors, si vous dites: Des jeunes, ça prend quelque chose de supplémentaire pour qu'on peut faire un... et je ne sais pas si c'est ce que vous dites, mais pour faire un petit pas dans le respect de nos engagements vis-à-vis le PIDESC, vis-à-vis la déclaration universelle, bien pourquoi ne pas rajouter au montant de base pour tout le monde? C'est ça, légiférer dans une perspective de droits, à notre avis.

Le Président (M. Charbonneau): Une question?

M. Auclair: M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Oui. Il ne reste pas beaucoup de temps, mais allez-y.

M. Auclair: Rapide. Juste un commentaire et ensuite une question rapide. Commentaire. Vous parlez beaucoup de droits et d'obligations de l'État et de droits de l'État. Mais, moi, je ne vous ai pas entendu parler également d'obligations au niveau de la population en général, face aux obligations qu'ils ont, donnant-donnant, selon moi. Maintenant, la question. J'aimerais vous entendre un petit peu sur la prime à la participation. Comment est-ce que vous voyez ça? Est-ce que vous voyez comme la possibilité de permettre aux gens de sortir de leur isolement, que ce soit par une réinsertion au niveau des organismes communautaires? Comment vous voyez ça? Est-ce que vous voyez ça de façon positive? Ou qu'est-ce qu'il faudrait... Comment il faudrait l'aborder?

M. Greason (Vincent): Sérieusement, là, ce n'est pas toujours des hommes qui parlent dans l'Outaouais. On s'en excuse. Écoute, la prime à la participation, il n'y a aucune indication de qu'est-ce que ça veut dire dans le projet de loi n° 57. Il n'y a pas la réglementation qui va avec. Alors, je vais dans ce que, moi, je connais.

Moi, ce que je connais qui ressemble à une prime de participation, c'est des programmes PAIE puis des programmes EXTRA, qui datent d'il y a 10 ans. Et ça, M. le député, les organismes communautaires, là, on refuse d'être des gardiens et des gestionnaires des pauvres. Et c'était ça, les programmes PAIE et EXTRA, tu sais, la qualité d'apprentissage, la qualité, pour les personnes en situation de pauvreté, était minime. C'était comme un cercle vicieux qu'on n'a jamais réussi à briser.

En termes de... tu sais, les organismes populaires, là, les organismes communautaires sont peu financés. On a de plus en plus de mandats, de moins en moins de ressources. Et être obligé d'encadrer ces gens-là de mesures à la participation, je vous dis: Ça, c'est du temps qu'on n'a pas à mettre pour réaliser la mission de nos organismes.

Alors, d'une part, en tout cas il n'y a pas de réglementation, on ne voit pas exactement qu'est-ce qui est proposé. Je réponds par rapport à mon expérience. Et, pour les personnes en situation de pauvreté, ce n'était pas une belle expérience enrichissante pour la personne, et pour l'organisme appelé à gérer le programme puis à encadrer les personnes, c'était du temps détourné du travail très nécessaire qui se font dans nos organismes. Alors, j'y vais à partir, tu sais, de mon expérience.

M. Auclair: ...l'objectif qu'on veut avoir.

Le Président (M. Charbonneau): Très bien. Alors, maintenant, si vous le voulez bien, je vais céder la parole au député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Alors, M. Greason, Mme Legault, Mme Brodeur, bonjour. Peut-être un petit retour sur la question de l'observatoire. Le ministre faisait mention tout à l'heure que, même si la loi n° 112 faisait état de la création d'un observatoire, il disait: Bon, finalement, on n'a pas créé l'observatoire, mais on a créé un groupe de travail, et on a donné le mandat à l'Institut de la statistique du Québec de veiller à faire le suivi notamment des impacts de la loi et de nous fixer des objectifs, etc.

Je veux tout simplement faire une remarque au point de départ, à savoir que l'observatoire, on avait prévu qu'il soit composé de sept membres nommés par le gouvernement. Mais il y avait là-dedans des gens qui venaient du milieu, qui étaient des experts du milieu de la pauvreté parce qu'ils venaient de ce milieu-là. Ils étaient donc choisis en fonction de leur expérience de vie et de leur expérience d'observation de très près de la pauvreté. En même temps, il y avait des universitaires qui siégeaient là-dessus, des gens dont l'expérience était reconnue et des gens du gouvernement. Mais il y avait comme une espèce de distance, en tous les cas, qui pouvait... et de diversité de perspectives, de points de vue qui pouvaient cohabiter dans l'observatoire.

Là, on ne sait pas très bien comment fonctionne le groupe de travail mandaté par le ministre, comment ont pu se faire les nominations. Mais j'ai comme l'impression que la consultation des personnes qui oeuvrent auprès des personnes les plus démunies ou qui sont confrontées à la détresse économique quotidiennement n'a pas été faite.

Ceci étant dit, je veux amener un point de discussion entre vous et moi, et devant le ministre aussi, tout simplement pour voir si on est sur la même longueur d'onde. Dans votre mémoire en page 7... Non, excusez-moi, pas en page 7. Dans votre mémoire, là où vous nous parlez plus spécifiquement des familles qui font les gains les plus importants suite aux dispositions du plan d'action... C'est en page 5. Alors, ce que vous dites, c'est que, bon, les différentes dispositions peuvent faire gagner autour de 5 000 $; le ministre dit sans doute 4 000 $ net, lorsqu'il fait la soustraction de certaines augmentations de tarifs ? et sans doute un petit peu moins que 4 000 $ ? et crédits d'impôt. Mais aussi il faut soustraire de ça l'augmentation des tarifs en services de garde sans doute et l'augmentation des tarifs d'électricité, l'augmentation... Bon. Tout ça. Disons que le montant net pourrait être un peu plus modeste, hein?

Mais il y a deux façons de voir comment on peut faire le suivi de la lutte à la pauvreté sur la question du revenu. On peut voir ça comme: Est-ce qu'on se donne un objectif national pour réduire le taux de personnes qui se situent sous le seuil de pauvreté? Mais aussi on peut voir... Et ça, je pense que c'est légitime, c'est important de le faire. Mais on peut le voir d'une autre façon aussi, c'est-à-dire l'intensité de la pauvreté, c'est-à-dire: Est-ce qu'on amoindrit les écarts entre le revenu de la personne et le seuil à propos duquel on aura décidé que la personne sort de la pauvreté? Donc, on dira: On a fait des gains ou des pertes par rapport à l'intensité.

Dans votre document, vous nous indiquez que le seuil pour une famille de deux adultes et de deux enfants se situerait autour de 31 952 $. Ça, j'imagine que c'est le seuil tel que le Conseil bien-être social Canada propose?

M. Greason (Vincent): Exact.

M. Bouchard (Vachon): Si on regarde par ailleurs le seuil qui nous est proposé par la nouvelle mesure de panier de consommation, la nouvelle mesure nous situerait plus aux alentours de 21 000 $ ou 22 000 $, selon la taille des localités. Donc, les nouvelles dispositions gouvernementales nous amèneraient plus près d'une sortie de la pauvreté et la diminution d'intensité pourrait être plus importante que celle que vous prétendez.

Ma question est la suivante: On est pris entre deux... Dans le fond, il y a deux univers. Ou bien on reconnaît que, comme collectivité, on a fait des efforts qui pourraient arriver à réduire l'intensité de la pauvreté et le taux de pauvreté, et on reconnaît quand ça se passe, et on tente de voir quel pourrait être le seuil le plus approprié pour faire les comparaisons. Ou bien on exacerbe les écarts et on dit: On en veut encore plus, mais là on risque de décourager les citoyennes et les citoyens qui contribuent à l'effort national. Voyez-vous ce que je veux dire?

D'où l'importance de créer un observatoire neutre qui donne des appréciations et qui donne des messages clairs par rapport à des seuils qu'il recommande au ministre, de telle sorte à ce qu'on puisse avoir une idée un petit peu plus claire de ce qui se passe. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Mme Legault (Lorraine): Moi, je vous dirais tout d'abord que ces considérations-là autour de l'observatoire, ça n'a pas été vraiment au coeur des préoccupations des membres du CRO et de nos discussions. On n'a pas d'opinion officielle sur ça en tant que CRO. En tant que coordonnatrice de la Table de concertation sur la faim ? nos membres en ont parlé un peu ? ce qui ressort de ça surtout, c'est qu'il faut penser aux besoins des personnes, il faut penser aux droits des personnes et partir de leurs visions.

Les seuils, là, il y a des chicanes à propos de ça, le seuil de faibles revenus, les paniers de provisions, qu'est-ce qu'on met dedans, qu'est-ce qu'on ne met pas dedans. La même personne, si elle n'est pas capable de faire son épicerie puis de nourrir ses enfants, à la fin de la semaine, elle va trouver qu'elle est pauvre, même si on change le seuil, puis qu'on le place à un endroit différent, puis qu'on dit: Il y en a moins, on se pète les bretelles, on est content.

n(16 heures)n

Ce sont des chiffres artificiels, jusqu'à un certain point, qui peuvent servir d'indication, quand on utilise le même barème, le même indicateur, si on veut, pendant un certain temps. Si on change d'indicateur à tous les deux ans, ça n'a comme pas de suite logique. J'aurais ça comme remarque à vous faire. Puis les besoins des personnes, c'est des droits reconnus par le gouvernement, dont les personnes ont vraiment besoin pour vivre puis pour pouvoir combler tous leurs besoins de base: le logement, l'alimentation. Puis, si on décide de se loger puis de payer notre loyer, il faut qu'il en reste pour manger. Si on décide de manger puis qu'on n'est pas capables de payer le loyer, est-ce qu'on va nous le saisir pour le donner au propriétaire? Tu sais. Les droits des personnes doivent être respectés. Ils ont des besoins, il faut en tenir compte. Ça, là-dessus, les membres du CRO sont tous d'accord. Ça, c'est une question de droits et c'est là-dessus qu'on a appuyé notre intervention.

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, je saisis très bien puis je comprends très bien la perspective dans laquelle vous vous placez. Mais en même temps vous nous avez fourni dans votre propre rapport des informations à propos de seuils de sortie de pauvreté et vous avez fait vous-mêmes la comparaison. Et je pense que les citoyens et les citoyennes concernés ? comme vous l'êtes ? le font évidemment pour voir quels sont les progrès ou les reculs qu'on aurait pu enregistrer avec une stratégie.

Mme Legault (Lorraine): Je me demande: Est-ce que je suis sortie de la pauvreté? Et il y en a même... Mais il y en a qui se le demandent. Je m'excuse.

M. Bouchard (Vachon): Non, mais votre réflexion, celle que vous nous avez amenée, hein, contient ce type... enfin, contient ce type de préoccupation, je le lis dans vos pages, là. Et donc par conséquent je me dis: Quelque part, ce qui nous échappe à propos de cette préoccupation lorsqu'on regarde d'un point de vue d'observateur à distance, et voir si on a fait des progrès comme collectivité... Et je comprends très bien que des personnes qui arrivent dans les comptoirs alimentaires et qui n'ont pas assez de sous pour s'acheter les aliments nécessaires, eux autres, là, la statistique est à 100 %, ils sont en détresse économique, ils sont piégés et ils souffrent. Moi, je comprends très bien ça, là. Mais ce que j'essaie de montrer et ce à quoi j'essaie de sensibiliser le ministre, c'est que, s'il refuse de s'associer un observatoire le moindrement objectif, le moindrement en recul et le plus possible diversifié quant à l'analyse des situations, il va lui manquer une assise importante pour prendre des décisions. Alors, ça, c'est la première chose.

La deuxième, c'est que je pense que votre rapport est extrêmement clair sur la question des droits. Et vous ramenez la question des droits au premier plan. Et ce que vous dites dans le fond, c'est que le projet de loi n° 57, alors qu'il reconnaît toute la question de l'autonomie financière et l'objectif à l'effet que les personnes devraient s'insérer sur le marché du travail le plus possible, omet totalement la question de la couverture des besoins et des droits à un revenu pour mener une vie décente. Alors, on s'entend là-dessus. Je pense qu'un des gros messages que vous avez, c'est celui-là.

Maintenant, vous avez aussi un autre message important, celui de l'indexation partielle. Et j'aimerais savoir ou comprendre la perspective dans laquelle vous vous situez par rapport à ça, c'est-à-dire quel est l'effet, quel est l'impact à moyen et à long terme d'une indexation partielle sur la population que vous connaissez bien.

Mme Legault (Lorraine): Je ne sais pas sur combien d'années qu'il l'a fait... Si on part, mettons, aujourd'hui, avec tout le monde le même salaire et que l'indice des prix à la consommation augmente de 5 %, mettons, pendant 10 ans, une personne va avoir un certain revenu au bout de 10 ans puis l'autre va avoir augmenté de 2,5 % chaque année au lieu de 5 %. Au bout de la 10e année, il va lui manquer un peu plus d'un mois complet de ses revenus pendant lequel elle n'aura aucun revenu. Il va falloir qu'elle fasse toute l'année avec environ 10 mois et demi, tu sais, de revenus qui rentrent. Les chiffres varient évidemment en fonction des années, là, des pourcentages d'augmentation des prix à la consommation. Et cette étude-là a été calculée en détail par l'ADDS qui est un des membres du CRO.

M. Greason (Vincent): Moi, ce que je dirais par rapport à ça, en indexation, c'est que, quand, moi, j'étais à l'université, là, dans les années soixante-dix, il y avait comme un consensus par rapport aux transferts gouvernementaux vers des personnes dans le besoin. Ce qu'on m'a enseigné à l'université, c'est qu'il y avait comme un consensus autour d'une pleine indexation. L'idée, c'est qu'une personne qui reçoit ? tu sais, qui est dans la misère ? des transferts du gouvernement, que ce soit un chômeur, que ce soit une personne assistée sociale, que ce soit une personne âgée, que ce soit un enfant, le gouvernement s'engageait à ce que les transferts... que la personne ne perdait pas avec l'inflation.

À la fin des années quatre-vingt, début des années quatre-vingt-dix ? puis, au Québec, c'était vraiment le projet de loi n° 37 ? par rapport à l'indexation, ce qui arrive avec le projet de loi n° 37, c'est l'idée que ce n'était plus garanti, la pleine indexation des versements des transferts du gouvernement vers des individus. Là, on était dans une période où est-ce que l'inflation était beaucoup. Là, on a laissé à la discrétion du ministre puis à la disponibilité des fonds publics à savoir si on allait avoir pleine indexation, ou indexation partielle, ou aucune indexation des transferts des prestations d'aide sociale.

Alors, ça, c'était le projet de loi ou la loi n° 39. Moi, ce que je comprends, dans le projet de loi n° 57, tu sais, quand c'était pleine indexation, ça, c'était quasiment comme un droit reconnu, hein. Quand on est dans une situation où l'indexation relevait du désir du ministre, de son ouverture à ça et de la disponibilité des fonds publics, là, c'était plus... ça relevait de la chance, hein, ou un privilège quelconque. Mais, avec le projet de loi n° 57, le plan d'action plus particulièrement, quand le gouvernement nous dit que dorénavant, pour les personnes aptes au travail, ça va être juste une indexation partielle, quand, dans notre mémoire, on parle d'une structuration de l'appauvrissement, c'est ça qu'on veut dire, hein?

Il est insidieux, le projet de loi n° 57, parce que, là, tu sais ? je parle, O.K., je parle pour les gens qui vont me lire tantôt, puis pour vous, oui ? ce qu'on fait avec le projet de loi n° 57, c'est qu'on rend structurel l'appauvrissement des personnes aptes au travail parce que le ministre ne peut plus donner la pleine indexation, parce que c'est déjà décidé que c'est juste une indexation partielle, et ça, c'est très, très insidieux, là. Tu sais, quand on parle dans les années quatre-vingt d'un droit de pleine indexation, on passe par la suite à une indexation si on est chanceux puis si les fonds publics le permettent, mais là, de façon structurée et structurante, les personnes aptes au travail, là, elles vont s'appauvrir. C'est la volonté gouvernementale non pas de lutter contre l'appauvrissement, mais d'appauvrir une partie. En tout cas, c'est ce que je dirais.

M. Bouchard (Vachon): Et pourquoi la volonté gouvernementale irait-elle dans cette direction?

M. Greason (Vincent): Ah! Je ne suis pas le gouvernement.

M. Bouchard (Vachon): Merci, monsieur.

n(16 h 10)n

Le Président (M. Charbonneau): Bien. Alors, ça complète votre présentation. Je voudrais, au nom des membres de la commission, vous remercier, mesdames, monsieur, pour votre présentation et vos commentaires aux membres de la Commission des affaires sociales. Alors, merci et bon retour, et puis j'invite maintenant à la table la Fédération des femmes du Québec.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Charbonneau): Nous allons immédiatement engager la discussion avec les représentantes de la Fédération des femmes du Québec. Alors, bonjour, mesdames. Je présume que la présidente est ici, oui.

Mme Asselin (Michèle): Bonjour.

Le Président (M. Charbonneau): La nouvelle présidente. Bonjour, madame.

Mme Asselin (Michèle): Bonjour. Michèle Asselin, présidente de la Fédération des femmes du Québec.

Le Président (M. Charbonneau): Alors, vous pouvez présenter vos collègues, Mme Asselin, s'il vous plaît.

Fédération des femmes du Québec (FFQ)

Mme Asselin (Michèle): Oui. Alors, M. le Président, mesdames, messieurs, bonjour. Chacune de mes collègues va se présenter, si vous le voulez bien, brièvement, par un premier tour de table. Mais je voulais attirer votre attention: Cet après-midi, nous voulons ici porter la voix des femmes sur cette question très importante de l'aide sociale, et ce que nous affirmons ensemble, c'est que les femmes ont besoin du droit à la sécurité du revenu pour franchir la barrière de la pauvreté.

Mme Lacoursière (Danielle Carole): Mon nom, c'est Danielle Carole Lacoursière. Je suis sur le bien-être social et j'ai deux enfants. Et, pour l'instant, c'est ce que je peux vous dire.

Le Président (M. Charbonneau): D'accord, Mme Lacoursière.

Mme Lacoursière (Danielle Carole): Merci.

Mme Boissinot (Lyne): Je suis Lyne Boissinot, je suis présidente de L'R des centres de femmes qui regroupe 97 centres de femmes à travers la province de Québec. Je suis également coordonnatrice au Centre des femmes de la basse-ville, à Québec.

Mme Goulet (Nathalie): Bonjour. Mon nom est Nathalie Goulet, je suis la directrice du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail, le CIAFT, qui regroupe la très grande majorité des organismes qui aident les femmes, notamment prestataires de la sécurité du revenu, à réintégrer le marché du travail, et ce, à travers le Québec.

Le Président (M. Charbonneau): Et alors, j'imagine, Mme la présidente, que vous allez ouvrir la présentation, vous allez amorcer la présentation.

Mme Asselin (Michèle): Vous savez, le mouvement des femmes fait toujours les choses différemment. C'est ma collègue Nathalie qui va ouvrir.

Le Président (M. Charbonneau): Alors, moi, je n'ai aucun problème. Au total, à quatre, vous avez 20 minutes.

Mme Asselin (Michèle): Merci. Nathalie.

Mme Goulet (Nathalie): D'accord. Alors, on veut vous situer le contexte du marché du travail et aussi celui qui est relié aux femmes prestataires de la sécurité du revenu, brièvement, dans cette première portion d'exposé. Alors, malgré l'accord de principe du gouvernement québécois à l'égalité de droits entre les hommes et les femmes, il faut constater que l'égalité concrète n'est pas encore à la portée de toutes les femmes, et, dans le cas qui nous préoccupe, les femmes vivant de l'aide sociale en sont bien loin.

Malgré certaines avancées des femmes au plan de l'égalité, souvent fort médiatisées, une situation demeure: l'articulation famille-travail est encore l'affaire des femmes. En fait, on devrait plutôt parler de conciliation maternité-travail. Et, malgré des progrès au niveau du partage des tâches dans les familles où les deux parents travaillent, c'est encore majoritairement les femmes qui quittent leur emploi ou suspendent leur travail pour s'occuper des enfants. Ce sont elles aussi, souvent avec de jeunes enfants, qui sont les aidantes de leurs parents ou de leurs proches vieillissant ou malades.

Dans le cas des mères monoparentales, ce qu'on remarque, c'est qu'elles sont six fois plus pauvres que les familles biparentales et que leur taux d'activité est de 60 %. Les hommes monoparentaux avec enfants de moins de six ans connaissent même un taux d'activité supérieure aux femmes seules sans enfants. Ce sont aussi les chefs de famille monoparentale qui connaissent les taux de sortie les plus faibles de l'assistance-emploi. Ce sont aussi celles qui, avec les personnes seules, sont les plus nombreuses à n'avoir que l'aide sociale comme unique revenu. La prestation mensuelle moyenne pour les chefs de famille monoparentale était de 633,42 $ en avril 2004. De plus, les familles monoparentales regroupent près des deux tiers de tous les enfants du Québec vivant de l'aide sociale.

À l'âge de la retraite maintenant, les femmes sont beaucoup moins nombreuses que les hommes à disposer de fonds de pension, d'épargne-retraite ou de revenus de placement, elles sont beaucoup moins propriétaires que les hommes, et, dans le cadre de la Régie des rentes du Québec, la rente moyenne des femmes est 43 % inférieure à celle des hommes. Les femmes de 65 ans vivant seules connaissent un taux de pauvreté de 35 %, tandis qu'il est à 21 % chez les hommes.

Alors, quant au marché du travail, aujourd'hui, au Québec, en 2004, il est encore inégalitaire et inéquitable par rapport aux femmes. Le revenu d'emploi des femmes est encore de beaucoup inférieur à celui des hommes, et ce, dans tous les secteurs et professions. Les femmes immigrantes, handicapées, plus âgées connaissent une double discrimination également. Mentionnons une statistique très troublante qu'on vient de compiler à mon organisation: la moitié des travailleuses non syndiquées au Québec gagnent 10 $ et moins l'heure et 33 % gagnent 8 $ ou moins, et les femmes gagnent, encore aujourd'hui, 64 % du revenu annuel des hommes. Elles occupent toujours les deux tiers des postes à temps partiel et une majorité des postes temporaires. Le nombre de femmes travailleuses autonomes est aussi en constante progression, alors qu'il est en diminution chez les hommes.

Cet état de fait est exacerbé depuis plusieurs années par les tendances lourdes du marché du travail qui n'aident en rien à régler ces problèmes. Elles ont des conséquences graves sur les femmes, notamment les femmes monoparentales pour qui la conciliation famille-travail et la sortie de la pauvreté sont extrêmement difficiles. Qu'on pense à l'horaire de travail des employés, qui est de plus en plus atypique, car il est relié à la flexibilisation de la main-d'oeuvre exigée par les employeurs qui fonctionnent de plus en plus selon une production juste-à-temps et une offre de service de type 24/7, 24 heures par jours, sept jours par semaine. Une famille sur deux au Québec a au moins un parent qui travaille le soir, la nuit ou la fin de semaine.

Qu'on pense aussi à la précarisation des conditions de travail et du salaire. Les travailleuses non syndiquées sont celles qui ont connu la plus faible hausse de salaire depuis 1997, et les femmes forment 71 % des travailleurs au salaire minimum, et on observe un agrandissement de l'écart des gains entre hommes et femmes ces dernières années, ce qui est un phénomène nouveau et inquiétant. En ce sens-là, ce que nous préconisons, c'est que la Loi des normes du travail doit être grandement améliorée concernant la conciliation travail-famille de même que la Loi sur le salaire minimum.

Je passe maintenant la parole à ma collègue Chantale... à ma collègue Lyne, pardon.

Mme Lacoursière (Danielle Carole): Ah! C'est à moi? Bon, je vais mettre mes lunettes. En vieillissant...

Le Président (M. Charbonneau): On connaît ça, madame.

Mme Lacoursière (Danielle Carole): O.K. Je suis une mère monoparentale de 50 ans. J'ai deux enfants, 12 ans et 9 ans. Je fais du bénévolat, je vis du bien-être social et je m'appauvris de plus en plus. Quand les enfants vieillissent, ça demande encore plus que... puis il faut leur faire comprendre qu'on ne peut pas.

Je suis à Québec pour cause d'un enfant prématuré de 28 semaines, une bronchodysplasie cardiopulmonaire chronique sévère. Il est arrivé tellement d'avaries à mon fils que ce serait trop long à raconter. Voilà. Avant d'avoir ce fils, je voulais retourner aux études. J'y tiens toujours. Vos programmes ne sont pas adaptés avec mon jeune fils. J'ai fait... Excusez, je vais prendre un break.

J'ai fait des démarches plusieurs fois en demandant si je pouvais étudier autodidacte, rencontrer le professeur pour pouvoir avancer plus vite. C'est là que le bât blesse. Je me suis fait répondre: Donnez votre fils à l'État ou restez comme vous êtes ? la personne qui m'a répondu ça, j'ai fait une plainte au bien-être social ? car, si vous manquez souvent à cause de lui, vous seriez pénalisée. Mon fils a vécu son début scolaire à l'Hôtel-Dieu du Sacré Coeur à Québec. Alors, je crois que ceux qui sont ici puis qui connaissent Québec savent c'est quoi, l'Hôtel-Dieu du Sacré Coeur.

Vous avez fait des économies, au gouvernement, puisque je suis seule à faire face aux problèmes que mon fils occasionne. Il va à l'école Quatre-Saisons, cette année, à Limoilou. Quand mon fils se désorganise, dernier recours: maman, puis c'est comme ça depuis toujours. Je dois aller intervenir, l'amener à la maison. S'il doit y rester à cause de son plan d'intervention ou s'il brise quelque chose à l'école, je dois, comme parent responsable, payer ses dégâts.

n(16 h 20)n

Pourquoi, quand je demande de pouvoir étudier autodidacte à la maison, aller voir le professeur qui pourrait m'expliquer si je ne comprends pas... Je pourrais avoir de l'aide le soir, mais vos lois spécifient certaines heures. C'est ça, le programme. Tout ce qu'on fait, c'est s'appauvrir de plus en plus. Une chance que je viens d'une génération qui m'a appris à se débrouiller avec peu, que j'ai certains talents en couture et en cuisine. Je trouve ça dur. Je ne connais pas un patron qui va prendre en considération mes problèmes familiaux. Pour eux: Fais ta job, c'est la réponse que j'aurais, ou, comme certains m'ont dit: Placez votre enfant. Je ne suis pas irresponsable, je m'assume.

Je vois aussi autour de mon fils des parents qui, eux, abandonnent leur enfant à l'État parce que ça demande beaucoup, mais j'aime mon fils et je sais qu'il fait des progrès. Même on me dit que mon fils a fait des... que je me suis donnée à 300 % puis que j'ai réussi des choses que personne n'a jamais réussies. Cet enfant-là ne devait pas vivre au départ. Je ne serais pas supposée... On m'avait dit qu'il ne vivrait pas plus que trois mois. Si j'avais écouté la science... On m'a même demandé, à une période, si j'avais le courage de continuer puis... de le débrancher. Mais il est rendu à 9 ans et je le dois à beaucoup de personnes ? à des médecins ? je l'ai mis sur des cas de recherche. J'ai tout fait, même des fois des choses contre mon gré, que je n'aurais pas voulu prendre comme décision puis je les ai prises, puis j'ai tranché des fois avec des médecins. On va continuer.

Avec Jasmin, je fais faire des économies d'éducateur, de psychologue. Un certain temps, j'ai fait de l'ergothérapie, de l'orthophonie et bien d'autres. Il est sorti, après 11 mois et demi à l'hôpital, il est sorti sous oxygène à la maison avec un bouton dans l'estomac ? une gastrostomie qu'on appelle ? et je programmais une machine pour son gavage, et c'est moi-même qui lui changeais ses lunettes nasales. Alors, j'ai eu un cours de médecine, je sais plein de choses, mais je n'ai pas les diplômes pour aller avec.

Pour tout le monde... Je veux sortir du système, mais donnez-nous des moyens de nous organiser en conséquence de nos contraintes. J'aimerais ça que l'on puisse baisser vos salaires pour vous faire vivre les situations compliquées que l'on vit, voir comment vous allez vous en sortir pendant une période de temps indéterminée. Prenez en considération les cas de tous et chacun pour pouvoir trouver des solutions.

Je termine en disant: Moi, qui ai travaillé des 60 et 72 heures par semaine dans la restauration ? mais ce n'est plus ce que je voudrais faire ? ai été gérante de soir, avant mes fils, avant d'avoir ces enfants-là, vous m'auriez dit que je vivrais cette pauvreté, que je la côtoierais, j'aurais ri de vous, je ne vous aurais pas cru, personne. Maintenant, je comprends l'âme de cette souffrance. Si les demandes que j'ai faites aux agents avaient été acceptées, je ne serais pas ici, en train de vous parler. Merci de m'avoir écoutée. C'est tout ce que j'ai à dire.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, madame.

Mme Asselin (Michèle): Après cet émouvant témoignage, nous allons passer un peu dans l'analyse du projet de loi. Nous tenions à introduire notre sujet en vous parlant de la situation de pauvreté que les femmes vivent et pas seulement les femmes assistées sociales, mais vous décrire la situation des femmes et du travail, puisqu'on parle beaucoup dans le projet de loi d'intégration et même qu'on cible plusieurs programmes. Et nous voulions aussi témoigner des difficultés des femmes et du manque de reconnaissance du travail invisible qu'elles font, et je crois que le témoignage était éloquent.

Le projet de loi qui nous est proposé entend favoriser l'autonomie des personnes et des familles de même qu'inciter les personnes à s'insérer socialement, à s'intégrer au marché du travail, à participer activement à la communauté. C'est des objectifs avec lesquels on pourrait être d'accord. Cependant, l'article 2 ne prend pas en compte les activités que font déjà les personnes pour gérer le quotidien avec peu de ressources. Dans ce sens-là souvent, dans le projet de loi, on renforce des préjugés que les personnes ne font rien pour s'en sortir. De plus, nous, on veut souligner que prendre soin des enfants, des proches malades ou handicapés à la maison sont une contribution importante au bien-être collectif.

D'autre part, l'article 2 souligne que les personnes doivent agir pour transformer leur situation, alors que les articles 3 à 12 indiquent que le ministre pourra agir à son gré, par exemple offrir ou non des mesures et des services. Nous acceptons mal que les personnes les plus vulnérables aient des obligations et que le ministre n'en ait pas ou n'ait pas les mêmes qu'elles. Cela met en place un rapport de force qui se fait au détriment des personnes à l'aide sociale.

On aimerait aussi souligner que les femmes qui sont nées avant les années soixante ont vécu l'injustice liée au paternalisme des lois et des institutions patriarcales régissant la famille, le mariage et la citoyenneté où elles étaient considérées et traitées comme des mineures et des citoyennes de second ordre. Les mouvements féministes et leurs alliés ont mené des luttes épiques pour la reconnaissance et l'application du droit des femmes à l'égalité sociale, politique et économique. Nous rappelons à la mémoire de toutes et tous que la Loi de l'aide sociale adoptée en 1969 était fondée sur le droit aux revenus, quelle que soit la cause du besoin, et qu'elle a permis à de nombreuses femmes d'exercer une autonomie minimale en situation de dénuement ou de la recouvrer après avoir échappé aux violences et abus vécus en milieu familial. À notre avis, l'égalité des femmes passe entre autres par le droit à l'aide sociale fondé sur le besoin et qui garantit la couverture des besoins essentiels. Je repasse la parole à ma collègue Nathalie.

Mme Goulet (Nathalie): D'après nous, ce projet de loi manque de vision globale et il est muet sur les arrimages essentiels de l'aide sociale avec la politique de conciliation travail-famille à venir, avec les programmes et mesures d'intégration au marché du travail d'Emploi-Québec, avec les stratégies nationales que le gouvernement a adoptées envers la main-d'oeuvre, notamment la stratégie d'intervention à l'égard de la main-d'oeuvre féminine, enfin avec la reconnaissance des groupes communautaires d'aide à l'emploi, d'insertion sociale et d'économie sociale. Il faut une vision intégrée dans la politique et une application qui fasse appel à tous les partenaires sociaux.

On déplore aussi que, dans ce projet de loi, il y a une absence du droit à des mesures d'insertion et d'aide à l'emploi, incluant le droit de recours. Le budget de l'aide à l'emploi au gouvernement chute d'année en année. Je fais référence ici à l'article 8 où on parle de projets pilotes et d'ententes partenaires, alors que le réseau des groupes communautaires est de moins en moins financé d'année en année et sous des conditions de plus en plus restrictives, notamment par l'imposition des coûts forfaitaires dans la dispensation des services et aussi par l'abolition de certains services qui sont imposés aux groupes communautaires qui rejoignent des clientèles particulières à travers le Québec. À ce sujet, nous trouvons que les comités aviseurs d'Emploi-Québec devraient être consultés pour l'élaboration éventuelle de nouveaux programmes, de projets pilotes ou d'offres de services nouvelles.

On dénonce aussi le fait que les programmes ou mesures d'employabilité se fassent par règlement, avec des conditions dénormées qui créent une sous-catégorie de travailleurs. On ne peut accepter que les participants à ces mesures soient rémunérés et traités en deçà des conditions régies par la Loi des normes du travail. Le projet de loi est tout sauf la politique universelle qu'il devrait être. Il est aussi déplorable que les mesures d'insertion en emploi ne soient pas universelles et soient liées au statut de revenus des personnes. On vient renforcer une tendance à la catégorisation des prestataires selon des modalités distinctes définies par règlements distincts qui seront connus plus tard, lors de leur adoption par règlement. Cette catégorisation est néfaste, notamment lorsque vient le temps pour les groupes communautaires ? je me place de leur point de vue maintenant ? lorsque vient le temps pour eux d'aider les personnes à réintégrer le marché du travail. Ces groupes-là déplorent profondément cette catégorisation qui fait que sont restreintes leurs interventions de jour en jour. Les critères d'admissibilité aux programmes sont restrictifs: certaines mesures ne s'appliquent qu'aux chômeurs, d'autres qu'aux assistés sociaux. Tout cela fait que les groupes ne peuvent plus aider les femmes les plus éloignées du marché du travail, car elles ont besoin souvent d'un parcours plus long qui coûte plus cher et qui n'existe pratiquement plus. Rappelons aussi que, depuis la réforme du chômage, de moins en moins de femmes se retrouvent sur l'assurance-chômage et donc sur l'aide sociale, et sans parler aussi des femmes sans chèque qui ne sont rejointes par aucune mesure.

n(16 h 30)n

Alors, ce qu'on suggère globalement, quand il s'agit de l'offre de services d'Emploi-Québec notamment, nous voudrions que cette offre de services soit un véritable programme d'insertion sociale et professionnelle au lieu de demi-mesures qui s'appliquent à des catégories restreintes de partenaires. Ce programme général devrait être offert largement, comprendre des programmes de formation, de réintégration au marché du travail, de diversification professionnelle pour les femmes et aussi de longue durée, en impliquant, sur des ententes au moins triennales, les groupes qui interviennent auprès d'elles.

Mme Boissinot (Lyne): Je vais continuer, et ça se peut même que le ton change un peu. Moi, je travaille sur le terrain, au Centre des femmes. Je voudrais... Oui?

Le Président (M. Charbonneau): Je veux juste vous aviser que vous n'avez plus grand temps... Vous en avez pour combien de temps, d'après vous?

Mme Boissinot (Lyne): Au moins un trois minutes.

Le Président (M. Charbonneau): À trois minutes, on peut s'entendre.

Mme Boissinot (Lyne): C'est parfait. Merci beaucoup.

Mme Asselin (Michèle): Moi, je conclurai par vos questions, alors vous me poserez des questions sur nos conclusions.

Le Président (M. Charbonneau): Très bien.

Mme Boissinot (Lyne): C'est beau. Moi, j'arrive avec la prime de participation. Nous autres, on l'a appelée le prix de consolation. Est-ce qu'on peut s'entendre que la prime à la participation n'est pas la même chose que d'établir et garantir un barème plancher indexé annuellement au coût de la vie en vue d'assurer les besoins essentiels? La principale activité des femmes en situation de pauvreté, c'est d'assurer la survie quotidienne pour elles et leurs enfants, et, croyez-moi, ces femmes pourraient nous en montrer sur toutes les astuces qu'elles déploient pour y arriver.

Nous nous demandons aussi qui va gérer cette prime à la participation. Les femmes qui fréquentent nos organismes le font d'une façon volontaire, et nous assurons la confidentialité. Je nous imagine très mal remplir des rapports hebdomadaires ou mensuels sur les femmes qui auraient accompli une tâche d'implication. Est-ce que faire de l'accueil est aussi valable, entre guillemets, pour vous que de faire partie de l'organisation d'une activité en éducation populaire? Est-ce que mettre de l'ordre dans les livres de la bibliothèque, c'est aussi valable pour vous que de siéger au conseil d'administration? On s'inquiète, et nous trouvons que ça ressemble à du contrôle social. Puis je vous mentionnais que nous avons vraiment à coeur de préserver la confidentialité des femmes qui fréquentent le centre. Puis quel montant sera accordé pour cette prime-là? Est-ce qu'il y en aura pour tout le monde? Les personnes pourront-elles disposer d'un soutien de longue durée qui leur donnerait une véritable chance de s'insérer, de s'intégrer ou de participer?

On va passer à l'article 44. Vous comprenez bien, M. Béchard, qu'on ne pouvait pas passer à côté des personnes de 55 ans et plus qui jusqu'à maintenant avaient la garantie par la loi d'une allocation pour contraintes temporaires à l'emploi. Oui, je le sais, j'ai suivi plusieurs audiences, vous avez dit souvent que ça va être inscrit au règlement. Mais pourquoi ne pas l'avoir inscrit au projet de loi au départ? Vous connaissez mieux que moi toute la différence, puis toute la différence est là justement. Les règlements, ils peuvent être changés, puis le ministre aussi, il peut être changé. Pourquoi laisser ces personnes dans l'incertitude, dans l'arbitraire? C'est déjà assez difficile et stressant de vivre en situation de pauvreté. S'il vous plaît, rajoutez-en pas!

Le Président (M. Charbonneau): Une petite dernière.

Mme Boissinot (Lyne): Mon dernier article, 46.2°. Une petite gorgée avant. Merci. Les groupes de femmes et communautaires revendiquent depuis des années l'exclusion de la pension alimentaire pour enfants du calcul de la prestation d'aide sociale, considérant que ce n'est pas un revenu de travail mais plutôt une contribution parentale. Pourquoi la pension alimentaire est-elle encore considérée comme un revenu à l'aide sociale, alors qu'elle ne l'est plus ailleurs? Vous vous rappelez de la bataille menée et gagnée par Susan Thibaudeau. Pourquoi faire deux poids, deux mesures?

D'autre part, les femmes qui reçoivent une indemnité en tant que victimes d'agression sexuelle ou acte criminel, qu'on appelle IVAC, perdent leur prestation d'aide sociale dans le cadre de la loi actuelle. Le traumatisme causé par l'agression est souvent long à guérir et ce n'est pas en appauvrissant ces femmes qu'elles vont s'en sortir plus vite. Est-ce qu'on pourrait s'entendre que tous les montants qui assurent une compensation... une compassion ne devraient jamais être coupés?

Le Président (M. Charbonneau): Bien. Alors, ça conclut votre présentation.

Mme Boissinot (Lyne): Et c'est le temps.

Le Président (M. Charbonneau): Et voilà. Et même...

Mme Boissinot (Lyne): Mais poursuivons.

Le Président (M. Charbonneau): Évidemment, madame. Alors, la parole est d'abord au ministre.

M. Béchard: Oui, merci, M. le Président. Mme Lacoursière, merci de votre présentation, Mme Boissinot, Mme Asselin, Mme Goulet. Bienvenue, merci pour votre mémoire, votre document, et votre présence ici.

Je veux d'abord... parce qu'il y a un point sur lequel on n'a pas discuté, c'est... Vous posiez une question dans votre mémoire, à la page 10, au niveau des budgets pour Prime au travail et Soutien aux enfants, à savoir s'ils sont suffisants pour que tous les prestataires aptes au travail y aient droit. Je dirais que, oui, évidemment, c'est un programme qui est là et qui est là pour tous. Ce sont des mesures universelles, alors, oui, elles seront là.

Je ne veux pas refaire au complet la présentation complète sur les différences que je vois entre la loi n° 112, la loi n° 57 puis les questions des barèmes planchers versus la couverture des besoins essentiels, mais juste pour vous rappeler que, quand on a dit, à certains endroits dans votre mémoire, que le gouvernement n'a pas fait d'efforts ou qu'il y a une certaine vision du gouvernement que vous voyez là-dedans, je vais vous dire que je pense sincèrement qu'on a fait un certain nombre d'efforts; peut-être pas assez, je l'avoue candidement, je n'ai aucun problème à l'avouer. La lutte à la pauvreté, je n'ai pas la prétention et je ne pense pas que personne n'avait la prétention de penser qu'on pouvait la régler en un an, en un plan d'action et en un seul budget. Je pense cependant, sincèrement, qu'on a fait un certain nombre de petits pas.

Et je veux juste savoir quelques impressions de votre part au niveau de la prestation minimale. Pour vous, j'imagine que vous êtes d'accord avec le collectif, c'est au moins au niveau de la prestation pour les personnes avec contraintes sévères, c'est au moins là. C'est ça ou c'est plus? Ou comment vous le voyez?

Mme Asselin (Michèle): Alors, nous, on est d'accord avec le fait qu'il faut garantir des prestations qui couvrent les besoins essentiels. Effectivement, nous sommes tout à fait d'accord avec le collectif. Et vous dites: On doit faire des pas. Alors, nous, on est d'accord avec vous, mais il y aurait des pas à accomplir bientôt, là, parce qu'il y a des situations qui sont dramatiques. Vivre avec 533 $ par mois... Quand même le ministère de la Solidarité sociale, en 1996, disait que les besoins essentiels étaient à 667 $, vous comprendrez que, en 2004, minimalement, on devrait assurer la même prestation de base, et ça pourrait être un pas à faire très, très rapidement, donc ça devrait être urgent.

Il faudrait aussi, tout comme le collectif, le Front commun des personnes assistées sociales et de nombreux groupes, indexer les prestations de tous les prestataires, quels qu'ils soient. Pour nous, c'est là, quand on analyse votre projet de loi, que, nous, d'emblée, on dit: Il ne correspond pas du tout à la perspective de la Loi visant à lutter contre la pauvreté au Québec, et on devrait refaire les devoirs au complet et revoir à partir de la loi actuelle et engager un débat public. C'est dans ce sens-là qu'on intervient. Et d'ici là, oui, il y a des pas à accomplir et peut-être que d'avoir la même prestation, que cette prestation-là ne soit pas coupée...

Ma collègue parlait de l'IVAC; c'est odieux, une femme victime de viol qui reçoit une indemnisation pour avoir subi un acte criminel, on va lui retirer. Je sais que, cette semaine aussi, vous avez rencontré des groupes qui vous ont parlé que des victimes de l'Holocauste qui recevaient une indemnisation, on leur retirait. Mais ce qu'on vous dit, c'est: On ne veut pas une loi qui laisse de la compassion pour les victimes de viol, pour les victimes de l'Holocauste, mais pas pour les femmes monoparentales qui reçoivent une prestation pour leurs enfants... pas une prestation mais une pension alimentaire. On veut que toutes les sommes qui compensent ou qui sont versées de différents programmes ou autres doivent être conservées. On veut une vision globale et transversale. Et ce qu'on dénonce le plus, c'est que cette loi n° 57 nous ramène en arrière avec des mesures, des programmes spécifiques, des visions spécifiques, et on est totalement en désaccord avec ça parce que, pour nous, c'est un recul important.

M. Béchard: Sur l'évaluation de la prestation minimale, vous savez, moi, ce que je trouve le plus curieux, c'est qu'on a fait cette étude-là effectivement au ministère, c'est en 1996, je crois, qu'on...

Mme Asselin (Michèle): C'est ce qu'on mentionne, oui.

n(16 h 40)n

M. Béchard: Comme vous le mentionnez. Et l'effet que ça a eu, c'est que, dans les quatre années suivantes, on a gelé l'indexation. Alors, je le prends, je veux bien qu'on me reproche d'indexer à des niveaux différents, mais l'effet qu'il y a eu à ce moment-là, c'est qu'on a gelé l'indexation pour les personnes qui avaient des contraintes sévères. Alors, je comprends qu'aujourd'hui on puisse remettre en question les méthodes d'indexation, puis je suis d'accord avec ça, on est en consultation, on est, je pense, en débat public, de ce que j'en vois aujourd'hui, de ce que j'en vois depuis le début de la commission, c'est un débat public que nous faisons sur cette loi-là. Alors, moi, je vous le dis, on peut effectivement, au niveau de l'indexation, avoir certaines questions sur la façon de faire, mais je pense que c'est... Quand je vous parle des petits pas que l'on fait, bien je pense, selon moi, que c'est un pas qui est plus intéressant que d'avoir une indexation à zéro, comme ça a été le cas pendant quatre ans.

Mais je prends au vol, Mme la présidente, ce que vous mentionniez sur les programmes particuliers. Ce que j'en comprends de votre intervention, c'est qu'au niveau des programmes particuliers, entre autres au niveau d'Alternative jeunesse, vous avez de sérieuses réserves. Pourtant, je dirais qu'au niveau des programmes particuliers comme Ma place au soleil, comme Solidarité jeunesse, comme conciliation travail-études, ce sont des programmes qui fonctionnent, puis... Je ne le sais pas, je rencontre des gens qui y participent puis, probablement peut-être juste parce que je suis le ministre, qui me disent que ça va bien, mais ils le disent aussi à d'autres qui ne sont pas moi. Alors, c'est pour ça que je veux voir les... Est-ce que vous êtes contre la mise en place de programmes plus spécifiques ou particuliers pour répondre à certains besoins qu'on sent de plus en plus ou... C'est quoi, l'équilibre entre les deux que vous me proposez?

Mme Asselin (Michèle): Bien, au début de votre intervention, vous témoigniez que parfois le gouvernement fait preuve d'incohérence. Comme, par exemple, il dit que la prestation devrait être x, et il fait l'étude, puis après gèle. Pour moi, c'est une incohérence assez flagrante.

Pour le programme jeunesse, vous comprendrez qu'ici nous sommes des généralistes et que je n'ai pas une connaissance très pointue de ce programme dans tous ses détails. Ce qu'on dit, par exemple, c'est qu'on est inquiètes que ça pourrait être là encore le cas d'incohérences. On parle de programme jeunesse, mais en même temps on parle de couper les prestations pour les jeunes qui partagent le logement au sein de leur famille. Nous, ce qu'on veut, c'est que, dans les programmes, par exemple comme le programme jeunesse, qu'il y ait des droits de recours et que ça fasse partie de la... qu'on garantisse la prestation au même niveau pour tous et toutes, qu'ils participent ou pas à des programmes, et qu'on s'assure que, si on veut indexer les prestations et qu'il n'y ait pas... on dit même que ce n'est pas évident que partout il va y avoir les mêmes mesures, on ne garantit pas à tout le monde d'avoir accès à ces mesures, mais par contre on garantit à tout le monde que, s'ils ne sont participants, bien, leur prestation ne sera pas indexée à 100 %. C'est l'ensemble de ces incohérences-là sur lesquelles on voulait attirer votre attention.

M. Béchard: Sur, j'imagine, le fait qu'on enlève le régime des pénalités tel qu'il était avant et sur la mise en place de Soutien aux enfants, la mise en place de Prime au travail, je pense que vous n'avez pas de problème avec ces mesures-là.

Mme Asselin (Michèle): Bien, vous m'ouvrez la porte pour vous dire qu'on fait une critique très sévère, mais il y a deux articles qui sont inscrits dans la loi actuelle, qu'on maintiendrait. Il y a l'article 19 qui reconnaît la famille, dans la notion de famille, les couples de même sexe, les parents de même sexe liés par mariage, union civile ou union libre. Pour nous, bien c'est l'article qui témoigne d'une ouverture et d'absence de préjugés envers les familles. Alors là, on voulait le souligner. Et on souligne aussi l'article 49... quand même, on est capables de reconnaître là où il y a... Alors, l'article 49, bien, comme la majorité des groupes d'ailleurs ont souligné que c'est un article à maintenir, mais, pour nous, ce n'est pas le synonyme d'un barème plancher. Et par ailleurs on a parlé de la possibilité de saisir les chèques de loyer pour non-paiement. Alors, il y a plein... Cet article-là, on le souligne, mais il ne correspond pas à l'ensemble de nos attentes là-dessus.

M. Béchard: Mais, pour Soutien aux enfants et Prime au travail, ces deux mesures, même si elles ne sont pas... Parce qu'il faut faire attention, la loi n° 57 est un texte législatif. Il y a des lois fiscales, il y a d'autres éléments qui sont là.

Mme Asselin (Michèle): On l'avait souligné d'ailleurs quand ça avait été annoncé l'année passée, là, effectivement. Mais il faudra régler la question du programme APPORT. On s'en est déjà parlé. À ce moment-là, vous nous avez dit qu'il n'y aurait pas de perdantes. On espère qu'il n'y aura pas de perdantes non plus au niveau de l'aide sociale. Mais c'est mal parti.

M. Béchard: On est en train de trouver des solutions là-dessus.

Je vous dirais que vous faites, dans votre mémoire, une critique très dure en ce qui a trait aux mesures d'aide à l'emploi qui existent présentement. Vous dites que les mesures mènent plus souvent qu'autrement à un cul-de-sac, page 10, que les entreprises ne créent pas d'emplois avec des mesures actuelles, et en même temps vous nous demandez à ce qu'il y ait de ces mesures-là suffisamment pour tous et pour tout le monde. Sur l'analyse comme telle des mesures d'aide à l'emploi, est-ce qu'effectivement vous êtes en train de nous dire que les mesures actuelles ne sont pas efficaces? Parce qu'il y a toutes sortes d'études qui disent qu'effectivement ce sont des mesures qui, une fois que les gens ont passé à l'intérieur de ces mesures-là, ont un impact positif, autant en termes de retour sur le marché du travail, en termes de réinsertion sociale. Alors, c'est pour ça que je... Tout n'est pas noir, j'imagine, là, dans ce que vous présentez là-dessus.

Mme Asselin (Michèle): Avant de passer la parole à ma collègue Nathalie, je voudrais dire aussi: Peut-être que vos études, trop souvent, ne font pas d'analyse différenciée selon les sexes. Ça, ce serait important, ça faisait partie de la conclusion que je voulais apporter, là. Et, dans vos études, il faudra voir aussi: Est-ce qu'on étudie les impacts différemment pour les hommes et les femmes? Mais Nathalie va poursuivre.

Mme Goulet (Nathalie): Pour les programmes comme tels, ce qu'on critique davantage, c'est l'accès des personnes à ces services, l'accès des femmes aux services en emploi. Ce qu'on remarque au CIAFT, c'est que, d'année en année, les groupes communautaires d'aide à l'emploi pour femmes ? d'abord, ils étaient une trentaine à travers le Québec, il en reste à peu près à peine une vingtaine ? voient leurs interventions standardisées par Emploi-Québec. Ce sont des groupes qui oeuvrent sur le terrain, qui ont des missions, qui ont une expertise, qui existent depuis 30 ans souvent et qui voient la portée de leurs interventions, avec un grand déchirement, là, se restreindre d'année en année.

La qualité des services est impossible à maintenir, les interventions sont standardisées, les expertises féministes sont menacées, la politique de reddition de comptes est de plus en plus difficile, même que le retour à l'école ou en formation n'est plus considéré comme un résultat attendu des services spécialisés. En tout cas, il y a des tas d'affaires qui tombent d'année en année. Et je ne parle pas des coûts forfaitaires, je sais que ça a été négocié, là, par les réseaux et les différentes associations. Mais il y a beaucoup d'organismes dans lesquels il va y avoir un débat de mission cette année ou l'année prochaine, parce que les coûts forfaitaires tombent sur des services qui sont leur spécialité et qui touchent les prestataires d'aide sociale avec des parcours plus longs, des approches collectives souvent qui ont donné de bons résultats.

La panoplie des services est réduite justement dans les groupes notamment pour les métiers non traditionnels, et on voit aussi une inéquité entre les régions. Les organismes épargnés par les coupures les plus sévères sont ceux des grandes villes, qui ont un bassin de clientèle suffisant pour que les coûts forfaitaires puissent s'appliquer, alors que... Donc, c'est toute l'universalité des services et l'accès pour les femmes prestataires de l'aide sociale dans les régions qui est compromis, et c'est ça qu'on dénonce.

M. Béchard: Je veux juste amener un point, parce que, j'imagine, le temps file. Oui? Alors, je reconnais ce signe-là, M. le Président.

Le Président (M. Charbonneau): Ça me rappelle une autre époque.

M. Béchard: Juste pour vous dire: Au niveau des mesures d'aide à l'emploi, dans la recherche qui a été faite par chercheur Lacroix, de l'Université Laval, et SOM, on a demandé à ce qu'il y ait une étude, une analyse plus fine par sexe, justement, et ce qu'elle dit, c'est qu'il y avait peu de différences détectées, sinon un léger avantage pour les femmes. Puis c'est une étude, là, je vous dis juste... Peu importent les conclusions, on peut être pour, on peut être contre, je vous dis juste que ça fait partie de la sensibilité qu'on a, là, d'y arriver de plus en plus à avoir des études différenciées selon le sexe.

Autre point. Mme Boissinot, vous avez parlé de la prime à la participation, et, moi, j'ai besoin de vous, je veux savoir ce que vous en... Parce que prime à la participation, là, les gens disent: Le ministre arrive avec un projet de loi, il arrive, c'est là, c'est attaché, ça va être ça. Prime à la participation, là, je vous dirais qu'on a les montants, les sommes sont là, et je vous dirais qu'il n'est pas question pour moi d'en faire une forme de contrôle social ou quoi que ce soit.

Si vous étiez moi, vous le mettriez comment en place, prime à la participation? Quelle serait votre suggestion? Parce que ce qu'on veut reconnaître, c'est la participation communautaire, la participation dans différentes activités. Aux questions que vous me posiez: Est-ce que c'est plus important de placer des livres que d'être sur le conseil d'administration?, disons que les deux sont d'égale importance dans la vie des gens qui le font, et prime à la participation, c'est ça qu'on veut reconnaître. Alors, dites-moi comment mettre en place ce programme-là de la façon la plus simple, la plus efficace possible, et, si ça ne marche pas, je pourrai dire que c'est votre faute, puis, si ça marche, je vais dire que c'est grâce à vous.

n(16 h 50)n

Mme Boissinot (Lyne): Vous avez bien écouté, je vous félicite. Vous, vous les avez, les chiffres, mais, nous, on ne les a pas. Si on avait les chiffres, on pourrait peut-être en discuter...

M. Béchard: Les chiffres, c'est...

Mme Boissinot (Lyne): ...mais, moi, je ne les ai jamais eus, les chiffres, je ne les ai pas. Ils sont peut-être dans le règlement.

M. Béchard: Non, ils sont dans le plan de lutte à la pauvreté, c'est 59 millions à terme, 129 millions sur cinq ans. Et, moi, j'ai mis prime à la participation, je souhaite qu'on aide les gens qui participent pour reconnaître ça dans leur milieu communautaire. Et je n'ai pas d'idée préétablie là-dessus. Dans les suggestions, on prévoyait entre 130 $ et 150 $ par prime. Si vous me dites qu'on devrait le baisser pour en donner à plus de monde, je n'ai aucun problème avec ça. Je veux entendre vos suggestions là-dessus.

Mme Asselin (Michèle): Mais les primes à la participation devraient s'ajouter à la couverture des besoins essentiels, et c'est...

M. Béchard: Donc, qu'il n'y ait pas de prime à la participation.

Mme Asselin (Michèle): Oui, mais on doit aussi... Admettez-le avec nous, là, il faut voir comment on va garantir la couverture des besoins essentiels, et on ne veut pas de programmes ciblés, de mesures ciblées qui font en sorte qu'on va entraver ce droit fondamental à la sécurité du revenu pour toutes et tous. Et les primes à la participation doivent être liées avec l'accès à des mesures d'emploi justes et équitables partout à travers le Québec. Et on vous dit qu'il y a des difficultés là-dessus, que l'offre de services ne répond pas aux besoins et qu'elle ne tient pas compte des difficultés des femmes à intégrer le marché du travail.

Donc, ce qu'on vous dit, ça prend une vision globale importante pour comprendre pourquoi les femmes ont des contraintes à intégrer le marché du travail. Il y a des choses à faire au niveau du marché du travail et, dans ce cas-là, au niveau de l'aide sociale, qui est une des mesures importantes pour les femmes d'atteindre une sécurité du revenu, il ne faut pas que ces besoins essentiels fassent partie d'un marchandage entre participer ou pas et que les primes à la participation doivent s'ajouter quand on a un revenu décent.

Le Président (M. Charbonneau): Bien. M. le député de Vachon, à votre tour.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Asselin, Mme Goulet, Mme Boissinot, que je retrouve après plusieurs années ? on s'est connus alors que mes enfants fréquentaient les services de garde, ils ont bien grandi grâce à vous ? et Mme Lacoursière. Peut-être une petite remarque à propos de votre témoignage, Mme Lacoursière, il m'a profondément touché et touché beaucoup de gens ? je suis persuadé ? ici.

Mme Lacoursière (Danielle Carole): ...ce n'est pas une question...

M. Bouchard (Vachon): Non, je sais.

Mme Lacoursière (Danielle Carole): ...d'essayer de vous toucher, mais...

M. Bouchard (Vachon): Non, je sais, mais ce que je veux... Permettez-moi de continuer, si vous permettez. Il m'a profondément touché, mais en même temps il m'a bien informé du système dans lequel vous vous retrouvez et qui m'apparaît un système d'une complexité inouïe, qui demande aux gens d'atteindre un niveau de dénuement incroyable avant qu'on puisse arriver à les aider, qui m'apparaît en même temps un système qui stigmatise les personnes, qui est d'une très grande inefficacité pour des personnes qui ont de très grands besoins et qui ne couvre pas les besoins essentiels tant au niveau monétaire qu'au niveau des services qu'on offre aux personnes. Et ma crainte très franchement, à partir de votre témoignage mais aussi à partir de beaucoup d'autres informations que nous avons eues durant cette commission, c'est que le projet de loi n° 57 ne vient pas corriger ça. Et je pense que c'est ce que vous rappelez par votre présence, par les informations que vous nous amenez et en même temps par le ton que vous donnez à cette information à tous les gens qui sont autour de cette table. Alors, je vous remercie pour ça, Mme Lacoursière.

Ceci étant dit, je veux revenir sur la question de l'indexation parce que ça a été souvent souligné ici, on confond l'indexation avec des primes à la participation, etc., les gens disent: Écoutez, assurez-nous d'abord d'une couverture ou d'un barème plancher inattaquable et ensuite voyons pour les primes à la participation. Et les gens nous disent: Finalement, l'indexation partielle vient attaquer même le concept d'un barème plancher, puisque la prestation va diminuer d'année en année pour les personnes qui sont considérées aptes au travail.

J'ai bien entendu, depuis plusieurs fois, le ministre rétorquer à cela ? puis je vous en informe parce que vous n'avez pas suivi toutes les délibérations, là ? que c'est mieux un demi que zéro, le ministre référant à quatre années où le gouvernement précédent avait annulé les indexations. Et il me semble que, si on est législateurs et qu'on déplore cela, c'est une raison de plus pour inscrire dans la loi n° 57 une obligation d'indexation automatique à sa valeur pleine des prestations. On ne peut, quand on est législateur et qu'on a le pouvoir, déplorer des situations qui ont eu lieu avant et ne rien faire pour les corriger définitivement alors qu'on a le pouvoir de le faire. Alors, vous nous donnez l'occasion, par vos recommandations, de souligner ça devant tout le monde et de dire: Il n'y a personne qui va défendre les annulations d'indexation, il n'y a personne non plus qui est en mesure de défendre les demi-indexations et il n'y a personne qui est en mesure de défendre la passivité du législateur lorsque lui-même reconnaît que ce sont des erreurs. Alors, voilà pour la mise au point.

En ce qui concerne maintenant la bonne nouvelle. Je vous mets tout simplement devant l'information suivante, c'est que j'ai demandé au ministre, à propos de l'article 49, de bien examiner à savoir si cet article avait une portée générale ou une portée spécifique. Parce que vous noterez que l'article 49 est niché dans le Programme d'aide sociale, et on pourrait faire une interprétation à l'effet qu'il n'est spécifique qu'à ce programme et qu'il ne s'applique pas à Alternative jeunesse et aux programmes spécifiques du chapitre IV. Alors, je vous en informe et j'ai demandé au ministre qu'on puisse le retrouver davantage dans les dispositions communes. Ce n'est pas pour atténuer votre plaisir, là, mais tout simplement pour faire en sorte que nous soyons tous conscients, là, d'un certain nombre de limites qu'on pourrait voir à l'application du 49.

Mme Asselin (Michèle): Vous comprendrez qu'on n'est pas des juristes spécialistes, et la portée de l'article 49, nous, quand on l'appuie, c'est dans son sens. Alors, espérons qu'on va avoir du bon sens partout.

M. Béchard: ...

Mme Asselin (Michèle): C'est noté, j'imagine.

M. Béchard: Ah! C'est plus que noté, il s'applique partout.

M. Bouchard (Vachon): Non, ce n'est pas noté parce que le ministre n'a pas dit ces paroles-là dans le micro, mais...

M. Béchard: Bien, je vais le dire dans le micro. Est-ce que je peux les dire dans le micro?

M. Bouchard (Vachon): Le ministre vient de dire de ne pas nous inquiéter, qu'il va s'appliquer partout.

M. Béchard: Je vais les dire dans le micro. L'article 49, là, ce n'est pas 80 % des chances qui s'applique, c'est 100 %, et il s'applique partout, à Solidarité... à Alternative jeunesse, à l'aide sociale.

M. Bouchard (Vachon): Je n'ai pas donné mon consentement. Alors donc, si le ministre dit qu'il s'applique partout, c'est qu'il va s'organiser pour que la rédaction de l'article soit en cohérence avec son intention. Donc, ça va apparaître dans les dispositions qui permettent à cet article d'avoir une portée générale et non pas une portée seulement sur le Programme d'aide sociale. Alors, nous venons de faire un autre pas en avant. C'est magnifique. Oui?

Une voix: ...vous allez être pour?

Mme Asselin (Michèle): Oui, bien, des pas en avant, mais il y en a plusieurs de recul. Je voulais souligner votre mise au point sur l'indexation annuelle complète de toutes les prestations et je crois que là-dessus il devrait y avoir un engagement. Et, quels que soient les gouvernements qui ont précédé, c'est odieux de ne pas indexer des prestations qui sont déjà... tout le monde s'entend, ne couvrent pas les besoins essentiels. Alors, il n'y a aucun argument qui peut justifier qu'on n'indexe pas toutes les prestations.

M. Bouchard (Vachon): Alors, M. le Président, tout simplement ajouter à votre réflexion, à votre analyse, le fait que... enfin, vous êtes bien au courant, là, que cette demi-indexation, si elle devait s'appliquer durant plusieurs années baisserait graduellement le niveau de prestations, y inclus pour les personnes avec contraintes temporaires à l'emploi dont les mères de famille monoparentale avec enfants de moins de cinq ans.

Mme Asselin (Michèle): C'est totalement odieux.

M. Bouchard (Vachon): Alors, une des recommandations que vous faites en page 14 et ce que vous souhaitez, c'est que finalement... bien, je comprends que vous voulez le retrait du projet, là, de telle sorte à ce qu'on puisse réaborder le problème autrement, dans une perspective où on ferait la distinction entre la finalité de l'aide financière, dites-vous, et celle de l'aide à l'emploi. Ça, c'est votre un, deux, troisième, quatrième, cinquième, sixième point dans votre sous-titre: Le retrait du projet de loi n° 57. Est-ce que vous voulez un petit peu élaborer là-dessus, Mme Asselin?

n(17 heures)n

Mme Asselin (Michèle): Effectivement, et c'est un peu la même réponse que je faisais aux primes à l'emploi. Pour nous, c'est très important que l'aide sociale, la sécurité du revenu, et c'est une question de droits, de droits humains, de respect, de solidarité sociale... On a les moyens, au Québec, et on doit s'assurer que toutes les personnes, toutes les femmes et les hommes aient suffisamment de revenus pour couvrir leurs besoins essentiels. Ça, c'est une chose. L'intégration à l'emploi, c'est certainement un objectif très important où on doit travailler et mettre ensemble toutes les énergies, mais on ne doit pas faire des vases communicants ou pénaliser les unes et les autres selon les mesures ou une perspective d'intégration à l'emploi. Et souvent ce qu'on perpétue en ayant cette approche, c'est qu'on lance un message que les personnes ne font pas les efforts qu'il faut pour s'en sortir et que l'État ou le gouvernement reproduit des préjugés qui sont très durs envers les personnes assistées sociales.

Vous savez, j'ai eu l'occasion, moi, à plusieurs reprises, de participer à des lignes ouvertes sur les questions relatives à l'aide sociale et je peux vous dire que j'ai participé à d'autres lignes ouvertes parfois aussi contre les féministes, etc., mais les plus durs préjugés sont envers les personnes assistées sociales, et nous voulons vous mettre en alerte là-dessus. Il nous apparaît que le projet de loi va renforcer plusieurs préjugés et n'améliorera pas la condition de vie des femmes assistées sociales et de toutes les personnes qui doivent avoir recours à ce revenu.

Le Président (M. Charbonneau): Mme la députée...

Mme Caron: Il reste combien de temps?

Le Président (M. Charbonneau): Il vous reste encore...

Mme Caron: Oui? Merci, M. le Président. Alors, je pense que, par votre mémoire, vous rappelez bien l'importance d'une vision globale intégrée. Vous venez de le rappeler aussi. Et je rappellerai que, quand on a travaillé sur la lutte à la pauvreté, il y avait une stratégie de lutte à la pauvreté pour avoir cette vision globale, suivie d'un projet de loi puis qui suivait d'un plan d'action. Mais c'était très clair qu'il ne faut pas oublier la partie stratégie, parce que c'est ça qui va assurer la cohérence.

Vous rappelez à juste titre l'importance d'une stratégie d'intervention à l'égard de la main-d'oeuvre féminine parce que c'est extrêmement différent, se réintégrer à l'emploi. C'est la même chose au niveau du décrochage scolaire. De réintégrer les personnes au niveau scolaire, c'est différent au niveau des femmes, et il y a toujours cette contrainte au niveau de la famille, qui se retrouve là.

Vous rappelez à juste titre les discriminations systémiques vécues par les femmes, discrimination salariale, toute la question de l'arrêt de travail pour les causes familiales, et je pense que le témoignage de Mme Lacoursière rappelle ces obligations-là qui sont vécues au quotidien et cette non-reconnaissance de la valeur du travail réel des femmes. On dit du travail invisible, mais c'est un travail qui est là, là. Il est bel et bien là, mais on n'en reconnaît pas la juste valeur.

Alors, vous nous avez fait une demande tantôt à l'effet de présenter vos recommandations, de pouvoir les présenter. Moi, je vais vous donner ce temps-là, mais j'ai aussi senti à quelques reprises tantôt que Mme Lacoursière souhaitait peut-être intervenir. Alors, dans un premier temps... Alors, moi, je ne reviendrai pas, là, à moins qu'il reste d'autre temps pour une question, mais j'aimerais entendre Mme Lacoursière, qui voulait nous passer un autre message, ça m'apparaissait clair, et vos recommandations.

Mme Lacoursière (Danielle Carole): Vous savez, on dit: Les contraintes à l'emploi et les non-contraintes à l'emploi. Le cas que je vis ? parce qu'ils ont le dossier de mon fils ? j'aimerais ça dire que je ne suis pas "contraintes à l'emploi". Mais, quand on regarde... À part que, quand il faut que j'aie un papier médical, puis là j'ai été opérée ou quelque chose, ou qu'il arrive de quoi puis, à travers ça, il faut un papier qu'on remplit: Bon, bien, Mme Lacoursière, causé par la situation, elle vit quelque chose de dépressif ? mais je ne suis pas dépressive, parce que je tiens le coup ? mais ça devient une contrainte à l'emploi. C'est ça que ça prend pour que je puisse ne pas avoir de pénalité. Mais j'ai eu la contrainte à l'emploi causée par la situation médicale de mon fils, par exemple. Puis je me le fais dire: Ça, ça ne compte pas, Mme Lacoursière.

Il n'y a aucun gouvernement, depuis le début... Mais ce n'est pas juste moi. Vous l'avez fait avec plusieurs personnes. Combien d'économies vous faites sur notre dos, à tout ce monde-là, là, qu'ils prennent pour les enfants ou même ceux qui travaillent? Puis il y en a même, des fois, qui sont obligés... Ils auraient besoin de vivre, mais ils n'ont pas le choix, ils sont obligés de se retrouver à rester... Mais vous ne faites rien personne. C'est ça que je voudrais vous dire. Essayez donc, cette fois-ci... Je ne suis pas venue ici pour le plaisir, parce que je trouve que de venir devant vous autres, c'est m'humilier et me mettre à genoux. Et je ne suis pas le genre à me mettre à genoux devant personne. La seule personne que je vais me mettre à genoux, c'est devant le bon Dieu. Alors, c'est ça. C'est ça.

Le Président (M. Charbonneau): Je veux juste vous dire, madame, que, comme citoyenne, vous êtes ici devant les gens qui vous représentent et vous êtes la patronne parce que la citoyenneté, ça commence par les gens du peuple. Alors, sentez-vous à l'aise.

Mme Lacoursière (Danielle Carole): Bien, c'est ce que je me dis. Mais le monde... ça fait longtemps. Je viens vous dire ce que tout le monde dit mais qu'ils n'ont pas eu le courage de venir vous dire à personne. Je suis du genre assez direct, je n'ai pas besoin que personne dise les choses pour moi.

Le Président (M. Charbonneau): Très bien. Alors, il vous reste encore quelques minutes, madame, pour...

Mme Asselin (Michèle): Nos recommandations...

Le Président (M. Charbonneau): C'est ça.

Mme Asselin (Michèle): ...vous savez, elles sont en ligne directe en appui avec le Collectif pour un Québec sans pauvreté dont la Fédération des femmes est un membre très actif.

Alors, notre première recommandation, c'est le retrait du projet de loi n° 57 et des amendements à la loi actuelle; le maintien des acquis inscrits dans la loi actuelle, particulièrement on est préoccupées des personnes de 55 ans et plus; l'indexation annuelle complète de toutes les prestations; l'instauration d'une prestation minimale couvrant les besoins essentiels et protégée de toute coupure ou saisie y compris pour les loyers; l'abolition des pénalités pour refus de mesures ou d'emploi; la possibilité pour l'ensemble des prestataires de garder leur maison et leur voiture et d'avoir accès à un coussin d'épargne plus élevé qu'en ce moment; l'exemption totale de la pension alimentaire reçue pour un enfant de revenus considérés pour le calcul de la prestation; la reconnaissance du droit à des mesures d'insertion et d'aide à l'emploi, incluant le droit de recours ? on parle de droit, pas d'accès à des services aléatoires; l'élargissement de la notion de gain permis afin de permettre de cumuler des revenus de soutien autres que des revenus de travail ? on parle de la RRQ, CSST, IVAC et d'autres programmes; et finalement un débat public mettant à profit l'expertise des personnes en situation de pauvreté, débat, on peut vous garantir, auquel nous contribuerions.

Le Président (M. Charbonneau): Bien. Alors, je... Là, on a été tolérants un peu, aujourd'hui, pour permettre aux citoyens de s'exprimer d'une autre façon, mais il y a des limites, malgré tout, là. Alors, il ne reste plus de temps pour les interventions, là. Je voudrais, au nom de tous les membres de la commission, vous remercier, mesdames, pour votre participation à l'exercice de consultation publique que nous effectuons. Bien, écoutez, bon retour à la maison et puis merci encore une fois.

n(17 h 10)n

Alors, j'invite immédiatement, pour ne pas perdre de temps, la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Charbonneau): Alors, nous allons poursuivre immédiatement. J'invite nos collègues à reprendre leurs sièges. Alors, nous recevons maintenant la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec. Alors, mesdames, bienvenue, bon après-midi. Je pense que vous connaissez aussi les règles du jeu. Vous avez 20 minutes pour présenter votre point de vue, en fait vos points de vue. Mme Lévesque, directrice générale, c'est vous qui dirigez la délégation?

Mme Lévesque (Sylvie): Oui, je vais le faire.

Le Président (M. Charbonneau): Alors, j'aimerais bien que vous présentiez les dames qui vous accompagnent, et puis nous allons commencer.

Mme Lévesque (Sylvie): Oui. Nous, on n'aura pas un public aussi grand que la Fédération des femmes du Québec.

Le Président (M. Charbonneau): Ça va éviter des problèmes avec certains de mes collègues.

Fédération des associations
de familles monoparentales et
recomposées du Québec (FAFMRQ)

Mme Lévesque (Sylvie): Non, mais je pense qu'on a quand même des choses à dire. Bonjour. Sylvie Lévesque de... ? vous avez bien dit le nom de la fédération, alors je ne le répéterai pas, donc on va gagner des minutes ? directrice générale. Il y a Ginette Boisvert aussi qui est avec nous, qui est membre de la fédération et qui travaille aussi à Parent unique Limoilou, qui est un groupe de Québec, et Lorraine Desjardins qui est aussi à la fédération, qui... On va faire chacun un petit bout aussi de la présentation du mémoire.

Alors donc, effectivement, j'aurais le goût de commencer un peu avec la citation de M. Marois qui est aussi venu, je pense, cette semaine, de la Commission des droits de la personne, laquelle on a mise dans notre mémoire, qui, je pense, en tout cas pour nous est importante et aussi décrit bien la situation particulière des familles monoparentales évidemment, dans laquelle elles se retrouvent, en majorité sur l'aide sociale. Donc, je vais la relire parce que je pense que c'est important de commencer par ça. Alors: «La pauvreté constitue une violation des droits. Nous avons tous le devoir de hausser le ton face à la persistance et à l'aggravation de la pauvreté. La pauvreté n'est pas un inconvénient regrettable. C'est un déni de droit. Elle doit nous faire honte et être abolie.»

Donc, effectivement, je pense que la finalité... et je pense que tout le monde vise ça dans la vie. Personne, je pense, ne choisit, que ce soit un enfant ou une famille, d'être dans la pauvreté. Et particulièrement les familles monoparentales, lesquelles on représente aujourd'hui, se retrouvent aussi très longtemps sur l'aide sociale, sur la sécurité du revenu pour des raisons... On parlait tantôt que l'enfant, c'est des contraintes. Moi, je pense plutôt que c'est un projet de vie, d'avoir un enfant et une famille. Mais malheureusement, quand des fois on est en situation de monoparentalité, souvent on se retrouve dans des conditions difficiles, et c'est un peu ce à quoi on a travaillé dans le mémoire.

Nous, on n'a pas voulu commenter article par article le projet de loi, d'autant plus qu'on est un peu comme le collectif et d'autres groupes, on demande le retrait du projet de loi. Alors, on est allé plus sur les choses qui concernent plus directement des familles monoparentales. Alors, c'est évident que, pour nous aussi, on considère que le projet de loi n° 57 va être très dommageable pour l'ensemble des gens et aussi pour les familles monoparentales. Alors, on est plus dans l'optique de dire qu'il faudrait plutôt bonifier la loi actuelle et aussi aller plus dans un sens d'amélioration des conditions de vie des familles monoparentales, plutôt que d'aller vers un projet de loi qui va aussi perpétuer les préjugés et faire en sorte qu'on pense que, parce qu'on est sur l'aide sociale, les gens ne sont pas capables de rien faire, alors qu'on sait que des familles monoparentales, entre autres, souvent utilisent les mesures à leur maximum mais se retrouvent souvent dans des cercles vicieux parce qu'à un moment donné, justement à cause que ton enfant est malade, bien, souvent tu te retrouves dans des conditions de travail difficiles, alors ça fait en sorte qu'on ne réussit pas à s'en sortir.

Alors, d'ailleurs, Ginette va pouvoir plus vous donner la situation concrète qui est vécue par les familles monoparentales de sa région, mais aussi de l'ensemble du Québec.

La Présidente (Mme Caron): Mme Boisvert.

Mme Boisvert (Ginette): Bon. Alors, c'est sûr qu'à quelque part, quand on regarde la troisième recommandation du mémoire, on dit que l'exemption totale de la pension alimentaire reçue pour un enfant du revenu considéré pour le calcul de la prestation de la sécurité du revenu... Moi, je ne vous parlerai pas beaucoup de cette belle perspective-là, je pense qu'à quelque part c'est fondamental, mais je vais vous parler, par exemple, de ce que je vois comme conséquences dues au fait à quelque part que souvent, souvent ces familles sont très, très appauvries par le fait que la pension alimentaire, elle est sur le calcul du montant reçu par la sécurité du revenu. Je pense que ça amène les gens avec qui on travaille à faire des choix de vie des fois qui sont questionnants, des choix de vie quelquefois inadéquats puis des choix de vie qu'elles ne feraient pas si à quelque part elles n'étaient pas nécessairement en situation de pauvreté aussi flagrante.

La pension alimentaire, pour moi, dans ma tête, ça a toujours été là et mis en place pour maintenir la qualité de vie des enfants après une rupture, et ce n'est peut-être pas exactement comment je le définirais actuellement quand je le vois vivre. Je trouve qu'on met des parents en situation des fois d'accomplir du travail au noir, ce qui fait qu'à quelque part, souvent, souvent, ça fait vivre de la peur, ça fait vivre beaucoup, beaucoup d'isolement parce qu'on s'éloigne du réseau, on a peur d'être pris au piège.

Ça amène aussi, souvent, souvent ? et j'ai une situation en tête quand je vous en parle, là ? un parent à travailler à n'importe quel prix. J'ai vu un parent qui, pour sortir de la sécurité du revenu, s'est mis à travailler mais de façon, là, je dirais, continue, à des heures inadéquates, lever les enfants à 4 heures le matin pour être au milieu du travail à 7 heures, maintenir ce rythme-là pendant deux ans, trois ans. Et qu'est-ce qu'il est arrivé au bout de ça? Bien, elle a croulé. Des problèmes de santé mentale ont émergé, ça a été très difficile, et elle n'en est pas encore sortie.

C'est aussi à quelque part tout le... Moi, je pense, si le minimum plancher était assuré pour les minimums vitaux, bien peut-être qu'il y aurait moins de succès dans les banques alimentaires, et ça aussi, bien, peut-être que ce serait le fun pour la population. Parce qu'imaginez-vous, moi, je travaille pour le bien-être des enfants, puis, quand je vois des enfants qui voient leurs parents à toutes les semaines aux banques alimentaires, ce n'est pas que je juge, mais je me dis à quelque part: Ouf! On s'en va où, là?

C'est aussi ce que je perçois dans ma clientèle, l'établissement des relations sauvetage. Ce qu'on appelle une relation sauvetage, c'est: des fois, la sélection ou des critères de sélection vis-à-vis d'un nouveau partenaire ou nouveau conjoint sont bien bas, hein, parce que ce qu'on veut, c'est: Amène des sous. Je ne suis plus capable! Alors, toutes ces pressions financières là, moi, je trouve que c'est difficile.

C'est les conflits aussi entre les ex-conjoints parce que monsieur ou madame n'arrive pas puis là, à la fin du mois, va solliciter l'ex en lui demandant: Peux-tu arrondir la fin de mois? Mais arrondir la fin de mois, le monsieur, la madame se sent souvent, souvent comme, je dirais, harcelé, et ça finit en conflits, et c'est encore les enfants qui paient la facture.

C'est aussi ? et ça, je l'ai vu dernièrement ? la prostitution, qui souvent guette certaines femmes, certains hommes. Et on a eu un cas très, très, très percutant cette semaine, très dommageable, en tout cas, moi, je suis encore tout ébahie. Je veux dire, un enfant qui s'aperçoit que sa mère fait de la prostitution parce qu'elle veut lui assurer la qualité de vie un peu mieux, c'est rare qu'il va le crier dans les rues, hein? C'est rare qu'il est fier de ça. Alors, lui aussi vit à quelque part les conséquences de ça.

C'est aussi, je dirais, le désengagement parental parce que les pressions financières font que des parents ne sont plus capables de supporter... et très souvent on finit par se désengager. C'est trop lourd.

Alors, c'est peut-être des choses qui ne sont pas votre quotidien à vous autres; chez nous, c'est le quotidien. Et vous savez comment les organismes communautaires, actuellement, on questionne énormément. Bien, moi, je pense que, si on avait un minimum, si on permettait à ces parents-là de développer de l'estime de soi, de développer des compétences parentales puis de s'en reconnaître aussi, bien je pense qu'on gagnerait énormément comme société.

n(17 h 20)n

Le quatrième point dont on parlait, la quatrième recommandation dont on parlait dans le mémoire, c'était à quelque part que les contraintes temporaires à l'emploi soient maintenues pour les responsables de familles monoparentales ayant des enfants de moins de cinq ans. On a parlé beaucoup tantôt avec les femmes, hein, des parcours d'emploi, d'insertion à l'emploi. Je trouve que c'est une belle mesure, mais je suis consciente aussi qu'il y a des femmes qui deviennent plus marquées par ces parcours-là parce que souvent les critères sont un petit peu vagues vis-à-vis de soi, des gens qui vont faire ce parcours-là. Moi, je pense que des fois... Je ne dis pas qu'à tout moment, mais je dis que, par moments, on met des femmes en situation d'échec. Et ça, on le voit, chez nous. On a vu des gens faire des programmes d'insertion sociale, par la suite faire un parcours individualisé au niveau de l'insertion à l'emploi. Et, après le parcours, ces femmes-là nous sont revenues, puis plus démolies, moins d'estime de soi, et à quelque part on travaille encore trois fois plus pour essayer de remonter la côte.

Je ne dis pas que les programmes, ce n'est pas bon. Je dis: Peut-être à quelque part est-ce qu'on pourrait mettre quelque chose en place qui permettrait de bien cibler les gens qui participent à ces programmes-là, peut-être d'offrir un programme entre deux, je ne sais pas, je ne suis qu'une intervenante en communautaire, mais je sais par contre que l'impact, il est là.

Alors, moi, c'est ma vision du mémoire présenté par les familles monoparentales. Je le sais, c'est très terrain, mais c'est ce que je vois dans les organismes. Et je parle pour ce que, moi, je vois dans mon organisme, mais je sais que ça se passe ailleurs aussi. Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Merci, madame.

Mme Desjardins (Lorraine): Alors, Lorraine Desjardins. Bien, oui, effectivement on avait l'intention... on tenait à présenter des situations terrain aux membres de la commission parce qu'elles sont parlantes et, plutôt que d'y aller article par article du projet de loi... Premièrement, on demande son retrait, donc on trouvait important de vraiment rappeler aux gens de la commission que, quand ils mettent des mesures ? aux gens du gouvernement aussi bien sûr ? ou quand ils créent des lois, ça affecte directement des personnes, des enfants, des familles, des femmes.

Alors, la cinquième recommandation de la fédération, dans son mémoire, c'est que soient mises en place des mesures concrètes et adaptées aux besoins particuliers des responsables de famille monoparentale leur permettant un meilleur accès aux études. Alors, c'est une recommandation, une revendication de la fédération qui date quand même d'un bon moment. La première fois que la fédération a présenté cette recommandation-là, c'était dans le cadre de la marche Du pain et des roses, en 1995.

Alors, tout le monde sait qu'une des meilleures façons d'accéder à un emploi de qualité et bien rémunéré, c'est d'avoir une meilleure éducation. Or, comme on le sait, pour les responsables de famille monoparentale, souvent cet accès-là est très difficile. Des fois, leurs études sont interrompues en cours d'étude parce qu'il y a une grossesse qui survient puis ils doivent interrompre.

J'ai en tête d'ailleurs une jeune mère qui est venue chercher de l'aide à la fédération, qui avait un enfant de deux ans au moment où elle nous a contactées. Elle avait dû interrompre ses études à cause de la naissance de l'enfant et, pendant qu'elle s'était retirée des études, elle était à l'aide sociale. Quand elle est retournée aux études, quand son enfant a eu deux ans, elle s'est remise sur le Programme des prêts et bourses. Malheureusement, elle avait écoulée toutes les périodes d'admissibilité au Programme de prêts et bourses. Ceci pour vous dire que les responsables de famille monoparentale ont des difficultés d'accès au Programme de prêts et bourses, c'est-à-dire que ce programme-là est conçu originalement pour les étudiants ordinaires, là. Les responsables de famille monoparentale, c'est des étudiants extraordinaires. Donc, ce programme-là est mal adapté.

Cette personne-là a donc dû, à ses frais, pendant qu'elle était sur l'aide sociale, compléter les derniers cours qu'il lui restait pour arriver à avoir son baccalauréat et finalement, bon, avec plusieurs tentatives, elle a réussi à obtenir des montants additionnels aux prêts et bourses, mais ça a été très compliqué.

Alors, la fédération a maintes fois déploré la disparition du Programme de retour aux études postsecondaires, le REPS, en 1999, qui était un programme qui, même s'il était imparfait, avait quand même le mérite de permettre aux responsables de famille monoparentale qui étaient à la sécurité du revenu de poursuivre des études en recevant une aide financière adéquate. Le problème principal de ce programme-là, c'était qu'il avait une durée déterminée de deux ans, et, après deux ans, fini, pas fini, eh bien, on interrompait le programme, et ces personnes-là devaient avoir recours aux prêts et bourses. Et évidemment, comme je viens de vous le dire, pour diverses raisons, entre autres une couverture inadéquate des frais de garde, entre autres aussi parce que les prêts et bourses considèrent la pension alimentaire dans le calcul, ils n'avaient pas des revenus suffisants. Même, dans certains cas, ces étudiants-là se retrouvent aux prêts et bourses avec des revenus inférieurs à l'aide de dernier recours, ce qui est assez particulier. Donc, c'est pour ça qu'on recommande fortement qu'il y ait des mesures concrètes et adaptées aux besoins de ces personnes-là qui puissent leur permettre un meilleur accès aux études, d'autant plus que les emplois, la grosse majorité des emplois qui sont nouvellement créés demandent des formations spécialisées.

La sixième et dernière recommandation de la fédération est que les mesures de soutien aux familles répondent aux besoins réels des personnes, dans le respect des parents et de leurs enfants, et que ces mesures tiennent compte et agissent sur les causes structurelles de la pauvreté. Alors, ici, permettez-nous de faire référence au Plan d'action gouvernemental de lutte contre la pauvreté. La fédération s'est réjouie, entre autres, des mesures qui avaient été annoncées, Soutien aux enfants et Prime au travail. Malheureusement, dans le même plan d'action, on fait référence aussi à des mesures qui visent à ? je cite ? «offrir des services intégrés en périnatalité et en petite enfance pour les familles vivant en contexte de vulnérabilité», ainsi qu'à «soutenir l'innovation et l'intégration des activités de prévention auprès des jeunes enfants ? de 0 à 6 ans ? et de leur famille». Ce n'est pas simple comme terminologie, mais...

Une voix: C'est chargé de sens.

Mme Desjardins (Lorraine): Oui, c'est ça, c'est chargé de sens, quand même. Alors, si on fait référence... C'est parce que ce type de mesures ciblées là visent très souvent les familles monoparentales à l'aide sociale, hein? Elles sont parmi les plus pauvres, donc, évidemment, on va les viser. Notre fédération et d'autres organismes s'inquiètent des fondements théoriques à la source de ce type d'interventions. En effet, au cours des dernières années, une série d'études ont été publiées sur les risques d'inadaptation des individus. Alors, ces études visent généralement à justifier des interventions dites précoces et intensives ? parfois même, nous, on dit qu'elles sont féroces, les interventions, en plus d'être précoces ? auprès des groupes ciblés de la population.

Trop souvent les facteurs qui sont retenus par ces études pour expliquer les comportements déviants se résument à faire porter, en bout de ligne, la responsabilité des problèmes sur les jeunes et leurs familles et prévoient rarement des actions pour améliorer véritablement les conditions de vie des personnes. On a même récemment vu certaines études qui affirmaient que la délinquance pouvait prendre son origine dans l'utérus maternel. Ça s'est vu, ça. On a vu ça.

Mme Lévesque (Sylvie): On peut vous citer des noms de chercheurs.

Mme Desjardins (Lorraine): Oui, on peut même vous citer des noms de chercheurs. Verrons-nous bientôt apparaître des programmes visant à s'attaquer aux ovules négligents? On ne le sait pas. Alors, la fédération croit que des mesures de soutien famille devraient d'abord s'attaquer à la pauvreté. Il semble bien que plusieurs programmes d'interventions précoces et la recherche sur laquelle ils s'appuient ont souvent pour conséquence de procurer un sentiment d'incompétence aux parents qui sont ciblés par eux. Mme Boisvert le faisait remarquer précédemment.

Le danger de ce genre d'approches est leur tendance à intervenir sur les problèmes plutôt que d'accompagner les personnes dans une démarche de prise en charge faisant appel à leurs propres ressources et en renforçant leur sentiment de compétence.

Le Président (M. Charbonneau): Mme Desjardins, je voulais juste vous rappeler que...

M. Desjardins (Lorraine): Ah! Deux minutes? Je suis presque rendue.

Le Président (M. Charbonneau): Vous êtes presque rendue? Bien, écoutez, c'est extraordinaire, on va arriver ensemble à la même place.

Mme Desjardins (Lorraine): Alors, en terminant ? hein, je vous le dis, là, en terminant ? nous croyons important de rappeler que la pauvreté implique un ensemble très vaste de réalités auxquelles sont confrontées quotidiennement les familles. Outre le besoin de se nourrir adéquatement, on devrait aussi viser à combler d'autres besoins essentiels, tels l'accès à des logements décents, à des quartiers aménagés intelligemment et l'accès à l'éducation, aux loisirs et à l'exercice véritable d'une citoyenneté. En ce sens, la prévention la plus efficace devrait d'abord s'occuper d'améliorer les conditions économiques des familles au sein desquelles les enfants grandissent et se développent.

n(17 h 30)n

Je terminerai ? puis là c'est vrai que je finis ? avec une autre citation qui était dans notre mémoire. Cette fois-ci, on citait Jean-Paul Delevoye, qui est ombudsman de France, qui était également cité dans La Presse, le 8 septembre: «Nous sommes en train de nourrir des politiques d'exclusion. Ce sont des bombes sociales qui, demain, seront ingouvernables.» Merci.

Le Président (M. Charbonneau): Bien. Alors, merci beaucoup pour votre présentation. Maintenant, nous allons passer à l'étape de la discussion, des réactions des parlementaires, des membres de la commission. Alors, d'abord, M. le ministre.

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. Mme Lévesque, Mme Boisvert, Mme Desjardins, merci de votre présence, merci de votre mémoire. Vous amenez plusieurs points sous l'angle bien sûr très, très particulier des familles monoparentales, reconstituées et monoparentales... recomposées, c'est-à-dire. Je veux d'abord vous ramener... Parce que j'ai, je dirais, des points d'information... parce qu'il y a un certain nombre de choses que vous avez mentionnées qui piquent ma curiosité et sur lesquelles j'aimerais avoir certaines suggestions.

Mais d'abord, juste pour éclaircir un certain nombre de points, je dirais, réguliers à cette commission, j'imagine, au niveau de la prestation minimale, et tout ça, que vous êtes d'accord avec ce qui a été dit à date, pour la mettre à l'autre niveau, 500 millions de plus pour la ramener à l'autre niveau, et que ce qu'il y a dans le projet de loi n° 57 n'est pas le barème plancher qui vise à couvrir les besoins, mais essentiels. J'imagine que vous êtes d'accord avec tout ça? O.K. Donc, vous n'étiez pas d'accord avec la définition qui était dans le projet de loi n° 112?

Mme Desjardins (Lorraine): Non.

M. Béchard: O.K. Est-ce que vous aviez appuyé le projet de loi n° 112?

Mme Lévesque (Sylvie): Oui, on était venu en commission puis on avait appuyé le projet de loi n° 112, oui.

M. Béchard: O.K. Même si cette mesure-là n'était pas au niveau du barème plancher qui n'établissait pas la couverture des besoins essentiels?

Mme Desjardins (Lorraine): On est allé le plus loin possible, là.

Mme Lévesque (Sylvie): En fait, nous, on n'avait effectivement, comme bien d'autres groupes, pas mis nécessairement de montants effectivement précis de couverture des besoins essentiels, mais, si on réussit à dépasser justement le seuil de pauvreté, je pense que c'est un peu l'idée dans laquelle on allait plus, on s'orientait plus, que de s'en tenir au barème actuel de 533 $. C'est sûr que, pour les familles monoparentales, c'est au-delà de 533 $, mais il reste quand même que c'est insuffisant aussi. C'est compensé par les allocations familiales. À l'époque, les enfants étaient à l'aide sociale. Depuis 1997, on les a sortis de l'aide sociale, mais il reste que les familles monoparentales sont encore pauvres pareil.

M. Béchard: Oui. Je voulais revenir sur un point qui m'a intéressé beaucoup, au niveau des programmes particuliers. Vous avez parlé, entre autres, du Programme de retour aux études postsecondaires, qui a été aboli en 1998, là, suite à la fusion d'Emploi-Québec avec les mesures fédérales. C'est parce que, moi, je veux avoir votre impression. On est entre nous, là, tu sais, il y a plein de gens qui vont...

Mme Lévesque (Sylvie): Ce n'est pas exactement entre nous. Vous disiez que c'était public tantôt.

Mme Desjardins (Lorraine): ...«off the record», là. On ne peut pas vraiment dire que c'est «off the record».

Mme Lévesque (Sylvie): Vous ne disiez pas que c'était public, tantôt?

Mme Desjardins (Lorraine): Parce qu'il y a un micro et des caméras quand même, là.

M. Béchard: Non, je vous agace. Je veux juste vous mentionner... Parce qu'il y a des gens qui disent que finalement la situation actuelle est une des raisons pour lesquelles on a enlevé l'ancien programme, que la situation actuelle est mieux que ce qu'était l'ancien programme. Est-ce que c'est vrai ou, si vous aviez le choix de revenir avec le programme qui était prévu au niveau du Retour aux études postsecondaires, par rapport aux situations actuelles, aux différentes mesures de formation de la main-d'oeuvre qui sont mises en place actuellement, est-ce que vous nous dites de revenir à une forme telle qu'était l'ancien programme ou d'améliorer ce que nous avons présentement?

Mme Desjardins (Lorraine): Moi, j'irais avec une amélioration de ce qui existe. Ce qui était bien avec le REPS, comme on disait, c'était que les dépenses étaient couvertes par une aide financière adéquate, et ce programme-là était vraiment adapté aux responsables de familles monoparentales. Donc, je ne sais pas, là, ce qui existe...

Une voix: ...pas assez long.

Mme Desjardins (Lorraine): Pardon?

Une voix: Ce n'était pas assez long.

Mme Desjardins (Lorraine): C'est ça. Le problème majeur de cette mesure-là, de ce programme-là, c'est qu'il avait une durée limitée. Il durait deux ans. Alors, tout le monde sait qu'on ne peut pas faire un bac ou on ne peut pas faire... En ayant des enfants, en étant responsable de famille monoparentale, même un programme qui, au cégep, peut durer deux ans, on n'arrive pas à passer au travers. Donc, fini, pas fini, diplômé, pas diplômé, après deux ans, c'était fini. On retournait avec... Bien, en tout cas, les personnes faisaient des démarches auprès des prêts et bourses puis elles se ramassaient avec des montants inférieurs à ce qu'elles avaient avec le REPS. Le REPS était vraiment fait sur mesure, alors que notre argument, c'est que le Programme de prêts et bourses, dans son état actuel, n'est pas du tout adapté. La grande majorité des étudiants sont des étudiants qui n'ont jamais laissé les études puis qui n'ont pas d'enfants nécessairement.

M. Béchard: Mais, comme série de recommandations pour l'améliorer, qu'est-ce que vous auriez à nous proposer, là, des éléments à couvrir?

Mme Desjardins (Lorraine): Je connais assez mal les programmes actuels, au niveau de l'aide sociale. Au niveau des prêts et bourses, je le connais davantage. Moi, j'irais vraiment... La base finalement, c'est d'assurer la couverture des besoins essentiels des enfants et du parent, et d'assurer la couverture des frais de garde, et aussi de considérer qu'un parcours scolaire ou un parcours d'études, quand on est responsable de famille monoparentale, ce n'est pas la même chose que quand on est étudiant sans enfant, là. Donc, la durée serait très importante, c'est-à-dire tenir compte des besoins réels au niveau de l'aide financière puis tenir compte des besoins réels au niveau aussi de la durée.

M. Béchard: O.K.

Mme Lévesque (Sylvie): Ce que je voulais ajouter, c'est effectivement... Un des, en tout cas, commentaires ou des problèmes que le gouvernement avait lui-même dits, c'était que le fait qu'il y ait des programmes à long terme, évidemment c'est beaucoup plus coûteux, pour un gouvernement, que de faire des mesures effectivement de huit, 10 ou 12 semaines. Sauf qu'à long terme ça a plus de résultats sur les personnes parce qu'évidemment elles peuvent plus aller vers, par exemple, des études plus élevées que juste le secondaire. Et ça fait en sorte aussi que, si on paie, comme disait Lorraine, si on défraie l'ensemble de ce qui est autour de pas juste l'école, mais les frais de garde, les frais de transport... Pour Montréal, c'est peut-être moins problématique, mais, si on parle des familles monoparentales en région par exemple, bien, à ce moment-là, il faut aussi penser à assurer le transport, le logement.

Donc, il y a un paquet de considérations et de coûts autour de pouvoir faire justement ces cours-là à long terme. Et, même à ça, il faisait que, même si c'était à long terme, il y avait un taux d'abandon et d'échec très élevé justement à cause de la condition sociale. Le fait que tu es une femme monoparentale puis tu dois, à tous les jours, t'occuper, 24 heures sur 24, de ton enfant et que tu n'as pas les conditions facilitant, bien ça fait en sorte qu'il y avait aussi un taux d'échec.

Donc, dans ce sens-là, pour nous, je pense qu'il faut, à ce moment-là, avoir des programmes et non pas avoir une visée à court terme, mais une visée à beaucoup plus long terme. Donc, ça demande des investissements importants.

Et Ginette nous parlait tantôt... Quand vous disiez: Les programmes, les gens trouvent actuellement que c'est mieux, ce n'est pas ce qu'on entend, nous, parce que, premièrement, on offre des programmes qui ne correspondent pas du tout souvent aux aspirations, aux aptitudes des personnes puis, deuxièmement, les durées sont tellement courtes que les gens, en bout de piste, reviennent à la case départ mais sont obligés de le faire pour justement avoir un peu plus dans tes poches pour réussir au moins à boucler tes fins de mois, dans le fond. Ils sont en situation de survie constamment.

M. Béchard: Suite à ce que vous mentionnez, puis c'est ce qu'on entend depuis le début de la commission, on a une série de problèmes qui sont très particuliers, une série de situations qui sont particulières. Et, de plus en plus, on voit qu'il y a des gens qui sont plus loin du marché du travail, ou de l'activité, ou de la participation, peu importe comment on l'appelle, mais on a, à ce niveau-là, je pense, toute une réalité qui est bien différente et qui nécessite, je crois sincèrement, des interventions qui sont aussi très différentes. Et même je vous entends quand vous nous parlez qu'il faut tenir compte de telle et telle situation, dans le fond c'est d'avoir le plus possible d'adaptation, dans nos programmes, à des situations particulières.

L'approche que, moi, j'amène et à laquelle je crois beaucoup, vous allez me voir venir, c'est au niveau des programmes particuliers, entre autres au niveau d'Alternative jeunesse. Et je ne dis pas qu'à un moment donné il n'y a pas une ouverture à ce que ce soit plus flexible dans l'ensemble des programmes au niveau de la sécurité du revenu, mais d'abord pour Alternative jeunesse. Et ça, pour vous, est-ce que c'est une approche qui semble être porteuse, de dire, comme par exemple Ma place au soleil, ou des programmes de conciliation travail-études, ou des programmes de Solidarité jeunesse, est-ce que c'est une approche, à partir du moment où on dit: Il y a un niveau de base, qu'on s'entende ou pas sur le montant du niveau de base, il y a un niveau de base, on enlève les pénalités et on ajoute une série d'avantages pour justement les gens qui sont dans des situations particulières, est-ce que ça, ça semble être une approche pour vous qui est acceptable?

n(17 h 40)n

Mme Desjardins (Lorraine): Dans la mesure où les droits de recours existent, au même titre que n'importe quel autre statut, dans la mesure où on répond aux besoins véritables puis dans la mesure où ce n'est pas des programmes... qu'il n'y a pas d'obligation de participation non plus. Mais, si effectivement il existe des programmes qui peuvent répondre réellement aux besoins des personnes et qui ne les ramènent pas à la case départ en fin de parcours, bien sûr c'est intéressant. Mais, dans le projet de loi n° 57, en tout cas ce qu'on a vu, c'est que, premièrement, il y avait des bogues majeurs parce que ces programmes-là ne donnaient pas droit à des droits de recours, puis il y avait beaucoup de choses qui étaient reléguées au règlement, qu'on ne voyait pas apparaître, là, qu'on...

M. Béchard: Mais vous êtes d'accord avec moi, là, que, sur toute la question des programmes particuliers, le recours au règlement est quand même nécessaire, en ce sens qu'on ne peut pas revenir modifier la loi à toutes les fois qu'on a une suggestion de mettre en place un programme particulier à un endroit. Et ça, je veux rétablir les faits sur toute la question des recours. Alternative jeunesse, les programmes qui seront à l'intérieur, ce qui n'était pas le cas avec Solidarité jeunesse avant, les programmes qui seront à l'intérieur de ce volet-là d'Alternative jeunesse auront exactement les mêmes recours que les autres programmes ou mesures d'Emploi-Québec, par exemple. Alors ça, il y a peut-être eu un malentendu, on va l'éclaircir dans les amendements, mais, moi, ça j'y crois. J'y crois beaucoup, moi, à l'approche, là, d'avoir des programmes plus particuliers. Je comprends qu'il y a des gens qui font peut-être beaucoup confiance au ministre actuel mais pas au prochain, puis qui ont des doutes, puis il faudrait mettre ça dans la loi, mais...

Des voix: ...

M. Béchard: Bien là vous n'êtes pas obligées de répondre là-dessus non plus, là, ni Mme Asselin en arrière. Mais juste pour vous dire que mon principal problème, je vous dirais, c'est de trouver l'équilibre entre les deux. Tout le monde est d'accord sur le principe, c'est-à-dire, oui, il faut avoir des programmes qu'on est capable d'adapter. Mais, d'un autre côté, en même temps qu'on veut des programmes qui sont adaptables puis qui répondent aux différentes situations, on me dit: Mais là il faut que vous les encadriez dans la loi de façon très, très serrée, et parfois c'est incompatible. Alors, c'est pour ça que je vous dis: On essaie de trouver le meilleur équilibre. Mais au moins, si sur l'approche on s'entend, je pense que c'est déjà un pas de plus.

Mais je veux revenir, parce qu'il ne reste pas beaucoup de temps, j'imagine, sur la question du non-paiement de loyer, l'article 53. J'ai mentionné à plusieurs reprises: Regardez, il est là, je veux qu'on fasse le débat, c'est la raison pour laquelle il est là. Il n'est pas de mon intention de le mettre en vigueur ou quoi que ce soit, là. Je veux qu'on trouve quelque chose qui peut être équitable ou qui peut être adapté à la situation. Mais ce que je veux savoir de vous, c'est: Est-ce qu'il vous arrive plus souvent...

Une voix: ...

M. Béchard: Je l'ai dit en conférence de presse plusieurs fois. Mais est-ce qu'il vous arrive plus souvent de vivre des situations où des gens vont vous voir et vous disent: Moi, je ne suis pas capable de me trouver un loyer parce qu'on ne veut pas me louer? Et, si c'est le cas, qu'est-ce qu'on fait pour régler ça? Mais je veux bien le logement social, je veux bien ces investissements-là, mais il y a là un problème aussi de perception. Il y a un problème, je dirais, de préjugés. Qu'est-ce qu'on peut faire pour ça?

Mme Lévesque (Sylvie): Moi, il y avait plusieurs choses que je voulais réagir par rapport aux programmes. Je pense que, dans un premier temps, en tout cas à mon point de vue, le fait d'avoir des programmes particuliers ou spécifiques, on a tendance à cibler, c'est-à-dire à cibler ou à stigmatiser un type de population, et, moi, je pense que ce n'est pas cette avenue-là qu'on devrait prendre. Dans un premier temps, quand on parlait de la pauvreté au début, je pense que, si déjà on améliorait la situation des familles et des gens en général au Québec, peut-être qu'on aurait moins besoin de programmes. Et je pense qu'à ce niveau-là, si on travaille davantage effectivement sur des programmes pour améliorer l'accès aux études, bien peut-être qu'on aurait moins tendance à mettre des argents... Pendant qu'on met des argents sur les programmes, bien ces argents-là, on ne les investit pas, par exemple, pour améliorer la situation des familles ou des personnes en situation de pauvreté. C'est sûr que ça fait l'affaire du gouvernement de mettre ça sur des programmes plutôt que d'améliorer la situation des gens. Donc, dans ce sens-là, moi, je pense que, de là à dire qu'on est d'accord avec l'approche des programmes, je ne suis pas sûr qu'on peut avancer ça.

Par contre, ce qu'on peut dire, c'est que, pour les familles monoparentales, les programmes existants ne correspondent pas à leurs besoins, et ce qu'il faut penser, quand on pense à des programmes pour les familles monoparentales, c'est: il faut les penser avec d'autres conditions et avoir d'autres facteurs, comme je disais tantôt, que juste l'accès. Il faut avoir d'autres éléments qui vont tenir en compte que c'est des familles avec des enfants. Dans ce sens-là, je pense que c'est important.

Et, quand vous parliez au niveau des logements, bien effectivement, dans le cadre de la pénurie de logements, on sait la réalité, puis ce n'est pas juste à Montréal et ailleurs. C'est sûr que les propriétaires ont un grand choix, donc c'est évident que, quand tu es une femme monoparentale avec plusieurs enfants, bien c'est sûr que tu ne seras pas la première sur la liste. Puis, si en plus tu es sur l'aide sociale, bien c'est encore pire. Ça fait que c'est sûr qu'il y a des préjugés importants et c'est sûr qu'on ne sera pas les premiers à louer un logement à une femme monoparentale avec des enfants. Ça fait du bruit, ça dérange, on ne sait pas si elle va payer son loyer, bon, etc. Donc, je pense que, dans ce sens-là, le gouvernement a aussi un rôle à jouer au niveau de l'éducation de la population sur les préjugés puis faire en sorte d'améliorer cette situation-là.

Le Président (M. Charbonneau): Bien. Merci. Alors, maintenant, je vais céder la parole au député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Lévesque, bonjour, Mme Desjardins, et bonjour, Mme Boisvert. J'aimerais vous entendre sur l'absence, dans ce projet de loi, d'une disposition indiquant que les prestations seront indexées automatiquement au coût de la vie.

Mme Lévesque (Sylvie): Je pense que, si on a demandé le retrait du projet de loi, c'est peut-être parce qu'en quelque part on n'est pas d'accord avec grand-chose qu'il y a dedans. Bon. Donc, dans ce sens-là, c'est sûr qu'au niveau de l'indexation on est aussi d'accord... le même principe. Je pense que le coût de la vie augmente pour tout le monde, alors, dans ce sens-là, ce qu'on gagne aujourd'hui, je pense que, si on ne l'indexe pas, dans quelques années, c'est sûr que ça ne vaudra pas grand-chose. Mais, si le principe s'applique pour l'ensemble de la population, on ne voit pas pourquoi ça ne s'appliquerait pas aussi pour l'ensemble des gens qui sont à l'aide sociale. On l'a revendiqué longtemps, je pense, avec Ruth Rose aussi, par rapport aux allocations familiales. On a été de ceux... les premiers là-dessus en disant justement que les allocations familiales n'avaient pas été indexées depuis longtemps, et, dans ce sens-là, on espère que, quand le Soutien des enfants va arriver, en 2005, qu'il ne sera pas non plus canné là pendant longtemps mais qu'il y a aussi des indexations. Donc, je pense que c'est assez clair que c'est important que ce soit aussi clair là-dedans.

M. Bouchard (Vachon): Selon votre réponse, est-ce que je dois conclure que selon vous le projet de loi n° 57 n'est pas amendable?

Mme Lévesque (Sylvie): Oui, c'est dans ce sens-là qu'on l'a apporté, effectivement. Ce qu'on disait, nous, c'est: Pourquoi faire... Il y a eu le projet de loi n° 112 ? plus qu'un projet de loi, il y a la loi n° 112 ? je pense, qui a fait aussi l'unanimité de pas juste les parlementaires, mais de l'ensemble de la population du Québec. Et, si, comme on disait tantôt, on veut réellement en tout cas contrer la pauvreté, c'est une finalité et un objectif important, bien, à notre point de vue, pourquoi ne pas continuer dans ce sens-là, plutôt que de faire un projet de loi qui va plutôt reculer? Et d'amender la loi actuelle, ce serait déjà peut-être mieux que de présenter le projet de loi n° 57.

M. Bouchard (Vachon): J'ai entendu la réponse du ministre au sujet de l'article 53 concernant la saisie pour les logements. Le ministre dit qu'il ne veut pas le mettre en vigueur. On recevra bientôt d'autres associations qui souhaitent que le 53 soit en vigueur. Est-ce que vous voulez ajouter aux argumentations, aux arguments que vous avez invoqués tout à l'heure concernant le retrait de cet article-là?

Mme Lévesque (Sylvie): Je pense qu'on l'a dit dans notre mémoire aussi, ça fait partie de l'ensemble du projet de loi n° 57, y incluant cet article-là. Il y a eu d'autres partis et d'autres gouvernements, avant M. Béchard, qui ont été là aussi. Il a déjà été dans la loi et le gouvernement ne l'avait pas appliqué aussi. C'est ce qu'ils nous avaient dit. Mais, quand c'est dans une loi, c'est toujours un peu fatigant parce qu'on peut l'appliquer quand on veut. Donc, dans ce sens-là, nous, on dit: Bien, si le ministre dit qu'il ne veut pas l'appliquer, alors pourquoi le mettre? C'est aussi bien de l'enlever, à ce moment-là.

M. Bouchard (Vachon): J'aimerais vous entendre brièvement sur votre recommandation 4: «...le statut des personnes ayant des contraintes temporaires à l'emploi soit maintenu pour les responsables de famille monoparentale ayant des enfants de moins de cinq ans.» Dans l'écriture présente du projet de loi n° 57, vous avez quelque chose à reprocher à la façon dont c'est écrit?

Mme Desjardins (Lorraine): En fait, ça n'apparaît pas comme tel dans le projet de loi présentement, puis on voit, on sent une tendance dans d'autres documents du gouvernement actuel, notamment dans le document sur la... conciliation ? merci ? travail-famille que le niveau d'âge pour jeunes enfants a tendance à baisser. On parle maintenant de plus en plus d'enfants de trois ans et moins, qui sont considérés comme de très jeunes enfants. On avait tendance... Bon. On se rappelle aussi qu'avant la création des centres de la petite enfance c'était cinq ans, c'était l'âge de l'entrée à la maternelle. Avec les centres de la petite enfance on se ramasse à quatre ans, donc l'âge d'entrée au centre de la petite enfance. Donc, on est un peu chatouilleuses et inquiètes là-dessus, sur ce statut-là, qui devrait être conservé, là. Ça ne nous est pas apparu comme clairement, dans le texte du projet de loi, que ça allait être conservé comme statut, là, le statut de contraintes temporaires, alors qu'on sait très bien qu'il y a plus de 50 % des familles monoparentales à l'aide sociale qui ont ce statut-là. Parmi ce nombre-là, il y a une grande majorité que c'est l'âge des enfants, 80 quelques pour cent, là, qui ont ce statut-là à cause de l'âge de leurs enfants, là.

n(17 h 50)n

Mme Lévesque (Sylvie): Qui est une contrainte, comme on disait tantôt, je pense qu'on l'a illustré assez bien, importante, le fait d'avoir un... On le sait d'ailleurs, dans les statistiques, la... En tout cas, en grande majorité, les familles monoparentales retournent, à un moment donné, sur le marché du travail ou, de façon plus facile, aux études quand les enfants justement ont dépassé... en tout cas, autour... à cinq ans, ça, c'est clair.

Donc, dans ce sens-là, nous, ça nous inquiète, le fait que ce n'est pas indiqué dans le projet de loi comme quoi il n'y aura pas cette pénalité-là. Alors, on souhaite que le ministre nous entende bien là-dessus.

M. Bouchard (Vachon): J'imagine qu'il vous entend.

M. Béchard: ...vous entend.

Le Président (M. Charbonneau): J'espère qu'il vous entend.

M. Béchard: ...vous entend.

Le Président (M. Charbonneau): Ça va? Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme Lévesque, Mme Desjardins, Mme Boisvert, merci beaucoup de votre présentation.

Un premier mot, peut-être, pour Mme Boisvert, qui nous a présenté des exemples terrain. Je pense que c'est important de le faire. C'est la meilleure façon d'apporter une compréhension au niveau des différentes lois. Mais vous assurer aussi que, dans notre quotidien ? en tout cas je parle pour les députés qui sont là depuis quelques années, comme c'est mon cas ? au niveau du bureau de comté, c'est vraiment notre quotidien aussi. Et ces exemples-là sont parfaitement réels. C'est ce qu'on vit, c'est ce qu'on voit. Et, au niveau de la pauvreté, au niveau des familles monoparentales, c'est très clair. Ce que vous décrivez, là, c'est la parfaite réalité. Toute la difficulté, au niveau du logement... Elle est réelle, cette difficulté-là, au niveau du logement, au niveau de la lutte à la pauvreté. C'est un des éléments majeurs et c'est tout à fait vrai que c'est beaucoup plus difficile de trouver un logement. À partir du moment où tu as des enfants puis tu ajoutes le critère que c'est une chef de famille monoparentale, c'est beaucoup plus difficile. Puis, si tu ajoutes le critère qu'elle est sur l'aide sociale, bien ça vient rajouter...

Mme Lévesque (Sylvie): ...oublié de dire qu'elle était Noire, peut-être. Ça s'ajouterait à la difficulté.

Mme Caron: Disons que j'ai eu à intervenir dans un cas comme ça, à un moment donné. J'ai réussi à régler, effectivement.

Au niveau de ce que vous défendez, je pense que la recommandation... Vous recommandez le retrait du projet, hein? Ça, on s'entend. J'espère que ça aussi, le ministre l'a entendu à plusieurs reprises. C'est le retrait. On aimerait mieux travailler avec la loi actuelle.

Une voix: ...

Mme Caron: Le retrait. Quand vous parlez des mesures particulières sur un meilleur accès aux études, là aussi c'est un des moyens majeurs pour sortir de la pauvreté. Et il y a un excellent avis, que je vais conseiller au ministre, qui vient de sortir, du Conseil du statut de la femme sur toute la réalité des mères étudiantes. Alors, le dernier avis du Conseil du statut de la femme, qui est excellent, qui vient d'être publié cet automne sur le statut des mères étudiantes, qui effectivement fait des recommandations dans le même sens.

Oui, c'est réel, ce que vous dites, que les formations sont de plus en plus courtes, les formations qui sont proposées, et donc ne permettent pas de sortir réellement de la pauvreté. Moi, j'aurais aussi souhaité, lors du dépôt du plan de lutte à la pauvreté... Mais je pense qu'on peut toujours l'ajouter, et c'est ce qui nous permettrait d'aider aussi, au niveau de l'aide sociale, le plan de prévention des grossesses précoces, ce qui éviterait à certaines jeunes mères adolescentes de se retrouver sur l'aide sociale très rapidement, à 13 ans, 14 ans, et d'avoir des difficultés après au niveau du retour aux études puis à tous les niveaux.

Au niveau de l'analyse différenciée selon les sexes, on en a parlé tantôt, dans le mémoire précédent, je pense que, si on faisait cette analyse réelle... Le ministre y a fait référence un peu tantôt, mais, moi, je considère qu'il n'y a pas une véritable analyse différenciée selon les sexes dans ces projets de loi là, pas plus dans celui-là qu'il y en avait au niveau de la Régie des rentes du Québec, et ça vient à l'encontre de la loi n° 112 qui a été adoptée. Parce que, quand on fait cette véritable analyse là, on s'aperçoit qu'au niveau des solutions on ne peut pas effectivement apporter les mêmes solutions pour les femmes que pour les hommes. Je donne souvent l'exemple... Le ministre tantôt nous disait: Il y a plus de femmes qui ont pu profiter des programmes. Les derniers chiffres que j'avais vus, au niveau de Solidarité jeunesse, le programme avait été conçu sans tenir compte de cette analyse différenciée là, et on s'est rapidement aperçu que ceux qui pouvaient en profiter, c'étaient les hommes. C'étaient les jeunes hommes qui y allaient, d'où la création de Ma place au soleil qui nous permettait d'avoir des mesures beaucoup plus adaptées pour les femmes.

Alors, moi, je souhaite que le programme Alternative jeunesse... Parce que ce que j'en ai entendu et lu, j'ai l'impression qu'on va se retrouver dans la même difficulté qu'il y avait dans Solidarité jeunesse et qu'il va y avoir beaucoup moins de femmes qui vont pouvoir en profiter que d'hommes. Et je souhaite que nous ayons des résultats, sur ce programme-là, qui vont être différenciés parce qu'il y a un danger là.

Maintenant, j'aimerais vous entendre sur la dernière de vos recommandations, la recommandation 6, concernant les mesures de soutien aux familles pour qu'elles répondent aux besoins réels des personnes, dans le respect des parents, des enfants, «que ces mesures tiennent compte et agissent sur les causes structurales de la pauvreté», parce que, vous l'avez bien dit, peu importent les programmes qu'on va mettre en place, l'important, ce serait plus de lutter au niveau des causes.

Mme Lévesque (Sylvie): Oui. Bien, ça, ce que j'aurais le goût de dire, c'est que je pense que la pauvreté a encore un sexe. En tout cas, jusqu'à preuve du contraire, je pense qu'il faut le redire et le reredire. Peut-être qu'effectivement il y a certaines études qui ne le démontrent pas, mais en tout cas je pense que c'est important de le dire parce que jusqu'à maintenant c'est encore... En tout cas, celles qui se retrouvent sur l'aide sociale sont encore en majorité des femmes, et les études, à tous les jours, en tout cas de façon fréquente ? et ce n'est pas nous qui les faisons bien sûr ? on n'arrête pas de lire justement que partout, à Montréal, ailleurs dans l'ensemble du Québec, ou même à travers le Canada, ou de façon internationale, c'est encore vécu par la majorité des femmes. Puis en particulier quand tu as des enfants puis que tu es toute seule, monoparentale, bien ça vient doubler et tripler encore une fois cette difficulté-là. Alors, je pense qu'il faudrait effectivement avoir la lecture un petit peu plus sur un côté plus féministe, dans ce sens-là, et effectivement je suis assez d'accord.

Donc, la recommandation 6, oui, c'est dans le sens qu'on a beaucoup... Je parlais tantôt des programmes ciblés. C'est un peu ça qu'on se rend compte, c'est qu'actuellement on voit beaucoup ce qu'on appelle les familles à risque parce qu'évidemment, quand on dit qu'au départ, comme on était monoparental, donc on est pauvre... Il y a certaines femmes monoparentales qui ne sont pas juste sur l'aide sociale bien sûr, mais il reste quand même qu'elles sont dans des conditions de vie précaires. Donc, on va mettre beaucoup une batterie d'interventions parce qu'évidemment, comme on est monoparentales, c'est sûr que nos enfants vont avoir des problèmes, donc problèmes, délinquance, etc.

Donc, dans ce sens-là, ce qu'on dit, c'est: Travaillons davantage... Notre point de vue, la cause est plus la pauvreté que l'incompétence des parents. Un peu comme Ginette l'a démontré, je pense qu'en quelque part personne... Il n'y a pas de mode d'emploi quand un enfant arrive. Peu importe la condition sociale dans laquelle tu es, là, je pense que, quand ça arrive, ça arrive, puis on fait ce qu'on peut avec nos enfants. Donc, dans cet esprit-là, je pense qu'il y a aussi des familles biparentales qui ont des problèmes avec leurs enfants, et ce n'est pas juste une question de pauvreté.

Alors, dans ce sens-là, nous, ce qu'on dit, c'est: Arrêtons ? c'est pour ça quand on parlait d'interventions féroces ? arrêtons de s'acharner sur les familles monoparentales puis essayons davantage de les soutenir en améliorant leur situation de vie, en améliorant... en rendant... au moins qu'elles puissent sortir de la pauvreté. Et on pense, nous, qu'elles vont être capables, elles-mêmes, de pouvoir s'occuper de leurs enfants. Puis arrêtons de faire des interventions et des programmes d'intervention à outrance pour faire en sorte qu'elles ne sont pas capables de le faire, mais alors qu'elles sont capables.

Alors, c'est un peu le message qu'on voulait livrer, dans le sens, quand on parle des différents... Quand on parle du soutien aux familles, là, au niveau des programmes d'intervention précoce, bien je pense qu'il faut aller en deçà de ce qu'il y a derrière ça.

Mme Desjardins (Lorraine): Juste pour illustrer ce que Sylvie vient de dire, il y a eu, à un moment donné, un programme qui s'appelait OLO, oeuf, lait, orange, qu'on donnait aux mères, et il y avait deux groupes de mères qui étaient...

Une voix: ...

Mme Desjardins (Lorraine): Oui, il existe encore...

Mme Lévesque (Sylvie): Ils ont été fondus ensemble.

Mme Desjardins (Lorraine): C'est ça.

Mme Lévesque (Sylvie): Naître égaux.

Mme Desjardins (Lorraine): Naître égaux... en santé, tout ça. Donc, il y avait deux groupes. Il y avait un groupe de mères auquel on donnait les suppléments alimentaires et qu'on faisait suivre aussi par des professionnels, travailleurs sociaux, intervenants, et tout ça, psychologues, médecins, infirmières, et un groupe auquel on ne donnait que les suppléments alimentaires. Il n'était pas suivi. Et les mères qui n'étaient pas suivies par la batterie de professionnels qui n'étaient pas en train de leur répéter à chaque fois: Tu es incompétente, tu es incompétente, en tout cas de leur transmettre cette idée-là, ont mieux performé que les mères qui étaient suivies. Alors, donnez-leur de l'argent pour qu'elles s'achètent des oeufs, du lait puis des oranges.

Mme Boisvert (Ginette): Elles sont compétentes.

n(18 heures)n

Le Président (M. Charbonneau): Le message est lancé et compris, j'espère. Alors, merci beaucoup, mesdames, d'avoir participé à la consultation de la commission. J'indique aux collègues que nos travaux normalement devraient reprendre mardi après-midi, mais, comme il n'y a pas d'avis du leader d'une façon stricte et que les gens sont par ailleurs convoqués, la commission ajourne ses travaux sine die, en attendant un avis, mardi après-midi, du leader du gouvernement. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 1)


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