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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 10 novembre 2004 - Vol. 38 N° 77

Consultation générale sur le projet de loi n° 57 - Loi sur l'aide aux personnes et aux familles


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Chers collègues, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle, comme je le fais à chaque début de séance, que les téléphones cellulaires sont interdits dans la salle et je vous prierais de bien vouloir les fermer. Je vous rappelle le mandat, nous sommes réunis afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 57, Loi sur l'aide aux personnes et aux familles.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Non, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Pas de remplacement. L'ordre du jour de ce matin est le suivant: dans quelques instants, nous allons entendre les représentants du Comité des citoyens vigilants de Québec, qui sera suivi, à 9 h 30, par les représentants de l'Office des personnes handicapées du Québec; et nous allons terminer la matinée, à 11 h 30, par la présentation de M. Sylvain Contant, pour un ajournement des travaux autour de midi.

Auditions (suite)

Alors, sans plus tarder, en souhaitant bienvenue à Mme Vianney, M. Fortin, vous avez 20 minutes à votre disposition pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange de plus ou moins 20 minutes chaque côté de la table. Sans plus tarder, je vous prie de débuter votre présentation.

Comité des citoyens vigilants de Québec

Mme Vianney (Monique): Oui. Bonjour, M. le Président. Nous voulons excuser... Nous nous excusons de la part des personnes qui n'ont pas pu être présentes, qui devaient nous accompagner ce matin. Elles avaient un empêchement.

n (9 h 40) n

Alors, je vous salue, M. le Président, Mme la secrétaire de la commission, M. le ministre, et monsieur et madame les députés, et chers citoyens qui nous écoutent. Il nous fait l'honneur d'être parmi vous aujourd'hui. Ce dossier du projet de loi n° 57, nous le rejetons à l'unanimité au sein de notre groupe de citoyens et nous vous expliquons davantage pourquoi que nous le rejetons, ce projet de loi. Mais faudrait-il aussi l'amender? C'est ce qu'on se pose comme question aussi à l'intérieur de notre groupe, pour avoir consulté les premiers concernés. Alors, nous, ce qu'on vous demande, c'est d'inviter, rencontrer, consulter les premiers concernés, qui sont eux-mêmes bénéficiaires de l'aide sociale et qui sont très impliqués dans leurs milieux, et non uniquement des groupes, des associations de toutes sortes.

Ce dossier de loi irait-il à l'encontre de votre plan d'action de lutte à la pauvreté? C'est pourquoi que, nous aussi, nous suivons ce dossier, car nous le voulons constructif et davantage démocratique. D'ailleurs, nous constatons, en discutant avec d'autres assistés sociaux et travailleurs autonomes, qu'il n'y a eu aucune consultation tenue auprès de la clientèle visée avant d'écrire un tel projet de loi, car, nous-mêmes, nous n'avons jamais été personnellement consultés sur l'établissement d'une telle loi auparavant.

Car il ne faut pas oublier qu'il y a des départs et des arrivées à l'aide sociale, et souvent notre préoccupation première est de tenter de payer ses dettes et s'approprier de la nourriture le plus rapidement possible. Les banques, elles, ne veulent pas comprendre.

Si je parle de mon cas personnel. Quand tu as un bon rythme de vie avec un excellent revenu et que tu as du succès dans tout ce que tu faisais auparavant et, du jour au lendemain, pour x, y raison, tu te retrouves avec un revenu indécent, comme 533 $ par mois, tu fais ouf!, et les chaleurs te montent vite à la tête, et tu te dis: Comment vais-je faire pour remonter cette pente abrupte, surtout avec ces fermetures de postes un peu partout et, les postes qui sont offerts, la compétitivité, la mondialisation des marchés, je ne suis pas formée pour cela et je ne veux pas accepter un salaire de 7 $ de l'heure quand j'ai étudié pour gagner un minimum de 35 $, 40 $ de l'heure, car comme prof je gagnais cela, avec des avantages sociaux.

Nous qui vivons au quotidien la pauvreté et l'exclusion sociale dans un pays industrialisé comme le nôtre, nous devons considérer le coût de la vie pour trouver les revenus minimums garantis, car on ne vit pas dans un pays du tiers-monde, tout de même. C'est pourquoi qu'il faut aussi tenir compte des discussions à outre-mer sur le sujet.

Il y a d'ailleurs une excellente ressource d'information sur Internet que j'ai trouvée, et je vous la donne, c'est gratuit, comparativement à celui de l'OCDE qu'il faut payer pour obtenir certaines informations, alors: www.politiquessociales.net ? au pluriel. On parle de la fixation de revenu minimum garanti, tout en comparant divers pays, leur situation économique et tous... Même, je n'ai pas trouvé combien les assistés sociaux reçoivent comme revenu de base exactement, mais les informations sont assez intéressantes.

Notre rêve, M. le ministre, c'est qu'un jour le Québec se situe dans les cinq premiers endroits les plus démocratiques sur le plan mondial. On parle de compétitivité des marchés, mais n'y aurait-il pas aussi une compétitivité dans le type de revenu de base alloué aux plus démunis?

Nous, ce que nous vous demandons honnêtement, c'est d'aller chercher tous les exemples qui fonctionnent très bien ailleurs, tout en tenant compte de notre contexte économique et notre culture, et d'intégrer ces modèles à notre fonctionnement de l'État, les structures qui en dépendent. Il faut davantage impliquer également les entreprises, les syndicats dans cette lutte à la pauvreté, car indirectement ils créent aussi notre pauvreté. Car, coupant notre poste en créant des faux conflits internes, ou un représentant syndical qui ne défend pas bien ta cause, c'est toi qui es toujours le perdant. Et, en passant, il faudrait qu'une organisation soit mise sur pied pour sensibiliser toutes les entreprises et les organisations à changer leur attitude face à leurs employés et faire en sorte de trouver un arrangement, ou créer, ou référer ces personnes vers des emplois similaires pour faciliter leur intégration suite à une perte d'emploi.

En quelque part, vous avez raison, M. le ministre de l'Emploi, ce n'est pas uniquement à l'État de s'occuper de la lutte à la pauvreté, mais c'est à tout le monde à s'y investir et il faut se concerter afin de savoir quoi et comment faire, autant sur le plan local, régional que provincial.

Lors de la commission portant sur le projet de loi n° 9, la réorganisation territoriale des municipalités et des organisations, nous avions demandé au ministre des Affaires municipales de vous passer le message suivant, car nous avions manqué la commission précédente portant sur l'emploi... ou la lutte à la pauvreté, concernant en tout cas le projet de loi n° 112 ? je ne connais pas le nom exact de cette commission qui avait... qui s'était produite à ce moment-là ? et nous lui avons alors demandé de vous dire ceci: Quand aura lieu une véritable commission nationale sur l'emploi? Car il y a beaucoup de nos préoccupations, en tant que travailleurs, ex-travailleurs, que nous pourrions discuter avec d'autres ministres, organisations et entreprises.

Parce que sincèrement on se rend compte que, bon, avec toutes les démarches qu'on a faites, moi et Patrice, là ? on en parlera un peu plus tard parce que je veux poursuivre ma lecture, mais on se rend compte ? que même tous les ministres, les ministres de la Santé, des Affaires sociales, le ministre des Finances, le ministre du Revenu, le ministre du Travail, devraient s'impliquer dans cette cause de lutte à la pauvreté, parce qu'ils auraient peut-être un bon plan d'action: jumeler les forces pour pouvoir trouver justement les solutions que vous demandez constamment à tous les groupes qui se présentent ici, actuellement.

Et, à notre sens en tout cas ? on a quand même supervisé la plupart des commissions actuellement ? puis ce qu'on trouvait un peu déplorable, c'est que la plupart des gens, bon, vont expliquer un peu leur vécu en tant que pauvres, là, leur situation de pauvreté, mais n'offrent pas des solutions. Parce que des solutions, nous en avons. J'ai même écrit un projet, que je vais remettre au ministre à la toute fin, qui représente une gamme, une panoplie de solutions possibles pour justement miser le 100 % en emploi.

Alors, je recontinue. C'est sûr que cette réponse-là, j'aimerais bien qu'éventuellement vous nous répondiez. S'il y aurait possibilité d'avoir une véritable commission nationale sur l'emploi, ce serait très intéressant de pouvoir avoir ce genre de commission où il y aurait les syndicats, les ministres, différents types d'organisations et ainsi que les citoyens qui vivent cette précarité de l'emploi actuellement, parce que c'est vraiment une importance, là, surtout de nos jours, avec les coupures que nous connaissons, là.

Alors, c'est ça. Avant cette commission, nous avions tenté de prendre un rendez-vous avec vous, mais votre attaché politique ici présent nous avait dit que vous ne connaissiez pas tous les dossiers. Ça, c'était au mois d'août dernier, où vous entriez à ce moment-là en fonction. Alors, on ne pouvait pas nécessairement vous approcher et obtenir rencontre avec vous à ce moment-là. Nous ne vous le cachons pas, nous avons été choqués, car nous vivions tant de choses et nous avions tant à vous dire, nous voulions à tout prix vous en faire part en privé.

Nous avons l'impression que, lorsque nous appelons à vos bureaux, de un ? ça, on insistait là-dessus ? on nous répond très bêtement. Vraiment, là, je n'ai jamais vu un ministère nous répondre de la sorte. On a appelé dans différents types de ministères, puis je pense que, de ce côté, quand on dit qu'une entreprise, là... Vous savez, toute organisation doit, il me semble, à prime d'abord travailler son service à la clientèle, c'est-à-dire de répondre convenablement. Parce que, nous, quand on les approchait... bon, c'est sûr qu'on vivait des grandes choses, mais on ne les envoyait pas promener, on était des gens quand même civilisés. Sauf qu'on ne semblait être bien saisis à l'autre bout du téléphone. Et on n'est même pas certain que les messages... On n'avait aucune garantie finalement que le message se rendait jusqu'à vous, M. le ministre. Même, M. Fortin a remis plusieurs lettres qui sont toujours sans réponse. Je laisserai plus tard M. Fortin vous expliquer davantage sur ses demandes, ses préoccupations, qui nous rejoignent tous et toutes qui vivons une situation de pauvreté.

M. le ministre, vous nous demandez sûrement pourquoi nous vous rapportons le sujet de cette commission portant sur le projet de loi n° 9. C'est parce qu'on y a participé. Et ? je vais être brève ? c'est que l'organisation du CLD était un peu en quelque part remise en question. C'est parce que nous-mêmes, assistés sociaux, nous avons la fibre entrepreneure et nous voulons créer des projets de toutes sortes ? et là j'ai un projet que j'aimerais ça vous remettre à la toute fin, là. Alors, le CLD, comme étant la porte ouverte soi-disant à l'entreprenariat, nous avons trouvé qu'il y a une certaine ambiguïté dans le partenariat entre ces organisations, qui est une des vôtres, c'est-à-dire le centre local d'emploi et le CLD actuellement.

On nous dit, le CLE: Vous avez toutes les compétences requises, votre projet se tient debout, vous êtes visionnaires, etc., et quand on rencontre les gens du CLD, on rencontre des gens incompétents qui ne connaissent pas du tout le marché dans lequel nous, on veut exercer, renvoient la balle au CLE, que... l'agent d'Emploi-Québec finalement n'a pas su évaluer le projet au préalable avant de présenter notre projet au CLD. En tout cas, je ne veux pas trop en parler, là; peut-être que vous auriez des questions à nous poser éventuellement dans la période des questions. Alors, je vais poursuivre.

Alors, il y a une certaine ambiguïté entre le CLE et le CLD, là: d'un côté, on dit «vert» puis, l'autre côté, c'est «rouge». Ça fait que là on ne sait pas trop vers quelle porte se retourner finalement, là. On se trouve béats, notre projet ne peut pas prendre son envol. Lorsque nous avons parlé de ce qui n'avait pas été dans le CLD local, lors du projet de loi n° 9, nous avons par la suite reçu plusieurs félicitations à travers le Québec pour avoir osé mentionner cela. Car plusieurs personnes nous on dit avoir vécu une histoire similaire à la nôtre, et c'est-à-dire: un O.K. du CLE et un non du CLD.

n (9 h 50) n

Les mesures STA, et tout ça, bon, je vais passer parce que sinon on n'aura pas le temps. Je vous avoue que votre ministère est très complexe; il y a tant de choses à dire sur cela. Par exemple, les fameux programmes d'insertion, les entreprises d'entraînement, nous aurions tant à dire sur le sujet; je vais tenter d'écourter afin de laisser la parole à mon collègue. Selon plusieurs ayant participé à ce genre de programme d'entreprise d'entraînement, donc aussi via les carrefours jeunesse-emploi ? car il ne faut pas oublier que les jeunes en arrachent actuellement dû au manque d'expérience ? ils nous ont dit que ces programmes devraient être, à plus long terme, suffisants pour atteindre le niveau d'exigence du marché du travail actuel, c'est-à-dire une durée d'au moins deux à trois ans, pour qu'ils puissent obtenir cette expérience. Car actuellement les jeunes n'obtiennent pas les deux, trois ans voulus pour pouvoir se trouver un travail à temps plein.

Nos jeunes ont la grande difficulté de trouver un emploi dans le secteur de leur champ d'études actuellement. Mais, dans certains domaines, en haute technologie et en télécommunications, certains d'entre eux nous disent qu'ils ne trouvent pas des emplois et ils doivent se suffire d'un emploi, de cuisine et en vente, offrant une rémunération. Elle est maintenant sous le seuil de la pauvreté, vu que les logements ne cessent d'augmenter et qu'il faut se déplacer, etc.

Après discussions, nous sommes d'accord sur le fait que le salaire minimum soit réévalué pour rejoindre le coût de vie actuel, c'est-à-dire 12 $ à 15 $ de l'heure au lieu de 7,60 $ de l'heure. Est-ce le meilleur moyen de lutter contre la pauvreté? Je ne sais pas, mais c'est pourquoi qu'il faut rediscuter à l'intérieur d'un groupe avec les partenaires que j'ai soulignés au tout début.

Je connais aussi également des jeunes qui ont passé haut la main les tests au Conseil du trésor et qui attendent un emploi actuellement. Ils sont vraiment découragés d'entendre qu'actuellement il y a de nombreuses coupures d'emplois au sein de la fonction publique et ils se demandent toujours, malgré que ça fait deux, trois ou cinq ans qu'ils attendent un emploi à la fonction publique: Est-ce que ça viendra?

C'est bien beau de se réorienter une fois, mais pas deux fois, car ça coûte cher au portefeuille et cela ne t'assure pas de trouver un emploi payant et d'aider à payer tes études... tes dettes d'études, finalement. J'en connais qui sont endettés de 25 000 $ à 30 000 $ et plus et ils n'arrivent pas du tout à avoir une vie décente, c'est-à-dire de pouvoir subvenir à leurs besoins.

O.K. Nous mentionnions aussi également dans notre mémoire qu'il serait grand temps de se créer une constitution interne de la province et d'implanter un «speaker's corner» qui donnerait droit à une tribune qui permettrait aux citoyens de s'exprimer sur les sujets qui les préoccupent au quotidien, au-delà des lois et des règlements, et ceci, en tout moment, comme celui de Hyde Park, en Angleterre, qui existe depuis fort longtemps. Selon nous, voilà déjà un très beau geste de démocratie, un beau geste de rapprochement avec vos concitoyens.

Nous ne voulons pas élaborer davantage sur cela. En résumé, ce que nous vous proposons simplement, c'est l'écriture d'une constitution interne de la province du Québec.

Bon, maintenant, nous voulons davantage élaborer sur notre quotidien, les obstacles que nous rencontrons en tant que personnes vivant une situation de pauvreté tout en alimentant la fibre entrepreneure, parce que, nous, nous sommes des assistés sociaux mais qui... bon, ex-professionnelle, et Patrice, lui, ayant fondé deux partis politiques, il s'implique beaucoup sur le terrain. Nous sommes confrontés actuellement à une situation de pauvreté, de grande pauvreté. Et nous allons expliquer davantage. Je vais laisser la parole à M. Fortin pour vous décrire un peu plus.

M. Fortin (Patrice): Oui. Bon, bien, c'est ça. Veux-tu que je finisse, Monique?

Mme Vianney (Monique): Oui.

M. Fortin (Patrice): Bon. Moi, ce que je voulais ajouter avec Monique, c'est que, moi, j'ai rencontré Monique, j'avais fondé un organisme qui s'appelait le Conseil patriotique du Québec, puis j'ai tenté de faire fonctionner mon organisme avec le précédent gouvernement, O.K., et ça n'a pas pu marcher. Parce que j'ai travaillé pour monter un projet, regardez, c'est assez volumineux, là, c'est une méchante brique, là, O.K., c'est tout ça; où ce que c'est que ça bloquait, c'était au niveau du plan d'affaires, l'étude de faisabilité, avec le CLD. On était acceptés par la mesure STA, avec le CLE, mais on a été refusés par le CLD, là.

Alors, là, ce qui s'en est suivi, c'est qu'on nous a promenés dans ce que j'appelais, moi ? je suis venu parler en commission sur la loi n° 99 à l'époque, j'avais sorti un rapport à l'époque, je peux même déposer les documents, si M. Béchard veut, là, ou le président; ce que j'appelais ? le rapport Fortin sur la structurite aiguë. Puis là ça s'est transformé par la suite dans une labyrinthologite aiguë.

Puis là j'ai même amené un tableau pour montrer à M. Béchard un peu ce qu'on vit au quotidien, O.K.? C'est que quelqu'un qui ne connaît pas bien gros le système, tu sais: on commence, on va dire, au CLSC, souvent les gens vont chercher leurs informations là; on se ramasse au CLE; après ça, on se ramasse au CLD; là, on passe Go, on ne collecte pas 200 $ ? ça ressemble à un jeu de Monopoly ? puis on finit au SDR, à l'époque ? je ne sais pas si ça existe encore ? le Secrétariat du développement des régions. Puis, dans le milieu de ça, quand on est pauvre, on est obligé de courailler pour la banque alimentaire, là.

Ça, j'ai remarqué qu'il y avait quelque chose de grave qui se passait. C'est que, le lundi, on va à l'église A chercher, mettons, du café ? on a de la misère à comprendre comment ça se fait que les gens souvent, ils ont de la misère à chercher de l'emploi; mardi, on va aller chercher du sucre; le mercredi, on va aller chercher du café; le jeudi, on va aller chercher du lait; puis, le vendredi, on est bon pour se faire un bon café. Alors, on viraille là-dedans tout le temps puis ça nous ramène toujours à la case départ, dans le placard de l'indifférence et de l'oubli. J'en ai même fait de la poésie et j'en ai même écrit une pièce de théâtre. Mais ce n'était pas votre gouvernement, M. Béchard, c'est ce qu'on a vécu avec le précédent gouvernement, je tiens à le préciser, là. Vous, vous faites des efforts pour changer ça. Mais, ça avec, je peux vous le laisser, ça va vous donner une idée comment quelqu'un peut patauger dans le système. Puis ça n'a pas d'allure.

Et ce que je voulais vous dire, c'est qu'à un moment donné il y a eu une rencontre avec la régie régionale, qui appelait ça «la vie quotidienne des réfugiés dans le labyrinthe institutionnel». Je les ai trouvés courageux de faire cet exercice-là et j'ai participé. Et, après deux ans, j'attends toujours un rapport, puis là on me répond qu'il ne sortira pas, le rapport. C'est une Mme Côté qui va faire un genre d'article sur la trajectoire migratoire des réfugiés kosovars et bosniaques. Je me dis: J'espère qu'ils vont parler de notre trajectoire à nous autres là-dedans. Mais je trouve ça plate, tu sais, ça a coûté peut-être 5 000 $ pour organiser ça, puis ça aurait donné une bonne... ça vous aurait amené l'outil, M. Béchard, que vous cherchez: qu'est-ce qui se passe dans tout ce labyrinthe institutionnel, tu sais? Mais ça ne sortira pas, ce rapport-là.

Autre chose aussi, c'est que quand... vous, vous travaillez fort, M. Béchard, pour la mise sur pied de l'emploi au Québec, puis j'écoutais... Hier, j'ai parlé à la radio, puis j'ai quelque chose que... j'ai dit: Peut-être ça va faire rire M. Béchard un peu. Mais j'avais un beau projet pour vous, que je tiens à vous parler, ça m'est venu en fin de semaine en écoutant des émissions de télévision...

Le Président (M. Copeman): M. Fortin, je vais simplement vous donner un conseil, là: On est plusieurs parlementaires ici, à la table; ce sera approprié, je pense, si vous adressez vos paroles à tout le monde.

M. Fortin (Patrice): O.K. Oui, oui, oui. Excusez-moi, M. le Président. Alors, c'est ça, c'est que je regardais Mme Forget, tu sais, à une autre commission, je pense qu'elle semblait parler, comme je disais hier, à la radio, que, si on veut aller approcher un peu le Conseil du trésor, il faut y aller pour des projets de 100 millions et plus. Et je rappellerai qu'à l'époque j'ai rencontré le prof Rifkin, Jeremy Rifkin, qui était venu nous dire que l'avenir, c'était dans la création de PME, de petites entreprises. Alors, je me dis: Vous, vous travaillez fort dans votre commission, M. Béchard, pour essayer de faire de quoi de bien, puis, de l'autre côté, bien je ne sais pas, mais on dirait que la main gauche, tu sais, ignore la main droite un peu. Mais je me dis: On ne fait pas venir des profs, des spécialistes de Washington pour le fun, là. Il faudrait les écouter un peu.

Puis le beau projet que je voulais vous parler, c'était que je voulais... juste pour rajouter que, dans le projet de loi n° 57, on a de la misère à le comprendre parce qu'on n'a pas les règlements. Ça, on a de la misère à les avoir. Ça fait que ce n'est pas facile. Mais je dirais qu'il y aurait deux choses qu'il faudrait que vous mettiez dans votre projet de loi, qui est bien important. Avant de faire des obligations aux gens d'aller se chercher de la job, je vais vous donner des exemples, là, ce serait de faire de quoi au niveau de la formation.

Moi, j'arrive du secteur anglophone. J'ai été au niveau protestant. Quand j'ai voulu retourner à l'école aux adultes, j'ai dit... On connaît nos besoins, vous savez, M. le Président, alors j'ai dit: Il faudrait qu'on m'envoie un alpha. Puis ils ont dit: Il n'y en a plus, d'alpha. Alors là j'avais décroché. C'est là que j'ai fondé un organisme puis qu'on m'a promené dans le labyrinthe. Mais j'ai dit: Je n'embarque pas là-dedans, parce que c'est comme... Si tu ne sais pas c'est quoi, un accent circonflexe, une virgule, ce n'est pas de ma faute, c'est mes parents qui m'ont envoyé à l'école anglaise. Alors ça, c'était un premier... ça devrait être une obligation, qu'on ait la formation avant d'avoir toute obligation en emploi, puis un droit au logement.

Et là c'est là que j'ai un projet pour vous, M. Béchard. M. Bourassa, à l'époque, on s'est rencontrés une couple de fois, il serait content, vous vous souvenez qu'il disait: Quand la construction va, tout va. Alors, moi, j'ai pensé... J'ai écouté, en fin de semaine, une émission où est-ce qu'on parlait de la ville d'Arvida, que c'était un monsieur, un anglais qui avait développé ça, et toutes les maisons préfabriquées, vous savez, tout le bois était coupé à l'usine de sciage. Et on a une crise du logement, on aurait besoin de maisons; il avait réussi à bâtir une affaire comme 600 maisons en l'espace de six mois.

Et là j'ai dit... M. le Président, vous allez sûrement vous demander où est-ce qu'on pourrait prendre tout le bois. Il y a un autre reportage, qui a passé à La semaine verte, où on nous montre qu'en Colombie-Britannique on a deux prototypes: ça s'appelle un Sawfish, c'est une machine qui va chercher le bois dans les rivières où est-ce qu'il y a eu des barrages. Il y a 300 millions d'arbres. On en aurait pour 100 ans à aller chercher du bois; on ménagerait «l'erreur boréale».

Alors, on pourrait... Je dis toujours à la blague que, moi, je revendique mon bout de terrain pour cultiver du bois de chauffage, parce que c'est ça, l'indépendance: au lieu de l'aide sociale, c'est qu'on acquerrait une certaine indépendance. Et on pourrait faire de la place pour des logements pour les immigrants, parce qu'on a à peu près 40 000 immigrants qui rentrent par année au Québec. Et quand Mme Harel, à l'époque, elle avait annoncé, je pense, c'était 250 millions pour la construction de 40 000 logements sociaux en cinq ans, je me suis dit: C'est-u moi qui n'a pas été à la bonne école ou qui ne sais pas compter, mais il y a quelqu'un qui à quelque part... Alors, tu sais, il y a un besoin criant, là, et M. Bourassa, comme je dis, il disait: Quand la construction va, tout va, alors ce serait peut-être une bonne idée où on pourrait prendre les places qu'on a coupées à blanc en même temps, puis ça servirait, il y a des gens là-dedans qui sont près de la nature, reboiseraient tranquillement. Mais c'est une idée que je lance.

Puis Bombardier, qu'on parlait hier, à Valcourt, là, qui ferme, là, ils ont deux prototypes de ce robot-là puis ils en auraient besoin de 1 000. Alors, tiens, on pourrait faire travailler Bombardier. Je donne un exemple, tu sais: faire des partenariats puis aller chercher le bois où ce que c'est qu'on ménagerait l'environnement. Alors, je ne sais pas si le ministre va être en mesure d'apprécier ça.

Et pour terminer, dans les documents que j'aimerais déposer, aussi j'ai porté plainte au niveau des banques alimentaires. Et là j'ai identifié un besoin, tu sais, parce qu'il y a des gens maintenant qui vont dans les banques alimentaires, et c'est des gens de toutes sortes: il y a des fonctionnaires; on engage de plus en plus des temps-partiels, hein, ce n'est pas tout le temps des permanents, alors ça peut être des gens, des travailleurs qui ont de la misère à joindre les deux bouts et qui ont une famille. Et on se dit, nous: Peut-être que ça pourrait être ça, le gouvernement en ligne de M. Charest: diagnostiquer les gens, les envoyer aux bons endroits dans les organismes, tu sais, mais que ça commencerait avec la bouffe.

n (10 heures) n

Parce que quand je regarde la Déclaration universelle des droits de l'homme, j'ai fait tout un saut; à l'article 25, l'alimentation passe avant même l'eau potable. Alors là on parle de privatiser l'eau, mais c'est l'alimentation. Et quand on dit que les enfants, à l'école ? vous avez les clubs des petits déjeuners ? quand qu'ils n'ont rien dans le ventre, là... C'est bien beau de dire aux jeunes: Tu vas aller travailler, mais on a de la misère à avoir de la nourriture convenablement.

Puis, le meilleur coup de main que je pourrais vous dire, M. Béchard avec M. Charest, si vous voulez être réélus, je pense... et là il y a un besoin criant à s'en occuper, de ça, là, les banques alimentaires, parce que c'est comme je dis, ça va de la dignité des gens. Puis, de ce temps-ci, quand on va dans ces places-là, moi, je souhaite que M. Charest fasse ce que Jean Lesage avait voulu faire avec la Révolution tranquille: qu'il sépare une fois pour toutes ? même Papineau à l'époque ? l'Église de l'État. Et, au niveau de la nourriture, parce qu'on le voit avec tout l'étiquetage évidemment, il y a un gros problème là, il faudrait s'en occuper.

Puis c'est à peu près tout ce que c'est que j'avais à vous dire. Puis je félicite M. Copeman de m'avoir laissé parler dans la salle Louis-Joseph-Papineau, que j'ai fait beaucoup pour les Patriotes, pour faire installer un monument. Puis j'en ai un autre encore qui attend une place, là, si on peut lui trouver un bout de terrain, lui avec, là. Mais, tu sais, je suis content de pouvoir siéger dans la salle Papineau. Puis c'est des bonnes idées, je pense, qui vont permettre de relancer l'économie.

Et, si vous souhaitez aussi, je peux même vous mettre mes démarches que j'ai faites au niveau... quand Monique parlait d'écrire une constitution ? puis je termine vraiment là-dessus, là. C'est que ça permettrait... Quand vous avez... je vous ai écouté, M. Béchard, je pense, voilà deux jours, vous avez parlé que les transferts fiscaux, là, qu'on ferait avec Ottawa, là, au niveau de la santé, il y avait des... ça a amené des changements substantiels. Mais, moi, je dis... je serais plus radical que ça, je dirais que d'écrire une constitution interne, ça permettrait de dégraisser la machine un peu. Demandez au peuple: Que voulez-vous... Pas obligés d'être souverains, là, tu sais. Qu'on face comme le B.-C., la Nouvelle-Écosse, puis ça serait ça, notre rapport de force avec Ottawa, et on verrait qu'il y aurait des bonnes économies à faire là. Moi, je pense que ce serait une bonne idée.

Mais il faudrait commencer par rapatrier les documents que j'ai déjà, que... ma fille m'a ramené la constitution d'Angleterre l'autre jour; qu'on examine ça, qu'on regarde qu'est-ce c'est qu'il en est, puis je pense que ce serait une bonne idée pour vous aider à faire une bonne job à ce niveau-là.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Vianney, M. Fortin. Alors, M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. Mme Vianney, M. Fortin, bienvenue en commission parlementaire. Et je pense que votre présence et les éléments que vous amenez démontrent, je pense, l'ampleur de la consultation qu'on fait et que finalement on ne se contente pas uniquement de parler du projet de loi n° 57, mais c'est une consultation publique qui est très large, qui nous permet de parler de différents sujets.

Et je suis content que vous soyez là. Vous amenez plusieurs idées en même temps, M. Fortin, et c'est ce qui vous a caractérisé dans les dernières années. Vous n'êtes pas en manque d'idées et vous avez toujours plusieurs choses à nous proposer. Et quand vous parlez de la complexité parfois des structures, et tout ça, je vous dirais qu'effectivement je suis bien d'accord avec vous, il y a beaucoup de portes d'entrée, il y a beaucoup d'endroits où finalement on pense pouvoir aller comme citoyens, puis ça devient parfois peut-être un peu facile, que les gens nous disent oui, nous disent non, d'une porte à l'autre. Et c'est une des raisons pour laquelle je dirais qu'on travaille très fort présentement pour mettre en place Services Québec: en avoir une, porte d'entrée, avoir un endroit où les gens vont entrer, vont aller et qu'on...

Moi, je vous dirais, M. Fortin, vous avez plusieurs propositions, moi, une chose que j'aimerais beaucoup qu'il se passe, c'est qu'on arrête de dire aux gens: Non, ce n'est pas ici, ce n'est pas la bonne porte. Qu'on soit capable de dire aux gens: Oui, c'est ici, ou: Même si ce n'est pas le bon endroit exactement, on va t'aider quand même. Et je vous dirais qu'on travaille très fort pour réussir à mettre ça en place, entre autres avec Services Québec, avec tout ce qu'on appelle le continuum de services aux citoyens, là, qu'on soit capable de suivre les citoyens. Et ça, là-dessus, je vous... on vous entend et je dirais que c'est dans nos... Il y a des choses qu'on veut mettre en place, mais, pour avoir peut-être de meilleures idées ou aligner certaines choses, j'aimerais que vous me parliez.

Vous avez soulevé dans votre mémoire, dans votre présentation, parfois les problèmes que vous avez eus entre les centres locaux d'emploi puis les CLD. Puis en même temps nous parler de votre projet, parce que vous avez la chance, là, de nous en parler. Alors, peut-être ce serait ma première question, à savoir: Quels sont les problèmes que vous avez rencontrés, entre les centres locaux d'emploi et les CLD? Et en même temps peut-être d'avoir plus de détails sur le projet qui a été présenté ? c'est écrit ici «en commission parlementaire» ? alors peut-être que le président pourra envoyer, à la limite, la transcription de ce que vous allez nous présenter comme projet, ou vous pourriez repartir avec et aller le présenter aussi dans les centres locaux d'emploi et les CLD. Juste pour avoir des détails là-dessus.

M. Fortin (Patrice): Bien, M. Béchard... M. le ministre, je vais vous dire, le projet, moi, je l'ai mis sur la glace un peu dans le moment. Parce que, moi, mon projet, je vais vous le dire, j'étais fervent amateur des Patriotes, notre histoire, O.K.?, puis j'ai lu beaucoup là-dessus, énormément. D'ailleurs, souvent il y en a qui me disent: C'est toi, Patrice, qui devrais être le conseiller à M. Charest peut-être au niveau patriotique. Même Robert Benoît me rencontre des fois puis il dit toujours à la blague: Patrice, tu es notre meilleur spécialiste des Patriotes. Bon.

Mais ce que je veux dire, c'est que, non, moi, j'ai expérimenté ça sur le terrain. Tu sais que quand tu commences, là... je donnais un exemple des CLSC, c'était pour faire une image, mais quelqu'un qui ne sait pas où est-ce qu'il va s'en aller là-dedans, il commence souvent par les carrefours jeunesse-emploi. Après ça, je me suis ramassé au CLE; le CLE m'envoie au CLD; après ça, je me suis ramassé à Entreprenariat Laval; centre de ressources des entreprises... concertation des entreprises qui font des plans d'affaires, à l'Université Laval. Je me ramasse, après ça, à Libre Emploi, à Limoilou, qui me... Là ils ne pouvaient pas m'aider ? c'était pour un C.V. Après ça, je me suis par moi-même ramassé au Centre de ressources des entreprises communautaires autonomes, et là ils ont des rendez-vous puis ça prend six mois, un an. Là, tu deviens tout découragé. Mais là, vu que votre gouvernement est rentré, j'ai dit: Je ne sais pas s'ils vont...

Moi, ce que je voulais faire, mon projet, je vous le dis, c'est un centre d'interprétation en mémoire des Patriotes, d'être fier de notre devise qu'on a sur nos plaques de char. J'en suis très fier. On a le droit d'en être fier, hein? Je dis souvent que, si j'avais le sérum de fierté, il y en aurait une gang qui en aurait besoin. Ce n'est pas moi qui l'a inventé. Mais, pour ce qui est des Patriotes, M. Papineau, il a occupé le plus long mandat dans l'histoire du Québec. Puis souvent les gens ne connaissent pas leur sens de leur devise. Alors, moi, j'aurais pensé, pas loin de l'Assemblée nationale, qu'on explique un peu comment ça s'est fait, les 92 résolutions, qu'est-ce qu'il en était exactement.

Puis je ne pensais pas que les gens, ils se bataillent autour de ça. Mais, tu sais, comme je vous dis, avec votre gouvernement... D'ailleurs, M. Papineau, peut-être ne le saviez-vous pas, mais c'était même le... je pense que c'était un des fondateurs du Parti libéral du Québec. Parce que le Parti patriote a commencé à s'appeler le Parti canadien, après ça le Parti patriote, le Parti réformiste, puis il est devenu le Parti rouge, puis le Parti libéral. Alors, on doit être fier de ça, hein?

Mais qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? Je ne sais pas. Non, présentement, moi, je vais vous dire honnêtement, là, j'aimerais mieux réaliser ma pièce de théâtre, que j'ai écrite sous forme d'un film. Je suis en train de travailler, j'ai fait des marionnettes, je vous le dis tout de suite. Ça va être un peu drôle. Ça va se questionner sur tout, un peu, notre société. Puis là je travaille bien fort tous les décors, les tableaux.

Mais, encore là, au niveau des arts, ça, c'est une autre affaire. Je ne sais pas si vous me permettez que je vous en glisse un mot, mais je trouve qu'au niveau des arts le parti précédent ne l'avait pas. Autrefois non plus, je veux dire... C'est parce que, quand tu regardes la déclaration... l'article 27 de la Déclaration des droits de l'homme, on dit que c'est une chose qui appartient à tout le monde, ce n'est pas une affaire de cash, tu sais. Il n'y a pas d'office de profession de sculpteurs, d'écrivains, de ci de ça.

Mais, quand dans les faits on regarde ça, on donne un montant au Conseil des arts et lettres, puis eux autres donnent ça à des artistes professionnels. Mais ça ne devrait justement pas être ça. Ça devrait être... Puis c'est une manière même... qui est bon pour l'économie, quand... Comme, moi, j'ai fait une oeuvre d'art à l'Îlot Fleurie, à la basse-ville; c'était pour la libre expression. Ça a reviré autrement après le Sommet des Amériques, mais ça faisait travailler des gens autour, des petits commerces, Omer deSerres qui vend des pinceaux, des ci, des ça. C'est bon pour l'économie.

Mais on n'a pas de place, à nulle part, M. Béchard. Tu sais, qu'on essaie dans les arts, qu'on essaie dans n'importe quoi, on est bloqué partout. Il faudrait au moins que ce domaine-là, les arts, on rouvre ça un peu puis qu'on dise: Envoie, let's go; vous voulez en faire, des arts? Je pense que ce serait quelque chose de bon, ça, au niveau... Vous devriez même, je pense, vous-même, comme ministre, dire... comme à l'École des métiers d'art, là, d'en faire la promotion, puis, si des assistés sociaux veulent faire quelque chose, bien qu'ils commencent là.

Parce que souvent quelqu'un va arriver, il va avoir travaillé dans le secteur professionnel, il lâche à un moment donné, il perd sa job, il se ramasse au chômage. Bon. Bien là, des fois, tu sais, tu perds ton cercle d'amis, tu n'as plus de place où aller. Mais, les arts, ça peut être un moyen de se réinsérer, là, de prendre confiance en toi, rencontrer d'autres gens, te dire que tu es encore quelqu'un, tu sais?

Je ne le sais pas. C'est une idée que je vous donne, moi. Mais je n'ai jamais compris pourquoi qu'on n'en faisait seulement qu'une affaire de profession, là, de professionnels, puis tout. Je ne sais pas, là. Mais, comme je vous dis, moi, j'ai comme décroché, puis je vous ai montré un peu le parcours que quelqu'un qui essaie de se partir un projet, tu sais. Il doit se promener dans tout ce labyrinthe-là. Ça n'a pas d'allure. Il faut changer ça un peu, tu sais, il faut qu'il y ait une porte d'entrée directe, comme vous avez dit.

Ah oui, puis il y a une autre chose aussi, tiens. Je me suis rendu compte, vous ne me croirez pas, mais j'avais des amis, moi, qui ont voulu suivre des cours, par exemple, avec Emploi-Québec, avec ÉquiTravail. On me disait qu'ils achetaient des cours. Mais, pour qu'ils puissent suivre des cours, il fallait qu'ils aient des troubles de santé mentale. Puis j'en ai même une, une amie, qui a dû se promener, quatre, cinq psychiatres, elle a dit: Déclarez-moi folle, je vais pouvoir suivre des cours. Une autre qui a suivi des... qui est rentrée à Mezzanine, avec Méduse, pour des arts. Moi, je ne pouvais y aller, mais, elle, elle pouvait y aller: elle avait un trouble de santé mentale. Et une autre amie que j'ai rencontrée aussi, qui a eu une aide pour un plan d'affaires, sur Charest, je pense que c'était une affaire comme 5 000 $. Mais il fallait qu'elle ait un trouble de santé mentale. Alors, j'ai dit: C'est là que ça trouve tout son sens, l'expression: «Il ne faut pas être fou pour travailler ici, mais ça aide en maudit».

n (10 h 10) n

Alors, tu sais, je me dis: Il ne faut pas que... Je ne dis pas qu'il ne faut pas aider ces gens-là. Bien sûr qu'il faut les aider. Mais les gens qui ont une expérience de vie ou de vécu, s'ils ne sont pas capables d'avoir la formation, bien qu'on tienne compte de ça puis qu'on essaie de les aider là-dedans. Puis souvent c'est des très bonnes personnes. On ne devrait pas y aller avec la répression. On devrait tenir compte... Tu sais, si tu n'as pas pu avoir la formation, parce que tu viens du secteur anglophone ? puis il y en a beaucoup de même, M. Béchard ? bien, que ces gens-là... qu'on tienne compte de leur expérience de vie, souvent... qu'ils en ont une très bonne, puis qu'on les intègre puis qu'on les implique dans la société, là, dans les programmes.

M. Béchard: Oui. Mais je veux juste vous dire, M. Fortin, que ce que vous amenez au niveau des dédales et de toutes les choses, vous êtes sûrement d'accord avec le fait qu'on est en train, avec Services Québec, de tenter de faire un peu de ménage là-dedans, dans les portes d'entrée.

Puis, deuxièmement, au niveau des mesures comme telles d'Emploi-Québec, je vous dirais qu'on a évalué un certain nombre de mesures puis on est en train de penser à revoir le coffre d'outils, voir c'est quoi, les mesures, celles qui fonctionnent ou qui ne fonctionnent pas. On a eu des rapports qui nous disent qu'il y a un certain nombre de mesures qui sont très bonnes; peut-être qu'il y en a d'autres qui marchent plus ou moins. Alors ça, j'imagine que là-dessus vous allez être d'accord avec moi, sur la révision d'un certain nombre de mesures.

Mais je veux aussi... Vous avez parlé de la question du revenu minimum, du salaire minimum, et tout ça. Pour vous, là, c'est quelque chose qui est important? Ce n'est pas juste, là, le barème plancher puis la couverture de besoins essentiels, vous, c'est le revenu minimum garanti que vous proposez?

M. Fortin (Patrice): Bien, moi, je vais vous dire, j'ai participé à l'époque, avec M. Bouchard, là, le sommet économique, là, O.K., puis à l'époque il y avait même des médecins. On sait souvent... prenez comme Papineau, il y avait le Dr Labrie à l'époque; les médecins sont bons conseillers envers nos politiciens, nos chefs d'État.

M. Béchard: Comme M. Bouchard.

M. Fortin (Patrice): Bien, exactement. Et on était tous venus parler à l'époque, il y avait comme un consensus ? on est forts là-dessus, là ? sur une réforme en profondeur de la fiscalité. O.K.? Mais ça, pour que ça se fasse ? c'est pour ça que j'amène l'idée d'une constitution ? je veux dire, il faudrait demander aux gens... bon, je ne sais pas, moi, je donne un exemple, là, vous n'êtes pas obligé de le prendre au pied de la lettre, mais: Les CLSC, on a-t-u encore besoin de ça? Il y en a qui chialent que ce n'est pas ouvert 24 heures, puis ci, puis ça. Il faut se requestionner à un moment donné. Puis je vous dis que ça vous aiderait en maudit.

Ceux qui sont contre la réingénierie... Moi, je vous félicite là-dessus, M. Béchard, avec M. Charest. Mais, la réingénierie, la façon de la faire, c'est là qu'il y a un problème, on dirait. Demandez donc aux gens: Que voulez-vous? Un Québec souverain ou pas souverain? Bien moi, je vous dis: Pas souverain; on pourrait le demander pareil. Avez-vous besoin de telle structure, telle patente? Je vous jure que vous allez réaliser des économies. Il y a des gens qui vont vous dire: Regarde, ça, là, on n'en a plus besoin, ça ne tient pas debout. Bon.

Mais, pour ce qui est du revenu, bien, s'il n'y a pas de réforme en profondeur de la fiscalité... Tu sais, il faut dégraisser en quelque part, là. Il ne pourra pas y en avoir, de revenus, je veux dire. Il y en a qui disent: Vous allez déshabiller Paul pour habiller Jacques. Mais c'est de savoir comment l'habiller, Jacques, là, tu sais? Mais allez-vous le faire, l'exercice de la réforme en profondeur de la fiscalité? Je ne le sais pas, là. Mais c'est ça que ça prendrait.

Puis, comme je vous le disais, à l'époque, moi, je parlais avec des médecins, à un moment donné, puis ils disaient tous: Oui, ça prendrait ça. Je n'étais pas tout seul à le réaliser. Ce n'était pas juste Patrice Fortin, là. Il y avait des médecins, des gens qui ont étudié l'économie un peu, qui disent: Oui, bien je pense, c'est ça que ça prendrait. Mais c'est tout un exercice à faire, je ne vous en cache pas, là, tu sais?

Mais je vous félicite pour la faire, la réingénierie. Au moins, vous avez ce courage-là. Puis, ceux qui chialent contre ça, s'ils vous donnent une chance de continuer, je pense qu'ils vont voir des bons résultats au bout de la ligne, moi.

M. Béchard: Bien, merci là-dessus. Le point, dernière question que je vais vous poser, c'est le lien que vous faites entre la rédaction d'une constitution interne et la lutte à la pauvreté. J'essaie de voir le lien, parce qu'on peut avoir un plan de lutte à la pauvreté, on peut faire plein de choses sans nécessairement avoir une constitution interne. Puis il y a des gens qui vont dire justement: Si on se met à écrire une constitution interne, on fait vivre plus les constitutionalistes puis les experts en constitution que les autres. Alors, c'est pour ça que je veux vous entendre là-dessus, sur le lien que vous faites entre la mise en place d'une constitution interne et la lutte à la pauvreté.

M. Fortin (Patrice): Bien, c'est parce que ce serait de remettre ça à jour. Je vais vous dire, moi, j'ai lu un document qui émanait du Conseil exécutif, c'était un M. Marcel Faribault, à l'époque, qui écrivait, là, tu sais? Ce n'est pas rien, là. Puis, lui, il disait que... je parle pour la Constitution canadienne, là, il disait qu'il n'y a pas un pays qui pouvait se payer un tel trip égocentrique ou... Tu sais, c'était comme... c'était trop volumineux. Ça ne tient plus debout. Il faudrait mettre ça un peu à l'ordre. On sauverait dans le coupage d'arbres, puis tout, des lois, puis des lois, puis une autre loi, puis... Je parlais du règlement de l'aide sociale; on n'est même pas capable de l'avoir. Tu sais, tu as une loi puis tu as un règlement qui vient contre la... Je veux dire, à un moment donné, simplifions ça un peu.

Puis, quand je parle de se rédiger une constitution, c'est que ça nous appartient à nous, la constitution, O.K.? Et ce n'est pas savant, ça, là, là. Puis on aura beau en écrire une demain, le lendemain, il y en a qui ne seront pas contents; on va la modifier. Alors, c'est en perpétuelle, ça, modification, là. Mais, je veux dire, ce serait une manière un peu de simplifier toute la machine de paperasse qu'on ne s'y reconnaît plus, là. Ça n'a plus de bon sens.

À Ottawa, on l'a codifiée, mais ça, encore là, tu sais, c'est compliqué. Parce que, pour la partie du Québec, la Constitution, quand Ottawa la codifie, il fait de 1867 à 1982; tandis que, moi, quand j'ai fait des demandes par la loi d'accès, je remontais jusqu'au Traité de Paris, l'Acte de Québec, l'Acte de 1791, puis j'ai tenté de... Il y en a eu un... Moi, ce que je demandais dans le fond, c'est un maître document. Parce que les gens, tu sais, ils disent que c'est la première loi fondamentale qui guide nos rapports avec l'État, puis que les gens, comme je dis, ça leur appartient puis ils veulent savoir comment ça se passe. Puis il faut leur montrer, tu sais, il faut que ce soit palpable. Il y a un maître document qui a été fait au moment du centenaire de la Confédération; j'ai écrit aux archives ? ils n'étaient pas capables de le retrouver, en passant. Mais ça nous donnait un peu, en gros, tu sais, d'inclure les chartes là-dedans puis dire: Regarde, c'est ça, la constitution de ta province.

Moi, ce que je pense qui serait souhaitable, par exemple, ce serait d'en écrire une interne, pour le Québec, tu sais. Bien, ils en ont fait une dans le B.-C., le Constitution Act; ça définit un peu l'exécutif. Mais, je veux dire, quelque chose qui simplifierait tout ça un peu, tu sais, puis vulgariserait tout ça pour les citoyens. Parce que, tu sais, souvent, ça, c'est un gros mot, hein, ça fait peur aux gens: C'est quoi, cette affaire-là, la constitution? Dans le fond, ce n'est pas plus compliqué que ça, c'est comme un contrat de char, un contrat de maison, tu sais? Mais ce serait bon qu'on le sache, je pense, un peu, c'est quoi, puis ça nous permettrait de mettre ça à la page, mettre ça à jour un peu, tu sais, puis, comme je dis, réduire la paperasse, puis tout. Puis vous sauveriez de l'argent, en tout cas, je pense, là-dessus.

Puis en même temps bien on pourrait définir aussi nos limites territoriales. Parce que, ça avec, on a un problème, là, je veux dire, tu sais. Mettons, même si on voudrait devenir souverain, on ne sait même pas c'est où qu'elles commencent, nos frontières, puis où est-ce qu'elles arrêtent. Il y a des gens qui me disent: Bon, le Labrador, on l'a perdu; on va-tu le récupérer, tu sais? C'est où, la longitude, la latitude du Québec? Je veux dire: On défend quoi, là? C'est ça, là. Mais, comme je vous dis, vous n'êtes pas obligés de vous séparer non plus. Le B.-C. en ont faite une, la Colombie-Britannique, puis il y a le Nunavut. On se fait dépasser par les indiens, mautadine! Je veux dire, ça n'a pas d'allure. On est capable, on n'est pas si imbéciles que ça, nous autres, tu sais.

Mais, en tout cas, ce n'est pas à vous que je demande de devenir le James Madison, ou le Benjamin Franklin, ou Thomas Jefferson, mais, tu sais...

M. Béchard: ...humble que ça.

M. Fortin (Patrice): Oui. Puis en même temps... Non, non, mais c'est important, j'ai lu ça dernièrement, M. Béchard: James Madison, quand il a écrit la Constitution, c'était important, aux États-Unis, de faire la séparation entre l'Église et l'État. Papineau a voulu le faire; Jean Lesage en a parlé, avec la Révolution tranquille, mais elle ne s'est jamais faite. Moi, j'ai hâte du jour... Je ne dis pas que les églises, on ne peut plus aller prier là-dedans. Au niveau de la nourriture, par exemple, ça n'a plus sa place. Je pense qu'on devrait sortir ça de là, parce qu'il y a des minorités ethniques, on...

Vous savez, M. Charest, puis ça, c'est important, je vous le rajoute, on parle de démographie, j'ai voulu savoir les statistiques au niveau d'un recensement. On en faisait un, je pense, au niveau électoral; on n'en fait même plus. Alors, on est obligé de demander au fédéral: Qui rentre chez nous? Qui sort de chez nous? Ça n'a pas de bon sens. Quand on veut parler de démographie, là, il faudrait faire un recensement.

D'ailleurs, ça avait glacé, je pense, l'Assemblée législative quand Papineau, à un moment donné, il avait dit: Si vous voulez faire un projet de loi qui tient debout, faites-en donc un sur le recensement. Ça avait glacé la Chambre. Mais c'était pour vous montrer que ça, c'est la base. On veut savoir qu'est-ce qui se passe chez nous? On fait un recensement. Pas obligé d'en faire un à tous les quatre ans; on peut en faire un par 10 ans. Là, on a vraiment la photo, là.

Ensuite de ça, bon, on se base là-dessus pour dire: Bon, bien, pendant le recensement, on peut poser des questions aux gens, tu sais, ça peut être un genre de référendum. On le fait aux États-Unis lors de l'élection, mais on peut le faire par recensement, demander qu'est-ce qu'ils veulent comme projets: Si vous avez des projets à soumettre, le faire pendant ce recensement-là, tu sais. Pas de se fier à Léger & Léger, là.

Mais ce que je veux vous dire, c'est ça, tu sais, c'est... Quand j'entends parler, moi, de ce temps-ci, on parle de démographie; on ne sait même pas qui qui rentre, qui qui sort de chez nous. Je veux dire: décidé par nous-mêmes, là, fait par nous-mêmes sur le terrain. Je ne sais pas. En tout cas, c'est une idée que je vous lance, là, tu sais, c'est toutes sortes de questions que j'amène en même temps, puis c'est important de se les poser, ces questions-là.

M. Béchard: Effectivement.

Le Président (M. Copeman): Ça va?

M. Béchard: Merci. Oui.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'emploi, de solidarité sociale et de la famille.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Mme Vianney, M. Fortin. J'aimerais revenir sur la question des banques alimentaires. Qu'est-ce que vous changeriez exactement, M. Fortin, dans le fonctionnement des banques alimentaires?

M. Fortin (Patrice): Moi, ce que je changerais, ce serait de... Le premier, là, c'est le lieu physique. Parce qu'il y a des gens... Moi, j'ai regardé, l'autre jour, un reportage sur... à Montréal ? comment ça s'appelle? ? Sun Youth, là, Jeunesse au soleil; je me demandais si c'était dans une église, puis j'ai cru voir que c'était dans une école abandonnée. Moi, j'ai parlé avec des personnes immigrantes qui m'ont dit qu'ils n'osaient pas se présenter là, parce que le lieu physique, ils ne s'identifient pas à ça. Alors ça, on peut comprendre ça. Puis il y a des gens que, pour leur religion, pour x raison, ils ne veulent pas aller là-dedans. Alors, moi, je dis il faudrait faire un local, une bâtisse.

Ou, quand je vois les régies régionales, qui fonctionnent avec des enveloppes budgétaires de 2, 3 milliards. Qu'est-ce que ce serait de prendre 1 million, faire une bâtisse, là, neutre, où que les gens iraient puis ils se sentiraient comme bien reçus là-dedans? Puis, en plus, bien, comme je le disais, on pourrait mettre des personnes qui pourrait diagnostiquer des gens, les envoyer, arrêter de les promener dans les labyrinthes. Ça, c'est un trouble de santé mentale? Bien, on t'envoie à tel endroit.

Une voix: ...

M. Fortin (Patrice): Oui. Comme le projet à Monique. D'ailleurs, Monique, c'est là-dessus qu'elle s'est concentrée. Puis, par exemple, comme des pauvres qui cherchent de l'emploi, bien ils pourraient avoir accès à des ordinateurs. Des fois, ils envoient des e-mails à des compagnies, tu sais. Avoir des réponses. Parce que souvent il faut qu'ils payent, qu'ils aillent dans des petits cafés, alors ça en fait, des coûts encore, supplémentaires, quand tu n'as rien que 500 quelques par mois, 5 $ ici, 10 $ là, pour aller chercher tes courriels. Je pense que ça permettrait, tu sais, d'aller voir qu'est-ce que... s'ils ont-u reçu une réponse à leur recherche d'emploi, etc., tu sais?

M. Bouchard (Vachon): Donc, vous voyez ça comme un endroit multiservices en même temps?

n (10 h 20) n

M. Fortin (Patrice): C'est ça, le centre multiservices. Puis, il y a beaucoup de gens que je rencontre sur le terrain qui me disent: Quand est-ce que ça va arriver? On en a parlé. Mais il ne faut pas rien qu'en parler, il faut faire de l'action, là, tu sais. Je pense que ce serait une belle bienvenue de la part de M. Charest, parce que là on se dirait: Vraiment, il y a une volonté du gouvernement de remettre les gens au travail, mais dans une dignité.

Parce que dans le moment, moi, je trouve que c'est quasiment l'humiliation. Ça n'a pas de bon sens. Moi, quand je vais... j'appelle ça «la soeur concombre», là, ou «la soeur podium» ou la soeur... En tout cas, tu as un podium, puis il y a des places, puis on fiche les gens; on demande nos numéros d'assurance sociale. J'ai même eu un jugement de la Commission d'accès où on n'est pas supposé demander ces renseignements-là. C'est humiliant. Des fois, tu peux avoir une perte d'emploi, tu peux être un fonctionnaire, puis on va te demander ton numéro d'assurance sociale, ta date de naissance. Je me l'ai encore fait demander hier.

Ou encore, comme... on prend les roulottes. L'autre jour... On m'a même barré dans les banques alimentaires, dans les églises, parce que je m'étais plaint. Et je suis allé pour chercher un hot dog l'autre soir, au Marginal, j'ai dit: Je vais faire un petit test ? les fameuses roulottes, là, qu'on met avec la Saint-Vincent-de-Paul. Puis on me disait que là, là, c'était juste pour les 12-25 ans. Bien j'ai dit: Tu parles d'une affaire, toi! Ça veut dire qu'en haut de 25 ans tu ne manges plus, là, tu sais. Si tu es barré à quelque part, là, tu fais quoi? Je me dis: Ça n'a pas de bon sens.

C'est une autre chose, ça, les groupes d'âge. On devrait éliminer ça. On n'a pas le droit, selon la charte, mais, la charte, elle laisse une porte ouverte en disant, après le mot «âge», «sauf dans la mesure prévue par la loi». Alors, pas le droit de faire de la discrimination selon l'âge, mais on ouvre la porte toute grande ouverte pour que les projets de loi soient faits dans les ministères puis qu'il y en ait, de la discrimination, tu sais. Puis ça, on l'avait identifié avec Mme Maltais à l'époque, là, les groupes. Parce que, quand tu as entre 18-35 ans, tu as des programmes, dans le gouvernement, mais, entre 35-55, il y a comme une zone grise, là.

Et, en tout cas, c'est tout ça, tu sais, mais c'est l'approche, c'est le lieu physique, quand vous parlez des banques alimentaires, c'est la façon dont on reçoit les gens. Les bénévoles souvent sont impolis avec les gens, puis il faut qu'ils soient polis, aussi, là, hein? Moi, quand j'arrive dans une salle, dans une église, puis on dit: Vos gueules! Ce n'est pas ça qu'on dit. Moi, j'ai toujours appris qu'on disait: Silence, s'il vous plaît! C'est comme ça que ça fonctionne dans les assemblées, puis il faut avoir un respect des citoyens, puis ça, ça manque beaucoup, là, tu sais. Ça fait que tu en prends un coup quand tu te ramasses là, M. Bouchard.

Mme Vianney (Monique): D'où vient la naissance d'une pétition qu'on fait actuellement circuler à cet effet-là.

M. Fortin (Patrice): Oui, c'est ça, tu sais. Si ça continue comme ça, on n'aura pas le choix. Je pense que... Puis je pense qu'il y a bien des gens qui vont nous appuyer. Éventuellement, on demandera une enquête publique là-dessus, parce que je dis: Il y a tout... Au niveau de la nourriture, il y a des gens, vous savez, dans les banques alimentaires, ils ne mangent pas de porc, les musulmans; il y en a d'autres qui mangent casher. Il faut respecter ça. Il y en a, par exemple, qui ont des allergies aux arachides; bien, il faut leur dire, là, s'il y a des... tu sais? Alors, on ne fait pas affaire avec des animaux, là, on fait affaire avec des êtres humains. Bien, c'est tout ça qu'il faut changer, pour vous donner une image, là, tu sais.

Puis ça, je sais qu'il y a un travail qui se fait avec M. Paul Martin, à Ottawa, au niveau, bon, de la vache folle. Quand la frontière est bloquée pour le Canada, elle est bloquée au Québec avec. Tout l'étiquetage. Moi, j'ai participé avec Santé Canada, je demandais... là, j'allais un peu loin, mais j'ai demandé quasiment un amendement à la Charte canadienne pour que ce soit un droit de savoir quoi on mange. Parce qu'on prend comme le boeuf, j'expliquais: il y a des vitamines qu'on leur donne, des amphétamines, puis quand vous, vous en prenez déjà, bien là vous faites comme une surdose de tout ça. Alors, il faudrait savoir un peu. Mais ça s'en vient, hein, ils appellent ça la traçabilité. Ça a commencé avec le boeuf. On dit: le porc, en 2005, puis la volaille, bien on a eu la grippe aviaire, on ne sait pas quand est-ce que ça va venir, mais on souhaite que ça se fasse, parce que c'est aussi que... c'est des échanges internationaux.

La journée où on va dire de la plus haute personne dans la société, au plus gros salaire, au plus bas, on dit: On est sécures, on trouve qu'au niveau alimentaire, c'est bien, bien nos exportations vont reprendre sur le marché international, puis ça va bien aller, puis on va dire: Peut-être qu'on est un modèle à ce niveau-là. Alors, c'est tout ça qu'on veut faire.

M. Bouchard (Vachon): Dans votre mémoire...

M. Fortin (Patrice): Ça, c'est toute une commande, en passant, hein?

M. Bouchard (Vachon): Oui. Je m'aperçois de ça, là. Mais, dans votre mémoire, vous proposez de créer des emplois en rémunérant les aidants naturels. J'aimerais vous entendre un petit peu sur cette proposition-là.

M. Fortin (Patrice): Bon. Bien, les aidants naturels, on a été dans une rencontre, moi puis Monique, l'autre jour, puis c'est comme...

Mme Vianney (Monique): Il faudrait que je parle, moi aussi, un petit peu, hein?

M. Fortin (Patrice): Oui, oui, mais je veux juste... Non, mais je veux juste terminer en disant que, moi, j'ai participé aussi à une autre rencontre sur la fibromyalgie. Là, on se rend compte que c'est les groupes qui ont des bons objectifs, mais ils n'ont pas l'aide, tu sais. Ils voudraient faire plein de choses, mais souvent, bon, on leur donne une subvention; ça contribue à payer leur salaire, mais, pour les aidants naturels sur le terrain, les gens, ils ne reçoivent rien. Alors, c'est sûr que... Je pense qu'il y a bien des gens avant nous qui sont venus vous le dire; il y a d'autres gens qui viendront vous le dire. Comme que j'ai déjà dit en commission: On espère qu'on est compris. Mais souvent c'est une question, quoi, budgétaire, tu sais. Je pense qu'il va falloir...

Si on a dit... Regardez, là, si on dit que ? c'est Mme Chloé Sainte-Marie ? ça coûtait 100 000 $, par exemple, pour garder une personne chez elle puis ça en coûtait 250 000 $ à l'État, je me dis: Coudon! est-ce que vous manquez de comptables agréés ou de comptables pour faire votre comptabilité? Puis vous serez capables de vous informer comme du monde puis dire: Si c'est vraiment une économie de le faire en payant les gens pour garder leurs parents chez eux ? puis que souvent c'est ça qu'ils souhaitent aussi ? bien faisons-le. Puis, si ça coûte moins cher, bien, mon Dieu! ça devrait être la logique même qui devrait dire qu'on devrait le faire.

Parce qu'il me semble, la réponse est dans la question, tu sais. Mais, encore là, c'est une question de volonté, tu sais. Et, si vous considérez que vous avez les moyens de le faire, au gouvernement, puis vous allez faire des économies, bien faites-le. C'est tout. Je veux dire, le monde, ils ne demandent pas mieux que ça, tu sais. Toi, Monique, tu avais de quoi à rajouter? Oui?

Mme Vianney (Monique): Oui, c'est ça. On a assisté à une rencontre justement qui parlait des aidants naturels. Je sais qu'actuellement il y a plusieurs regroupements d'aidants naturels qui se regroupent à travers la province, et à Québec ça commence à émerger. Puis je sais qu'actuellement il y en a plusieurs qui leur demandent: Bon, moi, j'aimerais ça, par exemple, quitter mon emploi et pouvoir offrir mes services auprès de ma famille; est-ce que je pourrais être rémunéré? Comment peut-on avoir une reconnaissance pour être rémunéré? Est-ce qu'on peut reconnaître ce genre de travail éventuellement?

C'est pour ça que nous, à travers notre mémoire, bon, on a souligné... bien peut-être aussi innover en termes de types d'emplois, je pense qu'il faut innover de ce côté. On est conscient, on en parle avec plusieurs personnes, puis il y a des possibilités de créer 100 % en emploi. Moi, je suis tout à fait d'accord que les assistés sociaux ne doivent pas rester assisté social toute leur vie, là, il y a des façons de créer des emplois.

Bon, c'est sûr que là, à ce moment-là, ça demande une concertation autant des... bien de tous les organismes qui regroupent l'État finalement, les entreprises privées, les syndicats, je pense c'est tout le monde qui doit s'impliquer dans tout ça, se pencher là-dessus et savoir, bon, est-ce qu'on peut reconnaître les aidants naturels, et, s'il faut les rémunérer, comment, et tout ça. Alors, je sais qu'il y a des regroupements qui se font actuellement pour reconnaître le droit d'exercer ce type d'emploi là. Parce que c'est criant. La population est vieillissante, je pense, et c'est des belles possibilités d'emploi puis de réorientation de carrière pour certains.

Sauf qu'actuellement, aussi, on dénote aussi environ 35 % des femmes aidantes présentent un niveau de détresse psychologique élevé, donc il y a ça aussi qu'il faut tenir compte. C'est bien beau, aider des gens, des personnes âgées ou des personnes qui ont des problèmes soit de santé mentale... Parce que, moi, actuellement, j'en aide deux personnes qui ont des problèmes de santé mentale: un ancien qui a remporté un concours en innovation technologique à l'âge de 20 ans ? c'est un génie ? et il a chaviré, du jour au lendemain sa vie a été chamboulée. Il est assisté social. Il devait venir justement, venir raconter un peu son histoire ce matin, mais il n'était pas en état de venir. Et une autre aussi qui voulait parler justement de la situation, qu'ils sont vraiment dans un labyrinthe sans fin.

Au niveau de la santé mentale, il y a tellement... Dans la région même, ici, on investit au-delà de 10 millions dans plusieurs organisations, et, nous, on fait le tour puis on trouve que les missions puis les objectifs se rejoignent pas mal, et on trouve qu'il y a beaucoup à faire et il y a beaucoup de ménage à faire de ce côté. Je pense que le gouvernement, comme on dit, injecte beaucoup de millions un peu partout; je pense qu'il va falloir étudier ces dossiers.

Parce que des organisations, vraiment, là, on se demande même comment se fait-il qu'elles sont financées, parce que les services qu'elles offrent ne sont pas nécessairement... il manque de suivi et de continuité et ils inondent les personnes de santé mentale avec des papiers à lire à n'en plus finir, à faire des réflexions sans cesse. Ce n'est pas comme ça qu'on va les rendre aptes au niveau de l'emploi. Je pense que vraiment, là, il y a beaucoup à faire dans cette réingénierie des services aux personnes.

M. Fortin (Patrice): Puis j'aimerais renchérir un petit point. Je pense, M. Bouchard, les solutions, la façon de les trouver, soit pour les aidants naturels, la fibromyalgie, je pense que ça devrait venir, comme on l'a dit au début, avec une commission nationale sur l'emploi, hein? Ce serait de faire venir ces groupes-là, puis de leur demander, bon, comment est-ce qu'ils voient ça, puis se dépêcher parce qu'il y a un vieillissement de la population. Il faut que ça se fasse, là, puis c'est pressant.

Puis, comme je dis, bien ça coûterait peut-être moins cher de les avoir. Parce que, n'oubliez pas, hein, à l'époque, là, quand on a fait le programme d'aide sociale, là, c'était M. Louis Bernard, qu'on avait qualifié l'architecte des programmes sociaux qu'on vit encore aujourd'hui, là, puis souvent, on le revoit souvent, ce M. Bernard-là. Je ne sais pas s'il est encore dans le portrait, mais on aimerait ça, nous, devenir les architectes, les Taillibert, là, d'une future loi qui se tiendrait debout à ce niveau-là.

M. Bouchard (Vachon): ...

M. Béchard: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Fortin (Patrice): Oui. Non, non, mais c'est parce que... Je disais ça à la blague, là.

Mme Vianney (Monique): ...à faire du ménage, là.

M. Fortin (Patrice): Non, non, mais, tu sais, on n'a pas besoin, tu sais...

Mme Vianney (Monique): Cette structure-là, là.

M. Fortin (Patrice): Oui, toute la structure. Bien, c'est ça. Non, mais ce que je veux dire, c'est qu'à l'époque Louis Bernard... Mais j'avais un ami, moi, qui était haut-fonctionnaire, puis on disait à la blague qu'on accepterait... Moi, je la prendrais, je pense, la job à Louis Bernard, à 100 000 $ par année. Parce qu'on parlait dans le journal qu'il était rendu à 1 million de salaire.

Mme Vianney (Monique): Non, 1 million par année.

M. Fortin (Patrice): On se dit: Y a-tu un homme qui vaut ça, au Québec, là, de salaire, là? Ça ne se peut pas, là. Ça n'a pas de bon sens. Nous, on viendrait vous consulter pour gratuitement, si vous voulez, M. Béchard. Dans le sens que je me dis: Ça appartient... C'est comme la Constitution, ça appartient aux citoyens. Les lois, la Constitution, tout ça nous appartient à nous. Alors, n'ayez pas peur. C'est le gage du succès, de réélection du Parti libéral. Puis c'est pour ça que je vous félicite souvent là-dessus. Quand vous écoutez les citoyens, c'est la meilleure personne à écouter. Il ne peut pas se faire mieux que ça. On est, tu sais, les citoyens, votre raison d'être, hein? Si on ne serait pas là, vous ne seriez pas là, vous autres non plus. Mais, nous autres, quand on vient vous voir, on est contents que vous le faites. On a été moins consultés à l'époque avec le Parti québécois, puis c'est le gage de succès pour vous.

n (10 h 30) n

Puis, comme je vous dis, en 1983, on la réclamait, cette commission nationale là sur l'emploi. Bien, pourquoi qu'on ne la ferait pas? Puis ça permettrait peut-être d'amener les véritables solutions. Mais ce n'est pas nous qui les a, les solutions, c'est toute la population qui les a. Il faut être le plus longtemps à l'écoute d'eux autres, tu sais. C'est ça qui fait qu'un... le gouvernement est réélu. De l'autre bord, on ne nous écoutait pas bien, bien, M. Bouchard, à l'autre bord, tu sais, quand le Parti québécois était là. Ça fait que c'est un peu le résultat que je pense que vous avez obtenu, là. M. Béchard, lui, il nous écoute. On a beau chialer, hein, M. Béchard? On chiale souvent contre lui, il est habitué, il a le dos large. Moi, je le trouve bon, puis son père serait fier, M. Béchard. Puis je me dis: Lui, au moins, il écoute les gens puis il veut savoir ce que... Mais il faut aller plus loin que ça. Il ne faut pas... On n'a pas bâti ce parlement-là puis toutes ces belles salles là pour rien. Puis, vous seriez surpris, des fois, qu'il y a des solutions simples qui viennent des citoyens, qu'on se complique la vie, puis tout. Tu sais, des fois c'est tellement simple. En tout cas, je pense que j'ai suffisamment élaboré, puis le ministre a compris mon message.

Mais je terminerais, M. Béchard, en disant qu'on aimerait vous rencontrer personnellement parce qu'on pourrait parler plus en détail de nos projets. Puis, tu sais, quand on appelle dans votre ministère... Moi, je ne viens pas ici pour vous dire que vous devriez, vous, abolir les renseignements et plaintes, etc. Des fois, ça a été bon, parce que des fois il y a des informations qu'on obtient très vite de ce département-là. Mais c'est surtout que votre cabinet... Moi, je n'en revenais pas, comment c'était dur de vous rencontrer. Parce que j'ai eu l'occasion de rencontrer l'ancien conseiller à M. Clinton, M. Benjamin R. Barber. Je me suis dit: Maudit, si on est capable de rencontrer ça, on doit être capable de rencontrer M. Béchard. Puis ça, c'est un ancien gars, quand j'ai fondé mes partis politiques, que je croisais des fois quand on était dans le corridor, puis on blaguait un peu, puis je me dis: Non, M. Béchard... Certains, bon, vont dire: Il était peut-être bien un peu austère. Non, non. C'est un bon gars, M. Béchard, puis...

M. Béchard: Arrêtez, vous allez me gêner.

M. Fortin (Patrice): Non. Mais il essaie de trouver des solutions. Ce n'est pas facile, mais...

Le Président (M. Copeman): Mais, à vrai dire, moi, je suis un peu gêné. Ça fait que je pense que...

M. Fortin (Patrice): Non. Mais, M. Copeman, avec...

Le Président (M. Copeman): Je pense qu'on va terminer là-dessus. M. Fortin, Mme Vianney, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom du Comité des citoyens vigilants de Québec.

M. Fortin (Patrice): M. le Président, on veut déposer nos documents.

Le Président (M. Copeman): Bien, vous pouvez les transmettre.

M. Fortin (Patrice): O.K.

Le Président (M. Copeman): Avec plaisir, oui. J'invite les représentants de l'Office des personnes handicapées du Québec à prendre place à la table puis je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 32)

 

(Reprise à 10 h 36)

Le Président (M. Copeman): Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux. C'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Office des personnes handicapées du Québec. M. le président Rodrigue, bienvenue, ainsi qu'à vos collaborateurs. Vous êtes un habitué, maintenant.

M. Rodrigue (Norbert): ...

Le Président (M. Copeman): Bien, je dirais, oui. Si vous êtes trop gêné de le dire, moi, je vais le dire: Vous êtes un habitué, maintenant. Vous savez nos règles de fonctionnement. Vous avez une période maximale de 20 minutes à faire votre présentation. Ce sera suivi par un échange d'une durée totale de 40 minutes avec les parlementaires. Je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.

Office des personnes handicapées
du Québec (OPHQ)

M. Rodrigue (Norbert): Alors, d'abord, merci, M. le Président, mesdames, messieurs, membres de cette commission, M. le ministre. Je vous fais confiance, M. le Président, pour exercer le contrôle sur le temps que je prendrai, comme d'habitude, puisque vous avez...

Le Président (M. Copeman): ...sur moi, M. Rodrigue.

M. Rodrigue (Norbert): ...vous avez aussi cette habitude. Alors, je voudrais vous présenter les personnes qui m'accompagnent: Anne Hébert, à ma gauche, qui est la directrice générale adjointe de l'office, ainsi que M. Yves Fleury, qui est conseiller à l'intervention nationale de notre organisme.

Alors, comme vous le savez, M. le ministre, l'office a pour mandat ? et je le répète tellement souvent que je me surprends toujours à le répéter ? général de veiller à la coordination des services dispensés aux personnes handicapées, de promouvoir leurs intérêts et de favoriser leur intégration sociale. C'est en fonction de cette mission très spécifique, mission qui devrait être renforcée et adaptée suite à l'adoption, nous l'espérons, du projet de loi n° 56 dans les prochaines semaines ou les prochaines mois, prochaines semaines, espérons-le, donc une situation... ou une mission qui subira des ajustements... En ce qui concerne cette perspective-là, bien nous avons examiné le projet de loi n° 57 en fonction de l'ensemble de cette situation-là.

D'abord, quelques éléments de contexte. Durant les dernières cinq années, le Québec a connu, on pense, l'une des bonnes périodes de croissance économique, en termes d'histoire. Cette performance a contribué à la diminution du nombre de prestataires à l'aide sociale. J'aurais aimé, ce matin, et j'aurais bien apprécié pouvoir vous surprendre aujourd'hui en vous apprenant que la majorité des prestataires ayant quitté l'aide sociale depuis 2000 étaient des personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi; la réalité est malheureusement tout autre. En effet, les statistiques du ministère de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille font état d'une croissance continue depuis quelques années du nombre, de la proportion de prestataires de cette catégorie sur l'ensemble des prestataires de l'aide sociale. Ainsi, la proportion est passée de 27,7 % à 32,1 % entre juin 2000 et juin 2004. L'office est donc très préoccupé par cette situation.

La très forte majorité de ces prestataires sont des personnes handicapées. Certains d'entre eux ont des déficiences et des incapacités tellement importantes d'ailleurs qu'ils risquent de ne jamais connaître le marché de l'emploi. D'autres au contraire présentent un potentiel de travail indéniable qui leur permettra éventuellement d'exercer des emplois bien rémunérés. Vous comprendrez que des dizaines de milliers de prestataires ayant des contraintes sévères à l'emploi se retrouvent quelque part entre ces deux pôles. Je nous invite collectivement donc à éviter de poser des jugements trop définitifs sur la situation de ces personnes. Chaque personne est unique, et la capacité d'accueil et d'adaptation des milieux sont très variées.

n (10 h 40) n

Notre analyse nous a conduits, M. le ministre, donc à croire au potentiel de ce projet de loi, mais c'est le règlement qui nous dira si nous avions raison d'y croire. Vous comprendrez que l'absence du cadre réglementaire devant préciser plusieurs des dispositions du projet de loi ne permet pas d'en évaluer toute la portée réelle. Dans ce contexte, l'office insiste pour attirer votre attention sur le caractère spécifique des enjeux propres aux personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi et à leurs familles. Enfin, l'office espère être interpellé par les autorités du ministère lors de l'élaboration de cette importante réglementation. J'ai fait l'exercice, hier soir, de lire la loi, puis il y a effectivement une importante réglementation qui devra suivre.

L'office reconnaît la pertinence de mettre en place un programme de solidarité sociale, un programme qui se veut mieux adapté aux caractéristiques des personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi et à leurs familles. D'une part, l'office est d'avis que les dispositions et mesures de ce nouveau programme ont le potentiel d'améliorer la qualité de l'aide accordée aux personnes concernées, particulièrement au niveau de l'assouplissement envisagé, entre autres, des règles de comptabilisation de certaines ressources. D'autre part, l'office reconnaît les mérites du versement envisagé de prime à la participation pour les prestataires ayant des contraintes sévères à l'emploi lorsqu'ils s'investissent dans des activités visant l'intégration en emploi ou l'insertion sociale. À cet égard, l'office estime que la mise en place d'une telle mesure devrait contribuer à augmenter le niveau de participation sociale ainsi que le revenu mensuel des personnes handicapées concernées.

J'insiste toutefois sur le fait que la non-participation des prestataires ayant des contraintes sévères ne doit pas se traduire par une diminution du montant de leurs prestations. Par ailleurs, le niveau actuel de ces prestations devrait être mis à l'abri de toute forme de coupure et bien sûr indexé au coût de la vie, comme il est prévu.

L'office considère aussi essentielle l'introduction des assouplissements permettant aux personnes handicapées prestataires du programme de solidarité sociale de posséder des biens, des sommes versées dans un régime de retraite ainsi que des biens et sommes reçus par succession. En effet, l'office, à l'instar de certaines associations et même, je dirais, de régions entières... Je veux dire, je suis allé sur la Côte-Nord il n'y a pas longtemps. Les parents de la Côte-Nord m'ont assailli par leurs inquiétudes. À l'instar de certaines associations donc, l'office réclame depuis plusieurs années des assouplissements au test d'actifs pour les personnes handicapées prestataires de la sécurité du revenu.

Actuellement, des légateurs potentiels peuvent préférer exclure de toute succession une personne prestataire ayant des contraintes sévères à l'emploi, en raison des impacts négatifs du test d'actifs actuel sur le maintien de leur admissibilité à ce régime d'aide de dernier recours. À cet égard, l'office tient à rappeler que les prestataires qui ont des contraintes sévères à l'emploi présentent le taux de rétention le plus élevé à la sécurité du revenu. Par conséquent, il est raisonnable de présumer que plusieurs d'entre eux risquent de demeurer prestataires de ce régime durant l'ensemble de leur vie active.

Par ailleurs, les personnes qui naissent avec une déficience entraînant des incapacités significatives et persistantes ou qu'ils l'acquièrent à un jeune âge constituent une bonne partie des prestataires ayant des contraintes sévères à l'emploi. Ces personnes n'auront, pour la plupart, pas ou très peu de chances de s'accumuler un patrimoine financier. Pourtant, le régime actuel permet aux personnes qui ont accumulé certains biens, telles une résidence principale d'une valeur nette maximale de 80 000 $ ou une automobile valant au plus 5 000 $, de maintenir ces actifs sans pénalité. La possession de tels biens contribue à une qualité de vie décente. Dans une perspective d'équité, il est donc important de permettre aux personnes handicapées qui recevront des prestations de solidarité sociale de bénéficier d'une aide financière de leurs familles pour les aider à améliorer leur qualité de vie à long terme. Les familles ne demandent pas à l'État de contribuer à même l'assiette générale des impôts à un REER ou encore à l'achat d'une résidence pour les personnes handicapées concernées, elles lui demandent plutôt, de façon très légitime, de démontrer concrètement leur solidarité pour les proches concernés et, je dirais, pour les individus qui ont, à l'occasion, un bon sort, vous savez, qui ont une famille qui est plus aisée qu'une autre famille.

En définitive, l'office reçoit positivement la volonté gouvernementale d'assouplir les règles de comptabilisation à l'intention des personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi. Toutefois, le gouvernement doit s'assurer que la réglementation qui précisera cette disposition aura une portée significative sur la situation économique de ces personnes.

L'office reconnaît la pertinence de l'ouverture exprimée à l'article 69 du projet de loi n° 57, concernant la participation des jeunes ayant des contraintes sévères à l'emploi au programme Alternative jeunesse. Pour nous, cette pertinence, nous la reconnaissons, puis il s'agit là d'une passerelle intéressante. L'office considère important aussi ? et ça, ça fait l'objet d'un débat depuis quelques semaines ? que le premier alinéa de l'article 59 du projet de loi identifie formellement le programme Contrat d'intégration au travail et le Programme de subventions aux centres de travail adapté.

Cependant, je voudrais rappeler que ces programmes ne sont pas exclusifs à la clientèle de la sécurité du revenu et que la création d'emplois adaptés nécessite souvent de recourir à de tels programmes. Les contrats d'intégration au travail et les centres de travail adapté sont des outils de soutien à l'emploi qui ont fait, M. le ministre, je pense, leurs preuves en favorisant l'intégration au marché du travail pour de nombreuses personnes handicapées, dont plusieurs ont des contraintes sévères. Beaucoup d'autres travailleurs ayant des incapacités souhaiteraient se prévaloir de tels programmes mais n'en ont pas l'opportunité faute de financement nécessaire. C'est pourquoi on n'insistera jamais assez auprès de vous et auprès de vos collègues pour faire en sorte d'améliorer la disponibilité des crédits nécessaires au développement des programmes Contrat d'intégration et Centre de travail adapté notamment en haussant ou en éliminant les plafonds financiers liés à la conversion de mesures passives en mesures actives. Je pense à l'assurance-emploi versus des mesures actives de subvention salariale.

D'autre part, permettez-moi d'attirer brièvement l'attention sur l'importance, M. le ministre, d'assurer la cohérence législative entre les projets de loi n° 56, loi modifiant la loi sur l'exercice des droits des personnes handicapées, et le projet de loi n° 57. En effet, le ministre Couillard a clairement exprimé sa préférence pour certains termes, dans cette législation-là, par exemple le terme «intégration» plutôt que pour le terme «inclusion», considérant que le premier a une portée plus large que le second. À cet effet, je vous invite à procéder aux ajustements nécessaires dans les mots... dans les notes, c'est-à-dire, explicatives du projet de loi n° 57, où il est question de favoriser l'inclusion et la participation sociale.

De la même façon, je note qu'à l'article 59 de la Loi sur l'aide aux personnes et aux familles on utilise l'expression «adultes qui présentent des limitations fonctionnelles». Par souci de cohérence législative, je vous suggère également le remplacement de l'expression «limitations fonctionnelles» par celle d'«incapacités». Aussi, le terme «incapacités», plutôt que «limitations fonctionnelles», est utilisé d'ailleurs dans le texte de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Alors, je veux juste rappeler que c'est important.

D'autre part, l'office estime que certains éléments du projet de loi méritent d'être reconsidérés afin de mieux tenir compte des réalités des personnes handicapées et de leurs familles. À cet égard, on a identifié les situations suivantes.

Actuellement, les personnes prestataires ayant des contraintes sévères à l'emploi peuvent bénéficier d'un accès aux fournitures médicales et à la couverture de certains besoins liés à leurs déficiences ou à leurs incapacités lorsqu'elles intègrent le marché de l'emploi. Toutefois, cela ne s'applique que pour une période maximale de quatre ans. À l'approche de cette échéance, certains de ces prestataires handicapés se retrouvent devant un choix particulier, soit de conserver leur job et de perdre la couverture de leurs besoins spéciaux ou de quitter leur emploi pour maintenir la couverture des besoins spéciaux.

Or, pour éviter que les prestataires concernés et que l'État sortent, tous les deux, perdants d'une telle situation, l'office invite les autorités gouvernementales à envisager la création d'une offre de service permanente et intégrée qui permettrait de compenser équitablement de tels coûts de façon continue.

D'autre part, comment pouvez-vous imaginer le refus d'admissibilité aux prestations pour contraintes sévères à l'emploi prononcé à l'égard des personnes ayant des incapacités importantes? Bien, quand on les imagine, nous autres, ces refus-là peuvent avoir des conséquences importantes, dramatiques sur la situation économique même de ces personnes. L'office est d'avis que la sous-évaluation des impacts des déficiences, des incapacités et des situations de handicap risque d'empêcher injustement l'accès de ces personnes au programme de solidarité sociale. Du point de vue de l'office, le fait de priver des personnes ayant des incapacités significatives et persistantes du versement de prestations pour contraintes sévères à l'emploi risque de remettre en cause plusieurs des avancées du Plan d'action de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Dans ce contexte, nous souhaitons tout simplement, l'office, d'être associés à une éventuelle révision de la liste des diagnostics médicaux facilitant la reconnaissance de l'admissibilité aux dispositions applicables aux personnes ayant des contraintes sévères à l'emploi. Le cas échéant, l'office souhaite contribuer à la révision du processus d'évaluation concernant la reconnaissance de l'accessibilité des personnes au programme de solidarité sociale. Alors, on invite donc le ministère à nous inviter, si vous procédez à ces travaux ou quand vous procéderez, lorsque ce sera pertinent.

n (10 h 50) n

En ce qui concerne une autre question, M. le Président. Au printemps 2004, l'office a sensibilisé, entre autres, les autorités du ministère à propos des analyses et des recommandations d'un groupe d'experts favorisant la mise en place d'un système de compensation plus équitable pour les personnes handicapées. Dans le cadre de son projet de planification 4-7, 2004-2007, l'office prévoit tenir des activités de consultation et de concertation autour du rapport de ce groupe d'experts. On trouve essentiel, M. le ministre, que votre ministère participe à la recherche de solutions visant, entre autres, à compenser plus équitablement les personnes handicapées au Québec pour les coûts supplémentaires qu'elles rencontrent en raison de leurs déficiences ou de leurs incapacités. Les solutions discutées risquent d'avoir un impact direct sur certains programmes et mesures relatifs à l'application du projet de loi n° 57 et sur le Plan d'action de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

M. le Président, M. le ministre, en conclusion, l'office a effectué une analyse du projet de loi n° 57 d'une manière spécifique, concernant les personnes qui ont des incapacités. Comme vous le savez, les personnes handicapées constituent une proportion importante des gens qui sont confrontés à la pauvreté. L'office considère essentiel de faire avancer la situation de ce groupe spécifique parce qu'il est parmi les plus démunis sur le plan économique. Si ce groupe-là n'avance pas, les autres n'avanceront pas. C'est pour ça qu'on a fait une analyse spécifique, pour nous permettre un éclairage le plus prévisible possible.

Deuxièmement, ce n'est pas seulement ce projet de loi là qui concerne la pauvreté. La pauvreté et les stratégies nécessaires pour la combattre nécessitent beaucoup et de multiples mesures, ce projet de loi là en étant une bien sûr importante. Nous vous disons par ailleurs que les règlements feront foi de tout. C'est dans la mesure que nous connaîtrons cette réglementation, que nous participerons à son élaboration que l'office pourra porter une appréciation finale sur ce projet. Nous vous rappelons que le projet de loi n° 57 est un des éléments, comme je viens de le dire, pour lutter contre la pauvreté.

En terminant, je voudrais assurer l'office... pas l'office, pardon, le ministère et ses partenaires de la collaboration de notre organisme, particulièrement pour l'élaboration des règlements bien sûr et leur application éventuelle. Alors, merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. le président. M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

M. Béchard: Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, M. Rodrigue, Mme Hébert, M. Fleury. Bienvenue. Et je vous remercie pour votre mémoire parce que votre mémoire me rassure beaucoup. Parce qu'il y a bien sûr beaucoup de préoccupations en ce qui a trait à la place et à l'amélioration des conditions de vie des personnes handicapées, et le projet de loi n° 57 est un projet de loi qui peut faire beaucoup de bien ou peut faire beaucoup de tort. Alors, je suis heureux de voir qu'on a certains alignements qui soulèvent votre approbation.

Je veux vous rassurer sur un certain nombre de points. Bien sûr, au niveau de la cohérence entre le projet de loi n° 56 et le n° 57, il y a des amendements, il y a des choses qui vont être amenées pour nous assurer de la cohérence. Effectivement, là, on a deux projets de loi qui ont été rédigés. On veut avoir la plus grande cohérence possible.

L'autre point, au niveau des règlements, je pense qu'il y a déjà des discussions entre l'office et la Direction des politiques, au ministère, et il continuera à y en avoir, parce qu'effectivement, au niveau de la réglementation, on veut s'assurer... Et elle sera cohérente avec le projet de loi. On est en train de la rédiger, et je vous dirais que... Évidemment, on veut attendre de voir quelle sera la version finale du projet de loi n° 57 avant de terminer la réglementation. Et, là-dessus, je vous dirais que, oui, on va avoir recours à votre collaboration.

L'autre point sur lequel je veux aussi insister, c'est... Moi, je crois beaucoup aux centres de travail adapté, aux CIT aussi, et je peux vous dire que c'est une formule que j'aime beaucoup. C'est sûr qu'on voudrait en faire beaucoup plus, on voudrait en faire toujours plus, et je viens d'une région où... On en fait beaucoup, dans le Bas-Saint-Laurent. Il y a beaucoup d'efforts puis, même si c'est une région où... Quand on regarde, proportionnellement au budget, ils dépensent beaucoup d'argent par rapport au reste des budgets. Les demandes sont encore là, les gens ont plein d'idées. Et je vous dirais qu'à ce niveau-là, s'il y a une statistique dont je suis fier, c'est de voir que depuis quelques années le nombre, la participation aussi des personnes handicapées aux mesures d'Emploi-Québec va en grandissant. Ça, j'en suis très fier. Des mesures, c'est peut-être moins, d'autres, plus, mais au global ça va en grandissant, et j'en suis très, très content.

Pour revenir sur le projet de loi, il y a des questions que je vais vous poser, parce que vous indiquez, à la page 2 de votre mémoire, que vous êtes bien contents de la souplesse qui est introduite dans le projet de loi. Et, je vous dirais, quand vous dites que ça devrait assurer une meilleure adéquation entre l'offre de service et les besoins, c'est l'objectif visé. Sauf qu'on a eu beaucoup de gens qui sont venus ici, M. le président, et qui nous ont dit: Bien là, écoutez, quand vous mettez de la souplesse, ça amène un problème peut-être d'interprétation, ça amène un problème... est-ce que, oui, les droits des personnes vont être respectés? Donc, il y a toujours le même dilemme. Quand tu amènes de la souplesse, les gens ont des craintes par rapport à l'interprétation qui va être faite de cette souplesse-là. Et le but visé, ce n'est pas de faire en sorte d'exclure plus de gens, ou d'être moins équitables, ou quoi que ce soit. Le but visé, moi, le constat que j'en fais, c'est que plus ça va, plus les besoins sont différents, plus on a besoin de programmes différents, d'outils différents, selon les régions, selon les problématiques. Moi, j'y crois, à cette approche-là.

Ce que je veux savoir de vous ce matin, c'est: comment nous prémunir donc, en même temps qu'on va amener de la souplesse dans la gestion de la loi et des règlements, des possibles interprétations? Parce que ça peut toujours être possible, surtout en ce qui a trait aux personnes handicapées. Comment on peut, là, atteindre le bon équilibre entre ce besoin de souplesse-là, que tout le monde nous demande, et que je suis bien conscient qu'on en a besoin, et qui est dans le projet de loi, mais en même temps éviter un certain nombre de situations où l'interprétation arbitraire pourrait faire en sorte qu'on en vienne à pénaliser indirectement des gens?

M. Rodrigue (Norbert): Alors, M. le Président, d'abord, deux remarques avant de demander à mon compagnon, Yves Fleury, de réagir avec moi à cette question.

Première remarque: Pourquoi on insiste beaucoup sur les contrats d'intégration au travail puis les CTA? Comme je dis souvent à mes interlocuteurs, fournissez-moi une alternative, dans ma société, qui est mieux que ça. Je n'en ai pas trouvé. Alors, quand on en aura une, on s'assoira puis on en discutera. Pour l'instant, en 1980, il y avait 15 CTA. Il y en a 44 maintenant. Ça fait travailler 2 800 personnes handicapées plus 1 000 personnes non handicapées. Pour les CIT, en 1980, il y avait à peu près, je dirais, 75 contrats d'intégration au travail formellement signés. Maintenant, il y en a 4 000, au-delà, 4 200, 4 300. Ça fait 6 000, presque 7 000 personnes qui n'étaient pas à l'ouvrage puis qui sont à l'ouvrage. Exception faite de l'entreprise privée.

L'autre chose que je veux vous dire, dans notre analyse... On s'est interrogés, nous autres aussi ? on n'est pas des caves, là ? on a regardé toutes les discussions menées autour des travaux, on s'est posé plein de questions et on a supposé une affaire, qu'il y avait une création de programmes, par exemple comme la solidarité sociale, qui ne devaient pas être nécessairement pour abaisser les conditions des citoyens du Québec. Puis on a dit: La réglementation, on ne la connaît pas. On a présumé ? on va voir dans la réglementation plus tard ? que ce programme-là était pour améliorer la situation des personnes qui étaient mal prises.

Alors, à cet égard-là, comment se prémunir? Mon ami Yves Fleury, qui travaille à tous les jours avec cette préoccupation-là en plus de la vivre, va nous dire un mot là-dessus. Comment se prémunir, suite à la question du ministre Béchard?

M. Fleury (Yves): Je pense qu'en premier lieu il faut vraiment tenter de cerner... à répondre le plus efficacement possible aux besoins des personnes handicapées, d'une façon adaptée, en tenant compte de leurs coûts supplémentaires et de leurs aspirations personnelles, du profil que ces personnes-là présentent et du potentiel qu'elles ont, au bénéfice de l'ensemble de la société québécoise. C'est certain que des assouplissements pour des personnes qui nécessitent d'en avoir, c'est nécessairement applicable. Ça ne sert à rien de tracasser des gens avec des applications bureaucratiques qui ne rendent pas service à personne.

Je pense que c'est convenable d'identifier, de cibler adéquatement des mesures, de toujours pointer vers la meilleure qualité possible des interventions. L'important, c'est d'avoir des services de qualité, des mesures adéquatement ciblées qui aident les personnes à se sortir de l'aide sociale lorsque c'est possible de le faire. Et j'en suis pleinement conscient, j'ai été moi-même assisté social pendant ma brève période de vie. D'une façon récurrente, j'étais, moi, une personne inapte au travail puis je suis devenu professionnel à l'emploi du gouvernement. Je pense qu'il y a d'autres personnes dans ma situation et qui ont d'autres types de déficiences et d'incapacités qui sont capables de faire exactement le même cheminement puis d'aspirer à d'autres emplois aussi. Je pense que l'important, c'est d'aider des gens. Assouplir? Je pense qu'il ne faut en tout cas jamais baisser la garde pour identifier le potentiel des gens puis les aider, les gens, à actualiser ce potentiel-là le mieux possible. Merci, M. le ministre.

n (11 heures) n

M. Rodrique (Norbert): Maintenant, si vous me permettez, M. le Président, évidemment la réglementation va faire beaucoup, hein? On va pouvoir préciser... Puis je ne veux pas, M. le ministre... J'essaie, depuis deux jours, de dire comment je peux être utile dans ce débat-là, comme organisation puis comme individu responsable de l'organisation. Et je me disais... J'ai essayé de fouiller dans mon histoire. J'ai trouvé un exemple d'un ministre qui a déposé une loi, un jour, accompagnée de toute la réglementation. J'en ai trouvé une. Ce n'est pas beaucoup, ça. Et je sais très bien, étant près de la fonction publique, comment vous et vos aides, vos assistants, vous devez vous poser la question à chaque fois qu'il y a une législation: Qu'est-ce qu'on peut faire avec les règlements? C'est toujours lourd à préparer. On ne connaît pas le résultat des travaux de la commission parlementaire, donc on ne peut pas les préparer. Je me suis dit: J'ai envie de dire à M. Béchard: Pensez donc ou réfléchissez donc au potentiel que pourrait avoir le dépôt d'une partie de la réglementation rapidement, pour dissiper les doutes, pour éloigner les interprétations, je dirais, de tout acabit. C'est une suggestion que je laisse sur la table parce que ça permettrait probablement de confronter les instruments qui seront à notre disposition.

M. Béchard: O.K. Autre point qui... Évidemment, vous allez peut-être le relier à la réglementation aussi, mais, au niveau de la mise en place du programme de solidarité sociale, la volonté puis l'engagement ? puis c'était dans le plan de lutte à la pauvreté puis ça continue à être la philosophie ? oui, on veut alléger, simplifier, pour nous, je dirais, comme gouvernement puis comme ministère, parce qu'à un moment donné il y a des choses qui se font à répétition puis qui ne sont pas utiles, je pense, qu'on est obligés de faire et qu'on peut assouplir, au niveau de solidarité sociale.

Et je vous dirais que, oui, quand vous parliez, au niveau des actifs ? et on va voir le niveau, mais ? il y a une volonté, là, de revoir, au niveau des actifs, là, de permettre une plus grande... les avoirs liquides, et tout ça, on est bien conscients... Toute la question des héritages aussi. Ça, c'est des choses qui à la limite sont punitives et non fondées, là. Alors, oui, il y a une volonté de les revoir à ce niveau-là.

Et en même temps on a eu beaucoup de critiques, parce que les gens nous disent: Quand vous mettez en place deux régimes, si on veut, solidarité sociale et l'aide sociale, de l'autre côté, vous venez de créer une discrimination, vous venez faire en sorte qu'on identifie, on met des étiquettes, et je vous dirais que parfois, oui, ça nous rend perplexes. On se dit: Dans le fond, est-ce que les... Puis il y a même des gens qui sont venus nous dire: Vous devriez garder le même régime puis en avoir juste un pour tout le monde. Mais à ce moment-là ça devient plus lourd pour tout... Moi, je le vois comme ça. Ça devient plus lourd pour tout le monde, parce qu'un contrôle ou un élément qu'on met au niveau de l'aide sociale n'est peut-être pas nécessaire au niveau de solidarité sociale, et vice versa. Et même chose avec Alternative jeunesse.

Donc, ce que je veux voir: est-ce que vous voyez le même effet, ou, encore une fois, si on y va de façon positive, comment contrer un potentiel effet discriminatoire entre justement un programme de solidarité sociale qui est allégé, qui est plus simple, qui permet de répondre à certaines réalités des gens qui ont des contraintes sévères à l'emploi et les autres régimes au niveau de l'aide sociale et de faire en sorte, parce que c'est le même régime de base, c'est le même point de départ, mais avec des caractéristiques différentes...

Puis, je vous dirais, si on le prend de l'autre côté, au niveau des jeunes, Alternative jeunesse, oui, on veut changer la perception de l'aide sociale au niveau d'Alternative jeunesse. On veut donner une autre étiquette aux jeunes qui participent à des mesures puis qui sont dans... Oui, on veut amener certaines différences, mais avec le même régime de base qui n'est pas discriminatoire. Alors, comment, comment, je dirais, enlever cette perception-là que finalement... Parce qu'il y a deux, trois façons différentes de voir la sécurité du revenu en son ensemble pour répondre aux besoins des clientèles de chacun de ces programmes-là et éviter la discrimination que certaines personnes y voient.

M. Fleury (Yves): M. le ministre, si je peux répondre à la question...

Le Président (M. Copeman): Allez-y, M. Fleury.

M. Fleury (Yves): Je ne connais pas de pays industrialisé ou d'autre juridiction qui applique un traitement... En fait, je n'en connais pas qui n'applique pas un traitement différencié pour les personnes handicapées. Probablement que l'office n'aurait pas insisté pour la création d'un régime qu'on dit particulier. Maintenant, la création de solidarité sociale comme programme est quand même en lien avec le Plan d'action de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. L'office a appuyé ce projet-là autant que la loi n° 112. Nous, pour nous, ça s'inscrit en continuité. Je ne vois pas de caractère discriminant à ce niveau-là.

C'est important pour les gens de comprendre que l'équité se base sur, à mon point de vue, la recherche d'un traitement différencié pour égaliser les chances. Puis, de ce point de vue là, je ne comparerai pas ce matin le sort qui est réservé aux gens que l'on dit aptes au travail versus ceux qui ont des contraintes sévères à l'emploi. Souvent, on réfère au prix du beurre. Moi, je dirais simplement que ce qui est important, c'est de prendre en considération qu'il y a des personnes qui vont être sur l'aide sociale d'une façon continue ou à périodes répétées pendant plusieurs années sinon la forte majorité de leur vie active. Ça fait que, qu'il y ait une approche différenciée pour faire en sorte que ces gens-là puissent bénéficier du soutien de l'État sans que ce soit rempli de tracasseries administratives, moi, j'en suis et je ne suis pas le seul.

M. Rodrigue (Norbert): Mme Hébert.

Le Président (M. Copeman): Mme Hébert, allez-y.

Mme Hébert (Anne): Puis aussi, pour nous, pour répéter ce qu'Yves Fleury vient de dire, c'est que le traitement différencié, pour nous, ce n'est pas de la discrimination, c'est tenir compte des particularités de ce groupe-là.

Mais, en ce qui concerne l'assouplissement, on voit le programme... ce serait important qu'il y ait des passerelles pour les personnes qui sont dans ce programme-là. Il ne faut pas toutes qu'elles soient confinées dans ce programme-là, mais que ce soit assez souple, à la fois dans les règles d'admissibilité pour être admis à ce programme-là, mais aussi assez souple pour avoir accès à d'autres mesures, pour passer à un autre statut, pour accéder soit à la formation ou à des programmes d'intégration au travail.

Donc, il y a un défi très important, au niveau de l'assouplissement, sur la définition des critères d'admissibilité et puis des critères d'admissibilité à certains programmes de soutien. En termes d'assouplissement, je dirais que c'est le défi le plus important, de bien comprendre, bien définir «contraintes sévères à l'emploi», qu'est-ce que ça veut dire, puis qu'on ne sente pas uniquement que c'est une question de diagnostic. Parce que la réalité de ces personnes-là, oui, il y a un aspect qui est plus caractéristique individuelle, le fait d'avoir des déficiences, des incapacités, mais il y a des tas d'autres facteurs externes, du milieu aussi, du cheminement de la personne, qui vont permettre aux personnes de cheminer différemment vers un autre statut, vers soit la formation ou l'intégration au travail.

M. Rodrigue (Norbert): Puis, moi, la réponse, si vous me permettez, M. le Président, une des réponses que je ferais, là, il y aurait un peu de discrimination positive, savez-vous, je ne pleurerais pas, hein, je ne pleurerais pas pantoute. Parce que la réalité avec laquelle je travaille tous les jours, c'est une réalité beaucoup plus dure que je suis capable de la décrire. Alors, quand il y aurait un peu, là... que ce soit un peu positif pour les personnes qui vivent avec des contraintes de cette nature-là, puis, comme Anne dit, qui ne sont pas toujours leur propriété; les contraintes, des fois, c'est l'externe qui leur pose plus de contraintes. Alors, je ne braillerais pas.

M. Béchard: Bien, au niveau des passerelles, ce que vous amenez, là, moi, j'en vois deux. Au niveau des mesures d'Emploi-Québec, je pense qu'elles sont accessibles, elles demeurent accessibles, mais l'autre passerelle, moi, que je vois, qui est extrêmement importante et qui se retrouve dans le projet de loi et dans le plan de lutte à la pauvreté, c'est prime à la participation. Prime à la participation, moi, je veux... Et je le répète, parce que prime à la participation, pour moi, c'est une façon de reconnaître les efforts, avec contraintes, sans contraintes, les efforts que les gens font dans différents milieux, soit dans le milieu communautaire, dans leur municipalité, dans leur milieu de vie, et leur participation à la vie collective. Il y a des gens qui participent et qu'on ne le reconnaît pas, parce que ça ne rentre pas dans telle et telle chose.

Mais le défi est grand, à prime à la participation: Comment mettre en place une mesure d'aide financière qu'on veut la plus large possible, qu'on veut non discriminatoire, mais en même temps ne pas se retrouver dans une série de dédales à la fois de gens qui vont dire: J'y ai droit, je ne l'ai pas? Et des gens qui vont se... Parce que c'est ça, ils vont dire: Bien oui, moi, je participe, je le fais. Et en même temps de comment la gérer, cette prime à la participation là.

Moi, je vous dis, j'ai lancé cette idée-là, j'ai les meilleures intentions au monde. Mais là tout le monde tente de trouver les pires choses qui peuvent arriver avec prime à la participation, pour nous forcer presque à ne pas le mettre en place, prime à la participation. Ça fait que là tu n'en reviens pas, tu sais. Comme ministre, tu dis: Bien, moi, je suis plein de bonnes intentions, je veux qu'on reconnaisse ça, que ce soit le plus simple possible. Puis, à peu près à tous les jours que le bon Dieu amène, on arrive avec des complications qui pourraient expliquer qu'on ne le fasse pas. Moi, je veux le faire. Si vous étiez moi, comment vous le feriez?

M. Rodrigue (Norbert): Écoutez, d'abord, je vous dirais que les dédales, là, on en a quelques-uns, hein, actuellement, là. On ne se fera pas mourir à essayer d'imaginer des dédales quand on est dedans. On va essayer de comprendre ceux dans lesquels on est.

Pour moi, les primes à la participation, je trouve ça intéressant, parce que j'ai trop vu de choses où on est dans l'incapacité totale de prendre une personne qui est dans la merde, de l'insérer tranquillement, après ça de travailler à son intégration pour qu'elle devienne active et productive. Il y a des ruptures dans les mesures à toutes les portes de maison. Alors, si une prime de participation vient nous permettre de lier mon collègue de la Santé, des Services sociaux, d'Emploi-Québec, etc., à une obligation quelconque d'accompagner la personne vers quelque chose qui s'appelle l'intégration, bien, moi, je vais vous dire, M. le ministre, je ne la critiquerai pas. Je vais essayer de voir ce que je peux faire avec. Et votre ministère a une job importante de savoir ce qu'il va faire avec aussi. Parce que souvent votre ministère, il constitue un obstacle actuellement dans les dédales dont je parle.

n (11 h 10) n

Et je ne sais pas, à ma retraite, si je vais faire une couple de crises, mais de temps en temps je me surveille parce que je pourrais en faire. Ça n'a pas de bon sens. Ça n'a pas de bon sens. Quand on a des possibilités de prendre du monde mal pris, puis des fois que ça nous coûterait peut-être moins cher pour transformer quelques mesures puis de les mener à bon port, je trouve qu'on devrait faire l'effort. Les primes de participation, pour moi, c'est ma poignée: m'as la watcher, cette prime-là, en baptême! M'as essayer de la suivre. M'as essayer de voir comment on l'utilise dans le parcours de la personne. Et je pense que, Yves, tu vas partager ça avec moi, c'est un moyen de participation, d'encouragement, de démonstration supplémentaire pour les personnes qui sont dans cette situation-là, je pense.

M. Béchard: Mais, moi, je veux vous le réitérer, si vous avez des propositions plus particulières, plus fines à nous faire, faites-nous-les.

M. Rodrigue (Norbert): On les regardera.

M. Béchard: Parce que nous sommes à l'élaboration de primes à la participation, puis, moi, je ne veux pas qu'on jette le bébé avec l'eau du bain. Parce que certaines personnes ont des doutes, là, qu'on va laisser ça de côté. J'y tiens.

Le Président (M. Copeman): M. Fleury.

M. Fleury (Yves): Écoutez, je suis content de voir... et je vous encourage à persévérer. J'ai eu le privilège dans le passé de travailler dans le milieu associatif communautaire des personnes handicapées. À l'époque, il y avait le programme EXTRA...

M. Rodrigue (Norbert): Combien d'années, là, combien d'années?

M. Fleury (Yves): J'ai travaillé 10 ans à la direction générale du Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec.

M. Rodrigue (Norbert): ...

M. Fleury (Yves): En fait, je saluerais mes collègues du milieu associatif qui m'ont donné la chance de travailler dans ce milieu-là et de faire mes classes, de me développer comme travailleur.

Mais ce que je tiens à vous dire, c'est que j'ai vu... «Vu», en tout cas, c'est une façon de parler, mais j'ai assisté quand même au développement de travailleurs qui ont bénéficié à l'époque... Il s'agissait de la mesure EXTRA, et je ne peux dire que du bien des primes à la participation, qui encouragent les gens à sortir de chez eux le matin, d'aller travailler puis de découvrir qu'elles peuvent encore avoir confiance en elles, de se faire encourager.

Ce que j'aurais le goût de vous dire, M. Béchard, c'est que c'est important d'aider les organismes promoteurs, parce qu'à l'époque... Ce n'est pas simple d'amener les personnes qui ont perdu estime d'elles-mêmes à développer et redécouvrir leur capacité de travail. Ça fait qu'un des potentiels importants, oui, c'est d'accueillir ces gens-là puis de leur consacrer le temps nécessaire, mais c'est important de donner le coup de pouce nécessaire aux organismes promoteurs ou aux gens qui ont les initiatives de faire en sorte de sortir ces gens-là de la maison, qu'elles soient encouragées, là, avec la prime à la participation. Il faut aider les organismes aussi à se doter des ressources et du temps nécessaire pour s'asseoir avec les personnes, les aider à se redécouvrir puis à avancer à d'autre chose.

Je peux vous dire, puis je vais finir là-dessus, qu'il y a des personnes que j'ai vues, moi, développer des compétences à un point tel qu'aujourd'hui elles sont contribuables, elles travaillent. C'est des personnes handicapées, puis je suis particulièrement fier d'avoir été associé à leur développement personnel et professionnel. Je pense qu'il y a d'autres organismes promoteurs qui pourraient avoir ce même plaisir-là de contribuer à faire en sorte de sortir les personnes de l'aide sociale, qui est un régime assistanciel. Je pense qu'il y a des gens qui peuvent aller au-delà de ça, il faut les encourager à le faire. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): Merci. M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Merci, M. le Président. Mme Hébert, M. Fleury, M. Rodrigue, bonjour. Alors, j'aimerais revenir sur la préoccupation, que vous avez partagée avec le ministre, sur la dimension discriminatoire de la mise en catégorie des personnes. Et ce que vous répondez, c'est qu'il n'y a pas de mal à avoir, dites-vous, un traitement différencié, et il faut faire la différence entre ça, le traitement différencié, et le traitement discriminatoire. Alors, si vous avez un groupe pour qui vous prévoyez une indexation entière au coût de la vie, ce qui est le cas, par exemple, des gens qui sont à la solidarité sociale, et que vous prévoyez par ailleurs une indexation à la moitié du coût de la vie pour un autre groupe sur la prestation de base, est-ce que vous considérez que c'est un traitement différencié ou un traitement discriminatoire?

Des voix: ...

M. Bouchard (Vachon): Je pense que c'est Mme Hébert qui avait abordé le sujet de cette façon-là.

M. Rodrigue (Norbert): Pour Mme Hébert, oui.

La Présidente (Mme Charlebois): Mme Hébert.

Mme Hébert (Anne): J'essaie de réfléchir à... Nous, quand on parle de traitement différencié, si on dit: Il faut tenir compte de la situation particulière des gens qui ont des incapacités importantes... Donc, le fait qu'ils ont une allocation supplémentaire, cette allocation-là tient compte du fait qu'ils ont des difficultés additionnelles liées au fait qu'ils ont des déficiences, des incapacités, puis cette différence-là vient considérer cette dimension-là.

Là, la question de l'indexation, entre ceux qui n'ont pas des contraintes sévères à l'emploi puis ceux qui en ont, c'est une autre question, plus d'une autre forme d'équité, là. Nous, on parlait du traitement différencié entre ceux qui n'ont pas d'incapacités ou pas de contraintes sévères et ceux qui en ont. Mais là c'est les questions de... Je pourrais dire... Notre position, à l'office, c'est de le regarder sous l'angle des personnes handicapées. On ne l'a pas regardé sous cet angle-là, le plus d'équité générale. Mais c'est sûr qu'il y a des gens qui ont des incapacités moins importantes, qui sont aptes à l'emploi. C'est sûr que ce serait préférable, tu sais, qu'il y ait une indexation, qu'on tienne compte de ça, parce que c'est aussi un moyen de lutter à la pauvreté. Parce qu'il y a des personnes qui ont des incapacités qui ne se retrouvent pas dans les contraintes sévères à l'emploi, là. Ils ne sont pas... Ça leur donnerait... ça leur assurerait un niveau de vie plus décent, à ces gens-là.

C'est comme si... L'office, c'est difficile de se prononcer sur cette question plus générale là, mais a priori je dirais: Oui, ce serait plus intéressant que ce soit indexé, mais...

M. Rodrigue (Norbert): Mais... Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Charlebois): Allez-y, M. Rodrigue.

M. Rodrigue (Norbert): Écoutez, je n'ai pas regardé spécifiquement cet objet-là comme président de l'office, mais je peux vous dire que j'ai eu une autre vie dans ma vie, j'ai négocié pas mal de formules qui nous semblaient parfois correctes, qui pouvaient paraître discriminatoires pour certains. Par exemple, à la CSN, j'étais président, je devais négocier une indexation des salaires, et, au nom de l'équité homme-femme, l'indexation des salaires des conseillers syndicaux était proportionnellement versée aux femmes. Donc, les gars étaient indexés, mais c'est les filles qui avaient l'indexation. Vous comprenez? Vous me suivez?

Évidemment, ça pose une question, on va le regarder sous cet angle-là, mais à mon avis il est possible, et je l'ai déjà fait, dans certaines mesures, de prendre les fruits d'un résultat appliqué à tout le monde ou d'une mesure appliquée à tout le monde, prendre les fruits puis les distribuer différemment. Alors, je vais regarder ça avec attention.

M. Bouchard (Vachon): Le ministre disait justement que...

La Présidente (Mme Charlebois): Je pense, M. le député, que M. Fleury...

M. Bouchard (Vachon): Oui.

M. Fleury (Yves): Je trouve que c'est une question vraiment intéressante. C'est évidemment un traitement différencié. Je n'en ferais pas une boutade, de dire que les personnes qui n'ont pas d'incapacités souhaiteraient en avoir pour avoir la pleine indexation. Je ne le ferai pas. Je viens de le dire, mais ce que je veux surtout attirer l'attention, c'est sur le fait qu'on vient de recevoir un rapport extrêmement intéressant sur la compensation équitable, et je serais de ceux qui diraient que l'amélioration de la condition de vie des personnes handicapées et de leurs familles, c'est un des morceaux d'un grand portrait qui vise à faire en sorte que la société québécoise devienne une société plus juste pour tout le monde.

Ça fait que je tiendrais à dire que, oui, c'est une approche nécessairement différenciée, c'est un état de fait que je cite là, discriminatoire, mais, si on se réfère au fait de vouloir faire en sorte que des gens veuillent des déficiences et incapacités, je ne leur souhaiterais pas personnellement. Puis, oui, je pense que l'office peut certainement camper une position très solide en faveur d'une meilleure justice sociale pour l'ensemble de la société québécoise et de tous les prestataires. Merci.

M. Bouchard (Vachon): Mme la Présidente, la Protectrice du citoyen, dans son mémoire ? puis je terminerai cet item-là là-dessus, peut-être pour vous aider à aller plus en profondeur dans la réflexion que vous entamerez sur ma question, là ? disait que le coût de la vie augmente pour tout le monde. Et par conséquent elle s'interrogeait vraiment très sérieusement et interrogeait le ministre sur le bien-fondé d'une indexation à la moitié pour un certain nombre de personnes à l'aide sociale et à peu près entièrement pour l'autre.

Ceci étant dit, j'aimerais vous ramener sur le 59.

Une voix: ...

M. Bouchard (Vachon): Oui?

M. Rodrigue (Norbert): Mais, M. Bouchard... Mme la Présidente, si vous permettez.

La Présidente (Mme Charlebois): Oui, allez-y, M. Rodrigue.

M. Rodrigue (Norbert): Je conviens... on va le regarder. Mais, si le coût de la vie augmente pour tout le monde, si on ne veut pas être discriminatoire puis si on veut être équitable minimalement, on va examiner ce que ça coûte pour une personne qui vit avec des incapacités, le coût de la vie. On va regarder ce que ça coûte. On va regarder ce que les couches coûtent, on va regarder ce qu'on a besoin comme soutien familial à l'occasion, on va regarder ce que le répit coûte, on va regarder tout ça pour voir où est la discrimination puis où est l'iniquité. Moi, je suis d'accord avec ça, on va la regarder. Puis on va se poser la question dans le sens que vous nous la posez: Est-ce discriminatoire? Moi, je pense que non, mais on va la regarder.

n (11 h 20) n

M. Bouchard (Vachon): Le ministre disait tout à l'heure que son projet de loi était pavé de bonnes intentions. L'enfer est aussi pavé de bonnes intentions. Et je prends bonne note que vous lui demandez de publier un certain nombre de règlements avant que nous abordions l'étude du projet de loi article par article et je prends bonne note aussi que vous voulez y être invités, et le ministre a dit que vous alliez y être invités. Je ne sais pas sous quelle sorte, sous quelle formule encore, mais j'imagine que, s'il ouvre la porte à l'OPHQ, il va ouvrir la porte à beaucoup d'autres organisations aussi.

M. Rodrigue (Norbert): ...responsabilité.

M. Bouchard (Vachon): Non, je ne vous demande pas de répondre là-dessus.

J'ai plutôt envie de revenir sur les questions des CTA et des CIT. L'article 59 prévoit en effet que les mesures CTA et CIT seraient offertes aux personnes dans le programme solidarité sociale. Est-ce que vous voyez un... J'ai deux questions à vous poser, là. La première, c'est: Comment interprétez-vous la valse-hésitation sur le financement? Parce que je pense qu'il y a eu beaucoup d'enthousiasme autour ? et le ministre s'y intéresse beaucoup aussi, là ? des CTA notamment, sur la création d'au moins 500 nouveaux emplois. Ça a été discuté dans les consultations prébudgétaires avec M. Séguin. Le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille s'est montré intéressé fortement à deux reprises dans l'étude des crédits, le ministre de la Santé aussi. Apparemment, le ministre de la Santé a sur son bureau un projet de présentation au Conseil du trésor qu'il n'ose pas avancer. Comment interprétez-vous ce problème de financement? Parce que tout le monde reconnaît les mérites de ça, là, et l'agent serait de fait décaissé par Ottawa, le 7 millions supplémentaire.

La deuxième question, c'est: Comment... En transportant, à partir du projet de loi facilitant l'exercice pour les personnes handicapées, les CTA vers la loi n° 57, c'est-à-dire vers le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, il y a deux choses dont on s'aperçoit. C'est que la description même de la mission et des objectifs poursuivis par les CTA ne fait plus partie de la loi et, deux, les CTA et les CIT apparaissent dans le programme de solidarité sociale. Est-ce que vous y voyez des avantages ou des inconvénients?

La Présidente (Mme Charlebois): M. Rodrigue.

M. Rodrigue (Norbert): Bien, dans un premier temps, je me fais... À moins... Disons, je ne pense pas qu'on pèche par naïveté, mais on n'a pas fait de lien entre la valse des temps relativement à l'augmentation des budgets et ce qui est sur la table, à l'étude, comme projet de loi. J'ai trop travaillé, depuis six ans, à chaque année pour avoir de l'argent supplémentaire pour me permettre de dire qu'il y a un lien là. Tu sais, je suis en demande, je suis un quêteux professionnel. Moi, quand je traverse le pont de Québec, le monde disent: Rodrigue vient d'arriver. Il vient nous demander de l'argent. Alors, dans ce sens-là, pas de lien.

Deuxièmement, nous, on n'a pas fait de proposition formelle pour que ce soit plus clair dans la loi, hein, n° 57, l'existence des CTA, là, en termes de programme, mais je pense qu'il faut regarder ça. Sauf qu'on n'est pas inquiets pour l'instant. On n'est pas inquiets. On n'a pas soulevé d'inquiétude, là. On s'est dit: Je n'ai pas l'impression que le ministre responsable de l'Emploi dans ma province va jouer avec des instruments qui le servent bien mais surtout qui servent bien la population qui en a besoin. Pour l'instant. Mais il faut être prudent et, à cet égard-là, il y aurait peut-être lieu d'examiner ? puis je n'y ai pas pensé hier, là, mais d'examiner ? la possibilité de préciser un petit peu plus, dans le projet de loi n° 57, l'existence du programme.

Pourquoi je dis ça? Parce que ce n'est pas rien qu'un programme de subventions salariales, là. Nous en sommes à 44 entreprises, 44 millions, un chiffre d'affaires de près de 100 millions, hein, et là j'ai l'impression que vous allez voir, en travaillant avec ça, M. le ministre, là, tout ce que ça requiert. Mais votre collègue du Commerce, de l'Industrie, votre collègue de la Santé, votre collègue du Travail va avoir à discuter avec vous parce que c'est des entreprises, hein? Ce n'est pas un programme tout seul, là. Il n'est pas dans le champ, puis géré par le ministère, puis ça finit là. C'est des entreprises, il y a des employés, etc. Mais on n'a pas fait de relation, tu sais, entre la valse et le reste. Et, s'il y avait lieu de préciser davantage, nous autres, on ne serait pas contre, mais on n'a pas forcé pour, parce qu'on n'a pas douté de l'intention. On n'a pas douté de l'intention.

Faites-moi pas parler sur le transfert des programmes de l'office vers... Tu sais? Faites-moi pas parler sur ma société non plus. Il y a des gens, ils ont présumé, il y a 20 ans, que ma société, en 2004, serait prête à prendre toutes ses responsabilités, des institutions publiques, ainsi de suite. Moi, je pense qu'on a encore du travail à faire et, à cet égard-là, il faut se couvrir, il faut faire attention, il ne faut pas prendre trop de chances.

M. Bouchard (Vachon): Vous n'avez pas répondu à la question plus spécifique du fait que le programme se retrouve niché uniquement dans le programme... les CTA, c'est uniquement dans le programme solidarité sociale. Est-ce que ça vous dit quelque chose? Est-ce que ça pose des problèmes particuliers ou est-ce que ça a des inconvénients?

M. Rodrigue (Norbert): Non. Ça ne nous a pas touchés particulièrement. Mais je vous dis en même temps ? le ministre, là, il m'entend ? si vous êtes capables, puis ses conseillers, pensez à cette dimension de l'entreprise, du programme, etc., pour y trouver une précision supplémentaire qui établirait bien, hein, sa reconnaissance puis sa vie comme programme. Moi, je ne chicanerai pas, je vais être bien content. J'aime ça, votre question, mais, comme je n'ai pas travaillé ce matin à cinq heures sur ça, je vous dirais que c'est important de le regarder, parce que, dans la société, on est plusieurs, hein? On a plein d'idées, hein, il y a plein d'idées. Puis il y a peut-être du monde qui pourrait avoir ? puis ça, ce n'est pas le ministère que je vise; mais qui pourrait avoir ? des intentions de traduire ou de transformer des entreprises de ce type-là en entreprises d'insertion, par exemple, et de les voir dans un grand réseau d'entreprises d'insertion, d'économie sociale, etc. Ils sont déjà dans l'économie sociale. Alors, il faut regarder ça avec cette perspective-là, je dirais, de vouloir fortifier ce qui est déjà fort. Excusez-moi.

M. Bouchard (Vachon): Bien. Dernière petite question. Je suis très intéressé par l'approche que vous avez concernant la question de la révision des catégories de diagnostic et de la simplification pour les personnes qui se présentent et qui veulent se voir reconnaître des contraintes sévères parce qu'elles les vivent, ces incapacités. Vous dites en même temps, vous dites en même temps: C'est important d'avoir un programme... Puisque nous avons un programme spécifique, il vaut mieux le perfectionner et l'enrichir. Vous affirmez, d'autre part, qu'il y a plusieurs obstacles lors de la reconnaissance de l'incapacité ou de la contrainte et vous dites au ministre: S'il y a une révision, on aimerait y être associés. Pourquoi vous ne demandez pas une révision?

Le Président (M. Copeman): M. Fleury.

M. Fleury (Yves): Écoutez, votre idée de demander une révision est extrêmement intéressante. Je pense que l'office n'a évidemment rien contre. En signifiant son intérêt à participer à une telle révision, de faire en sorte... et M. Béchard est en tout cas attentif sans doute à l'importance que, oui, ces modalités-là devraient être révisées. Je pense, entre autres, sur ce recours, si je peux dire, à un modèle médical qui demanderait d'être revu. L'office est très intéressé de participer à des travaux comme ça. C'est certain que les personnes ont besoin que cette révision-là ait lieu.

J'aurais le goût de vous parler un peu de compensation équitable pour vous dire qu'un des scénarios est de faire en sorte de détacher le versement du chèque pour contraintes sévères à l'emploi pour faire en sorte de l'allouer à toutes les personnes qui ont des incapacités au Québec, pas juste aux personnes qui sont de l'aide sociale. Si on arrivait à mettre fin, si on peut dire, à ce recours au régime assistanciel qu'est l'aide sociale et qu'on reconnaîtrait le droit à une approche plus équitable au niveau de la compensation, je vous dirais que reconnaître ou non les déficiences, incapacités puis les contraintes sévères à l'emploi des gens, ça se poserait d'une tout autre façon. C'est pour ça qu'on a insisté, M. Bouchard, sur le fait que le ministère s'associe à la recherche d'un scénario de compensation plus équitable au Québec. Je pense qu'il y a d'autres façons d'aider les personnes handicapées. Il y a une capacité de le faire d'une façon plus équitable, puis on compte sur cette collaboration-là, c'est évident.

n (11 h 30) n

M. Bouchard (Vachon): Ça m'intéresse beaucoup, parce qu'alors que... J'étais à l'époque président du Conseil québécois de la recherche sociale, on avait fait faire une étude extrêmement importante sur le sujet. Les conclusions étaient assez évidentes: une bonne révision des modèles internationaux. Le temps est sans doute maintenant à l'action. C'est intéressant que vous débouchiez, à partir de ma question, sur cette alternative-là.

Le Président (M. Copeman): M. le président.

M. Rodrigue (Norbert): Un détail. Sur la compensation équitable, je vous le rappelle, vous allez le voir dans notre... on est dans une période d'appropriation, on va entrer en période de consultation dans les prochaines semaines, prochains mois, et on va traduire ça éventuellement par des suggestions au niveau de notre ministre et donc du gouvernement, et ce sont là des questions fort importantes.

Pour la question de la révision ou de l'admissibilité, je vous dirais qu'il y a plusieurs occasions dans une année où on doit intervenir sur ces questions-là, et à cet égard c'est pour ça qu'on voudrait être associés, notamment sur la question, hein, des listes de médicaments, de ci, et de ça, et de ça. On va examiner la révision et ? le ministre nous a... vous a entendu ? on va voir comment traduire tout ça en termes de préoccupations et d'actions.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, M. le président Rodrigue, Mme Hébert, M. Fleury, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de l'Office des personnes handicapées du Québec. J'invite M. Sylvain Contant à prendre place à la table et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 31)

 

(Reprise à 11 h 35)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux. Et c'est avec plaisir que nous accueillons M. Sylvain Contant devant la commission. M. Contant, en tant que particulier, c'est la pratique courante depuis des années, à la Commission des affaires sociales, on vous accorde une période d'à peu près 10 minutes pour faire votre présentation, vous êtes au courant, puis ce sera suivi par un échange d'à peu près 10 minutes de chaque côté de la table, des parlementaires des deux côtés. Alors, sans plus tarder, je vous invite à procéder avec votre présentation.

M. Sylvain Contant

M. Contant (Sylvain): Je vous remercie. Alors, M. le Président, M. le ministre, membres élus de l'Assemblée nationale, c'est avec joie, honneur, privilège et émotion... d'être ici, aujourd'hui. Depuis le début des travaux, bon nombre d'organismes sociaux déferlent devant vous. Mais qui de mieux placé qu'un prestataire inapte au travail pour vous parler de la détresse quotidienne et de la pauvreté continue et, sans jeu de mots, sans fin?

Dans un premier temps, j'aimerais remercier très sincèrement mon député de La Prairie, M. Jean Dubuc, qui... Sans lui, je ne serais pas ici aujourd'hui. Depuis le 28 juin 2004, M. Dubuc et son attaché politique, M. Belval, ont fait pour moi un travail colossal, rempli de délicatesse, de compassion et de partage. J'aimerais également remercier M. Patrick Ney, attaché politique du député de Vachon, qui, par sa grande patience, écoute magistrale, m'a grandement réconforté.

Depuis environ six ou sept ans, je suis prestataire d'aide sociale avec des contraintes sévères, permanentes et irrévocables. Pour moi, mon épouse et mon fils de quatre ans, nous recevons 1 194,16 $ par mois. Donc, l'État québécois m'a versé, en 2003-2004, plus ou moins 14 000 $. Combien coûte à la province un prisonnier? 80 000 $, 90 000 $, 100 000 $ annuellement. Et encore, ce chiffre peut facilement augmenter avec le vieillissement de la population carcérale. Ces détenus, qui ont été jugés coupables d'un crime quelconque et sont supposément punis pour leurs actes... Pourtant, ils profitent de trois repas par jour garantis, plus les collations, gym, billard, ping pong, bibliothèque, services infirmiers, psychologues, thérapeutes, prêtres, tabac ou cigarettes sans taxes, terrain de jeu et la fameuse roulotte du sexe. Ils n'ont pas à défrayer les coûts de loyer et d'électricité. Et je vous demande si c'est logique et juste.

Moi aussi, et tous les inaptes au travail, comme les prisonniers, sommes prisonniers de notre corps et/ou des bibites dans nos têtes, contraints à avaler plusieurs médicaments juste pour assouvir et non pas guérir nos maux et nos maladies. Pourtant, l'État québécois nous traite comme des moins que rien avec des prestations ridicules. Avec un montant inapproprié, pour une province ou pays que l'on dit riche et où il fait bon de vivre, je dois payer le loyer, l'électricité, le téléphone, l'épicerie, etc., avec la maigre prestation accordée. Ce qui fait que, la journée même de la réception du chèque ou au plus tard le 4 du mois courant, il ne me reste plus un sou, plus un seul. Je ne crois pas que ce soit normal de traiter des humains honnêtes... Et pour ma part je n'ai pas de dossier criminel.

En plus de vivre avec des contraintes sévères mentales et/ou physiques, je suis exclu de la société. Je vis dans la solitude, renfermé sur moi-même, à vivre avec les préjugés des gens, se faire traiter de paresseux, profiteur du système. C'est désolant, triste à la fois, pour ne pas dire écoeurant.

n (11 h 40) n

Le menu de notre mois se compose de steak haché, bologne, fèves au lard, Kraft Dinners, vous voyez le style. C'est vraiment très différent de vos filets mignons, de vos «T-bones» et de vos homards. Côté vêtements, nous nous habillons au sous-sol de l'église, incapables de s'acheter un morceau neuf. Nos deux seules sorties, c'est la visite chez le médecin et la grosse commande du mois. Impossible d'aller au cinéma, théâtre, restaurant ou de se louer un film. Neuf fois sur 10, je suis obligé de dire non à mon fils pour un cornet, une slush ou un bonbon. Je ne pense pas que ce soit normal, ça aussi. Ça devient frustrant à la longue de vivre comme ça, puis ce n'est pas étonnant que mon humeur soit toujours dépressive. Beaucoup de prestataires, dont moi trois fois, avons déjà tenté ? et dans certains cas il y en a qui ont réussi ? un suicide, car l'État québécois ne permet aucun espoir de s'en sortir financièrement.

Le ministre de l'Éducation, M. Pierre Reid, a confirmé les chiffres sortis par la commission scolaire de Montréal, à savoir qu'un tiers des élèves ou 28 000 enfants ne réussissent pas à avoir tout le matériel scolaire requis pour l'année. De ces 28 000 élèves, combien, pensez-vous, viennent de familles recevant de l'aide sociale? Imaginez, à la grandeur de la province, le nombre apeurant et incroyable d'enfants dont les parents sont incapables de payer et fournir l'équipement scolaire. Santé et bien-être social Canada a sorti des chiffres, à l'été 2004, à savoir que toutes les provinces sans exception tapent sur les plus démunis de la société et que c'était inacceptable de laisser ces gens sous le seuil de la pauvreté. Cela, dans ma tête à moi, frôle l'acte criminel.

Tous les gouvernements antérieurs et présent comptent très mal. Même si nous sommes pauvres, nous sommes des consommateurs. Nous payons des taxes sur tous nos achats, et, quand je paie le téléphone, l'Hydro, en plus des coûts excessifs, je repaie une surtaxe, la TVQ, donc toutes ces taxes reviennent à l'État. Si on aurait plus d'argent, on dépenserait plus et l'État remplirait encore davantage ses coffres. Vous donnez de la main gauche et vous reprenez de la main droite.

Comme je n'ai pas d'argent, je mange mal. Résultats: embonpoint, haute pression, cholestérol, en plus de mes autres maladies; tous ces médicaments qui sont inutiles à prendre. Si j'aurais plus d'argent, je pourrais mieux m'alimenter, alors imaginez les économies du coût des médicaments pour moi et pour tous les autres assistés sociaux inaptes au travail. Quand, à cause de mes maladies et de ma pauvreté, je fais de grosses crises d'angoisse et/ou de panique et que mes médicaments ne réussissent pas à me relaxer ou geler mes bobos, je me ramasse à l'urgence. Je suis en observation durant quelques jours, je vois et je parle à un psychiatre. Tout cela coûte de l'argent à l'État. Il suffirait tout simplement de donner plus d'argent, de nous faire vivre décemment, avec respect, et je suis convaincu que le coût en vaudrait la chandelle, car, d'après mon estimation, 75 % moins de dépenses inutiles en médicaments, en ambulances, en transport médical, de prise de places absolument pour rien dans les hôpitaux, tant des professionnels de la santé... Bref, tout le monde y trouverait son compte.

Tout le monde sait que les gouvernements disent qu'ils n'ont jamais d'argent. Où vont toutes les taxes, les impôts, l'argent d'Hydro et de Loto-Québec? C'est vraiment à n'y rien comprendre. Les députés, les juges, hauts fonctionnaires de l'État ne se gênent pas pour voter des augmentations de salaire indécentes, avec bien sûr des avantages sociaux, des primes, etc. C'est vraiment répugnant.

En période préélectorale, le premier ministre, M. Jean Charest, a crié haut et fort... Textuellement, il a dit: Ce sera toujours plus payant de travailler que de rester à la maison. Par contre, les inaptes au travail, on va s'en occuper. Eh bien, moi, je crois que le temps est vraiment venu de tenir les promesses, car la situation a assez duré. Les politiciens, qui ont le gros sourire Colgate quand les caméras sont en marche et qui nous traitent comme des moins que rien une fois que celles-ci sont fermées... Les gouvernements antérieurs et présent sont, à mes yeux et dans ma tête, une grosse mafia, à la différence que vous êtes légaux. Malgré tout, le gouvernement libéral du Québec doit absolument tenir sa promesse de s'occuper des inaptes au travail au PC.

Pour ce qui est du projet de loi de la loi n° 57, je n'ai rien trouvé de positif pour les inaptes au travail, malgré la promesse de M. Charest. Pour ce qui est de la saisie du chèque, c'est complètement loufoque, et encore une fois ça frôle l'acte criminel juste de songer à le saisir. Par contre, les propriétaires qui sont inquiets, et avec raison, du paiement de leurs loyers, je les comprends. C'est pourquoi je vous suggère, M. le ministre, bien humblement un accord signé tripartite entre le proprio, le prestataire locataire et le ministère, à savoir que le locataire prestataire accepte, pour une période de 12 mois consécutifs, le dépôt direct de son prix de loyer dans le compte du propriétaire, c'est-à-dire tout simplement amputer le chèque de chaque prestataire, sur une base volontaire, qui signerait le formulaire. Comme ça, il n'y aurait plus aucune méfiance du propriétaire, parce qu'il serait sûr à 100 % qu'il serait payé par le prestataire locataire.

M. le ministre, ma situation est la suivante. Vous promettez qu'au budget 2004-2005 un couple avec contraintes sévères et un enfant touchera 20 034 $, soit une augmentation de 1 555 $. J'aimerais rappeler au ministre que ce montant de 20 034 $ comprend TPS, TVQ, allocations fédérale et provinciale. Ces quatre éléments de revenu représentent très exactement 32 % de mon revenu. L'autre 68 % est ma prestation d'aide sociale, et vous voulez l'indexer à 1,3 %. C'est carrément, carrément inacceptable et rire du monde. Si c'est ça, la promesse de M. Charest de s'occuper des inaptes au travail, on n'a vraiment pas la même vision. Pendant ce temps-là, le coroner Marc-André Boulianne, depuis 10 ans, reçoit son salaire, se fait payer ses avocats, et quoi d'autre encore, par les citoyens du Québec.

Je ne connais pas une seule personne inapte au travail qui a demandé à être malade. C'est déjà difficile de vivre ainsi, ce serait peut-être le fun que le gouvernement nous en donne plus pour pouvoir jouir un peu de la vie. Est-il normal, à l'aube de 2005, que des marées humaines font la ligne indienne, se tiennent deux par deux, par la main, comme à la maternelle, pour aller dans les organismes quelconques se chercher de la nourriture? Aux yeux de la loi, on est responsables de nos actes, ce qui me fait dire que les gouvernements antérieurs et présent sont responsables de la déchéance, de la pauvreté, de la misère humaine que je vis et que d'autres vivent.

En résumé, les gouvernements antérieurs et actuel ont toujours frappé à grands coups de marteau sur les inaptes au travail. Il est temps que cela change. Et d'ailleurs M. Jean Charest a promis de s'occuper mieux de nous. Alors, s'il vous plaît, je vous demande à genoux de tenir vos promesses. Nos vies, santé et bien-être en dépendent.

Santé et bien-être social Canada trouve inacceptable, scandaleuse et frôlant l'acte criminel l'attitude des provinces, dont le Québec, avec ses assistés sociaux. Est-il normal que je sois obligé de sauter une couple de repas par mois pour que mon épouse et mon fils de quatre ans puissent manger adéquatement, alors qu'un prisonnier, qui coûte cinq à six fois plus cher à l'État, mange assurément ses trois repas par jour, sans compter tous les autres avantages qu'il possède? Si ce ne serait pas de la peur bleue d'échapper mon savon dans la douche, je pense que je serais mieux en dedans.

En terminant, j'aimerais avertir la commission et M. le ministre que mon député libéral de La Prairie, M. Jean Dubuc, ainsi que le critique de la solidarité sociale, M. Bouchard, sont au courant de mes intentions et projets, à savoir que, si, d'ici le budget 2005 ou le 1er janvier 2005, il n'y a aucun ajustement significatif pour les inaptes au travail nous permettant de mieux vivre, je ferai la grève de la faim, soit au parlement ou à tout autre endroit que je déciderai, et je déclencherai cette grève de la faim au moment jugé opportun. Mourir de la faim à Delson, chez moi, à Québec, c'est la même chose. MM. Charest et Béchard, je suis prêt. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, M. Contant. Alors, afin de débuter l'échange, M. le ministre de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.

M. Béchard: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. M. Contant, merci de votre présentation. Et je veux saluer la présentation que vous faites, aussi le travail des attachés politiques et des députés qui ont été impliqués dans votre dossier.

Première question que je vais avoir, vous parlez d'un ajustement significatif pour le 1er janvier. Ce serait quoi pour vous, un ajustement significatif pour le 1er janvier? Parce que, le 1er janvier, il va y avoir du Soutien aux enfants qui est mis en place, l'indexation. Puis je comprends que vous mentionnez que ce n'est pas assez. Le Soutien aux enfants, dans votre situation, devrait amener 1 375 $ de plus qu'actuellement. Mais ce serait quoi selon vous, un ajustement significatif?

M. Contant (Sylvain): M. Béchard, avec tout le respect que je vous dois, je dois avouer que c'est positif, la nouvelle allocation familiale du 1er janvier 2005. Par contre, c'est comme complètement hors contexte, parce qu'ici on parle de prestation d'aide sociale. Si je serais seul, sans enfant, je n'aurais pas droit à cette allocation familiale. Donc, je me retrouverais avec 800 $, 900 $ pour vivre, payer un logement. Heureusement, je ne paie pas de médicament. J'espère que vous allez garder le statu quo là-dessus.

Je trouve complètement inacceptable de laisser des familles dans la pauvreté. Qu'en 2005 ? on n'est pas au tiers-monde ici, là ? d'aller chercher de la bouffe chez Moisson Montréal, ou peu importe, puis que j'ai été obligé de demander à mon député une aide alimentaire, qu'il m'a fournie durant six mois, qui se termine au mois de décembre, c'est complètement inacceptable.

Pour répondre à votre question, j'ai fait un petit barème à la page 3 de mon mémoire original... parce que j'avoue que j'ai rajouté des choses. Moi, je suis ici en tant qu'inapte au travail. Les aptes au travail, le mot le dit, sont aptes. Je suis sévère, mais qu'ils aillent travailler. Qu'ils se débrouillent pour trouver une job. Un inapte au travail, ça veut dire qu'il ne peut pas travailler. Ça veut dire qu'il est dans la maison 24 heures par jour, la plupart du temps, avec ses bibites, avec aucune possibilité de s'en sortir.

n (11 h 50) n

Moi, je vois deux solutions. Si je prends mon cas à moi, un couple avec un enfant, 2 000 $ par mois seraient adéquats. Je parle de prestation d'aide sociale. Par contre, il y a une autre solution, si l'État juge que ceci, c'est trop. Vous pouvez garder la prestation de 1 194,16 $ très exactement intacte. Si vous l'augmentez de 15 %, avec l'électricité, le chauffage gratuits et une carte prépayée d'épicerie de 250 $, c'est correct. On en a assez pour vivre, à ce moment-là. On peut même se payer le luxe de se faire venir du restaurant une fois de temps en temps puis de ne pas manger juste des bines et du pain sans beurre.

M. Béchard: Au niveau du paiement de loyer, vous dites qu'il pourrait y avoir une entente tripartite, puis il y a déjà un certain type d'ententes, là, qui se font, mais est-ce que ça vous est déjà arrivé ou est-ce que vous voyez des propriétaires qui ne louent pas parce qu'ils ont peur de ne pas être payés? Ça, vous allez sans doute dire oui, mais parlez-nous de votre entente tripartite, là. C'est une espèce de contrat entre les trois? Il y a déjà certaines choses qui se font, là, pour être plus sûr, mais il y a des gens qui viennent nous dire: On ne peut pas le faire. J'aimerais vous entendre là-dessus aussi, sur le paiement de loyer.

M. Contant (Sylvain): Alors, c'est juste une idée comme ça qui m'est venue par la tête. Je me suis dit: Les propriétaires sont très réticents, et avec raison, de louer à des prestataires d'aide sociale, qu'ils soient inaptes ou aptes au travail. C'est pour ça que, si le ministère mettait en oeuvre un genre de formulaire signé, tripartite, et le ministère garantit qu'exemple, si, moi, je suis amputé ? moi, c'est dépôt direct ? exemple, si le montant de mon loyer est amputé de mon dépôt direct puis il s'en va directement dans le compte du propriétaire ou par chèque au propriétaire, bien tous les autres prestataires d'aide sociale, qu'ils soient aptes ou inaptes au travail, qui signeraient ce formulaire-là, bien le propriétaire, il n'aurait plus aucune crainte de louer à un prestataire, parce qu'il se dirait: Bien, je suis garanti par le gouvernement. Il accepte volontairement de payer son loyer pendant 12 mois en le coupant à même le chèque ou le dépôt direct, là, appelez ça comme vous voulez. Alors, il n'y aurait plus aucune méfiance. Quand même qu'il y aurait juste 1 % des prestataires qui signeraient ce fameux formulaire, bien ce serait, quoi, 5 500 personnes, 55... en tout cas quelque chose de même, là. C'est déjà bon. Ce serait un début. Faire la promotion.

Parce que le prestataire d'aide sociale qui n'a rien à cacher, qui est honnête, qui n'a pas de dossier criminel puis qui n'a pas l'intention de se sauver, il veut le payer, le loyer. C'est la première chose qu'il fait, payer son loyer. Il faut qu'il ait un toit sur la tête. Il peut manquer de manger, on peut se débrouiller quand même. On se débrouille de toute façon, hein? J'ai la chance, même si je suis malade, d'avoir mes deux bras puis mes deux jambes. Ce n'est pas évident de s'en aller dans les poubelles puis essayer de chercher des canettes pour essayer de se faire 2 $, 3 $ de plus. Ce n'est vraiment pas évident.

M. Béchard: Dans ce que vous me proposez comme indexation puis comme autres avantages, pour vous, c'est au niveau uniquement des inaptes?

M. Contant (Sylvain): Absolument, absolument.

M. Béchard: Parce que vous placez un constat au niveau des aptes. Dans le fond, vous nous dites: Au niveau des aptes, s'ils n'ont pas de contraintes, bien leur place est sur le marché du travail. Ce que vous nous proposez, c'est uniquement au niveau des inaptes?

M. Contant (Sylvain): Leur place est sur le marché du travail. Par contre, je ne suis pas contre que l'État les aide, mais il y a une limite. Il ne faut pas ambitionner sur le pain béni. C'est aussi simple que ça, là. Moi, je suis inapte puis je dois avouer, comme j'ai avoué à M. Dubuc quand j'ai été le rencontrer dans son bureau, je suis séparatiste mais pas nécessairement péquiste. J'ai voté libéral pour la seule et unique raison que M. Charest, en période préélectorale, a dit: Je vais m'occuper des inaptes au travail. Alors, mon x a été sur M. Jean Dubuc. C'est aussi simple que ça. Maintenant, si je suis ici, si j'ai été voir M. Dubuc, c'est pour que: Aïe, tenez vos promesses, là. Moi, je n'en peux plus. Carrément, là, je n'en peux plus. Ma prise de médicaments augmente. Mon fils s'en va... il vient d'avoir quatre ans. C'est des souliers, c'est des ci puis des ça. Tu n'en trouves pas tout le temps, là, au sous-sol de l'église, là. Ce n'est pas... Je suis tanné d'avoir... Tu sais, si le chèque est le 31 du mois, le 1er, tu arrives chez... Peu importe le magasin ou l'épicerie, ils te voient arriver. Ils le savent que tu es sur le BS, puis là je suis écoeuré de ça, là. Je suis écoeuré. J'aimerais ça, là, qu'on ait un peu de sous.

Regarde, je vais vous montrer quelque chose. Je suis monté à Québec. On est le 10 du mois. C'est ça qui me reste: 0,46 $. C'est-u normal? Si j'aurais pas d'enfant... Là, j'ai 0,46 $ jusqu'au 19 du mois, parce que l'allocation, ce mois-ci, rentre le 19 du mois, fédérale. Si j'aurais pas d'enfant, j'ai 0,46 $ jusqu'au 1er décembre. Trouvez-vous ça normal, vous? Moi pas.

M. Béchard: Merci.

Le Président (M. Copeman): Ça va? M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): D'abord, un, merci de votre témoignage. Je pense qu'étant donné les problèmes que vous décrivez dans votre mémoire et qui vous affectent et ce que vous invoquez comme problèmes ça prend une bonne dose d'énergie puis de courage pour faire ce que vous venez de faire, là. Mais j'aimerais entendre parler un peu plus de ce que ça représente dans la vie familiale, votre situation. Vous me parlez d'un enfant de trois ans...

M. Contant (Sylvain): Quatre ans.

M. Bouchard (Vachon): Quatre ans?

M. Contant (Sylvain): Il vient d'avoir quatre ans.

M. Bouchard (Vachon): Un petit garçon?

M. Contant (Sylvain): Exact.

M. Bouchard (Vachon): O.K. Et, la façon dont vous nous parlez du problème, là, jusqu'à maintenant, c'est un problème financier. Est-ce qu'il se pose d'autres genres de difficultés, dans la vie de votre enfant, que ce type de problème là viendrait régler?

M. Contant (Sylvain): Mon fils, présentement, il est suivi au CHAL, Centre hospitalier Anna-Laberge, en orthophonie. Est-ce à cause de ma pauvreté? Nul ne peut le savoir. Ce que je sais, c'est que, quand il me demande un cornet, un bonbon ou une slush, puis que je suis obligé de lui dire non neuf fois sur 10, huit fois sur 10, peu importe le temps ou le nombre de fois, je me sens cheap. Comment refuser à un enfant?

Le 7 novembre dernier, qu'on vient de passer, c'était son anniversaire. Incapable d'acheter un gâteau, là. On avait prévu, ça fait que qu'est-ce qu'on a fait, c'est que ma femme, elle a acheté un gâteau en boîte, elle l'a fait elle-même. Il nous a demandé un gâteau Spider-Man, mais on ne pouvait pas. C'est toujours comme ça.

L'impact qu'il y a, c'est qu'il y a des prises de bec avec mon épouse, je ne m'en cache pas. Elle fait des miracles, elle fait... Je suis encore chanceux d'être marié, je n'ai pas honte de le dire, mais, à un certain moment donné, ça va craquer. Puis, si ça craque, bien qu'est-ce qu'il va arriver? On ne sait pas qu'est-ce qu'il peut arriver.

M. Bouchard (Vachon): Le projet de loi n° 57 que le ministre nous présente, là, il prévoit notamment, pour les personnes qui ont des contraintes sévères, un assouplissement des règles qui ferait en sorte que les gens pourraient éventuellement, auraient la possibilité d'avoir plus d'actifs, donc de posséder plus de biens, éventuellement. Est-ce que c'est un aspect du projet de loi qui vous aiderait particulièrement, ça?

M. Contant (Sylvain): Bien, si, mettons, je gagnerais, ce soir ou demain, 5 000 $ à Loto-Québec puis que je le déclare au ministre Béchard, je suis coupé parce que j'ai plus que 5 000 $ d'actif. Ça fait que c'est sûr que ça nous aiderait s'il monterait ça, en doublant, à 10 000 $. De toute façon, moi, je n'ai rien à cacher. J'ai un homme haut placé dans la société qui depuis sept ans m'aide à tous les Noël. Dernièrement, il m'a acheté un lit, dernièrement, il m'a acheté une balayeuse parce que mon fils est asthmatique; il m'envoie des chèques régulièrement et je les déclare à l'aide sociale, je les déclare. Je n'ai rien à cacher.

M. Bouchard (Vachon): Mais est-ce que...

M. Contant (Sylvain): Je vais taire le nom de la personne. Je peux le dire après, quand le micro va être fermé, mais c'est une personne haute dans la société, que je n'ai jamais rencontrée de ma vie, que j'ai écrit une lettre pour mon désespoir personnel, parce que j'avais un peu les symptômes de maladie de son père, puis il a cliqué, puis il m'aide depuis ce temps-là.

M. Bouchard (Vachon): Avant de quitter cette salle, M. Contant, qu'est-ce qui vous rassurerait, qu'est-ce qui vous encouragerait? Qu'est-ce qui, quelque part, serait une indication claire pour vous que votre intervention, là, aura eu un impact ou un effet auprès de nous?

n (12 heures) n

M. Contant (Sylvain): J'aimerais avoir un engagement formel du ministre de ne pas attendre à un deuxième mandat, s'il y a lieu. Parce que, s'ils sont défaits aux prochaines élections, ils vont partir sans avoir réalisé leur promesse. Et, en toute honnêteté avec vous, M. Bouchard, je vous respecte énormément, mais je ne pense pas que ce soit le Parti québécois qui puisse faire de quoi pour ça. Parce que, tout simplement, depuis le début du pouvoir du gouvernement Charest, j'ai trouvé qu'ils ont eu des couilles dans beaucoup de dossiers, qu'ils ont mis leurs culottes. C'est juste un manque de politique, un manque de volonté politique. C'est tout simplement ça. Puis, sincèrement... Puis je ne tète pas personne, mais, sincèrement, s'il y a quelqu'un qui peut le faire, c'est le gouvernement libéral du Québec, pour l'instant.

C'est sûr que, si, aux prochaines élections... Admettons que vous êtes élus, puis que vous êtes nommé ministre de l'aide sociale, puis que vous promettez la même affaire que M. Charest, alors à ce moment-là c'est sûr que je vais croire en vous. Mais, pour le moment, je crois encore, je veux croire encore que M. Charest n'a pas dit juste des paroles en l'air. Je veux croire qu'il va arriver quelque chose avant la fin de son mandat, et le plus tôt possible, ça c'est sûr et certain.

M. Bouchard (Vachon): Là, vous venez quand même de rallonger la période de faisabilité de votre demande, là.

M. Contant (Sylvain): Si... Oui, mais regardez bien, là, si...

M. Bouchard (Vachon): Parce que vous venez de parler d'un mandat. C'est encore deux, trois ans, là, et vous voulez avoir des indices avant ça.

M. Contant (Sylvain): Moi, je veux... C'est sûr que j'aimerais que ce soit annoncé dans le prochain budget ou que ce soit en janvier 2005. Mais, si M. Béchard me dit: M. Contant, Sylvain ? peu importe, là ? je ne peux pas, je n'ai pas les finances pour, puis c'est ci puis c'est ça, mais qu'il me dit: L'année prochaine, ça va être fait, c'est parfait. Je m'en retourne chez nous avec mon petit bonheur puis je vais attendre l'année prochaine avec beaucoup d'espérance que je sois encore en vie.

M. Bouchard (Vachon): Merci bien.

M. Contant (Sylvain): Merci.

Le Président (M. Copeman): Il y a une demande d'intervention de la part du député de La Prairie, qui n'est pas membre de la commission. J'imagine, il y a consentement? Consentement. Il reste deux minutes, M. le député.

M. Dubuc: Merci, M. le Président. Moi, je suis à l'écoute de M. Contant. M. Contant est venu me rencontrer à mon bureau avec son épouse. Je ne connaissais pas M. Contant, je connaissais la famille de son épouse. J'ai vu, ce monsieur-là, une volonté extraordinaire de prendre le temps. Je le sentais nerveux. Ce n'est pas facile pour des gens comme M. Contant, vivre, le milieu, puis, moi, je tiens à vous féliciter. Je vous l'ai dit, à mon bureau, quand vous êtes venu, j'ai dit: Ne lâchez pas, on a besoin des gars comme vous, des gens comme vous pour venir à bout de venir nous convaincre.

Le ministre, il est à l'écoute à ça. C'est sûr que, le gouvernement, on va être à l'écoute à ça puis on va essayer de travailler davantage pour vous aider. Puis je crois que... Moi, bien vous l'avez dit tantôt, je ne le dirais pas, vous avez dit tantôt... je vais vous aider jusqu'au mois de décembre. Je l'ai fait parce que je sentais que vous aviez un besoin, puis c'était un besoin réel. On sent que vous êtes un gars sincère. Ce n'est pas quelqu'un qui veut se prendre pour un autre puis dire: Bien... Tant que quelqu'un vient nous dire, si tant qu'il reçoit quelque chose, il le déclare à l'impôt, au gouvernement... Je pense qu'il faut être à l'écoute à des gens comme toi. Il y a des fois qu'il y a de l'abus, puis on sent, dans ton cas... Puis, même, les temps que j'ai travaillé pour... M. Bouchard, il a travaillé aussi, je tiens à le remercier pour votre présence ici. Moi, je vous ai aidé aussi pour vous déprendre... la question de transport... M. Bouchard... Puis on est fiers de le faire parce qu'on sent...

Savez-vous quoi? On a besoin des gens comme vous. Puis, soyez fier de prendre le temps de venir ici nous rencontrer, rencontrer le ministre pour faire le témoignage que vous faites. On a besoin des gens comme vous pour avancer, puis ne lâchez pas. Puis, moi personnellement, m'as essayer de travailler encore pour vous aider puis vous supporter. Merci.

M. Contant (Sylvain): Merci beaucoup. Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, merci beaucoup, M. Contant, d'avoir participé à cette commission parlementaire. Et j'ajourne les travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 12 h 4)


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