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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mardi 1 février 2005 - Vol. 38 N° 94

Consultation générale sur le document intitulé Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Copeman): Alors, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle notre mandat. Nous sommes réunis aujourd'hui, et toute la semaine d'ailleurs, afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le document intitulé Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Alors, Mme James (Nelligan) va être remplacée par Mme Hamel (La Peltrie).

Le Président (M. Copeman): Merci. Je vous rappelle, comme je le fais à chaque début de séance, mes chers collègues, et aussi aux gens qui sont présents dans la salle que l'utilisation des téléphones cellulaires est strictement interdite dans la salle et je prierais tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir les mettre hors tension.

Je ne ferai pas lecture de l'ordre du jour pour la journée au complet. Lors de la suspension, on peut y revenir. Mais, ce matin, nous allons entendre et échanger avec les représentantes du Barreau du Québec, qui sera suivi par le Centre des femmes de l'UQAM, et nous allons terminer la matinée avec le Conseil des relations interculturelles. Évidemment, il y aura suspension de 12 h 30 jusqu'à 14 heures.

Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentantes du Barreau du Québec. Mesdames, je vous rappelle simplement nos règles de fonctionnement, elles n'ont pas beaucoup changé, la formule ne change pas beaucoup, mais je vous le fais quand même. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je ne sais pas s'il y a une porte-parole principale. Alors, madame...

Mme Champagne (Sylvie): Sylvie Champagne.

Auditions (suite)

Le Président (M. Copeman): Mme Champagne, Me Champagne, je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter immédiatement votre présentation.

Barreau du Québec

Mme Champagne (Sylvie): D'accord. Alors, bonjour, M. le Président, bonjour, Mme la ministre, mesdames et messieurs les membres de la commission. Alors, mon nom est Sylvie Champagne. Je suis avocate au Service de recherche et de législation du Barreau du Québec. Et, avant de vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui, le bâtonnier Denis Mondor m'a demandé de bien vouloir l'excuser parce qu'il ne peut être ici aujourd'hui.

Alors, dans l'ordre et présentes, Me Lucie Lamarche, professeure et chercheure au Département des sciences juridiques de la Faculté de science politique et de droit de l'UQAM; Me Line Samoisette, avocate au Centre communautaire juridique de l'Estrie et membre du Comité sur les femmes dans la profession du Barreau du Québec; et Me Fanie Pelletier, adjointe au bâtonnier et secrétaire du Comité sur les femmes dans la profession du Barreau du Québec.

Alors, comme vous le savez, le Barreau est un ordre professionnel dont la première mission est la protection du public. Cette mission se réalise principalement par la surveillance, la réglementation et le contrôle de l'exercice de la profession. Par ailleurs, le Barreau constitue une institution essentielle dans l'organisation d'une société basée sur la règle de droit. Dans ce contexte, le Barreau a une responsabilité sociale, celle de défendre les valeurs fondamentales qui sont propres à une société libre et démocratique, dont notamment l'égalité de tous devant la loi, l'équilibre des pouvoirs exécutifs et législatifs, le respect des droits de la personne, l'indépendance judiciaire et l'accès à la justice. Le Barreau a aussi la responsabilité sociale de veiller à une saine administration de la justice.

C'est donc avec un grand intérêt que le Barreau du Québec a pris connaissance du document présenté par le Conseil du statut de la femme, Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Tel que déjà mentionné à notre intervention du 17 décembre dernier, d'emblée le Barreau du Québec estime que le gouvernement québécois, institution de notre société démocratique fondée sur la primauté de la règle de droit, a le devoir de s'assurer que le principe de l'égalité entre les femmes et les hommes, principe reconnu par la Charte des droits et libertés de la personne, serve d'assise à l'action et à la stratégie gouvernementale. Le Barreau du Québec accueille donc favorablement le document présenté par le Conseil du statut de la femme.

n (9 h 40) n

Afin d'alimenter la réflexion sur les aspects pluridimensionnels du droit des femmes à l'égalité, le Barreau du Québec est d'avis que la justice doit avoir une place plus importante dans le contrat social que propose le Conseil du statut de la femme. Ce dernier mentionne en introduction: «Bien que les femmes du Québec bénéficient aujourd'hui de l'égalité de droits, il reste encore du chemin à parcourir avant d'arriver à une égalité de fait.» Les aspirations de justice d'une société égalitaire doivent viser à atteindre cet objectif, soit l'égalité de fait.

Aujourd'hui, après avoir pris connaissance des travaux de la commission, nous croyons très important de revenir sur la place de la justice dans le contrat proposé par le Conseil du statut de la femme. À cet égard, Me Lamarche vous entretiendra sur le droit à l'égalité et les institutions gouvernementales liées à ce droit; Me Samoisette vous parlera des femmes et la justice; et en conclusion Me Pelletier terminera avec la présentation de certaines mesures concrètes afin d'assurer le respect du droit à l'égalité. Je cède donc la parole à ma collègue, Me Lamarche.

Le Président (M. Copeman): Me Lamarche.

Mme Lamarche (Lucie): Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, je suis membre du Barreau du Québec depuis 1978. C'est l'année où le Conseil du statut de la femme publiait un document qui allait servir au moins une décennie de source d'inspiration aux Québécoises, aux féministes québécoises et, pourquoi ne pas le dire, de fondement à l'action étatique. Ce document s'intitulait Égalité et indépendance. En le feuilletant de nouveau, j'ai constaté que, si les choses avaient changé pour le mieux au bénéfice des Québécoises et des néo-Québécoises de toutes origines, il n'est toutefois pas possible de conclure que les sources de la discrimination, identifiées dans ce rapport de 1978, se soient magiquement évanouies.

Au contraire, il faut, aujourd'hui, compter parmi ces sources de nouveaux phénomènes encore une fois mis en lumière avec éloquence par les travaux du Conseil du statut de la femme au fil des dernières années: la précarisation de l'emploi féminin, la pauvreté systémique d'au moins 10 % de la population féminine du Québec, l'impact de la mondialisation, le retour au modèle féminin d'aidante dite naturelle, la commodification du corps des jeunes femmes, l'exploitation éhontée de la main-d'oeuvre immigrante féminine, particulièrement dans le secteur domestique. Plusieurs intervenantes ont fait et feront état devant vous de leurs expertises pointues dans ces divers domaines.

Comme citoyenne, je peux en principe me réjouir de l'évocation que fait, aujourd'hui, le document soumis à consultation du besoin d'un nouveau contrat social pour l'égalité entre les Québécois et les Québécoises. Comparaissant toutefois devant vous, aujourd'hui, à titre de juriste et de membre du Barreau du Québec, je me permets néanmoins d'en appeler à la prudence et à la sagesse du gouvernement. En effet, comment évoquer un nouveau contrat social entre les sexes sans occulter les vieilles discriminations, toujours vivantes et toujours tenaces?

Le Barreau du Québec est, entre autres, le défenseur de la primauté de la règle de droit sur toute autre initiative gouvernementale, telle une politique de condition féminine. À ce titre, qu'il me soit permis d'insister sur le fait qu'aucun contrat social, si rassembleur puisse-t-il paraître, ne peut déroger à la norme fondamentale d'égalité entre les sexes prévue tant par les chartes québécoises que canadiennes. La loi de 1973 créant le Conseil du statut de la femme fait à cet égard office de précurseur. Toutes et chacune des dispositions, ou presque, déterminant le mandat du conseil évoquent en effet le besoin d'une institution destinée à promouvoir le respect du droit des femmes à l'égalité. Une vision précurseur en effet, puisque subséquemment les tribunaux et la Cour suprême du Canada développeront une norme d'égalité entre les sexes fondée sur les prémisses suivantes.

Premièrement, les femmes sont victimes de discrimination systémique issue de rapports de sexes fondés sur des stéréotypes, des préjugés, eux-mêmes construits sur une logique patriarcale. Deuxièmement, en vue d'éradiquer cette discrimination, l'État a le devoir non seulement d'éradiquer les sources de la discrimination, mais aussi, et peut-être surtout, de veiller à une distribution des ressources et des richesses qui corrige cette discrimination. Conséquemment, l'égal bénéfice de la loi dont doivent bénéficier toutes les femmes entraîne la légitimité de mesures et de stratégies spécifiques, préférentielles et ciblées. J'insiste sur le fait que ces mesures ne sont pas de nature temporaire, accidentelle, mais bien qu'elles sont au coeur de la recherche de l'égalité de fait, objectif ultime du respect du droit des femmes à l'égalité.

Une lecture possible du document soumis pour étude et qui reçoit l'attention de cette commission pourrait laisser croire qu'il serait légitime de minimiser la portée de la norme constitutionnelle d'égalité entre les sexes et d'accommoder le Québec d'aujourd'hui. Cette minimisation aurait le dangereux effet de revaloriser une conception de l'égalité contre laquelle les Québécoises se sont battues depuis longtemps. On l'appelle, en droit ? langage pas très excitant, j'en conviens ? l'égalité formelle. Certes, le Québec s'inscrit dans une modernité des rapports de sexes qui doit prendre acte des bonnes nouvelles et des enjeux actuels. Certains hommes revendiquent et assument un rôle parental des plus actifs, et les familles sont aux prises avec des exigences professionnelles et personnelles qui doivent être conciliées. Mais aucune approche profamille ou personnelle ne peut ébranler l'exigence constitutionnelle du droit des femmes à l'égalité, qui doit être ? cela n'est pas discrétionnaire ? la clé de voûte de toute politique gouvernementale. Le mot clé est donc le mot «égalité», et celui-là ne peut pas être servi au goût du jour.

Cette exigence a, depuis les années soixante-dix, été renforcée par les instruments internationaux des droits de la personne que le Québec a acceptés et que le Canada a ratifiés, notamment la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Le comité d'expertes de la CDF a adopté, en 1988, la recommandation générale n° 6 portant sur le besoin de mécanismes nationaux et d'institutions vouées à la promotion des droits des femmes. En 2003, le même comité a adopté la recommandation générale n° 25 portant sur l'égalité et les mesures spéciales d'égalité. En janvier 2003, le Canada et les provinces et territoires canadiens se sont vu rappeler à l'ordre par le comité de la CDF, lors de l'examen du cinquième rapport périodique du Canada, auquel le Québec avait bien sûr participé. En 2002, un groupe d'expertes internationales réunies ont adopté, à Montréal, les principes de Montréal, dont le paragraphe 9, reproduit dans le mémoire du Barreau, à la page 2, réaffirme la seule acception possible du droit des femmes à l'égalité. Le Québec est lié par ses engagements internationaux et ne peut nier la portée proactive de ses engagements, laquelle lui interdit de remettre en cause la norme constitutionnelle et internationale du droit des femmes à l'égalité.

Nous nous attardons maintenant au contrat de projet social entre les sexes déposé par le Conseil du statut de la femme et examiné aujourd'hui. Qu'il nous soit permis quelques très brefs commentaires. D'abord et en ce qui concerne les trois approches proposées, il nous semble que la première, l'approche spécifique, doive dominer les deux autres afin de répondre aux exigences constitutionnelles du droit des femmes à l'égalité. De plus, son expression nous semble ? respectueusement soumis ? incomplète. En vertu des standards résultant de la charte québécoise, des instruments internationaux des droits de la personne, l'État québécois doit non seulement corriger et prévenir les inégalités, mais il doit aussi promouvoir par des approches spécifiques le droit des femmes à l'égalité. Ce standard a d'indéniables conséquences sur les allocations de ressources institutionnelles et financières auxquelles peuvent prétendre les Québécoises.

La deuxième approche proposée par le document soumis comporte aussi, selon le Barreau, sa part d'ambiguïté. En effet, elle ne saurait signifier l'abandon ou le remodelage de la mission des institutions québécoises destinées à la promotion du droit des Québécoises à l'égalité. En termes clairs, tant le Conseil du statut de la femme que le Secrétariat à la condition féminine sont des institutions légitimes par lesquelles le Québec répond à ses engagements internationaux et assume des fonctions intra et extraétatiques.

La troisième approche proposée par le document, soit l'approche sociétale, ne peut, selon le Barreau, en aucun cas être placée sur le même pied que la première si elle est destinée ? et elle pourrait malheureusement l'être, croyons-nous ? à confondre les ressources allouées à la correction et à la promotion du droit des Québécoises à l'égalité avec les ressources que l'État pourrait choisir d'allouer à une transformation en profondeur de la société québécoise. L'allocation indistincte de ressources publiques constituerait un recul vers l'égalité formelle, ce qui serait contraire aux standards constitutionnels du droit des femmes à l'égalité. Sans commenter ici les sept orientations proposées par le même document, contentons-nous pour l'instant de réaffirmer qu'elles doivent toutes être placées sous le parapluie du principe directeur du droit des femmes à l'égalité, lequel comporte nécessairement une prise en compte transversale des exigences de ce droit.

n (9 h 50) n

Le Barreau du Québec soumet, aujourd'hui, respectueusement à la présidence de cette commission et à ses membres qu'on ne peut transiger sur le droit constitutionnel des femmes à l'égalité, et ce, au nom d'impératifs politiques, voire économiques ou financiers. Cela rendrait le Québec extrêmement vulnérable sur la scène internationale, quand on sait qu'il se distingue partout dans le monde par sa capacité historique de promouvoir le dialogue entre l'État et les Québécoises. En termes clairs, nous avons su éviter, sauf dans de très rares cas de rupture de dialogue, le recours aux tribunaux afin de sauvegarder et de concrétiser le standard constitutionnel du droit des femmes à l'égalité. Gardons donc à l'esprit les risques d'un accommodement politique qui serait, du point de vue des chartes, peut-être mal fondé et qui pourrait mener à une violation du droit des Québécoises à l'égalité substantive. Travaillons plutôt à mieux faire comprendre et accepter que le droit des Québécoises à l'égalité ne tient pas seulement du discours et qu'il ne peut être remodelé au gré des humeurs et des rapports de force. Qui en effet peut prédire quels autres acteurs prendront ombrage du droit des femmes à l'égalité dans quelques années? Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Copeman): Me Samoisette.

Mme Samoisette (Line): M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs, membres de la commission, l'historique tel que présenté dans le document préparé par le Conseil du statut de la femme nous permet de constater que, quoique le mouvement vers l'égalité ait débuté il y a plus de 50 ans, nous n'en sommes encore, aujourd'hui, rendus qu'au difficile passage de l'adolescence à l'âge adulte, soit là où il faut trouver de façon imaginative des solutions pour percer le plafond de verre qui nous empêche d'atteindre l'égalité. Alors que certaines personnes croient qu'il est révolu, le temps où les femmes étaient victimes de discrimination parce qu'elles sont des femmes, nous croyons qu'elles font fausse route.

Le Barreau du Québec estime que le gouvernement du Québec a le devoir de s'assurer que le principe d'égalité entre les hommes et les femmes serve d'assise à toute stratégie et action gouvernementales en ayant et les outils et les ressources nécessaires pour assurer l'ancrage de l'égalité entre les hommes et les femmes. Que ce soit par l'approche spécifique, transversale ou sociétale, un travail laborieux reste à être défini en collaboration avec les principaux acteurs interpellés par le nouveau contrat social. À cet effet, c'est à regret que nous constatons que, dans le document tel que présenté, ça n'inclut pas le monde juridique. Peut-être que cela fait tellement partie de l'évidence que c'est tout simplement tombé dans l'oubli lors de la rédaction. Quoi qu'il en soit, nous sommes persuadés qu'en matière de défense et de protection des droits fondamentaux tels que le droit à l'égalité les intervenantes et intervenants du milieu juridique sauraient être une source pertinente d'information, et leur expérience, une amorce probable de solution possible.

Des institutions publiques relatives aux droits de la personne et les organismes non gouvernementaux des droits de la personne seraient également des collaborateurs importants. Quoique des efforts ont déjà été faits pour inclure les principes d'égalité dans nos lois, l'égalité de fait, elle, n'a pas encore été atteinte. Dans beaucoup de milieux de travail, nous pouvons déceler, encore aujourd'hui, des inégalités basées sur le sexe. Même notre corporation professionnelle n'y échappe pas.

Conscient de l'accroissement du nombre d'avocates au cours des dernières années, le Barreau du Québec créait, en mars 1991, le Comité sur les femmes dans la profession, qui, encore aujourd'hui, en 2005, a toujours sa raison d'être. Les avocates représentent de fait 44 %, 44 %-45 %, des membres du Barreau du Québec. En 2001, le Barreau du Québec adoptait une règle de régie interne pour s'assurer qu'en autant que faire se peut, lorsqu'il y a nomination au sein de différents comités, qu'à compétence égale les hommes et les femmes soient représentés de façon équivalente. Récemment, un rapport socioéconomique était présenté au Barreau, lequel est toujours sous étude, qui démontrait qu'en 2003 il y avait encore un écart important entre les revenus nets des avocats travailleurs autonomes versus les avocates travailleuses autonomes. Et il existe également un écart important entre les salaires des avocats en pratique privée versus les avocates en pratique privée. Force est de reconnaître que, si de tels constats se font chez nous, dans notre corporation professionnelle, cela doit sûrement se refléter ailleurs dans la société.

Du côté de la magistrature maintenant, un survol rapide nous permet de constater que les tribunaux québécois souffrent de sous-représentation de femmes juges, que ce soit à la Cour du Québec, à la Cour supérieure ou encore à la Cour d'appel. De fait, elles ne représentent que 28 % des effectifs. Les tribunaux sont de plus en plus appelés à trancher des questions touchant des valeurs fondamentales reliées à la charte. Il est important que ces enjeux sociaux soient déterminés tant par des hommes que par des femmes.

Le Barreau du Québec croit important que des actions concrètes soient mises en place pour inciter les avocates à accéder à la magistrature. Il faudrait qu'il y ait une détermination sans équivoque pour qu'à chaque fois qu'il y a nomination il y ait vérification pour s'assurer d'une juste représentation. D'ailleurs, la représentativité devrait se retrouver partout dans les instances gouvernementales. Une règle claire devrait être édictée pour s'assurer qu'à chaque fois qu'il y a une nomination, et ce, dans quelque secteur que ce soit, il y ait une préoccupation constante quant à la représentation hommes, femmes. Par exemple, s'il y a formation de la table de concertation, telle que proposée dans l'approche sociétale du document Vers un nouveau contrat social, à ce moment-là, ce serait extrêmement important de s'assurer qu'elle soit composée également d'hommes et de femmes pour être sûr que ça répond véritablement aux valeurs de notre société.

Le Président (M. Copeman): Me Samoisette, on approche très rapidement aux 20 minutes imparties, je suggère que vous alliez à votre conclusion.

Mme Samoisette (Line): Je vais laisser, à ce moment-ci, la parole à ma collègue Me Pelletier.

Mme Pelletier (Fanie): Bonjour. En résumé, l'intervention du Barreau du Québec, aujourd'hui, vise à replacer l'enjeu sous l'angle juridique, car c'est bien un droit dont il est question ici, d'un droit garanti par nos chartes et ratifié dans des conventions internationales: le droit à l'égalité. La norme constitutionnelle d'égalité entre les sexes a été définie par nos tribunaux sur la base de trois prémisses, que je vous rappelle: les femmes sont victimes de discrimination systémique; l'État a le devoir d'enrayer cette discrimination et d'allouer les ressources en conséquence; et l'égal bénéfice de la loi pour les femmes justifie l'application de mesures spécifiques, ciblées et préférentielles.

Dans une société comme la nôtre, fondée sur la primauté du droit, toute action ou politique gouvernementale doit obligatoirement s'inscrire dans la norme constitutionnelle et internationale du droit des femmes à l'égalité. Bien que nous bénéficiions d'une égalité de droit, force est de constater que ce n'est pas suffisant pour en arriver à la véritable notion de l'égalité, la seule qui rencontre la norme constitutionnelle, soit l'égalité de fait. Plusieurs femmes se heurtent, encore aujourd'hui, à un plafond de verre qu'elles n'arrivent pas à percer, et ce, malgré l'accès à l'éducation, au marché du travail et à l'atteinte de l'autonomie financière. Le Barreau fait ce constat à l'intérieur même de sa corporation, pourtant formée de gens instruits et donc privilégiés, où les femmes représentent 45 % des membres. Après avoir accompli des avancées considérables au cours des dernières décennies, après avoir fait des pas de géantes, il semble que les derniers pas encore nécessaires pour atteindre l'égalité de fait soient les plus difficiles. Ce n'est surtout pas le moment de relâcher notre vigilance quant au respect du droit à l'égalité.

Parmi les mesures proposées par le Barreau, premièrement: l'ajout, dans tout mémoire présenté au Conseil des ministres, d'une rubrique spécifique portant sur l'implication de la décision recherchée sur l'égalité entre les sexes. Nous croyons qu'un tel ajout constituerait un filet de sécurité supplémentaire en amont de toute décision quant à une politique ou un projet de loi soumis au Conseil des ministres. Deuxième mesure: la mise en place de mesures pour augmenter la représentation des femmes au sein de la magistrature. Le document traite en effet de la participation égale des hommes et des femmes dans les sphères politiques, économiques et dans l'Administration publique. Le Barreau soutient qu'en plus des pouvoirs législatifs et exécutifs la représentation égale des hommes et des femmes devrait être recherchée dans la sphère du pouvoir judiciaire. Troisième mesure: le maintien des institutions créées pour assurer le respect du droit à l'égalité. À cet égard, le Barreau s'inquiète de la présence de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse et du Tribunal des droits de la personne sur la liste des 60 organismes présentement réexaminés par le Conseil du trésor.

Aussi, le Barreau tient à manifester son intérêt à participer activement à toute initiative ou table de concertation visant à s'assurer du respect du droit à l'égalité. D'autres institutions du milieu juridique devraient également y être conviées, comme par exemple l'organisation Éducaloi, qui possède, entre autres, une expertise en matière d'éducation à la citoyenneté auprès des jeunes.

Pour conclure, rappelons que la justice est un pilier de notre société démocratique fondée sur la règle de droit, et cet idéal de justice ne peut être atteint sans le respect de ce droit fondamental qu'est le droit à l'égalité. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, afin de débuter l'échange, Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

n (10 heures) n

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Mesdames, bienvenue à cette commission et surtout merci. Ce matin, on commence une deuxième semaine de travaux, d'écoute, et je dois vous dire que j'ai été très intéressée par la différence, je veux dire, de l'approche que vous nous rappelez ce matin. Quand je dis «la différence», c'est que bien sûr vous êtes toutes les quatre, et vous représentez le Barreau, vous êtes toutes les quatre avocates et vous nous ramenez aux principes fondamentaux avec un vocabulaire très différent de ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant. Cela dit, le vocabulaire est différent, mais, sur le fond, je pense que vous rejoignez la préoccupation de l'ensemble des groupes de femmes qui sont venus devant nous.

Mais la raison pour laquelle je signale cette différence de vocabulaire, qui parfois est importante, où il faut s'arrêter, il faut bien peser le poids des mots... Et j'aimerais vous questionner un peu sur cet aspect-là de la question, Me Lamarche notamment, vous savez, afin de faciliter la compréhension, nous disons bien sûr que le Québec a souvent été pionnier pour instaurer l'égalité de droit. Vous parlez, vous, davantage de cette exigence constitutionnelle qui ne se retrouve pas uniquement dans les lois, mais qui se retrouve aussi dans les chartes, c'est ce que je crois comprendre de l'essence de vos propos. Mais je trouve que le fait de parler de cette exigence constitutionnelle donne un angle différent à la façon peut-être ou...

En tout cas, la question que je vous poserais, c'est: Est-ce que cet angle ou cette exigence constitutionnelle pour vous pourrait dicter... à cette étape-ci de notre évolution ? parce que toutes les quatre, vous remarquez qu'il y a eu une évolution ? est-ce que ça devrait nous guider vers des façons différentes, des moyens différents de ce qu'on a fait jusqu'à maintenant? Aujourd'hui, on a des lois qui sont assez claires, je crois, mais est-ce que, par votre propos, vous souhaitez des moyens qui seraient autres pour un gouvernement? Je ne sais pas lesquels. Nous, on en propose peut-être trop dans l'approche sociétale. Je répète, en cette deuxième semaine, que la ministre devant vous, et le gouvernement qu'elle représente, accordera une priorité, vous avez utilisé le mot «dominante», je l'utilise aussi, une priorité à l'approche spécifique. Mais j'essaie de l'englober, là, par rapport à cette exigence constitutionnelle, de façon un peu plus globale. Ça, c'est ma première question.

Deuxième question. Vous avez dit: Tant que les sources de discrimination ne seront pas réglées, on n'aura pas d'égalité de fait, et vous dites: Ces sources de discrimination, elles sont toujours là. Moi, j'aimerais que vous les verbalisiez de votre point de vue, et, en 2005, 30 ans, 40 ans, 50 ans plus tard, quelles sont ces sources de discrimination qu'on n'arrive pas à enrayer? Parce que Me Pelletier disait: Ce sont peut-être les derniers pas qui sont les plus difficiles à franchir. Alors, pourquoi ce sont les plus difficiles? Quels sont-ils? Moi, je vois un lien à travers vos quatre présentations, là, qui ont été fort intéressantes.

Le Président (M. Copeman): Me Lamarche, allez-y.

Mme Lamarche (Lucie): Merci. Mme la ministre, je voudrais d'abord préciser qu'en évoquant l'exigence constitutionnelle d'égalité je ne fais pas d'acharnement thérapeutique sur la Charte canadienne mais que j'ai tout autant à l'esprit la Charte canadienne que la charte québécoise. Le droit est ainsi fait, et la Cour suprême nous l'a souvent rappelé en matière d'égalité et de garantie d'égalité substantive destinée aux femmes, le droit est ainsi fait que nous sommes en présence d'une pyramide ou d'une hiérarchie ? ça dépend de l'image qu'on veut utiliser ? et on ne peut pas négliger le fait que, quelles que soient ou quelles que seraient les initiatives gouvernementales privilégiées, elles seront toujours soumises à l'analyse de ce standard constitutionnel d'égalité.

Or, force est de reconnaître, et je suis parfaitement consciente que ça peut devenir un peu théorique, mais force est de reconnaître que l'égalité, le droit des femmes à l'égalité repose significativement ? et ça fait 15 ans que la Cour suprême le précise ? sur des mesures spécifiques destinées aux femmes. Je pense que c'est... Qu'il s'agisse d'une politique gouvernementale, qu'il s'agisse d'une loi, qu'il s'agisse d'une loi-cadre, qu'il s'agisse d'une stratégie, ce vecteur-là est intransigeable et incontournable. Il est sûr que, dans le discours politique, on croirait parfois entendre qu'il pourrait en être mieux autrement. Ce dont il faut toutefois se souvenir, c'est que précisément il ne peut en être autrement parce que le droit à l'égalité des femmes est une norme constitutionnelle, et je n'ai pas entendu dire récemment qu'on souhaitait procéder à la réouverture de la Constitution ou à la révision de la charte québécoise. Alors, ce vecteur-là, il est absolument déterminant, et je pense qu'il gouverne le choix des moyens différents que vous évoquiez dans votre question. Alors, je ne crois pas que ce soit le rôle du Barreau non plus que le rôle des simples citoyennes que nous sommes de privilégier des moyens d'action.

Quels que soient les moyens que privilégieraient la ministre, le gouvernement, ils doivent demeurer soumis à ce vecteur d'égalité qui exige une approche que l'on disait, il y a quelques années, sexospécifique. Alors, moi, j'aimais bien. Ce n'était peut-être pas du très joli français, mais ça évoquait bien l'idée, c'est-à-dire que l'égalité entre les hommes et les femmes, ça ne signifie pas ? et ce n'est pas moi qui parle, c'est la Cour suprême ? ça ne signifie pas couper un huard en deux parties égales, ce n'est pas ça, le droit des femmes à l'égalité. À partir de là, tous les moyens sont possibles.

Quant aux progrès, force est de reconnaître que les indicateurs socioéconomiques parlent à cet égard mieux que les juristes et qu'on peut afficher toutes les bonnes nouvelles que l'on veut, il en reste beaucoup de mauvaises. Alors, ce sont les experts qui parlent.

Mme Courchesne: Merci. Je trouve ça intéressant, cet angle, je le répète. Donc, ce que vous nous dites, c'est qu'au fond cette obligation de mesures spécifiques... puis là ne voyez pas, là... Je ne suis pas en train de conclure à comment on va travailler après la commission, là, j'essaie juste d'explorer avec vous et d'assurer qu'on a une bonne compréhension de ce que vous dites. Mais la façon dont je le reçois, c'est qu'une politique, par exemple, devrait, vous nous le rappelez fortement, comprendre des mesures spécifiques pour répondre à cette exigence-là et que, par exemple, ce que nous appelons, dans l'avis du Conseil du statut de la femme, l'approche sociétale pourrait être un moyen parmi d'autres pour arriver à avoir un résultat de mesures spécifiques qui corrigeraient les inégalités, dans notre société, pour les femmes. J'essaie de faire avancer un peu la discussion par rapport à ce qu'on a entendu la semaine dernière, notamment, mais de dire: Au fond, c'est un peu ça... Et vous dites, bon, je comprends: Ce n'est pas au Barreau à établir les moyens. Je comprends ça. Mais est-ce que vous seriez d'accord un peu avec... Parce qu'on a eu une incompréhension, la semaine dernière, on le sent à travers les mémoires, entre l'approche spécifique et l'approche sociétale, et donc ce que je dis, c'est que ça pourrait être une façon de voir la situation dans ce que nous souhaitons faire.

Et, dans votre présentation, vous avez parlé d'aspects très précis, vous avez dit: Il y a la précarisation de l'emploi, il y a toujours une pauvreté systémique, il y a des phénomènes nouveaux, bien, en fait, qui ne le sont pas, mais on les met plus à l'avant-scène, comme les aidantes naturelles, comme par exemple l'exploitation de la main-d'oeuvre immigrante, etc. Est-ce que ça, ce sont des éléments effectivement de contenu d'une politique? Parce qu'on veut aussi aller au-delà de ce qu'on propose comme approche. Il faut aussi qu'on entende ce que devrait contenir spécifiquement... Et j'imagine qu'il y a des priorités, ou est-ce qu'on doit les traiter toutes de la même façon? Mais il y aura certainement un certain niveau de priorité. Mais que doit contenir cette politique-là? Il va falloir l'écrire, il va falloir déterminer ces mesures spécifiques. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus aussi.

n (10 h 10) n

Mme Lamarche (Lucie): Mme la ministre, dans la présentation que nous avons soumise à la commission, il a été dit clairement que, du point de vue de l'analyse juridique que nous faisons de la proposition, on ne peut que difficilement faire cohabiter l'approche spécifique et l'approche sociétale. Alors, je répète ce que nous disions en présentation. Je peux peut-être faire un petit effort pour dire autrement pourquoi cette cohabitation serait difficile du point de vue juridique: c'est que l'approche sociétale ne peut pas dire autrement ou prévoir des moyens qui ne seraient pas d'abord destinés non seulement à la correction de la discrimination, mais aussi à la promotion. Alors, il y a les mauvaises nouvelles et il y a la prospective devant.

Et on estime que, si le gouvernement était placé dans un contexte où il devait défendre cette cohabitation, imaginons par exemple dans un contexte législatif, tel celui d'une loi-cadre, bien on estime que le gouvernement serait à risque, serait à risque parce que l'approche ouverte, le paragraphe extrêmement texturé que propose la définition de l'approche sociétale, signifie un certain nombre de choix qui ne peuvent pas tous contribuer à la promotion ? il y a la correction, il y a la promotion ? du droit des femmes à l'égalité et que, de ce point de vue, il y aurait peut-être un petit écart entre là où en est la Cour suprême sur la définition des bénéfices de l'égalité et l'effort de cohabitation politiquement louable ? peut-être, je ne suis pas sociologue, je ne me prononcerai pas ? entre l'approche spécifique et l'approche sociétale, mais néanmoins fragile du point de vue juridique.

Mme Courchesne: Par ailleurs, je reviens, si, par exemple, on a une politique qui s'appuie prioritairement, fondamentalement, sur des mesures spécifiques, donc sur l'approche spécifique, donc ça, ce serait notre politique, et j'aimerais vous entendre sur ce qu'elle devrait contenir comme mesures spécifiques pour régler cette inégalité de fait. Vous avez énuméré certains dossiers, je voudrais juste vous entendre là-dessus.

Mais je reviens sur le fait que: Est-ce que cette approche sociétale... vous dites: Ça peut cohabiter difficilement, mais est-ce que ça peut être, et je répète, un moyen parmi d'autres? Parce que, dans mon esprit, l'approche sociétale ne peut pas être un moyen exclusif. C'est un moyen qui peut être utilisé. Comme par exemple la table de concertation entre les partenaires, vous nous dites aussi, dans votre mémoire, que vous seriez d'accord, et je crois que ? j'ai pris bonne note, là ? vous avez entièrement raison de dire que des personnalités juridiques ou des organismes devraient être associés étroitement aux travaux de ces tables. Je partage cet avis-là, je suis très à l'aise avec ça.

Mais, à partir du moment où vous dites: Oui, nous sommes d'accord avec ces tables de partenaires, oui, nous voudrions en faire partie, moi, ce que j'entends, c'est que vous seriez d'accord à ce que... et que le Conseil du statut de la femme le définit comme faisant partie d'une approche sociétale, donc du moyen, j'entends que vous êtes d'accord aussi à ce qu'un moyen, un moyen défini, élargi à des partenaires, hommes et femmes, puisse venir aider notre société à appliquer ces mesures spécifiques, à les réaliser, à les mettre de l'avant pour qu'on corrige les inégalités de fait. Est-ce que mon interprétation de ce que vous m'avez dit et de ce que j'ai lu est la bonne ou pas?

Mme Lamarche (Lucie): Je me permettrais, Mme la ministre, de tenter d'alléger cette discussion, qui peut facilement devenir aride, sur le thème de l'égalité en disant une chose simple: Ce n'est pas la société qui a le droit à l'égalité, ce sont des individus. Quels individus ont droit à l'égalité? Ceux qui sont particulièrement vulnérables, celles qui sont ou ceux qui sont victimes de discrimination. La société, c'est l'extrant d'un amalgame de situations qui soit expriment une égalité accomplie soit expriment des discriminations non résolues. Mais ni l'une ni l'autre charte ne confèrent à la société le droit à l'égalité. Tant mieux si les individus constituant cette société... Mais c'est très important parce que l'idée de la concertation est une idée qui peut contribuer à l'égalité des individus, mais elle peut aussi dériver vers un projet de société qui aurait d'autres prémisses, si on ne rappelle pas le fondement constitutionnel de tout projet sociétal et de toute action gouvernementale dans le régime de droit dans lequel nous vivons.

Mme Champagne (Sylvie): Peut-être, si vous me le permettez, Mme la ministre...

Le Président (M. Copeman): Oui, allez-y, Me Champagne.

Mme Champagne (Sylvie): Dans notre intervention, le 17 décembre, ce qu'on disait, c'est que, si le gouvernement décide de mettre sur pied des tables de concertation, on souhaitait que le milieu juridique soit impliqué, mais on mentionnait bien que le dialogue entre différents partenaires pouvait être une avenue intéressante, mais elle ne devait pas se substituer aux mécanismes de concertation prévus par la loi ni aux obligations imposées par la charte.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui, merci, M. le Président. Puis merci à vous, Me Pelletier, Me Samoisette, Me Lamarche, Me Champagne. Le Barreau du Québec nous a toujours habitués à avoir des mémoires qui sont très étoffés, et vous confirmez encore une fois cette règle, et on vous en remercie.

Moi, j'aimerais reprendre la partie où vous nous avez dit que la magistrature, les nominations à la magistrature sont loin d'être égalitaires, si vous me permettez cette expression, vous avez parlé d'un taux d'à peu près 28 %. Lorsque vous faites ces affirmations-là... Vous avez également dit que ça devrait être une préoccupation constante non pas de tendre vers 50 %, mais d'obtenir le 50 % ou une répartition, là, qui serait très égale, si c'est possible. Lorsque vous dites: C'est une préoccupation constante qu'on devrait avoir, lorsque vous nous demandez, à nous, les députés des deux côtés de la Chambre, c'est certain qu'on vous répond: Oui, c'est quelque chose qu'on devrait faire. Sauf que, dans les faits, comment est-ce qu'on peut réaliser cette préoccupation-là? Est-ce qu'on doit amender la loi? Est-ce qu'on doit trouver une autre façon? Mais, moi, je sens en tout cas, d'une façon certaine, que l'ensemble des gens qui vous écoutent, ce matin, souhaiteraient aller dans cette direction-là, et ce que j'aimerais savoir de vous, c'est: Quelles sont vos suggestions pour qu'on puisse atteindre cette répartition qui serait beaucoup plus égale et qui refléterait vraiment notre société?

Mme Samoisette (Line): Alors, effectivement, donc, elles ne représentent que 28 %, comme je disais, à la Cour du Québec, Cour supérieure et Cour d'appel. Maintenant, si je regarde le modèle des nominations à la Cour du Québec, par exemple, c'est sûr que, si je dresse un tableau assez rapide, il y a des concours qui sont ouverts, et tous et toutes peuvent appliquer. À partir du moment où les personnes ont appliqué, à ce moment-là elles sont rencontrées, et il y a une liste qui est faite des personnes qui sont recommandées. Nous sommes assurés qu'il y a et des femmes et des hommes qui sont recommandés. Malheureusement, lorsque les nominations cette fois-ci deviennent tout simplement politiques, nous devons reconnaître qu'il y a du rattrapage à faire, puisqu'encore aujourd'hui ce sont, plus souvent qu'autrement, des hommes qui sont nommés à la magistrature.

Donc, quand vous me demandez: Qu'est-ce qui devrait être fait?, c'est sûr que... Ça devrait aller de soi, remarquez ? ce que j'en pense, là ? que ce soit représentatif de la société, mais il faudrait vraiment que cette préoccupation-là fasse partie de toute façon, à tout moment, dans l'instance gouvernementale, et non seulement que du côté de la magistrature. Mais, à toutes les fois qu'il y a une nomination, il faudrait toujours qu'il y ait une préoccupation qui soit constamment là. Maintenant, est-ce qu'il faut que ce soit quelque chose d'écrit? On préférerait que ça coule de source. Maintenant, peut-être que nous devrions nous pencher sur la question, savoir s'il devrait y avoir des règles plus spécifiques écrites à cet effet-là. Mais c'est sûr qu'il y a du rattrapage à faire et que nous souhaitons que le gouvernement soit conscientisé à ça.

M. Marsan: Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Il reste à peu près une minute, Mme la députée de Soulanges, alors...

Mme Charlebois: Alors, je vais y aller avec seulement une question brève, j'avais plusieurs propos en... Je ne reviendrai pas sur l'approche sociétale, l'approche spécifique, vous en avez discuté abondamment avec Mme la ministre. J'avais un petit point de vue, mais je vais laisser à plus tard le débat là-dessus.

Moi, je voulais savoir, vous avez parlé, dans votre mémoire, du système d'aide juridique aux femmes violentées: Avez-vous des exemples concrets qui nous amènent à faire le constat qui dit que... Vous semblez dire qu'il n'y a pas suffisamment de moyens pour les femmes violentées, dans l'appareil juridique.

n (10 h 20) n

Mme Samoisette (Line): Alors, M. le Président, Mme la députée. Alors, c'est un fait que le phénomène de la violence conjugale, que l'on connaît ici, au Québec, comme partout ailleurs, fait en sorte que les femmes qui se retrouvent, par exemple, dans les maisons d'hébergement sont dans des situations où elles sont démunies de bien des façons et souvent défavorisées. Ce qu'on souhaiterait, ce que le Barreau du Québec souhaite, c'est qu'elles aient l'opportunité d'obtenir rapidement de l'information juridique pour pouvoir, à ce moment-là, mener des actions plus concrètes, si elles le souhaitent, pour enrayer cette violence-là et l'atteinte à son intégrité. Est-ce que ça répond à votre question?

Mme Charlebois: Bien, ce que vous me dites finalement, c'est qu'ils n'ont pas accès à l'information rapidement, là.

Mme Samoisette (Line): Bien, c'est de leur proposer par des mécanismes qui sont déjà en place. On parlait tantôt d'Éducaloi, on parle des bureaux d'aide juridique qui sont en place partout au Québec, ça pourrait être une piste de solution possible pour faire en sorte que ces femmes-là puissent avoir très, très rapidement de l'information sur quoi faire à partir du moment où il y a violence, violence conjugale par exemple.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, on a déjà dépassé légèrement le temps. Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Caron: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, mesdames, merci infiniment de votre mémoire, de votre présentation, de vos clarifications et de cette analyse juridique, parce que c'est vraiment ça que vous avez fait.

Et c'est important de le rappeler, j'en ai parlé un peu dans mes remarques préliminaires, mais ce que vous venez redire, c'est: Finalement, l'État québécois a le devoir de respecter la Constitution, de respecter les chartes, de respecter ses engagements internationaux, et ils sont clairs. L'État ne peut pas décider de ce qui lui convient par rapport à ces engagements-là, ils sont là, ils sont clairs, il faut les respecter. Il faut abolir les discriminations systémiques, il faut se donner des moyens de les enrayer, il faut donner les ressources. Il faut des mesures spécifiques qui viennent les contrer, des mesures ciblées, préférentielles, tant et aussi longtemps qu'on n'a pas une égalité formelle, ou on dit «une égalité de fait», ou une égalité réelle, finalement. Mais je pense que c'est important de venir le rappeler ici parce que, sous l'effet ? et je pense que c'est Me Pelletier tantôt qui disait «le plafond de verre», là ? sous l'effet de la pression de la société, qui croit vraiment que l'égalité de fait est atteinte, on peut décider d'utiliser des langages différents, mais il ne faut pas perdre de vue que cette égalité de fait n'est pas atteinte et que c'est une obligation légale que nous avons et qu'on doit prendre les moyens spécifiques pour y arriver.

J'ai bien aimé aussi cette image que vous avez présentée, que finalement, dans cette marche d'une égalité formelle, nous sommes à peu près à l'étape de l'adolescence et qu'on doit se rendre ? et ça, c'est Me Samoisette ? qu'on doit se rendre vers l'âge adulte de cette égalité. Et c'est effectivement une période ? pour moi, là, je considère vraiment que c'est une période névralgique ? importante. C'est la période peut-être qui est la plus difficile dans cette longue marche parce que justement il y a des pas de faits et que, là, l'impression générale est lancée que c'est fait. Puis en plus vous faites partie de ces femmes qui font en sorte qu'on nous dit que cette égalité de fait est réalisée, parce que le critère qui revient toujours sur cette égalité de fait, c'est de nous dire que maintenant: grande réussite scolaire chez les jeunes filles, qu'elles occupent maintenant des professions et très largement des professions qui étaient occupées autrefois par des hommes, et vous le représentez bien.

Et vous venez nous dire: Bien, nous sommes 45 % d'avocates, mais, au niveau de la représentation, au niveau des nominations, au niveau des revenus nets, les écarts sont là, et les écarts sont vraiment là au niveau des revenus. Puis, au niveau des nominations, joue toujours l'élément que j'appelle l'invisibilité des femmes: on les voit moins, on les reconnaît moins, on le voit moins, ça fait que, quand vient le temps de nommer, bien c'est d'autres noms, qui sont plus visibles, qui ressortent. Et on est prises... Et de venir le dire que, oui, dans une profession comme la nôtre, où on croit que tout est égal, ce ne l'est pas, ça vient donner tout un regard pour les autres aussi. Alors, pour ça, là, merci, merci, merci infiniment.

Je veux vous entendre sur... Vous avez parlé aussi de l'importance du rôle accru de la justice pour participer à cette véritable égalité de fait pour les femmes, qui n'est pas atteinte, et on l'a vu à différents moments, quand on a travaillé par exemple sur le groupe tripartite pour apporter des mesures concrètes au niveau de la violence conjugale, vous avez participé, et cette contribution-là, elle doit effectivement être, je pense, de tous les axes d'une politique en condition féminine. Alors, vous n'avez pas eu le temps de parler beaucoup de cet aspect-là, j'aimerais ça vous entendre sur cet aspect précis.

Mme Samoisette (Line): Juste pour être sûre que je réponde bien à votre question, ce que vous voulez, c'est qu'on parle davantage des différents axes et des orientations que nous n'avons pas effleurés, là, pendant notre présentation.

Mme Caron: Sur votre rôle, le rôle accru qu'on devrait donner, dans une politique, avec des mesures spécifiques, à la justice comme telle, puisque vous mentionniez ? je pense que c'est plus Mme Lamarche qui le mentionnait ? que, dans les ministères qui sont présentés dans l'avis, la justice ? non, c'est vous ? la justice avait peut-être été oubliée parce qu'elle est effectivement tellement essentielle et présente ? c'est vous, Mme Samoisette.

Mme Samoisette (Line): D'accord. Oui, tout à fait. Merci. Alors, c'est sûr que, lorsqu'on a pris connaissance du document Vers un nouveau contrat social, je disais ? à la blague, mais c'était, enfin, vrai ? qu'on ne nous voit pas du tout dans ce document-là, alors que, nous, nous croyons être quand même une partie prenante des décisions qui doivent être prises dans une société comme la nôtre. De fait, le système judiciaire, ce n'est que le reflet du système social dans lequel on vit. Donc, on veut aider à bâtir ce système social afin que justement il n'y ait plus de préjugés, de stéréotypes et qu'on puisse, non pas seuls... Nous sommes bien conscients que, seuls, on ne pourrait pas y arriver, mais, de concert avec d'autres collaborateurs importants au niveau social, nous pourrions nous asseoir, et là bien sûr on se ramène assez vite à l'approche sociétale, vous me direz.

C'est important qu'il y ait une table de concertation. C'est sûr qu'il ne faut pas oublier l'approche spécifique, parce que pour moi l'approche sociétale, c'est important, sauf que ça peut aussi, en termes clairs... en tout cas clairs... noyer le poisson en quelque part. Puisque nous avons connu des tables de concertation, par exemple, sur la violence faite contre les femmes, il y a eu des rapports triennaux, des objectifs précis à être atteints, et, à un moment donné, c'est tombé dans l'oubli parce qu'il n'y avait plus les outils et plus l'argent, les moyens nécessaires pour mener à terme ce qui devait être fait.

Ma crainte par rapport à ça, c'est de dire: On va créer une table de concertation et qui va rejoindre à peu près tous les gens de la société, hommes, femmes, et que le temps que ça prend pour retourner aux sources et aux origines de chacun des organismes-conseils, etc., ce sera tellement long que ça va ralentir la marche et le temps. Quand on parlait de l'adolescence tantôt, et tout ça, c'est comme si nous étions en train de gravir une montagne, et puis que, là, on commence à manquer d'oxygène, puis que des fois on pourrait être tenté de reculer un peu. Et il n'y en a pas tant que ça, de mains tendues pour nous aider à continuer à monter. Ce qu'on a besoin, le rattrapage qu'on a à faire, c'est d'avoir ces mains-là, qui se tendent, hommes et femmes, pour nous aider à atteindre l'égalité dont on parle, le fameux... l'âge adulte qu'on pourrait dire.

n (10 h 30) n

Donc, je pense que le monde juridique, s'il était mis de côté pour créer toute cette nouvelle société, bien il y aurait un manque, il y aurait quelque chose qui ne serait pas... il y aurait toute une facette qui serait manquante. Donc, on ne pourrait pas le faire seuls, c'est bien sûr, mais nous croyons être des collaborateurs importants.

Le Président (M. Copeman): ...

Mme Caron: Oui, M. le Président, merci. Oui, effectivement, parce que, quand on se parle, par exemple, de violence conjugale, on a travaillé au niveau d'une politique globale. Mais on s'est bien aperçu que, dans le fond, il faut que ça descende puis dans toutes les régions du Québec. Et, pour que ça descende, bien, oui, effectivement, il y a des ressources financières nécessaires, et puis il faut de la formation, parce que, d'une région à l'autre, c'est très variable, et souvent c'est là qu'on bloque et qu'on n'arrive pas à vraiment atterrir sur... réussir à avoir des résultats bien, bien, bien concrets puis à contrer un peu les images qui sont véhiculées.

Et je vais profiter de votre passage. Je ne sais pas si vous êtes à l'aise par rapport à ça, mais, dans cette lutte contre les discriminations systémiques, je pense que, aussi, toute la question... Pour que les femmes dénoncent ? on sait qu'il y a peu de dénonciations, on se parle d'à peu près 10 % au niveau des agressions sexuelles ? pour qu'il y ait dénonciation, il faut qu'elles sentent qu'il y a vraiment un système de justice qui les appuie. Parce que, si, à chaque fois qu'on dénonce, on voit après ça, au niveau des médias, au niveau des causes... bon, de la façon dont c'est présenté dans les médias, puis au niveau des causes, les résultats puis les sentences, bien, souvent, on a des reculs, parce qu'elles décident de ne pas dénoncer parce qu'elles se disent: De toute façon, on n'obtiendra pas vraiment justice. Alors, par rapport à cet aspect-là particulier que vous connaissez plus, c'est sûr ? puis je veux en profiter parce que vous êtes le groupe privilégié un petit peu pour nous aider là-dessus ? je pense que c'est un élément qu'on n'arrive pas à faire avancer vraiment, qui nous nuit dans toute cette... le rôle des médias puis le rôle de la justice, les sentences dans cette lutte. Qu'est-ce que vous nous suggérez, nous proposez? Comment vous le voyez, cet aspect-là précis?

Mme Samoisette (Line): Alors, c'est sûr que c'est une problématique qui est complexe en soi. La violence conjugale, comme on le sait, avant qu'une femme aille dénoncer son conjoint violent, ça peut prendre de 15 à 20 fois avoir été violentée avant qu'elle se décide à faire le pas pour la dénonciation. Une fois que cette dénonciation-là est faite, c'est là, je pense, que nous intervenons comme société pour assurer qu'elle ait toute l'information, non seulement l'information, mais après ça le support. Il y a quand même des trucs qui existent actuellement, comme le CAVAC, le Centre d'aide aux victimes d'actes criminels. Il y a des maisons d'hébergement qui offrent un support. Mais encore faut-il penser que ces mêmes maisons d'hébergement sont toujours un petit peu à la remorque des subventions qu'elles vont obtenir et passent beaucoup, beaucoup de temps à travailler pour avoir ces subventions-là. Elles n'ont pas de base solide, de base financière, j'entends, pour mener leur mission, leur objectif à terme, en ayant toutes ces personnes qui travaillent autour pour supporter les femmes qui sont victimes de violence conjugale.

Donc, c'est sûr que l'État a à, premièrement, reconnaître que c'est une problématique importante dans notre société, problématique qui ne vise pas seulement que l'intimité des foyers. L'inégalité, par exemple, si on veut revenir au sujet du jour, l'inégalité va conduire à l'intolérance qui, elle, va ou peut mener à la violence. Et cette violence-là, elle est vécue par les hommes, les femmes, les enfants, qui fait en sorte que ça a une conséquence sur toute la société.

Donc, quand on parle de gestes concrets, d'actions spécifiques et qu'on demande au gouvernement d'intervenir, il faudrait, à ce moment-là, offrir à ces femmes les outils et le support nécessaires pour qu'elles soient capables de se retirer de cette violence et de faire en sorte qu'on soit capables éventuellement de l'éliminer. À partir du moment où les femmes sauront qu'elles ont un appui, que l'État et la société est derrière ou sont derrière elles, à ce moment-là, ça va devenir moins difficile de décider de porter plainte, de se sortir de ce milieu violent.

Mme Caron: Je vous remercie beaucoup. Juste rappeler très brièvement, parce que je veux que ma collègue ait le temps de poser des questions, l'importance ? moi, je l'ai noté, clause d'impact, je pense que c'est Me Lamarche qui nous en a parlé ? l'importance que, dans chacun des mémoires au Conseil des ministres, on rappelle finalement... qu'on s'assure qu'il y a le respect des chartes, le respect des engagements internationaux par rapport à l'égalité de fait pour les femmes. Moi, je l'ai appelé «clause d'impact» parce que, dans les mémoires... Je sais qu'on a une clause d'impact au niveau de la jeunesse, on a une clause d'impact maintenant au niveau du développement durable, donc ce serait un peu dans cet esprit-là?

Mme Lamarche (Lucie): Pardon, Mme la députée, j'étais obsédée par l'absence de petite lumière rouge.

Je saisirai l'occasion de cette question pour faire un lien qui m'apparaît incontournable afin de maximiser l'efficacité de ces clauses d'impact, ou de modèles d'analyse différenciée, ou de prises en compte de... enfin le vocabulaire varie d'autant que si nous passions d'une langue à l'autre.

Les clauses sont des moyens, et des moyens habituellement sont d'autant porteurs qu'ils peuvent compter sur des institutions ou sur des relais institutionnels. Ici et là, dans le monde, on constate actuellement ? je ne parle que des pays de l'OCDE, et je fais exception du Mexique qui est très avancé à certains égards du point de vue des clauses d'impact, mais moins sur d'autres fronts ? la tendance suivante. Alors, pendant une décennie et deux décennies, on a promu, promu les institutions destinées à la sauvegarde des intérêts des femmes et de leur droit à l'égalité. Généralement, quelle que soit l'instance concernée, on s'entend pour dire que nous sommes effectivement dans ce moment d'adolescence et non pas d'âge adule, mais néanmoins les États ont tendance à substituer de l'affirmation de préoccupations à des institutions. Alors, c'est une chose de dire: Nous serons préoccupés par; c'en est une autre de dire: Nous conserverons les institutions qui nous aident à être préoccupés par.

La tendance OCDE actuellement, c'est de remplacer l'affirmation de sensibilité, de substituer cette action qu'on appelle «mainstreaming» à des institutions. Et je ne crois pas que ça réponde aux standards canadien et québécois d'égalité. Si on était au Chili, si on était en Inde ou dans d'autres pays où la constitution se contente de dire «les hommes et les femmes sont égaux», peut-être l'approche administration publique de la clause d'impact pourrait-elle suffire. Je ne crois pas que le champ de profondeur et la richesse du concept canadien et québécois à l'égalité nous permettent de se contenter de la clause d'impact, ce qui ne diminue en rien son utilité comme moyen et qui ne garantit pas et ne répond pas au standard international qui exige que cette clause d'impact soit entourée et supportée par l'ensemble des institutions appropriées, lesquelles peuvent être des institutions propres à l'action étatique et à l'appareil gouvernemental et des institutions indépendantes ou qui se tiennent à une certaine distance de l'action étatique elle-même. D'ailleurs, le standard international prévoit que l'une et l'autre sont requises.

Mme Caron: Merci. C'est bien ce que j'avais compris de votre intervention. Je ne la voyais pas comme l'élément qu'il fallait garder tout seul, puis... Non, non, ça s'ajoutait, c'était un pas que nous n'avions pas encore franchi puis qui m'apparaissait intéressant de faire franchir. Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Laurier-Dorion, en vous signalant qu'il reste un peu moins de deux minutes.

Mme Lefebvre: Parfait. Merci beaucoup, mesdames, pour votre intervention dans cette commission, ce fut très éclairant, puisqu'à la lumière des travaux que nous avons eus la semaine dernière il semblait y avoir un certain glissement par rapport aux trois approches, notamment l'approche spécifique. Donc, votre contribution est fort pertinente, puisqu'elle nous rappelle que dans le fond tout ceci est basé sur un droit fondamental, vous l'avez mentionné amplement dans votre présentation.

n (10 h 40) n

Vous avez également mentionné... Bien, vous revenez beaucoup sur le fait que le milieu judiciaire doit demeurer très impliqué dans cette démarche vers l'égalité, vous avez mentionné certains moyens d'y accéder. Vous avez mentionné également l'importance de certains organismes, associations de la société. Madame, vous avez mentionné certains organismes qui étaient présentement sous la loupe du Conseil du trésor, qui pourraient peut-être, s'ils étaient manquants dans le paysage québécois, disons, faire un peu régresser, là, cette quête vers l'égalité. J'aurais aimé vous entendre sur cela.

Le Président (M. Copeman): En 30 secondes, s'il vous plaît.

Mme Pelletier (Fanie): Bien oui, effectivement, nous avons mentionné la Commission des droits de la personne et de la jeunesse et le Tribunal des droits de la personne parce qu'ils sont présentement sur la liste des 60 premiers organismes. D'ailleurs, semble-t-il qu'il en reste encore 120 à être examinés, alors nous attendrons de voir quels seront ceux sur la liste des 120 organismes restants. Évidemment, il y avait aussi le Conseil du statut de la femme. On comprend qu'il ne se retrouve pas actuellement sur la liste, mais c'est une des institutions que le Barreau croit qu'il est important de maintenir évidemment, parce qu'elle assure le respect et la promotion du droit à l'égalité.

Mme Lefebvre: D'accord. Est-ce qu'il reste du temps?

Le Président (M. Copeman): Non, malheureusement pas. Alors, Me Champagne, Me Lamarche, Me Samoisette, Me Pelletier, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom du Barreau du Québec.

J'invite les représentantes du Centre des femmes de l'UQAM à prendre place à la table et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 42)

 

(Reprise à 10 h 46)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux. C'est avec plaisir que nous accueillons les représentantes du Centre des femmes de l'UQAM. Mme Ricci, présidente, bonjour. Je vous rappelle encore une fois nos règles de fonctionnement: vous avez 20 minutes pour faire votre présentation qui sera suivie par un échange de plus ou moins 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de procéder à votre présentation.

Centre des femmes de l'UQAM (CDF de l'UQAM)

Mme Ricci (Sandrine): Merci, M. le Président. Bonjour, M. le Président, bonjour, mesdames et messieurs de la commission, merci de nous accueillir. Nous sommes très honorées et très heureuses d'avoir été convoquées ici, aujourd'hui.

Donc, mon nom est Sandrine Ricci. Depuis septembre 2003, je suis présidente du Centre des femmes de l'UQAM, auquel nous ferons référence, aujourd'hui, sous l'acronyme CDF. Je prépare une maîtrise en communications internationales et interculturelles, à l'UQAM. Au printemps dernier, j'ai siégé au comité de réflexion du Conseil du statut de la femme par rapport aux questions qui nous occupent aujourd'hui. Et je vais laisser mes camarades en fait se présenter elles-mêmes.

Mme Bertrand-Dansereau (Anaïs): Bonjour, je m'appelle Anaïs Bertrand-Dansereau, je suis étudiante au baccalauréat en sociologie, à l'UQAM. Je suis ici, aujourd'hui, à titre de vice-présidente du Centre des femmes de l'UQAM, que j'occupe depuis janvier 2004.

Mme Beaudry (Adrienne): Bonjour, mon nom est Adrienne Beaudry, je suis étudiante au baccalauréat en arts visuels et médiatiques et j'occupe également le poste de secrétaire du Centre des femmes.

Mme Guernier (Geneviève): Bonjour, mon nom est Geneviève Guernier, je suis étudiante au baccalauréat de sociologie et j'occupe le poste de coordonnatrice du Centre des femmes.

Mme Ricci (Sandrine): Donc, avant de laisser Anaïs et Geneviève présenter davantage le Centre des femmes de l'UQAM, j'aimerais préciser le contexte d'appel de mémoire à l'automne dernier, tel que nous l'avons vécu. Laissez-moi vous dire d'abord que nous ne nous attendions pas à recevoir une convocation pour présenter notre mémoire ici. Nous allons donc tâcher d'apporter de l'eau au moulin en toute humilité considérant notre inexpérience.

Ce mémoire, nous l'avons donc déposé dans un effort de contribuer au débat public, particulièrement quand ce dernier est largement gangréné par le discours masculiniste, par une remise en question du féminisme dans lequel les jeunes femmes ne se retrouveraient pas, nous dit-on et, «last but not least», par les appels à l'aide orientée vers les hommes. Nous reviendrons là-dessus dans un moment.

Notre mémoire a aussi, et je ne fais encore que contextualiser, pas m'excuser, il a été écrit donc dans un très court laps de temps. Le délai entre l'annonce et la date de dépôt était, on peut le regretter, d'un mois seulement, qui plus est en fin de session universitaire, moins d'une semaine avant Noël. Enfin, on nous envoie un avis de convocation moins de deux semaines avant la présente audition. Un peu plus et on aurait cru qu'on ne voulait pas réellement nous entendre, nous qui sommes bénévoles au Centre des femmes de l'UQAM et aussi étudiantes à plein temps, mamans, travailleuses, conjointes, etc. Alors, voilà pour le contexte qui explique que nous n'avons pas pu livrer une analyse en profondeur de l'avis du CSF et que nous n'allons faire ici que la synthèse de notre mémoire.

Je crois, nous croyons que la justification de notre présence à cette commission se situe plutôt dans le témoignage lié à notre travail de terrain. Les autres groupes professionnels du mouvement des femmes comme la Fédération des femmes du Québec et la Chaire d'étude Claire-Bonenfant ont très bien présenté les limites de l'avis et leurs appréhensions vis-à-vis notamment de l'approche sociétale. Nous partageons ces analyses.

Les approches spécifique et transversale n'ont pas été pleinement actualisées selon nous, alors pourquoi les diluer? Je parle de dilution parce que nous avons de la difficulté à croire, et nous reviendrons sur cette question un peu plus tard avec le concept de climat de confiance, nous avons peine à croire donc, et sans en faire seulement une question financière, que le gouvernement actuel injecte plus d'argent pour financer des nouveaux projets reliés à l'approche sociétale et, si cela était, nous craignons que cela reste du saupoudrage.

n (10 h 50) n

Sur ce, je cède la parole à Anaïs Bertrand-Dansereau qui va présenter davantage le Centre des femmes de l'UQAM.

Mme Bertrand-Dansereau (Anaïs): Le CDF est une association d'étudiantes qui s'est donné pour mission d'informer et de sensibiliser la population uqamienne aux réalités plurielles de la condition féminine. Anciennement appelé Comité femmes de l'UQAM, le CDF existe depuis maintenant 1975. Nous sommes un organisme à but non lucratif reconnu par le gouvernement du Québec et un groupe agréé par le Service à la vie étudiante de l'UQAM.

Le Centre des femmes est une ressource localisée à l'UQAM, en plein coeur du centre-ville de Montréal. Il est polyvalent et vise à être accessible à toutes les femmes du campus et de la communauté, particulièrement les étudiantes, pour créer un espace de solidarité femmes.

Le CDF se caractérise par plusieurs éléments, dont en voici quelques-uns: d'abord, une orientation féministe; ensuite, une approche globale et non compartimentée des problèmes des femmes; un projet éducatif; une prise de conscience des stéréotypes et une lutte contre les préjugés, que ceux-ci soient fondés sur le sexe, l'appartenance culturelle, l'orientation sexuelle, le statut social, ou quoi que ce soit d'autre; le développement d'une solidarité concrète autour de problèmes communs et de projets collectifs. Le CDF s'est donné trois mandats: les services, les activités éducatives et l'action collective. Les femmes qui viennent au CDF sont considérées comme des participantes à part entière plutôt que comme des usagères. Finalement, les membres, toutes bénévoles, sont des animatrices auprès et avec les femmes pour la réalisation du projet féministe.

Geneviève va continuer la présentation.

Mme Guernier (Geneviève): Alors, le Centre des femmes de l'UQAM est un groupe non mixte qui cible d'abord les femmes comme agentes de changements au sein du microcosme que représente l'UQAM et au sein de la société en général, et ce, en vue d'obtenir l'égalité de fait avec les hommes comme classe politique dominante. Nous reconnaissons qu'il ne s'agit pas là de la seule approche possible; nous affirmons néanmoins qu'elle constitue un élément essentiel de la lutte aux discriminations envers les femmes en position de minorité sociologique.

Nous croyons voir la nécessité d'appréhender la lutte pour l'égalité des sexes de différentes façons, incluant une collaboration avec les hommes et les groupes d'hommes, ce qui se fait déjà au Québec, et notamment par notre action au Centre des femmes de l'UQAM. Une grande partie de nos activités de sensibilisation s'adresse à la fois aux femmes et aux hommes: pensons à la production des Monologues du vagin, aux multiples causeries, les conférences sur des sujets tels que la publicité sexiste, le féminisme au masculin, l'excision, le viol de guerre, les aides familiales, le génocide au Rwanda, etc. Nous pensons aussi aux kiosques d'information et aux journées du 8 mars, que nous avons organisés au fil des années. Cependant, nous estimons que le leadership et l'agenda de cette lutte pour l'égalité des sexes et le droit des femmes doivent émaner du mouvement féministe, de façon, entre autres, à ce que ce dernier définisse les bases de cette collaboration. Ce leadership des femmes doit être reconnu et soutenu par l'État et par la société civile. Sandrine.

Mme Ricci (Sandrine): Émettre des recommandations pour une nouvelle politique d'égalité doit se faire dans un climat de confiance, qui ne nous semble pas atteint à l'heure actuelle. Les orientations du gouvernement prêtent trop l'oreille, selon nous, aux récriminations démagogiques des masculinistes notamment et aux velléités de collaboration avec les hommes qui émanent de groupes affirmant représenter les jeunes femmes et jugeant que le féminisme a besoin d'être revampé. Or, comment croire que l'intégration de nouvelles approches, de nouveaux joueurs ne se fera pas aux dépens des structures existantes? Comment ne pas craindre en effet d'un gouvernement prompt à sabrer dans les dépenses que son objectif principal ne soit pas tout bonnement de réaliser des économies? Comment ne pas voir dans ce projet de Conseil pour l'égalité un écho du lobby antiféministe qui sévit depuis plusieurs années, largement relayé par les médias et auquel les politiciens et les politiciennes semblent prêter, eux et elles aussi, une oreille complaisante? Nous vivons, selon nous, une période de ressac qui devrait justifier au contraire davantage le renforcement des structures existantes que leur refonte. De plus, les coupures budgétaires obligent les étudiantes et les étudiants à se serrer encore plus la ceinture, si c'était possible. La réingénierie du gouvernement Charest donc n'établit pas ce climat de confiance.

Par ailleurs, beaucoup de nos efforts à nous, au Centre des femmes de l'UQAM, et au sein d'autres coalitions se font sur le mode défensif pour, par exemple, établir la pertinence de notre existence mais aussi celle du féminisme ou pour limiter les avancées du mouvement masculiniste. Nous, on préférerait beaucoup se concentrer sur les actions directes, sur des efforts directs pour améliorer la condition des femmes ici et ailleurs.

On nous dit que les jeunes femmes ne s'identifient pas au féminisme, mais nous ne partageons pas cette affirmation. Nous rencontrons chaque jour des étudiantes qui se disent féministes ou qui soutiennent notre action. Nous pensons d'ailleurs que chacune peut avoir sa propre définition du féminisme.

Je vais céder la parole à mes camarades qui vont apporter de l'eau à mon moulin.

Mme Bertrand-Dansereau (Anaïs): Je vais commencer avec ma propre définition. Pour moi, le féminisme, c'est une attitude de critique active qui s'exprime autant en public qu'en privé et qui consiste, pour chaque femme, à lutter contre les discriminations et les violences qu'elle perçoit en utilisant les moyens avec lesquels elle se sent confortable.

Ma propre expérience m'a enseigné que les groupes féministes non mixtes comme le nôtre servent deux objectifs principaux. D'abord, c'est au CDF que j'ai pu élargir mes connaissances sur les multiples facettes à la situation des femmes et cultiver mon esprit critique afin de mieux percevoir les discriminations et les violences plus symboliques, donc plus insidieuses, qui imprègnent ma vie de jeune femme. D'autre part, le CDF a été pour moi un lieu privilégié pour apprendre à maîtriser les outils d'action et de leadership que j'ai ensuite pu appliquer dans ma vie, tant dans une situation très privée, notamment dans le couple, que dans des situations très publiques, par exemple en prenant la parole dans une commission parlementaire. Aucun de ces objectifs ne pourrait être aussi bien servi dans un groupe au leadership mixte qui ne soit pas spécifiquement axé sur la condition des femmes.

Mme Guernier (Geneviève): L'éducation que mes parents m'ont donnée ne m'a pas amenée à être féministe très tôt. L'image d'équité dans la répartition des tâches et l'égalité dans les relations entre tous les membres de ma famille me donnaient à croire que les revendications féministes étaient déjà des acquis. C'est en quittant le milieu familial pour être confrontée seule aux réalités de notre société, en accumulant des expériences de travail dans des secteurs divers, en côtoyant des individus de provenances et de milieux variés, dans des relations de couple et jusqu'à l'intérieur de mon projet d'études universitaires que j'ai progressivement constaté le contraste entre un cercle familial égalitaire et privilégié et la société québécoise. C'est ce qui motive ma participation au mouvement féministe, entre autres par le biais de mon action au CDF, et c'est ce qui fait qu'aujourd'hui je me désigne comme féministe.

Mme Beaudry (Adrienne): Pour moi, le féminisme, c'est résister aux pressions de la société qui nous disent comment agir et comment être. Être féministe, c'est être consciente de la dynamique inégalitaire sur laquelle repose notre société et de s'efforcer de la combattre en restant solidaire envers toutes les femmes, ethnies, âges et professions confondus. Le féminisme, ça peut se résumer à la reconnaissance des différentes formes d'oppressions faites aux femmes et le refus catégorique de ces oppressions.

Geneviève a un peu parlé de son expérience personnelle, et j'aimerais faire la même chose. Malgré le fait que j'ai eu comme modèle parental un couple assez inégalitaire, je n'ai pas commencé à m'appeler une féministe avant d'avoir pris un cours à l'université, et c'est ce cours qui a mis la lumière sur ce que j'avais vécu et qui m'a aidée à comprendre, d'où l'importance de l'éducation du féminisme.

Mme Ricci (Sandrine): Chaque année, à l'occasion du 8 mars et même du 6 décembre, on nous serine, les médias particulièrement, sur la pertinence du féminisme, sur son obsolescence, sur sa désuétude, de celle de ses luttes, alors que l'égalité est soi-disant atteinte et que même les hommes souffrent d'une perte d'identité en lien avec l'affirmation des femmes. Je pense qu'à trop parler en termes d'égalité et non plus de condition des femmes, parler d'humanisme et non plus de féminisme, d'inégalité des gens, etc., on adopte une stratégie euphémisante qui veut changer le nom pour dire la même chose. Il ne me semble pas que cela constitue une approche digne de ce nom mais plutôt un gadget hypocrite qui revient à faire ce que d'aucuns appellent en rénovation ou en décoration du «cosmetic job». Cela revient surtout à de nouveau invisibiliser les femmes.

Questionnons-nous sur cette tendance à se lasser aussi vite des concepts et comme des personnes. Le mouvement des femmes prône l'égalité des femmes et des hommes depuis grosso modo 30 ou 50 ans au Québec après des millénaires d'oppression patriarcale qui reste toujours prégnante. Comment penser, avec les excellents résultats qu'on connaît, que le féminisme comme courant de pensée est désuet? Mme Caron, membre de cette commission, a rappelé avec beaucoup d'à-propos, la semaine dernière, que les suffragettes elles-mêmes étaient loin de faire l'unanimité à leur époque, que les idées les plus progressistes en fait et les plus critiques ne sont pas souvent endossées par une majorité.

n (11 heures) n

Pour moi, le féminisme, c'est une révolution, ce n'est pas une évolution naturelle, un darwinisme social. De plus, ce débat sur la pertinence du féminisme prend souvent une coloration jeuniste, et nous avons souvent à préciser, dans le cadre de nos activités au Centre des femmes de l'UQAM, que nous n'avons aucun problème avec les féminismes et les féministes de la génération précédente, celle de la première ou de la deuxième vague. Nous considérons que nous avons beaucoup à apprendre de ces pionnières et nous refusons de prêter le flanc à ces tentatives de division des femmes.

C'est vrai qu'on entend souvent le discours de jeunes femmes qui ne peuvent se dire féministes parce qu'elles n'ont pas l'impression d'être victimes de discrimination et encore moins le désir de se définir comme victimes. Mais j'entends aussi d'autres jeunes femmes qui sont outrées par le sexisme de la publicité, par les stéréotypes véhiculés dans les médias, des jeunes femmes qui prennent difficilement la parole dans les assemblées, dans des cours, alors que l'essentiel des orateurs est toujours de sexe masculin. Comment expliquer autrement le nombre de comités-femmes non mixtes au sein de groupes altermondialistes ou de groupes étudiants? J'entends aussi des jeunes femmes de 30, 35 ans qui ont des enfants, qui pénètrent le marché du travail ou qui font un retour aux études, qui sont brûlées, débordées, proches du divorce. Ces femmes-là hésitent à conserver un compte personnel à la banque, elles hésitent à penser à leur retraite et donc elles négocient le cadre financier de leur maternité. D'ailleurs, c'est très tabou, ça, la question de la rémunération des mères, et ce n'est d'ailleurs probablement pas non plus la bonne façon d'appeler ça, disons plutôt le soutien socioéconomique à la maternité.

Mais les problématiques de pauvreté des femmes âgées, du non-accès à des postes prestigieux en recherche, dans l'entreprise privée ou en politique, des limites liées à la maternité... Parce que, quand on s'occupe de ses enfants, on ne cotise pas pour sa retraite, on ne travaille pas en vue de gravir les échelons professionnels, etc., et les hommes, si. Certes, ils vont aller chercher leurs enfants à la garderie ou à l'école, j'en vois moi-même pas mal depuis quelques années, mais, quand il s'agit des corvées domestiques, ménage et autres, quand on lit les chiffres surtout, quand on constate le chemin qu'il reste à parcourir, il n'y a pas de quoi éliminer un conseil du statut de la femme, il y a plutôt de quoi renommer une ministre à la Condition féminine.

Je vois aussi des petites filles ciblées par les agents du marketing mondial, érotisées dès leur plus jeune âge pour qu'elles achètent vêtements, disques et magazines, et ce, souvent en jouant la carte de la séduction et de la consommation. Les travaux de la Chaire d'étude Claire-Bonenfant sont à ce sujet, comme sur tant d'autres, très éloquents et mériteraient une plus large diffusion. Nous aurons d'ailleurs une conférence-discussion sur la sexualisation précoce des petites filles, à l'UQAM, très prochainement, en collaboration avec le Y des femmes qui a créé un comité sur cette problématique cruciale. Mais il est vrai que beaucoup de jeunes femmes estiment que l'égalité est acquise et elles sont toujours très étonnées quand on évoque la question des inéquités salariales ou même de la discrimination au sein des universités.

Dans notre mémoire, nous avons évoqué le fait que les femmes sont majoritaires sur les bancs des universités, et on s'inquiète d'ailleurs régulièrement de ce succès, se demandant maintenant: Qu'est-ce qui ne va pas dans le système pour que les femmes réussissent aussi bien? C'est très surprenant. On peut regretter que ces gains ne se traduisent pas par une accession équitable des femmes et des hommes aux postes de professeurs. En 2001-2002, les femmes ne représentaient que 26,5 % du personnel enseignant des universités québécoises. En fait, plus on monte dans la hiérarchie et plus la présence des femmes est minoritaire. Dans le même ordre d'idées, seules 12,2 % des chaires de recherche du Canada ont été attribuées à des femmes depuis 2000, au Québec. Ces obstacles sont liés au plafond de verre dont on a parlé dans la présentation précédente et qui empêche les femmes d'accéder aux postes les plus prestigieux. Nous sommes très inquiètes des profondes inéquités qui perdurent au sein des universités québécoises en raison de la persistance de discriminations liées à la différence des sexes.

Nous pourrons peut-être revenir à d'autres manifestations de l'idéologie patriarcale qui imprègne les campus, lors de la période de questions, mais pensons seulement au sexisme des bibliographies et des auteurs de référence, à la misogynie des sciences sociales, sciences humaines, etc., aux cas très nombreux de harcèlement sexuel non dénoncés, à la féminisation de la langue française en recul, aux cours de tronc commun enfin qui sont obligatoires et qui sont presque systématiquement de soir, ce qui n'arrange pas du tout les étudiants parents et particulièrement les mères monoparentales ? la FEUQ en a parlé ? elles sont les grandes délaissées du système. Cette année, nous avons d'ailleurs créé une bourse d'excellence de 2 000 $ pour soutenir les mères monoparentales ou un mémoire qui porterait sur les problématiques liées à la monoparentalité des femmes.

Je m'avance vers la conclusion, M. le Président.

Le Président (M. Copeman): C'est bien.

Mme Ricci (Sandrine): Pour ce qui est de la collaboration avec les hommes, périodiquement, quand on présente le sort des femmes de l'UQAM lors de kiosques ou d'activités quelconques, des étudiants demandent aux animatrices, d'un air souvent goguenard, s'ils peuvent être membres du Centre des femmes de l'UQAM, et nous leur répondons invariablement qu'ils ne peuvent participer aux assemblées régulières ni faire partie de l'exécutif, mais qu'ils peuvent offrir un rôle de soutien à différents niveaux. Généralement, nos interlocuteurs font mine d'être outrés de leur exclusion et crient au sexisme. Je dis «font mine» parce que je doute qu'aucun n'ait eu réellement envie de se joindre à nous pour soutenir la lutte des femmes. Nous pouvons cependant compter sur quelques précieuses collaborations, notamment avec le Collectif masculin contre le sexisme et Hommes contre le patriarcat.

Il reste que cette volonté d'intégrer les hommes aux luttes féministes à titre de collaborateurs ou d'acteurs complémentaires peut témoigner d'une vision qui décontextualise les enjeux et gomme la notion de pouvoir des rapports de sexe. En mettant condition des femmes et situation des hommes sur le même plan, on symétrise des réalités extrêmement différentes, plaçant ces derniers au sein d'un système dont ils ne seraient plus partie prenante mais bel et bien victimes au même titre que les femmes.

Pour conclure, je dirai que le combat contre les discriminations faites aux femmes doit se mener conjointement avec la société civile, et l'État doit préserver les organismes de consultation dont il s'est muni pour ce faire. Le Centre des femmes de l'UQAM demande donc au gouvernement de reconnaître que les rapports sociaux de sexe ? comment ils façonnent des institutions comme la famille, l'armée, l'État, comment ils s'entrecroisent avec les rapports de classes et les rapports ethniques, et comment ils sont pénétrés par le pouvoir, l'oppression et l'exploitation ? constituent le soubassement de notre société; que le gouvernement renforce les mesures mises en place pour corriger toutes les formes de discriminations envers les femmes; qu'il maintienne et renforce le Conseil du statut de la femme, restaure le ministère à la Condition féminine. Le mandat de ces deux organismes, tel que nous le comprenons, ne doit pas être remis en cause mais au contraire renforcé. Il s'agit là d'acquis du mouvement des féministes. Les éliminer ou les refondre en un conseil de l'égalité fourre-tout serait une erreur qui garantirait un retour en arrière pour les femmes. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, Mme Ricci.

Avant de céder la parole aux participants, je veux vous rassurer quant aux délais et à votre comparution devant nous aujourd'hui. Je comprends que les délais qui sont imposés sont serrés, et surtout pour des organismes qui sont essentiellement des organismes bénévoles, mais, je veux vous rassurer, nos règles de fonctionnement sont très claires, tout le monde est traité de la même façon. Il y a un délai minimum de 30 jours entre la parution d'un avis dans les quotidiens et la date limite pour le dépôt des mémoires. Il y a également, malheureusement, un minimum... le minimum requis est de sept jours pour la convocation des groupes. C'est le règlement qui nous le dicte. Et, quand on entreprend des consultations importantes comme celle-ci avec au-delà de 100 groupes, malheureusement on est parfois obligé de convoquer en dedans de sept jours, qui est le minimum requis.

Je comprends que vous avez eu un avis un peu plus long que les sept jours, qui vous paraît déjà trop court. Je sympathise avec ce point de vue, mais ce sont les règlements qui nous l'imposent. Si on était capables de faire mieux, donner plus de délai, on le fera, je vous l'assure. Ce n'est pas dans le but de bâillonner qui que ce soit ou de tenter de décourager qui que ce soit de venir en commission parlementaire, au contraire. C'est la nature même d'une consultation générale. Tout le monde qui soumet un mémoire, à moins que le mémoire n'est pas pertinent ou contient des propos haineux, va comparaître devant la commission, à moins que les groupes demandent de ne pas le faire, et là on le signale, normalement, que le mémoire est pour dépôt seulement, et ces gens-là ne sont pas convoqués. Mais je tenais à faire ces mises au point, pas uniquement pour vous, mais pour tous les groupes qui vont paraître devant cette commission.

Alors, sans plus tarder, Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président, et je vous remercie d'emblée pour ces explications fort utiles.

Mesdames, bien, j'ai un seul mot à vous dire: Bravo! Parce que votre introduction était très bien pensée lorsque vous avez cru bon de nous rappeler que vous en étiez à votre première expérience. Je dois vous dire: Vous vous êtes débrouillées de main de maître. Et, moi, je trouve ça très rafraîchissant que vous ayez accepté, malgré les délais dont vous parlez, que vous ayez accepté de venir devant nous.

n (10 h 10) n

Je trouve très important qu'effectivement le point de vue de jeunes femmes soit clairement exprimé en cette commission. Le but d'une commission parlementaire, c'est justement... Et je pense que, dans une société démocratique, il y a des opinions diverses, il y a des opinions divergentes, il y a des opinions qui sont totalement différentes, des points de vue qui sont là pour être débattus, et c'est pour ça que j'ai tenu absolument qu'avant d'écrire cette politique nous puissions publiquement écouter ces points de vue là, échanger, débattre sur ces points de vue là. Ça m'apparaît essentiel, surtout quand on parle de la cause des femmes.

Je le répète, je me rallie sans difficulté et d'emblée... Parce que j'en suis une, femme, et j'en ai vécu, des inégalités, et toutes les parlementaires et toutes les femmes en avons vécu, des inégalités, et nous sommes... Notre rôle comme représentantes de la population, comme représentantes de ces femmes, c'est certainement de prendre acte et de vouloir justement proposer cette politique qui devra combattre et continuer de combattre ces inégalités de fait dans notre société.

Vous avez, de façon très claire, très, très claire, et c'est très apprécié, et... Dans votre mémoire, vous avez bien campé les différents enjeux, les différentes problématiques et surtout votre point de vue. Vous nous avez dit, tout à l'heure, que vous considérez que déjà le gouvernement met plus d'argent à l'approche sociétale. Ça, ça m'a un peu étonnée parce qu'honnêtement je ne pense pas que, d'un point de vue gouvernemental, actuellement, ce soit abordé sous cet angle-là, pas du tout. Moi, j'aimerais juste, pour des fins de compréhension, m'assurer qu'on s'est bien comprises, me dire pourquoi vous avez cette perception que le gouvernement met déjà plus d'argent dans l'approche sociétale.

Mme Ricci (Sandrine): Je pense qu'effectivement c'est une question de compréhension. Je ne sais pas... Ce n'est pas vraiment ce que j'ai voulu dire. En fait, je demanderais, si on adoptait cette approche-là, qu'il y ait plus de sommes investies, qu'on n'aille pas séparer la tarte, justement.

Mme Courchesne: Non, c'est ça. Non. Et ça, je reviens là-dessus...

Mme Ricci (Sandrine): Je sais que je ne suis pas... ce n'est pas original non plus comme point de vue, là, on l'a entendu...

Mme Courchesne: Non, d'accord. Alors, vous parliez du futur, c'est ce que je comprends.

Mme Ricci (Sandrine): Exactement.

Mme Courchesne: Bon. D'accord. Tant mieux.

Mme Ricci (Sandrine): Bien, certainement.

Mme Courchesne: Tant mieux parce que j'ai bien spécifié que, pour moi, l'approche spécifique demeure une approche prioritaire et que d'aucune façon il ne faudrait... il n'est question de diminuer les moyens pour lutter contre... la cause des femmes.

D'ailleurs, vous reprenez, dans votre mémoire, cette crainte que, si nous élargissons le débat, ça veuille mettre davantage l'emphase sur les problèmes, les problématiques plus masculines, et ça aussi, je pense qu'on a eu l'occasion de corriger cette perception en disant que, non, l'élargissement, c'est d'élargir pour que les hommes... Et vous le dites vous-mêmes, vous dites: Au fond, la cause des femmes doit être défendue conjointement avec la société civile. Vous avez dit ça tout à l'heure. Donc, cette société civile, elle comprend aussi des hommes et des femmes, et c'est dans ce sens-là que je comprenais un peu l'avis du Conseil du statut de la femme.

J'ai dit, ce matin, que je souhaitais qu'en cette deuxième semaine nous puissions aborder davantage le contenu de la politique. Pour moi, c'est important que les groupes qui se présentent devant nous orientent la commission sur les éléments de contenu de cette politique. Et vous avez manifesté... Et je partage beaucoup, beaucoup cette préoccupation de l'hypersexualisation des jeunes filles, de la publicité sexiste, de toute cette problématique extrêmement présente dans notre vie quotidienne. Et vous avez raison de dire que, si on n'en parle pas davantage, on finit comme par passer par-dessus, on écoute tout ça puis on passe par-dessus, alors que c'est l'inverse, on devrait vraiment s'attarder à toutes ces formes de publicité qui nous matraquent sur la sexualisation des très jeunes filles. Moi, je voudrais savoir quelles seraient d'après vous les meilleures façons de lutter contre ces phénomènes-là.

Mme Ricci (Sandrine): L'éducation. Je veux dire, ça a été déjà mentionné à cette commission. La question de l'éducation est fondamentale. Comment peut-on dire, par exemple, que le féminisme, c'est désuet, que le féminisme n'est pas un courant porteur, qu'il est obsolète, alors qu'il n'est pas enseigné? Je veux dire, Adrienne, par son court témoignage, a déjà lancé cette piste. Je veux dire, si on n'apprend pas très jeune aux enfants quels sont les tenants et les aboutissants par rapport à ces enjeux-là: Qu'est-ce que le féminisme? Qu'est-ce que... Y a-t-il un féminisme ou des féminismes? Je veux dire, si ces questions-là étaient abordées dès l'école primaire, si en fait l'éducation des enfants était abordée par... Moi, j'en ai, des enfants, alors, je veux dire, je les vois, les manifestations. Si les professeurs, les instituteurs, les institutrices étaient formés en ayant à l'esprit ces problématiques-là, par exemple du contenu des cours...

Moi, je vous donne un exemple aussi bête que les mots de vocabulaire de deuxième année de ma petite fille, qui ne comprenaient pas le mot «femme» en deuxième année, alors qu'il y avait le mot «homme» et il y avait le mot «garçon», puis il y avait le mot «fille». Mais le mot «femme» n'était pas là. Tout au long de la deuxième année, elle n'aurait pas appris ce mot-là. Et il n'y avait aucune explication, la professeure n'a pas pu me répondre. O.K.? C'est des exemples comme ça qui font qu'on est invisibilisées et qu'après il y a des problèmes d'estime de soi, il y a toutes sortes de problèmes qui sont récurrents chez les petites filles. Moi, je crois qu'il faut apprendre des modèles qu'on peut avoir.

La représentation des femmes dans les manuels scolaires. Je parlais des bibliographies à l'université. On étudie toutes dans des domaines qui sont supposément ouverts, là, on n'est pas dans les sciences pures ou quoi que ce soit. Je veux dire, la misogynie des sciences humaines... par exemple, en philosophie, c'est assez frappant que, moi, par exemple, j'ai appris la philosophie avec un manuel qui avait, je ne sais pas, 300 auteurs de référence, et là-dessus il y avait trois femmes: sainte Thérèse d'Avila, Simone de Beauvoir, Hannah Arendt, totalisant quatre textes sur les 300. Comment voulez-vous que, moi, comme jeune femme, je me retrouve là-dedans?

Donc, en bâtissant des... en proposant des modèles, en misant sur l'estime d'elles-mêmes des petites filles et sur un rapport aux garçons qui soit basé sur autre chose aussi que la séduction et... Je pense que c'est une piste fondamentale, l'éducation.

Mme Courchesne: Si je comprends bien donc, si, par exemple, on avait dans cette politique un chapitre sur la lutte aux stéréotypes sexistes, pour vous ce serait un élément important de cette politique-là? Vous seriez d'accord? Parce que le Conseil du statut de la femme, dans son avis, nous recommande, dans une des orientations, en fait la première, là, mais je ne suis pas en train de dire que c'est par ordre d'importance, là, ce n'est pas ce que je veux dire, on ne décidera pas de ça aujourd'hui, mais... Est-ce que pour vous ce serait effectivement une des orientations importantes qu'on devrait retrouver dans une politique?

Mme Ricci (Sandrine): Mais pas la seule. C'est une...

Mme Courchesne: Non, non. Alors, pouvez-vous en rajouter d'autres?

Mme Ricci (Sandrine): C'est-à-dire que pour moi ça doit être une approche qui est transversale. Et là je ne reprends pas la terminologie de l'avis, c'est vraiment une... La question de la féminisation de la langue me fatigue beaucoup aussi. C'est un symbole. Dans les textes scolaires, dans les lettres aux parents, et Dieu sait que les lettres sont lues majoritairement par les mères et que ce sont elles qui vont siéger sur les comités pour le party d'Halloween puis la bibliothèque, là, est-ce qu'on peut se retrouver, là? Il me semble que ce sont des acquis qui sont en recul. Les albums de bande dessinée, on peut-u avoir des héroïnes qui ont de la substance et qui sont autre chose que des pitounes de manga? Je veux dire, il y a beaucoup, beaucoup de problèmes de représentation des femmes.

C'est que, oui, les stéréotypes sexistes... mais le contenu et les politiques dans les écoles aussi. Moi, j'ai un problème à ce que, dans le party de fin d'année, à l'école de mes enfants, il y ait Britney Spears qui joue, quoi, ou Eminem. J'ai un problème avec ça. Les professeurs ne semblent pas très conscients de ces enjeux-là. Alors, je crois qu'il y a un travail à faire avec... en lien... Si on avait un ministère à la Condition féminine qui pourrait s'assurer que ces lois-là soient votées et qu'elles soient appliquées avec des mesures coercitives à la clé par le ministère de l'Éducation, dans le domaine de la santé, pourquoi pas aussi?

n (10 h 20) n

À l'université, j'ai parlé du sexisme des bibliographies, des plans de cours, etc., mais c'est des problèmes aussi plus graves, plus évidents de harcèlement sexuel. En ce moment, on en a un sur les bras où personne ne veut porter plainte, et pourtant il y a une classe entière qui a été témoin de harcèlement sexuel sur... Au niveau de la maîtrise, on n'est même plus chez des petites jeunes qui sortent du cégep, là. Je veux dire, c'est grave quand même que des femmes et des hommes qui approchent 30 ans ne soient pas assez armés pour dénoncer du harcèlement sexuel évident de la part d'un professeur qui, lui, parce qu'il est d'un groupe dominant, se croit tout permis. Je crois qu'il y a un problème aussi que les universités, les... pas seulement au niveau de l'école, là, ils doivent adresser ces problèmes-là. Mais, moi, je ne suis pas une spécialiste en politique, moi, je suis une spécialiste en sensibilisation, alors je vous laisse le soin de les ériger, ces politiques-là.

Mme Courchesne: Non, j'apprécie, mais je trouve que vous en parlez avec force et je partage cette préoccupation-là. Et je suis d'accord que ça commence très jeune, mais je pense aussi que c'est sournois, je trouve que cette façon de faire dans tous les secteurs d'activité... Et, moi, je me dis: On n'en parle pas suffisamment. On en parle à travers les mouvements de femme, on en parle comme on le fait aujourd'hui, mais publiquement, que ce soit au niveau des médias, ça ne revient pas avec suffisamment de portée, de force, et c'est pour ça que je voulais vous questionner là-dessus pour voir quelle place on pourrait donner à cet aspect-là dans cette politique-là. Et c'est pour ça aussi que je voulais savoir... Je suis d'accord avec vous, ce n'est pas la seule orientation, le seul élément d'une politique, mais j'aimerais vous entendre sur d'autres orientations que vous auriez privilégiées. Est-ce que ce sont les orientations qui sont dans l'avis du Conseil du statut de la femme ou s'il y en aurait d'autres en termes de contenu de cette politique?

Mme Ricci (Sandrine): Il y a la question de l'approche intégrée de l'égalité. On entend beaucoup de comparaisons avec l'Europe, et particulièrement avec la France. Moi, ça me sidère. Moi, je suis d'origine française et je ne peux pas croire que le Québec se compare avec la France qui est tellement pas avancée sur ces plans-là. L'approche intégrée de l'égalité, telle qu'elle a été adoptée au Conseil de l'Europe, il me semble que c'est très prématuré. Encore là, je ne suis pas une spécialiste, ce que j'en sais, ce que j'ai pu glaner comme information, et j'ai lu avec beaucoup d'attention aussi l'avis qui avait été émis par le CSF sur ce sujet-là... Adopter une approche comme ça particulièrement quand les pays donc en question présentent une feuille de route pas mal moins impressionnante que le Québec, je trouve ça vraiment intrigant, d'autant plus qu'il y a plusieurs analyses qui montrent qu'en Europe les actions politiques spécifiquement élaborées pour les femmes sont de plus en plus délaissées au profit de mesures qui sont liées à l'approche intégrée de l'égalité.

Alors, il y a un caractère intégrationniste qui a été dénoncé, qui met les problèmes liés à l'égalité à l'ordre du jour, mais qui ne permet pas en fait de repenser les politiques de façon profonde et selon une perspective, là, qui mettrait au jour les rapports sociaux de sexe et la question du genre. Moi, je ne crois pas que c'est en nivelant tout et en ne reconnaissant pas la question du patriarcat qu'on va régler ces problèmes-là. Pour moi, c'est ça, c'est vraiment fondamental. J'ai de la misère à comprendre comment, avec les résultats qu'il y a en Europe, qui sont balbutiants et pas très positifs, on envisage l'implantation de cette approche-là ici. Encore là, je ne suis pas du tout une spécialiste, et puis ce n'est pas non plus d'ailleurs des domaines qui m'intéressent particulièrement, mais, d'après les spécialistes que j'ai pu lire, en tout cas ça ne semble pas faire l'unanimité, donc évidemment que je n'encourage pas, si mon opinion était importante, le gouvernement à l'adopter.

Est-ce que vous auriez quelque chose à rajouter sur le plan des...

Le Président (M. Copeman): Oui, allez-y.

Mme Ricci (Sandrine): Anaïs Bertrand-Dansereau.

Mme Bertrand-Dansereau (Anaïs): Je pense qu'au niveau de la sexualisation des jeunes filles c'est un problème qui touche à toutes les sphères de la société. Si des fillettes de quatre, cinq, jusqu'à neuf ans, qui n'ont pas vécu leur puberté, qui ne connaissent pas c'est quoi, leur sexualité, mais on leur dit: Allez, pousse ta sexualité, c'est pour ça qu'on t'aime, c'est ça qui te rend belle, elles vont le faire, si elles ont la gratification. Si les gens jugent normal de voir ces modèles-là ? Sandrine a mentionné Britney Spears ? proposés à des fillettes et que les gens autour d'elles, autour de ces fillettes-là, les encouragent et disent: Ah! t'es belle, t'es «cute», wow, fais-moi un petit show, ça n'a aucun bon sens. Mais ça, ce n'est pas comme une seule loi qui va changer ça, c'est vraiment un problème de société.

C'est sûr qu'une réglementation beaucoup plus forte sur les normes de la publicité serait absolument nécessaire parce que la publicité pornographique qui borde nos autoroutes, qui borde les rues, les couloirs à l'université, qui propose des images violentes de sexualité, qui sont à portée de vue des enfants... Juste hier, j'ai été obligée, dans un dépanneur, de ramasser des magazines, parce qu'il y avait carrément une femme en string, qui étaient à peu près à cette hauteur-là du sol, donc à peu près à un mètre, c'est la grandeur d'un enfant de quatre ans qui accompagne sa mère au dépanneur, c'est ça, puis il voit une fille toute nue. Est-ce que c'est normal? Tu sais, il faudrait vraiment qu'il y ait une réglementation au niveau de la publicité pornographique.

Mme Ricci (Sandrine): On a fait venir de Québec, de l'Université Laval, une exposition sur la publicité sexiste, qui a été produite et conçue par le Groupe Salvya, on l'a fait venir à l'UQAM, ça a eu beaucoup de succès. On va d'ailleurs la prêter de nouveau à la CSN, on va aller la présenter au Centre de femmes de Shawinigan. C'est une problématique... On a produit aussi un pamphlet pour dénoncer le sexisme de l'agenda, par exemple, des sciences de la gestion de l'UQAM, qui présente des publicités vraiment problématiques. C'est une question qui revient tout le temps, on dirait qu'on vit un «backlash» incroyable en termes de publicité. On se demande même, du point de vue légal, là, s'il n'y a pas eu des lois qui ont été abrogées qui permettent ça.

Geneviève Guernier, ici présente, a fait un complément, elle a produit un complément à l'exposition sur la publicité sexiste par la voie de photographies in situ de pubs sexistes autour du campus de l'UQAM, dans le quartier latin. Je veux dire, on est envahi, on a la Calèche du sexe en face du Centre des femmes; par ma fenêtre, je vois des images problématiques. Mais donc, ça, c'est vraiment une problématique très importante.

Moi, j'aimerais juste dire un mot par rapport à la stratégie euphémisante que j'ai mentionnée dans ma présentation tout à l'heure. Comme vous disiez, Mme Courchesne, la question d'élargir, moi, j'associe ça beaucoup à de la dilution. Et là, juste quand on lit l'introduction de l'avis, du résumé de l'avis du CSF, moi, j'ai un problème parce que, le mot «femme», il n'est pas là. Dans le troisième paragraphe, là où on résume l'orientation de l'avis, on parle de personnes, de rôle parental, de proches aidants, de population, mais on parle de femmes et des hommes, toujours de femmes et des hommes. La problématique spécifique de discrimination qui est faite de façon systémique aux femmes, on dirait qu'elle est gommée. Et c'est un peu ça qui est inquiétant dans cet avis-là, je crois, et c'est ça que les groupes qui sont venus ici ont souligné, et c'est ce que nous soulignons aujourd'hui.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Merci, M. le Président. Merci, mesdames, de votre présentation, on sent que vous l'avez faite avec coeur. J'ai entendu quelque chose et je me demande si j'ai bien entendu, si j'ai bien compris. D'entrée de jeu, on est d'accord à dire que l'égalité de fait n'est pas encore quelque chose qu'on a acquis, les femmes, mais je vous ai entendues dire que, nous, notre gouvernement prêtait une oreille attentive aux groupes masculinistes. Première question, c'est: Sur quelle base vous affirmez cette chose?

Et la deuxième, c'est concernant les approches. Quand vous parlez de dilution, je crois que la ministre a spécifié clairement, la semaine dernière, qu'il n'était pas question de réduire ou d'éliminer les approches spécifique et transversale mais plutôt d'aller à un complément en touchant l'approche sociétale. Si on n'a pas atteint l'égalité de fait avec les mesures spécifique et transversale, qu'est-ce qui nous empêcherait, tout en les maintenant, en s'assurant qu'elles sont toujours là, d'élargir à une approche sociétale? D'ailleurs, vous en faites part dans votre mémoire à la page 7. Je vous laisse aller.

Mme Ricci (Sandrine): Première partie qui va être très simple, vous avez reçu ici, la semaine dernière, L'Après-rupture. Moi, j'appelle ça prêter l'oreille aux récriminations démagogiques des groupes masculinistes. Leur mémoire... je veux dire, le contenu de leur intervention, c'est un tissu d'horreurs discriminatoires à l'endroit des femmes, je veux dire, c'est le discours masculiniste le plus intégriste auquel on a eu droit dans cette commission. Moi, j'ai lu le verbatim avec attention, et je trouve ça extraordinaire qu'ils aient la parole, ces hommes-là. O.K.? Alors, ça, j'appelle ça prêter l'oreille à ces discriminations-là. Je sais que c'est des groupes qui font beaucoup de pression, ils sont une poignée, mais je ne sais pas, ils n'ont peut-être pas de job à temps plein, ils sont relayés aussi beaucoup par les médias, ils ont deux, trois alliés de taille qui reflètent leurs idées. Moi, je trouve ça problématique possiblement surtout parce que ça nous occupe, ça nous empêche de nous focaliser sur les droits des femmes et sur...

n (11 h 30) n

Le Président (M. Copeman): Mme Ricci, je vais simplement vous rappeler, en ce qui concerne les groupes qui ont présenté des mémoires... je me dois, semble-t-il, de le répéter. Quand on fait une consultation générale, on n'invite pas les groupes à venir, l'invitation est lancée par l'avis. Par la suite, à moins qu'il y ait des propos haineux ou il y ait non-pertinence d'un mémoire, la commission se doit d'entendre tous les groupes.

De là à dire que le gouvernement prête une oreille attentive à des groupes masculinistes, je pense qu'il y a exagération. De un, ce n'est pas le gouvernement qui est responsable de l'organisation de ces travaux-là, c'est la commission parlementaire: c'est tous les parlementaires représentés autour de la table, le président ? en l'occurrence moi-même ? du parti gouvernemental, le vice-président, M. le député de Vachon, en l'occurrence membre du parti de l'opposition.

Alors, je tenais à refaire le point. Il n'est pas question d'éliminer certains groupes parce qu'on n'aime pas leurs points de vue. On les entend, on dit qu'on n'est pas d'accord ou on est d'accord; c'est la procédure normale, ça m'apparaît normal, et respectueux, et démocratique ici, au Québec.

Mme Ricci (Sandrine): Est-ce que je peux répondre?

Le Président (M. Copeman): Pas vraiment, non...

Mme Ricci (Sandrine): Mais c'est la définition «propagande haineuse» ou «propos...», moi, je me suis sentie personnellement et de façon collective insultée par les propos. Moi...

Le Président (M. Copeman): C'est votre interprétation, Mme Ricci.

Mme Ricci (Sandrine): Parfait.

Le Président (M. Copeman): Vous avez droit à l'avoir. Ce n'est pas notre interprétation de l'analyse du mémoire et ce n'est pas dans cette veine-là qu'on a reçu le groupe. Puis on va en recevoir d'autres.

Mme Ricci (Sandrine): Bien, écoutez, c'était ma réponse de toute façon à la ministre.

Le Président (M. Copeman): Je comprends.

Mme Ricci (Sandrine): Et, en ce qui concerne la deuxième partie de votre question, c'était par rapport à...

Mme Charlebois: ...trois approches.

Mme Ricci (Sandrine): Oui, c'est ça, c'était par rapport... Écoutez, moi, avec toute la candeur dont je suis capable, j'ai envie de croire à ça, que justement on va diversifier les moyens pour en venir à une égalité de fait et de droit, mais... ou de droit et de fait. Mais c'est juste qu'avec les coupures, écoutez, vous comprenez qu'en étant étudiante j'ai un peu de difficultés à croire que le gouvernement va se montrer généreux, alors que tout ce qu'on entend et tout ce qu'on subit, ce sont des coupures budgétaires. Je veux dire, la Marche mondiale des femmes, dont le Québec s'enorgueillit d'avoir été les organisateurs et organisatrices, n'a plus d'argent pour financer un secrétariat international. Il y a plein de coupures dans les groupes de femmes, les groupes communautaires. C'est difficile pour nous de croire à ça. Ça revient au climat de confiance dont je parlais précédemment.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Effectivement, je vais revenir avec vos derniers propos. Et je vous remercie beaucoup d'être présentes, mesdames du Centre des femmes de l'UQAM, parce que c'est extrêmement important qu'on entende les jeunes femmes féministes, parce qu'on nous a effectivement dit sur tous les tons que la jeune génération de femmes n'était plus féministe, que c'était dépassé et donc qu'il fallait passer à autre chose. Alors, c'est extrêmement important de vous entendre.

Vous avez bien, bien rappelé toute la question du climat de confiance, et c'est important qu'on le comprenne bien, dans quel contexte ça se passe. Et celles qui ont écrit l'avis du Conseil du statut de la femme, il faut qu'elles comprennent aussi que, pour l'ensemble des personnes qui l'ont lu, c'est vraiment ce contexte-là qui est là aussi, hein? C'est là, là, on ne peut pas en faire abstraction. Ça ne relève pas du Conseil du statut de la femme, ce contexte qui est là, ce climat de confiance, mais c'est là pareil. Alors, c'est évident que je comprends très bien vos réactions.

Par rapport ? très brève parenthèse ? au groupe de L'Après-rupture, bien disons que, pour ceux qui regardent les mémoires puis qui décident de ceux qui peuvent venir, L'Après-rupture avait eu l'habileté, dans son mémoire, de ne pas revenir avec des propos haineux qu'on reçoit chaque jour sur nos courriels. Mais il était très clair que, dans leurs interventions, effectivement ils sont revenus au naturel et qu'il était très clair que, pour l'opposition, nous avions pris la décision de ne pas poser de questions à ce groupe, parce qu'on considérait qu'effectivement c'est un groupe qui, depuis quelques années, nous envoie régulièrement de la propagande haineuse et donc qu'on ne pouvait accorder une crédibilité à ses propos.

Le point étant fait, je suis très, très, très, très heureuse que vous rameniez les principaux éléments, tout ce qui a trait au féminisme, ça fait partie de l'invisibilité des femmes: invisibilité des femmes dans l'histoire, donc invisibilité du mouvement féministe. Moi non plus, là, à 20 ans, je ne me disais pas féministe. Je l'ai dit, l'autre jour, ça ne nous était pas plus enseigné. Et je dis que les femmes de ma génération majoritairement ne se disaient pas non plus féministes. Elles ne savaient pas la signification. Dans l'action, elles posaient des gestes pour dénoncer les discriminations systémiques, pour dénoncer l'oppression qui était faite, mais elles ne se disaient pas féministes, elles ne savaient pas, on ne nous a rien enseigné à ce niveau-là.

Les mots ne sont pas neutres. Effectivement, quand on ne féminise pas les textes, on nous rend invisibles à nouveau. Dans les bibliographies, les exemples qu'on utilise, c'est... Et d'ailleurs, cet automne, c'était vraiment l'argument qui me revenait tout le temps et que je reconstatais: cette invisibilité des femmes, invisibilité de la reconnaissance de leur travail, invisibilité dans les mots, dans les textes, dans les références, dans... ça amène aussi une invisibilité dans les nominations. C'est partout et ça se tient. Donc, merci de bien avoir ciblé ça.

Et c'est très lié aussi à la division qu'on veut entretenir entre les femmes. Et d'ailleurs très jeunes, toute cette question de la séduction et de la compétition féminine qu'on leur fait vivre, plutôt que de la solidarité, ça crée cette non-solidarité des femmes. Et puis c'est évident que, pour ceux qui souhaitent qu'on n'arrive pas à une égalité de fait, c'est la meilleure carte à jouer, les deux meilleures cartes: l'invisibilité puis la non-solidarité et d'entraîner les divisions. Et ça, c'est ce qui est le plus efficace, et on le voit. Alors, moi, je vous remercie infiniment de votre mémoire.

Rappeler aussi que, oui, il y a beaucoup de jeunes femmes dans les universités, bien oui, et ce n'était pas un problème quand il y avait beaucoup de jeunes garçons dans les universités, on ne le présentait pas comme un problème. 26,5 % des femmes qui sont professeurs dans les universités, 12,2 % au niveau des chaires attribuées à des femmes: il faut le dire et le redire.

Une seule question, parce que je veux laisser du temps à ma collègue de pouvoir vous poser des questions. Vous avez abordé un élément qui est important puis qu'il faut redire: faire une différence entre les conditions des femmes et la situation des hommes. Je veux qu'on y revienne, parce que je sais que, au niveau de la population, au niveau de collègues aussi, souvent, au niveau des personnes qui nous entendent, ils ne comprennent pas toujours comment on fait cette différence-là. Là, vos mots sont plus faciles, plus abordables. Souvent, on va parler de l'asymétrie, on parle de la discrimination systémique, et souvent les gens ont un petit peu de difficultés à nous suivre. Alors, vous le présentez en termes de condition des femmes et situation des hommes, et je veux que vous reveniez là-dessus.

Mme Ricci (Sandrine): Pour nous, il est bien clair que justement, quand on parle de discrimination systémique, il y a le mot «système» là-dedans, il y a un système, il y a une structure qui institutionnalise l'oppression des femmes. Et, quand on parle de problèmes reliés au suicide des garçons, enfin des hommes, le décrochage scolaire ? ce sont à peu près les deux thèmes qui reviennent constamment, là, quand on parle de la condition masculine, qui, soit dit en passant, n'existe pas pour nous ? il s'agit de situations personnelles, individuelles, dramatiques, tragiques, souvent, qu'il faut adresser. Mais, pour les adresser, selon nous, on n'a pas besoin d'avoir un ministère à la Condition des hommes, on a besoin que le ministère à la Santé, le ministère de la Justice, le ministère de l'Éducation interviennent de façon ponctuelle, peut-être pour corriger certaines inégalités, que sais-je?

n (11 h 40) n

En tout cas, moi, je ne vois pas les gars se bousculer au portillon des examens pour le bac en enseignement, à l'université, je ne vois pas les gars se bousculer au portillon des examens pour être infirmières ou éducatrices, hein? Alors, là, on est en train de renverser la vapeur en disant que le système, tel qu'il est maintenant, favorise les petites filles aux dépens des garçons, qui seraient par nature ? et là on en revient à une essentialisation ? plus actifs, plus compétitifs et que donc ils ne sont pas assez stimulés ou calmés par le système, que sais-je? Bon. Il s'agit de situations personnelles et individuelles; on ne peut pas voir tous ces problèmes-là sous l'angle de la discrimination systémique. Moi, c'est aussi simple que ça.

Je veux dire, j'entends, là, «suicide», là, mais il y a toute la question des biais dans les analyses aussi. Les chiffres qui sont ramenés sont des chiffres farfelus. Puis, moi, de toute façon, la question des chiffres... Et c'est ce que font les groupes masculinistes, ils nous les amènent, là, les chiffres, ça n'en finit plus, les statistiques, pour contrer un petit peu celles qui sont produites par le CSF, ou par d'autres organismes, ou Statistique Canada. Moi, la guerre des chiffres m'intéresse moyennement, mais il faut... Je pense que... Ce n'est pas moi qui l'ai inventé, ça, «condition des femmes et situation des hommes», là, mais je pense que ça résume bien effectivement la différence de perception et de source du problème.

Mme Caron: Merci beaucoup.

Mme Ricci (Sandrine): Ça me fait plaisir.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci beaucoup. Merci pour votre exposé. Je trouve que vous faites un portrait de la perception de notre génération ? puisque j'ai 25 ans et puis... ? face au féminisme aujourd'hui. Puis dans le fond ce que, moi aussi, j'ai constaté de ma petite expérience et aussi de mes perceptions personnelles, c'est qu'on n'est pas empreint à regarder cette inégalité jusqu'au jour où on n'est pas confronté à ça. Donc, principalement, le marché de l'emploi est une étape importante qui nous fait souvent réaliser qu'il existe encore de profondes inégalités; lorsqu'on fonde une famille également. C'est des choses qui nous le remettent en pleine figure, si je puis dire.

Mais en fait ce que je remarque, c'est que, quand on informe les femmes de notre génération de leur situation puis de leur condition réelle, elles réalisent et puis dans le fond elles approuvent cette idée qu'il faut toujours continuer à travailler vers cette égalité. Aussi, ce que je comprends, c'est que, pour ces plus jeunes femmes, bien pour ces jeunes femmes en fait, on conçoit mal... La différence, je pense, entre la discrimination systémique puis des problèmes socioaffectifs se fait mal, donc ce qui fait en sorte qu'on a tendance à tout mêler. Puis de là l'importance que vous veniez rappeler, vous, et d'autres groupes l'ont fait, l'importance de continuer de travailler spécifiquement envers la situation des femmes.

Vous avez parlé... Vous avez dit, tout à l'heure, c'était... Vous avez mentionné qu'un conseil de l'égalité serait un peu un conseil fourre-tout, où on ne réussirait pas nécessairement à régler ou à travailler vers des problématiques qui concernent les femmes en tant que telles. Et puis vous avez aussi mentionné cette espèce de bris de confiance, et, sur ce, je partage vos propos depuis le début de cette commission. Évidemment que l'on souhaite croire que la ministre et le gouvernement prendra des directions qui iront réellement dans l'intérêt de l'atteinte de cette égalité, mais on ne peut pas faire abstraction malheureusement de tout le contexte, puis ma collègue l'a mentionné, mais le contexte de coupures budgétaires.

Puis les propositions qui sont amenées, on se demande... on se questionne, par moments, si c'est réellement dans l'intérêt des femmes ou si c'est plutôt, comme vous l'avez mentionné, dans un intérêt purement économique. Et puis ça, vous faites bien de le rappeler, parce que les ministres ou... dans chacun des domaines, on ne fonctionne pas dans des vases clos puis on doit regarder l'orientation générale du gouvernement pour voir un peu qu'est-ce qu'on pourrait attendre dans ce domaine-ci. D'ailleurs, quand ce gouvernement a formé son Conseil des ministres, vous l'avez mentionné, il a omis de nommer une ministre à la Condition féminine, et puis ça peut... ça crée ce contexte, disons, de doutes ou en tout cas de perceptions.

J'aimerais que vous rappeliez pourquoi vous considérez que ce serait tant important de garder les institutions que nous avons, et puis pourquoi il est important de réinvestir dans celles-ci, et pourquoi justement on n'a peut-être pas misé sur un conseil de l'égalité, comme ça semble peut-être être la tendance actuellement.

Mme Ricci (Sandrine): Moi, je dois dire d'ailleurs qu'on a peut-être... on est favorable à renommer le Conseil du statut de la femme. D'ailleurs, le Conseil du statut de la femme, on trouve que c'est un petit peu réducteur. Le Conseil pour l'égalité et les droits des femmes, ça nous conviendrait très bien, ce serait plus inclusif et à l'image de la société multiculturelle et diverse du Québec.

Le rôle du Conseil du statut de la femme, il est primordial pour nous parce qu'il nous donne des outils. Alors, je veux dire, nous, on travaille sur le terrain et puis, à plus forte raison, puisqu'on est bénévoles, on n'a pas de... c'est très rare, les moments d'analyse ou de discussion sur les fondements théoriques, c'est assez rare. On est beaucoup dans la survie et puis dans l'organisation d'événements, etc. Ça va arriver de façon interpersonnelle. Et ce que les documents qui sont produits par le CSF, les analyses, ce que ça fait, c'est que ça donne du fuel ? c'est vraiment ça ? pour continuer à avancer. Si le ministère à la Condition féminine était là pour s'assurer que les politiques en condition féminine soient appliquées par les différents paliers du gouvernement, par l'entreprise privée, par l'ensemble de la société, il me semble que ce serait plus efficace.

On parlait d'invisibilité, tantôt, bien ne pas nommer de ministre titulaire de ce portefeuille-là, il me semble que ça contribue à invisibiliser les femmes et à prendre pour acquis que l'égalité est acquise et qu'on n'a plus besoin de lutter de façon spécifique et transversale ou en tout cas avec une tendance à la coercition, si on veut, là, du point de vue du gouvernement. Moi, je crois que ces deux instances-là sont importantes aussi sur le plan symbolique, mais sur le plan de nourrir le mouvement des femmes.

Pour moi, le féminisme, c'est vraiment à la fois un courant de pensée, c'est-à-dire un ensemble de théories et d'analyses, et un travail de militante sur le terrain. Les deux se nourrissent, sont arrimés les uns aux autres, et c'est superimportant de continuer à ce que ce soit comme ça. Le CSF doit continuer à produire des avis qui concernent directement la spécificité de la condition des femmes, et le ministère de la Condition féminine doit s'assurer de la mise en application des politiques qui en découleraient.

Le Président (M. Copeman): Mme Beaudry-Dansereau.

Mme Bertrand-Dansereau (Anaïs): Bertrand.

Le Président (M. Copeman): Bertrand-Dansereau, pardon.

Mme Bertrand-Dansereau (Anaïs): Merci. Sandrine a beaucoup mentionné le fuel et les statistiques mises de l'avant par le courant masculiniste. Je pense que c'est essentiel de produire des statistiques valables. Une des premières choses qu'on nous apprend en sociologie, c'est que les statistiques, on va leur faire dire ce qu'on veut. Les chiffres qu'on cite ici sont souvent américains; aux États-Unis, la recherche est financée par le domaine privé de façon massive.

On parle aussi d'enjeux qui sont politiques, qui sont très chargés, et il faut toujours aller voir d'où est-ce que ces chiffres-là viennent. S'ils disent que 70 % de la population fait quoi que ce soit, c'est quoi, leur échantillon? C'était quoi, leur but de recherche? C'était quoi, leur méthode? En ayant un organe gouvernemental qui produit des statistiques, on peut être sûr qu'elles sont valables. Parce que souvent les médias vont relayer des statistiques que des chercheurs sérieux ont réfutées, qu'ils ont démontré qu'elles n'étaient absolument pas valides, mais qui circulent quand même partout. Ça a été démontré de façon continue par le mouvement des femmes, ça continue de l'être. Alors, dans ce sens-là, c'est essentiel qu'on ait une information solide sur laquelle baser nos actions.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Oui, vous avez raison de ramener cet élément-là, parce qu'effectivement, quand on prend seulement des statistiques puis on ne fait pas une véritable analyse ? bon, on l'appelle ici «différenciée selon les sexes» ? effectivement on va passer complètement à côté des réalités.

Il y a des mémoires qui vont venir même nous rappeler qu'au niveau des chiffres qui sont dernièrement sortis au niveau de la violence conjugale il y a effectivement un élément qui n'a pas été tenu en compte, c'est-à-dire la défense, les gestes de défense contre des gestes de violence qui ont été portés contre des femmes. Et elles ont eu à se défendre, et on met ça de la même façon, on le considère de la même façon: c'était un geste de violence. Donc, il faut effectivement qu'on porte une attention très, très précise.

n (11 h 50) n

On a parlé beaucoup de l'invisibilité des femmes, mais vous avez rappelé aussi que nous avons une visibilité, et la visibilité qu'on nous donne, c'est celle des stéréotypes sexistes, c'est celle de la recrudescence au niveau de la publicité sexiste. C'est vrai, c'est réel. Oui, il fut une période où il n'y en avait plus, on n'en voyait plus: la période des prix du Conseil du statut de la femme, où on sortait les publicités sexistes. Mais, oui, c'est revenu, puis, moi aussi, je le vois, je me dis: Mais comment ça se fait que c'est revenu? Il n'y en avait plus, ils n'avaient plus le droit d'en faire; comment ça se fait? Là, il y a une espèce de confusion. Comment ça se fait qu'on se retrouve à nouveau là? Et je pense que c'est ce que vous appelez un petit peu la période de ressac. Parce qu'effectivement, quand il y a des avancées, on s'arrange toujours pour pour qu'on remette de côté les avancées, pour qu'on retourne à la case départ.

Au niveau des écoles, parce que je pense que c'est... Deux minutes? Ah, mon Dieu! Il me reste juste deux minutes. Au niveau des écoles, c'est un élément important, vous l'avez dit. Mais, pour qu'on puisse se retrouver à ce que justement les enseignants, les enseignantes puissent tenir compte et ne pas reproduire de discrimination systémique au niveau de la formation, est-ce qu'à votre connaissance, au niveau des formations des enseignants, des enseignantes, est-ce qu'on tient compte... Puis le Barreau est venu nous rappeler que c'est un droit, là, on doit le respecter, là. Est-ce qu'on en tient compte? Est-ce qu'on les... Parce que, moi, je me souviens, j'ai fait... j'ai un bac en enseignement, et il n'en était nullement question. Est-ce qu'aujourd'hui, dans les formations, est-ce qu'on tient compte de cet élément-là précis?

Mme Ricci (Sandrine): Non, absolument pas. D'ailleurs, moi, je crois qu'il devrait y avoir un cours ou plusieurs sur la condition des femmes dès le plus jeune âge, en tout cas pour... sur les relations égalitaires, etc. Et, à l'université, c'est évident, le nombre de personnes à qui on parle et qui nous ont dit, particulièrement des jeunes femmes: C'est avec ce cours que j'ai découvert la situation, que j'ai découvert l'ampleur des discriminations faites aux femmes, que j'ai découvert les avancées du mouvement des femmes et le chemin qu'il reste à parcourir.

Il y a des gros problèmes pour trouver les profs, pour trouver les budgets et puis, au-delà de ça, le problème des volontés. Par exemple, à la maîtrise en communications, à l'UQAM, j'ai essayé, moi, de voir comment le cours Recherches féministes et communication pouvait se donner. Il n'est jamais donné. Il apparaît dans la liste des cours qui seraient potentiellement offerts, mais il n'est jamais donné. Et c'est le cas pour bien des cours qui visent la condition des femmes. Et sinon c'est un enseignement qui n'est absolument pas transversal, il est toujours abordé sur la question femmes et société, femmes et cinéma, femmes et cultures, femmes et ci. Il me semble que ça devrait être beaucoup plus souterrain que ça, on devrait aborder toutes ces problématiques-là de façon critique, à plusieurs niveaux.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, c'est tout le temps qui vous est imparti. Alors, Mme Ricci, Mme Bertrand-Dansereau, Mme Guernier, Mme Beaudry, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom du Centre des femmes de l'UQAM.

J'invite maintenant les représentants du Conseil des relations interculturelles de prendre place à la table, et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 53)

 

(Reprise à 11 h 56)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants du Conseil des relations interculturelles. Mme la présidente Rimok, bonjour.

Je vous rappelle simplement nos règles de fonctionnement ? je sais que vous les connaissez, mais quand même: vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange avec les parlementaires, de 20 minutes chaque côté de la table. Je sais qu'avec une importante délégation à quel point il est difficile de respecter le 20 minutes, mais je vais insister là-dessus.

Alors, je vous prierais, Mme Rimok, de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.

Conseil des relations interculturelles (CRI)

Mme Rimok (Patricia): Merci, M. le Président. Alors, bonjour. Je suis très heureuse d'être ici, aujourd'hui, devant la Commission des affaires sociales sur le contrat... Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Et j'ai, à mon extrême gauche, Dana Mitrasca, qui est stagiaire au conseil et qui a été instrumentale dans le développement des recherches au niveau des femmes immigrantes; nous avons, à côté, Mme Flora Marlow, qui est membre du Conseil des relations interculturelles; nous avons Sophie Therrien, qui est agente de recherche et qui a aussi participé à la rédaction et à la recherche de ce document; et nous avons, à mon extrême droite, Louis-René Gagnon, notre secrétaire, qui a aussi participé aux recherches et à la rédaction de notre document. Alors, voilà, pour les présentations.

Alors, le conseil, bon, pour ceux qui ne le connaissent pas ? j'espère que tout le monde le connaît ? le conseil est un organisme-conseil qui avise la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration sur tout aspect touchant l'immigration, l'intégration et les relations interculturelles. Et nous la remercions de nous avoir invités à présenter cet avis.

Après avoir pris connaissance de cet avis, Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les hommes et les femmes, on a trouvé intéressante la réflexion qui a été développée. Cependant, le conseil reste préoccupé par certains aspects de la réalité des femmes, qui, même si elles sont mentionnées dans l'avis, sont trop souvent oubliées au moment de passer à l'action. Ces aspects concernent la situation des femmes immigrantes.

Déjà, à l'automne 2003, le CRI avait organisé une journée d'échange avec des femmes immigrantes, ce qui avait permis aux quelque 60 participantes d'identifier divers aspects de leur réalité qui apparaissaient comme des obstacles à leur pleine participation. Avec le présent avis, nous avons davantage regardé la situation des femmes immigrantes sous l'angle des données statistiques.

Mais, avant d'aller plus loin, commençons tout de suite par une définition: Qu'est-ce qu'une femme immigrante? Pour le recensement et les statistiques qui en découlent, il s'agit d'une femme qui est née à l'extérieur du Canada. Cette définition a deux conséquences: d'une part, elle exclut les femmes appartenant à une minorité, visible ou non, et qui sont nées au Canada, et, d'autre part, elle regroupe sous une même appellation des femmes aux parcours et aux histoires bien distinctes.

Ainsi, Nevana, arrivée de la Bulgarie il y a quatre ans grâce au parrainage de sa fille et de son gendre, a maintenant 65 ans. Elle tient la maison de sa fille et s'occupe de ses deux petits-enfants, pendant que les parents, journalistes de profession, refont des études universitaires tout en travaillant. Elle n'a pas encore réussi à apprendre le français, et le gouvernement du Canada vient de lui annoncer qu'elle aura le droit à quelques dizaines de dollars mensuellement en guise de pension.

Il y aussi Louise, arrivée au milieu des années soixante, à l'âge de sept ans, avec toute sa famille, en provenance du Maroc, qui a fait ses études dans le système protestant et qui, diplômée de McGill, mène maintenant une carrière active de professionnelle sans enfants.

Il y a Maria, arrivée du Portugal dans les années soixante-dix, au début de la trentaine, qui aimerait bien prendre sa retraite de la manufacture où elle travaille depuis 25 ans, mais qui sait qu'elle devra attendre encore quelques années, si elle veut avoir un revenu suffisant.

n (12 heures) n

Il y a Aïcha, 32 ans, mère de deux jeunes enfants, qui était enseignante en Algérie, il y a à peine deux ans, et qui maintenant travaille à temps partiel dans une boutique, car sa formation n'est pas reconnue. Son mari garde les enfants en attendant de se trouver un poste d'ingénieur.

Puis je peux passer sur différents cas de figure. Il y aurait aussi les femmes réfugiées qui subissent d'autres types de problématiques psychosociales quand elles découlent d'un génocide dans des pays d'origine.

Ces femmes, selon la période où elles sont arrivées, l'âge qu'elles avaient au moment de la migration, leur scolarité et leur situation familiale, vivent donc des réalités très contrastées. Malheureusement, les chiffres disponibles ne nous permettent pas de croiser ces données entre elles afin d'obtenir un portrait plus fin. Nous allons donc vous parler des femmes immigrantes comme un tout, même si nous sommes parfaitement conscients qu'elles forment un ensemble multiforme d'une très grande diversité.

Et malheureusement, malgré notre grand intérêt pour cet aspect de la réalité des femmes du Québec, nous ne pourrons parler des femmes québécoises appartenant à une minorité et qui sont nées en sol québécois. En effet, les données sur les origines sont devenues très difficiles à interpréter depuis que l'origine canadienne fait partie d'un choix de réponse. Il faudrait donc un travail de recherche statistique très poussé pour obtenir un portrait de la réalité de ces femmes, travail qui n'est pas à notre portée si nous voulions nous inscrire dans l'échéancier de la commission.

C'est donc avec ces regrets et ces réserves que nous sommes venus commenter l'avis du Conseil du statut de la femme dans la perspective de son impact sur la situation des femmes immigrantes.

Alors, si on regarde l'approche intégrée de l'égalité, globalement, les membres du conseil se sont dits plutôt en accord avec la définition de l'idéal de l'égalité, proposée par le document du Conseil du statut de la femme. Telle que définie, l'approche intégrée de l'égalité semble s'orienter vers la lutte à la discrimination et devrait faciliter une véritable citoyenneté participative de tous et toutes.

Nous avons trouvé particulièrement pertinente la stratégie basée sur les trois leviers d'intervention: spécifique, transversal et sociétal. Ces trois leviers complémentaires identifient bien les différents niveaux où les actions sont possibles et nécessaires. Cependant, à partir du document déposé, il est difficile de mesurer comment l'approche intégrée pour l'égalité va venir transformer les pratiques gouvernementales à l'égard des femmes et en faveur de l'égalité.

Nous nous sommes alors posé trois questions. La première: S'agit-il, dans l'avenir, d'accroître le nombre de partenaires ? les groupes d'hommes ? tout en limitant la croissance de l'enveloppe allouée? S'agit-il de délaisser l'approche spécifique, plus exigeante, au profit d'une approche sociétale dont l'importance est indéniable mais dont les impacts sont plus difficiles à mesurer? Et troisièmement: Ou s'agit-il d'innover afin de trouver de nouveaux mécanismes qui permettront aux femmes en situation vulnérable d'améliorer leur situation et de cheminer, elles aussi, vers davantage d'égalité?

Si ces questions sont apparues, c'est qu'il est actuellement difficile de percevoir comment chacune des approches sera effectivement traduite en mesures et en actions. De même, on ignore comment ces mesures et actions seront coordonnées les unes aux autres pour permettre de corriger effectivement les inégalités et éliminer toute forme de discrimination basée sur le sexe.

Pour les membres du conseil, ces questions sont particulièrement importantes, car, lorsqu'ils se penchent sur les données disponibles, on constate que la situation des femmes immigrantes constitue actuellement une dimension négligée de la condition féminine au Québec. Non pas que l'avis du Conseil du statut de la femme n'en fasse pas mention, au contraire, le texte prend en compte la diversité des réalités des femmes du Québec, y compris la diversité créée par l'immigration. De même, le plan d'action publié par le MRCI, Des valeurs communes, des intérêts partagés, s'est aussi montré sensible aux besoins des femmes immigrantes et a formulé des actions visant à améliorer leur situation. C'est aussi le cas du plan d'action sur la violence conjugale 2001-2009, qui inclut des mesures spécifiques à l'intention des femmes immigrantes. Vous trouverez d'ailleurs en annexe du mémoire les extraits reprenant ces mesures.

Enfin, selon les membres du conseil, les femmes immigrantes et les communautés culturelles constituent un groupe vers lequel beaucoup d'efforts ciblés sont encore nécessaires pour s'assurer de mettre fin à la hiérarchisation des rapports sociaux entre hommes et femmes et pour faire en sorte que le sexe ne soit plus un marqueur des rôles sociaux. L'approche spécifique sera donc prépondérante dans leur cas.

Si vous avez déjà pris connaissance des travaux antérieurs du conseil, vous ne serez pas surpris de nous entendre défendre une approche spécifique dans une telle situation. Nous avons à plusieurs reprises pris position en faveur de mesures ciblées pour favoriser l'accroissement des personnes appartenant aux minorités ethnoculturelles au sein de la fonction publique, par exemple. Ce type de mesures a déjà contribué à favoriser la pénétration et l'avancement des femmes dans divers milieux de travail et devrait maintenant servir à faire de même pour les femmes immigrantes.

Si on regarde les inégalités et les obstacles persistants pour les femmes immigrantes, en se fiant au contrat... enfin au mémoire... pardon, à la synthèse du Nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes, les chiffres utilisés dans cette section proviennent du bureau régional de Montréal du Conseil du statut de la femme, et ils ont été obtenus à partir des données du recensement 2001 de Statistique Canada, et ces données, qui font ressortir divers indicateurs démographiques et socioéconomiques, ont été compilées par la Direction de la population et de la recherche du MRCI.

Ce qu'il faut retenir, au-delà des chiffres mêmes, c'est que, dans pratiquement tous les cas, la situation des femmes immigrantes est moins avantageuse que celle de l'ensemble de la population féminine et moins avantageuse que celle des hommes immigrants. L'écart qui les sépare de chacun de ces deux groupes leur est systématiquement défavorable. Nous avons regardé plus particulièrement les éléments suivants: la connaissance du français, le taux d'activité, le taux de chômage, la scolarité, le revenu; et d'autres indicateurs plus mous mais aussi importants: c'est l'impact du parcours migratoire sur la situation sociale et familiale, et l'accès au marché du travail, et l'accès aux lieux de pouvoir.

Au niveau de la connaissance du français, elles sont 5 % moins nombreuses que les hommes immigrants à connaître le français. Elles forment les deux tiers des personnes ne connaissant ni le français ou l'anglais, et, parmi elles, la moitié ont plus de 65 ans. Elles sont aussi plus nombreuses que les hommes immigrants à ne pas parler l'anglais. Cette situation restreint les chances d'intégration, limite l'accès à des emplois bien rémunérés et peut contribuer à l'isolement des femmes immigrantes.

Si on regarde le taux d'activité, il est inférieur de 6 % à celui de l'ensemble de la population féminine. En comparaison, celui des hommes immigrants est inférieur de 3 % à celui de la population masculine. On constate un écart important entre le taux d'activité des femmes immigrantes et celui de l'ensemble de la population féminine québécoise parmi les groupes d'âge compris entre 15 et 44 ans. Or, il s'agit généralement des périodes de la vie les plus rentables en termes de revenus.

Le taux de chômage. À 12,4 %, leur taux de chômage est également plus élevé de 4,7 % par rapport à la population féminine. Les hommes immigrants ont un écart de 2,3 % par rapport au taux de chômage à la population masculine.

Si on regarde la scolarité, la population des femmes immigrantes présente un profil très polarisé. Ainsi, 18,8 % des immigrantes ont un diplôme universitaire, contre 13,3 % pour les natives, mais 34,8 % ont moins de 11 ans d'études, par rapport à 31,6 % pour la population féminine en général. Les femmes immigrantes sont moins nombreuses que les hommes immigrés à détenir un diplôme universitaire et plus nombreuses à n'avoir qu'un niveau de scolarité inférieur au certificat d'études secondaires. Si on regarde ça en image, ça fait un U: vous avez, d'un côté, des femmes qui sont hyperscolarisées puis, de l'autre bord, très mal scolarisées, et, entre ces deux-là, il faut trouver des mesures.

Le revenu. Évidemment, à partir de ces données, on ne se surprendra pas que le revenu moyen des femmes immigrantes soit inférieur de 7 % à celui des femmes en général, et correspond à seulement 63 % de celui des hommes immigrés.

Je m'excuse pour tous ces chiffres, mais c'est important de montrer l'écart à tous les niveaux.

L'impact du parcours migratoire sur la situation sociale et familiale. Pour les femmes, l'immigration entraîne une coupure parfois radicale par rapport à l'environnement dans lequel elles ont grandi. Les relations avec les autres ? conjoint, enfants, famille élargie, le voisinage, le réseau social ? et la nature de ces relations se transforment et peuvent conduire à des périodes d'isolement. Elles sont alors plus vulnérables si des situations de violence conjugale s'installent dans leur foyer. Les adolescentes immigrantes aux prises avec une grossesse précoce risquent davantage de souffrir d'un manque d'information et d'isolement, ce qui peut réduire leurs possibilités d'exercer leur choix en pleine connaissance de cause.

n (12 h 10) n

À cause de la difficile situation économique qui prévaut dans certaines régions du monde, comme l'Europe de l'Est et l'Asie plus particulièrement, des jeunes femmes sont susceptibles de devenir la proie de réseaux de crime organisé qui promettent de leur procurer du travail mais qui les font entrer illégalement au Canada et les obligent ensuite à se prostituer. Les femmes immigrantes de tous âges peuvent aussi avoir été victimes ou se trouver menacées de mutilation génitale féminine, ce qui constitue un risque pour leur santé ainsi qu'une atteinte à leur dignité.

Quand on regarde l'accès au marché du travail et accès aux lieux de pouvoir, confrontées au défi de l'embauche sur le marché du travail, les femmes immigrantes ainsi que celles appartenant à une minorité visible sont doublement discriminées par le sexe et leur origine ethnique. Selon plusieurs études, le taux de chômage des minorités visibles possédant un diplôme universitaire est de 19,2 % plus élevé que la moyenne de la population. Enfin, on doit aussi constater que les femmes immigrantes sont pratiquement absentes des lieux de pouvoir. À cet égard, dans son avis de 2002, le CRI a recommandé qu'un budget soit réservé pour favoriser la participation des femmes immigrantes et des minorités visibles dans le programme À égalité pour décider. Trois ans plus tard, cette recommandation garde toute son actualité.

En conclusion, Mmes et MM. les membres de la commission, le CRI vous remercie de lui avoir permis de venir présenter ses réflexions sur l'avis du Conseil du statut de la femme Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les hommes et les femmes. Comme vous pouvez le constater, les femmes du Québec n'ont pas toutes cheminé au même rythme sur le chemin souvent cahoteux de l'égalité. Les femmes immigrantes sont confrontées, encore aujourd'hui, à divers obstacles liés à la fois à leur situation d'immigrante et à leur condition de femme, qui créent un double effet discriminatoire.

Nous nous sommes donc posé la question suivante: Dans quelle mesure l'approche intégrée pour l'égalité permettra-t-elle de s'attaquer efficacement aux obstacles qui empêchent les femmes immigrantes d'avoir accès à la pleine égalité? Évidemment, à cette étape de la réflexion, il est difficile de répondre à cette question. Nous tenions toutefois à la soulever afin qu'elle accompagne la poursuite des travaux visant à mettre en place un nouveau contrat social entre les hommes et les femmes.

Nous souhaitons, en terminant, vous faire part de quelques recommandations qui à notre avis pourraient contribuer à faire tomber les obstacles à l'égalité qui nuisent à l'épanouissement des femmes immigrantes. Ces recommandations visent aussi à favoriser une véritable égalité entre hommes et femmes, entre personnes immigrantes et non immigrantes.

Dans son récent plan d'action intitulé Des valeurs partagées, des intérêts communs, le MRCI a regroupé l'ensemble des mesures visant spécifiquement les femmes immigrantes. Nous recommandons que le Conseil du statut de la femme et le MRCI travaillent de concert pour s'assurer que ces mesures, qui portent notamment sur la francisation, soient effectivement mises en oeuvre et produisent les effets attendus.

Pour assurer l'ancrage de l'égalité entre les femmes et les hommes au sein du gouvernement, le Conseil du statut de la femme prévoit utiliser l'approche intégrée de l'égalité, dont les statistiques sont ventilées par sexes. Le CRI recommande que l'approche intégrée de l'égalité soit ventilée non seulement par sexes, mais aussi par groupes ethniques, par religions et par âges, pour donner une vision d'ensemble du concept d'égalité. En fait, la ventilation devrait se faire en tenant compte de tous les motifs de discrimination interdits par la charte. Cette ventilation permettrait éventuellement de mieux identifier les inégalités créées par l'appartenance à un groupe pouvant souffrir de discrimination, tant chez les femmes que chez les hommes.

Le Conseil du statut de la femme prévoit, dans sa deuxième orientation stratégique, promouvoir l'égalité économique entre les femmes et les hommes et corriger les inégalités qui persistent dans le contexte d'une économie ouverte et mondialisée. Le CRI recommande que les trois axes de cette orientation soient mis en oeuvre en tenant compte de la double discrimination que vivent les femmes immigrantes, à la fois en tant que femmes et en tant que personnes immigrantes, et en mettant sur pied des mesures visant à combattre directement cette situation.

Ainsi, au niveau de l'intégration au marché du travail, des efforts doivent être investis afin que les femmes immigrantes aient davantage recours aux diverses mesures existantes ? notamment l'accès aux ordres professionnels, les stages, et j'en passe ? car ces mesures semblent sous-utilisées actuellement par ces femmes.

Le CRI recommande que les intervenants dans le domaine de l'emploi, dans le domaine social et dans le domaine de la santé soient adéquatement formés afin de mieux comprendre la réalité spécifique vécue par les femmes immigrantes et d'être en mesure de mieux répondre à leurs besoins. Au besoin, des mesures spécifiques doivent pouvoir être mises sur pied afin d'assurer aux femmes immigrantes un accès équitable à l'ensemble des services offerts, notamment en garderie, protection de la jeunesse.

Dans le cadre de l'orientation stratégique 5, qui vise à éliminer le taux de violences et atteintes à la dignité subies en raison du sexe, le CRI recommande de s'assurer que les femmes immigrantes reçoivent des informations sur leurs droits et sur les lois qui les protègent, dès leur arrivée au Québec, et ce, en tentant de pallier le plus possible aux lacunes linguistiques pour combattre la violence conjugale et l'isolement de ces femmes. À cet égard, les cours de francisation constituent une plateforme particulièrement efficace.

Il recommande de rétablir les activités de prévention de violence familiale que le ministère des Services sociaux et de Santé réalisait dans le cadre des cours de francisation et qui ont été abolies en 2004; de s'assurer que les mesures prévues dans le cadre du Plan d'action gouvernemental 2004-2009 en matière de violence conjugale, visant l'adaptation aux réalités particulières, soient effectivement mises en oeuvre; de mettre en place des mesures de soutien dans la langue comprise par les femmes immigrantes qui ont vécu des situations de violence conjugale, et ce, dans un environnement de confiance; que les intervenants en santé et en services sociaux accordent une attention particulière aux adolescentes immigrantes vivant une grossesse précoce afin qu'elles aient accès aux informations et aux services leur permettant d'exercer leur choix en pleine connaissance de cause; que le gouvernement du Canada et du Québec et tous les organismes concernés accordent une attention plus soutenue au problème du trafic des femmes qui entrent au Québec clandestinement ou comme danseuses exotiques; que les femmes ayant subi des mutilations génitales reçoivent des soins de santé et des services sociaux appropriés à leurs besoins, et que des mesures d'éducation, de sensibilisation et de suivi soient mises en place pour prévenir que de telles pratiques soient effectuées sur des fillettes nées au Québec.

Enfin, le CRI recommande que des études soient effectuées afin de mieux connaître la situation des femmes nées au Québec et déclarant une origine autre que canadienne-française ou britannique afin de pouvoir s'assurer que les grandes avancées des Québécoises au cours des trois dernières décennies soient également une réalité pour ces femmes. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, Mme la présidente. Alors, Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

Mme Courchesne: Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames, monsieur, sincèrement, félicitations. Votre présentation est très fouillée, recherchée. Au contraire, les statistiques ne nous ont pas ennuyées, bien au contraire. Je pense que c'est une des premières fois à ma connaissance qu'en si peu de temps... On en convient, 20 minutes, ce n'est pas très long, mais vous avez su, à travers un merveilleux esprit de synthèse, nous dresser un très, très bon portrait de la situation des femmes immigrantes au Québec. Et ça, on ne l'a pas beaucoup fait et on ne le fait pas suffisamment, ce n'est pas suffisamment connu, et, vous le dites vous-mêmes, vous le faites à partir de données qui sont parcellaires, qui sont difficiles à colliger.

Vous avez mentionné les difficultés au niveau des statistiques, et effectivement combien de fois... Et ça peut être un beau problème ou ça peut être une difficulté, mais je sais très, très bien que de plus en plus de femmes et d'hommes, mais de Québécois, Québécoises d'origines diverses, pour fins de statistiques, refusent d'identifier leur origine et s'affichent très correctement comme Québécois, Québécoises ou Canadiens, Canadiennes. Ça démontre un aspect positif de la situation, c'est que l'intégration dans leur cas est plus que réussie et puis bravo. Mais, effectivement, pour des fins de statistiques, ça complique la situation très certainement pour donner ce portrait juste.

Cela dit, je pense que vous avez su, aujourd'hui, mettre l'accent sur les principales difficultés que rencontrent ces femmes immigrantes.

n (12 h 20) n

Depuis presque deux ans maintenant que j'aborde... Parce que vous m'interpellez avec deux chapeaux, ce matin, et vous savez, je crois ? on a pu souvent échanger là-dessus ? la préoccupation que j'ai pour rejoindre ces femmes immigrantes, celles dont vous parlez, celles qui ont de la difficulté à même se déplacer pour suivre les cours de français, celles qui ont moins accès au travail, celles qui, pour toutes sortes de raisons, vivent cette violence, vivent cette double discrimination comme telle. Et je pose toujours la même question, parce que, dans la politique, vous, vous dites: Vous devriez avoir des mesures spécifiques pour les femmes immigrantes. Et là, évidemment, cet après-midi, nous allons rencontrer les femmes handicapées, nous pourrions rencontrer les femmes aînées, la semaine dernière nous avons rencontré les femmes lesbiennes.

Donc, ce que ça questionne, c'est la structure d'une éventuelle politique, où là est-ce qu'on aborde sous un chapeau plus global et ensuite sectoriellement, dans chacun des ministères, nous allons nous occuper de ces femmes plus vulnérables, clairement identifiées? Ça, c'est une des questions. Et, quand vous nous dites: Il faut effectivement parler de ces mesures... identifier ces mesures spécifiques pour les femmes immigrantes, bien oui, parce qu'on arrive difficilement à les rejoindre, malgré des mesures identifiées dans un plan d'action.

Alors, ma question sera double: Quelles seraient ces mesures spécifiques pour les femmes immigrantes? Par où commence-t-on? Je comprends qu'on puisse dire: De la sensibilisation, de l'information. Je sais que, dans le ministère de l'Immigration, on met beaucoup, beaucoup l'emphase et l'accent là-dessus. Personnellement, je trouve ça parfois frustrant, parce qu'on a beau sensibiliser et informer, mais ça ne donne pas les... tu sais, on voudrait que les résultats soient beaucoup plus rapides, beaucoup plus concrets. Je crois qu'il y a une limite à ça.

Donc, comment faisons-nous pour aller plus loin? Donc, quelles sont ces mesures spécifiques? Par où commence-t-on? Quelles sont les prioritaires? Quelles sont les... Qui? Avec qui travaille-t-on? Et comment faisons-nous pour briser cet isolement?

Mme Rimok (Patricia): Il y a quelques éléments de réponse parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a une partie des statistiques que nous n'avons pas. Ce qui est évident, c'est que nous savons combien de femmes immigrantes résident au Québec. Donc, on a une idée du chiffre. Mais on n'a pas une idée du chiffre de la deuxième génération, où les parcours de femmes sont nés ici, et... ou le niveau d'intégration qu'elles peuvent avoir. Donc, on n'est pas sûr des problématiques qu'elles pourraient avoir ou pas. On n'est pas sûr jusqu'à quel point elles ne sont déjà pas assez intégrées dans un contrat qui vise l'égalité. Si elles sont là depuis 30 ans ou 40 ans, elles n'ont définitivement pas... on soupçonne qu'elles n'ont pas, définitivement, les mêmes problématiques que quelqu'un qui vient d'arriver. Et on soupçonne aussi que les écarts tombent. Si elles sont là de zéro à cinq ans, quand elles arrivent, ce n'est pas la même chose. L'écart tombe quand on est là depuis 30 ans ou quand on est né ici.

Donc, ce qui est difficile à percevoir, au-delà des statistiques qui démontrent... la statistique socioéconomique et dont on soupçonne l'impact migratoire, puisque ça, cette partie-là, c'est plus mou, la première chose à faire, c'est de peaufiner cette étude pour y rajouter l'origine, l'âge et tous les éléments qui viennent s'intégrer dans la Charte des droits. C'est la première étape qu'il faudrait d'abord faire pour pouvoir savoir exactement de qui on parle et quelles seraient vraiment les problématiques qu'elles ont.

Quand je parle, par exemple, de mutilations génitales, on soupçonne de quel bassin ça pourrait venir, mais on ne sait pas combien de personnes sont touchées par cette dynamique-là. Et, pour ce faire, ça prendrait des études à l'intérieur même de ces communautés-là. Et vous comprendrez que ce n'est pas nécessairement évident, parce que, pour plusieurs, c'est un phénomène pour lequel elles ne veulent pas discuter. Sauf que c'est quelque chose qui revient souvent dans les propos de différents leaders qui se préoccupent de ça.

Donc, première chose, c'est de s'assurer que les statistiques prennent en compte ces paramètres que nous ne retrouvons pas dans le recensement. Et, pour ce faire, il faut aller dans les différentes communautés et faire vraiment un échantillonnage plus profond, en sondage, et puis faire des questions précises sur cette dynamique. Bon. Ça, ce serait la première étape pour savoir exactement de qui on parle.

Par rapport à ces études-là, ça nous permettrait de savoir où orienter nos efforts. Est-ce que ce sera un effort qui serait une approche intégrée à tout moment, ou est-ce que ce seraient des efforts multiples, c'est-à-dire des efforts qui seraient à la fois spécifiques et à la fois transversaux, dépendamment des secteurs qui sont touchés? Et éventuellement de faire ressortir ça au niveau sociétal. Ce n'est pas clair parce que déjà on n'est pas sûr du nombre de personnes qui sont atteintes par cette situation.

Mme Courchesne: Je comprends vos propos, mais il n'en demeure pas moins que, dans votre document et dans votre présentation, vous avez quand même bien identifié des secteurs où il y a des difficultés, ne serait-ce que la francisation, par exemple.

Vous savez que nous sommes justement en train de déployer des cours de français adaptés et spécifiques pour les femmes immigrantes, particulièrement celles que l'on dit isolées, c'est-à-dire celles qui ont même beaucoup de difficultés à se rendre dans les lieux de francisation, et on essaie donc d'adapter ces cours de francisation pour elles et s'adresser à elles. On essaie de travailler avec des organismes communautaires qui ont peut-être des accès plus sécurisants, qui vont inciter ces femmes à se rendre à ces cours de français. Mais on va toucher une portion très minime de l'ensemble de ces femmes.

Je vais prendre l'exemple du comté de Laurier-Dorion, de ma collègue députée qui est ici présente. Et c'est évident, quand on se rend sur place, dans les maisons, on voit bien qu'elles sont très, très, très nombreuses. Et à chaque porte on se demande comment faire pour vraiment s'assurer qu'elles vont être non seulement motivées, pouvoir avoir le droit... se déplacer pour... Et honnêtement on aura beau avoir toutes les meilleures mesures écrites dans n'importe quel document, que ce soit celui du Secrétariat à la condition féminine, celui de l'Immigration ou de n'importe quel autre, on sent qu'il y a des difficultés par rapport à ça.

Donc, ma question, c'est: Est-ce que vous avez des moyens ou des solutions qui soient plus efficaces? La sensibilisation, l'information, oui, je veux bien parler des droits, je veux bien, on le fait quand elles arrivent, mais... Mme Marlow, j'aimerais peut-être vous entendre à ce sujet-là.

Mme Marlow Almeida (Flora): Je m'appelle Flora Marlow, et j'ai venue ici, au Canada, dans l'année 1989. C'est quelques ans que je suis ici. Quand j'ai venu ici, je ne parlais pas un mot de français et j'ai pris le temps de comprendre les gens ici et connaître la langue. Mais Mme Michelle Courchesne a une très bonne question: Comment on peut aider les immigrants? Parce qu'on est... beaucoup les lois, beaucoup les choses, mais qu'est-ce qu'on va faire?

Mais la première chose, ce n'est pas les femmes qui est... Avec la violence conjugale, il y a beaucoup les bureaux qui aident les femmes. Mais combien de femmes de l'Inde qui est battue dans la maison va entrer là? Personne. Personne ne va entrer. Il y a plein de bureaux, il y a plein de places pour aider les gens, mais il n'y aucun... aucune femme ne va entrer dans la place pour donner l'information. On doit changer un peu.

La première chose, c'est la confidentialité. Et on peut aussi aider les gens avec... aller à la maison pour demander les questions. Mais normalement ce n'est pas à la femme indienne avec une autre femme qui est battue, une autre Indienne. C'est la personne qui est... une autre communauté. Ce n'est pas le même parce que c'est la même personne dans le même pays, l'origine. C'est le... Je ne connais pas le mot en français, le «gossip». C'est la personne va dire... toute la famille, c'est toute la communauté indienne va connaître qu'est-ce qui se passe dans la famille, dans la...

On a besoin, par exemple, s'il y a une femme, une Indienne qui est battue à la maison, on a besoin un Grec ou un Égyptien de venir faire confiance avec... On a toujours besoin quelqu'un d'autre. Ça, ça commence, parce qu'on connaît que... elle n'aie pas les mêmes amis. Parce que, si on a les mêmes amis, c'est le problème, le «gossip» continue. Ça, c'est le problème de violence.

n (12 h 30) n

Une autre chose, c'est l'isolation pour les femmes immigrantes. Beaucoup les femmes viennent ici avec les enfants. Elles investissent beaucoup le temps pour les enfants et elles donnent toutes les énergies pour les enfants. Quand les enfants, ils n'ont pas grandi, le temps de 30 ans est déjà fini et, quand elles veulent commencer quelque chose, par exemple, une business ou... c'est tous les programmes... tu dois rester moins de 30 ans.

Par exemple, moi, j'ai commencé de faire du documentaire, je voudrais faire... Parce que, quand je vois quelque chose, j'aime faire le documentaire, mais j'ai demandé l'aide pour finir mon documentaire, mais le programme de français, je ne suis pas capable d'entrer avec le français ni l'anglais. Et j'ai déjà passé le 30 ans et je ne suis pas... dans lequel... d'entrer... de quelles portes. Toutes les portes sont fermées. Je ne suis pas anglais, ni français, ni moins de 30 ans. Je suis 39 ans. Et c'est comme ça. C'est quand on est immigrant... pour les femmes qui ouvrent les yeux pour commencer quelque chose, c'est trop tard. C'est 30 ans, on est fini. On a besoin des programmes qui aident les personnes qui veulent commencer quelque chose. L'âge n'est pas toujours suffisant. Par exemple, quand elle finit avec les enfants et occupée avec la famille, le 30 ans est fini, et on a besoin plus de temps pour commencer la business ou quelque chose, pour aider les femmes immigrantes.

Une autre chose, pour les études. On a besoin de comprendre que tous les immigrants doivent apprendre le français, et le français, ce n'est pas difficile. Mais on doit donner aux personnes des chances parce que notre français n'est pas à 100 pourcentage... Quelquefois, on doit donner la personne d'exprimer quelques mots dans une autre langue aussi, et n'est pas 100 pourcentage parce que... Je suis contente que je parle français, mais ce n'est pas normal, ce n'est pas 100 pourcentage. Mais on doit donner les chances parce que, si on veut travailler pour le gouvernement ou quelque chose, on n'a jamais fini l'examen, on n'a jamais passé l'examen.

Je connais un de mes amis, mes amis qui... des belles filles, 27 ans. Elle a étudié ici, au Québec, elle est immigrante. Elle connaît anglais, français bien. Elle est comme un maître de cérémonie pour toute notre soirée, mais elle n'a pas fini son examen. Tout le monde a dit qu'elle n'est pas capable d'écrire bien en français. Elle est le meilleur talent de notre communauté. Elle est passée à Toronto. À Toronto, c'est une autre... compagnie de Québec à choisir elle. Mais on a perdu tout notre talent pour Toronto parce que notre français n'est pas 100 pourcentage. Mais c'est meilleur que rien, on commence, mais on doit donner la chance pour les immigrants.

Le Président (M. Copeman): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Merci pour le témoignage qui rejoint effectivement ce qu'on rencontre sur le terrain. Mais, si on revient...

Le Président (M. Copeman): Pardon, Mme la ministre. Ça nous prend évidemment le consentement pour dépasser 12 h 30. Je présume qu'il y a consentement. Excusez-moi. Allez-y.

Mme Courchesne: Si on revient, par exemple, à l'exemple que vous donnez pour la violence, vous dites ? puis je comprends très bien ? qu'il faudrait que ce soient des personnes d'une autre origine qui viennent sensibiliser les femmes battues... violentées, plutôt, à dénoncer cette violence-là et à se... Bon. Mais est-ce qu'on peut dire que, par exemple, dans certaines communautés où les femmes sont très présentes à la maison avec les enfants, suivent beaucoup, beaucoup, beaucoup la fréquentation scolaire de leurs enfants, et tout ça, est-ce que l'école peut être un moyen où on va sensibiliser les femmes? Parce que les femmes souvent vont dans ces écoles pour participer aux activités de leurs enfants. Est-ce que ça, ça pourrait être une bonne porte d'entrée pour mieux sensibiliser ces femmes? Parce qu'honnêtement, souvent, ces femmes ne répondent pas aux portes. La façon de les rejoindre, si elles restent à la maison, parfois vont à l'école... Mais nulle part ailleurs, quelques activités que les communautés aient encore, ce n'est pas l'endroit pour faire ce genre de sensibilisation là. Les églises, les temples, les mosquées non plus ne sont pas les endroits. Donc, est-ce qu'une des façons pourrait être à travers les écoles?

Mme Marlow Almeida (Flora): Mais oui, pourquoi pas? Parce qu'on doit donner la chance pour les femmes d'ouvrir leurs yeux. S'il y a une porte, on doit donner la chance pour regarder. Ça, c'est une très bonne idée.

Mme Courchesne: Oui? Vous verriez ça de cette façon-là?

Le Président (M. Copeman): Mme Rimok, oui.

Mme Rimok (Patricia): Oui. Ce qui est intéressant, c'est qu'actuellement le ministère de l'Éducation se penche justement là-dessus et a fait des tables rondes autour de ces questions-là sur la prise en compte en fait des différents services et besoins que la diversité avait dans les différentes écoles. Ce qu'on remarque, c'est que, dans les écoles qui sont dans des secteurs qui sont défavorisés, le travail de l'école fait en sorte que les mères ou les parents n'ont pas nécessairement un très grand lien étroit avec l'école, et l'enfant sert en fait de liaison entre l'institution, puis la société, puis la façon dont les parents ou la mère socialisent avec l'extérieur. Donc, dans les côtés défavorisés, c'est une excellente façon de fonctionner et d'assurer que, dans ces écoles-là plus particulièrement, puis on peut les retrouver dans Parc-Extension, dans Côte-des-Neiges, dans Montréal-Nord et... Ça, ce serait vraiment une piste qui pourrait être développée et qui est déjà en amorce au niveau du ministère de l'Éducation.

Le Président (M. Copeman): Merci. Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci infiniment pour votre mémoire, votre présence, votre présentation, parce que c'est extrêmement important qu'on puisse vous entendre. D'ailleurs, je suis parfaitement d'accord avec la ministre, le portrait statistique, c'était important de le faire, même si c'est incomplet, parce qu'il faut... Pour arriver à apporter des solutions, ça part toujours de la connaissance des faits. Alors, vous nous permettez et vous permettez à la population en général parce que... Je l'ai dit au début, je souhaite beaucoup que cette commission-là soit extrêmement éducative aussi pour celles et ceux qui nous écoutent. Alors, merci d'apporter cette dimension.

Et on voit bien par les différents chiffres, il y a la discrimination systémique faite aux femmes, et les femmes immigrantes la vivent, mais elles vivent une double discrimination, donc une discrimination qui s'ajoute à cause de leurs réalités différentes et leurs besoins différents. Et j'oserais dire que le portrait pourrait aussi être variable dépendamment de l'origine aussi. C'est sûrement différent qu'on soit d'origine indienne ou qu'on soit d'origine grecque ou italienne, il y a aussi des différences, j'en suis persuadée.

Vous proposez, vous ramenez l'importance des mesures ciblées, effectivement, puis c'est vrai au niveau des discriminations faites aux femmes, et c'est doublement vrai lorsqu'il y a double discrimination, et parfois multiples discriminations, triple discrimination. Je me souviens d'avoir rencontré un groupe, à Montréal, de femmes immigrantes handicapées, donc il y avait à ce moment-là triple discrimination. Et j'ose dire que le cumul peut apporter une discrimination supplémentaire, parce que ce n'est pas simplement de dire: Parce que je suis discriminée à trois titres... Il y a des effets encore plus grands, là. Ce n'est pas seulement les trois, là, c'est beaucoup plus complexe, ça devient extrêmement difficile.

n (12 h 40) n

Vous allez voir qu'on va trouver des points communs pour une fois avec la ministre. Et je suis parfaitement d'accord que la vraie question, la grande question, c'est toujours, puis elle est vraie aussi au niveau des femmes, c'est: Comment les informer puis comment les rejoindre? Et, dans votre cas, c'est encore plus difficile. Toute la question de la langue, et vous en avez parlé, la question de l'éducation qui a été différente, la question souvent de la sphère privée par rapport à la sphère publique. Du côté de la violence conjugale, au Québec, au départ, ce qui a été difficile, c'est de dire: Ce n'est pas seulement un acte individuel, ça ne doit pas rester dans la sphère privée, il faut l'amener sur la sphère publique si on veut pouvoir apporter correction. Et ça varie beaucoup d'une région à l'autre. Il y a des régions où c'est beaucoup plus réfractaire par rapport à ça, compte tenu de l'histoire. Alors, c'est sûr que cette différence-là, elle existe. Donc, la vraie question, c'est toujours: Comment les informer, comment les rejoindre?

Du côté du problème majeur, inacceptable, de toute la question des mutilations génitales, vous en parlez, et, l'an dernier, nous avons sensibilisé les parlementaires, et il y a eu une... Quand je suis allée à l'étude des crédits avec le ministre de la Santé et des Services sociaux, j'ai demandé un plan d'action pour contrer les violences... les mutilations génitales, et le ministre s'était engagé formellement à déposer un plan d'action. Il nous parlait d'à peu près une période de un an. Alors, l'étude des crédits était au printemps, donc on en profite pour rappeler au ministre de la Santé et des Services sociaux que l'échéancier approche, et la prochaine étude des crédits aussi. Donc, ce plan d'action là... Et il avait reconnu l'urgence d'agir.

Par contre, je découvre dans votre mémoire que vous demandez de rétablir les activités de prévention de la violence familiale que le ministère de la Santé et des Services sociaux réalisait dans le cadre des cours de francisation puis qui ont été abolis en 2004. Alors, quelque chose qui était déjà là n'est plus là. Alors, moi, je voudrais vous entendre sur ces activités-là, sur ces cours qui ont été abolis en 2004.

Mme Therrien (Sophie): C'est une information qui provient de nos membres. Au moment où on leur a présenté le mémoire, il y a deux de nos membres qui travaillent dans des organismes de services auprès des personnes immigrantes qui nous ont dit qu'un des aspects de la question qu'ils déploraient, c'était le fait que des activités d'information et de sensibilisation qui prenaient leur place à l'intérieur des cours de francisation avaient été abolies par le ministère de la Santé et des Services sociaux au moment où il avait dû y avoir des coupures des transferts de fonds vers les hôpitaux. Et eux considéraient que cette première information là, qui rejoignait, on s'entend, seulement les femmes qui avaient accès aux cours de français, était à tout le moins un début de sensibilisation, un message clair envoyé, comme sur le niveau de tolérance de la société québécoise à l'égard de la violence, sur les ressources existantes, sur les recours auxquels les femmes pouvaient avoir accès. Alors, eux trouvaient ça excessivement dommage que ces mesures-là aient disparu. Je crois qu'ils ont déjà fait des représentations, au niveau des organismes, auprès du ministère de la Santé et des Services sociaux pour démontrer à quel point ça limitait finalement la capacité de rejoindre des femmes qui déjà ne sont pas faciles à rejoindre, qui sont en processus de francisation, souvent dans les premiers mois, les premières années de leur arrivée ici.

Donc, on a tenu à le mettre, à leur demande, dans nos recommandations parce qu'effectivement ça nous semblait, alors que le gouvernement vient d'adopter un plan d'action pour lutter contre la violence conjugale... On disait: Bien, il ne faut pas enlever à une place ce qu'on faisait à l'autre et qui rejoignait déjà cette clientèle-là. Donc, c'est pour ça que vous avez cette recommandation-là.

Mme Caron: Je vous remercie. Oui, je voulais un peu plus d'information, parce qu'effectivement la porte de l'éducation et des écoles, c'est une porte intéressante. Mais il y avait déjà cette porte-là, là, au niveau des cours de francisation.

J'ai lu aussi, je ne sais pas si vous l'avez ramené tantôt, mais j'avais lu dans un mémoire que parfois, au niveau du délai qu'on donne aux femmes pour assister aux cours de francisation, ça pose effectivement problème, un peu comme dans l'exemple que vous donnez, la limite du 30 ans, mais que, si elles ne vont pas aux cours de francisation dans un temps assez court quand même ? bien, cinq ans, hein, c'est ça, je n'osais pas dire le chiffre parce que, quand je ne suis pas sûre de mon chiffre, je ne veux pas le dire, c'est ça, c'est cinq ans ? bien elles ne peuvent pas y avoir accès. Et je pense qu'il faudrait, à ce moment-là, qu'on tienne compte de ce besoin particulier, de cette réalité-là que vous avez présentée, que parfois ça peut être plus long, compte tenu de toutes sortes de raisons, et qui... La porte des cours de francisation est une porte importante qu'il faudrait effectivement, là, utiliser au maximum.

J'avais mis aussi une petite question... Je veux laisser du temps à ma collègue, alors on me rappelle à l'ordre de temps en temps. Bon. D'accord, je vais laisser passer ma collègue, puis je vais revenir après s'il reste du temps.

Le Président (M. Copeman): Alors, je devine que la députée de Laurier-Dorion souhaite intervenir.

Mme Lefebvre: Oui, merci. Merci pour votre présentation qui ajoute une touche qu'on avait un peu moins parlé depuis le début de nos travaux. Il y a trois points que je trouve particulièrement intéressants, notamment sur le fait de la définition même de «femme immigrante». Je pense que c'est quelque chose de révélateur, puis on comprend bien derrière ça, dans le fond, l'importance de pouvoir dresser un portrait global. Puis, même si une femme est née, ou pas, ici, dans le fond, si elle subit la même discrimination de par son statut de femme immigrante, en tout cas une immigration plus ou moins récente, ce serait important de pouvoir l'analyser. Je pense que la ministre en a pris bonne note face à la ventilation des données, que ce soit par le sexe, âge, origine, puis même... Bien, c'est ça, c'est important aussi, comme le mentionnait ma collègue, chaque communauté vit souvent des problématiques différentes, puis que ce soit... puis vous avez mentionné aussi d'ajouter l'aspect de la religion parce qu'il y a plusieurs choses qui sont liées à la religion dans certaines communautés. Bref, c'est un point intéressant que vous soulevez.

Également, il y a la trame de fond, puis, depuis plusieurs semaines, je rencontre évidemment, dans ma circonscription, différentes personnes issues de l'immigration, puis le point vraiment marquant qui dans le fond sous-tend la plupart des problématiques auxquelles font face les personnes immigrantes, c'est la francisation puis l'information qui s'y rattache. Parce que, si on parle de taux de chômage élevé, en fait, souvent, et vous l'avez mentionné très bien, la non-maîtrise du français fait en sorte que certaines portes se referment, puis il est difficile d'intégrer le marché de l'emploi, ce qui fait en sorte qu'il y a une précarisation. Ici, on parle de personnes immigrantes, qu'elles soient hommes ou femmes, mais, comme l'a mentionné ma collègue, dans le cas des femmes, c'est souvent... s'ajoutent à ça d'autres discriminations. Mais que ce soit...

Puis vous parlez de campagne d'information concernant la violence faite aux femmes, quand on parle de l'isolement, des ressources qui existent de la part du gouvernement, la non-maîtrise du français dans le fond ? je ne le sais pas, vous en avez parlé, j'aimerais ça que vous en parliez davantage ? semble être, disons, le coeur... Dans le fond, l'aspect important qui pourrait pas solutionner entièrement mais, disons, contribuer fortement à la résolution de certains aspects, notamment par la diffusion de l'information qui pourrait être faite aux différents groupes... Je ne le sais pas, j'aimerais ça vous entendre davantage sur la francisation.

Puis, dans un deuxième temps, la ministre vous a questionnés à cet égard-là: Puisque vous vivez une double discrimination, si je puis dire, ce serait quoi, la meilleure façon pour intégrer les problématiques que vous vivez? Vous avez le Conseil des relations interculturelles, il y a le Conseil du statut de la femme, vous êtes un peu entre deux. Ce serait quoi, la meilleure voie à privilégier?

Mme Rimok (Patricia): Si on parle de francisation pure et on parle particulièrement des femmes, ce serait intéressant d'avoir peut-être un mandat partagé entre le Conseil du statut et puis le Conseil des relations interculturelles pour identifier la double discrimination. Je veux dire, le conseil, lui, peut aller faire un «outreach» au niveau de ces différentes communautés par les réseaux qu'il a. La condition féminine en tant que telle, vers un contrat social au niveau de l'égalité, est quelque chose que le conseil ne traite pas parce que ça vient de la condition féminine. On n'en est pas là, on en est à des systèmes d'intégration. Mais, en termes d'intégration, effectivement cette double discrimination se ressent quand on doit parler français, quand on doit chercher de l'emploi et quand on ne connaît pas nécessairement ses droits. Donc, une des pistes, ce serait peut-être de voir entre ces deux conseils une possibilité de «outreach» au niveau du conseil, et puis d'avoir peut-être des fascicules, ou enfin des outils qui vont permettre de faire ce «outreach» auprès de ces communautés-là.

n (12 h 50) n

Et on peut même... on soupçonne même... c'est-à-dire que la plupart des éléments, des indicateurs qu'on a soulevés, ce serait une démarche systématique qui pourrait se faire quand on fait une évaluation d'un territoire ou d'un groupe. Par exemple, dans Parc-Extension, on peut regarder l'ensemble de la condition féminine, mais, à l'intérieur de Parc-Extension, il faudra aussi regarder les problèmes de pauvreté, les problèmes de... des problèmes d'emploi et des problèmes de sous-emploi. Et ça, ce sont différents éléments qui viennent aussi changer un peu la dynamique de la façon dont on va faire ces programmes de «outreach».

Le Président (M. Copeman): Ça va?

Mme Lefebvre: Oui, ça va. Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Vous avez mentionné, dans votre mémoire, un élément extrêmement important sur lequel nous avions travaillé, et ça me permet de voir si, directement sur le terrain, ça se rend. En page 32 du mémoire, vous parlez d'«une autre catégorie des femmes défavorisées et discriminées sur le marché du travail sont les travailleuses temporaires qui sont employées comme domestiques pour un salaire peu élevé et qui se trouvent dans l'impossibilité d'habiter ailleurs que chez l'employeur. Souvent, elles ne connaissent ni le français ni l'anglais. [Puis] cette catégorie d'immigrantes est susceptible d'être victime de toutes sortes d'abus.»

Lorsque nous avions travaillé sur la réforme des normes du travail, le travail a duré très longtemps, et beaucoup de groupes, dont en particulier Au bas de l'échelle, étaient venus nous sensibiliser beaucoup sur cette réalité-là. Et, quand on a adopté finalement la nouvelle Loi sur les normes du travail... C'était mon collègue Jean Rochon qui était ministre du Travail et qui m'avait demandé ? compte tenu de mon chapeau de secrétaire d'État à la condition féminine et que les normes du travail, effectivement, c'est les femmes qui sont les plus pénalisées ? de travailler avec lui tout le long, autant les consultations que l'étude de la loi.

Donc, nous avions porté une attention particulière, et nous avions adopté des mesures pour d'abord les considérer comme des travailleuses de plein droit, et on avait aussi demandé que l'information soit transmise par le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration directement au moment de leur arrivée pour qu'on s'assure qu'elles le sachent, parce que, si... puis dans leur langue, parce que, si elles ne le savent pas, elles ne pourront pas être en mesure de faire valoir leurs droits, même s'il y a des groupes qui vont à leur défense. Parce que je sais qu'il y avait beaucoup d'accompagnement, comme Au bas de l'échelle, mais elles ne savent même pas que cet organisme-là existe.

Donc, est-ce qu'à votre connaissance... Cette loi-là a été adoptée, là, décembre 2002. Est-ce que c'est connu? Qu'est-ce qu'on peut faire pour mieux le faire connaître et puis s'assurer qu'on a les résultats qui étaient souhaités par la loi?

Mme Rimok (Patricia): Vous soulevez ça, je trouve ça intéressant, parce que c'est surtout évidemment le problème de l'accès aux droits, pas nécessairement la loi. Et on revient sur votre question initiale: Comment les informer? Comment les rejoindre? Parce que c'est toujours la même dynamique. Que ce soit comment les rejoindre pour aller faire de la francisation, comment les rejoindre et faire la promotion des droits, c'est toujours dans la même dynamique de la promotion du «outreach», parce que ces femmes vivent à l'intérieur de plusieurs barrières. Elles sont loin de la société dans son sens large. Elles sont loin du système ou des institutions dont, si elles ont des enfants... participent. Ensuite de ça, elles sont éloignées par rapport au... familial où elles habitent, c'est-à-dire que c'est l'homme de la famille ou les enfants en fait qui ont accès, si je peux dire, à la société puis à ce qui se passe. Donc, à l'intérieur, elles sont confinées dans: connaître ce qu'on leur rapporte comme information. Donc, un, il faut savoir où est-ce qu'elles sont. Et encore une fois on revient sur la difficulté de savoir où elles sont. On soupçonne qu'elles sont dans Parc-Extension, on soupçonne qu'elles soient dans Côte-des-Neiges, mais c'est très difficile de savoir combien elles sont dans cette dynamique-là. Ça, c'est la première chose.

Mais, si on devait faire du «outreach», ce serait de la même manière. Il faudrait passer par des institutions comme les institutions scolaires. Ça pourrait aussi faire partie du bureau, par exemple, de liaison que le ministère a mis en place, le MRCI a mis en place avec les communautés culturelles. Ça permet d'avoir un accès plus direct avec des leaders des différentes communautés qui ont plus facilement accès à ces regroupements-là. Ça peut se faire aussi par les médias notamment ethnoculturels qui généralement informent les différents groupes dans la langue d'origine. Ce serait un autre secteur où il y aurait de la promotion et comment aller les informer dans ce sens.

Il faudrait aussi que, de leur côté, il y ait un intérêt soutenu à le faire. Si elles sont dans une dynamique d'intégration au préalable, une intégration économique, généralement, c'est la première chose qui les intéresse... Elles ne sont peut-être pas tout de suite motivées à faire de l'intégration de la francisation ou connaître nécessairement leurs droits si elles-mêmes ne considèrent pas qu'elles ont un problème dans ce sens. Donc, il faudrait qu'elles-mêmes reconnaissent qu'elles sont face à un constat et qu'elles aient envie d'aller de ce côté-là.

Mme Caron: Merci beaucoup. Ma question était aussi très précise. Dans les mesures qu'on avait adoptées, il y avait obligation de le faire. Alors, ce que je me demandais, c'est si ça s'est fait, et là c'est plus la ministre qui pourrait peut-être nous répondre.

Une voix: Je pense que oui.

Le Président (M. Copeman): À un moment ultérieur. Alors, merci beaucoup, Mme Rimok, Mme Therrien, Mme Marlow, Mme Mitrasca, M. Gagnon, d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom du Conseil des relations interculturelles.

Et, sur ce, je suspends les travaux de la commission jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 57)

 

(Reprise à 14 h 7)

Le Président (M. Copeman): Alors, à l'ordre, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux, et nous avons, cet après-midi... Je vais faire lecture de l'ordre du jour parce que je ne l'ai pas fait, ce matin, pour l'après-midi. Nous allons débuter, dans quelques instants, avec les représentantes du Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, qui sera suivi, autour de 15 heures, par la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, la COPHAN, et nous allons terminer l'après-midi avec la Confédération des organismes familiaux.

Alors, tout en souhaitant la bienvenue à Mme Roberge pour le SPGQ, vous connaissez nos règles de fonctionnement, Mme Roberge, je vous les rappelle simplement: vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange de plus ou moins 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prierais de présenter vos collaboratrices et de procéder immédiatement à votre présentation.

Syndicat de professionnelles et professionnels
du gouvernement du Québec (SPGQ)

Mme Roberge (Carole): Alors, merci. Mme la ministre, messieurs, mesdames, je vous présente, à ma gauche, Mme Claire Picard, qui est vice-présidente au dossier des femmes chez nous; et Mme Chantal Roy, qui est conseillère au dossier des femmes chez nous. Donc, ce sont deux spécialistes de la condition féminine au Syndicat des professionnelles.

D'abord, j'aimerais remercier la commission de nous recevoir aujourd'hui. Pour nous, c'est vraiment un plaisir et c'est un vif intérêt d'avoir répondu à cette invitation-là de la ministre sur cette question de l'égalité entre les hommes et les femmes. D'abord, je dois souligner que le document qui a été présenté, pour nous en tout cas, a le mérite de faire état de trois grands éléments: d'abord, de présenter des constats très éclairants à la commission, de camper les principales problématiques qui interpellent les femmes et puis vraiment de tracer des perspectives prometteuses pour l'ensemble de la société québécoise.

Je dirais, le SPGQ a la particularité et la très grande fierté de compter parmi ses membres celles qu'on appelle les féministes d'État, nos spécialistes de la condition féminine au gouvernement du Québec. Professionnelles au Conseil du statut de la femme et puis au Secrétariat de la condition féminine, elles sont vraiment, depuis très longtemps, au coeur des actions du gouvernement qui visent l'amélioration des conditions de vie des Québécoises. Et je dois mettre l'accent particulièrement sur le fait que c'est grâce à leur engagement, qui se reflète dans la qualité de leurs réalisations professionnelles, que le Québec possède maintenant une expertise publique unique, ancrée dans l'appareil d'État, qui lui donne vraiment une réputation enviable sur la scène internationale.

n(14 h 10)n

Au SPGQ, on représente plus 18 800 personnes de la fonction publique, de sociétés d'État, des réseaux de la santé et de l'éducation, et 45 % de notre membership sont des femmes, en 2005. On était seulement 15 % au début des années quatre-vingt, donc on voit vraiment la progression des femmes dans l'appareil public.

Et, depuis sa création en 1966, qui coïncide avec la Révolution tranquille et la montée du féminisme, je dois vous dire que le SPGQ a beaucoup milité et a toujours milité pour le droit des femmes, et ça se traduit vraiment dans notre organisation. D'abord, nous avons une vice-présidence réservée, dédiée aux dossiers des femmes, et c'est même inscrit dans nos statuts et règlements. On possède un comité des femmes depuis près d'une trentaine d'années déjà, et ce comité-là relève d'une des plus grandes instances du syndicat, soit notre assemblée de délégués.

Nous avons également un réseau de répondantes dans toutes nos sections syndicales, qui fait le lien entre le comité des femmes et puis les professionnelles dans leurs milieux de travail. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, on réalise des états généraux à tous les trois ans pour traiter spécifiquement des problématiques rencontrées par les professionnelles et des problématiques générales concernant les femmes. Et, depuis 1994, nous avons un programme d'accès à l'égalité qui favorise la représentation des femmes proportionnelle dans le cadre de l'ensemble de notre structure syndicale. Et bien sûr on est très conscients de l'importance des solidarités, et le SPGQ fait partie de nombreux groupements et coalitions, dont la Fédération des femmes du Québec et L'Intersyndicale des femmes.

Pour en revenir plus précisément à l'objet de cette commission, nous aimerions vous présenter, cet après-midi, notre point de vue sur trois questions: d'abord la responsabilité de l'État quant au respect du droit à l'égalité au Québec; deuxièmement, les dérives potentielles de l'élargissement du concept d'égalité que nous propose l'approche sociétale; et finalement notre point de vue porte particulièrement sur la septième orientation du document qui nous est proposé, soit assurer l'ancrage de l'égalité entre les hommes et les femmes au sein du gouvernement du Québec.

D'abord, en ce qui concerne la responsabilité de l'État, notre constat est à l'effet que le dossier de la condition féminine au Québec, au fil des ans, connaît une sérieuse régression. Et on pense que c'est important qu'on se rappelle quelques éléments de l'histoire pour voir d'où est venu ce mouvement-là, cette préoccupation-là au regard des femmes.

Et on remonte dans les années soixante-dix avec le rapport de la Commission royale d'enquête sur la situation des femmes au Canada, qui était connue sous le nom de Bird, du nom de sa présidente. Vraiment, cette commission-là mettait en lumière deux problématiques très importantes, soit celle de l'importante discrimination envers les femmes et aussi de la grande pauvreté des femmes au Canada, et c'est vraiment là qu'a commencé le début d'un mouvement très important, au gouvernement fédéral et puis auprès des provinces, de créer des institutions et des mécanismes permanents d'analyse et de soutien au regard des besoins des femmes. Et, comme je vous mentionnais tout à l'heure, notre conclusion est vraiment à l'effet que la condition féminine, au gouvernement du Québec, a connu différentes variations mais qu'elle est particulièrement en décroissance, et ça se traduit tant au point de vue politique qu'au point de vue administratif.

Sur le plan politique, on aimerait rappeler à cette commission qu'en 1979 le dossier de la condition féminine relevait d'une ministre d'État et maintenant qu'il est relayé à une ministre sectorielle. Pour nous, c'est un écart très important. La ministre est désormais absente des comités stratégiques. Au début des années quatre-vingt, la ministre responsable de la Condition féminine présidait le Comité ministériel permanent sur la condition féminine. Dans les années quatre-vingt-dix, elle était membre du Comité des priorités.

Sur le plan administratif, même si le Conseil du statut de la femme a connu sa part de modifications, on voit très clairement que c'est le Secrétariat à la condition féminine qui a connu le sort le plus éloquent. D'entité rattachée au ministère du Conseil exécutif, lors de sa création en 1979, il est devenu maintenant une simple direction d'un ministère à vocation sectorielle, soit le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Et, pour nous, ça a vraiment des effets importants, entre autres celui de priver le secrétariat de l'accès à l'information du ministère du Conseil exécutif, d'une part, et, d'autre part, de priver le secrétariat de la possibilité réelle d'intervenir à ce niveau pour que les décisions, autant administratives que législatives, tiennent vraiment compte des intérêts et de la réalité de l'ensemble des Québécoises. En tout cas, pour nous, jamais, depuis que l'État a reconnu sa responsabilité en matière de condition féminine, au gouvernement du Québec, l'attribution de ce dossier n'a été plus discrète et son rattachement aussi faible sur le plan de la hiérarchie au gouvernement du Québec.

Bref, pour nous, l'importance de la condition féminine au sein de l'appareil gouvernemental a rétréci significativement, même si le Québec s'est engagé, sur la scène internationale, depuis le début des années quatre-vingt, à se conformer aux termes de la Convention des Nations unies ? par exemple ? sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Et j'aimerais aussi souligner que, depuis cette convention, en 1993, suite à la Conférence mondiale des droits de l'homme, à Vienne, les droits des femmes ont été reconnus comme étant indissociables des autres droits de l'homme que sont les droits économiques, sociaux, culturels, civils et même politiques. Et aussi j'aimerais rappeler à cette commission que, dans les années quatre-vingt-quinze, lors de la quatrième Conférence des Nations unies sur les femmes à Beijing, plus de 180 États et gouvernements, dont le Québec, ont adopté un programme d'action qui porte sur 12 domaines de préoccupation jugés prioritaires pour les filles et les femmes. Donc, c'est une préoccupation non seulement provinciale, nationale, mais internationale de la condition des femmes.

On voit, suite à ces engagements-là sur la scène nationale, internationale, que les gouvernements ont adopté une approche différenciée selon les sexes, hein, qui donne lieu à différentes appellations. En Europe, on l'appelle l'approche intégrée à l'égalité, on l'appelle l'analyse comparative entre les sexes au Canada, et ici, au Québec, on l'appelle l'analyse différenciée selon les sexes, ce que le Conseil du statut de la femme appelle aussi l'approche transversale ou l'approche intégrée selon l'égalité. C'est vraiment une approche qui est en évolution depuis le début et même, je dirais, plus le milieu des années quatre-vingt-dix.

Ça nous amène à nous prononcer sur la proposition de stratégie du gouvernement à trois paliers, sur laquelle nous sommes, je dirais, très à l'aise dans son ensemble. Et, d'entrée de jeu, je soulignerais que le SPGQ a été vraiment soulagé de constater que le Conseil du statut de la femme ne s'est pas lancé dans une redéfinition de l'égalité, concept qui est bien défini depuis 25 ans déjà dans la Charte des droits et libertés.

D'abord, en ce qui concerne l'approche spécifique, qui vise à corriger, à lutter contre les inégalités, la discrimination systémique que subissent les femmes, au moyen que ce soit de politiques, de programmes, ou d'organismes, ou de ressources quelconques publiques consacrées à la condition féminine, je dirais, le SPGQ est du même avis que le Conseil du statut de la femme. Cette approche-là, elle a amené de grands progrès ? vraiment de très grands progrès ont été réalisés ? et on pense qu'elle peut être mise encore à contribution pour pouvoir progresser davantage vers l'égalité. Donc, pour nous, c'est une approche très importante.

D'autre part, en ce qui concerne l'approche transversale, qui s'inscrit dans une approche préventive plutôt que curative, pour nous, on considère qu'elle doit être étendue à l'ensemble des ministères et des organismes. On doit intervenir systématiquement lors de la conception des lois, des politiques et des programmes, des services publics, et plus particulièrement sur ceux qui soulèvent des enjeux très importants au regard de l'atteinte de l'égalité. Et on considère que, l'approche transversale, sa mise en oeuvre doit tenir compte vraiment des apprentissages, des constats, des balises qui ont été dégagés lors des 11 projets réalisés dans sept ministères et organismes sur cette question-là, au cours des dernières années, par un personnel professionnel des plus innovateurs.

D'ailleurs, je profiterais de l'occasion pour souligner que nous avons suivi de très, très, très près cette approche-là, expérimentale, dans les ministères et les organismes, et on déplore, malgré la demande qui a été faite par l'intersyndicale auprès de la ministre, de ne pas avoir encore accès aux rapports de ces projets-là. On aimerait bien pouvoir les consulter.

n(14 h 20)n

Quant à l'approche sociétale, on croit vraiment qu'il est tout à fait juste d'affirmer qu'il s'agit d'accentuer le travail visant à faire de l'égalité entre les femmes et les hommes un enjeu socialement partagé par l'ensemble de la société. Mais, lors de l'application de cette approche-là, pour nous, c'est très important d'éviter à tout prix les dérives potentielles qui pourraient en découler.

Donc, en conclusion, sur les trois leviers, ces stratégies-là à trois leviers, pour le SPGQ, l'approche spécifique et l'approche transversale sont non seulement des approches complémentaires, mais elles sont les approches nécessaires et indissociables dans un objectif d'égalité des sexes. Et d'autre part, pour nous, l'approche sociétale devrait essentiellement être utilisée à titre de complément ou à titre de renforcement de ces deux approches-là que sont l'approche spécifique et l'approche transversale.

Maintenant, nos considérations plus particulières en ce qui concerne l'approche sociétale. On considère que plusieurs dérives pourraient y être associées. On en a identifié sept, plus particulièrement, que j'aimerais partager à cette commission cet après-midi.

D'abord, la première, on considère que ce serait une erreur que cette approche-là pourrait nous amener à considérer le fait que la question de l'égalité est une question réglée dans la société québécoise, et pour nous ce n'est clairement pas le cas. Par l'effet de la mondialisation, on observe vraiment la montée de droite, la montée des intégrismes religieux, un peu partout, qui s'insinuent vraiment de façon certaine dans tous les aspects de la vie privée et de la vie publique. Comme le précise le document de la consultation, l'égalité de fait est loin d'être gagnée pour les Québécoises. Les acquis sont fragiles, les risques de recul s'accentuent, les stéréotypes sexistes reviennent en force, et la discrimination est toujours présente, même si c'est parfois plus subtil que ce l'était autrefois.

Pour nous, la deuxième dérive consisterait à assimiler toute la question de l'égalité avec les difficultés que rencontrent les hommes et les garçons. Certains ont des problèmes réels, liés notamment... plusieurs l'ont mentionné possiblement au cours de cette commission, de décrochage scolaire, de détresse psychologique, de suicide, de violence, de criminalité, et même des questions de définition identitaire, et même à la communication. On pense que ce sont des problèmes très importants, que l'État ne doit non seulement les négliger, mais que l'État doit s'en occuper, mais on considère que ce ne sont pas des difficultés issues de la discrimination systémique à leur égard. Donc, on considère que c'est des problèmes que peuvent rencontrer les deux sexes avec des intensités différentes, mais ce ne sont pas des questions d'égalité ou de discrimination et, pour nous, ça pourrait être une dérive, un danger vraiment de les considérer ensemble. Ça amènerait davantage de confusion, très certainement, selon notre avis, que ça amènerait à éclairer les débats sur la question de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Et ça nous amène à notre troisième dérive, qui en découle. Pour nous, les organismes qui ont pour mandat de s'occuper de la discrimination à l'égard des femmes ne doivent pas aussi avoir pour mandat de s'occuper des difficultés que rencontrent les hommes et les garçons. Je viens de le mentionner, les difficultés de certains hommes, à n'en pas douter, sont réelles, sont importantes. Elles ne sont pas d'ordre de la discrimination et, pour nous, c'est très clair, elles doivent être traitées, elles doivent être prises en charge par le gouvernement, mais par des responsables qui s'occupent spécifiquement de ces problématiques.

Ça m'amène à notre quatrième dérive, qui pourrait faire en sorte de conduire à situer le débat dans une dynamique d'opposition entre les femmes et les hommes. Les alliances entre les femmes et les hommes qui partagent les mêmes valeurs d'égalité sont éminemment souhaitables. Elles ne datent pas d'aujourd'hui, d'ailleurs, il y en a toujours eu. Et, pour nous, ce n'est vraiment pas juste de prétendre, comme on l'entend parfois, que les femmes refusent ces alliances-là, qu'elles veulent mener leur lutte seules, de façon isolée. Les femmes savent très bien que les alliances avec les hommes conscientisés et les alliances qui sont solides et durables sont très importantes pour avancer, au niveau stratégique, pour progresser vraiment dans la perspective de l'égalité entre les hommes et les femmes, et qu'elles sont autant bénéfiques pour les femmes que pour les hommes et pour les enfants. On est très favorables aux alliances positives, mais quand même le SPGQ soutient qu'il est nécessaire de maintenir des forums distincts pour permettre aux femmes de partager entre elles leurs problématiques à leur guise et pour leur permettre de développer leurs propres stratégies.

Par ailleurs, je dois souligner qu'on est très conscients que, pour déconstruire des rapports sociaux hiérarchisés à la faveur des hommes, on croit vraiment fermement que les hommes et les femmes doivent travailler ensemble sur ces questions-là. Il importe vraiment de faire en sorte que les apprentissages, détachés des stéréotypes sexistes et des rôles associés à l'un ou l'autre des sexes, soient également accessibles aux femmes et aux garçons. On est vraiment d'avis que le gouvernement ferait fausse route en ciblant seulement les garçons ou les hommes... pardon, dans certains domaines précis, comme le partage des responsabilités familiales ou domestiques et comme la planification des naissances, le VIH et le sida par exemple.

J'en suis à notre cinquième dérive. La cinquième...

Le Président (M. Copeman): Mme Roberge?

Mme Roberge (Carole): Oui?

Le Président (M. Copeman): Pardon, vous avez combien de dérives?

Mme Roberge (Carole): J'en ai sept.

Le Président (M. Copeman): Parce qu'il vous reste 1 min 30 s à peu près.

Mme Roberge (Carole): O.K. La dernière dérive, vraiment on voudrait éviter de faire en sorte de considérer les rapports sociaux entre les sexes... qu'ils soient basés sur l'expérience individuelle. Au contraire, ça doit être étoffé par des études importantes.

Notre sixième dérive, on voudrait éviter vraiment la question du relativisme culturel. On considère très important que le gouvernement du Québec, malgré son accueil, etc., par rapport à l'ensemble des personnes qui arrivent au Québec... on les renseigne sur les valeurs et le fonctionnement de la société québécoise.

Et notre septième dérive porte vraiment sur la question du discours. On doit s'opposer au discours qui attaque les féministes.

Et, en terminant, je ferai un rappel de nos recommandations, qui portent principalement sur la septième orientation du document, soit l'ancrage de l'égalité entre les hommes et les femmes au gouvernement du Québec. Et je dirais d'abord, notre principale recommandation: On considère que ça prend une ministre qui s'occupe particulièrement, qui est responsable de la condition féminine au Québec. On considère qu'il devrait y avoir une loi-cadre sur la condition féminine, appuyée d'une politique, appuyée d'objectifs communs, et que toutes les ressources nécessaires soient affectées à ce dossier-là, tant au plan des ministères et des organismes, que ce soit au niveau local, au niveau central, que des mesures... des mécanismes nécessaires soient mis en place pour que les régions puissent rendre compte sur cette question-là.

On pense que, dans les ministères et les organismes, ça doit relever des plus hautes instances, comme les sous-ministres en titre, comme les présidents ou les présidentes d'organisme, et que ce devrait être des ressources spécialisées, dédiées à cette question-là, qui s'en occupent, que ce soit au niveau des organismes, au niveau des personnes, et on maintient très fortement des organismes dédiés sur cette question-là qui doivent travailler en complémentarité. Donc, notre positionnement est à l'effet de maintenir le secrétariat et de maintenir un organisme qui s'occuperait de la recherche et de l'information sur la condition féminine.

Évidemment, l'appellation de tout projet de loi, de toute politique devrait tenir compte à notre avis de toute la question d'égalité et de toute la question du droit des femmes, d'où, pour nous, une politique qui serait mise de l'avant par le secrétariat, par exemple, qui devrait traiter des droits des femmes et de l'égalité entre les sexes. Et évidemment, en terminant, on voudrait bien être consultés, le syndicat, sur cette question-là, sur la question de l'implantation d'une politique sur la condition féminine au gouvernement du Québec.

Et, en conclusion, je terminerais avec une conclusion du Conseil du statut de la femme: pour nous, en ce moment où le rôle de l'État est vraiment remis en question, on trouve vraiment que c'est une responsabilité dont l'État ne peut pas se départir ? et je cite le conseil sur cette question-là: «L'État, comme dépositaire des valeurs de la société québécoise et principal responsable de leur concrétisation, doit affirmer fermement sa volonté politique quant à la poursuite de l'égalité entre les [hommes et les femmes].» Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci, Mme Roberge. Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

n(14 h 30)n

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Mme Roberge, Mme Picard, Mme Roy, bienvenue à cette commission et merci surtout. J'ai beaucoup apprécié votre première phrase. Ça se sent que ça vous faisait très, très plaisir de participer à la commission, mais ça se sent aussi que le Syndicat des professionnelles a certainement des convictions et des opinions importantes à l'égard de l'avancée des femmes au sein de notre fonction publique.

D'abord, permettez-moi, M. le Président, de saluer l'expertise des professionnels de l'État, vous l'avez mentionné, vous l'avez indiqué, je veux vous dire que nous, les parlementaires, qui fréquentons quotidiennement les équipes de tous les ministères, reconnaissons très sincèrement ce savoir, cette expérience, cet apport et, je dirais, ce dévouement. Dans tous les dossiers, dans tous les secteurs d'activité, il y a un tel professionnalisme pour nous faire bien comprendre, à nous, les élus, les enjeux, les pistes de solution, les embûches aussi. Et donc je tenais, M. le Président, à saluer la très, très grande qualité de ces femmes et de ces hommes qui oeuvrent au sein de votre syndicat.

Mais vous avez dit une chose importante, vous avez dit: Nous avons l'immense privilège de regrouper toutes les féministes d'État, et c'est vrai. Et je vous dirais que ce féminisme d'État, c'est très important, très important. Il y a eu, au fil des ans, la mise sur pied du réseau des répondantes dans les ministères. Si je ne me trompe, la plupart sont professionnelles, ce n'est pas exclusif, ce n'est pas obligatoire, mais, si on regarde au fil des années, la plupart l'étaient. Et, à l'époque, quand on a remis ce réseau sur pied, on était encore pionniers, on était encore à l'avant-garde, on en parle souvent, de ce réseau-là. Donc, ces femmes qui sont répondantes, il y a même eu un ou deux hommes au fil des années, mais ces femmes essentiellement qui sont répondantes de la condition féminine ont un rôle et ont eu, mais ont un rôle et auront encore un rôle très important à jouer dans l'avancement de la cause des femmes. Donc, ce féminisme d'État dont vous parlez, il est réel, il est vivant et il doit être aussi au coeur de l'élaboration des politiques, des lois, des programmes. En tout cas, on doit à mon avis redynamiser ce réseau, on doit faire appel encore plus fortement à ce que vous appelez le féminisme d'État ou les féministes d'État.

Il y a plusieurs aspects dans votre... D'abord, permettez-moi aussi de saluer le fait que vous nous dites très clairement... De tous ceux et toutes celles qu'on a entendus, tous les groupes que nous avons entendus depuis la semaine dernière, je trouve que vous êtes celles qui dites le plus fortement que l'appellation devrait être changée ? pas que je veuille accorder une importance indue à cette appellation-là, mais vous le dites assez fortement ? vous dites: Nous, on croit que ça devrait s'appeler le Conseil ou le Secrétariat des droits des femmes et de l'égalité entre les sexes, et vous dites: Cette appellation-là, tant qu'à nous, va refléter davantage la multiplicité des stratégies en vue de l'égalité entre les femmes et les hommes. J'aimerais vous entendre, ce que vous entendez par le «reflet de la multiplicité des stratégies», est-ce que vous aviez des stratégies en tête lorsque vous avez... et là je me réfère à votre résumé, là, à la page 4. Pouvez-vous nous faire ce lien entre l'appellation et les stratégies que nous devrions privilégier ou mettre en oeuvre plus fortement?

Mme Roberge (Carole): Bien, pour nous, c'est très clair que, dans l'appellation... Que l'appellation tienne compte du droit des femmes même dans l'appellation, c'est pour nous déjà mettre l'accent sur les stratégies. Faire disparaître toute la notion de droit des femmes, pour nous c'est atténuer, ça fait appel à atténuer toutes les stratégies qui pourraient sous-tendre l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est vraiment ce pour quoi on voudrait vraiment mettre l'insistance sur l'appellation du droit des femmes. Peut-être que mes collègues pourraient compléter.

Mme Picard (Claire): Bien, c'est les deux approches, hein, qu'on désire maintenir, donc l'approche spécifique, hein, pour régler les problèmes d'égalité entre les hommes et les femmes, égalité de droit des femmes, et l'approche transversale qui agit en amont pour tenter de ne pas introduire de nouveaux programmes ou de nouvelles politiques qui pourraient induire des inégalités entre les hommes et les femmes. Donc, c'est ces deux stratégies-là, qui se veulent complémentaires, qu'on retrouve, si vous voulez, dans l'appellation.

Mme Courchesne: O.K., je comprends, c'est intéressant. Vous parlez aussi de la nécessité d'adopter une loi-cadre. J'aimerais vous entendre sur comment vous la verriez, cette loi-cadre, quels en seraient les grands paramètres, qu'est-ce qu'elle devrait contenir, cette loi-cadre, pourquoi. J'aimerais approfondir votre pensée à cet égard-là.

Mme Roberge (Carole): Pour nous, lorsque le gouvernement du Québec prend la peine de mettre des lois-cadres, ça démontre de la priorité et de l'importance. On voit même des lois-cadres sur le fonctionnement, hein, de la fonction publique. Donc, nous, on verrait vraiment l'importance d'une loi-cadre sur toute la question de la discrimination au Québec. On n'est pas allés, je dirais, dans le détail sur les principes de la loi, sur les modalités que devrait contenir cette loi-là. Je dirais, le principe de la loi pour nous, c'est vraiment de faire en sorte que le gouvernement y accorde une plus grande priorité. Lorsque c'est endossé par le gouvernement, lorsque c'est une loi, c'est un élément qui s'impose d'autant plus à la société québécoise, qui en transmet davantage l'importance au niveau de la société québécoise. Je dirais, c'est au même titre qu'on veut avoir la nomination d'une ministre responsable aussi. On pense que ce sont les plus hautes autorités du gouvernement, c'est, le gouvernement, son plus haut palier qui doit décréter que la discrimination faite aux femmes au Québec, elle ne doit pas être tolérée et qu'on doit continuer à en prendre en charge. Voilà.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Merci, M. le Président. Bonjour et bienvenue. C'était fort intéressant, votre présentation. Je vais aller sur les trois approches, j'aime ça avoir le point de vue de tous les groupes qui passent concernant les trois approches, spécifique, transversale, et sociétale, et en tout cas ce que, moi, j'ai compris, c'est que vous sembliez dire qu'il y aurait peut-être un glissement en utilisant l'approche sociétale. Et je rappelle par ailleurs que ? la ministre l'a dit la semaine dernière ? il n'est pas question d'abolir ou de ne pas utiliser les mesures spécifiques et transversales, là, ce serait comme un plus, un ajout aux différents types d'approche. Et, moi, je me dis, puis ce que je disais au groupe qui vous a précédés, c'est: On n'est pas rendus à l'égalité de fait, et les deux mesures, les mesures spécifiques, les mesures transversales, les approches ont déjà été utilisées, puis on n'est toujours pas rendus. Pourquoi on ne pourrait pas conserver ces leviers-là tout en utilisant un troisième levier? Parce que, comme vous l'avez dit, il n'est pas question de travailler, mon Dieu, en opposition hommes et femmes. Pourquoi ne pas inclure d'autres points de vue de la société, sans nécessairement laisser de côté les deux premiers leviers?

Mme Roberge (Carole): Nous, en tout cas, notre mémoire est très clair là-dessus, on est à l'aise avec les trois leviers. Mais c'est très certain que pour nous toute la question de l'égalité n'est pas réglée, les discriminations sont encore très présentes. Et pour nous la priorité doit être sur les approches spécifiques et l'approche transversale, c'est très clair. Et pour nous, je dirais, ce qui nous apparaît important de l'approche sociétale... Évidemment, la société doit prendre en charge toute la question de la discrimination aussi, tous les acteurs de la société doivent prendre en charge, c'est une implication sociale, elle devrait être sur une base volontaire, on est tout à fait à l'aise avec ça. Mais par ailleurs ça a vraiment attiré notre attention que le fait d'intégrer cette nouvelle approche là, l'approche sociétale, ça peut amener des dérives dans l'application, dans la mise en oeuvre, ça peut amener des biais au regard de s'axer davantage sur le traitement des difficultés faites aux hommes et aux femmes par rapport à la discrimination, qui est encore très présente dans la société québécoise. Et c'est ça vraiment qu'on a voulu mettre en lumière dans notre mémoire, ce sont toutes les dérives potentielles que ce nouveau concept là, l'application de cette nouvelle approche là pourrait amener actuellement.

Mme Charlebois: Je comprends ce que vous dites, je comprends qu'il y a des craintes, mais ? en tout cas je vais vous donner mon opinion personnelle ? je pense qu'il y a moyen de travailler avec l'approche transversale sans nécessairement dériver, au même titre qu'on n'a pas dérivé avec les mesures spécifiques.

Mme Roberge (Carole): Mais les mesures spécifiques étaient claires.

Mme Charlebois: La mesure sociétale, excusez-moi, là, j'ai...

Mme Roberge (Carole): Oui, mais les mesures spécifiques sont claires, c'est très clair qu'elles visent la discrimination des femmes.

Mme Charlebois: On pourrait se donner des objectifs clairs avec l'approche sociétale aussi.

n(14 h 40)n

Mme Roberge (Carole): En tout cas, pour nous, toute la question de traiter de la question de la difficulté des hommes, ce sont des questions particulières, et les difficultés rencontrées par les hommes peuvent être aussi rencontrées par les femmes, et ce sont des difficultés particulières qui devraient être traitées par les ministères sectoriels qui s'occupent de ces questions-là. On ne pense pas qu'une ministre responsable de la Condition féminine doit traiter l'ensemble des problématiques rencontrées par les hommes et les femmes dans la société québécoise. On trouve que ce serait une tâche inhumaine, ce serait l'écarter de ses priorités, qui sont la discrimination à l'égard des femmes. On sait qu'il y a beaucoup de priorités au gouvernement du Québec. On doit trancher dans les priorités, et, au moment où on se parle, on pense que toute la question de la discrimination est encore une priorité dans la société québécoise.

Mme Charlebois: Je pense qu'on devrait travailler... L'approche sociétale devrait être abordée avec une dimension d'égalité, et non pas les problématiques, comme vous le dites, particulières.

Mme Roberge (Carole): Pour nous, les dérives sont très présentes, on s'en aperçoit dans nos débats. Parce qu'on en a, des débats, dans nos instances, sur ces questions-là, et, aussitôt qu'on amène la question de la problématique des hommes, les dérives sont sur le plancher. C'est clair, on le voit dans nos débats, les dérives sont là. On s'écarte systématiquement des discriminations qui sont faites aux femmes, on nie de plus en plus les discriminations qui sont faites aux femmes. En tout cas, pour nous, les dérives sont très présentes, et c'est vraiment ça qu'on voulait vous présenter dans notre mémoire. Peut-être que mes collègues pourraient compléter sur cette question-là.

Mme Picard (Claire): Bien, pour nous, en tout cas, il semble évident que les problèmes de société ne doivent pas être confondus avec ceux de discrimination systémique, là, envers les femmes, O.K.? Je ne sais pas, même le décrochage scolaire, là, c'est un problème réel, mais ce n'est pas un problème de discrimination. La vitesse au volant, bon, les hommes vont plus vite que les femmes, mais est-ce au Conseil du statut de la femme d'y voir? Je ne pense pas. O.K.? Est-ce qu'on pourrait utiliser l'approche transversale pour essayer de voir si telle et telle mesure aurait de l'impact tant auprès des hommes que des femmes? Oui. Mais ce n'est pas à nous autres à voir à cette question-là, là. La même chose pour le tabagisme, ou l'alcoolisme, ou bien d'autres problèmes de société qui ne sont pas des problèmes de discrimination.

Mme Charlebois: Là, je comprends ce que vous voulez dire.

Mme Roy (Chantal): J'ajouterais...

Le Président (M. Copeman): Mme Roy, oui.

Mme Roy (Chantal): ...une autre dimension, c'est que les deux approches précédentes que sont l'approche transversale et l'approche spécifique relèvent, comme le disait Mme Roberge, de domaines scientifiques largement documentés. Quand on parle d'approche transversale, par exemple, l'on fait appel à différents déterminants qui aident à prévoir les effets de politiques ou de programmes sur l'un ou l'autre sexe. De même, quant à l'approche spécifique, elle vise à corriger certains effets, et ces situations-là sont également documentées. Quand on instaure, par exemple, un programme d'accès à l'égalité, on documente la situation et on constate de façon très claire et également de façon scientifique quelle est la situation. Alors que l'approche transversale fait davantage appel aux perceptions et à la conception qu'ont les gens d'une situation. Ce n'est pas inintéressant, mais, comme on le disait, ça doit venir en complément avec les deux approches précédentes, qui sont éminemment issues de domaines spécialisés et scientifiques.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vimont.

M. Auclair: Merci, M. le Président, mesdames. Je vais vous dire, moi, ma perception de ce que j'avais entendu, compris de l'approche sociétale, et toujours dans le respect de la réalité de la condition des femmes, c'est-à-dire, bon, obtenir et viser justement de ne pas juste... de viser dans le fond l'égalité, la vraie égalité, et pour moi l'approche sociétale était beaucoup plus de l'abord de comment on peut faire en sorte pour sensibiliser la société, les hommes à justement... un peu une approche préventive, et non une question de dire qu'il faut toucher à la réalité des hommes. Pour moi, ce n'était pas comme ça que je le voyais du tout. Je le voyais toujours à l'apport, au niveau de s'assurer, par une autre approche, un autre moyen qui est vraiment la sensibilisation, l'éducation entre autres, en respect de la réalité des femmes, justement que, là, les hommes sont capables de saisir c'est quoi, votre réalité.

J'ai beau essayer, moi, de toutes les façons de me mettre à votre place, je ne la vivrai pas, la discrimination, comme vous pouvez l'avoir vécue. Et, à ce moment-là, l'approche sociétale permet justement de sensibiliser, dire: Bien, voici vraiment ce qu'on vit, nous autres. Et, sans être la solution, on peut vraiment amener à arriver ensemble à travailler cette solution-là, mais toujours à amener l'amélioration de la qualité et d'arriver à l'égalité pour les femmes. C'est comme ça, moi, que je voyais l'approche sociétale, et non une approche qui devient un fourre-tout pour les hommes, et tout ça. Ce n'est pas ça pour moi, l'approche sociétale. C'est vraiment toujours dans l'optique d'aller atteindre l'objectif d'égalité. Et selon moi il faut aussi, sans mettre de côté les deux autres approches, qui sont très importantes ? il faut les maintenir, les renforcer ? il faut s'assurer que la sensibilisation des jeunes, des hommes, à tous les niveaux, va amener à cette optique-là d'égalité. Peut-être que je me trompe, mais, moi, c'est comme ça que je le voyais.

Mme Roberge (Carole): Mais, nous, en tout cas, pour nous, c'est très clairement des mises en garde, et on favorise très certainement une approche éducative importante, autant auprès des hommes et des femmes. Mais par ailleurs on ne voudrait pas que ces approches éducatives là soient faites uniquement pour les hommes, mais que les deux sexes bénéficient des mêmes outils pédagogiques, qui feraient en sorte que chacun trouve sa place dans la société, dans ces rôles, dans ces stéréotypes, comprenne bien les stéréotypes. Mais pour nous, en tout cas, il y a quand même des balises importantes qui nous font dire qu'il faut être très prudents lorsqu'on traite des difficultés des hommes et que les difficultés des hommes ne sont pas liées aux discriminations.

M. Auclair: Mais c'est de là que, moi, je ne les vois pas là-dedans. Je suis d'accord avec vous, ce n'est pas la place. La place qu'on vise ici, c'est d'obtenir l'égalité qu'on vise pour notre société. Donc, pour moi c'est vraiment au niveau des femmes. L'apport des hommes doit être bénéfique là-dedans mais ne doit pas toucher les dossiers des hommes, je suis tout à fait d'accord avec vous. Il faut sortir la réalité des hommes, c'est d'autres débats, là. Là, vraiment ce qu'on vise ici, c'est vraiment la sensibilisation pour atteindre l'objectif d'égalité, et c'est comme ça que je comprends vos balises. Parce que, si vous faites cette interprétation-là, vous ne l'avez pas faite seule, vous avez discuté. Donc, il faut clarifier. Mais l'objectif est vraiment ? que, moi, j'ai saisi et ce qui avait été discuté ? d'arriver à cet apport-là, l'apport des hommes, mais toujours en respect de... La réalité des femmes est toujours dans cette optique-là.

Mme Roberge (Carole): On partage votre point de vue là-dessus.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci beaucoup. Merci à vous d'abord pour la qualité de votre présentation et la qualité de votre mémoire. Il y a quand même un petit élément qui m'a fait sursauter, puis je suis certain que vous allez nous donner les informations pour l'expliquer, lorsque vous dites, à la sixième dérive: «Nous tenons à mettre en garde le gouvernement contre les pièges du relativisme culturel.» Juste avant vous, nous avons reçu le groupe Conseil des relations interculturelles et on a vraiment eu des témoignages extrêmement importants par rapport au document qui est présenté par le Conseil du statut de la femme. Alors, je vous demanderais simplement d'éclairer notre chandelle et de nous dire pourquoi vous voulez mettre en garde le gouvernement contre les pièges du relativisme culturel.

Mme Roberge (Carole): Nous, on considère que vraiment l'égalité entre les femmes et les hommes doit être au coeur d'un contrat social, au Québec, hein, ça, on est très à l'aise avec ça. Mais pour nous c'est très important, il n'y a aucun accommodement possible, même pas ceux liés à l'exercice d'autres droits. On le voit, c'est présent maintenant dans la société québécoise, comme les libertés religieuses peuvent amener plusieurs écarts. On considère vraiment que, comme à titre d'exemple, les personnes qui arrivent au Québec doivent recevoir de la part du gouvernement vraiment un message clair, je l'ai souligné tout à l'heure, ils doivent vraiment recevoir un message clair: quelles sont nos valeurs ici, dans la société québécoise, quels sont nos principes de fonctionnement ici, dans la société québécoise.

On considère vraiment que le Québec est reconnu, hein, pour son accueil, son ouverture aux autres cultures, mais pour nous ils ne doivent pas entériner, je dirais même, au nom de la tolérance, au nom du respect des différences, des attitudes et des pratiques qui seraient discriminatoires, préjudiciables, toute pratique qui serait discriminatoire ou préjudiciable au niveau de la société québécoise. On considère qu'on a une bonne réputation, au Québec, en matière de libertés et de droits des personnes et qu'en aucun cas, je dirais, cette réputation-là ne doit être altérée.

En tout cas, pour nous autres, il y a une prudence très importante avec qu'est-ce qui se passe, je dirais, non seulement au Québec, mais dans l'ensemble des autres pays industrialisés sur la planète, hein? On n'est pas déconnectés, on voit la montée vraiment des mouvements intégristes un peu partout, la montée de la droite, on l'a souligné tout à l'heure, ça nous inquiète profondément, ça nous inquiète profondément.

M. Marsan: Merci.

Le Président (M. Copeman): Alors, Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

n(14 h 50)n

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, Mme Roberge, Mme Picard, Mme Roy, merci beaucoup et bienvenue. Alors, je suis très, très, très heureuse de votre mémoire et de votre présentation, et je suis très contente de voir que vous avez pu éclairer le député de Vimont et le convertir complètement, parce que, dans ses déclarations au Courrier parlementaire, il était très préoccupé par la situation des hommes et lui qui fait habituellement partie de la Commission de l'éducation va siéger cette semaine, il avait bien hâte de voir les réactions de la ministre à certains points de vue. Il se disait préoccupé par le sort des hommes qui sont en situation de rupture. Il aurait bien aimé questionner le groupe L'Après-rupture la semaine dernière. Donc, le pendule devrait revenir un peu plus au centre, parce que, là, le pendule est allé trop loin, ça fait qu'il faudrait le ramener plus au centre, au niveau de l'égalité. Alors, on a assisté à une conversion en l'espace de quelques minutes, c'est très, très impressionnant. Félicitations, mesdames! On voit l'efficacité de nos féministes d'État, vraiment c'est très impressionnant.

Effectivement, si le Québec a pu avancer, c'est parce qu'il y avait un mouvement féministe très fort sur le terrain, mais il y avait des outils, il y avait les structures, le Conseil du statut de la femme, le Secrétariat à la condition féminine, on avait nos féministes d'État qui pouvaient permettre de mettre ça en application. Parce qu'on revendique, mais il faut que, dans le gouvernement, au niveau de l'État, on puisse agir aussi, sinon on se fait des beaux voeux pieux. Et vous présentez un historique, une évolution historique du dossier de la condition féminine au gouvernement du Québec extraordinaire. Elle est parfaite. Elle est très révélatrice parce que, oui, c'est vrai, quand on change les termes, ministre d'État, ou une ministre déléguée, ou plus du tout, qui est juste responsable des structures, c'est différent, ça n'a pas le même effet au niveau de l'État. C'est important de se le rappeler.

Vous amenez les dérives potentielles. C'est très clair. C'est le mémoire qui nous les présente, là, d'une manière systématique. J'apprécie énormément. Je pense que ça va nous être d'une très, très, très grande utilité, vu que c'est appuyé par la connaissance réelle. Puis, moi, il y a une dérive qui m'inquiète, puis elle n'est pas seulement pour l'approche sociétale, c'est qu'on joue seulement sur les mots, qu'on change des mots, hein? On aura l'impression d'avoir fait un pas, mais qui peut être un pas plus par en arrière parfois. Parce que, quand on se parle de l'approche sociétale, ce qu'on parlait, nous autres, avant, hein, en 1997, on voulait que la société participe davantage, on avait appelé ça la cinquième orientation, puis c'était la place des femmes dans le développement des régions puis qu'on voulait la prise en compte des besoins des femmes dans les régions. On travaillait avec les instances.

Quand le député de Vimont nous dit: C'est important que les gens connaissent mieux la problématique, et tout ça, effectivement, si le gouvernement avait voulu mettre en application tout de suite une approche sociétale dans le sens qu'il nous l'a expliqué, bien il n'aurait jamais voté la loi n° 34 qui venait changer une structure régionale où les différents acteurs et actrices sociaux, et économiques, et du développement social étaient à la même table, et où il y avait un nombre important de femmes, puis, par la loi n° 34, on l'a réduit complètement. Alors, on n'aurait jamais adopté ça. Je pense qu'il faut qu'on ait une cohérence et il faut qu'on s'assure qu'on ne fera pas juste jouer sur des mots puis avoir l'impression qu'on va présenter quelque chose. Puis il faut avoir les ressources financières qui vont avec.

Je m'en voudrais de ne pas profiter de votre expérience et de votre expertise pour nous parler plus précisément, vous en avez fait référence tantôt dans votre présentation et dans votre mémoire, des projets pilotes sur l'analyse différenciée selon les sexes. Il y a effectivement eu les projets pilotes dans 11 ministères, organismes. Des expériences se sont tenues de 1997 à 2003. Le rapport n'est pas déposé... on n'a pas vu le rapport, je crois bien qu'un rapport a été déposé à la ministre. On n'a pas vu le rapport, mais je pense que, pour continuer le travail et prendre des décisions, il faut qu'on puisse s'appuyer sur ce qui a été fait. Alors, j'aimerais un petit peu vous entendre sur l'analyse différenciée selon les sexes.

Mme Roberge (Carole): Nous, très certainement, vous avez souligné le projet de loi n° 34, on le voit très clairement sur le terrain, la présence des femmes est moins présente, hein, dans les organismes qui sont créés en région, au moment où on se parle. Et, si l'approche transversale avait été mise en oeuvre vraiment de façon systématique lors de la création de cette loi-là, on pense qu'il y aurait eu des écueils, cette loi-là n'aurait pas été possiblement traduite de la façon dont elle a été adoptée présentement.

Donc, il y a plusieurs projets qui ont été mis en oeuvre dans les ministères et les organismes. Je laisserais Chantal Roy vous en parler, elle a suivi cette question-là de très, très, très près avec nos professionnels, dans plusieurs ministères.

Le Président (M. Copeman): Mme Roy.

Mme Roy (Chantal): Effectivement, le réseau des femmes du SPGQ a eu le plaisir d'accueillir deux professionnelles qui sont venues présenter les résultats de l'analyse différenciée dans leurs domaines respectifs. Et, la semaine dernière, j'entendais, lors de la présentation de la Fédération des femmes du Québec, Mme la ministre questionner à juste titre les représentants de la fédération, à savoir comment est-ce qu'on peut justement associer les acteurs, les différents acteurs de la société au dossier de l'égalité entre les hommes et les femmes. Et nous sommes d'avis que ? on le mentionnait tantôt ? il s'agit d'un domaine d'expertise scientifique, comme bien d'autres, c'est un domaine de recherche qui porte ses fruits et qui a associé justement non seulement des féministes d'État, mais des ressources de différents ministères et organismes.

Je prendrai comme exemple celui de la Politique de lecture, qui est disponible au ministère de la Culture et des Communications. Je n'entrerai pas dans les détails du rapport comme tel, mais je dirai simplement que la publication de tels rapports est de nature, d'une part, à instruire les différents interlocuteurs sur l'existence de l'analyse différenciée selon les sexes, sur l'intérêt d'utiliser cette approche, sur les modalités qui la régissent, et aussi, à la lumière des résultats, d'autre part, c'est de nature à induire des changements ou à orienter certains choix qui sont faits. Quand on parle de la Politique de lecture, le fait de la rendre publique peut influencer, par exemple, différents domaines, comme celui de l'édition, le monde des bibliothèques, le lectorat, les lecteurs et les lectrices, les auteurs éventuellement, non pas dans le domaine de la création, mais pour ce qui est de la lecture comme telle des oeuvres qui sont produites dans tous les domaines.

Alors, c'est pourquoi nous estimons qu'autant les projets qui ont été menés au ministère de la Culture et des Communications ou encore au ministère de la Santé et des Services sociaux, au ministère des Transports... Songeons, par exemple, à l'approche qui a été adoptée, si je ne m'abuse, à la ville de Montréal, quand on documente la situation des femmes, on constate que, dans certains secteurs, les femmes ne se sentent pas en sécurité dans les transports en commun. Or, une approche comme l'analyse différenciée selon les sexes permet de déceler ces malaises qu'éprouvent les femmes parfois et d'adopter des mesures qui peuvent être très simples, comme le fait de permettre, par exemple, à des gens, le soir, de descendre entre deux arrêts qui sont formellement prévus. Si une femme se sent plus en sécurité de descendre entre deux postes qui sont déjà identifiés, voilà une mesure qui ne coûte rien et qui est de nature à assurer la sécurité des femmes, et, ce faisant, en répandant de telles pratiques, qu'on a adoptées à la lumière d'études préalables, bien ça contribue justement à associer différents acteurs sociaux à la solution et à la résolution, après qu'ils aient identifié bien sûr les problématiques qui auront été mises en lumière.

Le Président (M. Copeman): Oui?

Mme Caron: Oui, merci, M. le Président. Vous me donnez la parole?

Le Président (M. Copeman): Oui, oui, excusez. Bien sûr.

Mme Caron: Merci beaucoup. C'est pour nos débats, hein, pour ne pas que ce soit trop difficile pour celles et ceux qui ont à prendre ça en note, là, qu'ils fassent les changements de personnes.

Alors, au niveau de l'analyse différenciée selon les sexes, effectivement ça nous permet d'apporter les meilleures solutions, mais ça nous permet aussi, je pense, de faire progresser plus rapidement, parce que ça nous permet de prévenir et ça nous permet d'éviter d'adopter certaines politiques, certaines mesures au moment où on n'avait pas ces outils-là qui nous permettent d'éviter d'être obligés de recorriger par la suite.

n(15 heures)n

J'aimerais aussi, maintenant, vous entendre... Vous avez parlé beaucoup, dans votre mémoire, de l'importance de la septième orientation, hein, parce que c'est celle où vous travaillez quotidiennement: l'ancrage de l'égalité entre les femmes et les hommes au sein du gouvernement. Alors, vous n'avez pas vraiment eu le temps de présenter, là, l'ensemble de vos mesures, qui sont extrêmement intéressantes, puis je pense qu'il serait très important qu'on puisse les retenir, peut-être vous faire revenir sur le début, les premières, finalement: le plan d'action, un engagement clair de la part du gouvernement, donc par votre loi-cadre, vous en avez parlé tantôt, mais aussi un plan global comportant des mesures concrètes, des objectifs pour chacun des ministères, chacun des organismes. À votre connaissance, au moment où on se parle... Oui, on avait mis sur pied, il y a déjà plusieurs années, un réseau des répondantes en matière de condition féminine, certains ministères à ma connaissance n'en auraient plus. Et est-ce que vous allez jusqu'à nous dire, je pense que oui, que ces répondantes doivent aussi et ce plan d'action doit aussi rejoindre l'ensemble des régions du Québec?

Mme Roberge (Carole): Très certainement. Nous, on considère vraiment que la septième orientation, qui touche l'ancrage, pour nous c'est une orientation qui conditionne l'avancement de toutes les autres orientations. Pour nous, en tout cas, c'est pourquoi on a vraiment, je dirais, rattaché notre réflexion sur cette question-là. Le gouvernement doit vraiment s'engager très clairement et très fortement, et ça doit se traduire dans les ressources et tous les mécanismes institutionnels, quels qu'ils soient, dans l'appareil public, et, compte tenu de toute la perspective de la décentralisation, de la régionalisation, on pense que, jusqu'à maintenant, ça a été même un maillon faible, je dirais, de la politique de la condition féminine, la présence de façon décentralisée, régionalisée, sur le dossier des conditions féminines au Québec.

Donc, pour nous, on considère vraiment que les ressources appropriées doivent être mises en place, que, les ministères, on s'assure vraiment que les ministères, ils délèguent des responsabilités dans les régions, qu'elles aient les ressources appropriées pour pouvoir réaliser tout ce qui est nécessaire au niveau de la condition féminine. Et on considère vraiment que, tant au point de vue régional que local, il y a une reddition de comptes qui doit se faire, il y a des mécanismes qui doivent être mis en place pour pouvoir évaluer si la politique sur la condition féminine a été vraiment bien implantée partout en région au Québec. On considère que c'était un maillon faible, jusqu'à maintenant, dans toute la mise en oeuvre sur les problématiques des conditions féminines.

La Présidente (Mme Charlebois): Mme la députée.

Mme Caron: Merci, Mme la Présidente. Oui, je pense que vous avez raison, parce qu'effectivement, dans toutes nos politiques et pour avoir fait une tournée de toutes les régions du Québec, j'essayais d'évaluer au niveau de la politique pour contrer la violence conjugale, j'essayais de regarder du côté de la politique pour les orientations en matière d'agression sexuelle, et je m'apercevais que, d'une région à l'autre, dépendamment de la connaissance de ces politiques-là, dépendamment des ressources humaines et des ressources financières qui y étaient accordées, on avait des résultats qui étaient inégaux, dépendamment des régions, parce que ce n'était pas vraiment complètement descendu. Et je pense qu'au niveau de l'analyse différenciée selon les sexes c'est aussi un élément où il faudra faire de la formation et s'assurer que là aussi les concepts sont bien compris et qu'ils puissent être appliqués non seulement au niveau national, mais qu'ils puissent aussi être appliqués dans toutes les régions du Québec, si on veut atteindre nos véritables objectifs d'égalité de fait.

Vous avez présenté l'évolution historique, et je vais y revenir parce que, pour des gens qui nous écoutent, on peut peut-être ne pas nécessairement faire la différence entre le fait qu'il y ait une ministre d'État ou qu'il y ait une ministre qui est responsable du Conseil du statut de la femme et du Secrétariat à la condition féminine, et vous avez bien mentionné que finalement, pour le Secrétariat à la condition féminine aussi, ça avait signifié une façon beaucoup moins... bien, beaucoup moins... qui donnait beaucoup moins de résultats, beaucoup moins de force, beaucoup moins de pouvoir pour intervenir directement au niveau de l'appareil de l'État. Alors, je voudrais que vous nous donniez des exemples bien concrets, là, pour que les gens comprennent bien l'importance puis la différence que ça peut faire.

La Présidente (Mme Charlebois): Mme Roberge.

Mme Roberge (Carole): Oui, d'accord. Pour nous, c'est un signal clair qu'on veut envoyer au gouvernement. Toute la problématique de la condition féminine doit être considérée comme une priorité de haut niveau au gouvernement du Québec, et le fait que ça devienne seulement une simple direction d'un ministère sectoriel, c'est lui enlever beaucoup d'importance, et c'est ce pour quoi vraiment on veut mettre l'accent sur une loi, une politique-cadre, des objectifs clairs et que ce soit sous la responsabilité de haut niveau. Premièrement, lorsqu'on est à un haut niveau, ça nous permet une vue d'ensemble de ce qui se passe, partout, ça nous permet d'intervenir plus facilement dans les différents ministères et organismes que se déplacer d'un ministère pour pouvoir aller dans d'autres ministères. Et c'est vraiment toute la priorité, hein? Il y a une question d'efficacité, hein, une question d'efficacité que ce soit vraiment de haut niveau qu'on considère cette priorité-là.

En tout cas, pour nous c'est un net recul, hein, de voir la situation actuelle. Que le dossier de la condition féminine soit relégué dans une direction d'un ministère, c'est vraiment un recul très important, au Québec, en termes de considération de la façon dont on va donner en priorité toute la question de la discrimination des femmes au Québec. En tout cas, pour nous c'était très clairement inacceptable. Et peut-être que Chantal Roy, avec moi, pourrait compléter sur cette question-là parce qu'on a vraiment fouillé en profondeur toute la question de l'évolution au niveau des structures et la priorité qu'on donne aux dossiers selon qui les porte et selon où est-ce qu'il se situe dans nos structures administratives.

La Présidente (Mme Charlebois): Mme Roy.

Mme Roy (Chantal): On peut ajouter, par exemple, que le poste de secrétaire d'État, qui a existé ? que vous avez bien connu ? de 2001 à 2003, était de nature à faire en sorte que la personne qui était détentrice de ce poste assistait aux séances du Conseil des ministres et était en mesure, de façon transversale justement, de voir venir les politiques et d'intervenir au moment opportun pour faire en sorte que les politiques qui seraient adoptées éventuellement tiennent compte des particularités et des intérêts des femmes. Et il en était de même, à la fin des années soixante-dix, avec le poste de ministre d'État à la Condition féminine.

La Présidente (Mme Charlebois): Oui, Mme la députée.

Mme Lefebvre: Merci.

La Présidente (Mme Charlebois): Ah! Excusez-moi, Mme la députée de Laurier-Dorion. Allez-y.

Mme Lefebvre: Bien, merci beaucoup, Mme la Présidente. Je trouve votre intervention extrêmement intéressante, puisque pour moi mais, si on l'analyse d'une façon globale, les progrès qui ont été faits dans la fonction publique québécoise ou dans l'appareil étatique des différents pays, là, qu'on peut étudier sont précurseurs de ce qui se produit par la suite dans une société. Puis c'est souvent les avancées que l'État a réussi à faire à même ses structures qui découlent par la suite de progrès qui peuvent être rencontrés, là, dans la sphère plus privée, là, dans les organisations privées.

Vos recommandations sont très claires ? comme l'a mentionné ma collègue ? vous parlez de renommer une ministre responsable chargée, une loi-cadre, un plan d'action global, le maintien du secrétariat ainsi que d'un organisme de recherche d'information, tel le statut, édicter des objectifs communs qui doivent être poursuivis sur l'ensemble du territoire, des antennes régionales. En fait, bon, vous parlez en fait d'un maintien des structures actuelles. Puis j'imagine, puisqu'on l'a démontré depuis le début de cette commission, que l'égalité formelle, bien l'égalité de fait n'est pas atteinte. Donc, est-ce que vous avez des raisons de croire... Vous avez mentionné que l'approche sociétale pourrait amener certains glissements. Vous êtes très fermes sur l'idée qu'il faut maintenir les deux approches qui ont été plus utilisées dans le passé. Est-ce que c'est parce que vous avez certaines raisons de croire que le dossier pourrait reculer dans les prochaines années si on n'allait pas dans cette voie-là?

La Présidente (Mme Charlebois): En moins d'une minute, madame.

Mme Roberge (Carole): En moins d'une minute, on considère que le gouvernement du Québec devrait donner l'exemple dans ses propres structures d'abord avant de demander à l'ensemble des autres acteurs de la société de s'impliquer davantage. En résumé, ce serait ça, l'esprit de notre mémoire.

La Présidente (Mme Charlebois): Ça va? Alors, je désire remercier, au nom des membres de la commission, votre groupe, le Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec. Merci pour votre présentation.

J'inviterais les gens de la Confédération des organismes des personnes handicapées à prendre place. Et je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 9)

 

(Reprise à 15 h 12)

La Présidente (Mme Charlebois): Alors, bonjour et bienvenue aux représentants de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec. Avant de vous demander de vous présenter et de présenter vos invités ainsi que votre mémoire, je vais demander aux membres de la commission, afin de faciliter les échanges pour les membres invités, de se présenter, de se nommer finalement, et de nommer leurs comtés pour permettre aux gens qui assistent à la présentation de bien nous reconnaître. On va commencer du côté ministériel. Si vous voulez vous présenter, s'il vous plaît.

Mme Courchesne: Alors, je suis députée de Fabre, ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, responsable de la Condition féminine.

M. Auclair: Bonjour, je suis Vincent Auclair, député de Vimont, adjoint parlementaire au ministre Claude Béchard.

Mme Hamel: Bonjour, je suis France Hamel, députée de La Peltrie.

La Présidente (Mme Charlebois): Et du côté de l'opposition.

Mme Caron: Bonjour, je suis Jocelyne Caron, députée de Terrebonne, porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine. Ma collègue Elsie Lefebvre, du comté de Laurier-Dorion, est absente pour quelques minutes mais va nous rejoindre très bientôt.

La Présidente (Mme Charlebois): Et je suis Lucie Charlebois, députée de Soulanges, temporairement à la présidence, je vais retourner à ma place, mais vous allez reconnaître ma voix tantôt. Alors, M. Lavigne, si vous voulez nous présenter vos invités et nous faire présentation de votre mémoire.

Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)

M. Lavigne (Richard): Merci, Mme la Présidente, messieurs dames de la commission. Alors, tout à fait à ma droite, c'est bien ça, je vous présente Mme Véronique Vézina, qui est membre du Comité femmes de la COPHAN et qui représente le Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec, un des 39 membres de notre confédération; tout à fait à ma gauche, Mme Mercédes Benegbi, qui est de l'Association canadienne des victimes de la thalidomide et qui est également la responsable du dossier femmes à la COPHAN; et, immédiatement à ma droite, Mme Chloé Serradori, qui est la directrice générale de la confédération et qui nous supporte quotidiennement, dans tous les sens du terme.

Tout d'abord, au nom de la COPHAN, on voudrait vous remercier de l'intérêt à nous recevoir une fois encore pour présenter des particularités, pour les personnes, et aujourd'hui pour les femmes, qui ont des limitations fonctionnelles, du projet gouvernemental. La COPHAN, la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec, existe depuis près de 30 ans, mais a été incorporée en 1985, et ça regroupe 39 associations de personnes handicapées et de parents de personnes handicapées, des organismes qui regroupent eux-mêmes d'autres organismes et/ou des individus partout au Québec. Donc, on peut prendre pour acquis que la COPHAN est présente partout au Québec et elle regroupe toutes les catégories de personnes qui ont des limitations fonctionnelles. Alors, je ne ferai pas la liste, on ne se casse pas la tête, c'est tout le monde qui est membre de la COPHAN au niveau des organismes de défense des droits et de promotion des intérêts.

La COPHAN, depuis son existence, fonctionne en concertation, c'est-à-dire que, lorsqu'on dépose un mémoire, ce n'est pas un mémoire qui est rédigé par une personne toute seule dans son coin, mais c'est des comités qui consultent les membres en région et qui ramènent ça au niveau provincial, et les consensus font l'objet de la rédaction des mémoires. Alors, ce qu'on va vous dire aujourd'hui, ce n'est surtout pas mon opinion, considérant la priorité qu'on a dans notre mémoire, mais c'est l'opinion des personnes qu'on représente et en l'occurrence, aujourd'hui, c'est d'abord l'opinion des femmes qui ont des limitations fonctionnelles. Sauf qu'on tient à vous dire, d'entrée de jeu, que la COPHAN considère que l'exercice qu'on entreprend avec vous, aujourd'hui, doit nous conduire à prioriser les préoccupations des femmes, et pour notre cas c'est la préoccupation des femmes qui ont des limitations fonctionnelles, parce que pour nous c'est l'opportunité de vous parler des conséquences, des graves conséquences des effets que des comportements de discrimination, volontaire ou non, directe ou indirecte, ont sur la condition de vie des femmes qui ont des limitations fonctionnelles.

Avant de laisser la parole à mes collègues, j'aimerais simplement vous rappeler qu'il y a un mois à peu près, un peu plus d'un mois, le gouvernement a adopté une loi, la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées, une loi qui prévoit un certain nombre de choses, et, sans faire toute la nomenclature de ce que cette loi-là prévoit, je tiens à insister sur certains éléments, notamment l'obligation des ministères, des organismes publics, parapublics, leur réseau, les organismes privés, les municipalités maintenant de prévoir des plans d'action quant à la question concernant les personnes qui ont des limitations fonctionnelles ? maintenant c'est devenu une obligation, si on se réfère à la loi ? et que l'on s'attend, entre autres, dans vos ministères et organismes, qu'il y ait des plans d'action concernant les personnes handicapées, et plus particulièrement, nous, aujourd'hui, on va parler des femmes qui ont des limitations fonctionnelles, qu'on identifie des porte-parole, des répondants, que ces plans d'action là soient évalués, qu'on dise qu'est-ce qui a été fait, qu'est-ce qui n'a pas été fait, pourquoi et qu'est-ce qu'on peut faire pour atteindre cette égalité. Parce que la loi reconnaît maintenant qu'on va intervenir pour que les personnes qui ont une limitation fonctionnelle soient considérées comme des citoyens à part entière, au même titre que les autres. C'est-à-dire qu'on s'attend, nous, à moyen terme, que les statistiques reflètent cette volonté gouvernementale, et on sera toujours prêts, à la COPHAN, de contribuer pour aider les décideurs à prendre des bonnes orientations et des bonnes décisions.

J'aimerais vous parler des principes généraux qui guident le mémoire ? si je trouve ma place. On parle dans un premier temps... Les trois préalables. Donc, le premier préalable dont j'aimerais vous parler, c'est l'approche inclusive, c'est-à-dire qu'on prévoit, dès le départ, quand on bâtit un projet, un service, une chose pour les citoyens, qu'on prévoit, dès le départ, les aménagements ou les particularités permettant aux personnes qui ont des limitations fonctionnelles de bénéficier ou de participer au même titre que tous les autres. Malheureusement, on doit faire beaucoup de rattrapage. Et c'est bien correct qu'on le fasse, mais il faut que, lorsqu'on fait de l'approche d'intégration, on se mette toujours à l'esprit qu'il faut aménager les choses pour que les personnes puissent y participer, et non pas se limiter à dire: Que la personne s'organise pour s'intégrer, c'est beaucoup plus compliqué et c'est à recommencer très souvent, tandis qu'une approche plus inclusive, les choses se font une fois et, lorsqu'elles sont faites, elles sont faites pour tout le monde.

L'élimination des doubles et de la multiple discriminations. Alors, bien sûr on connaît tous, dans les chartes, les discriminations, dans les articles des chartes, là, canadienne et Charte des droits et libertés, la discrimination entre les hommes et les femmes d'une part et la discrimination fondée sur le handicap ou la façon de pallier ce handicap. Il y a de multiples discriminations lorsqu'apparaissent d'autres situations, par exemple une femme qui a des limitations fonctionnelles, qui est une nouvelle arrivante, qui est autochtone, qui est issue d'une communauté culturelle, on remarque que ces multiples discriminations viennent ralentir, voire même compromettre souvent l'exercice des droits en toute égalité, et, nous, on considère que c'est très important que, dans les préoccupations qui vont suivre l'adoption de ce qui s'en vient concernant l'égalité hommes-femmes, tout ça soit prévu dans l'ensemble de l'appareil.

n(15 h 20)n

Bon. Je ne vous donnerai pas un cours de droit sur la discrimination, mais simplement vous parler qu'il y a deux sortes de discrimination. La discrimination directe, celle qui est clairement dite ou démontrée par la disposition qui vise à enlever ou à compromettre sur la base de la race, par exemple, la couleur, dans notre cas, bien, le sexe et aussi la déficience, donc ça vise éventuellement à ne pas permettre à ces gens-là d'exercer leurs droits. La discrimination indirecte, ça, c'est plus subtil, bien c'est celle qui est la plus difficile à abattre, si on peut dire, c'est lorsque des choses peuvent apparaître neutres ? je vous réfère à la page 5, O.K., de notre mémoire ? dont les conséquences dans leur application produisent un effet discriminatoire sur certains groupes de citoyens, ici on parle, entre autres, des personnes handicapées, les femmes handicapées.

Et finalement j'aimerais vous parler aussi d'une réalité, c'est qu'il est très difficile de prétendre que, lorsqu'on prévoit une mesure pour les femmes qui ont des limitations fonctionnelles, automatiquement ces mesures-là vont s'appliquer à toutes les femmes. Il y a hétérogénéité, c'est-à-dire qu'il y a plusieurs types ou plusieurs catégories d'incapacités ou de limitations fonctionnelles, et, même parmi les limitations fonctionnelles, par exemple, deux personnes qui ont une déficience motrice n'ont pas nécessairement les mêmes capacités et les mêmes incapacités. Alors, il faut toujours essayer de se donner une place pour avoir un peu de flexibilité dans les programmes.

Avant de laisser la parole à Mme Serradori, simplement vous reporter à quelques statistiques. Lorsqu'on dit que les personnes handicapées sont moins favorisées, vous pouvez voir, à partir de la page 6 de notre mémoire, des éléments assez probants. Je vais simplement vous en donner quelques exemples. 20 % des hommes et 12 % des femmes handicapées déclarent un revenu annuel personnel de 30 000 $ et plus. Et, si on regarde les populations en général, c'est 42 % des hommes et 21 % des femmes, alors 21 % des femmes non handicapées versus 12 % des femmes handicapées, qui déclarent avoir des revenus supérieurs à 30 000 $. Et vous verrez dans d'autres, plus bas, d'autres statistiques... Et c'est une statistique qui ne ment pas, ce n'est pas la COPHAN qui a fait le travail de statistiques, c'est quand même Statistique Québec et avec l'enquête l'EQLA, l'Enquête québécoise sur les limitations d'activités, et vous verrez aussi, dans les statistiques, qu'il y a énormément de... en termes de nombre, les femmes qui ont des limitations fonctionnelles sont très nombreuses comparativement aux hommes, c'est plus que... je crois que c'est 60 %.

Et une réalité aussi, c'est qu'on s'aperçoit que les femmes qui ont des limitations fonctionnelles vivent plus souvent seules, sont souvent des familles monoparentales. Et une parenthèse aussi, c'est que les femmes qui ont des enfants handicapés... Vous allez me dire que je déborde un peu, mais c'est une réalité, il y a beaucoup plus de femmes qui ont des enfants handicapés qui doivent composer seules avec leurs enfants que des femmes qui n'ont pas d'enfant handicapé, en termes de pourcentage. Alors, je passe la parole à Mme Serradori. Puis on va essayer de respecter le 20 minutes pour avoir assez des questions.

Le Président (M. Copeman): Mme Serradori.

Mme Serradori (Chloé): Merci. On va essayer d'aller vite. Peut-être en premier lieu on voulait vous signaler, si c'était possible, de ne plus employer «handicap physique» ou «déficience mentale» parce que, bon, on revient encore au projet de loi n° 56 où on parle d'une classification uniforme des déficiences, des incapacités, des situations de handicap, et, «déficience mentale», les trois quarts du temps, les gens ne sont pas capables de faire la différence entre des personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle ou des personnes qui vivent avec un problème de santé mentale, et donc on insiste sur le fait de promouvoir aussi cette classification-là.

Au niveau des trois leviers, des trois approches, vous nous parlez d'une approche spécifique, une approche transversale et une approche sociétale, et que tout cela nécessite des actions concertées, différents partenaires, et que l'État ne peut porter à lui seul le projet de l'égalité. Nous, on est extrêmement inquiets par rapport au troisième levier. On redoute énormément de reculs, en particulier au niveau du désengagement de l'État, et les derniers exemples qu'on a eus au niveau de la santé, du travail, des partenariats public-privé, partenariats public-communautaire, sécurité du revenu, Régime des rentes du Québec, l'aide juridique, la réforme du droit associatif, la mondialisation des marchés nous portent à croire que ça va vraiment renforcer les inégalités.

Au niveau du deuxième levier, qui parle d'un traitement identique et systémique offert aux hommes, on semble oublier vraiment une vision plus historique et liée au patriarcat et on estime que les hommes ont peut-être besoin de ressources et de besoins, mais pas dans le cadre d'une stratégie d'égalité pour les femmes. Au niveau de l'approche, puis ça, de nombreux autres organismes vous en ont parlé, on espère vivement le maintien et le développement des acquis. Ça signifie aussi le maintien du Conseil du statut de la femme, du Secrétariat à la condition féminine et on espère aussi un ministre délégué à la Condition féminine, tant que le rattrapage ne sera pas fait.

On voulait vous dire aussi un petit mot. Plusieurs personnes parmi vous ont assisté à plusieurs de nos présentations de mémoires. Mais, si on veut vraiment qu'il y ait une égalité au niveau des femmes pour les femmes qui ont des limitations fonctionnelles, et on voudrait retrouver ça au niveau des quatre moyens, et des sept orientations, et des différents axes d'intervention, il y a quatre moyens absolument nécessaires, qui sont: l'obligation d'accommodement; la compensation des coûts liés aux incapacités; le maintien et l'amélioration des mesures de rattrapage; et surtout la participation pleine et entière des personnes ayant des limitations fonctionnelles, et des femmes bien évidemment. Vous avez toute une explications de ce que sont ces quatre moyens dans le mémoire, on n'a pas beaucoup de temps, et je veux laisser le temps aussi à ma collègue.

Concernant plus spécifiquement les différences... les sept orientations, au niveau de la première orientation, par rapport aux stéréotypes, on parle de documentation sur les manifestations et les effets des stéréotypes sexuels. Nous, ce qu'on dit, c'est que cela doit inclure simultanément les manifestations et les effets auprès des femmes qui ont des limitations fonctionnelles, parce que souvent soit elles ne sont pas incluses ou ça arrive 10 ans après et ce n'est plus du tout d'actualité.

Au niveau du rôle parental, on a quatre revendications essentielles. La première, c'est tout d'abord de protéger et d'appliquer le droit d'être parent, et il y a énormément de femmes qui se sont fait stériliser il y a encore pas très longtemps. Donc, avant de parler de rôles parentaux, il y a déjà ce premier droit qui est souvent bafoué. La deuxième, c'est qu'il faut reconnaître qu'il y a une double problématique. D'abord, il existe des familles où un ou deux parents peuvent avoir une limitation fonctionnelle, et il y a des familles où l'enfant vit avec une limitation fonctionnelle. Donc, il faut reconnaître ça. Puis enfin il y a toute la reconnaissance des besoins particuliers des femmes ayant des limitations fonctionnelles, ce dont on vous a parlé tout à l'heure.

Au niveau du troisième axe, c'est l'élimination des stéréotypes sexuels au niveau des centres de la petite enfance et des milieux scolaires. Alors, il va falloir tenir en compte de façon importante les besoins spécifiques des enfants, et en particulier on parle de bonifier les règles budgétaires en s'assurant que l'argent doit aller où il faut, et non pas pour repeindre les murs des commissions scolaires. Au niveau de la formation des éducatrices, bien on devrait avoir un volet sur l'inclusion des enfants ayant des limitations fonctionnelles.

Au niveau de la culture, bien, au niveau des médias, s'il n'y a pas de sang, s'il n'y a pas la pitié ou s'il n'y a pas le superhéros, au niveau des personnes qui ont des limitations fonctionnelles, ça se limite à peu près à ça.

Au niveau de l'exercice de la sexualité, bien il faut prendre en compte les besoins des jeunes et des femmes jeunes ayant des limitations fonctionnelles. Elles ont les mêmes désirs, les mêmes besoins puis les mêmes risques, et ça, ça veut dire qu'il faut que les informations sortent en même temps et pour tout le monde et qu'elles soient adaptées.

Puis enfin il faut continuer le travail auprès des groupes de femmes, en particulier celles qui sont victimes de double et de multiple discrimination, puis consolider et indexer le financement des regroupements qui s'occupent de ça. Véronique.

Le Président (M. Copeman): Mme Vézina.

n(15 h 30)n

Mme Vézina (Véronique): Au niveau de la deuxième orientation, qui est de promouvoir l'égalité économique entre les femmes et les hommes et de corriger les inégalités, au sujet du premier axe, on dit qu'il est nécessaire de continuer de miser sur la formation initiale et de développer une culture de formation continue, d'encourager la diversification professionnelle et de soutenir l'insertion en emploi. En ce sens, nous croyons qu'il devrait y avoir une priorisation de l'universalité et de l'accessibilité à la formation de base. Le gouvernement se doit d'en assurer la gratuité et d'appliquer l'obligation d'accommodement.

En plus, afin de reconnaître et de favoriser la diversité des lieux et des approches de formation, il faut que tout le domaine de l'éducation populaire et de l'éducation non formelle soit englobé. Le gouvernement doit se baser sur la définition complète de la déclaration de la cinquième Conférence internationale sur l'éducation des adultes, organisée par l'UNESCO, en 1998, concernant la formation continue. Le droit à l'éducation des adultes est reconnu par la déclaration universelle des droits de la personne, par la charte québécoise des droits et libertés de la personne et par la politique À part... égale ? L'intégration sociale des personnes handicapées: un défi pour tous. Le véritable enjeu en ce sens est d'abolir les facteurs environnementaux, tels que le manque d'accessibilité aux moyens de communication, de transport, d'accommodement et de ressources financières, qui sont des obstacles à sa mise en application. Si l'on parle d'équité, d'universalité et d'accès à l'égalité, il faut s'assurer que l'adulte ayant des limitations fonctionnelles ait droit non seulement à l'éducation, mais à des moyens qui lui permettent de l'exercer.

L'État doit accorder une attention particulière au développement de la formation à distance et aux nouvelles technologies de l'information et des communications, en tenant compte des besoins des personnes ayant des limitations fonctionnelles, en utilisant leur expertise, en les adaptant en tenant compte des revendications de ces personnes et en appliquant l'accommodement nécessaire pour que les technologies de l'information et des communications soient utilisables par les personnes ayant des limitations fonctionnelles.

Une stratégie visant l'élimination des obstacles systémiques, l'utilisation accrue du mécanisme de plainte de discrimination dans l'emploi prévu par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, l'introduction de l'obligation d'accommodement dans cette même charte, la participation au processus de partenariat engagé par les acteurs du marché du travail sont des thèmes qui favoriseront l'inclusion des femmes ayant des limitations fonctionnelles au marché du travail.

L'égalité économique ne dépend pas uniquement du travail. Les modifications qui ont été proposées dans le document Adapter le Régime de rentes aux nouvelles réalités du Québec jouent un rôle particulier sur les femmes ayant des limitations fonctionnelles, que ce soit en lien avec la transition travail-retraite, la rente invalidité et la protection au décès. Nous revendiquons une amélioration du Régime des rentes afin de rétablir une équité et diminuer la pauvreté et nous nous opposons à certaines mesures préconisées dans ce document.

Le Président (M. Copeman): Mme Vézina, je veux juste vous aviser, vous et vos représentants, qu'il reste à peine une minute, hein?

Mme Vézina (Véronique): O.K.

M. Lavigne (Richard): On va conclure. Madame... Oui.

Mme Vézina (Véronique): On va laisser faire la conclusion à Mme Benegbi.

Mme Benegbi (Mercédes): D'accord. En terminant, nous souhaitons nous assurer que vous saisissez bien la réelle lourdeur du poids d'une double et multiple discrimination portée par les femmes ayant des limitations fonctionnelles et, pour ce faire, je vous présenterai ici quelques exemples concrets.

Une femme ayant une mobilité réduite et utilisant un fauteuil roulant, battue par son conjoint, n'a pas accès à son centre d'hébergement pour les femmes violentées, puisque celui-ci, la plupart du temps, est inaccessible. Aurait-on oublié qu'une femme ayant des limitations fonctionnelles est un être sexué comme tous les autres et que, par le fait même, elle peut, elle aussi, vivre en couple et aussi être susceptible de subir un climat de violence conjugale?

Autre exemple, une femme atteinte de surdité et devant se défendre en cour doit, par ses propres moyens, assumer les frais d'interprétariat lors de la préparation de la comparution et des suivis, l'État n'assumant les frais d'interprétariat que durant la comparution. Il n'est écrit nulle part dans le ciel que, pour avoir accès à la justice, une femme sourde doit forcément être riche pour franchir les étapes nécessaires d'un parcours judiciaire normal. Cette situation peut risquer de maintenir la femme sourde dans un contexte insécurisant, et qui en sera responsable?

Combien de documents de renseignements, provenant d'organismes publics et parapublics, sur des sujets, programmes et ressources pour les femmes sont-ils accessibles en braille? Combien de temps la femme non voyante doit-elle attendre avant d'avoir accès à tous les renseignements, comme les autres citoyens et citoyennes? Et quelles sont les conséquences possibles d'une telle inaccessibilité à l'information? Détérioration de son état de santé, dégénérescence physique, climat d'insécurité, etc., sans oublier l'infantilisation. Il semble que la communication se fasse rarement directement avec la femme ayant des limitations fonctionnelles lorsque celle-ci est accompagnée.

Cela nous amène justement à l'illustre modèle qu'impose notre gouvernement en matière de consultation et collaboration avec la communauté des personnes ayant des limitations fonctionnelles. Celui-ci s'acharne encore à nous imposer un tiers interlocuteur, nommé par lui-même et donc directement rattaché à ce propre gouvernement, pour parler en notre nom. Suis-je obligée ici de le nommer, ce cher office? Non merci à votre propre infantilisation à notre égard. Les organisations formées par la communauté des personnes ayant des limitations fonctionnelles et oeuvrant plus particulièrement dans les dossiers concernant les femmes de cette communauté doivent être les premières consultées par le gouvernement. Si ce n'est pas trop vous demander, nous souhaitons simplement être incluses dans notre société.

Afin de contribuer à vos réflexions en matière d'intervention et collaboration à notre égard, voici quelques exemples de réflexes inclusifs. Ne pas oublier que chaque être humain est unique, que les besoins des personnes sont différents, et ce, à l'intérieur même d'une même limitation fonctionnelle. Rendre l'information et les services accessibles avec l'accommodement nécessaire pour toutes les personnes ayant des limitations fonctionnelles. Mettre en application le parcours sans obstacle ? guide de l'accessibilité universelle: disposition de l'accueil, affichage, contraste de couleurs, voyants lumineux, etc. Comprendre que l'accompagnateur qui aide la personne à se diriger ou à réaliser certaines activités n'est pas l'interlocuteur de la personne; il faut s'adresser directement à la personne et attendre que ce soit elle qui réponde. Et que notre gouvernement donne l'exemple en s'adressant à nous directement.

Une voix: ...

Mme Benegbi (Mercédes): Pardon?

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, on est rendus... Vraiment, on a dépassé les limites. Il faut que...

Mme Benegbi (Mercédes): Je vais juste terminer avec cette petite phrase: Plus d'un demi-million de femmes comptent sur vous. Merci.

Le Président (M. Copeman): Bon. C'est lourd comme responsabilité. Et on va débuter l'échange avec Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur, bienvenue à cette commission. Merci de votre témoignage, mais surtout d'avoir, en si peu de temps... Et nous convenons que 20 minutes, c'est très court pour résumer la situation de ces femmes qui sont doublement et de façon multiple discriminées.

Je dois vous dire par ailleurs: Soyez rassurés parce que tous les parlementaires ont bien lu votre mémoire, qui est très précis, très pointu, très détaillé. Je pense que vous avez aussi, à l'intérieur de l'écriture, réussi à dresser un excellent portrait de la situation, de ce que les femmes qui ont des limitations fonctionnelles ont à vivre quotidiennement.

Je dois vous dire d'ailleurs qu'évidemment la question qu'on se pose... Parce que, vous le savez, cette commission parlementaire existe pour justement entendre les organismes et nous guider vers la rédaction d'une politique. Évidemment, il y a, dans notre société, des femmes qui, par leur situation bien précise, vivent cette double discrimination, celles qui ont des limitations fonctionnelles. On peut penser aux femmes des minorités visibles ou les femmes immigrantes, on peut penser même à des aînées, on peut penser... la semaine dernière, les lesbiennes qui sont venues devant nous.

Donc, la question qu'on se pose ? et ce sera important dans la structure de la prochaine politique ? c'est: Est-ce que ce sera une politique qui s'adressera à chacun des groupes de femmes, dont celles que je viens d'énumérer? Je vous le dis, là, en toute transparence, en toute franchise, c'est une question qui devra se poser parce qu'à la lecture de votre document et en vous écoutant, et vous y avez fait référence... Vous avez fait référence à la loi que le ministre de la Santé a déposée et adoptée à la session précédente, mais cette loi ou ces orientations...

n(15 h 40)n

Il y a des orientations gouvernementales qui relèvent du ministère de la Santé sur ce que vous nous rappelez à juste titre ne pas nommer comme étant des handicapés, mais la loi, je crois qu'elle porte encore cette appellation... ou il l'a corrigée, j'espère, ou... Non? Elle porte encore cette appellation? Et, quand je dis ça, je me dis: Bien, au fond... Et je veux revenir aux quatre composantes que vous nous démontrez à la page 10 de votre mémoire, les quatre moyens, c'est-à-dire, qui permettraient de réduire les écarts, qui permettraient de favoriser le droit à l'égalité des femmes. Je me dis: Au fond, probablement que ces moyens-là ne sont pas, ailleurs au gouvernement, clairement endossés ou identifiés d'une certaine façon pour les femmes.

Et là j'ouvre la porte sur l'analyse différenciée selon les sexes. Je crois que, là, on a un très, très bel exemple aussi, je ne néglige pas les autres exemples, j'y crois, à cet outil, mais il y a là l'importance de peut-être l'utiliser pour s'assurer que cet aspect-là, quand on parle des personnes qui ont des limitations fonctionnelles, qu'on n'oublie pas que les femmes sont doublement, ou triplement, ou en tout cas... discriminées.

Donc, ça, c'est une problématique qu'il faut que le gouvernement règle d'une certaine façon parce qu'effectivement... Puis on le sait, la députée de Terrebonne a occupé la fonction de secrétaire d'État, elle le sait, elle sait que c'est des dossiers qu'il faut porter à bout de bras parce qu'ils ont tendance à glisser entre deux chaises, puis c'est beaucoup plus difficile, pour quelque ministre que ce soit, de s'assurer que les femmes dans ces situations-là ont des mesures spécifiques pour enrayer ces doubles discriminations ou ces multiples discriminations. Ça, je vous le dis comme je le pense, c'est une problématique que tous les gouvernements n'ont pas réglée, que ce soit le présent gouvernement ou le précédent gouvernement. Ça n'a pas fait de progrès, j'imagine, de votre point de vue, suffisamment rapides parce que, quand on traite de la situation des personnes qui ont des limitations fonctionnelles, on traite ça globalement, hommes et femmes.

Alors, j'apprécie votre mémoire pour ça, vous faites une excellente démonstration de ce que les femmes ont à vivre et face à des problématiques graves, comme la violence, comme l'écart sur le marché du travail, comme des incapacités d'obtenir des services élémentaires mais primordiaux pour vous.

Alors, si je reviens aux quatre moyens, qui sont l'obligation d'accommodement, la compensation, le maintien et l'amélioration des mesures de rattrapage puis la pleine participation des femmes, je voudrais que vous soyez peut-être plus précis et précises que ce qu'on retrouve dans le mémoire sur les mesures de rattrapage pour les femmes. Il y en a à la page 14, mais c'est assez succinct. Est-ce que vous auriez des choses à nous dire sur ces mesures de rattrapage?

M. Lavigne (Richard): Simplement, avant de laisser la parole à Mme Serradori, dans la loi n° 56, je vous ai dit au début de la présentation, c'est qu'il y a un mécanisme déjà de prévu qui invite, qui contraint les organisations à prévoir des choses pour les personnes qui ont des limitations fonctionnelles. Et, dans le dossier qui nous intéresse, c'est qu'on dit: Oui, mais, compte tenu de la situation particulière des femmes qui ont des limitations fonctionnelles, il faudrait que, dans ces plans d'action, notamment les plans d'action qui s'adressent plus particulièrement au secteur des femmes par exemple, il y ait des mesures particulières parce que, bon, vous avez soulevé quatre grands moyens, et ces moyens-là, c'est des clés, hein? Chloé va vous les expliquer.

Mais je veux juste vous donner un dernier exemple. Je travaillais pour un organisme, à Montréal, et on a fait une étude sur l'accessibilité des cliniques de dépistage du cancer du sein, et la très grande majorité refusaient l'accès aux femmes handicapées. Pas une minorité, pas une moyenne, là, la très grande majorité, pour des questions d'accessibilité architecturale, entre autres, et pour des questions d'accessibilité en termes de communications pour d'autres. Alors, ça, ça ne prend pas une grande commission parlementaire que de dire: À l'avenir, il faut qu'on ait des cliniques accessibles. Ça, c'est un exemple très, très concret que je vous donne, là. Mais Mme Serradori, peut-être, pourrait plus vous donner de détails sur les quatre éléments dont on vous parle.

Mme Serradori (Chloé): C'est vrai que ce sont des éléments qu'on amène à toutes les commissions parlementaires. On l'a amené à cette commission parce que, quand au début du mémoire on explique, c'est... ça, c'est applicable à toutes les personnes qui ont des limitations fonctionnelles. Mais en fait, du fait de la double et de la multiple discrimination des femmes, l'écart est encore beaucoup plus grand. Donc, on voulait insister sur ces quatre thèmes-là.

Et les recherches qui ont été faites et le vécu des femmes qui sont sur le comité femmes de la COPHAN et qui sont membres de la COPHAN, ça va aussi loin que, par exemple, une femme qui veut avoir un examen gynécologique ne peut l'avoir parce que les gens ne savent pas comment la déplacer sur une table. Les tables ne sont pas adaptées pour la personne. Les gens n'ont pas la formation comment on accueille une femme qui a des limitations fonctionnelles. Est-ce qu'on s'adresse à elle, ou est-ce qu'on va parler au-dessus d'elle, ou même ne pas la considérer? Donc, c'est de a à z, là. C'est de l'accueil... Là, je vous donne un exemple au niveau de la santé, mais, au niveau du travail, c'est encore pire, là. Je veux dire, l'accommodement au niveau du travail est difficile. Et cette discrimination-là, elle vient de sa limitation fonctionnelle, mais également parce qu'elle est femme, et c'est encore plus difficile pour elle.

Alors, on parle... Aussi, n'oubliez pas que l'accommodement, là, c'est les femmes qui au départ ont exigé des mesures d'accommodement. Les congés pour une femme enceinte et puis l'allaitement, c'est les femmes qui se sont battues et c'est des mesures d'accommodement. Et on exige la même chose pour les femmes qui ont des limitations fonctionnelles.

Les mesures de rattrapage, c'est un peu différent parce que, je veux dire, il y a tellement d'écart qu'avant d'obtenir l'égalité on veut qu'il y ait des mesures de rattrapage. Mais, comme tout à l'heure on parlait d'inclusion, si on avait une vraie inclusion, si, chaque fois qu'on pense une mesure, un programme, etc., on pensait femmes ayant des limitations fonctionnelles comme on devrait penser femmes issues des communautés ethnoculturelles ou femmes autochtones, si c'était un réflexe, il n'y en aurait pas de problème. Mais, tant que malheureusement on n'a pas ce réflexe-là, bien ça prend des mesures de rattrapage.

Mme Courchesne: Si vous me permettez, M. le Président... En fait, écoutez, depuis, je ne sais pas, 20 mois, 21 mois, ce que je remarque, c'est: tous ces dossiers, on en parle tout le temps, mais on en parle tout le temps globalement. On va dire, par exemple: N'oublions pas les femmes handicapées ou ayant des limitations fonctionnelles. Mais ce qu'on réalise encore plus fortement, c'est qu'il faut que ces femmes aient un plan d'action beaucoup plus spécifique et beaucoup plus précis, lié à ce que vous nous présentez, c'est-à-dire l'écart en milieu de travail, l'écart en violence, l'écart en santé, l'écart dans chacun des secteurs. Parce qu'à chaque fois qu'on en parle je crois que les élus que nous sommes avons tous cette sensibilité. Il n'y a personne qui est indifférent à ces problématiques ou à ces personnes qui sont plus vulnérables ou qui ont cette double discrimination. Mais le problème, c'est qu'on fait juste le nommer de façon très globale, très générique, alors que, par exemple, dans le dossier, aujourd'hui, des femmes, bien, là, il faudrait effectivement procéder par secteurs et y aller de façon très, très spécifique pour qu'effectivement on ne mette pas tout dans le même grand panier immense.

Je comprends que ça prend des lois, je comprends qu'il y a des lois pour vous protéger, mais en quelque part, dans la réalité quotidienne des exemples concrets que vous nous démontrez, bien où est le porteur gouvernemental, mais comment nous assurons-nous que les moyens que nous allons déployer vont véritablement réduire l'écart de la discrimination? Et donc je vous dis simplement que je suis très, très ouverte et très sensible à ces réalités que sont les vôtres et d'autres, mais je vous dirai par ailleurs que, sur le plan gouvernemental, il faudra voir comment on va y arriver, et la question, c'est: Est-ce que c'est véritablement, par exemple, d'aller très précisément au niveau de la politique pour les femmes? Je ne dis pas oui, je ne dis pas non, je soulève... pour l'ensemble de mes collègues, je soulève... Et la commission aura des recommandations à nous faire, M. le Président, vous nous l'avez dit au tout début de ces audiences, alors possiblement que ce serait intéressant d'avoir votre recommandation à cet effet-là.

n(15 h 50)n

Et donc c'est pour ça que je vous posais des questions sur les mesures de rattrapage, que j'associerais aux mesures spécifiques ou à l'approche spécifique pour les femmes, puisque vous avez des réalités importantes, pour réduire ces discriminations-là. Alors, je ne sais pas si vous partagez mon avis.

M. Lavigne (Richard): Oui, bien sûr on partage votre avis, et je suis très heureux d'entendre que c'est bien le fun, des lois, des textes, mais quand est-ce qu'on commence, hein, ou quand est-ce qu'on continue? On va être plus positifs, et je pense qu'une des manières, c'est d'inclure les femmes qui ont des limitations fonctionnelles dans les groupes. Si je me souviens bien, on a identifié les femmes, les communautés culturelles, les femmes autochtones, puis, quand c'est rendu au tour des personnes handicapées, c'est l'OPHQ. On n'a rien contre l'OPHQ, c'est un organisme qui est très important, mais comment ça se fait qu'il n'y a pas d'office pour des immigrants, un office pour les... Là, c'est des personnes handicapées ? oups! ? là, ce n'est pas des femmes handicapées, c'est un office. Alors, je pense que la première chose que vous pourriez mettre dans votre document, c'est de vous adresser à ces groupes de femmes qui sont constitués... Des femmes qui ont des limitations fonctionnelles, il y en a des groupes partout au Québec. Et je pense qu'il faut travailler sur des mesures concrètes, et effectivement ce n'est pas en mettant ça dans la loi que ça va tout régler.

D'autre part, le projet de loi n° 56, je le disais tantôt, prévoit un certain nombre de choses. Alors, la première étape, Mme la ministre, je pense que ce serait bien, c'est qu'une fois que ce sera fini, cet exercice-là, c'est de contacter notre organisme, et, nous, on est du monde de solutions. On est ici, cet après-midi, pour vous parler de théories, d'exemples, puis tout ça, mais je vous garantis que, lorsqu'il y aura quelqu'un d'identifié, dans votre ministère, pour se préoccuper de la condition féminine des femmes qui ont des limitations fonctionnelles, ce sera un grand pas. Et vous serez surprise de voir à quelle vitesse les solutions peuvent se trouver et après ça peuvent être soumises à l'ensemble des autres partenaires. Mais il faut partir quelque part, vous avez raison, et on se dit très, très intéressés, on a la matière, la connaissance, les expertises de toutes les limitations fonctionnelles, alors on vous encourage à venir nous voir directement de temps en temps.

Mme Courchesne: Message reçu.

Le Président (M. Copeman): Mme Serradori.

Mme Serradori (Chloé): Je voulais aussi compléter, parce que ce que vous nous dites, malheureusement: Est-ce que je dois inclure ou non, est-ce que c'est notre responsabilité, est-ce que ça doit être partagé?, on entend ça de chaque ministre, chaque fois qu'on passe en commission. On parle de la santé, c'est l'éducation, mais l'éducation, c'est le travail, puis... Alors, en fait, dans la vraie vie, qu'est-ce qu'il se passe? On pense personne handicapée, on y pense, comme par exemple dans le plan d'action gouvernemental pour contrer la violence et puis l'atteinte à la dignité... Enfin, on y a pensé! Qu'est-ce qu'on a mis? On a mis: On va consulter l'Office des personnes handicapées pour qu'il nous documente. C'est scandaleux, Mme la ministre! Nous, on trouve ça scandaleux, de la même façon qu'on trouvera ça extrêmement scandaleux si on nous dit: Bien, écoutez, là, on va faire une politique au niveau de l'égalité, là, on préférerait la condition féminine, et là-dedans, bien, la problématique des femmes handicapées, on va peut-être la refiler à la Santé, s'ils ont plus d'argent, ou à l'Emploi, etc.

Nous, ce qu'on veut, c'est que, dans tous ces dossiers-là, l'État ait une responsabilité. Sa responsabilité, c'est de faire en sorte, en ce qui concerne la vôtre, qu'il y ait une égalité au niveau des femmes. Et ce qu'on vous dit, c'est que les femmes sont très fortement discriminées, et les femmes qui ont des limitations fonctionnelles le sont doublement ou de façon multiple, de façon directe, indirecte, par rapport au sexe. Et ça, c'est pour ça qu'il faut qu'elles soient incluses dans cette future politique. Si elles ne le sont pas, bien, à ce moment-là, on fera ce qu'on fait chaque fois parce qu'on n'a pas le choix puis qu'en plus une loi a été adoptée, c'est-à-dire on va passer par l'office qui, lui, va aller déjeuner un matin avec vous et qui, à ce moment-là, vous parlera peut-être, entre deux cafés, de la problématique des femmes qui ont des limitations fonctionnelles.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. Puis merci à vous pour cette excellente présentation. Ce n'est pas la première fois qu'on se rencontre, on l'a fait dans d'autres projets de loi, et c'est toujours un plaisir renouvelé et un privilège de vous avoir avec nous. Alors, merci beaucoup.

Dans votre mémoire, vous mentionnez que des services à domicile permettraient de favoriser la prévention et la stimulation précoce des femmes ayant des limitations fonctionnelles. J'aimerais ça que vous nous expliquiez davantage de quelle façon on pourrait atteindre cet objectif-là et jusqu'à quel point on peut essayer d'identifier quels sont les montants d'argent qu'il faut associer aux services à domicile. Parce que déjà il y a eu en tout cas des investissements quand même intéressants qui sont faits, il y a un prochain budget qui s'en vient, alors peut-être que vous aviez des conseils à nous donner. Alors, ce serait intéressant pour nous de savoir, là, de quelle façon on pourrait favoriser davantage et la prévention et la stimulation précoce des femmes ayant des limitations fonctionnelles.

Mme Benegbi (Mercédes): Bien, on pourrait adresser le thème de l'importance du service de maintien à domicile. C'est bien ce que vous parlez? On peut en parler dans un contexte de prévention par rapport à un climat de violence conjugale, dans le sens où, si la femme qui demeure avec un conjoint qui peut être potentiellement agressif ou dans un contexte familial où il y aurait de l'abus à son égard, si les services de maintien à domicile seraient plus suffisants, la femme serait moins dans un contexte de dépendance et pourrait possiblement devenir plus autonome, et vivre dans un contexte de plus grande sécurité, et sortir d'un milieu qui est abusif à son égard.

Mais vous voulez adresser aussi comme le thème de stimulation précoce, dans le sens où, si la femme handicapée, elle est jeune et que... comme un genre de service de répit pour la famille et de support aussi à la famille, bien c'est très important d'avoir des services de stimulation pour faire en sorte que, si les parents ne peuvent assumer toute la responsabilité en rapport avec l'évolution d'une jeune femme handicapée, d'avoir à sa portée comme tous les services spécialisés nécessaires pour favoriser le développement de la jeune femme qui a des limitations fonctionnelles.

M. Marsan: Et vous avez mentionné également les difficultés qu'il existe actuellement avec les refuges pour les femmes violentées en termes d'accessibilité pour les personnes ayant des limitations fonctionnelles.

Mme Benegbi (Mercédes): Oui. Et ça, c'est quelque chose de très fréquent, où les centres d'hébergement pour les femmes victimes de violence conjugale n'ont pas l'accessibilité ou la possibilité de communiquer avec soit les femmes sourdes ou quoi que ce soit, n'ont pas du tout l'accessibilité à tous les niveaux pour accueillir les femmes ayant des limitations fonctionnelles qui sont dans une situation de violence conjugale.

M. Marsan: Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Alors, Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup pour votre présence, mesdames, monsieur de la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec. Votre mémoire et votre présentation, c'est extrêmement important parce que ça nous permet de prendre le temps d'informer et de travailler en mode, aussi, solution au niveau des doubles discriminations et multiples discriminations, mais dans un secteur bien particulier ? parce que quelques groupes sont venus nous présenter des doubles ou multiples discriminations ? mais au niveau des limitations fonctionnelles.

Vous avez touché à des aspects très importants, et votre mémoire, je pense, il est très, très, très concret, au niveau des moyens et au niveau des propositions qu'on peut directement ajouter, au niveau des axes, au niveau des orientations. Vous avez vraiment pris la peine, là, de faire un travail minutieux, au niveau de chacune des orientations, au niveau de axes qu'on peut intégrer, là, sans que ça pose, là, vraiment aucune difficulté.

Vous avez aussi, au niveau des réflexes ? puis je vais revenir tantôt ? les réflexes inclusifs, vous n'avez malheureusement pas eu le temps de nous les présenter dans l'ensemble, et je comprends parce que vous avez trois pages, trois grandes pages très, très concrètes, là, qu'on pourrait appliquer au niveau des réflexes inclusifs.

Puis les quatre moyens que vous nous présentez, les quatre moyens, là: l'obligation d'accommodement, la compensation des coûts liés aux limitations fonctionnelles, le maintien et l'amélioration des mesures de rattrapage, puis la participation pleine et entière des femmes ayant des limitations fonctionnelles et des groupes qui les représentent.

En fait, qu'on se parle de discrimination systémique au niveau des femmes ou qu'on se parle de doubles discriminations ou multiples discriminations, il y a toujours une base, qu'il faut développer des réflexes pour apporter des corrections. Puis, pour développer des réflexes, bien il faut toujours qu'il y ait une personne qui soit chargée, mandatée, parce qu'elle a les réflexes, pour les faire valoir. Et ça, c'est partout.

n(16 heures)n

Ce qui rend les choses complexes, c'est: ça touche à différents ministères, c'est des personnes différentes, et les discriminations s'exercent. Par exemple, si je suis au ministère de la Santé, je regarde des programmes pour les personnes ayant des limitations fonctionnelles, la personne peut être très spécialiste au niveau des programmes des personnes qui ont des limitations fonctionnelles, mais ça ne veut pas dire qu'elle va avoir le réflexe de la discrimination systémique faite aux femmes, hein? Et c'est aussi vrai au niveau de nos répondantes en condition féminine. La plupart du temps, elles n'ont pas seulement la condition féminine. On leur donne la condition féminine, puis là on leur donne un autre dossier. Par exemple, on va leur donner l'éducation ou on va leur donner... peu importe, là, loisirs. Alors, c'est sûr qu'elle va regarder ces trois angles-là: bon, discrimination faite aux femmes au niveau de l'éducation, mais elle ne rajoutera pas la double puis la multiple discrimination.

Alors, dans le fond, si nos répondantes en condition féminine, autant au niveau des régions qu'au niveau national, n'avaient que cette responsabilité-là et de pousser l'analyse différenciée selon les sexes au niveau des discriminations systémiques et au niveau des doubles et multiples discriminations, elles seraient capables de pousser les réflexes jusqu'à l'action concrète partout, là. Puis, pour ça, il faudrait de la formation, c'est sûr, et s'appuyer sur l'expertise, parce que souvent les réflexes ne se développent pas, on le dit pour la discrimination systémique... Par exemple, j'ai un conseil d'administration et, s'il n'y a aucune femme autour de la table, le réflexe discrimination systémique faite aux femmes, il ne sera pas là. Mais c'est sûr que, si je n'ai pas une femme qui a une double ou multiple discrimination, si je n'ai pas une femme qui a une limitation fonctionnelle, ce n'est pas évident qu'on va avoir aussi le réflexe d'y penser.

Alors, je pense que, développer les réflexes, il faut une représentation, il faut que vous soyez représentés dans toutes les instances, et il faut qu'il y ait des personnes qui sont responsables de ces réflexes-là. Et, pour pouvoir le faire, il faut que la personne fasse ça temps plein.

M. Lavigne (Richard): Vous avez raison, je pense que l'important, c'est la sensibilisation, la formation et la participation. Nous, à la COPHAN, on en a, des réflexes, même si on n'est pas sensibilisés sur tout. Il sort un projet de loi, et le premier réflexe qu'on fait, on le lit et on le regarde d'un point de vue... Les personnes qui ont une limitation fonctionnelle, c'est un réflexe qu'on a développé en éducation, en justice, en pauvreté, en tout cas nommez-les. Je pense que certains d'entre vous, ce n'est pas la première fois qu'ils nous rencontrent, ce n'est pas pour rien.

Alors, je pense que c'est une question de volonté. C'est qu'à un moment donné il faut y penser. Et il fut un temps où on me disait, à l'époque, quand j'étais étudiant: Ah! Je n'ai pas pensé que tu ne pouvais pas lire au tableau. C'est sûr, il ne pense pas, il ne le sait pas. Mais, à un moment donné, quand il le savait, le prof, à un moment donné, il parlait plus lentement. Il ne me donnait pas de privilèges, par exemple, mais il parlait plus lentement. Il s'assurait que j'étais capable de suivre un peu. À un moment donné, il faut en rencontrer, des personnes, mais, pour les rencontrer, ces personnes-là, il faut se donner la peine de les connaître, et c'est pour ça qu'on insiste sur l'importance que les femmes qui ont des limitations fonctionnelles, via les organismes et les porte-parole, soient impliquées directement. Et je disais à Mme la ministre tantôt qu'on est prêts, là. Nous, notre agenda, il est prêt déjà, là, à commencer, hein, parce qu'il y a de l'ouvrage, et on sait que c'est du moyen et long terme. Alors, je pense que la formation, l'information, l'ouverture et la capacité aussi de reconnaître qu'on ne sait pas tout, hein, parce que souvent les jeunes, ils pensent qu'ils savent tout, et c'est difficile de travailler avec quelqu'un qui sait tout, c'est très difficile.

Et, en terminant ma petite intervention, vous avez dit tantôt: Souvent, la personne qui s'occupe de la condition féminine s'occupe de l'éducation, du loisir. C'est grave, hein? On voit tout de suite, là, que c'est un réflexe. Pourquoi pas les personnes handicapées avec ça, il me semble que ça irait bien, hein? Les handicapés, l'éducation, les femmes, les loisirs. C'est ça. Puis je pense qu'on pourrait très bien avoir quelqu'un qui s'occupe pas juste... Il faudrait comme élargir un peu les responsabilités dans une organisation. Et je n'ai pas de problème à ce qu'on mette ça ensemble, mais, à un moment donné, il faudrait que l'ensemble de l'appareil finisse par être sensibilisé. Et la loi prévoit un responsable par ministère ou organisme, puis, le jour où tous ces gens-là vont se rencontrer pour au moins échanger et se connaître, avec les personnes handicapées, j'espère qu'il ne sera pas dans 25 ans.

Mme Caron: Merci, M. Lavigne. Je reprécise ma pensée, là. Dans chacun de nos ministères, on est supposé... je ne sais plus s'il y en a partout, là, et au niveau des directions régionales aussi... Je sais qu'il y en a pas mal moins au niveau des directions régionales, mais on est supposé avoir une personne répondante en condition féminine. Et souvent on y rajoute plein d'autres choses. Ce que je dis: Ce serait important qu'elle n'ait que cette responsabilité-là. Donc, en n'en ayant qu'une seule, elle pourrait la faire en ayant l'analyse fine de la faire avec la double discrimination puis les multiples discriminations. Donc, elle pourrait faire un travail beaucoup plus complet et précis. Et, comme c'est dans chacun des ministères et dans chacune des directions régionales, bien, là, ça nous permettrait d'agir.

Je veux revenir parce que... elles ne seront pas représentées, elles ne sont pas regroupées. Vous avez parlé, vous, M. Lavigne, tantôt des mères qui ont des enfants handicapés. Il y a des mères qui sont elles-mêmes avec des limitations fonctionnelles, mais il y a aussi des mères qui ont des enfants avec des limitations fonctionnelles. On les appelle, dans le jargon, «aidantes dites naturelles». Moi, j'aime mieux «proches aidantes», là. Et ces femmes-là vivent des situations où elles ont besoin de soutien, mais il n'y a aucun organisme qui est lié à leur représentation ou à leur défense parce qu'elles sont toutes isolées. Et je pense qu'il faudra aussi qu'on s'assure d'apporter des soutiens particuliers à ces femmes aidantes qui souvent, d'ailleurs, consacrent presque toute leur vie et ont dû tout quitter pour pouvoir s'occuper... Et vous le disiez tantôt, au niveau des femmes monoparentales, elles sont plus nombreuses, comme femmes, à se retrouver avec un enfant qui a des limitations fonctionnelles. Est-ce qu'on a plus de données, un portrait plus précis pour ces femmes?

M. Lavigne (Richard): Je n'ai pas de chiffres précis à vous donner. Premièrement, j'aimerais préciser que la COPHAN représente ces personnes via des associations de parents d'enfants handicapés. On en a six ou sept. J'ai parlé, la semaine dernière, avec une directrice d'une association de personnes dysphasiques, et elle me disait que, dans les assemblées générales, premièrement, c'était à peu près toutes des femmes qui participaient, qui allaient là pour leurs enfants handicapés, dysphasiques et que la très grande majorité de ces femmes ne sont plus avec le père ou le conjoint, en tout cas elles sont seules avec l'enfant.

Alors, je n'ai pas de stats, mais le terrain, là... On m'a demandé de vous en parler, aujourd'hui, parce que ça, c'est majeur comme problématique et ça crée chez la femme qui est responsable finalement, qui devient l'intervenante, la maman, le pourvoyeur, et tout ça, là... Elle a beaucoup de titres, à un moment donné, cette personne, et ça peut créer énormément de problèmes pour elle et éventuellement pour l'enfant, et pour l'enfant qui va, lui, développer, à partir de ces manques-là, d'autres problèmes.

Alors, simplement pour dire que, oui, ces femmes se regroupent, peut-être pas toutes les femmes comme pas toutes les personnes qui ont des opinions se regroupent autour d'organismes, mais nous avons des associations chez nous qui peuvent très bien vous mettre en contact éventuellement avec ces femmes qui quotidiennement doivent jouer tous ces rôles. Et effectivement c'est une très grave réalité. Le couple a beaucoup de difficultés à résister à l'arrivée d'une personne handicapée. Pourtant, on n'est pas si pires. Ça a l'air que ce n'est pas tout le monde qui trouve ça.

Le Président (M. Copeman): Mme Serradori.

Mme Serradori (Chloé): Oui. Je n'ai pas le chiffre, mais, dans l'enquête sur les limitations EQLA accessibilité, on disait qu'on trouve proportionnellement plus de familles monoparentales dans les ménages ayant au moins un enfant avec des limitations fonctionnelles. Et aussi, malheureusement, souvent les femmes se retrouvent seules après la naissance d'un enfant ou sont abandonnées dans la mesure où l'enfant a des limitations fonctionnelles. C'est malheureusement une réalité.

n(16 h 10)n

Et, quand, tout à l'heure, vous parliez... Je voulais revenir sur les réflexes inclusifs parce que souvent on nous parle de l'accommodement, hein, en pensant que l'accommodement raisonnable, ça veut dire que ça doit coûter moins cher ou en tout cas pas très cher. Ce n'est pas ça, la signification. Mais vous avez la signification dans le mémoire, je ne vous la redirai pas. Parce que des réflexes inclusifs, il y en a plus de 60 % qui ne coûtent rien, qui devraient être... Si la personne a une formation à l'école, si n'importe quelle éducatrice, n'importe quelle personne qui va avoir un contact avec une femme ayant des limitations fonctionnelles avait une certaine formation, et pas une formation qui serait très, très cher, mais qui pouvait être... qui doit être incluse dans l'éducation, bien, à ce moment-là, ça changerait les valeurs puis ça changerait le système. Et ça, c'est une chose.

L'autre chose. Quand, tout à l'heure, on vous parlait qu'il y a beaucoup de ressources, même de ressources communautaires, de ressources d'hébergement qui ne sont pas accessibles, on n'en veut pas ni aux ressources ni aux personnes, c'est tout simplement qu'elles ne reçoivent pas l'argent. Dans les subventions, là, il n'y a aucun montant d'argent qui est prévu, par exemple, pour accueillir une personne sourde qui va avoir besoin d'un interprète, pour accueillir... pour faire en sorte que l'entrée soit accessible, pour faire en sorte qu'il y ait des toilettes, une salle de bains accessible. Le jour où, quand on pensera à une ressource d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, on sait qu'il y a un budget x qui doit être accordé à l'accessibilité puis à l'accommodement, il n'y en aura plus de... en tout cas, de double... il y aura peut-être toujours de la discrimination, mais pas de discrimination indirecte ou de double ou de triple discrimination. Et ces personnes-là vont pouvoir entrer. Et c'est tout ça qu'il faut changer.

Mais, parmi les réflexes inclusifs, il y en a beaucoup qui ne coûtent rien. Parler à la personne plutôt que de parler à son accompagnateur, ça ne coûte pas grand-chose, hein? Ça demande du respect puis ça demande d'être un peu intelligent.

Mme Caron: Je vous remercie beaucoup. Je vais laisser ma collègue de Laurier-Dorion puis je vais revenir s'il reste du temps.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Laurier-Dorion, il reste cinq minutes.

Mme Lefebvre: Merci beaucoup. C'est très intéressant, ce que vous amenez sur les réflexes inclusifs, puis je pense qu'en tant que société on aurait avantage à se sensibiliser davantage à cela.

Je voulais revenir à l'approche sociétale. Vous parlez, dans votre mémoire, que cette approche se situe dans la mise en oeuvre du désengagement de l'État et laisse présager le renforcement des inégalités des femmes, incluant les femmes ayant des limitations fonctionnelles. Donc, vous avez mentionné, tout à l'heure, quelques craintes que vous aviez par rapport à quelques règlements ou projets de loi qui ont été adoptés par le gouvernement en place actuellement, notamment... bien, en tout cas, je ne voudrais pas en refaire la liste, puisqu'on en a parlé déjà. Mais j'aimerais que vous élaboriez un peu sur cela.

Mme Serradori (Chloé): Bien, on va prendre peut-être deux exemples significatifs qui ne sont pas juste les faits du gouvernement en place, mais parlons, par exemple, en santé, du soutien à domicile. Bien, au niveau du soutien à domicile, on a eu une politique de soutien à domicile puis des orientations qui sont sorties en soutien à domicile, et les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, il va y avoir un recul important parce que... Par exemple, au niveau des auxiliaires familiales, bien ça va être juste les gens qui vont sortir du virage ambulatoire qui pourront avoir ces services-là, tout le reste est référé aux entreprises d'économie sociale, et les entreprises d'économie sociale, bien, c'est un coût, c'est 4 $ de plus de l'heure pour une femme qui a des limitations fonctionnelles, si elle veut recevoir un soutien à domicile.

M. Lavigne (Richard): Si elle veut se lever le matin.

Mme Serradori (Chloé): Si elle veut se lever le matin, si elle veut avoir un bain, etc. Et en plus, bien, il n'y a peut-être pas forcément ni la formation, ni l'expertise, ni des recours, enfin c'est ça.

Je pense au Régime des rentes du Québec, on parlait de changer la notion d'invalidité à partir de 60... je ne me souviens plus si c'est 60 ou 65 ans... 60 ans. Et avant, par exemple, une personne qui était déclarée invalide à partir de 60 ans, elle bénéficiait du régime des rentes d'invalidité, mais sauf si elle était capable de retrouver son travail pour lequel elle était rémunérée. Or, on veut élargir ça pour n'importe quel travail.

Et il y avait une... ça date de quelque temps, mais, de mémoire, il y avait une proposition qu'on trouvait terriblement dangereuse, c'était la rente pour le conjoint survivant, où on pensait que les femmes devaient avoir plus que trois ans, parce qu'elles étaient super éduquées, puis tout le monde allait bien, puis elles pouvaient retourner sur le marché du travail au bout de trois ans. Et, pour les femmes qui ont des limitations fonctionnelles, c'était catastrophique dans la mesure où c'était déjà très difficile... On parlait, tout à l'heure, d'écart. Et une femme qui a des limitations fonctionnelles, qui perd son conjoint par exemple, son conjoint souvent assume beaucoup de choses que l'État devrait assumer, ça fait que, si elle le perd, et puis inversement, hein, mais, mettons, on va parler des femmes, aujourd'hui, ici... Donc, c'était pour nous quelque chose... un très, très grand recul. Et puis on pourrait donner des exemples dans tout ce que je vous ai cité. Et pour nous ça va appauvrir les femmes en général. Quand ça appauvrit les femmes en général, ça appauvrit deux fois plus les femmes qui ont des limitations fonctionnelles, et donc ça va renforcer les inégalités.

M. Lavigne (Richard): Juste pour compléter. Je pense que l'État ne peut pas tout faire ? ça, on nous le dit tous les jours et effectivement... Mais je pense que c'est l'État qui est le leader au Québec ? on parle du Québec ? pour indiquer des choses que le Québec devrait faire. Je pense que l'État a déjà pris le leadership pour que la société puisse penser à des choses, et de laisser simplement l'initiative socioéconomique, communautaire décider du rythme avec lequel les personnes, les femmes qui ont des limitations fonctionnelles pourront être moins discriminées, c'est de laisser tomber. Et, moi, je pense qu'il est très important que l'État dise à tout le monde: Nous allons lutter contre l'exclusion, nous allons lutter contre la double, la triple, la multiple discrimination et, à partir de demain, nous nous engageons à faire telle, telle chose pour arriver à des résultats.

Maintenant, c'est sûr que l'État n'a pas le contrôle sur les résultats à lui seul, mais, s'il lance un message clair, je pense que c'est comme ça qu'on va commencer. Pour les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, on a eu ce débat-là. On nous disait: Vous ne trouvez pas que ça a avancé depuis 25 ans? Bien oui, ça a avancé; voilà 20 ans, il y avait 2 % de la fonction publique qui était handicapée, là on est à 1,6 %, ça avance vite. Tu sais, il faut faire attention avec l'espèce de... de demander aux gens de tout faire. Et je comprends que le gouvernement ne peut pas, lui tout seul, tout décider, mais je pense qu'il y a une responsabilité de leadership et je pense qu'on a, dans le cas qui nous concerne, ce qu'il faut pour avoir un bon leadership en termes d'égalité hommes-femmes ? je parle ici de notre ministre.

Le Président (M. Copeman): Alors, c'est tout le temps qui est imparti. Il est toujours instructif, M. Lavigne, de vous recevoir, au nom de la COPHAN, Mme Serradori, Mme Vézina, Mme Benegbi, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire.

J'invite les représentants de la Confédération des organismes familiaux à prendre place à la table et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 18)

 

(Reprise à 16 h 28)

Le Président (M. Copeman): Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de la Confédération des organismes familiaux du Québec. M. Turcotte, M. le président, bienvenue. Je rappelle, comme je le fais avec tous les groupes, que vous avez 20 minutes pour votre présentation qui sera suivie par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Pour les fins de l'enregistrement, je vous prierais de présenter la personne qui vous accompagne, et par la suite nous sommes à l'écoute.

Confédération des organismes
familiaux du Québec inc. (COFAQ)

M. Turcotte (Roch): Alors, bonjour à tous. Alors, en tant que président de la Confédération des organismes familiaux du Québec, COFAQ ? on va parler souvent de COFAQ, alors c'est dans ce sens-là qu'on va parler... Je suis accompagné de Mme Denise Campeau-Blanchette, qui est notre directrice générale. Alors, nous allons nous partager la tâche aujourd'hui. Nous allons commencer par vous lire notre mémoire. Alors, on va se partager la tâche. À toi, Denise.

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Alors, on tient à vous remercier pour l'invitation à participer à cette consultation. Il y avait beaucoup d'intérêt à donner notre point de vue puis il y en avait autant à attendre l'invitation, donc nous sommes satisfaits d'être invités, même si notre document ne porte pas sur l'ensemble des orientations, et vous l'aurez compris à la lecture préalable que vous avez dû faire.

n(16 h 30)n

Donc, en réponse à l'avis Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes, réalisé par le Conseil du statut de la femme et soumis à la ministre responsable de l'application de la Loi sur le Conseil du statut de la femme et responsable du Secrétariat à la condition féminine, Mme Michelle Courchesne, la COFAQ ? et on parlera toujours de COFAQ, je pense que ça va simplifier la lecture ? la COFAQ reconnaît que le projet de consultation déposé est ambitieux et que l'enjeu est de taille.

Malgré tout, l'organisme réagit à une nouvelle stratégie proposée par le Conseil du statut de la femme en affirmant d'emblée qu'un nouveau contrat social pour l'égalité entre les hommes et les femmes passe par un contexte d'égalité entre les rôles parentaux ? et c'est peut-être un aspect qui a peut-être moins été abordé à venir jusqu'à maintenant, mais on a tenté de l'argumenter en fonction des responsabilités parentales ? ceci afin de faire place aux multiples défis auxquels la société d'aujourd'hui est confrontée, entre autres le défi démographique, le défi économique et le défi social.

Il s'agira, dans un premier temps... on vous présentera... on vous fera un rappel, là, de la mission de l'organisme et de ses principes directeurs, et nous apporterons quelques commentaires en fonction de la première, de la sixième et de la septième orientation. Celles-ci doivent être réfléchies, selon l'organisme, sous l'angle de la parentalité comme nouveau contrat social égalitaire. Et en conclusion on vous rappellera les principes de base qui ont guidé cette réflexion.

Alors donc, la COFAQ, pour les personnes qui connaîtraient moins... est un organisme qui est né en 1972 et qui représente des organismes familiaux soit nationaux, régionaux ou même locaux. Et la COFAQ a été mise sur pied pour défendre les intérêts des familles et leur projet de société qui se veut axé sur l'esprit communautaire et la prévention. Actuellement, la COFAQ regroupe plus de 50 organismes, comme je disais tantôt, soit nationaux, régionaux ou locaux.

Alors, les principaux principes sur lesquels s'appuie la COFAQ pour intervenir et qui entrent en jeu, entre autres, dans cette réflexion sur le contrat social pour l'égalité entre les hommes et les femmes... Et ce sont des principes qui datent de 1984, de 1996, c'est-à-dire que l'organisme a toujours travaillé à partir de ces éléments-là, qui sont le moteur d'une politique familiale globale.

Premièrement reconnaissance du rôle social de la famille, reconnaissance du rôle social des parents et, bon, reconnaissance également de l'enfant comme étant une personne humaine. Et ce qui est l'objet de cette présente commission, c'est la reconnaissance de l'égalité du rôle des pères et du rôle de la mère à l'intérieur d'une famille. C'est la reconnaissance aussi de leurs droits et obligations à l'égard des enfants en respectant leur autonomie. Et la COFAQ a toujours défendu... Dans le fond, il est essentiel que les deux parents aient accès aux mêmes possibilités de participation à la vie collective, notamment au marché du travail. Aussi, il est indispensable que l'État assure et véhicule la reconnaissance du parent qui fait le choix, lui ? bon, dans les termes à l'époque ? de demeurer au foyer ou de choisir de s'occuper de l'éducation des enfants.

Alors, la COFAQ aussi s'appuie sur le respect du choix libre et ne veut pas imposer un modèle. Mais on dit: On respecte le choix libre des personnes en regard de leur mode de vie familial. La COFAQ réaffirme aussi... Et on n'est sûrement pas les premiers et non les derniers à réaffirmer que l'État est mandataire de l'intérêt collectif et que l'État se doit d'assurer une responsabilité collective et sociale envers les familles de la société québécoise. Alors, nous y reviendrons un peu plus loin, là, dans la reformulation des propositions en regard de ce qui a été soumis à la consultation.

Notre philosophie d'intervention, c'est une philosophie qui est axée sur du long terme. Pour y parvenir, il apparaît essentiel d'adopter une politique familiale globale, autant allant du rôle social à partir de l'enfance jusqu'à la retraite, selon un paradigme portant sur ce qu'on appelle le développement du capital humain et capital social comme étant une future source d'investissement pour l'avenir. Et ce qu'on déplore, c'est que bien souvent on considère la famille comme étant un fardeau économique ou comme représentant un certain nombre de défis ou de handicaps pour la vie en société ou même pour le développement économique. Pour nous, la cellule familiale doit être respectée comme une institution essentielle à la reproduction de la civilisation québécoise, et c'est à partir de ces éléments-là qu'on a réfléchi la consultation ou les éléments de consultation qui avaient été déposés.

Vous vous rendrez compte qu'on n'a pas abordé l'ensemble des sujets. On s'est axé sur la question des rôles parentaux, et on l'a abordée ? et ça peut vous sembler peut-être particulier ? on l'a abordée par la première orientation, qui était de «favoriser la transformation des rôles sociaux par la lutte aux stéréotypes féminins et masculins et par la promotion de valeurs et de comportements égalitaires». Ça a été un choix de l'aborder par la lutte aux stéréotypes plutôt que de le prendre par le volet 3, où on parlait de reconnaître, bon, les rôles parentaux et la redistribution ou la réorganisation des temps sociaux.

Alors, considérant que l'axe 2 contenu dans la première orientation propose que l'État doit «soutenir l'apprentissage du rôle parental dans une perspective égalitaire» ? et je vous fais grâce, là, de la lecture de l'article au complet ? pour la COFAQ, la promotion sociale de l'égalité des rôles parentaux se doit de promouvoir des évolutions durables des rôles parentaux, des structures familiales, des pratiques institutionnelles, des formes d'organisation du travail et du temps. L'égalité de fait doit permettre que les deux parents aient accès à un traitement équitable, dans la société, en vertu duquel cette égalité peut être un moteur de progrès et un gage de démocratie et de pluralisme. Ce que l'on souhaite dans le fond, c'est un traitement équitable selon le choix que les personnes auront fait.

Cette action politique en faveur de l'égalité des rôles parentaux requiert selon nous une approche quelque peu ambitieuse et suppose la reconnaissance et la volonté d'instaurer un partage équilibré des responsabilités parentales et familiales entre les hommes et les femmes. Et c'est pourquoi on a choisi l'axe des stéréotypes, parce qu'on dit: On pourrait vouloir travailler à annuler les stéréotypes, mais on pense qu'il faut aussi les changer, il faut changer par une volonté les cadres dans lesquels s'exercent ces stéréotypes-là.

Cela suppose d'interroger les nouvelles valeurs et les nouvelles réalités plurielles des rôles parentaux, de les prendre en considération lors de l'instauration en l'occurrence d'une politique de conciliation ? et, nous, on dit «d'une politique de conciliation famille-travail» ? intégrée dans une politique familiale globale, mais aussi lors d'un réaménagement de l'organisation du travail. Étant désuet, notamment en regard des nouvelles réalités plurielles des parents, ce marché du travail doit être revu selon une meilleure égalité de traitement dans la société. Ainsi, le concept d'égalité entre les rôles parentaux devrait se faire dans une meilleure répartition et intégration des temps familiaux, parentaux et sociaux.

M. Turcotte (Roch): Alors, ce que nous recommandons, comme vous l'avez constaté, c'est une politique familiale globale, en s'assurant que les programmes et politiques soient abordés sous un angle plus égalitaire, du point de vue des rôles parentaux, donc des pères et des mères face à l'enfant. Donc, le rôle de l'enfant va être très important.

En deuxième lieu, nous recommandons d'adopter une loi-cadre qui permette de revoir, entre autres, le Code du travail pour améliorer puis aménager l'organisation du travail de façon à redéfinir les rôles en tenant compte des situations contemporaines, comme par exemple: qui va chez le dentiste, qui va avec l'enfant malade, etc. Nous, on pense que dans notre... qu'il faut le temps de revoir la répartition des temps familiaux, parentaux et sociaux.

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Quant à l'axe 3, dans le fond, de la première orientation, qui stipule qu'il est essentiel de «travailler de concert avec ? bon ? les centres de la petite enfance et le milieu scolaire pour éliminer les stéréotypes [...] et favoriser la progression vers l'égalité entre les sexes»... Bon. Et encore là je vous fais grâce, là, de l'ensemble de l'énoncé.

Pour la COFAQ, il importe que l'État reconnaisse que le rôle social des parents est qu'ils sont les premiers responsables, dans le fond, du rôle éducatif des enfants et qu'on se doit de le réaffirmer dans une approche qui se veut égalitaire. Cela permet d'axer sur l'importance de la fonction de la transmission que sont les modèles parentaux pour les enfants. Et en conséquence la COFAQ croit que les centres de petite enfance et que l'éducation scolaire doivent tenir un rôle éducatif auprès des enfants, mais que nulle instance publique ne doit se substituer aux rôles éducatif et affectif que les parents font auprès des enfants. Et, à partir de cette logique-là, on va demander des temps familiaux, des temps parentaux pour être capables de jouer ce rôle-là et ne pas déposséder les parents de la fonction qu'ils ont à exercer.

Ainsi, l'attribution d'une égalité parentale vise le droit que tout enfant ait un lien significatif avec ses deux parents et puisse cheminer à travers une présence équilibrée assurée par le père et la mère dans une famille et dans la société. De cette manière, la COFAQ croit que c'est par un travail affectif et éducatif des deux parents auprès de l'enfant que la lutte aux stéréotypes sera possible.

Et ici on pourrait faire référence... On a cité dans le document un certain nombre de conventions internationales auxquelles on a été partie prenante, et le Québec a été partie prenante aussi à la signature et à un plan d'action concernant la charte des droits de l'enfant qui lui assure dans le fond une responsabilité commune de ses deux parents pour être capable de vivre son développement.

Et donc en guise d'illustration ? je vous ferai grâce... mais vous y avez fait vous-même allusion ? il est sûr que la politique sociale de l'égalité en Suède repose sur un souci de promouvoir une plus grande égalité entre les rôles de père et de mère. Et on pourrait ici tenter de reproduire, par des éléments, ou des programmes, ou des mesures qu'on pourrait développer, cette... pas juste de promouvoir ou d'inciter les pères à prendre plus de place, mais de donner des moyens pour que les pères puissent prendre aussi plus de place au niveau de l'éducation ou du lien affectif à développer avec l'enfant.

Alors, la COFAQ appuie l'instauration évidemment, là, du congé parental plus égalitaire, de manière à permettre que l'enfant ait ce lien significatif avec ses deux parents, auquel pourrait s'ajouter ? et ça, c'est le modèle en Suède ? éventuellement le mois du papa ou le mois de la maman, dans le fond, qui lui permettrait aussi d'avoir du temps de qualité avec ses enfants.

M. Turcotte (Roch): En fait, ce qu'on fait, c'est qu'on propose de reconnaître les parents, qui sont les premiers responsables éducatifs des enfants. Actuellement, on considère, dans le contexte actuellement, que c'est important et majeur. On pourra y revenir ultérieurement.

n(16 h 40)n

Ça veut dire aussi instaurer des mesures plus égalitaires, par exemple, entre les deux parents, lorsqu'il y a une séparation, dans le niveau des allocations familiales. Les bulletins scolaires, par exemple, qu'on envoie juste à un, pas à deux, puis c'est basé sur le fait que les adresses, lorsqu'on inscrit les enfants à l'école, sauf à la maternelle, je crois, c'est qu'il y a juste un des parents qui est inscrit, l'autre ne l'est pas. On parle aussi aux termes de cartes d'assurance maladie. Vous devriez savoir le problème que c'est, la carte d'assurance maladie, quand les gens sont séparés. On s'est aperçus que, les parents aussi, même pas séparés, ça pourrait être intéressant d'avoir deux cartes, une carte au nom de l'enfant pour le père puis une carte au nom de l'enfant pour la mère. Ça simplifierait bien des choses, là, quand il y a une urgence, etc. Ça paraît simple, mais c'est une mesure très importante. Et en tout cas il y a tous les problèmes aussi des passeports, mais on reviendra ultérieurement à ça.

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Bon. Alors donc, comme on expliquait tantôt, on a réfléchi sur celui des stéréotypes et pas spécifiquement sur l'orientation 3, mais effectivement on pensait qu'on pouvait être plus affirmatif dans ce cas-ci que dans l'orientation 3.

On y va maintenant pour l'orientation 6, qui était de «soutenir l'exercice du pouvoir et la participation sociale en toute égalité pour les femmes et les hommes, sur les [différents] plans national, régional et local».

Donc, la COFAQ approuve ou est d'accord que «...la participation sociale et l'exercice du pouvoir que les personnes contribuent à orienter les destinées de leur collectivité et posent des actions qui façonnent leur milieu de vie». Toutefois, il importe pour l'organisme ? et on le déplorait dans l'énoncé ? que le secteur famille soit un partenaire privilégié dans les prises de décision en regard du développement des sociétés, que ce soit au niveau de la sphère politique ou au niveau des instances démocratiques publiques. Alors donc, la recommandation sera ou est...

M. Turcotte (Roch): C'est de reconnaître l'apport de la participation sociale des organismes du secteur famille comme tel et d'offrir des conditions propices à leur exercice. On pourra y revenir, là-dessus.

Mme Campeau-Blanchette (Denise): C'est ça. Et la septième orientation: «Assurer l'ancrage de l'égalité entre les femmes et les hommes au sein du gouvernement.» Bon. Considérant que l'axe 2 vise le partage de «la responsabilité en matière d'égalité avec les parlementaires et les acteurs sociaux», il est proposé d'envisager la création d'une table des partenaires de l'égalité qui aurait un objectif de mobilisation, de partage d'expériences et de concertation dans le but de faire représenter les femmes et les hommes pour concourir à l'objectif d'égalité.

Alors, la COFAQ considère de bon augure la création d'une table des partenaires de l'égalité comme étant le rassemblement d'acteurs susceptibles de voir à l'avancée du principe d'égalité dans la société, mais propose là aussi d'y associer les familles et leurs représentants, de même que le secteur de l'éducation. Parce que ça nous a inquiétés de ne pas retrouver le secteur éducation associé à cette table-là afin de contribuer, là, aux objectifs qui étaient là. Donc, la recommandation...

M. Turcotte (Roch): Peut-être ajouter le secteur famille et le secteur éducation à la table des partenaires de l'égalité puis assurer un meilleur financement des organismes communautaires autonomes, secteur famille.

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Alors donc, en conclusion, cette réflexion bien brève mais en même temps dense pour le secteur que nous représentons. Alors, le processus de division familiale du travail pourrait bien être la trame des comportements des ménages et de leurs pratiques en termes de répartition de tâches, voire des temps. Des évolutions notables semblent se dessiner depuis une décennie ou deux, mettant ainsi en lumière le processus de partage, notamment entre les rôles de père et de mère dans la famille.

On pourrait vous citer une étude qui a été faite sur la répartition des différents temps des familles et l'enquête de Mme Tremblay qui dit: Si les pères avaient plus de temps, à quoi ils consacreraient leur temps? Ils admettent eux-mêmes qu'ils le mettraient au niveau du soin des enfants. Alors donc, si on n'en reste qu'à l'analyse statistique des données ou d'évolution de 1971 versus 1991, on dit: Ces statistiques-là donnent des choses, mais, si on fait des prospectives, on pourrait aller chercher d'autres éléments. Mais d'un autre côté force est de constater que de nombreux progrès sont encore à accomplir si l'on veut arriver un jour à une situation équitable entre les rôles parentaux, condition essentielle, à notre avis, là, d'un contrat social égalitaire.

Alors, les évolutions parcourues par les femmes, les mères montrent qu'elles se sont inscrites dans la sphère de l'activité professionnelle. Les rôles ont changé, les pratiques des familles se sont modifiées, les pères veulent s'impliquer davantage dans la sphère domestique et dans un rôle parental. Mais les structures publiques et l'organisation du travail sauront-elles suivre ces changements profonds?

Il importe en fait, pour la COFAQ, de prendre en compte les deux parents et leurs liens significatifs avec l'enfant, c'est-à-dire le père et la mère tels deux partenaires qui concrétisent une égalité à l'intérieur des rôles parentaux. Il en va de même de l'enfant qui, hélas, semble être au coeur de l'enjeu d'une politique de l'égalité. Alors, saurons-nous nous donner cette politique de l'égalité?

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Alors, afin de débuter la période de l'échange, Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Madame, monsieur, bienvenue, merci. Je dis toujours à ceux qui se présentent comme dernier groupe... Je les remercie doublement parce que vous pouvez peut-être parfois avoir l'impression que c'est une plage horaire un peu plus ingrate. Mais, soyez rassurés, votre présentation et votre mémoire est de vif intérêt pour nous.

Je remarque d'ailleurs que votre confédération regroupe des organismes qui s'occupent des familles partout au Québec. Vous avez donc une bonne représentativité, et je crois comprendre que votre mémoire reflète l'opinion un peu des groupes qui sont vos membres. Est-ce qu'on peut le voir comme ça? Vous êtes d'accord avec ça?

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Et ce qu'on peut confirmer, c'est qu'on a tenu, l'an dernier, une journée, là, sur le droit des enfants, et donc l'ensemble des membres ont participé. Et, quand on parle de l'importance du lien significatif de l'enfant avec les deux parents, c'est un discours qui est véhiculé à l'interne, là.

Mme Courchesne: La raison pour laquelle je vous dis cela, c'est que vous abordez l'angle de l'égalité mais véritablement de façon très forte sur le rôle égalitaire entre le père et la mère. Vous avez une approche très positive à l'égard de la façon dont ces rôles peuvent être égalitaires dans notre société.

Cela dit, nous en sommes à notre deuxième semaine et, après avoir écouté plusieurs groupes, les prémisses de base des autres personnes qui sont venues devant nous étaient totalement différentes, puisqu'il fallait et il faut reconnaître, dans notre société, que ce qui est difficile, dans cette conception du rôle égalitaire des hommes et des femmes, c'est qu'il y a, au sein de notre société, des discriminations qui sont systémiques à l'égard des femmes. Et ça les empêche effectivement, parce qu'elles sont discriminées à différents endroits, ça empêche de pouvoir accéder ? en tout cas, quand on lit votre document ? aussi facilement à ce rôle égalitaire entre les pères et les mères, qui sont des femmes et des hommes, hein? On se comprend, on ne jouera pas sur les mots, vous l'avez abordé sous l'angle de la famille.

Mais, quand vous dites: Il y a des études qui nous disent que les pères veulent participer davantage, il y a peut-être une étude qui dit ça pour une quantité d'autres études qui prétendent que, non, il y a encore une immense inégalité de fait dans la répartition des tâches domestiques, dans la capacité des hommes de bien assumer ou de vouloir... pas de bien l'assumer, mais de vouloir atteindre cette égalité et d'assumer ce rôle-là. Vous me voyez un peu surprise, et j'aimerais vous entendre là-dessus. Comment réagissez-vous par rapport à ces affirmations? Et vous semblez dire: Bien au contraire. Et vous êtes carrément dans l'approche sociétale à 100 %, là, 150 %, parce que vous dites: Donnez des moyens aux pères puis, si vous donnez des mesures très précises et très concrètes aux pères, bien, oui, ils vont partager également les tâches avec les mères ou avec les femmes. Et en même temps vous dites: Bien, s'il y a des inégalités pour les femmes aussi, ce qu'on veut, c'est d'avoir des mesures égales hommes-femmes pour être en mesure de pouvoir partager correctement ce rôle-là. Et je trouve ça intéressant, les exemples que vous avez apportés au niveau des bulletins, des cartes d'assurance maladie. Ce sont des petits détails, mais ça peut être vrai dans un cas comme dans l'autre. Sauf que je veux vraiment vous entendre par rapport à tout ce qu'on a entendu depuis une semaine et demie. Vous n'êtes pas mal à l'aise par rapport à ça?

M. Turcotte (Roch): Je peux vous répondre là-dessus. C'est qu'au fond, nous, pour nous, l'enjeu, dans notre société québécoise effectivement, quand on sait les décisions des tribunaux, tranchées, les juges, on sait qu'actuellement la garde, elle va à 80 % aux femmes pour 20 % à peu près aux hommes ? il y a un petit nombre là-dedans qui a de la garde partagée, mais c'est une minorité ? on sait que le pattern global actuellement, dans notre société, n'est vraiment pas dans le sens qu'on parle. Mais en même temps on se rend compte que les jeunes générations vont dans ce sens-là beaucoup plus facilement, et, nous, on pense que, du point de vue de l'enfant...

Mme Courchesne: Même s'ils ne sont pas séparés, on s'entend. C'est ça?

M. Turcotte (Roch): Ça ne change pas, là.

Mme Courchesne: Votre mémoire, ce n'est pas uniquement pour les couples séparés, là.

n(16 h 50)n

M. Turcotte (Roch): Ce n'est pas juste des gens séparés, c'est... On parle de cas concrets, là, parce que, là, vous parlez de la dynamique, alors on va aller sur des chiffres où que ça apparaît. On revient dans la dynamique, parce qu'au fond, fondamentalement, l'enfant aime ses deux parents, et, nous, fondamentalement, on considère qu'une mère, c'est important, mais qu'un père, c'est aussi important et que, dans notre société actuelle, il y a un déséquilibre. Par exemple, un exemple concret, sinon on ne comprend pas, si quelqu'un est séparé puis qu'il reçoit des allocations familiales, ce n'est pas au nom du père que ça va être, ça va être au nom de la femme. Ça paraît drôle, mais c'est comme ça. Quand la garde partagée existe, arriver à avoir des allocations familiales partagées, ce n'est pas évident.

C'est un ensemble de choses qui touchent au paradigme de fond. Puis on se rend compte que les générations, les 50 ans et plus, on vit ça d'une certaine façon, on se rend compte que les générations des 15-25 ans, aujourd'hui, le vivent d'une autre façon. Et, l'équité parentale, il y a deux types de personnes là-dedans, il y a ceux qui y croient puis qui vont l'imposer plus ou moins. Puis la garde partagée, ce n'est pas juste les hommes qui la revendiquent, il y a des femmes aussi qui sont d'accord, le bien de l'enfant. Alors, l'affectif, le lien significatif est important et, dans notre société, qu'un homme ou une femme qui se sépare se chicane devant les tribunaux, c'est une chose, mais que la société n'en voie pas les enjeux pour l'enfant, fondamentaux, ça, c'est une problématique.

Il faut le voir comme ça. Et pour nous les hommes puis les femmes dans l'éducation moderne ont changé... Les jeunes femmes de 20 ans, qui ont élevé un ou deux enfants, ne sont pas plus à l'aise avec un jeune bébé qu'un homme. Il y a un apprentissage à faire puis il y a des services qui existent dans notre société. Alors, on va aborder ça de front et, si on donne cette égalité de fond, que la société le reconnaît, on est convaincu que les enfants vont être gagnants. C'est le point de vue, puis on a eu une journée, l'année dernière, qui a porté là-dessus. On a un rapport là-dessus, vous pouvez le consulter, et les gens votent... plusieurs organismes se sont inscrits, et beaucoup d'individus aussi se sont inscrits pour cette égalité et cette revendication sociale. Alors, on n'est pas les seuls, madame.

Mme Courchesne: Je veux revenir sur ma question, si vous me permettez, parce que vous dites, par exemple: Les allocations sont au nom de la femme, mais historiquement, parce qu'il y avait cette discrimination, parce que la femme n'a pas un salaire égal, parce que la femme n'a pas un poste non plus nécessairement égal par rapport à ce qu'elle a à vivre sur le marché du travail, historiquement, on a aussi envoyé des chèques aux femmes pour pouvoir équilibrer ce manque de revenus là. C'est parce que j'essaie de revenir à cette notion... Vous semblez... Est-ce que ? je vais poser ma question autrement ? est-ce que, dans la lecture que vous faites du Québec d'aujourd'hui, vous mettez totalement de côté cette discrimination systémique qui est faite à l'égard des femmes?

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Non, je ne pense pas qu'on mette de côté. La seule chose, c'est qu'on dit: On pense que, dans les rôles familiaux, il y a un creuset familial qui permet de transférer ou de transmettre dans le fond des rapports qui peuvent devenir égalitaires, et qu'il faut permettre à cette famille-là de les vivre. De les vivre au niveau... Tantôt, vous parliez des tâches domestiques, mais, dans les temps familiaux, il n'y a pas que des tâches domestiques. On pourrait y revenir puis... Bon. On a fait un bulletin, en novembre, dans le fond, à partir de statistiques de Statistique Canada pour arriver à démontrer que ça n'a pas bougé tant que ça. Mais ce qui est resté aussi tel quel ou à peu près: les femmes s'occupent beaucoup plus de l'intérieur, les hommes beaucoup plus de l'extérieur.

Donc, quand on va demander qu'il y ait un meilleur partage, une meilleure redistribution, ce n'est pas juste au niveau des tâches domestiques, c'est au niveau de ce que ça comporte comme famille. Il y a une responsabilité par rapport aux enfants. Donc, des temps familiaux, c'est aussi du temps de qualité avec les enfants, c'est aussi du temps, bon, de transport, c'est du temps aussi aux loisirs, c'est des temps libres, il y a plein d'éléments dans le temps. Et, quand on arrive à souhaiter qu'il y ait un meilleur partage et quand on y va par le biais d'une politique de conciliation famille-travail dans le cadre d'une politique familiale globale, l'idée, c'est d'arriver à dire: Arrêtez de penser que le modèle de la société, c'est des pères pourvoyeurs puis c'est des mères à la maison.

Il y a un dossier, là, dans La Presse, en fin de semaine, qui parle des femmes au bord de la crise de nerfs. On n'est pas en train de nier ça, là, on dit: Ça n'a juste pas de bon sens, et que, si les deux ont intérêt à développer chez l'enfant des modèles qui deviendront des modèles de société, des modèles égalitaires, bien arrêtons de faire courir les deux puis arrêtons... Si le père demande du temps pour aller chercher l'enfant à la garderie ou s'il demande du temps pour... peu importe, il va se faire regarder ou il n'osera même pas le demander, c'est... Quoi de plus normal qu'un père puisse s'intéresser à son enfant? Bon. Et vice versa, là. Donc, arrêtons de penser, comme société, qu'il y a des rôles stéréotypés qui appartiennent soit aux femmes soit aux hommes. Et donc on affirme que, oui, il y a discrimination, d'une certaine façon, mais remettons les pendules à l'heure et permettons aux deux qui vivent des projets communs d'être capables de les vivre sur un pied d'égalité.

Mme Courchesne: Ce que vous dites, c'est qu'il y a des stéréotypes des deux côtés.

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Oui, oui. Bien sûr.

Mme Courchesne: Et c'est ce qui freinerait le rapport égalitaire entre les femmes et les hommes, particulièrement quand on s'occupe de la famille.

M. Turcotte (Roch): Je dirais plutôt...

Mme Courchesne: C'est des exemples qui étaient cités, par exemple, dans les journaux de la fin de semaine.

M. Turcotte (Roch): Je dirais plutôt qu'il y a des milieux familiaux ou des couples qui la vivent, l'égalité. Ça, ça existe, et de plus en plus, là. Il ne faut pas se leurrer là-dessus. Mais sauf que les appareils juridique, administratif puis les programmes et les politiques gouvernementales ne sont pas axés là-dessus. Nous, on dit: Il y a un rééquilibrage à faire. C'est pour ça qu'on a donné une série de petits moyens. Ce n'est pas miraculeux, ce qu'on dit, mais ça simplifierait la vie de tous les jours puis ce serait un signal clair que la société québécoise est pour, dans les rôles parentaux, une égalité des pères puis des mères. Simplement ça. Mais, si vous me dites que vous voulez garder les stéréotypes traditionnels, là on ne sera plus sur le même camp, c'est sûr.

Mme Courchesne: Ce n'est pas ce que j'ai dit, là.

M. Turcotte (Roch): J'espère!

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vimont.

M. Auclair: Merci, M. le Président. Juste un élément qui... Quand vous parlez... En tout cas, ce que j'ai saisi, c'est que vous allez vraiment, vous dirigez beaucoup votre approche vers le volet sociétal. Donc, la société, bon, il faut... Plus qu'on sensibilise la société, plus qu'on va réussir à régler le problème d'inégalité ou de discrimination. C'est, si je saisis, la base. Sauf qu'il y a un élément très important, puis, moi, je vais me ranger du côté à ceux qui prônent le levier spécifique parce qu'à cet égard-là c'est important. Il ne faut pas le négliger. Les leviers spécifiques sont, par exemple, des lois.

Quand vous parlez d'égalité, vous savez qu'il y a eu des lois qui furent très positives au niveau, par exemple, de la reconnaissance au niveau familial. Vous parlez des enfants dans les milieux des familles, bon, divorcées, et tout ça. Il y a quand même une loi qui est venue faire en sorte qu'il devait y avoir de la médiation familiale. Il y a eu la loi sur le patrimoine familial qui est venue rétablir certaines inéquités. Donc, je suis tout à fait en accord avec vous quand vous parlez qu'il faut y arriver avec le volet sociétal, mais il ne faut pas négliger le volet spécifique, qui vient justement régler des problèmes qui sont causés par des réalités.

Écoutez, moi, comme notaire, comme pratique, c'est un élément que j'ai traité très longtemps, au niveau du patrimoine familial, comment les gens détestaient... Écoutez, moi, j'ai vu des hommes faire des crises au niveau du patrimoine familial. Et pourtant, s'il y a une loi qui est équitable, c'est le patrimoine familial, à mes yeux juridiques. Je trouve que c'est la plus belle loi au niveau de respect, d'égalité, de la réalité d'un couple. La même chose au niveau de l'approche au niveau de la médiation familiale. On a tenté, par ce processus-là, de forcer les gens de se parler. C'est beau dans une société où, quand tout est bien beau, quand la poussière est tombée, ça va bien. Mais, quand on est dans une situation de séparation, pour le meilleur des enfants... Le volet de la médiation familiale est encore là une approche spécifique, mais qui a donné et qui doit mériter... On doit travailler.

Je suis d'accord avec vous avec le sociétal, mais il ne faut pas mettre de côté... Et ce n'est pas seulement le sociétal qui va régler les choses. Le spécifique est très important pour permettre à forcer... Des fois, il faut forcer les gens un petit peu à aller plus loin dans leur démarche, et c'est le rôle du spécifique dans ce cas-ci.

M. Turcotte (Roch): Mais, moi, je vous répondrai que ce qui effectivement... Notre mémoire vous force à faire une étape de plus. Nous, on dit: À ce moment-ci, la société doit envoyer des signaux clairs dans l'intérêt de l'enfant ? vous voyez, je ne vous parle même pas de patrimoine, je ne parle même pas de l'aspect financier ? où il y a une stabilité émotionnelle d'un père avec son enfant puis la mère avec son enfant.

Et, quand on accepte, dans une société, que la loi... Ça, je sais bien que la loi, elle ne relève pas d'ici. Elle relève du gouvernement fédéral, mais c'est nous qui gérons les tribunaux, puis les unions de fait relèvent du gouvernement du Québec, en passant. Cette distinction-là que je viens de faire ? je ne sais pas pour les autres qui ne sont pas juridiques, là ? cette distinction-là est importante.

Mais, ça étant dit, nous, on dit: La société québécoise, lorsqu'elle garantit le lien affectif aux pères et aux mères, quand il y aura l'annonce d'un divorce ou une séparation, ce ne sera pas le drame. C'est sûr qu'il y a peut-être certains professionnels qui ont intérêt à ce que les gens se chicanent, puis c'est payant. Mais, pour l'État, je ne suis pas sûr que c'est payant, loin de là.

La médiation, on ne reviendra pas là-dessus, là. Je pense que ça a son propre volet, puis ce n'est pas à moi que... Ceux qui nous connaissent savaient que, la médiation, on est favorables à ça. On ne peut pas être contre ça. Nous, on dit que le principe de conflit juridique tel qu'institué par les lois du divorce fédérales actuellement, telles qu'écrites, sont complètement fofolles, pour nous. Parce que l'enfant est toujours gagnant. Un enfant, il aime son père et sa mère, ça, c'est écrit. N'essayez pas de jouer là-dessus. Puis, quand vous posez la question à un enfant... Puis c'est comme expérience personnelle, je ne suis pas juste à la COFAQ, là, je rencontre des gens puis... Demandez à un enfant, quand il n'aime pas son père ou sa mère: Qui t'a dit ça? Puis il y a toujours quelqu'un qui lui a dit ça, tu sais. Puis souvent on est obligé de donner ce point de vue là parce que... pour faire plaisir à quelqu'un. C'est terrible, ce qu'on fait à nos enfants.

n(17 heures)n

Deuxièmement, une fin de semaine sur deux, que ce soit un homme ou... un père ou une mère qui vit ça, si vous considérez ça facile, quatre jours par semaine avec vos enfants... Ceux qui ont des enfants, ici, imaginez-vous, vous les voyez quatre jours par semaine... par mois... par mois, quatre jours par mois, deux fins de semaine. C'est aberrant. Si vous aimez jouer au mononcle ou à la matante, ça va être parfait. Si vous êtes un parent qui aime ses enfants, vous allez dire: C'est une cruauté, cruauté autant pour le parent que pour l'enfant.

Tout à l'heure, madame, elle parlait des hommes qui se désistent, etc. Il y a bien des gens que c'est pour une signification de santé mentale, pour eux, de s'enlever de là, et pour l'enfant aussi. Et, quand on force l'enfant à choisir entre ? comment je dirais bien ça ? son affectif entre son père puis sa mère, je trouve ça complètement fou. Nous, on a un point de vue, comme Mme la ministre l'a dit tout à l'heure, qui est positif. Nous, on pense que, dans une société qui se respecte, on part de principes... On a des bons parents, c'est sûr, puis il n'y a pas un mode d'emploi qui vient avec l'enfant. Ça, ni le père ni la mère ne l'a. On s'aperçoit aussi que les jeunes couples, c'est... On n'est plus dans les familles nombreuses, là, hein, où les grands s'occupaient des petits, etc., là. Il y a un apprentissage à faire. Mais des jeunes mères comme des jeunes pères ont à le faire. On a des services puis on a des groupes communautaires qui sont chez nous, qui font des services du genre de même. Nous, on pense que la société québécoise doit franchir un pas de plus puis garantir cette stabilité émotionnelle et affective avec les enfants. Et, à ce moment-là, nous considérons que les premiers gagnants, ce seront les enfants et, si les enfants sont des gagnants, la société québécoise sera des gagnants. C'est notre point de vue, c'est le point de vue de fond, qu'on travaille dessus. C'est ça qu'on veut dire par des liens significatifs.

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Et, moi, je voulais juste ajouter que, même si on est identifié comme étant dans le sociétal, on n'a jamais dit qu'on était contre le spécifique et le transversal, O.K.?

M. Auclair: Excellent. O.K.

Mme Campeau-Blanchette (Denise): On considérait que ça ne relevait pas de notre champ de compétence. Nous n'avons pas monté de dossier, là, sauf qu'on a réaffirmé, puis, dans les principes de base à partir desquels la COFAQ travaille, la COFAQ a toujours reconnu l'égalité, bon, des parents et le droit au choix dans le fond et donc de la... Quand on disait, là: Les deux doivent avoir accès à la participation à la vie collective, au choix de travail rémunéré ou au choix de s'occuper, au foyer, là, des enfants, on dit: C'est un choix de société aussi, là, que les gens font et ce n'est pas juste une question privée que... Alors donc, je pense que le principe d'égalité, la COFAQ a toujours vécu en fonction de ça, mais, pour ce qui est de l'aspect plus spécifique, la COFAQ n'a pas nécessairement monté de dossier pour démontrer comment, en tant que mères, les femmes étaient comme plus spécifiquement... Alors, je ne sais pas si je me fais comprendre, mais ce que je veux dire, c'est que, si on ne l'a pas abordé, on n'a pas dit qu'on était contre non plus, là.

Le Président (M. Copeman): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Je vais être très, très, très brève, le temps s'écoule. Mais vous avez raison, là, vous dites... En fait, vous avez raison... ce que vous dites, c'est qu'on n'a pas abordé cette question spécifique, sauf que, là où j'essayais de vous amener, c'est que, si les femmes sont toujours discriminées dans notre société, tant qu'on n'aura pas fait ce rattrapage et qu'on n'aura pas atteint cette égalité de fait, ça va être très difficile aussi de s'inscrire dans un rapport égalitaire entre femmes et hommes. C'est ce qu'on entend depuis plusieurs jours. C'est juste ça. Alors que, vous, ce que vous dites, et je crois que, M. Turcotte, vous l'avez exprimé à votre façon, c'est de dire: Nous, on pense, et la prémisse sur laquelle on part, c'est que la société a évolué et que donc il y a un progrès important, sans le chiffrer, sur le rôle des pères ou des hommes dans un contexte familial. Vous partez de cette prémisse-là, dans la volonté... c'est-à-dire, vous dites: Il y a des hommes qui ont de plus en plus la volonté de vouloir partager équitablement ou également le rôle familial. Donc, vous dites au gouvernement: Instaurez des mesures qui vont venir concrétiser cette volonté manifestée par des hommes et des femmes qu'on pourrait dire plus jeunes, mais peut-être que ce n'est pas nécessairement des plus jeunes non plus, ça fait partie de l'évolution de notre société. Est-ce que je résume... Parce qu'on n'a plus de temps, là, mais...

M. Turcotte (Roch): Je vais juste vous dire ceci. Autrefois, dans la société traditionnelle québécoise, on avait surtout des femmes au foyer, les années cinquante et avant, disons ça de même. Maintenant, on a aussi des hommes au foyer. Et, lorsqu'arrive une séparation, les drames sont encore beaucoup plus grands. Je ne veux pas entrer en détail. Si vous cherchez une zone de discrimination... Et, quand vous avez des hommes à l'aide sociale, ils ne sont pas en mesure financièrement, 550 $ par mois, ni les mères d'ailleurs, d'accueillir leurs enfants avec les barèmes actuels. C'est clair, ça, ce que je viens de dire?

Une voix: ...

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Merci de votre présentation, merci de votre mémoire. Vous avez choisi un angle très spécifique, et c'est votre droit le plus légitime de choisir un angle précis. Lorsque vous parlez d'une réforme au niveau du Code du travail, je pense que c'est un peu ce qu'on a fait au niveau de la réforme des normes du travail, où on a amené des congés parentaux, des congés familiaux, qu'on a mis, qu'on a inclus au niveau des normes pour aller dans ce sens de donner un peu plus de temps au niveau de la famille.

Peut-être une petite précision au niveau des allocations familiales, parce que j'ai reçu régulièrement, en 15 ans, comme députée, des femmes et des hommes qui étaient séparés, et, au niveau des allocations familiales, maintenant, quand il y a garde partagée... Très, très souvent je leur demandais: Bon, au niveau des allocations familiales? Et, quand la garde était partagée 50-50 ou qu'il y avait une répartition autre, ils me disaient: Bien, j'ai la moitié des allocations familiales et mon conjoint ou ma conjointe a la moitié des allocations familiales. Donc, ce n'est pas une règle stricte, là, que c'est automatiquement les mères qui reçoivent l'allocation familiale. Je pense qu'il faut apporter le correctif. Peut-être qu'il n'y a pas eu entente dans certains cas, que ça n'a pas été fait, là, mais ce n'est pas automatique.

Moi, je voudrais vous entendre sur deux aspects. Vous avez dit... et effectivement la société a changé, les visages familiaux ont changé aussi. D'ailleurs, la semaine dernière, nous avons entendu un groupe, Gai Écoute et la Fondation Émergence, qui sont venus nous dire qu'il y avait une discrimination au niveau de leurs rôles parentaux. Comment vous voyez ça? Parce que, dans votre mémoire, ça apparaît plus l'image que c'est toujours un père et une mère au niveau des parents. Mais ce groupe-là principalement est venu nous dire: Bien, parfois, les parents, c'est deux hommes ou c'est deux femmes. Et cet aspect-là, ce visage nouveau de famille, vous ne l'avez pas abordé du tout.

M. Turcotte (Roch): Moi, je vais vous répondre là-dessus que, pour nous, ça existe, ce que vous soulevez là, mais, pour nous, c'est marginal, dans le sens que c'est un petit nombre... peut-être 30 ou 40 enfants nouveaux par année concernés par une telle situation, par rapport aux 40 000 autres qui se séparent, ou autre. Les proportions sont disproportionnées. Donc, nous nous axons sur le groupe majeur, nous nous en tenons à ça pour l'instant. Nous n'avons rien contre, mais ce n'est pas l'objet principal. Nous pensons qu'en réglant le cas des 40 000 cas d'enfants par année, où les parents se séparent, officiellement, entre guillemets, parce qu'il y en a d'autres qui se séparent puis qui s'entendent verbalement ou par écrit, ils ne sont pas là dans les chiffres... Alors, pour nous, non, on n'a pas pris position pour ça comme tel parce qu'on considère que c'est marginal, du point de vue de l'enfant toujours. Par rapport au rôle, tu veux y aller?

Mme Campeau-Blanchette (Denise): ...

Mme Caron: Peut-être que j'ai mal compris, là, votre rôle, là, mais, vous, quand vous intervenez, vous nous parlez spécifiquement des séparations...

M. Turcotte (Roch): Non, nous, on dit que l'urgence... Non, non, ce n'est pas ça.

Mme Caron: ...puis madame nous parle plus au niveau de la famille.

M. Turcotte (Roch): Non, non, c'est l'ensemble de la famille. La situation problématique qui se passe au niveau d'un divorce, si ce n'est pas égalitaire au niveau d'une séparation, ce ne l'était pas avant. Il ne faut pas se leurrer là-dessus. On s'est aperçu que des mesures qui faciliteraient l'entente, puis... Entre autres, la carte d'assurance maladie, qui paraît bien simple, là, mais qui n'est pas si évidente, simplifie à la fois la vie des gens qui sont séparés puis des gens qui sont en couple aussi, parce que chacun travaille et, s'il y a une urgence, etc., pour l'enfant, il y a le dentiste, il a sa carte. Nous, on considère que c'est une mesure simple. C'est toujours une histoire parce qu'il y a des gens qui ont fait la garde partagée, que j'ai connus, qui n'ont jamais vu la carte d'assurance maladie. C'est sûr qu'au Québec il y a une certaine tolérance. Tu arrives avec un enfant, dans la nuit, en urgence, ils vont finir par te laisser passer parce que tu n'as pas la carte. Puis, si tu es en voyage dans une autre province, c'est une autre affaire. Vous voyez un peu le genre de problème, de situation qui se passe.

Alors, ce que je veux dire tout simplement, c'est que, nous, on considère qu'on va sur le global, effectivement, parce que c'est pour ça qu'on parle de politique globale. S'il y a un écart... Puis il ne faut pas se leurrer, ce n'est pas tout le monde qui s'en va en cour se chicaner, puis s'entre-déchirer, puis que le bien des enfants passe en dernier. Ce n'est pas tout le monde, ça, non plus, là, il ne faut pas se leurrer, là. Il faut savoir qu'au Québec, grosso modo, il y a un tiers de gens qui s'entendent verbalement, un tiers qui ont une entente écrite, puis un tiers qui sont devant les tribunaux. Puis il y en a un certain nombre devant les tribunaux qui n'ont pas le choix, ils sont à l'aide sociale, il faut qu'ils y aillent de toute façon, ils ont besoin d'un papier légal. Ça fait que c'est ça, la dynamique.

n(17 h 10)n

Mais, nous, ce qu'on pense, c'est qu'en prenant une attitude positive puis en montrant aux enfants que le père et la mère est aussi important un que l'autre les petits garçons vont être gagnants puis les petites filles vont être gagnantes. Et, dans la querelle des parents, puis des tribunaux, puis «whatever» ? en tout cas, on peut rentrer là-dedans, mais on ne veut pas rester là-dessus ? on vous dit: Mettez en place des mesures positives qui font en sorte que la société québécoise reconnaît l'égalité des pères et des mères puis facilite la vie de tous les jours. Puis ce sera déjà un signal. C'est un signal de plus, et on est conscient que c'est une marche de plus de ce qui a été fait. Mais on pense que le temps est venu de le faire parce que ça va simplifier la vie de tout le monde, puis ultimement nos enfants vont être gagnants. C'est tout.

Mme Caron: Oui, madame, avez-vous...

Le Président (M. Copeman): Allez-y, Mme Campeau-Blanchette.

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Moi, je voulais tout simplement peut-être mettre la nuance. Bon. On est un organisme qui regroupe des organismes, dans le fond. Quand M. Turcotte a dit: C'est marginal par rapport à l'ensemble, il est évident qu'on parle au nom de l'ensemble des organismes qui sont membres chez nous. Actuellement, il n'y a pas de groupes gais, lesbiennes qui sont membres à la COFAQ. Donc, je pense que ce n'est pas parce qu'on rejette encore là cette approche-là, mais ce sont des gens qui ne sont pas présents et donc qui ne participent pas actuellement aux débats pour lesquels on représente les organismes. Donc, je ne sais pas si je peux faire la nuance... Encore là, ça n'exprime pas une prise de position contre, ça dit juste: On parle au nom de la majorité des membres, des organismes qui sont membres chez nous dans le fond et qui réfléchissent sur un certain nombre de questions.

Mme Caron: Merci beaucoup. Ma deuxième question, ensuite je vais laisser ma collègue. Vous parlez effectivement du lien significatif des deux parents. Vous avez bien dit, M. Turcotte, que vous partez du principe que tous les parents sont bons. Moi, j'aimerais que vous nous disiez ce que l'on doit faire dans les cas où un enfant est victime d'inceste de la part de son père. Comment vous voyez ça? Parce que ça existe au Québec, c'est une réalité, une triste réalité. Et, en mettant le principe qui ne tient aucunement compte de certaines réalités, donc enfant victime d'inceste ou ? fille ou garçon, là ? enfant battu par le parent, c'est quoi, votre point de vue dans ces cas-là précis? Pas en général, j'ai bien compris. Mais, dans ces cas précis où un enfant est victime de violence grave ou est victime d'inceste, c'est quoi, votre position?

M. Turcotte (Roch): Mais ce que vous soulevez, ça peut toucher autant les hommes que les femmes aussi, que les mères. Ce n'est pas juste unidimensionnel.

Mme Caron: À 95 %.

M. Turcotte (Roch): Et vous savez... Bien, on ne reviendra pas là-dessus, là. Au niveau des statistiques, il y a des réalités bien différentes de la violence. Un homme qui se présente à un poste de police pour violence, comment est-il accueilli? Ça fait qu'il faut faire attention dans les choses. La violence existe, madame. Mais ce que, nous, on ne peut pas cautionner, même si c'est en périphérie de notre mandat, nous, à la COFAQ, c'est toutes les formes de manipulation qu'il peut exister autour de ça.

Mme Caron: Ce n'est pas en périphérie de votre mandat.

M. Turcotte (Roch): Bien, moi, je vous...

Mme Caron: Quand vous demandez une attribution égalitaire lorsqu'il y a inceste ou un enfant qui...

M. Turcotte (Roch): Ce n'est pas ça...

Mme Caron: ...qu'il y a une violence grave, qu'est-ce que vous...

M. Turcotte (Roch): Ce n'est pas de ça qu'on parle, madame.

Mme Caron: ... qu'est-ce qu'on doit faire dans ces cas-là? Parce que, si je lis votre mémoire...

M. Turcotte (Roch): Toute forme de violence, madame, personne, personne ici...

Mme Caron: J'aimerais terminer.

Le Président (M. Copeman): M. Turcotte, là, à cette heure-ci, j'ai de la misère à suivre quand une personne parle. Quand deux parlent en même temps, c'est bien dur. Ça fait qu'on va laisser Mme la députée terminer, puis, après ça, vous allez avoir le temps de parole qu'il vous faut.

M. Turcotte (Roch): J'avais un droit de parole.

Le Président (M. Copeman): Je comprends, mais une à la fois. Il me semble que c'est des règles pas mal élémentaires.

Mme Caron: Je pose une question bien précise. Parce que vous nous dites: Il faut reconnaître le rôle social des parents, les premiers responsables éducatifs, il faut s'assurer de l'attribution d'une égalité parentale, il faut s'assurer d'une présence équilibrée du père et de la mère dans la famille. Et je vous pose une question bien précise, sexuez-la pas si vous voulez, indépendamment des réalités, mais, dans les cas d'inceste et de violence faite aux enfants, qu'est-ce qui arrive par rapport à ce principe-là?

M. Turcotte (Roch): Nous défendons le point de vue, le bien-être de l'enfant. Toute forme de violence...

Une voix: ...

M. Turcotte (Roch): Toute forme de violence ne peut pas être cautionnée d'aucune façon. Toute forme de manipulation de l'affectif de l'enfant ne peut pas être non plus cautionnée. Dans notre société, ce qu'on observe, le problème, c'est que... des solutions alternatives significatives qui vont être dans le bien-être de l'enfant. On s'aperçoit dans le moment que la protection... même des ouï-dire, présomption sans fondement, on retire l'enfant. Nous, on est en train de s'interroger jusqu'à quel point, dans notre société, on n'aide pas les parents à ce qu'ils... Placer des enfants dans des situations comme ça, extrêmes, les retirer automatiquement sur présomption, même si ce n'est pas fondé, est-ce que c'est une approche qui est valable? On se pose la question si certains organismes de protection, s'ils ne devraient pas mieux encadrer puis supporter des parents. Est-ce que placer nos enfants dans des familles d'accueil, ils vont être mieux traités? Est-ce que les solutions qu'on a pratiquées depuis 20 ans ont été gagnantes ou perdantes pour les enfants? Il faudrait peut-être évaluer ça aussi.

Mais on ne peut pas cautionner, puis ce n'est pas un organisme comme nous qui pouvons... puis personne ici, je pense, n'est capable de cautionner toute forme de violence faite à un enfant, ça, la question ne se pose pas, ou à un homme ou à une femme. Toute situation de violence doit être dénoncée. Ça, nous, on n'a aucun problème avec ça. Mais ce n'est pas 90 % des couples qui vivent ça au Québec, là, 10 % ou 15 % de la population qui vit ces choses-là, tant des hommes, des femmes que des enfants. Puis, compte tenu du biais qui existe dans notre société actuelle, où les enfants sont plus souvent avec la mère ? on sait qu'il y a beaucoup d'enfants aussi qui sont violentés par la mère... Mais ça, c'est un autre débat. On n'a pas attaché d'importance à ça parce que, nous, on considère fondamentalement que la société québécoise, c'est une société égalitaire puis que des stéréotypes traditionnels, à ce moment-ci, ont évolué depuis une quinzaine d'années, puis qu'on dit qu'est venu le temps d'aller à une étape ultérieure. As-tu des choses à ajouter là-dessus?

Le Président (M. Copeman): Mme Campeau-Blanchette, non? oui?

Mme Campeau-Blanchette (Denise): Ça va.

Le Président (M. Copeman): Ça va.

Mme Caron: Avant de passer à ma collègue, juste un commentaire. Effectivement, ce que la plupart des groupes sont venus nous dire, c'est qu'au Québec on ne vit pas dans une société égalitaire, on vit dans une société qui tend vers l'égalité, mais on vit encore une discrimination systémique faite aux femmes. Et personnellement je crois profondément que les enfants qui sont victimes d'inceste et qui sont victimes de violence, la société a le devoir d'agir rapidement et la société a le devoir de protéger ces enfants, et on ne peut pas, sous le prétexte de l'égalité des droits des parents, pénaliser ces enfants-là, absolument pas.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Laurier-Dorion.

M. Turcotte (Roch): Ce n'est pas ce que j'ai dit...

Le Président (M. Copeman): Bien, si vous voulez parler, M. Turcotte, allez-y.

M. Turcotte (Roch): ...l'idée fondamentale: Toute forme de violence, de manipulation de l'affectif, personne ne peut cautionner ça. Effectivement, il y a un certain égalitarisme au Québec dans les familles. Je ne sais pas si, dans la vôtre, il y en avait, mais, dans la mienne, que je viens, moi, personnellement, comme Québécois d'origine souche ? peu importe mon apparence physique, je suis un Québécois d'origine souche ? les hommes puis les femmes étaient égaux. J'ai eu la chance de connaître ça, moi. Puis il y a beaucoup de couples puis de familles qui le vivent au Québec. Voyons, ça, moi, je peux affirmer ça. Si vous pensez que je suis un étranger, là, c'est une autre chose, là...

Mme Caron: Absolument pas, monsieur. Absolument pas.

M. Turcotte (Roch): Bon, bien, O.K.

Mme Caron: Ça n'a rien à voir.

M. Turcotte (Roch): Je vis au Québec.

Mme Caron: Ça n'a rien à voir. Individuellement, les gens ont des égalités. Ce qu'on dit, c'est: Collectivement, il y a une discrimination systémique, tous les groupes sont venus le dire.

M. Turcotte (Roch): On dit la même chose, nous autres aussi, mais pas pour les mêmes choses. Parce que, nous, notre volet, les familles, on vous l'a dit tout à l'heure.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Laurier-Dorion.

n(17 h 20)n

Mme Lefebvre: Merci. Merci d'être venus ici, dans cette commission, parler de cet aspect que vous connaissez bien, la famille. Moi, je me demandais: Dans cette approche positive, avec les mesures positives... Moi, je suis d'accord également avec l'idée que le lien significatif de l'enfant avec les deux parents doit être poursuivi. Puis je pense que dans le fond la lutte qui a été faite par les femmes dans les années passées cherchait aussi, oui, par... en luttant contre les différents stéréotypes, mais en essayant de chercher une égalité pour que justement le modèle qui soit représenté vers l'enfant représente cette égalité-là, puis... Bien, j'ai de la misère à saisir qu'est-ce qui n'aurait pas été fait dans le passé ou qu'est-ce qui irait à l'encontre du droit... Je ne sais pas dans quelle mesure ce qui a été fait dans le passé, l'approche spécifique, ou transversale, ou encore sociétale, n'aurait pas répondu à ça. Je ne sais pas si vous pouvez... Vous avez donné des exemples concrets: par exemple, la carte d'assurance maladie, des mesures concrètes que l'on devrait privilégier, c'est des exemples fort pertinents que je pense qu'on devrait faire, mais fondamentalement, au niveau des approches qui ont été employées, en quoi...

Mme Campeau-Blanchette (Denise): L'application la plus concrète pour maintenant, dans le fond, on la fait avec la politique de conciliation famille-travail. C'est qu'on dit, ce qui a changé dans la société, ce n'est plus... le modèle traditionnel. Et donc les femmes ont poursuivi les études, les femmes sont maintenant sur le marché du travail, c'est un incontournable. Et, bon, les deux, quand il n'y a pas de chômage, les deux peuvent participer de façon active. Mais en même temps, quand ils ont le désir d'enfants, quand ils veulent se permettre d'avoir des enfants, il faut aussi leur permettre d'avoir du temps pour s'occuper des enfants. Alors, on n'est pas en train de... Peut-être que, vous, ça vous semble utopique ou idéaliste, mais on dit: Une société qui choisit de relever le défi démographique, dans le fond, qui veut être capable d'avoir une génération de remplacement, il faut donner du temps à des gens de le faire. Donc, on dit: Il faut revenir dans la réorganisation du travail pour être capable de libérer... Les gens ne sont pas d'abord des producteurs ou des ressources humaines, ils sont des êtres humains qui vivent dans une petite communauté, un creuset qui s'appelle la famille. Donc, permettons aux familles d'avoir du temps de qualité ensemble, dans le fond, là, donc de développer un lien significatif avec les enfants.

Et l'autre aspect qu'on n'a pas abordé, c'est que c'est bien sûr que la famille grandit. Il y a aussi toute la partie... pour d'autres, on les appelle les aidants naturels, je veux dire, il y a la famille qui va prendre charge aussi des parents vieillissants, etc. Mais l'idée est toujours autour de la famille, c'est de dire: Donnons à la famille des moyens pour être capable de vivre leur vie de famille, dans le fond, là. Donc, quand on met l'accent sur les modèles par rapport aux enfants, c'est qu'on dit: Déjà, si on est capable de corriger par du temps libéré, par du temps de qualité, les enfants auront pu intégrer un modèle, dans le fond, de partage plus égalitaire. Ce n'est pas: chacun fait la même chose ou fait 50-50, mais une redistribution au niveau de la famille qui permettrait aux deux d'assumer leurs responsabilités plutôt que de les rendre toujours coupables de quelque chose.

Et, je veux dire, c'est sûr, les dossiers qui sortent actuellement démontrent que, bon, majoritairement encore, les femmes se sentent coupables de ne jamais être à la bonne place au bon moment, avoir assez de temps pour être capables de tout donner. Bien sûr que ça... Mais ce qu'on dénonce, on dit: C'est l'organisation du travail qui crée cette exigence-là, et il y a tout le système de performance qui oblige, dans le fond... et le système de promotion qui fait que, bon, bien, au moment où tu as ta jeune famille, c'est là aussi que, sur le plan professionnel, tu t'insères dans un milieu professionnel et que tu vas vouloir atteindre un certain niveau. Donc, il y a des exigences là, il y a des exigences au niveau des enfants. Mais on se dit: Que la société prenne en compte ce besoin-là et qu'elle donne aux familles du temps de qualité pour être capables de développer leur milieu familial, dans le fond.

M. Turcotte (Roch): C'est un des volets de la COFAQ qu'on n'a pas parlé dans notre mémoire, c'est l'intergénérationnel, entre les grands-parents et les petits-enfants, dans notre société. Qu'est-ce qu'on en a fait? Qu'est-ce qu'on en fait? Vous savez, autrefois on réunissait des conseils de famille, on prenait en charge. Ce concept de conseil de famille là a presque complètement disparu. Les grands-parents qui se portent volontaires pour être des suppléants aujourd'hui, on les ignore ou presque, c'est une problématique, puis on a des groupes d'aînés chez nous.

Quand on parle du rôle de l'enfant, ça concerne aussi les petits-enfants. La relation des grands-parents avec les enfants, parce qu'il n'y a rien de plus beau qu'un enfant qui est gratuit. Vous savez qu'un enfant, quand il rentre dans une famille, du père puis de la mère, il a accès gratuit à l'amour inconditionnel là-dedans. Il n'y a pas juste de la violence, contrairement à ce qu'on pense, là. Il y a beaucoup de positif. Quand on coupe une des branches de l'enfant, c'est l'enfant qui est perdant à tous coups. Alors, il faut trouver des nouvelles façons. Nous, les grands-parents revendiquent de voir leurs enfants plus souvent, d'avoir accès à leurs enfants. Les enfants aussi veulent avoir le goût d'avoir... des grands-parents, d'avoir accès à eux. C'est toute une autre problématique qu'on n'a pas abordée ici parce que ce qu'on parle, c'est le conseil de l'égalité, ce que j'ai compris, des hommes et des femmes, mais l'intergénérationnel chez nous est très présent, pour compléter ce qu'on vient de dire.

Mme Lefebvre: Mais, si je peux me permettre, moi, je pense que ce qui crée peut-être ce déséquilibre-là dans une politique familiale globale, il va être important de s'assurer que les deux parents soient sur un pied nettement d'égalité puis qu'ils aient accès... Par exemple, sur les congés parentaux, dans différents pays, ils ont montré que, si le congé parental est offert obligatoirement, par exemple, chaque... bon, les hommes prennent 15 semaines puis les femmes prennent 15 semaines, mais ça ne doit pas être transférable, donc, si l'homme ne le prend pas, bien, en fait, c'est perdu pour le couple. Mais des mesures comme ça vont faire en sorte que l'égalité va s'appliquer dans le couple, puis le modèle d'égalité des deux parents va être reflété. Mais je pense que ce que d'autres groupes ont dit dans cette commission-ci, c'est qu'en fait cette problématique-là n'est peut-être pas nécessairement la même, puisqu'il s'agit d'une discrimination systémique qui concerne la femme plus que l'homme dans ce cas-ci, puisqu'on parle vraiment de la femme, mais je pense que les deux débats peuvent se faire d'une façon conjointe, mais peut-être pas dans le même canal.

M. Turcotte (Roch): Ce que j'aimerais dire là-dessus, c'est que, si tu prends ce congé-là indépendamment du reste des politiques gouvernementales, des interventions gouvernementales, ça peut paraître complètement aberrant, parce que c'est bien le fun... L'attachement du père ou de la mère à l'enfant quand il naît, c'est une chose, parce que c'est dès le très jeune âge que ça joue. Mais il reste que c'est dans l'ensemble des politiques qui entourent après. Ce n'est pas juste bien beau de dire: C'est le fun, il a un père, il a une mère qui l'accueillent. Mais on dit: Nous, la société n'a pas embarqué dans le défi, dans le conflit qui peut exister entre un homme puis une femme quand ils se séparent. Il y en a que c'est des séparations harmonieuses, puis il y en a d'autres que c'est plus conflictuel. Nous, on dit juste: La société n'a pas à promouvoir ça... puis à mettre en place une série de mesures qui font en sorte que l'aspect positif qu'on a mis de l'avant soit mis en place, c'est juste ça qu'on... C'est l'essentiel de notre mémoire aujourd'hui.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, c'est tout le temps qui est mis à notre disposition. M. Turcotte, Mme Campeau-Blanchette, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de la Confédération des organismes familiaux du Québec.

Et j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à 9 h 30, demain, ici, dans cette même salle. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 26)


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