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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le mercredi 2 février 2005 - Vol. 38 N° 95

Consultation générale sur le document intitulé Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-cinq minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales.

Ça devient répétitif, mais je vais souligner le mandat de la commission. Nous sommes ici afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le document intitulé Vers un nouveau contrat social pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Marsan (Robert-Baldwin) va être remplacé par Mme Hamel (La Peltrie). C'est tout.

Le Président (M. Copeman): Merci. Je vous rappelle, également de façon un peu répétitive, chers collègues ainsi que les gens qui sont présents dans la salle, que l'utilisation des téléphones cellulaires est strictement interdite et je prierais tous ceux qui en font usage de bien vouloir les mettre hors tension.

Nous avons une autre journée assez chargée. Je vais faire lecture de l'ordre du jour pour ce matin: nous allons débuter dans quelques instants avec la présentation et l'échange avec les représentantes du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail; qui sera suivi par l'honorable Claire L'Heureux-Dubé et Me Marie-Claire Belleau; et nous allons terminer le matin avec M. Paul Bernard et Mme Sophie Mathieu. Il y aura la suspension habituelle de 12 h 30 à 14 heures.

Auditions (suite)

Sans plus tarder, tout en souhaitant la bienvenue aux représentantes du CIAFT ? Mme Goulet, la directrice, bienvenue, ainsi qu'à vos collègues ? je vous rappelle nos règles de fonctionnement. C'est très simple, vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange d'une durée maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table. Je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.

Conseil d'intervention pour l'accès
des femmes au travail (CIAFT)

Mme Goulet (Nathalie): Très bien. Merci. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés membres de cette commission, bonjour, bon matin. Merci de nous recevoir pour échanger avec vous sur l'avis du Conseil du statut de la femme portant sur un nouveau contrat social pour l'égalité entre les hommes et les femmes.

Alors, je vais brièvement me présenter ainsi que mes collègues. Mon nom est Nathalie Goulet, je suis la directrice du CIAFT, qui est un organisme national qui existe depuis 1982 et qui est considéré, je pense qu'on peut le dire, comme un acteur important du mouvement des femmes sur les questions des femmes et du travail. On regroupe environ 75 groupes et regroupements, notamment les groupes d'aide à l'emploi pour femmes, qui sont présents dans les 17 régions du Québec... dans les 19 régions du Québec, pardon.

Alors, à ma gauche, Mme Thérèse Belley, elle est directrice d'Accès-Travail-Femmes et d'Accès-Travail-Emploi, au Saguenay, qui est un organisme communautaire d'aide à l'emploipour les femmes et organisme qui est membre du CIAFT depuis les tout débuts. Thérèse est également présidente du Comité aviseur Femmes en développement de la main-d'oeuvre, d'Emploi-Québec, et elle a présidé à la création et à l'adoption de la stratégie gouvernementale à l'égard de la main-d'oeuvre féminine, adoptée en 2001 par Emploi-Québec.

À ma droite, Mme Marie-Josée Legault, elle est membre du conseil d'administration du CIAFT et professeure titulaire au Département du travail, de l'économie et de la gestion à la Télé-université. Depuis de nombreuses années, Mme Legault a publié des recherches importantes sur l'équité salariale et l'équité en emploi, sur les programmes d'accès à l'égalité, et elle a mené des enquêtes sur la conciliation famille-travail au sein de plusieurs entreprises québécoises, notamment de la nouvelle économie.

n (9 h 40) n

Alors, brièvement vous présenter le CIAFT en quelques mots. D'abord, nous avons plusieurs secteurs d'intervention. L'équité salariale, c'est notre spécialité. Le CIAFT a été porte-parole de la Coalition en faveur de l'équité salariale, qui a mené à l'adoption de la loi en 1996. Aussi, nous nous intéressons au développement de la main-d'oeuvre féminine, notamment en étant mandataires du Comité aviseur Femmes, d'Emploi-Québec. Nous nous intéressons aussi à la place des femmes dans le développement régional du Québec. À cet égard, le CIAFT a réseauté, depuis le début des années quatre-vingt-dix, les femmes siégeant sur les sièges en condition féminine sur les CRD et les CRCD du Québec. Et enfin, bien on s'intéresse à tous les grands programmes sociaux liés au travail, que ce soit l'assurance parentale, et, dans une mesure plus globale maintenant et depuis quelques temps, on développe un argumentaire sur la conciliation famille-travail.

Alors, on utilise plusieurs modes d'intervention: on fait de l'intervention politique, de la recherche et aussi de la formation. Actuellement, on a monté et on dispense une formation sur les droits au travail, les salaires et l'équité salariale, pour les femmes et les groupes de femmes, et ce, à travers le Québec.

Alors, maintenant, j'ai remarqué... j'ai suivi les débuts un peu de cette commission et j'ai remarqué que beaucoup de débats portaient sur les choix des approches qui seront choisies ou qui axeront la prochaine politique en condition féminine. Je vais entrer, si vous le voulez bien, dans le vif de ce sujet. Je vais aussi parler de la discrimination systémique telle qu'on la voit, telle qu'on la conçoit dans le domaine du marché du travail. Ma consoeur Marie-Josée va suivre, elle va traiter de l'orientation 2, qui traite du marché du travail et des iniquités en emploi, par la suite. Et Thérèse va continuer avec la conciliation travail-famille et la stratégie main-d'oeuvre féminine, aussi, par après.

Alors, écoutez, en ce qui concerne les trois approches présentées, deux choses, on pourrait dire. La première chose, c'est que, pour nous, au CIAFT, ces trois approches, nous les pratiquons de manière intégrée, transversale puis, je dirais, intersectorielle aussi ? c'est pour employer le jargon ? depuis pas mal d'années, depuis presque toujours, dans notre cas.

Ce que nous avons remarqué... Vous savez, on réseaute les femmes qui portent le dossier de la condition féminine sur les conseils régionaux des partenaires, instances mixtes; sur les CRD, c'était la même chose. Alors, via une approche spécifique, on touchait, on sensibilisait l'essentiel des acteurs sociaux dans les domaines qui nous concernent. Alors, c'est sûr que, quand j'ai vu trois approches présentées comme étant comme trois silos, je me suis dit: Il y a probablement un danger de vision technocratique de l'affaire, là, une approche spécifique, transversale et sociétale, alors que, nous, on travaille à toutes les instances puis tous les paliers tout le temps. Enfin autant qu'on le peut avec les moyens qu'on a.

Par après, en suivant le débat, je me suis dit: Bon, l'approche sociétale, évidemment, c'est une approche englobante, globale. C'est très intéressant, c'est ambitieux, on rêve toutes que l'égalité atteigne tous les paliers de notre société, mais l'approche spécifique et transversale demeure quand même, pour nous, au coeur de l'approche sociétale. C'est le moteur, c'est le coeur par lequel rien ne se passe sans qu'elles entrent en action, l'approche spécifique et transversale. Pour nous, là, ce n'est pas déconnecté de l'approche sociétale, au contraire. Pour arriver à l'égalité entre les hommes et les femmes, il faut continuer et mettre beaucoup ? puis là mes consoeurs vont en parler avec des exemples à l'appui; mettre beaucoup ? de moyens sur ces deux approches pour que la société soit touchée dans son ensemble.

Une chose est comprise cependant par nous, quand on a lu l'avis, et nous émettons très franchement de sérieuses réserves là-dessus, c'est sur la proposition d'intégrer les hommes comme des acteurs, d'accord, de l'égalité, bien sûr ? on passe notre temps à sensibiliser, à convaincre, à expliquer que l'ADS, c'est important, l'analyse différenciée selon les sexes, à tous les hommes qu'on rencontre, décideurs et autres, là, agents des centres locaux d'emploi, enfin à tous les paliers ? mais présenter la proposition du contrat social pour l'égalité en intégrant les hommes comme sujets de l'égalité ? ça, c'est écrit noir sur blanc dans l'avis ? ça, on est contre. On est contre. Il y a, pour nous, un glissement, un danger de symétriser les problèmes, et les quelques exemples dans le document, le traitement qui en est fait, laissent entendre ça. La symétrisation des réalités des hommes et des femmes, sur le marché du travail en tout cas, on va vous le montrer, c'est grave de penser comme ça, là. Pour nous, il y a un risque de tuer l'enjeu. L'enjeu, c'est la lutte contre la discrimination systémique à l'égard des femmes puis l'élimination de cette discrimination systémique.

Nous reconnaissons que les hommes souffrent de stéréotypes ? les femmes aussi, beaucoup ? mais que les stéréotypes dont souffrent les hommes n'ont jamais entravé leur droit à l'égalité. Jamais. Même s'ils ne sont pas d'accord avec le système dans lequel ils vivent, ils en profitent. La discrimination inscrite dans notre système politique et économique est pour nous le reflet d'un rapport de domination, de hiérarchie ? on a parlé de hiérarchisation des sexes ? donc des rapports de pouvoir. Et moi, je suis politologue de formation, je n'ai pas peur du mot «pouvoir». Je pense qu'il faut absolument comprendre qu'il y a des rapports de pouvoir et des pouvoirs à partager: pouvoir politique et pouvoir économique. Et ça, ça ne se fait pas facilement, ça ne s'est jamais fait facilement de toute façon.

Je vais juste vous donner, avant de passer la parole à Marie-Josée, deux exemples choquants qu'on voit encore en 2005, là, de problèmes de rapports de pouvoir, de hiérarchie entre les sexes. Au niveau du pouvoir politique, il y a encore très peu de femmes au niveau municipal au Québec: 10 % de mairesses, 90 % de maires. Alors, à l'heure où on va envoyer beaucoup de pouvoirs dans les régions et dans les localités, et où les maires ont un grand rôle à jouer dans la planification du développement économique régional dans les régions du Québec, il faut absolument se pencher sur ce problème de la parité dans les instances, mais aussi de la prise en compte par les instances des problèmes et des réalités des femmes. Et ça, malheureusement, dans l'axe qui traite du développement régional ? enfin, il y avait un axe, avant, dans l'ancienne politique, qui traitait spécifiquement de ça ? c'est un peu dilué là-dedans, et on aimerait voir revenir les deux axes de la cinquième orientation, c'est-à-dire la place des femmes, hein, leur parité, leur présence politique, mais également la prise en compte. Il faut qu'il y a une reddition de comptes à tous les niveaux des instances, mais notamment au niveau municipal, par rapport à cette question-là.

Et maintenant, pour ce qui est du pouvoir économique, un autre exemple choquant. Marie-Josée va parler des travailleuses sur le marché de l'emploi, mais, moi, je vais parler des conseils d'administration des grandes entreprises au Québec. Sur les conseils d'administration des grandes entreprises au Québec, aujourd'hui, en 2005, les membres qui siègent et qui ont des émoluments, bien on n'y voit que 6 % de femmes, 94 % d'hommes. Alors, on peut tout à fait en déduire que le pouvoir économique au Québec, le pouvoir de faire changer des choses dans les grandes entreprises, ne sont pas détenus par les femmes.

Alors, ce sont des exemples frappants de discrimination systémique. Et je vais passer maintenant la parole à ma consoeur Marie-Josée Legault qui va vous entretenir de la situation sur le marché du travail et de l'emploi.

Mme Legault (Marie-Josée): Oui, je me suis concentrée en effet sur la deuxième orientation proposée dans l'avis du Conseil du statut de la femme. Et j'ai été contente de constater qu'on y parlait de corriger les inégalités, parce que l'égalité économique entre les hommes et les femmes, elle est loin d'être atteinte. Et, comme c'est la base de notre argument, je vais quand même revenir un peu là-dessus, même si l'avis en parle.

Il y a toujours des différences très importantes dans la rémunération annuelle des hommes et des femmes. Même en tenant compte de la différence entre les heures travaillées, l'ancienneté, les qualifications, la scolarité, il reste toujours un résidu de plus ou moins 22 %, maintenant, qu'on ne peut pas expliquer autrement que par la discrimination.

Les femmes travaillent en grand nombre au salaire minimum; 70 % des personnes qui travaillent au salaire minimum sont des femmes, tout comme les femmes sont 70 % de la main-d'oeuvre dans le commerce, l'hébergement et la restauration, des emplois très peu payés. Les femmes qui travaillent à un salaire légèrement plus élevé que le salaire minimum travaillent aux plus... aux niveaux les plus bas, là, 8 $, 10 $ ? les chiffres sont dans notre mémoire.

Les écarts augmentent avec la non-syndicalisation, les écarts entre les hommes et les femmes augmentent avec la non-syndicalisation. Or, les femmes sont nombreuses à être non syndiquées. Elles sont aussi très nombreuses à avoir des statuts d'emplois atypiques. Et elles sont concentrées dans quelques secteurs d'emplois particulièrement mal payés.

Maintenant, qu'en est-il? On se dit, quand on regarde ça, on se dit comme: Pourquoi les femmes ne vont-elles pas dans d'autres secteurs d'emplois où on peut croire qu'elles devraient aller, puisqu'ils sont très bien payés, pour un niveau de qualification, je dirais... pour un niveau de scolarité aussi bas ? par exemple, les métiers, les emplois de cols bleus, dans l'industrie, qui sont très bien payés ? pourquoi les femmes n'y vont-elles pas?

Il y a beaucoup d'instruments qui ont été mis en place pour favoriser l'accès des femmes à ces emplois-là par le passé: les programmes d'accès à l'égalité en éducation, en emploi, l'obligation contractuelle. Ces instruments-là sont en place depuis la fin des années quatre-vingt. Les résultats, d'après les bilans publiés par la Commission des droits de la personne ? le dernier bilan important a été publié en 1998 ? les résultats sont très, très minces pour les emplois de cols bleus et de métiers.

n (9 h 50) n

Pourquoi c'est important d'en parler? On pourrait dire: Les femmes ont eu des résultats très... ont fait des progrès importants dans les emplois de cadres intermédiaires et dans les emplois de cols blancs. Bien sûr, les femmes ont fait ces progrès-là. Les emplois de cols bleus et de métiers sont importants, parce que ce sont des emplois très bien payés pour un niveau de scolarité égal à ceux des emplois, par exemple, de femmes dans les services, par exemple les emplois de secrétaire. Or, les emplois de femmes, au même niveau de scolarité, sont beaucoup moins bien payés. Et l'accès des femmes aux emplois bien payés de cols bleus et de métiers, ça reste... les résultats sont formidablement minces, après 20 ans d'existence des instruments comme les programmes d'accès à l'égalité, l'obligation contractuelle. C'est tout à fait déplorable. C'est aussi déplorable avec les instruments fédéraux, mais je ne vous en parle pas... parce que ça vous concerne aujourd'hui, mais parce que c'est la preuve qu'il y a une résistance très importante, à laquelle il faut continuer de s'attaquer.

Et il y a eu très peu de programmes d'accès à l'égalité volontaires. On parle beaucoup de l'approche volontaire. Les mesures de redressement et les mesures proactives et coercitives sont importantes, parce qu'il y a eu très peu de programmes d'accès à l'égalité volontaires depuis le projet pilote de la fin des années quatre-vingt. J'étais membre du comité qui pilotait ces projets-là, pour lesquels on finançait les entreprises à hauteur de 50 000 $; il n'y en a eu pratiquement aucun autre depuis.

Devant ça, on se demande comment est-ce qu'on peut poser symétriquement la situation des deux sexes devant les emplois traditionnellement affectés à l'autre sexe. Comment penser qu'il est aussi intéressant pour un homme de devenir secrétaire que pour une femme d'occuper un emploi de col bleu ou de métier très qualifié pour lequel elle va gagner deux fois et trois fois le salaire d'une secrétaire? Ce n'est pas que les hommes n'ont pas de problèmes à accéder, dans certains cas, à certains emplois traditionnellement féminins, mais poser la question de façon symétrique, c'est à notre avis inconscient des difficultés réelles qui se posent.

Et on trouve aussi qu'avant de forger des nouveaux outils ou de désigner les choses avec des nouveaux termes il aurait fallu plutôt penser à donner des dents aux instruments qu'on a déjà. Parce que c'est incroyable comment il est facile de les contourner et comment les bilans qui existent de ces instruments-là sont éloquents. L'application des instruments est très timide localement, il est très facile de les contourner. La résistance est énorme. Et quand je parle de résistance, ce n'est pas seulement la direction des entreprises, c'est chez les collègues aussi. Dans ces milieux-là, ça crée des remous importants. Et le droit des femmes à certains emplois qu'on dit traditionnellement masculins n'est pas accepté encore. L'entrée est très difficile. Ce sont des chasses gardées. Alors, il faut non seulement garder les instruments qu'on a, mais il faut les renforcer, il faut les solidifier plutôt que de chercher à en forger des nouveaux.

Et quand vous parlez d'approche transversale, dans l'avis du Conseil du statut de la femme, il y a un exemple qui est assez triste, à notre avis. C'est qu'on a touché à la Loi sur la qualification professionnelle et développement de la main-d'oeuvre et on a diminué le nombre d'entreprises qui doivent s'y conformer ? la fameuse loi, qu'on appelle, du 1 %, pour laquelle la direction de l'entreprise doit consacrer 1 % de sa masse salariale à la formation. Or, les PME sont nombreuses au Québec et, dans les PME, il y a des femmes, il y a des femmes non syndiquées, il y en a beaucoup; cette mesure-là les touche. Si on avait pratiqué une analyse différenciée selon le sexe, peut-être qu'on serait arrivé à des résultats différents, quand on a touché à cette loi-là.

En conclusion, ce qu'on trouve important de rappeler, c'est que les fameuses mesures de redressement, qui causent beaucoup de remous, c'est vrai, les mesures qu'on appelle, en bon français, de discrimination positive, ces mesures-là sont très importantes, parce que la preuve a été faite depuis longtemps, et entre autres dans des études de la Commission des droits de la personne, que l'égalité des chances ne suffit pas pour corriger les inégalités, ça prend des mesures de redressement à la fois en équité en emploi et en équité salariale.

Et inutile de vous dire qu'on s'inquiète du bilan qui va être fait de la Loi sur l'équité salariale, l'année prochaine. Les mesures proactives sont très, très, très importantes. Il faut donner des dents aux instruments qu'on a déjà, il faut plus d'inspections, il faut plus de surveillance, il faut demander des comptes aux entreprises qui sont assujetties à ces obligations-là, pas des rapports confidentiels que personne ne peut lire. Il faut de la vraie reddition de comptes. Et, si on veut l'égalité des faits, il ne faut pas s'en tenir à des mesures d'égalité des chances, à cause de la discrimination systémique.

Et on vous en dira plus à la période de questions. Je vais m'arrêter là-dessus et passer la parole à ma collègue Thérèse Belley.

Mme Belley (Thérèse): Rebonjour...

Le Président (M. Copeman): Mme Belley, en vous signalant qu'il reste trois minutes.

Mme Belley (Thérèse): C'est ce que j'allais vous demander, M. le Président. Merci. Donc, je vais aller à l'essentiel de mon propos et j'espère bien compléter dans la période de questions.

Il nous semble important, en tant que groupe impliqué dans le domaine du travail, de répéter et de parler de la stratégie main-d'oeuvre féminine, stratégie qui a été adoptée par le gouvernement du Québec en collaboration avec le comité aviseur à peine en 2001, stratégie qui est à l'aube de faire ses preuves et stratégie qui est à notre avis un modèle parfait d'outil gouvernemental, qui vise à la fois une approche spécifique, c'est-à-dire qui tient compte des problèmes réels et des différences de ces problèmes vécus par les femmes versus les hommes sur le marché du travail, une approche transversale qui touche tous les niveaux d'implication et d'imputabilité, c'est-à-dire le niveau national, régional, local, allant même jusqu'aux intervenants dans les centres locaux d'emploi, qui sont les agents clés, une approche qui interpellait tous les partenaires du marché du travail, aussi bien les comités sectoriels que les groupes tels que le nôtre, et une approche qui se veut sociétale dans le fait qu'elle dit: Il est important de sensibiliser les employeurs, les entreprises et les hommes du Québec sur le fait qu'il y a encore des inéquités de traitement entre les femmes et les hommes sur le marché du travail, et que, si ensemble on s'y met, on peut en venir à bout, mais, pour ça, il ne faut pas les nier.

J'arrête là-dessus, sur la stratégie. Je tiens simplement à dire aussi que la stratégie avait, entre autres, un volet très, très fort, qui était la reconnaissance de tous les groupes sur le terrain, du peu de groupes sur le terrain qui travaillent spécifiquement dans une approche d'aide aux femmes qui sont en intégration au marché du travail, et qu'il fallait maintenir ces groupes-là et même leur donner des outils pour agir encore mieux.

Je m'en voudrais de ne pas profiter du temps qui reste pour parler de la conciliation travail-famille. S'il y a un domaine d'intervention actuel et s'il y a un domaine où il faut agir, quand on parle d'égalité entre les hommes et les femmes, s'il y a un domaine où le gouvernement est en train de réfléchir, c'est bien celui-là. Je vais y aller à grands traits; encore une fois, la période de questions nous permettra d'aller plus loin.

Tout d'abord, j'aimerais dire que, dans l'approche que le gouvernement est en train de réfléchir, il ne faudrait surtout pas se priver d'un outil qui est indispensable, c'est-à-dire la réflexion de tout ça avec une approche d'ADS. Qu'on le veuille ou non, être parent, c'est une chose, mais c'est une chose qui cache deux réalités: celles des pères et des mères. Et le fait d'être parent et surtout le fait d'être mère, ça a des incidences sur notre carrière. Donc, il faut regarder une politique de la conciliation travail-famille avec un oeil d'ADS. Première chose.

Deuxième chose, toute politique de conciliation travail-famille se doit de tenir en compte et d'englober tous les niveaux de travailleuses au Québec. Vous savez, ce n'est pas à vous que je vais le dire, deux tiers des travailleuses au Québec sont des travailleuses non syndiquées, qui travaillent dans des conditions atypiques qui ont été très longuement illustrées devant vous. Si la conciliation travail-famille ne tient pas compte des femmes les plus pauvres de notre société et des mères qui se battent au quotidien avec des horaires de travail totalement démentiels, on ne pourra pas y arriver.

Cette politique-là doit aussi englober des services de garde universels accessibles et qui développent des services atypiques. Les femmes travaillent tôt le matin, les femmes travaillent tard le soir, les femmes travaillent les fins de semaine. On doit viser des mesures de conciliation travail-famille qui aident les femmes pauvres de notre société. Vous savez, s'il y a un domaine d'inéquité, c'est que, oui, on envahit massivement le marché du travail, on est de plus en plus actives, mais ce qu'on a gagné, c'est la double journée de travail et la pauvreté. C'est un état de fait. Et tout programme gouvernemental doit en tenir compte.

Cette politique-là de conciliation travail-famille aussi a un outil qui est merveilleux qui s'appelle la Commission des normes du travail, qui est la convention collective de 60 % des femmes sur le marché du travail qui sont dans des domaines non syndiqués. Il y a des outils, à l'intérieur de cette commission-là, qui peuvent permettre aux femmes de faire respecter leurs droits.

Il faut absolument qu'une politique de conciliation travail-famille tienne également compte du fait qu'on n'est pas seulement avec la gymnastique du travail quand on est une jeune mère, on est également avec la gymnastique du marché du travail de sa famille quand on a des parents malades et vieillissants. Donc, cette politique-là doit être englobante pour tous les niveaux d'âge sur le marché du travail. Je compte sur la période de questions, M. le Président, pour compléter ma présentation. Merci.

Le Président (M. Copeman): Merci. Alors, afin de débuter l'échange, Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

n (10 heures) n

Mme Courchesne: Merci beaucoup, M. le Président. Mme Goulet, Mme Belley, Mme Legault, félicitations pour une excellente présentation puis un très, très bon mémoire. Je vous avoue que je l'ai parcouru plus d'une fois. Et bienvenue à cette commission. Je suis très franche quand je vous dis ça. Je trouve que, bien d'abord il est très positif, il est très proactif et il est abordé ou structuré de façon très claire, très précise par rapport à un... Je trouve que vous tracez un portrait que je qualifierai d'objectif de la situation que vous rencontrez, et des situations qu'on vit, et les situations pour lesquelles vous existez, au fond, et le soutien que vous donnez aux femmes qui vous rencontrent.

Je pense que vous avez su faire la part des choses, et je suis ravie de vous entendre, et à l'aide d'exemples précis. Notamment celui sur ce qui se passe en région, je l'ai trouvé... la façon dont il est présenté dans votre mémoire, il traduit bien cette réalité du rôle que vous vous êtes donné, en disant: Nous, on n'a pas attendu. Et, Mme Goulet, vous êtes entrée tout de suite ce matin en disant: On a beaucoup parlé des trois approches depuis une semaine. Bien, moi, j'aborde aussi d'emblée, en commençant, ces trois approches-là et en disant qu'effectivement il y a capacité. Et, vous le dites, ces trois approches peuvent et doivent être intégrées et complémentaires ? ce sont vos mots ? et vous dites même, dans le cas de l'approche sociétale, qu'elle pourrait être intensifiée.

Je ne veux pas insister là-dessus, mais je veux juste vous dire que la façon dont vous l'avez écrit, la façon dont vous nous l'avez présenté ce matin me rallie beaucoup ? je répète, là, ça me rallie beaucoup ? dans le sens où vous apportez les nuances nécessaires par rapport aussi à d'autres types de situations de femmes. Par exemple, vous le dites beaucoup, vous insistez sur les mères monoparentales, mais vous insistez beaucoup, beaucoup surtout sur les femmes qui exercent des métiers atypiques, qui ont des métiers précaires, qui ont des métiers à temps partiel, qui ont des métiers dans des secteurs d'activité où il y a bien entendu, et on doit le reconnaître, une fragilité par rapport à pouvoir cerner exactement leurs conditions de travail, qui sont très souvent dans le plus bas niveau du salaire, et dans des circonstances, je dirais, d'insécurité comme telle. Donc, je veux juste vous dire que j'ai beaucoup apprécié la façon dont vous l'avez expliqué.

Il y a tellement d'aspects que je voudrais aborder avec vous. Mais ce que je comprends aussi par ailleurs, c'est que vous nous dites: Ça doit avoir comme origine des mesures spécifiques. Et ça, je l'ai dit, je vais le répéter jusqu'à la fin de la commission, la façon dont vous l'abordez, oui, je suis d'accord tout à fait qu'on doit identifier ces mesures spécifiques pour lutter contre la discrimination systémique, mais en englobant les deux approches, transversale et sociétale, pour... En tout cas, moi, j'ai toujours senti de votre part, à chaque fois même que je vous ai rencontrées ? et c'est quand même à plusieurs reprises ? que vous allez toujours dans le sens d'obtenir un résultat.

Et vous parlez dans votre document, à travers ces mesures spécifiques, entre autres, d'une discrimination positive à l'égard de l'embauche. Et je voudrais savoir si... Et, madame, vous avez participé, à la fin des années quatre-vingt ? et j'y étais aussi ? au moment...

Une voix: ...

Mme Courchesne: Oui, tout à fait. Donc, dites-moi, en 2005, là, comment on peut encore aujourd'hui, en 2005, compte tenu de la mondialisation, de la précarisation des emplois, comment on peut encore pratiquer une discrimination positive à l'égard de l'embauche? Est-ce que, par exemple, dans une politique que nous aurions à rédiger, dans des mesures spécifiques que nous aurions à identifier, est-ce que c'est encore la voie privilégiée?

Mme Legault (Marie-Josée): Je me demande pourquoi la mondialisation changerait quelque chose à la situation de la discrimination systémique, sinon peut-être en l'augmentant. Parce qu'on pourrait prendre prétexte de conditions d'urgence, de besoins de flexibilité pour demander la réduction des contraintes, par exemple. Mais je me demande en quoi la mondialisation changerait la situation de la discrimination systémique.

Quand on a besoin de main-d'oeuvre et de main-d'oeuvre compétente, la main-d'oeuvre compétente se trouve chez les femmes et chez les hommes. Alors, je vois mal ce que la mondialisation y change, autre que des discours comme celui que j'ai cité au début, disons, le prétexte consistant à dire: Dans un monde de contraintes, les contraintes sont tellement grandes, la concurrence est internationale, elle est vive, et tout, et tout, donc on se tourne vers le gouvernement et on lui demande: Enlevez-nous-en. Est-ce que cette contrainte-là empêche de transiger avec la concurrence internationale? À mon avis, non. Je pense que ce sont des prétextes.

Mme Belley (Thérèse): Mme Courchesne, vous savez, il y a des concepts qui font peur. La discrimination positive, entre autres, est un concept qui fait peur. Moi, je vous amènerais sur deux réponses. Oui, je vous dis, ça en prend, mais dans la... Je pense que l'approche que vous êtes en train de réfléchir nous permet d'aller un cran plus loin.

On a vécu des expériences très intéressantes où on fait de la mixité dans des entreprises hautement non traditionnelles. Moi, je pense qu'on peut saisir l'opportunité qui nous est donnée comme société pour dire aux employeurs: On parle beaucoup de vieillissement de la main-d'oeuvre, on parle de difficultés d'embauche dans certains domaines, il y a un large bassin de femmes qui, par leurs choix hautement traditionnels, ne vont pas dans certains domaines d'emploi, pourquoi pas y aller par la positive des choses?

On a vécu des expériences ? puis, ailleurs qu'ici, on pourrait s'en parler ? où on a aidé des entreprises hautement non traditionnelles à faire leur sélection de personnel autrement, ce qui accueillait des femmes dans leur endroit. On a aidé des entreprises à faire du maintien en emploi dans des emplois non traditionnels. Moi, je réponds oui à votre question, c'est encore nécessaire, mais c'est nécessaire d'y aller un cran plus loin et d'avoir, je dirais, les moyens de nos ambitions et de nos rêves.

Mme Courchesne: Ce que je comprends de votre intervention, c'est qu'au fond il faut, dans ces emplois non traditionnels, avoir une espèce d'approche personnalisée, c'est-à-dire les moyens dont vous parlez, de soutien, d'accompagnement à chacune des étapes d'insertion dans ce type d'emploi là.

Puis je rajouterais un autre élément, sur lequel vous avez beaucoup insisté, c'est cette conciliation famille-travail. Vous reconnaissez, dans votre document, que des hommes sont aussi victimes de stéréotypes. Puis là on l'a vu, on le voit par des exemples, de plus en plus on lit des exemples de pères qui voudraient prendre ce congé parental et qui est très mal vu très souvent de la part de leurs employeurs.

Donc, si je rejoins, par exemple... Puis je vous le dis, là, je ne suis pas dans le coeur d'une famille traditionnelle ou typique, là, mais, si, par exemple, on changeait cette perception-là et que, par exemple, une femme qui voudrait se donner le défi de franchir le pas que vous venez de dire et que, pendant ce temps-là, son conjoint ? là je ne parle pas des femmes monoparentales, on s'entend, mais qu'elle a un conjoint et que son conjoint ? dit: O.K. On va faire un échange et, moi, je vais demander soit un congé ou je vais demander à mon employeur de me permettre une flexibilité pour être capable de faire le relais, moi, ce que je comprends, c'est un peu dans ce genre de situation que vous dites: Il faut qu'on soit tous sur le terrain ensemble pour essayer de trouver des solutions et faire tomber non seulement les préjugés, mais d'avoir des moyens comme société et collectivement. Parce que ça interpelle tout le monde, ça interpelle possiblement des mesures fiscales, le gouvernement, ça interpelle l'entreprise puis ça interpelle l'homme et la femme qui font ces choix-là.

Donc, ce que je comprends... Et, moi, je vous le dis, quand je parle de cet accès vers l'égalité et cette participation élargie ? vous m'avez entendue parler de débat élargi ? c'est exactement dans ce sens-là que je veux me situer. Mais, cette approche-là, ça, c'est un exemple, ce n'est pas le seul, parce qu'il y a aussi des femmes qui sont encore plus démunies, plus vulnérables, qui sont effectivement des mères monoparentales, mais... Donc, est-ce qu'on dit la même chose?

Mme Legault (Marie-Josée): Oui. Bien, je ne sais pas si je comprends bien votre question quand vous dites, bon: Est-ce qu'on dit exactement la même chose? Moi, ce qui me frappe, c'est qu'on entend beaucoup parler dernièrement de la revendication de quatre... travailler quatre jours par semaine. C'est une revendication qui est effectivement portée par beaucoup de groupes. C'est une revendication dont il ne faut pas oublier qu'elle est beaucoup portée par la classe moyenne, classe moyenne qui est nombreuse mais que, pour les femmes qui gagnent très peu avec leur emploi, le quatre jours par semaine n'est peut-être pas nécessairement la solution. Et peut-être qu'il faut plus qu'une solution, même si celle du quatre jours par semaine est très populaire.

n (10 h 10) n

Mme Courchesne: Ce que j'apprécie dans votre document, c'est qu'il ne faut pas mettre tout le monde, non plus, dans le même panier. C'est-à-dire que les politiques, aussi globales soient-elles, vont devoir tenir compte des réalités de groupes de femmes. Et, dans ce sens-là, vous avez raison, et tous les groupes avant vous ont raison de dire que l'ADS peut être un outil valable à cet égard-là. C'est-à-dire que je pense que les gouvernements, quels qu'ils soient, doivent, dans les différents ministères sectoriels, doivent encore, et c'est là que les mesures spécifiques ou l'approche spécifique devient importante, on doit encore insister bien davantage sur des mesures qui s'adressent à certains groupes de femmes qu'on inclut trop largement avec toutes les autres. En tout cas, c'est mon expérience, très franchement, des 20 derniers mois.

Mme Goulet (Nathalie): J'aimerais ajouter quelque chose. Parce qu'on parle beaucoup des pères qui perdent leur emploi à cause du congé parental qu'ils demandent à leur employeur. Il faut aussi ne pas oublier qu'à la Commission des normes du travail, l'année passée, 2003-2004, il y avait près de 300 plaintes déposées ? et c'est la pointe de l'iceberg ? par des femmes qui ont perdu leur emploi parce qu'elles ont annoncé à leur employeur qu'elles étaient enceintes. Tu sais, il y a aussi... je pense que la discrimination, lorsqu'on annonce à son employeur qu'il y a un enfant qui s'en vient, elle touche beaucoup, beaucoup, beaucoup les femmes encore.

Maintenant, pour le congé parental dédié au père, écoutez, il y a cinq semaines prévues, je crois, là, de mémoire, dans la loi n° 140, qui va, on l'espère, entrer en vigueur très, très bientôt. Parce qu'il y a encore beaucoup, beaucoup de gens au Québec... Vous savez, 40 % des femmes travaillent sous un mode atypique, 40 % des travailleuses sur le marché du travail. C'est énorme, ça. Atypique. Et de plus en plus on emploie le terme «emploi précaire» plutôt qu'«atypique» parce qu'il s'agit vraiment d'emploi précaire, dans la très, très grande majorité des cas.

Une autre statistique. Je ne veux pas vous noyer dans les statistiques, mais on a compilé, au CIAFT, des statistiques sur le salaire des femmes et on s'est rendu compte que chez les non syndiqués ? 63 % de la main-d'oeuvre féminine ? la moitié... plus de la moitié, je pense, 52 % ou 54 % des femmes gagnent moins de 10 $ l'heure. Alors, je pense qu'il faut absolument, dans une prochaine politique en conciliation famille-travail, s'occuper de la Loi sur les normes du travail. Il y a là d'après nous pas mal, beaucoup, presque tout pour faire une bonne politique en conciliation famille-travail. Les congés parentaux non rémunérés, on ne peut pas les prendre quand on gagne 9 $ l'heure, 10 $ l'heure, on ne peut pas... On retourne même sur le marché du travail, même sans avoir fini son congé de maternité. Beaucoup de femmes, c'est ce qui arrive parce qu'elles sont trop pauvres, elles doivent retourner, et elles contribuent par leur salaire à un programme dont elles ne bénéficient pas. C'est scandaleux, ça.

Alors, il faut s'occuper de ces iniquités, qui sont grandes et qui, à cause de la flexibilisation de la main-d'oeuvre exigée par les employeurs aujourd'hui, on voit des écarts persister. Alors qu'avec les lois correctrices qu'on adopte on devrait pouvoir vous dire: Aujourd'hui, les femmes gagnent plus que 65 % du revenu annuel des hommes. Et c'est encore le cas: 65 % du revenu annuel des hommes. C'était la même chose il y a 10 ans. Moi, j'aimerais ça pouvoir venir ici dans cinq ans et vous dire: On est rendu à 70 %, ou: On est rendu à 75 %. Comme société, il faut que ça... Ce sont de grands indicateurs, et ça ne bouge pas, donc c'est signe qu'il faut faire un diagnostic de la situation, des forces en présence sur le marché du travail, et apporter des correctifs nécessaires.

Mme Belley (Thérèse): Mme Courchesne, puisque vous nous interpellez, vous nous dites: Est-ce qu'on est certains de dire la même chose?, je vous interpelle en vous disant... Une chose qu'on aimerait dire, c'est l'importance, dans le contexte actuel où il y a une mouvance du marché du travail, tout le monde est d'accord là-dessus, où tout se fragilise, on dit: Une politique de la conciliation travail-famille doit être faite et appuyée sur des messages clairs de l'État. Et ça ne pourra se faire que seulement si l'État est partie prenante de ça, à cause de la conjoncture du marché du travail actuelle. On veut aussi faire sûr qu'on dit que les inéquités persistantes par rapport au travail des femmes persistent et se maintiennent dans un marché du travail qui, lui, est en mouvance.

Vous avez toutes certainement vu les statistiques, comme nous, où les derniers arrivants sur le marché du travail, qu'ils soient hommes ou femmes, doivent composer avec un marché du travail qui est atypique; les femmes, elles, elles partent déjà ? pour parler golf ? avec un handicap. Donc, on se dit: Oui, on pense qu'on dit le même langage si on dit que l'État est un partenaire indispensable dans le fait de reconnaître et de donner des outils pour que ces iniquités-là soient tenues en compte.

Le Président (M. Copeman): Mme Legault.

Mme Legault (Marie-Josée): J'ajouterais qu'il est très, très important, quand on met des instruments sur pied, de les faire respecter. Et c'est ce qu'on a observé avec les programmes d'accès à l'égalité à l'emploi, parce que la diversification professionnelle est une des clés importantes pour augmenter le revenu moyen des femmes. Parce que les femmes sont concentrées dans quelques emplois mal rémunérés, la majorité d'entre elles. Et ce qu'on observe, c'est que ces instruments-là, sitôt mis sur pied, tombent dans l'oubli et qu'il y a très, très peu de moyens mis en oeuvre pour les faire respecter. Il est extraordinairement facile de les contourner. Alors, on se demande pourquoi se creuser le ciboulot pour inventer des nouveaux instruments alors que ceux qu'on a ne sont pas appliqués.

Et, année après année... Il n'en est plus question, des programmes d'accès à l'égalité, en ce moment, on n'en entend plus parler, tellement que, quand on dit l'expression «PAE», tout le monde pense que c'est «programme d'aide aux employés». Parce qu'on a oublié ce que c'est, on ne s'en souvient même plus. Et c'est la chose la plus facile à contourner. Et il n'y a que les entreprises forcées par le tribunal ou par l'obligation contractuelle qui en mettent sur pied. Et, même quand ils sont forcés de le faire par l'obligation contractuelle, on ne leur demande aucun compte. Et je parle avec des employeurs qui me racontent à quel point c'est facile de contourner ça. On n'arrivera à rien si on continue dans ce sens-là. La résistance est trop importante pour qu'on se contente de ça.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Soulanges.

Mme Charlebois: Merci, M. le Président. Merci, mesdames, pour la présentation de votre mémoire. Vous avez parlé des métiers non traditionnels, et ce que j'ai compris, c'est que vous aviez certaines réserves quant à, comment dire?, faire la promotion... de faire accéder les hommes à des métiers non traditionnels. J'aimerais ça si vous pouviez nous expliquer davantage les raisons qui motivent ? vous aviez dit que vous pouviez en parler un peu plus longuement; qui motivent ? votre position, parce que vous êtes d'accord par ailleurs à ce qu'on fasse la promotion des métiers non traditionnels chez les femmes. Alors, j'aimerais mieux saisir votre point de vue.

Mme Legault (Marie-Josée): Oui. Si je vous ai fait comprendre ça, je me suis mal exprimée, parce que je n'ai aucune réserve quant à ça. Ce contre quoi j'ai des réserves, c'est de traiter symétriquement ces deux situations-là. Parce que, bravo si des hommes veulent devenir esthéticiens, ou secrétaires, ou serveurs dans les restaurants ? il y en a beaucoup, là, de toute façon, mais c'est des métiers occupés majoritairement par des femmes, bon ? tant mieux, tant mieux s'ils veulent le faire.

Ce contre quoi j'en ai, c'est de poser symétriquement ces deux situations-là, parce que je me dis: Il serait candide de croire que beaucoup d'hommes veulent devenir secrétaires mais en sont empêchés et ont besoin de mesures de discrimination positive pour pouvoir le devenir. Je ne croirais pas que c'est le cas. Je pense que, quand un homme a des problèmes dans un secteur traditionnellement féminin ? ces problèmes-là sont sérieux, ce n'est pas qu'on doive en rire ni ne pas les prendre en considération ? ce que je veux dire, c'est qu'ils sont, comme par hasard, peu nombreux à se battre pour devenir secrétaires. Et on comprend pourquoi. Ce sont des métiers non pas qui ne sont pas intéressants, mais qui sont moins payés qu'à niveau de scolarité égal... certains autres métiers sont accessibles à des hommes.

Et c'est ça que je trouve qui est la clé d'explication du marché du travail, qui est une injustice très importante. C'est qu'à niveau de scolarité égal il existe des métiers très bien rémunérés qui sont majoritairement masculins, et les métiers majoritaires féminins, à niveau de scolarité égal, sont beaucoup moins payés. Alors, ne vous surprenez pas qu'on ne se batte pas... Ne nous surprenons pas collectivement que plusieurs hommes ne se battent pas pour les occuper. Mais je n'ai aucune réserve quant à ce qu'ils les occupent; au contraire, plus on aura de mixité sur le marché du travail, plus tout le monde sera heureux.

Mme Goulet (Nathalie): J'aimerais ajouter un petit point aussi sur cette question-là. Parce qu'il a été question, dans l'avis, même de créer des programmes pour ça, là, et, bon, nous, on dit: Non, mettons de l'avant... donnons des dents aux programmes d'accès à l'égalité, qui sont quasi caducs, là, plutôt que de créer des programmes pour les hommes.

Parce que, même quand on regarde les salaires ? vous savez, le marché du travail, c'est un domaine extrêmement documenté; on regarde les salaires ? par exemple là où les femmes sont très nombreuses, dans les métiers féminins, et on se rend compte que les hommes, même s'ils sont très peu nombreux dans ces métiers, gagnent un salaire plus élevé que les femmes, hein? Il y a une prime au sexe, même là, là. Chez les enseignants, par exemple, chez les non-syndiqués ? je vous donne un ou deux exemples; chez les enseignants non syndiqués ? les hommes gagnent 26 $ l'heure, en moyenne, et les femmes 19 $ l'heure. Dans le personnel de bureau, supervision, qui est un poste, là, les hommes gagnent 22 $ l'heure et les femmes 16 $ l'heure, pour un même emploi.

Alors, il y a quelque chose de choquant, là, quand on pense que là on va créer des programmes, alors qu'on regarde la réalité de ces emplois-là et on se rend compte que les rares hommes qui y sont ne feront pas augmenter le salaire de tout le monde. Ce n'est pas vrai; ils font augmenter leurs salaires à eux. Alors, il faut regarder ça.

Et, les emplois féminins, on se rend compte, en regardant les statistiques, qu'ils sont de moins en moins ségrégués. Il y a de plus en plus d'hommes qui accèdent aux métiers féminins. Je vous donne un exemple: il y a un éducateur en garderie, aujourd'hui, pour 25 éducatrices au Québec; chez les mécaniciennes, il y a une mécanicienne pour 250 mécaniciens; il y a une cadre supérieure pour cinq hommes; il y a un homme enseignant pour deux femmes enseignantes. Vous savez, ce sont des statistiques qu'on n'entend pas beaucoup, là. Et ça donne un éclairage tout à fait clair, réel de la situation des emplois traditionnellement masculins et féminins.

n (10 h 20) n

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup. Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, Mme Goulet, Mme Belley, Mme Legault. Vos présentations, vos mémoires sont toujours extrêmement éclairants. Même le titre, hein, j'avoue que j'ai accroché beaucoup sur le titre: Les chemins vers l'égalité pour les femmes du Québec: pour une prochaine politique en condition féminine forte et axée sur les résultats. Et tout le contenu de votre mémoire est très intéressant mais aussi très, très concret, axé sur ce que vous vivez sur le terrain, dans toutes les régions du Québec, et c'est extrêmement important, ce que vous apportez.

Le grand message que vous donnez: les inégalités basées sur la discrimination systémique existent toujours, elles sont là; l'approche spécifique doit être au coeur des interventions; l'approche spécifique, l'approche transversale sont celles qui permettent d'amener les changements concrets, mais elles s'inscrivent dans une approche sociétale, ce que nous avons toujours fait.

Vous nous rappelez aussi, plutôt que de chercher d'autres concepts, d'autres politiques, d'autres programmes, de finalement donner des dents, donner des mesures de redressement à ce qui existe déjà. Je suis parfaitement en accord, qu'on parle de programme d'accès à l'égalité ou de la stratégie d'intervention à l'égard de la main-d'oeuvre féminine. Cette stratégie-là, elle a été bâtie avec vous, avec les groupes, avec le gouvernement, et elle doit donner son plein potentiel, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle, et ma question va être tantôt là-dessus.

Et je veux juste faire une petite parenthèse. On a bien vu tantôt, par les questions, comment c'est facile de glisser entre des réalités quotidiennes et une discrimination systémique. Effectivement, quand les hommes ne vont pas dans un emploi à majorité féminine, ce n'est pas une discrimination systémique, c'est que les conditions sont moins intéressantes, et ce n'est pas parce qu'on les a empêchés d'y aller. Et pour le congé parental, dans les normes du travail, si une femme est enceinte, elle est très à risque; dès qu'elle annonce qu'elle est enceinte, elle se retrouve avec un congédiement. On a donné des chiffres tantôt: 300 plaintes, et ça, c'est toutes celles qui ne se sont pas plaintes et celles qui ne pouvaient pas le faire à cause du temps de travail qu'elles occupaient, là, depuis qu'elles étaient dans ce travail-là.

Mais, le congé parental, les congés familiaux, les jours fériés... j'ai travaillé sur la commission qui a modifié les normes du travail. Pour les patrons, ce n'était pas une question de discrimination systémique, ils n'en voulaient pas. Juste faire appliquer les jours fériés, les faire respecter, puis, quand l'employé avait un congé, homme ou femme, le lundi, puis qu'ils ne voulaient pas le donner, le congé, puis qu'on a modifié pour qu'ils le donnent, ils n'en veulent pas, de ces mesures-là. Donc, ce n'est pas une discrimination systémique, là, c'est l'employeur qui veut une rentabilité, puis, le moins il y a de congés parentaux, le moins il y a de congés familiaux, le moins il y a de jours fériés, on produit plus puis ça donne les résultats qu'on souhaite. Alors ça, ce n'est pas de la discrimination systémique, pour moi, c'est bien différent.

Puis, au niveau des normes du travail, on l'avait bien dit au moment où on a adopté la loi, il restait l'autre aspect puis qui était extrêmement troublant: travail atypique, précaire, travailleuses, travailleurs autonomes. Et là c'est le rapport Bernier qui devait, une fois adopté, passer à la phase action pour transformer à nouveau les normes du travail, pour régler cette partie-là qui n'a pas été touchée. Alors, moi, je pense que, pour ce bout-là, il faut repartir avec le rapport Bernier puis aller dans des mesures très concrètes.

Alors, une seule question, parce que je veux laisser la chance à mon collègue et responsable, aussi, de la famille et de l'emploi, je veux que vous me donniez ? l'information qui me fatigue beaucoup ? sur le terrain, la stratégie d'intervention à l'égard de la main-d'oeuvre féminine, tout le travail qui est fait par les groupes de femmes spécifiquement qui s'occupaient surtout de cet emploi de la main-d'oeuvre féminine, comment ça se passe sur le terrain? Est-ce qu'on a des reculs? Est-ce que, la stratégie, elle est appliquée? Moi, j'ai certains échos que dans certaines régions on dit: Ah! bien ça, c'était adopté avant par l'autre gouvernement, on ne s'en occupe plus, de cet élément-là. Comment ça se passe?

Mme Belley (Thérèse): Vous voulez une réponse politiquement correcte ou franche?

Mme Caron: La vraie réponse.

Mme Belley (Thérèse): La vraie réponse? C'est extrêmement difficile sur le terrain. Vous savez, la force de la stratégie main-d'oeuvre féminine, c'est qu'elle avait été faite en collaboration et en partenariat avec tous les... le comité aviseur main-d'oeuvre féminine et l'appareil Emploi-Québec, autant administratif que politique, et avec... en tenant compte des différentes instances d'Emploi-Québec. Donc, ça, c'était sa force. Sa faiblesse, c'est qu'elle n'a pas été accompagnée d'un plan d'action clair et précis. Ce qui fait que, quand cette force-là qui tenait en compte tous les étages d'Emploi-Québec, c'est-à-dire l'étage national, régional et local, quand c'est venu pour l'application, ça a manqué du ciment du plan d'action, si vous voulez.

Ce qui fait que ça, ça avait été confié à un comité de suivi, pour toutes sortes de raisons. Le comité de suivi a eu comme un peu... a de la difficulté à s'intensifier et à se mettre en branle, ce qui fait que les messages ne sont pas clairs ? là, je regarde madame ? les messages ne sont pas clairs dans justement les instances et régionales et locales d'Emploi-Québec et que... La stratégie main-d'oeuvre féminine, vous savez, c'était la première adoptée; il y en a eu d'autres après. Et là le message qui est envoyé, c'est: un, est-ce que c'est encore en vigueur? Est-ce que c'est encore actuel? Ça a été tout brassé.

Il y a eu aussi, presque en même temps que la stratégie, tout un repassage ? passez-moi le terme ? par rapport aux mesures d'accompagnement et pour le coffre à outils d'Emploi-Québec, pour les personnes qui profitent des services et pour les groupes qui donnent ces services-là. Et cette nouvelle façon-là de financer les services et d'y avoir accès, et entre autres un programme, Mme la ministre, dont on pourrait parler longuement, qui est le réemploi rapide et qui est très, très pénalisant sur le terrain pour les femmes, toutes les mesure de repérage par rapport à l'accès aux services font que la stratégie est difficilement applicable, presque, dans certains endroits, pas très appliquée et même méconnue. Puis c'est très triste. J'arrête là parce que...

Mme Caron: Merci beaucoup.

Le Président (M. Copeman): M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Oui, merci. Merci, M. le Président. J'aimerais, sur la même lancée, vous entendre plus longuement. Parce que dans le fond, là, peut-être qu'un ou deux exemples concrets de ce que ça veut dire, ces difficultés que vous rencontrez dans l'application de la stratégie, nous aideraient à mieux comprendre la situation.

Ce que je décode, là, c'est que, dans les bureaux d'Emploi-Québec, lorsque arrivent les questions d'insertion des femmes dans le marché de l'emploi, comme on a affaire à des mots d'ordre ou à des politiques de remise à l'emploi rapide des femmes, ce qui serait escamoté, ce que je comprends, c'est une formation, par exemple, une offre de formation adéquate qui mènerait les femmes vers d'autres sentiers que ceux qu'elles ont traditionnellement empruntés. C'est un peu ça?

Mme Belley (Thérèse): Il y a deux niveaux où ça va jouer. Ça va jouer d'abord dans, il faut être clair et franc... Une des forces de la stratégie, c'était de tenir en compte des réalités particulières des femmes et des modes d'intervention qui ont été développés, donc des groupes qui donnent ces services-là sur le terrain. La nouvelle façon de financer ces groupes-là les fragilise. Ça, c'est un premier élément de difficulté.

L'autre élément, c'est, quand on parle de réemploi rapide ou de métiers en demande, vous savez, les maux sont difficilement identifiables. Quand on parle de réemploi rapide, je vais vous donner un exemple classique, et de métiers en demande, c'est qu'une femme qui est serveuse de restaurant, où qu'elle soit, dans quelque CLE qu'elle soit, dans les 150 CLE au Québec, c'est des emplois en demande et qui font du réemploi rapide. Ça veut dire que, quand tu es serveuse de restaurant, tu peux ne pas être longtemps sans emploi. La qualité de l'emploi que tu as, les conditions de travail dans lesquelles tu l'exerces, si tu es mère monoparentale, par exemple, ça, c'est une autre chose. Donc, si tu es dans un emploi de ce type-là et que tu veux avoir accès à une formation en non traditionnel, pour avoir accès aux services, ça se complique. Donc, ça joue sur deux niveaux: ça joue au niveau de l'accès aux groupes, par rapport à du financement qui leur permet de remplir leur mission, et ça joue au niveau du financement et de l'accès aux services des femmes qui ont un grand besoin.

n (10 h 30) n

L'autre aspect de la stratégie et qui avait été vraiment très articulé, c'était toute l'aide aux femmes qu'on dit sans chèque. Vous savez, il y a une partie des femmes qui sont restées à la maison pour éduquer leurs enfants et qui, suite à une conjoncture économique difficile ou à une séparation, un divorce, doivent reprendre le marché du travail. Ces femmes-là, comme je le dis, de façon très classique, ont parfois une pension alimentaire, 1 $ de plus par mois que l'aide sociale, donc elles n'ont pas accès ni à un chèque du fédéral ni à un chèque du provincial, ce qui fait que, pour avoir accès aux services, ça devient extrêmement difficile. Donc, pour toute une catégorie de femmes, l'accès aux services est difficile.

Il y a eu aussi une vague, et, il ne faut pas se le cacher, Emploi-Québec n'a pas échappé à ça, une vague de mixité des services, ce qui fait que les services spécifiques donnés à une clientèle particulière, qui était la clientèle femmes, étaient plus difficiles. Il y a aussi le fait que la nouvelle façon de financer les groupes sur le terrain, et j'en parle en toute connaissance de cause, O.K., fait qu'on ne tient pas nécessairement compte de tout l'aspect sensibilisation et information qu'on faisait et toute la dimension sociétale justement de notre intervention, qui est très, très, très importante, surtout quand on parle de métiers non traditionnels, où on a une action très grande à faire à ce niveau-là. Donc, ça fragilise les groupes énormément.

M. Bouchard (Vachon): M. le Président, si vous me permettez. J'aimerais vous entendre un petit peu plus longuement... Mes questions sont courtes parce que je veux vous laisser le plus de place possible. Prenez votre temps pour répondre, il n'y a pas de problème. Mais est-ce que vous ne pourriez pas nous informer un peu plus sur cette nouvelle modalité de financement des groupes? Qu'est-ce que vous entendez par ça?

Mme Belley (Thérèse): Beaucoup de groupes au Québec qui donnent de l'aide à l'emploi, et ce n'est pas seulement les groupes spécifiques femmes, là, c'est les groupes qui donnent de l'aide à l'emploi, ont une méthode de rémunération qu'on appelle maintenant forfaitaire et qui est à l'action. Donc, ça veut dire qu'on va être rémunéré pour prendre une personne, agir avec elle de façon courte ? parce que, vous savez, c'est le mot d'ordre, hein ? et l'intégrer au marché du travail. Mais, tout le travail des groupes de femmes, qui est un travail de sensibilisation des employeurs, du marché du travail régional, des instances régionales pour développer la place des femmes, tout ce travail de sensibilisation là n'est pas nécessairement reconnu, dans ce mode de financement là. Donc, le financement à la pièce et à l'action à la pièce ne tient pas nécessairement compte de tout l'aspect englobant. Et c'est à la force de la stratégie de main-d'oeuvre féminine, et c'est sa force, c'est qu'elle soit englobante.

L'autre chose aussi, c'est peut-être... Dans la stratégie, il était prévu que tous les acteurs de l'appareil Emploi-Québec soient interpellés. Entre autres, il y avait toute une dimension de formation des agents, agentes de CLE sur justement qu'est-ce qui est spécifique à la main-d'oeuvre féminine, et ça, pour toutes sortes de raisons, ça n'atterrit pas, également, dans les centres locaux d'emploi, ce qui fait qu'un intervenant d'agent de CLE, malgré toute sa bonne volonté, s'il veut donner la bonne mesure à la bonne personne, il faut qu'il tienne compte des particularités femmes, et il n'a pas nécessairement été formé pour le faire.

Le Président (M. Copeman): Mme Goulet.

Mme Goulet (Nathalie): J'aimerais juste ajouter quelque chose au sujet du financement des groupes communautaires d'aide à l'emploi pour femmes. Pour nous, au CIAFT, ce sont d'authentiques groupes d'action communautaire autonomes qui font, Thérèse l'a dit, une multiplicité d'actions en région, ce sont des carrefours pour les femmes et l'emploi en région, ils sensibilisent les employeurs, et tout ça, ce n'est pas reconnu dans le financement qu'ils reçoivent d'Emploi-Québec actuellement. On demande, nous, carrément un financement, une reconnaissance et un financement de la mission de ces groupes-là qui ne sont qu'en entente de services actuellement avec Emploi-Québec.

M. Bouchard (Vachon): Très bien, merci. M. le Président, une autre petite question. Écoutez, lorsque nous avons appris que le gouvernement modifiait le seuil à partir duquel les établissements, les compagnies étaient assujetties à la loi du 1 % en formation, là... maintenant sont assujetties seulement les compagnies dont le chiffre d'affaires est supérieur à 1 million, nous avons eu comme une espèce de sursaut, là, on s'est dit: Mais quelle est la logique derrière ça? Quels sont les arguments qui sont mis de l'avant? Est-ce que les études d'impact ne démontrent pas que finalement le taux d'assiduité à ces programmes de formation là n'est pas suffisant? Parce qu'on avait des indications à l'effet notamment que, entre autres, les entreprises entre 500 000 et 1 million se tiraient très bien d'affaire là-dedans et participaient pas mal. On les a éliminées. Mais il ne s'est pas posé la question des études d'impact sur la main-d'oeuvre féminine à ce moment-là.

J'ai deux questions. Puisque vous siégez à la Commission des partenaires marché du travail et que vous faites partie du Comité aviseur Femmes là-dessus, est-ce que, un, vous avez pris connaissance de certaines études d'impact avant que la loi ne soit modifiée? Deux, est-ce que vous avez pris connaissance de stratégies qui sont mises en place pour remplacer, un, ce manque à gagner du fonds de formation, parce qu'il y a moins d'argent qui rentre au fonds, et, deux, pour pallier à des programmes qui auraient été offerts aux femmes et qui ne le seraient plus? Est-ce qu'il y a une nouvelle stratégie?

Mme Belley (Thérèse): Tout d'abord, nous, on a tenté de démontrer par a plus b une chose très simple pourtant: la majorité des femmes qui travaillent au Québec travaillent dans des très petites entreprises. Donc, en touchant à ce plafond-là, on diminuait grandement le nombre de femmes qui avaient accès à ces programmes-là. Donc, nous avons... en tout cas, nous avons tenté de le démontrer.

Et les études d'impact, là, on n'en a pas vu beaucoup. Ce qu'on nous a dit, c'est que globalement ça ne changeait pas tant l'accès. Mais ce qui est important de dire, je pense, c'est le message qui a été envoyé, O.K.? Cette loi-là est très fragile. Cette loi-là portait un message, de dire: Les entreprises sont imputables et porteuses de la formation continue et, c'est important, de la qualification de la main-d'oeuvre adulte, et on a du rattrapage à faire, au Québec, là-dessus. Et plus l'entreprise est petite, moins elle qualifie ses employés, et plus l'entreprise est petite, plus il y a de femmes qui y travaillent. Donc, les études d'impact, à notre avis, sont à faire, elles n'ont pas été faites. Nous, à notre niveau, on sait que moins de femmes sont assujetties depuis qu'on a changé ce... je ne sais pas si je dis «plafond» ou «plancher», je ne sais plus comment le qualifier... depuis qu'on a changé la barre, les femmes y sont de moins en moins accessibles.

L'autre chose qu'on avait demandée aussi.... Vous savez que, quand une entreprise se qualifie pour le programme de formation, dans le formulaire qu'elle est obligée de remplir, on ne sait pas actuellement si ces programmes de formation là, c'est des femmes ou des hommes qui les ont eus et on ne sait pas non plus quel type de formation que les gens ont reçue. Notre intuition est à l'effet de dire: On n'est pas sûr que les femmes ont accès autant, même quand ça existe, à ces programmes-là et on n'est pas sûr du type de formation que les femmes reçoivent en entreprise et que ces formations-là leur permettent de se qualifier pour des postes même à l'intérieur de l'entreprise et de maintenir leur compétitivité sur le marché du travail. Bref, on n'a pas vu d'étude d'impact différenciée selon les sexes.

Le Président (M. Copeman): Mme Legault.

Mme Legault (Marie-Josée): Oui, à ce sujet-là, les études. On espère que, en proposant d'accorder beaucoup d'importance à l'analyse différenciée selon le sexe, vous êtes conscients des ressources qu'il faut y mettre. Et je trouve que c'est effectivement très important de pouvoir reposer sur des données différenciées selon le sexe quand on prend des décisions comme celle-là, comme beaucoup de décisions qui sont prises, et aussi que les études qui sont faites par ailleurs, non seulement celles qui devraient précéder les décisions gouvernementales et qui parfois ne sont pas faites, mais celles qui sont faites aussi par les chercheurs, et vous l'abordez, le Conseil du statut de la femme l'aborde dans son avis... il serait tout à fait concevable de demander aux chercheurs de recueillir des données différenciées selon le sexe. La Communauté européenne le fait; elle ne finance maintenant que des projets de recherche qui prennent en compte les données selon le genre, et c'est un critère d'évaluation des propositions de subventions. C'est un aspect qui a attiré mon attention en tant que chercheure, et je pense qu'il faut y accorder beaucoup d'importance.

Le Président (M. Copeman): Mme Goulet, allez-y, oui.

Mme Goulet (Nathalie): Pour finir sur ce point, l'importance de l'ADS est que ça demande beaucoup d'argent. Actuellement, on n'en est qu'au projet pilote. On ne peut pas analyser les projets de loi, suivre les lois, leur application sans données, sans analyses différenciées selon les sexes. Et, si l'État québécois y croit, il va falloir qu'il mette de l'argent, et beaucoup d'argent. C'est extrêmement important, sinon on ne pourra jamais évaluer correctement comment les femmes ou non sont touchées par des programmes et mesures.

Maintenant, pour ce qui est du formulaire, au sujet de la formation, d'Emploi-Québec, on a demandé, nous, au Comité aviseur Femmes, à plusieurs reprises, qu'on mette la coche «homme», «femme», et nous a dit qu'on avait des problèmes d'informatique! Vous savez, on nous répond des choses comme ça. Et là, nous, on se demande, après, si, dans l'appareil d'État... Et c'est pour ça qu'une politique forte, axée sur les résultats, sur la reddition de comptes, sur l'égalité, c'est extrêmement important. On ne sait pas quoi faire, après, quand on nous répond qu'on ne peut pas entrer ces données-là dans l'ordinateur.

Mme Belley (Thérèse): Vous savez, on ne peut pas terminer sans vous dire que vous allez... vous avez eu de nombreuses statistiques qui vous ont été présentées, vous allez en avoir encore. Les acquis des femmes sont extrêmement fragiles, et, si les femmes ont tant avancé sur le marché du travail dans les 25 dernières années, c'est grâce à leur vouloir. On compte sur l'État pour nous accompagner et ne pas perdre ces acquis-là qui sont, encore une fois, dans la perspective de la mondialisation et de la détérioration du marché du travail, extrêmement fragiles. On en est, pour un débat d'égalité-équité avec nos confrères masculins, au quotidien, dans le partage des tâches et dans le partage des responsabilités.

n (10 h 40) n

C'est un débat qu'on fait et qu'on mène, mais on dit: Attention à niveler et à oublier cette dimension-là dans une perspective aussi importante que le travail. Et une pluie de statistiques qui tenteraient à démontrer que le chemin parcouru par les femmes fait que tout est acquis seraient des statistiques vides de sens et qui, à notre avis, loin de faire avancer le Québec par rapport à l'égalité et à l'équité, le feraient reculer sur des notions aussi fondamentales. Vous savez, une femme pauvre ? ça a été démontré à force de résultats, de statistiques ? c'est des enfants pauvres, et des enfants pauvres, c'est un Québec pauvre. Donc, attention à l'équité sans l'égalité et à l'égalité sans l'équité.

Le Président (M. Copeman): Mme Goulet, Mme Legault, Mme Belley, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom du Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail. J'invite l'honorable Claire L'Heureux-Dubé et Me Marie-Claire Belleau à prendre place à la table. Et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 41)

 

(Reprise à 10 h 44)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la commission reprend ses travaux et c'est avec plaisir que nous accueillons l'honorable Claire L'Heureux-Dubé et Me Marie-Claire Belleau devant la commission. Mesdames, je vous explique rapidement nos règles de fonctionnement. Vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation. Nous n'avons pas le même système qui existe à la Cour suprême du Canada, Mme la juge, mais je vais vous faire signe... ou je compte sur vous, vous qui avez... Vous avez reçu tant de plaidoyers de la part des membres du Barreau, je suis sûr que vous allez être respectueuse des temps de parole. Alors, vous avez 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange de plus ou moins une durée maximale de 20 minutes avec les députés de chaque côté de la table. Sans plus tarder, nous sommes à l'écoute.

Mmes Claire L'Heureux-Dubé
et Marie-Claire Belleau

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): M. le Président, j'ai bien compris le message. M. le Président, Mme la ministre, j'aimerais vous présenter ma collègue de ce matin, qui était d'ailleurs ma première clerc à la Cour suprême du Canada, en 1987, lorsque je suis arrivée à la Cour suprême, et qui a obtenu un doctorat de l'Université Harvard, la Faculté de droit, et qui est maintenant professeure titulaire à l'Université Laval, où je suis moi-même dans le moment. Alors, Marie-Claire va vous présenter le mémoire, et j'ajouterai quelques commentaires après.

Le Président (M. Copeman): Me Belleau.

Mme Belleau (Marie-Claire): Merci beaucoup, Mme L'Heureux-Dubé. Mme la ministre Michelle Courchesne, M. le Président Russell Copeman, Mmes et MM. les députés membres de cette commission, mesdames et messieurs, merci d'avoir accepté de nous recevoir.

Alors, dans notre mémoire, nous avons souligné trois lacunes dans l'avis du Conseil du statut de la femme présenté à la ministre Michelle Courchesne: l'absence de démarche conceptuelle, l'absence de priorités et le choix des modalités de mise en oeuvre et de contrôle. Lors de cette présentation, nous allons décrire succinctement et illustrer ces trois perspectives, ces trois lacunes, mais en insistant beaucoup plus sur la première partie, soit l'absence de démarche conceptuelle. Notre présentation sera d'une durée de 20 minutes.

Alors, dans l'avis proposé par le conseil, on a omis simplement de définir le concept d'égalité. Le conseil présente la rétrospective, l'histoire des avancées des femmes sur la question de l'égalité, mais d'écrire l'histoire, ce n'est pas définir le concept d'égalité. L'objet même du mandat, soit la définition du concept de l'égalité adapté au Québec, est relégué à deux notes en bas de page. Or, toute action présuppose une assise théorique, explicite ou implicite. Et la notion d'égalité est loin d'être univoque. Il y a certains auteurs qui vont jusqu'à recenser 140 façons de définir l'égalité. Ce que nous vous proposons ce matin, c'est de vous donner trois exemples parmi la centaine de définitions possibles de l'égalité pour vous illustrer l'importance fondamentale de s'entendre sur un concept pour conduire à une action politique cohérente.

Alors, les trois approches dont nous allons vous entretenir sont d'abord l'égalité qui est conçue comme la symétrie, l'égalité dans la différence puis, ensuite, un concept beaucoup plus porteur, soit celui de l'égalité relationnelle. Mais c'est pour vous illustrer les conséquences, surtout dans le cas d'un gouvernement qui veut avoir un plan d'action cohérent.

Alors, l'égalité conçue comme la symétrie, c'est l'idée non pas de nier les différences entre les hommes et les femmes, mais plutôt d'ignorer les conséquences. Alors, les personnes qui sont dans une situation analogue sont traitées de façon analogue, et les tenants de l'égalité symétrique posent comme principe la neutralité sexuelle. Alors, l'idée ici, c'est d'ignorer les différences entre les sexes et d'adopter des politiques qu'on dirait unisexes.

Les femmes ne devraient pas bénéficier de programmes spécifiques. Alors, si nous prenons, dans chaque cas, l'exemple du cas du congé de maternité, la perspective qui est adoptée, c'est que, selon un modèle assimilationniste pur, soit celui de la symétrie, la femme enceinte ne doit pas bénéficier d'un congé de maternité. Elle doit au contraire plutôt être traitée comme un travailleur en congé de maladie ou en incapacité temporaire, être traitée comme n'importe quel autre travailleur. Or, si on contraste cette perspective avec celle de l'égalité dans la différence, c'est tout à fait le contraire. Dans cette perspective, l'idée, c'est qu'historiquement les traits dits féminins ont été dévalorisés, dans l'histoire puis dans la façon de concevoir les rapports hommes-femmes, alors les traits dits féminins, comme la compassion, l'oubli de soi, l'altruisme, l'idée de rejeter la compétition pour la collaboration.

L'idée de l'égalité dans la différence, c'est, au lieu d'adapter la réalité des femmes à celle des hommes, c'est d'adapter les institutions à une réalité qu'on dirait bisexuelle, c'est-à-dire les femmes et les hommes sont dans des situations différentes, il faut donc prévoir un traitement spécial, des programmes spéciaux, et dans ce cas on va promouvoir des congés de maternité pour encourager les femmes à... en fait pour éviter qu'elles soient injustement discriminées à cause de leur réalité biologique différente. Et, dans ce cas, il s'agit d'adapter les institutions déjà existantes aux réalités des travailleuses et non seulement aux besoins des travailleurs.

n (10 h 50) n

Nous avons donc ici deux congés. Alors, de façon générale, on a l'impression que les femmes et les hommes... les femmes sont traitées de la même façon, c'est-à-dire, dans un cas, les femmes enceintes vont avoir un congé de maladie, dans l'autre, un congé de maternité. Or, la différence, c'est que les conséquences sont extrêmement différentes. Puis, pour ne vous donner qu'un seul exemple, si on adopte une perspective comme l'égalité dans la symétrie, les programmes d'action positive, ce que la ministre appelait tantôt de la discrimination positive, vont être totalement rejetés, alors que, si on adopte la position des féministes, de la différence, l'idée, ce serait, au contraire, d'avoir des programmes d'action positive ? ils en exigent ? pour contrer cette dévalorisation des traits féminins.

Alors, nous espérons que ces deux notions, l'égalité dans la symétrie ou de la différence, sont aujourd'hui complètement dépassées dans le contexte nord-américain. Par contre, elles illustrent la différence importante quant à un plan d'action potentiel.

Laissez-nous maintenant vous expliquer l'égalité relationnelle, qui est un concept beaucoup plus porteur, mais, vous allez voir, les conséquences sont beaucoup plus grandes. Alors, dans le cas de l'égalité relationnelle, non seulement la catégorisation des différences entre les hommes et les femmes constitue-t-elle des constructions sociales dont l'appartenance est prédéterminée, mais elle se constitue sur une base comparative. L'idée de la différence implique en effet une comparaison avec un standard, avec un point de référence. En général, cet étalon de mesure est tellement puissant, tellement fort qu'il ne mérite même pas d'être spécifié. Ainsi, la femme se compare à la norme innommée de l'homme, la minorité raciale à celle du Blanc, la personne homosexuelle à celle de la personne hétérosexuelle.

Le congé de maternité illustre très bien l'importance de l'égalité relationnelle. Selon certaines conceptions sociales et culturelles, la grossesse est perçue comme une incapacité ou un handicap quand il s'agit de savoir si une employée à le droit à des assurances ou à un programme dans le cadre du travail; c'est ce qu'on vient de... c'est de cette façon-là qu'on qualifie la grossesse, pour les tenantes de l'égalité dans la symétrie. La grossesse est conçue comme négative, elle devient une interférence aux activités dites normales, soit celles des travailleurs.

L'égalité relationnelle suggère de traiter la grossesse comme un mode de reproduction de l'espèce dans lequel toute personne, et non seulement la femme enceinte, a un intérêt véritable. Ce concept conduit donc à des congés parentaux plutôt qu'à des congés de maternité. Mais il y a plus. Lorsqu'on adopte une conception comme l'égalité relationnelle, un plan d'action gouvernemental cohérent ne s'arrête pas aux congés de maternité mais va couvrir également les conditions de travail et la question de la conciliation travail-famille. En effet, les programmes de congés et d'heures de travail flexibles et variables constitueraient un service pour tous et pour toutes, et non seulement pour la femme enceinte.

De plus, la notion même de famille s'étend, parce qu'on peut y inclure non seulement les parents biologiques, mais également toutes personnes qui prennent soin des enfants, que ce soient les voisins, les amis, les parents.

Enfin, l'égalité relationnelle tient compte des personnes qui prennent soin des personnes, que ce soient des enfants ou des personnes âgées, des personnes handicapées, des personnes qui ont des maladies importantes. De ce point de vue, l'égalité relationnelle, c'est donc la culture même de l'organisation du travail qui est remise en question.

Alors, vous voyez, nous espérons que ces trois façons de voir l'égalité nous permettent d'illustrer jusqu'à quel point, lorsqu'on choisit un concept d'égalité, ça va conduire ou non à un plan d'action cohérent au niveau du type d'action qu'on veut prendre. Alors, c'est donc fondamental de définir l'égalité de façon précise.

Nous aimerions maintenant vous parler quelques minutes de la notion d'intersectionnalité, que nous avons mentionnée dans notre mémoire. La notion d'intersectionnalité enrichit le concept d'égalité pour lui donner une qualité beaucoup plus inclusive. L'intersectionnalité vise à rendre visible ce qui est invisible. Alors, par exemple, et c'est une histoire vraie, à Harvard Law School, on avait créé des programmes d'action positive pour embaucher dans son corps professoral des femmes et des minorités visibles. Pendant des années, aucune femme noire ne fut engagée à Harvard Law School. Il s'est avéré que, lorsque Harvard cherchait des candidates, l'effet du racisme excluait les femmes de couleur. Par contre, lorsqu'on tentait de nommer des personnes issues des minorités visibles, l'effet du sexisme privilégiait les hommes. Harvard Law School avait donc engagé des femmes blanches et des hommes de couleur. Et des chercheurs ont réussi à démontrer que les personnes qui appartenaient aux deux catégories à la fois, soit aux femmes et aux minorités visibles, devenaient invisibles et étaient ainsi défavorisées. L'histoire se termine bien: il y a des femmes noires engagées à Harvard Law School, juste pour vous rassurer.

Cette notion est donc extrêmement... dans le contexte d'un plan d'action politique qui se veut inclusif, dans une société multiculturelle qu'est la nôtre. Soit dit en passant, le gouvernement ontarien a adopté, dans ses plans d'action, la notion d'intersectionnalité justement pour cette qualité inclusive. C'est donc intéressant de l'utiliser dans le concept... dans l'idée d'un concept d'égalité qui serait élargi.

Enfin, nous souhaitons insister ? puis je vois que le groupe qui nous a précédées l'a fait ce matin ? sur l'importance d'un instrument comme l'analyse différenciée selon les sexes, qui a été élaborée au sein du Secrétariat à la condition féminine et qui s'inspire de la quatrième Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes, qui a eu lieu en 1995. L'analyse différenciée selon les sexes permet d'examiner toute problématique sociale en distinguant la situation différenciée des hommes et des femmes touchés et les effets différenciés, directs et indirects, de toute intervention sur ces deux groupes. Il s'agit d'un outil précieux de prévention ? alors c'est un outil de prévention des inégalités ? pour un gouvernement soucieux d'assurer l'égalité véritable à ses citoyennes et à ses citoyens.

L'analyse différenciée selon les sexes nous apparaît extrêmement prometteuse pour la prévention des inégalités. Elle comporte justement dans sa nature même cette exigence de différenciation et elle nous permet d'avoir des politiques gouvernementales qui pourraient l'intégrer et faire les ajustements nécessaires dès la conception d'une intervention gouvernementale. C'est donc important de l'intégrer dès son tout début, alors... et sans occasionner des coûts exorbitants, dans la mesure où, même si les coûts sont importants lorsqu'on fait l'analyse différenciée, elle évite d'être obligé de contrer la situation des inégalités après coup. Alors, ce serait important de l'intégrer à toutes les politiques et tous les programmes d'intervention.

Nous passons maintenant au deuxième point de notre mémoire, soit l'absence de priorités. L'avis qui a été produit par le conseil identifie un grand nombre d'orientations. Toutefois, il ne spécifie aucunement les priorités qui devraient guider le choix du gouvernement dans ses politiques publiques en matière d'égalité.

Le deuxième mandat consistait à déterminer les orientations et les priorités menant à une politique gouvernementale. À notre avis, ce deuxième mandat doit être interprété en rapport avec le premier mandat qui consistait à définir le concept d'égalité ? ce dont nous venons de vous parler ? mais qui serait applicable en contexte québécois. Il doit donc tenir compte du contexte actuel au Québec. Or, un élément du contexte est singulièrement absent des priorités et des propositions faites par le conseil, soit les restrictions budgétaires actuelles auxquelles le gouvernement, ses ministères et ses organismes sont soumis. De nombreuses références sont faites aux impératifs actuels: on parle de la mondialisation, on parle de questions comme des changements démographiques prévisibles. Toutefois, il n'y a aucune prise en considération de l'intention formelle du gouvernement de réduire la tâche de l'État et d'assainir les finances publiques. Qui, au Québec, peut encore ignorer l'intention ferme du gouvernement de réduire les dépenses publiques?

Ainsi, sous tous les différents axes d'intervention, on conseille abondamment au gouvernement de s'engager dans la recherche et la documentation de problématiques, de promouvoir et de soutenir différentes initiatives, de consolider et de mettre sur pied des services, d'instaurer des programmes, de dégager des ressources nouvelles et additionnelles. Mais toutes ces propositions multiples ne s'accompagnent d'aucune considération des disponibilités budgétaires.

Les sept orientations et les 25 axes d'intervention sont présentés sans aucune priorité. Tout baigne dans une parfaite uniformité. Il importe que l'ensemble des possibilités soient examinées, et ça, nous en convenons. Le problème, c'est que, dans la situation actuelle, surtout dans la situation actuelle où les besoins dépassent de loin les moyens, il faut achever la démarche et définir les priorités d'intervention. Or, nous sommes d'avis que le fait de n'avoir pas défini le concept d'égalité ne nous permet pas d'avoir les critères pour évaluer lesquelles seraient des priorités de façon rigoureuse. Alors, c'est très problématique d'avoir omis de faire une définition de l'égalité, parce qu'on n'a pas de critères ni pour définir les priorités ni pour faire une argumentation sur les leviers d'action ou l'articulation entre ces deux éléments, et ça, c'est fondamental. Faire des choix aurait donc exigé d'avoir des critères, ce qui est absent, à notre avis.

Maintenant, si vous nous demandiez à nous, à l'honorable Claire L'Heureux-Dubé et à moi, quelles sont les priorités, nous hésiterions à vous répondre sans une étude approfondie de tous les dossiers. Nos propositions risqueraient de trahir nos propres préoccupations. Toutefois, nous serions tentées d'avancer que la féminisation de la pauvreté et la violence sont des maux sociaux inacceptables, qui doivent en priorité être éliminés. Et nous ajouterions ensuite l'équité salariale et la conciliation travail-famille. Enfin, dans une perspective plus large d'avancement vers une égalité véritable vers l'avenir, nous sommes d'avis que l'analyse différenciée selon les sexes doit être effectuée dès à présent dans le cas de toutes les interventions gouvernementales.

n (11 heures) n

Dernier élément, et nous serons beaucoup plus brèves, la question des modalités de contrôle et de mise en oeuvre. Nous serons plus brèves parce que, de l'extérieur de l'appareil gouvernemental, il s'avère difficile de saisir la portée exacte des propositions faites dans l'avis par le conseil.

D'abord, la question de la structure gouvernementale au soutien de l'égalité entre les femmes et les hommes. Selon l'avis, s'il devait n'y avoir qu'un seul organisme, cet organisme serait intégré à la structure gouvernementale, travaillerait de concert avec les ministères et les organismes du gouvernement et, par voie de conséquence, serait lié aux politiques du gouvernement, à ses décisions et à ses positions. En conséquence, quand on voit la description dans l'avis, ce serait un secrétariat élargi.

Nous nous opposons à ce choix. Le conseil occupe une fonction fondamentale de surveillance publique de l'action gouvernementale qu'il importe de conserver. En effet, nous sommes étonnées de voir le conseil prêt à renoncer à son autonomie et au caractère public de sa fonction critique par rapport à la situation des femmes et à l'action gouvernementale au soutien de l'égalité. À notre avis, le dynamisme du mouvement des femmes ne peut en aucun cas remplacer la vue d'ensemble exposée par un organisme tel que le conseil. Seul un organisme tel que le conseil peut effectuer des études longitudinales et complexes qui permettent d'identifier et de dépister les manifestations moins apparentes de discrimination systémique. Seul un conseil peut faire des études multidisciplinaires sur le vécu des femmes et, par exemple, faire des examens de la spécificité de la situation des femmes en région. Alors, le Conseil du statut de la femme ou un organisme équivalent s'avère absolument essentiel, c'est un instrument indispensable à l'appareil gouvernemental. Il doit continuer d'agir en complémentarité avec le secrétariat élargi qui est souhaité par les auteurs de l'avis.

Deuxièmement, sur les mécanismes de surveillance et de contrôle, ils nous apparaissent insuffisants tels que décrits dans l'avis. Le conseil propose la tenue d'une commission parlementaire quinquennale pour examiner la progression de l'égalité entre les femmes et les hommes et il suggère de faire porter la responsabilité à la seule ministre ou au ministre responsable de la coordination de l'action gouvernementale en matière d'égalité. En effet, cette personne devrait présider cette commission, disposer de l'ensemble des doléances, des critiques et des revendications qu'il ou qu'elle devrait recevoir au nom de ses collègues ministériels sectoriels.

D'abord, cinq ans, c'est beaucoup trop long, et, ensuite, une seule ou un seul ministre ne peut porter entièrement la responsabilité en matière d'égalité, c'est trop lourd. Alors, à notre avis, la progression vers l'égalité, c'est une responsabilité qui est partagée par tous les ministres du gouvernement. Nous sommes d'avis qu'il serait nécessaire de créer de façon formelle, peut-être même par voie législative, l'obligation de respecter l'engagement de faire du Québec une société où l'égalité entre les femmes et les hommes serait exemplaire. Dans une telle perspective, tous les ministères et tous les organismes seraient tenus d'établir des priorités d'action précises et des indicateurs de mise en oeuvre et de résultat et enfin de rendre compte annuellement de l'exécution de ces engagements. Ces renseignements seraient par la suite rassemblés par le ou la ministre responsable et rendus publics.

Maintenant, en guise de conclusion, nous désirons simplement réitérer nos cinq recommandations.

Premièrement, nous recommandons au gouvernement d'élaborer une définition de l'égalité, du concept d'égalité qui permette d'identifier des critères pour l'adoption et la mise en application d'une politique gouvernementale cohérente.

Deuxièmement, nous recommandons au gouvernement d'établir une liste des priorités en matière d'égalité afin de tenir compte du contexte québécois économique et politique actuel.

Troisièmement, nous recommandons au gouvernement de maintenir la fonction de surveillance publique de l'action gouvernementale en matière d'égalité entre les femmes et les hommes actuellement exercée par le conseil, puisque, s'il ne devait y avoir qu'un seul organisme, sa mission essentielle serait forcément interne au gouvernement, c'est-à-dire celle d'un secrétariat.

Quatrièmement, nous recommandons l'application de l'analyse différenciée selon les sexes comme mesure de mise en oeuvre préventive de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Et, cinquièmement, nous recommandons la création d'un système obligatoire de reddition de comptes annuelle des priorités d'action et de leur mise en oeuvre par tous les ministères et organismes du gouvernement québécois auprès du ou de la ministre responsable de la coordination de l'action gouvernementale en matière d'égalité entre les femmes et les hommes afin d'assurer la mise en place concrète des politiques publiques en matière d'égalité.

Merci beaucoup pour votre attention.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): J'avais dit que j'ajouterais quelques mots. À mon avis, le Conseil du statut de la femme du Québec a été un instrument incroyable et très important pour l'amélioration de la condition de la femme au Québec. Je dirais qu'il est reconnu au Canada comme le meilleur, peut-être même le meilleur en dehors du Canada aussi. Je pense que, avec son passé, le Conseil du statut de la femme a démontré qu'il était capable d'assumer ses responsabilités et de faire marcher les dossiers vers l'égalité, avec les remarques que nous avons faites... que Marie-Claire a faites précédemment, qui s'imbriquent très bien dans la continuation de ce que le conseil a toujours fait.

Alors, je pense que son rôle demeure encore entier, et le travail n'est pas terminé. Lorsqu'on pense à la féminisation de la pauvreté, comme on a mentionné, au fait que les revenus des femmes au marché du travail sont beaucoup moindres ? trois quarts, dit-on, même, dans certains cas, la moitié de ceux de leurs collègues masculins ? que les femmes sont très peu représentées à tous les niveaux: provincial, municipal et fédéral, dans des institutions, qu'elles n'ont pas été... qu'elles ne sont pas encore des partenaires à plein temps dans le monde du travail, le monde du commerce en général... Parce que vous savez que la présence des femmes aux plus hauts niveaux de décision fait une différence absolument extraordinaire. Moi, j'en ai eu la preuve à la Cour suprême. Mais il y a des preuves qui sont évidentes, que, si les femmes ne sont pas présentes... On a vu ce qui se passait lorsque les femmes n'avaient pas le droit de vote, toutes les législations étaient passées par des hommes pour les hommes, etc., et les femmes n'avaient pas leur place au soleil. Alors, on sait que c'est très important que les femmes soient aux niveaux décisionnels dans tous les mécanismes de la société, et ce n'est pas encore le cas.

Moi, je voudrais insister, là, sur un aspect que Marie-Claire a mentionné, l'aspect de la violence faite aux femmes. Tout le monde est d'accord, que ce soit au Québec, que ce soit au Canada, que ce soit dans le monde entier, c'est un problème qui est reconnu par les Nations unies. Il n'y a personne qui fait des recherches, tout le monde dit: Oui, il y a beaucoup de violence, mais on ne fait rien.

Je vais vous faire part d'une expérience personnelle. J'arrive des Indes... Parce que je fais beaucoup d'éducation judiciaire à travers le monde, à la demande de différents organismes, toujours pro bono, toujours bénévole. Mais il y a une grande demande et nécessité dans ce domaine-là. J'arrive des Indes, et une des personnes qui fait partie de l'organisation non gouvernementale avec laquelle je travaille vient du Pakistan. Cette organisation non gouvernementale a commencé à bâtir un vocabulaire spécial pour les enfants dans les écoles, un vocabulaire qui reconnaît les grands objectifs des droits de la personne. Alors, le vocabulaire, pour les enfants qui sont au niveau préscolaire, scolaire 1, 2, 3, 4, 5... et ils viennent de les traduire en anglais. Moi, je les ai apportés, j'ai une liste de volumes... qui démontrent qu'on peut déjà, chez les enfants, leur faire apprendre un vocabulaire de tolérance, de tolérance contre le racisme, contre l'homophobie, mettez-en, là!, et surtout de tolérance des êtres humains par rapport à l'autre, le respect de l'autre. En anglais, on dit: Regarde donc ce gros «fatty»-là. Eux autres, ils ont une expression pour éviter qu'on emploie ces mots-là qui sont non respectueux vis-à-vis la personne, de l'autre.

Alors, moi, ça m'a épatée, de sorte que je l'ai apporté à la Commission canadienne des droits de la personne, où je suis membre du bureau d'aviseurs. Mais je pense que c'est déjà une possibilité, pour un conseil comme du statut de la femme, de réfléchir et de présenter des recherches dans ce domaine-là et de présenter au gouvernement des possibilités d'intervention, par le ministère de l'Éducation, si vous voulez. Moi, je crois beaucoup que tout ce qui se fait, c'est par l'éducation. Je vous donnais ça simplement à titre d'exemple pour vous montrer qu'un conseil du statut de la femme, c'est là pour penser, réfléchir, proposer des solutions et regarder l'impact que les législations qui sont présentées au Parlement peuvent avoir sur les groupes défavorisés, entre autres les femmes.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, Mme la juge. Alors, afin de débuter l'échange, Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

n (11 h 10) n

Mme Courchesne: Mme L'Heureux-Dubé, Mme Belleau, sincèrement, chaleureusement, bienvenue à cette commission. Je dois vous dire que c'est vraiment un réel plaisir de vous écouter. Vous êtes deux femmes qui oeuvrez dans un milieu où on nous a expliqué, hier... en fait, le Barreau du Québec ? et je reviendrai sur cette définition ? nous a rappelés à l'ordre sur l'exigence constitutionnelle du droit des femmes. Alors, vous voyez, ce matin, Mme L'Heureux-Dubé, à quel point j'ai un respect pour l'extraordinaire carrière qu'a été la vôtre, mais surtout pour votre sincère passion, conviction à défendre le droit des femmes. Et je crois comprendre ? on s'est vues brièvement tout à l'heure ? que Me Belleau est avec vous depuis très longtemps. Et je disais: C'est assez fantastique, dans une carrière, de parfois faire de ces rencontres qui sont très marquantes et très déterminantes, et que vous soyez devant nous pour nous exprimer votre point de vue, bien je pense que c'est très apprécié. Alors, merci beaucoup.

Me Belleau, vous nous avez dit que l'avis du Conseil du statut de la femme n'avait pas procédé à la définition de ce concept de l'égalité, et je vous dirais que, hier ? et je vous le dis tout simplement ? le Barreau nous a dit: Bien, tant mieux, ils ne l'ont pas défini, parce qu'il y a cette exigence constitutionnelle qui exige qu'un gouvernement prenne des mesures pour s'assurer que le droit des femmes est réellement non seulement respecté, mais vécu et qu'il est réel. J'ai compris votre approche, vous nous parlez de trois définitions, je trouve ça intéressant; malheureusement, ça a été trop bref pour en saisir toutes les subtilités et toutes les nuances. Mais ce que je crois comprendre, c'est que, par exemple, l'égalité dans la symétrie, l'égalité dans la différence ou l'égalité relationnelle aurait pu être la base ou aurait pu être ces définitions. En tout cas, j'essaie de voir si c'est un peu la voie que vous nous indiquez. Et est-ce que vous faisiez référence, par exemple, à ces définitions-là? Et vous dites: Les deux premières sont complètement dépassées.

Bon. Moi, ma compréhension de l'avis du Conseil du statut de la femme, si on veut bien se rappeler qu'ils nous font... le conseil nous fait un avis, justement dans le sens de sa mission, Mme L'Heureux-Dubé, pour que le secrétariat, le gouvernement écrive une politique. Et je crois comprendre... donc le conseil a, lui, choisi trois approches: spécifique... Et ce n'est pas des définitions, là, on n'est pas dans la teneur des définitions, mais j'essaie juste de comprendre et d'essayer de faire des liens pour qu'on se comprenne bien, qu'on ne soit pas que dans la théorie, parce qu'en une heure on n'y arrivera pas. Mais est-ce que vous voyez justement dans, par exemple, cette définition relationnelle, et dans l'avis du conseil, est-ce qu'il n'y a pas là quelque chose qui se rejoint, cela dit, dans l'ordre peut-être des moyens ou dans les... c'est-à-dire, plutôt dans les objectifs à atteindre ou dans notre capacité d'aller davantage vers cette égalité de fait en élargissant les principaux acteurs? Parce que, moi, j'ai cru comprendre, dans ce que vous nous avez dit sur cette égalité relationnelle, c'est que ça va, par exemple, même... c'est la culture même des conditions de travail qui seront à redéfinir. Donc, en quelque part, il y a des éléments, à mon avis, là, qui se rejoignent. Je voudrais vous entendre là-dessus, là, parce que...

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): Mme Courchesne, juste un petit mot. Je définirais ça, c'est de mettre en contexte, dans le contexte actuel ? on n'est plus dans le contexte de 1800 ni même dans le 1900 ? de mettre l'égalité dans le contexte dans lequel les femmes vivent les problèmes qu'elles ont à vivre. Plutôt que d'employer le terme qui est un petit peu plus sophistiqué, moi, je dirais qu'on parle ici de contexte actuel, juste pour...

Mme Courchesne: Je poursuivrais dans cette veine-là, parce que, malgré des progrès, ce que tous les groupes sont venus nous dire, c'est que le contexte, il n'a pas beaucoup évolué, c'est toujours un contexte de discrimination systémique.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): Oui, mais qui prend différentes formes, qui prend différentes formes dépendant de l'avancement de la société. Par exemple, on peut dire que dans certains domaines on a fait beaucoup de progrès et, dans d'autres, on en a fait moins. Alors, les priorités, aussi, vont dans le même sens que le contexte dans lequel on définit l'égalité.

Mme Belleau (Marie-Claire): J'aimerais faire quelques commentaires pour répondre à votre question. Pour moi, c'est évident que la question de l'égalité dans la symétrie ou dans la différence, c'est complètement dépassé. On entend encore ce discours, mais il est vraiment, pour toutes sortes de raisons... il y a beaucoup, beaucoup de critiques que je pourrais vous élaborer, mais je pense que ce n'est pas nécessaire. Bien, c'est beaucoup... L'égalité relationnelle, c'est une conception de l'égalité qui est très porteuse mais qui ne devait servir qu'en exemple. Il y a une grosse différence entre définir quelle sorte d'égalité on veut et ensuite les approches, c'est... comment le faire. Alors, pour nous, l'idée de définir l'égalité, c'est pour savoir... Moi, je crois personnellement que ça nous prendrait un concept d'égalité relationnelle en intégrant la notion d'intersectionnalité pour s'assurer que toutes les femmes, dans toute leur complexité, sont incluses. Il y a d'autres conceptions qui pourraient être adoptées, mais c'est fondamental de savoir quelle sorte d'égalité on veut puis ensuite de décider comment on va s'y rendre et comment c'est... ce sont les approches, et, sur les approches, nous ne nous sommes pas beaucoup prononcées.

Mme Courchesne: À ce moment-là, est-ce que vous pouvez pousser un petit peu plus loin sur l'égalité relationnelle pour qu'on comprenne bien dans quelle mesure... Si vous pouviez nous la définir un peu davantage dans son sens fort pour qu'on comprenne bien pourquoi l'égalité dans la symétrie et de la différence sont dépassées. Vous l'affirmez, là, mais j'aimerais ça que vous soyez un petit peu plus explicite par rapport à ça, brièvement.

Mme Belleau (Marie-Claire): Bon, je vais commencer par vous dire pourquoi... Bon, l'égalité dans la symétrie, c'est un peu le stéréotype de la femme qui réussit à être dans un monde d'hommes et d'être un homme déguisé en femme. Et c'est un concept qui est problématique, parce que d'abord les hommes... c'est fondé sur des stéréotypes, puis les hommes sont aussi variés que les femmes le sont, et d'essayer d'avoir une femme qui se moule complètement au modèle masculin, ça ne prend pas en considération son contexte.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): C'est la notion anglaise ou américaine de «similarly situated», hein, et que la Cour suprême a rejetée totalement.

Mme Belleau (Marie-Claire): Exactement. Ensuite...

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): Oui, continuez, continuez.

Mme Belleau (Marie-Claire): Alors, l'autre notion, puis vous allez sûrement avoir... La notion de l'égalité dans la différence, c'est l'idée: les femmes sont comme ci, les hommes sont comme ça. Puis les femmes sont, bon, altruistes, etc. Puis vous savez comme moi que les femmes sont un ensemble de choses, et que les hommes sont un ensemble de choses, et que les hommes ne sont pas ce qu'on a comme stéréotypes, et que les femmes non plus. Alors, ça donne l'idée que les femmes devraient retourner à la maison, devraient avoir des positions traditionnelles, et ça, la Cour suprême l'a également rejeté. On ne veut plus rien savoir de ces notions-là. Donc, c'est... Mais ce sont des discours qu'on entend beaucoup.

L'égalité relationnelle, c'est seulement un modèle. J'insiste là-dessus. Il y a 100 définitions, puis ce que je regrette, c'est que l'avis du conseil ne nous donne pas vraiment une impression de ce qui aurait pu être évalué. C'est comme si on dit: l'égalité... on veut l'égalité, puis on passe tout de suite à comment on va s'y prendre. On ne s'est pas arrêté à l'égalité. L'égalité relationnelle, c'est l'idée d'essayer de voir vraiment la question comme une comparaison. C'est une comparaison. On a des catégories qui sont prédéterminées, puis on est comparées constamment à un étalon de mesure qui est masculin, hétérosexuel, Blanc, du travailleur, par exemple. Et là il s'agit d'essayer de penser à autrement. Puis, moi, je pense profondément que la reproduction, ce n'est pas une question qui touche seulement la femme enceinte, ça touche toute la société. Au Québec, on comprend cette notion-là, cette question de la démographie. Alors, l'idée, c'est de penser au monde du travail autrement.

Alors, je ne sais pas si ça répond à votre question, mais, moi, ce que je veux vraiment insister, c'est que je vous mentionne, l'égalité relationnelle, il y en a 99 autres qu'il faut analyser puis aller plus loin. Et, à mon avis, l'intersectionnalité est fondamentale. On a une société multiple. On ne veut pas avoir un concept de «la femme», ça ne marche pas, pour toutes sortes de raisons.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): Les congés parentaux peuvent s'appliquer à un homme comme à une femme. Ce sont les femmes qui font toutes les batailles, remarquez. Mais ça ne veut pas dire que les autres n'en bénéficient pas. Toute la société en bénéficie. Toute l'histoire du droit familial, c'est la lutte des femmes pour la justice à travers l'égalité. Bien, cette égalité-là, c'est pour les races, c'est pour les homosexuels, c'est pour les marginaux, c'est pour les handicapés, c'est tout le monde qui en bénéficie. Alors, je voulais juste être claire là-dessus, là. Ce n'est pas les femmes pour les femmes. Non. Ça n'a rien à voir avec la conception que nous avons de l'égalité, qui se reflète sur toute la société.

Le Président (M. Copeman): Ça va?

Mme Courchesne: Oui. Bien, je reviendrai s'il reste du temps, M. le Président. Je vais laisser ma collègue vous poser une question.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée de Nelligan.

n (11 h 20) n

Mme James: Merci, M. le Président. Me Belleau, l'honorable Claire L'Heureux-Dubé, c'est un privilège pour moi de pouvoir être ici et surtout d'échanger avec vous. Mme la juge, j'ai eu le privilège d'étudier plusieurs de vos jugements, et vous avez certainement avancé la cause des femmes, et je vous en remercie.

Me Belleau, j'ai été très... j'ai aimé l'exemple que vous avez donné, de la faculté de Harvard, aux États-Unis, parce que vous avez fait état de la situation de la double discrimination, hein? Vous avez bien dit ça, vous avez bien dit les choses lorsque vous avez dit qu'une personne, qu'une femme noire devenait invisible malgré que des efforts ont été déployés. Je vous poserais une question, c'est: Qu'est-ce qu'ils ont fait... Parce que vous avez dit, à la fin de votre exemple, qu'enfin finalement ça va bien, parce qu'ils ont finalement engagé des femmes noires à la faculté, à l'Université de Harvard. Mais la question que je vous poserais, c'est: Qu'est-ce qui a fait en sorte qu'ils ont réalisé puis qu'ils ont fait un déclic pour dire: On a besoin de changer la façon de faire? Je vous pose la question parce qu'on fait face à la même réalité ici, au Québec. Alors, on a besoin de changer les choses. Alors, je vous demanderais: Comment vous voyez ça et comment peut-on adapter ça dans notre contexte, ici, au Québec?

Mme Belleau (Marie-Claire): La première chose que je voudrais vous dire, c'est d'abord... À mon avis, c'est important d'éviter l'expression «double discrimination», puisqu'il peut y avoir des discriminations multiples, d'où l'idée d'intersectionnalité, qui est cette intersection entre plusieurs types de catégories, si vous voulez.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): Une lesbienne noire et handicapée, là.

Mme Belleau (Marie-Claire): Par exemple, exactement. Alors, vous voyez le type de... Alors, c'est pour ça que j'utilise plutôt la notion d'intersectionnalité.

Comment ils s'en sont rendu compte? Parce que ça a été dénoncé par des chercheures. On se rendait compte que, lorsqu'ils partaient... Et je voudrais vous mentionner que c'est Harvard Law School, hein, ce n'est pas Harvard, l'université, c'est la faculté de droit. Et l'intersectionnalité a été vraiment étudiée. Et ce qu'on se rendait compte, c'est que, littéralement, les années où on engageait des femmes, c'étaient des femmes blanches, puis, les années où on engageait des minorités visibles, c'étaient des hommes. Puis, après un moment donné, on s'est dit: Mais comment ça se fait que les femmes tombent, toujours les femmes noires, tombent toujours entre les deux? Alors, ça a été vraiment une prise de conscience, et à mon avis... qui a été dénoncé par les chercheures, puis je peux vous mentionner des noms, comme Kim Crenshaw, mais plusieurs chercheures, femmes noires américaines, qui ont fait avancer la notion d'intersectionnalité.

Et si vous me posez la question dans le contexte concret québécois, c'est qu'il faudrait que cette notion-là soit intégrée à notre concept d'égalité pour que, lorsqu'on fait une analyse différenciée selon les sexes, on prenne en considération ces choses-là également. Alors, les programmes d'action positive ont pour effet d'essayer de changer les choses. Il s'agit que nos programmes prennent en considération cette complexité, hein, alors... Je crois que c'est faisable, dans des plans d'action très concrets. Mais il faut examiner ce qui se passe, il faut avoir des statistiques, il faut avoir des recherches.

Et, à mon avis, le secrétariat et le conseil doivent travailler ensemble. Le secrétariat pour offrir une expertise à l'intérieur du gouvernement, parce qu'on ne s'improvise pas dans ce domaine-là, c'est trop complexe. Vous le voyez, tous les mémoires que vous entendez, c'est très complexe. Ça prend à l'interne une expertise très forte, mais ça prend, excusez-moi l'expression, mais un chien de garde qui fait des études beaucoup plus à long terme, qui évalue qu'est-ce qui se passe, qui est capable de vraiment voir de l'extérieur l'action du gouvernement et de faire des études à long terme. Et les prédécesseures, ce matin, faisaient état de l'importance des données, des informations. On ne peut pas agir sans avoir des données. On ne peut pas. Alors, moi, je crois que c'est vraiment possible. Et c'est concret. Je sais que l'approche que nous avons est souvent théorique, mais il faut des assises théoriques. On ne peut pas agir sans avoir des assises théoriques, parce qu'on agit tout croche. Puis, si vous voulez que ce soit cohérent, il va falloir que vous vous assoyiez, puis, moi, je voudrais que le conseil s'assoie puis pense aux différentes notions d'égalité, il y en a beaucoup, mais l'intersectionnalité est importante.

Le Président (M. Copeman): Ça va? M. le député de Vimont.

M. Auclair: C'est que, suite à votre dernier commentaire, et vous l'aviez également fait quand vous avez fait votre présentation, mesdames... D'ailleurs, je veux vous saluer. La manière que vous présentez votre commentaire, c'est comme si le Conseil du statut de la femme ne joue pas ce rôle-là. Peut-être que...

Une voix: ...

M. Auclair: O.K. Parce que c'est la perception que j'avais quand vous faisiez... vous apportiez ce commentaire.

Mme Belleau (Marie-Claire): Non. À notre avis... Notre inquiétude est la suivante. Dans l'avis, on a l'impression qu'il va y avoir fusion, ou en tout cas qu'on tend vers un seul organisme. On a l'impression, mais peut-être à tort, c'est notre lecture. Dans cette lecture-là, on a l'impression que, s'il y avait un seul organisme, il faudrait que ce soit un secrétariat qui soit interne au gouvernement, associé au gouvernement. Et, au contraire, ce que Mme L'Heureux-Dubé disait, le conseil fait figure de proue au Canada, mais également ailleurs, pour la recherche, vraiment, et le conseil exerce cette fonction-là; c'est très important. Alors, non, loin de nous de critiquer.

Mais, le conseil, ce que nous voulons faire, c'est que cette fonction de surveillance et de contrôle avec un élément critique demeure. C'est ça qui est important. Et nous ne pensons pas qu'à l'intérieur du gouvernement vous pouvez avoir la même fonction. Il faut vraiment deux organismes pour pouvoir jouer des rôles différents mais fondamentaux, à l'interne comme... en complémentarité, en fait. En fait.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): C'est parce que, moi, j'avais compris que le conseil proposait une nouvelle avenue. Et là, nous, on dit: Bien, si vous proposez une nouvelle avenue, faites-la comme du monde. Commencez par le début et puis, après ça, donnez vos priorités, regardez les possibilités budgétaires, etc. Je pense, c'est dans cette optique-là que nous avons bâti notre intervention, parce que... On n'a rien contre le conseil, tout à fait au contraire. On est des admirateurs de ce qu'ils ont fait à date. Mais, lorsqu'ils prennent une orientation nouvelle, il faut quand même savoir où ils veulent aller et comment ils veulent le faire.

Le Président (M. Copeman): Mme la ministre est très impatiente à vous répondre.

Mme Courchesne: Non, pas du tout. Pas du tout. Je trouve ça intéressant. Mais juste vous dire qu'à la page 152 de l'avis, en fait ce que je remarque, c'est que le conseil a plutôt proposé des missions, sans préciser quelles seraient les structures, a plutôt insisté sur les missions qui devraient être remplies. J'imagine qu'ils l'ont fait fort habilement. Mais, cela dit, j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer aussi publiquement à cet égard-là, je partage l'importance de ce que vous dites en termes d'avoir un organisme-conseil et d'avoir effectivement une expertise forte à l'intérieur même du gouvernement.

Je vous dirais que déjà la commission parlementaire me donne certaines idées, parce que je pense qu'il y a des choses qui devraient être revues au sein de l'appareil gouvernemental, redynamisées très certainement pour renforcer ce rôle, qu'on l'appelle de chien de garde ou qu'on l'appelle... en fait, bien mieux: de reddition de comptes. On a effectivement, je pense, laissé, au fil des ans, aller cette obligation de reddition de comptes par rapport à ces enjeux, et à cette cause des femmes, et à l'élimination de la discrimination, et à l'approche de l'égalité de fait.

Si vous me permettez, parce que le temps presse... Oui, allez-y.

Mme Belleau (Marie-Claire): Je voulais simplement dire que, sur la question des missions qui sont décrites à la page 152, c'est en lisant justement cette partie-là de l'avis que... et en mettant chacune des missions soit au secrétariat ou au conseil que nous sommes venues à la conclusion qu'il y avait des changements. Parce que c'est difficile de faire une approche critique à l'intérieur du gouvernement, et c'est important d'avoir une expertise à l'intérieur du gouvernement. Et, en lisant chacune des fonctions puis en... Comme je vous dis, nous sommes à l'extérieur de l'appareil gouvernemental. On essayait simplement de mettre lesquelles appartiennent au conseil, lesquelles au secrétariat actuel. Mais, quand on les mettait ensemble, on avait l'impression que, s'il y avait quelque chose, il fallait que ce soit un secrétariat élargi. Puis on vous dit: Bien, faites attention, on veut le conseil également, en complémentarité. C'est ça, notre message.

Mme Courchesne: Message reçu.

Mme Belleau (Marie-Claire): Merci.

Mme Courchesne: Je voudrais juste revenir, Me Belleau, parce que vous avez dit dans... une des lacunes était de ne pas avoir tenu compte des restrictions budgétaires du gouvernement. Je voudrais simplement rappeler qu'à mon avis c'est le plan d'action que nous allons rédiger qui devra tenir compte des restrictions budgétaires. C'est-à-dire que je vois pas comment le conseil, lui, dans son rôle d'aviseur, dans son rôle-conseil, comment le conseil aurait à tenir compte des restrictions budgétaires, parce que j'aurais l'impression qu'il se priverait de nous dire des choses. Alors, il se priverait de nous faire des recommandations peut-être très à-propos, très... et alors que c'est le rôle du gouvernement d'élaborer ce plan d'action.

Oui, juste vous dire, 30 secondes, avant que vous me répondiez, c'est que, pour moi, même cet exercice de commission parlementaire doit être au-dessus de tout ce qu'on va décider en termes de financement. Je comprends qu'on l'a toujours en arrière-tête, mais il ne faut pas qu'à cette étape-ci on commence à se censurer ou à se restreindre et à se mettre des limites budgétaires. Moi, je vous dirais que, dans tous les dossiers que j'aborde, je leur dis tout le temps: Commencez pas par me parler d'argent. Je veux dire, moi, je veux savoir ce qu'il faut faire, qu'est-ce qu'on doit établir comme priorités puis quels sont les moyens à déployer, puis, après ça, ce sera notre job et mon job d'aller défendre l'argent. Mais, s'il faut que je commence dès le départ, dans une politique aussi fondamentale, à nous imposer, tout en sachant qu'il y a un contexte, là... Écoutez, c'est évident qu'il y a un contexte. Mais j'essaie de voir pourquoi, si fortement à cette étape-ci de la démarche, vous nous dites que c'est une lacune importante.

n (11 h 30) n

Le Président (M. Copeman): Une réaction succincte, s'il vous plaît, mesdames.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): Il y a plusieurs réponses probablement, mais, moi, je vais vous en donner une rapide: On voudrait qu'il n'y ait pas de restrictions budgétaires. Parlons... commençons là, hein? La deuxième réponse, c'est que, si le conseil vous donnait des priorités tout à fait irréalistes, vous allez couper ça tout de suite. Alors, c'est bon de garder un certain réalisme dans le contexte actuel. Moi, c'est comme ça que cette recommandation a été faite, de tenir compte du contexte. On ne peut pas ne pas en tenir compte, hein? Bon. Alors, en faisant des recommandations et des priorités, on peut quand même ne pas être tellement irréaliste que ça vous inviterait à tout couper, autrement dit. Ça, c'est des réponses vites, là, mais en clair des réponses intellectuelles.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Copeman): Mais...

Mme Belleau (Marie-Claire): Un petit commentaire très rapide. La seule chose que je veux dire, c'est que notre objectif n'était pas de... Le conseil a donné sept orientations... 25 orientations, sept axes, et le problème, c'est qu'il n'y a pas eu de hiérarchisation. C'est que, oui, je comprends que ça vous revient, le problème, c'est que vous allez porter l'odieux de ce que vous allez mettre de côté. Et le conseil a l'expertise, mais il n'avait pas de critères. Puis ils n'ont pas de critères parce qu'il n'y a pas de définition de l'égalité. Alors, il fallait des critères puis une hiérarchisation. Tout est uniforme, et c'est dangereux, parce que vous allez porter l'odieux. C'est vous qui allez le porter.

Le Président (M. Copeman): Il y a bien des dangers en politique, hein, Me Belleau, là, ça, on le sait. Et d'ailleurs je vous ferai remarquer que la commission va formuler des recommandations à la fin de cette commission parlementaire. On n'émettra pas de jugement, mais on va faire des recommandations.

Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Caron: Merci, M. le Président. J'espère qu'on va s'entendre sur des recommandations. Alors, bienvenue. Bienvenue, Me L'Heureux-Dubé, Me Belleau. Vous nous apportez effectivement votre expérience, et j'ai bien, bien aimé la façon dont...

Une voix: ...

Mme Caron: Je n'ai pas de contrôle sur le micro.

Une voix: ...

Mme Caron: Ah, bien, ils sont supposés nous ajuster.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): C'est pour les vieilles comme moi, là.

Mme Caron: Ah! Ça, c'est notre opérateur, ça, c'est notre opérateur qu'il faut qu'il change le son.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): Non, il faudrait que vous sachiez que tous les yeux sont sur vous. Alors...

Mme Caron: Ah oui? Je ne le savais pas!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Copeman): Nous, on pensait que la justice était aveugle et non pas sourde!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Copeman): D'ailleurs, c'est ça que la secrétaire de la commission m'a soufflé dans l'oreille, ce n'est pas moi, mais, elle, elle n'a pas le droit de parler, Me Lamontagne, alors je l'ai repris. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Donc, on va conclure qu'elles ont des limitations fonctionnelles, parce que c'est le nouveau terme qu'il faut utiliser maintenant.

Merci infiniment. Vous nous apportez, vous l'avez bien dit, l'assise théorique sur laquelle on doit fonder le plan d'action et la définition bien sûr de l'égalité. Et j'ai bien, bien aimé, Me Belleau, quand vous avez rappelé: On ne s'improvise pas dans ce domaine-là. Et ça me permet de le rappeler, parce qu'effectivement trop souvent, parce que nous sommes une femme ou un homme, les gens sont portés à parler de l'égalité, de l'égalité de fait et à étudier les concepts, ce qu'on ne ferait pas si on était dans un domaine, par exemple, reconnu par les gens comme très, très scientifique, les gens n'oseraient pas se prononcer, alors qu'au niveau du féminisme, au niveau des discriminations systémiques, c'est effectivement très scientifique, et il faut des connaissances précises, et il y a des concepts à connaître, et on ne peut pas s'improviser. Et, quand on s'improvise, ça amène des glissements, et ça vient intervenir véritablement contre une égalité de fait, et on peut être tenté de suivre une voie qui nous amènerait des reculs importants. Alors, je pense que je suis très contente que vous ayez apporté ça.

La notion d'intersectionnalité, quelques mémoires nous en ont parlé, pas dans ces termes évidemment, nous ont parlé de double et multiple discrimination ? ils ajoutaient toujours les deux ? et nous avions effectivement convenu qu'au niveau de la discrimination systémique faite aux femmes il y a aussi d'autres discriminations qui s'ajoutent, et vous en avez rappelé plusieurs dans votre mémoire.

J'aimerais vous amener sur un élément que vous n'avez pas eu le temps évidemment d'aborder, parce que votre mémoire est très étoffé. En page 6 de votre mémoire, vous nous dites: «Il aurait été ? en fin de page; il aurait été ? souhaitable que le conseil définisse avec précision ce que sous-tend la notion de "sujets" dans des phrases telles que: "Faire de l'égalité entre les femmes et les hommes un enjeu socialement partagé en intégrant davantage les hommes comme sujets et acteurs".» Et je continue: «Il y a là danger d'un glissement du travail avec les hommes au travail pour les hommes.» J'aimerais vous entendre sur cet aspect de votre mémoire. Qui?

Mme Belleau (Marie-Claire): Alors, dans notre mémoire, nous sommes un peu inquiètes, ou en tout cas l'approche sociétale laisse supposer que le travail d'un nouveau conseil serait potentiellement d'étudier la question de l'égalité pour les femmes, l'égalité entre les hommes et les femmes, mais avec une volonté de travailler sur certaines problématiques liées aux hommes, où on fait une espèce de symétrie. Alors, nos prédécesseurs ont dit ce matin jusqu'à quel point il y a un danger de mettre des réalités importantes que vivent les hommes actuellement sur le même pied d'égalité que ce que nous considérons comme de la discrimination systémique, qui est beaucoup plus vaste et qui ne touche pas des groupes de personnes mais les femmes en général. Et notre inquiétude, c'est que cette approche vise à utiliser les ressources, qui sont peu importantes, hein, qui sont encore... les ressources financières pour faire des études sur des sujets qui à notre avis ne sont pas du même ordre. Alors, on est... Voulez-vous...

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): Non, non.

Mme Belleau (Marie-Claire): Alors, nous sommes inquiètes du glissement. On avait l'impression, en lisant l'avis, que c'était un nouveau conseil, où on... Puis on trouve que les problématiques qui sont mises en parallèle n'appartiennent pas au même ordre de grandeur. Alors, on trouve que c'est vraiment problématique. Je ne sais pas si on répond à votre question, mais nous sommes très inquiètes de cet aspect-là du mémoire.

Mme Caron: Tout à fait. Et je trouve ça important que vous puissiez le dire, parce que vous l'avez écrit dans votre mémoire, et, comme vous nous donnez une assise théorique importante, je pense que cet aspect-là aussi doit être tenu en compte. Beaucoup de groupes sont venus nous le dire. Je partage cette inquiétude et je trouve important que vous puissiez aussi, cet aspect-là de votre mémoire, le présenter.

Je voudrais revenir sur la question des organismes, effectivement. Moi, j'avais dit, dans mes remarques préliminaires, que c'était très habilement écrit, parce qu'effectivement, quand on le lit, quand on regarde les missions, on peut être porté à penser qu'il y a un seul organisme, mais ce n'est pas clair non plus. Donc, je pense que c'est important de rappeler l'importance d'un organisme gouvernemental pour pouvoir agir directement et aussi un conseil autonome, indépendant, capable de donner ses avis.

Vous nous avez rappelé aussi l'importance ? et, comme on n'en a pas parlé beaucoup, de la reddition de comptes, sur la commission, je vais revenir là-dessus ? l'importance des mécanismes de contrôle. Et vous souhaitez que la responsabilité soit partagée par tous les ministères. Donc, est-ce que vous le voyez dans le sens de ce que nous avons présentement? C'est-à-dire, nous avons des répondantes en condition féminine dans tous les ministères. Vous souhaitiez que les données soient recueillies et que la ministre rende compte annuellement.

n (11 h 40) n

Dans notre système actuellement, à chaque année, lors de l'étude des crédits, la ministre responsable de la condition féminine, accompagnée du Conseil du statut de la femme et du Secrétariat à la condition féminine, font une reddition de comptes au niveau des crédits, mais j'avoue que nous débordons toujours, nous ne restons pas sur les crédits, nous débordons toujours sur ce qui se passe dans chacun des ministères, finalement.

Alors, est-ce que vous croyez qu'on doit élargir cette question au niveau des crédits, faire en plus une commission particulière? Et, dans cette commission-là, puisque tous les ministres sont responsables, est-ce que la commission pourrait aussi, en plus de la ministre responsable, inviter, dépendamment des secteurs qu'on retiendrait... Par exemple, si on retient, au niveau de l'emploi, au niveau de la santé, au niveau de l'éducation, les ministères les plus concernés par les nouvelles politiques qui auraient été adoptées, ces ministres-là pourraient aussi être présents avec la ministre responsable pour répondre aussi du travail fait dans leur commission.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): Si vous permettez, juste une petite note, c'est que ce qui est important, c'est que chaque ministère se sente concerné par la discrimination. C'est ça qui est important. Que chaque ministre s'assure que dans son ministère il n'y a pas de discrimination, suivant les coordonnées, là, que le Conseil du statut de la femme peut donner, etc. Et votre demande, c'est: Est-ce que les ministres de chaque ministère devraient être présents? Ma réponse est oui.

Une voix: Je n'ai rien à ajouter.

Mme Caron: Je trouvais ça important de le faire préciser parce que c'est important de... si on veut adopter un mode plus précis de reddition de comptes, pour effectivement éviter que le poids soit seulement sur les épaules de la ministre responsable au niveau de la condition féminine. Bien, merci beaucoup, je vais laisser la chance à mes collègues de questionner.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): Avant de... est-ce que je peux ajouter juste une chose?

Mme Caron: Oui, bien sûr.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): La raison pour laquelle j'ai mentionné ça, c'est simplement que chaque... On parle souvent du féminisme... on m'accuse d'être féministe. Mais je voudrais juste mettre les choses au clair pour que tout le monde, tous les ministres qui sont concernés par ça comprennent très bien que ce que l'on appelle le féminisme, c'est simplement la notion extraordinaire que les femmes sont des personnes et qu'elles ont droit au même respect, à la même considération et être traitées aussi dignement que n'importe quel autre membre de la société. C'est ça qu'il est important qu'on comprenne dans cet examen, là, qu'on fait des politiques gouvernementales. On veut s'assurer que dans chaque ministère les femmes vont avoir la même considération et le même respect. C'est aussi simple que ça.

Je pense que ça dédramatise la notion qu'on a que le féminisme est contre les hommes, etc. Non. Comme je vous ai dit, les politiques proposées par le Conseil du statut de la femme contre la discrimination, elles sont bénéfiques à la société en général, que ce soient les hommes, les handicapés, mettez-en, là. Alors, je pense que c'est important qu'on comprenne ça. Et, si on avait un message à laisser, si j'avais personnellement un message, c'est que c'est l'optique dans laquelle on doit interpréter toutes ces politiques antidiscriminatoires.

Mme Caron: J'adore votre définition. Merci infiniment.

Le Président (M. Copeman): Bien, d'ailleurs, c'est celle qui est contenue dans Le Petit Robert, hein? Féminisme: l'«attitude de ceux qui souhaitent que les droits des femmes soient les mêmes que ceux des hommes». Il me semble que c'était assez simple, ça. M. le député de Vachon.

M. Bouchard (Vachon): Merci. Parmi les contributions que vous nous amenez autour de cette table, là, je veux en souligner deux: d'abord, le rappel de ce que les Américains appellent «the power of data», l'importance et la puissance de considérer les données dans nos réflexions, d'avoir accès à des bilans avant d'entreprendre de grandes manoeuvres et de tirer des leçons des données. L'autre contribution, c'est cette idée de bien s'ancrer sur une définition conceptuelle claire, et vous évoquez, par exemple, la possibilité d'adopter une définition autour de l'égalité relationnelle.

J'aimerais revenir à un exemple concret et qui préoccupe plusieurs groupes d'hommes au Québec. Il y a plusieurs groupes d'hommes au Québec qui défendent la position suivante: il y a une discrimination systémique envers les hommes, devant les tribunaux, en ce qui concerne la garde des enfants. Ils ont l'impression que les juges ont développé des valeurs, des croyances autour d'une capacité plus grande des mères à assurer une garde des enfants meilleure. Donc ça, c'est la première impression qui se dégage de l'analyse que font ces groupes d'hommes et que systématiquement donc se prennent des décisions en faveur des femmes en ce qui concerne la garde. Donc, ils viennent à la conclusion qu'il y a une discrimination systémique.

Alors, ma question est double: Quelles sont les données là-dessus, puisqu'on réfère à l'importance des données? Y a-t-il évolution dans les données, si ça existe? Et, deuxièmement, est-ce que votre définition d'égalité relationnelle vient changer notre point de vue là-dessus?

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): Je vous répondrai sur le premier aspect de votre question. Les groupes d'hommes sont venus me voir, moi-même, à La Maison de justice pour me dire exactement ce que vous me dites. Alors, je leur ai répondu plusieurs choses, mais entre autres: J'ai été 30 ans dans la magistrature, je n'ai jamais vu un juge qui avait un agenda contre les hommes, pas du tout. La preuve est que 80 % des décisions en matière de garde d'enfants se prennent par consensus entre les parties. Premièrement. Il y a seulement donc 20 % des cas qui sont...

Il faut admettre que dans le passé les pères de famille peut-être étaient moins présents qu'ils le sont aujourd'hui, ce qui explique qu'aujourd'hui les pères de famille ont peut-être plus la possibilité d'obtenir la garde des enfants, ce qui est un fait maintenant. C'est simplement parce que la société a évolué, et les hommes se sont donné une meilleure mission d'élever leurs enfants et d'être plus présents à la famille, ce qui va changer d'ailleurs la dynamique de toutes les professions. Quand les hommes vont décider d'avoir autant d'intérêt dans la famille que les mères de famille en ont, le marché du travail va changer lui-même.

Donc, les changements qui se sont produits dans les décisions judiciaires sont fonction des changements dans la société. Je n'ai jamais vu, de toute ma carrière, un juge ou une juge qui ait un agenda contre les hommes. J'en ai jamais vu, mais c'étaient les circonstances, les faits, etc. Et, comme je vous le dis, c'est seulement dans 20 %, peut-être même seulement dans 15 % des cas. Et aujourd'hui on a la médiation évidemment, on a toutes sortes d'autres moyens pour tenter de rallier les parties, on a la garde conjointe, etc., il y a toutes sortes de mécanismes. Alors ça, ça répond à votre...

Quant aux données, moi, je n'ai pas les données statistiques, là. Peut-être que Marie-Claire a plus d'information de ce côté-là, mais mes données à moi, sur le plan judiciaire, c'est très, très minime. Les gens... Et on peut comprendre que les hommes qui n'ont pas eu la garde de leurs enfants et qui se sentent pénalisés parlent très, très fort. C'est un groupe minoritaire, extrêmement minoritaire, mais très vocal. Alors, il ne faut pas... justement, c'est bon de faire ces dimensions-là.

Mme Belleau (Marie-Claire): Au niveau des statistiques, je n'en possède pas non plus. Je serais curieuse de savoir la proportion des demandes qui sont faites devant les tribunaux, mais, aujourd'hui, avec la médiation en matière familiale et avec toutes les façons de déterminer la garde des enfants, c'est beaucoup plus large. Alors, il faudrait essayer de voir de façon plus générale quelles sont les proportions puis quelles sont les proportions de refus, alors... Mais je n'ai pas de statistiques, donc je ne peux pas répondre.

Pour la question sur: Est-ce que la définition de l'égalité relationnelle nous aide? Bien sûr, dans la mesure où elle engendre, où elle encourage un changement de la culture de l'organisation du travail. Si on change la culture de l'organisation du travail, comme Mme L'Heureux-Dubé le disait, les professions, toutes les professions et tous les métiers, tous les emplois vont changer dans la mesure où les hommes vont prendre une part plus active dans... Alors, c'est sûr que ça va nous aider, parce que l'égalité relationnelle vise à essayer de voir la question de la famille comme étant plus large que les individus qui y sont impliqués. Donc...

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): D'ailleurs, la preuve est faite, au point de vue médecine, dit-on, que la médecine a changé beaucoup parce qu'il y a beaucoup plus de femmes médecins qui organisent leur vie autour de leur famille, etc. On nous dit ça. Je ne sais pas jusqu'à quel point il faudrait l'étudier pour voir justement... Parce que c'est l'avenir, ça, puis on n'y pense pas...

Mme Belleau (Marie-Claire): ...responsabilité qu'il faudrait vérifier, en médecine.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): Oui. On n'y pense pas. C'est de l'avenir. L'avenir, c'est que la société va changer, et les membres de la famille vont devenir beaucoup plus importants dans le... sur le monde du travail.

Le Président (M. Copeman): Il reste trois minutes, M. le député. Allez-y.

M. Bouchard (Vachon): Alors, 30 secondes pour poser la question. Vous faites deux autres reproches amicaux au conseil, dans son avis. Le premier, c'est sur la question de tout mettre sur un même pied d'égalité, dans les orientations, pas de hiérarchisation, et le deuxième, de ne pas avoir considéré les restrictions budgétaires. Puis dans le fond ce que vous dites en ce qui concerne ce dernier item ? vous me corrigerez ? c'est que peut-être que le conseil a été influencé a priori par le fait du discours du gouvernement de réduire la taille de l'État, dans ses avis. L'effet est déjà peut-être là, on ne le sait pas.

n (11 h 50) n

Mais j'aimerais revenir sur la question de la hiérarchisation. Il y a des groupes qui sont venus devant nous puis ils ont dit: Il faut mettre de l'avant une hiérarchisation qui tiendrait compte du fait que, par exemple, l'égalité économique et l'exercice du pouvoir devraient être une préoccupation première, avant, par exemple, la lutte aux stéréotypes, parce que la lutte aux stéréotypes découlerait d'un meilleur positionnement des femmes par rapport au pouvoir et par rapport à leur capacité de tirer leur épingle du jeu au niveau économique. Quel est votre avis là-dessus? Parce que vous dites: Il n'y a pas de hiérarchisation, mais je n'en ai pas vu non plus dans votre essai, alors peut-être que vous avez, quelque part, quelque chose à ajouter là-dessus?

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): Il aurait fallu faire un autre mémoire.

Mme Belleau (Marie-Claire): Le problème... bien ce qu'on a dit dans notre présentation, c'est qu'il y a des maux sociaux qui doivent être éliminés. La violence et la féminisation de la pauvreté sont des maux sociaux dans lesquels... on ne peut pas avoir de dignité dans ces situations-là. Mais, ensuite, les questions d'équité salariale, les questions de conciliation famille-travail sont importantes. Mais nous avons hésité à présenter nos... Nous sommes d'avis que le conseil, avec sa perspective beaucoup plus large, était capable de voir, de vraiment connaître tous les dossiers. Nous, on vous dirait qu'est-ce qui nous préoccupe, mais un gouvernement ne peut pas se fonder sur ce qui nous préoccupe. L'idée, c'est d'essayer d'utiliser cette expertise pour identifier quels sont les éléments qui doivent être traités en priorité.

Puis, on ne remet pas du tout en question le fait d'avoir fait un éventail des possibilités. Ce que nous remettons en question, c'est de ne pas les avoir hiérarchisées pour leur donner une priorité, dans l'objectif d'avoir des programmes qui sont les plus probants, les plus significatifs pour une égalité le plus rapidement possible.

Mais, à savoir qu'est-ce qui vient avant quoi, dans notre présentation, nous avons tenté de vous dire, bon, quelles sont nos priorités, mais autrement l'expertise du conseil est celle qui est capable de voir tous les dossiers et d'essayer d'identifier les priorités, et ça ne nous appartient pas. Mais ce qu'il aurait fallu avoir, c'est des critères pour définir les priorités. C'est ça qui manque. On n'a pas de critères.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): Il y a des priorités à long terme et il y a des priorités à court terme, des choses que le gouvernement peut faire tout de suite.

Mme Belleau (Marie-Claire): C'est ça.

Mme L'Heureux-Dubé (Claire): Les garderies, par exemple, c'en est un, ce qui est magnifique d'ailleurs. Alors ça, c'est la fonction du conseil effectivement. On leur dit: Essayez de faire ce que vous devez faire a priori.

Le Président (M. Copeman): Mme la juge L'Heureux-Dubé, professeure Belleau, merci beaucoup d'avoir accepté de participer à cette commission parlementaire. Et j'invite M. Paul Bernard et Mme Sophie Mathieu à prendre place à la table, et je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 11 h 52)

(Reprise à 11 h 56)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): La commission reprend ses travaux. Nous sommes heureux d'accueillir Mme Sophie Mathieu, qui est doctorante en sociologie à l'Université de Carleton, et le Pr Paul Bernard, de sociologie, de l'Université Laval.

Alors, vous avez 20 minutes pour nous donner l'essentiel de votre mémoire, et nous disposons de plus ou moins 20 minutes pour la discussion et les échanges. Je demanderais, avant de procéder, qu'il y ait consentement de la part des deux côtés à ce qu'on ajoute un petit peu de temps à notre session de ce matin... séance de ce matin. Ça va, des deux côtés? Très bien. Alors, on vous écoute, Pr Bernard.

M. Paul Bernard
et Mme Sophie Mathieu

M. Bernard (Paul): Merci beaucoup, M. le Président. Je n'ai pas l'honneur d'enseigner à l'Université Laval, mais plutôt à l'Université de Montréal, mais j'imagine que, de votre point de vue, ce n'est pas terriblement important.

Et je fais référence à des travaux empiriques. On va finalement aborder des questions politiques, mais d'abord et avant tout des travaux empiriques, scientifiques, qui ont d'ailleurs été réalisés avec l'appui de l'Institut de la statistique du Québec, mais évidemment que ce qu'on va raconter, ce n'est pas l'institut qui parle, c'est nous.

Et je pourrais peut-être également préfacer nos remarques en disant que la notion d'égalité relationnelle dont on vient de parler, si j'ai bien compris, est une merveilleuse rampe de lancement pour tenir les propos que nous voulons tenir ici.

Depuis les années soixante-dix, les Québécoises et les Québécois ont connu de nombreux bouleversements familiaux, liés, d'une part, à l'effritement du modèle de l'homme gagne-pain et l'entrée massive des femmes, surtout des mères, sur le marché du travail, d'autre part, à l'instabilité croissante des unions, avec son cortège de situations nouvelles: monoparentalité, familles reconstituées. Les gouvernements, les familles, les employeurs, les syndicats du Québec sont dès lors confrontés à de nombreux défis: la conciliation des responsabilités professionnelles et des tâches de soins aux enfants, aux aînés, aux autres personnes partiellement ou totalement dépendantes ainsi que le soutien à des familles de plus en plus diverses et dont la composition change avec le temps. Alors que les femmes ont fait de grands pas vers l'égalité à travers, par exemple, les institutions d'enseignement, il est clair que...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Si vous permettez, on a un petit problème, là, on ne vous entend pas très bien. Peut-être... Vous êtes au maximum, à l'opération? Peut-être vous rapprocher un petit peu du micro.

M. Bernard (Paul): Je peux me rapprocher, oui.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci.

M. Bernard (Paul): À bien d'autres égards, ça reste encore à construire, l'égalité, et d'ailleurs le document de consultation le dit très bien.

On veut, dans ce mémoire, comparer le Québec ? et c'est la partie la plus empirique de notre travail ? avec d'autres sociétés avancées et en fait aussi avec d'autres provinces canadiennes quant à ce qui a trait aux inégalités de genre, et ça va nous permettre d'évaluer la justesse du diagnostic posé par le conseil, qui présente le Québec «comme l'une des sociétés qui tracent la voie en matière de promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes». Et on conclura, à partir de nos travaux, que, si de très notables progrès ont été réalisés ici, surtout en comparaison avec le reste de l'Amérique du Nord, nous n'atteignons pas encore une situation semblable à celle des pays les plus avancés à cet égard, en particulier les pays scandinaves. Et donc il reste du chemin à faire, ce qu'on n'est pas les premiers à vous dire, j'imagine. Je le sais, en fait, j'étais là depuis un certain temps.

En second lieu, nous discuterons de la pertinence de chacune des trois stratégies complémentaires proposées par le Conseil du statut de la femme pour amenuiser les inégalités: l'approche spécifique, transversale et sociétale. Nous reconnaissons les mérites de chacune de ces trois approches. Nous croyons essentiel de les articuler dans une perspective plus globale, celle des parcours de vie, qui tienne compte de l'ensemble des dynamiques qui se déroulent dans la vie des hommes et des femmes.

Les carrières professionnelles et le travail de soins, essentiel au maintien de la santé et de l'éducation, sont souvent difficiles à concilier au quotidien, ce qui contribue à perpétuer les inégalités entre les hommes et les femmes. Pour réduire celles-ci, il faut s'attaquer à des questions qui interpellent également les deux sexes et toute la société. Et c'est très important de le dire, une question qu'on pourrait formuler ainsi: Comment pouvons-nous avoir les enfants que nous voulons et prendre soin de nos aînés, dans un cadre de qualité, sans sacrifier l'autonomie accrue que les femmes ont gagnée par leur présence dans le monde du travail rémunéré ni non plus l'apport significatif qu'elles font dans ce monde du travail?

Un enjeu primordial. Il concerne bien sûr l'égalité entre les genres mais rejoint aussi deux questions de politiques publiques qui hantent les sociétés avancées comme la nôtre: celle du vieillissement de la population et celle, qui lui est étroitement liée, d'une participation large et productive de la population adulte au marché du travail. La conciliation travail-famille est un élément essentiel ? ce n'est pas le seul bien sûr ? un élément essentiel de la solution à chacune de ces questions de politiques publiques.

n (12 heures) n

Les diverses politiques qui sont proposées dans le document de consultation du conseil peuvent toutes contribuer à nous approcher de l'égalité entre les genres, mais elles le feront d'autant plus efficacement, c'est ce que nous conclurons, qu'elles seront ancrées dans une perspective intégrée, bien adaptée à la multiplicité contemporaine des rôles sociaux que sont appelés à jouer hommes et femmes. Voilà une tâche à laquelle, je le répète, nous pourrons nous atteler ensemble, hommes et femmes, gouvernements, entreprises, syndicats et groupes sociaux.

Maintenant, Sophie va vous présenter les premiers constats qu'on a faits, fondés sur ses travaux, quant à la place du Québec dans ce concert des sociétés avancées.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Mathieu, s'il vous plaît.

Mme Mathieu (Sophie): Oui. Depuis les deux ou trois dernières années, nous avons fait des travaux comparatifs pour essayer de mieux comprendre les formes d'inégalités sociales entre les hommes et les femmes, d'une part, dans les pays avancés et, d'autre part, pour voir comment le Québec se situe parmi ces pays avancés et comment le Québec se compare aussi par rapport aux autres provinces canadiennes. Nous avons utilisé un schéma, qui est dans le mémoire que nous avons produit, un schéma qui représente comment conceptualiser ce que nous avons appelé un régime de genre. Un régime de genre, c'est un outil théorique pour essayer de documenter l'ensemble des variables qui peuvent être utilisées pour mieux comprendre les inégalités entre les hommes et les femmes, et, comme vous avez pu le voir dans le mémoire, un régime de genre doit à la fois tenir compte des politiques publiques et d'autre part des situations sociales, c'est-à-dire de la réalité sociale qui est vécue par les hommes et les femmes. Donc, comme je vous disais, bon, vous avez le schéma dans le mémoire, et il faut regarder à la fois comment s'articulent les inégalités et comment l'interaction entre l'État, le marché et la famille produit différentes sortes d'inégalités dans les sociétés avancées.

Donc, nos travaux nous ont permis d'identifier quatre grands types de sociétés. D'abord, il y a certaines sociétés plutôt familialistes, qu'on retrouve dans les pays de l'Europe du Sud, qui fonctionnent selon une dichotomie qui est assez rigide entre les rôles sociaux des hommes et des femmes. Vous avez, d'une part, les femmes qui demeurent à la maison pour prendre soin des personnes dépendantes, les enfants et les personnes âgées, et vous avez, d'autre part, l'homme gagne-pain, et il y a une incompatibilité entre les rôles, c'est-à-dire que les femmes ne vont pas sur le marché du travail, et les hommes ne s'occupent pas des tâches du travail non rémunéré, des tâches de soins.

Un deuxième type de société, que nous avons appelé les sociétés des travailleuses temporaires, on retrouve ce type de société là principalement dans les pays de l'Europe continentale. Alors, ce qu'on voit dans ces pays-là, comme en Allemagne par exemple, c'est que les femmes entrent dans le marché du travail et elles y demeurent jusqu'à qu'elles aient des enfants. À ce moment-là, soit elles se retirent temporairement du marché du travail, jusqu'à que les enfants aient grandi, ou elles doivent travailler à temps partiel, parce qu'il y a un manque de politique de conciliation travail-famille.

Ensuite, vous avez les sociétés du partage des tâches, qu'on retrouve en Scandinavie, dans les pays Finlande, Suède, Norvège, et, dans ces pays-là, ce qu'on voit, c'est qu'à la fois les hommes et les femmes sont des travailleurs, mais aussi les deux, les hommes et les femmes, donnent des soins aux personnes dépendantes et les deux font du travail gratuit.

Et finalement on a les sociétés libérales, dont le Canada fait partie, et le Québec jusqu'à un certain point, et ce qu'on voit dans ces sociétés-là, c'est que, bon, les femmes sont un peu poussées vers le marché du travail, parce qu'elles doivent travailler pour être capables de subvenir à leurs besoins, mais paradoxalement on n'a pas les structures pour aider les femmes à bien concilier le travail et la famille. Donc, les femmes se retrouvent dans une position où elles doivent devenir des «superwomen», des superfemmes, parce qu'elles doivent concilier ces deux rôles, mais elles n'ont pas nécessairement les moyens pour les aider à concilier ces deux rôles sans faire la double journée de travail et même parfois la triple journée de travail. Donc, comme je vous disais, le Canada fait partie de ces pays des superfemmes, des pays libéraux.

Par contre, on peut observer certaines différences entre les provinces canadiennes, et à cet égard le Québec, bon, sans dire que le Québec est un chef de file mondial, comme il est écrit dans le rapport, on peut dire que du moins le Québec est un chef de file au Canada. On retrouve au Québec, bon, des politiques sociales comme les garderies, le congé parental qui est un petit peu plus long, donc on retrouve certaines politiques qui font du Québec une province plus progressiste. Par contre, lorsqu'on regarde, en termes de situations sociales, quels sont les résultats de ces politiques-là sur la répartition du travail entre les hommes et les femmes, le Québec fait un peu moins bonne figure.

Elles semblent avoir un effet assez paradoxal, les politiques familiales, parce que, lorsqu'on regarde la division du travail gratuit dans les ménages, lorsqu'on compare la situation de la province de Québec par rapport aux autres provinces, il semblerait que la division des tâches ne soit pas plus égalitaire, donc les femmes se retrouvent quand même à faire plus de travail de soins, plus de travail gratuit, et non seulement le Québec ne semble pas une province plus égalitaire en termes de situations sociales, mais légèrement en retard sur certaines autres provinces, dont l'Ontario et la Colombie-Britannique. Donc, on voit que, même si nos politiques semblent plus progressistes, la réalité demeure que les femmes doivent toujours faire face à la double journée de travail et continuer à faire la majorité du travail gratuit et du travail de soins.

M. Bernard (Paul): On reprend à partir de là par rapport aux trois approches qui sont proposées. Bon, l'approche spécifique est certainement extraordinairement pertinente et efficace, et au fond ce que les données nous disent, c'est: oui, on a employé des moyens, ils marchent assez bien, effectivement ça permet que le Québec soit très en avance sur les autres provinces canadiennes. Mais on demeure... On n'est pas encore déménagé en Scandinavie, et de loin, O.K., et donc ça marche, mais il va probablement falloir poursuivre pendant fort longtemps et trouver éventuellement d'autres moyens. De ce point de vue là, l'approche spécifique est donc pertinente et efficace.

Mais ce qu'on essaie de dire, au fond, c'est qu'il faut peut-être pousser plus loin en l'examinant dans une perspective plus globale, qui tient compte de l'ensemble de la dynamique dans laquelle se trouvent les rapports hommes-femmes, et en particulier de la dynamique entre le travail et la famille. Après tout, le plus grand changement qui a affecté la vie des femmes, il y a celui de la composition de la famille et de sa plus grande instabilité, mais il y a aussi leur présence dans le marché du travail, qui est éminemment désirable à bien des égards. Et, de toute façon, on ne remettra jamais le génie dans la bouteille, les femmes ne reculeront pas de ce point de vue là. Mais c'est clair qu'il y a des problèmes considérables à partir du moment où deux personnes travaillent, où on continue à avoir toute une série de tâches dont on peut se procurer un certain nombre dans le marché, dont on peut se procurer un certain nombre par des services publics. Et c'est la caractéristique des pays scandinaves, ils ne font pas seulement que faire des transferts, mais ils offrent des services publics, O.K.? Et c'est clair qu'il y a impasse, tout le monde dit: Bon, on est coincés dans le temps. Bon. Alors, l'approche spécifique, oui, bien sûr, et continuons, il y a encore pas mal de boulot à faire ? encore là, on n'est pas les premiers à vous le dire ? mais peut-être en essayant d'examiner un peu plus globalement, disons, le dossier et non pas question par question.

Même réflexion au fond pour l'approche transversale, encore là on ne peut qu'être d'accord pour des analyses qui examinent une question comme celle des rapports hommes-femmes en examinant l'ensemble des dossiers avec lesquels travaille un gouvernement. D'ailleurs, c'est une grande tendance, la gouvernance. Je pense que c'est un secret de polichinelle que nous dire qu'on multiplie les lois, avec lesquelles malheureusement j'ai l'impression qu'on ne sait pas trop quoi faire, en disant: On va tout regarder du point de vue des rapports de genre; on va tout regarder du point de vue de l'impact sur les aînés; on va tout regarder du point de vue de l'impact sur les jeunes; on va tout regarder du point de vue de l'écologie; bon, on va tout regarder du point de vue de l'impact sur la santé publique, de toutes les décisions qui sont prises partout, y compris au ministère des Transports. C'est extrêmement nécessaire de se rappeler que c'est comme ça que ça fonctionne, c'est comme ça qu'il faut que ça fonctionne, parce que tout simplement c'est comme ça dans la vie des gens, O.K., c'est ça, l'idée de parcours de vie, O.K.? Mais, en même temps, c'est un peu problématique, et l'approche transversale, si importante soit-elle, va quand même déboucher sur une vision un peu plus globale.

n (12 h 10) n

Ne prenons qu'un tout petit exemple. C'est clair que la carrière des femmes est souvent sacrifiée à des considérations de partage du travail, d'éducation des enfants et domestiques, O.K., mais qu'en même temps, bien sûr, ça défavorise les femmes dans le marché du travail et ça confirme en même temps qu'elles devraient avoir la responsabilité première du travail domestique, puisque de toute façon elles ont une job moins payante, bon, une espèce de cercle vicieux dont on sort, dont il y a moyen de sortir. En fait, les femmes qui ont des revenus au moins égaux à ceux de leurs maris, je vous le certifie, la recherche révèle que la division du travail domestique prend une tout autre allure. Donc, ce n'est pas un atavisme, mais c'est sûr qu'il y a des cercles vicieux. Alors ça, est-ce que c'est la responsabilité du ministère de l'Emploi ou la responsabilité du ministère de l'Éducation, ou de la Santé, ou de la Famille? On voit bien que c'est un problème qui va au-delà de ça.

L'approche sociétale vise justement à faire ce travail, et c'est extrêmement louable. Je vais lire quelques passages du mémoire qui parlent de ça: Comme l'affirme le document, «l'égalité dans les rapports entre femmes et hommes ne pourra se réaliser que si ces derniers y contribuent en grand nombre», puisqu'il s'agit là de tâches dans lesquelles on est très, littéralement, intimement liés, hommes et femmes, sans qu'on doive par ailleurs renoncer à contraindre les autres hommes, ceux qui ne voudraient pas respecter certains standards légaux minimaux, qui sont l'objet de l'approche spécifique et en partie de l'approche transversale. Le document a d'ailleurs une phrase absolument admirable, en disant: «Certains modèles masculins, axés sur l'affirmation de soi ainsi que sur la conquête de l'espace public et des ressources, bien que positifs, amènent les hommes à se priver de richesses qu'apporte un investissement plus grand dans [le secteur privé], tout en laissant derrière eux ceux qui ne parviennent pas à incarner ce modèle ou ne le souhaitent pas.» On ne saurait mieux inscrire la cause de l'égalité entre les genres à l'enseigne de la liberté pour tous, y compris d'ailleurs les hommes.

L'approche sociétale, dans cette perspective-là, a aussi l'immense avantage de nous éloigner d'un jeu à somme nulle, où ce que gagnent les femmes est forcément perdu par les hommes. Il y a une partie des enjeux qui sont comme ça, mais ce qui est encore bien plus important, c'est qu'il y a une partie des enjeux qui ne sont pas comme ça et qui peuvent déboucher sur une autre perspective. En fait, si nous nous laissons accaparer par un tel jeu de revendications et de contre-revendications, nous n'en finirons plus de soupeser les torts et les mérites des uns et des autres, d'inventer des compromis qui feront toujours des mécontents.

Il faut de toute évidence continuer d'affirmer que dans l'ensemble ? et Mme L'Heureux-Dubé l'a bien rappelé ? les hommes ont un statut dominant, les femmes, un statut dominé, ce qui constitue l'objet principal des politiques visant l'égalité. Cette prise de position n'est en rien incompatible bien sûr avec la reconnaissance de l'injustice qui affecte certains hommes, mais l'approche sociétale doit porter le débat à un autre niveau, celui du réaménagement des rapports entre hommes et femmes ? et donc on est dans l'approche relationnelle, si vous voulez ? de façon telle que nous puissions tous ensemble faire face à un défi commun ? et je réitère ce qu'on a dit précédemment, ce n'est pas le seul enjeu, mais ça en est un qui est une ligne d'horizon, disons, pour une action commune: Comment permettre aux parents d'avoir autant d'enfants qu'ils le veulent et de leur offrir, tout comme aux aînés, des soins de qualité sans sacrifier l'autonomie financière des femmes ni leur contribution à l'économie?

Et c'est une question de société et de culture, et le document de consultation a bien raison de le rappeler, mais il faut dire aussi que c'est une question d'État. Ça ne se passe pas dans le vide et, si l'État n'est pas dans l'appui de ces démarches-là, il ne se passera absolument rien du tout. Cette vision des choses, tout comme d'ailleurs les approches spécifique et transversale, ne doit pas se limiter à ce qu'on appelle, chacun des acteurs dans la société, balayer devant sa porte, à faire son ménage. Il faut vraiment avoir une espèce de conception au centre de laquelle pourrait se trouver la conciliation entre le travail de soins et le travail rémunéré, qui transporte un peu tout ça.

Quelques mots, en terminant, sur qu'est-ce que c'est que ces histoires de parcours de vie. C'est un concept en montée, en termes de gouvernance, qui dit: Écoutez, les êtres humains fabriquent leur destinée avec les matériaux qu'ils ont à disposition de par leur passé et ils se projettent dans l'avenir, et cette notion de projet est très importante et doit nous amener à envisager les conséquences de moyen et de long terme, et non seulement de court terme, des actions.

Deuxième constat: dans la vie des gens, tout se passe en même temps. On n'est pas travailleur, et puis tout à coup il n'y a plus rien qui se passe, et on est tout à coup mère de famille ou père de famille, tout bouge en même temps. D'autant plus qu'on a sa vie liée, de par la famille ? ce n'est pas le cas de tous, là, c'est le cas de presque tous ? à d'autres gens pour qui on a pris une responsabilité, des gens avec qui on vit, de façon telle qu'ils acceptent d'être affectés par tout ce qui va se passer dans notre vie, et on accepte d'être affecté dans notre parcours par tout ce qui se passe dans notre vie. Et ça, c'est quand même très central, ce thème-là, et ça devrait donner lieu à une orientation, disons, par rapport aux travaux sur l'égalité des hommes et des femmes, qui tourne autour du parcours de vie. Il y a des exemples dans le mémoire, sur lesquels je ne reviens pas.

On en tire comme conclusion que, bon, on ne peut qu'être d'accord avec toute et chacune des pistes d'action proposées, qui sont pertinentes, originales, réalistes ? et c'est vraiment un très beau document ? et qui couvrent un vaste ensemble de questions. L'ingrédient qu'on voudrait apporter, c'est dire: Mais est-ce qu'il ne devrait pas y avoir une perspective unificatrice? Il y a toutes sortes de problèmes reliés aux rapports hommes-femmes, c'est absolument sans conteste, mais, je reviens là-dessus, le plus grand changement, c'est que maintenant les femmes ? et il n'y aura pas de retour, je pense, là-dessus, il n'y a rien qui indique qu'il y aura un retour ? les femmes maintenant font du travail rémunéré. Comment on va concilier ce travail de soins et ce travail rémunéré, le partager correctement, l'ouvrir à tous?

La question des temps sociaux, qui est soulevée à quelques reprises dans le document, est extrêmement importante. D'ailleurs, dans une perspective aussi bien transversale que longitudinale, transversalement, comment concilier toutes ces responsabilités, longitudinalement, comment réaménager les temps sociaux sur la longue durée? Au gouvernement fédéral, par exemple, on étudie présentement qu'est-ce que ça donnerait, si on prenait un plan qui a été proposé, de permettre aux parents de jeunes enfants de réduire leur semaine de travail à quatre jours sans pénalité de bénéfices sociaux et puis qu'on cherchait à repousser l'âge de la retraite. Bon, finalement ça fait un réaménagement vaste des temps sociaux, qui permettrait toutes sortes de choses. C'est la direction dans laquelle on pense qu'on doit aller.

Et la structure gouvernementale n'est pas toujours très portée à penser sur le long terme. Il faut produire des résultats de court terme ? et j'achève ? et il faut aussi... Bien sûr, on n'a pas un ministère de tout, alors on a des ministères séparés. Bon. C'est nécessaire quand même de tenir compte de cette durée et de coordonner ces actions en tenant compte de la vraie vie des gens, qui se présente effectivement comme ça. Comment le faire? Je n'ai pas de recette magique. Par la recherche ? on l'a mentionné plus tôt ? par l'action de groupes comme le Conseil du statut de la femme, il faut constamment rappeler cette nécessité de faire des politiques qui sont cohérentes, et qui, seulement à ce moment-là, auront prise sur la vie des gens, et qui nous mèneront vers une société d'égalité, où on réalise les objectifs qu'on souhaite réaliser et que j'ai énoncés. Est-ce que ça nous mène à un conseil de l'égalité ou à un conseil du statut de la femme? J'imagine que vous voudrez me poser la question. Sinon...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Bien, ça nous mène à la fin de votre présentation, en tous les cas, et vous avez respecté le temps limite, merci beaucoup. Alors, j'invite Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et responsable de la Condition féminine à ouvrir le débat avec vous. Merci.

Mme Courchesne: Mme Matteau, bienvenue. M. Bernard aussi. Je retrouve le même homme, 30 ans plus tard, qui m'a appris vraiment tout de l'analyse sociologique. Quel drôle de hasard de se revoir ce matin, 30 ans plus tard, dans un dossier d'une importance que vous avez bien résumée. Je retrouve la capacité rapide de tout bien expliquer, les vertus pédagogiques. Mais j'ai beaucoup de questions. Parce que vous nous expliquez dans votre mémoire, je pense, toute l'évolution de notre société sous l'angle de dire: Bien, comparons-nous à d'autres pays. Et je ne vous cacherai pas que c'est effectivement à cause de ce qui se passe en Norvège et en Suède, très sincèrement, que j'ai voulu pousser plus loin le débat et essayer de voir où était rendu le Québec en 2005 et comment pouvions-nous correctement nous comparer ? parce que je me méfie toujours des comparaisons trop rapides et réductrices, le Québec, c'est le Québec ? donc comment pouvions-nous nous situer à l'intérieur de ça.

Vous nous dites qu'effectivement cette approche sociétale pourrait correspondre davantage à là où nous sommes rendus, à ce nécessaire réaménagement des rapports sociaux entre les hommes et les femmes, mais, quand je vous lis et je vous écoute, je me dis deux choses: même si vous reconnaissez le bienfait des mesures spécifiques ou de l'approche spécifique, c'est comme un peu si vous banalisiez le fait qu'il y a encore des discriminations systémiques très grandes ? bien sûr que les femmes n'y retourneront pas, le génie dans la bouteille, mais il y a encore un pourcentage... encore, les femmes gagnent moins cher, encore sont dans des emplois précaires, sont dans des emplois dont les hommes ne veulent pas ? et votre concept de parcours de vie, à mon avis, si je l'entends bien, fait davantage appel à une notion d'individualité qu'une notion collective. C'est beaucoup ce que reprochent bien des groupes de femmes à cette approche.

n (12 h 20) n

Ma question, c'est: Au fond, là, pourquoi, pourquoi on a si peur de cette approche-là? Pourquoi on la refuse tant et pourquoi on l'oppose constamment à cette idée que nous oublierions, comme société et comme gouvernement, bien que ce soit à deux niveaux différents... Je suis d'accord avec vous que l'État a cette responsabilité encore et doit avoir une volonté forte, mais pourquoi cette approche-là ferait en sorte qu'on oublierait cette discrimination systémique? Alors, comment se fait-il que vous êtes capables, à travers vos recherches, à travers vos études... parce que vous demeurez des chercheurs, vous demeurez des chercheurs et chercheuses, donc comment vous répondez à d'autres groupes de chercheuses qui disent: Écoutez, c'est extrêmement dangereux d'aller dans cette approche-là pour banaliser le fait qu'il y a encore la discrimination systémique au Québec?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Pr Bernard, de l'Université de Montréal.

M. Bernard (Paul): Oui, bon, si on a donné l'impression que les deux premières approches étaient moins importantes, je le regrette infiniment parce que ce n'est pas du tout notre propos. Et de fait, quand on fait le point sur notre situation par rapport aux autres sociétés, bon, ça implique littéralement, là, 36... ce n'est pas un chiffre pris au hasard, il y a 36 variables qu'on examine, et, bon, je ne dis pas que c'est le dernier mot ? en science, il n'y a jamais de dernier mot ? mais c'est clair que là-dedans il y a l'équité en emploi, les mesures de conciliation travail-famille, les écarts de salaire, tout ça est là-dedans, O.K.?, et le résultat implique tout ça.

Et, quand on dit donc, à la fin de ces travaux: Et en regard de l'approche spécifique ou de l'approche transversale, écoutez, ce n'est pas mal, quand on se compare, on est mieux, par exemple, que l'Ontario, l'Alberta, la Colombie-Britannique à certains égards, quoique, dans d'autres domaines... Bon. C'est bien, mais ça ne dit pas: Bon, c'est correct, c'est fini, on peut passer à autre chose. Écoutez, oui, il reste encore énormément de problèmes, mais de temps en temps il faut prendre un marteau puis taper sur ce clou-là très, très solidement. Mais, dans l'économie d'une vingtaine de minutes, disons, on voulait faire ressortir cette autre approche. Bon.

Est-ce que... Je pense que c'est la chose principale qu'il faut dire: Est-ce que c'est une approche individuelle plutôt que collective? Je n'arrive pas vraiment à me persuader que cette distinction est vraiment très utile. Je pense que justement il faut la voir autrement. Je pense que... Je m'inspire en gros du philosophe et économiste Amartya Sen, qui a écrit un bouquin qui s'appelle Development as Freedom et qui dit: Écoutez, la liberté théorique des individus, ça ne veut rien dire, c'est une liberté instrumentée qui compte, il faut des instruments. Par exemple, il faut assurer à chaque individu... non seulement le laisser libre, il faut lui donner des moyens, la santé, l'éducation, une certaine sécurité économique, de façon qu'il puisse se construire une vie.

Reprenons l'exemple des femmes. Instrumenter la liberté, ça veut dire, oui, que des femmes pourront choisir de partager leur temps, bon, d'autres femmes pourront choisir de faire une grosse carrière, des hommes pourront faire d'autres choix, etc. Oui, ça fait partie de notre société, bien entendu. Et ce n'est pas juste une affirmation comme quoi c'est bien important, il faut instrumenter cette affaire-là. Ça veut dire finalement des solutions collectives, par exemple des garderies, par exemple le recouvrement des pensions alimentaires, par exemple la lutte à la violence ? c'est sûr qu'on n'est pas très libre quand on est battu par son mari, bon, et quand même c'est un phénomène qui est largement... qui va du côté des femmes comme victimes plutôt que de l'autre, même si l'autre phénomène existe. Donc, c'est vraiment un effort collectif pour qu'au bout du compte chacun ? on n'est pas enrégimenté ? pour que chacun puisse faire des choix à l'intérieur de ça, y compris ? comme dans le passage que je vous ai cité du document ? y compris pour que des hommes puissent choisir d'accorder plus d'importance à leur vie familiale sans qu'on les regarde de travers, ce qu'on ne ferait pas par rapport à une femme. Ça aussi, ça fait partie de l'espace de liberté, c'est créé par une culture collective sur laquelle il faut travailler, c'est créé par des instruments.

Ce qui distingue vraiment les pays scandinaves ? vous y avez fait référence ? des autres, c'est qu'ils ne font pas juste donner de l'argent, ils offrent des services. C'est très, très, très concret. Ils instrumentent la liberté. Ce n'est pas juste un voeu pieux de: Ah! j'aimerais ça faire une carrière, c'est: Est-ce qu'il y a les moyens? Et, dans les sociétés libérales, généralement l'État intervient moins et offre moins de moyens. Je pense que c'est ça qu'on veut dire. Ça, offrir des moyens, c'est collectif, pas seulement parce que ça fait appel à la communauté, ça fait appel aussi à des décisions politiques collectives pour des politiques publiques.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Mme la ministre.

Mme Courchesne: Donc, c'est un peu, j'imagine, pour ces raisons. Et, face à cette démonstration, moi, j'ai beaucoup aimé la phrase où vous dites que l'avantage de cette approche sociétale, c'est qu'elle comporte de nous éloigner d'un jeu à somme nulle, où ce que gagnent les femmes est perdu pour les hommes. Est-ce que vous pourriez expliquer davantage ou être plus précis par rapport à ça, développer un peu cet argument-là? Parce qu'effectivement ce qu'on entend à cette commission, c'est qu'au contraire, si on s'intéresse à cette approche-là, c'est comme si on allait s'occuper davantage du problème des hommes, comme le décrochage scolaire ou le suicide, qui découlent d'un problème plus social, affectif, que d'un problème de discrimination systémique, donc on nous met un peu ces arguments en opposition, alors que, vous, vous dites: On risque sinon, au contraire, de se retrouver dans cette somme, ce match un peu nul.

Alors, pouvez-vous élaborer et répondre un peu au fait que ça... Moi, dans mon esprit, ça ne veut pas dire que, si on va dans l'approche sociétale, c'est parce qu'on veut s'occuper du problème des hommes. Pour moi, l'approche sociétale, c'est d'associer largement une société, collectivement, comme vous le dites, à déployer des mesures qui vont accroître l'égalité entre les femmes et les hommes. Mais je voudrais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Pr Bernard.

M. Bernard (Paul): Je suis absolument d'accord avec vous, il y a des phénomènes de discrimination systémique, et les problèmes des hommes ne sont pas généralement liés à ça. D'ailleurs, la juge qui m'a précédé a très, très bien expliqué pour la question du divorce, et j'imagine qu'on pourra faire le même raisonnement pour l'école.

Ce que ça veut dire? Bon, écoutez, des fois c'est un jeu à somme nulle. Si un homme pense vraiment que battre sa femme, c'est une bien bonne affaire, il faut l'arrêter, il faut... bon, ce n'est plus... complètement disparu du décor. C'est sûr qu'on s'est quand même donné un certain nombre de politiques qui vont dans ce sens. Quand il y a vraiment des affrontements d'intérêts, qu'on en est rendu là, quand il y a une discrimination directe, par exemple, ou même une situation... bon, on se bat contre ça. Puis c'est sûr que, s'il y a des gens qui définissent leur position comme: Ah! ma situation est très, très bien parce que je domine, bien il faut contrebattre ça, là c'est un jeu à somme nulle: il y en a un qui perd pendant que l'autre gagne, puis tant mieux, ma foi. Bon, c'est ça qu'on vise.

Mais ce qu'on essaie de dire, c'est que, si ça devait... Bon, je reviens à la question du conseil de l'égalité, là, qui, bon, n'a pas été posée mais qui est implicite là-dedans: ça dépend de ce que ça veut dire. Je ne voudrais surtout pas me retrouver dans une colonne oui au conseil de l'égalité, oui au Conseil du statut de la femme. Ce n'est pas de même que ça se pose.

Mme Courchesne: C'est un terrain glissant, M. Bernard.

M. Bernard (Paul): Si c'était un jeu de revendications et de contre-revendications: est-ce qu'il faut représenter les intérêts des hommes pour traiter aussi les problèmes des hommes, etc.?, je pense que ça ne nous mène nulle part, c'est un jeu à qui va faire le plus pitié, O.K., on va essayer de tirer des larmes. Ça nous donne quoi? Ce n'est pas comme ça qu'une société avance. Une société avance quand on commence à fonctionner ensemble. Et, là-dessus, j'ai discuté, avant de venir ici, avec plusieurs, plusieurs personnes, et quelqu'un m'a apporté, m'a rappelé l'hypothèse sociologique, qu'il me paraît très utile de rappeler ici, c'est l'hypothèse du contact qui vient des relations ethniques: Quand est-ce que... Il y a des gens qui disent: Écoutez, mettez des groupes ethniques différents ou des groupes racisés ensemble, et puis, s'ils se connaissent, à un moment donné, ça va finir par se tasser. Il y a des gens qui disent: Ne faites surtout pas ça, le feu va prendre, ça va être épouvantable.

On commence à connaître un certain nombre de choses là-dessus empiriquement. En fait, les gens qui connaissent bien ça me disent: Dans le domaine des relations ethniques, il y a trois conditions pour que ça marche, pour que ça mène quelque part évidemment ? lisez toujours: si on mettait des hommes et des femmes ensemble dans un conseil éventuel d'égalité. Premièrement, il faut que ces gens-là aient des contacts suivis ? je ne reviendrai pas sur les événements politiques récents ? mais des contacts suivis, ce n'est pas un contact de temps en temps, il faut qu'on soit ensemble, qu'on ait l'occasion de discuter, qu'on se revoie, etc. Bon. Dans le cas des hommes et des femmes, ça ne pose pas beaucoup de problèmes, bien entendu, pour beaucoup de possibilités, dis-je, complètement, séparément.

Il faut que les groupes soient en situation de relative égalité. S'il y a de grossières inégalités entre les deux groupes, s'ils se rencontrent, ça va être contreproductif. Est-ce qu'on est rendu là? Est-ce qu'il y a suffisamment d'égalité entre les hommes et les femmes pour les mettre en dialogue? Question de jugement et de jugement scientifique, mais beaucoup aussi de jugement politique. Moi, je serais prêt à parier que, oui, il y a assez d'avancées qui ont été faites que... En tout cas, au minimum, il y a des hommes qui sont certainement prêts à embarquer là-dedans, puis, ma foi, embarquer dans le... Bon.

Troisièmement, essentiel, il faut des objectifs et des tâches communes. On n'est pas là juste pour se regarder dans les yeux, là, pour faire quelque chose. Bon. La question des rapports hommes-femmes, l'égalité entre les hommes et les femmes ne se résume absolument pas à la conciliation travail-famille, mais c'est un gros morceau, voilà un objectif important. Il y a bien d'autres choses, mais c'en est un, ça. Et là c'est tellement facile d'identifier une tâche commune. Écoutez, on voudrait bien avoir des enfants qui ont de l'allure, on voudrait bien s'occuper des personnes âgées, bon, et puis ça, ce n'est pas un enjeu pour les femmes ou pour les hommes, c'est pour tout le monde. Puis, par rapport à ça, si on commence à dialoguer, non seulement on va gagner des solutions à ce problème-là, mais on va gagner aussi en termes d'un exercice de dialogue commun. Bon.

Alors, comment on fait ça? Comment on fait pour ne pas qu'un éventuel conseil d'égalité dérape vers: Ah oui! mais les hommes font aussi pitié, puis vous avez vos problèmes, on a les nôtres, etc.? Écoutez, ça peut se régler. D'abord, on peut affirmer que les objectifs qu'on poursuit sont des objectifs communs de rapports hommes-femmes, ce n'est pas des objectifs de comparaison, de chialage. On peut aussi choisir les hommes en fonction d'une certaine adhésion. Bon, j'imagine que, si vous vouliez éventuellement nommer des hommes à un conseil, quel qu'il soit, j'imagine qu'avant d'en nommer vous auriez la prudence de consulter un certain nombre de gens pour savoir: Ces zigotos-là, masculins, bon, est-ce qu'ils embarquent dans cet engin-là?

n (12 h 30) n

Comment on fait ça en termes d'administration publique? Vous êtes des politiciens, je ne le suis pas, il y a aussi des experts en politiques publiques, je n'en suis pas un, mais j'imagine que ça peut se gérer si on a comme ligne d'horizon ces trois conditions-là, et je pense qu'elles peuvent être réunies.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): D'autres questions? Ça va? Alors, Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Paul Bernard, Mme Sophie Mathieu. Votre mémoire, vous l'avez effectivement centré ? et vous venez de le dire un petit peu dans les derniers commentaires ? sur un aspect qui est celui... puis le titre le démontre très bien, Partager équitablement et harmonieusement le travail rémunéré et le travail de soins. D'ailleurs, dans le mémoire, vous le ramenez à deux reprises sous forme de questions, qui sont bien posées: «Comment pouvons-nous avoir les enfants que nous voulons et prendre soin de nos aînés, dans un cadre de qualité, sans sacrifier l'autonomie accrue que les femmes ont gagnée par leur présence dans le monde du travail rémunéré, ni non plus l'apport significatif qu'elles y font?» Et, un peu plus loin, vous la reposez en ces termes: «Comment permettre aux parents d'avoir autant d'enfants qu'ils le veulent et de leur offrir, tout comme aux aînés, des soins de qualité sans sacrifier l'autonomie financière des femmes ni leur contribution à l'économie?»

Cet angle que vous étudiez, il est bien étudié et bien documenté, intéressant, mais c'est évident qu'il ne couvre qu'un aspect, et vous parlez beaucoup en termes d'inégalités mais jamais en termes de discrimination systémique. Et ce qu'on est venu rappeler... Hier, par exemple, les quatre avocates du Barreau sont venues nous dire que les revendications des femmes, que vous appeliez tantôt... bon, qui va faire plus ou moins pitié puis qui va chialer le plus, là, ce qu'elles sont venues nous rappeler, c'est que finalement, comme État, le Québec a l'obligation de respecter des chartes, de respecter une constitution, de respecter ses traités internationaux, ses engagements internationaux pour lutter contre toute discrimination systémique.

Ça ne vient pas, là, remettre en question ce que vous présentez ? très bien ? par rapport au partage équitable et harmonieux du travail, mais ça ne touche pas l'aspect de la discrimination systémique, puis je vais l'enligner principalement au niveau du travail, où on constate encore malheureusement des inéquités salariales importantes, et même dans des secteurs reconnus. On nous rappelait ? et même au niveau de la représentation ? qu'il y a dans les universités seulement 26 % de femmes professeures. On nous rappelait aussi qu'au niveau des salaires, hier, au niveau des avocates, elles avaient la moitié du salaire de leurs collègues. Donc, même si on partage équitablement, harmonieusement, il y a une discrimination systémique qui est toujours présente.

Alors, votre contribution, je la trouve intéressante pour la partie partage équitable au niveau du travail, mais je ne veux pas qu'on passe à côté de cet élément-là, précis, auquel l'État doit répondre. Est-ce que c'est un choix que vous avez fait de vraiment vous centrer uniquement sur cet aspect-là, en mettant de côté les discriminations systémiques? Et c'est fort possible, et c'est intéressant aussi parce que ça nous permet de toucher plus précisément à un point, ce que plusieurs mémoires ont fait aussi, nous amener un angle précis de leurs expertises et de leurs connaissances.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Mme Mathieu.

Mme Mathieu (Sophie): Oui. En fait, c'est peut-être un... Merci pour cette question, parce qu'en fait ça soulève quelque chose peut-être dans la façon dont on a formulé la question. Par contre, lors de nos études empiriques, on a eu un certain nombre de variables qui tenaient compte de la discrimination. Par exemple, une des variables que nous avons eues était la différence relative quant à la participation au marché du travail. C'est-à-dire, on prenait la participation des hommes au marché du travail, moins celle des femmes, divisée par celle des hommes. On a aussi pris des variables concernant les inégalités salariales et concernant la représentation des femmes dans certaines professions. Ceci étant dit, ce qu'on remarque au Québec, du moins concernant les inégalités salariales et concernant aussi la participation au marché du travail, c'est que la différence relative entre les hommes et les femmes est légèrement plus élevée que dans un très grand nombre de provinces canadiennes. Donc, il semblerait qu'au Québec il y a encore du travail à faire beaucoup là-dessus, tant au niveau des salaires et de la participation au marché du travail.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Bernard.

M. Bernard (Paul): Oui, merci. Bon, Sophie a rappelé que nos analyses reposent sur un ensemble de variables, et on a mis l'accent plus sur certaines, là, mais très clairement c'est l'ensemble de la situation, dont l'aspect peut-être le plus caractéristique de ce travail-là s'est fait vraiment systématiquement. On a couvert tous les angles du triangle en quelque sorte, si vous voulez, donc c'est un constat d'ensemble, disons.

L'autre élément de réponse à votre question consiste à parler du rapport entre, disons, la discrimination systémique et les parcours de vie, la conciliation travail-famille. On parle de discrimination systémique, on ne parle pas seulement de quelque chose qui existe encore, mais qui a quand même, disons, diminué, parce que ce n'est pas très à la mode d'être discriminatoire, pas de façon systémique, là, mais de façon bête et brutale: moi, je n'embauche pas de femmes ou... bon, etc. Ça, bon, on fait moins ça, ça paraît mal, O.K.? Là on parle de discrimination systémique, ça veut dire quelque chose qui est tellement pris pour acquis qu'on réfléchit dans ces termes-là, O.K.? On ne le dit pas, mais on pense: Oh! on n'embauchera pas de femme, on va avoir du trouble, elle va être enceinte, ça va être des interruptions de carrière, etc.

Non seulement ça, mais ça pénètre même dans l'esprit des acteurs eux-mêmes, ils disent: Ah! bien, moi, non, je ne pourrai pas faire tel travail parce que ça exige trop puis, moi, voulant avoir des enfants, etc. C'est-à-dire que cette discrimination systémique, elle se passe dans le marché du travail, mais elle est le fait, disons, d'arrangements institutionnels, d'une culture, d'ailleurs pas également partagée mais qui est présente un peu partout et qui reflète la façon dont, dans notre société, aujourd'hui, on partage le travail des soins. Alors, comme le travail de soins est plus féminin puis le travail rémunéré est plus masculin, bien, systémiquement on prend pour acquis que ceci existe et on le reproduit.

À partir du moment où on change... Je ne vous dis pas que j'ai inventé le levier qui va soulever le monde: travaillez seulement sur la conciliation, vous allez régler tout le reste, mais je vous dis que justement c'est une perspective globale de parcours de vie et que tant que ce problème, qui est considérablement exacerbé parce que maintenant les femmes travaillent, travail rémunéré, O.K., tant que ça, ça fait partie du décor, c'est un terreau extrêmement fertile pour la discrimination systémique. Ça ne règle pas tout, je le répète, mais ça fait certainement partie du tableau, il faut l'envisager comme ça.

On n'a même pas parlé d'autre chose. Il y a un exemple, là, assez puissant qui commence à sortir, c'est un gros enjeu de politique publique: les problèmes de santé publique liés au problème de conciliation travail-famille. Même dans les entreprises les plus considérables et donc où les travailleurs sont les plus avantagés, les gens qui ont des problèmes de conciliation travail-famille, dont le travail devient un obstacle à la vie familiale et où la vie familiale devient un obstacle aux performances professionnelles, O.K., et ça, vous devinez de qui il s'agit principalement: des femmes qui ont des tâches de soins, etc., particulièrement élevées. Bon, quand il y a des problèmes comme ça, il y a des problèmes de santé, et de santé mentale en particulier, burnout et compagnie, O.K.? On est en train de se les fabriquer tranquillement, et on sait que ça monte, on a des enquêtes transversales qui démontrent que c'est en montée. Je suis sûr que le ministre de la Santé va commencer à s'intéresser à ça, ça ne peut pas faire autrement, O.K.? Bon.

Et on n'a pas encore vu toute l'histoire, parce que, quand les gens ont un épisode de burnout, par exemple, ce n'est rien de très bon pour leur carrière, ce n'est rien de très bon pour leur vie familiale non plus, peut-être ils vont perdre leur job, peut-être que leur vie familiale va être complètement perturbée; soit que leurs conjoints et les autres essaient d'aider, et eux-mêmes y laissent une partie de leur santé, O.K., soit que la famille éclate, ce qui n'est rien de très bon non plus pour la suite des choses en termes de maladie. Donc, on voit bien qu'il y a une espèce de situation où chaque...

n(12 h 40)n

Les arrangements sociaux collectifs, je le rappelle, pas individuels, balisent considérablement et orientent, ma foi, dans un sens qui est loin d'être idéal, même si ce n'est pas la catastrophe pour le Québec, et orientent les parcours vers quelque chose qu'on ne veut pas vraiment. On aimerait bien que la conciliation travail-famille, ça ne consiste pas exclusivement à des «superwomen» qui à un moment donné vont y laisser leur santé. La réponse à ça, elle est un espace de liberté, on ne veut pas que... S'il y a des gens qui veulent être superwomen, très bien; s'il y a des gens qui veulent élever des enfants, interrompre leur carrière pendant un certain temps, très bien, garantissons-leur un point d'atterrissage quand ils reviennent. S'il y a des gens qui veulent poursuivre leur carrière, qui ne veulent pas d'enfants, c'est très bien aussi. Mais donnons, instrumentons cette liberté. Donnons aux gens les moyens de faire ça, plutôt que d'absorber, eux, individuellement les conséquences de problèmes qui au fond sont sociétaux, collectifs.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, votre position ? petite parenthèse en passant ? votre position est très différente d'un certain nombre de jugements et de la jurisprudence, à l'égard du burnout, où les travailleuses, où les travailleurs se sont souvent fait reprocher par les tribunaux de prendre leur travail trop à coeur et d'être responsables de leur propre malheur. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Je répète, cet aspect que vous présentez est effectivement essentiel. Les deux personnes qui vous ont précédés, Me Claire L'Heureux-Dubé et Me Marie-Claire Belleau, quand elles ont mis les priorités, elles ont bien dit que les priorités appartenaient au gouvernement puis au niveau du conseil à présenter, mais, si elles avaient à placer des priorités, la conciliation travail-famille, elle arrivait en troisième position, parce que les premières priorités, c'étaient pauvreté et violence faite aux femmes. Donc, ces deux éléments-là étaient en tête de liste au niveau des actions qu'on doit poser. Votre mémoire, par rapport à l'aspect conciliation famille-travail, m'apparaît extrêmement intéressant, mais, par rapport aux autres priorités, il faut aussi pouvoir agir.

Et j'avais une, aussi, question sur votre mémoire. En page 11, fin de la page 11, vous nous dites: «Ce qui nous frappe par ailleurs c'est l'absence ? bien, dans l'avis, l'absence ? d'une perspective explicite qui viendrait unifier l'ensemble de ces orientations, même si celles-ci rejoignent tous les aspects des rapports entre hommes et femmes.» L'absence de la perspective explicite, est-ce que ça veut dire que vous, ce que vous souhaitez comme perspective, ce serait de prendre l'angle exclusivement du partage équitable et harmonieux du travail rémunéré, du travail de soins? Est-ce que c'était dans cette perspective que vous vouliez que les orientations soient enlignées?

M. Bernard (Paul): ...une question converge, je pense... Qu'est-ce que c'est que cette perspective centrale? Parce que tous ces aspects-là sont mentionnés dans le document de consultation. C'est: Comment on les voit dans une perspective plus globale? La réponse, elle va se trouver dans la réponse que j'ai voulu apporter à votre première question ? j'ai beaucoup de mal, mais je sais que vous aurez beaucoup de mal avec ma réponse aussi: quand on est dans l'État, on doit à quelque part dire: Bien, on va faire ça plutôt que ça parce qu'on a telles et telles ressources, telles et... bon. On parle de priorités.

Moi, ce que je voudrais dire, c'est... Écoutez, toujours rappeler, et je pense que les chercheurs vont être très achalants de ce point de vue là, toujours rappeler: ça se tient, ces affaires-là, O.K.? Si la conciliation travail-famille est quelque chose d'impossible, O.K., de très difficile, parce qu'on n'a pas assez de services, bon, etc., ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'il va y avoir des femmes qui vont renoncer à l'indépendance que procure un travail. O.K.? Je ne sais pas dans combien de cas ça va se produire, mais bien entendu ça va précipiter un certain nombre d'entre elles dans la pauvreté, ça va les rendre incapables de fuir une situation de violence. Alors, est-ce que, la conciliation, on va régler le problème de la pauvreté, on va régler le problème de la violence, puis, après ça, quand on aura un peu de temps, on s'en ira vers la conciliation? Non, ça se tient, ces affaires-là. Je ne vois pas comment on peut attaquer le problème de la pauvreté des femmes sans parler de leur indépendance, de leur capacité de participer au marché du travail. Ça, bien ça suppose qu'on prenne un certain nombre de mesures qui concernent la conciliation.

Je sais que je ne résous pas votre problème, qui est: où est-ce qu'on met nos ressources? Mais je pense que c'est le devoir qu'on a, quand on a cette perspective-là, de dire: Écoutez, pensez moyen, long terme aussi, O.K., et puis pensez donc comment ça se tient, ces affaires-là, hein? Moi, ce serait ma réponse, peut-être insatisfaisante.

Mme Mathieu (Sophie): Si je peux ajouter une anecdote qu'une jeune femme m'a racontée, je pense, qui illustrait bien le lien entre la pauvreté et la conciliation travail-famille. Une jeune femme monoparentale, début trentaine, hyper qualifiée, hygiéniste dentaire en Ontario ? donc c'est un petit peu différent ? qui n'était pas capable de se trouver un emploi parce qu'elle n'avait pas d'endroit, elle n'était pas capable de se payer les services de garde, qui coûtent, qu'ils me disaient, autour de 900 $ par mois. Donc, incapable de se trouver un emploi parce qu'il n'y a pas aucune mesure de conciliation travail-famille et donc prise dans la pauvreté. Donc, je pense que la pauvreté et la conciliation travail-famille, ce ne sont pas des enjeux mutuellement exclusifs, bien au contraire, ils vont... Jusqu'à un certain point, une des solutions contre la pauvreté, c'est la conciliation travail-famille, parce que, quand on regarde qui sont les femmes pauvres, bien ce sont les femmes monoparentales. Alors, si ces femmes-là n'ont pas les moyens d'accéder au marché du travail, bien elles vont demeurer pauvres.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, ceci sera le dernier mot. Je remercie nos participants, Pr Bernard, Mme Mathieu, merci beaucoup.

Je rappelle aux parlementaires qu'ils peuvent laisser leur matériel dans cette salle. Les travaux de la commission sont suspendus jusqu'à 2 heures, cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 46)

 

(Reprise à 14 h 2)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): À l'ordre, s'il vous plaît! Je constate que nous avons quorum et j'invite immédiatement les porte-parole de Réseau Hommes Québec à nous résumer leur mémoire. Il s'agit de M. François Camus et de M. Pierre Gareau.

Vous avez, comme vous le savez, 20 minutes pour nous présenter l'essentiel de votre mémoire. Suivront des périodes de questions, échanges d'environ 20 minutes. Alors, vous êtes les bienvenus. Allez-y.

Réseau Hommes Québec (RHQ)

M. Camus (François): Alors, pour commencer, je désire remercier la commission de nous avoir invités à présenter notre mémoire.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous êtes M. Camus.

M. Camus (François): Je suis M. Camus... et M. Gareau.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien.

M. Camus (François): C'est avec plaisir et enthousiasme que le Réseau Hommes Québec, réseau provincial de groupes de croissance pour hommes, accepte de contribuer aux travaux de la commission portant sur la question de l'égalité entre les sexes.

Le Réseau Hommes Québec est une association à but non lucratif fondée par Guy Corneau, en 1992, dans la foulée de son livre Père manquant, fils manqué qui a souligné l'importance du rôle du père et qui a en quelque sorte, pour plusieurs, légitimé la place des émotions chez les hommes. Le Réseau Hommes Québec vise à créer des groupes de croissance pour hommes et à développer des outils de travail pour aider leur fonctionnement et leur offrir des services d'encadrement. Ces groupes permettent aux hommes de trouver un milieu propice pour entrer en contact avec leurs émotions, leurs désirs et leurs besoins. C'est un lieu pour apprendre à les identifier et à les exprimer et à identifier les moyens de les satisfaire de façon socialement acceptable. Ces activités procurent plusieurs bienfaits. Les hommes découvrent de nouvelles façons de s'exprimer et de se comporter dans diverses situations, ce qui mène à des relations plus harmonieuses avec leur entourage. Cela permet de désamorcer ou de prévenir des crises, des dépressions, des burnouts, des cas de violence ou autres. Ils contribuent à briser les stéréotypes masculins, et il en résulte que les hommes deviennent de meilleures personnes, de meilleurs pères et de meilleurs conjoints.

Notre méthodologie a fait ses preuves. Le Réseau Hommes Québec a donné naissance au Réseau Femmes Québec, qui fut créé par des conjointes d'hommes impliqués dans nos groupes. Et notre rayonnement se répand jusqu'en Europe, où des groupes pour hommes et des groupes pour femmes ont été créés.

Nos objectifs sont de favoriser l'apprentissage de moyens d'expression pour rompre le silence qui entoure la vie affective des hommes, proposer une remise en question des modèles masculins traditionnels, revaloriser l'image des hommes et promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes. Nos valeurs sont d'encourager une expérience humaine authentique, véritable, où les hommes découvrent, dans une lumière nouvelle, leurs valeurs et leurs objectifs de vie et effectuent des ajustements.

Nous voulons que les hommes développent leurs capacités d'expression, d'accueil et d'empathie, puis les mettent en pratique avec leurs conjointes, leurs enfants, leurs amis et leurs collègues de travail pour leur permettre de devenir des meilleurs conjoints et de meilleurs pères. Ça permet aussi de déraciner les préjugés. Nous encourageons la prise en charge de soi et la prise en charge de notre propre cheminement.

Alors, nous avons présenté un mémoire, car nous sommes un organisme pour hommes, que nous sommes évidemment intéressés aux questions masculines et nous sommes en faveur du principe d'égalité entre les genres. Le cheminement des hommes au sein de nos groupes amène les hommes à prendre conscience des stéréotypes et à les défaire, contribue à ce que les hommes jouent un rôle actif positif dans la société avec et envers les femmes. Les partages exprimés par les hommes au sein de nos groupes nous placent dans une bonne position pour connaître un certain nombre de difficultés et de questionnements qu'ont les hommes en regard des relations entre hommes et femmes et en regard de l'égalité.

Alors, je vais donner la parole à Pierre Gareau pour la suite.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Gareau, s'il vous plaît.

M. Gareau (Pierre): Merci. Avant de continuer, nous devons clarifier notre concept de l'égalité. Alors, dans le cadre de nos valeurs d'égalité et de responsabilisation de soi, nous croyons que l'égalité entre les deux sexes implique la participation active des représentants des deux sexes. Chaque partie doit exprimer ses besoins et doit aussi tenir compte des besoins de l'autre partie. Chacun adopte une attitude dans laquelle il prend en charge les éléments dont il est responsable et sur lesquels il a compétence et connaissance. Nous sommes donc favorables à une stratégie invitant à travailler ensemble, à rallier les hommes et les femmes, à cesser de se confronter.

Pour nous, il y a deux ensembles de besoins à reconnaître. Si on veut être partenaires pour favoriser la transformation des rôles sociaux, pour lutter contre les stéréotypes, il faut reconnaître deux ensembles de besoins: qu'il y a encore de la discrimination envers les femmes; que les hommes ont, eux aussi, des besoins. Et l'avis du Conseil du statut de la femme souligne très bien les besoins des femmes; notre mémoire soulève certains des besoins des hommes.

Pourquoi selon nous il est important pour les femmes de reconnaître les besoins des hommes? Nous croyons que le succès d'une politique de l'égalité ou d'une politique de la condition féminine requiert un cheminement des hommes autant que des femmes. Il importe de déterminer ce qui fait obstacle à l'engagement des hommes et de prendre les mesures nécessaires pour susciter et appuyer cet engagement. Pour cela, il faut reconnaître les besoins des hommes et il faut soutenir les organismes pour hommes.

Il y a aussi des craintes à dissiper. Nous avons souvent entendu les femmes exprimer des craintes face aux revendications des hommes. Il est donc important de clarifier deux choses. D'abord, que de reconnaître les besoins des hommes ne veut pas dire consolider les privilèges des hommes, cela veut dire les aider à cheminer pour sortir des stéréotypes et améliorer le processus de socialisation. Deuxièmement, cela ne veut pas dire que l'on ne reconnaît pas les besoins des femmes; nous souhaitons qu'il y ait réponse à ces besoins. Les deux ensembles de besoins ne sont pas mutuellement exclusifs, ils sont complémentaires et nécessaires l'un à l'autre. Chacun a un rattrapage à faire, même s'il n'est pas du même ordre.

Au niveau de la situation, le portrait dressé dans l'avis du Conseil du statut de la femme, nous aimerions ajouter quelques éléments. Nous voulons insister sur l'importance des motifs socioculturels et du processus de socialisation comme obstacles à l'engagement des hommes, l'émergence des nouveaux phénomènes sociaux ? ici, on pense à toutes les nouvelles formes de stéréotypes sexuels, avec la technologie, l'Internet ? qui affectent également l'intégrité des hommes, pas nécessairement avec les mêmes conséquences qu'aux femmes, mais aussi nuisibles pour la santé physique et psychologique.

Les hommes ne sont pas insensibles. Nos jeunes garçons et nos jeunes hommes souffrent de leur mal-être, de leur violence, de leurs comportements délinquants qui les entraînent parfois même au suicide. Oui, il y a encore un discours antiféministe à contrer, mais il y a aussi de plus en plus un discours méprisant à l'égard des hommes. Nous ne cherchons pas à banaliser celui contre les femmes ni à savoir lequel est le plus dommageable, mais à dénoncer un phénomène social qui cherche à nous opposer l'un envers l'autre.

n(14 h 10)n

Sur le projet proposé, au plan de la stratégie gouvernementale, le Réseau Hommes Québec partage le point de vue qu'une stratégie gouvernementale visant l'égalité entre les femmes et les hommes est nécessaire. L'État doit jouer un rôle dans la détermination de ce qui fait obstacle à l'engagement des hommes et il doit prendre les mesures nécessaires pour susciter et appuyer cet engagement.

Au plan des projets rassembleurs, nous croyons à la collaboration avec les femmes sur les dossiers énumérés, surtout ceux qui nous concernent principalement, soit la lutte aux stéréotypes sexistes et la conciliation travail-famille.

En ce qui concerne la première orientation, sur la lutte aux stéréotypes, les nouvelles technologies de l'information et de communication, comme je le disais plus tôt, affectent aussi les jeunes garçons. Nous devons réagir à toute la propagande qui renforce les caractéristiques de modèles traditionnels. Il est souhaitable de rectifier le tir et de promouvoir une image des hommes qui soit plus valorisante. À cet effet, nous suggérons d'inclure des recommandations du rapport Rondeau, Les hommes: s'ouvrir à leurs réalités et répondre à leurs besoins: Par une campagne de sensibilisation qui soit menée sur les réalités masculines, de s'attaquer aux préjugés les plus stigmatisants à l'endroit des hommes, de valoriser la participation des hommes dans la famille et de dénoncer systématiquement les pratiques de misandrie.

En ce qui concerne les axes d'intervention pour la lutte aux stéréotypes, il faut soutenir l'apprentissage du rôle parental dans une perspective égalitaire. Malheureusement, dans les ruptures d'union, les hommes n'arrivent pas toujours à exercer pleinement leur paternité. Nous devons valoriser le rôle du père et lui permettre de l'exercer le plus largement possible. Nous croyons aussi souhaitable d'appliquer la recommandation suivante du rapport sur l'égalité, Les hommes: s'ouvrir à leurs réalités et répondre à leurs besoins, en ce qui concerne les hommes, le rapport Rondeau, «que l'ensemble du processus judiciaire et des lois qui l'encadrent soit revu dans la perspective d'une meilleure prise en compte des besoins des pères et d'une meilleure protection des liens père-enfant». Également voir à «consolider les ressources communautaires existantes de soutien aux pères en situation de rupture» et voir à «développer d'autres services plus spécifiques aux pères en période de séparation [et] divorce». Pour ce qui concerne les centres de la petite enfance et le milieu scolaire, nous sommes préoccupés par les choix de carrière et de vie de nos enfants, filles et garçons. La socialisation des garçons les prépare à moins bien réussir. Les jeunes garçons décrochent. Nous demandons que le gouvernement intervienne particulièrement pour éliminer les taux de décrochage scolaire des garçons. Nous croyons également souhaitable d'appliquer les recommandations du rapport Rondeau, soit de voir à améliorer l'attrait des études pour les garçons, que l'école soit organisée de façon à donner une chance égale aux garçons et aux filles, et favoriser autant le succès des garçons que celui des filles, que des mécanismes soient développés en vue de favoriser une représentation masculine plus évidente dans les professions associées aux soins de la petite enfance et en éducation de même qu'aux services de première ligne en santé et services sociaux.

Le Réseau Hommes Québec partage totalement le point de vue du Conseil du statut de la femme à l'égard du soutien aux groupes de femmes et à la nécessité de dégager des ressources à l'intention des groupes d'hommes. Il faut reconnaître l'importance des organismes oeuvrant auprès des hommes. Il existe un petit nombre de ressources pour répondre aux besoins des hommes, et ils souffrent d'une extrême vulnérabilité financière. Il faut assurer le développement des ressources communautaires s'adressant aux hommes; il faut favoriser l'émergence de nouveaux services communautaires à leur intention; il faut offrir un financement adéquat aux organismes existants. Il faut également encourager le développement de nouveaux services dans l'ensemble des régions, et il est important que les ressources pour hommes ne soient pas financées au détriment des ressources pour femmes, et, à cette fin, nous suggérons que les besoins des hommes soient satisfaits, dans le prochain budget du ministre des Finances, par l'ajout d'une ligne budgétaire.

En ce qui concerne la reconnaissance de la parentalité et du soutien aux personnes dépendantes, nous considérons qu'il faut créer les conditions objectives favorables en exigeant que les entreprises offrent une organisation du travail qui facilite la conciliation travail-famille et permette l'utilisation des mesures et dispositions prévues à cette fin autant par les hommes que par les femmes. Il faut aussi que l'État applique la loi dans ce sens et responsabilise les employeurs à soutenir les mesures de conciliation travail-famille.

Et, en ce qui concerne les services qui soient adaptés aux réalités des femmes et des hommes, il faut également reconnaître qu'il y a un besoin différencié et offrir des services en conséquence. Il est nécessaire que le système sociosanitaire prenne en compte des réalités différenciées selon les sexes en évitant les stéréotypes sexuels et sexistes.

Pour ce qui est de la conclusion, je vais laisser François Camus...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, M. Camus, on vous écoute.

M. Camus (François): En conclusion, le Réseau Hommes Québec est favorable à une stratégie visant à rallier les hommes et les femmes en cessant de se confronter. Si on veut être partenaires, il faut reconnaître deux ensembles de besoins, qu'il y a encore de la discrimination envers les femmes et que les hommes ont des besoins. Chacun a un rattrapage à faire, même si ce n'est pas du même ordre. L'avis du Conseil du statut de la femme et les nombreux organismes pour femmes qui ont témoigné devant la commission soulignent très bien les besoins des femmes. Les organismes pour hommes, de leur part, soulèvent les besoins des hommes. Les deux ensembles de besoins ne sont pas mutuellement exclusifs, ils sont complémentaires et nécessaires un à l'autre.

Nous croyons que le succès d'une politique de l'égalité ou d'une politique de la condition féminine requiert un cheminement des hommes autant que des femmes. Il importe de déterminer ce qui fait obstacle à l'engagement des hommes et de prendre les mesures nécessaires pour susciter et appuyer cet engagement. Pour cela, nous croyons qu'il faut reconnaître les besoins des hommes et qu'il faut soutenir les organismes pour hommes qui aident les hommes à cheminer. Il est important de réaliser que de reconnaître les besoins des hommes ne veut pas dire qu'on veut consolider les privilèges des hommes, mais ça veut dire les aider à cheminer pour sortir des stéréotypes et améliorer leur processus de socialisation.

Reconnaître les besoins des hommes ne veut pas dire que l'on ne reconnaît pas les besoins des femmes. Nous souhaitons qu'ils soient satisfaits. Travaillons donc ensemble dans une perspective gagnant-gagnant où hommes et femmes gagnent quelque chose. Et je vous remercie de nous avoir entendus.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci beaucoup. J'ouvre donc la première période de questions et d'échange avec Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et responsable de la condition féminine.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. M. Camus, M. Gareau, soyez les bienvenus à cette commission. Merci de votre présentation.

D'abord, vous vous présentez devant nous avec effectivement des points de vue qui ont suscité beaucoup de commentaires au cours des derniers jours de notre commission. Donc, vous me permettrez d'aller au coeur du sujet et d'être assez directe dans ma première question.

Vous insistez beaucoup sur cette importance de reconnaître l'égalité, de participer... que les hommes et les femmes puissent participer également aux débats et aux solutions des enjeux que vous soulevez. Mais ce qu'on a entendu et les craintes manifestées de façon très forte dans les groupes de femmes, c'est que, comme la cause des femmes est issue d'une discrimination systémique, donc faisant partie d'un système qu'on oublie, mais qu'automatiquement on continue de discriminer les femmes, on a donc très peur que, si on commence, comme vous le souhaitez, à se préoccuper d'une condition masculine, bien on a peur effectivement qu'on perde de vue et qu'un gouvernement perde de vue les moyens de lutter pour que nous obtenions, nous, les femmes, cette égalité de fait que nous réclamons depuis tant d'années.

Alors, ma question, c'est... Et, vous, vous dites: Il faut... Et votre approche à vous, c'est... Et vous n'êtes pas les premiers hommes à nous dire ça, là. Il y a même des groupes de centres de familles qui nous disent: Au fond, le problème des hommes est beaucoup un problème de stéréotypes, c'est-à-dire, les femmes ont un problème de stéréotypes, mais, nous aussi, les hommes, on est victimes de stéréotypes sexistes. Et donc j'ai comme le sentiment que, d'une part, on a la discrimination systémique des femmes, qui est bien réelle, et, d'autre part, on a les hommes qui nous disent: Écoutez, nous, on est victimes de stéréotypes sexistes. Comment faisons-nous pour nous rencontrer? Cessons de nous opposer.

n(14 h 20)n

Vous nous faites une ouverture. Moi, je vais vous demander: Comment pensez-vous qu'on peut cesser de s'opposer et qu'on peut travailler dans le même sens? Parce que ? et ma deuxième question, est-ce que vous êtes d'accord avec ça? ? tous les groupes de femmes, les mouvements féministes, mais les mouvements de femmes, disent: Écoutez, les problèmes des hommes, comme ça ne découle pas d'une discrimination systémique, ce sont des phénomènes sociaux, donc ça doit être traité dans les ministères sectoriels: le décrochage scolaire, ça appartient au ministère de l'Éducation, le suicide chez les hommes, ça appartient au ministère de la Santé... Alors, comment réagissez-vous à ça? Et, quand vous vous présentez devant nous, c'est parce que vous voulez participer à la lutte pour l'égalité ou, disons, au nouveau contrat social pour l'égalité, alors comment réagissez-vous et comment pensez-vous qu'on va réussir justement à concilier ces points de vue là? Est-ce qu'ils sont conciliables? Et comment, au lieu de s'opposer, allons-nous travailler tous dans le même sens pour rejoindre, là, les recommandations que vous faites, en termes de parentalité, en termes... Parce que vous reconnaissez bien les inégalités, alors comment faisons-nous pour concilier tout ça?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Camus.

M. Camus (François): Pour la première question, ou comment cesser de s'opposer, je pense que c'est de commencer par reconnaître nos besoins respectifs et de mettre en place des mécanismes qui vont permettre de répondre aux besoins de chacun.

Pour prendre un exemple, les femmes sont sous-représentées dans les postes de cadre, et des choses comme ça. Qu'est-ce qui fait obstacle à leur progression? Quand même qu'il y aurait une loi qui forcerait les entreprises à avoir une représentation 50-50, la personne qui prend la décision de recrutement, si c'est un homme, qu'il a ses difficultés, qu'il est pris dans ses stéréotypes, bien, dans le processus d'évaluation d'un employé, risque possiblement de privilégier un homme. Que ces stéréotypes soient dus au système, à la socialisation ou autre chose, tant qu'on ne l'aura pas aidé à cheminer pour sortir de ces stéréotypes-là, qu'on n'a pas considéré, je ne sais pas, qu'une femme est moins compétente pour assumer un poste de cadre, ou peu importent quelles seraient ses objections, les femmes vont avoir beaucoup de difficultés à accéder à ces postes-là. Alors, je pense qu'il est important de reconnaître ces besoins-là et d'aider à les satisfaire.

Quand on dit que les problèmes des hommes ne sont pas systémiques, que c'est plutôt des problèmes sociaux, il faudrait peut-être s'interroger à savoir d'où vient le système et d'où vient le socio. Ce n'est pas des systèmes ou deux approches qui sont exclusives une de l'autre. Les individus interagissent entre eux, c'est du social. Il se développe des normes. Les gens ont besoin de comprendre leur environnement, d'interpréter. Avec ça, il finit par se développer des règles de conduite qui deviennent des stéréotypes. Après ça, les gens mettent en place des systèmes politiques, des systèmes de services. Alors, tous ces valeurs, ces attitudes, ces stéréotypes vont finir par être institutionnalisés dans les institutions économiques et politiques, puis là ça devient un système. Changer les valeurs des gens, ça ne fait pas forcément changer le système. Changer le système, ce n'est pas nécessairement changer les valeurs des gens. Alors, il faut vraiment travailler sur les deux plans pour qu'il arrive un changement. Maintenant, pour les besoins des femmes, peut-être que les solutions à apporter sont plus de nature systémique, mais, pour aider les hommes à cheminer vers l'égalité, eux, il faut leur offrir des solutions peut-être plus à un niveau social. Et peut-être que la politique d'égalité présentement est pilotée par le ministère de la condition féminine, mais une politique n'implique jamais un seul ministère, elle implique toujours plusieurs ministères. Pour que les femmes aient accès à des postes de cadre, il va falloir changer la Loi du travail, donc ça implique un autre ministère. Alors, je pense que vous avez un rôle à jouer aussi auprès de vos collègues pour qu'ils mettent en place des programmes qui vont venir appuyer aussi une politique de l'égalité et, à ce moment-là, aussi vous pouvez les encourager à mettre en place des mécanismes, des politiques ou des services qui vont aussi aider les hommes pour aller dans le sens de l'égalité.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Gareau a demandé la parole.

M. Gareau (Pierre): J'aimerais, si vous permettez, compléter l'intervention de François Camus. C'est sûr... Je comprends très bien les appréhensions du mouvement des femmes puis les craintes, parce que, toute l'avancée du mouvement féministe, on ne veut pas la perdre, puis de voir qu'il y a des organismes qui interviennent de plus en plus peut sembler être menaçant. Ce qu'il faut voir aussi, c'est que ? puis là c'est peut-être l'élément aussi qui est peut-être l'élément important de saisir ? c'est que ce n'est pas une question juste d'un phénomène social de la demande des hommes en ce qui concerne nos besoins. Il faut voir que c'est lié avec tout le système, ce n'est pas juste parce que le système est fait pour que juste les femmes soient discriminées. Pour que les femmes soient discriminées, c'est que nous, comme hommes, il faut qu'on soit programmés d'une certaine façon pour faire en sorte qu'il y ait une discrimination qui soit exercée, et ça, c'est sur ça qu'on doit travailler. Et, si on veut... Vous tendez la main aux hommes, et c'est bien. C'est qu'il faut, de ce côté-là, nous, qu'on se responsabilise, qu'on prenne ça en main puis qu'on y va aussi en fonction de ce qu'on est, comment on a été construits, et ça, c'est tout le processus de socialisation, ce n'est pas juste un phénomène social.

En naissant, et que ce soit un homme ou une femme qui nous élève, on nous enseigne le modèle traditionnel et le modèle dominant. Les femmes qui enseignent dans les écoles, le seul modèle qu'elles ont à reproduire, c'est leur modèle dominant. C'est le dominant qui, nous, en ce qui nous concerne, nous aliène, nous empêche de jouer véritablement notre rôle, d'être capables d'assumer finalement pleinement ce qu'on est. Alors, quand on nous enseigne qu'on est coupés de nos sentiments dès le départ, on ne peut pas vraiment se réaliser. On nous confine à un rôle social traditionnel, que finalement il faut être forts, il faut être pourvoyeurs, il faut agir de telle façon. C'est bien sûr que c'est difficile pour nous finalement de faire autrement. Tout le système est conçu comme ça, on va à contre-courant. Et, si on déroge le moindrement, on a nos pairs qui sont là pour nous ramener à l'ordre.

Alors, il y a tous les phénomènes, qui sont l'homophobie, entre autres, qui touchent bien sûr ceux qui sont d'orientation homosexuelle, mais ils nous touchent aussi, nous qui sommes d'orientation hétérosexuelle, dans le sens qu'un gars, c'est bien de valeur, tes sentiments, tu ne les montres pas, parce que là tu montres que tu es comme une femme. C'est sûr que, dans ce sens-là, ça ne fait que consolider cette forme de discrimination. Alors, nous, on est pris dans ce sens-là. Et le besoin qu'on a, c'est qu'on a besoin d'aide. Les hommes ont besoin d'aide, ils ont besoin d'un lieu pour s'exprimer, pour briser ce pattern-là, d'être entre eux, puis s'interroger, puis se questionner sur notre identité masculine. Le modèle masculin, on le cherche.

Moi, ça fait 35 ans que je suis avec la même compagne. Notre union a commencé au début de la remontée du mouvement féministe, dans les débuts des années soixante-dix. Et j'ai appris, et ma compagne m'a talonné là-dessus, j'avais une ouverture à l'effet qu'il fallait que je change dans mes attitudes et mon comportement. Et j'étais opposé et réfractaire au modèle traditionnel machiste, alors je savais que c'est ça que je ne voulais pas, mais je ne savais pas ce que je voulais réellement. Et j'ai appris, à travers notre relation amoureuse, qu'il y avait des changements qu'il fallait que je fasse. C'est sûr qu'au début ça a été très technique, dans le genre donner un coup de main, faire des choses, faire des tâches, mais ça a pris un certain temps avant que je comprenne quelque chose.

Et ce que je retiens du mouvement féministe, ce que, moi personnellement, j'ai appris puis que je pense que bien des gens ont pu apprendre, c'est la notion de la responsabilisation. Et, le jour où j'ai compris qu'est-ce que ça voulait dire, la responsabilisation, bien finalement là j'ai compris ce que ça voulait dire, pour ma compagne, quand elle disait: Moi, je suis tannée de penser à tout ça, je suis tannée de penser qu'il faut s'occuper des enfants, je suis tannée de m'occuper qu'il faut faire la vaisselle, je suis tannée... alors j'ai compris la notion de la responsabilisation, et c'est ça qu'il faut qu'on apprenne, nous, entre gars, cette question de la responsabilisation.

Alors, pendant ces années-là, j'ai fait du surf sur ce que je voulais ne pas être, et la toile de fond, c'était le mouvement féministe, et ma compagne qui avait toujours l'odieux de faire changer des choses. Il y avait le mouvement féministe qui était en arrière, qui faisait en sorte qu'on avait comme un appui pour dire: On va de l'avant. Il me semble qu'au moment où on est actuellement, avec la main qui est tendue, que peut-être que ce serait bon aussi, du côté des gars, qu'il y ait mouvement de la sorte, dans cet esprit-là, pour soutenir la démarche que les gars sont prêts à faire.

Moi, je suis dans le réseau depuis 10 ans et je suis dans la partie où je suis en train, de façon positive, à regarder un petit peu plus qui je suis vraiment puis être capable de travailler sur des nouveaux modèles qu'on va pouvoir montrer à nos jeunes, qui sont quelque part désemparés, que des hommes, ça peut être autrement que les valeurs traditionnelles de stéréotypes qu'on connaît.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Mme la ministre.

Mme Courchesne: Je trouve ça très intéressant, votre notion de responsabilisation, cette prise de conscience, mais je veux éclaircir quelque chose avec vous, parce que vous dites: Il faut que, nous, les hommes, on soit entre nous pour réfléchir à ce qu'on veut être et à mieux se responsabiliser. Et, moi, je vous dis ? puis j'imagine que vous n'êtes pas le seul comme vous ? moi, je crois qu'il y en a d'autres comme vous qui, grâce au mouvement féministe, ont réussi à cheminer dans ce sens-là et dans ce sens de la responsabilisation. Mais vous dites: On doit rester entre nous pour réfléchir à ça, et en même temps vous dites: Il y a une main qui est tendue.

n(14 h 30)n

Moi, je veux bien que la main soit tendue; moi, j'aimerais ça que la main soit tendue, mais il y a des féministes qui nous disent aussi: Attention, là, ne prenez pas trop cette main-là, parce que, si vous prenez trop cette main-là, vous, le gouvernement, vous allez vous occuper du problème des hommes puis vous allez oublier qu'il y a une discrimination systémique faite à l'égard des femmes. Ça fait que je ne sais pas si vous voyez la même main tendue que moi, là, mais là, pour l'instant, je ne la vois pas beaucoup, la main tendue.

Et je voudrais vous entendre là-dessus parce que vous vous présentez devant nous, il y a une raison pour laquelle vous vous présentez devant nous. Parce que vous dites: On veut faire partie d'une politique gouvernementale qui va traiter de cette égalité entre les femmes et les hommes. Alors, ma question, c'est: Est-ce qu'on est vraiment au bon endroit? Comment allons-nous y arriver? Et comment on va réussir ? ou vous, nous, je ne veux pas qualifier de «vous» ou «nous», là ? mais à réussir à faire en sorte qu'on va se comprendre pour être capables de travailler dans le sens de l'égalité sans être menaçants l'un pour l'autre?

Parce que vous dites quelque chose de bien important. Moi, ce que j'entends, c'est que, si les hommes se responsabilisent et prennent conscience qu'il y a encore du travail à faire pour que les femmes atteignent l'égalité de fait, et qu'on se met ensemble, ce que vous dites, si la main est réellement tendue et qu'on la prend, ce que vous dites, c'est que de cette façon-là on va aussi réduire les inégalités pour les femmes, mais en même temps on va s'occuper de la condition des hommes. Parce que, monsieur, ce que j'ai compris aussi, c'est que vous avez une crainte que les phénomènes sociaux dont on parle, si on ne s'en occupe pas, vont augmenter. Mais est-ce que c'est vraiment à l'intérieur d'une politique de l'égalité? Est-ce que c'est vraiment dans le discours de l'égalité ? oubliez la politique ? dans le discours même de l'égalité qu'on va y arriver, s'il y a des mouvements de femmes ou des groupes de femmes ? peu importe, je ne veux pas les qualifier ? qui disent: Attention, il y a là un piège?

Alors, je veux savoir comment vous réagissez. Est-ce que vous avez une idée de la solution, comment on peut résoudre cette peur, là, qu'on sent, ou cette crainte très, très forte?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Camus.

M. Camus (François): Moi, ce que j'aimerais dire à ce niveau-là, c'est qu'il y a toujours un risque à prendre, et les femmes, par exemple, demandent aux chefs d'entreprise de faire confiance aux femmes et de leur donner des postes de cadre: Messieurs, vous avez des réticences, vous n'êtes pas trop confiants que peut-être on a les habiletés pour gérer, mais, nous, on pense qu'on est capables, donnez-nous des promotions puis on va vous prouver qu'on est capables de bien gérer. Vous demandez aux hommes de prendre un risque. Je donne ça à titre d'exemple. Mais là, quand ça vient au tour des femmes de prendre des risques, woups, là, ça ne marche plus, on ne veut pas en prendre. Je pense qu'il faut que les femmes acceptent de prendre certains risques. Et... J'ai perdu le fil de ma pensée.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Gareau. M. Gareau, s'il vous plaît.

M. Gareau (Pierre): Écoutez, ce que je pourrais dire pour répondre à votre question, moi, je vois ça un peu comme... il faut marcher sur nos deux jambes. Il y a une démarche individuelle qui doit être faite par les hommes, elle doit être faite en...

Si je pars de mon expérience, ce pour quoi je suis arrivé au réseau, c'est qu'à un moment donné dans mon histoire de vie de couple, de père de famille, j'ai perdu un enfant, à l'âge de 10 ans, de la leucémie, après cinq ans de lutte. Et, dans mon entourage, il y avait peu de gars, il y avait des femmes. Et, ma peine, je ne pouvais pas l'exprimer de la même façon que les femmes l'exprimaient et je n'étais pas confortable avec ça. Je me sentais coupable parce que je n'arrivais pas à le faire de la même façon. Je n'avais pas de point de référence et j'avais de la colère, j'avais de l'agressivité, j'essayais de me démêler dans tout ça. Et, quand j'ai cheminé dans le réseau, j'ai pu finalement apprendre, avec mes pairs, comment mes sentiments étaient légitimes puis qu'il y avait une façon de les canaliser. Et la façon que je le faisais n'était pas si nécessairement mauvaise, même si je ne pleurais pas aussi facilement. Ça, c'est une chose, et j'avais besoin de le faire avec des pairs, avec des hommes pour vraiment savoir si je suis correct ou pas correct. Donc, de retrouver l'estime de moi sur ce que je suis.

L'autre chose, c'est vrai que c'est une question de confiance. Il faut se faire confiance. Effectivement, ce n'est pas simple. Et, que le mouvement des femmes réagisse comme ça, parfait. Moi, je veux dire, je ne m'élèverai pas contre ça, je veux dire, on va avancer de cette façon-là. On est peut-être rendus, aujourd'hui, à ce niveau-là. Il faut voir qu'au niveau des hommes ça fait peu de temps qu'on est organisés, ça fait peu de temps qu'on se retrouve dans des organisations. Puis, à l'intérieur du mouvement des hommes, il y a des discours qui diffèrent, on n'est pas tous au même niveau, on n'est pas tous, aussi, au niveau des mêmes idées. Mais je pense qu'il faut se faire confiance, il faut regarder ce qu'on met de l'avant. On a une mission, on a des objectifs. Qu'est-ce c'est qu'on fait sur le terrain, et avec les hommes, et comment les choses avancent, et quel exemple qu'on amène, sur quoi on travaille, je pense que c'est dans la pratique qu'on va le faire.

Mais, si on veut qu'on soit partie prenante, il faut quand même minimalement reconnaître qu'on a une particularité, qu'on a des besoins. Moi, si je veux avancer puis soutenir les femmes, je suis obligé de travailler sur moi, parce que le système, les valeurs dominantes, les stéréotypes sont encore là à tous les jours. Quand je m'en vais dans mon milieu de travail et autour de moi, je suis confronté avec un homme qui n'a peut-être pas le même point de vue. Comment, moi, je vais lui dire: Écoute, il faut que tu changes? Si je ne suis pas soutenu quelque part par un mouvement quelconque, je vais avoir de la misère. Je suis encore minoritaire. C'est une question de confiance.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je vous remercie. Je dois conclure ce premier bloc d'échange et de discussions et donner la parole à Mme la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, M. Camus, M. Gareau, merci beaucoup de votre présentation, de votre mémoire. Je vais peut-être apporter un peu de nuances par rapport à certains propos de la ministre, dans le sens qu'aucun groupe de femmes, aucun groupe féministe n'est venu dire ici que les hommes n'avaient pas de besoins particuliers et...

Une voix: ...

Mme Caron: Est-ce que je peux terminer?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): ...

Mme Caron: Merci. Aucun groupe de femmes n'est venu dire qu'il ne fallait pas s'occuper des besoins des hommes, aucun groupe de femmes n'est venu dire que les hommes ne devaient pas être soutenus dans ces besoins-là. La nuance, elle est toujours au niveau de dire: Ces besoins-là doivent être reconnus, mais ce ne sont pas des discriminations systémiques. Et, vous-mêmes, dans votre présentation, vous l'avez dit, M. Gareau. Vous avez fait une nuance entre une discrimination systémique puis entre des besoins. Et les hommes ont des besoins et les femmes ont des besoins, puis il y a une nuance entre les besoins des femmes puis discrimination.

Et toutes les femmes et des groupes d'hommes proféministes aussi sont venus dire qu'il fallait que les femmes prennent en charge leurs démarches pour contrer la discrimination systémique, mais personne n'est venu dire qu'ils ne travaillaient pas ensemble. Tous les groupes de femmes sont venus dire qu'au niveau du terrain, dans les régions, ils ont participé à des structures mixtes, toujours. Le mouvement syndical est un bel exemple, ils ont tous un comité en condition féminine. Et j'ose même dire que vous en êtes un, exemple. Moi, ce que vous avez fait comme présentation, là... Vous avez bien présenté les choses, puis vos exemples concrets, M. Gareau, sont extrêmement intéressants. Vous avez montré que le cheminement du mouvement des femmes a amené aussi des changements, et c'est fait avec les hommes. D'ailleurs, toutes nos lois, nos législations, c'était une majorité d'hommes qui étaient là, ce n'était pas une majorité de femmes. Et, dans les régions, au niveau du syndicat, au niveau des différents groupes, il y a toujours eu des liens.

Donc, cette opposition entre les groupes... pour moi, il n'y a pas d'opposition. La seule réelle opposition, c'est lorsque ? et vous n'en êtes pas ? c'est lorsqu'il y a des groupes qui ont un discours masculiniste, haineux, antiféministe, ce que vous n'avez pas fait du tout, là, on s'entend. Votre discours présente très bien la réalité vécue par les hommes avec qui vous travaillez dans le réseau, et c'est... Là où il y a une opposition, le mouvement des femmes ne peut accepter les groupes qui ont des propos haineux, antiféministes et qui ne reconnaissent pas les discriminations systémiques. Mais aucun groupe n'est venu dire qu'il ne reconnaissait pas l'existence de groupes d'hommes qui travaillent au niveau des besoins et que de lutter sur les stéréotypes, ça ne nous faisait pas avancer. Au contraire, tout le monde est venu dire que c'était important de faire la lutte aux stéréotypes. Ils sont tous venus le dire.

n(14 h 40)n

Alors, dans ce sens-là, je ne sens pas d'opposition entre ce que vous avez dit, ce que vous avez présenté et ce que les groupes de femmes sont venus présenter. Plusieurs sont même allés à parler... de dire: Nous avons nos groupes, et il pourrait y avoir une table de concertation mixte qui ne serait pas le Conseil du statut de la femme. Alors, cette ouverture-là, je l'ai sentie, elle était là, et je ne voudrais pas qu'on croie qu'elle n'était pas là.

Quand vous parlez de l'aspect de la responsabilisation, vous avez parfaitement raison, vous l'avez vraiment bien défini, là on se rejoint, vous l'avez bien défini, c'est toute cette question-là, puis savoir quels nouveaux modèles on veut prendre. C'est exactement ça, et, moi, je n'en sens pas, d'opposition, on s'entend?, par rapport à ce que vous avez tenu comme propos.

Là où, bon, j'aurais peut-être des variables, c'est peut-être lorsqu'on parle de la représentation des femmes dans des lieux de pouvoir ou au niveau des cadres. Je ne l'aurais peut-être présenté dans le même sens. Les femmes l'auraient présenté autrement, là, dans le sens qu'elles ont les compétences, elles y vont, et souvent, eh oui, il y a des discriminations qui sont là, qui sont encore là, et même au niveau salarial, même encore à travail égal, salaire égal.

Vous avez senti... Puis là j'arrive aux questions. Vous avez créé votre réseau en 1992, avec Guy Corneau, et vous avez aussi donné naissance à un réseau Femmes Québec à partir d'un réseau qui a été créé avec les conjointes. Donc, vous avez senti le besoin effectivement de vous rejoindre entre vous, comme hommes, pour présenter vos besoins, travailler sur vos problématiques, et, vous l'avez bien dit, vous ne vous sentiez pas très à l'aise de le faire avec le groupe de femmes autour de vous. Et un réseau femmes est né aussi, ce qui vous permet, avec vos deux groupes distincts, je suppose, d'être capables... vous faites sûrement des passerelles, à un moment donné, qui vous permettent de pouvoir travailler sur les deux réalités?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, qui veut intervenir parmi vous? M. Camus, s'il vous plaît.

M. Camus (François): Alors, au niveau des deux réseaux, effectivement il y a des besoins de se retrouver entre hommes, des besoins de se retrouver entre femmes et il y a des activités conjointes qui sont organisées à l'occasion. Et souvent des hommes et des femmes, après avoir cheminé pendant un an, un an et demi dans un groupe unisexe, veulent participer dans un groupe mixte, et il y a un certain nombre de groupes mixtes qui ont été créés, donc on finit par se rejoindre.

J'aimerais profiter de vos remarques. Pourquoi y aurait-il seulement les problèmes systémiques qui seraient importants? O.K.? Je ne m'attends pas à avoir de réponse, mais je pense qu'il faut soulever la question.

Au niveau des craintes des masculinistes, moi, j'aimerais bien que ce phénomène-là soit quantifié. Dans l'avis du Conseil du statut de la femme, quand on parle des discriminations envers les femmes, des iniquités salariales, des représentations en politique, dans les postes de cadre et autres, il y a des statistiques, là, long comme le bras, et soudainement, quand on invoque la menace masculiniste, oups, il n'y a plus aucune statistique. Combien y a-t-il d'organismes de ça? Combien de membres ont-ils? Et ce n'est pas nécessairement parce qu'ils font beaucoup de bruit qu'ils sont nécessairement très nombreux et qu'ils représentent une menace. Et, si eux représentent une menace, moi, personnellement je dis: Qu'est-ce que vous avez à dire contre les féministes qui disent que les hommes ne devraient pas exister puis devraient être castrés dès la naissance? O.K.? Ce n'est pas plus acceptable, tant qu'à ça, puis vous considérez probablement que ce n'est pas une menace. Et, nous, comme hommes, on ne considère pas que ce que vous appelez les masculinistes représentent une menace significative ou sérieuse pour le mouvement des femmes.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Gareau a demandé la parole.

M. Gareau (Pierre): Dans la perspective où on travaille sur un changement social, dans la perspective où on travaille sur un projet de société, dans la perspective où on a à finalement aller un peu à contre-courant avec le modèle traditionnel dominant actuellement, en tout cas en ce qui concerne les hommes, il n'en demeure pas moins que tous les clichés, les stéréotypes sont encore très présents dans notre société. Et, les hommes qui actuellement cheminent, que ce soit au réseau ou dans d'autres organismes, je pense qu'on est encore minoritaires. Il faut s'appuyer sur cette démarche-là, au même titre que les femmes, au début, étaient peu nombreuses à cheminer, à avancer, à faire connaître leurs points de vue, à faire avancer la cause. C'est la même chose, c'est dans ce sens-là, la confiance est importante. Donc, il faut s'appuyer, ces organisations-là qui vont de l'avant, et ce qui nous permet de nous soutenir va justement permettre...

Et, une campagne de sensibilisation, il faut qu'elle soit soutenue. Et ça, ça veut dire des organisations dans les milieux du côté des femmes, autant du côté des hommes. On a besoin de le faire pour être capables de parler à nos frères, être capables de parler à nos compagnons. Et ça, il faut qu'on soit soutenus dans ce sens-là, et c'est pour ça que c'est important, O.K.? Puis je pense que c'est... Quand vous dites, et je suis bien heureux de l'entendre, qu'en général les organismes pour femmes sont intervenus, sont d'accord, parfait. Donc, soutenons ceux qui vont de l'avant, ceux qui respectent... qui ne propagent pas finalement des idées haineuses, mais les autres qui sont dans le respect, puis c'est comme ça qu'on avance. On va avancer.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Effectivement, pour moi, il y a une différence marquée entre un propos, que vous avez donné, des propos individuels qu'une femme peut dire et un organisme, parce qu'aucun groupe féministe n'a un site qui tient des propos tels que vous les avez mentionnés. Donc, je fais vraiment une différence entre des propos d'individus ? et ça, il peut y en avoir de part et d'autre ? et des groupes organisés qui ont des sites, et qui tiennent des propos haineux sur leurs sites, et qui inondent tout le monde. Et, oui, c'est une minorité. C'est une minorité, une infime minorité, mais qui est effectivement dangereuse, dans le sens que non seulement elle est au Québec, elle est un peu partout dans le monde, mais il y a des réseaux, et, quand on est dans un contexte de montée de la droite, c'est plus dangereux.

Mais les groupes de femmes sont tous venus dire... ils ne sont pas venus dire que les besoins ne devaient pas être financés, des hommes. Ils sont tous venus dire que les ressources financières, comme vous l'avez dit vous-même tantôt, ne devaient pas être prises dans la même enveloppe. C'était clair, c'est ce qu'elles ont dit; elles n'ont pas été dans un autre sens que celui-là. Et il faut effectivement que l'État fasse une différence, au niveau du financement, pour soutenir des groupes d'hommes qui font un travail réel sur des besoins des hommes, et qui n'ont pas de propos antiféministes, et qui ne sont pas dans une démarche de non-reconnaissance des discriminations systémiques.

Parce que, par rapport aux discriminations systémiques, ce qu'on est venu nous rappeler aussi, c'est qu'il y a des chartes, il y a une constitution, il y a des traités internationaux qui en font état, puis que l'État a le devoir de s'assurer de prendre des mesures spécifiques, comme l'État a aussi le devoir, dans chacun des ministères du gouvernement, de s'assurer de répondre aux besoins de l'ensemble des citoyennes puis des citoyens. Ça n'enlève pas ça, là, c'est extrêmement important que l'État, dans... Et pourquoi on a tellement défendu l'analyse différenciée selon les sexes? C'est qu'elle nous permet effectivement d'apporter des solutions précises à chacune des problématiques, des besoins qu'on peut rencontrer puis aussi au niveau des discriminations systémiques. L'analyse différenciée est extrêmement intéressante pour ça.

Il me reste?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Il reste six minutes.

Mme Caron: Six minutes? Parfait.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mais que vous pouvez utiliser ou non, hein?

Mme Caron: Oui, oui. O.K. Si vous aviez certains éléments que vous n'avez pas eu le temps, disons, de présenter dans votre présentation ou au niveau des questions qu'on vous a posées, s'il y a certains éléments que vous souhaiteriez ajouter, quels seraient-ils?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): M. Gareau.

n(14 h 50)n

M. Gareau (Pierre): Bien, moi, c'est toute la question de la campagne de sensibilisation. Quand on vient à la question du rôle de l'État, je pense que c'est essentiel, au même titre que la question des accidents de la route. On a vu comment l'État a réagi promptement et de façon sérieuse pour faire en sorte d'enrayer tous les accidents de la route puis la question de l'alcool au volant. Bon, je pense qu'ils doivent jouer la même chose, ils doivent avoir la même volonté en ce qui concerne le suicide. C'est bien sûr, ce n'est pas d'aujourd'hui qu'il y a des organisations qui interviennent auprès du suicide. En particulier, on sait que le taux de suicide chez les hommes est très élevé, qu'il devrait y avoir des interventions faites dans ce sens-là.

Et je pense que c'est important qu'on pense à des campagnes de sensibilisation sur la question de la réalité masculine. Et, pour nous, c'est important, parce que ce travail de sensibilisation là, large, musclé, fait en sorte que, sur le terrain, il y a des avancées possibles qui peuvent être faites. Et, si on veut vraiment lutter contre les stéréotypes sexistes, il faut vraiment qu'on sente qu'il y a une volonté de l'État pour faire en sorte qu'il y ait effectivement des changements, de telle sorte qu'on soit capables d'intervenir dans nos milieux.

Vous parliez tantôt... C'est vrai que c'est marginal, les points de vue haineux qu'on peut entendre. Et, en ce qui concerne nos organisations, on n'est pas très présents sur la place publique. Je pense qu'en ce qui nous concerne, le réseau, c'est notre première, ici, à la commission parlementaire. On travaille dans l'ombre. Il y a beaucoup d'organismes comme ça qui travaillent dans l'ombre. Alors, on voudrait bien aussi davantage s'afficher publiquement pour être capables... parce qu'on est sûrs, on est convaincus qu'il y a beaucoup d'hommes qui s'apprêtent à faire la démarche mais qui n'osent pas le faire, qui ont des craintes d'être stigmatisés, parce que ça ne se fait pas, des gars qui se retrouvent entre eux, c'est toute la notion de l'homophobie. Donc, pour nous, on trouve ça important d'agir de cette façon-là.

Alors, je trouve que c'est important qu'on soit soutenus dans cette démarche-là. Donc, reconnaître nos besoins, ça fait partie de nos besoins, d'aider pour qu'on puisse avancer. Et ça ne fait pas juste avancer, le fait que les gars vont se sentir mieux, mais c'est que, dans leurs relations interpersonnelles et aussi avec nos compagnes, nos soeurs, nos filles, nos mères, bien, je veux dire, on va pouvoir travailler en harmonie puis être aussi un soutien dans la lutte des femmes pour l'égalité, et ça, je pense que, si on ne reconnaît pas ce besoin-là... Puis c'est ça qu'on sent. On ne sent pas cette reconnaissance-là. On se sent toujours comme: Ah, besoins... et, un peu comme il a été souligné tantôt, que c'est un phénomène social, que finalement, bon, il y a moyen de l'organiser. J'ai juste à aller voir un thérapeute puis... alors que ce n'est pas juste cette question-là. Le thérapeute, il peut peut-être apporter un certain soutien, mais le processus, c'est un processus d'éducation, un processus de socialisation dès la naissance. Et les valeurs ne sont pas seulement qu'amenées par les hommes, mais elles sont aussi amenées par les femmes elles-mêmes qui sont aux prises avec ça, avec ce modèle traditionnel là qui est toujours présent dans notre société.

Alors, je pense qu'un des éléments importants, c'est de reconnaître ce besoin-là et je pense que la confiance, la main tendue, elle va davantage se rapprocher pour se serrer.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors... Oui? Vous avez un commentaire, un court commentaire pour compléter? Très court, s'il vous plaît.

M. Camus (François): Oui. Nous, quand une femme vient voir un de nos bénévoles pour le féliciter: C'est beau, votre patente, parce que, depuis que mon mari est là-dedans, il est plus patient avec moi puis il ne crie plus après les enfants, il me semble que ça répond, par exemple, à un besoin, ça, au niveau de la violence. Et donc, soutenir des organismes comme le nôtre, ça bénéficie au niveau de préoccupations qui sont chères au mouvement féministe. C'est ce que...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, la Commission des affaires sociales vous remercie beaucoup pour votre contribution, M. Camus, M. Gareau.

Je suspends la commission pour quelques instants seulement et j'invite les personnes qui représentent le prochain groupe à prendre place à la table, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 14 h 54)

 

(Reprise à 14 h 56)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): La commission reprend ses travaux. Nous accueillons les porte-parole du Parti québécois, et je demande à Mme Marie Malavoy, première présidente du parti, de nous présenter les personnes qui l'accompagnent. Je vous souligne que vous avez 20 minutes pour présenter les conclusions principales... enfin les parties principales de votre mémoire, suite à quoi deux blocs d'échange et de questions de 20 minutes chacune. Alors, bienvenue.

Parti québécois (PQ)

Mme Malavoy (Marie): Merci, M. le Président, et bonjour, Mme la ministre, MM., Mmes les députés. J'ai grand plaisir à être ici avec vous cet après-midi, accompagnée de Linda Goupil, qui est membre de l'exécutif national du Parti québécois, et de Céline Gagnon, qui est membre du comité national d'action politique des femmes de ce même parti.

C'est avec vraiment beaucoup d'intérêt qu'on a lu l'avis du Conseil du statut de la femme et qu'on a préparé donc un certain nombre de commentaires que nous avons envie de partager avec vous cet après-midi, parce que, cette question d'égalité entre les femmes et les hommes, elle est au coeur de nos préoccupations, au Parti québécois, je crois, depuis que ce parti existe. Et donc soyez sûrs que, dans les points de vue parfois critiques que nous allons partager avec vous, il y a d'abord la volonté de faire progresser le plus possible, par les moyens les plus adéquats possible, la cohabitation, sur cette terre d'hommes et de femmes, que nous souhaitons la plus harmonieuse possible.

Je vais tout de suite prendre la peine de regarder les trois approches qui nous sont proposées, parce que ces approches-là, selon nous, sont celles qui donnent le ton. C'est quoi, une approche? Une approche, c'est une lecture que l'on fait de la réalité, c'est une vision que l'on a à la fois des progrès, des embûches. Une approche, c'est aussi une façon de voir qu'est-ce qui est révélateur de la situation à laquelle nous en sommes et surtout du chemin qu'il reste à parcourir. Donc, les termes que l'on emploie pour parler d'approche, ils ne sont pas anodins, les mots veulent vraiment dire quelque chose.

Dans l'avis, on parle d'un premier levier et d'une approche spécifique. Première réflexion que nous nous sommes faite, très spontanément, c'est que, cette approche spécifique qu'on reconnaît comme ayant eu une place importante en matière de condition féminine, elle est vraiment traitée en quelques paragraphes, elle prend très peu de place dans le mémoire. Et on dit, et là-dessus vous me permettrez de relever le mot, on dit qu'«il s'agit de poursuivre, de façon articulée, un [certain nombre] d'actions concrètes» ? je suis à la page 35 ? mais on dit aussi «dans le but explicite de prévenir ou de corriger les inégalités dont celles-ci ? en parlant des femmes ? sont encore victimes». Et nous nous sommes heurtées à cette idée du «encore victimes». C'est un peu comme si, dans cette approche-là, on disait: Il faut la conserver parce qu'il y a quelques résidus d'inégalité auxquels il faut s'attaquer.

n(15 heures)n

Or, il nous semble que, quand on parle de difficultés en matière de condition féminine, quand on parle d'inégalité entre les hommes et les femmes, on parle d'un monde, et pas seulement du Québec, un monde dans lequel nous sommes, où se sont tissés, sans qu'on s'en rende compte, sans forcément que ce soit fait à coups de mauvaise volonté, se sont tissés des rapports dans lesquels il y a des inégalités. L'image que nous prenons ici, c'est celle d'un moule. C'est comme si le moule était un moule dans lequel les rapports des hommes, dans le monde, sont des rapports dominants par rapport aux femmes, et les progrès que nous avons faits, même s'ils sont tout à fait notables, à notre avis n'ont pas transformé le moule à ce point que nous puissions cesser de parler d'une approche spécifique.

D'autre part, nous pensons que, même si nous sommes fiers, en tant que Québécoises et Québécois, parce que nous incluons les hommes dans cette vision, nous sommes fiers des progrès qui ont été accomplis au Québec, et on en mentionnera quelques-uns, il reste que, quand on parle d'égalité entre les hommes et les femmes et dès qu'on lève un peu notre regard pour regarder ce qui se passe dans le monde, on voit bien à quel point la situation est encore très problématique. Et c'est pour ça que nous questionnons l'idée d'amoindrir la portée d'une approche spécifique. Parce que nous nous disons: d'abord, si on regarde les choses dans le temps, ça n'est pas sûr que nous soyons tellement passés à une autre période de notre histoire, que les problèmes soient derrière nous; nous savons que les reculs sont possibles. Ils sont possibles à tout moment parce que les choses ne sont pas établies une fois pour toutes en matière d'égalité. Et, quand nous regardons les choses un peu dans l'espace géographique du monde, nous savons fort bien qu'il y a des lieux du monde où les inégalités face aux femmes sont absolument désastreuses et criantes, et le poids relatif du Québec est bien petit pour croire qu'il a fait des avancées telles que ça se reflète à la grandeur de la planète. Donc, à ce moment-ci, changer de langage, changer de mots, ce n'est pas juste utiliser un terme pour l'autre. Changer de mots à ce moment-ci, pour nous, c'est changer de regard, et nous pensons qu'il est prématuré de changer ce regard.

Deuxième levier, qui est l'approche transversale. Alors, on s'entend pour dire qu'avec cette approche on va essayer d'éviter des biais sexistes dans l'ensemble des politiques et des programmes du gouvernement. Là-dessus, nous sommes évidemment tout à fait à l'aise avec l'idée. Nous étions et nous sommes toujours d'accord avec l'idée que le gouvernement du Québec doit poursuivre l'expérimentation de l'analyse différenciée selon les sexes et nous rappelons dans notre mémoire, avec fierté, qu'en 1997, dans la foulée de la Conférence sur la condition des femmes, à Beijing, le gouvernement du Québec décidait de faire l'expérimentation de cette analyse, qui jusque-là avait été très présente mais plutôt dans le langage plus que dans les actions des gouvernements.

Alors, si vous permettez une première recommandation de notre mémoire: Il nous semble essentiel, voire urgent, que le gouvernement du Québec rende public le rapport sur l'expérience de l'application de l'analyse différenciée selon les sexes. Nous avons hâte de voir ce qu'il y a là-dedans. Il y a sept ministères qui ont collaboré, nous voulons savoir ce que ça a donné, et il nous semble que c'est une première condition pour être capables, ensuite, de se demander dans quelle direction nous allons.

Nous vous le disons très simplement, nous préférons le concept d'analyse différenciée selon les sexes plutôt que d'approche intégrée de l'égalité. Pourquoi? Bien d'abord parce que c'est l'approche qui était privilégiée à Beijing. Or, il se trouve que j'étais présente au moment où ça a été discuté, j'ai eu le privilège de faire partie de la délégation du Québec à ce moment-là, et je peux vous dire que ça a été gagné de haute lutte que l'on mette, dans la déclaration finale de Beijing, ces mots-là, qu'on les mette pour que, dans l'ensemble des pays du monde, on sache qu'on avait retenu comme étant une préoccupation de toutes les femmes dans le monde entier l'analyse différenciée selon les sexes. On voit apparaître, sous l'inspiration du Conseil de l'Europe, l'analyse de l'égalité. On ne sait pas exactement pourquoi; d'ailleurs, dans l'avis, on ne nous explique pas très, très clairement pourquoi on choisit ça. Je suppose qu'il y a un lien avec le titre de l'avis. Mais nous craignons que l'on emploie un concept qui soit moins opérationnel, moins engageant pour un gouvernement. Parce que, quand un gouvernement dit: On va faire une analyse différenciée selon les sexes, il se donne un outil, il se donne un moyen d'action, et il nous semble qu'il y a un certain glissement de sens, là encore, dans le changement de vocabulaire. Alors, nous recommandons que l'on conserve donc l'approche de l'analyse différenciée selon les sexes afin de préserver l'élan donné aux actions gouvernementales dans la foulée de la Conférence de Beijing pour lutter contre la discrimination envers les femmes.

La troisième approche, celle qui prend le plus de place dans le mémoire, celle qui est à la base, je dirais, des réorientations, je pense, que l'avis du conseil veut partager avec nous. Manifestement, ça occupe beaucoup d'espace, l'approche sociétale, en termes de pages, en termes de contenu. Ça donne le ton à l'ensemble de cet avis. Et il y a un biais, honnêtement, qu'on a eu un peu de mal à comprendre. On n'est probablement pas les seules à avoir dit ça, mais, autant, dans l'approche spécifique, on disait: Il faut combattre les inégalités dont les femmes sont encore victimes, là encore il y a un petit mot ? des fois, c'est les petits mots qui veulent dire quelque chose ? il y a un petit mot qui dit: «L'État doit désormais soutenir et encourager la responsabilisation et la participation des hommes à la construction de l'égalité.» Pourquoi «désormais»? Les avancées extraordinaires qui ont été faites au Québec en matière de condition féminine et dont plusieurs d'entre nous avons été des partenaires, je pense, vraiment très, très convaincues, se sont faites avec les hommes. Si vous me permettez de donner un exemple. J'étais députée quand j'ai travaillé au dossier de la Loi sur l'équité salariale. Cette loi, elle a demandé deux ans de travail, mais ça a été fait avec les hommes, avec la complicité des hommes, avec la volonté des hommes, et, pour qu'un Parlement vote ça à l'unanimité, à l'évidence il fallait que les hommes soient dans le coup. Alors, je vais vous dire, ça me heurte un peu de voir ce «désormais», comme si, avant, nous n'avions pas pensé travailler avec les hommes.

Je dirais aussi, pour terminer ma réflexion sur l'approche sociétale, qu'elle est pleine de bonne volonté. On parle de projets rassembleurs, on fait confiance aux entreprises, aux institutions, on mise sur la bonne volonté des acteurs. Mais, si on regarde nos avancées en matière de condition féminine, qu'on parle d'équité salariale, je viens de l'évoquer, qu'on parle d'accès à l'égalité en emploi, qu'on parle de lutte contre le harcèlement psychologique, etc., cela a été fait avec aussi un leadership fort du gouvernement. La bonne volonté, elle est nécessaire, l'appel à la participation de tout le monde, il est nécessaire, l'alliance avec la société civile, elle est essentielle, mais il ne faut surtout pas que cela se substitue à une volonté ferme, claire et courageuse d'un État qui pense que le bien commun doit aussi prendre la forme de politiques, de lois, de mesures et de règlements.

Je termine ici ma présentation des trois approches, et Mme Goupil va vous faire part de nos commentaires concernant les propositions d'orientations gouvernementales.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien, merci. Mme Goupil, s'il vous plaît.

Mme Goupil (Linda): Merci. Alors, bonjour, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés ainsi que tout le personnel de l'Assemblée. Vous me permettrez cette salutation chaleureuse, parce que ce sont des moments importants que nous passons en commission parlementaire pour bien sûr proposer aux gens et aux hommes et aux femmes qui nous écoutent des propositions, des solutions qui fassent sens pour tout le monde. Alors, je suis très heureuse de me retrouver ici.

Nous avons bien sûr travaillé en équipe pour partager bien sûr notre lecture des choses, notre vision, mais également pour partager aussi les choses avec lesquelles nous sommes d'accord, avec ce que nous avons retrouvé au niveau des propositions par le Conseil du statut de la femme.

D'abord, la deuxième partie de l'avis bien sûr suggère sept orientations, qui sont assorties avec des axes d'intervention. Alors, nous nous reconnaissons dans ces axes d'orientation parce qu'on y retrouve bien sûr le fruit de la consultation qui a été faite ? et ma collègue, Mme Caron, qui a participé également ? lorsque les femmes sont venues indiquer, et des organisations... l'examen de l'évolution récente de toute la situation socioéconomique comparée des femmes et des hommes, dans le document L'avenir des Québécoises. Il est évident que l'objectif de cette démarche-là était, après 10 ans d'une politique qui avait donné des résultats, que nous puissions ensemble réfléchir à qu'est-ce qui allait faire sens pour la suite des choses, pour continuer bien sûr à toujours atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes, que nous souhaitons tous retrouver. Alors, je ne relirai pas les orientations mais plutôt attirer l'attention sur les éléments avec lesquels nous souhaiterions et nous recommandons que le gouvernement puisse poursuivre.

D'abord, l'analyse différenciée selon les sexes. Je voudrais juste me permettre de lire ce qu'est l'analyse différenciée selon les sexes, parce qu'évidemment ce n'est pas clair encore pour tout le monde. Mais je prends la citation suivante: «L'analyse différenciée selon les sexes est définie comme une approche qui vise à discerner de façon préventive, au cours de la conception et de l'élaboration d'une politique ou de toute autre mesure, les effets distincts que peut avoir son adoption par le gouvernement sur les femmes et les hommes ainsi touchés, compte tenu des conditions socioéconomiques différentes qui les caractérisent.» Alors, Hélène Massé, en collaboration avec Michèle Laberge et Ginette Massé, L'analyse différenciée selon les sexes au gouvernement du Québec: vers une mobilisation interne et des alliances stratégiques pour l'égalité. C'est un document bien sûr qui a été produit et qui est rendu public.

n(15 h 10)n

Je me permets cette référence-là parce que, lorsque bien sûr Marie a mentionné, tout à l'heure, le travail qui a été fait pour que nous puissions reconnaître cette nouvelle forme d'analyse, bien sûr nous avons été invitées aussi à faire partie, dans le cadre de la francophonie... d'expliquer quels étaient les projets pilotes que le Québec avait priorisés. Alors, avant de décider de prendre une autre orientation, il me semble qu'il serait extrêmement intéressant de pouvoir justement comprendre et regarder le chemin qui a été parcouru, quels ont été les résultats. Et, si les résultats sont concluants, bien pourquoi nous ne continuerions pas dans cette même direction qui faisait consensus, qui est reconnue au niveau international et au niveau national? Et le Québec se distinguait de façon fort intéressante à ce moment-là. Alors, il est évident que ce que nous souhaitons vraiment, c'est que nous puissions mesurer les impacts réels sur la transformation des rôles sociaux et mener ainsi une véritable lutte contre les stéréotypes féminins et masculins, et c'est pour cette raison que nous soutenons l'analyse différenciée.

Dans la deuxième orientation, où on parle bien sûr d'essayer de corriger toujours les inégalités qui persistent dans le contexte d'une économie ouverte et mondialisée, ce que nous avons exprimé, c'est... Il y a eu un consensus social au Québec, où tous les parlementaires unanimement ont soutenu qu'il fallait se doter d'une loi pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. De façon spécifique, le mouvement féministe ainsi que l'ensemble de la société civile sont venus nous indiquer clairement qu'il était important de connaître les méthodes les plus appropriées pour que nous soyons capables de mesurer ensemble le chemin que nous avons parcouru et être capables aussi... Malgré toutes les interventions que nous avons faites dans le passé, nous avons convenu unanimement de nous doter d'outils nous permettant de mieux mesurer l'impact chez les femmes et les hommes. C'est pour cette raison que le Parti québécois exige que le gouvernement du Québec mette en oeuvre les mesures prévues à la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale et mette sur pied également l'observatoire de la pauvreté et de l'exclusion sociale, qui justement nous permettra d'avoir des mesures beaucoup plus fines, beaucoup plus, je dirais, scientifiques, nous permettant bien sûr de maximiser nos interventions humaines et également nos interventions financières.

Autre élément aussi que nous souhaitons... que je ne relirai pas textuellement, mais où nous souhaitons bien sûr qu'il puisse y avoir une évaluation encore plus fine, c'est tout ce qui est apporté comme soutien pour la conciliation à la vie familiale, le travail et les études, pour qu'on puisse, encore une fois, tenir compte de façon spécifique des effets indésirables sur la situation économique des femmes. Encore une fois, nous souhaitons obtenir les résultats de cette analyse différenciée pour mesurer vraiment le chemin parcouru et quels sont les gestes que nous pourrions poser pour favoriser et soutenir davantage la famille.

Dans la troisième orientation, nous revenons encore une fois sur le fait que reconnaître la parentalité et le soutien des personnes dépendantes, mettre en place les meilleures conditions possible... Nous avons été à même de constater que l'ensemble de la collectivité reconnaît d'emblée qu'il est extrêmement important de mieux soutenir les parents qui ont le désir d'enfants, celles et ceux qui ont des responsabilités à l'égard de parents, de parents plus âgés ou encore de membres de la famille dont ils sont responsables. Et, dans ce contexte-là, le Parti québécois a toujours eu une grande préoccupation pour permettre justement de mieux soutenir la famille. Dans ce contexte, nous recommandons fortement que la meilleure façon est de permettre de la souplesse. L'aménagement au niveau du temps de travail est une solution que le gouvernement devrait prioritairement mettre de l'avant pour aider bien sûr les familles avec enfants, en soutenant bien sûr aussi les personnes dépendantes.

Encore une fois, nous sommes conscients et conscientes que les impacts de la maternité, chez les femmes et chez les hommes, n'ont pas les mêmes conséquences, et il est important qu'on soit capables de s'assurer que les mesures que nous allons mettre de l'avant ne viendront pas grandir le fossé entre les deux ou appauvrir de façon plus marquante les femmes, mais s'assurer bien sûr qu'on soutient de façon constructive les femmes et les hommes qui ont le désir de fonder une famille. Alors, on recommande que le gouvernement du Québec revoie les lois du travail et instaure des mesures d'aménagement du temps de travail pour supporter les familles dans leurs obligations. Le temps est quelque chose de précieux, et il est évident que nous soutenons que des efforts devraient être maintenus dans ce sens.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous m'ouvrez la porte pour dire qu'il reste deux minutes.

Mme Goupil (Linda): Merci. Alors, évidemment, la quatrième orientation, je vais passer rapidement. Ce que nous pensons bien sûr, c'est qu'il est extrêmement important que les actions de prévention, de promotion, qui sont liées aux habitudes de vie, de dépistage et de recherche, doivent être développées afin d'éviter de ne compter que sur l'intervention et le traitement pour améliorer la santé de la population québécoise. Cet angle doit être bien sûr développé encore davantage.

La cinquième orientation, qui portait bien sûr sur l'élimination de la violence et l'atteinte à la dignité, nous avons fait ressortir le fait qu'en 2001, de façon unanime encore une fois et après de nombreuses années d'attente, le Québec s'est doté d'orientations en matière d'agression sexuelle ainsi qu'un plan d'action. Il y a près de... plus de 50 mesures qui ont été priorisées, adoptées par tous les ministères et organismes impliqués, où on s'est donné une définition commune de ce qui était une agression, et nous nous sommes donné une vision commune d'intervention avec tous les partenaires. Encore une fois, nous souhaitons que le gouvernement du Québec fasse le bilan de la mise en oeuvre de ces orientations, du plan d'action en matière d'agression sexuelle, ainsi aussi que celui du plan d'action Le Québec et ses aînés: engagés dans l'action, parce que, de façon spécifique, il y avait toute la préoccupation de la violence dont étaient victimes bien sûr nos aînés, mais aussi la particularité des femmes aînées, où la pauvreté est encore plus grande pour elles. Donc, les bons outils qui ont été développés unanimement suite à des demandes de la société civile, des organismes gouvernementaux, des ministères, si nous avons ensemble convenu que nous étions sur la bonne voie, il faudrait aller au bout de ces expériences avant de proposer de nouvelles avenues, pour savoir si nous sommes dans la bonne direction ou pas.

Alors, je terminerais en laissant la parole à Mme Gagnon. Il reste deux axes d'orientation, je ne sais pas...

Mme Malavoy (Marie): Est-ce qu'il nous reste une minute? Non?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Non, il vous reste quelques secondes seulement, malheureusement, mais vous pourrez au fil des questions, je pense, nous communiquer l'essentiel de ce vous auriez dit autrement.

Alors, je dois passer à la période de questions et de commentaires. Alors, je cède la parole à Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et responsable de la condition féminine. S'il vous plaît.

Mme Courchesne: Merci, M. le Président. Alors, Mme Malavoy, Mme Goupil, Mme Gagnon, je vous souhaite chaleureusement la bienvenue. Parce que vous êtes trois... Sur les trois, vous me permettrez, Mme Gagnon, de dire que deux femmes étaient parlementaires à une période où effectivement... et je pense que je vais réitérer ma conviction profonde... Bien sûr, nous faisons partie de partis politiques, nous avons des orientations qui nous sont propres. Je vais réitérer que le but de cette commission parlementaire, et particulièrement dans le dossier de la cause des femmes, pour moi, c'est très important qu'on soit capables d'élever un peu nos préoccupations, nos opinions, notre solidarité, au fond, à la cause des femmes et que ce soit fait, en tout cas dans cette commission, au-dessus de toute partisanerie. Moi, j'apprécie beaucoup par ailleurs qu'un parti politique, je le dis très franchement, prenne la peine, quel qu'il soit, prenne la peine de venir nous entretenir de vos préoccupations.

La raison pour laquelle je dis ça, c'est la suivante: c'est qu'on a toujours souhaité plus de femmes en politique, on a toujours, et on croit, je pense que vous avez déjà fait des déclarations à cet effet-là, que nous, les femmes, abordons effectivement des enjeux sociaux, particulièrement la cause des femmes, mais sous un angle qui peut être différent, que nous sentons parfois, peu importe de quel côté nous sommes, la nécessité d'avoir cette solidarité pour faire avancer la cause des femmes, tout en respectant le fait qu'on est membre d'un gouvernement puis qu'on a un rôle politique à jouer de part et d'autre. Mais il n'en demeure pas moins que, dans les aspects que vous nous apportez aujourd'hui, je pense qu'au fil des décennies, si on regarde les récents gouvernements, partons des années soixante-dix, il y a quand même toujours... on a toujours réussi, dans des dossiers fondamentaux pour lutter contre les inégalités, à avoir une unanimité, une solidarité, et je crois que les parlementaires ont souvent, pas toujours, mais souvent, les femmes parlementaires ont réussi à travailler dans le même sens.

Et vous faites état d'événements historiques, dans votre mémoire, vous parlez de Beijing bien sûr, de cette place et du rôle que le Québec joue sur la scène internationale pour être à l'avant-garde dans la fabrication, par exemple, d'outils pour permettre au gouvernement d'adopter de meilleures politiques, de meilleurs programmes et aussi de meilleures lois qui ne discriminent pas les femmes.

n(15 h 20)n

Vous avez insisté beaucoup sur l'analyse différenciée selon les sexes. Je veux vous dire que, oui, le rapport sera public, il est presque terminé, mais c'est... Ma référence aux parlementaires vient de là. C'est que je sais que vous savez que, peu importent les partis politiques, ce n'est pas facile à faire cheminer dans un gouvernement, que ce soit sous un Parti québécois ou sous le nôtre. Ce n'est pas de l'automatisme, hein? Et vous avez porté ces dossiers-là et vous savez qu'effectivement on est souvent... Moi, je dis toujours qu'il y a une locomotive puis qu'on est souvent derrière en train à essayer de courir pour rattraper la locomotive quand vient l'élaboration de la politique, ou l'élaboration de la loi, ou l'élaboration du programme, parce que notre rôle, il est horizontal. Et donc, vous dites: Cet outil-là serait fort utile. Il y a eu des expériences pilotes qui, au début, ont été très, très ardues, et mon souci, c'est de voir à l'efficacité de l'outil mais tout en y conservant une sorte de simplicité, parce que, si c'est trop lourd, bien ça va devenir aussi inapplicable. On va toutes l'adopter, on va toutes être contents ? contentes ? mais est-ce qu'on aura véritablement l'efficacité? Est-ce que les ministères et organismes seront capables de suivre par rapport à ça? Et ça, j'ai une préoccupation. Il y a eu beaucoup de discussions au cours de la dernière année à cet égard-là.

L'autre aspect, c'est que... Comment allons-nous... comment on l'aura, sera-t-il efficace et sera-t-il appliqué? Et, encore là, je considère qu'il faut, après, peut-être avec un réseau de répondantes qui sera redynamisé, peut-être avec la possibilité d'aller davantage en région, au niveau des différentes préoccupations... Il ne faudra pas qu'il y ait juste l'ADS. Pour moi, l'ADS, c'est un outil, mais il faut qu'il y ait d'autres moyens et d'autres ressources, parce que très franchement ça m'inquiète un peu de simplement déployer un outil parce qu'on y travaille depuis très, très longtemps.

Alors, dans ce sens-là, je vous dis que, oui, une commission parlementaire, c'est, je pense, le lieu, le meilleur lieu pour peut-être échanger puis finir ces prises de conscience au niveau de l'appareil gouvernemental. Je pense qu'on le fait pour le débat public, mais, je vais être franche avec vous, comme parlementaire, je le fais aussi pour assurer une meilleure cohésion et un meilleur travail de l'ensemble des ministères.

Alors, je tenais à vous le mentionner parce que je sais que vous insistez. Mais est-ce que vous ne partagez pas un peu avec moi cette inquiétude que... Et, vous qui avez vécu cette expérience dans un gouvernement, est-ce que vous ne partagez pas cette inquiétude que, aussi perfectibles que soient l'outil et l'instrument, il y a, peu importent les gouvernements qui sont en place, peut-être des questions à se poser sur son application? Et quelles seraient les conditions nécessaires pour que l'outil soit véritablement appliqué, utilisé et efficace?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Mme Malavoy, s'il vous plaît, oui.

Mme Malavoy (Marie): Oui. Si vous permettez, je vais amorcer la réponse, mais je pense que ce que Mme Gagnon n'a pas pu dire tout à l'heure cadrerait bien, je crois, comme illustration d'un élément de réponse. C'est une façon habile aussi de lui donner la parole, mais je pense que c'est pertinent, en plus. En plus.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Elle aura 13 minutes à sa disposition.

Mme Malavoy (Marie): Je ferais juste l'introduction suivante. Pour nous, l'analyse différenciée selon les sexes, bien entendu, on le comprend fort bien, ça peut mener à des outils relativement complexes. On le comprend fort bien. Et vous avez raison de dire qu'il ne faut pas en arriver à ce que ce soit si lourd que finalement personne ne veuille l'appliquer. Il nous semble, cela dit, qu'avant d'être un outil, aussi complexe soit-il, c'est d'abord une préoccupation, c'est d'abord un ensemble de questions à se poser avant de faire quelque chose.

Alors, Mme Gagnon va vous parler de l'impact des nouvelles structures en région, de la conférence régionale des élus. Moi, je me permets juste de dire qu'il y a là un exemple, on pourrait en prendre dans tous les gouvernements possibles, ce n'est pas lié à un gouvernement particulièrement, mais il y a là un exemple où on se dit: Est-ce qu'on n'aurait pas pu se poser des questions avant de voter des réformes et est-ce qu'on n'aurait pas pu simplement être vigilantes et vigilants, au lieu de se demander après coup quelles sont les conséquences qui peuvent être négatives?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Gagnon, s'il vous plaît.

Mme Malavoy (Marie): Oui, allez-y.

Mme Gagnon (Céline): Oui. Alors, par rapport à la participation en région ? moi, je viens de la région du Saguenay ? j'ai observé que, avec la structure qui avait précédé la conférence des élus, on avait quand même 13 à 15 femmes, dépendant des années, qui étaient des personnes qui témoignaient de l'action qu'elles faisaient et qui étaient là pour influencer aussi l'action à faire dans chacun de nos milieux. Aujourd'hui, il y en a trois qui sont associées à la conférence des élus. Moi, je trouve que leur poids... Le poids de trois, vous allez dire, par rapport à 12 ou 15, est peut-être aussi grand, mais, moi, je pense que le nombre aussi y fait beaucoup. Et ça, je regrette ça personnellement par rapport au milieu.

Mais je vous réfère à notre septième recommandation, par rapport à... dans l'analyse... par rapport à l'analyse différenciée. Et il nous semble que c'est important qu'on ait des mécanismes de reddition de comptes et de concertation de tous les ministères. Et, sans avoir l'expertise de la technique de l'analyse différenciée, il nous semble que chacun des ministères doit donner un rapport de la façon dont il favorise l'égalité des hommes et des femmes et de ce que nous avons à réaliser dans cet esprit-là.

Et un des éléments... Peut-être que je suis l'aînée des trois représentantes d'aujourd'hui, et j'ai... Je peux dire que ça fait depuis 1960 que je m'inscris dans l'ensemble des actions pour soutenir cette égalité des hommes et des femmes, et je l'ai fait de toutes les façons. Et, moi, je trouve aussi important puis un peu... J'écoutais les hommes, tout à l'heure, parler de cette action qu'ils doivent avoir puis je trouvais que le point de vue qu'ils donnaient était juste. Mais c'est pour ça que je trouve important que le gouvernement maintienne les deux moyens que nous avons, qui sont absolument essentiels, à mon avis, pour le développement de l'égalité des hommes et des femmes, à savoir le maintien du Secrétariat à la condition féminine et du Conseil du statut de la femme. Moi, je trouve que c'est essentiel de maintenir ces moyens-là qui sont des moyens de structure, mais en même temps qui ont une série de personnes pour penser l'action. Je trouve que c'est essentiel pour le développement, toujours dans l'esprit que vous avez, un contrat social pour l'égalité des hommes et des femmes. Moi, je trouve que c'est essentiel de maintenir ces actions-là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci, Mme Gagnon. Mme la ministre.

Mme Courchesne: Je voudrais revenir à votre expérience, puis excusez-moi, Mme Gagnon, là, je ne veux pas vous exclure de la discussion, je veux juste revenir à l'expérience des parlementaires, en espérant que vous pourrez me répondre.

Mais, si vous aviez eu, comme gouvernement à l'époque, cette analyse différenciée selon les sexes... C'est parce que, au moment où l'événement dont je vais vous parler a été décidé, Beijing avait eu lieu, je crois. Je crois que vous aviez déjà manifesté votre penchant pour l'analyse différenciée selon les sexes. Ma question, c'est: Est-ce qu'effectivement l'outil serait suffisamment fort et puissant pour empêcher, par exemple, une décision comme le virage ambulatoire? Et est-ce que l'outil serait suffisamment fort et puissant pour faire en sorte que, si on a à décider du virage ambulatoire, par exemple, qui effectivement a affecté un grand nombre de femmes, il faut le reconnaître... est-ce qu'on aurait eu suffisamment de force, à travers cet outil, pour dire: Bien là, après, oui, on doit le faire, parce que gérer, c'est faire des choix, parce que, dans des contextes, parfois on a des choix très difficiles à faire? Ça se fait dans un contexte donné, mais, si on fait, par exemple, le virage ambulatoire, bien il faut s'assurer, comme gouvernement, qu'on investit plus d'argent dans les soins à domicile. Parce que, si on a moins d'infirmières, on va pallier par des soins à la maison, et ce sont les femmes qui vont être des aidantes naturelles.

n(15 h 30)n

Puis, croyez-moi, là, ma question, ce n'est pas un piège, et je ne le fais pas dans un sens de faire de reproches, ou quoi que ce soit. Je dis: Dans tous les gouvernements, il y a ce genre de décision que nous avons à prendre. Cet exemple-là, par exemple, est un des exemples qui a touché en très, très grand nombre les femmes, et donc je me dis: Est-ce que, par exemple... Et c'est pour ça que je vous disais tantôt: L'ADS, oui, mais qu'est-ce qu'on devrait rajouter au sein du gouvernement... ou quelles sont les façons de travailler qu'on devrait renforcer pour soutenir l'ADS, pour que des décisions de ce genre-là, par exemple, ne se répètent pas, ou alors qu'on les prenne en ayant en tête qu'il faut qu'il y ait autre chose qui accompagne la décision?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je comprends que c'est Mme Goupil qui va répondre.

Mme Goupil (Linda): Oui, tout à fait. D'abord, je ne me sens pas piégée, loin de là.

Mme Courchesne: Non, non, parce que ce n'est pas le cas, là.

Mme Goupil (Linda): Et ce n'est pas le but non plus. Mais il n'en demeure pas moins que, d'abord, cet outil-là n'existait pas au moment où ces décisions-là ont été prises. Répondre à la question: Est-ce que ça aurait été fait ou pas?, je ne suis pas «devine» pour penser ce qui aurait pu être fait ou pas.

Une chose est certaine, c'est qu'à partir du moment où des personnes expérimentées, au fil des ans, ont étudié toute l'évolution de l'égalité entre les femmes et les hommes, et ça s'est fait non seulement au niveau du Québec, qui est un modèle ? quand on parle de tout le travail qui a été fait, le mouvement féministe au Québec, il n'en demeure pas moins qu'il a été en nomination pour un prix Nobel pour la paix, ce n'est pas rien, c'est parce qu'on peut être fiers du chemin parcouru ? on a convenu ensemble que cette approche qui était spécifique nous permettrait justement de corriger dans l'avenir des erreurs qui ont pu être commises, quels que soient les partis politiques qui ont été en place, et justement pour nous donner une nouvelle approche pour être capables de faire en sorte qu'avant de proposer quelque chose on soit capables de mesurer l'impact chez les hommes et chez les femmes. Quand on parle de la loi sur la pauvreté et l'exclusion sociale, je prends cet exemple-là, où unanimement tous les intervenants, de quelque milieu qu'ils soient, des plus expérimentés à des gens qui font du travail sur le terrain, ils sont venus nous dire: Il faut qu'on ait un outil pour nous permettre de mesurer les gestes que nous posons, est-ce qu'ils donnent des résultats ou pas, puis qu'on soit capables de les comptabiliser dans le temps.

Alors, pour moi et pour nous, parce que c'est un travail collectif que nous avons fait et que nous avons partagé avec plusieurs groupes de femmes et d'hommes également, ça a été de dire: Si on s'est donné un outil qui a fait tellement sens qu'on s'est retrouvés invités aux Nations Unies pour être capables d'en parler de notre propre voix ? parce que, dans le cadre de la Francophonie, j'ai pu parler de ma propre voix pour exprimer ce que le Québec faisait ? et qu'on est cités comme un modèle au niveau international parce qu'on a développé quelque chose qui fait sens, qui en soi nous permettra de corriger certaines lacunes, bien pourquoi, au nom des femmes et des hommes que nous représentons, nous ne nous donnons pas la chance d'aller au bout de cet exercice-là, de mesurer les impacts et de s'assurer que nous aurons au sein de notre appareil gouvernemental des personnes attitrées qui pourront mesurer l'impact et dire: Oui, ce que nous avons fait est bon, et voici pourquoi nous le faisons? Alors, à ce moment-là, nous donnerions de la crédibilité à une approche que nous avons convenue et qui a fait sens non seulement pour le Québec, mais même au niveau international. Pourquoi mettre ça de côté avant de connaître réellement les résultats?

Puis finalement j'ajouterais ceci, c'est que vous avez demandé: Comment on peut s'assurer ? puis vous avez raison de dire que ce n'est pas facile ? s'assurer que l'ensemble de notre gouvernement, notre État, qui est le prolongement des hommes et des femmes, prenne la direction que nous souhaitons? Il faut avoir une volonté de le faire et il faut que ça fasse sens pour un très grand nombre de personnes et que, malgré des apparences de réussite, on ne se laisse pas avoir en disant: Bien, on va laisser de côté nos outils solides parce qu'on pense qu'il y aurait quelque chose de mieux qui pourrait... sans aller au bout des choses, de ce que nous nous sommes donné comme outil, qui est un outil reconnu aussi au niveau international.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci. Le député de Vimont, s'il vous plaît.

M. Auclair: Merci beaucoup. Mesdames, bonjour. Moi, j'avais une question ou plutôt un éclaircissement, parce que, quand vous avez débuté, vous faites rapport des trois approches, vous dites: Bien, on a le sentiment que le Conseil du statut de la femme met de côté ou néglige les deux premiers, donc c'est-à-dire le spécifique et le transversal, et focalise beaucoup plus sur le sociétal. Et, moi, ce que j'ai saisi du rapport ? c'est mon opinion, et, hier, en tout cas on a eu un échange aussi à ce niveau-là: le sociétal, étant donné que c'est nouveau ? ce n'est pas nouveau, dans le sens où on l'a vécu, on l'a vu dans le passé, mais disons qu'on en parle aussi ouvertement ? qu'on dise que c'est une troisième voie, qu'il faut aller de l'avant, il faut investir là-dedans, ne vient pas négliger les deux premières, loin de là.

Puis je ne pense pas, moi, que, de notre côté, on a l'intention de négliger le volet spécifique, les lois, et tout ça; je pense que c'est important de renforcer cette démarche-là aussi. Mais c'est important aussi de cheminer. Ça fait 30 ans qu'on applique les deux premières, beaucoup plus la première initialement, et ainsi de suite, cette nouvelle façon là, je pense que c'est bon de sensibiliser les gens, et cette approche de sensibilisation là peut mener ses fruits aussi dans un apport que tout le monde doit être mis maintenant à cotisation, si on veut, pour arriver à régler le problème. C'est peut-être utopique, mais il faut y arriver. Parce qu'on peut en parler, on peut en parler, mais il faut arriver quand même à cet objectif-là. Donc, le sociétal a ce volet-là, qui ne vient pas prendre plus de place que les deux autres qui vont être là, c'est juste qu'il fallait peut-être un peu plus de paragraphes pour l'expliquer étant donné que c'était plus nouveau. Donc, c'est là mon commentaire, puis j'aimerais avoir votre point de vue là-dessus.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Mme Malavoy, s'il vous plaît.

Mme Malavoy (Marie): Oui. C'est sûr qu'on pourrait le voir uniquement comme vous dites, hein, et en disant: C'est logique que, si on introduit une troisième approche, elle prenne plus de paragraphes ou de pages dans un document. Puis je vous avoue qu'à la première lecture j'ai essayé de voir ça, mais c'est autre chose que j'ai vu et c'est ça qu'on veut essayer de partager avec vous.

L'impression qui nous reste, c'est que, l'approche spécifique, on la garde parce qu'il y a encore des victimes, mais dans le fond on trouve qu'elle est un petit peu trop colorée condition féminine spécifiquement. L'approche transversale, on l'a déjà un peu amoindrie, parce que, par exemple, le réseau des répondants de la condition féminine, bon, n'a plus la même, peut-être, force qu'il a déjà eue. Et, l'approche sociétale, on en fait l'approche la plus moderne, la plus inclusive, et le danger, c'est de croire qu'on est rendu à pouvoir parler d'une approche sociétale comme étant la chose la plus ouverte et la plus intéressante, qui va le plus loin, en négligeant les approches antérieures. Puis je vais prendre un exemple qui va faire le lien avec ce que Mme Courchesne disait.

Prenons l'exemple... que ce soit le virage ambulatoire ou que ce soit la présence des femmes dans les instances décisionnelles, O.K.?, que ce soit ça: les problèmes sont vraiment à deux niveaux. Il y a un problème, à notre avis, qui commande une approche transversale, c'est qu'il y a un certain nombre de réalités, parfois c'est des décisions gouvernementales ou des réalités qui font qu'il y a un impact particulier sur les femmes. Les femmes sont des aidantes naturelles, elles subissent plus la contrepartie d'un virage ambulatoire; les femmes sont moins dans les instances du pouvoir, sont moins des mairesses, donc elles seront moins à la conférence régionale des élus. Ça, c'est la base. Il faut s'occuper de ça et, pour faire face à ce type d'enjeu, il faut maintenir une analyse différenciée selon les sexes.

Mais il faut aussi, et, l'approche sociétale, nous, on ne dit pas qu'il faut la sortir du décor, pas du tout, il faut aussi se demander: Pourquoi les femmes sont-elles des aidantes naturelles? Est-ce qu'il n'y a pas des choses à transformer profondément dans nos rapports entre les hommes et les femmes, dans nos rôles sociaux pour que les femmes ne soient pas seules à être des aidantes naturelles? Est-ce que les femmes ne devraient pas être plus des mairesses? Mais oui, bien sûr, et là rassemblons toutes les forces vives de la société pour que les femmes aient plus le goût d'avoir des positions de pouvoir. Mais, ce faisant, il ne faut pas oublier l'autre dimension, de faire une analyse spécifique de l'impact sur la condition des femmes. Autrement dit, il faut vivre dans le présent, mais disons qu'on laisse de côté le passé, mais il faut vivre dans le présent, avec les contraintes qui sont des contraintes liées au fait d'être une femme, et il faut venir aussi dans le futur, vivre dans le futur avec notre idéal de société plus égalitaire.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Je passe maintenant la parole à la porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine, députée de Terrebonne, s'il vous plaît.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, Mme Malavoy, Mme Goupil, Mme Gagnon. Je suis parfaitement d'accord avec la ministre sur l'importance que les partis politiques participent aux consultations pour venir exprimer leurs opinions. Ce n'est sûrement pas toujours facile. Et je pense que vous avez présenté un mémoire qui permet d'éviter... vous avez vraiment travaillé sur les concepts, sur le fond, en évitant, là, de travailler d'une manière très partisane, je pense qu'il faut le dire.

n(15 h 40)n

Au niveau de l'analyse différenciée selon les sexes, il m'apparaît important de dire que, oui, Beijing, c'était 1995, le virage ambulatoire a commencé en 1994-1995, et c'étaient les balbutiements. Et, quand le rapport va être déposé, je ne m'attends pas à ce qu'on ait eu des résultats exceptionnels et qu'on ait obtenu le maximum de ce que l'outil peut apporter. Il y a toute la question de la formation des gens. D'un ministère à l'autre, les compréhensions peuvent être différentes, dépendamment des formations qui ont été reçues, et, pour beaucoup encore, l'analyse différenciée selon les sexes, c'est tout simplement de se donner des chiffres, de donner des données ventilées sans faire l'analyse, ce qui est extrêmement dangereux parce que ça peut apporter l'effet contraire. Mais je pense que vous le dites bien dans le mémoire, il ne faut pas que... Parce que c'est périlleux de changer de mots en cours de route, alors que l'idée est récente. Réapprendre, retravailler autrement, c'est à nouveau des pertes de temps pour l'avancement de l'égalité de fait.

Je veux revenir, et c'est là-dessus que je vais vous questionner ? puis soyez assurée, Mme Gagnon, si vous n'avez pas eu le temps de parler, c'était ma première question, c'était pour vous l'adresser. L'approche sociale, vous le dites bien, ce message n'est pas nouveau; d'ailleurs, j'ai donné à quelques reprises, bon, les exemples que vous avez donnés au niveau de la participation des différents parlementaires, qui sont majoritairement des hommes, mais j'ai aussi apporté l'élément, que vous connaissez bien, puis je veux vous entendre sur celui-là: En 1997, la cinquième orientation que nous avons ajoutée, comme gouvernement, sur la place des femmes dans le développement régional, qui avait deux volets, la représentation des femmes mais aussi la prise en compte de leurs besoins, c'était une approche sociétale. C'était une approche sociétale où on avait décidé de viser le palier qui était près des femmes, le palier régional.

Alors, je voudrais vous entendre sur cet aspect bien particulier qui nous avait amenés à choisir cette cinquième orientation, qui était une approche sociétale, tout à fait.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je comprends que la question s'adresse à Mme Gagnon? Est-ce que...

Mme Gagnon (Céline): Disons que je peux y aller de d'autres commentaires, mais...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Mme Gagnon, alors.

Mme Gagnon (Céline): Oui. Par rapport à la participation régionale puis la participation de l'ensemble des femmes dans tous les paliers de gouvernement, c'est vrai que c'est essentiel. Et l'approche d'une égalité pour décider, moi, c'est un moyen que le gouvernement avait mis en place que je trouvais essentiel de travailler pour que de plus en plus de femmes soient... Puis ça demeure encore dans mes actions journalières.

Si je regarde la ville dans laquelle je suis, sur 19 personnes qui sont représentants, conseillers municipaux, il n'y a que deux femmes, alors que je pense que c'est essentiel que la vision des femmes, comme Mme la ministre le disait tout à l'heure, se vive au quotidien et influence l'ensemble des prises de décision. Et je trouve qu'on a fait du progrès mais qu'on en a encore à faire. Et, dans ce sens-là, je trouve qu'il faut absolument mettre des mécanismes pour assurer cette participation des femmes à tous les échelons de participation, au niveau régional entre autres.

Mme Caron: Mme Goupil...

Mme Goupil (Linda): Peut-être ajouter...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, allez-y, Mme Goupil.

Mme Goupil (Linda): ...ajouter le fait que... et ça fera un lien effectivement avec ce que Mme Courchesne a dit tout à l'heure, c'est comment nous assurer de l'atterrissage de nos volontés politiques sur le terrain. Concrètement, ce que ça a eu pour effet au cours des trois, ou quatre, ou cinq dernières années même, bien, particulièrement parce qu'on l'a prolongé d'une année, ça a été de faire en sorte de permettre aux femmes dans les régions... de leur donner un outil qui leur permettait de recenser à la fois toutes les structures où on peut influencer les choses, où on peut exercer notre citoyenneté de façon encore plus directe, être capables de le faire selon les couleurs de chacune des régions. Et on a tellement permis aux gens de le faire selon leurs choix que ce sont des femmes qui siégeaient au sein des organismes régionaux qui étaient partie prenante pour choisir les projets, parce que la demande, elle était beaucoup plus grande que le budget que nous pouvions disposer.

Alors, l'importance de cela, c'est d'être capable de dire: Oui, il faut continuer parce que ça a donné des résultats, répertorier ce qui a été fait depuis trois, quatre ans, le rendre public. Et, à partir de ça, on demandait aux femmes: Est-ce que ça a donné des résultats? Et la réponse, elle était oui, mais ce n'est pas terminé encore. Et je sais que, dans l'avis du conseil, vous proposez justement de l'élargir, et, moi, je souhaite que vous puissiez le faire, mais je vous souhaite également que tous vos collègues vous appuient pour avoir le budget pour le faire. Parce que, si on enlève ce qui n'est pas déjà suffisant encore pour les groupes de femmes pour le donner à d'autres groupes... Et nous en sommes, mais il faut d'abord reconnaître que le chemin qui a été parcouru puis qui a donné des résultats, ce sont de beaux exemples de partage et d'implication sociétale, et ça nous permettrait, encore une fois, de mesurer le chemin qu'on a parcouru. Et, quand les femmes sont venues nous dire, dans le cadre de la suite à donner à la politique de la condition féminine: Il faut soutenir ce genre de programmes là, il faut les soutenir parce que ça a donné des résultats sur le terrain et aussi parce qu'on avait le lien avec le gouvernement pour s'assurer justement de soutenir, dans chacune des régions, ces projets-là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Oui, et à ce moment-là c'était le ministère des Régions qui était le ministère porteur au niveau de la cinquième orientation.

Avant de passer la parole à ma collègue, je vais ramener... En fait, vous ramenez, dans quelques exemples, l'importance, pour bien mesurer le chemin parcouru, de déposer des bilans: le rapport sur l'analyse différenciée selon les sexes, un bilan des orientations en matière d'agression sexuelle. On aurait pu ajouter un bilan de la politique pour contrer la violence conjugale, qui avait été adoptée en 1995. Le nouveau plan d'action va dans le même sens de cette politique-là, mais ? et ça fait quelques jours que je le dis ? l'atterrissage partout est variable, et, si on n'a pas un bilan, c'est difficile de pouvoir identifier... Les principes sont bons, on ne peut pas les contester, peu importent ces politiques-là, les principes sont bons, il y a une concertation au niveau national, mais, au niveau de l'atterrissage dans les régions, si on ne fait pas un bilan, on n'arrive pas à évaluer qu'est-ce qui fait que dans certaines régions ça ne fonctionne pas du tout, on n'arrive pas du tout à aucun résultat dans d'autres régions, c'est très mitigé; d'autres régions, on a d'excellents résultats, pour pouvoir s'appuyer pour retravailler sur les autres.

Et c'est vrai, là, je pense, dans toutes les politiques. Donc, dans le mémoire, je veux réaccentuer sur cet élément-là de l'importance de partir des outils qu'on a, de les évaluer, de regarder le résultat pour aller plus loin.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, s'il vous plaît, oui, Mme Malavoy.

Mme Malavoy (Marie): Je suis tout à fait en accord avec ce que la députée de Terrebonne vient de dire, et ça me permet d'ajouter peut-être une considération d'ordre un peu général qui inclut ce dont elle vient de parler. Pourquoi est-ce que c'est difficile de faire changer les choses? Parce que, là, cet après-midi, on ne se parle pas de choses simples, on n'est pas en train de philosopher sur la vertu et puis en pensant qu'il y a une pente naturelle de la vertu et de l'arrivée, comme ça, de l'égalité, les principes d'égalité. C'est difficile, ce dont nous parlons. Ça a demandé des décennies de lutte d'un certain nombre de personnes, de femmes beaucoup, mais d'hommes aussi. Je pense qu'on en a encore pour quelques années et quelques décennies probablement, sûrement, si on regarde l'état du monde.

C'est difficile d'abord parce qu'il y a l'évidence de la question des ressources. Moi, je me souviens très bien de tout le dossier de l'équité salariale, la première réaction, c'était de dire: on n'a pas les moyens, ça coûte trop cher. Si on avait les moyens, on serait bien d'accord pour que les femmes soient payées de façon équitable, mais, c'est dommage, on est dans des périodes difficiles et puis on n'a pas les moyens. Donc, ce langage-là, on va toujours l'entendre, le langage au niveau de nos moyens.

Mais je dirais qu'il y a une autre raison et qui est certainement encore plus difficile d'accès: il y a des résistances. Ce n'est pas vrai que spontanément, là, les bras sont grands ouverts, à la grandeur de la société, pour que les hommes et les femmes se partagent tout. Ce n'est pas vrai que les femmes peuvent facilement, par exemple, accéder aux instances décisionnelles dans tous les milieux ou accéder à tous les métiers. Ce n'est pas vrai non plus que les hommes peuvent facilement transformer leur propre rôle et, par exemple, partager de façon équitable les tâches domestiques. Or, si on rêve d'un monde équilibré, c'est un monde équilibré dans tous les domaines, c'est que les hommes et les femmes soient équitablement parents et c'est que les hommes et les femmes s'occupent équitablement de gouverner le monde.

Mais, parler comme je le fais, là, ce n'est pas des choses simples et ce n'est pas parce qu'on fait de gros efforts et qu'on en discute comme cet après-midi qu'on lève les obstacles. Ils sont profondément ancrés dans nos mentalités, dans la façon dont nous voyons le monde depuis fort longtemps, et c'est pour ça ? je termine là-dessus ? c'est pour ça qu'en plus de demander la volonté de tout le monde il faut, quand on est au gouvernement, qu'on mette les bouchées doubles et qu'on se batte pour aller chercher bien sûr l'accord de la société civile, mais pour dire à un moment donné: on y va, et les autres vont nous suivre si on y va.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Mme la députée de Laurier-Dorion, s'il vous plaît.

n(15 h 50)n

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Mesdames, je suis très heureuse de vous avoir entendues aujourd'hui, puisque vous avez une expérience en la matière, comme l'a mentionné la ministre, qui est fort pertinente.

Par rapport aux... J'ai apprécié l'analyse que vous avez faite des trois approches et peut-être la façon que ça a été apporté dans l'avis du Conseil du statut de la femme. Puis évidemment que l'objectif de tous, c'est d'intégrer tout le monde, toute la société dans une démarche qui va permettre en fait d'atteindre l'égalité. Puis ce qu'on perçoit à travers les débats, c'est qu'il pourrait y avoir un glissement potentiel. Vous avez parlé de ressources qui malheureusement, des fois, ne sont pas assez importantes. Mais comment faire pour... C'est quoi, la meilleure façon dans le fond de pouvoir intégrer la société? Vous avez parlé des partenariats qui ont eu lieu dans les années passées puis qui ont fait de grandes... qui nous ont permis d'arriver à de grandes avancées, notamment l'adoption de la Loi sur l'équité salariale ou encore la loi sur la lutte contre la pauvreté. Donc, de quelle façon on peut parler davantage de l'approche sociétale sans toutefois tomber dans le glissement qui miserait moins sur les discriminations systémiques que vivent les femmes?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Malavoy, s'il vous plaît.

Mme Malavoy (Marie): Je vais commencer puis Mme Goupil va continuer. Je vais vous dire très simplement: À mon avis, en ces matières, précisément parce qu'elles sont difficiles, il faut que le gouvernement donne l'exemple. Et, si le gouvernement donne l'exemple en disant: Voici ce que, moi, en tant que responsable du bien commun de ma société, voici ce que je décide, voici dans quelle direction je vais, j'invite les autres à se joindre à moi, j'invite les autres à faire leur part. Mais je crois qu'il est illusoire de croire que la vertu va venir spontanément d'une société civile qui est profondément divisée. Ce n'est pas un tout homogène, la société civile. C'est un ensemble de corporatismes, ce sont des gens qui ont des intérêts divergents. Parfois, ce sont des gens qui ont des conflits de toute nature. Mais je pense que, quand un gouvernement donne l'exemple, il peut à juste titre demander ensuite aux autres de faire leur part.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Goupil, s'il vous plaît.

Mme Goupil (Linda): Oui. Alors, j'ajouterais à la question posée: Comment on peut le faire? D'abord, dans un premier temps, il faut s'assurer que, lorsque l'on a détecté une problématique particulière, le conseil émet des avis pour mettre en garde d'une problématique particulière. Prenons, par exemple, les personnes aidantes; prenons, par exemple, la pauvreté chez les femmes. Bon. À partir de cela, un gouvernement doit donner justement des directions qui soient claires pour amener des correctifs, pour corriger cette situation. Et, au sein même de l'appareil gouvernemental, il doit y avoir une équipe de personnes qui soient bien attitrées ? et le secrétariat a pris le relais au fil des ans ? pour s'assurer que dans chacun des ministères on puisse justement faire en sorte qu'on prenne les mesures pour corriger les situations, parfois pas toujours à la vitesse qu'on le voudrait, parfois pas toujours... Mais une chose est certaine, c'est: si nous n'avons pas quelqu'un qui s'assure de façon systématique, dans chacun des ministères et des organismes, de faire le lien pour nous assurer qu'on corrige les problématiques, ça ne peut pas se faire avec des voeux pieux.

Et, même si tout le monde est pour la vertu... Je reviens encore avec l'exemple de la loi, unanime, sur la pauvreté et l'exclusion sociale, moi-même, au début, je me posais comme question: Est-ce qu'il est nécessaire d'avoir une loi? C'est par toutes les consultations que nous avons eues avec les experts, les gens ? je sais, M. le Président, vous avez travaillé énormément, vous aussi ? qu'on était à même de constater qu'il fallait introduire dans cette loi des principes avec des outils pour nous permettre de regarder le chemin qu'on aura parcouru, les mesures qu'on aura posées pour nous assurer qu'on a fait reculer la pauvreté. Mais, dans ce contexte-là, si nous n'avions pas, dans chacun des organismes et dans chacun des ministères, des personnes assignées pour nous assurer que, ce que nous avons donné comme direction, on va atterrir, bien ce n'est pas seulement que la bonne volonté qui va faire que les choses vont se régler par elles-mêmes.

Alors, à votre question précise, c'est: assurons-nous que, les bons outils que nous avons développés puis qui ont donné des résultats depuis 30 ans, nous puissions compléter la boucle et avoir les résultats qui soient bien étoffés; assurons-nous qu'au niveau du bras gouvernemental, si vous me permettez l'expression, il y ait quelqu'un pour s'assurer du suivi de cela, et finalement en faisant en sorte que, l'ensemble de la société, avec les valeurs qu'on leur propose, avec la direction, elle fasse tellement de sens qu'ils aient le goût, tout le monde, de consentir à ce que nous y mettions les argents nécessaires. Parce que c'est les impôts des contribuables qui permettent à un gouvernement de donner le ton et d'être capable d'avoir un nous collectif suffisamment fort pour aller chercher ce qui nous appartient, pour réaliser ce qui fait sens pour nous. Alors là, on appelle la société puis on s'assure, comme gouvernement, qu'on prend nos responsabilités. Puis on est soutenus par deux organismes, deux organisations qui, une, est vraiment là pour conseiller puis une autre qui est là pour s'assurer du suivi dans chacun des ministères. Et ça, Mme la ministre, je pense, vous en avez besoin.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien, merci. Il reste du temps pour une petite question. Oui?

Mme Caron: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Une question très courte pour permettre une réponse.

Mme Caron: Oui, très courte, oui, très courte. Je vais revenir à une de vos recommandations, puis vous avez commencé à en parler un peu, donc de mettre en oeuvre les mesures prévues à la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Parce qu'effectivement, dans cette loi-là, il y a l'analyse différenciée, et mettre sur pied l'observatoire de la pauvreté et de l'exclusion sociale, et peut-être rappeler pourquoi on avait jugé essentiel d'inscrire ça dans la loi.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui?

Mme Goupil (Linda): Je vais commencer puis Marie va conclure.

Mme Malavoy (Marie): Je ferai une petite conclusion après.

Mme Goupil (Linda): Bien, effectivement, quand on regarde tout ce que notre société québécoise a fait pour soutenir les personnes les plus vulnérables, les gestes qu'elle a posés, nous avons réussi à corriger des situations. Mais il y a toujours, je dirais, une situation qui fait que, malgré certaines mesures qu'on met de l'avant, parfois ça a des effets pervers chez d'autres personnes, et particulièrement quand on regarde l'impact chez les femmes, parce que, quand on sait qu'au Québec une famille sur deux est à peu près en rupture, que 85 % des chefs de famille sont des femmes seules avec des revenus inférieurs à 20 000 $, on est à même de constater qu'il y a une problématique particulière.

Donc, la création et la suggestion de l'observatoire étaient pour nous permettre de nous outiller de façon encore plus fine sur ce que devrait être, par exemple, un seuil admissible, un seuil de pauvreté au Québec. Quand est-ce qu'on considère que quelqu'un est pauvre? Quel devrait être le montant dont une famille devrait disposer pour ne pas vivre dans la pauvreté? Des questions aussi précises que celles-là, avec des outils pour nous permettre justement, en comparant ce qui se fait un peu dans le monde, en analysant correctement notre société, d'apporter des mesures qui soient plus spécifiques. Alors, l'observatoire nous permettrait justement de répondre à des questions plus fines et des interventions plus ciblées.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Malavoy, s'il vous plaît.

Mme Malavoy (Marie): Juste un mot en guise de conclusion. Les différents leviers qui nous sont proposés, ce sont des outils. Ce que nous disons, c'est: Gardons tous ces outils forts, n'amoindrissons pas la portée de certains outils, gardons tous ces outils forts. Et j'aimerais que vous reteniez que notre volonté, c'est bien évidemment que les rapports entre les hommes et les femmes soient les plus harmonieux possible, soient rééquilibrés, mais pour cela il faut prendre des moyens forts et il faut qu'un gouvernement prenne ses responsabilités, parce que, quand il le fait, ça donne envie aux autres instances de la société de se mettre aussi de la partie.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci beaucoup. Je remercie Mme Malavoy, Mme Goupil et Mme Gagnon pour leur participation, merci bien. Et j'invite Mme Denyse Côté, représentante du prochain groupe, à venir prendre place. Je suspends les travaux pour trois minutes seulement.

(Suspension de la séance à 15 h 58)

 

(Reprise à 16 h 4)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): ...et je constate que mon micro vient juste d'ouvrir, et je demande donc à la commission de reprendre ses travaux. Nous accueillons Mme Denyse Côté, qui est professeure au Département de travail social et des sciences sociales à l'Université du Québec en Outaouais, qui est directrice du département, alors bienvenue, madame. Elle intervient au nom de l'Observatoire sur le développement régional et l'analyse différenciée selon les sexes. Vous avez 20 minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire, et nous aurons ensuite deux blocs d'échange avec vous. Alors, bienvenue. Allez-y.

Observatoire sur le développement régional
et l'analyse différenciée selon les sexes
(OREGAND)

Mme Côté (Denyse): Mme la ministre, M. le Président, MM., Mmes les commissaires, je vous remercie de l'invitation à participer à cette commission. Et je voudrais au départ citer Jean-Jacques Rousseau, quand il parlait du contrat social, il disait: «Il y a mille manières de rassembler les hommes et une seule de les unir.» Et donc cet exercice, ce bel exercice de partage, c'est un exercice démocratique, je trouve, très important, que nous sommes en train de vivre au Québec, dans cette enceinte qui a été une des premières, si je ne m'abuse, en Amérique du Nord, une des premières assemblées nationales en Amérique. Donc, nous poursuivons la belle tradition, au Québec, de se poser des questions de société.

L'OREGAND est un observatoire de l'Université du Québec en Outaouais où, si je peux me permettre la parenthèse, enseigne maintenant un de vos anciens collègues, l'ancien député de Montmorency et ministre, Jean-François Simard, qui m'a demandé, en passant, de vous donner ses salutations. Donc, l'OREGAND, l'Observatoire sur le développement régional et l'analyse différenciée selon les sexes, est un observatoire de l'Université du Québec en Outaouais qui réunit des membres chercheurs, étudiants et professionnels, qui interviennent et s'intéressent à l'intégration du genre en développement régional. L'analyse différenciée selon les sexes, telle qu'appliquée donc dans le cadre des régions, des localités et dans le cadre de gouvernance décentralisée, est son objet d'étude principal. Il a produit des recherches, aussi développé des formations sur mesure destinées aux décideurs, professionnels et autres intervenants sur le sujet, et enfin il tient une veille informationnelle sur Internet, à l'adresse www.oregand.ca.

L'OREGAND a pris le pari de la transversalité dès sa fondation. C'est une transversalité qui s'exprime, en matière d'intégration des hommes et des femmes, à l'objectif de l'atteinte de l'égalité, mais aussi une transversalité entre la production de recherches, la diffusion de recherches et leur application dans les milieux régionaux. Donc, nous avons aussi bien une mission nationale qu'une mission régionale propre à l'Outaouais.

Donc, à la lumière du document du Conseil du statut de la femme, cet excellent document d'ailleurs, nous avons procédé à un certain nombre de réflexions. Nous limiterons notre propos à certains éléments qui devraient être pris en considération, et, vu le temps qu'il me reste, bien entendu je ne pourrai lire l'ensemble de ce document. Nous n'avons pas souligné, dans le mémoire que nous avons présenté, tous les éléments d'accord, mais nous nous sommes attardés à certains éléments de réflexion. En le relisant, je me suis rendu compte que nous n'avions pas assez souligné ce qui pour nous était évident, c'est-à-dire l'importance des obligations de résultat, l'importance de la décentralisation de la responsabilité de l'atteinte de l'égalité et de la parité pour les femmes vers les milieux régionaux, les décideurs régionaux, la question de l'arrimage de la société civile et des paliers décisionnels, qu'ils soient nationaux ou régionaux. C'est une omission qui est embêtante, puisque pour nous ça allait de soi. Donc, ces éléments du document, je n'y reviendrai pas, parce que pour nous c'est du sine qua non.

Cela dit, ce que je voudrais souligner aujourd'hui, c'est plutôt des éléments qui posent question ou des éléments qui pour nous sont essentiels à la poursuite de cette histoire peu commune que nous avons eue au Québec. Je vous ferai grâce de la lecture de tout ce qui est dans le document au niveau de l'introduction, mais ce que nous essayons de démontrer, c'est que le Québec a fait un rattrapage énorme ? certains des intervenants l'ont dit avant moi, bien entendu, et le document le souligne, mais on ne peut pas assez le dire ? il a fait un rattrapage énorme à cause d'une volonté, et entre autres d'une volonté partagée, et entre autres des premières réformes mises en place dès les années soixante.

Moi, je suis un produit de la réforme de l'éducation. C'est la réforme de l'éducation qui a permis un accès aux femmes et qui a permis les succès que les jeunes filles et les jeunes femmes ont au niveau de la scolarisation à l'heure actuelle. Si j'avance ces éléments-là, c'est parce que je veux souligner qu'entre autres choses c'est que ça prend du temps, ça prend du temps et ce n'est que 30, 35 ans après que nous voyons les résultats de mesures... Rappelez-vous, en 1968, la réforme de l'éducation, c'était drastique ? j'ai dit que j'étais un produit de la... ce n'est pas tout à fait vrai, parce que j'ai fait mon cours classique, j'ai quand même un certain âge maintenant, sinon un âge certain ? et c'est à cette époque-là que j'ai vu arriver les jeunes filles, et les jeunes hommes aussi, bien entendu, mais les jeunes filles, qui n'avaient pas accès au cours classique, et avoir accès à l'éducation supérieure. C'est un moment très important, et le ministre de l'Éducation de l'époque avait fait un certain consensus, mais non sans problème. Donc, ces résultats viennent beaucoup plus tard.

n(16 h 10)n

Nous avons fait des percées, rattrapé des retards. Nous avons aussi mis en place des éléments, des façons de faire très, très originales, dont par exemple la féminisation des titres, que nous envient de nombreuses Européennes, qu'elles soient Belges, Françaises ou Suisses. Nous avons des recherches de pointe beaucoup plus avancées à mon avis que ce que peuvent produire la plupart des universités européennes. Et pourquoi? Parce qu'il y a eu développement pas uniquement de chaires, mais de mécanismes, de programmes spécifiques étudiant la condition féminine qui nous ont permis de développer ces recherches-là, ces connaissances-là et de justement amener un autre point de vue au point de vue qui était majoritaire et qui oubliait souvent la réalité des femmes.

Notre observatoire reçoit donc régulièrement des visiteurs, et nous sommes régulièrement en contact, ici, c'est-à-dire des visites ici ou que ce soit de façon électronique, avec des universitaires, des décideurs et professionnels du développement européens et originaires de l'Amérique latine et des Caraïbes, surtout les Caraïbes francophones, et même asiatiques qui admirent ce que nous avons fait, au Québec. Et pourquoi est-ce que j'avance ça? C'est parce que, plus tard dans le document, vous allez voir ce que j'argumente, ce que nous argumentons, c'est que, ce que nous avons fait, nous devons, je crois, le célébrer et le maintenir.

Le titre du document produit par le Conseil du statut de la femme pose d'emblée la question d'un nouveau contrat social. Si je me réfère à la définition que pouvait donner Jean-Jacques Rousseau du contrat social, j'avancerais que nous sommes plus que jamais engagés dans le contrat social qui est issu de la Révolution tranquille, qui est celui de l'atteinte de l'égalité entre les hommes et les femmes. En fait, ce qui m'a semblé, dans le document, être à discussion, ce sont plutôt les mécanismes nécessaires à l'avancement du dossier, dans ce IIIe millénaire, à la mise en oeuvre du contrat social. Et j'avancerais que...

En fait, vous avez remarqué certainement à la lecture du document qui a été soumis, nous avançons que ce qui est nécessaire, c'est finalement le maintien d'une politique en condition féminine, pour plusieurs raisons. Ce qui ne veut pas dire qu'il y aurait mise au rancart d'une politique d'analyse différenciée selon les sexes ou d'approche intégrée de l'égalité. Pour moi, ces choses-là ne sont pas incompatibles. Au contraire, ce que je souligne, c'est qu'il y a un besoin urgent d'une politique, et, dans une certaine mesure, le document ou les propositions répondraient à ce besoin, mais je souligne qu'il y a de facto, dans les régions, une suspension qu'il y a eu... et c'est probablement un effet pervers des démarches, là ? bon, je ne porte pas de regard accusatoire, ou quoi que ce soit ? mais il y a une suspension de facto, la cinquième orientation en matière de condition féminine, avec tous les changements qu'on a connus en région, ce qui a fait en sorte que, l'application de certains acquis qui ont été les nôtres en région ? entre autres choses, on a parlé de budgets, les intervenants précédents ont parlé de budgets ? il a été très difficile de recevoir des budgets, même à travers notre observatoire, sinon impossible, dans les deux dernières années, pour financer des formations ou en fait des projets liés à l'application de l'analyse différenciée selon les sexes en région. Il y a eu une certaine suspension de facto qui a ralenti à plusieurs niveaux, là, je vous ai donné un exemple, mais c'est aussi au niveau de l'insertion des femmes dans les instances décisionnelles.

Vous connaissez le cas, je l'ai expliqué ici, et on l'explique dans le document du Conseil du statut de la femme, chaque fois... Ce sur ce quoi je veux insister, c'est que, chaque fois qu'il y a une réforme, et ça, il y a des écrivaines... Diane Elson entre autres, qui est une économiste reconnue internationalement, qui travaille depuis 20 ou 30 ans sur la question de l'intégration du genre en développement international et qui a été une consultante à l'ONU, dit qu'à chaque fois qu'on a une réforme les effets pervers sur les femmes peuvent être potentiellement dangereux, et ceci, c'est ce que je voulais signaler. Ce qui en fait nous fait craindre, disons, la mise en place de nouveaux mécanismes, ce sont ces effets pervers, parce que l'histoire nous démontre que tel est souvent le cas. Bien sûr qu'il ne s'agit pas là des intentions des décideurs ou des législations, on parle d'effets pervers.

Un des effets pervers ? et je regarde l'heure passer, donc vous me permettez encore une fois de vous expliquer que je ne lis pas le texte ? un des effets pervers étant finalement de croire qu'en faisant l'implantation d'une analyse différenciée selon les sexes nous... enfin nous ferions une... oui, c'est une avancée, nous ferions une avancée, certes, mais nous remplacerions les mécanismes propres à la condition féminine. Il y a danger, il y a danger, puisque l'interprétation d'une approche intégrée de l'égalité n'est pas acquise. Elle pourrait être... elle peut, et je pourrais vous donner des exemples, tout à l'heure, dans la discussion, créer des effets pervers importants. Je vais vous en donner un, exemple.

Entre autres, par exemple, si... On pourrait, des décideurs connaissant moins le domaine, parce que les intervenants précédents ont parlé justement des questions... qu'il y a des spécialistes... Il y a des gens qui sont experts dans le domaine de la condition féminine, par exemple, ou de l'approche intégrée de l'égalité, ou de l'analyse différenciée selon les sexes, selon ce que vous voulez nommer cette approche, il existe des spécialistes, mais ce ne sont pas les spécialistes et surtout pas les décideurs locaux, régionaux qui seront, du jour au lendemain, des spécialistes de la question. Beaucoup de gens confondent l'égalité avec la symétrie. Alors, si on faisait une demande de subvention, par exemple à une CRE, et on demandait de subventionner un projet spécifique pour les femmes, est-ce qu'on ne risquerait pas de se faire répondre que, non, il faudrait que ce soit un projet qui parle de l'égalité entre les hommes et les femmes et qui ne soit pas directement dirigé vers les femmes?

Cela dit, ma position n'est pas... je ne suis pas opposée à un changement d'appellation. Pour moi, l'approche intégrée de l'égalité ou l'analyse différenciée selon les sexes, s'il s'agit d'une politique qui est une valeur ajoutée aux autres mécanismes déjà en place, je n'ai aucun problème; au contraire, je vous l'ai dit au début, l'OREGAND a fait le pari de la transversalité, et nous travaillons en analyse différenciée selon les sexes. Le danger existe, encore aujourd'hui, de la substitution. Or, l'approche intégrée de l'égalité, elle-même, si on lit les textes produits par le Conseil de l'Europe, signale qu'il ne faut en aucun cas effectuer de substitution.

L'autre élément que je crois qui est important dans le mémoire que l'OREGAND a déposé aujourd'hui, c'est le fait: Que ce soit une politique en condition féminine ou que ce soit une politique d'atteinte de l'égalité entre les hommes et les femmes, à la limite, bon, ce n'est pas l'appellation qui est en soi le problème ? sauf bien sûr qu'il y a un élément symbolique, mais j'y reviendrai ? s'il n'y a pas de budgets correspondants, nous avons un problème. On a beau... On a fait l'expérience, dans certaines CRE, d'avoir des objectifs dans les planifications ? en fait, pas dans les CRE, pardon, dans les CRD, qui ont précédé les CRE ? d'avoir des objectifs au niveau de l'insertion des femmes, et, pour des raisons enfin qu'il serait peut-être trop long d'expliquer, les budgets, finalement il n'y a pas de budgets qui ont été vraiment consacrés, ou très peu, ce qui fait en sorte que, bien, ça devient très, très difficile d'avoir une action concrète, bien évidemment.

Il me reste, je crois, cinq minutes?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Il vous en reste six.

n(16 h 20)n

Mme Côté (Denyse): Six. Bon. Alors, je crois que... Je pense que ce qui serait important, ce sur quoi il serait important de revenir, c'est le fait que, bon, il ne faudrait pas d'une part banaliser l'expérience et le cheminement de la société québécoise en condition féminine. Je crois qu'on a une expérience riche, et je reviendrais sur ce que j'ai parlé, de dimension symbolique. J'ai consulté, nous avons beaucoup, quand même, échangé sur la question à l'étude aujourd'hui, et j'ai beaucoup entendu la question de la banalisation du cheminement du mouvement des femmes. J'ai beaucoup entendu aussi la difficulté de comprendre le sens du changement.

Pourquoi... et là je le lance, là ? enfin je sors de mon texte, comme vous le voyez ? je lance ça de façon assez spontanée. Si nous avons créé, en 1973, un conseil du statut de la femme, c'est quand même... Le titre est quand même le reflet d'une époque. Rappelez-vous qu'en France on parle des droits de l'homme avec un grand H, toujours, et nous parlons des droits de la personne, parce que, bon, nous avons créé des institutions à des moments différents. Le conseil des... le comité sur... la politique d'intégration à l'égalité des hommes et des femmes, en Europe, a été créée après, en 1992, le premier comité a été créé, et la politique a été passée, je pense, en 1999. Donc, la terminologie change. Bon.

Est-il nécessaire de la revoir? Je crois que le Conseil du statut de la femme, entre autres, a produit... En fait, des recherches que j'ai trouvées, pour avoir... pour travailler dans le domaine de la recherche, il y en a certaines qui sont des meilleures recherches qui existent au monde, sur un certain nombre de questions qui sont posées, et le Conseil du statut de la femme, malgré son appellation, qui n'en est pas une ni d'ADS ni d'AIE, a servi d'instrument pour justement faire de l'ADS avant même qu'on en parle, c'est-à-dire pour essayer de voir, bien pour les femmes dont on parle, au moins quelles seraient les conséquences d'une telle loi ou d'une autre loi. Je reviens à la crainte que je vous ai exprimée tout à l'heure: Va-t-on demander à un nouveau conseil de l'égalité... Va-t-on empêcher des études portant spécifiquement sur les femmes, dans un tel contexte, parce qu'il n'y aura pas équilibre? C'est là un exemple à mon avis d'une fausse symétrie, mais on pourra peut-être y revenir lors de la discussion, parce que je vais, dans les deux minutes qu'il me reste, voir s'il y a certains éléments que je n'ai pas couverts. Bon. C'est ce dont je parlais dans le point 4, à la page 10, des effets pervers de la neutralisation du langage, de la neutralisation des mécanismes, O.K.? Bon.

Je vais revenir, je pense, en terminant, sur l'importance... Tous les documents le disent, que ce soient les documents de l'ONU, l'approche de Harvard, le document du Conseil de l'Europe, tous sont d'accord que ce qu'il faut, c'est une volonté politique ferme des comités. Alors, à la limite, si on change les structures au Québec, la question... puis, bon, moi, je ne le proposerais pas, mais à la limite, si c'est ce qu'on veut faire, bon, oui, pourquoi pas, mais il faudrait que ces comités aient des dents, aient des mandats, des mandats qui vont leur permettre d'intervenir. Au Conseil de l'Europe, le CDEG, le comité d'égalité, intervient au niveau du Conseil des ministres, a un accès direct et reçoit ses mandats directement du Conseil des ministres. Il faut que cette politique intégrée de l'égalité ou ces nouveaux mécanismes, si ces nouveaux mécanismes sont mis en place, aient des dents, qu'ils aient les budgets et qu'ils rassemblent les expertises.

Alors, on a parlé, dans le document du Conseil du statut de la femme, de la volonté sociétale, de la volonté de... oui, il faut avoir l'adhésion de tous, mais encore faut-il avoir les mécanismes qui nous permettent d'effectuer les transformations. Il faut le faire à mon avis en reconnaissant nos expertises existantes, le fait que nous... enfin que nous avons ces expertises-là, que nous les avons... Et d'ailleurs nos expertises sont, je dirais, meilleures que celles de la France, d'accord? Et d'ailleurs il y a une collègue française qui me disait: Bien, écoutez, vous autres, vous avez travaillé beaucoup plus au niveau social; nous, nous sommes obligés d'avoir des lois pour faire intégrer des femmes aux niveaux décisionnels. Alors, est-ce que c'est... Il faut quand même comprendre que les deux sociétés sont différentes et il faut, je crois, consolider nos acquis, au Québec.

Je pense que je vais arrêter là, parce que...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Merci, Mme Côté. Vous aurez amplement le temps de compléter votre pensée lors de la période des questions et des échanges. Donc, je donne la parole à Mme la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et responsable «de» la Condition féminine et non pas «à» la Condition féminine.

Mme Courchesne: Qui a dit «à»?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Personne.

Mme Courchesne: Ah! Bonjour, Mme Côté. Bienvenue, merci d'être là, particulièrement de l'Outaouais; j'apprécie que vous ayez fait le trajet pour venir nous présenter votre point de vue. Et, si vous me permettez, j'aimerais justement aborder cette question des régions.

Vous dites que... Peut-être, votre mémoire est incomplet à cet effet-là, mais, comme vous venez des régions, je me permettrai d'amorcer cet échange-là par cet aspect-là. Et j'aimerais bien sûr que vous me disiez, au-delà de la représentation en région, quels seraient les meilleurs moyens qu'on devrait mettre en place pour justement s'assurer que les objectifs d'égalité en région soient renforcés ou qu'on puisse... Vous avez insisté sur l'importance de l'obligation de résultat, donc je partage. Alors, à ce moment-là, il y a des régions, il y a des groupes régionaux qui sont venus nous parler de l'obligation d'avoir une politique d'égalité régionale. Est-ce que c'est le bon moyen? Est-ce qu'il y en a d'autres?

Où en serait votre réflexion à cet égard-là, et comment on ferait pour renforcer, même s'il y a des représentantes régionales du Conseil du statut de la femme, qu'il y a des répondantes de ministères sectoriels? Moi, je vous avoue que parfois ça me... Malgré l'excellence de leur travail, comment peut-on renforcer justement ce dynamisme pour s'assurer qu'il y a une interrelation, qu'il y a une cohésion, que, quand les gouvernements élaborent les politiques, les programmes et les lois, on a aussi... à travers l'ADS bien sûr, là, je veux bien. Mais dites-moi un peu le fond de votre pensée par rapport à ça.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, la parole est à vous, Mme Côté.

Mme Côté (Denyse): Je pense que les gens qui sont ici, des régions, ont des désirs de parler du national avant de parler du régional; ça a été mon cas. J'ai vu plutôt... dans notre mémoire, on a plutôt parlé des enjeux nationaux. Mais, au niveau régional, j'ai trouvé... Bon, je vois deux choses dans votre question. Au niveau des mécanismes comme tels, ils ont été assez bien identifiés dans le document ? d'ailleurs, on m'a consultée, aussi... bon, ils ont consulté d'autres gens en région ? je trouve qu'il était très complet à ce niveau-là. L'obligation de résultat doit venir du national et doit arriver aux paliers régionaux et locaux, ça, sans obligation de résultat.

Les groupes, individus porteurs ou porteuses de dossiers qui travaillent en condition féminine n'auront pas l'oreille des décideurs; ça, on va être très, très clairs. J'ai vu la différence. Ça fait depuis 1986 que je suis revenue en Outaouais, et, à un certain moment, dans les années quatre-vingt, on nous disait même que: ce n'est pas possible d'avoir des statistiques ventilées selon les sexes. Alors, on arrive de loin. On a vraiment commencé à travailler, pas qu'on n'avait pas de contacts, mais on a commencé à travailler de concert avec les instances régionales au moment où la cinquième orientation nous est arrivée. Et cette cinquième orientation là, en 1997, je vous le rappelle, cette cinquième orientation là est arrivée parce que les groupes de femmes régionaux aussi ont beaucoup insisté ? là il y a toute une histoire dont je vous ferai grâce. Bon.

Comment le faire? Politique de l'égalité régionale? Oui, pourquoi pas. Il y a d'autres mécanismes aussi. On sait que ça dépend des synergies, ça dépend des possibilités, ça dépend... Bon. S'il y a une obligation d'avoir une politique régionale de l'égalité, bien j'ai l'impression que les groupes de femmes, la société civile et les décideurs vont se mettre à travailler de concert, ils vont le faire. S'il n'y en a pas... Enfin, une obligation de résultat peut se matérialiser de différentes façons.

Mme Courchesne: Mais est-ce qu'il y a autre chose qu'une politique d'égalité régionale? Est-ce que vous favorisez d'autres moyens pour justement s'assurer que dans les régions on travaille tous dans le même sens?

n(16 h 30)n

Mme Côté (Denyse): Oui, il y a d'autres moyens. Bon, il y a deux... Pour revenir à des éléments du mémoire, c'est: premièrement, il y a certaines expertises dans les régions. À l'heure actuelle, en Outaouais, c'est sensiblement la même chose. D'ailleurs, il y a certains pôles d'expertise au niveau de l'égalité hommes-femmes et de la condition féminine, dont le Conseil du statut de la femme, dont des responsables des dossiers de condition féminine dans les anciens CRD ou ailleurs. Il faut maintenir ces responsabilités-là parce qu'il s'agit des personnes qui portent les dossiers et qui aident les décideurs à réfléchir à ces questions, parce que les décideurs locaux ne savent pas vraiment comment s'y prendre. On est en train de commencer... On a eu un budget de la CRE pour travailler à l'analyse différenciée selon les sexes. Les gens ne savent pas comment le faire, ne savent pas ce dont il s'agit, n'ont aucune idée et ont même, à la limite, peur de... ils ne savent pas comment s'y prendre. Donc, il s'agit de trouver une façon de mettre en lien les expertises et les décideurs et de faire transmettre les connaissances entre les... Et on est à ce moment-là à l'heure actuelle.

Alors, pour vous donner un exemple concret, en Outaouais, nous avons déjà... qui ont le dossier condition féminine, l'OREGAND, qui est une ressource spéciale, la table de concertation régionale, et nous avons le Conseil du statut de la femme. Ces gens-là, nous travaillons de concert et nous... nous travaillions de concert, à la table femmes, mais là c'est un autre mécanisme. Les mécanismes qui permettent de créer des synergies entre les porteuses ou porteurs de dossiers de la condition féminine, avec la mise en place des CRE, malheureusement on a perdu ça. On a perdu beaucoup, beaucoup d'influence, en Outaouais. Parce qu'on avait même la présidente de notre table femmes, du CRD, qui était à l'exécutif. Donc, l'éducation des décideurs se faisait à travers ces mécanismes-là.

Donc, une politique de l'égalité, oui, une possibilité de concertation des différentes expertises régionales en matière de condition féminine, des mécanismes d'influence, de formation, etc., d'aller-retour, d'appui aussi aux décideurs. Parce que les décideurs, pour eux, c'est un dossier de plus, hein, les décideurs locaux, là, puis ils ne savent pas comment s'y prendre, à l'heure actuelle, c'est ce qu'on nous dit.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Merci.

Mme Côté (Denyse): Je ne sais pas si ça répond à votre question?

Mme Courchesne: Oui. Merci. Je vais laisser ma collègue...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Mme la députée de Nelligan, s'il vous plaît.

Mme James: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Côté. Bienvenue et merci pour votre présentation et pour votre mémoire. J'ai pu faire le parcours de ce que vous avez écrit puis j'ai trouvé ça très intéressant. Il y a certaines choses qui m'ont marquée particulièrement, entre autres quand vous dites: «Ne pas connaître l'histoire, c'est se condamner à la répéter.» Et aussi, plus tard, vous dites qu'il faut éviter de «banaliser l'expérience et le cheminement de la société québécoise en condition féminine». Je me demande: À quoi faites-vous référence quand vous dites ça? Et la raison pour laquelle je pose la question en fait... Parce qu'on a entendu plusieurs groupes jusqu'à maintenant, puis une des choses qui me touchent particulièrement, c'est que, quand on écoute le cheminement que plusieurs groupes féministes ont fait, on a parlé de garder ce lien intergénérationnel là et de l'importance que nous, en tant que jeunes femmes, là, mais en tant que jeunes en général, qu'on s'associe ou qu'on s'identifie dans ces groupes-là.

Alors, quand je lis ça, je sens que vous avez peut-être un message que vous voulez passer, ou il y a quelque chose que je n'ai peut-être pas compris. Alors, j'aimerais comprendre plus concrètement ce que vous voulez dire quand vous dites en particulier qu'il faut éviter de «banaliser l'expérience et le cheminement de la société québécoise en condition féminine».

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Mme Côté, vous avez le choix entre une explication ou un message. Allez-y.

Mme Côté (Denyse): Je pense qu'on a une histoire qui est riche, je pense qu'il faut la reconnaître, je pense qu'il faut la transmettre et je pense que les jeunes femmes reprendront ce qu'elles veulent de l'expérience de leurs aînées. Alors, c'est...

Voulez-vous que je reprenne? Je pense que le message que je voulais passer, c'est qu'en fait trop souvent l'histoire se construit à travers un certain oubli du passé, et en particulier l'oubli des luttes. J'ai entendu la fin des présentations des intervenantes précédentes et je crois qu'elles l'ont bien expliqué aussi. Je pense qu'il faut comprendre que l'égalité a été atteinte à travers un regard particulier sur la condition féminine. Moi, je suis tout à fait d'accord pour examiner la condition masculine, par exemple, je le fais dans mes travaux, mais il faut quand même comprendre que l'égalité des femmes a été portée vraiment par un certain nombre de femmes, individuelles ou en groupe, que les jeunes... Ça fait des années que je suis celle qui forme justement la nouvelle génération en matière de condition féminine. La prochaine génération le fera à sa façon, mais ceci doit se faire à travers une transmission historique.

Donc, moi, j'ai la peur qu'on coupe parce qu'on veut prendre un... On fait très souvent ça dans notre société, on dit: Passons à autre chose, oublions ? et je ne dis pas que c'est ça qu'on disait, là, mais là je vais caricaturer pour mieux m'expliquer ? oublions la condition féminine, puis passons à l'égalité, et puis, bon, ça, c'est du vieux jeu. Ce n'est pas ce que le document dit, là, d'accord? C'est ce que j'entends, moi, la crainte... J'exprimais ce que j'entends autour de moi comme crainte et, comme observatoire, je trouvais qu'on était en bonne situation pour vous transmettre cette crainte-là. Il faut respecter ce qui était... Et c'est une crainte qui est justifiée par l'histoire. Parce qu'on oublie souvent l'histoire des femmes, O.K.?

Il y a aussi la question de la mixité et de la non-mixité. La non-mixité, c'est-à-dire des groupes seulement de femmes, vous parlez seulement des femmes. Ce sont des stratégies qui ont été développées à travers l'histoire, au moment où le message n'a pas pu être passé autrement, O.K.? Donc, moi, je pense qu'il faut garder des stratégies variables et différentes. Que ce soit, dans certains cas, parler de condition féminine, dans d'autres cas, d'atteinte de l'égalité, je pense qu'il faut faire de la valeur ajoutée avec l'ADS ou l'AIE, en plus d'une politique spécifique en matière de condition féminine, qui est notre tradition, au Québec, depuis longtemps. Je pense que ça répond à votre question, j'espère.

Mme James: Oui, oui. Merci.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Alors, Mme Côté, M. le député de Rouyn-Noranda? Témiscamingue aimerait vous poser une question.

M. Bernard: Merci, M. le Président. Merci beaucoup d'être présente aujourd'hui. Puis, étant donné que vous êtes un observatoire, entre autres, très axé sur les régions, je ne peux pas passer à côté d'avoir le privilège puis l'opportunité de vous poser des questions.

Dans les propos que vous venez de dire, vous dites que vous avez vu la différence, depuis la transformation des CRD aux CRE, au niveau des régions. Quand vous dites ça, à ce moment-ci, est-ce que vous parlez de qu'est-ce que vous avez vécu du côté de l'Outaouais ou c'est quelque chose qu'au travers de vos travaux vous avez vu généralisé, dans d'autres régions du Québec?

Mme Côté (Denyse): Parlez-vous de la période des dernières années ou...

M. Bernard: De la dernière année surtout, là.

Mme Côté (Denyse): La dernière année.

M. Bernard: Le transfert. Quand vous dites, entre autres, que les décideurs locaux maintenant ne savent plus comment s'y prendre, puis tout ça. Est-ce que c'est quelque chose donc que vous voyez...

Mme Côté (Denyse): Deux choses. Quand je dis que les décideurs locaux ne savent pas... parce qu'ils n'ont jamais été responsables de la condition féminine. La condition féminine, ou l'égalité entre les hommes et les femmes a été traditionnellement, au Québec, un dossier traité au niveau national. Donc, ce n'est pas qu'ils ne savent plus, c'est qu'ils n'ont jamais appris à. Ça ne veut pas dire qu'ils sont plus sexistes ou moins sexistes ? excusez-moi le terme, là, on va être clair ? ce n'est pas ça, là. C'est qu'ils n'ont jamais, comme décideurs, eu à traiter de ces questions-là.

Donc, s'ils ont une obligation de résultat... Admettons qu'il y a une obligation de résultat dans les CRE. Les CRE se constituent une conscience régionale, à l'heure actuelle, à partir d'une mise en rapport de décideurs locaux; il ne faut pas oublier ça, là. Donc, ces décideurs locaux là n'ont jamais eu à traiter la condition féminine, et c'est pour cette raison-là qu'ils doivent se faire une tête, et ça, ça prend du temps. On a changé de brochette de décideurs, et les reculs sont, comme je dis, des effets pervers. Quand on change de brochette de décideurs...

Il faut comprendre que dans la région de l'Outaouais, par exemple, et dans d'autres régions ? j'ai quand même, à travers mes recherches, connu d'autres régions ? il y a des lobbys qui se sont faits pour l'intégration d'objectifs d'égalité. Et, quand on change de décideurs, c'est comme quand, dans un ministère, on change de ministre, il faut recommencer quand même à faire comprendre à un décideur l'importance, etc., là, ou en fait le contenu d'une politique d'égalité. Je ne sais pas si je m'explique bien, bon, c'est ça que je voulais dire précisément.

Pour la question: Est-ce que c'est juste en Outaouais ou ailleurs?, c'est variable, mais je pense qu'il y a un consensus. Puis en tout cas il y a eu une réunion dernièrement, convoquée par le CIAFT, là, sur la question et on constatait, dans l'ensemble des régions, qu'il y avait des reculs ou du surplace, ne soit-ce qu'à cause du changement de structures. En tant que tel, le changement de structures ralentit toute possibilité de... enfin ajoute un poids supplémentaire, disons, ralentit la vitesse de croisière nécessairement.

n(16 h 40)n

M. Bernard: Oui, bien... Puis, moi, de manière générale, bon, j'ai vécu la transition en Abitibi-Témiscamingue, le passage. Le CRD, à l'époque, chez nous, il y avait 77 personnes sur le conseil d'administration, une grande représentativité. Certaines personnes disaient qu'à un moment donné même c'était un peu rendu trop lourd au niveau du fonctionnement. Lors de la période de transition, de toute façon, les permanents au niveau du CRD sont demeurés en place, puis, comme un peu, vous l'avez mentionné, chez vous, toutes les tables sont restées. Nous aussi, on a le privilège, chez nous comme en Outaouais, d'avoir une université qui aide beaucoup à cet égard-là. Donc, il y a certainement eu, je suis d'accord avec vous, un certain flottement. J'espère... puis la perception que j'en ai, c'est que ça a été temporaire, dans la période de transition, et que maintenant celle-ci va pouvoir reprendre son erre d'allant. Vous n'avez pas cet optimisme-là?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Côté, est-ce que vous partagez cet espoir?

Mme Côté (Denyse): Je partage l'espoir parce que je vois ici, autour de la table, une volonté, puis un intérêt certain, puis une préoccupation certaine pour la question du développement régional, la décentralisation de la gouvernance et la décentralisation d'une obligation de résultat au niveau de l'atteinte de l'égalité. Dans combien de temps? Je ne le sais pas.

Parce que ce que je peux vous dire ? là, je parle de l'Outaouais, mais il y a des expériences semblables dans d'autres régions ? ce que je peux vous dire, c'est qu'on a actuellement... on a, comme table femmes, ancienne table femmes du CRD, survécu parce qu'on voulait bien se réunir une fois de temps à autre, mais on n'arrive plus à mobiliser les gens, parce qu'on n'a plus de place à la CRE. Alors, qu'est-ce qu'on fait? C'était là où tous les différents secteurs se consultaient, au sein de la table femmes, et on avait une représentante qui, par, enfin, effet d'élection, etc., était à l'exécutif, donc amenait un certain nombre de choses et éduquait les... bon, bref, éduquait dans le sens de faire comprendre les mécanismes de la condition féminine, en tout cas les dynamiques régionales, enfin tout ça, et là on n'a plus ça. Alors, je pense qu'il n'y a personne qui dit qu'il n'y aura rien, mais, dans l'entre-temps, finalement on ne se réunit plus puis c'est vraiment en suspens, là.

M. Bernard: ...des obligations.

Mme Côté (Denyse): C'est actuellement en suspens. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas de volonté de repartir quelque chose éventuellement, mais ce n'est certainement pas la priorité. Et la condition féminine a rarement été la priorité au niveau... Pas que les gens veulent... Tout le monde, je pense... Je vous dis, moi, je suis convaincue qu'il y a un contrat social, au Québec, pour l'atteinte de l'égalité. Il y a des désaccords, mais je pense qu'il n'y a personne, aucun décideur qui est contre, sauf que c'est dans les mécanismes, c'est dans le comment ça se fait.

On a eu une très intéressante réunion, en octobre, sur finalement les mécanismes à mettre en place ? on parle de commission, etc., on parle de transversalité, entre autres, des questions du développement durable, de la jeunesse, au niveau des personnes âgées aussi, de la question femmes ? je suis intervenue à ce moment-là en disant: Parler de transversalité, d'accord, je suis complètement d'accord, mais comment applique-t-on la transversalité dans un organigramme où finalement nous n'avons, comme porteuses de dossiers de la question de la condition féminine ou de l'ADS, aucune place pour nous réunir et aucun mécanisme électif? La transversalité, on ne peut pas faire ça...

Puis je suis certaine que ce ne sont pas des mauvaises volontés. Même le ministre responsable de la région a même parlé de la nécessité de l'égalité des femmes et des hommes, dans son discours d'ouverture. La volonté est là. Quels mécanismes allons-nous mettre en place pour assurer une transversalité? Comment allons-nous utiliser les expertises qui existent en région pour créer... Et, la synergie, ça nous avait pris plusieurs années à la mettre en place, et, comme je vous ai dit, elle a été de facto freinée, O.K.?

Moi, je ne suis pas du genre pessimiste. Je crois que ça peut reprendre. Je crois que nous ne reculons pas vraiment, que les choses vont prendre une autre forme qui va probablement corriger des limites des CRD. Ça, moi, je... Le CRD n'était certainement pas parfait, là, ça, c'est clair, mais comment assurons-nous une transition, ce n'est pas clair.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Je sais que Mme la députée de La Peltrie aurait aimé poser une question, malheureusement on a épuisé le temps, du côté du groupe parlementaire du gouvernement, alors je dois céder la parole de l'autre côté, à la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, Mme Côté. Merci beaucoup de votre mémoire, de votre présentation, votre connaissance des régions aussi. Vous avez rappelé l'importance de connaître l'histoire, et ça ramène toute cette invisibilité de l'histoire des femmes. Au niveau de l'éducation, le mouvement féministe n'est pas connu. La définition même du féminisme et toute cette longue marche, il faut effectivement qu'on puisse la retrouver au niveau de l'éducation.

J'ai aussi retenu, lorsque vous parlez que les termes neutres, qui ont des effets pervers lorsque... les effets pervers de la neutralisation du langage, et, lorsque je lisais votre texte à cet effet-là, je me suis rappelé un événement qui nous avait particulièrement marquées, au niveau des tables de concertation des groupes de femmes dans les régions, où on s'étaient aperçues qu'au niveau de la santé et des services sociaux on voulait tellement utiliser des termes neutres qu'on avait parlé des personnes enceintes, hein? On voulait tellement être neutres qu'on avait parlé des personnes enceintes, comme si c'était possible qu'on se retrouve avec d'autres personnes que des femmes. Et donc cette neutralisation effectivement, à un moment donné, peut se retrouver avec des écarts assez impressionnants.

J'ai bien aimé... puis vous n'avez pas eu le temps de la développer, mais je pense qu'il faut qu'on le retienne, parce que souvent on perçoit la parité, l'égalité de fait pour les femmes comme quelque chose de dérangeant, qui vient nous ramener à poser des gestes, mais on oublie toute la question, tout le côté positif des choses. Et, dans votre introduction, quand vous dites: «L'atteinte de la parité et de l'égalité ? j'aurais rajouté "de fait" ? est une condition sine qua non du développement des régions québécoises et du Québec dans son ensemble», et c'est parfaitement vrai, parité, égalité de fait, c'est une condition du développement, c'est automatique.

Oui, il y a eu, moi, je dis, des reculs. Moi, j'ose dire «reculs», parce que, quand, au niveau de la représentation des femmes au niveau des conseils d'administration, sauf les régions... en choisissant l'instance municipale, là où la représentation des femmes était la plus faible, et en laissant décider l'instance municipale à savoir si elle aurait des partenaires de la société civile, combien elle aurait de partenaires, automatiquement on réduisait la participation des femmes et on reprenait les structures des régions qui ne souhaitaient pas avoir beaucoup de partenaires de la société civile, qui ont fait ce choix-là, donc évidemment ne se retrouvent pas avec une représentante au niveau de la condition féminine, ne se retrouvent pas non plus avec quelqu'un à l'exécutif. Les régions où la structure n'est pas composée que de maires et de mairesses, comme à Laval, me dit le député de Vimont, c'est des conseillères qui pouvaient être sur les structures, donc ça permettait d'avoir des femmes, parce qu'il y a un peu plus de conseillères que de mairesses. Mais, quand on regarde région par région, oui, il y a un recul.

Puis, oui, un recul, le temps de la réforme, de réapprendre, de réexpliquer, de recommencer à féminiser les textes, de recommencer à représenter nos objectifs, plusieurs régions avaient des ententes spécifiques en condition féminine, on avait une planification stratégique... Donc, tout est à recommencer. Puis, au niveau de la représentation, c'est évident que là il y a recul. Pour le reste, est-ce qu'on va réussir à apporter des correctifs? On finit toujours par le faire, mais on a une perte de temps extrêmement importante.

Je veux que vous puissiez revenir sur... En page 4, vous nous parlez, juste avant «le besoin urgent d'une politique», parce que je trouve que c'est très lié: «Ce qui importe aujourd'hui, au Québec, dans le domaine de la condition féminine, c'est que l'égalité de droit et de fait soit renforcée à travers tous les projets de loi à venir, directives administratives, décisions budgétaires, politiques sectorielles, et ce, aux niveaux provincial, local et régional. Comment y arriver? À travers une politique en condition féminine qui renforcisse les liens entre les décideurs ? décideures ? les institutions et la société civile et qui fasse consensus sur les objectifs à atteindre.»

n(16 h 50)n

Et vous rappelez que ça fait déjà un an que nous n'avons plus de nouvelle politique en matière de condition féminine. Elle se terminait en 2003, nous prolongeons sur l'ancienne politique. Sauf que, la cinquième orientation, vous le rappelez bien, bien il y a comme un flou, parce que la cinquième orientation, en matière de condition féminine, elle reposait sur la représentation, mais elle reposait aussi sur la prise en compte des besoins des femmes, et le ministère porteur, c'était le ministère des Régions, puis, le ministère des Régions, bien il n'existe plus. Alors, le ministère porteur de cette orientation n'est plus là, donc il va falloir qu'une autre instance puisse être raccrochée à cette partie régionale, là, qu'on devrait normalement retrouver dans une politique en condition féminine. Alors, je veux vous entendre sur l'urgence de cette politique en condition féminine. Et, quand vous parlez de renforcir les liens, quand vous parlez de l'importance des projets de loi, directions administratives, budgets, politiques sectorielles à tous les niveaux, pouvez-vous nous tracer un portrait un peu plus précis de ce que vous avez en tête?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Côté, s'il vous plaît.

Mme Côté (Denyse): Je vous avoue que je n'ai pas de portrait précis. Ce que je sais... Je n'ai pas de portrait précis, parce que, bien, d'une part, je n'ai jamais été en situation de dresser puis... ces lois et ces politiques ni de prendre ces décisions-là. Par contre, j'ai observé que c'est la synergie qui est créée, et c'est vraiment la synergie qui est créée au niveau national certes, mais au niveau régional, entre différents acteurs. Si tout le monde va dans le même sens, c'est bien clair qu'on va arriver quelque part. Ce n'est pas une réponse précise à votre question, j'en suis consciente. Quand je parle de... Je pense...

Ce que je voudrais dire, c'est que ? vous en avez donné un exemple, et là-dessus je pense que je reviendrai là-dessus ? c'est qu'effectivement, dans la politique de la cinquième orientation, il y avait une question symbolique pour les femmes des régions, d'une part, et il y avait un ministère aussi, qui n'était pas le ministère voué à la condition féminine, qui avait un rôle de prise en compte de leurs besoins, O.K., spécifiquement. Et ça, c'est une modalité de redressement de l'histoire ou de redressement du passé, mais c'est aussi une porte à laquelle on peut frapper, qui est régionale et pas nécessairement nationale. Et cette obligation-là a créé justement des liens entre des représentantes ou groupes de femmes au niveau régional avec des décideurs ou en fait des instances... enfin c'est des représentants du gouvernement du Québec dans les régions. C'est un exemple de synergie. Moi, je pense que ça peut prendre plusieurs formes, O.K.?

Ce que j'essaie d'avancer, c'est qu'il faudrait avoir une forme bien sûr d'ADS ou d'AIE, là, peu importe son terme, et, si on prend en aval la question des rapports homme-femme dans nos décisions politiques, on n'assistera pas aux effets pervers de la mise en place des CRE, là. On se comprend? Bon.

Je suis... Mais enfin je ne réponds pas directement à votre question. Parce qu'il y a plusieurs mécanismes. Moi, je n'ai pas de préférence pour un mécanisme. Ce qu'il faut, c'est une volonté politique, des budgets. On n'a pas parlé, dans le document ? je veux juste soulever ça ? des budgets genrés. C'est quelque chose dont on parle beaucoup en Amérique latine et ailleurs, toute la question de l'inclusion, au niveau des budgets, d'une perspective d'intégration d'ADS ou d'AIE, O.K., de s'assurer que les budgets y sont. Si ça, on a ça, que ce soit à travers une politique régionale de l'égalité ou que ce soit à travers autre chose, mais très certainement que ça ne reste pas des voeux pieux, qu'il y ait quelque chose qui arrive au niveau des... comment dirais-je, des projets qui sont mis en place, des actions, et ça, ça demande des budgets.

Je sais que je n'ai pas répondu directement à votre question, parce que dans le fond il y a plusieurs choix possibles.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): On est habitués à ça, madame, comme membres de l'Assemblée nationale dans l'opposition. Alors, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Non, vous avez effectivement parlé de l'importance d'un ancrage, en tout cas, au niveau régional, et, vu que vous ouvrez une porte sur les budgets gendrés, là, j'aimerais ça que vous poursuiviez un petit peu là-dessus, nous expliquer un petit peu plus, parce que vous êtes la première à nous en parler, alors...

Mme Côté (Denyse): Bien peut-être ? je vois l'heure passer ? je vais parler de ça, puis un dernier petit point en rapport avec votre remarque précédente. Les budgets genrés, c'est une méthode finalement d'étude des crédits budgétaires qui prenne en compte, disons, les effets des budgets sur les hommes et les femmes. En fait, c'est une application à l'exercice budgétaire de l'ADS ou de l'AIE, tout simplement, là, ce n'est pas... Il y a des méthodes, là, c'est plus développé que ce que je vous dis, je ne vous en ferai pas un exposé, là, mais... Et, au moment où mettre en place... Et je sais que... bon, il y a une des conseillères municipales, chez nous, qui commence à m'en parler, la Fédération canadienne des municipalités en parle, parce que... bon, pour toutes sortes de raisons, au niveau international, on en parle.

L'idée, c'est, quand on arrive à une étude de budget, qu'on puisse dire: Bon, bien, est-ce que ça, ça va toucher... est-ce que tous les budgets qui sont là vont toucher à 75 % plus d'hommes que de femmes? On veut essayer de rééquilibrer, mais... Et ça éviterait le problème que j'avais souligné précédemment, à savoir qu'on pourrait avoir une priorité, dans un plan quinquennal d'intégration des femmes, ou choses comme ça. Mais, si les budgets ne sont pas accordés parce que, quand les études budgétaires se font, on ne fait pas justement l'exercice de regarder où vont les argents globalement, on se retrouve avec même des priorités dans des plans quinquennaux qui ne sont pas financés, finalement. Donc ça, c'est une des choses qui circulent beaucoup au niveau international et qui est en train d'atterrir au niveau des municipalités québécoises à l'heure actuelle. Donc ça, c'est une autre... C'est pour ça que je dis: Il n'y a pas un mécanisme, je pense qu'il y a des multitudes de mécanismes et des arrimages à faire entre les différents niveaux d'intervention ou les différents mécanismes mis en place.

Juste une chose que je voulais vous dire, au niveau... Vous avez parlé de l'éducation. Je veux juste terminer avec... On a parlé aussi dans le document beaucoup des stéréotypes, et je n'ai pas voulu l'écrire, mais je me sens le besoin de le dire. Effectivement, on pourrait renforcer, au niveau scolaire, ce qu'on enseigne au niveau du mouvement des femmes, mais je pense qu'au niveau cégep, je l'ai vu, et au niveau universitaire, j'en suis la preuve vivante, on l'enseigne. Moi, j'enseigne un cours obligatoire sur la question de la condition féminine, en travail social.

Cela dit, quand on parle de stéréotypes, parce qu'on parle beaucoup de stéréotypes sexistes et sexuels dans le document, on n'aborde pas... Et je pense qu'en filigrane de beaucoup de débats ? en fait, ce que j'ai entendu, ce que je vois, ce que... ? il y a quelque chose du stéréotype lié au féminisme, et ça, je crois qu'on ne s'en est pas départis, dans la société québécoise, malgré notre contrat social d'égalité entre les hommes... on ne s'en est pas départis.

Et je vous raconterais... je terminerais justement, parce que je vois l'heure passer, sur une anecdote. J'avais été très surprise... Pour avoir moi-même été l'objet de ces stéréotypes-là ? j'ai été la première professeure-chercheure, à l'Université du Québec en Outaouais, sur la question des femmes ? et on m'a même dit à un moment donné que ça, ce n'était une matière universitaire. Moi, j'ai vécu ça, et on m'a vue comme une féministe. J'ai eu ce que j'appelais, moi, l'effet cactus. On m'a mis une... tu sais, là, l'effet repoussoir, la peur. Il y a quelque chose qui existe, là, encore dans notre société.

Et j'avais été très marquée, en 1990, quand j'étais venue ici, dans cette auguste ville de Québec, parce que la ville de Québec avait fait un honneur à un membre de ma famille, qui était ma grand-mère, pour le 50e anniversaire de l'obtention du droit de vote des femmes. Ils avaient mis une plaque sur la maison de ma grand-mère, qui était une des féministes de la première heure. Et je vous raconterais qu'au niveau des stéréotypes portés sur le féminisme j'avais rencontré un homme qui avait connu ma grand-mère, qui m'avait parlé d'elle et qui m'avait sorti tous les stéréotypes que je vivais, moi, mais en parlant de ma grand-mère, O.K.? Et c'était... Bien j'ai dit: Mais ça ne se peut pas, ça ne se peut pas! Et ce stéréotype-là, il se perpétue. Il y a une sorte de peur, et, bon, tout le monde le dit, là. Les jeunes femmes vont dire: Je ne suis pas féministe. Mais je travaille avec des femmes de 20, 21, 22 ans, je leur donne des cours sur les femmes, et on en parle couramment, et effectivement ce stéréotype-là se perpétue.

Je ne pense pas que c'est... Bon, je voulais vous en parler, parce qu'en quelque part, dans le débat auquel j'assiste ? je n'ai pas assisté à toute la commission, mais j'entends, j'ai des échos, j'ai des contacts ? il y a un certain malaise, et je pense qu'il y a une partie d'explication qu'on peut trouver dans cette sorte de malaise qui existe dans presque toutes les sociétés. Se faire affubler de «féministe» un peu partout, c'est... Et ça, en soi, moi, je ne peux pas l'expliquer, là, je ne comprends pas pourquoi, mais je me dis: Est-ce qu'on réagit... En tout cas, je suis certaine qu'il y a des réactions, par exemple, au changement d'appellation, dont la nôtre, dans une certaine mesure, qui est lié au fait, là, à savoir est-ce qu'on ne veut pas parler de femmes, est-ce qu'on ne veut pas parler de féminisme parce que ce sont des sujets qui créent des... ce sont des termes qui créent des malaises? Je voulais juste...

Mais, cela dit, le fond de la question n'est pas là, tant qu'à moi. Je pense que ces malaises-là existent. Le fond de la question n'est pas là, parce que, quand on arrive à dépasser les stéréotypes, on retrouve cette volonté d'égalité qui est remarquable. Allez en France, allez en Belgique ? vous y allez très certainement, enfin je n'ai pas besoin de vous dire d'y aller ? mais, quand on circule, on trouve que le degré d'atteinte de l'égalité au Québec est vraiment, vraiment incroyable. Mais, cela dit, ces malaises-là persistent, et, moi, je ne me les explique pas, je les constate.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci, Mme Côté. Ça va, comme ça? Ou une autre question? Oui. Certainement, oui.

Mme Caron: Oui. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Brève.

n(17 heures)n

Mme Caron: Brève, je vais essayer. Mais c'est vrai pour tous les mouvements qui veulent lutter contre des discriminations. Les tactiques, c'est toujours de commencer par rendre le nom... modifier la signification pour essayer que les gens ne s'y rallient pas, là; ça fait partie des techniques. Et les jeunes féministes, les jeunes chercheures féministes sont venues nous rencontrer, on va en voir d'autres dans une autre période de consultation, mais, pour elles, elles vivent exactement la même chose que celles qui les ont précédées. Mais c'est une méconnaissance du mot et c'est une méconnaissance aussi de l'action, et voulue pour essayer d'un peu désolidariser. Et je pense que ça fait partie des courants, là, lorsqu'on prône une cause d'égalité. Malheureusement, ça fait partie des objectifs.

Je veux juste revenir, pour la dernière question, tout simplement, page 9. Vous nous dites: «Il faut faire de l'atteinte de l'égalité des femmes un objectif pour tous les secteurs de la société québécoise et en identifier clairement les étapes et indicateurs de résultats.» Parce qu'effectivement, si on ne se définit pas des étapes et si on ne se donne pas des indicateurs de résultats, c'est extrêmement difficile de voir les avancées qu'on fait, mais aussi de voir là où il faut agir davantage. Vous, vous le voyez comment, vous les voyez comment, ces étapes-là à venir, à partir de votre expérience? Vous les voyez comment? Comment on pourrait mieux les clarifier? Puis, au niveau des indicateurs de résultats, qu'est-ce que vous nous suggérez? Comment on peut procéder?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Il vous reste une minute pour répondre à cette question.

Mme Côté (Denyse): Une minute?

Les étapes seraient les suivantes. Moi, je pense, fixer une politique avec un... et permettre aux acteurs de la société civile, aux intervenants au sein des gouvernements, aux décideurs locaux de prendre un envol, un chemin, un cap. Bon, s'assurer qu'il y a un travail commun, à différents paliers, entre les différents acteurs. Je vais parler au niveau de la région, à mon niveau régional: s'assurer que les décideurs, d'une façon ou d'une autre, aient une obligation de résultat, oui, mais une obligation de travailler avec les personnes qui sont déjà là depuis des années à travailler en condition féminine. Puis ça ne veut pas dire que ces personnes-là ont... Tout le monde a des fois raison, des fois tort, ce n'est pas la question. C'est que les décideurs soient obligés de prendre des décisions qui soient conformes à la volonté de ces personnes-là, mais qu'il y ait un travail commun de concertation. Ce travail-là a été très bien enclenché dans la plupart des régions depuis longtemps. Il faut qu'il reprenne son envol. C'est ça, la prochaine étape, je pense. Si je peux vous donner mon cri du coeur, là, c'est trouver une façon que le travail continue, se fasse en synergie.

Et, pour les indicateurs, la seule chose que je dirais, il y a des indicateurs statistiques, mais je pense qu'il va falloir développer des indicateurs qui soient aussi bien qualitatifs que quantitatifs. Et ça, il y a tout un mouvement ? juste pour terminer ? il y a tout un mouvement, sur le développement d'indicateurs sociaux qualitatifs, au niveau international, duquel on pourrait s'inspirer. Donc, il y a des choses qu'on pourrait aller chercher.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Mme Côté, il n'y a pas de plus belle façon de terminer votre témoignage que par un cri du coeur. Merci beaucoup de votre contribution. Et je demande, s'il vous plaît... Je suspends les travaux, à peine, mais je demande aux personnes qui représentent le Regroupement des CALACS de prendre place à la table, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 17 h 4)

 

(Reprise à 17 h 7)

Le Président (M. Bouchard, Vachon): S'il vous plaît! Je constate que nous sommes revenus au quorum et je... La commission donc poursuit ses travaux avec Mme Carole Tremblay et Mme Pilar Barbal i Rodoreda, qui représentent le Regroupement québécois des CALACS, ou des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel.

Alors, Mme Tremblay, je crois, va commencer. Très bien. Alors, bienvenue à la commission à toutes les deux.

Regroupement québécois des centres d'aide
et de lutte contre les agressions
à caractère sexuel (CALACS)

Mme Tremblay (Carole): Merci beaucoup. Bonjour, M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs de la commission. Un bonjour particulier à Mme Lamontagne, secrétaire de la commission, qui nous répond avec tellement de compétence, dans les dédales administratifs, et qu'on n'a jamais l'occasion de remercier.

Une voix: ...

Mme Tremblay (Carole): Alors, merci de...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, là-dessus, nous allons prendre 30 secondes de silence...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bouchard, Vachon): C'est vraiment exceptionnel et c'est tant mieux! Ha, ha, ha!

Mme Tremblay (Carole): Alors, merci de nous avoir invitées à commenter l'avis du Conseil du statut de la femme. Ma collègue Pilar Barbal i Rodoreda interviendra dans la deuxième portion de notre présentation.

Alors, le Regroupement des CALACS... CALACS, pour ceux qui ne connaissent pas l'acronyme, ça veut dire centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. Alors, le Regroupement des CALACS existe depuis 25 ans. Il regroupe 26 organismes, des centres d'aide qui interviennent auprès des femmes et des adolescentes agressées sexuellement dans l'enfance ou qui ont subi une agression sexuelle récente. Les ressources CALACS s'occupent de la prévention des agressions à caractère sexuel, par exemple en faisant des modules de prévention auprès d'adolescents et d'adolescentes dans les écoles. Ils font de la lutte en revendiquant des changements législatifs et des politiques adéquates et bien sûr ils font de l'intervention individuelle auprès des personnes. Cette intervention peut prendre également la forme de groupes de soutien.

Comme nous travaillons spécifiquement dans le domaine de la lutte contre la violence sexuelle, notre analyse de l'avis du CSF a été faite à la lumière de la réalité des femmes agressées sexuellement, et particulièrement des femmes davantage discriminées et autochtones, pour qui l'égalité est loin d'être atteinte, tant la reconnaissance de leurs droits accuse du retard comparativement aux droits des femmes en général.

Depuis quelques années, nous développons des collaborations plus étroites avec des femmes ou des groupes de femmes davantage discriminées, et des groupes autochtones, et des femmes autochtones. Cela nous a permis d'entrevoir les barrages supplémentaires que ces femmes ont à affronter pour faire connaître la violence sexuelle qu'elles vivent ou ont vécue. Tout à l'heure, Pilar présentera plus en détail notre travail auprès de ces femmes.

n(17 h 10)n

Alors, dans le cadre de notre analyse de l'avis du Conseil, nous avons constaté que le portrait fait par le CSF concernant la problématique des agressions à caractère sexuel était très succinct et incomplet. Le contenu de notre mémoire insiste donc beaucoup pour mieux situer les obstacles persistants qui empêchent d'éradiquer la violence sexuelle. Dans notre mémoire, il est notamment question des lacunes dans les lois et les programmes d'immigration, qui peuvent avoir pour effet de favoriser ou faciliter, entre guillemets, les agressions à caractère sexuel et la violence, notamment pour les aides familiales et les travailleuses temporaires migrantes. Dans notre mémoire, il est aussi question de l'absence de volonté politique en regard de la lutte contre la prostitution, la marchandisation et l'hypersexualisation du corps des femmes et des filles et contre les mutilations génitales. Bien sûr, dans notre mémoire, nous traitons aussi des réalités particulières vécues par les femmes autochtones et les femmes vivant avec un handicap.

À la lecture de nos nombreuses recommandations, que vous retrouvez à la fin de notre mémoire ? je ne les reprendrai pas ici une à une ? vous remarquerez que ces recommandations sont très liées à l'approche spécifique et l'approche transversale. Pilar, tout à l'heure, va vous entretenir plus abondamment de l'approche transversale. Alors, nous privilégions ces deux approches puisqu'elles sont de nature à donner des résultats substantiels. J'insiste sur «elles sont de nature».

Nos réserves par rapport à la présentation faite par le Conseil du statut de la femme de l'approche sociétale sont de trois ordres. Premièrement, et je pense que ne nous sommes pas les premières à le dire, l'approche sociétale n'est pas nouvelle. Nous occupons ce terrain depuis fort longtemps, notamment avec nos programmes de prévention dans les écoles, où nous rejoignons garçons et filles. D'autre part, nous ne comptons plus les mémoires faits en collaboration avec des groupes mixtes, tels que Plaidoyer-Victimes, sur des questions aussi importantes que l'IVAC ? pour celles qui ne connaissent pas l'acronyme, c'est l'Indemnisation des victimes d'actes criminels ? et l'aide juridique. Enfin, nos contacts réguliers dans les milieux de la concertation avec des policiers, des procureurs, des agents des services correctionnels sont autant d'exemples qui démontrent que l'approche sociétale n'est pas nouvelle.

Deuxième critique: L'approche sociétale n'est pas le moyen à mettre en place en premier pour actualiser nos stratégies, tel qu'il est suggéré dans l'avis du conseil aux pages 31, 33 et 35. Nous avons, nous aussi, constaté que l'approche spécifique n'offre pas toujours les résultats attendus. Toutefois, si celle-ci est longue à donner des résultats, notamment en matière de violence faite aux femmes, c'est qu'elle n'a pas toujours des outils efficaces à sa disposition. Par «outils», nous entendons des politiques, des programmes, des directives, des lois efficaces.

Pour illustrer que certains outils sont imparfaits, mentionnons deux exemples. Les orientations gouvernementales en matière d'agressions à caractère sexuel, adoptées en 2001, sont très faibles, voire silencieuses, sur ce qui doit être mis en place pour améliorer le traitement judiciaire des dossiers d'agressions à caractère sexuel. Deuxième exemple: Si le nouveau plan d'action en violence conjugale... Nous traitons du plan d'action en violence conjugale parce qu'il donne souvent des indicateurs sur ce qui va se passer en matière d'agressions à caractère sexuel. Alors, si le nouveau plan d'action en violence conjugale, adopté fin 2004, traite plus de l'administration de la justice, il n'en demeure pas moins que, sur 97 recommandations qu'il devait mettre en oeuvre, celles qu'il laisse de côté sont presque entièrement celles qui concernent la question de la justice en milieu autochtone. Donc, pour actualiser nos stratégies ou nos approches, il s'agit de mieux outiller l'approche spécifique.

Troisième critique à l'égard de l'approche sociétale: La proposition que fait le Conseil du statut de la femme d'élargir l'approche sociétale doit être nuancée, pour trois raisons. Premièrement, dans l'avis du CSF, l'approche sociétale n'est pas définie à partir de la responsabilisation des agresseurs. C'est pourtant d'une importance capitale, considérant les mythes et les préjugés encore véhiculés sur les victimes et les agresseurs. Pour plusieurs, la violence sexuelle est occasionnée par un problème de communication ou de pulsions sexuelles mal dirigées. Selon cette conception, les hommes violent parce qu'ils ont des problèmes sexuels et une libido incontrôlable.

Deuxièmement, l'intervention auprès des victimes d'agressions à caractère sexuel doit tenir compte de leurs besoins particuliers. Par exemple, une femme qui se retrouve à l'urgence doit pouvoir demander à rencontrer une intervenante, et ce besoin ne doit pas lui être nié. Pour combler le déficit systématique vécu par les femmes, il est légitime d'attribuer distinctement et différemment les ressources.

Troisièmement, certains groupes d'hommes radicaux et d'autres apparemment moins radicaux ont déjà fait des gains importants auprès des instances gouvernementales, ce qui représente des reculs pour nous. Nous pensons ici au fait que dans le nouveau plan d'action en violence conjugale ont été enlevées plusieurs références au genre, dans les engagements pris par le gouvernement. On parle de maisons d'hébergement pour personnes violentées, on ne parle plus de femmes victimes d'agressions à caractère sexuel, pratiquement.

Deuxième exemple, dans les orientations gouvernementales en matière d'agression sexuelle, celles qui datent de 2001, parce qu'on est encore à essayer de les évaluer, nous avons dû travailler extrêmement fort pour réussir à faire inscrire que les agressions sexuelles étaient le fait d'un homme sur une femme dans la très grande majorité des cas, alors qu'il s'agit d'une évidence. On tente constamment de nier les rapports de pouvoir des hommes et des femmes inhérents à la problématique.

Je passe la parole à ma collègue Pilar et je reviendrai, si j'ai le temps, pour faire une très courte conclusion.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Allez-y, madame.

Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): Oui. Merci. Alors, ma présentation va porter sur deux points. D'abord, je veux parler du contexte où se situe notre travail puis, deuxièmement, des enjeux reliés à l'égalité, en particulier deux éléments majeurs: les obstacles et les menaces à l'égalité.

Alors, pour mettre le contexte, je dirai que le Regroupement des CALACS, depuis 2001, suite à la Marche des femmes, travaille sur quatre projets pilotes qui concernent les femmes davantage discriminées, les femmes qui vivent avec une limitation fonctionnelle, ou handicapées, et les femmes autochtones. Alors, quand je dis «trois CALACS», c'est sûr que les projets pilotes sont portés par trois CALACS particulièrement, mais toujours dans une optique de transférabilité, c'est-à-dire, de toutes les compétences acquises, les connaissances acquises, les partager, les transférer aux 26 CALACS qui se situent dans toutes les régions du Québec.

Deuxièmement, je voudrais apporter des précisions, parce que, quand je vais parler des femmes vivant avec un handicap ou avec une limitation fonctionnelle, je sais que des groupes qui travaillent spécifiquement avec ces femmes, ils ont deux choix par rapport à la terminologie, puis je veux les utiliser indistinctement pour ne pas entrer dans aucun des groupes, parce qu'en arrière de ça aussi il y a des valeurs qui sont comme portées.

Troisièmement, quand je vais parler des femmes davantage discriminées, c'est un choix qu'on a fait, parce qu'aux CALACS on refuse de parler de discrimination faite aux femmes comme une addition de discriminations. Pour nous, quand une femme est objet de sexisme et objet de racisme, ce n'est pas le sexisme plus le racisme, c'est une nouvelle chose, une nouvelle construction dans la discrimination que, pour nous, c'est sur là qu'il faut agir. Donc, c'est pour ça que les termes «davantage discriminées», c'est pour dire que c'est... mais qu'il y a une nouvelle construction en fonction de l'intersection de différentes sources d'oppression.

Puis finalement, quand on va parler aussi d'égalité, on ne peut pas laisser de côté la notion de diversité, de gestion de la diversité. C'est-à-dire que, quand on parle de femmes autochtones, on parle de 11 nations, quand on parle de femmes qui vivent avec un handicap, on parle des handicaps... Déjà, si on pense aux organes des sens, ça fait une... à cinq handicaps aux limitations fonctionnelles différentes. Quand on va parler des femmes immigrantes, bien... déjà de toute la diversité qu'elles renferment.

Quant à nos projets, nous avons axé notre travail ? puis c'est important pour la commission de vous en faire part ? nous travaillons dans une optique de défense de droits comme toile de fond, ce n'est pas dans une optique de services. Et puis, pour nous, travailler avec ces femmes, c'est travailler dans une optique d'inclusion, c'est-à-dire qu'elles puissent être avec nous dans tout le processus de notre travail, que ce ne soit pas à nous de déterminer, comme ça se fait d'habitude systématiquement, ce qui est bon pour elles et comment on va faire les choses pour elles.

n(17 h 20)n

Donc, dans cette optique-là, nous travaillons d'abord à une meilleure compréhension de la discrimination faite à ces femmes, toujours dans cette optique de nouveau... Deuxièmement, on travaille à la lutte contre le racisme et la discrimination. Troisièmement, on travaille aux changements structurels à l'intérieur de nos organismes, en touchant tout ce qui est les pratiques organisationnelles, axées principalement sur toute la notion d'accommodement, les politiques d'embauche puis le démarchage, c'est-à-dire d'aller chercher les femmes où elles sont, chose que c'est pas nécessairement très habituel dans les milieux.

Puis, dans le contexte aussi, je voudrais juste vous dire que, quand on parle de la notion d'égalité, souvent on se fait dire: Ça, c'est juste le trip de quelques vieilles féministes. Je voudrais vous rassurer, nous deux, on n'est pas un échantillon représentatif des CALACS; Carole... La moyenne d'âge des CALACS est assez jeune. Ça fait que c'est une question, l'égalité, qui a inquiété beaucoup les CALACS. On a posé la question, puis ça nous est revenu sur deux grosses préoccupations, c'est-à-dire: C'est quoi vraiment qui fait obstacle à l'égalité? Et quelles sont les menaces à l'égalité?

Ça fait que maintenant je passe à la deuxième partie de ma présentation. Quant aux obstacles, le premier obstacle, c'est lié vraiment à la vision restreinte de la discrimination faite aux femmes. C'est-à-dire que, pour nous, il y a lieu, tenant compte du pluralisme de la société québécoise, de travailler sur vraiment une notion de discrimination qui serait intégrée, qui comprendrait l'intersection des différentes oppressions que subissent les femmes. Ça fait que ça, pour nous, c'est le premier obstacle. Et, dans ce premier obstacle, ce qu'on comprend aussi, que cette nouvelle construction doit être faite à partir des femmes concernées elles-mêmes. Et on note déjà que, dans le milieu de la recherche, dans le milieu de l'enseignement, dans nos rangs, nous-mêmes, il y a un déficit de présence de ces femmes-là.

Deuxièmement, on sait la difficulté de participation de ces femmes à beaucoup de travaux, à beaucoup de consultations, entre autres parce que les organismes qui travaillent concrètement avec ces femmes sont sous-financés. Je pense que l'étude qu'a faite la Fédération des femmes du Québec sur le sous-financement des organismes qui travaillent avec des femmes des communautés ethnoculturelles est très parlante à ce sujet-là.

Troisièmement, je dirai aussi que la vision qui est véhiculée souvent des femmes immigrantes fait... Puis on le retrouve par moments dans l'avis du conseil, on parle des immigrants comme une source démographique, une source économique, mais c'est très rarement qu'est mis en lumière que beaucoup d'immigrants, pas tous parce qu'on est très diversifiés, mais beaucoup de femmes immigrantes ont lutté au prix de leur vie pour les droits des femmes et que maintenant elles se trouvent au Québec, et leurs compétences ne sont absolument pas ni sollicitées ni mises à contribution. Ça fait qu'on voudrait souligner ça.

Et, par rapport au rapport spécifique, j'aimerais souligner que les CALACS, on est souvent consultés ou appelés, interpellés par les femmes autochtones, par les femmes immigrantes, et que c'est d'emblée des communautés qui sont très familières avec une approche sociétale. Et elles nous demandent de travailler avec elles, avec des modalités de mentorat, de coaching, pour vraiment développer leur propre approche de l'agression sexuelle dans une optique féministe et dans une optique d'approche spécifique. Je tenais à le souligner parce que je pense que ça peut apporter un éclairage particulier sur l'agression sexuelle et comment développer les approches.

Quant aux menaces, on entrevoit comme trois grandes menaces. D'abord, on note un déficit dans la transversalité, c'est-à-dire que, quand on va rechercher les statistiques, les statistiques passent sous silence la réalité de ces femmes. Nous, on travaille avec ces trois groupes de femmes et aussi d'autres groupes minoritaires. Donc, déjà, ce serait important de ventiler des données statistiques qui mettent en lumière l'agression à caractère sexuel commise à l'égard de ces femmes-là. Deuxièmement, Carole l'a mentionné, les orientations en matière d'agression sexuelle, il y a très peu de choses qui concernent ces groupes de femmes. Troisièmement, si on se réfère, par exemple, aux femmes qui vivent avec un handicap, on sait que les agresseurs sont notamment les soignants, les thérapeutes et les personnes qui les aident au transport, à la mobilité. Alors, c'est sûr que ce serait intéressant que le ministère de la Santé puis les ministères concernés s'appliquent là-dessus et puis que vraiment il y ait une transversalité, dans toute la question de la sécurité des femmes qui vivent avec un handicap.

Finalement, pour les femmes autochtones, regardez, on ne va rien ajouter, je pense que les femmes autochtones ont tout dit. Nous, on a tout dit dans notre travail tripartite avec les femmes autochtones. Je pense que... Regarde, qu'est-ce qu'on va dire des femmes autochtones? Je pense que c'est une honte pour la société québécoise, leur situation, et nous avons fait des recommandations, mais qui rejoignent des recommandations qu'ont faites déjà des experts des Nations unies. Ça fait qu'on va passer.

Ça fait que, pour d'autres déficits, on voit aussi, au plan du droit de la sécurité, peut-être dans un contexte plus élargi... On sait, par exemple, que, dans le contexte de tous les échanges ? il me reste deux minutes? ? tous les échanges commerciaux, on sait, par exemple, que l'arrivée de personnes d'autres pays, qui sont laissées à elles-mêmes, sans aucune protection de leurs droits, moi, je vous dis, ce sont des enjeux majeurs. Ils sont bien détaillés finalement dans le mémoire.

Donc, avec ça, je passerai la parole à Carole pour qu'elle puisse boucler, là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien.

Mme Tremblay (Carole): Est-ce qu'il reste un petit peu de temps?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Pardon?

Mme Tremblay (Carole): Est-ce qu'il reste un petit peu de temps?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Il vous reste un petit peu moins que deux minutes.

Mme Tremblay (Carole): O.K. Conclusion. Les filles et les femmes ne disposent pas de droits égaux de disposer de leur corps, de choisir ou de refuser un rapport sexuel. Elles n'ont pas le droit de circuler librement, sans crainte, ni de vivre en sécurité au travail, aux études ou chez elles. Elles ne peuvent pas accepter une invitation sans que cela soit porté à leur détriment si la situation se détériore et qu'elles subissent des gestes sexuels non consentis. Dans la majorité des cas, elles sont encore agressées sexuellement au sein de leur famille: père, frères, ex-conjoints ou encore par des proches ou des connaissances, professeurs, entraîneurs sportifs, collègues de travail.

Cette situation doit changer, et nous devons arriver à influencer les décideurs pour instaurer davantage de justice et d'équité. Le droit à un traitement égal et équitable devant la loi, peu importent les caractéristiques de la personne, reste à conquérir. C'est pourquoi nos recommandations mettent l'emphase sur une responsabilisation accrue du gouvernement, autant par le maintien des structures nécessaires que par la mise en place d'une politique en condition féminine qui soit un véritable engagement contre la violence sexuelle et en faveur de celles qui ont cumulé un déficit d'égalité.

Merci. On est prêtes à prendre vos questions.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Merci, Mme Tremblay. Merci, Mme Barbal i Rodoreda. Et la parole est à la ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et responsable de la Condition féminine.

Mme Courchesne: Merci. Mesdames, merci beaucoup d'être ici. Soyez rassurées, malgré l'heure tardive, je pense que votre présentation est tellement pertinente et percutante... C'est évident que ce sujet est un sujet qui mérite toute notre attention, mais qui mérite aussi certainement des actions et de poursuivre dans ce qui a déjà été amorcé par ailleurs. Puis j'aimerais aborder certains aspects avec vous là-dessus.

Vous nous dites, à juste titre, l'importance de s'inscrire dans des mesures très spécifiques, et votre mémoire est très, très, très détaillé à cet égard-là. En fait, vous écrivez un plan d'action, presque. On peut le voir un peu comme ça, parce que vous n'avez négligé aucun aspect et vous avez ciblé ces actions en fonction des différents groupes de femmes. Et vous l'abordez très clairement aussi dans votre présentation.

J'essaie de voir par où amorcer, parce que bien sûr, plus globalement, il faut poursuivre cette lutte pour ces femmes qui sont discriminées, et vous le notez très correctement. Moi, je pense qu'un dossier comme celui-là mérite une politique d'intervention puis un plan d'action en soi. Vous avez vu qu'on a travaillé sur un plan, une politique de violence conjugale. Je suis très consciente que c'est incomplet en ce qui a trait aux femmes qui sont victimes d'agressions sexuelles, c'est-à-dire qu'il y a un travail qui manque pour être peut-être plus complet à certains égards. En tout cas, je voudrais vous entendre là-dessus. Parce qu'il a été déposé comme récemment, je sais qu'on vous en a... vous avez participé, mais je voudrais quand même vous entendre là-dessus. Parce que, pour moi, il y a une différence entre la violence conjugale puis il y a une différence entre des femmes victimes d'agression sexuelle, c'est-à-dire qu'un peut être imbriqué dans l'autre. Mais il y a peut-être des aspects que vous souhaiteriez qu'ils soient mis avec plus d'emphase, ou des mesures qui seraient plus spécifiques comme telles, et je veux vous entendre pour savoir quelle est votre réaction ou votre opinion par rapport à ce qui a été déposé.

n(17 h 30)n

Il est évident qu'on a, dans ce plan d'action en violence conjugale, fait une ouverture sur les femmes autochtones, beaucoup. Il y a quand même des sommes d'argent qui ont été annoncées à travers quatre mesures spécifiques. Il y a 1,3 million de dollars que le ministre responsable a annoncé, à travers de la promotion, à travers du soutien, à travers de l'intervention psychosociale. C'est un début, c'est un pas dans la bonne direction. Mais je suis certaine qu'en ce qui a trait aux femmes autochtones il y a un travail immense qui doit être fait pour les rejoindre, c'est très important, pour être capable d'avoir une action concluante. Et je vous dirais que c'est la même chose pour les femmes immigrantes. J'ai eu l'occasion de questionner, dire: Comment faisons-nous? C'est toujours la même question.

D'abord, soulignons l'excellence de votre travail. Moi, j'ai beaucoup, beaucoup de respect, beaucoup d'admiration pour le travail des CALACS. Je vous le dis sincèrement. J'ai le sentiment qu'à travers vous c'est peut-être le meilleur moyen pour que ces femmes immigrantes se rendent et puissent la dénoncer, puissent demander les services qu'elles ont besoin et surtout prévenir; peut-être qu'il y en a d'autres. De la même façon, pour les femmes qui ont des limitations fonctionnelles, je pense que vous dressez un très, très bon portrait. Mais, honnêtement, quand je vous écoute, j'aurais le sentiment qu'il faudrait déposer un document spécifique, donc des mesures spécifiques pour chacun des groupes, parce que vous détaillez très, très bien les aspects.

Je voudrais vous poser la question suivante: Vous insistez sur ? et à juste titre, je partage ça, cet avis-là, totalement ? sur l'importance d'inciter les hommes à se responsabiliser, en fait les agresseurs, à se responsabiliser pour qu'ils puissent changer leurs comportements. Mais comment on peut véritablement réussir à les responsabiliser? Qui... et comment peut-on, pouvons-nous les rejoindre et faire en sorte que cette responsabilisation va avoir une continuité dans le temps aussi? On peut se responsabiliser pour une courte période mais pas nécessairement pour une longue période. Est-ce qu'on retombe, est-ce qu'on... Est-ce qu'on a des actions suffisamment fortes pour que ça ait un effet d'entraînement sur d'autres hommes aussi? Alors, quels seraient les meilleurs moyens à cet égard-là?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Carole): Oui. Sur le premier volet de votre intervention, Mme Courchesne, vous nous demandez d'intervenir sur le plan d'action en violence conjugale. Est-ce que je dois comprendre de votre intervention que ce plan d'action là est déposé pour plus large que la violence conjugale et traite de violence faite aux femmes en général? Parce que, nous, les attentes sont là, c'est concernant les orientations en matière d'agression sexuelle, où on est rendu à l'étape de l'évaluation et de commencer à négocier un nouveau plan d'action rattaché aux orientations.

Mme Courchesne: Nous disons toutes les deux la même chose.

Mme Tremblay (Carole): O.K.

Mme Courchesne: O.K. C'est pour ça que je veux vous rassurer par rapport à ça, pour vous dire: Écoutez, je suis très consciente que ce plan-là ne rejoint pas votre démarche et votre préoccupation et ce qu'il y a à faire. Alors, c'est pour ça que je vous le disais, sauf qu'il y a des femmes qui sont victimes de violence conjugale qui sont aussi agressées. Donc, veux veux pas, on vous a consultées, on a travaillé avec vous, on a élaboré aussi dans ce sens-là. Mais, soyez rassurée, on dit toutes les deux la même chose par rapport à ce qui reste à faire concernant le plan d'action pour les femmes victimes d'agression sexuelle.

Mme Tremblay (Carole): O.K. On n'a pas été consultées du tout sur le plan d'action en violence conjugale, absolument pas.

Mme Courchesne: ...certainement que les CALACS... il y a des CALACS qui ont été consultés, c'est sûr, sûr, sûr.

Mme Tremblay (Carole): Oui, bien, en tout cas, peut-être...

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Excusez-moi. Strictement pour aider le travail des personnes qui sont assignées à la transcription, je vous demande de me regarder avant de prendre la parole, si ce n'était que pour prendre une pause pour que ces gens-là puissent vous suivre. Merci beaucoup.

Mme Tremblay (Carole): D'accord.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, je vous en prie, Mme la ministre, mais...

Une voix: Vous avez raison, M. le Président.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, allez-y, Mme Tremblay, je vous en prie.

Mme Tremblay (Carole): Bien, c'est... Oui, c'est possible, Mme Courchesne, que certains CALACS, peut-être non-membres du regroupement... Mais, si je vous en réfère à la page 1 du nouveau plan d'action en violence conjugale, il n'y a aucune mention de CALACS consultés ou du regroupement des CALACS. Mais, bon, écoutez, c'est une question de forme, là.

Cependant, ce plan... Vous me demandez quand même de réagir à ce qu'on a vu dans ce plan-là, et il avait comme objectif, entre autres, de mettre en oeuvre ce qu'on appelle les 97 recommandations du comité tripartite ? je vous vois opiner, ça me rassure ? et c'est sûr que, parmi ces recommandations-là qui visent à améliorer le traitement judiciaire des dossiers de violence, il y en avait qui étaient nécessairement conjointes aux agressions sexuelles puis à la violence conjugale. Et ce qu'on a constaté, je ne rentrerai pas dans les détails cependant, mais que, sur ce qu'on avait négocié au comité tripartite, il y a des reculs, des reculs importants. Je vais vous donner, par exemple, juste un exemple pour faire image.

On avait, au comité tripartite, décidé... D'abord, pour ceux qui ne connaissent pas le comité, il y avait des représentants, sur ce comité-là, du ministère de la Justice, de la Condition féminine, j'en oublie un, Santé et Services sociaux et Sécurité publique. Et ce qu'on avait décidé, tous ensemble, c'est quand, par exemple, au moment du procès, se fait une étape, ce qu'on appelle de «plea-bargaining» ou de négociation de plaidoyer, c'est que la femme ne soit pas informée à la dernière minute de ça, alors que, le matin, elle arrive, prête à témoigner, mais qu'elle participe à la démarche et qu'on la consulte en cours de chemin. Et ça, on l'a gagné de haute lutte et ça s'est longuement discuté au tripartite, et ce qu'on retrouve dans le plan d'action en violence conjugale et qu'on pense qui va essayer d'être copié-collé en agression sexuelle, c'est que ces femmes-là vont être informées de la situation. Alors, il y a des éléments, là, où on ne se retrouve pas par rapport aux gains qu'on croyait avoir faits. Ça, c'est le premier volet de mon intervention.

Vous me demandez... Je ne suis pas une spécialiste au niveau du traitement des agresseurs. Ce qu'on remarque cependant... Vous me demandez: Comment on peut mieux les responsabiliser? Souvent, ces personnes-là arrivent en thérapie alors qu'ils sont contraints, parce qu'ils n'ont pas voulu reconnaître leur problématique avant, et ils se retrouvent devant les tribunaux, reconnus coupables et contraints de suivre des thérapies. Alors, c'est sûr que ce n'est pas l'idéal pour responsabiliser quelqu'un.

On a aussi certaines préoccupations à l'égard des groupes qui interviennent auprès de ces hommes-là, au niveau de l'analyse qu'ils portent. Tout à l'heure, je faisais référence à certains préjugés qu'on entend encore auprès des agresseurs, par exemple que c'est une libido excroissante ou une libido non contrôlée, et c'est ce qui nous fait dire en fait que c'est un des éléments pour lequel... Parce que, nous, on n'est pas concrètement dans les groupes pour hommes, on se dit: Bien, il me semble que le Conseil du statut de la femme aussi, avec son oeil extérieur et son indépendance, serait de nature à nous aider à mieux cerner cette réalité-là de la responsabilisation des agresseurs.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la ministre.

Mme Courchesne: Je trouve ça intéressant, la façon dont vous l'abordez, parce que... Je peux convenir que... Et vous savez, comme sur le comité tripartite, vous l'avez vécu, puis je peux vous dire qu'on l'a vécu à notre bout de la lorgnette quand ça revenait aussi, c'est difficile. C'est difficile effectivement de convaincre tous les participants et tous les intervenants qui étaient là, particulièrement du côté judiciaire. Vous avez dit dans votre présentation que vous trouviez qu'effectivement on avait peut-être insisté un peu trop sur l'aspect judiciaire. Je vous dirais que je pense que c'est à cause de ces résistances qui étaient très, très fortes, où on voulait essayer de faire une ouverture pour que les femmes se sentent plus en confiance dans la dénonciation. Donc, c'était la suite du premier plan d'action, à tort ou à raison.

Mais ce que nous avons dit aussi, c'est que nous souhaitons pouvoir faire une évaluation plutôt annuelle pour être capable de réajuster, qu'on n'attende pas cinq ans pour voir si les mesures qui sont dans le plan donnent les résultats escomptés. J'apprécie la remarque quand vous me parlez... le mot «informer» au lieu de «négocier». Jusqu'à la dernière minute... Pas «négocier», mais «participer activement». Jusqu'à la dernière minute, on était sur ces mots-là. Je suis très franche, très transparente, j'ai trouvé ça particulièrement difficile, et j'apprécie le travail de l'équipe parce que je sais que ça n'a pas été simple, dans ce sens-là.

n(17 h 40)n

Je voudrais laisser mes collègues poser des questions. J'en aurai juste une à l'égard donc du fait que, si nous faisons cette politique pour les femmes, vous souhaiteriez que se retrouvent de façon très spécifique les mesures que vous nous recommandez pour chacun de... ou si on ne devrait pas avoir bien sûr un principe très fort, qu'il faut lutter, enrayer, combattre. Mais est-ce qu'on devrait le faire, à l'intérieur de cette politique, de façon très détaillée ou si on ne devrait pas, de façon intégrée et globale, adresser une politique pour les femmes immigrantes, pour les autochtones et puis pour celles qui ont des limitations fonctionnelles? Je ne veux pas faire de la cuisine, là, pour vous rentrer dans la technique ou la structure d'un document, mais le but de ma question, c'est de dire qu'est-ce qui va avoir le plus de pouvoir, le plus de portée, et qui va nous diriger davantage vers cette obligation de résultat.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Tremblay ou... Allez-y.

Mme Tremblay (Carole): Est-ce qu'on peut y aller toutes les deux, une à la suite de l'autre?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, oui, tout à fait. Il n'y a pas de problème.

Mme Tremblay (Carole): O.K. Vous me demandez... Oui, les recommandations sont nombreuses, sont spécifiques dans notre mémoire. Il en manque, aussi. Je veux juste illustrer pour vous dire que... Vous n'êtes pas sans savoir, si vous avez suivi l'actualité comme moi, que des dossiers comme Hilton, des dossiers comme Cloutier, ça fait un effet de débordement immense. On a, en matière de violence conjugale, une ligne 24/7, 1-800-S.O.S. Violence conjugale, que nous n'avons pas en matière d'agression à caractère sexuel. Il n'en est pas question dans le mémoire, mais... Donc, quand vous me demandez: Est-ce que les mesures, dans le mémoire, doivent être toutes... elles doivent sûrement faire partie des orientations en matière d'agression sexuelle renouvelée. Je pense que c'est par la voie de ces deux instruments-là que vont être la nouvelle politique en condition féminine et les orientations renouvelées, avec un plan d'action à jour qui va nous permettre d'atteindre nos objectifs en matière de politiques spécifiques.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Ça va comme ça?

Une voix: C'est complet.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Bon, à titre indicatif, il reste quatre minutes à ce bloc d'échanges. Mme la députée de La Peltrie, s'il vous plaît.

Mme Hamel: Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Merci d'être là. Écoutez, ça m'impressionne énormément, moi aussi, lorsque je rencontre des gens qui travaillent sur le terrain, particulièrement avec des problèmes auxquels vous faites face.

Il y a une chose qui m'a énormément intriguée, là, puis je vous avoue que je n'en reviens pas. Vous semblez dire que la problématique de la violence sexuelle a un recul depuis les dernières années. Est-ce que vous pouvez imager ça, là? Moi, j'ai de la difficulté à comprendre, là, avec les efforts qu'on fait, qu'on a du recul à ça. Est-ce que vous y voyez des raisons? Est-ce qu'il y a des choses que le gouvernement pourrait faire, très spécifiques, là, pour contrer ça? Il y a des groupes qui ont parlé, entre autres, de stéréotypes et puis de commencer très jeune à changer l'image que les enfants ont de l'homme, la femme, et tout ça. Est-ce que vous voyez un lien avec tout ça?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Tremblay, s'il vous plaît.

Mme Tremblay (Carole): Les reculs sont le reflet de ce qu'on n'avait pas dans les mesures spécifiques qui nous ont été accordées en 2001. Par exemple, tout à l'heure, j'évoquais qu'il n'y a pratiquement rien dans les orientations en matière d'agression sexuelle qui concerne tout le traitement judiciaire, c'est-à-dire comment une femme va être reçue, par exemple, une femme ou une fillette, par le Procureur général. Il y a des éléments à corriger à ce niveau-là. Mais il n'y avait rien en 2001 et qu'on a négocié dans le spectre, là, de 2001 à maintenant. Donc, les reculs sont des absences d'avancement aussi.

Un autre exemple pour vous illustrer, c'est que, depuis... Je ne sais pas de quand date la dernière collection d'information là-dessus, mais je pense que c'est 1989, où il est mentionné que c'est à peine entre 6 % et 10 % des femmes, des enfants et des adolescentes victimes d'agression sexuelle qui portent plainte. C'est encore le même chiffre, aujourd'hui, dans les relevés de statistiques policiers. Alors, si je peux... Je suis peut-être moins évocatrice sur les reculs qu'on a accumulés, mais je peux vous dire qu'il n'y a pas eu des avancées très importantes, notamment avec les exemples dont je vous fais état là.

Mme Hamel: ...si on voulait faire des actions, nous, là, ce serait quoi, comme gouvernement?

Mme Tremblay (Carole): Bien, j'ai aussi fait référence tout à l'heure à la prochaine étape, que nous attendons avec impatience, qui est l'évaluation des orientations en matière d'agression à caractère sexuel. Je pense qu'actuellement, dans le processus administratif, si on veut, de l'évaluation, ce sont les ministères qui sont présents au Comité interministériel sur la violence familiale, sexuelle et conjugale qui procèdent à leur propre évaluation, et on a eu l'engagement du président du comité inter que nous serions interpellées dans le cadre de cette évaluation-là, et nous avons très hâte et nous avons beaucoup de choses à dire, sur la trousse médicolégale, sur ce qui a été mis en place dans les régions... Mais je ne rentre pas là-dedans.

Donc, c'est de s'assurer à très, très court terme qu'on soit effectivement interpellées dans le cadre de cette évaluation-là et dans le cadre de la nouvelle démarche pour l'élaboration d'un plan d'action et d'être très rigoureuses. Et je vous crois, Mme la ministre, quand vous dites que ça a été difficile avec certains ministères autour de la table. On en convient, on a vécu les mêmes réalités quand on s'est assises avec les ministères. Donc, c'est ça, c'est de maintenir cette rigueur-là et de s'assurer qu'on continue d'avoir des leviers aussi que sont le Conseil du statut de la femme, un organisme indépendant, et qu'on ait aussi ce qu'on appelle familièrement le bras étatique, c'est-à-dire le Secrétariat à la condition féminine, qui, lui, s'assure que ce qu'on réussit à obtenir au niveau des politiques, des orientations, ou appelez ça comme vous voulez, que ça ne reste pas lettre morte. Et on s'est rendu compte qu'effectivement c'est beaucoup ces personnes-là qui ont poussé pour que le tripartite ne reste pas lettre morte et commence à être intégré tranquillement. Bon, on n'a pas tout gagné, mais au moins on sent qu'il y a des gens en arrière qui poussent les affaires.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci. Nous devons mettre fin à ce premier bloc d'échanges et de questions. Cependant, avant d'amorcer le deuxième bloc de 20 minutes, je dois demander l'assentiment des membres de la commission parlementaire de dépasser 6 heures pour compléter le bloc. Vous êtes d'accord, tout le monde? Merci.

Alors, la parole est à la députée de Terrebonne et porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine.

Mme Caron: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, merci beaucoup, mesdames, de votre présence, de votre mémoire, de votre travail sur le terrain. Quand j'ai lu votre mémoire, j'ai mis comme mention «un mémoire exceptionnel», exceptionnel parce que vous présentez très bien toute la question de la violence sexuelle. Vous placez le contexte, la problématique, les obstacles persistants. Vous allez jusque dans le détail. C'est effectivement ? je suis d'accord avec la ministre ? un plan d'action et qui pourrait effectivement... vous pouvez ajouter d'autres éléments à nouveau. Mais vous avez fait un travail, là, tout à fait exceptionnel.

n(17 h 50)n

Vous rappelez, et je veux peut-être qu'on revienne là-dessus ? dans le mémoire, c'est très bien, très, très bien expliqué ? que finalement, malgré les mesures, la problématique de la violence sexuelle accuse des retards importants, puis les retards s'intensifient au cours des dernières années, malgré le travail intensif, malgré ce qu'on a pu mettre en place. Il y a le traitement médiatique, le contenu des jugements puis des sentences rendus, les poursuites intentées contre des victimes, l'indemnisation, la banalisation de l'exploitation sexuelle. Et on sent effectivement que les préjugés sont encore très forts. Et je veux ? vous le démontrez bien dans le mémoire ? que vous reveniez là-dessus. Vous dites: On a tout vu, là. Je veux que vous reveniez sur ces exemples bien précis là qui font en sorte que finalement, compte tenu de tout ça, bien il n'y a pas plus de dénonciations. On est toujours à un maximum de 10 % des victimes qui dénoncent et 90 % qui n'osent pas, compte tenu de tout ça, qui n'ont pas le goût de vivre toute cette médiation là puis de se retrouver finalement peut-être avec des sentences qu'on appelle «bonbon» et qui ne répondent absolument pas à ce qu'elles ont vécu. C'est un acte criminel, et ce n'est pas nécessairement perçu comme ça, à cause des préjugés, à cause de la façon dont tout le débat est traité.

Alors, je veux que vous reveniez précisément là-dessus. Vous nous dites même: «Des milliers de femmes sont traitées pour dépression, problèmes sexuels, angoisse ou fatigue extrême sans que les professionnels consultés n'aient perçu le fond du problème.»

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, la parole est à vous. Mme Tremblay.

Mme Tremblay (Carole): Oui, je vais y aller. C'est sûr que je pense que vous faites référence principalement aux premières pages, où on insiste sur les... Il y a beaucoup de choses là-dedans, alors je ne voudrais pas vous faire une énumération plate, je vais donc insister sur certaines avec lesquelles je suis plus familière, si vous me le permettez.

Quand on parle qu'il y a eu des retards qui se sont intensifiés, c'est communément ce qu'on appelle le fameux «backlash», où, on le voit beaucoup ? vous y avez fait référence vous-même ? dans les médias, par exemple, hein, où, par exemple... Ça va probablement évoquer quelque chose un peu pour tout le monde. Dès lors qu'on a su que, par exemple, la, les victimes dans le dossier de Guy Cloutier avaient reçu de l'argent, alors là on a entendu une levée de: Ah! bien, à ce moment-là, pourquoi donc a-t-elle porté plainte au criminel, ou... Je pense que le préjugé le plus fréquent qu'on entend, c'est: Pourquoi elle a pris tant de temps à dénoncer? Et je m'en réfère toujours, dans ma mémoire, quand j'entends, à l'arrêt Khan, de la Cour suprême, où les juges ont tellement bien expliqué pourquoi c'était difficile pour les personnes qui sont rendues dans un âge avancé et pourquoi c'était difficile encore d'en parler et comment... Il explique bien alors cette problématique-là.

Alors, oui, il y a des préjugés qui sont encore présents dans la population, qui sont véhiculés par les médias aussi. Il y en a aussi qui sont véhiculés par la magistrature, je dirais, par le... Et, même avant d'en arriver là, dans le traitement judiciaire comme tel. Je fais référence, par exemple, uniquement au fait que, de plus en plus, pour qu'un policier retienne une plainte en matière d'agression sexuelle et l'amène devant le procureur, ça leur prend ce qu'on appelle des dossiers mur à mur. La parole des femmes ne suffit plus. Ça prend une preuve d'ADN, ça prend une trousse médicolégale, ça prend un détecteur de mensonges. On est rendu loin, là. On parle de passer les femmes au détecteur de mensonges pour s'assurer qu'elles n'effectuent pas de méfait. On parle d'analyse graphologique de leurs déclarations. Alors, comment voulez-vous qu'avec un tel schème les femmes se disent: Oui, je vais porter plainte et je le fais dans le souci que cet homme-là ne recommence pas, et tout ça? Alors, c'est un des éléments qui fait partie de ce qu'on appelle le processus judiciaire.

J'ai abordé, bon, la question policière. Admettons que... Je vous fais un exemple maintenant des difficultés que les femmes rencontrent auprès des procureurs généraux. Les femmes, bien qu'elles le demandent fréquemment, quand les... Et ce qu'il faut que vous sachiez, c'est qu'en matière d'agression sexuelle les procureurs généraux rencontrent les victimes de façon presque systématique. Où c'est difficile pour les victimes, c'est d'obtenir le droit d'être accompagnées par une personne de leur choix. Alors ça, c'est un autre problème qu'on rencontre. Ce que les procureurs reflètent, c'est qu'il y a un risque de contamination de la preuve, alors qu'au tripartite on a négocié une façon de faire qui pourrait éviter ça. Ça a aussi tombé, dans le plan d'action en violence conjugale, malheureusement. Alors donc, ça, c'est un deuxième exemple.

Si je suis le processus judiciaire, on a vu les policiers et procureurs. Au niveau de la magistrature aussi, c'est difficile. Quand, dans une sentence comme dans l'affaire Guy Cloutier, par exemple ? je sais que je reprends toujours le même exemple, mais c'est le plus fréquent puis c'est celui qui est présent à la mémoire collective ? le juge dit: Il y a un facteur aggravant qui n'est pas là, le fait qu'il n'y ait pas eu violence, nous autres, ça nous met sur les freins pas mal, hein, parce qu'intrinsèquement il y a une violence qui est faite à ces enfants-là ? puis je vous vois opiner puis je sais que je n'ai pas besoin d'en rajouter plus. Alors, ça vous donne un peu un portrait de ce qu'on... le reflet un peu de nos premières pages qui placent la problématique.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Oui, et je trouvais que vous le présentez tellement bien dans le mémoire que je souhaitais aussi que ce soit entendu, parce que nous souhaitons évidemment que cette consultation-là permette aussi non seulement d'informer de vos points de vue les parlementaires, mais aussi d'informer la population sur les problèmes réels de discrimination. Et, en matière de violence sexuelle, je pense qu'effectivement il y a beaucoup d'information à donner. Et je trouvais que le contexte, c'était important de le ramener.

Je voudrais aussi revenir... Vous nous avez parlé, et ça fait deux fois aujourd'hui, de toute la notion d'intersectionnalité. Ça fait deux fois aujourd'hui; les autres jours, on nous parlait de double ou de multiple discrimination. Vous y avez travaillé beaucoup. Vous nous avez rappelé qu'il faut avoir cette vision moins restreinte, donc d'avoir cette notion d'intersectionnalité, de tenir compte du déficit de représentation des personnes, toute la question des femmes immigrantes qui devraient développer leur propre approche, parce qu'elles ont une expertise qui vient souvent de leur réalité dans leur pays d'origine et qu'elles défendaient les droits des femmes et que cette expertise-là n'est plus utilisée ici. Et vous nous avez aussi parlé de trois expériences, dans des CALACS, avec les femmes autochtones. Alors, moi, j'aimerais vous entendre plus spécifiquement sur comment vous voyez... peut-être un peu plus préciser, aller un petit peu plus... la ministre, elle l'a abordé tantôt... Comment vous souhaitez que ça s'applique concrètement, cette notion d'intersectionnalité? Et peut-être nous parler de vos expériences à ce jour, au niveau des trois CALACS, là, qui ont eu des expériences avec les femmes autochtones au niveau des régions.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Tremblay ou...

Mme Tremblay (Carole): Pilar.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. Alors, allez-y.

Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): Juste une précision. Quand vous dites, vous parlez des expériences des CALACS, c'est à quel plan que vous aimeriez cerner l'expérience des CALACS? C'est sur la notion d'intersectorialité ou...

Mme Caron: Au niveau de la notion d'intersectionnalité, j'aimerais que vous nous disiez concrètement comment vous souhaitez qu'on puisse l'appliquer, soit au niveau d'une politique en condition féminine ou si vous souhaitez qu'on la retrouve plus précisément davantage au niveau du plan d'action qui devrait suivre, après le bilan, au niveau des orientations en matière d'agression sexuelle.

Et la deuxième question, qui est autre, parce que je veux vous laisser du temps pour répondre, donc j'en ai posé deux: de nous relater les trois expériences, vos trois CALACS en région qui travaillent avec des femmes autochtones, vous avez des expériences précises, peut-être nous donner un peu, pas le bilan, parce que les expériences ne sont pas terminées puis vous souhaitez pouvoir les étendre après, mais peut-être nous donner le résultat de ces expériences-là.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Mme Barbal i Rodoreda, s'il vous plaît.

Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): Je dirai qu'au plan des expériences c'est des expériences qui sont fort différentes, dépendamment avec quel groupe de femmes. Pour, par exemple, les femmes qui vivent avec une incapacité physique ou handicapées, c'était beaucoup le développement des outils pour qu'elles aient déjà accès à l'information. Ça peut être des documents en braille, par exemple, ça peut être un vidéo pour les femmes qui n'entendent pas. Donc, ça a été ça, puis... C'est ça, il y a d'autres choses, mais, en majeur, c'est ça, et aussi documenter la problématique, faire une revue de la littérature sur le sujet.

n(18 heures)n

Deuxièmement, pour les personnes qui travaillent avec les femmes immigrantes et réfugiées, ça a été beaucoup de se familiariser d'abord avec les projets, programmes et lois de l'immigration. Deuxièmement, ça a été beaucoup aussi de cerner toute la question des femmes qui sont réfugiées, demanderesses de statut de réfugié pour cause de violence conjugale ou d'agression sexuelle. Et on voit que, quand bien même c'est un critère qui est valable pour accorder le statut de réfugié, c'est très, très difficile au moment de passer devant la cour. Donc, c'est de développer toute l'expertise nécessaire pour l'accompagnement de ces femmes-là, outre développer beaucoup de contacts avec des organismes qui travaillent avec les femmes de différentes communautés ethnoculturelles. Donc, voilà.

Et, pour les femmes autochtones, c'est dans une communauté au nord, à Val-d'Or, c'est beaucoup de développer des outils d'intervention différents, qui ne sont pas nécessairement axés sur la culture occidentale, ou traditionnelle, ou... et québécoise, si vous voulez, donc beaucoup plus adaptés à la réalité des femmes autochtones. Ça fait que ça fait un peu le tour. Chacun des CALACS a fait aussi une revue de la littérature concernant chacune des problématiques.

Donc, on est rendu là pour l'instant. Ça fait que, si on souhaite voir les différentes recommandations ou les différents aspects, c'est sûr que, pour nous, c'est fondamental que la vision de la discrimination faite aux femmes s'arrête dans une... d'une vision unique, d'une seule source d'oppression axée sur le patriarcat et le sexisme, que ce soit une vision élargie. Ça, pour nous, c'est fondamental. Et que les actions qui vont se poser découlent de cette vision élargie.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, Mme la députée de Terrebonne, oui.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Je vous remercie. Peut-être une petite précision. À partir des trois expériences, vous avez dit tantôt, c'est un peu des projets pilotes, vous souhaitez pouvoir les étendre à l'ensemble des CALACS, c'est évident que vous allez avoir besoin de ressources financières sûrement pour pouvoir le faire. Et votre objectif, c'était de pouvoir les étendre à quel moment? Et est-ce que vous avez fait une évaluation un peu des besoins que vous auriez à ce niveau-là, des besoins financiers et au niveau des ressources, sûrement, humaines aussi?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Barbal i Rodoreda.

Mme Barbal i Rodoreda (Pilar): C'est une évaluation qu'on est en train de faire, vraiment de quantifier qu'est-ce que ça pourrait représenter. Mais c'est sûr qu'avec les moyens du bord qu'on a on a déjà fait, je dirais, un bon bout de chemin. On a offert une formation aux 26 CALACS du Québec, une formation d'un jour ou deux jours; on s'est déplacé pour ce faire. À chaque fois qu'on se rencontre en collectif, on fait un module de sensibilisation, de formation, de mise à la disposition d'outils. Donc, on a déjà commencé vraiment ce travail puis on est en train de quantifier qu'est-ce que ça pourrait représenter pour aller vraiment et spécifiquement avec chaque groupe. C'est sûr qu'on fait un congrès annuel et, depuis deux ans, il y a des ateliers, dans chacun des congrès, portant sur les trois groupes de femmes. Ça répond à votre question?

Mme Caron: Parfaitement. Je voudrais maintenant aborder avec vous un autre élément que vous avez souligné dans votre mémoire, c'est toute la question au niveau de la prostitution, au niveau des questions... toutes les nouvelles exploitations sexuelles, au niveau des nouvelles technologies. Je pense, par exemple, à Internet. On en a parlé, il y a eu un reportage, à Enjeux, qui nous parlait de 320 000 sites Internet pour pédophiles. Moi, je me suis mis une petite note, puis j'ai ajouté aussi toute la question des sectes, aussi, où il y a violence sexuelle.

Par rapport à ces réalités-là, je pense qu'on n'a pas vraiment abordé beaucoup au niveau des solutions. Compte tenu, par exemple, au niveau des sites Internet, du côté plus récent, mais on a vu que dans d'autres pays on a quand même réussi à se donner certaines mesures. Et, moi, j'aimerais vous entendre... Vous l'avez dit dans votre mémoire, mais toujours pour la même raison, pour que les gens qui nous écoutent puissent aussi entendre, j'aimerais que vous abordiez cette partie-là de votre mémoire.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Mme Tremblay, je présume.

Mme Tremblay (Carole): Merci, M. le Président. Sur la question des sites Internet, je ne me souviens pas si on a mis quelque chose de très concret à cet égard-là. Sur le dossier de la prostitution, par exemple, on insiste clairement qu'un débat large soit initié dans la société, et, dans ce sens-là, c'est un des exemples promotionnels du bon travail que fait le Conseil du statut de la femme ? on n'est pas toujours d'accord avec ce qu'il dit, mais c'est bien important qu'il soit là ? alors, le conseil qui a fait un avis sur la prostitution. Et un des souhaits principaux que nous avons et que nous portons dans nos recommandations est qu'un débat large s'installe, parce que ce qu'on remarque actuellement dans la société, et c'est attribuable à certains facteurs dans lesquels je n'entrerai pas de façon spécifique, mais c'est que les personnes qui portent l'idée qu'il s'agit d'un travail comme un autre sont beaucoup plus entendues, nous semble-t-il, et il nous semble qu'un contre-discours... qu'on gagnerait à entendre les deux points de vue sur la question. C'est donc une première chose.

Sur l'hypersexualisation du corps des fillettes, je pense que vous en avez entendu parler par d'autres groupes avant moi, au niveau des pistes de solution, qui ne sont pas nécessairement là-dedans, mais à laquelle j'ai réfléchi un petit peu plus tard, c'était intéressant quand, à une certaine époque, et ça va me rappeler que je suis une matante aussi, qu'il y avait des prix Éméritas et Déméritas, hein, puis je trouve que ça, ce serait peut-être une initiative à remettre en place, là, justement pour relancer le débat. Parce que des fois il faut faire image, il faut camper les choses pour, après ça, susciter un débat. Il me semble que ça pourrait aider, hein, dans ce sens-là. Alors, c'est simple, mais, pour l'instant, c'est ça.

Mme Caron: Il restait du temps à ma collègue?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Oui, bien, écoutez...

Mme Caron: Il n'en reste plus?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): ...moi, là, je pense qu'il ne reste pas assez de temps pour une question...

Mme Lefebvre: Une toute petite.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): ...et une réponse décente, parce qu'il reste exactement 56 secondes, alors...

Mme Lefebvre: Mais, en fait, vous parlez, dans la reddition de comptes... Une petite question rapide. Donc, quant au suivi à l'évaluation, la reddition de comptes, vous dites que le gouvernement devrait faire référence à la politique d'action communautaire puis à ses principes directeurs. Rapidement.

Mme Tremblay (Carole): M. le Président, est-ce que je peux répondre très, très rapidement?

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Vous avez tout le temps qui reste.

Mme Tremblay (Carole): O.K. Alors, on trouvait que, dans l'avis du conseil, ce n'était pas clair, là, s'il était en train de parler de la reddition de comptes pour les organismes étatiques ou la reddition de comptes de tous les organismes dont il avait été question dans les pages précédentes. Et ça nous a inquiétés sur le moment et on s'est dit: Bien, il y a quelque chose de particulier qui se joue là; on n'est pas des organismes étatiques et on n'a pas le même type de reddition de comptes à faire. Et c'est pour ça que... Finalement, c'est plus de demander au conseil d'être plus clair sur à quel organisme, là, il s'adresse quand il parle d'une reddition de comptes avec obtention de résultats.

Mme Lefebvre: ...

Mme Tremblay (Carole): Pardon?

Mme Lefebvre: Que ça s'adresse à qui finalement, la reddition?

Mme Tremblay (Carole): Sur l'obtention des résultats? Bien c'est la politique gouvernementale qui dit ça et qui s'adresse aux organismes étatiques et non pas à nous.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Alors, merci beaucoup, Mme Barbal i Rodoreda et Mme Tremblay. Et la commission ajourne ses travaux à demain matin, 3 février, 9 h 30.

(Fin de la séance à 18 h 9)


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