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Version finale

37e législature, 1re session
(4 juin 2003 au 10 mars 2006)

Le jeudi 10 mars 2005 - Vol. 38 N° 104

Consultation générale sur le projet de loi n° 83 - Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare ouverte cette séance de la Commission des affaires sociales. Je vous rappelle, comme je le fais quotidiennement ou d'autres le font quotidiennement, notre mandat: nous sommes toujours réunis afin de poursuivre la consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Girard (Gouin) va être remplacé par Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve).

Auditions (suite)

Le Président (M. Copeman): Merci. Également, comme je le fais à tous les instants, je rappelle aux collègues ainsi qu'aux personnes ici présentes dans la salle que l'utilisation des téléphones cellulaires est strictement interdite, et je prierais tous ceux qui en font l'usage de bien vouloir les mettre hors tension.

Nous allons échanger, écouter et échanger avec trois groupes, ce matin, débuter, dans quelques instants, avec la Fédération des médecins résidents du Québec; ce sera suivi, au plus proche de 10 h 30 possible, avec le Conseil québécois d'agrément; et terminer la matinée avec l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires. Il est prévu que nous siégions cet après-midi. Je ferai lecture de l'ordre du jour après la période des affaires courantes.

Alors, sans plus tarder, c'est un plaisir d'accueillir... Ayant sommé tout le monde de mettre hors tension les téléphones cellulaires, j'avais oublié le mien, hein? Mais je pense que c'est la première fois dans l'histoire de ma présidence.

Une voix: ...histoire de l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Copeman): Non, non, mais l'histoire de ma présidence. Alors, je vous prierais de m'en excuser, chers collègues.

Fédération des médecins
résidents du Québec (FMRQ)

Alors, je disais ? il vaut mieux le fermer tout de suite, hein, parce que, sinon, ça va sonner encore ? je disais: C'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de la Fédération des médecins résidents du Québec, le Dr Charbonneau. M. le président, bonjour. Je sais que ce n'est pas votre première expérience, comme organisme, devant la commission parlementaire et je vous rappelle les règles de fonctionnement: 20 minutes pour faire votre présentation ? et je suis assez sévère dans l'application de ces règles ? 20 minutes d'échange avec les députés des deux côtés de la table.

Sans plus tarder, je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.

n (9 h 40) n

M. Charbonneau (Guillaume): Parfait. Merci, M. le Président. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, Mme la porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé, Mmes, MM. les députés. Mesdames messieurs, je me présente: Guillaume Charbonneau. Je suis médecin résident en médecine familiale et président de la Fédération des médecins résidents du Québec. J'ai, à ma droite, le Dr Daniel Paquette, trésorier de la fédération et médecin résident en santé communautaire; à ses côtés, la coordonnatrice aux affaires syndicales de la fédération, Mme Marie-Anik Laplante; et finalement, à ma droite, le directeur général de la fédération, M. Jean Gouin.

Avant de vous présenter le contenu de notre mémoire, j'aimerais remercier la commission d'accueillir la Fédération des médecins résidents du Québec dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 83 et de permettre ainsi à la relève médicale de faire connaître son point de vue en ce qui a trait à la réorganisation du réseau de santé québécois. Nous ferons part de nos commentaires sur la gouverne du système, sur le processus de traitement des plaintes, sur l'informatisation du réseau et sur la circulation de l'information.

Laissez-moi d'abord souligner que la fédération appuie la majorité des changements qui sont proposés dans le projet de loi. La création des réseaux universitaires intégrés de santé, l'élaboration de plans d'effectifs médicaux universitaires, la mise en place de pôles régionaux ainsi que l'implantation de corridors de services sont des mesures dont la fédération prône l'introduction depuis plusieurs années déjà. Il a fait valoir sa position à cet égard lors de la commission Clair, en 2000, dans le cadre de l'étude des projets de loi nos 142 et 25, de même qu'au sein de divers organismes et comités du réseau. D'ailleurs, en décembre 2002, au moment de l'étude du projet de loi n° 142 concernant les activités médicales, la répartition et l'engagement des médecins, elle a publié un dépliant, intitulé Pour un Québec en santé, qui préconise l'implantation de ces mesures et qui décrit les principes directeurs auxquels la relève médicale adhère dans un contexte d'amélioration de l'accessibilité aux soins.

La FMRQ est d'avis que ces mesures permettront à moyen et à long terme d'offrir à la population une accessibilité accrue aux meilleurs soins possibles, dans l'établissement approprié et au moment opportun et d'assurer l'excellence de la médecine, et ce, tout en respectant le principe d'équité intergénérationnelle dans la répartition, la planification et la répartition des effectifs médicaux. Dans ce contexte, les médecins résidents souhaitent faire partie intégrante des diverses instances décisionnelles et consultatives qui établiront les bases du réseau de la santé de demain, en particulier à ce qui a trait à la formation postdoctorale et à la planification et la répartition des effectifs médicaux.

Nous discuterons d'abord du volet concernant la gouverne du système de santé, qui a soulevé des interrogations, notamment sur le plan des obligations et responsabilités des instances du réseau. Entre autres, nous craignons que les établissements soient tenus à l'atteinte d'objectifs inaccessibles, sans égard à leur capacité de rendre les services en raison des contraintes budgétaires et de la pénurie de ressources humaines et matérielles qu'on connaît dans le réseau, et ce, partout au Québec.

En ce qui a trait aux établissements, le ministre a souligné, au cours d'auditions précédentes, que son objectif était que les décisions soient prises par les instances locales. Le projet de loi prévoit que celles-ci définissent les besoins du territoire qu'elles desservent de manière exclusive et qu'elles établissent ainsi leur plan clinique et organisationnel, qui comprend l'offre de services médicaux. À cet égard, le projet de loi précise que les établissements autres qu'une instance locale doivent contribuer de manière significative à la définition du projet clinique et organisationnel qui est initié par l'instance locale et qu'ils doivent conclure avec l'instance locale, dans un délai déterminé par l'agence, les ententes nécessaires pour lui permettre d'assurer la coordination des services.

Selon nous, ça, ça donne beaucoup de pouvoirs à l'instance locale sur ses partenaires et intervenants, qui sont des entités juridiques à part entière, entièrement autonomes et qui répondent à d'autres besoins dans le réseau. En effet, le projet de loi stipule que les instances locales devront mobiliser et responsabiliser les intervenants de leur réseau local. La fédération s'interroge sur la signification précise de ces termes. Si on vise à intégrer au processus décisionnel les intervenants du réseau, incluant les médecins, on ne peut que s'en réjouir. Par contre, s'il vise à contraindre les acteurs du réseau et à les subordonner aux décisions de l'instance locale, ça ouvre la porte à des mesures coercitives qui ne peuvent qu'entraîner des effets pervers, comme nous l'avons vu dans le passé.

Quant à la répartition des tâches des médecins au sein d'un établissement désigné universitaire, il faut s'assurer d'abord d'établir les besoins de manière à mieux évaluer les effectifs nécessaires pour répondre à la demande. On considère que ceci doit se faire sur une base globale au sein d'un département pour assurer une plus grande flexibilité. Au niveau de la répartition des tâches, nous, on ajouterait les tâches administratives aux tâches cliniques d'enseignement et de recherche dans l'évaluation parce qu'on croit qu'il est important que l'apport des médecins à cet égard soit reconnu. De plus, compte tenu du rôle qu'ils assument sur le plan de l'enseignement et la recherche, les centres affiliés universitaires devraient également identifier les tâches des médecins qui participent à leurs offres de services.

Enfin, dans le but de faciliter l'identification des postes par les finissants en médecine et favoriser une répartition la plus adéquate possible des effectifs médicaux dans les meilleurs délais, la fédération souhaite que les PEM et les PREM soient connus, adoptés et rendus publics au plus tard le 1er octobre. Ça, pour nous c'est capital. Si on veut avoir une répartition adéquate, dans un temps optimal, des effectifs médicaux sur le territoire, il faut que ce soit connu, au plus tard le 1er octobre, pour permettre aux médecins à la recherche d'un poste d'identifier les besoins des établissements en fonction de leurs intérêts professionnels et aussi de leurs compétences spécifiques.

Pour sa part, l'agence de la santé et des services sociaux a le pouvoir de coordonner et d'assurer l'allocation des budgets dévolus aux instances locales. Notre fédération est d'avis que le pouvoir qui est imparti à l'agence, advenant un retard dans la conclusion d'ententes par les instances locales, mérite d'être atténué. On comprend que de telles ententes doivent être convenues dans des délais qui sont raisonnables si on veut avoir une structure, un réseau qui soit fonctionnel le plus tôt possible, mais il ne faut pas oublier que cela demande des changements de culture, et les ententes doivent être conclues de manière à répondre aux attentes des établissements partenaires et à respecter la disponibilité des ressources humaines, matérielles et financières.

Sur le plan de l'identification des besoins, de la répartition de l'effectif médical en médecine familiale sur le territoire de l'agence, il serait important selon nous de clarifier le rôle des instances locales par rapport à celui des DRMG. Dans la foulée des nombreux changements apportés au projet de loi n° 83, de nouvelles instances consultatives sont créées, notamment la Table des chefs de départements de médecine spécialisée. La fédération est tout à fait en accord avec la mise sur pied de cette nouvelles structure. Elle est par ailleurs d'avis que la Table des chefs, jumelée à l'existence des DRMG, élimine la nécessité de maintenir les activités des commissions médicales régionales. Donc, dans ce contexte, nous proposons d'abolir les CMR.

Par conséquence, nous demandons au législateur d'accorder un siège au conseil d'administration de l'agence à un médecin de famille représentant un DRMG et ainsi qu'à un médecin spécialiste représentant la Table des chefs. De plus, comme la Fédération des médecins résidents du Québec siège à la Commission médicale régionale, nous souhaitons obtenir un poste au DRMG ainsi qu'à la Table des chefs des départements de médecine spécialisée qui se trouve dans chacune des régions universitaires. Ça permettra de continuer d'assurer la contribution de la relève médicale aux travaux de planification et de répartition des effectifs médicaux. Enfin, nous croyons qu'il serait important de prévoir un poste au sein du conseil d'administration de l'agence de Montréal pour chacune des facultés de médecine de son territoire, soit celle de l'Université de Montréal et celle de l'Université McGill.

Il va sans dire que la fédération se réjouit de la mise en place des réseaux universitaires intégrés en santé, qui constitue selon nous une mesure attendue pour pallier au problème d'accessibilité dans toutes les régions du Québec. Nous croyons que les responsabilités qu'ils assument à titre consultatif aideront à améliorer l'accessibilité aux soins partout au Québec. Néanmoins, certaines précisions pourraient être apportées sur le plan du fonctionnement de cette nouvelle structure. Il nous apparaît essentiel que les RUIS aient accès aux PREM et aux PEM des établissements de leurs territoires de desserte pour élaborer leurs recommandations en fonction des besoins qui sont identifiés et des effectifs médicaux en place. Cette intervention s'avère un élément clé sur le plan des recommandations visant particulièrement la mise sur pied des pôles régionaux et des corridors de services. Toutefois, les RUIS devront faire preuve de beaucoup de prudence dans l'évaluation du déploiement des étudiants en médecine dans les établissements du Québec ainsi que dans l'identification des milieux de stage pour les médecins résidents afin de maintenir l'excellence de la formation médicale, doctorale et postdoctorale dans tous les établissements qui reçoivent, qui accueilleront la relève médicale, de même que de s'assurer de la capacité des centres hospitaliers universitaires de répondre aux exigences en matière de recherche.

Dans les recommandations qu'ils feront, les RUIS devront s'assurer de respecter l'équité intergénérationnelle pour que tous les médecins d'un établissement ou d'un même département clinique soient intégrés aux efforts de dispensation des soins sur une base locale, régionale et suprarégionale. Les soins nous concernent tous et non seulement une partie d'entre nous. Afin de s'assurer la collaboration nécessaire entre les RUIS et les médecins qui dispensent les soins à la population, la FMRQ propose que trois sièges soient accordés sur le comité de direction des RUIS, soit un siège pour un représentant des médecins de famille, un siège pour un représentant des médecins spécialistes et un siège pour un représentant des médecins résidents. Les représentants de ces trois groupes de professionnels devraient également siéger à la Table de coordination des RUIS.

n (9 h 50) n

En ce qui a trait au processus de traitement des plaintes, les médecins résidents sont d'avis que, dans le cas de l'instance locale, le commissaire aux plaintes devrait être nommé par le conseil d'administration, sur recommandation du directeur général et relever de ce dernier. Le même processus devrait s'appliquer dans le cas d'une agence. Nous ne croyons pas qu'il soit pertinent que le commissaire aux plaintes fasse rapport directement au conseil d'administration de l'établissement sans avoir au préalable déposé les résultats de ses interventions auprès du directeur général de l'établissement ou de l'agence concernée.

Quant aux différents comités d'évaluation et de traitement de plaintes existants ou proposés dans le projet de loi, nous souhaitons y apporter quelques précisions. D'abord, dans le cas d'un comité de vigilance, nous sommes d'avis que la loi devrait prévoir que ceux-ci fassent appel à un médecin expert dans toutes les situations où la plainte concerne un médecin. Par ailleurs, une précision devrait être apportée quant à la nécessité des centres hospitaliers universitaires, affiliés universitaires ou instituts universitaires de mettre sur pied leur propre comité de révision. Sur une note plus technique, la fédération souhaite que le législateur modifie l'appellation «comité de résidents», lorsqu'il traite de comités formés d'usagers hébergés, en raison de l'utilisation, ailleurs dans la loi, du terme «résidents» pour désigner, entre autres, les résidents en médecine.

Parmi les recommandations apportées par la FMRQ sur le plan de l'information, de la circulation de l'information et de l'informatisation du réseau, nous aimerions surtout réitérer la nécessité d'assurer la protection des renseignements personnels à toutes les étapes de l'informatisation du réseau et de l'utilisation des données. Nous sommes d'avis que le partage de l'information comprise au dossier de l'usager ne peut qu'améliorer l'efficacité des intervenants, qui auront accès à une information en temps réel. À cet égard, la loi devrait générer la souplesse nécessaire pour donner à un médecin détenteur d'un permis et/ou au médecin résident d'avoir accès aux données de leurs patients, peu importe où ils se trouvent. On peut prendre, par exemple, les médecins résidents qui font des stages dans toutes les régions du Québec et les médecins dépanneurs qui donnent des soins dans différentes régions du Québec; on croit qu'ils devraient avoir accès aux données partout où ils se trouvent.

M. le Président, mesdames messieurs, les changements que propose le législateur constituent une nouvelle étape dans une réforme du réseau de la santé amorcée il y a plusieurs années et qui a pris de multiples virages, qui n'ont malheureusement pas tous donné les résultats escomptés. Espérons que les mesures qui émaneront du projet de loi n° 83 contribueront à améliorer de façon sensible l'accessibilité aux soins pour la population de même que d'assurer des conditions de travail, pour les médecins et pour les autres professionnels de la santé, qui sont adéquates. Dans ce contexte, le gouvernement devra s'assurer que l'ensemble des médecins concernés au sein d'un établissement contribuent aux ententes qui seront convenues entre les instances locales et leurs partenaires du réseau local, au sein du territoire de desserte.

La relève médicale ne peut assumer seule le fardeau d'une pénurie dont elle n'est pas responsable et qu'elle ne peut humainement pas combler par les effectifs présentement en formation, et ce, pour encore plusieurs années. Mmes, MM. les députés, c'est en garantissant l'accessibilité que nous obtiendrons un Québec en santé. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, Dr Charbonneau. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Dr Charbonneau, Dr Paquette, Mme Laplante, M. Gouin, bienvenue à nouveau parmi nous. Évidemment, vous avez touché plusieurs thèmes très importants et bien sûr les thèmes qui touchent au premier chef les médecins que vous représentez. Je commencerais par la question des... vous y avez brièvement touché, et je trouve ça important d'aborder cette question-là d'entrée de jeu: la question de ne pas faire reposer sur le poids des seuls jeunes médecins les ententes de desserte, par exemple, qu'on peut avoir avec une région ou une sous-région. Je dirais que c'est actuellement le chemin qu'on suit. Lorsqu'on nous fait une demande de dérogation, par exemple ? et on les accorde de façon très parcimonieuse ? mais, lorsqu'on accorde une demande de dérogation pour un effectif, on assortit, pour une région considérée relativement en surplus d'effectifs ? on est d'accord qu'il n'y a pas grand monde au Québec qui objectivement est en surplus d'effectifs, tout est relatif ? mais on assortit cette dérogation à un engagement ferme de desservir, par exemple, une sous-région. Par exemple, un poste à Lévis s'engage à aller desservir Saint-Georges ou Les Etchemins, mais on indique de façon très claire que cette obligation touche l'ensemble du département et non pas seulement la personne qui est l'objet de la dérogation. Je pense que c'est une mesure qui doit aller dans l'orientation que vous souhaitez, non?

M. Charbonneau (Guillaume): Exactement. Ce que vous décrivez, lorsqu'un... Nous, ce qu'on ne voudrait pas, c'est qu'un nouveau médecin obtienne des privilèges, dans le cadre d'une entente de services, d'un corridor de services, pour desservir une population adjacente et que seulement le nouveau arrivé soit responsable de couvrir cette région-là, là. On croit qu'il faut qu'il y ait une solidarité. On est en pénurie de médecins, puis tout le monde doit faire sa part pour essayer d'améliorer la situation. Puis, dans ce cadre-là, ce que vous décrivez, où il y a une entente qui ne concerne pas le nouvel arrivant mais bien tout le département, bien c'est dans ce sens-là qu'on suggère d'aller, puis on vous félicite si c'est le cas.

M. Couillard: Puis c'est vraiment la direction qu'on veut continuer à adopter. Puis en général ce genre de demande là est bien accueilli parce que ces départements-là veulent recruter pour des besoins d'enseignement en général et de soins spécialisés, et ils voient bien que l'obligation ne peut reposer sur les seules épaules du nouveau membre qui est accueilli. Pour la question... Oui, pardon?

M. Charbonneau (Guillaume): Ça va dans le sens aussi de ce qu'on propose avec les pôles régionaux et les corridors de services pour offrir une meilleure accessibilité aux soins à la population en situation de pénurie comme on vit actuellement.

M. Couillard: Pour ce qui est des plans d'effectifs, il y a deux aspects. D'abord, la publication des plans d'effectifs, cette année, je pense, c'est vers le mois de novembre qu'on les a publiés, ce qui est assez précoce comparé aux tendances historiques, vous allez en convenir ? moi, je me souviens d'époques où les plans d'effectifs étaient publiés, là, beaucoup plus tard dans l'année ? et novembre, c'est déjà un progrès, si on peut aller au mois d'octobre, on le fera. Je vous rappellerais cependant que les plans d'effectifs sont le résultat d'un travail de cogestion avec les fédérations médicales, et cet empressement à les publier que nous avons, il faut également le faire partager aux collègues qui sont sur la table de gestion des effectifs.

Pour les effectifs en milieu universitaire et le plan de pratique, je dirais que vous avez raison, et c'est un travail qu'on veut faire, ce qu'on appelle un plan d'effectifs universitaires qui tient compte des tâches spécifiques des médecins qui oeuvrent en milieu universitaire. Cependant, l'obstacle auquel on se heurte en général, c'est qu'il est très difficile de définir de façon objective quelle est la part, par exemple, d'enseignement, de recherche, d'évaluation de technologies et de soins cliniques qu'un médecin occupe si on n'a pas un outil tel qu'un plan de pratique. Est-ce que votre fédération appuie le concept de plan de pratique par les hôpitaux universitaires?

M. Charbonneau (Guillaume): Écoutez, nous, on croit que le plan de pratique, c'est une bonne chose dans la mesure où, bon, il n'est pas imposé, mais bien un processus qui vient de la base, des gens qui sont sur le terrain qui y adhèrent. Mais effectivement c'est un plan qui rejoint nos objectifs de reconnaître la quadruple mission des centres hospitaliers universitaires puis aussi de reconnaître et de donner une valeur au temps qui est dévolu par nos cliniciens à l'enseignement, qui est indispensable pour former la relève médicale, et à la recherche également.

Par rapport à la date de tombée des effectifs médicaux, qui pour nous est cruciale, là, effectivement, cette année, ça a été le 4 décembre. Ça a été plus tôt que les dernières années. Mais pour nous c'est encore trop tard. Il faut voir que les médecins résidents qui sont dans leurs dernières années de résidence... D'abord, les médecins résidents donnent en moyenne 72 heures de soins aux patients par semaine. Dans leurs dernières années, ils sont dans la préparation de leurs examens. Donc, à partir du mois de janvier, nous, on considère qu'ils ont la tête à leurs examens et à rien d'autre. Donc, en faisant connaître les plans d'effectifs médicaux le 1er octobre, ça laisse le temps aux gens de faire les démarches nécessaires pour regarder les postes disponibles dans les différentes régions, de faire les démarches pour voir, bon, est-ce que c'est possible de se déplacer avec mon conjoint, est-ce que je vais être capable de trouver une garderie pour... une école pour mes enfants. Donc, ça laisse quand même un deux mois. En les connaissant en décembre, ça laisse juste un mois pour les finissants. Donc, on considère que ça ne donne pas la répartition la plus adéquate possible pour les citoyens du Québec.

M. Couillard: On va certainement poursuivre nos efforts, là, pour répondre à vos demandes, qui sont justifiées en termes d'organisation de la vie personnelle des gens qui sont touchés par ces plans d'effectifs là.

Pour ce qui est de la conclusion d'ententes entre les instances locales et les établissements spécialisés, il nous semble qu'il faut mettre un peu d'encadrement à cette question-là, ce que ma consoeur d'Hochelaga-Maisonneuve a plusieurs fois demandé dans la commission. Et, fait à remarquer, il n'y a pas beaucoup, sur le terrain, de ces ententes-là, on les compterait peut-être sur le doigt d'une main actuellement, celles qui existent vraiment. Alors, la crainte qu'on a, c'est que, si on reste avec uniquement cette incitation à ce que tout le monde s'assoie éventuellement et fasse une entente, j'ai bien peur qu'on se retrouve, dans quelques années, avec essentiellement un résultat similaire. Et il me semble justifié de donner un peu plus de, comment dire, mordant à cette chose-là et donner un cadre temporel bien défini de façon à ce que les gens effectivement s'assoient et concluent l'entente. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est la façon correcte de procéder?

M. Charbonneau (Guillaume): Mais en fait on est d'accord avec vous, parce que la conclusion d'ententes, ça va dans le cadre de ce qu'on prône depuis de multiples années, c'est-à-dire les corridors de services. Donc, nous, on a hâte que de telles ententes soient conclues et fassent en sorte qu'on ait un réel réseau de la santé où les gens circulent de façon fluide et sont pris en charge adéquatement. Par contre, il ne faudrait pas trop être rigides. On est d'accord que ça prend un certain cadre, ça prend une certaine pression pour qu'il y ait conclusion d'ententes, mais on trouve que le pouvoir de l'agence est peut-être un peu excessif, puis on veut surtout prévenir que ça se fasse dans un cadre trop rigide. Parce qu'il faut voir, comme on l'a mentionné, que ça va entraîner des changements de culture et, étant donné ces changements de culture là, ça va quand même demander une certaine rigidité. Néanmoins, on est d'accord qu'il faut que ça se fasse dans des délais qui sont raisonnables.

n (10 heures) n

M. Couillard: J'ai compris également que, comme la Fédération des médecins spécialistes, advenant la mise sur pied, telle que suggérée, d'une table des chefs de département, vous souhaitiez l'abolition de la Commission médicale régionale, qui ferait double emploi, mais vous voudriez, à ce moment-là, être représentés au niveau de la Table des chefs de département. Est-ce que je résume bien votre propos?

M. Charbonneau (Guillaume): Exactement. Des régions universitaires, bien entendu, là.

M. Couillard: Oui. La question des stages en région, c'est important parce que, compte tenu des importantes cohortes d'étudiants et de résidents pour les prochaines années, il faut certainement déborder des centres hospitaliers universitaires et des milieux urbains pour la formation, puis on a des beaux exemples, vous les connaissez très bien, mieux que moi, même: toutes les unités de médecine de famille en région, etc. Moi, je pense que c'est quelque chose de très valable, mais il faut effectivement avoir un encadrement qui nous assure de la qualité de l'enseignement qui est dispensé, que le déplacement des étudiants ne soit pas fait aux dépens de la qualité de la formation. Il y a quand même cet encadrement qui existe avec les organismes d'agrément, là, qui suivent ça. Est-ce que ça ne vous paraît pas de nature à vous rassurer quant au maintien de la qualité?

M. Charbonneau (Guillaume): Bien, nous, on considère qu'on doit être vigilants. Parce qu'effectivement on est très en faveur avec les stages en région. On pense que ça a une valeur aussi au niveau de l'enseignement parce que ça expose la relève médicale à une diversité de pratique, puis ça, c'est important. Mais par contre on trouve important de rester vigilants pour que les stages en région ne deviennent pas en fait un voyage touristique pour faire découvrir à la relève médicale la région, mais bien un stage de formation qui aura cette double mission là, là, de former adéquatement la relève médicale tout en leur faisant découvrir les belles régions qu'on a au Québec.

M. Couillard: Je suis content que la découverte des régions soit également au programme pour vous, quand même. Merci.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, M. Charbonneau ? Dr Charbonneau ? Dr Paquette, Mme Laplante et M. Gouin, bienvenue au nom de l'opposition officielle. C'est un plaisir de vous retrouver, n'est-ce pas, ici, en commission parlementaire. Nous avons le salon rouge à notre disposition aujourd'hui.

Alors, Dr Charbonneau, dans le mémoire que vous présentez, vous nous dites en entrée de jeu, je crois que c'est au tout début, à la page 4, vous dites ceci, et je cite: «...la fédération [...] souligne l'ampleur du pouvoir qui est maintenant confié au ministre plutôt qu'au gouvernement [ce] qui suscite des craintes, en raison des modifications que risque d'apporter un changement de titulaire du poste...» Alors, en lisant ça, je me suis dis: La bonne foi se présume, alors la bonne foi du ministre en poste se présume, mais la crainte que vous avez, c'est que des législations ont une longévité qui est souvent plus grande que celle du titulaire du poste. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Charbonneau (Guillaume): En fait, nous, ce qu'on voit à ce niveau-là, c'est qu'on a vu beaucoup de changements où, au lieu de passer par l'Assemblée nationale, les décisions pouvaient être prises directement par le ministre. Donc, on trouvait qu'il y avait peut-être une concentration du pouvoir qui pouvait être excessive. On espère toujours avoir de bons ministres de la Santé ? puis c'est ce qu'on a habituellement ? mais je crois que c'est toujours bien d'avoir, dans un système démocratique, des méthodes pour pallier, pour s'assurer qu'il y ait une gestion commune des décisions qui sont prises. Donc, dans ce cadre-là, on trouvait qu'il y avait peut-être un excès de concentration du pouvoir autour du ministre.

Mme Harel: Toujours à la page 5 de votre mémoire, en matière de plan d'effectifs médicaux puis des PREM, des plans régionaux d'effectifs médicaux, vous avez dit, lors de votre présentation, que vous les souhaitiez et vous avez donné les raisons pour lesquelles vous les souhaitez dès l'automne, au 1er octobre, avez-vous dit. Et les raisons que vous donnez sont intéressantes finalement parce que ça concerne, je dirais, la conciliation travail-famille. En quelque sorte, c'est aussi votre conjoint, c'est les enfants, en fait c'est de tout ça dont il est question. Mais vous dites que vous souhaitez que ces plans soient rendus publics au moment de leur adoption. Alors, vous présumez que l'adoption se fait dès le début de l'automne, si je comprends bien.

M. Charbonneau (Guillaume): Exactement, oui. Les travaux des comités se terminent fin août, début septembre.

Mme Harel: Donc, il vous semble opérationnel que ça puisse vous être communiqué au 1er octobre?

M. Charbonneau (Guillaume): Effectivement, on croit qu'il faut activer toutes les étapes décisionnelles pour les PEM et les PREM. Mais, au niveau de la structure des comités consultatifs, tout est fait pour la fin d'août, début septembre, donc ça nous permet amplement d'être en mesure d'avoir une décision définitive et publique pour le 1er octobre, là. Selon nous, c'est très raisonnable.

Mme Harel: Vous rappelez que vous siégez déjà au sein de la Commission médicale régionale. Depuis quand est-ce que vous avez ces sièges?

M. Gouin (Jean): Depuis le début. Je pense que c'est en... C'est-u avec la loi n° 120 que c'est arrivé, ça? En tout cas, c'est depuis le début, depuis le début qu'on siège.

Mme Harel: Donc, au moment de l'adoption de la loi, au moment où Marc-Yvan Côté est le ministre de la Santé.

M. Gouin (Jean): Bien, c'est ça, c'était la loi n° 120 à l'époque, en 1991, 1990-1991, et on avait obtenu un siège sur la Commission médicale régionale, dans les centres hospitaliers universitaires, et on est là tout le temps.

Mme Harel: En fait, on comprend que, s'il advenait que les commissions médicales régionales soient abolies, ce que dans le fond recommandent les fédérations aussi, je crois... La Fédération des médecins spécialistes, des médecins omnipraticiens sont venus ici même, devant la commission, et ont dans le fond tenu un argumentaire qui est le même que le vôtre en fait, je pense, compte tenu des nouvelles instances, là, qui vont être mises en place avec le projet de loi n° 83. C'est donc dire que, si les commissions médicales régionales sont abolies, vous n'aurez plus de siège nulle part.

M. Charbonneau (Guillaume): Bien, en fait, nous, ce qu'on propose, c'est d'avoir un siège à la Table des chefs et aux DRMG des régions universitaires. Parce qu'on avait des postes sur les CMR des régions universitaires, donc on propose d'avoir les mêmes postes à la Table des chefs et aux DRMG de ces régions-là pour pouvoir continuer d'apporter notre contribution. Parce qu'il faut voir que c'est nous qui connaissons les finissants en médecine, qui avons les meilleures données sur leur situation, et ces deux organismes traitent de la répartition des effectifs médicaux, donc je pense qu'on a une contribution importante à apporter à ces comités-là et, dans ce cadre-là, je crois que c'est important qu'on y siège.

M. Gouin (Jean): D'ailleurs, madame, je vous ferai remarquer que et la FMOQ et la FMSQ sont d'accord. D'ailleurs, ils ont proposé, les deux fédérations ont proposé, dans leurs mémoires, qu'on puisse siéger sur les DRMG et la Table des chefs, à cet égard-là.

Mme Harel: D'autant qu'advenant la disparition des commissions médicales régionales vous ne seriez plus représentés sur aucune instance, c'est bien ça?

M. Charbonneau (Guillaume): Exactement.

Mme Harel: Alors, sur les plans de pratique, j'aimerais ça vous entendre. Bon. Vous avez dit que vous étiez d'accord en principe, mais qu'ils ne devraient pas être imposés, mais qu'ils devraient émaner, si vous voulez, du milieu. Vous savez qu'il y a cependant à la clé toute une négociation sur le financement, l'encadrement de l'enseignement qui est considéré comme n'étant pas rémunéré présentement, autour de 40 à 50 millions, dit-on dans les milieux concernés. Alors, qu'est-ce que vous auriez à dire sur cela?

M. Charbonneau (Guillaume): Bien, en fait c'est dans ce sens-là que, nous, on aime bien le principe, parce que souvent, malheureusement, surtout dans un contexte de pénurie actuellement... C'est sûr que tout le monde voit l'urgence aux soins cliniques, mais il ne faut pas oublier qu'on est en train aussi de former la relève médicale qui va nous soigner dans 10, 15 ans. Donc, dans ce cadre-là, on ne croit pas que ce soit stratégique de négliger l'enseignement à la relève médicale, étant donné la situation d'urgence. Il faut trouver un certain équilibre entre le besoin de donner davantage de soins cliniques, avec insuffisamment de médecins, partout au Québec et le devoir qu'on a aussi de former adéquatement la relève médicale pour s'assurer qu'on va continuer à avoir des bons soins de santé dans le futur.

Mme Harel: Vous avez sans doute pris connaissance, là, de cette demande du milieu... de la Fédération des médecins omnipraticiens à l'effet de faire lever les plafonds salariaux, qui ne permettent pas de continuer, si vous voulez, à offrir des services à la population...

Une voix: ...

Mme Harel: Oui, ils le permettent, en fait les plafonds salariaux le permettent, mais avec une pénalité de 75 % de la rémunération. Alors, les médecins omnipraticiens, comme vous le savez, disent qu'avec 25 % de la rémunération ils n'arrivent même pas à couvrir les frais d'administration et autres que ça exige. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

n (10 h 10) n

M. Charbonneau (Guillaume): Je vous dirais qu'on n'est pas des spécialistes, là, des ententes de la FMOQ, de la FMSQ, mais par contre ce qu'on croit fortement, c'est que, dans un contexte de pénurie de médecins, il faut s'assurer d'utiliser les médecins qu'on a en place de façon optimale. Donc, tout ce qui empêche l'utilisation optimale de ces médecins-là selon nous devrait être au moins étudié pour voir si on peut avoir davantage de temps qui sont donnés par les médecins ou une organisation qui nous permet d'utiliser au maximum le temps disponible par les médecins en place.

M. Gouin (Jean): Il y a comme une espèce de paradoxe, au Québec, qui existe puis qui est un petit peu incompréhensible: on est en pénurie, par ailleurs on a des listes d'attente aussi, puis on essaie de faire des efforts en concentrant des gestes médicaux, comme les hanches, les genoux ? puis on réussit à rattraper un petit peu, mais il y a encore des listes d'attente puis dans beaucoup de domaines ? et, dans certains cas, on a des plafonds. Bon. C'est difficile à comprendre. Puis, les paradoxes, vous n'avez pas fini d'en voir non plus parce qu'on veut que les omnipraticiens aillent travailler dans les centres hospitaliers, puis par ailleurs on voudrait aussi qu'ils soient en charge de l'ensemble de la population. Alors, comment est-ce qu'on peut réussir à joindre les deux bouts là-dedans? La relève médicale est un petit peu perdue là-dedans. Ça, c'est très clair. Et là-dessus, vous allez nous entendre éventuellement parce qu'on va avoir quelque chose à vous dire. Alors, je ne le sais pas... C'est difficile à comprendre pourquoi vous gardez des plafonds alors que les résidents, il y en a beaucoup qui sont intéressés à aller travailler en région, mais ils disent: Mais pourquoi je vais travailler deux semaines, trois semaines, puis je vais être obligé d'arrêter? Alors, si je vais en Abitibi, je vais traverser de l'autre côté, je vais être aussi dans une région éloignée puis je vais continuer à travailler. Il y en a beaucoup qui font ça à l'heure actuelle.

Alors, je pense que ce n'est pas servir les intérêts du Québec. En tout cas, c'est notre opinion. Peut-être que vous avez des impératifs qui sont tout autres, qu'on ne connaît pas. Mais il n'en demeure pas moins que, quand on ferme des plateaux puis qu'on limite l'accès à certaines choses, bien, c'est difficile de comprendre, pour la relève en tout cas, qu'est-ce qui arrive dans ce contexte-là.

Mme Harel: M. le Président, je pense que, M. Gouin et Dr Charbonneau, vous mettez le doigt sur un problème réel en fait. On dit qu'un paradoxe, c'est une apparence de contradiction. Je pense que c'est plus que le paradoxe. Je pense qu'il y a une contradiction entre le fait de plaider la pénurie d'un côté puis en même temps de ne pas corriger les conditions qui permettraient, par exemple, de lever les plafonds, et encore de reconnaître la compétence des infirmières praticiennes, et encore d'accepter des médecins étrangers qui ont la compétence pour venir exercer au Québec. Je voyais les chiffres récents de l'enquête de Radio-Canada sur cette question de médecins étrangers: alors qu'en Ontario ils représentent 31 % des médecins, au Québec, ils ne sont que 11 %, et la moyenne canadienne est 29 %. Alors, bon, il y avait d'autres effets.

Justement, quand vous parliez de hanches, genoux, c'est un beau succès à Montréal, mais je regardais sur le site du ministère en date d'hier, et il y a encore 43 111 personnes qui sont en attente hors délai médicalement acceptable dans l'ensemble du Québec. Alors, c'est comme Sisyphe, là, on est rattrapés à tous les matins, la roche a beau remonter, elle redescend, parce que les conditions d'exercice n'ont pas été modifiées. Alors, sur ces questions-là, est-ce que les résidents, vous êtes en instance de négociation? Est-ce qu'on peut avoir vos orientations là-dessus?

M. Charbonneau (Guillaume): Bien, en fait vous avez soulevé plusieurs questions, en fait plusieurs paradoxes ou contradictions. Nous, une des contradictions qu'on voit comme finissants en médecine, c'est que d'un côté on nous dit qu'il y a une pénurie, tout le monde veut qu'on aille travailler dans leurs centres hospitaliers, puis il y a plusieurs spécialités où, de bonne foi, là, on n'a pas mis assez de postes pour le nombre de finissants, en vue de répartir adéquatement les postes entre les différentes régions. Mais, pour les médecins résidents, il y a un paradoxe, là, quand ils regardent devant eux, où ils se disent: Bien, toutes les régions veulent que j'aille travailler dans leurs régions, puis d'un autre côté j'aurais les postes offerts, puis il n'y en a pas suffisamment de disponibles. Puis il y a des résidents qui sont intéressés à aller travailler, là ? on parle souvent des régions éloignées ? dans des régions éloignées, mais ils regardent, bien, il n'y a pas de postes disponibles. Il n'y a pas de postes qui vont en fonction de mes compétences spécifiques ou de mes intérêts professionnels. Donc, dans ce cadre-là, nous, on y voit aussi un paradoxe, là, au niveau de...

Mme Harel: Vous nous dites qu'il y a des résidents qui ne vont pas en région éloignée parce qu'il n'y a pas de poste ouvert?

M. Charbonneau (Guillaume): Mais les postes sont très, très restreints.

Mme Harel: Ah! c'est l'ouverture des... Pouvez-vous nous donner un exemple?

M. Gouin (Jean): Moi, je peux vous en donner, des exemples. Par exemple, je sais que certains résidents sont en négociation, puis là c'est possiblement à se régler, en anesthésie dans une région, en psychiatrie dans une autre région où déjà il y a un quota, il y a un contingent, et il serait deux de plus à chaque... deux psychiatres de plus. Par exemple, à Sept-Îles, ce serait le fun d'avoir deux psychiatres de plus; ça préviendrait peut-être les ruptures de services, tu sais. Parce qu'on sera toujours en rupture de services dans les régions éloignées parce qu'avec.. lorsqu'il y a du travail pour une personne trois quarts puis il y a deux personnes, en rajouter une troisième, ça ne fonctionnera pas. Mais, dans certains endroits, il y a des résidents qui sont prêts à y aller puis à dire: Je vais travailler moins, je vais commencer tranquillement, mais, si jamais il y a une rupture de services, j'y serai. Alors, moi, je pense qu'il faut avoir une ouverture d'esprit puis dire: Bien, écoutez, s'il y en a qui sont prêts à s'installer dans les régions éloignées, acceptons-les tout de suite.

Puis l'autre problème qu'on a aussi, c'est que les gens réalisent que... puis les résidents le réalisent parce qu'ils travaillent beaucoup dans le milieu universitaire, puis ils travaillent dans les régions périphériques, puis ils voient aussi que les listes d'attente sont souvent nombreuses, et ils se demandent pourquoi des fois ça prend plus de temps, ils sont obligés de s'en aller plus dans les régions éloignées, alors qu'ils pourraient travailler dans une région périphérique, dans certains domaines. Alors, essayer de faire comprendre ça à des résidents, à la relève médicale, quand on est dans un contexte de pénurie et puis que les postes qui sont offerts sont quasiment l'équivalent du un pour un, c'est très difficile, et surtout quand les plans...

Puis c'est pour ça, d'où notre recommandation de mettre les plans le plus de bonne heure possible, soit le 1er octobre, parce que, quand on arrive au mois de décembre... Puis, oui, le gouvernement a fait un effort, mais souvent, quand vous étiez au pouvoir, à ce moment-là, le Parti québécois, les plans sortaient au mois de mai, puis là c'est le 1er juillet qu'il fallait commencer à travailler. Ça n'a pas de bon sens, là. Vous ne pouvez pas demander à quelqu'un de dire, bien: Où je vais aller travailler? Je ne le sais pas, les plans ne sont pas sortis. Il faut que je déménage, il faut que je fasse ci, il faut que je fasse ça. C'est compliqué, c'est complexe pour les résidents. Et il y en a qui passent aussi leurs examens, ce n'est pas tout le monde qui passe leurs examens seulement à l'automne, mais la plupart les passent au printemps. Alors, le Dr Charbonneau vous l'a dit, à partir du mois de janvier, il faut oublier la recherche de poste, c'est très, très limité. Et on a une Journée Carrière Québec justement pour emmener tous les résidents à travailler avec les établissements, pour pouvoir se trouver un poste. Et, si on bénéficie d'un temps tampon entre la sortie des plans et la Journée Carrière, ça nous permet de travailler avec les résidents puis d'amener tout le monde ensemble puis d'harmoniser le système. Puis, je pense, ça vaut la peine d'être essayé, comme dans n'importe quoi.

Tu sais, c'est comme tout à l'heure, vous parliez des listes d'attente, mais les listes d'attente, c'est un pas en avant. Déjà, il y a quelqu'un qui a trouvé une situation, qui est brillante à mon avis, puis il faut le faire puis il faut continuer comme ça. Ce n'est pas vrai qu'on va tout élaguer tout de suite, d'un seul coup. Ce n'est pas vrai, je n'y crois pas, à ça. Mais c'est à force de travail. Mais il faut avoir des solutions acceptables puis il faut avoir des solutions... Il faut être proactif, et ça, je pense que la Fédération des médecins résidents, là-dessus, elle est proactive. Puis elle a décidé que c'était terminé, on disait ce qu'on avait à dire maintenant. Mais il faut faire avancer les choses, puis on va vous apporter des solutions. Ça, c'est très clair.

Mme Harel: Les plans régionaux d'effectifs médicaux tels qu'on les connaît maintenant sont quand même de facture assez récente, tels qu'on les connaît.

M. Charbonneau (Guillaume): Ils sont présents depuis longtemps. Ce qui est différent, c'est l'application en fait de... surtout cette année où ça s'est extrêmement resserré, dans un but louable, là, c'est-à-dire de répartir adéquatement les effectifs médicaux entre les différentes régions. Mais ce qu'on observe, nous, c'est que ça a plus d'effets pervers que d'effets positifs, malheureusement.

Mme Harel: C'est ça, des...

M. Gouin (Jean): Il ne faut pas oublier non plus que les plans d'effectifs médicaux, ça allait bien dans la région de Québec, ça allait bien dans la région de Sherbrooke. Ce n'est pas tellement là qu'on a le problème, c'est à Montréal. Montréal faisait rarement ses plans, ne suivait pas vraiment, n'était pas conforme à la loi là-dessus. Alors, ça fait juste depuis deux, trois ans, là, que les gens ont décidé qu'ils mettaient les plans en place. Alors, c'est tout un changement de culture, et on fait face à cette fronde-là et puis à ce mécontentement-là, mais les gens vont finir par s'habituer, là.

n (10 h 20) n

Mme Harel: J'aimerais bien vous entendre sur la question de la pénurie. Je regardais les statistiques fédérales, là, sur différentes provinces, en fait toutes, et je constatais que le Québec occupe toujours le premier rang, dépendamment des années, ou le deuxième rang, encore l'année dernière, là, les dernières statistiques, en matière du nombre de... du ratio, plutôt, de médecins, autant spécialistes qu'omnipraticiens, en proportion de la population: 20 médecins à peu près pour 10 000 habitants, ce qui, en proportion de la population, n'a pas changé. C'est ça qui m'étonne beaucoup. J'ai fait venir les chiffres du ministère de la Santé et des Services sociaux, pour les années quatre-vingt-dix à maintenant, 15 ans, et c'est toujours le même ratio à peu près: un omni par 1 000 habitants, un spécialiste par 1 000 habitants. Ça varie très, très, très peu au fil des 15 dernières années, et ça a été comme ça au début des années quatre-vingt-dix, à la fin de l'année 1990, puis ça l'est encore maintenant. Je crois que les chiffres sont jusqu'en 2002, là, ou 2003, les derniers chiffres que j'ai eus. C'est donc dire que le modèle de pratique a dû changer ou encore que les attentes de la population... le vieillissement peut-être a amplifié le besoin, parce qu'on parle généralement de 800 médecins omnipraticiens qui nous sont manquants, et les spécialités, c'est presque autant, je crois, hein? Donc, j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Charbonneau (Guillaume): Bien, effectivement, moi, je crois, ce qui a beaucoup changé, c'est, un, la complexité des cas pour les médecins. Moi, je parle à mes collègues omnipraticiens, et ils disent: Nos patients, c'est rendu que c'est très, très lourd, ils ont de multiples pathologies. Aujourd'hui, il y a beaucoup plus de médicaments qu'on en avait autrefois. Donc, on donne des meilleurs soins aux gens, mais ça demande aussi plus de temps, ça demande une organisation du travail qui est différente. Ça fait que je pense que c'est un élément important. Parce que, quand on regarde les chiffres du Collège des médecins, l'étude du GRIS qui est sortie il y a deux semaines, tous les médecins, entre 1993 et 2004, ont augmenté leurs heures de travail par semaine. Donc, tout le monde a mis la main à la pâte pour faire face à la pénurie, puis il semble que ce ne soit pas encore suffisant. Puis, moi, ce que je fournirais comme explication, c'est ça, c'est que c'est beaucoup plus complexe qu'avant, les soins à la population sont beaucoup plus complexes. Avant, quand on recevait un patient en infarctus à l'urgence, on avait un ou deux médicaments à lui donner. Aujourd'hui, il y a toute une panoplie de médicaments qu'on peut lui donner. Donc, ça, ça occupe le temps de tout le monde, pas seulement des médecins, mais aussi des infirmières qui administrent les médicaments, du personnel qui est autour, des inhalothérapeutes, etc. Donc, les soins sont beaucoup plus complexes, puis, dans ce cadre-là, moi, je pense que c'est une des explications qui fait que les ratios d'autrefois ne peuvent plus être ceux d'aujourd'hui.

Mme Harel: On est mieux soignés en quelque sorte. Est-ce que c'est ce qu'il faut comprendre?

M. Charbonneau (Guillaume): Puis espérons qu'on continue à l'être.

Le Président (M. Copeman): Ça tombe bien parce que c'est tout le temps imparti à ma gauche. Il reste du temps par contre du côté ministériel, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Je pense qu'il y a plusieurs choses qu'il faut remettre en perspective puis, je dirais même, un peu remettre les pendules à l'heure sur plusieurs éléments.

D'abord, les effectifs médicaux et les plans d'effectifs, effectivement, je suis d'accord avec vous, ils sont gérés de façon beaucoup plus serrée. Moi, je peux vous dire que, quand j'étais à Sherbrooke puis qu'on demandait une dérogation, on ne regardait même pas le courrier parce qu'on savait d'avance que la dérogation allait être acceptée. Alors, je sais que c'est difficile pour les médecins finissants, mais effectivement les plans d'effectifs sont gérés de façon plus serrée. Et ça a des résultats: ma consoeur de Maskinongé, en Mauricie, il y a plus de 20 médecins omnipraticiens de plus cette année. Ce n'est pas rien ça, c'est du monde qui va être traité, qui va avoir des rendez-vous. De dire que les plans d'effectifs ne répondent pas aux objectifs ou n'atteignent pas les objectifs, ce n'est pas exact. Il y a, dans ces régions-là, des arrivées de nouveaux médecins ? bien sûr il en faudrait encore plus ? mais qui auparavant ne s'installaient pas là. Vous parlez de la psychiatrie, par exemple la psychiatrie à Sept-Îles, vous savez très bien que, l'an dernier, puis ça a été un sujet d'insatisfaction de votre fédération, on a gelé l'arrivée de nouveaux psychiatres à Montréal et à Québec. Dans le plan d'effectifs de cette année, on permet la moitié des remplacements d'attrition. C'est des décisions qui ne sont pas faciles, mais en pratique ça donne des soins à la population.

Je pense qu'il faut voir ça de façon beaucoup plus globale. Puis la pénurie qu'on vit, c'est vrai ? puis je suis d'accord avec ma consoeur, partiellement naturellement, parce qu'on est rarement en accord sur tout, mais il ne faudrait pas, là... Les changements de la pratique de deux façons, hein: la complexité des cas, vous avez raison, ne le cachons pas; le changement démographique également, en termes de conciliation travail-famille, a également eu un impact. Mais il y a quand même eu, et puis c'est une décision qui a été prise par le gouvernement précédent, des diminutions importantes d'entrées des facultés de médecine. Je vous donne un chiffre: 406 admissions vers 1995, 1996, 1997; 735, cette année. Alors, bien sûr le taux de médecins, si on le compare à la population, ne s'est pas beaucoup modifié, mais l'alourdissement de la pratique, qui avait d'ailleurs été prévu à l'époque par le Collège des médecins, par opposition à certaines autres études qui avaient été publiées sur la question, malheureusement n'a pas été pris en compte.

Lorsque vous parlez de la pénurie... Puis je suis heureux de vous entendre parce que ça m'amène beaucoup d'espoir. Je suis persuadé que, vous, quand vous allez être en pratique, vous allez être très accueillants pour l'élargissement du rôle de l'infirmière, autant le rôle de l'infirmière spécialisée que le rôle de l'infirmière praticienne de première ligne. Vous savez que ça fait plusieurs années qu'on essaie de développer ça. L'infirmière spécialisée, on a réussi des progrès assez intéressants, cette année, dans au moins trois spécialités. On va continuer. Le défi qu'on a devant nous et sur lequel on travaille très fort avec les deux ordres professionnels, c'est l'infirmière de première ligne. Parce que, moi, ce que je dis à la profession médicale, c'est la chose suivante: Vous ne pouvez pas développer un discours de pénurie, puis d'alourdissement de la tâche, puis de surcharge, puis vous objecter à l'arrivée de l'infirmière pour vous aider à justement vous décharger d'une partie de vos activités. Ça me semble très logique, puis j'espère qu'on va pouvoir continuer dans cette question-là.

Pour la question des médecins étrangers, il y a quelques chiffres. Effectivement, on fait des progrès puis on sait qu'il y a encore beaucoup de médecins qu'on pourrait accueillir chez nous. Vous savez que, chaque année, dans des programmes de résidence, il y a des cohortes pour les diplômés hors Canada, États-Unis. Alors, je vous donne un chiffre: en 2002-2003, il y en a eu trois; en 2003-2004, il y en a eu 30; cette année, il y en a 65. Alors, on fait des gros progrès pour l'accueil, mais il faut faire encore plus. Puis on sait que parfois ce sont des diplômés ? vous le savez, vous êtes résidents dans les facultés ? qui ont besoin d'un encadrement parfois un peu plus grand que nos diplômés locaux et qui demandent beaucoup d'efforts au corps enseignant, et il faut les aider et les supporter pour ça. Mais on veut accueillir plus de médecins étrangers. On prend les moyens également pour le faire. Le taux de succès aux examens du Collège des médecins est passé de 20 % à 60 % pour les médecins étrangers, qui ont maintenant l'encadrement par les groupes de support.

Parlons un peu des plafonds de rémunération. Je pense que vous avez bien dit que ça ne date pas d'aujourd'hui, les plafonds, hein? Ça fait des années que c'est là, puis tous gouvernements confondus les ont laissés là. Mais il y a quand même des choses qu'il faut corriger. Il n'y a pas de plafond pour les spécialistes en milieu hospitalier, hein? Ce n'est pas vrai, là, il n'y a pas de plafond pour les médecins... les spécialistes en milieu hospitalier. Les plafonds qui restent, c'est pour la pratique en cabinet, autant pour les spécialités...

Une voix: ...

M. Couillard: Bien, c'est ça. Le problème, c'est la pénurie de personnel, mais il n'y a pas de plafond de rémunération. Il ne faut pas laisser penser aux gens qu'il y a des quotas de rémunération pour les médecins. Le quota réel, il est là parce qu'on manque d'infirmières, on manque d'inhalothérapeutes, on manque d'anesthésistes puis un peu moins de chirurgiens, mais surtout d'anesthésistes et d'infirmières.

On a assoupli le plafond pour les ophtalmologistes. On a prévu l'assouplissement du plafond pour la pratique en cabinet en échange d'un engagement pour la pratique en milieu hospitalier. Puis c'est ça qui va être la clé de la correction de ce problème-là au cours des prochaines années. Puis, comme jeunes médecins, vous allez être au coeur des conversations, au cours des prochains mois et des prochaines années, là-dessus. Quand les omnipraticiens nous demandent d'abolir les plafonds, nous, on dit qu'on est prêts à en discuter, mais on veut que ça s'accompagne en retour d'une garantie d'accessibilité, et de prise en charge, et d'accès pour les Québécois. Tu sais, qu'on dise: Pas de plafond, on fait ce qu'on veut, on ouvre quand on veut, on met la clé quand on veut puis on ne donne pas de garantie de suivi, on ne peut pas fonctionner comme ça. Mais on est très prêts à discuter de la question sur la base d'activités de type groupe de médecine de famille ou de type CMA, à Montréal, où la prise en charge, et le suivi, et l'accessibilité sont garantis et où la population peut voir un retour direct, en termes de services, pour l'investissement important que ça peut donner.

Bon. Les listes d'attente, effectivement il y a de l'espoir. Je suis certain que ma consoeur et les membres de la députation de l'opposition sont satisfaits de voir que, dans le cadre d'un régime public mieux géré, mieux soutenu, on peut développer beaucoup la productivité chirurgicale. On l'a vu avec les cataractes, il y a 30 % à 40 % de moins de patients hors délai, en cataractes, parce qu'on a ciblé cette chirurgie-là, même chose pour les genoux et les hanches où la liste d'attente a diminué, moins les hors délais parce que la demande augmente continuellement, puis là l'analogie du rocher de Sisyphe est valable. Le point où on a encore beaucoup de progrès à faire, c'est la chirurgie d'un jour. C'est des chirurgies un peu plus mineures qu'on a véritablement concentrées sur cataractes, hanches, genoux, puis là les résultats sont au rendez-vous, puis on est limités effectivement par la pénurie de médecins.

Alors, je voulais remettre tout ça en perspective, là, la question des plafonds, la question des effectifs, la question, je dirais, de l'accueil des médecins étrangers, de l'élargissement du rôle de l'infirmière. Il faut que tout le monde embarque là-dedans, là. On ne peut pas se lancer la pierre d'un à l'autre puis dire: Bien, vous autres, vous allez corriger ça, vous allez nous enlever les plafonds, puis, nous autres, bien on ne veut pas vraiment faire de progrès pour l'accessibilité et la garantie de suivi, puis, nous autres, les infirmières praticiennes de première ligne, on est d'accord mais... C'est quoi, la position, par exemple, de la Fédération des médecins résidents sur le rôle de l'infirmière praticienne de première ligne?

M. Charbonneau (Guillaume): J'aurais plusieurs commentaires. Pour ça, nous, on est très ouverts, là. On a regardé, il y a eu des comités sur les infirmières en néphrologie, en cardiologie, etc. Donc, nous, on est ouverts à regarder les dispositions justement pour améliorer l'accessibilité de soins aux patients, là, puis la collaboration avec les infirmières, mais aussi tous les autres professionnels du réseau de la santé.

Pour revenir sur les autres points que vous avez abordés un peu plus tôt, vous parlez de la Mauricie, c'est vrai que la Mauricie, c'est un succès en recrutement cette année, mais malheureusement, nous, c'est un des seuls qu'on voit, avec peut-être le Saguenay, où il y a vraiment eu une belle réussite, puis on attribue ça, nous, aussi beaucoup à la minifaculté qui a été créée à Trois-Rivières. Je pense que ça a créé un engouement. Ça, c'est un succès, c'est quelque chose qui est un pas à l'avant pour le Québec. Puis, moi, je connais personnellement les gens qui ont décidé de s'établir, puis c'est aussi un mouvement de groupe. C'est que les gens, ils se sont dit: Ah! il y a quelque chose de l'fun dans cette région-là; on va s'organiser un groupe puis on va y aller ensemble. Puis c'est ce qui a fait que la région, qui était celle où la pénurie était la plus importante en omnipraticiens, heureusement, cette année, a recruté plusieurs médecins.

n (10 h 30) n

Quand vous parlez de la pénurie, je pense que le gouvernement a fait tout ce qui était en sa mesure pour faire face à la pénurie, j'ai eu l'occasion de le dire à d'autres occasions, là. Les admissions en médecine ont été augmentées, là, jusqu'à la capacité maximale des facultés. Il y a beaucoup de missions, de structures qui ont été mises en place pour faciliter le recrutement de médecins étrangers, puis ça, c'est très bien.

Par contre, au niveau des médecins étrangers, nous, des fois il y a des situations qu'on voit qu'on trouve un peu aberrantes, comme par exemple au niveau du recrutement en médecine familiale. Le système, dans une région, c'est premier arrivé, premier servi. À Montréal, cette année, il y a trois médecins étrangers qui sont venus prendre la place de médecins résidents qui finissaient. Nous autres, on a de la difficulté à s'expliquer ça parce qu'il y a beaucoup de médecins résidents qui finissent qui n'ont pas eu leurs postes à Montréal, puis on voit qu'il y a trois médecins étrangers qui n'ont pas... Puis ce n'est pas sur des critères de qualification ou rien, là, c'est premier arrivé, premier servi. Ça, on trouve que c'est un peu dommage puis c'est frustrant pour les médecins résidents.

L'autre chose, au niveau des médecins sélectionnés, quand il y a des finissants en médecine d'ici qui sont prêts à aller chercher une surspécialité à l'étranger puis revenir ici pour servir le Québec, on croit qu'on devrait les prioriser, avant de prendre un médecin sélectionné d'un autre pays. Le médecin sélectionné, c'est quelqu'un qui apporte une contribution particulière au Québec, au niveau d'une surspécialité. J'ai par exemple un... On avait deux cardiologues qui sont à Boston, en ce moment, qui sont allés chercher une surspécialité, qui voulaient revenir au Saguenay, à la Sagamie, puis ils se sont fait dire: Ah! non, finalement, on a pris un médecin sélectionné.

Une voix: Permis restrictif.

M. Charbonneau (Guillaume): Un permis restrictif pour la Sagamie. Ça fait que, là, eux autres, ils se sont trouvés... Ils voulaient aller en région éloignée, là; ce n'est pas Montréal, là. Puis finalement qu'est-ce qu'ils vont faire? Bien là ils sont à Boston; à Boston, on leur offre un poste; bien ils vont probablement rester à Boston. Ça fait que ça, c'est des situations qui pour nous sont très décevantes puis sont très frustrantes pour les médecins résidents.

M. Couillard: Mais, sur le plan du principe ? parce que ce que vous soulevez là est important, là ? un médecin qui est un immigrant reçu chez nous est un citoyen qui est apte à exercer, certifié par le collège qui a fait son entraînement. Pourquoi il ne devrait pas avoir le même... être sur le même pied que quelqu'un qui est né au Québec? Je ne comprends pas le...

M. Gouin (Jean): Ce n'est pas la même chose, M. le ministre. Je suis d'accord avec vous, là, un immigrant reçu, c'est un Québécois. C'est un Canadien puis c'est un Québécois. C'est un DHCEU. Juste parce qu'il a fait sa médecine, sa formation doctorale à l'extérieur, là, puis il vient faire sa résidence ici, il n'y a pas de problème. Le problème n'est pas là. Le problème est lorsque, par exemple, vous envoyez des gens se former à l'extérieur pour aller chercher une formation complémentaire ? entre parenthèses, «fellowship», là ? puis vous arrivez... puis l'individu revient puis il s'aperçoit qu'il y a quelqu'un d'autre dans le système parce qu'ils sont allés chercher un médecin sélectionné parce qu'on ne voulait pas attendre les deux mois requis, ou les trois mois, ou l'année, là. À ce moment-là, ça engendre énormément de frustration dans le système.

Alors, il faut aussi être très précis puis essayer d'avoir... Je comprends qu'on essaie de mettre toutes les choses en même temps, puis c'est difficile, là, puis c'est facile de dire: Bien, on critique, là, mais... On est prêts à collaborer, mais, à un moment donné, là... Il y en a qui gèrent la croissance, il y en a qui gèrent la décroissance, maintenant, nous, on est appelés à gérer le mécontentement. C'est difficile. Alors, on essaie d'apporter des solutions, mais il y a des correctifs à faire. Je pense qu'il y a des discussions, à l'heure actuelle, qui ont cours aux tables de concertation en effectifs, où les doyens des facultés de médecine ont décidé de prendre le taureau par les cornes puis d'essayer de mettre... de stabiliser la situation.

Mais je pense que vous avez une main-d'oeuvre ici, au Québec. Les Québécois, les résidents québécois veulent travailler au Québec, tout le monde le sait, on le voit avec les chiffres. Ce n'est pas vrai qu'il y a un exode; ce n'est pas vrai qu'il y a une grosse migration. Puis on ne fera pas de peur à personne avec ça. Mais par ailleurs il faut être aussi correct, il faut respecter les médecins résidents québécois, puis il faut leur donner la chance de se faire valoir, puis il faut leur donner des choses adéquates. Et, dans un cas de pénurie, il faut aussi avoir une certaine forme de souplesse, malgré tout. Je termine là-dessus.

M. Couillard: Sur la question des «fellowships», c'est un bon point, puis c'est très triste, hein, ce que vous nous dites là. Je trouve ça épouvantable si ces jeunes-là restent à Boston, là. Mais la question est la suivante: Ce n'est pas le ministère qui les envoie en formation spécialisée, c'est les institutions, c'est les universités, les facultés de médecine ou les centres hospitaliers, puis là il faut comprendre comment ça se fait qu'il y a des centres hospitaliers ou des facultés où ce problème-là n'arrive jamais, puis il y en a d'autres où ça se produit. Alors, clairement, ce qu'il faut faire, c'est que, quand on envoie quelqu'un en formation spécialisée, surtout et en particulier si on le subventionne en plus, il faut s'assurer que son retour est déjà prévu, que la personne est déjà inscrite au Conseil des médecins et dentistes et qu'il y a un engagement écrit officiel de l'institution. Quand c'est fait comme ça, il n'y en a pas, de problème.

Et, moi, je pense... Je ne dis pas que c'est la faute des résidents, là, entendons-nous bien, là, mais, tu sais, avant de partir en formation spécialisée, juste de se faire dire: On s'occupera de ça quand tu vas revenir, moi, j'aurais de la difficulté à m'engager là-dedans. Je pense que de votre côté il faut vraiment insister ? puis on le fait, nous aussi ? auprès des organisations parraines, facultés ou hôpitaux, que les postes soient confirmés, décrits et vraiment, là, garantis au moment où la personne part en formation spécialisée.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, c'est tout le temps... Je sais, vous brûlez avec impatience de répondre, docteur, mais on a déjà un peu dépassé le temps imparti. Je vous remercie beaucoup, Dr Charbonneau, Dr Paquette, M. Gouin, Mme Laplante, d'avoir participé à cette commission parlementaire, au nom de la Fédération des médecins résidents du Québec.

J'invite immédiatement les représentants du Conseil québécois d'agrément de prendre place à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): Alors, la commission reprend ses travaux... poursuit.

Conseil québécois d'agrément (CQA)

C'est avec plaisir que nous accueillons les représentants du Conseil québécois d'agrément. Je ne sais pas... Est-ce que c'est M. Bernier qui va faire le...

M. Bernier (Pierre-André): En partie.

Le Président (M. Copeman): En partie, très bien. M. Bernier, M. le président du conseil d'administration, bonjour, M. Fontaine également, M. le directeur général.

Comme je le fais avec tous les groupes, je vous rappelle simplement les règles de fonctionnement: vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation qui sera suivie par un échange d'une période maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Nous sommes à l'écoute.

M. Bernier (Pierre-André): Alors, merci, M. le Président. Merci à l'ensemble de la commission, à M. le ministre. Ça nous fait plaisir d'être ici pour un mémoire relativement bref mais d'autant plus important qu'il traite de la qualité.

Alors, le Conseil québécois d'agrément va fêter ses 10 ans au mois d'avril. Il a été créé par les établissements du Québec, en 1995, pour satisfaire la demande de développement des processus d'agrément au Québec, qui jusque-là étaient couverts par le Conseil canadien qui travaillait principalement du côté des grands hôpitaux.

Alors, depuis 1995, il y a environ 124 établissements ? évidemment, il y en a plusieurs, depuis ce temps-là, qui se sont regroupés ? qui ont utilisé les services du conseil, et, depuis que la démarche est obligatoire dans les dernières années, évidemment le nombre d'établissements qui a sollicité l'agrément a augmenté légèrement. Il va y avoir un accroissement en décembre 2005, puisque le délai des trois ans... Il y a beaucoup d'établissements malheureusement qui attendent la fin du délai pour s'inscrire dans un processus d'agrément, ce qui fait que le processus complet pour l'ensemble des établissements du Québec va prendre encore quelques années avant que l'ensemble des établissements aient traversé un processus, une démarche, une première démarche d'agrément.

Alors, notre objectif, nous, au conseil, c'est de soutenir les établissements dans leur démarche et par après de certifier publiquement: les exigences de la qualité des cadres normatifs du conseil ont été atteints. Il y a cinq principes qui nous guident et, je pense, qui guident l'ensemble des établissements du réseau. Premièrement, c'est que les organismes sont responsables de la qualité de leur fonctionnement et des services qu'ils dispensent. Même si c'est une démarche obligatoire maintenant, on exige qu'il y ait une résolution du conseil d'administration et que les gens s'engagent dans cette démarche-là d'une façon bien sûr obligatoire mais volontaire jusqu'à un certain point.

n (10 h 40) n

La qualité résulte d'une quête incessante. Ce n'est pas une démarche une fois pour toutes, et on vous dira tantôt qu'on est très content qu'un article de la loi stipule que les gens doivent solliciter aux trois ans, parce qu'il y avait déjà des gens qui pensaient qu'ils pourraient s'en sortir avec une seule démarche.

L'évaluation se révèle un instrument indispensable à l'amélioration de la qualité. C'est vrai que, si on ne fait pas d'évaluation jamais, on ne saura jamais si les services sont de qualité.

La poursuite de la qualité requiert l'engagement de toutes les personnes impliquées dans l'organisation, y compris le conseil, la direction et l'ensemble du personnel. Ce n'est pas uniquement la démarche de quelques employés.

L'organisation responsable doit rendre compte, et en général les gens qui ont réussi avec succès une démarche l'affichent très publiquement, qu'ils ont réussi la démarche d'agrément.

Dans la question de la qualité, il y a bien sûr la qualité voulue qui s'exprime par les orientations de l'établissement. Il y a la qualité rendue qu'on peut évaluer par les visites d'agrément. On va voir sur place si vraiment la qualité voulue est vraiment actualisée. Et il y a la qualité perçue par les usagers et par la population, qui s'obtient par les sondages qu'on fait de satisfaction de la clientèle. Alors, le conseil considère que la démarche d'agrément est en soi un moyen pour atteindre la finalité qui est l'amélioration continue de la qualité des services, finalité que devrait partager tout organisme, tout établissement qui mène des activités aussi sensibles et aussi lourdes de conséquences.

Je voudrais dire aussi qu'on a développé, à la demande des organismes d'économie sociale, des processus d'agrément pour un certain nombre, particulièrement les coopératives d'aide à domicile. Et nous avons beaucoup de corporations d'aide à domicile qui s'inscrivent. C'est une démarche volontaire. Évidemment, l'implantation de la démarche d'agrément pour ces organismes-là est plus lente un peu. Et il y a également le ministère de la Famille qui nous a donné un mandat d'élaborer un processus d'agrément pour adapter aux centres de la petite enfance.

Nous allons traiter d'un certain nombre de points, parce que ce n'est pas l'ensemble du mémoire que... toutes les questions des communications d'information et de renseignements. Nous allons traiter du commissaire local aux plaintes, ou régional, commissaire à la qualité. Nous allons traiter des relations du centre de santé et de services sociaux avec ses partenaires, dont beaucoup sont en démarche également d'agrément avec nous ou avec d'autres, la question des standards de qualité définis par le ministre. Nous allons traiter également de toute la question des ressources informationnelles et du développement des ressources informationnelles. Nous allons mentionner notre satisfaction concernant l'agrément aux trois ans, la question du comité de vigilance et également la question des résidences pour personnes âgées et leur certification. Alors, c'est une dizaine de points que nous allons essayer d'être assez brefs pour donner notre point de vue là-dessus, sur ces plans-là. Alors, M. Fontaine va poursuivre.

Le Président (M. Bouchard, Vachon): Très bien. M. Fontaine.

M. Fontaine (Michel): Alors, comme l'a dit M. Bernier, nous toucherons quelques points. Vous les avez dans le mémoire; on a mis les articles de loi correspondants.

Alors, d'abord, les articles 19.0.3, 19.0.4 qui concernent la circulation de l'information. J'ai suivi les travaux antérieurs, là, les communications faites par des groupes. J'ai constaté que les cliniciens en général sont plutôt favorables à une meilleure circulation de l'information parce que la façon de donner les services, maintenant elle est beaucoup extra-muros, c'est-à-dire que les usagers de services ne sont plus seulement dans les établissements, souvent ils sont pris en charge par des ressources légères. La circulation de l'information est importante pour la continuité et l'accessibilité des services. Ce sont des sujets d'ailleurs qu'on évalue d'une façon assez sérieuse au niveau de la procédure d'agrément. Donc, l'ouverture vers une circulation d'information plus grande est en soi positive. Cependant, évidemment, comme d'autres groupes l'ont fait, on appelle à la vigilance et à la prudence pour éviter les bris de confidentialité ou les pertes de renseignements. Dans tout système qui est plus ouvert, évidemment les processus demandent à être regardés de plus près. Nous allons y revenir tantôt.

Maintenant, concernant l'article 27, on veut être sûrs de bien comprendre le sens de cet article. Je sais qu'on a fait référence au fait que l'article avait été introduit pour protéger les usagers contre le fait que des renseignements pourraient transiter hors du pays. Nous, ce qu'on en comprend ? et, si ce qu'on comprend est vrai, alors pour nous c'est une mesure très positive ? on pense que ça va permettre aux établissements d'établir des contrats pour aller chercher de l'information concernant la satisfaction des usagers. Pourquoi on pense ça? C'est parce qu'on le fait déjà. Par contre, actuellement, il n'est pas toujours facile... il faut établir un contrat avec la firme de sondage, il faut s'assurer que les personnes qui font le sondage soient considérées comme des employés, ainsi de suite. Et, nous, on a déjà demandé un avis juridique sur la question et on a constaté qu'effectivement la loi actuelle n'était pas suffisamment explicite sur ces questions-là.

Dans la démarche d'agrément que nous préconisons, qui est orientée sur les résultats, la satisfaction des usagers est le point de départ de la démarche, et c'est très important que la qualité perçue soit le paramètre qui va inciter l'établissement à faire un examen en profondeur de ses processus organisationnels. Donc, si c'est ce que l'article signifie, que, par contrat, on peut établir, on peut donner des informations de type nominatif pour aller chercher le point de vue de la clientèle, nous, nous saluons ça comme une mesure très positive et nous l'encourageons d'ailleurs.

Et d'ailleurs juste vous préciser que le Conseil québécois d'agrément, depuis des années, applique les mesures que vous avez prévues aux articles 27.1, premier et deuxième alinéas, et 27.2. On fonctionne par contrat et également on s'assure que toutes les données qui sont confidentielles sont ensuite détruites pour ne pas qu'il y ait de perte de confidentialité.

La question du commissaire local à la qualité et aux plaintes. Dans le projet de loi, on parle évidemment de commissaire aux plaintes. Nous, vous le savez, vous l'avez vu dans notre mémoire, on regrette que l'appellation «commissaire à la qualité» disparaisse. Ce que j'ai pu comprendre par contre, dans les rencontres précédentes, c'est qu'il y avait une ouverture assez grande du ministre pour que les deux titres apparaissent, pour que le client sache, quand il fait une plainte, à qui il parle, mais aussi qu'on sache que le traitement des plaintes n'est qu'une facette de la qualité, ce qui est très important. Ce qu'on dit là-dessus, c'est qu'il est très important que le traitement des plaintes donne ouverture à l'amélioration continue de la qualité et que ce ne soit pas strictement un traitement de plaintes qu'on va classer et qu'on va traiter à la pièce.

Dans ce sens-là également, on s'inquiète un petit peu du fait que le commissaire aux plaintes ? il faut l'appeler comme ça pour le moment ? que le commissaire aux plaintes relève du conseil d'administration uniquement et ne soit pas en voie d'autorité, en voie hiérarchique avec le directeur général. On craint que le directeur général, que ça le déresponsabilise graduellement vis-à-vis la question du traitement des plaintes si ça ne passe pas par son canal. Cependant, c'est certain que le commissaire aux plaintes peut être nommé par le conseil d'administration. Alors, on vous appelle à réfléchir à cette question-là.

Maintenant, il est évident que le commissaire aux plaintes doit avoir une indépendance assurée, et nous interprétons que l'exclusivité de fonction qui est incluse dans le projet de loi vise ça. Donc, c'est un objectif tout à fait correct. Par contre, on ne peut pas s'empêcher de penser que ça va être difficile, pour de nombreux établissements, soit de petite taille, où le volume de plaintes est plutôt restreint, ça va être difficile d'avoir quelqu'un dégagé à temps plein sur cette question-là. Il va sûrement falloir soit que la personne travaille à temps partiel ou qu'on regroupe plusieurs établissements. Mais ce qu'on pourrait vous suggérer également, et ça va toujours dans la trame de ce qu'on va toujours amener dans notre vision de la qualité, c'est que le commissaire aux plaintes, s'il est commissaire aux plaintes et à la qualité, qu'il puisse être entièrement affecté à une fonction qui va toucher à la fois le traitement des plaintes et le développement de la qualité. Et, sur ce plan-là, il y a du travail pour quelqu'un, ça, je peux vous le dire, à temps plein, l'ayant déjà fait moi-même dans le réseau.

Maintenant, on voit, à l'article 33, par contre que le législateur ouvre la porte pour que le commissaire local ait une portée plus large que le traitement des plaintes. On dit, bon: Il peut intervenir sur des situations qui pourraient faire l'objet d'une plainte. À ça, on vous dirait qu'on préférait le texte de la loi actuelle, qui dit que le commissaire local peut faire toute recommandation visant à améliorer la qualité des services. Pourquoi? Parce que «pouvant faire l'objet d'une plainte», c'est une ouverture intéressante mais en même temps c'est vrai que, dans le réseau, dans les établissements, les usagers pourraient ne pas avoir connaissance de certaines situations qui se passent dans l'établissement et qui pourraient également affecter la qualité des services. Donc, c'est important que le commissaire local puisse, comme témoin de ces choses-là, à l'interne, faire le travail de promotion de mesures visant à corriger des situations qui pourraient non seulement dégénérer vers des dépôts de plaintes mais qui pourraient également affecter la qualité des services, donc travailler en amont plutôt qu'en aval. Donc, ça vient rejoindre toute notre position de fond qui dit qu'on devrait dans le fond parler d'amélioration continue de la qualité et non pas seulement de traitement des plaintes.

n (10 h 50) n

Pour l'article 38, on regrette que cet article-là soit abrogé parce qu'on ne voit pas... Il y a peut-être là une volonté de concordance avec le reste du projet de loi. Cependant, dans cet article-là, actuellement on parlait très clairement du fait que le commissaire peut adresser toute recommandation portant sur l'amélioration continue de la qualité. Donc, vous voyez, c'est beaucoup plus large que strictement des situations qui pourraient faire l'objet de plaintes.

Dans l'article actuel, dans le fond on donne... on ne sait pas si tous les commissaires agissaient dans ce sens-là, mais on donne au commissaire local à la qualité un rôle intéressant où il peut interpeller la direction de l'établissement pour lui demander de corriger des situations que peut-être personne d'autre ne verrait de l'extérieur mais qui sont très importantes au niveau du fonctionnement interne. Donc, cet article 38 là, tel qu'il était libellé et tel qu'il existe dans la loi, nous le trouvions tout à fait correct. Il a sans doute été abrogé par concordance, mais on regrette dans le fond de le voir disparaître.

Aux articles 63 à 71, nos commentaires concernant le commissaire régional à la qualité des services sont les mêmes concernant le commissaire local. Donc, on ne s'étendra pas là-dessus.

Aux articles 76.7 et autres, là, dans le 76, on remarque également que les mots «amélioration de la qualité des services» sont biffés et ils sont remplacés par des termes comme «satisfaction des usagers» et «respect des droits des usagers». C'est tout à fait correct parce que la satisfaction des usagers est un but qui doit être visé. D'ailleurs, dans notre démarche d'agrément, on le mesure d'une façon très précise. Cependant, de notre point de vue, la satisfaction des usagers et le respect des droits sont des éléments qui font partie de l'amélioration continue de la qualité. On pense que «l'amélioration de la qualité» est plus englobante que ces termes-là. Donc, toujours par souci de travailler la qualité, nous regrettons que ces termes, «amélioration de la qualité», on les voit disparaître graduellement dans le nouveau projet de loi pour les remplacer par des termes qui sont en soi très positifs mais qui à notre avis restent partiels par rapport au but visé.

L'article 99.2 et 99.7, nous constatons finalement qu'on inclut dans ce projet de loi les... on concrétise dans le fond la réorganisation majeure qui est en cours dans le réseau, qui vient mettre en place les centres de santé et de services sociaux. De notre point de vue cependant, parce que, dans les démarches d'agrément, évidemment on va souvent au fond des choses, on constate que ça va demander, de la part du réseau, une mini-révolution culturelle, parce que c'est une nouvelle façon d'approcher les services, l'approche populationnelle plutôt que l'approche par usager ou par clientèle. Alors, ça va être intéressant de voir de quelle façon ça va évoluer.

Ce qu'on trouve intéressant dans l'article de loi aussi... dans le projet de loi, c'est qu'on fait des références aux partenaires externes, parce que l'instance locale, le CSSS, ne sera pas la seule partie du réseau, on parle d'un réseau local qui va inclure d'autres acteurs. Et, de ce point de vue là, on trouve intéressant que ce soit développé dans le projet de loi. Dans nos démarches d'agrément, le partenariat est un aspect qu'on mesure d'une façon assez précise, et on est beaucoup préoccupés par le fait que les services ne se font plus seulement à l'intérieur des murs de l'établissement, mais l'usager est de plus en plus rejoint, dans les milieux, par des ressources légères et alternatives.

Il est certain que légalement l'usager reste l'usager de l'établissement. Il faut trouver la façon d'évaluer la qualité des services donnés et il faut que l'instance locale développe son partenariat d'une façon serrée, de façon à ce que les services soient rendus en continu, mais qu'également la qualité des services soit respectée.

M. Bernier (Pierre-André): Je veux juste rajouter par rapport à ça qu'au niveau des partenaires évidemment on le fait de deux façons: d'une part, par exemple, au niveau des organismes d'économie sociale par les coopératives, là, il y a un processus d'agrément qui se fait volontairement chez ces partenaires-là, et, d'autre part, pour l'ensemble des partenaires au niveau des établissements, on fait des «focus groups». Donc, les partenaires sont invités à des groupes de discussion, «focus groups», avec l'établissement pour voir comment les arrimages au niveau des services, la continuité des services se fait. Et ça, je pense que c'est important que... Et là, à ce moment-là, c'est clair qu'avec l'ensemble des partenaires des centres de santé et de services sociaux, qui sont nombreux, il faudra peut-être faire plusieurs «focus groups» parce qu'il y en a, des groupes différents. Il y a les établissements, les autres établissements, qu'on voit déjà, qu'on regroupe déjà dans les «focus groups». Maintenant, au niveau local, il y aura les groupes de médecins, il y aura les pharmaciens, il y aura beaucoup d'autres partenaires que nous devrons interpeller au niveau des «focus groups» pour voir comment les relations... Donc, on voulait vous sensibiliser à ça. Et, dans la mesure où un certain nombre de partenaires ont eux-mêmes des démarches d'agrément, évidemment ça facilite les choses.

M. Fontaine (Michel): Dans les autres mesures qui nous rejoignent, évidemment nous comprenons que la nouvelle instance locale, le CSSS, aura la responsabilité de consulter la population sur l'offre et l'accessibilité des services. Nous vous disons également que, dans la démarche d'agrément, nous mesurons la satisfaction des usagers. Donc, c'est un aspect qu'il faudra regarder en soi, pas seulement la consultation de la population, mais la consultation de l'usager, c'est-à-dire de la personne qui reçoit le service. Et il serait très intéressant que les CSSS développent cet aspect des choses, et ça peut se faire également par le biais de la démarche d'agrément que nous menons dans les milieux auxquels nous nous adressons.

L'article 100, comme d'ailleurs tout l'article 520 qui va suivre, démontre que le ministère... ou que le législateur plutôt se préoccupe du développement des ressources informationnelles et entend légiférer ça de plus près. Nous sommes tout à fait d'accord avec ça. Les ressources informationnelles se sont développées beaucoup au cours des dernières années, et c'est très important pour assurer la rapidité des services. Cependant, c'est un développement qui peut échapper à l'attention des directions locales si ça se fait d'une façon désordonnée ou trop rapide.

D'ailleurs, à cet effet-là, on pense qu'un audit serré de la question, qui pourrait s'inscrire dans une démarche d'agrément mais qui devrait être développé spécifiquement sur cette question-là, serait tout à fait approprié à la fois pour éviter les bris de confidentialité et aussi les pertes de renseignements.

Le Président (M. Copeman): Messieurs, je veux juste vous signaler qu'il reste un peu plus qu'une minute.

M. Fontaine (Michel): Voilà. Alors, nous, nous tenons à féliciter évidemment le législateur pour le principe d'introduire l'agrément aux trois ans parce qu'on pense que ça va consacrer le principe d'amélioration continue de la qualité. Le comité de vigilance, nous sommes d'accord avec ce principe-là, mais on pense que ça devrait être un comité qui devrait être mis en place par le conseil d'administration, au même titre que d'autres sous-comités, comme par exemple le suivi des finances ou le suivi du directeur général. Donc, c'est un comité qui pourrait être facultatif mais qui a toute sa place dans l'établissement. Puis d'ailleurs, à cet effet-là, on recommande clairement que le comité de vigilance s'intéresse et suive de près le plan d'amélioration triennal qui accompagne une démarche d'agrément.

Dans les autres sujets qui font l'objet de notre mémoire...

Une voix: ...

M. Fontaine (Michel): Pardon?

Une voix: ...

M. Fontaine (Michel): Oui, tout ce qui concerne l'inspection, les formules d'inspection... D'ailleurs, on voudrait corriger dans notre mémoire, ce n'est pas l'article 431.2, il y a eu inversion des chiffres, c'est l'article 413.2 qui concerne les visites d'inspection. Nous pensons que le ministère a le droit de faire ces visites-là. C'est son rôle, c'est même son obligation dans beaucoup de situations. Cependant, de notre point de vue, les visites d'inspection devraient être des mesures de dernier recours, quand les autres mesures n'ont pas pris effet et n'ont pas donné les résultats attendus, pour que le réseau développe vraiment lui-même ses mesures d'amélioration de la qualité et que ce soit culturellement quelque chose d'implanté et non pas strictement quelque chose qui est imposé.

Maintenant, les visites d'accréditation dans les... nous pourrons peut-être y revenir dans les échanges. Nous annonçons là-dessus évidemment notre intérêt et notre disponibilité.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, messieurs. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Messieurs, bonjour. Je commencerais par vous demander comment vous percevez le processus d'agrément pour cette instance locale à laquelle nous venons de donner le jour avec la loi n° 25 et maintenant avec la loi n° 83, une instance donc qui déborde des murs physiques, qui est une sorte de concept d'établissement qui se projette au-delà de ses murs d'hôpital, ou de CLSC, ou d'institution d'hébergement, qui a plusieurs missions, qui a plusieurs programmes, incluant les programmes plutôt sociaux, santé publique, santé physique. Comment vous voyez un processus... Parce que classiquement on associe le processus d'agrément à des centres hospitaliers, hein? Historiquement, c'est comme ça que ça s'est bâti. Comment est-ce que vous voyez ce processus-là transposé à la nouvelle réalité d'un centre de santé et de services sociaux?

M. Bernier (Pierre-André): Bien, disons que, depuis 10 ans, il n'y a pas uniquement les centres hospitaliers, hein? Je veux dire, il y a eu les CLSC, les CHSLD, les centres jeunesse, les centres de réadaptation, etc. Donc, ça a été élargi depuis une dizaine d'années, et élargi au point où on fait aussi des centres de santé qui ont trois missions, donc centres hospitaliers, CLSC, centres d'hébergement et de soins de longue durée, de sorte que, là, on avait déjà un programme pour les centres de santé dans la fonction services.

C'est clair qu'au niveau des centres de santé et de services sociaux c'est non seulement le regroupement de trois missions mais également le réseautage avec l'ensemble de la population, de sorte que, là, il y a des ajouts qu'il faut faire, il y a des ajustements qu'il faut faire et non pas uniquement le prendre en silo par les anciennes missions, mais également dans ses différentes composantes, mais également dans sa nouvelle mission globale qui est non seulement par rapport à la dispensation des services, mais aussi par rapport au réseautage des partenaires.

n (11 heures) n

C'est pour ça qu'on a souligné tantôt qu'on le prend avec les relations du centre de santé et de services sociaux par rapport à ses partenaires et la nouvelle mission des centres de santé et de services sociaux. Donc, il y a un ajout, là, qui doit se faire pour être en mesure, je dirais, de tenir compte de la compréhension de la mission des centres de santé et de services sociaux, qui dépasse la juxtaposition des trois missions. Mais on a déjà une base qui est l'agrément d'un certain nombre de centres de santé qui avaient les trois missions.

M. Couillard: Je comprends très... vous expliquez bien la différence avec ces centres de santé qui existent déjà, qui existaient déjà ? il y en avait, je pense, autour de 47, au Québec, qui existaient déjà. Mais là, si je comprends bien ce que vous dites, c'est que le processus d'agrément ou d'accréditation inclurait également la vérification de la naissance réelle du réseau, non pas seulement de l'instance locale, mais de la mise sur pied de relations de mobilisation, de collaboration avec les partenaires, les ententes de services. Donc, il faut aller plus loin que ce que vous avez déjà comme...

M. Bernier (Pierre-André): Notre axe pour rejoindre ça, c'est bien sûr les relations avec les partenaires. Et comme toute chose se fait en évolution aussi, là, dans cette dimension-là d'évaluation des relations avec les partenaires, il va falloir élargir la notion de partenaire à celle qu'on avait jusqu'à maintenant, qui était des établissements ou d'organismes avec lesquels les centres de santé ou les centres locaux de services communautaires avaient des contrats.

Donc, c'est bien sûr qu'il y a un élargissement qui se fait de ce côté-là par rapport à la responsabilité populationnelle. Et, à ce niveau-là, bien sûr qu'on serait placé aussi, si les établissements étaient d'accord... On fait déjà les sondages «satisfaction de la clientèle»; c'est sûr qu'on pourrait, en soutien aux établissements locaux, faire également des sondages «population» et les inclure dans la dimension perception des services à recevoir ou de l'offre de service. Mais c'est à développer par rapport à cette dimension-là.

M. Couillard: Pour ce qui est de l'article sur la circulation de l'information à l'étranger, effectivement l'article vise à protéger les Québécois contre les intrusions consécutives au Patriot Act américain, et on veut vraiment rendre ça le plus... On va même encore... On travaille encore même à l'améliorer et le renforcer pour être certain que le mur est complètement étanche de ce côté-là.

La question des sondages cependant de satisfaction, je ne dirais pas que c'est réglé. Je ne pense pas que, dans le projet de loi actuel, vous allez trouver une autorisation, par exemple, à utiliser des données nominatives pour faire des sondages. Ce n'est pas le but qu'on se fixe actuellement. Cependant, on est en train de voir quelle serait la façon, tout en protégeant les renseignements, en assurant la confidentialité la plus totale possible, de permettre ces sondages de satisfaction. Parce que, vous le dites très bien ? puis d'ailleurs je retiens votre remarque, hein ? la question de la satisfaction des usagers, c'est un des indicateurs de la qualité, ce n'est pas la qualité elle-même ? je pense que votre remarque est très bien placée ? mais encore faut-il la mesurer.

Mais comment nous suggérez-vous ? parce que, là, on va faire cette réflexion-là, nous, après la commission ? de libeller ou d'orienter un article qui permettrait qu'on se livre à ces ententes mais sans inquiéter... Moi, je pense que les gens qui nous écoutent ont dû être un peu inquiets quand ils ont entendu parler de renseignements nominatifs qui vont être utilisés pour des sondages, là. Comment est-ce qu'on devrait procéder à votre avis?

M. Fontaine (Michel): Alors, il faudrait peut-être faire parler nos avocats respectifs. Nous, on a un avis juridique assez précis là-dessus, qui dit que dans le fond, en 2002, en donnant... en introduisant le principe de l'agrément obligatoire, à l'article 107.1, le législateur donnait aussi aux établissements le droit corollaire et l'obligation même de consulter ses clients, ses usagers pour connaître la qualité des services. Donc, ce qu'il faudrait s'assurer, c'est que, par voie de contrat, l'établissement puisse confier à un tiers le souci de faire ce travail-là. Parce qu'il n'y a personne dans les établissements qui a ni l'expertise ni le temps de faire des sondages. Ça demande, là, de l'organisation, là. C'est des sondages surtout téléphoniques.

Donc, on peut par contrat, c'est ce que l'avis nous dit, on peut par contrat confier ça à un tiers. Mais il faut s'assurer, à ce moment-là, qu'il y a vraiment un contrat entre l'établissement et l'organisme qui fait le sondage, et il faut prévoir toute une série de mesures protégeant la confidentialité des renseignements nominatifs obtenus.

Il faut dire qu'actuellement on le fait déjà. C'est un échantillon bâti à partir de la clientèle de la dernière année, qui a fréquenté l'établissement. Donc, en aucun moment les données nominatives ne sont connues, là, par les... Je veux dire, l'établissement confie, et on fait un échantillon, et c'est à partir de cet échantillon-là que les sondages se font. Ensuite, toutes les informations concernant les renseignements nominatifs sont détruites dès que le sondage est terminé et qu'on a compilé les résultats. Et il faudrait s'assurer dans le fond que l'établissement ait la capacité de faire ce travail-là pour se garder à jour et connaître l'opinion de leur clientèle.

Donc, d'après l'avis qu'on a... D'ailleurs, vous en prévoyez beaucoup, de mesures, dans votre article 27, qui viennent rejoindre les contrats types qu'on a et qu'on a fait vérifier par nos avocats. Et ça, ça garantit dans le fond que cette opération-là conduit exactement là où on doit aller, c'est-à-dire de connaître l'opinion du client.

Parce qu'il n'y a pas... logiquement, il n'y a aucun sens de dire: Je veux améliorer la qualité de mes services si je ne sais pas ce que l'usager pense des services que je lui donne. On peut interroger les professionnels, on le fait dans la démarche d'agrément, on leur demande leur avis, mais ce ne sont évidemment pas les personnes qui donnent les services eux-mêmes qui peuvent être les derniers décisifs sur la qualité du service. On l'a dit, la qualité doit être perçue, donc elle est perçue par l'usager.

Donc, il faudrait... il y aurait moyen, là, avec quelques petites mesures, quelques clés supplémentaires, de renforcer l'article 27 pour faire en sorte que l'établissement pourrait, sur ce plan-là, sans trahir la confidentialité et sans aller contre le point de vue... le consentement de l'usager, de faire le travail et de donner un autre droit à l'usager, qui est celui d'être consulté.

M. Bernier (Pierre-André): On pourrait vous faire parvenir les contrats types que nous avons et notre opinion, là, pour voir le lien par rapport... J'ai l'impression qu'une introduction d'un article qui permettrait à l'établissement de le faire en protégeant un certain nombre de variables pourrait être suffisant, là.

M. Couillard: Je veux juste terminer en vous indiquant que, pour nous, l'exclusivité de tâche du commissaire local à la qualité et aux plaintes ne signifie pas qu'il ne puisse pas ou qu'elle ne puisse pas partager son temps entre deux établissements. J'ai en tête des établissements maintenant créés qui sont de très petite taille en termes de population. Je donne toujours le même, là, comme référence, parce que c'est celui qui me vient à l'esprit: le CSSS des Basques, dans le Bas-Saint-Laurent; c'est 9 000 citoyens. Alors, il y a certainement de la place pour que quelqu'un s'occupe des plaintes et de la qualité là et également occupe une partie de son temps dans un autre établissement. C'est un peu dans cette direction-là qu'on pense que les établissements iront.

M. Bernier (Pierre-André): Mais, en tant que président d'un conseil d'administration d'un petit établissement qui est le Centre Ubald-Villeneuve, à Québec, notre commissaire actuellement est partagé avec le Centre hospitalier Robert-Giffard parce qu'on est physiquement proches. Ça a un certain avantage, mais ça a des inconvénients aussi parce que la personne est identifiée davantage à l'autre établissement. Et sur le plan de la qualité, bien là il traite uniquement la question des plaintes. Sur la dimension qualité, il dit: Je ne suis pas capable de... Je ne suis pas présent, moi, dans votre organisation. Alors, si on élargit l'occupation de cette personne-là à la qualité, aux plaintes, aux services de... je ne sais pas comment... tout ce qui est question de la sécurité...

Une voix: ...la gestion des risques.

M. Bernier (Pierre-André): ...la gestion des risques. Et là évidemment ça peut faire un travail de deux jours, deux jours et demi par semaine, et on pourrait avoir un professionnel qui est pratiquement à plein temps sur cette question-là. D'autant plus que, souvent, pour la démarche d'agrément, il faut consacrer des énergies, par une personne, et ça, c'est au moins un an par trois ans, là, et ça demande un peu de temps.

Alors, c'est pour ça que, si on élargit le concept, les petits... même les petits établissements, même si ce n'est pas cinq jours par semaine, ils peuvent s'octroyer cette personne-là.

M. Couillard: Effectivement, c'est assez onéreux en temps. Moi, mon expérience, moi, je suis passé à travers plusieurs types de processus d'agrément, autant facultaires, universitaires qu'hospitaliers. Tout le monde grogne un peu, hein, quand il faut s'y mettre; mais par contre, tout ce qu'on dit, en fin de processus, c'est que ça a été un exercice très utile, parce qu'on a pu vraiment se concentrer sur des aspects améliorés de l'organisation, et, en général, ça a des retombées pratiques, là, par la suite.

M. Bernier (Pierre-André): D'autant plus que, nous, l'établissement doit faire un plan d'amélioration continue de trois ans, et, lors des visites subséquentes, on regarde dans quelle mesure ils ont atteint les objectifs qu'ils s'étaient donnés ou qu'on avait acceptés. Donc, ça devient un processus continu, là, et ça demande. Michel a été aussi permanent au CHUM pour le processus, et c'était une job à plein temps, là.

M. Fontaine (Michel): Oui. Je faisais les plaintes aussi.

M. Couillard: Bien. Merci.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Bernier et M. Fontaine, de la part de l'opposition officielle.

Alors, à la page 6 de votre mémoire, vous dites ceci: «[Le ministère] doit donc faire connaître clairement [les] standards ? en fait, vous référez à des standards de qualité, et vous dites ? [...]nous suggérons qu'on prenne en compte les éléments principaux de la démarche d'agrément du conseil ? québécois, en fait, d'agrément ? à savoir mesurer la satisfaction de la clientèle et le degré de mobilisation du personnel, évaluer la maîtrise des processus organisationnels et ? finalement ? élaborer un plan d'amélioration révisé aux trois ans.» C'est ce que vous venez de mentionner.

n (11 h 10) n

Vous savez qu'il y aura une certification; c'est nouveau également. Il y avait déjà un processus d'agrément obligatoire, mais il n'était pas à tous les trois ans, dans le secteur public. Mais, dans les résidences privées d'hébergement, il y aurait une certification facultative, laquelle certification serait faite par un organisme qui serait reconnu par l'agence régionale. Donc, on comprend que ça peut être différent d'une agence à l'autre, en fait. Vous n'en parlez pas du tout dans votre mémoire. Est-ce que... les critères sociosanitaires qui seront les standards que vous souhaitez et qui seront publiés dans la Gazette officielle, à titre de règlement, durant les 45 jours pendant lesquels il pourrait y avoir consultation, avez-vous été consultés sur ces fameux critères sociosanitaires? Est-ce que votre expertise a été mise à contribution? Et puis est-ce que... quelle est votre opinion, votre réflexion, là, par rapport à cela?

M. Bernier (Pierre-André): Bien, le premier élément qu'on a mentionné, c'est qu'on souhaite que, quand le ministère et les agences ? parce qu'ils doivent le faire également ? établissent les standards, qu'il y ait une concordance, là, entre les standards ministériels de chacune des régions, de façon à ce que ce soit plus clair. Et là on leur demande qu'ils s'inspirent des démarches d'agrément, de façon à ce que pour les établissements il y ait une espèce de concordance par rapport à ça et que ce soit en continuité.

Au niveau des résidences, on a exprimé notre opinion à ce sujet-là, à l'effet que... Je pense qu'on est bien placés... Il y a deux choses au niveau des résidences: il y a la certification pour le permis, hein, qui peut être donné par l'agence et il y a l'incitation de la part du ministère à ce que ces organismes-là fassent une démarche d'agrément. C'est deux choses. Je pense que la certification pour s'assurer que la résidence ait un permis du ministère ou de l'agence, c'est une chose, mais je pense qu'il serait préférable que ces organismes-là aussi soient invités à développer ? un petit peu comme le ministre de la Famille a demandé aux centres de la petite enfance qu'ils développent ? une démarche d'agrément, que le législateur ou le ministère incite les résidences privées à faire, en plus de la certification pour être reconnues... fassent une démarche d'agrément.

Et là on pourrait très bien développer une démarche adaptée à partir un peu des mêmes principes, mais également allégée, là, dans sa composante. Et on le mentionne, je pense, un peu plus loin dans notre mémoire, qu'on est très disponibles. Quand on a parlé du partenariat entre les centres de santé et de services sociaux et les partenaires locaux, bien il va y avoir les résidences privées, et là, ceux qui sont certifiés, bien, je pense, ce serait une bonne chose, comme les coopératives d'aide à domicile, que ces ressources-là non seulement soient certifiées par le ministre ou l'agence, mais également qu'elles soient invitées à avoir une démarche d'agrément.

Quant à savoir si ces démarches-là doivent être volontaires ou obligatoires, évidemment c'est peut-être préférable que ça commence d'une façon volontaire, mais il ne faudra pas exclure, dans un certain nombre d'années, comme ça a été fait pour les établissements, que, dans un certain nombre d'années, ça puisse devenir... Mais, si, du jour au lendemain, ça devient obligatoire, que ce soit pour les centres de la petite enfance ou les résidences privées, j'ai l'impression que là les gens se bousculent, et ce n'est pas nécessairement la meilleure façon de procéder. Ça peut se faire par étapes, là, disons, en disant que d'ici six ans ou sept ans...

En France, ils ont donné 10 ans au réseau des établissements comparables dans le domaine de la santé et des services sociaux qui ont introduit le système. Ils ont donné 10 ans à tout l'ensemble du réseau et corporations professionnelles pour qu'ils s'inscrivent dans une démarche de certification ou d'agrément. Alors, pourquoi qu'on ne pense pas à long terme par rapport à ça, mais qu'à court terme ça se fasse d'une façon volontaire?

Mme Harel: Et sur la question de la consultation des critères sociosanitaires?

M. Bernier (Pierre-André): On rencontre le directeur de la qualité mardi prochain.

M. Fontaine (Michel): Oui, c'est ça. Mais il y a certains éléments de notre programme d'agrément qui ont été évidemment regardés de très près par le ministère.

Nous participons actuellement à un comité d'évaluation concernant l'implantation des nouveaux CSSS dans lesquels il y a la partie CHSLD. Le conseil a développé, au fil des années, une méthodologie d'évaluation très précise pour les personnes vivant dans les milieux d'hébergement, et c'est là-dessus qu'on souhaite être consultés. Mais également on souhaite que, dans l'accréditation des ressources même privées, on tienne compte de la satisfaction des usagers et qu'on amène ces organismes-là également à avoir un plan d'amélioration s'il y a des faiblesses identifiées. D'ailleurs, à la page 8, on y fait référence, là, quand on dit qu'on est disponible.

Maintenant, on constate également que le processus d'accréditation des résidences privées, il est obligatoire au moment où on envoie de la clientèle du secteur public vers ces... En tout cas, c'est ce qu'on comprend de cet article-là, là: il n'est pas obligatoire en tout temps, mais il l'est quand on va référer des usagers du secteur public.

Il faut comprendre que notre préoccupation, nous, c'est... on agrée des établissements publics, mais on veut s'assurer que la clientèle de ces établissements-là, où qu'elle soit, qu'on puisse la suivre et témoigner de la qualité des services offerts.

Mme Harel: Le modèle d'évaluation... M. le Président. Le modèle d'évaluation très concret, là, que vous avez développé en hébergement de longue durée, est-ce qu'il serait disponible pour la commission parlementaire?

M. Fontaine (Michel): Je pourrais même vous en donner une copie à la fin, là, si vous voulez.

Mme Harel: Je pense que ce serait très intéressant que le secrétariat de la commission ait cette copie pour en faire faire des copies pour tous les membres de la commission parce que...

Le Président (M. Copeman): C'est noté, Mme la députée.

Mme Harel: D'autant plus, en fait, M. Bernier, que ce n'est pas l'agence... les agences en fait qui vont définir ces standards, hein? C'est un règlement, lequel règlement va déterminer les critères sociosanitaires qui vont être appréciés pour les fins de délivrance d'une certification. Alors donc, ces règlements, ces critères sociosanitaires, ça va nous être très utiles, ce que vous avez développé, votre expertise sur le modèle d'évaluation en hébergement de longue durée, pour pouvoir comparer si ce qui est réclamé, quand c'est de l'hébergement de longue durée pour personnes en perte d'autonomie du public, est à la baisse ou à rabais quand il s'agit d'hébergement de longue durée dans le privé pour des personnes en perte d'autonomie. Alors, je pense qu'il doit y avoir équité.

D'autant plus que, si on juge que des personnes en perte d'autonomie dans notre société, où qu'elles soient hébergées, doivent être traitées selon des critères sociosanitaires qui sont les mêmes, alors il n'y aurait pas lieu d'être dans... de faire cela à rabais dans le privé, alors qu'on sait qu'il y a de plus en plus un glissement vers l'hébergement privé plutôt que dans l'hébergement public de longue durée. Bien, je vous vois hocher la tête, alors j'interprète.

M. Fontaine (Michel): Oui, on est d'accord.

Le Président (M. Copeman): En fin de compte, les hochements de la tête ne se traduisent pas bien dans le transcript de nos travaux, alors...

M. Fontaine (Michel): Bien, je pense qu'on est dans le processus. Comme je vous ai mentionné, on rencontre ? ce n'est pas la première fois, là ? les gens du ministère, mais on va rencontrer la semaine prochaine le directeur de la qualité et qui, j'imagine, est responsable d'élaborer ces normes-là de standards de qualité pour le ministère et éventuellement acceptées par le ministre. Donc, on va être en contact avec lui, dans ce processus-là, et on va exprimer concrètement nos attentes.

Mme Harel: Oui. Puis ça va être utile aux membres de la commission parlementaire que d'avoir ce modèle d'évaluation que vous avez développé au sein de l'agrément et d'avoir les critères sociosanitaires qui sont publiés en fait dans le règlement, dans la Gazette officielle.

Ici même, en commission, plusieurs organismes ont dit que l'agrément, ça coûtait cher. Alors, vous avez, dans le projet de loi, à l'article 128, hein, c'est bien cela, dans le projet de loi lui-même, là, des modifications à la Loi de santé et services sociaux, aux articles 346.0.7, là. Mais en fait ce que ça signifie, c'est que l'agence va pouvoir signer... conclure des ententes avec des organismes d'appréciation de la qualité reconnus par le ministre.

Alors, vous demandez dans votre mémoire, hein, qu'il y ait une reconnaissance des organismes à l'égard de l'appréciation de l'agrément. C'est comme si on ouvrait, là, deux catégories d'appréciation: l'agrément nommément spécifié et puis une autre catégorie qui est l'appréciation de la qualité. Est-ce que c'est une bonne chose que d'introduire, si vous voulez, deux types... deux catégories distinctes, là, d'évaluation: l'évaluation de l'agrément, l'évaluation de la qualité?

M. Bernier (Pierre-André): Bien, je ne peux pas dire que je saisis exactement, là.

Mme Harel: Alors, je vais vous le donner plus simplement.

M. Bernier (Pierre-André): C'est parce que la démarche d'appréciation d'agrément, c'est une démarche d'amélioration continue de la qualité, donc, pour nous, c'est intégré, là.

n (11 h 20) n

Mme Harel: Et le projet de loi, M. Bernier, le projet de loi prévoit, vous en avez parlé vous-même, que l'obligation d'agrément devienne maintenant une obligation à tous les trois ans. Et cette obligation d'agrément peut être faite avec les organismes d'agrément qui ne sont pas mentionnés dans la loi. Il y a le Conseil québécois, il y a le Conseil canadien. Est-ce qu'il y a autre... Je pense que c'est...

M. Bernier (Pierre-André): Il y a des normes ISO, semble-t-il.

Mme Harel: Les normes ISO. Bon, il pourrait y en avoir d'autres, éventuellement. Bon, ça, c'est pour l'agrément. Mais le projet de loi, à un autre article, parle d'organismes d'appréciation de la qualité...

M. Bernier (Pierre-André): Pour les résidences privées.

Mme Harel: ...et d'organismes d'agrément pour les autres établissements. On peut penser qu'il va y avoir deux types d'organismes maintenant.

M. Bernier (Pierre-André): Bien, c'est ça qu'on... Je pense que les commentaires qu'on a faits, c'est qu'on souhaiterait que le législateur ou le ministère reconnaisse les mêmes types d'organismes comme organismes d'agrément pour éviter tout simplement, d'une part, qu'il y ait, je dirais ? comment dire ça? ? du marchandage, là, je veux dire, qu'une fois, pour un processus de trois ans, les gens aillent avec un organisme, après ça, bien, trois ans après, ils aillent dans un autre organisme. Je pense qu'à ce moment-là ce ne serait pas sain. En tout cas, c'est notre opinion, là.

Je ne dis pas qu'au point... après 10, 15 ans, que les gens veulent évaluer une autre méthode, que ce ne soit pas correct. Mais je pense que, comme c'est un processus d'amélioration continue, ce n'est pas vrai qu'après trois ans on recommence quelque chose; on continue quelque chose. De sorte qu'il y a une philosophie, là, par rapport à ça qui devrait être respectée, selon nous.

Mme Harel: ...être un libre marché où l'organisme le moins exigeant est finalement celui qui est choisi souvent, alors que celui qui est le plus exigeant devrait diminuer à rabais ses exigences pour être un concurrent sur le marché.

M. Bernier (Pierre-André): Bien, je pense, là-dessus, là, le gros point de départ, c'est nos sondages, O.K., les deux sondages qui sont le point de départ de la démarche, qui sont le sondage satisfaction de la clientèle et la mobilisation du personnel. On vous avoue honnêtement qu'à certains égards certains nous disent que ça leur fait peur. Et donc, ça, pour nous, c'est incontournable, il faut que les gens satisfassent aux deux sondages pour avoir l'agrément. Et l'autre caractéristique de notre démarche, au-delà des processus, c'est le plan d'amélioration continue de trois ans, qui est évalué après trois ans. Donc, il y a une continuité. Et, dans ce sens-là, nous, on pense que c'est les caractéristiques majeure de notre produit, et on sent, de temps en temps, que, bon, les gens trouvent ça lourd, ces questions-là de sondages.

L'autre, la question du coût, c'est vrai que c'est... mais c'est justement les coûts directs qui sont chargés aux établissements. Parce qu'on est une petite organisation, une permanence d'environ une dizaine de personnes, il y a à peu près 60 évaluateurs qui sont des gens du réseau et qui font ça payés par leur établissement, mais il n'y a pas de frais, de sorte que... Et malgré les deux sondages du départ, le coût est inférieur, légèrement inférieur au coût du Conseil canadien. Et je dirais comme d'autres dans ce domaine-là: Essayez la non-qualité, voir si ça coûte plus cher ou moins cher. Je pense que la qualité en bout de compte coûte meilleur marché que la non-qualité.

Mme Harel: M. le Président, je sais qu'il reste peu de temps. Votre intervention sur le processus mis en place en France pourrait être intéressant. Je comprends que, par exemple, vous dites: La certification des résidences privées d'hébergement pour personnes en lourde perte d'autonomie pourrait débuter de manière facultative, mais après un certain temps, peut-être trois ans, cinq ans, il pourrait y avoir un examen. On appelle ça des clauses crépusculaires ? je ne sais pas si c'est le terme exact ? ou des clauses de réexamen. Il y en a eu une, par exemple, au Conseil des aînés, où on doit revoir le mandat à intervalles réguliers, je pense c'est aux cinq ans. Alors, ça, ça permettrait, à ce moment-là, de voir s'il faut, à partir de là, de l'expérience menée, l'élargir subséquemment. Est-ce que c'est ce qu'il faut comprendre?

M. Bernier (Pierre-André): Ce qu'on mentionne par rapport à ça, c'est d'avoir une perspective. Je ne sais pas si, à court terme, dans ce projet de loi là, c'est nécessaire de l'indiquer, mais on constate que, quand les démarches ne sont pas obligatoires... Et on a constaté que, quand on a mis un délai de trois ans ? d'ailleurs le délai de trois ans avait été mis par le législateur à notre demande la dernière fois ? que les gens attendent en bout de piste, hein? Le grand nombre d'établissements vont s'inscrire en décembre 2005, de sorte qu'on ne pourra pas honnêtement évaluer tout le monde en 2005-2006 ou en 2006-2007. Alors, il y a un effet comme ça, hein: les gens s'assoient en arrière, là, plutôt qu'en avant par rapport à ces démarches-là.

Ce qu'on dit, c'est, par rapport aux autres composantes, que ce soient les résidences privées, que ce soient... peu importe lesquelles, c'est peut-être qu'on commence d'une façon volontaire. Je pense que c'est correct de faire ça, mais il faudrait peut-être songer que, dans 10 ans ou peut-être moins, devant l'expérience vécue, hein, que ça puisse être... ça puisse devenir obligatoire avec une démarche adaptée. Parce que la nature humaine étant ce qu'elle est, c'est ce qui arrive, hein: les gens attendent à la dernière minute, pas par mauvaise volonté, mais parce que c'est une obligation qui est exigeante. Et souvent les gens attendent que ce soit obligatoire pour s'inscrire.

Mme Harel: M. le Président, est-ce que, M. Bernier... ça nous a peut-être échappé, il y a 300 articles et plus, mais la certification ne s'appliquerait que dans trois ans pour les résidences privées?

M. Bernier (Pierre-André): Non, non, non.

Mme Harel: Non?

M. Bernier (Pierre-André): Pour les résidences privées, je pense qu'il y a... C'est une chose, la certification, si je comprends bien, d'une démarche d'agrément, là.

Mme Harel: Oui. D'accord. Parfait.

M. Bernier (Pierre-André): La démarche d'agrément n'est pas mentionnée dans le projet de loi.

Mme Harel: Oui, parce que je n'ai pas vu de délai pour la certification.

M. Bernier (Pierre-André): Non, non.

Mme Harel: D'accord.

M. Bernier (Pierre-André): Bien, je pense, c'est... j'ai l'impression que c'est le renouvellement du permis, ça. Ça va avec le permis, j'imagine, là.

Le Président (M. Copeman): Ça va?

Mme Harel: Merci.

Le Président (M. Copeman): Alors, merci, M. Bernier, M. Fontaine, d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom du Conseil québécois d'agrément. Et j'invite immédiatement les représentants de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires à s'installer à la table.

(Changement d'organisme)

Le Président (M. Copeman): Alors, la Commission des affaires sociales poursuit ses travaux. Et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires.

M. le président Bonin, bonjour. Comme je le fais avec tous les groupes, je vous rappelle simplement: vous avez une période maximale de 20 minutes pour faire votre présentation, qui sera suivie par un échange avec les parlementaires d'une durée maximale de 20 minutes chaque côté de la table.

Malgré le fait que ce n'est pas tout à fait nécessaire pour moi, connaissant et M. Cadieux et Mme Crête, je vous prierais de présenter les personnes qui vous accompagnent et de débuter votre présentation.

Association québécoise des
pharmaciens propriétaires (AQPP)

M. Bonin (Normand): Alors, M. Normand Cadieux, directeur général de l'association; Marie-Josée Crête, responsable de la négociation à l'association.

M. le Président, mesdames, messieurs les membres de la commission, je tiens d'abord à vous remercier de nous donner cette occasion d'échanger avec vous de vive voix sur le projet de loi à l'étude. C'est toujours pour nous une responsabilité agréable que celle de participer à la réflexion du législateur dans les domaines touchant l'évolution de notre système de santé et plus spécifiquement à l'exercice de la profession de pharmacien.

Je parle aujourd'hui au nom des 1 585 pharmaciens propriétaires du Québec, regroupés au sein de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires. Nos membres détiennent 1 632 pharmacies arborant différentes bannières dans toutes les régions du Québec.

n (11 h 30) n

En tant que spécialistes du médicament, les pharmaciens propriétaires jouent un rôle central dans le cheminement des Québécois vers une meilleure qualité de vie. Leur travail favorise une utilisation optimale des médicaments et aide à prévenir les interactions néfastes entre différents médicaments.

En outre, dans le grand ensemble québécois de la santé et des services sociaux, les pharmaciens propriétaires se distinguent par l'utilisation étendue des outils informatiques. Nul part ailleurs que dans les pharmacies du Québec on ne trouve le matériel, les logiciels et les bases de données supportant l'informatisation des dossiers-patients. Par leur expertise, par leur implication auprès de la population et par leur maîtrise des outils informatiques, les pharmacies propriétaires peuvent apporter un éclairage pertinent sur le projet de loi n° 83.

Ce projet de loi vient parachever la mise en oeuvre de la réorganisation du réseau de la santé et des services sociaux entamée avec la Loi sur les agences de développement de réseaux locaux de santé et de services sociaux adoptée en 2003. L'AQPP est entièrement favorable à cette réorganisation. Elle permet une meilleure intégration des soins et une meilleure prise en charge des patients. Elle favorise aussi des relations plus humaines, plus empathiques, puisque la personne en demande de soins et de services se trouve prise en charge dans son milieu, dans sa communauté. C'est un gros progrès.

Le projet de loi n° 83 vient donner vie à ces réseaux locaux en définissant notamment les règles de gouverne et la circulation de l'information entre les intervenants. Il reconnaît le rôle joué par les pharmaciens et prévoit, dans une certaine mesure, leur intégration dans les structures de ces réseaux. Nous reconnaissons que le législateur agit avec cohérence. Ce projet de loi démontre que la réorganisation annoncée n'est pas un changement de façade, mais un redéploiement réel du système de santé et de services sociaux sur une base locale qui bénéficiera aux citoyens.

Nous avons toutefois des préoccupations sous certains aspects de ce projet de loi. Certaines sont plus urgentes que d'autres, notamment en ce qui a trait au partage d'information. Notre mémoire fait état de 14 recommandations. Je traiterai de quelques-unes d'entre elles. Je commencerai par la gouverne.

L'article 41 du projet de loi n° 83 confère à l'agence locale l'exclusivité de la définition du projet clinique et de l'organisation des soins et services sur un territoire donné. L'agence locale doit mobiliser les ressources et les partenaires du réseau, dont les pharmaciens propriétaires. Ensuite, elle conclut des ententes avec les différents partenaires et fournisseurs, de manière à assurer la coordination des services.

Les pharmaciens sont déjà habitués à ces ententes de collaboration, tellement que nous parlons aujourd'hui davantage de pharmaciens communautaires plutôt que de pharmaciens propriétaires. Beaucoup de nos membres sont en effet présents dans des centres hospitaliers ou des CHSLD, selon des termes convenus avec la direction de ces établissements. Ils y sont autant pour seconder les pharmaciens à l'interne que pour conseiller les bénéficiaires ou les médecins traitants sur un recours optimal de la pharmacologie. Ces collaborations, en plus de donner un peu d'air aux professionnels en place, favorisent l'émergence d'un esprit d'équipe entre les différents intervenants de la santé. C'est tout à fait dans l'esprit de la réorganisation annoncée.

Toutefois, afin que ces partenariats soient au-dessus de tout soupçon de favoritisme, de conflit d'intérêts ou de dirigisme envers nos membres, nous recommandons que toute entente de services entre une instance locale et les différents producteurs de services et partenaires soient préalablement soumise à un appel d'offres public. Nous croyons qu'il en va de la crédibilité et de l'intégrité des réseaux locaux.

Je dirai maintenant un mot sur les conseils d'administration des agences locales. Le projet de loi n° 83 reconnaît le rôle du pharmacien et son expertise comme étant nécessaires à la réalisation du projet clinique. Toutefois, il nous semble que cette reconnaissance se vide de son sens lorsqu'on constate que les pharmaciens sont peu représentés au sein des instances décisionnelles des réseaux locaux.

Sur ce point, nous formulons une recommandation que je qualifierais de minimale. Nous recommandons que tout pharmacien communautaire ayant conclu une entente de services avec un établissement de santé se voie accorder automatiquement un statut de membre actif au sein du CMDP de cet établissement. Ainsi, par le biais du CMDP, la représentativité des pharmaciens serait assurée au conseil d'administration de l'instance locale et de l'établissement.

Je clôturerai ce volet sur la gouverne en abordant le Comité régional sur les services pharmaceutiques, défini à l'article 153 du projet de loi. Ce comité rassemblerait les pharmaciens exerçant en pharmacie communautaire, les chefs de département clinique de pharmacie et les pharmaciens en établissement. La création de ce comité traduit une intention claire de reconnaître l'importance de la fonction pharmaceutique, et les responsabilités qui lui sont dévolues sont cohérentes avec cette volonté.

Nous déplorons toutefois que ce comité ne soit pas représenté au conseil d'administration de l'agence, alors que le sont différentes commissions, comme la Commission médicale, la Commission infirmière ou la Commission multidisciplinaire régionale. Cette sous-catégorisation de la fonction pharmaceutique nous apparaît contraire à l'esprit d'une meilleure intégration des services.

L'AQPP recommande que le comité régional sur les services pharmaceutiques soit remplacé par la commission régionale sur les services pharmaceutiques afin d'octroyer à cette commission le même statut que les commissions médicale, infirmière et multidisciplinaire.

J'aborde maintenant l'aspect le plus sensible du projet de loi n° 83. C'est tout l'aspect de l'informatisation du dossier-patient et de la circulation de l'information clinique entre les différents intervenants. Il y a sur cette question des barrières à lever pour que tous les professionnels, incluant les pharmaciens, puissent véritablement faire équipe pour le bien des patients.

Vous me permettrez une brève mise en contexte. La réorganisation du réseau de la santé et des services sociaux sur une base locale a pour objectif corollaire de généraliser l'informatisation des dossiers-patients. Nous ne pouvons que souscrire à cet objectif. C'est déjà notre quotidien. Dans le grand ensemble québécois de la santé et des services sociaux, les pharmaciens propriétaires ont été des pionniers en matière d'informatisation. Depuis 30 ans, les pharmaciens ont intégré le matériel et les outils pour informatiser leurs dossiers-patients et optimiser leur pratique en constituant, par exemple, des bases de données importantes sur les interactions médicamenteuses.

Au fil des ans, les pharmaciens propriétaires ont investi des millions de dollars pour moderniser leur équipement technologique et se maintenir à l'avant-garde de leur profession. Cet investissement privé des pharmaciens bénéficie à l'ensemble des Québécois et à l'ensemble du système public de santé et de services sociaux. Rappelons-nous seulement que, n'eût été de l'existence des infrastructures technologiques nécessaires dans les pharmacies québécoises, la mise en place du régime d'assurance médicaments aurait été impossible.

Et je tiens à ouvrir ici une parenthèse. Nous nous reverrons prochainement pour discuter du projet de politique du médicament. Dans sa forme actuelle, cette politique stipule que le gouvernement interviendrait pour prescrire à la fois le prix payé et le prix vendu des médicaments par les pharmaciens. Cela signifierait, à toutes fins pratiques, l'élimination du profit dans l'activité pharmaceutique. Entendons-nous bien, si une telle politique avait été en vigueur depuis 30 ans, les pharmaciens rempliraient encore à la main leurs dossiers-patients et, la question de l'informatisation de ces dossiers représenterait des investissements sans commune mesure avec les moyens de l'État.

De grâce, cessons de voir le profit comme étant une maladie honteuse et constatons qu'en matière de services pharmaceutiques le profit réalisé se fait au bénéfice des Québécois. Nous allons dénoncer ce volet de la politique du médicament qui va à l'encontre de l'intérêt des patients. Si les pharmaciens ont pu investir dans la technologie et si ces infrastructures technologiques servent aujourd'hui d'assise principale à l'informatisation des dossiers-patients, c'est parce qu'ils parviennent à dégager un profit de leurs activités. Je ferme la parenthèse.

n (11 h 40) n

Le projet de loi n° 83 propose que les dossiers-patients informatisés que détiennent les pharmaciens soient partagés par les professionnels de la santé d'un réseau local. Il est considéré que la diffusion du profil médicamenteux peut aider les médecins notamment à mieux faire leur travail. Nous sommes d'accord. Nous ne posons aucun obstacle au partage d'information. Nous croyons dans la complémentarité et le travail interdisciplinaire. Nous sommes favorables au partage d'information. Mais l'idée du partage, quel qu'il soit, n'implique-t-elle pas une notion de réciprocité? Le partage n'est pas à sens unique, c'est dans les deux sens.

Que dit le projet de loi n° 83? Le projet de loi n° 83 enjoint les pharmaciens à transmettre les informations qu'ils détiennent au prescripteur par l'entremise de la RAMQ mais n'oblige en rien les prescripteurs à partager leurs informations avec les pharmaciens. C'est inacceptable. Si le législateur reconnaît la pertinence pour le médecin traitant de savoir le profil médicamenteux d'un patient, pourquoi ne reconnaîtrait-il pas la pertinence, pour le pharmacien, de savoir l'intention thérapeutique derrière l'ordonnance? Un pharmacien qui sait quel mal afflige un patient pourra mieux le conseiller et mieux prévenir des interactions médicamenteuses néfastes, cela va de soi. On fait équipe, oui on non?

L'AQPP recommande que le projet de loi n° 83 soit amendé de manière à rendre obligatoire l'inscription de l'intention thérapeutique sur toute ordonnance. C'est notre demande principale, celle qui impose une évolution culturelle, qui perce un mur entre les professions. C'est ici que le législateur décide que nous faisons équipe ou que nous continuons de travailler en silo. Je m'en remets à votre jugement.

Le partage de l'information implique par ailleurs un consentement du patient, et ce n'est pas une affaire qui doit être prise à la légère. Le patient doit se sentir en confiance et savoir que sa volonté sera respectée. Or, l'encadrement de ce consentement et la mise en place des structures nécessaires à son expression ne sont pas spécifiquement abordées dans le projet de loi n° 83, et cela nous inquiète. Nous ne voulons pas que cette responsabilité et ce processus pèsent sur les épaules des pharmaciens. Sous aucune considération... sous aucune autre considération. La gestion du consentement s'accompagne d'une obligation d'assistance. Il faut prendre le temps d'expliquer à la personne la nature des informations recueillies et l'utilisation qui en sera faite. Ça voudrait dire, par exemple, que toute personne ayant donné son consentement pourrait en tout temps exiger du pharmacien propriétaire de consulter son dossier sur place, en pharmacie. Ne nous imposez pas ça.

Le plus simple serait que le consentement soit inclus à même le mécanisme de renouvellement de la carte d'assurance maladie. Les instances locales pourraient être mises à contribution dans la gestion des modalités et des obligations qui en découlent. En conséquence, nous recommandons que la Régie de l'assurance maladie du Québec et les instances locales soient désignées pour recevoir ce consentement. L'AQPP recommande également que les pharmaciens communautaires soient spécifiquement exclus, à même la loi, des intervenants habilités pour ce volet précis.

Le partage de l'information réfère aussi directement à la notion de profil d'accès. Qui aura accès à quoi? À l'égard des pharmaciens, nous considérons que le législateur s'enfarge dans des tracasseries inutiles qui seront source de lourdeur bureaucratique et d'inefficacité. L'article 168 discrimine les intervenants selon leur fonction, leur lieu d'intervention ou le fait qu'ils soient propriétaires ou exerçant en établissement. Ces distinctions n'ont pas lieu d'être en ce qui a trait au profil d'accès. Un pharmacien est un pharmacien. C'est son expertise qui justifie son accès à l'information, ce n'est pas l'accès organisationnel de sa pratique.

L'AQPP recommande que le projet de loi soit amendé de manière à ce qu'un profil unique de pharmacien soit reconnu et qu'aucune distinction de profil en fonction du lieu d'exercice de la pratique ou entre un pharmacien propriétaire, salarié ou en établissement ne soit faite. L'AQPP recommande également d'être consultée avant l'adoption de ce règlement.

Je terminerai sur une recommandation que je qualifierais de préventive. Les pharmaciens propriétaires ont été échaudés par la mise en place du régime général d'assurance médicaments, qui a entraîné des investissements importants en dollars, en temps et en énergie. Les pharmaciens propriétaires ont été les conscrits d'une opération de grande envergure. La mise en place des réseaux locaux de santé et de services sociaux pourrait signifier des investissements additionnels que les pharmaciens ne veulent pas supporter.

En conséquence, nous recommandons que les coûts reliés à la mise en place de structures technologiques, de nouvelles interfaces ou les modifications à celles existantes soient complètement assumés par le gouvernement. Le gouvernement du Québec sait qu'il peut compter sur les pharmaciens et il a raison. Nous voulons, nous aussi, pouvoir compter sur lui.

Mesdames, messieurs, le projet de loi n° 83 va dans le sens de la réorganisation du réseau de la santé et des services sociaux sur une base locale. Il démontre que le législateur est cohérent dans son action. De façon générale, nous sommes favorables à l'intention qu'il porte. Nous avons toutefois des préoccupations très vives quant à la place du pharmacien propriétaire dans les instances décisionnelles et quant à la réciprocité de la notion de partage d'information.

Le projet de loi n° 83 a la particularité de conférer au gouvernement un large pouvoir discrétionnaire, puisque bon nombre de questions qui demeurent en suspens trouveront leur réponse par règlement. J'invite avec insistance le gouvernement à consulter les intervenants concernés avant l'adoption de ce règlement. Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Merci beaucoup, M. Bonin. Alors, afin de débuter l'échange, M. le ministre de la Santé et des Services Sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Merci, MM. Bonin et Cadieux, Mme Crête, pour votre présentation. Effectivement, on veut, parmi les partenaires des réseaux locaux, que ce soit bien sûr le pharmacien communautaire ou le pharmacien en pratique privée... c'est essentiel qu'il y ait un lien entre la politique de ce qui se passe pour les médicaments dans l'établissement et à l'extérieur. Il y a d'ailleurs, au Québec, actuellement des expériences intéressantes de liaison entre les deux, comme vous le savez, dans au moins une région que je connais, le Bas-Saint-Laurent, Rivière-du-Loup. C'est très prometteur comme piste. Et également vous aurez noté la mise sur pied de la commission pharmaceutique ou du comité pharmaceutique régional qui, je crois, devrait permettre à votre profession d'échanger plus directement quand il est question des politiques ou de l'organisation des services.

Je voudrais vous demander d'abord de préciser un élément de votre mémoire, qui est la question de soumettre les ententes à un processus d'appel d'offres. Je dois dire que j'ai un peu de difficulté avec ce concept-là puis je voudrais que vous m'éclairiez. C'est un modèle qui a déjà été essayé en Angleterre, hein, où on a essayé d'appliquer la logique du marché, d'appel d'offres, de compétition aux ententes de services. C'est exactement ce à quoi vous faites allusion, là. L'expérience là-bas a montré que ça n'a pas fonctionné. En fait, au bout de deux ou trois ans, ils ont abandonné totalement cette... ils appelaient ça «internal markets» là-bas, les marchés intérieurs ou l'organisation de soins de première ligne.

Vous savez que là-bas, en Angleterre, les patients, ils n'ont pas vraiment le choix: il faut absolument aller à son médecin local. Et cette organisation de médecine de première ligne, dans la première version, faisait donc des appels d'offres pour obtenir, par exemple, un corridor de services pour la chirurgie orthopédique, ou pour la radiologie, ou d'autres types de services, éventuellement pour les médicaments également, je suppose. Mais, deux ou trois ans plus tard, on a vu que ça avait eu des effets en fait inverses de ce qu'on avait souhaité. Alors, pourquoi vous pensez qu'au Québec on devrait suivre cette voie-là? Décrivez-moi ce que vous entendez par appel d'offres, là. J'ai de la difficulté à...

M. Bonin (Normand): Par appel d'offres, ce que nous entendons, c'est que... Bon, dans le réseau privé de nos pharmacies à travers la province, si on prend une région x et qu'un établissement est à la recherche de services, il est bien clair que le système dans lequel nous opérons, c'est un système privé, et il y a plusieurs pharmaciens qui détiennent des pharmacies, et il y a plusieurs pharmaciens qui sont intéressés à avoir des contacts ou des relations avec le milieu hospitalier. Maintenant, ce qu'on veut se garantir par cet appel d'offres là, c'est de réussir à contrer la dirigisme, qu'un milieu hospitalier ou un réseau x puisse décider de faire affaire avec un pharmacien plus qu'un autre pour toutes sortes de raisons, mais qui amènerait du dirigisme et qui pourrait nuire aussi à la transparence et la rigueur de la démarche.

Alors, pour nous, ce qu'on recommande, c'est que l'ensemble, le milieu hospitalier, le CHSLD ou quelles que soient les abréviations que... si quelqu'un a l'intention de faire appel avec le réseau des pharmaciens propriétaires, que ça se fasse par appel d'offres. Maintenant, je dois vous avouer que j'ignorais complètement que ce genre de processus là avait été utilisé à l'extérieur. Maintenant, est-ce qu'on faisait, à ce moment-là, affaire avec un réseau de pharmacies privées ou si c'était un...

M. Couillard: Non. Je ne parlais pas du cas spécifique des pharmaciens, je parlais du concept même d'utiliser un processus d'appel d'offres et de marchés internes dans un système de santé. Et c'est en Angleterre que ça a été essayé.

n (11 h 50) n

M. Cadieux (Normand): Peut-être, M. Couillard ? si vous le permettez, M. le Président ? déjà, actuellement, il y a des pharmaciens qui fournissent des services à des centres hospitaliers de soins de longue durée, et finalement les services qu'ils offrent, là, c'est les services complets de pharmacie: la distribution des médicaments, une présence sur place, travail avec l'équipe médicale et infirmière. Donc, c'est un service complet. Ils agissent comme s'ils étaient la pharmacie de l'institution. Et à notre connaissance c'est notre compréhension actuellement, selon les informations que nous avons, que ces ententes-là, qui ont été prises entre un pharmacien communautaire et un CHSLD, ont été prises par appel d'offres. Alors, il semble, là, à moins qu'on ait une définition différente des appels d'offres, que ça existe déjà et que ça se fait déjà dans ce contexte-là. Et c'est le but qu'on vise, c'est la suggestion qu'on fait, c'est d'éviter le dirigisme, à toutes fins utiles.

M. Couillard: Bien, dans cette optique-là, c'est plus compréhensible. Moi, initialement, je pensais que vous parliez de l'ensemble des ententes de services dans un réseau local. Je pense que bon, là, ça devient plus clair.

La question du volet médicaments du dossier médical informatisé, évidemment il est prévu que l'information soit bidirectionnelle. Il n'est pas question que tout aille au médecin puis rien vers le pharmacien. On veut vraiment que l'information s'échange de part et d'autre pour tirer profit des compétences de chacun, qui sont complémentaires, on le sait, pour les médicaments. Et il y aura donc un règlement qui va définir exactement le volet médicaments du dossier médical informatisé, et bien sûr ceci va être précédé de consultations autant auprès des pharmaciens que des médecins, prépublication, etc. Donc, il y aura amplement le temps de s'entendre sur exactement ce qui est là-dessus.

Il y a un élément auquel votre profession, et votre ordre professionnel, et votre association, je crois, tient, c'est la question de l'intention thérapeutique. Pourriez-vous nous expliquer comment, vous, vous voyez cette question de l'intention thérapeutique? Qu'est-ce que vous comprenez par ces deux mots, «intention thérapeutique», quand vous avez une prescription devant vous?

M. Bonin (Normand): Écoutez, quand on parle d'intention thérapeutique, ce qu'on entend par là, c'est que, si le médecin inscrit son intention thérapeutique, ça va être plus facile pour le pharmacien de saisir l'objectif visé par le médecin, sa stratégie thérapeutique, et ce sera aussi beaucoup plus facile pour lui de conseiller le patient adéquatement.

Je pourrais vous donner une exemple, un médicament en particulier qui s'appelle amitryptiline, nom commercial Elavil. C'est un médicament qui est, règle générale, utilisé comme antidépresseur, mais il est souvent utilisé dans des cas de douleurs chroniques puis aussi pour les migraines. Alors, je vous dirais que, si je connaissais l'intention thérapeutique du médecin, ce serait beaucoup plus facile pour le pharmacien d'expliquer à son patient le but et le pourquoi du médicament. On ne perdrait pas une heure à lui expliquer et surtout à indisposer le patient si je commence à lui expliquer de tous les effets secondaires de l'antidépresseur que je me prépare à lui remettre. Surtout que le médecin ne lui a jamais parlé d'antidépresseur parce qu'il lui remet pour une douleur chronique. Alors, c'est de là l'importance de l'intention thérapeutique. Pour les pharmaciens, c'est aussi important d'avoir l'intention thérapeutique que, pour les médecins, d'avoir nos profils médicamenteux.

M. Couillard: Ça nous amène à un autre point qui est la question de l'exemption pour la délivrance des échantillons. Je pense que c'est dans votre mémoire, cette question-là. L'Ordre des pharmaciens puis l'Association des pharmaciens d'établissement nous demandent de nous assurer que les échantillons vont faire également partie du profil médicamenteux parce que c'est les médicaments que la personne prend. Et je crois comprendre que votre association voudrait au contraire que l'exemption inclue les pharmaciens de pratique communautaire. Peut-être que je comprends mal, là. Pourriez-vous nous expliquer votre position là-dessus?

M. Cadieux (Normand): Alors ? si vous me permettez ? oui, la question qu'on soulève, nous, c'est qu'au niveau des échantillons, là, dans le projet de loi, là, on parle d'échantillons puis on parle de peut-être prévenir l'échantillonnage. Nous, on dit: Bon, bien, l'échantillonnage peut avoir une raison, une fonction utile si elle est utilisée un peu comme une pharmacothérapie initiale, c'est-à-dire que ça permet d'essayer le médicament chez un patient. Alors, nous, on ne souhaite pas que ce soit exclu du dossier. On souhaite que l'échantillonnage, plutôt que de se faire de la façon traditionnelle dont elle se fait actuellement, où il y a des produits qui circulent dans les cabinets puis dans les tiroirs d'un peu tout le monde, puis qui sont souvent offerts aux patients, puis qui sont passés date et qui ne sont jamais inscrits ou rarement inscrits au dossier du patient, nous, ce qu'on suggère, c'est que l'échantillonnage se fait par des méthodes modernes, électroniques et à travers la pharmacie.

Donc, le médecin donne à son patient une carte d'échantillons. Ce n'est pas un produit, c'est une carte d'échantillons. Le pharmacien va faire exécuter cette ordonnance-là parce que c'est une ordonnance pour une thérapie courte qui permet d'essayer le médicament, et, de cette façon-là, c'est inscrit au dossier-patient, et tout le monde a accès, et tout le monde a l'information à savoir que le patient a pris ce médicament-là. Ça l'amène automatiquement à être inscrit au dossier du patient.

M. Couillard: Évidemment, M. le président, beaucoup des éléments qu'on discute maintenant vont être repris dans la commission sur la politique du médicament parce qu'essentiellement il s'agit des mêmes thèmes, là. Je voudrais juste clarifier quelque chose. Je ne pense pas qu'il y ait personne autour de la table qui s'oppose à la notion de profit pour l'entreprise privée. Puis le texte qui est déposé, ce n'est pas un projet de loi, ce sont des orientations qu'on veut discuter en commission parlementaire. Mais ce qu'on veut ? je pense que c'est exprimé dans le texte, si ma mémoire est exacte ? c'est que le prix soit exempt ou libéré de tout ce qui est ristourne, avantage, etc. Qu'il y ait un profit à côté de ça, ce n'est pas en soi une mauvaise chose, il faut que les entreprises fassent du profit pour survivre et prospérer. Mais que le prix soit totalement exempté de cette partie-là de l'échafaudage qui amène au prix qu'on charge aux patients, qu'est-ce que vous en pensez, de cette question-là?

M. Bonin (Normand): Bon, écoutez, dans ce domaine, je vous dirais qu'après lecture du texte de la politique sur le médicament, pour nous, il semble clair que le gouvernement s'en allait sur le fait que vous étiez pour réglementer autant mon prix d'achat que mon prix de vente. Et je vous dirais que ça ressemble beaucoup à ça, là, quand vous dites que vous éliminez toute possibilité de ristourne ou de rabais de volume. Parce que c'est ça qui est inscrit dans le projet, je vous dirais. À quel endroit me reste-t-il de la place pour faire un profit sur la vente du médicament? Vous les avez tous éliminés. Et en plus vous allez déterminer et vous déterminez déjà le prix de vente. Alors, c'est dans ce sens-là que je vous dis: je trouve très difficile de voir à quelle place vous voyez qu'il y a de la place pour le profit. Je comprends, parce que je pense que tout le monde de raisonnable est obligé de comprendre qu'il faut avoir un profit à quelque part si on veut être capable d'opérer, mais je vous dirais que, dans les textes, on ne l'a pas senti, je ne l'ai pas... Alors, c'était une des craintes qu'on va soulever lors de la prochaine commission parlementaire.

M. Couillard: On reprendra donc cette discussion à la commission sur la politique du médicament. Merci.

Le Président (M. Copeman): Sans doute. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Alors, M. Bonin, M. Cadieux et Mme Crête, bienvenue de la part de l'opposition officielle. Alors, d'entrée de jeu, puisque vous êtes des nôtres et en préparation de cette commission parlementaire sur la politique du médicament, dans le mémoire que vous nous présentez, vous faites mention du nombre de 1 500... attendez, de mémoire...

M. Bonin (Normand): ...

Mme Harel: C'est ça, hein, 1 535?

M. Bonin (Normand): Oui... 1 585.

Mme Harel: Donc, 1 585 pharmaciens propriétaires pour 1 632 pharmacies québécoises. C'est donc dire qu'il y a, quoi, moins d'une centaine ou un petit peu plus d'une centaine de pharmacies qui appartiennent aux mêmes pharmaciens. C'est comme ça qu'il faut le lire?

M. Bonin (Normand): Oui.

Mme Harel: Et combien de ces pharmacies... pharmaciens propriétaires qui sont membres de l'AQPP font partie de bannières?

M. Bonin (Normand): Combien?

Mme Harel: Oui.

M. Bonin (Normand): Je vous dirais que... je pense qu'on a près de 85 % des pharmacies qui opèrent sous une bannière. Les autres, ça, c'est plus des cliniques médicales ou de plus petites surfaces. Mais près de 85 % sont banniérées.

Mme Harel: Et il y a combien de bannières qui les regroupent?

M. Bonin (Normand): Je vous dirais une dizaine, là. Je pense qu'il y a le Groupe Jean Coutu, Uniprix, Brunet, Walmart, Pharmaprix... alentour d'une dizaine. J'oubliais Familiprix aussi.

n (12 heures) n

Mme Harel: Bon. Alors donc, votre mémoire ? merci de ces informations ? votre mémoire, à la page 11 ? je reviendrai sur l'intention thérapeutique et sur le profil médicamenteux... À la page 11, dernier paragraphe, là, on y lit: «Ce projet de loi ne fait aucune place à la nuance. Les pharmaciens propriétaires sont tenus, par ce projet de loi, de transmettre le profil médicamenteux ? plutôt ? et ce, indépendamment qu'ils le jugent pertinent ou non.» Est-ce que c'est possible de me retrouver, dans le projet de loi ? vous savez combien il est touffu, là, hein, il a beaucoup, beaucoup de choses ? ce que vous considérez comme vous obligeant à transmettre le profil médicamenteux?

Mme Crête (Marie-Josée): Oui. Je peux peut-être répondre à la question. C'est l'article 520.15, en fait le nouvel article, là, de la loi sur la santé et les services sociaux qui est créé par l'article... Attendez, c'est toute la série des articles 520, donc, attendez, l'article 171, 172 et suivants. Et vous retrouvez donc à l'article 520.15, au deuxième alinéa donc: «Tout pharmacien qui exerce sa profession dans une pharmacie communautaire est tenu, lorsqu'il délivre un médicament à une telle personne, de transmettre à la Régie de l'assurance maladie du Québec une copie des renseignements prévus au [sixième alinéa] de l'article 520.9 qui concernent cette personne.» Et, si on se reporte à 520.9, sixième alinéa, alors c'est tout le volet de la médication qui doit systématiquement être transmis à la régie par un pharmacien et, on le dit bien: «Tout pharmacien qui exerce sa profession dans une pharmacie communautaire...»

Mme Harel: C'est donc dire que vous consentez à cela. Je n'ai pas retrouvé, dans votre mémoire, un désaveu de cette disposition 520.15. Est-ce que j'interprète bien votre mémoire?

M. Cadieux (Normand): Vous l'interprétez bien, on n'a pas d'objection à transmettre l'information. Ce qu'on souhaite en contrepartie, c'est que les comportements soient changés, qu'il y ait un véritable échange d'information entre les différents professionnels de la santé, que ça ne se fasse pas en sens unique.

Mme Harel: Alors, d'autre part, à l'article 520.9 tel que rédigé, là, dans le projet de loi, on y retrouve, au paragraphe 6°: La médication comprend... On retrouve donc, au paragraphe 6°: «Les catégories de renseignements qu'une agence et qu'un établissement peuvent conserver en vertu de l'autorisation du ministre ainsi que les renseignements que ces catégories peuvent comprendre...» Alors, on y dit que ça peut comprendre: «La médication comprenant les médicaments et les échantillons qui lui ont été délivrés ou administrés depuis moins d'un an par un professionnel de la santé dans un cabinet privé de professionnel, dans une pharmacie communautaire, dans une pharmacie maintenue par un centre exploité par un établissement ou par un ambulancier lors d'un transport ambulancier, incluant les indications thérapeutiques qui s'y rapportent.» Comment il faut l'interpréter? Est-ce que ce n'est pas l'intention thérapeutique dont vous parliez?

M. Bonin (Normand): Oui.

Mme Crête (Marie-Josée): Oui, c'est ce qu'on souhaite. C'est ce qu'on souhaite et d'ailleurs on a demandé une recommandation qui précise que le mot «intention thérapeutique» doit s'entendre d'«indications thérapeutiques». Alors, pour bien faire voir l'intention du législateur, si c'est le cas, on demande que le projet de loi soit amendé de manière à remplacer le mot «indication» par «intention». Et d'ailleurs on faisait une concomitance entre l'expression «intention thérapeutique» qu'on voudrait revoir au projet de loi... En fait, c'est la même qui est utilisée dans le cadre de la politique du médicament. Or, si, dans le cadre de la politique du médicament, on utilise l'expression «intention thérapeutique», on voudrait bien retrouver cette expression-là dans le projet de loi.

Mme Harel: Alors, Me Crête, est-ce que c'est le principal amendement que vous souhaitez ? ou en fait soit M. Cadieux ou Bonin ? est-ce que c'est le principal amendement que vous souhaitez sur cette question d'intention thérapeutique et d'échange d'information?

M. Bonin (Normand): Oui, c'est le point le plus important pour nous, l'indication thérapeutique.

Mme Harel: L'intention thérapeutique.

M. Bonin (Normand): L'intention thérapeutique.

Mme Crête (Marie-Josée): Juste pour ajouter aux commentaires, l'autre chose que j'aimerais préciser: tantôt, Mme Harel, quand on parlait de l'article 520.15 justement, on a bien compris que, bon, l'intention du législateur, au deuxième alinéa, c'était effectivement de forcer tout pharmacien propriétaire, donc pharmacien communautaire, à transmettre à la régie donc les informations qui concernent la médication. Ce que l'AQPP note cependant, c'est qu'au troisième alinéa vous avez finalement la... En fait, le législateur prévoit qu'«un intervenant visé au premier aliéna ? donc il faut comprendre que ce n'est nécessairement pas un pharmacien communautaire ? n'est pas tenu de transmettre ? bon ? ces renseignements dans les cas, conditions ou circonstances prévus par règlement du gouvernement». Or, donc, pour l'AQPP, c'est de dire, s'il existe ou s'il existera des cas, circonstances et conditions pour lesquels un intervenant du premier alinéa pourrait être exempté de transmettre ces informations-là, pourquoi systématiquement on reconnaît que le pharmacien propriétaire, en aucun cas, aucune circonstance, il ne pourra être exempté? Et, dans cette perspective-là, on demande que, lors de l'adoption d'un règlement qui créerait des exemptions, des circonstances et des conditions d'exemption pour un intervenant au premier alinéa, on puisse penser et se prononcer quant à savoir si ces mêmes circonstances là ne pourraient pas ne pas s'appliquer au pharmacien propriétaire.

Mme Harel: Pour vous suivre, là, il faut que ce soit peut-être encore plus clair... ou une deuxième... Je comprends que, dans le cadre du projet de loi, là, si un patient, disons, a manifesté son consentement, la personne qui le soigne ? disons un médecin, là, pour parler clairement, là, on va appeler les choses par leur nom ? un médecin est habilité à transmettre une copie de ce qu'il lui a, disons, prescrit, hein, c'est bien ça, est donc habilité à transmettre une copie à l'agence, disons, la... Mais ce que vous dites, c'est qu'il y a un troisième paragraphe qui dit: Il n'est pas nécessairement tenu de le faire si, dans le règlement que le gouvernement va publier, il y a des circonstances, des conditions, etc. Donc, il pourrait ne pas être tenu de transmettre l'intention thérapeutique. C'est ça que vous nous dites?

Mme Crête (Marie-Josée): En fait, ce n'est pas limité à l'intention thérapeutique. 520.15 parle plus de la livraison, là, ou de l'administration d'un médicament ou des échantillons. Et pour donner un exemple clair de l'interprétation que l'AQPP en fait c'est que, dans le premier alinéa, si, par hypothèse, un patient se fait administrer un médicament à l'hôpital, bon, bien, dans un cas où c'est le pharmacien qui délivrerait, via le centre hospitalier, un médicament, lui est visé par le troisième alinéa, qui pourrait l'exempter, dans un cas, circonstance ou condition quelconque, d'avoir à transmettre cette information-là quant à la médication.

Par contre, si ce même patient se présente en pharmacie communautaire avec une ordonnance pour obtenir la délivrance d'un médicament, le pharmacien propriétaire devra systématiquement, en vertu de la lecture qu'on fait du deuxième alinéa, transmettre cette information-là à la régie, et lui n'est pas visé par une exemption éventuelle ou possible. Systématiquement, il y a une communication qui se fait à la RAMQ.

Mme Harel: Je vous remercie de ces explications. Vous conviendrez que cela suppose un certain degré d'expertise dont on vous remercie d'en faire bénéficier la commission, n'est-ce pas, et le ministre en l'occurrence. Alors, nous verrons plus tard quelle est l'intention et...

Le Président (M. Copeman): Et tous les autres parlementaires, d'ailleurs.

Mme Harel: Oui, oui, tous les parlementaires.

Le Président (M. Copeman): Bien sûr.

Mme Harel: Et nous verrons quelle est l'intention réelle du législateur, n'est-ce pas? Et c'est à ça que sert aussi l'étude article par article du projet de loi. Ce serait la première fois qu'on ferait une étude article par article d'un projet de loi sur la santé. Vous savez, tous les autres ont été adoptés sous bâillon.

Alors, bon, dans le mémoire que vous présentez, honnêtement, je crois qu'il y a une contradiction. Une contradiction ou un paradoxe, l'apparence de contradiction, ça se peut très bien. Vous allez peut-être m'indiquer comment le résoudre. Vous dites, à la page 17 de votre mémoire, en recommandation 8, là: Il faut qu'il y ait «un profil unique de pharmacien», que ce ne soit pas, dans le fond, différent, qu'il n'y ait pas de distinction dépendamment qu'il est en institution, en établissement privé, etc. Mais, à la recommandation... Donc, profil unique.

Puis, à la recommandation 7, vous dites: Oui, mais il faut que le pharmacien communautaire, en fait, il ? mettons, dans votre cas, pharmacien propriétaire ? soit spécifiquement exclu, à même la loi, des intervenants habilités pour le volet concernant la transmission d'information. Donc, un profil unique à la recommandation 8, puis les distinctions à la recommandation 7. Comment on doit résoudre ce paradoxe?

n(12 h 10)n

M. Bonin (Normand): Bon, dans la recommandation 7, premièrement, ce qu'on demande, c'est d'être exclus, c'est... d'être habilités, comme je l'expliquais lors de ma présentation tantôt. S'il fallait que tous les patients puissent venir s'inscrire dans les pharmacies communautaires, on parle d'une population de 7, 8 millions, vous devez comprendre que ça va prendre énormément de temps et que... d'autant plus que le projet de loi oblige assistance. Alors ça, ça veut dire qu'il faut renseigner constamment, donner de l'information aux patients. Quant... a trait à la recommandation n° 8, ce qu'on veut éviter, c'est qu'il y ait discrimination au niveau des différents paliers du monde pharmaceutique. Je pense que l'Ordre des pharmaciens a reconnu qu'il y a seulement un pharmacien, que le pharmacien, qu'il pratique en établissement, en communautaire, a les mêmes qualités et les mêmes pouvoirs.

Alors, ce qu'on voudrait éviter, c'est que... Mettons, par exemple, qu'un médecin... pas un médecin, mais un pharmacien qui, à l'hôpital, là, s'est spécialisé en oncologie avec des traitements très pointus, qu'il soit le seul à avoir accès à ce médicament-là quand il fait référence à la banque de données, ce qu'on veut, c'est que tout l'ensemble des pharmaciens puissent y avoir accès parce que, quel que soit le médicament utilisé, il va être excessivement important que le pharmacien, dans le monde communautaire, soit mis au courant de l'utilisation, dans le cas que je mentionne, du médicament en oncologie parce qu'il pourrait avoir une série d'interactions avec tous les médicaments qui sont prescrits normalement dans le milieu communautaire. Alors, c'est à ce moment-là que je vous dis que, là, on ne veut pas de discrimination. Est-ce que ça répond assez bien?

M. Cadieux (Normand): Peut-être un autre élément d'information. Comme vous le savez, il y a, dans le domaine de la pharmacie comme dans d'autres secteurs de la santé, pénurie de main-d'oeuvre, et les pharmaciens ne pratiquent pas dans un seul milieu ou dans un seul endroit géographique. Et le projet de loi ouvre la porte à cette distinction-là où on pourrait avoir un profil d'accès à l'information différent selon le lieu ou... Bon.

Alors, nous, ce qu'on dit, c'est: qu'un pharmacien travaille dans une région ou dans une autre, l'information dont il a besoin pour bien faire son travail est la même. De la même façon, les établissements ou les pharmaciens, indépendamment de leur milieu de travail, ont aussi besoin de la même information. Et les pharmaciens travaillent dans différents secteurs. Il n'est pas rare de voir un pharmacien qui travaille en établissement et qui travaille aussi dans le secteur communautaire.

Alors, il y a des vases communicants, là, et on dit: Facilitons-nous la tâche, faisons ça le plus simple possible et donnons aux pharmaciens, qu'ils exercent dans quelque milieu que ce soit, accès à la même information. Et ça s'entend des pharmaciens qui pratiquent auprès de clients évidemment, pas de pharmaciens qui sont, comme moi, des gens qui travaillent dans un bureau, là. Mais les cliniciens devraient avoir accès à la même information.

Mme Harel: M. le Président, dernière question. Je sais qu'il ne reste que quelques secondes, mais à quoi attribuez-vous le fait qu'il n'y a pas de pénurie dans l'exercice de cette profession qu'est la pharmacie?

M. Bonin (Normand): Non. Je vais être obligé de vous reprendre, mais...

Mme Harel: Sauf en établissement.

M. Bonin (Normand): Je vous dirais que, dans le milieu communautaire, on a un très gros problème de pénurie. D'ailleurs, on travaille en collaboration avec le ministère de l'Éducation, les ordres, le ministère de la Santé et... pour combler. C'est bien clair que, comme dans toutes les professions du monde de la santé, les résultats ne se feront pas sentir demain matin. Je pense qu'on ne peut pas espérer avoir grand-chose avant 2010... beaucoup de résultats. Mais je vous dirais que, dans le monde communautaire, on évalue à... combien, le manque de pharmaciens?

M. Cadieux (Normand): Entre 600 et 1 000.

M. Bonin (Normand): Entre 600 et 1 000. Je vous dirais que je connais personnellement plusieurs pharmaciens, surtout en région, qui commencent à être essoufflés. Ils font des heures effrayantes. Alors, la pénurie, je suis désolé, on la vit très péniblement, nous aussi.

Mme Harel: Merci. Vous avez quelqu'un maintenant, à cette commission, la députée de Chambly, qui fait partie de l'Ordre des pharmaciens.

Une voix: ...

Mme Harel: Non.

Mme Legault: De l'Ordre des dentistes.

Mme Harel: Des dentistes. Ah, excusez-moi. Nous n'en avons pas parmi nous, n'est-ce pas? Non?

Une voix: ...

Mme Harel: Ah oui. Elle n'est pas ici. Très bien. Merci.

Le Président (M. Copeman): Alors, cette quête de pharmacien ou pharmacienne ayant terminé, je vous remercie beaucoup, M. Bonin, M. Cadieux, Me Crête, d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de l'Association québécoise des pharmaciens propriétaires, tout en vous rappelant, chers collègues, qu'il est prévu que nous siégeons cet après-midi. Alors, nous allons écouter attentivement les ordres de la Chambre. J'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 15)

 

(Reprise à 16 h 6)

Le Président (M. Copeman): À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, la Commission des affaires sociales poursuit ses travaux. Nous évidemment continuons les consultations générales, les auditions publiques sur le projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et d'autres dispositions législatives.

Comme je vous ai promis ce matin, je fais lecture de l'ordre du jour de cet après-midi. Nous allons entendre et échanger avec deux groupes: dans quelques instants, les représentantes de la Fédération québécoise des sociétés d'Alzheimer, et nous allons terminer l'après-midi avec la Conférence des tables régionales de concertation des aînés du Québec.

Fédération québécoise des
sociétés Alzheimer (FQSA)

Alors, sans plus tarder, je vous souhaite, Mme Ross, Mme Poirier, bienvenue à cette commission parlementaire au nom de la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer. Je vous rappelle nos règles de fonctionnement, c'est très simple: vous avez 20 minutes pour faire votre présentation ? et malheureusement je suis dans l'obligation d'être assez sévère dans le calcul du temps ? et ce sera suivi par des échanges d'une période maximale de 20 minutes avec les parlementaires de chaque côté de la table.

Je ne sais pas si c'est Mme Ross qui va faire la présentation ou vous allez partager. Qui...

Mme Ross (Nathalie): On va partager.

Le Président (M. Copeman): C'est bien. Alors, nous vous écoutons.

Mme Ross (Nathalie): D'accord. Merci. Alors, on va vous présenter rapidement le mouvement Alzheimer et, après, on va surtout vous parler non pas de la loi dans sa globalité, mais particulièrement concernant la certification des résidences privées. On va également parler de l'hébergement privé et public et enfin des droits des usagers et de la qualité des services.

Le mouvement Alzheimer a été... En 1977, la Société Alzheimer du Canada a vu le jour. De cette date jusqu'en 1986, cinq sociétés Alzheimer régionales ont été créées, et, en 1986, elles se sont regroupées en la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer pour servir de lien entre les différentes sociétés et pour les représenter sur les différentes instances. Actuellement, le mouvement compte 21 sociétés Alzheimer qui sont réparties sur le territoire du Québec.

Notre mission est de représenter les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et leurs familles, de les soutenir et de défendre leurs droits. Les sociétés Alzheimer régionales ont pour rôle d'aider les personnes confrontées à la maladie d'Alzheimer en offrant différents programmes et services. En règle générale, les sociétés vont offrir des services de soutien téléphonique, des groupes de soutien, parfois du répit, par d'autres moments de l'aide à domicile, les centres de jour et également des maisons d'hébergement. Les sociétés ont également comme rôle d'informer le public et de sensibiliser le public à la maladie.

Elles ont été amenées, au fil des années, à développer des programmes novateurs. On pense par exemple à un programme de stimulation à domicile pour les personnes atteintes en début de maladie ou même des groupes de soutien pour les personnes atteintes, pour qu'elles puissent échanger sur les inquiétudes provoquées par la maladie. Et enfin, avec beaucoup de créativité, il y a eu la Maison Carpe Diem qui a vu le jour à Trois-Rivières.

Quant à la fédération, notre rôle principal consiste à agir comme catalyseur des forces du mouvement Alzheimer. Nous prenons en charge les représentations médiatiques et politiques du mouvement. Notre leitmotiv est de soutenir et de défendre la cause et les droits des personnes atteintes et de leurs familles.

n(16 h 10)n

Pour revenir à la loi, une des modifications donc proposées concerne la certification des résidences privées pour les personnes âgées. Le mouvement Alzheimer du Québec est interpellé par les familles qui sont déconcertées par la manière dont leurs proches sont traités dans les résidences privées. Donc, on ne peut qu'encourager le pas en avant de vouloir certifier les résidences privées. Toutefois, les dispositions élaborées ou encore davantage l'absence des principes qui sont clairement définis dans le projet soulèvent quelques inquiétudes.

Depuis 15 ans, le pourcentage de personnes hébergées dans les CHSLD qui souffrent de la maladie d'Alzheimer est passé de 12 % à 38,5 %. Cette augmentation était prévisible. Pourtant, le nombre de places destinées aux personnes en perte d'autonomie est en constante diminution et provoque ce qu'on a appelé un phénomène de développement anarchique et de prolifération des ressources privées, qui ne sont soumises à aucune réglementation et ne détiennent parfois même pas d'autorisation requise. Plusieurs entrepreneurs ont donc vu une occasion rêvée de se lancer en affaires en ouvrant une ou plusieurs résidences pour personnes âgées. D'autres ont également démarré une résidence pour les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer spécifiquement. Or, accompagner des personnes vulnérables ne s'improvise pas et exige bon nombre de critères qui ne peuvent en aucun cas être outrepassés.

L'expérience nous a démontré qu'accompagner des personnes vulnérables coûte cher, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'économies à faire. Si un entrepreneur parvient à faire un profit avec une résidence privée hébergeant des personnes atteintes de maladie d'Alzheimer, ce profit est obtenu sur le dos des personnes hébergées. En guise d'exemple, il y a eu un signalement qui a été fait par une société Alzheimer auprès de l'agence de la région que les personnes qui étaient hébergées dans cette maison dormaient toute la... toutes dormaient la nuit parce qu'elles étaient sous contention chimique. C'est moins coûteux d'investir dans les médicaments que d'investir dans du personnel qualifié, bien formé pour accompagner les personnes qui se lèvent la nuit.

Pour éviter tout conflit d'intérêts entre la qualité de vie des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer et la recherche des profits des promoteurs privés, la fédération recommande également d'expérimenter des lieux associatifs sans but lucratif, gérés par les utilisateurs ou leurs représentants, afin d'éviter les conflits d'intérêts et afin que les surplus générés aillent à la qualité des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer.

Alors, on peut parler, entre autres, des projets comme les sociétés Alzheimer qui ont mis sur pied des maisons d'hébergement à but non lucratif dont les familles sont sur le conseil d'administration. Mais on peut aussi regarder le projet qui a été fait au niveau des centres de la petite enfance; on pourrait aussi voir à développer ce genre de centres pour les personnes âgées.

Il importe d'examiner la qualité de vie des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer qui sont hébergées également dans le secteur public pour mesurer l'impact qu'un contrôle du ministère de la Santé et des Services sociaux pourrait avoir sur la qualité de vie des personnes hébergées dans les résidences privées certifiées.

Même si la mission annoncée des CHSLD consiste à offrir un milieu de vie et de soins où les personnes résident en permanence et qu'il est présenté comme un endroit sécurisant, bienveillant, spécialisé dans les soins et services pour adultes en perte d'autonomie, il semble plutôt qu'il est devenu dans la réalité un lieu plus sécuritaire que sécurisant, plus contrôlant que bienveillant et plus démuni que spécialisé dans les soins et les services pour les adultes en perte d'autonomie.

Depuis plusieurs années, en effet, les conditions d'hébergement endurées par les personnes âgées sont largement documentées, et la nécessité de transformer les pratiques traditionnelles a fait l'objet de nombreux travaux. Dans ces documents, on parle spécifiquement de trois problématiques persistantes, dont l'insuffisance des soins. Il apparaît en effet que les personnes âgées qui résident en CHSLD sont privées des soins nécessaires à leur santé et que la situation actuelle ne permet pas de répondre à plus de 68 % de leurs besoins. Les conséquences d'une telle carence sont dramatiques parce qu'elles entraînent l'utilisation immodérée des contentions. On parle de trois personnes sur 10 qui seraient sous contention. On vous donne aussi une liste dans le mémoire, en pages 5 et 6, d'autres types d'abus à ce niveau-là.

À défaut de pouvoir répondre adéquatement aux besoins des personnes, la notion de soins dans ce qu'ils représentent de rassurant et de sécurisant a insidieusement glissé vers une obsession de la sécurité et l'efficacité contraire à tout ce qui favorise le bien-être et l'épanouissement.

Une autre problématique qu'on a identifiée, c'est le manque de respect de la vie privée et la dignité des personnes. Là, également, on vous a mis une liste de manques de respect, en page 6, au lieu de vous les citer. Ces formes d'abus sont tout de même le lot quotidien des personnes qui figurent comme les plus vulnérables de notre société, qui ne peuvent pas se défendre et qui n'ont pas d'autre avenir que celui de les subir jusqu'à leur mort.

La dernière problématique qui a été retenue, c'est la violence physique et verbale. Là-dessus, le mémoire que l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec avait soumis à la commission d'enquête sur l'exploitation des personnes âgées était très éloquent.

Le manque de financement, de personnel et de formation est souvent mis de l'avant pour expliquer les mauvaises conditions dans lesquelles se retrouvent les personnes en hébergement. Combler ces lacunes peut apparaître comme la solution pour améliorer la qualité de vie dans les centres d'hébergement. C'est une équation logique et qui comporte sans aucun doute une part de vérité, mais qui occulte plusieurs dimensions importantes, comme l'obsession de la sécurité et l'organisation du travail.

La pénurie du personnel apparaît comme un des problèmes les plus importants et contribue sans nul doute à la précarité des conditions de vie des personnes en hébergement. L'urgence de remédier à cette situation est évidente. Un accroissement des ressources humaines aurait l'avantage certain d'améliorer les conditions de travail mais aurait peu d'impact sur la qualité de vie des résidents si l'organisation du travail continue à reposer sur la fonction technique de chacun et la spécialisation des tâches. Tant que chaque emploi sera défini en termes d'actions concrètes, techniques et spécifiques, telles que nursing, médicaments, repas, couchers, levers, nettoyages, sans que tout ce qui concerne la relation soit pris en compte, les personnes continueront à n'être considérées que comme des morceaux de corps, des portions de capacité, des numéros de chambre, des comportements à gérer. Tant qu'un tel mode d'organisation ne sera pas remis en question, chacun pourra se retrancher derrière la fonction, la place et le rôle qui lui ont été assignés et continuera à fonctionner selon sa description de tâches. Il y a urgence à comprendre que cette conception provoque la disparition d'un être humain derrière sa pathologie ou sa problématique, que ça gomme les différences au profit d'un ensemble anonyme, réduit les interventions à des protocoles standardisés qui s'appliquent sans discernement à tous et rendent sourd à la souffrance de chacun.

Le vieillissement de la population, associé à l'accroissement du nombre de personnes souffrant de difficultés cognitives, confronte les intervenants à des situations auxquelles ils n'ont pas été préparés. Des programmes de formation adaptés à cette réalité doivent donc être implantés. Cependant, la formation du personnel, si elle n'est pas soutenue par une transformation de la culture organisationnelle, fait porter sur les épaules des intervenants et des intervenantes une responsabilité démesurée, celle de changer les pratiques traditionnelles tout en continuant à être soumis aux règles et aux lois qui les ont générées. Cela revient à leur redonner des compétences qu'ils n'auront ni le pouvoir ni la liberté d'exercer.

Concernant les droits des usagers et la qualité des services, Mme Poirier va continuer.

Mme Poirier (Nicole): Bonjour, tout le monde. Alors, au niveau de la partie du commissaire local et régional aux plaintes, nous reconnaissons la volonté du ministre de garantir l'indépendance et l'impartialité dans le processus de plainte. Nous appuyons donc la proposition à l'effet que le commissaire local et régional aux plaintes exerce dorénavant une fonction exclusive. Nous sommes d'accord aussi avec l'idée que soient dissociées les notions de plainte et de qualité de services.

Par contre, que le commissaire aux plaintes relève du conseil d'administration ne lui garantit pas toute l'indépendance. Nous craignons que le fait que le commissaire local assume toute autre fonction prévue au plan d'organisation de l'établissement, même si ces fonctions-là sont reliées au respect des droits des usagers ou à la satisfaction de la clientèle, peut placer le commissaire en conflit de rôle ou en situation de partialité.

n(16 h 20)n

Dans le même esprit, il a été convenu que le Protecteur des usagers et le Protecteur du citoyen relèveront dorénavant de l'Assemblée nationale. Nous proposons que, dans cet esprit-là, le commissaire ne garde... le commissaire aux plaintes ne garde aucun lien d'emploi avec l'établissement et qu'il soit nommé par le ministre ou, à la limite, par un comité de sélection qui serait sous la responsabilité de l'agence de santé de la région. Par ailleurs, nous recommandons que des critères d'impartialité et d'indépendance soient clairement définis, que sa nomination ne dépende pas de la recommandation du directeur général. C'est ici d'après nous que tout le processus risque de perdre sa crédibilité. En maintenant cette possibilité, tout le système risque de dérailler et de rendre caducs tous les autres articles que nous appuyons, qui sont reliés au commissaire aux plaintes. L'apparence d'impartialité et d'indépendance est une notion à ne pas négliger, car il a été démontré que, s'il y avait peu de recours au processus de plainte, c'était notamment à cause de la non-confiance dans le système de plainte et dans l'examen qui en est fait. C'était aussi à cause de la crainte des réactions des intervenants et des intervenantes. Alors, avec le projet de loi tel que présenté, si notre lecture est bonne, un directeur général peut toujours recommander au conseil d'administration un voisin, un ami, un membre de sa parenté, un conjoint, une conjointe. À notre avis, c'est là que le système de plainte perd sa crédibilité.

M. le ministre, vous avez mis aussi sur pied des équipes de visite dans les CHSLD. J'ai le privilège d'en faire partie, d'une de ces équipes, puis je représente la fédération, et je peux vous confier qu'on est étonnés de voir qu'en une seule journée de visite... tout ce qu'on apprend aux commissaires sur leurs propres milieux de vie. Et, moi, je me disais, puis on en a parlé ensemble: Il faudrait que ce commissaire-là aux plaintes soit le prolongement de ces équipes de visite là, qu'il soit proactif et non pas uniquement quelqu'un qui reçoit ou qui attend des plaintes puis qui peut se féliciter qu'il n'y a pas beaucoup de plaintes dans son établissement, alors que ça devrait peut-être l'inquiéter qu'il n'y ait pas plus de plaintes parfois dans son établissement.

Donc, le rôle du commissaire aux plaintes devrait permettre de poursuivre le travail des équipes, comme je disais, dans le même esprit que ces équipes-là ont été formées. Et en même temps, moi, comme membre d'une équipe de visite, je ne visite pas des établissements qui sont sur mon établissement et je pense que ça me garantit une indépendance, une impartialité que j'apprécie. Donc, on est d'accord aussi avec le fait que le commissaire devrait aussi s'adresser aux équipes de soins, qu'il soit proactif à ce niveau-là et qu'il... On est d'accord aussi avec le lien qu'il a avec le conseil d'administration de l'établissement.

Ce qui peut nous inquiéter aussi ? en tout cas j'en parle parce que je fais partie des équipes ? c'est un petit peu la banalisation des situations qui sont inacceptables, que Nathalie a mentionnée tout à l'heure, et que... et cette banalisation-là qui est faite soit par les responsables des établissements, mais à ma surprise, à mon étonnement, c'est aussi une banalisation de la part des gens, eux-mêmes, qui subissent certaines conditions que, nous, on juge inacceptables, mais qu'eux justifient et défendent même.

Je vous donne un exemple. Dans les visites, on demande aux gens s'ils peuvent se coucher et se lever à l'heure qu'ils veulent. Et il y a des endroits où on nous dit: Bien, c'est six heures, 6 h 30, l'heure du coucher. Alors, quand on leur dit: Mais est-ce que c'est votre heure habituelle de coucher? Les gens nous disent souvent: Non, ce n'est pas l'heure de coucher. Et, à un moment donné, j'ai dit: Bien, vous pourriez demander. Mais, la personne, elle dit: Oh, oh, mais j'accepte de me coucher à 6 h 30, sept heures, mais je garde le... je peux quand même m'endormir à l'heure que je veux, j'ai le droit de faire ça. Puis elle défend ensuite le fait que le personnel n'a pas le temps, qu'il est pressé. Alors, on se dit: Ce n'est pas normal que les propres usagers défendent des conditions qu'elles-mêmes... des conditions qui sont inacceptables.

Une autre personne nous dit... Par exemple, au niveau des contentions: Est-ce que vous avez été bien informé? Est-ce que la décision d'une contention a été libre et éclairée? Puis, quand les gens nous disent ? c'est des familles qui nous disent: Oh, oui, oui, on m'a très, très bien expliqué que j'avais une décision à prendre, un choix à faire entre la contention ou la fracture de la hanche; qu'est-ce que vous pensez que j'ai choisi? bien, c'est... Puis les gens défendent aussi le système à ce niveau-là. Donc, même ceux et celles qui le subissent le justifient.

Donc, je pense que le rôle du commissaire aux plaintes, c'est d'aller au-delà. Ce n'est pas juste de dire: Oui, ils sont satisfaits, on continue. C'est plutôt de détecter ces choses-là puis de dire: Il faut que ça change même s'il n'y a pas de plaintes officielles qui sont écrites.

On pense aussi qu'idéalement le commissaire aux plaintes devrait même avoir un local à l'extérieur des lieux de vie pour permettre justement la confidentialité, pour que les personnes puissent, les familles puissent aller le rencontrer de façon la plus confidentielle possible.

Donc, un commissaire local aux plaintes doit non seulement exercer des fonctions exclusives, être indépendant et impartial, connaître les droits des usagers et traiter adéquatement et avec diligence les plaintes, mais il doit également être compétent, capable de nuance, de force de caractère et n'avoir qu'un seul parti pris, celui du bien-être des résidents dans les limites qu'impose un établissement. Donc, il doit aussi ? parlons du comité des usagers ? soutenir le comité des usagers. À bien des endroits, le comité des usagers connaît mal son rôle et le commissaire pourrait soutenir le comité des usagers et mieux les guider dans leurs fonctions.

Nous appuyons aussi la création d'un comité de vigilance dans les établissements afin d'assurer un meilleur suivi et une plus grande responsabilisation des conseils d'administration des établissements publics et l'élargissement d'un mandat des centres d'assistance et d'accompagnement aux plaintes qui donne plus de place au respect des droits. J'ai fait partie de beaucoup de conseils d'administration puis bien souvent, dans une année, si on parlait une fois ou deux de la qualité des services puis des droits des usagers, c'était beau. Donc, je trouve que ce point-là vient responsabiliser les membres du conseil d'administration, et c'est un plus.

Le Président (M. Copeman): En fait, M. Poirier, je veux juste vous signaler qu'il reste un peu moins que... un peu plus qu'une minute.

Mme Poirier (Nicole): Parfait. J'ai un dernier point par rapport au comité des usagers. 80 % des résidents dans les CHSLD sont inaptes ou ont des problèmes cognitifs. C'est une question... Ce n'est pas clair en tout cas, dans la loi, que la composition du comité des usagers garantit la représentativité des personnes inaptes. Ce qu'on en a compris, c'est que le comité des usagers est élu par l'ensemble des usagers, que, s'il reste de la place, ça peut être quelqu'un de l'extérieur, mais ça ne semble pas clair que les représentants légaux des personnes inaptes ont le droit d'y siéger. Alors, on pense qu'ils devraient avoir une place de prévue plutôt que de faire partie de ces comités-là par défaut. Bien, ça termine la partie... ma partie.

Le Président (M. Copeman): C'est parfait. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Poirier, Mme Ross, heureux de vous revoir parmi nous. Pour d'abord indiquer qu'on apprécie beaucoup et votre participation à la commission et en général la contribution que vous faites au système de santé. Je pense qu'entre autres l'approche Carpe Diem, entre autres les témoignages que vous livrez, évidemment ce n'est pas nécessairement des bonnes nouvelles, mais, si on les prend comme des façons de voir les problèmes et d'améliorer les services, ça peut devenir heureusement, en fin de ligne, en fin de course, des bonnes nouvelles.

D'ailleurs, vous participez à nos visites actuelles, vous avez dit, Mme Poirier, que, vous-même, vous êtes sur une des cinq équipes ? puis il y a une autre personne de votre organisation, puis, les trois autres, c'est le Conseil de protection des malades ? et je pense que ça nous aide beaucoup à saisir la réalité quotidienne de ces choses-là.

J'aimerais que vous nous éclairiez sur un concept. Évidemment, vous allez avoir l'occasion, ici, de parler de votre approche, parce que c'était dans votre mémoire puis le temps vous a empêché de parler plus en détail de l'approche Carpe Diem, mais je ne pense pas que vous souhaitez que les gens atteints de la maladie d'Alzheimer ou de troubles cognitifs ? mais particulièrement de la maladie d'Alzheimer ? se trouvent dans les CHSLD. Est-ce que je comprends bien? Est-ce que vous êtes plutôt, vous, à la recherche d'une autre forme, comme ce que vous véhiculez dans votre concept, par rapport à une institution de plus grande taille comme un CHSLD?

Mme Poirier (Nicole): Bien, on pense que la mécanique institutionnelle n'est pas développée pour répondre aux besoins des personnes atteintes. Mais on pense aussi qu'il y a des belles choses qui peuvent se faire dans les CHSLD si on arrive à assouplir certaines règles, à mieux sélectionner, mieux former le personnel, mieux les accompagner, les soutenir. On pense qu'il y a des choses intéressantes qui peuvent être faites. Ce qu'on dit, c'est que ce n'est pas l'unique moyen d'aider ces personnes-là; il y a d'autres façons de faire.

Et, nous, ce qu'on propose par rapport... Nathalie en a parlé, au niveau des résidences privées, c'est qu'il faudrait qu'on regarde, en dehors des CHSLD, des structures à but non lucratif, pas nécessairement des sociétés Alzheimer ou... mais des structures à but non lucratif gérées par les utilisateurs ou leurs représentants. Alors, on éviterait des pièges qu'on retrouve dans les résidences privées où il y a toujours une notion de conflit d'intérêts ou de conflit. Nous, on dit: C'est qu'il faudrait que les familles aient un rôle à jouer, un partenariat à jouer à l'intérieur de ces ressources-là, et on éviterait beaucoup de pièges. Et je pense que même des processus de plaintes deviendraient inutiles parce que la dynamique serait complètement changée.

Mme Ross (Nathalie): Puis pour ajouter, au niveau des CHSLD, présentement on est en train de mettre sur pied un projet pour jumeler un CHSLD avec la Maison Carpe Diem, pour voir jusqu'à quel point on peut... dans le carcan d'une institution, jusqu'à quel point on peut implanter le modèle Carpe Diem. Et ça va être documenté, cette expérience-là.

n(16 h 30)n

M. Couillard: Ça va certainement être très intéressant. Parmi les choses qui sont faites en CHSLD, il y a les unités prothétiques, que vous connaissez. Et je sais qu'il y a une recherche ? puis peut-être vous pourriez nous en parler, Mme Poirier, Mme Ross, c'est très intéressant ? il y a une recherche qui a comparé ? je pense que c'est chez vous d'ailleurs ? les personnes recevant les soins dans la Maison Carpe Diem par rapport à celles qui reçoivent les soins dans une unité prothétique à l'intérieur d'un CHSLD. Parlez-nous donc, s'il vous plaît, de cette étude-là et des constatations qu'on y a faites.

Mme Poirier (Nicole): Bien, c'est qu'on a comparé deux milieux, Carpe Diem avec une unité prothétique, et les résultats ont démontré que les deux milieux ont des effets positifs sur les gens. Évidemment, les gens qui arrivaient à l'unité prothétique arrivaient de milieux traditionnels. Alors, ça a fait baisser la prise de médication chez les gens qui arrivaient de milieux traditionnels. À Carpe Diem, les gens arrivaient majoritairement du domicile. Et la constatation, ça a été que, dans les deux milieux, il y a moins de médication. À Carpe Diem, il y en avait encore moins, et on l'attribue particulièrement à la souplesse de l'organisation, parce que, même dans une unité prothétique, ça demeure une unité dans une institution avec des règles qu'on ne peut pas toutes assouplir.

Alors, au niveau de la prise de médication, de la satisfaction du personnel, dans les deux milieux, il y avait une meilleure satisfaction au travail, une meilleure motivation. Au niveau aussi des familles, il y avait deux... les deux groupes, on remarquait que les familles étaient plus satisfaites des soins, une meilleure implication. Ce qu'on a remarqué, c'est que même une personne atteinte dans des stades très avancés... Parce que Carpe Diem, ce qu'on nous disait, c'est: Vous devez accueillir des gens qui sont moins atteints, parce que vous avez des escaliers, un poêle, une cuisine, plein de dangers et où la sécurité ne peut pas être assurée. Et on s'est rendu compte, à la grande surprise des chercheurs aussi, que les gens à Carpe Diem, malgré cet environnement-là, demeuraient plus longtemps, en plus grande perte d'autonomie, dans un environnement qui reste familial. Alors, c'est sûr que pour nous on préconise le milieu non institutionnel le plus longtemps possible, même si on pense que la qualité de vie aussi est possible en CHSLD. Alors, les deux approches ont eu des effets... on a démontré qu'il y avait des effets positifs mais à différents niveaux.

M. Couillard: Et la tendance qui se dessine depuis quelques années et qui va s'accentuer, je crois, au cours des prochaines années pour le milieu CHSLD ou milieu institutionnel, en raison, entre autres, du développement des soins à domicile, on l'espère, continu et plus marqué au cours des prochaines années, le résultat de ça, c'est que les gens en CHSLD vont s'y retrouver à des niveaux de perte d'autonomie beaucoup plus lourds que ce qu'on observait auparavant.

On se souvient, il y a 30 ans, moi en tout cas, et je ne veux pas insinuer que vous vous souvenez de ce qui arrivait il y a 30 ans, mais de mon côté je me souviens très bien des foyers, ce qu'on appelait les foyers d'accueil à l'époque, où les gens littéralement avaient une auto dans le stationnement, alors que maintenant les gens arrivent avec des scores de perte d'autonomie très élevés. Puis on voit d'ailleurs que le taux de rétention de la clientèle dans les CHSLD raccourcit progressivement. Moi, ma crainte, c'est que, si on a des personnes en troubles cognitifs qui sont placées en milieu institutionnel dans ce cadre de lourde perte d'autonomie là, ma crainte, c'est de voir leur perte d'autonomie s'accélérer une fois qu'elles sont en institution, de sorte que je pense qu'on doit absolument imaginer des formules alternes, autres que le milieu institutionnel.

Mme Ross (Nathalie): C'est pour ça qu'on parlait des lieux associatifs. Évidemment, les sociétés Alzheimer ont certains modèles de maison, mais on pense qu'on peut développer davantage dans ce créneau-là, d'assurer que ce soient des organismes à but non lucratif, qu'on ne cherche pas à faire du profit en hébergeant les personnes vulnérables, qu'on cherche au contraire à redonner, s'il y a eu un profit, qu'on redonne à la qualité de vie des personnes qui sont hébergées, et que c'est faisable. On regarde ce qui a été expérimenté dans les pays comme le Danemark, la Suède. Je pense que c'est tout à fait dans ce type de modèle et que c'est viable. Mais évidemment on va quand même concevoir que des gens vont finir peut-être aussi en CHSLD, avec des atteintes cognitives. Et ce qu'on considère qui devrait être développé davantage, c'est l'importance d'établir le lien, la relation entre la personne qui est hébergée et les personnes qui y travaillent, d'enlever tout le mécanisme de la tâche, ce que je mentionnais tout à l'heure. C'est important de revoir l'organisation du travail, c'est primordial.

M. Couillard: Justement, vous parlez du Danemark. L'expérience danoise, à nous, nous a inspiré ce qu'on appelle les projets novateurs, qui sont novateurs au Québec mais qui, par rapport à la situation internationale, ne le sont pas. On sait que, dans plusieurs pays, c'est déjà fait. On essaie, comme vous le savez, d'adapter votre formule à ce concept-là, et avec certaines difficultés, mais on devrait pouvoir y arriver. Parce que la base du concept que, nous, on met de l'avant, c'est le partenariat entre la personne qui a la résidence ou l'unité de logements et le réseau public qui va donner des services. Et je crois comprendre que, dans votre approche, ce partenariat avec le réseau public ou l'institution publique, c'est quelque chose qui vous semble... Je ne suis pas contre ça, là, je veux juste que vous expliquiez pourquoi vous trouvez qu'il faudrait modifier la formule pour les gens qui ont la maladie d'Alzheimer.

Mme Ross (Nathalie): Bien, la raison, c'est justement, je l'ai mentionné, au niveau de l'organisation du travail, c'est-à-dire qu'on a développé, au niveau de... Parce que, si on regarde les projets novateurs, c'est le volet clinique qui resterait dans les mains du réseau public. Et, nous, ce qu'on a surtout développé ? je regarde la Maison Carpe Diem ? c'est effectivement au niveau clinique, c'est là où on a eu vraiment la grande implication, la grande modification. Où le travail se fait au niveau créatif, c'est au niveau clinique et non pas au niveau de la bâtisse ou du loisir, comme on regarde dans les projets novateurs. Alors, on a donc développé une façon de faire, une organisation du travail très flexible, où on n'est pas tournés sur la tâche. C'est un accompagnement dans le quotidien des personnes. Donc, le jumelage, si le clinique appartenait au réseau, on perdait l'essence même de nos projets. Je ne sais pas si tu veux en ajouter.

Mme Poirier (Nicole): Bien, c'est parce qu'il y a la notion de la résidence privée aussi que vous ramenez puis... Souvent, on m'a dit: Donne des exemples. Bien, là, je vais vous en donner un, c'est le mien.

En 1985, j'avais 21 ans puis j'ai ouvert une résidence privée pour personnes âgées et, à ce moment-là, j'ai été étonnée de voir que, du jour au lendemain, je pouvais ouvrir une maison puis je pouvais accueillir des gens sans plus de formation et sans plus de connaissances. Et, à le vivre, je me suis rendu compte qu'à un moment donné les familles devaient me faire confiance autant sur la responsabilité de leurs parents, sur leur qualité de vie, sur ce qu'ils mangent, sur leur vie sur 24 heures. Et j'ai réalisé que mon rôle de propriétaire me confrontait à une perte d'autonomie des gens, aux émotions des familles, à payer du personnel à petits salaires, à vivre la cohabitation entre les personnes atteintes et les personnes qui n'étaient pas atteintes de déficit cognitif, à vivre le 24 heures et à me confronter, à un moment donné, entre le désir d'accompagner la personne jour et nuit et le besoin de dormir, l'épuisement et la tentation de tomber dans la médication. Pire que tout, ça a été le conflit d'intérêts que j'ai ressenti à vivre cette situation-là en tant que propriétaire dans chaque geste, chaque décision du quotidien. Alors, évidemment, à un moment donné, j'ai choisi de m'en sortir, de cette dynamique-là et de ne jamais la reproduire.

Et je pense que les projets novateurs où est-ce que... Il y a tout un aspect qui est super intéressant, la seule dimension qui m'accroche, et je l'ai vécue, c'est la dimension de l'entreprise privée qui cohabite avec la notion de qualité des services au niveau du public. C'est pour ça que notre idée de faire, de créer les mêmes structures mais avec un conseil d'administration, un peu comme les CPE ? il faut avoir un enfant dans le CPE pour être sur le conseil d'administration ? bien ce serait ça. C'est qu'il faut avoir un parent pour être au conseil d'administration. Et le profit, bien, le surplus, ça revient aux gens. C'est la seule... Puis, à ce moment-là, créer ces petites ressources là dans un cadre de projets novateurs, je pense que ça pourrait permettre aux gens du réseau de venir dans ces petites ressources là puis d'être influencés par une approche différente, puis on éliminerait les pièges du privé où... ce n'est pas le privé comme tel contre lequel j'en ai, c'est la dynamique dans laquelle ça place la personne.

Puis une personne qui souffre d'Alzheimer, à la limite, on peut sauter un repas par jour, puis personne ne s'en aperçoit. On peut avoir un beau menu, puis mettre plein de choses sur le menu, puis donner autre chose, surtout si on préconise une approche où les familles ne peuvent pas venir sur l'heure des repas. Bien, tout ça fait en sorte qu'on place les gens dans des situations qui peuvent être difficiles. Alors, ce serait peut-être juste de faire quelques modifications puis de permettre la création de ces petites ressources là. Puis je trouve que les projets novateurs pourraient beaucoup influencer justement les gens du réseau public qui viendraient dans ces petites ressources là.

M. Couillard: Mais vous savez que, dans ces projets-là, c'est loin d'être la majorité qui sont des partenaires privés, la plupart sont des OSBL, ou des coopératives de logements, ou des organismes communautaires. Ce n'est pas nécessairement un partenaire privé puis en fait, dans la majorité des cas, ce n'est pas un partenaire privé. Dans certains cas, ça l'est; dans d'autres, non. Donc, il n'y a pas de contradiction. Je pense que le gros problème à régler, c'est la question de l'introduction des gens du réseau avec des tâches, comme vous l'avez dit, bien définies et bien sectorisées qui sont un peu contraires à votre idéal ou à votre philosophie.

Vous parliez également de ce que vous appelez l'obsession de la sécurité. Ça me rappelle, quand je suis allé vous visiter à Trois-Rivières, moi-même, au début, j'étais inquiet parce que je voyais... je savais que c'étaient des gens qui avaient la maladie d'Alzheimer et je voyais les escaliers sans barrière puis je rentre dans la cuisine, puis des personnes coupaient les légumes avec des couteaux. Alors, j'ai dit... Puis d'ailleurs, vous vous souvenez, je vous avais demandé si ça n'arrive pas qu'il y a des accidents. Comment expliquez-vous que, dans votre cas, vous pouvez laisser des gens circuler avec des atteintes quand même parfois assez avancées et que le taux d'accident ou d'incident n'est pas plus élevé que ce à quoi on pourrait s'attendre?

n(16 h 40)n

Mme Poirier (Nicole): C'est ça, il faut faire attention. Il ne faut pas se dire: On peut laisser les gens dans un milieu comme ça sans qu'il y ait une approche. Il ne faut pas qu'il y ait de la médication. C'est sûr que, s'il y avait de la médication, les escaliers seraient un réel danger. Bien, on l'explique... Par exemple, si on prend les escaliers, on a mis des barrières au début puis on s'est rendu compte que la barrière était plus dangereuse que l'absence de barrière. Et on s'est rendu compte que les gens, par eux-mêmes, arrêtent de prendre les escaliers quand ils n'ont plus la sécurité en eux, la confiance en eux pour les monter. Alors, ça, c'est au niveau des escaliers.

Le poêle qui fonctionne, on n'a rien déconnecté. C'est sûr qu'il y a une présence. Il ne faut pas laisser le poêle fonctionner sans présence. C'est pour ça qu'on n'a pas de cuisinière. C'est les intervenants qui font les repas. Bien, les gens arrêtent, ils savent, ils ont... Il ne faut pas... En fait, je pense que c'est la croyance que les gens n'ont plus conscience de rien qui fait qu'on crée des milieux qui sont presque des prisons parce qu'on pense qu'ils n'ont pas la capacité de juger. Alors, les gens arrivent... C'est arrivé qu'on a gâché des sauces à spaghetti, là, mais il n'y a pas personne qui s'est mis la main sur le poêle ou qui s'est... qui est tombé dans les escaliers. En fait, je pense que c'est la combinaison de trois facteurs: la formation et la sélection du personnel, l'approche, qui est une approche non contrôlante, et l'organisation du travail. Ça fait que c'est l'ensemble de tout ça qui fait que c'est moins dangereux.

Il y en a, des dangers. Je peux vous dire que, quand je reviens des centres d'hébergement, après les visites... J'ai toujours comme un petit choc de voir que, dans les centres d'hébergement, il faut que je vérifie si les seuils de portes ne sont pas dangereux pour ne pas que les gens s'enfargent. Puis j'arrive à Carpe Diem puis je tombe dans... je vois les escaliers. Je trouve que c'est deux mondes. Mais en réalité c'est que les gens font juste vivre.

Puis la nuit aussi, un exemple aussi, c'est que, la nuit... La norme, c'est qu'on dort la nuit. Mais, si on organise le travail, si on organise la vie pour que les gens puissent se lever la nuit sans qu'ils soient condamnés à prendre des médications ou à rester coucher... bien la médication pour la nuit, bien ça affecte le jour, ça affecte l'équilibre, ça peut amener des chutes. Bien, c'est que c'est un travail de 24 heures. Finalement, il y en a eu, des chutes, mais il n'y en a pas eu où est-ce qu'on aurait pu croire qu'il y en aurait. Il y en a eu aux mêmes endroits qu'il y en a dans les maisons privées.

M. Couillard: En tout cas, je vous invite à continuer...

Mme Ross (Nathalie): Pour aller avec ce que vous disiez au niveau du partenariat qu'on pourrait faire avec le réseau public, bien c'est bien celui-là où on peut amener les gens à avoir un regard différent, les amener à voir comment on fonctionne dans les maisons des sociétés Alzheimer, pour pouvoir modifier par la suite l'approche, la manière de gérer un centre d'hébergement.

M. Couillard: En tout cas, je vous invite à continuer à communiquer avec les gens du ministère pour essayer d'adapter la formule. Puis, je vous le répète encore une fois, la majorité de nos partenaires sont des coopératives ou des OSBL. Donc, il n'y a pas du tout de problème à être le partenaire. Il s'agit juste de vérifier et de codifier la relation avec le réseau public. Essentiellement, c'est ce qu'il faudra faire, puis je pense qu'on est prêt à de la souplesse de ce côté-là, parce que, moi, j'y crois beaucoup, à votre approche, pour l'avoir vue directement.

Parlons brièvement du commissaire local et évidemment de la question de la relation avec le directeur général. Je ne vous cacherai pas ? vous avez peut-être suivi nos travaux ? on a été visités par l'Association des directeurs généraux qui, au contraire, nous reprochent de les tenir à l'écart du travail du commissaire local et du comité de vigilance. Ils nous ont demandé, par exemple, ce qui semble logique sur le plan administratif, là, puis sur le plan de donner la capacité d'interagir à un dirigeant, qu'ils devraient d'abord être informés avant le comité de vigilance des constatations du commissaire local et que le directeur général devrait siéger sur le comité de vigilance, étant lui-même membre du conseil d'administration d'office. Alors, vous voyez, il y a comme deux... Je ne dirais pas que c'est deux extrémités, mais deux approches différentes. Comment on fait pour réconcilier ces... Parce que la majorité des directeurs généraux ? on va s'entendre ? ont de la bonne volonté puis veulent que ça aille bien dans leurs institutions. Et j'ai senti qu'ils se sentaient exclus, là. Ils ont l'impression que c'est une marque de non-confiance et qu'on veut surveiller ce qu'ils font plutôt que les aider à améliorer les services. C'est ce que j'ai ressenti, moi, dans la façon dont ils nous ont présenté leur point de vue. Mais comment est-ce qu'on pourrait réconcilier ça?

Mme Poirier (Nicole): On peut comprendre leur réaction. Je pense que ça peut être vu comme ça dans... C'est un inconnu finalement. Ils connaissent... Mais je persiste à me dire que, si l'expérience qu'on a, au cours des dernières années, a démontré que juste le fait d'avoir des... que le commissaire ait un rôle partagé entre la qualité des services puis la réception des plaintes, ce n'était pas efficace à cause du conflit dans lequel on le met, bien je pense que c'est la même chose au niveau du directeur général. Puis je pense qu'on n'aura pas le choix, il va falloir qu'on l'essaie, cette façon de protéger les droits des usagers. Puis, jusqu'à maintenant, bien on n'a pas de preuve que ça a fonctionné. Ça fait que je me dis: Pourquoi le principe d'indépendance et d'impartialité? On se le sert à toutes les sauces. M. Chrétien s'en est servi pour critiquer le juge Gomery, puis on a critiqué Mme Ruffo, dans certaines causes, parce qu'elle connaissait un expert. Je me dis: Là, il est question de centaines de vies de gens, et là on est pointilleux sur la réaction des directeurs généraux. Je me dis: Il faut l'essayer. C'est... Avec les conditions de vie qu'on a en ce moment, avec ce qui s'en vient pour l'avenir, je pense qu'il va falloir le faire.

M. Couillard: Juste clarifier, en terminant, parce que je veux être sûr d'avoir bien compris: Est-ce que vous préférez qu'on garde un commissaire seulement aux plaintes...

Mme Poirier (Nicole): Oui.

M. Couillard: ...et non pas aux plaintes et à la qualité? Parce que vous êtes les premières à nous dire ça, là. Jusqu'à maintenant, incluant ce matin puis les autres jours, les gens nous disent: Non, ne faites pas le changement de nom, conservez également la mission qualité avec la mission de plaintes. Donc, appelez ça un commissaire local aux plaintes et à la qualité parce qu'il y a une continuité ? puis je pense qu'on le sait ? entre le traitement des plaintes puis l'amélioration des services. Mais, vous, vous ne voulez pas. Vous voulez que ce soit uniquement un commissaire aux plaintes?

Mme Poirier (Nicole): Oui, tel que c'est présenté dans le projet. C'est vraiment... il y a une différence à faire, et c'est ce qu'on préconise, qu'il y ait... que ce soit deux rôles séparés. Mais, comme je disais tout à l'heure, que le commissaire soit proactif, qu'il ne soit pas là à attendre les plaintes, là, mais qu'il aille sur les milieux de vie, un peu comme on fait dans les visites. Il faut que ça serve, ce qu'on apprend dans ces visites-là. Qu'il y aille, qu'il rencontre les équipes, qu'il soit actif dans l'organisation, mais pas responsable de la qualité et des services.

Mme Ross (Nathalie): On a été inspirées du concept de l'ombudsman, en fait, c'était vraiment ça qu'on avait élaboré, et c'est ce qu'on avait mentionné lors du groupe de travail sur le Commissaire à la santé et au bien-être.

M. Couillard: O.K.

Le Président (M. Copeman): Ça va? Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Merci, M. le Président. Je dispose d'un court laps de temps et je voudrais que vous puissiez l'utiliser parce que vous n'avez pas eu le temps, dans votre présentation, de présenter votre concept, d'où venait le financement, qu'est-ce qu'il y a de différent chez vous plutôt qu'ailleurs. Je me suis rendu compte que M. le ministre connaissait ce concept-là, moi aussi également, mais, pour le bénéfice des collègues et de ceux qui nous écoutent, pourriez-vous, Mme Poirier, nous expliquer qu'est-ce que c'est? M. le Président, est-ce que je peux demander à Mme Poirier de nous expliquer le concept de la Maison Carpe Diem, là, dans son côté innovateur?

Mme Poirier (Nicole): Bien, dans son côté... C'est d'abord une approche, une approche qui est basée sur la relation avec la personne, la relation dans l'équipe et la relation avec les familles. Et ce qui est différent, c'est peut-être que, dans les approches traditionnelles, on cherche à contrôler la personne, contrôler un comportement, contrôler sa vie quotidienne. Alors, au niveau de l'approche, c'est la grande différence.

On mise aussi sur les forces des gens. C'est pour ça qu'une personne qui peut avoir des grands problèmes cognitifs peut continuer de prendre un couteau puis couper des légumes. Alors, ce n'est pas tomber dans le piège de l'obsession de la sécurité mais plutôt dans l'accompagnement.

C'est aussi toute une organisation du travail qui est différente, où le personnel est engagé d'abord pour ses qualités humaines et non pas pour un titre professionnel. Tous les intervenants ont une formation professionnelle, mais ce n'est pas le critère premier de leur embauche, et ils sont appelés à faire de tout dans la maison. Ils ne sont pas limités à un... par exemple, donner des bains, ou faire les repas, ou faire des activités. Ils ont la possibilité de faire de tout à l'intérieur de la maison et même d'aller à l'extérieur de nos murs, parce que l'approche, c'est aussi d'aller à domicile.

Alors, au niveau de l'approche: la polyvalence, l'organisation du travail. On ne planifie pas le travail d'une façon rigide. On va aux besoins et aux priorités de la journée et du moment, donc ça demande beaucoup de jugement, beaucoup de communication dans l'équipe. On ne peut pas travailler en robot dans cette façon d'accompagner les gens.

Il y a aussi une place très importante qui est faite aux familles, qui peuvent venir le jour, le soir, la nuit, qui s'impliquent au conseil d'administration, qui sont présentes. Donc, ça rend un processus de plaintes presque inutile parce qu'à chaque jour on reçoit les commentaires des familles. On en reçoit, des insatisfactions, et on encourage les familles à nous les témoigner. Souvent, les gens nous disent: Ah! ce n'est pas bien grave, ce qui m'a choqué, je considère que le reste est trop important. Alors, on dit: Non, il faut qu'on le sache, c'est les insatisfactions que vous vivez qui font qu'on réussit à s'améliorer. Donc, c'est une grande ouverture auprès des familles, et je dirais aussi une ouverture sur l'extérieur.

Notre approche, on veut la rendre accessible aux autres milieux, aux personnes qui ne peuvent pas venir à Carpe Diem, au personnel qui peut aussi avoir besoin de formation. On vient justement d'annoncer, hier, avec le collège Laflèche de Trois-Rivières, une formation d'études... une attestation d'études collégiales pour former des futurs intervenants qui vont oeuvrer auprès des personnes atteintes d'Alzheimer.

n(16 h 50)n

En gros, c'est ça. La structure, c'est un organisme communautaire, c'est à but non lucratif, c'est géré par un conseil d'administration. C'est une corporation, c'est constitué, c'est légal. Dans notre financement, bien, il y a une partie de notre financement qui vient du soutien aux organismes communautaires, donc on est financé pour notre mission. Ça nous a permis, au cours des dernières années, d'orienter des fonds vers le maintien à domicile parce qu'on jugeait que la coupure entre le domicile puis l'établissement, c'était trop difficile à vivre pour les familles. Alors, nos intervenants vont à domicile faire de l'accompagnement.

Il y a un volet centre de jour, centre de soir aussi. On s'est rendu compte que les familles n'ont pas besoin d'aide juste le jour puis du répit juste le jour. Ils en ont besoin le soir, les fins de semaine, même la nuit. Alors, on a décidé... Notre approche, elle s'est créée à mesure qu'on a écouté les besoins des familles plutôt que de planifier une liste de services. Est-ce que ça répond un peu? Oui. Merci.

Mme Roy: Je voudrais poser une dernière question rapide, rapide, rapide. Vous avez... ou vous la direz plus tard. Vous avez souvent dit que vous donnez beaucoup en faisant visiter et en enseignant... en essayant de répandre votre approche, mais que vous avez hâte que ça change. Profitez-en, là, quelle est la prochaine étape? Il faut passer à quoi pour que ça change, pour que ça aille mieux pour ces personnes-là puis des places comme les vôtres?

Mme Poirier (Nicole): Bien, je pense que déjà on a une belle reconnaissance. Je pense que, sur la table, il y a des projets qui s'en viennent, qui ont été présentés puis qui vont reconnaître notre implication en dehors de nos murs, à domicile. Ça, je pense que tout ce qui est le maintien à domicile, que les gens restent dans leur milieu le plus longtemps possible avec toutes sortes de formes d'aide, ça, je pense qu'à l'heure actuelle on a une réception qu'on n'a jamais eue jusqu'à maintenant au niveau du ministère. Je pense que, là, là-dessus il faut qu'on continue, qu'on puisse exporter notre approche. On ne veut pas rester cloisonnés dans nos murs, on veut être accessibles. On veut que le Québec fasse un peu ce que la France fait en ce moment, nous amène dans leur milieu, qu'on puisse aller dans les centres d'hébergement, qu'on puisse former du monde. Ça se fait, là. L'approche humaine, l'empathie, c'est des valeurs qui n'ont pas de rapport avec la structure organisationnelle. Tout le monde peut le faire.

Mme Ross (Nathalie): Puis en plus, avec les visites, je pense que c'est une bonne dynamique qu'on a à l'heure actuelle parce que ça nous permet de voir davantage comment ça se passe dans les centres d'hébergement. Et on a un retour direct auprès du ministère pour montrer aussi le regard qu'on a posé. Parce que, même si on a un questionnaire, Nicole et Chantal vont ajouter aussi la façon de... la manière qu'elles ont regardé le centre d'hébergement, et je pense que ça va bonifier. Par la suite, le questionnaire risque d'être modifié, je suis persuadée, suite à la présence de et de Nicole et de Chantal, et on espère qu'on va continuer à faire partie de ces visites-là et, entre autres, des visites qui sont annoncées pour les résidences intermédiaires.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Mme Nathalie Ross et Mme Nicole Poirier, je vais vous souhaiter la bienvenue de la part de l'opposition officielle. Vous savez le respect, je dirais même plus, l'admiration que j'ai pour l'approche humaniste que la société, la fondation des sociétés Alzheimer a introduite en matière d'accompagnement des personnes en perte cognitive ou qui sont victimes de la maladie d'Alzheimer. Ma collègue députée de Rimouski et moi-même, nous nous disions que nos pères respectifs, le mien qui est décédé dans un CHSLD cet été et le père de ma collègue qui est toujours en CHSLD, ont vécu et vivent encore des situations telles que vous les décrivez qui, à prime abord, semblent parfois triviales, là. Je pense, entre autres, à ne pas avoir accès à ses propres vêtements ou à ses objets personnels parce que le garde-robe et les tiroirs sont fermés à clé pour empêcher les comportements de fouille, alors que cela peut avoir des incidences graves sur le sentiment... la perte d'estime de soi des personnes qui est aggravée. Ça vaut aussi pour l'errance la nuit, parce que c'est tout à fait interdit, comme vous le savez.

Alors, je connais votre approche en fait pour en avoir pris connaissance par la lecture. Je n'ai pas encore eu l'occasion de visiter Carpe Diem. Je me le promets bien. Il faudrait se fixer un rendez-vous avant qu'on se quitte, là. J'ai quand même d'abord des questions sur l'approche, sur l'approche. Le ministre parlait des projets novateurs qui sont à la fois offerts aux organismes sans but lucratif comme aux partenaires privés. Mais il s'agit d'une goutte d'eau, les projets novateurs. L'immense majorité des résidences privées d'hébergement se développent en allant chercher de plus en plus, disons-le... en allant chercher les personnes en état de vieillissement, et éventuellement de perte d'autonomie, et éventuellement d'inaptitude.

Alors, la grande question par rapport au projet de loi n° 83, quand on le lit, on se rend compte que, contrairement aux dispositifs du projet de loi, dans les résidences privées d'hébergement, l'agence n'aura aucun pouvoir d'inspection. En regard du projet de loi, le Protecteur du citoyen, qui va avoir le mandat du traitement des plaintes des usagers, n'aura aucun pouvoir non plus. Il n'aura pas le mandat de traiter les plaintes des usagers des résidences privées. Les visites à l'improviste ne sont pas prévues se faire non plus dans les résidences privées.

Alors, la Commission des droits de la personne, le Protecteur du citoyen, l'association québécoise des droits des retraités, la FADOQ ont dit au ministre: Il faut introduire à ce moment-ci où la... prend conscience du vieillissement de la population, il faut introduire des critères sociosanitaires qui s'appliquent lorsqu'il y a hébergement de personnes en état d'inaptitude ou en état, là, de grave perte d'autonomie. Je voudrais vous entendre là-dessus.

Mme Ross (Nathalie): C'est certain que vous avez entendu notre position: nous, au prime abord, on ne pense pas que ça devrait relever du privé. Donc, je tiens à le rappeler parce que c'est primordial qu'on développe davantage effectivement dans les projets novateurs, qu'on y aille davantage, qu'on investisse davantage pour créer les lieux associatifs dont on parlait. Ça, ce serait la première partie de ma réponse.

La deuxième partie de ma réponse, on le mentionnait, c'est qu'effectivement c'est bien beau de vouloir réglementer le sociosanitaire, mais qu'est-ce que c'est que ces critères sociosanitaires? On regarde l'agrément. Il y a eu des centres qui ont reçu l'agrément, puis, lors des visites qui ont été faites par les équipes du ministère, on a réalisé que ça n'allait pas bien dans ces centres-là. Donc, c'est très... effectivement, pour trouver des règlements, ça va être extrêmement complexe. Mais je pense que l'idée des visites, comme vous le mentionniez, je pense qu'il faudrait qu'on puisse mettre sur pied la possibilité de faire des visites dans les centres, même s'ils sont privés. D'ailleurs, je sais qu'il y a quand même un centre privé qui va recevoir une visite suite à une plainte. Il y a quand même une institution qui va le subir prochainement. Donc, on va espérer que ça va ouvrir la voie pour que d'autres puissent recevoir les visites.

En plus, il y a le... la coroner qui fait une enquête présentement, qui va avoir lieu dans la semaine du 4 avril, et je pense que, là, il va y avoir plusieurs recommandations qui risquent de sortir pour le ministre concernant les résidences privées.

Mme Harel: Le coroner, c'est lorsqu'il y a mortalité?

M. Ross (Nathalie): Oui, c'est suite à... Il y a eu plusieurs... Il y a eu six mortalités dans des centres privés. Et plusieurs avaient effectivement des atteintes cognitives de maladie d'Alzheimer. Et il y a une enquête qui va avoir lieu dans la semaine du 4 avril... pas une enquête, mais plusieurs groupes vont faire des propositions par rapport à des questions spécifiques que soulève la coroner.

Mme Harel: L'établissement privé dont vous parlez qui va être l'objet d'une visite, c'est l'objet des visites improvisées ou c'est l'objet...

Mme Ross (Nathalie): Non, c'est une plainte, donc c'est sous la Protectrice des usagers en matière de santé et services sociaux.

Mme Harel: Mais c'est que, jusqu'à maintenant, le mandat de la Protectrice a été interprété par la Protectrice des usagers comme lui permettant d'aller en résidence privée. Cependant, avec le projet de loi n° 83 qui est devant nous, il y a une rédaction telle que cela serait exclus. C'était possible de l'interpréter plus largement auparavant alors que, là, le mandat, tel que libellé, ne permettrait plus une interprétation qui ferait que le Protecteur des citoyens... la Protectrice des citoyens, si vous voulez, pourrait faire ce type d'enquête là qui était faite jusqu'à maintenant.

Mme Ross (Nathalie): Il faut qu'elle puisse le faire.

n(17 heures)n

Mme Harel: Écoutez... Donc, je comprends que votre vision, ce serait une vision moins institutionnelle, parce que l'institutionnel nivelle par le bas. Qu'on le veuille ou pas, là, l'institutionnel gère en gros plutôt qu'en détail ou gère non pas les relations avec des personnes, mais finalement gère plus un collectif. Est-ce qu'il est possible ? je pense, c'est ça, ça va être une question importante ? est-ce qu'il est possible que le milieu associatif soit mis très fortement à contribution dans le cadre du vieillissement actuel sans un support et un soutien financier publics? En d'autres termes, même, si vous voulez, s'il y a une présence d'un médecin ou d'infirmières, comme le prévoit, dans les projets novateurs, là, le ministre, en fait il y a... on peut faire appel aux soins à domicile comme si on était chez soi, mais il y a plus que ça quand on est en problème cognitif, il y a beaucoup plus que ça. On ne peut plus, souvent, s'habiller seul, ou faire son hygiène seul, ou encore manger seul, ou encore, la nuit par exemple, il y a une errance nocturne. Comment faut-il envisager le soutien public? Parce qu'à défaut de soutien public comment est-ce qu'il est possible d'envisager d'héberger des personnes en lourde perte d'autonomie dans du privé?

Mme Ross (Nathalie): Bien, c'est pour ça qu'on parlait des lieux associatifs comme les CPE, c'est le même type de partenariat, c'est-à-dire que, dans les centres de la petite enfance, il y a un montant qui est versé par l'État et un montant qui est versé par les parents des jeunes qui sont dans le centre. On voit tout à fait le même type d'approche, là. En fait, effectivement, on pense que ce n'est pas au privé de prendre soin des personnes vulnérables de notre société, mais bien un mandat de l'État de prendre soin des personnes vulnérables.

Mme Poirier (Nicole): Et notre proposition incluait un financement, un financement public. Ce n'était pas un autofinancement. Un peu comme dans les CPE, il y a... Les CPE sont financés. Les garderies privées, c'est un autre type d'organisation. Puis on est d'accord avec vous que le grand problème d'une institution, c'est que ça traite de généralités, comme les protocoles traitent la généralité, ne traitent pas la particularité, ça fait que, quand on suit un protocole, bien on perd bien souvent l'intelligence, la sensibilité, la nuance qui devraient s'appliquer. Ça fait que c'était... Et dans...

Mme Harel: Votre témoignage était d'une très, très grande intégrité. Ma collègue et moi, là, on en était très émues. Ce témoignage de vous, propriétaire d'une ressource d'hébergement qui se trouve en conflit entre le personnel qu'elle peut embaucher, les frais qu'elle peut charger. Ça va devenir une question extrêmement stratégique avec le vieillissement de la population. On sait que le quatrième âge est là déjà et que le cinquième âge s'en vient, hein, puisque, ma foi, déjà on a un fort pourcentage de personnes de plus de 90 ans et même de centenaires. On a déjà quelques... un millier et plus de centenaires. Parfois, certaines personnes sont en très bonne santé. Ce n'est pas toujours fonction de l'âge, surtout qu'avec la maladie d'Alzheimer puis avec les problèmes cognitifs ça peut être plus jeune aussi que ça se développe.

Mais je pense que c'est vraiment une question vraiment essentielle de savoir quelle est la responsabilité collective en regard de la responsabilité individuelle. Ma crainte, c'est qu'on renvoie toute cette question à l'individu, à la famille, donc au privé, dans le sens où on pense qu'il est possible qu'il y ait de l'hébergement privé dans des résidences privées qui n'auront pas de certification, parce qu'elles ne la demanderont pas ou, si elles la demandent, elles vont se la voir refuser, et qui vont pouvoir donner... Est-ce que c'est possible, vous pensez, dans des résidences privées, d'héberger des personnes Alzheimer ou avec des troubles cognitifs graves? À quel coût?

Mme Poirier (Nicole): Bien, c'est sûr, c'est possible, il y a plein de monde qui le font en ce moment, mais avec quelle qualité de vie puis quelle assurance qu'on a quand la famille n'est pas là ? ce qu'on nous dit, c'est: Je ne sais pas comment ça se passe quand je ne suis pas là ? puis avec peu de moyens. En tout cas, moi, je pense qu'à la base il y a un vice, au niveau de la dynamique, qui met même la personne la mieux intentionnée du monde dans une dynamique qui l'amène soit à couper où est-ce qu'il ne faut pas couper, et à payer du monde pas cher, puis à amener un roulement de personnel important. En tout cas, c'est sûr que c'est peut-être possible, mais ce n'est pas souhaitable. Je ne pense pas que c'est la formule qui va garantir le respect des droits des gens et leur sécurité, je ne le pense pas.

Puis je pense que les familles veulent s'impliquer. Ce qu'on se rend compte aussi, c'est qu'à domicile je te dis qu'ils en ont, de la responsabilité, les familles. Puis, en établissement, quelle place on donne aux familles ou aux représentants des personnes sur les conseils d'administration? C'est un point qu'on n'a pas touché, mais il n'y a pas grand place, sur les conseils d'administration, qui est réservé aux usagers ou à leurs familles.

Dans la formule qu'on propose, bien les gens qui veulent s'impliquer, là, ils peuvent s'impliquer, puis à tous les niveaux de l'organisation. Et c'est ce qu'on remarque, que les gens veulent continuer à accompagner leurs parents. S'ils les abandonnent ou s'ils viennent moins les voir, souvent c'est parce qu'ils n'ont pas été impliqués, parce qu'ils se sont fatigués, puis, à un moment donné, ils en ont assez, puis ils ne veulent plus s'impliquer. Mais ce n'est pas à la base leur intention.

Mme Harel: Je vous remercie.

Le Président (M. Copeman): Mme Ross, Mme Poirier, merci beaucoup d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de la Fédération québécoise des sociétés Alzheimer.

J'invite immédiatement les représentants de la Conférence des tables régionales de concertation des aînés du Québec à prendre place à la table. Je suspends les travaux de la commission quelques instants.

(Suspension de la séance à 17 h 6)

 

(Reprise à 17 h 9)

Le Président (M. Copeman): Alors, la Commission des affaires sociales reprend ses travaux, et c'est avec plaisir que nous accueillons les représentants de la Conférence des tables régionales de concertation des aînés du Québec.

M. le président Saint-Gelais, bonjour, bienvenue. Je vous explique rapidement nos règles de fonctionnement. Vous avez 20 minutes pour faire votre présentation ? je suis malheureusement dans l'obligation d'être assez sévère avec la gestion du temps ? et ce sera suivi par un échange d'une période maximale de 20 minutes avec les parlementaires des deux côtés de la table. Je vous prierais de présenter vos nombreux collègues qui sont avec vous et de débuter par la suite votre présentation.

Conférence des tables régionales
de concertation des aînés du Québec

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Merci beaucoup, mesdames messieurs, M. le Président, au nom de la Conférence des tables régionales de concertation des aînés du Québec. Je vous présente M. Bertrand Voyer, de la Table régionale du Bas-Saint-Laurent, premier vice-président; M. Jean Lemieux, président de la Table de Lanaudière, deuxième vice-président; M. Raymond Gervais, qui est notre trésorier et président de la Table régionale de Québec, de la Capitale-Nationale; et M. Marcel Lebel, qui est membre de la Table du Bas-Saint-Laurent.

n(17 h 10)n

Nous vous... c'est bien ça, Bas-Saint-Laurent? Oui? Je ne me suis pas trompé, j'espère. Oui. Nous vous remercions beaucoup de nous donner l'occasion, aujourd'hui, de pouvoir nous exprimer devant vous. Pour plusieurs d'entre vous, j'imagine, c'est une bibite qui sort de vous ne savez probablement pas trop où, la Conférence des tables. C'est quelque chose qui est tout à fait nouveau, depuis quelques mois, mais les tables régionales de concertation existent, elles, déjà depuis un certain temps.

En fait, lors de l'Année internationale des personnes âgées, en 1999, il y a eu la création de tables régionales de concertation pour la mise en place de projets qui étaient dans le cadre du Bureau québécois de l'Année internationale. Suite aux diverses rencontres en cours d'année, il a été recommandé, dans le rapport R.S.V.P., présenté par Mme Vézina, il a été recommandé de voir à la création de tables permanentes régionales de concertation des aînés dans chacune des 17 régions du Québec. La ministre des Aînés du temps, Mme Harel, a confié aux tables régionales le mandat de représenter l'ensemble des aînés d'une région, qu'ils soient membres ou non d'une association ou d'un organisme, qu'ils soient des personnes qui demeurent à la maison ou qui sont actives dans le milieu. En fait, les tables régionales sont là pour être... en utilisant les paroles, à ce moment-là, qui avaient été prononcées par Mme Harel, lors de notre création: On est les porte-voix et les porte-parole des aînés du Québec. En fait, aujourd'hui, vous apprenez que nous représentons les 2,4 millions d'aînés de 50 ans ou plus du Québec. Nous sommes une... nous avons décidé... Après avoir eu la création des tables, nous nous sommes aperçus que, dans le cadre de dossiers provinciaux ou de dossiers nationaux, on avait un besoin d'avoir une structure qui nous permettait d'être opérationnels et de pouvoir se prononcer pour l'ensemble du Québec. Donc, il y a eu la création de la Conférence des tables. La Conférence des tables est formée des 17 tables régionales, et chaque présidence, président ou présidente, siège à la Conférence des tables.

Dans le cas qui nous concerne, en ce qui regarde le projet de loi n° 83, notre première réaction a été d'abord de surprise de voir un projet de loi aussi volumineux, touchant autant d'aspects en même temps. Et, nous, les plus vieux ? selon que l'on soit sages ou pas ? mais, dans notre analyse, ce qu'on a réalisé, on s'est dit: Oh là là! un débat à l'Assemblée nationale sur tous ces sujets-là en même temps, c'est un projet de loi qui ne passera jamais à travers l'Assemblée nationale, il y a trop de choses en même temps. On aurait aimé avoir des parcelles séparées, ça nous aurait donné aussi un peu plus de temps pour pouvoir les analyser plus profondément. Donc, nous avons analysé le projet de loi et nous avons tranché ou déterminé le projet de loi en quatre titres ou quatre grands thèmes: la gouvernance, les plaintes et les commissaires aux plaintes, le processus de certification, la communication et la conservation des renseignements personnels, incluant l'informatisation des dossiers. C'est sûr que nous aurions aimé avoir beaucoup plus de temps pour préparer un mémoire beaucoup plus étoffé. Je pense que chacun de vous a eu l'occasion de le regarder; nous allons aborder les thèmes de façon globale.

Et, comme on vous a expliqué au départ, la conférence représente l'ensemble des tables régionales de concertation. Sont membres des tables dans les régions toutes les associations, les organismes, et les groupes, et les regroupements qui ont d'une façon quelconque des liens ou qui ont à intervenir auprès des aînés dans leur milieu. Quand nous parlons de gouvernance, dans la première partie, nous aimerions que, partout où c'est possible, il y ait une présence des personnes aînées assurée dans les divers niveaux de décision ou les divers niveaux de contrôle ou d'organisation. Qu'on parle d'un conseil d'administration, qu'on parle soit des comités de surveillance, les comités d'usagers, et tout le reste, vous allez voir, dans notre mémoire, on revient toujours en disant: N'oubliez pas les personnes aînées.

Et ici, je vais me permettre de faire une remarque que plusieurs personnes nous ont déjà faite: ce n'est pas parce qu'on a 50 ans ou plus, qu'on est une personne aînée, qu'on sait qu'est-ce que c'est, la vie d'une personne aînée. C'est sûr que si vous demandez à une personne aînée qui a 70 ans et qui a un revenu de retraite de 200 000 $ par année, qui va en voyage quatre mois par année à l'extérieur et qui joue au golf cinq jours par semaine c'est quoi, le monde des aînés, je ne suis pas sûr que vous allez avoir la réalité. Si vous demandez aux tables régionales de concertation, vous allez certainement avoir le portrait de ce qui se passe dans chacune des régions. On va être capables de vous dire comment nos aînés, chez nous, vivent, quelles sont leurs préoccupations, quelles sont leurs difficultés, quels sont leurs problèmes, mais aussi quelles sont leurs joies, quels sont les plaisirs qu'elles ont à vivre dans un milieu bien structuré, bien encadré, bien organisé.

En ce qui regarde le Commissaire aux plaintes ? on a été un peu devancé tout à l'heure, on m'a dit que c'était la première fois que vous entendiez la séparation entre la qualité et les plaintes ? nous aussi, on avait cette préoccupation-là de voir séparées l'évaluation de la qualité des services et les plaintes. Ce sont deux items qui à notre avis sont complètement séparés et devraient être séparés. C'est une des recommandations que l'on n'a pas écrites de façon spécifique parce qu'on se disait, au moment où on a écrit notre mémoire, qu'on devrait regarder plus à fond cet aspect-là avec les régions, et effectivement, par après, avec les régions, on en est convenus qu'il faudrait au moins vous faire cette demande-là, de voir à séparer les plaintes de l'évaluation de la qualité.

On veut donner aux agences régionales beaucoup de pouvoirs et de responsabilités en ce qui regarde les services ou ? excusez-moi, je vais essayer de retrouver ma... les mécanismes qui pourraient assurer qu'il y aurait une certaine indépendance entre les conseils d'administration des centres et les commissaires aux plaintes, soit local, soit le comité régional ou le Protecteur du citoyen, et on croit que ce rôle-là, il faudrait qu'il soit emphasé afin qu'on assure l'indépendance et qu'il y ait autant que possible des gens de la population qui participent à ces divers niveaux décisionnels là pour donner une autre vision et un autre aperçu de ce que pourraient être les besoins ou les services qui pourraient être donnés aux personnes âgées.

En ce qui regarde le Protecteur du citoyen et le Protecteur des usagers, il y a des choses qui nous intriguent là-dedans. La première des choses: que le Protecteur des usagers relève du Protecteur des citoyens, super, parfait, excellent, on trouve ça très bien. Mais où on s'interroge, c'est d'abord sur la capacité, pour le Protecteur du citoyen, de pouvoir remplir ce rôle-là en plus de tous ceux qu'il a actuellement, parce qu'il y a déjà un manque de ressources à ce niveau-là. Alors, il faudra rajouter des ressources. Rajouter des ressources, ça veut dire des sous, et ce qu'on se fait dire de ce temps-là, c'est que des sous, il n'y en a pas. Donc, on ne voit pas comment on pourrait arriver à remplir ce rôle-là.

Deuxième des choses, c'est le fait que le Protecteur du citoyen est là pour recevoir les plaintes en ce qui regarde les services gouvernementaux. Qu'est-ce qui arrivera dans le cas des plaintes qui viendront des résidences privées? Il va falloir arrimer ces choses-là. Ça a été mentionné tout à l'heure, ça a été mentionné au cours des dernières semaines, et je pense qu'il va falloir le regarder à fond pour voir comment on pourrait transmettre au Protecteur des usagers une responsabilité qui serait autre que juste la responsabilité gouvernementale. C'est à analyser plus à fond.

n(17 h 20)n

La certification des résidences privées. Vous vous doutez bien que, nous autres, on va vous en parler. C'est un dossier qui nous tient à coeur comme à toutes les personnes qui sont liées de près ou de loin aux personnes aînées. La certification des résidences privées pour personnes âgées, au départ on doit vous dire que nous sommes extrêmement déçus de voir que ça ne parle pas d'une certification obligatoire pour tout le monde et pour une résidence complète. On veut bien croire qu'on est dans le projet de loi n° 83, sur la santé et les... la Loi sur les services de santé et les services sociaux et que M. le ministre s'est attardé beaucoup plus à ce qui touche les soins de santé et tous les services qui y sont liés, mais par contre nous aurions aimé voir au moins apparaître en quelque part une lueur de création d'un comité ou d'un groupe de travail, ne serait-ce que nous donner le dixième de ce qui a été dépensé en études pour le CHUM. Je vous garantis que, nous, on pourrait vous sortir des solutions qui seraient applicables et acceptables pour l'ensemble des parties impliquées.

Il faudrait trouver le moyen d'en arriver à une certification obligatoire qui comprendrait non seulement les services qui touchent la santé et les services sociaux, mais aussi les services de protection, les services de sécurité, les services de qualité de vie à l'intérieur des résidences, et tout le reste. Il faut se rappeler que la résidence pour personnes âgées, avec services, c'est la résidence de la personne. Il faudrait garder à l'esprit que la madame ou le monsieur qui est rendu à la résidence, il est dans son milieu de vie et non dans un milieu administratif ou gouvernemental. Il est dans son milieu de vie et il doit retrouver, dans ce milieu de vie, des éléments qui vont faire qu'il va se sentir chez lui, qu'il va se sentir bien et se sentir à l'aise. La certification des résidences est pour nous une nécessité.

Toutefois, on doit admettre que la certification volontaire, c'est quand même une idée géniale. C'est super, c'est extraordinaire, et ça, on doit l'admettre. Et pourquoi on dit ça? C'est que, dans un marché libre d'offre et de demande, si l'offre était beaucoup plus grande que la demande, à ce moment-là, on pourrait très bien voir les résidences faire tout ce qui est en leur possible pour obtenir l'accréditation le plus rapidement possible pour être sûres d'avoir des personnes qui vont venir loger chez eux, sinon ils vont fermer leurs portes. Mais, dans la situation actuelle et pour les 35 prochaines années ou 30 prochaines années, le volontariat là-dedans, je pense qu'on doit un peu l'oublier parce que la demande est tellement forte que même les CLSC actuellement, qui connaissent les règles et qui savent que certaines résidences ne sont pas tout à fait conformes, bien, ils n'ont pas le choix, il faut qu'ils envoient les gens là. Il n'y a pas de place ailleurs, il faut les envoyer là. Donc, le volontariat actuellement, c'est peut-être une idée géniale, mais elle est non applicable.

Et c'est dans ce sens-là qu'on dit qu'il faudrait que ce soit une certification obligatoire. Le fait d'avoir une certification obligatoire pourrait peut-être éventuellement régler une partie du problème qu'on a mentionné tout à l'heure, quand on disait que le fait que les plaintes... ou que le Protecteur des usagers relèvent du Protecteur du citoyen. À partir du moment où il y aurait des règles bien strictes et bien sévères d'établies sur la certification des résidences, à ce moment-là, il pourrait y avoir un lien qui se créerait de lui-même, sans être obligé d'y aller avec des législations complexes ou en tout cas des législations spécifiques.

Pour ce qui est de l'évaluation de la qualité des services et de la qualité des soins à l'intérieur des CHSLD, un élément qui nous semble extrêmement important ? malheureusement, on n'en a pas parlé dans notre mémoire, mais c'est revenu tellement souvent depuis qu'on a déposé notre mémoire qu'on ne peut pas faire autrement que vous en parler aujourd'hui ? c'est tout l'aspect de la formation du personnel à l'intérieur des résidences. Que ce soient les résidences privées, que ce soient les CHSLD, il y a actuellement un manque flagrant de formation pour les gens qui ont à intervenir auprès des personnes aînées ou des personnes âgées qui sont en résidence, et ça, il va falloir trouver une solution à cette problématique, qui est majeure. Et souvent, quand on entend parler d'abus, de violence, de maltraitance envers les personnes aînées dans les résidences, souvent on peut lier les événements à un manque de formation ou à un manque de connaissances de la part des intervenants face aux personnes aînées.

L'autre aspect qu'il faudrait aussi ne pas oublier, quand on parle de résidence pour personnes âgées, c'est la contribution ? un peu comme mesdames de la société Alzheimer l'ont fait tout à l'heure ? il ne faut pas oublier la contribution des parents et des aidants, qu'on appelait aidants naturels avant, mais qu'on appelle maintenant personnes aidantes parce que ça peut être d'autres personnes que de la parenté, ça peut être des amis. Alors, les personnes aidantes devraient être mises encore plus à contribution pour pouvoir améliorer ou donner un certain souffle nouveau à l'intérieur des établissements. On a rencontré dernièrement des personnes qui nous ont dit: Moi, je ne peux même plus aller donner le repas à ma mère, le midi, aller l'aider à manger parce qu'on me dit que je prends trop de temps quand je jase avec elle, puis ça presse pour pouvoir laver la vaisselle. Il va falloir adapter le milieu de vie de nos personnes aînées à leur rythme de vie aussi. Et ça, ça fait partie des éléments qu'il faut inclure dans un projet de loi en quelque part, mais aussi dans la formation que l'on devra donner à tous les intervenants qui ont à agir auprès des aînés.

En ce qui regarde l'informatisation, la communication, la conservation des renseignements personnels et la circulation de l'information clinique, je vais laisser à M. Lebel le soin de vous entretenir là-dessus. M. Lebel.

M. Lebel (Marcel): Merci.

Le Président (M. Copeman): En vous signalant, M. Lebel, qu'il vous reste quatre minutes.

M. Lebel (Marcel): Ça va. Merci, M. le Président. Donc, vous avez lu le rapport. Je vais insister sur les éléments peut-être fondamentaux de l'informatisation. C'est que c'est sûr que, venant du Bas-Saint-Laurent, j'avais quand même une pensée d'éloignement, là, et on est convaincus que, pour l'ensemble du Québec, l'informatisation, c'est une réponse très positive à l'amélioration de la qualité de vie des personnes aînées, vieillissantes. Vous savez, quand quelqu'un doit se déplacer, disons, de Gaspé ou de l'Abitibi pour venir dans un CHU, pour des services nécessaires, c'est long, ça crée du stress, et des fois on a l'obligation de passer des examens, faire des rapports. On est convaincus que le développement du dossier partageable informatisé permettrait aux aînés de mieux vieillir en harmonie avec leur milieu, en ce sens qu'il y a des éléments de déplacement, de frais qui seraient éliminés. Et une des résultantes potentielles du fait qu'il y aurait peut-être moins de déplacements, moins de rencontres avec des spécialistes du milieu médical particulièrement serait effectivement que les personnes en autorité ? médecins, intervenants ? auraient peut-être plus de temps à consacrer à de l'intervention directe auprès des citoyens plutôt que redemander des examens, et ainsi de suite. De fil en aiguille, on pourrait avoir une économie d'échelle. On ne serait peut-être pas plus riches au bout, mais la qualité, le volume de services seraient augmentés. Et, dans cet esprit-là, pour nous l'informatisation du dossier médical, il ne faut pas passer à côté, et c'est urgent de le faire.

C'est sûr qu'on a mis, dans notre mémoire, deux réserves, en ce sens qu'on trouve... Puis on demande une réglementation sévère pour éliminer l'accessibilité à tous et chacun avec des paramètres trop ouverts. Et on dit: Le ministère, le législateur, par règlement ou par loi, vous devrez trouver des façons de sécuriser le citoyen régulier et les aînés pour que le dossier soit sans tache et accessible pour les fins pour lesquelles il a été prévu. Et c'est pour ça que vous avez une remarque, entre autres, de ne pas rendre accessible aux assureurs le profil de santé de chaque citoyen. Si je suis traité pour un objet médical, il ne faudrait pas que l'ensemble de mon dossier puisse se promener à une compagnie d'assurance. Donc, on a besoin de garanties formelles. L'autre élément qui est important, c'est le profil de médicaments. On ne souhaite plus voir des personnes aînées arriver avec leurs sacs, puis leurs sacoches, puis les petites boîtes de pilules, puis ça fait quasiment une clochette en rentrant à l'urgence. Ce qui est important, c'est qu'il faut que le profil de médicaments soit accessible au personnel qui aura à accueillir une personne aînée qui vit déjà un stress d'un déplacement instantané. Et, dans cet esprit-là, c'est un argument qu'on pense qu'il faut absolument améliorer.

Il y a peut-être un aspect qui pourrait vous surprendre, en tout cas on verra tantôt si vous avez des interrogations, c'est: on recommande d'intégrer le volet psychosocial dans le profil. En tout cas, personnellement j'ai eu à entendre des médecins, lors de certaines tournées, dire que possiblement autour de 30 % des besoins de services médicaux ont une base psychosociale. Donc, il faudrait que le profil, dans le dossier santé partageable informatisé, il y ait quelques éléments qui sont en lien avec un plan de services, un plan d'épisode de soins qui puisse être disponible au personnel traitant une personne aînée qui arrive de façon régulière ou impromptue.

n(17 h 30)n

L'autre point sur lequel je pense qu'il est important que vous ayez une connaissance, c'est que l'informatisation devrait aussi permettre aux proches de dire: J'ai plus de temps à consacrer au support quotidien des personnes aînées... On disait tantôt: Il y a de plus en plus d'aînés qui sont en perte plus ou moins légère ou forte de disponibilité personnelle, et on constate effectivement que les proches sont sollicités. Et, si on évite aux proches aidants des multiples voyages... J'ai un collègue qui a dû se déplacer de la région de la Gaspésie jusque dans la région de la capitale sept fois pour rencontrer différents spécialistes. Des fois, ça a duré 10 minutes. Il faudrait arrêter ça. On pense effectivement que le dossier informatisé devrait recevoir un développement rapide, soutenu et d'inviter... et à la rigueur de demander même aux universités qui forment les futurs médecins et les spécialistes de la santé déjà d'intégrer... parce qu'on ne peut pas croire que, dans les prochaines années, ce ne sera pas implanté. Ça, pour nous c'est important.

Le Président (M. Copeman): M. Lebel, en parlant d'arrêter ça, malheureusement je suis dans l'obligation de vous arrêter. Je suis certain qu'il va y avoir d'autres éléments qui vont sortir lors de l'échange. Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Couillard: Merci, M. le Président. M. Saint-Gelais, M. Lebel, M. Gervais, M. Voyer et M. Lemieux, bonjour, bienvenue. D'abord, je dois vous dire que j'ai été heureux d'apprendre que, dans un peu plus de deux ans, je serais éligible à être partie de votre organisation. Ça me fait penser que le temps passe vite.

Quant au processus législatif, je vous engagerais à être plus optimistes, là. Je sens énormément d'enthousiasme pour ce projet de loi des deux côtés de la table et je suis certain qu'on va procéder avec attention, avec prudence et cohérence pour que le projet traverse toutes les étapes du processus législatif. Soyez rassurés de ce côté. Soyons plus optimistes de ce côté.

Vous nous avez parlé de quelques points que je vais juste toucher brièvement. Je vais me concentrer beaucoup sur la certification avec vous parce que clairement pour les gens que vous représentez, je pense, c'est un élément extrêmement important.

D'abord, la gouvernance. Vous dites: Présence des aînés dans les conseils d'administration. Moi, j'aurais une suggestion à vous faire. Les conseils d'administration des centres de santé et de services sociaux ont quatre postes électifs. Une organisation comme la vôtre peut certainement susciter des candidatures et des personnes qui seraient intéressées à siéger à ces conseils-là. Je pense que c'est une bonne façon de le faire, sans dire... sans faire de catégories d'âge dans le conseil d'administration. Je pense que ce serait difficile d'aller dans cette direction-là. Mais profitez de la nomination par élection de représentants de la population au conseil d'administration puis manifestez-vous. Je pense que c'est une bonne façon de le faire. On sait que, parfois, il n'y a qu'un candidat ou qu'une candidate à ces élections. Alors, il y a de la place pour un peu plus de candidatures, certainement.

Pour ce qui est du Protecteur des usagers, qui est transféré avec le Protecteur des citoyens, il est transféré avec ses ressources, avec budget et personnel qui est actuellement en cours. Puis Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve m'a déjà dit qu'elle vérifierait aux crédits, suivant l'adoption du projet de loi, qu'effectivement les ressources seraient transférées avec le Protecteur des usagers. Donc, je pense que vous pouvez dormir là-dessus tranquille parce que, quand elle me dit qu'elle va vérifier quelque chose, j'ai vérifié à date qu'en général elle le vérifie.

L'informatisation ? je vais finir avec la certification ? l'informatisation. D'abord, c'est intéressant que vous soyez du Bas-Saint-Laurent, c'est probablement une des premières régions où tous les centres de santé et de services sociaux vont pouvoir être informatisés, parce qu'on sait que les progrès là-dedans se font depuis longtemps, et cette expérience d'intégration dans le Bas-Saint-Laurent est bien déjà engagée.

Il est expressément et explicitement indiqué dans le projet de loi que c'est interdit pour les banques régionales de transférer des données à un tiers, compagnie d'assurance ou autres organisations. Alors là, vous pourrez retourner voir les articles ? on pourra vous les indiquer, si vous le désirez, en fin de séance ? c'est expressément indiqué.

Le problème avec votre recommandation du profil psychosocial dans le dossier, c'est que plusieurs personnes, dont les gens représentant les personnes atteintes de problèmes de santé mentale, nous amènent à être extrêmement prudents avec cette suggestion-là parce que, par exemple, vous avez vu, on n'inclut pas les diagnostics. Alors, à partir du moment où on a des données qui sont le profil pharmacologique ? vous avez raison de souligner son importance pour les aînés ? les résultats de laboratoire et de radiographie, d'ajouter un volet psychosocial nécessiterait certainement des ajouts concernant la vie personnelle d'une personne ou des événements qui pourraient être ou pas liés à un problème de santé mentale, et je pense que là-dessus il faut être extrêmement prudents.

Bon, abordons maintenant la question de la certification. Vous avez dit... Je comprends très bien la question de l'offre et la demande, vous n'êtes pas le premier qui fait cet argument, on l'a déjà entendu, et c'est certainement intéressant. Par contre, vous avez dit: Il n'y a rien qui empêcherait un CLSC de référer une personne, une résidence. En fait, la façon dont c'est conçu actuellement dans le projet de loi, c'est que c'est impossible pour un établissement public, une fois le projet de loi adopté, de référer une personne en résidence privée non certifiée.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Vous nous permettez de sourire?

M. Couillard: Pardon?

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Vous nous permettez de sourire?

M. Couillard: De contentement et de bonheur, j'espère! Dans le processus également de certification, ce qu'on veut faire, et vous le savez bien, c'est d'avoir un partenariat avec un organisme d'appréciation de qualité. Il y en a plusieurs qui se sont manifestés. Un d'entre eux, c'est certainement un organisme que vous connaissez bien via la Fédération de l'âge d'or du Québec, c'est le programme Roses d'or. Alors, nous, ils nous disent: On a déjà une organisation, on a déjà un processus d'évaluation, on a déjà une grille de critères qui pourraient vous servir d'inspiration dans l'établissement de vos critères sociosanitaires, puis ils se déclarent disposés à être nos partenaires dans cette opération de certification et d'inspection. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Roses d'or, c'est plus ton domaine. Alors, M. Voyer.

Le Président (M. Copeman): M. Voyer.

M. Voyer (Bertrand): C'est parce que, la certification des Roses d'or, on n'a rien contre ce système-là, c'est simplement... Ce qu'on veut surtout, c'est que la certification soit obligatoire pour toutes les résidences et que toutes les résidences aussi vont... On a déjà passé une loi pour dire que les résidences doivent s'inscrire, doivent être inscrites si on fait l'inventaire. Mais, quand tous ces inventaires-là sont faits, on n'est pas encore sûrs que toutes les résidences sont là. Alors, on voudrait justement que... C'est pour ça qu'on demande l'obligation pour toutes les résidences. Et on voudrait même qu'avant d'ouvrir une résidence pour personnes aînées il y ait une façon de procéder, pas n'importe qui sur le coin puis qui décide, un matin, qu'il rouvre une résidence, puis c'est parti, puis il s'en va, puis peu importe comment ça... Parce qu'il n'y a rien qui les arrête, il n'y a rien qui peut les arrêter. Alors, c'est pour ça qu'on demande une façon de procéder pour avoir une certification. Que ce soit, là, par les Roses d'or, je veux dire, on n'a rien contre ce système-là.

Mais maintenant il y a des choses à ajouter, par exemple. C'est que toute la sécurité, puis tout le service d'incendie, puis la protection de ces gens-là, alors, ce soit bien défini. Il y a des choses qui existent qui devraient exister dans nos régions, et partout aussi, que ce soit la même chose, que les bâtiments soient vérifiés et qu'il y ait des projets de loi dans chacune des municipalités puis pouvoir continuer. Alors, c'est pour ça que, nous, on est d'accord avec la certification, mais on veut qu'elle soit obligatoire. Parce que présentement... c'est parce que les gens ont trop facile de s'en sauver.

M. Couillard: Et on pourrait certainement envisager, par exemple, que l'organisme qui fait l'appréciation ou la certification vérifie également que toutes les autres normes que vous connaissez sont respectées. Parce qu'il y a des normes, comme vous le dites, qui touchent la Régie du bâtiment, le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, les municipalités, hein ? on sait que les municipalités sont habilitées maintenant à faire cette vérification par règlement ? puis la Régie du logement bien sûr, également, pour les conditions relatives au bail et autres arrangements. Alors, je pense qu'on peut certainement envisager cette question-là.

Le registre, vous l'avez dit effectivement, le problème, c'est qu'il y a un registre, ce qui est un bon départ, mais on ne sait pas si toutes les résidences qu'on a sur le registre sont inscrites. Et on peut même soupçonner que celles qui ne sont pas inscrites, c'est parce qu'elles ne veulent pas nécessairement être inscrites. Mais est-ce que justement une organisation comme la vôtre, avec le centre de santé et de services sociaux qui est responsable d'un territoire, avec les membres de votre organisation qui sont sur ce territoire-là, ne peut pas nous aider? Est-ce qu'il n'y a pas une façon de collaborer ou de nous aider pour être certains que toutes les résidences soient inscrites au registre? Quel mécanisme vous voyez pour ça?

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Moi, je peux vous répondre là-dessus déjà avec un exemple bien précis d'une région que vous connaissez bien: l'Estrie. Chez nous, quand le registre est sorti au niveau de la table régionale, qu'on appelle chez nous la Commission des aînés et des retraités de l'Estrie, il y a déjà eu une demande qui a été faite auprès de chacun des commissaires de voir, à l'intérieur de chacune des MRC, à partir de la liste qui a été fournie, est-ce que la liste est complète, est-ce qu'il manque des choses, s'il manque des choses, on va les rajouter. Et on s'est aperçus que le travail qui avait été fait au départ était de très haute qualité et que, par après, il y a eu des ajouts qui ont été faits. Et je dois vous dire, aujourd'hui, qu'il ne doit pas manquer beaucoup de résidences en Estrie qui n'ont pas été inscrites. Et, quand on parle de résidences, là, on parle de celles de deux personnes et plus, là, on parle de toutes les résidences pour personnes âgées.

n(17 h 40)n

Donc, il y a moyen, à l'intérieur de chacune des régions, à partir de la table régionale de concertation, d'établir le réseau. Parce que la table régionale est là pour concerter toutes les personnes qui ont à intervenir auprès des personnes aînées. Donc, ça touche autant les gens qui travaillent au niveau des CLSC que les cuisines collectives, que la Popote roulante, nommons-les, là, tout ce qui touche les personnes aînées. Ces gens-là sont liés, de près ou de loin, à la table régionale, et la table est capable d'amener des éléments de solution qui vont faire qu'on va aller chercher à peu près tout ce qui existe.

Nous, on pense qu'on serait capables d'aller chercher tout ce qui existe, parce qu'il s'agit juste d'aller dans un petit village en quelque part puis de poser des questions soit au club de l'âge d'or sur place, soit aux différentes personnes qui ont à faire avec la Popote roulante, ou autrement dans les services auprès des personnes âgées et on va être capables de savoir où il y a une résidence. Qu'elle soit clandestine ou pas, on va l'avoir, on va pouvoir inscrire en quelque part la référence pour cette résidence-là. C'est un outil qui pourrait être utilisé. Malheureusement, il n'y a pas encore le réflexe au niveau du gouvernement et de l'appareil gouvernemental de se référer aux tables régionales de concertation. On le voit, encore dernièrement, il y a eu des interventions qui ont été faites, on est allés encore vers les mêmes groupes, les mêmes organismes, les mêmes associations, puis on n'est pas allés vers les tables régionales, qui sont là effectivement pour être le pont ou le lien entre tout l'appareil gouvernemental et le milieu des personnes aînées en région.

Et juste une petite statistique en passant, quand on parle de 2,4 millions d'aînés de 50 ans ou plus au Québec, aux dernières élections, ça représentait 48 % de l'électorat. Donc, tous nos membres ou toutes les personnes qu'on représente sont des électeurs.

Une voix: Ils votent.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Et ils votent.

M. Couillard: Nous, on espère bien.

M. Voyer (Bertrand): Mais je voudrais ajouter juste une chose à propos de l'exemple qui a dit que... nous, à la Table régionale du Bas-Saint-Laurent, quand on est arrivés pour les résidences, l'inventaire de toutes les résidences, on s'est aperçus, nous, à la table, qu'il en manquait beaucoup. C'est la table qui a trouvé ça. Et on a amené l'agence... On lui a fourni tout ce qui lui manquait. Et même je vais vous donner un exemple très concret: l'agence est là, puis, de l'autre côté de la rue, il y en a une, puis elle n'était pas sur la liste. De l'autre côté de la rue. Alors, ce n'était pas difficile. Alors, c'est nous, puis on en a trouvé, bien, à la grandeur de la région du Bas-Saint-Laurent.

M. Couillard: Je trouve ça extrêmement intéressant. Puis je pensais, sans connaître les détails, qu'instinctivement c'était la façon dont on pourrait resserrer cette opération d'inscription au registre. Maintenant, à votre avis est-ce que ça devrait se faire... ça peut se faire par directive administrative? Ça peut se faire par règlement? Est-ce que vraiment c'est par processus législatif qu'on met un processus comme ça?

M. Voyer (Bertrand): Mais, juste avant de donner une... oui, on donnera... Avant qu'une maison ouvre, il n'y a pas moyen de passer une règle? Parce que, pour pouvoir dire que... si tu veux garder des aînés, il faut que tu aies une demande, tu fasses une demande puis que tu sois... qu'on te l'accorde avant, et après, nécessairement, s'il a été obligé de faire une demande avant d'ouvrir une maison, bien on va nécessairement la trouver. C'est parce que, là, on... C'est parce que n'importe qui, surtout dans les petites paroisses, ils vont ouvrir. Même dans les villes aussi, il y a des maisons qui s'ouvrent aussi facilement. Ils n'ont pas de problème, il n'y a rien qui les arrête, surtout quand c'est moins de neuf, là. Mais là on sait qu'on ne fait plus de référence au nombre, là, hein, dans la loi. C'est ce qu'on apprécie. Raymond, as-tu des...

M. Gervais (Raymond): Bien, si on part du principe que l'accréditation devient obligatoire, il est clair que toute personne ou organisme qui va demander l'ouverture d'un centre d'hébergement, nécessairement il devrait d'abord s'inscrire. Il sera donc connu soit de l'agence, soit encore de la municipalité, ou des organismes qui sont présents.

Deuxièmement, moi, je ne crois pas qu'il faille aller par réglementation ou encore par législation pour inscrire les centres d'hébergement. Si vous donnez mandat, par exemple vous demandez aux tables de faire ce travail-là, vous demandez à des organismes d'aînés de le faire, je crois que nécessairement les gens se feront un plaisir d'oeuvrer puis d'aller chercher le plus de renseignements possible, donc le plus d'hébergement qui existe sur un territoire.

M. Couillard: Et, vous avez raison également, vous avez touché la question de la formation du personnel en CHSLD. D'ailleurs, dans les visites d'appréciation, je pense que vous êtes impliqués dans ces équipes-là. Il y a des membres des tables régionales qui sont dans les équipes. C'est une des constatations qu'on a faites après la première tournée. C'était une des choses qui revenaient le plus souvent. Et par la suite on a dégagé des crédits pour commencer cette formation. D'ailleurs, les gens de la société Alzheimer, qui vous ont précédés, collaborent pour cette formation-là. Je pense qu'effectivement c'est central, cette question de la formation du personnel. C'est votre expérience également.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): En ce qui regarde la formation du personnel, c'est vrai qu'il y a eu des sommes d'argent qui ont été débloquées, mais je n'ai pas les chiffres avec moi malheureusement, parce que je ne les ai pas apportés, mais de mémoire, si je me rappelle bien, le montant qui a été accordé pour la formation était quelque chose comme 5 millions... ou 10 millions pour deux ans ou 5 millions par année...

Une voix: 1 million par année.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): ...ou 1 million par année, c'est ça ? parce que je trouvais que cinq, c'était beaucoup, là ? 1 million par année, et, quand on regarde le nombre de personnes qui sont impliquées et à qui on devrait donner la formation, ça représente 10 $ par personne. Alors, 10 $ par personne, par année, pour la formation, ce n'est vraiment pas beaucoup. Par contre, on avait, je ne me rappelle pas combien, 30 millions ou quelque chose de même, pour le béton et pour les bâtisses, et tout le reste, là. Il aurait peut-être fallu aller dans un mode plus équilibré ou plus balancé entre l'humain et le béton et aller un peu plus dans la formation, parce que c'est un élément important.

C'est d'ailleurs une des choses qui va revenir beaucoup au cours du mois d'avril parce que le mois d'avril, c'est le mois de la sensibilisation sur les abus, la maltraitance et la violence envers les aînés au Québec. Il va y avoir, dans chacune des régions, des activités en regard de ce mois de sensibilisation, et le RQCAA, le Réseau québécois pour contrer les abus envers les aînées, avec la conférence des tables et les tables régionales de concertation vont travailler beaucoup et vont mettre beaucoup de l'avant cet aspect de la formation qui manque et qui devrait de plus en plus avoir de l'importance. Parce que, si on veut limiter les abus, commençons par la formation, et, à partir de là, il y aura déjà une diminution énorme dans les abus, et dans la violence, et la maltraitance, et par après on pourra peut-être plus facilement prendre les mêmes sommes d'argent et les allouer ailleurs pour donner du répit aux aidants ou à toutes sortes d'autres services qu'il pourrait y avoir. Mais la formation, c'est l'élément clé.

Je me rappelle ? je fais un peu d'histoire, mais je me rappelle ? dans mon tout jeune âge, on parlait de la prévention en ce qui regarde la santé, et on devrait mettre beaucoup d'emphase et beaucoup d'argent sur la prévention. Je suis rendu dans la soixantaine aujourd'hui et j'entends parler encore qu'on devrait mettre de l'argent dans la prévention, mais on n'en met pas, on n'en a pas. Et, à un moment donné, il va falloir faire l'effort. C'est sûr que c'est un effort financier énorme pour le Québec, on est déjà surtaxés ? on connaît les histoires, là ? mais, à un moment donné, il va falloir le faire et arrêter de le dire. Et, dans la formation, il va falloir la faire et s'assurer qu'elle est bien faite.

M. Couillard: Bien, en fait, la prévention, on investit dedans, là, depuis des années, puis il y a également, au cours du mandat actuel, des investissements assez importants en prévention dans le cadre du Plan national de santé publique du Québec. Puis, cette année, justement à l'intérieur de ces investissements-là, il y a un programme qui s'adresse spécifiquement aux aînés, c'est la prévention des chutes à domicile, avec les équipes des CLSC. Alors, je veux bien croire qu'on est toujours loin de l'objectif idéal qu'on peut viser, mais il se fait des efforts en prévention.

D'autre part, les 35 millions d'immobilisations, je suis un peu en désaccord avec vous, ce n'est pas du béton. Pour moi, c'est des choses concrètes pour la qualité de vie des gens, et on a vu le type d'aménagements qui sont faits avec ça: c'est les cuisines, c'est des installations d'hygiène, c'est les balcons dans certains cas, pour que les gens puissent avoir un milieu de vie plus agréable. Alors, vous avez raison, c'est de la construction, mais ça peut également avoir un rapport avec la qualité de vie des personnes.

Puis, pour ce qui est du budget de la formation, effectivement 1 million sur deux ans, ça ne semble pas beaucoup, mais, moi, je suis un éternel optimiste, qu'est-ce que vous voulez, on part de zéro, c'est le verre qui commence à se remplir, puis on va continuer d'essayer de le remplir au cours des prochaines années.

M. Voyer (Bertrand): Ça va prendre du temps.

Le Président (M. Copeman): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve et porte-parole de l'opposition officielle en matière de santé.

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Je voudrais vous saluer de la part de l'opposition officielle, de ma collègue la députée de Rimouski, qui devait nous quitter pour prendre son train à 5 h 30 puis qui a décidé de rester parce qu'il y avait plusieurs représentants du Bas-Saint-Laurent qui étaient en commission aujourd'hui. Alors, je ne sais pas si vous restez à coucher ce soir ou si vous prenez le train vous aussi.

M. Voyer (Bertrand): On descend tantôt.

Mme Harel: Très bien. Alors, vous n'avez pas averti votre femme encore, c'est ça? Alors, M. Saint-Gelais, bienvenue, M. Lebel, M. Voyer de même que M. Gervais et M. Lemieux de Lanaudière.

Dans votre mémoire, vous nous dites, à la page 21, dans les conclusions: «L'étude du projet de loi n° 83 a demandé plusieurs heures d'analyse et engendré de nombreuses discussions.» J'aimerais ça que vous nous parliez du processus, là, qui vous a amenés à pouvoir rédiger ces recommandations que vous nous faites aujourd'hui.

n(17 h 50)n

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): D'abord, Mme Harel, on a dû travailler à Noël et au jour de l'An. C'est la première partie de la réponse. C'est qu'effectivement, quand on a commencé à regarder le projet de loi, on s'est aperçus que d'abord on devait faire quelque chose, nous, la conférence ? et c'est effectivement, aujourd'hui, notre première grande sortie officielle, la conférence, parce qu'on a eu des interventions à quelques endroits dans les journaux et dans certaines régions, mais officiellement ici, à l'Assemblée nationale, et devant nos élus, c'est la première grande sortie. Quand on a regardé ça et qu'on s'est dit: Oui, il faut faire quelque chose, un peu ce que j'ai dit tout à l'heure, on a reculé, on a dit: Oh là là! on a beaucoup de choses là-dedans. Parce qu'en même temps on avait le rapport sur le Conseil des aînés, avec le mémoire à préparer, on avait celui sur la politique du médicament, on avait celui aussi sur le Registraire des entreprises du Québec. Alors, ça faisait énormément, beaucoup de choses.

Et, Mme Harel, vous connaissez notre situation. Pour les autres qui ne la connaissent pas, nous avons une subvention annuelle, chacune des tables, de 25 000 $ par année pour notre fonctionnement, et ça, ça veut dire se trouver des locaux, se payer des secrétariats, et tout le reste. Donc, on est très limités en effectifs à l'externe. On n'a pas été chercher d'expert pour nous donner des renseignements là-dessus, là, il a fallu le faire par nous-mêmes. Et on a travaillé par courriel, on a travaillé par téléphone, on a eu des réunions ensemble, et, dans chacune des régions. Il y a eu des groupes qui se sont réunis, qui ont travaillé sur des parties de mémoire, et on a pris tout ça et on en a produit un document qu'on a voulu succinct. On aurait pu vous présenter un beau mémoire de 400 pages ? parce qu'on a beaucoup de fonctionnaires parmi nous, moi, j'en suis un ancien et je sais que c'est facile de produire 400 pages ? mais on voulait vous en faire juste quelques-unes, mais en essayant de mettre dedans le plus possible la qualité et surtout être concis et aller dans les grands principes, dans des généralités plutôt que dans des choses très, très spécifiques.

Mme Harel: On apprécie beaucoup cette contribution que vous faites et le travail qui a précédé. Et je surveillerai, lors des crédits, là, en avril prochain, je surveillerai le financement des tables régionales. Est-ce qu'elles relèvent maintenant de votre collègue Mme Théberge?

Une voix: ...

Mme Harel: Bon. Alors, on prend en note pour qu'on vérifie. La conférence comme telle n'est pas financée, c'est ce que je comprends avec ce que vous nous dites, hein? C'est d'une voix, à l'unisson en fait que vous nous parlez aujourd'hui. Moi, je m'en réjouis, mais je considère que la conférence a beaucoup de pères puis pas encore de mère.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): J'ai eu envie, tout à l'heure, de vous mentionner au départ que malheureusement on n'avait pas de femme avec nous, aujourd'hui, parce que les femmes qui sont au niveau de la conférence ? d'ailleurs vous avez la liste des tables, vous allez voir, au niveau de la présidence, on en a plusieurs ? toutes ces femmes-là sont comme toutes les autres femmes au Québec, elles ont tellement d'ouvrage qu'elles ne peuvent pas venir ici. Alors, malheureusement, elles ne pouvaient pas être là.

Mme Harel: Malgré le fait qu'elles sont majoritaires et très largement majoritaires. Lorsque se réunit le Parlement des sages au mois de septembre, à chaque année, au salon bleu, c'est une majorité de législatrices ou législateures qui se réunissent, ce à quoi on n'est pas encore habitués en fait dans ce Parlement.

Le Président (M. Copeman): D'ailleurs ? Mme la députée, si vous me permettez ? j'ai noté que votre exécutif dans son ensemble est masculin.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Oui.

Mme Harel: Alors, bon, ceci dit, je pense que ce serait intéressant... avec les recommandations très articulées que vous nous faites, je me disais que peut-être, certainement, des législateures, des législatrices, enfin appelons-les... féminisons-les, vont sûrement reprendre ça au prochain Parlement des sages pour faire siennes leurs recommandations, leur législation.

Écoutez, moi, je voudrais vous entendre sur le rôle que peut jouer la table régionale. Évidemment, quand vous décrivez le rôle qui peut être joué, cela dépend des régions. Là, je vois mal, à Montréal, où il y a une concentration d'aînés, comme vous le savez, hein... À cause des services de santé de proximité, il y a une forte concentration de personnes âgées, surtout dans l'ancienne ville, dans les anciens quartiers de Montréal. Je vois mal, avec le cosmopolitisme à Montréal et 2 millions de population, les 136 langues, hein, qui s'y parlent, je vois mal qu'on confie à la table régionale la responsabilité de voir à l'enregistrement des résidences qui ne se sont pas enregistrées. Ce serait une tâche herculéenne, là, je crois, au-dessus de... Mais il est possible que, dans l'Estrie, la belle expérience que vous avez vécue était intéressante.

Certainement qu'il peut y avoir un souci, mais encore faut-il qu'il y ait parfois... dépendamment des milieux et à cause des conditions démographiques aussi, il est possible qu'il y ait besoin de règles du jeu. Par exemple: Faut-il un permis? Parce qu'il y a encore le neuf, hein? Quelqu'un disait: Dans la loi, on ne parle plus de neuf et moins ou neuf et plus. Mais ça, c'est dans l'application municipale. Dans l'application municipale, neuf et moins ne demande pas la même sorte de permis que neuf et plus, et ça, ça demeure, hein? Ce n'est pas changé.

Bon, alors, par rapport au registre, comment s'assurer s'il n'y a pas nécessité d'avoir un permis? Souvent, les gens vont attendre. On nous racontait, cet après-midi, le Conseil québécois de l'agrément: il y a une obligation dans la loi, depuis bientôt cinq ans, je pense, de s'inscrire et d'avoir obligatoirement un agrément, mais les établissements attendent à la dernière minute. Alors, s'il n'y a pas la nécessité d'avoir un permis pour opérer, comme vous le dites, des résidences avec services pour personnes en lourde perte d'autonomie, il est possible que ce soit comme vouloir mettre la mer, tu sais, dans l'Évangile, de vouloir la mettre dans un petit trou d'eau que de vous demander, à l'échelle du Québec, de faire enregistrer toutes les résidences. Je ne sais pas quelle est votre opinion là-dessus.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Nous, on croit qu'au départ, si on veut au moins connaître le portrait de ce qui se passe au niveau de l'ensemble du Québec, il serait important au moins d'avoir le registre de ce qu'on appelle une résidence. Il faudrait peut-être définir aussi la résidence. Comme on l'a déjà vu dernièrement, c'est l'endroit où vivent deux personnes âgées de 50 ans ou plus ? et non «50 ans et plus» parce qu'on a 50 ans juste une fois, alors «50 ans ou plus» ? alors, s'il y a deux personnes de 50 ans ou plus qui vivent dans une maison ou dans une résidence et qui n'ont pas de lien de parenté avec les propriétaires de la résidence ou les gens qui demeurent dans la même résidence, on pourrait considérer ça comme une résidence pour personnes âgées. Si on partait de ce principe-là, on pourrait répertorier toutes les résidences qu'il y a au Québec.

C'est sûr que, quand on arrive dans la région de Montréal, on parle toujours d'un secteur particulier, on parle toujours d'un endroit particulier. Quand on fait le portrait de l'ensemble du Québec, pour ceux qui ont déjà eu l'occasion de voir le document qui a été préparé sur le monde des aînés au Québec, en 2004, on démontre là-dedans qu'il y a plus de 4 800 associations, organismes, groupes ou regroupements qui, de près ou de loin, ont quelque chose à faire avec les personnes aînées. C'est beaucoup. Quand on arrive dans la région de Montréal, qu'on prenne juste le forum des aînés de Montréal, qui regroupe lui-même déjà énormément d'associations, on a la Table régionale de Montréal qui regroupe des associations, on a deux alliances sur place qui regroupent d'autres associations, c'est sûr que c'est gros, c'est immense. Mais petit pas va loin, et il s'agit d'y aller pas par pas et peut-être qu'il y aurait moyen d'organiser dans ce secteur-là, dans la grande région de Montréal, des petits secteurs qui travailleraient, eux, chez eux, dans leur milieu. J'ai parlé tout à l'heure des clubs de l'âge d'or ou des associations locales d'employés retraités municipaux ou d'employés de... chauffeurs de taxi, ce sont des gens qui connaissent très bien leur milieu dans lequel ils vivent. Dans la ville de Montréal, c'est la même chose. Ces gens-là vivent soit dans Hochelaga-Maisonneuve, soit dans Notre-Dame-de-Grâce, soit à Outremont. On les prend chacun dans leur secteur. C'est sûr que, si on regarde l'ensemble, c'est gros, 2 millions, c'est grand, c'est large, mais il y a peut-être moyen de ramener ça à quelque chose de plus petit, puis peut-être qu'à ce moment-là on réussirait à faire quelque chose.

Mme Harel: Vous avez raison de dire que les petits pas font du progrès. Je pense à Roses d'or. Ça a commencé de façon, disons, bénévole, et ça l'est toujours, mais il y a quand même maintenant un financement, depuis l'année des aînés, il y a quand même un financement maintenant, mais il est quand même... ce que nous a dit la FADOQ, quand ils sont venus, là, ce financement est insuffisant pour leur permettre, à travers toutes les régions du Québec, de... est aléatoire aussi, hein? Ils ne savent pas, d'une année à l'autre, si ça leur sera confirmé. Et ils ne peuvent pas faire l'évaluation qu'on dit médicale et sociosanitaire, là. Ils ne peuvent pas aller jusque-là, eux. Ils peuvent faire des choses que d'autres ne font pas, mais ils ne peuvent pas faire cette évaluation, si vous voulez, qui est plus globale et qui va concerner, par exemple, la prise des médicaments, qui va concerner la contention chimique et autres, enfin qui va concerner les soins, les soins en particulier. Ils peuvent faire l'évaluation de la qualité de vie de l'environnement, mais des soins, c'est une autre chose.

Alors, par rapport au choix que l'agence fera, avez-vous pu en discuter? Quelle est votre opinion là-dessus? Moi, ce que je retiens, c'est que vous souhaiteriez qu'il y ait un comité qui chapeaute l'organisme qui sera choisi par l'agence. Ça, je trouve que c'est la contribution la plus positive que vous ayez faite. Je crois que c'est quelque chose qui pourrait être retenu dans la loi, c'est-à-dire d'avoir un comité qui est un peu un comité aviseur, de manière à ce que, quelle que soit l'instance choisie, vous puissiez finalement suivre l'évolution et y être impliqués.

n(18 heures)n

Le Président (M. Copeman): Avant de vous donner la parole, j'imagine, il y a consentement de la part des membres pour dépasser légèrement 18 heures? Consentement. M. Voyer.

M. Voyer (Bertrand): Oui. Alors, c'est justement sur la... je ne sais pas si c'est la dernière, dans la certification, où on demande... on dit que, nous, c'est l'agence qui devrait être responsable de la certification, mais que, l'agence, il va y avoir une personne responsable, mais qu'elle crée un comité, un peu comme le comité aviseur qui existe au niveau des Roses d'or, là, un comité aviseur où nécessairement les aînés, la table des aînés serait présente, et d'autres personnes ? comme il existe le Centre d'action bénévole, tu sais; même le CRE était présent ? tous les gens qui sont du milieu, pour la supervision de cette certification-là, peu importe que ce soit avec Roses d'or ou autre, mais qu'il y ait un comité pour pouvoir le faire fonctionner. Et aussi il va falloir que ce soit à tous les deux ans qu'on revienne pour revérifier.

Une voix: M. Lemieux.

M. Lemieux (Jean): Si on regarde dans Lanaudière, il n'y a jamais eu de Roses d'or, mais, à chaque année, l'agence, à chaque année ou à tous les deux ans, publiait un bottin, ça donnait l'équivalence de la Roses d'or. Puis c'est l'agence qui le faisait avec l'aide de son personnel et de d'autres personnes, de la FADOQ et d'autres qui pouvaient s'impliquer. Ce serait peut-être ça qui pourrait être essayé, en vérifiant ce qu'on faisait dans Lanaudière.

Mme Harel: Est-ce que l'agence, à ce moment-là, donnait des appréciations?

M. Lemieux (Jean): Oui, des appréciations, un genre d'étoiles, un peu comme les hôtels, là.

Une voix: M. Lebel.

M. Lebel (Marcel): Là, un des motifs pour lesquels l'agence pour nous apparaît comme un pivot dans le développement d'un processus de bien surveiller le bon fonctionnement, la qualité des services, c'est que la synergie... Avec le développement des centres de santé et de services sociaux régionalisé, je pense que les effets visés par le législateur, par l'adoption de la loi n° 25, devraient permettre une synergie de tous les groupes d'une société régionale. Et, compte tenu que l'agence, d'après le projet de loi, est toujours existante, on pense que ça peut être le canal qui permettra la recherche d'équité et d'équilibre de l'ensemble des processus évaluatifs. Et c'est dans cet esprit-là qu'on dit: On pense que c'est une voie à privilégier dans un prochain mouvement. Est-ce que, dans 10 ans, on fera d'autre chose? Possiblement. On devrait être assez matures pour accorder des changements. Mais pour le moment il faut recentrer et donner un encadrement à l'ensemble des réseaux. Dans ma région, il y a huit centres de santé et de services sociaux, la recherche d'établir les réseaux où tous les partenaires devront se sentir les coudes, c'est très important. Puis le groupe qui est passé avant nous...

On ne peut pas s'en sortir, le vieillissement... Les ressources privées d'hébergement actuellement reçoivent une clientèle de plus en plus avec des déficits de toutes natures. Moi, j'accompagne, depuis cinq ans, deux de mes tantes et je constate ? j'ai été aussi, je suis encore de l'équipe visiteuse des CHSLD ? je constate effectivement qu'on doit prendre en charge une situation où la qualité de vie doit être vraiment bien encadrée. Et je pense que, si on veut faire la promotion d'une décentralisation et d'engager les citoyens dans une prise en charge de leur milieu, restons le plus près possible du citoyen. Dans ce contexte, on dit: L'agence nous apparaît dans un processus où la responsabilité populationnelle peut être mise de l'avant parce que les régions ont des affinités. Vous dites: Montréal, ce n'est pas la Gaspésie, ce n'est pas l'Abitibi, vous avez raison. Je pense qu'il faut donner l'occasion aux régions de se prendre en main, puis c'est dans cet esprit-là aussi que le canal pourrait être très utilisé.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): En ce qui regarde la question que vous posiez, à savoir le comité... ce comité... Je m'excuse, quand vous dites «aviseur», là, moi, ça me choque parce qu'«aviseur», c'est un mot anglais. C'est un comité consultatif ou un comité... mais ce n'est pas un comité aviseur. En tout cas, j'espère qu'à ce moment-là on utilisera le bon terme français pour qualifier le comité. Mais il serait important que ce comité-là soit un comité indépendant, qu'il soit un comité qui ne soit pas dans le giron ou dans le processus gouvernemental, ou public, ou privé. Il faudrait que ce soit quelque chose de l'extérieur. Là-dessus, c'est sûr que les tables sont prêtes à collaborer et à participer à ces activités-là, il n'y a aucune difficulté là-dessus.

L'autre chose que je voudrais mentionner, et c'est quand même important, M. Lebel vient de le dire, il fait partie du groupe, et M. Gervais aussi, qui visite les CHSLD, et c'était la première fois que le gouvernement allait directement aux tables régionales pour demander la participation des tables dans une activité gouvernementale, et j'en remercie M. Couillard, de l'avoir fait. C'est pour nous extrêmement valorisant et ça a donné un bon coup de pouce et un élan aux tables régionales pour aller encore plus loin dans tout ce qui touche la vie quotidienne des aînés.

Mme Harel: J'en suis très, très, très contente. Vous savez que je considère être un peu à l'origine des tables, si vous voulez, du financement du moins, là, une fois l'année internationale des aînés terminée. Je voudrais juste qu'on s'assure tous que le rouleau compresseur des compressions ne passera pas sur le financement des tables. Alors, on a encore un mois, là, de vigilance. Il y aurait peut-être lieu de faire des représentations auprès de la responsable du dossier, la ministre de la Famille et des Aînés.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Ne soyez pas inquiète, madame, nous avons déjà entrepris nos démarches depuis très longtemps, et on continue dans ce sens-là. On espère qu'on aura des oreilles attentives. Il est important que les tables continuent. Malheureusement, avec la disparition des CRD, ça nous a donné un dur coup. On a été complètement exclus des CRE à peu près partout au Québec, pendant plusieurs mois. Là, il y a quelques CRE qui acceptent d'aider un peu les tables, mais on n'est pas assis à aucune table, là, comme société civile, on n'est pas là, on n'existe pas. Alors, le pouvoir gris va devoir se manifester autrement.

Mme Harel: Vous aviez un certain support des CRD, je crois, parfois, dépendamment des régions, en Abitibi en particulier, je me rappelle.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Chez nous, en Estrie, on avait un support extraordinaire. On avait un agent de recherche deux jours-semaine, avec les locaux, secrétariat, et tout le reste, et maintenant on n'a absolument rien. On doit se trouver un local et avec 25 000 $ par année de fonctionnement. C'est extrêmement difficile, mais on en a vu d'autres. On a des cheveux gris, c'est parce qu'on a réussi à passer à travers beaucoup de choses.

Mme Harel: On vous félicite de votre implication.

M. Saint-Gelais (Jean-Guy): Merci.

Le Président (M. Copeman): Malheureusement, messieurs, c'est tout le temps qui est imparti. Avant de saluer nos invités, je voulais juste vous assurer, messieurs: en tant que première sortie publique devant les élus, ce fut un succès. Alors, je vous remercie, M. Saint-Gelais, M. Voyer, M. Lebel, M. Gervais et M. Lemieux, d'avoir participé à cette commission parlementaire au nom de la Conférence des tables régionales de concertation des aînés du Québec.

Et, sans être un aviseur, je vous avise, chers collègues, que nous allons siéger mardi matin. Alors, j'ajourne les travaux de la commission jusqu'à mardi le 15 mars, à 9h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

(Fin de la séance à 18 h 9)


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